ER, DR 2 SN ITE TS pores 0 Ÿ ‘u " LR ! } Que AE: MAS oi H Ph { L' l nr li La j MEN 0 : (f. H } Cl 1 TE | SAONE ps RE HR. DURS Ur HER ME g AIS RE OBSERVATIONS S U R LA P HYSA0 UE, DRE HISTOTRE NATURELLE PALTSQUIR ES ARTS, AMECHDESSPLANCHESTEN TAILLE-DOUCE, DÉDIÉES BRENT; 7 C'O,MeRE D" ART OS : Par M. P Abbé Rozr1ER, Chevalier de lEglife de Lyon, & par M. J. A. Moxczz,Chanoine Régulier de la Congrégation de Sainte-Geneviève, des Académies Royales des Sciences de Rouen , de Dion, &c. &c. TU FER ET, 779: 6 OR à "1 SEM te (RTE A de. oabphs ONT AIP: é AU BUREAU du Journal de Phyfique, rue des Mathurins , au coin du Cloître Saint-Benoît. MM DE GACARENEXSTIEX. RE CUP RUN I LE GE: 4D:01 R OL A D PARENE à: Pete 4x À Es ñ br AS Lac nt 25 MST so Li 2 se Ja Ra sa à FE ne) 4 +” U FUre — € ë gt » L DES € 1: JU ET CE “is DATI: VA ve sans F ss LR Et be rs en ed se nc j ; de re erpmmerrinene enr Ji HER | 1: Pi Ù ri k ati BAM 29h art “orbhqi: ep Tango 0 (HUE : | UE siotséanise sntld yb puit 9 1 “pas ref Lt isrertausotes Nes Re ES TRS et Hs €£ 4 k ni CE se, 1 A LR BRU, AE 5 , LOHE nu = D 'E + - re LORS z CAE rss ” Fire, CHR ME CAL [eu 4 n K (l \, fl F2: 4 ME Mu _ me OBSERVATIONS MÉMOIRES SUR PARLE TS EOUE: SUR L'HISTOIRE NATURELLE ET SUR LES ARTS ET MÉTIERS. PRÉCISES UT É LOGE De M pe Linwé; Lu par M: le Marquis DE CONDORCET , pendant la Séance publique de Rentrée après Pâques, de l'Académie Royale des Sciences. Er de Linné, plus connu fous le nom de Linneus, Cheva- lier de l'Ordre de l’Etoile-Polaire, premier Médecin du Roi de Suède, Profelleur de Médecine & de Botanique dans l'Univerfité d'Upfal, 3779. JUILLET. A2 7 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, un des huit Affociés Etrangers de l'Académie des Sciences , de la Société Royale de Médecine de Paris, de la Société Royale de Londres, des Académies de Berlin , de Pérersbourg, de Stockholm , d'Upfl, de Bologne , d'Edimbourg & de Philadelphie, naquit dans la Province de Smolande en Suède le 23 Mai 1707. De tous ces titres Académiques, ( dont nous n'avons donné ici qu'une lifte crès-incomplette } aucun ne l’a autant flatté que celui d’Affocié Etranger de l’Académie Royale des Sciences , dont il a été revêtu le premier de fa nation, & jufqu’à préfent le feul. À Ce font les propres termes de M. Linné dans un Mémoire qui nous a été envoyé de fa part : telle étoit l'expreflion de fa reconnoiffance out l’Académie , peu de tems avant fa mort, dans ces momens où ‘homme ceffant d’être fenfble aux diftinétions paflagères de la vanité, ne l’eft plus qu'aux honneurs immortels de la gloire. Cet hommage rendu à l’Académie par un Savant illuftre, que l’Eu+ rope avoit comblé de titres Littéraires , honore à la fois cette Compagnie & la Nation ; il prouve fur-tout combien eft fage la loi qui fixe à huit feulement le nombre de nos Aflociés Etrangers. En effet , quel homme de génie ne feroit Aatté de voir fon nom infcrit dans une lifte fi courte entre le Czar Pierre & Newton ? Le Pere de M. de Linné qui exerçoit les fonctions de Miniftre dans le Village de Srenbrohult, s'amufoic à cultiver des Plantes , & fon fils apprit dès l’enfance à les aimer & à les étudier. Il avoit reçu de la nature certe activité d’efprit qui ne permet point de repos tant qu'il refte quelque chofe à voir ou à découvrir; ce coup-d’œil prompt & juite, qui faifit tout ce qui mérite d’être obfervé, & qui ne voit les objets que tels qu'ils font ; cette force de rête, nécelfaire pour raflembler des faits épars, & ne former qu'une grande vérité d’une foule de vérités ifolées. Ainf, en offrant des Plantes aux premiers regards de M. de Linné, en déterminant par là fur quels objets fon efprit devoir s’exercer, le hafard le fit Botanifte ; mais déjà la nature avoit préparé un grand homme. A l'âge de 21 ans, il fe rendit à Upfal qu'on pouvoit alors regarder comme la Capitale Littéraire de la Suède, Olaus Celfus qui étroit à la fois un Erudit très-profond, & un Naturalifte habile, fentit le mérite du jeune Linné & devina fon génie; il lui fervit de Pere, & lui pro- cura routes les inftruétions, tous les encouragemens que fes connoif- fances & fon crédit le mettoient en état de donner à ce jeune hom- me , qui croifloit pour changer la face de la Botanique. M. de Linné obtint à 25 ans, dans l'Univerfité d’Upfal, la Chaire que le Savant Botanifte Rudbeck , accablé d'années & de travaux, étoit obligé d'abandonner. Mais cette place ne fuffifoit pas à l’activité du noüveau Profeffeur, & il quitta bientôt Upfal; mais en confervant fa SUR L'HIST. NATURELLE FT LES ARTS. s Chaire, & par les ordres même de l’'Univerfré, qui préféra fagement le bien des Sciences & fa propre gloire à l'obfervation de fes règle- mens. D'abord, il parcourut la Laponie, la Dalécarlie, la plupart des Pro- vinces de la Suède, étendant a obfervations à tout ce qui peut inté- reffer un Philofophe , occupé en même-rems d'acquérir des lumières & d’en faire des applications utiles, enrichiffant la Botanique ou de vues nouvelles, ou de plantes inconnues, & apprenant aux Suédois , foit à connoître les produétions de leur fol, foit à en profiter. Soumis dans ces Voyages à toutes les privations, expofé dans des pays inha- bités aux rigueurs d’un° climat terrible, tantôt oraviflant entre des ro- chers, tantôt s’enfonçant dans des mines profondes , obligé de braver des dangers de toute efpèce &c de longues fatigues plus difficiles en- core à fupporter que les La M. de Linné ne fe repofoit du travail de la journée que par un autre, celui de recueillir fes obfervations & de préparer les objets qu’il avoit ramaflés. Après ces Voyages, il en fit de plus lointains & de moins pénibles : il parcourut le Dannemarck, l'Allemagne, une partie de la France : il s'arrêta long-tems en Hollande & en Angleterre , étudiant dans des Herbiers ou dans des Jardins, les Plantes que la nature a refufées à l'Eu- rope ; confultant les Botaniftes les plus célèbres; Dillen à Londres, Juilieu à Paris, & fe rendant leur D'ifciple pour fe montrer bientôt digne d’être leur rival. Plus il étudioit la Botanique, plus il fentoit que cette fcience, de- venue immenfe dans fes détails, avoit befoin qu'une main réforma- trice vint y produire une de ces grandes révolutions qui attache, lie le nom de leurs Auteurs à l'hiftoire de l'efprit humain. Tournefort avoit donné le premier une méthode vraiment fyftéma- tique de claffer les Plantes , & M. de Linné afpiroit à être dans fon fiècle ce que Tournefort avoir été dans le fien ; fachant bien que dans les Sciences on peut aller plus loïn que fes prédéceffeurs , fans néanmoins s'élever au-deffus d'eux, & qu'il eft un degré de talent où l'on ne peut plus appercevoir entre deux hommes livrés aux mêmes recherches, d’au- tre dérénee que celle de leur fiècle. M. Linné chercha les caraétères fondamentaux de fon fyftème dans les parties des Plantes qui fervent à leur reproduction. Les Botaniftes Allemands ont prétendu qu'il devoit la première idée de ce fyftème à Burkard ; ils ont de même revendi- qué en faveur de Camerarius, la méthode de Tournefort; ils ontaufli foutenu que Jungius & un autre Camerarius avoient été les guides de Vaillant à qui M. Linné accordoit le mérite d’avoir bien décrit le pre- mier les étamines & les piftilles, & connu leur ufage pour la féconda- tion des Plantes. Ces préréntions paroïffent fondées, mais 1l n’en eft pas de même des D tuendés qu'on a voulu en tirer pour diminuer 6 OPSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, le mérite de M. Linné & des deux Boraniftes François. Trouveroit-on dans l'hiftoire des Sciences une grande théorie dont les premieres idées, les détails & les preuves appartiennent à un. feul homme ? La fécondation s'opère dans les Plantes lorfque les pouflières des éra- mines s'arrérent fur le ftigmate des piftilles , ftigmate qui. dans la fai- fon de la fcondation eft , ou garni d’un velouté , ou humeété d’une lÉqueur gluante : mais les grains de cette poullière ne font pas encore ce qui doit féconder le germe de la Plante; le ftigmate eft fouvenr féparé de ce germe par un long ftiler, creux à la vérité, mais à travers lequel les pouflières , toures petites qu’elles font, ne pourroient pénétrer. La nature y a remédié en faifant de chaque pouflière un corps organique doué d’élafticité : imprégné de l'humidité qu'il rencontre fur le ftiomate, il fe brife & lance foit une poufñlière plus fine encore, foit une liqueur très-rénue qui pénètre à cravers le ftiler & va féconder le germe; cette dernière obfervation eft due à M. de Juffieu, comme nous l'avons dit dans fon.éloge : M. Needham l'a développée depuis & l’a confirmée par des recherches plus étendues; & il femble qu’il ne puille être donné aux Obfervareurs: de rien voir au-delà. dans les merveilles de la repro= duction des êtres organifés. Le nombre des étamines ou des parties mâles des Plantes , celui des parties femelles ou des piftilles; la pofition de ces éramines & de ces piftilles fur les différentes parties de la eur , ou leur diftribution dans des fleurs ou fur des individus féparés, tous ces caraétères varient dans les différentes efpèces de Plantes. ] Dans les efpèces les plus communes , les deux fexes font réunis fur une mème fleur à laquelle on a donné le nom de fleur hermaphrodite. Dans d’autres efpèces , ils font réunis fur le même individu, mais fur des fleurs différentes; tandis que: dans quelques-unes . les fleurs. mâles & les fleurs femelles font fur des plantes féparées. Quelquefois, un individu porte à la, fois des fleurs hermaphrodites & des fleurs femelles. Alors , il arrive fouvent que dans-les fleurs hermaphrodites., les Ctami- nes. & les piftilles ne parviennent pas en même-rems à l’état de per- fection, ou mème, que les piftillesin'y parviennent jamais, & le con- cours. des autres.fleurs eft néceflaire a:la fécondation. Dans d’autres: efpèces, les fleurs hermaphrodites fufhiroient feules à la reproduétion ; ainfi, on appercoit également dans les deux cas un luxe de là nature qui, occupée de perpétuer les: efpèces, femble en avoir multiplié les moyens, mème au, point d’en préparer d’inutiles. Lorfque les parties mâles &les parties femelles, les étamines & les piftil. les fe trouvent dans une même fleur , leur difpofition paroît quelquefois S à x j SE ALES s’oppofer à la.reproduétion. Mais file pifüille eft plus élevé que le fommet des.éraminess alors, l’anthère. des éramines, c’eft-à-dire , la véficule qui les termine & qui renferme la pouffière fécondante , lance avec force SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 7 cette pouflière qui s'éleve jufqu'au piftille, ou bien le pifille fe courbe pour fe joindre aux anthères. Si les fleurs font difpofces foit en orap- pes, foit en épis, les leurs inférieures font fécondces par celles qui fonc Au-deilus, quelquefois, les eurs penchées vers la terre, & dont alors les étamines fe trouvent au-deffous du piftille, fe relevent dans le rems de la fécondation pour donner à ces organes la difpofition néceflaire À la réproduction de la Plante. | Dans les efpèces où ces parties font placées fur des fleurs différen- tes, mais fur le mème vid, , le vent Cbranlant les branches des Plantes, fait comber des étamines une pluie de pouflière qui eft reçue par les prftilles. Enfin, fi les individus eux-mêmes font féparés , les pouffières empor- tées au loin par le vent, répandues dans tout l’efpace & agitées en tout fens parviennent enfin jufqu'aux fleurs femelles. Dans quelques efpèces mêmes , des infectes conforinés de manière que les leurs des deux in- dividus font néceffaires à leur exiftence, portent d’une Plante à l’autte cette pouflière fécondante. Tel eft, felon M. de Linné, le véritable fecrer de cette opération merveilleufe , décrite par Tournefort & ufitée dans les Ifles de l’Archipel, où les habitans pour fe procurer des figues plus groffés , portent Ée les figuiers femelles certains infeétes qu'ils ont auparavant fait éclore fur les figuiers mâles. On droit que la nature n'a mis à l’accompliffement de fes defleins des obftasles en apparence infurmontables, que pour déployer avec plus de grandeur fa puiffance & fes reffources dans les moyens employés à les furmonter. ” Ce fut donc dans ces parties contruites par a nature avec tant de foin, & deftinées par elle à la perpétuité des efpèces, que M. de Linné crut devoir chercher les cara@tères de la clafliñicarion des Plantes. Les éramines lui fervirenr, pour former les premières grandes diyi- fions, & 1l tira des piftilles les caraétères de fes divifons fecondaires. Pour déterminer enfuite les genres, il employa les autres parties de la fruétification, comme le nombre & la forme des femences; la nature du corps deftiné à les recevoir & à Les protéger; le nombre, l'arran- ement des pérales ; la forme des fleurs, la ftruéture du calice qui tan- tôt enveloppe le fruit après la chüre des pétales, tantôt: tombe avec elles. À l'égard des efpèces, M. de Linné emploie pour les diftinguer Ja manière dont les fleurs fonr difpofées fur la Plante & naiffent de fes branches; les parties de ftruéture differente qui enveloppent les Aeurs naiflantes ou qui les défendent; les vrilles qui foutiennent la plante; Ja forme de fes racines , de fa tige, de fes feuilles; la ftruéture des bautons deftinés à former de nouvelles branches, la manière dont les feuilles nouvelles y font pliées. Après avoir formé ce plan, M. de Linné n'avoir, fait encore qu'une “és-peire partie du grand ouvrage qu'il médiroit,, 1] s'en falloir de, 8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, beaucoup que toutes les parties des Plantes euffent été exactement dé: crites par les Botaniftes ; 1l falloit donc faire une étude plus approfon- die de routes les Plantes, en examiner toutes les parties; les fuivre dans le cours entier de la durée de la Plante; obferver les diverfes formes qu’elles ont dans les différentes efpèces ; les changemens qu’elles éprouvent dans chacune, afin de pouvoir diftinguer ce qui n’eft qu’ac- cidentel à l’âge de la Plante, au climat, ou à la culture , d’avec ce qui eft effenriel à l’efpèce. IL falloir parmi ces caractères effentiels, choifir les plus frappans, les plus faciles à obferver, les plus propres à diftin- guer chaque efpèce de l’efpèce voifine : il falloit enfin pour ces objets nouveaux créer une langue nouvelle. Tel étroit le travail qu'impofoit à M. de Linné l'exécution de fa méthode, & puifqu’il a rempli ce plan dans toute fon étendue , ne doit-on pas convenir qu'il a fur la pro- priété de fa méchode des droits plus réels que ceux des Botaniftes dont on a dit qu'il en avoit reçu la première idée, idée ftérile entre leurs mains & dont l'exécution feule pouvoit faire fenrir la vérité, l'étendue & le prix. On fe difpenfe trop fouvent d'eftimer ces travaux immenfes en di- fant qu'ils ne demandent que de la patience & du tems; mais la vie de ceux qui exécutent ces grandes entreprifes eft-elle plus longue que celle des autres hommes? M. de Linné n'avoit pas trente ans , & déjà fon ouvrage étroit prefque terminé, Quel étoit donc pour lui ce fecrer de doubler la durée du tems? N'étoit-ce pas quelque chofe de plus que de l'aiduité & de la patience? Et fice talent de porter rapidement fon attention fur une foule d'objets , & les bien voir, de les voir tout entiers, n'eft pas l'objet de l'obfervation, c'eft du moins une qualité très-rare , très-précieufe, & fans laquelle ce génie ne peut exifter: Ce fyftème fit une révolution dans la Botanique; la plupart des écoles de l'Europe s'emprefsèrent de le fuivre & de publier les catalo- gues de leurs Plantes rangées d’après la méthode de Linneus. La nomen- clature des Plantes affujettie à un ordre facile à faifir, l'art de les étu- dier réduit à un petit nombre de principes généraux, rendirent l'étude de la Botanique moins pénible & moins rebutante. Les nouvelles merveilles que M. de Linné avoir découvérrés dans Jes Plantes, excirèrent un nouvel enthoufiafme pour une fcience qui, déjà féduifante par elle-même ,, l'eft fur-tout dans l’âge où l'on fe choifr un objet d'étude. Elle fatis-. fair à la fois l’activité de l’efprir & celle du corps, le befoin du mou- vement & celui de l’occuparion, elle offre à un âge avide, de jouir, des plaifirs toujours variés, & chaque jour offrant quelque objet nou- veau, le travail de chaque jour ne manque prefque jamais d’avoir fa, récompenfe. Les jouiflances font fans doure moins vives que dans les” fciences-où Ja véricé'eft le ptix d’une méditation lohgue & profondes, mais elles font plus: fréqueires , & elles coûrént:moins de peine. Nous” ne SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 5 ne parlerons pas ici de l'utilité plus ou moins grande des différens genres de fciences , & de la gloire plus ou moins brillante qu’elles procurent; fans doute ces motifs animegt & foutiennent puillamment tous les hommes nés pour de grandes chofes ; mais quand il s’agit de fe livrer à des occupations où fe plaïfir du travail en eft la première récom- penfe, ce n'eft jamais que l'attrait de ce plaifir qui détermine notre choix. Les jeunes Botaniftes accoururent en foule chercher des inftruétions auprès de M. de Linné ; il les pénitra de fon zèle, & bientôt la terre eutière fut couverte de fes Difciples. La nature fur interrogée à la fois au nom d'un feul homme , de la cime des montagnes de la Norwège aux fommets des Cordelières & de l'Atlas; des rives du Mififpi aux rives du Gange, des glaces du Groënland aux glaces de l’hémif- phère auftral. -Tous ces Voyages qui paroïtroient demander qu'un pe Roi voulüt déployer en faveur des Sciences fa magnificence & on pouvoir , un fimple particulier les fit entreprendre , fans autre force que l'empire du génie fur des ames également avides d'inftruc- tion & de gloire, & fans autre récompenfe pour fes Elèves , que l'honneur de rapporter aux pieds de leur Maître les richeffes qu'ils enlevoient à la nature. Trois de ces Savans, Halfelquift , Ternftohem & Læfling fuccom- bèrent à leurs fatigues ; ils moururent éloignés de leur patrie, au milieu des peuples incapables de fentir combien cette mort étroit glorieufe & touchante , ne remportant d'autre prix d’une vie facrifiée à lécude de la vérité, que l’efpérance incertaine qu’un jour le fruit de leurs tra- vaux feroit remis à M. de Linné, & que leur nom réuni au fien, n'échap- peroit point à la renommée. M. de Linné en recevant ces reftes précieux, pleura fes Difciples. 11 revit leurs ouvrages, les donna au public ; & cer honneur funèbre leur fic naître des fuccefleurs que l’exernple de leur mort ne put rebuter. Le fyftème de Linneus a fans doute quelques endroits foibles; mais jufqu'ici aucune autre méthode n'a réuni autant d'avantages. Peur être même les défauts qu’on reproche à ce fyftème font-ils inévitables dans toute méthode artificielle; faut-il pour cela les profcrire & fe condam- ner à marcher à râtons, parce que le Aambeau qu'on nous préfente peut s'éreindre quelquefois ? Plufieurs Botaniftes ont relevé des fautes dans les détails de la mé- thode de Linneus. Quand il à trouvé leurs remarques juftes , il s’eft corrigé; lorfqu’elles lui ont paru mal-fondées , il à fair comme sil les eùt ignorées Toutes les difcuffions dans les fciences naturelles, du moins lorfqu’elles ont un objet réel, fe réduifent toujours, dic M. de Linné, à des faits bien ou mal obfervés, & alors les efforts Tome XIX, Partie II. 1779. JUILLET, VB 10 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, : réunis de trous les Savans , ne peuvent ni établir une erreur, ni ébran< ler une vérité ; il n’eût donc combattu que pour fon amour-propre ; mais le tems qu'il eût confacré à défendre fa_gloire , 1l aimoit mieux l’em- ployer à l’accroïtre par de nouveaux ouvrages, On a reproché à M. de Linné d’avoir rendu la nomenclature de la Botanique trop facile, & d’avoir par-là donné: lieu à une foule d’ouvra- ges médiocres. Cette objection Re prouver feulement les pro- grès que la Botanique à faits entre fes mains. Rien ne montre mieux peut-être combien une fcience eft avancée, que la facilité de faire fur cette fcience des livres médiocres , &-la difficulté d’en faire qui con- tiennent des chofes nouvelles. M. de Linné à publié une longue fuite d’obfervations fur les végé- taux & les animaux comparés enfemble, Les végétaux naïffent , vivent & meurent comme les animaux; ils fe nourriflent, croifflent & dépé- riflenr comme eux: ils ont comme eux un principe interne de mou- vement ; M. de Linné obferva de plus que les Plantes ont des inftans de mouvement & de repos, de fommeil & de veille; qu’elles fubiffent ces alrernatives dans des ferres où l'on entretient jour & nuit une chaleur égale; & qu'ainfi ces phénomènes ne fant pas l'effet de la cha- leur plus ou moins grande , mais de la préfence ou de l’abfence de la Jumière ; qu'enfin , les feuilles dans quelques Plantes , & les anthères des étamines dans un plus grand nombre, donnent des fignes d’irrita- bilité. La fenfbilité & le mouvement fpontané qui en eft la fuite, paroïlfent feuls diftinguer la vie des plantes & celle des animaux. On obferve des rapports encore plus frappans entre l'œuf d’un ani- mal, & la femence d’une plante , dans la manière dont les germes font fécondés, ou dans les loix de leur développement. Enfin la répro- duétion par bouture, cette manière de maltiplier & d'éternifer Jexif- tence d’un même individu , exifte dans les deux règnes & forme une forte d’analogie entre les plantes lés plus parfaices & les animaux les plus imparfaits. Aïnfi, quand on obferve la chaîne de tous les genres d'animaux, depuis les quadrupèdes jufqu’aux polypes, on voir l'orga- nifation fe fimplifier, le mouvement fpontané :& la fenfibilité s’affoi- blir, & en même-tems les organes deftinés à recevoir la nourriture fe multiplier, le principe de là vie au lieu ‘d’appartenir feulement à l'individu , fe trouver tout entier dans plufeurs de fes parties , & Panimal fe rapprocher de la plante jufqu'à n’en ètre plus féparé que par des nuances imperceptibles. Ces rapprochemens ne font pas les feuls qué M. de Linné ait cru trouver entre les deux règnes, il en a faifi de très-finguliers entre les fubftances dont les plantes & les animaux font compofés. Nous n’en- trerons dans aucun détail fur ces idées ingénieufes mais trop fyftéma- SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. :1#t tiques. Ceux qui n’ont vu dans M. de Linné qu'un fimple Nomencla- teur, & qui font confifter le talent d’un Naturalifte, moins dans l'arc de bien voir & de bien lier les faits, que dans celui de former des conjectures hardies & de hafarder des vues générales, ne pourront du moins s'empêcher d’eftimer M. de Linné en lifant cette partie de fes ouvrages. La Botanique, quelque immenfe qu'elle foit dans fes détails , ne fuf- fifoit pas à fon activité; il ofa former le projer de décrire & de claffer tous les êtres de la nature. IL choifit pour les caraétères du règne ani- mal, les parties deftinées aux fonctions les plus importantes de la vie, le cerveau ou l'organe d'où partent les nerfs, le cœur ou en généra _ les vifcères où réfide la force qui fait circuler les liqueurs , les organes de la refpiration, les mamelles , le nombre & la forme des dents ou la figure du bec, le nombre & la forme des parties qui fervent au mouvement progreffif. 11 favoit par fes obfervations qu'une grande reffemblance dans ces parties eflentielles , annonce néceffairement entre des efpèces, un grand nombre d’autres rapports. Il auroit pu , fans doute, étendre aux animaux la méthode qu'il avoit employée pour les plantes ; mais il craignoir que malgré toute la modeftie & la gravité qu'il pourroit mettre dans fes leçons, ou dans fes ouvrages, cette mé- thode n'offrit trop fouvent à fes Elèves, des images que les Natura- liftes mème n’ont pas toujours le privilége de pouvoir contempler avec une entière indifférence. 11 écarta même parmi les organes néceflaires aux autres fonétions de la vie, ceux qu'on ne pouvoit obferver fans des recherches anatomiques : il ne vouloit pas qu’on fe erût obligé de déchirer les animaux pour parvenir à les connoïître. Ainfi la pureté de fes mœurs & fon humanité ont nui peut-être à la perfection , & fur- tout à l'unité de fon fyftème. M. de Linné clafa les animaux prefque uniquement d’après leurs formes exrérieures. Les Chymiftes ont fait contre cetre méthode des objections auxquelles il paroît bien dificile de répondre ; mais Les Naturaliftes, ou du moins les Difciples de M. de Linné en auroient pu faire d'aufi fortes contre un fyflème dont lanalyfe chymique auroit fourni les premiers caraétères. En convenant même des défauts attachés à routes les methodes aruficielles, on ne peut s'empêcher de reconnoître qu’il faut, pour les former, joindre une vafte érendue de connoiffances au talent de faire des combinaifons & de faifir des rapports, que ces fyftèmes utiles, néceflaires même pour fuivre, fans s'égarer , les détails immenfes de l’hiftoire naturelle , fervent “encore à faciliter la recherche des vérités générales , & qu'enfin , s'il y a peu de philofophie à prendre ces arrangemens méthodiques pour la fcience elle-même, il y en a bien moins encore à les méprifer. M. de Linné avoit formé dès fa. première jeuneife le projer de fon 2770 MU IN LIL ENT NENZ 12 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fyftème général, & il s'en occupa toute fa vie. Aucun Nasuralifte n'avoit jufqu'à lui, conçu un plan fi vafte, & fi on peut dans l’exécution lui reprocher quelques défauts , c’eft encore un prodige qu'un feul homme ait pu la porter à ce point de perfection, Son fyftème de la nature eut douze éditions en trente ans: dans cha- cune , il profitoit de fes nouvelles obfervations ; des travaux de fes Dif ciples , des objeétions de fes critiques. C’étoit aux fciences plutôt qu’à fa gloire qu'il vouloit élever un monument: aufli,ne doit-on juger ce grand Ouvrage que fur fa denière édition , & regarder les autres comme des efquifles que l’Auteur foumettoit au jugement des Natu- raliftes. M. de L'inné ne voulut pas que l’hiftoire naturelle fût entre fes mains une fcience ftérile. En l'appliquant à des chofes d’un ufage commun, 1l fervoic à la fois fes concitoyens & la fcience qu'il aimoir & qu'il rendoit chère à ceux dont le fecours étroit néceflane à fes progrès. Ses Ouvrages contiennent un traité complet de matière médicale ; de dif- fertations fur les Plantes de Suède qui peuvent être utiles dans la Mé- decine & remplacer les Plantes étrangères ; fur celles qui peuvent four- nir aux hommes une nourriture faine & agréable, ou qui fonc employées dans les Arts; fur les végéraux qui conviennent le mieux à chacune des efpèces d'animaux domeftiques ; fur la manière de juger la vertu des Plantes, foit par les genres où elles font rangées dans fa méthoue, foit par leur faveur ou par leur odeur : fur les terreins qui conviennent à chaque efpèce ; fur des Plantes qui, femées dans des fables mobiles, peuvent les fixer, préferver le pays des dangers auxquels ces fables l'expofent, & les changer à la longue en des terres fertiles ; fur le rapport de la végétation de chaque plante avec les différentes faifons de l'année; fur l'origine de plufieurs fubft:nces , comme le baume de Tolu & la farcocolle quon employoit depuis long-rems fans favoir quel arbre les avoit produits, & quelle préparation on leur avoit fait fubir. Le fuffrage de la plupart des Compagnies favantes de l'Iurope, l'adoption prefque générale du fyflème de Fotanique de Linneus, avoit appris à la Suède à le regarder comme un Savant qui faifoit honneur à fon pays. Ses travaux dirigés vers le bien public le montroient a fes compatriotes comme un Citoyen utile. L’envie fut répiimée cette fois par l’enchoufiafme national. KV. de L'inné fut le premier homme de Lertres décoré de l'Ordre de PFtoile-Polaire , & cetre nouveauté fit peut-être moins d'honneur au Savant qui le reçut , qu'aux lumières du Gouvernement de Suède. En accordant cette diftinétion à M. de Linné, 1l montroit que lemploi d'éclsirer les hommes étoit à fes yeux une fonétion publique , & avoit drois aux mêmes récompenfes, SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 13 M. de Linné obtint quelques années après un rang dans la noblefle Suédoife ; il retrancha us de fon nom la terminaifon latine qu'il y avoir ajoutée fuivant l’ufage de fon pays. Mais ce nom étoit déjà trop illuftre pour qu'il für en fon pouvoir de le perdre, & le Chevalier Von-Linné ne fur jamais que Linneus pour l'Europe favante , comme le Garon de Verulam na jamais été que Bacon pour les Philofophes Les marques de l'eftime perfonnelle des Princes font toujours flatteufes pout un Savant qui aime la gloire ; quel que foir le Prince qui les accorde , elles prouvent du moins une grande célébrité, Celles que M. de Linné reçut de fes Souverains devoient le flatrer à d’autres titres; il fut traité par la Reine de Suède, digne Sœur du Roi de Pruffe , avec cette fanuliarité noble qui honore les Souverains, parce qu'elle prouve qu'en fe crouvant avec des hommes d’un mérite fupéricur, ils fencenc qu'ils ont droit de fe croire avec leurs égaux. Le crédit que M. de Linné ne devoit qu'aux Sciences , il le fit fer- vir tout entier à l'avancement des Sciences, L'établifement de l’Acadé- mie de Srockolm fur en partie fon ouvrage; le Jardin d'Upfal, remis dans un meilleur ordre, augmenté de vaftes ferres conftruices felon fes vues, devint digne du Démonftrateur qui de routes les parties de l’Eu- rope y attiroit des Difciples. L’hommage de quelques Plantes qui manqguoient à ce Jardin fi riche, éroit un tribut que tous les amateurs de botanique croyoient devoir à M. de Linné, & lorfque le Roi de Suède vint en France, le feu Roi le chargea de remettre à l'illuftre Profeffeur d'Upfal, des graines rares qu'il avoit recueillies dans le Jardin de Trianon. Si nous ajoutons à ce que nous avons dit de M. de Linné, qu'il rem- plit pendant plufieurs années les fonétions de Secrétaire de l’Académie d’'Upfal, qu'il donnoit exaétement des leçons de Botanique & de Mé- decine , enfin qu'il publia une foule de differtations fur des objets par- ticuliers d'hiftoire Naturelle , de Botanique, de Médecine, qui toutes renferment des vues toujours ingénieufes & quelquefois profondes , nous avons une idée de la vie de cet homme célèbre: elle rs heureufe jufqu'à 60 ans ; {a fanté ne fur altérée avant certe époque , que par une "violente attaque de goutte dont il prévinc les retours par l’ufage des fraïfes. Il avoit fait un mariage heureux qui lui a donné trois filles & un fils digne de lui fuccéder Il pafla des jours tranquilles, glorieux, uccupés au milieu de fes Difciples qui étoient fes amis, jouiffant de fa gloire que chaque jour il augmentoit encore, de la reconnoilfance de fon pays, de cette confidérstion publique que la célébrité & le talent ne peuvent donner, à moins qu'ils ne foient unis à un caractère qui force l'envie au refpect. Tel fut M. de Linné , fenfible avec fes amis aimable & gai dans la fociété intime , noble avec les Grands, fimple 14 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & bon avec fes inférieurs, on ne le vit jamais acheter par des baffeffes le droit de faire éprouver des hauteurs : d'autant moins jaloux d’affec- ter une fupériorité précaire, qu'il étoit plus sûr d'en avoir une réelle, Riche des bienfaits de la Cour, il ne quitta jamais cette fimplicité de vie dont onne peut s'écarter fans en être puni par le ridicule & par Pennui: * IHemploya pour fa nation ce qu'il avoit reçu d'elle + fon feul luxe étoit un Mufæum immenfe; monument glorieux pour la Suède , puif- qu'il étoit la collection des triburs que les Naturaliftes du nord avoient confacrés à celui que d'une voix unanime ils avoient nommé leur Chef & leur Maitre. * Frappé au mois d’Août 1776, d'une apoplexie qui détruifit fes for- cés ; affoiblit fa mémoire & le conduifit au tombeau par un dépériffe- ment lent & infénfible, ce Mufæum éroit encore fa confolation : cha-: que jour la reconnoilfance de fes Difciples lui préfentoit de nouvelles merveilles, produites par la nature aux extrémités du globe: on eut cru voir des enfans occupés à confoler les derniers jours d'un Père chéri. Devenu enfin incapable d'agir & de penfer, 1l goûtoir encore quelque plaifir en parcourant de fes yeux éreints les Plantes nouvelles que fon Difciple Thunberg venoir de lui envoyer des extrémités de V’Afie. Très-peu de tems après fon attaque d’apoplexie, il drefla lui-même une courte notice de fa vie, & il voulut qu’elle für envoyée à l'Académie pour fervir de matériaux à fon éloge. C’eft avec une égale fimplicité qu'il parle de fes travaux , de fes découvertes & qu'il convient de fes défauts, H avoue qu'il far peut être trop facile à s'émouvoir ou à s'irriter ; que lent à embrafler une opinion, il tenoit peut-être avec trop d’opiniâtreté à celles qu'il avoit une fois adoptées; qu'il ne fouffrit pas avec allez de modération, ni les critiques qui s’élevèrent contre lui, ni les con- tradiétions qu'il éprouva de la part de fes rivaux. Cesaveux prouvent feulement que M. de Linné eut pour la gloire une pañlion véritable, & que cette paflion a ; comme toutes les autres, fes excès & fes foiblef- fes. Mais combien peu d'hommes ont comme lui le courage d'avouer ces foiblefles ; & fur-rout le courage plus rare d’en fouffnir feuls &c* dans le fecret! Car en jugeant M. de Linné d’après fa conduite, per- fônne ne l’eût foupçonné de ces défauts , & pour qu'ils fuffent connus, il a fallu qu'il les révélâr. Ainf, ce foin de s'occuper de fon éloge qui , dans un autre eût été peut-être l'effer d’un vain-amour propre, ne fut chez lui qu'une nou- velle marque dé fon amour pour la vérité. Après avoir combattu toute fa vie contre les. erreurs, il ne voulut pas laïfler fubffter celles que l'admiration ou l’envie auroient: pu aécréditer pour ou contre: lui. À SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 15 L’extrème laconifme des Ouvrages de M. de Linné, l’ufage peut- être trop fréquent des rérmes recniques fouvent tirés du grec, fa ma- nière de tout réduire en tables, en rendent la leŒure difhcile. 11 faut les étudier plutôt que les lire. À la vérité, on en eft dédommagé par la précifion des idées, & par l'avantage d’avoir d’un coup-d'æil un plus grand nombre de réfultats. M. de Linnétrouvoit fans doute que plus la vérité eft nue, plus elle eft belle; & que les ornemens, dont on cherche à la parer ne font que la cacher: il fongeoit à former des Na- turaliftes plus qu'à amufer des amateurs ; il vouloir des Difciples & dédaignoit de chercher des Prôneurs. IL n'ignoroit pas néanmoïins combien il eft utile de répandre le goût des véritables Sciences dans toutes les clalles d'hommes qui peuvent avoir fur le bonheur des Nations une influence plus ou moins grande. JL favoit qu'après avoir obtenu la gloire de rectler les bornes dés Scien- . ces, il refteir aux Philefophes l'obligation de les rendre utiles, & qu’elles wétoient utiles qu'autant qu'elles devenoient populaires ; mais pour faire gouter les Sciences à des hommes dillipés, avides de plaifir ,en- nemis du travail, moins jaloux de favoir que de fe faire honneur de ce qu'ils favent ; 1l faut avoir l’art de s'emparer de leur imagination par des peintures féduifantes , de fourenir leur attention. par des traits in- génieux ou brillans, de réduire la Science à des réfultats piquans & faciles à faifr. r M. de Linné fentit que cet art lui manquoit, & peut-être mème eut- il l'injuftice de le méprifer, comme le talent de ceux que la nature a for- més pour publier & non pour découvrir fes fecrers. Ce n'eft pas que dans les Ouvrages qu'il a donnés en fa langue natu- telle, fés compatriotes n'aient trouvé uni ftyle élégant & agréable, & le genre d'éloquence peut-être le plus rare de tous, le feul aufli peut- être qui convienne vraiment à des Ouvrages philofophiques, & qui confifte à renfermer beaucoup d'idées en peu dé mots, & à exprimer dansun ftyle noble & fimple: des vérités neuves & importantes. Maiscerte “loquence r’eft pas cellé:qni frappe lé grand nombre, & comme ceft aux pañions des hommes qu'il fauc parler , fi l'on veut les conduire, c'eft à l'imagination qu'il faut s’adrefler fr l'on afpire à régner fur leurs goûts ou fur leurs opinions. * On voit dominer dans: sous les Ouvrages de M. de Linné un grand sefpeét pour la Providence ; une vive admiration de la ‘grandeur , de la fagefle de fes vues, une. tendre ,reconnoïflance pour fes bienfaits. Ce fentiment n’étoit point «en lui une croyancelinfpirce par l'éducation ; ce n'éroit pas même etre, conviction que l’on conferve après avoir exa- miné & difcuté une fois dans fa vie des preuves d'une opinion: Il croyoit à la Providence parce-que chaque: jour , de nouvelles obfervations fur 156 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la nature lui en fournifloient de nouvelles preuves : il y croyoit parce que chaque jour il la voyoit agir fous fes yeux. L'homme phyfique qui ufe de la nature , eft, difoit-il , comme un Roi qui a droit d'exiger de fes fu- jets ce qui eft néceffaire à fes befoins, & qui les fair fervir à l'accom- pliffement de fes deffeins: s’il abufe de fon pouvoir, il apprend bien- œôt par la réfiflance de fes fujers mêmes, de les Rois ont été établis Le les peuples & non les peuples pour les Rois, & qu'il n'a recu ‘empire fur la nature que pour fervir à conferver dans l'Univers l’ordre que la Providence y a établi. Ainfi, tandis que les végétaux fourniffent à tous les animaux leur nourriture, une retraite, un abri pour les gé- nérations naïfantes , ces mêmes animaux , quelquefois néceflaires à la réproduction des plantes, fervent encore , par la deftruétion même qu'ils font des végétaux , à maintenir entre les différentes efpèces un équili- bre qui en allure la perpétuité. L'on peut dire enun Es que les ani- maux ont été formés pour les plantes, comme les plantes pour les ani- maux. Ou plutôt toutes les parties de la nature fubordonnées entre elles, imais néceflaires l’une à l'autre, forment un enfemble aufli frappant par l'unité du plan, que par la fageñle des vues de fon Auteur. L’exiftence des poifons n'éroit mème pour M. de Linné qu'une rai- {on de plus d'admirer les foins de la Providence pour l’efpèce humaine: la nature, difoitil, n’a préparé des poifons dans l'ordre phyfique que our aflurer à l’homme des rem°des contre les maladies rebelles & invétérées , comme dans l’ordre moral elle abandonne quelquefois les Peuples à des Tyrans qui deviennent entre fes mains des moyens vio- lens mais efficaces de rappeller à la vie des Nations engourdies & cor= rompues. | M. de Linné préparé depuis long-tems à la mort par l'affoibliffement de fes organes, À reçut comme un doux fommeil qui délivre d'un état de langueur & d’angoifle. Il mourut vers la fin de Janvier 1778, regretté de fa famille & de fes Difciples qui le chérifloient comme un père, parce qu'ils en avoient trouvé en lui-la tendrefle vive & dé fintéreflée ; honoré des regrets d’une nation généreufe , paflionnée pour routes les efpèces de gloire, capable d’enthoufiafme parce qu’elle l’eft d’héroïfme , & qui n'attend point , pour rendre hommage à fes grands Hommes, qu'ils ne puilfent plus jouir des honneurs qu’elle leur décerne. Après la mort de M. de Linné, le Roi de Suède lui a fait élever un monument à côté de celui qu'il a confacré à ce Defcartes qui, né- gligé dans fa patrie après fa mort comme pendant fa vie, attend en- core de fes Compatriotes les honneurs que les Etrangers lui ont pro- digués. Un temple digne de la magnificence de Rome & du goût d'A- thènes, a remplacé dans cette Capitale l’Eglife modefte où les cendres de Defcartes avoient éré dépofées : & la France peut efpérer d'y a enin SUR L’'HIST. NATURELLE-ET LES ARTS. 17 enfin, ce qui feroic le plus bel ornement de ce Temple, un Maufolée de Defcartes, qui acquitrât envers lui la derte de la Nation. Nous n'oublierons pas ici un autre monument qu'un des Difciples de M. de Linné lui a confacré dans l’Eglife d'Edimbourg , monument plus glorieux peut-être, pour le favant Suédois , que celui qu'il a obtenu dans fa patrie, parce qu'érigé au milieu d'une nation étrangère , 11 eft l'hommage d’une admiration abfolument définréreflée. CON ST DE RAT I'ONS Sur les Conduéteurs en général ; Par M. BARBIER DE TINAN (1). I oures les queftions qu'on peut faire relativement à l'ufage des conducteurs, fe réduifent à deux principales. (x) Ces confdérations terminent l'Ouvrage de M. Toaldo, intitulé Mémoires [ur des Condu&eurs pour préferver les Édifices de la Foudre. 1 vol. in-8°. à Strasbourg , chez Baver & Treuttel. Ces Mémoires fonc un avis au peuple fur la manière de pré- ferver les édifices du tonnerre, publié en 1772... Une expoñtion abrégée de l'utilité des conducteurs électriques , par M. de Sauflure. Nouvelle apologie de l'ufage des conduéteurs , imprimée en 1774... Objeétion & réponfe contre les conduéteurs…. Lertre de M. Franklin à M. de Sauflure.... Defcriprion du conduéteur de l'Obferva- toire de Padoue , de celui da Clocher de Saint-Marc de Venife, de ceux pour les magafins à poudre , pour les vailleaux, &c.. Relation de la foudre tombée fur l'Obfer- vatoire de Padoue... Syftême de M. Toaldo {ur la meilleure conftruétion des con- duéteurs. Faudra-t-il attendre que la déplorable cataflrophe de Brefcia fe renouvelle à Paris'& dans les principales villes du Royaume, pour que l'on fonge férieufement en France à préferver de la foudre les magafins à poudre? Si l'on propole des fachets contre l'apopléxie , tout Paris eft en rumeur pendant un mois, & chacun court pour s’en procurer. Il s’agit ici de l'intérêe de chaque particulier, & parce que le malheur eft un peu éloigné , on n'y faic aucune atrention. L'ancienne tour de Sainte- Geneviève a été fi (ouvent foudroyée, qu'on s'eft dérerminé à la fin à ne plus en relever la flèche. Le dôme de la nouvelle Eglife le fera sûrement, puifque cet édifice élevera {a rére majeftueufe fur tout l'horifon, à moins qu'on ne le garantifle par des conduéteurs : qu'on fe figure le ravage que la foudre fera Fr ce fuperbe mouvement par la quantité de fer qui fe trouve empatté dans les murs. Les Académies , ces Sociétés favantes qui doivent fpécialement s'occuper des objers d'utilité publique, devroient imiter l'exem- ple donné par celle de Dijon. Le bien {e fait lentemenr. On nous pardonnera donc de ee encore aujourd'hui fur un fujet dont il a été fouvent queftion dans ce Recucil. Tome XIV. Part. IL 1779. JUVLL'ET.. C 18 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, I. Eft-il prouvé qu'un conduéteur bien conftruic préferve l'édifice auquel il eft appliqué , des ravages de la foudre, fans l’attirer fur les édifices voifns ? : II. Quelle eft dans tous les points la conftruétion des conduéteurs la plus propre à remplir complètement l'effet qu'on en artend. Je crois la première queftion tellement réfolue, tant par l'ouvrage de M. 1 Abbé Toaldo que par la réunion de la théorie & de l'expc- rience, que je n'héfite pas à prononcer encore plus affirmativement qu'il ne femble lavoir ofé, que lorfqu'un conducteur appliqué à un édifice aura une capacité fufhfante, une continuité parfaite, & une communication immédiate avec l’eau qui fe trouve dans l’intérieur de la terre, & fera difpofé de manière à ètre frappé de la foudre de préférence à toute autre partie de l'édifice, il eft complètement démontré, que quelle que foit la quantité de feu que répandra un coup de fou- dre , non-feulement il n'endommagera pas cer édifice, mais encore que la foudre fera tranfmife en entier par le conduéteur fans y laïffer aucune trace fenfible de fon paflage, fi ce n’eft peut-être quelque mar- que de fufon à fon entrée. Je crois qu'il eft également prouvé qu'un femblable conducteur , loin d'attirer la foudre fur les bâtimens plus ou moins voifins , & d'augmenter par conféquent les dangers aux- quels ils font expofés, diminue plutor les rifques que courent mème ceux qui font hors de fa fphère d'activité, c'eft-à-dire , hors de la dif- tance à laquelle il peut les préferver entièrement. Je crois inutile de rappeller & de répéter les preuves, fur lefquelles fon fondées ces affertions , qu'aucun Phyficien éclairé ne peut plus contefter. Mais fi la folution de cette première queftion eft démontrée autant ‘qu'une vérité phyfque peut l'être, il s’en faut bien que la feconde ait acquis le même degré de certitude ; elle offre une foule de queftions fecondaires, dont plufeurs font encoré un fujet de difpute parmi les Phyfciens, & dont quelques-unes même pour pouvoir être décidées d’une manière bien précife , ont befoin d’un grand nombre d’obferva- tions que le tems feul peut fournir. Voici les principales. 1. Quelle eft la dimenfion , qu'on doit donner à un conducteur, pour qu'il foit en état de tranfmettre un coup de foudre quelconque , fans que le bâtiment & le conducteur lui-mème en foit endommagé ? II. Eft-il très-effentiel que fon extrémité inférieure aboutifle dans l'eau, où fufit-il qu’elle senfonce en terre? lil. Jufqu'à quel point doit-on pouffer les précautions pour la con- tiguité & la continuité de fes différentes parties ? {V. Jufqu'à quel point doit-on lier avec lui toutes les portions de métal qui fe trouvent dans le bâtiment ? V. Peut-on fans danger le laïffer contigu au bâtiment foit en-de- SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 19 dans foit en dehors, ou convient-il de l'ifoler dans fa longueur, & même de le placer à quelque diftance du bâtiment ? VI. Faut-il que fon extrémité fupérieure foit élevée & convient-il de la faire balle & obtufe ? VI. A quelle diftance s’éend le pouvoir d’un conducteur pour pré- ferver de la foudre ? - VIT. N'y a-tl pas un furplus de précautions à prendre pour des bâtimens d’une nature très-dangereufe , tels que des magafins à poudre ? Avant que de traiter ces différentes queftions, 1l convient d'exami- ner de quelle manière les nuées contiennent & lancent le feu électrique qui forme la foudre. Les nuées font compofées de vapeurs aqueufes répandues dans la région fupérieure de l’atmofphère, & qui s’y tiennent fufpendues par laction continuée de la caufe de leur expanfon , jufqu'au moment, où cette caufe ceflant, leurs particules fe rapprochent & forment les gouttes de pluie qui retombent en vertu de leur pefanteur. Les parti- cules aquenfes qui les compofent & qui font de nature déférente, font donc féparées les unes des autres par des particules d’air , qui font ifolantes , même dans les nuées qui paroïflent aux yeux avoir le plus de continuité, & l’on fe tromperoit fort, fi lorfqu'on veut analyfer Jes effets de l'électricité qu’elles contiennent, on les comparoit en tout à des conduéteurs continus, dans lefquels 1 éleétricité jouir d’un mou- vement entièrement libre. Il paroît difhcile d'expliquer comment ces nuces peuvent fe trouver éleétrifées , comment certe éleétricité eft ranrôt pofitive & tantôt négative, commentée changement de plus en moins & réciproquement eft quelquefois inftantané dans la même nuée. Les hypothèfes imaginées jufqu'ici , quelqu'ingénieufes qu'elles foient, n'ont point encore ablolument fatisfait les Phyfciens. Me feroit-il permis de hafarder fur cet objet quelques idées ? Les expériences qui ont été faites avec des cerf-volans & des fils métalliques ifolés & élevés à une grande hauteur de quelque manière que ce foit, ont appris que dans les tems parfairement fereins il règne dans la partie fupérieure de l'armofphère une éleétricité pofitive, qui fe manifefte PU Te foiblement, mais toujours fenfiblement, On peut en voir la preuve dans un détail d’obfervations très-exaétes faites par le P. Beccaria , célèbre Profeifeur de Turin, & publiées par lui en 177$ fousle titre : del!” elettricita rerre/irémtemosferica à cielo féreno. D'autres Phyfciens fe font également convaincus de cette vérité par leurs propres expériences. Ne peut-on pas croire que cette furabondance de feu élec- grique provient du degré de raréfaétion, dont jouit l'armofphère à mefure qu'il s'élève, & qui y forme une . de vuide favorable au mouvement & à l'accumulation du fluide électrique, comme nous le voyons par fes effets dans le vuide que nous formons artificiellement ? 1779 JOITLET. GC:2 pointue , ou 10 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fi ma conjeure eft fondée , l'intenfité de cette éledriciré poñrive doit croître à mefure qu’on s'élève dans l'armofphère, & peut devenit affez confidérable dans la région ordinaire des nuages, qui eft eñcore fort élevée au deflus de celle à laquelle parviennent nos inftrumens. Il n’eft donc pas étonnant que ces nuages , dont chaque portion ra être regardée comme un conduéteur imparfait, mobile , variable danrs fa forme & plus ou moins ifolé , participent à cette électricité de même que le fil ifolé que nous élevons dans l'air. Mais elle fe mo- difie avec une variété prefqu'infinie entre les différentes portions fépa- rées, qui forment les nuages , fuivant les proportions de l'électricité des différentes couches d'air, dans lefquelles 1ls fe trouvent plongés,, & fuivant que ces portions font plus ou moins éloignées, plus ou moins féparées. Pour s'en former quelqu'idée , il faut fe rappeler le jeu & les propriétés des armofphères éleétriques , tels qu'ils font dé- crits dans plufieurs traités d'électricité , & entr'autres dans les ouvra- ges du P. Beccaria, qui défigne la manière d’agir réciproque de ces atmofphères par le nom très-expreffif d'électricité comprimante Æle- cricita premente. Parmi les nuages qui Aottent en l'air, les uns ont déjà contracté l'électricité pofñitive des couches d'air, dans lefquelles ils ont paffé , & la manifeftent lorfqu'ils approchent de la verre ou de nos édifices. D’autres ne font affectés que par l'électricité comprimante des couches d'air fupérieures, & donnent vers la terre des fignes d'éleétri- cité pofñtive , fans avoir reçu d'augmentation réelle dans la quantité d'électricité naturelle qu'ils poffédent. D'autres enfin s'étant trouvés dans des couches plus bafles & refpeétivement moins électrifées, ne le font eux-mêmes que très-peu ou point du tout. Un nuage qui n'eft as éleétrifé , venant à une certaine diftance d’un nuage électrique , He de celui-ci exerce une compreffion fur l'électricité natu- relle du premier, & y produit un défaut dans la partie qui eft rournée vers lui & un excès dans la partie oppofée. Si cette dernière trouve à fa portée un nuage ou un autre corps non éleétrifé , auquel elle pnifle tranfmettre fon excès, & fi le nuage en totalité s'éloigne enfuite de celui dont l’atmofphère avoit comprimé fon électricité naturelle , il refte négatif. Ce premier nuage, dans l'inftant où il eft devenu pofñtif d'un côté & négatif de l’autre, peut auffi ètre féparé en deux & for: mer à linftant un nuage poftif & un nuage négatif. Il eft aifé de juger quel nombre infini de cgmbinaifons différentes peuvent fe faire dans les amas de nuages qui forment ordinairement les orages ; il fe- roit poñble de rendre raifon de toutes les variations que montre leur électricité, mais 1l feroit crop long de les analyfer ici en détail. Il me fuffira de remarquer , que l’on fe formeroit une idée bien faufle, fi l’on jugeoit que tous les éclairs & les coups de tonnerre que l’on voir partir d'un nuage pendant le cours d'un long orage, font des portions de SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 21 Péledricité qu'il contenoit primitivement. En premier lieu, la quan- cité d'électricité qui fe décharge dans un feul coup de foudre , rend incroyable celle qu'il faudroit fuppofer dans un pareil nuage , pour fournir à vous les coups qu'il donne, En fecond lieu, l'on voit qu'un conducteur, dont on tire une érincelle , eft à l'inftant dépouillé de tout fon feu; je fais que le défaut de continuité dans les parties défé- rentes qui compofent les nuages, peut empêcher que fon dépouille- ment ne foic aufli inftantané , mais toujours elt-il vrai que chaque explo- fion diminue fon feu, au point qu'un petit nombre devroit le lui en- lever en cotalité. Il faut donc que cette électricité lui foit fouvent fup- léée d'ailleurs pendant le rems que dure l'orage qu'il caufe, & qu'elle éprouve des variations indépendantes des explolions par lefquelles elle fe décharge. On peut appercevoir par ce que j'ai dit plus haut, quelles euvenr être les caufes de ces variations, & l'on en a la preuve par ês obfervations qui conftatent qu'on a vu pendant le même orage lélec- tricité du même nuage être tantôt pofitive & tantôt négative. Examinons maintenant comment fe font les différentes décharges de certe électricité , foit d'un nuage à un autie, foit des nuages à la terre, ou immédiatement, ou par le moyen des corps élevés , tels que les édifices, les arbres, &c. décharges qui forment les coups de tonnerre & les éclairs, Il y a long-tems qu'on a remarqué, que parmi les coups de tonnerre, les uns tombent, & les autres ne tombent pas. C'eft aux premiers qu'on a particulièrement aff le nom de foudre, fur-tout , lorfqu'un dégât quelconque marque les traces de leur paflage. Quand deux nues, dont l’une eft éleétrifée & l'autre ne l’ett pas , ou dont les éleétricités font contraires, s’approchent à une diftance fufhfante , l'électricité de l’une s'élance à l’autre fous la forme d’une étincelle , qui reflemble à celle qui part entre un conducteur éleétrifé & un autre qui ne l’eft pas & qu’on en approche fuffifamment; mais avec cecre différence, que dansles deux conducteurs qui font d’une fubftance métallique continue, l'étincelle éclate uniquement dans le lieu de leur féparation ; mais les nuages étant compolés, comme nous l'avons dit, de particules déférentes plus ou moins féparées par un milieu ifolant, il fe forme à chaque explo- fion entre ces particules, des traînées d'érincelles pareilles à celles qui éclatent entre ces petits carreaux de feuilles d’érain qu'on colle fur un verre pour repréfenter différentes figures par l'éleéricité. Il y abien des éclairs qui nous font appercevoir cette fucceflion par une durée, qui , quoiqu'infiniment courte , eft cependant fenfible par comparaifon À l'inftantanéité de l’érincelle unique, mais on l’apperçoit bien mieux par la durée du bruit qui fuit l'éclair , & qui fe propageant jufqu’aux extrémités des nuages à des diftances confidérables, fe fait entendre pendant un cems allez long, à caufe de la lenteur du mouvement du 11 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fon comparé à celui de la lumière. La plupart des éclairs qui éclatent en l'air & entre les nuages, préfentent plutôt l'apparence d'une lu- mière diffufe, que d’un trait de feu réuni; on peur croire que cela vient du degré de raréfaction de la portion de l'atmofphère , dans laquelle flottenc les nuages. On voit Ê même dans un vafe de verre qu'on peut vuider d'air , les étincelles éleétriques devenir moins rcunies & lus diffufes, à mefure qu'on l'y raréfie; plufeurs éclairs mêmes, dont Ë lumière eftencore plus diffufe, & qui ne font fuivis d'aucun bruit, reffemblent à ces jets de feu éleétrique qu'on voir éclater fponçanément & en filence dans le vuide. Les coups de tonnerre qui tombent, c’eft-à-dire , qui s’élancent de la nuée vers laterre, ou versles corps élevés qui communiquent avec elle, éclatent ou immédiatement ou médiatement.Je m'explique Quelquefoisle nuage orageux s'approche lui-même de ces corps à la diftance de l’explofon, qui fe fait alors immédiatement. Quelquefois , & nous verrons plus bas que cette remarque eft importante , ce fonc des portions de nuage non éleétrifées qui par leur mouvement s'intérpofent entre ces corps & le nuage orageux , & excitent l'explofion qui ef alors médiate , en faifant pour ainfi dire la fonction d’un arc conducteur, imparfait à caufe du défaut de continuité de fes parties. Le P. Beccaria a établi pour principe, d’après l'expérience, que l'explofon éleétrique entraîne fur foi chemin les parties déférentes mobiles qu'elle rencontre, pour faciliter fon paffage jufqu'à une diftance , à laquelle elle ne parviendroit pas en traverfant un milieu réfiftant. On fent combien ce principe a d'application relativement à des parties auffi mobiles que celles des nuages , & combien 1l influe fur l'explofon de la foudre. Les nuages orageux font compofés de portions plus ou moins féparées, fouvent leur partie inférieure eft comme déchirée en lambeaux pendans , & qui Eten de véhicule aux explofons. La longueur qu'a fouvent le trait de feu qui forme la foudre, eft une preuve que cette explofion fe propage par différentes parties de nuages, quoiqu’avec une fucceflion très rapide. En effer , fi certe explofon fe faifoit uniquement à travers le milieu réfiftant, il faudroit fuppofer que l'électricité du nuage cft ortée à un degré de renfion incroyable, pour fournir un trait de feu auffi long, & les effets de la foudre feroient bien plus confidérables encore qu'ils ne le font. Les différens" bruits que fait entendre le tonnerre qui tombe, fui- vant les différentes circonftances, font aïfés à expliquer en les com- parant aux explofions artificielles que nous excitons , par le moyen de nos machines. Lorfqu'on fait la décharge d’une forte bouteille par un conducteur fuffifamment gros , continu & terminé par une boule ou un corps moule , le bruit de l’explofion jouit de toute fa force. Si le circuir eft interrompu par quelque fubftance réfiftante, ou par SOMRLEAISTON ATURELLEVET LES ARTS, ‘23 le peu de capacité de quelqu’une de fes parties , fans que l'inrerrup- tion cependant foit allez confidérable pour empêcher que la décharse ne foir fenfblement inftanranée , comme lorfqu'on foumet à l'explo- fion des chaux métalliques qu'on veut revivihñer , ou des feuilles min- ces de métal battu pour les Pndre , le bruit eft beaucoup moins fort. Lorfqu'enfin l'interruption elt affez confidérable, pour que la décharge ne puille fe faire que fucceflivement , comme lorfqu’on décharge une bouteille, étant fimplement pofée fur le plancher, fans communiquer ar une chaîne de corps bien déférens avec la furface extérieure , alors e bruir fe change en une efpéce de fifflement ou de craquement con- tinu , plus ou moins fort, felon les circonftances ; la même chofe arrive à-peu-près lorfqu’on fait la décharge avec un excitateur pointu qu'on approche par degrés. De mème quelquefois le tonnerre tombe avec un bruit confdérable , qui indique que fon trajet, jufques dans l'intérieur de la terre , s’eft trouvé libre ; quelquefois le coup paroïît très-foible & prefqu'unique , & cela eft fouvent arrivé à des coups de foudre qui ont brifé ou embräfé des bâtimens , & qui donnoïient ainfi la preuve de la réfiftance qu'ils avoient éprouvée dans leur paflage ; quelquefois le fifflemént & le craquement continu dont j'ai parlé, eft imité par ces coups de tonnerre., qui, comme on dit, déchirent le tafferas, ce qui paroît provenir de ce que le feu que lance la nuée éprouve une réfiftance, qui caufe quelque fucceflion dans fon mouvement. On a parlé fouvent, & même dans cer ouvrage , des coups de tonnerre qui s'élèvent de terre, (1) Il eft certain, comme je l'ai dit plus haut, que le nuage orageux eft électrifé tantôt pofitivement tantôt négativement. Dans le premier cas, l'explofñon fe fait du nuage à la terre , dans le fecond , elle fe dirige de la terre au nuage. Mais on voit par les expériences éleétriques , combien il eft peu pofble de juger par le rapport des fens, de la direétion du courant d'électricité. 11 en eft de même des cas rapportés pour preuve de la direction de la foudre. L'opinion qu'elle s'élève quelquefois de terre eft cependant vraie dans le fens qui vient d’être expliqué, mais la caufe de la rupture de l'équilibre de l'électricité réfide dans les nuages & point dans la terre. Celle-ci étant à une profondeur fouvent peu conlidérable, toujours plus ou moins entrecoupée de veines d’eau , il eft difficile de croire qu'il puifle s'y accumuler un excès ou un défaut d’éleétricité capable d'opérer une explofon femblable à celle de la foudre, & l'on voit que l'effet des moyens préfervatifs doit être à-peu-près le même, foit que la foudre aït fa direction de la nuée à la terre, foit qu’elle l’aic (1) Voyez également le Mémoire de M. Bertholon, dans ce Recueil , année 1777, Tome 10, pag. 179. ’ 24 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de la terre à la nuée. Il faut remarquer à ce fujet , ainfi que je l’ai dit plus haut dans une note , que les explofions qui ont fouvent eu lieu dans des mines ou dans d’autres fouterrains femblables, paroiflent être dues uniquement à l'air inflammable, qui, comme le démontre M. Volta dans fes lettres fur l’air inflammable des marais, eft pro- duit en abondance par la décompofition des matières végétales & ani- males , donr on a reconnu le dégagement abondant dans bien des mines, & entre autres dans celles de charbon de terre & de fel gem- me, & qui'peut s’allumer par différentes caufes. Le Journal de Paris du 29 Novembre 1778, contient un fait curieux, (1) qui fait voir qu'une pareille explofion peut égaler un coup de foudre dans fa force & dans {es effets. Ayant examiné fuccinétement la manière dont le feu du tonnerre ‘eft contenu dans les nuages , & s’élance vers les corps contigus à la terre pour les frapper , il eft rems de pafler à l'examen des différentes queftions que j'ai propofces. Première queflion. Quelle eft la dimenfon qu'on doit donner à un conduéteur, pour qu'il foit en état de tranfmettre un coup de foudre quelconque, fans que lé bâtiment & le conducteur lui-même en foïit endommagé ? Réponfe. Pour affurer entièrement un bâtiment contre les ravages de la foudre, ilne tre que le conducteur qu’on yadapte tranfmette la totalité d’un coup de foudre fans danger pour le bâtiment; il faut encore que le con- (1) Voiai le faictel qu'il y eft rapporté dans une lettre aux Auteurs du Journal, » J'ai l'honneur de vous faire part d'un évènement très-extraordinaire , arrivé le 14 » de ce mois, à 10 heures du foir , chez un Epicier , rue de la Cornetre, au Gros » Caillou. L'époufe de ce Marchand , jetta par le fiège d'aifance un papier allumé; » elle fut à l'inftanc environnée de flammes qui remplirent tout l'intérieur du cabi- »net, mirent le feu à (a coëffure, & ne lailsèrent pas de faire imprefion fur le » vifage , les bras & les mains de cetre Dame, effet que cet air inflammable n'eût » pas produit, s'il n’avoit été auffi refferré par le local : une chandelle qui étoit dans » le cabinet fut éteinte; les matières firent explofion & remontérent jufqu'au plafond; » à un fiflement confidérable fuccéda un bruit fouterrein & une çommotion fi pro- #» digieufe, que les maifons voifines en furent ébranlées & firent foupçonner un vrai » tremblement de terre. La clef de la foffe fut caflée dans toute fa longueur, & foule- ” vée; tous ces phénomènes fe pafsèrent dans le même inftant ; le dernier a été une æ forte odeur fulfureufe qui s'eft répandue & a duré plufieurs jours dans le quartier «. Il eft évident que cet évènement n’eft dû qu'à l'air inflammable, donc plufieurs obfervations ont fait reconnoître l’exiftence & le dégagement dans/les En ucreut SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. 26 duéteur puille foutenir fon effort, & n’en foit Ée décruit en tout ou en partie ; car alors , outre l'inurilité de la dépenfe , une feconde explo- fion peut caufer au bâtiment tout le dégât dont on vouloir le préferver. Eft-il poñible de déterminer quel eft le volume qu’on doit donner à un conducteur, pour qu’il ne puifle pas être détruit par la foudre? Il faudroit fans doute bien des obfervations qui nous manquént encore , pour fixer des dimenfions bien exaétes; cependant , nous fommes en état d’après celles qu'on a recueillies jufqu'ici, de donner un à-peu-près fufifant pour la pratique. Mais 1l faut d’abord obferver à ce fujet, qu'à volume égal un con- ducteur fera d'autant plus en état de tranfmertre la foudre fans en être détruit , qu'il aura un contaét plus immédiat avec l’eau qui eft dans l'intérieur de la terre, & qu'il jouira dans toutes fes parties d’une con- . tinuité plus exacte; ce qui fait le fujer des deux queftions fuivantes. En effet, le défaut d’une de ces conditions oppofe au mouvement du fluide électrique une réfiftance , qui le faifant refluer , péut l’accumuler dans des parties du conducteur au point de les fondre ou de les difliper, tandis qu'il ne les eût pas endommagées , s’il y eût joui d’un mouve- ment libre. La foudre tombée fur des bâtimens a quelquefois fondu en partie & endommagé des morceaux de métal ifolés d’un volume allez grand, pour que s'ils euflent fait partie d’un conducteur continu, ils euflent pu la tranfmettre fans en conferver de traces. On a vu fouvent des coups de tonnerre tombés en différens endroits, être conduits à des diftances confidérables par des fils de fer de fon- nettes , qui quelquefois font reftés entiers , quelquefois ont été détruits. Dans le petit nombre de relations connues de coups de foudre tombés fur des maifons armées de conduéteurs , on rapporte que des fils mé- talliques minces, qui en faifoient partie, ont été fondus ou diflipés. On en trouve entre autres un exemple dans les œuvres du D. Franklin. Il yeft dit, qu'un fil de laiton mince, qui réunifloit les portions fupé- tieure & ne d'un conduéteur, a été détruit par la foudre. Sa grolfeur n’eft pas fpécifiée, on peut fuppofer qu'elle n'excédoit pas une ligne de diamètre. Dans d’autres exemples de ce genre, on a vu des coups dé foudre qui paroifloient de la plus grande violence , traverfer des conduéteurs du He d’une tringle ordinaire , & de celui d'un demi- pouce, fans les endommager; & l’on n'a pas connoiflance que des conducteurs de ce volume aient jamais fouffert de la foudre. On peut donc raifonnablement croire que cette dernière dimenfion peut fufäre, & en pouflant la chofe jufqu'à un fcrupule bien naturel dans une ma- tière aufli importante , on peut, je crois, affirmer qu'un conducteur bien conftruit, d’un pouce de diamètre , ou plufieurs conduéteurs réunis qui égaleront cette dimenfion, pourront tranfimettre la plus forte Tome XIV, Part. IL. 1779. WULLLE ZT D ) 26 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, explofion pofible de la foudre, fans que ni eux ni l'édifice , auquel ils font appliqués, en reçoivent le moindre dommage. Seconde queflion. Eft-il très-eflentiel que l’extrémité inférieure du conducteur abou- tiffe dans l’eau , ou fuflit-il qu’elle s'enfonce en terre ? Réponfe. Pour qu'un conducteur puiffe tranfmettre en entier une explofon quelconque de la foudre, & préferver completement un bâtiment, il faut que rien n’y arrête le paflage du fluide électrique, & que celui- ci, dès qu'il eft entré dans le conducteur, puifle le traverfer librement & fe répandre à l’inftant dans route la malle du globe. Quoique la vertu conductrice de l’eau foit inférieure à celle des métaux , on fait cependant que l'électricité la traverfe aflez librement, fur-tout lorf- qu'elle eft d’un certain volume. On s’eft imaginé que l'intérieur de la terre à une certaine profondeur étant coujours humide, il fufhifoit que le conducteur pût communiquer à cette humidité , pour être en état de remplir fa tent En effec, cela peut arriver fouvent. Mais on fair qu'une explofon éleétrique en traverfant une couche d’eau très- mince, la diflipe en vapeurs ; il peut donc arriver qu'une feconde explo- fion de la foudre ne trouvant plus l'humidité qui avoit fervi à conduire - la première, déploie fon énergie contre le bâtiment qu'on vouloir pré- ferver; cette humidité d’ailleurs, outre qu’elle eft variable , offre tou- jours à la foudre un pañage moins libre qu'un volume d'eau paffable- ment grand. Lorfqu’il s'agira donc de préferver un bâtiment d'une cer- taine importance , je confeillerai toujours d'obferver fcrupuleufement la communication du conduéteur avec l’eau ; deux faits. rapportés dans les œuvres du D. Franklin viennent à l'appui de mon opinion. Dans le premier, le conducteur de M. Weft à Philadelphie, dont l’ex- trémiré inférieure s’enfonçoit de quatre à cinq pieds en terre, ayant été frappé de la foudre , plufieurs perfonnes virent le feu briller fur le pavé autour du conducteur à une ou deux toifes de diftance, & M. Weft lui-même appuyé contre fon mur à portée du conducteur, ref- fentit une concuflion aflez vive , preuve que le feu éleétrique avoit fouffert dans fon paffage un retardement qui eût pu devenir funefte au bâtiment, s’il eût duré un peu plus. Le fecond exemple eft celui du conducteur de la maifon de M. Maine dans la Caroline Méridio- nale. Ce conducteur, qui s’enfonçoit de trois pieds en terre ayant été frappé , il y eut beaucoup de dépät autour de fon extrémité inférieure SRE IS TON ATURELLE ET/LES ARTS, 17 & dans la partie des fondations de la maifon, qui en étoit proche o AR ae CDDP NE P' 2 dégât qui indiquoit un reflux de la matière électrique , & qui n’eût pas eu lieu fi le conducteur eût plongé dans l'eau. Troifième queflion. * Jufqu'à quel point doit-on poufler les précautions pour la contiguité & la continuité des parties du conducteur ? Réponfe. Dans l'exemple de M. Maine , qui vient d'être cité, le conduéteur étoit compofé de tringles de fer accrochées les unes aux autres par des joints en anneaux , & contenues de diftance en diftince par des crampons fcellés dans le mur. On vit après le coup de foudre, des marques de fufon aflez confidérables à tous les joints des crochets , plufeurs étoient décrochés , & la plupart des crampons fe trouvèrent ébranlés : il y eut d’ailleurs plufeurs dégâts caufés principalement par une forte concuilion que ce coup avoit fait éprouver à la maifon. Le Docteur Franklin, en raifonnant fur cet évènemer , attribue tous ces effets, pattie à ce que le conducteur ne s’enfonçoit pas jufques dans l’eau , comme nous l’avons dit plus haut, partie au manque de continuité du conduéteur , dont les differentes portions n'étant qu'ac- crochées les unes aux autres, ne fe rouchoïent que par des points. On voit dans les expériences électriques , lorfqu'on fait pafler une explo- fion par un conduéteur , dont les parties ne font que foiblement con- tigués, tel qu'une chaîne , des tiges de métal fimplement accrochées , &c. qu'à chaque point de contact il éclate une petire étincelle qui indi- que un obftacle, & par conféquent un retardement dans le mouvement de l'éleétricité. Par la mème raifon , la foudre éprouvera plus de difhi- culté à fe mouvoir dans un conduéteur , dont les différentes pièces n'auront qu'un contaét imparfait, & pourra par conféquént l’endom-. mager s'il sy trouve quelque partie foible. Toutes les fois donc qu'on voudra fe proëurer le plus grand: degré de sûreté poflible, je confeille d'établir la continuité la plus exacte entre les différentes parties du conducteur. Cela fe fair très-aifément: en coupant en bec de flûte les exrrémirés de chacune des barres qui le compoñent , en les appli- quant l’une contre l’autre. & les ferrant avec: des vis. On peur même, pour plus de précaution , interpoferientre les joints des lames de plomb, qui rendront le contact plus parfait. Je n’entends cependant pas ex: lure les conduéteurs deftinés à faire des obfervarions fur l'électricité de l’ar- mofphère & des nuages orageux : ceux-ci doivent néceflairement avoir 1779. JUILLET, DE 28 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, une interruption, &,.mème être ifolés ; mais je confeillerai toujours de pratiquer cer ifolement & certe interruption dans la partie la plus élevée d’une maifon , d'obferver les précautions qu'indique M. de Sauffure dans fon manifefte pour diminuer cette interruption , & de donner au fur- plus du conduéteur toute la continuité pollible. Quatrième queftion. Jufqu'à quel point doit-on lier avec le conduéteur toutes les por- tions de métal qui fe trouvent dans le bâtiment ? Réponfe. C'eft ici le point fur lequel M. l'Abbé Toaldo infifte le plus & avec raifon ; cependant on pourroit, au fujet de cette précaution, donner dans un excès de fcrupule , qui , fans contribuer en rien à la füreté que doit procurer le conduéteur , ne feroit qu'augmenter inuti= lement les frais de fa conftruction. Il eft certain que toutes les fois que le feu de la foudre trouvera fur fon chemin le conduéteur, plutôt gun autre morceau de métal plus ifolé que lui, il s’y jettera de pré- érence, Lorfque le conduéteur donc fera extérieur au batiment, la oudre qui viendra de fon côté y entrera fans attaquer des portions . de métal qui feroient dans l'intérieur. Ainf , dans une difpofition de conducteurs , par laquelle ils garniroient à l'extérieur tous les côtés d'un bâtiment , les parties de métal qui fe trouveroient plus intérieurement, quoique féparées du conducteur, ne feroient point attaquées de la fou- dre, & même à diftance égale elle fe jertera plutôt fur un conduc- teur continu , & qui lui procurera une iflue Hibre & aifée , que fur un morceau de métal féparé, dans lequel fon mouvement éprouvera de la réfiftance. Cette précaution n’eft donc rigoureufement néceflaire que pour les parties métalliques que la foudre peut rencontrer dans fon chemin en fe portant au conducteur & avant d'y être parvenue. Jl eft certain qu'’alors elle s’y jettera, & que trouvant à leur 1ffue une inter: ruption , elle pourra brifer & détruire les corps que lui barreront le palfage & s’oppoferont à la tendance qu’elle a naturellement à fe porter vers le conduéteur qui lui offre une iflue libre. C’eft ainfi que dans l'accident des magafins à poudre de Purfleer, & dans celui de la mai- fon de M. Haffenden, la foudre seft portée fur les crampons ifolés & fur la cheminée, & en s'élançant de-là vers les conducteurs , a dé- tuit les corps qui s’oppofoient à fon palfage. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 29 \ | Ciras queflior. | ; Peut-on , fans danger , laifer le conduéteur contigu au bâtiment, foic en, dedans , foir en. dehors ; ou convient - il de lifolen dans: fa longueur, & même delle placer à quelque diftance du bâtiment? Réponfe. On a vu dans l’ouvrage de M. l'Abbé Toaldo, qu'après avoir, dans fes premiers écrits , & mème dans fes premières conftruétions adopté la méthode d'ifoler les conduéteurs , il avoit depuis changé,d’avis à-cer égard; qu'il s'étoit convaincu que cette précaution étoit non-feulement inutile , mais même qu’elle n'étoit pas aufli füre qu'il l’avoit penfé d’abord. Comme elle ne peut manquer d'ajouter beaucoup de dépen- fes & d’embarras à la conftruction des conduéteurs , je Icrois. qu'il fuffira d’être perfuadé de fon inutilité pour fe déterminer à l’abani- donner. be Le feul motif qui puiffe porter à ifoler le conducteur ,.eft la crainte de l'effet latéral de l’explofion qui le traverfe. On voit dans les explo- fions électriques d’une forte batterie ,-que quelquefois des corps qui ne font pas partie du circuit, mais qui en font très-proches, reçoivent une concuflion fenfible ; cela n'arrive, cependant que lorfque ce circuit n'eft pas parfait, & lorfque le mouvement du fluide éleétrique y éprouve quelque réfiftance ,. qui provient, ou de la nature des corps qui compofent ce circuit, ou de leur défaut de! capacité ; réfiftance qui, en le refoulant, lui fait faire un effort latéral fur les, corps con- tious ou très-proches. Mais cer effet n'arrive PS lorfque l'arc conduc- teur eft d’un métal bien continu & d’une grofieur fufhfante. De mème fi le conduéteur deftiné à préferver un édihce , pêche par un, trop petit volume , par un défaut de continuité ou pour n’ètre pas enfoncé jufqu’à l'eau ; il eft poffible qu'une explofñon violente de la foudre produife un effet latéral , qui-aille même jufqu'à endommager l'édifice. On,en a vu l'exemple dans-deux cas cités plus haur. M. Weft.2 reçu une concuflion , étant appuyé contre le mur, à portée de fon conducteur, dont la communication, avec l’eau , n’étoit: pas aflez immédiate ; le mème défaut, & celui d'une continuité sh dans les différentes parties qui compoloient le conducteur de M. Maine, a fait que. les crampons qui le fixoient contre le mur, ont été ébranlés par la con- cuffion latérale qu'ils ont efluyée ; mais un. conducteur conftruit avec toutes les précautions dont nous avons parlé , fera en état de tranfmer: tre librement & inftantanément tout le feu répandu par une explofion 39 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; de la foudre , & celui - ci n'éprouvant aucun obftacle dans fon mou- vement, ne fera aucun effort latéral, & ne caufera aucune altération aux cotps qui environneront le conducteur , & qui lui feront même contigus. La précaution d'ifoler un conducteur bien fait, ou de l’éloi- gner du corps du bâtiment, me paroît donc abfolument inutile & d'un fcrupule outré, & je penfe qu'on peut, fans courir aucun rifque, le faire Re en - dehors ou en - dedans du bâtiment fuivant la commodité. Sixième queflion. Faut-il que l'extrémité fupérieure du conduéteur foir élevée & poin- tue, ou convient-il de la faire balle & obtufe? Réponjft. Voici de toutes les queftions qu'on peut faire fur la conftruction des conducteurs, celle fur laquelle les avis font le plus partagés & qui paroît la plus difficile à réfoudre, D'habiles Phyficiens ont foutenu & foutiennent encore le pour & le contre. M. l'Abbé Toaldo , après avoir dans fes premiers écrits & dans fes premières conftruétions adopté l'ufage des pointes, les rejette en quelque forte dans fes derniers, & fem- ble pencher pour l'opinion *de M. Wilfon , qui les profcrit abfolument, 1! feroit fans doute téméraire d’ofer prononcer entre tant d’habiles gens. Je me contenterai de propofér quelques réflexions fur certe queftion; j'expoferai enfuite mon opinion, mais je fuis bien-loin de prétendre qu'elle doive faire lot. Je n’entrerai pas dans le dérail de la théorie de Péleétricité relative- ment aux pointes. On fait en général qu'un corps pointu préfenté à un corps éleétrifé, lui enleve fon éleétricité à une diftance à laquelle un corps moufle n’auroit aucune aétion fur lui , & cela en filence & fans explofon ; que le corps moule au contraire n'agit fur le corps éleétrifé, qu'à la diftance à laquelle il peut en tirér une érincelle ; que cetre diftance eft très-grande en comparäifon de celle à laquelle la pointe eut également tirer l'étincelle , & que célle qui eft tirée par la pointe eft infiniment foible & à peine vifible. M. Le Roy, dans un excellenr Mémoire fur cette matière, qu'il a lu à l'Académie dés Sciences en 1773, & dont lextraic fe trouve dans le Journal de M. l'Abbé Rozier, Tome II, page 457, à déterminé ces’ diftances refpectives avec autant de précifion quil eft poñfible. I1 a vu qu'une pointe tiroit le feu d'un conducteur éle&rifé à une diffance 36 fois plus grande que celle à laquelle une boule’ pourroic agir fut lui ; que l’action de cellé c1 ne devenoit fenfible qu à la diftance à laquelle elle pouvoir en tirer une étincelle, & qu'entin SUR L'HIST. NATURELLE ET ILES ARTS. 31 il falloit approcher la pointe 36 fois plus près du conducteur que la boule, pour pouvoir évalement tirer une érincelle. I eft bien difficile d’avoir des preuves directes de l'effet des pointes appliquées aux conducteurs. Ce n’eft que d’après les expériences électriques faites dans nos cabinets & par analogie, que nous pouvons décider fur la bonté ou le danger de leur ufage. Mais il n’eft pas aufli aifé qu'il le femble au premier coup d'œil , d'établir cette analogie dans tous fes points d’une manière bien certaine. Ce n’eft pas dans la comparaifon des effets du petit au grand, mais dans la parité des circonftances à obferver que réfide la difficulté. Il paroît prouvé tant par les expériences de M. LeRoy, que par celles de M. Nairne, donc il fera parlé plus bas , que lorfqu'un nuage chargé d'électricité s’approchera graduellement , mème avec une grande rapi- dité, de la pointe qui termine un conducteur, la pointe attirera ou difipera en filence l'éleétricité du nuage à une diftance à laquelle ce ag s'il évoit obtus, ne pourroit pas ètre frappé par l'explofion fulminante ; & par conféquent, fi ce nuage continnoit à s'approcher & arrivoit enfin à la diftance néceffaire pour donner une explofion à cette pointe , diftance qui, conformément aux mêmes expériences, eft infini- ment plus perite que celle à laquelle il frapperoit un conducteur obtus, certe explofion feroit extrèmement foible. Il y à encore un autre avantage à attendre de l'effet des pointes. On fait que les nuages orageux ont communément leur partie inférieure comme déchirée & partagée en lambeaux plus où moins pendans, & ‘que ces lambeaux font lintermède par lequel la foudre fe décharge fur les bâtimens. Le D. Franklin voulant juger l'effer que les pointes pourroient produire fur ces lambeaux fottans , imagina de les imiter ” par des flocons de coton très-lâches & crès-fléxibles , fufpendus à un conduéteur fortement éleétrifé. 11 vic que lorfqu'il leur préfentoit en- deffous un morceau de métal arrondi, ces Aocons s’étendoïent vers ce métal en s'épanouiffant & en s'éloignant du conducteur; que lorfqu'au contraire 1l leur préfentoit une pointe aiguë, ces mêmes Aocons fe rele- voient en s'éloignant de la pointe & en paroïffant la fuir, & fe rappro= choient du conduéteur. Ia conclu que les pointes éloigneroient & chaf= feroient également les lambeaux du nuage vers le nuage principal, & par conféquent mettroient le conduéteur , jauquel elles font adaptées, hors de la diftance néceffaire à l'explofion & l'en piéferveroient. La com- paraifon entre les flocons de coron & les fragmens de nuages pourra ne pas paroïtre très-exaéte; les premiers font d'une fubitance qui n'eft que très-peu déférente; c'eft lenremenv qu'ils pérdent ou qu'ils acquiè- rent l'électricité ; certe propriété ft même là caûfe du phénomène qui vient d'être cité. La rotalité du flocon éledtrifé fe porte vers la boule 32 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 3 qui ne left pas, en vertu des loix d'attraction reconnues dans l’éleétri- cité. Mais la pointe par la propriété qu'elle a de faciliter le mouve- ment du fluide éleétrique, défélectrife promptement , de loin & fans l'artirer , la:couche de coton qui fe trouve tournée Vers elle; celle-ci eft dès-lors attirée par la couche fupérieuré qui a encore confervé fon élec- tricité ; fucceflivement le mème effer fe produit de couche en couche’, && la totalité du focon s'éloigne de la pointe & fe relferte vers lecon- ducteur, Les fragmens péndans des nuages étant compofés de vapeurs aqueufes, qui font d’une nature déférente , ne paroïflent pas devoir pré- fenrer le mème phénomène. Mais leur expanfon dans un milieu de nature réliftante fair à leur égard ce que fait à l’égard du coton la na- ture réfiftante de fes parties propres. Les/parricules aqueufes féparces par des particules d'air ne reçoivent ou ne perdent leur éleétricite que graduellement; leur partie balle défélectrifée par la pointe du conduc- teur, pourra donc être attirée par la partie fupérieure qui aura encore confervé fon électricité , & s'éloigner de la pointe. On peut donc croire que dans bien des circonftances l'expérience du flocon de coton peut être applicable, & que la pointe pourra éloigner une explofion qui eùr éclaté fur un conduéteur , dont l’extrémité fupérieure feroit arrondie, Dans toutes les circonftances dont nous avons parlé jufqu'ici, un conducteur terminé en pointe ne fera jamais expofé à recevoir une forte explofen , foit parce qu'il éloignera de lui lés parties de nuage qui pourroient la lui tranfmettre, foit parce qu'il dépouillera le nuage de fon électricité, de manière que celui-ci arrivé à la diftance où létin- celle pourroit éclater, ne fera plus en état d’en donner qu’une très-foi- ble: On voit cependant des preuves certaines que des conduéteurs poin- tus ont été frappés par de violens coups de foudre qui ont fondu leurs pointes fur une longueur de plufieurs pouces, ce qui fuppofe une très- grande force. Ily a donc des circonftances dans lefquelles une pointe peur être expofée à recevoir fubirement une forte explofion. J'ai dit plus haut, qu'il pouvoit arriver que des parties de nuages non-éleétrifées vinffent par leur mobilité s’interpofer entre le nuage orageux & la terre, & former une efpèce d'arc conduéteur imparfair,. mais cependant propre à tranfmettre prefqu'nftantanément l'explofion de l’un à l'autre. Ces mèmes parties, lorfqu’elles viendront s'interpo- fer entre le nuage & la pointe du conducteur , pourront fervir de véhicule à lexplofon de la foudre qui jouira de prefque route fon énergie au moment où elle entrera par la pointe, & pourra par con- féquent la fondre & la diffiper. J'ai cherché à comparer dans ce cas l'effec des pointes à celui descorps ronds, autant que cela fe peut par les expériences électriques. J'ai établi un circuit interrompu compolé d'un cylindre de cuivre ifolé, de l'extrémité duquel je pouvois De : cher A SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3; cher ou éloigner à volonté une pointe ou une boule de métal d’envi- ron 6 lignes de diamètre , qui par utie chaîne communiquoit à la fur- face extérieure d’un bocal d'environ un pied & demi quarré de furface armée. J'ai chargé ce bocal affez fortement & roujours au même degré, & j'en ai excité la décharge en appliquant une des extrémités d'un exci- tateur garni d’un manche de verre au cylindre de cuivreifolé , & en touchant de l'autre extrémité la garniture de la furface intérieure du bocal. Par ce moyen, la totalité de la décharge du bocal fe préfentoic inftantanément à l’extrémité du cylindre & vis-à-vis de la boule ou de la pointe qui achevoit le circuit. Voici à-peu-près le réfulat de ces expé- riences. La boule recevoit Pexplofon jufqu'à une diftance de huit lignes, & le bruit annonçoit qu'elle étoit rotale & réunie. A neuf lignes l’ex- plofon ne traverfoit plus & il ne fe faifoit pas de décharge, ce qu'on reconnoifloit , parce que la divergence d’un éleétromètre communi- quant à la furface intérieure du bocal ne diminuoit pas fenfiblement. La pointe recevoir l’explofion totale réunie & bruyante jufqu'à la diftance de 10 lignes, & fi c’eùr été celle d’une batierie de 16 bocaux & de 25 pieds quarrés de furfice armée , que je fais conftruire main- tenant, & qui n'eft pas encore achevée, je fuis certain que l’on eût re- marqué des fignes de fufon à fon extrémité. A 11 lignes, l'excitateur, au lieu du bruit ordinaire de l’explofon , excitoit ce bruiflement pro- longé que j'ai comparé aux coups de tonnerre qui, comme on le dit vuloairement , déchirent le tafferas. On voyoit un trait defeu plus foible mais plus durable pafler à la pointe, & l’éleétromètre , qui lors de l’ex- plofon totale s’abattoit fubirement, ne perdoit plus alors fa divergence que graduellement. Les mêmes effets diminuoient en force & augmen- toient en durée à mefure qu’on éloignoit la pointe jufqu’à une diftance de trois pouces & davantage. À 6 pouces il ne fe faifoit plus de bruiffe- ment, on voyoit une très-petite lumière fur l'extrémité de la pointe, & l'électromètre s’abaifloit lentement. J'ai varié depuis ces expériences avec un autre appareil , & les ré- fultats que j'en ai obtenus m'ont étonné. Ils méritent d’être décrits un peu en détail. J'ai élevé fur deux colonnes de verre deux tiges de cuivre horifon- tales qui traverfoient des canons de cuivre faifant reffort, & dont les extrémités, qui fe préfentoient diamétralement l’une contre l'autre, s’éloignoient ou fe rapprochoïent à volonté. Je pouvois garnir ces extrémités d’une boule d’un pouce de diamètre ou d’une pointe de cuivre. J'ai fait communiquer une de ces tiges avec la furface extérieure du bocal, donc j'ai parlé plus haut. En appliquant à l'autre tige une des excrémités de lexcitateur ifolé, je pouvois toucher de fon autre extrémité la gar- Tome XIV, Parc. II. 1779, JUILLET: :E 34 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, niture de la furface intérieure du bocal, & faire par conféquent que la totalité de fa charge vint fe préfenter à l'inftant à la féparation des deux tiges. J'ai fait fucceflivement communiquer le conducteur auquel évoit annexé le bocal au principal conducteur de ma machine , & à fes couffins ifolés, & par conféquent j'ai chargé la furface intérieure du bocal tantôt pofitivement, tantôt négativement , mais toujours a mê- me degré. Je m'aflurois de l'égalité de la charge par un éleétromètre de M. Henley qui communiquoit avec le bocal. I. Lorfque les deux boules fe préfentoient l'une à l’autre, foit que le bocal fût électrifé pofitivement, foit qu'il le füt négativement, l’ex- plofion les traverfoit à environ huit lignes de diflance ; un peu au-delà il ne fe faifoit ni explofñon ni diminution fenfible dans la charge. 11. Ayant laiffé la boule du côté qui répondoit à la furface intérieure du bocal, & mis une pointe vis-à-vis à l’autre tige, j'ai éleétrifé pofi- tivement , & de manière que l’explofion fut obligée de fortir par la boule & d'entrer par la pointe. L’explofion totale & réunie a eu lieu jufqu'à la diftance d'environ 14 lignes. Pañé ce terme, il n’y avoit plus qu'un fifflement accompagé d’une diffipation graduelle & lente de la charge fans explofon. HI. J'ai életrifé comme ci-devant en changeant feulement refpe&i- vement de place la boule & la pointe, de manière que l'explofion totale fortoit par celle-ci & entroit par la première. L’explofion totale a eu lieu jufqu'à la diftance de 34 lignes, & la diflipation gra- duelle n'a commencé que vers 35 lignes. Surpris d'une différence auf confidérable, ma première idée fur d'en conclure que l'éleétricité fort d’une pointe avec plus de facilité qu’elle ny entre; qu'une pointe communiquant à un conducteur élec- tifé pofitivement , lance le feu éleétrique à une diftance à laquelle cette mème pointe communiquant à un conducteur négatif ne peut pas l’attirer; qu'une pointe préfentée vis-à-vis d'un conducteur négatif, lui fournit l'électricité qui lui manque à une diftance à laquelle elle ne peut pas foutirer celle d’un conducteur pofitif : cependant comme dans les expériences précédentes le fyftème pofitif éroit le feul qui für doué d’une électricité active, le fyftème négatif étant lié avec la mafle du globe, j'ai penfé que peut-être cette aétivité agifloit fur la pointe de manière à lui faire lancer le feu de plusloin lorfqu'elle communi- quoit à la furface intérieure du bocal ; que lorfqu'elle n'avoir commu- nication qu'avec la furface extérieure & avec le magafin commun , l'activité ne fe rouvoit que du côté de la boule , & qu'ainfi la pointe ne pouvoir pas alors déployer en entier fon ation. C’eft pour vérifier fi cette dernière caufe influoit réellement fur ces phénomènes , que j'ai répété ces expériences en fens inverfe , en éleétrifant négativement la furface intérieure de la bouteille; car dans ce cas l’activité étant du SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 35 côté de l'électricité négative , les phénomènes devoient fe trouver les mêmes s'ils dépendoient de certe activité , & devoient au contraire être entièrement oppofés, s'ils métoient produits qué par la différence de l'influence des éleétricités pofñtive & négative fur laétion des ointes. IV. J'ai életrifé négativement ayant placé la pointe du côté de [a furface intérieure du bocal, & la boule du côté qui communiquoir à fa furface extérieure; de manière que le feu électrique fortit de celle-ci pe pafler à la première. L’explofion s'eft faite à-peu-près comme dans e N°.Il, c’eft-à-dire, jufqu'à 15 ou 16 lignes au plus, & pour peu qu'on augmentat cette diftance, 1l ne fe faifoit plus qu'une diflipation graduelle accompagnée de fifflement. V. En mettant la boule du côté de la furface intérieure du bocal & & la pointe du côté de fa furface extérieure , de manière que la pointe donnât & la boule reçüt le feu électrique, l’explofion à-peu-près com- me au N°. IL, a eu lieu jufqu'à la diftance de 32 à 33 lignes. J'ai répété ces expériences plufeurs fois avec des réfultats qui ne varioient que d’une ligne ou deux tout au plus , ce qui eft inévitable &e ne change rien aux conféquences qu’on en peut tirer. Îl faut remarquer aufli que les différens diamètres des boules & les différentes finefles des pointes qu'on, employera, lorfqu'on voudra les répéter , apporteront quelques changemens à ces réfultats. J'ai donc été obligé d’en revenir à ma première idée , & de recon- noître qu'une pointe communiquant à un fyftème pofitif, tranfmettra une explofion à une diftance qui eft au-delà du double de celle à la- quelle elle pourra la recevoir lorfqu'elle communiquera à un fyftème négatif. Ce fair qui me paroît nouveau , n’en ayant trouvé nulle part aucune mention, eft intéreffant pour la théorie de l'éleétricité en général (1). RE M TE te NE (1) Les expériences qui viennent d'être rapportées , ayant toutes été faites par la dé- charge de la bouteille de Leyde, ondeur objeétera peut-être qu'il n'eft pas certain que celle de la foudre foit de même nature ; qu'elle doit plutôt étre comparée à celle d'un conducteur fimplement éle&trifé. Ces deux décharges font intrinféquement de même nature. On en voit la preuve dans la feconde partie d'un Mémoire intéreflant de M. Volta fur la capacité des con- duéteurs électriques , dont j'ai envoyé la traduétion à M. l'Abbé Rozier & qui pa- roîtra probablement dans fon Journal. 11 y prouve par l'expérience, que la décharge de la bouteille de Leyde ne différe de celle d’un conduéteur éleétrifé qu'en proportion de la différence des capacités ; que celle-ci peut de même que la première faire re{- fentir la commotion ; qu'en rendant la capacité d'un conduëteur égale à celle d'une bouteille , il n'y a aucune différence dans l'effer de la décharge de l’une & de l'autre; 1779. JUILLET. E2 36 OBSERVATIONS SUR LÀ PHYSIQUE, Ces expériences font voir qu'une pointe, qui à peine peut recevoir une explofon fenfble , lorfqu’elle fe préfente immédiarement à un con- ducteur ou à la garniture d’un bocal éleétrifé , peur en recevoir une très-forte, lorfque celle-ci lui parvient médiatement par lirterpofition d’un arc conducteur. Elles montrent par conféquent la- caufe des explo- fions fulminantes qui ont fondu ou diffipé des pointes de conducteurs. 11 femble aufi d’après les réfulrats , que de femblables explofions médiates de la foudre s’élanceront de plus loin fur un conduéteur pointu que fur un conduéteur obtus; de plus loin fur le premier lorfque le nuage fera négatif, que lorfqu'il fera poñtif ; & ces expériences fem- blent offrir la plus forte objeétion qu'on puifle faire contre les conduc- teurs pointus. Mais il faut obferver: 1°. que ces différences de dif- tance, fi elles ont lieu, doivent être infiniment moindres que celles qu'on a vues dans ces expériences. Les portions de nuages dont j'ai parlé, ne peuvent faire que très-imparfaitement la fonétion d'arc conduéteur. La propagation de l'explofon s’y fera toujours aflez fucceflivement, pour que les pointes aient le tems d'exercer la faculté qu’elles ont d'en difliper une partie, & ce qui en reftera ayant perdu de fa tenfion ne pourra plus sy élancer de fi loin, tandis qu'un conduéteur obrus ne caufe aucune diflipation préalable , & reçoit l’explofion dans toute fa force. 2°. Nous avons vu dans toutes ces expériences , que pañlé le terme , auquel les pointes pouvoient recevoir l’explofion, elles procu- roient la difipation fucceflive de l'éleétricité , tandis que les boules au- delà du terme de l’explofon , n’y caufoient point de changement fen- fible. 3°. 11 eft à croire que cette efpèce d’explofion médiate n’eft pas la plus commune; Œu Pie du tems c’eft le nuage même chargé d'éleéhicité, ou quelqu’une de fes branches So ne avec lui, qui s'approche de nos bâtimens pour les frapper, & l’efhcacité des pointes dans ce dernier cas eft prouvée d’une manière inconteftable. D'après toutés ces confidérations , fans ofer prononcer définitivement fur l’ufage des pointes en général, je me hafarde feulement à propofer mon opinion fur ce fujer. Dans l'application des conducteurs aux édifices on peut fe propofer que pour que la commotion fe faffe reffentir , il n’eft pas néceffaire de fuppofer , comme dans l'expérience de Leyde, deux furfaces rapprochées, l’une pofñirive & l'autre néga- tive, & un courant de feu qui aille immédiatement fe rendre de l'une à l'autre, mais qu'il faffit que ce courant puille traverfer librement & inftantanément le corps qui lui eft expofé. Ce Mémoire répond au probléme propofé dans le Journal de Phyfique de Fé- vrier 1777, & ne doit laiffer aucun fcrupule fur l'application des expériences faires par la décharge de la bouteille de Leyde à l'explofon de Ja foudre, A SURCLHIST NATURELLE" ET LES ARTSN 37 deux objets: l’un de préferver uniquement un bâtiment de la foudre, en offrant à une explofion quelconque qui viendra le frapper, un chemin qui la conduife en entier dans l'intérieur de la cerre fans danger pour le bâtiment ; l’autre de diminuer l'électricité que contient le nuage orageux , & par conféquent le danger de fon explofion , même pour les édifices qui entourent jufqu’à une certaine diftance celui qui eft armé. } Il eft certain que pour remplir complètement le premier objet l’ufage des pointes n'eft pas néceflaire. Lorfqu’un édifice fera garni d’un con- duéteur mérallique d’une capacité fufhfante , bien continu , en contact parfair avec les eaux de l'intérieur du globe, & qui fe préfentera de tous côtés à la foudre de préférence à toute cu pane du batiment , que que foit la violence du coup qui pourra l'aflaillir, &: quelle que oit la forme du conducteur, pointue ou obtufe, ce coup pourra bien laiffer quelques traces de fon entrée dans le conducteur & quelque marque de fufñon , mais une fois entré il le traverfera fans effer fenfble, & fans danger pour le bâtiment. Pourquoi cependant s’en tenir à ce premier effer, fi fans augmenter les rifques on peut fe promettre de remplir jufqu'à un certain point le fecond , dont l'utilité ne fauroit être conteltée. Or, il n'y a que les pointes qui foient en état de l’effetuer. Un conducteur qui en eft dé- pourvu, n’a aucune action fur la nuée qui ne fe trouve pas affez à fa por- tée pour lui donner une explofion. Les pointes au contraire , ainfi que nous l'avons vu , agiflent à une grande diftance fur l'électricité des nuages en la foutirant. On'en a des preuves directes dans les feux qui brillent fouvent au fommet de ces pointes par des tems d'orage. Mes voifins en ont apperçu fur les pointes qui terminent le conducteur que j'ai adapté à ma maifon il y a déjà quatre ans, & qui s'élèvent de douze pieds au- deffus de mon toîr. Ces pointes font en argent , au nombre de cinq, de la longueur de 6 pouces, dont une verticale & quatre autres en croix faifant avec la première des angles d'environ 6o ce pour fe préfenter avec avantage aux différentes directions, par lefquelles les nuages peuvent s'en approcher. Mes voifins ont vu, dis- je , une flamme au fommet de chacune de ces cinq pointes, dans un mo- ment où un nuage orageux , qui d’ailleurs ne fit aucun dégoût, palloit au-deflus. Preuve certaine qu'une partie de l'électricité. du nuage tra- verfoit ces pointes en filence pour fe perdre en terre. On peut croire que la quantité d'électricité qui fe diflipe ainfi eft affez grande; on voit la pointe d’une aiguille enlever & détruire en une feconde ou deux l'éleétricité d’un vafte conduéteur qui ne laille pas d’être confidérable ; on peut juger qu'il dir s’en difliper beaucoup par les pointes d’un con- duéteur , dont on voit la flamme durer pendant plufeurs minutes. { 38 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Si, conformément aux expériences que j'ai rapportées , il peut y avoir des cas où l’explofion d’un nuage orageux atteigne de plus loin un conduéteur pointu qu'un autre qui feroit obtus, j'ai dir que ces cas ne devoient pas être fort cemmuns, que ces différences ne feront pas très- confidérables, & qu'alors l’un & l'autre conduéteur fera également en état de diffiper cette explofion fans danger. Paflé le terme de ces diffé- rences, le conducteur pointu reprend fa propriété de diminuer la force de l’explofion en la rendant fuccefive. Quant à ce qui concerne l'élévation du conduéteur au-deflus du bâtiment, je crois qu’on peut conclure de ce qui a été dir, que lorfqu'il fe terminera en pointe, on fera bien de l’élever autant qu'il fera pof- fible. Plus. il le Eu plus il pourra déployer fon pouvoir préfervatif , ans qu'il coure aucun danger de plus en raïfon de cette élevation. Lorfqu’au contraire on fera fon extrémité obtufe, on ne l'élévera qu'au- tant qu'il eft néceffaire pe qu'il fe préfente à la foudre de préférence à toute autre partie du batiment. L'objet alors n’eft pas d'aller au-de- vant de l'explofion , mais de lui préfenter feulement une iffue qui uifle la tranfmettre à la terre direétement & fans danger. C'eft fans fondement qu'on pourroit craindre que les conduéteurs pointus, de mème que ceux qui ne le font pas, n'attiraflent la feu- dre fur les bâtimens voifins ; un conduéteur, quel qu'il foit,ou n’attire pas la foudre, ou n'attire que celle à laquelle il offre une iffue pour fe diffiper. Un conduéteur obtus préferve le bâtiment auquel il eft adapté, fans augmenter le danger de ceux qui lenvironnent ; un conduéteur pointu le diminue. M. l'Abbé Toaldo , dans le fupplément, fait mention des expériences qui ont été faites au Panthéon e Jondres fur l'effet des conducteurs terminés en pointe, comparés à ceux qui fe terminent en boule, & dit, que l’opinion des perfonnes indifférentes avoit paru pencher en faveur de ces derniers. Au moment où ces confidérations étoient achevées & rèces à être imprimées, 1] m'eft tombé dans les mains, dans le cahier d'O&tobre 1778 d'un Journal qui paroît à Leipfc en langue Alle- mande , fous le titre de Mufeum Allemand , une lettre de M. Liechren- berger, Profeffeur à Gottingue , qui rapporte ces expériences , & celles qui ont été faites en conféquence par M. Nairne. Je crois faire plaifir à mes lecteurs en ajoutant 1ci l'extrait de cette lettre , & le détail de ces expériences, qui, à ce que rapporte M. Liechtenberger , lui a été fait par un Anglois habile Phyfcien qui en a été témoin oculaire ; d'autant plus qu'il me paroiït que les conféquences qu'on en peut tirer font abfolument oppofées à celles qu'annonce M. l'Abbé Toaldo. M. Wilfon , auteur des expériences du Panthéon, dont la falle eft une des plus vaftes qu'on connoïfle, y avoit fufpendu &'ïfolé un fil SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 39 de fei d’une longueur prodigieufe , dont les différentes circonvolutions étoient éloignées les unes des autres de crois à quatre pieds, & qui com- muniquoient à un conduéteur d’une étendue confidérable. Ce conduc- teur confiftoit en plus de cent vingt gros tambours de laiton recouverts d'étain battu & ee à la file de manière à former trois cylindres contigus , qui fe rejoignoient en potence. Au-dellous’ d’une des extré- mités de ce conducteur , il avoit établi une petite maifon de bois féché au four.d’environ deux pieds en quarré, pofée fur une planche & atta- chée à un gros contrepoids qui pouvoit la faire glifler rrès-rapidement le long d'une couliffe de huir à neuf pieds en longueur. À l'extrémité du conducteur en-deffous tenoit une boule de métal d'un pouce - de diamètre. (1) Le long de la petite maïfon du haut jufqu'au plancher croit fixé un fil de fer, qui repréfentoit le conduéteur de la foudre. M. Wilfon ayant placé la petite maifon à l'extrémité la plus éloignée de la couliffle, & mis fur fon toît une pointe de métal de 3 à 4 pouces de long en contact avec le fil de fer qui fervoit de conducteur, fit faire fept ou huit révolutions au globe de la machine électrique. Aufi- tôt il lâcha le contrepoids , qui fit approcher rapidement la petite mai- fon de la boule , qui étoit fous lé conducteur. La pointe reçut une explofion à une petite diftance. Lui ayant fubftitué une tige furmontée d'une boule, l'explofion s’élança quelquefois de plus loin , quelquefois de plus près qu'avec la pointe. Quelques perfonnes ont cru remarquer que la tige de la boule étoit de quelque chofe plus courte que celle dela pointe, & qu'ainfi la première fe trouvoit toujours à une plus grande diftance du conduéteur. Il eft aifé de voir quel étoit dans ces expériences le but de M. Wilfon. Le grand conduéteur repréfentoit une nuée orageufe : comme il eût ére. difficile de lui faire imiter le mouvement des nuées, il a rendu la maifon mobile pour pouvoir l'en approcher à volonté. Si l'explofion eût toujours éclaté de plus loin fur la pointe que fur le conduéteur obtus, M. Wilfon auroit eu raifon & le procès feroit jugé en faveur de ce dernier. On ne peut pas nier que cela ne foit arrivé quelquefois ; plufieurs perfonnes inftruites dans cette partie , & des Membres mème de la Société Royale l'ont vu. Mais cela n’a pas eu lieu conftamment, .&:M. Liechrenberger penfe , avec raifon, que de ces expériences faires avec:un appareil très-confidérable & rrès-compli- qué, dans lefquelles des circonitances qu’on ne pouvoit pas reconnoi- tre ont pu donner lieu à ces variations , fans fuppofer aucune mau- vaife foi dans la manière de les faire, on ne peut rien conclure contre (1) Toutes les dimsenfions dont il eft queflion déns ces expériences , ont rapport au pied de Londres. — % / 4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'ufage des pointes auquel tant d’autres ont été favorables. Cela paroît confirmé par les expériences de M. Nairne, faites avec un degré de juitefle & d’exactirude auquel on ne peut rien ajouter , qui, à ce qu'on prétend , ont mis M. Wilfon, qui en a été témoin, hors d'état de rien répondre, & qui ont fait décider qu'il convenoit de terminer en pointe très-aigue les conducteurs pour les magafins à poudre. Voici le détail de ces expériences. La machine éleétrique que M. Nairne a employée confifte en un cylindre de verre de 18 pouces de diamètre. Le principal conducteur a 6 pieds de long & 1 pied de diamètre; il eft en bois, recouvert de feuilles d’étain , & élevé à $ pieds de terre par deux colonnes de vérre recouvertes de cire d’Efpagne. De l'extrémité de ce conducteur s'avance une boule de laiton de 4 pouces ? de diamètre. Vis-à-vis cette boule & dans la ligne horifonrale prolongée du con- ducteur principal, M. Nairne avoit établi fur un pied de bois recouvert de feuilles d’étain , un petit conducteur confiftant en un cylindre de laiton de deux pieds de long & de 4 pouces de diamètre communi- quant avec le plancher. Ce conduéteur étoit mobile de manière à pou- voir être approché ou éloigné de la boule. M. Nairne ayant villé à l'extrémité antérieure du petit conducteur une boule de laiton de 4 pouces de diamètre, fit agir la machine. Les étincelles qui étoient de la plus grande force éclarèrent d’une boule à l'autre à 17 pouces + de diflance. Ayant fubftitué à cette boule une autre d’un pouce de diamètre, les étincelles n’éclarèrent plus qu'à 15 pouces :. Une boule de 2: de pouce ne tiroit plus l’étincelle qu’à un demi pouce. Ayant mis à la place une pointe , elle enleva l'électricité du conducteur à toute diftance entre o & 17 pouces i. M, Nairne ôta la pointe, & mit à fa place un cylindre de cire d'Efpagne de 10 pou- ces de long & d’un pouce de diamètre, fur lequel 1l avoit fixé 10 pe- tices barres de métal diftantes l’une de l’autre d’un demi-pouce , qui formoient un conducteur interrompu , à l'extrémité duquel étoit une pointe de fer très-aiguë , qui fe préfentoit vers la boule du conduc- teur. À la diftance de 6 pouce +, de 6 pouces i, & même de 7 pou- ces + il s'élançoit de fortes érincelles fur A pointe, qui ne pouvoit plus diffiper l'éleétricité en filence à caufe des interruptions du conducteur. En mettant à la place de la pointe une boule de-?- de pouce, les étin- celles partoient à 8 pouces +, & à 8 pouces À lorfque la boule étoit d’un pouce : de diamètre. M. Nairne ta le petit conduéteur, & en établit un autre qui étoit lié au conducteur principal par le moyen d’une chaîne; il vouloit lui faire repréfenter un nuage mobile; en conféquence il Férablit en équi- libre & mobile fur fon axe comme un fléau de balance au fee € SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 1 de la colonne de ‘verre qui l’ifoloit. Ce nuage artificiel confiftoit en une pièce de bois recouverte d’étain, de 6 pieds de long & de 4 à $ pouces de diamètre, aux deux extrémités de laquelle il avoit fufpendu avec des fils de fer deux baflins ou boîtes de fer blanc de poids égal , de ro pouces de long & de 8 pouces de diamètre. Cette efpèce de nuée confervoit fon équilibre pendant qu’on éleétrifoit, & qu'on tenoit à 12 pouces de diftance fous une de fes extrémités une boule & fous Pautre une pointe de métal , pour diffiper fon électricité. M. Nairne s’affura qu’elle ne fe diffipoit que par la pointe, & que la boule n'y con- tribuoit en rien , parce qu'ayant ôté celle-ci, la nuée continuoit à gar- der fon équilibre, & qu'on voyoit à l'extrémité de la pointe le feu électrique qui y entroit. Ayant ôté la pointe & lui ayant fubftitué la boule, l'extrémité de la nuée s’abaiffa vers celle-ci pour lui donner une étincelle , & fe tint conftamment à la diftance néceflaire pour que l'étincelle continuât à éclater. M. Nairne ôta enfuite les baflins de fer blanc & plaça fa nuée artificielle à quelque diftance du conduéteur re al, de manière quelle pûr cependant fe charger d'électricité ; a nuce continua à garder fon équilibre , tant qu'on lui préfentoit la pointe foit feule foit en mème-tems que la boule. Mais dès qu'on ne lui préfentoit que celle-ci, la nuée s’abaifloir vers elle pour Lee don- ner une étincelle , fe relevoit enfuite pour en tirer une du conduéteur, fe rabaifloit de nouveau, & continuoit ainfi à fe mouvoir , même après qu'on avoit ceflé d’éle&rifer, jufqu'à ce qu’elle eût épuifé toute l'électricité du conduéteur , & J’eût tranfmife à la boule. Une pointe qui communiquoit à des morceaux de métal interrompus difpofés le long d'un bâton de cire d'Efpagne , produifoit le mème effet que la boule. Lorfqu’on rendoit immobile ce conducteur qui repréfentoit la nuée, & qu'on le plaçoit à une diftance de 3 pouces du principal conduc- teur, le premier donnoit l’étincelle à une pointe à 2 pouces £, & mè- me à près de 3 pouces de diftance ; mais M. Naïrne remarque avec rai- fon qu'on ne peut pas fe figurer qu'une nuée foit fixe & immobile. Pour faire voir le peu de jufteffe des expériences que M. Wilfo avoit faites avec famaifon mobile. il plaça fous fon principal conduéteur un appareil qui confiftoit en un bâton de trois ou quatre pieds de long, à une des extrémités duquel étoir attaché un gros poids de plomb ; un Le au-deflus du poids , le bâton éroit craverfé par un axe de fer, fur equel le poids pouvoit le faire ofciller de manière que fon autre extré- mité: décrivit des arcs fort érendus z& étant placée fous le conduéteur repréfentat les effets de la maifon de M. Wilfon. Le tout étoit recou- vert de feuilles d'érain & avoit une communication parfaite avec le plancher, Il mit au haut du bâton une pointe de fer ; un petit garçon fenoit cette pointe abaillée vers la terre pendant qu'on commençoit à Tome XIV, Parr, II. 1779. CRONIUITE DE TUE 4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, électrifer, & la lâchant enfuite, le poids de plomb la relevoit précipi- tramment & la faifoit ofciller de côté & d'autre en pafflant fous le conduéteur. Lorfque la pointe pañloit à de pouce du conducteur, il y avoit une étincelle. Mais à = de pouce de plus, éle&ricité s'en échap- poit déjà en filence. Avec une boule de -- de pouce, l'étincelle écla- toit à & de pouce; & elle avoit lieu à 1 pouce +, lorfque la boule avoit un pouce -* de diamètre. Lorfqu'on fxoit au conduéteur , comme M. Wälfon l'avoir fait au fien, une boule d'un pouce # de diamètre, l’étin- celle éclatoir fur une pointe à 1, pouce +, mais fur une boule d’un pouce elle éclatoit à 10 pouces + & même à 12 pouces. M. Liechtenberger conclut avec raifon , que ces expériences imagi- nées avec infiniment de fagacité, & exécutées avec la dextérité & la précifion qu'on connoîr à M. Nairne, laiflent-les adverfaires des pointes dans l'impoffbilité -de: leur rien oppofer. Je remarque alone “qu'elles n'ont guères rapport :qu’à l'explofion que donneroit immé- diatement à la pointe d’un conduétéur un nuage électrifé. Elles prou- vent fans replique, que cette explofion né pounvit avoir lieu qu'à une diffance infiniment petite par comparaifon: à celle où un conducteur moufle pourroit la. recevoir ; qu'au-delà de cette diftance , la pointe attirant en filence l’éle@tricité ‘du nuage , {la idifipe fans effet fenfble , &garantit par -conféquent même les > bâtimens des environs ; elles ptouvent que tour au moins les pointes ne follicitent point l'approche du nuage orageux , tandis qu'un conduéteur obtus peut lattirer vers lui : (1) elles prouvent enfin qu'une pointe ne produit tous ces effets falutaires, qu'autant qu’elle communique à la terre par’ un’ conduéteur non interrompu; que: lorfque cette communication na pas lieu, la pointe eft prefqu'aufli expofée qu'un corps arrondi à l’explofion de la foudre ; & elles :confirment lé danger. auquel les portions de métal pointues qui fe trouvent au haut des Eglifes &c. d’autres édifices ne les Expofent que trop fouvent.… #11, ù Je defrerois que M. Naïrne pût ie & refaire avec le mème foin les expériences que j'ai rapportées relativement à l'explofion que les pointes péuvent recevoir; médiatement. Je fuis perfuadé par l’ébauche que j'en ai préfentée, que leur réfultat feroit en total également favo- sable à l'ufage des pointes, Je conclus donc cet article, en:difant qu'un conduéteur fans pointes (x) Si une pointe n’attire en aucune marièré un conduëteur continu & très- mobile dont elle foutire l'éleétricité ;fontpeut croire que lorfque les parties de ce conducteur {eront féparées & interrompues ; comme le font celles:des-lambeaux pendans des nuages, une pointé, les éleëtrifera graduellement, & fera qu'elles fe reflerreront contre Je nuage principal, Par. conféquent l'application de l'expérience des flocons de coton du D. Fran- klin ,n'eft pas dénuée de probabilité. Sr | À L , l | £ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4; peut très-bien remplir l’objet auquel il eft deftiné, mais que je préfc- rerai toujours celui qui fera garni d’une ou de plufeurs pointes, Septième queflion. À quelle diftance s'étend le pouvoir d’un conduéteur pour préfer; ver de la foudre ? Réponfe. Il eft bien clair que cetre queftion ne tombe que fur les conducteurs qu'on termine en pointe. J'ai dic plus haut qu’un conducteur fans poin- res ne préferve que l'édifice auquel il éft adapté ; encore faut-il pour le préferver en entier qu'il foit difpofé de manière que de toutes parts la foudre puitfe lé frapper de préférence à toute autre partie de métal expofée das le haut BEenc | Maïs j'ai dit auffi que les pointes joignoïent à cet avantage celui d'étendre à une plus grande diftance la sûreté qu’elles procurent. On peut aifément juger combien il eft impoñlible de fixer certe diftance. Elle dépend d'une infinité de circonftances ‘variables, de la grandeur des nuages, de leur’ éloïgnement:, de ‘la quantité d’éleétricité qu'ils contiennent , de leur direction , de leur mouvement , de la manière dont ils fe préfentént Aux pointes ; car il eft certain que l'action de celles-ci eft extrèmement diminuée, lorfque leur direction n’eft pas perpendi- culaîre au nuage; c'eft pour cela que j'ai terminé le conduéteur de ma maifon par des pointes inclinées. en différens fens. À mefure que ces circonftances feront plus fivorables, la proréétion des pointes s’éren- dra plus loin. ë À LE | Le feul exemple dont nous puiffions faire ufage pour le moment, eft celui de li foudre tombée Fra maïfon de M. Haffenden, dont on a parlé plus haur. Celui des magañns de Purfieét neft point appli- cable, puifque leur conduéteur fe cerminoit par une pointe très-moulle, & par conféquent ne pouvoit avoir que peu ou point d'action. La che- minée de M. Haffenden, fut laquelle là foudre ‘eft tombée, éroit à ço pieds de diftance de fon conduéteur. Célüi-ci ne s'élevoit que de cinq pieds au-deflus de la cheminée, à laquelle il écoit adapté. Il fe termi- noit en une feule pointe dorée, I] paroît que Tes circonftances étoient dans ce cas exttèmement défavorables. L'orage venoit de côté, dirigé par une colline , fut laquelle la maifon eft fituée , & hors d'état de reffentir l'influence de la pointe qui étoit peu élevée & verticale. Ce- pendant cer exemple indique qu'on feta bien en géñéral .lorfqu'on voudra RE LES le plus grand JU de sûreté poflible pour un. bâti- ment”fort long, d'y élever une barre pdintue à chaque extrémié, & d'érablir'entre ces barres une communication” métallique. Pr" 1779 ICI TL ENT UN EPz ( 44 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Huitieme queflion, N'y a-til pas un furplus de précautions à prendre pour des bâtimens d'une nature crès-dangerçufe tels que des magafins à poudre ? Réponfe. Pour un bâtiment ordinaire on fe contente de donner à la foudre ; qui pourroit le frapper, un conduit & une iffue qui puifle la cranf- mettre jufques dans l’intérieur de la terre. On ne craint pas que ce conduit fait contigu au bâtiment ou pafle dans fon intérieur; on ne craint pas mème d'y pratiquer quelque SE interruption, pour obfer- ver la marche & Îles phénomènes de l'éleétricité de etes Mais -il n’en eft pas de même des magafins à poudre. La plus perite étincelle électrique qui éclareroit dans leur intérieur, pourroit ètre la caufe d'un accident terrible, & l'on doit y pouller les: précautions jufqu’au feru- pule. Lorfqu’un conducteur eft d’une capacité fufifante , bien continu; & qu'il plonge exaétement dans l’eau , on ne conçoit pas qu'il puiffe s'en échaper la moindre étinçelle de feu électrique ; comme cependant cela pourroit arriver par quelque çaufe inconnue, il fera, je crois ,. préférable de placer le conducteur extérieurement, & d’en établir deux». “un à chaque extrémité du bâtiment, conftruits avec toutes les précau- tions qui ont été recommandées. Je penfe qu'ils peuvent fans danger être contigus au bâtiment, & qu'il n’eft pas nécellaire de les établir ;. comme on l'a propofé, fur des mâts fixés à une certaine diftance. IL feroit à defirer que les magafins à poudre n’euffent dans leur éonftruétion aucune partie métallique extérieure , faillante , & expofée. par conféquent à être frappée immédiarement par la foudre. Sil s'en trouvoit cependant, il faudroit avoir foin de les réunir au conducteur par un lien métallique , dont on rendit la contiguité avec l'un & l'autre parfaite. Je penfe qu'au moyen de ces précautions , les magafins feront, garañtis des dangers de la foudre. Avant de finir je ne dois pas omettre deux obfervations relatives à. R conftruétion des conducteurs. … La première, eft que les goutrières & les tuyaux de décharge dont bierr des édifices font garnis, forment d’excellens conducteurs , qu'il ne s'agie. plus de rendre bien continus , d’armer d’une pointe dans le haut, & de faire communiquer avec l’eau dans le bas; pour les rendre bien, arfaits. Aïnfi en conftruifant un édifice on fera ou de difpofer tour, fe fuite ces gouttières &c ces tuyaux demanière à pouvoir remplirégale-, ment la double fonétion de conduire les eaux & de décharger des SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4; Cela évirera les frais d’ane conftruétion particulière pour ce dernier objet. Le bâtiment le plus complètement armé , feroit celui fur le fommet du toît duquel règneroit tout du long une bande de plomb fervant de faitière, communiquant à de femblables bandes qui en recouvri- roient les arrères & viendroient aboutir à des goutrières regnant tout autour , & ayant aux angles des chénaux ou tuyaux de décharge qui viendroient jufqu'à terre ; de l'extrémité de ceux-ci on pratiqueroit une communication métallique jufqu’à l’eau, & au fommet de chaque extrémité du bâtiment on éleveroit une barre de fer haute & terminée fé plufieurs pointes d’un métal qui ne püt pas fe détruire ou fe rouil- er à l'air. La feconde obfervation eft que lorfqu’on voudra pratiquer un con- ducteur à un édifice, fur-tout lorfqu'on l'établira pendant l'été & que fa conftruétion devra durer quelque-tems, on fera bien de com- mencer par fa partie inférieure en prenant depuis l’eau & en remon- tant. En commençant par le haut, on pourroit craindre qu'il ne furvint dans l'intervalle quelque coup de foudre qui frappàt la partie fupé- rieure encore ifolée & n’endommagcit l'édifice. Je fuis bien éloïgné de me flarter d’avoir donné un réfolution fatis- faifante des différentes queftions que j'ai propofées relativement aux con- ducteurs. Je defire que d’habiles Phyfciens, & fur-tout les Compa- nies Savantes , juges naturels des objets de cette nature, travaillent à les décider & à fixer invariablement les opinions far une matière auffi importante. Cela n’eft cependant peut-être pas poflible fur tous les points. Il faudroit beaucoup plus d’obfervations que nous n’en avons encore. Le moyen d’en augmenter le nombre, eft de multi- lier les conducteurs conftruits de différentes manières. C’eft à quoi Ê& exemple & leurs exhortations peuvent conduire. On a vu dans l'ouvrage de M. l'Abbé Toaldo, combien leur ufage s’eft multiplié dans différens pays : (1) je vois avec regret qu'il eft jufqu'ici peu étendu en France. Quelques particuliers en ont armé leurs maifons & leurs châteaux. J'ignore qu'il y en ait d’établis fur des bätimens publics, à l’exception de ceux qui l'ont été à Dijon fous-les aufpices ; PAcar démie ie Sciences , Arts & Belles-Lertres de certe Ville.(2) J'ai dit (1) Dans une lettre de M. l'Abbé Toaldo , qui ne m'eft parvenue qu'au moment où on alloïit imprimer cette feuille, il marque , que le Sénat de Venile a ordonné par un décret du 30 Juillet 1778, que rous les vaifleaux de la République feroient doré- navant munis de chaînes éleëtriques qui feroient partie des agrès néceffaires de cha- que vaïfleau , ce qui a été fidèlement & complètement exécuté. Il marque aufli que pendant l’Automne de 1778, on a garni de conduéteurs plufeurs magafins à poudre aux environs de Venile. (2) L'un de ces conduéteurs a été érabli fur l'hôtel de l'Académie, par les foins 46 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que j'en avois adapté un à ma maïfon, & j'ai décrit la forme que j'ai donnée à fa pointe. Le furplus confifte en des tringles de fer d’un pouce de diamètre , liées & ferrées les unes aux autres par des vis, & continues jufqu'au fond de mon puits qui ne tarit jamais. Mon motif en le conftruifant, a moins été l'envie de préferver ma mai- fon , que le defir de donner un exemple utile à ma partie. Elle pofsède le lus beau Monument d’Architeéture Gothique qui exifte. C’eft la tour de fa Cathédrale élevée de près de $00 pieds, & plus admirable encore par la hardieffe & la légèreté de fa conftruction que par fon élévation. Certe rour , ainfi que l'édifice auquel elle appartient , ont fréquem- ment éprouvé les ravages de la foudre , & conftitué dans des dépenfes énormes de réparations la fabrique deftinée à fon entretien. Puiflent les preuves able dans cet ouvrage, de l'utilité des conduéteurs, déterminer à lui appliquer ce préfervatif, & contribuer à la conferva- tion de ce beau Monument , en prévenant les accidens de la foudre qui pourroient en ébranler la ftruéture, ce qu'on a déjà été dans le cas £ craindre plus d’une fois. de M. Morveau , un de fes plus grands ornemens, & par la générofité de M. Dupleix de Bacquencourt , Intendant de Bourgogne. M. Saify , Subdélégué de l'Intendance & Mémbre de l'Académie, a fait élever l'autre à fes frais {ur le clocher de l'Eglife de Saint-Philibert, Ces deux conduéteurs, fuivant la a qui m'en a été faite, font terminés par des. pointes métalliques élevées , ne font point ifolés & fe prolon- gent jufques dans l'eau de l'intérieur de la terre. M. de Morveau, vient au mois de Séprémbre de l'année dernière d'en établir un fur le clocher de l'Eglife de Bourg-en Brefle: Il y en a également un fur l'Eglife de Semur en Auxois, petite ville où les fciences! &c les lettres fonc cultivées plus qu'on ne:pouxroit l’attendre de fon étendue. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 47 EE im mme mime à MS ÉLOM OUI RUE Sur l'importation du Géroflier des Moluques aux Ifles de France, de Bourbon & de Sechelles, & de ces Ifles à Cayenne ; Par M. l'Abbé TESSIER , Doîteur-Régent de la Faculté de Médecine de Paris , de la Société Royale de Médecine & de l Académie des Scien- ces, Gc. de Lyon. uo1iQuU’EN France l’ufage des aromates ait diminué à mefure que l'abus qu'on en faifoit a été prouvé & reconnu , cependant il ÿ en a des efpèces, telles que la mufcade & le clou de gérofle, dont la confommation eft encore confdérable, & le fera long-tems. Ces deux produétions exo- tiques font vendues par les Hollandoïs , qui les récoltent dans une de leurs Iles , exclufivement aux autres nations, par les foins qu’ils prennent d’arracher les plants d'épiceries dans les lieux où ils ne peuvent les garder. Etrange éffer de l'avidité d’un peuple commerçant , qui veut que la nature ne foit bienfaifante que pour lui ! Afin d'empêcher qu'une partie de notre numéraire ne pafsät chez nos voifins, pour cet objer, 1l étoit naturel que des François cherchaffent à introduire, dans quelques-unes de nos poffeflions , la culture du géroflier & du mufcadiet. Il paroïît qu'on y a travaillé avec fuccès , comme nous en avons des preuves maintenant , fur-tout à l'égard du premier de ces arbres. M. l'Abbé Raynal, dont la correfpondance embrafle toutes les parties du globe, a reçu de Cayenne une branche de géroflier, chargée d’un bouquet de clous, & de l'Ile de France, quelques clous de gérofle, qu'il nous a communiqués, en nous certifiant qu'ils provenoient des plantations faites dans ces Ifles. Avant de faire connoître les rapports de ces échantillons avec les branches & les fruits du véritable géroflier , nous expoferons comment cet arbre a été introduit aux Ifles de France & de Cayenne. Le public nous faura peut être gré de lui apprendre ces circonftances. Quoique ce Mémoire nait pour objet que les progrès du géroflier , pui nous n'avons d'échantillons que du géroflier , néanmoins dans ‘hiftorique qui va fuivre , il fera aüfli queftion du mufcadier , parcé que l’un & l'autre ont été importés en mème - rems à l'Afle de France 48 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & à Cayenne; il faut attendre pour parler des fuccès du dernier, que nous en ayons des preuves authentiques. = Par un procès - verbal fait à l’Ifle de France le 27 Juin 1770, on voit que dès 1768 , on s’occupa des moyens de procurer à certe lfle des plants de mufcadiers & gérofiers ; que M. Provoft fut chargé de certe opération par M. Poivre (1), Intendant des Ifles de France & de Bourbon, de concert avec M. Tremigon , Lieutenant des vailfeaux du Roi ; . Qu'il sembarqua à l'Ile de France au moïs de Mai 1769 , fur la corvette Ze Wigilant , commandée par M. Tremigon; qu'il relâcha à Pondichéri , enfuite à Achen, où il fut joint par " bateau l'Etoile du matin, commandé par M. de Chevry , Lieutenant de frégate , ainfi qu'on en étoit convenu ; Que de-là, ils allèrent à Gueda, où des opérations tentées l’année précédente n'avoient pas réufli ; qu’ils fe rendirent enfuite aux Manilles, où ils prirent des informations relatives à leur miflion ; que la mouflon étant devenue favorable pour quitter les Ifles Philippines , & fe rendre aux Moluques, ils firent voile pour cet Archipel au mois de Janvier 17703 qu'ils touchèrent à Mendana, Ifle la plus fud des Philippines, & la plus voifine des Moluques, où ils firent de nouvelles informations ; que de-là, ils pafsèrent à l'Ifle Jolo, où ils furent très-bien reçus par le Roi du pays, qui s’engagea à leur procurer des plants d'épiceries à un autre voyage ; Qu'ils fe rendirent enfuite à l’Ifle de Mino , où ils eurent beaucoup de peine à aborder ; qu'après y avoir cherché en vain pendant deux jours des plants d’épiceries , ils fe rembarquèrent , avec le projet d’aller à Ceram & à Timor ; que dans cette route, M. de Tremigon , craignant de manquer de vivres en allant & à Ceram & à Timor , M. Provoit fe décida le 21 Mars 1770, à paller fur le bateau l’Eroile du matin, pour aller faire des recherches à Ceram & dans les autres Ifles voifines dépendantes des Hollandoïis , tandis que M. de Tremigon iroit avec de Vigilant en faire à Timor; Que M. Provoft toucha en divers endroits de l’Ifle de Ceram , entrau- tres , à la baye de Saway, où il apprit que les Hollandoïs avoient détruit récemment tous les plants de mufcadiers & de gérofiers; que de-là, il paffa à Gueby , où il gagna les gens du pays, & en particulier leur Roi , qui lui procura des plants & des noix fraîches de mufcadiers & des plants & des graines de gérofliers, qu'il apporta à l'Ifle de France, après une traverfée de deux mois. (x) Ce nom eft en vénération dans les Ifles de France & de Bourbon. C'eft le jufte rix des fervices importans que ce Citoyen eftimable a rendus à‘la Colonie. Retiré à fa campagne près de Lyon, il y jouit en Philofophe du plaifir fi doux de foulager lcs maiheurcux. M. Commerfon, 0 l SUR'"L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS 49 M. Comumnerfon , Médecin Botanifie du Roi, fe trouvoit alors à l’Ifle de-France. 11 venoit de faire , avec M. de Bougainville, le tour du monde , où fon zèle infarigable pour la Botanique, dans laquelle il étoit fingulièrement verfe, lui avoit fait ramafler une quantité confide- rable de plantes nouvelles, qui font confervées précieufement , & qui font reoxetter que la ‘mort ait enlevé fi-tôt un homme qui annonçoit un mérite diftingué. Ce fut à lui qu'on s'adrefla pour examiner les plants & les graines appertés par M. Provolt ; il atrefta, par un certificat du 27 Juin 1770, que c'éroient des plants & des graines du mufcadier & du gérofier, dont les fruits font dans le commerce. Le Confeil Supérieur ordonna , le 10 Juillec 1770, l’enregifrement du procès- verbal. Le 16 du même mois, le Gouverneur & l’Intendant rendirent une Ordonnance, pour défendre l'exportation de ces plants & graines hors de l'Ile, & le Confeil fit enregiltrer le lendemain cette Ordonnance, Ces plants & graines furent diftribués tant dans le jardin de l'Inten- dant , qu'à différens habitans de l’Ifle’, pour être cultivés. Cette première importation n'ayant pas été affez confidérable , & n'ayant pas réul, comme on s'y atrendoit, on s’occupa , en 1771, d’une feconde expe- dition. Une déclaration de M. Provoft du $ Juin 1772, porte que le 25 Juin 1771, il partit, par ordre de MM. le Chevalier des Roches & Poivre, fur la flûte du Roi, l'Ile de France , commandée par M. le Chevalier de Coerivy , Enfeigne de vaifleaux, chargé conjointement avec lui de cette miflion ; qu'on joignit à ce vailleau la corvette le Néceffaire |, commandée par M. Cordé, ci-devant Officier de la Com- pagnie des Indes ; l’ordre étroit de faire le rerour par l'Archipel des Moluques, après avoir paflé à Manilles pour y chercher des vivres & agrès de marine, dont la colonie manquoit. Qu'après avoir pañlé, en effet, à Manilles , ils en partirent le 2$ Décembre 1771 ; qu'ils relâchèrent à Gueby , où ils raflemblèrent encore des plants & des graines de mufcadier & de gérofliers ; Qu'ils quitèrent Gueby le 8 Avril 1772. Le vailleau arriva à l’'Ifle de France le4 Juin fuivant, & larcorvette Le furlendemain, ayant l’un & l'autre des plants &, des graines qui furent vérifiés le 8 Juin, comme la première fois, par M. Commerfon ; on les diftribua aux habitans des Ifles de France , de Bourbon, & de Sechelles. M. Poivre , afin de mieux conftarer encore la découverte, envoya à l'Académie des Sciepces de Paris, des branches de gérofliers & des mufcades rapportés NE l'expédition ; la manière de penfer des Com- miflaires de cette Compagnie fur les échantillons qui lui furent remis, fur conforme à celle de M. Commerfon; #4 C'eft, ainfi que le mufcadier & le géroflier ont été introduits dans Tome XIV, Partie II, 1779. JEATLLET...G so OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nos Îfles d'Afrique ; nous allons voir comment ils le furent à Cayenne, d’après l'expofé qui nous a été communiqué, M. Maillart du Merle, Commiflaire- Général de la Marine, Ordon- nateur à l'Ifle de Cayenne, étant revenu en France par congé en 1770, entendit parler du projet d'introduire les épiceries à l'Ifle de France, Sur les informations qu'il fit du fol , de la latitude, & du climat des Moluques , il penfa qu’elles pourroïent réuflir encore mieux à Cayenne. Il fit part de fes idées au Miniftre , qui les approuva, & donna des ordres en conféquence. Au lieu de retourner à Cayenne , M. Maillard fut envoyé, en qualité d’intendant, à l’Ifle de France , dont M. de Ternay venoit d’être nommé Gouverneur. À peine y furent-ils rendus l’un & l'autre, qu'ils s’occupèrent de concert à faire porter à Cayenne des plants & des graines d’épiceries , qui n’avoient pu encore y être envoyés. Ils profitèrent d’un navire particulier de Nantes, qui devoit aller de l'Ifle de France à Sr. Domingue, & prirent les précautions les plus fages pour que les plants & les graines dont ils le chargèrent , parvinifent promptement & en bon état à leur deftination. Le vaifleau arriva à Cayenne le 3 Février 1773 , après une traverfce qui ne fut que de 64 jours , tant le Capitaine ( le Sr. Abram ) avoit fait de diligence , comme on le lui avoit recommandé , afin que les plants ne fouffrif- fent pas. MM. de Ternay & Maillart projetèrent encore en 1774, d'envoyer à Cayenne des plants d’épiceries, & des plants & des graines de différens arbres ou plantes utiles de l'Inde; le vaifleau qui en fut chargé efluya des avaries confidérables , qui l’obligèrent de revenir à l’Ifle de France ; enforte que prefque tous les plants furent perdus. Cette dernière ten- tative, quoiqu’elle n'ait pas réuffi, eft une preuve de plus du zèle de MM. de Ternay & Maillart pour la multiplication des objets inté- reffans dans nos Colonies. Pour prouver les fuccès que l'importation du géroflier à eu à Cayenne, on nous a donné une branche chargée de clous provenue des plantations faites dans cette Ifle. Elle a été deflinée par Madame la Comreffe d'Andlau , qui dans l’âge des plaifirs cultive fa raïfon , étend fes connoiflances, & pratique quelques-uns des beaux arts. C’eft ce deflin dont nous joignons ici la Gravure. Les feuilles de cette branche font elliptiques & pointues aux deux extrémités. On diftingue au milieu une nervure principale, qui du pétiole fe prolonge jufqu’à la pointe. Il en fort prefque en ligne droite un grand nombre de petites nervures parallèles , qui fe terminent à un cercle placé à quelques lignes du bord. La couleur de la feuille eft d’un verd fombre, un peu plus clair cependant que celui de la feuille SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 51 du laurist commun , à laquelle elle reffemble. Son périole eft brun. Si on l'écrafe , elle exhale une odeur aromatique ; fi on la mâche, elle a le piquant du gérofle. Les clous placés à l'extrémité de la branche en forme de corymbe , font bruns, allongés & très-odorans. Le bois qui foutient les feuilles eft life & gris cendré. Cette branche de géroflier paroït conforme à celle qui fut envoyée à l’Académie des Sciences , avec la différence que dans celle-ci les clous n'étoient plus comine dans celle que nous préfentons , attachés à l'extrémité ; ce qui rend la dernière plus Durs D'ailleurs , lors de l'envoi fair à l’Académie, c’éoit une branche de gérofier apportée de l'expédition , dont il falloir vérifier les rapports avec le géroflier du commerce , pour s'aflurer que c'étoit lui qu'on introduifoit aux Ifles de France, de Bourbon & de Sechelles. Ici la Gravure repréfente un des produits des plantations faites à Cayenne, avec des plants apportés de l’Ifle de France, qui ont fru&tiñé au point de donner des cloux parfaitement femblables à ceux des Moluques. Parmi les Auteurs qui ont décrit le géroflier , on diftingue , fur-tout, Valentinus (1) & Rumphius (2). Ce dernier a vu cet arbre & fes variétés fur les lieux , & il les a deffinés lui-mème. C’eft particulièrement d’après lui que nous allons en donner une jufte idée. Le géroflier eft un arbre de la famille des myrthes (3), qui égale en hauteur le cerifier ou le hètre. Il s'élève ordinairement, fans fe divifer, jufqu’à 4 ou s pieds. La partie inférieure du tronc eft anguleufe; la cime eft difpofée en pyramide ou cône , comme celle de l’épicea ou du bou- leau ; ee eft life , mince, & très-adhérente, Elle recouvre un bois tellement dur, qu'une petite branche peut porter un homme. Les feuilles font oppofées deux à deux & en croix, ayant une forme elliptique ; on y diftingue, outre Ja nervure principale , qui du pétiole fe prolonge jufque vers la pointe, plufeurs petites nervures qui en fortent prefque.en ligne droite , & fe terminent à une nervure circulaire, placée a quelques lignes du bord (4). Ces feuilles ne font ni crénelées, ni dé- coupées, mais entières & finuées. Elles ont de la fermeté comme les feuilles de laurier, auxquelles elles reffemblent , & on peut, en les écrafant , les réduire en poudre, Elles ont le goût âcre & aromatique. (1) Hift. Simplic. Reform. (2) Herb. Ambo. Vol. 2. (3) Quatorzième famille de M. Adanfon, (4) On obfervera la conformité de cette defcriprion des feuilles faite par Rumphius, avec celle dela branche dont nous avons parlé, 2779 JULIE ETNG 2 s2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, C'eft à l'extrémité des branches du géroflier que fe forme le fruit; on appelle ainfi une partie allongée, groffe de quelques lignes , terminée. par quatre expanfions qui foutiennent un corps plus ou moins fphérique, d'où doivent fortir les organes de la fruétification. On cueille les fruits du géroflier , nommé clou de gérofle à caufe de fa forme , avant que ces organes foient fortis, parce que c’eft alors qu'il eft aromatique & propre aux ufages pour lefquels on le deftine. Plus tard , il eft fans odeur. Si l’on n'en trouble point la fructification , deux ou trois femaines après la floraifon , chaque clou de gérofle groffit , les quatre expanfions qui foutenoient le corps fphérique , fe rapprochent & fe ferrent ; il fe forme au centre du clou un noyau dur, qui fe trouve environné d’une fubftance charnue ; c’'eft- là le véritable fruit, ou plutot la vraie femence du gérofle. qui germe lorfqu’on la plante , & produit un nouvel arbre ; le fruit du gérofle en cer état, fe nomme clou matrice ; il n’a point de qualité aromatique. Les clous de gérofles , difpofés en corymbe , font ordinairement portés trois par trois fur dés péioles plus ou moins longs , toujours oppofés & formant la croix , comme les feuilles ,avec les pétioles fupérieurs ou infé- rieurs, qui fe divifent tous en trois pour en fournir un particulier à cha- que clou de gérofle. Un corymbe eft compofé au moins de 9 clous, le plus fouvent de 15, quelquefois de 21 & mème de 25, caril arrive que toutes les divifions ne font pas de trois. Les Moluques, & fur-tout Mackian, fous l’'Equateur, font la patrie du gérofier. Il y croifloit fans culture , maintenant on n’en trouve plus qu'à Amboine, où il a été tranfplanté , & où il eft cultivé foigneufement. Les Hollandois men laïflent point fubffter ailleurs. La bonne maniere de l’élever , eft de tranfplanter les plants venus de clous matrices, de les mettre dans des lieux remplis d'arbres, qui les protègent de leur ombre, & d’arracher enfuite ces arbres lorfque les gérofliers ont une certaine force ; d’où vient, fans doute, l'opinion où l’on eft que les gérofliers ne fouffrent ni arbres n1 herbes auprès d’eux. Dans les Moluques, les gérofliers donnent ordinairement du fruit la feprième ou la huitième année. A Amboine, ce n’eft qu'à 10 ou 12 ans. La récolte s’en fait tous les 4 ans , depuis le mois d'Oéto- bre jufqu'au mois de Décembre. C’eft lorfque les fruits ou clous com- mencent à tougir qu'on les cueille avec plus ou moins de précaution, felon que les culrivateurs font plus ou moins intelligens. On les met dans de l'eau bouillante , & on les expofe fur des planches à la fumée d'un feu qu'on entretient deffous pendant plufieurs jours ; ce qui leur donne une couleur brune. Quelques perfonnes , fans les plonger dans l'eau bouillante , les expofent à la fumée & enfuite au foleil. La première variété du géroflier commun, eft le géroflier royal ; il ‘ SUR'L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3 eft très-rare. On le trouvoit autrefois à Mackian; on l'appelle royal, parce qu'on croit que les Rois du pays lé faifoient garder foigneufe- “ment pour en conferver lé:fruit deftiné /pour leurs perfonnes & pour faire des préfens ; cec arbre ne différoit du gérofier commun, que parce que fesfruits éroient plus perits & plus noirs ,& parce que le 14 fphérique avoit une oudeux pointes comme l'extrémité de la feuille du genèvrier Le géroflier fauvage , feconde variété du commun , s'élève plus hauts il a une cime plus groffe. Ses feuilles, qui font beaucoup plus grandes, ne forment pas exaétement a croix; les lignes on nervures parallèles qu'on y obferve, font plus écartées les unes des autres ; fes feuilles brifées exhalent une odeur de clous. de gérofle , mêlée d'une certaine acidité. 1l y a bien moins de clous à Pextrémité des branches’, tanrôt il sen trouve deux , tantôt trois ou quatre, mais beaucoup plus gros. Les clous matrices , qui fe forment à la fuice du développement des étamines, ont un noyau confidérable, & font d’un volume proportionné. Le bois de l'arbre eft dur; pefant & très-cendré. On l’employe a des ouvrages de méchanique, : Le géroflier fauvage fe trouve dans toutes les Moluques, où il vient naturellement ; fon fruit eft fans odeur aromatique; aulli_eft-il négligé abandonné aux oifeaux qui s’en nourriffent. Quelquefois on introduit par fraude dans le commerce des clous du gérofier fauvage , qu’on peut ce pendant diftinguer des autres, à caufe de leur groffeur. D'après la defcriprion que nous. venons de donner des différens gé- rofliers , 1] eft aifé de voir que la branche, venue de Cayenne, appartient au véritable géroflier commun , tel que les Hollandois le cultivent à Am- boine; puifque les feuilles , le bois, les. clous, la difpoñition & l’état de ces parties , tout eft entièrement femblable à ce qui s’obferve dans legéro- flier ordinaire. À l'égard des clous de gérofle, provenus des plantations fairesà l’fle de France, ceux qui nous ont été remis, ot, à la vérité, la forme & l'odeur des clous de gérofle du commerce , ou , ce qui eft la même chofe , font le fruit du géroflier commun ; mais ils font inférieurs en grofleur à ceux d’Amboine &,de Cayenne; ils.ne font pas non plus d'une couleur aufli brune. Au refte, il nous en eft parvenu trop peu du produit de nos ifles, pour que nous puiflions juger exaétement des diffé- rences, Ce qu'il y a de certain , c’eft qu'ils fonc tous très-odorans , ayant le goût piquant & aromatique. Nous aurions defiré avoir des détails fur fa manière dont on cultive le gérofier aux Ifles de France , de Bourbon, de Sechelle & de Cayenne, ainfi que fur l’état actuel des plantations , & fur Jes”efpérances qu'on peut avoir de leurs produits, lorfque ces arbres auront acquis aflez de force pour donner du fruit abondamment ; ces éclairciflemens nous manquant, Al faut nous contenter de favoir que cette efpèce d'épicerie croît & fruc- s4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tifie dans nos poffeffions , finon aufli parfaitement que dans les Molu- ques , leur pays natal , ou même à Amboine, au moins aflez bien pour qu'on puifle s'en promettre un avantage dont tout bon patriote fent le prix, C'eft à M. Poivre particulièrement que la France a cette obligation, puifque c’eft par fon zèle que le géroflier , ainfi que le mufcadier,a été d’abord importé & planté dans les Ifles de France , de Bourbon & de Se- chelles ; delà ces arbres , comme on l’a vu plus haut , ont été tranfplantés à Cayenne par les foins de M. Maillart du Merle. SC LE DE ELLE AT R ALT Du Porte- Feuille de M. l'Abbé DrceuEmaARr; De plufieurs Socièrés & Académies Royales des Sciences , Belles-Lertres & Arts de France, Efpagne , Allemagne ; Ex. VER A FOUREAU CONIQUE. C ET infecte marin eft fort rare fur les rivages des environs du Hâvre, où je l'ai trouvé; je ne fais s’il eft connu, on n'en a, je crois, donné jufqu'ici , ni la figure , ni la defcription. Le foureau eft rond & conique, ayant 2 pouces 6 lignes de hauteur, 4 lignes de diamètre par fa bafe; il étoit planté de bout fur le fable , la pointe en-haut, comme une petite obélifque de granit, ou de brèche de diverfes couleurs ; elles font dues, en plus grande partie , à celles de l'animal auquel il fert de logement. La bafe de ce foureau étoit un peu enfoncée dans le fable , fg. première. Quoiqu'au premier coup-d’æil il paroïfle formé de grains de fable, on remarque , en l’obfervant de plus près, que ce doit être une liqueur épaiflie par gouttes, jufqu'à devenir folide, ce qui le rend flexible , & cependant den fort pour réfifter à bien des chocs, quoique très-mince & un peu tranfparent. Cetre liqueur des plus vifqueufes , fort du bout pofté- rieur du corps de l'animal , au milieu d’un petit entonnoir, plus ou moins ouvert ; apparemment que quelques-unes de ces gouttes font fan- guinoléntes , ou chargées de quelque humeur , car il s’en trouve de jau- nâtres, de brunes &c.; la plupart font grifes, & c’eft la vraie couleur du foureau ; ces gouttes font jointes enfemble par une matière qui paroït la même, mais elle eft plus mince, de forte que le foureau qui eft fort uni en dedans, a l'extérieur rude au toucher , chaque goutte étant SURL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 5; élevée; fi deux gouttes laiffent entr’elles un vuide qui forme comme un angle rentrant, la goutte voifine en forme un faillant, qui auroit pu le remplir , fig. 2 , mais les gouttes ne fe rouchent point, la liqueur épañlie qui les unit étant plus mince, paroit plus tranfparente. Pour voir l'animal à nud , il faut faire , avec la pointe d’une épingle, une brèche longitudi- nale d’un bout à l’autre du foureau : il fera alors facile de déloger le ver en l’agaçant , ou le pouffant par la partie poftérieure. On le bleferoir , fi, fans ouvrir le foureau , on le tiroit par la tête, quand il la fait fortir. Le corps, qui eft d’un blanc jaunâtre, a une forme peu dégagée; Voÿez Les figures 3 & 4 qui le repréfentent , la première par-deflus , la feconde par- deflous, de grandeur naturelle. 11 Poe alors plus gros que le fouteau dont il eft forti ; fa coupe eft repréfentée par la #g. $. La rète eft aflez informe , étant vue de me Îig. 6 ; elle eft mieux formée de profil fg. 7, ces deux figures font Phase que nature : elle eft pourvue de deux rangs de pointes , compofés chacun de 12; Se qu'on peut foup- çonner ètre les armes offenfives de l'animal , font fermes & cependant élaftiques, rangées fur deux lignes , qui font entr'elles un angle très- obtus; ces pointes, qu'on peut comparer aux dents d’un peigne, quoi- qu'inégales , s'ouvrent & fe ferment comme dans les fgures 8 & 9 ; elles font d’une efpèce de corne de couleur dorée, femblable à celle de la foie naturelle la plus haute en couleur, & auñfi luifante. Au-deffus de ces pointes, la rêre eft munie d’un grand nombre de membres , dont la fg. 10 donne la forme en grand ; chacun de ces membres a un vaïffeau fanouin , où le fang d’un beau rouge fe remarque aifément malgré la ténuité des mem- bres ; ils fonc formés par le bout comme une fpatule , s’attachent aux corps les plus polis , & font les mêmes manœuvres que ceux des polypes & du ver-médufe, dont j'ai donné la figure & la defcriprion. Deux autres membres qui naïflent vers les côtés de la tête, en-deffous , ont une origine plus forte, & fe terminent en pointefig. 1 1. À chaque côté de la tère ou du coller, font deux rrès-jolis ailerons, c’eft-à-dire , quatre en tout, #g. 12, qui plient en tout fens avec une grande aifance:; ils font formés à-peu-près comme une plume qui n’auroit des barbes que d’un côté ; leur couleur eft femblable à celle du fang. 15 vrès-peits aile- rons naïlfent de chaque côté du corps, & font comme Jui d’un blanc fale , ils recouvrent un peu autant de petits pinceaux de pointes dorées , qui fervent comme de pieds à l'animal, figure 3 & 4, & font communs à beaucoup d'infeétes marins dont j'aurai occafion de parler. La partie pott‘rieure de l'animal eft terminée par un efpèce de petit enronnoir qui varie dans fa forme par le mouvement, dont les bords font découpés. Le corps eft demi-tranfparent, on voit parfaitement les vailleaux fanguins ui font près de la peau. Îl y en a un, entrautres, qui fait plufieurs finuo- dés. & qui sérend au milieu du dos, depuis la tête jufqu’à la partie poftérieure : deux beaucoup plus déliés par les côtés lui font parallèles, \ : À 6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d’autres fe croifent à angles droits, & fe rendent à chaque aileron ou pieds, comme dans Plouzard. En deflous, on en remarque deux qui s'étendent depuis les 4 jolis ailerons rouges, proche la tête, jufqu'à 2 petits qui font au-deffous de la partie poftérieure : tous ces vailleaux fonc très-déliés , la demi- tranfparence en fait voir de beaucoup plus gros , mais qu'on ne peut fuivre. La liqueur qu’on voit circuler dans tous ces vaifleaux , eft d'un beau rouge. À l’ouverture de ce ver, on trouve un inteftin rempli d'une matière d’un très-beau jaune doré , & quelques autres vaifleaux , maisil feroic difficile à caufe des crifpations, &c., & fans doute minutieux , de donner au jufte leur pofñtion refpective. L'animal hors de fon foureau , ne fair guère d’autre mouvement que de s’allonger un peu aux dépens de la groffeur du milieu de fon corps, & de fe raccour- cir en reprenant fa forme ordinaire. LrmaAces DE Mer, Limace A PLANTE. Plufieurs limaces de mer m'ont paru propres à intéreffer les Natura liftes ; en conféquence, j'ai eu foin de les deffiner , & d’en faire la def- cription extérieure, Différentes efpèces ont, pour caractère diftinétif, un ornement au-deflus de la partie poitérieure. Celle qu’on voit de grandeur naturelle dans la figure ci-jointe, #g. 10, a environ $ pouces de long, dans l’état où je lai faifie , & 2 à 2 2 de largeur, l’une & l’autre dimen- fion peuvent fur-tout s’augmenter. Ceux qui l'ont vu manœuvrer dans ma petite ménagerie marine , la nommoient la belle limace ; mais quoi- que ce nom lui convint très-bien, car en effet elle eft fort belle, 1l ne m'a pas paru la défigner d’une manière aflez précife, j'ai-cru que par celui de limace-à-plante , on la diftingueroit mieux des autres. Elle eft de couleur gris cendré, taché irrégulièrement de lie-de-vin. Sa peau eft chagrinée, plus vers les côtés que fur le dos qui eft prefque lifle. Les deux cornes femblent fortir de deux trous, & sy renferment. Son anus eft en- vironné d’un fort bel ornement, qui fortant aufli d’un trou, s'épanouir ou fe développe peu-à-peu , jufqu’à prendre la forme qu’on lui remarque dans la figure; mais un peu avant d'être entièrement développé, 1l refflemble parfaitement à certains choux frifés, qui après avoir éré ex- pofés, à la velée, ont des bordures chiffonnées en rouge, jaune &c. La limace-à-plante tient aflez ordinairement fa plante rerigées de manière qu'il ne paroit fur la partie péftérieure de l'animal, qu'un petit trou. Le bourler peu fenfible qui forme le bord de Ja cavité où eft la plante, fe refferre , de forte qu'on n'imagineroit pas qu'il doit fe faire par ce peric trou un tel développement, On ne peut conferver ces limaces dans les liqueurs, parce que leurs ornemens;fe contraétenr, & leurs couleurs s'éteignent. Jai fur des limaces, qui ont,unerautrè forte d'ornement, plus de chofes inséreffanres que fr. celle-cis & dont je ferai part aux Nacuraliftes , dès que j'aurai pu completermes deflins: MÉMOIRE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS! 57 MS ELU OINRESE Sur l'Education des Troupeaux & la culture des Laines ; Par M. R. D. L. Infpeëleur-Genéral des Manufatlures de Picardie, 6 des Académies de Rouen, de Villefranche en Beaujolois, &c. Ur Royaume puiffant , dont la fplendeut & l'éclat font répandus par toute la terre, qui , femblable à l’ancienne Grèce, dicte aux Nations les loix du beau , & leur fait adopter fon langage & fes goûts; qui, en- touré d'Etats Agricoles & commerçans, où Heuriffent les Arts & les Sciences , n’a qu'à vouloir pour les furpaffer tous ; qui, par fa fituation , fes produétions , le génie & l’activité de fes habitans , peut rendre tribu- taire le refte du monde : la France left du monde entier, fur une des parties Les plus importantes de l'économie rurale. Son induftrie eft gènée, fon Commerce languit, fon Agriculture fe détériore. L'éducation des troupeaux & la culture des laines, une des fources les plus fécondes de la profpérité des Empires , qui font aux Manufactu- res ce que l'argent eft à la guerre , que les Gouvernemens les plus fages, même dans la plus haute antiquité , ont toujours fpécialement protégées, {ont abandonnées au caprice de l'ignorance & du préjugé, & victimes de l'efprit inconféquent & barbare de la burfalité. . L’Angleterre , la Hollande , le Dannemarck , le Bas-Rhin, prefque toute l'Allemagne & principalement la Saxe & les marches du Brande- bourg , qui produifent les plus belles laines de cette vafte contrée , font les fources où notre induftrre va puifer la matière première. Sans elles , il faudroit renoncer aux éroffes remarquables par leur fnefle & leur légère- té : fans elles, plus de ces chefs-d’œuvres de l’art qui montrent la fupério- rité de l’induftrie Françoife (1). À _ Jaloufe de cette main-d'œuvre , l'Angleterre s'efforce encore de nous en priver ; on feroit effrayé par le calcul des fommes que nous lui faifons Er chaque année pour RU de la prodigieufe quantité d'étoffes fe elle innonde la France. La Saxe nous confidère du mème œil, & nous lie des mêmes chaînes. DE DE me + ere à A I OCT EE EDEN D (1) Les Camelots, les Baracans , les Serges, les Etamines , les Tamiles , les Cale- mandes , &c. &c. la Bonneterie , le Tricotté , &c. &c. les Tapifleries des Gobelins & gant de beaux ouvrages à l'éguille. Tome XIV , Part. II, 1779. SCILLET LA s8 ÔBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, _ Du côté du midi, l'Efpagne, l'Ivalie , la Turquie d'Europe & d’Afe, les côtes de la Barbarie, alimentent nos manufaétures de draperies fines, & la plupart des communes, qui fans elles n’exifteroient pas. La France, dans toute fon étendue , fabrique des étoffes de laine : elle en confomme beaucoup : elle en exporte autant : elle pourroit en ex- porter le double , & plus aifément arrêter l'introduction des étrangères. Elle ne récolte pas la moitié des laines qu'elle confomme : elle pourroit en fournit à toutes fes manufactures, & même à celles des autres Na- tions. Elle n'obtient que des qualités alrérées par la mauvaife culture : elle pourroit en avoir de toutes Les qualités & de toutes les fortes. Quelques médiocres qu’elles foient, elles reviennent à un prix double de celui des laines d'Angleterre : elles pourroïent être réduites au même aux. La main-d'œuvre eft beaucoup plus chère en Angleterre, les terres y font à beaucoup plus haut prix ; cependant les Anglois font des fpécu- fations continuelles & très-lucrarives fur la culture & le commerce des laines, comme fur la fabrication des étoffes , tandis que nos fermiers font découragés dans l'éducation de leurs troupeaux , & nos manufactures dans leurs entreprifes. Indépendamment des grands avantages que l'Agriculture doit retirer de la multiplication des troupeaux en Frauce ; de ceux qui doivent réful- rér pour le commerce, de l'augmentation & de la perfeétion des laines ; indépendamment de la plus abondante & de la meilleure fubfftance qu’on peut fe procurer par-là, il eft une raifon déterminante, fupérieure À toute autre confidération , fur laquelle on n’a point encore infifté, & dui réclame avec force une vigilante attention de la part du Gouver- nement. Qui peut nous promettre que l'Efpagne , l'Italie & les délicieufes con- trées du Levant, ne fortiront pere de ce long affoupiffement où les a jetté la barbarie des fiècles d’ignorance, & où les ont entretenu la bonté des productions naturelles & la douceur du climat ? qui peut nous affurer que quelques-uris de ces Etats ne fera point avec une Puiffance intéreflée ou jaloufe , des traités d’exclufion pour nous? qui peut nous garantir que jamais des guerres ou d'autres révolutions n'en mettront Aucun d’eux dans lé cas de nous nuire, fans confidérer s'il fe nuit à lui- même, par l'interdiction du commerce des matières premières à L’Anglererre, fi févère dans fes prohibitions, le Brandebourg & les autres Etats, ne pourroient-ils pas trouver des moyens plus sûrs encore de nous priver de ces produétions ? que deviendrions-nous alors avec toute notre induftrie ? un état auffi précaire , une dépendance auñli mar- quée , n'onc-ils pas de quoi nous effrayer ? SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 59 De l'éducation des Troupeaux & de La culture des Laines en France : des mauvais effets qui en réfultent, 6 des raifons qui S'oppofènc à en établir une meilleure. Les animaux , les plantes , toutes les productions de la Nature enfin; changent de forme & prennent un caractère particulier au climat où elles fe trouvent tranfportées. L'éducation, la culture, augmentent ou alrèrent les qualités primitives ; & les variétés immenfes des êtres ne proviennent que de l’un ou de l’autre. Sans s'écarter de l'objet qui nous occupe , fans fortir de la France, on peut remarquer, en la pen à-peu-près à la latitude de Tours & d'Angers , que tous les établiffemens en matières nationales, font, du côté du midi, en draperie, & du côté du nord en étoffes rafes. Les grandes fabriques de ce dernier genre, font celles de la Picardie, de la Flandre, de la Champagne & du Mans. Les manufactures de draps d’Abbeville , de Sédan, de Louviers, d'Elbeuf, des Andelis, de Darnetal & autres , n’employent que des matières étran- gères , & leur potion eft indifférente , relativement aux matières du pays. Narbonne & fes vaftes plaines nous fourniflent les plus belles laines de France. La bénigne influence de ce beau climat , fe propage par gra4 dation dans les campagnes du Roufñillon jufqu'aux Pyrénées, & de l'autre part jufqu'au-delà de Beziers. Si l'éducation pouvoit détruire entièrement l’inuence du climat, Narbonne auroit les plus mauvaifes laines de la France. Je ne dirai rien de trop pour prouver jufqu'à quel point cette partie eft mal traitée : le déchet au lavage des laines de ces moutons , elt ordinairement de 70, fouvent de 75 , & quelquefois de 80 pour cent. On y renferme les troupeaux dans des bergeries mal propres , étroites , étouffées , dont les planchers de gaules ou de lattes écartées , luflent pafler la pouffière & les menus brins de fourrage qu'on mer deflus. Le crotin ae , croupiffent dans les toifons : le fuin en devient cauftique, les rend jaunâtres & les brûle. L'idée feule de la chaleur érouf- fante , de l’air empefté qu'ils refpirent dans ces étables , où ils font con- tinuellement dans l'ordure , doit faire juger de leur état de foibleffe, de langueur , du nombre de maladies qui les affligent & de la quantité qu'il en périt. Ce tableau , plus ou moins conforme à ce qui fe pratique généralement en France, préfente la manière exacte dont cette partie de l'économie rurale eft traitée dans fes Provinces méridionales. On ajoutera pour derniertrait, que, dans beaucoup d’endroits , on ne fait parquer en aucun tems de l'année. F vit La: diverfité des afpeëts , des productions & des méthodes dans-nos: 70 MO NUNL ENT Ha 6e OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Provinces méridionales , en répand beaucoup dans la qualité des laines. La température eft plus uniforme dans celles du nord ; les productions font moins variées , les inégalités moins fenfibles, & la différence des laines ne fe fait appercevoir qu'à de plus grandes diftances. Mais la règle eft générale, que les troupeaux rentrent à l’étable pendant fix mois de fuite, de Novembre en Mai, & qu'ils n’en fortent jamais, ni du parc l'été, qu'entre 9 & 10 heures du matin, jufqu’au déclin du jour, &'invariablement avant le coucher du foleil. Ils n’en fortent abfolument pas dürant les plaies , la neige, le verglas : c’eft le rems de la portée des brebis, celui où elles mettent bas, celui de la première nourriture & de la plus grande foiblefle des agneaux : on craindroit les avortemens , le dépériflement , les mortalirés. On nourrit mal les troupeaux à l'étable , toujours au fec , en gerbées de pailles, en bottes de fourage compofées de pois, de fèves, de vefces , dans lefquelles font des tiges dures, qui réduifent à une livre au plus la nourtiture que chacun de ces animaux prend en 24 heures. Les béliers . qu'on fait d’ailleurs fervir à rout âge, manquent de force, les brebis de lait ; les agneaux naiffent & vivent en langueur. Quand le troupeau fort au printems, échauffe , tremblant, maigre, exténué, il fe jette avec avidiré, far les premières herbes quil rencontre : les rhumes, les diffenteries, & une infnité d’autres maladies l’afliégent. Il:a beaucoup coûté pour le conferver en un très-mauvais état; & ce n'eft qu'en courant des rifques 8 des dangers , & en efluyant des pertes, qu'on le fait palfer à un état meilleur. : Le tems de parquer eft-il venu ? on le fait toujours fur une terre que la moindre Humidité met en boue : on ne parque jamais fur le gazon. Le troupeau eft aufli entaflé dans le parc que dans la bergerie. IL faut qu'ilrefte dans cette fituation durant Les matinées & les foirées entières. On ne lui donne abfolument rien à manger dans le pare, d'où 1l n'a la liberté de fortir que lorfque le fole:l lance fes rayons les plus ardens, que lorfque ceux qui vivent habituellement dans les champs, fe repofent & digèrent en paix. Afamés alors , nos troupeaux halrent en mangeant, & s'ils trou- voient des pâturages gras ils s’engorgeroient , ils périroient en peu de temps. 59 À Lt 3i * L'opinion fur les dangers de la rofée, pour étre une des plus abfurdes ; n'en eft pas moins univerfelle en France. Jufqu'aux Phyficiens , aux Ecrivains l'ont adoptée : elle occafñonneroit le claveau, des rhumes & millé 'autres chimères : éependant , la plus grande partie de FEurope nous montre des fuccès qu’elle doit à'une ptatique aufli conftante qu'elle eft oppofée à cétre opinion. Je ne vois parmi nous que les bouchers qui n'y croyent pas : ils s'imaginent , au contraire, que la rofée engraifle les moutons : en conféquence , leurs troupeaux forcent dès le point du jour. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. à S'ils fe trompent fur la caufe, il n’en réfulte pas moins l'efec qu'ils defirent (1). Je ne diflerterai point fur l'avantage de laver les laines avant ou après la tonte : l'Angleterre & l’intérieur de la France lavent le mouton avant de le tondre. L'Efpagne , là Hollande, une partie de l'Allemagne, nos Provinces du midi, la Flandre , l’Artois & le Boulonnois , ne lavent la toifon que lorfque l'animal en eft dépouillé. Cette pratique, qui n’eft as indifférente pour nous , chez qui les troupeaux font prefque toujours dans l’ordure , peut l'être pour la Hollande & l'Efpagné, où les roifons fonc plus nertes, où l’on ne confomme pas les laines dans le pays, où on les y garde le moins de rems qu'il eft poffible. Il eft bon d’en dimi- nuer le poids pour l'exporter; mais elle fe conferve beaucoup mieux en fuin. En Boulonnois & en Artois, où l’on tient les troupeaux plus malpro= prement encore que dans les Provinces voifines, on fait tremper les laines dans l’eau, le jour d'avant celui qu’on fe propofe de les laver; on les met en tas, pour que la chaleur y établiffe de la fermentation, & en facilite le dégraïllage : elles acquièrent dans cette opération une teinte jaune , qui les altère fenfiblement. En Languedoc, où l’on tond & vend également la laine en gras, & fouvent ailleurs où on la lave fur le dos du mouton , on fait marcher , avant la tonte, les troupeaux dans la pouflière, pour que les toifons s’en chargent, s’en pénètrent, & que leur poids foir augmenté d'autant. Par-tout, enfin , nous avons des pra- tiques ridicules & dangereufes, par lefquelles nous croyons nous x un plus grand bénéfice , comme fi celui qui vend de la laine une fois l'année , la connoiïfloit mieux que celui dont le commerce eft d'étudier toutes ces petites rufes , pour fe mettre à l'abri de leurs inconvéniens. Le poids des toifons du Boulonnois, en plein fuin & avec toutes les ordures qui y adhèrent, eft l’une dans l’autre de 6 iv. Celui des toifons (x) J'ai trouvé des perfonnes , depuis que ceci eft écrit, qui perfftent à croire que lherbe couverte de rofée eft dangereufe pour les animaux qui la mangent, & qui donnent en furabondance de preuve les lapins qui en font malades. Je crois, comme ces perfonnes, que les moutons, hein par l’atmofphère raréfiée du lieu où 1ls font entaflés pendant la nuit, & par la faim devenue dévorante par le long efpace de tems où ils font reftés fans manger , trouvent l'herbe fraîche excellente , qu'ils Ja mangent avec avidité, qu'ils en mangent trop, & qu’elle leur fait mal ; & ainf des lapins en clapier:; maïs je crois cout aufli fermement , que des animaux , toujours dans le pâturage, jamais affamés , ne prennent de la nourriture que quand elle leur convient, qu'autant qu'il leur en faut, & qu'elle ne les incommode jamais. Sembla- bles aux enfans de la Ville à qui on melure le pain, & pour qui on compte les Heures d'intervalle auxquelles ils doivent le manger, comparés à ceux de la Campa- gne, qui en mangent quand & autant qu'ils veulent : ceux-ci font forts & vigoureux , lorfque les premiers, foibles, maladifs , ont de fréquentes indigeftions, 6: OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de Picardie & des Provinces voifines, où le lavage fe fait avant la tonte; eft d'environ 3 liv. On eftime que ce lavage bien fait, réduit nos laines à la moitié de leur poids, non compris le déchet qu’elles éprouvent au parfait dégrais du dernier lavage, qui eft de 1 2 à 1 $ pour centfurleslaines Angloifes, comme fur celles du troupeau du fieur Delportes , & plus confidérable fur les nôtres , puifque les 6 livres de la toifon Boulonnoife font réduites , après le parfait & dernier dégrais, à 2 liv. un quart. On verra que le raux commun des toifons Angloifes, au moment de la tonte , eft de 6 liv., & de $ liv. -L après le dernier dégrais; d’où il fuit que les troupeaux du pays ne fourniffent pas, les moutons lun por- tant l'autre, 2 liv. de laine à mettre en œuvre, lorque les moutons Anglois en fourniffent plus de s liv.; ajoutez à cela, que les ordures dont les toifons de pays font continuellement chargées, altèrent la qualité de la laine , au point qu'il sy trouve peu de parties fines & fortes à en ex- traire au peignage ; que le peignon en eft fec , abondant , peu propre aux ctoffes mème les plus groflières; & qu’enfin elles décheoient confidéra- blement dans toutes les préparations (1). Nous gardons nos troupeaux jufqu'à la caducité, jufqu'à la décrépi- tude des individus : les béliers font ufés, les brebis n’ont prefque plus de lair, fi elles portent encore : leur laine diminue & s'altère par Vâge : nous voulons en tirer le mème profit avant & après le rems de vigueur marqué par la Nature; c’eft le moyen de ne le jamais obtenir. On verra combien diffère à cet égard, comme à tant d’autres, la pratique des Anglois : on verra comment , en dépenfant beaucoup moins, ils gagnent beaucoup plus : on verra comment 1ls fe difpenfent de nos foins, de nos embarras , comment ils font à l'abri de nos inquiétudes & de nos pertes. I ne faut pas tout imputer à l’ignorance & aux préjugés qui en font la fuite. Quoique nos laines , depuis 1 $ ans ,ayent augmenté de prix d’envi- ron 30 pour cent, le nombre des individus qui la donnent eft diminué , & plus encore la quantité de matière par individus. La grande cherté des grains & des fourages, pendant une fuite d'années trop nombreufe, a forcé de fe défaire de leurs petits troupeaux ceux qui n’ont que de foibles récoltes & ceux qui n’en font point : les autres ont plus mal nourri les leurs , réfervant pour les vendre des denrées qui procuroient un bénéfice actuel & plus confidérable ; d’où les toifons du poids de 4 liv. taux commun, fe font trouvées réduites à environ 3 liv., les maladies de ces animaux ont été plus fréquentes, plus dangereufes ; on s’eft moins hâté de les remplacer ; & le nombre des moutons, dans les territoires où la diminution eft le moins fenfible dans les lieux de terres labou- ———————_———pZ ; re Le prix commun aétuel des laines de pays, prifes en toifon, eft de 24à 25 a livre. SURMENISTNATURELLE ETILES ARTS, 6ç: rables mifes en pleine culture, n’eft qu'égale à celui, des journaux à la fole : un pour trois journaux , & moindre à proportion dans les autres endroits. Cette quantité dans les rems ordinaires, va de pair avec la population des campagnes. : On compte les moutons en Angleterre par millions ; & je n'ofe hafarder ici là quantité qu’on y en fuppofe. Le prix des nôtres , depuis l'époque indiquée , a diminué en raifon de l'augmentation du prix de la nourriture (1). Les to'fons en Picardie, valent aétuellement 3 liv. ro fols l’une dans l’autre, l'agneau fe vend de 40 à so fols, ainfi le produit d’une brebis eft de s à 6 liv.; lorfqu’on évalue fa dépenfe à 8 , 9 & jufqu'à ro 1. J1 eft évident que la feule raifon de l'engrais a pu déterminer les fermiers à foutenir cette éducation. Ne pourroit-il pas y être encouragé par quelque récompenfe , par quelque diminution de taille proportionnée à l’objet, au lieu de l’aug- mentation réelle & toujours arbitraire ? Cet arbitraire, qui tient fans celle en fufpens & en crainte, qui met toutle monde dans une dépen- dance humiliante & ruineufe , qui a été & fera nuifible dans tous les tems & à tous les égards, écrafe entr'autre cette partie dont il à fait un objet d’induftrie dans les campagnes pour y augmenter ceux d’impof- tions ; enforte qu’on ne taxe pas feulement le bien, fa valeur & fon pro- duit, mais l'intention & les efforts qu’on fait pour améliorer ce bien & augmenter fon jeu , quoique ces efforts foient quelquefois infruc- tueux , quelquefois ruineux. De l'éducation des Troupeaux & de la culture des Laines , en Angleterre, Ux procès-verbal du troupeau du fieur Delportes, le compte rendu des terreins où il paît , du parc où on le retire, des pratiques qu’on ob- ferve, des vues même qu'on à pour la fuite : tout cela eût mal fait concevoir ce qui en peut réfulter , ce qu’on en doit attendre. Il faut des comparaifons dans les chofes de pratique. Où les prendre, fi ce n’eft fur les lieux mèmes des objers qu'on veut imiter ? l'importance de celui- ci m'a fait fouler aux pieds les dangers auxquels de femblables démar- ches expofent , dans un rems fur-rout où la frayeur de fe mettre en mer étoit égale de part & d'autre, à caufe des hoftilités commencées, qui ne m'ont permis en outre de mettre en ufage que des moyens très-périlleux. (G) Les moutons Anglois, maigres ou gras, mais principalement ceux-ci, fe yen- dent plus du double des nôtres, ce qui prouve , la‘ viande n'étant pas beaucoup plus chère en Angleterre qu'en France, que les moutons Anglois font plus gros , plus gras ue les nôtres; & qu'il y a beaucoup à gagner dans ces fortes d'entreprifes lorfqu’elles ont conduites avec intelligence. 64 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, J'ai pallé en Angleterre pour y vifiter les troupeaux de bètes À laine; les terreins fur lefquéls ils vivent, & y. étudier les pratiques relatives à l'éducation de ces animaux & à la perfection de leur laine. Je vais entrer dans toûs les détails de ce que j'ai obfervé , & des inftruétions que j'ai prifes à ce fujer dans les provinces de Kent & de Suffex que j'ai parcourues, comme celles où lesmoutons font en plus grande quantité, & qui four- niffent les plus belles laines. Parmi beaucoup de fortes de moutons que pofsède l'Angleterre, il en eft quatre efpèces principales, dont les produits de la croifure forment à- peu-près toutes les autres. Je ne remonte point à l’origine de ces mou- tons , à l’hiftoire de ces troupeaux que tant d’autres ont faite , fur laquelle même on eft peu d'accord, & qui d’ailleurs ne peut contribuer en rien au projet qu'on a en vue. Il fufht qu’on fache qu’en imitant les -Anglois dans leurs pratiques , on cbriendra les mèmes réfultats qu'eux. La plus grofle efpèce fe nourrit dans les gras pâturages de Lincolns- hire, province maritime fur l'Océan Germanique ; elle fournit abon- damment une laine la plus longue , mais non pas la plus fine. C’eft de cette province qu'on tire les béliers pour foutenir & renouveller les races dans les autres cantons; & de tems en tems elle en tire elle- même de la Barbarie pour la même raifon , comme elle le fait, ainfi que la province d'Yorck, des étalons pour les chevaux de race , les plus eftimés de l'Angleterre. La feconde efpèce, qui eft la plus nombreufe & qui fournit la plus grande quantité de laines fupérieures aux précédentes, & déjà très-belles , couvre les vaftes prairies des provinces de Kent & de Suflex , qui bordent la Manche, & particulièrement celles connues fous le nom de Romeney- Marsh , où marais de Romeney. Les individus de ce canton l’emportent en groffeur & en quantité de laine fur ceux de tous les autres ; excepté ceux de Lincolnshire , auxquels ils le cèdent à ces deux égards. La troifième eft celle des environs de Cantorbery , plus petite de taille que la précédente , & qui fournit une laine plus fine, mais en moins grande quantité, Cette dernière laine eft une des plus belles de l’Angle- erre ; elle efttrès-propre au peigne ainfi que celle des cantons précédens. La plupart des individus, mâles & femelles, ont des cornes, aïnfi que les béliers de Lincolnshire, ce qui eft d’un exemple rare dans les autres troupeaux, où l’on n’a pas mêlé ceux de cette race. ; La quatrième, enfin, eft celle de la partie de l’oueft de la province de Suflex, aux environs de Lewes & de Bourne dans la montagne, à 40 à 45 milles de Rye; les moutons y font les plus petits de tous : leur laine, plus courte &. plus fine , eft aufi en moins grande quantité qu’en aucun endroit. Elle eft plutôt propre à la carde qu'au peigne , & elle s’employe avec fuccès dans les draperies , fur-tout en chaîne, Elle a plu-. fieurs deprés de finefle au-deflus de celui des laines de la Sologne & du Berry; SYR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 6 Berry ; mais elle eft encore très au-deffous des belles laines d’Efpagne. Le produit de la croifure de cette efpèce avec celle de Romeney-Marsh, en eft une de groffeur moyenne, dont la laine fort fine eft très-propre au peignage. $ j On apperçoit déjà le moyen de varier les laines & de les obtenir à- peu-près de la qualité qu’on les defire. Cette croifure des moutons de la plaine avec ceux des hauteurs , a encore cela d’avantageux, qu’elle fou- tient les troupeaux qui, continuellement reproduits par eux-mêmes, dégénéreroïent enfin ainfi que la laine. Elle eft encore indiquée par une autre raifon , celle d’avoir une efpèce propre aux pâturages qu'on lui deftine. En général, plus lefpèce eft groffe, toutes chofes égales d’ailleurs ; plus la laine eft longue, plus elle abonde en poids, & moins elle eft fine : plus elle eft grofle, plus les pâturages doivent être gras & abondans. Ainfi les premiers paiflent toujours dans les terreins bas , les prairies qui tue la mer ; les fuivans dans les pâturages de côteaux, & les derniers dans ceux de la montagne. La grofle efpèce dépériroit bien-tôt dans les pâturages maigres, & l’altération de la laine fuivroic de près celle de l'individu. La petite efpèce s’engraifleroit trop tôt dans les pâturages abondans , & elle feroit inceffamment fujette aux mala- dies qui proviennent de cet état. Les éhers font féparés des brebis pendant toute l’année excepté environ un mois, à commencer vers le 14 Novembre. Comme la por- tée des brebis eft d’environ cinq mois , elles mettent bas en Avril, faifon où le tems devient plus doux , & où la verdure commence à pouffer. On ne donne le bdlier aux brebis qu’à la feconde année de fa naifflance, à l’âge de 18 à 19 mois, & les brebis ne font couvertes qu'au même âge. La première année que faute le bélier, on ne lui donne qu'environ 20 brebis avec lefquelles on le met à part durant 7 à 8 jours , quoiqu'il les faillifle & les remplifle toutes ordinairement dans la première nuit. La feconde & troifième année de fervice des béliers, on les lâche dans le troupeau à raifon d’un pour 40 à so bre- bis , qui ne portent ordinairement que trois fois; & qui ne paflent jamais quatre ans. On les engraille alors: on les tueroit plutôt fi elles devenoient trop grafles, Les troupeaux , en Angleterre, naiflent, vivent dans les champs, toujours en plein air: hiver & été, en fanté comme en maladie , il n’y à ni étables, ni hangars. 11 fe trouve feulement à l’extrémité de l’un des champs fur lefquels ils pâturent , un petit parc en barricades, divifé en plufeurs chambres, où l’on ramafle le troupeau de tems en tems, pour le vifirer, lui adminiftrer les remèdes dont il peut avoir -befoin, en faire la tonte, féparer ceux qu'on ne veut pas qui reftent Tome XIV, Part, IL. 1779 NOMLLET NI 66 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, avec les autres, faire la caftration , leur couper la queue, choifir & marquer les plus gras pour la boucherie, &c, &c.…. fans cetre précau- tion , il feroit impofhble de joindre des animaux vifs, alertes, bien conftitués , dont le regard eft fixe, la marche ferme , & à qui leur manière de vivre donne un air fauvage & les rend prefque tels. La tonte des troupeaux fe fait depuis la Saint Jean jufqu'au r$ ou 20 Juillet, & mème plutôt à l'égard de ceux qui font deftinés à l’en- grais. Le premier de Juiller, il n'y avoit prefque encore que ceux-ci de tondus. On tond les agneaux environ un mois plus tard , & cet alors qu'on fait la caftration, qu’on leur coupe la queue, un peu plutôt ou plus tard. On ne met pas une grande conféquence au tems de cette opération. On coupe même la queue plufieurs fois aux brebis, comme remède pour les faigner, fuivant les circonftances. (1) Plufeurs perfonnes penfent que l'opération de couper la queue n'influe en rien fur l'animal. J'ai de la peine à croire qu'une opération aufi générale en Angleterre, en Hollande, en Allemagne , en Efpagne & ailleurs , faite avec une exactitude aufli conftante & une intentien auffi déterminée , aufli raifonnée, foit fans conféquence. Les Anglois prétendent que cette opération carre l'animal, lui arron- dit la croupe, fortifie fes différentes parties, & lui donne plus de difpofition à engrailler. C’eft pour cette raifon qu'ils la font fur leurs chevaux. Les Hollandoïis infiftent fur cette pratique pour la même rai- fon. Il en réfulte d’ailleurs cet avantage que les parties qui environnent la queue, le haut des cuifles, les proximités de l'anus & des parties fexuelles, fujerres à s’'échauffer, y font moins expofées: En Angleterre pour éviter ce dernier inconvénient, on leur coupe fouvent tous les poils du bout de la queue qui refte, ceux qui avoifinent toutes Les parties qu'on vient de nommer , & où s’attachent ordinairement beaucoup d'ordures. Aïnfi couchant toujours dans l'herbe, expofés à routes les intempéries des faifons, les moutons font toujours propres ; aucun corps étranger n'augmente le poids des toifons , n’en catit & durcit la laine, elle fe conferve blanche & nette, ce qui contribue autant à fa beauté qu'à la fanté de l'animal. Maloré toutes ces précautions ;. pour avoir des laines encore plus nettes, on lave les troupeaux avant la tonte. Cette opération fe fait en rivière, ou dans des réfervoirs 6 (x) On juge de l’âge des moutons par l'état de leurs dents. Ils n’ont d’abord que huit dents canines à la mâchoire inférieure: 2 de ces dents font au bout d’un an remplacées par des mâchelières , 4 à deux ans, 6 àtrois ans, & les 8 enfin àqua- tre ans. Elles fe foutiennent en bon état environ un an; & leur dépériffement fuc- cellif indique la fuite de cer âge. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 67 dont on renouvelle l’eau quand on ne peut en avoir de courante, Dans le dernier cas, on pratique autant qu'il eft pofible des réfervoirs , à cer effet, près des parcs dont j'ai parlé. Le lavage fe fair de 8 à 10 jours avant À tonte. Les eaux réchauffées alors par l’ardeur du foleil diflolvent parfairement le fuin, ou la graifle naturelle de l'animal ; & l'on ne met cet intervalle du lavage à la tonte, que pour que la toifon fe fournifle d'un nouveau fuin, qui maintient & conferve la laine dans un bon étar; qui la rend exempte de fécherefle & à l'abri des vers, jufqu'à ce qu’on l'emploie. Le poids commun des toifons de Romeney-Marsh eft de 7 liv.; celui des toifons des environs de Cantorbery de 4 liv. & celui des laines de la Montagne de 2liv. ? Les troupeaux qui païflent dans les herba- ges en ont plus: ceux qui paiflent dans les rerres jachères en ont moins : & c'eft une remarque générale que plus la nourriture eft abondante plus les moutons ont de laine. Il et cependant à obferver que les brebis qui ont des agneaux donnent moins de laine que celles qui ne portent pas, & moïns encore que les moutons coupés, dont la laine eft tou- jours plus belle. Cette diminution peut aller à un tiers; mais quoique les brebis forment toujours en Angleterre le plus grand nombre des individus dans chaque troupeau, on y voit cependant beaucoup de moutons coupés. Le prix courant de la laine, en Angleterre, su quelques années eft pour celles de Romeney-Marsh , de 6 liv. 2 fter ings le pak; (1) celle des environs de Cantorbery , d’une livre à une livre & demie fterling de plus; & celle de la partie de l’oueft, de deux livres fterlings au- deflus de celle de Romeney-Marsh ; ce qui établit les qualités ordinaires parmi les belles, que nous tirons pour employer dans nos Manufac- tures, de 12 à 16 f. & les plus fines de 16 à 18 £. la livre, argent & poids de France (2). en (x) Le pak eft de 144 liv. poids d'Angleterre, qui eft de 9 pour cent moindre que celui de France: Le fcheling vaut 12 [. Anglois , environ 23 {. de France. La livre ferling vaut 23 liv. de France ; la guinée vaut 21 fchelings. (2) Soir l'abondance réelle des laines cette année, foit qu'on en air moins em- ployé à la fabrication depuis quelque-tems , quoiqu'il en foic beaucoup paffé en France, depuis deux à trois ans, elles font encore baïllées de prix en ce moment. Un Fermier du haut-pays, entre Lewes & la Rye, chez lequel je me fuis arrêté affez de tems, où j'ai pu trouver la facilité de vifiter les troupeaux , les pâturages, les laïnes en magafn & de prendre une partie des inftruétions que je defirois 3 ce Fermier, dis-je, donc les troupeaux font formés de la croifure de l'efpece de Rome- ney-Marsh avec la petite efpece des hauteurs , & dont les laines font fort belles par conféquent, me dit qu'il feroit content s'il les vendoit cette année 6 liv. fterling le pak (environ 12 £. de France la livre Angloife. ) Ain la dimination du prix de ces 1779. JUILLET, 1 - 63 OBSERVATIONS SUR EA PHYSIQUE, Les moutons ou brebis maigres de la plaine, la grande efpèce , va- Tent de 10 à 2% fchelings, & gras de 35 à 40 fchelinos, & jufqu'à z guinées, ceux de la petite efpèce également maigres en foire de mème, & pris en troupeaux, fe vendent de 16 à 18 fchelings. Les béliers font fans prix ; il dépend de leur force, de leur bonne conftitution: on en paie quelquefois 10 guinées ; il eft ordinairement de 3 à 4. Le prix des agneaux pour former des troupeaux , à 6 mois, elt de 14 à 15 fchelings ; & pour la boucherie , à 2 à 3 mois, de ro à 11 fche- lings. Celui des béliers dont on a parlé, n’eft tel qu’on l’a dit que lorf- qu'ils font formés & en état de fervir, à 17,18, à 20 mois, avant qu'ils aient fervi (1): IL arrive affez fouvent qu’une brebis fafle deux agneaux , quelquefois trois. On a beaucoup de peine à les faire adopter à. d’autres en cas d'accident: on y a réufli en enveloppant l’adoptif de la peau du vrai agneau : la brebis paroïffoit d’abord avoir des doutes ,, marquer de la répugnance ; elle s’y prèroit enfuite. Dans tous les pâturages bas, ceux des plaines ou vallées qui avoifi- nent la mer, on n'apperçoit ni haies ni arbres. Les poffeffions ne font divifées & féparces que par des foffés ou des barrières, & la vue fe perd dans limmenfité de ces prairies vertes, tachetées de blanc par- tout, par la quantité prodigieufe de moutons dont elles font couvertes, En Oétobre, dès la fin. de Septembre mème, lorfque les pluies commencent à devenir abondantes, on retire les agneaux des prairies pour les tranfporter fur les haureurs. Souvent on en ufe ainfi à l'égard des béliers, & certe pratique eft la meilleure; on les ÿ garde jufqu'au Printems, en Avril, qu'on les ramène dans la plaine. À l'égard des brebis s'il en eft qui tendent à s’engraiffer trop, fymptome & avant- coureur de la pourriture, dont on courroit les rifques en les laiffant plus long-tems dans cette forte de pâturages, on n'attend pas l’évène ment, on les vend pour la boucherie. On ne tranfporte jamais les au- tres que dans le cas où les eaux trop abondantes, couvrent les prairies, ou que la neige tient au-delà de 1 5 jours à 3 femaines , & qu'il y en 2 + LA PS Jaïnes feroit cette année fur les précédentes de 12 à r$ pour cent. Elles fe vendent aujourd'hui en France, de la main du fraudeur qui les amène au premier Marchand! qui fpécule fur cet article, 100 pour cent & au-delà de plus qu’elles ne valent chez le Fermier Anglois. 11 eft à préfumer qu'elles coûteroient plus encore fi la peine de les fortir étoit moins rigoureufe, quelques grandes qu'en foient les difficultés , comme: on le verra ci-après. (x) Qu'on les choififfe bas fur jambes &,bien membrés , la jambe courte eft en: gra un bon figne. On prétend que les qualités qu'elle annonce s'étendent jufques: r la chair. de l'animal qui en eft plus délicate, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 69 ait une certaine hauteur. Lorfqu'il y a peu de neige, elles la labou- rent avec le nez, & elles reviennent fur leurs traces pour manger l'herbe qu'elle couvroir. On y jette un peu de foin qu'on récolte fur des ré- ferves faires dans les prairies; mais comme ces récoltes font foibles en comparaifon de celles des hauts pâturages, où l’on a plus de réferves, on y conduit les brebis dans ces longs intervalles. Quoiqu'il y ait beaucoup de terres en culture dans le haut pays, la plus grande quantité du terrein eft en pâturages. Les clôtures y font géné- ralement en haies & quelquefois en barrières , cependant on n’y em- Las guères ces dernières, que pour fermer les bafle-cours & ceindre es parcs. On voit par-là qu'il n'y a ni Bergers ni chiens en Angleterre. Il réfulre de ce qui précéde & de ce qui fuit , que les Anglois, outre qu'ils n’ont point de frais à faire à cet égard , dépenfent moitié moius fur toutes les autres avances qu'exige cette culture, & qu’elle leur rap- porte moitié plus qu’en France (x). Le mouton eft de tous les animaux, peut-être , celui qui a le plus befoin de tranfpirer, & celui à qui une tranfpiration forcée foit la plus contraire. Ami de la liberté, il ne refpire à l’aife qu’en plein air. Li- bre, il eft toujours divaguant, & il ne le cède qu’à la chèvre par fon inconftance. Jamais on ne les voit fe réunir pour paître, pour fe coucher : ils n’affeétent aucune place, ils ne donnent la M ne a aucun lieu comme les autres animaux. Il craint beaucoup la grande chaleur & il ne mange point aux heures où elle fe fait le plus fentir, quand il a pu fe raflañer dès le matin: on le voit fe lever au point du jour, errer dans les pâturages , y manger dans la rofée & faifant fon meilleur repas avant le lever du foleil. 11 fe couche dans l'herbe au fort de la chaleur; & dans les pâturages élevés, il fe range volon- tiers à l'ombre des haies ou des arbres, puis il fe releve fur le foir , il bondit & mange avec appétit. Quand il n'y à pas de neige, ou qu’elle ne tient que peu de tems ; on ne donne abfolument rien aux troupeaux qui paillent dans les prairies, Dans le haut pays, ou pendant l'Eté ils vivent fur les patu- rages , lorfqu'ils font fecs, que le troupeau n’y trouve plus une nourri- ture fufhfante , non plus que fur les chaumes où les terres en jachères , () Lorfque j'arrivai en Angleterre, je fus jetté fur la plage à 3 heures du matin, à 4 & à 5 milles de toute habitation, & j'errai dans les prairies pendant plus de deux heures , fans rencontrer une figure humaine; mais elles éroienr couvertes de troupeaux. Ce fut pour moi un fpectacle aflez intéreffant que la groffeur , l'embonpoint de ces animaux , leur blancheur éclatante , leur air étonné , & fugace, femblables à un trou peau de biches ou de dains qu'on furprendroit dans une forér, 70 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fur lefquelles on le conduit aufi; on lui donne des navets , qu'on cultive à cette intention & quil mange en terre ou arrachés, fuivant les circonftances , avec réferve quant au terrein & à la qualité (1), comme je l'expliquerai après avoir parlé de fa culture. Le navet qui fert de pâture aux animaux, en Angleterre , & qui y eft connu fous le nom de Common felds turnips , fe feme depuis le 1$ de Juillet jufque dans les premiers jours, d’Aoùût , dans une terre pré- arée à deflein, bien fumée, labourée au moins deux fois & rendue Le plus meuble poflible : rerre en fole néanmoïns, prife dans l’année de fon repos ; elle n’en eft que meilleure pour la récolte des années fuivantes,. On en mêle la graine avec du fable ou de la cendre pour la femer également & très-clair. Quand les navets font levés on les éclaircit encore ; on les farcle fouvent ; on les cultive même avec une petire houe, ce qui les fait groflir prodigieufement. - On retarde l'ufage de cette pâture, on la poufle le plus avant qu’on peut dans l'hiver. La petite amertume du navet dans les premiers tems ne plaît pas d’abord aux moutons; mais quand le befoin les à une fois follicité d'en manger, ils en font très-avides. Lorfque la neige cit très-abondante , on les arrache, on les coupe par morceaux & on les leur donne ainf fur la neige mème , mais en telle quantité qu'ils puilfent s’engorger , & feulement le foir lorfqu'ils n'ont pu trouver une noutriture fufhifante pendant la journée. Lorfqu'il y a peu de neige, on les conduit fur le champ, & ils y mangent les navets en terre, pénètrent jufqu’au fond de l'intérieur , & n’en laifflent abfolument que la peau où l'écorce. On a foin de les cantonner fur ce champ pour qu'ils ne le parcourent pas d'abord , ce qui feroit pourrir les navets entamés s’il venoit à pleuvoir; d’ailleurs le navet ne craint ni la gelée, ni la pluie , il fe conferve très-bien en terre. On laïfle ainf pâturer le troupeau pendant une demi-heure , trois quarts-d'heure, plus ou moins, fuivant ce qu'en jugent les perfonnes habituées à les voir, & exercées à les foigner. On donne aufli de ces navets aux bœufs & aux vaches ; & en général on regarde cette découverte , en Angleterre, comme une des plus im- portantes qu'on y ait faite depuis long-tems dans l'Economie Rurale. Quelques mulripliés que foient les avantages de la méthode Angloife fur la nôtre, ce qu'on comprendra mieux en fe rappellant les détails (x) J'ai rapporté , répandu & fait femer de la graine de ce navet , en France , comme j'ai répandu ici & en Boulonnois de la graine de ce fameux choux du nord qui dure de £$ à 20 ans, & qui fournit abondamment une pâture coujours verte & fraîche propre aux vaches, aux bœufs & aux moutons. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 7: dans lefquels je fuis entré touchant celle-ci, il ne faut pas croire qu'elle rémedie à rout efficacement , & que les troupeaux ne foient fujers en Angleterre à aucune des maladies que la trop grande domef- ticité, la bep la mauvaife nourriture, l'ignorance & les pré- jugés rendent fi communes & fi dangereufes en France. Les maladies les plus ordinaires font le claveuu ou la pourriture, & les coliques. Lorfque la première n’eft pas invétérée , on la guérit avec du fel (r), les moutons ne paroïllent pas s’en foucier d'abord; on le leur fait avaler , fondu dans de l’eau, avec une corne ; on en mêle enfuite dans leur nourriture , & ils finiffent par le manger volontiers ; on le leur adminiftre en plus ou moins grande quantité, & plus ou moins de rems, fuivant le degré de la maladie. Les coliques fe gué- riflent avec de l'huile d'olives pure qu'on leur fait avaler. Les moutons ont quelquefois la galle , rarement en Angleterre , où ils font toujours à l'air, quelquefois feulement lorfqu’après avoir voyagé en tems de chaleur, ou avec trop de vitelle, ils fe font échauffés ; alors on fait bouillir du tabac pe de l’urine , & on les frotte de cette liqueur. Ils faut avouer que dans ce cas-ci la pommade indiquée par M. Daubenton eft préférable ; elle eft compofce de fwif ou de faindoux fuivant la faifon , & d'huile de thérébentine : + du premier ingrédient & + du fecond ; d’autres préférent la dofe de à de l’un & + de l’autre : le tout fondu & bouilli enfemble. On racle légèrement la peau pour en faire tomber toutes les galles , & l’on enduit les parties vives de cette pommade, La lourdie eft une maladie qui n’eft guères connue que par fes effers ; c’eft une efpèce d’épilepfe qui ne fait pas mourir fubitement le fujet qui en eft attaqué, mais elle altère fenfiblement fa conftitution & il périt enfin. Les Anglois ne connoïffent aucun remède à cette maladie ; mais comme elle n'arrive que lorfque le mouton eft fort gras: ils le tuent alors & il eft fort bon. On connoît encore les coups de fang, efpèce d’apopléxie, maladie qu'on ne fauroit guérir que par une faignée faite au moment même de l'accident, fans quoi ils meurent aufhtôt ; mais cette maladie eft aufli rare parmi les moutons que parmi les hommes, & prefqu’inconnue en Angleterre, où la manière de vivre les en préferve. En toute circonftance on reconnoît l’état de fanté du mouton parti- culièrement à l'infpeétion de fes yeux. Lorfque les caroncules en font d’un rouge vif, ainfi que les veines répandues fur le blanc, ils fe por- (x) Le fel paie des droits en Angleterre, avec cela il ne coûte qu'environ 7. An- glois le galon, ce qui reviendroit en France à 2 f. la livre au plus. 72 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tent bien: la teinte violette annonce une mauvaife difpoftion: fi la couleur eft pâle ils font certainement malades. A l'égard du Jarre, poil dur & roide qui fe refufe à tout apprèt, & qui n'eft fufceprible d'aucune teinture, dont les toifons font plus ou moins affectées par l’âge ou d’autres caufes peu connues, il faut être attentif à ce que les béliers en foient abfolument exempts , & ne pas fe perfuader d'en guérir un troupeau par les croifures, à moins que la quantité de ce mauvais poil ne foit infenfible dans les brebis , autrement , il faut fans héficer les engraifler & les tuer. Il n'y a pas de Bergers en Angleterre , mais on a des gens qui vifitent les troupeaux derems en tems, & qui en ont foin. Ces gens demeurent chez eux, & ils font attachés a autant de maîtres qu'ils peuvent en fervir, pour ce feul genre d’occuppation ; ils n’ont pas d'au- tre état. On leur donne un fcheling par acre de pâturages fur lefquels vivent les troupeaux; & l'on nourrit environ 10 moutons fur un acre, enété, & de 3 à 4 en hiver. Ceux qui fpécuient fur le produit des troupeaux & en font leur commerce, n'ont fouvent ni biens fonds ni fermes; ils louent feu- lement des prairies, & ils s’arrangent avec les Fermiers de la hauteur pout les tems de neige feulement, à tant par femaine , car ceux-là ne fpéculent que fur les moutons à engraifler. En Angleterre comme en France, on marque les moutons fur le dos en noir avec une compofiton de goudron & de bray, ou en rouge avec le recdoek , terre rouge délaiée à l'huile. On n'y croit pas que ces marques ne puiffent pas s’en aller : erreur qu'ont accrédité nos Règle- mens en les défendant. Elles ne s’en vont pas au lavage des moutons à l’ean pure, ou les réfines ne font pas folubles, & qui ne fe mêle pas avec les huiles, mais il n’en refte rien au dernier dégrais de la laine qui fe fait toujours par un lavage au favon. Après avoir indiqué la méthode d’éduquer les troupeaux en Angle- terre, après avoir donné le prix de la laine & celui des individus dans leurs différens âges, il n’eft pas hors de place de faire quelques recherches fur la nature & le montant des dépenfes que cette mérhode entraîne. C’eft fur-tout par le prix des chofes qui y font relatives qu'on en pourra juger. Les prairies de Romeney-Marsh font loutes chaque année de 3oà 35 fchelings l’acre. Les fermes hors la prairie fur la hauteur font éva- luées à 15 fchelings l'acre, toutes efpèces de rerres les unes dans les autres. En Boulonnois elles ne valent hauts & bas terreins , prairies &c coteaux , les unes dans les autres, que 10 liv. la mefure; & elles font de moindre valeur en Picardie. L’acre d'Anglererre contient environ 8$ verges aid PE. ë + , DURE LOST Re miam nm ——— verges réduit à la mefure du Boulonnoïs , qui en contient 100, & l'arpent de France qui en contient 120. . Les hommes de journée pour les travaux de la campagne , ont deux fchelings par jour en été, & 16 f. Anglois en hiver. Le fcheling vaut 12 f. Anglois, environ 23 f. de France. Les Valets de charrue ou au- tres des fermes , ont de 9 à ro liv. fterlings par an, outre la nourri- ture , le chauffage, &c. comme en France. La livre fterling vaut envi- ron 23 liv. de France. Le pain ordinaire chez le Boulanger vaut ordi- nairement d’un fol un quart à un fol & demi Anglois la livre, On fait le prix des grains par les papiers publics. Celui du bœuf pris à la boucherie eft de 4 f. +. & celui du mouton de 4f. 1. Anglois, à-peu- près le même prix qu'en France : le poids de 9 pour cent au-deffous du nôtre , comme je l'ai déjà obfervé. On ne compte guères la bière on ne paroît pas la mefurer du-moins. En général le prix de la main-d'œuvre (1) en Angleterre, eft plus haut qu'en France de 20 à 25 pour cent au moins. Les ouvriers ue les Arts, qui n’y gagnent que 14 à 15 fchelings par femaine, y font malheureux ; ils en gagnent ordinairement de 15 à 18 dans les Manu- factures, & beaucoup mème gagnentune guinée. Ce n’eft pas parce qu'ils travaillent davantage qu'on le fait en France, qu'il faut qu'ils gagnent plus, ni même que la nourriture commune y foit beaucoup plus chère ; mais parce que l'ouvrier dépenfe davantage, qu'il vit beaucoup mieux fur-tout, & qu'il eft mieux vêtu, qu'il prend plus fes aifes, qu'il a plus fes commodités en tout genre : ce qui eft devenu habitude & befoin chez lui, au point de ne devoir attendre ou craindre aucune réforme à cet égard. Il faut cependant convenir que fi l’ouvrier An- glois fe repofe beaucoup plus que ne le fait ouvrier François , il met bien une autre activité que lui au travail lorfqu'il le reprend. On peut donc remarquer & le dire en précis que la matière eft de 100 pour cent meilleur marché H prife en Anpglererre , que rendue en France, & que ce prix primitif des laines d'Angleterre eft d'environ 80 pour cent , au-deflous du prix de nos laïnes, celles du moins des Provinces où nous employons les leurs; & qu'enfin la-location des terreins y eft aufli à-peu-près double à r00 pour cent au-deflus de ce qu'elle eft en Boulonnois, en Picardie, &c. ’ ’ A à (1) Les canaux, foffés & abords par eau, de fa petite ville de Rye ; qui ont été faits dernièrement aux dépens du Gouvernement, ont éré travaillés en plus grande partie par des François, Boulonnois, qui yivoient du prix de cette main-d'œuvre ow les ouvriers Anglois feroient morts de faim, Tome XIV, Part. IL. 1779. JUILLET, K YA W'rsatr LU EVMANO QUIL LA LIL1LO01IWVULS Ainfi, ayant autant d’'induftrie que les Anglois, eu égard au bagrix de la main-d'œuvre en France, à prix, quantité & qualité égales de la matière première , nous fommes certains d’avoir toujours la préférence fur eux dans rous les objets de concurrence. Et fans s’écarter de notre objet À on pourroir montrer jufqu'à l'évidence, que ce n’eft pas en prohibant des étoffes de laine d'Angleterre, qu'on en empèchera l'in- troduction en France, mais en augmentant la quantité & perfection- nant la qualité de nos laines , pour établir les mêmes étoffes aufli belles & à auffi bas prix que celles des Anglois. 1+ NOUVELLES LITTÉRAIRES. C LLECTION des Œuvres complettes de M.Charles Bonnet, Mem- bre de plufeurs Académies, à Neufchârel chez Samuel Fauche, & à Paris chez Hardouin , rue des Prètres; Cloître Saint-Germain-l’Auxerrois. Les trois premiers Volumes ( i2 4°.) paroiïflent & les autres fuivront de près, puifqu'ils font tous fous prefle. La beauté de cette édition fait honneur aux preffes de Neufchârel , foit pour la netteté & la forme des caractères, foit pour le papier, foit enfin pour tout ce qui concerne la richeffe Typographique. Le burin des gravures eft d’un bon ton & rend complettement la Nature & les plus petits détails de l'objer qu'il repréfente. A la tête du premier Volume eft placé le portrait de l Auteur plongé dans une profonde méditation, peint par M. Jue/ & fupérieurement gravé par M. Elément & par Bradt; ces trois Artiftes font Danois. M.le Paf- teur Meuron s’eft chargé de l’exécution de cette faperbe édition. Il eftinu- tile d'annoncer le mérite des Œuvres du célèbre M. Bonnet , il y a long- tems que le public en a jugé ; nous nous contenterons de dire que cette édi- tion eftenrichie d’un grand nombre de nouvelles obfervations, & rour le monde fait comme M. Bonner obferve & combien il a obfervé; cependant, écoutons-le parler pour juger de fa modeftie. » S'il eft un » Livre que je regrette vivement de m'avoir pu confulrer de nouveau, » autant qu'il méritoit de l'être, c’eft le grand Livre de la Nature, » dont il-nvavoit été permis autrefois de lire & d'extraire deux ou » trois paragraphes, J'ai bien fait en dernier lieu quelques nouvelles » obférvations relatives à la phyfique des Plantes & à celle des Animaux; » mais combien ce travail éft-il peu de chofe en comparaifon de ce » que j'aurois tenté d'exécuter fi mes yeux avoient pu feconder mon » zèle pour le perfectionnement de l'Hiftoire Naturelle! « u « SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 7; Tnffruëtion fur l'Art des Mines ou Traité [ur la Science de l'Exploi- tation des Mines par théorie & pratique, avec un difcours fur les prin- cipes des Finances , fait pour l’Académie Impériale & Royale de Schem- nitz, par Chryflophe-François Déilus , Confeiller-Commiflaire de la Cour de Sa Majelté Impériale, à fa Chambre des Monnoies & Mines, tra- duit en François, par M. Schreiber, imprimé à Vienne au frais de Sa Ma- jefté Impcriale, & en France par ordre du Roï & aux frais de Sa Majefté; à Paris chez Pierres, rue Saint-Jacques , 2 vol. 21-4%. enrichi de beau- coup de gravures. L'importance L cet ouvrage , fa clarté, fa netteté & fa précifion ont fixé les yeux des Gouvernemens , & nous ajouterons que c'eft un Livre précieux & élémentaire dans fon genre. Inflruccion fopre el modo mas fèguro y economico de tranfportar Plan- tas vivas, E'c. Inftruction fur la manière sûre & économique de tranf- porter des pays lointains, les plantes en nature , les caïfles femées de graines , & fur la méthode de deffécher les plantes pour en former des herbiers, par M. Cafimir Gomez Ortega , Profelleur de Botanique du Jardin Royal de Madrid, & des principales Académies de l’Europe ; imprimée par ordre du Roi, &7:4°. de 70 pages avec les gravures né- ceflaires pour l'intelligence du fujet. Cette inftruétion a été expédiée à tous les Vice-rois, Gouverneurs & principaux Officiers de l'Amérique Efpagnole , accompagnée de la lettre la plus formelle fur la volonté & les ordres du Roi. Il faut efpérer qu’à la fin nous parviendrons à connoître les plantes de ces contrées aufi riches en végétaux intéreflans qu'en mi- néraux. Le Gouvernement a fait partir trois Botaniftes Efpagnols avec M. Dombey , Botanifte François, pour commencer cette riche collec- tion, & les foins , le zèle & les connoiffances de M. Urtega font efpé- rer que le Jardin de Botanique de Madrid aura acquis dans peu , la gloire des plus célèbres Jardins de Botanique de l'Europe. Hifloire & Mémoires de la Société Royale de Médecine, Année 1776, avec les Mémoires de Médecine & de Phyfique médicale pour la mè- me année. Paris 1779, 1-4°. de 9$2 pages, de lImprimerie de Phi- lippe-Denis Pierres , rue Saint-Jacques. Les progrès rapides de cette Société juftifient fon établiffement. Il a éprouvé comme celui du Col- lége de Chirurgie , les oppofitions les plus fortes , & nous ajouterons les critiques les plus amères, les diatribes les plus indécentes de la part de quelques Confrères dont les noms n’ont pu être inferits parmi ceux des Affociés. Ils ont juftifié cet Adage Nulla invidia pejor medicorum. Ce- pendant, c'eft au milieu de ces contradiétions ;que la Société s'éleve déjà comme un arbre majeftueux qui couvre de fon ombre une très- vaite circonférence, fous laquelle les Médecins Nationaux & Etran- gers viennent réunir leurs Obfervations & leurs travaux. Il réfultera AO UCI EI ENT KZ 36 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, néceflairement de ce confiét- que la Faculté de Médecine de Paris ouvrira enfin fes Porte-feuilles, & choifira dans le Recueil immenfe des Obfervations faites pendant une longue fuite de fiècles , les maté- riaux de plufeurs excellens volumes dont elle enrichira le public : deux corps , jaloux de mériter les fuffrages , en valent mieux l’un & l’autre. Le volume publié par la Société Royale de Médecine eft divi- fé en deux parties comme ceux de l’Académie Royale des Sciences, c'eft-à-dire, qu'il comprend l’Hiftoire & les Mémoires. M. Vicq- d'Agyr, Secrétaire perpétuel a rédigé l’hiftoire , & elle comprend 360 pages & les Mémoires $92. Trois Mémoires font compris dans l’ordre des Epidémies , deux dans celui de la Tapas phie médicale , dix dans celui de la Médecine pratique, trois pour les Epizooties , trois pour l’Anatomie, cinq pour la Chymie médicale, deux pour la Bota- nique , deux pour la Phyfique médicale , enfin le Mémoire couronné pour l'année 1776. 1] n’y a aucun de ces Mémoires dont le mérite & l'utilité ne foient bien reconnus, Effai d’une Méthode générale” propre à étendre les Connoiffances des Voyageurs, ou Recueil d'Obfervations, &c. pat M. Munier, Infpeéteur des Ponts & Chauflées, & Aflocié libre de la Société Royale d’Agri- culture de Limoges. À Paris chez Mourard , Imprimeur Libraire de la Reine, Hôtel de Cluni , rue des Mathurins. 2 vol. ë7-8°. de ç00 pa- ges chacun, prix 9 liv. À Limoges chez Barbou , Imprimeur du Roi; à Poitiers chez Félix Faucon, Imprimeur du Roi; à Angoulème chez Dubois, Libraire, M: Munier a obfervé que depuis long-tems grands nombre d’Ecri- vains s'occupent à publier des Annales, des Voyages & des Defcrip- tions Topographiques , mais il a vu avec regret qu'aucun de ces ou- vrages n'embrafloit tous les genres de connoïflances que préfentent les parties du globe qui ont été décrites. Cette obfervation a donné naïf fance à l'idée la plus vafte; l’Auteur a penfé qu'il pourroit atteindre à ce but, en prenant pour bafe les principaux chemins. {/ y en a par- zout, dit-il, 4/s fervent aux hommes pour fè communiquer, ils peuvent encore fervir à lier leurs idées & à les fixer. M. Munier entreprend donc d’'expofer démonftrativement dans fa préface, tous les avantages qui pourroient réfulter de cet immenfe projet, relativement à la mafle de nos connoiflances, à nos befoins & à l’adminiftration publique. I ne s’en tient pas à la fpéculation , car la pratique lui paroît le moyen le plus puiflant pour Êe tomber routes les difficultés. La con- viction de cette vérité l’a déterminé à faire un Effar, & il a choif pour champ de bataille la province d’Angoumois. Il s'attache à cette province depuis l'invafion des Romains dans les Gaules, & il en fuit les révolutions jufqu'à ce jour. Les perfonnes, dit-il, qui ne feront pas +" SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 77 curieufes de ces détails pourront fe contenter de les parcourir rapidemen+. 11 examine enfuite la répartition des impôts dans ce pays, fon com merce , fes manufactures , fes productions , la formation des côteaux, des rivières & des principaux objets relatifs à l'Hiftoire Naturelle & à la Phyfique. Enfin , il paroît avoir eu deflein que l’Effai qu'il nous donne pür fervir de modèle pour faire fur les mêmes principes la defcription complette de chaque généralité, ou de chaque province. Nous citons autant qu'il eft poflible les pee mêmes de l’Auteur, pour faire mieux fentir l’efprit de fa méthode. » Le Royaume de France » étant percé de routes qui partent du centre pour arriver à la circon- » férence , & les différentes Généralités qui le compofent étant elles- » mêmes traverfées , tant fur leur longueur que fur leur largeur , les » notions que l’on pourroit donner fur la compofition intérieure de » cette partie du ne , feroient allez rapprochées pour que ce travail » en devint une efpèce de géographie fouterreine «. L’Angoumois à fourni à M. Munier les matériaux de fon travail; mais il a voulu que l'édifice qui en réfulte für propre à tous les pays. On ne peur nier que les objets de fes recherches ne foient d'une utilité générale. Par exemple, la manière dont les Tailles simpofent dans cette Province de l'Angoumoïs , lui fournit l’occafion de parler du Cadaître & de faire un article de la répartition des impôts, Celui de l’adminiftration des chemins n’eft pas moins important. On peut dire la mème chofe de celui qui traite de l'Hiftoire Naturelle de la Charente, & des travaux que le Gouvernement fait exécuter pour la rendre navigable jufques dans le Poitou. La culture des grains rermine le pre- mier Volume. Cette partie contient des détails fur la connoiffance de l'âge des bœufs, fur leur travail , le commerce de ces animaux & la manière de les engraifler ; détails qui méritent d’autant plus l'attention du Lecteur , qu'on ne les trouve que dans l’ouvrage de M. Munier. I propofe aufli différentes méthodes pour augmenter nos moiflons, amé- liorer nos prairies & nos forêts. Le fecond Volume a pour objet la culture de la vigne , la manière de faire les vins , & celle de les convertir en eau-de-vie. On y décrit les productions naturelles & artificielles de la Province, On y parle de la mouture économique, de l’art de faire le papier , de la conitruc- tion des forges, & de la fonte des canons. L’Aureur femble avoir prévu que la defcription purement Hiftori- que & Topographique de l'Angoumois, ne feroit pas fufceptible de fixer feule l'attention du public : il a tâché d’intéreffer à fes recher- ches l’'Adminiftration & les différens ordres de l'Etat. Ses bonnes in- tentions méritent fans contredit beaucoup d’éloges , & doivent lui concilier l'eftime des Citoyens. 78 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, C’eft une idée neuve d’adaprer aux fimples pertuis les portes bufquées des éclufes à Sus. Elle eft de M. Tre/aguet, Infpeéteur-Général des Ponts & Chauflées ; la réforme qu'il a été obligé de faire aux anciennes portes pour la conftruétion des fiennes , ne peuvent manquer d'amélio- ter la conftruction des éclufes en général. Les nouveaux colliers de M: Perroner, defquels il eft parlé page 335 du premier Volume, & dont l'exécution à été indiquée page 516 du fecond , annoncent une fimplicité & une économie qui rendent cette nouvelle produétion de la plus grande importance. On trouvera des chofes neuves à citer dans les articles qui traitent de la connoïffance de l’âge des bœufs , de la manière de les engraiffer; dans la manière de fertilifer les cerres labourables , dans la culture du froment, du bled d’Efpagne ou maïs, du fainfoin & dans l'amé- liofarion des prairies. Le fecond Volume en préfente principalement dans l’article fur la conftruétion des forges & la fonte des canons, Elémens de Chymie , rédiges d’après les découvertes modernes ; ou Précis des Leçons publiques de la Société Royale des Sciences & des Arts de Metz ; par M. Michel du Tennetar, Confeiller & Médecin ordinaire du Roi, Profelleur Royal de la Faculté de Médecine en l’Univerfité de Nancy, Agrégé d'honneur au Collége des Médecins de la mème Ville, de la Société Royale de Médecine de Paris, de celle des Sciences & des Arts de Metz, &c. PERNOFSTPIENC URSS: LA Chymie doit fon exiftence aux mêmes caufes que la Société, à [a foiblelfe & aux befoins de l'homme. Le hafard fit faire quelques décou- vertes, on s'apperçut qu'on pouvoit en faire d'autres 'induftrie s'éveilla, l'art fut créé. Son utilité s'agrandit en raifon de fes progrès. La forme que l'induftrie a fu faire prendre aux terres, aux pierres , aux mé- taux & à tous les produits de la nature , pour les foumettre à nos befoins ; l'art de conferver, d'alimenter, de défendre les hommes ; les moyens par lefquels ils fe font mis à l'abri de l'infulte des faifons ; les reffources qu'ils ont trouvées contre ce qui peut leur nuire; tout eft du reflort de la Chymie. L'Académie de Metz , convaincue de l'utilité générale de cetre Science, a arrêté qu'il en feroit donné, à fes frais, des Lecons publi- ques & gratuites, dans une de fes Salles , par un de fes Membres. Ce projet a été favorablement accueilli; mais on a defiré d'avoir fous les yeux un Précis de ces Leçons , qui en préfentät le plan, l'ordre & les généralités , & qui pût aider la mémoire de ceux qui les fuivent, >" 0 SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 79 Cet Ouvrage eft rédigé & prêt à être imprimé. L’Auteur ne demande, pour le donner au Public, que de ne pas faire l'avance des frais: 1l le propofe donc par foufcription à ceux qui ont le projet de fuivre fes Leçons. Dès qu'il y aura cent Soufcripteurs, on livrera la première Partie. Tout l'Ouvrage fera divifé en trois Parties : la première comprendra le Règne Minéral; la feconde ; le Règne Végétal; & la troifième, le Règne Animal. Il fera du même format que le Profpectus. Le prix de la foufcription eft de quatre livres. On paiera trois livres ; en recevant la première Partie, vingt fols en recevant la feconde, & l'on ne paiera rien pour la troifième. On foufcrit à Metz, chez Gerlache, Libraire, rue Fournirue. L'Académie de Munich vient de publier fes Mémoires fous le titre de Nouveaux Mémoires, commençant une nouvelle époque au Gouvernement de fon nouveau Souverain , qui a confirmé l’exiftence, les Privilèges & les Membres de l’Académie de Bavière. Voici les titres des Mémoires de la première Partie du premier Volume. 10. Memoire fur le Bezoar, par M. Kennecly. Ce Mémoire contient des recherches très-fatisfaifantes fur la nature & l’origine des Corps, qu’on a compris fous le nom de Bezoar. 2°. Sur la Hauteur du Pôle, par M. Gruber. On examine dans ce Mémoire les différentes manières dont on peut fe fervir pour déterminer les latitudes , & on apprécie leur mérite. Ce Mémoire aura une fuite. 3°. Mémoire de M. Helfentrieder , fur la defcription d’une nouvelle forte de Quarts-de-cercle Aftronomiques à verres, fur lefquels on peut noter plus exactement , plus facilement & plus sûrement les plus petites parties d’un deoré, que fur les Quarts-de-cercle ordinaires. On entre dans tous les détails néceflaires pour donner une idée fatisfaifante de la conftruction de ce nouvel inftrument fur lequel les divifons font gra- vées fur du verre, 4°. Mémoire de M. Weber [ur l’Ele&rophore d'Air. Ce Mémoire eft rempli d’Expériences curieufes & rrès- intéref- fantes. s'. Examen Chymique de diverfes pierres précieufes | par M, Achard. Ces Expériences font très multipliées. So OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 6°. Mémoire de M. Van-Swinden , fur un Phénomène magnétique paradoxe , que l’aimant attire plus fortement le fer que l’aimant. On y fait voir par une analyfe exacte, & beaucoup d'expériences nouvelles , que ce Phénomène n’eft pas général comme l'ont dit tous les Phyfciens : On y développe les circonftances dans lefquelles il à lieu, & les élémens dont il dépend. 7°. Mémoire de M. Fifther fur une nouvelle méthode d’imiter le Naphte nilreux. Tous ces Mémoires font écrits en Allemand , excepté le fixième qui eft en latin. Le feconde Partie du mème Volume contiendra les Mémoires cou- ronnés de M M. Van-Swinden & Srciglener fur l'Analogie de l'Eleétricité & du Magnétifme. Examen d’une Brochure qui a pourtitre, Procès-Verbaux & Refléxions à l’occafion de la Seëlion de la Simphyfe, par M. Lauverjat, Maïtre en Chirurgie de Paris, Profeffeur en l’Art & Science des Accouchemens , &c. À Amfterdam , iz-8°, de 83 pages. Cours Complet d'Agriculture Théorique, Pratique & Economique, & de Médecine Rurale & Vétérinaire ; précéde d’un Diftours contenant un Plan d'étude propre & fixer la marche des connoiffances neceffaires au Culrivateur ; ou Dütionnaire Univerfel d'Agriculture; mis à la portée de tout le monde ; par une Société d’Agriculteurs Praticiens, & rédigé par M, VAbbé Kozier, Chevalier de l’Eglife de Lyon, Membre de plufeurs Académies , &c. OUVRAGE PROPOSÉ PAR SOUSCRIPTION;, SUR UN PLAN NOUVEAU. IL eft inutile d'entreprendre l'éloge les cris impérieux de nos befoins de l'Agriculture , de préconifer fes portent la conviction de l'impor- avantages pour le bonheur dela Sa- tance & des attraits de l’Agri- ciété, de parler des plaifirs fans re- culture jufques dans l'ame de ceux mords qu'elle promet, de l'utile & de | qui vivent dans le fein des Villes, l’agréable qu’elle réunit; d'élever cet au milieu du tourbillon des affai- Art de première néceflité au-deflus res ou des plaifirs. L’habitude des Arts que le luxe a introduits. Ces familiarife l’homme avec fes jouif- vérités ne font plus un problème, & fances les plus defirées ; peu à peu elles «#0 : SUR L'HIST. NATURELIE, ET LES ARTS. elles le dégoûtent : l'Agriculture feule lui en offre fans cefle de nouvelles, & par conféquent des plaifirs tou- jours nouveaux. Mais l'Agriculture eft-elle un Art? Le Payfan ne fait-il pas tout ce qu'il doit favoir ? N'a-t-on pas déjà écrit fur tous les objets de fon reflort, &c. &c.? Que répondre à des objec- tions fans cefle répétées par ceux qui ne prennent pas la peine de lire, & qui décident fans avoir la plus légère notion de l’objet dont on leur parle? Oui, l'Agriculture eft un Art, fondé fur l’obfervation , qui demande le plus de notions premières pour en tirer le parti le plus avantageux; un Art fi étendu , que l'homme méme très-inftruit trouve à chaque moment de nouveaux fujets de méditations, & par conféquent d’inftruétions. Si l’on favoit tout ce qu'il faut favoir, pour- quoi une Province feroit-elle mieux cultivée que la Province voifine? Pour- 1 un canton produiroit-il un vin upérieur au vin du canton limitro- phe, lorfque l’expofition & les efpèces de raifins font les mêmes ? On a déjà beaucoup écrit fur l'Agriculture, & encore plus compilé; les Livres four- millent, & les bons font rares : leur inutile multiplicité dégoûte, effraye, & ne fert fouvent qu'à ruiner celui ui fe livre avec confiance à leurs ffiêmes hafardés : ces fyftèmes font préfentés avec art, & pour n'être pas fufifamment inftruit, le Culrivareur paye bien cher les fuites de fon imprudente crédulité. Eat donc pour fixer autant qu'il eft poflible les principes agronomi- ques , pour raflembler les parties Tore XIV. Part. II. 1779. 81 éparfes de la fcience dans un feul corps de doétrine ; pour féparer le vrai du faux ou du douteux , que l’on publie aujourd’hui ce Dictionnaire. On a préféré cette forme, la plus fimple , la plus commode , à celle d’expofer les matières par une fuite de traités méthodiques ; ils entraîne- roient néceflairement des répétitions faftidieufes, & uniquement propres à groflir les Volumes. Le Plan d'étude placé à la tère de cette Edition, fervira de guide à celui qui defirera fincère- ment s’inftruire. Îl fera fuppofé ignorer entièrement ce de c'eft que l’Agri- culture; & le faifant avancer pas à pas dans la carrière, il parviendra à fixer avec ordre & précifion fes connoif- fances fur toutes les parties de cet objet intéreffant : de forte que cet Ouvrage réunira le double avantage d’être en même-tems, & un Livre Elémentaire & un Dictionnaire. Pour avoir une idée de l'Ouvrage qu'on propofe , il fufht de jetter un coup-d'œil fur le Plan général des Auteurs: ils confidèrent l'Agriculture fous trois points de vue , comme Agriculture de Théorie , Agriculture de Pratique , & Agriculture Écono- mique. Sans une théorie folidement établie par des principes généraux, & ces principes généraux fondés fur l'expé- rience, il eft difficile, pour ne pas dire prefqu'impoflible, d'opérer avec con- noiffance ae caufe fur des objets fou- mis à des loix phyfiques. De-la , cette nécefité de donner se prolégomènes, des notions préliminaires , qui foient comme autant d’échelons pour s’éle- ver à la pratique, & à la loi qui pref- TUTLL ET. JL S2 crit chaque genre de travail. Avant de labourer , par exemple, ne doit-on pas connoître La inftrumens cenfacrés au labourage , & les modifications qu'ils exigent relativement aux terres auxquelles on les deftine ? Mais pour juger fi les modifications de ces inftrumens ferontavantageufes, ne convient-il pas auparavant d’avoir une idée exacte de L nature de la terre à labourer ; par conféquent des caufes de fa compacité ou de fon atténuation , plus ou moins fortes; des moyens de remédier à l’un ou à l’autre, afin de faire acquérir à cette terre l’aptitude à ne retenir que la quantité d'humidité propre à la riche végétation de tel ou de tel végétal ? Ces difcuflions entraînent nécellaire- ment celles fur les Engrais, tirés d’un des règnes de la Nature , ou de deux ou des trois enfemble, & enfin de toutes les combinaifons dont ils font fufceptibles. Voilà déjà un pas immenfe ; mais à quoi fervira-t-il à l'homme qui n'aura aucune teinture des connoiflances phyfiques fur la végétation, fur l’éla- boration de la fève, fur l’organifation des plantes, fur l’ufage & les fonctions que la Nature à aflignés à chacune de leurs parties ; enfin, fur leur état de fanté, de maladie & de dépériffement? Si, aucontraire, on fuppofe le Culti- vateur parfaitement inftruit de ces préliminaires, il faura à quelle efpèce de grain fa terre eft propre, de quelle efpèce de charrue Perdre fe fervir pour labourer , quand & comment il faudra labourer.... Cet homme ne ba- lancera plus fur le choix du fujet qu'il doit greffer , n1 fur celui de la méthode OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, à employer... Il ne craindra plus de porter un fer meurtrier fur l’arbré qu'il aille ; & fidèle fectateur des loix de la Nature , il doublera, à l'exemple du Jardinier de Montreuil , le produit de fes arbres fruitiers , même en aflurant leur durée au-delà de tous les termes connus jufqu'à ce jour. Avant de dépouiller la terre de fes grains, le cep de fes raifins, les arbres de leurs fruits, ne faut-il pas fonger aux différens inftrumens que chaque récolte exige en particulier ? Tout Propriéture qui ne veut pas être trompé , paie ne Nik voir par lui- même fi fes cuves , fes prefloirs , fes tonneaux font en état, s’il ne manque rien aux voitures de toute efpèce, confacrées aux travaux champètrres , fi les jougs des bœufs , fi les harnois des chevaux n'exigent aucune répa- ration ? I] faut voir & tout voir par foi-mème , & ne jamais perdre de vue le précepte que donne la Fontaine, lorfqu'il dit dans une de fes Fables : Il n’eft pour voir que l'œil du Maïtre , & l’on ajoutera à cet adage : l'homme a n'eft point inftruit ne peut ni ne ait pas voir. Ces différens exemples pris au hafard , fuffifent pour offrir l'apperçu de ce que les Auteurs de ce Dictionnaire entendent par ces mots, Agriculture de Théorie ou Notions Pré- liminaires ; & il eft aïfé d'apprécier leur étendue & leur importance. La plus brillante Théorie, fur-tont en Agriculture , n’eft rien fans la Pra- tique. La Pratique doit être le réfultat des combinaïfons & des expériences. La Théorie met fur la voie, dirige l'expérience , apprend à rejeter ce qui Path} à FR (DE {14 Viohs SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 8; eft contraire aux loix de la Phyfique , & enfeigne à opérer; mais la Pratique feule aflure les produits dans tous les genres, & confirme les principes de la Théorie. L’Agriculture de Pratique a pour objet la grande culture des grains, comme froment, feigle, orge, avoine, &c. Celle des menus grains, comme maïs , farrazin , pois, féves, panis , miller, &c. La culture des femences huileufes , lin, chanvre, navette, colfat, cameline, &c. Tous ces abjets font cependant fubordonnés à une culture première , fans laquelle ils n’exifteroient prefque pas, parce ue les moyens de l’homme font trop dibles pour fe pafler du fecours des animaux. Il faut donc fonger à aflurer leur fubfiftance par la formation des prairies , foit naturelles , foic artifi- cielles. Après ces cultures de nécefité pre- mière , il en eft d’autres qui ne font pas moins utiles, & qui concourent à multiplier d’une manière particulière les douceurs de la vie. Ce font celles des plantes légumineufes, des plantes potagères, & celles dontle Commerce & nos Manufactures tirent de grands avantages, comme de la garance, du paftel, de la gaude, du fafran, du chardon-bonnetier , &c. La Nature toujours prodigue envers lhomme , a multiplié autour de lui les arbres , les RÉ AHEaNE les uns pour décorer & faire le charme de fon habitation, les autres pour fournir à fes befoins : c’eft à lui à diriger & non pas à contrarier la Nature dans l'aménagement de fes forêts , dans la plantation des arbres à bois blanc, dans là conduite des arbres fruitiers, foit à noyaux, foit à pépins; enfin, dans la culture de la vigne, qui fe À) LL: > 5 Er plaît fi bien fous le Ciel tempéré de la France. Tel eft en abrégé le tableau des objets qui font du reflort de l’Agriculture Pratique. À quoi ferviront à l’homme les récoltes les plus abondantes & les plus précieufes, s'il ne fait pas les confer- ver pour les befoins, & aflurer leur durée pour prévenir les années de difette ? L’Agriculture Economique doit venir à fon fecours. Ici , elle prépare les greniers, les étuves, pour la ours des grains, & perfec- tionne leur mouture. Là , elle Êr ofe les cuves, les tonneaux, pour Puf. traire aux viciflitudes de l’atmof- phère, certe liqueur bienfaifante qui répare les forces de l'homme, & qui flatte agréablement les houpes ner- veufes de fon palais : de-là, naît la comparaifon des différentes méthodes de faire le vin, le cidre, le poiré, la bière , &c. de retirer de ces liqueurs chargées du principe fucré, ces efprits ardens qui font prefqu'incorrupti- bles. Ici, fous des cylindres , fous des prefloirs de différens enres, les huiles d'olives, de noix, A navette, de pavot, de lin, &c. coulentà grands flots. Là, une ménagère prépare le beurre, fiçonne les fromages , tandis que d’un autre coté fa compagne fuit le travail de cé peuple laborieux qui fournit le miel, la cire & l’hidromel. Ici , fous un toît ruftique , ce ver ori- ginaire de Chine, & naturalifé, pour ainfi dire, dans nos climats, prépare la matière de ces tiflus précieux que le luxe à rendus néceffaires. Là, l’hum_ ble brebis fe laifle paifiblement dé_ JICADIL ENT: 12 84 pouiller de fa toifon , pour fournir à l’homme de tous les états le vêtement le plus chaud & le plus fain. Malheur à celui dont l’ame hide & apathique voit avec indifférence cette mulripli- cité de travaux ! Que de détails ce fimple coup- d'œil ne laiffle-t-1l pas à defirer ! L’Agriculture Economique ne s’étend- elle pas encore fur l'éducation des chevaux , des bœufs, des moutons, des chèvres, des cochons, & fur celle des oïfeaux de bafle-cour , fur les étangs, fur les rivières , fur les prépa- rations des fils de chanvre, de lin, &c? Mais il eft plus aifé de fuppléer à ces détails par la réflexion , que de les retracer tous dans ce peu de lignes, plus uniquement confacrées à préfen- ter en général le tableau de la manière dontils feront envifagés, que de toutes les parties qui doivent l’enrichir. Il s’agit actuellement de faire con- noïître la méthode adoptée par les Auteurs pour remplir ce canevas, & comment ils en réuniflent toutes les arties pour en compofer un Livre clémentaire. 1°. Chaque mot fera préfenté fous toutes ie acceptions dont il fera fufceptible, & difcuté dans tous les points. Afin de ne pas fortir des exemples déjà cités , pre- nons le mot greffer : il y a plufieurs manières de oreffer qu'il faut déve- lopper ; il y a un choix à faire dans les fujets ae deftine à la greffe, enfin une faifon à obferver. Comme plufieurs Auteurs ont déjà écrit fur la reffe, on comparera & on difcutera R méthodes; on dévoilera leurs erreurs ou leurs contradictions; enfin, on fera connoître en quoi ils fe rap- OSERF ATIONS SUR LA PHYSIQUE, prochent ou s’éloignent de fa Nature. Ce n'’eft pas tout , il y a plufieurs pratiques avantageufes, éparfes dans différentes Provinces , & dont on n'a jamais parlé , qu'il eft important de raffembler & de publier , afin de ne rien laifler à defirer fur cet article, & compofer un Traité fur la Greffe, qui fixe le point où cette partie de la fcience Agronomique en eft reftée. Ce Traité doit encore offrir de nouvelles vues, de nouvelles expériences à tenter our reculer les limites de l’Art de a Greffe. Ainf , lorfqu’on parlera de greffe: tel ou tel arbre en particulier , il fuffira d'indiquer fi la greffe doit être pratiquée ou à œil domnant , ou en fire , ou en couronne, &c ; & celui qui ignorera la valeur de ces déno- minations , n'aura qu'à recourir au mot GREFFE. Tous les autres articles feront traités de la même manière que celui dont on vient de parler, & ce feul exemple cité, démontre que ce Dic- tionnaire ne fera point une fimple compilation, mais un ouvrage entière- ment neuf, qui pourra tenir lieu de tous les Livres écrits fur l'Agriculture depuis Pline jufqu’à ce jour, puifque ce fera une véritable concordance, & un rapprochement raifonné de ce qu'ils contiennent. Le Public fera furpris lorfqu'il reconnoîtra que tel Ouvrage n’eft qu'une compilation de tel autre, & celui-là , d’un autre plus ancien, qui avoit déjà été habillé à la moderne pour lui donner un air de nouveauté. Ïl feroit très-important, pour Pavan- cement des connoiïflances humaines , qu'à la fin du fiècle, un Auteur fe SUR L'HIST. NATURELLE ET.LES ARTS, 8 donnât là peine de raflembler en un feul corps de doétrine, tout ce qui a paru fur chaque partie de la fcience. La trop grande abondance de Livres, le tems qu'exigeroit leur lecture, anéantiflent le defir de les parcourir. Beaucoup de bonnes vues, de fages expériences reftent perdues pour la Socicré, & enfévelies fous des mon- ceaux d'inutilités. ï Les Auteurs de ce Cours complet d'Agriculture connoïffent toute l’éten- due & la difficulté de leur entreprife. La difficulté même augmenre & re- double leur courage, quoiqu'ils fa- chent par expértence que rien n'eft plus pénible à bien exécuter qu'un Dictiennaire; mais comme ils entre- prennent celui-ci par goût & par amour pour l'Agriculture, ils ofent fe atter que le Public leur faura gré de leurs efforts. Cet Ouvrage étant particulière- ment deftiné pour ceux qui vivent fur leurs Terres, & qui, par çonfé- quent, font fouvent éloignés des fe- cours , on a penfe qu’il feroit à propos d'indiquer fo médicales des plantes, de donner les fignes auxquels on reconnoit les maladies les plus communes à la Campagne , & de refcrire les remèdes pour les com- Pre : ce fera le précis d’une Méde- cine Rurale, réduit à fa plus grande fimplicité, & rédigé, par un Médecin fort connu: Les maladies des bœufs, dés moutons, des chevaux, &c. four- niront des Articles intéreffans , ou plutôt la partie Vétérinaire y fera traitée complettement : en un mot, tout ce qui concourt à l'utilité & à l'agrément de l'Habitant de la Campa- ne fera difcuré dans ce Diétionnaire. Cet Ouvrage formera fx Volumes in-4°. chacun de 7c0 pages, fur le caractère de cicero , à deux colonnes, en tout conforme à ce Pro/peëtus , & chaque Volume fera enrichi de quinze à vingt Gravures en taille-douce. On doit voir que les Auteurs ne cher- chent pas à multiplier les Volumes , ni la dépenfe pour les Acheteurs. L'impreflion de ce Diétionnaire fera très-difpendieufe; on ne la com- mencera donc qu'autant qu'il y aura un nombre fufhfant de Soufcripteurs ; mais comme on a fouvent abufé des foufcriptions , & que le Public a été lufieurs fois trompé & décu dans Fe efpérances , on ne demande au- jourd’hui à ceux qui defirent fe pro- curer cet Ouvrage , qu'une fimple foumiflion par écrit de prendre les Volumes à mefure qu'ils paroîtront. Pour éviter jufqu'à l’apparence du plus léger reproche , le Soufcripreur qui ne fera pas content de l'Ouvrage, aura la liberté de: le rendre, & de retirer l'argent qu'il aura débourfe, dans le délai de trois mois, pourvu qu'il n'ait pas dégradé les Volumes. C'eft donc uniquement pour ne pas hafarder les frais d’une forte Edition, que les Auteurs exigent cette forma- lité préliminaire. Il n'eft pas pofñlible de mettre plus de bonne foi & plus d'honnèteté ue les procédés, & d'offrir au Public un moyen plus fimple de n'être pas trom- pé. Ce qu'ils demandent à MM. les Souftripteurs; c’eft d'envoyer leur fou- miffion le plus promptement qu'il fera poflible, afin d’être dans le cas de com- mencer fous peu l'impreffion de ces Ou- 86 vrage. Les foumiflions feront adref- fées , franches de port , à Paris, au BUREAU du Journal de Phyfique, rue des Mathurins, au coin du Cloître Saint-Benoît. On les recevra jufqu’au premier Novembre prochain. Les deux premiers Volumes paroi- tront en 1780, les deux feconds en 1781, & les deux derniers en 1782. On payera 24 liv. en recevant chaque Livraifon; de forte que pour la fom- me de 72 liv. on aura une Collection complete de tour ce qui aura été fait & dit fur l'Agriculture depuis Colu- melle jufqu'à ce jour; & certe Col- OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, leétion fera tellement rédigée, qu’elle tiendra lieu de tous les Livres concer- nant cetre fcience. Les Auteurs de ce Diétionnaire prient tous ceux qui liront ce Prof- peëtus , d’avoir la bonté de leur com- muniquer les nouvelles Expériences qu'ils auront faites, leurs vues inté- reflantes fur différens Articles , les Pratiques locales qui ne font point affez connues , &c. Ils recevront avec reconnoïffance ce qu’on leur enverra , & cireront les Auteurs qui defireront être connus. À la fin du dernier Volume , on trouvera un Catalogue raifonné de tous les Ouvrages qu'on aura confultés pour la rédaëion de ce Diétionnarre. +R MODÈLE DELSOUSCRIPTION. J E foufligné , promets & m'engage de prendre À Exemplaire du Cours complet d'Agriculture Théorique , Pratique & Éco- nomique y & de Médecine Rurale & Vétérinaire , &c. &c., ou Dillionnaire univerfel d’ Agriculture , rédigé par M. l'AbbéR OZ 1ER, formant fix Volumes in-4°. avec des Planches en taille - douce, & de payer la fomme de douxe livres par chaque Volume en feuille , à la réception des Livraifons. Fait à le du mois d 17 N. B. Z/ faut écrire [on A7 , fes qualités, le nom du lieu de fa réfidence , ou de l'endroit Le plus prochain où eft établi le Bureau de la Poffe, afin que MM. les Souferipteurs foient avertis à l'inflant que les Volumes paroitronr. On prie auffi MM. Les Soufcripteurs d'affranchir leurs Lettres. b / tie if > ji a LAS taie è _SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 87 —… ES EL —— LS he En a —————— NOUVEAUTÉS. R ECHERCHES fur les Volcans éreints du Vivarais & du Velay , avec un Difcours fur les Volcans brülans, des Mémoires analytiques fur les Schorls, la Zéolite, le Bafalte, la Pouzzolane, les Laves & les différentes ER 1 1 L ê ; fubftances qui s'y trouvent engagées , &c. 5 par M. Faujas de Säint-Fond : 1 volume grand ÿ2-folio , 10 Planches, Vignettes, &c. Cct Ouvrage intéreflant, & qui doit être confidéré comme le Premier qui traite au long d'une matière abfolument neuve, paroît depuis cette année il à mérité , à juite titre 1 = = L > (1: ; “a » les éloges que lui onc prodigué les Savans les plus diflingués, & l'on .peut confulrer les extraits & les analyfes que les Journaux de Janvier & de Février en ont donnés; comme le Mercure de France , le Journal des Savans, & particulièrement le Journal Encyclopé- dique , dans lequel il occupe trois numéros. Vingt planches enrichiffent cet Ouvrage, & , , - LP. : n 1 Fe e l'on n'a rien épargné du côté de la partie typographique, pour embellir cette édition. _ RecHEerRCcHES fur la Pouzzolane, fur la chéorie de la Chaux & fur la caufe de la dureté du Mortier , avec la compofition des en Cimens en Pouzzolane , & la manière de les employer , tant pour des Baflins , Aqueducs, Réfervoirs, Cîternes & autres Ouvrages dans l’eau que pour les Terrafles, Bétons, & autres Conftructions en plein ; M. Faujas de Saint-Fond : 1 volume 27-89, Ce petit Traité eft extrait du grand Ouvrage de M. Faujas de Saint-Fond , fur les Volcans. Son titre aflez développé , annonce fufifamment ce qu'il contient , & nous di- rons feulement avec M, Macquer , que ces recherches Peuvent devenir d'une utilité beau- coup plus générale qu'on ne le croircit d’abord , & que l’Auteur ne l'a peut-être penfé lui-même. Nouvezre TA BLE des Articles contenus dans les Volumes de l'A- cadémie Royale des Sciences de Paris, depuis 1666 jufqu’en 1370; dans ceux des Arts & Métiers, & dans la Collection Académique : 4 VSliines in-4°., fous le privilége de l'Académie; par M. l'Abbé Royier. Rapprocher fous un même point de vue & par ordre alphabétique féparée dans 114 volumes #7-4°., & dans 72 Cahiers des Arts in-folio ; fimplifier telle- ment la marche dans les recherches , que l'on puifle, en fe reffouvenant d'un (eul mot caraétériftique , trouver dans l'inftanc l'objet qu'on defire connoître ; tel eft le but de Da Table, ou plutôt de certe véritable Concordance. Elle eft indifpenfable pour les Poffe 7 de la Colleétion des Mémoires de l’Académie, & plus nécelfaire encore pour rous de qui f livrent à l'étude, & qui, fans avoir les volumes de l’Académie defirent conn de les tréfors qu'ils renferment. Le fo/io qu'on a laiffé en blanc à chaque verfo de. + peut leur fervir à écrire chaque jour les articles qu'ils auront lus, & qu'ils sde s aife de retrouver au befoin. Un des plus grands avantages de cetre Concordance ef [TR renfermer dans un même corps d'Ouvrage, la Table la plus complete, Ja plus PEtLeE la plus exaëte qui ait parue, & qui contient les articles les plus intéteffans de toutes l = branches des Sciences. Au jugement des plus grands Connoïffeurs, cette Table eft 5e chef d'œuvre ; nous ne rarderons pas à imprimer Ja fuire depuis 1750 jufqu'à ce EL D'e——— air ; par chaque maticre 88 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, &c« CozrecTion comrreTTe du Journal de Phyfique, avec plus de deux cens Planches en taille-douce , dédié à Monfeigneur Ze Comte d'Artois ; par M. l'Abbé Rozier, Chevalier de l’Eglife de Lyon, & par M.J. Mongez, Chanoine Régulier de Sainte- Geneviève, des Académies Royales des Sciences de Dijon, de Rouen, de Lyon, &c.: 15 volumes i7-4°. juf- qu'en Décembre 1778. Ce Journal , commencé en 1771, par M. l'Abbé Rozier, n'a aucun rapport avec les Ouvrages périodiques qu'on diftribue en France ou dans les Pays étrangers : fon but eft de faire connoître toutes les découvertes qui fe font chaque jour dans les Sciences, & de fervir de fuire ou de fupplément aux Volumes des Académies; en un mot, c'eft un Recueil précieux des plus excellens Mémoires imprimés en Europe, & préfenté avec le ton le plus honnête & le plus décent. Il eft inutile de faire l'éloge de ce Recueil, fa ré- putation eft décidée par les Traductions Italiennes & Allemandes qu'on en fait régulie- rement tous. les mois, & fur-tout par les contre-facons. Il en paroît chaque mois un Cahier de dix feuilles d'impreffion . & enrichi de deux Gravures, ce qui forme, à la fin de l’année, deux volumes #7-4°. Le prix de l’Abon- nement eft de 30 liv. pour la Proyince , franc de port. MAP 2 OH à en rs 2 DE HSi RUE CE ENS Contenus dans ce Cahier. P: ÉCIS de l’Eloge de M. DE LinNË, lu par M. le Marquis de Condorcer, pendant la Séance publique de Rentrée après Päques, de l'Académie Royale des Sciences , page 3 Confidérations fur les Conduëleurs en général ; par M. BARBIER DU TINAN, 17 Mémoire fur l'importation du Géroflier des Moluques aux Îfles de France , de Bourbon & de Sechelles , & de ces Ifles à Cayenne ; par M.! Abbé Tessier, Doëteur-Régent de la Taculté de Paris, de la Société Royale de Médecine 6 de l'Académie des Sciences, &c. de Lyon, 47 Suite des extraits du Porte Feuille de M.l Abbé DicquEeMmareE, s4 Mémoire fur l'Education des Troupeaux 6 La culture des Laines ; par M. R. D. L. Infpeëleur-Général des Manufaülures de Picardie, & des Académies de Rouen, de Villefranche en Beaujolois, Etc. s7 Nouvelles Lirréraires , 74 1 PP LRAOË BATIR ON. Je fu, par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a pour titre : Obfervations fur La Phyfique, fur l'Hiffoire Naturelle & fur les Arts, &c.; par M. l'Abbé Rozrrr, &c La Collection de faits importans qu'il offre pério- diquement à fes Leéteurs, mérite l'accueil des Savans; en conféquence, j'eftime qu'on peut en permettre l'impreflion, À Paris, ce 8 Juiller 1779. VALMONT DE BOMARE. M; 11:03 ; , FA l _—— — ré ce pee RES VEUT n « à Ë es. : Dicquemare de CITE } ; 0 dr rex LE eh re » th. 34 Donges L gi | Fig. 8: au | \\lli, Fig 1. —— SR | # La HR A EEE en | r, eme Prioquemare t'allet 1770 EE JOURNAL DE PHYSIQUE. | | ADD ST 1775: | | Le —7 a PCT EL DO M EM OR E Sur l'Education des Troupeaux & la culture des Laines ; Par M. R. D.L. P. Infpeéleur-Général des Manufaëlures de Picardie, € des Académies de Rouen, de Villefranche en Beaujolois, 6rc. JE ne veux dans ce moment, pour montrer l'importance d'adopter les méthodes Angloifes que je viens d’expofer , que donner l'idée des craintes de la Nation à cet égard (1). On en jugera par les formes qu’elle a impofées & les peines qu'elle à décernées contre l'extraction prohibée de fes matières premières. Il eft dit que les Fermiers qui auront des moutons le long des côtes de la mer, jufqu’à trois lieues dans l’intérieur des terres , feront tenus de déclarer avant la tonte, à un Officier de la Douane, le nombre des moutons qu'ils ont: que ce prépofé ira vérifier la déclaration : qu'ii fera appellé à la tonte: qu'il comptera de nouveau les moutons, & qu'il pefera les toifons. Ét pour toute l'Angleterre , que chaque Fermier qui aura vendu des laines, le déclarera au Commis prépofé; que ce Commis fera pré- fent à l'emballage ; qu'il comptera le nombre des toifons qu'on met dans chaque balle ; qu'il prendra note du poids, qu'il les numérotera & qu'il délivrera un acquit à caution pour la deftination, pour li sûreté de laquelle une perfonne qui aura 300 guinces en Re er , feren- dra garante. Il eft dit que toutes les balles de laine doivent être numérotées; & qu'il fera écrit deffus en lettres de 6 pouces de longueur & de 6 lignes d’épaifleur le mot wool!, qui fignifie Zaire ; que les Voituriers EEE en ne) (x) Malgré les furveillans on trouve les moyens d'éluder toutes ces difpoñtiors , ou plutôt:on s’y conforme pour s'éloigner plus sûrement du but de. l'Adminiitra- tion, & l'on ne manque pas de laines d'Angleterre, quand on y veut mettre le haut prix où les portent les rifques à courir pour les avoir. Tome XIV, Part. II. 1779. AIO US T0 :M vo OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ne pourront les conduire que depuis le lever jufqu'au coucher du fo- feil, de manière que s'ils fe trouvent en route aux approches de la nuit, fuffe en plein champ, ils y laifferont la voiture, & ils en iront faire la déclaration au Maire, Syndic, ou toute autre perfonne nota- ble de la Ville, Village ou Hameau le plus prochain. Pour avoir le droit d’acherer & vendre des laines en Angleterre, il faut une commiflion ad hoc du Gouvernement, & cette commiflion ne saccorde que fous une caution de 1000 liv. fterlings, environ 23 milles livres de France , pour garantir qu'on n'exportera point de laine hors du Royaume, & qu'on n'en vendra à qui que ce foit connu ou foupçonné d'en exporter. Ajoutez à cela la peine de mort contre ceux qui l’exportent. Je ne crois pas affez éloignées du fujer que je traite, certaines ob- fervations fur la culture des verres en Anoleterre, que j'ai faites pen- dant mon féjour dans quelques-unes de fes contrées pour craindre de les placer ici. Les terres y font en général un fond de fable plus ou moins mêlé d'argile. On y voit beaucoup moins qu'en France des terres en culrure & beaucoup plus en prés , prairies ou pâtures ; fi les récolres y font prefque par-tout toujours plus abondantes que chez nous, c’'eft à leur manière de cultiver, très-fupérieure à la nôtre, qu'ils les doivent. Ils ont peu de fumier ; ils n'ont point d’étables ; ils ne mertent que les chevaux à l’Ecurie. Les moutons font toujours en plein champ & leur crotin eft le feul engrais qu'on donne aux pârurages fur lef- quels ils vivent. Les bœufs n'ont que des hangars dans les parcs de barricades où on les enferre : on en fait deux se oppofe aux vents les plus violents & les plus froids , & les bœufs reftent libres de choifir celui qui peut le mieux les en garantir, ou de n'être fous au- cun. La nourriture qu'on leur donne dans ces parcs pendant l'hiver eft mife dans une grande ange à claires voies, plantée au milieu du parc. Voilà déjà une grande économie en bâtimens , ils la pouffent plus loin à cet égard, car ils n'ont prefque point de granges; 1ls ne renferment aucune efpèce de fourrages, Ils le mettent en monceaux proches des bafles cours, ou des parcs qui en font quelquefois très- éloignés, & là affaillé & ferré , ils le coupent avec un outil à large lame trempée, par feétions verticales, qui le mertent à l'abri des im- preflions de la pluie , & le rendent impénétrable aux rats ou autres animaux de cette efpèce. On mer également la paille dehors en mon- ceaux dont on la tire à menu pour les ouvrages journaliers. On fcie le bled fort haut , ce qui donne des gerbes très-courtes qui tiennent eu de place en grange où on le bat l'hiver comme dans les Provinces du Nord de la France. La paille qu'on donne aux chevaux en Angle- terre n'eft que la fommité des tiges du bled qui compofent ces gerbes, brifée fous le fléau & quelquefois hachée. On recoupe le chaume , | | _ “ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 91 mais ce n'eft plus que pour la litière. On y emploie mème une grande partie de la première paille qu'on rejette dans la baffe-cour , aufli-rôt que le bled eft battu. Du refte , on nourrit les chevaux au foin, à l’avoine & aux féves, & l'on donne des carottes , dit-on , aux chevaux de race. On nourrit les bœufs au foin & aux navets hachés, l’hiver feu- lement; car l'été on ne donne de verdure à aucun animal que celle qu'il trouve dans les champs. La culture fe fair ici en général par des bœufs, ce n’eft pas cepen- dant un pays où l’on fafle de grandes éducarions de ces animaux ; ils viennent en plus grande partie de la Province de Galles ; mais on les y engraifle fupérieurement, & la viande en eft excellente. Les engrais du gros bétail ne fe font ici que dans les hauts pâturages & jamais dans la plaine. L’objer de ce commerce n’y eft pas confi- dérable. Ce font les Provinces de Chefter & de Glocheiter , pays de gras pâturages , qui fourniffent cette fubfiftance le plus abondamment. La première étude du Cultivateur Anglois eft celle de la nature de fon terrein; c'eft ainfi qu'il fe prépare à lui donner le genre de culture & la forte d'engrais les plus convenables, Il fait un grand ufage des vafes de la mer, qu'on mêle par couches avec une petite quantité de fumier , & qu'on laifle ainfi réciproquement fe pénétrer de leurs fels durant plufeurs mois, une année & plus mème. Le réfultat de cette combinaifon répandu fur les terres les fertilife prodigieufement. On charie les vafes à plufieurs lieues avant dans les terres, dans d'immenfes tomberaux , traînés par 4 à $ jougs de bœufs de la plus roffe taille, & d'une très-grande force ; on y ajoute encore quelque- fe des chevaux de trait pour tirer devant les bœufs. Ces charges fe font à raifon d’un millier pefant par bœuf, & l’on ne fait que deux voyages par jour à trois milles de diftance. La chaux eft auf excel- lente pour divifer & réchauffer les terres , elle s'emploie fur-tout avec le plus grand fuccès fur celles qui abondent en argille & qui fervant depuis quelque-tems , fe trouvent plus garnies de mauvaifes herbes qu’elle détruit entièrement. On ramafle avec grand foin les fucus, les varecs & toutes les fortes de plantes marines , dont on extrait les fels par la combuftion : il en eft ainfi des coquillages & principalement des écailles d’huitres que l’on convertit en chaux pour cet ufage. La pratique de marner les terres eft aufli très-répandue en Angleterre. Il n’y en a guères cependant dans les environs de Rye. On la tire par mer de la côte plus méridionale , à 25 à 30 milles d'ici, & elle re- vient toute extraite & amenée fur le rivage , où on l’achette , y com- pris les frais de chargement & de voiture jufqu’au port de Rye, ainfi _qu'un nouveau droit au profit du Gouvernement, à 4 fchelings le 1779. AOUST. M 2 92 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tonneau de 2000 pefant. Ce droit, qu'on vient de mettre, dans un befoin , fans doute rrès-preffant, eft d'environ un fcheling par ton- neau (1). Par le feul mélange des terres de différentes natures , que les An- glois mettent en tas en proportions convenables , ils donnent une nouvelle vie à leurs champs & en augementent confidérablement la fertilité. On juge bien que la terre des marais, la vafe des étangs, des foffés | des canaux, &c. toutes enfin font mifes à contribution & à profit. Les terres fe repofent après deux années de productions, à moins qu'on ne les mette en pâturages & qu'on en rompe d'anciens pour les” remettre en culture, cette alrernative eft générale & fréquente : un patu- rage clevé ne vieillit jamais , on le remet en culture après quelques années , & vice versé. Il eft prodigieux ce que donne de grains une verre en pâture rompue de l'année: ceux que j'ai trouvés dans mes courfes font les plus beaux que j'aie jamais vus , extraordinairemenc garnis, fans la moindre plante étrangère ,1ls ont au moins fix pieds de hau- teur avec des épics de $ à 6 pouces, quarrés & fournis à proportion (2). Toutes les récoltes offrent cette propreté, cetre netteté dans les champs; & nulle part on ne voit régner une pareille abondance en tout genre. Point de mauvaife herbe dans les prés; on en arrache les chardons (x) Ce droita paru à quelques Anglois auffi ridicule qu'injufte. Un de ceux de qui je prenoïs mes inftructions me dit à cette occafion, que l'Angleterre n'avoit pas be- foin qu'on lui Fit la guerre pour la détruire, qu'elle fe détruifoit bien elle - même. Mais c'eft un moment d'humeur; parce que les Anglois ne fe font des maux de ce genre que dans des befoins très-preflans ; & ils les réparent toujours lorfque ces befoins n’exiftent plus ; ce qui, pour l'ordinaire, n’eft pas de lonoue durée chez eux. (2) J'ai remarqué avec étonnement que dans la plupart de nos Provinces tous lcè prés ont des fiècles : on les fume: on les cendre: on les arrofe : on en arrache les mauvailes herbes. Sans cela les moufles , les renoncules, les joncs , ou route autre plante deftruétive de la bonne herbe , fuivanr la nature du fol, s'en empare ; & bientôt ce n’eft plus qu'une mauvaile pâture, lor{qu'un ou deux labours le renouvelleroit en plein & le feruliferoit pour des années. C'eft la crainte de la dixme, m'a-t-on dit par- tout, la culture rend cer impôt exigible : des quela charrue eft une fois entrée dans un champ il y eft établi à perpétuité. Ainfi on ne cultive point ici dans Îa crainte d'un impôt qui n’eft pas mis feulement fur le produit, mais fur le travail, mais fur les femences, mais fur les mifes & routes les avances de quelque nature quelles foient, On n'ofe là faire un foffé , un mur, planter une haie, bätir une grange, une maifon , avoir un troupeau , ou l'angmenter : on tremble de montrer de l'aifance , de bonifier fon fond ; & l'on refte pauvre, parce que l'arbitraire ne calculant jamais que fur les apparences , le poffeffeur ou le Fermier ne païe pas fur ce que le fond vaut réellement, fur ce qu'il doit naturellement rendre, mais fuivant qu'il a plus ou moins d’art à montrer ou cacher ce qu'il rend. II n'exifte rien de tout cela en An- gleterre, où l'opération eft commune de faire fon propre bien & de concourir à celui de l'Erat. f h "1 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 5; avec lé plus grand foin. On y fait pâturer les bœufs pour manger les rofles herbes, enfuite les chevaux , & enfin les moutons qui trou- vent dans l'herbe la plus fine & la plus courte, la nourriture qui leur convient le mieux. Comparaïfon du fol de Kent 6 de Suffex avec celni du Boulonnois. Les vallées & prairies voifines de la mer font également des con- quêtes faires fur cet élément, & les pâturages font les mêmes. L'un & l’autre pays eft en côteaux avec des afpects abfolument femblables. On y trouve le même fond de terre, du fable plus ou moins méëlé d’ar- gile : les mêmes produétions naturelles en Arbres & en Plantes: les cerreins coupés & les poffeflions également divifées : le produit des terres culrivées , de la même nature, plus abondant en Angleterre , uniquement par -la différence de culture. On trouve de part & d'autre beaucoup de terre à briques , à tuiles, à potteries, à fayance , à fou- lon, &c. des bancs d'argile pure entre des fables cruds, & quelque- fois fi proches de la furface de la terre, qu'ils y entretiennent de la fraîcheur en tout tems; & fouvent en Boulonnois, des jones , des bour- biers , des efpèces de marais & des paflages dangereux dont on à fu tirer bon parti en Angleterre, en les cultivant au profit du champ. On trouve de fortes & larges haies pour défendre les hérirages , em- pêcher la communication des animaux qui paillent çà & là, & plus encore en Boulonnois pour fe procurer du bois de chauffage pour le four , la cuifine; & en Angleterre , de la rame aux mêmes ufages do- meftiques , fur-tout dans les lieux éloignés de la mer & des rivières navigables, où le charbon de terre ne pénètre qu’à grands frais; & par- tout pour en refendre les plus groffes branches , & les employer à faire les barricades , fi communes en Angleterre, pour fermer les parcs, divi- fer & clorre ceux des champs qui n'ont ni haies ni foflés. Etat du troupeau de moutons du Sieur Delportes , de [a Manufaëlure de Tricots, & réflexions fur [a méthode & Jès projers. Le nouveau troupeau du fieur Delportes eft placé à une lieue de Boulogne, fur un pâturage fort ancien & trop maigre pour l’efpèce d’une partie des individus qui le compofent. Le nombre total de ces animaux eft de 100 dont 15 à 30 tirés d'Angleterre de différens lieux & en différens tems: autant provenus des croifures des précédens : huit à dix brebis de France & le refte en agneaux. Les dernières brebis d’Anglererre font arrivées en France au mois d'Avril 1377, elles font au nombre de 1 $ y compris un bélier. Les plus anciennes font de 1774, 94 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ainfi elles ont eu quatre tontes en France, & les précédentes deux, en comptant celle qui s’eft faite le 26 Juillet dernier, en ma préfence. Ces moutons Anglois fe diftinguent parfaitement des autres au pre- mier afpect par la grofleur & par leur taille plus rapprochée de la terre, ayant les jambes fe courtes que celles des nôtres: à la blancheur & à la fineffe de la laine: à la quantité dont ils en font fournis par-tout & notamment fous le ventre, à la partie du cou la plus voifine de la tère, & jufque fur la tète, les nôtres n’en ayant en aucun de ces en- droits. Ils ont mème en général une large fraife au haut du cou, d’où la tête , ornée d’une houpe, femble forti comme d’un capuchon. Ils fe diftinguent enfin par fe air de fanté, dé vigueur & d’embonpoint. Le changement du climat ne paroît pas avoir influé fur la Be des moutons Anglois. [une trentaine tirée d'Angleterre , il n’en eft mort depuis quatre ans que deux de maladies communes à l’un & l’autre pays. À l'égard de la laine ,on en jugera par les échantillons que j'ai pris; elle ne me paroit pas altérée. Ham je ne penfe pas qu'elle püt fe foutenir long-tems dans l’état primitif, fi les moutons continuoient de parquer fur une terre remuée , qui fe détrempe & fairuboue à la pluie, & fous des arbres, ainfi que le fait actuellement le troupeau du fieur Delportes, faute d’un terrein plus convenable : inconvénient qu'il fent mieux que perfonne & qu'il fe propofe de réformer quand il en aura la facilité. 11 n’y a point de ces parcs en Angleterre, il n’en eft pas befoin. Les loups les rendent indifpenfables en France. I] faut raffembler le trou- peau tous les foirs, & le mettre en lieu de süreté pour la nuit. Il faut aufli le laïffer dans ces parcs l'hiver lorfqu'il y a beaucoup de neige, foit pour lui donner de la nourriture, foit à caufe des loups, qui, dans ces tems-là , fe rendent redoutables en bien des endroits, même le jour. Alors, ne pouvant être difperfés proprement & faine- ment fur-le gazon, il faut du moins qu'il foit garanti de la mal-pro- reté & d’une trop grande humidité qui lui donneroient des rhumes, f expoferoient à la pourriture & altéreroïent en même-tems la laine. Le troupeau avoit été lavé 10 jours avant la tonte. J'en fis péfer trois toifons aufli-tôt après cette dernière opération. La première dont l'échantillon eft fous le n°. 1 , pefoit de 7 à 8 livres. La deuxième fous le n°.2, pefoit de 6 à 7 livres. La troifième fous le n°. 3, de 451. à az I. & les trois toifons mifes enfemble pefoient 18 livres: ce qui donne un poids commun de 6 livres : taux à-peu-près le même que celui des toifons d'Angleterre , ou la groffe efpèce eft plus abondante que la petite; fur quoi on peut encore obferver que prefque toutes les brebis du troupeau du fieur Delportes ont des agneaux, Sur ces trois toifons j'ai pris dix livres de laine de choix, dans lef- quelles la plus petite voifon eft prefque toute entrée ; elle provient SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. os de l’une des brebis des environs de-Cantorbery , les plus anciennement venues d'Angleterre , depuis quatre ans, ce qui prouve que la laine ne dégénére pas en France par le rems ou l'influence du climat , & que ce n'eft que par l'éducation. Un navire Anglois venant des côtes de la Barbarie, il y a environ dix ans ; échoua fur celles du Boulonnois : il en rapportoit de fort beaux béliers : le Capitaine fe prêta en faveur de quelques particu- liers qui voulurent bien s’en accommoder , & on fe les répartit. Ils fe dégradèrent en trois à quatre générations, à ne les reconnoître que par une laine plus frifée, que leur poftérité conferve encore , & cela parce qu'on n'eut aucun éggtd dans leur traitement, à leur maniere ordinaire de vivre; on fuivitlläsméthode ufitée ici, qui chaque fois qu'on y a introduit l’efpèce Angloife , l’a fair dépénerer en peu de tems. J'ai fait peigner les dix livres de laine dont on a parlé plus haut, elles en ont donné fepr liv. peignées à fin & parfaitement dégraiflées. J'en fais fabriquer à Abbeville un baracan qui fera joint à une pièce de tricoté, faite de la laine du mème troupeau , & à divers échantillons de laine peignée & non peignée. J'obferverai qu'il y à un grand choix à faire parmi ces laines, même les plus belles, car on po remarquer en Angletterre comme dans le troupeau du fieur Delportes, que plus une toifon eft de laine fine, plus la partie des cuifles fe trouve grolle à proportion. Les Anglois font ce choix très-exaétement, ils peignent leurs belles laines très-fin , & laiflent en arrière un peignon fort gras qu'ils em- ploient avec intelligence dans les genres propres de Manufactures, donc ils ont un. fi grand nombre. La netteté de ces laines difpenfe de les battre, lorfqu’on les veut travailler; on les lave dans une eau de favon fait à l’huile d'olive ; on les peigne encore mouillées à la mé- me huile , une première fois avec des peignes à deux rangs de broches, & une feconde avec des peignes à trois rangs. Ces peignes font d’un acier bien trempé , très poli; ils coûtent de 30 à 36 livres la paire. Ceux de France ne valent que de 7 à 8 liv. Après le premier peignage on relave la laine dans une nouvelle eau de favon, on la rebrife & l'on procéde au fecond peignage. Lorfqu’on les deftine à faire du tricoté , elles font filées très ouvert ; on double les fils, mais on ne les retord point, comme en France, où l’on croit diminuer par cette opération le duvet défagréable dont font couverts ceux que nous fabriquons ; tandis qu'en Angleterre il eft toujours uni , ras, brillant, qualités qui proviennent en plus grande partie de la beauté de la laine. Le fieur Delportes imite toutes ces pratiques dans fa Manufa@ure de tricotés, la feule en France à l’inftar de celles d'Angleterre , & 96 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dans laquelle on eft parvenu à imiter ce qu’ils on de plus parfait en ce genre. ; qu'à leur ufage. S'ils nous en envoyent quelquefois de peignée, la plus grande partie eft toujours en toifon; & dans ce cas ils laiffenc toutes les fortes de qualités fans en rien diftraire. Il eft alors peu de nos Manufactures à qui il convienne de sen fournir; ce ne font que des Entrepreneurs de diverfes fortes d’éroffes, qui le peuvent faire avec avantage par la faculté qu'ils ont de les toutes confommer. Les Hollandois, au contraire, trient avec grand foin leurs laines ou celles de Hambourg, de Danemarck, de la Poméranie ou d’ailleurs , qu'ils mélangent avec les leur, & qu'ilslñous vendent routes comme de leur cru ; ils en font de plufieurs claffes, & ils nous en envoient de 4 à $ fortes différentes. Le commerce des laines d'Angleterre en France eft d’ailleurs très-nouveau ou très-renouvellé ; 1l eft encore très clandeftin & fort difficile , comme on l’a déjà obfervé. Toutes ces raifons font ordinairement donner la préférence, pour les mèmes ufa- ges , aux laines de Hollande , quoique plus chères. La différence de celles-ci à celles d'Angleterre peut concourir dans quelques occafons à cette préférence ; & je ne vois aucun inconvénient de dérerminer ici leur caraétère pour fixer ces circonftances. Les laines d'Angleterre font plus douces , plus liantes, moins lon- gues, moins propres aux étoffes abfolument rafes & sèches; elles font plus convenables, à raifon de ces qualités , pour les étoffes qui ont quelques tendances à draper. Celles de Hollande font plus longues, plus liffes, plus brillantes, plus fermes ; elles fe tirent mieux encore que celles d'Angleterre : la filature en eft plus coulante , les poils fe féparent les uns des ‘autres infenfiblement & avec moins d'effort : elles font les plus propres aux différentes fortes d’étoffes à grains, telles que les Baracans , les Camelots, les Eramines , &c. pour la chaine fur-tout. Pour revenir à la méthode comparative du fieur Delportes, j’obfer- verai qu'il ne laifle pas couvrir fes brebis au tems où l’on eft'dans cet ufage en France , ou les agneaux naïflent dans les mois les plus rigoureux de l'année, en Janvier & Février. Il fuit à cet égard , com- me à beaucoup d’autres, les pratiques Angloifes. Il ne donne jamais rien au troupeau dans le parc , que durant la neige ou les fortes gelées, on lui jette alors un peu de foin pendant la nuit; & en tout autre tems de l'hiver, le foir fon pallage plus ou moins long fur les navets, lui fufit pour fuppléer au défaut de la nourriture des champs. On a obfervé depuis long-tems que les moutons nourris au fec & mème au grain, ont une laine plus groflière , plus dure, plus sèche que ceux qui vivent d’herbages, de navets ou d'autre nourriture fraîche, L'hiver, Mais ce choix des laines que font les se n'eft ordinairement . SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS 97 L'hiver , le fieur Delportes nourrit fon troupeau à la paille ; mais il ne paroît pas avoir eu principalement égard à la laine, qui eft commune ; dumoins m'a-t-elle parue telle , ainfi qu'aux Manufaéturiers dans les Atteliers defquels j'ai été à portée de la vifiter & d'en raifonner avec eux. Le troupeau du fieur Delportes trouve la nourriture qu'on lui donne l'hiver fous un hangar placé au fond du parc; les brebis Angloifes y viennent , pouflées par É befoin, mais elle en fortent aufli-côt qu'elles font raflafñées; & elles n’y reviennent de jour ni de nuit que pour manger, Les brebis Françoifes n’en fortent jamais qu'on ne les en chafle. Ées premières cherchent bien un abri aux grands vents d'hiver, fur- tout lorfque la pluie sy mêle, mais jamais elles ne fe mettent fous le hangar, où elles ne paroiffent pas refpirer à l’aife: raifon qui a dé- terminé le fieur Delportes à en faire dans fon nouvel établifflement, s'il a lieu, de très-élevés, & qui foient aérés de toutes parts. Quoiqu'il foir effentiel de laifler toujours les moutons rm air, & que le froid, ni la neige ne leur nuifent pas, que la rofée même leur foit très-falutaire, & qu'ils ne s’en trouvent que mieux d’être expofés à routes les intempéries des faifons, il eft conftant que la laine participe de l'âpreté & de la rudefle des hivers à proportion qu’elle y eft plus expofée (1). (1) Les moutons ne craignent rien tant que la pluie , ils ne dorment ni ne mangent durant le tems qu’elle tombe. Mais dès qu'elle cefle, ils fe trémouflent, fe (ecouent violemment , ils fe déchargent de ce poids très-lourd & très-incommode , & ils man- gent ou dorment aufli-tôt fuivant le befoin le plus preffant. En Ecofle où le climat eft rude , âpre, où la nourriture eft peu abondante, peu fubftantielle, où les moutons font une parrie de l’année dans la neige & les frimats , les laines font beaucoup plus communes que celles d'Angleterre , quoiïqu'elles aient acquis toute la qualité qui peut réfulter des mêmes foins qu'on a pris pour les unes comme pour Îes autres , &fi elles font beaucoup plus belles que celles de France, on voit bien qi c'eft à ces foins qu'on le doir. Nous avons déjà dit que le prix en Angleterre des laïnes Angloifes étoit de 15 à 16. la livre poids & argent de France ; nous ajouterons ici que celui des laines d'Ecofle n'eft que de 10 2 11 f. même poids & même argent, d'environ + ou de 30 à 35 pour 100 moindre que le précédent. 11 ne vient guère de ces laïnes en France; ce font les Manufaétures d'Halifax & des environs qui les confomment ; & ce n’eft que depuis quelques années que les laines de Hollande , étant devenues très chères , on a renouvellé les tentatives d'en tirer d'Angleterre, 11 nous en eft menu environ 200 milliers, année commune, depuis deux à trois ans. La Picardie feule, Amiens, Abbeville en ont employé les trois quarts au moins. La Suède a perfeétionné les haines, fans doute , mais elle a fait de vains efforts pour imiter celles d'Efpagne. La Hollande n'a pas des laines de Barbarie, de l’Inde, ni d'ailleurs ; mais elle à des laines de Hollande fuperbes , parce qu'elle a des pâturages excellens & abondaus, dans lefquels les moutons reftenr jour & nuit dans tous les tems de l'année; parce Tome XIV, Partie II." 1770. AOUST. N 28 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, On en a bien l'expérience & l’on en fent les raifons en Angleterre; mals on y a eu pour principe, dans toutes les méthodes, de réunir tou- jours les meilleurs effets à la plus grande économie ; & l'avantage qui réfulteroit d’un abri quelconque , n'indemniferoic pas des frais à faire pour l’obrenir. Les loups.qui infeétent la France d’un bout à l’autre, ne nous laif- fent Le libres du choix: le parc y eft indifpenfable , mais les hangars à y faire ajoutent peu à la dépenfe (1). 11 n'importe que l'enceinte foic formée par un mur, des fafcines ou un large fofé, dont les bords foient élevés & efcarpés ; & il fufit pour le hangar d’un toit de paille , de fougères , de bruyères , de genets ou autres chofes femblables , fou- tenues de quelques pilliers très-élevés. On doit avoir attention que le parc foit aflez vafte pour que les moutons puillent s'y agiter & même s’y promener à l’aife, & d'y placer les hangars , comme en Angleterre, dans les parcs à bœufs, aux extrémités des deux côtés oppolés aux vents les plus impétueux, aux bourafques les plus violentes. Mais quel- que tems qu'il falle , ne fut-ce que pour les promener, il faut fortir tous les jours les moutons du parc. Leur bonne conftitution , ain que la qualité de leur laine tient autant au changement d’air & à l’exer- cice, qu'à la propreté & à la nourriture; ces précautions font indi- quées par la nature même de l'animal , couvett d’une toifon épailfe & lourde, qui excite chez lui une tranfpiration prefque continuelle , qu'il eft aufli dangereux de gèner que de forcer. Telles font celles que pad le fieur Delportes , autant que la fituation & la petirelle de on terrein peuvent le permettre : telles font celles auxquelles il fe propofe de donner, lorfqu'il y aura lieu , toute l'étendue convenable. Suivant le Mémoire du fieur Delportes, & les objets de ma mif- fion , qui s'étend fur l’examen & le ra port de tout ce qu'il contient, j'ai parcouru & examiné les terreins dont il demande la conceflion. C'eft la queue d’une forèt immenfe dont le plan eft cioint, laquelle partie eft prefque entourée & comme enclavée dans nombre de Villages, qui vraifemblablement la confidérent à-peu-près comme de leur domaine , elle eft du moins comparée aux autres parties de cette qu'elle ne permet pas que les béliers trop jeunes s'énervent, qu’elle prend pour les faire faillir un tems également propre à la confervation de leurs qualités , à celle des brebis, & à tranfmettre ces mêmes qualités à l'être qui doit réfuker de cer accouplement. Il n’y a que la France qui par la différence de fes climats, par la variété de fes températures & de fes productions , puiffe afpirer à la diverfité des efpèces comme à la perfeGion des qualités. (1) I ne faut pas même que cet animal cruel ait la faculté de porter un regard avide fur le timide troupeau: l'épouvante s'y mettroit ; il ne mangeroït ni ne dor- miroit plus en paix. SUR L’HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 99 forêt, dans un état de dégradation qui fembleroit l'annoncer. A cette caufe il en faut ajouter une qui y concourt pour beaucoup , celle de la nature du terrein, très-aquatique en nombre d’endroits , faute de donner de l'écoulement aux eaux, ce qui feroit d'autant plus facile que le rerrein eft en pente. Cette partie de forèt eft abfolument dé- gaie de bois & remplie de places vaines & vagues, qui indiquent ien par la verdure du gazon, qu’elle feroit plus avantageufément cultivée en prairies. Le bois de 18à 20 ans; nà pas l'air d'en avoir 10, il en eft de mème de celui de chaque âge ; & j'ai vainement cherché pour y trouver un chêne de quelque grolleur qui ne füc pas couronn€ ou écimé. Le haut de cet emplacement eft dans une fitua- tion plus horifontale , le rerrein y éft moins arsilleux. qu'ailleurs, le fable plus crud, plus fec, 6 il eft fort bien indiqué pour y placerle parc. On verra par fe plan raifonné que j'ai cru devoir joindre à ce ME- moire, dans quel ordre on fe propofe de difpofer les chofes pour for- mer une éducation en grand & s'en aflurer le fuccès. Ce terrein y. eft le. plus convenable, c’'eft peut-ètre même dans la Province le feul qu'on pût y employer. Je ne crois pas qu'il füc pof- fible d'en trouver une fuite auf étendue, tant il eft morcelé , & les héritages divifés dans ce canton. C’eft d’ailleurs de la part du Gou- vernement un foible facrifice relativement à l'importance de l'établif- fement propofé & aux grands avantages qui en réfulteront. Les dé- pee à faire pour défricher ce terrein , lapplanir , le rendre fain , e mettre en culture enfin & en rapport, ne doivent pas laiffer :’Ad- miniftration indifférente fur le choix de la perfonne à qui elle fe propofe de le concéder. Cette entreprife eft majeure; il n'eft plus rems d'en tenter de femblables avec légèreté, & -je ne fais aucun doute que la régénération des efpèces, & la multiplication des trou- peaux en France ne tiennent à celle-ci. Il faut un exemple en grand, une pratique raifonnée & fuivie : plus on a fait d’effais, plus on à marqué d'inconftance à les fuivre, plus il faut aétuellement de zèle, d’inftruction & peut-être de dépenfes. 1l faut faire oublier fes erreurs au Public, qui, les regardant comme des 4 preuves de la difficulté de réuflir, s’eft fortifié dans fes préjugés , & de- vient d'autant , plus dificile. fur quelque forte de té qu'on lui propofe. Il ne voit pas qu'on a abufé de la confiance & trompé les meilleures intentions, il-ne fait pas qu'il ÿ a dés incfigans qui, n'ayant rien, ne rifquent rien, & que ce font le plus fouvent ces fortes de gens qui fe mettent en avant. Le Gouvernement n’a pas pu réuñlir : quelle confiance devons-nous avoir en fes inftructions ? Et que fau: rlons-nous tenter pour réullir mieux que lui? Tels font les idées & les propos du Public; & le Public a raifon. Ajoutez à cela que fi un homme aifc peut rifquer 105 pour gagner 200, que fi un homme riche 1779 AOUST. N 2 too OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, peur rifquer 1000 pour gagner 10000, ayant même dix chances contre une , un homme qui n’a que le néceffaire, ne peut ni ne doit rien rifquer, pas feulement un pour 20, & certainement le plus grand nombre des individus , ceux que l’Adminiftration doit le plus confidérer ici , parce que c’eft d'eux feuls qu'on doit attendre cette réforme , ce plus grand nombre, dis-je, font ceux qui n’ont que le néceflaire, fi ce n’eft ceux à qui il marque. Ainf, tout confidéré , l'exemple eft le feul moyen que puille em- ployer l’'Adminiftration : c’eft une dette de fa part; & elle eft très- heureufe qu'il fe préfente une de ces occafions rares qui , fans dépen- fes, & confervant toujours fous la main le léger objet de fon be fice, la mette dans le cas de s’en acquiter avec le plus grand avan- tage. Le fieur Delportes jouit dans fa Province d’une confidération diftinguée, deux de fes fils ont demeuré en Angleterre pour en apprendrela langue , & étudier le caraétère & le génie d’un peuple dont les intérèts individuels fe confondent fouvent avec ceux des Commerçans François 3 lun y a joint le goût de l'Agriculture, & a tourné fes vues plus parti- culièrement du côté de l'éducation des bères à laine : il me paroït être entré dans ces détails avec une intelligence & une aétivité qui font le préfage le plus affuré de la réuflite de l’entreprife. Ses recherches fe fonc étendues en fpéculant fur les différens produits qui peuvent ré- fulter d’une éducation raifonnée. La Manufacture de tricots eft un objet auquel il fe propofe d’en faire fuccéder d’autres (1): pout y concourir autant qu'il eft en mon ouvoir, je lui fais paller différences mécaniques parmi lefquelles eft e Dévidoir à l’Angloife avec le tarif pour la filature. 11 eft de la der- nière conféquence de monter convenablement une première opération , fur-tout dans un pays privé de toute efpèce de main-d'œuvre, & fans autre induftrie que celle que fes foins commencent à y faire naître, oo 0 (x) Si cet établiffement ne réufit pas entre les mains des fieurs Delportes , il ne réuffira entre celles de perfonne. L'intelligence de la langue, la connoïllance du pays , les relations avec les Fermiers , les Marchands} les Contrebandiers Anglois; leur pofition ; la fimilitude des pays & des produétions'; tout enfin concourt à applanir les dificultés devant eux. Si l'Adminiftration néglige cetté occafon , elle s'expofera aux reproches de la poftérité : il faut des fiècles pour en ramener de femblables, La SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. or AN E e M mOUE SRE Sur la force d'impulfion des Torrents. Par M. AUBRY , Ingénieur en chef des Ponts & Chauffées de Breffe, Ec. Le torrent de Bofcodon, près d'Embrun en Dauphiné, qui a fourni les expériences néceflaires pour la théorie dont il eft ici queftion, eft le plus confidérable qu'on connoifle dans cette Province, & c’eft le feul fur lequel on n’a pu établir jufqu’ici de pont pour le traverfer. Il eft peu d'années qui ne foient marquées pas quelques accidens pour ceux qui s’expofent à pafler ce torrent lors des grandes crues produites par la fonte des neiges, ou par les pluies d’orages ; enforte que, dans ces circonftances , les Voyageurs qui ne connoiflent point le local , font obligés de rétrograder , ou d'attendre le calme pour le traverfer ; ce qui forme un très-grand inconvénient pour cette partie de route. On profite quelquefois d'un petit pont provifionnel qui fe trouve à un quart de lieue en-deffus du paflage public, dans la gorge d'où ce torrent defcend, ce pont étant entretenu par les Communautés voifines , pour leur communication avec la ville d'Embrun; mais in- dépendamment de ce détour & des difficultés d'aborder à ce pont , il fubit .fouvent le même fort qu'éprouveroit également un ouvrage plus folide, c'eft-à-dire, qu'il eft ordinairement emporté ( aux appro- ches de la crue, & quelquefois huit où dix minutes avant qu'il en foit atteint) par le choc Le colonne d'air qui précéde celle de l’eau , & qui en étant violemment preflée, renverfe tout ce qui s'oppofe à fon pañage , fans que des pierres mème d’un volume prodigieux , puiflent y réfifter autrement qu’en roulant fur le gravier avec une vitefle fu- Re à celle du courant , jufqu'à l'embouchure de la gorge, où ‘air devenant divergent, elles fe trouvent à la fin gagnées par l’eau (1). (1) On remarque un effet analogue à celui-là dans le Canal du Languedoc, & qui confirme cé principe théorique de M. Aubry. L'eau s'échappe du réfervoir ou bain de Saint-Ferriol par crois, robinets de bronze de s pouces de diamètre, & court fous un large aqueduc. Lorfqu'on ouvre les robinets, randis que les eaux du baflin font encore hautes, l'impétuofité de ces: eaux eft fi terrible qu'on ne s'entend plus ; on ne yoir que de l'écume. L'air que l'eau entraîne par fa chüte dans l’aquedus forme un courant auquel on a de la peine à réfifter. Les mafles énormes des voûtes & des 162 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Ce phénomène feul indique déjà le danger qu'il y a de placer des je de bois pour le paflage de ces torrents, dans les gorges par efquelles ils débouchent des montagnes , pour tomber dans les parties de plaines inférieures, fi les limites de ces gorges ne font aflez refler- sées pour pouvoir fervir de culées & d'épaulemens à ces ponts. Défcription du cours & des effets de ce torrent. Ce torrent, qui n’a qu’un filet d'eau dans le tems calme, fe trouve formé, lors de la fonte des neiges, par plufeurs branches de ravins, qui tombent des montagnes des Orres, qui ont environ 3000 pieds de hauteur , fur des penchans d’une rapidité inacceffible. Sa chûte eft difpofée du fud au nord , de manière qu'étant raffem- blé fort peu en-deffous de Bofcodon , il roule d’abord par cataraétes , dans une gorge qui a 1000 toifes de longueur, fur 150 toifes de lar- geur à fon origine , & 231 toifes à fon embouchure avec la plaine, fur une pente uniforme de $ pouces & X par toife, avec un devers de trois pouces par toife d’une rive à l’autre fur coute fa largeur, prife du levant au couchant. De toute cette largeur de 231 toifes, qui formoit anciennement le lit de ce torrent dans la gorge dont on vient de parler , l’eau n’en occupe actuellement de rems à autre, que 72 toifes vers la rive du couchant, le furplus fe trouvant relaiflé & rempli de gros blocs garnis de toute efpèce de broffailles, fuivant la nature des graines des diffé- rentes plantes que l’eau defcend des montagnes, & qu’elle dépofe fur les graviers. C'eft dans cet efpace de 72 toifes, que le lit de ce torrent fe trouve fixé & fe maintient depuis quelques fiècles , & où il creufe & comble alternativement fon canal , pour changer fouvent quelques parties de fon cours, fuivant le plus ou le moins de matière qu'il entraîne avec lui dans chaque crue. Au furplus , ce canal a en général 10 toifes dans les parties les plus larges, & ç toifes dans les ee étroites , où il a 4 sie de hauteur d’eau dans les plus grandes crues ; ce qui formeroit une grande rivière dans une plaine de niveau, ou à-peu-près. Depuis la gorge dont il vient d’être queftion , & d’où ce torrent débouche dans la plaine, il n’a plus d’autre limite jufqu’à la Durance, que celle qu'il fe forme lui-mème ; enforte qu'ayant verfé ; dans Îles murs en paroïffent ébranlées. Aufli appelle t-on Wofre d'Enfer une de ces voûtes par lefquelles les aux s’échappent. Defcrip. du Canal de Languedoc, par M dé la Lande, N°, 85. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 10; tems précédens , indiftinétement À droite & à gauche , il eft parvenu aujourd'hui à occuper un efpace de 1105 toifes de largeur entre Savi- nes & Embrun, après avoit formé un comble de graviers de : 36 pieds de hauteur au-deflus du niveau de la plaine : mais actuellemenc & depuis l’époque de 1604, fon canal fe maintient, par une efpèce de miracle, fur la crète du comble dont on vient de parler , dans une longueur de $0o toifes, prife depuis la gorge d’où il débouche , jufqu’à fa chûte dans la Durance, en fuivant la même direction & la même pente que celle qu’il a dans fa partie fupérieure , avec une dif- potion celle néanmoins , que le plus petit évènement peut le faire dériver du coté de Savines , vers lequel le fond de fon lit incline en fortant du goulet; d'où il arriveroit qu'il verferoit alors fur la pente de fon propre comble , dans une longueur de 604 toifes , en produifant de nouveaux ravages. De trous ces inconvéniens on peut donc tirer la conféquence , qu'on ne peut établir un pont ni aucune efpèce de paflaige afluré pour tra- Sn ce torrent , dans aucune partie de fon cours aétuel; de manière qu'il ne refte plus qu'à chercher un. emplacement favorable dans des parties hors de fon lit, & où le courant fe trouvant amené avanra- geufement , foit reflerré entre des limites naturelles, ou entre des digues qu'il ne puifle franchir: mais ces digues font l’écueil des con- noïffances ordinaires ; enforte que je vais eflayer de donner quelques détails de leurs conftruétions, par les expériences mêmes que ce tor- rent m'a fournies. Application du calcul aux différens évènemens qui précédent. Manière de confédérer la force d’impulf£on d'un courant d’eau » pour lui oppofer des digues indeffruétibles, quant au poids & quant aux volurnes des matériaux dont elles doivent être formées. Nous examinerons cette force d'impulfon d’une manière différente que par les règles ordinaires de l'Hydraulique , afin qu'ayant égard à tout ce qui doit entrer dans la nature de ce problème , il devienne plus propre aux applications eflentielles que nous devons en faire. Comme cette force dépend de la quantité d’eau qui s'écoule dans un tems déterminé , & de la hauteur de fa chûte, nous prendrons conftamment la lettre (2) pour indiquer le volume d’eau écoulé dans une feconde, & la lettre (x) pour la hauteur de fa chüte ; enforte que prenant (g) pour défipner la hauteur de laquelle un corps tombe libre- ment dans une feconde, pour acquérir dans le même-tems une vielle ) 104 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 28 V Ve . LA uniforme = 2g,on aura Wg.2g::V x. pour la vitefle de l'eau par la hauteur x = 2 V E Xe Si l’on nomme la bafe de la colonne d’eau qui frappe le plan (72), la quantité d’eau qui s'écoule dans une feconde , fera doublement . — . a exprimée par 2 74 Wgx —4, qui donne 277 — Ve ; enforte que, che : tel multipliant les deux membres de cette équation par (x), hauteur de ; la chôûte, on aura 2 gyx==——, l'un & l’autre de ces deux membres £x déterminant , fuivant chaque règle diftinguée , la force d’impulfion contre le plan, dans lefquels on remarquera que certe force eft expri- mée, dans le premier, par le double prifime ou cylindre 2 x 77, pour avoir le plus grand effer de la force d'impulfon , qu’on réduira , fui- vant chaque circonftance du rapport qui fe trouvera entre la bafe de la colonne d’eau, & la furface du plan choqué ; de manière qu'ayant égard, dans ce. calcul , à la quantité d’eau écoulée par feconde , on ax : Li aura ame pour l’expreffion de cette force d'impulfon. £ Corrollaire. On voir que, puifque la vitefle de l’eau eft comme ( VW x), cette force fera comme la quantité d’eau écoulée par chaque feconde , mul- tipliée par fa vitefle même, cette méthode étant d'accord avec les prin- cipes ordinaires, où l’on eftime la force d'impulfion par le quarré de la vielle ; car la quantité (a) renferme aufli la viteffe ( W x). Nous avons fingulièrement obfervé que l’expreflion de cette impul- fion fe rapportoit au plus grand effet de la force qui foutient le plan, mais ceci (ibpofe que la fuperficie de ce plan eft beaucoup plus étendue ue la bafe de la colonne d’eau qu’elle reçoit; car dans le cas où ces deux futfaces feroient égales, comme dans la circonftance préfente, av x ) cette expérience fe réduit à ee , en quoi cette règle eft totale- . D . ment d'accord avec la vulgaire : maïs lorfque le plan furpaffe la grof- feur de la colonne d’eau, comme dans les autres cas que nous aurons occafion d'examiner , il faut alors exprimer la force d'impulfion par (4e) , parce que la force qui foutient le plan, doit augmenter en raifon du poids de l'eau qui regonfle & coule fur les côtés, les expé- riences ayant indiqué que cette force étroit prefque double, & cette attention, comme on le fera voir , étant néceflaire pour le choc de l’eau SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 105 l'eau contre des digues , murs d’épaulemens de ponts, &c. dont les furfaces font toujours plus grandes que la feétion des courans d’eau par lefquels elles font choquées. Il ne feroit donc plus queftion maintenant que de connoître la vi- telle de ce torrent , ou la hauteur de fa chûte, pour déterminer fa force d'impulfon : mais l'irrégularité de fon cours en détail, fes caf- cades , & la quantité d’obftacles dont il eft rempli, rendent cette expé- rience impoflible par rous les moyens connus, enforte qu'on a eu recours à fes effets ; ce qui allure encore beaucoup mieux tous les prin- cipes qu'on pourra y adapter. On a remarqué que dans la quantité des blocs de pierre que ce torrent entraîne avec lui dans les grandes crues, & qui reftent, comme on l’a dit, dans la gorge , il nen étroit forti jufqu'ici qu'un feul du volume de ceux dont on a voulu parler en premier leu , ce bloc ayant été cranfporté à 70 toifes plus bas que l'embouchure de la gorge, füivant une direction de 45 degrés, eu égard à celle du cours de ce torrent. De cette poftion & de la manière dont ce bloc eft encombré , on en conclut qu'il avoit été mu & entraîné par la plus grande crue fur laquelle il foit poñible de compter ; enforte que, d’après ce raifon- nement , on a jugé que cette pierre pouvoit être propre à établir une expérience certaine de la force du torrent dont il eft queftion. Cela pofé, ce bloc ayant 3 pieds 9 pouces de hauteur & de largeur fur chaque face, il produit 14 pieds quarrés, & par conféquent 53 pieds cubes, un peu moins. On a trouvé que chaque pied cube pefe 186 livres, ce qui fait 9858 livres pour toute fa malle, dont on fait qu’on doit prendre le tiers, qui et de 3286 livres, pour fa preflion fur fon aflierte, qui eft l'expreflion de fa réfiftance contre le choc du courant. On doit obferver que quoique ce torrent ait $ pouces: de pente par toife, comme on l'a dit, fuivant laquelle il paroïtroit que la pé- fanteur abfolue de cette malle dûc être relative à l’inclinaifon de ce plan , on a remarqué au contraire qu’elle ne pouvoit fouffrir cette modification, attendu que le fond du canal fe trouve coupé par une infinité de reffauts; de manière qu’on doit confidérer ges mafles com- me affermies fur des afliettes de niveau, jufqu'à ce qu'elles fe trouvent atteintes ou relaiflées par l’eau. Ceci pofé, on aura donc la hauteur de la chüte du courant par la . a . Fe — formule précédente, réduite à ( 2) , en fubftituant 2 77 Vgx à x £ Tome XIV, Part. II. 1779. AOUST. O 106 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la valeur de (2), ou 77 Ve à (+4), pour avoir 77 Vgx * “= a vis XX . , 2" ve r; p défignant le poids de la colonne d’eau égale à la force d'im- Din pulfion , qui donne x =; ce qui revient ici à la méthode ordinaire, qui indique qu'il faut divifer les 3286 liv. qui expriment la force d'impulfion par 14 pieds, fuperficie de la maffe choquée , & enfuire par 70 liv. (1} poids d’un cube d’eau, ce qui donne 3 pieds 4 pouces 2 lignes pour la valeur de (x) , moyennant laquelle on connoïtra la vitelle uniforme qui répond à cette chüte par l’analogie ordinaire , ou par le fecours des tables dans lefquelles on trouve que certe viceife eft de 14 pieds 2 pouces par feconde. Si l’on fait attention actuellement, que lorfque l’eau aura fubmergé la mañle dont il eft queftion, elle perdra une quantité de fon poids , égale au volume du Auide dont elle occupe la place, il ne lui reftera plus que 6148 livres de péfanreur, & 2049 livres pour fa preflion, qui équivalent à un folide d’eau de 14 pieds de bafe, fur 2 pieds 1 pouce 1 ligne de hauteur, cette chûte devant répondre à une vielle de 11 pieds 2 pouces; enforte que le bloc de pierre auquel nous nous fommes fixés jufqu'ici, a dû être entraîné avec une vitelle refpedtive de 3 pieds par feconde, qui eft l'excès de la vitelle réduire du torrent, au-deflus de fa vitefle retardée par cer obftacle. I fuir donc delà, que pour qu'un corps placé dans le cours de ce torrent, puifle rélifter au choc d’une pareille malle , mue avec une viteile uniforme de 3 pieds par feconde , fuivant une direction per- pendiculaire , il faudroit que fa pefanteur abfolue für de 18444 livres, ce qui formeroit un volume du 99 pieds cubes, fans compter l’acci- dent d’une catarate , qui pourroit encore beaucoup accélérer la vireffe de cette mafle au moment du choc, fi ce n’eft que la réaction du fluide modifie le coup; & il fuit encore, que pour qu'une male de femblable matière ne püt être entraînée par le courant, il faudroic qu'elle pesât dans l’eau, 4858 livres, (qui eft le poids de la première dans lair) & par conféquent hors de l’eau, 15308 livres , ce qui compoferoit 85 pieds cubes, dont la racine cubique eft de 4 pieds ç pouces environ. On ne voit point , en effet, de bloc de cette dimenfon , qui foit (1) 70 liv. eft une eftime générale ; & comme l'eau des torrents eft toujours char- gée de verres & de fables, on peut évaluer Le poids d’un pied cube d'eau des crues, a 75 livres, ou au moins 72 livres. … SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 107 defcendu plus bas que le goulet, & il eft vraifemblable que ceux de la mème matière qui fe trouvent en-deflus fous un plus grand volu- me , n'y font parvenus que par les affouillemens que les cataraétes de ce torrent forment fucceflivement fous la bafe de ces blocs, ce qui les oblige de faire une révolution fur eux-mêmes, après laquelle ils s'arrêtent, lorfqu'ils retrouvent un point de gravitation par lequel ils peuvent réfifter à l’impulfion du courant; & ce font précifément ces évènemens capricieux qui font changer le cours de ce torrent, beau- coup plus fréquemment dans la gorge où il eft reflerré , que dans la partie inférieure où les pierres font moins volumineufes & en moins grande quantité. Il eft néceffaire d’obferver que la vitefle uniforme de ce courant, que nous avons trouvé de 14 pieds 2 pouces par feconde, avec le fe- cours de cette expérience, n'eft fouvent qu'une partie de fa viteile naturelle, la hauteur de la chûte qui répond à cette vitele, fe trou- van excédée par celle des jets de l'eau à la rencontre des différens obftacles dont le cours de ce torrent eft rempli ; enforte que cette vitefle uniforme n'’eft précifément que celle qui lui refte après avoir vaincu ces différens obftacles : cet excès pourroit s’eftimer par le rap- port du jer le plus élevé, à celui de la chûte qui produit la vielle reftante ; mais cette fpéculation eft peu néceffaire , & , au refte, pour y avoir us , On peut augmenter la chüte que nous avons trouvée de 3 pieds 4 pouces 2 lignes, en la fixant à 3 pieds 9 pouces, ce qui donnera 15 pieds pour la vitefle uniforme , fur laquelle on pourra conftamment compter dans la fuite. Il s'agit maintenant d'examiner quels feroient les effets qu'éprouve- roit une digue au moyen de laquelle on voudroit détourner ce tor- rent, pour le ranger à droite ou à gauche , contre le pied des mon- tagnes, en plaçant cette digue à l'embouchure du gouler, auquel elle ferviroit. de barrage, & en l’inclinant fuivant un angle d'incidence de 30 degrés par rapport au courant, & de telle forte, que le canal qui refteroit entre cette digue & le pied des coteaux , auroit 24 pieds de : largeur par le bas, fans égard aux talus, pour contenir 4 pieds de hau- teur d’eau , en obfervant que fa pente, fuivant le devers de ce torrent, & fuivant l’obliquité de certe nouvelle direction, n’auroit plus que 3 pouces 8 lignes 7 points par toife, au lieu de $ pouces & un quart. Soit comme ci devant la bafe de la colonne d’eau = 77, enforte qu'ayant égard à la quantité d’eau qui s'écoule par feconde—4, onait a= 2x Ver. Soit le finus de l'angle d'incidence fous lequel la colonne d'eau choque cette digue —86, la partie de furface de cette digue qui répond à la fection du courant, fe trouvera augmentée relativement à fa fitua- tion perpendiculaire, dans le rapport du finus total (1), au finus 1779. AOTSTMO 2: 108 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 3 . 2 . d'incidence ®, enforte que cette furface fera De ainfi, fi le coup Q ps : sa TT EN ANNE ER fe At étoit droit , la force reçue feroit 3 mais à caufe de lobliquité , elle doit être diminuée en raifon doublée du finus de l'angle d’inci- dence8, au finus votal z : ainfi la vraie force d'impufon fur cette furface fera 2 77x fe? » Q En RTE AS ztxf. 8, & en fafant entrer dans ce calcul la Û : . , 2 a f[.0 x quantité d’eau qui s'écoule par feconde , cette force fera SUV z £ donc Remarque. Cette force décroit donc feulement dans la raifon fimple du finus de l'angle d'incidence 8, quoique, par les règle ordinaires de l'Hydrau- lique , nous ayions diminué le choc oblique du fluide en raifon dou- blée, ce qui vient de ce que la furface choquée qui fe trouve fous la bafe de la colonne d'eau , augmente par fon obliquité; circonftance à laquelle on n’a point d’égard dans les règles communes, où l’on eftime cette force par le rapport du quarré du finus8, à celui du finus total. Au furplus , ce réfulat fuppofe encore , comme nous en avons pré- venu en premier lieu , qu'indépendamment de cet accroiflement de furface , eu égard à fon obliquité, la digue en queftion en préfente encore une plus grande , eu égard à la partie qui reçoit le choc. Cette formule fait donc voir que cette force eft exactement la mème que celle qui a été modifiée par le premier calcul, attendu que par la nature du problème PRIME FAT, éeftà dire, que cette force feroit double, fi la digue étoit perpendiculaire , ce qui eftévident, de même que dans le cas où la furface choquée n’auroit d'autre exten- fion que celle qui fe trouve produite par fon obliquité , cette formule 1 SNL fe réduiroit à af Fue eue mais on remarquera , comme on ë vient de le dire, qu’à caufe du regonflement de l’eau , la partie de fur- face de cette digue qui reçoit le choc, furpafle de beaucoup la bafe de la colonne d’eau. 11 fuit donc delà & de ce que nous avons rapporté précédemment, qu'il fufliroit que cette digue eût 4 à 5 pieds d'épaileur, fi les vuides qui doivent fe trouver dans laffemblage des pierres dont elle feroir compofée, n'en diminuoient le poids, qu’on fuppofe le mème que ci-devant pour chaque pied cube : mais comme on ne fe borne point ordinairement à cet équilibre , on voit qu'en donnant 8 à 10 pieds SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 109 d'épaiffeur à cette digue, en la formant d’ailleurs avec des blocs de ; À AA TUE pierre d'un volume proportionné aux modifications de la force de ce torrent, on fera fort au-deflus des évènemens. Quant à la hauteur de cette digue, qu'il eft également nécefaire de régler dans la même partie expofée au choc du courant, elle dépend de la hauteur du regonflement de l’eau; enforte que n'ayant égard pour cela qu’à fon impulfon & à l'ebliquité de la digue, cette forcefe trouvera 1 == | réduite, comme nous l'avons obfervé plus haut, à ch ME Wa & attendu que les chocs font entreux dans le rapport des hauteurs de leurs chûtes , on aura la hauteur de ce regonflement , en prenant la moitié de la chûte du courant, qu'on a fixé ci-devant à 3 pieds 9 pou- ces , certe moitié étant égale à1 pied 10 pouces 6 lignes ; d'où il fuit que la hauteur de cette digue doit avoir cetre dernière dimenfion pour excès au-deffus de la hauteur d'eau connue, en y ajoutant même encore un pied , fuivant les précautions ordinaires , afñn d’être au-def- fus de tout équilibre. On doit conclure encore de ce dernier principe , que la partie de cette digue, qui feroit expofée au choc d’un bloc de pierre femblable à celui fur lequel on a établi la première expérience, ne recevroi: qu'une partie très- modifiée du coup; parce qu'indépendamment de l'obliquité qui rompt la moitié de ce coup, la réaction du fluide alrère encore la moitié de la force qui lui refte, comme on l'a déjà obfervé généralement. Il refte donc à examiner quelle doit être la hauteur de certe digue, at rapport au comble que le fluide doit former , en fe reflerrant pour déboucher de fon canal dans celui où on fe propofe de le conduire. On fe rappellera pour cela que le canal naturel ayant 30 pieds de largeur , & celui-ci 24 pieds , les deux fections du courant feront dans le rapport de $ à 4 (les hauteurs d’eau étant les mêmes), la pre- mière de ces deux fections fourniffant 18v0 pieds cubes d’eau par fe- conde , par la vitelfe de 15 pieds; & la feconde ayant 98 pieds quar- rés, abitraction faite de rout le vuide , ou à-peu-près, produit par le talus de la digue, à caufe du déchet qui fe trouve opéré par la con- traction que le fluide éprouve, en fe refferrant pour pailer d’une fec- tion à l’autre. Suivant. cette difpofition, la viteffe de l’eau à ce paffage fera 1e — 18 pieds 4 pouces 4 lignes, cette vitefle répondant à une chüre de $ pieds 7 pouces $ lignes, de laquelle retranchantla première ( qui eft de 3 pieds 9 pouces), il reftera 1 pied 10 pouces 5 lignes pour la hauteur de ce comble, qui eft la même par l'évènement, que celle du -regonflement de l’eau dans la partie fupérieure de certe digue ; enforte tio OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que cette hauteur fe trouvant uniforme dans tous les points impor= tans,on voit que cette digue peut-être arrafée à fon fommet, fuivant le niveau de pente du lit du torrent, qui fe trouve tre, comme on l'a dit, de 3 pouces 8 lignes 7 points , par rapport à l’obliquité qui a été fuppofée. Si l’on objectoit que le nouveau canal pourroit être enfablé, par la raifon qu'ayant moins de pente que le canal naturel, les matières chartiées feroient moins follicitées à être entraînées ; on répondroit que la force d’impulfon du fluide étant beaucoup plus confidérable par la viteffle de 18 pieds, &c. que par celle de 1$ pieds, il en re- fulre une compenfation qui emporte avec elle fon évidence. On fait d’ailleurs que la vitelle des corps qui roulent fur des plans différemment inclinés , & par des angles fort obtus, n'éprouvent qu'une tardivité infenfible. Je penfe donc avoir faffifamment fatisfait à l'examen que je m'étois propolé fur les principaux objets de cette queftion , qui devient appli- cable à tous les torrens de la mème nature. Il ne refteroit plus à ajouter aux différens dérails de ce Mémoire, que la théorie fuivant laquelle on doit déterminer, pour le plus grand effet, l'angle le plus avantageux fous lequel on doit incliner ces digues, par rapport à la direétion du courant , attendu que nous ne l'avons pofé ici que d'une ouverture arbitraire : mais ce problème a été réfolu d’une manière très-favante , dans le Mémoire de l'Abbé le Boflu , & de feu M. Vialet, Ingénieur des Ponts & Chauffées, qui a remporté le prix de l'Académie de Touloufe, pour l’année 1762. Au furplus, la difpofition , la conftruction & la forme des digues qui doivent réfifter à l'impulfñon des torrens, tiennent encore à des connoiffances qu'on ne peut acquérir que par de longues expériences , & dans lefquelles toutes les théories précédentes doivent fe concentrer. On doit fur-tout éviter d'employer des bois pour la conftruétion de ces digues, lorfque les moyens & les circonftances permettent d'en ufer autrement ; & on a vu franchir ce préjugé avec les plus grands fuccès en Dauphiné , où, jufqu'en 17<0, on n’avoit d’autres métho- des pour contenir les torrens qui dévaftent cette Province, On voit mème que, dans quelques parties de la Savoie , où les pier- res manquent, on en fabrique avec les graviers & les cailloux que les torrens entrainent, Ces pierres de beton factice , compofées de chaux maigre & de gros graviers mêlés de cailloux, fe moulent en prifmes triangulaires de 3 à 4 pieds de longueur, & s’ajuftent enfuite par engrainement les unes fur les autres, de relle forte, que les digues qui en font com- pofées , étonnent les Connoifleurs. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 11 MEMOIRE Sur un Para-Tremblement de terre, & un Para-Volcan; Par M. BERTHOLON DE SAINT-LAZARE, des Académies Royales des Sciences de Montpellier, Béziers, Lyon, Marfeille, Dijon , Nifmes ; Touloufe, Bordeaux , Ec. P, RMI: les fléaux deftruéteurs, je ne crois pas qu'il y en ait aucun, qui infpire plus profondément la terreur & l’effroi que les tremble- mens de terre. Le fol qu'on habite n’eft plus un lieu de sûreté; les pénates , afyle ordinaire contre les orages & les tempêtes , fonc encore plus redoutables que le mal lui-mème ; le fein de la terre qui pour- roit être un abri protecteur contre la foudre, celle d’en être un, lorf- que notre globe, éprouvant des convulfions & des déchiremens , fem- ble ébranlé jufques dans fes derniers fondemens. Ses malheureux ha- bitans pâles & rremblans abandonnent leurs foyers, &, incertains où diriger leur marche , s’éloignent à Sa précipités de leur patrie qui de toutes parts ne leur préfenre que l’image de la mort & mille objers d'horreur : à chaque inftant ils craignent de voir s'ouvrir des abimes affreux prêts à les engloutir. 11 eft des ames intrépides qui affrontent les dangers & les tempc- tes, il en eft qui, tranquilles dans le fein des orages, voient de fang froid la foudre fillonner les airs, & le ronnerre , ce météore fi terri- ble, gronder fur leur tère; mais on n’en à jamais vu qui ofaflent, je ne dis pas braver ces fecoufles horribles imprimées à la terre , je dis feulement ne pas fuir des lieux qui en font le funefte théâtre. Tous faifis d'épouvante aux premières approches de cet épouvantable fléau, n’ont ni aflez de force ni aflez de vitefle pour accélérer leur fuite précipitée. Qu'on fe rappelle ce qui s'eft paflé de nos jours dans les lieux ravagés & détruits par ces horribles convulfions de la nature , & on fera convaincu que, dans ce déluge de maux auxquels nous ne fommes que trop fouvent expofés , il n'en eft aucun qui foir fi redoutable. Ce terrible météore de tour tems bouleverfa notre malheureux globe. Nous ne pouvons douter d’après les témoignages des Anciens que le mont Ofa fur féparé du mont Olympe par un tremblement de terre; que Selis & Megalenpolis, la Theffalie, la Colchide, l'Achaye, 112 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la Macédoine , &c. ont éprouvé ces fecoufles affreufes de la terre: Thucidide rapporte qu'environ au tems de la guerre du Péloponèfe , toute l'Ifle d’Atalante , ou au moins fa plus grande partie , fut fubmer- gée par l'effet d’un tremblement de terre; felon Poflidonius la même chofe arriva dans la Ville de Sidon. Callifthène qui accompagna Ale- xandre le Grand dans fes expéditions , nous apprend qu'Hélice & Bu- ris périrent dans un tremblement de terre des plus violens ; & Strabon dit que la première de ces Villes fut engloutie dans un abime qui S'ouvrit fous elle, & que la feconde fut enfévelie fous les eaux : Pau- fanias & Pline en font aufi mention. La célèbre Nicopolis, dit un Philofophe de l'Antiquité, eft accoutu- mée à ce malheur ; l'Egypte & l’Ifle de Delos l'ont éprouvé, quoique Pindare & Virgile les en aient cru à l'abri. Paphos à plus d'une fois été renverfée, ainfi que Tyr. Un ancien Auteur a dit de cette dernière Ville fi foriffante, qu’elle ne fut autrefois qu’un monceau de ruines hor- ribles ; il ajoute que l’Afie fut bouleverfée en une nuit, & qu'elle vit dans un inftant difparoître douze Villes entières: Tyros aliquando in- famis ruinis fuit. Afia duodecim urbes fimul perdidit. Seneq. quæft. nat. Bb. vi , cap. 1. Ce fut la quatrième année de T'ybère qu’arriva ce défaftre effroyable : nous avons une Médaille de cet Empereur Civiatibus Afie reflitutis ; Strabon, liv. x11 , Tacit, ann. lib. 11. Eufebe in Chron. ajoute Ephèfe aux Villes d’Afie détruites par ce fatal évènement. On ne peut lire les Anciens fans y rencontrer en mille endroits des témoignages certains de ces affreux bouleverfemens qui ont ravagé le monde dès les premiers âges. » On navigue , difoit Sénèque, fur » des Villes que nos Ancètres ont connues, & de qui les hiftoires ont » fait pafler jufqu'à notre fiècle la mémoire & la connoiffance. Com- » bien y en a-t-il d’autres qui ont été fubmergées en d’autres en- » droits par l'effet des tremblemens de terre ? Combien y a-t-il de peu- » ples que la terre a enfevelis? « Ceci me rappelle la belle penfce d’un Ancien: nous marchons fur les cadavres des Cités. Le Philofophe déjà nommé nous apprend que, fous le Confulat de Régulus & de Virgi- nius , le jour des Nones de Février, date qui revient à lan 63 de l’Ere Chrétienne .il y eut un violent tremblement de terre qui fe fit fentir dans les environs du Véfuve. Pompéia , Ville célèbre, fut engloutie dans le fein de la terre; Herculée fut détruite en partie , Nocère en fouffrit beaucoup , ainfi que toute la Campanie. Seize ans après, c’eft-à- dire, l'an 79 de notre Ére, il y eut plufieurs tremblemens de terre ui précédèrent la fameufe éruption où péri Pline l’ancien, qui étroit allé de Misène à Stabie pour obferver de plus près ce phénomène. Pline le jeune, dans la belle lettre où il raconte à Cornelius Tacite la more de fon oncle, » atrefte que les maifons éroient tellement ébranlées par » les fréquens tremblemens de verre, que l'on auroit dit qu’elles éraient » atrachées SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 15 » arrachées de leurs fondemens, & jetrées tantôt d’un côté, tanrôt de l’autre, » & puis remifes à leurs places ». Liv. vr.lertr. 1 6. Nous favons encore que » fous le règne de Céfar Galien , on obferva plufieurs jours des tremble- » mens de terre en Italie ; on entendit des tonnerres qui produifoient » de terribles muoifflemens dans les entrailles de la terre: A terre s’en- » trouvrant de côtés & d’autres engloutit quantité de perfonnes «, En 1538, le 29 Septembre , un tremblement prodigieux fit difparoître le lc Lucrin; Tripergole fut abimé & fes malheureux habitans englou- tis. Des gouffres s’ouvrirent , & il en fortit des flammes , des fables & des pierres ardentes. Le pays des environs fut culbuté au point que, vingt-quatre heures après, 1l n’en reftoit He de vellice. Les Citoyens de Pouzzol , épouvantés de ce fpectacle, abandonnèrent leurs foyers. On feroit effrayé fi je préfentois ici le tableau des ravages des trem- blemens , qui ont fucceflivement bouleverfe les différentes parties de la terre: c'eft ce qui a fait croire à plufieurs Auteurs que les montagnes avoient été formées par des tremblemens de terre; & que nous habi- tions feulement les ruines de notre globe, Ces convulfions horribles de la nature femblent ètre devenues de nos jours plus communes que jamais. En 1730, des tremblemens de terre fe firent fentir dans Île Japon ; Méaco fut entièrement détruit. L'année fuivante Pékin en éprouva un terrible. Dans les années 1737 & 1738 il y eut dans le Kamtfchatkz des tremblemens de terre fi violens que la plupart des maifons furent renverfées. On vit aufli de fortes éruptions de quel- ques-ungdes Volcans qui font dans ces contrées. En 1746 , Callao fut fubmergé en entier, la Ville de Lima prefque entièrement détruite. Depuis l’érabliffement des Efpagnols, cette Ville avoit déjà éprouvé bien des fois ce malheur , favoir en 1582, 1586, 1609, 16$$,1678, 3687, 1697; 1699, 17165 1726, 1732, 1734, 1743. Je pourrois facilement marquer ici la fuite chronoiogique des différens tremble- mens, arrivés dans les Villes dont je parlerai, mais l'ennui de tranf- crire des dates en difpenfe. LE Cette mème année 1746 , on compta à Quito jufqu’à 200 fecoufles dans les premières vingt-quatre heures, & jufqu’au vingt-quatre Février de l’année fuivante, on obferva 471 reprifes de tremblement de terre. Le trémblement arrivé en 175$ à Lisbonne , & dont toute l'Europe a reffenti les effers , eft crop connu pour en parler. Perfonne n'ignore que la plus grande partie de cette Ville fut renverfée par les fecouffes les plus terribles, & qu'il y périt plus de cent mille citoyens dont le plus grand nombre fut englouti dans le fein de la terre. Seruval & plufeurs autres Villes du Portugal ont été également ruinées. Dans toute la Syrie, il y eut plufeurs fecoufles très-fortes de tremblemens de terre, à la fin d'O&tobre & dans le courant de Novembre de l’an- née 1759. Damas fur renverfée , & fix mille perfonnes y périrent; Tome XIV. Part, II, 1779. AOUST. P Le 114 OBSERPATIONS SUR LA PHYSIQUE, : la Ville de Japher fut entièrement détruite, & prefque tous les habi- tans furent enfévelis fous fes ruines. À Tripoli un grand nombre d’édi- fices furent renverfés, & les Villages voifins furent bientôt changés en un monceau de décombres. En 1767 , les tremblemens furent fréquens dans l'Allemagne, la Suiffe, &c. Le premier Mai 1769 , la Ville de Bagdad fur le Tigre fut PURE ren ruinée par un tremblement de terre, En 1770, e 3 Juin, les Villes & les habitations principales de la partie de l’oueft de l'ffle de Saint-Domingue , furent détruites par un tremblement de terre pendant lequel s’ouvrit un Volcan. Le 29 Juillet 1773, la Ville de Guatimala dans le Nouveau-Monde , une des plus grandes de la Nouvelle -Efpagne , fut détruite & engloutie par un tremblement fi affreux qu'il ne refta pas fur pied un feul édifice. Le 13 Septembre fui- vant, il fe fit reffentir à Winger en Norwège, c'eft-a-dire, prefqu'aux extrémités de l’ancien Monde. À Altdorf, en Suiffe, le 10 Septembre 1774, on éprouva des fecoulles terribles de tremblement de terre qui détruifirent un grand nombre d’édifices. Dans la nuit du 22 au 2; Février précédent on en avoit éprouvé à Parme: Daus F'Ifle de Ternate, l'une des Moluques, les éruptions du Volcan furent accompagnées de tremblemens de terre affreux , qui ravagèrent la plus grande partie de certe Ifle, le 4 Juillet, le 8 Oétobre , & le s Septembre de l’année 1775: L'Iflande en reffentit auñi dans cette même année. ; Enfin, le 2 Avril 1778 ; Manheim fut agité par quelques fecoulfes de tremblement de terre ; mais le 3 Juiller de cette même année, Smyrne, certe Ville qui eft le centre de prefque rout le commerce da Levant , a été, détruite en grande partie par plufeurs fecoufles horri- bles dé tremblement de terre, & on ne croit pas qu’elle puilfe jamais s’en relever. Celui qui arriva en 1688, fur prefqu'aufli funefte que ke dernier ; l'an 178 de l'Ere Chrétienne elle en éprouva de femblables. Ï1 n’eft aucune partie dé la terre habirable qui n'ait été plus ou moins fujette aux tremblemens de terre ; les Ifles fur-tout, les Antilles, les Açores ; les Moluques , les Philippines, &c. en éprouvent fouvent : mais il n’eft aucune contrée qui n’en ait reffenti dans divers fiècles. Depuis le Cap de Horn jufqu'à la Baye de l'Affomprion ; de la Cali- fornie, des Lucayes , des Canariés aux Philippines & aux lfles Marian- nes; & depuis le Groënland, le Spitzberg & la Nouvelle-Zemble juf qu'au Cap des Aiguilles , le globe de la terre a éré perpétuellement agité & bouleverfé. Ce que Sénèque a dit fe préfente ic1 bien natu- rellement : on ne doit pas être furpris que la terre tremble, mais qu’elle fubfifte. La France-elle-mêème, ce Royaume qui , par fon heureufe pofition, fembleroit devoir étre à l'abri de ce fléau deftrnéteur , Pa fouvenc éprouvé; &, fans remonter aux premiers âges, nous pouvons nous is SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 115 rappeller que de nos jours elle en a reflenti bien des atteintes plus ou moins funeftes. En 1732, le 23 Juin , le Village de Pardines en Au- vergne , fut englouti dans un tremblement de terre. En1750, le tremble: ment du 25 & 26 Mai fe fit fencir à Tarbes & dans le refte du Bigorre, dansle Béarn, dans la Saintonge, le Médoc, le Rouergue, le Languedoc : Mém. de l'Ac. des Sc. 1750. En 1755 , époque à jamais mémorable du tremblement de terre de Lisbonne , la France n’en fut pas exempte, Le 3 Juillec 1756, on en reflentir à Aix; il y en eut pluleurs en divers endroits, dans l’année 1767, ainfi que dans l'Allemagne & la Suiffe. En 1772, on en éprouva dans plufieurs Provinces. Le 17 Oétobre 1773, plufeurs fecoufles furent obfervées à Pau & dans la Vallée d'Offau. Le 30 Novem. 1775 à Caën & dans la Normandie le même phénomène eur lieu. En Juin 1778, on a encore reffenti une fecoufle de tremblement de terre à Pau, felon un excellent Phyficien & habile Obfervateur, le P. Cotte, de l'Oratoire, Journ. des Sav. Août 1778, page 1689, 17-12. LUE Je nai fait mention que des tremblemens de terre que la France a éprouvés dans ces derniers tems , mais elle y a été jadis très-füjette , comme il confte par les différens Volcans éteints qu'on trouve dans la plupart de fes Provinces. Prefque par-tout fa furfice nous préfente des laves que. ces bouches de feu ont autrefois vomies ; laves diverlfiées , & prefqu'aufli abondantes que celles du Véfuve, de l'Echna & de l'Hecla. L'Auvergne, le Languedoc, la Provence & le Vivatais font les principales Provinces où l'énorme multitude de ces produits Volcaniques frappe les regards les moins attentifs. On y voit fur-tout des mafles prodigieufes de colonnes bafaltiques qui font des témoignages certains des anciennes éruptions de ces Monts igni- vomes , & des monumens authentiques qui atteftent & les tremble- mens de terre & les bouleverfemens funeftes auxquels ces contrées furent autrefois expofées; car il y a la plus étroite liaifon entre les tremblemens de terre & les Volcans: ceux-ci dans leurs différentes éruptions occafonnent prefque toujours ces fecoulles terribles qui dé- chirent les entrailles de la terre. Ainfi, dans l’année 1631, on vit des fleuves de feu couler à grands flots du fommet du Véfuve; & plufeurs Villages furent renverfés dans les tremblemens qui l’accompagnèrent: plus de trente mille perfonnes y périrent diverfement, au rapport de Théodore Valle , témoin oculaire, qui nous en a donné une relation circonftanciée. On peut voir dans l’Hiffoire du Wéfuve, par le P. Della- Torre, la fuite chronologique de fes différens incendies. Dans le Kamtfchatka où on compte trois Montagnes igri-vomes | les violentes éruptions auxquelles elles font de tems en tems foumifes , font accom- pagnées de tremblemens de terre. Au Japon & dans l’Iflande, &c. il fe trouve plufeurs Volcans , & ces endroits font fort fujets aux AOMST 1 P'2 16 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, wemblemens de terre. Dans les Cordillières où il ya plufeurs Vol- cans dont les plus fameux font le Pitchincha ; lé EGropaxi & PÂre- quipa , les tremblemens de terre y font plus communs qu'en aucun pays du monde. Il n’y a point de femaine , dit M. Bouguer, pen- dant laquelle on ne reffente au Pérou quelques fecoufles. Dans pluñeurs tremblemens de terre on a vu naître des Volcans, par exemple, en 1754, celui des Manilles, &c. Le nombre de ces bouches de feu, qui, comme autant de foupiraux, vomiflent des torrens de feu & des fleuves de Aammes & de matières embrafées, eft prodigieux; la furface de notre globe en eft prefque couverte, & on en connoît plus de cinq cens. Tant de ravages affreux produits par les tremblemens de terre & les Volcans, depuis les premiers tems jufqu'à nos jours, & d’un bout du monde à l’autre, infpirent naturellement le défir de rechercher Les moyens les plus efficaces pour fe mettre À l'abri de leurs funeftes effets, ou plutôt al de les prévenir. Depuis long-rems j'ai tourné mes vues far cet objet, & je crois avoir trouvé ce préfervateur fi defire. Plu- fieurs Savans à qui j'ai communiqué mes vues les ont accueillies, & m'ont engagé à les publier ; elles font d’ailleurs une fuice néceffaire des principes établis dans mon Mémoire fur la foudre afcendante , & fur un nouveau moyen de fe préferver du tonnerre , qui a été ho- noré des fuffrages les plus précieux. Les tremblemens de terre font des phénomènes électriques : cette propoñition et, j'ofe le dire, bien prouvée dans une feconde differ- tation que je donnerai dans quelque-tems ; elle eft maintenant admife par tout ce qu'il y a de bons Phyficiens, & de gens inftruits des opé- rations de la nature. Il fuffira de rappeller ici qu'aucune autre caufe que l'électricité , ne peut produire les effers étonnans qu'on remarque dans les tremblemens de terre. Nous avons vu précédemment que la quatrième année de l'Empire de Tibère, lan dix-fept de l’Ere-Chré- tienne , un tremblement de terre détruifit en une nuit treize grandes Villes de lAfie mineure. Cet effet n'a pu être produit fans qu'au moins une mafle de 300 milles de diamètre n'ait été ébranlée. La force motrice a du être placée à 200 milles de profondeur au-deffous de la furface de la terre, & former ainfi un cône renverfé. La folidité du cône étant le tiers de celle d’un cylindre de même bafe & de mêèmehauteur, jai trouvé par le calcul que cette uiffance auroit dû ébranler un folide d’une mafle énorme, dont le ide eft au-deffus de la vertu de toute force naturelle connue, différente de l'électricité. Que feroir-ce fi, au lieu d’avoir pris pour exemple un fi petit diamètre , javois chotfi, comme élément du calcul, l'étendue de rerrein qui a été ébranlé par le trem- blement de terre, de Lisbonne que toute l'Europe a reffenti ? Le réful- tar en auroit été effrayant, Il n’y a que la commotion électrique feule SUR L’'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 117 qui fe communique à des diftances prodigieufes , ainfi que l'expérience le prouve. La vitefle étonnante avec laquelle les entrailles de la terre font ébranlées dans une immenfe étendue , ou plutôt l'inftantanéiré des mouvemens qu'on a obfervés fort fouvent dans des lieux très- éloignés pendant ce terrible phénomène, eft encore une nouvelle preuve de cette vérité ; mais j'oublie que ceci eft le fujer d’un autre Mémoire. Les tremblemens de terre ne a donc que des tonnerres fouterreins , comme Pline la anciennement reconnu , & puifqu'il et démontré que le tonnerre eft un effet d'éleétricité , on ne peut s’empècher de reconnoître que la caufe des tremblemens de terre n’eft autre chofe que la matière électrique. On verra même dans le fecond Mémoire que j'ai fait fur cer objet, la defcriprion d’une petite machine qui, mue par l'électricité | repréfente en peric les tremblemens de terre & leurs principaux phénomènes. C'eft d'une rupture d'équilibre entre la matière éledtrique qui règne dans l’atmofphère, & celle qui eft propre à la malle de la terre , que réfulcenc les tremblemens de terre , ainfi que les tonnerres, puifqu'ils fonc des phénomènes électriques. Si le Auide clectrique eft furabon- dant, ce qui peut arriver par mille caufes , il cherche, felon les loix de l'équilibre propre à tous les fluides , à fe porter vers l'endroit où il y en a moins; il s’échappera donc quelquefois du globe de la terre dans l'atmofphère. Si ce rérabliffement de l'équilibre peur fe faire facilement , c'eft un fimple tonnerre afcendant ; fi des obftacles confidérables & multipliés s’y oppofent, c’eft un tremblement de terre dont la force & l'érendue font proportionnées à la grandeur du défaur d'équilibre, à la profondeur du foyer , & aux obftacles qu'il y a à vaincre. Si ce foyer électrique eit abondant & aflez profond , & qu'il puiffe fe former une iffue , on aura-un Volcan par où fe feront fuccellive- ment des éruptions plus ou moins fréquentes qui, dans la réalité, ne font que des répulfons électriques des matières contenues dans le fein de Ja terre. En tout genre quand on connoît la caufe d’un mal , il ef facile d'y remédier. Pour réuflir à préferver un pays des terribles ravages que produifent fi fouvent les tremblemens de terre , il faut fe rappeller que ce phénomène dépend de l'électricité , que la matière électrique fe communique très-bien à tous les corps conduéteurs , que les métaux en font les meilleurs, & que les pointes métalliques foutirent à une grande diftance la matière électrique , ainfi qu'il eft démontré par l'expé- rience-la plus décifive. Ce font autant de principes certains dont on ne doit pas s'écarter dans la conftruction du Para-tremblement de terre & du Para-Volcan , c’eft-à-dire, de l'appareil propre à préferver des tremblemens de terre & des Volcans. + Pour foutirer le plus loin qu'on pourra la matière fulminante de la terre , il faut enfoncer dans la terre, le plus avant qu’il fera poñlible, 118. OSERV ATIONS SUR LA PHYSIQUE, de très-grandes verges de fer dont les deux extrémités , celle qui eft cachée & celle qui fe trouve au-deffus de la fuperficie, feront armées de plufeurs vercicilles ou pointes divergentes très-aigués. Les verticilles inférieurs, enfoncés dans la terre, femblables à ceux dont j'ai parlé dans mon Mémoire fur un nouveau Para-tonnerre (pag. 78 du Recueil des Mémoires lus dans l'Affemblée publique de la Société Royale des Sciences de Montpellier , année 1776; où pag. 26 du Mémoire imprimé féparément); ces verticilles inférieurs, dis-je , ferviront à fouxirer la matière éleétrique furabondante dans le fein de la terre. Ce fluide éleétrique verreftre fera tranfmis par toute la longueur de cette fubf- tance métallique, & il fera enfuite déchargé dans l'air de l'armofphère fous la forme d’aigrettes par les pointes ou verticilles fupérieurs. Je prefcris de divifer l'extrémité inférieure de ces barres ou verges en plufieurs branches divergentes très-longues , afin qu’elles réuniffent à un plus haut degré la vertu de foutirer l'électricité, propriété qu'ont toutes les pointes , & que plufeurs pointes poffédent plus éminemment qu'une feule. Le bout fupérieur fera aufli armé de la même manière, afin que les canaux de décharge foient au moins égaux à ceux qui ont fervi à foutirer & à conduire la matière électrique. On a exigé plufeurs verges électriques , parce qu’une feule ne fuffit pas; il faut que la multiplicité des conducteurs métalliques foit en rapport avec la quantité habituelle de matière électrique terreftre, & avec l’étendue du terrein qu'on veut préferver. Leur longueur dans la terre doit être proportionnelle à la diftance du foyer : on peut juger allez bien de ces rapports par l'expérience du pafñlé, qui elt de tous les Maîtres le meilleur en genre d’inftruétion. Je confeillerois volontiers d'ajouter aux barres dont on vient de voir la defcription , des verticilles inter- médiaires, qui feront hors de terre & femblables à ceux qui font par- tie du Para-tonnerre afcendant que j'ai propofé dans le Mémoire déjà cité : l'utilité en eft palpable. Sans que je le dife expreflément , on préfume fans doute que ces verges électriques, pour éviter la rouille, doivent être revètues d'un vernis, & environnées d'une ma- tière bitumineufe , &c. afin qu’elles foient long-temis confervées; J’ai- merois mieux conftruire en plomb la partie qui eft enfoncée dans la terre. En réfléchiffant fur les principes de l'éleétricité, tous les vrais Phyfi- ciens reconnoîtront l'efficacité de ce nouveau Para-tremblement de terre & de ce Para-volcan ; elle n'eft pas inférieure à celle du Para-tonnerre afcendant & du Para-tonnerre defcendant. La conftruction de ces divers appareils eft fondée fur la même bafe , les procédés font enriè- rement analogues , & les uns ne peuvent être utiles & efficaces que les autres ne, le foient également, Si l'on convient du pouvoir des pointes éleétriques pour préferver de la foudre , ce qui eft actuelle- 4 ES RSR TE PT À “4 ti 1 4 SÛR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 119 ment un dome de phyfique, on ne peut nier, fans inconfequence , celui du nouveau préfervateur des tremblemens de terre. Car, je le répète, les tremblemens de terre fonc des phénomènes d'électricité, ils font produits effenuellement par une rupture d'équilibre du fluide éléétrique ; celui-ci et foutiré par les pointes, & il eft tranfmis en filence par les conduéteurs mitilliques qui récabliffent infenfiblement l'équilibre. Afin de mettre cette vérité hots de tout doute, j emploie l'expé- rience pour la démontrer aux yeux. Commie, pour rendre fenfible l'efficacité des Para-tonnerres , on s’eft fervi d’une maifon du tonnerre qui eft préfervée de la foudre électrique , lorfque le Garde-ronnerre eft placé, & qu'elle elt foudroyée & mife en pièces , aulitor que le Para-tonnerre eft enlevé (ainfi qu'on peut le voir à la page 28 de mon Mémoire fur la foudre afcendante, ou page 80 des Mém. de lAcade- mie de Montpellier , année 1776); de mème j'ai imaginé une expérience analogue aux tremblemens de verre. Plufeurs petites maifons de car- ton, éloignées les unes des autres, repréfentent une Ville : un carreau magique allez grand & fortement chargé eft le foyer électrique; lorf- que le coup foudroyant eft déchargé, les maifons font violemment ébranlées & renverfées. Une figure de montagne à côté de cette petite Ville donne l'idée d’un Volcan , & un grand vuide dans l’intérieur renferme divers corps légers & des matières inflammables. La machine éleétrique érant en jeu, on voit l’image des éruptions d'un Volcan dans la répulfion des corps légers qui fortent du fommet , & font lancés à une petite diftance : le feu qui fort de cette bouche achève de montrer une parfaite reflemblance de ce petit mont Ioni- vome avec le Véfuve & l'Etna. Dès que le Para-tremblement de terre & le Para-Volcan font mis en place, les phénomènes dont je viens de parler n’ont aucunement lieu, la Ville eft confervée , nulle fecoufle, & le petit Volcan eft tranquille. Je m'érendrai un peu plus fur cetre expérience dans le fecond Mémoire que j'ai annoncé, celui-ci étant déjà aflez long. Ces principes fuppofés , on doit fur-tout dans les pays fujets aux tremblemens de terre , & aux éruprions des Volcans, tels que Naples, Lisbonne | Cadix, Séville, Caranée, Palerme, Pékin, Méaco , Tauris, Lima, Quito, &c.; le Véfuve, l’Etna, l'Hecla, le Mont Albours , le Pic de Ténériffe, l’Ifle de Fuogne , les environs de l'Arequipa, du Carappa, &c.; on doir y planter profondément plufieurs de ces ver- ges éleétriques, de grands conducteurs métalliques , armés de verti- cilles inférieurs , intermédiaires & fupérieurs, autour des Villes, dans leur enceinte , fur les côtés des Monts volcaniques & mème dans les vallons & les plaines qui les environnent. C'eft le feul moyen de fe prémunir contre ce fléau deftruéteur , en rétablifant l'équilibre du 150 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; feu éleétrique , en lui donnant une iffue par la communication réci- proque qu'on forme entre le globe de la terre & l’atmofphère, dans lequel le fluide électrique va fe perdre , comme dans un Océan immenfe. Les Anciens avoient entrevu la nécefliré de creufer des puits pro- fonds pour préferver des tremblemens de terre, moyen qui a quel- dope d'analogie avec celui que j'ai propofé. Pline affure que les réquéntes cavernes propres à donner une illue au fluide fubtil qui caufe les tremblemens de terre, font un excellent moyen pour les prévenir; c’eft ce qu'on remarque dans certaines Villes qui font moins fujettes aux tremblemens de terre, depuis que plufieurs trous y ont été formés : Crebri fpecus remedium prabent ; conceptum enim fpiricum exhalant; quod in certis notatur oppidis, que mins quatiurtur crebris ad eluviem cuniculis cavata. Hift. Nar. lib. 11. cap. 79. Les premiers Romains fur-tout prirent cette précaution de creufer des puits pro- fonds, pour mettre l'ancien Capitole à l'abri des funeftes effets des tremblemens de tétre, & ils y réuflirent ; car cette partie de Rome n’a jamais rien fouffert de leurs ravages. Les trous perpendiculaires , qui font fur les diverfes montagnes & les ouvertures des divers antres , font regardés avec raifon comme des foupiraux utiles ( Derham, lib, sir. Théo!. Phif. cap. 3,), & on a remar- qué que plufñeurs contrées ont été entièrement délivrées des tremble- mens de terre , après que de nouvelles ouvertures y ont été produi- tes. Depuis le fameux tremblement de terre qui arriva à Tauris en Perfe, le 26 Avril 1721, on à fair creufer un grand nombre de puits très-profonds , & nul tremblement de terre ne s’eft fait fenrir jufqu’à préfent, quoiqu'ils y fuffent auparavant rrès-communs. Ces heureux effets dépendent uniquement de ce qne l'excès de fluide électrique qui eft quelquefois accumulé dans certaines répions de la terre , s'échappe par ces ouvertures jufques dans l'air , l'équilibre fe rétabliflant par ce moyen. Mais les barres électriques qui font de vérita- bles conducteurs de la matière éleétrique , contribuent bien plus efhicace- ment, plus généralement & plus sûrement dans tous les cas à rétablir cet équilibre, & à cranfmettre dans l’armofphère l'excès du fluide éleétrique qui eft la feule caufe des tremblemens de terre. Elles vont, pour ainfi dire ,au-devant du mal en l'attaquant dans fes principes; elles empèchent la réunion des parties d’un fluide qui ne nuit que par fon accumulation dans un lieu déterminé ; elles foutirent infenfiblement à une grande diftance cette matière électrique, la tranfmertent comme conducteurs , & la difipent en rétabliffant l'équilibre, 11 eft inutile d'ajouter que fou- vent on ne peut former de grandes ouvertures dans la terre, & que dans les cas où cela eft poillible c’eft toujours nn vol facrilége fait à FAgriculture. On _ SOLS SEE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. x21 On objectera peut-être que le moyen que je propofe, je veux dire que les Para-tremblemens de terre & les Para-Volcans font difpen- dieux , j'en conviendrai de bonne-foi, pourvu qu'on m'’accorde que les ravages produits par les tremblemens de terre, & qu'on defire de prévenir, caufent des maux infinis. Des Provinces dévaftées, des Villes renverfées & enfévelies fous leurs ruines , plufieurs milliers d’habitans engloutis ou accablés fous les décombres des édifices, &c. font des objets de la plus grande importance ; & un remède n’eft jamais de grand prix ue bien qu'on procure lui eft de beaucoup fupérieur. C'eft aux Princes, c’eft aux Etats à faire ces dépenfes; il n’en eft certainement point de plus néceffaires, puifqu'il s’agit fur-tout de conferver la vie à des millions d'hommes. Mais cette dépenfe n’eft point aufli grande qu'on pourroit d’abord fe l’imaginer; elle fera toujours de beaucoup inférieure à celles qu'entraînent des guerres pour l'ordinaire fort in- juftes , des conftruétions de palais fomptueux, élevés en dépit de la na- ture, &c... Puillent ces moyens être exécutés par le Roï de Naples, qui doit y être plus porté qu'aucun autre Monarque , puifque vingt fois il a été obligé de s'éloigner en fugitif & à pas précipités , de ces beaux lieux de Portici, dont Yes fondemens doivent lui rappeller fans celle le défaftre arrivé du rems de Pline, dans lequel Herculanum & Pom- péia furent enfévelis dans les entrailles de la terre , & fous des fleuves de laves ; évènement fatal qui pourroir encore avoir lieu. Puifle la Reine de Portugal fuivre cet exemple, & le donner à tous les autres Souverains ! Près de vingt-cinq ans fe font écoulés depuis cette terrible époque qui détruifit la Capitale de ce Royaume, & les ruines de cet horrible défaftre font encore prefque récentes. L'Efpagne a reffenti plus d’une fois dans les deux mondes, les effets funeftes des tremblemens de terre ; il n’eft mème aucun Etat que ce fléau deftruéteur n'ait plongé dans la défolarion, & pour qui un préfervateur des tremblemens de terre ne foit de la plus grande utilité. Puiffent les Souverains fe liguer de concert pour détruire les féaux multipliés qui femblent conjurés contre ce malheureux globe ! LD ; ne Tome XIV, Part. Il. 1779. AOUST. Q 122 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, DES CROP MATIONN De trois Enfans monftrueux; Par M. DE PESTALOZZI , Doëteur en Médecine. D E tous les monftres qui font repréfentés dans Ambroife Paré , dans l’Icofthène , dans Aldrovand , dans Licetios , dans Boaiftuau, ou dans aucun des Livres que nous ayions , il n’en eft point de fem- blable à ce premier. Son corps eft un peu gros , cela n’eft pas étonnant parce que sûre- ment il eft compofé de deux; il a deux bras, deux jambes, un feul col gros & court placé fur deux épaules larges; mais ce qui fait la fingularité de ce monftre, c’eft que ce col porte une double tète , qui ne paroït qu'une par-derrière , & eft compofce de deux vifages par- devant ; les deux vifages font d’égale groffeur., chacun eft un peu panché fur l'épaule de fon côté, & tourné en-dehors, ils font attachés l’un à l’autre par les os des deux mächoires inférieures , des deux apophifes zygomatiques poltérieures , & des deux temporaux à qui ces apophifes appartiennent ; c'eft-à-dire, que les deux joues font colées enfemble; l'on entend la joue gauche de la face droite, à la joue droite de la face gauche: les deux faces ont chacune un front, deux yeux , un nez , une bouche & un menton ; la face droite a une oreille qui touche fur l'épaule à droite, la face gauche a une oreille qui touche fur l'épaule à gauche, & entre les deux fronts eit une double oreille tout en haut , qui répond à chacune des deux autres. L'on voit bien que ce monftre a fouffert une compreflion extrème- ment forte , puifque non-feulement les deux corps & les deux cols fe font joints, mais encore les deux têtes ont été appliquées l’une à l'autre, & les deux oreilles preflées fortement ont glilé plus haut & - fouffert la tranfaofition. IL paroît certain que chaque bouche de ce monftre a fon œfophage . & fa trachée-artère; & la groffeur du corps de la petite fille, laife bien juger que le poumon eft double , l’eftomac double , &c. Mais elle eft entière dans l’efprit de vin, & l’on n’a pas encore tenté de l'ouvrir. Le derrière de la rète du fecond enfant monftrueux eft fi large, quelle paroït bien être compofée de deux, mais le devant eft telle- SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 113 ment comprimé qu'il n'y refte qu'un feul vifage, de forte que la preflion en celui-ci eft encore plus forte qu'en l'autre ; ce qui prouve que ce font deux têtes confondues en une, c’eft qu'au-deflous de ce vifage unique & de fon col, font attachés deux corps, avec quatre bras & quatre jambes, (un femblable monftre fe voit dans Aldrovand, page Go.) il eft attaché non-feulement par le col, mais encore par la poitrine & par le ventre ; de forte que les deux épines font l’une à droite & l'autre à gauche, & le vifage eft entre deux épaules; les deux corps fe tiennent embraflés avec les quatre bras; les fefles, les cuifles & les jambes fuivent des deux côtés la chüte de chaque épine dorfale : ce monftre eft dans de l’efprit de-vin. Ces deux corps font tellement approchés lun de Fautre , que les fexes en font cachés; mais l’on juge bien à l'air du vifage , que ce font deux petites filles. Perfonne ne peut mettre en doute que les deux jumelles féparées n’euffenc eu chacune une tête entière & un vifage ; chacun de ces corps a donc fourni la moitié de la rêre qui lui appartenoit, & de ces deux moitiés de tête, il s'en eft compofé uné feule, dont le côté droit appartient au corps qui eft à droite , & le côté gauche appartient au corps qui eft à gauche. Cette jonétion fimple & naturelle eft conforme à la fimplicité & à l’uniformité des loix générales de la nature, Tous les montres ne différent que par la compreflion plus où moins forte dans les parties fupérieures ou inférieures ; ce fyftème eft aflu- rément plus fimple, plus uniforme, & à plus de conformité avec les loix de la nature, que de vouloir qu'il y ait un germe monftrueux , fait exprès pour chaque variation , & d’artribuer au Créateur les éga- remens & les fautes que la nature commet. Le troifième enfant monftrueux n’eft défiguré que par le vifage, cout fon corps eft dans l’état naturel; fa cère eft un peu applarie par les deux côtés, fon vifage eft étroit, par conféquent un peu long; il n’a point du tout de nez, fa bouche eft petite, & une feule orbite fe trouve placée dans le milieu du vifage, au-&effous du front ; cepen- dant l’on voit dans cette orbite, qui eft farce, les deux globes des yeux qui fe touchent. Au-deflous de l'orbite eft une petite pièce de chair qui fort d'une naiffance érroite , & fe groflit par le bout comme une petite poire ridée. Il ya un pareil monftre dans Fort. Licetus , page 133 , excepté que le fién eft femelle & celui-ci eft mâle. M: Lictre en à vu encore un de mème figure. Ses Obfervations font inférées dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, année 1717, page 285. Cet Académicien à ficrifié la confervation du monftre en fon entier 1779 0 ATOIUASET, Q 2 1:24 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, au plaifir inftructif d’en faire la diffection, pour examiner fa ftructure intérieure, Après avoir ouvert le crâne, il a trouvé que les deux nerfs optiques étoient réunis & renfermés fous une même enveloppe, ne faifant qu'un: feul cordon qui s'inféroit dans l'orbite de l'œil, par un trou percé précifément au milieu des deux endroits où doivent ètre deux ouver- tures par où paflent ordinairement les deux nerfs optiques. Ces deux ouvertures manquoient abfolument , aufli n’en falloit-1l qu’une pour laif- fer paller un feul nerf; ce paflage éroit fans doute dans l'endroit où doit être l’éminence ofleufe nommée Créte de coq , dont l'Obfervateur ne parle pas , non-plus que de l'os ethmoïde : il y a grande apparence que 'ces deux dernières ae avoient été détruites par la compreffion qui avoit effacé les os du, nez, & les lames offeufes : c'eft une fuite néceflaire de la caufe qui, des deux orbites, n'en à fait qu'une; les deux yeux étoient aufli renfermés fous une mème enveloppe , c'eft-à- dire, qu'ils n’avoient qu'un feul globe commun. Si jamais la preflion fut marquée, c’eft dans ce monftre-ci; fa tête applatie- des deux côtés, a comprimé le milieu du vifage ; le nez s’eft entièrement perdu dans la preflion; les deux orbites pouffées l’une con- tre l’autre, n'en ont fait qu’une feule; les deux yeux fe font approchés Jun de l'autre. Quant à la perite pièce charnue qui eft au-dellous , il eft probable que la preflion latérale a pouflé dans le milieu deux pa- quets de fibres charnues des mufcles frontaux, lefquelles par leur union ont formé cette petite pièce de chair faillante. Si M. Winflow a propofé des faits inexplicables dans les parties internes, cela veut dire feulement, que la nature myftérieufe a des routes fecrettes que nous ne pouvons Fe fuivre de près : tout comme dans les Ouvrages de l'Art, 1l y a des machines dont nous ne pour- rions deviner l’artifice, fi l’on ne nous en découvroit les refforts cachés. Ce qui a révolté bien des gens contre le fyftème des monftres acciden- tels, c'eft qu'ils n'avoient pas une idée jufte de la rencontre fortuite & de la jonction de deux fujets formés féparément avant que de fe joindre. Deux o diftinéts ont, difent-ils, leurs limites, ils ont des enveloppes qui réfiftent à leur pénétration, les extrémités des vaiffeaux font fermées , elles ne font pas faites pour s’anaftomofer, la preflion ne peut que les faire replier, rentrer ou fe rebroufler, elle ne peut occa- fionner tout au plus que des mutilations, retenir les parties & les em- pêcher ou abfolument de fe développer ou de s'étendre; c’eft-là une difficulté que plufeurs objeétent contre ce fyftème , mais l’idée que préfente cette objection s'évanouira , fi l'on veut bien penfer que ce n’eft point entre deux, embryons développés que la jonétion peut fe faire; ce n’eft pas non-plus entre deux œufs échappés de l'ovaire & def- cendus par les trompes dans la cavité de la matrice, Ces deux œufs ti SAS ARTS ESAL SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 12$ ont chacun leurs enveloppes qui, pénétrées de l’efprit prolifique du male, font déjà dans un état de gonflement & de confiftance qui les fait réfifter à leur pénétration ; l’on accorde tout cela, l'on veut encore accorder que quand même deux germes feroient enfermés fous une envelo pe commune, & contenus de la forte dans un calice de l’ovaire avant leur fécondation , ces deux germes peuvent fans fe mêler être fécondés & produire dans la matrice deux jumeaux féparés qui auroient en naif- fanc les membranes communes, l’arrière-faix commun, & les deux cor- dons ombilicaux réunis en un cordon commun; tout cela peut être, cela s'eft vu, & Harvée l'a obfervé fur des œufs de poule ; il les appelle des monftres, parce qu'ils font doubles : Mec defunt ovis [ua monftra. Exercir. 12. Cela fait voir que deux pouflins peuvent fortir d’un feul œuf. 11 dit encore: Vidi fepè ova gemellifica, & il pourfuit alia quoque ova vidimus cum binis vitellis quaft connafcentibus , &c. Exercie. 13. Ces exemples ne prouvent encore rien pour les monftres; mais il eft cer- tain que l'œuf d’une poule contient le germe d’une poulette ; que dans cetre poulette font contenus les œufs qu’elle doit faire, & dans ces œufs d’autres, & d’autres pour les générations à venir. Si cette règle eft jufte en defcendant , elle l’eft de même en remontant; ainfi les œufs fonc contenus de la fille dans la mère , de la mère dans la grand-mère ,& la confufion des germes s'eft faite peut-être plufeurs générations en arrière. Les membranes des œufs en remontant font aufli liquides que les germes mêmes , alors , point d’obftacle à la jonction ; tout ce qui nage dans le liquide peut fe rencontrer & s'unir de cette forte. Je penfe que les monftres fe font, non-pas de la rencontre de deux œufs, mais de deux germes liquides avant qu'ils foient œufs formés , c’eft -dire, avant que leur enveloppe ait acquis une confiftance capable de réfifter à la jonc- tion. Il eft un rems où les pores peuvent s’aboucher les uns aux autrés, où chaque germe n’eft pour ainfi dire qu'un atôme de liqueur ; en ce tems-là , lon ne peut refufer au germe la poflibilité de fe joindre , cela eft fondé fur la divifbilité indéfinie de Î, matière , & fur la richelle immenfe de la nature. Comme ces Monfires font à vendre , on peut s’'adreffer à l'Auteur du Mémoire, à Lyon. Le 126 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Prefque rien, 55 De même, 75 De ruême. 75 Plus du tout d'inflañma: tion, Il y a de même une nouvelle colonne au Tableau des mélangés des gas inflammables avec l'air fixe, ce qui le change de la manière fuivante. NZ AS 1779. AOUST. R : 132 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, oo SECOND TABLEAU AUGMENTÉ. Air des Métaux. Air des Marais. Air Inflammable huileux. Pur. Inflammation affez vi- Pur. Inflammation lente, Pur. Flamme très blanche & ve, flamme un peublan- flamme bleue. très - éclatante , brülant che. lentement & produifant de la fuie. ein Inflammation très-dimi- £ Inflammation plus lente, + Flamme blanche plus 1- nuée. flamme d'une beau bleu. pide. Encore moindre. Plus d'inflammation & + Blanche , mais un peu la bougie même eft étein+ bleue. vin Him te. 2 Très-peu d'inflammation. 2 Prefque bleue , & je crois tout - à- fait femblable à celle de l'air des marais. + Prefque auffi peu querien. + Tout-à-fait bleue, flam- me plus lente. Z Plus d'inflammation , au 2 Plus d'inflammation & [a contraire , la bougie s'é- bougie s'éteint, teint. Ce nouveau Tableau démontre que l'air principe de celui des ma- rais, ou l'air inflammable huileux , ne le cède point en inflammabilité au phlogiftique dégagé des métaux , & nous avons vu_dans le Tableau précédent qu'il lui étoit fupérieur dans fon mélange avec l'air atmofphéri- que, dans la proportion de 30 à 10 ou de 3 à 1. Cependant malgré cette éminente propriété inflammable , l'air des métaux femble par lui-mème plus dibpolé à l'inflammabilité que l'air inflammable huileux, cat la moindre flamme fuffit pour allumer le premier; & tandis que l'étincelle éleétrique, ou celles d’un briquet , plus commodément encore celles de la batterie d’un piftolet, parviennent à l’enflammer , nous voyons que ces moyens font trop foibles pour produire un tel effet avec le gas inflammable huileux. Il exiftera donc toujours des différences très-effentielles, que je développerai davantage dans un fecond Mémoire, entre deux gas que je regarde comme principes phlogif- tiques chacun dans leur efpèce, l’un étant le principe phlogiftique des métaux, l'autre celui des fubftances combuftibles. L'air inflammable huileux eft méphitique au plus haut point, & le gas nitreux n'en abforbe aucune partie ; enfin le gas déphlogiftiqué mélangé avec lui en quantités égales , produit une très-forte explofon; mais, comme on l'a pu voir dans le premier Tableau augmenté, ja- mais l'air inflammable huileux, comme celui des marais, ne fait SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 133 d’explofion avec l'air atmofphérique , dans telles proportions que foit leur mélange, & c’eft la meilleure pierre de touche pour reconnoître À : ‘ Je : le gas des métaux de celui des marais, & de celui que j'ai appellé air inflammable huileux. 1 DR EU SA dates AG à CA à Sur le Problème de la tranfmutation de l’eau en terre; Par M WASELTON. M. la tranfmutation de l’eau en terre fi familière à la nature, eft'un problème , dit M. l'Abbé Fontana (1), qui n'a point encore été réfolu ni par l'Antiquité ni par les Modernes. Les ingénieufes expériences que les Savans de l’Europe ont faites de nos jours, n’ont point encore uré le rideau fur ce voile de la nature , celles de M. l'Abbé Fontana lui- même ne l'ont pas fatisfait, & il paroît plus fceptique fur ce fujet qu'ilne l'étoir, Tous les réfulrats de ces Savans font différens & contradiétoires , ce qui ne peut provenir que de la manipulation & de ce qu'ils n’ont point allez imité la nature dans fes opérations ; je les vois prefque tous dans leurs laboratoires enflammés , détruire la nature plutôt que de la fe- conder ; elle ne fe fert point de feux dévorans qui la confument, pre- mière caufe de la différence des réfulrats. La feconde caufe ne proviendroit-elle pas auffi de la forme des vafes, de leur peu de capacité, car la nature ne fe fert ni de cornues ni d'alambics , & rarement de matras : je crois que le plus grand nom- bre de fes vaifleaux eft de forme cylindrique ; on reconnoît cette for- me dans les vaifleaux des animaux , dans ceux des végétaux ; les vei- nes des animaux font cylindriques, les vaiffeaux des plantes le font auf, ce que l'on reconnoît à la paille da bled & à prefque routes les plantes; les exhalaifons qui s'élèvent dans l'air forment auffi des colonnes cylindriques dans lefquelles elles s’élèvént avec beaucoup de rapidité ; ces colonnes font à chaque inftant brifées par les animaux qui les traverfent, & rétablies dans le même inftant; elles font pref- que imperceptibles, cependant je les ai obfervées à un trou quarré-long pratiqué dans la couverture de ma maifon par où un rayon de foleil oo (x) Dans fon Mémoire inféré au Journal de Phyfique , Mars 1770. i34 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, : pale, il paroïlfoit former une colonne cylindrique qui pouvoit avoir fix pouces de diamètre , dans laquelle des exhalaifons volumineufes moftoient très-rapidement en tournant les unes fur les autres en ligne fpirale. * C'’eft d’après ces obfervations que je me perfuade que fi l'on fe fer- voit de vailfeaux cylindriques arrondis par les fonds, plutôt que de tous les autres vaifleaux dont on s’eft fervi jufquà préfent , on imite- roit mieux la nature dans fes vafes, mais il faudroic qu'ils fuffent élevés & qu'ils puffent contenir au moins fix pintes d’eau dans toute leur capacité; on merttroit dans les uns le quart, dans d’autres le tiers , & dans d’autres moitié; on pourroit encore les fubdivifer en plus & en moins , car dans ces fortes d'expériences, l'air renfermé y joue le lus grand rôle, à quoi M. l'Abbé Fontana n’a point fait attention; il attribue au feu l'augmentation du poids de fes vafes , qui font aufi perméables à la fabftance de la lumière qu’à celle du feu. Je crois très-important pour les Obfervateurs que ces vafes foient de cryftal ou de verre blanc, afin qu'ils puiffent obferver exactement tous leg changemens qui fe feront dans leurs opérations , lefquels feront diffé- sens fuivanr le plus ou le moins de liqueurs contenues dans les vafes, & les différens degrés de chaleur qui ne font que caufes occafon- nelles & nullement efficientes. Je dé prévenir que les procédés dans ces vafes plus ou moins pleins d’eau , feront différens les uns des autres quoiqu'au mème degré de chaleur ; différence que j'attribue au plus ou moins d'air qui y eft renfermé. é L'eau & l'air font très-capables de recevoir toutes les formes , toutes les odeurs , routes les faveurs & toutes les teintures ; l’air contient en outre la fubftance de la lumière , l'efprit inflammable, ou ce que l’on appelle le phlogiftique. Que l’on confidére d'après cela ce que ces deux grands corps font capables de produire lorfqu'ils font aidés par l'art qui imite la nature au plus près poñlible , fans vouloir la limiter comme M. l'Abbé Fontana, qui n’entend donner que dix-huit mois à fa plus grande digeftion. La nature dans toutes fes opérations a fon tems limité, fes limites dans les animaux & dans les végéraux font infinies, & à de très-gran- des diftances les unes des autres dans les ouvrages qu’elle conduit à leur perfection , comme ceux de la fructification & de l'incubation (1); elle y met encore de bien plus grandes diftances pour les préparer & (x) Par incubation , j'entends le tems que tous les animaux , foit ovipares ou vivi- parcs, mertent à produire leurs petits, étant indifférent que l'incubation fe faffe dans un œuf ou dans une matrice, l'action eft a-peu-près la même fuiyanc le plus ou le moins de tems'néceffaire. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 135 les amener à cette perfection : ainfi il feroit je crois dangereux de lui donner des bornes , fur-tour. dans un ouvrage inconnû , dans un on vrage qui eft peut-être le premier pas que es la nature pour la pro= duction des trois règnes ; car il eft inconteftable que le règne minétaf eft le plus imparfait , que le règne animal eft le plus parfait : le végé- tal qui tient le milieu , participe peut-être de la nature des deux autres ; c’eft ce que je n’entreprendfai point d'examiner, cela m'eloigne- roit trop de mon fujer. ; | J'ai parcouru beaucoup de laboratoires , je les ai comparés à des Volcans, tantôt, embrafés & rantôr éteints: celui de M. l'Abbé Fon- tana relflemble au Véfuve dont il eft voifin: dans les éruptions de fon laboratoire , des vafes fe font caffés, d’autres fe font tout-i-coup re- froidis les matières fublimées fi rapidement & refroidies de même fe font congelées : ce meft pas de cerre mamière-que-travaille la nature ; fon premier laboratoire , & le plus important, fe tient dans l’atmof- phère tant célefte ‘que rerreftre, & fon fecond) dans fes vafes renfer- més dans la terre, dans les reins des animaux & dans ceux des végé- taux où elle produit les trois rèones ;; felon les loix que le Créateur lui a impofées , dont elle ne s’écarte jamais que par accidens. Je viens de tracer rapidement, M. , les vafes dont je crois que la nature fe fert fur la terre ; il n'eft plus queftion que de la chaleur motrice ; cette chaleur doit imiter celle de la nature, elle doit être égale & continuelle; nt trop. chaude ni trop froide il faut fur-tout éviter de paller d’une extrémité à l’autre , rien weft fi contraire à la nature : cette fage mère palle toujours par des milieux avant d'arriver Lu) aux extrèmes. D'après ces principes , il feroït peut-être à defirer pour le plus grandi progrès de cette partie d'Hiftoire Naturelle, que les Savans vouluflent abandonner leurs laboratoires brülans pourfffen avoir que dé modérés. & qui ne foient pas plus chauds en tous tems que les étés dans nos Provinces FA red J'en ai un qui remplit toutes ces conditions, on ne le charge que deux fois en vingrquatre heures, & on n’en ôte les cendres qu'une fois par femaine, c’eft toute l'attention qu'il exige : du refte , l'ouvrage eft confié aux foins de la nature , c’'eft elle feule qui le conduit, je ne fais que l'aider & accélérer fes opérations com ne le Jardimier le fait dans fes ferres chaudes : c’eft auili par elle que j'ai tranfmué de l’eau en terre, non en totalité, parce que cela eft im- pofhble, vu que l’eau contient feule toute la nature; c'eft le feul & unique élément qui tient enchaîné tous les autres il eft aétif & pal, tout enfemble, & lorfque l'eau dépofe au fond du vafe fa partie crafle en forme .de fédiment gris, avant d'en venir là, elle sale par beau- coup. de'murationsi, em mifon: des variétés & combinaifons des prin= cipes conftuuufs, des corps; mais ce fédimenir fe diflour à fon tour '& 136 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, forme un mixte nouveau très-imparfait à la vérité. C'eft cout ce que j'ai pu obtenir depuis trois ans que je travaille; j'ai en outre obfervé que non-feulement l’eau fe change en terre , mais que la verre fe change auffi en eau, & viciffim. Voilà des faits bien articulés par M. Wafelton. Nous permettra-t-il de le prier, au nom des Phyficiens , de leur communiquer fes procé- dés ; c'eft le feul moyen d'inftruire & d'augmenter d’un fait de plus la mafle des connoiffances humaines. Ce pas, ce grand pas une fois fait, ouvriroit une vaite carrière pour une mulritude d'expériences , & de ces expériences combihées , il en réfulreroit peut-être les plus grands avan- tages pour le bonheur de la Société, é ILES NC RER PET OEM D'un nouvel Eudiomètre; Par M. GATTAY. Dix: long-tems les Phyfciens cherchoïent un moyen pour con- noître avec exactitude la falubrité de l'air. Enfin les découvertes vrai- ment curieufes & utiles du célèbre & modefte Docteur Prieftley, leur ont offert ce moyen tant defiré, dans le phénomène que préfente la com- binaifon de l'air nitreux avec les différentes autres efpèces d’air:mais pour en rendre l’ufage plus général & plus utile, il falloit trouver un inftrument qui réunît la plus grande fimiplicité à l'exactitude néceffaire ; c'eft ce que fe font propofés quelques Phyficiens: on trouve dans le Journal de Phyfi- que la defcription de différentes efpèces d’Eudiomètres , dont l'inven- on eft également ingénieufe , & ne laifferoit rien à defirer s'ils étoient d’un ufage plus commode qu'ils ne font en effet, puifqu'ils exigent toujours un appareil compliqué, ce qui les rend inutiles hors du cabinet d'un Phyfcien ; & en cela, lon peut dire qu'ils n'ont pas rempli le but propofé. Celui dont il s'agit ici n'offre pas les mêmes inconvéniens , puifqu'à l'avantage d'être aufli exact au moins que les autres, il joint celui d’être plus portatif, & de pouvoir être employé dans toutes fortes de lieux, mème par les perfonnes les moins accoutumées à ces fortes d'expériences; mais avant d'en donner la defcription, je déclare que j'en ai conçu l’idée d’après un Eudiomètre d'une . particulière qu'a imaginé M. Volta, Auteur des belles expériences fur l'air inflammable, inftrument qu'il a décrit dans fa Lettre à M. Prieftley , inférée dans le Journal SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 137 Journal de Phyfique du mois de Novembre 1778. Quoique cer Eudio- mètre foit conftruit dans des principes différens de ceux dans lefquels ont été imaginés les autres , ayant pour bafe le phénomène de l'inflam- mation de l'air par l'étincelle électrique , au lieu de celui qu'offre la combinaifon de l'air nitreux avec les autres fortes d’airs, ( différence fur le mérite de laquelle je n’entreprendrai pas de prononcer) j'ai penfé qu'il éroit pofible, au moyen de quelques changemens, d’en appliquer le méchanifme à un inftrument qui feroit conftruit dans les principes déjà connus & adoptés plus généralement par les Phyficiens. Le nouvel Eu- diomètre que j'ai imaginé dans ce plan, n'eft donc que celui de M. Volta , adapté à l'expérience de l'air nitreux. M C& eft un tube de verre courbé en forme de fyphon, de manière que la branche M foit de quelques lignes plus longue que la branche L. 11 fort de ce tube en E , un autre tube EF. Il eft garni en F extérieure- ment d’une virole à vis. G eft un facon de cryftal, dans le col duquel eft fixé & fcellé hermé- tiquement un tube d’un verre fort épais , garni de 2 robinets de cryftal H & 1 bien ajuftés, & d’une virole à vis pour Fadapter en F au tube EF. RR eft une planche fur laquelle on fixe le tube MCE, comme on le voit dans la figure (1); certe planche peut être prolongée, comme il eft tracé dans la mème figure en T, & fixée perpendiculairement fur une autre planche horifontale Q , ce qui formera un pied à l'inftrument. Sur certe planche , à fon extrémité fupérieure en #, eft attachée, par une ou plufieurs vis , une pièce de cuivre coudée , qui porte une vis P. 4 eft un morceau de glace fort épais, taillé circulairement du diamè- tre du tube, bien dreffé & garni vers fon bord dans une feuillure prati- quée à cet effet d’un cercle de cuir. Ce morceau de glace doit s'appliquer fur l'extrémité &# du tube,-& fert à la boucher hermétiquement, au moyen de la vis de preflion P , avec laquelle on l'y tient aflujerti, (Comme il eft roujours néceffaire dans les obfervations que l'on fait avec cet inftrument, de connoître la température de l'atmofphère, on peut y ajouter un thermomètre , qu’on placera fur la même planche, ainfi qu'on le voit dans la figure , défigné par les lettres Z & O ), Les points marqués fur la planche par les chifres 1,2, 3, &c. font les divifions de la capacité du tube en autant de portions ou mefures égales à l'efpace compris entre les deux robinets H & 1, Voici comment on pnen à tracer cette divifon. n joint le facon G au refte de l'inftrument , par le moyen des deux viroles à vis F, & pour qu'il ne refte aucun pañfage, foit à l'air, foit à l'eau , on place entre les deux tubes un petit cercle de cuir ou de a cire. Les robinets H & I étant fermés, on remplit d’eau le tube MC, & l’on pofe le bouchon en à , ayant grand foin qu'il n’y refte pas la moin- Tome XIV, Part, II. 3779. AOUST. S 135 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dre bulle d'air, ce qui n’eft pas difficile. Alors, fi l’on ouvre le robinet H , une partie de l’eau contenue dans le tube C , defcendra jufqu’en 1, & déplacera Pair qui étoit contenu dans cer efpace; cet air ira occuper le fommer du tube en 4 On marquera fur re difpofée à cet effer, l'endroit où l’eau fera defcendue ; je fuppofe que cet endroit foit le point x, on fera certain que l’efpace # x fera égal à l’efpace HI, puif- qu'il fera occupé par la même quantité de marière. Pour continuer la graduation , on fermera le robinet H ,& l’on ouvrira celui qui eft defigné par la lettre I ; l’eau contenue dans l'efpace Hi def cendra dans le flacon G, & en déplacera une égale quantité d'air qui ira occuper l’efpace HI ; on réitérera la première opération, & cette même portion d’air HI ira remplit dans le tube fupérieur un efpace x y, égal au premier. On marquera une feconde divifion , & l’on aura deux mefures exaétement égales , puifqu’elles auront été produites par deux quantités abfolument égales elles-mêmes. ] On continuera ainfi jufqu’à ce qu’on ait rempli toute la longueur du tube de graduations , & l’on aura une échelle plus où moins étendue, fuivant la proportion qui fe trouvera entre les diamètres des tubes & leur longueur. On pourra fubdivifer chaque mefure en autant de portions qu’on le croira convenable , & l’inftrument fera achevé. Mainte- nant il faut expliquer quelle eft la manière de s’en fervir. Il faut d’abord remplir d’air nitreux très-pur (1) le facon G , fermer le robinet I, & l'adapter au tube FE, comme il a été indiqué. Alors, on ouvrira le robinet H, & l’on verfera de l’eau dans le tube MC&, juf- qu'à ce qu'il n’y refte que la portion d'air qu'on voudra examiner. Je fuppofe que l’on veuille éprouver une portion d'air atmofphérique égale à 4 mefures, on verfera donc de l’eau en M , jufqu'à ce qu'elle foit mon- tée dans la branche 4, au point de divifion marqué par le chifre 4, parce qu’il reftera dans ce tube 4 mefures d’air de l’atmofphère. On bou- chera l'extrémité # de la manière prefcrire, on fermera le robinet H, & l'on ouvrira celui L. L'eau contenue dans l'efpace H I tombant dans le facon , fera remplacée par une égale quantité d’air nitreux qu’elle aura déplacé ; on fermera le robinet I & l’on ouvrira celui H, la portion d'air nitreux renfermée dans lefpace HI cédera aufi-tôt la place à l'eau du tube C , & montera dans la partie fupérieure de ce mème tube : là, elle fe (1) Voyez dans le Journal de Phyfique , Tome XI, Partie 1 , page 250, la Méthode indiquée par M. Magellan, pour fe procurer l'air nitreux pur & à-peu-près toujours de la même qualité; le flacon une fois rempli pourra fervir à un grand nombre, d'expériences , enforte que cette opération ne fera pas néceflaire à chaque fois que l'on voudra obferver l'état de l’atmofphère; mais feulement lorfque le réfervoir G fera épuilé par des expériences réitérées. LA SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 139 combinera avec la portion d'air atmofphérique qu’on y a renfermée , & l’on reconnoïtra à la diminution plus ou moins grande qu’auront éprou- vée ces deux portions d'air, quel eft le degré de falubrité de celui qu'on examine. S'il eft néceffaire d'ajouter de nouvelles mefures d'air nitreux A il fuffira de réftérer , autant de fois que l’on voudra ajouter de mefures; l'opération d'ouvrir & fermer fucceflivement, & dans l'ordre que l’on vient d'indiquer , les robinets H & ]. Rien n’eft plus facile que cette ma- nipulation , comme on le reconnoîtra avec un peu d'habitude, Si l'on veut avoir un inftrument avec lequel on puiffe éprouver , non- feulement l'air de l’atmofphère , mais encore toute autre efpèce d'air, il fufhira de faire un léger changement à celui-ci. Au lieu du tube Fo de la figure première , droit & garni fimplement de deux robinets , on fubfti- tuera le tube 7 0 de la figure deuxième , dont les deux extrémités cour- bées en p & g font fcellées dans les deux flacons G & K. Du milieu de ce tube en r s’élèvera perpendiculairement une branche rx, garnie à fon ex- trémité z d’une virole à vis, deftince à s'adapter en F, figure première. Cette branche 77 porte un robinet de Et u bien ajufté, & le tube lui-même en porte deuxbce, à peu de diftance de l’embranchement. Il faudra auf changer un peu la forme du pied de l’inftrument, fi l'on en fait un, & le couper de manière que les deux facons G & K puillent s’adaptér librement au tube EF. On peut lui donner la figure qu’indiquent les lertres T V. Voici maintenant comment on fera ufage de cet inftrument; après avoir rempli l'un des flacons d'air nitreux (1) & l’autre de l’efpèce d'air que l'on voudra éprouver, on les adaptera au tube MC, par le moyen des deux viroles À vis z, figure deuxième, & F figure première ; on ouvrira le robinet a , & l'on remplira le tube MC& d’eau jufqu’en b; on pofera le bouchon fur l'extrémité de ce tube, & l’on fermera le robinet a. Si c’eft l'air du facon K que l’on veut faire pafler le pre- —————_—_—_— (x) Je ne crois pas néceffaire d'indiquer la manière d'introduire l'air davs les flacons , cette méthode étant fuffifamment connue de tous les Phyciens, & les robi- nets à & c rendant ici cette opération extrêmement facile. J'obferverai à cette occafion, qu'il feroit fort à defirer que l’on fabriquàät com- munément dans les Manufadtures des vaifleaux qui puñlent ainfi fermer exactement par le moyen de robinets de cryftal ajuftés à l'émeril. [ls deviendroient d'un ufave fi général & fi commode dans les Cabinets des Phyficiens , dans les Laboratoires des Chymiftes, dans les Pharmacies, &c. que celui qui auroit lé*premier entrepris ce genre de travail s’en verroit bientôt récompenfé par un débit confidérable. 11 fuf- firoit de faire un renflement au col des facons comme en 4 fig. 3, & d'y pratiquer un trou a dans lequel on ajufteroit le robinet sc. Quant 2 ce robinet, au lieu même de le percer comme à l'ordinaire, il fuffiroit dans bien des cas d'y faire une entailke de chaque côté comme en 4. 1779 AOUST. S 2 149 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, mier dans le tube, on ouvrira le robinet c, & l'on inclinera un peu l'inftrument , afin que toute l’eau contenue entre les trois robinets abc, s'écoule dans ce facon; s’y écoulant, elle fera remplacée par une égale quantité de l'air du facon. On fermera le robinet c, & l’on ouvrira le robinet a : l’eau tombant alors du tube MC dans l’efpace renfermé par les trois robinets abc, cet air montera dans la partie fupérieure du tube en 4, & l’on aura une mefure de l'air contenu de le facon K. On réirérera cette opération autant de fois que l’on voudra avoir de mefures de cet air. Pour faire paffer enfuite dans la partie graduée du tube MCZ l'air du flacon G, on n'aura qu'à fermer & ouvrir alternativement , dans le même ordre & autant de fois que l’on voudra avoir de mefures de cet air , les deux robinets a & b, c’eft-à-dire , que l’on fermera le robinet a & que l’on ouvrira 4 ; que l’on fermera enfuite ce dernier pour ouvrir le premier à chaque fois que l’on voudra faire monter une nouvelle mefure. On voit que par ce moyen l’inftrument devient extrémement utile, fans celler d’être également fimple & commode à manier. Il ne le feroit pas moins quand même on ajouteroit un troifième où même un qua- trième flacon , par le moyen de deux nouvelles branches & de deux autres robinets. Addition qui feroit fort avantageufe pour combiner enfemble trois & même quatre efpèces différentes d’air. 11 eft inutile d'ajouter à l'égard de la graduation du tube dans tous ces cas, qu’elle fe fera de la manière indiquée ci-deffus pour un feul flacon, en marquant le long du tube MC, fur la planche RR, les points auxquels correfpondront les portions d'air que l'on fera monter fucceflivement. ESS NAN Sur les moyens de rendre la Navigation du Canal de Languedoc plus aifée ; Par M. GEOFFROY , Direéleur du Canal, & de l’Académie des Sciences de Béziers, LE 1 BYRE n€ fauroit avoir affez des routes différentes pour parvenir au mème but. Tant de circonftances locales concourent dans l’exécu- tion d’une mème chofe, en divers pays , que l'on parviendroit fou- vent à vaincre tel obftacle fi plufeurs moyens fur le même objet nous fuflent connus. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 141 2. Le grand avantage qui -réfulte de la multiplicité des canaux , détermine à en exécuter dans certains pays, & à en projeter dans d’autres. Le Canal de Languedoc pour qui particulièrement ces reflé- xions font faites, devenant, pour ainfi dire, le modèle de trous les canaux par la perfection qu'il acquiert tous les jours , nous a fourni la matière de celles que nous propofons , non comme entièrement neu- ves, mais en tant qu'il eft de fair que les Artiftes qui ont contribué à l’établiffement des divers ouvrages de ce Canal , n’en ont point fait l'application. . 3. Perfuadé que l’on pourroit bien l'imiter tant dans la conftruction de ces mêmes ouvrages, que dans celle des bateaux quiy font en ufage , ces derniers étant fufcepribles d’une forme plus avantageufe , j'ai cru devoir m'occuper de quelques réflexions à cet égard. 4. Le Dotteur Franklin, deuxième Volume de fes Œuvres, dans une Lettre, page 237 , adreffée au Chevalier Jean Pringle fur la profondeur des canaux navigables , rapporte une expérience qui prouve que la différence de virefle d’un bateau dans un Canal, dont la profondeur varie, va à plus d’un cinquième entre la plus grande & la moindre de ces profondeurs. 5. » De forte qu’en fuppofant de grands canaux , de bateaux de fer- » vice & des profondeurs d’eau dans les mêmes proportions . s'il fal- ».loit quatre hommes ou quatre chevaux pour tirer un bateau À quatre » lieues en quatre heures, les eaux étant hautes, il faudroit y ajouter »un cinquième tireur pour faire faire le même chemin au même » bateau dans le mème tems, les eaux étant bafles, ou il faudroit » s'attendre à ne faire le voyage qu’en cinq heures au lieu de quatre «. 6. De favoir fi cette différence eft d’une affez grande conféquence pour compenfer l'augmentation de dépenfe qu’exigeroit une plus grande excavation des canaux, c'eft une affaire de calcul, &c. 7+ D'après ces principes fi l'on donnoit au Canal de Languedoc une plus grande profondeur , les bateaux qui naviguent auroient d’autant plus de facilité, que cette mème profondeur laïfferoit une plus grande colonne d’eau au-deffous du bateau. 8. Mais cette facilité feroit acquife par une dépenfe beaucoup au- deffus de l’ufage qu'on en retireroit. C’eft un fait inconteftable & qui n'a pas befoin de preuve. 9. L'expérience nous prouve , par la grande quantité de plantes qui fe font mulripliées dans l'intérieur & fur toute la longueur du Canal de Languedoc & dont la végétation eft fi hâtive & fi continue, qu'à peine les a-t-on enlevées qu’elles font remplacées avec une prompti- tude étonnante, que tous les canaux pourroient être dans le même cas : puifque dans l’origine de celui-ci, il n’en exiftoit point du tout ou du moins très-peu, & que par un aflez long efpace de tems elles 142 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fe font enfin reproduites dans toute fon étendue, à moins que quel- que caufé que l'on ignore en certaines pofitions ne devint contiaire à la mültiplication' de ces plantes aquatiques. Ce cas excepté ; le moyen propofé par M. Franklin devient pour ainfi dire nul, puifque ne pou- vañr, lorfque ce Canal eft plein d'eau, enlever ces plantes qu'à une certaine profondeur , 1l en reiteroir toujours à fon fonds une couche qui formant enfemble une malle , réduiroit toujours la colonne d’eau à une hauteur moindre que la profondeur effeétive du Canal 10. Partant du principe de notre illuftre Auteur , un bateau quelcon- que chargé jufqu'à fa préceinte de charge, ira d'autant plus vire , que la colonne d'eau comprife entre fon fonds & la bafe du Canal fera plus grande. 11. Puifquil eft de fair que cette facilité acquife par le moyen donné devient trop difpendieufe , n’y auroit-il pas une autre manière , du moins au Canal de Languedoc, de fe procurer cet avantage ? 12. Les bateaux de tranfport qui y font en ufage aujourd'hui ont confervé la mème forme qu'on leur a donnée lors de la conftruétion de ce Canal , fans que perfonne fe foir apperçu qu'une forme différente pourroit procurer de plus grands avantages. 13.11 en eft .cependant une, & avant de la déterminer examimons quelle eft la forme des bateaux d'aujourd'hui, & quelle eft celle qu'ils ourroient avoir, qui füt telle qu'avec le même poids , mais oppo- E une plus grande furface , ils occupaient une moindre colonne d'eau verticale, & par conféquent laiffaffent entre leur fond &'la bafe du Canal ,une plus grande hauteur , propriété qui rameneroit au principe du Doéteur Franklin. 14. Les bateaux d'aujourd'hui font compofés d'un certain nombre de couples dont la forme générale dépend à-peu-près du maître cou- ple : il fufhira de faire connoître la coupe verticale de ce dernier & fa figure, pour juger de toute celle du bateau en ce fens. 15. Ce maître couple eft compofé d'une varangue platte, aux deux extrémités de laquelle font placées deux allonges peu courbes fur leur longueur, mais ee avec la varangue un angle de 115 degrés, com- me on peut le voir dans le profil, figure 4, abc, donnant la demi- coupe verticale xabcd, d’un de ces bateaux. ( La partie a x , repréfente l'élévation du vibord que l’on feroit plein avec des gouttieres au lieu qu'il eff à jour.) 16. Si au lieu de former le côté de ce bateau angulaire, ou pour mieux m'expliquer , placer l’allonge droite obliquement fur la varangue, lon faifoit cette allonge au contraire très-courbe , comme aeb, l'on auroit un bâtiment tel qu’on le propofe. 17. Pour fe convaincre de cette vérité , fuppofez deux bateaux à- peu-près égaux, ne différant entre eux que par le gabarit, le premier , SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 143 en ufage aujourd'hui, fera, comme je l'ai déjà dit, exprimé-par la figure a bc d, & le deuxième propofé par la figure ale b c d, donnant la demi- coupe verticale de.ces deux bateaux. : 1 3 96 ? b . + 18: Rappellons enfuite ce principe d’hydraulique, qui eft que le poids des corps folides, qui font plongés dans un Auide , eft diminu£ d'une quantité égale au poids du fluide qu'ils déplacent, d’où il fuit ue ces mêmes corps font pouflés vers la fapetficie du Auide, par une . Bree égale au poids du volume du Auide dont ils: occupent la place. 19. IT fera donc évident que le bareau exprimé par la figure abc d, chatgé d’un poids quelconque, plongera dans le fluide jufqu'à ice qu'il ait déplacé un volume d'eau, dont le poids fera égal à fon propre poids ; fuppofant là mème quancité.de poids dans Je bateau ae bcd, ce bateau plongera de mème jufqu'à ce qu'il ait déplacé le poids d’un voluime d’eau égal à fon propre poids : mais la forme différente descôtés de ces deux bareaux donne plus de fuperfcie au;bateau ae b c d, qu'à celui qui eft defigné par lecontour de la figure a # cd: les enfonce- iens à poids égal feront donc en raifon réciproque des fuperficies ; mais les fuperficies, étant inégales ; les enfoncemens feront inégaux, & d'autant plusigrands que les fuperficies feront moindres. Par confc- quent, le premier bareau a b c d , en ufage aujourd’hui , enfoncera plus que le bateau ae hcd, propofé. 20. Première conféquence; le bateau 2e cd, du gabarit que l’où propofe à poids égal , avec celui qui eft indiqué par la figure a 4c d, de la conftruétion ancienne , plongeant dans le fuide d’une moindre quantité , auroit une plus grande colonne d’eau au-deffous de fon fond, ce qui ramenant au principe que le. Doéteur Franklin a déduit. de fon expérience, procureroit au bateau propofe plus de viteile dans fa mar- che, à force égale, avec les bateaux d’aujourd'hui, ou même viteffe avec une puiflance motrice moindre, 21. Si au contraire ces deux bateaux plongeoïent de la même quan- tité dans le fluide, le bateau propofé avec la même vitefle que l’an- cien, déplaçant un plus grandwolume d'eau, fupporteroit un plus grand poids. £ 22, Il faut obferver que. faifant les côtés du bateau propofé fort ronds, il feroit bon de donnér un peu de façon à l'avant & à l’arrière, ce que n’ont point les bateaux dorit ôn fe fert, & qui procureroit les eaux plus douces, en faciliteroit éncore plus fa marche , & ramenant une plus grande quantité de lames d’eau au gouvernail, en rendroient le bâtiment plus fenfible à cer agent. 23. L'on fent affez que, augmentant ou diminuant plus où moins la courbure ze b, on fe procureroit tel avantage qu’on defireroit , les capacités intérieures fuivant le même rapport. ‘ 144 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 24. Cette conftruction feroit en cela plus aifée, que les bois dont on fait les allonges des bateaux d'aujourd'hui, & qui forment un angle de 115 degrés, deviennent rares & plus difhiciles à trouver. Rien ne rouve autant ce que j'avance que la cherté de ces différentes pièces. 1 feroit bien plus facile, principalement dans les ports de mer, de trou- ver des bois courbes qui pourroient être quafi toujours pris dans le rebut des bois qui fervent à la conftruction des vaiffeaux de com- merce ..& dont la courbure ne leur eft pas propre, principalement fi l'on fuivoit pour la conftruétion de ces bateaux la ROUE qui a été mife en ufage à une nouvelle machine exécutée au point d'interfec- tion, d’un petit torrent appellé Livron , avec le Canal de Languedoc près d'Agde, & que l’on a appliquée à celle des vaiffeaux qui n’exigent que des bois peu courbes à gabarit égal. 25. La feule difficulté que l’on puiffe oppofer au Canal de Langue- doc, & qui n'en eft pas une, eft le préjugé qui n’eft autorifé que par la routine ancienne , dont les Ouvriers conftructeurs de ces fortes de bateaux font efclaves & fe démettent difficilement, à caufe que leur ignorance ne leur permet pas d'étendre leurs vues plus loin. 26. 11 faut avouer que cette conftruétion demanderoit un peu plus d’adreffe dans l'exécution , & de l'intelligence de la part du conftruc- teur, à qui l’on fuppoferoit un plan donné & combiné par la théorie. Cet enfemble ne contribueroit pas peu à la folidité de l’ouvrage. 17. Durefte , le commerce trouveroit dans cette nouvelle manière de conftruire les bateaux , deux grands avantages réunis, beaucoup de promptitude dans la marche avec le même poids , ou une augmentation confidérable de poids à tems égal, dont le choix ; fuivant les circonf- tances , devient inappréciable pour le Négociant. DE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 45 DE L'ACTION DE. L'ÉLECTRICITÉ Sur le Corps humain, & de fon ufage dans les Paralyfies; Par M. GERHARD. Pix mi les différens objets dont la Phyfique s'occupe , 1l n’y en à fans-doute aucun fur lequel on ait fait autant d’eflais que fur l'éleétri- cité. Mais malgré le grand nombre & la variété confidérable des expé- riences qu’on a faites li-deffus , on n’eft pas encore bien avancé dans la connoiflance de cette propriété fi ces La vraie qualité de la ma- tière éleétrique, & les loix qu'on obferve dans fon action, font encore très-obfcures , & l’ufage mème qu'on en tire à préfent n'eft pas bien confidérable. Les Médecins ont été prefque les premiers à s’en fervir comme d'un remède. Lorfqu’on connut , fur-rout par les expériences de feu M. de Mufchembroech, la vitefle prodigieufe, & la force avec lefquelles agit cette matière; qu'on fe fut convaincu, par les mêmes expériences , de fa grande fubrilité , & qu'on eut vu les mouvemens & les fecoufles extraordinaires qu’elle exercoit fur le corps humain, on crut qu'elle y feroit des effets falutaires, fur-tout dans les cas où des humeurs épaiffes ne pouvoient pénétrer les canaux fubtils de cette machine mer- veilleufe. Ces confidérations déterminèrent donc les Médecins à s'en fervir dans les maladies chroniques, & fur-tout dans la paralyfie. Les effets qui en ont réfulté ont été très;différens. Il y a eu des paralytiques entièrement rétablis ; d’autres ont été guéris, mais font bientot retom- bés ; on en a vu enfin fur lefquels ce remède n’a produit aucun effet, & mème il s’en eft trouvé dont l'état a empire. Ces effets fi différens, m'ont déterminé à faire des expériences fur le même objet; mais afin de me former auparavant une jufte idée de la manière dont agit l’électri- cité fur le corps d’un animal vivant, je fis les expériences fuivantes. D'abord, il étoit nécelfaire d’effayer l'effet de la matière électrique fur les parties folides d’un corps animal, & fur-rout fur les parties fenfibles & irritables. On fait qu'il y a trois efpèces, pour ainfi dire, de flamme électrique. La première produit ces rayons bleuâtres qui fortent en forme de cône d’un corps électrifé & pointu, dont la bafe eft dans l'air, & la pointe dans le corps électrifé, La feconde fait jaillir de petites érincelles femblables à un charbon ardent, qui fortent en ligne He avec peu de bruit , & excitent une douleur vive & piquante Er aucune fecoulle ; Tome XIV, Partie II. 3779. AOUST, T 146 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, on pourroit les nommer étincelies éleétriques. À la troifième appartien- nent enfin les foudres électriques , qui fortant avec plus de bruit en fer- pentant, caufent dans la peau une douleur moins piquante, mais ex- citent plus ou moins de fecouffes dans la partie qu’elles frappent. 11 étoir donc néceflaire de favoir fi l'effet de ces différentes flammes fur un corps animal feroit différent. J'ai choifi pour mes expériences des chats, des chiens & des grenouil- les, en approchant doucement les mufcles dépouillés auparavant de la peau & du tiffu cellulaire qui les couvre ordinairement, du conducteur électrique. Les rayons éle@triques ne faifoïient aucun effet, les animaux reftoient tranquilles, & je ne pouvois obferver aucun mouvement dans les fibres mufculaires. Les érincelles excitoient des douleurs aigues, té- moins les cris des animaux , & dans les fibres mufculaires je remarquois de fortes ofcillations , qui pourtant ne s’étendoient pas loin, mais occu- poient feulement les fibres les plus proches de celles fur lefquelles les étincelles font tombées. Les foudres , enfin, fembloient excirer moins de douleur , mais les ofcillations des mufcles étoient plus confidérables; elles occupoient prefque le mufcle entier, & continuoient quelque tems. Au refte les contractions des fibres charnues dans les deux expériences n'étoient pas régulières, mais femblables à des mouvemens convullifs. J'excirois enfuite les mêmes parties avec une lancette, avec des braifes aufli bien qu'avec des matières âcres chymiques, & en comparant les effets qui en réfultoient avec ceux que l'électricité avoit caufés, j'ai vu que les contractions étoient, ou peu s’en faut, aufli fortes, mais beaucoup moins régulières ; aufli ne fe communiquoient-elles pas bien loin , mais elles reftoient prefqu’entièremenr à l'endroit qui en étoit affecté, au lieu que les autres irritans produifent très-fouvent des contraétions toni- ques ; la matière électrique , autant que je l’ai obfervé, n’en excite jamais. Je continuai ces mêmes ellais fur les parties fenfibles , en faifant agir les ammes électriques fur les nerfs des animaux , après en avoir ôté l’en- veloppe de manière que la moëlle étoir tout à découvert. Les rayons ne faifoient point d'effet non plus , mais les étincelles & les foudres produi- {oient des douleurs très-fenfibles, & des convulfions bien vives dans les mufeles auxquels aboutifloient les rameaux du nerf irrité, & les foudres rendoient fur-tout les convulfions plus véhémentes que les étincelles. Enfuite, je fus curieux de connoître la durée de l'effet de l'électricité après la mort. Je choifis des cœurs de grenouilles & de poiffons , féparés du refte du corps, & je les laiffai aflez long-tems pour être afluré que les autres irritans ne produifoient plus de mouvement, Alors, j'y fis tomber les étincelles & les foudres électriques , que je vis produire des mouve- mens affez confidérables, ce qui va quelquefois fi loin , que trois jours après que l’action de tout autre irritant a ceffé, celle de l'électricité con- tnue encore. Il s'offre des phénomènes femblables , lorfqu’on applique SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 147 l'électricité aux nerfs d’un animal mort. M. Leeberkuhn , ce grand génie dont je ne prononcerai jamais le nom fans m'attendrir au fouvenir LA fes grands talens , avoit bfervé dcja que fi l’on enlève le cerveau d’un animal mort tout récemment, & qu'on irrite les nerfs qui en fortent , tous les mufcles auxquels ils aboutiffent éprouvent des mouvemens convulfifs. Cet ellät remarquable réuflit toujours, pourvu que l'animal ait encore quelque refte de chaleur naturelle, & l’effec n’a pas lieu fi l'animal eft entierement refroidi. En appliquant alors l’éleétricité , on remarquera encore quelque petit mouvement, mais 1l ne dure guère qu’une demi- heure après le refroidiffement entier. Tous ces effets de la matière éle&rique fur les parties fenfibles & ir- ritables des animaux , ou vivans ou morts, deviennent plus forts lorfque l'animal eft ifolé; on en fait fortir alors les étincelles & les foudres électriques , & on remarquera fur-rout que les contractions durent plus long-rems. Les contraétions, même la plupart, ne fe manifeftent que lorfque les Aimmes’ fortent; mais quand l’éleétricité eft bien forte, de manière que l’éleétromètre palle l’angle de 45° , alors, dans des animaux fort vifs fe mamfeftent des ofcillations foibles, mais fort preftes & con- tinuelles, fans qu'on fafle fortir les érincelles ou les foudres. Enfin, il étoit nécelfaire d'examiner quel effet proviendroit de l’action de la ma- tière électrique fur le fang. Dans cette vue, je pris une livre de fang humain que je divifai en deux parties égales. Je mis des thermomètres correfpondans ; je plaçai les parties l’une à côté de l’autre, & une en fut éle&rifée. Les thermomètres n'indiquoient aucune différence, mais en continuant l'effai jufqu’à ce que le fang commencäâr à s’épaillir , je vis que le fans électrife gardoit un peu plus long-tems fa fluidité; la couleur du fang ne fut pas altérée , je n’obfervai pas de différence dans les globules, & le poids fut différent; car , au lieu que le fang électrifé avoit perdu 145 grains , l’autre partie n’avoit diminué que de 100 grains. Au refte , il me femble avoir remarqué que les contractions des parties irritables, produites.par l’éleétricité, font moins fortes dans le vuide que dans l’air. De toutes ces Expériences réfultent les propofitions fuivantes. I. La matière éleétrique eft l'irritant le plus fort pour les parties fenfi- bles & irritables du corps animal , en ce qu’elle produit des contractions plus fortes, plus univerfelles & plus durables que d’autres irritans, & qu'elle peut mème produire ces contractions plus long-rems après la mort. La raifon n’en eft pas difficile à déterminer. L’odeur & le goût de la matière éle&rique femblent indiquer qu’elle eft compofée de phlo- giftique , & d’un fel acide , mêlange qui produit ordinairement des fub- ftances très-âcres. La rapidité de cette matière eft prodigieufe , & j'ai tou- 1770 DR AIOQUIS TM TP 2 148 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, jours remarqué qu’en moins d’une feconde , elle parcourt des chaînes de 36 pieds ; ainfi elle doit choquer d’une manière fenfible les fibres irritées. Enfin, fon extrème fubrilité lui permet de pénétrer les plus petites fibres des parties qu'elle touche, & le nombre des fibres fimples qui forment une fibre compofte, doit être plus grand qu’à tout autre irritant, Delà réfulte donc néceflairement le grand effet de la matière électrique fur les parties dont je viens de parler. : ! 11. La matière électrique a la force de procurer au fang la fluidité, le fang électrifé gardant plus long-tems fa fluidité. Je m'imagine que cela dépend d’un mouvement que cette matièré excite dans les globules du fang ; ce qui eft d'autant plus vraifemblable , que l’'éleétricité contri- bue à häter l’évaporation de cette liqueur, Après ces eflais, il étoit néceflaire d'appliquer ces expériences au corps humain , pour voir fi les effets que je viens d'attribuer à la matière élec- trique s’y manifeftent effectivement. J'ai choifi pour cela des perfonnes d’iges & de tempéramens différens , mais qui jouifloient tous d'une fanté arfaite. J'ai toujours fait mes expériences le matin, d'abord après qu'on s'étoit levé, & j'ai ptis la précaution de me fervir conftamment de Pé- leétromètre , pour avoir autant qu'il éroit pofñlible le même degré d’é- ledricité , & j'ai obfervé les phénomènes fuivans. I. Le pouls bat plus vire chez tous, de manière que chez des per- fonnes très-irrirables, le nombre des battemens’ double; la force du pouls varie felon le tempérament. Dans les perfonnes d’un tempérament colérique , elle augmente ; dans les mélancoliques & les phlesmatiques , elle n’eft prefque point altérée. Pour les perfonnes d’un tempérament très-vif, j'ai fouvent remarqué que le pouls fe rallentit, mais qu'il eft aufli un peu tendu. Dans tous , fa marche eft régulière. II. La chaleur de même augmente, de manière que la différence étroit quelquefois de dix degrés, échelle de Farenheit, en comparant la chaleur que le thermomètre montroit au commencement avec celle que cet inf- trument indiquoit à la fin de l'opération. HI. La refpiration aufli augmente , de manière qu'on obferve fouvent une fueur afez forte. IV. La peau , à l'endroit où l’on fait fortir les étincelles, rougit, & quand on continue long-tems , il s’y forme une efpèce d’inflammarion. V. Quand les érincelles fortent d’un endroit très- mufculeux , om femarque des mouvemens convulffs , quelquefois crès-forts de ces mufcles. VI. Quand l’'échauffement caufé par l'électricité eft pallé , il y fuc- cède une foibleffe & un relâchement aflez confidérable , & j'ai remar- qué fur-tout que quand des perfonnes fort fenfibles & irritables fe fon- merrent à l’aétion de l'électricité, elles fe difpofent aux attaques fpaf- modiques. SUR L'YIST. NATURELLE ET LES ARTS. 49 Aurefte, il eft crès-aifé de comprendre que ces: effets font plus ou moins confidérables , à proportion. que la, fenfibilité -&c l'irritabilité dés fujets font plus ou moins grandes, de manière que la force éleétrique éranc égale , les effets qui en réfulcent fonir en räifon direéte de la force vitale des fujers, auxquels la première eft appliquée. Ces obfervarions auroient pu fuffire pour en déduire l'aétion de la matière électrique fur le corps humain ; dans le cas où on emploie une feule forte d'électricité, la poñirivé ou la négative; mais il étoit néceflaire de favoir, fi en réu- niflant ces deux fortes d'éleékriciré , l'ufage.de l’éleétricié oppofée chan- geroic ces effers. Pour m'en inftruire, j'éleétrifois mes fujets de manière que quelquefois ils me fervoient de conduéteur politif, & quelquefois aufli de conducteur négatif. Dans les deux cas, j'ai obfervé en général les mêmes effets que la fimple électricité produit mais tous étoient plus forts, fui-tout quand on éle&trifoir politivement , & la feule diffé: rence qu'il y avoit, éroit que la marche du pouls n'étoit pas aufli régu- lière dans l'éleétricité contraire que, dans la fimple, ce qui arrive, fur- tout, lorfque la perfonne qu'on électrife repréfente le conducteur néga- tif, ayant toujours remarqué qu'après chaque coup qu’elle avoit éprouvé le pouls battoit plus vite & étoitrémittanr, Tout cela pofe, il n’eft pas difhicile d'expliquer la véritable manière dont la matière électrique agit fur{le corps humain. Et d’abord, comme cette matière irrite toutes les fibres & tous les nerfs, il eft évident qu’elle doit fortement accélérer le mouvement du,cœur.& ‘des artères, puifque la vicefle de ce mouvement eft proportionnée à la vitelle avec laquelle fe font les contraétions: de ces parties. Or, le. mouvement accéléré du cœur & des artères doit néceflairement produire dans.le fang une fluidi- té plus forte , laquélle deviendra.encore plus confidérable , par le mou- vement immédiat que la matière electrique femble communiquer, aux globules mêmes du-fang. Enfuite, comme l'électricire augmente la ref- piration infenfible., elle peut fervir à, purifierle ang , {ur-tout dé cés matières hétérogènes fubriles , qui aiment à fortir par les vailfeaux de la éau. Enfin, la matière électrique doit, fur-tout, très-fortement exciter endroit par lequel elle fort , témoin l’inflammation qu’elle y caufe. Or, ‘comme il efl démontré par un grand nombre d'expériences & d’obferva- tions , que le fang tend roujours en plus grande quantité & avec plus de vitefle vers une partie irritée, 11 eft néceflaire que l'électricité augmente aufli l’affluence du fang vers tel endroit; ainfi l'éleétricité a“uñé force révulfive. Mais tous les mouvemens forts & vifs qu'éprouve le corps , font immédiatement fuivis d’une foiblefle proportionnée à la force & à la vicefle de ces mouvemens-précédens ; il eft donc néceflaire que bien loin que l'électricité contribue à fortifier les fibres & les nerfs, elle les affoi- bliife plutôc & les relâche. En appliquant ces idées à l'ufage de l'éléétricité pour la guérifon des 159 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, maladies paralytiques, 8& en les comparant avec les caufes de ces mala- dies, il me femble avoir trouvé la vraie méthode d'employer ce remède. La paralyfe fuppofe prefque toujouts inaétion des nerfs fur les fibres motrices, & dela, il eft aifé de comprendre que c’eft, ou la compref- fion , ou l’obftruction , ou la conftriction , ou la roideur , ou la foibleffe des nerfs, qui contiennent la caufe matérielle de cette maladie (1). Pour ce qui regarde la compreflion, au cas qu'elle provienne d’une matière fluide, je ne doute pas que l’éleétricité ne puille faire quelque effer, puifque d’un côté elle peut difloudre un tel fluide, qui par la ftagna- tion s'épaiflic , & de l’autre, parce que par l'irritation qu’elle excite dans les vaifleaux réforbans , un fluide ainfi extravafé peut être ramené à la malle des humeurs circulantés. Dans le cas de l’obftruétion , on peut aufli attendre de bons effets de l'application de ce remède , fur-tout parce qu'il femble que ces obftruc- tions ne fe trouvent pas dans la fubftance propre des nerfs, maïs dans les vaifleaux du fang , qui, felon les préparations de l’immortel Leeberkuhn, s'y étend, & qui dans l’état de l’obftruétion , étant gonflés, doivent comprimer la moëlle nerveufe. Car la contraétion plus prompte du cœur & des artères, la commotion du fang mème, le choc impétueux du fan® qui frappe avec plus de force ces endroits fermés par l’obftruc- tion, font fins contredir les moyens les plus efficaces pour diffoudre les humeurs épaifles , & tous ces effets peuvent provenir de l'aétion de la matière électrique. Pour ce’qui eft de la conftriétion‘des nerfs , il n’y a point de doute non plus que l'électricité n’y faffe aufli bon effer, vu que ar un mouvement plus rapide qu'elle caufe dans les vaïffeaux , & par A commotion qu’elle excite dans les humeurs , elle peut remédier à ces conftritions , -& étendre les vatfleaux qui ont perdu eut diamètre naturel. ! Quand les nerfs font roides, leurs petites parties compofantes font trop proches Yüné de l'autre, & on comprendra äifément que les fe- coulfes véhéimentes qu'y excire l'électricité, doivent fervir à rendre à ces parties le désré de mollelfe néceffaire. | Mais dans la foiblefle ou plutôt dans le relâchement des nerfs, on attendroit envain de bons effets de l’éleétricité, parce que toujours fui- vie de la foibleffe, elle fert alors plutôt à augmenter qu'à détruire la caufe de la maladie. , LUE u Si l’on confidère atrentivement ce que je viens de dire, il fera aifé de (1) Il faut remarquer qu'on confidére ici feulement la paralyfie qui vient du défaut des nerfs, & qu'il ne s'agit pas des efpèces qui proviennent de la part des artères, SURL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 751 déterminer le véritable ufage de l'éleétricité , dans Les cas de paralyfie où l'on peut l’employet. Et d'abord , il eft-évident que la plupart du tems on en attendra en- vain une guérifon complette, à moins qu'on ne joigne à l'électricité l'ufage des remèdes fortifians, fur-tout aufli-tôt que l'on remarque que l'électricité commence à faire quelqu’effer , parce qu'il eft à craindre que la foiblefle qu'elle occafonne, ne fafle renaître la maladie ,quoique la pre- mière caufeen foit détruite. Par-l, on peut, fans doute, expliquer pour- uoi fouvent l'éleétricité à produit des effets merveilleux , mais qui ont cté fuivis d’une rechûte fubite. Enduite il faut toujours proportionner la force de l'électricité au tem- pérament du malade. Une perfonne forte & vigoureufe , dont les hu- meurs, par la denfité, par la petitefle & par le poli complet de leurs parties, aufli bien que par la forte chaleur qui y règne, ont beaucoup de difpofitions à s’émouvoir, demande, fans doute , une éleéricité douce; un mouvement exceflif ne pouvant que produire alors une foibleffe très- confidérable , qui mettra les plus grands obftacles à une gnérifon parfaite, & l’on pourra fe contenter au commencement, du moins , de fe fervir, dans ce cas, de l'électricité fimple uniquement. Au lieu que fi l'on opère fur un mélancolique ou un phlegmatique, dont le fang foit plus difücile à émouvoir, il fera néceflaire d'appliquer l'électricité contraire , & fur- tout l’on réuflira lé mieux , fi on l'éleétrife pofitivement. Pour ce qui eft de l'endroit où le feu éleétrique doir être appliqué, il eft nécellairé de choïfir le tronc des nerfs attaqués , excepté le coup de conftriétion , où 1l vaut mieux prendre un endroit oppolé , afin que par l'irritation qui y ft caufée , le feu életrique agiffe comme remède révulff. Voilà l'idée que je m'érois formée de la méthode qu'il faut obferver dans l'application de la matière électrique aux paralyfies, &c j'attendois avec 1mpatience l'occafion d’en faire des eflais. Les malades de la grande maifon des pauvres, confiés à mes foins , me la procurèrent bientôt. Le premier malade qui fe préfenta fut une femme, âgée de so ans, d'un tempérament très-phlegmatique , attaquée d'une paralyfie complette des deux bras, laquélle avoir pris fon origine d’une matière galeufe qu'on avoit empêche de fortir. Je pris donc la réfolution de l’électrifer d’abord pofitivement , & remarquant dès la première fois que la virefle de fon ponls ; après deux coups qu'elle avoit reçu ; n'avoit augmenté que de 12 attémens par minute; je répétai les conps jufqu'à ce quele pouls battiton tu minutes, au lieu de6o ou 65 battemens qu’elleavoic ordinairement pendant ce tems-là, Au bout de troisjours;je vis naître des puitulesinflam- imatoires au cervice, femblables à la petite vérole, dont la fuppuration droit aflez forte. En mème rems la malade éprouva une rrès-foible fenfibilité aux, doigts , & elle fentoit quand on la piquoit avec une épingle. Je continuai ainf pendant 15 jours , la fenfibilité devenant de rs OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; jour en jour plus grande, & même le bras droit faifoir quelque petit mouvement. Mais comme je voyois que la malade saffoibliloit , je commençai alors à lui donner des fortifans, en continuant toujours l’é- le@ricité. Avant le terine de 8 jours la fenfibilité fut entièrement réta- blie , & le mouvement devint aufli confidérable. Je changea alors d’é- ledricité , & je me fervis de la fimple ;mais après 4-jours environ, la fenfbilité s'émouffant ; le mouvement commença aufh à s’affoiblir. Je repris donc la première méthode ;'par laquelle, dans un efpace d’envi- ron 16 femaines ; la malide fat entièrement rétablie, & elle jouit encore d'une fanté parfaite. L'autre malade qui fe préfenta, écoit un homme très-robufté$ d’un tempérament tout-à-faic inflammable, qui avoit une paralyfie incom- plette aux deux jambes, de manière que le mouvement ayant cefié, la fenfbilité fubfiftoit encore, Cette maladie étoit provenue de la fup- preflion du Aux hémorrhoïdal. Je n’ofai pas appliquer ici l'électricité con- traire, mais je me fervis de la fimple, de manière que faifant ifoler le malade , j'exprimois des érincelles tout le long des deux jambes, depuis leurs articulations jufqu'aux genoux. L’électricité fit d’abord'un grand effet; le nombre des batremens du pouls doubla après environ un quart d'heure ; il comimenca fortement à fuer, & au bout de quelque jours, il fur en état de fe cenir, à l’aide d’un bâton, fur fes pieds, fins pouvoir ourtant marcher. Ce fut alors que je lui donnai feulement trois coups d'électricité contraire , mais le lendemain il ne pouvoit plus fe tenir fur fes jambes. Reprenant donc la première méthode, lé malade fe rétabli entièrement. dans J’efpace de deux mois. Je ne lui avois donné aucun remède fortifiant, parce que je n’avois pas remarqué que l'électricité Pafoiblit beaucoup. Mais j'eus lieu de m'en repentir bientôt ; car envi- ron trois femaines après, les pieds devinrent foibles & chancelans, & enflèrent un peu. Je ne cardai donc pas à lui donner le quinquina, qui le délivra de tous ces fymptômes , & en produifant le.flux hémorrhoïdal , lui rendit parfaitement la fanté. Mais l’obfervarion la plus importante que j'aie eu occafion de faire ; fut à l'égard d'un vieillard âgé de plus de 80 ans, qui avoit déjà , depuis bien des années , lune paralyfie complette à une jambe, & à qui une nouvelle attaque d’apoplexie fanguineen avoit caufé une à l’autre jambe, C'étoic un homme du tempérament le plus robufte que j'ais jamais vu, & malgré fon âge avancé, 1l avoit encore aflez devigueur. J'éflayai donc d'abord l’éléériciré-fimple ; mais il fur impoflible de faire fortir la moindre étincelle,:& mème le-pouls: n’alloitepas plus vite. Ainfi j'eus reconrs à l'électricité contraire , dont l’effer fut vel, qu'il commençoit à mbüvoir le pied ; récemment attaqué de paralyfie, & je ne doute pas qu'il n'eût été entièrement rétabli, s’il avoir voulu continuer le remèdé. Toutes ces obfervations , auxquelles: je: pourrois en ajouter plulieurs | autres , th ts SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 15; autres , pourront fervir à démontrer la vérité de ce que j'ai avancé fur la manière d'appliquer l'éleétricité dans les paralyfies, « SECOND MÉMOIRE Concernant des Expériences faites par M. le Marquis pe Né£ezse, fur a multiplication des Animaux étrangers par le moyen d’une chaleur artificielle , lu à l’Académie Royale des Sciences, le 19 Juin 1779; Par M. le Comte DE MILLY. M. le Marquis de Néelle ayant continué fes obfervations & fes expériences fur les effets de la chaleur artificielle fur les animaux des climats dont la température différe du nôtre , a eu le même fuccès cette année que l’année dernière, dont je rendis compte de fa part à l’Académie ; ainfi cette dernière expérience confirme parfaitement la première , & ne laifle plus de doute fur les amours & la fécondité des animaux étrangers tranfportés en ce pays , lorfqu’on les traite con- venablement. Les Ouiftiris que le Marquis de Néelle a mis l’année dernière fous les yeux de l'Académie , ont été établis dans le même Cabinet dont il a été fai-mention dans le premier Mémoire, & par le moyen d’un poële ; on y a entretenu le deoré de chaleur de leur pays natal. On s'apperçut dans les premiers jours de Février de cette année 17794 par les empreffemens réciproques du mâle & de la femelle, qu'ils étoient prêts de tomber en amour. Pour pouvoir en déterminer le moment , on mit un linge blanc dans la boîte où ils couchent, qui bientôt après fe trouva taché, ce qui prouva que la femelle étoic en chaleur. Le 10 de Février, ces animaux s’accouplèrent, & on en prit note. Après trois mois de portée, elle a mis bas un petit très-bien confor- mé, mais qui eft devenu bientôt la victime de la jaloufie de fes frères aînés. Ceux-ci fâchés des foins de leur mère pour le nouveau né, l'ont arraché de deflus fon dos, & l'ont jetté ou laiflé tomber par terre où 1l s’eft tué. Le père & la mère ont caché le mort avec foin dans de la moufle. M. le Marquis de Néelle la fait mettre dans un bocal rempli d'efprit-de-vin, tel qu'il eft actuellement fous les yeux de l’Académie. Tome XIV, Part. II. 1779, AOUST. V 154 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Dans les premiers jours de Juin, le père & 11 mère fe font accou- plés de nouveau; il y a lieu de croire qu'à Fexpirarion des trois mois ;/ tems de leur portée , la femelle mettra bas pour la troilième fois : Ces fortes d'animaux font fujets à l'épileplie. 11 fuit de ces expériences: 1 *. que la chaleur artificielle peut fuppléer dans les pays froids à celle des climats chauds pour la génération des ani- maux, & cela n’étonnera pas tour homme capable de réflexion qui a été forcé de voyager par le grand froid. Il s’eft certainement apperçu que les defirs amoureux ne natlent pas au milieu des glaçons (1. 2*. Quon pourra à l'avenir appliquer ce principe à la multiplication des ani- maux étrangers qu'on jugera être utiles dans nos climats. 3°. Qu’on eut actuellement déterminer dans l’hiftoire naturelle des Ouiftiris, Re de leurs amours , la durée de leur portée, les circonftances de leur naiffance, donner une idée de leurs mœurs , & enfin défigner la: maladie à laquelle les individus de cette efpèce font le plus fujets (2). Je penfe que cela mérite l'attention des Naturaliftes, & que Îles Savans & les Amateurs d'Hiftoire Naturelle doivent favoir gré à M. le Marquis de Néelle des foins qu'il a pris, des dépenfes qu'il a faites & qu'il fait chaque jour pour multiplier & varier des expériences dans un genre aufli intéreflant que nouveau. (1) Ce feroit en vain qu'on m'objecteroit qu'il y a des efpèces d'animaux qui fe multiplient dans le Nord au milieu des glaces, tels que les Ours blancs, les Rennes, les Loups, &c. Car ce n'eft certainement pas pendant les grands froids de l'hiver que ces animaux enrrent en amour, mais pendant les chaleurs de l'été. Jefquelles quoique moins longues, fe font fentir avec autant de violence dans le Nord pendant les mois de Juillet & d'Août, que dans les autres climats. On fait que les degrés de chaleur pendanr l'été, dans quelque pays que ce puifle être, différent beaucoup moins comparativement que les degrés de froid pendant l'hiver: I n'y a que la durée qui varie. fuvant les climats, : (z) Les Ouifttis, donc il ft queftion, ont toujours été enfermés dans un lieu chaud - où l'air n'a peut-être pas été renouvellé avec affez d'exaétitude : les émanations de ces animaux font fi abondantes qu'elles communiquent à l'aumofphère du Cabinet une odeur prelque infourenable ; il pourroir bien fe faire que cette odeur fut la caufe de la maladié qu'ils éprouvent. on Pret SUR L'HIST. NATUREILE FT LES ARTS. 155 . 5 A2 P AS VE D (Our 2 ARE Qt A 0 A à AE Sur Ja Mine rouge de Cuivres d Par M. SAGE. L:: expériences dont je vais rendre compte feront connoître que Ja mine rouge de cuivre, n'eft qu’une altération du cuivre natif, ou ce métal privé d’une portion de fon phlogiftique & rendant à fe dé- compofer par l’efflorefcen e , ce qui elt conforme à ce que Cronftedt a dit dans fa Minéralogie, où il définit la mine rouge de cuivre, Minera cupri calciformis pure, friabilis vel indurata , colore rubro. La plus belle efpèce de ces mines rouges de cuivre fe trouve dans li mine de Prédinnah , dans là Province de Cornouailles, M.Lehm2nn dir que fa couleur, fon tiflu & fes cryftaux font qu'elle refemble parfai- tement à la mine d'argent rouge (1), c'eft ce qu’on peut vérifier en exa- minant les morceaux que je préfenre à l’Académie. La mine rouge de cuivre fe trouve dans trois érats. 1. En cryftaux oétaèdres tranfparens d'un rouge de rubis ; cetre efpèce a été nommée par Henckel, mine de cuivre virreufe rouge : 4 dit qu'elle eft fi riche en cuivre , que ce métal y eft prefque tout pur. Introduétion à la Minéralogie , Tom. 2, pag. 218, 2. En mamelons d’un rouge mat. 3 En fibres ou petits filets opaques , dont la couleur approche de celle du cinabre; cette dernière efpèce eft connue fous le nom de fleurs de cuivre rouge. La mine rouge de cuivre cryftallifée & tranfparente fe trouve pref- que toujours avec le cuivre natif , dont elle n’eft qu'une altération ; c'eft une vraie chaux de cuivre qui devient noiratre après avoir été expofte au feu, & palle à l’état de verre brun & chatoyant lorfqu'on lui fair éprouver un degré de feu propre à faire rousir le creufer. Lorfque le cuivre pañle de l'état métallique à celui de rouille verte qu'on nomme patine , on trouve que fous cette efpèce de malachite folide, le cuivre eft friable, & qu'il a pris une couleur d'un rouge mat; ns EE enenen nn c ee nn onn er ES à (1) Art des mines métalliques, premier Volume, page 127. 1779: AHOUISEMN V2 1 156 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, cette chaux rouge de cuivre cryftallife fouvent lorfqu’elle n’eft point couverte de patine; c’eft ce que je viens d’avoir occalion d’obferver dans des fragmens de cuivre doré (1), qui avoient fait partie de la jambe de cheval qui fut trouvée en 1766, dans la Saone , auprès de Sainte- Claire. En rompant ces morceaux de cuivre , on trouve de petites cavi- tés tapiflées de cryftaux rouges oétaèdres tranfparens. La furface de ce cuivre qui n'étoit point dorée, éroit enduite de patine très-fine. Un fragment de jambe de cheval en cuivre doré, que M. Rigaud de Terrebafle à trouvé dans la Ville de Lyon, au mois de Novembre 1777, préfente dans fa fracture des cavités avec des cryftaux rouges tranf- parens, & quelquefois des cryftaux blancs tranfparens qui n'ont paru féléniteux. M. de la Tourette, qui a rendu compte à M. Bertin de la découvert de cette jambe, dit qu’elle n’a aucun rapport avec celle qui a été trouvée dans la Saone , que leurs proportions font entièrement différentes (2). L’analyfe comparée de la mine rouge de cuivre, & des cryftaux rouges de cuivre que j'ai trouvés dans les fragmens de la jambe de cheval, n'ont fait connoître qu'il n’y avoit point de différence entre ces deux produétions. (1) Je tiens ces morceaux de M. de [a Tourette, Secrétaire de l’Académie de Lyon. (2) Voici l'extrait du rapport que M. de la Tourette en fic à l’Académie de Lyon. 11 faut bien aiftinguer ce nouveau fragment de celui trouvé en 1766. Le dernier eft üne jambe toute entière d’un cheval d’une grandeur ordinaire , au lieu que le premierne comprend qu'une grande portion de l'avant-bras du montoir, & un morceau du canon de cette même jambe. Les proportions annoncent un cheval crès-haut, de fept pieds environ. Il eft coulé en cuivre rouge recouvert d'une feuille d'or très-pur à fa fur- face , altéré un peu par le tems. Le deflin en eft peu exaët. La décompofition du cuivre enfoui auff long-tems dans les entrailles de la terre , a donné naïflance à diver- fes productions intéreflantes. On y voit de vraies malachites plus ou moins épailles , du bleu & du verd de montagne, des cryftaux d'azur de cuivre, ou fleurs de cui- vre bleues & vertes très-prononcées. Dans les parties caflées, on apperçoit aufli qu'il s'eft formé dans l'épaifleur du métal, des cavités dont quelques-unes font remplies de malachites , d'autres tapiflées de cryftaux plus gros que les précédens d'une efpèce moins connue , & dont la couleur approche de celle du grenat ou de la rubine d'arfenic. Dans le nombre, il s'en trouve de grisätres , 8 quelques-uns d’un blanc tranfparent de forme prefque cubique. Si on obferve avec la loupe les portions de la furface qui font décompolées , on apperçoit d’autres petits cryftaux rougeâtres qui commencent à fe for. mer fous les feuillers d'une chaux métallique d'un rouge d'ochre brun. Ces divers cryftaux , produits de la décompoftion de quelques-unes des parties de ce cuivre, peu- vent faire foupçonner qu'il n'eft pas exempt d’alliage. — Cette note eft d’un des Auteurs du Journal, qui a vu ce fragment de cuivre & qui l'a trouvé exactement reflemblant 2 la defcriprion que M. de la Tourette en à faite. On peut voit un petit morceau de ce fragment de cuivre au Cabinet d'Hiftoire Naturelle de Sainte-Geneviève , qui s'enrichit tous les jours par les foins de M. A. Mongez , l'aîné, : athée sis SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 157 Ces cryftaux rouges de cuivre étant expofés au feu dans un creufec, décrépirent , noirciffent & deviennent opaques; par un feu plus vio- lenc, ils fe changent en un émail brun chatoyant. J'ai fondu de ces cryftaux rouges avec deux parties de poudre de charbon, & j'ai reconnu qu'ils produifoient par quintal foixante & dix livres de cuivre. L'expérience fuivante démontre que ces cryftaux rouges ne contien- nent que du cuivre. J'ai pulvérifé de ces cryftaux, je les ai mis dans de l’alkali volaril , ils s’y font diffous entièrement ; l'alkali volatil a pris la plus belle couleur bleue. Il réfulte de ce que je viens de rapporter , que la mine rouge de cuivre eft femblable non-feulement par fa forme , mais encore par fes parties intégrantes , aux cryftaux rouges de cuivre trouvés dans les fragmens de la cuifle de cheval; & l’un & l’autre paroïflent produits par laltération du cuivre le plus pur. LE tuekrioN Bic A cé si & À Monfieur l'Abbé Rozrer , Auteur du Journal de Phyfique; Par M. LE CaMUS , Mernbre des Académies de Lyon & de Dijon , & Receveur des Gabelles au Département de Lyon. À Lyon, le ÿ Juillet 1779. Monsieur; Votre Journal étant devenu par les foins que vous y donnez, un dépôt général de toutes les Obfervations des Phyficiens & des Natu- raliftes; voulez-vous bien permettre que j'y configne une découverte qui vient de fe faire à quatre lieues d'ici. On a trouvé à Vienne, en Dauphiné , en creufant les fondations d'une maifon fur le quai qui eft le long du torrent des Chères, une mine de mercure ; au moins eft-on en droit de le foupçonner par la quantité de ce demi-métal que l’on en a tirée. Ce qui pourroit feule- ment faire douter quelle füt véritablement filon métallique , c'eft que le vif-argent que l'on en a tiré jufqu'à préfent, fe trouve dans un tuf très-poreux , fans la moindre apparence de fpath, de quartz & fur- tout de cinabre qui accompagne ordinairement le mercure. Il paroît 158 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, cependant s'y être fublimé dans quelques endroits, & avoir formé un fel mercuriel que je regarde comme un fublimé corroff, par la cauf- ticité que je lui ai reconnue au goût, n'ayant pu m’en procurer une affez grande quantité pour le foumertre à d'autres épreuves. La gangue de ce mercure elt , comme vous voyez, des plus fingulières, & je ne con- nois aucun minéral ainfi interpofé dans le tuf qui, comme vous favez, eft une matière qui fe forme journellement par les différentes con ré- tions que produifent les eaux. Jai examiné avec atrenrion le terrein, & je crois, d’après mes Obfervations , pouvoir conjeéturer que le flon principal pourroit bien être dans la montagne , au pied de laquelle fe trouve le tuf avec le mercure Alors, 1l feroir à préfumer que le mercure, qui de fa nature eft très-pefant & très fluide , aura pénétré à travers les-couches de rochers, & fe fera logé dans les pores du tuf. Vous connoiflez ce pays & vous favez que toutes les montagnes qui fonc aux environs de Vienne, offrent quelques indices de mines foit de plomb foit de cuivre , dont plufeurs de plomb font exploitées. Au furplus comme on soccupe de rechercher le filon principal de mercure, je ne doute pas que les excavations que l’on fera pour cet eff, ne puillent nous fournir de nouvelles Obfervations fur la nature de cette mine, donc je vous ferai part dès que j'en ferai inftruit. J'ai l'honneur d’èrre, &c. ÉÉL | RÉFLEXIONS sr EXPÉRIENCES Sur les Réflexions & Expériences de M. de la Folie, cone cernant les Cafleroles & autres Vafes néceflaires à l’ap- prêt des alimens, & où on fuppofe la préfence du cuivre & de l’arfenic dans létain ; Par le Sieur SALMON, Maitre Potier d’Etain , à Chartres. L À nature des minéraux ne nous eft pas affez connue pour pouvoir ; par le feul raifonnement, inférer avec vérité quelques confequences tirées du peu de propriétés qu'on en connoit. 11 ne faut rien admettre, fur- tout en fait d’alliage de métaux, qui ne foit conforme aux loix d’afhni- té que l'expérience nous a fait connoîrre. L'expérience eft la géométrie du Chymilte ; c'eft le feul guide que je fuis ici SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 169 On lir dans le cahier de Décembre 1378, du Journai de Phyfique , page 438, un Mémoire qui a pour titre: Kéffexions & Expérienves con cernant Les cafferoles & autres vafes nece/laires à l'apprèt de alimens , par M. de la Folie L'Auteur penfé qu'on a » jugéavec raifon, que le fer battu » étroit d’un ufage très-faîn, mais avec quel métal recouvrir le fer pour » le préferver de la rouille ? oc opus , hic lalor eft | Véramage ordinaire » eft lui-même dangereux pour la fanté, parce qu'il contient au moins » une partie de plomb fur deux d’étain, & l'étain lui-même contient » beaucoup de portions arfenicales (1) «. , L'impartialité & la modeftie qui caraétérifent dans le refte l’Auteur de ce Mémoire , ne fe manifeftent pas ici : & cependant une imputstion de cette nature méritoit bien d’être appuyée de quelques preuves En effec, elle porte une forte atteinte à l’ordre focial , en prévenant les efprits con- tre un métal qui eft d'un ufage journalier, au moïns dans quelques pro- vinces , & que la modicité de fon prix mer à la portée du plus grandnombre, { car on a beau être perfuadé de fa falubrité d’un métal, on ne peutenrendre avec indifférence des hommes qu’on fuppofe éclairés, affirmer que ce même métal contient beaucoup de portions d’un poifon dangereux) ; elle fraye une route à la mendicité, en 6tant à des ouvriers un objet de tra- vail , & un moyen de fubliftance qui leur fait fupporter l'inégalité Mais fans nous arrêter à ces points de vue, non plus qu’à l'examen de l'éta- mage de l’Auteur, & des difhcultés qu'il y auroit à furmonter pour en faire un objer de commerce & de travail libre, voyons fi l'Aureur a raifon de profcrire tour autre étamage que le fien, même celui du fer blanc , fous prérexte que l’érain contient beaucoup de portions arfenicales. D'abord la préfence de l’arfenic dans l'étain n’eft encore qu'un pro- blème qui n'a point été réfolu ,& qu'aucune expérience n'a démontré d'une manière politive. Oz préfume , on a lieu de prèfumer , c'eft ainfi que s'expriment les Auteurs , #ais la préfomption n’efl pas une décifion ,comme le dit très-bien M. de la Folie, [l va peut-être, lui, nous apporter en preuve quelques expériences > écoutons-le; » ce n'eft, dit-1l dans f« pre- » mière remarque, qu'après une expolirion de trois jours fous le four » des fayanciers , que je fuis parvenu à priver l'étun de fes portions arz » fenicales. L’étain en nature qui fe trouva alors fous la couche d étain » vitrific, elt très-doux , & a perdu ce que l’on appelle le cri de l'érain, » Alors j'ai remarqué dans cet étain des veines de cuivre , & je n'en ai » point été furpris; car prefque tout l'étain qui eft dans le commerce (1) Ici on lit deux &ec. Suivoient apparemment des expériences que le Rédaéteur a jugé à propos de retrancher. Seroit-ce parce qu'elles n'étoient pas nouvelles ow qu'elles ne prouvoient pas l'ailertion ? 169 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, « » contient du cuivre, & ce cuivre privé des parties arfenicales, reparoît » fous fa forme naturelle «. Il y a déjà quelque tems qu'un célèbre Chymifte avoit preéfume la pré- fence de l'arfenic dans l’étain ; il publia fes foupçons & les expériences qui yavoient donné lieu, & bientôt, entrainé fans doute par l'autorité, on déduit de ces expériences les mèmes conféquences que lui, & l’affertion de la préfence de l’arfenic dans l'étain devint générale. J’obfervois ce métal depuis plus de douze ans, Roues à la vérité dans des vues aufli étendues & par des expériences aufli difpendieufes que M. le Comte de Buffon. Les expériences que rapporte ce favant Chymifte me frappèrent, fans me défaire pour cela de la préfomprion que j’avois en faveur de l'étain , & me firent redoubler d'efforts pour y découvrir ce poifon dan- gereux, de la préfence duquel je ne m’étois pas même douté. Jemployai pour cela, fans fuccès, tous les moyens connus en chymie, & pour der- nière reflource, je crus devoir m'en affurer par la comparaifon, Je fis donc l'expérience fuivante : bien loin de juftifier l’affertion de la préfence de l’arfenic dans l’étain , elle démontre yne inafhnité , une antipathte dé- cidée entre ces deux fubftances. Je pris de l’étain neuf des mines, & après l'avoir, par des moyens qu'il n’eft pas néceflaire de rapporter ici, puriñié de fes parties furabon- dantes de phlosiftique ou principe inflammable qu'il garde de fa réduc- tion , j'en ai fait fondre dans des cuillers de fer, j'ai verfé l’érain fondu dans une febille de bois, puis lai broyé avec un pilon auffi de bois, pen- dant que le métal refroidiffoit. Par cette opération, j'ai divifé l'étain en grenaille aflez fine pour paller à traver un tamis de crin. Je pris 4ç gros de cet étain granulé & prefque réduit en poudre, & 6 gros d’arfenic cryftallin ; j'arrangeai ces deux matières par lits dans un creufet que j’ex- pofai à un feu lent en commençant; j’augmentai le feu par degré jufqu'à ce que la mafle rougît ; ayant agité à cet inftant le mêlange avec unefpatule de fer, j'ai eu un culot qui pefoit 16 gros 44 grains ; les fcories étoient granulées, j'ai jetté deflus un peu de fuif, & ai augmenté le feu , une partie de ces fcories s’elt réduite, & j'ai ob- tenu de nouveau 10 gros 3 grains ; enforte qu'il y a eu autour de 24 gros ou 3 onces de perte, c'eft-à-dire, la moitié. L’alliage en fufon, coulé dans la pierre d’effai des Potiers d’étain (1), a donné un perir lingot qui reflembloit à une marcañlite par le nombre de facettes que préfen- toit fa furface ; il évoic plus caffant que le verre , & la caflure examinée à la loupe étoit compofée de grains ifolés & rayonnans , qui annoncoient le peu de liaifon des parties. Mais cet alliage en fufon étoit fi épais, (x) Cette pierre d'effai qu'on appelle aufli quelquefois lingotière eft de pierre de tuffaut, ou de tonnerre. qu'il $ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 161 qu'il a fallu m'y prendre à plufeurs fois pour en couler une (1) médaille dont je püs comparer le poids avec celui d’une médaille de même volume Lin pur. Celle-ci pefoit 26$ grains, celle-là 10 grains de moins. Obfervez cependant qu'on ne peut guère compter fur ce rapport de denfité , parce que cet alliage, en fe figeant dans le moule, hourfouffle, ce qui occafionne des vuides dans l’intérieur de la médaille; remarquez encore que le mêlange de l’arfenic à l'érain n’a lieu que lorfque quelques fubftances grafles retiennent l’arfenic qui s'évaporeroit, & le joignent à Jétain par Êe affinité avec les deux. En effet, j'ai fouvent tenté cette opération avec de l’arfenic blanc cryftallin , & n'ai jamais pu l’incorporer à l'érain fans la projection d’un peu de’fuif qui rallentit la fublimation de l’arfenic, en Écilite l'union, & en eft enfuite comme le lien : il y a plus, fi on entretient l’alliage en fufon , on voit l’arfenic fe perdre en fumée, & emporter avec lui une partie de l’érain à mefure que les matières grafles qui le tenoient uni Ê confomment, jufqu'à ce qu’enfin ce qui refte d’érain n’en contienne plus, & porte les mêmes caraétè- res qu'avant le mêlange. Après ces expériences, peut-on trouver à l'étain une affinité avec l’arfenic, lui qui s'allie fi difficilement à notre métal , qui le détruit lorfqu'il y eft allié , le rend aigre & caflant comme il fait aux autres métaux , en un mot, lui donne des caraétères fi différens qu’on ne le reconnoît plus ? Mais allons plus loin , tous les Auteurs de Métal- largie recommandent le grillage de la mine d’étain pour en fublimer l'arfenic , & difent avec raifon que fi la mine n’en eft pas bien dégagée, la réduction du métal n'a pas lieu ; qu'il fe forme une matière patérife qui encrafle le fourneau, bouche la tuière, en un mot, fait manquer l'opération , ce que les Ouvriers appellent faire Le cochon. Après cela, il n’y a plus, je crois, à douter de l'inaffinité de l’arfenic avec l’érain, ou du moins l'intérêt des Mineurs nous eft garant qu'il n’en eft point refté , & qu'ils ont mis tous leurs foins à en dégager exactement la mine dans le grillage. Enfin , pour combattre M. de la Folie par fes propres armes, je prouve la falubrité de l'érain par l'argument dont il s’eft fervi pour prouver celle du zinc ; il a fait des ragoûts dans fes cafferoles zincquées , illes y a laïllé féjourner, & en a donné à manger à des animaux qui n’en ont été aucunement incommodés ; & moi j'apporte l’expérience de tous les tems, de tous les pays, de tous les jours, fur laquelle eft fondée la perfuafñon où on a toujours été de l’innocuité de l’étain ; j'apporte le témoignage de la Médecine , qui ne fait qu’en faire pour fon fervice (2. oo) (1) C'eft une maffle ronde d'un diamètre & d'un volume déterminés , coulée dans un moule de cuivre, & qui me fert à comparer les alliages de l'étain par leur pefan- teur refpeétive. (2) Je rendrai compte, par abondant, d'une expérience que j'ai faire & aux réful- Torre XIV, Part, II. 1779. AOUST. X 162 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, La préfence du cuivre dans l’étain n’eft pas mieux fondée ; prenez garde, je ne dis pas ici que le cuivre ne peut pas s’allier à l’écain, je connoïs trop bien la nature du métal de cloche , du bronze &c.; je ne dis pas même qu'il n’y a pas dans le commerce, de l’étain qui porte un peu de cuivre, je fais que dans l’aloy des Potiers d’étain il en entre un peu , mais je dis que dans l’étain , tel qu'il nous vient des mines, il n’y en a pas la moindre partie, & que les expériences de M. de la Folie ne prouvent aucunement qu'il y en eût dans l’étain dont il s’eft fervi. Pre- mièrement , dans toutes les expériences que j'ai faites fur étain de quel- que pays que ce für, je n’y ai jamais apperçu la moindre portion de cui- vre. Ët puis, qui l'yauroit mis? cene feroient certainement pas lesouvriers dés mines ; ils ne s’amufent pas à faire des alliages ; ou du moins, nous pouvons être sûrs qu'ils n'en feront point de pareils, fi nous fuppofons qu'ils connoïffent leur véritable intérêr : & cela, rant parce que le cuivre a dans le commerce -un prix plus haut , que parce qu'il en réfulteroit qu'on ne pourroit pas fe fervir de leur étain dans bien des circonftances. En effer, les reinturiers fe fervent d’étain diffout dans l'eau régale pour faire leur teinture en écarlate, & qui plus eft, les chaudières pour cette teinture doivent être d'étain, & d’érain pur. Si cet étain contenoit une partie de métal quelconque, & particulièrement du cuivre, ou fi la tats de laquelle on ne s'attend probablement pas ; c'eft la revivification de Îa chaux d'étain obrenue par la voie humide. Ayant, fait difloudre dans l'eau régale -de l'étain purifié, comme j'ai toujours foin de le faire de cette partie furabondante de phlo- giftique, & après avoir fait évaporer la liqueur à feu lent jufqu'à ficcité , j'obtins une chaux qui ne cefloit de fumer au grillage & prenoit l'humidité de l'air , corrodoit les vafés d'étain dans lefquets je l’avois mile, donnoit à la fublimation une poudre blanche qui prenoic aufli l'humidité de l'air 1& répandoit l'odeur du fel ammoniac. J'ai mis cette. chaux dans un creufec pour ja revivifñer, en y joignant le moins de: ma- tières inflammables qu'il me fut poflible, afin que celles du diflolvant s'incorporaffent mieux au métal: la réduction faite, j'ai verfé l'étain dans une lingotière , & il ne me parut ‘différer en rien dés autres étains obténus de réduction, foit d’après une diflo- lution ou une calcination, Je le mis enfuite en digeftion pour en dégager la partie furabondante de matières inflammables , & alors, cet étain effayé a la pierre, ne donna aucune teinte {ur {a furface & reflembloit en tous points à l'étain le plus pur. Tel cft le réfultat de cette expérience; l’érain ne fe trouve pas même imprégné dés ma- tières du diffolvant qui a tant d'affihité avec lui. Le feu les a confommées toutes. Certe expérience eft décifive, elle démontre clairement deux chofes ; premièrement , que l'étain quoique pénétré dans fon état de minerai ou de chaux, de fubftances étran- gères même infiniment atténuées , n'en retient pas le moindre atôme après fa réduc- tion, & que le feu confomme toutes les matières hétérogènes , & premièrement l'ar- fenic qui de fa nature eft très volatil, & n’a point d'affinité avec l'étain. Elle démon- tre en fecond' lieu, qu'un métal ne doit fa confiftance métallique qu'au principe inflam- mable qui lui donne un caufficum où acidum pingue, que le conta& de l'air ou des acides particuliers à chaque métal felon l'afnité peuvent enlever, comme je l'ai obfervé plufieurs- fois dans le cours da Mémoire. SUR'L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. x6; chaudière étoit de cuivre, la couleur perdroit beaucoup de fon éclat, ou changeroit mème totalement. Ainfi, Î eft premièrement démontré qu'il n'y a point de cuivre dans l’étain tel qu'il fort des mines pour entrer dans le commerce. Je dis en fecond lieu, que l'expérience de M. de la Folie ne prouve aucunement qu'il y en eût dans l'étain dont il s'eft fervi. Cette expérience eft l'expérience générale, conrenue dans la première remarque, citée tout au long au commencement de ce Mémoire. L'Auteur croit reconnoître le cuivre àces nuances jaunes qu’il a remarquées fur l’étain qui a refté fous la couche prétendue vitrifiée ( je dis prétendue vitrifiée, car tout le monde fait que l’étain ne fe vitrifie que par l’addition du plomb où de quelques terres vitrifcibles. Ce métal eft au contraire dans les vaif- feaux fermés } : il s’eft trompé , ce n'étoit point du cuivre ; voici ce qui arrive dans l'opération : la grande chaleur a calciné la furface , ce qui a formé une croûte qui a fermé tout accès à l'air, & a empêché le refte de fe calciner; pendant ce tems l'étain a pris une quantité furabondante de phlogiftique où d’acidum pingue qui lui a donné cette couleur jaune, & augmenté le cri de l’étain , comme M. de la Folie s'en feroit apperçu, fi au lieu de laiffer l’érain fous le fourneau jufqu'à l'extinction du feu, il l'eut retiré le premier jour ; mais pendant l’efpace de trois jours , le feu venant à diminuer & l’étain refroidiflant par degré prefqu'infenfiblement , a éprouvé une lente digeftion qui l’a adouci & lui a Oté fon cri. Maïs la couleur jaune, effer de l’acidum pingue , a refté, parce que l'air dont le contact a éré inrercepté pendant la digeftion par la couche calcinée , n'a pu l'enlever. Si M. de la Folie eût expofé cet étain à l'air ou à l'action des acides ou du nitre , ou fi pendant la digeftion de fon étain à un feu feulement fuffifanr pour le tenir fondu , il avoit permis à lar d'en fécher , la Cafe ; il auroit bientôt vu fon cxvre difparoître comme le cri; & fi après il eût foumis ce même étain aux procédés contraires, c’eft-a-dire, s'il l’eûr foumis à un feu violent dans un vaif- feau fermé , il l'auroir bientôt vu reprendre & fon cuivre & fon cri. Mais une chofe qu'on n’a peut-être point encore remarquée, c’eft que cette matière phlogiique REACH appellez-la comme vous voudrez, augmente la denfité du méral , lui donne de l’aigreur &c.,& qu'on en a abfolument dépouillé le métal ; il eft alors dans fon plus haut degré d’extenfbilité , de duétilité, de légèreté &c. ; les’rapports des poids font alors comme 165 à 263. Voilà, je crois, ce que j'avois mis en avant bien démontré, qu'il eft faux de dire en général que prefque rour l’érain qui eft dans le commerce contient du cuivre , & que l'expérience de M. de la Folie ne prouve aucunement que l’étain dont 1l s’eft fervi en contint. Voyons maintenant ce que dit M. de la Folie fur la compofition des nouvelles calferoles en méral blanc. Quoiqu'il ne nomme pas lInventeur de «cet alliage, on! reconnoît aifément que l’Auteur fait allufon à celui dont le rappott des Commiflaires nommés par l’Académie pour l'exami- 1779: ad OUI SVT, X 2 164 OS$SERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; ner , eft inféré dans le cahier de Janvier 1778 , page 74. Voici ce qu'il dit:» Je crois que l’Artifte peut employer la cadmie des fourneaux desfon- » deurs en cuivre,au lieu d'employer le zinc pur. Alors certe cadmie revi- . » vifiée par les Aux , pourroit fournir quelques portions de cuivre qui fe » décèlent dans l'expérience (1). La préfomption de MM. les Commiffai- » res n'eft pas une décifion, & nonobftant leur décifion , j'aurois acheté » de ces cafleroles avec confiance, vu qu’en diverfes circonftances, j'ai reconnu la falubrité du zinc , mais voici les raifons qui me dégoûtèrent » de cet achat. » Je fis diffoudre un morceau de cet alliage dans de l’eau forte ou acide » nitreux, j'ajoutai à cette diflolution trois parties d’eau. J'en pofai enfuite » une goutte fur une lame de couteau bien netcoyée. Il fe forma une » tache cuivreufe brillante ; je lavai fur-le-champ la lame du couteau fans » l’effuyer . & la couche cuivreufe refta très-fenfible. Comme certe couche » n'eft pas épaille, fi l’on efluye la lame du couteau , les portions de fer » diffoutes fur cette lame abforbent la couche cuivreufe, & l’on ne voit » plus qu’une tache noire «, m ÿ Je n'ai point décompofé le métal des nouvelles cafferoles que M. de la Folie prétend fufceprible de diffolution cuivreufe qui le lui fair profcrire. Une pratique conftante & des obfervations journalières m'ont donné affez de connoiffance fur l’alliage des métaux, pour diftinguer à la couleur & au grain le métal qui fait la bafe d’une compofition, & par laffinité celui qui y eft allié. J’examinai donc bien attentivement une cafferole de cet alliage qu'on me préfenta . & j'en reconnus aufli-rôt le compofé (2); & je conclus, malgré l'expérience de M, de la Folie, que le cuivre ne doit point faire partie de cer alliage , & fi par hafard il en contenoit , ce ne pourroit être que par l’étain qu'on a employé à fa compofition; car, comme j'en fuis convenu plus haut , létain fin fabriqué en vaifelle en contient quelquefois , mais dans fa proportion d’ane livre par cent feulement; car, pour l'étain de commerce venant en faumons des mi- nes , il n’en contient point comme je l'ai prouvé ci-deffus. D'ailleurs fi le cuivre entroit dans ce compofé, il y occafñonneroit un déchet (x) Ici je me contenterai de remarquer que ceux qui connoïffent les opérations de la revivification par les flux . feront bien éloignés de penfer qu'on peut l'admettre dans les Fabriques , parce que fa cherté excéderoit de beaucoup le métal qu'on em obtiendroit. (2) On me faura peut-être mauvais gré de mon filence fur la compolfition de ce métal, mais il paroît que l'inventeur eft bien-aife qu'on l’ignore. Au refte, lorfque l'Académie aura fait imprimer l'Art du Potier-d'Etam qu'elle n'a engagé de décrire après l'approbation de fa première partie , on y trouvera la .compofition de ce métal &c les manipulations qu'il exige pour êvre traité en uftenfles de cuifine, SUR L’HIST. NATURELLE FT LES ARTS. '16$ confidérable , ce qui donneroit à ce métal un plus haut prix que celui de 20 à 22 f. auquel l'Auteur l’a fixé. 11 en faut dire autant & plus du zinc : car s’il y en entroit, il y occafonneroit, par fa volatilité & fon inaffinité , une perte beaucoup plus grnde Les foupçons de MM. les Commiflaires n'ont donc aucune réalité, & M. D.... ne faifoit donc que battre l'air lorfqu'il fe récrie contre le Jugement de l'Académie , en raifonnant avec les Commiffaires comme fi le zinc étoit en effer la bafe du compofé. J'ai fait le compofé comme je le concevois poffible, & j'affure qu'il eft en tout femblable à celui des nouvelles cafferoles. Il eft fixe au feu , au point que fur 20 liv. on ne trouve pas quatre onces de perte, J'ai répété fur un morceau de cet alliage l'expérience de M. de la Folie. Aufli-tôt que j'eus mis ce morceau en diffolurion dans l’efprit de fel, il s’eft faic une forte ébullition accompagnée d'exhalaifon de l'efprit de nitre : vu à la loupe , on appercevoit particuliérement à la circon- férence de petits globules qui reffembloient à ceux de mercure crud, ainfi qu'on l'obferve dans toutes les difflolutions de ce genre, & ces globules en quittant le morceau de métal , laifoient à l'endroit une ca- vité, de manière que dans l’efpace de vingt-fix minutes durant lequel l'ébullition n’a pas ceffé , route la furface du métal éroit remplie de petites cavités, lefquelles vues à la loupe étoient aiguillées au lieu de ftric & compacte qu’étoit le grain avant la diffolution. Le précipité étoit une poudre noire que l'acide nitreux a détachée de la fuperficie, fans attaquer l'intérieur ni même l’autre portion métallique de l’alliage avec laquelle ce diffolvant n’a point d’affinité. J'ai bien mis une goutte de la diffolution fur une lame de couteau , il s’efl formé une couche de couleur jaunâtre après l’ébullition, effet qui a lieu toutes les fois qu'on mer de l'eau-forte fur le fer: mais la tache n'étoic pas cuivreufe & brillante , comme le rapporte M. de la Folie. Au refte, je ne dis pas our cela que la relation de M. de la Folie foit faufle; mais peut- être. l’efprit de nitre dont il s’eft fervi ou l’eau-forte ordinaire conte- noït-elle un peu de cuivre en diffolution. » 166 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, = —— NOUVELLES LITTÉRAIRES. a ———————————— —— FM 21e AREA Propofés par différentes Académies. a Lacie mie des Sciences de Paris, avoit propofé pour fujet du Prix de 1779, de donner » la Théorie des Machines fimples, en ayant » égard au frottement de leurs parties, & à la roideur dés cordages «. Elle avoit exigé de plus; » 1°. que les loix du frottement, & l'examen 5 de l'effet réfultant de la roideur des cordages , fuffent déterminés » d'après des expériences nouvelles, & faites en grand ; 2°. que les » expériences fuflent ap licables aux Machines ufitées dans la Marine, » telles que la poulie, le cabeftan , & le plan incliné «, Plufeurs des pièces qui ont été préfentées au concours renferment des recherches eftimables. Mais en général, il lui a paru que dans ces différentes pièces, les Auteurs ne s'étoient pas fuffifamment attachés à remplir, d’une manière utile pour la pratique (ce qui eft le but princi- pal de la queftion), les divers objets énoncés dans le Programme. L'Académie croit donc pouvoit exiger de nouvelles recherches fur ce fujet, qu'elle propofe encore pour l'année 1781; elle invite les Auteurs qui ont concouru , à perfectionner leurs ouvrages, & en géné- ral tous les Savans de l’Europe à s'exercer fur la queftion propofée ; mais elle déclare de nouveau , comme elle a déjà fait dans le Program- me de 1777, que /e prix ne fera point accordé aux pièces qui ne con- ziendroienc qu'une théorie purement mathématique & abfiraite , ou même qu’une théorie fondée fur des expériences déjà connues. Le Prix fera double, c’eft-à-dire, de 4000 liv. Les pièces feront écri- tes en François ou en Latin, &c adreflées au Secrétaire de l'Académie ; & elles ne feront admifes au concours que jufqu'au premier de Sep- tembre 1780. La Société Royale de Médecine, avoit propofé le 27 Janvier 1778, our fujer d’un Prix de 300 liv. » de déterminer quels font les rapports » des Maladies épidémiques avec celles qui furviennent en mème-tems , & dans le mème lieu , & qu'on appelle intercurrentes ; quelles » font leurs complications & jufqu'à quel point ces complications SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 16; » doivent influer fur le traitement«? N'ayant pas été farisfaite des Mé- moires qui ont été envoyés , elle propofe de nouveau ce Programme pour füjet d’un Prix de la valeur de 6oo liv. qui fera diftribué en 1781, dans la Séance publique du premier Mardi de Carème. Les Mé: moires feront remis avant le 15 Novembre 1780. L'importance & les difficultés que cette queftion préfente ont engagé la Société à doubler la valeur du prix, & à donner deux ans de 4 pour travailler à y répondre. L'Académie Royale de Chirurgie de Paris, a propofé pour fujet de Prix pour l’année prochaine, » d’Expofer les effets du mouvement & » du repos, les Le pr fuivant lefquelles on doit en prefcrire l’ufage » dans la cure des maladies Chirurgicales «, Le Prix fera double: deux Médailles de 500 liv. chacune. L'Académie Royale des Infcriprions & Belles-Lettres de Paris pro- pofe pour Pâques 1781, » de Rechercher ce que les Monumens hif- » toriques nous apprennent des changemens arrivés à la furface du » globe par le déplacement des eaux de la mer«. Le prix qui eft une Médaille d'or de la valeur de 400 liv. fera double, Les pièces affran- chies de tout port jufqu’à Paris, feront remifes entre les mains de M. Dupuy , Secréaire perpétuel de l'Académie, avant le premier Décem- bre 1780; ce rerme eft de rigueur. Prix propofés par l'Académie de Marfrille. Voici les fujets propofés pour 1780. » Un Mémoire fur les avan » tages & les inconvéniens L l'emploi du Charbon de terre ou de » bois dans les Fabriques; la Defcription des différentes mines de Ghar- » bon qui font en Provence, & leurs qualités «. Prix double. Pour 1781 : » Un Mémoire fur les caufes qui peuvent diminuer » la profondeur du port de Marfeille, les moyens d'en prévenir les » effets & d'y remédier «. Pour 1782: » Un Mémoire complet fur la culture de l'olivier; la » manière de le tailler, pout qu’il rapporte annuellement des fruits en » quantité plus égale : la meilleure manière d'extraire l'huile des olives, » tant pour la quantité que pour la qualité , & une notice des diffé- »rens noms qu'on donne à chacune des différentes efpèces d'olives » dans les différens lieux de la Provence «, » Pour 1783: » Un Mémoire fur lés moyens de renouveller les bois » en Provence «, 168 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Et pour 1784, fujet propofé cette année : » Quelles font les efpèces » de vers marins qui attaquent les navires dans les divers ports de la » Provence, & quelle feroit la méthode de les en préferver«. L'Académie demande des faits conftatés par des expériences. Chacun de ces Prix eft une Médaille d’or de la valeur de 300 liv. portant d'un côté Le bufte du Duc de Villars, qui les a fondés, & au revers ces mots : Doëtarum premia frontium. On adreffera les Ouvrages à M. Mouraille , Secrétaire perpétuel de l'Académie de Marfeille. L'Académie de C:en propofe pour fujet du Prix qu'elle diftribuera le Jeudi 2 Décembre de cette année: 1779, la queftion fuivante : » Quelles font les branches de commerce qu'il feroit le plus facile » d'établir à Caen, & d’y étendre relativement au fol du pays, à fes » productions, à fes débouchés aétuels, à ceux qu'il eft poflible de lui » procurer , ainfi qu'à fes loix, coutumes & ufages; & quels feroient » les moyens d'y parvenir «? Le Prix fera double, c'eft à-dire, de 8ooliv. pour le meilleur Mémoi- res fur l’objet propofé. On fe réferve cependant le droit dè partager cette fomme entre les deux premiers, s'ils fe trouvoient d’un mérite à-peu-près égal. Elle avoit propofé pour 1778, un autre Prix de 400 liv. à l’Auteur du meilleur Mémoire fur cette queftion : » Quels font les arbres, les * arbuftes & les plantes qui croiffant fur le rivage dé la mer, fans avoir » Néanmoins Beoin d'en être baignés à routes les marées , pourroient » être employés à la conftruétion des digues & étais. néceflaires fur » les côtes, & le long des rivières dans lefquelles la mer monte, pour » défendre de fes irruptions les terreins qui les bordent ? Quelle eft » la culture de ces arbres, arbuftes & plantes, & quel feroit le meïl- » leur moyen à employer pour en former des digues , à la fois les » plus économiques & les plus fafceptibles d’une réfiftance conftante » & progreflive « ? Comme cette matière demande de grandes difcuflions pour être traitée d’une manière convenable, des Auteurs qui s'en occupent , ont demandé, pour faire des expériences , un délai que l’Académie a jugé à ropos de leur accorder: ce fecond Prix fera donné le même jour que le précédent. Les Mémoires feront adrelfés , franc de PRE le premier Novembre, à M. Moyfant , Secrétaire perpétuel de l'Académie, on fous l'enveloppe de M.TIntendant. L'Académie Royale des Sciences & Belles-Lettres de Berlin a ren- yoyé d'ici à deux ans le Prix fur le Secrer de changer le fable en pierre, , Programme * SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 169 Programme de la Société d'Agriculture établie à Amflerdam, 1778. La Société d'Agriculture à Amfterdam a adjugé, dans fon Affemblée du 29 Septembre dernier, le Prix de 40 ducats qu’elle avoit promis à celui qui auroit inoculé la plus grande quantité de veaux , nés de va- ches rétablies déjà auparavant de la maladie qui afllige notre gros bétail, & qui, dès leur naiflance, n’avoient pas été expofés à l'air libre ; à Geert Reinders, Culrivateur à Garnwert dans La Province de Groningue , lequel à démontré , d’une manière fatisfaifante , à la Société, qu'il avoit inoculé avec un fuccès très-heureux 499 veaux. Pleinement convaincue cependant que le nommé Jan Bezuyen, demeurant à l'Oude Wetering , avoit inoculé avec ur fuccès épalement complet, & pour fon propre compte, trente & un veaux, elle a jugé devoir récompenfer les foins louables de ce dernier d’une marque diftinctive de fon approbation. C’eft pourquoi elle l'a gratifié, fans l'avoir promis, d'un prix de 30 ducats. La Société publiera , avec le Tome prochain de fes Mémoires , une relation en abrégé des inoculations mentionnées au-deflüs, comme aufli de celles que M. E. Alta, Miniftre du St. Evangile à Bofum en Frife , a entreprifes , & lefquelles il a bien voulu communiquer à la Société fans-concourir pour le Prix. Et comme les fuccès conftatés de l’inocu- lation lui prouvent de plus en plus fon utilité pour la confervation du bétail , elle a réfolu de propofer encore une fois un prix de 40 ducats à celui qui aura inoculé depuis le premier Janvier 1779 jufqu'au pre- mier Décembre fuivant, la plus grande quantité de veaux (pas moins que trente)avec le fuccès le plus compler, & qui lui aura envoyé les témoignages & les preuves requif.s avant le premier Mars 1780. Le feul G. Rein- ders, comme ayant déjà remporté un Prix à ce fujet, eft exclu de concourir pour celui-ci. . Par rapport à la Queftion (que la Société avoit propofée au Public, pour y répondre avant le premier Juiller 1778.) Quelles font les propriérés des différentes fortes de l'Equiferum , connu chez nous fous le nom de Heermoes , Unjer, ou Katteftaart ? E7 quoi confifient la mature € la qua- lité des parties de cette plante & de fon accroiffement ? Quel préjudice caufe-t-elke aux pâturages & quel eff le meilleur moyen ; prouvé par l'expé- rience, pour l’extirper de la manière. la moins coûreufe ? Elle avertit le Public qu’elle a reçu plufñeurs Mémoires fur ce fujer, entr'autres un figné : Pater ipfe colendi Haud facilem effe viam voluit, primufque per artem Movit agros , curis acuens mortalia corda. Virc. Tome XIV, Part. IL. 1779. AOUST, > 4 1390 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Er un autre portant pour devife : De Unyjer die het Land bederft, Koft mejl en arbeïd cer zy Jrerfi. Quoique ces deux Mémoires, tait par leur exadtitude , que par les preuves intérellantes qu'ils contiennent , aient paru dignes à la Société d'être diftingués , cependant aucun n’a répondu entièrement , felon fon avis , à la queftion propofte. Pour pouvoir donc procurer aux Auteurs des Mémoires reçus une occafon légitime & favorable pour fuppléer ce qui paroifloit être défectueux, la Société a réfolu de différer l'adju- gement du Prix propofé, & de laiffer tous les Billets fermés & cache- tés jufqu’à l’année prochaine ; afin que les Auteurs puilfent lui envoyer leurs fupplémens, leurs éclairciffemens , & leurs expériences plus déci- fives avant le premier Janvier 1780, pour qu’elle puille , après ce ter- me, prononcer fon jugement à ce fujet. Et afin que l'on n’ignore pas ce que la Société defira principalement, outre les expériences déjà faites, qu'on mît dans un grand jour , elle penfe qu'on pourroit examiner d’une manière plus claire & plus déci- five comment cette plante périt ou peut être extirpée. Auf la Société defireroit-elle un détail plus circonftancié du dommage que cette plante caufe aux bêtes à corne, & des fymptômes qui en réfulrent. De plus , la Société à réfolu de propofer au Public ces deux quef- tions , la première : Quelle eff la manière La plus avantageufe pour def- Jécher des terres baffes 6 inondées, jufqu'a ce qu’elles foient divifées par des foffés? Pour y répondre avant le premier Décembre 1770. La Seconde : Quel efl le meilleur moyen de cultiver des terres balfes, 6 deffèchées nouvellement , après qu'on les a divifées par des foffés, & de les accommoder de façon qu’elles puiffent rendre un profit conftant & durable à leurs propriétaires ? Pour y répondre avant le premier Décem- bre 1780. La Société attend, avant le 1 Juillet 1779, les réponfes à la Queftion propofée en 1777: Quels font les diagnoflics de la Maladie des Bre- bis , connue fous le nom de foie douvé, ex Hollandois Ongans ? Quelles en font Les caufes, les préfervauifs & les remèdes ? Le Prix, que la Société deftine à celui des Mémoires qui lui fe- ront remis, qui aura le mieux fatisfait à ces Queftions , confiftera en une Médaille d’or de la valeur de so Ducats, frappée au coin de la Société, avec le nom de l’Auteur, ou bien en une fomme de la même valeur , avec une Médaille d’argent, à fon choix. Au cas qu'au jugement de la Société aucun des Mémoires n'ait mérité le prix fur la queflion propofte, elle fe réferve le droit de la s" SUR L’HIST: NATURELLE ET LES ARTS: 171 propofer ne feconde fois, ou non. Si elle juge que deux des Mémoi: res fur unnème fujet méritent quelqu'atrention , elle donnera un Accefffe au Concvent qui aura approché du Mémoire le plus fatisfaifant , & avant l’orerture du Biller, relatif à fon Mémoire, cette diftinétion fera notifiée as un papier public de Nouvelles. La Soité gratifiera aufli d’une Médaille d'argent ceux qui lui four- niront qiques découvertes utiles fur l'Agriculture & qui en appuye- ront les ‘ogrès fuivant l'expérience. Les Aeurs, qui concourront au Prix, ajouteront à leurs Mémoi- res un Bet cacheté, contenant leur Nom & leur Demeure , marqué en-dehord'une Devife , qui fe trouvera à la fin de leur Mémoire. Ils ferc écrits en Hollandois, en Latin , en François, en Anglois ou en Alzand , d’une manière lifible, ainfi que toutes les autres Pièces ou Avis & feront envoyés à la Société, francs de port & adreflés à M. Jerômde Bofch , Jeromimusz , fur le Keizerfpragt près du Kheef- tradt , où M. H. Calkoen , Avocat , fur le Keïgeruragr près du Bééreftraai Sécreraires de la Sociéré d'Agriculture à Amfierdam. L’Acadie des Georgifili, de Florence, propofe pour le fujet du Prix qu'’el diftribuera l'année prochaine, de déterminer les » vérita- » bles thûes fur lefquelles ont doit établir les évaluations des ter- » reins, € manière qu’elles puiflent fervir de règle aux eftimeurs # dans la rique «; les Mémoires doivent être remis à M. le Comte Pierre Pimcei , Secrétaire des Dépèches , dans le courant du mois d'Avril praain. Les Infes d'Europe peints d'après Nature , par M. Erneff, gravés par M. Geidin , & coloriés fous leur direëlion. Premième Partie, les Che- ailes, Cryides & Papillons de jour décrits par L. R. P. Engramellke. A Paris; @ M.Gerardin , rue de la Harpe , à l'ancien Collége de Nar- bonne, Cetteconde livraifon contient, comme la première, 12 gravures & leur expation, précédées d’une differtation fur l'éducation des Che- nilles ; ellera grand plaifir à ceux qui veulent fuivre les méramor- phofes desfectes, connoître leur vie & leurs mœurs. Il eft impof- fible d’avoies gravures mieux enluminées & plus analogues à la richefle des couleu& des reflers que la nature prodigue avec tant d'élégance fur les aîlees Papillons. La plus fcrupuleufe imitation a préfidé aux Deflins cone à l'enluminure. Nous le répérons avec plaïfir , la beauté de cer ouvr: le difpute à celle des Collections en tout genre qu’on a publiées ch l'étranger , & elle occafionne déjà pluñeurs variétés de Papillons irnnues en France, l 172 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE &c: TABLE DE SAR TNC LES Contenus dans ce Cahier. $ VITE du Mémoire fur l'Education des Troupeaux & La culture aLaines : par M. R. D. L. Infpeëteur-Général des Manufaëlures de Picar , & des Académies de Rouen, de Villefranche en Beaujolois, &c. 89 Mémoire fur la force d'impulfion des Torrens; par M. AuvBry rgénieur en chef des Ponts & Chauffées de Breffe , Gc. 101 Mémoire fur un Para-Tremblement de terre & un Para-Von; par M. BERTHOLON DE Saint-Lazare, des Académies Rales des Sciences de Montpellier, Béziers, Lyon , Marfeille, DijonNifmes , Touloufe, Bordeaux , Ec. 111 Défcriprion de trois Enfans monftrueux ; par M. ve Pesrarorï, Doc- teur er Médecine. 122 Premier Mémoire fur une nouvelle efpèce de gas inflammabl| par M. NereT, Füls. 126 Letre fur le Probléme de la tranfinutation de l'eau en terre; p«M. W'A- SELTON. 133 Defcriprion d'un nouvel Fudiomètre ; par M. GATTAY. 136 ÆEf{ai Jur les moyens de rendre la Navigation du Canal de Lartedoc plus ailée : par M. Grorrroy, Direleur du Canal, & de L Adémi: des SUP. » ; Sciences de Béziers. 140 De l'Aüion de l’Eleétricité fur le Corps humain, € de fon ufà dans les Paralyfies ; par M. GEerHARD, 145 Second Mémoire concernant des Expériences faites par M. le arquis DE Néecce, fur la multiplication des Animaux étrangers par le iyen d'une chaleur artificielle, lu à ? Académie Royale des Sciences; le 1 olir 1779; par M, le Comte De Mary. 153 Obfervations fur la Mine rouge de Cuivre ; par M. SAcr, 155 Lettre à Monfieur l Abbé Rozier, Auteur du Journal de Phyfe ; par M. Le Camus, Membre des Académies de Lyon & de Dijon. 157 Réflexions & Expériences fur Les Réflexions & Expériences de De la Folie, concernant les Cafferoles & autres Vafes néceffaires a l'appréts aliens, & où on fuppofe La préfence du cuivre & de l'arfenic dans ain. 158 Nouvelles Litreraires , 16G AND APR NON PANIINRROPNT i lu, par ordre de Monfcigneur le Garde des Sceaux, un Ouvri qui a pour titre : Obfervations fur La Phyfique, fur l'Hifloire Naturelle & fur Ares, &c.; par M. l'Abbé Rozrrr, &c. La Collection de faits importans goffre pério. diquement à fes Le&eurs, mérite l'accueil des Savans ; en conféquenccefltime qu'on peut en permettre l'impreffion. A Paris, ce 8 Août 1779. YVALMONT DE BCARE, — a LT TR ES TT mer “- JOURNAL DE PHYSIQUE. | DRE PUISE TM BORUE"S 1779: ES NS ————— BEST CF: RUE Sut les Feuilles féminales & fur la Circulation de la Sève; 4 De M. VASTEL, de la Société Académique de Cherbourg , Affocié Hono- raire de la Société Royale d'Agriculture d'Auch; à M. TOUGEROUX DE BONDAROY , de l'Académie des Sciences. mm) ES - | AE 22e Je viens de lire la Phyfique des Arbres. Cet ouvrage eft une Collec- tion précieufe de routes les Obfervations anciennes & modernes qui peuvent fervir à faire connoître la ftructure & l’économie des végé- taux. L’Auteur y a joint fes Obfervations propres, & celles-ci font en très-grand nombre. On ne fait ce quil faut admirer davantage, de fon afiduité & de fa patience infatigables à obferver , ou de Îa fagacité avec laquelle il confulte la nature & lui arrache quelquefois des fecrets importans. Il ne marche jamais que le flambeau de l'expérience à la main. S'il difcute les anciens fyftèmes ou sil en propofe quelquefois de nouveaux , ce n’eft qu'après s'être affüré d’un grand nombre de faits dont il tire les induétions convenables avec toute la fageffe pof- fible; mais il ne donne jamais ces induétions que pour ce qu’elles valent, & l’on voit combien il eft capable de les apprécier. . . . . . Je vous ennuierois , M. fi je vous difois tout ce que je penfe de l’ex- cellent Ouvrage de M. Duhamel ; mais je ne puis m'empêcher d’ajou- ter qu'il en eft peu qui foient conduits avec autant de. méthode, ré- digés avec autant de clarté, & écrits avec autant d’exaétirude. Jugez maintenant fi je fuis plus que jamais amateur du Jardinage, & combien une pareille leéture doit avoir augmenté le penchant natu- rel que vous me connoiflez à obferver. J'étois plongé auparavant dans les ténèbres les plus profondes. Si je faifois quelques eflais, je les faifois fans aucunes vues &, pour ainfi dire à tâtons. J'ignorois fi l'objet de mes recherches n'étoit pas connu depuis long tems; fi les expériences que j'aurois voulu faire n'avoient pas été faites mille & Tome XIV, Part. II, 1779. SPA PITERMIBNR EE SNRZ 174 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, mille fois; fi les fyftèmes que je concevois n’avoient pas été déjà pro: pofés où mêmes réfutés. Enfin, je ne connoïflois les végétaux que par la Quintinie, l'Abbé Schabol, l'Auteur de la Maifon Rultique & quel- ques autres, qui ont pu favoir comment il faut élever ou gouverner une plante, mais qui n'en apprennent guères davantage. Cependant je ne pouvois borner là ma curiofité , & d’ailleurs, je ne pouvois me réfoudre à travailler uniquement par moi-même fur cette partie, & à prendre beaucoup de peine pour découvrir ce qu'on favoit déjà. Je voulois avant tout m'inftruire de ce qu'on avoit vu & penfé & me mettre au courant. C’eft dans cette vne que j'ai lu la Phyfique des Arbres, & j'y ai trouvé amplement de quoi me fatisfaire. . M. Duhamel a levé quelquefois les coins du voile dont la nature s'enveloppe fi foigneufement. Il faut avouer cependant que les parties principales font encore demeurtes dans l'ombre, Je ne puis que regretter qu'un auñi bon Obfervateur ait borné aux arbres & arbultes fes expé- riences & fes réflexions. Ce qu'il n'a pu y appercevoir malgré fes efforts , il l'eût vu peut-être aifément dans des plantes plus tendres. Le jeu & les fonctions des fibres du bois, que leur dureté & leur in- flexibilité ne permettent pas de découvrir dans les arbres , auroïent été plus fenfibles dans des plantes herbacées. Un organe que fa petitefle ou fon emplacement dérobe à la vue, dans certaines efpèces , auroir été peut-être mieux développé & plus à découvert dans d’autres. Enfin, l'analogie auroit été d’un grand fecours dans cette partie, comme par- tout ailleurs. Les différentes efpèces auroient jetté l'une fur l’autre une lumière réciproque, & de proche en proche la théorie des végéraux fe feroit perfeétionnée. Quoique cette théorie foit encore fort incomplette, on en fair affez du moins pour efquifler des fyftèmes auxquels 1l ne manquera peut- être que quelques nouvelles obfervations pour devenir des vérirés fon- damentales. Or, il faut commencer par concevoir des fyftèmes , c’eft- à-dire, qu'il faut d’abord avoir des vues pour tenter des expériences, ou du moins, pour les tenter avec quelqu'efpèce d'intérèt & avec l’ar- deur néceflaire pour furmonter les difficultés. Aïnfi , l’on peut dire que les Naturaliftes font maintenant fur la voie qui conduit à la fcience de l'économie végétale, & même qu'ils ont faifi en pañlant quelques vérités préliminaires. Je n'ai pas fans doute affez de force , ni mème affez de zèle pour marcher de front avec eux dans ces routes épineufes. Je vous avouerai ne que j'ai deflein de les y fuivre au moins de loin & à mon aife. En me précédant, ils m'applaniront les obftacles ; je profiterai de leurs découvertes. Si j'avance lentement, cette lenteur mème me metttra à portée d'obferver de petites circonftances que la rapidité de leur marche dérobera à-leur attention, occupée d’ailleurs des objets les — — SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 1, plus importans & les plus remarquables. Or, il n’y à rien à négliger dans le fpeétacle de la Nature. Vous favez, M., que les petites cho- fes tiennent aux grandes, & que la chûte d'une pomme fit trouver le vrai fyftème du monde. Vous dirai-je que j'ai déjà fait quelques pas dans cette carrière ? C'eft encore un aveu que j'avois à vous faire , mais que je vous fais peut-être trop tôt, cat vous allez d'abord me demander ce que j'ai vu, & ceft une queftion à laquelle je n’ai prefque rien à répondre. Cependant, je foumets volontiers à vos lumières mes obfervations & mes idées fur les feuilles féminales des plantes fur lefquelles s'eft d’abord portée mon attention. Je n'ai pas befoin, je penfe, de vous rappeller que dans plufieurs efpèces de plantes les deux lobes de la graine fe convertiflent en feuilles féminales ; c'eft ce qui eft fort fenfible dans la femence du haricot, puifque les deux lobes fortent de terre fans changer de for- me. Mais cette converfon n’eft pas moins réelle dans plufieurs autres efpèces, quoique la forme des fées différe beaucoup de celle des feuilles féminales. Je prendrai pour exemple les femences de la rave. Si lon mer en terre quelques graines de cette plante jufqu'à ce que la radicule commence à percer, & qu'’alors on les ouvre, on verra que les lobes auront déjà la forme qu'ils doivent prendre à l'air , que cha- cun des lobes eft une feuille pliée en deux fuivant la longueur du pé- dicule, & que l’une eft renfermée dans l’autre. Cette forme ne de- vient fenfible que quand la graine a augmenté de volume, mais il n'en eft pas moins évident qu'elle exiftoit dans la graine avant la germination ; d’où il s'enfuit que dans les plantes dont les lobes fe convertiflent en feuilles féminales , les feuilles féminales ne fonc que les lobes développés jufqu'à un certain point. Cette obfervation nous donne beaucoup de facilité pour faifir l’or- ganifation des lobes ; car, fi cette organifation ne différe point de celle des feuilles féminales, il eft clair que pour la connoître , il fuffira d’ob- ferver celle des feuilles : or, il eft incomparablement plus aifé d’ap- percevoir leur organifation que celles des lobes, puifqu'elles acquièrent quelquefois une étendue fort confidérable. M: Duhamel dit, d'après Grew, » que fi l'on coupe du côté du » germe d'une groffe féve , qui a refté quelques jours en terre, des » tranches minces, on appercevra des points plus verds que le refte, » & qu'en pénétrant plus avant dans le fruit par de pareilles feétions, » on découvrira que ces points verds font les coupes tranfverfales de » plufeurs vaiffeaux qui s’épanouiffent en une infinité de ramifications » dans toute l'étendue des lobes «. I ajoute que M. Bonnet à trouvé le moyen de rendre ces vaiffeaux plus fenfibles en mettant des féves SEPTEMBRE. Zaàa 176 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tremper par les lobes dans de l'encre. D'où il conclut que les lobes de femences font formés d’un prodigieux” épanouiffement de vaif- feaux. : Ces prérendus vaiffeaux dont on ne voit que de foibles traces dans les lobes, fe voient dans toute leur érendue dans les feuilles fémina- les. Confidérons encore la feuille féminale de la rave. On y diftingue d'abord une nervure principale qui part du pédicule & en fuit la direction. Cette nervure donne naifflance à plufeurs autres qui abou- tiflent de tous côtés jufqu'aux extrémités de la feuille. Tels font les vaifleaux dont Grew & M. Bonnet ont apperçu la coupe dans la féve, Mais allons plus loin. Cette feuille eft couverte en-dellus & en-def- fous d’une peau tranfparente & fort mince , d’une forte d’épiderme. Entre les deux épidermes, on trouve une fubftance verte, fpongieufe , cellulaire , femblable à la moëlle des plantes. C’eft dans certe fubf- tance , immédiatement fur l'épiderme inférieur , que les nervures fe dif tribuent & fe ramifient. On ne peut douter que les lobes ne foient organifés de la mème manière , au moins dans les plantes où ils fe changent en feuilles féminales. Qu'arrive-til maintenant lorfqu'on met en terre une femence de cette epèce? D'abord l'humidité pénètre à travers fes enveloppes; la graine fe gonfle, & bientôt la radicuie de l'embrion s'allonge & pénè- tre dans la terre, Les lobes de la graine ont donc fourni à la radicule la matière-de.fon accroiflement. Or , voici comment je conçois ce remier développement. L'humidité ayant pénétré dans le tiffu cellulaire des lobes où les fucs reçoivent probablement une préparation effentielle, les nervures qui sy diftribuent pompent ces fucs & les font couler de proche en roche, jufques dans la nervure principale qui aboutit à la plantule à duelle ils parviennent en dernier lieu. Je confidère les nervures des lobes, comme de petites racines , des racines primitives, & le tiffa cellulaire, comme une efpèce de terre végétale particulière , où ces racines doivent puifer les fucs deftinés au premier développement de Jembrion. La première féve eft donc portée d'abord par les lobes au point où ils s’articulent avec le germe. C'eft delà qu'elle defcend dans la radicule & qu’elle s'élève en partie vers la plume. Alors la radicule fair des progrès en grofleur & en longueur. Bientôt elle ms les enveloppes & gagné la terre, où elle pompe de nouveaux fucs : les lobes s’éendent , fe déploient & arrivent à la fuperñcie , & la petite tige ne tarde pas à paroïtre. Cependant les fonctions des lobes ne font pas encore finies. Ils reftent long-tems à l'air libre où ils végérent & s'étendent fous la ro SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 177 Forme de feuilles féminales. Ces feuilles font donc néceffaires, mais on peut d'ailleurs fe convaincre de leur utilité en les fupprimant à de jeunes plantes , car on les verra dépérir fenfiblement après cette fuppreflion. On ne peut douter que ces organes ne foient deftinés aux mêmes ufages , foit qu'ils foient fous la forme de lobes ou de feuilles féminales, puifque leur organifation eft toujours la même. Les feuilles féminales fe pénètrent donc à l'air de l'humidité , comme les lobes s’en pénétroient en terre, & elles font pafler au corps de la plante cette humidité de la mème manière. Mais tandis que la féve defcend des feuilles féminales dans les racines, il paroît qu’elle monte des racines aux feuilles féminales; car, celles-ci commencent à s'érendre principalement quand la petite racine s'eft enfoncée dans dla terre & qu'elle y a pompé de nouveaux fucs. D'ailleurs les feuilles croiffent après que la tige à gagné la fuperficie & elles végétent encore long-tems avec la plante ; elles végérent fans doute comme les autres feuilles, conféquemment par la fufceprion des fucs extraits par les racines. On peut donc remarquer dans les feuilles féminales deux féves & deux mouvemens différens; l’une eft par ces feuilles portée vers le corps de la plante, & l’autre pompée par les racines & élevée vers les feuilles féminales. Or, l'analogie remarqua- ble qu’on apperçoit entre les feuilles féminales & les vraies feuilles, ne permet pas de douter que leurs fonctions ne foient femblables, & qu'ainfi ces deux féves & ces deux mouvemens n’exiftent dans les unes comme dans les autres. — Lors donc que la jeune tige s’eft élevée & qu'elle a déployé à l'air fes vraies feuilles , celles-ci afpirent l'humidité de l'air qu’elles diftri- buent au corps de la plante; elles peuvent donc fuppléer aux feuilles féminales qui deviennent d'autant moins néceflaires , que les premières fe font développées en plus grand nombre. Enfin , le feuillage étant devenu confidérable , les feuilles féminales fe defféchent & périlenc, & l'on voit que cette fuppreflion eft alors à-peu-près indifférente. Il me femble que ces réflexions peuvent répandre un grand jour fur une queftion fameufe & qui partage encore aujourd’hui les Phyf- ciens, fur la queftion de favoir fi la féve circule dans les plantes. 11 eft vifble au moins qu'elle y a deux direétions oppofées, puifque , tandis qu’elle monte des racines vers les feuilles , elle defcend des feuilles vers les racines. Je ferois donc porté à regarder les feuilles comme le réfervoir commun de la féve. Cette idée fe préfente fi naturellement, que je fuis furpris que perfonne ne l'ait encore propofée. Pour vous , M. vous ne la trouverez peut-être qu'étrange ; car, en matière de fcience tout ce qui eft nouveau révolte fouvent les efprits & ne s’accrédire que difficilement. J'efpère néanmoins que vous ne me condamnerez pas ayant de m'avoir entendu. D'ailleurs votre impartialité, vos connoif- 178 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fances, votre difcernement & votre fupériorité n’infpirent aflez de con- fiance pour vous dévoiler toutes mes conceptions. Je vais donc vous expofer , en peu de mots, mon fyftème fur la circulation de la {éve. Nous avons déjà vu que les vaiffeaux dont Grew & M. Bonnet ont apperçu les traces dans les lobes, doivent ètre confidérés comme autant de petites racines qui pompent dans le uffu cellulaire des lobes, les fucs neceflaires pour le développement de l’embrion. Ces mêmes racines exiftent dans les feuilles féminales qui ne différent point des lobes, & partant, dans les vraies feuilles qui font effentiellement orga- nifées comme les feuilles féminales. Ainfi, la fonétion des feuilles en général eft femblable à celle des lobes , de forte qu'elles font à la plante, ce que les lobes font à l'embrion. Tant que la radicule n’a point percé fes enveloppes, il eft évident ove le tiffu cellulaire des lobes fournit feul à la nutrition & à l’accroif- fement de la plantule. C’eft dans cette fubftance que les fucs reçoivent la préparation convenable. La racine n'a pas plutôt pénétré dans la terre qu'elle y pompe de nouveaux fucs. La fuccion des racines concourt au développement de la plante avec l'afpiration des lobes, des feuilles féminales & des vraies feuilles qui ne tardent pas à paroître. Alors la plante fair des progrès rapides. Mais il ne faut pas fe perfuader que les fucs entrent fous cette première forme dans la compofition du végétal. Si ceux qui font abfor- bés par les lobes & par les feuilles ont befoin d’être élaborés avant tout dans le tiffu cellulaire, croira-t-on que la même préparation n'eft pas nécelfaire à la féve afcendante ? Or, n'eft-il pas naturel de penfer que le mème organe eft deftiné à préparer les uns & les autres? Je fuppofe donc que le végétal s'élève par degrés dans les tubes capillaires des racines , qu'il parvient ainfi jufqu’aux pédicules des feuil- les, qui, comme vous le favez, M., font une production du boïs & de l'écorce, & que delà, il fe diftribue par les différentes ramifications du pédicule, jufques vers les extrémités des feuilles. C’eft delà que je conçois que la féve encore crue &c indigefte coule dans le tiflu cellu- laire, où elle reçoit la mème préparation que celle qui eft abforbée par ces mêmes feuilles. Lune , ainfi que l’autre, fe filtre, s’atrénue & s’épure dans certe fubitance, d’où elle eft pompée de nouveau par une infinité de petits canaux qui sy perdent & qui aboutiffent aux nervures, & delà , dans la nervure principale, puis dans le pédicule , dans le tronc & les raci- nes, mais par des canaux différens de ceux par où coule la féve afcen- dante, Si cette explication eft jufte routes les production du bois & de l'écorce doivent être attribuées à la féve defcendanre, c'eft-à-dire , à la féve qui coule des feuilles vers le tronc, puifque ce n'eft que dans h * SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. «75 les feuilles qu'elle reçoit la préparation convenable pour s’affimiler à chaque efpèce de végétal & fe convertir en fa propre fubftance. Or, certe conjeéture fe trouve confirmée par diverfes obfervations, Car, 1°, la radicule s’accroic vifiblement par la fufception des fucs préparés par les lobes, ou par les feuilles féminales que je n’en diftingue point, & partant, par la féve defcendante. 2°. Les bourgeons des extrémités fe développent les premiers ; parce que la féve defcendante y arrive plutôt qu'aux bourgeons des parties inférieures. 3°, Si l'on enleve fur une branche un anneau d écorce , il fe formera un bourrelet à la partie fupérieure de la plaie. 4°. Les arbres & les plantes auxquels on arra- che beaucoup de feuilles, ou dont les feuilles périffenc en grand nom- bre par quelqu'accident, ne font prefqu'aucune production, & je ne doute pas que fi l’on effeuilloit exaétement & à plufeurs reprifes un végétal quelconque, il ne périt en peu de tems. En effer , ce végétal ne pouvant fe nourrir que par des fucs modiñés d’une manière analogue à fa nature particulière , & les feuilles étant les organes dans lefquels s'opère cette modification , il eft vilible qu'on ne peut les retrancher que l'arbre ou la plante ne languille ou ne meure d’inanition. En fuivant les mêmes idées, il eft facile de concevoir qu'il exifte dans chaque efpèce de plante deux fortes de féves dont les qualités font fort différentes. La première fera la féve crue & groflière, telle qu’elle eft pompée par les tubes capillaires des racines ; la feconde fera l'extrait de celle-ci, après qu’elle aura été filtrée & élaborée dans le tiffu cellulaire des feuilles ; la première fera à-peu-près la même dans toutes les plantes; la feconde fera différente fuivant les diverfes efpè- ces de végétaux , & la ftruéture particulière des filtres où elle aura reçu fa préparation. Déjà, vous de ; M., que la féve deftendante fera proprement ce que les Phyfciens nomment la lymphe , & la féve defcendante, ce qu’ils nomment le fuc propre. Vous voyez également ce que nous devons entendre par vailleaux ne & vailleaux lymphatiques. Il n’eft donc plus éronnant que la lymphe des différens arbres ne préfente aucune différence fenfible ; ni que le fuc propre paroifle couler de haut en bas , tandis que la lymphe femble fuivre une direétion contraire. Enfin, on apperçoit pourquoi la lymphe coule au commencement du Printems & pourquoi elle s’arrète lorfque les feuilles viennent à s'étendre. La terre s'étant déjà échauffée & la chaleur ayant raréfié les fucs qu'elle contient, ces fucs enfilent les canaux des racines & pañlent dans le tronc & les branches. Alors, la féve qui n’a pas encore été préparée, eft grofière & lymphatique , & c’eft fous cette forme qu’elle s'écoule par les plaies qu'on fait dans cette faifon fur les parties qui la con- tiennent. Cependant , elle parvient peu-à-peu jufques dans les boutons & dans les rudimens des feuilles. La petite quantité qui s’y infinue y eft élaborce & redefcend dans le corps de l'arbre, Enfin, les boutons 130 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; s'ouvrent & les feuilles fe déploient : bientôt il pafle beaucoup dé féve dans les feuilles, qui abforbent d’ailleurs l'humidité de l'air; cette féve après y avoir été préparée eft renvoyée dans toute la fubftance du végéral. Alors, le corps de l'arbre contient deux fortes de féve, la féve crue & groflière ou la lymphe, & la féve élaborée ou le fuc pro- pre : fi donc on fait une incifion à l'arbre , ces deux féves couleront à la fois & fe méleront de forte qu'on ne reconnoîtra plus la qualité lym- phatique. Mais les écoulemens feront moins abondans, parce que les feuilles étant déployées la tranfpiration diminuera confidérablement le volume de la féve. Vous m'avouerez , M., que l’hypothèfe dont vous venez de voir le précis a quelque degré de vraifemblance, du moins au premier coup- d'œil. 11 me femble que ce méchanifme eft fort fimple & très-propre à expliquer les phénomènes. Vous ne m'objecterez pas, je penfe , que cette explication ne peut fe rapporter qu'aux plantes dont les lobes fe convertiffent en feuilles féminales. Si j'ai pris celles-ci pour exemple, ce n'étoit que pour ren- dre mes idées plus fenfibles. Mais n’eft-il pas clair que les fonétions des lobes doivent être les mêmes , fair que ces lobes périffent en terre, foit qu'ils s'épanouiflent à l'air, Le Docteur Grew & M. Bonnet n'ont-ils pas découvert dans les lobes de la féve les mêmes ramifica- tions que nous appercevons dans les feuilles féminales? Vous convien- drez donc aifément, M., que les lobes font deftinés aux mèmes ufages que les feuilles dans les unes & dans les autres, & qu'enfin mon fyf- tème fur la circulation de la féve ef également applicable à toutes fortes de végétaux. Dans les efpèces dont les lobes périffent dans la terre, ils y fabif tent & ils y fourniffent à l’accroiffement de la plantule jufqu'à ce que les premières feuilles fe foient épanouies à l'air, Alors , la racine a percé la terre, les feuilles s’imbibent à l’eau comme les lobes dans la terre, & les racines tranfmetrent à ces feuilles les mèmes fucs dont les lobes s'étoient abreuvés. Ces fucs font filtrés & digérés dans les feuilles , comme ils létoient d’abord dans les lobes, & diftribués de la mème manière dans le corps de la plante. Lors donc que les feuilles commencent à paroïtre » les lobes deviennent moins néceflaires ; quand elles fe font augmentées confidérablement en nombre & en étendue, ils deviennent inutiles & c’eft alors qu'ils périllent. Quelquefois les lobes font remplacés d’abord par les feuilles fémi- nales. On peut diftinguer dans ces efpèces deux fortes de lobes ; les lobes fupérieurs & les lobes inférieurs : ceux-ci, c’eft-à-dire les feuilles féminales , ne différent pas plus des lobes proprement dits que dans les efpèces où les lobes fe convertiffent en feuilles féminales. J'ai vu un radis qui ayoit quatre feuilles féminales rout-à-fair femblables. Quoique SURLHIST. NATURELLE ET LES ARTS, : 81 Quoique deux de ces feuilles faffent une monftruofité , cependant comme les deux autres n'étoient certainement que les lobes mèmes déployés à l'air, on peut conclure de cette reflemblance , que dans les efpèces où les lobes ne fe convertiffent point en feuilles féminales , ils n'en différent néanmoins ni par leur organifation ni par leurs fonc- tions. Dans d’autres efpèces les lobes font remplacés immédiatement par les vraies feuilles. Ainfi, ces feuilles y tiennent lieu de feuilles fémi- nales, C’eft ce qui arrive dans quelques plantes légumineufes, dans le pois, la féve, &c. J'ai voulu voir dans ces efpèces l’utilité des lobes à l'époque où la jeune tige commence à paroître. J'ai donc fait gerimer des pois; lorfqu'ils ont percé la terre , je les ai levés; la racine s’écoit déjà fort allongée. J'ai fupprimé à trois de ces pois les deux lebes, j'ai retranché aux trois autres la radicule jufqu’à fa naiffance. Je les ai phares de nouveau dans un même vafe rempli de terre que j'ai eu oin de tenir à l'ombre. Les uns & les autres ont végété avec beau- coup de lenteur, mais la Vis de ceux qui manquoient de lobes a €té conftamment plus foible ; ils ont toujours été plus petits & d’un verd moins fort que les autres, J'ai conclu de cette obfervation, que dans les jeunes plantes les lobes font plus néceffaires que les racines mêmes. Lorfque j'ai vifité les racines des pois de mon expérience , je les ai trouvées en bon étar dans les uns & dans lés autres. Dans les pois qui avoient fubi l'ampuration de la radicule , elles s'éroient fort mul- tipliées, & elles partoient en grand nombre autour de la coupe. Dans les autres, la radicule s'étoit allongée & elle avoit pouifé plufeurs ra- cines latérales, mais plus foibles. 11 n’eft pas étonnant que ceux-ci aient végeté plus difficilement que les premiers, puifque les racines renaif- foient en foule & que les lobes ne pouvoient fe réparer. Il eft aifé d'ailleurs de concevoir comment les pois à qui j'avois SAEPE la racine, en reproduifoient fi vigoureufement de nouvelles, puifqu’ils avoient confervé les lobes & que ces organes font primiti- vement deftinés à faire croître la racine. Leur végétation devoit néan- moins être plus foible, que fi on ne leur avoit rien retranché , puif- qu'ils perdotent les fucs qui leur auroient été tranfmis par la racine déjà ve A l'égard des pois auxquels j'avois fupprimé les lobes , on voit fa- cilement pourquoi ils faifoient fi peu de progrès. None même qu’ils auroïent dû périr ; car, fi les lobes font le filtre qui doit d’abord épurer la féve d'une manière convenable pour qu’une plante puille fe l'aflimi- ler, comment une jeune plante peut-elle végerer fans les lobes ? Mais vous remarquerez, M., que les pois avoient déjà quelques feuilles , & Tome XIV. Part. IL. 1779. SEPTEMBRE. Aa 182 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, c'eft une preuve de plus que les feuilles ont à-peu-près la même def- tination & la même organifarion que les lobes. Voilà des idées, M., que je foumets à votre expérience & à votre jugement, Il me refteroit à expliquer dans ce fyftème un grand nom- bre de phénomènes particuliers , mais j’attends pour cela vos réflexions. Cerre lettre d’ailleurs n’eft déjà que trop longue, &c. &c. AC EN JU: O\ L''RUE Sur le fel qui fe forme par un long repos fur le réfidu que l'on trouve au fond de la cucurbite , après la reétification de l'éther vitriolique ; & fur un autre Phénomène obfervé dans la diftillation du même éther, en employant un efprit-de- vin retiré du marc de nos raifins. Par M. MONTET , de la Societé Royale des Sciences de Montpellier. Ur grand nombre de Chymiftes modernes nous a donné différens rocédés pour retirer une très-grande quantité d’éther de différens mê- Ée de l’huile de vitrrol & de l’efprit-de-vin, foit par poids, foit par mefures. Ils s'accordent tous aujourd’hui à penfer que c’eft par poids qu'il faut procéder , & employer une aflez grande dofe d’efprit-de-vin & d'huile de vitriol , pour obtenir beaucoup d’éther. Ce que je viens de dire eft configné dans tous les livres des Chymiftes modernes. Dans le tems du dernier concours à une Chaire de Médecine vacante, l’un des Concurrens me demañda mon avis fur la nature de l’éther , & fi on ne retiroit aucun fel du réfidu de la rectification. On fait qu'après avoir retiré par la première diftillation tous les produits que donne le mêlange d’une certaine quantité d’huile de vitriol & d’efprit-de-vin , il faut diftiller de nouveau pour féparer l’éther pur; que certe liqueur con- tient très-fouvent de l'acide fulphureux volatil, & qu'on y verfe aupara- vant une cértaine quantité d’huile de tartre par défaillance, pour abfor- ber le peu d'acide fulphureux qui étoit monté vers la diftillation. Cer efprit fulphureux , dès qu'il s'annonce dans le progrès de la diftillation de l’éther , eft le figne non-équivoque qu’il faut défapareiller le vaiffeau, & que l'opération eft finie. Par la feconde diftillation qui eft la rectification de l’éther, faite feu- ’ = tt SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 18; lement pour féparer un à un tous les produits de la première dittillation, le premier qui pafle , comme le plus volatil , eft l’'éther, enfuite l’efprit- de-vin qui n'a prefque point fubi d’altération , ce qui forme en partie les gouttes d'Hoffman, & il refte au fond de la cucurbite ou de la cornue une liqueur un peu louche, fur laquelle nagent quelques gouttes d’une huile qui s’épaiflit par vétufté , ce qui forme un véritable bitume liquide, où huile pétrole, outre l’alkali fixe fluor que l’on à jecté fur toute la malle du produit de la première diftillation, par rapport au peu d'acide fulphureux qu’elle contient. Cette liqueur expofée à l'évaporation & cryftallifation , n'a jamais produit aucun, fel, fuivant l’expofé de la thèfe du précendant à ia Chaire de Médecine dont j'ai déjà parlé. Je ferai remarquer que dans les nombreufes opérations que j'ai faites en grand fur l’écher , j'ai toujours obtenu un fel de ce réfidu de la feconde diftillation , foit que la liqueur tirée du premier procédé fût avec odeur ou fans odeur d’acide fulphureux volatil ; car j'ai fouvent délutté le balon pour en fubftituer un autre, avant que l'acide fulphureux s’annonçit , afin de voir fi dans la feconde diftillation le réfidu me donneroit du fel cryftallifé , en verfant fur le produit de la première diftillation , de bon alkali fixe Auor , mème jufqu’à furabondance. J'ai toujours eu plus ou moins de fel cryftallifé ; & voici comment je l'obriens, La plupart des Chymiftes en reétifiant l’éther , fe fervent de la cornue comme de la première diftillation : je me fers pour rectifier mon écher, d’un alambic d’une feule pièce, que je trouve br plus commode pour faire cette opération. J'ai déjà dit qu'on verfoit de l'huile de tartre par défaillance, très- pure & très-limpide , fur rous les produits que l’on a retirés par une diftillation graduée d'un mêlange de parties égales d’huile de vitriol & d’efprit-de-vin rectifié. Après que j'ai retiré toute ma liqueur du balon, je la verfe par un long entonnoir dans mon alambic d’une feule pièce, ë j'y verfe tout de fuite de l’huile de rartre par défaillance , en quantité toujours fuffifante pour abforber tout l’acide que cette liqueur peut con- tenir ; je lutte bien le bouchon de cryftal qui eft à la rète du chapireau, & je procède enfuite par degrés à rerirer tout mon éther que je fépare. Quand il a tout pallé , je retire l’autre produit , qui eft de l'efprit de-vin uni à une petite portion d'huile éthérée , qui forme des gouttes d'Hoff- man; & ce qui refte dans le fond de la cucurbite eft une liqueur un peu filante , d’une odeur de phlègme d’eau-de-vie un peu louche ; je bouche ma cucurbite avec foin, au haut du chapiteau, au moyen d'un bouchon de cryftal, du lut gras , & d’un bouchon de liége placé à fon bec, & enduit du même lut. Je le laifle repofer une, deux ou trois an- nées, & je trouve au bout de ce tems dans cette liqueur filanre, de 1779 AOUST. Aa: / 184 OPSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, magnifiques cryftaux de tartre vitriolé /1), plus ou moins gros, fuivant la quantité d’écher que j'ai diftillé, & dont la forme (qui leur eft propre) eft très-allongée. Ils font enduits d’une matière poifleufe, que je lave plufieurs fois avec de l’eau froide pour l'emporter. Malgré ces lotions, les cryitaux confervent l'odeur propre de la liqueur où ils fe font formés. On ne pourra pas m'objeéter que l'acide de l'air (que les Chymiftes modernes appellent phofphorique ) ait donné lieu à la formation de ces fels, puifque l'aétion de l'air étoit incerceptée d’une manière non équivoque. | Je dis donc que j'ai toujours obtenu du tartre vitriolé , de la liqueur qui refte après la rectification de lécher, foit que j'aie employé les pro- duits de la première diftillation avec l'odeur de l'acide fulphureux vo- latil , foit fans odeur , ayant dépareïllé avant que ce produit s'annonçär. Cette dernière expérience prouve très-clairement quil paffe pendant la diftillation de l'éther, de l'acide vitriolique en nature, qui acquiert peut-être dans cette opération un degré de volatilité. M. Baumé , qui a pe (1) De prefque tous les Auteurs qui ont traité de la diftillation & de la re&ification de l'éther , les Elémens de Chymie de Dijon, font prefque les feuls qui parlent du fel que l’on trouve dans le réfidu de la rectification. Comme les Auteurs de ces Elémens & M. Montet ne font pas exactement d'accord , on fera peut-être bien-aife de voir ici rapprochés les deux fentimens. Après avoir donné le. procéde de la retifi- cation de l'érher vitriolique, les Académiciens de Dijon, ajoutent, ( vol. 3.p. 307. } # ce qui refte dans la cornue eft de l'efprit-de vin, de l'alkali fixe, & une portion # de {el neutre, que l'on fuppofe formé par l'union de l'acide fulphureux & de l'al- # kali fixe. Ce fel dépofé au fond des vaifleaux She contenoïent le réfidu de l'éther, æ ayant été diffous dans l’eau diftillée & enfuire évaporé jufqu'à pellicule, s’eft en w effec cryftallifé en aiguilles, & en houppes, comme le fel fulphureux de Srhaa! , » mais il a réfifté à l'acide virriolique, tout de même que le tartre vitriolé «, La différence qui nous paroïît exifter entre le fel (ulphureux de Sthaal des Elémens de Chymie de Dijon, & les magnifiques cryftaux de tartre vitriolé de M. Monter, vient du rems de leur formation. En failant cryftallifer ce fel & l'examinant auffi- tôt après l'opération de la rectification de l'éther, une partie de l'acide fulphureux ou plutôt le phlogiftique étant uni encore en très-grande quantité 2 l'acide vitrioli- ue, forme la combinaifon de l'acide fulphureux avec l'alkali fixe, d’où réfulte le a fulphureux de Sthaal. Mais fi, avec l’Auteur de ce Mémoire , on laifle repofer le réfidu deux ou trois années, alors le phlogiftique fe dégage de lui-même de l'acide vitriolique , l'acide fulphureux difparoît, & le fel fulphureux ne devient plus que du tartre vitriolé. Cela eft fi vrai qu'il ne faut pas même attendre plufieurs années pour cet effet: prenez feulement une certaine quantité de fel (ulphureux de Sthaal, laifé-la repoler à l'air pendant quelques jours; le phlogiftique.qui empêche la com- binaifon intime & fixe de l’acide vitriolique à l'huile de tartre , s'évaporera, l'adhé- rence de l'acide à l’alkali augmentera en proportion, & l'on aura du tartre vitriolé. Si le fel fulphureux des Académiciens de Dijon, a refifté à l'acide vitriolique com- me le tartre vitriolé, c’eft fans doute qu’il étoit beaucoup plus près de l'état de ce dernier {el que du premier. (Note des Rédaëteurs du Journal.) SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. 186 travaillé fupérieurement fur certe matière , n’en dit pas un mot. Dans la décompoltion de lefprit-de-vin , fuppofe qu'elle s'opère par l'acide vitriolique , l'acide qui entre dans fa compofition , €ft d’une autre nature, & ne forme point de tartre vitriolé avec l’alkali fixe. On peut confulter li-deffus le Mémoire de feu M. Romieu , Membre de cette Société. J'ai obfervé que l’efprit-de-vin que l’on retire du marc de nos raifins(r), donnoit deux éthers différens , fi je puis m'exprimer ainfi. J'avois rectifié de l’efprit-de-vin provenu du marc du raifin ,il avoit une légère odeur d'empireume , & paroïfloit être plus denfe que l’efprit-de-vin retiré de vins généreux. J’avois quelque peine à me réfoudre à l'emplo er à une pareille opération ; cependant je voulois voit la quantité d’éther que produiroic un pareil efprit-de-vin, qui eft d'ordinaire plus huileux que celui dont nous nous fervons. Je l’oubliai pendant un tems allez long, & je fus agréablement furpris en revenant à mon opération, de voir que l'odeur d'empireume avoit entièrement difparu. 4 Je pris fix livres de cet efprit-de vin, & autant d'huile de vitriol, je procédai à l'ordinaire à la diftillation , & dès que j'apperçus que tout mon éther d’un pareil poids d’efprit-de-vin étoit paflé ( ce que l'habitude nous donne) fans attendre que l'acide fulphureux s’annonçät, je verfai ma liqueur contenue dans mon balon » dans un grand flacon de cryftal ; j'adaptai tout de fuite le même balon à ma cornue que je lurtai bien, & je continuai mon opération. Je fus furpris d’avoir une huile très-léoère , limpide & abondante, nageant fur un peu de liqueur d’une odeur très-fuave ; j'allois de rems en tems déboucher le petit trou de mon balon , pour voir fi l'acide fulphureux fe faifoir fentir. Dès qu'il s'an- nonça , je déluttai mon balon , & j'eus environ quatre onces d’une huile éthérée très-volatile , fans aucun mêlange d’autre liqueur, & qui peut être employée avec fuccès dans les maladies nerveufes ; je continuai enfuite ma diftillation , & j'eus un peu d’huile citrine qui nageoit fur la liqueur phlegmatique, chargée fortement d'acide fulphureux volaril. (x) Ce n'eft que depuis quelques années , que plufieurs Particuliers, en petit nombre, difüillent en grand le marc de nos raifins. Nos vins rouges en général font fort {piri- tueux & aflez bien colorés. Par conféquent, le marc qui en provient doit l'être auffi, attendu que quand il fort du prefloir , il n'eft pas fort fec, étant mal-preffé. Le vin ue l'on tire par le fecours du preffoir , eft toujours plus coloré que celui qui fort tout Fee de la cuve ; par la raifon que la liqueur que ce marc contient, fe charge plus de la partie colorante de la peau du raifin par cette preifion méchanique. Ce n'eft pas comme dans d'autres Provinces, par exemple , en Bourgogne, dès qu'on retire Le marc des raifins de deflous le prefloir , on le prendroit pour du bois, & on fetire encore de ce marc de l'eau-de-vie, en y ajoutant de l'eau, & le faifant fermenter; & dans notre Province, ceux qui ne vendent pas le marc pour faire de l'eau-de-vie, en fonc de la piquette , en y verfant beaucoup d'eau, & Le laiffant cuver fept à huit jours. 156 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, M. Baumé (voyez le troifième volumé de Savans Etrangers ), aflure dans fon Mémoire fur l’écher, que le plus qu'on retire de cette huile citrine d’un mêlange de fix livres d'huile de vitriol_& d’autant d’efprit- de-vin , eft d’un gros, & tout au plus demi-once, Par le procédé que je viens d'indiquer, en employant de l'efprit-de- vin tiré du marc de nos railins, on a deux éthers que j'ai fait voir à la Compagnie ; favoir le premier qui eft Le plus volatil, & qui eft pour ainfi dire l'efprit-reéteur , & l’autre l'huile effentielle, Cette expérience prou- veroit que l'huile de vitriol ne fait que dégager progreflivement dans la diftillation l'huile eflentielle la plus volatile de l’efprit-de-vin tiré du marc, & qu'à mefure que la liqueur s’épaiflit, une partie de cette huile la moins volatile eft attaquée par l'acide vitriolique, qui s’y unit & lui donne une confiftance plus épaifle, qui forme cette huile citrine analc- ue aux huiles par expreflion, & qu'une autre partie de certe huile eft Prâlée à mefure que l'acide vitriolique eft rapproché, & devient plus concentré par le progrès de la diftillation , l’efprit-de vin l'ayant fort étendu & noyé par l'eau qui entre dans fa compofition. Voilà pour- quoi ce réfidu eft fi noir & rempli de couches minces charbonneufes. M. Baumé , qui a poullé l'analyfe de cette fubftance jufqu’au bout , en a retiré du foufre pur, outre beaucoup d’acide fulphureux volatil. Ce qui prouve ce que je viens d'avancer, c’eft que certe huile de vitriol qui a fervi au dégagement des deux éthers dans mon opération, peut fervir encore fous cetre forme à dégager de nouvel éther, fi on ajoute de Fefprit-de-vin en moindre quantité, & que l'on procède comme dans la première opération. Ceci appartient à M. Cadet, qui a lu un Mé- moire là-deflus à une Affemblée publique de l’Académie Royale des Sciences, configné dans le Journal de M. l'Abbé Rozier, & qui a paru depuis la leéture de ce Mémoire dans le volume de l’Académie Royale des Sciences de l’année 1774, & vient à l’appui de l'explication que je donne , comment l’huile de vitriol dégage l’écher contenu dans l'efprit- de-vin, Quoique M. le Comte de Lauraguais ait avancé ( voyez le volume de l’Académie Royale des Sciences de l’année 1758 ) qu'une petite partie d’éther vitriolique fe diflout dans l’eau, je penfe que les échers varient beaucoup ; fuivant l’efprit-de-vin que l'on employe. La plupart provien-- nent de vins qui tirent fur l’aigre, & ces efprits contiennent beaucoup lus d’acide que ceux qui font tirés des vins généreux & de bonne qua- fe: ceux-ci donnent toujours un éther plus agréable, plus inflammable, & conféquemment moins mifcible à l’eau, s’il a été bien rectifé. pt 6. SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 187 EE mn SUR LES CRYSTALLISATIONS Obfervées fur le Verre; Par JAMES KEIR, Ecuyer. Or connoît depuis long-tems la figure particulière du cryftal de roche ; & l’on fair que le verre de Mofcovie, les pierres précieufes, les pyrites , les minérais , les métaux (1), les fels, l'eau (2),& l'huile (3), foumis à certain degré de chaleur, de froid , de fluidité & d’autres cir- conftances nécellaires , affectent une figure uniforme. Beaucoup d’autres fubftances cryftallifent auffi. Il y en a plufeurs dont les parties offrent une figure déterminée dans leur caflure : tels font le bifmuth , le régule d’antimoine , le zinc & tous les autres corps métalli- ques , dont les parties fe rompent fans s'étendre. Il y a mème lieu de croire que l'or, l'argent, le plomb & létain, pourroient acquérir cette régularité de grain, par des moyens particuliers; car M. Homberg à remarqué que le plomb, qui n’eft pas duétile dans l’état de chaleur, rompu à chaud , offre une texture grenue. Peut-être tous les corps homo- gènes fe cryftalliferoient-ils en paflant de l’état de Auidité à celui de folidité, fi ce paflage n'éroit pas trop fubit. C’eft au moins ce que j'ai vu dans du verre , qui s’étoit folidifié très-lentement. La forme, la ré- gularité & la grandeur des cryftaux ont varié felon les circonftances qui en accompagnent la concrétion. Les échantillons, 7°. 1, ont été pris au fond d'un grand por, qui avoit refté dans un fourneau de verrerie, pendant qu'on laifloit éteindre lentement le feu. La malle de la matière chauffée étoit fi grande, que la chaleur dura long-tems fans ajouter du chauffage, & que la concrétion (1) On a trouvé de l'or natif cryftallifé. M. Romé de l'Ifle dit (Efui de Cryfal- Lographie , p. 390.) avoir vu des cryftaux d'or natif à huit pans , comme ceux d’alun , & un autre en lame hexagone. On en peut voir de beaux échantillons au Cabinet du Docteur Hunter. L'or fe cryftallife encore par le fecours de l’art. Ayant verfé un peu d'écher fur une folution de ce métal dans l’eau régale, je trouvai au bout de quelques mois, l'or féparé du menftrue, fous la forme de prifmes polygones bien diftinéts. (z) On connoït parfaitement les formes variées & régulières des particules de la ncige , qui n'eft que de l'eau cryftalliféc. (3) Les cryftaux que le froid produit dans l'huile de faffafras, font, comme on l'a remarqué, de crès-beaux prifmes hexagones réguliers, \ 188 OBSERVATIONS SUR L'A PHYSIQUE, du verre far très-longue. Je trouvai la partie fupérieure du verre changée enune matière blanche , opaque, ou plutôt demi-opaque, dont la cou- leur & le tiffu reffembloient à une efpèce de verre de Mofcovie. Sous cetre croûte , qui avoit un pouce d’épaifleur ou davantage ; le verre éroit tranf- parent, quoique fort obfcurct, & devenu d’un gros bleu, d'un verd foncé qu'il étoit. On trouvoir , fur ce verre, plufieurs cryftaux blancs opaques, qui avoient généralement la forme d’un folide, vu de côté, fs. 1, planche 1 , & par la bafe fig. 2. Leur furface fe termine par des lignes plutôt elliptiques que circulaires , difpofées de manière qu’une fection tranfverfale du cryftal eft un hexagone, repréfenté fig. 3 & 4, dont la première offre la vue, l’autre un plan de cette feétion. On voit au milieu de chaque bafe du cryftal , une cavité conique, fe. 1 & 2. Les lignes elliptiques , qui terminent la furface des cryftaux, paroiffent for- mées par a bords de plufieurs lames minces , rangées autour de l’axe de chaque cryftal , de façon que leurs diamètres longitudinaux lui font pa- rallèles. Il y en a douze plus larges, plus vifibles & mieux définies que les autres. Elles font placées par paires , à égale diftance l’une de l’autre, formant les fix angles de la fection & de la bafe héxagone, comme on le voit fe. 1, 2, 3 & 4. Leurs intervalles font remplis par de plus petites lames, qui adhèrent à leurs côtés ainfi qu'entre elles , fous un angle de 60°, & par une fubftance un peu moins opaque, d’une couleur plus foncée que celle des lames. La grandeur des cryftaux contigus ou voifins les uns des autres , ne différoit pas beaucoup, quoique celle de ceux qui fe trouvoient à différentes profondeurs du même pot, lé fit confidérable- ment. Leur plus grand diamètre étoit d'environ - de pouce, de forte que nos fig. 1,2, 3 & 4 les préfentent extrèmement groflis. Ils ne font pas tous auf exactement configurés que ceux-ci; mais la plupart ont une régularité fi frappante , qu'on ne peut douter que la cryftallifation ne foit parfaite: ù Le verre, marqué 7°, 2, offre une autre efpèce de cryftallifation : je l'ai pris au fond d’un pot qui avoit été tiré du fourneau , pendant que le verre étoit rouge. Il y a deux fortes de cryftaux : ceux de la fe. s font des colonnes hautes d'environ un huitième de pouce, larges d’un cin- quième de leur hauteur, & irrégulièrement cannelées ou fillonnées de rainures. Les autres, repréfenrés fe, 6, 7 & 8, ont leurs bafes prefque du même diamètre que les précédens; mais leur hauteur eft beaucoup moindre, & ne fait qu'environ un fixième de leur largeur. Leurs bafes fe rerminent par des lignes qui paroiïffent déchirées & irrégulières; mais plufieurs tendent à une forme héxagone, dont la réoularité peut avoir été troublée par le mouvement du verre fondu, qui, en tirant le pot du fourneau , aura forcé & plié ces cryftaux crès- minces, pendant qu'ils éroient chauds & flexibles. Les échantillons, 2°. 3 , fortent d’un pot de verrerie, fur le côté a que _— de rt déni tem SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 159 quel avoit coulé un peu de verre fondu, qui y adhéra affez long-tems pour former différentes fortes de cryflaux. L'intérieur de ces échantillons eft aufli couvert d’un verre différemment cryftallifé. Quelques cryftaux femblent des demi-colonnes , qu'on voit par le côté plat , fig. 9. D'autres, Fig. 10, paroiflent compofés de plufeurs demi-colonnes, réunies fur un même plan, autour d’un centre commun , comme les rayons d’une roue, Plufieurs de ces rayons femblent s’étrecir en approchant du centre de la roue, & relfemblent par conféquent plus à des fegmens de mor- ceaux de cônes coupés fuivant leur axe, qu'à des cylindres. Mais peut- être cette apparence vient-elle uniquement de ce que les demi-colonnes font rangées près du centte de la roue, de façon que le bord de l’une repofe fur celui de fa voifine, comme les rayons d’un éventail. L’échantillon de verre, 2°. 4, avoit coulé par la fente d’un pot, & adhéra aflez long-rems aux barres de la grille du fourneau pour cryf- tallifer. Quelques cryftaux paroiflent oblongs comme des aiguilles, d’autres globulaires où d’une figure approchante. Plufieurs de ceux. qui font en aiguilles fe joignent à un centre commun; & quoique le rop Rome refroidiffement du verre les ait probablement empèchés de s'unir en aflez grand nombre pour former des cryftaux globulaires complets , ils montrent affez comment ceux qui le font ont pu le devenir. Toutes les cryftallifations que je viens de décrire, ont été obfervées fur un verre à vitre d’un verd noir, qui fe coule à Stourbridge. Il eft compolé, de fable, de terre calcaire & de cendres de végétaux leflivées. Il y a encore fouvent des cryftallifations dans le verre des bouteilles ordinaires, dont les matériaux font prefque les mêmes que ceux donc je viens de parler, fauf des fcories de fer qu'on y ajoute quelquefois. Je mets ici l'échantillon, 2°. $. Les cryftaux n’y font pas enfouis-dans un verre tranfparent non cryftallifé, mais faillans à la furface de la malle, qui eft toute opaque & cryftallifée. Ils femblenr une lame d'épée à deux faces , tronquée par la pointe. Je n'ai pas vu de fi parfaits cryftaux que dans ces deux fortes de verre : c'eft qu'étant plus fluides & moins tenaces que tout autre , quand on les fond, les particules qui conftituent les cryftaux fe joignent plus aifé- ment, & s'appliquent les unes aux autres avec moins de réfiftance de la part du milieu. Peut-être auf cryftallifenc-ils mieux parce qu'ils con- tiennent plus de parties terreufes. Le cryftal ou ffine-glafs , tenu long-tems rouge à un grand feu, acquiert un louche , qui vient probablement de plufieurs particules blan- ches cryftallifées , trop petites pour être apperçues. Je foupconne mème que la blancheur opaque du verre , où il y a de l’arfenic, eft l'effet d’une cryftallifation à laquelle ce minéral difpofe certaines efpèces de verre ; car cerre opacité , étant plus grande que celle de l’arfenic même, ne peut fe communiquer à une plus grande proportion de verre tranfpa- Tome XIV, Part, II. 1779. SEPTEMBRE. Bb X 19 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, rent, par la feule interpolition méchanique de cette fubftance opaque ; qui n’a quelquefois qu’une demi-opacité. M.de Réaumur a obfervé que quelques efpèces de verre, expofées long- tems à certains devrés de feu, fe recouvrent d’une croûte blanche opa- que, & qu’en continuant la chaleur , tout le verre fe convertit à la fin en cette fubftance. C’eft ce qu’une prétendue reffemblance à de la por- celaine à fait appeller porcelaine de Réaumur , qui n’eft réellement que du verre confufément cryftallifé. La cryftallifation change confidérablement quelques propriétés du verre, Elle détruit fa tranfparence, & lui donne une blancheur opaque ou demi-opaque. Elle augmente fa denfité ; car celle d’un morceau de verre cryftallifé éroir à celle de l'eau comme 2676 à 1c00 : au lieu que la denfité d’un morceau non-cryftallifé, pris à côté du premier, conféquem- ment fair des mèmes marcriaux & expoft à la mème chaleur & auxautres circonftances étroit à celle de l’eau comme 2662 à 1000; la cryftallifarion diminue encore la fragilité du verre ; car celui qui eft cryftallifé ne fe fèle pas fitôt en paflant du chaud au froid. La cryftallifation eft roujours accompagnée ou précédée de l’évapora- tion des parties les plus légères & les plus fluides du verre. Un morceau tranfparent, expofé jufqu’à ce qu'il fut entièrement cryftallifé , perdit un cinquante-huitième de fon poids; & d'autres expériences me donnent à croire que le verre crop chargé de flux falins, fe cryftallife plus difficile- ment que les autres verres plus durs, jufqu’à ce qu’il en ait perdu le fu- perflu par l’évaporation. Ainf, il eft douteux que le changement des propriétés, caufé par la cryftallifation , ne foir que l’effer du changement de la texture des parties intégrantes du verre. Mais, quoique l'excès des flux falins ou autres puifle empêcher la cryftallifation , 1l n’en eft pas moins vrai que ce changement de propriété eft le principal ou le feul effet du changement de texture, comme le prouve l'obfervarion qui fuir : c’eft qu'un morceau de verre cryftallifé, foumis à une chaleur beau- coup plus vive qu'il ne faut pour le fondre, & refroidi enfuire fubite- ment, perd toutes les propriétés qu'il avoir acquifes , & revient du verre tranfparent fragile, quoique beaucoup plus dur, plus denfe & moins fufble qu'il n'éroit avant la cryftallifation, à caufe de lévaporation de fes parties les plus fubriles. Beaucoup d’exemples femblables prouvent combien les propriétés des corps dépendent uniquement du différent. arrangement de leurs parties intégrantes, ou de leur façon de cryftallifer. C’eft ainfi que le fer de fonte & l'acier , refroidis fubitement , acquièrent un grain beaucoup plus fin, font plus durs, plus élaftiques, plus caffans & fonores que quand on les huile, ou qu'ils refroidiflent lentement. La defcription de mes cryftaux vitreux montre des cryftallifations fort variées dans la mème efpèce de matière foumife à différentes circonftances ; elles SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 191 varient mème fouvent dans le même morceau de verre, comme je l'ai fait voir , quoique les circonftances n'ayent pas changé, Peut-être, dans ce dernier cas, la différence des cryftaux marque-t-elle fimplemenr les divers degrés de la cryftallifation ; car ceux des fg. 6, 7 & 8, trouvés dans le mème morceau de verre que ceux de la fs. 5, diffèrent princi- palement en hauteur de ces derniers, qui font peut-être eux-mêmes compofés d’un certain nombre des premiers, joints par leurs bafes, Les cryftaux en roue, fig. 10, femblent compofés de ceux en demi-colonnes, rangés autour d’un centre commun, comme les rayons d’une roue. J'ai déja remarqué que les cryftaux globulaires, n°. 4, fonc faits de plufeurs petits en forme A ; Convergeans vers un point central. Cette propriété de cryftallifer, découverte dans le verre, rend très- probable l'opinion que les afzltes font le produit de la cryftallifarion d’une /ave vitreufe , fondue par le feu des volcans. Les confidérations fuivantes viennent à l'appui de cette idée. Les bafaltes prifmatiques, & autres de forme régulière, font toujours accompagnés de traces de volcans, comme l'ont remarqué d’habiles. Naturaliftes , entr'aurres M, Defmareft (1), cet Auteur aflure qu'il s'en voit mème aujourd’hui parmi les produits des volcans ardens de l’Etna & de l'Ifle de Bourbon; — en fecond lieu , la matière du bafalte eft généralement de même nature & du même afpect que la lave environnante , & fuivant M. Defmarett, les bafalres prifmatiques d'Auvergne font actuellement une continua- tion, & en général la terminaifon d’un courant de lave. Troifièmement, la variété de la forme des cryftaux dans les mêmes efpèces de verre , ainfi que dans le mème morceau, montre affez l'in- certitude des conclufions qu'on pourroit tirer de la reffemblance de figure ; 11 convient pourtant de remarquer l’analogie qui eft à*cer égard entre les cryftaux de bafalre & ceux de verre. Les bafaltes cryftallifés font ordinairement en colonnes ou prifmatiques. C’eft juftement la forme des cryftaux repréfentés #7. $. Les cryftaux vitreux en demi-colon- nes , fig. 9, reflemblent aux demi-colonnes de bafaltes, que l’Evèque Pocock (2) a obfervées dans la Chauflée-des-Géans. M. Defmareft à trouvé en Auvergne beaucoup de concrétions de bafalces fphériques & ellipfoïdes , formées de colonnes polygones plus pyramidales que prif- matiques , convergeant de la circonférence au centre. Les concrérions vitreufes globulaires , dont nous avons parlé, montrent avec elles une parfaite analogie. Cet Auteur a vu, dans la même province, des tables de bafaltes régulières , dont les affemblages écoient accumulés dans toutes (1) Mémoire fur les Bafaltes de la Province d'Auvergne. Voyez Mémoire de l'Aca- démie des Sciences 1771. (2) Tran. Philof, Vol. XLVIII. 1779 SEPTEMBRE Bb 2 492 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, les directions : or ,les cryitaux, ffg. 1, 2, 3 & 4, font réellement des affemblages de tables , rangées en tout fens autour d’un axe commun. Enfin, la pierre qui porte les colonnes de bafalres , & qui s’en trouve uelquefois portée , érant de la nature & du tiffu de ces colonnes mêmes, raie une mafle irrégulièrement cryftallifée, comme les mafles des échantillons de verre , n°. 1 & 2, qui font évidemment de la nature des cryftaux voifins, & paroiflent formées d'un nombre de ceux-ci unis in- diftinétement ; car la forme particulière des cryftaux neft diftinéte que lorfqu'ils font ifolés ou féparés les uns des autres par un milieu tranfpa- rent ou différemment coloré. Tel eft le milieu interpofé entre les cryftaux vitreux , qui n’eft autre chofe que les parties les plus fluides du verre , qui réfiftent le plus à la concrétion , & qui, en continuant la chaleur, n’auroit fait, avec les parties déjà cryftallifées, qu'une feule fubftance blanche , opaque , où il n’y auroit eu du verre tranfparent, ou des cryftaux diftinéts , qu'a la furface comme dans l'échantillon, 2°. 5, où ils s'élèvent fur la mafle informe , comme les cryftallifations de bafal- tes fur la lave qui les fupporte. EXPÉRIENCES ÉLECTRIQUES Qui démontrent que l'eau peut propager la Commotion ; Par M. HORBERN BERGMAN. je L E AU, femblable à Protée, s'offre à nos yeux fous différentes formes, tantôt folide , tantôt fluide, rantôt fous l’état de vapeurs. Le froid en fait un corps dur, la chaleur lui rend d’abord fon etat de fluidité, & la réfout bientôt en vapeurs; je ne me propofe point de la confi- dérer fous différens points de vue, ni d'examiner fes propriétés dans chacun de fes états ; je m'attacherai feulement à éclaircir quelques points principaux de convenance & de difconvenance par rapport à l'électricité, 1QAC La glace, l'eau & les vapeurs conviennent enfemble: 1°. Parce qu'elles pcuvent recevoir l'éleétricité des autres corps & qu'elles la propagent facile- ment, Un glaçon peut enflammer l'efprit-de-vin : l’eau en tant que SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 393 liquide, eft un des meilleurs conduéteurs reconnu : les vapeurs qui s'élevent de l’eau bouillante , d’après l'expérience, jouiffent de la mème propriété. 2°. L'eau dans quelqwétat que ce foit, n'a pu encore produire par elle-même de l’élettricité; ce qui doit paroïtre étonnant, puifqu’on eft déjà venu à bout d’en tirer des métaux même. Peut-être cela vient-il lutôt de la difficulté & du défaut de méthode & de moyen, que de Là matière. 3% On n'a pu encore accumuler & fixer dans l'eau le fluide éle&trique par le moyen des chocs ou de l'érincelle. On ne peut douter cependant u’on n'en vint à bout en fe fervant de lames de glace d’une certaine cpaïlleur, & qui n’auroient point de bulles d'air ni de fentes. Mais je n'ai pu y réuflir. 4°. Il n'y a que des maffes confidérables qui tranfinettent La commotion. L'amas des vapeurs connues fous Le nom de nuages, propagent la foudre, mais de petites quantités ne donnent point d'explofion. Cette propo- fition a d’abord l'air grronné & même fous plufeurs afpeéts, mais les expériences fuivantes vont éclaircir rous les doutes. Elle répugne aux deux propofitions fuivantes : La Commotion éleëtrique fe propage parfai- tement à travers l'eau , © un morceau de glace placé au milieu d'une chaîne électrique , arrête le paffage de la Commorion. On a regardé pen- dant plus de douze ans la première propofition comme un axiôme. Ce fur, à ce que je crois, le Doéteur Franklin, qui le premier dé- couvrit la feconde ; il fut d’autant plus furpris de cette propriété de Ja glace , qu'il avoit toujours regardé l’eau comme un excellent milieu à la propagation de l'électricité. J'ai fait quantité d'expériences pour éclaircir ce point ; & j'ai trouvé qu'il n'y avoit pas autant de différence entre l'eau & la glace que l’on croyoit; que ces propofirions prifes généralement n'étoient point vraies, mais feulement dans quelques circonftances particulières. LE K Première Expérience, Chargez d'électricité une bouteille de Leyde ou un Tableau magique ; pour connoître s’il y aura commotion, & quelle commotion, & sil y a entre les deux furfaces une circulation d’éleétricité, dont l’eau puilfe faire partie, je me fers de plufeurs perfonnes pour cette expérience, dont le témoignage puille me donner quelque certitude fur le réfultar. Suivant qu’elles ont fenti Le choc fur la poitrine, à la jointure du coude, au poignet ou fimplement à l'extrémité des doigts ou bien nulle part, je juge que le pallage du fluide électrique a été entier, imparfait, 194 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ou nul..Pour peu-quil s’en échappe, on éprouve une commotion quelconque. J'avoue que cotte, manière! de mefurer ne peut pas être regardée comme abfolument exacte, puifqu’elle varie fuivant la force, la foiblefle & l'intenfiré d'électricité; mais au défaut d’une meilleure je m'en fuis fervi. Âu refte , au moyen des éleétromètres ordinaires je jugeois que l'électricité éroit aufli forte qu’elle pouvoir l'être, & la com- imotion fut la poitrine étoit toujours violente. D’après cela , voici les expériences que j'ai faires. < Un petit fl de lin ou de chanvre fec interrompoit la chaïne , & les doigts fentoient une légère commotion lorfqu'il étoit mouillé. I V: Il fuit de-là, que les corps propres à la propagation de l'électricité ne le:.font pas pour cela de la commotion. Car ce fil mouillé permet bien les attractions , les érincelles & les autres petits phénomènes , mais il empêche la comimotion. V. Seconde Experience. A la place du fil, que lon fe ferve d’un tube de baromètre de trois à quatre pieds de long, plein d’eau , garni à fes deux extrémités de bouchons de liége traverfés par de petites tiges de fer communiquantes avec l’eau. Deux perfonnes au milieu de la chaîne, tenant ce tube par les tiges de Le, ne fentiront aucune commotion, ou elle ne paf- fera pas le poignet; la bouteille de Leyde ne fera pas dépouillée , dd fans nouvelle charge , elle donnera une commotion aflez forte pour être fentie à la poitrine. VI Troifième Expérience. A la place du tube de baromètre ; prenez le col d’une retorte ou d'un grand récipient, garniflez-le de même, & répétez l'expérience précédente, Plus le diamètre du tube fera grand , mieux elle réuñlira, Deux ou trois doigts de diamètre peuvent fuffire. Alors, la .commo- tion fera vive & la bouteille de Leyde fera prefqu'entièrement dé- pouillée. SUR L'AIST. NATURELLE ET LES ARTS. 195 | VII I s'enfuit, 1°. que pour tranfmettre la commotion de Leyde par le moyen, de l'eau, une petite quantité ne fufhr pas. an 2". Les métauxttanfportent la commortion bien plus parfaitement que Veau ; car à travers un cylindre d'eau long de 40 doigts géométriques, & de trois lignes de diamètre , elle affeéte à peine le poignet | Exp. 2.); tandis qu'un fil de métal, ou fimplement une bande de papier doré dé même longueur, la bouteille chargée de mème, & à la même dif- tance, fait reflentir une commotion violente fur la poitrine. Nous voyons auffi que les conducteurs métalliques fourirent une plus grande quantité d'électricité. 3°. La troifième expérience montre que la quantité d’eau fuperflue ne nuit point à la communication de l'électricité. On comprend par- Li comment M. Winkler, Profelfeur à Leyp/ick , a pu faire entrer la rivière de Priffe dans la chaîne électrique (1); comment M. Le Monnier en a fait autant du grand baflin des Thuilertes | dont la fuperficie à cent toifes quarrées , & 21 pieds de profondeur (2); comment M. Jallabert , Profef- feur de Genève, a propagé le fluide électrique à travers le Rhône (3); comment enfin l'illuftre Franklin, a pu enflammer de l’efprit-de-vin fur le bord de la Skuy/kil , par le moyen de l'électricité que l’on excitoit fur l’autre (4). VAMBIOT Quatrième Expérience. Si on répète la feconde expérience avec un tube de baromètre qui foit de moitié plus court, ou ce qui revient au mème, on fafle péné- trer une des tiges de fer jufqu'à la moitié du cylindre d’eau, le réfultac eft le même, & l'on n'apperçoit aucune différence. 1 X. Cinquième Expérience. Rempliffez d'eau une bouteille de verre d’un demi-pied de hauteur & de crois doigts de diamètre ; armez-là comme nous l'avons dit (N. s.); A (1) Stærke de Eleët: Kraft des Val in Glaf. Gefallen, $. 48. () Mém. de l'Académ. des Scienc. année 1746, p. 447: G) Nollet, Lettres fur l'Éleétr. P. 201-204. (4) Franklin, L. c. $. 29, 196 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, faites la chaîne, tirez l’étincelle foudroyante , la commotion fera très- forte. X. Il fuit de ces deux dernières expériences, que le diamètre influe pour beaucoup , & que la diminution de longueur ne produit aucune diffe- rence, à moins que la diftance ne devienne fi petite que l’étincelle puifle éclater immédiatement de l'extrémité des deux tiges métalliques. Si on forme une chaîne dont quelques anneaux foient très-près fans cependant fe toucher , la décharge fe fait fucceflivement & tranquille- ment, quoique parfaitement. XI. Ayant conftaté ces vérités par rapport à l’eau, j'imaginai bientôt que de gros morceaux de glace éroient plus propres ätranfmettre l'éleéri- cité que des petits, & les eflais que j'ai faits ne m'ont point trompé. XL TL Sixième Expérience. Je pris un morceau de glace de 1$ doigts géométriques de long, 13 de large, & 8 d’épaifleur, que j’armai d’étain aux deux extrémités. Deux perfonnes tenant ce morceau de glace par les bouts armés , & faifant chaîne reçurent la commotion jufqu’au coude. Je fuis perfuadé que la commotion eûr été plus forte fi le morceau de glace eût été plus confidérable. À volume égal la glace tranfmet moins bien que l'eau. OT Septième Experience. Un cylindre de neige comprimée de 27 doigts géométriques de long , & d'1; de diamètre, a très-bien tranfmis la compreflion. Huitième Expérience. Un autre cylindre de neige d’un pied de long, & de deux doigts d’épaifeur, bien fec, & peu comprimé , n'a rien tranfmis ; mais hu- mecté & très-comprimé, la commorion s’eft fait fentir jufqu'au poi- gnet, L’ayant féparé en deux parties égales, & ces deux parties com- primées … SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. x197 primées l’une contre l’autre , de façon qu’elles ne formoient plus qu'un . Cr is . 1 . , CRE gros cylindre d’un demi-pied , la commotion a été jufqu’à la poitrine. RALAVE Neuvième Experience. Faifant attention que l’eau différoic de la glace par le feu & la cha leur , que Ja/labert avoit obtenu une commotion plus forte avec de l'eau chaude, qu'avec l’eau froide; connoiflant enfin la grande analo- gie qu'il y a entre le feu & la matière électrique , j’effayai la feconde expérience avec de l’eau chaude , mais le réfultat ne m'a pas offert une différence fenfible. X v. Telles font quelques expériences qui peuvent jetter un grand jour & être très-utiles à la théorie de l'éleétricité. Elles prouvent que les corps qui la propagent facilement ne tranfmettent pas toujours le choc. JL paroït néceflaire pour obtenir cet effet, que le corps déférant puille contenir une grande quantité d'électricité. La faculté de propager dif- fére donc de la faculté de communiquer le choc. L'eau, les animaux, les métaux ont été placés par tous les Phyficiens éleétrifans au nombre des meilleurs corps propageans; mais perfonne , je crois, n’a comparé par de bonnes expériences, lequel de ces trois corps éroït le plus pro- pre à cet effer; quelques-uns cependant n’ont pas douté de donner cette qualité à l’eau. Certainement le Phyficien qui s’occuperoit à clafler les différens corps fous ce nouveau point de vue rendroit un très-grand fervice. On trouveroit peut-être un nouveau rapport en- treux , & ce feroit la faculté de communiquer le choc électrique qui J'établiroit. NZ PANNS Tome XIV, Part, II. 1779. SEPTEMBRE. Cc 598 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, DESCRIPTION sr OBSERVATIONS Sur le Tremblement de terre de Bologne, en Italie; Par M, le Come AUGUSTE DE CHABOT. L E Mardi, premier Juin, vers minuit, on fentit une forte fecoufle de tremblement de terre, qui dura trois fecondes, & dans l’efpace de 2 heures de tems, on en fentit deux autres de la même force. Le refte de la nuit les fecoulfes continuèrent , mais très-foiblement. Le Mercredi , 2 Juin, au matin, versles 6 heures & demie, il arriva une autre fecoulle plus forte que les précédentes, & qui dura à-peu-près le mème tems. UT Du Mercredi jufqu'au Vendredi 4, à 7 heures & demie du matin , on ne fentir que de très-petites fecoufles. Mais alors, il y en eut une terri- ble qui dura plus long-tems que les précédentes, renverfa beaucoup de cheminées, (c’eft à-dire , les tuiles qui couvrent les cheminées , car vous favez bien que les cheminées en Italie font des bâtimens) fit des cre- vaifes dans les bâtimens, & d’autres effers qui remplirent les habitans de terreur , & les fit tomber dans la plus grande confternarion. On dit que le même jour il s'eft ouvert une crevalfe à Warigmans, fitué à 12 milles de Bologne ; ce fait n’eft cependant pas encore vérifié. Le lendemain on apporta dans la ville la Mrdona di fan Luca, faite, dit-on, par ce Saint, & firué à 3 milles de la ville; elle eft, comme vous favez , fort en vénérarion dans le pays, puifqu'on a bâti des porti- ques depuis Bologne jufqu’en haut de la montagne où eff fituée l'Eglife, pour que les pélerins puiflent y aller à couvert par tous les rems. Nous arrivâmes le Dimanche , & nous vimes à 10 ou 12 milles de la ville des baraques & des tentes fort bafles, bâties dans la campagne, en cas de nouvelles fecouffes , pour éviter la chûte des maifons. Les Eglifes éroient ouvertes , Le Saint-Sacrement expofé , & tout le monde à genoux jufques dans les chemins. Le Lundi 7, à 6 heures du foir , étant fur la Monragnola , à la porte de la ville, quantité de perfonnes apperçurent fur /a montagne di Jan Mi- chacl in Bofco, une grande quantité de globes lumineux qui s'élevoient avec force de la terre dans l'air, & qui par leur nombre procigieux , refflembloient à une pluie de feu; jufqu'au Jeudi on ne fentit dans la ville que des fecoules très-légères, mais qui furent fenties plus vive- ment aux environs. | | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 199 Le Jeudi, 10 Juin, à 9 heures $ minutes du matin, l'air étant fort: tranquille & le ciel nébuleux , nous fentimes tout-à-coup une fecouffe de tremblement de terre affez violente pour me faire tomber fur une chaife qui étoit auprès de moi. L'ofcilletion qui fut très-forte éroit de l'Orient à l'Occident , & fur fuivie d’une fecoulle de tremblement réitérée, qui fit battre avec violence les portes , Les fenêtres & les tuiles des toits. On compta , feulement dans notre rue, 13 cheminées abattues de cette uni- que fecoufle , & une maifon écroulée prefqu’entièrement ; mon premier mouvement fut de croire que le plafond s’écrouloit, & en conféquence je courus vers la porte. Mais voyant que les jambes me trembloientr & de la porte faifoit grand bruit, je reconnus que c'étoit le tremblement e terre dont on avoit déjà fenti de fi fortes fecouffes les jours précé- dens. Elle ne dura que ; ou 4 fecondes , & nous donna à peine le rems d’avoir peur. On a obfervé que dans les momens qui précédoient les fecouffes, le pendule faifoit des ofcillations plus fréquentes qu'au moment de la fe- coule , il s’arrétoit , & reprenoit enfuite fon mouvement naturel. * On a entendu différentes fois dans l'air un bruit femblable à celui que fait l’eau en tombant avec force fur des arbres rouffus. Dans les tems circonvoifins des fecoufles , on a obfervé que l’eau des uits devenoit chaude , & bouillante mème dans quelques-uns. M. l'Abbé Marie, qui avoit chez lui une bouffole, a remarqué , dans le moment où il l’a regardée peu de tems après, qu'elle éroit dévice de 3 degrés , elle eft cependant revenue d'elle-même au point où elle étoit avant la fecoufle. Maloré toutes les recherches que j'ai pu faire, perfonne ne m'a pu dire fi le tremblement de rerre avoit produit quelque change- ment dans la hauteur du baromètre & du thermomètre. On nous aflura au moment de notre départ, que depuis la première fecoule , les pendules fufpendus près de terre avoient toujours dévié de la perpendiculaire , & en dévient encore continuellement, & que l'on a toujours vu tourner l’eau dans un grand vafe. LENTC, CE 1779. SEPTEMBRE, Ccz 200 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, BONE NP MEN TOR ENTRE À Ja Lettre de Madame de V***# contenue dans le Supplément au Journal de Phyfique, page 281 ; dans laquelle on trouvera, 1°. les raifons qui rendent probable le fyftême de l'émiflion de la Lumière ; 2°. des Idées & des Expériences nouvelles fur la nature de la Lumière & de fes effets, & en particulier fur la décoloration des furfaces colorées qui font expofécs à la Lumière, & fur l'étiollement des Plantes; Par M. JEAN SENEBIER , Bibliothécaire de la République de Genève, & Membre de La Société Hollandoife des Sciences de Harlem. Te vous paroîtrai , Madame , ou impoli , ou obftiné ; voici une réponfe à la Lettre favanre que vous m'avez fait l'honneur de m’adreffer. Je le fais, deux beaux yeux comme les vôtres doivent toujours avoir raïfon , leur éloquence eft triomphante, comme leur fentence eft fans appel : mais quand on joint à ces atcraits féducteurs, des connoiffances étendues , des vues vaftes, un génie mâle; quand on s'échappe du chéâtre du monde pour entrer dans le fanctuaire de la fcience; quand on préfère Newton ou Euler à un Roman, & le langage fublime de la Nature aux épi- grammes des courtifans, on a une ame à foi, on fait apprécier fes idées en examinant celles autres, & faire la cenfare philofophique de leurs opinions, fans craindre d'y être expofé foi-mème. | Amicus Plato Amica de W*** fed magis amica veritas. Voilà ma pro- fefion de foi , malgré l'admiration que vous m'avez infpirée: je me pro- pofe votre exemple pour juftifier les doutes que m'a fait naître la lec- ture de votre Mémoire, & je vous prie de m'éclairer avec le Public fur la matière intéreflante que vous traitez fi agréablement & avec tant de profondeur. Permetrez-moi une Kgère plainte; c'eft fans doute la feule que je vous ferai jamais. Vous m'avez imputé une abfurdité beaucoup trop abfurde, en me faifant dire que les corps opaques repouffoient la Lumière ; vo- tre expérience, en lifanc divers ouvrages, auroir dû vous familiarifez avec les fautes d'impreflion , & vous auriez fuppofé charitablement que j'avois écrit , que les corps opaques recè/ent la lumière ; je ne fais cette remarque que parce que je fuis jaloux de toute votre eltime, ’ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3ot La divifion de votre Mémoire fera celle de ma réponfe ; j'exami- nerai donc dans cette première partie , les raifons qui vous font croire que la lumière ne fauroit être une émanation directe du foleil, mais feulement l'effet de la preflion de cet aftre fur un fluide éminemment élaf- tique ; je me bornerai à l'examen général du fyftème fans incidenter fur les accelloires. Dans la feconde, qui fera l'objet d’une autre lettre, je vous com. muniquerai des expériences & des idées qui pourront peut-être éclairer dans la recherche fur la nature de la lumière. Il y a peu de matières en Phyfique qui foient aufli importantes que celle-ci ; vous êtes digne , Madame , de la traiter d’une manière aflor- tie à fon importance , & fi j’effaie de vous communiquer mes idées, c’eft pour profiter des vôtres, & pour vous engager à faire part au Public des expériences curieufes que vous avez faites, des idées utiles que votre imagination crée depuis long-tems, & que votre pinceau gracieux exprime avec élégance. $. I. Réponft à quelques objeëlions contre le fyfléme de l'émiffion de le Lumière. La queltion fur la caufe de la lumière a occupé dans trous les tems les plus grands Philofophes ; mais ils ne font pas parvenus à la décider. Epicure & fes Difciples regardèrent la lumière comme l’émanation de quelques corpufcules lumineux qui s’'échappoient hors du corps éclai- rant : Newton sappropria cette idée par la fublimité de fon génie, la fagacité de fes recherches , l’étonnante logique de fes expériences ; ce grand homme créa l’optique & fit connoître la lumière. Avant Defcartes, on avoit déjà foupçonné que la lumière pouvoit être produite par la preflion exercée fur un Auide élaftique; mais Defcartes reflufcita cette opinion, Huyghens la rendit plus vrai- femblable; enfin M. Euler , ce profond Mathématicien , à adopté cette idée, & il en a formé un fyftème, qui ne laiffe rien à defirer pour la clarté des idées & leur liaifon ; on peut s’en inftruire’ dans deux Ouvrages célèbres de ce grand Homme : Theoria Lucis € colorum ; Lertres à une Princefle d'Allemagne, T.I. Si l’on veut voir une hypothèfe de phyfique difcutée avec profondeur , fuivie dans tous fes détails, revêtue de toutes fes preuves , rendue intéreflante par la netteté, la précifion & l'élégance qui règnent dans l'explication des phénomènes, 1l faut lire les deux Pièces de ce rival de Newton, que je viens de vous indiquer. Enfin, Madame, vous venez défendre encore cette opinion, laccommoder à vos idées : Je devrois quitter le combat; je l’aurois fait, {1 je n'avois pas été fourenu quelquefois par les armes que Newton me fournit , par celles que M. Melyill déploie dans le Jécond Volume 102 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, des Commentaires d'Edimbourg, & MM. Hornsby & Horsley, dans Jes Volumes LVIII & LX des Tranfaëlions Philofophiques. J'avois auf lu dans les Mémoires de l’Académie de "Berlin, pour 1772, le Mémoire fur la Lumière de M. Béguelin, que M. l'Abbé Rozier 2 joint à la précieufe Collection qu'il fait, en l’inférant dans le Cahier du mois de Janvier de cette année. Non, Madame , je ne vois rien de contradiétoire dans les idées des Newtoniens, qui regardent dans le mème-rems le foleil comme le centre des graves de notre fyftème, & comme le foyer de la lumière qui en éclaire toutes les parties par les corpufcules qu'il lance fans celle vers elles : Saturne ne peut être éclairé par ces corpufcules lu- mineux, quoiqu'il tombât dans le foleil fans la force de projection qui le retient dans fon orbite: car, fi ces deux effets éroient con- tradictoires , il faudroit aufli pour que l'analogie fe foutint, qu'on ne püt détacher aucun corps de la furface de la terre, parce que la terre lattireroit avec une force qui fair graviter la lune vers elle, quoi- qu'elle en foit éloignée d'environ 90 miles lieues; les jets d’eau, les fauts des Danfeurs de l'Opéra feroient également abfurdes : mais obfervez je vous prie, 1°. que la gravité eft proportionnelle à la quan- tité de marière ; que fi ln montagne coloflale de Chimboraco , fait dévier le Pendule , les Taupinières de Saint- Valérien ou des Bons- Hommes ne fauroient produire cet effet d’une manière fenfible ; 2°. que lorfque laétion de la gravité fur les corps eft la mème , fes effets font proportionnels aux circonftances de ces corps qu’elle poufle; pen- dant qu'un homme ne peut lancer un boulet de 24 livres qu'à la hauteur de quelques pieds, un canon lui fera parcourir plufieurs toi- fes, quoique dans ces deux cas la gravité le repoufle dans les mêmes hauteurs avec la même force vers le centre de la terre. Si donc nous fup- ofons le corpufcule lumineux extrèmement petit & poulfé par une Eee extrèmement grande dans le vuide, il pourra parcourir avec une vitale extrème un efpace bien plus grand que celui du Soleil à Satur- ne, malaré la gravitation du Soleil ; maïs vous êtes trop Mathémati- cienne pour ne pas fentir la force de ces conféquences. Il eft vrai, que je ne crois pas, comme vous l'infinuez, que la force qui attire, ef auf celle qui repouife; mais j'ajoute, que fi le Soleil attire tout à lui en vertu de fa force centripète , il peut avoir aufli une force particulière & fufhifante pour des au loin les corpufcules très-légers que le feu forme à fa furface , & certe force peut étre foi- blement repréfentée par celle des corps brülans qui répandent au loin Ja lamière. Newton avoir fuppofé que L: lumière étoit compofée de corpufcu- les de denfises pe he cette idée n’eft point invraifemblable, il y a même des expériences qui la rendent probable comme vous le SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. :o; verrez dans la Lettre fuivante. Elle ne renferme donc rien de contra- diétoire , quoique Bernouilli ait voulu la rendre burlefque dans fes Recherches fur la Propagation de la Lumière : Recueil des Prix de l Acadé- rie des Sciences de Paris, Tome III, & quoique vous ayiez cru comme lui qu’elle écoit infoutenable; mais, ces raifonnemens ne tombent point fur l'opinion de M. de Maïran que j'avois adoptée ; elle donne aux différens rayons une virelle différente ; je fais bien que cette hypothèfe n'eft pas à l'abri des difficultés , mais elle me paroifloit en avoir le moins. En regardant cette opinion comme vraifemblable , je n’exclus point celles qui font auffi vraifemblables qu’elle, je ne prétends pas non-plus expliquer comment les fept différens rayons tamifés par le prifme & réunis pour former la lumière, font lancés du foleil avec des'vitefles différentes ; l'imagination peur fournir mille explications de ce phéno- mène à l'imagination, mais elles feront toutes fans preuves juftifica- tives. Sans entrer dans ces détails inutiles , j'obferve feulement que la différente refrangibilité des fepc rayons paflant d'un milieu plus rare dans un autre qui feroit plus denfe, indique qu'ils n’ont pas f, mème vitefle; en effet, fi les rayons rouges fuivent alors plus conftamment leur toute , s'ils fe courbent moins que les rayons violets, on peut conclure après les loix de la méchanique, que les parties conftituanres du rayon rouge ont une plus grande vitelle que celles du rayon vio- ler; ce qui peut arriver, foit par une impulfon plus forte communi- quée aux parties du rayon rouge, fi elles font égales à celles des au- tres rayons; foit par une vitefle femblable communiquée à des mafles plus denfes : mais, quoiqu'il en foit, chique rayon aura un degré de viteffe particulier déterminé par fon degré de réfrangibilité ; ainfi, com- me l’analosie des effets mène à celle des caufes, la différence de re- franoibilité caractérifant celle des rayons, & la méchanique apprenant que la différente réfrangibilité d'un corps qui pale d'un milieu plus rare dans un plus denfe fous le même angle, elt l'effer de la différente vitelle avec laquelle il Le traverfe; il paroît qu’on peut conclure avec probabilité d’après ces principes , que la différente vireife des différens rayons peut être la caufe de leur. diférénte réfranoibilité , & par conféquent de leurs différentes couleurs. Si c’eft une loi de la nature , d'agir d’une manière analogique dans des cas qui peuvent fe reffembler, le fyftème de la différente virelle des rayons pour produire les différentes couleurs, peut être préférable à tout autre; les fons aigus ne différent des rons graves que par la différente viteffe de leurs ofcillations ; de même la différence des cou- leurs, dépendra de la différence des parties conitituantes des rayons qui les forment; & comme les ondes fonores ne fe mêlent pas, les rayons ne fe méleront pas non-plus ; la différente vitelle de chacun 204 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & la prodigieufe vitefle de tous fufhifent pour fufpendre leurs afhni- tés & leurs mélanges. Cette analogie femble être aufli dans nos fenfa- tions , comme dans la nature: chaque rayon ayant fon mouvement particulier d’impulfon, communique à l'ame une imprefion parti- culière & proportionnelle à ce degré d’impulfon ; alors, le AS ti- que diftingue la variété des couleurs comme le nerf acouftique apprécie la diverfiré des fons. Enfin, cette explication qui ne rend pas raifon de tout, quadre pour- tant avec divers phénomènes , de manière à en devenir plus probable, M. Melvill obferve qu’en fuivant la théorie de Newton fur les réfrac- tions, la viteffe d'un rayon qui eft pailé d’un milieu dans un autre, étant à fa première vicefle, conune le finus d'incidence à celui de ré- fraction , il arriveroit que quand les rayons fe mouveroient avec ure vitefle égale dans un milieu , leur vitefle changeroit en entrant dans un milieu plus denfe , & que certe différence feroit en raifon inverfe de leur différent finus de réfrangibilité; ainfi quand on -fuppofe- roit les rayons lancés avéc une vitefle commune, leurs vitefles varie- roient dans des milieux dont la faculté réfringente feroit différente de celle de l’armofphère folaire, & elles feroient à-peu-près comme les finus des réfractions. Si vous lifez l'excellent Mémoire de ce Phi- lofophe , mort trop tôt pour les Sciences, vous trouverez la dérermina- tion de la viteffe de la lumière dans chaque milieu, & ce qui mérite bien d’être remarqué, c’eft que M. Melvill détermine le rems que la lumière emploie pour venir du foleil jufqu’à nous par ces principes, & 1l trouve qu'il eft, à très-peu de chofe près, le même que celui qué Romer & Bradley avoient déjà fixé par deux moyens différen:, Puis donc que la viteffe des rayons du foleil augmente lorfqw'ils traverfent des milieux plus denfes, ils pourroient avoir été lancés avec pne vitefle moindre que ceux qui partent d'une bougie; puifqu'il y a une différence immenfe entre notre armofphère folaire à la Ps du Soleil & notre atmofphère à la furface de la Terre, Mais, il faut avouer que cette hypothèfe n’a point paru confirmée par quelques obfervations propres à l'apprécier. On fait que le tems employé par le rayon violet pour fe mouvoir dans un milieu, eft au tems qu'y emploie le rayon rouge, comme 78 à 77; fi l'on obferve donc les éclipfes des fatellites de Jupiter, pendant que Jupiter eft dans fes quadratures avec le foleil, la dernière lumière violette refléchie par un farellire, doic être à la dernière lumière rouge refléchie par le même farellire, comme 78 à 77; de forte que la dernière lumière violette refléchie par le fatellite avant fon immerfion, doit affecter l'œil après le rayon rouge réfléchi le dernier, la foixante-dix-feptième partie de 41 minutes, qui eft le rems employé par la lumière pour arriver jufqu'à nous, c'eft-à-dire, 32 fecondes; ainfi donc le fatellite vu de la Ferre 27, LS Ù = à ER , Be SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. :0$ ‘terre devtoit changer fa couleur plus d'une demi-minute avant fon immerfon totale ,.en paffant par toutes les nuances du blanc au vio- ler; mais les meilleurs Obfervateurs n'ont jamais remarqué ce phéno- mène , qui paroît découler fi naturellement de la théorie; en conclurons- nous donc que la théorie eft faulle, que les différens rayons n'ont pas une vitefle différente ; non , Madame, vous êtes trop Philofophe , trop bon Obfervateur pour être fi précipitée dans votre jugement; mais vous vous rappellerez que M. le Marquis de Courtivron qui avoit eu les mèmes idées que M. Melvill , & qui avoit entrepris des Obfer- vations Aftronomiques analogues pour les confirmer , avoit fait des calculs fur la différente viceile des rayons, dont les réfulrats étoient très-différens ; de forte qu'on peut bien croire que le tems dérerminé pat M. Melvill pour défigner celui qui doit s’écouler entre le moment où l'on celle de voir le rayon rouge , & celui où difparoît le rayon violet; peut être trop grand: 2°. Vous ferez attention que la différente denfité de l’atmofphère, & la différente qualité des matières qui la com- pofent, peuvent occafionher des variétés confidérables : 3°. Vous foup- çonnerez que les rayons réfléchis & féparés à une fi grande diftance ne fuivent peut-être plus les mêmes loix que ceux de la lumière di- recte: 4°. Vous penferez que les vibrations perpétuelles de notre at- mofphère réuniflent peut-être à nos yeux ces rayons réellement fépa- - rés, ou bien qu’elles confondent les différens rayons de cette lumièré fucceflive , de manière qu’on n’apperçoit que la lumière ordinaire, com- me lorfqu'on fait tourner un prifme avec rapidité. Enfin, M. de Mairan remarque qu'il faudroit que cet objet très- éloigné pût être vu au moment qu'il fe préfente à l'œil , parce que sil ne peut être vu qu’au bout d’un certäin tems, ce rems, quelque court qu'il foit, peut fufhire aux rayons colorés qui différent peu dans leurs vitefles refpeétives , pour arriver enfemble & fe réunir avant d’opé- rer leur fenfation individuelle ; & il eft certain qu'un fatellite de Ju- piter ne peut s’'appercevoir au moment qu'il fe préfente à l'œil, ne qu'avec une lunette de 16 pieds on le voit trente fecondes plutôt qu'avec une lunette de 10 pieds. Le fyftéme de l’'émifion vous effraie , Madame, vous craignez pour la durée du foleil ; il vous femble le voir s’en aller en pouflière & d former des amas embarraffans fur notre terre ou dans l’efpace ; raflu- É rez-vous; M. Horfley fournit des folutions curieufes à ces difficultés dans le Volume LX des Tranfa@tions Philofophiques. En fuppofant les molécules de lumière fphériques , leur diamètre d’un million de millions de pouces, leur denfité trois fois plus grande que celle du fer, alors , il trouve que le nombre 576 avec 36 zeros Éric celui des fphérules de lumière , qui feroient une fphère de fer, dont le diamè- tre auroit un pied ; que la vicelle de certe lumière feroit à celle Tome XIV, Parc. II, 1779, SEPTEMBRE. Dd 206 OBSERVATIONS SUR. IA PHYSIQUE, d’un boulet lancé par un canon comme 381092: 1, & que la quantité de mouvement dans la lumière, feroit à celle dans le boulet comme 1:1$11444 avec 27 zeros : il obferve enfuite, avec raifon , qu'il n’eft point néceffaire que l'émifion de la lumière foit mathémariquement continue, mais qu'il fufit que chaques molécules foient à 30000 lieues les unes des autres. Il trouve enfuite qu'indépendamment des rayons refléchis qui parviennent au foleil, le foleil ne perdroit que + de fa mañle en 385$, 130,000 ans. 1 réfulre de ces calculs, rendus probables par les idées que nous avons de la divifibilité de la matière, 1°. que le choc des corpufcules lumineux ne fauroit détruire les corps les plus délicats; 2°. que la matière lancée par le foleil ne fauroit caufer de grands embarras fur la terre & dans l’efpace , puifqu’elle eft fi rare, fi ténue & par conféquent en fi petite quantité ; d’ailleurs, une partie de la lumière qui tombe fur la terre, fe combine vraifemblablement dans les corps : obfervons encore à cet égard, que fi elle formoit le phlosiftique, ou fi elle éroit le phlogiftique lui-même comme vous le croyez, elle ne feroit pas la feizième partie du foufre , ou du corps qui paroît en contenir le lus. À l'égard des analogies que vous trouvez entre la lumière & le fluide éleétrique , elles ne me paroiffent pas affez frappantes pour embrafler votre opinion, vous verrez mes raifons dans mon Mémoire fuivant ; il y a même des rapports qui favorifent mes idées; l'érincelle violette annonce toujours la foibleffe de l'électricité, & l’érincelle rouge paroïît quand l'électricité eft plus vive ; elle pafle au jaune & au blanc quand elle à toute fa force. De mème les rayons violets font ceux qui ont le moins de vielle ; les rayons rouges font les plus rapies, & la lumière blanche eft la plus éclatante. Enfin, je ne vois pas comment on mettroit en doute ce qu'on fait fur la quantité de la viteffe de la lumière, quand on eft parvenu à la déterminer d’une manière à-peu-près femblable par trois moyens tout- à-fait différens ; par les éclipfes des fatellites de Jupiter , l'aberration de ia lumière des étoiles fixes, & celui de M. Melvill dont j'ai par- lé. Faites-y bien attention , une théorie appuyée fur trois faits différens eft certainement probable : douterons-nous d’un fait que trois phéno- mènes différens nous font appercevoir de la même manière ? Voilà, Madame, les motifs qui m'attachent au fyftème de l’émif- fion , & les réponfes qu'on peut faire à ce que vous objectez; je fais bien que tout ce que je viens de dire ne forme pas des démonftrations, mais je fais bien aufli que les autres fyftèmes ne font pas plus folide- ment étayés. Je refte donc à cer évard dans mon opinion, parce que je la crois encore la mieux fondée : il faut que ma perfuafon foit bien intime pour réfifter à votre éloquente differtation, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 207 S. 2. Argumens contre les Syflémes qui fuppofent que la Lumière eft l'effet d'un fluide élaflique comprimé ou agité par le Soleil. Je me hâte de venir à l'examen du fyftème de ceux qui croient que la lumière eft l'effet des ondulations d’un fluide éminemment élaf- tiques , produites par l'agitation partielle de toutes les parties du foleil , comme dans les idées de M. Euler, ou par la preflion générale de fa male comme dans les vôtres. Et d'abord , je commencerai en citant quelques propolfitions des Prin- cipes Mathématiques de Newton, que vous trouverez dans le fecond Livre; elles me paroillent fondamentales & méritent route votre atten- tion. Newton démontre dans la propoftion 41 : Que La preffion ne [2 propage point en lignes droites dans un fluide, a moins que fes parties ne Joient placées en ligne droite. Cependant, vous n'avez point dit que vo- tre Océan élaftique fût compofé de parties placées relativement en- trelles en lignes droites du foleil à nous, quoique vous ne niez pas la propagation de la lumière en lignes droites. Il prouve enfuite dans la propofition 41: Que tout mouvement pro- pagé dans un fluide s'eloione de la ligne droite dans des efpaces immobules. Mais vous n'avez point fuppofé que votre Océan élaftique für fujer à d'autres mouvemens qu'à ceux que la preffion du foleil peut y pro- duire , car s’il s’agifloit de l’action d’un corps vibrant fur ce Auide élaf- tique , les effets feroient différens. 11 faut donc conclure, que comme la lumière fe propage en lignes droites, puifqu’elle eft interceptée par les corps opaques, placés entre le foleil & l’œil , elle ne fauroir être produite par une preflion ou un mouvement propagé au travers d'un fluide ; parce que les preflions ou les mouvemens communiqués au travers d'un milieu, divergent toujours de la ligne droite , & fe ré- pandent autour des obftacles qu'ils rencontrent. Je vais approfondir ces conclufons. 1°, Le mouvement produit par la preflion dans un fluide eft ondu- latoire , fur-tout fi le Auide eft élaftique ; l’expérience le démontre; elle: apprend encore que la première onde formée par le corps com- primant eft perite, que celle-ci en forme une plus grande qui eft fui- vie par d’autres , jufques à ce qu'il y en ait une qui arrive aux bornes du fluide, ou qui épuife la force communiquée par la preflion; en traitant cette matière par le fecours des Mathématiques , il y auroic bien des propoftions curieufes à faire connoître , mais ce n’en eft pas ici le lieu ; je me borne donc à conclure de cette expérience, que la preflion ne fauroit produire dans un fluide, & encore moins dans un fluide éminemment élaftique, un mouvement en lignes droites, mais 1779. SEPTEMBRE., Dd 2 508 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, feulement en tout fens; ainf, par exemple, s'il fe fait un bruit à ms droite , quoique je fois féparé du lieu où il commence par des obfta- cles fufifans pourem’empècher de l'entendre , il parviendra néanmoïns à mon oreille par une fenètre placée à ma gauche; fi elle eft ouverte, le fon entrera & remplira ma chambre; dans ce cas le fluide élaftique preflé par le choc des corps qui fait le bruit, me fe reftirue pas feu- lement dans la direction de la force comprimante, mais 1l prefle encore en tout fens routes les autres parties du fluide; c’eft pour cela qu'il fe trouve une onde fonore qui communique avec ma chambre par la fenêtre qui eft à la gauche du bruit; mais 1l n'en eft pas de même pour la lumière, elle éclaireroit avec toute l'intenfité imaginable le mur qui eft à ma droite, elle y mourroit irrémifliblement, fans me procu- rer aucune clarté par la fenêtre qui eft à ma gauche. Et l'onne peut pas dire que le bruit foit propagé par le mur, car le bruit diminue confidérablement dès que je ferme avec foin certe fe- nêtre de la gauche; vous conclurez donc que le fon peut entrer au tra- vers des portes & des fenêtres placées dans routes les poficions relati- vement à lui, & 1l paroît toujours venir du côté où l’on peut l’enten- dre, quoique ce ne foit pas celui où il commence, & quoiqu'il lut foit mème oppofé; mais vous ne douterez plus de a propagation du fon en lignes droites, fi vous vous rappellez qu'il fe fortitie dans les porte-voix, & qu'il fort par les tuyaux recourbés ; ce qui ne peut arriver à la lumière. ] Obfervez d’ailleurs , Madame, que fi plufeurs preffions différentes agiffent fur un fluide , chacune d'elles forme une Éule d'ondes circu- laires donc elle eft le centre; mais fi routes ces ondes rencontrent um obfacle , elles fe réfolvent routes en une fuite d'ondes particulières , dont l’obftacle devient enfuite le centre , & qui anéantiffent toutes les premières. Pourrons-nous donc admettre facilement la foule d'ondes lumi- neufes formées par tous les corps qu'on apperçoit , exiflant cependant fans trouble ni confufion , & fe réfolvant en une feule fuite d'ondes ré- trogrades après avoir rencontré tant d’obftacles ? Mais comment ces HEdee rétrogrades ne changent - elles pas le fpeétacle en changeant la génération des autres ondes par leur choc, en rallentiflant leur mou- vement , ou en les brouillant? On peut voir tout le ciel au travers d'un trou fait dans une carte par une épingle; il vient donc une onde élaftique de toutes les éroiles dans le mème-tems, comment ne fe con- fondront-elles pas dans ce trou? Une onde doit avoir une certaine étendue, mais en abordant à ce trou, l'expérience apprend que toutes ces ondes doivent fe confondre, & n’en former qu’une rayonnante de l’autre côté de la carte, qui fera compofée du mouvement de routes les autres ondes , qui ne devroit donner l’idée que d’une Jumière com- pofée de celle de toutes les étoiles , & qui ne pourroit peindre chaque SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 109 étoile, puifqu'il n'y auroit plus qu’une feule onde compofée de toutes les ondes de chaque étoile. C’eft au moins ce qui arrive aux ondes faites dans l'eau qui communiquent par un trou au côté oppofé de l'obitacle contre lequel les ondes originales fe brifent. Outre cela, fi l'on fuppofe un globule de fluide environné de plu- fieurs autres , comprimés fuivant Pécnres directions, il eft clair que ceux-ci comprimeront le premier fuivant toutes ces direétions ; mais afin que chaque rayon de lumière conferve fa direétion, il faudra que” le premier globule comprime tous les autres fuivant ces directions; ce qui eft impoflible, parce qu'elles fe réduifent toutes à une, & le globule comprimé prefle fur routes les directions qui peuvent s’oppo- fer à fa preflion, foit qu'elles correfpondent avec elle ou qu’elles n'y correfpondent pas. Enfin, fi la lumière éroit l'effet d'une preflion opérée fur un Auide élaftique, elle fe plieroit dans l'ombre; une preflion ne fauroit fe pro- pager dans un fluide au travers d’un obftacle, parce que cer obftacle arrêteroit fon effet, s’il fe faifoit en lignes droites ; de forte que fi le moavement fe répand derrière l’obftacle , c’eft parce que la preflion agir en tout fens, & force le fuide à rejoindre fon niveau; les ondes donc retenues par un obftacle, fe plieront par degré vers la partie tranquille qui elt derrière , au cas que la communication foit libre: on éprouve au moins ceci dans les vibrations de l'air; c’eft pour cela qu'on éntendoit à Genève les’ coups dé canon tirés au fièse de Turin, quoi- que ces deux Villes foient féparées par les plus hautes montagnes du lobe ; mais la lumière ne fuit jamais les routes cortueufes, & fi elle £ plie, ce n'eft jamais vers l'ombre , mais du côté oppofé & lorfque le rayon pafle à l'extrémité d'un corps. à 2°. Le mouvement fe communique par le moyen des corps élafti- ques dans un rems infiniment court, de forte que comme vous fup- pofez un fluide éminemment élaftique pour la lumière, il en réfulre que dès qu'il fera comprimé, le mouvement fe communiquera en tout fens, & l'illumination fera fur le champ complete, parce que le fluide doit tendre au niveau avec une fouveraine vielle, ce qui rend la propa- gation de la lumière inftantanée & ce qui contredit toutes les obfer- vations. Îl faudroit encore fuppofer que les parties compofantes du fluide font fphériques & placées en lignes droites, de manière que les fphérules fe frappallent néceflairement dans la direction de leur cen- tre ; outre cela, des fphères ne peuvent fe combiner que de fix ma- nières, enforte qu'il ne pourroit y avoir que fix accidens de lumière , ou fix refleétions ; ce qui eft contraire à ce qu’on obferve tous Les jours ; d’ailleurs, concevez-vous aïfément cer arrangement de fphères dans ce fluide toujours en mouvement, & dontil doit fe combiner différentes parties dans tous les fens avec Les corps naturels. 210 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 3°. Si la Jumière éroit produite par un fluide élaftique comprimé ; alors la compreflion originale étant toujours la même dans votre fyf- tème , les objers devroient être conftamment éclairés d’une lumière également intenfe , parce que les ondes lumineufes devront toujours être les mêmes, par-tout & en tout tems ; mais l'illumination varie fuivant diverfes circonftances : il faudra donc imaginer , comme pour le fon, des ondes plus ou moins rapides, alors donc tout les objets auroient encore une 1llumination femblablement variée; d’ailleurs, com- ment imaginer cette différence d'ondes dans un fluide parfaitement lafti- que & dont la comprefion eft toujours la mème ? 4°. La preflion d’un fluide élaftique ne fauroit fe faire en un point, fans ème propagée à l’inftant dans tous les points de fa mafle; l'inter- Me corps opaque ne fauroit donc oppofer aucun obftacle à Para fineufe; en effer, fi dans une fphère creufe pleine d’un fluide élaftique , on place au centre un corps folide , il eft évident que tou- tes les parties du fluide en feroient également comprimées, parce qu’elles fe foutiennent toutes réciproquement , & qu'on ne peut agir fur l’une fans agir fur toutes les autres. Qu’arriveroit-il donc, fi la preffion du foleil fur le Auide éminemment élaftique produifoit la lu- mière ? c'eft que le jour ne finiroit point, parce que la preflion du foleil far le Auide feroit toujours conftamment la même: c’eft au moins une conféquence que la théorie du flux & du reflux de la mer nous per- met de tirer. | ç°. Mais pour pouvoir fe faire une idée plus jufte de l’action de ce fluide comprimé par le foleil , il faut penfer, ou qu'il eft naturel- lement dans un état de tenfon , alors il doit toujours tendre à s’échap- per & faire effort contre les parois de la fphère qui le contient ; ou sil n'eft pas contenu de cette manière, la force gravitante qui ne eut détruire fon élafticité, ne fauroit le contenir par elle-même ; fi le Auide eft dans un état de repos, alors il ne fait plus d’ondes & il n'é- claire plus; mais par-là même que le foleil le comprime toujours, 1l s'enfuit qu'il doit être toujours tendu , & par conféquent qu'il doit toujours faire effort pour céder à la prefion qui agit fur lui. 6°. On fait manifeftement que les Auides tendent à l'équilibre, mais on n'a jamais vu que la lumière le cherchät. 7°. Je ne faurois comprendre comment, dans le fyftème du fluide élaftique , on peut expliquer la vitefle aquife par les rayons qui paffent d'un milieu plus rare dansun plus denfe ; dans le fyftème Newtonien , il eft évident que le rayon eft attiré alors par le milieu, mais il doit être retardé dans fon pallage au travers de ce milieu; cependant , il a toujours la même viteile quand il en fort, pour entrer dans un autre d'une denfité femblable à celle du premier milieu où 1l fe mouvoit avant la réfraétion, que lorfqu'il y étoir entré ; d'où 1l réfulre qu'il + me ET \ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 211 néceflairement acquis la viteffe qu'il n’a pas perdue ; au lieu que dans le fyftème du fluide élaftique , comme M. Beouelin l’obferve, Académie de Berlin, 1772, € Journal de Phyfique, Janvier 1779 , les vibrations de ce fluide doivent être néceflairement retardées dans le milieu plus denfe, fes ondes doivent s’y mouvoir avec plus de lenteur , & fi la lu- mière qu’elles produifent a la même vitelle, en fortant de ce milieu par la ous réfraction, on ne peut voir comment cette feconde ré- fraction remet les chofes dans leur premier état , puifque le rayon eft alors moins attiré. 8°. Outre cela, Madame, la réfration qui eft un effet néceffaire de l'attraction dans le fyftème de l'émifion, n’eft plus néceflaire dans le fyflème des ondes: fi lon peur changer la direétion des corpufcu- les féparés pour les réfléchir , les réfraéter, les condenfer de leur route, on ne peut pas dans ce fens concentrer réfléchir, le réfracter ; fes parties font plus adhérentes entrelles, que des corpufcules eflentiellement féparés n’adhérent entreux; de forte que fi ces effets peuvent avoir lieu , ils ne fauroient avoir lieu auffi parfairement. Voyez un rayon qui traverfe l'air , il eft apperçu ; il a donc des particules réflexibles & réfléchies ; mais fi la lumière eft l'effet d'une preflion continue, cela ne fauroit fe paller ainfi , les ondes du fluide qui arriveroient fans celle feroient un obftacle invin- cible au retour des autres. Je ne puis pas mieux expliquer la double réfraction du cryftal d’Iflande ; le mème Auide pourroit-il l’opérer ? Un corps preffé dans un milieu uniforme , a des mouvemens en tout fens qui font égaux, mais ces mouvemens ne fauroient produire la double réfraction. | 9°. Enfin, ona fair des expériences pour chercher à conftater , s’il étoir poflible , laquelle des deux opinions étoit la plus fondée; peut- être fuis-je entrainé par le préjugé; mais quoique je ne croie pas ces expériences concluantes , il me femble que les inductions qu'on peut en tirer font favorables au fyftème de l’émiflion, elles femblent même indiquer que la lumière agit par impulfion. Hombers à fait ofciller un reflort au foyer d'une lentille; Hartfoeker , du Fay , de Mairan imaginèrent différens moyens plus où moins incertains, mais qui me paroiffent favorables au fyflème de l'émiflion. J’oyez Académie des Sciences 1747. Les expériences de M. Mitchell faites avec des aiguilles bien fufpendues , font un peu plus concluantes parce qu’elles font inieux faites ; il en tire même des confequences propres à tranquilli- fer ceux qui craignent l’extinétion du foleil; il établit qu'un rayon de lumière qui tombe pendant une feconde fur un pied quarré, péfe la 1800 millionième partie d’un grain; que la denfité de ce rayon eft à la furface du foleil comme 45000 à 1; d'où il conclut qu'il fort de Ja furface du foleil dans l’efpace d’un pied quarré |, & pendant une “ 272 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, * feconde, la 40 millième partie d’un grain, ce qui fait un peu plus-de deux grains en un jour , ou 67o livres en 6000 ans; ce qui n'auroit diminué le diamètre du foleil que de 10 pieds en fuppofant fa matière auffi denfe que celle de l’eau. P Voilà, Madame, quelques Obfervations générales qui diminuent à mes yeux la probabiliré du fyftème qui établiroit , que la lumière peur être produite par la preflion opérée fur une fluide élaftique. Il me refte encore à vous propofer quelques doutes fur votre fyftème particulier. J'obferve préliminairement que la fuppofition d'un fluide élaftique eft tout-à-fait gratuite , qu'il n’y a point d'expérience qui l’appuie; il me fembleroit mème , comme je lai déjà infinué, que cette fuppofition eft contraire à ce que nous avons dit de quelques propriétés des fluides élaftiques. La 1ère eft produite, dans votre hypothèfe, par la preflion immé- diate du foleil far un fluide éminemment élaftique , il y produit une onde qui en forme d’autres, &c.; on a donc ici tous les inconvé+ niens qui réfultent de la compofition & décompofition des ondes, comme je l'ai obfervé ; vous fuppofez mème que l'Océan élaftique peut recevoir plufeurs impulfions différentes du foleil, & qu'il en reçoit un très-grand nombre ; mais vous n'expliquez point comment chacune de ces impulfions qui doit produire une fenfation particulière ne fe confond pas avec toutes les autres qui ont lieu dans le même-tems, en fuivant la loi obfervée pour la formation des ondes: 2°. Vous avez voulu repréfenter par le mot d’impulfion , la prefion opérée par le fo- leil far le fluide élaftique ; les mots font indifférens dès qu'on peut s'entendre: eh bien donc, l'illumination produite par cette prellion doit être en raifon de l'énergie de la preflion, ainfi puifque la preflion fe faic fentir le plus fenfiblement fuivant la direétion de la ligne qui coupe perpendiculairement les ondes ; c’eft alors que l’illumination doit être la plus vive ; mais aufli comme l'énergie de la preflion n’eft pas la même dans toutes les parties du fluide , parce qu’elle n'agit pas femblablement fur toutes, il en doit réfulter aufi, ou que l'illumi- nation variera fuivant la différente énergie de la preflion relativement aux lieux où elle fe fait fur-tout fentir , & alors les jours devroient être beaucoup plus courts & leur illumination très-différente dans les différentes parties de leur brièveté ; ou bien , comme le fluide que vous employez eft éminemment élaftique , le mouvement imprimé à une partie doit fe communiquer à toute la male, de forte qu'il femble qu'il ne devroit point y avoir de nuit, parce que la prefion eft con- inuelle fur toutes les parties du fluide. 11 me femble que ces confé- quences qui peuvent paroïître d’abord exagérées , font cependant fon- dées fur l’analogie de la nature, qui nous offre notre atmofphère & les eaux de la mer agitées fucceflivement fuivant que la lune pañle à leur méridien , SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 213 méridien , foit dans la partie qui eft immédiatement expofée à fon aétion , foit dans celle qui lui eft diamétralement oppofée, & dont le mouvement eft d'autant plus grand , que la lune agit avec plus de force à caufe de fa proximité ou de fa combinaifon d’aétion avec le foleil, ce qui ne produit aucune différence dans l'illamination; & fi le mouve- ment des eaux n’eft pas univerfel, c’eft 1°. parce que le fluide n’eft pas éminemment élaftique ; 2°. dans l'Océan une petite différence ne fau- roit être apperçue; enfin, 3°. coutes les parties n’en font pas également attirées. Puifque la lumière fe combine avec les autres corps & entre dans leur fubftance , il eft évident que fa malle, & par conféquent celle de la lumière, doit diminuer en raïfon de la combinaifon; que dis-je , l'illumination diminuera auffi, puifque dans ce cas la preflion fera d'autant moindre, que le fluide aura été plus diminué, ce qui n'arrive pas. IL faut donc imaginer une fource de ce fluide élaftique pour ré- parer fes pertes continuelles; mais il faut aufli qu'il foit toujours par- faitement homogène , également élaftique ; il faut qu'il ne fe produife que lorfque la combinaifon du fluide lumineux avec les corps l’a dimi- nué, & qu'on n’en aie précifément que la quantité perdue... &c. Mais toutes ces conditions & une foule d’autres font également eflen- tielles pour que la lumièere foi toujours femblable à elle-même ; cependant, ces conditions deviennent des difhcultés réelles & très-difh- ciles à réfoudre, Vous regardez, Madame, votre fluide élaftique difféminé comme la caufe de l’expanfbilité des corps qu'il étend en rempliffant fes pores , & en agiffant fur leurs parois, en raifon de la preflion plus ou moins forte que le foleil opère fur lui; mais fi c’eft la feule caufe de l’expan - fibilité des corps & de la chaleur , pourquoi fait-il froid pendant l’hi- vér , quoique le foleil comprime également le fluide & peut-être mème alors d'un douzième de plus? Pourquoi fait-il encore chaud pendant les nuits d'été, quoique le foleil foit abfent? ou plutôt pourquoi ne fait-il pas également chaud, puifque le foleil devroit toujours agir également fur le uide qui agiroit également à fon tour fur le fluide contenu dans les pores des corps ? Je pourrois ajouter une foule d’autres confidérations , entre lefquelles je choifis celles-ci pour les indiquer ; elles font tirées de la compa- raifon de la lumière avec les phofphores qui s’'imprégnent de lumière, qui la confervent long-tems, ou qui la perdent d’abord fuivant les cir- conftances ; des différens effets produits par la lumière naturelle & Fartificielle pour décolorer quelques corps ; de l'immutabilité du rayon coloré au travers d’un rayon d’une autre couleur; de la différente afh- nité de ces différentes lumières avec les corps plogiftiqués & avec d’autres ; de la lumière des corps brülans, qui n'eft certainement pas Tome XIV, Pare. Il. 1779. SEPTEMBRE. Eee 214 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'effet d’une preflion, mais d’une émanation fenfible ; des taches du foleil qui font variables , & qui offrent des places où le feu paroït brüler avec plus d’ardeur quand elles font diflipées: je m'arrète, Ma- dame ; votre vue perçante vous montrera les induétions que je tire de chacune de ces obfervarions ; & je vais finir par une remarque particulière que vous avez faire fur ma manière d’envifager le phlogif- tique. $. 3. Obfervarions fur Le Phlogiflique. Je n’imaginois pas, Madame, m'être expliqué affez obfcurément fur le phlogiftique pour laifler lieu à l'équivoque ; j'avois employé un Cha- pitre entier, Journ. de Phyfique, Tome IX, page 98, pour faire con- noître cer être; aufli , quand je me fervois de ce mot fans épichère, je croyois qu'on lui donneroit la fignificarion que je lui avois aflignée ; mais je ne vois pas comment j'ai pu faire foupconner, que le phlogif- tique fût l'air phlogiftiqué, qui ne contient qu'environ un quart de phlo- giftique ; il eft vrai que le phloaiftique ne Eh guères fe foumettre aux expériences que dans l’état de combinaifon , mais l’umforimité de fes effets, montre bientot celle de la caufe ; obfervez outre cela que j'avois dit expreffément, en commençant ce Chapitre, que 4e phloptfti- que alière l'air ; mais fi le phlosiftique alrère l'air en le faturant, l’air faturé de phlogiftique n’eft pas plus le phlogiftique , que le tartre vi- triolé n’eft l'acide vitriolique. è Le phlogiftique agit certainement fur tous les nerfs qui font expo- fés à fon action, foit par la vapeur du charbon , l'air inflammable, l'aie phlosiftiqué, &c.; les animaux qui ne refpirent pas y périffent, rous y perdent la fenfbilité, mais ils confervent alors un peu leur irritabi- lité, je ne doute pas, comme vous , que les corps auxquels le phlogifti- que eft uñine modifient fon aétion , mais fi au milieu de routes ces modifications , on obferve les mêmes effets conftamment, il me fem- ble impolible de mettre en doute l'aétion qui lui eft propre; ainfi je dirai sûrement que le phlogiftique révivifie les chaux métalliques, qu'il ôte la fenfibilité aux animaux , qu'il affecte leurs nerfs, qu'il les tue ; j'ajourerai qu'il eft le principe de la volatilifation, &c. 11 me femble que dans tous ces cas & dans une foule d’autres femblables, l’aitiologie chymique eft aufli fondée que route autre. Enfin , Madame, quoique je ne croie pas que la lumière foit le phlogiftique , & vous verrez mes raifons dans la Lettre fuivante, je regarde la lumière comme un des élémens du phlogiftique , & comme une matière déjà compofée. En deux mots, je crois la lumière plus volatile que le phlogiftique , moins aétive , ayant plus d’afhnités avec les corps terreltres , & je conclus que fon aétion doit être propor- SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 215 tionnée à fon énergie ; de forte qu’elle peut ébranler le nerf optique, fans faire aucune impreflion fur les autres nerfs dont la mobilité eft moins graude ; certainement on ne peut comparer les fibriles de la rétine , avec les houpes nerveufes de la tunique fchneiderienne ; de forte que la lumière peur ébranler.la rétine fans influer fur les nerfs du nez : je puis me tromper, mais je fuis perfuadé que les odeurs n'agiflent que fur les nerfs olfaétifs, & sil y a des odeurs homicides, cet parce que le corps calleux eft tué par l’impreflion qu'a reçue le nerf olfactif. Il réfulte donc de-là qu'un nerf peut être détruit par un corps qui n'agiroit point fur un autre. Mais pour réduire comme vous la queftion, je dirai que quoique le phlooiftique pur irrite tout le genre nerveux, 1l ne s'enfuit pas que la lumière à fur tous les nerfs, parce qu’elle ébranle le nerf opti- que; car on concluroit aufli-bien , qu'on peur voir par l'oreille , parce ae la lumière agit fur l'œil. Il me femble plutôt que la lunnière agit ur le nerf optique, parce que ce nerf eft en proportion avec l’action des corpufcules lumineux ; inais fi vous diminuez la ténuité de ce nerf & fon irritabilité , alors la lumière n’auroit plus aucune prife fur lui; un brin de chanvre eft tendu par un poids de quelques grains, mais il faut des quintaux pour tendre un gros cable. J'ai fini de vous adreiler quelques-uns de mes doutes fur votre théorie & vos remarques; mais je vous exhorte de nouveau à conti- nuer vos recherches, Les fyftèmes les meilleurs n'ont qu'une exiftence précaire ; ils font expofés à être remplacés par d’autres ; la Phyfique ne fera une fcience folide, que lorfqu'on verra tous les faits s’enchaîner ; alors les théories ne feront plus que l'intuition des phénomènes, & l'on fixera vos expériences folides avec les conféquences judicieufes que vous en aurez tirées. Employez-donc les reffources de votre génie a érendre les bornes du favoir , en augmentant le nombre des faits, & fans profcrire des hypothèfes ingénieufes , tourmentez la nature pour inftruire fes Contemplateurs ; c’eft le moyen de captiver l'attention des Savans de tous les Âges ; comme vous charmez l'efprit & les re- gards de vos contemporains. J'ai l'honneur , d’être avec une refpectueufe confidération , &c. 1779: SEPTEMBRE. ÉCir * 16 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ÆnX PiÉHRALENICENS Sur les Tubes Capillaires, quatrième Section. Par M. DuToun. 1 Div la précédente feétion , je n’ai fimplement qu'indiqué la part que le plus ou moins d’adhérence des fluides au verre, peut avoir à la réfftance qui les tient fufpendus dans les tubes capillaires. Il eft conftant que , quand la cohérence des molécules du fluide, comme à l'égard de l'eau, eft moindre que leur adhérence au tube, le fluide s’y élève, & s’y foutient au-deffus du niveau. 11 l'eft aufli que, quand la cohérence de fes molécules eft fupérieure à fon adhérence au tube, il y eft retenu au-deffous du niveau , comme cela a lieu à l'égard du mercure. On en peur, ce femble , inférer 1°., que les intenfités de la cohérence & de l’adhérence étant égales , le fluide fe maintiendroit dans le tube , exactement au niveau; & 2°., que moins la cohérence des molécules eft inférieure à l’adhérence au tube , & plus courte doit être la colonne qui peut y être fourenue. 2. On conçoit conféquemment comment , malgré légalité des diamè- tres des tubes , les colonnes fufpendues d’un mème fluide y feront iné- gales, quand les matières qui entrent dans leur compofition font différentes. Suppofons de plus que dans chacun des deux tubes C & D, d'égal diamètre & de différentes pâtes, il foit alternativement introduit deux fluides différens , dont l’un puifle adhérer plus fortement au premier qu'au fecond, & l’autre au contraire plus fortement au fecond qu'au premier , on concevra aufli comment l’un de ces fluides pourra ètre fuf- pendu plus haut dans le tube C que dans le tube D, tandis que fautre fera foutenu moins haut dans le premier que dans le fecond ; & com- ment, par conféquent, il fera rendu raifon de la diverfité des rapports des hauteurs des colonnes d’efprit-de-nitre , de lait & de vin, dont il eff fait mention au 2°. 42 de la fection 3. 3. Pour appliquer à ces nouvelles obfervations ce qui a été die, n°, 31 & fuivans, fur la manière dont s'opère la réfiftance de la tranche inférieure de la colonne , on peut y ajouter que , felon que les molécules de fa circonférence tiennent aux parois du tube par une plus forte SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 217 adhérence , elles en foutiennent d'autant mieux le cercle de molécules qui leur font contigues , celui-ci le fuivant , & ainfi de proche en proche jufqu’à la molécule du centre qui en oppofe Pi de réfiftance ; en forre que ;, par l'augmentation de l’adhérence au tube , les chofes deviennent à-peu-près les mêmes que fi l’adhérence n'ayant pas augmenté le diamètre du tube étoit devenu un peu moindre, 4. Les phénomènes fi oppofés de l'élévation de l'eau & de la dé- pr'eflion du mercure dans les tubes capillaires, tiennent donc non-féule- ment à la cohérence des molécules de ces fluides, mais encore à ce que le premier eft fufceptible d’adhérer beaucoup au verre, & l’autre non. D'après cela, il n'a paru qu'on pouvoit a pliquer avantageufement à leur explication les principes qui , dans les autres fections , ont été déduits des obfervations , & je commencerai ici par les rappeller. Premier principe. L'adhérence des molécules d'eau au verre eft fupé- rieure à leur cohérence. Deuxième principe. La cohérence des molécules de mercure l'emporte fur leur adhérence au verre. Troilième principe. Les portions du noyau de la colonne d’un Auide qui fe meuvent enfemble dans le tube appliqué aux parois du tube de verre, fans s’avancer au-delà, n’éprouvent aucun obftacle de la part de la cohérence (1), & le frottement eft nul G\ Quatrième principe. La tranche inférieure de la colonne en foutient tout le poids, & elle le foutient en vertu de la cohérence des molécules qui la compofent (3). Cette tranche ainfi chargée , eft elle-mème fou- tenue à fon tour, ou par fon adhérence au verre, fi c’'eft l'eau (4), ou par le frottement, fi c’eft le mercure (5), dont les réfiftances font fupé- rieures à l'effort du poids de la colonne (6). s. Suppofons maintenant un tube capillaire où l’eau puiffe être fufpendue à la hauteur 44, & bien difpofé d’ailleurs, c'eft-à-dire , humide par-tout en dedans, lequel foit appliqué à la fuperficie de l’eau contenue dans la cuvette P, enforte qu'une lame ou tranche d’eau C, aufli mince qu'on peut l'imaginer, fe colle à l’orifice du tube ; cette tranche d’eau à à contrebalancer la preffion d’une tranche quelconque D, auf mince de la fuperficie extérieure de la malle d’eau, Pour qu'en cet nn (x) Section 2 , n°. 44. Se. 3. n°, 20, (2) Section 2, n°. 14, 21. Sec, 3, n°. 27. (3) Seétion 3, n°. 317,32, 34 &!fuivans, (4) Section 2, n°, 14, 44 (5) Section 3, n°, 37. (6) Les Sections 2 & 3 citées ici font inférées au treizième Tome du Journal de Phyfique , & la première au Cahier du mois de Février 1778, page 127. 2118 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, état l'équilibre fubfiftät entr'elles , il faudroit que la tranche C, opposät une réfiftance ou une preflion équivatente à celle qu’elle efluye ke la part de la tranche D.Cela feroit, fi ladhérence de la tranche D aux mo- lécules d’eau dont elle eft entourée, c’eft-à-dire, fi la cohérence des mo- lécules d’eau étoit égale à l'adhérence de la tranche C à l'orifice du tube. Mais celle-ci, en vertu de la fupériorité de fon adhérence au verre fur l'adhérence ou cohérence de l’autre aux molécules d’eau qui l'in- veftiflent , eft mieux foutenue ( principe premier) par l'anneau de verre correfpondant , que l’autre tranche D ne left par le cercle de molécules où elle eft renfermée, & au point de ne pas pefer fur l’eau qui eft au- deffous du tube; elle n’oppofe donc qu'une réfiftance inférieure, ou plutèt elle n'en oppofe aucune à la preflion de la tranche antagonifte ; & comme d’ailleurs elle peut s'élever dans le tube , fuppofé déjà hu- mide en-dedans, fans efluyer le moindre obftacle de la part de la cohe- rence, ni de la part du frottement (troifième principe) elle doit obéir à cette preflion , & s'élever dans le tube , tandis qu'une nouvelle tranche qui la fuit prend la place que cette première quitte. Si ces deux tranches réunies au bas du tube font de même, en con- féquence des raifons ci-devant déduites , aflez foutenues, en vertu de la cohérence que les molécules de la feconde ont entrelles, & de l'adhérence de celles de fa circonférence à l’orifice du tube, pour n’op- pofer encore aucune réfiftance à la preffion de la tranche D, elles fe- ront aufli dans le cas de céder & de donner place, en fe portant plus haut dans le tube , à une troifième tranche qui y furviendra ; & cela fe répètera, & il s’y accumulera d’autres tranches, jufqu'à ce que la colonne qu'elles formeront, devienne affez haute , pour que la tranche inférieure qui doit fupporter le poids de toutes les autres, & étoit fuffifamment fupportée avant par adhérence au tube ( quatrième prin- cipe) celle de l'ère & commence à oppofer à la preflion D une ré- fiftance qui la contrebalance. Ce qui ne peut avoir lieu que lorfque fa hauteur fera égale à 4b , puifqu'ifolée , fa tranche peut , en vertu de la cohérence de fes molécules, & de fon adhérence à l’orifice du tube, fupporter le poids d’une colonne d’eau de la hauteur &b, fans avoir befoin d'aucun autre appui qui la foutienne. 6. On voit que les principes que fourniffent mes expériences, font difparoître la grande difficulté qu'on trouvoit à faire furmonter à la colonne afcendante le frottement contre le verre , & fa propre adhérence aux parois du tube qu’elle mouilloit déjà. Il eft certain que non-feulement le frottement, qui doit avoir lieu fur les parois du tube , moins liffes réellement qu'ils ne,le font en apparence & peut-être fillonnés, a l’adhérence qui y attaché les mo- lécules d'eau, mais de plus la réfiftance des flocons d'air , qui peuvent être appliqués, & comme incruftés en partie aux endroits non encore SUR IHIST" NATURELLE: ET LES ARTS. aus mouillés , patoiffenc & font très-propres à empècher que l’eau s’y éleve au-deffus de fon niveau. Cec obftacle feroic infurmontable, s'il exif- toit néceflairement toujours comme on l'a fuppofé. Et en effet, l’eau ne s'élève point dans les tubes capillaires, fi leurs pirois ne font d'avance convenablement difpofés: la difpoftion con- venable confifte en ce qu'ils foient revèrus en-dedans d'une couche d'humidué plus où moins légère. S'ils en font totalement dépourvus, s'ils font abfolument fecs , envain les plonge-t-on dans l’eau dans l’efpé- rance de l'y voir monter au-deflus de fon niveau. Les Phyficiens qui ont été dans le cas de faire des expériences de ce genre, n'ont pu manquet de s'appercevoir que quelquefois l’eau n'alloit pas dans le tube au delà du niveau, & que même elle s’y renoit au-deflous. Un tube que j'ai fait fécher en le tenant près du feu, a enfuite refté appli- qué pendant plus de 24 heures à la fuperficie de l’eau , où fon orifice étroit un peu enfoncé, fans que l'eau y für afpirée. Au contraire, l’eau qui le baïignoit en-dehors , loin de former autour un cordon annu- laire qui furmontât fa fuperñcie, y prenoit une difpofition bien oppo- fée ; on diftinguoit comme un creux circulaire dont il étoit immédia- tement environné. Ce dernier réfulrat a lieu auf, fi une lame de verre qu'on à fait chauffer , ou qui eft fufifamment sèche , eft plon- gée en partie dans l'eau. Il arrive encore que l’eau ne s'élève par fois que lentement dans le tube comme par fauts & à diverfes reprifes, & fans parvenir à la hauteur où elle sy étoit portée en d’autres cir- conftances : c’eft qu'alors il y a en-dedans quelque humidité, mais qu'elle y eft mal diftribuée fur les parois, & qu'elle ne s'étend ni aflez haut, ni par-tout en-bas. Mais veut-on y voir monter l’eau rapidement à l'inftant où on l'en rapproche ? Qu'on commence par le remplir d’eau en l'y enfonçant en entier, qu'on l'en expulfe enfuire en foufflant dedans. Il y reftera une couche d'humidité ou un tubule d’eau qui procurera l'effet qu'on attend. Ce tubule d’eau y fait évanouir tous les obftacles qui s’oppofoient à l’afcenfon de l’eau. Plus de frottement contre les parois du tube; celui contre le tubule d'eau eft nul. Plus de réfiftance de la part des flocons d'air, qui ne fe collent pas fur l’eau comme fur le verre. Plus de réfiftance non-plus de la part de l’adhérence ou de la cohérence. La caufe qui la produit n'eft aucunement reftrainte, ni contrariée quand les molécules d'eau coulent, gliffent , fe meuvent les unes en- tre les autres fans fe défunir; & alors pour faire élever l'eau fuccef- fivement de place en place, la moindre preflion fuffit, comme nous l'avons dit de la preflion opérée par la tranche d’eau D fuppofée prefqu'infiniment mince. 7. Revenons aux mèmes effets en les confidérant fous un autre point 210 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de vue. Soit un fyphon de verre renverfé STV compofé de deux branches, l’une capillaire & l’autre fort large ; l’eau verfée dans celle- ci, & qui pale dans l'autre, sy élève aufli à une hauteur 4 E égale à celle où ifolée elle pourroit être fufpendue dans ce tube capillaire, & fans doute en vertu des mèmes caufes, & de la même manière que nous l'avons vu dans le cas énoncé au n'. 5. Si on retire alors de la large branche V du fyphon renverfé, une certaine portion de l’eau qu'il contient , enforte que fa fuperhicie y defcende bien au-deffous de la ligne ac, au niveau, par exemple, de la ligne 27, la colonne d’eau foutenue dans le tube capillaire S , y baïfle, & y doit en effet bailler d'autant , & jufqu'à ce que fa hauteur 2g au-deflus du niveau »n fe rende égale à fa hauteur précédente à £ , puifque la tranche » de cettè colonne du tube capillaire, qui n’eft plus contrebalancée que par un tranche extrèmement mince de la fuperficie de la mafle d’ea ainfi réduite, ne fauroit foutenir par elle-même la trop longue colonne d’eau 7 Æ, mais bien cependant une colonne égale à celle 4 £ , que foutenoit auparavant la tranche «, les circonftances fe retrouvant les mêmes à l'égard de l’une qu'à l'égard de l’autre. 8. La mème chéorie s’appliquera encore à la dépreflion du mercure. Soit dans ce fyphon STV verfé du mercure qu'on fuppofera d'abord de niveau dans les deux branches. La colonne 26, de la capillaire aura à contrebalancer la prelion d’une autre colonne quelconque cd, de la malle de mercure de l’autre branche. L'équilibre fubffteroit entre les deux colonnes d’égale hauteur , fi l’adhérence de la tranche fupérieure a de l’une au verre n'étoit pas inférieure à l’'adhérence ou cohérence de la tranche fupérieure c« , de la colonne antagonifte cd, au tuyau de mercure qui l'enveloppe ( deuxième principe |; mais en conféquence de cette infériorité ou nullité d’adhérence , la colonne cd, mieux étayée , mieuf foutenue que la colonne antagonifte ab, n'oppofe à celle-ci qu'une réfiftance inférieure à la preflion qu'elle efluie de fa part. Et comme elle peut gliffer & fe mouvoir dans le tuyau de mer- cure ambiant, fans éprouver le moindre frottement ni être gènce par la cohérence ( troifième principe), elle doit obéir à l’excès de preffion exercé par la colonne ab, & fe replier fur la mañle de mercure (tandis que celle-ci la pouile & vient occuper la place abandonnée, en fe raccourciflant d'autant dans la branche capillaire) jufqu’à ce que l'équilibre foir effectué entre les deux prefions. Ce qui ne doit avoir lieu que lorfque l'excès cm de la colonne cd fur la colonne raccourcie Eb , eft égal à la colonne de mercure, qui ifolée, peut être fufpendue dans la branche capillaire, c'eft-à-dire , que lorfque le poids ou la preflion de la colonne cm» eft contrebalancé completement par la réfiftance qu'eft fufcepuible d'oppofer la tranche fupérieure Æ de l’autre colonne. 9. C'eft ce que l'expérience confirme. J'ai éprouvé avec des efpèces de L SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 221 de fps STV, tels que les repréfente la figure 12 , dont les diamc- tres des branches capillaires étoient différens, & où j'avois marqué fur la branche capillaire de chacun, avec des fils ou autrement, les niveaux a & E, des colonnes du mercure de cette brinche & de l’autre plus large , j'ai éprouvé, dis-je , qu’enfuite on pouvoit faire foutenir dans la première une colonne de mercure ifolée égale à l'intervalle des deux marques, & non une plus longue. On voit qu'il eft néceflaire pour obtenir un pareil réfulrac fur toute l'étendue du tube capillaire, qu'il ait exaétement le même diamètre. Mais, ne für-il pas le même par-tout, on parviendra du moins, en faifant rencontrer la colonne de ‘mercure blé entre les deux marques, à y en faire foutenir une qui en remplira l'intervalle, & qui ne pourra être plus longue. Cette égalité de mefure ‘entre la dépreflion du mercure dans la branche ca- pillaire du fyphon, & la hauteur à laquelle il peur , étant ifolé, y refter fufpendu, ne fe laiffoit aucunement préfumer. Il a fallu que la théorie, employée pour l'explication des phénomènes , l'indiquâr. Certe théorie à plufieurs points de conformité avec celle de M. Veitbrechr. 10. D'après les Obfervations précédentes fur la difpofition à laquelle les tubes capillaires de verre doivent la propriété qu’ils acquièrent d’af pirer l’eau où on les plonge , on peut dire que ce n’eft point dans un tube de verre qu’elle s’éleve, mais dans l’enduit d'humidité dont il eft revêtu en-dedans , ou dans un véritable tube d’eau, auquel le tube de verre fert de foutien. On fair que d’autres matières folides ont la même propriété de hiler élever l’eau dans les pores ou interitices étroits dont elles font perforées , & ils l’ont fans doute de la même ficon. L'adhérence qu'il peut y avoir entr'elles & leau , füt-elle même très-confidérable , ne fuffit pas pour la leur procurer, puifque c'eft uniquement felon que la cohérence des molécules d’'ean eft plus ou moins inférieure à fon adhérence au tube capillaire, qu'elle s'y éleve au-deflus du niveau. ÿ Ain , le tube de verre feroit privé de la propriété d'afpirer l’eau, fi la cohérence de fes molécules étoit fupérieure ou feulement égale à fon adhérence au verre. C’eft une preflion, toute foible qu'elle foit, qui , après avoir opéré fon effet , fe renouvellant encore fucceflivement jufqu'à un certain terme, fait croître par degrés & fouvent très-rapide- ment , la colonne d’eau qui excède le niveau ; & l'efficacité de cette foible preflion dépend de ce que dans le tube capillaire, la colonne mieux foutenue par l’adhérence de la tranche de fa bafe à l’orifice du tube , que ne left la tranche antagonifte de la mafe d’eau de la cuvette, en vertu de fa cohérence avec les molécules d’eau qui l'entourent , n’oppofe d'abord aucune réfiftance à cette preflion. Tome XIV, Parc. II, 1779. SEPTEMBRE. F£ 222 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 11. Dans le cas où les intenfités de l’intenfité de l’une à un tube d’une autre fubftance que le verre, & de la cohérence de Pautre avec les molécules ambiantes feroïient égales , le niveau de l’eau dans le tube capillaire feroit le même qu’en dehors. 12. Dans celui où l'intenfité de la cohérence de la tranche exté- rieure avec les molécules d’eau ambiantes, lemporteroit fur l’adhérence de l’autre aux parois de ce tube d’une autre fubftance , l’eau y feroit rete- nuc au-deflous du miveau , comme il arrive au mercure dans un tube capillaire de verre. 13. Conféquemment le fuif, la cire, & toutes les autres fubftances auxquelles l’eau n’adhère que foiblement ou même n'adhère pas da- vantage que fes molécules ne cohèrent entrelles , ne font aucunement fufcepribles d’afpirer l’eau dans les intervalles rétrécis dont elles font perforées. Aufñli a-t-on éprouvé que l’eau ne s'élève point au-deffus du niveau dans un tube de verre dont les parois internes font revètues d’une couche de fuif , non-plus qu'entre deux lames de verre aux- quelles on à donné un pareil enduit, quelque rapprochées qu’elles foient l’une de l’autre (1). Cette obfervation qui avoit été faite en 1705, par M. Carré, & qui a été vérifiée enfuite par plufeurs Phyfciens, a été conteftée depuis peu. Mais M. Cigna à diffipé les doutes, & conf- taté le fait par de nouvelles épreuves (2). J'ai , au moment où j'écris ceci, en expérience, 1°. deux tubes de verre d’environ deux lignes de diamètre , revêtus tous deux en-dedans d’une légère couche l’un de cire , l’autre de fuif, qu'on y a étendues en tenant & faifant tourner les tubes au-deffus de la flamme d’une bougie. Ils font plongés d'environ quatre lignes dans l’eau, & dans tous deux elle fe maintient au-deffous du niveau, dans le premier cepen- dant moins bas que dans le fecond. 2°. Un vafe de verre dont une portion en-dedans eft légèrement enduite de fuif. En regardant par dehors le niveau de l’eau qu'on y ‘a verfée, on voit diftinétement qu’elle y eft moins élevée d'environ une ligne fur les parois couvertes de fuif, que fur celles qui ne le font pas. 3°. Une lame de fuif coulé , d'environ deux lignes d’épaifleur, & difpofée verticalement contre les parois d’un autre pareil vafe à moitié plein d’eau qui la baigne en partie. La ligne du niveau de leau fur cette lame de fuif eft de plus d’une-ligne plus bafle que fur les parois du vafe. 4°. Deux lames aufli enduites légèrement de fuif, & qui fort rap- (1) Mém. Académ, des Sciences. {2) Journ. de Phyfiq. Tom. 3, p. 109. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 113 rochées l’une de l’autre, font difpofées verticalement & plongées par e bas feulement dans l’eau. Or, foit qu’on les regarde ou par leurs faces , ou par leurs tranches, on reconnoît aifément que l'eau, qui a pénétré entrelles, ne s'y eft pas élevée au-deifus du niveau. 14. Au refte, de tous ces faits, on peut conclure feulement que l’adhérence de l’eau au fuif & à la cire , eft moins forte que la cohc- rence de fes molécules, & non qu'il n’exifte aucune adhérence de la art de l’eau à la cire & au fuif. Une goutte d’eau appliquée fur une (Ho de fuif verticale & bien unie, $y maintient communément, fi elle n’eft pas trop groffe ; & fi, l'écant trop, elle coule, il y en refte au moins une portion & des veltiges. J'ai éprouvé de plus, qu'une colonne d’eau d’une ligne de hauteur que j'avois introduite dans un tube capillaire revêtu en-dedans d’une couche de fuif, & ajufté à l'appareil décrit au n°. 36, de la deuxième fettion , avoit foutenu une preflion de 10 lignes d’eau avant d'en être débufquée : comme peut-être l'enduit de fuif n'éroit pas bien uni, le frottement a pu & dû contribuer autant & plus que la foible adhérence à la réfiftance que la preflion a efluyée. Nous avons vu, que dans de pareilles cir- conftances le mercure peut foutenir de pareilles preflions. 15. J'ai éprouvé encore en foufflanc & pouffant mon haleine, tant fur l’enduit de fuif dont étoit couverte une portion du dedans d’un verre dans la feconde des expériences du n°, 13, que fur la lame de fuif employée dans la fuivante, que la ligne du niveau de l'eau étoit encore plus bafle fur l’enduit & fur-tout fur la lame de fuif, que fur la furface nue des verres, mais moins cependant qu'avant qu'ils euf- fenc été mouillés par les vapeurs de mon haleine. Au refte, des particules falines qui fe rencontreroïent fur la fur- face de l’enduit, ou la pouflière qui s’y feroit attachée , pourroient fournir à l’eau le moyen de s’y porter un peu au-deflus de fon niveau, où elle feroit enfuite arrêtée par le frottement ; & c’eft à de pareilles caufes étrangères & accidentelles qu'il faudroit attribuer les réfultats qui ne feroient pas conformes à ceux des expériences de M. Carré & de M. Cigna. 16. Si l'eau ne s'élève dans les tubes capillaires qu’autant que l’ad- hérence au verre l'emporte fur la cohérence de fes molécules, 1l paroï- tra néceflaire de fuppofer que de toutes les fubftances où l’eau par- vient à s'infinuer , en montant d’elle-mème au defflus du niveau, il n'y en a aucune qui ne foit naturellement difpofée à l'égard de ce Huide comme left le verre, fi ce n'eft que l’'évaporation actuelle du fluide ne fuppléât au défaut de cette difpofition. Le tube, dont il eft queftion au n°. 6, qui avoit été féché près du feu & où l'eau ne s’étoit pas encore introduite au bout devingr-quatre heures, me parut 1779: SEPTEMBRE. Ff2 224 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, le farlendemain en avoir afpiré un peu. Les jours fuivans fon afcen: fion devint plus fenfible, mais elle s’opéroit fi lentement, que dans l'intervalle de huit jours l'eau ne s'éleva que de cinq lignes. On entre- voir à, que les parois internes du tube, d’abord trop feches pour être accellibles à l’eau, le devinrent enfuite, en devenant humides, mais peu-à-peu feulement, & de proche en roche; cetre humidité Pape venant que de l’évaporation qui fe faifoit à la fuperficie fi rétrecie de la colonne d’eau qui étoit à l'abri des impreflions de l'air libre. Auñi, la lenteur de l'opération, c’eft-à-dire , de lafcenfion de Peau, fur-elle affortie au peu d'énergie de la caufe qui la procuroit. 17. Je remarquerai en terminant cette fection , que ces différences fingulières de l’afcenfion d’un fluide , & de l’abaiflement d’un autre dans un même tube, y font rappellées , ainfi que l'ont été aufli les autres phénomènes des tubes capillaires aux mêmes influences , en vertu defquelles des gouttes d’eau ou de mercure fimplement appli- quées fur des larmes de verre différemment difpofées, y font retenues, ou gliffent -deffus, ou s’en détachent(r), c’eft-à-dire, à la cohérence du fluide , à fon adhérence au verre, & aux différens rapports de l’un à l'autre; & qu'au refte je n'y confidére, foit l’adhérence , foit la cohc- rence, que comme les effets d’une caufe plus éloignée , que je n'ai pas entendu fpécifer. Je me bornerai à donner dans la fuite les détails de quelques expériences & de quelques obfervations que j'ai faites fur ces difpofitions des fluides. mm C1) Voyez la Section 2. j SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 125 BOUT R AIT D'UNE:LET.TR E De M. MaAcEeriAn , Membre de la Société Royale de Londres , à un de fès Amis de Paris. M on cher Docteur, & très-cher Refpeétable Ami, - Je vais vous annoncer un remède nouveau, & très-fimple, que M, Mudge , Membre de la Société Royale de Londres , Chirurgien à Ply- mouth , vient de publier. Ce remède guérit infailliblement la toux catharrale en très-peu de tems, particulièrement lorfqu’elle n’eft pas ancienne, C’eft d’après un grand nombre d’obfervations très-confta- tées, que l’Auteur parle fi poftivement de l'efficacité de fon remède, d'autant plus eftimable qu'on en peut faire De dans tous les pays du monde , prefque fans frais, & fans l’afliftance de Médecin, ou d’Apo- thicaire. Ce remède eft d’ailleurs fi innocent en lui-même , qu'il ne eut point nuire, même en l’appliquant avec peu de difcrérion. Ces qua- Fes doivent le rendre on ne peut plus recommandable à tous ceux, qui, comme vous, ont fi fortement à cœur le bien & les intérêts de l’hu- manité. Je fuis für de vous faire un vrai plaifir en vous le commu- niquant ; & j'en juge d’après celui que j'ai fenti moi-même, lorfque j'en eus la première notice. Notre manière de penfer & de fentir , lorf- qu'ils s’agit du bien public , eft parfaitement analogue : & c’eft peut-être la fource unique de l'amitié intime dont vous m’honorez depuis fi long-tems. M. Mugde confidère avec la plus grande raifon , que la toux catharrale n'eft que la fuite d’une vraie inflammation, du moins partiale , de La membrane qui tapifle les organes de la refpiration : &, pour la guérir, il applique le topique le plus fimple , le plus innocent, & le plus für; c'eft-à-dire , la vapeur de l’eau médiocrement chaude, Pour mieux réuf- fir dans cette application , avec le plus grand avantage , il a inventé un inftrument , qu'il appelle izhaler en Anglois , & que je crois pouvoir nommer re/pirateur | à caufe de fon He En voici la defcriprion, avec les changemens que j'y ai faits pour le rendre plus commode dans la pratique , en lui confervant dans le mème tems tous les avan- tages dont cet inftrument eft fufceptible. La figure 4 repréfente le re/pirateur, dans l'état où il faut en faire ufage. « eft un vaiffeau cylindrique, qu'on peut faire, fi l’on veuc , d’or ou d'argent , mais qui, étant d'étain , ou mème de fer-blanc , eft éga- >:6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, lement bon pour fon objer.Il eft tout foudé à l’entour , & doit contenir environ une pinte : fa forme eft à-peu-près comme celle d’un por à faire du ché , ou comme un petit arrofoir de jardin garni d’une ou he anfes bb. On y trouve un tuyau e c d , qui eft foudé au plan fupérieur , defcend au-dedans, jufqu’à la diftance d’un demi-pouce du fond, comme on le voit marqué par des points, jufqu’à d. Ce tuyau a un petit couvercle ce, avec des trous pour laiffer entrer l’air qu'on veut humer. Il y a à côté une autre embouchure f g, garnie d’un couvercle pareil avec des trous, mais elle eft faite , au- dedans , en entonnoir : deforte qu'en y met- tant une petite boule z de liége, elle y fait l'office de foupape , laif- fant échapper l'air du dedans au dehors; mais empêchant qu'il n'y entre. Les diamètres de l'embouchure À, du tuyau c 4, & du trou?, doivent être aflez grands , pour ne pas rendre difhcile le pañlage de la refpiration. C’eft aflez de leur donner environ quatre dixièmes de pouce Anglois. Enfin L à keft un tuyau flexible de cuir, qui renferme un fil de métal, couvert de foie ,en forme fpirale, pour le rendre ‘tout-à-fait flexible, & garni d’une embouchure d'ivoire k , qu'on applique àlabou- che , lorfqu'on en fait ufage. Manière d'employer le Refpirateur. Lorfque la perfonne affligée de la toux cacharrale , ou du mal de gorge ( car il paroît que ce copique doit être aufli bien avantageux dans ce dernier cas } va fe coucher , on mettra de l’eau chaude dans le ref- pirateur , par l'embouchure k /, après en avoir ôté le tuyau de cuir Li 4. On ne le remplira pas tout-à-fait , mais feulement jufqu’aux deux tiers , ou environ : on l’enveloppera dans une fervietre , & on le mettra au lit du malade près de fon aiffelle : il attendra jufqu'à ce que l’eau foit un peu moins chaude , pour qu'il puifle en humer la vapeur, fans fe brûler. Cet inftrument agit de la manière fuivante. L'air qui entre par le tuyau cd, pañle à travers l’eau modérément chaude , s’y charge de la vapeur aqueufe , & entre enfuite par le tuyau Lz 4, dans les poumons du malade , qui peut jetter l'expiration par le même tuyau; parce qu'aloré l'air fortant par la foupape f g , avec quelque partie de la vapeur chaude , & fe répandant entre les draps, fervira , au bout de quelque tems, à exciter le malade à une tranfpiration falutaire. On doit continuer cette opération pendant 20 minutes, ou une demi- heure. Si la toux eft récente , on ne manque pas de fe trouver fou- lagé, & rout-à-fait guéri le jour fuivanr. Mais fi la toux eft an- cienne, alors il faudra continuer ce remède pendant quelques nuits de fuite. Quand on voudra faire ufage du refpirateur , FAuteur confeille de SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 2: prendre quelqu'opiate À d'heure avant de fe coucher , comme un re: mède concomitant pour obtenir la guérifon de la roux. En conféquence, il prefcrit environ 3 dragmes (ou 3 petites cuillerées , comme celles qu'on ufe en prenant le thé) de l’élixir Paregoricum pour les adultes ; une pour les enfans moins de 5 ans: & deux pour ceux entre cer âge & les dix ans. Le titre du livre, dont j'ai extrait cette relation , eft : 4 radical & ex- péditious cure for a recent catarrhous cough , by J: Mudge ,F. R. S. &c. London, 1778 , in-8. Le Lecteur y trouvera un grand nombre des dif- cuflions théoriques fort ingénieufes , & des obfervations très - utiles dans la pratique. Entre les dernières, je ne puis omettre celle du bon efec qu'il a vu dans les crachemens de fang , tendans à la fièvre hé- tique , en faifant prendre au malade une demi-dragme de nitre dans un verre d’eau , deux ou trois fois par jour : & dans la toux sèche & fati- gante , des pillules faites de gomme ammoniaque avec quelques gouttes de Laudanum , prifes avant aller coucher. Je fouhaite que ces remèdes ne foient pas oubliés par ceux de la Faculté, entre les autres qu'on connoît propres à ces maladies ; parce que j'ai plus de confiance aux remèdes autorifés par l’obfervation bien conftarce, qu’à trous les au- tres qui n’ont en leur faveur que l'autorité & la théorie de ceux qui les ordonnent. P. S. M. Mudge parle d’une expérience qu’on peut faire avec le refpirateur , mais que je n’ai pas grande envie de répéter. Il dir que pour fe convaincre que la toux catharrale provient d’avoir refpiré un air froid & humide, il n’y a qu'à faire ufage du refpirateur avec de l’eau froide. Car on ne manquera pas d’exciter , par ce moyen, cette efpece de toux. PE ER ESS RUUMNE De M. CHAB=ERT de l’Oratoire, aux Auteurs de ce Recueil. ME promenant dans un jardin d’une de nos maifons , j'apperçus fur une rofe que je venois de cueillir, une petite chenille ou un petit ver blanc. Rentré dans ma chambre, je mis ce petit ver fur une foucoupe couverte d’un gobelet : je le confervai dans cet état pendant huit jours, en lui donnant pour nourriture des feuilles de rofe. Au bout de ce tems-là l'animal difparut , je ne fais comment. Je m'avifai de jetter quelques gouttes d’eau fur certains petits corps globuleux, & femblables à . 128 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, des graines de navettes; j'apperçus quelque-tems après une belle cou leur de citron. Ces petits corps me parurent être les excrémens de mon infecte. Faute d'inftrument je ne pus me procurer des con- noiffances plus détaillées, ni fur l'animal, ni fur la nature des corps en queftion. Si mon obfervation méritoit d’être fuivie, je fuis per- fuadé qu'entre vos mains elle auroit tout le fuccès poñible, ONBSSTEMRRS PA AE COHEN Sur l'effec du Scarabé méloé dans la Rage ; Par M. ROMME. Vs rer un fait très-bon À connoître,pui fqu'il fait fentir la néceflité de bien dofer le remède des Scarabés contre la Rage , combien il eft im- portant de ne pas s’écarter de la préparation & des dofes d’un remède vraiment intéreffant , telles que l'indique M. Andry, dans fes recher- ches fur la Rage. Ce fait eft extrait des Annonces Littéraires de Goet- . = LA 1 LA tingue 462. feuille du 14 Novembre, Art. Hanovre. » Le Scarabé méloé * » recommandé comme un remède efficace contre la morfure des chiens » enragés, pris en entier, par un garçon de fix ans, l’a tué vifiblement«, Ce fait examiné & conftaté juridiquement mérite d’être connu dans un plus grand détail, » Cet infecte concaflé & mis dans de l'eau-de-vie fut pris ainfi par » l'enfant, qui bientôt après fur attaqué d’évanouiffemens, d’angoilles , » de colique, convulfions , fueurs froides & faignement de nez, pifle- » ment de fang; l'explofion fut même fi générale, que le fang fortoir » par les pores de la peau, & qu'il en rendoït par les felles : tous ces » accidens ont continué jufqu'à la mort, fi on en excepte l’efpèce de » fueur de fang. Il mourut au bout de huit jours. ? » À l’ouverture du cadavre , on trouva, outre plufieurs altérations » qui nappartiennent pas au cas préfent, de petites taches fanguines fous » lépiderme; les reins & toutes les voies urinaires éroient enflammés » & remplis d’un fang noir, les inteftins près des reins étoient également » enflammés. ®n voit que ce remède à une manière d'agir aufli » attive que les cantharides & à-peu-près identique «. MÉMOIRE be SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 11ÿ mm M É M OI R E Sur la méthode fingulière de guérir plufeurs maladies pat l’'Emphysème artificiel ; Par M. GALLANDAT , de plufieurs Académies, Démonftrateur d'Ana- tomie, de Chirurgie & de l'Art des Accouchemens , à Fleffingue. 1 feroit à fouhaiter que les gens éclairés qui voyagent dans les pays étrangers, & fur-tout ceux qui y vont pour exercer l'Art de guérir , fifent une attention particulière aux différens moyens que les gens du Pays mettent en ufage pour opérer la guérifon des maladies qui règnent, & qu'après en avoir acquis une connoiflance exacte, ils en fiflent part au public. Ce feroit fuivre le confeil du pere de la médecine, qui nous recommande de n'avoir aucune honte d’a prendre des gens du commun, des chofes qui peuvent, quoique Lee en apparence , donner lieu à faire des découvertes importantes dans l'Art de guérir. L'Inocu- lation de la petite vérole, dont nous fommes redevables aux Circafiens, & l’ufage du quinquina que nous avons appris des fauvages du Pérou, font des preuves bien frappantes de l'utilité du confeil que ce grand homme nous à laillé. En effet, la plupart des meilleurs remèdes ont été découverts par des gens qui ignoroient abfolument les règles & la théorie de l'Art. Il ne faut pas s’en étonner ; l'expérience a été & fera toujours chez tous les peuples le meilleur des Maîtres. La vraie théo- rie de l'Art de guérir n'’eft, dans bien des cas , qu’une conféquence de l'expérience; & 1l eft crès-rare que la théorie, fans l'aide de quelque expérience antérieure , réponde à tous égards à la pratique. Je me propofe de faire voir dans ce Mémoire, qu'il ne faut pas tou- jours rejetter la manière de guérir que des peuples, vivant dans la fim- plicité & la baffefle, mettent en ufage. Parmi les peuples que l'on ap- pelle Sauvages , les habitans de la Guinée font généralement reconnus pour tels. Cependant la plupart des voyageurs qui ont eu occafion de les voir de près , atteftent qu'ils pofsèdent plulieurs remèdes falutaires qui nous font inconnus ; & le Chevalier des Marchais nous apprend qu’ils ont parmi eux des Médecins & des Chirurgiens, qui , fans être lectrés ni gradués, opèrent par des remèdes fort fimples, dont ils ont Tome XIV, Pare, II. 1779. SEPTEMBRE. Gg 13e OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, foin de garder le fecret, des guérifons qui pourroient faire honneur à ncs Efculapes d'Europe (1). | Ayant fait plufeurs voyages en Guinée en qualité de Chirurgien- Major de vailleau , j'ai eu occafion d'y voir traiter plufieurs maladies pat des remèdes qui nous font inconnus. Celui que j'ai vu employer au cap {a Hou en 1759, eft certainement de ce nombre , & mérite peut - être autant par fa fingularité que par fa nouveauté, l'attention des gens de l’Arr. Voici de quoi il s’agit. Dans les marafmes , hypo- condries , rhumatifmes , &c. quand les Chirurgiens du cap la Hou voient que les remèdes ordinaires font adminiftrés fans fuccès, ils fonc pour gucrir leurs malades , une opération que j'appelle infufflation , ou emphysème arnficiel. Elle mérite ce nom à jufte titré, puifqu'ls font à une, & quelquefois aux deux jambes du malade , avec un inftrument tranchant, une incifion à la peau qui pénètre jufqu'au tiflu cellulaire. Au moyen de cette ouverture, ils portent un tuyau dans le tiffu cellulaire par lequel , en fouflant , ils infinuent autant d'air que le malade peut en fupporter, ou autant qu'ils le jugent à-propos. L'air introduit de cette manière occafionne bientôt un emphysème univerfel. Enfuite ils retirent le tuyau de la plaie, & ils la referment avec.un emplâtre aggluti- natif, compofé de plufieurs gommes & réfines, & un appareil conve- nable. Immédiatement après cette opération , ils donnent au malade une forte dofe d’une potion compofée de fucs de plantes, de jus de limons, de poivre de Guinée & d’eau-de-vie; après quoi ils font courir le malade autant qu'il peut, & quand il eft extrèmement fatigué , ils le font mettre au lit, où il efluie une fueur copieufe. Ils continuent à lui don- ner trois ou. quatre fois par jour une Pr dofe de RTE fufdite , jufqu'à ce que l’enflure foit pallée & que le malade fe trouve guéri. L’enflure ou le gonflement occafionné par l'air infinué dans le tiflu cel- lulaire, commence ordinairement à diminuer le troifième jour ; & elle eft totalement diflipée vers le neuvième , dixième & onzième jour. Quelquefois le Chirurgien eft obligé , pour obtenir la parfaite guérifon du malade, de faire une feconde fois l'opération ; mais cela n'arrive que très-rarement. Voilà ce qui m'a été communiqué au fujet de cette opération fingu- lière par un Chirurgien nègre, qui l'avoit fouvent pratiquée avec beau- coup de fuccès : j'ai vu une négrefle, le lendemain qu'il lui avoit fait cette opération, dont tout le corps (excepté la plante des pieds oO (x) Dans fes Voyages en Guinée publiés par le P. Labat , Tome I ,p. 132. Bof- mann Befchryvinge van Guinée, Decl , p. 7, eft a-peu-près du même avis, & re- éommaude fort la recherche de ces fortes de Remèdes. Lin ii SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3231 & la pomme des mains) étoit encore gonflé par l'emphysème univer- fel : & lorfque j'en touchois quelque partie , j’entendois un bruit fem- blable à celui que fait un morceau de parchemin fec quand on le preffe : j'ai parlé à plufieurs nègres à qui l’on avoit fait depuis lons- tems cette opération, & je n'en ai vu qu'un feul à qui on l'avoit faite pour la feconde fois. Je crois que cette opération a été jufqu'à préfent inconnue en Eu- rope , ou du moins qu'elle n'y a jamais été pratiquée pour guérir ou pour prévenir quelque maladie. Ce traitement , après l'opération Er quelques rapports avec celui des Tartares, fur-rout la manière de faire courir & fatiguer le malade. Lorfque les Tartares fe crouvent incommodés , dir le Chevalier de Polignac, on fait ouvrir la veine à un cheval, & on fait boire le fang tout chaud au malade : enfuite on farioue beau- coup le malade, foit en le faifant courir autant qu'il eft poffible , ou bien en le faifant galopper à cheval. Lorfque Charles XII étoit à Bender, les Suédois de fa fuite n'ayant point de Chirurgiens pour les fecourir SLR leurs maladies, firent ufage de ce remède & s’en trouvèrent fort ien. L'opération que les Scythes avoient coutume de faire aux jumens - pour leur faire venir une plus grande quantité de lait, a beaucoup de rapport avec l’emphysème artificiel des nègres. Hérodote rapporte au commencement de fon quatrième livre, intitulé Melpomène, qu'ils prenoïient des tuyaux , les introduifoient dans les parties génitales des jumens, & infinuoient l'air dans ces parties en foufflant avec la bouche. Cette infufilation , difent-ils , fait gonfler les veines des mammelles , & produit une fecrétion abondante de lair. Qu'on puifle introduire de l'air de dehors en dedans , & enfler tout le tiflu cellulaire, c’eft: ce qu’on n’ignore pas : bien des mendians fe font ainfi des maladies effrayantes par l'afpect , dans le deffein d’atti- rer les aumônes des pañlans. Hi/danus , entr'autres , en rapporte un exemple fingulier, cent. III. Obferv. 18. Les Bouchers ufent du même artifice pour donner à leurs viandes un coup d'œil féduifant. Les payfans , au rapport de M. Mauchart , (1) fe fervent quelquefois du même moyen pour engraifler en peu de rems les bœufs qu'ils veu- lent vendre , ou pour tirer de leurs vaches une plus grande quantité de lait. Ils font , comme il l’a appris d’eux , une ouverture à la peau, & cette ouverture pénètre jufqu’au tillu cellulaire ; après y avoir infinué un (1) Differtatio Medica de Emphyfemate quam prœfide Jo. Henr. Schultze PP. tue- batur Car. Chriff. Pufch. Lignicenfis. Haloe. menfe Sepcembri , anno 1773. Elle fe trouve dans Haller , Colleét. Thef. Med. Chirurg. Tome Il, & dans le même Ouvrage rédigé en françois, Tom. I,p. 271. SEPTEMBRE. Gg2 232 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, peu d'air, ils la referment enfuite. Les deux ou trois jours qui fui- vent cette opération , l'animal eft trifte & comme malade ; mais la gaieré & l'appétit lui reviennent ; en fix femaines il engraifle prodigieu- fement; (1)la mème opération faite à une vache lui fait donner une plus grande quantité de lait : il y a tout lieu de croire, dit M. Mauchart, que l'air infinué de cette façon , & déployant fon reflort, excice & provoque les fecrétions. Je conclus de ce que je viens d’alléguer , 1°. Que quoique les Auteurs ne faflent pas mention de l’emphysème artificiel, dans leurs traités des opérations Chirurgicales , il n’eft pourtant pas tout-à-fait inconnu; 2°. Que cette opération n’eft pas fort douloureufe, ( 2) ni dangereufe, puifqu'il n’eft pas probable que les mendians qui font ufage de cet artifice, vouluflent fe foumettre à de grandes douleurs ; & que fi elle croit dangereufe , les payfans n'y rifqueroient pas leurs beftiaux ; 3°. Qu'elle eft d'une grande utilité pour engraifler les bœufs & pour faire donner aux vaches une plus grande quantité de hit; 4°. Que fi cette opération eft d’une grande utilité dans ces cas, parce que Pair infinué de cette façon , en déployant fon reffort, excite & provoque les fécrétions, on a tout lieu de croire qu’elle peut être utile dans plufeurs maladies qui attaquent le corps humain , & que par confé- quent, elle mérite l'attention de ceux qui exercent l'Art de guérir. On m'objectera peut-être que , quoiqu'il foit très-aifé de concevoir la facilité que l’on a d'introduire l'air infufflc dans les plus petites par- ties du corps, à raifon. des cellules graifleufes qui répondent les unes aux autres, 1l fera toujours très- difficile d’expliquer comment cet air introduit procure la guérifon, d'autant plus que les malades attaqués d’emphysème univerfel , à l’occafion de quelque plaie au poumon, en font ordinairement morts. L'infuflation , au lieu d’exciter & de faci- liter les fécrétions , pourra au contraire les fufpendre. L'air introduit dans toutes les petites cellules, eft un corps étranger qui doit nécef- fairement faire diminuer toutes les fécrétions , ralentir la circulation, gêner toutes les fonctions , & par conféquent caufer la mort, comme on peut’ le voir par des obfervations de M. Littre, inférées dans les (1) Un de mes Amis qui n’eft ni Médecin, ni Chirurgien, m'a auffi afluré que cette même méthode d'engrailler les bœufs , fe pratique dans quelques contré& du Danemarck. (2) Elle eft certainement bien moins doulourenfe que la cautérifation & lapplica- tion du Moxa recommandé contre les douleurs anciennes & opiniâtres, contre la goutte, & auxquelles plufieurs perfonnes fe font foumiles. M. Pouteau , dans un livre intitulé Mélanges de Chirurgie, a fort préconifé cette manière de brüler qu'il vou- droit remettre en vogue: certainement l'emphysème artificiel n’en aura pas les incon- véniens. SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 233 Mémoires de l’Académie Royale des Sciences de Paris; par celles de Bartholin , dans fes Hifloires Annar. rar. , & de pluñeurs Aureurs célèbres. Je réponds à cette objection fpécieufe , que je n’ignore pas que les grandes plaies du poumon font abfolument mortelles , quoique d’un autre côté on trouve aufli dans les Auteurs, des obfervations qui montrent que des plaies au poumon ont été guéries ; mais elles éroient , ou légères, ou à portée d’ètre panfées par un Chirurgien. Dire que l'emphysème univerfel eft la caufe de la mort de ces malades, c'eft, fi je ne me trompe, confondre l'effet avec la caufe : car l'emphysème furvenu en conféquence de quelques bleffures au poumon , n’eft qu'un fymptôme occafonné par la Icfion de cet organe. Si l’on veut fe donner Ja peine de feuilleter les Auteurs, on trouvera des cas de malades guéris d’un emphysème furvenu en conféquence d’une plaie légère au poumon, & il y a peu de Chirurgiens d'armée qui n'aient vu de pareilles guéri- fons : d'où il réfulre que ces malades ne font pas morts de l’emphysème, mais de la plaie au poumon. Aufli le favant M. Van-Swieten dit dans fes Commentaires fur les Aphorifines de Boerhawe : » Lorfqu’à la fuite d’une » plaie à la poitrine , le malade meurt, & qu'après l'avoir ouvert, on » trouve le poumon blelfé, on a raifon de dire aux juges que cette plaie » a été la caufe de fa mort, quoique des plaies au poumon aient été : » quelquefois guéries «, Que l’emphysème univerfel & artificiel, opéré fuivant la méthode des Nègres , ne foit pas mortel , c’eft une chofe dont chaque perfonne peut fe convaincre par des expériences inconteftables fur les animaux : je les ai répétées plus d’une fois en mon particulier , & en préfence de plufeurs gens de l’Arr, & je ne fuis pas le feul: un de mes amis (M. Negre, célèbre Chirurgien & Accoucheur à Middelbourg, ) qui n'étoit point du tout de mon opinion fur certe opération , en a auili fait plufieurs expériences fur des chiens, & ce n’eft qu'après des faits bien conftatés qu'il a changé d'avis. Voici ce qu'il me marque fur ce fujer. » Je fais aétuellement d’un autre fentiment que je n’étois avant que je » n'eulle fait Les deux expériences de l'infufflation ; comme mes propres » expériences m'ont convaincu, il faut bien être du vôtre : cette opération » pourra devenir utile au genre humain; mais elle exige encore du rems »avant que d'être en vogue. Pour vous dire vrai , dans le commence- » ment je craignois fort pour la réuflite ; mais attuellement , fi j’avois » occafon de la mettre en ufage, je n’aurois pas peur de la propofer le » premier «. Et dans une autre lettre : » Je viens de faire pour la troi- » fième fois l'expérience de l'infufflation fur les chiens, qui a été le fujer » d’une feconde expérience. J'ai fait la plaie, comme à l'ordinaire , avec » un biftouri, après quoi j'y ai introduit un foufiler, (parce que je n’avois pas affez d'air dans mes poumons pour poulfér l'infufflacion jufqu'au 234 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dégré que je m'étois propofé , } » au moyen duquel jai infinué l'air » jufqu'au point que l'animal étoit d’une énorme groffeur. Pendant le »tems de l’infufflation , le chien n’a fait aucun mouvement pour s’échap- » per, & il ne faifoit aucun cri. Le feul lien dont je me fuis fervi étoit »mon mouchoir autour de fa tête pour lui couvrir les yeux ; fes pattes »éroient libres ; d’ou il réfulte que l’infufflation n’eft pas douloureufe ; » car fi elle l’étoit, l'animal auroit fait tout fon pofible pour s'échapper , . » & il auroit fait des cris affreux. Après l'opération , j'ai laifé la plaie au » foin de la nature; j'ôtai le mouchoir de fes yeux , & je l’appellai; 1l » fauta de la table fur laquelle je l’avois mis, avec une vivacité furpre- »nante. Il lécha la plaie, après quoi je lui donnai une tranche de pain » qu’il mangea dans l'inftant, & enfuite une écuellée de lait qu’il a d’abord »avalée. Après tout cela, je l'ai fait aller dans la rue, où il couroit, fans » difficulté, après les autres chiens , mais il fe fecouoit fort fouvent: »voilà , en abrégé, le réfultat de cette expérience : je ferai charmé fi » elle peut aider à juftifier cette opération. Après le détail de cette expérience , il feroic fuperflu d’en rapporter d’autres. Il fuffit de faire remarquer que dans toutes les épreuves que M. Negre & moi avons faites fur des chiens, le gonflement occafionné par la préfence de l'air contenu dans le tiflu ee de tout le corps, a commencé à diminuer le troifième jour, & qu'il a été Rue difipé le onzième jour après l'opération. Quant à la difficulté d'expliquer comment l'air introduit par l'in- fuflation , fuivant la méthode des Nèores, produit la guérifon , elle ne me paroît pas grande. Voici comme je conçois les bons offices de cette opération. Hifi. 1772. L'air élaftique infinué dans le tifflu cellulaire com- primé , irrite & augmente la cenfon des vaiffeaux, en partie comme corps étranger, & en partie parce qu'il fe raréfie par la chaleur en déployant fon reffort ; ce qui doit faire augmenter l'action diminuée des vaifleaux , & pat conféquent accélérer la circulation ralentie du fang ; ce qui doit aufi provoquer les fecrétions & les rendre plus abon- dantes. Cetre explication me paroït trop fimple & trop plaufble pour n'être pas la vraie. Auñli n'ai-je pas balancé, d’après ce raifonnement & les expériences ci-deflus mentionnées, de confeiller à plufeurs Chirurgiens de vaifleaux qui vont en Afrique, d'en faire des épreuves fur des Nègres lorfque l'occafion s’en préfenreroit ; & j'ai eu la faisfaction d'apprendre que cette opération a été faite avec rout le fuccès poflible à un Nègre en 1763, par M. Takkember , Chirurgien- Major du vaifleau de Chriftophe , à la rade de Malembo , fur la côte d’Angola , en Afrique. Voici le précis de cette obfervation , qui eft inférée dans les Mémoires de la focicté Hollandoife des Sciences établie à Harlem , Tome VIII. Parr. I]. Un jeune Nègre, âgé d'environ dix ans, fe plaignit Le 16 Avril 176; SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 235 d’un mal de rête accompagné de toux, fièvre, & d’une refpiration gènte; M. Takkemberg crut que le malade éroit attaqué , finon d’une vraie ,au moins d’une faufle pleuréfie. 11 le faigna deux fois, & lui adminiftra les remèdes que l'Art prefcrit dans ces fortes de maladies, qui firent diminuer la fièvre , le mal de côté & l'embarras de la poitrine; mais le malade fe plaignit après, que les douleurs fe répandoïent par tout le corps; il lui fic faire ufage des remèdes indiqués en pareils cas. Le malade fut attaqué le troifième jour d’un roidiffement contre-nature, qui fe répandit & fe fixa par tout le corps & dans les extrémités. Les remèdes internes & externes furent adminiftrés felon les règles de l'Art; les bains , les véficatoires, les friétions & les linimens convenables ne furent pas oubliés, mais fans procurer le moindre foulagement; au contraire , le roidifflement prit bou le deffus & augmenta au point, “que le malade ne pouvoit plus faire ufage des remèdes internes ; à peine pouvoit-il fucer un peu d’eau entre les dents fermées ; tout fon corps devenu rigide & inflexible, reffembloit à un cadavre gelé ; la parole devint inintelligible ; les lèvres fe couvrirent d’une croûte brune, & ce qui découloit de fa bouche avoit une odeur cadavéreufe. Tel éroit l'état de ce Nègre le 29 Avril, treizième jour de fa maladie; on le crut perdu, & le Capitaine du vaifleau trouva fort ridicule lorfque le Chirurgien lui demanda la permiflion de faire l'épreuve de l'emphysème artiñciel à ce mourant ; cependant, après lui avoir fait obferver qu'il n’y avoit rien à rifquer, & qu'il valoit mieux employer un remède incertain que de ne rien faire , fa demande lui fut accordée. En conféquence , il fe fit d’abord faire un tuyau de cuivre armé d’une embouchure de bois à un bout & rondelet à l’autre. Après avoir placé le malade (qui depuis cinq jours n’avoit rien pris qu’un peu d’eau) d’une manière convenable pour faire l'opération , il fit une incifion proportionnée au calibre du tuyau, dans la partie moyenne & interne de la jambe ; & ayant introduit le tuyau environ deux travers de doigt fous la peau, dans le tiffu cellulaire , il commença à fouffler en ferrant en même-tems les bords de la plaie, avec les doigts, pour empècher l'air de reflortir. On voyoit l'air s'infinuer en faifant de petites bofles dans lefquelles on pouvoit fentit & remuer l'air infufflé. En continuant à fouffler, il vint à bout de faire, non-feulement que la jambe jufqu’aux orteils , maïs aufli que tour le corps en fut enflé, de façon que l’em- physème étroit univerfel. Après avoir retiré le tuyau , il appliqua un plumaceau avec un peu de baume de Pérou fur la plaie , & par-dellus un emplâtre , une comprefle & une bande aflez ferrée pour empècher l'air de fortir. Une heure après l’opération, le malade commença à revivre; il demanda un fruit nommé Banane, qu'il fuça entre fes dents, & le lendemain il fe trouva en état d'ouvrir la bouche. Comme il fe plaignoit d'une crudité de poitrine, on lui fit prendre plufieurs jours de fuite un 236 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, linäus ou lohoc peétoral ; l'appétit revint, la rigidité des membres diminua à mefure que l’emphysème fe difipoit , & le malade reprit en même-tems , au grand étonnement des gens de l'équipage, fa fanté & fon embonpoint; il a été vendu à Surinam en bon état & à bon prix, J'ai appris que ce Nègre vivoir encore en 1769. Voilà une expérience conftarée d’un bon fuccès qui n’eft pas-équivoque. J'ai l'original de cette obfervation en main, 1l eft figné par le Capitaine du vaifleau & par le Chirurgien qui en a fait l'opération; de plus, j'ai parlé à plufieurs perfonnes de l’équipage qui ont été témoins oculaires, Je fais aufli de bonne part, que cette opération a été faite depuis ce tems-là à deux Nègres à bord du vailleau qui eft arrivé ici l’an- née 1771, mais je n’en ai pu avoir le détail, attendu que le Chi- rurgien qui l'a faire eft mort quelque tems avant l'arrivée dus vailleau. Tout ce que jen ai pu apprendre des gens de l'équipage, c'eft qu'elle à crès-bien réufi à un Nègre attaqué de marafme , & que le fujet a qui on a fait l'autre opération étoit fcorbutique , & qu'il eft mort quelques jours après l’infufflation. Ces fais, qui font autant de preuves décifives qui établiffent la poffibilité de l'opération, ne doivent cependant être regardés que comme des matériaux encore bruts, ou comme des males informes : des expé- riences multipliées pourront feules fixer nos doutes fur l'efficacité de cette nouvelle méthode ; ce n’eft que du tems qu’elle peur attendre ce qui lui manque, comme par exemple de pouvoir déterminer la quantité d'air qu'il faut infinuer dans le tiffu cellulaire , attendu qu'il y a toute apparence que cela doit varier fuivant la maladie, l’état, le tempérament, l’âge & les forces du malade ; d’ailleurs, il eft à préfumer qu'une perfonne eft plus facile à infuffler que l’autre ; que l'exercice, après l'opération , eft d'une grande utilité, & que lorfqu'il ne peut pas avoir lieu , on pourroït peut-être y fubftituer les fritions chaudes , &ec. Malgré ces doutes , il me femble que l’on peut conclure de tout ce que je viens de dire dans ce Mémoire , que l'emphysème artificiel eft une opération chirurgicale qui mérite l'attention des gens de l’Art. C'eft une nouvelle reflource qu'on pourtoit employer en Europe dans plulieurs maladies chroniques, & dans celles dont le tiflu cellulaire eft le fiége. Son efficacité dans le marafme femble être prouvée, tant par l’engraif- fement des animaux à qui l'on a fait cette opération , que par le bon fuccès qu’elle a chez les Nèvre; il y a tout lieu de croire qu'elle eft srès-propre à guérir les affections rhumatifmales , en particulier dans la fciarique & dans les cas où l’humeur rhumatifmale eft fixée dans quelque endroit: quoique cette humeur foit un fluide d’une nature qui nous eft encore inconnue , nous pouvons préfumer, comme le re M. Pouteau , qu'elle eft d'un caraétere âcre , & mème quelquefois cauftique ; SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 237 cauftique ; il n’eft pas douteux qu’elle eft hors des voies de la circulation, puifqu'elle refte Éée dans le même endroit; elle n’eft pas dans les vailleaux , mais répandue dans le tiffu cellulaire. Cette humeur devient plus âcre lorfqu’elle eft fixée dans le même endroit, que quand elle eft errante, tant par fa ftagnation que parce qu’elle eft raflemblée dans un moindre efpace : alors, fon impreflion acrimonieufe irrite les fibrilles nerveufes , & caufe de cruelles douleurs ; cette même impreflion fur les cellules que cette humeur occupe, en affoiblit la contexture & les mec hors d'état de fe débarrafler de ce fluide étranger. Or, dans ce cas, l'emphysème artificiel me paroît être un moyen eflicace pour aider la nature à fe dcbarrafler de ce fluide rhumatifmal , en provoquant les fécrétions par les méchanifmes que j'ai expliqués ci-devant; & l'expérience faite par M. Takkemberg à ce Nègre , à qui tous les autres remèdes que l'Arc prefcrit ont été infructueux , femble prouver ce que j'avance. Puiflent de nouvelles expériences diriger nos doures, & nous faire connoître toute l'efficacité di cette nouvelle méthode. BL BR DFE TUE LIEN TIRE REED PESTE LEE NPEERE EP EEE ET ETC MEN VRP ENT TZ LES OTSEESPRE TRES ERNST Des Regiftres de l’Académie Royale des Sciences du 30 Juin 2779. L'Acart MIE nous a chargés Mrs. Morand, Portal & moi, de lui rendre compte d’un accident arrivé le 16 Avril dernier, dans une fofle d’aifance à Narbonne , dont la relation Jui a été envoyée le 3 Mai par M. de Marcorelle , fon Correfpondant. Près du rempart de Narbonne, eft une maifon appellée le Zuxem- bourg , où, dans un des angles d’une cour, étoit une grande foffe d’aifance ; outre les matières excrémentitielles qu'elle contenoit, on y avoit jetté, depuis long rems, toutes fortes de fubftances putrides ; & l'odeur qui s’en élevoit , avoit tellement effrayé les vuidanceurs , qu'ils n'avoient jamais pu fe décider à y defcendre. Le fieur Faure, Propriétaire , vu leur refus, prit le parti de faire creufer une nouvelle Pt. ce que l'on exécuta malheureufement près de l'ancienne. Déjà l'excavarion nouvellement pratiquée , avoit dix-huit pieds de pro- fondeur; à la hauteur de 12 pieds, c’eft à-dire, fix-pieds au-deflous du fol , on avoit élevé un échaffaud , fur lequel deux maçons travailloient, & deux perfonnes étoient au fond de la nouvelle foffe , lorfque le mur qui la féparoit de l’ancienne , s'étant ouvert, les matières putrides for- Tome XIV , Part. IL. 1770. S'EPTEMEP'R'E. LH h 238 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tirent tout-à-coup , & la remplirent à la hauteur de trois pieds. Un des deux maçons placés fur l'échaffaud , frappé par la ps infeéte , demeura comme fuffoqué; l'autre tomba au fond de la fofle, & cinq autres perfonnes qui y defcendirent fucceflivement, éprouvèrent le même fort que les deux qui y étoient déjà. Elles perdirent connoif- fance, & reftèrent immobiles. | Après un grand nombre de tentatives, on vint à bout de retirer ces malheureux , parmi lefquels deux feulement offrirent quelques fignes de vie. L'un ayant été dépouillé & expofé au grand air, fut friétionné par tout le corps ; on lui fit prendre du vinaigre & de l'efprit volatil de corne de cerf. Il rendit alors par la bouche des matières gluantes : deux heures après, fa refpiration étoit plus libre, & le pouls qui étoit aflez fort, donnoit des efpérances de guérifon ; on lui a inutilement adminiftré différens remèdes ; ce malheureux a fuccombé peu de rems après. pro L'autre, qui étoit refté fur l'échaffaud , a été rappellé à la vie; il a été frictionné par tout le corps avec des linges imbibés de vinaigre & d’alkali volatil. Il à été faigné au bras, deux heures après avoir été re- tiré de la foffe. On lui a appliqué des fang-fues aux tempes , & deux heures après la faignée , il a proferé quelques paroles ; il jouit aétuelle- ment d’une bonne fanté. Le fait dont nous préfentons l'extrait fidèle , eft d’une efpèce, qui depuis plufeurs années fixe utilement l'attention des. Médecins & des Phyfciens , du Public & du Gouvernement : il eft aufli très - digne de celle de l’Académie , & nous penfons qu'il mérite d’être configné dans fon Hiftoire. Quant aux réflexions auxquelles il peut donner lieu , lAca- démie ayant paru defirer que nous lui expoñons l'état des connoif- fances à ce fujer, & que nous donnions en même-tems notre avis fur E conduite qu’on doit tenir en pareil cas, nous allons effayer de remplir on vœu. Recherches fur les fecours à adminiftrer aux Afphyxiés. Il feroit bien à defirer que le ventilateur fût plus répandu dans les provinces, & que le travail de Mrs. Cadet le jeune , Laborie & Par- mentier , à ce fujet , ainfi que le rapport de Mrs. de Milly, Lavoifier & Fougeroux fuflent plus connus : alors ,on fauroit qu'au moyen d'un ca- binet de menuiferie placé & fcellé fur l’ouverture de la fofle, & de plu- fieurs tuyères communiquant avec des foufflets qui y aboutiffent , l'air peut être renouvelle & chaflé par une des ouvertures les plus élevées de la foffe d’aifance, à laquelle on adapte un tuyau qui s'élève au- deffus du toit, les autres communications érant préalablement bouchées : SURLHIST. NATURELLE ET LES ARTS. ‘239 on fauroit que le courant d'air eft très-accéléré , fi l'on met un fourneau fur le fiége d’aifance , donc on conferve l'ouverture, au-deflous du tuyau que l’on y place; & que l’on peut encore ajouter à la vireffe avec laquelle l'air circule , en fe fervant d’un fecond fourneau aflujetti dans la foffe, fur un trépied, & communiquant par le moyen d’un tuyau avec le pre- mier ; on fauroit aufli qu'au moyen de tuyaux, qui fortent du cabinet dont nous venons de parler, on peut porter un courant d’air frais aux travailleurs , ou de l’eau que l’on fait jaillir par destrous percés en arro- foix ; on fauroit enfin, qu'après avoir lévèrement agité les matières con- tenues dans la foffe, ce qui fouvent en dégage de l'air inflammable, on diminue berucoup l'aétivité des vapeurs gazeufes , en y jettant une quantité fufhfante de chaux en poudre. Certe épreuve répétée en pré- fence des Commillaires de l’Académie, dans fe tinettes qui conte- noient des matières fécales & dans les foffes mêmes, a toujours eu du fuccès : Mrs. les Commiffaires ajoutent même , que ce procédé elt connu depuis long-tems dans quelques endroits de la France & de l’Allemagne. Il eft employé depuis long-tems dans les mines de charbon de terre du pars de Liege, & on le trouve décrit avec foin dans l'Art d'exploiter es mines de charbon de terre, par M. Morand. A la vérité, il eft prefque impofñfible de réunir tous ces moyens dans les villes où cet appareil n’eft point encore en ufage ; mais on peut rou- jours , après avoir ouvert la fofle , y répandre une certaine quantité de chaux , & n'y defcendre pour travailler qu'après un tems fufhfant pour que la réaction de ce mélange foit finie. On peut encore placer un four- neau dans l'intérieur fur un crépied , ajufter fur le dôme de ce four- neau, des tuyaux de tôle , que l’on doit diriger vers une des ouvertures. de la foie ; il eft encore facile de placer un tu’au & un fourneau fur l'ouverture dont on vient de parler. Ces précautions qui peuvent être prifes par-tout , feroient d’une grande utilité pour les travailleurs. 1 n'eft pas befoin de dire, qu'il feroit crès-dangereux de jetter de la chaux dans une foffe où il y auroit une ou plufeurs perfonnes afphi- xies. .Expofons maintenant le genre de fecours qui convient à ces der- niers, L’afphixie eft regardée par tous les Auteurs, comme une maladie qui confifte dans la celfation fubite du pouls, du fentiment & du mouve- ment. Elle diffère de l’apoplexie qui eft un affoupilement profond avec ronflement , ou au moins une refpiration très-élevée. Dans l’afphi- xie, les mouvemens vitaux paroïllent être comme fufpendus & arrêtés. Hic enim ( dit Boerrhaave ) #ulla ef corruptio , fed miera quies onnium Partium motricium ; cæterëm nihil mutatum eff ( 1). Si l'afphixie eft con- (1) De fpiritibus wi ignis paratis, (De Morb. Nerv. Tom. I , pag. 212.) 1779. SEPTEMBRE, Hh 2 140 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tinuée trop long-tems , les vaiffeaux du col, de la face & du cerveau s'engorgent , lg fang fe rarche, fort quelquefois par différens émonc- toires , & le poumon qui eft alors fouvenc rétreci, fe trouve rem- pli de fang. M. Troja (1), quia fait périt un grand nombre d’ani- maux par les vapeurs méphitiques , dit même y avoir remarqué de petites déchirures. On fe tromperoit cependant , & regardant la léfion de la refpiration , comme la feule caufe des accidens qu'éprouvent les afphixiés ; l'expérience fuivante femble démontrer le contraire. Onfait . que les grenouilles vivent quelquefois une ou deux heures, après qu'on | leur a ôté le poumon. M. Spalanzzani en a expofé plufieurs , auxquelles il venoit de l'enlever , à l’action d’un fluide méphitique fous un bocal, & il les a vu périr prefque fur le champ (2). | Pluleurs faits prouvent aulli que les perfonnes tombées en afphixie, ont fouvent quelques-unes de leurs parties dans un état de fpafme. On lit dans le journal de Ph:fique, cahier de Novembre 1776, l'Hiftoire de deux afphixiés, dont l’un fut trouvé mordant l'autre très -forte- ment. M. Harmant & plufeurs autres Médecins ont vu quelquefois les mâchoires des perfonnes afphixiées très-ferrées l'une contre l’autre. Le fpifime doit fans doute varter, fuivant la Nature du gaz dans lequel le malade a été plongé. L’air inflammable eft celui de tous qui donne le plus de mal-aife ; il occafonne des convulfions & mème le rétanos. Le gaz acide de la craie, eft celui qui, après le gaz inflammable , produit les effets les plus ficheux; la vapeur du charbon n'a pas rour-à fait au- tant d'énergie Ces différentes obfervations ont été faites avec la plus grande exactitude par M. Bucquet, & 1l les a confignées dans un ou- ÿ vrage dont il a été fait un rapport à l’Académie. Tous les effets de cette maladie paroiffent donc devoir être déduits, 1°, d’une forte d’engourdiffement occafionné par l'aétion des vapeurs méphitiques fur les nerfs ; 2°. du défaut de US ; 3°. des engor- gemens plus ou moins confidérables, qui en font une fuite nécef- faire. Les indications que l’on doit fe propofer en pareil cas, nous paroif- fent être les fuivantes. 19, Détruire l’engourdiffement nerveux par quelque fecoufle ou irritation. 2%. Rétablir le jeu des poumons. 3°. Prévenir les accidens qui font la fuite de a I ya déjà long-tems que des Médecins habiles ont mis en ufage les moyens nécellaires pour remplir ces indications ; on les trouvera réunis dans les en —————————_—— (1) Journal de Phyfque , Mars 1778. (2) Spal. Opufcules de Phyfique, Anim. & Vég. & Analyfe des Fonétions des Syfté- mes nerveux, par M. de la Roche, Tome 2. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 241 nombreux écrits qui ont paru à ce fujet; il fufira d’en préfenter un court extrait à l'Académie. Cœfalpin & Panarolle (1), en parlant des accidens occafonnés par la vapeur du charbon, ont confeille d’expofer les malades qui en avoient été affectés, à l'air frais , & de leur jerrer de l’eau froide fur le corps. Le dernier recommande qu’on la dirige vers le vifage, & qu’on place un foufflet dans la bouche pour rétablir le jeu des poumons. Boerrhaave a donné les mêmes préceptes. L/bi verd malum jam adeft, optimum remedium ef corporibus læfts aquam frisidam afpervere eam que udato peélori € vultui injicere (2). 1 confirme l'utilité de cette pratique par fon fuccès , dans un cas où plufeurs ouvriers qui avoient été fuffoqués par la vapeur du charbon, furent ainfi rappellés à la vie. En 1732, Chriftophe Wagner guérit une perfonne fuffoquée de la même manière , en lui faifant refpirer de l’efprit volatil fucciné de corne de cerf. M. Lorry a confeillé la méthode de Boerrhaave dans une Thèfe fou- tenue en 1747. M. Boucher, Médecin à Lille, a configné dans le journal de Méde- cine , année 1760, un Mémoire très-détaillé fur le traitement des afphy- xies , dans lequel il recommande les afperfions d’eau froide fur tout le corps, & l'ufage du vinaigre déjà indiqué par Rammazzini , dans fon traité de morbis artificum pour ranimer les mineurs affectés par la mof- fette. M. de Zeenne , confrère de M. Boucher à Lille, a mis dans le même tems cette méthode en ufage avec un grand fuccès. Le Docteur Fotheraill , célébre Médecin de Londres , rapporte qu’un particulier fuffoqué en 1761, par la vapeur du charbon , fut guéri après avoir été plongé dans un bain froid. Ce fait eft configné dans les Tran- factions philofophiques. Le même Auteur annonce qu'un Chirurgien, nommé Toflack, ra pella à la vie une perfonne fuffoquée par la vapeur d'une mine de ben , en appliquant fa bouche fur la fienne , pour introduire de l'air dans le poumon , & en la faifant frotter par tout le corps & fecouer lésèrement. Le journal de Médecine , année 1761 , annonce la vertu du vinaigre contre les afphyxiés, d’après une obfervarion communiquée par M. Vetillard du Fibert, Médecin au Mans. Le mème journal apprend que (1) Voyez le Journal de Phyfique, Mars 1778. Mém. de Gardane, où la partie Hiftorique eft très-exacte. (2) Et il ajoute : Si animalia in carvernis venenoffs mortua injiciantur , aqué fri- gidä flatim reffufcitantur ff homines à vapore carbonum mortui , ecodem modo traétautur quam citiffime , fortè etiam reffufcirari poffunt. Tom. 1, de Morb. Nev, page 212. 242 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, M. Nachet, Chirurgien de Laon, a employé heuréufement, non-feu- lement le vinaigre, mais encore la limonade dans le même cas. M. Goulin a réuni ces différentes citations d’une manière fort exacte dans le dixième volume de la Colleétion Académique commencée par Planque, & il approuve lui-même ce procéde. On lit dans les mémoires de la Société d'Amfterdam , en faveur des Noyés , qu'en 1770 le 17 Novembre (1) ,un marelot fuffoqué par la va- peur du charbon , fut rappellé à la vie par l'application de deux véfica- coires fur les deux jambes , aidée d’un lavement de tabac (2). En 1733 ,le 12 O&tobre , un vuidangeur afphyxié fut guéri par le procédé que l'on emploie à Paris pour les noyés. - En 774, M. Portal confeilla dans un ouvrage qui a été réimprimé en 1775 & 1776, fur le traitement de l’afphyxie, la faignée , les afper- fions d'eau froide , le vinaigre & l'infufflation dans la poitrine: En 1775, M. Andry , Docteur régent de la Faculté de Paris, guérit par les feules afperfions d’eau froide, un vuidangeur attaqué du plomb ; cette cure eft rapportée dans le /’ab/eau des p rjonnes noyees en 177$ (3). Dans la même année , M. Harmant, Médecin de Nancy, publia un mémoire fur les funeftes effets de charbon allumé, avec le détail des gué- rifons opérées par le procédé qu'il indique. Ce Médecin confeille les afperfions d’eau froide jettée de loin fur le vifage , à la même manière de Boerrhaave. 11 décrit les fymptômes de la maladie avec la plus grande précifion, & il communique fix obfervations dont la première date eft du mois de Décembre 1763. Toutes font inconteftables par leur authen- ticité, & les fuccès de M. Harmant écoient connus à laris depuis plufieurs années, lorfque fon ouvrage parut. Il recommande d’être très-réfervé fur la faignée, & 1l confeille d'introduire des ftimulans dans le nez & même dans la bouche, lorfqu'il eft poñlible. M. Sage a publié en 1776, des expériences qui confirment la vertu de l’alkali volatil déjà célébré par le Doéteur Targioni Tozetti dans le traitement des afphyxies ; il a rapporté des obfervations pour en démon- trer le fuccès. Le Docteur Carminati , Médecin Italien {4}, a publié dans le même tems un ouvrage confidérable fur les exhalaifons méphitiques , dans lequel il aflure que leur effet eft de détruire promptement l'irricabilité , (1) Détail des fuccès de l'érabliffement que la Ville de Paris a fait en faveur des perfonnes noyées, 1773. Imp. 1774, pag: 103. (2) On employa auffi le fel ammoniac dans ce traitement. (3) Page 19. (4) Bafliani Carminati , de animalium ex Mephiticis & noxiis halitibus interitu sjufque propioribus caufis. libri XIII, 1777. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS 243 fur-tout celle du cœur. Cette opinion eft aufli celle de M. Spalanzzant & de M. de la Roche, Médecin de Genève (1). M. Gardane , Doéteur régent de la Faculté de. Médecine de Paris, après avoir publié fes idées fur le rraitement qui convient aux afph} xiés, en 1775, a entiérement développé fes vues à ce fujet en 1778 (2). Son dernier mémoire contient une Hiftoire exacte des fecours adminiftrés dans ce cas par les Médecins : il regarde la méthode de Pancirolle & de Boerthaave qu’il rapporte avec foin , comme la meilleure. En 1778 ,un de (3) nous a confeillé l'application de ces méthodes aux perfonnes fuffoquées dans les cavaux des Eglifes , & déjà M. Morand en 1776 ,avoit donné à-peu-près les mêmes confeils pour rappeller à la vie les ouvriers afphyxiés dans les mines (4). Enfin , dans cetre mème année, M. Bucquet a entrepris d’effayer dif- férens moyens , contradictoires en apparence, pour ranimer des ani- maux afphyxiés ; il a réufli avec le vinaigre, le fel du vinaigre , l'acide marin fumant & avec l'acide fulphureux volatil, aufli bien qu'avec l’al- kali volatil , & il a établi l’étiologie des différentes maladies dans lefquelles ces procédés peuvent être mis en ufage. L'infufflation qui peut fe faire par le nez ou par la bouche, avec le tuyau décrit par M. Pia (5), & qui pourroit aufli fe pratiquer de bouche à bouche , comme nous l'avons dit, eft rrès-urile aux enfans nouveaux- nés , qui font languiffans & affoiblis. Smellie y a eu recours avec fuccès, & il a configné ce fait dans fes écrits ; depuis lui, ce moyen eft très- connu des Accoucheurs. M. Pia fair mention dans fon Recueil pour l’an- née 1773 (6), d’un enfant ainf rappellé à la vie; la gazette de Man- heim en a rapporté les circonftances. M. Portal a eu occafion d'en obferver les bons effets, & il en a parlé à la fuite de fon ouvrage fur les afphyxies en 1774. D'après les détails hiftoriques que nous venons d'offrir à l'Académie, ne doit-on pas être étonné que le traitement des afphyxies ne foit pas généralement répandu ? IL eft vrai que les méthodes employées ont dinguliérement varié, & l’on eft furpris qu'elles aient toutes eu des , fuccès. La conféquence qu'on doit tirer de cette réflexion , c’eft qu'au- | cune n'eft vraiment fpécifique , & que, malgré leur oppolition appa- rente , elles doivent produire, fous un certain rapport, des effets ana- (1) Ouvrage fur les fonctions du fluide nerveux, Tome 2. (2) Journaux de Phyfique, 1775 & 1778 G) M. Vicq d'Azyr. (4) Recherches & Confeils de Médecine fur fes maladies qui mettent en danger la fanté & la vie des ouvriers des Mines, feconde Partie de l'Art d'exploiter Les Mines de Charbon, fection 1V, publiée en 1776, page 977. (5) Defcriprion de la Boîte d'entrepôt, pour le fecours des Noyés, Planche IK, & Planche 2, fig. 7 & 8. (6) Page 111. 244 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, logues. À la vérité, toutes fonc irritantes , toutes excitenr, réveillent, & c'elt-là l'objet eflentiel. Telle eft donc la raifon pour laquelle les acides, les alkalis, lesodeurs empyreumariques & fortes, les afperfions d’eaufroide, partielles ou totales, les bains froids, les fternutatoires , Les infufflations dans la poitrine, les lavemens de tabac, les fcarifications même, ont rap- pellé à la vie les perfonnes afphyxiées. Il y a cependant un choix à faire parmi ces différens procédés. Ti- chons de le déterminer & de remplir fÉ indications propofées plus haut. Le danger que l’on court, en pénétrant dans un lieu rempli de vapeurs méphitiques, dont une ou plufieuts perfonnes ont été frappées , eft fou- vent le premier obftacle que l’on trouve dans l’adminiftration des moyens qui leur conviennent. Si ceux qui s’expofent pour les fecourir avec la pré- caution de fe faire paffer un lien fous les bras, fe trouvent mal ou éprou- vent du mal-aife ; fi une lumière que l’on plonge dans le lieu into, s'éteint , il faut fur le champ y jetter abondamment de l’eau très-froide, & la répandre à la manière des arrofoirs, en ayant toujours foin que les perfonnes tombées en afphyxie, ne foient pas fubmergées. Cette pra- tique utile a encore été confeiliée par Boerrhaave , qui s'exprime à ce fujet de la manière fuivante (1). Sed fe effici poffct ut aqua ad ilia loca veniar, féatim venzrum abefl ; vel debent conffruere caminum altum & fab foramine in ejus lacunari faëto ignem ponere qui aerem fuppofitum rare face. Ce der- nier paflage annonce la manière d’employer les tuyaux, & de placer le feu , comme on le fait dans plufeurs mines , & comme les Auteurs du ventilateur l'ont pratiqué. Dans bien de cas, on pourroit employer avec fuccès le moven indi- qué par M. de Morveau, & qui conlfifte à répandre de l'acide vitrio- lique fur du fel marin un peu féché auparavant. { La perfonne fuffoquée par les vapeurs méphytiques, étant une fois tirée de l’endroit infecté, il faut l'en éloigner , fur-tout fi les vapeurs font férides, comme celles des latrines; on la déshabillera , & on la tranfportera dans un lieu vafte, frais & bien aëré: fi fon corps eft fouillé par quelques immondices , on létendra par terre fur un drap , la tère un peu élevée, & on fera jetter deflus plufieurs fceaux d’eau froide avec force & d’un peu loin, afin d’exciter plus de furprife. Le corps étant fufhifamment nettoyé , on aflujettira le malade fur un fiégebas, où il fera un peu renverfé en arrière, & plufeurs perfonnes feront occu- pées fans relâche , à lui jetter fur le vifage & fur pate de l’eau la plus froide par verrées & de loin. Si la caufe de la fuffocation n’eft pas telle que le corps foit fouillé de matières infectes, on pourra com- mencer par ce genre de fecours , & fi on fe permet des afperfions totales, (1) De fpiritibus exfum. & de morbis nervorum , Tom. I, page 105. ‘4 ve ; 1 : r- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 24f il faudra bien prendre garde que le malade ne coure les rifques d'être incommodé par la trop grande quantité d’eau ; il feroit aufi très-utile de placer des morceaux de glace fur le front & fur la poitrine, fi l'on pouvoit s'en procurer. Inutilement on confeilleroit, à cette époque , des boiflons quelconques ou la faignée. Les mâchoires font, comme on l'a dit, quelquefois ferrées lune contre l'autre; & quand bien même il feroit poflible, dans tous les cas, d'ouvrir la bouche, la déolutition n'ayant pas lieu, les Auides ne parviendroïent pas jufques à l’eftomac; d’un autre côté, quand la veine feroic ouverte , le fang ne fortiroit qu’en très-perite quantité à caufe de l'inaction de tous les vaifleaux, & sil fortoit plus abondamment, il feroit bien à craindre qu'un affaiffement mortel n'en fût la fuite : ainfi, jufqu'à ce que les mouvemens vitaux fe foient fait appercevoir , on ne doit rien attendre que des irritans extérieurs. I ne faut point oublier de ftimuler la membrane pituitaire, foir avec l’alkali volatil qui eft très-aŒtif, foit avec le fel de vinaigre , foit avec l'acide fulphureux volatil, dégagé du fouffre que l’on fait brûler & qu'il eft facile de fe procurer par - tout. On peut introduire dans le nez de petits rouleaux ou des pinceaux pénétrés de ces fluides (r). Les frictions faites fur les différentes parties du corps avec des linges imbibés de vinaigre, procureront aufli un grand avantage. Quoique l'infuflarion de l'air dans la poitrine n'ait pas été confeillée par tous les Auteurs qui ont donné des préceptes fur le traitement des perfon- nes attaqués d'afphyxies > nous penfons cependant que ce fecours ne doit point être négligé (2). L'Auteur des recherches en faveur des ouvriers noyés où fuffoqués dans les mines, la recommande (3); pour la mettre en ufage , il fufhira de placer un tuyau dans le nez ou dans la bouche du le en fermant celle de ces cavités qui fera reftée ouverte, & d'introduire par ce moyen une très-petite quantité d'air qu'on augmentera enfuire peu-à-peu. La glotte qui refte ouverte lui donne un libre pañlage, L'inftrument confeillé par M. Pia a cet avantage, qu'en le pinçant, on intercepte l'air qui peut revenir du malade vers la bouche de celui qui fouffle dans le tuyau. Une remarque de la première importance, c'eft que fi le malade commence à refpirer , ou s'il refpire encore un peu , 1l faut s’abitenir de ce procédé qui ne pourroit que le fuffoquer davantage. Peut-être aufli feroit-1l plus prudent d'employer avec beau- a (1) 11 ne faudroit pas s'expofer à boucher entièrement le nez, dans un moment où l'on en a befoin pour rétablir la refpiration. (2) Bocrhaave, M. Harmant & M. Gardane ne la confcillent pas dans Le cas d'Af- phixie. (3) Refléxions far les diférens moyens confeillés dans l'avis publié en 1740 & [ur leur adminiftration, Art d'exploiter lc Charbon de terre. Article: , page 996. Tome XIV, Part. Il.1779 . SEPTEMBRE. 1|i 246 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, coup de modération un foufilet pour cet ufage , à la manière de Paracelfe; on introduiroit, par ce moyen, un air plus frais, plus pur & moins dénaturé que celui qui a déjà été refpiré. - Lorfque le mouvement de la poitrine commencera à fe ranimer , on agitera l'air auprès du malade, foit avec un chapeau, foit avec un éventail, de manière à le diriger vers fa bouche, on placera encore dans ce moment les vapeurs ftimulantes fous le nez , avec la précaution de les empècher de pénétrer dans la bouche. Si l’on peut parvenir à le faire éternuer , on lui procurera beaucoup de foulagement , & fa guérifon fera très-avancée Aufli-tot que la déglutition pourra s'éxécüter, mème foïblement, on introduira dans la bouche quelques cuillerées d’eau fraîche , à laquelle on aura ajouté du vinaigre employé dans les mines de Quekna, en Norwège, ou du fuc de citron, ou de limon( 1 ). Alors, les mouvemens vitaux commençant à fe rétablir, on doit principalement infifter fur les friétions qui feront faites par plufeurs perfonnes en même-rems fur le tronc & les extrémités. Auñi-tôt que le malade aura éprouvé un tremblement & un faififle- ment, qui font une fuite néceflaire du procédé indiqué ci-deflus, on l'enveloppera dans un drap fec & médiocrement chaud, & on le tranfportera dans fon lit. La chambre où on le dépofera fera grande & bien aérée. On ne doit pas difcontinuer les friétions ; c’eft alors , un ma- Jade que l’on a à traiter, & les fymptômes doivent déterminer le genre de rémèdes convenables qui doivent ètre variés fuivant les circonftances. Nous croyons que l'émétique ne doit jamais être employé dans ce cas : les vaifleaux du cerveau font trop difpofés à l'engorgement pour qu'on rifque de les furcharger de nouveau. On pourroit, tout au plus , : donner l’émétique en lavage, fi le malade avoit beaucoup mangé avant fon'accident. 2°. On fe bornera aux potions acidules & aigrelettes, les cordiaux, proprement dits , étant , fuivant nous , très-dangereux. 3°. Si le malade eft très-fanguin , fi en tombant il s’eft bleflé , ou fi les fymptômes, qui annoncent l’engorgement font très-opiniâtres, dans ce cas, la circulation rétablie, on fera une faignée au bras , mais on tirera peu de fang ; il vaudroit mieux y revenir une feconde fois fi la circulation l’exiseoit, que de faire d’abord une faignée trop abondante. 4°. Les lavemens un peu irritans font néceffaires ; ceux que l'on prépare avec le favon & le fel de cuifine conviendront beaucoup dans ce cas; ils ftimuleront fuffifimmenr, & ils feront fortir les matières accumulées. (x) Voyez Méthode abrégée pour fecourir les perfonnes fuffoquées accidentellement, Art d'Exploiter les Mines de Charbon de Terre, page 1005. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 247 Nous finirons en aflurant , d'après les expériences mulipliées de toutes parts, qu'il eft crès-important d’infifter fur Les fecours que l'on adminiftre, & que fouvent un fuccès complet 4 été la récompenfe inattendue d'un travail de pluñeurs heures; nous penfons aufli que cette méthode , qui eft conforme à la méthode publiée en 1776 par M. Portal , peur être également employée pour les perfonnes fuffoquées par le tonnerre ; par les vapeurs des cuves en fermentation , par celles du charbon , ainfi que par les émanations des puits, cloaques & foffes d’aifance. Nous jugeons donc que l'extrait du fait configné dans l'obfervation de M. Marcorelle , mérite d’être inféré dans l'Hiftoire de l’Académie; elle difpofera comme elle jugera à propos , des réflexions que nous y avons ajoutées, & qu’elle nous a demandées. MorAND,PoRTAL, VicenAzvye. Je certifie Le préfent Extrait conforme à l'original & au jugement de l’Académie ; ce 30 Juin 1779. Le Marquis pe Conporcer. BOT ANA QUE, Plantes étrangères dont la fleuraifon n’avoit pas encore paru. dans nos Climats. L ARBRE qui étoit connu jufquà préfent dans les jardins de Botanique fous la domination d’arbor incognita finarum ( arbre inconnu des Chinois), après plus de trente ans de plantation, porte enfin des fleurs dans les jardins de la Reine à Trianon , & dans ceux de M. le Maréchal Duc de Noailles, à St-Germain-en-Laye. (On dit qu’il a fleuri l’année dernière en Angletetre , /ëd rumor tantièm pervenit ad aures). Cet arbre eft remarquable par fon port noble, fa hauteur & l'éclat de fon feuillage , les feuilles font alrernes , & ont à leur naïflance un renfle- ment antérieur & poftérieur. L'écorce du tronc eft prefque unie , & de couleur cendrée; fes rameaux font conftimment d'un verd foncé, & portent la mème teinre que celle des feuilles ; le bois en eft caffant & fragile. Les folioles fonc pinnées ; rangées fur un filer commun, & terminées par une impaire; elles font d’un verd foncé & luftré en deflus , & d’un: verd glanque en deffous. Elles fonc prefque toutes oppofées, on en remarque cependant plufeurs qui font légèrement alternes ; elles fonc oblongues , & finiffent en pointe. Les pétioles font prefque feñiles. 1779 SEPTEMBRE. Liz 248 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Les fleurs font légumineufes , difpofées en-panicules & fubdivifées en différentes parties : elles naïlfenr à, l'extrémité du rameau , d’un blanc herbacé : leur odeur eft peu fenfble. Le calice eft monophylle, petit , en forme de cloche , & partagé en cinq échancrures. L'étendard (vexi/lum ) eft grand, ouvert, arrondi, échancré au fommet en deux portions , recourbé à fa partie fupérieure , & rabattu fur une portion ce calice. Les aîles ( a/e ) font oblongues , ovales & accollées latéralement fur la nacelle. La nacelle (carina) eft compofée de deux pièces prefque de la même forme & de la mème longueur que les aîles , & renferme dix étamines diftinétes & féparées ; il faut remarquer que le pétale droit fe croife fur le gauche. Du centre des filets des éramines s'élève le piftil, compofé d'un embrion cylindrique, d’un ftyle aminci & filiforme , terminé par un: ftigmate très-petit; fes racines font pliantes , jaunâtres , & ont le même goût que celles du robinia pfeudo acacia. I en réfulte donc que ce bel arbre, dont les fleurs font légumineufes, doit être placé dans la fection IL. de la vingt-deuxième claffe de Tourne- fort , & dans /a decandria monogynia de Linæus. D'après la première infpeétion des parties fexuelles, qui n’étoient point encore bien. développées, & d’après la comparaifon de plufieurs parties fimilaires que cet arbre partage avec le robiria pfeudo acacia , j'ai penfé d’abord qu’on pouvoit préfamer que c’en étroit un; mais des obfervations fcrupuleufement faites depuis par M. Richard ( jeune homme d’un très-grand. mérire, très-eftimable par fes mœurs , par fes connoïffances multipliées, & profondément inftruir de tous les myftères de la Botanique) déterminent fa vraie exiftence ; je le nommerai donc d’après lui notre arbor incognita , fophora finica. Ce qui fembleconfirmer cette déhomination, c’eft qu'indépendamment des caraétères propres au fophora, que nous venons de détailler, je viens d’obferver que le rudiment des fruits, eft long, articulé, & ad articula nodofum , comme dit Linnus. La fruitificarion complerte levera route efpèce d'incertitude, Cet arbre eft originaire de la province de Pékely. Le pere d'Incarville en envoya des graines à feu M. Bernard de Jufieu, vers 1747 ; fous le nom de Aoaï-t7e , vel hoaï-1oa , flos ad ticuluram luteam , (je tiens certe anecdote de M. le Monnier, }.elles furent femées pour lors au jardin du Roi, & levèrenr, très-bien. L'arbre qui eft dans les jardins de M. le Maréchal de Nouilles en eft un. M. le Chevalier de Janffen, Baronnet de la Grande-Bretagne , en. apporta. quelques pieds de la pépinière de Gordon, pere, (célèbre Pépi- niérifte, de Londres )il.ya près: de 25 ans, & en fit préfenc à plañeurs. Amateurs. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3249 Cet arbre eft très-ruftique , vigoureux , il a très-bien fupporté l'hiver de 1776 , ce qui ne doit pas furprendre; perfonne n'ignore que l'incenfité du froid eft encore plus grande & plus longue à Pékin qu'à Paris. On le multiplie facilement par les boutures., les marcottes , & même par les racines. Nous avons tout lieu d’efpérer que nous en obriendrons des femences. Il eft à defirer qu'on s'occupe à multiplier ce bel arbre, dont les Arts pourront peut-être , par la fuite , tirer de grands avantages. L'ANIS ÉTOILÉ ou LA BADIANE. ARBRISSEAU. Ulicium Anifatum, L.S.P. qe TTE Plante eft connue des Anglois fous le nom de Zlicium Floridanum , parce que certe plante leur eft venue de la Floride, où.elle croît ainfi qu'en Chine & au Japon. Depuis qu’on cultive la Badiane en Europe, on ne l’avoit jamais vu fleurir, & Von Linné ne l'a décrite que fur la foi de Kœmpfer; elle a fleuri au jardin du Roi de France en 1 78, & nous avons été allez heureux pour la prendre fur le fair. La defcription ne fera pas conforme à celle de Von Linné, mais elle l’eft à la nature. Cet arbufte s'élève peu (au moins en Europe ); les rameaux font alternes ainfi que les feuilles ; les feuilles font entières, longues , aiguës, fans découpures , portées par de longs pétioles fillonnés en-deflus. Les fleurs naïflent folitaires dans les aillelles des jeunes rameaux ; élles font foutenues par des pédicules longs, cylindriques & foibles; elles font hermaphrodites : la corolle eft compofée d'environ dix pérales, difpofés fur un rang autour des ovaires. Entre les pétales on. trouve un fecond rang formé par environ dix neétaires tubulés, convexe d’un côté, filonné de l'autre. Au centre de la fleur font les parties fexuelles, lefquelles , vues de face, offrent une figure radieufe. L'amas des piftils forme un grouppe dans le milieu de la corolle ; à la bafe du grouppe : les étamines font difpofées horifontalement ; elles font pofées entre les nectaires & les piftils, & font rangées circulairement autour des piftils. Le filet des éramines eft très - court , & l’anchère partagée en deux loges : nous avons compté treize ftiomates au grouppe des piftils, & vingt étamines au moins. Chaque piftil nous a paru compofé d’un ovaire, d’un ftil & d’un ftigmate en forme d’alène : ces trois dernières figures font augmentées. Comme cer arbufte n’a donné que deux fleurs , & pour la première fois , il n'a pas été poflible de les facrifier pour en faire une defcriprion inconteftable par rapport au nombre des parties; nous n'avons pu la io OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, confidérer qu'avec le fecours d’une bonne loupe , mais nous garantiflons le nombre des ftigmates; pour celui des éramines , comme les anthères font doubles , & qu’elles font rangées circulairement , nous avons eu beaucoup de peine à les compter : après plufieurs reprifes nous avons toujours compté de vingt à vingt - deux, c’eft pourquoi nous ofons croire qu'il y en a au moins vingt. Les pétales & les neétaires n'étant pas en nombre égal furles deux fleurs , nous avons lieu de croire qu’il n'eft pas conftant ; quant au calice, que Kæmpfer & de célèbres Botaniftes réduifent à quatre feuilles , il eft conftant que celui des deux fleurs que nous avons peintes d’après le naturel, avoit cinq feuilles, dont deux blanchâtres, & oppofées, ce calice eft caduque. Le fruit qui fuccède à la fleur eft compofé de plufieurs capfules réunies , difpofées en étoile tronquée : les capfules devroient naturellement être en mème nombre que les ovaires, mais il paroït qu'une partie des loges avorte, s’oblirère & s'efface ; car nous avons examiné un grand nombre de fruits , fans y rencontrer plus de huit capfules. Ces capfules font réunies à un centre commun, & tiennent toutes enfemble : chaque capfule forme une feule loge , qui s'ouvre dans fa longueur & renferme une graine , laquelle eft ovoide , & terminée par une petite pointe qui eft fouvent recourbée. Le fruit de cet arbufte, appellé Axis étoil, & la liqueur appellée Badiane & Badiane des Indes, éroient connus en Europe long-tems avant won ne l'y cultivàr, On appelloit encore ce fruit Anis de Sibérie, Anis de l& Chine & Anis des Indes. On l’a appellé vulgairement Anis ,à caufe de la grande reffemblance de fa faveur , de fon odeur & de fes vertus avec notre Anis ; il a même toutes fes qualités à un dégré plus éminent que l’autre. Les Chinois & les Orientaux , & les Hollandois, à leur exemple, en mettent dans le forbet & dans le thé pour les rendre plus agréables. Ces deux plantes font gravées d’après nature par Mad. Regnault, fi connue déjà par la fuite des plantes de Botanique enluminées , donc l'entreprife continuée avec fuccès eft fi bien accueillie du Public, N SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 251 | —— issus ‘ 04 ag + NOUVELLES LITTÉRAIRES. à la naturelle du Froment, dans laquelle on traite du principe de la fécondité des terres , du développement du germe, de fon accroïf- fement, de la fleuraifon , des maladies du bled , des parties confti- tuantes de la farine, des moulins , de la mouture, du pain, de l'ufage de la farine dans les Arts & Métiers, enfin de la nutrition; par M. l'Abbé Ponceles , avec figures. A Paris, chez Defprez, rue Saint-Jac- ques, 1779,1 vol. , 21-8°. Quantité d’Auteurs ont écrit fur l'Agriculture; plufñeurs ont com- pofé des traités particuliers fur certains objets ifolés. La culture des grains , celle des arbres, des fleurs, &c. ont fait naître des ouvrages excellens , mais perfonne n’avoit fuivi la marche que M. l'Abbé Poncelet a tenue dans fes recherches fur le froment, Le grand livre de la nature, a été le feul qu'il a voulu confulter, & comme ce livre eft ouvert à tout le monde , & que les Swammerdam , les Leuwen- hoeck, les Duhamel , les Parmentier , les Malouin, &c. &c. y'ont lu, & en ont expliqué plufeurs Chapitres, il neft pas étonnant qu'il fe foit rencontré avec eux. Sans livres, fans compagnon, feul, il a labouré lui-même le champ qu’il a enfemencé. Sans charrue, fans moulin, fon imagination induftrieufe , aidée par les circonftances & excitée parla nécefliré lui a fourni les uftenfiles néceffaires à la récolte, à la trituration de fon grain, & à la préparation de la farine & du pain. Un excel- lent Microfcope lui a découvert & développé les organes merveil- leux du germe, des parties de la fleuraifon , de la fécondation & de la formation du grain de froment; quelques vailleaux chymiques Jui ont fourni une analyfe exacte : enfin, à l’aide de fon crayon & de fes pinceaux , on retrouve dans fon ouvrage les figures détaillées de tour ce qu'il a obfervé. On ne peut rien defirer du côté de l'exactitude fcrupuleufe dans les différentes expériences. L’'Auteur examine d’abord les qualités de la terre végétale, les plus propres au développement & à la réproduction du froment. Ce développement & cet accroiflement ne peuvent s'exé- cuter que par la nutrition ou l'addition fucceflive des parties fimilai- res. Ces parties doivent donc fe trouver réellement préexiftantes dans la terre qui tient lieu de nourrice à la plante. C’eft aufli ce que l’ana- lyfe chymique d’une terre médiocrement fertile, comparée à celle du 252 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, froment femble confirmer abfolument. L’Auteur a joint celle du fang humain pour que le rapprochement füt plus parfait. Les parties nurri- tives & fertilifantes réfident dans une efpèce de terre foluble à l’eau, comme l'avoient déjà remarqué MM. Kulbel & Homes. Voici la Table de comparaifon telle qu’on la trouve dans l'ouvrage. Terre foluble. Farine. Sang Humain. x°, Eau infpide & ino-| 1°. Eau inodore. 1°, Eau phleogmatique dore. inodore. 2°, Eau légèrement mu-| 2°. Eau douceâtre & em- cilagineufe & chargée| pireumarique. de quelques princi- 2°. Second phlegme chargé de quelques principes. es. ,? Subftance huileufe | 3°. Indices de fel eflen- & faline, annonçant| riel, & enfuire de fel la préfence d'un fel alkali volatil fous une ellentiel d’abord , &| forme fluide. enfuice d’un fel'alkali volaril. ) 4°. Huile très-ténue. |4°. Huile ténue. 3°. Sel alkali volatil fous forme concrète. 4°. Belle huile jaune & tenue. s°. Huile épaifle & s°. Huile épaile. s°. Huile épaille, aflez fort empireumati- femblable à de la graifle fondue , fort|que, brune & très-empi- reumatique, 6°. Sel fixe de la naturel 6°. Sel fixe de la nature| 6°. Sel fixe du genre des fels neutres. des fels neutres. des fels neutres. 7°. Terre blanche & ré-| 7°. Terre blanche & ré-]7°. Terre blanche & fractaire. fractaire. réfractaire, # Les différens engrais propres à multiplier & renouveller cetre terre foluble , ce principe de la fertilité, l'occupent enfuite, ainfi que la préparation du fol, le labour & les femailles : des réflexions juftes accompagnent toujours ces détails de pratique. C’eft dans l'ouvrage même qu'il faut lire la defcriprion des parties organiques du grain de froment , le méchanifme de fon développement , la théorie de fon accroïffement; c'eft fur les gravures qu'il faut admirer le détail de la fleuraifon & des parties organiques de la fruétification. Depuis long- tems on admet un rapport rie entre le règne végétal & le règne animal ; SUR l'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 253 ” animal ; l’analogie que M. l'Abbé Poncelet trouve entre le germe dans le grain, & le férus des animaux dans la matrice, donne un nouveau jour & augmente les points de rapprochement. L’analyfe imparfaite du bled offroit en général une fubftance mu- queufe, nutritive & fermentefcible, connue fous le nom d’Amidon, & une autre fubftance fingulière, refflemblante à une matière animale, vifqueufe, alkaline & très-difpofée à une prompte putréfaétion , défi- gnée fous le nom de fubftance glurineufe. En pouflant fes recherches plus loin, l’Auteut a trouvé que la fubftance glutineufe contenoit une vraie réfine & une vraie gomme, qu'il en a extraites par l’efprit-de-vin & l'eau; que l'amidon étoit un vrai magma, dans lequel dominoit la fubftance muqueufe , ou fel elfentiel fucré, uni à une terre élémen- taire prefqu'aufli abondante ; enfin , que la farine eft originairement compofée de terre, d’eau, d'air, de plufieurs efpèces d'huiles, les unes claires & volatiles, les autres plus épalles ; de ditférens fels, l’un effen- tiel, l'autre alkali volatil, & d’une très-petite portion d'acide; que de la combinaïfon un peu plus compliquée de ces mèmes principes, que l’on peut regarder, finon comme abfolument fimples , du moins comme parties conftituantes , il réfulre en outre une gomme, une réfine, une efpèce de fucre , & enfin un magma, connu fous le nom d'Amidon. : Pour peu que l'humidité pénètre dans l'intérieur des deux lobes, elle occalionne une vive fermentation dans la fubftance muqueufe ou fucrée, dans la fubftance mucilagineufe ou gommeufe , & par aproxi- mation dans la fubftance réfineufe. Ce mouvement de fermentation excite une agiration dans le grain, tour tend à une défunion prompte & violente; le germe fe développe , mais l’accroiffement n'ayant pas lieu faute d’une nourriture nécellaire , les parties conftituantes & orga- niques violemment agitées & défunies , ne tardent pas à altérer, à Re: menter, à changer de nature , & à donner pour dernier réfulrat ce que nous nommons la putréfaction. C’eft cette décompofition à laquelle M. Poncele cherche à remédier en propofant de fouftraire le grain abfolument à l'humidité. On connoît fur cet objet les travaux de M. Duhamel, & de plufeurs autres Savans Aoricoles. Voici la méthode que l'Auteur prefcrit pour conferver le grain des fiècles entiers. Dans un grenier dont le plancher fera bien folide & bien carrelé, élevez une enceinte en brique d’un bon pied d’épaifleur & de trois pieds de haut; ménagez fur le rebord intérieur une retraire ou feuil- lure. Les côtés ou parois tant intérieurs qu'extérieurs , feront crépis avec du bon ciment. L'étendue & la forme de certe enceinte feront dé- terminées par la figure du local & la quantité de bled que l’on voudra conferver. Pour éviter l’occafñon d'introduire inutilement & même Tome XIV, Part, II. 1739. SEPTEMBRE, K k 254 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dangereufement , l'air dans le bled renfermé que l’on fe propofe de conferver encore long-tems , & cependant pour avoir roujours la liberté de pouvoir difpofer d’une partie du mème bled , fi la nécefité con- traignoit d'y avoir recours , on ménagera dans l'intérieur de l’encaifle- ment des cafes formées par autant de divifions, ou de féparations éle- vées en brique, pareilles en tout au petit mur du pourtour, & ayant chacune au fommet une double retraite ou feuillure. Avant que de verfer le bled dans chaque cafe de l'encaiflement, il faudra bien s'aflurer qu'il eft tel qu'il doit être pour pouvoir être renfermé, fans courir le moindre rifque de fe corrompre ; c'eft-a-dire, qu'il doir être bien fec, exempt d’ordures & de pouflière , & fur-rouc purgé de route efpèce d’infectes. Ainfi deux , trois ou quatre mois feulement après la moiffon, afin qu'il air tout le rems de bien jetter fon feu, on commencera par le battre , le vanner, le cribler, le leffiver À la méthode de M. Ailler, c’eft-à-dire, dans une leflive de cendres de bois neuf & de chaux (1)3 on le fera enfuite bien fécher à une chaleur très-cempérée , foir à l'étuve , au four après la cuiffon du pain , ou tout autrement , comme on le jugera plus à propos. Le froment ainfi préparé, on en remplira lune des cafes ; on la couvrira de planches proprement rabotées , de deux ou trois pouces d’épaiffeur, on en collera efactement toutes les jointures avec des ban- des de toile , enduites de bonne colle de farine , dans laquelle on aura fair bouillir quelques gouffes d'ail. On finira par couvrir les planches avec du fable, le plusfec qu'il fera poflible de trouver, & jufqu’à un bon pied, même quinze pouces d’eépaifleur. On remplira & garnira les autres cafes, avec la mème attention & les mêmes précautions. Le froment ainfi renfermé fera parfaitement à l'abri de tout danger, des fouris , des infeétes & particulièrement des injures du tems, & de l'intempérie de l'air. L'amour du bien public & le zèle que M. l'Abbé Poncelet mon- tre pour être utile à fes Concitoyens , lui ont fait porter fes regards & fes recherches fur les moulins , la mouture , la confervation des farines , l’art de faire le pain , la manière de préparer les levains , le pétriflage , la cuiffon , & les différentes fortes de pain. C’eft dans lou- vrage même qu'il faut lire ces détails. Les refléxions intéreffantes donc ils font femés, réunies avec les travaux infiniment utiles de M. Par- mentier , forment à préfent une théorie complette fur la partie de nos alimens, la plus commune & la plus analogue à notre manière de vivre. AR PO EEE (1) Cent livres de cendres, deux cents pintes d'eau, & quinze livres de chaux, pour 60 boilfeaux de froment, SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 255 Novo _ Metodo per coltivare gli Ananas fenzo fuoco , avec figures, Turin. C’eft l'ouvrage du Jardinier de M. le Comte de Perron, L’Au- teur après bien des peines & des foins, eft parvenu à trouver une forte de chaflis pour couvrir les Ananas, qui n'eft pas difpendieux , qui pro- cure aux Plantes tous les avantages qu’elles peuvent retirer de l'air & du foleil, & qui facilite au Jardinier toutes fes opérations, Il a en outre découvert, à force de faire des épreuves, que les copeaux fermentent autahe que le fumier & le tan, & qu'en les employant par préférence pour y enterrer les pots, on épargne des frais, & on évite beaucoup d'inconvéniens très-nuifibles aux Plantes. 11 en fait le détail dans fon ouvrage , 1] enfeigne la façon de fe fervir des copeaux, & il donne les règles les plus sûres pour cultiver l’Ananas dans tons les climats d-peu-près femblables à celui du Piémont. La Planche , faite avec la plus grande précifion , explique la façon de conftruire les chaflis. On eft perfuadé que le public, & fur-tout les Amateurs de l’Ananas, recevront avec plailir ce petit ouvrage qui les mettra à même de farif- faire leur goût à crès-peu de frais. DEEE TABLE DC HAE RAT PU CUL ES Contenus dans ce Cahier. Lire fur Les Feuilles & fur la Circulation de la Sève; de M. NV asret, de la Société Académique de Cherbourg , Affocié Honoraire de La Socicré Royale d'Agriculture d' Auch ; à M. Fouceroux DE Bonparoy, de l’Académie des Sciences , Page 173 Mémoire fur Le fel qui fe forme par un long repos Jur Le réfidu que Por trouve au fond de la cucurbite , après la re&lification de l'éther vitrioli- que; € fur un autre Phénomène obfèrvé dans la diflillation du même éther, en employant un efprit-de-vin retiré du marc de nos raifins ; par M. Monrer , de la Société Royale des Sciences de Montpellier , 182 Expériences éleétriques qui démontrent que l'eau peut propager La Commotion ; par M.HorBERN-BERGMAN , 192 Déféription & obfervations fur le Tremblement de terre de Bologne, en Tralie ; par M. Le Comte Avcuste De CuAsor 4 198 Réponfe à la Lettre de Madame de V*** contenue dans le Supplément 256 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, &c: au Journal de Phyfique, page 281 ; dans laquelle on crouvera, 1°. Les raifons qui rendent probable ; le [yfléme de l'émiffion de la Lumière; 2°. des idées G des Expériences nouvelles fur la nature de la Lumière Ë de Jes effus, 6 en particulier La décoloration des furfaces colorées qui font expofees à la Lumière, 6 fur l'étiolement des Plantes ; par M. Jean Sexssrer , Bibliothécaire de la République de Genève , & Membre de la Société Hollandoife des Sciences de Harlem , 200 Expériences fur les Tubes Capillaires ; quatrième Seëion ; par M. Du- TOUR ; 216 Extrait d’une lettre de M. MacetLAN , Membre de la Société Royale de "Londres , a un de fes Amis de Paris, | 225$ Lerrre de M. Cnasert de l'Oratoire, aux Auteurs dece Recueil, 227 Obférvation fur l'effet du Scarabé méloë, dans la Rape; par M.ROMME, 218 Memoire fur la méthode fingulière de guérir plufteurs maladies par l'Em- physème artificiel ; par M. GALLANDAT , de plufeurs Académies , Démonflrateur d' Anatomie, de Chiruroie & de l'Art des Acconchemens , a Fleffingue, 229 . Extrait des Regifres de l’Académie Royale des Sciences, du 30 Juin LE, : # \ M 2 » e 23% Botanique, Plantes étrangères dont la fleuraifon n’avoit pas encore paru dans nos Climats, 247 L’Anis étoilé ou la Badiane ; arbriffeau , 249 Nouvelles Lircéraires , à ! 251 APP RER. O0. BEANTICIMONN. “Ar lu, par ordre de Monfcigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a Eee titre : Obfervations fur La Phyfique, fur l'Hifloire Naturelle & fur les Arts, Etc. ; par M. l'Abbé Rozrer, &c. La Colleétion de faits importans qu'il offre pério- diauement à Les Leéteurs, mérire l’accucil des Savans ; en conféquence, j'eftime qu'on peur en permettre l'impreffion. A Paris, ce 18 Seprembre 1779. VALMONT DE BOMARE. “ke Jéplembre 1779 le seu. nan >= a be Le eme. 2 mu M vos nue nee "VV Men Re 04 fins a. RE or queen A = A ie DNI49]f7 0 #54 Û l L = — d À : s | “iii Jason ne ie M CUIR | ur ts ET TC p9 12770 CCE | ae — ra (JOURNAL DE PHYSIQUE. | OCTO BAR ES vx mo: | EN ES rm mr D à PSS SAR EEE PR SPORE LS er RS ee pe = 3 RS 7774 7 è RE TCETER RS CUH "ES Chymiques fur la terre des Pierres précieufes ou gemmes ; Par M. Tonsern BerGMAN, Profeffeur de Chymie, Chevalier de l'Ordre Royal de Wafa. $& L Opinions diverfes fur la terre des Pierres précieufes. D Ans les rems mème les plus reculés, l'éclat, la tranfparence , [a couleur & la dureté des pierres précieufes ont fixé l'attention des hom- mes, au point que on Éhétnent au fiècle de Théophrafte, elles jouif- foienc déjà du nom de pierres précieufes , mais dans le nôtre mème, ce n'eft qu'à trèsgrand prix que l'on fe procure ces riches produits du règne minéral. Pline à dit d'elles, avec autant de vérité que d’élé- gance , qu’elles renfermoient en petit toute la majefté & la Éleidene de la nature(1); cependant la plupart des hommes s’attachant plutôt à leur éclat extérieur , qu'à leur principe, ne penfent qu'à en faire l'objer de leur vanité & de leur luxe, & négligent abfolument la re- cherche de la caufe de leur perfection. Leur rareté & leur cherté fe font oppoféés à leur examen. Combien de fois les perfonnes riches achetant de faufles pierres pour de véritables , n’ont-elles bien payé la peine de leur ignorance ; mais la folie & l'inconfidération n’accompagnent que trop fouvent les richefles. Les Minéralogiftes les ont claffées chacun à fa façon dans leurs fyftè- mes , mais les uns s’atrachant à leur forme ‘xtérieure , les autres à des qualités douteufes & incertaines , il n’eft pas étonnant qu'ils ne (1) Hiftoire Naturelle, L. XXXVII, Tome XIV. Parc. IL. 1779. OCTOBRE SLI 248 .,,0BSERVAT DAYS: SUR TARDE STO| UF ENS fé trouvent pas d'accord; & certainement ce n'eût été que par hafard qu'ils -euffent rencontré la vérité, ignorant même fi leur bafe rerreftre: éroit. fimple & primitive, ou compofée & dérivée. Cèux qui lés ont rangées dans la clafle des fels n'ont confidéré que leur figure , mais n'ont point faitatténtion que lesi formes ‘déterminées & conftantes ne dépendent pas toujours d'un caractère falin, quoique les fubftances: folubles-dans-l’eau-fe cryftallifent -plus facilement que les autres. Car lés matières métalliques , phlogiftiques & terreltres affectent fouvent de tiès-belles formes régulières, & en général la faculté de cryftallifer femble appärtenir à rout corps folide ; pourvu que fes molécules , affez divifées & fufpendues dans un menftrue humide ou fec, puiflent fe réunir par la force d'attraction > & affecter un ordre fymmétrique. Dans ces fels, là figure n'eft dérernrinée n1 par un acide\ ni par la bafe- qui lui eft, jointe. Les alkalis végétal & minéral cryftallifent en cube avec l'acide marin , mais cè même acide’avec l’alkali volatil ; la terre pefante , l'or, la platine, ‘le mercure , le bifmut , le cobolt & les autres fubftances, prend d’autres formes. Si l'acide n’influe pas dans ces circonftances , comment agira-t-il dans des fubftances ou rien ne démontre fon exiftence que la fimple conjecture ? Il faut en dire autant de la bafe, le même alkali ciyftallife diverfement avec. différens aci- des. L’alun & le cobolr offrent ordinairement des cryftaux oétaëdres quoiqu'ils n'aient ni le même menftrue, ni la même bafe. Que dirons- nous des pyrites qui dans leurs fingulières cryftallifations nous repréfen- tent des figures géométriques régulières. il n ft pas befoin, je crois, d'un plus grand nombre d'exemples, & j'ai déjà démontré fufifam- ment dans un autre endroit que les formes primitives de la même ma- tière pouvoient engendrer grand nombre de formes dérivées très-va- riées (1). D'après cela; je ne vois pas pourquoi on allocie le diamant & lé rubis à l'alun, avec lequel on ne leur trouve pas le moindre rap- port. Mais fi l'on ne doit s'en rapporter qu'aux formes purement exté- rieures , on devroit par conféquent confondre avec eux & le cobolr & les autres fels oétaëdres ; d'après la mème hypothèfe , le diamant ctyftallifé en cube devroit être rangé dans la clafle des fels: marins ,& l'hexagone prifmatique terminé des deux cotés par trois rhombes parmi les fchoerls: ; k aff Ne Ceux qui rangent les pierres gemmes parmi les pierres vitrifiables É outre plufieurs raifons aflez foibles ;s’appuyent fur ce qu’elles reffem- bloit au verre, & qu'avec les alkalis fixes elles fe fondent en une malle vitreufe tranfparente. La première. raifon eft bien légère ; & (G) N. A&. Upfal. Vol. 1, p. 150. : SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 259 quand la feconde feroir vraie , elle dénoteroit feulement une qualité “effentielle, Mais on verra dans la fuite ce que l'expérience nous enfeigne fur cer article, La dureté n’eft qu'une marqué vaine , car elle ne dépend fouvent uniquement que du degré d'enfecieiit , la matière reftant toujours la même; l’arcille molle ou durcie au feu nous en donne un exemple frappant. Quelques Auteurs les nomment encoré flex virreux, mais les noms ne changent point la nature des chofes; & tous, ceux que je viens de citer font également bons. | En compofant un fyftème minéralogique , fi la figute , la texture, la dureté, la couleur, la clarté, la grandeur & routes les autres qualités fuperfcielles fufifoient pour bien connoïtre les fubftances minérales , cette méthode féroir peut-être rrès-facile, pour les commençans , mais ne feroit pas la meilleure, puifque les qualités dont nous tirons parti dérivent du éaractère de leurs parties conflituantes & rarement de leurs formes extérieures. Tous ceux qui commencent à étudier les'minéraux favent combien les caractères fuperficiels trompent ; il eft attaché à la condition humaine de ne devenir fage & n’ouvrir les yeux que très-tard , lorfque l’efpérance du fuccès nous fait entreprendre des chofes pref- qu'impoñibles. Un des plus fimeux fyftèmes de minéralogie eft celui que l'illuftre «Cronftedr a propofé avec fa modeftie ordinaire & qui a retenu. fon nom, Dans ce fyftème ce font les principes des chofes qui ont décidé leur ordre. Si quelquefois , il a regardé comme fimples des fubftances “éompofées , ce n’a pas été fa faute, le défaut d'expérience feul l'a con- -duit dans l'erreur; & s'il n’a pas toujours fuivi le bon chemin , il l'a cherché de bonne foi & l'a indiqué diftinétement. En marchant fur fes tracés, je me fuis occupé pendant plufieurs années à l’analyfe du règne minéral ; cherchons à trouver les vrais fondemens d'un fyftème de la nature , également propre à perfeétionner la Philofophie natu- relle, & à concourir à Putilité publique & particulière. J'ai donné déjà dans plufieurs ouvrages les réfulrats de mes recher- ches , il ne fera ici quéftion que des pierres $emmes , parmi lefquelles on compte ordinairement les cryftaux qui par leur dureté furpallent ‘lesicryftaux de roche. SET: Efai des pierres gemmes par Le chalumeau des Emaïlleurs, Le chalumeau , donc les Orfévres & d’autres, Ouvriers fe fer- vent, connu fous le nom de chalümeau dés Emailleurs, adapté aux recherches minéralogiques eft d’uñe très-grande utilité & comimo- 1779 OCTOBRE. ele 260 OBSERVATIONS SUR LAPHYSIQUE © dité (1); principalement dans l'examen des pierres gemmes , dont les plus petites parties fuflifenr pour des effais qui pat eux-mêmes ne font rien moins que très-Coûteux , pourvu que ces petites particules puiflent être faifies par les pinces. I faut d’abord diftinguer le diamant des autres pierres gemmes, il les furpalle toutes par fa dureté , & a des caraétères bien différens. La poullière de diamant (2) expofée dans un charbon à la famme du chalumeau , rougit aufli-tôt au blanc , mais n'éprouve aucun change- ment fenfible , parce qu'avec le chalumean , on peut difiicilement appliquer un desré de feu égal, conftant & affez fort pour la volari- lifer, & l'on ne peut éviter pendant cette longue expérience que l'iné- galité du fouffle ne difperfe cette pouflière. Les autres pierres gemmes ont dans le même cas que le diamant. Pour pouvoir diffoudre les minéraux , je me fers fur-tout d’un acide, d'un alkili & d'un fel neutre. Je ne connois point d'autre acide qui puiffe foutenir le feu dans un charbon que celui qui eft renfermé dans le fel microcofinique. Ce fel neutre eft compofé de trois autres, de l’alkali volatil, de l’alkali minéril & de l'acide phofphorique. L'acide phofphorique faturé du feul alkali volatil ne peut cryftallifer, mais uni à une portion d'alkali minéral , il cryftallife & forme un fel connu fous le nom de Microcofmique. Mis fur un charbon, il fe fond, laifle échapper l’alkali volaril , la portion d'acide qui en croit faturée de même à nud,, & agit alors avec plus d'énergie fur les différentes fubftances qu'on lui préfene. L’alkali dont je me fers eft l’alkali minéral très- dépuré; le végétal à caufe de fa déliquefcence n’eft pas aufli propre à ces expériences. Enfin , pour fel neutre j'emploie le borax dont les deux principes fonc fixes au feu, & qui vitrifie facilement les fubitances avec lefquelles il eft uni. J'ai effayé l'efficacité de ces fels fur les pierres gemmes. Le fel mi- crocofmique les attaque difficilement ; il les diffout cependant , mais il faut du tems. Le diamant offre dans cette diffolution un phénomène fingulier & différent des autres pierres gemmes. Un grain de pouflière de diamant mis dans un globule de fel fondu , furnage aufli-tôt & s'attache à la partie fupérieure de la goutte; d'abord il s'échappe quel- ques bulles lentement & aflez rares , elles ceflent durant la continua- (1) J'ai expliqué aflez en détail l'ufage de cet inftrument dans un Mémoire que M. Born a fair inférer en Allemand dans les trois Volumes des A@tes de l'Académie de Prague. (2) Cette poudre de diamant eft connue dans le commerce fous le nom d'égrifée, je l'emploirai dans [a fuite de ce Mémoire. SUR L'HIST. NATURELLE.ET LES ARTS. x61 tion de l'opération. L’extrémité de la Aamme conftamment appliquée au petit grain de pouñlière, il diminue fenfiblement; une partie eft confumée par le feu , l'autre eft diflipce par le vent du chalumeau, & la petite portion qui refte eft peut-être difloute. Les autres pierres gemmes n’entrent point en effervefcence, reftent ,fufpendues dans le {el en fufon, tournent rapidement , font atraquées lentement & for- ment des petits globules vitreux de couleur verte. Ils paroiffent donc s'unir à ce fel par une plus forte attraétion que le diamant, qui au con- traire femble en être repouflé, L’alkali minéral fondu dans une cuiller d’atgent, (car il eft abforbé par le charbon) reçoit les fragmens les plus petits des pierres précieu- fes fans effervefcence , & maloré que l'on foutienne le feu très-long- tems, à peine les attaque-t-il. Cependant l'émeraude fe réfout en ouflière, mais réfractaire. Le diamant paroïît éluder route la force de alkali minéral, Éomme on le verra dans les expériences fuivantes. Le borax diffout les gemmes à-peu-près comme le fel microcofmi- que , cependant un peu plus vite & fans effervefcence , mais il attaque plus foiblement le diamant , au point que fon globule après une longue fuñon s'attache au charbon, & la poyflière adhérente à la fuperficie fe diflipe & fe perd. 11 faut avoir foin d'épurer avec l’eau-forte , l’égrifée dont on veut fe fervir. Car toute celle de commerce contient quantité de parties hétérogènes comme on le verra bien tôt. ( $.[I, B.) Comme le dia- mant furpalle toutes les autres pierres par fa dureté, qu’il fe confume au feu en répandant des vapeurs, en un mot, qu'il différe par toutes les qualités par lefquelles les autres fe conviennent , je les diftinguerai dans les expériences fuivantes fpécialement fous le nom de Gemmes. La manière dont le diamant fe comporte dans fes diffolvans , fur- tout dans l’alkali minéral , le différencie abfolument du cryftal de roche , qui non-feulement eft attaqué par l’alkali, mais qui left avec une ébullition ou une effervefcence très-confidérable. Les pierres fauf- {es colorées ou non fe fondent très-facilement & fans addition. Il paroït delà, que le diamant & les gemmes forment deux genres très-diftinéts du quartz, du fchoerl, du grenat & des autres pierres. 11 refte toujours à favoir fi leur bafe terreufe eft primitive ou dérivée, & dans ce dernier cas quels font les principes & en quelle propor- tion ils conftituent cette bafe. La voie humide feule peut éclaircir ces queftions , & c’efl ce que je vais center. 262 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Éd « Difficultés de l’analyfe des Gemmes & précautions qu’il faut employer. Différens obftacles, que nous allons examiner chacun en particu- dier, s'oppofent à cer examen. (A) Lach:rté des matières, qui non-feulement engage, mais encote force à ne travailler que fur de petites quantités. Il fauc bien prendre garde que pendant l'expérience, il ne s'échappe où même il ne s'ajoute quelque portion étrangère qui , en petit, produiroit une différence fen- fible, tandis qu'en grand on n'y feroit feulement pas attention. (B) Rien n’eft fi difficile que de pulvérifer ces fubftances , elles l'em- ortent en dureté fur tous les autres corps. Si l'on, fait rougir au feu fe gemmes & qu'on les plonge aulli-rôt dans l'eau froide , elles de- viennent à peine Ifragiles , ce qui communément réduit en pouflière les cryftaux de roche les plus durs. Ces petits grains frappés fur l’enclu- me fe brifent quelquefois, mais leuts fragmens reffautent , s'échappent &c fe perdent. Très-fouvent le diamant pénètre & le marteau & l’enclu- me. L'égrifée du commerce eft toujours mêlée de parties hétérogènes. L'eau régale, même fans le fecours du feu, a extrait 5 d'une poudre de diamant que m'avoit donné M. C, Alftioemer, & qui: avoit été apportée d'Anvers. Le menftrue prit une couleur jaune. L'alkali fixe en précipita une poudre blanchâtre, qui au feul feu du -halumeau fe fondit en petit culot opaque & de forme métallique. Dans le borax & le fe! microcofmique , elle bouillonne comme la chaux. Mais le fel microcofmique en fufñon, chargé d’une certaine quantité de cette pouf- fière, prend une couleur rougeätre en fe refroidiflant , & pafle dans un moment de la tranfparence brillante du rubis à l’opacité abfolue. Il faut attribuer ce mélange étranger aux inftrumens dont on fe fert, & il eft caufe que l'égrifée, quelque difficulté que l'on ait pour la ré- duire à cet état, elt encore moins chère que les fragmens de diamant mème les plus petits, qui ne peuvent fervir qu'à la feule pulvérifa- tion. Les autres gemmes fe pulvérifenc plus facilement , quand on fe fert d’un mortier d’agathe & d’un peu d’eau. Lorfque l'eau pure blanchit, il faut la décanter & en remettre de nouvelle jufqu’à ce que la poudre foit fi fine qu’elle puiffe refter fufpendue dans l'eau, même quelques minutes. Car, il faut que la matière ofre une très-grande fuperficie afin que les menftrues puiffent brifer plus facilement les chaînes qui lient les principes. Comme l'agathe eft moins dure , pendant la critura- tion il fe détache toujours quelques parties filiceufes qui fe mêlent = SUR, L'HIST. NATURELLE ET LES, ARTS. 6; avec la poudre de diamant & qu’on ne peut en féparer que très-difi-- cilement. | N (C) Les vafes propres à ces expériences par la voie sèche font en- core une fource de difficultés. Les creufets ordinaires ont une furface taboteufe , pleine de petits pores dans lefquels il fe loge toujours une quantité de matière allez confidérable. Mais ce qui eft encore plus incommode, c’eft qu'étant compofés de parties argilleufés & fili- ceufes, qui font attaquables par l’alkali fixe, on ne peut obtenir que des réfultats incertains & douteux. Pour connoître l'effet de cet alkali fur ces creufets, voici l'expérience que j'ai faire. Ayant pris un petit creufet de Helle, je l'ai pefé à une balance exacte, fon poids s’eft trouvé de 1585 livres docimaltiques (1). J'y ai mis 100 livres d’alkali de tar- tre fec, & l'ai expofé, pendant 37 minutes au feu de fufon. A près le refroidiffement, il ne pefoit que 1645 livres. Il s’étoit donc perdu qua- rante livres qu'il faut attribuer à l'humidité ou du fel ou du creufer , ou de tous les deux enfemble, ce qui eft plus croyable. La malle qui étroit reftée au fond avoit d’abord l'air d’un verre en fufon , mais infen- fiblement elle devint opaque & atriroit l'humidité de l'air. Je la lavai dans de l’eau chaude; ayant décanté la liqueur , elle prit la forme d’une gelée ; relavée ‘de nouveau avec’ de l'acide viriolique & de nouvelle eau chaude, reféchée enfuite , elle me donna 12 livres d'une terre qui, bien examinée, n’étoit que de la terre vitrifiable. L'alkali fixe en précipita encore 6 livres de terre d’alun. De plus le creufet étroit vifi- blement corrodé à l’endroit où touchoit la furface de la malle en fu- fion. En lavant le creufet , il s’en détacha quelques particules & des. fragmens qui , bien féchés, pefoient 10 livres. Enfin le creufet lui-même bien lavé & bien defléché s’eft trouvé pefer 1594 livres, poids bien excédant celui quil avoit avant l'expérience. Ainfi, comme les poids 12H6410—28 , que 1585—28—1$57 & que 1594—15$7—37, il eft clair que le fel alkali pendant la fufon avoit diffout 12 livres : de terre vitrifiable, c’eft-à-dire + de fon poids, 6 livres de terre aroil- leufe, c’eft-à-dire ;, & qu'enfin le creufer avoit retenu ;7 livres de fel alkali, qui avoit incrufté fon fond d’une matière vitreufe indiflo- luble à l'eau. D’après certe expérience on doit en conclure qu'il ne faut pas trop fe fier aux creufets dans les expériences des décom- pofitions des terres par la voie sèche, parce qu'ils fourniflenc toujours quelques fubftances hétérogènes ou qu'au moins ils troublent les pro- portions des principes. IE y a déjà plufeurs années que voulant travailler fur le quartz, je —————— 2" (1) 1585 grains, 64 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE), me fuis fervi de cuillers de fer (1). Oh fait que les bandes de fer. ordinaires ont la forme d’un parallélipipède dont deux furfaces font plus larges que les autres. J'ai pris du fer forgé de la meilleure nature, j'en ai fait couper un barreau en morceaux d’un pouce de longueur, & par le moyen du tour, j'y ai fait creufer des petits fegmens de fphère. C'eft dans ces petits trous que je plaçois avec de l'alkali les fubftances que je voulois traicer au feu, & recouvrois le tout d’un autre mor- ceau de fer, pour empècher les cendres & le charbon de fe mêler avec les matières. Je me fuis fervi encore d’un autre métal, de la platine précipitée de l’eau régale par le fel ammoniac, fondue par le il mi- crocofmique (2), & façonnée enfin par le marteau en petit creufer. Mais les portions confidérables de ce régule ainfi traité étoient fragiles, &c il n'y avoit que les très-petites qui fuflenr affez bien fondues pour pouvoir obéir facilement au marteau. Par conféquent , je ne pus avoir que des efpèces de perits creufets qui ne contenoient que quelques grains de matière. Si jamais on peut en faire d’aflez grands, ils feront d'une très-grande utilité , parce qu'on ne craindra pas la fufon à quel- ue degré de feu que ce foir. Si d'abord on a foin de les faire bouillir FE. rest dans l'acide du fel que l'on doit y fondre, ils ne tache- ront plus ces fels. Bien plus, on peut les faire bouillir dans quelque menftrue acide que ce foit , excepté l’eau régale. Si l'on fond dans les petits creufets de fr des terres minérales par le moyen de l'alkali fixe, il fe mêlera du fer à la fufion, ce qui rend très-diflicile la féparation exacte des principes que l'on cherche ; mais en ufant de précaution & modérant fagement le feu , on pourra parye- nir aflez facilement au but que l'on fe propole, comme on le verra par les expériences fuivantes. | (D) Les menitrues qu'il faut employer dans l'examen des pierres précieufes doivent ère plus purs que ceux que l'on emploie communé- ment. L'acide vitriolique du commerce contient différentes fubftances hétérogènes & notamment du gypfe, & du vitriol qui occafionnent des différences fenfibles dans ces expériences. On ne doit fe fervir que de celui que l'on a obtenu par une diftillation très-lente. 11 faut aufñli rectifier avec foin les autres acides , pour les purger de toutes fubftances terreufes & métalliques , qui dans lanalyfe répandent de la confufion & dans la qualité & dans la quantité des rincipes. L'alkali de tartre ordinaire contient des atômes de terre vitrifiable ES (1) Mém. fur les Terres géoponiques, {2) Conf, Alta R. Acad. Stockh. an. 1777 qui SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 16$ qui vont SA au à -- de fon l'as Les acides concentrés les féparent à la vérité, mais tant qu'ils font unis aux fels alkalis , ils ref- , tent fufpendus avec eux dans leur diffolution , jufqu’à ce que l'acide aérien répandu dans l’armofphère les précipite , ce qui n'arrive qu'après un très long efpace de tems, parce que cet acide n’agit que très-len- tement (1). C'elt pourquoi, comme dans ces expériences il faut appor- ter la plus fcrupuleufe attention , l'alkali fixe dont je me fers eft l’al- kali minéral ou végétal dépuré exaétement , obtenu de la crème de DIRE Age difüllée, & confervé dans un flacon de cryftal qui ne peut fournir aucun arôme de terre vitrifiable. SES L'e Effets des acides dans la décompofition des Gemmes. On n’a trouvé jufqu'ici que cinq efpèces de terre fi fimples par elles- mêmes, que par aucun procédé on n’eft parvenu à les réduire à des principes plus fimples encore, ou à les changer les unes dans les au- tres, & que par conféquent, on peut appeller primitives, avec raifon , jufqu'à ce que de nouvelles expériences aient démontré le contraire, Ces terres font la terre pefante , la chaux, la magnéfie , la terre argilleufe, & la terre filiceufe ou vitrifiable (2). On ne peut cependant nier, qu'il n'y ait une forte de probabilité dans l'opinion qui je réduit à un moindre nombre & les rend toutes une me d'une feule terre. Mais dans la recherche & l'étude de la nature , il ne faut pas que les fyftèmes purement imaginaires l’emportent fur des phénomènes démontrés par des expériences fuivies, & que rien encore n'a pu in- firmer. Parmi ces terres, il y en a quatre de folubles dans les acides, la cinquième, C. D. la terre vitrifiable , eft abfolument inattaquable, excepté par celui que l’on obtient du fluor minéral. Lorfqu’elles font mèlées les unes avec les autres, l’art Spagirique fait bien les féparer en leur appliquant des menftrues propres à chacun. La multiplicité des furfaces augmentant les points de contaët , aide infiniment l'action des menftrues. En conféquence , il faut avoir foin de broyer exaétement les matières que l’on veut éprouver. La feule divifion méchanique ne fuffit pas, on doit encore avoir recours à la chymique ; dans certe fuite d'expériences elle s'eft opérée par la voie sèche , au moyen de à (1) N. A&. Upf. Vol. IL, p. 110 & 121. (2) Idem. pag. 223-226. & Differt. de Magnefià alba , Upfal. hab. 1775. Tome XIV, Parc. II, 1779, OCTOBRE. Mm 266 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l’alkali fixe qui attaquant direétement la terre vitriñable, brife le lien des différens principes. (À) L’acide vitriolique n’a point attaqué le diamant bien purgé des parties hétérogènes , de quelque manière que je m'y fois pris. Mais il: faut avouer que je n'ai opéré que fur des fragmens see de dia- mant, me défiant, avec raifon, de l’égrifée que l’on vend. Ayant verfé fur l'égrifée des autres gemmes le double de fon poids d'acide vitriolique très-concentré , & l'ayant fair évaporer au feu jufqu’à ficcité, j'ai beaucoup mieux réufi; car le réfidu lavé dans l’eau m'a donné une matière métallique colorante , & une portion de chaux. La matière métallique précipitée par l’aikali phlogiftiqué a fourni un très- beau bleu de Prufle. Il eft donc conftant par là que la couleur rouge du rubis , la couleur bleue du faphir, & le vert de l'émeraude font dues au fer , dont j'ai déterminé la quantité par le poids du précipité bleu. J'ai démontré que fix parties de précipité contenoient une partie de fer (x). | J'ai féparé la matière calcaire par l'alkali fixe. Elle étoit fi pure, que traitée avec l'acide vitriolique , je n'ai trouvé nul veftige de terre argil- leufe, excepté dans la décompofition du faphir. Voici les quantités de terre calcaire & de fer que j'ai trouvées dans les gemmes exprimées par des livres docimaftiques. Chaux aërée. Fer, Rubis d’un rouge d’écarlare, oriental. . . .- . 9, 10. Saphir oriental, d’un bleu d'azur. . . . + . . 7, 2° Tôpaze de Saxe d'un jaune dore, ‘MEET MNMNSr 6. Hyacinthe orientale jaunâtre. . . . . . . . 120, 13e Emeraude orientale, d’un verd gai. . . . . . 2, 4e C'eft par ce procédé qu’on peut facilement féparer des gemmes, la terre calcaire & le fer, comme on le verra dans la fuite. (B) L’acide nitreux concentré donne à-peu-près les mêmes réfulrats par la digeftion. J'ai verfé fur de l’égrifée des différens gemmes, 8 fois leur oïds de cet acide ; je l'ai tenu en digeftion pendant deux jours, & ai fair bouillir le tout durant une petite heure. Ayant décanté prudemment la liqueur, j'ai reverfé la mème quantité d'acide, j'ai digéré & fair bouil- lir comme la première fois ; j'ai répété deux fois cette opération juf- qu'à ce que la liqueur ne me parût plus chargée d’extrait. Les liqueurs mélées DH & précipitées , m'ont donné à-peu-près (x) Differc, de explorandis mineris ferri via humida , Upfal. habita , 1777. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 267 les mèmes quantités que dans l’expérience avec l'acide vitriolique, au moins la différence n’a jamais paflé -?-. L'acide nitreux, fur-rout avec le fecours du feu, déphlogiftique le fer, & par-là , le tient très-difficile- ment en diffolution. Aufh dans ces expériences les rélidus de fer n'étoient que des ochres un peu impures, Le diamant n’eft point attaqué par ce menftrue , ni par le précé- dent. ; (C) Je me fuis fervi de l'acide marin concentré , comme de l'acide nitreux & avec le mème fuccès. Il extrait le fer mieux que l'acide vitriolique, cependant la différence ne va pas à +=. Nous voyons donc que par le moyen de divers acides on peut extraire une portion de chaux & de fer des pierres gemmes proprement dites. Cet extrait n'étant jamais que À, & après fa fépararion le réfidu n'ayant plus les mêmes caraétères qu'auparavant, je conjeéturai que cet extrait n’étoit qu'accidentel , & que le réfidu conftituoit vraimenr la terre pri- mitive. J'ai mème répandu cette opinion dans divers écrits. Cepen- dant, les veftises de rerre argilleufe que j'ai rencontrés dans le faphir, & qui quelquefois excédoient les -=—, me firent naître quelques fcrupu- les. J'avois éprouvé fouvent que, malgré la pulvérifation la plus exacte, ils paroifloient d’abord indiflolubles , mais qu’en les diflolvant dans un nouveau menftrue, ils devenoient attaquables par ceux-là même qui n'avoient point eu d’effer fur eux. J'effayai donc de différentes ma- nières d'en venir à bout par l’alkali fixe. Une partie de ce fel réduit deux parties de quartz ou de filex en un verre dur & cranfparent. Plus on augmente la proportion du fel, & plus la qualité du verre devient mauvaife ; au point que non-feulement les acides peuvent le diffou- dre, mais même fi la proportion du fel eft double de la terre vitri- fable , le verre qui en réfulte eft attaqué par l'humidité feule de l'air. On peut par cette méthode, faire un verre difloluble dans l'eau. On n'a Fu encore fondre en malfes tranfparentes les gemmes par le fecours de l'alkali; & pour les faire feulement coaguler , 1l faut le qua- druple du poids de ce fel. Mais comme cette opération ne peut fe Éie ue dans des vafes de fer, & que la matière non-feulement s'attache AE ag au vafe, mais encore pénètre facilement le fer, cette méthode entraîne beaucoup de difficultés. À force de chercher , j'ai trouvé qu'une fufon parfaite éroit inutile , & qu'il fufhfoit d'ajouter affez d'alkali pour que les molécules puffent fe coaguler à un fimple com- mencement de fufion ; ce qui m'a conduit enfin à une méthode sûre pour analyfer les corps minéraux, & que je vais décrire telle que je l'ai employée dans celle des pierres précieufes. 1779 OCTOBRE. Mm: 268 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ,. $. V. Méthode pour extraire facilement les principes prochains des Gemmes. (À) I faut les réduire en poudre impalpable , auffi fine qu'on puifle l'obtenir par des triturations & des lotions réitérées. (B) Ayant déterminé le poids de cette poudre, on la mêle avec le double d’alkali minéral pur par défaillance. Plus le mélange eft con- fidérable & plus les réfultats font juftes. (C) On met ce mélange dans un petit vafe de fer bien ner & bien poli en-dedans, de peur que les afpérités ne fe dérachent pendant la calcination , ne tombent dans la mafle fondue & ne la fouillent. (D) On place ce petit vafe dans un fourneau ordinaire fur un petit rond de terre; on le couvre d'un creufet renverfé pour empècher les cendres & le charbon de tomber dedans. (E) On le tient dans le feu médiocrement rouge. Si le coup de feu eft trop fort , la matière s’attache aux parois du vafe. Il faut éviter avec foin de fe fervir de foufiler, parce que le fer fe ruméferoit bientôt & fe fcoriñeroit. Quand la matière devient ferme & eft affez coagulée, qu’elle peut fe féparer du fond du vafe fans corps hétérogènes adhérens, c’eft une preuve que l’on a bien gouverné le feu. Deux ou trois expériences inftruironc fuffifamment. : (F) Cette malle virée proprement du vafe de fer , on la pulvérife dans un mortier d’agathe , & on en extrait tout ce qui eft foluble par l’acide marin à l’aide de la digeftion. On s'aflure qu'il n’y a plus de matière à extraire, par le réfida qui eft léger & d’un caraëtère fpongieux. On eft certain enfin que ce réfidu ne contient plus de fubftances étrangères , lorfqu’ayant verfé une nou- velle dofe d'acide & l'ayant fait digérer pendant plufieurs heures, elle ne diflout rien. (G) Après la diffolution, on ramafle le réfidu , onle lave bien, on le sèche exaétement & on le pèfe. Le déchet du premier poids donne celui de la matière diffoute. (H) La diffolution jaunit & annonce la préfence du fer. On le con- noît plus sûrement par une leflive alkaline phlosiftiquée. Elle le pré- cipite en bleu de Prufle. On ramaffe exactemenr ce précipité, on le lave, on le sèche bien, & la fixième partie de fon poids dénote la quantité exacte de fer qu'il contient. (1) On précipite la partie rerreufe de Ja liqueur purgée de toute partie métallique; avec de l’alkali fixe qui ne contient fur-tout point ESC , SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 269 de terre vitrifiable. On verfe fur le précipité lavé, féché & pefé, du vinaigre diftillé fix fois fon poids. Au bout d’une petite heure, il dif fout tout ce qui fe trouve de chaux, de magnéfie & de terre pefante; mais ce n’eft qu'après une longue digeftion qu'il vient à bout de fe charger d’une aflez grande quantité d’argille. (K) Après avoir filtré la liqueur par l’alkali fixe aëré, on précipite du vinaigre tout ce qu'il contient de terreux. On lave, on sèche & l'on pèfe le nouveau précipité. Ce n'eft pas fans raifon que j'emploie “ici l’alkali aéré, parce qu'au moyen de l'attraction double il s'empare de la terre pefante , qui élude la force de la cauticité (1). (L) Il faut examiner avec foin ce que l’on a précipité du vinaigre. Si on verfe deflus de l'acide vitriolique étendu, il fe cryftallife des fels. Car avec la terre pefante l'acide vitriolique produit le fpath pe- fant indifloluble dans l'eau chaude, quelque grande que foit É quan- tité. Avec la terre calcaire , il forme du gypfe qui n’a que très-peu de faveur , qui ne peur être diffout que dans $oo fois fon poids d’eau chaude; l'acide 1 fucre mélé à certe diflolution , le change bientôt en chaux fucrée. Avec la magnéfie, il donne le fel d'Angleterre, très- amer, difloluble dans l’eau bouillante & décompofable par l’eau de chaux. (M) C'eft par le moyen du chalumeau qu'il faut examiner la nature du réfidu de l'opération (G). Comme il eft toujours très-confidérable , on ne peut le traiter dans de grands vaifleaux. Les creufets ordinaires ne conviennent point du tout quand on travaille fur des matières vitrifiables , & les vaifleaux de fer font infuffifans lorfque l'opération demande une fufon ( $.11I.C.). Ces réfidus indiffolubles nous déno- tent, ou des molécules de pierres gemmes qui ne font pas allez divi- fées, ou font de nature de terre vitrifiable, car toutes les autres terres connues cèdent à la force diflolvante des acides. Voici la manière facile de le traiter avec le chalumeau d'Emailleur. Dans une cuiller d'argent, on fond un globule d’alkali minéral, on jette deflus une petite portion du réfidu , on examine attentivement ce qui fe pale. Si elle pénètre l'alkali avec beaucoup d’effervefcence, qu'elle sy diflolve, c'eft une preuve qu'il eft de nature vitrifiable. Mais fi elle le pénètre fans effervefcence, & qu'enfin elle foit agitée dans l'intérieur de la goutte de l’alkali , comme on l'apperçoit facilement à caufe de fa tranfparence , on peut en conclure qu’il y a encore quelques particules de matière gemme. (N) Nous avons dit que le réfidu de l'opération (1) étoit de l’ar- 0 mm mm EME QG) N. 4fa, Upfal, Vol. II, pag. 188, 270 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, gille ; pour le prouver, que l'on verfe delfus trois fois fon poids d'acide vitriolique concentré, & qu’on faffe évaporer la liqueur au feu jufqu’à ficcité. Si la malle reftante eft argilleufe , elle fe difoudra dans le double de fon poids d'eau chaude , aura un goût aftringent , four- nira des cryftaux otaëdres, fera décompofée par l’alkali volatil caufti- que, en un mot elle offrira toutes les propriétés de l’alun. + & VI Principes prochains des Gemmes. Tels font les moyens dont je me fuis fervi pour examiner & analyfer les pierres Gemmes. J'ai trouvé que le réfidu (G) étoit purement de la terre vitrifable : que le précipité (H) n’étoic que du bleu de Prull: : que le précipité, K) diflout par le vinaigre diftillé, éroit de la terre calcaire, & ce qui refte indiffoluble étoit de la terre argilleufe. 11 ne me refte donc plus aucun doute fur la qualité des principes “as gemmes. Mais il refte encore beaucoup d’expériences à faire fur leur quantité & fur leur proportion réciproque, n'ayant pu opérer que fur de très-petites portions qui ne pafloient pas un quintal docimaftique. J'ai foumis à l'expérience deux fois la matière du même cryftal, & la différence s’eft trouvée à peine d’un centième ; au contraire , des pierres de mèmé efpèce, comme fept rubis, fur lefquels j'ai opéré, ont toujours différé les uns des autres. Cela vient, fans doute, de ce que les proportions varient dans chaque individu entre certaines bornes.que nous ne connoïffons pas encore. D'après mes expériences . voici les quantités moyennes fournies par chaque quintal Comme la partie argilleufe eft toujours la plus confidé- rable, je l'ai mife à la ère. aroil, verr. vitri. calc. fer. Emeraude Orientale d'un verd gai. . .. 60 .. 24 .. 8... €. Saphir Oriental d’un bel azur. . . ...$8..3$.. 5$.. 2. Topafe de Saxe d’un jaune doré. . ...46 .. 39 .. 8... 6. Hyacinthe Orientale jaunâtre. . . ... 40 .. 2$ .. 20 .. 13. Rubis Oriental d’un rouge d’écarlate. . . . . 40 .. 39 .. 9 .. 10, Par la terre argilleufe, j'entends celle qui fait la bafe de l’alun , &- qui dans toutes les argilles fe trouve unie à la terre vitrifiable $. V, N.) par la rerre filiceufe ou vitrifable, j'entends celle qui conftitue le quartz pur, le ctyftal de roche & les filex ($.V M. La troifième colonne contient la rerre calcaire aërée, c’eft-à- dire, farurée de l’acide aérien. Il eft encore douteux fi dans la compofñition cette terre eft pure ou aërée. Si c’eft le dernier, alors l'union très-étroite , la petise quantité , (qui n'excède jamais \ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 271 +, mais qui quelquefois eft moindre que --) peut s’oppofer, & à la diminution de poids au feu , & à l’effervefcence fenfible dans les acides. De. plus , le déchet qui fe trouve plus confidérable qu'il ne devroit être naturellement, femble indiquer un principe aérien. De cent parties que l’on foumet à l’analyfe , il peut bien s’en perdre une ou deux dans les diffé- rentes opérations. s'en attacher aux parois des vaifleaux , dans l’épaiffeur & fur les filtres &cc. &c.ce qui excufe le manque d’exaétitude que l’on devroir exiger fcrupuleufement dans la table que j'ai donnée. Mais quand on opère avec la plus grande précaution , il ne peut pas s'en perdre 5,8 , & encore moins 12 parties, ce qui arriveroit cependant dans la décompo- fition de l’hyacinthe , fi la terre calcaire ne contenoit pas un principe aérien, Quoique j'aie renu les matières en incandefcence pendant plufeurs heures, je n’ai rien obfervé de volatil; & par le mêlange avec les acides, rien ne s’'eft fublimé ; les acides paffoient dans le récipient à l’aide de la chaleur. La dernière colonne contient le fer foluble dans les acides Avec l'alkali phlopiftiqué il donne un fédiment qui pafle du noir au bleu, en auf grande quantité que les gemmes en peuvent contenir. Le fer y eft dans l'état de chaux , & il eft augmenté de poids par cette calcination , comme pas les autres; & cette augmentation va quelquefois à 2%. Il s'enfuir de à que la proportion de fer dans ces pierres eft un peu plus confidérable ue celle que j'ai exprimée dans la table. Au refte, c’eft à ce métal que bac dues les diverfes couleurs des gemmes, non en raifon de la quantité, mais en raifon de la qualité, de A dofe de phlogiftique qui fe trouve dans la chaux , ou d’autres modifications. On peut conclure de ce qui précède , que toutes les ps gemmes conviennent enfemble par les mêmes principes, c’eft-à-dire qu’elles font compofées de terre argilleufe, qui en fait la partie principale, de terre vitrifable , de terre calcaire , & d'une portion de fer. Les deux premiers principes varient beaucoup. En connoiffant leur compoñition , leurs pro- priécés nous feront bien mieux connues. Élles furpaflent tous les autres corps en dureté, excepté feulement le diamant ; par l'analyfe nous avons trouvé que la terre argilleufe entroit en plus grande proportion : quelle exficcation n'a-t-il pas fallu pour durcir ces matières au point où nous les voyons ? La chaleur qui règne dans les contrées firuées entre les tropiques, n'eft pas fufhfante , il a fallu celle des Indes, & plus continue & plus vive. La condenfation à fuivi l’endurciffement , & la gravité fpécifique en a été augmentée. Telle eft la caufe qui a donné à ces fubitances une dureté & une péfanreur qui l’emporte fur tous les autres cryftaux. Les gemmes réliftent au plus grand feu , excepté l'émeraude & l’hyacin- the. Je fais cependant qu'au foyer d’un miroir ardent on eft venu à bout de ramollir un rubis, Ii paroît conftant, par l'expérience , que les différens x 272 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dégrés de fuñbilité dépendent des proportions variées des quatre principes conftituans. L’alkali fixe attaque vivement la partie vitrifiable , mais il fe combine difficilement avec l'argilleufe & la calcaire. C’eft pour cette raifon qu'il a peine à difloudre les gemmes , où la partie vitrifiable eft rrès- petite & intimement unie aux autres principes. Cependant, dans l'émerau- de, plus tendre que les autres pierres précieufes, comme ces principes font moins étroitementcombinés, l'alkali attaque la partie vitrifiableavectantde facilité, qu’au chalumeau elle fe réfout en pouflière prefque fur-le-champ.Le fel microcofmique diffout très-bien la terre calcaire & la verre argilleufe, mais moins bien la vitrifiable. Lorfque cette dernière eft en petite pro- poition , elle diflout bien les gemmes, mais lentement, Enfin le borax, qui, par la voie sèche diflout facilement routes ces terres en particulier, rompt aufli leur aggrégarion plus facilement que les autres fels. Si les parties aroilleufes & calcaires arrètent l’action de l'alkali fixe fur la paitie vitrifiable , à la voie sèche , cette même partie, par fon union avec les autres , s’oppofe pareillement à l’aétion des menftrues par la voie humide , au point qu'ils ne peuvent en extraire quefla partie calcaire & métallique , à moins que l’on n'ait fait agir auparavant l’alkali fixe, SreVONT, Examen des cryffaux analogues aux Pierres Gemmes, D'après ce que nous venons de dire , je ne crois pas que l’on doute encore que les pierres gemmes ne doivent être placées parmi les com- pofés argilleux. Comme la nature dans fes ouvrages paile par des degrés prefque infenfbles , il ne fera pas inutile d’analyfer les divers cryltaux qui font analogues aux gemmes. Compofés des mêmes prin- cipes, il n’en différent plus ou moins que par une plus ou moins grande proportion de terre vitrifiable. À certe clafle appartiennent plufieurs genres de pierres, tels que le grenat , le fchoerl , la zéolithe & le quartz. Le grenat & le fchoerl , traités de la même manière que les gemmes, m'ont donné les mêmes principes , excepté que la partie vitrifiable l'emporte de beaucoup fur l'argilleufe, & ces principes font fi étroite- ment unis, que fous le briquet le grenat étincelle prefque toujours , & le fchoerl aflez fouvent. Après le fchoerl vient ia zéolithe, dont la cohérence des parties eft fi Éible , que les acides les diflolvent fans autre préparation que la pulvérifation. Rarement la zéolithe étincelle fous le briquet. On en trouve cependant quelquefois d’affez dure, pour produire cet effet, dans la montagne de Moeffebers en Veftrogo- thie. On n’en voit guère de tranfparente. J'ai déjà parlé de cette pierre plus au long. Le quartz fournit la fuite des cryflaux gemmes. Mais la #11 nf 2 ” _ ‘ x SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 273 la pattie vitrifiable eft fi abondante, qu’elle abforbe abfolument tous les autres principes. Si on le traite avec le dauble de fon poids d'alkali minéral, il eft difficile de gouverner affez bien le feu pour éviter la fufñôn complette. Pour éviter cet accident, il faut réduire le fel à 4, Si l’on emploie après cela les menftrues, comme pour les gemmes, on obtient un peu de terre apilleufe & calcaire. Il peut fe faire qu'il y ait du cryftal de roche abfolument compoft de terre vitrifiable, je ne fais pas cependant fi l'on en trouve. Il y a quelques années que j'annonçai que je n’avois point rencontré d’argille dans quelques ana- lyfes que j'avois faites , mais j’eus foin en même-tems de dire que je regardois mes expériences comme incomplettes (1). Pour terminer ces obfervations , & pour le profit de la minéralogie, je vais fpécifier les caraétères particuliers des gemmes que j'ai exami- nés avec le plus de foin & en donner pour ainfi dire la généalogie, Des Pierres Gemmes. ( Analyfe par la voie sèche.) Si l’on expofe fur un charbon à la famme d'un chalumeau un morceau de pierre gemme , il ne fe fond point. Cependant l'hyacinthe , l’émeraude , & même l'aigue marine, & la chryfolite peuvent s’y ramollir, & y deviennent opaques. Avec l’alkali minéral fondu dans une cuiller d'argent, on ne voit aucune effervefcence , nulle diminution. L’émeraude , l’aigue marine, & la chryfolite, que l’on doit placer: au dernier rang des pierres gemmes, prefqu’à côté des fchoerls, s’y réfolvent en pouflière réfrac- taire, & qui tournoie dans le globule de fel fans diminution fenfible. Avec le fel microcofmique , il fe diflout lentement & fans mouve- ment, Le verre qui fe forme ne perd aucune teinte, excepté avec le rubis foncé, qui lui donne une belle couleur verte. Ceux de l’hyacin- the & de l’émeraude deviennent opaques en refroidiffant. Avec le borax, il difparoît aflez vite. L’addition de la terre calcaire aide la diffolution commel'a remarqué ÆRuiff. (2). ( Par la voie humide.) Les acides après une longue digeftion entrainent un peu de rerre calcaire & de fer. Si le morceau de gemme à d’abord été traité avec l’alkali fixe, il diffolvera encore la partie argilleufe ; il ne refte alors que la partie vitrifiable d'intacte. ( Proportion des principes.) En général les gemmes font compoñces de terre argilleufe qui forme la partie la plus confidérable , de terre vitri- fiable, d’une portion de calcaire, & de fer modifié différemment, Ce (x) Mém. fur les terres Géoponiques, 1773. (2) Comm. in ä@is Stockh. 1768. Tome XIV, Parc. II, 3779. OGTOBRE; N Ve à 274 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, feroit par une fuite d'expériences nombreufes que l’on pourroit parvenir à fixer jufte les proportions de ces principes dans chaque efpèce de gém- mes. Îl refte encore à favoir fi la diverfité des couleurs ne dépend point de la variété de ces mélanges. La forme prifmatique hexagone ou oétaëdre indique-t-elle conftamment la variété de la compofition ? (Formes extérieures.) La forme octaèdre appartient fpécialement au ru- bis, peut-être quelquefois aufli aux fchoerls. Mais l'analyfe d'un prifme en particulier n’a pas encore fpécifié fa compoñition, On trouve du faphir cryftallifé comme du quartz. La topaze paroit affecter la figure cubique , ou d’un parallélipipède. Cependant rarement fa figure eft complete, mais par défaut ie nom- bre de fes côtés augmente, foit dans le prifme , foit dans la pyramide. L'émeraude eft communément un prifme hexagone tronqué à angle droit. & Quoique les variétés légères dans les formes foient affez Ron tes, cependant quiconque s'applique à la Minéralogie, ne doit pas les ATX q q PRES 8 P C'eft par la dureté que l’on a coutume de fpécifier l’efpèce des pierres gemmes, car fouvent elles font rrès-diformes. C’eft auñli cette qualité jointe à la tranfparence qui en fait le prix. Il faut cependant remarquer que le rubis fpinel peut être entamé non-feulement par le faphir, mais encore par la topaze, de mème que la chryfoliche par le cryftal de roche. 11 femble donc que la dureté eft plurôt l'effet du degré de defsèchement , que de la diverfe proportion des principes, Après le diamant, le rubis eft le plus dur de tous:, enfuite le faphir , puis la ropaze , après l’hyacinthe , enfin l’émeraude. Autrefois on ajoutoit beaucoup de foi à la couleur ; mais la couleur rouge n'indique pas toujours exaétement le rubis, ni la bleue le faphir, ni la jaune la topaze, ni la verte l’émeraude. La pefanteur fpécifique varie au point que l'on ne peut rien con- clure de certain (1). Cependant la topaze la plus pefante varie’ depuis 3,460 jufqu'à 4, 560; le rubis depuis 3, 180 jufqu’à 4, 210 ; le faphir de 3,650 jufqu'à 3,940; & enfin l’émeraude depuis 2,780 jufqu'à 3,711; & dans les variétés de l'émeraude, la chryfolithe l'emporte fur les autres Du Grenar, ( Analyfe par La voie sèche.) Si lon expofe à la flamme un fragment de grenat, 1l fe fond en un petit globule de verre tranfparent , mais le plus fouvent en une fcorie noire. NN EEE AA UN ROBE LAN CRREN FER E Pa AOR EEE Va 2 RETURN EAN (1) Tab. de M. Ruift, L ER SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 275 Avec l’alkali minéral, il fe réfout en poudre réfraétaire avec tant de lenteur, qu'à peine remarque-t-on la plus légère effervefcence, Quand le fer abonde dans le grenat, la mafle RER d’un brun obfcur. Avec le fel microcofmique , il fe fond, fans apparence de bulles, en un verd verdätre, ou noirâtre sl contient beaucoup de fer. Traité avec le borax, il fe comporte à-peu-près de même. (Par la voie humide,) Les acidesn’en peuvent extraire que la partie cal- caire & ferrugineufe. Quand on l’a d'abord traité avec l'allkahi , 1l s'em- pare de la partie argilleufe, & laiffe la terre vitrifiable à nud. (Principes. ) La terre vitrifiable forme la pare principale dans la com- polition du grenat, enfuite la terre argilleufe ; il contient encore un peu de terre calcaire. La proportion du fer varie beaucoup ; les cryftaux tranf- parens en contiennent environ = & dans les cryftaux opaques & d’un rouge noir , cela va quelquefois jufqu’à =. (Forme extérieure.) La forme régulière eft un dodècaëdre compofé de rhombes égaux. On peut le confidérer comme un prifme hexa- gone terminé par des pyramides à trois rhombes, ou trièdre (1), il varie beaucoup par rapport à Ja figure. Sa texture intérieure eft lamel- leufe , quoique quelquefois il foit difficile de la remarquer. Le grenat cède en dureté à la topaze, mais il l'emporte fur le cryftal de roche. La couleur des grenats tranfparens eft d’un rouge cramoifi; quelques uns approchent de la couleur jaunâtre ; d’autres tirent fur le violer. Les opaques font fi foncés en couleur qu'ils paroiffent noirs. Sa pefanteur fpécifique approche beaucoup de celle de la topaze , & quoiqu'il contienne beaucoup de fer, il ne l'emporte jamais. Sa pefan- teur varie depuis 3,600 jufqu'à 4, 400. Du Schoerl (2). (Analyfe par la voie sèche.) Un, fragment de fchoerl expofe à la flamme fe ramollit en fe bourfoufflant un peu , mais rarement vient- on à bout de le réduire en globule, ce qui arrive cependant à la tour- maline de Ceylan, qui appartient à la claffe des fchoerls , & au fchoerl feuilleré, dit, Blende cornée. Avec l'alkali minéral, il fe réduit en poudre , avec une légère effer- vefcence. (Gi) N. A&. Upll. Vol. I. pag. 152: Tab. IX. fig. 3. 2, (2) Ce que M. Cronftedt appelle bafalte, je le nomme fchoerl. 1779 OCTOBRE. Nn2 176 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Avec le fel microcofmique, il fe diffout avec une petite effervefcence ; & quand le globule fondu eft un peu gros , il devient opaque. Avec le borax, le globule refte tranfparent, à moins qu'il ne foit chargé de beaucoup de fer. ( Par la voie humide.) Après une longue digeftion les acides en {parent la partie calcaire , la métallique, & mème une grande portion de la terre argilleufe; mais fi auparavant le fchoerl a été traité avec Falkali, toutes ces diffolucions s’opèrent plus vite & plus complette- ment. La terre vitrifiable ÿ eft en plus grande quantité que dans le grenat; enfuite vient la terre argilleufe , puis la calcaire. Dans les cryftaux tranfparens la portion de fer va à -#, & dans les opaques, fur-tout les noirs , à 2°. (Forme extérieure.) Sa forme régulière eft la même que celle du gre- nat, mais le prifme eft beaucoup plus allongé (1), rarement trouve- t-on le fchoerl cryftallifé parfaitement ; delà vient que quelquefois il n'eft pas terminé par une pyramide , que fon prifime varie beaucoup pour Le nombre de côtés, & que ces côtés forment fouvent un angle avec l'axe même. Le fchoerl, dit B/ende cornée, eft feuilleté ; il y en a une efpèce, quoique rare, qui affecte la forme du fpath. Il n’eft guère plus dur que le cryftal de roche. Souvent on peut en- tamer avec le couteau le fchoerl prifmatique, & toujours le feuilleté. Les cryftaux de fchoerl tranfparent font de couleur rouge , jaune, bleu, brun, mais ordinairement verd; les opaques font noirs ou verds foncés. Sa pefanteur fpécifique eft à-peu-près celle du grenar, & varie en- tre 3,000 & 4,000. Le fchoerl tranfparent eft plus léger. De la Zeolitke. ( Analyfe par la voie sèche.) Un fragment de zéolithe expofé à la flamme fe bourfouffle comme le borax avec d’autant plus de force ; qu’elle eft mieux cryftallifée. 11 fe fond en fcorie écumeufe, & rarement en verre tranfparent. Quelques variétés de zéolithe ne fe bourfoufflent que our le moment, & fans former de bulles. Avec lalkali minéral elle fe réduit avec éffervefcence en poufliète, mais elle ne fe diflout pas rout-à-fait. Avec le fel microcofmique elle fe diffout en fe bourfouflant , cepen- dant avec lenteur, & le lobe fondu refte tranfparent. : sin (G) N. A&, Upf. Vol, I. pag. 161. Tab, IX, fig. x. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 277 Elle fe comporte de mème avec le borax. (Par la voie humide. ) Les acides en diffolvent tout ce qu'il y a de diffoluble , mais fans l'avoir traité d’abord avec l'alkali fixe, & for- ment avec quelques variétés une efpèce de gelée, ( Principes conflituans.) La partie principale de la zéolithe eft la terre vitrifiable , enfuite tort & la moindre eft la terre calcaire. Le fer qui s’y rencontre excède rarement = (1). ( Formes extérieures. ) Sa forme extérieure eft rarement prifmatique . prefque toujours pyramidale & imparfaité Les pyramides Pose partir d’un centre commun & diverger à la circonférence; fouvent la zéolithe par certe cryftallifation affeéte une figure fphérique. Sa dureté n’eft pas ordinairement allez confidérable pour étinceler avec le briquet; peu de zéolithe même eft en état d'entamer & de rayer le verre. Sa couleur eft rouge ou blanche , rarement tranfparente. Sa pefanteur fpécifique eft peu confidérable, à peine palfe-t-elle 2,100. Il eft clair , par tout ce que nous venons de dire, que le grenat, le fchoerl, & la zéolithe ont tant de rapport enfemble, qu'on peur les nommer congenères , avec autant de droit que le rubis, le faphir, la topaze , l’hyacinthe & l’émeraude. Cependant jufqu'à préfent on les avoit placés non-feulement fous différensgenres, mais même fous dif férens ordres. La dureté femble augmenter avec la proportion de la terre argilleufe, & monter de la zéolithe, par le fchoerl , jufqu’au gre- nat. Elle defcend au contraire par la roche de corne ou srapp , jufqu’à la marne, dont la combinaifon ne paroït être qu’un mélange purement méchanique. Toutes les efpèces d’argille que j’ai pu examinet m'ont toujours offert des molécules de terre vitrifiable, plus ou moins groffes; elles formoient toujours plus de la moitié de la malle totale ; fouvent elles excédoient-£,& même -—, le fer s’y rencontroit depuis = jufqu’à 22. Ajoutons-y un peu de terre calcaire , & nous aurons la marne, faifant effervefcence avec les acides , quoique la partie calcaire n'y pafle pas -2-. L'analyfe découvre dans le trapp les mêmes principes que dans les fub{- tances dont j'ai déjà parlé ; ls n’y font pas cependant dans un état de arfaite combinaifon , mais fimplement réunis les uns aux autres par adhéfion & par une cryftallifation groflière ; car à la loupe on diftingue dans le trapp une texture groflière & graveleufe. Il paroît donc qu'il faut % placer parmi les roches, dont la qualite particulière eft d’être compofée de molécules de différente nature, fenfible à l'œil. A la vérité, c'eft la plus parfaire des compofitions méchanïques pierreufes, & il fervira de (1) Comm. de produëfis ignis fub terr, p. 85-89. 278 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, palläge aux compofés homogènes & d’un grain fi fin, que la meilleure loupe ne peut diftinguer les molécules dont ils font formés. A cetre claffe appartiennent les gemmes, le grenat, le fchoerl , la zéolithe & les autres pierres que Cronftedt a défigné fous le nom de serres. Je n’examinerai pas fi les pierres gemmes ont pu fe cryftallifer fans un autre menftrue que l’eau. Il me femble probable que tout véhicule, pourvu qu'il ait été fluide, quand même 1l m’auroit pas eu la qualité de diflolvant , a été propre à cer effer. Il fuffir que les atômes des gemmes foient fufpendus dans ce fluide , de façon qu'ils puiffent obéir librement à la force par laquelle ils s’attirent'mutuellement. Les plus petites molécules fuppléent par leur furface multipliée à l'attraction des plus grofles. 11 paroït conftant qu'il entre plus ou moins d’eau dans la forina- tion des cryftaux pierreux , sn le lips de tems,& une longue deflication les en privent. Le bourfouflement de la zéolithe au feu n’eft dû qu’à l’échappement de fon eau qui s'échappe fous la forme de vapeurs; & fans doute qu’une quantité moins confidérable d’eau dans les fchoerls, eft caufe qu'ils fe bourfouflent moins. A peine en voit-on un léger indice dans le grenar. On n’en remarque aucun dans les gemmes. Le pétro-ilex contient aufli de la terre vitrifable, de l’aroilleufe & de la calcaire intimement unies ; on peut fuivre la progreflion des pierres gemmes dans les filex purs, par les cryftaux de roche, Car ces beaux cryftaux de quartz du Jemrland, traités d’abord avec + d’alkali minéral & enfuite avec les acides, m'ont donné -£- de terre argilleufe, & = de terre calcaire , & ainfi les mèmes principes que j'avois trouvés dans les gemmes. Si quelqu'un penfoit qu’à force de traiter avec l’alkali le réfidu indiffoluble , on pourroit l’amener à l’état d’argille & de terre calcaire, qu'il fache que je l'ai effayé plufieurs fois, mais en vain. SV TL Du Diamant. Quoique le diamant foit regardé comme la première des pierres précieufes , je n’en ai parlé, jufqu'à préfent , que pour en faire fentir la différence avec ces mêmes pierres. Il s’en faut de beaucoup qu’une parfaite analyfe m’ait conduit à faifir tout ce qui conftitue parfaitement cette différence. Cependant, il ne fera pas inutile de faire connoïtre tout ce que j'ai pu découvrir. Cette, opération eft très-difhcile , & par le grand prix des matières qui empêche d’en avoir des quantités fufhfantes ,& par Ja nature mème de la matière. Mais afin d’applanir la route, & de diffiper les obftacles qui pourroient retarder la marche des Savans, que l'ardeur de la Science & les circonftances portent à la recherche des principes du diamant , je vais tracer le terme où je fuis parvenu. Pourvu \- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 379 que le voile qui cache la vérité foi arraché, qu'importe la main qui l’enlèvera. Le diamant diffère du rubis & des autres gemmes, comme je l'ai déjà dit, par fa dureté qui l'emporte fur celle de tous les autres corps que nous connoifions ; par fa déftruétibilité un feu médiocre, ou platôc par fa lente déflagration. Car, lorfqu’on le poufle au feu, non-feulementc il diminue de volume , maisil brûle’; l’on apperçoit une légère Aimme au- tour de lui , & mème traité dans des vaifféaux clos on y trouve une efpèce de fuie. (1) Enfin il diffère des cryftaux gemmes par fa façon de fe comporter avec les menftrues. ( A) La poudre de diamant, ou égrifée , propre à ces expériences, eft la pouflière qui fe forme de deux diamans que l’on frotte fortement l’un contre l’autre , mais dépouillés entièrement de leur écorce. Car on peut douter encore fi cette écorce qui enveloppe le diamant eft de même nature que lui, où d’une nature différente. Cette pulvérifation demande de plus gros diamans que ceux que j'ai pu me procurer ; j'ai donc été obligé d’avoir recours à l'égrifce du commerce. On dit communément que le diamant fournit une poudre noïre , & l’on a raifon, fi l'on entend l'égrifée du commerce , maïs certe couleur ne Jui eft point naturelle : les menftrues acides l’enlèvent facilement, & il ne refte plus que des atômes grifâtres qui font dus ou à lécorce du diamant, ou Æ inftrumens qu’on a employés pour les travailler. 11 peut cependant fe faire que les diamans noirs ne pouvant fervir à aucun ufage ; foient deftinés à être pulvérifés ; dans ce cas , la couleur feroit fixe & permanente. (B) L'égrifée épurée avec l’eau régale n'eft point attaquable par les autres acides, mais elle offre un phénomène fingulier avec l'acide vitrio- lique. Si l’on verfe de cer acide fur de l'égrifée, & qu’on le fafe évaporer, il devient noir, & dépofe des pellicules noires très-difhiciles à deflécher. Ces pellicules , expofées à la flamme, s'embräfent & fe confument prefqu'en entier , & le réfidu blanchätre eft fi peu de chofe , que je n'ai pu l’examiner. Ces pellicules font-elles les veftiges de la matière grafle que l’égrifée paroït contenir ? mais je n'ai pas encore obfervé que les vapeurs qui s'élèvent au feu de l'acide vitriolique, fufent plus phlosifti- quées & plus vives. (C) J'ai traité légrifée purifiée, avec le triple d’alkali minéral , par Je procédé dont j'ai parlé $. V.; après l'avoir renu trois heures au feu , les grains ne paroïffoient pas avoir pris une aglutination fenfible. J'en ai diflous enfuite ce que j'ai pu avec l'acide de fel, avec l’alkali végétal; j'ai obtenu un léger précipité de matière blanche & fpongieufe, qui fe diffolvoit dans tous les acides minéraux ; mais avec l’acide vitriolique il n’a formé ni (:) M. Lavoifier , Mém. de l'Acad. de Paris , 1772. So OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fparth pefant , ni gyps; ni fel d'Angleterre, ni de l’alun parfait. Ce pas a donné des cryftaux très- irréguliers, très-diflolubles dans eau , qui d’abord fe liquéfioient fur un charbon ‘dont ils étoient enfuite abforbés. Ils développoient fur la langue un goût acide & auftère. (D) J'ai traité d l'opération précédente, avecle double d’alkali minéral, elle s’eft congulce; ce qui marque qu'elle avoit changé fenfiblement de nature. Lavée avec . l'acide de-fel & précipirée par l’alkali végéral , j'ai obrenu un peu de ‘ terre femblable à la précédente. Mais le réfidu qui n'avoir pas été diflout, nageoïit encore dans le fel microcofmique & le borax fondu ,comme dans le G. II. I pénérroir l’alkali minéral avec une très-petite effervefcence ; enfin , à peine en évoit-il diffout. Au refte , j'en avois une trop petite quantité pour pouvoir faire un plus grand nombre d'expériences. (F) Ce peu d'expérience prouve que l'analyfe du diamant ef très- difficile, mais auffi qu'elle n’eft pas impofhble. L'aétion ,quoiquetrès-lente, de l’alkali , indique aflez qu'il contientuneterre vicrifiable, mais finguliè- rement mafquée & déguifce ; les précipités ont donné une terre diffoluble dans les acides ; la déflagration , l'efpèce de fuie qui fe forme dans les vaiffeaux clos , les pellicules noires , annoncent la préfence d’une matière . inflammable. Il pourroit bien fe faire que ces pellicules noires fuffent dues aux pañticules hétérogènes qui® fe trouvent dans l'égrifée du commerce. (G) Comme le fel microcofmique , expofé fur un charbon à une longue fufon , paroifloit diffoudre une certaine quantité de l’égrifée, j'ai jeté dans l’eau diftillée plufenrs petits globules qui en étoient fuflifam- ment chargés, J'efpérois que fi réellement il en avoit diffout , ce qui fe feroit uni à l'acide phofphorique s’en fépareroit dans l'eau , & que je le précipiterois avec l'alkali fixe. Mes efpérances ne furent pas totalement fruftrées, car ces petits globules fe diffolvoient facilement dans l’eau, une portion de l’égrifée, non-diffoute , tomboit au fond , l’autre reftoit fufpendue dans la liqueur; l’alkali l'en précipitoit, mais rrès-lentement & en très-petite quantité. Tels fonc les moyens qui pourroient nous conduire à l’analyfe com- plette du diamant , fi on avoit une affez grande quantité de cette matière précieufe. Sa dureté , fa tranfparence, fon éclat, nous la fair eftimer d’un prix fingulier, & en peu de rems , avec un feu médiocre, elle fe diflipe & fe naturalife tout entière , tandis que le rubis & la plupart des autres cryftaux gemmes y réfiftent, Comme nous avons fu augmenter le prix des chofes! Plin. rat MÉMOIRE e nouveau la poudre qui n’avoit pas été diffoute dans , noce Lcd se tint ont.» DUR: SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 281 Mi MO. IRÈR: LE, Sur les Atterriflemens des Côtes du Languedoc; Par M. POUGET. Ox connoît depuis long-tems les atterrifflemens des côtes du Lan- guedoc; on a fouvent répété que la mer fe retiroit des environs d’Aigues- mortes; mais les Phyfciens qui ont cité ces faits pour établir ou pour combattre quelque théorie générale , n’ont pastété à portée d'examiner en quoi conlftoient véritablement ces atterriflemens , & quelles font les caufes de leur formation. Ces recherches très- curieufes en elles- mêmes , deviennent maintenant bien intéreflantes pour nous , puif- qu'elles peuvent nous conduire à trouver les moyens de conferver la fanté & la vie de nos Concitoyens. Depuis un grand nombre de fiècles , la nature prépare fur ces côtes un changement qui va s’opérer fous nos yeux; les vaftes lagunes que des bancs de fable féparent de la mer depuis plus de deux mille ans, de- viendront bientôt des terres que nos travaux rendront fertiles. Mais les bienfaits que la nature accorde à cette Province, feroient payés trop cher fi on ne tronvoit les moyens de diminuer les maux que produifent les exhalaifons meurtrières de ces lagunes devenues déjà des marais, & d’en hâter le defsèchement. Avant que de s'occuper de la réfolution de ce grand problème , il faut examiner l’état de ces lagunes ou étangs, chercher les caufes de leur formation , & les moyens que la nature emploie pour les deflécher , afin de la feconder fi nous pouvons y réuflir, & abréger ainfi l’époque de cette fermentation dangereufe, qui précéde & prépare fes grandes opérations. Prefque tout le terrein du Bas-Languedoc paroît être l'ouvrage de la mer. Lans routes les plaines qui s'étendent des bords du Rhône au pied des Pyrénées , on trouve des bancs & des amas d’huîtres & de coquilles pétrifiées , débris de corps marins de route efpèce , de fable, de pierre coquilière , qui démontrent que les dépôts de la mer ont formé ces plaines , recouvertes par la végétation, par les dépôts des pluies, & par d’autres caufes femblables de la terre productive, qui les rend utiles (1). (x) Il faut en excepter quelques plaines baffes, compofées de limon, & formées par des rivières voifines ; d'autres fituées aufli près des rivières, couvertes de graviers Tome XIV, Part. II. 1779. OCTOBRE. Oo 282 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, . Bientôt une vafte étendue de terrein, formée auffi par la mer, va y être’ ajoutée : la caufe de tous ces dépôts n'eft pas difficile à reconnoître , c'eft au Rhône que nous les devons ; ce Fleuve charrie dans la mer une immenfe quantité de fable, de cailloux, de gravier , de limon;ila, comme le Nil, formé d’abord à fon embouchure de grands dépôts: on ne peut méconnoître l’origine des plaines de la Crau & de la Camar- gue; mais tous les corps qu'il entraîne ne f€ font pas arrêtés à fon em- bouchure, une partie a été portée dans la mer, & rejetée fur les côtes par les courans. Dans route l'étendue des côtes de la Méditerrance on reconnoïît un courant conftant & très-rapide , qui entré par le Détroit de Gibraltar, & für le tour de certe mer: fa direction eft de l’oueft à l’eft fur les côtes d'Afrique, & de d’eft à l’oueft fur celles d'Europe; elle varie un peu en quelques endroits, & en général ce courant fe tient prefque pa- rallèle aux cotes; fa rapidité eft très-orande dans le Golfe de Lyon, à left duquel le Rhône eft fitué. À près avoir parcouru les côtes de Provence , 1l pafle devant les embouchures de ce Fleuve, fe charge de vous les fables, graviers & cailloux qu’il charrie dans la mer, & les dépofe fuc- ceflivement fur les côtes du Golfe, Elles font en effer formées en entier du fable gris du Rhône, mèlé dans quelques endroits de cailloux & de galets; ces dépôts font d’aurant plus confidérables qu’on fe rapproche des embouchures, mais en général toute la côte en eff couverte, à l'exception d'un petit nombre de falaifes, telles que le Cap St-Pierre, celui d'Agde, celui de Sere, où l'agitation de la mer eft affez violente pour empêcher l’amas. On trouve même encore de ce fable gris au-delà du pied des Pyrénées, dans le Golfe de Rofes en Efpagne. Ce font donc Les dépôts du Rhône qui forment les atterriflemens des côtes du Languedoc, & c’eft vraifemblablement à de pareilles caufes qu'on doit attribuer la formation de toutes les nouvelles terres qui ont reculé les bornes de la mer. Ces changemens font une fuite néceflaie du principe de la circulation des eaux fur la furface du globe. La cha- leur du Soleil élève en vapeurs les eaux de la mer, elles rerombent fous la forme de pluie & de neige, & des lieux les plus élevés, revien- nent par un grand nombre de canaux , fe réunir dans les mers, ces grands réfervoirs communs d’où elles font repompées par le Soleil, &c où elles retombent encore. Cette circulation due à la figure irrégulière ee —— — & de cailloux ; & quelques parties des Diocèfes d'Agde & de Béziers, recouvertes de lave, & d'autres productions volcaniques. On doit défirer que les Naturaliftes s’occu- pent de l'examen intéreffant des plaines dû Languedoc, & qu'ils nous faffent connoi- tre exactement & en détail, les pétrifications qu'elles contiennent , comme M, de Jou- bert vient de le faire pour une partie de celles du Diocèfe de Montpellier. SURVWPHAST.'NATURELLEVET LES ARTS, 333 de la furface de le terre, y entretient, comme dans les corps animés, le mouvement & la vie, mais aufli elle contient en elle-même, ainfi que la circulaion du fang dans les animaux , un principe de deftruétion ; l’une & l’autre ufent les vaifleaux deftinés au paflage des Auides , l'eau entraîne avec elle des portions des corps folides fur lefquels elle pañle, détache à chaque inftant quelque petite partie des montagnes où font les fources des rivières , ronge les bords & le fond du lit de ces rivières, des ruifleaux, des ravins , & entraîne vous ces débris dans la mer. Un des effets du mouvement des eaux ; dû à l'inégalité de la furface de la terre, eft donc de détruire cette inégalité, & de réduire tout au niveau, après quoi la circulation s’arrêteroit d'elle-même. Mais nous ne devons pas craindre pour les races futures un évènement que des millions de fiècles fufliroient à peine pour amener. Sans doute quelque reffort fecret que nous ne connoïflons pas, eft deftiné à remonter cette grande machine, lorfqu'’elle s’'affaifle fur elle-même, & peut-être le: feu des volcans, qui prefque de nos jours a élevé des montagnes , ef ce reffort inconnu. Mais il ne fufhit pas de favoir que c’eft des débris des Alpes, & des fables produits par le frottement des eaux , dans tous les lieux où paflent le Rhône & les rivières qui s’y jettent, que font formées nos côtes; de connoître la caufe générale de ces dépôts; il eft bien plus intéreffant & bien plus utile d'examiner de quelle manière ils fe font formés, de râcher de découvrit la marche que fuit la nature pour pat- venir à la création de ces rerres nouvelles. Confidérons ce qui doit arriver lorfque dans une maffe d’eau, fou- vent tranquille, telle que la Méditerranée, qui n’eft pas agitée conftam- ment d’une manière fenfible par les marées, & qui ne l’eft qu’acciden- tellement par les vents, un courant chargé de corps étrangers vient frap- per fur une côte unie. Les cailloux, le gravier & le fable entraînés par ce courant, érant d'une pefanteur fpécifique beaucoup plus grande que l'eau , ne peuvent y être foutenus qu'au moyen du mouvement violent d'impulfon qui leur eft imprimé , & que la force de la pefanteur ne peur vaincre. [l y aura donc un dépôt dès que l’eau fera en repos, ou que fon mouvement ne fera plus fuffifant pour empècher l'effet de la pefan- teur des corps entraînés, & même au moindre retardement, fi le coutant contient autant de fable ou de gravier qu'il peut en chattier par la force de la vitele a@tuelle, s’il en eft pour ainfi dire chargé jufques à fatura- tion (1). Lorfque le courant frappe fur la côte , fa direction eft changée, n (1) On peut préfumer que le courant du golfé de Lyon eft dans ce cas, au moins juiques à quelques lieues à l'oueft des embouchures du Rhône, parce qu'on ne peut dans cette partie de la côte, lui oppofer le moindre obftacle , ni entreprendre de chan- ger La direétion d'aucun de fes filets, fans produireun fort dépôt de fable. 1779 OCTOBRE. Oo 2 184 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & il eft refléchi vers le large dans une nouvelle direétion décerminée par l'angle d'incidence; ce changement ne diminue pas affez le mouvement pour produire un dépôt confidérable contre la côte même , mais les filets du courant réfléchi, dirigés vers le large, font croifés par ceux du courant direét qui tombent fur la côte. Les mouvemens oppofés doi- vent fe combattre, s’entre-dérruire ; & l’effer de ce remous fera un dépôt qui s’établira fur la ligne où le courant réfléchi eft en équilibre avec le courant direét, comme on voit dans les Ports ou dans les grands Bafins, lorfqu'il y a un peu de mouvement, les petits corps fottans fe difpofer fur une ligne parallèle aux quais, à une petite diftance. : ll fe formera donc un banc parallèle à la côte, qui fera d’autant plus raffembleé , ou d'autant plus étendu en largeur, que la direction du mouvement du courant fera plus ou moins rapide, & que la forme, l'inclinaifon & la nature du terrein de la côte, produiront plus ou moins de frottement, ce qui déterminera aufli la diftance du banc. Tant qu'il fera au-deflous de la furface, il n’arrètera pas entièrement le courant, mais le retardera , & d'autant plus qu'il fera plus élevé; ce qui produira une augmentation de dépôt dans cet endroit, jufques à ce que parvenant au niveau de la mer, il oppofe une barrière abfolue au paffage des eaux. Dans le Golfe de Lyon, le courant eft très-rapide & fort chargé de fable; en frappant avec violence fur une côte unie, 1l a dû former des bancs qui lui foient parallèles ; ces bancs d’abord cachés fous l’eau, ont dû après plufieurs fiècles s'élever, former une plage, qui a féparé de la mer les étendues d’eau comprifes entre le banc & l’ancienne côte. C'eft ce qui eft arrivé en effet: une plage très-étroire & baffe, affez exac- tement parallèle à l’ancienne côte, s’eft étendue depuis les embouchu- res du Rhône jufques au pied des Pyrénées, fur une longueur de 2 à 30 lieues, en réuniffant les pointes des Caps & les Ifles qui fe font trouvées fur fa direétion, & qui ont d’ailleurs préfenté des points d’at- tache. C’eft ainfi vraifemblablement qu'ont été formées les lagunes con- nues fous le nom d’étangs d’Aïgues-mortes, de Lor, de Palavas, de Ma- guelonne , de Crin, de Tau, de Vendres , de Sijean & de Leucate, toutes réunies entr'elles, ou féparces feulement par quelques plaines ma- récageufes de nouvelle formation. La théorie eft ici d'accord avec l’obfervation, de la manière la plus fatisfaifante; mais il eft impoflible d'en préfenter toutes les preuves, dans un Mémoire tel que celui-ci. Il faudroit pour cela fuivre l'examen de chaque lagune ou étang en particulier, traiter en détail de la forme des plages, toujours dépendante de celle de l’ancienne côte, des irréeu- larités caufées par les Ifles, les Caps & les Rivières, & ce feroit l'objet d'un ouvrage confidérable.# En général on obfervera que toutes ces plages font très-étroites, fort bafles, & prefque de niveau avec la mer, excepté dans les endroits où les vents ont formé des dunes ; que par …. Cr Éd Se SUR L'HIST. NATURELLE ETLFS ARTS. 3:84 | tout où la côre eft droite , la plage l’eft aufi, & lui eft parallèle ; qu’au devant des caps peu avancés, elle forme des pointes & fe réunir à ceux qui fonc plus faillans ; la montagne de Sere couvroit une baye , dont les deux entrées ont été fermées par des plages, ce qui forme aujour- d'hui l'étang de Tau. Au-devant des falaifes efcarpées , il n’y à point d’enfablement, mais il eft d'autant plus confidérable à quelque diftance à l’oueft auprès des digues; les dépôts s’établiffent toujours aufli à l’oueft. Enfin, par-tout où il y a du repos, dans tous les endroits où la marche du courant n’eft pas libre, il y a un enfablement. La pente des plages ou de la côte extérieure vers le large , eft fort peu rapide & affez uni- forme; fur la plage de Sere, elle augmente régulièrement d’une braffe par 75 ou 80 , jufques à une demi-lieue au large environ. Il en eft à- peu-près de même fur toutes les autres plages de la côte; certe pente uni- forme eft cependant interrompue par les faraillons dont nous parlerons ci-après. Il eft impoffible d'afigner l’époque de la formation des plages du Languedoc. Les , defcriptions que Strabon & les autres Géographes Grecs & Latins ont donné de ces côtes, prouvent qu’elles exiftoient de leur tems, à-peu-près de la mème manière qu'aujourd'hui ; & fi elles étoient aulli-bien formées alors vers le premier fiècle de notre Ere, il faudroir faire remonter à un tems bien reculé, le moment de leur pre- mière apparition au-deffus du niveau de la mer. L'opinion vulgaire fur les atcerriffemens d’Aigues-mortes , ne peut détruire ce fait conftaté; il feroit aifé de prouver que la mer éroit à-peu-près aufli éloignée de cette Ville lors de fa conftruétion qu’aujourd’hut , mais que les Marais qui l'en féparent étoient alors des étangs navigables ; enfin, que Saint Louis s'eft embarqué à Aigues-mortes, comme on peut le faire aujourd'hui, c’eft-à- dire en allant fur un Canal de la Ville à la mer (1). Les plages qui féparent les étangs de la mer, exiftent depuis un grand nombre de fiècles; maisJl'érat des étangs a beaucoup changé ; ils ont été pendant, long-tems très-profonds ; les plages ne formoient pas une (x) On ne peut pas raffembler dans une note les preuves de ces faits, mais l'hifloire des enfablemens d'Aigues-mortes , & de tous les changemens qu'a éprouvé depuis le douzième fiècle , le terrein compris entre cette Ville & la mer, pourroient étre l'objer d'une Differtation intéreffante. Il paroît certain que le Canal nommé la grande Ro- bine, & qui va direétement d'Aigues-mortes à la mer, n'exiftoit pas en entier lorfque Saint Louis s'y eft embarqué. Il en fit conftruire feulemenc la partie qui eft la plus voifine de la Ville ; que fes Galères pañloienc delà dans l'étang de Repauffer , qui étoie navigable, & qui communiquoit à la mer par le Grau de la Croifade ou dela Crou- fette, fitué à une aflez grande diftance à l'oueft du Grau a&tuc!, nommé le Grau du Roï. Le Grau de la Crouferte a fubfifté long-tems , parce qu'un banc de roche caché fous l'eau , qui formoit une efpèce de rade affez sûre pour des petits Navires, y re- tardoit l'enfablemenr, ‘ ER HOT E 286 OBSERVATIONS SUR'IA PHYSIQUE, barrière continue, elles éroient coupées en beaucoup d’endroits par des Graux qui: établiffoient une communication libre entre la mer & les la- gunes. es males d’eau qui entroient par ces Graux dans les tempêtes, ou lorfque les vents de fud élevoient le-niveau de la mer, charrioient de grandes quantités de fable qui s’y dépofoient; les fables amoncelés fur les plages, érotent aufli emportés: dans les étangs par les vents & par les eaux de la meryqui, dans les tempêtes , couvroient de grandes parties de ces plages, lorfqu'elles éroient moins relevées qu'aujourd'hui. Les rivières, ruiffeaux & ravins qui tombent de la côte dans ces mêmes étangs, y entraînoient fans celle du limon & de la terre ; enfin, plufieurs bras du Rhône entroient dans ces lagunes par l'extrémité orientale , en traverfant ce qui forme actuellemeut les étangs d'Aigues-mortes , & ÿ portoient immédiatement le limon!, le fable & le gravier de ce Fleuve. Toutes cesicaufes réuniés ; ne pouvoient manquér dans cette longue fuire de fiècles , de les combler prefque en entier, & de les réduire à Vérar où nous les voyons. Prefque tous les étangs font enfablés, fur-tout du côté de la mer; de grandes parties fonc devenues marécageufes , & demeurent prefque en- tièremenr à fec pendant l'été; dans toutes les autres il y a fort peu d’eau, & onine peut y naviguer même avec les petits bateaux à varangues plates & fans quille, nommés vuloairement Béces , fans rifquer d'échouer à chaque inftant, L’érang de Tau, dont l'étendue eft très-confidérable, & qui éroic plus profond que les autres , eft Le feul qui ait confervé encore un grand fond d'eau, quoiqu'il sy foit formé plufeurs bancs vers les bords du côté de la plage ; maïs tous les autres font confidérablement atrerris: ceux d'Aigues-mortes , & prefque tous ceux qui bordent les co- tes du Diocèfe de Montpellier , paroïlent difpofés à saflécher bientôt prefque entièrement & depuis plufieurs années, les progrès journa- liers de l'atterrillement y font très-fenfibles. Dans cet état, l'agitation caufée par les vents ne peut pas être confidégable; l'impreflion faite à une malle d'eau qui n'a que quelques pouces de profondeur , eft pref- que aufli-tôr détruite par le frottement du fond; les bancs de vafe & de fable interceptent la communication du mouvement, & les eaux font prefque flagnantes. Il eft aifé de concevoir que les Graux qui formoient la communication de la mer aux lagunes, n’ont pu fubfifter plus long- rems. Dans cés canaux , autrefois larges & profonds, capables même de recevoir des Navires, comme le Grau de Maguelonne, connu dans nos Hiltoires fous le nom de Port Sarrafin , pañloient des malles d’eau confidérables, qui formoient des courans rapides, dès que le niveau de la iner sélevoit ou s'abaïfloit , ou que les vents de nord & de fud chafloient alrernativément les eaux à la côte & au large. Ces courans entrdnt dans les lagunes , ne trouvoient pas d’obftacle qui les arrèrat & qui détruit leur mouvement dans ces baflins vaftes & profonds, dont L 4 * 121 mil BUS LEE 4? x] » SUR L'HISTNATURELLE ET: LES: ARTS, 1287 les eaux éroient agirées elles-mêmes par l'imprefMion directe du vent, & ar la communication de l'agitation de Ja mer, ils alloient porter très- Fe du Grau les fables donc ils éroient chargés ; & bien-loin d’enfabler les canaux , ils les recreufoient, Les bancs formés par les dépôts de ces courans ; fe font fucceflivement rapprochés des Graux ; le mouvement des eaux qui entroient dans les lagunes ; a été plutôt détruit ou retardé; les dépôts fe font établis autour des embouchures intérieures, & enfin, dans ces canaux même’qu'ils ont comblés, 11 n’exifte plus actuellement dans ces lagunes , que les Graux pour lefquels les eaux d’une rivière paffent pour fe jerter à la mer ,: que ce courant recreufe, ou au moins conferve. Tels font ceux des étangs de Sijean & de Vendres, celui de Palavas, & celui d’Aignes-mortes. Le Port de Sete eft un Grau à beau- coup d'égards; mais les courans qui entrent par ce Port dans la grande lagune qu'on nomme étang de Tau, & ceux qui en fortent, y produi- fent du mouvement; & il y a lieu d’efpérer qu'au moins pendant plu- fieurs fiècles, on n’y verra plus accumuler des dépôts, & qu'on le con- fervera, en continuant à enlever tous les ans la mème quantité de fable qu'on en retire aujourd'hui (1). Tous les autres Graux font abfolument comblés ; & fi la violence des tempêtes , ou l'élévation extraordinaire des eaux de la mer, les recreufe quelquefois , ce n’eft que pour peu de tems. Celui de Perols, ouvert dans les circonftances les plus favorables; entretenu ayec-foin , avantageufement fitué , exifte à la vérité depuis douze ans ; mais un canal étroit, fi peu profond qu'aucun bateau n'y peut naviguer , embarraflé de barres & de bancs de fable , ne reffemble guère à nos anciens Graux qui fervoient d’afyle aux Navires, qui mé- me par-là devenoient dangereux dans ces tems où la foibleffe, la non- exiftence de notre Marine afluroit l'empire de ces mers aux Galiotes mal armées des Pirates Sarrafins. On travailloit alors à barrer ces Graux devenus les retraites des Efcadres de ces ennemis ; on n'y parvenoit que par des travaux & des dépenfes confidérables : aujourd'hui les mê- mes travaux , & routes les reflources que peut procurer une fcience alors (x) L'étang de Tau a 8 ou’ro lieues de tour, & ne communique à la mer que par le Port de Sete: Lorfque les vents viennent du large, les eaux de la mer sx par ce Port avec rapidité pour entrer dans l'étang; au contraire lorfque les vents font au Nord , les eaux de l'étang fe jercent dans la mer, en forte qu'il y a prefque toujours un courant aflez fort dans ce Port, C'eft la principale caufe de [a confervation. La difpofition favante & très-remarquable des jettées qui forment fon entrée, y contti- bue beaucoup auffi; on la doit à M. de Niquet, qui éroit Directeur des Fortifications , à Montpellier, lors de la conftruétion du Port de Sete. Je crois dexoir obferver que les marées y font fenfbles dans les jours très-calmes, non par l'élévation ou l’abail- - fement du niveau , mais par Je changement de direction du courant , qui porte à l'écang pendant Je Aux, & à la mer pendant le reSux, 233 . OBSERVATIONS SUR LA*PHYSIQUE, prefque inconnue ; portée maintenant à un haut degré de perfection ; fuffifent à peine pour conferver quelque trace de ces Graux. La barrière qui fépare à jamais ces lagunes de la mer, eft donc enfin établie. La nature avoit déjà tracé & circonfcrit depuis un grand nom- bre de fècles, l'efpace qu'elle devoit changer en terres; mais nous tou- chons à la dernière époque de certe révolution : nous pouvons prévoir que bientôt ces plaines fertiles remplaceront ces Marais, & qu'une nou- velle côte , raffermie par le tems, repouffera dans la mer les courans & les fables dont ils font chargés , produira une nouvelle plage , de nouvelles lagunes , qui deviendront des terres à leur tour. Déjà des fa- raillons, des bancs cachés fous les eaux, mais peu confidérables encore, indiquent la fituation de ces nouvelles plages, & en affurent l'exiftence, C'eft ainfi qu'ont été formées apparemment les plaines du Bas-Langue- doc; c'eft ainfi qu'elles vont ètre augmentées, & qu'après une longue période de fiècles , il y en fera encore ajouté de nouvelles. Cette chéorie de l’atterriflement de ces côtes, qui paroît fimple, & à laquelle l'accord avec l’obfervation femble donner un des plus grands degrés de probabilité auquel on puilfe atteindre en Phyfique, peut être utile dans la recherche importante des moyens d'accélérer le defsèche- ment, & de le rendre en mème tems moins nuifible aux Habitans des côtes. Dans l'état actuel , ces vaftes Marais, ces eaux ftagnantes , reçoi- vent une grande quantité de corps étrangers qui y fermentent pendant les étés longs & brülans de ces Provinces ; 1l s'en élève des vapeurs mal-faifantes , des miafines putrides & meurtriers , qui fe répandent fur les Campagnes voifines, infeétent l'air, & portent le germe des mala- dies , des accès de fièvre fur-tout , qui deviennent tous les jours plus dangereux , plus difficiles à guérir, & qui dépeuplenc cette côte. Tout fe réunit pour accabler fes malheureux Habitans; un des plus grands bienfaits que la nature ait accordé aux pays chauds, leur devient fu- nelte; ces vents légers & périodiques qui tempèrent la chaleur, éloi- gnent de nous, & renouvellent l'air brülant, épaifi par des vapeurs roflières ; ces vents d’eft & de fud connus dans cette Province fous ï. nom de Garbin, dont la direétion fuit le cours du foleil, & qui foufflent allez régulièrement tous les jours pendant les grandes cha- leurs, n'arrivent fur la côte habitée qu'après avoir pailé fur les Marais; äls entraînent & portent fur la terre lès miafmes putrides qui s'en élèvent ; & leur fouffle rafraïchiffant & fain fur la plage , devient empoifonné & mal-faifant'en craverfant les érangs. L’élévation de la côte intérieure bordée de montagnes en plufieurs endroits , arrête au contraire les vents du nord, & les empêche de chaffer dans la mer ces vapeurs meurtrières. Déjà un aflez grand nombre de Villes & de Bourgs autrefois confidérables , ne contiennent plus qu'un petit nom- bre | | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS 289 bre d’habirans , prefque tous attaqués de ces cruelles maladies qui abrégent leur vie, & en empoifonnent le cours. La dépopulation rend les cultures plus difficiles , les terres font négligées, les richefles du pays diminuent, & le défaut de moyens de fubffter, de fecours lorf- qu'ils deviennent plus néceflaires , rend la fituation de nos Concitoyens plus cruelle. Les Etats de la Province paroiffent difpofés à accorder aux habitans de ces côtes, tous les fecours que l'humanité réclame , & dont la po- litique prouve la néceflité. Tous ceux qui ont confacré leurs veilles à l'étude des Sciences Phyfiques , doivent s’emprefler à concourir à l'exécution d’un projet fi utile , en propofant les moyens de remédier aux maux que produit de defsèchement des étangs. Il eft malheureu- fement impoflible de rendre à ces lagunes leur ancienne profondeur, & d’arrèrer les progrès de l’atterriflement ; il faut donc en abréger la durée , & râcher de le rendre moins dangereux, en diminuant la pro- duction , ou corrigeant les funeftes effets des exhalaïfons. On ne peur efpérer d'y réuflir par une feule méthode également applicable à tou- tes les parties de ces vaftes laigunes ; il eft par conféquent néceflaire d'examiner avec foin l’érat des lieux, afin de choifir les remèdes locaux les plus convenables. Nous avons établi que les fables de la mer, & les dépôts formés par les eaux des rivières & des ravins, éroient les caufes du defsèche- ment des étangs; on peut donc y diftinguer l’enfablement de l’atter- riflement. Les eaux de la mer ne chatrient fur cette côte que des fa- bles purs, & qui ne contiennent aucun principe de fermentation ; au contraire , les débris des végéraux , & beaucoup d’autres corps qui font entraînés par les rivières ou par les eaux des pluies, font très-dif- pofés à fermenter. C’eft donc aux atterriflemens qu’on doit attribuer les maux que produit le defsèchement des étangs : ils formeront à la vérité des terres plus aifées à fertilifer que des plages de fable , mais cet avantage éloigné ne peut balancer leurs inconvéniens ; & lorfque les Gouvernemens ne font pas aveuglés par la funefte pañlion des con- quêtes, on ne facrifie pas la vie d’un grand nombre d'hommes à l'efpérance éloignée d'une augmentation de territoire. Il ne faut donc pas héfiter à favorifer , à augmenter l'enfablement de nos étangs, & à diminuer, s'il eft poñfble, l’atterrillement. : ouverture des Graux, eft prefque le feul moyen qu'on puille employer pour remplir le pre- mier objet. On parviendra , en établiflant ainfi des communications entre les lagunes & la mer, à donner aux eaux rour le mouvement dont elles fonc fufcepribles dans l'érar actuel ; elles cefferont d’être dans cer état de ftagnarion fi dangereux ; on hâtera le defsèchement es Marais, en y faifant porter par les eaux de la mer de grandes Tome XIV, Part. IL. 1779. OCTÜUBRE. Pp 290 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, quantités de fable; & on rendra ce defsèchement bien moins dangereux puifqu'il fera produit par des fables purs (1). | On ne peut point fe diflimuler la difficulté de la conftruétion de ces Graux (dour j'ai tâché de donner la théorie dans le Mémoire que la Société Royale, dont je n’avois pas l'honneur d’être Membre alors , jugea digne du Prix en 1768.) Le peu de profondeur des étangs, ne permet pas d'en donner beaucoup à ces canaux, qui s’enfabléront très-aifément ; mais en-renonçant à l’efpoir de former des Graux du- rables, on peut en conftruire de très-utiles à peu de frais. Des canaux peu larges , peu profonds , prefque de fimples foffés creufés au commen- cement de l'hiver dans les endroits de la plage qui paroïtront les plus convenables , deviendront des Graux lorfque les eaux de la mer, chaffées par les vents du large, y auront pallé & les auront recreufés. Ces Graux feront à la vérité bientôt comblés; mais pendant leur courte durée, ils auront mis les eaux des étangs en mouvement, & y auront fair entrer des fables qui les defsèchent , fans nuire à la fanté des ha- bitans de la côte. On pourra les remplacer enfuite par d’autres ; & la formation d’un grand nombre de ces petits Graux , coûtera moins , & fera vraifemblablement plus utile que la conftruétion d'un feul , dont ont tâcheroit peut-être inutilement d’affurer la durée (2). (x) Cette vérité eft prouvée par l'expérience fur cette côte , lorfque la violence des tempêtes a formé pendant l'hiver de petits Graux, & qu'il eft entré dans les étangs de grandes quantités de fable qui recouvre le fond, l'air eft beaucoup moins dangereux pendant l'été fuivanc, & les maladies font moins de ravages ; mais l’année d’après , ce fonds eft couvert de varech ou moufle , & d'autres plantes marines, qui en changent la nature lorfqu'elles y pourriflent, & l'air redevient auffi mai-fain qu'auparavant. Cela pourroit n'être pas également vrai fur routes les côtes, & les defsèchemens produits par les fables dela mer, doivent être dangereux par leurs exhalailons , fi ces fables ne (ont pas purs comme dans le golfe de Lyon , & s'ils font mélés de vale & de débris de végétaux. (2) M. Picot a déjà démontré l'utilité de la conftruétion des Graux dans les étangs du Languedoc, par un Mémoire qui eft imprimé dans le vol, de l'Académie des Scien- ces de Paris de 1746. Depuis cetre époque ils font devenus encore plus néceffaires, mais en même-tems bien plus difficiles à conferver. Il y a quelques parties des étangs qu'on ne peut plus enfabler par ce moyen. C'eft la moitié de tous ceux qui s'étendent depuis Frontignan jufques à Perols ; les digues du Canal de navigation qui les traver{e, doivent nécellairement arrêter les fables qui fe dépoferont dans les parties comprifes entre le Caual & la plage, & point dans celles qui font renfermées entre le Canal & la terre. Cependant, l'ouverture des Graux procureroit quelque avantage dans ces par- ties même en rafraïchiffant les eaux, & leur donnant du mouvement , au moyen des ouvertures qu'on a faites dans les digues du Canal. Ils feront même plus utiles dans ces étangs que dans les autres, parce qu'ils font déjà crès-marécageux , prefque comblés; que les exhalaifons qui en fortent font fort dangereufes , & de la plus mauvaife qualité, fi on peut en juger par l'odeur infeéte que répandent ces Marais, & le grand nombre de maladies qu'ils caufent fur cette partie de la côte. SURYTI HIST. NATURELLE) ET LES, ARTS. 1291 IL feroit utile de faire bécher aufi quelquefois les fommerts des du- nes les plus élevées fur la plage, & de faire arracher les joncs qui y croïflent. Les vents d’eft ou de fud pourront emporter dans les étangs de grandes quantités du fable fin qui compofe ces dunes , fi on l’em- pèche de fe réunit & de former des mafles folides, Il faudroit enfin examiner les miafmes qui s'élèvent de ces étangs, tâcher de connoître leur nature, & de découvrir fi c’eft à un air fixe -ou inflammable , qu'on doit attribuer la qualité mal-faifante de ces exhalaifons. On trouveroit peut-être le moyen d’abforber , de neutra- lifer, ou de corriger de quelque autre manière , le fluide qui caufe tous ces maux. Si on découvroit que c’eft un air fixe, qui püt être réduit par la végétation à l’état d'air pur, refpirable & fain ,1l feroit aifé d'y parvenir, en plantant fur les bords des étangs un grand nom- bre d'arbres. Non-feulement on corrigeroit ainfi les miafmes par la végétation , mais encore on oppoferoit une barrière aux vents légers d'été, au garbin qui les tranfporte & les répand fur les terres. Enfin, on aflureroit l’exiftence de ces terreins nouveaux, & on les difpoferoir à devenir utiles, puifqu'on a reconnu que la culture des plantes qui peuvent exifter fur ces plages , eft le meilleur moyen de les rendre fer- tiles ; fans doute parce qu'on parvient aïnfi à les recouvrir d’une terre végétale, On a réufli de cette manière, & par la culture des kil, à changer fur ces côtes, des fables fecs & arides, en champs & en vignes fertiles; mais il ne faudroit eflayer les plantations d'arbres , qu'après avoir bien reconnu la nature de l'air de ces Marais, & s'être com- plèrement affuré qu'il peut être corrigé par la ae Cependant , tous ces moyens Phyfques ne fufhroient peut-être pas encore. On fait que les préfervatifs les plus sûrs des maladies du genre de celles que caufent ces Marais, font une nourriture fine, de bon- nes eaux , des logemens fecs & aërés. La fagefle & l'humanité de ceux qui veillent au bonheur de cette Province , leur infpirera fans doute les moyens de procurer aux habitans de ces côtes, les fecours que leur fituarion exige, foit en diminuant les Impôts , foit en favorifant linduf- trie & le Commerce, par les encoutagemens , & fur-tout par la liberté entière, en faifant réparer les fontaines & en conftruire de nouvelles , en ermettant la deftruétion des murs d'enceinte des maifons devenues inutiles par la diminution de la population , qui ne fervent aujour- d’hui qu'à arrêter la. circulation de l'air dans ces anciennes Villes, y ren- fermer & y concentrer les vapeurs putrides ; foit enfin en donnant aux habirans , lorfque les maladies comimenceront leurs rav ges, les remè- des les plus propres à les calmer, & les mertant à portée de profiter des lumières des favans Médecins de la Faculté de Montpellier. Tout ce qui peur êrre utile doir être eflayé, lorfqu'un auffi grand intérêr l'exige. Il s'agit 5779-00 O\CTO/PB'AKES Phprz Ca 292 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de conferver la fanté & la vie d’un grand nombre de nos Concitoyens; fur-tout de ces hommes précieux qui, livrés aux pénibles travaux de la pèche, contribuent à notre fubfiftance, & augmentent la malle des produétions utiles, qui ne quitrent leurs demeures que pour aller fer- vir l'Etat lorfqu'il a befoin de leurs bras, & dont les familles peuvent feules fournir les Matelots néceflaires à la Marine commerçante de cette Province, qui commence à peine à fe former. Obligé de me renfermer dans les bornes d'un Mémoire Académi- que, je n'ai pu préfenter que des vues générales ; mais fi une feule eft utile, mon objet eft rempli. Il le fera bien mieuxencore , fi mon exemple peut dérerminer des Citoyens aufi zélés & plus éclairés que moi, à faire connoître des moyens plus sûrs ou plus faciles de remédier aux maux que caufent le defsèchement des étangs. SECOND) MCE NT IONTURCE Sur le principe de l'Inflammabilité des corps combutibles, ou Gas inflammable huileux ; Par M. NERET, fils. Quoi QUE je fois tenté d'admettre que le gas des marais doit être compofé le plus ordinairement d'environ deux à trois parties d’air fixe, contre une feule d'air inflammable huileux , cependant je ne diflimulerai pas que fi la couleur de la flamme de ce mélange, & d’autres rapports encore, me déterminent à penfer ainh, il y a cependant des diffé- rences aflez frappantes entre l'air des marais , & un autre air compofé dans les proportions dont je le foupçonne formé, Car , 1°. l’eau de chaux w'eft que légèrement précipitée par le gas des marais , & elle l’eft abondamment par un mêlange de deux tiers d'air fixe & d’un tiers d’air inflammable huileux : mais peut-être y a-t-il toujours peu de liaifon & d’adhérence entre les molécules fluides de ces deux airs, à moins qu'ils ne s'échappent enfemble d’une fubftance qui les contient réunis, & fe trouve-t-1l une efpèce de rapport entre la naïffance de l'air des marais & la formation du cinabre ou du fublimé corrofif, c'eft-à-dire que chacun de ces trois compofés n’exifteroit pas fi les fubf- tances qui doivent le former ne fe rencontroient enfemble en vapeurs , & de manière à contracter par ce moyen une union plus intime. Quoique les liqueurs vineufes aient, avec l'air fixe, une affinité très - grande , SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 293 cependant lorfqu'une fois elles font dépouillées de ce gas, elles refufent obitinément de le reprendre : ainf ce n’eft pas tout , que deux fubftances aient entrelles de l’affinité, il faut encore pour qu'elles s'uniflent que toutes les conditions néceflaires à leur liaifon aient été remplies dans l'inftant où cette liaifon a pu le mieux avoir lieu & de la manière la plus favorable. 2°, Une autre différence de l'air des marais factice avec le naturel , eft celle qu'il préfente dans la combuftion de fon mélange avec l'air atmof- hérique ; fa manière de brüler n’eit pas cout-à-fait femblable à celle de Pic des marais, mais cette différence peut tenir encore de fon peu d'union avec l'air fixe qui entre dans fa compolition : ce qui me le fait croire, c'elt que fon degré d'inflammabilité eft ä-peu-près le mème ; car une partie de ce gas faétice mélangé avec treize d'air atmofphérique, donne encore une inflammation bien médiocre à la vérité, mais cependant viñble , & nous avons dit que le gas des marais celle de brüler lorfqu'il eft mélangé de quatorze parties d'air commun. En convenant donc qu'il eft poflible que l'air des marais ne foit pas toujours le même, fuivant les climats , les végétaux & les animaux qui lui donnent naiffance , & malgré les différences légères dont je viens de fire mention ( dont il femble qu'on peut rendre compte fans être regardé comme voulant fe häter d’arranger un fyftème à cet égard) je crois toujours que l'air des marais ne peut être compofé que de gas inflammable huileux & d'air fixe, quelles qu’en foient les proportions. En effet , après avoir démontré dans le premier mémoire que la diftillation des fubitances animales & végétales, peut produire un gas tout -à-fait femblable à celui des marais, il ne refte plus qu’à confidérer dans quel inftant ce gas s'échappe des vaiffeaux diféflarotses , & quels font les airs qui le précèdent ou le fuivent. C’eft toujours entre la produétion de l'air fixe & de ce'ui que j'ai appellé air, principe inflammable des corps combuflibles ou air inflammable huileux , que paroïit l'air ou gas analogue à celui des marais, & pendant quelques inftans on en obtient qui lui eft parfaitement femblable : je dis feulement pendant quelques inftans, parce que l'air fixe fe dégageant d’abord , & l'air inflammable huileux vers la fin de lopération , les dernières portions d'air fixe font pendant un certain rems mélangées d'air inflammable huileux, dans les proportions qui conftituent l'air des marais, & que l'air recueilli avant ou après cer inftant eft, ow de Pair fixe prefque pur, ou de l'air inflammable huileux auf prefque pur. Au refte, on foupconne aifément que ces produits aëriformes de la diftillation , font fujets à d'autant plus de diverlité, que les matières dont ils font tirés font , ou plus phlegmariques ou plus huileufes. Certainement ce neft pas non plus l'air atmofphérique qui entre dans la compofition du gas des marais, puifqu’aucune partie de ce gas n'eft abforbé par l'air nitreux, & cette preuve fera LE réplique , à 294 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, moins qu'on ne veuille objecter ce que j'ai dit moi-même en parlant des différences de l'air des marais factice avec le naturel : que l’étroite union de l’air commun avec l'air inflammable huileux , mer le premier à couvert de la voracité du gas nitreux; mais alors pourquoi y a-t-il une légère précipitation de l’eau de chaux par l'air des marais, & comment fe dégageroit-1l dans les vaiffeaux diftillatoires après la naïffance de l'air fixe, un air femblable à celui de l’armofphère ? Revenons à l'air principe de l'inflammabilité des corps. Les huiles graffes , les huiles eflentielles , la térébenthine, la graiffe humaine, & celle des animaux, produifent également & fort abon- damment le gas inflammable huileux , maïs 1] faut avoir attention de ménager beaucoup le feu, lorfqu'on emploie les huiles effentielles, parce que leur volatilité les fair élever dans le tube, & que l’on obtient d'autant moins de gas. L’odeur du gas eut huileux a un caraétère qui lui eft particulier, quoiqu'il s’y joigne peut-être un peu auffi celle de la fubftance Aou ila été extrait. En général, cette odeur eft celle de la fuie, de l'huile brûlée, tenant en outre quelque chofe d’aromatique. Cette odeur eft fi forte , que celle du gas nitreux en eft détruite. En effet, fi vous mèlez parties égales d’air inflammable huileux & de gas nitreux, 1°. il n’y a pas d’abforption. 2°. Si vous allumez enfuite ce mèlange, il brüle très-bien, d’une flamme vive &c blanche , & l'odeur du gas nitreux ne fe fair point fentir. Il y a ici une petite obfervation que je crois utile à faire : pour être certain du fuccès de la première partie de cette expérience, c’eft-à-dire que le gas nitreux n'abandonneraaucune partie de l’air inflammable huileux, il faut introduire le gas nitreux le premier dans la jauge & non l'air inflammable, cat le gas nitreux , en paffant à travers l'eau , y rencontre toujours quelque peu d'air commun qui régénère autant d’eau forte, ce qui pourroit être pris pour une abforption : mais fi on commence par faire paller une mefure de gas nitreux dans la jauge , cette mefure ne defcendra pas jufqu’à la divifion , & il faudra ajouter quelques bulles d’air nitreux pour fuppléer à la quantité d’acide régénéré par l'eau, & arriver à la ligne tracée fur la jauge ; enfin, fi alors on introduit une mefure de gas inflammable huileux, elle s'arrêtera précifément fur la marque de la feconde divifon , ce qui ne laillera aucun doute que le gas inflammable huileux n’eft aucunement abforbé par le gas nitreux. L'éleétriciré n’allume point le gas inflammable huileux lorfqu'il ef pur, mais quand il eft mélangé avec égale partie d'air déphloaftiqué, l'étincelle éle&trique ne manque jamais de l’enflammer , mais fans détonnations, & je dois ici relever une erreur que j'ai faite au dernier article de mon premier Mémoire fur le gas inflammable huileux , lorfque j'ai dit que l'air déphlogiftiqué , mêlé avec ce gas en quantités égales, produifoit une très-forre explofion : cer effet n'a lieu, comme nous le Pr tre SUR L'HIST. NATUREILE ETILES ARTS. 295 verrons tout-à-l’heure, que lorfqu'il y a plus d’air déphlogiftiqué que de gas inflammable huileux ; j'étois alors plus occupé de ce qui concernoir la naiflance & la produétion de l'air que je venois de découvrir, que des différentes manières dont il pouvoit être combiné avec d’autres gas, & j'aurai fans doute mis trop peu d'attention à la jufteffe de mes mefures. . L'air inflammable des métaux a une plus grande facilité pour s’allumer que l'air inflammable huileux , mais ce dernier, fi je puis employer certe expreflion , a, uné PEPPHSS inflammable bien plus confidérable. J'ai conftruit pour mefurer la déronnation des airs inflammables & de leurs différensmèêlanges, une éprouvette de comparaifon que je publierai aufli-tôt is j'y aurai fait quelques changemens avantageux dont je la crois ufceptible. Cette machine eft cependant déjà allez jufte pour quil n’y ait jamais plus de deux à trois dégrés de différence entre chaque déton- nation d’une même efpèce d’air mêlangé , encore cela eft-il plurôr dû au plus ou moins de promptitude que l’on met à allumer, qu'à un defaut de l’éprouvette : la manière dont cer inftrument eft conftruit le rend également propre à mefurer la fulmination de route fubftance inflamma- ble & déronnante, telle que le gas des métaux mêlangé dans différentes proportions avec l'air atmofphérique & l'air déphlogiftiqué , le gas inflammable huileux étendu également par l'air déphlogiftiqué, la poudre à canon , l'or fulminant, la poudre fulminante, &c. | C’eft avec le fecours de cette éprouvette que j'ai conftruit la table fuivanre. RL EE CRETE EE ETSEEE=-2P É ES £4 1 35 PE 65103 5 DRE de) EG 1 (| TABLE de Détonnation des deux Gas inflammables par leur mélange avec l'air déphlogiftiqué dans différentes propor+ tions. Air inflammable des Métaux. Air inflammable Huileux. 2. Mefures d’air des métaux. 2. Mefures d'air inflaim. huileux.. 3, Air Du 1. D'air déphlogiftiqué. Coup moyen fur cinq. Point de déronnation. 19 degrés + L'air brûle, au contraire, fort lentement , & à peine apper- çoit-on la préfence de l'air dé- phlosiftiqué: 1, Mefure d'air des méraux. 1. Melure d'air inflam. huileux. 296 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Air inflammable des Métaux. 1. D'air déphlogiftiqué. Coup moyen fur cinq. 20 degrés +. 1. Mefure d’air des métaux. 2. D'’air déphlogiftiqué, Coup moyen fur cinq 13 degrés. 1. Mefure d’air des métaux. 3. D'air déphlogiftiqué. Coup moyen fur cinq. s degrés. 1. Mefure d’air des métaux. 4. D'air déphlosiftiqué. Coup moyen fur cinq. 3 degrés +. 1. Méfure d'air des métaux. $- D'air déphlogiftiqué. Coup moyen fur cinq. 1 degré +. Air inflammable Huileux. 1, D'air déphlosiftiqué. Point & SÉrTE Seulement le mêlange brûle avec rapidité. 1. Mefure d’air inflam. huileux: 2. D'air déphlogiftiqué. Coup moyen fur cinq. s2 degrés =. 1. Mefure d'air inflam. huileux. 3 D’air déphlogiftiqué, Coup moyen fur cinq. 59 degrés, 1. Mefure d’air inflam. huileux. 4. D'air déphlosiftiqué. Coup moyen fur cinq. 46 degrés. 1. Mefure d'air inflam. huileux. 1, D'air déphlogiftiqué. Coup moyen fur cinq. 34 degrés. Je n'ai pas prolongé davantage cette table , parce que je crois qu’elle offre tout ce qui pent intérefler jufqu'au point où le gas inflammable huileux fe trouve tellement furchargé d’air déphlogiftiqué , qu'il ne puiffe plus fournir de déronnation. En effet elle apprends 1°. Que le mêlange le plus avantageux de l'air inflammable des métaux avec l'air déphlogiftiqué ; eft celui: où ces deux airs font mêlés en parties égales ; combattant à cet égard le fentiment des Phyficiens qui ont penfé quela proportion la plus convenable pour une forte déronnation, étoit de deux parties environ d'air des métaux contre une feule d'air déphlogiftique , & fi ces habiles Obfervateurs n’ont eu d'autre juge de la force de l'explofion que le bruit qu’elle occafonne , il n’eft pas étonnant qu'ils fe foient trompés, d’autant.qu'il n’y a de différence entre ces deux proportions que d’à-peu-près un vingtième, & que cette diffé- rence ne peut être appréciée par l’oreille. 1 2°. Que la plus forte détonnation de l'air inflammable huileux eft celle où une feule mefure de ce gas eft mêlée avec trois mefures d’air déphlogiftiqué. 3°. Enfin, que l’explofion de ce mêlange , comparée à la plus forte que Fair inflammable des méraux fourniffe avec l'air déphlogiftiqué;, eft dans la proportion de 59 à 20 ? , ce qui s'accorde aufli parfaitement qu'il eft poflible ne : SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 297 poffible avec le tableau que nous avons donné dans le premier Mémoire, des mêlanges de l'air atmofphérique avec les deux airs inflammables, puifque l’on y voit le gas inflammable huileux l'emporter aufi fur fon concurrent , dans la même proportion de 30 à 10. Ces deux tableaux fe fervent donc l'un à l’autre de preuve & de foutien. 11 paroîtra conftant que l'air inflammable huileux eft beaucoup plus pefant que l'air des métaux, fi on prend deux vafes de même capacité & d'ouverture femblable, qu’on les remplifle chacun d'une forte de gas inflammable , & qu'avec adrefle on les pofe l'un fur l’autre de manière que les airs puiffent fe décanter mutuellement : alors fi c’eft le vafe qui contient le gas inflammable des métaux que l’on a placés deffous, quelques inftans après on trouvera ces deux gas mêlangés , tandis que fi on eûc mis à certe place l'air inflammable huileux, il n’y auroit point eu de mélange, & chacun des deux airs auroit enfuite donné en brülant les fignes carac- tériftiques qui lui font propres. Quelques expériences nouvelles fur l'air inflammable huileux & la defcription de l'éprouvette de comparaifon dont j'ai parlé plus haut, feront l'objet d’un troifième mémoire. om mme ne 2 PUS SP EMRETEA ET L'OUN Sur la caufe Phyfique d’une efpèce d'attraction que les Chy- miftes appellent Affniré ; luc à la Séance de la rentrée de l'Académie de Metz, le 12 Novembre 1778 ; Par Dom NICOLAS CARBOIS, Principal du Collége Royal de Metz, de la Société Royale des Arts & Sciences de la même Ville, Affocié à l'Académie de Chélons-fur-Marne , de la Société Patriotique de Hef]e- Hombourg (1). Ex 1776, j'ai prononcé un difcours dans la féance publique de la St- Louis, dans lequel je hafardai quelques conjectures fur la caufe de cette difpofition qui porte certaines fubitances à s'unir entre elles, & que les Chymiftes nomment afäniré. Des réflexions fur les produétions (1) Voyez dans ce Journal , Tome XII, pag 141. Août 1778. Le Mémoire fur Le Elémens & Les Affinités, par M. de la Cépede. Tome XIF, Part, II. 1779. OCTOBRE. Q1q 208 OPSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de la Nature & de l'Art m’avoient conduit à ces conjeétures ; je voyois naître la violette fous la douce température du Printems , l'œuf éclore à la faveur de l’incubation, mille efpèces de corps prendre exiftence fur le fourneau du Chymifte : donc, difois-je, l’aétion du feu ou la chaleur eft le principe actif de la nature; c’eft elle qui réunir les élémens, qui par des combinaifons infiniment variées compofe des molécules de route efpèce, & qui enfuite raffemblant des molécules de mème efpèce , en forme des malles que nous appellons corps. Mon fyftème n’étoit qu'ébauche. Il fal- loit des principes certains , des applications claires , des conféquences juftes, je vais les foumertre à vos lumières. Premier Principe. La chaleur eft une agitation en tout fens , un mouvement de vibration dans les plus petites parties du corps. On voit cette agitation dans la flamme , dans une goutte d'eau jettce fur un fer rouge; j'ofe même dire qu’on-la fent lorfque nos organes en font affeétés à un certain dégré. Second Principe. Deux parties différentes en grandeur, en intenfité ou en figure , font agitées différemment par un même degré de chaleur. J'en juge par la rarcfaction des corps, qui étant l'effet de la chaleur, rend fenfible la manière d'agir à un mème degré de chaleur. L’efprit-de-vin fe raréfie plus que l'eau, l'eau plus que le mercure, & le mercure plus que l’or,ce qui ne pourroit être, fi les parties de ces corps éroient affectées de la même manière par un mème degré de chaleur. On peut encore en juger par l'action des corps mis en fufion. L'or fe fond dans la coupelle, avec une apparence de tranquillité; le plomb s’y fond aufli, mais il s’y décom- pofe , il sy vicrifie, il s’y agite , il va furerer dans les interftices de l'or; 1l en ronge l’alliage, il pénètre le creufer, il s'évapore. Quelle différence d'action ! Peur-on dire qu’un même dégré de chaleur agitoit les parties d’or de la mème manière qu'il agitoit celles de plomb? n’eft-il pas clair, au contraire, que des molécules hétérogènes ont chacune leur dégré de foupleffe & de mobilité , & qu’elles fe prêtent différemment à l’action du feu, Troifième Principe. La différence qui fe trouve dans l’agitarion des parties hétérogènes n’eft pas la même pour tous les degrés de chaleur; j'en juge par la raréfac- tion des corps, qui n’eft que le réfulrat de l'agitation de leurs parties. Le mercure, par exemple, depuis la glace jufqu’à l’eau bouillante , fe raréfie par degrés égaux , tandis que l’eau fe raréfie par degrés inégaux: SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 299 Un degré de chaleur au-deflus du terme de l'eau bouillante , réduit cette eau en vapeurs , la difperfe , lui donne de nouvelles propriétés & fait, pour ainfi dire , un fluide d’une nouvelle efpèce , tandis que le mercure refte en mañle & n’acquiert qu’un nouveau degré d’agitation. Quatrième Principe. Dans un mixte , hors le cas de fa compofition , le feu n’agite que fes EU intégrantes , c'eft-à-dire que dans un fel neutre, par exemple, le eu n’agite pas féparément l'acide & l’alkali qui le compofent; mais feulement les molécules réfultantes de ces deux fels. La preuve eft que l'acide & l’alkali, par leur union , ont perdu leur propriété aétive, & par conféquent leur mouvement propre. D'ailleurs, les parties acides 8c alkalines étanr hétérogènes , ne pourront recevoir , par l’aétion du feu, que des mouvemens différens, & par conféquent inconciliables avec leur union. En effec, comment concevoir deux parties unies, dont l'une iroit à droite & l’autre à gauche ? Cinquième Principe. Parmi les différens mouvemens qu’un mème deuré de chaleur donne à des molécules hétérogènes, il y en a qui font réduétibles à un mouve- ment compofé , d’autres qui font irréductibles ; car nous venons de dire que les mouvemens propres des acides & alkalis ont été convertis en mouvement commun , & nous voyons , dans une goutte d’eau jetée fur un fer rouge , qu'une même chaleur imprime aux parties de fer & aux arties d’eau des mouvemens fi oppofés, qu’elles fe repouffent avec une ae incroyable. Les mouvemens réduétibles à un mouvement compofé, je les ijire concordans ; ceux qui font irréduétibles à un mouvement compolfé , je les appellerai difcordans. On conçoit que la différence entre les mouvemens concordans & difcordans, ne peut venir que du plus ou du moins de grandeur , de foupleffe, de féxibilité ou d’élafticité dans les parties qui font follicitées par le feu. Sixième Principe. Deux molécules, animées d’un mouvement commun , font par cette feule raifon intimement unies entr'elles ; car il eft évident qu’elles ne peuvent être féparées que par une force fupérieure , qui leur rende à chacune leur mouvement particulier , ou qui compofe ce mouvemenr avec celui d’autres asléless OCTOBRE. Qq2 300 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Septième Principe. Il n’y à point d'affinité fans chaleur ; il faut même que l’une au moins des deux fubftances mifcibles, foit réduite par la chaleur à l'état de fluidité. Ce principe eft avoué de tous les Chymiftes. C'eft d’après ces principes que j'entreprends d'expliquer le myftère des affinités chymiques. Je commence par en faire l'application à la mixtion des acides & des alkalis: ces deux efpèces de fel, oppofées par leurs propriétés , ont cependant uxe tendance fingulière l'une vers l’autre. Pour peu qu'elles fe touchent , elles contraétent une union fi intime, qu’elles forment une troifième fubftance qu'on appelle /&/ neutre. Cette métamor- phofe fuppofe de la chaleur. C’eft le feprième principe que nous venons d'établir. Certe chaleur , avant l'union , agitoit différemment les parties de l'acide & celles de l'alkali. C’eft mon fecond principe. Ces deux mouvemens différens, au moment du contaét , ne pouvant fubfifter , fe fo 1t réduits à un mouvement compofé ; c’eft un fait prouvé par l'anéan- tiffement de l’aétion propre de l'acide & de l’alkali, & la naïffance des propriétés du fel neutre, Cette compoftion de mouvementunitintimement l'acide avec l’alkali ; c’eft mon fixième principe. Donc le feu , en tant qu'il agite.d’un mouvement commun l'acide & l’alkali, eft le principe mé- chanique de leur union. On fent bien que cette application peut fe faire à tout autre mélange. Donc, en général, l’action du feu ou la chaleur eft la caufe phyfique es affinices où attrailions Chymiques. ' Mais , direz-vous, l'aétion du feu eft expanfive , elle écarte les parties du corps; comment peut - elle leur faire contracter une union intime ? Elle décompofe le plomb, par exemple , comment peut-elle le compofer ? La difficulté eft facile à réfoudre ; une moindre répulfon doit avoir lapparence & l'effet d’une attraëlion ; un corps pouflé de toutes parts ne 1e porte-t-il pas néceffairement là où il trouve moins de réfiftance ? Or, nous avons vu que la chaleur étoit une agitation différente dans les différentes molécules qu’elle anime; que quelques-uns de fes mouvemens étoient concordans où réduëlibles à un mouvement compofe , d'autres d'féordans ou irréduitibles , que l'affinité n'avoit lieu que dans le premier cas. Nous avons encore dit que la différence d’agitarion dans les molécules n'étoit pas la mème pour tous les degrés de chaleur ; il peut donc fe faire qu'une chaleur A donne à certaines molécules des mouvemens concordans , & qu'une chaleur violente leur donne des mouvemens difcordans ; voilà pourquoi un degré de chaleur peut compofer & un autre degré le décompofer. Ce que j'ai dit jufqu'ici ne regarde que l’afinisé proprement dite , celle SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 301 qui produit l’union des parties hérérogènes ou la compofition des mixtes, Il y a une autre affinité entre les parties homogènes des corps; on l'appelle affiiité d’agorégation ; fon effet eft de former une maffe par l’affociation de plufeurs molécules femblables. Des molécules d’eau s'approchent les unes des autres; leur union fait un fleuve, un lac, une mer. Cette asgrégarion, cette efpèce d’affniré, s'expliqueencoretrès-bien par nn du feu. Des molécules femblables en reçoivent des agitations femblables; quelle que foit la force répulfive de leur agitation , elle eft certainement moindre que celle qui réfulte de l'agitation de molécules diffemblables: donc, une molécule, en vertu de fon agitation , fe portera plutôt vers une molécule femblable que vers une molécule difflemblable. Faut -1l une autre raifon de leur aflociation ? On pourroit objeéter que l’agprégation des parties intégrantes des corps s'affoiblit par la chaleur ; l’eau , par exemple, à un certain degré de froid , eft une maffe folide : elle devient fluide à un air tempéré ; elle s’évapore à un air chaud. Comment foutenir que cette mème chaleur, qui diflipe l’eau, la divife & la difperfe, eft le principe de la réunion de fes parties ? Pour lever cette difficulté, j’obferve que le contact eft une des condi- tions de l’aggrégation ; l'accord ou le commerce des mouvemens de la chaleur eneft lenœud. Mais cet accord ne lie que les parties qui fe touchent, ilne peut y avoir de commerce, & par conféquent de es entre celles qui ne fe rouchent pas. Si deux molécules d’eau ne fe touchent qu’en un point, leur liaifon eft la moindre poflible; elle fera la plus grande, fi elles viennent à fe toucher par tous les points de leur furface. J'obferve encore que la chaleur a deux effets fur les parties intégrantes des corps, elle les anime d’un mouvement de vibration , elle les raréfie, ou les écarte les unes des autres ; par le premier effet, elle les lie enfem- ble, en établiffant entr'elles un commerce de mouvemens; ‘par lé fe- cond effet, elle affoiblit la liaifon de ces parties , en les écartant de manière qu'elles ne fe touchent plus que par un petit nombre de points: voilà pourquoi la liaifon de ces parties diminue à mefure que la cha- leur augmente. Quant à l’évaporation, c'eft l'effet d’une diftribution inégale de la chaleur dans la mafle d’eau; la furface fupérieure de l’eau eft toujours plus chaude que les lames inférieures. Cette inégalité de chaleur dé- truc l'accord qui régnoit entre les molécules fupérieures , & les molécules inférieures ; elle détruit par conféquent leur haïfon; d’ailleurs, il y a de l'affinité entre l'air & l’eau ; l’eau & l'air fe mêlant avec les molécules d'eau qui font à la furface, les enlèvent d’autant plus aifément, que leur grande dilatation les à ifolées des autres molécules. En donnant cet ellai fur les affnirés & les formations des corps , je n'ai rien fup- pofé dont on puifle contefter l’exiftence. L'action du feu fur les plus petites parties des corps, eft une vérité que la nature elle-même met 302 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, en évidence. J'ai prouvé que certe aétion , de divifée qu’elle étoit dans les molécules hétérogènes, fe changeoïit , à la rencontre de certaines de ces molécules, en une action compofée, dont l'effet devoir être l'union intime de ces molécules. C’eft l’explication de laffénité de compofition. J'ai prouvé auffi que cette même aétion étant femblable, établifloir entr'elles un accord de mouvement qui ne pouvoit avoir lieu entre les parties diflemblables , & que cet accord doit néceflairement à ces paities une rendance l’une vers l’autre; ceft l'explication de l'afénité d’aggrégation. J'ofe me latter d’avoir pour moi la vraifemblance ; puis- SET À à : je également me flatter d’avoir rencontré le vrai? RE MAUR O0 Vi ENS Sur une ancienne Marnière du Gouvernement du Hâvre, & fur les Squelettes Humains qu'on y a trouvés ; Par M. l'Abbé DICQUEMARE, de plufieurs Sociétés & Académies Royals des Sciences , Belles-Lertres & Arts, de France, Efpagne , Allemagne, Ec. Le Vendredi $ Juin 1778, aufoir, des Ouvriers tirant du cail- lou de la côce de Maucomble, maifon de campagne appartenante à M. l'Abbé, Aufray , fur la paroïfle d’Ecrainville, à onze mille cinq cens toifes au nord-eft ou environ du Hâvre , dans la Vallée qui conduit de Goderville à Erretat, trouvèrent une ouverture horifontale & la déga- gèrent; elle conduit dans une anciennne marnière où il y avoit au moins cent fquelettes humains. Le bruit s’en répandit bientôr, Le Samedi , il y entra un grand nombre de payfans & autres : avant le Dimanche au foir, il y en éroit entré plus de mille. Le Lundi , il s'y trouva plus de quatre cens perfonnes, Je n’en fus averti au Hâvre que le Mardi, & j'y arrivai le Mercredi à huit heures du matin. { La forme de cette marnière eft elliptique ; le plus grand diamètre s'écend de l'eft à l'oueft ; il a quarante pieds, & le plus petit trente ; la hauteur moyenne eft de fept. Pour former la marnière on a rompu un lit de caillou ou filex gris qui étoit entre deux lits de marne. Les lits de caillou qui forment Ze pavé & lecie!, comme difent les Ou- vriers, font inclinés vers l’oueft d'environ trente à trente-cinq pouces. Du deffus d'un lit de caillou au-deffus de l’autre, il y a environ quatre pieds, & chaque lit de caillou a feize pouces dépaifleur moyenne. Le SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 303 refte eft de marne, & le tout fuit dans fon inclinaifon le terrein qui eft au-deflus. Quoique je ne fois arrivé que le Mardi au matin, & que les perfonnes qui y étoient entrées euffent enlevé beaucoup d'os, il étoit encore poflible de fair les chofes les plus effentielles , tant par l'infpection , que par les témoins oculaires qui ne s'écoient pas communiqués & n'avoient nul motif, nul intérèt pour tromper. L’en- trée de cette marnière qui donne à-peu-près vis-a-vis l'un des. foyers de l'ellipfe ( celui de l’eft) étoit plus longue qu’elle ne l’eft aujourd’hui, parce qu'on a coupé une partie de la naïflance de la côte avant de lappercevoir. Il y à huir pieds d’épaifleur depuis le deffus de l'entrée jufqu’à la furface de la terre ; cette entrée à trois pieds fix pouces de haut & autant de large, eff taillée en voûte , & s'incline un peu en avançant fous la côte. La marne qui avec des cailloux bouchoit l’en- trée , étoit remplie de charbon partie pourri, partie aifé à reconnoître par les fils du bois. On voyoit les os des fquelettes difperfés fur le pavé autour des parois de la carrière, mais plus fréquemment du côté de l'oueft , le plus éloigné de l’entrée ; on en remarquoit aufli beau- coup fur un morceau de caillou qui eft refté dans cette marnière , & en occupe prefque toute la partie méridionale en s’élevant jufqu'à La voûte, Dans cette partie du midi, on trouve un pilier qu'on avoit laiflé pour foutenir une chambre voifine qui n’a d'étendue qu'environ le tiers de celle-ci: on en a dégagé l'entrée, cing' hommes s’y font in- fintés en rampant fur le ventre une chandelle à la main ; mais non fans danger, & n’y ont rien apperçu de remarquable. Voyez pour tout ceci le Plan . Planche F, fig. 1; la petite chambre n’y eft que poin- tillée parce que fa forme ne m’eft pas bien connue. Les os des fquelerres n'étant plus joinits enfemble par leurs ligamens, ont tombé de côté & d'autre, il y a peut-être déjà fort long-tems. On les retrouvoit dans le même lieu; de forte qu’un Chirurgien en a einporté ceux qui apparteñoient à un enfant de huit ans. Chaque rète avoit encore fa machoire inférieure. Tous ces os font très-friables, le moindre effort les cafe; les trois fubftances s’y remarquent & font parfaitement confervées ; j'ai vu une vertèbre qui avoit été piquée de ver, & une tête dont les dents étoient chargées de tartre : ils font en général d’un quart ou d’un tiers plus légers que les os les plus fecs qu'on conferve dans les Cabinets, & ont la couleur de la pierre de Saint-Leu ; fur quoi il faut remarquer que dans la marnière , il paroît que cette même couleur dont eft teinte la marne dans le bas , du côté le plus incliné , eft due à l’eau qui s’eft élevée jufqu'à feize pou- ces. Sous les os j'ai trouvé une efpèce de rerreau où marne pourrie , un peu graffe au toucher , qui femble préfenter un refte de fétidiré. En effet, lorfqu'on entra dans ce lieu , on fentit une odeur cadavéreufe jointe à l'odeur ordinaire des marnières. Les Oüvriers brülèrent de } 304 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'encens, & l'un d’eux s'étant étendu le ventre fur les cailloux pour tâcher de s’aflurer sil exiftoit réellement une chambre voifine , com- me les apparences l’annonçoient , des boutons parurent peu après fur fes lèvres ; c’éroit apparemment l’effec de l’exhalaifon. L'air s'eft fans doute purifé, car je fuis refté dans ce lieu depuis huit heures du ma- tin sutau'à une heure après midi, fans en être incommodé, quoique j'eufle fouvent le vifage proche les cailloux & que j'aie bèché pluñeurs fois. Quelques-uns de ces os , fur-tout ceux qui font fur le tas de cailloux, font beaucoup plus pefans que les autres chargés d'un matière mar- neufe, & d'une féléniteufe cryftallifée en lames fort minces & en peti- tes mafles , fans faveur , très-difficile à diffoudre dans l’eau ; pluñeurs de ces derniers ont fouffert quelque altération à leur furface ; on peut les regarder commé des efpèces de pétrifications ; comme les autres, ils s’attachent fortement à la langue. Il eft difhcile de dire au jufte le nombre des fquelettes , on le fait monter , avec vraifemblance , jufqu’à cent cinquante & même plus; les Ouvriers en ont compté jufqu'à cent quatre, & n’ont pas cru y avoit tout compris; un Fermier du propriétaire en a compté le lendemain de la découverte quatre-vingt-dix; le Fermier même de Maucomble ne compta plus le Dimanche, c'eft-à-dire le troifième jour, que qua- rante-quatre têtes entières ; 1l en reftoit environ vingt le Mardi à midi, & le 15 il n'y en avoit plus que deux ou trois : ce détail pourroit paroître fingulier ; mais on doit fe reflouverir que ces os font très-fria- bles; que peut-être deux mille perfonnes ont entré dans la marnière , emporté un très-grand nombre d'os, caflé la plupart de ces têtes pour avoir les dents, en ont brifé en les laiffant tomber & écrafé fous fe pieds. On ne peut douter par le nombre de fragmens qu'il n’y eûc là plus de fquelettes qu'on n’en a compté. Ni la vénération , ni la fuperfti- tion n’ont eu aucune part à l’enlevement de ces os; c’eft feulement pour les faire voir que les payfans & autres les ont emportés. IL feroit très-intéreflant pour l’Hiftoire du Pays, & même pour l’Hif toire Naturelle, de favoir par quel évènement & dans quel tems ces corps humains ont été dépofés dans’ cette marnière ; il ne m'a pas été pollible de farisfaire ma curiofité à cet égard. Je fuis réduit à des con- jectures , & même aflez vagues. Outre les idées qui fe préfentent d’abord , il y en a qui acquièrent un peu plus de vraifemblance par l'inf- ection. Une marnière comme celle-ci Émble éloigner toute idée de fépulchre, & ne paroît point être un refte de la Léproferie du Valmiellé , réunie avec beaucoup dues à l'Hôpital du Hâvre, à la fin du fiècle dernier : il y a lieu de croire qu'on ne l'ignoreroit pas. Des Proteftans ou des Carholiques auroient pu être furpris & enfermés dans ce lieu , mais n'y trouveroit-on pas quelque meuble, uftenfile , monnoïe , bijoux , ce | + >. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 330$ bijoux , à moins qu'ils n’euflent été dépouillés après leur mort. Une ancienne retraite de brigands offriroit à-peu-près les mêmes chofes & de plus des armes. Ce re autoit-il fervi de Corps-de-garde dans les guerres civiles avant la fin du Gouvernement féodal ou des guerres étrangères ? Il renfermeroit quelques fragmens d'armes défenfives ou offenfives. Seroient-ce des Ouvriers enfermés par quelque accident? ce w’on ne peut foupconner par le local ; on y trouveroit des outils, des vafes, & d’ailleurs le nombre eft trop grand pour l'efpace. J'ai déjà infinué que l’état où fe trouvent les os , fait PS qu'ils font fort anciens ; je ne crois cependant pas qu'on doive remonter aux Caletes, quatrième peuple de la Ligue des onze Cités de la Gaule Celtique, tems où l’on ne portoit, à la vérité , en ces contrées aucun ou prefque aucun bijoux, & où l’on n’avoit que des habits fort fimples; à la fe- conde Lyonnoife , à la Neuftrie, où les uftenfiles n'étoient peut-être as fi nombreux qu'ils le font de nos jours. La Normandie a été fouvenc Re éhéârre des guerres étranoères jufqu'en 1450. Les difpofitions géo- graphiques font voir que les Campagnes voïifines font propres à afleoir des Camps, entrautres la Campagne de Fongenfemare où l’on fit en 1674 la revue de douze mille hommes du Gouvernement Général du Hâvre. Cette Campagne confine à Ecrainville. Ne pourroit-on pas pré- fumer que là, ou dans la Vallée qui fépare ce beau plateau des autres (1} il y aura eu quelque action, entre des gens du pays & des troupes ennemies ; ces dernieres fe feront fervi de ce lieu, ou pour y jetter les morts où pour y renfermer des prifonniers dépouillés : ne pouvant les porter ni les enlever , ils les auront étouffés en faifant du feu à l'entrée. La préfence du charbon, la couleur noire qu’on remarque à la voûte de l'entrée , la pofition des fquelettes aux lieux les plus éloi- gnés de cette entrée femblent donner plus de force à cette dernière conjecture , appuyce d’ailleurs fur ce qu'on n’a prefque rien trouvé, je dis prefque rien , car les Ouvriers en cherchant de plus en plus trouvèrent le quinze dans la marnière, une clef de fer dont je joins ici la figure 2, fur le trait qu’en a formé un de mes Concitoyens , qui avoit trouvé le quatorze une autre partie de clef & une boucle, auf de fe”, dont il m'a fait préfent ; on à mème trouvé depuis une por- tion d’une pareille boucle. Ces objets ne font pas tout-à-fait indiffé- sens; la Le taue 2, & le bout de clef figure 3, ne reffemblent pasaux clefs antiques, aux clefs Romaines ; mais plutôt à nos anciennes clefs connues ; le trou de ces clefs n’eft pas foré , c’eft du fer étendu & (x) Voyez le détail de la grande Carte de France, par M. de Caflini, feuille ving- tième où fe trouve fe Hävre ; quelques incorredions n'empéchent pas qu'elle ne donne une connoiffance fufifante du local. Tome XIV. Part. II. 17709. OCTOBRE. Rr 306 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, reployé ; quant à la boucle figure 4 , c'eft une boucle enchapée à ufage de Sellier, qu'on emploie encore à la barre de Trouffe-quin:on y voit une partie de l’ardillon. Ces uftenfiles & tous autres qui n’ont pas l'air d’être placés exprès, n’indiquent pas exactement le tems de l’évè- nement; mais il eft à propos de les faifir dans l’efpérance de trouver par la fuite quelque chofe qui y ait rapport. Des monumens d’une autre efpèce fe préfentent & portent à croire qu'il y auroit eu dans un tems tès-reculé quelque grand évènement en.cet endroit. La Marnière appar- tient À la maifon qui porte le nom de Maucomble ; ce nom eft com- pofé de deux mots Mau , adjectif vient de Malus mauvais, & précède fouvent un fubftantif comme dans Mauclerc , en ufage fous Hugues- Capet dans le neuvième fiècle , Mauduir, Mauconduit & beaucoup d’autres ; comble, fubftantif vient de cumulus , tas, monceau , fin , con- clufion : ainfi Maucomble , fera mauvaife fin , mauvais tas. Ajoucons qu'il n'y a pas loin de comble à combe, ni pour la prononciation , ni pour l'ortographe ; combe, mot gallois, fignifie une vallée ,une grotte. Sans nous écarter beaucoup voilà donc, mauvaife vallée , mauvaife grotte, ce qui eft encore fortifié par le lieu contigu vers l’oueft qui fe nomme da Vallée de Misère. Je pourrois ajouter quelques conjectures fur le nom de Valmiellé, lieu qui confine du côté de left & qu'on croit venir de mouez, valmoue , mais cela me paroîit un peu éloigné. Ces noms nous rappellent un rems fort reculé. L'infpection des os démon- tre qu'il y a long-tems qu’ils font renfermés dans cette marnière par la forte de pétrification qu'ils ont éprouvée; la boucle , les clefs fem- blent rapprocher l'évènement , dont cependant on n’a point de mé- moire. Qu'il me foit permis d'inviter publiquement les Savans dont la Congrégation de Saint-Maur eft remplie , & qui fe font occupés de PHiftoire de Normandie , de jerter quelques lumières fur cet objet. Il eft intéreffant de favoir combien , dans des circonftances femblables à celle-ci , il faut d'années pour opérer ces changemens fur les os humains. C'eft ainfi que toutes les Sciences fe prêtent un mutuel fecours & n’en font pour ainfi dire qu’une. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 307 PASSE ET DEEE D RL END RE EEE en panne annee cresmé ua Sa Halles Det à A © Adreffée à un Chymifle, par M. DE 14 Fozri1E, concer- nant les réflexions de M. SAzLmoN , fur les Etamages. M: 1EUR , lorfque M. l'Abbé Rozier reçoit quelques réflexions critiques fur un Mémoire de fon Journal, il les communique à l’Auteur du Mémoire avant de les faire imprimer. Certe honnêteté de fa part n'a fait connoître l'intérêt que vous prenez aux obfervations de M. Salmon, relativement à la lettre que vous m'avez écrite à ce fujet. Je me flatte que vous voudrez bien prendre le mème intérêt à ma réponfe. Soyez juge, Monfieur , décidez fi les reproches que l’on me fait font bien fondés. J'ai dit que l’étamage ordinaire eft dangereux pour la fanté , parce qu'il contient , au moins, une partie de plomb fur deux parties £ rain , & que l’écain lui-même contient des portions arfenicales. D'abord , M. Salmon garde le filence fur l’ufage dangereux du plomb. Il ne conteftera pas, fans doute, des principes univerfellement reconnus ; il fait bien que F acides végétaux corrodent le plomb ; forment ce qu'on appelle du blanc de plomb, dont une très-petite quantité , mêlée avec les alimens , fufit pour occafonner des coliques violentes. Mais j'ai ajouté que l'étain contient des portions arfenicales : voilà ce qui déplaît à M. Salmon, voilà ce qui le Ache au point de me dire que je manque de modeftie, & qu'une pareille imputation de ma part porte une forte atteinte à l’ordre focial. Ce n'étoit pas mon projet , il s’en faut bien. Je n’ai pas prétendu, d’ailleurs, arrèrer fes fabrications de poteries; & lorfqu'on n’ajoutera point une grande quantité de plomb dans l’étain pour en faire des pots, je préfume qu'il n’y a pas de danger à s’en fervir, pourvu cependant qu'on n'y laifle pas féjourner trop long-rems des acides végétaux. Mais lorfqw'il fera queftion d’un fort AR dé plomb, lorfqu'il fera queftion d'un étamage compofé d’une partie de plomb fur deux parties d’étain, je dirai que le plomb eft dangereux pour un pareil ufage; j'ajouterai que le plomb étant plus fujet que l’étain à être corrodé par les acides végécaux , pourra faciliter alors la diffolurion de l’érain avec lequel il eft allié, & concourir , peut-être , au développement des parties arfenicales. Je n'ai donc point changé d’avis fur l’exiftence de ces parties arfenicales. Ai-je tort ? C’eft ce qu'on va voir. M. Salmon nous dit qu'il a obfervé l'étain pendant douze années. Je 1779 OCTOBRE. Rr2 308 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, conviens que cela eft impofant. Cependant, quel eft le réfultat de fes grandes obfervations? Le voici: il a réduit de l’étain en poudre, il l'a mis au feu avec addition d’un huitième d’arfenic, & beaucoup de fuif; alors larfenic s’eft incorporé avec l’étain fondu; cet alliage a formé ”» petit lingot reffemblant à une marcaffite , avec lequel M. Salmon eft parvenu à couler une médaille; & 1] conclut de cette expérience que l’arfenic n'a point d’affinité avec l’étain. \ Que direz-vous , Monfieur ; de cette conclufion? Nous penferions, nous, que l’affinité de l’érain avec l’arfenic eft bien confidérable, puifque l'érain s’y combine au point de fe minéralifer avec lui & d’en pouvoir couler une médaille. M. Salmon penfe le contraire. Eaiffons -lui fon opinion, mais gardons la nôtre. Lorfqu'une’mine d’étain #n'eft pas bien srillée, c'eft-à-dire, lorfqu’elle contient encore beaucoup d’arfenic, il fe forme, dit M. Salmon, une matière pâreufe qui encrafle le fourneau ; cela eft vrai. Mais faut -il en conclure que dès le moment où cet encraffement n’a point lieu , c’eft une preuve certaine qu'il ne refte plus dans la mine la moindre portion d’arfenic ? Il paroît donc très-probable qu'il refte encore dans l’étain, après le grillage de la mine, des portions d’arfenic plus intimement combinées avec le métal que ne le font les autres portions furabondantes , & l’on peut préfumer , fans offenfer M. Salmon , que la nature a pu faire , à cer égard , une combinaifon plus intime que la fienne. j « Ajoutez actuellement , Monfieur , à cette probabilité , les expériences frappantes de M. Margraff. Ajoutez encore la décifion de M. Macquer, & autres Savans. Comparez ces autorités aux hypothèfes de M. Salmon, & jugez s’il a eu raifon de me dire que j'intervertiflois l’ordre focial , & que je manquoïs de modeftie, parce que j'ai regardé comme affertion la déci- fion des Auteurs refpeétables. Paffons à une autre expérience que M. Salmon contefte. Il ne l’aspoinc répétée, mais fes obfervarions de douze années fur l'érain le mettent , fans doute , à portée de décider fans le fecours de l'expérience. Voici la note de mon mémoire : » Ce n’elt qu'après une expofition de » trois jours fous le four des fayanciers, que je fuis parvenu à priver l’étain » de fes parties arfenicales. L’étain en nature qui fe trouve alors fous la »couche d’étain vitrifié eft très-doux, & a perdu ce qu’on appelle Ze ere » de l’étain. Alors jai remarqué dans cer étain des veines de cuivre, & je »n'en ai point été furpris, car prefque tout l’étain qui eft dans le commerce »contient du cuivre, & ce cuivre privé dés parties arfenicales reparoît » fous fa couleur naturelle « D'abord , M. Salmon prétend que l’étain ne fe vitrifie point feul, & qu'il ne peut fe vicrifier que par l'addition du plomb ou autre matière vitrefcible. Ce feroit donc le cas d'examiner fi Les parties arfenicales ont SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 309 ea concourir ‘à la vitification de l’érain , mais il nie l’exiftence , &+ de ’arfenic, & dela vitrification. Ce qui me fair grand plaifir, c’eft que je ne ferai pas le feul qui profiterai des leçons de M. Salmon. M. Macquet a cru voir avant moi cette vitrification de l’étain pur. Voici comme il s'exprime dans fon ancien & nouveau Dictionnaire de Chymie à l'article Etain, » J'ai expofé de l’érain très- pur , tout feul , à un feu prompt ; & auffi » fort que celui de verrerie. Ce feu à été foutenu au mème degré pendant » deux heures; l'érain qui étroit fous une moufle, dans un rêr découvert, »s'eft trouvé après cela couvert d’une efpèce de chaux de la plus grande #blancheur , qui paroifloit avoir formé une forte de végétation. Il y avoit » fous cette marière-une chaux rougeâtre , un verre tranfparent de couleur sd'hyacinthe, & un culot d’étain non-altéré. Cette expérience, réitérée » plufieurs fois , à roujours eu le mème fuccès«. J'ai done répété certe expérience dans un creufet expofé au plus grand feu fous un four de fayancier, pendant foixante & douze heures, & j'ai obtenu la même vitrification ; mais les obfervations de douze années faites par M. Salmon,nous annoncent une méprife confidérable. 1] nous laure, il donne fa décifion; nous y croirons lorfque nous ferons bien perfuadés que la fpéculation eft au-deflus de l'expérience. Voici un autre objer. J'ai apperçu des veines de cuivre dans mon culot d’érain. M. Salmon dir que ce font des nuances jaunes à la furface : il n’a point vu ce morceau d’érain ; il décide comme s’il l'avoir vu. Quelle pénétration ! Cependant je perfifte à dire que ce font des veines de cuivre, $&c non des nuances jaunes ; d’ailleurs , que M. Salmon exphque s'il le veut, les effets du caufficum ou de l'acidum pingué , jene lui contefterai point le mérite de ces détails lumineux; mais je lni affurerai que ce même étain qui avoit perdu fon cri, ayant été fondu plufieurs fois , ne l'a point repris, : M. Salmon prétend enfin qu’il n’y a point de cuivre dans l’érain qui fort des mines; il n'eft pas queftions dans ma note d'un étain tel qu'il fort des mines; il eft quéftion de l'étain tel qu'il nous vient en grande païtie d’Anglererrè, & en un mot , de la majeure partie de l'érain qui exifle dans le commerce. Ce font mes expreflions qu’il ne faut pas changer. Autrement, ce feroit créer un fantôme pour avoir le plaifir de le combattre. C’eft fur - tout par une eau régale très - affoiblie que j'ai fouvent découvert le cuivre contenu dans de l’étain de différens pays. J'ai répété bien des fois certe diffolurion lorfque je cherchois à faire des couleurs écarlates qui ne rofent point à l'air (1). (1) Je trouvai ce moyen par une addition d'un peu de gaude dans le premier bouillon au lieu de terra-merita. 310 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Je voyois donc fouvent une poudre noire fe précipiter. Je filrois la diffolution ; & la poudre noire, ou boue noire qui reftoit dans le filtre, étoit du cuivre. Si je laiffois pendant quelques jours cette poudre noire dans la com- pofition d’écarlate , elle fe remettoit en diflolution avec l'érain , & je n'ai point remarqué que l'écarlate qui en réfultoit en füt moins belle. 11 eft vrai que la quantité de cuivre n'étoit pas confidérable. Je faifois aufli ces écarlates dans des chaudières de cuivre. Les couleurs éroient brillantes. . Cependant M. Salmon nous aflure que les chaudières pour la teinture écarlate doivent être d’étain, & d’étain pur ; fi cet étain, dit-il , contenoit une partie de métal quelconque , & particulièrement du cuivre , & ff la chaudière étoit de cuivre , La couleur perdroit beaucoup de fon éclat , ou changeroit même totalement. . Si M. Salmon ne vouloit pas faire des expériences avant de donner des affertions auffi fortes, il falloit au moins qu'il fe tranfportät dans des atteliers de teinture, & fur cent teinturiers qui font cette couleur, il n'en auroit pas trouvé trois qui aient des chaudières d’érain. Il les auroit vu travailler & faire de belle teinture écarlate dans des chaudières de cuivre. Enfin, s’il n’avoit pas eu le rems de parcourir les atteliers , il auroit u lire l'Art de la teinture en laine de M. Hellot : il y auroit trouvé F expérience de comparaifon faite dans une chaudière de cuivre & dans une chaudière d'étain, & il n’auroit point vu qu'on eût retiré de la chaudière de cuivre une couleur qui eût perdu beaucoup de Jon éclat ; où changé totalement. On fait que de toutes les diffolutions de métaux ou demi- métaux mifes dans un bain de cochenille, il n’y a que celle de l’érain qui puifle former la couleur écarlate. J'oferois attribuer en grande partie ce réfulrac à la préfence des parties arfenicales contenues dans Pétain. Il eft certain u’une foible quantité de cuivre mêlée dans la diffolution d’érain n'empè- de point la réuflite de cetre couleur ; mais cette même quantité de cuivre n'étant pas diffoute avec l'étain , m'a donné des gris vineux ou des rouges bruns ; & lorfque je mettois de nouveaux morceaux d’étoffe dans les vieux bains , ils fe coloroient en verd. Il eft donc fenfible que l'alkali volatil de la cochenille, concourt au développement de la couleur verte du cuivre. Mais (comme l’a obfervé M. CadeNalkal volatilne développe point la couleur du cuivre lorfque l’arfenic s’y trouve combiné, Je préfume donc que la préfence des parties arfenicales contenues dans l'étain, empè- chequ'une petite quantité de cuivre allié à l’étain, gâte la couleur écarlate, Enfin, j'ai réufli à faire de lécarlate en me fervant d’arfenic au lieu de diffolution d’étain. D'après cette expérience , je penfe que mon opinion à quelque fondement. Préfentement j'ignore fi les Entrepreneurs des mines trouvent de l'avantage à mertre du cuivre dans l’érain, & fi le cuivre leur revient à SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. zu1 meilleur marché que l'étain très-fin, tel qu'il foit ; par exemple, de la première fonte des mines de Cornouaille. Je fais qu'il exifte de l’érain fans mélange de cuivre; mais il y en a peu, en comparaifon de la grande quantité , allié avec ce métal qui circule dans le commerce. En voici, peut-être , la raifon. Les Potiers d’étain qui en font la majeure confomma- tion, ne le trouvent-ils pas meilleur pour leurs travaux ? Non-feulement cet étain allié avec le cuivre eft plus dx , mais il n’encrafle pas à la fonte comme l’érain pur. Au refte, M. Salmon connoît mieux que moi les principes de fon Art; il fait que s'il avoit un étain très-pur , il y ajouteroit au moins quatre livres de cuivre par quintal , avec environ livre & demie de bifmut, pour en faire de l'étain plane, S'il Sagifloit de faire le méral de portier , il mettroit environ fix livres de cuivre rouge par quintal d’étain, avec huic livres de régule d’antimoiïne , & livre & Ére de bifmur. Enfin, s’il s’agifloit de former de lérain commun , il mettroit, fur un quintal d’érain , environ fix livres de cuivre jaune & quinze livres de plomb; ( c’'eft avec cet étain que l’on fabrique toutes les vaillelles communes). Je pourrois me permettre ici quelques réflexions. Je pourrois mettre en queftion fi tous ces alliages font bien falubres, mais je craindrois dé mériter de nouveaux reproches de la pag de M. Salmon. Il me taxeroit encore d'intervertir l'ordre focial. Ne nous occupons que des phénomènes qu’il a obfervés. Une chofe , dit M. Salmon, qu’on n'a peut-être point encore remarquée , C’eff que la matière phlogiffique furabondante donne de l’aigreur au métal, € Lorfqu’on en a abfolument depouillé le métal , il eff alors dans fon plus haut degré d'extenfibilité , de duétilité , de légèrere. M. Salmon a raifon de dire que voilà une chofe qu’on n’a point encore remarquée. En effet, elle eft très-neuve, car elle eft contraire à l’expé- rience & à tous les principes chymiques. Il faut donc que les ouvriers qui travaillent à la foudure prennent bien garde aujourd’hui d'employer trop de réfine, car l'abondance du phlogiftique ôteroic à leur foudure l'extenfibilité & la dudtilité. Je rendrai compte par abondant, dit M. Salmon, d'une expérience que J'ai faire, & aux réfultars de laquelle on ne S’attend probablement pas , c'eft la révivification de la chaux d'érain obrenue par La voie humide. En quoi confiftent ces réfulrats auxquels on ne s’attend pas ? Les voici. M. Salmon a diffout de l’étain dans l’eau régale. 11 a fait enfuite évaporer cette eau régale où il y avoit du fel ammoniac, (& il nous obferve avoir fenri une forte odeur de fel ammoniac). Enfin, il a augmenté le feu, en ajoutant du flux réduétif, & l'étain s’eft régénéré. Voilà ce que M. Salmon appelle une réduction par la voie humide , un réfultat auquel on ne s'attend pas. , 312 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Que penfez - vous, Monfieur , de cette expérience ? Etes - vous biete étonné ? Maïs ce qui furprend encore M. Salmon , c’eft que l’érain n’a point rerenu d’acide nitreux & de fel ammoniac. 11 en conclut que les portions arfenicales adhérentes aux molécules de l’étain, ont dû auñit s’évaporer avant que l’étain entre en fufon, parce qu'il décide toujours que l’arfenic a une traffinité avec,ce métal, & qu'un foible déosré de feu eft fuffifant pour enlever à l’étain tout l’arfenic qu'il peut contenir. Je ne crois pas, Monfieur, qu'un Chymifte éclairé , comme vous l’êtes, trouve ces conféquences bien évidentes. Occupons-nous à préfent des obfervations fur le métal de M. Doucer. M. Salmon affure qu'ayant diflout ce métal dans l'acide nitreux , une goutte de cette diffolution pofée fur une lame de fer, ne luia point faic appercevoir une couche cuivreufe, &. brillante , comme je l'ai apperçne , mais une couche de couleur jaunâtre; en voici la raifon : c'eft qu'il m'a point aflez affoibli avec de l’eau fa diffolution, & le fer s’eft trouvé trop promptement attaqué, Je n’ai pas éré le feul à examiner certe expérience, qui eft bien fimple, & je m'étois affuré par la même épreuve quel'eau forte dont je m'étois fervi ne contencit point de cuivre. Au furplus, aurai-je recours à des autorités pour combattre la négative de M. Salmon ? Il avoue, lui-même, que € par hafard le métal de M. Doucec contenoit du cuivre,ce pourroit étre par l’étain qu'on a employé a fa compofition. Or, comme je n'ai pas prétendu qu'il y avoit beaucoup de cuivre dans l’alliage de M. Doucet, nous voilà d'accord. Examinons une autre affertion de M. Salmon , qui me paroît plus frappante & plus pofitive. Je_n'ai point décompofe, dit-il, /e métal des nouvelles cafferolles de M. Doucet; une pratique conflante 6 des obférvations journalières mont donné affez de connoiffance fur l'alliage des métaux, pour dif'inguer à la couleur € au grain le métal qui fait la bafe d'une compofition ; € par l’affinité celui qui y efl allié. # ip Je ne trouve pas mauvais que M, Salmon fañle lui-même fon apologie, & nous annonce la fupériorité de fes connoïffances, En effer, il y a peu de Chymiftes en état de connoître un alliage en le voyant. On éprouve mème des difficultés en faifant une décompofition lorfque les demi-métaux font partie d'un alliage, Mais M. Salmon, par fes obfervations journalières, & une prarique conftante n’a befoin que du coup-d'œil pour juger. Quelle facilité! Ce coup-d'œil eft-il toujours infaillible ? C’eft ce que nous allons voir. M. Salmon aflure qu'il n'y a point de zinc dans le méral de M. Doucet. 4 D'abord, Meflieurs les Commillaires de l'Académie ont trouvé du zinc dans cet alliage. M. Doucer, Auteur de ce métal, eft convenu lui-même, qu'il y en avoit, J'ai mis dans les charbons ardens un morceau de PET si SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 315 de ce métal. Je l'ai vu produire la flamme brillante du zinc, & la laine philofophique. Jugez, Monfieur ; fi nous devons avoir plus de confiance en la feule infpeétion de M. Salmon. 1l nous affure encore que le zinc n'a point dMdité avec ce métal, & il eft convenu qu’il y a de l’étain dans ce métal. Je vais donc lui objecter que j'ai fondu du zinc avec de létain en diverfes proportions , qu'il s’y eft crès-bien allié, que l’alliage qui en eft réfulté en le mettant environ à égale dofe eft plus dur que l'étain , & cependant très - malléable ; qu'il s'étend donc fous le marteau & fe plane fort-bien , que j'ai effayé d'en faire couler des vafes chez un Potier, & que j'ai trouvé quelques obftacles à la réuflite. Je defireroïs donc que M. Salmon , Expert dans fon Art, puifle réuflir à couler des vafes de cet alliage. Quoique le zinc coûte douze fols la livre(1), il feroit à fouhaiter que cette matière remplaçät les fix livres de cuivre & les 15 liv. de plomb qu’on ajoute au quintal d’étain pour en faire la vaiflelle commune. Je préférerois aufli ce demi-métal au régule d’antimoine & au bifmur que les Potiers emploient pour faire leur métal (2). D'ailleurs je n'ai nullement prétendu profcrire le fer-blanc , comme le fuppofe M. Salmon, parce que c’eft du fer couvert d’étain. En effer, fi j'avois trouvé une d'ficulté invincible à zirquer pour mon ufage, les bonnes caflerolles de fer de la Fabrique de M. de Létre , de Paris, je les aurois éramées en plein bain comme le fer-blanc avec l’étain le plus pur qu'il m'eût été pofible de trouver, ou avec égales parties de zinc & d’étain, ou bien je me ferois déterminé à faire rougir mes cafle- rolles pour les tremper dans de Yhuile d'olive, ce qui les affaîte fur- le-champ, & les empèche de communiquer aux faulfes un gout défa- gréable. En tout cas, il eft certain que je ne les aurois jamais fait cou- viir d'un étamage ordinaire où il entre plus d’un tiers de plomb. C’eft un ufage, dira-t-on, qui eft établi depuis long-tems, eft-ce une raifon pour ne pas le blâmer? Si les portions de AT que l’on mange dans les faufles ne font pas affez abondantes pour occafionner (1) M. Salmon prétend que M. Doucet ne trouveroit pas fon compte à employer le zinc dans fa compoñtion, parce qu'il ne la vend que 22 fols la livre. (2) Aurrefois le vitriol de zinc ou gilla vitrioli, étoit un vomitif en ufage. Les malades en prenoient jufqu'à 72 grains, & lorfque le Pharmacien avoit eu foin de faire lui-même ce vicriol, où il n'y avoit aucun alliage, il en réfultoit de bons effets. Souvent, après le vomiffement, l'eftomac prenoit plus de reffort qu'il n’en avoit au- paravant. Maïs fans nous amufer à difcurer fur les effets de ce remède, je demande quel eft le el métallique, excepté celui du fer, dont on pourroit prendre impuné- ment une aufh forte dofe > Tome XIV. Par. IL 1779. OCTOBRE ST 314. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, des maladies violentes & caraétérifées, qui m'aflurera que des mal- aifes, des maux d’eftomac , des affections de nerfs ne proviennent pas quelquefois de la préparation de nos alimens dans des vafes où l'acide des graifles bouillantes, le vinaigre & le fel diflolvent des parties de plomb. Je voudrois auffi que l’on diminuât les dofes de plomb , pour les poteries deftinées à mettre les boiflons fpiritueufes. : J'ai laiflé féjourner une demi-once de vin dans une chopine d’étain commun. Le vin devenu acide a formé en peu de tems une diffolution dont j'ai obtenu trois grains de blanc de plomb. Ces évènemens font très-fréquens dans les Cabarets. Le valet qui diftribue le vin ne fe donne pas la peine de laver le vafe d’étain lorf- qu'il n'y a eu précédemment que du vin. Il fert cette boiffon , & le malheureux Ouvrier, qui fe délaffe de fes travaux , en buvant fa pinte de vin, avale ainfi à longs traits un germe de maladies. Ce feroit à la vérité porter le fcrupule à l’extrème fi je prétendois ne pas me fervir de fer-blanc, parce que l’étain contient des portions arfénicales qui font d’ailleurs difficiles à extraire de ce métal; ne pas me fervir d'argent, parce que l'argent contient un alliage de cuivre, & ne plus boire de l’eau qui a paffé dans des canaux de plomb (1. Non, je ne préfenterai pas ici des affertions qui pour être trop minutieu- fes deviendroient ridicules. Maïs comme, dans les Cuilines & dans les Boutiques , on ne veille pas toujours exaétement à la propreté des uftenfiles , je ferois charmé qu'après en avoir profcrit le cuivre fuivant les fages Règlemens du Gouvernement, on diminuât aufli les dangers des autres métaux, en diminuant les dofes des alliages pernicieux qu'on y ajoute. Tel eft, je crois, le vœu de cous les bons patriotes. M. Salmon ne peut pas me blâmer d’avoir répondu avec exactitude aux reproches qu'il m'a faits. Qu'il foit bien perfuadé que je n’en ai pas moins d’eftime pour fes travaux, & fes bonnes intentions. Je defire, Monfieur, que mes réponfes & ma juftification méritent à leur tour votre fuffrage. J'ai l'honneur d’être, &c. (x) J'en excepte les eaux qui en féjournant dans les vafes de plomb les attaquent & les corrodent, Voyez le Mémoire de M. le Comte de Milly, Journal de Phyfique, * Février 1779. } 2. 1 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 315 ES, PPÉOES ME OP EORE De M. Tnomas WesT, à M. LAnE für ur Rocher Volcanique , près d’Inverneff', en Ecof]e. ve us avez paru defirer un détail circonftancié du rocher volcanique qui a produit la lave dont je vous ai laiflé un morceau à mon rerour d'Ecolle , je vous l'envoie. Il faut avouer que cette découverte doit intéreffer autant que caufer de l'admiration , puifqu’elle prouve fans aucun doute l’exiftence d’un ancien volcan dans cette contrée. Le rocher dont j'ai détaché le morceau de lave , que j'ai eu le plaifir de vous offrir, eft à un mille & demi d’/nverneff ; les habirans le nomment Creck faterick ou rocher de pierre. On laboure le terrein qui couvre fa bafe; fa partie fupérieure eft extrèmement efcarpée, raboteufe & de difhicile accès. Elle m'a paru avoir tous les indices qui annoncent un ancien volcan. La plus grande ‘partie du rocher femble avoir été calcinée & même fondue. Rien ne le prouve mieux que les morceaux que vous avez fous les yeux, & que j'ai ramaflés moi-même. J'ai détaché les uns du rocher même à ad de pioche; cela n'a pas été fans grande peine , car ce roc eft très-dur ; j'ai trouvé les autres dans un trou de quatre pieds de profondeur que j’avois fair fur lé hauc du rocher. La terre que j'en ai retirée étoit légère & noirâtre : expofée quelque-tems à l'air, elle a pris une couleur cendrée-grisâtre, Sur le fommet du rocher , d'où l'en a une vue fort étendue.& très. agréable , eft une petite plaine de quatre-vingt-dix pas de long, fur 27 de large , environnée de rochers de fix à 8 piéds de haut, com- me d'un parapet extrèmement efcarpé. L'accès par-dehors eft rrès- difficile ; mais le milieu depuis le parapet jufqu’au centre eft couvert d'un gazon très-fin. Je penfois d’abord que c'étoit-là le cratére; l'uni- formité de ce plateau me fit changer d'opinion. En vain cherchai-je foigneufement fes traces fur tous les côtés du roclier, je n’en trouvai pas la moindre apparence. Au lieu d’un feul cratere, le volcan aura peut-être fait fes éruptions par plufieuts petites ouvertures placées vers le haut du rocher. On y trouve aufli une petite fource éloignée de so verges du fommet , mais elle étoir à fec quand je l'ai vue, c’eft-à-dire vers la fin de Juiller. Telle eft la defcriprion de ce faneux rocher, que perfonne n’avoit examiné auparavant , excepté un, Gentilhomme d'Invernef, & dont il n’exiftoit point de détail. Il n'en eft fait aucune 1770 O0ICHO/BR'EMNS (2 316 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, mention dans l'Hiftoire, quoiqu'il foit probable qu'il a influé en plus ou en moins fur le pays qui l’environne. Un Gentilhomme des envi- rons de Dinwal , qui demeure à 20 mille d’Inverneff, m'a afluré que près de fa maifon on trouvoit un monceau de pierres femblables à celles du rocher de Creck farerick , que l’on appelloit Fortification vitri- fiée, mais que perfonne jufqu’à préfent n’en avoit donné ni le détail , ni l'explication. La Société Royale de Londres ayant examiné les échantillons en- voyés par l'Auteur de cette lettre , & les ayant comparés avec les pro- ductions volcaniques les a reconnus pour de vraies laves, & elle croit que fi tout le rocher en eft Pelé en partie , c’eft un indice certain qu'il a été autrefois un volcan. P. S$. Enfin voilà des traces de volcan en Angleterre. Il n’eft pref- que point de latitude où l’on n’en trouve. Si cetre obfervation favorife le fyftème de ceux qui prétendent que tout à été volcan , ou produit de volcan, elle eft bien oppofée au fyftème de ceux qui croient que les volcans ne peuvent exifter que dans les hautes montagnes , les mon- tagnes primitives. D PES EN ER TS PA TESTENCNENT De la Méthode du Doëeur IRkvING , pour deffaler l'Eau * de la Mer par Difllation. L A Marine Royale de Londres a adopté , en 1771 , la méthode du Doéteur Irving , pour deflaler l’eau de la mer He diftillation : le Capitaine Phipps , dans fon voyage au Pole Boréal, s'en eft fervi, & comme cette découverte, qui eft de la plus grande importance pour tous les Navigateurs, n’a pas été jufqu’à préfent univerfellement connue, on va rapporter ici une defcription com lette de fes principes, de fon appareil & de fes avantages, telle qu'elle a été donnée par le Docteur Irving, lui-même. » Avant de décrire cette nouvelle méthode de deffaler l’eau de la mer » par diftillation , il ne fera pas inutile de rapporter en abrégé des expé- »riences qu'on avoit faites avant moi fur cette matière , & d'indiquer en » même-téms plufeurs inconvéniens de ces anciens procédés , & les caufes » générales qui ont empêché qu’elles n’atteigniflent le fuccès qu’en atten- » doient les Marins «. » Sans remontér aux premières expériences, il fuflira de jerter un SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 317 » coup-d'œil fur celles qui ont été faites avec le plus d’actention depuis » 40 ans «. On trouve d’abord le procédé de M. Appleby, publié par ordre des Lords de l'Amitauté dans la gazette du 22 Juin 1734; d’après ce qu'on y lit, il paroït que M. Æppleby méloit, avec l’eau de la mer qu'on vouloic diftiller, une quantité confidérable de pierres à cautère & d'os calcinés : l’eau qu’on en tiroit étoit extrèmement défagréable ; il étoit d’ailleurs fort difficile, pour ne pas dire impoflible, de mettre en pratique cette méthode, ce qui la fit abandonner. Le Doéteur Butler publia en outre un autre procédé pour rendre portable l’eau de la mer. Il propofa de fe fervir de la lefive des Savonniers, au lieu de pierre à cautère & d’os calcinés; mais quoiqu'il eût un peu varié les ingrédiens , il n'obtint pas une eau meilleure, & en outre, la méthode étoit fujette aux mêmes inconvéniens que celle d’Appleby. Le Doéteur Hales employa de la craie réduite en poudre ,& ilintroduifit la ventilation en infpirant , au moyen d’un double foufflet , un courant d’air dans l’eau qu'on diftiiloir. On trouva que la quantité d’eau douce que donnoitainfi l'appareil dans un tems déterminé, étoit un peu plus grande que celle qu'on en tiroit en fuivant le procédé de M. Appleby. Cette invention étoit cependant fujette à beaucoup d’inconvéniens. Le foufflet & la craie qui étoit au fond de l’alambic, arrêtoit l’action du feu fur l’eau ,en mêème-tems que la ventilation diminuoit la chaleur bouillante de cette eau ; de forte que pour produire le mème effec, il falloit plus du double de matières combuftibles qu’on n’en confommoitauparavant; d’ailleurs, cette méthode ne changeoit rien au mauvais goût de l'eau. Le Pan Docteur Lind , de Porfmouth , fut le premier qui fit de nouvelles expériences après celle-ci. I] diftilla l’eau de la mer fans y faire entrer aucun ingrédient ; mais comme il fit fes expériences dans un vafe qui ne contenoit que deux SATA , & qui avoit un récipient de verre , la marine ne put tirer aucun fruit de fon travail. D'ailleurs, les Chymiltes avoient déjà fait de pareilles expériences dans leur laboratoire plus d’un fiècle auparavant. , En 1765 , M. Hoffman inventa un alambic d’une nouvelle conftruétion, & un ingrédient fecret ; mais cette machine ayant 7 pieds $ pouces de long fur s pieds 8 pouces de large, & 6 pieds 7 pouces de hauteur ,avec fon appareil, occupoit un grand efpace, ce qui la rendoit extraordinaire» ment incommode; & comme elle étoit d’une forme peu profonde, il étoit impofible de s’en fervir lorfque le vaifleau éprouvoit quelques roulis confidérables. L'eau qu’on en tiroit avoit également routes les mauvaifes qualités que nous avons reprochées à celle des méthodes précédentes. Vers le même-tems, on fit des expériences avec un alambic ordinaire & un ingrédient de M. Dove. Cette méthode n'eut aucun avantage fur celles qu'on avoit employées jufqu’alors; l'eau diftillée étoit fort défagréa- 318 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ble, & la groffeur énorme de l'appareil qui occupoit un efpace de treize pieds fept pouces de long fur fix pieds un pouce de largeur, & fix pieds cinq pouces de hauteur, la rendoiït impraticablé fur Le vaiffleaux. On fit bientôt après un eflai avec le même alambic fans aucun ingrédient; mais on n'en tira jamais qu'une eau de fort mauvais goût. M. Poiffonnier, Médecin de Paris, introduific aufli, il y a quelques années , dans la marine de France , un alambic de 3 pieds fix pouces de long , de deux pieds de large, & dix-huit pouces de profondeur. Une partie de la cheminée de la cuifine du vaïffeau pafloit à travers la partie fupérieure de l’alambic, à-peu-près comme dans celui de M. Offman : ces Meflieurs ont cry par-là épargner du bois ou du charbon. L’orifice de l’alambic de M. Poiflonnier a 13 pouces de large , & on place deflus une plaque d'étain , criblée (comme l’eft une pafloire) par 37 trous de fix lignes de diamètre chacun; on adapte à ces trous des tuyaux d’étain, dont l’orifice a le mème Ro ne ont 7 pouces de long, & qui aboutiffent dans le chapiteau de l’alambic. On a inventé ces tuyaux & ces trous, afin que l’eau, qui eft dans l’alambic , ne pale pas dans le ferpentin , lorfque le vaiffeau éprouve un roulis confidérable. M. Poiffonnier emploie d’ailleurs un chapiteau , un ferpentin & fa cuve , avec leur appareil ordinaire , & il mêle fix onces d’alkali fofile, avec l’eau de la mer à chaque diftillation, afin d'empêcher l'acide du fel de magnéfie , de monter avec la vapeur lorfque le fel commence à fe former au fond de l'alambic. 11 eft probable que dans l’alambic de M. Poiflonnier , qui a encore moins de profondeur que celui de M. Hoffman, une partie de l'eau peut être jettée vers le ferpentin , & dans ce cas, la plaque trouée & garnie de trous peut fervir à changer la direction de l’eau. Mais le tube du Docteur Irving remédie abfolument à cet inconvénient; on en a fait l'expérience dans un voyage aux ifles Falkland , pendant lequel tems on s'en eft fervi chaque jour pour la diftillation , ainfi que dans plufeurs voyages aux Indes er SIC dans celui-ci, comme on le rapporte dans le Journal. M. Poiflonnier , en corrigeant ce: défaut dans la conftruétion de fon alambic, en a introduit un autre plus eflentiel en diftillation; car au moyen des tuyaux de la pafloire, la vapeur éprouvera plus de réfiftance pour s'élever, ce qui retardera exceflivement le progrès de la diftillation & augmentera l'empyreume (1). (1) Outre les Auteurs dont M. Irving parle, il auroit pu citer encore l'ouvrage du Doéteur Hales , intitulé : Inffruéfions pour les Mariniers , contenant la manière de rendre l'eau de la mer potable ; les Tranfa@ticns Philofophiques , année 166$, N. 7, qui d'après Pline engagent de faire filtrer l'eau de la mer a travers delacire; Lifter, Leibnitz , Reyer, Hauton & M, Gautier, Médecin à Nantes , ont donné auf des procédés particuliers. | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 319 Il réfulte de toutes les expériences dont on vient de parler, que les méthodes découvertes jufqu’à préfent pour deffaler l'eau de la mer , ont toutes des inconvéniens qui les rendent à peine fufceptibles de quelque utilité. ; : ; Voyez les principaux chefs auxquels on peut réduire les inconvéniens de ces diverfes méthodes, la petire quantité d'eau, réduite par les méthodes ordinaires de diftillation avec un chapiteau d’alambic & un ferpentin , NE pourra jamais fafiire aux befoins des équipages , lors même qu'on feroit un ufage continuel de la méthode; & d’ailleurs, cerre manière de diftiller demande une quantité de matières combuftibles, qui cauferoient dans le vaiffeau plus d’encombrement que l'eau douce qu'on auroit pu embarquer. 2°. L'eau que donne cette méthode de diftillation a toujours un goût d'empyreume ; elle eft très-défagréable; elle échauffe & excite la foif lorf- qu'on en boit peu de tems après qu’elle a été diftillée. 3°. On ignore abfolument le rems où il faut arrêter la diftillation ; on laille le fel fe former au fond de la cucurbite, ce qui brûle & ronge le cuivre , décompofe le fel de nitre & les fels de magnéfie, fait monter leurs acides avec la vapeur, agit fur le chapiteau de l'alambic & fur le bec; & imprègne l’eau de fels métalliques de la plus pernicieufe qualité. 4°. L'alambic, le chapiteau & le ferpentin occupent un figrand efpace, que le plus fouvent il eft impoffible de s’en fervir à bord des Ro En outre , ils s'ufent très-promprement par les caufes que nous avons rapportées plus haut. L'appareil exige de grandes dépenfes : on craint toujours que le chapiteau ne foit enlevé » Ce qui entraineroit beaucoup d'inconvéniens. 5 *. Quoiqu'on ait omis l’ufage des ingrédiens dans quelques expériences aires en petit , cependant on les a regardés faulement comme eflentiels pour delfaler & rendre potable l’eau de la mer par diftillation. 6°. L'incommodité & l'embarras d’un appareil , qui n’eft deftiné qu’à fervir par hafard dans une diferre imprévue d’eau , & qui, cependant, occupe toujours fur un vaiffeau beaucoup trop de place pour qu'on puiffe ly mettre fans le gèner. Après avoir indiqué les pRisaus inconvéniens des différentes métho- des qu'on a propolées jufqu'ici, pour rendre potable l’eau de la mer, nous allons examiner , en peu de mots, les principes de la diftillation en général , & l’analyfe chymique de l’eau de la mer, & nous déve- lopperons enfuite les avantages qu'on peut tirer du procédé du Doéteur Jrving, L'eau , dans un récipient, purgé d'air, s'évapore plus abondamment à 80 degrés du thermômètre de rahrenheic, qu’en plein air à 112 degrés, point que l'on peut regarder comme celui de l'eau bouillante. 31290 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; Il s'enfuit que toute comprefion fur le fluide bouillant empêche la vapeur de monter, & diminue, par conféquent , la quantité d’eau qu'on en obtient. Ceci fe démontre clairement par la machine à feu , où la confommation d’eau qui fe fait dans la chaudière eft très-peu confidérable en comparaifon de ce qu'elle feroit, fi on fupprimoit la compreffion caufée par la chüte de l’eau froide, & la foupape de cette machine, & qu'on y admiît feulement la prefion de l’atmofphère, Mais par la réfiftance de cette foupape, la vapeur devient plus chaude, & la raré- faction & fon élafticité augmentent. Ces effers font importans au but qu'on fe propofe dans l'ufage de cette machine ; mais ils font le contraire de ceux qui doivent avoir lieu dans yne diftillation ordinaire, Car les colonnes de vapeurs devroient être écartées du fluide bouillant aufi promptement qu’elles montent, & fans fouffrir aucune autre réfiftance que celle de l'armofphère, ce qu'on ne peut pas empêcher dans la diftillation ordinaire. En comparant le procédé ordinaire de la diftillation avec les principes & les faits ci-deflus , on reconnoîtra évidemment combien il eft nue tueux : dans le procédé ordinaire de la diftillation, toute la colonne de vapeur qui s'élève d’un alambic, de quelque grandeur qu'il foit, après avoir monté au chapiteau, doit non-feulement s'ouvrir un paflage à cravers un tuyau d’un pouce & demi de diamètre, mais encore contre les loix de fa gravité fpécifique, defcendra en circonvolurions fpira- les à cravers un air qui eft quinze fois moins pefanc qu'elle: cette direction eft fi diamétralement oppofée à celle d’une vapeur élafti- que, que fouvent cette vapeur , échauffée de plus en plus & arrêtée par une barrière , renverfe le chapiteau avec une violence incroya- ble. Sur ces entrefaites , la furface extérieure du tuyau communique de la chaleur à l’eau du réfrigérant, & la rend peu propre à condenfer la vapeur qui eft dans le ferpentin ; on appercevra bien mieux encore la vérité de ce que j'avance, fi l'on fait attention que la fubftance du tuyau eft au moins d’un quart de pouce d'épaiffeur. D'après ce que je viens de dire, il eft clair que la quantité d’eau diftillée diminuera en proportion de la réfiftance qu'éprouve la vapeur pour monter en mème -tems que la condenfation devient plus diflile par la chaleur, & l’élafticité plus grande qu'acquiert la vapeur. Ces incon- véniens fur la manière de diftiller font très-confidérables ; mais il y en a un autre encore plus important : le fluide diftillé à un goût nuïfible de brûlé ou d'empyreume, ce qui provient de la vapeur qui étant excef- fivement échauffée , pale, avant que d'arriver dans le récipient, fur un fi grand nombre de furfaces métalliques fur celles du chapiteau , du bee & tuyau de fix ou fept pieds de longueur. À la fuite de certe difcuflion fur la diftillarion elle-même, nous allons parler de l’analyfe chymique de l’eau de la mer. L'eau _ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 321 . L'eau de la mer renferme principalement un fel neutre compofe d'alkali foñille & d'acide marin. Elle contient aufli un fel qui à la magnéfie pour bafe & le mèmeacide. Ces deux fels fonc mélés enfemble dans le fel ordinaire d'Angleterre qui fe prépare en faifant bouillir promptement l’eau de la mer. Mais lorfqu'on fait le fel au foleil, ou qu’on emploie pour cela une chaleur lente, ces deux fels peuvent fe recueillir féparémenr ; celui qui a l’aikali foflile pour bafe fe cryftallyfe le premier, & il ef d'une qualité fort fupérieure aux autres pour conferver les viandes, & pour toutes les opérations de cuifine. L'eau mère qui refte alors évaporée, donne un fel vitriolique à bafe de magnéfie, qu’on fabrique en grande quantité en Angleterre fous le nom de Je! d’epfom. Outre ces fels, qui font un objer de commerce, l’eau de la mer contient encore de la félénite, un peu du véritable fel de Glauber, fouvent un peu de nitre, & toujours beaucoup de terre gypfeufe fufpendue au moyen de l'air fixe. La gravité fpécifique de l’eau de la mer à celle de l’eau pure diftillée, eft alors comme 1000 à 1024, 6; dans l'Océan feprentrional, comme 1000 à 1028,02. : On fépäre difficilement l’eau douce de la mer : lorfqu’on fait bouillir celle-ci jufqu’à ce qu'elle forme une forte faumure, la diftillation fe fait plus lentement à mefure que la faumure augmente, de forte qu’on con- fomme une plus grande quantité de charbon ou de bois, pour fe procurer une plus petite portion d’eau, & même qui eft de mauvaife qualité. C’eft pour cela qu'il eft néceffaire d'ôter la faumure par le robinet de la cucurbite, lorfque la diftillation eft avancée à un certain degré , & d'y ajouter de l'eau de la mer, s’il en eft befoin , pour continuer la diftillation. Nous venons d'indiquer les inconvéniens des différentes méthodes qu’on a propofées pour deffaler l’eau de la mer : nous avons expofé les pricipes généraux de la diftillation, & examiné par l’analyfe chymique es parties conftitutives de cette mème eau. IL faut développer à préfent les Avantages de la méthode qu'a trouvée le Docteur Irving ; on peut les réduire à ceux-ci: 1°. Cette méthode rend inutiles tous les alambics, les chapiteaux, les ferpentins & leurs cuvettes, qui occupent un fi grand efpace, que tout cet attirail eft abfolument incompatible avec les autres meubles néceffaires du vailleau. On fe fervira, en place de ces inftrumens, de la chaudière ou de la marmite de l’équipage , au fommer de laquelle on adaptera un fimple tuyau que l’on pourra faire aifément en mer, en employant pour cela du fer battu, des douves de tonneaux , ou des feuilles d’étain , de forte que dans toutes les firuations pofñlibles où fera le vaifleau, on aura des moyens de diftiller l’eau de la mer, Tome XIV, Part. II. 1779, OCTO'BRE.: T 1 322 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 2°. D'après ces principes dont on a parlé plus haut fur la diftillation, le Docteur Irving a découvert la manière la plus fimple d'obtenir la plus grande quantité poflible d'eau difillée, en faifant le tube aflez large pour recevoir toute la colonne de vapeur , & en la plaçant dans une direction prefque horifontale . afin d'empêcher la compreilion qu'éprouve le fluide d’eau avec le ferpentin ordinaire, 3°. On adopte la méthode la plus fimple & la plus efficace de condenfer la vapeur ; car, dans la diftillation , il faut fur tour tenir la furface du tuyau toujours mouillée ; pour cela, un homme place près de lui un feau d’eau , dans lequel il humeéte un linge qu'il pafle fur la furface extérieure du tuyau. Par cette opération, la vapeur contenue dans le tube fe condenfe avec toute la rapidité imaginable , car en appliquant le linge mouillé , les lames d’eau fe répndent d’une manière uniforme & s’attachent méchaniquement à la furface du tube chaud. Cette première eau convertie en vapeurs , fait place à celle qu'on y répand enfuite , & c’eft ainfi que par lévaporation de l’eau froide, qu'on applique conti- nuellement fur le tuyau , on vient à bout de difliper plus efficacement la chaleur, qu'en fuivant aucune des méthodes connues jufqu’à préfent. 4%. La diftillation fe fait fans aucun ingrédient; une analyfe chymi- que fort exacte de l'eau de la mer, nous à convaincus combien ces ingrédiens font inutiles , ou pour empêcher un acide de s’exhaler avec la vapeur , ou pour détruire l'huile bitumineufe qu'on fappofe exifter dans l'eau de la mer, ou enfin pour ôter à l’eau diftillée le goût âcre & mauvais qu'ont toutes les eaux tirées des alambics par les autres procédés. s+ On détermine la quantité d’eau de mer qu'il faut diftiller, & par-là, on empêche que l’eau ne contracte une qualité nuifible, en l'im- régnant de fels métalliques, & que le vafe ne foit rongé ou endom- magé de quelqu'autre manière par les fels qui s’entaflent au fond. 6%. On fe procure une eau douce & très-agréable au goût, & en affez grande quantité pour fufhre à tous [es befoins des équipages. 7°. On profite de la préparation des alimens de l'équipage, pour diftiller une grande quantité d'eau , au moyen de la vâpeur qui feroit perdue fans cela, & 1l n'eft pas néceflaire d'augmenter le feu. Voici en peu de mots la récapitulation des avantages de cette mé- thode. . ; On fe ferr d’un fimple tube de la conftruction la plus aifée, & qui eft applicable à la chaudière de tous les vaifleaux. On ne fait ufage d'aucun ingrédient. On détermine la quantité d’eau qu'il faut diitiller ; on épargne des matières combuftibles , & on conferve les chaudières ordinaires. L'eau douce qu’on en tire eft faine & agréable, & fufifante pour lés befoins des équipages ; on profite de la vapeur qui monte dans la chaudière , pendant qu'on fair cuire les provifions du vaitleau. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 313 Pour fe procurer trous ces’ avantages ; il ne faut qu'adapter aux chaudières ordinaires des équipages , le fimple tuyau dont on vient de parler. Mais le Docteur Irving propofe deux autres moyens de per- fectionner fon invention, Premièrement , il veut employer un foyer ou poële conftruit de ma- nière que.le feu qu'on entretient tout le jour pour de fervise du vaif- feau , ferve auf à la diftillation, &' à l'aide de cetté nouvellé, mac: chine, on fe procurera aflez d’eau pour les équipages , fans faire prefque aucune augmentation de, dépenfe fur l’article di bois & du charbon, Secondement , il a le projet de fubftituer même fur les plus gros vaifleaux , des chaudières de fer battu d’une conftruétion nouvelle , en la place de celles de cuivre. id Manière de difliller l'Eau de Mer. Dès qu’on aura mis l’eau dela mer dans la chaudière , on adaptera le tuyau au fommet où à l’un des bords, { & s’il en eft befoin on appliquera un morceau de toile mouillée tout autour , afin qu'il ne refte aucun intervalle entre ce tube & la bouche du vailleau ; il fera inu- ule de le lurer, parce que c’eft alors une efpèce d’entonnoir qui fuffit pour conduire la vapeur. Lorfque l’eau commence à bouillir , on doit laifler pafler librément la vapeur l’efpace d’une minute, afin de bien nettoyer le tube & la partie fupérieure de la chaudière ; on aura foin enfuite de tenir le tube toujours mouillé, en frottant fa furface extérieure avec un linge plon- gé dans de l’eau de la mer. On peut conduire où l’on voudra l'eau ui découle du linge , en plaçant fous le tuyau une rigole en forme Le | On continuera la diftillation jufqu’à ce que les trois quarts de l'eau foient évaporés , & pas plus loin. Il fera facile de déterminer cette quantité, en plongeant une jauge dans la chaudière, ou en mefurant l'eau diftillée. On en tire alors la faumure. On diftillera fi l'on veut , de l'eau de la même manière, pendant qu'on fait cuire les provifons. Si l'on fait , avant de s’embarquer , lé tuyau dont ona befoin pour cette diftillation, des plaques de cuivre bien minces font la meilleure fubftance qu'on puifle employer pour cela , parce qu'elles fonc plus durables dans les longs voyages que les plaques d'étain. | Au lieu de mouiller le tubes avec le linge , on fera, au befoin, une caille de cuivre ou efpèce de réfrigérant affez grand de diamètre, pour que l’eau froide puille circuler entre les parois & le tuyau, au moyen d'un filet de cuivre en fpirale: cette caille aura à chacune de fes K7 19 MI OICTIOQB'RE. IT t 2 < 324 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, extrémités , un tuyau d’un pouce de diamètre; l’un fera deftiné à rece- voir Peau froide , & l’autre à la faire fortir quand elle eft échauffée. Explication de la Figure. La Figure première , Planche 2, repréfente en perfpective une fec- tion de deux chaudières. On voit dans la partie poftérieure, À, D & C, des ouvertures pour les robinets. Il y a au A un tube dif- üillhnt, A,B,C, de cinq pouces de diamètre en À , & dont la grof- feur diminue jufqu'à trois pouces en C ; la longueur de B à C, eft de cinq pieds Près de C, eft un rebord , afin d’empècher l’eau qu'on applique à la furface, de fe mêéler avec l'eau diftillée. Il y a dans l'in- térieut du tube , au-deffous dB , une lèvre ou un rebord afin que le roulis du vaifleau ne fafle pas rentrer dans la chaudière l’eau diftillée. Dans la Figure 2, 4,46, c, d, repréfentent une feétion verticale d'une caille de cuivre, qui a 27 pouces de long , fept de large, onze de hauteur , & dont l’intérieur eft étamé. On voit au fond f, une ouverture qui a environ fix pouces de diamètre, & un anneau pour y placer l'alambic ou la chaudière. Les lignes indiquées, qui s'étendent prefque horifontalement, font des vaïfleaux minces de cuivre, étamés en-dehors , de deux pieds de long, de fepr de large & de trois quarts de pouces de profondeur. Il y a en g, un entonnoïir pour recevoir l'eau froide répandue dans les vaifleaux par les tuyaux de communi- cation , qui font difpofés de façon que l’eau circule d'une manière rapide & complète dans toute leur érendue. Lorfque l’eau eft échauffée par l’action de la vapeur . elle s'écoule en 2 par le conduit horifontal : c, eft un conduit par où paffent l’eau ou les efprits qu'on diftille, & fa forme eft telle, que la liqueur qui en fort fait les fonctions d’une fou- pape , & empèche la vapeur de s'échapper de ce côté ; au fommet de la caille en *, il y a une foupape de sûreté qui prévient les accidens que pourroient occafionner les vapeurs qui fe feroient trop accumulées , Eu qu'on auroit manqué d’y verfer de l'eau froide pour les con- enfer, de D st SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 315 DUB S LR A TU ON S Sur la Dent foflile d'un animal inconnu ; Par M. le Baron DE SERVIERES. Ur célèbre Naturalifte, l'a dit: 77 contemplatione nature nihil poteft vidert Jupervacuum. Aux yeux de l'Obfervateur Philofophe , un fait, pour être ifolé, n’en eft pas moins important. Tôt ou tard il trouve fa place, parce que tour eft lié dans la nature. Ne ceffons donc pas de ramafler des faits ; ce n'eft que de leur rapprochement & de leur combinaifon qu'on doit attendre quelques lumières fur les grands phénomènes de lunivers. Les obfervarions étant les données néceflaires pour la réfolution des problèmes phyfiques , la jufteffe de l'explication des phénomènes eft en raifon directe du nom- bre des obfervations. Comme dans le calcul de l'orbite d’une comète, de petites quantités négligées produifent des erreurs confidérables , de même dans la recherche des canfes naturelles, un feul fait omis où mal vu fufñit pour égarer le Phyfcien. Obfervons fans relâche, accu- mulons les faits, raflemblons les matériaux du vafte édifice de la fcience de la nature, & laiflons aux fiècles futurs le foin & la gloire de les mettre en ordre. La nôtre doit fe borner à leur tracer & leur applanir la route. Dans le Journal de Phyfique (1) fe trouve la Deftription d’une dent foffile. L'illuftre M.de Morveau a aufli décrit dans ce même Recueil (2) la dent d'un animal inconnu. Ajouter à ces deux defcriptions celle d’une Dent encore plus extraordinaire, n’eft-ce pas contribuer aux progrès de la fcience ? La Figure 3, repréfente avec la plus fcrupuleufe exactitude une denr Jofile , trouvée à Pont-a-Mouffon , fous le lit de la Mofèlle. Certe dent eft forte lourde , parce qu'elle s’eft pétrifiée en grande partie. Son féjour dans la terre lui a fait prendre une couleur brune. Un examen attentif m'a prouvé que c’eft véritablement une feule dent. Lorfqu’on la lime, elle répand une odeur animale fort approchante de celle de la corne. Sournife à l’action des acides, elle n’auroit pas manqué d’en- rer en effervefcenfe. Si je n’ai pas tenté cette expérience , c’eft parce que (:) 1773. Tomel, page +35. (2) 1776. Tome VIL, page 414 326 OBSERVATIONS SUR LAPHYSIQUE, je l'ai jugée inutile. Ce morceau curieux eft confervé dans le Cabinet de M. Lucor 4'Hauterive, Lieutenant de Maréchauilée à Sargucmines , qui a eu la complaifance d'en defliner lui-même la figure. Il eft tout- à-la-fois Artifte ingénieux & Naturalifte habile. Longue de 9 pouces à fa bafe qui a deux pouces de largeur , haute de fept pouces jufqu'à fa racine & groffe à proportion, certe dent ne peut avoir appartenu qu'à un animal d’une grandeur démefurée (1). Ici fe préfenrent d’elles-mèmes deux queftions intérellantes auxquelles je ne penfe pas qu'aucun Naturalifte foit en état de répondre d'une ma- nière pofitive; 1°. De quel animal certe den: faifoit-elle partie? 2°. Pour- quoi seft-elle trouvée fous le lit de la Mojeite’ Cett: fingulière pièce femble autorifer une conjecture qui ne me paroït pas entièrement dépourvue de vraifemblance , favoir, que dans les anciens tems il a exifté des animaux dont l'efpèce eft détruite. EEE ES (x) Il feroic poffible que cette den fût celle d'un éléphant, car onen voit plufeurs de cet animal au Cabinet du Roi, qui ont a-peu-près les mêmes dimenfions. Le N°. MXXII, offre une dent de 8 pouces 8 lignes de longueur, fur 3 pouces 3 lignes de largeur & 4 pouces 6 lignes de hauteur, depuis la bale jufqu'au bout des racines , à l'endroit de la dent le plus haut qui eft fa partie poftérieure. Elle pele 6 livres, & vient d'un éléphant dont la hauteur eft eftimée avoir été de 9 pieds 3 pouces. Le N°. MXXIII, montre une autre dent longue de 9 pouces 10 lignes, large de 3 ouces 2 lignes & haute de & pouces 8 lignes. Elle pefe 8 liv. +& doit avoir appartenu à un éléphant. haut de 10 pieds 6 pouces. Sous le N°. MXXIV, on trouve les frag- mens d’une autre dent, large de 3 pouces 10 lignes , & longue de 8 pouces 1 ligne. Ces trois morceaux ont été apportés de Sibérie par M. de L'Ifle. Le N°. MXXVIN, préfente une autre dens éléphantine , longue de 8 pouces, épaïfle de 2 pouces 9 li- nes & haute de $ pouces 4 lignes, qui pèle 4 livres 13 onces 2 gros. ( Defcriprion du Cabinet du Roi, par Daubenton. Dans l'Hif. Nat. de Buffon. Cinquième Edition , Impr. Royale , ën-12. Tome XXII, pages 222, 223, 2:4 à 225$) En comparant à ces quatre dents molaires, celle qui fait le fujet de ce Mémoire, il paroît naturel de conclure qu’elle eft de même efpèce. C'eft néanmoins ce que je me garderai bien d'affirmer, . mms — | à | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 327 LR a —— Ie) Re et LU NOUVELLES LITTÉRAIRES. N OUVE AU Baromètre perfetionné par M. Affier Perica. Après de longues recherches & un travail de plufieurs années , M. Affer Perica vienr enfin de trouver un Baromètre qui furpafle tous ceux qui font connus, & par fa juftefle & par la facilité avec laquelle on peut s’en fervir pour connoïître la pefanteur ou la légéreté de l'air, & mefurer exactement la hauteur des montagnes. Quoique compofé de plufieurs tubes , il n’eft pas moins commode que le Baromètre fimple. Des vis de rappel le mettent en état de fervir même loin des yeux de l'Obfervateur. En conféquence, veut-on favoir l'érar de l'air dans des ouvertures profondes où l’on ne peut pénétrer, il fuffira d’atracher l'inf- trument à une corde, le defcendre dans cette ouverture , l'y laïfler affez de tems pour que l’effer de l'air foit bien marqué , le remonter enfuite ; le mercure indiquera exaétement ce qui s'eft pallé. Par rapport à la hauteur des montagnes, nous n'avons que peu d’ob- fe:vations exactes faites avec le Baromètre & fur lefquelles on puifle compter ; cet inftrument fufceprible d’une plus grande perfeétion , ne l'a pas reçue. La plus grande haureur & le plus grand abaifflement du mercure ne font pas encore connus ; & les Baromètres ordinaires ue les marquent pas avec la précifion qu'ils le devroient , comme on va le voir par les exemples fuivans. Le 24 Décembre de l'année 1778 , à neuf heures du matin, la co- lonne de mercure d’un Baromètre ordinaire étoit montée à 28 pou- ces 7+ lignes, tandis que celle du Baromètre de nouvelle conftruétion étoit à 28 pouces 101 lignes. Le2$ du même mois, à 8 heures du matin, le premier étoit à 28 pou- ces 8: lignes & le fecond à 29 pouces & : ligne. Cette différence de marche annonce que le nouveau Baromètré à des variations de plus de deux pouces; auffi, eft-l gradué pour 30 & 31 pouces; les endroits très-profonds que l’on voudra mefurer exigent encore cette divifion étendue. k Une des caufes principales , ou pour mieux dire, la vraie caufe de la défe“tuofiré des Baromètres ordinaires, vient du changement de*la =—- ligne de niveau. En vain a-t-on voulu y remédier en conftruifant des Baromètres avec des cuvettes de 2,3, 4, $, 6, 7,8 & même 9 pouces de diamètre , il n’en.eft pas moins vrai que fi le mercure Pn ! 3128 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, monte à 29 pouces, il déplace un pouce de dedans la cuvette; & s'il def- cend à 27 pouces, il en porte un de plus; & fi,en mefurant de hau- tes montagnes , le mercure defcend à 14 pouces , il en, place tout d'un coup 15 dans la cuvette : il eft impoflible d'après cela que certe va- riation de la totalité du mercure dans le réfervoir , n'influe fur la ligne de niveau , & dès-lors fur la hauteur réelle de la colonne. La correc- tion que M. Affier Perica à faite à cet inftrument, obvie tout à-fait à cet inconvénient ; non-feulement l'élévation de la colonne de mercure à 30 & 31 pouces ne change rien à la ligne de niveau , mais mème fon abaiffement à 14 pouces dans un tube de cinq lignes de diamètre, ne produiroit aucun dérangement. On connoît fes travaux pour rendre les Baromètres plus portatifs ; entre fes mains, ils le font devenus à un tel point, que far mer, ni le roûlis, ni le tangage ne peuvent le faire varier. Dès 1771, l'Académie Royale des Sciences approuva fon procédé pour évier le chôc du mercure contre le haut du tube; en 1776, M. Meffier , après s’ètre fervi de fes nouveaux Thermomètres pour connoître les différens de- grés de froid de cette année , & en avoir éprouvé l'exactitude les à fait approuver par la même Académie, comme on le verra dans un Mémoire qui fera imprimé dans le Volume de l'Académie qui paroi- tra cette année. C’eft donc en vain qu'un nommé Mouf]y & la veuve Capy , ont voulu réclamer contre les travaux de M. Perica, dont l’an- tériorité eft prouvée par les atreftations de l’Académie. Comme l’Auteur a été obligé de faire beaucoup de dépenfe pour amener fon Baromètre à la Lee où il eft, & que fon exécurion en entraînera encore d’autres, il le propofe par foufcription, c'eft-à- dire, qu'il n’en délivrera à perfonne qu'il n’ait au moins cent foufcrip- teurs. Ses Baromètres peuvent être de fix natures différentes. 1°. Les Baromètres qui tiendront un compre exact des révolutions du mercure à chaque inftant du jour & de la nuit, garnis d’une plaque de cuivre, & un nonius qui marquera jufqu'à un dixième de ligne d'élèvement & d’abaiflement ,avec un nouveau Thermomètre , le rout enrichi d’une moulure de cuivre doré en or moulu, le prix eft der Pre ! : : : 5 : : 2000 liv. 2°, D’autres en bois d’Acajou, garnis d’une plaque de cuivre, mais ne défignant pas la marche graduelle du mercure durant la nuit , le puce der ë D. 5 : . 1200 liv. 3°. D’autres avec une demi-plaque de 15 pouces, le prix eft de 6oo liv. - 4. D’autres en bois de noyer avec une plaque de fepr pouces , le prix eft de 4h 38e En 6 ‘ È 360 liv. 5°. D'autres en bois de noyer, & point de Thermomètre , avec une demi -plaque, le prix eft de . . . . . . 288 liv. 6°. D'autres SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS, 3:9 69, D'autres enfin en boïs de noyer avec une graduation bien exacte deffus le mème bois & bien peint à l'huile , avec une moulure dorée, le prix eftde . . : . Mon ce 120 liv. M. Perica prévient que les Baromètres N°. 6, n'indiqueront pas à quelle heure dans la nuit s’eft faite une révolution dans la colonne de mercure, mais on faura le matin qu'il s’en eft fait une par le moyen des vis de rappel. Plus exact que les Baromètres communs, il mar- quera mieux qu'eux l’état de l'air, le beau tems ou les orages. Les Perfonnes qui voudront s’en procurer font priées de le faire connoître à l’Auteur , foit en s’adreflant à lui-même, foit par des let- tres dont le port fera affranchi , afin que leurs noms foient enregiftrés. Sa demeure eft rue Saint-Antoine, au coin de celle de Geoffroi l’'Af nier , au fecond, la première porte en entrant dans la rue Geoffroi- PAfnier. L'Académie des Sciences, Belles-Lettres & Arts de Rouen, propofe pour fujer de Prix, pour l’année 1780 : » D'afligner , d’après une théorie étayée par des Expériences décifi- » ves, les différences entre la Craye , la pierre à Chaux, la Marne & » la terre des Os , que la plupart des Chymiftes ont jufqu'à préfent »# confondu dans la clafle des terres Calcaires «. Le Prix eft une Médaille d’or, de la valeur de trois cens livres. Les Auteurs font avertis d'éviter tout ce qui pourroit les faire con- noître, & de joindre feulement à leur ouvrage , un billet cacheté , qui contiendra la répétition de l’épigraphe , avec leur nom & leur adrelle. Les Mémoires, lifiblement écrits en François ou en Latin, feront adreflés , franc de port , & avant le premier jour de Juillet de l’année prochaine, à M. Z. 4. Dambourney , Négociant, Secrétaire perpétuel. L'Académie avoit demandé pour 1779: » Par quels moyens, les moins difpendieux , on pourroit récéper » fous l’eau dont il eft toujours couvert , un Rocher qui inrerrompt » où inquiète la Navigation de la Seine auprès de Quillebeuf ? Entre les 14 Mémoires qui ont concouru , la Compagnie à diftin- gué celui qui, par fon ordre de Réception, avoit été cotté N°,7,& ne portoit point d’épigraphe. Elle lui a décerné le Prix, comme rem- liffanc toutes les conditions du Programme. L’Aureur eft, M, David, Fra des Travaux publics du Languedoc, Diocèfe d'Uzès, & réfidant au Saint-Efprit. L'Acceffi , a été adjugé au Mémoire cotté N°. 2, avec cette Epigra- phe.,.… Redigerem cum Pulyere , in Pulverem. Le Mémoire cotté N°. 6, dont l’Epigraphe, eft... Zmprobus Labor, omnia vincit ; & celui, cotté N°, 9 ..,. In Aquis, ut interrä... ont mérité des éloges. Il en eft de même du Mémoireimprimé de M. Coulomb, Tome XIV, Part. Il, 1779. OCTOBRE. Vy 339 OBSERVAIIONS SUR LA PHYSIQUE, Capitaine en premier dans le Corps Royal du Génie , quoique fa pu- blicité l'air exclu du concours. Le 10 du mois de Mai, la Société Royale d'Agriculture d’Auch a décerné dans une Séance publique le Prix d'Honneur ( c’eft une gerbe éparfe d'argent de 15 pouces de hauteur) au Mémoire qui avoit pour Epigraphe ou pour Devife ces vers de Virgile adreflés ; au nom des Cul- tivateurs, à cette favante Société : Semper honos nomen que tuum laudes que manebunt Ut baccho Cerert que, tibi fc vota quot annis Agricole facient. . . . . .. . On ne pouvoit faire des queftions plus intéreflantes & d’une appli- cation plus étendue. Elles étoient exprimées en ces termes :, Les engrais peuvent-ils être fuppléés par de frèquens labours ? Jufqu’a quel point influent-ils fur La vécétation ? Peuvent-ils y fuffire ? M. Gentil, Prieur de Fontenet , Ordre de Citeaux , près de Montbar en Bourgogne, Auteur de ce Mémoire, & qui a donné en 1777 un Ouvrage ayant pour titre : a Diététique générale des Végetaux, & Applica- zion de La Chymie à l'Agriculture, à reçu dans deux Lettres de M. le Marquis d’Af/rog , Secrétaire de la Société Royale , les éloges les plus flateurs, & a été honoré du titre d’Affocié Honoraire. Le 7 de Mai 1779, la Société Royale des Sciences de Copenhague adju- gea le Prix de Phyfique fur la Formation de l'Acide nitreux, à un Mémoire François, qui a pour Devife : 17 paucis multà , utinam bona , dont l’Auteur ne veut pas être nommé, & quoique la queftion n'y foit pas pleinement réfolue, ce qu'on n’avoit pas non-plus ofé fe promettre dans une matière fi difficile , on a pourtant eu égard au foin & à l’exac- titude avec lefquels ces recherches font faites. Le Prix de Mathématique fur la meilleure difpofition d’un Inftru- ment propre à mefurer de petites diftances d’une feule ftarion , fut décerné à M. George - Frédéric Branders , Faifeur d’inftrumens, à Augsbourg. Ce Savant avoit aufli envoyé à la Société l’Inftrument mé- me quia été éprouvé, & les raifons de la différence confidérable en- tre les diftances trouvées par le moyen de cer Inftrument , & les diftan- ces effectives feront mdiquées à l’Auteur. La Société propofe pour cette année les fujets fuivans : 19. Elementa tabularum ‘Affronomicarum ÿolis G lnne ita ordinare : SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 351 ut non folum eclipfès utrinfque luminaris noflro féculo -obfervatæ ea praci- Jione , quam Magerianæ tabule exhibent ; fed quoque antiquiffimis tem- poribus in Babylonia & Egypto vife & confignate fine notabili errore inde fupputari queant ; ta tamen, ut æquatione feculari in calculo non opus fit ? 29. An Seminium Vermium inteflinalium Taniæ ; Gordit, Afcaridis, Fajiiole &c. Animalibus connatum , an ab extus intromiffum obférva- tionibus € experimentis probare, remediaque in illo cafu notare. Le Prix que la Société décernera à celui qui, à fon jugement, aura le mieux traité chaque fujet, confifte en une Médaille d'or de la valeur de cent écus , argent de Danemarck. Les Savans , tant étrangers que Danois, excepté les Membres de la Société, font invités à concourir pour ces Prix , & voudront bien écrire leurs Mémoires en François, Latin , Danois ou Allemand. Les Concurrens adrefferont leurs Mémoires, franc de port, àS, E. M. de Hielmflierne, Chevalier de l'Ordre Royal de Dannebrog, Con- feiller Privé & Préfident de la Société; aucun Ecrit ne fera admis au Concours paflé le dernier d’Août 1780. Les Auteurs font priés de ne fe point faire connoître ; mais de met- tre une Devife à la rèce de l'Ouvrage, & d’y joindre un billet cacheté avec la même Devife qui contiendra leur nom & le lieu de leur réfi- dence. Ceux qui fouhaiteront que leurs Ecrits qui ont&concouru pour les Prix de l'année pañlée , leur foient rendus , voudront bien s’adrefer pour cet effer, à S. E. M. de Hielmflierne , avant la fin de l’année cou- rante, Un Chirurgien Allemand nommé J. Æ. Hemmans , a publié der- nièrement , à Berlin , un Ouvrage intitulé: Chirurgifche Aufratge , c'eft à-dire, Arnotations Medico-Chirurgicales , parmi lefquelles il y en a une qui confirme l'efficacité de la Chirurgie infufoire, dans laquelle ce Chirurgien donne l’hiftoire de cette pratique & la manière de s'en fervir fans danger: il dit lavoir fait deux fois avec fuccès. Savoir, une folution de mufc dans une femme épileprique , & la décoétion de quinquina dans une fièvre putride. Cet article eft viré d’un Ouvrage périodique qui fe publie, à Gostingue , fous le titre de Gouing. Ahzeigen, 1778, NS 143. \ Newtonianifme de M. de Voltaire , ou Entretiens d'un Etndiant avec un Doëteur Newrônien. Brochure 17-12. par M. S... P.; à Paris, chez Morin ; rue Saint-Jacques 1770. Cette petite Brochure renferme une Critique des Elémens de la Phy- fique de Newtons, par. M:'de Voltaire ; d'autant plus piquante, que le fel en eft caché fous le voile de la plus grande fimplicité. Les erreurs de M. de Voltaire en Phyfique y font relevées avec beaucoup d'art & 1779 OCTOBRE, Vv2 332 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de vérité. L’Auteur a eu l'attention de citer exaétement les paflages de M. de Voltaire, & cette précaution évoit d'autant plus néceffaire qu'il faut fe convaincre par fes propres yeux, pour croire ce célèbre Ecrivain capable de pareilles erreurs. Plantes Véneneufes & [ufpeëles de la France , avec leurs antidotes , par M. Bulliard. PROS P\ELC-TIUNS. 1 eft bien étonnant que dans un fiècle aufli éclairé que le nôtre, nous n'ayons pas fur les Plantes vénéneufes de la France, un feul Ouvrage qui puille nous mettre à l'abri des méprifes fatales qui femblent fe multi- plier tous les jours, & qui ont fi Éiyene porté le trouble & la mort même dans l’efpèce humaine. En effet, de combien d’accidens caufés par des Plantes nuifibles, n’avons-nous pas été témoins ? À combien de perfonnes n’en a-t-il pas coûté la vie pour avoit mangé, par erreur, de mauvais Champignons, de la Ciguë employée dans certains ragoûts pour du Perfil avec lequel - elle a quelque refflemblance ? &c. Eft-1l un feul pays où fe foient laiflé ignorer les terribles effets des Tithymales, avec lefquels on engage les enfans, pour leur jouer pièce, à fe frotter les yeux afin de fe lever matin ? Combien de gens, trompés par la forme agréable & appétif- fante de certains fruits, n'ont-ils pas chèrement payé la curiofité qu'ils ont eue d'en manger? Les uns ont traîné une vie languiffante , les autres font morts fous , d’autres imbécilles ou comme enivrés, d’autres enfin font tombés dans un afloupiffement rebelle à tous les fecours de l'Art, &c. &c. L'’ufage où l'on eft encore aujourd’hui dans nos cam- pagnes , de fe purger, par économie, avec la Lauréole, l'Epurge, la Clématite, le Cabaret, &c. n’a-t-il pas fait perdre la vie à mille gens qui n’avoient pas fu proportionner la dofe de ces médicamens dan- gereux, à la force de leur tempérament ? De toutes les parties de l’Hiftoire Naturelle, iln’eneft donc pas d’aufi importante que celle-ci ; on ne peut connoître trop tôt fes ennemis , afin de les éviter , on du moins de les combattre. Les animaux en liberté nous prouvent que cette connoïflance des alimens nuifibles: eft une des premières qu'ils ont : par inftinét, où par la répugnance qu'éprouve leur odorat , ils favent évirer de manger des herbes vénéneufes, quelque reffemblance qu’elles aient avec celles qui font leur nourriture ordinaire ; & quand il eft arrivé que pour foumertre à différentes épreuves cer- tains Animaux , on les a empoifonnés foit avec des herbes, foit avec des fruits, &c. ce n'a été que par artifice , & en les forçant à manger des pârées ou des préparations quelconques , dans lefquelles on avoit fait entrer en fubftance les plantes qui faifoient l’objet des recherches. ‘slt SUR L'HIST. NATURELLE ET LES AK1S. 333 Où en feroit l'Homme qui fe livreroic aveuglément aux témoignages qui ont été les fruits de ces expériences? À quoi toutes ces épreuves ont- elles fervi? Parce que les Moutons & les Chèvres mangent fans incom- modité fenfible l'herbe de S, Chriftophe , doit-on croire qu'elle n’eft pas mal-faifante à l'Homme , tandis a ef prouvé que fes baies font pour lui un poifon fubril? Ne fait-on pas en outre que certe plante, réduite en poudre , eft employée fouvent & avec fuccès pour faire mourir la ver- mine qui incommode les Hommes & les Animaux ? La Jufquiame noire, eft recherchée par les Pores qui la mangent, & à qui on la croit falutaire ; il eft cependant certain qu’elle eft mal-faifante à l'Homme, & qu'elle tue les Poules, les Canards , &c. Parce que quelques Ani- maux , preflés par la faim , ont mangé, fans en paroître incommodés, plufieurs efpèces de Renoncules vertes, quoique très-âcres, des fleurs d’Aconit , des feuilles même du Bois gentil, pourroit-on fagemenc conclure que ces mêmes Plantes ne feroient pas nuifibles aux Hommes > Non. On rifquera toujours de fe tromper , quand on jugera des bonnes ou mauvaifes qualités des Plantes pour l'Homme , par les effets qu’elles produifent fur les Animaux ; & réciproquement, de celles pour les Ani- maux , par les effets qu’elles produiront fur l'Homme; & ce n’eft que d’après des expériences faites & répétées nombre de fois, que l’on doit prononcer fur la falubrité ou l’infalubrité des Plantes. M. Bulliard va rien épargné pour fe procurer toutes les Plantes, tant vénéneufes que fufpectes, qui fe trouvent en France; & pour rendre inté- reffant aux yeux du Public cet Ouvrage tant defiré; il à lui-même deffiné cette Colleétion précieufe , d’après nature: il y a peu de Botaniftes dans la capitale, qui n’aient été témoins de fes fcrupuleufes recherches. Depuis long-remps 1l s'occupe à ramafler les matériaux d’une Flore Françoife , dont il annonce ceci comme un échantillon; & c’eft à fes frais, & fous fes yeux, qu’on grave les Planres & les defcriprions qui doivent entrer dans fa Collection. Toutes les Plantes font gravées fur un format in-4°, & femblables À celle qui eft jointe au Pro/peëlus , ou qu’on pourra voir chez ceux qui font chargés de fa diftribution. Le papier fur lequel cette figure eft im- primée , eft le même qui fervira pour tous les Exemplaires, excepté ceux qui feront peints; ceux-ci ne feront vrais & avoués par l’Auteur, qu’au- tant qu'ils feront imprimés fur le plus beau papier de Hollande, qu’on appelle communément Nom de Jefus; & qu’en outre on trouvera au dos de chaque feuille la lettre B avec un paraphe à la plume. Il n’y aura pas moins d’exactitude dans la defcription Le autres Plantes qu'il n’y en a dans celle-ci; toutes auront leurs noms François, tant anciens que modernes , & leurs noms Latins conformément au Species Plantarum du Chevalier Linneus. On faura du premier coup-d'œil dans quel tems chaque Plante fleuric, & dans quels endroits on la trouve le plus 334 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, communément; on trouvera tous fes détails caraétériftiques le plus foi- gneufement obfervés & tracés par la main de l'Aureur ; & une courte defcription fur fes parties nuifbles , fes qualités, fes effets , & fur les remèdes , tant internes qu'externes, qu'on doit employer dans les cas urgens. Si Les parties caractériftiques de la Plante ne font pas affez fenfibles à la vue, on es indiquera ( en notes ) gravées à la loupe ou au microfcope , quand les cas le requerront. L'on donnera tous les trois mois un Cahier de dix Plantes gravées, dont le premier a paru au mois d’Aoùût , & ainfi de fuite de trois en trois mois. Le nombre des Cahiers n’excédera pas celui de dix ou onze. Le prix de chaque Cahier eft de $ Liv. 12 fous, eu qu'on foir obligé de fouicrire. L'on a peint fupérieurement fur la gravure les mèmes Plantes , dont le premier Cahier ne paroïîtra qu'au mois de Janvier 1780; mais l'on ne pourra fe procurer cette Colleétion qu’en foufcrivant. Les conditions de l’abonnemnt font de donner 12 livres en foufcri- vant, 12 livres en recevant le premier Cahier, 12 liv. en recevant le fecond , & ainfi de fuice jufqu’au dernier qu’on diftribuera gratis. Le prix de chaque Cahier peint fera de 15 liv. pour ceux qui ne fouf- criront pas. ATSPEATRIENS IE P. Fr. Dinor le jeune, Libraire-Imprimeur de MONSIEUR, quai des Auguftins. Chez Desure, Libraire, quai des Auguftins. Bei, Libraire, rue Saint-Jacques. Bazan, Marchand d'Eftampes , rue & Hôtel Serpente, © ————…—"…"”…"…"…"”"”"”…"’ -— ….….’ -—… …" L'on trouve che DIDOT le jeune , l'un des Libraires ci-deffus, Les Ouvrages fuivans du même Auteur. Flora Pariféenfis , ou Defcriptions & Figures de toutes les Plantes qui croiflent aux environs de Paris , fuivant la Méthode fexuelle de Linné, & les Démonftrations de Botanique du Jardin du Roi. Paris, 27-8°. 1776 &années fuivantes. Cet Ouvrage, dont les Plantes font deflinées & coloriées d’après nature, fur Papier de Hollande, paroît réguliérement tous les deux mois, par Cahier de 20 Planches : il y en a aujourd’hui 22 Cahiers qui forment 440 Planches. Le prix de chaque Cahier eft de 7 liv. 10 f. qu'on peut SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 335 fe procurer à mefure, ou par abonnement, à raifon de 45 liv. l’année» compofée de 6 Cahiers ou 120 Planches, L'on en a tiré quelques Exemplaires 7-4°., dont le prix eft 12 liv. le Cahier. Introduétion à la Flore des environs de Paris, fuivant la Méthode fexuelle de Linné. Paris, 17-76, in-$°. avec Figures enluminées, repré- fentant les caraétères des Plantes. Rroché, 1 Liv. 16 f. Cette Brochure contient les premiers Elémens de la Botanique, & les Planches enluminées en facilitent l'étude; elle eft en outre très-pro- pre à donner les premiers principes de cette Science , & devient indif- penfable à ceux qui veulent s'occuper de l'étude des Plantes, & par- ticulièrement des Plantes vénéneufes. Le même Libraire vient de recevoir de l'Etranger les Livres fuivans : Effai fur la Santé des Filles nubiles , pat M. Virard. Londres. ( Paris.) 1778 , in-8°. prix 1 liv. 4 f. Broché. J. B. Morgagni de fedibus & caufis Morborum per Anatomen Indagatis, Libri quinque, prefatus eft à D. Tiflot, M. D. Ebroduni , in Helvetié 1779, 3 vol. ë7-4°. prix 30 liv. Relic. Cette nouvelle Edition de Morgapgni, qu'on doit aux foins de M. T'ffor , eft très-bien exécurée. TABLE DÉFIS: A RDC LES Contenus dans ce Cahier. R ECHERCHES Chymiques fur la terre des Pierres précieufes ou gem- mes ; par M. TorBErRN BERGMAN , Profeffeur de Chymie , Chevalier de l'Ordre Royal de Wafa, Page 257 Mémoire fur les Auterriffemens des Côtes du Languedoc; par M. Pouce, 281 Second Mémoire fur le principe de l’Inflammabilité des corps combuflibles ou Gas inflammable huileux ; par M. Neret, fils, 292 Differtation fur la caufe Phyfique d'une efpèce d’attraëlion que les Chymif- Les appellent Affinité ; lue à la Séance de la Rentrée de L'Académie de 336 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, &x: Merz, le 12 Novembre 1778; par Dom Nicoas Cargois, Principal du Collége Royal de Metz , de la Société Royale des Arts & Sciences de la même Ville, Affocié à l'Académie de Chélons-fur-Marne , de la Société Patriotique de Heffe-Hombourg, 297 Remarques fur une ancienne Marnière du Gouvernement du Hävre , & fur les Squeleres Humains qu'on a trouvés ; par M. l'Abbé Dicqur- MARE , de plufieurs Societes & Académies Royales des Sciences , Belles- Lertres & Arts, de France, Efpagne , Allemagne, Etc. 302 Lertre adreffée à un Chymifle, par M. ve rA Fous, concernant les réflexions de M. SALMoN, fur les Eramages , 307 Lettre de M. Tomas West , & M. Lane fur un Rocher volcanique , près d'Invernef], en Ecoffe, 315 Défcription de la Méthode du Doëteur YRVING, pour deffaler l'Eau de la Mer par diflillarion , 316 Obfervations fur la Dent foffile d'un animal inconnu ; par M. le Baron DE SERVIERES , 325 Nouvelles Litréraires, 327 AXBNPISREONBWANTITIAIONN, 7: lu, par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux#, un Ouvrage qui a pour titre : Obfervations [ur la Phyfique, fur l'Hiffoire Naturelle & fur les Arts, &c.; par M. l'Abbé Rozrer, &c. La Colleétion de faits importans qu'il offre péri6- diquement à fes Leéteurs, mérite l'accueil des Savans ; en conféquence, j'eftime qu'on peut en permertre l'impreflion., A Paris, ce 11 Oétobre 1779. YALMONT DE BOMARE. "4 Plan de ln Marnicre elposthion des Syueletes 2 TOUR" Lrofil de li Marmere J RL MES RTE er ù Las de Coulleux Re ur la ligne Zord ct Sud. RS once er 7 ne Oétobre 1779 : SÈRE res ee me he Pa commen eee es ee a —_——— GT JOURNAL DE PHYSIQUE. | NOVEMBRE 1779 ||. | FAN ie def ER En dE es Re ee Re EXTRAIT D'UN MÉMOIRE De M. GENSANNE , fur le Deffoufrement du Charbon-de-Terre & fur la confiruétion des Fourntaux propres a cette opération. +: Ce que de s’expofer à la dépenfe de la conftruétion de ces fortes de fourneaux , il eft bon d’être prévenu que toutes les efpèces de Charbon-de-rerre ne font pas propres à être réduites en coykes ou cin- ders : c'eft ainfi qu'en Angleterre on appelle les Charbons-de-terre ainfi préparés ; nous leur donnerons ici le nom de Charbons épurés. Le Charbon nerveux, c’eft-à-dire , qui fe trouve mêlé avec une efpèce de fchifte noir, plus ou moins parfemé de grains de pyrites, ne vaut abfolument rien pour ètre defloufré , parce qu'il donne un Charbon très-terreux , & plus nuifible encore que s’il n’avoit pas été épuré, Le Charbon jayec eft à peu-près dans le même cas ; il eft uni , com- pacte , d’un œil terne & life; il n’eft prefque compofé que de bitume defléché, & ne laille après fa calcination qu une verre morte qui n'eft plus d’aucun ufage. Il y à une autre efpèce de Charbon qu'on appelle Charbon léser, qui eft crès-beau à l'œil ; 3l eft fouvent orné de couleurs d'iris ou gorge de pigeon; celui-ci employé tour crud eft excellent pour les ufages domeftiques, parce qu'il Aambe très-bien , & rend peu d'odeur; mais étant épuré, il ne donne qu'un Charbon foible de peu de durée, qui fe réduit en cendres. Il n’y a donc, à proprement parler, que le Charbon qu'on appelle Charbon de Maréchal, ou qui eft propre pour les forges des Maréchaux, auquel on puifle faire fubir l'opération du uns avec fuccès. Il eft médiocrement dur , crès-luifant , quel- quefois à grains cubiques, & plus fouvent à petites lames légèrement arrondies. Quoique ce dernier Charbon foir, fans contredit, le meil- leur que nous ayions , il ne laifle pas que de renfermer, par intervalle, du nerf ou fchifte fouvent pyriteux, qu'il faut avoir grand foin de féparer du Charbon avant que de le mettre dans le fourneau d'épu- ration. Tome XIV, Part, IL, 1779. NOVEMBRE. Xx 333 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Nous ajouterons aux obfervations précédentes, qu'on doit toujours conftruire ces fortes de fourneaux dans le voifinage des mines de Char- bons qu'on fe propofe d’épurer, parce qu’ils perdent confidérablement de leur poids dans cette opération; ce qui diminue d’autant les frais de voiture, qu'il convient d’épargner autant qu'il eft pofüible : cela pofé; Sur un terrein près d’une mine de Charbon, formez une plate- forme de quatre toifes en quarré , dont vous applanirez le fol , que vous affermirez & mettrez bien de niveau en le battant & l’applanif- fant avec la barre ou la demoifelle. Sur le milieu de cette plate-forme , tracez un quatré, A,B, C, D { Fig. L.), dont les côtés foient de dix-huit pieds de longueur ; coupez les angles de ce quarré pour avoir un oétogône tel que la figure le repréfente, en donnant aux côtés M,E , fix pieds de longueur , & neuf pieds & demi aux grands côtés E, F. Dans l'intérieur de la ligne qui forme l’oétogône, creufez à un bon demi-pied de profondeur la fondation d’un mur de pourtour de quinze pouces d'éfsidhue, que vous éléverez à la hauteur de dix-huit pouces au-deflus du terrein, en obfervant de laiffer au milieu de chaque côté &c à fleur de terre, des trous ou ouvertures 4, b,c, 4, &c. de fix bons pouces en quarré ; cela fait, vous formerez diagonalement , d’une ou- verture à l'autre, des canaux ou rigoles a,e, b,f, &c. de fix pouces de largeur, & autant de profondeur; vous ferez ces rigoles à pierres sèches avec des pierres de grès ou des fchiftes un peu fortes, afin qu’el- les aient une bonne afife, & qu’elles ne fe dérangent pas facilement; vous les couvrirez enfuite avec de larges briques faites exprès, pla- cées à un pouce d'intervalle les unes des autres. Cela fait, ayez du gros fable que vous laverez bien , afin de lui ôter toute la terre, & vous en remplirez les intervalles N, N jufqu'à fleur du defflus des briques qui couvrent les rigoles , en uniffant bien le cout de niveau; au moyen de quoi, votre he fera préparé & prèc à fervir. Voici maintenant pourquoi il faut employer du gros fable lavé pour remplir les intervalles qui fe trouvent entre les rigoles, & pourquoi il faut du jour entre les briques qui les couvrent ; il eft bon d’être pré- venu , que l’art d'épurer & de defloufrer le Charbon-de-pierre pour le rendre propre à la fonte des mines, confifte à dégager ce foflile de deux fubftances également nuifibles dans ces fortes d'opérations , le foufre & le bitume , fans lui faire perdre fa qualité combuftible; & ce qu'il y a de fingulier , c’eft que le foufre,, quoique bien plus volatil que le birume , ne s’en fépare que lorfque la partie bitumineufe s’en eft dégagée ou qu'elle eft confumée par le feu ; ce n'eft qu'alors que ce Char- bon rend une vraie odeur de foufre. SUR L'HIST. NATURELLE .ET LES ARTS, 339 Dans le grand nombre d'expériences que nous avons faites pour parvenir à ce point de vue, par la méthode Angloife qui confifte à cuire le Charbon, à-peu-près comme on cuit celui du bois, ( c’eft aufli la plus commode & la plus expéditive) je me fuis apperçu que les couches fupérieures des tas fe crouvoient toujours incomparablement mieux épurées que les couches inférieures. Ces dernières, quelque précautions que je prifle , contenoient toujours un peu de bitume qui les rendoit mattes & bien plus pefantes que les premières ; j'imaginai d’abord de faire des rigoles dans la terre, pour que le bitume qui de- vient liquide dans le ee , pût s’écouler par-là ; mais je compris en même-tems que celui qui fe trouveroit éloigné de ces rigoles, n’auroit pas cette facilité ; d’un autre côté, je m'appercevois que ce qui con- tribuoit beaucoup à cet inconvénient, étoit que ces couches inférieu- res ne recevoient pas aflez d'air, & par conféquent , affez de feu pour que cette dépuration s’y fit exaétement. Cette remarque me fic prendre le parti de faire des rigoles par des rangées de pierres fur le cerrein, comme la Figure le fax voir, & de remplir les intervalles angulaires avec du gros gravier bien lavé , afin que le bitume ou huile de pétrole qui découle des Chatbons püt sy réfugier & refluer dans les rigoles, C'eft pour certe raifon que j'ai confeillé de ne pas joindre exaétement les briques qui couvrent ces rigoles , avec lefquelles, outre l'évacuation de la partie bitumineufe , cette conftruétion procure un autre avan- rage , c'elt celui de fournir tout l'air néceflaire pour entretenir le feu aux couches inférieures du tas de Charbon, & de régler le feu de la manière qu'on veut; car ces rigoles font des efpèces F regiftres pour porter de l'air où il eft néceflaire, & pour le fupprimer dans les endroits où il eft trop fort; il n'y a pour cela qu'à fermer en dehors du four- neau , les portes ou ouvertures des rigoles du côté où le feu eft trop fort, &,de les ouvrir du côté où il eft trop foible. Il eft maintenant connu de tout le Royaume , que ces fourneaux ont tout le faccès defiré entre les mains des perfonnes à qui nous en avons envoyé les plans & les inftruétions que nous venons de détailler; & afin de nous rendre plus intelligibles, nous avons tracé dans la deu- xième figure la coupe rranfverfale d’un de ces fourneaux fur la ligne G,C de la première figure ; enfin , la troifième figure repréfente un de ces fourneaux en feu. il s’agit maintenant d'expliquer de quelle ma- nière on doit conduire.le travail à l'égard du Charbon qu’on foumer à cette opération. Votre Charbon étant forti de la mine , concaflez-le de manière que les plus gros morceaux n'excèdent pas la grofleur du poing , & prenez fur-tout garde qu'il n’y ait du nerf: on donne ce nom à une pierre noire , grisâtre, ordinairement remplie de points brillans. Cerre pierre elt crès-commune dans les mines de Charbon-de-terre, & nuit NOVEMBRE. Xx1 349 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, beaucoup dans tous les emplois qu'on fait de ce foffile. A mefure que votre Charbon eft trié, arrangez les plus gros morceaux fur le fol de votre fourneau pour en former la première couche; vous arrangerez par-deflus les morceaux moyens, & vous conferverez le mème ordre pour les couches fupérieures : difpofez tout cela en forme de meule ou de demi-fphère applatie, de la hauteur environ de trois à quatre pieds, & dont les pourtours doivent fe terminer contre les murs des fourneaux , comme on voit à la figure troifième. En arrangeant votre ‘ harbon dans le fourneau pour en former le tas dont nous venons de parler, vous aurez foin de laiffer au centre un trou de fept à huir pouces fur toute la hauteur du tas, que vous remplirez à mefure avec de menus branchages de boïs fec ou autres matières combultibles ; c'eft en allumant.ces matières qu'on met le feu au fourneau, comme nous le dirons dans la fuite. Après avoir chargé votre fourneau à-peu-près de la manière que la fguie croifième Le repréfente , en fuivant l’ordre que nous venons de prefcrire pour la difpoftion des couches , vous égaliferez de votre mieux le tas fur toute fa furface ; enfuite , vous le couvrirez avec du poullier de Charbon dont on ne manque jamais, foit des débris des cuites précédentes, foir autour de la mine; .çar il eft indifférent que le pouñier foit du Charbon crud ou de celui qui a été cuit; le plus fin eft le ineilleur: vous ferez cette couverture d'environ deux doigts d épaiffeur ; elle fe trouve ordinairement un peu plus épaifle vers le bas du tas, ce qui n'eft pas un mal; vous calquerez légèrement cetre couverture avec le plat d'une pelle, pour que l’aétion du feu ne la dérange pas; 1l feroit même rrès-bien de mouiller ce frafier, & d’en faire une efpèce de mortier ; qu'il feroit beaucoup plus aifé d'appli quer & d’arranger fur le tas , ce qui en outre feroit une efpèce de croûte , en fe defléchant , quine fe dérange plus; il eft vrai que cette croûte forme un grand nombre de perites fentes; mais ces crevalles favorifent admirablement la fortie de la fumée, fans laïller échapper la famme, ce qui eft ellentiel. Cela fait, prenez une pelletée de braife ou de Charbon de bois allumé, & la jetez fur les menus branchages qui rempliffent le trou qui eft au centre de la meule, que vous aurez foin de ne pas couvrir de fra- fier. Dès que vous vous appercevrez que votre bois eft bien allumé , & qu'il forme de la flamme, vous couvrirez le trou avec un gros morceau de Charbon , qui laillera affez d'air pour que le bois continue de brûler. À mefure que le feu defcend en brülant le bois, ilallu- me le Charbon-de-terre qui lui eft contiou , & qui alors commence à brüler par le centre du fourneau, & s'étend peu-à-peu à l’entour fur toute {a hauteur. La première attention qu’il faut pour bien réuflir dans cetté opération, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3ar c'eft de bien prendre sa que le feu ne gagne pas plus d’un côté que de l'autre, & qu'il s'éloigne par-tout également du centre. 1 orfqu'on s'apperçoit qu'il gagne d'un côté plus que de l’autre , il faut fermer ou boucher la porte de la rigole du côté où le feu avance trop; ce qui ôte l'air de ce côté, & arrête Le progrès du feu. Si, pendant le travail, on Sapperçoic que le feu devient trop vio- lent dans toute l'étendue du tas, il faut boucher toutes les ouvertu- res des rigoles ; pour-lors, le fourneau n'ayant plus d'air, le feu dimi- nue en très-peu de tems. Pour cet effer, il faut que les portes des rigo- -les en dehors du fourneau, foient munies chacune de leur bouchon, qu'on ouvre ou qu'on ferme, fuivant que les circonftances np Une autre attention également importante , c’eft d’avoir le plus grand foin que la fumme ne forte pas au-deflus du tas ; & lorf- que cela arrive , il faut y jetter une pellerée de frafier ; mais lorfqw'il * fe forme quelques trous un peu confidérables , on peut les couvrir avec quelques tuileaux , où mieux encore avec du frafñier mouillé: car on peut être afluré que toutes les fois que la Hamme fe fait des iflues & - fort du tas, il fe confomme du Charbon qui fe réduit en cendres, ce qui forme un déchet. On reconnoît que le Charbon eft cuit & bien épuré aux marques fuivantes. Ce n'eft que vers la fin de l’opération que l’odeur du fou- fre fe fait fentir; jufques-là, le fourneau jette une fumée noire & épaile qui rend une forte odeur de bitume ou d’afphalte , qui dure jufqu'à ce que la partie bitumineufe foit confommée ; alors, la fumée devient bleuâtre & tranfparente, & l’odeur du foufre fuccède à celle d'af- phalte. À mefure que le foufre fe diffipe , la fumée diminue & devient blanche; & dès qu'il n’y a plus d’odeur de foufre, & que le tas ne rend prefque plus de famée , on peut conclure que le Charbon eft entièrement épuré & qu'on peut le retirer. On bouche alors tous les endroits par où il fume, avec du frafer, on ferme les portes des rigo- les , afin que le feu s’éreigne ; & au bout de fept à huit heures on le retire. H faut avoir pour cet effet des rateaux de fer à longues dents un peu recourbées. Ces outils font fort commodes pour cette opération ; 1l faut s’en fervir légèrement pour ne pas brifer les Charbons cuits, qui font alors cendres & friables. À mefure qu’on retire le Charbon “hors du fourneau, on l’érend fur Paire qui eft autour, où il s'éreint de lui-même en très-peu de tems; & lorfqu'il eft parfaitement refroidi, on le porte au magafn. Cette opération dure depuis trente-6x jufqu’à quarante heures de feu, & même plus, fuivant la qualité des Char- bons qu'on emploie. Deux hommes, un de jour & un de nuit, fufifeur pour conduire 342 OBSÉRVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & véiller au travail de trois fourneaux ; mais il en faut un troifième out leur aider à charger & décharger le fourneau , & pour préparer e frafier &c. On peut charger dans le fourneau , tel que celui que nous venons de décrire, cent foixante-dix à cent quatre-vingt quin- taux de Charbon crud, plus ou moins, fuivant la qualité de Charbon, & on retire foixante à foixante-dix quintaux de Charbon épuré. On a remarqué que ce foffile n’eft parfairement épuré, & propre à être uti- lement employé dans les travaux des forges à fer, que lorfqu'il a fubi cette diminution de poids. Mais ils’en faut de beaucoup qu'il perde autant de fon volume, car au frafier près, on en retire prefque autant de mefures étant cuit qu'on en avoit mis étant crud, & à la fonte , il foifonne beaucoup plus que le Charbon-de-bois. Telle eft la manière de deffoufrer & de préparer le Charbon-de-terre , pour le rendre pro- pre à être employé à différens ufages , auxquels il ne fauroit fervir fans cette dépuration. Nous avertirons ici que toutes les fois qu'on charge de nouveau le fourneau, il convient d'examiner fi les rigoles ne font point embarrafées, ce qui eft facile; car il ne s’agit pour cela que de lever quelques-unes des briques qui le couvrent. Il arrive auf quelquefois que le fable devient humide & huileux par le bitume qui y pénètre, il faut alors le changer. Si on faic bouillir dans de l'eau le fable qui a fervi, & qui eft impregné de bitume, on en retire, en écumant la furface de l’eau, une efpèce de goudron qui eft excellent pour graiffer les voitures ; mais il faut le rafiner auparavant; ce qui fe fait en le faifant bouillir à petit feu, jufqu'à ce que toute l’eau qu'il renferme foit évaporce , & qu'il prenne la confiftance d’une huile graffe. 4 On nous demandera peut-être pourquoi on n'avoit pas pu jufqu'ici parvenir à épurer affez le Charbon , pour l’employer avec faccès aux travaux des forges à fer, qui ont toujours été le but principal de ces recherches, puifque notre méthode différe très-peu de celle qu'on em- loie en Angleterre , où l’on cuit le Charbon à-peu-près comme celui de bois , & où cependant cette dépuration eft imparfaite; nous ré- pondrons à cela que la raifon en eft crès-fimple, & nous lavons déjà fait appercevoir. En faifant les meules de Charbon tout fimplement fur un cerrein uni, comme on a fait jufqu'ici, les couches inférieures ne peuvent point recevoir une chaleur affez forte pour en confumer la partie bitumineufe, & moins encore pour diffiper la partie fulfu- reufe ; car il eft de fair que le foufre ne s’en fépare qu'après que le bitume eft confuié. Cetre circonftance nous feroit en quelque.forre foupçonnet que la partie bitumineufe ne dépofe, fon acide nuque Jorfqu’elle eft entièrement atténuée par le feu, & qu'alors cet acide fe combinant avec la partie inflammable, forme le foufre, qui ne peut SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 34; point s'exhaler qu'après qu'il a été foriné; & cela paroît d'autant plus vraifemblable, qu'il ne faut qu'un léger degré de feu pour dégager le foufre des fubftances minérales qui le recèlenr. I réfulte de toutes ces réflexions, que tant qu'il y a du bitume dans les couches inférieures des tas qu'on forme fur le terrein, le foufre ne peut point s'en féparer, & que par cette méthode , on n'obrien- dra jamais du Charbon fuffifimment épuré. La chofe eft encore moins offible dans les vaiffeaux fermés, dont on fait ufage dans quelques endroits de l'Allemagne & en Ecofle, où l’on profite d’une partie du bitume & de l'huile que le Charbon renferme , parce que le feu n'y a jamais aflez d’intenfité pour confumer la totalité de la partie bitumi- neufe qui donne lieu à la formation du foufre; & ce neft qu'à la faveur ie rigoles que nous avons pratiquées au-deffous du fol de notre fourneau, quon peut porter de l'air dans tout le tas de Charbon qu'il renferme, & y maintenir un feu partout égal; & ce n’eft qu'en mé- nageant une retraite au bitume qui peut en découler dans le fable placé dans les inrervalles des rigoles , qu'on peut parvenir à épurer parfaitement ce foflile, & à le dépouiiler des fubftances qui nuifenc à la fonte des minéraux, BAPE RALE INC ES Sur la pouflière féminale des Plantes. Par S. Ch. E. de la Socièté des Amis Scrutateurs de la Nature, de Berlin: IL y à environ 22 ans qu'une differtation du Profefleur Reffners, in- férée dans les Mémoires de l’Académie de Hambourg, fur la pouf- fière féminale, m'avoir vivement touché , & dérerminé pour ainfi dire à me livrer particulièrement à ce genre d'étude ; je commençai mes expériences par deux fleurs de différente nature , connues fous le nom de ( jalappa mirabilis ); je les ai choifies préférablement à toute autre, parce qu’elles ont quelque chofe de particulier ; le foir on les voit s'ouvrir aufi-tôt que le foleil difparoïit & le lendemain elles fe referment aux premiers rayons de cet aftre ; en conféquence la pouf- fière féminale de ces plantes eft formée en très-peu de rems. On en diftingue de deux efpèces ; la grande, appellée ( rirabilis lon- giflora , ) qui répand une odeur fort agréable, fut jadis introduite dans nos jardins fous le nom de (jalappa mericana. ) Cette plante diffère 344 OBSERVATIONS SURLA PHYSIQUE, des belles-de-nuit ou mirabelles, ( ffos mirabilis ,) par fa tige de trois où quatre pieds de hauteur, par fes feuilles rapiflées de duvet, gluan- tées & d'un verd grisatre. . Je conçus l’idée de tranfporter la pouflière féminale d’une de ces fleurs fur une autre d’efpèce différente, efpérant en obtenir une graine qui l'année d'enfuite produiroir des mirabilis d'un genre nouveau. Comme ces plantes portent des fleurs qui jouiffent des propriétés des deux fexes, la petite efpèce me fournit de la graine mâle, & la grande de la graine femelle. Je fuivis cette expérience pendant plus de deux mois confécutifs avec la plus grande exactitude, & j'obtins infenfiblement quelques grains de femence qui étoient parvenus au point de maturité. Cette graine avoit beaucoup d'analogie avec celle de la grande efpèce. J'obfervai avec une attention rigoureufe le moment où le calice de la fleur alloit s'ouvrir, afin de ne perdre aucun grain; auffi, quand la fleur fut pañlée, je me trouvai en pofleflion d’une douzaine de grains recueillis fur chaque fleur; j'en difléquai un par curiofité & j'y remarquai d’une manière fenfible le germe de la plante déjà animé. Sur les onze grains que je femai de chaque plante, j'en vis lever cinq, & parmi ceux-ci j'en remarquai un principalement qui par fes feuilles, les nuances de fa couleur & fa grandeur , fembloit former l'efpèce mitoyenne que je cherchois à produire, Mais les autres fem- bloient s'éloigner un peu de l’efpèce de la plante générative. De toutes ces plantes une feule parvint à la forme naturelle. Elle portoit le caractère d’une origine mélangée. Elle étroit plus grande, mais moins couverte de feuilles que les mirabilis de la petite efpèce; plus l' & plus chargée de branches que celles de la grande efpèce. Les feuilles & la tige étoient couvertes d’un peu de duvet, & la cou- leur approchoit affez d'un vert brun reluifant. Pendant la croiffance, les feuilles de cette plante partageoïent les attributs des plantes des deux efpèces. La queue de ces fleurs avoit trois fois moins d'élévation, que celle des grandes mérabilis ; elles étoient couleur de pourpre, mais pour la faveur & l'étendue de l’ouverture , elles avoient beaucoup d’analogie avec les petites rrirabilis. Non content de cette expérience, j'en tentai une nouvelle : je tranfportai fur cette plante hybride la poufière féminale de l’efpèce , qui l’année d'auparavant, m'avoit procuré la graine mâle. Mais je ne pourfuivis point certe tentative avec affez de précautions , je ne fis que répandre cette poufhière féminale fur différentes fleurs fans enlever le calice. L'été far très-humide & j'obtins très-peu de graine en maturité, Cependant parmi toutes les leurs produites par cette nouvelle graine, j'en remarquai l'année d’enfuite d'une efpèce encore toute différente des autres ; néanmoins je n’oferois allurer que cette nouvelle produc- tion 4 | ; . SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ‘545 tion foit un effet de ma dernière combinaifon de graine, parce que le fait ne me paroït pas bien conftaté, Quoi qu'il en foit, quelqu’une de ces fleurs avoient des feuilles très-petites , les autres au contraires extraordinairement grandes , la tige des unes étroit fi petite , qu’on pou- voit à peine la diftinguer d'une manière fenfible , mais leur ouverture étoit fort grande; & les autres vice versé, avoient la tige très-longne, & l'ouverture aflez étroite. De toutes ces plantes, il s’en trouva une qui excita particulièrement ma curiofité ; le calice & les feuilles étoient lus jaunes que verts ; elle portoit des fleurs d’un jaune de fou- Ée & le feul grain de femence que je pus en retirer , étoit long, cylindrique & de couleur jaurâtre. J'en apperçus enfuite une autre , dont la fleur par fa forme & fa grandeur , reflembloit aux fleurs connues fous le nom de ( guamuliripomea ). J'eus le défagrément de ne pouvoir obtenir aucune graine de ces dif- férentes plantes; & même l’efpèce ordinaire ne m'en fournit que très-peu , fans doute parce que l'Eté & l’Automne avoient été extrè- mement pluvieux. C'eft à cette époque que je dois rappeller la perte de mes plantes hibrides; parce que je n’avois pas pris la précaution de les couvrir de fumier, & qu'ayant donné au Jardinier une partie de la graine, 1l la fema dans un herbage, où les plantes qui commen- çoient à fortir de terre, furent étouffées par les herbes; & s’il en étoic reftées quelques unes , il n’en retira point de graine, Telle eft l’hiftoire de mes expériences fur la pouflière féminale , & la nouvelle efpèce de plantes à qui j'ai donné pour ainfi dire l’exif- tence. Ces obfervations furent très-bien accueillies, dans le rems, des plus habiles Botaniftes. Notre célèbre Profeffeur Gledatfch me fit à certe occafion un compliment très-flatreur, & entreprit peu de rems après des expériences fur le mème objet, qui réuflirent parfairement, M. l'Abbé Rudolphi', Prédicateur dans cette Ville , décédé depuis peu, & très-expérimenté en Botanique, accompagné d’un Naturahite d'un rare mérite, m'a fait fouvent l'honneur de venir me voir, pour connoître exactement le réfultat de mes expériences. Quant à moi, je fus très-fatisfait de l'effet que produifit le mélange de ces deux graines différentes ; je ne regrette qu'une feule chofe , c’eft de ne pouvoir montrer à préfent qu'un échantillon defféché des nouvelles wirabilis, KE Tome XIV, Pare. IT, 1779. NOVEMBRE. Yy 346 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, DORE ARC LEA TES PRE RETRO RR PET ESP EEL MRP NET EP LT a TN ARR SNRE APS SIRET DE TNT ST RP PRE De M. DE MORVEAU, aux Auteurs de ce Recueil ; Sur un Phénomène qui intéreffe l'Art de la Verrerie € la théorie de Le Vicrification , & [ur le peu d'aition de l’atide phofphorique fur Les terres , comme fondant vitreux. Nec ; l'obfervation que je crois devoir vous communiquer a éré faire au laboratoire de l’Académie de Dijon, 1! y a environ trois mois. On avoir diftribué dans des bouteilles ordinaires le refte d’un grand facon d'acide vitriolique, connu dans le commerce fous le nom d’huile de yisriol, qui venoit des Fabriques de Rouen ; on vit avec furprife quel- ques jours après que la furface extérieure de quelques-unes de ces boutailles étroit couverte d’une matière blanche brillante, cela donna lieu detes examiner ; on reconnut bientôt qu’elles éroient percées en plufeurs endroits , & on fe häta de tranfvafer la liqueur dans d’autres vailleaux. Indépendamment de la metière blanche qui fe trouvoit au-dehors des bouteiiles, nous remarquâmes encore dans l'intérieur une quan- tité de petits cônes courts, très-téouliers & folides , formés de la mè- me fubitance, les uns ifolés, les autres groupés & ferrés de manière À empiéter réciproquement fur leur bafe; d'autres enfin rangés en fuites, comme des grains de chapelet; tous étoient très-adhérens par leur bafe, & cerce bafe plus ou moins convexe, fuivant que le verre avoit été entamé plus ou moins profondément; quelquefois même le verre étroit percé d'un petit trou au centre de la partie ‘rongée , & céruit par ces trous qu'avoit pallé l'acide qui avoit de même corrodé en différens points la furface extérieure , y laïflant feulement un enduit irréculier & qui n'avoit nulle reflemblance pour la forme avec les cônes de l'intérieur. Après avoir été témoin de ce fait, vous jugerez aifément, Meflieurs, ce que j'ai dû penfer de la brillante hyporhèle par laquelle on a cher- ché à expliquer le mème phénomène dans la correfpondance minéra- logique de deux Docteurs ; ( Tom. I. pag. 207.) comme on avoit mis en même-tems dans la bouteille qui a donné lieu à leur obfervation du bleu de Pruffe avec l'acide , il falloit bien qu'il jouat un rôle dans (SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS 34 l'explication , & ce rôle eft devenu le principal , graces à la facilité que prètoic cette fubftance à ramener fur la fcène l'acide phofphorique : ainfi , fuivant la nouvelle dottine » l'acide vitriolique à dû fournir » affez de phlogiftique à l'acide phofphorique du bleu de Pruffe pour » en dégager cet acide à l'état d'acide phofphorique volatil famant, » qui a non-feulement corrodé le verre & produit par cette corrofon » les perits cônes blanchâtres mais encore modifié la terre abforbante » de Pallcati qui lui fervoir de baie, au point de lui donner les pro- #» priétés de la terre abforbante aluminenfe «. Tout cela paroifloit fi naturel , fondé fur des rapports fi évidens, fur une analogie fi fublime, que j'ai véritablement regret à vous annoncer que nous avons eu les mèmes effets fans employer de bleu de Pruffe , & par confequent , fans l'intervention de ce merveilleux agent auquel on a donné le nom d'acide phofphorique ; je ne m’y détermine que parce que le fujer intérefle un art utile, & que c’eft rendre fervice à ceux qui l’exercent, que de les mettre en garde contre des fyftèmes qui ne pourroient que les égarer. Il y a long-tems que l’on a reconnu que certains verres fe lailfoient attaquer par les acides ; Boyle rapporte qu'ayant confervé de l'efprir de fl dans une bouteille, il corroda le verre jufqu'à le rendre auffi mince que du papier, & qu'il fe forma aux endroits altérés une croûte faline épaille (1); on trouve dans le Recueil des Mémoires de l'Académie Royale des Sciences pour les années 1:24 & 172-, des expériences de M M. Geoffroy le Cader & Dufay, fur les matières qui entroient dans la compofition de quelques efpèces de verre , & qui le rendoient fufceptible d’être attaqué , même à froid, par les acides; enfin il neft que trop ordinaire de trouver encore aujourd’hui dans le commerce, des bouteilles de mauvaife qualité qui sâtent le vin en très-pen de tems, en donnant prife à fon acide : c'eft ce qui engagea M. Maret à publier dans les Affiches de Bourocgne , du 9 Mars der- nier, un procédé à la portée de tout le monde , pour s’aflurer de la qualité des bouteilles, & ce procédé confifte tout fimplemenct à les _mettre à l'épreuve de l’aétion des acides , & notamment de l'acide vitriolique affoibli qui rend l'effet plus prompt & plus fenfible. Il importe donc de ne pas laifler croire aux Verriers qu’il n’y ait réellement que l'acide phofphorique qui puille attaquer Le verre, quelle qu'en foit la compofition & la fabrication; & puifque le phénomène dont il s'agit me conduit à leur indiquer des principes plus vrais, plus généralement avoués , je ne puis me difpenfer de les prévenir (1) De corporum folidorum porofitare ch. 3. 17797 NOVEMBRE. NUYEZ ‘848 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, encore contre deux points de théorie enfeignés par les mêmes Doc- teurs, l’un que l'acide phofphorique contient le vrai & feul principe de la vitrification , l’autre que le verre devient attaquable par les aci- des lorfqu'il a éprouvé une trop longue cuilfon. 1% Il feroit poflible que l'acide phofphorique pur fût un très-bon diffolvant des terres par la voie sèche, fans qu'il en réfulrât feulement une probabilité que cer acide eft le principe unique de la vitrification , foit par lui-même, foit par fa difpofition à pafler à l'érar d'acide phof- phorique, comme le difent nos Auteurs; mais ce qu'il y a ici de bien remarquable, c'eft que ce même acide qui expofé au feu y refte fixe fous la forme d'une mafle vitreufe, n’eft pas même en état de vitrifier partie égale à fon poids de terre quartzeufe ; c’eft une expérience qui a été faite publiquement au dernier Cours de l'Académie de Dijon; l'acide dont je me fervis avoit été retiré du phofphore par déliquef- cence.; je l'avois réduit par une forte évaporation à une confiftance sèche & prefque folide , je le mêlai en cet érat avec le fable , il fuc expofé dans un creufer pendant deux heures au feu le plus violent du fourneau de M. Macquer, & cependant il ne fut pas fondu ; on ne trouva qu'une malle blanche, poreufe, opaque & tellement réfractaire, que partie du creufet qui avoit coulé deflus par la violence du feu, en un verte bien fondu de couleur verte, n'avoit pu par fon contact déterminer la fufon, : Je ne m'arrêterai pas à vous faire remarquer que l'acide phofpho- rique ne peut paller à l’état de phofphorique iemé, fans perdre fa fixité; que dès-lors il ne peut être après certe combinaifon le principe de la vitrification ; il y auroit bien d’autres chofes à dire fur ce nouveau fyftème ; l'obfervation que je viens de rapporter me paroït fufhfante pour défabufer ceux qui voudront mertre un peu d'accord entre les faits & les raifonnemens, & les ramener à une théorie moins conjecturale & plus fimple, fuivant laquelle, c’eft le feu lui mème, c'eft-à-dire la chaleur actuelle qui fans le fecours d'aucun acide’, d'aucun autre fluide, eft le principal diffolvant dans toutes les vitrifications ; qui vitrifieroït tout s'il pouvoir être affez concentré; qui agit plus où moins fur les différentes fubftances fuivant leurs affinités, d'où vient que nous appel- lons les unes fufbles , les autres réfraétaires ; que nous employons les premières comme fondants des dernières, où que nous modifions leurs. propriétés par des mélanges. à 2°. On avoit penfe jufqu'à préfent que le verre de meilleure qua- té, fur-tout pour réfifter aux acides, éroir celui auquel on avoit fait éprouver une plus longue cuiffon, parce qu'il y reftoit d'autant moins de matières fondantes & que c’étoit par la volatilifation de ces mè- mes matières qu'il acquéroit enfin une forte d'opacité ; feroiril donc vrai qu'il fallut abandonner ces principes & recommander aujourd’hui # L SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 349 aux Fabricans une pratique dont nous leur faifions reproche, & à la- quelle l'économie du tems & du bois fembloir déjà les rendre trop enclins ? doit-on craindre en un mot, comme l'aflurent les Auteurs _du nouveau fyftème, que l'alkali qui fert de bafe au verre fe décom- pofe par une trop longue cuiflon, palle à l’état de terre abforbante & devienne ainfi atraquable par les acides? L'expérience fuivante va ré- foudre certe queftion trop importante pour Ë laiffer plus long-tems problématique. Jai mis dans un creufet deux onces du verre de la même bouteil- le qui avoit produit les cônes précédemment décrits, je l'ai cena pen- dant trois heures au plus grand feu de vitrification ; la matière après cette opération n’a plus été attaquée, ni à froid , mi à chaud par les acides, pas même par l'acide vitriolique, foit concentré, foie déhyé, & quoiqu'elle y foit reftée plufeurs jours de fuite. 3°. Mais fi l'acide phofphorique n’a aucune part à notre phénomène, fi ce n'eft pas l'excès de cuiflon qui peut rendre le verre attaquable par les acides, il n’eft pas moins important d’en rechercher la vraie caufe , puifqw’elle feule peut indiquer les moyens de corriger un défaut aufli eflenriel dans la fabrication. £ MM. Geoffroy lé Cadet & Dufay fe font fpécialement occu- pés de cer objec dans les Mémoires que j'ai déjà eu occafion de citer ; mais ils ne me paroillent pas avoir indiqué les véritables caufes im- médiates de cette imperfection. Le premier croit qu’elle vient d'un principe alumineux, ceft-à-dire, fuivant lui, d’une efpèce de terre particulière qui abonde dans le fable & dans les cendres dont on fair ces mauvais verres; il fe fonde fur ce que fes expériences par l'acide du vitriol lui ont donné des cryftaux d'alun, & qui efl difficile de reproduire ce fel que de fa propre terre. Le fecond attribue cette mauvaife qualité exclufivement à la nature des cendres de leflive & de celles de vieux bois, gui peuvent avoir perdu la partie de leurs [els ls plus propres à rendre le verre d'une tif- fure plus forte , plus folide & plus difficile à être pénétrée par les acides ; à la différence des cendres de branches vertes qui lui ont toujours donné un bon verre par tous les mélanges dans lefquels il les avoit fait : à . entrer, en une certaine proportion. Je ne m'arrêterai pas à relever ce qui à pu induire en erreur ces Phÿficiens, ni les faits & les principes qui leur nt manqué pour don- per une folution plus générale & plus sûre de ce problème ; on le comprendra aifémenc par l’expoñtion que je vais donner des véritables caufes immédiates de la folubilité du verre par les acides. Dans les Fabriques de verre commun & fur-tout du verre de bou- teilles,:ce fone les cendres de leflives qui fervent de fondant, non que ces cendres aient plus de vertu que les cendres neuves, comme fe le 3;jo OBSERVATIONS S'URILANPHMSTOUE) perfuadent quelques ouvriers qui n'ont appris leur art que par routine ; & qui les jugent préférables , parce u’ils n’en ont jamais employé d’au- tres, mais en effet parce qu'elles coûtent moins , foit qu'on en ait re< tiré le falin pour les Manufactures de verre fin, foit qu'elles aient fervi aux lellives domeltiques. Elles portent en plufeurs endroits le nom de Charrée. Le fable vicrifiable étant plus ou moins dur à'fondre fuivant qu'il eft plus pur à plus compacte , les proportions des fondans varient nécef- fairement; fuivant M. Dufay , on employoit dans les Verreries du Nivernois dont on lui avoit fourni les matières, fepr onces de cendres de leflives féchées aux arches du four, une once de cendres du mème four à défaut de cendresneuves, & dix gros de fable fec. Demandera-t-on aujourd'hui pourquoi le verre formé d’un pareil mélange fe laiffe attaquer par les acides ? La réponfe eft facile; 1°. tous les corps participent néceflairement des propriétés des matières qui les compofent , mais fur-tout de la pps de la fubftance qui y domi- ne; on ena un exemple familier dans l'alliage de l'or & de l'argent qui devient foluble ou infoluble par l'eau -forte fuivant les pro- portions ; & il n’y a pas de doute qu'il n'en foit de mème de toute compofirion vitreufe; cela eft prouvé non-feulement par l'expérience de la liqueur des cailloux ; mais encore parce que fuivant l’obferva- tion de M.Cader, le verre le plus dur, le moins falin réduit en poudre impalpable eft décompofé par les acides minéraux. 2°, On fait préfentemenr que le terre calcaire exifte abondamment dans les cendres ; pour en déterminer précifément la quantité , j'ai verfé de l'eau forte jufqu’à faturation fur quatre onces de cendres dont j'avois d'abord retiré tous les fels par lixiviation ; la liqueur filtrée , il n'eft refté qu'un gros dix-fept grains de terre infoluble, & ayant ajouté dans la diffolution de lice vitriolique , jufqu'à ce qu'il noccañonnât plus de précipité, j'ai eu quatre onces quatre gros cinquante-un grains de belle félénite, indépendamment de la terre de magnéfie qui ef demeurée difloute dans l'acide vitriolique, & qui n’a donné fon fel que par une forte évaporation. Ainf, dans la compofition dont parle M. Dufay , la terre calcaire éroit dans une proportion plus que fextuple de la quan- tité de la terre vitrifable. 3°. La terre calcaire en paffant à l’état de verre ne perd pas les carac- tères qui lui font propres, comme je l'ai établi (Tom. 2. pag: 58 & fuiv. de Elémens de Chymie de l’Académie de Dijon.), & comme le prouveroit au befoin le fait mème que j'examine. Après cela, on ne trouvera fans doute plus rien d'étonnant dans la formation d'une matière faline terreufe, très-peu foluble dans une bouteille de verre ainfi préparée; & on ne fera pas tenté de recourir A à des fappoñitions peur - être ingénieufes , mais très-gratuites ; pOur a + L SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 351 expliquer un fait abfolument concordant avec les principes les plus fa- muliers. En même-tems que les acides attaquent la terre calcaire de ces for- tes de verre, il s'en fépare néceflairement une portion de terre quart- zeufe qui eft très-atténuée & difpofée à former de l’alun tout de mè- me que le cryftal qui a fubi l'opération de la liqueur des cailloux ; il eft donc tout fimple que nos petits cônes foient formés en partie de ce fel. Quand la terre alumineufe fe trouve dans des proportions plus confidérables , alors au lieu d’une cryftallifation auf prompte , aufle folide & prefque pierreufe , on a feulement une diflolution mucilagi- neufe, ainfi que l'ont obfervé MM. Geoffroy & Dufay dans leurs Eflais , par la raifon qu'ils ne foupçonnoient pas encore que les compofés mème artificiels de ces deux terres ont la propriété de don- ner une gelée dans les acides, jufqu'à ce qu'ils aient été fuffifamment délayés pour que la réfiftance des frottemens ne faffe plus obftacle à la féparation de la partie rerreufe, difléminée & non difloute. Pour acquérir plus de certitude fur la vérité de cette explication , j'at fait digérer -dans l'eau-forte un fragment du verre de la même bouteille qui avoir fourni les petits cônes falins ; il s'eft couvert d’une croûte légère, blanche & comme nacrée ; demi-once du même verre pulvérifé a perdu dans cette digeftion 70 grains, la liqueur filtrée a donné par * Paddition de l'alkali un précipité abondant, & l'acide vitriolique en à précipité de la vraie félénite. Concluons donc que bien-loin d’effrayer les Fabricans fur les efféts de la trop grande cuiffon du verre, il faut les avertir de fe défier de ces Cohebions qui ne leur donnent les moyens d’abréger la durée de l'opération du fourneau , que par un excès de fondans terreux qui en altèrent la qualité, & que quand ils ont fait des effais de différen- tes frittes pour concilier ces divers objets d'économie , il eft autant de leur intérêt que de leur devoir, de foumettre au moins le verre qui en réfulre à l'épreuve de l’action des acides, avanr que de le mettre dans le commerce, Je fuis, &c. 3;2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, PE OBSERVATIONS Faites à Narbonne pour connoître la diminution de la chaleur du Soleil pendant fon Eclipfe du 14 Juin 1779. Par M. DE MARCORELLE , Baron d'Eftale, Correfpondant de l’Académie. e ur connoître la diminution de la chaleur du foleil pendant fon éclipfe du 14 Juin 1779, je plaçai ce jour-là, ainfi que les jours pré- cédens & les jours fuivans, à un poteau expofé en plein air, & à la furface de ce poteau qui éroit éclairée des rayons du foleil, depuis fon lever jufqu'à midi , un, Thermomètre à mercure, gradué felon la mé- thode de M. de Réaumur ; j'obfervai de quart-d’heure en quart-d’heure , chacun de ces jours, ce Thermomètre qui étoit à dix-neuf pieds au- deffas de terre & qui recevoit les rayons directs du foleil, fans en recevoir aucun des réfléchis. Je fis, avec M. Adanfon, de l’Académie Royale des Sciences de Paris , qui étoit chez moi , ces obfervations pendant plufieurs jours, afin d'en rencontrer au moins un dont la température pût être regardée comme la température naturelle du jour de l'éclipfe, fi elle mavoit pas eu lieu. Les variations -de l’atmofphère caufées par un orage qu'il firle ro Juin vers les crois heures un quart du foir, pendant lequel le tonnerre gronda crois fois & aflez fort , me firent craindre de ne pouvoir pas faire cette comparaifon Cependant, il me paroît qu'on peut comparer Les obfervations du 14 Juin , jour de l'éclipfe , avec celles du lendemain 15: en effet, la rempérature de ces deux jours a été à-peu-près la même, le mercure dans le Ther- momètre a prefque fuivi la même marche ; 1l s’eft élevé au même point dans le Baromètre , le vent de nord-oueft à foufflé avec la même force & le Ciel a été par inrervalles également couvert de nuages. Auf n'expoferai-je ici que le tableau des obfervarions de ces deux jours, où l’on verra les progrès de l'afcenfion & de l’abaiflement du mercure dans le Thermomètre ; il feroit fuperflu de rapporter les autres. Obfervatians SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 35; Obfervations du 1$ Juin Obférvations du 14 Juin, jour de l'Eclipfe du Soleil, : 1779. Heures pese Etat Heures Degrès Etat & u du D & du du Minutes. | Thermomèt, Cicl. Mioutes. ,| Thermomet. Ciel. A GH.....|13 Degrés..|Soleil st] AGE ete à 12 Degrés +. | Couvert. . A6 ..15 M:|r415 . 1.7, Couvert. !, . Aiéanss3 0 thyhad 58 00 Soleil:foible. || A 6.30. .114 . . . . .| Soleil foible. Couverr NAGER SO TEA. 20 AG AT A TAL SE cf. - LADA le TÉCNCLAELS Soleil foible, || A7. ....116 . . . . ,| Soleil foible. Soleil. . . . VrHboreot Ag NOEL A pig e|221. ets! Soleil 7. 1 A7 .s45.|22 + . «2 Soleil . :,, ANRPRA NE MILLT ce à «| Soleil . . sr Ent. |Solcil er 3 | Nuage. . .. ASH O.L az re ete sel Solcili ess. SOI er. | Soleil . . . | Soleil . ... . Nüage Ste 2, | Soleil . . . Couvert . . soso. 24 . «se 7 [SOU , sos Does eg se. A 7e. 15. “a AE ENT . | Aro. sa } L'infpection de ce tableau fait voir que les variations de la chaleur le:14, ontifuivi les progrès de l’éclipfe, & que vers les huit heures, tems à,peu-près de la plus grande phafe & où la diminution de la chaleur à été la plus forte , le Thermomètre a été d’un degré & demi plus bas que le 15 , à la même heure , qui eft le jour le plus voifin de celui de l'éclipfe qui puifle lui être comparé ; enforte que la feule occulration d'un doigt 17 minutes du foleil, diminue la chaleur de cet aftre par rapport à nous d'un degré & demi. Tome XIV, Part. II. 17794 NOVEMBRE, Zz 334 OBSERVATIONS SUR LA PAYSIQUE, La diminution de la chaleur du foleil pendant fon éclipfe du 25 Juillet 1748, dont la grandeur étroit de 7. doigts, fut felon le Thermo: mètre de Réaumur de 8 degrés à, & felon le Thermomètre de Lyon de 7 degrés ; celle occafonnée par l'éclipfe du 8 Janvier 1750 , grande de 7 doigts 35 minutes, de 4 degrés fuivant le Thermomètre de Réau- mur, & de $ degrés fuivant le Thermomètre de Lyon; celle pro- duite par l’éclipfe du 24 Juin 1778, de 6 doigts 20 minutes, de $ degrés felon le Thermomètre de Réaumur , & la diminution de la chaleur du foleil caufée par l'éclipfe du 14 Juin 1779, a été d'un degré & demi felon le mème Thermomètre : au moyen de fembla- bles obfervations, on pourra déterminer d'une manière précife la dimi- nution de la chaleur du foleil caufée par fes éclipfes, & de coinbien de degrés eft cette diminution pour chaque doiot éclipfé de cet aftre ; mais pour cela il eft néceffaire d’en avoir un plus grand nombre, parce qu'alôrs on aufa un plus grand nombre de rapports & les réfalrats fe- ront plus sûrs. L'air fe refroidir après l'éclipfe du foleil du 14 Juin, & le foir il tomba une petite pluie; mais le froid fur plus fenfible les 16 , 17 & 18 du même mois; pendant ces jours le mercure du Thermomètre étoit au lever du foleil à 11 degrés! au-deflus de la glace, & à 2 heu- res après midi au 19 degré au-deflus du mème rerme. Le vent de nord oueft fouffloit avec violence. Comme il pafloit fur les montagnes des Pyrénées chargées de neige & qu'il pénétroit aifément les corps ; il œufoit une impreflion aflez défagréable ; pour s’en garantir on fur obligé d'allumer du feu dans les appartémens. de OBSERVA TIONS fur Le Baromètre. Le 14 Juin; jour de l’éclipfe, le mercure du Baromètre éprouva quel- ques variations. Le matin Al étoit à 27 pouces 11 lignes par ut vent de nord-oueft. À .7-heures À. rems auquel commença l'éclipfe. il séleva de demi-ligne & fut à 27 pouces 11 lignes & demie; le vent de nord- ouelt continoit à fouffler , mais avec plus de force ; le mercure fut fta- tionnaire .&refta au-même point pendant la durée de l’'éclipfe & juf- qu'à 9 heures qu'elle finit; alors , il defcendir & revint au degré où il étoit le matin , à 27 pouces 11 lignes par un vent de nord-oueft très- violent, Le lendemain de l'éclipfe 15 Juin , le mercure du Baromètre - defcendit à 27 pouces 10 lignes, & le furlendemain 16 , il monta à 18 pre une ligne. Le vent de nord-oueft continua de fouffler ces jours: à avec la plus grande violence. 11 évoit fi fort & fi impétueux qu'il éleva de dellus terte M. Adanfon, herbonifant le foir far la petite mon tagne d’Alpéch de’ Agnéle, voïfine de la Ville de Narbonne, dd SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 35; SÆCONN DEF EE FT'R E À Madame de V * **, où Mémoire fur la nature de la Lumière & de fes effets, fur la décoloration des furfaces colorées expolées à fon action, & fur l’ériolement des Plantes ; Par M. JEAN SENEBIER , Bibliothécaire d: la République de Genève & Membre de la Société Hollarndoife des Sciences de Haerlem. Ages avoir erré, Madame, au milieu des probabilités & des vraifemblances pour foupçonner , avec plus ou moins de fondement, fi la lumière éroit l'effet de la preflion du foleil fur un fluide élaftique , ou fi elle étoic produite par l’émiflion de quelques corpufcules lancés hors du foleil, je viens vous faire part de quelques expériences & de quelques idées fur la lumière ,: propres à faite deviner la forme des corpufcules lumineux, & peut-être leur nature; les recherches que vous faites m'ont engagé à vous communiquer les miennes avec celles que je projerre; vous m'éclairerez peut -èrre de vos confeils, vous corrigez mes erreurs , vous me dirigerez dans mes nouveaux efforts, au cas que mon travail foit entièrement inutile au vôtre , & vous rom- prez peut-être cer anonyme nuifible à votre réputation , &:pénible pour ceux qui voudroienc profiter comme moi plus particulièrement de vos connoiflances. $ 1. Confidérations générales fur quelques proprictés des Corpufèules - Jxmineux. + Quand on médite fur les phénomènes des rayons de lumière rcflé- chis & refractés, on eft plufque forcé de conclure que les corpufcules lumineux: doivent être fphériques. L'expérience apprend qu’une fphère à reffort parfait fe, réfléchit tou- jobrs de deflus un plan inébranlable, fous un angle égal à celui dé fon incidence; ainfi , comme il n’y a qué les corps fphériques qui puiflent fe réfléchir umiformément par un angle égal à celui d'incidence, quelle que foir leur pofition , & la direétion de leur mouvement à la ren- contre du plan, il en réfulre clairement que rout corps dont la réflec- tion donne conftaminient un angle égal à celui d'incidence, doit être fphérique, & comme la lumière a éminemment cette propriété, c'eft 1779 NOVEMBRE. Zz2 356 OBSERVATIONS. SUR LA/PHYSIQUE, avec raifon que M. de Mairan conclucit que la lumière devoit être com- “pofée de corpufcules fphériques. Fr +9} M. d'Alembert fournit des conclufions femblables dans fon traité profond & füblime fur les fluides; 3l y prouve que tout corps ne doit pas fe rompre en s'approchant de la perpendiculaire dans les mi- lieux qui lui réfiftent mains. & réciproquement ; parce que la réfraction ‘d’un corps dépend de fa figure & de la direétion dans laquelle 1l entre dans ce milieus fi un corps fphérique entre obliquement d’un milieu dans un autre , il fe rompt toujouts en s’approchant ouséloignant plus ou moins de la perpendiculaire, fuivant que le milieu où 1l entre eft plus ou moins réfiitant que celui d'où il vient; mais tous les corps n'obfervent pas cette loi: un corps qui auroit la figure d’un parallélo- gramme rectangle, & qui frapperoit la furface du nouveau milieu dans la direction de fes diagonales , tandis que fon autre diagonale feroit parallèle à la furface du nouveau milieu, ce corps ne fouffriroit'alors dans fon palage aucune réfraction, quoiqu'il entrat obliquement dans le milieu, & il fe romproit en s’approchant ou en s'éloignant de la perpendiculaire, felon que la direction feroit en deçà ou en delà de fa digonale , foit que le milieu fût plus denfe au plus rare que celni d’où il vient ; mais comme-la lumière fe rompt toujours dans ces circon£ rances , il faut en conclure que les corpufcules qui la compofent font fphériques. Les corpufcules lamineux doivent être fouverainement élaftiques , puifqu'ils fe réfléchiffent avec la plus grande facilité & que leur angle d'incidence eft toujours égal à celui de réfleétion. Ils doivent être-extrèmement ténus & fubrils, puifqu'ils paffent & repalent, facilement au travers des corps les plus durs comme le diamant. ; Ils peuvent être fort éloignés les uns des autres, puifqu'ils doivent néceffairement fe croifer ,.& qu'ils ne fe dérangent point en fe croifant; on obferve dans une chambre obfcure les rayons qui partent de tous les objets d’un grand payfage, paller fans confufion au travers d’un trou fait par une épingle. 1e $. 2. Plan de ce Mémoire: première Recherche fur la nature de la Lumière, Avant d'aller plus loin, il me paroîc convenable de comparer des effets femblables produits par des caufes en apparence très-différentes!, & de rechercher tous les faits qui peuvent avoir quelque relation avec ceux que la lumière préfente; nous ferons peut-être conduits par cetre voie à des réfulrats importants : je crois.cette manière de confulrer la nature infiniment utile; lés expériences découvrent les effers, leurs rapports dévoilent quelquefois les caufes. : SUR) L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 1357 ::Qni ne peur s’enipêcher. de: remarquer bieritôt en traitant ce fujen, que lé-Fex;cla Lumiere; V'Ele&riciré -& le Phlagiflique qui font des êtres ærès-diftinéts ; produifenc cependant: des effets rrès-analogues 8 très- propres pat conféquent à faire foupçonner des rapports: bien fondés; E Pour éviter route équivoque, je dirai que j'entends par: lé Feu celui -qui‘-frappe nos-fens 1dansles:corps embrafés , & qui échauffe tout ce -qui l'éntoure ÿ la Lumière me repréfente l’effer produir par la préfence du foleil:-pour diffiper les! ténèbres. L’Æ/éfricité me rappelle :les, phé- nomènes qui nailfent-du frottement d'un corps vitreux , quand on en Æoutire', par le moyen d’un conduéteur ; la matière qui fe manifefte alors par des érincelles. Le Ph/osiffique fera feulement pour nous dans ee one) bois ass ouib 9e lto y; . Nous eroyons donc .qu'on peur.condlure; 19, queile feu.&-la lumière ue fonçipas des êtres idensiques pa qu'ils ont des qualités fi diffés FENTESe SUR LHISTONATURELLE ETLES ARTS. 361 rentes: 2°. que le feu eft une fubftance plus fubile que la lumière , puif= qu'il pénètre rous les corps qui lui font imperméables , qu'il eft indi- vifble ,; tendant à l'équilibre, ayÿant des affinités avec tous & s'infi- nüant, dans tous: 3°. que le feu peut être un élément de la lumière, qu'il s’unit alors à une bafe qui diminue fa fubrilité ; la Aamme ne aroît ‘dans les corps brülans , que lorfque les parties huileufes fe vo- Life, & s’uniflent alors à l'élément du feu. La lumière accumulée dans le foyer du miroir ardent, n’y devient brülante que parce que fes rayons ferrés y éprouvent un frottement qui les fépare de leur bafe enchaïnancé & qui laifle au feu toute fon action ; ou bien ces corpuf- cules lumineux rapprochés agiflent les uns fur les autres en vertu de Icurs, affinités, & les parties ignéés dégagées de leur bafe, rendent avec force À s'unir entr'elles; cela mé paroît d'autant plus probable, que le foyer où fe fait certe décompolition cefle d'être apperçu , précifément ES que la lumière cefle d'y être lumière pour n'être que le feu: quand es rayons font parallèles , il n’y a point de chaleur, parce que la lu- mière ne fautoit fe détompofer, foit parce qu'il n’y a‘ point de frotte- mens entre fes parties, foit parce qu’elles font hors de la fphère de leut attraction réciproque. | $. 4. Comparaifon de la Flamme avec La Lumière, Si quelque chofe peut remplacer à nos yeux la lumière , c’eft fans doute la flamme; ne feroit-il pas poñible qu'elle nous donnât quel- que idée de cet être qu'elle repréfente fi bien ? Quoique la lumière de la flamme foi plus foible que celle du jour, à première a comme la feconde la faculté d'éclairer ; fes rayons peu- vent être condenfés par un miroir ardent, & l’on peut brüler à fon foyer de la paille & du foin bien fecs: elle eft donc plus aétive que la lu- mière de la lune , puifqu’elle eft affez fournie de particules ignces pour échauffer les corps auxquels elle fe combine; eile produit même des effets encore plus forts, lorfqu’elle eft plus fortement concentrée & appliquée fur les corps par un chalumeau; alors , fa lumière inté- rieuré eft d’un blanc éclatant, & elle fe trouve enveloppée d’une efpèce d’atmofphère bleue, qui n'eft que l'évaporation du phlogiftiqué ou de la bafe énchaînante du feu : quand la flamme , ou plutôt quand le feu fe dégage de cette manière hors de fes entraves , 1l fond le verre & les méraux. | La flamme échauffe comme le feu à une certaine diftance, elle päroît plus difpofée que la lumière à s'unir aux corps environnans ; ne fe- roit-elle point fans chaleur comme la lumière ; fi elle éroit auf fim- ple qu'elle? Le feu ne feroit-il pas un être fixe S'il avoit pas mille afhinités avec tous les corps ? P Tome XIV, Pare, II, 1779, NOVEMBRE. Aaa ‘ 362 .OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, La flamme eft imprégnée des parties du corps brülant ; elle n’eft pre que le feu manifefté par la chaleur , mais combiné avec es parties huileufes du corps qui. fe volatilife. En vain les char- bons rougiffent , ils ne donnent aucune flamme à moins qu'ils ne foient humectés ; les métaux en fufon ne s’enflamment jamais à l'exception du zinc, dont le phlogiftique abondant uni au feu, forme Ja flamme la plus vive qu'il y ait; les corps les plus combuftibles ne : fauroient brûler dans des vaifleaux clos, ou dans des airs gâtés , parce que le phlogiftique ne peut sy vaporifer pour former la famme par fon union avec le feu; les liqueurs fpiritueufes ne s’allument que lorf- qu'elles commencent à être vaporifées par la chaleur. Il réfulte donc de là, que la flamme ou fa lumière n’eft pas l'effet de l'abondance du phlogiftique , mais qu'il faut que les matières phlogiftiquées foient réduites en vapeurs pour s'unir au feu; on voit au moins que les mé- taux & les pierres ne s’enflamment point, parce qu'ils fe volatilifenc peu, & que le bois pourri qui eft luifant eft aufli dans un état de décompofñtion ; la lumière phofphorique des animaux eft une tranfpi- ration de leur corps, & celle des phofphores eft une émanation qui s’embrâfe à l'air 3 alors, le feu qui s'échappe s’unit à une partie plus groffière qui le rend lumineux. Je dirai prefque que les méraux ne changent de couleur au feu, que parce que le feu commence déjà à y être dans un état de combinaifon. Mais ces idées ne deviendroient-elles pas plus probables, fi l’on confidère que les corps ne commencent à luire qu'au 26 degré envi- ron du Thermomètre de Réaumur? Il faut cette chaleur pour vola- cilifer les huiles ; il d'y a point de flamme fans fumée , c’eft-à-dire fans une volarilifarion de parties plus où moins phlogiftiques du corps embrâfé; le phlogiftique paroït fur les corps brülans par la couleur noire qu'ils prennent & par la flamme qui eft un phlogiftique vola- tilifé ; enfin, la famme‘en dernière analyfe , fourniroir des parties hui- leufes & phlogiftiquées, & s'il n'y a point de flamme fans eau , c’eft parce que cetre eau eft contenue dans les huiles vaporifées , ou plutôt parce qu'elle eft vaporifée quand les premières huiles s'évaporent, &c parce que fon expanfbilité ouvre aux matières & au feu des ifues plus commodes dans le corps qui les fournir. La lumière de la flamme fe décompofe par le prifme comme la lumière du jour , quoique la flamme de chaque corps combuitible paroifle avoir un fonds de cou- leur qui lui eff particulier & qui eft analogue au corps qui la forme. En général, plus les corps font phlogiftiqués plus leur famme eft bleue, comme celle du charbon, du foufre , de la poix réfine, des efprits _ardens ; la lumière de la cire blanche eft brillante, celle de la cire jaune Y'eft moins; l'huile d'olives bien pure donne une belle flamme , mais fa vivacité diminue avec la pureté de l'huile. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 363 Remarquez encore, Madame , que la lumière eft blene ; là où la dé- compofition du corps brûlant commence, & par conféquent là où la compofition du feu avec fa bafe s'opère ; aufli, la Aamme n'a toute {à vivacité & fa blancheur qu'au centre où le phlogiftique eft le plus volarilifé; elle eft enfuice environnée des parties phlogiftiquées qui -S'évaporent & qui ne fe combinent qu’en partie ; ce font elles qui obfcurciflenc la flamme. La lumière bleue eft donc plus compofce, & la plus vive ou la plus blanche eft plus ignée; que dis-je, fa couleur varie fuivant les corps brûlés; ceux qui contiennent du cuivre donnenr une flamme verte comme le phofphore d'urine brûlé fur les charbons. M, Melvill avoit obfervé que le rouge, le jaune ; le verd & le bleu font ternis par la amme des efprits brûlans; que f l’on mêle à ces efprits du fel ammo- niac ou de la potalle, ces couleurs deviennent boueufes; que le verd ne fe diftingue pas du bleu à la lumière d’une bougie ; il avoit trouvé de même qu'en mêlant du nitre ou du fel marin avec les efprits ardens, la couleur rouge devenait boueufe, la verre brune olive, la bleue foncée noire , la bleue claire brune » la blanche jaune; le vifage paroît cadavéreux au travers de la Aamme du charbon , au lieu que dans tous ces cas la lumière du foleil eft immuable & préfente les mêmes ‘objets avec les mêmes couleurs. Nous conclurons donc que la flamme n’eft pas le feu, mais une com- binaifon du feu avec une matière phlogiftique qui a été volailifée SRE qu'elle eft plus chargée de phlogiftique que la lumière; elle eft, fuivanc les découvertes curieufes de M. Volta, l'inflammation de l'air inflamma- ble qui eft une compoñition fortement phlogiftiquée , & qui donne une lumiere bleue; j'ai revivifié diverfes chaux avec facilité, dans la pat- te obfcure de la flamme; ce qu'il eft impoflible d'opérer au feu qui les calcineroit encore plus , de même que . partie blanche de la lu- mière; la fuie qu'elle laiffe échapper eft du phlogiftique trop groflier qui n'a pu fe combiner avec le feu. La flamme diffère du feu à tous les égards par lefquels elle reffem- ble à Ja lumière, mais elle diffère de la lumière , parce qu’elle eft moins fimple qu'elle, 8 parce qu'elle caufe plus de chaleur. $. 5: Comparaifon de l'Eleütricité avec La Lumidre, le Feu & la Flamme. 1°. Le feu éleétrique reflemble au feu par fon origine qui peut être le frottement; par fa manière de fe communiquer, il peut pafler à un corps cstbés il femble mieux fe propager au travers des corps denfes comme les métaux ; mais aufli il s'écoule fans chaleur de tous les corps, lorfqu'il n’y eft pas arrêté & accumulé. Le feu électrique & la chaleur fe confervent mieux dans un air plus 3775 NOVEMBRE. Aaa2 364 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, denfe & fe difipent plutôt dans un air humide , mais le fluide élecri- que difparoît dans rous les cas beaucoup plurôt. Le feu électrique a des affinités particulières ; celles du feu font uni- verfelles ; le premier répugne à pénétrer les matières réfineufes , vitreu- fes, &c. l'air même quand il eft fec; le fecond agit fur elles avec la plus grande facilité. Le feu électrique a une atmofphère fenfble & terminée ; la fphère d'activité du feu diminue par nuances infenfibles & s'étend fort loin. Le feu ne pénètre les corps que peu-à-peu; l'électricité fur le champ; élle ne dilate pas les corps comme le feu, fans doute parce qu’elle n’excite aucune chaleur. La tourmaline sélectrife dans l’eau chaude qui éteint le feu; l'étin- celle éleétrique gliffe fur la furface de l’eau, au lieu que le feu l'échautfe dans fa mafle. Le feu électrique opère tous les grands effets du feu, la fufon:, la calcination; il colore les métaux ; mais ce qu'il ne faut pas oublier , c'eft qu'il révivifie quelques chaux métalliques comme le phlogiftique. 29. L'éléctriciré a quelques rapports avec la flamme ; le fluide élec- trique luit comme la flamme , 1l offre comme elle les couleurs prif- matiques vil allume, comme elle feule l'air inflammable, ce qui me feroit aflez foupconner qu’elle eft une efpèce de flamme, puifque les charbons embrâfés ne fauroient produire cet effet; elle enflamme de même l'efprit-de-vin; elle fuppofe un corps qui lui fert de bafe; enfin Féledricité brûle par étincelles, comme le phofpore d'urine & l'or ful- minant; elle a de l'odeur, & elle luit dans un air très-raréfié où toute autre flamme s’éteindroir; elle fuit le chemin le plus court. 3°. Ces rapports du fluide éleétrique avec le feu & la flamme , en indiquent déjà plufeurs avec la lumière que je ne répérerai pas , tels que la faculté de luire, de produire les couleurs prifmatiques , de luire dans un air infiniment rarché , de brüler lorfqu'il eft concentré : l’élec- tricité rend encore phofphoriques tous les corps que la lumière doue de cette qualité; mais aufli elle diffère de la lumière , parce que les corps peuvent facilement détourner les rayons électriques, & ils n'agif- fent que très-peu fur le rayon lumineux & feulement dans de certaines circonftances. Le fluide électrique pénètre encore les corps opaques; il a une odeur particulière; il me paroît cefler de luire dans un vuidée parfait , ce qui n'arrive pas à la lumière ; l'électricité femble encore fe mouvoir plus aifément dans un corps denfe, que dans tout autre; elle ne perd pas fon éclat, quelle que foit l'érendue du corps ou du fluide au travers duquel elle fe propage ; elle ne paroît pas s’y dévoyer de f1 route , cependant la lumière’ a un éclat d'autant moins ‘vif que le milieu qu’elle traverfe eft plus épais, quoiqu'il foit très-tranf- parent quand fes couches fonc minces ; elle varie fa vitefle, & change SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 36, fon cours fuivant les milieux où elle pale ; l'étincelle électrique ne conferve pas fa couleur dans divers fluides , où la lumière refte inal- térable , elle eft plus rouge dans l'acide vitriolique & dans l'air inflam- mable; peut-être ces fluides diminuent ils fon intenfité en s'appro- priant quelques-unes de.fés particules phlogiftiquées ; qui lui fonc moins étroitement unies qu'à la lumière? elle eft au moins blanche dans l'air fixe qui a moins d’affinité avec le phlogiftique ; elle ne peut paroître “dans l’alkali cauftique & dans l'acide marin. L’étincelle électrique di- ] ] minue encore l’air commun en le phlogiftiquant , & il ne paroît pas que la lumière produife cet effer. Enfin l’étincelle électrique n'empè- che pas l'étiolement des plantes privées de l'action de la lumière, & fi un fil de métal eft plongé dans l'eau qu'on éleétrife, le fluide élec- trique fuic par préférence le fl de métal. Il réfulteroir de là, que le fluide électrique. eft bien moins adif que le feu; qu'il a moins d'affinités avec les corps; qu'il n'agit fenfiblement fur eux que lorfqu’il y eft accu- mulé; qu'il y a un grand nombre de corps qu'il ne Pt HU ce qui pourroit faire croire qu'il eft beaucoup plus compofé : il me fembleroit mème que l'électricité n'entre que dans les grands pores des corps, & qu’elle ne s'infinue point dans les plus petits ; on voit l'écincelle gliffer fur la furface des fluides; outre cela, elle ne dilate aucun Corps. Enfin, la chaleur peut produire l'électricité comme dans la tourmaline, & dans la réfine ou le foufre en fufñon; mais elle s'y forme peut-être alors en fe combinant dans fes molécules avec le phlogiftique qui fe vaporife. L'union du feu avec fa bafe me paroît plus étroite dans la matière éle@ri- que que dans la flamme, puifque la première ne donne aucune chaleur , & qu'elle fe manifefte dans les vaifleaux clos où la flamme s'éteint pat le phlogiftique qu’elle laiffe échapper, comme dans l'air raréfñé, où le phlogiftique ne peut fe vaporifer; il eft vrai que l'étincelle électrique qui fe rapproche de la flamme gâte l'air comme la flamme, parce qu'elle s’y décompofe. 11 fembleroit donc que l'électricité eft un feu faturé de phlogiftique, puifqu'il ne paroît plus actiré comme la lumière par les marières phlogiftiquees qu'il ne fauroit fe phlogiftiquer davan- Tape, Dae Il paroît delà que l’éleétricité eft pau compofée que la lumière ; puifqu’elle eft plus affeëtée par une foule de corps qui la modifient, & puifqu'elle répand une odeur forte. Il eft vrai qu'elle reflemble beau- coup à la lumière dans fes effets ; auffi, il me femble qu’elle n’en dif. fère dans fa compofition, que parce que le feu eft uni plus intimé- ment à une plus grande quantité de phlogiftique ou de matières phlo- giltiquées. s66 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, $. 6. Comparaifon du Phlogiflique avec le Feu, la Flamme, PEleitricité G la Lurière. 19, Avant d'entrer en matière j'obferverai qu'il y a quelques pro- ptictés communes , à la flamme , à l'éle&ricité & à la lumière, Re je me propofe de parler d'une manière plus particulière à la fin de cette lettre. Le phlogiftique par lui-mème n’eft pas chaud & ne fauroit brûler ; mais il facilite l’infamimation, ce que le feu feul ne fauroic faire, com- me on l’obferve dans la chaux de zinc. Plus le phlogiftique eft abondant dans un corps , & moins fortement il lui eft unt, plus facilement auf il le quitte; au contraire, le feu refte d'autant plus long-tems dans un corps qu'il y a été plus accumulé. Les corps fe faturent de feu & de phlogiftique , mais 1ls peuvent être dépouillés de phlogiftique au point de ne pouvoir le reprendre , comme dans quelques chaux métalliques ; il n’en eft pas de même du feu qui agit toujours femblablement fur les mêmes corps pour les échauf- fer, quoiqu'ils aient éré expolés fouvent à fon action & dépouillés du feu qu'ils avoient acquis. Le feu par fon action diffipe le phlogiftique des corps fur lefquels il agit, en s’uniffant à lui, & produifant par ce moyen la chaleur ; le feu forme mème ce phlogiftique par fon union avec les parties vapo- rifées du corps brülant, mais il s'exhale & abandonne le corps où il fe développe. Le feu dénature les corps en les détruifant, ou en changeant leurs qualités; le phlogiftique ne décruit rien, il produit de nouvelles com- binaifons qui frappent nos fens, & il rend à plufieurs corps les pro- priétés que le feu leut avoit ôtées; ainfi le feu calcine les métaux, mais le phlogiltique les réduit. Le phlogiftique & le feu ceffent de brûler dans des vaiffeaux clos. La chaleur eft peut-être l'effet de la formation du phlogiftique pen- dant la combultion; il n’y à point de combinaifon avec des matières fortement phlosiftiquées fans chaleur. L'air, qui a tant d'aflinités avec le phlogiftique , ne feroit-il pas l'in- cerinède par le moyen duquel le feu fe combine avec les parties vapo- rifées qui contribuent à la formation de la flamme & du phlosiftique ? 11 faut remarquer que la flamme qui eft une matrice du phlogiftique fofimé par l'union du feu ayec les vapeurs du corps brülant , diminue beaucoup l'air, le rend irrefpirable & lui fait éteindre le feu, de même que tous les procédés où le phlogiftique fe forme ou s'exhale, ce qui prouve que l'air doir être tres-pur pour avoir des affinités avec le phlo- gutique, SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 367 Le frotrement ne produit la Aamme & le phlogiftique , qu'après avoir développé le feu; ou plutôt le frottement développe le feu & le feu donne naïffance à la flamme & au phlogiftique. Le phlogiftique ne pafle pas au travers de certains corps perméables au feu comme le verre; il faut qu'il foit appliqué immédiatement au corps avec lequel on veut l’unir, ce qui n’eft pas néceflaire pour le eu Le phlogiftique ne s’unit pas à l’eau fans intermède comme le feu; mais ils fe combinent avec les acides & les alkalis; à la vériré, les effets ne font pas les mêmes, le feu les échauffe , les vaporife ; le phlogiftique adoucit les premiers & rend les feconds volatils quand ils font fixes. Le phlogiftique gate l'air, 1l le diminue; le feu ne paroît pas produire cet effer. Tous les deux donnent la couleur & l’opacité à quelques corps ; mais le phlogiftique ne leur communique ni chaleur ni lumière. Le feu & les acides chaffent le phlogiftique hors des méraux pour s'en charger, ou fe combiner avec lui ; le feu agit au moins plus vigoureufement fur les corps phlogiftiqués, parce qu'il a plus d’affinités avec eux; il y en a mème qui fe confument fans ignition apparente, comme le foie de foufre , le phofphore d'urine ; d’autres font embrâfés par une feule érincelle d’un caillou , comme l’amadou & l'air inflam- mable. Le phlogiftique fait une partie du poids du foufre ou des corps; le feu augmente pas leur pefanteur , celle des chaux métalliques eft l'effet d'une abforption d'air fixe. Le phlogiftique, uni à des corps folides , diminue leur dureté fans leur donner de la fluidité. Le feu colore quelques corps lorfqu'ileft vif, le phloaiftique les colore tous. Le feu pur eft fans lumière ni odeur, le phlosiitique ébranle Les nerfs optiques par la lumière qu'il excite dans fa combuftion , & les olfaétifs par fes émanations. Le feu fert aux combinaifons phlogiftiques ; le charbon éreint ne rend pas fulphureux l’acide vitriolique fans chaleur; l'acide nitreux qui eft fans aétion fur le charbon éteint , s’enflamme dès qu'on lui préfenre un charbon allumé; l'acide marin s'unit difficilement au phlogiftique, Le foie de foufre gâte l'air comme tous les procédés phlooiitiques ; au point que le feu séreint, parce quil n'y a plüs d'air affez pur pour fervir d’inrermède dans l'union du feu avec les matières qu'il vaporife ; ils terniffenc l’argenc & le plomb, mais le feu ne produit rien de femblable. Ksl | Ces rapports montrent que le phlogiftique diffère du feu par fa bafe; qu'il la perd en partie par l’action d’an feu nouveau qui s’en approprie une partie ; qu'il peut même redevenir feu lorfqu'il eft expofé à un feu 368 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, violent : en un mot, le phlogiftique diffère du feu par fa compofition & fon inertie , c’eft un feu combiné, & le feu eft le principe de fon mou- vement. K2n t 2°. Le phlogiftique réduit comme la amme les chaux métalliques, parce que fa partie obfcure eft une mine de phlogiftique; la fuie & la famée ne laiffent aucun doute fur le phloaiftique qu'elle contient; 11 famme gâte l'air comme les procédés phlosiftiques ; le phlogiftique mis en mouvement produit la Hamme, comme dans le mélange formé avec du foufre, de la limaille de fer & de l'eau ; mais il ne luit pas fans échauffer, & il ne s’enflamme que dans de certaines circonftances. Il paroît plus compofé que la flämme , il ne pénètre pas les corps, à moins qu'il ne foit mis en mouvement, & quoiqu'il foit en mouvement il y a beaucoup de corps qui lüi font imperméables; il femble devoir _ toute fon activité au feu , & la Aamme n’eft peut-être que le phlogiftique un peu volatilifé, & dont la bafe eft moins fixe ou moins confidérable, 3°. Le phlogiftique à de mème fes rapports avec le fluide électrique; tous les deux diminuent l'air commun , réduifenr les chaux inctalliques, ont befoin de quelque force étrangère pour fe développer ; quelquefois cependant le phlogiftique qui abonde dans un corps s'exhale en filence, imais le fuide électrique ne devient fenfible que lorfqu'il eft violenté; il s'annonce par des effets remarquables, rels que les attraétions où répulfions , il opère tous les effets du feu le plus ardent; le phlogiftique, plus paiñble , n'opère aucun ‘de ces effets , mais aufli il eft incoercibie, tandis que le fluide électrique peut s'accumuler dans de certains cas, & agir alors fuivant de certaines .loix. Enfin, le phloviftique s'empare de quelques corps avec une téllé force, qu'on ne peut les féparer ; au lieu que les affinités électriques peuvent ètre facilement fufpendues, dérangées , & ne font durables pendant quelques - rems que dans de certaines circonftances. : Ne paroît:il pas de-là que le fluide éle@rique eft prefque auf phlogiftiqné que le phlogiftique , puifque tous.deux font également imperméables au verre, & puifqu'ils produifent tant d'effets femblables ? Mais le Auide électrique ayant plus de mobilité , plus d'énergie, n’annonceroït-1l pas auf une combinaifon plus intime de fes principes avec une bafe moins fixe ? xs 4°. Enfin le plogiftique reffemble à la lumière , parce qu'il fe combine comme elle avec les corps , qu'il a avec elle des affinités réciproques, puifque les rayons fe courbent plus dans les fluides phlogiftiqués qu'ils ne devroient le fure en fuivant la denfité du milieu: me + IL me paroïr une lumière éteinte, fi je puis parler ainf; il feroit peut- être la lumière fi Pélémenc du fu n'éroit pas œop énveloppé, & il le devient fans douté dès que le ‘feu lé Volatité4 on'a la lumière routes jes fois qu'on combine le feu & le phlosiftique, La SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 36 La lumière , moins embarraflée par fa bafe que le phlogiftique , eft une matière allumante, mais le phlogiftique , moins libre , eft feulement inflammable. La lumière & le phlogiftique font la caufe des couleurs & des odeurs ; comme on le voit dans l'acide vitriolique phlogiftiqué qui devient acide fulphureux , & dans les fleurs ou les fruits privés de lumière ou qu'on y expofe, ù La lumière & le phlogiftique donnent du ton aux vaifleaux des plantes & des animaux. Le phlogiftique a les plus grandes affinités avec les acides , il ne paroîc as clairement que la lumière en ait avec eux ; il fembleroit bien que Ficide vitriolique donneaux pierres calcaires leurs qualités phofphoriques, & que la lune cornée & d’autres préparations métalliques doivent à l'acide marin la faculté de fe combiner avec la lumière ; la lumière rougit le fuc du poiffon de M. Duhamel; elle peint les fleurs, les feuilles , les végécaux ; le phlogiftique ne produit aucun de ces effets, & les plantes s'étiolent quand elles font expofées à fon action , fi elles font privées de la lumière. Le phlogiftique rend l'air meurtrier, & la lumière ne paroît pas lui com- muniquer une mauvaife qualité, Le phlogiftique forme le foufre , l'acide fulphuteux , mais la lumière se forme pas ces mixtes fur-le-champ comme lui ; cependant!, comme les plantes éciolées ne donnent aucune graîne , ni même aucune fleur , ne pourroït-on pas croire qu’eMe contribue puifflamment à la formation des Étamines qui femblent une efpèce de foufre végétal ? On fait que le lycopode & les éramines des pins s'enflamment aifément ; on connoît Jinflammation des vapeurs qui s’exhalent de la fraxinelle à l'approche d'une bougie, & les éincelles que Mademoifelle Linné obferva dans une capucine. Ladumière ne sunitpas à l’eau, mais elle pourroit peut-être contraéter cette union comme le phlogiftique par le moyen d’un intermède, Enfin la lumière n'alkalife pas le falpètre comme le phlogiftique , & ne réduit pas toutes les chaux métalliques comme lui , mais feulemenc le précipité perfe , le précipité rouge, le curbith minéral , la lune cornée, qui n'ont pas fans doute befoin d’une grande quantité de phlogiftique pour être réduits. Je dois le dire ici, les expériences de MM. Lavoifier & Fontana ne me permettent pas de douter que ces trois Re de mer- £ure ne foient de vraies chaux; n'oublions pas que les chaux martiales expo- fées au miroir ardent, redeviennent attirables par l'aimant , & par confe- quent phlogiftiquées. Il réfülre de tout cela, que Le phlogiftique a les plus grandes analogies ayec la lumière; maïs il n’a ni fon activité ni fa faculté de luire, ni fon efficace pour prévenir l’étiolement des plantes; il paroît beaucoup plus compofe que là lumière! il n’agit que par le moyen du feu, il ne traverfe Tome XIV, Part, II. 1779. NOVEMBRE. Bbb 579 OBSERVATIONS.SUR LA PHYSIQUE; pas. les vafes de verre que la lumière remplir’, & il eft contenu à grandes dofes dans différens corps, où il exifte en filence comme dans le charbon: & les huiles; il produit enfin des effets qui affeétent tous les nerfs, tous les fens, & qui ôtent la vie, tandis que la lumière n’agit que fur la vue par fon éclat , ou fur les autres nerfs par la chaleur qu'elle excite. $ 7. Rapports de la Lumière, de la Flamme, de l’Etincelle él:étrique & dit Phlosiffique , relativement a leur combinaifon avec des matières phlo- gifliquees. On a pu déjà remarquer que la plupart des rapports de la lumière avec la flamme, le fluide électrique & le phlogiftique, étoient dépendans du phlogiftique,, ou plutôt tenoient leurs relations de quelques propriétés communes au phlogiftique : je me fuis abftenu de le dire, parce que je me propofois de comparer de nouveau ces êtres fous ce nouveau point de vue, en joignant des obfervations propres à intéreffer la curiofité. On fait que le phlogiftique noircit les métaux blancs expofés à fon action , de mème que la lune cornée , la diffolution d'argent unie avec la craie ou la magnéfie du nitre , le magiftère de bifmuth , le fucre de faturne , le mercure doux, le blanc de plomb, la cérufe. Le mercure difflous dans l'acide matin & précipité par l'alkali volatil , eft devenu jaune, le fublimé corrofif a jauni, & enfin noirci; le turbith minéral a pris une couleur noirâtre ; les rubans de différentes couleurs ont été aufñli changés, les violets, les rofes & les bleus ont un peu blanchi, les verts ont jauni, le bois de fapin nouvellement raboté y a pris une couleur plus brune ; je dois obferver ici que le phlogiftique que j'ai employé a été le foie de foufre en liqueur, dégagé par le vinaigre, & renfermé avec les corps en expérience fous un récipient couvert de manière qu'il n’avoit aucune communication avec la lumière. L'étincelle électrique a produit des effers à-peu-près femblables; elle a légèrement teint en violet dans l’obfcurité la lune cornée , la diffolution d'argent unie avec la craie ou la magnéfie du nitre , le magiftère de bifmuth , le fucre de faturne & le mercure doux ;elle à jaunt le fapin & blanchi les rubans violets; elle noircit encore l'argent, revivifie la chaux de zinc; je ne doute pas qu’elle né réduife de même le’ précipité _perfe , le précipité rouge, le turbich minéral & les chaux d’or & d'argent calcinés par les acides, lorfqu'on lui fera produire fes plus grands effets. La flamme ne change point la couleur de ces corps que je viens de nommer par fa lumière , ni même lorfqu’elle eft concentrée par le moyen d’un miroir ardent; mais elle opère ces effets lorfque les corps font expofés à fon ation plus immédiate, } : La lumière produit abfolument les mêmes effets que l'érincelle élec- SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. :371 tique & le phlogiftique fur tous les cofps dont j'ai parlé ; mais fon énergie eftimoins efhicace que celle du To de elle agit'avec plus de force que le fluide sde La lumière altère donc la couleur de ces corps, mais fes effets font gradués dans la proportion que je viens d'indiquer. J'ai fait mes expériences dans des facons de cryftal minces , très- tranfparens, & fermés avec des bouchons de cryftal ; fi l'on y mer de la lune cornée, elle commence à fe reindre en violet au bout de quelques fecondes; après une minute elle eft-très-fenfiblément violette ; cette couleur ne pénètre pas au - delà d’une furface très -imince. Ce changement eft uniquement dû à l'impreflion de la lumière, puifque la lumière cornée , expofée femblablement à tous égards à la chaleur , au froid , à l'humidité , dans un aïr fort fec , dans le vuide:,dans l’eau, poutvu qu'elle foit garantie de l’impreflion de la lumière & des vapeurs phlogiftiques , conferve fa blancheur, & elle ne la perd jamais que proportionnellement à l’aétion de la lumière fur'elle ; fi elle étoit , par exemple , placée dans un lieu où l'illumination permit feulement de lire l'écriture courante , il faudroit huit ou dix jours pour qu'il y perdit fa blancheur. La lumière réfléchie & réfraétée produic les mêmes effets ; la lune cornée & les précipités mêlésavec la craie & la magnéfie du nitre , offrent les mèmes phénomènes quand ils font expofés à la lumière. M M. Beccari, Meyer, Schulze & Scheele avoient obfervé que la lune cornée & les précipités d’argent pafloient du blanc au noir par l’aétion de Ja lumière ; ils avoient vu que fi l’on place de la lune cornée dans un vafe ouvert & qu'on la couvre en partie avec des bandes de papier , la partie couverte y change de couleur la dernière; mais pour rendre l’expé- rience plus décifive , j'ai couvert le vafe avec une plaque de laiton trouée de plufeurs trous , & il n’y a que les portions de la lune cornée expoféés à fon aétion qui foient devenues violettes ; le fond du vafe offroit le fpectacle d’un fatin blanc à mouches violettes. La lumière change de même, quoique avec plus de lenteur, les préci- pités d'argent; elle donne une couleur grife , mais foncée , au magiftère de bifmuth, au mercure doux & au précipité blanc; elle rend prefque blanc le foufre doré d’antimoine & le turbith minéral, de même que l’alkali cauftique. = La lumière peint tous les végétaux ; elle colore les vîtres auxquelles elle donne la couleur de l’arc-en-ciel; elle rend bleus les champignons dans leur partie fraîchement coupée , comme M. Bonnet l’a obfervé. Elle change les couleurs des étoffes en jauniffant le verd , blanchiffant le violer & lerofe , comme M. Beccari l’a obfervé dans les Mémoires de Vinfticuc , & il a remarqué en mème-tems que cer effet éroir produit par la lumière indépendamment de toute autre circonftance. Ainfi, Madame, 1779 NOVEMBRE. Bbb 2 372 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la Phyfique reft pas inutile pour le choix d’une robe où d'un rubatt; dont on fouhaire que les couleurs fe conferventr; elle ferrde mème, com- me vous avez pu le remarquer, pour calculer l'effet que les couleurs doi- vent produire quand on pale de la lumière du jour à celle des bougies. Enfin , la lumière altère la couleur des bois. Je n’entre pas dans de plus grands détails fur cette partie de mes recherches , parce que jy reviendrai dans quelques momens. Je tire feulement cette conféquence : c'eft que fi l’on peut conclure: avec vraifemblance , de l’analogie des effers à celle des caufes, nous dirons que comme le phlogiftique & Péledtricité noirciflent quelques , corps blancs ; la lumière produit fans doure le même effet par le mê- me moyen; mais ce moyen eft manifeftement le principe phlooifti- quant dans le phlogiftique & l'électricité : donc la lumière peut agir aufli de la mème manière , mais fes effets font plus lents parce que fon énergie eft moindre. . | $. 8. Rapports particuliers de la Lumière & de l'Electricire. La lumière & l'éle&ricité one la faculté commune de rendre plu- fieurs corps phofphoriques ; quand ils ont éprouvé leur action. Tels fonc les diamans, les pierres précieufes , les cryftaux , les quartz , les agateé , les filex, le verre, la porcelaine, les fpaths virreux & fuñble, les phofbhores de Bologne, de Canton, le tartre vitriolé , le fucre, la magaclie du fel d'epfom, le fublimé, la terre des os, la terre de l’alun précipitée par l’alkali fxe, la craie de Briançon, la chaux éteinte à l'air, la lune cornée, larfenic blanc , diverfes réfines. Entre ces matières, il yen a plufeurs qui ne luifent que lorfqu'elles font échauffées ; on remarquera dans l’ordre que j'ai fuivi , que depuis la magnéfie blanche, elles luifenc fans frottement & par la feule impreflion de l'étincelle électrique fur chacune d'elles , ou lorfqu'on les a expofées au foleil 3. les autres ont été éprouvées de cette manière par Meflieurs Beccari, Eanton & Defauflure, & luifenc par ces feuls moyens. Cependant la lumière n’eft point éleétrique ;. & ces corps qui luifent fans avoir éproûvé l'impreflion de l'électricité , ne donnent aucune apparence d’en avoir, non plus que ceux qui luifent après avoir été LG voue je l'ai obfervé plufieurs fois fur la pierre de Bologne & le fucre placés fur des plaques de métal, & féparés du conducteur après que lélectricité les à eu rendu lumineux; outre cela, plufieurs corps luifent forrement quand on les plonge dans Peau ; quoique leur électricité dûc ètre anéantie par cette immerfion , fi elle avoit réelle- ment eu lieu auparavant; on voit encore que l'électricité n’a pas feule le pouvoir de rendre les corps lumineux ; il y a des corps de même SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 37; pature qui font plus lumineux & moins électriques , tandis que d’au- tres font lumineux & plus électriques. Le mercure dans un matras vuidé d'air, devient lumineux & électrique , fi on le frotte dans l’obfcu- rité, mais il eft feulement lumineux, fi l'on agite le matras ; d’où il téfulte que l'électricité exige quelque chofe de plus que la lumière. Enfin, M. Dufay a obfervé que les piertes précieufes luifent par le frottement , l'expofition à la lumière & la chaleur ; comme on peut s'en affurer fur l'améchyfte, l'émeraude , le phofphore de Bclogne , le diamant , le rubis, la topafe, le faphir & le lapis lazuli. Il y a donc une analogie entre le fluide électrique & la lumière pour rendre les corps lumineux; peut-être que ces deux fubftances vapori- fent l'acide contenu dans les matières phofphoriques pour développer le feu & les particules phlogiftiquées qu’elles’ renferment, en s'appro- priant celles que la lumière y apporte, & qui y font néceflaires pour opérer cette lumière qui eft très-foible, & qui paroït formée par des Corps trop grofliers pour lui lailler tout fon éclat; il eft au moins certain que la plupart de ces matières phofphoriques renferment un acide ou naturel, ou artificiel, mais toujours bien caraétérifé ; il eft encore également certain, que le Auide électrique ne rend les corps phofphoriques qu'en les phlogiftiquant , car on ne fauroit attribuer cet effet à fa chaleur qui eft infenfble , à fa collifion qui eft momentanée ; il n’y a que fon incorporation par fa décompofition qui produife cer effet ; on ne peut donner la phofphorcité que par des étincelles, & on fait que l’étincelle décompofe le fluide électrique , comme il paroïc par la réduétion des métaux & la Récphapon de l'air fixe qu'il opère, & qui ne font produites que par le dégagement du phlogiftique qu'il contient ; ainfi la lumière agiroit encore de cette manière comme un corps phlogiftiquant, ou plutôt comme un corps qui donneroit au phof- phore le feu qui s'échappe dans la décompofition. Ne feroit-il pas pof- fible auffi que la lumière für attirée par l'acide du corps phofphori- que, qu'elle le volatilisät par fon union avec lui, & qu'elle en fortic avec fes vapeurs chargées des particules de feu qu'il pourroit dégager, dans ce moment où il agiroit avec plus de force? Mais ce moyen ne peut pas s'appliquer également à tous les corps phofphoriques. Ji ne faut pas oublier que toutes les combinaifons phlogiftiquées ne font pas également propres à produire la lumière ; le foie de foufre, par exemple, ne produit que les effets les plus grofliers dés que le phlogiftique y furabonde, il s’exhale fans luire, & il ne evient lumi- neux que lorfque le feu s'empare d’une partie de fa bafe; il en eft de même du charbon qui rougit au feu, & qui ne fauroit donner une flamme vive; le feu trop enveloppé ne peut y produire la lumière ; le hlogiftique feul ne fauroit communiquer aux corps cette faculté ; mais Féldricisé la déploie quand on l'accumule & quand on la décom- 374 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pofe en la faifant étinceler; la lumière plus ignée, plus fubtile, agit feule & fans intermède pour phofphorifer les corps capables de cette propriété. Toutes les lumières ont la faculté de communiquer à ces corps la phofphoréité, mais elles n’ont ce pouvoir qu'en raifon de leur intenfité, & de leur fubrilité; ainfi la lumière d'une bougie , du bois brûlant, de la lune , du zinc enflammé, n’agiffent que très-foiblement &c au bout d’un tems très-long. La lumière immédiate du foleil brunit la lune cornée confidérable- ment plutôt que toute autre ; la lumière des bougies au bout d'un tems ailez long, commence à la peindre d’une foible nuance; enfin la lune ne produit cet effec qu'après plufieurs nuits d’aétion continuelle; il en eft la même chofe pour les phofphores ; mais aufli quand la lu- mière eft parvenue à un certain degré d'obfcurité , elle ne produit pref- que plus aucun effet. ls La lumière du crépufcule, celle qui feroit néceffaire pour lire ce journal en venant d’éprouver l’aétion d’une lumière vive , Bis permet- tre la lecture d’un caraétère plus petit à une vue d’une force médiocre, feroit fans aucune efficace fur la lune cornée, & toutes les autres ma- tières que j'ai nommées; mais la matière électrique & le phlogiftique font de mème fans effet quand leur force eft très-affoiblie. $. 9. Décoloration de divers Corps opérée par la Lumière au travers de diverfes lames, foit de verre, Joir de papier. 11 eft important de confidérer l'impreffion de la lumière fur différens corps au travers de diverfes lames, foit de verre, foit de papier. Voici la defcription de l'appareil dont je me fuis fervi. Soit une caille parallélipipède dont la bafe a un pied en quarré[& la hauteur dix-huir pouces; elle eft rerminée de trois côtés par une feuille de fer-blanc; le quatrième eft un feuillet de verre qui a environ trois quarts de ligne d’épaifleur. J'ai inféré dans certe caille, quatre autre cailles ayant la même hauteur, faites avec le même verre, mais différant toutes par leur largeur, puifquelles éroient toutes placées à cinq lignes les unes des autres; elles étoient fixées par une rainure faite dans la planche qui fervoit de bafe à la cale, & elles sy en- châlloient; toutes ces cailles étoient recouvertes par une blanche fem- blable à celle de la bafe, & qui interceptoit rous les rayons de lumière qui auroient pu entrer par le fommer de la caille, J'ai employé des rubans de foie appellés Annetes , leurs couleurs étoient la violette pâle , la rofe, la verte & la bleue; je ne parlerai ue des premières couleurs, parce que l'effer de la lumière fur elles a éré le plus fenfble, mr AN HN» nt SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 37$ : Je plaçois ces rubans de manière qu’une partie Aottoit à l'air, tandis que l’autreétoiten-dedans de la première glace, de façon qu'elle lui inter- céptoit l'aétion immédiate de la lumière ; j'en plaçai un fecond fur la glace de la feconde caïlle qui étoit la plus voifine, & ainf un troifième , un quatrième & un cinquième fur les glaces des cailles fuivantes, en obfervant que ces rubans ne s'éclipfaffent pas réciproquement la lumière ; je plaçai de mème encore d’autres rubans fur les glaces des mêmes caif- fes, de manière que le fixième avoit cinq glaces entre lui & la lumière , &c. Enfin j'y plaçois des rubans ployés dans plufeurs papiers & qui ne pouvoient recevoir aucune action de la lumière. J'obfervai, 1°, que les rubans qui n’avoient pu être expofés à l’action immédiate de la lumière, n’avoient point changé de couleurs: 1°. Que les rubans violets & rofes expofés immédiarement à la lumière & au foleil, avoient un peu blanchi au bout d'une journée ; que cela augmenta pendant la feconde & les fuivantes, quoique le côté du ruban qui n’étoit pas expofé à la lumière eût confervé long-tems fa couleur ; ce fut feu- lement au bout de trente-cinq jours que les deux côtés du ruban fu- rent décolorés: 3%. Que la partie de ce ruban placée fur la première glace, & féparce par cette glace du contaét desla lumière, ne commença à changer de couleur que trois jours après y avoir été mife, & eut feulement fort ternie , au bout de cinquante jours , fa furface expofée à la lumière: 4°. Que fix femaines enfuite les rubans violets & rofes avoient blanchi: 5°. Qu'à la fin des trois mois le ruban expofé fur la quatrième glace avoit commencé de fe faner. Enfin, qu'au bout de fix mois les autres rubans, dans les autres pofitions plus reculées , n’avoient fouffert aucune altérarion , comme ceux qui avoient été mis au fond des cailles après avoir été ployés dans du papier. À l'expiration d'un mois, le jaune & le bleu n’avoient fouffert aucune altération bien fenfble , après avoir été féparés du contact immédiat de la lumière par une glace; mais au bout de quatre mois le jaune a bruni, le bleu a été moins foncé de quelques nuances, le cramoifi à un peu blanchi , le verd a un peu jauni; mais il a fallu trois fois plus de tems pour leur faire éprouver ces changemens, lorfqu'ils rece- voient l'impreflion de la lumière au travers d’une glace, que lorfqu'ils éroient expofés à la lumière, Je dois remarquer ici, mais fans donner rien de précis, parce que je n'ai pu répéter allez fouvent mes expériences , que fi les glaces fe touchent , il en faut un ‘plus grand nombre pour arrêter les dé de la lumière , que lorfqu’elles font féparées par des couches d'air, comme dans les expériences que je viens de rapporter. Enfin, il faut ajouter que ces expériences , de même que quelques- unes des fuivantes , varient beaucoup felon les lieux où on les fait, à caule du féjour plus ou moins grand du foleil , de fes réfledtions, &cs 376 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, On peut cependant conclure en général, que la décoloration des rubans , eft en raifon de la quantité de la lumière qui les frappe, du moindre nombre des furfaces interpofées , & des rébrattions éprouvées par la lumière en changeant de milieu; enfin, qu'il y a un nombre de ces furfaces & de ces réfraétions au-delà duquel la lumière n'opère plus aucune décoloration ; peut-être que chaque paflage d'un milieu dans un autre, occafionnant des réfleétions confidérables , diminue fon intenfité au point qu'elle n'a plus aflez d'énergie pour produire cer effer. Dans une matière de cette importance , il ne faut rien négliger; j'ai fuivi l'effet de la lumière fur la planche de fapin qui fervoit de bafe à ma caille , & j'ai remarqué, 1°. que la partie inférieure de cette caille , immédiatement expofée à la lumière, étoit jaunie, & que le jaune étoit brun: 2°. Que la portion de fapin qui étoit derrière la première glace étoit prefque aufli jaunie que celle qui éroit expofée à l'air, & que celles qui fuivoient étoient d'autant moins jaunies ou alcérées ar la lumière, qu'elles en avoient été féparces par un plus grand nom- fe de glaces; mais la partie du fapin qui étoit derrière la neuvième glace, & qui étoit placée à 11 pouces & demi de la première, & fur laquelle la lumière agifloit immédiatement , cette partie fi éloignée & fi garantie avoit encore des traces légères d’alrération ; enfin, l'épaifeur de ces taches éroit proportionnelle à la force de l'impreflion de la lu- mière & à fa durée, rl m'a paru de -- de lignes dans la partie expo- fée immédiatement à la lumière , & j'ai lieu de croire que certe colo- sation, au bout de quelques années, ne paile pas une certaine épaifleur, comme je le ferai voir dans un autre Mémoire. La nature du bois m'a paru changée dans fa nature, elle eft devenue plus propre à la com- buftion ; mais je renvoie encore ce fujer curieux à un Mémoire qui fuivra celui-ci, de mème que des obfervations fur la nature des bois & des fubftances qui me femblent être les plus fujettes à ces variations produites par la lumière. On ne fauroit attribuer ces phénomènes , ni.à l'air, ni à l'humidité, ni à la chaleur: 1°. Parce que les rubans & les bois expofés à la lu- mière, fans éprouver une chaleur plus forte que celle de l'armofphère, y fouffrent ces altérations; tandis que ces bois & ces rubans placés à côté dans des boîtes de bois épailles & bien fermées , y confervent par- faicement leur couleur; outre cela, une chaleur de so degrés n'opère aucun changement fans lumière & n'empèche pas l’effer que la lumière produit fur eux quand elle agit: 2°. Ces décolorations ont également lieu dans le vuide, comme M. Beccari l’avoit remarqué, Mémoire de Bologne, T, VI. 3°. M. Bonnet dont l'œil perçant pénètre tout ce qu'il étudie, a obfervé dans Le Tome W, de l'édition in-8°, de fes Œuvres, ct il commence d'enrichir le Public , page 59 , que les feuilles ério- lées SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 377 lées des haricots avoient reverdi , après avoir été expofées à lation de la lumière au travers d'une couche d’eau dans laquelle ces plantes éroient plongées : 4°. Ma caille a toujours été expofée à la même rem- pérature , de forte que l'air qui y circuloit étant le mème, l'humidité & la chaleur étant roujours femblables, ces caufes égales auroïent dû produire des effers égaux dans routes les parties de la caille; mais comme la décoloration des rubans, & la couleur jaune du fapin dimi- nuent à mefure que les obftacles à l’action de la lumière augmentent, il en réfulte clairement, r°. que la lumière eft la caufe de ces phénomè- nes; d'ailleurs, on voit encore que la planche fupéricure de la caille qui n'a reçu que la lumière réfléchie eft infiniment peu colorée : 2°. que la partie de la caille qui a toujours été dans l'ombre eft plus altérée dans fa couleur que la partie fupérieure, mais aufli on y voit les bor- nes de l'ombre traces par la force de la couleur brune qui eft plus grande par-tout où la lumière a agi toujours immédiatement. J'ai employé encore un liteau ke fapin qui avoit trois pieds pour varier ces expériences ; je l'ai partagé en dix-fept parties égales ; j'en ai couvert alternativement une avec une bande de papier diverfement coloré; de manière qu'une partie de cer efpace fût couvert de deux papiers, tandis que l'autre étoir feulement couvert par un; le côté du liteau où le papier avoit deux doubles étoit le même pour chacune de ces divifions; ces papiers étoient fortement attachés par les deux bouts avec du fil & retenus par deux es d’épingles, de forte qu’on ne pourroit aifément imaginer que l'air extérieur. püt y jouer. Au bout d’une année le papier zoir n’a fouffert aucune altération dans fa couleur, & le bois qu'il couvroit a confervé fa première blan- cheur. Le papier violer a perdu toute fa couleur , le bois a jauni par-tout , mais particulièrement là où il n'y avoit qu'une F men de papier. Le papier verd a confervé une partie de fa couleur , la partie recou- vérte a Cté même un peu altérée; mais la couleur du bois a très-peu jauni dans la place couverte par un double de papier , & point du tout là où il y en avoit deux. Le papier Jaune a été entièrement décoloré dans la partie expofée à la lumière & point dans l'autre : le bois couvert d’une feule épaif- feur de papier a été altéré dans fa couleur , mais peu là où il étoit doublé, Le papier rouge a fouffert peu de changemens dans fa couleur , aufit e bois n’en a prefque point éprouvé. Le papier d'Hollande #/anc & épais a roufli dans fa partie extérieure; le bois à eu fa couleur altérée là où il n’étoit couvert que par un duu- ble de ce papier, mais il n'a point fouffert d’altération là où il y en avoit deux. Tome XIV, Part. Il. 1775. NOVEMBRE. Ccc 373 ‘OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE Le papier brouillard gris a le moins préfervé la partie du bois qu'il couvroit, mais ici encore on trouve que la partie la plus altérée étoir celle qui n'’étoit couverte que par un feul papier. Je dois ajouter que les intervalles qui n’ont pas été couverts ont tous la mème couleur ; mais ce qui eft capital, c’eft que la lumière a agi non-feulement far la ik qui n'étoit pas couverte , mais encore à une ligne au-deffous de a partie couverte. J'ai préféré le papier aux étoffes dans ces expériences, parce que j'en croyois le tifu plus ferré & plus-continu ; mais fi ces expériences ne laiflent aucun doute fur l'effet de la lumière pour décolorer le bois, fi elles nous montrent que le foie de foufre , & l’efprit-de-vin produi- fent les mèmes effets , comme .je le ferai voir bientot plus en dénail , elles inftruifent peu fur la décolorarion des papiers; les couleurs qui les couvrent fonc terreufes, la préparation employée pour les appliquer eft différence, l'effence du papier n’eft pas la même; mais il m'a ce- pendant paru que la décoloration à toujours été proportionnelle à la diminution de l’épaifleur des furfaces qui inrerceprotent l'aétion im- inédiate de la lumaière; je vais: renouvelle ces expériences de manière à pouvoir ftatuer quelque chofe de plus poGrif fur les altérations can- fées à chaque couleur. Après avoir ramalié les marériaux de cette lettre, je les communiquai, Madame, à M, Bonner , que vous connoiflez avec l'Europe comme un grand Phyficien , un parfait Obfervareur & un fublime Méraphyfcien; mais dont vous ne connoillez pas comme mot la grande bonté; 1l veut bien perdre fon rems à écouter ceux qui le confultént & defcendre jufques à-eux paur les éclairer de fon avis; il daigne m'honorer ain quelquefoiside fes confeils. & de fes leçons; quand il eut entendu la leéture de ce que je viens de vous écrire, 1l me montra, fon Journal qui contenoït plufieurs expériences du genre de celles que j'ai eu l'honneur de vous rapporter far la décoloration de quelques corps ; jy vis avec plaifir que fans nous être communiqués en aucune manière , nous avionseu quelques idées femblables, & que nos expériences quoique différentes pour la forme, otfroient les mêmes réfulrars ; vous en jugerez mieux par l'excellent Mémoire que le Phi lofophe de Genthod publiera à ce fujét, & que j'annonce avec d’au- tant plus de plaïlir, qu'il fera unk autorité propre à accréditer les expé riences que je voulois répandre , & une inéruétion iofiniment utile pour les Phyficiens: Je n'ai pas encore fini, Madame , j'ai dés expériences encore plus fingulières à vous rapporter, elles me:paroifient mériter Ja plus grande attention. J'ai dir que Meflieurs Beccaril, Meyer, Schulze & Scheele avoient obfervé comine moi, que la lumière rendoit violette la lune cornée, mais j'ai obfervé de plus que la lumière du jour ordinaire quand le T SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 379 ciel n'étoir. pas feréin:,, n'opéroit ce changement qu'au bout de deux minures ;, que dans un jour férein ; il ne falloit qu'une minute ; mais que la Jumière du foleil produifoic cer jeffec dans tix à. huit fecondes; que cecte, luinière interceprée par un) papier n'agifloir qu'au bout de cinq minutes; qu'il lui en falloie dix quand 11 y avoit deux papiers & qu'elle. étoit.fans efficace quand il y en avoie trois. : M. Tingry , Démonitrateur en Chymie ;, de, la Société des Arts, à l'honnèreté duquelje dois toures les préparations.que.j'emploie, avoic BrFplsé beaucoup d'argent par la diflolution du 4el marn:, dans un bocal, qui avoir 8 pourei dé haur fur:4 pouces de diamèrre ; cous.les côtés du bocal où ÊË touvoic la lune-cornée paroïffoient violers ; mais le côté expofé à l'action immédiate, de la lumière , étoit beaucoup plus foncé; le fond du vafe va par-deffous étoit parfirement blanc , mais la partie fupérieure de la lune cornée fur ceinte quoiqu'il y eût - pou- Ces d'eau; le vaiffeau agité, la lune cornée reprit fa blanchgur, &!elle redevint violette quoique les rayons de lumière travérfaifenc deux pou- ces d’eau pour y arriver st Hp Si l'on, emploie une lentille pont, porter une. lumière plus vive fur cette lune cornée, elle eft changée à l'inftane même; fi l'on intercepte fes rayons par un papier il faut une minute , trois minutes lorfqu'il y a deux papiers, 10 minutes avec trois papiers, & jamais avec quatre Papiers. Le papier que j'emploie eft un peu plus ferré que celui de ce Journal. La lumière réfléchie, par unmur blanc n'agifoit qu'au bout de fept à huit minutes. Un morceau de bois de noyer de : ligne d'épafleur em- pêche la coloration dela lune cornée lorfqu'il intercepté la lumière , mais un morceau de fapin femblable ne produifit pas cet effet. Douze lames de verre ayant chacune + de ligne d’épailleur , & qui fe touchoient en couvrant la lune cornée, n’ont permis jaw foleil delà colorer qu'après avoir été expofte'à fes rayons pendant vingt-deux mi-, nutes., Deux pouces d’eau entre deux lames de verre, n’ont arrêté que! pendant trois minutes l'aétion de la lumière fur Ja lune cornée, elle eft devenue violette au bout de ce tems-la. Enun les différens rayons prifmatiques ont un pouvoir différent de colorer la lune cornée; le rayon violet change en violer la lune cornée dañs 15 fecondes, le pourpre. dans 23 ; le bleu dans 29 , le verd dans, 37, le jaune dans cinq minutes & demie, J'orangé dans 12 minutes ;; & le rouge dans 0 minutes ;:ces trois dermières.couleurs commencoient, feulement alors à hifler une: teinte violette fur la! lune cornée ; mais je n'ai pas pu: parvenir à la rendre aufli forte que celle qui eft opérée par le rayon violer même au bout de trois quarts-d’heure. Afin de ne laifler aucun doute fur cette expérience ,. j'ai examiné l'effee, de chaque rayon: féparé de. tout: autre. fur: la lune cornée 1779 NOVEMBRE. Cceca 330 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dans une chambre obfcure. Enfuite j'ai appliqué fur une des furfaces latérales d’un flacon une couche de lune cornée; jy ai fait tomber l'image d’un prifme , de manière qu’elle occupât toute la largeur de lefpace couvert par la lune cornée que j’avois eu foin de couper en diagonale , pour mieux juger l’impreflion de la lumière fur la lamelle appliquée immédiatement au verre, & j'ai obfervé conftamment l'effet particulier de chaque rayon comme je l'ai déjà décrit: j’aurois pu multi- plier ces expériences en les faifant fur différentes préparations, comme je l'ai déjà pratiqué ; maïs cela n’offroit aucune vue nouvelle pur ce que je voulois aujourd'hui faire connoître ; de forte que je renvoie ces détails utiles à d’autres circonftances. Il réfulte de ces expériences: 1°. Que les rayons dont la vitelle paroît la moindre, font ceux qui agiflent le plus fortement fur la lune cornée comme les rayons violets : 2°. Que les rayons qui paroiffent les plus rapides ; qui font peut-être mieux réfléchis, & qui fe combi- nent moins avec la June cornée, font ceux qui agiflent avec le moins de force: 3°. Que les rayons violets agifient prefque aufli vite que tous les fept rayons enfémble : 4°. Ne feroit-1l pas poflible que les rayons violets fuflent les feuls phlogiftiqués , & que les autres rayons ne paruflent l'être que parce qu'ils ne font pas bien févarés du violer? $°. Peut-être au moins les rayons violets font-ils plus phlosiftiqués qué les'autres, ou fe combinent-ils plus facilement & en plus grande quantité? 6°. Enfin, peut-être tous ces rayons font-ils phlogiltiqués à différens desrés, puifqu'ils ont uñe:manière d'agir commune quoi- que leur énergie particulière ne foit pas la même. Oui, Madame, je crois ces rayons phlociftiqués , ou plutôt conre- nant une matière agiflante comme le phlogitique ; la lune cornée qui ft ainfi colorée en violer eft réduite , elle peuc fe diffloudre dans l'eau forte; & j'ai eu le plaifir de la voir fous fon brillant métallique quand elle a été eéxpofée à l’action du feu. Il eft au moins cerrain que l'acide marin eft chaflé de l'argent , puifque l’eau dans laquelle on lave cette lune cornée noircie, eft acide , & qu'elle a l'acidité du fel marin, uifqu’elle précipite la diffolution d'argent, tandis que l'eau qui lave Ê lune cornée blanche ne produit point cer effet; au refte, la lumière opère pas certe feule réduction, ot fait que les acides calcinerit l'or & l'argent, &. qu'ils leur ôtent leur phlogiftique ; puifque leur difflolu- tion! donne de l'air inflammable} mais la lumière dulmiroir ardent réduit ces métaux fans addition, parile phlogitique de la lumière qui fe décompofe fans doute au foyer; ce qu'il y a de certain; c’eft que l'or & l'argent donnent alors de Fair déphlogiftiqué ; 1l en eftde même du précipité perfe, du précipité rouge & du curbith minéral; enfin , la lunière du miroir ardent rend les chaux de fer attirables à l'aimant; l4 calcination donne aux terres calcaires la faculté: d'attirer la: luinière: sr tie AE de TT ti 180, LB nn SUR) L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 381 quand elles font impregnées d'acide, & le BhGIPRoE de Bologne eft accompagné , pendant qu'il luir, d'une odeur de foie de foufre décom- of. Puis donc que la lumière réduit la lune cornée & Les chaux de quel- ques mérux, 1l paroît qu’elle agit comme une matière A a ou phlosiftiquée ; la vapeur du foie de foufre , le charbon, produifent au -moins des etfers analogues; mais je me garde bien d'aflurer que la lumière foic le phlogiftique ; ce qu'il y a de certain, c’eft qu'elle ne colore que la furface de la lune cornée, & qu’au bout de plufieurs femaines la pénétration n'eft pas plus grande qu'au bout de quelques minutes. $. 10. Confidérations fur l’Etiolement. Les obfervations que j'ai rapportées, les confidérations que j'ai faires peuvent nous approcher du fil qui nous conduira à la connoiffance de l’étiolement. Le feu ou la chaleur contribue: au développement des plantes, com- me le fluide électrique, mais ni l’un ni l’autre ne préviennent l'ériole- ment , fi les plantes fonc dans l’obfcurité ; les plantes végèrent forc bien dans un air plogiftiqué, mais ce phlogiftique ne leur tient pas lieu de la lumière , elles y prennent bientôt une figure étiolée , fi elles “onc privées de l'influence bienfaifante du foleil; il y a même plus, la lumière de la flamme ne remplace pas celle du jour : M. l'Abbé Corte avoir obfervé que la tremelle qui cherchoit les rayons de la lumière ne cherchoit point ceux d’une bougie. On fair qu'une feuille de papier appliquée fur les fruits , empêche leur coloration comme celle de la lune cornée. On obferve encore que l’'ériolement fe répare très-vice, fi l’on expofe les plantes ériolées à la lumière. L'infpection de la plante étiolée annonce qu’elle eft attaquée d’une maladie qui feroit au végétal, ce que l’hydropifie produite par le relà- chement eft à l'animal; la plante s’allonge, s’efile, blanchir; elle eft fans force; elle eft noyée par un fuc aqueux qui relâche toutes fes par- ties, elle reflemble aifez à ces convalefcens que le féjour dans la cham- bre , l'inaétion & une forte tranfpiration affoibliffent , päliflent , eff- Jent & bourfoufflent. Les feuilles des plantes ont uñe partie réfino-extrative, diffoluble dans l’eau par fon adhérence aux matières qui compofent l'extrait ; alors, la partie extractive eft bien difloute, mais la réfineufe eft pref- que intacte; une infufon de la fleur de carthame donne uñe couleur jaune, mais les fels alkalis en tirent la couleur rouge qui eft réfineufe , & que l’eau feule n’auroit pu extraire ; ceci m'avoir fut penfer que comme l’évaporation paroït moindre dans les plantes ériolées ; il feroit 332 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, poñlible que la partie colorante fût diffaute dans cette eau fur:bondante ; & noyée au point qu'on ne püt l'appercevoir ; mais les expériences de M. Bonnet prouvent que les plantes étiolées qu'on fubmerge réparent leur étiolement , fi elles font expofées à la lumière; cependant dans cer étar elles ne faufoient tranfpirer abondamment, puifqu'elles font environnées d’eau ; d’ailleurs, l’électriciré & la chaleur qui hâtent l'éva- poration n’empèchent pas l'étiolement ; & les plantes aquatiques s’étio- lent fous l'eau quand elles font privées de la lumière. I feroit peut être plus probable d imaginer une combinaifon con- tinuelle de la lumière avec le végétal, qui fivorife l'évaporation du fuc aqueux , & qui le combine de manière à former cette partie réfi- neufe qu'on obferve dans toutes les écorces, dans toutes les feuilles & dans les parties des fleurs propres à la fécondation; il femble que c'eft dans cés dernières où les molécules de lumière fe concentrent fur-tout , & où elles doivent néceflairement fe concentrer; c’eft au moins là que fe trouvent les parties les plus huileufes, ces exhalaifons fulphureufes qui frappent l’odorat ; ce qui eft bien remarquable , les plantes étiolées ne produifent aucune fleur, & celles qui font en bou= ton périflent quand elles ne peuvent êrie développées par la lumière , enfin les fleurs ériolées ne font pas fécondes. J'ai obfervé un fait aflez fingulier: des Cérifiers & des Abricotiers qui donnoient beaucoup de gomme pendant qu'ils étoient expofés au foleil, cefsèrent d'en laifler couler, aufli-tôt qu'un bâtiment leur eut intercepté une partie de l’ac- tion immédiate de cet aftre; j'avois dit encore dans mon Mémoire quatrième fur le phlosiftique, qu'il éroit poflible que la lumière agit fur les plantes par fon impulñon; mais pourroit-on douter qu'elle modifie les végétaux , quand on penfe que quelques phofphores expo- {és à fon action y perdent pendant quelque-rems leur faculté de luire, & qu'ils la reprennent lorfqu'ils ont été expofés au feu ? M. Beccari avoit obfervé que le papier chauffé éroit phofphorique, mais qu'il cefle de luire sil eft expofé au foleil pendant quelques heures; les feuilles des plantes féchces éprouvent le même effet & l'impreflion de la lu- mière fur ce papier & ces plantes eft mème fi profonde, qu'il faut les racler long-tems avant qu'ils reprennent leur phofphoréité. M. Beccari a obfervé encore , que trois feuilles de papier expofées au foleil, de manière qu’elles fuffent placées les unes fur les autres, les deux pre- mières étoient trop alktérées par la lamière pour être phofphoriques ; c'eft fans doute au végétal dont le papier eft fair qu'il doit ce phof- phorifme. Cette phofphoréité dépendoit donc de certaines parties déli- cates que la lumière dérangeoit , mais la force qui lui fait produire cer effet peut ordonner auñli les lamelles des plantes, compofer leur tiflu, s'unir à la terre pour les nourrir , entretenir une circulation dans les fluides qui empêche cette hydropifie mortelle , produire la couleur APT PT + ŒUT. Ne Tel ET OT SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 538; comme fur nos fapins blanchis au rabot , fournir peut-être par fa com- binaifon la réfine qui concourt fingulièrement à former la partie co- lorante des feuilles & des fleurs, & claborerla fleur elle-même, les fruits & les graines, qui offrent tous beaucoup de parties huileufes. Enfin, ce qui donne de la probabilité à ces idées , c'eft que toutes les plantes , fuivant les expériences de M. Beccari , peuvent devenir phofphoriques par la deffication : 1} paroïtroit de là qu’elles ont toute une affinité particulière avec les parties de la lumière ; mais comme l'humidité nuit à ce phofphorifme , ne feroit-ce point parce qu'il dimi- nue l'aflinité de la lumière avec la plante & par conféquent ces effets ? Alors, il n'y a plus cette union intime qui produit la lumière , mais celle qui forme la partie phlogiftiquée des plantes, leurscouleurs , odeurs, &c. Dès que la lumière manque à ces plantes defléchées, elles ceffent bientôt de luire, & quand elle manque aux plantes fraîches qui en abforbenc peut-être plus , ou plutôt qui en combinent davantage quand elles y font expofées, elles ceflent d’être colorées , d’avoir du goût; dans les années pluvieufes où le foleibparoît moins, les plantes aufi font moins colorées , moins favoureufes ;’enfin, une fimple feuille de papier qui intercepte la lumière change la coloration des fruits, parce quelle dérange fans doute le jeu de l’afhnité de la lumière. $. 11. Conffdérations plus générales fur la Lumière. La terre , l'eau & les fels qui entrent dans la combinaifon de tous les corps, ne font point lumineux ni inflammables par eux-nièmes: d'où reçoivent-ils cette propriété? Seroit-il impoffible que la lumière contribuât à former les huiles, les réfines, les matières fulphureufes , inflammables & phofphoriques, foit en s’uniffant au feu, foit en le développant ? Ne feroit-ce point une caufe finale de la lumière ? Les fluides phlogiftiqués font les plus réfringents , lorfque les denfités fonc égales ; les Auides ou les corps qui réfléchilfent les rayons les plus réfran- gibles n'ont-ils pas cette qualité, parce qu'ils ont plus d’affiniré avec les rayons qui font le moins réfrangibles? Les feuilles les plus obfcures font celles qui contienñent le plus de parties réfineufes ; n'abforbe- roientelles pas plus de lumiere ? Putfque le rayon violer eft réfléchi par les lames les moins denfes, & le rayon rouge par celles qui le font le plus, les forces réflectives "& réfringentes font proportionnelles à la denfité des corps'colorés , comime les éxpériences de M. Delaval paroillent le démontrer. Ne feroit-il pas poflible, fi les rayons colorés varient par leur na- ture , que l'afanité plus où moins grande de chacun d’eux avec les plans réféchiffans variât leurs nuances ? 384 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Si la lumière eft compofée de corpufcules, il n'eft pas impofñble que cette fubftance ait fes affinités, & qu'elle forme le phlogiftique qui eft l'ame des corps organifés , comme celle du Règne minéral ; le charbon des plantes étiolées femble être en plus petite quantité que celui des plantes qui ont reçu les influences de la lumière ; ce qui montreroit la fource où les corps puifent leur inflammabilité. Le phlogiftique qui fe formeroit dans les végétaux par la combinai- fon de la lumière avec leurs principes, ne feroit-il pas celui qui circule dans les deux autres Règnes ? ou du moins n’en feroit-1l pas la plus grande partie ? Il paroît que les animaux & les minéraux fouffrent moins par la privation de la lumière que les plantes. Le feu paroiffant un diffolvant, la lumière, l'électricité , le phlogif- tique, ne feroient-ils pas le mème diflolvant dans différens degrés de concentration ? Je m'arrète, Madame, il vaut mieux faire des expériences que des raifonnemens ; je vous promets de profiter de cer Etc pare avan- cer autant que je le pourrai cette partie de nos connoiflances ; vos efforts donneront de l'énergie aux miens ; je tâcherai de vous fuivre fi je ne puis vous donner la main; je penferai fouvent à vous en voyant le foleil. Père de cette lumière dont vous étudierez avec moi la nature , après avoir fervi peut-être fouvent de comparaifon pour peindre l'éclat de vos charmes, vous chercherez la folidité de ces rapports dans la fidélité de l'analyfe que vous voulez en faire : pour moi je n’en doute point, & je ne continuerai mes recherches que pour mieux juger les vôtres; je vous promets leur réfultat à la fin de l'année, & j'ai l'honneur d’être refpectueufement. M'É M O LR. E; Par M. J. B. DE BEUNIE , fur une maladie produite par des Moules vénimeufes. De tout tems on a obfervé des maladies caufées par des moules vénimeufes. Werlhof, Cautiones Media , dit qu'un homme robufte , im- médiatement après avoir mangé des moules, fut attaqué d’une cardial- gie, de vomiflemens & d’une fièvre pourpre ( purpura urtiaria) & qu'il eft mort le troifième jour. Selon Baukmanaus, une Dame de Mec- kelembourg , ayant mangé des moules venimeufes, a eu, outre les fymptômes SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 335 fÿmptômes ordinaires, une très-grande hémorragie utérine, Le même Auteur dit : Widi enim non paucas matronas , virgines € infantes ex mytilorum efu male fe habentes, fentientes præcordiorum anxierates , fu- dores frigidos , lipothymias , ventris ; faciei & extremuratum intumefcen- tam , ita ut aëlum de earum vita putaffes. Eph. Nat. Cur. Dec. 2 ann. Oétavi Obf, 48, pas. 122. Mentzel , ajoute, avoir obfervé outre ces fymptômes , des convulfons coritinuelles. (/4id. Obf. 1945, p. 498.) F A. Guldenklee cite plufeurs fymptômes produits par des moules veni- meufes, Conf. Dit. Cap:11, page 155. #. Meibomius parle des paflions illiaques , caufées par des moules venimeufes. Il y a long-tems qu'on connoît la qualité venimeufe des moules, mais la nature de ce venin a été inconnue jufqu’à nos jours. Quelques- uns crurent que la fubftance de la moule même étoit venimeufe; d’autres, qu'elle contenoïit de jeunes crabes , des araignées, &c. &c. Aünfi, les opinions furent partagées ; par la fuite du tems, l’on obferva que ces conchyles n’étoient venimeufes que dans certaines faifons ; des obfervations réitérées ont donné lieu au proverbe, es moules font mal- Jaines dans les mois où La lettre R n'entre point : ce qui fe confirme ré- gulièrement tous les ans, cette maladie ne régnant que pendant les mois de Mai, Juin, Juillet & Août Dans ce tems j'ai ouvert une grande quantité de moules, pour dé- velopper la caufe de certe maladie; mais toutes mes recherches n'ayant pas réufli, je dus à la fin au pur hafard, ce que j’avois cherché en vain pendant bien des années. En 176: ,au mois d’Août , un de mes Confrères étant empoi- fonné par ces conchyles, & fe croyant près de fa fin,me fit appeller ; je lui ordonnai un vomitif qui lui ft rejetter cer infecte nommé Æroile-marine, de la grandeur de trois lignes, & dfabord les fymprômes affreux dé la maladie difparurent ; m'imaginant dès-lors que cet infeéte avoir des qualités venimeufes, je me tranfportai fur les lieux ou bancs d’où l'on ure les moules ; ma furprife fut extrême d'y trouver pref- qu'autant de petites éroiles-marines que de moules; j'en ramallai une bonne quantité , pour faire mes expériences projettées ; je queftionnai beaucoup les Bareliers fur l’origine de ces étoiles, rout ce qu'ils purent me dire , fut qu'avant le mois d’Août on n'en trouve que de grandes, & dans le courant de ce mois, de petites qui parviennent à leur gran- deur naturelle vers le mois d'Oétobre, & qu'en plein hiver leur nom- bre diminue confidérablement; mais qu'alors, par la conftruétion de leurs rayons, elles ont une figure prefque fphérique. En maniant cet infecte, j'eus les mains enflées , engourdies & enflammées , fymprôme dont j'aurai occafion de parler ci-après. De retour chez moi, je dennai trois de ces petites étoiles-marines, enveloppées d’un morceau de viande , à un chien de taille médiocre, il en mourut dix heures après. Tome XIŸ, Part. LI. 1779. NOVEMBRE, Ddd 336 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, \ Je donnai de ces infe@tes à un autre chien , il fut très-malade ;. mais lui ayant fait avaler beaucoup de vinaigre , il guérit promptement. Ces expériences plufieurs fois répétées , j’obfervai conftamment , que lorfque les chiens avoient pris ces étoiles toutes crues & ne les réjettoient pas , ils étoient fort malades , mais que ces infeétes étant cuis, ou ayant fimplement bouilli, bien que donnés en plus grande quantité , ils ne produifoient pas d'effets dangereux. L’expofrion que nous venons de faire , doit nous aider à porter nos vues plus loin , & nous engager à faire de nouvelles recherches fur une matière fi inrérellante : Pline, Aldovrande , Rondeler , Jonfton, Cipriani, Frifch, Godard , l’infitigable Réauimur, Bonnet & plufieurs autres ont fait l'Hifteire Naturelle des Infectes , maïs n’ont rien dit de celui-ci, ou ne font fas anention de leur qualité venimeufe ; c’eft pour- quoi un Abrégé d'Hiftoire Naturelle , tant des étoiles-marines que des moules , ne fera point déplacé dans ce Mémoire. Hifloe Naturelle de l’Etoile-marine. L’étoile-marine eft une efpèce de poiffon ou d'infeéte marin qu’on trouve aux embouchures de plufieurs rivières, fur-tout de l’Efcaut ; elle repréfente par fa forme un petit cercle d’où fortent plufeurs cor- nes ou rayons, qui lui ont fait donner le nom d'étoile. Lorfque ces infectes font jeunes, leur chair mollalfe refflemble à la glue, mais à mefure qu'ils grandiffent , elle prend plus de confiftance : leur furface fupérieure eft couverte d’une peau calleufe & chagrinée ; au centre, de la furface inférieure eft placée la bouche, garnie d’un fucçoir dont elle fe fert pour tirer fa nourriture ordinaire des coquillages. Ces rayons très-fléxibles lui fervent de jambes, & chaque rayon à encore fur quatre double rangs plus de trois cents refforts ou petites arrêtes , femblables à des cornes de limaçon, faifant l'office d'autant de jambes pour ramper fur des corps marins; malgré ce grand nombre de jambes , le mouvement progreflif de cet infeéte eft très-lenc. J'ai trouvé des éroiles marines qui avoient perdu quelques-uns de leur rayons , & qui commençoient à en pouller de nouveaux, ce qui pour- roit faire ranger cet infecte dans la clafle des polypes. Ces étoiles étant defléchées ne paroïffent plus qu'un affemblage d’arré- tes d’une finefle & d’une ftruéture admirable Cet infecte eft appellé par Aldovrande, f/ella marina; par Sylvaticus Cremonenfis, magia , raffrum marinum ; par Rondelet, /idus marinum. Ces Aureurs en comptent jufqu’à vingt déeies fpèces ; mais Jonfton dit: » Tam varie & muluplices flellarum forme se ut querendi » 6 contemplandi nullus fit futurus finis «. Et quoique nos Bateliers pré- tendent en avoir trouvé plufieurs efpèces dans l'Efcaur, je n'en ai ja- mais pu rencontrer que de ceux à cinq rayons. “ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 387 De la Hire & Sedileau croient, mais fans la moindre preuve, cet infecte de différent fexe; mais d’après Teftorius, & les plus célèbres Naturaliftes modernes , je le crois hermaphrodite , de mème que les huîtres , moules & autres, qui fécondent leurs propres œufs. \ C’eft à la fin d’Avul,ou au commencement de Mai, (fuivant les chaleurs plus ou moïns précoces) que ces infectes frayent ; car en 1773 » ils n'ont frayé qu'à la fin de Mai; on voit fouvent fotter entre deux eaux une quantité prodigieufe de ce frai, reffemblant à de la gelée de viande, ou au frai de grenouilles ; ce frai appellé en langue des Bateliers Qual, où Watergro:y , fait par fa qualité elutineufe précipiter les impuretés de l’eau a tel point, qu’elle paroït beaucoup plus claire & plus tranfparente qu'en toute autre faifon de l’année, enforte qu'il fait le mème effet que la colle de poiflon au vih & à la bière. Ce frai obfervé les premiers jours au microfcope , ne repréfente qu'une mafle morte & informe de gelée; mais après quelques jours de chaleur elle paroïît vivante & remplie d’animalcules, qui après leur dé- veloppement, fe métamorphofent en étoiles marines très-vifibles, qui fe précipitent alors au fond de l’eau. Ce Ex fe voit ordinairement jufqu'au commencement du mois d’Août, mais les grandes chaleurs en développant plutôt ces animalcu- les, le font difparoître à la mi-Juiller. Ce frai eft fi'venimeux, f cauftique, qu'il fait gonfler & enflammer avec une démangeaifon infupportable la maïu de la perfonne qui le touche immédiatement, & roidit à vel point cette partie, que quelqu'un denué d'expérience croit que la gangrène va s’enfuivre, mais cet accident fans danger difparoît abord ; fur-tout fi l'on frotte avec du vinaigre l'endroit qui eft attaqué. Ce n'eff pas feulement aux hommes & aux quadrupèdes , comme je le prouverai bientôt, que ce frai eft nuifible; 1l left aufi à quelques poiflons : lorfqu’il n°y a point ou peu de ce frai dans l’Efcaut , l'éturgeon : &.le faumon font apportés ordinairement pleins de vie à la Poiffon- nerie d'Anvers, au lieu que quand il y a beaucoup de ce frai, la plus grande partie de ces poiflons meurt en route. Il ne paroît pourçant pas venimeux aux moules auxquelles il fert peut-être au contraire de noutriture, les moules n'étant jamais plus grafles que vers le mois de Juillet & d’Août, & on.ne trouve pas plus de moules mortes dans la faifon de ce frai, qu’en toute autre. Les huîtres qu'on trouve fur les mêmes bancs mêlées avec les moules, & qui ont comme elles les écailles entr'ouvertes, devroient aufli être venimeufes par la même raifon; elles ne le font pourtant pas, autant que j'ai pu le favoir, foir qu’elles rejettent certe efpèce de venin, foit que NOVEMBRE. Ddd2 388 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, : le peu qu'on en mange dans cette faifon ne fufhfe pas pour conftater la chofe. S'il eft apparent que le Qxa/ fert de nourriture aux moules, l’on croit également qu'il n’eft pas venimeux pour les poiflons de l'Efcaut, puif- qu'ils ne manquent pas dans le rems que cette rivière charie abon- dammenr ce venin. Il réfulte de ces obfervations, qu'il n’eft nuifible qu'aux poillons dont jai parlé plus haut, à l’éturgeon , au faumon, aux hommes, à certains quadrupèdes , aux chats & aux chiens , & plus à ces derniers qu'aux autres. J'ai aufi conftamment éprouvé que le vinaigre étoit un vérita- ble antidore , qui fait celler en peu detems les effets de ce poifon. Le frai bouilli n’eft nullement dangereux aux animaux dont j'ai parlé, d'où l'an pourroit conclure que ce venin eft un volatil qui n’exifte que durant la vie de l’infeéte ; c’eft peut-être aufñli la raifon pourquoi de cent moules , on n’en trouve pas une venimeufe, & que ce font les moules crues qui caufent cette maladie; du moins, je ne fais qu'un feul exemple où les moules cuites ont produit cet effet funefte. J'aurois continué ces expériences, maïs la chaleur au commencement de Juiller, ayant fait fubitement difparoître le frai , 1l me fut impoffi- ble de les pourfuivre. Hifloire Naturelle des Moules. La moule , »ytulus en latin, eft un infeéte marin de la claffe des bivalves, trop connu dans ces Provinces pour en faire une defcription détaillée. Je me bornerai à décrire les parties qui fervent à montrer comment elle fe nourrit, avale le venin & le communique à l’hom- me; les plus curieux peuvent confulter , Gefnerus, Réaumur & fur- tout A. de Heide, qui a fait une Anatomie exacte de cer infeéte. On obferve que les moules aiment à vivre en communauté , car quoi- qu'on les trouve çà & là au fond des rivières , ifolées ou égarées par les flots, on en trouve par millions attroupées dans d’autres endroits ; on appelle ces places des bancs de moules, & on les y trouve en telle abondance, que quelques heures fufhifent pour em remplir des barques entières. Elles fixent leur demeure dans des lieux où l’eau eft très-falée, oùil y a des pilotis de bois ou des pierres pour foutenir les digues, & où la marée ne defcend pas affez bas pour les laïfler à découvert; & afin de n'être pas emportées par les vagues ou par lesfiux , elles s’attachent au bois, aux pierres, & mème les unes aux autres par une efpèce de filafle ou de foie; cette foie eft filée par la moule même & provient d'une humeur gluante qui fort de fon corps, cette humeur fe durcit dans l’eau. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 389 Ces foies ou cordages leur fervent d'ancre , fans quoi le premier toup de vent ou les vagues pourroiïent les emporter. Ce méchanifme très-ingénieux fe fait par la langue ou la trompe de la moule , qui eft cette partie noire ou brune, qu'on obferve en ou- vrant les écailles; elle a dans fon état de contrattion quatre à cinq lignes de lonoueur & deux de largeur; mais elle fe peut prolonger juf- qe un pouce & demi. Cette trompe lui fert de main, de jambe, de lière & de fonde pour chercher les endroits où elle puifle fe fixer ; dans ‘le long de fa trompe fe trouve une cannelure qui va d’un bout à l’autre ; l’animal difpofe les lèvres de fa trompe de manière à en former un tuyau contenant une liqueur gommeufe , qui compofe les cordages avec lefquels 1l s'attache & fe colle fur divers corps, tellement qu'une moule ancrée reflemble à une rente munie de fes cordages & pr ; fes fils récemment faits, font plus blancs, plus tranfparens que es autres, & font quelquefois au nombre de plus de cent pour ancrer une feule moule. Sa langue ou trompe n’eft proprement qu'un mufcle, ou affemblage de plufieurs petits mufcles blanchätres couverts d’une peau brune ou noiratre. Cette langue ou trompe lui fert de jambe ; quand l'infecte veur faire quelque mouvement progrefif , il la fixe fur quelques corps, la raccourcit , & tirant vers la pointe le refte de fon corps, il décrit à cha- que pas l'efpace d’un pouce & demi. Quelques Auteurs croient que la moule contient une. humeur diffol- vante pour difloudre fes cables , quand elle veut faire quelque mou- vement progreflif; mais 1l me paroït plus probable qu’elle les coupe par fes écailles, qui ont aflez de Re & de tranchant pour faire cette manœuvre. C'eft un moyen bien plus fimple & plus naturel, qui paroït fe confirmer par la quantité, & qu’on trouve très-fouvent de ces cordages accumulés & abandonnés. Le vulgaire croit que la partie noirâtre que l’on y obferve, eft le cœur de la moule; mais j'en ai trouvé quelques-unes qui n’avoient que la moitié ou une partie de ce vifcère prétendu , apparemment coupé par d’autres moules, lorfque certe PE s'engage dans les coquilles adjacentes, qui fe ferment roujours lorfque quelque corps étranger les touche. Maïs comme nul animal ne peut fubfifter fans avoir le cœur en entier, il eft vifible que l'on fe trompe groffièrement en donnant ce nom à la partie fufdite, D'autres croient que la cannelure de la langue fert d'œfophage ; il eft vraifemblable qu'ils fe trompent ; il eft vrai qu'entre les quatre paires de mufcles de la langue , on trouve une ouverture qui eft une continuation de la cannelure , mais des injeétions faites dans cette ou- verture , pénètrent dans le corps graifleux & jamais dans l’eflomac de 399 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la moule; par conféquent c’eft à tort qu’on la nomme l’œfophage. La bouche de la moule eft fituée vers l'angle aigu de cet infecte, & garnie de quatre franges flottantes en forme de mouftaches qui lui fervent de lèvres. Ce n’eft ‘pas la trompe ou la langue feule, dont la ftruéture foit fi artifement travaillée ; les barbes ou les franges qui bordent prefque la moitié de la moule offrent un nouveau fpeétacle d’admiration : ces franges font un tiflu admirable de fibres creufes , qui fervent d’ouies, ou d'organes de la refpiration , de vaiffeaux pour la circulation des humeurs , & vraifemblablement de coïns pour ouvrir les écailles, car on obferve deux mufcles ou tendons pour les fermer, & on cher- che envain leurs antagoniftes ou ceux pour les ouvrir. Lorfque la moule veut s'ouvrir , elle relâche les deux mufcles on ten- dons, fait gonfler les franges qui fervent de coins, & qui font écarter les écailles ; du moins on ne voit jamais de moule s'ouvrir qu'elle ne poule fes franges en-dehors; tout ce fpetacle intéreffant aux yeux du Naturalifte ne lui fait-il point concevoir les plus hautes idées de la fécondité de la nature & de fon Créateur? Nous pourrions ajouter ici plufieurs autres particularitésintéreflantes des parties ininternes, mais com- me dans ce Mémoire notre but principal eft moins d’exciter la curiofité , que d’être utile à l'humanité , nous finirons ici l'hiftoire naturelle de la moule. Vu que fes parties{inférieures feroient inintelligibles fans le fecours des figures, nous allons parler du danger où l’on s’expofe en mangeant les moules crues dans la faifon où le frai des étoiles mari- nes (ou le Qua/) eft dans les rivières. Deftription de la maladie caufée par des Moules venimeufts avec fes fignes diagnoftiques. Quelques minutes après avoir mangé les moules venimeufes, le ma- lade fe plaint d’une ardeur dans la gorge. L'œfophage & l’eftomac, d'a- bord les lèvres, la langue & la gorge s’enflent à un tel point, qu'après quel- ques minutes la parole lui devient difficile & toute la tête fe gonfle con- fidérablenent; puis les yeux deviennent enflammés comme dans une grande ophtalmie , & paroïflent aufli rouges & étincelans que dans une manie ou frénéfie. Enfuite, toute la fuperficie du corps devient gonflée & enflammée, & mème plus rouge que dans un éryfipèle , à quoi fe jointune démangeaifon infupportable & une extrème roideur comme dans le catalepfie , avec une refpiration très-gènée , beaucoup d'inquiétudes, quelquefois des convulfions & douleurs épouvantables. mm. Le V1 fe SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 31 La Caufe. Nous avons prouvé que le frai des étoiles marines ou le Oue?, appli- qué extérieurement fur le corps humain, produit des ardeurs , des gonlures, des roideurs; en un mot, les mêmes fymmprômes que les moules venimeufes prifes intérieurement , avec cette feule différence, que dans l'application extéfieure ce ne font que les parties où l'appli- cation” a été faire & les parties adjacentes qui fouffrent, au lieu que quand le venin eft pris intérieurement , les fymptômes font univerfels Ce frai où Qua! donné aux chiens & aux chats, produit les mêmes effets que les moules venimeufes, dans les rems où le frai des étoi- les marines fe trouve danses rivières ; nous croyons pouvoir aflurer que les moules ne font venimeufes que lorfqu’elles contiennent ce frai ; l'on ne doit par conféquent pas accufer la couleur orangée des moules , leur corruption , leur maigreur, les phafes de la lune, ni aucune maladie particulière des moules, ni leurs puftules , ni le nauplie d'Albert le Grand, ni les araignées, ni les crabes que le vulgaire croit la caufe de cette cruelle maladie, mais uniquement le frai des étoiles marines. Prognofe. Si les fymptômes de cette maladie font affreux, ils ne font pourtant pas aufli redoutables qu'on le croiroit; le malade en meurt rarement, quoiqu'il y ait des exemples de perfonnes qui ont péri après avoir fouffert trois ou quatre jours des tourmens horribles; mais fi les remè- des appropriés leur font adminiftrés à tems, ils guériffent en trois ou quatre heures, quoique l'engourdiffement fubfifte quelquefois pendant plufieurs jours. | Cure. Le premier foin qu’on doit porter au malade, c’eft de le faire vomir, pour évacuer au plutôt la matière venimeufe ; mais fi le venin a fé- journé quelques heures dans l’eftomac du malade, & qu'il foit plétho- rique , ou fort agité , il convient, crainte d’inflammation , de faire pré- céder la faignée (1). Je me fuis toujours fervi avec beaucoup de fuc- cès de lhipécacuana pour vomitif; je ne crois pourtant pas que ce médicament mérite quelque préférence fur les autres émétiques. oo, (x) Cette maladie doit être plus fréquente à Anvers qu'ailleurs, car jufqu'aux enfans de crois ans tous mangent des moules crues. 592 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Si la faignée n'a pas précédé, on doit la faire fuivre, pour calmer l'irtitarion du genre nerveux & prévenir le dangereux fymprôme de l'inammation ; puis on fait coucher le malade , on lui fair boire co- pieufement quelque potion rafraîchiflante; .& on lui donne par heure trois onces de vinaigre un peu délayé dans de l’eau; à mefure que le malade commence à fuer , les fymptômes difparoiflent, & au bout de cinq à fix heures, il fe rrouve entièrement rétabli , excepté qu'il lui refte : un peu d’engourdiflément pendant quelques jours. nes Peut-être le vinaigre feul eft-1l capable d'émouffer ce venin , car en Hollande & en Zélande, où on mange autant de moules crues que dans nos Provinces Aurrichiennes, cette redoutable maladie y eft à ine connue Ce font pourtant les mèmes moules tirées des mêmes fon: toute la différence eft que dans ces deux Provinces , on les man- ge crues ; mais toujours avec du vinaigre feul ou avec le vinaigre mêlé d'un peu de poivre ; ainfi, il eft affez apparent que le vinaigre émouffe levenin; & l’expériencé nous fait voir que l'inflammation cau- fée par l'application externe du Qua, eft guérie en peu de minutes par cet acide, Pour fe garantir donc de cette maladie ; le plus court fera de ne pas manger de moules crues pendant les mois de Mai, Juin, Juillet & Aoùt; ou les manger comme en Hollande avec du vinaigre & du poivre , quoique je ne garantifle pas infailliblement cette dernière précaution ; pour celles qui ont palé par le feu, je crois qu’on peut s'en fervir en tout tems, n'ayant jamais vu ni entendu dire : quoique je m'en fois fcrupuleufement informé à plufeurs de mes Confrères.) qu'elles aient été nuifibles, dès qu’elles étoient bouillies , rôties ou étuvées , excepté dans un feul cas qui ne m'a pas été fuffifamment conftaté pour croire que les moules foient venimeufes lorfqu'elles font cuites, Re n T RECHERCHES SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 39; BCE CEE "RTC MANNE:S Sur les moyens d'exécuter fous l'eau toutes fortes de travaux Hydrauliques fans employer aucun épuifement ; Par M. Covrome, Capitaine en premier dans le Corps Royal du Génie; Correfpondant de l’Académie Royale des Sciences. CE Mémoire étoit deftiné pour le concours d’un prix propofé par l'Académie des Sciences & Belles-Lettres de Rouen , & dont ki terme eft fixé au mois d’Août prochain ; des raifons particulières relatives au fervice du Roi , n'ont forcé d’en hâter la publication. Je l'ai laiffé fous la forme qui répond aux données de la queftion ; mais l’on verra que les moyens que je propofe, quoiqu'appliqués à un exemple particulier , font généraux ; qu'ils répondent à tous les genres d’excavation que l’on peut faire fous l’eau , aux jones qu'exige la navigation de nos ports, de nos rivières; qu'ils fatisfont également à tous les genres de travaux, & aux maçonneries que l’on voudra fonder fous l'eau à des profondeurs de trente à quarante pieds. QUESTION. L'on demande, de recéper fous l’eau dont il eff toujours couvert , un rocher qui interrompt la navigation de la Seine auprès de Quillebeuf ? Le rocher refle fubmergé d'environ un pied dans Les plus balles eaux ; il ef de foixante à quatre-vingts pieds de longueur fur trente à quarante de largeur. Les Pilotes deffreroient , qu’il für feulement recépé de trois pieds dans fa fuperficie. Deftription d'un bateau à air, propre à exécuter fous l'eau toutes fortes de travaux Hydreuliques. Le bateau dont je propofe l’ufage dans ce Mémoire , eft conftruit d’après l'idée de a fait imaginer la cloche du plongeur ; mais il eft exempt des défauts qui ont rendu cette cloche inutile dans la pratique. Tome XIV, Part. II. 1779. NOVEMBRE.!: Eee 394 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Ce bateau a la forme de trois caiffes jointes l’une à l’autre , faifant en tout une longueur de vingt-quatre pieds fur neuf pieds de largeur. La Fig. 1. Planche ] , repréfente ce bateau vu en perfpeétive ; la Fig. à repréfente fon plan; les Fig, 3 & 4 fonc deux coupes verticales correfpon- dantes aux lignes défignées au plan: les deux caifles 4 & B, qui forment les extrémités du bateau , ont neuf pieds dans le fens de la longueur du bateau ; celle du centre n'a que fix pieds dans œuvre. Les caiffes A & B ont neuf pieds fix pouces de hauteur ; celle du centre a onze pieds, & eft pofée de manière, qu’elle dépaile (Fig. 3.) les cailles 4 & B de fept à huit pouces dans leur partie inférieure , & à-peu-près d’un pied dans la partie fupérieure. La partie inférieure des caifles 4 & B eft fermée par un fond en madriers , en forte qu’elles forment ponton; la caifle du centre qui eft celle où l'air doit être comprimé , eft ou- verte en entier dans fa partie inférieure, & eft fermée par un plafond en madriers dans fa partie fupérieure : ce plafond eft percé de trois trous. Le premier trou a (Fig, 1.) de dix-huit à vingt pouces de diamètre , fe ferme exactement au moyen d’une trappe garnie de cuir; ce trou eft deftiné à introduire les travailleurs dans la caifle de compreflion ; au centre de cette trappe , lon pratique un chaflis où l’on cimente avec foin une glace très-épailfe pour donner du jour dans l'intérieur de la caille; certe glace eft foutenue extérieurement par plufeurs tringles, pour empêcher Fair qui doit être comprimé dans la caifle , de l'enfon- cer. Le fecond trou 4 n’a que deux pouces de diamètre ; il fe ferme en-deflous par une petite Roue à contrepoids ,-qui empèche l'air comprimé dans la caille de s'échapper; ce trou donne communication au moyen d’un tuyau, entre la caiffe de comprefion & un foufflec placé fur le plafond de cette caille & deftiné à y renouveller & à y comprimer l'air. Le troifième trou 4, eft furmonté d’un tuyau vertical d’un ou deux pieds de longueur , garni à fon extrémité fupérieure d’un robinet ouvert en partie pour évacuer l'air que la refpiration des hom- mes pourroit corrompre , & qui fera chaflé par l'air nouveau que les foufflets introduiront continuellement dans la caiffe C. L'on voit ( Fig.s.) une coupe du foufflet dans le fens de fa longueur; V'air entre dans ce foufflet au moyen d’un trou 4 garni d’une foupape ; en fermant le foufflet cette foupape fe ferme , & l'air paffant dans le tuyau a b foulève une autre foupape £, & entre dans la chambre de com- preffion. La chambre de compreflion eft doublée intérieurement avec des lames de plomb foudées avec foin , pour empêcher l'air comprimé de s'échapper par les joints des madriers. Les détails de la conftruétion & liaifon de ce bateau font faciles à imaginer d’après nos figures ; celui que nous repréfentons eft formé au moyen d'un double bordage de trois pouces d'épaifleur. Les madriers SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 395 pofés horifontalement fuivant la longueur du bateau , font percés de ae trous pour recevoir les tenons des madriers horifontaux qui orment la féparation des caïffes. Ces tenons font affujectis par des clefs. Un fecond bordage de madriers pofés verticalement recroife à angle droit les madriers horifontaux contre lefquels il eft bouloné & cheville ; ce qui donne à l’enfemble la plus grande folidité. Le fond des pontons 4 & B & le plafond de la ambre de compreflion €’, font attachés contre une lifle horifontale que l'on voit à la Fig. 3. La folidité de la charpente que nous venons de décrire , s’augmentera facilement par d’autres moyens de liaifon , que tout conftruéteur de bateau eft en état d'imaginer & d'exécuter. Manguvre du bateau. Le bateau fera lefté de maniere que les pontens s'enfoncent de fepr pieds dans l'eau, en forte que la chambre de compreffion aura fept pieds & demi de tirant d’eau , l'eau rempliffant jufqu’à cette hauteur l'in- térieur de certe chambre. Ainfi, lorfquil n’y aura plus que fept pieds & demi de hauteur d’eau fur le rocher, le bord inférieur de la chambre € commencera à le toucher. Il n’eft plus queftion pour pouvoir déblaier le rocher, que d'introduire les travailleurs dans la caille de compreflion, de fermer la trappe, & de challer au moyen des foufflets , toute l’eau con- tenue dans la bre de compreflion, en y fubitituant de l'air à la place. Par-là lorfque le bord He de la caifle de compreflion tou- chera le rocher, toute la partie renfermée fous certe caille fe trouvera à fec. Je fuppofe donc , pour fixer l'imaginaion par une opération par- ticuliere , qui peut ètre cependant variée fuivant les circonftances locales, que Lorfqu'il ne reftera plus que fept pieds & demi de hauteur d’eau au-deflus de la partie du rocher que l’on veut déblaier, quatre hommes s’introduifent par le trou a ( Fig. 1. ), dans la caille de com- preflion € , où il refte au-deflus de l'eau un emplacement de trois pieds & demi de hauteur: fi l’on ferme la trappe , & que l’on fafle agir les foufflets, l'air fe condenfera dans la chambre , & ne trou- vant aucune iflue pour s'échapper , il en chaffera l’eau. Mais l’on doit remarquer, qu'en même-tems que l'air en fe condenfant vuidera l’eau de deffons la caille , il fera effort par fa réaction contre le plafond de cette même caille, & il foulevera le bateau ; en forte que la cham- bre de compreffion , ayant fix pieds dans un fens, & neuf pieds dans l'autre , & les caifles 4 & B ( Fig. 1.) ayant pour bafe un quarré de neuf pieds de côté, le virant d’eau de la caïfle C, qui primitive- ment étroit de fepr pieds fix pouces, fe trouvera réduit , lorfque l’eau aura été complettement challée de deflous la caille , à cinq pieds fept 1779 NOVEMBRE, Ecerz 356 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pouces fix lignes (1). Ainfi, après cette opération , le bord inférieur de la chambre de compreflion ne commencera à toucher le rocher que lorfqu'il ne reftera plus que cinq pieds fepr pouces fix lignes de hauteur d’eau au-deffus ; & pour lors toute la partie du rocher renfermée fous la chambre de compreflion , qui forme ici une furface de cinquante- quatre pieds quarrés, fe trouvera abfolument à fec , fi le rocher eft horifontal ; & file rocher eft incliné, il n'y aura que la partie la plus élevée du rocher qui fera découverte; dans la partie inférieure , il reftera une hauteur d’eau égale à la pente du rocher fur neuf pieds de longueur , qui eft la plus grande dimenfon de notre chambre. Cette hauteur au furplus ne fera jamais que de quelques pouces , fi le travail eft conduit avec intelligence. Dans tous les cas les travailleurs renfermés dans la caifle de compreffon, fe pourvoiront de quelques pieds cubes d'argile, pour pouvoir boucher la jonction du rocher avec le bord de la chambre, non-feulement dans les parties les plus élevées , mais mème dans la plus grande partie du contour , s'ils le jugent néceffaire. Ms formeront de plus, contre un des coins de la chambre, un petit baflin d’un pied de diamètre , communiquant avec l’eau extérieure , pour y vuider avec une pelle hollandoife ou quelque moyen équivalent , les eaux qui filtreroïent dans leur travail : dans le déblai, ils s'arrafe- ront par couches de niveau à-peu-près d'un pied d'épailfeur. Voici la marche que l'on pourra fuivre dans la conduite de l'ouvrage. L'on commencera par renfermer fous la caille, & par déblaier la fommité du rocher que l'on enfoncera feulement d'un pied ; enfuite, lon arrafera à ce niveau toutes les parties voifines. Lorfque Le rocher aura été baïflé d'an pied, l’on entreprendra une feconde couche de la même épaiffeur que la première , l'on s'arrafera par-tout de niveau; la troifième couche s’en- treprendra | & s’exécurera comme les deux autres : Le rocher après cette oo 6 (x) Voici le calcul qui déterminera le tirant d'eau du bateau. Dans la Fig. 6, CT repréfente le tirant d'eau de la chambre de comprefion avant que l'air foit con- denfés Cg repréfente le tirant d'eau de cette même chambre après la condenfation, & que toute l'eau a été chaîlée: ainf la condenfation de l'air répond pour-lors à une colonne d'une hauteur € g, & par conféquent le plafond de la chambre eft preffé par une action égale à une colonne d’eau de la hauteur € g. Donc en fuppofant que B (oit égal à une fedion horifontale de la caïfle de compreflion, B multiplié par Cg exprimera la preffion que l'air condenfé exerce pour foulever le bateau. Or, comme le bateau eft fuppolé relevé de la quantité g 7, fi À eft égal à la furface horifontale des deux pontons , À. / g fera la différence des mafles d'eau déplacées avant & après la condenfation de l'air. Ainfi, fuivant les loix de l'équilibre des fluides , nous aurons CZ l'équation À. /g — A(CI—1g) =B.Cg; d'où Cg PSE En appliquant cette formule à notre exemple, l'on aura C/= ri, A= 18PixoPi, B—6Pix gli, & par conféquent Cg= 57e 6! sd OR x“ L } F id < SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 397 opération , fe trouvera baïflé de trois pieds , comme l'exigent les don- nées de la queltion. . Comme le rocher de Quillebeuf a à-peu-près deux mille quatre cens pieds quarrés de furface, fi l'on réduit l'ouvrage des quatre travailleurs renfermés fous la caifle, à cinquante pieds cubes par marce , l'on trou- vera qu'il ne faudra que cent quarante-quatre marées, ou foixante-donze jours pour déblaier le rocher. Nous comptons, que quatre hommes feront fuffifans pour manœuvrer les foufflers : ainfi ce fera huit hommes employés tous les jours fur notre bateau. Doublons fi nous voulons certe quantité ; ajoutons-y les frais de la conftruétion du bateau , qui doi- vent cependant être diftribués, entre le travail que nous propofons , & tous ceux du mème genre que l’on exécurera dans le cours de la Seine & fur les côtes voifines, & l’on trouvera, que la dépenfe de cette opé- ration fèra fans nulle proportion moins conlidcrable que celle qui rétul- teroit des moyens ordinaires. Voici comme lon pourra eftimer le tems néceflaire aux quatre travailleurs, pour remplir la caifle de comprefhon d'air condenfé, & pour chafler toute l’eau qui y eft contenue. Suivant les expériences du Docteur Défaguilliers (1), un homme peut élever avec une bonne machine, par un tuyau , un muid ou huit pieds cubes d’eau à dix pieds dans une minute; ou, ce qui revient au même , un peu plus de quatorze pieds cubes à cinq pieds fept pouces fix lignes. Or, la compreflion de l'air , & par conféquent la réaction de fa preflion, eft fuppofée répondre à une colonne d’eau de cinq pieds fepr pouces fix lignes ; ainfi , en proportionnant les dimenfions des foufflers, & la lon- gueur des leviers, de manière que les hommes puifflent commodément y employer leur force, un feul homme pourroit fournir dans la caïle de compreflion quatorze pieds cubes d’air par minute , & les quatre hommes en fourniroient cinquante-fix pieds cubes , aufli par minute: mais comme la caïfle de compreflion contient un volume de cinq cens quatre-vingt-quatorze pieds cubes , & que l'air armofphérique n'y eft pas tout-à-fait comprimé d’un cinquième de fon volume, il s’enfuit, qu'après la compreflion , il y aura fept cens douze pieds cubes d’air atmofphérique renfermé dans la caïfle de compreflion. Mais avant le commencement de l'opération, il reftoit dans la partie fupérieure de la caille, un efpace de trois pieds & demi de hauteur au-deflus de l'eau , qui contenoit cent quatre-vingt neuf pieds cubes d’äir; ôtant cette quantité de fept cens douze pieds que concient la caïfle après la com- preflion , il en réfulte, qu'il faudra introduire cinq cens vingr-trois pieds cubes d'air atmofphérique , pour vuider toute l’eau contenue dans la 353 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, caifle ; ce qui, d’après les calculs qui précèdent, s’opérera facilement dans dix minutes par quatre hommes, puifqu'ils peuvent élever à cinq pieds fept pouces fix lignes cinq cens foixante pieds cubes d’eau dans dix minutes. Î y aura à la vérité une partie des forces perdue, parce qu'il faut qu'avant de pouvoir faire paller l'air du fouffler dans la caïfle de comprellion, cet air foit réduit dans le foufflet au même degré de den- fité où il fe trouve dans la caifle ; ainfi , 1l faut que le volume d’air ren- fermé dans le foufflet, foit diminué à-peu-près d’un cinquième , ayant que l’action des hommes foit employée utilement à faire pañler l'air dans la caiffe de compreflion. Mais cette perte de force ne peut guère être eftimée qu'à un dixième de la force totale, parce que la réfiftance qu'oppofe l'air comprimé à l'aétion des hommes, eft nulle lorfque le foufflet eft entièrement ouvert, & que certe réfiftance n'équivaut à une colonne d’eau de cinq pieds fept pouces fix lignes, que lorfque l'air a acquis le même degré de denfité dans le fouffler que dans la caifle, L'on doit faire la mème réflexion par rapport à la fomme des forces que les hommes feront obligés d'employer pour remplir la caifle. Dans le commencement de l'opération , la denfité de l'air étant la même dans la caille & dans l’atmofphère, la réfiftance que les hommes éprou- vent pour commencer à condenfer l'air dans la caille , eft nulle; & ce n'eft que lorfque l’eau eft entièrement chaflée de la caille , qu'ils ont à vaincre une réfiftance répondante à une colonne d’eau de cinq pieds fept pouces fix lignes ; en forte que la réfiftance moyenne ne peut guère être eftimée au-delà d’une colonne d’eau de trois pieds de hauteur. Ce qui d’après le calcul des machines, réduiroit le travail néceflaire pour vuider entièrement la caille de compteflion, à fix ou fept minutes de tems. La confommation de l'air refpiré par les hommes , eft eflimée par M. Défaguilliers (1), à un muid ou à huit pieds cubes d'air par heure; ainfi ce ne fera qu’une confommation de fix ou fept pieds cu- bes au plus, pour le tems qu'il faudra aux quatre hommes pour vuider la caille. Doublons fi nous voulons la perte des forces ; augmentons la confommation d'air que les hommes refpirent; forçons au défavan- tage de notre machine, tous les accidens qui pourroient en retarder l'effet ; fuppofons que pour purifier l'air de la caifle , l'on évacue par minute quatre ou cinq pieds cubes d’air par le tuyau placé fur le pla- fond de la caiffe: nous ne pourrons jamais, malgré tous ces défavanta- ges, eftimer à plus de quinze minutes , le rems néceflaire à quatre hom- mes, pour vuider la caille & mettre le rocher à fec. Lorfque l’eau aura été entièrement chaflée de la caïfle de compreffion , deux hommes fufhiront en I SOIR ED ON EN 7 NC EN SR RSS (1) Tome II, page 336. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 399 pour entretenir une circulation , qui rendra l'air renfermé dans cette caille, plus pur que celui que l'on refpire dans nos falles de fpectacle, & dans la plupart de nos appartemens. peus S'il pouvoit refter quelques doutes, il fuffira pour les difliper, de faire : réflexion , qu'il fera toujours facile d'augmenter le nombre des foufflets , & celui des travailleurs qui doivent les mettre en mouvement; & que quatre ou cinq manœuvres de plus n’infueront jamais fenfiblement fur là dépenfe d’un pareil travail. Lorfque l'on voudra donner une grande denfité à l'air, comme par exemple le double de la denfité atmofphérique , l'on pourra fubftituer des pompes aux foufflers : les pompes à piflon de mercure , exécutées en Angleterre & décrires par Défaguilliers (1), me paroïffent préférables pour condenfer l'air, à toutes celles que l'on trouve dans nos Cabinets de Phyfique; mais nous croyons cependant que lorfqu'il ne faudra con- denfer l'air ‘de la caïfle que d’un tiers de plus que la denfité atmofphé- rique, c'efta-dire, qu'il faudra feulement foutenir _. la compreflion de l'air, une colonne d’eau de dix ou onze pieds , des foufflets feront plus commodes. On auroit pu augmenter les dimenfions de notre chambre & celles des pontons à proportion ; 1l en feroit réfulté que l’on auroit pu y ren- fermer un plus grand nombre de travailleurs , & embraler à chaque marée une plus grande furface; mais il nous a paru que tout compen- fé, les dimenfions que nous adoptons fufhifuient pour fatisfaire à la queftion actuelle. La hauteur de la chambre a été reglée de manière que les hommes commençaflent à travailler lorfqu'il refteroit encore cinq pieds fepr pouces de haureur d’eau au-deffus du rocher; mais d’après les données de la queftion, comme le rocher ne refte couvert à balle mer que d'un pied de hauteur d'eau, les travailleurs ; dans beaucoup de marées , auront plus de trois heures de travail ; tems que nous croyons fuffifant à quatre hommes pour enlever cinquante pieds de furface fur un pied de profondeur, quand même ils feroient gènés par huit ou neuf pouces de hauteur d’eau. I nous refte encore pour remplir l’objet de ce Mémoire , de chercher les moyens de fe débarrafler à chaque marée, des déblais que les travail- leurs formeront fous la caille de compreflion. L'on voit (Fig. 3 & 4.) dans l’intérieur de cette caille , une grande hotte qui a cinq pieds de hauteur , trois pieds de largeur dans la partie fupérieure , & feulemenc un pied & demi dans la partie inférieure : le fond qui ferme la partie inférieure de cette hotte, eft atraché à charnières au côté de la cham- (1) TomeIl, page 576. / 400 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, bre, & eft foutenu au moyen de deux chaînes liées au plafond de la chambre , mais que l’on peut lâcher à volonté ; cette hotte eft attachée trois où quatre pieds plus haut que le rerrein que l'on veut déblaier, our que l'on puille travailler par-deffous; elle a toute la longueur de É chambre, & elle contiendra facilement les déblais que quatre tra- vailleurs pourront fournir dans une marée, La hauteur des bords des pontons au-deflus de l'eau eft trop grande, pour que l'on puifle crain- dre que la charge de cinquante pieds cubes de déblai puifle faire couler le bareau ; c’eft de quoi l’on s’aflurera facilement par le calcul. Lorfque le travail fera fini, & que le montant de la mer mettra le bateau à oc, on le conduira dans quelque partie de la rivière , où les déblais que l’on vuidera en lâchant les chaînes, ne pourront point nuïre à la navigation. Après tous les détails dans lefquels nous venons d'entrer , nous croyons qu'il ne doit refter aucun doute fur la réuflite des moyens que nous propofons. Le feul danger que l’on pourroit peut-être craindre , feroit que la condenfation de l'air ne nuisit à l'économie animale des hommes renfermés fous la caifle de compreffion; mais fi l’on fait atren- tion que l'excédent de la denfité de notre air comprimé fur celui de l'at- mofphère, ne répond qu’à une colonne d’eau de cinq pieds & demi, & qu’en traverfant des pays de montagne, l’on éprouve quelquefois de par- reilles différences fans s’en appercevoir, l’on fera entièrement rafluré fur ce danger. Je pourrois rapporter un grand nombre d'expériences faites à ce fujer; mais je me contenterai de citer celles de quelques Phyficiens dont l'exactitude & la fagacité font connues... . M. Mufchembrock (1) dit » que les hommes fe trouvent aflez bien fous l’eau à une profondeur » de trois censpieds , pourvu que l’on y renouvelle l'air & que l’on y » fournilfe celui néceffaire à leur confommation «. Si une variation de denfité répondant à une colonne d’eau de trois cens pieds de hauteur ne dérange pas l'économie animale , celle qui répond à cinq ou fix ieds doit être abfolument infenfible, L'on trouve dans la Phyfique du Docteur Défaguilliers (2) , que M. Edmond Halley à fait lui-même plufeurs expériences en s'introduifant fous la cloche du plongeur, où 11 renouvelloit l'air au moyen d’un tonneau que l’on defcendoit de la farface de la mer, fans qu'il lui foit jamais arrivé aucun accident. L'on trouve dans le mème Ouvrage, une lettre de M. Martin Triewal , qui tenoit du Gouvernement de Suède, le privilége des plongeurs fur le bord de la mer Baltique. Il affure avoir toujours fait avec fuccès fes opérations au moyen de la cloche du plongeur de M. Halley : il dit I IL LS {1) Effai de Phyfique, trad, Franç. première édit, Tom. IL, page 680, (2) Trad, Franç. Tom, Il, page 239. ; entr'autres n SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4oi entrautres chofes remarquables , qu’un des plongeuts dont il fe fervoie étoit âgé de foixante ans, & faifcir ce métier depuis l’âge de vingt ans. En réfléchiffant fur l’aflertion de M. Mufchembrock & fur les expé- riences rapportées par M. Défaguilliers, il en réfulteroit qu'il n’y auroic aucune cfpèce de danger à craindre en faifant travailler les hommes dans un air condenfé fous une colonne d’eau de trente à quarante pieds de hauteur. Aïnf, il paroït qu'un bateau à air pourroit être de la plus grande utilité pour exécuter fous l’eau une foule de travaux 3 . jufqu'ici, ont paru impofñlbles , ou n’ont été rentés qu'avec des frais & des rifques énormes. Le. bateau que l'on deftineroit à de grandes conftruétions , pourroit avoir trente ou quarante pieds de hauteur ; la chambre de compreflion auroit quinze ou vingt pieds de longueur & de largeur , les autres dimenfions du bateau s’augmenteroient dans les mêmes proportions. Si l’on vouloit fe fervir d’un pareil bateau pour fonder une maçon= nerie dans la Méditerranée ou dans le lit profond d'une rivière; après avoir applani le cerrein & y avoir , fi on le croyoit néceffaire , enfoncé des piloris & coulé un grillage , l’on renfermeroit dans la chambre de compreflion , les matériaux néceflaires pour former un établiffement d'un pied de hauteur fur toute la furface renfermée fous la chambre; l'on mettroit enfuire à fec le deffous de la chambre par le moyen des ompes de compreflion, fi les fouflers n'étoient pas fufhifans ; l’on cou Lee le bateau , & on le mertroit à ot au moyen de quelques pieds cubes d’eau que l'on introduiroit dans les pontons & que l’on vuideroit à volonté. Pour rendre l’ufage de cette grande caïfle plus commode , pour pou- voir y renouveller les travailleurs & y introduire quand on voudra des matériaux & des outils fans laifler remonter l’eau dans la caifle, il faudra pratiquer dans la partie fupérieure de la chambre de compreflion, un ou deux petits coffres de quatre ou cinq pieds dans tous Les fens, doublés, comme la chambre, d’une lame de piomb: ces coffres communiqueront au moyen de deux portes, d’un côté, avec la chambre de compreflion , de l’autre, avec l'air extérieur ; par ce moyen, l’on pourra former un dépoôr & introduire dans la chambre de compreflion tour ce que l'on jugera à propos, fans y diminuer l’état de condenfarion néceffaire pour tenir à fec le deflous de la caiffe. Le rocher de Quillebeuf étant formé de marne, mêlé de lits de filex , la pioche, le pic à roc, des coins & quelques autres outils du même genre, fufhiront, je crois, pour en entreprendre le déblai; mais dans les cas où la dureté du rocher exigeroit que l’on fe fervit de poudre, voici comme on pourroit s’y prendre. Suivons toujours les données de norre exemple. Le chambre. de compreflion ayant ici onze pieds de hau- Tome XIV, Pare. II. 1779. NOVEMBRE. Fff æ \ 6: OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, teur , l’on pourra facilement y manœuvrer une barre de mineur. Après avoir percé le rocher à la profondeur convenable, l’on introduira au nd du trou de la mine , une petite boîte cylindrique de fer-blanc , à-peu- près de même diamètre que ce trou; elle aura la hauteur fufhfante pour contenir la poudre de la charge; au couvercle de cette boîte, l’on fou- dera un petit tuyau de fer-blanc de deux ou trois lignes de diamètre, qui renfermera une compofition d'artifice très-foible, deftince à porter l'inflammation jufques dans la mine ; le fommer du tuyau fera enduit de quelque matière graifleufe , & s’élèvera au-dellus du niveau de la mer ball: on le foutiendra, fi on le juge néceflaire , avec des corda- ges attachés à des pointes enfoncées dans les joints du rocher pour em- pêcher les courans de le rompre; la mer en montant , mettra à flot le bateau à air qui couvre la mine; ou l’éloignera, lorfque fon bord infé- rieur fe trouvera plus haut que l'extrémité du tuyau qui contient l'arti- fice. Lorfque le reAux découvrira enfuite l’extrémité du tuyau , une cha- loupe viendra y mettre le feu; la lenteur de l'inflammation donnera le tems à la chaloupe de s'éloigner avant l’explofon. Dans la Méditerranée & dans le lir des rivières où l’on n’a pas le fe- cours des marées, l'on parviendra à faire jouer les mines fous l'eau , de la manière fuivance. Le ruyau de fer-blanc qui contient l’artifice , ne s'élevera que d’un pied au-deffus du rocher , mais il fera terminé parur tuyau de cuir enduit extérieurement de quelque matière impénétrable à Peau , & intérieurement d’un vernis incombuftible. Ce tuyau de cuir fera foutenu intérieurement contre la preflion de l’eau par-des tuyaux de fer- blanc ou des cercles de gros fil de fer ; fon extrémité fera fermée avec foin ; l'on y attachera un corps flottant, afin que lorfque la mine fera dé- couverte, & que le bateau fera à for, l'extrémité du tuyau s’éleve à la furface de l’eau ; un fil foufré que l’on introduira dans le tuyau, ou quel- que moyen équivalent , portera l'inflammation jufques dans la mine. La réuflite de cette opération dépendra abfolument du foin que Fonaura pris de rendre le tuyau de cuir impénétrable, Les objets dont nousnous fommes occupés dans ce Mémoire, paroïffenc mériter la plus grande attention, & peuvent changer le fyfléme de la plupart de nos conftructions hydrauliques. Le développement de nos côtes nous offre d’excellens baflins , des lits de rivière profonds , mais dont l’ufage eft interdit à nos vailleaux par des rochers couverts de cinq à fix pieds d'eau, & dont on n'a pas tenté l'extraction, parce qu’elle exigeroit des dépenfes énormes en employant les moyens ordinaites : nos ports principaux , nos rades, font prefque tous génés par des rochers qui ee tous les ans des accidens funeftes ; les moyens que nous propofons pour sen délivrer paroïflent sûrs, d'une exécution facile , peu difpendieufe , & nous ne croyons pas qu'il y ait des raifons qui puilfent en empêcher l’effai. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 403 Cependant, malgré la fimplicité des moyens qu’exige ce nouveau genre de travail, l’on ne peut trop recommander aux Arriftes:, qui les pre- miers, voudront faire ufage de nos bateaux , de ne négliger aucune efpèce de précautions : dans les chofes neuves , le moindre évènement , facile à prévoir & à corriger , fait renoncer pour long-tems à une idée utile : il faut auffi avoir foin d'introduire continuellement. du nouvel air dans la “ de compreflion, tout le rems que le travail durera ; une partie ferVira à la confommation des travailleurs , & l’autre chaflera l’ancien air, qui s’échappera entre les joints du rocher par-deffous la caifle & par le tuyau & le robinet placé au fommer de la caïffe de compref- fion : ce robinet feça toujours ouvert de manière à évacuer la moitié ou le tiers de l'air que l’on introduira continuellement au moyen des foufflets ou des pompes; le refte s'échappera , comme nous venons de le dire, par le deffous de la caille. Notre bateau n’a de commun avec la cloche du plongeur, que le principe de fa conftruétion. La cloche du plongeur eft toujours fufpendue par une corde & manœuvrée par des cabeftans; fi on veut qu'elle dé- place un volume d’eau un peu confidérable, il faut lui donner un poids énorme, & fa manœuvre devient très-difhcile, pour ne pas dire impofhi- ble; s’il arrive un accident, le feul homme qu’elle peut renfermer , eft fouvent étouffé & noyé avant qu'on puifle la tirer de l’eau ; mais avec notre bateau , il paroït que l’on pourra mettre à fec au milieu des eaux, des furfaces de plus de quatre cens pieds’ quarrés fans avoir rien à craindre, parce que la partie fupérieure de notre caiffe eft toujours hors de l’eau ; que les travailleurs qui y font renfermés peuvent parler avec ceux qui font dehors ; que l'air y eft renouvellé par des courans conti- nuels. La manœuvre de notre bateau fera dans tous les cas de la plus grande facilité; elle s'exécute dans l'Océan par le feul mouvement des marées qui le coule & le met à flot; dans la Méditerranée & dans les rivières , quelques pieds cubes d’eau introduits dans les pontons & vuidés avec des pompes , rempliront le mème objet, x RD x 1779 NOVEMBRE, Fffi do4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, mm mmmimimmemmmmmempennmm hf — À AAA EE AE à OM: M di re De PHifloire Naturelle du Chik, traduite de PTtaliens Pc AN IT NENS. ë LE Chili, outre nombre de plantes connues ,#en produit qui lut font particulières , telles font l'herbe du fel, l'herbe de l'huile, &c. Herbe du Sel. L'herbe du fel croît dans les plaines , elle s'élève à la hauteur d'environ un pied : fes feuilles font cendrées & reffem- blent à celles du bafilic. Cette plante fe couvre, dans l'été, de grains d'un fel rond qui refflemblent à des perles. Les payfans pour le ramaf- fer fecouent les feuilles de la plante & s’en fervent après Favoir tra- yaillé comme du fel ordinaire. Madi. Le madi eft une plante annuelle qui fe divife en fauvage & en cultivée. Le madi cultivé afune racine fibreufe d'où partent plu- fieurs tiges hautes de trois ou quatre pieds, velues , cannelées, chargées de feuilles oblongues , velues comme les tiges. Ses eurs naïflent x l'extrémité des tiges, fe divifent en quatre ou cinq rameaux , font jau- nes & en forme de rofes. Aux fleurs fuccèdent certaines têtes d’un pouce de diamètre divifées en plufñeurs petires bouches , dans lefquelles on trouve plufieurs femences noirâtres ou blanchâtres , convexes d’un côté & couvertes d’une légère pellicule. On retire de ces femences, après les avoir pilées & fait bouillir, une huile aufli agréable au goût que celle d'olives. Le madi fauvage s'appelle communément relofz. Xl croît par-tout dans les champs, fur les montagnes, il s'élève plus haut que le cultivé, mais on n’en fait aucun ufage. Pangue. Le pangue eft une plante vivace qui aime les marais & les lieux aquatiques : ainfi, quand on lapperçoit quelque part, c'eft un figne qu'il y a quelque fource cachée. Sa racine s'étend fous terre d'un ou deux pieds à l'entour. Elle eft brune , pefante , rude au tou- cher, d’une faveur âcre & aftringente : cette racine poufle trois ou quatre tiges hautes d'environ cinq pieds quelquefois plus, felon la qualité du cerrein; groffes de quatre à cinq pouces, revêtues d'une écorce rude , grife & velue. Elles contiennent une pulpe blanche, acidule & pleine d'un fuc agréable & rafraichiffant. On trouve dans la pulpe des vieux, quelques filamens minces &c difficiles à rompre, Les feuilles qui ne naiflent qu'à l'extrémité des tiges font d’un verd foncé, dures , velues , dencelées & ont plus de trois pieds de diamètre. + © SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 403$ La racine du pangue eft excellente pour Je toutes fortes de peaux, ce qui en fait faire un commerce con idérable. Ceux qui la pilent ne peuvent réfifter plus d’une heure à ce travail à caufe de la force de fon odeur. Son infufon fait d'excellente encre à écrire. Les Cordon- niers en font des formes qui durent fort long-tems. Dans les lieux fablonneux & humides, il croît une autre efpèce de cette plante a pel- lée dinache, fes tiges ne fortent jamais de terre; on apperçoit Ets. ment un flocon de fleurs femblables en tout à celles de la première efpèce , mais fort petites. Cette tige eft grofle comme le bras > haute d'un pied, tendre & d'un goût délicat & agréable. Culli, Le culli fe divife en deux efpèces, dont une a les fleurs noires & l'autre jaunes. Le culli noir croît entre les gazons dans des lieux ombragés, il poufle une tige de deux pieds remplie d’un fuc rafraichif. fant: Le jaune fe trouve communément dans les lieux cultivés, ne reffemble à l’autre que par fon goût & fes effets. Sa racine eft fibreufe, il-en part plufieurs tiges rampantes chargées de petires feuilles vertes & pointues. On pile lune & l’autre efpèce dont on fait une certaine pâte, qui infufée dans l’eau eft bonne dans les fièvres ardentes. On s’en fert aufi pour faire le forber, & pour teindre en violet & en jaune, Zapallo. Le zapallo, eft une plante en tout femblable à celle qui produit la citrouille , mais fon fruit en différe par certain mamelon qui termine fa pointe, & dans fa pulpe qui eft farineufe & douce. On le mange rôti ou cuit. | Quinua. La quinua, dont on diftingue une efpèce fauvage & l’autre cultivée, vient ordinairement à la haureur d’un homme; fes feuilles reflemblent à celles de la bette, fes fleurs font purpurines & fa femence contenue dans un épi. Cetre femence eft longue & blanchâtre & fe mange comme du tiz. Relvun. Le relvun eft une plante vivace qui croît dans les champs fablonneux, parmi le gazon. Sa racine eft rôngée , fibreufe, longue de fix à fepc pouces & grofle à proportion. Elle poufle une ou plufieuts tiges, hautes d’un pied, rondes & garnies de feuilles étroites & bru. natres. Certe ‘racine fert à teindre en rouge toutes fortes de laines: Sa couleur, qui eft fort vive, fe conferve autant. que l'étoffe. Les payfans la récolrent avec beaucoup de foin & la véndent en petit paquet. Quinchamali. Le quinchamali croît ordinairement fur É haut des collines au pied des arbuftes ; fa racine eft longue, verdâtre & chargée de fibres légères. Elle poufe trois ou quatre tiges rampantes, ornées de petires feuilles verres , placées deux :à deux; à la cime de :chacune de ces tiges paroît une fleur femblable à celle du fafran. La décoction de la plante &: de la racine eft eficace pour le fang extravafé inté- rieurement à caufe de quelque coup. L’effec en eft sûr d'après plufeurs expériences , & foulage inftantanément le malade. 406 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Guadalaguen. Le guadalaguen , que les Éfpagnols ont nommé l’herbe de Saint-Jean , fe trouve dans les mêmes lieux que le quinchamali. Cette plante eft petite , fes feuilles font blanches & lanugineufes, fa fleur grande & blanche. On la fait bouillir tonte entière avec un peu de fel dans un vaifleau de terre neuf, & prife en firop le matin, elle guérit les apoftumes intérieures, les indigeftions & même le fang corrompu. Herbe des foux. L’herbe des foux eft ainfi appellée des Efpagnols ; parce que les chevaux qui en mangent par hafard deviennent furieux, & courent çà & là comme des foux fans s’arrèrer, jufqu’à ce que tout le venin fe foit évaporé. Cette plante eft annuelle, elle croît dans les rairies, dont on a foin de l’arracher à caufe du mal qu’elle fait aux Éitiae Elle poufle plufeurs tiges anguleufes, hautes d'environ deux pieds. Ses feuilles qui font placées deux à deux , font longues, étroires - & cendrées. Tembladerilla. La tembladerilla eft une autre herbe-qui fait trem- ‘bler les chevaux quand ils en mangent. Elle aime les lieux humides; fes tiges font rampantes , elles portent vers leurs extrémités un épi de fleurs couleur de turquoife. L'effet de cette plante dure plus End tems que celui de l'herbe des foux, mais ni l’une ni l’autre ne fonc mortelles. Luche. Sur les rochers de la mer du Chili & fous l’eau, croît une herbe appellée luche, dont les feuilles font oblongues, liffes & brunertes, Les naturels du pays les mangent frittes ou bouillies. Cochajuju. M naît encore dans les mêmes lieux une autre plante ap- pellée cochajuju. Sa racine tient aux mêmes rochers, elle poufle une tige jaunâtre, dont les feuilles longues de plus de fix pieds, font larges de quatre à cinq pouces, épailles , ed & couvertes d’une pelli- cule noïrâtre. Ces feuilles qui paroiffent autant de bandes de cuir, étant mifes deflécher au feu, font un bruit femblable à un conp de fufil, enfuite on les mange affaifonnées de diverfes manières, Tous les arbuftes du Chili, excepté le myrte & la fauge, font différens de ceux d'Europe. ARBUSTES, “Arbre de l'encens, L'arbre de l’encens croît dans les Provinces fep- tentrionales du Royaume. Il s'élève de terre de troïs ou quatre pieds, fes feuilles font longues d'environ quatre pouces, & larges de deux ou trois, elles font jaunâtres, épaifles & roides; fes fleurs font petites & jaunes , il diftille abondamment pendant l'été cette précieufe gomme appellée encens. Ce font de petits globules qui s'étendent le long du tronc & des branches. On les récolte quand les feuilles commencent à M SUR L’'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. %07 tomber. Cer encens eft aufli bon que celui d'Orient, quoiqu'il ne vienne pas du même arbulte. Chilea. La chilea croît fur les bords des rivières & des ruilfeaux ; elle s'élève de fix à fept pieds. Elle fe divife en plufieurs tiges droites, couvertes d’une écorce d’un verd obfcur, & garnies de feuilles longues, étroites & verdarres. Il diftille de toutes les branches de cet arbufte une réfine aromatique , blanche d’abord ,.& qui devient enfuite jaunâtre. Les habitans pout en tirer plus de profit, font bouillir enfemble les bran- ches & les atlles) ce qui communique à la réfine une couleur brune. On remarque que la petite chilea qui croît auprès des eaux faumäâtres, fournit le plus de réfine. Jarilla. La jarilla s'élève à la hauteur d'environ fix pieds : fa tige eft un peu grife; vers fa cime, elle fe couvre de petites feuilles lé- ères , étroites, dentc'ées & d’un verd gai; elle eft toute réfineufe, bal- Ge ue & d’un parfum agréable. Ses feuilles prifes en forme de thé font jRnta pour les putréfaétions internes; infufées dans l’efprit-de-vin & expofées au foleil pendant vingt jours, elles fourniflent un baume excellent pour les bleffures récentes. Bien pilées & appliquées chau- des, elles guériflent en peu de tems les contufons. ae font encore bonnes pour les maux d'oreilles, Voici la manière de les préparer pout les apopleétiques. On met dans une pattie d’huile d'olives le double de ces feuilles, on expofe ce mélange au foleil pendant dix jours de fuite, après on les fait bouillir jufqu'à ce que l'humidité foit évapo- rée ; on conferve ce qui refte dans un bocal bien bouché pour s’en fervir dans la circonftance. Colliguai. Le colliguai eft commun dans tout le Royaume. Il croît fur les montagnes comme dans les plaines. Ses feuilles font d’un verd Ale, dures, & fe confervent pendant l'hiver; elles refflemblent pour a forme à celles du pourpier. Son fruit eft triangulaire ; il confifte dans une petite noix qui rene trois femences brunes qui reffemblent beaucoup aux pois chiches. Quand ce fruit arrive à fa parfaite matu- rité, il laifle échapper fa graine avec bruit & violence, les racines & le tronc de cet arbufte font d’un rouge obfcur. Quand on les fait brü- ler elles répandent une odeur de rofe très-fuave , mais beaucoup plus pénétrante. Muriilla. La murtilla croît dans les contrées maritimes & n’a que trois ou quatre pieds de haut. Ses feuilles reffemblent à celles du buis. Ses branches : chargent d’une baie plus grande que celle du myrte, dont la figure & la couleur reffemblent à la grenade. Ce fruit eft odorant. On en fait un vin délicat qui fe conferve & eft ftomachique. Cardon. Le cardon aime les lieux arides. Il a deux fortes de troncs, les uns font tortueux, gros comme la cuifle d’un homme, & s'élèvent 408 OBSERVATIONS SUR IA PHYSIQUE, peu de verre ; les autres font droits, de quatre où cinq pouces de dia mètre, & hauts de cinq à fix pieds, Les premiers font revêtus d’écail- les épailles.de plus de deux lignes, fponoieufes,, rouflés & enchâffées les unes dans les autres. Ces écailles fe brülent pendant l'été aux rayons du foleil & deviennent noires comme du charbon. Les feuilles qui naiflent autour de ces troncs , font longues d'environ trois pieds, larges de deux ou trois pouces ; elles font dures, convexes & poin- tues. Leur bord eft garni d’épines recourbées comme un hameçon: les troncs droits qui s'élèvent du milieu des autres , font très-durs en-de- hors, & pleins en-dedans d’une fubftance fpongieufe comme l'écorce du liége, & qui fert aux mêmes ufages. Les fommités de ces troncs font terminées par une tère femblable à un artichaux. Cette rère donne au printems une fleur jaune , compofte de huit ou dix pétales & pleines de moëlle blanche, diftillant un miel fort agréable au goût. Romerillo. Le romerillo reffemble. beaucoup au romarin d'Europe, C'eft ce qui lui fait conferver le nom que lui ont donné les Efpagnols. IL croît communément dans les terres fablonneufes & s'élève aflez haut. Ses branches produifent à l'extrémité de la cime, des noïfettes remplies d'une écume blanche, balfamique , parmi laquelle fe trouve une huile claire & odoriférante, dont jufqu'à préfent on n’a fait aucun ufage. Dans les fonderies de cuivre, on préfére le bois de cet arbufte à tous les autres par l’aétivité de fa flamme. Guaiçuru. Le guaicuru croît dans les Provinces feprentrionales, 11 n'a pas plus de deux pieds de haut ; fes feuilles refflemblent à celles du myrte: fa racine qui eft rougeâtre , étant pilée & appliquée fur des bleffures ou plaies, quelques grandes qu’elles foient, Îles guériffent tellement en vingt-quatre heures, qu’à peine y refte-t-il une marque. Cette propriété a été éprouvée plufients fois par des perfonnes fenfées. Les Indiens qui manquent de Chirurgiens, s'en fervent avec fuccès dans leurs guerres, & ne vont jamais fans une ou deux de ces racines. Culen. Le culen fe rencontre dans tout le Chili ; il recherche ordi- nairement les rerreins gras & humides, d’où il s'élève à une hauteur confidérable. On en diftingue deux efpèces , le verd & le jaune : le verd eft le plus commun , on en a déjà apporté en Italie , où il vient fort-bien. Il perd fes feuilles dans l'hiver; elles font d'un verd lui- fant, odorantes & attachées trois à trois à une feule queue; elles ont la figure du bafilic ordinaire , ce qui l’a fait appeller par les Efpagnols albaquilla; des aiffelles de ces feuilles naïffent des fleurs en forme d’'épi, couleur de turquoife, auxquelles fuccèdent des fruits ou feimen- ces qui reflemblent à un haricot. Le culen jaune ne différe du ptécé- dent, que par la couleur & dans la finelfe de fes feuilles qui fone jaunes & fi crépues , que fe mélant toutes, elles forment à l'extrémité de leurs riges un globe de plus d'un pied de diamètre, & fi LS qui | | | | D SUR L'HIST! NATURELLE ET LES ARTS. 409 qu'il les fair courber; ces arbriffeaux ont toutes les propriétés du thé Chinois. Leut feuilles prifes en petite quantité ont le même goût & le même parfum. Elles font ftomachiques , facilitent la digeftion , dé- chargent l'eftomac & délivrent des obftruétions. Elles font en outre vulnéraires & s'appliquent avec fuccès fur les bleflures. Toutes les par- ties du culen ont les mêmes propriétés. L’écorce macérée avec un peu de fel chatle les indigeftions qui réfiftent à la vertu des feuilles ; la cendre de fa racine prife intérieurement eft bonne pour les opilations : enfin, les Indiens ont tant de confiance dans cet arbufte , qu'ils s’en fervent dans les maladies les plus graves & le plus fouvent avec fuccès. Palqui. Le palqui eft femblable au fureau ; cependant fes feuilles & fes baies font plus longues. C’eft le meilleur remède qu'on con- noille contre les fièvres ardentes. On donne à boire aux malades le fuc des feuilles & de l'écorce du palqui. C’eft une boifflon très-rafrai- chiffante. Les payfans difent que ces feuilles font un venin fi funefte pour les vaches, que quand elles en mangent parmi d’autres herbes, elles meurent en quelques heures. Certe propriété me paroît incroya+ ble, parce qu'elle eft contraire à la vertu conftante qu'elles ont pour le corps humain. | Roftau du Chili. On joint à la claffe des arbuftes le rofeau du Chili & le boqui, efpèce d’ofier. Le rofeau du Chili fe divife en trois efpèces. La première s'appelle coleu, la feconde kila & la troifième canne de Valdivia, parce qu’elle croît dans cette contrée. Toutes res efpèces font folides & remplies intérieurement d’une fubitance ligneufe, bien différente des rofeaux d'Europe. Le coleu s'élève de quinze à feize pieds, fon écorce eft life , dure & jaunâtre : fes nœuds font dif- tans entr'eux d'environ deux empans: les feuilles ne naïffent qu’à la fommité du tronc où elles fe divifent en plufieurs petits rameaux ; elles font longues, étroites & femblables à celles du chiendent, Il ef gros comme ceux d'Europe. La kila eft trois ou quatre fois plus groffe que le coleu , & du refte lui refflemble en tout. Le rofeau de Valdivia eft d’un jaune citron , fes nœuds font fort près les uns des autres. Les rofeaux font très-utiles aux habitans. Le coleu ferr de lattes pour couvrir les maifons & y eft incorrupuble, pourvu qu'il ne foit pas expofé à l'humidité. La kila fournit aux Efpa- gnols & aux Indiens des manches pour leurs lances & leurs piques, & le rofeau de Valdivia fert en guife de canne & eft fort eftimé. Bogqui. Le boqui croît dans les bocages les plus ombrageux & les lus humides, où il ferpente autour des arbres jufqu'à l'extrémité de Le cime, dont il defcend perpendiculairement & remonte & def- cend alternativement. Il eft attaché par un fil délié, fi flexible & fi dur, qu'on ne peut l’arracher qu'avec des inftrumens tranchans. Ses Tome XIV, Pare, II. 1779. NOVEMBRE, Ggg sio OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, feuilles font loin les unes des autres de plus de trois pieds, plus lon- gues que celles du lierre & taillées en) trois parties; elles font lifles & d'un verd foncé. Les fruits qui partent de l’aiffelle des feuilles font de petites baies brunes avant d'être müres, & qui à leur maturité font longues de cinq à fix pouces, groffes d’un pouce & demi, conte- nant une pulpe blanche, butireufe & agréable au goût, dans laquelle fe trouvent trois ou quatre femences femblables à celle du coron On dépouille ce fil de fon écorce par le moyen du feu ; & on en fait d’aflez bonnes cordes. On s’en fert encore à d’autres ufages domefti- ques, comme à faire des paniers, à lier des paliflades ; il fe conferve mème dans l'eau pendant plufeurs années. On y ‘voit aufli plufeurs efpèces de lierre différens de ceux d'Europe. Ce Royaume abonde de joncs parmi lefquels on en remarque un appellé tolora. Tolora. Le tolora elt aflez haut & toujours triangulaire. Les Iñdiens s’en fervent à couvrir leurs cabannes , tant parce qu'il dure plus long- tems que les autres, que parce que le feu l'attaque difficilement , & que la flamme y fat beaucoup moins de progrès que dans les autres efpèces de paille. Le Chili eft plein de bois remplis de divers arbres, dont la plu- part confervent leurs feuilles pendant l'hiver. Tous ces arbres , excep- tés le mürier, le cyprès, le laurier & le faule , font différens de ceux d'Europe. On les divife en deux claffes ; la première comprend les arbres qui perdent leurs feuilles pendant l'hiver , & la feconde ceux qui les confervent en toutes faifons. On en compte vingt-trois de la première claffe & foixante-quatorze de la feconde. Les principaux de la première clafle fon le killai , le fpino , le roble & le maque. ARBRES. Killai. Le killai aime les lieux montagneux. Ses feuilles ont la cou- leur & l'âpreté de celles du chène, mais elles font moins découpées. Il porte des chatons en forme d'étoiles qui renferment quatre ou cinq petites femences. Son bois eft roux & dur. Jamais il ne fe fend, c’eft pourquoi les payfans en font leurs étriers. La partie la plus précieufe de cet arbre eft l'écorce ; broyée & trempée dans l’eau, elle fert de favon. Elle fait de l’écume & enlève forr-bien toutes fortes de taches fur la laine & le fil. Spino. Le fpino a reçu ce nom des Efpagnols, à caufe de la quantité d'épines qu'il porte. Il vient par-tout , il s'élève forc haut, fur-tout dans les terreins gras. Son tronc eft brun , marbré, pefint & très- dur; il eft revèru d’une écorce femblable à celle du mürier. Ses feuilles font très-petices, découpées . d’un verd clair & unies plufieurs enfem- ble. Les Aeurs dont fe couvrent fes rameaux reflemblent à un bouton S'URMERATSERON A TUREMLTE LE T'L'ESLART Sax de foie jaune; ellés exhalent une, odeur aromatique d’où on les a ap- pellées aromates. Aux fleurs fuccèdent des baies longues d’une palme , grolles comme le pouce. Elles font d’abord vertes , enfuice noires. Elles * contiennent une moëlle blanche, pleine de graines brunes , dont les \ perroquets font fort avides : le fpino eft le bois de chauffage du pays, on en fait d’excellent charbon. Les femmes fe fervent de fes fleurs pour patfumer leurs vècemens. Ses baies font une encre aflez bonne IEEE pour écrire, Roble, Le roble croît dans les lieux maritimes & dans les Andes. Ji s'élève à une hauteur furprenante. Son tronc eft droit, d'un rouge obf- cur, compacte, pefant & fe conferve intact dans l’eau. Ses feuilles ref- femblent à celles de l’ormeau. Il fe forme fur les rameaux tendres certaines excroiflances prefque rondes , ayant quatre ou cinq pouces de diamètre, pourprées, pleines d'œillets jaunes & agréables , au dire des payfans , qui les mangent avec plaifr. Le bois de cet arbre fert à la bâufle. Les Efpagnols l'ont appellé roble ou rouvre, à caufe de fa dureté , car il ne reffemble nullement à celui qui porte le mème nom en Europe. Les Indiens l’appellent pe//in. Maqus. Le maque eft d’une grandeur moyenne. Ses feuilles font grandes , douces , fibreufes , dentelées , ayant la figure d'un cœur. Les fruits qu'il porte reflemblent aux baies du myrthe. Elles ont une fà- veur agréable & rafraîchiflante. Elles font d’un violer foncé qui teint les mains & les lèvres de ceux qui Îss mangent. Les feuilles de cet arbre, mâchées , font un remède efficace contre les maux de gorge. Les arbres de la feconde clafle fe divifent en deux ordres. Ceux dont les fruits ne fonc pas bons à manger & ceux donc les fruits font bons. On en remarque plufeurs parmi les premiers, & nous parlerons de quelques-uns. Alerge. L’alerze eft une efpèce de cédre rouge qui croît dans les Andes & dans l’ifle de Chiloë. Ses feuilles reMlemblent à celles du cy- près; fon tronc eft fi haut & fi gros, que les Indiens qui Le fendent avec des coins, tirent d’un feul, fepc ou huit cens planches longues de dix-huit pieds, & larges d’un pied & demi. Si au lieu de coin, ils fe fervoient de la fcie, ils en tireroient beaucoup plus. Les planches font eftimées par leur couleur d’un rouge obfcur, par leur odeur & leur incorruptibilité. On rencontre dans les mêmes lieux un cédre blanc odorant. Maiteu, Le maïteu eft un des plus beaux arbres qu’on voie. Il s'élève ordinairement à quarante pieds. Son bois eft dur, uni, rouge m£lc de jaune , ce qui le fair employer à des ouvrages curieux. Ses feuilles font petites, dentelées , d’un beau verd luifant, & fi épaifles que les animaux fe cachent deffous pendant la pluie. Les vaches les aiment tant, qu'elles abandonnent les meilleurs pâturages pour en manger. 1779 NOVEMBRE. Ggg2 1: 412 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Patagua. La patagua croît le long des rivières & dans tous les lieux humides. Elle s'élève fort-haur , & eft quelquefois fi groffe qu'à peine quatre hommes peuvent l’embraffer. Son bois eft blanc & de peu de durée, fur-tout étant expofé à l'humidité. Ses feuilles font longues de trois ou quatre pouces, un peu rudes , & d'un verd brun. Ses fleurs qui viennent en abondance ont la figure, la couleur & l'odeur des lys: mais elles font des deux tiers plus petites & pendent en-bas. Temo. 1 y a deux efpèces de temo, le blanc & le jaune. Il vient par- tout. Son tronc eft revêtu d’une écorce jaunâtre, mais d’un gris cen- dré intérieurement. Il eft dur & aflez compacte. Il eft employé par les Carrofliers. Ses feuilles ont la couleur & la forme de celles du citron- nier , & l'odeur & le goût de la noix de mufcade. Les fleurs qui dif- tinguent les deux efpèces, font blanches dans l’une & jaunes dans l'autre. Elles font compofées de plufieurs filamens longs de quatre à cinq pouces. Ces fleurs ont une odeur fuave , qui fe fait fentir à plus de deux cens pas quand on a le vent favorable. Lirre. Le litre eft d’une hauteur médiocre, mais il devient affez gros ; fon bois eft folide, & mêlé de brun, de jaune & de verd. Ses feuilles font rondes, rudes , rares & d’un verd pâle. L'ombre de cet arbre eft fort nuifible. Ceux qui paflent ou reftent fous fes branches, font fur- le-champ couverts de puftules rouges & mordicantes , qui fe manifef- tent aux mains & au vifage. Elles font occafionnées par les vapeurs qui émanent de cet arbre. Bollen & Parquilaugen. Le bollen & le parquilaugen font deux arbres très-garnis de branches, hauts, & qui ont entreux fort peu de différence. Îls aiment les lieux montueux, leur bois eft un vrai poifon. Malgré cela, les nationaux le regardent comme un excellent purgatif dans certaines maladies. On le donne en très-petite dofe. Il fait éva- cuer, par haut & par bas avec beaucoup de force , les humeurs épaif- fes & les autres obftructions. Quand on veut en arrêter l'effet, 1l faut boire un verre d’eau pure. Leurs feuilles reffemblent à celles du limon , mais leur couleur eft plus vive, principalement le bollen qui eft d'un verd luifant & gai. i Sandal. On trouve dans l’Ifle de Jean Fernandez , trois efpèces de fandal; le blanc, le rouge & le citron. Cette dernière efpèce, qui eft fi recherchée en Médecine, eft, au dire d’un Botanifte Allemand , beaucoup meilleure que celui qui nous vient d'Orient. Il fe trouve encore dans les montagnes intérieures des Andes, dont la plupart font inacceffibles , des forêts immenfes, où croiffent des arbres dont on ignore le nom. Il y en a d’une grandeur démefurée, Un Mifionnaire fit avec le bois d'un feul arbre, une Eglife de plus de foixante pieds; il lui fournit les poutres, la charpente, les lattes , nr 6m nn fe PE RTS EL SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 413 tout le bois néceffaîre pour les portes & fenêtres, les Autels & pour deux Confeflionaux. { Pin du Chili. Le pin du Chili eft un des plus finguliers arbres qui y croïffent. Les Efpagnols lui donnèrent improprement ce nom, car il ne reffemble en rien au pin d'Europe. Les Indiens l’appellent péguen. 11 vient naturellement dans les Povinces habitées par les Araucans. On * le cultive dans le reite du Royaume. Il lui faut un tems confidérable, avant de parvenir à fa hauteur ordinaire, qui eft de cinquante pieds, A mefure qu'il croît, il fe dépouille de tous les rameaux & feuilles dont il étoit couvert dans fa petitelle. Quand il a environ deux per- ches de haut, il commence à pouffer de grofles branches, placées ho- rifontalement de quatre en quatre à angles droits. Les quatre qui fuc- cèdent vers le haut font plus courts que ceux d’en-bas, & vont ainfi en diminuant jufqu'à la cime, de manière que l'arbre repréfente une pyramide parfaite. Toutes ces branches font garnies de tous les côtés , d’autres plus petites placées également à angles droits. Les grands & petits rameaux font totalement couverts de pertires feuilles enchaflées les unes dans les autres , les feuilles font longues de plus d’un pouce, pointuës, convexes, liffes, d’un verd brillant & fi dures, qu'elles ref- femblent à du bois. Les fruits fe trouvent renfermés dans un globe ligneux de la grandeur de la tête d’un homme. Ils font longs d’envi- ron deux pouces, coniques , couverts d’une goufle femblable à celle de la châtaigne , dont ils ont un peu le goût. Il font partagés par le mi- lieu par une membrane fubtile, Ces fruits font allez nourriflans; les Araucans , dans leurs expéditions militaires , ne portent ordinairement d’autres vivres que la Abo qu'on en retire. Les Efpagnols les man- gent cuits ou rôtis comme les châtaignes. Palmier. Le palmier du Chili reflemble , pour les feuilles & pour le tronc, à ceux qu'on voit en Europe. Ses fruits n’en différent pas beau- coup. Les habitans les appellent cocos. Ils fontronds, pis gros qu'une noix commune, Ils ont deux coques, l'une fpongieufe & la feconde ligneufe comme celle des noifertes , mais plus dure. Dans la dernière coque on trouve une amande pareillement ronde » blanche , agréable au goût. Etant fraîches , elles contiennent un fuc laiteux & rafraïchif- fant. Ces cocos font étroitement attachés à quatre grappes longues de lus de trois pieds, qui pendent des quatre côtés du palmier, Quand É fruits commencent à fe former , ils font couverts d’une enveloppe ovale , ligneufe, grife & convexe. À mefure qu'ils approchent de la maturité, l'enveloppe s'ouvre d'elle-même , & quand ils font parfai- tement mûrs, elle fe fend en deux parties qui pendent de chaque côté des grappes. Chaque grappe porte plus de mille cocos. Les natu- rels du pays, outre d’excellentes confitures, en tirent de fort bonne huile. Ils retirent auf des branches nouvelles & rendres, un miel «4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, - plus agréable que celui de la canne à fucre. Ces balmiers croiffent na- turellement, on en rencontre des bois entiers. Dans les bois voifins de la mer, on voit un autre atbre reflemblant de loin au palmier. Ses feuilles font longues de cinq à fix pieds, lar- ges d'environ deux palmes , recourbées en bas, lifles & d’un verd gai. Son tronc eft gros comme la cuifle d'un homme , & couvert d’écor- ces écailleufes, Des quatre côtés du tronc de cet arbre , pendent quatre grappes chargées de grains qui reflemblent en tout au raïfin noir. L’Au- teur trouva cet arbre, mais comme il ignoroit la qualité de fes fruits, il n’ofa en manger. Lucuma. La lucuma croît naturellement dans les Provinces Septen- trionales, fpécialement dans le territoire de Coquimbo. On le cultive dans les contrées Auftrales. Elle refflemble beaucoup au laurier. Ses fruits font de la groffeur d’une pêche ; ils font couverts d’une peau d’abord verdâtre , enfuite brune, mêlée d’une peu de jaune. Leur pulpe eft blanche , butireufe & agréable au goût : elle renferme deux ou trois noifettes dures, lifles , d’un rouge brun luifant. Keule. Le keule s'élève de plus de foixante pieds. Ses feuilles fonc plus longues & plus larges que la main; elles fonc lifles, cendres & d'un verd brillant. Ses fruits refemblent à ceux de la lucuma , mais ils font plus longs. Ils font jaunes intérieurement : la pulpe en eft onctueufe & douce. Peumo. Les feuilles du peumo font odorantes , épailles & d’un verd foncé. Leur figure & leur grandeur eft comme celle du mürier. Les fruits reffemblent aux jujubes, mais elles ont la peau plus rouge, quel- quefois blanche, d'autre fois cendrée. Ces fruits qui font aflez butireux & d’une faveur agréable ,\fe mangent cuits dans l’eau tiède. Leurs noyaux font fragiles; étant pilés, on en retire de bonne huile dont jufqu'à préfent on ha point fait d'ufage. Boldo. Le boldo eft un arbre tout aromatique. Le bois, l'écorce: les feuilles , les fruits répandent une odeur très-agréable. Ses feuilles font grandes , brunâtres, rudes & vifqueufes, Ses fruits font ronds , jaunes , doux & plus gros que les baies du myrte. Leurs noyaux font forts durs , on en fait des chapelets qui deviennent beaux à l'ufer. L’écorce de cer arbre donne au vin un parfum agréable. de 6 SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ATS PRE RP ER 2 DS SE PE EE OCR CPR SU CEROT PET IMMO N D'un Rouet qui file & met en écheveau par le même mouvement. QE eft des inventions f fimples, qu'on à toujours lieu de s'étonner qu'elles n'aient pas été trouvées depuis long-tems, & qu'elles ne méri- tent de confidération , que relativement au bien public qu’elles peuvent procurer. 1 ER C'eft fous ce point de vue que doit être regardée celle qui fait le fujet de cet article, de laquelle nous allons donner la defcription. Ileft de fait & reconnu par expérience, qu'un ouvrier qui file toute la femaine emploie en une ou plufeurs fois un demi jour à mettre le fil en écheveau , manœuvre d'autant plus néceflaire, que le fil des bobines étant mouillé , jamais celui qui eft proche de la bobine ne fe fécheroit, & qu'il s'échaufferoit & s’altéreroir très-promptement fi on le laifloit en cet état. ( Cette opération emporte, comme on voit , un douzième du rems des ouvriers. Fournir un moyen de la leur faire faire en même-tems qu'ils filent & par le même mouvement , eft en quelque forte les multiplier, puifque n'ayant plus ce rerardement , ils produiront un douzième d’ou- vrage de plus , enforte que dans un endroit où l’on compte 1200 fleurs, ce fera la même chofe que fi l’on en avoit 1300, excepté que ce der- nier cent n’exige ni falaire, ni nourriture, ni logement. Voici le moyen d'opérer cet effet. Soit un rouer AB, planche IF, figure 2 , de la conftruction ordinaire. Sur l'extrémité de l'axe de la grande roue CD , qui pañle au-dehors du pilier EF, on place une poulie G d'un pouce de diamètre ; cette poulie au moyen d'une corde fans fin GHIK, communique le mou- ment à une autre poulie HK , de neuf pouces de diamètre, qui roule fur un arbre de bois tourné L, fixé environ aux trois quarts de la longueur de la planche du rouet; cette dernière poulie à quatre bras repréfentés par les lignes M, N »; O & P attachés fur fon plan, & qui portent chacun à égale diftance du centre L, une cheville dont une doir fe pouvoir ôter & remettre à volonté. Cetre partie eft le dévidoir pro- prement dit On voit atfément que la grande roue étant mife en mouvement, elle en communiquera à la poulie du dévidoir dans la raifon de neuf \ 6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE," à un, ce qui la fera tourner elle & fes bras avec affez de lenteur , pour ne pas cafler le fl; inconvénient qui arrive fouvent avec les dévidoirs ordinaires , par la viceile avec laquelle on les tourne pour abréger lopé- ration. Ce fil qui fe dévide n'eft pas celui qu'on file aétuellement , c'eft celui d’une bobine précédemment filée. On la place pour cer effet far une broche R, fixée dans l'épaiffeur de la planche du rouert AB, comme on le peut voir en R, où elle eft repréfentée comme vue par un œil placé au bout du rouer. Une ficelle TS, eft atrachée en T, fur le bord de la planche & après avoir pañlé fous la poulie de la bo- bine , va fe rouler fur une cheville de violon , qui entre & tourne à frottement dans un trou fait dans la mème épaifleur; cette cheville rocure le moyen de modérer à volonté la faalité de tourner qu'a la Poe en de tenir toujours le fil affez tendu pour s'appliquer fur le dévidoir fans fe mêler; & pour aflurer encore mieux cet effet, le fil au fortir de la bobine pafle pour fe rendre au dévidoir par une efpèce d’épinglier U, formé d’un petit bâton attaché fous la planche & garni de quatre crochets de fil de laiton; le fl paffé dans ces crochets affez près du dévidoir , y va occuper la place qu'on defire , & l’on peut en le changeant de crochet de rems en tems, rendre l'écheveau plus où moins large; la cheville, la bobine & l’épinglier font repréfentés vus de l'extrémité À du rouet dans les figures /,r,7. Il eft aifé de voir d’après certe defcription, que le fil fera toujours tiré par le dévidoir avec un mouvement doux & égal, & que la ten- fion qu'il éprouve fera toujours à-peu-près la même , fur-tout fi on obferve de lâcher une ou deux fois un peu la ficelle TS, à mefure que le dévidage de la bobine s’avance , parce qu’elle tourne alors avec plus de rapidité, ce qui rendra le fil bien moins fujet à fe rompre ou à fe mêler qu'il ne left avec les dévidoirs ordinaires. La feule infpection de la figure fufit pour faire voir que cette petite méchanique fe peut aifément appliquer aux rouets actuellement faits, & qu'à l'égard de ceux qu'on conftraira de nouveau, elle ne doit pas augmenter leur prix de plus d'un tiers de leur valeur, du moins pour les rouets communs. Quelque lenteur que nous ayons donnée au mouvement du dévidoir, il aura cependant toujours dévidé une bobine dans le tiers du tems néceffaire pour en filer une: il faffiroit donc que dans une fabrique, il y eût à-peu-près le tiers des rouets garnis de cette machine, ils fufhiroient pour dévider le fil de tous les autres, fur-rout en ne les con- fiant qu'aux ouvriers les plus capables de les bien conduire; quant aux fleurs foliraires , ils en feront quitres pour interrompre le mouvement - de leur dévidoir, quand ils ne s’en ferviront pas en faifant fornir de la poulie la corde F3 fin qui le lui communique. La mème mécha- nique SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 417 nique peut aufli, avec quelques légers changemens, s'appliquer aux rouets qui vont par le moyen du pied, & à ceux qui fe pofent fur une table ou fur les genouils, & l’Aurteur fe fera toujours un plailir de diriger les ouvriers qui voudroient en entreprendre de cerre efpèce. LS EP 2 À AE Na SR 2 A l’Auteur de ce Recueil, fur un Crépiflage de murs. J E vous envoie, M., la manière de faire les crépiffages de murs dont je vous ai parlé, & qui par fa folidité, & fon coup d'œil agréable , me paroît aflez intéreflante pour mériter une place dans votre Journal. Son exécution eft des plus fimples. Il faut prendre autant de chaux maigre que de chaux gralle , les faire difloudre & fufer avec de l'eau dans laquelle on à fait bouillir des pommes de fapin en aflez bonne quantité. Quand le mortier eft clair, on l’applique Ar les murs avec un ballet, au moyen duquel on le difperfe de manière à couvrir cout le mur parfaitement, & on lailfe fécher le crépiffage rout rabotteux qu'il elt, fans le polir avec la truelle. Jamais il ne fend ni fe détache, il prend au contraire une dureté & confftance fupérieures à tous autres crépif- fages. Le Château de Burfnel , qui eft dans une des plus belles fitua- tions des bords du lac de Genève, a été crépi de cette matière il y a 18 ans, & paroi l'avoir été de l'année , & n’a pas encore de place défectueufe. M. de Sacconen , propriéraire de ce Châreau, a un goût inexprimable pour l'arrangement utile & économique de fes poilef- fions. Il a établi autour de fon Châreau, des prairies fuperbes, par l'art avec lequel il a fu ramafler les eaux de fes fumiers , & de fes cours pour les diftribuer au moyen d'un bon nivellement dans rout fon ter- rein ; au moyen d'un tronc d'arbre creufé & renverfé, il établit fur ces petits canaux, des ponts fur lefquels les plus gros chariots paf- fent fans inconvénient, mais jamais il ne laiffe aller les beftiaux dans les prés; roue l'année il les nourrir dans l'écurie avec lnerbe fraiche qu'il leur fait faucher. Ses granges dans lefquelles il fait battre fon bled, n’ont qu’un plan- cher fait avec de la glaife bien battue; ils durent plus que sils éroient de bois, & ne coûtent point d'entretien ; s'il sy forme un crou , fon domeftique le répare auili-tôt avec un peu de terre grafle délayce, & fans dépenfe ; on monte fur fes amas de bleds & de foin par le moyen Tome XIF, Parc, IL, 1779. NOVEMBRE, Hhh 418 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d'échelles de bois, appliquées contre les colonnes de fes granges, & qui ne font qu'une pièce de bois traverfée par des morceaux de boïs qui fortent de fix pouces de chaque côté, & font plus folides & moins em- barraffans que les échelles ordinaires. ( Planche, fig, 1.) Tout dans le Château annonce l’aifance , l'intelligence & l’efprit d'économie & d’or- dre du propriétaire. Il feroit à defirer que l’on eüt des defcriptions détaillées & bien faites fur la manutention des domaines qui fonc foignés avec autant d'attention , pour fervir de leçons à tant de pro- prictaires qui négligent & ne favent tirer aucun parti avantageux de leurs poffeflions. ATV ORNE ADI Gb ITA 5 De M. GARDANE, Doéteur-Régent de la Faculté de Médecine de Paris, Cenfeur Royal, Affocié & Correfpondant de plu- fieurs Académies, A Moffieurs les Auteurs du Journal de Phyfique. Messieurs, JE vous demande une place dans votre Journal pour les détails fui- vans ; ils intérefent l'humanité. C: vitre me fait efpérer que vous vou- drez les y inférer le plutôt poffible. Occupé depuis quelques années de la recherche de la caufe des morts apparentes & fubites, & des moyens d'y remédier , je n'ai rien négligé pour arriver à ce but Pour cet effer, je publiai en 1775. un Avis au Peuple , dans lequel , fans m’arrèter à la recherche de la caufe de ce genre d'accident, je recueillis les moyens reconnus les plus utiles & les plus sûrs, que je préfentai d’une manière fimple & populaire, afin que le premier venu pût avec ce livre fecourir les Afph; xiques dans l’abfence des gens de Pare , ce qui arrive très-fouvent. Defirant enfuire juftiñier ce choix aux yeux des Savans, je lus à l’Aca- démie des Sciences un Mémoire fur la caufe de l’Afphyxie des noyés, & fur les moyens d’y remédier. (e Mémoire AE en deux parties indépendantes une de l'autre, contredifoit le fyftème de M. Portal, fur-tout dans la feconde partie , où il s’agifloit des fecours. Cerre fe- conde partie fut accueillie & approuvée -par l'Académie; la première SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 419 mérita aufli fon attention; mais MM. les Commiflaires ayant répété mes expériences , & le réfultat leur ayant paru différent, je la revirai pour chercher dans. de nouveaux eflais la caufe de cette différence. Mais comme en voulant avoir copie du rappoit qui étoit favorable à la feconde partie de mon Mémoire, j'éprouvai quelques difficultés de la part de M. le Secrétaire , à caufe que le fyftème de M. Portal y étoit contredit, je craignis de déplaire à cette Compagnie, en ayant l'air de pourfuivre un de fes Membres jufques dans a fein ; & renonçant à ce rapport, je publiai le tout par la voie de votre Journal, avec augmentation prefque du double, de nouvelles recherches fur les Afphyxies caufées par les moffetes. Il et, je crois, inutile de rappeller ici que dans ces recherches, je prouvois par les autorités, les obfervations & les faits, que les Afphy- xiques n'éoient point Apopleétiques , comme M, Portal le prétendoit ; que cette opinion ancienne & rajeunie, étoit appuyée fur la théorie de la dilatation & de l'affaiffement alternatifs de la poitrine & du cer- veau , empruntée par cet Académicien des Mémoires de M M. de la Mure & Haller, mal-à-propos appliquée au cas préfent ; que les'Afphy- xiques de routes les claffes, éroient dans une fufpenfion de mouve- ment fans léfion d’organe , occafionnée ou par un faififfemenc fpaf- modique, ou par une ftupeur , qui faifoit celler tout-à-coup les fonc- tions de la vie; que pour les fecourir efficacement, il ne falloic pas re- courir à la faignée , ni introduire aucun liquide dans la bouche , en- core moins pratiquer aucune incifion à la trachée-artère , trois moyens que M. Portal avoit expreflément confeillés ; que ces moyens éroient tous les trois inutiles & dangereux ; que la faignée caufant 1 affaifle- ment des vaifleaux , paroifloit plutôt capable d'empêcher le retour à la vie ; que l'introduction d’un liquide quelconque dans la bouche, tant que le malade n’avoit pas refpiré, SEE difficile à caufe de la conttriétion très-fréquente des machoires , & dangereufe par la poi- -bilité de voir ce liquide attiré dans la poitrine à la première infpira- tion; qu’enfin la fection de la trachée-artère laiffant échapper l'air ren- fermé dans l’écume des bronches , & y facilitant ainfi la chûte du liquide contenu dans la bouche même avant le retour de la refpiration , éroic fujerte au même inconvénient , fans compter ceux auxquels l'ignorance & la méchanceté pouvoient donner lieu dans les Campagnes. Dans le choix des fecours j'infiftois enfuice fur les irrirans de tous les genres, quoique oppofés en apparence , comine l'alkali volatil, & les vapeurs acides & pénérrantes. Je confeillois de diriger leur impreflion vers les narrines, comme fur la partie du corps la plus fenfible, aña de combattre promptement la ftupeur & le fpafme : je recommandois, avec tous les Auteurs , d’échauffer les noyés & de répandre de l'eau 1779 NOVEMBRE. Hhh 2 420 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fraîche fur le vifage & fur le corps des Afphyxiques, on d'y appliquer de la glace, après l'avoir auparavant mis à nud, & placé à Pair libre fur le carreau, la terre ou le gazon; fuivant en cela les confeils &c l'expérience de Cæfalpin , Panarole, Boerrhave , Delaune, Foucher, Lorry, Harmant & de la Gazette de Santé, où l’afperfon de l'eau froide, en pareil cas, avoit été confeillée avant que M. Portal publiät le fecours qu'il lui a plu d'appeller fa méthode. Ce n’eft donc pas fans fatisfaétion, M M. , qu’en lifant l'extrait des Regiftres de l'Académie Royale des Sciences du 30 Juin 1779, inféré poge 237 de votre dernier Journal de Septembre , j'ai vu que MM. les Commifluüres nommés par cette Compagnie , confirmant mon choix , 8 donnant l'exclufion aux moyens de M. Portal, éroient de mon avis. au point d'employer les mêmes raifons & quelquefois les mêmes expreons , & que penfant comme moi, que lAfphyxique écoit dans un état de ftupeur, ils avoient également trouvé dans cette manière d'envifager cet accident, un moyen de concilier certaines mé- thodes oppofées en apparence, par ces expreflions remarquables : Tou- Les font irritantes toures excitent, réveillent, ce qui eff l'objer effenue!. J'avoue qu'exceflivement farté de la mention honorable que MM. les Com- millaires avoient bien voulu faire de mes recherches dans la partie de ces extraits, où äl s'agifloit de l’expoftion du fentiment des Auteurs, je m'attendois à me voir cité aufli dans ce qui concerne la pratique, puifqu'il eft vrai que je m'étois autant étendu fur cet objer que dans l'autre, & que même j'avois eu le bonheur de prévenir l'opinion & le jugement de l’Académie dans mes recherches. Mais ce qui m'a le plus étonné, c'eft qu'après avoir rejetté la faignée & les boiflons, (inutilement on confeilleroit à cette époque les boif- fons quelconques & les faignées. ) & gardé le plus profond filence fur la fection de la trachée-artère , ce qui contredit ouvertement le fyftème & les moyens principaux de M. Portal, M M. les Commif- faires penfent néanmoins , Que leur Mérhode ef? conforme à la Méthode publiée en 4776 par M. Portal. Une pareille contradiétion ne peut s'expliquer que par une erreur du Copilte , ou de Typographie. Il faut au contraire, eu égard à la reffemblance de ma Mérhode avec celle de MM. les Commiflaires, & l’oppoftion de cette dernière à celle de M. Portal, lire plutôt que ces MM. penfent, que leur Méthode ef conforme à celle que M. Gardane a publiée en 1775 & 4778. Pour ne laiffer aucun doute fur cette erreur, & fur la juftice de certe réclamation, daignez MM., jetter un coup-d'œil fur le tableau fuiyant: SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 41 Miruovs pe M. Porrar.| MÉTHODE pe L'Acanémie.| MÉTHODE DE GARDANE. La faignée répétée. (quel- Inutilement on confeille.| Point de faignée tant que ques faignées. ) j roit La faignée , convre l'Af- le (ujer eft dans l'Afphyxie, L'introduction du vinaigre phyxie, à/ feroit à craindre lelle eft inutile & dangereu- dans la bouche. qu'un affaifemenr mortelle. - ? La feétion de la trachéc-'n'en für la fuite. Il en eft de même des boi( artère, Inutilement on confeille-| {ons & de la fe&ion dela roit Les boiffons à cette épo-| trachée-artère. que. S L'Académie ne confeille point la feétion de la rrachée artère. Cependant MM. s'il n'avoit été queftion que de moi dans cette affaire, quoiqu'il foit permis à chacun de revendiquer ce qui lui appar- tient, j'aurois attendu de l'Académie & fur-tour de M. Portal qui eft l'un des trois Commiflaires , la rétraétation que la vérité exigeoir, & que j'avois lieu d’efpérer. Mais comme il peut réfulter de très-graves accidens de cette méprife, j'ai cru qu'en attendant qu'elle für recon- nue , il étoit de mon devoir de la publier. Voici MM. les accidens auxquels elle peut donner lieu. M. Portal a confeillé /a faignée , l'introduëlion du liquide dans la bouche des Afphy- xiques & La Jèlion de leur trachée-artère. Moyens inutiles ou dangereux. Les imprimés dans lefquéls ce confeil eft donné , ont été publiés plu- fieurs fois, ou aux frais de M. Portal, ou par ordre du Gouvernement, & de manière ou d'autre , on les a répandus avec profufion dans Paris & dans les Provinces ; le rapport de MM. les Commiffaires atreftant que la méthode adoptée par l’Académie eft la même que celle de M. Portal , & le rapport de l’Académie n'étant point aufñli facile à fe pro- curer que lImprimé de M. Portal, ceux qui ont l'Imprimé le confer- eront précieufement pour le fuivre avec plus d'exaétirude, & ceux ui ne l'ont pas fe le PREARETQUE Alors, les trois moyens profcrits par J'Académie feront employés plus que jamais, & par une Sr Typo- graphique , le bien que certe favante Compagnie fe propofoir de faire era remplacé par des accidens funeftes. Vous voyez, MM., que les fuites d’une pareille méprife étoient faites pour réveiller les craintes & l’artention de tour Citoyen ; & trop graves pour ne pas fe hârer de les prévenir en les relevant, J'ai l'honneur d’être MM., &c. rt : 42 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, F LS NOUVELLES LITTÉRAIRES. R ÉFLEXIONS Critiques, en forme de Lettres, fur la caufe de l’Accouchement, par M. Capmas , Médecin penfonné de la Ville de Montauban , & Infpeéteur des Eaux Minérales de fa Généralité ; & Mé- decin Confultant de Madame la Comtefle d'Artois, En 1775, M. Capmas adrella à M. Koux , une lettre fur un nou- veau fyftème de la caufe de l’Accouchement, où il découvroit la fauf- feté & le danger de la théorie que M. Jalonfèt avoit imaginée au fujet d’une obfervation curieufe qu'un Médecin de Chatillon, avoit fait inférer dans le Journal de Médecine. Cette Critique ne refta pas fans réplique , & les réflexions critiques que nous annonçons font la réponfe à cette réplique. Le ton d’honnèteté qui y règne , joint à l'évidence des raifons que M. Capmas apporte , peut être regardé comme un modèle de difcuflion polémique en tout genre. Découvertes de M. Marat, Docteur en Médecine, fur le feu , l’élec= tricité & la lumière, conftatées par une fuite d'expériences nouvelles. Paris, 1779. 1 M. Marat par le moyen d’un microfcope folaire, a cru découvrir & rendre fenfibles les particules même du feu, ce fluide fi fubuil. D'après l'expofé même des 116 expériences que l'Auteur cite en fa faveur, il eft bien à craindre que ce ne foient que les émanations feules des corps échauffés foumis aux expériences , qui paroiflent s'élever & voltiger. Le Grand Œuvre de l Agriculture , ou l'Arc de Régenerer les jurfaces & Les très-fonds ; accompagné de découvertes intéreflantes fur l’Agricul- ture & la Guerre; par M. Montagne , Marquis de Poncins , ancien Officier aux Gardes Françoifes , avec cette épigraphe: Æt renovabis faciem terre. Lyon, chez Faucheux , quai des Céleftins. Paris, veuve Duchefne 1779. Des expériences mulipliées, des obfervations faites durant une lon- gue fuite d'années , un fuccès obtenu conftamment, prouvent en faveur du fyftème que M.le Marquis de Poncins adopte en Agriculture, II eft sûr que lorfqu'on pourra créer & transformer de nouveaux fols par l'exportation des terres des fofés, où prifes dans d’autres endroits voi- fins, on multipliera les furfaces produifantes & l'on diminuera les terreins inculres & inutiles. Mais ces tranfports doivent néceflairement être reftreints par lès circonftances des lieux , des chemins, des verres différemment fituées. Dans le cas où le tranfport deviendroit ou trop SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 433 difisile où trop difpendieux , l’Auteur propofe de défoncer avec une béche de 13 pouces de hauteur les rerreins qui en feront fufcepribles. Une récolte plus riche & plus abondante a couronné cet eff. 11 eft des caufés locales de la dégradation de l’efpèce humaine , de ces ma- ladies continuelles , du défaut de population dans certaines provinces, auxquelles on ne fair pas d'attention. Dans le Forez, théâtre des tra- vaux de M.le Marquis de Poncins, la vieillefle commence à 46 ans la décrépirnde à 55, & rrès-peu vont à Go. L'efpèce des Cultivateurs, fans force & fans vigueur, fe trouve Moïflonnée de bonne heure : & les races étrangeres de colons qui defcendent à chaque inftant des mon- tagnes qui environnent cette plaine , ne font pas long-tems à s’abâtar- dir. Les brouillards épais qui couvrent cette petite province, fur-tout dans les mois d’Aoùt, Septembre & Oétobre, y caufent & ‘entrertien- nent des maladies continuelles, des fièvres tierces & quarres, C’eft à la multiplicité & à l'étendue des étangs & des marais qu'il faut attri- buüer certe défolation générale. Ce feroit donc un très-grand bonheur qu'on en diminuât le nombre , qu'on en reftreignît l'étendue, fur-tout quand il paroïc prefque démontré que le profit local réfulrant d'un pré artificiel , dans lequel on auroit converti un étang , feroit an moins auffi grand en foin & en bétail , dans les années en pré, qu'il pour- roit l'être en poiflons dans les mèmes années en eau. Enfuire dans les années fubféquentes en femaille , on obtiendra autant de récolre, de fuite, & aufli abondantes, après l'occupation en prés artificiels, qu'après l'occupation en eau; mais avec cette différence, que dans le tems en pré on gagneroit fur celui de la tenue en étang, beaucoup d'ex- cellens fumiers , le fervice du bétail , le lait , le beurre, & de plus. la falubrité de l'air, & par conféquent l’économie de la fanté & de la vie des Citoyens & des Gus , économie certainement au-deflusdetout. ù ESTRERVA TEA. Dans le Cahier d’Août de cette année, page 97, à [a place de ces mots: le fieur Delporte nourrit fon troupeau, &c. Zifez M. Daubenton nourrit ,. &c. MeV DT E HE NS AREA ECT) Te CYL ES Contenus dans ce Cahier. E XTRAIT d'un Mémoire de M. GENSANNE , fur le Deffoufrement du Charbon-de-Terre , Page 337 424 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 6c Expériences fur la pouffière féminale des Plantes ; par S. Ch. E. de la Société dès Amis Scrutateurs de la Nature, de Berlin, 343 Lerrre de M. Dè MoRvEAU, aux Auteurs de ce Recueil ; fur un Phe- nomène qui intéreffe l'Art de la Verrerie & la théorie de la Virrification, & fur Le peu d'aition dé l'acide phofphorique fur les terres, comme fondant vitreux ; 346 Obfervations faites à Narbonne pour connoître la diminution de la chaleur du Soleil pendant fon Eclipfe du 14 Juin x7793 par M.ve Marco- RELLE, Baron d'Eftale , Correfpondant de l'Académie, 352 Seconde Lettre à Madame de FX **% ou Mémoire fur la nature de la Lu- mièré & de fes effets, fur la décoloration des furfaces colorées expofes à fon ation, & fur Périolesment des Plantes ; par M. JEAN SENEVIER, Bibliothécaire de La République de Genève & Membre de La Société Hol- landoife des Sciences de Haerlèm ; 355 Mémoire, par M. J. B. De Beunis ; fur une maladie produite par les Moules venimeufes , 354 Recherches fur les moyens d'exécuter fous Peau toutes fortes de travaux Hydrauliques fans employer aucun épuifemene ; par M. CouromB, Capitaine en premier dans le Corps Royal du Génie, Correfpondant de l'Académie Royale des Sciences , 393 Extrait de l'Hifloire Naturelle du Chili, traduite de l'Italien , 404 Défcriprion d'un Rouet qui file & met en écheveau par le méme mouve= ment , 415$ Lettre à PAuteur de ce Recueil, fur un Crépiflage de murs, 417 Lettre de M. Garvane, Doëteut-Régent de la Faculté de Médecine de Paris, Cénfeur Royal , Affocié & Correfpondant de plufieurs Acadé- mies , à Meffièurs des Auveurs du Journal de Phyfique , 418 Annonces Littéraires , 422 APP R © B A4 T:1. 0 N. T°: lu, par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a Fa tire : Obfervations fur La Phyfique, fur l'Hifloire Naturelle & fur les Arts, par M. l'Abbé Rozrer, &c. La Collection de faits importans qu'iloffre pério- diquement à fes Lecteurs, mérite l'accueil des Savans ; en conféquence, j'eftime qu'on peut en permettre l'impreffion. A Paris , ce 11 Novembre 1773. YALMONT DE BOMARE, CS il | Zchell LT à = SR LOT 4 > Novembre 1770. f [ ; FTTVTUTIITITIIUI ( 1 il SU AN + DS | 1. Ft 9 Ed be de 3 220 No AE j 2. NYIÉ SE ; ( »} TA, PUS : ven f % vi } Gun URNAL DE PHYSIQUE. DÉCEMBRE 1779. OBS ERA TIONS Sur le Pipa ou Crapaud de Surinam. Par M. BONNET , de diverfes Académies, Le pipa ou crapaud de Surinam eft un de ces animaux très-fingu- lers qui n’ont point encore d’analogues connus, & qui femblent for- mer Œuls un genre à part. Le célèbre Ruyfch eft, je crois, le premier qui ait fait mention de la particularité fi remarquable qui caraétérife ce crapaud : je parle des cellules ou matrices qui fe trouvent en grand nombre fur fon dos, & qui renferment tantôt des œufs & tantôt de petits crapauds tout formés. Mais le Naturalifte Hollandois ne dit qu’un mot de tout cela dans fon Tréfor des Animaux , Tome 1, page 9, de édition 27-89, de 3725, & l'article entier fe réduit à quinze lignes que je tranfcrirai ici : Bufoni fimile Americanum animal, pedibus pofterioribus anferinis pipæ € pipal, incolis Zurinamenfibus , diélum , in cujus dorfo plurima vifun- tur ovula , feparatim in fuis cellulis, ceu utriculis recondita, è quibus tan- dem fætus emergere ün confeffo eft. In hoc objeëélo dorfum à me effe apertum , ut expifcarer , an ova ex abdomine emergant, & in dorfo tantum appa- reant G propullulent ; contrarium autem in hoc animali liquet : in üllis enim nullam communicationem reperire potui cum partibus internis abdomi- is; cutis dorfs vero, plurimis cellulis ceu utriculis donata, ova continet , idque fub operculo feu fcutella duriufcula , qué ablatä, ova nuda appa- rent. Sunt mihi varia ejufmodi objetta, ex utraque India allata , alia enim in dorfo funt cinerei, alia pull ac nigri coloris , nonnulla ovulis re- ferta, varia in dorfo fætibus onuffa. Cependant, quoique Ruyfch n’eût point détaillé fon obfervation ; j'avois cru que la manière dont s’exprimoit ce grand Obfervateur , étroit aflez exprefle pour m'autorifer à parler principalement d’après lui des cellules ou matrices du pipa comme de chofes très-réelles. Je n’avois donc pas héfité à faire ufage du court récit de Ruyfch, dans mon manufcric Tome XIV, Part. IL. 1779. DÉCEMBRE. ii 426 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, original des Confidérations fur les Corps organifés. J'y joignois le témoi- gnage de MM. Folkes & Backer qui avoient anfi obfervé les cellules dont il s’agit. Mais, M. Allamand, favant Profeffeur de philofophie dans l’'Univerfité de Leyde, à qui j'avois envoyé mon manufcrit pour le faire imprimer, me témoïgna de tels doutes fur l'exiftence des cel- Jules du pipa, qu'il me porta à fupprimer en entier l'article de mon écrit qui concernoir ce crapaud, & à lui fubftituer une obfervation qui détrui- foit ce qu'il jugeoit n'être qu'un faux merveilleux, & qui ramenoit ke génération du pipa aux loix, ordinaires de celle des crapaud$ les plus connus. Voyez l'Art. cccxxvir. des Corps organ. Dès-lors, n'ayant point rencontré d'obfervations affez sûres ni aflez circonftanciées fur les matrices dorfales du pipa ; je n’avois fair aucun changement À mon texte dans les éditions poftérieures des Corps orgamifes; & je m'étois borné dans la dernière , Tome Il1, de la grande édition de mes Œuvres , à‘ rapporter dans une Note additionnelle le précis qu'un Journalifte nous a donné des nouvelles recherches de M.Fermin, en y joignant quelques réflexions ou quelques doutes qu'elles m'avoient fait naître. On a pu voir dans certe note, que M. Fermin aflure, que les cellules obfervées par Ruyfch font très-réelles. J'en érois demeuré-là fur le crapaud de Surinam, lorfqu’une heu- reufe circonftance à mis fous mes yeux ces fameufes cellules dont. M. Allamand m'avoit rendu l’exiftence plus que doureufe. Dans une vifite que M. l'Abbé Spallanzani a bien voulu me faire cet Eté dans ma retraite champêtre, la converfation tomba un jour fur la fin- gularité qu'offre le pipa. Un de mes favans Campatriotes qui étoitapré- fent à notre entretien, nous propofa de décider par nous-mêmes la queftion de la réalité des cellules , en difféquant un pipa femelle qu'il avoit fous la main, & que l’on confervoir depuis bien des années (1) dans une liqueur fpirueufe. Nous n'héfitimes pas à nous prévaloir. d’une occafon auffi favorable de fatisfaire notre curiofité ; & c'eft ce ipa qui fera le principal fujet de ce Mémoire. J'ajouterai, que mon illuftre ami, M. Trembley , a vu avec nous la plus grande partie des faits que je vais expofer. J'ai dit que le pipa qui nous avoit été remis avoit été confervé pendant bien des années dans. une liqueur fpiritueufe : routes fes par- vies éroient donc plus ou moins raccornies ; mais ce raccorniflement n’empêchoi point qu'on n'en diftinguât nettement la pofrion > ka fot- me & les proportions. Les couleurs étoient , fans doute, ce qui avoit le-plus fouffert du long féjour dans la liqueur (2): (1) Environ 18 ans, - (2) "Tee donne pas ici la figure de l'animal entier, parce qu'il ne nous étoit pas SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4217 Le pipa eft un crapaud de la plus grande efpèce. Celui dont il s'agit ici avoic fix pouces de longueur depuis l'extrémité du mufeau jufqu'au derrière, & environ trois pouces de largeur d’un côté à l’autre. Les pattes antérieures avoient trois pouces & demi de longueur, depuis ji origine jufqu'aux extrémités des doigts. La longueur des _ poftérieures étroit d'environ quatre pouces. Les doiets des patres antérieures étoient Affez effilés & au nombre e quatre. Ils n'éroient point unis par des membranes, & leur lon- gueur éroit inégale, Le troifième , qui éroit le plus long, avoit environ quatorze lignes, Ils fe rerminoient par quatre efpèces de crochets allez mous , garnis eux-mèmes de crochets plus petits. . Planchel. La figure 1, repréfente au naturel une des pattes anté- rieures garnie de fes crochets cc ce. On peut y remarquer, que toutes Jes articulations n’y font pas apparentes; il faut en exceprer celle qui eft en 22, qui étoit très-fenfble à Ja vue, & qui l'étoit plus encore au coucher, La figure 2, repréfente le bout d’un des doigts très-grofli au microfcope: cecc les crochets, qui font eux-mêmes pourvus de crochets plus perits au nombre de trois à quatre ; mais dont il n'y en a que trois qui foient bien diitinéts: Je n’oferois même aflurer qu'il y en ait quatre. | La figure 3 eft celle du bout de la patte précédente, beaucoup plus groffi au microfcope , & où les crochets font bien plus apparens. On peut y reconnoître qu'ils ne fe terminent pas en pointe aiguë, Au refte, ces crochets principaux & fecondaires qui terminent les doigts des pattes antérieures, font des parties fi petites, qu'une légère altération doit fuffire à en changer la forme ou l’afpeét; & l’on cou- çoir aflez que le long féjour de l'animal dans la liqueur fpiritueufe , devoit avoir altéré plus ou moins ces petits organes, & ne permettre point d'acquérir une connoïflance affez exaéte de leur forme , de leurs proportions & de leur pofition refpeétive. Les doigts des pattes poftérieures font au nombre de cinq, & unis par des membranes ou nageoires qui s'étendent jufqu'aux extrémités des doigts. J'ai très-bien diftingué à l'œil nud dans ces membranes, des ramifications de vaiffleaux fanguins, que je ne pouvois mécon- noître, Ces doigts ne font point terminés par des crochets, comme ceux des pattes antérieures, & leurs articulations font très marquées. On diftinguoit. nettement dans le plus long ou le troifième quatre pha- langes, Ce troifième doigt avoit vingr-trois lignes de longueur. Le plus venu en penfée de le faire deffiner avant de le difféquer: mais on peut confulter là figure 2, de la Planche xxvr du fixième Volume des Planches de l'Encyclopédie de Paris, qui eft en général aflez exaéte, 1779 DÉCEMBRE, lii2 428 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, court n’en avoit que treize. Les pattes poftérieures font beaucoup plus , groffes que les antérieures. La figure 4, eft celle du bout d'une des pattes poftérieures vue au naturel; / dd d d les doïîgts au nombre de cinq. Les phalanges ou arti- culations font très-marquées, & d’autant plus nombreufes que le doigt eft plus long. Ainf , on en voit diftinétement quatre au doigt le plus long, 1,2, 3,4. Les deux plus courts ne montrent que deux articu- lations, 1, 2: mmm font # membranes qui uniffent les doigts , & qui imitent très-bien celles qu'on voit aux pieds du canard. On peut remarquer qu’elles fe prolongent, comme je l'ai dit, jufqu'à l’extré- mité des doigts. Ruyfch dit fimplement, que les pieds poftérieurs du pipa reffem- blent à ceux du canard; mais il ne dit rien des pieds de devant. lis font pourtant repréfentés dans la figure qu’il a donnée du pipa, & ils y font très-mal repréfentés. Ils s’y terminent en pointe aiguë comme une aiguille, & on n’y apperçoit aucune trace des crochets dont j'ai parlé. La figure de l'Encyclopédie de Paris eft meilléure. Les doigts des pattes antérieurs y font deffinés plus exactement : on y voir les quatre crochets ; mais comme la figure n’eft pas groflie au microfcope, on n’y trouve point les petits crochets dont les principaux crochets font garnis. L'Encyclopédifte en touchant aux pattes antérieures du pipa, fe borne à dire, qu’elles font menues & terminées par quatre doigts longs qui ont de petits ongles. Cette defcription eft , comme l'on voit, bien imparfaite. La bouche étoit très-grande. Elle avoir deux pouces de largeur, & fon ouverture étoit au moins de quinze lignes. On ne voyoit à la place de dents qu’un rebord applatti, un peu épais , de couleur brune, & d'environ deux lignes de largeur. Les mâchoires formoient une faillie fur le devant de la bouche en forme d'angle un peu obtus. La mâchoire inférieure éroit un peu plus courte que la fupérieure. Celle- ci montroit à l’endroit de la faillie deux petits enronnoirs bordés de crénelures, comme certains calices des fleurs. Une épingle que j'ai in- troduite dans ces entonnoirs y a pénétré de plufeurs lignes. Ils fonc apparemment des narines. En parlant de la bouche du pipa, Seba s'exprime ainfi, T.Ï,p. 121. Riu amplo, & late diduëlo, anterius in acutum convergente , inflar oris salpe fimbria quafi reflexo : unde innoteftit , illud animal, porcorum in modum , terram fodicando , pabulum Juum quærere. Je ne vois pas trop comment Seba a pu comparer le mufeau du pipa à celui de la taupe; car le mufeau de la taupe eft conftruit fur des proportions bien différentes : il eft fur-rout beaucoup plus allongé & n'eft pas applati comme celui du pipa. Une membrane jaunâtre & très-ridée garniflfoit tout l’intérieur de à bouche, dont la cavité étoit très-ample, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4:9 La figure $ montre au naturel cette bouche , qui eft ici entr'ouverte. 5 La mâchoire fupérieure: : la mâchoire inférieure. 7 Le rebord de couleur brune qui garnit la mâchoire inférieure & qui occupe la place des dents. Il y en a un pareil àla mâchoire fupérieure. On voir dans le milieu de chaque Pr la faillie dont j'ai parlé, & qui femble former une forte de mufeau. #2 Efpèces de très-perits Hors ou tubercules | qu’on obfervoit au bord de la mâchoire fupérieure , & ui étoient au nombre de quatre: ils font tous repréfenrés dans la EE ee Les ouvertures en entonnoir qui paroïflent être des narines, oo Les yeux aflez petits & de figure ronde. : Je ne parle point d’une multitude de très - petits tubercules done le corps eft’ parfemé, & que Seba dit reflembler à des perles fur l'animal vivant. On les retrouve fur les pipas logés dans les cellules, Ils font exprimés dans la figure 6. Mais je me hâte d’en revenir à la particularité la plus intéreffante qu'offre le pipa : on voit bien que je veux parler des cellules où ma- trices de Ruyfch. Çà donc été au dos de l'animal que nous avons donné le plus d'attention, M M. Spallanzani, Trembley & moi. Un fimple coup-d'æil jetté fur le dos du pipa que nous examinions a fuffi pour nous convaincre de l’exiftence des cellules. Il y en avoit un grand nombre & elles étoient fort rapprochées. Les unes étoient ouvertes, les autres fermées. L'ouverture étoit circulaire dans les unes & ovale dans les autres, On voyoit à l'entrée de la plupart des cellules ouvertes un petit corps brun , qu'on reconnoifloit bientôt pour un petit crapaud tout formé, En le re avec une pince, on le tiroit facilement en entier hors de la cellule , & il paroïfloit aufli parfait dans fa petite taille que le crapaud-mère : feulement, n’appercevoit-on fur fon dos aucun veltice de cellules. La figure 6 repréfente au naturel une portion du dos du pipa où l'on voit très-diftinétement les cellules dont il s’agit. Quatre VA fer- mées ff f f: quatre autres font ouvertes. On apperçoit dans les cellules oo une portion du corps du petit crapaud qui y eft logé. Une des pat- tes d’un de ces crapauds , qui eft très en vue, fixe agréablement l’atten« tion de l’Obfervateur. La figure 7 montre de grandeur naturelle un des petits crapauds extrait de fa cellule & definé du côté du dos. On voit qu'il ne Jui manque rien pour refflembler parfaitement en petit aux grands cra- pauds de fon efpèce. La figure 8 montre au naturel la coupe longitudinale d’une cellule, pour mettre en vue le petit trapaud qui y eft logé de fon long. On voir en p une des pattes Vues proprement. repliée fur le corps, & £n b la bouche qui eft fermée. -430 . OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, J'ai mefuré plufeurs cellules, & leur ai trouvé depuis quatre juf- qu’à cinq lignes de profondeur, fur deux lignes ou deux lignes & demie d'ouverture. Mais j'ai des raifons de croire que ces dimenfions varient affez en plus & en moins. Ces cellules font formées d’une membrane mince , life, jaunâtre, qui a une forte de demi- tranfparence , & dans laquelle nous n'a- vons pu reconnoître des traces de vaiffeaux. J'ai feulement apperçu çà & là dansle fond de pluñeurs cellules des traits bleuâtres & ramifiés, qui étoient probablement des vaiffeaux , qui auroient été, fans doute , plus reconnoiffables dans l'animal frais. Toute cette membrane eft par- emée de très-perits-points qui ne font vifibles qu'avec le fecours des verres. … Jeviens de dire , que la cellule eft formée d’une membrane life : le petit crapaud y eft, en effet, logé comme il le feroit dans un étui. Il n'y adhére par aucun ligament ; ni par aucun vailleau. C’eft ce dont il nous a toujours été aifé de nous aflurer pendant que nous tiriens les crapauds hors de leur logette. Ils en fortoient précifément comme de l'intérieur d'un étui, & toujours parfaitement bien formés, & tels que les crapauds de, leur, efpèce, à la taille près. Nous mavonsipas apperçu de différence bien fenfble dans les dimenfions de ces petits pipas. La partie antérieure du crapaud nousia toujours paru tournée vers l'ouverture de la cellule. Parmi le grand nombre de cellules que nous avions fous les yeux , il y en avoit dont les petits pipas fortoient en grande partie hors de la cellule: d'autres , n’avoient au-dehors que la moitié ou le quart de leur corps; d’autres, ne montroïient que le bout du mufeau; d’autres, une patte poftérieure ou une patte antérieure , &c. Mais ce quil nous importoit le plus de découvrir, c’étoic s'il n'y avoit point de communication fecrette entre les cellules & l'intérieur de l'animal. Ruyfch avoit dir qu'il n’avoit pu parvenir à en décou- vrir aucune: Ÿx2 illis enim nullam communicationem reperire potui cum partibus internis abdominis. Pour procéder sûrement dans certe recher- che, M.Spallanzani a enlevé proprement avec un inftrument tranchant, toute la partie du dos qui contenoit les cellules : il a mis ainfi à dé- couvert l’intérieur de l'animal, & de très-beaux plans de mufcles fe font offerts alors à nos yeux ; maïs nous n'avons pas apperçu un feul vaifleau qui partit de l'intérieur pour fe rendre aux cellules. La portion cellulaire du dos paroifloir ne faire que repofer fimpiement fat les mufcles. En un mor, nous n'avons pu découvrir aucune forte de communication entre les cellules & l’intérieur de l'abdomen. j L'habile Definateur a tâché de rendre bien dans la figure, cette portion cellulaire du dos qui avoir été enlevée par M. Spallanzani, EHe SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. a3x eft repréfentée ici au naturel ; & vue par-deflous. -Elle étoir formée d'une membrane life & jaunâtre, fur laquelle: paroïfoientan peu en rélief le fond & une partie des côtés des cellules. Cela produifoic des élévations ovales, de plufeurs préfentoient. des taches bleuâtres, qui .étoient. dûes à la couleur brune du crapaud: qui perçoic plus ow moins à travers l'épaifleur dela membrane. Les élévations que le Def: finateur à le plus ombrées font celles qui montroient ces taches bleu- tres. dd Sont deux cellules que nous avions ouvertes par-deffous poar mettre à découvert le petit pipa-; & montrer avec quel art ces petits membres font repliés fur le corps pour Hs dans’ la logerte le moins d’efpace qu'il eft poffible. Dans la cellule fupérieure on appercoit dif- tinétement une des pattes poftérieures couchée fur le corps & dont les: doiats très-bien bee & ‘très-bien arrangés ne laiffent entr'eux aucun intervalle. Dans la cellule infcrieure , on voir avec la mêine dif: tinion la partie poltérieure du petit pipa, fon derrière & les pattes’ poftérieures repliées adroitemenc fur les côtés du corps. | Les opercules’ qui ferment les cellules méritoient bien de nous oc- cuper à leur tour : nous les avons donc obfervés avec le plus grand foin. Ils nous ont patu formés d'une membrane très-différente de celle qui compofe le fond & les parois des cellules, : La menibrane des oper- culesétoir de couleur grisâtre & fenfblemenr plus mince & plustran(- parente que celle dont la cellule eft formé. L'opereule s’enlevoir fa- cilement avec la pointe d’une aiguille où du fcalpel ; &'tandis' qu'il éroir encore appliqué à l'ouverture de la cellule , il rappelloit à l'ef- prit ces alvéoles d’abeilles, fermés d’un couvercle plat. Rien n’eft plus apparent dans le pipa que l’opercule de chaque cel- lüle : il fe fair d'abord: remarquer par fa figure & par fa couleur. 1 nous a paru fimplement appliqué à l'ouvetture’ dé la cellule & collé: exactement autour dés bords: Nous n'avons pu nous aflurer fi la aeñis- brine dont il eft formé , eff continue avec la péau du’dos, dont élle- diffère beaucoup ou fi elle én eft très-diftinété. Nous ne fommes point parvenus non-plus à découvrit} comiménc” cet 6petcule adhère autour des bords de l'ouverture , qu'il et deftiné à”boucher:- On juge bien’ qu'une pareille recherche'ne fauroir étre faite avée e#iétitude que-fur un pipi vivant où mort récemment. ‘! :9ct e£qiq J'ajouterai feulement , qu'en préflant par deffoüs ‘la portion celluz läire du dos détachée de Panimal ; & quieft repréfenrée dans ‘lafoûré! 9 ; nous avons vu très-diftinétement M. Spallanzani & moi, la liqueur* fpiritueufe dont cetté portion cellulaire étoit encore imbibée, fuinrer tout autour des bords de l'ouverture , c'éftià-dire, éhtre‘cés bords & l'opercule qui éroic appliqué imimédiarement. Cette petire expérience fembleroit donc indiquer , que lépercule n’éft que collé für les bords, * &:quil n'y adhére pas bien fortement. Mais, jé n'oferois régardér 451 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, cette conféquence comme jufte, à caufe de l’altération que l'animal devoit: avoir éprouvé par fon féjour dans la liqueur, & encore parce que nous pouvions avoir dérangé par nos manipulations l’opercule &c les parties voifines. Au refte, cer opercule eft fi mince & fi tranfpa- rent, qu'il reffemble plus à un épiderme qu’à une peau. Nous n'avons pu y découvrir aucune rrace de fibres où de vaiffeaux. En pénétrant dans l'abdomen du pipa , M. Spallanzani à reconnu Fovaire. Nous avons vu au moins très-nettement un canal qui paroif- {oit lui ARR & qui étoit ouvert à fon extrémité inférieure pour procurer la fortie des œufs. Que de queftions intéreffantes ne préfente point le pipa! ce font autant de problèmes que la nature nous donne à réfoudre , & qui ne pourront être bien réfolus que par un habile Naturalifte qui ira étudier cer animal fingulier dans fon pays natal. Peut-être néan- moins qu'il ne feroit pas impoflible de parvenir à l'élever dans nos contrées. Entre les différentes queftions qu'il fait naître, la plus intéreflante et , fans contredit , celle qui concerne les petits crapauds logés dans les cellules. Comment fe trouvent-ils là ? Comment y paroiffent-ils tout formés? s’y trouvent-ils d’abord fous la forme d’un œuf ? y fubif- fent-ils les efpèces de transformations que Swammerdam a fi bien fui- vies dans la grenouille? Ruyfch & Seba parlent d'œufs & de cellules; mais la manière dont ils s'expriment pourroit faire douter s'ils n’ont oint confondu les cellules avec les œufs, & s'ils n’ont point regardé e cellule comme une forte d'œuf. M. Fermin qui à plus a nb que ces Naturaliftes l’hiftoire du pipa , nous affure; » du a vu les » œufs dans l'ovaire , & qu'ils fortent de la matrice interne de l'animal » pour paffer fur fon dos & y être fécondé dans les cellules «. Mais, comme je n'ai pu me procurer encore l'écrit de M. Fermin, & que le Journalifte dont je tire le fait, ne l’a point affez détaillé , j'ignore le degré de confançe que mérite l'obfervation de l’Hiftorien du pipa, à laquelle je reviendrai bientôt. Je pourfuis mes queftions. Dans quel rems les cellules commencent-elles à paroître ou à fe développer fur le dos de la femelle, car je me fuis bien affuré que le dos des petits pipas ne montre aucun veftige de cellule , pas même au mifcrocope. Je puis dire plus: je les ai cherchées inutilement fous la peau du us de ces jeunes pipas , que j'avais enlevée délicarement ayec le fcalpel, Comment les œufs arrivent-ils dans les cellules , puifqu'on ne dé- couvre aucune communication entre celles-ci & l'intérieur de l’abdo- men? M. Fermin nous apprend , qu'il & vu La femelle crampornée con- tre verre Je débarrafler de fes œufs après bien des efforts, I faut donc que les œufs ne parvignugnt dans les cellules que par dehors, Mais com- ; mens ut = SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 43, ment y parviennent-ils ? comment y font-ils tranfportés & logés? Ce que M. Ferimin nous raconte fur ce fujer eft bien fingulier: Le mdle , dit-il , accourut auffitôt, prit les œufs de fes pattes de derrière | & les tranfporta fur le dos de [a femelle. Nous favions que chez les crapauds d'Europe , le mâle fert d’accoucheur à fa femelle, & qu'il sacquitre de cette pénible fonétion avec beaucoup de dextérité. 11 paroît par le récit de M. Fermin , que le mâle pipa n’eft pas chargé de la même fonétion , & que celle qu'il a à remplir confifte uniquement à cranf- porter les œufs fur le dos de fa femelle, Le Journalifte ne nous dit point , s’il fe borne à tranfporter à la fois un certain nombre d'œufs, ou sil fait les prendre un à un & loger ainfi chaque œuf dans fa cellule. Ici je ne puis m'empêcher de relever une erreut étrange qu'a com- mis l’Auteur de l'Explication des Figures de l'Encyclopédie de Paris | & dont je n’entrevois pas l'origine. » La femelle du pipa, dit-il, pond, » comme l'on fait , fes œufs fur le dos du mâle dans de petites cavités » dans lefquelles les petits éclofent «. Ces expreflions pond , comme l'on fait fur le dos du male, laïeroient croire que ceci eft la chofe du monde la mieux conftatée ; tandis qu'il eft démontré, au contraire, que ce n’eft que fur le dos de la femelle que fe trouvent les cellules defti- nées à recevoir les œufs. J'ai examiné moi-même le dos du mâle, & je puis affurer qu'il ne s'y trouve pas la moindre apparence de cellule. Le mâle eft moins grand que la femelle, Celui que j'ai mefuré & ui avoit été renfermé dans le même bocal avec le pipa-femelle qui fe l'objet de ce Mémoire , n'avoir que quatre pouces de longueur depuis le mufçau au derrière , fur une largeur Le deux pouces. Ses attes antérieures n'avoient guère que deux pouces de Jong depuis F épaule jufqu'à l'extrémité du plus long doigt: les poftérieures avoient un peu plus de trois pouces. La largeur de la bouche étoir d'un pouce quatre lignes, Comment & où les œufs font-ils fécondés ? M. Fermin raconte, » qu'après que le mâle eut tranfporté les œufs fur le dos de fa femelle, » il fe renverfa fur elle dos contre dos, & qu'après quelques léoères » commotions , 1l defcendit, regagna l’eau voiline, d’où il revint bien- #» tot à fa compagne demeurée immobile, p_ur faire fur fon dos ung » opération différente de la première. Il fembla cetre fois ne la routher » que de fes quatre patres : deux fois il s’agita vivement pour fécon- » ARE fans doute, les œufs dépofés dans leurs cellules ; enfuice il lâcha » prfe, & tous deux fe jerrèrent dans l'eau avec une agilité , qui étoir » comme l’expreffion de leur fatisfaétion mutuelle «. Mon lecteur fent, comme moi, tout ce qui manque à ce curieux détail, qui eft afluré- ment bien plus propre à piquer la curiofité qu'à la fatisfaire. Je ferois Tome XIV, Part. II, 1779. DECEMBRE. Kkk 454 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, centé de foupçonner, que lorfque le mâle fe renverfoit fur fa femelle dos contre dos, & qu'il fe donnoit des commotions, c'étoit pour faire pénétrer les œufs dans les cellules. Je crois appercevoir encore dans le trop court récit du Journalifte , que ‘les œufs ne font fécondés qu'a- près qu'ils ont été tranfportés fur le dos & pouffés dans les cellules. Mais l'Obfervateur n’auroit-il point vu le mâle les arrofer de fon fper- me? Seba affure, fans néanmoins en donner aucune preuve, » que la » femence du mâle s’infinue par certains pores à travers la peau offeufe » du dos & parvient ainfi dans les petites matrices pour y féconder » les œufs «. Mais on fait que cet Écrivain éroir plus amateur qu'ob- fervateur , & le peu qu'il dit du pipa eft bien vague, & çà & là, inexaét & obfcur. Au refte, il ne faut pas s’'imaginer que la glaire dont les œufs font environnés à leur fortie du ventre, foit un obftacle à la fe- condarion. M. Spallanzani a démontré par des expériences très-curieu- fes, que le fperme agit à travers cette glaire dans les crapauds de nos contrées , & ces expériences font d'autant plus remarquables, qu’elles prouvent en même-tems que les œufs du crapaud peuvent être fécon- dés par art. J'en ai donné un précis dans mes Œuvres Tome III, de l'édition i7-4°. pagé 440 , feconde note. Il faudroit tenter les mêmes expériences fur les œufs du pipa : il y a lieu de préfumer que les réful- tats en feroient plus intéreffans encore. 3 Quel eft le rems où l’opercule fe forme ? comment fe forme t-il? comment eft-il appliqué fi proprement & fi exaétement autour des bords de la cellule ? on voit aflez que les cellules doivent être ouver- tes lorfque les œufs y pénètrent : la formation de l’opercule feroit donc poftérieure à l'introduétion des œufs. Mais, cette formarion ne feroit-elle due qu'à l'épaififfement de la forte de glaire qui environne les œufs à leur fortie du ventre de la femelle , ou dépendroir-elle d’un prolongement en tout fens de l’épiderme du dos ou de quelqu'autre membrane voifine ? Si l’on pouvoir s’en rapporter à ce que dit là-deffus Auteur de l'Explication des Figures de l’Encyclopédie de Paris, la queftion feroit décidée : il avance exprefflément; » que les œufs en- » foncés dans les cavités du dos , font recouverts par une membrané » formée par l’épaifliffement de la matière vifqueufe qui entoure le frai » de ces animaux «. Une chofe pourroit favorifer cette opinion; c'eft que nous n'avons apperçu ni à la vue fimple ni avec le fecours des verres aucun vaifleau qui ferpentât dans cette fine membrane : nous n'y avons pas mème apperçu la moindre fibrille. Tout nous y a paru très-uniforme. Mais on faitque l'épiderme ne montre ni vaiffeaux ni fibrilles. Quel rems s’écoule-c-il depuis la fécondation des œufs jufqu'au moment où les petits crapauds commencent à éclorre , ou plutôt à fe SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 435 développer? M. Fermin dit ; » que le quatre-vingr - troifième jour , à » compter de celui de la ponte, fon pipa mit bas fuccellivement dans » l’efpace de cinq jours foixante-douze petits crapauds de fon efpèce«. Je parle toujours d’après le Journalifte. Confultez la Note fur l'article cecxxvn, des Corps orsaniés | Tome III , de mes Œuvres de l'édi- tion /7-4°, Comment les petits pipas font-ils alimentés dans leurs cellules; car ils y prennent un accroifflement affez confidérable ? Nous avons vu ci- deflus qu'ils en forrent parfairement bien formés, & quils ont alors au moins cinq à fx lignes de longueur fur une grofleur proportionnée. La petite portion de glaire qui peur être entrée dans la cellule au moment que le mâle y a fait pénétrer l'œuf, ne paroït pas fufhre à opérer un pareil accroiffement. 11 femble donc qu'il faille que les petits crapauds reçoivent une certaine nourriture de la mère. Quelle eft cette nourriture? Comment parvient-elle dans la cellule ? Commene pañle-t-elle enfuite dans le crapaud ? Je ne formerai là-deflus aucune conjecture, parce que je n'ai rien obfervé dans notre pipa qui puille répandre quelque jour fur ces queftions. J'ai fair remarquer plus haut, que les petits pipas ne font point adhérens à leurs cellules , & qu'ils y font fimplement logés comme dans des étuis, qu’ils rempliffent en entier; & que lorfqu'on les en retire, ils fe montrent à nud avec tous leurs membres, & ne font revètus d'aucun tégument. Eft-il certain, que dans l'animal vivant ou mort récemment, on ne puifle découvrir aucune communication entre les cellules & l’intérieur de l'abdomen ? Les cellules font-elles abfolument néceflaires aux premiers accroif- femens des pipas, & ne pourroient-ils fe développer jufqu'à un cer- tain point fans ce fecours? ‘Le nombre de cellules répond-il à-peu-près à celui des œufs > & n'y a-t-il jamais qu'un feul œuf ou qu’un feul embrion dans chaque cellule? Qu'arriveroit-il s'il s’en rencontroit deux ? Comment encore n'y a-t-il qu'un feul embrion dans chaque cellule, car l'ouverture de celle-ci femble aflez grande pour admettre deux œufs? Le mâle ne dépoferoit-il jamais qu'un feul œuf dans chaque cellule ? Je raifonne ici d’après l’obfervation de M. Fermin. Le petit crapaud refpire-t-il tandis qu'il eft renfermé dans fa cellule ? & sil refpire, comment l'air extérieur communique-t-1l dans l'intérieur de la logerte ? Quel eff en général le rems qui s'écoule depuis la fortie du crapaud hors de fa cellule, jufqu'à celui où il atteint la grandeur propre à J'efpèce. Pourroit-on en bouchant par différens moyens l’ouverture des cellules, 179797 DÉCEMBKE. K kk 2 436 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, retarder plus ou moins la fortie ou l'éclofion des petits pipas fans in< térefer leur vie? Le pipa a , pour ainfi dire , à naître deux fois, & à cet égard, il a quelque légère analogie avec l'oppoffum. I feroit curieux de favoir jufqu'à quel point on pourroit rerarder la feconde naïffance du pipa. Quoique nous ayons tâché inutilement M. Spallanzani & moi de découvrir , sil n’y avoit point quelque forte de régularité dans la dif- tribution des cellules fur le dos de notre pipa, eft-il bien sûr néan- moins que cette diftribution ne recèle rien de régulier ? Je n'oferois l'aurer: combien de fois n'eftil pas arrivé qu'un examen plus appro- fondi a manifefté de l’ordre on de la régularité dans des chofes où l'on n’avoit apperçu d’abord qu'irrégularité & confulion ? Seba dit, que les cellules , qu'il nomme des yeux, font fituées à peu-près à égale diffance les unes des autres: cet Aureur n’y avoit pas apparemment regardé de bien près. J'ai apperçu à cer égard bien des inégalités dans le pipa qui a fait le fujer de mes obfervations. J'ai vu des cellules qui fe touchoient prefque, & j'en ai vu d’autres qui éroient diftantes de leurs voifines de plus de deux lignes. On peut en juger par l'infpection de la figure 6. Je ne rerminerai pas ce Mémoire fans faire remarquer , que mon objet n'a point été de donner une defcriprion exacte du Pipa : je n’at voulu que conftater l'exiitence de ces cellules où de ces matrices dor- fales qu'on avoit révoquée en doute, & confirmer ainft ce que divers Auteurs avoient avancé fur la génération de ce fameux crapaad & fur la manière fingulière dont fes petits prennent leurs premiers accroif- femens. Les différentes queftions qu'il mva donné lieu de propofer ne feront peut-être pas inutiles au perfeétionnement de fon hiftoire, I SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 437 MES EM: OL'OROTE Sur la Cryftallifation du Fer ; Par M. PAZUMOT. | SA obfervations fur les cryftallifations métalliques ont complette- * ment confirmé ce point de théorie avancé en 1772, par M de Mor- veau dans fes digreflions académiques , page 170 ,. » que le feu eft aux » métaux pour leur cryftallifation , ce que l'eau eft aux fels«, Ce fa- vant & laborieux Chymifte eft celui qui s’eft occupé davantage de prouver fon affertion en érendant fes travaux fur les cryftallifitions métalliques & fur celles de plufeurs demi-métaux (1). 1 paroît cepen- dant que lon eft encore trop peu avancé dans ce genre de connoif- fances pour.qu'il ne. foit pas très-intéreffant de s'en occuper avez at- tention jafin de pouvoir ajouter quelques nouvelles obfervations à cette partie de l’hifteire naturelle. Des effais de fonte de la forge de Coat Annos, en Bretagne, près Bellifle-en-terre, m'ayanc été envoyés afin de pouvoir connoître fi cette fonte ne contenoit que du fer pur, ces morceaux ont mérité toute mon- attention, d’aurant plus qu'en les comparant, je crois y avoir reconnu la gradation de la cryftallifation décidée du fer. C'eft de cette cryftallifation dont je vais m'occuper dans ce Mémoire, Afin de pouvoir y procéder avec quelque méthode, je crois devoir préfenter en abrévé ce que M. de Morveau & M. Grignon ont écrit fur cette matière. Ils font les feuls dont nous puifions citer les obfer- vations. M. Grignon a diftingué deux efpèces de cryftallifations, celle de la fonte & celle du fer. il dit dans fon Mémoire fur les métamorpho- fes du fer(2), page 71, que » la fonte grife dans fon degré de per- » fection donne une cryftillifarion très-régulière , chaque cryftal étant » diflinct & ifolé ; que c’eft une efpèce de pyramide dont la bafe eft » un thombe, le long de chaque face de laquelle font appliquées à a * (1) Journal de Phyfique , Novembre 1776, & Février 1779. (2) Mémoires de Phyfique, in-4°. 438 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » angle droit, & continuement d'autres pyramides dont la bafe eft » égale au point d'incidence de la pyramide’ principale à laquelle ils » font attachés ; & comme les diamètres diminuent fucceffivement , » les pyramides du bas font plus groffes & plus longues, celles d’en- » haut plus courtes & plus déliées , y ayant une jufte proportion entre » le diamètre de la bafe & la longueur de la colonne, &c. &c.«. Cette defcription que M. Grignon 2 préfentée fous une forme un peu variée, à la page 4-6 bis, du même ouvrage dans le Mémoire fur les cryftallifations métalliques , ne convient qu'à » ces arbrifleaux » reffemblans à de petits fapins à branches quarernes oppofées , qui » (page 71.) forment des amas de ces eryftiux qui offrent à l'œil ,armé * » d'une loupe, le fpectacle d’une petite forèr mérallique«. Dans certe feconde defcriprion, pige 4-6 bis, M. Grignon dit, que » le premier » élément-de chaque cryftal eft un rhombe qui eft furmonté en ligne » perpendiculaire d’autres rhombes articulés qui vont toujours en dé » croiffant jufqu'à former une pyramide à bafe rhomboïdale «. Tels font les cryftaux que M. Grignon reconnoît pour être ceux de la fonte grife. Quant à ceux de la fonte blanche, M. Grignon leur afligne la forme rhomboïdale , & il dit, page 75, que » lorfque la fonte » refte long-tems en bain fousune couche de matière capable d'empêcher » la perte de fes principes effentiels..…. la fonte pour- lors fe con- » denfe en une matière compaéte, dure, brillante, argentée, cryftalli- »fée en rhombe exaëdre, en cube , en parallélipipèdes , compofés d’un » tiflu de couches appliquées les unes fur les autres qui fe rompent » thomboïdalement «. L'Auteut ajoute, que » cetre cryftallifation...… » ordinairement confufe, tient le milieu entre l'état de fonte & celui » du fer: que c’eft proprement fon régule qui eft très-peu malléable «, A la page 476 bis, M, Grignon dit, que le morceau qu'il décrit contient » deux cryftaux aie de régule de fer»; & à la page 477; il ajoute, » je me fuis procuré des cryftaux de régule de fer qui font » des tétraëdres, ou des cubes, ou des parallélipipèdes «, De certe courte analyfe des obfervations de M. Grignon fur les cryf- gllifations ferruginenfes , il s'enfuit qu’il admet la forme dendrite compofée de rhombes articulés, pour la cryftallifation de la fonte grife; la forme rhomboïdale pour celle de la fonte blanche ; & que les cryftaux du régule n'ont aucune forme fixement déterminée puifqu'ils font ou rhombes exaëdres , ou tétraëdres , ou cubes, ou parallélipi- pèdes. } M. de Morveau, fans diftinguer les cryftaux de fonte .de ceux da régule, ne s'eft occupé que des derniers; fon principal but éroit de decouvrir un moyen d'en obtenir à volonté afin de pouvoir prouver fa théorie, Sans avoir afligné les formes propres de ces çryftaux, il SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 439 s’eft contenté de défigner (1) ce que fon culot lui a offert par des lignes entrecoupées régulièrement comme un: hachure : & néanmoins il avoit cité l'obfervation de Zanichellus , dans Swembourg » que le fer » fondu & refroidi montre de petites particules pyramidales à quatre » CÔTÉS =, M. le Baron de Dietrich a employé les mêmes exprefions de M. Morveau, & il penfe que certe cryftallifation conffte dans une application de lames les unes fur les autres (2), D'après cet expofé je vais décrire les formes de cryftallifations des diffé- fens morceaux que j'ai. 1°, La cryftallifation principale, c'eft-à-dire, la plus générale, la plus multipliée & celle qui préfente en mêème-tems une plus grande réunion de cryftaux , montre au premier afpeét une multitude de filets, fitués en cout fens, compofés de petits corps globuleux , tous implantés les uns fur les autres, terminés par un folide pareil plus déraché de la file, plus élancé & qui offre tantôt une pointe très-aiouë , & tantôt une pointe un peu moufle & arrondie. 2°. En confidérant dans les cavités , on remarque des petites pyra- mides très-élancées formées par une pyramide principale , garnie du bas en-haut de petits corps pyramidaux implantés latérilemenr & per- pendiculairement à la pyramide principale. L'enfemble repréfente à merveille un petit if taillé pyramidalement. C'eft en petit les fapins de M. Grignon. | 3°. Lorfque la cavité eft un peu dégagée, on y découvre ces ifs plus élancés , plus proportionnés, fi parfaitement bien conformés, que M. Grignon a eu ER de les nommer des fapuns. Ils font généralement à branches quaternes oppofées, quelquefois à trois branches feulement, & il y ena en affez grande quantité les uns à côté des autres , pour pouvoir dire qu’ils offrent réellement la vue d’une pee frêt métalli- qu”. Dans ceux que mes morceaux m'ont offerts, j'ai vu que la tige eft d'un feul jet aufi-bien que les branches, & je n'ai point apperçu que la tige principale füt compofée de corps articulés, ni que les bran- ches latérales portaflent d’autres fur-branches. 4°. Dans d’autres cavités moins vuides, l’on obferve une autre forme plus grofle & dont il éft plus aifé de diftinguer l'enfemble: On y voit très-diftinétement une efpèce de végétation compofée d’une tige prin- cipale articulée dans fon fommer , à laquelle font implantés EP ment & perpendiculairement des rameaux également articulés , qui ———————— (1) Journal de Phyfique , Tome VIII, page 350. [ @) Journal de Phyfique , Tome XI, Mai 1778, pages 417 & 418, 440 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, comme une branche portent à leur tour, fur leurs côtés , des corps élan- cés qui les garniflent dans toute leur longueur , comme des feuilles laté- rales qui féroient perpendiculaires à leur tige. Souvent ces branches ne font compofées que d’un feul corps élancé, fans qu'il porte d’au- tres corps fur fes côtés; tous ces corps que je compare à des branches & à des feuilles, paroïflenc fe terminer en pointe , mais vus avec la plus grande atrention , on découvre qu'ils font prefque tous terminés par une forme convexe, & les articulations paroillent formées de corps globuleux. s°. Enfin, dans la cryftallifation principale du numéro premier , l'on découvre par-tout des groupes foliaires, élancés de la malle cryftalli- fée, compofés de corps anguleux qui forment une fuite d'articula- tions, dont le corps le plus élancé, montre diftinétement un fommet en pointe & des angles fur les côtés, Cette cinquième obfervation rentre jufqu'ici dans la première. Ce qui va cependant la différencier c'eft que le dernier corps, qui montre l'angle de fon fommet, offre des faces pyramidales diftinétes, & préfenre un tétraëdre exact. Voilà Ja confrmation de l’obfervation de Zanichellus : mais en continuant d’obferver avec attention , on apperçoit de plus , que plufieurs de ces: tétraëdres font aflez détachés de leur tige principale, pour laiffer ap- percevoir un autre tétraëdre oppofé au premier par fa bafe & adhérent au groupe par fa pointe inférieure. Voilà alors la forme cryftalline completre & décidée céxédre. De ces cinq efpèces différentes de forme de cryftallifation , il n’y a que la dernière qui foit la feule vraie & exaéte. La première & la quatrième me paroiffent être de ces cryftaux octëdres dont les angles n'ont pu être formés À caufe de la UE aétivité du feu , Où qui après avoir été formés ont été émouflés par la continuité de liqué- faction. Les ifs & les fapins me paroiflent. n’ècre qu'une forme appro- chée de cryftallifation , d'autant plus que les fommers des branches laté- rales font, pour la plus grande partie , tous arrondis & ne fe terminent point en pointe aiguc comme M. Grignon les a fait defliner & graver. ; REX Je remarquerai que tous ces cryftaux jouiffent parfaitement bien de tout leur éclat métallique; qu'ils font attirables à l'aimant; qu'en ayang détaché quelques-uns & les ayant foumis à l’action d’un marteau pro- portionné à leur perireffe , ils fe fonc applatis ; qu'ils font donc duétiles & conféquemment qu'ils font tous cryftaux de régule, puifqu'ils en téuniffenr tous les caractères, ’ En faifant quelques réflexions fur ces cryftallifations, on eft natu- rellement conduit à les comparer avec celles de l'argent, connues fous le nom d'argent vierge en végétation. Tous les cryftaux ne paroiflent pas d'abord parfaitement décidés dans ceyre dernière, IL n'y a que ÊRE du ominher EE ‘ SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 44 fommer de chaque rameau qui, lorfqu'il eft un peu gros , laifle voir diftinétement qu'il eft otaëdre compler : & après avoir obfervé enfuite attentivement, on remarque que chaque corps qui forme les articu- lations des branches eft un oétacdre applati , comme ceux de l'alun. La feule différence qui fe trouve entre cette cryftallifation de l'argent & celle du fer que je viens de décrire , c'eft que les corps articulés de cette dernière font tous globuleux , tandis que ceux de l'argent font tous anguleux. Mais cette différence ne doïit point arrêter tout Obfer- vareur éclairé. La cryftallifation de l'argent fe fait tranquillement dans les entrailles de la terre, par l’action d’une chaleur douce. Celle du fer étant faire au centre du feu , il n’eft pas étonnant que l’aétivité de çer élément air murilé les angles des cryftaux du fer ou les ait empëché de fe produire , comme je viens de-le dire plus haut. IL faut donc conclure que la forme exacte de la cryftallifation du fer en régule elt l'octaëdre. Il eft bon d’obferver que cette cryftallifation du régule, du fer eft en parfaite analogie avec celle de fa mine quand elle eft régulière. Tout le monde connoît cette mine de l'Ifle de Corfe , attirable à l’aimant, difféminée dans un fchifte gris & qui eft octaëdre. La mine du ruiffeau d'Efpailly, près du Puy, en Velay, avec laquelle on trouve des hya- cintes, des faphirs, des grenats, des cryfolites , &c. eft encore oétatdre. La mine fpéculaire du Mont Dor, en Auvergne, quoiqu'on ne la trouve prefque qu’en lames très-polies, & très-refplendiflantes , qui af- fectent une forme exagône à bords en bifeau, eft cependant oétaëdre quand les cryftaux ont pu fe former régulièrement. Je puis en fournir la preuve par des morceaux que j'ai. Enfin , les pyrites martiales qui ar leur décompofition naturelle , foit dans l'eau , foit dans la terre Red , deviennent mines de fer, cryftallifent encore en oŒaëdre : & puifque les principes métallifans affeétent cette forme régulière dans la mine, ils doivent la conferver quand ils paflent à I état de régule. Je m'atrends’ que l’on objeétera que les pyrites ne cryftallifent pas feulement en octaëdre, & que rien n’eft plus commun que les pyrites cubiques & dodécaëdres. Mais je répondrai, d’après les principes de a favante cryftallographie de M. Romé Delifle, que le cube & le dodécaëdre ne font que l’oétaëdre dont la forme eft modifiée par acci- dent. De ce que je viens de dire, il me paroït fuivre naturellement que le culot de fer dont M. de Morveau à fait graver la figure dans le Journal de Phyfique, Tome VIT, planchel, figure 1 , ne préfente au remier coup-d'œil que des indications de cryftallifation ; que vu à a loupe, ainfi qu'il eft gravé à la figure 2, 1l offre une cryftallifa- tion plus marquée qui approche de cellé’ que j'ai décrite, numeros 1 Tome XIV. Part. IL 1779. DÉCEMBRE, Lil 441 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & 4, mais qui eft encore trop confufe & trop peu décidée pour que l’on doive la regarder comme une vraie & exacte cryftallifation. Il faut cependant convenir, & c’eft une juftice à rendre à M. de Mor- veau , que les cryftallifations de fes culots , ainfi que les cinq variations que j'ai décrites, font des effets rout-à fair complets, effets de même efpèce & d’une même caufe , mais dans des circonftances plus ou moins favorables (1) à l’exacte cryftallifation. Il me paroît réfulter en fecond lieu , que M. Grignon n’autoit pas dù diftinguer les cryftaux de fonte de ceux du résule, puifque tous ceux que j'ai & qui fonc très-analogues à ceux de M. Grignon, font régule. Mais il convient d'examiner ici, s’il y auroitune forme de cryftal- lifation différente pour le régule ou pour la fonte. Après avoir prouvé que l’exaéte cryftallifarion du régule eft l'o&tac- dre, on pourroit penfer qu'à raifon du principe minéralifateur & des matières hétérogènes que la fonte peut contenir en plus ou moins grande quantité , elle pourroit peut-être affecter une forme de cryftal- lifation différente de celle du régule. Cependant , il me paroït certain que l’exacte cryftallifation de la fonte doit être, comme celle du ré- gule, au moins un octaëdre. Je puis en donner une preuve démonf- trative par des morceaux qui viennent des forges d'acier de Rives en Dauphiné, & qui m'ont été donnés par M. Faujas de Saint-Fond , connu par fon magnifique Ouvrage fur les Volcans éteints du Velay & du Vivarais. On y reconnoît aifément une fonte , cryftallifée à la vérité, mais de très-mauvaife qualité , peu attirable à l’aimant , qui eft moins une vraie fonte qu’un récrément de forge, à caufe des par- ties hétérogènes du laitier intimement mélées & confondues avec le métal ; mais comme cette mauvaife fonte eft toure chargée de cryftaux , fi on les examine pour en reconnoîtte la forme , on voit fans peine qu'ils font tous octaëdres ; les uns parfaits, & les autres plus ou moins répuliers. M. Grignon a fait encore mention d'une crÿftallifarion du fer, en parlant des portions du métal qui coulent par le cAio du fourneau & de celles qui s’échappent lorfque /a chaude crève fous le marteau, & que les Ouvriers appellent grurrillons. A dit, page 80, que » ces cryf- » taux de fer font rarement bien réguliers, parce que le feu qui leur » donne naiflance les foude enfemble , mutile leurs angles... & que » les plus réguliers lui ont paru être des polygônes hexaëdres formés de » plufieurs rhomboïdaux unis par leur grande face «, {1) Journal de Phyfique , Fevrier 1778. és ef ieth, Dane = nl -é SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 44; : La forge de Coat-Annos m'a fourni des morceaux de cerre efpèce qui ont été trouvés dans des trous du fourneau. C'eft du régule forc épuré, très-actirable à l'aimant, très-malléable, & qui jouit de tout l’éclar métallique. Ces morceaux font exactement formés d’un aflemblage de cryftaux foudés enfemble par laétion trop vive du feu: mais en obfer- vant leur forme afin de pouvoir la déterminer précifément , l'on re- connoît que ce n'’elt qu'un affemblage de cubes irréguliers , parmi lef- quels on en trouve qui font exactement conformés. Je crois d’autanc moins me tromper dans cette aflertion , que je puis montrer un de ces morceaux dans lequel on voit trois cryftaux cubiques très-pronon- cés; deux font à côté l’un de l'autre. Ils font élancés & décidés très- nettement, Ils ont environ une demi-ligne de groffeur, & il ne faut point de loupe pour les reconnoître. Le troifième cube, voifin des deux autres, eft engagé dans la malle de laquelle il ne fort qu'au tiers, J'ai fair voir ces cryftaux à plufieurs favans minéralogiftes & bons obfervateurs , entrautres à M. Delifle dont la décifion cryftallographi- que eft du plus grand poids; & ces cubes très-décidés lui ont fait orand plaifir. . Je n'ai point omis de citer que M. Grignon à dit, page 476 bis, que fon morceau de fonte grife contient » deux cryftaux cubigues » de régule de fers. Ainfi voilà cette forme cryftalline très-décidée par le morceau de M. Grignon, ainfi que par les miens. 11 me refte à conclure en dernier lieu, que l’exacte cryftallifation du fer, foir en mine, foit en fonte, foit en réoule , eft définitivement l'oétaëdre ou le cube qui ne font qu'une même forme identique feu- lement modifiée, mais inverfe l’une de l’autre (r). Je terminera cer article par trois obfervarions. La première , c’eft que ces cryftaux étant un véritable régule , ainf que je l'ai dit, il faut en conclure que la duétilité du fer vient du rapprochement de fes parties intégrantes fair par le feu; que la mal- léation ne fert qu'à purger le fer des parties hétérogènes qui , dans la fonte , féparent fes molécules métalliques, & qu’alors le marteau ne fait que perfeétionner la duétilité” De plus , les différens morceaux que j'ai, montrent aflez l’action du cifeau qui les a entamés & qui prouve une duétilité qui n’a pu venir de la malléation. La feconde obfervation , c'eft qu’en frappant ces morceaux fur un papier , il s'en détache une abondanre quantité d'une poudre noire très-fine, provenante de l’enduit ou première couche qui recouvre la (1) Cryftallographie de M. Romé Delife : le cube a 6 faces & 8 angles. L'oflaëdre a$ faces & 6 angles. 17797 DÉCEMBRE, Llill2 z 444 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fuperficie fupérieure & inférieure du métal. Cette poudre noire étant très- attirable à l’aimant eft un véritable éthiops martial, La troifième obfervation, c'eft que le principal morceau que j'ai décrit n°. 1. contient dans fes cavités, des globules de certe chaux métallique & foyeufe que M. Grignon a nommée amianthe de fer. Après ces obfervarions, je crois devoir en ajouter quelques autres fur la cryftallifarion en général, ainfi que fur quelques cryftallifations métalliques & femi-métalliques. Il paroît que l’on ne peut pas admettre pour cryftallifations vraies & décidées, celles qui fe montrent à la furface des fubftances méraili- ques, & que ce ne peut être que dans les cavités ou dans l'intérieur que fe trouvera l’exacte cryftallifation. Les furfaces extérieures ne pré- fentent prefque toujours que des ramifications qui ne font que des ébauches de cryftallifations. Si par le terme cryffallifation l'on ne veut entendre qu’une forme déterminée quelconque , alors tout rudiment quelconque fera cryftallifation, & route molécule quelconque fera eryf- tal: mais le terme de cryftallifation emportant avec lui l'idée nécef- faire d’un folide conforimé à l'extérieur régulièrement par des angles & des faces, & avec cette fymmétrie régulière de cryftal fur laquelle l'on n'a aucune ambiguité , il faut donc que la cryftallifation foit une for- me régulièrement fymmétrique & comprife extérieurement par des faces & des angles. Tel eft le grand ordre, ou grand principe de la nature, qui, à quelques exceptions près qui font des modifications , produit roujours les cryftaux fous une mème figure folide, régulière & uniforme à l'extérieur. De-là , il fuit que toute forme dendrite ne peut être une cryftallifa- tion , & conféquemment , que tout cryftal qui a des angles rentrans n'eft point un feul cryftal, mais un groupe de cryftaux : ceit un fe- cond ordre ou fecond principe de la naturé vérihié par des obferva- tions fi conftantes qu'il eft impoflble de ne pas l’admertre. Ces deux principes conduifent naturellement a conclure d'abord , que les figures extérieures ne doivent rien décider quand les formes es folides ne font point exactement prononcées. En fecond lieu, que la vraie cryftallifarion différe crès réellement alors de la ramification extérieure, & que par conféquent l'étoile fuperfcielle de l'antimoine , ainfi que les ramifications extérieures de l'étain, du plomb, du bif- muth, de larfenic, &c. ne font point des cryftallifations, mais feu- lement des élémens de cryftallifation. Je puis en joindre ici la preuve fuivante. Le culot de plomb dont M. de Morveau a publié la figure dans le Journal de Phyfique (1), n'offre que des linéamens avec quelques étoi- 0 (x) Février 1779, PLI, fig. 10. * À SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 445 les à fix branches. Il ne m'eft pas difficile de reconnoître que cette con- figuration extérieure montre une face de grouppes d’oétaëdres , parce que j'ai un morceau de plomb que j'ai obtenu cryftallifé en le coulant au coin de ma cheminée, & qui préfente dans fa cavité des oétaëdres très-conformés , avec des grouppes compofés d’octaëdres applatis, placés les uns fur les autres. Mais d’autres culots du même plomb & coulés en même-tems , n'offrent à leur furface qu'une ramification qui difière de ma cryftallifation intérieure & de l’exrérieure du culot de M. de Morveau. À en juger par ces culots, on prononceroit que la cryftalli- fation du plomb eft une éroile à quatre branches ramifiées en fougère; & cependant, il eft certain que fa vraie cryftallifation eft l'oétatdre , comme je l'ai obtenu , ou bien le cube; & il eft trés-vrai que les ramifi- cations extérieures ne peuvent rien indiquer au fujet de l'oétacdre ou du cube, fi ce n'eft par induction & en faifant comparaifon de la dif- pofition des linéamens extérieurs avec des morceaux cryftallifés très- diftinétement. J'étendrai cette preuve par l’examen de l’intérieur d’une pyrite(1), qui préfente parfaitement bien à l'extérieur la cryftallifation octaëdre, Certe pyrite, ayant été tranchée à-peu-près dans la ligne des deux poin- tes des octaëdres , l’intérieur montre des figures dendrites formées par des efpèces de branches qui partent prefque perpendiculairement des rayons pyriteux qui font le rameau principal. Or ces dendrites ne peuvent rien indiquer relativement à l’oétaëdre qui eft la cryftallifation décidée ; & cette ramification n'eft formée que par des linéamens defquels on ne peut rien conclure. Maïs voici encore une preuve de plus dans une autre efpèce métallique. ” ; “ik Le bifmuth offre à fa furface extérieure une forme étoilée qui n'in- diquesrien. Mais la vraie cryftallifation de ce demi-métal eft encore l'octaëdre ou le cube. M. Brongniart , Démonftrateur de Chymie au Jardin Royal des Plantes, vient de cryftallifer cette fubftance femi- métallique. 11 à obtenu des cubes crès-exaétement conformés. Il en fera de même de l’étain. Le zinc & l’antimoine cryftalliferont de mème, ainfi que toutes les fubftances métalliques, ou bien en oétatdres qui , comme je lai obfervé , ne font rien à la forme cryftalline, Aène cube | oélaëdre & mème dodécaëdre ne font que la même forme avec des modifications accidentelles. Paris , Juillet 1779. PASUMOT, Ingéniéur du Roi, (x) Certe pyrite vient de Condat au pied des Pyrénées où on en trouve beaucoup. Elles font engagées dans une pierre crayeufe , & elles fonc toutes cryftallifées en oc- taëdres avec quelques formes cubiques. LA 446 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, VA MEN. CH VY MEQUE DE DIFFÉRENTES PIERRES. OUAIT RIT BUMUE" | RVANRNTMLE: Contenant celui du Porphyre, de l'Ophite , du Granit & autres Pierres de la Claffe des Vitrefcibles Mixtes. Par M. BAYEN. | pierre vitrefcible qu'on défigne aufi fous le nom de filex où de pierre à fufl , fe préfente fous diverfes formes ; fes couleurs ne font pas moins variées que celles des marbres calcaires ; elle efl rantôt plus, tantôt moins tranfparente ; quelquefois même elle eft opaque. Ici, elle eft en cryftaux réguliers , là, en mafles informes ; fouvent on la rencontre en bancs continus, mais fouvent aufli on la trouve au mi- lieu de pierres calcaires & argilleufes en blocs ifolés. Que de va- rités dans fa contexture ! Tantôt elle forme des bancs d’une éten- due immenfe de grès ou pierres de fable de diverfes efpèces , tantôt des bancs de granits qui diffèrent les uns des autres par la couleur , par la groffeur, par la cohérence & quelquefois mème par la nature des grains qui les compofent ; enfin , la pierre vitrefcible eft fouvent mélangée, je dirois prefque, combinée avec les pierres calcaïres & argilleufes en des proportions qui la rendent méconnoiffable, Cette partie de la Lichologie eft donc très-étendue, & les moyens employés jufqu'ici pour connoître les pierres font trop incertains pour ofer fe promettre d'en donner des catalugues raifonnés & exacts ; il nous manque trop de faits, & pour tout dire en un mot, la Chy- mie eft bien éloignée d’avoir rempli fur cet objet la râche qui lui cft naturellement impofée. Port, en publiant fa Lichogéognofie , rendit fans doute un grand fervice à l'Art ; ce célèbre Chymifte en expofant à l'action d'un feu violent, un grand nombre de pierres, nous fit connoître celles qui fe fondoient & celles qui ne fe fondoient pas : il alla plus loin , & ce fut une véritable découverte. Il nous apprit que des pierres , qui traitées féparément , n’entroient point en fulion, fe fondoient pour- tant avec facilité, lorfque réunies , il les expofoit au feu de fon four- neau. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 447 Cette méthode ; qui a été fuivie par de très-habiles Chymiftes à, fans contredir, fon avantage, mais elle n'eft pas analytique (1), & . elle nous a fair découvrir des faits intéreflans , ce n’eft qu'en imitant la nature, lorfqu'irritée & pour ainfi dire en convulfon , elle opére par la voie des volcans. Qu'eft-ce, en effer , que cette rivière de feu qui découle des bou- ches du véfuve? Qu'eft-ce que cette matière autrefois fondue qu'on rencontre fi fréquemment & en fi grande abondance depuis la capi- tale de l'Auvergne jufqu’aux bords de la Méditerranée? de la lave, de la ponce, des fcories ; car là-deflus, il faut nous en tenir à des mots. Eflayons toutefois de nous inftruire en imitant la nature même dans ce que nous RSS nr Ad fes écarts; expofons au feu une de cés pierres qui entrent en fufñon fans intermède , par exemple ; du por- phyre, ou de l’ophite ; qu'obtenons-nous ? Une fubftance vitriforme, une forte de laitier qui imite à bien des égards la lave des volcans ; mais la fonte dans un creufet n'étant pas même un commencement d’analyfe, Le porphyre & l'ophite- n’en font pas pour cela mieux con- nus ; & dans l'impoffibilité de leur afigner la place qu'ils doivent occuper en Litholooie, le Naturalifte eft toujours en droit d'exiger des Chymiftes de lui dire ce que c’eft que le porphyie, ce que c'eft que l'ophite. Je vais effayer de répondre à cette queftion , & pour y parvenir je m'appuyerai fur des expériences analytiques qui , réunies à celles que jai publiées fur les marbres , ferviront peut-être à augmenter le jour déjà répandu fur la Zivhogéognofie ; par Pott , & par ceux des Chymif- tes qui ont fuivi fa Méthode, EX PÉR L E;NUCCES Faites fur le Porphyre antique rouge entremélé de petits cryflaux blancs (2). On a dit avec raifon que le porphyre & l’ophite étoient des pierres fufbles par elles-mêmes (3), & aflez dures pour donner des érincelles a —————_—_——— (x) Quoique fon célèbre Auteur ait prétendu que le meilleur de tons les analyftes éroit le feu. (2) Ce porphyre venoit des ruines de l'ancien Autun, e (3) De toutes les Sciences , la Chymie eft, fans contredit, celle qui a la no- menclature la moins exaéte. Ses expreflions font prefque toutes équivoques. On en- tend tous les jours confondre la, vitrefcibilité avec la fuñbilité ; la différence eft cependant rrès-grande. Les pierres vitrefcibles ou vitrifiables font infufñbles par elles- mêmes , mais jointes aux fels alkalis & aux chaux de plomb, elles fe fondent & forment notre beau verre, notre beau cryftal. Les pierres fufbles font celles qui LA 448 OBSERWATIONS, SUR LA PHYSIQUE, quand on les frappoit avec le briquet; mais on s’eft trompé lorfqu'on a ajouté qu'elles réfftoient à l'aétion des acides. A la vérité, fi, comme il n’eft que crop ordinaïze , on fe contente de jetter- quelques gouttes d'eau - forte fur lune ou l’autre de ces pierres, on n'apperçoit point d’effervefcence ; mais d’après une expé- rience aufli lévèrement faite, peut-on conclure qu’elles réfiftent-aux acides ? Non , fans doute, car-fi on met dans un matras quatre ou cinq gros de porphyre concaflé ou pulvérifé , & qu'on verfe deflus à-peu-près autant d'acide nitreux de moyenne force, on obtiendra après cinq ou fix mois de digeftion faite à froid , une liqueur farurée, qui aura la propriété de teindre en noir l'infufion de galle, & dont l'alkali fixe précipitera du fer, de la terre calcaire , de la terre alumi- neufe, & de cette autre terre qui fert de bafe au fel de Sedlitz. Enfin le porphyre employé aura perdu à-peu-près le huitième de fon poids. Mais fi on veut fe procurer d’une manière bien marquée les produits dont je viens de parler, c'eft à la vitriolifation qu'il faut avoir recours; en voici un exemple: Que l'on pulvérife gtoflièrement une certaine quantité de porphyre; qu'on le mette dans une capfule de verre , & qu’on l’arrole d'acide vitriolique (1); on verra en moins d’un mois les petits fragmens fe couvrir d’efflorefcences: dès qu'on s'apperçoit que l'acide n’y domine pas , on les enleve par un lavage fair avec l'eau diftillée , & fur le champ on réitère l’'arrofement d'acide vitriolique; on continue la mê- me manœuvre jufqu'à ce qu'on ait des preuves que le diflolvant celle de trouver dans la pierre des fubftances auxquelles il peut s'unir, & on rocéde alors à la cryftallifarion des différens fels contenus dans la Ée qu'on a eu foin de mettre en réferve. Ayant traité ainfi deux onces de porphyre , j'en ai retiré; 1°. 2 Grains environ, de fer fous la forme d’ochre. 2°. 11 Grains de félénite gypfeufe. 3°. 1 Gros 25 grains de Sel de Sedliez, 4°. 2 Gros 9 grains d’alun. 5°. 6 Grains de vitriol martial. - 6°. 11 eft refté un peu d’eau mère vitriolique. Les deux onces de porphyre employées , fe font trouvées réduites à eee ES n'exigent point d'intermède pour entrer en fonte ; elles forment alors un laitier, une fcorie qui n'a jamais le diaphane, le tranfparent du verre, avec lequel on ne doit jamais confondre une pareille matière, (x) En verfant cer acide fur du porphyre d'Autun, il s'en eft élevé fur-le-champ une odeur de foie de foufre qui n'avoit cependanc pas la propriété de noicit l'argent. Je ne fais fi tout porphyre donneroït une pareille moffette , je h'avois pas: de por- phyre d'Italie, je n'ai pu conftater la parité ou la différence, unç D NTI SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 449 une once fix gros vinot-quatre grains , enforre qu'elles avoient fourni un gros 48 grains de différentes fubftances qui , combinées avec l'acide vitriolique, ont formé les fels dont je viens de faire l'énumération , & qui, comme on le fait, prennent tous , à l’exception de la félénire, la moitié de leur poids d’eau de cryftallifation ; or, fi nous retranchons encore de chacun de ces fels, confidérés dans un état de defliccarion parfaite, la moitié de leur poids pour l'acide vitriolique entré dans leur compofition , nous aurons à crès-peu de chofe près, la quantité de terres refpectives qui ont concouru à les former. Quant à la fubftance infoluble , c’eft un mélange de pierre vitref- cible & de pierre argilleufe dont les proportions ne peuvent être déterminées ; tout ce qu'on peut dire, c'eft que la pierre vitrefcible , ou filiceufe y domine , & que c'eft à la quantité furabondante de cette dernière qu’on doit rapporter la dureté du porphyre & de l'ophite, dont je vais parler dans un inftant (1. Il eft également impofñlble de déterminer la quantité de fer con- tenu dans le porphyre. Ce métal y étant fous la forme de chaux info- luble, la Chymie fe trouve encore ici en défaut, car je doute, qu’en traitant cette pierre avec le fel ammoniac, on puilfe , au moyen de la fublimation , en extraire tout le fer qui la colore en rouge. J'ai cru devoir traiter aufli deux onces de ce porphyre dans un vaif- feau diftillatoire & pneumatique : il ne s’en eft point dégagé d'air, mais il a paflé dix à douze gouttes d’eau dans le récipient. MÈMES EXPÉRIENCES, Répétées fur l'Ophite antique. Ayant mis dans un matras cinq gros de cette pierre concaflée, & autant d'acide nitreux foible, il ne parut aucune effervefcence ; mais après un mois de digeftion faite à froid , on pouvoit s’appercevoir que l'acide avoit déjà commencé à agir, & après un an révolu, il fe trouva prefque faturé ; j'en précipitai alors de la terre calcaire, de la terre alumineufe & du fer, mais il ne me fut pas poflible d'y découvrir par ce procédé la terre qui fert de bafe au fel de fedliez. Les cinq gros d’ophite étoient réduits à quatre gros, onze grains, & fa couleur verte avoit difparu. (:) Je préfume que le fer concourt auffi à donner de la dureté à certe pierre, ainfi qu'a beaucoup d'autres , lorfau'il entre dans leur compolrion en perire quan ité, On fait qu'il eft employé dans les cimens; & l'expérience prouve qu'ils en devien- nent plus durs, ou ce qui eft la même chofe, que leurs parties acquièrent entr'elles plus de cohéfon. Lu Tome X1F , Part. II. 1779. DÉCEMBRE. Mmm 459 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Ayant auf traité par l’acide vitriolique différens morceaux d'ophite, les produits ont été les mêmes; ces échantillons dont les uns avoient été apportés d'Italie, les autres d'Autun, étojent d’ailleurs fi reffem- blans par toutes leurs qualités extérieures , que je les crois originaire- ment fortis de la même carrière. Une once de ces pierres foumife à la vitriolifation a donné : 1°. $ Grains environ de fer fous la forme d’ochre. 2°, Un peu de félénire. 3°. 1 Gros $6 grains d’alun. 4°. 65 Grains de vitriol martial. 5°. 4 ou 5 Grains de fel de fedlitz. Îl eft refté un peu d’eau-mère vitriolique. Enfin, l'once d'ophite em- ployée avoit perdu 1 gros 15 grains de fon poids. MÊMES EXPÉRIENCES, Faites fur une forte de Granitelle verd de la Vallée d'Ajpe, dans les Pyrénées. .M. l'Abbé de Pallaffeau qui , avec des connoiffances profondes & un zèle peu commun, travaille à la Lithographie de la chaîne des Pyré- nées, me remit, dans le courant de l’année 1777, un morceau d'une pierre qu'il foupçonnoit être le Trapp des Suédois : deux Chymiftes de réputation , à qui il avoit demandé des éclairciffemens fur cette mème ierre, l’avoient l’un & l’autre traitée fuivant la Méthode de Pott, & à l’aide d’un feu vif, ils étoient parvenus à la faire entrer en fu- fion fans aucun intermède. Cette pierre qui eft fort dure, fait feu avec le briquet, & lorfqu'on lui a donné le beau poli dont elle eft fufceprible , elle préfente deux couleurs, l’une d’un verd clair, l’autre d’un verd-obfcur. Ces qualités me la firent regarder d’abord comme un ophite, dont en effet elle ne diffère point effentiellement, puifqu’en ayant foumis deux onces à la vitriolifation , qui s'opère plus vite que celle de l'ophite antique, il en a été retiré de la félénite, de l’alun , du vitriol martial, & du fel de fedlitz qui s'y eft trouvé en plus grande abondance que dans la vitriolifation de l’ophite antique ; l'alun , le vitriol martial & la félénite éroient d’ailleurs , à-peu-près, dans les mêmes proportions. Cette pierre qui doit aufli être regardée d’après fes caractères exté- rieurs , comme une de celles que les Italiens appellent granielli, & dont le nôtre ne diffèreroit que par fa couleur verte, ne pour- roit- elle pas remplacer dans nos édiñces , l'ophite on porphyre verd tant recherché des Grecs & des Komains ? On en pourroit ouvrir SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 451 une carrière immenfe; fa beauté, fa dureté &, ce qui en eft une fuire, fa folidité , doivent la faire préférer à tous nos marbres verds qui fe dégradent aifément ; les frais qu'on feroit obligé de faire pour l’expor- tation de cette belle pierre , ne s'éleveroient Je plus haut que ceux qu'on fit autrefois, pour fe foie le marbre de la Vallée de Campan, qui eft même beaucoup plus éloignée de Bayonne que celle d’4/pe : c'eft aux Amareurs des Beaux Arts, c'eft fur-rout aux Architectes char- gés d'élever les grands édifices de la Nation, à juger fi les vœux que je fais ici font bien ou mal-fondés. É EXPÉRIENCES Faires fur des Granits de l'ancien Autun , & fur celui qui fe trouve fous la Ville de Sémur, en Auxois. Il m'avoit été envoyé d’Autun trois échantillons de granits antiques qui différoient entr’eux par la couleur & la groffeur des grains. Le premier eft un amas de grains de quartz, les uns d’un blanc lai- teux; c'eft, dit-on, le feldfparh des Naturaliftes ; les autres gris d’épine, le tout entremêlé de cryftaux d’un vert très-foncé ou prefque noir. Le fecond, d’un grain plus fin, eft un mêlange de quartz blanc, de feldfpath & d’une matière verte qui en forme le ciment. Le troifième ne me paroît différer du fecond qu'en un feul point, Dans celui-ci , les fragmens de quartz, ou fi l'on veut , de feldfparh font blancs, tandis que dans le troifième ces mêmes fragmens ont une teinte verte. Ces trois granits caflés par petits morceaux ont été expofes à l’action de l'acide vitriolique , & après un mois révolu , ils ont commencé à fe couvrir d'efflorefcences , & au moyen de nouvel acide que l'on fournilloit, à mefure que la faturation parvenoit à fon point , la vitrio- lifation fut complette dans l’efpace d'une annéerévolue, En examinant chacune des efflorefcences retirées de ces trois efpè- ces de granit , le réfulrat a été, que Les deux onces du premier échan- tillon , bien-lavées & bien féchées, avoient perdu un gros trente-trois grains de diverfes fubftances qui , unies à l'acide, avoient formé les fels fuivans , favoir : 2] Salenise gypleufee PRINIDE Si RUNUL 15 24 17 grains, SOA TAN EAN MENT ANR ETUIS 3 gros 38 grains. MR UXE CURE ER E 1 gros 4 grains. SAC EEN AE Mre e et et de Na orainé ER OU I AS EN elle 4 gros 6Sgrains. 1779 DÉCEMBRE. M mm 2 452 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Les efflorefcences des deux autres échantillons ont également donné de la félénite, de l'alun, du vitriol, du fel de fedlitz , & à quelque chofe près, dans les mêmes proportions. 4 Le granit de Semur seft également trouvé fufceptible de vitriolifa- tion, & a donné les mêmes fels, à l’exceprion de celui de fedliez que je n’y ai pas découvert. Enfin, tous ces granits étant traités au feu dans les vaifleaux fermés, fourniffent quatre à cinq gouttes d’eau par once. d Il réfulte des expériences dont je viens de rendre compte, que l’ophi- te & le porphyre font des efpèces de brèches , dans la compofition def- quelles la nature a fait entrer la terre vitrefcible & une terre argil- leufe qui contenoit elle - mème du fer, de la terre calcaire, de la terre alumineufe, & de la terre alkaline, bafe du fel de fed- licz. | La préfence de la terre vitrefcible, on fi l'on veut de la pierre à fuñl, eft avouée de tous les Naturaliftes: en effet, les yeux feuls en fe promenant fur la furface de l’ophite & du porphyre favent la diftin- guer; mais il ne faut pas s’y tromper, les cryftaux blancs dans celui-ci , & les cryftaux verds dans celui-là, ne confituent pas feuls la totalité de la terre vitrefcible renfermée dans ces deux pierres; la terre argil- leufe en a retenu une portion avec laquelle elle s’eft combinée, au point de former une fubftance affez dure pour donner du feu avec le briquet, & devenir fufceprible d’un beau poli; propriétés qu'elle na pas naturellement, même lorfqu’elle à fubi la lapidification. Le porphyre & l’ophite font donc des pierres qui ne diffèrent en- telles que par la couleur; dans lun, les cryftaux de quartz font blancs &'le ciment rouge; dans l’autre, ces mêmes cryftaux font d’un verd tendre & le ciment d’un verd obfcur; mais cette différence, quelque grande qu’elle paroïlle, n’eft pas eflentielle , & le Chymifte n'en eft pas furpris, parce qu'il fait que ces deux couleurs peuvent étre & font en effet, felon les circonftances , produites par le fer. i Dans la partie rouge du porphyre , dans celle que j'appelle le ciment, le fer fe trouve fous la forme de chaux ou de colcothar : de-là, fon peu de folubilité dans les acides, & le peu de vitriol martial obtenu par la vitriolifation de cette pierre. ' Or, dans cet état, le fer ne fe combine pas; réduit en chaux extré- mement divifée, 1l refte interpofé entre les parties de la terre argilleufe & la fait paroître rouge. Enfin, files petits cryftaux de quartz ont gardé leur blancheur naturelle , c’eft encore à l’état d'infolubilité , à l’état de chaux où s’eft trouvé le fer, lors de la lapidification, qu'il en faut rap- porter la caufe. L Dans l’ophite, au contraire , ce métal étoit en diffolution , où du moins dans un érat propre à la diflolution, au moment où la pétrifi- SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 453 cation s’opéroit : fufceptible alors de combinaifon , il s’eft uni à la terre argilleufe, & par une fuite de la propriété qu'il a dans certaines circonftances , il l’a colorée en verd foncé; agiffant auffi, mais plus foiblement, fur la terre vitrefcible, il ne lui à communiqué que cette teinte légère qui fe fair remarquer dans les cryftaux ie de l'ophite. Mais fi les connoïflancés que! nous avons 4cquifes fur les ophites & les porphyres, nous permettent -de dire quelque chofe de vraifembla- ble fur leur formation , elles ont encore un. avantage non moins pré- cieux, je veux dire celui. de nous mettre en état d’afligner la véritable caufe de la fufbilité de ces pierres. Inftruits par Port des effets du feu fur des mélanges de diverfes ter- res , & nommément fur celui de la tèrre argilleufe avec la terre cal- caire & le fable, nous pouvons conclure avec certitude que le porphyre & l'ophite des Grecs, l'ophite ou granitelle verd de la Vallée d'Afpe, & en général tous les granits ne doivent leur fufbilité qu’à leur come pofñtion qui approche très-fort des mélanges artificiels de Potr, fi peut- être elle n’eft la même (1). Le troifième avantage que nous procure l’analyfe des ophites & des porphyres , eft celui de mertre. le Naturalifte à portée de fixer la place qu'ils doivent occuper dans la férie des connoillances que nous cher- chons à acquérir dans l'Hiftoire Naturelle. L'expérience prouve, en effet, que dans la fabrique des trois princi- pales verres qui forment la couche fupérieure de notre globe, la nature va toujours du fimple au compofé. Nous avons déjà reconnu cet ordre, cette marche, dans les marbres calcaires, & nous ne l’obfervons pas moins dans les pierres vitrefcibles. Les pierres de ce genre qui doivent occuper la première place dans nos Cabinets ou dans nos Catalogues, font le cryftal de roche , le quartz, le filex blanc, c'eft-a-dire, celles que nous reconnoiffons pour être les plus pures. De-là, on pafleroit à ces mèmes pierres reintes de différenres couleurs, depuis la pierre à fufil grife ou noire la plus commune, jufqu’à J’agache que nous enchäflons dans l'or. Les jafpes, & les autres pierres opaques que leur beauté rend précieufes , quand on aura découvert le (Co (1) Pott voulant rendre raïlon de la fuñbilité du porphyre & de l'ophite, l'atri- buoit au fer qu'il avoit découvert ou foupçonné dans ces pierres, car il n'entre dans aucun détail fur cer objet; mais une once de pierre à fufl & quelques grains de fer formeroïent-ils un mélange fufible? Je ne le crois pas ; où du moins je fuis porté à croire que, s’il en eût expolé un de cette naturc au feu de fon fourneau, il nc feroit pas parvenu à le faire entrer en fonte, #4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, degré de leur compoftion, trouveront peut-être ici leur place ; vien- droient enfuite les pierres grainées, tels que les grès, les granits fim- ples, les granits mélangés , & compofés de matières bétons on finiroit par les ophites & les porphyres qui , d’après l’analyfe , font les pierres les plus compofées de toute cette claffe. SUPPLÉMENT. Le Mémoire qu'on vient de lire étoit fait, & quoique je n’eufle tenté aucune expérience fur le jafpe verd, j'avois cependant affigné la place qu'il devoit occuper dans la férie de nos connoiffances Lithologiques. M. Daubenton m'excita à le traiter comme les pierres, & mème à foumettre aux mêmes opérations le jafpe rouge , le jade & le feldfpach; il eut mème la bonté de me procurer des échantillons bien caraétéri- fés de ces différentes pierres, fur lefquelles j'ai fair des expériences dont les réfultats ont completté le travail que j'avois entrepris fur les pierres vitrefcibles mixtes. Effet de l'acide vitriolique fur Les Jafpes verd & rouge, fur le Jade & le Feldfpath, &c. Un morceau de jafpe vetd pefant cinq gros douze grains, ayant été fournis à lation de l'acide vitriolique foible «donc 1l fut feulement mouillé , refta en cet état près de trois mois, fans qu'il parüt à fa furface aucune efflorefcence. Les trois mois étant révolus , on commença à appercevoir quelques points d’une boue jaunâtre qui, augmentant peu-à-peu en grofleur & en nombre, couvrirent vers le fixième mois toute la furface de l'échantillon; il fe forma aufli, vers certe époque, fept petits cryftaux d’alun qui avoient tous les caraétères propres à ce fel ; vers le huitième mois, on en découvrit plufeurs autres qui s'éroient formés dans la capfule. Les points de boue jaunâtre , dont j'ai parlé, n'avoient pris aucun accroiflement depuis le fixième mois ; c'éroit au refte du vitriol martial avec excès d'acide, Le jafpe verd étant une pierre très-duré & très-compaéte , l'acide dont on le mouille ne peut agir que fur fa furface , fans jamais péne- trer au-delà; aufli le morceau qui faifoir le fujer de l'expérience n'a- t-il éprouvé aucune altération dans fa forme , ni effuyé aucune gerçure. Deux morceaux de jafpe rouge, qui pefoient enfemble quatre gros quatorze grains , ont été pareillement arrofés d'acide vitriolique au mème inftant que le jafpe verd: mais ils n'ont pas été arraqués, & rien de vitriolique ou d'alumineux, rien enfin de falin ne s’ett mani- fefté, même après plus de dix-huit mois d'expérience. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ‘4j Il en a été de mème d’un morceau de de dont l'acide vitriolique n'a pu rien extraire dans le même efpace de tems. Le feldfpath , au contraire, foumis à la mème épreuve, a donné quel- ques cryftaux d’alun ; d’où l’on peut conclure que la couleur lésèrement hiteufe de certe dernière pierre , doit être attribuée à cette portion de terre alumineufe qui, diléminée dans toute la mafle , lui communi- que de lopacité ; on peut auffi , à ce que je crois, préfumer que les caflures régulières , qu'a naturellement le feldfpath , font encore un effet de la terre alumineufe qui , par fon mélange avec la pierre quartzeufe ou vitrefcible, en change la contexture , accident qui a en- gagé les Naruraliftes à donner un nom diftinctif à cette pierre qui n’eft dans le vrai qu'un quartz mélangé d’un peu de terre d’alun, Ils l'ont appellé feldfpath , dénomination peu ‘propre à exprimer fa nature, mê- me pour ceux qui entendent la langue Allemande , le nom de Sparñ Jcintillanr que lut donnent quelques Naturaliftes exprimant une de fes propriétés, me paroït plus convenable. Le jafpe rouge & le jade ont l’un & l’autre réfifté à l'acide vitrioli- ue, quoique trous déux colorés par le fer , ce qui n’éronnera pas, fi à l'égard du jafpe rouge , on veut bien fe rappeller ce qui a été dit fur la chaux martiale ; qui colore en rouge le marbre de Campan & le porphyre antique. . À lPégard du jade, on ne peut pas employer le mème moyen pour expliquer fa réfiftance à Doi de vitriol; mais ne peut-on pas l'attri- buer non-feulement à la très - petite quantité de fer qui le colore, mais encore à la manière intime dont ce fer eft combiné avec la pierre vitrefcible, qui, couvrant la matière colorante en tout fens, l'empêche de fe prèter à lation des acides ? i Le jafpe verd contient de la terre d’alun, de l'argile & du fer, qui en tenant les parties de la pierre vitrefcible , écartées les unes des au- tres , donnent à l'acide vitriolique, le moyen de s'unir à rout ce qui ef foluble & de former de l’alun & du virriol de Mars, car il eft bon de noter que fi dans la vitriolifarion du jafpe verd, rapportée ci-deflus, je. n'ai obtenu qu'une très-perite quantité dé ces deux fels ; on en doit actribuer la caufe à ce que l'échantillon ayant été employé en un feul morceau, ne Ame à l'acide que le moins de furface poñlible. Si donc on vouloir poufer la vitriolifation de cette pierre aufli-loin qu'elle pourroit aller, je confcillerois de la réduire en poudre fine, alors les furfaces, mulripliées offriroient le moyen d’en retirer cour le fer & roure la verre alumineufe qui peuvent ÿ être contenus. 456 ; OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, EXAMEN de deux Pierres nouvellement envoyées des Montagnes. du Dauphiné par M. Vilar. J'ai déjà donné dans mon deuxième Mémoire l’analyfe de deux marbres mélangés de fchifte & de pierre vitrefcible; je vais encore en citer deux. pour exemple, dont l’un fur-tout a un rapport immédiat avec les pierres dont il eft queftion dans ce quatrième Mémoire, C'eft encore M. Daubenton qui m'a procuré les échantillons fur lef- quels je fais mes expériences , & c’eft à M. Villar , Botanifte très-connu, que les Naturaliftes font redevables de la découverte de ces deux pier- res qui, par la fingularité de leur compofition , ne peuvent manquer d’intérefler ceux qui s'occupent de Lithogéognofie. : Le travail que j'ai commencé fur ces pierres n’eft pas encore porté à fa fin, mais il eft aflez avancé pour pouvoir prononcer fur leur compofition. La première eft un marbre mixte qui a une difpofition fingulière à fe fendre en long à la manière du bois, ce qui pourroit la faire pren- dre pour du bois pétrifié fi on ne l’obfervoit que légèrement : un de ces morceaux poli, dans toute fa longueur, offre aux yeux un marbre rayé de blanc & de gris. Les bandes blanches font du marbre blanc qui contient quelques fragmens de quartz; les bandes grifes, font compofces de fchifte, de pierre calcaire & de menus cryftaux de quartz; le fer ne m'a paru juf- qu'ici s’y trouver , les cryftaux de quartz font d’ailleurs en fi grande abondance dans la partie fchifteufe , qu'avant le poli on la prendroit à l'œil & au taét, pour un grès. Si on frappe les bandes grifes avec le briquet , on en tire fréquem- ment des érincelles, mais il n’en eft pas de même des bandes blan- ches, à moins que le hafard ne faffe rencontrer quelque portion de quartz. Les acides de nitre & de fel marin attaquent cette pierre avec viva- cité, & bientôt les bandes blanches font détruites ; les grifes , au con- traire , quoiqu'elles aient fouffert l'action de l'acide, paroiffent fub- fier dans leur entier ; mais fi on les touche , elles fe brifent en fe séduifant partie en poudre, partie en fablon très-fin. Si, au contraire, on opére avec précaution & qu'on ait expofé à l’acide un morceau de certe pierre pefant au moins une once , on s’appercevra d’un effer affez remarquable de la terre fchifteufe fur le fquelerre de cetre pierre qui uoique privée de route la terre calcaire dont elle étoit accompagnée, con- futé cependant la forme d’aiguille jufque dans fes plus petites divifions. La partie qui conftitue les bandes grifes a , comme on le voir, fouffert un SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 457 un dérangement confidérable dans fon aggrégation, l’acide y ayant trouvé de la terre calcaire difléminée entre les grains de quartz & le fchifte, en a fait la diflolution (1) & il n'eft refté d’intaét que les deux dernières fubftances qui foiblement unies l’une à l’autre Lee en- core la propriété de fe fendre en long , que nous avons obfervée dans la pierre avant que fon agorégation ait été dérangée par l'acide dont l'aétion tumultueufe a aufli produit le déplacement de l'air & de l'eau, que nous favons être l'un & l’autre la principale caufe de toute lapi- dification calcaire. La feconde pierre, quoique tirée dans le voifinage de la première, en diffère cependant à bien des égards. Nous avons obfervé que la pre- mière fe fendoit avec facilité en longues aiguilles; l’autre au contraire a de la difpofition à fe divifer par limes; la première pour tout dire en un mot, eft un marbre mixte , tandis que la feconde, à en juger d’après les échantillons que j'ai fous la main, elt d'une compoñition fi compli- quée , que je ne crois pas quon Pure l’appeller marbre : à la vérité elle contient dans quelques-unes de fes parries, plus dela moitié de fon poids de pierre calcaire, mais aufli , il en eft tant d’autres où les grains quartzeux, mêlés de fchoerl noir , de fchoerl vert & d’un peu de mica, s’y rencontrent en fi grande abondance, qu’ils mafquent le peu de terre calcaire qui y eft difféminée , au point de ne permettre pas à l'œil de l'Obfervateur, de faire foupçonner qu’elle y foit recelée. Le mélange des différentes matières dont certe pierre eft compofce neft donc pas uniforme; là, le fchoerl noir fe rencontre abondam- ment ; ici, la loupe n’en laifle appercevoir que quelques parcelles ; tantôt, le fchoerl verd eft le dominant, tantôr, c’eft le noir; la même variété fe rencontre dans les grains quartzeux. Quant à la terre calcaire, elle eft quelquefois répandue dans la pierre en cryftaux fpathiques , quelquefois aufñli elle y eft raflemblée en mafle continue , enfermée entre deux couches du mélange précédent. Un échantillon d’environ trois pouces de long , fur un pouce & demi de largeur, étoir traverfé dans fon milieu par une bande de marbre fpathique d’environ trois lignes d’épaifleur : on voit dans cette portion vraiment calcaire & colo: rée en rouge très-léger , quelques petits cryftaux de fchoerl verd ré- pandus çà & là entre les cryftaux fpathiques, qui eft la forme fous la: quelle la verre calcaire fe rencontre conftamment dans le morceau dont Je parle. Au refte, cette pierre fe prète facilement à l’analyfe, & l'acide de nitre ou de fel marin en diffolvant la terre calcaire , le fer, (car oo , (1) D'après une expérience conftante , on peut foupçonner dans ce fchifte , de la tenue d'alun & de fel de Sedliez qui auront également été diffoures, Tome XIF , Part, IL. 1779. DÉCEMBRE. Non 458 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, celle-ci en contient ) & les autres fubftances fur lefquelles il peut agir, fépare les grains de quartz, les fchoerls, & le mica , ce qui, fans atten- dre de nouvellesexpériences fur la nature des autres terres que l'acide vitriolique nous fera connoître , fuffir pour nous prouver qu'il y a dans le globe des mélanges où les desrius de granit font confondus avec la terre calcaire & la terre argilleufe. COONAC ENCASERIONM En analyfant , par la voie des combinaifons , les pierres vitrefcibles mixtes, nous les voyons compofées de terre vitrefcible proprement dite, de terre argilleufe , de terre d’alun, de terre de fel de Sedliez, d'un peu de fer ,, & de terre calcaire. Ce mélange, diverfifié par les proportions de chacune des fubftances que je viens de nommer, forme les porphyres , les ophites, &cc. Les granits, quoique fort durs, font cependant plus fragiles que l’ophite & le porphyre; la raïfon en eft bien fimple, certe pierre qui ne contient que peu, ou point d’argille fe rapproche des grès par fa manière d’être agglomérée ; les cryftaux de quartz, de feldfpath, de fchoerl, les pail- lettes de mica dont elle eft compofte , ne fe trouvant pas enfermés dans un ciment lapidifié , n’ont point entr'eux cette cohérence que l'on remarque entre les parties conftituantes de l'ophite & du porphyre : auf voyons-nons les granits fubir une décompofition fpontanée beau- coup plus prompte que celle des deux autres pierres (1). En effet, dans le porphyre , dans l’ophite antique , & dans le gra- nitelle de la Vallée d’Afpe, les portions de quartz, de feldfpath fonc entourées d’un ciment de terre vitrefcible & de terre argilleufe , qui en fe combinant l’une avec l’autre , ont pris une forte confiftance, ce qui a donné à la mafle ce plein & cette cohérence de parties qui fe- ront toujours diftinguer ces pierres d'avec les granits, La matière que j'appelle le ciment de l’ophite & du porphyre ; a un rapport très-fenfible avec le jafpe verd , qui, s'il étoit parfemé de cryftaux de quartz ou de feldfpath, formeroit un porphyre verd ou un ophite. (1) Cette décompoftion aura été apperçue de tous ceux qui auront parcourw des bandes de granits. Lorfqu'on entre dans la chaîne des Pyrénées, & qu'on s'ap- roche des montagnes graniteufes, on rencontre fréquemment dans le fond des Vallées des mailles ifolées de granit, devenu fi friable, qu'on peut, en un inftant , à l’aide d'un couteau ou même d’un bâton, y faire un trou de plufeurs pieds de diamètre , & dont la profondeur ne fera terminée qu'à la rencontre du noyau central qui n'a pas encore éprouvé d’altération. SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. 459 Je l'ai déjà dir, les Pyrénées (1 ne font en général formées que de rois pierres, fchifte ou pierre argilleufe, marbre ou terre calcaire , granit ou terre vitrefcible. Les deux premières , le fchifte (2) & le marbre forment alternativement des couches qui m'ont paru , à l'égard du marbre, avoir quelquefois plus d’une demi - lieue d’épaitleur. Or, quelle fera la partie de cette épaifleur où on pourra trouver les marbres que j'ai appellés mixtes , tels que les Cipolins, les Aman- dolins, le Campan, &c.? Ce ne fera ordinairement pas vers le cen- tre qui eft prefque roujours un marbre fimple ou blanc , ou foiblement coloré ; mais on fera sûr de les rencontrer vers le lieu où les furfaces des deux couches font en conta&t; c’eft là que fe font fair les mélan- ges qui, par la fucceflion des tes , ayant pris la confiftance & la dureté que nous connoifons aux marbres mixtes , ont , pour ainfi dire , fait une foudure qui unit en beaucoup d’endroits la couche de fchifte avec la couche de marbre. AE À l'égard des granits, je ne crois pas qu'on puiffe leur appliquer ce qui vient d'être dir: tout femble prouver que dans les Pyrénées certe pierre eft la bafe fur laquelle Les couches de marbre & de fchifte fe font formées. Il n’eft cependant pas rare de rencontrer des mélanges de granit & de fchifte; on trouve , en effer, dans les couches de certe dernière pierre, des malles fchifteufes parfemées de grains de quartz, de mica, &, peut-être aufli, de feldfpach. Les ophites antiques , le granitelle de la Vallée d'Afpe, fur-tout , font des pierres dans la compofirion a (1) C'eft toujours dans ces montagnes que je vais chercher mes preuves ; j'ai moins bien obfervé les Alpes Françoifes, la Haute-Anvergne , le Rouergue, le Haut- Limoufn, les Cévennes, que les Pyrénées, pour lelquelles j'ai coujours eu une prédi- Jeétion qui me fera pardonnée même par ceux qui n'auront fait que les appercevuir. D'ailleurs , cette chaîne offre au Naturalifte un morceau , peut-être unique dans le globe, en ce que dans une étendue de plus quatre vingr lieues & une épaifeur de vingt, {ur une élévation de plus de quinze cent toiles, on ne rencontre pas le moin- dre veftige de volcan, & qu'on n'y voit point de ces énormes affaiffemens qui bou- leverfent tout, & ne laiffenc à l'Obfervateur que le trifte fpectacle d'un cahos où il ne peut rien apprendre fur la formation du grand édifice dont il ne voit plus que les décombres. Je le répète encore, c'eft dans le chaîne des Pyrénées qu'il faut aller prendre des leçons fur la formation des montagnes; & peut-être qu'après les avoir bien étudiées, on fera tenté d'attribuer leur inclinaifon à une toute autre caufe que celle qui paroît aujourd'hui généralement adoptée par les Natyraliftes. (2) On entend communément par le fchifte, toute pierre qui a la propriété de fe fendre en James ou feuilles, par exemple, les aidoifss. Je généralife davantage ce nom, je le donne à toutes les pierres argilleufes , foit qu'elles fe fendenc en lames, foit qu'elles, fe fendent en prifmes, ou fous toure: autre forme, pourvu qu'elles aient une régularité conftante dans leurs fraétures. 17979 DÉCEMBRE. Nnn2 460 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, defquelles on retrouve les mêmes cryftaux ; mais ces mélanges n’ont rien de furprenant , quand on confidére que la mer , en détruifant les rochers graniteux qu’elle couvroit, en détachoit continuellement les grains dont ils font compofés, & en formoit une forte de fable ou menu gravier qui ne tardoit pas à fe fixer dans la boue argilleufe dé- pofée au pied & fur le ralus des montagnes de granit. On trouve auffi quelquefois de la pierre calcaire dans les mélanges de fchifte & de pierre vitrefcible; des desritus de granits ont été portés dans des boues argilleufes & calcaires , ce qui , par fucceflion de tems, a formé des marbres compofés de trois fubitances: j’ai cité dans mon fecond Mémoire fur les pierres , pour exemple , un cipolin de l'an- cien Autun, un marbre polizone d'Italie, pareil à celui dont font fai- tes les colonnes qui décorent le Maïtre-Autel de l’Eplife de Saint- Germain-des-Prés; j'ai ajouté dans ce quatrième Mémoire deux autres exemples, l’un d'un marbre fchifteux dans lequel il fe rencontre beaucoup de petits cryftiux quartzeux , l’autre d’un marbre compofé de grains de quartz, de fchoerl, de terre calcaire , &c. Ces différentes pierres, ainfi que les porphyres, les ophites antiques, le granitelle de la Vallée d’Afpe, font des pierres de Éconde & peut- être même de troifième formation ; ce ne font que des mélanges faits, en des proportions difirentes, de toutes les matières dépofées par la mer dans les parties de fon vafte ballin, que des circonftances avoient rendues propres à les fixer. La mer, quelle que foit fon agitation , ne fait dans fon fond que glifler fur les dépôts terreux que mème elle affermit par fon poids, tandis u’elle paroît aux yeux de celui qui la contemple, employer routes fes Be contre les rochers qui s'oppofent à fes couranss ; elle déracha donc des blocs de granit qui, roulant à travers les ondes fur le talus de la montagne dont ils faifoient partie un inftant auparavant, alloient s'enfoncer dans des dépôts qui nous paroïffent aujourd’hui très-éloignés des pics granireux. Or, ces blocs dont quelques-uns font d'une grof- feur énorme, font ceux que nous rencontrons enfermés dans les cou- ches fchifteufes, tantôt plus, tantôt moins profondément en raifon de l'époque de leur chûte (1). Je finis par une réflexion fur les granits proprement dis , regardés comme pierre de première formation, & comune faifant la bafe du globe. pa à Pot LEA ER VIS AR Al nt UE AURA Lit EM UU En eNE ar miss (1) J'ai eu occafñon de voir de ces blocs enfermés dans le fchifte à des profondeurs de trois à quatre cens toifes. de “ : A RS LE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 461 On à dû être bien moins étonné de trouver dans les oranits analyfés, le fer & les rerres qui fervent de bafe à l’alun & au fel de Sedlitz, que d'y rencontrer la terre calcaire , qui par fa préfence femble contredire le fyftème adopté fur l'origine de cette même terre, ou du moins ce- lui qu'on a établi fur la formation du granit. J'avoue que les expériences qui m'ont fait reconnoître la terre cal- caire dans ce genre de pierres, demandent à être répétées fur d’autres échantillons. Ceux que j'ai examinés provenoient des ruines de l’an- cien Autun. Employés par les Romains à la décoration de leur grands édifices , ils ont été fixés aux autres pierres par un ciment faic avec la chaux; d’ailleurs, enfouis pendant une douzaine de fiècles fous des décombres , ils ont pu s'imprégner de quelques portions de terre cal- caire qui fe feront introduites dans des gercures. À l'égard de celui de Semur qui a aufi donné un peu de félénite, on doit également avoir quelques doutes fur fa pureté. Le morceau qui m'a été donné pouvoit avoir refté Mo tems à la fuperficie de la terre, & avoir recu de l’armofphère quelque fubftance calcaire; que fairon? En fait d'expériences, il faut toujours fe tenir fur fes gardes. Combien de procédés ont réufli une, deux & crois fois , qui n'onteu aucun fuccès à la quatrième, que dis-je, à la dixième & par conféquent qu'il a fallu regarder comme nuls. Il eft, fans doute, intéreffant pour l’hiftoire naturelle, de conftater fi tous les granits contiennent de la terre calcaire, ou n’en contien- nent pas. Je fouhaite que des Chymiftes verfés dans le manuel , veuil- lent concourir à vérifier l'affirmative ou la négative ; je vais de mon côté me procurer des échantillons qu'on ne pourra pas fufpeéter , & faire rous mes efforts pour découvrir la vérité d’un pareil fait (1). (1) Dans ce Mémoire j'ai parlé du fchoerl , fans rien dire de fa compoñition ; mais puifque l'occafñon s'en préfente , je crois devoir annoncer qu'ayant expolé à l’action de l'acide vitriolique, deux onces d'un fchoerl du Limoufin qui eft d'une couleur noire foncée, en male pleine & parfemée de quartz blanc, la vitriolifation s'eft faite très-ailément, & que par ce moyen, il a été retiré fept gros & demi d'alun fali par un peu d'ochre, enforte que deux onces de ce fchoerl contiennent près de deux gros de terre alumineufe & une crès-petite portion de fer, + % LVL be hd 4612 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, RD TE LD DESIRE SERRE RME PETER PAR EET 9 CP IRNRETESEPETENEMEELEN SALE SE VOTE CPP ESEV ER TETE TS MF UE ME TONI ARANNE Sur une nouvelle caufe de la Pluie ; Par M. BERTHOLON DE SAINT-LAZARE , de l’Académie des Scien- ces de Marfeille, Béziers, Montpellier, Lyon, Dijon, Nifmes, Tou- loufe , Bordeaux, &c. Pas les caufes de la pluie, fur-tout de celle qui réfulre d’une nuée orageufe , il en eft une qu'on paroît avoit oubliée, c'eft la répul- fion électrique. Pour prouver cette affertion, je vais rappeller quelques principes certains que l'expérience & l'obfervatiôn nous ont appris. Les nuages orageux font électriques, puifqu'ils portent l foudre qui eft elle-même un phénomène d'électricité. Aufli, leur préfence eft-elle an- noncée par des étincelles électriques , qu'on tire des conducteurs élevés pour foutirer l'électricité atmofphérique. Les corps éleétrifes fe ie mutuellement, & cette répulfion eft proportionnelle à la force de l'électricité dont ils fonc doués. Une aigrette de verre qu'on életrife offre un joli fpeétacle ; tous les filets dont elle eft compofée deviennent divergens , & leur écarrement refpeétif eft en rapport avec l'énergie de l'électricité atuelle. Tous Les corps légers dont la furface d’un corps quelconque éleétrifé peut être pin ur étant eux-mêmes électrifés , font repouffés de ce Es ainfi, du tabac, du fon, répandus: fur le conducteur électrique font difperfés en un inftant. De ces principes inconteftables, 1l réfulte néceffairement qu'un nuage orageux étant dans un état actuel d’éleétricité très-puiffante , les par- ticules aqueufes dont il eft compofé , fur tout celles qui font à fa fur- face, doivent ètre foumifes à la répulfion éleétrique. Elles feront donc difperfées en tout fens , & produiront par-là même une efpèce de bruine, dont les gouttes augmentant fucceflivement, foit par leur ren- contre fortuite avec d’autres gouttes , foi par l'acceflion des vapeurs aqueufes répandues dans latmofphère, romberont fur la terre fous for- me de pluie , parce qu'elles font alors fpécifiquement plus pefantes qu'un égal volume d'air. Leur chûte fera encore accélérée par l’attrac- tion électrique qui règne entrelles & la rerre : voilà ce qui arrive aux particules aqueufes qui font aux côtés & à la furface inférieure du nuage éleétrico-orageux. Celles qui font au-deffus , par les mêmes cau- {es fe réuniront & retomberont dans le nuage , & de-là , dans la baffe \ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 463 région. Mais après cetre difperfion des nr bn aqueufes de la furface, les nouvelles molécules aqueufes qui formeront la fuperficie totale du nuage , fe trouvant dans les mêmes circonftances que celles qui ont été évaporées , ou plutôt repouflées, éprouveront le même fort que les pre- mières ; & ainfi de fuite jufqu’a la réfolution complete de tout le nuage en pluie, ou jufqu'à ce que la vertu électrique foit entièrement éteinte. Les gouttes de pluie, dans leur chûte, communiqueront l’éleétriciré du nuage orageux aux particules aqueufes, à ages dans la baffe ré- gion de l'air qu’elles parcourront en tombant fur la terre; c’eft par cette caufe que l'air paroîtra électrique, en donnant tous les fignes les plus marqués d’éleétricité. Ces gouttes de pluie éleétrifées, qui tombent fuc- ceflivement du nuage orageux, communiquent leur feu électrique en traverfant l’armofphère, non à l'air qui n’elt pas conducteur, mais aux molécules aqueufes qu'il tient en diflolution , & qui de cette manière font électrifées par communication. La tranfmiflion du fluide électrique fe fair de proche en proche, & même avec une très-grande vielle ; puifque , felon des expériences très-conftantes , la tranfimiflion de la matière électrique s’opère dans un inftant indifcernable : aufli, les con- duéteurs élevés pour recevoir l'électricité naturelle de l’atmofphère, ne donnent-ils jamais de plus fortes étincelles que peu avant ou dans le tems de la réfolution du nuage orageux en pluie. Je ne nie point que l'air ne devienne électrique par frottement ou par mille autres caufes , mais je crois qu'il eft impofhble, d’après toutes les expériences & les obfervations jen par les modernes, qu'il foit par lui-même un vrai conducteur d'électricité. Afin que la mafle de l’atmofphère donne des fignes d’éle&ricité , il eft A Hits qu'elle ne foit point furchargée de particules aqueufes , far-tout dans la bafle région ; car fi les vapeurs font très-abondantes, elles fe rouchent & forment un conduéteur continu jufqu’à la terre, & alors l'éleétricité , communiquée par l'air de la moyenne région , fe difipe en fe répandant dans notre globe. C’eft ce qui n'arrive point lorf- que l’air eft dis fec ou moins humide ; les vapeurs aqueufes font dans ce cas plus rares, plus difperfées, & chaque molécule conferve fon atmofphère électrique. L'obfervation confirme cette théorie : tandis que certains vents humides , les vents de mer, par exemple, règnent, fur- tout dans les pays maritimes, il n’y a aucune électricité fenfible dans Fatmofphère , mais elle paroït avec force lorfque les vents du nord exercent leur empire. La raifon en eft évidente d’après les principes que je viens de rapporter; les vents de mer foufilant & tranfportant une quantité prodigieufe de particules aqueufes qui fe touchent, il y a dans l'air un conduéteur continu jufqu'à la terre. Tandis que les vents du nord ont lieu , le nombre des molécules aqueufes difféminées entre les 464 OPSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, parties de l'air eft beaucoup moindre; & nul conduéteur continu n'étant établi entre la baffe région de l'armofphère & la terre, l'éleétricité aérienne n'eft point diflipée. J Lorfque les nuages font électrifés négativement, & la terre dans un état d'électricité politive, les phénomènes doivent être femblables à ceux qui arrivent dans Le cas où ils font doués d'une électricité politive, le globe de la etre érant alors éleétrifé négativement ; puifque l'expérience prouve que Les corps éleétrifés par défaut fe repouffent mutuellement , & qu'ils font attirés par ceux en qui règne l'électricité par excès : ainfi la pluie tombera également du nuage. Cette pluie qui tombe fur la fuper- ficie de la terre, peut être appellée avec jufte raifon d:/cendante. Mais dès que la mafle de l'armofphère eft éleétrifée négativement , la terre étant électrique par condenfation ou pofitivement , les particules aqueu- fes renfermées dans la terre près de fa furface , feront foumifes à la vertu éle&rico-répulfive de la terre, & à la force attractive de la malle de l'air atmofphérique, & conféquemment s’'élèveront dans l'air. Cerre pluie très-fine, & fouvent imperceptible , mérite d’ètre nommée pluie aften- dante | comme l’éleétricité qui s'échappe de la terre. Telle eft l'origine de la rofée qui s'élève de la terre ou de la rofée aftendante , des brouil- lards & des autres météores aqueux, dont la direétion eft de bas en haur. Cet effet fera encore le mème dans le cas où la terre, chargée de particules aqueufes à fa fuperfcie, feroit éleétrifée par raréfaction ou par défaut , l’'atmofphère étant dans la même circonftance électrifée politive- ment. Les loix de l’équilibre propre à tous les fluides & particulièrement à celui de l'électricité, exigent cette communication réciproque & aler- native entre notre globe & l’atmofphère; & , comme je le difois dans mon Mémoire fur La foudre afcendante 8c fur un nouveau para-tonnerre , des obfervations aufli multipliées que conftantes nous ont forcés à ne pas méconnoître ce commerce réciproque qui exifte entre la terre & les cieux. En bonne Phyfique , comme en Chymie, il faut produire les phéno- mènes qu’on veut expliquer, en employant feuleinent les ie afli- gnées ; aufli ai-je cherché à m’allurer par l'expérience de la jufteffe de Fapplication des principes expofés précédemment , au fujet dont il eft ici queftion. Au-deffous du conducteur de la machine éleétrique , j'ai fafpendu une platine de fer dont tous les bords & les angles avoient éré arrondis ; j'avois eu foin auparavant de parfemer la furface inférieure de cette platine de très-petites goutrelettes d’eau. Lorfque la machine élec- tique fut mife en jeu , on vit ces goutrelettes s'élancer vers la table qui repréfentoit la terre, & donner le joli fpectacle d’une pluie électrique, dont la caufe étoit la répulfon produite par l’éleétricité. La force de cetre pluie ou la rapidité de la chûte de ces gouttes éroit d'autant plus grande, que la vertu électrique écoit plus forte; & la diftance de la RES € Ci SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 46 de fer à la table étoit aufli relative à l'énergie de l'électricité. Pour re- préfenter la pue afcendante ou la rofée , je mets fur le conduéteur une plaque méta lique femblable à la précédente , mais dont la furface fupé- rieure eft arrofce d’un grand nombre de très-perires gouttelettes d’eau. A une diftance convenable de cette platine , je place un corps quelcon- que par-dellus, pourvu qu'il foit conducteur ; &, lorfqu’on électrife la première plaque , on voit fenfiblement la pluie s'élever en l'air, & donner une image de la pluie afcendante, de la rofée, des brouillards, & de l'évaporation de l’eau répandue fur le globe de la terre (1). L'actraétion électrique peut aufli quelquefois être caufe de la pluie, comme la répulfion éleétrique l’eft dans des circonftances oppofées ; car fi la terre eft électrifée pofitivement & les nuages négativement , comme on l’obferve fouvent, on verra naître une pluie électrique qui réfulrera (x) L'idée ingénieufe de l'Auteur de ce Mémoire fur une des caufes de la pluie , convient-elle exaétement à l'afcenfion & à la chüte de la rofée ? C'eft ce que des expériences exactes devroient démontrer. Tous les Phyficiens connoiffent les belles expériences qui ont été faites dans la Hefle, par le célèbre Gerrfen ; à Utrecht, par Mufembroek; à Paris, par M. Dufay fur la rofée. Il paroït conftant d'après les obfervations de ces trois Savans , qu’au moins dans ces pays, la rofée ne tombe pas indiftinétement & en même quantité fur tous les corps. Gertfen remarque qu'elle ne tombe point fur ceux qui font placés fur des lames ou fur des tables de métal, Muffembroek s'apperçut qu'elle ne tombe point fur l'or, l'argent, l'étain, le cuivre, le fimilor , le fer poli, le plomb, le bifmuth, le zinc & le mercure, tandis qu'elle couvre la furface du fer brun, du fer peint , du fer blanc, des planches, du verre, «de la porcelaine , du talc, des étoffes de foie ou de laine, &c. &c. M. Dufay obferva à-peu-près les mêmes phénomènes, & de’ plus, qu'une furface d’étain vernifée , ramaf- foit à la vérité de la rofée, mais une quantité fous-double de celle que ramafla une femblable furface de verre. Si les matières dont font compofés les corps fur lefquels la rofée tombe influe par attraétion ou répulfon , la couleur de ces mêmes corps joue un très-grand rôle dans ce phénomène. Mufembroek ayant expolé pendant la nuit des boîtes de bois parfaitement égales , peintes en différentes couleurs , trouva au bout de deux heures que celle qui n'étoit point peinte avoit ramaflé 14,403 grains de rofée, Celle qui éroit peinte avec du verd degris. . . . 13,627 du noir de fumée. , 12,553 du bleu de Berlin. . 10,384 d'orpiment. . . . 8,310 du cinabre, . . + 7,619 de maflicot, . . . 6,942 de la laque de Florence. 6,142 Qu'on ne croie cependant pas que cette fingularité foit conftante pour tous les pays. Il eft des endroits, & sûrement le plus grand nombre , où la rofée tombe indif- tinétement fur tous les corps. IL nous femble donc que pour que M. Bertholon démontrât jufqu'à l'évidence (es principes , il devroit faire des expériences éleétriques analogues à celles de MM. Gertfen , Muffembroek & Dufay : fi les rélultats fe trouvoient conformes à ceux que lui offriroit la chûte de la rofée dans fon pays, qui pourroit fe refufer à l'évidence > Tome XIV, Part. II. 1779. DÉCEMBRE. Ooo 466 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de l’attraétion électrique de la terre. Les molécules aqueufes de la fur- face des nuages qui font dans la bafle région de l’armofphère , feront alors attirées , & la pluie combera. Si les nuages font éleétrifés poñtive- ment & la terre négativement, ainfi que les obfervations le prouvent également ; alors, Fe molécules d’eau, répandues fur la furface des nuages , feront attirées par le globe de la terre, & on aura encore une pluie électrique. Un tube éleétrifé & préfenté à la furface inférieure d'une platine de métal, arrofce de quelque liqueur que ce foit, d’eau ou d’efprit de-vin , par exemple , donnera une repréfentation de la pluie éleétrique par attraction , la rerre érant éleétrifée. Ce tube dans le même état d'électricité , étant placé à une jufte diftance de la furface fupérieure de la platine également arrofée , offrira encore une image de la ae électrique afcendante , dans l’hypothèfe où les nuages font élec- trifés par excès. Dans les divers phénomènes de la nature qui dépendent de l'éle&ri- cité , l'attraction électrique exifte en mème-rems que la répulfion électri- que, & ces deux caufes concourent à la production des mêmes effets. On peut donc dire en général que la pluie d’orage fur-tout, dépend de l'attraction & de la répulfon éleétriques , combinées enfemble ou conf pirant au même but. En effet, il n'eft perfonne qui ne voie que les nuages étant életrifés par excès, & les particules aqueufes de leurs furfaces différentes étant repouflées du nuage , elles font en mêème-tems attirées par la terre, & que l’attra@tion & la répulfon éleétriques confpirent à produire le mème effet. Je fuppofe ici que l’attraétion & la répulfion électriques font deux propriétés, car il n’eft pas probable que dans la réalité elles n’en conftituent qu’une feule : cette idée eft bien dans la nature qui eft auf fimple dans fes moyens que dans fa fin. Pr a PNEU STE SR SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 467 OBSERVATIONS De M. Muzzer, de la Société des Amis de la Nature, de Berlin. Sur une Explofon particulière qu’on remarque dans quelques cfpèces de Clavaires, (Clavaria, Lin.) & de Lycoperdon. Dans certe étude , il faut fouvene ofer ignorer, & ne pas roupir de l'aveu. Caylus. | Fu clavaires ont eu de tout tems des droits à l’admiration & aux recherches des amis de la Nature ; cependant cette étude fi intéreffante n'a été que trop négligée, & méprifée très-injuftement. En effet, fi on les confidère avec attention, on leur trouvera une deftination particu- lière ; les foins des Obfervareurs feront couronnés par de nouvelles connoiffances , & des phénomènes dignes de piquer la curiofité des Natu- raliftes ; la découverte d’une explofion que j'ai obfervée dans les clavaires parvenues à l'état de maturité, eft une preuve bien évidente de ce que j'avance. Je ne penfe pas que cette AE produite par l'agitation de l'air, ou par l'attouchement de quelques corps étrangers, ou par un mouvement propre & très-élaftique , fe fafle fans aucun deffein & par hafard. M. Micheli, Naturalifte Italien , MM. le Baron de Haller & le Con- feiller Gleditfch & autres , ont obfervé dans certaines efpèces de clavai- res ,une éruption ou une exhalaifon fort élaftique; c’eft ce que j'ai eu lieu de remarquer moi-même plufieurs fois , & même dans les clavaires rou- geâtres , ce qui a échappé jufqu'à préfent aux recherches des Boraniftes, & qui va faire le fujet de cette diflertation. Je parlerai très-fuccinéte- ment de quelques phénomènes que l'on connoifloit en partie avant que je n’entreprifle mes expériences , pour démontrer la différence qu'il y a entre ces apparences , & celles que je me propofe de décrire. Si quelqu'un porte la main avec précaution fur cette efpèce de cla- vaire , il'apperçoit aufli-tôt une léoère vapeur qui s'émane de la fuper- ficie, & qui ll dans l'air comme la fumée. C'eft ce que j'ai remarqué plufeurs fois dans les clavaires que décrit le célèbre Cheffers ; tabl. 148,150, 164,155 » 156, & après la première fortie de cette pouflière , une feconde émanation ne paroîc qu’au bout d'un certain tems. DÉCEMBRE. Ooo2 463 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, L’efpèce de clavaires dont j'ai démontré les propriétés , & l'ufage qu'on pourroit en faire à l'Académie Royale des Sciences de Suède, forme un nuage de pouffière qui fort de la fuperficie de la plante. Le Docteur Cheffers la défigne fous le nom D, elvela pulla ; rab. 158. M. Geder, d’après M. Zæga, l'appelle dans fon Traité , de Flora Danicä , ( Pegia polymorpha). La variété de ces clavaires dépend uniquement de leur âge plus ou moins avancé , de même que la différence que l’on peut remarquer entre les clavaires dont parle Chefters & les miennes , provient de l’état de la plante verte ou defféchce. Une efpèce de clavaires pliffées fur les bords & d’une nature différente des autres, dont les propriétés n’ont pas encore été démontrées, a ceci de particulier , que Ê vapeur s'élève de deflous les plis du chapiteau , qui eft par-tout égal & poli ; la tige eft fort élevée, & la plante eft de cou- leur cendrée. D'autres répandent leur graine avec un duvet très-fin auquel la graine eft attachée. C’eft ce qui arrive à plufieurs efpèces de clavaires qui appar- tiennent à la srichia de M. le Baron de Haller. J'ai vu ces die de petites plumes s’agirer , & jetrer la graine avec allez de force. Le carpobolus de Micheli, qu'on devroit plutôt appeller mortier , n’ap- partient pas à cette claffe de champignons , quoiqu'il y air été inféré par M. Archiater , le Chevalier de Linné, MM. de Haller & le Confeiller Gleditfch. Cette efpèce furprenante de clavaires, qui mérite des atten- tions particulières , s'ouvre dans des tems humides & pluvieux & lance une balle de couleur livide qui parcourt une parabole comme Micheli Va remarqué à la table cent unième. L'on a cru fort long-rems que certe obfervarion de Micheli éroit un effet de fon imagination, maïs à tort; car j'ai vu fouvent pendant la pluie ceschampignons à orier (1) jetter des balles ,jaccompagnées d'un bruit femblable à celui d’une chiquenaude, zalirrum. Ce phénomène a même eu lieu dans ma chambre. Ceux qui ont été témoins avant moi de ce charmant fpectacle de la nature, c'eft Micheli & Forshaal. La pouffière qui s'exhale des clavaires rougeâtres, a quelqu'analogie avec celle qui s'évapore des clavaires plifées, avec certe différence ce- pendant, que certe exhalaifon fe fair remarquer dans celles-ci pendant un long intervalle de rems, & que dans les autres au contraire elle fe fait par fecouffe & par interruption. Les clavaires rougeâtres & celles qui s'ouvrent naturellement appar- tiennent à la clafle des plantes les plus curieufes de l'Univers. La pre- mière de ces deux efpèces a été découverte par Vaillant, & après lui, par Guettard , d’Alibard, Burbaum , & par les Botaniftes modernes de Dane- (1) Ainf appellé parce qu'il fait l'office du mortier qui lance des bombes. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 469 marck; dans la Zélande , en Judée, dans les environs de Paris & de Conftantinople: Mais la dernière efpèce n’a été connue que de M. Chef- fers & de moi. J'ai démontré dans mon effai de Botanique, intitulé “Flora Fridrichsdalina , que la clavaire rouge croifloit dans la vallée de Fridrich , où j'en ai trouvé pour la première fois dans l'automne de l'année 1760 , & depuis j'ai eu occafion d'en voir plufieurs plantes dans les bois. Le lieu de En naillance eft ordinairement un gazon épais qui croît fur les bords des puits ou des folles; mais une chofe bien remar- quable, & qui n’a point été apperçue de Vaillant, c’eft que leur origine eft due à un infecte purréfié. Si l’on veut s’en convaincre par l'expérience, 1l fufir d’arracher ces clavaires avec un couteau, & non avec la main, & - retirer avec précaution la terre qui enveloppe la racine & l'infeéte. Par ce moyen, j'ai découvert que cette efpèce de clavaires ou lycoperdons, étroit le produit d’infeétes tombés en putréfaction. Vaillant , dans fa Botanique de Paris, tome premier , page 3, a donné la figure de ce lycoperdon, mais Purbaum en à donné une plus parfaite, qui repré- fente la plante avec l'infecte d'où elle eft fortie Dans mon Traité de Mufeä vegeranre Europe , inféré dans le quatrième volume des Mé- moires de l'Académie des Amis fcrurareurs de la Nature, j'ai démontré comment cette merveille , annoncée par Les Botanifres François, ca & qu'il étoit inucile d'aller chercher dans Le nouveau monde des infeétes vépétatifs, puifqu'on en trouve affez fouvent dans le Danemarck & la France ; j'ai donné enfuire la fgure & la defcription de l'infecte putréfié & de la plante qui en eft le réfulrar. Ce lycoperdon s’eft enfin préfenté à mes yeux, après en avoir cherché pendant plufieurs années dans les forêts , & cela dans un bûcher, où je cherchois depuis plufeurs années des champignons , lorfque le tems y étoit favorable. Cette plante digne de piquer la curiofité des Naturaliftes autant par fa beauté que par fa rareté, prend naïlfance fur les feuilles pourries du bois de hètre ; M. le Docteur Cheffers eft le premier & le feul qui en ait fait mention. Mais fuivant l'opinion commune, c’eft M. Haller qui le premier en a fait la découverte; il l’a confondu avec fon agaric 1269, & avec ceux de Vaillant & de Micheli, quoique la defcription & la forme y fuflent tout-à-fait oppofées. C’eft une nouvelle efpèce de champignons qui n’eft pas encore connue , & dont lapremière découverte eft due au travail & aux recherches du célèbre Haller , ce que je puis garantir avec aflurance , puifque je l'ai trouvé tel qu'il a été décrit par ce grand homme. Ce lycoperdon eft connu depuis long-tems en France ,en Angleterre, en Allemagne, dans la Suiffe & en Italie. Je l'ai très-fouvent rencontré, & principalement dans des endroits humides & marécageux. Vaillant en a donné une fort belle defcription dans fa Botanique de Paris , de même que Micheli, tome 87, page 4, mais perfonne n’a remarqué dans cetre 479 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, plante , de mème que dans les clavaires dont j'ai parlé ci-deflus, ce que j'ai eu lieu d'y obferver. Il eft facile de fe perfuader que la tèce ou le chapeau des clavaires rougeârres eft capillée de petites cellules remplies de vers; fi on coupe la plante en deux parties, on voit aufli-tôt que toute la fuperficie n'eft formée que d’une infinité de petires cellules unies les unes aux autres , je fus faif Ge pe à l'afpeét d’un fi beau fpeétacle. Par le fecours du microfcope, je découvris une infinité de petits ani- maux tout blancs, femblables à de petites fibres qui fortoient de leurs cellules, qui fe mouvoienten ferpentant, & retomboient en arrière fur la plante. Ils éroient tous à-peu-près de la mème forme, mu très minces, & dix fois plus longs que larges ; lorfqu’ils furent tous fortis, je : ; P D Fo) q »] remarquai que quelques-uns de ces animalcules étoient pouflés à moitié hors de leurs cellules, que les autres éroient étendus, & ne donnoient aucun figne de vie, qu'enfin il y en avoit qui fe remuoient de tous les côtés, & par ce mouvement de droite à gauche, fe débarraffoient de leurs cellules. En attendant quel feroit le fort de ceux qui étoient retenus à l'ouverture de leurs petites cellules, je remarquoïs une nouvelle fortie de ces petits animaux , qui grimpoient les uns fur Les autres; je fus pref- qu'une demi-journée attaché à certe obfervation. IL eft vraifemblable que ces petits animaux tardent plus long-tems à quitter leur demeure quand le champignon refte en repos au lieu de fa naiflance : ces animalcules fembloient s'éloigner de la plante, d’un pouce jufqu’à un pouce & demi. J'ai répété certe expérience avec 8 champignons que j'avois trouvés dans le mois d'Octobre 1769. Celui qui à la fatisfac- tion de trouver un champignon de cette efpèce en maturité, peut fe procurer cet amufement ; 1l fufhc de le placer bien horifontalement à la lumière , & de le regarder à travers le microfcope, & aufli-tôt ces petits animalcules paroïîtront fortir de leurs cellules. Pour examiner ces animalcules plus attentivement, il me vint dans l'idée de Les pofer fur un verre blanc bien poli, & de les foumertre en- faite au microfcope. Je vis en peu de tems quelques-uns de ces petits fils en forme de ferpent qui éroient étendus fur le verre fans produire aucun mouvement. Pour en amaller une plus grande quantité , je remis fur le mème verre le chapiteau du champignon , & au bout de quelques minutes, il fut entièrement couvert de ces petits filamens animés ; ce n'étoient plus des filets rortueux fans action, mais une quantité prodi- vieufe de longs filets atrachés les uns aux autres Cet affemblage , ce tiffu devient fenfible à la vue , quand il eft expofé au grand jour , & reflemble à une filure des plus fines,& à travers le microfcope il a beaucoup d’analogie avec du coton très-fin. Le microfcope nous apprend encore que ce ne font point de peirs filets à la fuite les uns des autres, mais des filamens | ! 1 | VE SUR L'AIST. NATURELLE ET LES ARTS. 471 longs , gros & découpés qui fe croifent dans tous les fens poffibles, I]s ne font ni creux ni tranfparens , mais épais & opaques; ni tendus, mdis lâches & un peu ridés dans certains endroits. Je defñrerois favoir par quel moyen ces petits fils peuvent repré- fenter des filamens très-longs, & une toile parfaite. Je m'imagine que ces petits fils, par leur réunion, forment des filers d'une certaine lon- ueur , parce que leur point de réunion devient imperceprible à caufe de Luther finelle de leurs parties conftituantes, J'ai remarqué précédemment qu'une grande partie de ces animalcules retomboir en arrière fur la clavaire, & formoit d’abord une étendue blanchâtre , femblable à la toile des mites ; mais bientôt elle fut tapiflée d’un duvet blanc comme la neige. Un habile fcrutareur de la Nature auroit pris ce tiflu pour la toile d’une araignée , ou pour l'enveloppe de quelqu'infeéte , ou enfin pour une pure illufion. Je le regardai longe tems de même, & j'aurois perfifté dans cette opinion , fi je n’avois vu cette toile naïtré, fe développer & fe former fous mes yeux. Le lycoperdon, ou comme le Doéteur Cheffers les appelle, champi- gnons plifiés (1), forme un véritable état mitoyen entre les clavaires à Chapeau & les clavaires plifées ; il diffère de ces deux efpèces , en ce que le fommet de cette plante ne paroït avoir aucune proportion avec un çhapeau, & forme une furface plane qui a une incifion remplie par la uge, & {a direction eft abfolument perpendiculaire; enfin, une autre différence affez marquée , c'eft que la tige & fon chapeau ne portent pas fur le même point d'appui; leftyler eft pointu , long, arrondi, pléin de rides & blanchärre , au lieu que la clavaire eft jaune , plate & très-ferrée, & gagne en largeur à mefure qu’elle s'éloigne de fa bafe. Par le fecours du microfcope, je remarquois des petits points blancs qui fortoient du chapeau de la clavaire, Avec cet inftrument, on peut les comparer aux filets prefque formés de la clavaire rougeârre ; c'eft ainf que je les ai dépeints, à’ la 658 table de Fort Danica. Quoique la clavaire ferpentine ait été décrire très-fouvent par les feru- tateurs de la Nature, cependant aucun n’a obfervé que la ère de cerre plante eft tapiflée extérieurement d’une infinité de petits trous invifbles (x) Les Naturaliftes ont placé cette efpèce de champignons dans différens genres fuivant les différens points de vue fous lefquels ils les obfervoient. Il feroit plus naturel de laïfler dans la même claffe ceux dont la partie inférieure du chapeau eft plane & polie, puifqu'on détermine les différentes clalles des clavaires ou Iycoper- don, par la forme de la partie inférieure du chapeau: Et on n’auroiv plus la peine de chercher cette clafle dans les différens genres décrits par les Naturaliftes ; je pour- rois ajouter à cette efpèce de clavaires dés fous les botds dû chapireau, deux autres que j'ai découvertes l'été dernier. Elles paroîtronr dans mon Ouvrage, de Florâ Danicé. 42 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, à la vue fimple, & que ces ouvertures offrent autant de petits canaux qui compofent toute la texture de la fuperficie. Ces petits trous examinés au microfcope, ont la figure de piquure d’aiguille; & en faifant une incifion à la partie fupérieure, on obferve à la vue fimple tous ces petits canaux. Certe plante m'a procuré un fpeétacle des plus curieux; aufli-rôt que la conftitution interne effuyoit quelque changement , ces petits corpuf- cules qui fortoient à la fuperficie , éprouvoient les mêmes modifications, Si on l'affujétifloit au grand jour, on remarquoit avec le microfcope une grandequantité de brillantes érincelles qui s’élevoient de la fuperficie,& fe portoient dans l'air, & comme un eflain de mouches dans une foirée d'été, fe répandoiïent de tous les côtés , & enfin retomboient en srande partie fur la plante. Dans leur fortie , le microfcope les repréfentoit comme des atômes fort agités. Lorfque ces corpufcules font retombés fur cette cla- vaire, ils reflemblent à des globules de neige , extrèmement déliés & deviennent bientôt infenfibles. Placés fur un verre bien poli & expofés à la lumière, ils paroiffent for- mer une pouflière très-fine , mais par le fecours du microfcope, ils de- venoient fort longs & très-brillants; leur longueur eft cinq ou fix fois plus grande que leur largeur. Ils ont la même forme , la même grandeur , 1ls font opaques & découpés aux deux extrémités. Le microfcope nous apprend qu'intérieurement ils font tranfparens , & à l'extérieur opaques ; & ceux qui paroïffent pe ; font formés de plufieurs appliqués les uns fur les autres. Ils font plus petits, mais plus gros que les fils de quelques clavaires, fermes, fans rides , ils ne font point abfolument droits, mais un peu courbes. Ils s’atrachent au verre, mais confervant toujours leur forme ordinaire, ils ne forment point une texture continue. Sur un nombre aflez confidérable de clavaires ferpen- tines, j'en trouvai feulement quatre, dont la pointe étoit couverte d'une écorce blanche & rude , comme de petites écailles. Je m’imagine que cela vient d’un affemblage de filamens collés les uns fur les autres. Je les renfermois dans différens vafes , j'y verfois de l’eau, ce que je répétois quelques jours après, & fans qu'ils éprouvaffent aucun change- ment. Plufieurs de ces fils quittèrent le fond du vafe pour gagner la fu perficie, fans donner aucun figne de vie. Mais une chofe bien remar- quable , c’eft qu'ils fe diffipoient avec les vapeurs, quoiqu'ils fuflent cou- verts d’eau (il eft propable que l’eau les avoit mis en diffolution ); & les tiges des plantes n’avoient fouffert aucun changement , même après que l'eau fut évaporée ; en fecond lieu , l’eau que j'avois verfée fur les fibres membraneufes fe cryftallife en molécules de différentes grolfeurs, l’eau au contraire des tiges reluifantes s’évapore fans fe cryftallifer, Je ne doute pas que la clavaire de couleur jaune ne produife un fpeéta- cle Patte & intéreffant, J'en ai trouvé fouvent dans un vallon appellé vallée de Fridérich ; & dans les forêts , mais depuis quelques années elle set SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 475 s'eft fouftraire à mes recherches. Avant moi, Breyn l'avoit découverte ; c'eft de lui que Micheli l'a empruntée. Toutes les obfervations que j'ai fures fur certe matière, donnent nécellairement occafon à bien des queftions'qu'il eft aflez difficile de réfoudre, Savoir : Que fignifent ces arômes, ces fils délicats, ces corpufcules étincelans qui parotffent fortir de ces plantes? Eft-ce de la pouflière , de la graine , ou une collection de petites plantes ? le microfcope ne nous apprend rien de politif là-deflus, ce que l’on peut cependant connoître très-parfaitement à la vue fimple dans toute autre efpèce de plante. Sont-ce des vers ou des animalcules d’une nature inconnue? Peut-on attribuer à une végétation des plus actives Ja métamorphofe de ces atômes en fils d’une certaine longueur , ou à des animalcules qui fe développent extraordinairement en peu de rems ? D'où vient que ces atômes fortis des clavaires rougeâtres , forment yne toile cotonneufe dans leur rechüte, & pourquoi ces corpufcules tranf- A ne font-ils fujers à aucun changement ? & quand ces fils tombent en corruption , en naït-il des lycoperdons ou clavaires de couleur rou- geñtre? On peut faire cent pareïlles queftions , & routes les hypothèfes qui paroiflent aujourd'hui réfoudre les difhicultés, fe détruifent le jour d'enfuite par de nouvelles obfervarions. Une grande partie de tous ces filets qu’on a pris jufqu’à-préfent pour les racines de la plante , & qui s'étendent quelquefois confidérablement, en détruifant tout ce qui feroit dans le cas de s’oppofer à leur développement, ont beaucoup d’analogie avec ces flamens qui fe croifent dans tous les fens , & dont j'ai déjà parlé. Que m'objeéteroit-on, fi j'avançois que ces fibres doivent leur origine aux molécules animées, (dont j'ai parlé dans cetre differtation ) qui après s'être mulripliées dans une terre chaude & humide, & après avoir acquis aflez de matière pour fe développer , forment enfin une efpèce de champignon ; & comme les phénomènes que préfentent les lycoperdons dont je viens de parler font abfolument différens des obfervations du Baron de Munchhaufen , ces deux efpèces exigent une théorie bien différente dans leur création , de celle qu'on leur a aflignée jufqu’à préfenr. Mais dans l'étude de la Nature, on peut nous comparer à de perits enfans qui commencent à ouvrir leurs yeux : nous voulons parler beaucoup ;& nous ne faifons que bégayer, Le R'# Tome XIV, Part. II. 1779. DÉCEMBRE. Ppp 474 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, SU TT ED'E LES ER ALT TE De l'Hifloire Naturelle du Chik. BORIS TS RONNIS L: mer du Chili abonde en poiffons qui font la plupart différens de ceux d'Europe. Polpo. Le polpo eft d'une figure fi fingulière , que quand on l'apper- çoitimmobile , 1 reffemble à une branche d'arbre couverte d’une écorce femblable à celle du châtaignier. Il n’eft pas plus gros que le petit doigt , long de trois pouces, il eft divifé en 4 ou $ articulations qui vont en di- miouant du côté de la queue, qui comme la rère reffemble à l'extrémité d'une branche. Quand il déploie fes 6 jambes qu'il tient couchées du côté de la ère, elles reflemblent à autant de racines , & la tête à un pivot brifé ; fi on le prend dans la main, il l'engourdit pour un inftant, fans faire d'autre mal. On trouve dans ce poiffon une petite veflie pleine d'une liqueur noire qui fert d'encre. Diaphane. Le poilfon diaphane fe trouve vers l'embouchure du fleuve Tolten. Il eft petit , ovale, & d’une faveur agréable. Ce poiflon ef tranfparent comme le cryftal, & quoiqu'on en merte plufieurs les uns fur les autres, ils confervent leur tran{päfence. On trouve aufh la tor- pede dans cette mer. ; Cog. Le poïflon coq eft fans écailles & long de 2 ou 3 pieds. Il tire fon nom d’une crête rouge qu'il a fur la ère. Tolto. Sur les bords de l'ifle de Jean Fernandès, on trouve un poif- fon nommé rollo. Chacune des deux nageoires qu'il a fur le dos eft armée d’un aiguillon brillant , triangulaire , aigu & recourbé un peu vers la pointe. Il eft dur comme de l’ivoire, long de deux pouces & demi , & large de quatre ou cinq lignes. Cet aiguillon eft efficace contre le mal de denr. Si on l’applique fur la dent malade, il engourdit la joue , &la douleur fe pafle dans une demi-heure. Il endort fouvent , & à fon réveil, on fe trouve guéri. Tant que l'os eft dans la bouche, on obferve que la partie fpongieufe de fa racine fe gonfle peu-à-peu. Ce phénomène ne peut s’attribuer uniquement à la falive, puifque la artie de l’aiguillon , feule partie qui touche la dent , eft, comme on a dic, ‘ort dure. On pourroit en conclure qu'il a quelqu’attraétion avec lumeur morbifère , & qu'il la communique à la partie fpon- gieule, SUR L'HIST.. NATURELLE ET LES ARTS. 475 Ixsecres. Outre les infectes d'Europe, il s’en trouve de particuliers en Chili qui méritent l’artention des Philofophes. Sur le fommer de la bifnaga ou herbe à netroyer les dents, on trouve un coléoprère à deux aîles , qui femble être formé de l'or le plus bril- lant. Parmi les infeétes luifans on diftingue plufeurs efpèces , les uns font ailés, & les autres fans ailes. Parmi les premiers , il s’en trouve un grand comme un papillon ordinaire, qui paroït la nuit un bralier vo- lant. Dans les campagnes , on trouve en certains trous qui fe font en terre, une araignée velue, grife , grofle comme le poing , dont les pieds font longs de trois à quatre pouces. Elle a en outre de paie dents, & deux dents canines affez proéminentes auxquelles quelques- uns attribuent des vertus médicinales. Certe araignée n’eft ni venimeufe ai nuifible. Oiseaux. Les oifeaux, tant aquatiques que terreftres, y font fort mulripliés. On en compte quatre-vingt-douze efpèces dont beaucoup reflemblent à ceux d'Europe. D'autres en diffèrent en quelque chofe, d’autres enfin font particulières à-ce pays. \ Cygne. Le cygne du Chili diffère de celui d'Europe par fa rète qui eft noire. Les courterelles de montagne ont les ailes noires. Pinquen. Le pinquen eft plus grand & plus gros qu'une oie : il a le dos mêlé de blanc & de gris, & le ventre tout blanc : fa chair eft blanche, délicate & de bon goûr. Cet oifeau aime la plaine où il fe nourrit d'herbe & d'infeétes; on l’apprivoife facilement, Alcatraz. L'alcatraz eft une efpèce de pélican, Il eft moins gros qu'un coq-d'Inde, mais fes jambes ont plus de deux pieds de haut. Son bec eft large de trois pouces & long d’un pied ; vers le milieu il eft garnt à la partie inférieure , comme à la fupérieure, de petites dents allez tranchantes , arrangées en forme de fcie. 11 lui pend un fac fur l’efto- mac, qui eft arraché à de petits filamens, afin qu'il ne divague ni à droite ni à gauche. Ce fac eft compoft d’une membrane épaifle & gralle, affez charnue. { fe plie comme un cuir, & eft recouvert d’un petit poil fin & douillet comme du fatin. Quand ce fac eft vuide , il ne paroïç prefque pas ; mais quand l’'alcatraz trouve une pèche abondante ; dont al fait fa nourriture, 1l eft furprenant de voir la quantité de grands & de petits poiffons qu'il fait entter dedans , foi pour le conferver pour Jui, foit pour le porter à fes petits. Cer oifeau eft brun ; fes plumes valent mieux pour écrire que celles d’oie. Les naturels du pays fe fer- vent de fon pe bien tanné pour faire des lanternes. L’alcatraz paie allez délicat ; car dans le pays , on en. trouve fouvent de morts fur les rochers voifins de la mer. Paxzro-rinnuo. Le paxaro-ninnuo reffémble de loin à un enfant en iaillot , il vit dans la mer; il eft de la groflzur d’un poulet-d'Inde ; 17797 DÉCEMBRE. P pp 2 256 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, il a les plumes du dos noires , & celles du ventre blanches : il a le cou ovale , gros & garni d'un collier de plumes blanches : fa peau eft épaifle comme celle d’un cochon, & peut fe déracher entièrement de fa chair. I lui pend de chaque côté, au lieu d'ailes , deux bandes de peau qui reflemblent à de petits bras. Ces efpèces d'ailes font cou- vertes en haut de plumes blanches mêlées de noires très-courtes & très- étroites ; elles lui fervent pour nager & jamais pour voler. I fait fon nid fur les rivages dans des trous affez profonds qui fe trouvent dans le fable, & y dépofe trois ou quatre œufs tachetés de noir. Son bec eft étroit & plus grand que celui d’un corbeau; fa queue eft courte, fes pieds font noirs, plats & garnis d’une membrane comme ceux "de l'oie. IL marche le cotps haut & droit , laiffant pendre fes efpèces d'ailes de chaque côté. On dit que fa chair n’a point la mauvaife odeur crdinaire de celle des oïfeaux de mer, & qu'elle eft affez bonne à manger. Threguel ou Keltreu. Le keltreu eft de la groffeur d’un pigeon, mais fes jambes ont le double de hauteur. Les plumes de fon dos font cen- drées , mêlées de noir, & celles du ventre blanches , partagées lon- gitudinalement par le milieu d’une raie noire. Il a au pli de fes ailes un os long d’un pouce, gros de quatre ou cinq lignes , dur & aigu ; 1Ë s’en fert à combattre contre les autres oifeaux, mème contre les quadru- pèdes qui approchent de fon nid qu'il fait dans les trous qu'il rencontre Fe hafard en terre. Il pond trois œufs gris, rachetés de noir , qui font ons à manger. Quand le keltreu voit arriver un homme, 1l fe retire de fon nid, & ne crie que quand il en eft à une diftance confidérable , de peur qu'on ne trouve fes œufs. Ils vivent dans les plaines; jamais om ne trouve enfemble. plus de mâles que de femelles , comme jamais ils ne fe perchent fur les arbres. Trenca. La trenca eft d’un gris cendré , elle eft de la groffeur d’une grive à laquelle elle refemble encore par le bec, la tère & les pieds. Elle a les ailes & la queue le longues & plus larges. Cet oifeau chante agréablement ; il varie fa voix comme le roflignol , & a le talent d’imi- ter aflez bien le chant des autres oifeaux. Il eft très-vif, & ne peut fe tenir long-tems dans un même endroit ; il fautille coujours, quoiqu'il chante. Keveu. Le keveu, que les Efpagnols ont appellé grive impropre- ment, eft un peu plus gros que la trenca. Il a la chair, les plumes , lès yeux, le bec & les jambes noires. Il apprend à p rler comme le per- roquet , quoique fon bec foit mince & un peu plus long que la grive proprement dite ; on l’apprivoife facilement. Son chant eft continu & très-mélodieux. Il one les petits oïfeaux , & leur mange la cer- velle. 11 fait fon nid fur les arbres. 11 le compofe äe fange qu'il apporte avec fon bec, fes pieds, & fa queue qui lui fert de cruelle. . F | k SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 477 Le Chili n'eft pas fi abondant en quadrupèdes & en vivipares indi- gènes que lesautres parties de l'Amérique; cependant, il s'en trouve quelques-uns d'intérelfans ; on les divife en-aquatiques & en cerreftres. Les aquatiques font la baleine , le lion-marin , le loup, le cheval , le chat, le guillin & le coipu. Les terreftres font le lion , l'huanaco , le chilibucque , le guémul , la vigogne , le renard , la guigna , le daim, le lièvre , la vifcacha , le chinne , le kiki, l'arda & le piguchen. Vivibares AQUATIQUES. Baleine. Les baleines, dont la mer du Chili eft ordinairement couverte, n’ont que quelques légères différences/avec celles du Groënland. On trouve quelquefois de ces monftrueux animaux morts fur les rivages. Leur plus grand ennemi eft le poiflon-épée; il porte ce nom # caufe d’une lame offeufe, pleine & pyramidale, longue dé trois à quatre pieds qu’il porte fur la tête. Ce poiffon eft long de dix à douze pieds, & d’une agilicé étonnante ; il a les mâchoires armées de ‘petites dents pointues. 11 y en a une autre efpèce qui ne diffère de la première que par fon épée qui eft dentelée de chaque côté comme un peigne. Parmi les baleines qui fe trouvent mortes fur le rivage, on en ren- contre de prodigieufes. L'aureur que je traduis , dit avoir vu la côte d'un de ces énormes poiffons , qui éoit longue de quinze pieds ,, large d'un pied & demi, & épaifle de cinq doigts. Guillin. Le guillin eft un animal affez commun qui vit dans les lacs, dans les euves où dans les rivières. 11 fe nourrit de poilfons ou de l'herbe qui croît fur les bords des lieux qu'il habite. Il eft de la taille d’un chiensordinaire ; il eft couvert de deux efpèces de poils, les uns longs , les autres courts. Le poil court eft fin & fort épais. IL n'eft jamais plus long d’un pouce , & fert à conferver la chaleur de l'animal. Le long eft plus rude, d’un brun ‘obfcur fur le dos & blan- châtre fous le ventre. Cet animal a la tête prefque ronde, les oreilles rondes & courtes , & les yeux petits ; fa bouche eft armée de quatre dents longues & pointues, deux en haut & deux en bas, Sa queue eft large , fes pieds & fes mains fonr membraneux & plats ; fa peau eft eftimée, on en fait d’affez bons chapeaux ; il paroît que c’eft une efpèce de caftor. + Colpu, Le colpu eft plus petit que le guillin auquel il reffemble par la figure & par la manière de vivre. Sa peau eft noire & garnie de deux efpèces de poils dont l'intérieur eft: affez doux. Quoique ce perit animal foit amphibie , on l'élève dans les maifons, & il s'apprivoife comme un chien. On trouve encore des loutres dans l'ile de Chiloë qui ne diffèrent point de ceux d'Europe. Quaorurèoes TerresTres, Le guanaco, le Chilibuéque, le guémul & la vigogne font des efpèces fubalrernes du genre. des chameaux , dont ils diffèrent principalement par la privation de la bolle. Guanaco, Le guanaco eft long de fix à fepr pieds, & haut de quatre 478 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, à cinq. Il refemble prefque au chameau par latère, le cou , par la lèvre fupérieure qui eft fendue & fans dent : il lui refflemble encore par la queue & par les parties naturelles, mais fon dos eft fans bofle. Ses pieds fonc fourchus & armés d'ongles gros & pointus : le poil de fon dos eft gris-brun, celui du ventre blanchâtre ; il eft fort doux & fert à faire des chapeaux. Cet animal n'a d'autre défenfe que la légèreré de fes pieds avec lefquels il fe tient fur les rochers les plus rapides. il vit ordinairement {ur les montagnes des Andes; il eft cependant aflez doux, s'apprivoife facilemenr. Si on l'irrite , il crache à la figure de ceux qui lattaquenr. Sa chair , felon les habitans du pays, eft bonne à manger, & et peu inférieure à celle du mouton. Le guanaco fournit le plus beau bezoard. £ Chilibiéque. Le chilibuéque tient du guanaco & du mouton d'Europe. Il a la crête , le cou & la queue du guanaco , & le refte du mouron qu'il farpafle du double en grandeur. C’eft de-là que les Efpagnols l'ont nommé brebis du pays, & les Indiens, chilibuéque , qui veut dire, mouton du Chili, pour le diftinguer des lamas,du mouton du Pérou. Le chilibuéque eft un animal domeftique , fort eftimé des Indiens ; dans leurs cérémonies religieufes & dans leurs traités de paix, on en facrifie en figne d'alliance. Sa chair eft aufli bonne que celle du mou- ton. Sa laine eft excellente, On en trouve de blancs, de gris, de noirs & de cendrés. Cet animal fe multiplie peu par la dificulté qu'a la femelle de concevoir ; il faut la foutenir, pour qu'elle reçoive le male. Guémul. Le guémul eft de la forme & de la taille d’un chilibuéque , à l'exception de fa queue qui reffemble à celle d’un cerf. il_eft plus fauvage que le guanaco ; il habite prefque toujours les lieux les plus efcarpés des Andes. Vigogne. La vigogne eft de la grandeur d’une chèvre, & reflemble beaucoup au guanaco, Sa laine eft couleur de café , fine & moëélleufe, On en porte beaucoup en Europe. Sa chair eft bonne à manger. La vigogne vit dans les pays les plus tempérés du royaume , dans les pro- vinces de Copiapo & de Coquinbo. IL faut qu’elle foit fort féconde, parce que, maloré le maffacre continuel qu’on en fait tous les ans, il s'en trouve toujours beaucoup. Cer animal eft fort rimide ; on l’arrète dans fa courfe avec une corde où pendent plufieurs flocons de laine, Si on l'élève , il s’apprivoife comme un mouton; cependant les habi- tans du pays, qui pourroient eñ tirer un grand parti, ont la néoligence de ne pas les nourrir. Vifcaque. La vifcaque eft de la grofleur & prefque de la figure d’un grand lapin, quoiqu’elle ait les jambes plus courtes. Son poil eft doux & mêlé de gris & de noir. Sa queue , qui reflemble à celle du renard , eft garme de foies fi dures, qu'elles reffemblent à des cpines. Il fe défend SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 479 de fes ennemis en agirant fa queue. Sa chair eft bonne à manger. Il vit dans des terriers qu'il fe forme. Il pañfe la nuit à porter à l'entrée de fon trou tout ce qu'il trouve dans la campagne. Quand les voyageurs ont perdu quelque chofe , ils vont le chercher à l'entrée des terriers des vifcaques , & font prefque toujours sûrs de l'y trouver. Chinne. Le chinne eft encore de la groileur d’un lapin ; mais il ref femble plutôc par la figure à un petit chien. Sa peau eft d’un bleu obfcur. 11 à fur le dos, depuis la rèce jufqu'à l'extrémité de la queue, une raye compofce de plufieurs anneaux blancs. Sa queue eft très-garnie de poil , recourbée en bas vers fon extrémité , où elle eft auf rude & auffi ferrée que celle d'un paon. Ce petit animal eft doux, il aime les hommes quil cherche par-tout; il entre dans les maifons, fur-tout à la campagne; 1lmange ce qu'il rencontre; il fe promène en toute liberté parmi les chiens qui ne lui difputent rien non plus que les hommes; tous le refpeétenr & le craignent , quoiqu'il ne faffe mal ni avec les dents ni avec les oncles. Ce qui lui vaut ce fauf - conduit , eft une petite veflie qu'il a placée auprès de l'anus, à la naiflance de la queue. Certe veflie contient une liqueur huileufe , différente de l'urine , dont l'odeur eft f puantce & fi fuFo- “quante , qu'on peut à peine trouver dans la nature quelque chofe à lui comparer. Cette odeur en outre eff fitenace, qu'il lui faut un tems confi- dérable pour fe diffiper. Quand cet animal fe voit attaqué , il allonge les pieds de derrière , & lançant cette liqueur fur fon agreffeur , il fe délivre du danger par ce moyen. On ne peut plus fe fervir d’un habit fur lequel elle eft tombée , à moins-qu'on ne le mette à plufieurs lef- fives très-forres. Le lieu refte inhabitable pendant beaucoup de teins ; on ne trouve ni mufc ni aromate qui puille furpaller certe odeur. Les chiens qui en ont recu en font tout étourdis ; ils fe roulent dans le fable & dans la fange ; ils fe plongent fouvent dans l’eau ; ils courent la campagne en hurlant comme des furieux ; ils maigriffent beaucoup, parce que tant que cela dure , ils ne mangent prefque point. Ils fe gardent bien enfuite d'attaquer un pareil animal. Le chinne n’a d’au- tres défenfes que cetre liqueur qu'il lance fur tous les animaux qui l'attaquent , excepté fur ceux de fon efpèce , quoiqu'ils aient fouvenr des querelles enfemble. On ne s'apperçoit de cette mauvaife odeur que quand il la lance. Sa peau & fa chair en font exemptes. Les In- diens, pour l’empècher de lancer cette a ; le prennent par la queue, & virant avec elle le nerf de la véficule, ils en ferment l’ou- verture. On fait avec fon poil, qui eft fort doux , de fort belles cou- vertures de lir. Kiki. Le kiki'eft de la grandeur d'un renard auquel il reffemble par la queue , & par le refte du corps au crocodile. 1] eft d’un gris cendré, tacheté de blanc ; fes jambes font courtes & fon poil fin; äl ef très-féroce , & n'a pu s’'apprivoifer jufqu’à préfent, 48o - OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Arda. L'arda eft une efpèce de mulot ou de campagnol de la grof- eur d’un chat. qui ne fe trouve que dans la province de Copiapo. Cet animal eft affez docile , il eft couvert d'une laine cendrée , épaifle & délicate comme le meilleur coton. Piguchen. Le piguchen eft l'animal le plus curieux du Chili. 11 eft à Ja fois ailé & quadrupède. 1l eft de la grandeur d’un lapin ordinaire , large du derrière & ctroit du devant. Il eft couvert d'un duvet fin de couleur de canelle foncée. Son mufeau eft pointu , fes yeux grands, ronds & brillans. À peine apperçoit-on fes oreilles ; fes ailes font mem- braneufes comme celles de la chauve-fouris ; fes jambes font courtes & femblables à celles du lézard ; fa queue , ronde dans fon origine , s'élargit enfuire comme celle d'un poiflon ; il file comme les cou- leuvres & vole comme les perdrix ; il fe rerire dans les erous des ar- bres , d’où il ne fort que pendant la nuit, Il ne fait mal à perfonne. On ignore quelle eft fa nourriture. Je n'ai jamais pu obferver cet ani- mal; mais des perfonnes dignes de foi fe font routes accordées à m'en donner cette defcriprion. Méraux, On trouve dans le Chili des mines de tous les métaux, demi-métaux & minéraux connus ; l'or fur-tout y eft crès-commun , on n’en tire que du pays appartenant aux Efpagnols. L'or. 11 y a deux manières de retirer l’or de fa mine, ou en fendant avec des pics de fer les rochers qui en contiennent, ou en lavant le fable des fleuves qui en roulent dans leur lit. La première eft préfé- rable par l'avantage qu'on en retire ; «elle eft cependant affez difpen- dieufe. Outre la fatigue , elle exige plufieurs machines, & un moulin particulier pour réduire en pondre les pierres métalliques, Ce moulin s'appelle srapiche ; il eft compofé de deux meules plicées comme celles d’un moulin à huile : un grand canal d’eau fait tourner la meule fu- périeure dans une grande caille circulaire où on met le métal. Un autre petit canal introduit dans cette caille de l’eau qui , baignant conti- nuellement le minerai, en hâte la mouture , & on conduit les parties les plus broyées dans certains puits appellés aricares , par une ou- verture pratiquée à la caille. Le minérai étant tout pulvérifé , on y jette du mercure qui raffemble toutes les particules d’or qu'il rencontre, formant avec elles un globe blanchâtre ;, auquel le feu reftirue fa dureté & une belle couleur jaune. La feconde manière d’exploiter l'or s’abandonne ordinairement à ceux qui n'ont pas allez de fonds pour faire les dépenfes qu’exige la manière précédenre. Ceux-là mertent le fable dans une efpèce de na- vette de corne qu'ils appellent porunna ; ils la lavent bien, & ramaf- {enr les grains d’or que leur pefanteur fait refter au fond ; mais comme ils ne fe ferventpoint de mercure , ils en perdent plus de la moitié ; le profit en eft cependant affez confidérable. « L'argent SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 481 L'argent. On trouve aufli des mines d'argent ; mais comme elles font fatigantes & plus difpendieufes à tirer que celles d’or, on les exploite peu. Voici la méthode dont les habitans fe fervent pour fé- arer ce métal des parties hétérogènes. 1°. On réduit d’abord en poudre Le minerai avec un moulin appellé srapiche , comme celui d'or, quoi- qu'il en diffère un peu 4e fa conftruction. 2°, On crible enfuite cette poudre dans une efpèce de tamis de fil de fer très-mince. On le mêle avec du mercure , du fel, de la boue putréfiée, & on l’en- ferme dans un cuir de vache, en y verfant de l’eau ; 1l fe fait une male qui ce ame de huit à dix jours fe bat , fe foule aux pieds, & fe retourne deux fois par jour. Troifièmement, on met cette maffe, après les opérations précédentes , dans une auge de pierre, on verfe de l'eau deflus , cette eau entraîne le minerai avec elle dans des puits creufés au pied de l’auge où l'amalgame d'argent & de mercure fe précipite en un globe blanchârre. Quatrièmement , on retire le globe, on le met dans un fac de toile que l’on prefle fortement afin de faire fortir le mercure. Cinquièmement, les ouvriers donnent à cette malle, qui eft aufli molle que de la pâte de farine , différentes formes , felon leurs caprices, ou d'oifeaux ou d'animaux , &cc. Une grande partie du mercure qui y eft contenu , s'échappe par les trous pratiqués aux moules. Sixièmement , comme le mercure , malgré toutes ces preflions, n’a pas tout-à-fait abandonné l'argent , on jette la mafle dans un fourneau bien allumé ; le mercure fe volatilife » & l'argent refte pur, blane & folide. Cuivre. Les mines de cuivre ne font pas plus rares dans ce pays que celles d’or avec lequel on le trouve mêlé, On n’exploire que celles qui font fort riches. On fe fert des opérations fuivantes pour avoir le cuivre pur. 1°. On fait une foffe profonde pavée d’un mélange de plâtre & d'os calcinés , bien pulvérifés ; cette pâte refte au feu, & il ne s’y fait aucune gerçure par laquelle ce métal puifle s'échapper. Des quatre côtés de la foffe s'élèvent quatre murs qui, au fortir de verre, fe courbant en voûte, forment une efpèce de four. On laifle une fenêtre à la partie fupérieure pour mettre le métal, & pour obferver l’état de la fufon ; on laiffe en outre quelques ouvertures pour donner iflue à la fumée. Secondement , pour rendre le feu plus vif, on fe fert de grands foufflets que l’eau fait marcher. Troifièmement , on échauffe le fourneau plufieurs jours avant d'y mettre le métal , & alors qu’on l'y jette, on ajoute en même-tems beaucoup de gros bois. Quatrièmement , quand on voit le métal dans une belle fufion , on ouvre une ‘porte pratiquée au bas du fourneau par où le cuivre coule comme un torrent de 153 16€ remplit des moules que l’on a mis pour les recevoir. Le fer , quoiqu'a- bondant , ne s’exploite point. Tome XIV, Part. II. 1779. DÉCEMBRE. Qqq 492 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Volcans. Le Chili eft un royaume de l'Amérique méridionale , fitué fur les bords de la mer Pacifique, entre le 24 & le 45 degré de latitude auftrale, & entre les 304 & 308 degrés de longitude, en prenantle premier méridien à l'ifle de Fer. Sa longueur du nord au midi eft de 4<0o lieues, & fa largeur de l’eft à l'oueft eft d'environ 80 , en comprenant la mon- tagne des Andes. 1l eft borné à l’oueft par la mer Pacifique , au nord par le Pérou , à l'eft par le Tucumant , & au midi par les Terres Ma- gellaniques. Il eft féparé de toutes ces régions ou par lui-même ou par les Andes. Ce royaume eft un des meilleurs de l'Amérique; fon climat eft fa- lubre & tempéré ; le ciel y eft pur, & le fol fertile. Les faifons y font réoulières ; le prinrems commence en Septembre, l'été en Décembre, lautomne en Mars, & l'hiver en Juin. 11 pleut abondamment au com- mencement du printems ; mais point, ou rarement dans les autres fai- fons. L'été eft ferein , fans tempêtes & fans orages. Ce défaut de pluie m'eft point nuifible aux campagnes ; l'humidité qui refte du printems & l’abondante rofée qui tombe chaque nuit fufifent pour la fruétifica- tion. L'été y feroit prodigieufement chaud , fi l'air n'étoic rafraîchi par un vent de mer & par celui qui vient dès Andes dont le fommer eft toujours couvert de neige. Le froid de l’hiver eft trèsmodéré ; on n'a jamais vu tomber de neige dans les provinces maritimes, & l’on n’en voit que de cinq ans en cinq ans dans les provinces voifines des Andes. Sur la partie la plus élevée de ces montagnes , font quatorze grands volcans enflammés , outre plufieurs autres petits qui n'ont point encore fait de tort aux pays circonvoifins. La quantité de matière fulphureufe que renfer- ment ces cavernes eft la fource des fréquens tremblemens de rerfe qu’on éprouve au Chili. Cependant, ils font moins violens & moins im- prévus qu'autrefois , ce qui donne aux habitans fe tems de s'échapper. Les volcans mème paroiflent avoir rallenti la promptitude de leurs effets. ECS SORTE pr ds SUR L'HIST: NATURELLE. ET LES ARTS. 483 EEE LEE UUNNEE TERRE PEMEREDN TE PAIN TE MEUNRERRES CET DINCETEUE SERRES CE PEETEE ES TOTE NTI SUTTENDIES "EF ÆPRAITS Du Porte - Feuille de M. l'Abbé DrcqouEmaARx. PorTe-lris, féconde efpece. Le 16 Juin 1779, je trouvai fur le fable (au rivage du Hâvre ) une pétice glaire qui ne m'étoit pas bien connue ; elle avoit affez l’air d’un morceau d'ortie marine ; cependant je jugeai que ce pouvoit étre un tout, & d'un animal plus long que ne feroit une très-petite ortie.; je la plongeaï dans un vale , & j'eus la fatisfaétion d'y reconnoître non- feulement un animal entier, mais mème un porte - iris différent de celui que j'avois découvert en 1772, & dont la figure & la defcrip- tion parurent dans les Ob/érvations fur La Phyfique, l'Hifloire Naturelle & Les Arts, tom. VI, Oétobre 1775, pag. 321 & fuiv., où il eft utile de recourir. Je regarde donc celui-ci comme un porte-iris de la feconde efpèce, & je m'explique. Tout animal qui offrira , non-feule- ment les couleurs de l'iris, mais la forme de l’arc-en-ciel , fera un PAT c'eft ce qui me fit donner ce nom au premier. Celui-ci à e même caractère générique , & a pour attributs pécifiques fa forme différente. Je préfente de nouveau ici le premier porte-iris ; fig. 3, avec le développement de fes queues ou membres , comme je viens de le découvrir, pl. II, & le fecond par la fig. 4. Celui-ci n’eft donc point formé comme le premier. C’eft une efpèce de fac arrondi par le fond & ouvert dans la partie que j'ai toujours vue précéder Fate dans les mouvemens de l'animal. Cerre efpèce de cylindre tranfparent, comme du verre blanc , eft creux & orné à l'extérieur de huit rangs de très-petits ailerons difpofés felon fa longueur , placés comme entre deux petits rubans chiffonnés d'un rouge un peu violer. Ces aïlerons, inclinés vers la partie arrondie ou poftérieure , font cependant avancer l'animal dans un fens oppofé au porte-iris de la première efpèce , & donnent aufli de très-jolis iris en arc ; il offre même quelquefois les couleurs de l'iris fur fa peau. Je n'ai pu appercevoir dans l'intérieur que quelques fibrilles très-déliées & de petits points blanchätres. L'a- nimal me parut avoir deux membranes, lune extérieure , l'autre inté- rieure , dont l'intervale eft rempli par une marière gélatineufe , fem- blable à celle des orties marines , & je crois qu’au centre du bout arrondi qui eft garni de petits membres ou poils, il pourroit y avoir 1779 DÉCEMBRE, Qgqq1 434 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, une ouverture qui communique à cette duplicature. Je foupçonne que je poutrois être trompé fur la manière de fe mouvoir de l'animal, parce qu'il étoit blefte au côté ; cependant cette bleffure n’influe ni fur la figure, ni fur la defcription. Le 24 il étoit encore vivant, mais diminuoit de groffeur comme les porte-iris de la première efpèce que j'ai gardés dans ma petite ménagerle marine. VER LONG OU INTESTIFORME: En parlant des vers à tuyau & de leurs produétions par la fec- tion (1), j'ai fait fentir qu'il nous eft intéreffant de connoître les vers marins. L'inventaire de la nature ne fera peut-être jamais complet , & la mer eft certainement la partie dans laquelle il eft le moins avan- cé, cependant, elle recelle dans les trois règnes des chofes dont la con- noiflance peut devenir très-utile ; j'y comprends même celle de nos ennemis. La terre, qui n’eft pas cultivée par un travail laborieux , produit des ronces & des épines, & une multitude d'animaux nuifibles ; la mer, quoiqu'avec le même inconvénient , offre au contraire pen- dant toute l’année une abondante récolte où l’on n’a rien femé. J'aime à me perfuader qu'un jour on reconnoîtra lutilité d’une ménagerie marine , comme je l'ai propofé (2) ; en attendant, je continuerai de préfenter aux amateurs la figure & la defcriprion de quelqu'ètre in- connu que j'aurai découvert , & vu manœuvrer pendant quelque tems dans la mienne. Il fe trouve dans les rades du Hävre un ver nud cylindrique d’envi- ron douze pieds de long, & de la groffeur d’une petite plume à écrire, pl 2, fig. 1. Je l'ai prefque toujours vu tortillé fur lui-même, gon- flanc quelques-unes de fes parties, & repréfentant aflez bien un pa- quet d'inteftins d’où j'ai tiré le nom d'inreffiforme. Ce ver eft brun, plus par le deffous qui approche d’un jaune foible & fale. On peut dire qu’en tout il eft couleur de puce : fa vère eft rrès-perite , quel- quéfois mème plus que fon corps. Je n’y ai point obfervé d'ouverture; mais elle peut être bouchée par une matière vifqueufe qui fort de ’animal lorfqu'on le coupe , & qui paroît ètre compofée en plus grande partie de globules très-déliés. J'ai vu des parties confidérables de ce ver s’alonger quatre fois plus qu’elles ne l’écoient dans lérar ordinaire ; de forte que fi l'animal s’étoit alongé par-tout en mêème- tems, ce qui ne paroït pas impoflible , il auroit eu foixante pieds de long. On fait qu'il y a des serie en comparaifon defquels notre ver marin feroit court; mais aufli il paroîc long , comparé aux vers les plus ordinaires & les mieux connus. Voyez-en la figure , je l'ai deflinée d'après nature, fg. 4 Comme je n'ai eu qu'un individu , & qu'il étoir (1) Dans ce Recueil. (2) Dans ce Recueil & en particulier, ‘ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 485 dans un mouvement continuel, le deflin a pris fur le tems que j'aurois u donner, à l'obfervation. Lorfqu’on eft prefque toujours | comme je jé fuis , le pècheur , le directeur , l’obfervateur, le deflinateur & l’hif- torien , n’a-t-on pas quelque droit à la confiance & à l'indulgence pu- blique. D CE SEL RE A MAP ON -S Sur les Moules ; Par Mademoifelle LE MASSON-LE-GOLFT. TS découverte des reproductions animales eft peut - être l’objet le plus piquant, le plus lumineux qu'ait offert, dans notre fiècle, la cul- ture des fciences. On éprouve encore l’agréable furprife que caufe celle des polypes d’eau douce par M. Tremblai , & l’admiration donc nous faifit le réfultat des expériences du Doëéteur Spalanzani fur les limaçons , les falamandres , &c. (1). Quel apperçu , quelle conviction ne fuivit pas celles de M. l'Abbé Dicquemare fur les anémones de mer & autres (2)! Le premier de ces favans a dirigé nos yeux vers Je phénomène le moins foupçonné ; le fecond en a fait voir l’éren- due ; le troifième a fixé les limites des règnes de la narure, & a ré- tabli la ligne de démarcation qui les fépare (3) , quoiqu’on s'efforçät de Leffacer depuis l’époque la plus propre à la rendre fenfble. À combien d’inutiles expériences, à cbica décrits fuperflus n’ont pas été expofées les premières reproductions annoncées par MM. Tremblay & Spalanzani! Mais les nuages fe font diflipés, & la férénité invite à obferver de nouveau. On ne me foupçonnera certainement pas de vouloir participer aux contradiétions honorables qu'ont efluyé ces hommes célèbres, encore moins à la gloire qui leur eft acquife, puifque je ne vais préfenter que des reproductions de parties fans fuites qui ont refté dans l’oubli pendant plufeurs années , & n'auroient jamais paru fans les invitations obli- geantes de MM. l'Abbé Rozier & Mongez. {x) Voyez ce qu’en a publié M. Bonnet dans ce Journal. (2) Auffi dans ce Journal & dans les Tranfaétions Philofophiques de la Société Royale de Londres. (3) Diflertation fur les Limites des Règnes de la Nature , Novembre 1776 , p. 373. Mémoire fur la Senfbilité, Avril 1778, page 318. 486 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Après quelques lectures, je defirai voir filer les moules. On permet fans doute cette curiofité À une perfonne du fexe.. En eft-il de même de celle qui fuivit ? Je ne fais fur quoi j'imaginai que fi par quelque accident une moule venoit à perdre une chofe aufi effen- tielle que ce membre , cette efpèce de languette par le moyen de la- quelle elle change de lieu , & s’ancre folidement , elle pourroit en recouvrer une nouvelle. Pour m'en affurer , je coupai cette languette à une moule de mer ; le morceau retranché conferva fon mouvement pendant 8 à 9 minutes ( c'étoir le r3 Décembre 1773 ). Une nouvelle languette reparut le 11 Mars de l'année fuivante à 9 heures du foir , & la moule fila; mais s'étant fermée jufqu'au 26 , la languette aug- menta , & reprit fa couleur naturelle. Je la vis alors filer jufqw'au 10 Mai à 7 heures un quart du foir, où je coupai la languette pour la feconde fois. Le 1$ du même mois, à 10 heures du foi, j'apperçus une feconde languette forte en couleur, mais petite. Le 26 à $ heures du matin , la moule attacha un fil, & le lendemain , à pareille heure, un fecond ; elle a refté fermée jufqu’au 7 Juin à 4 heures un quart du matin ; la languette étoit alors aufli longué , plus épaifle , & d’une couleur plus foncée qu’elle n’éroit dans fon premier état, ce qui indique une reproduction parfaite ; cependant les nouveaux fils étoient plus menus. Le 9 Août, le bout de la languette, ou la filière de la moule; far coupée; il s'eft de nouveau reproduit , & a filé. La moule mourut le 15. Le 14 Mars 1774, à 10 heures du foir, je coupai la languette d'une autre moule fur laquelle j'avois fait depuis plufieurs mois d'autres ex- périences. Le 17 Avril , à $ heures du matin, j'apperçus une nouvelle filière qui à peine pouvoir filer , tant elle étoit petite ; elle Fi deux fils, & fe referma pendant quatre jours. Le quatrième à 9 hêures & demie du foir , la languette me parut à-peu-près un tiers de la gran- deur naturelle , forma plufieurs fils , le lendemain fit la même ma- nœuvre , continua d'augmenter en longueur , & de fe colorer. Le 26 Mai, je coupai pour la feconde fois ce membre, qui reparut le 14 Juiller, mais blanc, & fans former de fils. La moule mourut le 11 Août. Je ne rapporterai pas ici les obfervations qui avoient précédé, & dont l’objet éroit le rétabliffement des coquilles brifées , ni celles de la tranfmigration des moules de mer dans leau-douce , parce que je crois qu’elles font connues ; mais j'ajouterai que dans le même rems je coupai . les cornes aux petits limaçons de mer à coquille noire & épaifle qu'on nomme au Hâvre vignots, & qu'elles ont repouifé. Il ne m'a pas été offible de leur couper la rète, tant ils font prêts à la retirer , ou béfque je l'ai fair, cette feftion éroit accompagnée d’une effufo n de fang & de circonftances qui ne m'ont pas permis de conclure, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 487 Bei Gi EN NO NT De la caufe des Vuides que l’on obferve fous les glaçons des chemins raboteux; Par M. le Doiteur GODARD. Lonsovx gèle après que les pluies ont rompu les chemins , les pas des chevaux, les ornières des voitures , les petites inégalités du terrein _offrent quantité de glaçons que l’on eft furpris de trouver appliqués fur autant de vuides , parce que l’eau qui remplifloit la veille tous ces lieux , éroic trop abondante pour s'être évaporée en une nuit, & que le fond qui la contenoit les jours antérieurs , femble devoir la retenir encore mieux , étant condenfé par le froid. Ce phénomène a piqué ma curiofité ; j'ai été renté d’en connoître la caufe , & une expérience bien fimple me l’a dévoilée. Un jour qu'il alloic geler la nuit, après avoir plu les précédens, je pratiquai dans la terre répandue fur une terrafle de plomb , diftérens enfoncemens que je remplis d’eau. Ayant levé le matin les glaçons que la gelée de la nuit avoit pro- duits fur tous les creux, je trouvai que l’eau avoit entièrement dif- paru; mais à proportion que le foleil échauffa l’atmofphère , je vis cetre _ eau y revenir, & remplir routes les excavations. La nuit fuivante , nouveaux glaçons fur les mares également vuides, & qui fe remplirent en partie, lorfque l’aftre du jour parut fur l’ho- xifon, & fe fit fentir. La caufe de ce retour de l’eau m’apprit celle de fon départ ; je com- pris que la condenfation de l'air , renfermé dans les pores de la terre, permettoit à l’atmofphère de poufler par fon poids , l’eau dans les places abandonnées , ce qui la faifoit difparoître , & que la raréfaétion de ce même air repoufloit à fon tour , ce qui la faifoit reparoître. Ce jeu rhermo-barométrique des tuyaux de la terre m'offroit la folu- tion d’une autre bifarrerie qui m'avoit fouvent furpris ; favoir, que la terre , dans les tems de gelées durables , eft sèche , poudreufe , refte telle quoique préfentée au feu, & que cependant elle devienr boueufe dès que le foleil commence à échauffer le terrein : l'abforption de l’eau dans les lits inférieurs de la terre par le froid ; fa répulfon , vers les fupérieurs par la chaleur , donnent une taifon évidente de ce phéno- mène. 488 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; Mais pour revenir aux vuides de nos glaçons, il eft à remarquer que toutes fortes de froidures ne font pas propres à les produire. Une gelée brufque & trop forte, faifit à l'inftant toute la furface de la terre, & interrompt la communication entre les deux airs né- ceffaires à la formation de ces vuides. Une gelée lente & trop foible ne pénètre pas affez la terre , pour en refferrer l'air ; ou elle ne le contraéte qu'après avoir recouvert le fabot, ou la mare , d'une manière qui arrète l’effer de l’atmofphère. Il faut donc, pour la production de notre phénomène , une gelée médiocre , d’entre quatre & huit degrés au thermomètre de M. de Réaumur, qui ne foit ni trop brufque , ni trop lente ; c’eft-à-dire, qui foit telle, qu’elle refroidiffe l'air contenu dans les pores ou tuyaux de la terre , après avoir formé , ou en formant des rayons de glace fur la furface de l’eau , & avant d’avoir fermé ou affermi les efpaces d’entre- deux. Je m'explique. Monfieur de Mairan a découvert que les élémens de la glace font des rayons écartés les uns des autres par une divergence de foixante degrés, & des cordes qui foutendent des arcs de cent vingt degrés ; par confé- quent, l'eau qui fe gèle par un froid médiocre , ne fe fige pas tout à la fois, mais elle commence par tracer des aiguilles qui laifent entre elles des intervales non-gelés, ou dont les glaces font d'autant plus min- ces , que l’eau baïfle davantage pendant la formation des aiguilles ; ce qui eft également vrai des lunules comprifes entre les cordes, & les arcs qui font partie des bords des mares en queftion : or, cela pofé, il eft évident , que fi le froid eft affez perçant , pour condenfer l'air renfermé dans les pores de la terre dans le tems quil gèle la fuperficie de l’eau contenue dans les enfoncemens , il arrivera que quelques in- tervalles des derniers gelés, quelques-unes des lunules ne fe formeront pas entièrement, ou feront bouchées par des glaçons qui n'auront pas allez de force pour foutenir le poids de l'armofphère , qui les prefle d'autant plus, que l'air intérieur fe condenfe davantage dans les tuyaux ou finuofités de la terre. Ces endroits feront donc enfoncés, & entre- tiendront une libre communication entre l’eau de deffous, la glace & l'atmofphère , le poids de laquelle pouflera cette eau dans les interf- tices de la terre jufqu’à l'entier rétabliflement de l'équilibre entre l'air intérieur & l'air extérieur. Le vuide fera parfait, fi l’eau employée à ce rétabliffemenc eft d’un moindre volume ou d’un volume égal aux places abandonnées par l'air intérieur ; il fera imparfait , fi la quantité d’eau eft plus que fuffifante , & alors il fe formera une feconde glace fous la première , s'il gèle affez fort pour cela. Cette feconde glace pourra même tapifler le fond des mares , fi le tems de fa formation coïncide avec celui de l'abforp- tion rotale de l’eau. Les SUR L’HIST: NATURELLE ET LES ARTS. #39 . Les trous de communication entre l'air externe & l'air interne font ordinairement très-fenfibles ; ce font des pièces triangulaires , empor- tées du difque de la glace, des efpèces de digitations, qui arteignent fa circonférence , des échancrures autour de fes bords; c'eft fouvent la glace elle-même , qui , à l'exception de quelques rayons, a été toute déprimée , ou qui , vu l’abaiflement trop foudain de l’eau, ne s’eft pas formée en lame, ou s’eft brifée en poudre glaciale dans fa chüte trop précipitée. Mais quelquefois il n'eff pas pofüble de découvrir les ou- vertures , cela arrive lorfque la gelée étant modérée dans fon commen- cement , la glace a eu le rems d'élargir fes rayons ou aiguilles, de retenir les efpaces qui les féparent, avant que l’eau fût afpirée , ou qu'étant devenue plus rude après cette afpirarion , elle a bourfoufflé tellement Îles rayons & les bords des mares , que toutes les fentes ont été bouchées. Cette obfervation fert à expliquer l'écoulement périodique de cer: taines fontaines qui coulent ‘ jour & tariflent la nuit : on y trouve la caufe de l’accroiflement des ruifleaux le matin, & de leur décroif- fement le foir. Elle fournit une raïfon très-naturelle des vents qui s'é- lèvent avec la fonte des neiges & les dégels fubits : elle répand aufñfi quelque jour fur la caufe des eaux de Mars & des bourafques d’au- tomne. L'air fortant de la terre , & y rentrant , eft aflurément l'agent principal de tous ces effets. De ALES RATES Leg à D De M. DE LATOURRETTE , aux Auteurs de ce Journal, concernant les Obfèrvations de M. Sage fur la mine rouge de Cuivre. V ous avez publié, Meflieurs, dans votre Journal du mois d'Aoûct dernier , des Obfervations de M. Sage , auxquelles a donné lieu la dé- couverte que je fis au mois de Novembre 1777, de plufeurs pro- ductions inréreffantes que préfentoit., dans fes caflures, le fragment antique d’une jambe de cheval, en cuivre doré, qu'on venoit de trou- ver à Lyon, & qu'avoit acquis M. Rigod de Terrebale, Les Obfervarions de M. Sage deviennent une démonftration de fa théorie & de celle de MM. Cronfted & de l'Ifle, fur la formation de la mine rouge de cuivre, par la décompofition de ce métal. Mais il s’eft gliTé uné erreur de fait, involontaire, dans la narration de M. Sage. Je crois devoir la relever, parce qu’elle peut tirer à corféquence, fi l'on Tome XIV. Part. IL. 1779. DÉCEMBRE. Rrer 499 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, veut chercher à reconnoître la manière d'opérer, que fuit ici la natute ; & les agens qu’elle emploie dans fon procédé. Il paroît par fon récit, 1°. qu'il a vu de la chaux rouge de cuivre, fous ñ patine , formée à la furface des fragmens d’une jambe de cheval , de cuivre doré, trouvée dans la Saone , à Lyon ; en 1766 ; & des cryf- taux rouges de cuivre, qui tapifloienc les cavités de ces fragmens; 2°. qu'il a obfervé de pareils cryftaux , dans les fragmens d’une autre jambe de cheval , de mème métal , trouvée à Lyon, en 1777. Il yaeu, en effet, deux morceaux antiques & confidérables , deux fragmens de jambe de cheval , en cuivre , l’une de grandeur naturelle, l’autre de taille héroïque, trouvées dans certe Ville , aux époques ci-deflus, mais je n'ai envoyé, à M. Sage, & il n’a été dans le cas d’examiner , que les fragmens de la feconde. La première , qui m'appartenoit & que j'ai donnée, depuis à notre Académie, pour être jointe aux autres partiés du monument, fi jamais on le découvre, n’a pojnt été dorée, & jen’en ai détaché, ni laïffé détacher aucun fragment. Elle eft, à la vérité, recouverte d’une parine très-fine ; mais on ne découvre, dans l'épailleur du cuivre, aucune apparence d’altération, aucune dé- compofirion ; le plomb, dont le cuivre eft intérieurement revêtu , mon- tre à peine quelques veftiges de cérufe à fa furface, Tous les fragmens que M. Sage a pu examiner, ont été certainement féparés de la jambe trouvée au mois de Novembre 1777. Je rendis compte, peu de tems après, à notre Académie, de cette découverte & des diverfes produétions accidentelles , telles que le bleu & le verd de montagne, la malachite, les fleurs de cuivre, la chaux rouge, les cryftaux rouges & blancs, &c. que j'avois reconnus fous la dorure altérée ou dans les cavités qui fe font formées dans l'épaiffeur du cuivte depuis le jet en fonte ; c’eft ce qui paroît par mon rapport du 25 du même mois , qui eft tombé entre vos mains, Meflieurs, & dont vous avez donné un extrait dans la note jointe au mémoire de M. Sage. Ce fut à la même époque, que je crus devoir en adreffer quelques fragmens à ce célèbre Académicien , en forme d'hommage, & comme venant particuliérement à l'appui de fa rhéorie; ce quil eut la bonté de confirmer dans fa réponfe. Mais, je le répète, ces morceaux & ceux qu'il peut avoir eu d’ailleurs , proviennent uniquement de cette jambe de cuivre trouvée en 1777, qui eft dorée, comme il le dit. J'infifte fur ce fait, parce que l’autre jambe fut prife dans la Saone, plongée dans l’eau au milieu d’un tas de pierres depuis un tems immé- morial; & que la feconde, très-antique également, a été découverte, très-loin de-là , enfouie dans laterre , à Eldiate pieds de profondeur ; ce qui met le Phyficien fur la voie de la nature , & facilite l'explication qu'on SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 491 a donner de la décompofition du cuivre, & des nouvelles com- inaifons qu'il a éprouvées ; décompofitions & combinailons , qui vrai- femblablement ne pourroient pas avoir lieu fur du cuivre plongé dans l'eau, & dans un eau courante ; quoique l’eau, foit fans doute, un des agens qui y coopére dans le fein de la terre, J'ai l'honneur d’être, &c. &c. 1 RE AO RSS SR 5 De M. le Baron de Servières , à ? Auteur du Journal de Phyfique, con- tenant la véritable recerte du Vernis Anglois , pour les ouvrages de Cuivre. Q uAnD vous publiâtes, Monfieur , (1) une recette & la manière d'employer le vernis jaune Anglois pour les ouvrages de cuivre, vous priâres ceux qui pourroient avoir la véritable recette des Anglois, qui en font un fecret , de vous la communiquer. Aujourd’hui je me trouve en état de vous fatisfaire à cet égard & de fervir utilement le public. La recette que je vais vous donner, je la tiens d’un de mes amis, homme d’un rare mérite, qui, par modeltie, ne veut pas ètre nommé. Il a eu cette recette à Londres, & l’a donnée, à Vienne en Autriche , àun Horlo- ger François qui s’en eft fervi utilement, & l’a employée pour boîtes de pendule, Voici cette recette. Gomme laque, . . .: . 2 onces. Karabé, fuccin ou ambre jaune, 2#onces, € Sang-de-dragon en larmes , 40 grains. Matra ht tt ral Proros. Efprit-de-vin reétiñié, . . 40 onces, Faites infufer & digérer le tout à la manière ordinaire; puis paffez- le par un linge. Lorfqu'on veut employer ce vernis, il faut faire chauffer la pièce, avant de l'appliquer deflus. Par ce moyen elle prend une couleur d’or qu'on nettoye, quand elle eft- fale , avec un peu d’eau tiède. (x) Voyez Tome III, de ce Recucil , pag. 62 & 237. Ko 1779 DÉCEMBRE, Rrtri2 #2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Re — À R A PP TOMR'SE De Miffieurs les Commiffaires nommés par la Faculié de Médecine de Paris, fur les Cafferoles du fieur Douce, Fondeur Artifle de la Ville de l’Aigle en Normandie. LE 2 Août dernier, MM. Bertrand , Darcet, Sallin, de Villiers, Alphonfe le Roy, & de la Planche , ont rendu compte des expériences qu'ils ont faites avec les cafferoles du fieur Doucet , Fondeur à l’'Aïgle. Comme ces cafferoles & les autres uftenfiles que le fieur Doucet propofe pour l’ufage de la cuifine , font principalement compofés de zinc , que plufeurs perfonnes regardent encore aujourd’hui comme dangereux , l'at- tention des Commiffaires s’eft fixée fpécialement fur les altérations que ce demi-métal recoit de l’action des acides, & des fubftances aigres que l’on emploie dans la préparation des alimens. Toutes ces fubftances ont été effayées tour-à-tour, & il eft demeuré pour conftant , que toutes féjour- nant quelque remps fur le zinc, en corrodoient ou diflolvoient une par- tie, que l'on a reconnue & traitée par comparaifon avec-de la chaux ou du fel acéreux de ce demi-métal. Pour eftimer fi cetre chaux ou ce fel pris même à une dofe plus forte que n’en peut contenir l'aliment pré- paré avec les acides les plus forts , mais cependant ufités en cuifine, ont ne s’eft pas concenté de nourrir pendant 4e jours quatre animaux , deux lapins , une chienne & fon petit, avec leurs alimens ordinaires , dans lefquels on mêloit chaque ar une quantité confidérable, tantôt du fel obtenu du vinaigre faturé de l’alliage du fieur Doucet, tantôt de la rouille qui s’étoit formée aux furfaces des cafleroles, tantôt du fel acé- teux du zinc; mais M. de la Planche, l’un des commiflaires , après avoir mangé des alimens préparés dans les cafléroles du fieur Doucet, à pris encore, à des dofes graduces , pendant onze jours, fix gros de vinaigre bien faruré de cer alliage, & ces fix gros fourniffent un gros de matière faline : cette quantité eft fi confidérable, que quand on prépareroit en onze jours onze fauces piquantes avec des acides, il feroit prefqu'im- pofible que celui qui les mangeroit toutes en prit autant. M. dela Plan- che n’en a éprouvé aucun dérangement dans fa fanté, ni même aucun effet fenfible. Le feul défagrément a été dans la faveur âpre, ftyprique & nauféabonde qu'a ce vinaigre , & le fel de zinc, étendu même dans de l'eau fraîche. Les quatre animaux non-feulement fe font bien por- tés , mais ont pris de la force & de l'embonpoint. Ces expériences ont SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4; pue la Faculté devoir raffurer contre les craintes que pouvoit infpirer a petite portion de chaux ou de fel de zinc dont quelques alimens fe chargent dans l’'alliage du fieur Doucer. Auffi la Faculté à prononcé que les cafferoles faites de cet alliage n'étoient point préjudiciables à la fanté des Citoyens. EE —— NOUVELLES LITTÉRAIRES. N ous n'avons parlé que très - fuccinétement d’un établiffement qui donne en France , comme au centre de l’Europe , aux hommes de tous les pays, un agent gratuit pour tous les objets relatifs aux Sciences & aux Arts. Nous avons attendu, pout en publier le Plan, que fa confiftance fût prife.. Il eft tems d’inftruire le Public des détails de tous les avantages qu'il trouve dans cette inftitution , qui crée M. de la Blancherie, fon Auteur , Agent-Géneral de Correfpondance pour les Sciences & les Arts. La Correfpondance-Générale fur les Sciences © les Aris eft compolée de deux parties. La première eft l’4ffémblée ordinaire des Savans & des Artifles. La deuxième eft l'Ouvrage Périodique ayant pour titre: Nouvelles de la République des Lertres & des Arts. L’Aflemblée a trois objets , le premier de fervir de rendez-vous , de point de réunion & de communication à tous'les Savans, les Gens de Lettres, les Artiftes, les Amateurs & les Voyageurs Nationaux ou Etrangers qui fe trouvent dans cette Capitale. | Le fecond , de réunir fous les yeux les livres , les tableaux , les pièces de méchanique , les morceaux d’hiftoire naturelle, les modèles de fculp- ture, & enfin toutes fortes d'Ouvrages , anciens ou modernes, dont on voudra faire connoître ou apprendre promptrement l’exiftence, la valeur ou l’Auteur. ; Le troifième enfin, de procurer les moyens d'étendre une correfpon- dance & des relations dans toutes les parties du monde & fur vous les objets des Sciences & des Arts. Rendez-vous. Le rendez-vous a lieu chez M. de la Blancherie le Mercredi de cha- que femaine. Lorfque le Mercredi eft fère , le ‘rendez-vous eft remis au lendemain, 494 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Le but de l’Aflemblée indique affez quelles font les perfonnes qui doivent la fréquenter: tous les hommes connus, par leur rang, leurs dignités & par la profeflion publique des Sciences & des Arts. Nul autre n'eit reçu Sil n’elt préfenté par des perfonnes ci - deflus défignées ou annoncé par une lettre de leur main dont il eft porteur. Les Etrangers & les Voyageurs ne font admis qu’autant qu'ils font revètus d’un caraétère public , ou préfentés, ou annoncés de la manière qui vient d'être défignée ( 1 ). On annonce dans le bulletin des Affembiées, dontil fera parlé ci-après, les Savans, les Gens de Lettres & les Artiftes Etrangers fèulemenr, qui font venus au rendez - vous, après avoir pris fur cela leur confentement. L'avis qui eft donné ainfi de leur féjour dans cette Capitale a produit des effets uriles. Expofirion. Le même jour , (le mercredi) depuis huit heures jufqu'à midi, les Arriftes ou les Particuliers qui ont un intérêt quelconque à mettre fous les yeux de l'Affemblé des Ouvrages en différens genres, foit qu'ils en foient Auteurs où Propriétaires feulement, foir pour en faire jouir le Public, foit pour s'en procurer le débit , peuvent difpofer des falles deflinées à cet ufage pour les y placer d’une manière avantageufe. On n'y reçoit que des livres approuvés , & en fait de Peinture & de Sculpture que des Ouvrages de la plus grande décence. Comme les femmes ne font point admifes au rendez-vous, elles font reçues depuis midi jufqu'à trois heures; elles ontce rems qui a été demandé par des Dames de la plus haute confidération, pour fatisfaire leur curiolité à l'occafion des objets expofés, que leur réunion & leur utilité rendent également intéreflans pour elles. Le Muficien qui veut faire connoître fes talens pour un inftrument eft admis pour en jouer foir & matin. On peut de mème y répéter une expérience quelconque de Phyfique, par exemple, fur laquelle on defire avoir l'avis de plufieurs Phyficiens. Moyens de Correfpondance. L'Agent-Général de correfpondance pour les Sciences & les Arts eft ————————" "NN (+) L’Agent général de correfpondance , ne fe charge de faire aucune recommanda- tion en faveur de qui que ce foit , s'il ne lui eft connu ou préfenté de la même manière. Îl ne néglige rien pour faciliter aux Savans, Artiftes & Amateurs diftingués , les moyens de voyager facilement & agréablement foit en France, foit dans les pays étrangers. MM. les Officiers Municipaux des Villes de France ou des pays étrangers, qui lui adreffent des füjets afin d'être placés de manière à acquérir ou perfectionner Jeurs talents, doivent avoir foin qu'ils foient porteurs de Certificats de bonne mœurs. NET PT ee OR CP ne SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ‘495 donc aux ordres de tous les Gens de Lettres, Artiftes, Amateurs Natio- naux & Etrangers qui s’adreffent à lui pour prendre des renfeignemens relatifs à leurs travaux ou à leurs goûts , ou pour connoître des perfonnes qui Les intéreffent. Ainfi, il leur eft utile, foit qu'ils voyagent, foit qu'ils reftent dans les lieux de leur réfidence ordinaire. IL remplit les mêmes devoirs envers toutes les Compagnies Litréraires , & il eft d’autant plus en état de fubvenir aux obligations qui font énoncées ci-deflus , que par les fervices qu’il rend à chaque particulier , il acquiert le droit de lui en demander , ayant foin, fur-tout, de ne faire jamais acquicer les fiens. Et c’eft pour l’indemnifer des dépenfes que toutes les parties de cet établif- fement entraînent, qu’eft propofée la foufcription de la feuille hebdoma- daire dont il va être queftion & dont le produit lui eft attribué. On fenc de quelle reffource eft à l’Agent - Général de Correfpondance un point de réunion qui le met à même de faire une infinité de connoiflances propres à étendre , entretenir, protéger & aflurer fes relations , &c. &c. Nouvelles de la République des Lertres & des Arts. Les Nouvelles de la République des Lettres paroïffent fous le format in-4%. quelques jours après chaque Affemblée. Elles offrent d’abord la notice des différens Ouvrages qui viennent d’être publiés, ou qui font fur le point de l'être dans les différentes parties du monde ; des découvertes intéreffantes pour les Arts; des jugemens des Académies fur ces décou- vertes ; des féances de ces mêmes Académies , les Anecdotes fur la vie des Savans & des Artiftes , &c. ‘ La feuille eft terminée par un réfumé de tous Les objets qui doivent ètre expofés à l'Affemblée. L'objet de ces nouvelles n’eft point de faire aucune efpèce de critique des objets qui y font annoncés , l'unique but eft d’inftruire les Savans , les Gens de Lettres, les Artiftes & les Amateurs du fujet des Ouvrages prêts à paroître de l’époque de leur publication , & de l’impreflion qu'ils ont faite dans les différentes Nations; enforte qu'il eft parlé de ces Ouvrages à trois différentes époques fans qu'il foit porté jamais aucun jugement perfonnel , genre de plan qui rend la partialité impofñhble. On porte la précaution plus loin : chaque notice pafle d’abord fous les yeux du Miniftre de la Nation d’où elle eft parvenue , afin de prévenir tout ce qui pourroit bleffer les vues du Gouvernement qu'il repréfente, & avant d’être inférée dans les nouvelles , elle eft revue par la partie Littéraire, par trois Savans ou Artiftes du genre qu’elle annonce. Toutes perfonnes qui, ayant des correfpondances, fur-tout dans les pas étrangers, en font pafler habituellement des détails utiles à "Ouvrage , reçoivent un exemplaire , gratis , & font nommées fi elles le permettent, 496 OBSERVATIONS,SUR LA PHYSIQUE, Le prix de la foufcription eft de 34 liv. pour Paris & 30/liv. jufqu'aux frontières. On s’abonne tous les jours au Bureau de la Correfpondance , | rue de Tournon, maifon neuve. Les paquets (1 } & envois doivent tous être francs de port & à l’adreffe de M. de la Plancherie, Agent-Général de Correfpondance , &c., rue de Tournon , on luiécrit en François , en Allemand , en Anglois, en Efpagnol & en Italien. Le Roi 6 la Keine, Monfear, Mor le Comte d Artois , Madame, Madame la Comteffe d'Arsois & Madame , fœur du Roi ; ont daigné auto- “nifer & encourager cet établiffement en prenant chacun plufeurs foufcriprions. Des Miniftres & une grande partie de la Cour ont imité cet exemple. Un grand nombre de Ciroyens de cette Capitale ne fe font pas moins empreffés à applaudir à ces vues & en faaliter l'exécution. Les Attiftes même de toutes les clafles,ont concouru avec le plus grand défintéreflement à la difpofition & à l’ornement des lieux deftinés aux Affemblees. Il eft certain que cette entreprife, aufli utile aux Etrangers qu'aux François , continuera d’avoir les mêmes fuccès, Il eft à defirer que les Cours Etrangères , à l'exemple de la Famille Royale de France, y con- tribuent par leurs foufcriprions ; c’eft ainfi que les Savans & les ‘Artiftes recevroient une récompenfe flatteufe de leurs travaux , étant aflurés que | leurs Ouvrages étant annoncés dans les Nouvelles , auroient fur-le-champ pour Juges les hommes les plus faits pour les connoître & les :4 protéger. La reprife des Affemblées , après les vacances d'automne, a eu lieu à -la maifon neuve, rue de Tournon , le 24 Novembre. Extrait des Regifires de l'Académie Royale des Sciences du 20 Mai 1778. L’AcADÉMIE nous ayant nommés M. Franklin, M. le Roy , M. le Marquis de Condorcet & moi, pour lui rendre compte du projer de M. de la Blancherie , pour une correfpondance générale fur les Sciences, la Lirrérature & les Arts, & la vie des Gens de Lettres & des Artiftes de tous les pays, dont les détails doivent ètre dorénavant publiés tous les huit jours fous le titre de Nouvelles de la République des Lettres & di des Arts; nous avons pris une connoiïffance plus détaillée du Plan qu'il a ( formé & des mouveinens d'exécution qu'il s’eft procurés; nous avons aflifté à fes Affemblées hebdomadaires , nous y avons vu des Savans , des Artiftes (x) Les perlonnes qui auront à envoyer des Provinces , ou des pays étrangers, des Tableaux , Machines utiles où curieufes , ou autres ouvrages des Arts pour être expofés , voudront bien les adreffer à quelqu'un de confiance , chargé de les recevoir, d'en répondre & d'en acquitter tous les frais. & SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 497 8 des Amateurs de prefque toutes les parties de l'Europe , nous avons vu dans fes Resgiftres une correfpondance qu'il wa pu former qu'avec beaucoup de tems & de peines , & nous avons été témoins d’une activité & d'un zèle qui font très-rares & qui ne peuvent être que crès-uriles au progrès des Sciences & des Arts. Cette Aflemblée, ouverte tous les mercredis à tous les Voyageurs diftingués , à rous les Savans, les Gens de Lettres, les Arriftes & les Amateurs dignes delce nom, préfente un point de réunion & de communication qui eft intéreflant. Les uns y crouvent les moyens de tirer de leurs voyages, foit à Paris & en France, foit dans les autres pays où M. de la Blancherie établit des correfpon- dances, toute l'utilité & tout l'agrément qu'ils peuvent defirer, Les autres ont l'avantage d'étendre leurs connoiffances fur l’érat des Sciences & des Arts dans les pays étrangers foit par les Voyageurs avec lefquels ils fe rencontrent , foit par les relations de M. de la Blancherie , tandis que les Ouvrages en différens genres , tant de France que des pays étrangers È expofés fucceflivement fous les yeux de l’'Affemblée, donnent lieu à des difcuffions également profitables en même - tems qu'ils fatisfont la curiofité. On doit rendre cette juftice à M. de la Blancherie, que devenant, felon fon Plan, l’'Agent-Général des Savans, des Gens de Lettres , des Artiftes & des Etrangers diftingués , il a déjà eu plufeurs occafons de mériter leur reconnoiffance. Plus il fera encouragé , plus il deviendra utile , foit aux François, foit aux Etrangers, à qui 1l veut épargner les embarras d’une correfpondance à laquelle Beaucoup de Gens de Lettres font très-peu propres, qui fatigue beaucoup lesautres, & qui leur fait perdre beaucoup de tems faute d’avoir à leur portée les moyens, les relations & les be que M. de la Blancherie a fu fe procurer. On ne fauroit trop favorifer les correfpon- dances qui font un des grands moyens d'accélérer les progrès des con= ñoiffances humaines; en conféquence, nous croyons que le projet de M. de la Blancherie mérite d'être encouragé , & que l'Académie ne pourra voir qu'avec plaifir le fuccès de cet établiffement. FarT à Paris, dans l’Aflemblée de l’Académie Royale des Sciences, le 20 Mai 1778. - Signé Fraxku , le Roy , le Marquis ne Connorcer, de la LANDE. Je certifie le préfent Extrait conforme à l'Original & au jugement de l'Académie, À Paris le 20 Mai 1778. Signé, le Marquis De Coxporcer. Tome XIV, Part. II. 1779. DÉCEMBRE. Sff 498 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Du Déplacement des Mers:, grand'in-8°., 88 pages, Genève , avec figures , ainfi que tous les cahiers fuivans. On donne dans ce petir Mémoire les caufes qui élèvent ou abaïffent le niveau fur les pod régions des mers, En forte qu'indépendamment des faits qui conftatent ces révolutions , on peut les déduire 4 priori des loix primitives avec l'évidence réfervée aux vérités mathématiques. D'abord , on établit un principe, que la pofition du centre de gravité, déterminée par celle de routes les parties du globe, détermine lui-même la fituarion du niveau. ( Pour plus grandé clarté on n'a en vue , dans les premiers Chapitres, que les globes homogènes ). Quelle. que puifle devenir la fituation du centre, tous ces points, d’un même niveau, en feront également éloignés. Le centre ne peut donc bouger fans que les parties du globe s'efforcent de fe tranfporter à mefure. Mais les partiés folides étant immobiles, c’eft aux feuls fluides à marquer fes variations par leur afcenfion & leur abaïflemenr. Toute caufe qui ôrera à un hémifphère quelque portion de fa fubftance, rompra néceflairement l'équilibre général. Le centre, moins attiré vers cet hémifphère, defcendra vers | hémifphère oppolé. Le niveau & les mers baron donc fur le prémier pour s'élever d’autant.fur l’autre, Or , des pluies emportent tous les ans dans la mer une certaine quantité de terte qui y déplace un volume d’eau égal au fien. Cette eau déplacée , s'étend fur l'Océan en forme de lame fphérique ; très-mince ; elle manque à fon hémifphère primitif qui ; attirant moins le centre, le kiffe defcendre jufqu'au point de l'équilibre. : Si les mers éroient antipodes à des mers égales, femblables , & fer blablement difpofées , les pluies ne déplaceroient point le centre, parce qu’elles agiroient également par-tout, & 1l y auroit compenfarion. Mais les pluies ne pouvant déblayer la mer , déplaceront lé centre fi elle a des terres pour antipodés. : L’Auteur rapporte une évaluationpar laquelle on pourroit établir, que les pays du Rhône baiffent d’un pouce par fiècle, toute compenfation faire, évaluation quil ne garantit point , mais qui indique les élémens de ce calcul. Deuxième caufe. Les parties les plus folides de h rerre font expofées à l'influence des menftrues aériens qui diminuent toujours la malle des corps, qüoïque d’une quantité imperceptible, Ce que l'évaporation ôte aux folides fe difperfe dans l’atmofphère, & retombe en partie dans la mer. C’eft une perte pour leur ancien local , qui, attirant. d'autant moins le centre , le laifle defcendre vers l'hémifphère anripode. Troilième caufe. La mer eft le dépôt d’une infinité de coquillages , de madrépores , qui s’y entaflent , augmentent la mañle de leur hémifphère de tout l'excès de leur denfité fur celle de l'eau , & attirent d'autant plus SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 499 le centre vers eux. Plus un hémifphèrea de mers, plus il fait des acquifi- tions femblables , ce qui élève à mefure les mers au-deflus de lui. On ne fait prefque point d'attention aux dépôts de l'organifation terreftre qui s'évaporent aflez vite, tandis que ceux des mers fubfifient pendant une durée comme infinie. Ces trois caufes concourent à éloigner de l’hémifphère terreftre le centre de gravité pour le rapprocher de l'hémifphère aquéux. Quelques foibles qu’elles paroiffent , elles font unies & ont un effer étonnant au bout de plufieurs fiècles. Quatrième caufe. L'Océan pénètre dans des pays plus bas que fon niveau. L'eau qui les remplit eft un sjouté à la maife de leur hémifphère. Le centre monte vers lui, & la furface des mers voifines monte d'au- tant. En formant ainfi la Méditerranée , l'Océan fubmergea l’Atlantide, qui fe trouva plus bafle que fon niveau. Il ne refte aujourd’hui au-deflus de ces mers que les fommets des anciennes montagnes. Certains amas d’eau s'épuifent après avoir rompu leur digue, C’eft une perte pour leur hémifphère , & le niveau baille, d Cinquième caufe. Le mouvement diurne renfle les mers équinoxiales en baiflant les mers Polaires. Mais le frottement de l'air libre ralentit toujours ce mouvement , & rapproche toujours de la forme fphérique la figure ellipfoïdique que la planète tient de la rotation. Les terres Equi- noxiales gagnent en hauteur, tandis que la mer, en s’élevant fur les poles , les abaille. Aufli les montagnes de ces climats noéturnes font- elles en général très-inférieures à celles de la Torride. Les îles fe multi- plient entre les tropiques, & s'érendent en fortant des mers, tandis que celles des régions polaires fubmergent en s’élevant les îles qui sy trouvent. ' L’Aureur ne s'arrête point aux obfervations, aux relations, la plupart contradiétoires ; 1l confidère ces cinq caufes d’une manière purement abftraite & géométrique. M. de Sauflure, Profeffeur de Philofophie à Genève, fait imprimér à fon infu un recueil d’obfervations qu'il a faites lui - même, elles ne feront donc point fufpectes; elles feront l'édifice dont l’Auteur conftruit l'échaffaudage. L'Ouvrage de M. de Sauffure eft immenfe. L’Auteur fe propofe de donner d’autres combinaifons purement théo- riques & également démontrées pe l’Aftronomie Phyfique. 11 fe promet de ne rien donner au Public qui foit venu à fa connoiflance. Il ne vouloit as fe nommér , mais on lui à fait voir que c’étoit inévitable. Il publiera tous les mois au moins un volume pareil à celui qu'on érable ici. Le prix fera de 30 livres de France, franc de port. On s'adrefféra dans chaque ville aux principaux Libraires , qui recevront les avances qu'ils voudront faire pôur un cahier , pour plufñeurs, pour tous. On s'adreffera fi l’on veut à l&i-mêème, (M. Ducarla) à Genève, 1779 DÉCEMBRE, Sfl2 $°0 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, M. Ducarla fe flatte d’avoir fourni cette carrière dans moins de deux ans. Il eft vrai que fa matière femble fe multiplier en la travaillant. Mais il croit être afluré de ne pas fournir plus de trente-fix Mémoires. Quoiqu'ils roulent tous fur l’'Hiftoire Naturelle du monde, chacun fe fuffira {ERA Ils fe prèteront un appui mutuel fans avoir befoin de s'entrexpliquer. Il a fait tous fes efforts pour les mettre à portée du commun des Gens de Lettres ; peu de Géométrie, prefque point d’AI- gèbre, & toujours des principes purement élémentaires. Dans le fecond cahier il s'agira des Comèrtes. Hifloire Générale & Economique des trois Règnes de la Nature. : PR OSP.EC T US. Rien n’eft plus intére{fant à l'homme que de connoître les productions de la naturé; mais à quoi peut lui fervir cette connoiflance, s'il ignore les avantages qu'il en peut retirer pour fes befoins ? Les Naturahites , les Botaniftes nous donnent journellement des nomenclatures, des defcriprions, des fyftèmes , &il ne s'en trouve prefque aucun qui iraite des différents êtres qui nous environnent. Connoître un minéral, une plante , un animal, ne fuffe pas, il faut encore en approfondir les propriétés: c'eft ce qui a engagé l’Auteur à graiter dans, cet Ouvrage l'Hiftoire Naturelle d’une façon économique. Il la divife en trois parties qui répondent au règne animal, au végétal, & au minéral. La première partie eft fubdivifée en deux traités : le premier eft deftiné à l'homme. On l'y confidère dans l'état de fanté & dans celui de maladie ; on y donne fuccinétement fa defcription anatomique; on y explique l'ufigé phyfique de fes fonétions , le iméchanifme des dif férentes parties qui le conftituent, lorfqu’il.eft en fanté ; on fait enfuite un ex of très-détaillé des alimens qui lui fonc plus favorables: on pale de-R au dérangement de cer individu fi admirable; on traite en conféquence de routes les différentes maladies humaines ; on en donne les caufes, les fymprômes, les diagnoftics, les ptognoltics & les diffé- rens traitemens; on joint à chaque maladie plufieurs obfervations de prätique; on rermine enfin ce premier traité par l'indication des remèdes qu'on peut tirer de l’homme, tant avant qu'après fa mort, pour la guérifon de fes femblables. Le fecond traité comprend les animaux. Il traite des quadrupèdes , des oifeaux, des amphibies, des poiflons, des infeëtes , des vermif- fesux. Dans/chaque article! on. commence par donner une defcription générique. &, anatomique de chaque animal; on en décrit enfuie les efpèces; on en rapporte les différens noms, tant triviaux que. fcien- tifiques ; on indique les alimens qui leur conviennent, on fait cou: | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. oi noître leurs mœurs , leur caractère, la méthode de les élever & de les traiter dans leurs maladies, lorfqu'ils font de la nature des animaux domeftiques ; & quand ils font fauvages, les différentes façons de les attrapper : on fait aufli mention des animaux qui leur font ennemis , & de la manière dont ils fe défendent les uns contre les autres; on expofe en outre les différens avantages que chacun d’eux pent nous procurer, foit pour: les alimens, les médicamens, foir pour les arts & l’économie champètre ; enfin , on y fait mention des différentes chaffes & pêches pratiquées chez les divers Peuples de la Terre. La feconde partie concerne les végétaux. On y donne l’énumération de toutes les plantes, rangées fuivant Îe fyftème de M. le Chevalier de Linné. On n'y traitera que de ce qui fe trouvera omis dans l'Hifloire Univerfelle du Règne Végétal, qui fe publie actuellement, & dont le treizième volume de difcours eft fur le point de paroître , avec douze cents planches gravées. Cette feconde partie en fera en quelque façon le fupplément; on y.reétifiera les erreurs dans lefquelles on aura pu tomber. La troifième partie a pour objet les minéraux: elle eft fubdivifée, de mème que la première, en deux traités, dont le premier comprend uniquement les minéraux. On y donne la defcrip- tion de chaque mine, foffile, Auor, cryftallifation , fable , terre, cail- lou. On en rapporte l’analyfe chymique; on y expofe la manière d’ex- ploiter les mines, la pratique la plus accréditée dans la fonte des miné- raux; on explique leur .ufage dans la matière Médicale, dans les Arts, & pour la Société civile; on indique en outre les différens endroits de la Terre où on les trouve. Le fecond traité eft deftiné à l'Hydrologie ou à la recherche des fontaines minérales. On en examine la nature , les endroits où elles fe trouvent, leurs principes chymiques, leurs propriétés dans la Mé- decine ,' la manière d’en faire ufage comme médicamens. L’Aureur étend fes recherches à routes les fources connues de l'Univers. Par cet expofé on peut fe convaincre que cette Hifloire Générale & Economique des trois Règnes fera la plus complete & la plus étendue qui ait jamais paru. On y trouvera raflemblé par ordre & par choix tout ce qui fe trouve épars dans les différens Ouvrage de M. Buc’noz, avec des additions infinies. Les différentes planches que M. Buc’noz ublie depuis ctrès-long-tems, poutront concourir à l’ornement & à finance de cer Ouvrage, fans néanmoins en être une dépendance néceffaire. On ne peut déterminer le nombre de volumes que renfermera cette Hiftoire Naturelle & Economique. On la diftribue par cahiers de 10 feuilles chacun, foit in-folio, foit ë7-82,, à la volonté des Soufcripteurt. H faudra 200 feuilles pour former le premier volume iz-fo/io) & pareille quantité pour les cinq premiers PA er in-8°. Le prix pour la fouf- soz OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, cription du volume /#-folio ou des cinq volumes i7-8°. , fera de 48 livres franc de port à Paris & par route la France, qu'on paiera en recevant les quatre premiers cahiers qui paroiffent aétuellement. Le dernier volume in-folio ne fe paiera que 14 liv., ainfi & de même que les cinq derniers volumes ir-8°., auli franc de port. On ne délivrera de ces cahiers qu'aux feuls Soufcripteurs. Ceux qui n'auront pas foufcrit , ne pourront acquérir l'Ouvrage qu'après qu'il fera fini, & à un plus haut prix, Colleition de Planches enluminées & non enluminées, repréfentant au naturel ce qui fe trouve de plus intéreffant 6 de plus curieux parmi les animaux, les végétaux 6 les minéraux , pour fervir à l'intelligence de l'Hifloire Générale & Economique des trois Rèones de la Nature, Cette Colleétion qui à commencé à paroître au mois de Janvier 1775, par cahiers, de trois mois en trois mois, en renferme aétuel- lement feize, qui ont mérité l'approbation des Curieux. Le premier, le quatrième, le feprième, le dixième de la première Centurie, & le premier & le quatrième de la feconde, repréfentent des animaux; le #econd, le cinquième & le huitième de la première Centurie, de mème que le fecond & le troifième cahiers de la feconde, des végé- taux ; & le troifième, le fixième, le neuvième de la première Cen- turie, le troifième & le fixième de la feconde, des minéraux. Dans le cahier des animaux, on y entremèle des quadrupèdes , des oifeaux, des œufs, des infectes, des poiflons , des ferpens , des coquillages, des madrepores. Les cahiers deftinés aux végétaux ne repréfentent que les plantes botaniques & médicinales de la Chine, de forte que ces cahiers réunis à ceux dont nous parlerons ci-après, formeront la plus belle Colleétion que l’on puille avoir en Europe du Règne Végétal de cet Empire. Les cahiers des minéraux offriront tour-à-tour des mines & des foffiles. Chaque cahier comprend 22 feuilles, dont une de titre, une d'explication, dix enluminées & dix qui ne le font pas, toutes tirées fur papier au nom de Jéfus, & brochées en papier bleu. Le prix de chaque cahier eft de 30 livres; la Collection qui en paroît actuellement fe monte à 480 liv. Cet Ouvrage fe diftribue par parties pour en faciliter l’acquificion aux’ Amateurs. On peut rrès-bien le qualifier de Glanures d’Hiffoire Naturelle, Colleétion précieufe & enluminée des fleurs Les plus belles & les plus curieufes qui fe cultivent, tant dans les Jardins de la Chine, que dans ceux de l'Europe, pour fervir à l'intelligence de P'Hifloire Générale & Economique des trois Règnes. ù Cet Ouvrage, un des plus précieux qui paroïflent dans ce fiècle, réunit en même tems cout le mérite de la nouveauté. Il peut être de SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS 5oz la plus grande utilité aux Naturaliftes, aux Peintres, aux Deflinateurs » aux Directeurs de mariufaétures en porcelaines, en fayance, en éroffes de foie, de laine, de coton, en papiers peints, & aux autres Artiftes. La plupart des fleurs de la Chine dont on a publié jufqu'à préfent les déflins peints, éroient fuppofées. Celles-ci ont l'avantage, d’être peintes d'après nature ; & font entièrement conformes à celles qu’on cultive dans les Jardins de Pékin: on en peut même juger par quel- ques plantes qui fe trouvent dans ce Recueil, & qu'on elt parvenu à naturalifer depuis quelque tems dans la France. On diftribue cer Ouvrage par cahiers. Chaque cahier eft de dix feuilles , excepté le premier & le onzième qui en ont onze à caufe des titres, & eft tiré en papier d’'Hollande. On ne néglige ni les foins ni la dépenfe pour colorier ces fleurs. La première partie de ce Recueil & les cinq premiers cahiers du fecond paroiffent actuellement au nombre de quinze. Le prix de chaque cahier eft de 24 livres. Ce qui en paroît coûre par conféquent 360 livres. Hifloire Naturelle de la France, reprèfentée en gravures , rañgée Juivanr L fyfléme de Linnœus & divifée par parties, pour fervir à l'Hifloire Gené- hALX c AAA A 72 rle G& Economique des trois Kegnes. Depuis près de 2ç1ans, M. Buc'uoz travaille à l'Hiftoire Naturelle du Royaume. Il à parcouru pour’ cet effet laborieufement la plus grande partie des Provinces de la France, pour en connoître les différentes productions. Ce font ces produétions qui fe trouvent gravées dans ce Recueil. Les planches y doivent être rangées fuivant le fyflème de Linnæus , & font divifées en plufieurs parties. La première contient so planches, dont la première fert de titre, & la dernière indique l'arrangement de chacune de ces planches, qui font routes deftinées aux quadrupèdes de la France. La feconde partie repréfentera les oïfeaux du Royaume; la troffième, les poiflons; la quatrième, les amphibies; la cinquième, les infeétes ; la fixième, les vermifleaux &c les coquillages; la feptième, les plantes dont le premier cahier va paroître inceflamment, & ainfi! de fuire de Règne en Règne. Les planches: font format in-folio, dont les deux tiers offrent les différens objets dont il s'agit, & dans l'autre tiers fe trouve gravée l’explica- tion. Cette Collection fera fuivie des différentes cartes de chaque Province, pour pouvoir déterminer les lieux où fe trouvent les différentes fubftances qui HE repréfentées dans cette Collection. Les trois premiers cahiers paroiïffent aétuellement : ils renferment 30 planches, y compris le vitre. Le prix de chaque cahier eft de 10 liv. so4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Hifloire Générale des trois Règnes, repréfentée en gravures, E rangée Juivant le fyfléme de Linnœus, pour fervir à l'intelligence de l’Hifloire Générale & Economique des trois Règnes, Cet Ouvrage joint aux trois Recueils précédens , formera une Col- lection complette en gravures des différentes fubftances qui forment l'Hiftoire Naturelle. On commence par le Règne animal; on fait précéder les coftumes de l’Européen, de l’Afatique, de l’Africain & de l'Américain ; on pafle de-là aux quadrupèdes étrangers à la France, après quoi aux Oifeaux, & ainfi de fuire de Règne en Règne. Le premier cahier concernant les plantes paroïtra inceflamment. Les trois premiers cahiers font aétuellement au jour. Le prix de chaque cahier, qui renferme 10 planches, eft de 10 livres. On fuit pour l’arrangement le fyftème de Linnæus. À la fin de chaque claffe fe trouvera une expli- cation gravée. Plantes nouvellement découvertes , récemment dénommees & claffées , repré. fentées en gravures, avec leurs defcriptions , pour fervir d'intelligence à l'Hif- coire Générale & Economique des trois Règnes. Cette Collection eft tout-à-fait nouvelle & parfaitement gravée ; accompagnée de la defcription qui fe trouve vis-à-vis de chaque plante : on n’y a repréfenté que des plantes récemment découvertes ou peu connues. Ce Recueil renferme déjà deux cahiers de 10 planches chaque cahier; le prix eft de 15 livres par cahier. Les Dons merveilleux 6 diverfément coloriés de La Nature dans le Règne végétal, avec Diféours, pour fervir d'intelligence à lHiffoire Générale & Economique des trois Règnes. Ce nouveau Recueil renferme indiftinétement toutes fortes de plantes, avec les détails de chacune d’elles , pour en faire connoître les caraétères botaniques ; elles font parfairement enluminées. Il en paroît actuellement deux cahiers ; le prix de chaque cahier eft de 14 livres. Nota. On a détachés les cahiers de chaque Colleétion; & toutes les Colléctions font indépendantes les unes des autres, & même de l'Hiftoire Générale & Economique des trois Règnes, quoiqu'elles paroif- fent en être les accefloires. | Obférvation fur la Guérifon d’une Phrifie-Pulmonaire , avec des remarques Jur cette maladie; pa M. Daffy d'Arpajean , Doéteur en Médecine 4 Fontainebleau. À Laufanne , & fe trouve à Paris chez Méquignon l'aîné, Libraire , rue des Cordeliers, ir-12, prix , broché, 15 liv. Le fixième Cahier du Suplément à la Botanique mife à La portée de tout Le monde , en 20 planches coloriées, fuivies de leur defcription. Les 20 Plantes décrites font le Sebeftier , la Morgeline , le Rocou, le Térébinthe, le Bouleau , | | | X SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. sos Bouleau ; le Talictron , la Berce, la Perficaire, le Prunelier , l'Hermo- date, le Fenouil de Porc , l'Alléluia , le Tamarin, la Soldanelle, la Prêle, le Caprier , le Riz, la Vanille, le Cacaotier, enfin l'Anis Etoilé. Il Poe encore deux cahiers environ pour terminer cette collection intéreflante , qui forme la première partie de l'Ouvrage de M. & Mad. Regnaulr. Cette première partie contient les Plantes & Arbres d’ufage - dans la Médecine , dans les Alimens & dans les Arts , En 460 planches coloriées, accompagnées de Notices inftruétives fur le lieu originaire des Plantes, leur culture , le rang qu'elles occupent dans les principaux fyftèmes ; fur leur vertu, leur emploi , les dofes auxquelles on les donne comme remède , les dangers auxquels expofent les Plantes venimeufes, l'avantage que l’on tite d’un grand nombre dans les alimens & dans les Arts. Les diffections des différentes Parties, des Fleurs & des Fruits, démontrent facilement à quelle claffe où famille chacune appartient. On à mis au commencement de l'Ouvrage un Diétionnaire abrégé des mots Techniques , avec 3 Planches de figures pour les rendre fenfibles, Le format eft grand in-fo2., & le prix, à raifon de 1 livres 4 fols par Planche. La feconde Partie fuccédera immédiatement à la première , elle en fera abfolument indépendante , néanmoins elle pourra y faire fuite d'autant qu'elle fera du même format. Elle fera compofce des Plantes qui ne peuveut pas être confervées en herbier comme les Plantes grafles, les Champignons , &c. On la publiera par décades ou cahiers de 10 PI. chacun. La difficulté d'entretenir ces Plantes en végétation , fans le fecours des ferres chaudes , & l'impoflbilité de les conferver en herbier à caufe de leur forme, rendent cette nouvelle colleétion importante pour les progrès de la fcience & pour la fatisfaction des Savans : c’eft à leur folli- citation que les Auteurs fe font livrés à ce nouveau travail pour enrichir la Botanique de cette branche defrée & trop peu connue ; les matériaux w'ils ont déjà préparés leur font efpérer aufli qu'ils feront aufli exats dans la diltriburion de cette deuxième Partie que dans celle de la première; on y joindra les Plantes nouvelles & celles qui font très-rares fi c’eft le vœu des Soufcripteurs. On tirera des Exemplaires en papier d’Hollande pour les Amateurs qui le demanderont. Les autres feront en papier de France, ainfi que la première Partie. Comme on n’imprimera que peu d'exemplaires au-delà du nombre des Soufcriprions, les Auteurs invitent ceux qui voudront fe procurer cette nouvelle Collection à fe faire infcrire pour aflurer leur rang dans la diftribution des Epreuves. 4 Paris , chez Regnaulr, Peintre & Graveur , rue Croix-des-Perits-Champs, On aura la bonté d’affranchir les ports de lettres. Les principaux Libraires de l’Europe fe chargent auffi de procurer les Tome XIV, Part. II. 1779. DÉCEMBRE. Tte 506 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, différens Ouvrages d'Hiftoire Naturelle aufli coloriés qu'ils ont déjà publiés, tels que la Collection des Plantes d’ufage ci-deffus énoncées, les Ecarts de la Nature; les Quadrupèdes pour l'Œuvre de M. de Buffon , &c. » The Univerfal Gordener and Botanift , &c. Le Jardinier & Boranifte » Univerfel, où Dictionnaire Univerfel de Jardinage & de Botanique ; » où l’on trouve dans l’ordre de Linneus tous les Arbres, Arbriffeaux & » Plantes herbacées qui méritent la culture à titre d'utilité , d’ornement » ou de curiofité ; avec des règles pratiques pour les différentes opéra- » tions méchaniques du Jardinage en général ; par M. Thomas Mawe , » Jardinier du Duc de Léed; & M. Jean Abercrombie ; Auteur de l'Ouvrage » intitulé : Chaque Homme fon propre Jardinier ; 6e. : in-4°. Londres , chez » Robinfon «, Prefque toutes les Nations, fur- tout la France, l'Angleterre & la Hollande , ont fixé les yeux fur certe partie de l'Agriculture long -tems négligée , le Jardinage; de tous côtés naïfent de nouveaux Traités fur cet objer eflentiel , mais en même - tems naiflent de nouvelles erreurs dans la pratique. Chaque Auteur peut créer, & la Nature ne fe croit pas obligée d'obéir toujours aux loix que prefcrivent des Ecrivains qui n'ont fouvent que le titre d’Agronomes, fans en pofféder l'expérience. L'Ouvrage de MM. Mawe & Abercrombie , eft deftiné à faire connoître les erreurs, à les corriger & à fuppléer aux omiflions des Ecrivains qui les ont précédés. » An Effay on the Cure of Abfceffes, Ec. Effai fur la Cure des Abfcès » par les Cauftiques, & fur le Traitement des Blefures & des Ulcères ; » avec des Obfervations fur quelques Innovations avantageufes en Chi- » rurgie«; par M. Clare, Chirurgien : ën-8°. Londres , chez Cadel!. L'Obfervation la plus curieufe de ce Traité eft une nouvelle méthode d'introduire le Mercure dans la circulation pour la cure des Maladies Vénériennes. Elle confifte à délayer fur le bout du doigt dans de la falive , trois ou quatre grains de mercure, & à en frotter la joue du Malade. M. Clare seft convaincu, par fa propre expérience , que cetre méthode étoit particulière, & pour la faire accueillir plus favorablement par le Public, 1l a ajouté à fes propres Obfervations quelques remarques de M. le Docteur Hunter, fur les avantages qu’on peut raifonnablement en attendre. » Erfahrugfinaffige abhandlung von den verschie denen | &c. €e. Traité » des différentes Maladies du Bétail , de leurs caufes, de leurs fignes, » des préfervatifs & de leurs remèdes ; par l'Auteur des Mémoires » d'Economie Champétre. À Berlin , chez Pauli, 1779: ën-8°. La réputation juftément méritée de lAureur des Mémoires d'Œco- nomie Champètre nous fait augurer en faveur de ce nouvel Ouvrage que nous ne connoiflons encore que de nom, SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. s07 » Pomona Francorica , ou Dictionnaire des meilleures efpèces d’Ar- » bres Fruitiers & de leurs Fruits Par M. Mayer, Jardinier du Prince- » Evèque de Wurtzbourg. 4 Nuremberg , chez Winterféhmidt : 364 pages » & 17 planches, où les fruits font peints avec leurs couleurs naturelles, Elève du fameux Abbé Koger Schabol , M. Mayer expofe dans cette feconde Partie les fuccès que les préceptes de fon Maître ont eu en Allemagne. Par fes foins la taille des pèchers à la Montreuil fe trouve tranfplantée dans ce pays. L'expérience l'a conduit à adopter des maximes claires & précifes qu'on pourroit adopter en France & qui ne manque- roient d'y réuflir. » Della Valle Valcanico-Marina di Roncà , Gc. Mémoire Orirogra- » phique fur la vallée Volcanique Marine de Ronçà , dans le territoire » de Verone; par M. l'Abbé Fortis, Gc.: in - 4".,avec des gravures, Venife, de l'imprimerie de Charles Valefe ; & fe trouve 4 Rome chez Gregoire Sttarie, Il eft peu de pays plus étudié depuis quelques-tems que l'Italie, & certainement plus fait pour l’ècre. De tout côté la Nature offre des monu- mens finguliers, montagnes, rochers, volcans , bafaltes | courans de laves , pierres calcaires, granites, ferpentines, pierres ollaires, cout eft confondu , tout a été boutéverfé par une révolution terrible & étonnante, Depuis les pieds des Alpes Françoifes jufqu’à la pointe la plus méridionale de la Sicile , à chaque pas l'Obfervateur inftruit eft frappé par des mer- veilles qui démentent & détruifent fouvent des fyftèmes magnifiques auxquels l'imagination feule avoit donné l'exiftence. Leibnirg , dans fa Protogée , & d'autres Savans , après lui, avoient avancé que la terre avoit brülé après l'inondation univerfelle. M l'Abbé Fortis rapporte dans ce Mémoire des obfervations bien contradictoires. Les couches de la vallée de Ronca & de la montagne l'Æ/varina , offrent une difpofition toute oppofée. Les traces que le feu a laiflé fur fon paflage font recouvertes ar les dépôts de la mer. Mais ce qui eft encore plus frappant . fur les Baaires de la montagne de l'A.varina s'élève une couche épaiffe d’un pied & demi de ne argilleufe, noire, toute remplie de reftacées marins pétrifiés , de forme très-variée & très rare pour la plupart, ou même inconnus , entre lefquels il a diftingué une variété de Ja Zour de la Chine ( vorricella chinenfe ) une conque félériforme, décrite par Gualteri & par Adanfon , dans fon Traité des Teftacées du Sénégal. La couche inférieure & horifontale du petit torrent, nommé Garinella , renferme des Cochleæ parfaitement femblables à celle de la Chine que Dargenville à fait defliner ( Tab.1X. B. ). Après ces obfervations curieufes & plufeurs autres que l'Abbé Fortis a faites dans cette vallée, on ne peur nier que les lots de la mer n’ayent recouvert ces débris de volcans. Syftèmes , que devenez-vous ? C 1779 DÉCEMBRE. Titi %oS OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, De Monti Colonnari ; &e. Mémoire fur les Monts Colomnaires & d’au- tres Phénomènes volcaniques ; pat M. Srrange :in-4°. Milan , 1778 , chez *Jofèph Marelli, & fe rrouve à Florence chez Corliari. Pendant que M. Hamilton faifoit fes obfervations fur les Volcans des environs de Naples, M. Strange s’occupoit des mèmes recherches fur les Monts Colomnaires ( bafaltiques) & volcaniques de l'Etat de Venife, du Véronnois, du Vicentin, & du territoire de Padoue. Ainf ces deux Savans , tous deux envoyés de leur Souverain auprès de diffé- rentes Cours, ont fu entreméler aux foins pénibles des affaires dont ils étoient chargés ,les délaffemens fi agréables & fi farisfaifans qu'offre l'étude de la Nature. Si leur Patrie fent le prix de leurs foins & de leur zèle pour fes affaires , route la République des Sciences leur doit un tribut de reconnoiffance pour les meilleurs Ouvrages qu'elle doit à “leur recherche & à leurs obfervations. Difcours fur La véritable gloire du Chirurgien , prononcé aux Ecoles de Médecine pour l'ouverture folemnelle des Ecoles de Chirurgie, le 29 Novembre 1778 ; par M. Groffin du Haume , Docteur-Régent & ancien Profeffeur des Inftituts de Médecine en l'Univerfité de Paris, Profeffeur actuel de Chirurgie Françoife , & Médecin de l'Hôtel-Dieu. 4 Paris, chez d’Houry , rue de la Bouclerie : in-4°. Puille ce Difcours, correcte- ment écrit, graver dans l’ame des Chirurgiens & Médecins qui le liront les fages préceptes qu’il renferme. Elèmens de Chymie, rédigés d'après les découvertes modernes : Ou précis des Leçons publiques de la Société Royale des Sciences & des Arts de Metz ; par M. Michel du Tennetar ; Confeiller & Médecin ordinaire du Roi, Profeffeur Royal , &c. À Merz,chez Guerlache:in-12 de 180 pages. Ce Précis fera très-utile pour des Elèves qui fuivent les leçons publiques & gratuites qu’elle a établies. L'exemple donné par l’Académie de Dijon commence donc à influer fur quelques Académies du Royaume ! Quand l'efprit Patriotique , Pefprit d’Inftruétion aura-ril influé fur toutes les autres. Les noms de M M. de Morveau, Maret , Durande ; Tennetar, fe- ront placés, à jufte titre, parmi ceux des Bienfaireurs de leurs Provinces, De la Connoiffance de l'Homme Moral par L'Homme Phyfique ; par M. l'Abbé Pernerty. A Berlin, & à Paris , chez Brunet, Libraire, 2 vol.z7-8°. Carte du Cours des Fleuves du Sénégal & Gambie, dédiée & préfentée à M. le Duc de Lauzun , Gouverneur du Sénégal ; par M. Longchamp, fils, Ingénieur-Géographe. À Paris , chez l’Aureur , rue & Collége des Cholets. La defcriprion & l’hiftorique de cette Carte font tracés fur les côtés de la Carte, de même que le Plan & vue de l'Ifle de Gorée , les forts St-Louis, St-Jofeph & James. Cette Carte mérite d'être accueillie, & dans ce moment, fur-rour , elle devient très-intéreffante. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 509 * Collezione di caff Chirurgici, &c. Colleétions des cas Chirurgicaux , mis en ordre & éclaircis par des Notes; par M. Jofèph Cavallini de Cevoli, Profefleur & Hiftoriographe de l'Hopital Royal de Sainte-Marie de Florence, Tome III, Partie deuxième : én-8°. Florence, 1779 , de l'im- primerie de Jofèph Wanni. Après une favante diflertation fur la Suppuration , qui fert comme d'Introduétion préliminaire à cette partie du grand Ouvrage de M. Ca- vallini de Cevoli, on lit $7 Obfervations fur des plaies de nature & de caraétère différens. Une Table Hiftorique des Malades enterrés & fortis de l'Hopital de Ste-Marie termine ce volume. Le réfultat de ce Tableau eft trop intéreffant pour faire connoître d’un coup-d'œil les foins avec bel les malades y font traités, pour que nous le pañlions fous filence. ÆEn 1776 il eft entré à l'Hopital de Sainte-Marie 4247 malades, il en eft forti 3597, & il en eft mort 761. En 1777 il en eft entré 4102 , il en eft forti 3419, il en eft mort 640. En 1778 il en eft entré 4101, forti 3549, & mort 6or. On difpute depuis long-tems fur l'avantage ou le défavantage des grands Hopitaux; le peuple en général, les redoute fingulièrement ; il regarde fon tranfport à l’'Hopital comme fon Arrèc de mort, Ce feroit par un balancement exaét des Malades qui y périflent ou qui en fortent guéris , que l’on pourroit décider cette inté- reffante queftion. En général ce n’eft pas dans les Hopitaux les plus vaftes que les Malades font mieux foignés. Chez les Narions qui nous envi- ronnent , les Hopitaux , plus mulripliés, font plus propres, & par confc- quent plus faciles à renir propres & fains. Inflruzione Medico-Pratiche , &c. » Inftruction Médico - Pratique fur » l'Art Vétérinaire; par M. Joféph Ovus, Profeffleur & Direéteur du » Collége Public de Médecine Vétérinaire, À Padoue, chez Lomini, » Libraire, 1779 «. Le Sénat de Venife a établi à Padoue une Ecole Publique de Méde- cine Vétérinaire, fous l'infpection des Magiftrats députés pour les terreins inculres. M. Ovus, qui en eft le Profefleur , fait imprimer l'Ouvrage que nous annonçons à l’ufage de fes Elèves. Il contiendra l'Hiftoire & ‘ la defcription des Maladies du Cheval , du Bœuf, du menu Bétail, &c.; & les moyens de les guérit: Cet Ouvrage propofé par foufcription fera en deux volumes d'environ vingt feuilles chacun. Le premier traitera des Maladies internes générales & particulières de la tête, de la poitrine & du ventre; & le fecond des Maladies extérieures , générales & parti- culières , de la tête, du corps, des extrémités , & de la peau. La foule tion eft de 10 livres pour chaque volume, fomme qu’on ne payera qu’en Je recevant. On peut foufcrire chez les principaux Libraires d'Italie, & particulièrement à Florence), chez Antoine Jofeph Paqueri. Remarks on That Kind of Palfy, 6e. » Remarques fur le genre de # Paralyfie dans les membres inférieurs , qui accompagne fouvent une sito OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, »coutbure de l’épine, & qu'on fuppofe caufée par cette courbure, avec les » moyens de la guérir. À quoi on a ajouté des obfervations fut la néceffité » de l’Ampuration dans certains cas & certaines circonftances «; par M. Percivel Po , { hirurgien de l'Hopital de Saint-Barchelemi : ir-8°. Londres, 1779, chez Juhnfon. La réputation que M. Percival s’eft déjà aquife par fes différens Ouvrages , répond de la bonté de celui-ci. Ce feroit des Ouvrages de certe urilice & de cer intérêt dont nos Savans Traduéteurs devroient nous enrichir. M. le Doéteur Cameron & M. Jeffreys de Worcelter avoience déjà prefcrit une mérhode pour traiter cette cruelle Maladie ; celle que donne lPAuteur de cer pie ue Traité femble devoir effectuer la cure avec plus de fuccès. Vôici en deux mots en quoi elle confifte. Il faue appliquer des deux côtés au-deflous de la courbure de l'épine, un petit cauftique , cel cependant qu'il puilfe tenir une groffe fève dans la plaie. Tous les trois ou quatre jours on répand deflus un peu de poudre de Cantharides, & on maintient ainfi la fuppuration jufqu'à ce que le Malade ait parfaitement recouvré l'ufage des membres inférieurs dont la Paralyfie provenoit de cette courbure. Le fecond Traité n’eft qu'une addition à ce que l’Auteur a déjà dit dans fes Traités précédens , & fur-tout dans fes remarques fur les fraétures , compofées de l'indifpenfa- ble néceflité de l’amputation dans certains cas, & du danger de la différer. An Account of 1he fcarlet Ferer, &c, » Defcription de la Fièvre rouge, » accompagnée de mal de gorge ou Scarlatina anginofa ; velle , fur-tour, » qu'elle à paru à Birmingham l'an 1778 ; par M. Guillaume Wihering, Docteur en Médecine : i7-8°. Londres, 1779 , chez Cadell, Cette cruelle Maladie fit des ravages à Birmingham l'été & l'automne de l’année dernière. Semblable , d’abord , à la /carlatina fibris , elle en différoit par un caraétère de malignité que l'on n'obferve point dans la Fièvre rouge commune, D'après les remarques de M. Withering, M. Navier a détruit en France une Fièvre rouge maligne qui , à plufieurs égards , lui correfpond. Le remède qui eut le fuccès le plus grand & le plus conftant, de un puiffant vomitif adminiftré à plufeurs reprifes ; donné même au commencement de la maladie il en prévenoit toutes les fuites. Traité de La Confervation des Enfans , ou moyens de les fortifier , de les prélerver & de les guérir dans leurs diffrentes maladies. par M. Rautin , Docteur en Médecine, &c.; feconde Édition. 4 Paris, chez Saugrain & Lamy , quai des Auguftins, au coin de la rue Pavée , 17-9. L'accueil mérité que le Public a fair. à la première Edition de cet Ouvrage, en affure un pareil à celle-ci ; fon urilité , & fa néceflité même entre les mains des mères de familles & des perfonnes qui fe chargent de la première éducarion des enfans ; en font de fürs garants, SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 511 Précis fur La nature des Maladies produites par le vice des humeurs Lym- phatiques, leurs différentes efpèces , & le traitement qui leur convient ; par M. Noel, Membre du Collége & de l’Académie Royale de Chirurgie de Paris: 2 volume ir-8°. Paris, chez Didor , le jeune, quai des Auguf- tins , 1779. Ces deux volumes ne doivent faire que la feconde partie de la Chi- - rurgie Médicale; mais comme il y avoit déjà quelque tems qu'ils avoient été mis à l'impreflion, on les fait paroïtre avant les deux premiers volumes qui formeront la première Partie de la Chirurgie Médicale , annoncée dans le Profpectus, fous le titre de Chirurgie Médicale, ou de l'utilité de la Chirurgie, & dans la théorie & la pratique de Art de Guérir , &c. Voyez ce que nous avons dit de cet Ouvrage en l’annonçant dans le mois de Mai 1779 , page 399: é TABLE DAS AIR NT I ICI LUE.S Contenus dans ce Cahier. Osserrar IONS fur le Pipa ou Crapaud de Surinam ; par M. Bonxer , de diverfés Académies, Page 425 Mémoire fur la Cryflallifation du Fer ; par M. PazvmoT, 437 Examen Chymique de différentes Pierres. IV. Partie. Contenant celui du Porphyre, de l'Ophite , du Granit & autres Pierres de la Claffe des Virrefcibles mixtes ; par M. BAYEN, 446 Mémoire [ur une nouvelle caufe de la Pluie ; par M. BERTHOLON, DE SAINT- Lazare , de l'Académie des Sciences de Marfeille, Bégiers, Montpel- lier, Dijon, Nifmes, Touloufe , Bordeaux , &c. 482 Obfervations de M. Muixer , de la Société des Amis de la Nature de Berlin ; fur une Explofion particulière qu’on remarque dans quelques efpèces de Clavaires, (Clavaria, Lin.) 6 de Lycoperdon, 467 Suite de l'extrait de l’Hifloire Naturelle du Chili, 474 Suite des extraits du Porte-Feuille de M. l'Abbé DicQUEMARE; 483 Obférvations fur les Moules ; par Mademoifelle Le Masson-1E-GOLFT, 485 Explication de la caufe des Vuides que l'on obferve fous les glaçons des chemins raboteux ; par M. le Doüteur GoparpD, 437 Lettre de M. LATOURRETTE, aux Auteurs de ce Journal, concernant les Obfervations de M. Sage fur La mine rouge de Cuivre, 489 12 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, &c: Lertre.de M. le Baron de SeRVièREs , à l’Aureur du Journal de Phyfique ; contenant la véritable recere du Vernis Anglois , pour les ouvrages de Cuivre, 491 Rapport de Meffieurs les Commiffaires nommés par la Faleulté de Médecine de Paris , fur Les Cafferoles du fieur Dovcer , Fondeur-Artifle de la Ville de !’Aigle en Normandie, L 492 Annonces Livtéraires , 493 2200 AP CPR OT BA") TE OEEN. JE: lu, par ordre de Monfcigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a pour titre : Obfervations fur la Phyfique, fur l'Hiffoire Naturelle & fur les Arts, &c.; par M. l'Abbé Rozrer, &c. La Collection de faits importans qu'il offre pério- diquement à fes Lecteurs, mérite l'accueil des Savans ; en conféquence, j'eftime qu'on peut en permetwe l'impreflion. A Paris , ce 11 Novembre 1779. YVALMONT DE BOMARE. DPANBIE & s13 TABLE GÉNÉRALE DES AMRUTELC'ER ES CONTENUS DANS CE VOLUME. PSE SSSR ONU le Coxsipira TIONS fur Les Conduileurs en général ; par M. Bar- BIER DU TINAN, Page 17 Mémoire fur La force d'impulfion des Torrens ; par M. Ausry, Ingénieur en chef des Ponts & Chauffées de Breffe , Ec. 101 Mémoire fur un Para-Tremblement de terre & un Para-Volcan; par M. BERTHOLON , DE SAINT-LAZARE, des Académies Royales des Sciences de Montpellier, Béziers, Lyon , Marfeille, Dijon , Nifmes, Touloufe, Bordeaux , &c. 111 Defcriprion d'un nouvel Eudiomètre ; par M. GATTAY. 136 Effai Jur les moyens de rendre la Navigation du Canal de Languedoc plus aifée ; par M. GEorrroy, Dürcéleur du Canal, & de L'Académie des Sciences de Béziers. 140 Expériences életriques qui démontrent que l'eau peu propager la Commotion; par M. HoRBERN-BERGMAN , 192 Déftription E obfervations fur le Tremblement de terre de Bologne, en ) Italie; par M. le Comte Avcuste pe CHABoT, 198 Réponfe à la Lettre de Madame de V*** par M. SeneBter , Bibliothe- caire de la République de Genève, 200 Secorde Lettre a Madame de VX X* ; par M. SENEBIER, 355 Expériences Jur les Tubes Capillaires , quatrième Section ; par M. Du- TOUR, 216 Obfervations faites à Narbonne pour connoftre la diminution de la chaleur du Soleil pendant fon Eclipfe du 14 Juin 1779; par M. ve Marco- RELLE, Baron d'Eftale , Correfpondant de l'Académie, 3.52 Mémoire fur une nouvelle caufe de la Pluie ; par M. BeRTHOLON, 482 £ xplication de la caufe des Vuides que l'on obfèrve fous les glaçons des chemins raboteux ; par M. Goparr, 487 Tome XIV, Part. II, 1779. DÉCEMBRE. Vwv s14 TABLE GÉNÉRALE HES'TOIRE: NA TU RE EIULE. S UITE des extraits du Porte-Feuille de M. Abbé DicquemaArE, page 54 Second Mémoire concernant des Expériences faites par. M. le Marquis DE NEELLE, fur la multiplication des Animaux étrangers par le moyen d’une chaleur artificielle, lu a ? Académie Royale des Sciences, le 19 Juin 1779 B par M. le Comte ve Mirty. 153 Lettre à Monfieur l'Abbé Rozrer , Auteur du Journal de Phyfique ; par M. LE Camus, Membre des Académies de Lyon & de Dijon. 157 Leure fur Les Feuilles & fur la Circulation de la Sève; de M. VaAsrer, à M. Foucrroux pe Bonparoy, 173 Lettre de M. CHABERT de l’Oratoire, aux Auteurs de ce Recueil, 227 Plantes étrangères dont la fleuraifon n'avoit pas encore paru dans nos Climats , 247 Mémoire fur les Atterriffemens des Côtes du Languedoc; par M. Poucrr, 281 Remarques fur une ancienne Marnière du Gouvernement du Hävre , & fur les Squelertes Humains qu'on a trouvés ; par M, l'Abbé Dicque- MARE ; 302 Lettre de M. Taomas West , à M. LANE fur un Rocher volcanique , près d'Invernef], en Ecoffe, 2 315 Obférvations fur la. Dent foffile d'un animal inconnu ; par M. le Baron DE SERVIERES , 25 Expériences fur la pouffière féminale des Plantes ; par S. Ch. E. de la Société des Amis Scrutateurs de la Nature, de Berlin, 343 Extrait de L Hifloire Naturelle du Chili, traduite de l'{talien, 404 Suite de l'Extrait de l'Hifloire Naturelle du Chi, 474 Obférvations de M. Murzer, fur une Explofion particulière qu'on remar- que dans quelques efpèces de Clavaires & de”Lycoperdon , 467 Obférvations fur Le Pipa ou Crapaud de Surinam; par M. BONNET, 425- Objérvations fur les Moules ; par Mademoifelle Le Masson-Lr-GorrrT; ASS CH ME MR ES P: EMIER Mémoire fur une nouvelle efpèce de gas inflammable; par M. NereET, Fils, page 126 Second Méroire fur le principe de l’Inflammabilité des corps combuffibles ou Gas inflammable huileux ; par M. NErer, js, 292 DLE IS: 4 RIICELES. jus Leurre fur le Probléme de la tranfinutation de l'eau en terre; par M. W à- SELTON. 133 Obférvations fur la Mine rouge de Cuivre ; par M. Sacx. 155 Lettre de M. LATOURRETTE , aux Auteurs de ce Journal, contenant Les Obférvations de M. Sage fur la mine rouge de Cuivre , 489 Mémoire fur le fel qui fe forme par un long repos fur Le réfidu que lon zrouve au fond de la cucurbite , afrès la reélification de l'éther vitrioli- que; & fur ur autre Phénomène obfervé dans la diflillation du même éther , en employant un efprit-de-vin retiré du marc de nos raifins ; par M. Monter , de la Societé Royale des Sciences de Montpellier , 182 Déftription des Cryflallifations obfervées fur le Verre; par M, James Keir , Ecuyer , 187 Recherches Chymiques fur la terre des Pierres précieufes ou gemmes ; par M. BenGmAN , 257 Differtation fur la caufe Phyfique d'une efpèce d’attraëlion que les Chymif- ces appellent Affinité; par Dom Carsois, 297 Lere de M. 5 Morvrau ; aux Auteurs de ce Recueil ; fur un Phé- nomène qui intéreffe l'Art de la Verrerie & La théorie de la Virrification , € fur Le peu d'aëlion de l'acide phofphorique fur les terres, comme fondant ViLreux , 346 Examen Chymique de différentes Pierres , IP. Partie. Contenant celur da Porphyre, de l'Ophire, du Granie & autres Pierres de la Claffe des Wivrefcibles Mixtes; par M Daxen, 446 Mémoire für la Cryftallifation ; par M.PAzvMoT, 11434 M É DEC EN .E. Et: IPTION de trois Enfans monflrueux ; par M. DE PEsTALOZ21 Doîteur en Médecine. 122 De l'Aëion de l'Eleitricité fur le Corps humain , € de fon ufage dans les Paralyfes ; par M. GERHARD. 145 Extrait d'une letre de M. Macerran , Membre de La Société Royale de Londres, à un de fes Amis de Paris, 22 Obfervation fur l'effet du Scarabé méloë, dans la Rage; par M.ROMME, 228 Mémoire fur la méthode fingulière de guérir plufieurs maladies par PEm- physème artificiel ; par M. GaiLANDAT , de plufieurs Académies , Démonfirateur d' Anatomie , de Chirurgie & de l'Art des Accouchemens , a Fleffingue, 219 Extrait des Repiffres de l’Académie Royale des Sciences, du 30 Juin 1779 » j 237 Leure de M. GanDane, Doëeur-Récent de la Faculté de Médecine de 516 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. Paris, Cenfeur Royal, Affocié & Correfpondant de plufieurs Acadé- mies, à Meffieurs les Auteurs du Journal de Phyfique, 418 Mémoire, par M. J. B. »e Brune , fur une maladie produite par Les Moules venimeufes , 384 Rapport de la Faculté de Médecine de Paris, fur les Cafféroles de {nz , du Jfeur Dovucer, | 492 ARE PUS. Rérsrrons Jur les Expériences de M. de la Folie, concernant les Caffe- roles & où on fuppofe La préfence du cuivre 6 de l'arfenic dans l'érain , fs page 158 Lettre adreffée à un Chymifle, par M. vx LA Fours, concernant les réflexions de M. SALMoN, fur les Eramages , 307 Deftription de la Methode du Doëteur IRvinc , pour deffaler l'Eau de la Mer par diflillation , 316 Extrait d’un Mémoire de M. GENSANNE , fur le Deffoufrement du Char- bon-de-Terre, 337 Recherches fur les moyens d'exécuter fous Peau toutes fortes de travaux Hydrauliques fans employer aucun épuifèment ; par M. Courows, ; à : 393 Defcription d'un Rouet qui file © met en écheveau par Le méme mouve- ment , 415 Lettre à l'Auteur de ce Recueil, fur un Crépiffage de murs, 417 Lertre de M. le Baron de SERVIÈRES , contenant la vérirable recette du Vernis Anglois, pour les ouvrage de Cuivre ; 491 AGRICULTURE Mnorre Jur l'importation du Géroflier ‘des Moluques aux Ifles de France, de Bourbon, &c. & de ces Ifles à Cayenne ; par M. ? Abbé TESSIER , page 47 Mémoire fur l'Education des Troupeaux & La culture des Laines ; par M. R. D. I. s7 Suite du Mémoire [ur l'éducation des Troupeaux & la culture des Laines : par MR, D. L. 89 Nouvelles Litréraires , 743 166, 251,327, 422 & 493 Précis de l’Eloge de M. de LinNÉ; par M. le Marquis de CONDORGET , Secrétaire perpétuel de l'Académie , 3° f 7) # = n. (£ ewef . ; PL. a — = J'ellier Seule. ER RRLRE Eee Tprrssipeienealers RES. ÉTAT ESSS RSR RE