. # à 1 PRESS RTL D ARTE ere Û N : Mar AN (70 ‘il l | ) | "it ph ve LA ? ll : € LA L 1 mn d Cd ) } ue à , ÿ 1, { ? Le 0 u MTV “ "4 (15 Qt rte 1« | REA LR 14 CA : 1 LA PHYSIQUE, SUR L'’HISTOIRE NATURELLE ’ BL OS PR LLE S ARE S22 AVEC DES PLANCHES EN TAÏLLE-DOUCE, DÉDIÉES A Mx. LE COMTE D’ARTOIS; Par M. l'Abbé RozrER, de plufieurs Académies , & par M. J. À Moncez le ,jeune , Chanoine Regulier de la Congrégation de Sainte - Geneviève, des Académies Royales des Sciences de Rouen, de Dijon, de Lyon &c. &c. DANONE RENTE. TOME XVII. | CAP TROT ES AU BUREAU du Journal de Phyfique, rue & Hôtel Serpente, LA MIODIC GALL X Xi APE IC APCRT V TD'E GED UTR'OL OBSERVATIONS ET MÉMOIRES SUR LAN PAYS LOLTE, SUR L’HISTOIRE NATURELLE, ET SUR LES ARTS ET MÉTIERS. LIRE ATION INTÉRESSANTE D'une Éruption du Mont Véfuve, arrivée en Août, 1779; Extraite d’une Lettre du Chevalier William Hamilton, Envoyé Extraordi- naire d'Angleterre à Naples, Membre de la Société Royale, Gc., a M. Jofeph Banks, Préfident de la Sociéré Royale (1). Cette Lettre a été publiée dans le Tom. LXX: des Tranfaétions philofophiques, D: PUIS la grande éruption de 1767, dont j’eus l'honneur d’envoyer dans le tems une relation très-détaillée à la Société Royale, le Véfuve (1) Nous avons déjà imprimé deux Relations de cette fameufe éruption. (7. 1780, Tom.XV, pag: 457, & 1780, Tom. XVI, pag. 3 ). Comme il eft impoflible que le même Obfervateurremarque & décrive tous les phénomènes , nousne craignons Tome XVII, Part, 1. 17981. JANVIER. A 2 14 4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, n'a jamais été fans fumée, & même il ne s'eft jamais paflé plufeurs mois fans qu'il jet des fcories enflammées : lorfque le nombre & la fréquence des fcories augmentoient, elles étoient ordinairement fuivies par un courant de lave pâle; & fi l’on en excepte l'éruption de 1777, ces/laves fortoient à--peu près du même endroit , & fuivoient la même direction que celles de cette fameufe éruption de 1767. On ne compte pas moins de neuf éruptions depuis la grande que je viens de citer, & quelques unes ont été confidérables. Je n’ai jamais manqué de vifiter ces laves pendant qu'elles étoient dans leur plus grande force, & je les ai aufli conftamment examinées, ainfi que le crater du vol- can, après la fin de chaque éruption. IL eft inutile de vous rapporter les obfervations que j'ai faites dans ces différentes vifites; je ne pourrois que vous répéter ce que contien- nent mes précédentes lettres. Soit que la lave pafsat pardeflus les bords du crater dans le mouvement de l'ébullition, foit qu'elle fe fît jour par les côtés du volcan, elle formoit conftamment des canaux aufli récu- liers que s'ils avoient été taillés par l'arr, dans lefcarpement de la montagne ; & tant qu'elle fe maintenoit dans l’état d'une fufon par- faite, elle continuoit de courir dans ces canaux , en les rempliffant quel- quefois jufqu'aux bords , & d’autres fois plus ou moins , fuivant la quantité de la matière en mouvement. En exeminant ces canaux après les éruptions, j'ai trouvé que leur largeur alloit depuis deux jufqu'à cinq ou fix pieds fur fept ou huit pieds de profondeur ; fouvent ils étoient couverts par une quantité de fcories qui sy amafloit & les déroboit à la vue : la lave pafloit , pendant phufeurs roifes, fous cette efpèce de voùte, & reparoifloit enfuite plus nette dans un canal découvert: Après cette -éruption.,, je«me fuis pro- mené dans quelques-unes de ces galeries couvertes & fouterreines, qui étoient extrêmement curieufes: dans les unes, les parois , la voûte & le fond avoient été parfaitement unis & liffés prefque par-tout par la violence des courans de lave brülante qui y avoient fucceflivement paflé pendant plufieurs femaines ; dans d’autres, la lave avoit laïflé fur: “les parois du canal des incruftations de fcories très - extraordinaires ; des fels blancs en forme de ftalactites, & préfentant de fuperbes rami- fications, pendoient aufli de la voûte de ces galeries en beaucoup d'en- droits. Quoique ces fels du Véfuve foient fouvent teints en verd ou en jaune, foit pâle, foit foncé par la vapeur des fubftances minérales , on penfe ici qu'ils ne font pour la plupart que du fel ammoniac. pas de donner ici la defcripti on du Chevalier Hamilion. On y trouvera plufieurs obfervations intéreffantes qui avoient échappé & au Duc de Selfore, & à M. Du- chanoy. SUR L'HIST\ NATURELLE (ŒT. LES ARTS. ss Dans le mois de Mai dernier, il y eut une éruption confidérable du Véfuve, qui me fit pafler une nuit fur la montagne avec un de mes. Compatriotes , aufli RE que moi pour cette branche intéreflante de l'Hiftoire Naturelle (1). | Ë Nous vîmes bien complétement la marche -& les opérations de la, lave dans les canaux dont ,je viens de parler ; mais il, nous fallut de Ja perfévérance, & même un certain degré de courage. Après que La lave eut quicré fes canaux réguliers, elle {2 répandit dans la Ville; elle y, couloit lentement, chargée de fcories, & femblable à une rivière qui charrie des glaçons. Le vent ayant changé au moment, où nous étions tout près de ce fleuve de lave à marche lente, qui pouvoit avoir cinquante ou foixante pieds de largeur, nous fûmes tellement incommodés par la chaleur & par la fumée , que nous aurions été forcés de retourner fur nos pas, fans avoir pu fatisfaire notre curiofité, fi notre guide ( 2) ne nous eût propofé l'expédient de pafler de l'autre côté ; ce qu'il exécuta fur le, champ, à notre grand étonnement, mais avec fi peu de difficulté, que sous Je fuivimes fans héfiter. Nous n’éprouvâmes pas d’autre incommo- dité que celle d’une chaleur très-vive aux jambes & aux pieds: la croûte de la lave étoit fi épaifle, & chargée d’ailleurs de tant de cendres & de fcories, que le poids de notre corps n’y fit pas la moindre impreflion Ra fon mouvement étoit fi lent, que nous ne courûmes aucun rifque de perdre l'équilibre & d'y tomber. Il n’y a cependant qu'un cas de nécellité qui doive faire tenter cette expérience; & mon feul deffein, en la rap- portant ici, eft de l'indiquer aux perfonnes qui, dans une expédition comme‘ta nôtre , auroient le malheur de fe trouver enfermées entre deux courans de lave. | Ainf débarraffés de la chaleur & de la fumée qui nous avoient fort incommodés , nous côtoyâmes le fleuve de lave.& fes canaux, en re- montant jufqu'à la fource qui étoit à un quart de mille du crater. La ma- tière liquide, brûlante & rouge, boüillonnoit violemment; elle produifoit un bruit de fiflement & de pétillemens femblables à ceux d’un. feu d’ar- tifice;s & les éclabouflures continuelles: de la matière vitrifiée avoient formé une efpèce d’arche ou de dôme fur la crevafle d'où fortoit la lave. Cette crevafle étoit fendue en beaucoup d’endroits, .& fon intérieur, d'un rouge vif & brûlant, reflembloit à un four terriblement échauffé. Ce monticule creux pouvoit avoir environ quinze pieds de haut; a lave qui couloit de fa cavité éroit reçue dans un canal régulier élevé fur une efpèce de muraille de fcories & de cendres prefque perpendi- 1 {5) M. Bowdler, &c., Bath. (2) Bartolomo, furnommé le Cyclope du Véfuve, qui n'a fuivi dans routes mes expéditions fur cette montagne, & qui elt un excellent œuide, 6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, culaire, haute de huit ou dix pieds, & reflemblant beaucoup à un aqueduc antique. Nous montâmes enfuite au crater du volcan, dans lequel nous trou- vâmes , comme à l'ordinaire , une petite montagne qui jettoit des fcories & des matières rouges & brülantes avec'une forte explofion; mais la fumée & lodeur de foufre étoient fi infupportables, que nous fûmes obligés de quitter, avec Tà plus grande précipitation, cette ftation inté- reflante. Dans une autre de mes vifites au Véfuve, l’année dernière, je ramaffai quelques fragmens de cryftaux gros & réguliers de lave à grain ferré ou batalre, dont le diamètre , lorfque Les prifmes étoient complets, pouvoit avoir huit ou neuf pouces. Cette découverte me fit le plus grand plaifir, arce qu'on ne trouve nulle part au Véfuve des laves régulièrement cryf- fallifées , & formant ce que l’on nomme vulgairement chauffée des Géants, excepté une lave qui coula jufque dans la mer en 1632, près de Torre del Greco, qui en préfente quelques apparences. Les fymptômes ordinaires d'une éruption prochaine, tels que les bruits fourds & les explofions dans les entrailles du volcan , une grande quantité de fumée fortant avec force de fon crater, & de rems en tems accom- pagnée de jets de fcories & de cendres rougies & brülantes, fe manifeftè- rent plus ou moins durant tout le mois ds Juillet; & vers la fin de ce mois, ils s'augmentèrent au point de préfenter dans la nuit le plus beau feu d'artifice que l’on puifle imaginer. Ces efpèces de jets de cendres rougies & d’autres matières volcaniques, qui, dans l'obfcurité de la nuit, font fi lumineufes & fi brillantes , pa- roifloient au grand jour autant de taches noires dans une fumée blanche ; & c'eft cette circonftance qui a denné lieu à la fuppoñtion popuiaire, mais faufle, que les volcans brülent avec plus de violence la nuit que le jour. Le Jeudi $ Août dernier, vers deux heures après midi, étant dans ma maifon de Campagne, qui eft fituée au Paufilippe, dans la baie de Naples, & d’où je vois parfaitement le Véfuve, qui eft précifément en face & à la diffance d'environ fix milles en ligne droite, j'apperçus que le volcan étoit dans une très violente agitation : une fumée blanche & fulfureufe fortoit continuellement avec impétuofité de fon crater , & l’accumulation des boufiées fucceflives qui fé pouffoient vivement l’une l’autre , formoit des nuages de fumée qui reflembloient à des balles du coton le plus blanc. 11 s'en aflembla bientôt un fi grand volume fur le fommer du volcan, que ce nuage devint en hauteur & en grofleur plus que le qua- druple de la montagne elle - même : au milieu de cette fumée blanche, une immenfe quantité de pierres, de fcories &de! cendres étoit lancée, à une hauteur furprenante., & certainement pas à moins de deux mille pieds. J'apperçus aufi, à l’aide d'un excellent télefcope de Ramsden, SUR FHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 7 que de tems en rems une mafle de lave liquide , qui paroifloit fort pefante , {e foulevoit aflez pour pafler pardeflus les bords du crarer, & fe préci- iter enfuite impétueufement par l’efcarpement du Véfuve , qui regarde le lonte Somma. Bientôt après, une lave fe fit jour du même côté ; & vers le milieu du cône du volcan, & après avoir coulé pendant quelques heures avec violence, elle s'arrêta tout-à-coup , juftement avant d'arriver aux parties cultivées de la montagne qui domine Portici, & à quatre milles environ du lieu de fa fortie. J'ai été informé depuis, & ce rapport mérite confiance, que pendant l’éruption de ce jour-là , la chaleur avoit été infupportable dans les Villes de Somma & d'Ottaïano, & qu'elle fut même très-fenfible à Palma & à Lauro, qui font beaucoup plus éloignées du Véfuve que les deux pre- mières. Il tomba à Somma & à Ottaïano de menues cendres encore rouges, en FE fi épaifle, que Le jour en fur obfcurci au point de ne plus laifler diftinguer les objets à la diftance de dix pieds; de longs fila- mens de matière vitrifiée, femblables aux fils de verres artificiels, tom boïent mélés avec ces cendres; & la fumée fulfureufe éroit fi violente, que pluñeurs oifeaux furent fuffoqués dans leurs cages , & que les feuilles des arbres, au voifinage de Somma & d'Ortaïano , furent couvertes de fels blancs très - corroffs. Vers deux heures de l'après-midi de ce même jour, plufeurs Habitans de Portici virent bien diftinétement un globe extraordinaire de fumée, d'un très- grand diamètre, fortir du crater du Véfuve , & s’avancer avec une grande viteffe vers le Monte Somma , contre lequel il fe brifa , laiffanc après lui une traînée de fumée blanche, qui mar- quoit la route qu'il avoit fuivie, J’apperçus clairement de ma maïfon de Campagne cette traînée , qui dura quelques minutes; mais je ne vis pas le globe lui-même. Un malheureux Ouvrier , qui faifoit des fagots fur la montagne de Somma, perdit la vie pendant cette éruption ; & comme l'on n'a pas retrouvé fon corps, on préfume que, fuffoqué par la fumée, il fera tombé des rochers efcarpés fur lefquels il travailloit, qe la vallée, & qu'il aura été couvert par le courant de lave qui y coula peu après. Son âne , qui l'at- tendoit en bas, abandonna très - judicieufement la place aufli-tot queële volcan s'irrita; &, arrivant fain & fauf à la maifon, donna la première alarme à la famille de fon pauvre Maître. On a remarqué généralement que les explofons du volcan furent fuivies d'un plus grand bruit ce jour-1à que tous Les jours fuivans, parce que probablement la bouche du Véfuve s'étoit élargie, & que les ma- tières volcaniques avoient un paflage plus libre. Il eft pourtant certain que la grande éruption de 1767, qui, à tous les autres égards, fut douce en comparaifon de cette dernière-ci, occafñonna de beaucoup plus grandes fecoufles dans l'air par fes explofions plus bruyantes. Le Vendredi 6 Août, la fermentation de la montagne fut moins vive: 8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, mais vers midi, un grand bruit fe fit entendre; & l'on fuppofe que dans ce moment la petite montagne, qui étoit dans l'intérieur du crater, étoir tombée. Le foir , les jets que lançoit le crater augmentèrent; ils fortoient évidemment de deux bouches féparées, qui, jettant des fcories rouges & brülantes dans différentes directions, produifoient un feu d'artifice prefque continuel & de la plus grande beauté. Le Samedi 7 Aout, l’état du volcan fut à -peu-près le même : mais vers minuit, fa fermentation augmenta beaucoup; & c'eft de ce mo- ment que l’on peut dater le fecond accès. J'étois fur le môle de Naples, d’où l’on voit parfaitement le volcan; j'épiois tous fes mouvemens, & j'avois été témoin de plufeurs beaux & pittorefques effets pis par la réflexion de la flamme d'un rouge foncé , qui fortoit du crater du Véfuve , & qui s'élevoit au milieu des immenfes nuages de fumée, lorf- qu'un de ces orages d'été, que l’on appelle ici tropea, vint fubitement méler fes nuées aqueufes & pefantes aux nuées fulfureufes & minérales, ui, fembiables à autant de montagnes, s'étoient amoncelées {ur le LE du volcan : on vit à ce moment un gros jet de feu s’élancer à une hauteur incroyable , & jeter une lumière fi brillante, qu'à fept milles & plus autour du volcan, lon put diftinguer clairement les plus petits objets. Les nuages noirs de l'orage, qui pafloient rapidement, couvrant, dans des inftans, tout ou partie de la brillante colonne de feu , dans d’autres la découvrant & la laiflant voir dans fon entier avec les différentes cou- leurs que produifoit fa lumière réverbérée par les nuages blancs au-deflus, en contrafte avec la pale lueur des éclairs ferpentans qui accompagnoient Ja rropea ; tout cela préfentoit un fpectacle dont aucun art ne peut donner l'idée. Les effets pittorefques que produifoit à Naples la perfpeétive du volcan, le 7 Août, font au- deflus de toute defcription ; le fpectacle étoit plus beau & plus fublime que l'imagination la plus vive ne peut fe le peindre. La grande explofion ne dura pas plus de huit ou dix minutes, après lefquelles le Véfuve fut entièrement éclipfé par les nuages noirs de la tippea, qui donnèrent une terrible averfe de pluie. Il tomba dans cette éruption quelques fcories & de petites pierres à Ottaïano , & quelques-unes d’une groffeur confidérable entre le Véfuve & l'Hermitage. Tous les Habitans des différentes Villes qui font au pied du volcan étoient dans les plus vives alarmes , & fe préparoient à abandonner leurs maifons, fi l’éruprion avoit duré plus long-tems. Un Garde-Chaîle de Sa Majefté Sicilienne, qui étoit au milieu des champs, près d'Ottaïano , pendant que cette tempête combinée étroit dans la plus grande force , fut très - furpris de fe fentir le vifage & les mains brülés par les gouttes de pluie : apparemment que les nuages, en graverfant la colonne de feu dont j'ai parlé plus haut, avoient acquis un grand ! SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 9 grand degré de chaleur. C’eit l2 Roi de Naples qui m'a fait l'honneur de n'apprenure ce fait vraiment curieux, Le Dimanche 8 Août, le Véfuve fut tranquille jufques vers fix heures du foir, qu'une grande fumée commença à s’amonceler fur fon crater : environ une heure après, un bruit fourd & fouterrein fe fit entendre dans le voifinage du volcan ; les jets: ordinaires de pierres rougies & biülantes & de fcories commencè;ent & devinrent, d'inftans en inftans, plus vio- lens. J'étois alors au Paufilippe avec plufieurs de mes Compatriotes, & nous obfervions, avec de bonnes lunettes, les phénomènes intéreflans du crater du Véfuve, que nous pouvions, avec ce fecours, diftinguer audi parfaitement que fi nous avions été fur le fommet même de la montagne. Le crater paroifloit avoir été fort agrandi par la violence des explofons de la nuit précédente, & la petite montagne n'exiftoit plus. Vers neuf heures , il y eut une grande explofion qui fecoua fi terriblement les mai- fons de Portici & du voifinage, que les Habitans effrayés fe répandirent dans les rues. J'y ai vu depuis beaucoup de fenêtres brifées & des murs fendus par la fecoufle qu'avoit imprimée à l'air cette explofion, qui ne fut pourtant entendue que foiblement à Naples. _: Au même inftant, un jet de feu tranfparent & liquide commença à s'élever; &, augmentant par degrés, il parvint à une fi fingulière hau- teur , que tous les fpectateurs furent frappés du plus terrible étonnement. Peut-être aurez-vous, Monfieur , de la peine à me croire , fi je vous aflure LH OR que j'en ai pu juger , la hauteur de cette admirable colonne de eu n'étoit certainement pas moindre que trois fois la hauteur perpendicu- laire du Véfuve lui-même, qui, comme vous le favez, eft de 3700 pieds au-deffus du niveau de la mer. Des bouffées de la plus noire fumée , qui fe fuccédoient rapidement , accompagnoient ce jet liquide & tranfparent de lave rouge & brülante , interrompant çà & là fon éclat brillant par de gros flocons de la teinte la plus obfcure. J'apperçus dans ces bouffées de fumée , au moment où elles s'élançoient du crater , des étincelles électriques brillantes, mais d'une nuance pâle, qui ferpentoient en zig-zag avec beaucoup de vivacité. Le vent étoit fud-oueft; & quoique foible, il y en avoit cependant affez pour chafler ces nuages ou bouffées de fumée, & les détacher de la colonne de feu: & un monceau de ces nuages forma par degrés derrière elle ( fi l'on me permet l'expreflion } une tenture noire fort étendue, tandis que , dans d’autres parties, leciel étoit parfaitement clair & Les éroiles très -brillantes. Cette fontaine de feu jaillifflant, d'un fi immenfe volume, faifoit fur le fond noir dont je viens de parler le contrafte le plus fuperbe; & fon éclat, vivement réfléchi fur la furface de la mer, alors parfaitement unie one ajouteit beaucoup à la magnificence de ce fpectacle vraiment ublime, | Tome XVII, Part. I. 1781. JANVIER. 10 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, La lave liquide mêlée de pierres & de fcories , après s'être, je crois, élevée bien à deux mille pieds, fut dirigée en partie par le vent vers Or- taïano ; & partie tombant encore liquide, rouge & brülante, prefque perpendiculairement fur le Véfuve , elle couvrit toute la partie conique, une grande partie du Monte Somma &c la vallée qui les fépare. La ma- tière qui tomboit étant prefqu'aufli enflammée &c ardente que celle qui s’élancoit à chaque inftant du crater, formoit ayec elle une feule maffe de feu qui n'avoit pas moins de deux milles & demi de diamètre, & qui s'élevant, comme je l'ai dit, à une hauteur extraordinaire , jettoit une vive chaleur à la diftance de fix milles au moins autour d'elle. Les brouffailles , qui couvroient le Monte Somma, furent bientôt en feu; & leur Aamme , dont la teinte différoit du rouge foncé de la ma- tière lancée par le volcan, & du bleu argentin des étincelles éleétri- ques, produifoit encore un nouveau contrafte dans cette fcène extraordi- naire. Le gros nuage noir, extrémement augmenté, s’étendit un inftant vers Naples, & fembloit menacer cette belle Ville d’une prompte deftruétion ; car il étoit chargé de matières électriques, qui lançoient fans cefle autour de lui des zig-zags ou ferpentaux d’une force & d'un brillant terrible, tels précifément que ceux décrits par Pline le Jeune dans fa Lettre à Tacite, qui accompagnoient la grande éruption du Véfuve, fi funefte à fon oncle. J'ai cependant, remarqué que ces éclairs volcaniques s'écartoient très- rarement du nuage , & retournoient communément à la grande colonne de feu vers le crater du volcan, qui étoit aufli l'origine du nuage. Mais une ou deux fois je vis ces éclairs, que l'on nomme ici ferilli, tomber fur le fommet du Monte Somma , & mettre Le feu à des herbes sèches & à des buiflons. Heureufement pour nous, le vent du fud-oueft ayant fraichi, repouffa le nuage au moment où il atteignoit la Ville & commençoit à y caufer fe plus violent effroi. Tous les divertiffemens publics cefsérent tout- à- coup : les portes des Théâtres furent fermées, & l’on enfonça celles des Eglifes. De nombreufes proceffions fe formèrent dans les rues; les femmes & les enfans échevelés remplifloient l'air de leurs cris, & demandoient avec fureur que l'on opposät fur le champ les reliques de Saint Janvier à la furie de la montagne; en un mot, la Populace de cette grande Ville commença à déployer ce mélange extravagant d’efprit de fédition & de bigoterie qui le caractérife; & fi lon meût pas pris à propos les plus promptes précautions, Naples auroit peut-être couru beaucoup plus de rifque par l'emportement de la dernière claffe de fes Habirans, que par le courroux du volcan. Mais revenons à mon fujet. Après que la colonne de feu eut fubfifté dans fa grande force pendant près d'une demi - heure, l'éruption cefla {ubi- Do tement, & le Véfuve refta morne & filencieux. à SUR'L'HISTINATURELLE ET LES ARTS. 11 Après la lumière éclatante de la colonne (1) de feu, tout parut affreux & obfcur, excepté le cône du Véfuve, qui étoit couvert de cendres & de fcories enflammées, de deffous lefquelles il s’échappoit çà & là, de teims à autres, de petits ruifleaux de lave liquide, qui fe précipitoient par les efcarpemens du volcan. Ce fpectacle me rappella la defcriprion de l'Etna par Martial : Cuntli jacent flammis, & trifli merfz favilla. Pendant toute la durée de l’éruption, l'on fentit dans les quartiers de Naples qui font les plus près du Véfuve, une odeur femblable à celle que pourroient produire les vapeurs du foufre mélées aux vapeurs qu'exhale une fonderie de fer : mais en s’approchant de la montagne, cette odeur devenoit très-nuifible, ainf que je l'ai fouvent éprouvé , quand j'ai vifité le Véfuve pendant quelqu'éruption. Je defire, Monfieur, que cette relation puifle vous donner au moins une foible idée d’un fpectacle fi majeftueux & fi fublime, que jamais peut être l'œil humain n'a rien vu d’approchant, ou du moins à ce degré de perfection. Je fais bien, & je m'en fuis convaincu par les traces des anciennes éruptions que j'ai obfervées dans les couches volcaniques , dont la plus grande partie de ce Pays-ci eft compofé , qu’il y a eu un grand nombre d’éruptions plus confidérables que cette dernière : mais il eft probable que. ces éruptions très - violentes auront été accompagnées de tremblemens de terre & d’autres circonftances aflez alarmantes pour occuper moins les fpeétateurs des belles & magnifiques fcènes produites par ces phéno- mènes , que du foin de pourvoir à leur süreté; ou bien que des nuages de fumée & de cendres, comme cela eft fort ordinaire dans toutes les grandes ANR , auront obfcurci le volcan de manière à ne laifler paroître qu'une mafle confufe de fumée & de feu. ; _ (x) La lumière que répandoit'cette immenfe colonne de feu étoit fi forte, qu'à la diftance de dix milles , & même plus , autour-de la montagne, l'on diftinguoit claire- ment les plus petits objets. M. Morris, Gentilhomme Anglois, me dit qu’à Sorrento, qui eft à douze milles du Véfuve, il avoit lu le titre d’un livre à la feule lueur de cette Jumière volcanique, ke Bb Tome XVII, Part. 1,1781. JANVIER. B 12 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nee Be ex MEMOIRE Sur la Chaleur, &c. des Animaux & des Végétaux. Par M. J. Hunter, FR. S. (1) IDF NS le cours de différentes expériences que j'ai faites fur les animaux & Les végétaux, j'ai eu fouvent occafon d’obferver que les réfulrats des expériences fur les uns, pouvoient fervir à expliquer l'économie des autres, & aflignoient un principe commun aux deux règnes; c'eft pourquoi j'ai raflemblé quelques expériences relatives à la chaleur &au froid de ces fubf- tances, Comme j'ai trouvé dans une même expérience des variations dans le degré de la chaleur & du froid ; dont il ne m'a pas été poffible de rendre raifon , j'ai penfé qu’on devoit attribuer ces différences à un défaut dans la conftruction du thermomètre. Je détaillai à M. Ramfden mes objections {ur la conftruction ordinaire de cet inftrument , & mes idées fur la manière d'en conftruire un qui fût plus parfait & plus propre pour les expériences que je voulois faire, En conféquence il m'en E quelques-uns fort petits , de fix ou fept pouces de long , & dont le tube n’avoit pas au-delà de - de pouce d’épaifleur , le diamètre extérieur de la boule n'étant guère plus grand que celui du tube au point de la congélation. Le tube de ces ther- momètres étoit renfermé dans une petite échelle d'ivoire , de manière à pouvoir gliffer facilement & à pouvoir être arrêté à volonté. Sur la furface intérieure-de cette échelle étoient marqués Les différens degrés qu'on pouvoit voir au travers du tuyau de verre. Parce moyen la groffeur du thermomètre fe trouvoit beaucoup diminuée, & on pouvoit l'appliquer aux corps mous avec plus de facilité & d’exactitude , & dans plufeurs cas où il eft difficile de fe fervir des thermomètres ordinaires. Je répétai donc avec ces nouveaux thérmomètres les expériences dont je n’avois pas été fatisfait en premier lieu; & je trouvai les degrés de chaleur fort différens, non - feulement de l'idée que je m'en étois généralement faite, mais encore de ceux que j'avois trouvés dans mes précédentes avec les thermomètres de la conftruction ordinaire. J'ai déjà obfervé dans un autre Mémoire ( 2 ), (& je le trouve confirmé (x) Ce Mémoire peut être confidéré comme la fuite d’un du même Auteur, inféré dans ce Journal 1777, Tom. IX, pag. 294. Voyez aufli fur le même fujec différens Mé- moires 1773, Tom. Il, pag. 2923 1776, Tom. VII, pag. 57; 1778, Tom. XI, pag- 389; 1780, Tom XV, pag. 24. - (2) Vid. Philofophical Tranfattions for the Year, 1775, Vol. LXV , Part. II, age 44 6. C’eft le même que nous ayons impriméen 1777, Tom.1IX , pag. 294. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 13 par toutes Les expériences que j'ai faites fur la chaleur & fur le froid des animaux ), que ceux qui font les plus parfaits, font aufli ceux qui font doués de la plus grande faculté de conferver un certain degré de chaleur, qu'on peut appeller la bafe ou le terme fixe de la chaleur animale ( Stundard- heat }, qui eft fujet à moins de variation chez eux que chez les animaux plus imparfaits. Cependant il paroît par la première, la feconde & la troifième expérience, que plufieurs de ces animaux, peut être même tous, ne confervent pas conftamment je même degré de chaleur; mais que cette chaleur varie & s'écarte de fon degré fixe, foit par contact extérieur ou par maladie. Il faut remarquer néanmoins que ces variations font toujours plus grandes au - deflus du terme fixe qu'au-deflous ; les animaux parfaits ayant une puiflance plus grande pour réfiiter à la chaleur qu’au froid, de forte qu'ils fe trouvent communément près de leur dernier degré de cha- leur. En effet , nous n'avons pas befoin d’autre preuve de cette variation, que ce que nous | Per nous-mêmes: nous fommes fenfibles à la chaleur & au froid ; fenfations qui ne peuvent être produites fans qu'il ny ait une altération réelle dans les parties affectées ; altération qui ne pourroit pas avoir lieu dans ces parties, fi elles ne devenoient pas aétuellement plus chaudes ou plus froides. J'ai fouvent rendu mes mains froides jufqi'au degré de pouvoir les réchauffer en les plongeant dans de l'eau de puits immédiatement puifée; mes mains étoient donc alors certainement plus froides que certe eau de puits. à Une augmentation réelle de la chaleur doit altérer la contexture ou a pofition des parties, au point de produire la fenfation qu’on appelle cha- leur; & quand cette chaleur eft diminuée, la contexture ou la pofition des parties eft alrérée dans un fens contraire , lequel changement, quandil eft porté jufqu'à un certain degré, devient la caufe de la fenfation du froid. Or , ces effets ne peuvent pas avoir lieu dans les deux cas, fans une augmentation ou une diminution réelle de la chaleur dans la partie: donc la chaleur doit pafler dans ces différens degrés. Lorfque la chaleur eft appliquée à la peau, elle devient chaude jufqu'à un certain degré, en raifon du degré de chaleur qu’on y applique; & cela peut être porté aflez loin pour brüler actuellement les parties fenfibles : d’un autre côté , dans une atmofphère froide , la main d’un homme peut être afleétée d'un affez grand degré de froid pour éprouver non-feulement la fenfation du froid , mais pour que cette fenfation foit changée en un fentiment de douleur. La chaleur & le froid réels peuvent donc être pouffés affez loin pour altérer les parties d’où dépendent les actions vitales. Comme les animaux éprouvent des variations dans les degrés. de chaleur & de froid par des caufes extérieures, ils font naturellement en cela affe“tés à-peu- près de la même manière que la matière ina - nimée ; & dans les parties les plus éloignées du centre de la chaleur que du refte de la malle, ces effets y font plus prompts : par exemple, 14 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, toutes les parties faillantes & les extrémités, particulièrement les doigts des pieds & des mains ,le nez, les oreilles & Les crêtes des oifeaux, fur-tout celle du coq , font plutôt refroïdies, & font, parconféquent, plus fujets à être affectés par le froid. Les animaux font non-feulement fujets à une aug- mentation & à une diminution de chaleur , comme la matièreinanimée , mais le paflage de l’un à l’autre (aufñli loin que la chaleur & le froid peuvent aller) eft, pour ainfi dire, auf fubit. Je ne me bornerai néanmoins pas à la fenfation feule , parce qu'elle eft en quelque forte réglée par l'habitude : fans elle, la plus petite variation occafionne une augmentation confi- dérable de fenfation ; tandis que l'habitude de fouffrir des variations dans le degré de la chaleur & du froid rend nulle, pour ainfi dire, la fen- fation qui réfulte de l’un & de l’autre. Mais nous allons être guidés par une expérience actuelle. Les parties dont il a été parlé plus haut (c'eft-à- dire , les parties faillantes & les extrémités), font celles qui font fujettes à un plus grand changement dans leurs degrés de chalelir & de froid, fans affecter fenfiblement l'animal. J'ai trouvé qu'elles font hauffer ou baiffer le thermomètre, en quelque manière , fuivant le contact extérieur de la chaleur ou du froid, mais non pas tout-à-fair dans un degré proportionnel à ce contact ,commecela a lieu dans la matière inanimée. De mème les parties organifées ne font point refroidies ou échauffées aux mêmes degrés , comme il paroît , lorfqu’on pplique Le thermomètre àla peau; car l'épiderme peut être regardé comme une enveloppe infenfible , propre à prendre de plus rands degrés de chaleur ou de froid , que ne peuvent le faire les parties fenfibles qu'il couvre; & lon pourroit croire que toute la variation ne fubffte que dans l'enveloppe. Pour lever ce doute, j'ai fait les expériences fuivantes. Première Expérience. Je plaçai la boule du thermomètre fous ma langue, laquelle fe trouvoit parfaitement couverte par toutes les parties voifines; & l'y ayant gardée pendant quelques minutes, je trouvai que le mercure éroitmonté au 97° (1); ayant continué pendant quelquetems, je ne m'ap- perçus pointqu'il montar plus haut. Je pris alors plufieurs morceaux de glace, de la groffeur d'une noix, que je mis dans la même fituation, pour les laïffer fondre en partie , mais non pas entièrement, afin que le contat du froid püt mieux fe conferver ; & je crachai de tems en tems l’eau qui provenoit de la folution de la glace , ce que je continuai pendant dix minutes: je vis alors, en introduifant le thermomètre dans ma bouche , que le mercure defcendoit au 77°, de forte que cette partie de ma bouche avoit perdu 20° de fa chaleur. Le mercure remonta enfuite peu-à- eu à 97°; mais dans cette expérience le thermomètre ne defcendit pas aufi bas qu’il l’auroit fait dans la main, fi l’on y avoit tenu auffi long-tems » (x) Ther. de Fareinheit. Voy., pour for rapport avec celui de Réaumur, Journal de Phyfique, Introd., Tom. Il, pag. 495, e SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 15 un morceau de glace. On peut en afligner peut-être comme une caufe, que la furface fous la langue étant entourée de parties chaudes, font qu'il eft, pour ainfi dire, impoflible de la refroidir à un plus grand degré: mais je crois néanmoins qu'il y a encore une autre raifon; favoir , que les parties qui font accoutumées à de grandes variations de cette efpèce , comme left la main, n’y font fenfibles qu'à un très-grand deoré, ainfi que nous l’avons déja remarqué. Pour donner une nouvelle preuve que la chaleur des animaux les plus parfaits peut varier en quelque forte felon le contact de la chaleur exté- rieure, je joindrai ici les obfervations fuivantes , faites fur le corps de l'homme. La bouche étant une partie fi fouvent en contact avec l’armofphère exté- rieure ; lorfque l’homme refpire , nous pouvons fuppofer que tout ce qu’on y met doit être affecté de l'influence de cette atmofphère; de forte que les expériences faites däns la bouche , relativement à la chaleur & au froid, feront toujours en quelque forte douteufes. Je penfai donc que l’urètre feroit plus propre pour mes obfervations , parce que c’eft une cavité interne, qui ne peut être affeétée que par la chaleur & le froid qui viennent à frapper la peau extérieure de cette partie. Je crus auffi que quels que puflent être Les pr de la chaleur & du froid par contact, ces eflets feroient plus prompts dans l’urètre que dans quelqu'autre partie du corps, parce que C’eft une partie faillante; & que par conféquent fi la matière vivante d'un animal étoit en quelque manière fujette , à cer égard , aux loix communes de la matière, l'urètre feroit promptement affecté: je pris donc un homme qui voulüt bien me laifler faire fur lui les expériences que je jugerois néceffaires, Seconde Expérience. J'introduifis la boule de mon thermomètre dans Turètre à la profondeur d’environ un pouce. Après qu'elle y eut refté une minute ; le mercure ne monta qu'a 92° ; à deux pouces de profondeur il monta à 93°; à quatre pouces , il alla à 949; & lorfqu'il fe trouva à la bulbe de lurètre, où il eft entouré de parties chaudes , le mercure monta à 97°. Troifième Experience. Ces parties ayant été plongées pendant une minute dans de l’eau dont la température étoit de 65° feulement , & lerhermomètre ayant été introduit dans l’urêtre à un pouce & demi, le mercure monta à 79°: cela fut répété-plufieurs fois avec le même fuccès. Pour m’aflurer s’il y avoit quelque différence dans la viteffe du paflage de la chaleur au froid des parties vivantes & celle des parties mortes , & s’il y en avoit aufli dans la latitude à laquelle l'une & l’autre peuvent alier, je fs les expériences fuivantes. Comme l’urètre me parut la partie des animaux la plus propre pour des expériences de cette nature, j'en fis encore ufage; & comme toutes les expériences de comparaifon doivent être aufli analogues les unes aux autres 16 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qu'il eft pofible, fi ce n’eft dans les points où la diflérence (s'il y en a quelqu'une ) forme la- partie eflentielle de l'expérience , je me procurai Vurètre d’un fujet mort. Quatrième Expérience. La chaleur de Purètre d’une perfonne vivante à un pouce & demi de profondeur dans l'urètre , étoit exatement de ç2°. Je donnai d’abord à l’urètre mort le même degré de chaleur, & je plongeai alors l’urètre vivant dans de l'eau de 50°; en tenant en même tems l’urètre mort dans la même eau, & en y introduifant le thermomètre à différentes reprifes, je remarquai leur vitefle refpective à fe refroidir du 92° où ils étoient tous deux. L’urètre mort fe refroïdit plus promptement , mais feulement de deux ou trois degrés. L'urètre vivant defcerdit à 58°, & l'urètre mort à 5 5°. Après y avoir tenu encore quelque tems le thermomètre, il ne defcendit pas plus bas. Je répétai plufeurs fois la même expérience avec le même fuccès, quoique je trouvai une petite différence dans les degrés de chaleur d'avec ceux des autres expériences, la chaleur de l’eau étant de même différence, Mais comme la différence dans le réfultat fut à-peu-près proportionnelle dans les trois expériences, on peut en tirer les mêmes conclufons. Nous ne trouvons dans ces dernières expériences qu'une très- petite différence entre le refroidiflemen: de la partie d’un corps mort & celui d'un fujet vivant: mais on ne peut pas fuppofer que cela ait de même lieu dans toute l'habitude du corps , parce que, dans ce cas, une perfonne vivante auroit toujours le même degré de chaleur que l’atmofphère dans laquelle elle vit. Comme l'homme qui me fervoit pour mes expériences ne voulut point permettre que je le refroïdiffe au-deflous de 53° ou ç4°, il ne me fut pas pofible de voir fi les puiffances dela chaleur génératrice pouvoient s'exercer à un plus haut degré, lorfque la chaleur fe trouvoit réduite à un degré affez foible pour faire craindre la deftruétion; mais par quelques expériences faites fur des fouris ; que nous rapporterons plus bas, il paroît que les forces animales peuvent aller jufqu'à ce degré, quand il eft néceflaire. à Je trouvai par les expériences dont nous venons de parler , que les parties de lanimal peuvent être rendues beaucoup plus froides que leur chaleur ordinaire ou naturelle: je crus dorc devoir faire d’autres expériences pour voir fi ces mêmes parties étoient fufceptibles d’une latitude de chaleur beaucoup plus grande que le terme fixe ( Standard - heat) de la chaleur animale. Je fis mes expériences de la même manière que les précédentes, en prenant de l'eau plus chaude que la chaleur naturelle de homme. Cinquième Expérience. La chaleur naturelle de l’urètre étant de 92°, je le plongeai pendant deux minutes dans de l’eau échauffée à 113°, après quoi, ayant introduit le thermomètre comme auparavant, le mercure monta à 100°1. Je répétai de même plufieurs fois cette expérience ; mais il ne me fut pas poflible de faire monter la chaleur de l’urètre au-delà de 100": ce qui doit, fans doute, être attribué à ce que la perfonne ne pouvoir re SŒR'L'HIST.\ NATURELLE ET LES ARTS. 17 pouvoit pas alors fupporter le contact d’une eau plus chaude que de 113°. Comme ce n'étoient là que de fimples expériences , je réfolus d'en faire une avec l’urètre mort, pour me fervir de comparaifon, ® Sixième Expérience. L'urètre vivant & l'urètre mort ayant été plongés tous deux à la fois dans de l’eau qu’on échauffa par degrés de 100° jufqu'à 118°, où ils reftèrent pendant quelques minutes dans ce dernier degré de chaleur, lurètre mort fit monter le thermomètre à 114°, tandis que l'urètre vivant ne put le faire monter plus haut que 102° =. Le fujet fur qui fe faifoit cette expérience remarqua , qu'après que fon urètre eut refté environ une minute dans l’eau, elle ne lui fembla plus chaude; mais cette eau ayant été agitée, elle lui parut fi chaude, qu'à peine pouvoit-il en FRpUREE le contact. En appliquant le thermomètre fur les côtés de la glande de l’urètre vivant , le mercure defcendit immédiatement de 118° à 104°, tandis qu'il ne baïfloit pas au-delà d'un degré, quand on appliquoit le thermomètre à l’urêtre vivant ; de forte que l’urètre vivant produifoit ua ambiant d’eau froide autour de lui( 1 ). Septième Expérience. La chalèur de l’inteftin re&tum du même fujet fut exactement de 98 ° =, j Dans la feconde , la troifième , la quatrième, la cinquième & la fixième expériences , nous avons eu pour objet une cavité interne, qui tout-a-la- fois eft très-vafculaire & fort fenfible , foumife évidemment à la chaleur "& au froid externes, quoique feulement appliqués à l'épiderme de cette partie ; tandis que dans la feptième expérience une autre partie , fur laquelle la chaleur & le froid extérieurs ne peuvent caufer que peu ou point d'im- preflion, étoit au terme fixe de chaleur ( Standard - heat ). L'expérience nous apprendra dans la fuite que l'inceftin reétum n'eft pas la partie jh corps douée de la plus grande chaleur; cependant, pour mieux déterminer jufqu’à quel point la chaleur peut être augmentée en portant la conftitution inté- rieure au point d’accélérer le mouvement du pouls, je répétai la feptième expérience , après que l'hommeeut bien foupé & bu une bouteille de vin', ce qui fit augmenter le pouls de 73° à87° , & néanmoins le thermomètre monta feulement à 08°=. Comme j'avois fait autrefois des expériences fur des loirs, pendant la faifon qu'ils dorment , pour voir sil furvenoit alors quelque altération dans l’économie animale; j’ai retrouvé parmi ces expériences celle qui fuir , & qui femble applicable à notre objet : mais pour être plus certain (1) Cette Expérience peut être appliquée avec utilité à l’ufage du bain, foit que l'eau foit plus chaude ou plus froide que la chaleur naturelle du corps; car, dans Pun & dans l’autre cas, elle fera bientôt de la même température que celle du corps : c'eft pourquoi, fi le bain eft fpacieux , le‘patient devra fe mouvoir de côté & d'autre ; fi le bain eft étroit, on aura bn qu'il y ait une fucceflion conftante d’eau du degré de chaleur dont on voudra jouir dans le bain. Tome XVII, Part. I. 1781. JA NVIER, C 18 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de l'exaétitude de mes précédentes expériences , je Les renouvellai avec mon nouveail thermomètre. F4 , Fuitième Expérience. Dans une chambre dont la température éroit entre les ço° & 60°, je fis faire, dans le ventre d’un loir, une perite incifion , aflez grande cependant pour recevoir la boule de mon thermo- mètre , laquelle ayant été introduite dans le ventre jufques à environ la moitié de cette ouverture , le mercure monta au 80°, & pas plus haut. Neuvième Expérience. Le loir ayant été tranfporté dans une atmofphère froide, de 15° au-deffus de ©, où on le laïfla pendant quinze minutes, le. thermomètre qu'on introduifit une feconde fois dans la plaie, monta ae Dixième Expérience. Le loir fut de nouveau mis pendant quinze minutes dans une atmofphère froide; après quoi le thermomètre ayant été place dans lincifion, le mercure ne monta d'abord qu'à 72°, mais alla par degrés jufqu'a 83°, 84° & 85°. Onzième Experience. Le loir fut derechef placé dans une atmofphère froide, où on le laiffa pendant trente minutes. La partie de deflous de fon corps étoit pofée fur un plat, & fe trouvoit , pour ainf dire, gelée ; le corps entier de l'animal étoit un peu engourdi & beaucoup affoibli. Le thermomètre varia fuivant les différentes parties de fon corps où on l'introduifit; dans le bas-ventre, près des parties les plus expofées au froid, il ne fe trouva qu'à 62°; dans le milieu & entre les inteftins, il monta à environ 70°: mais près du diaphragme il alla à 80°, 82°, 84 & 85°; de forte que dans le milieu du corps la chaleur avoit dimi- nué de 10°. Ayant trouvé une variation dans les différentes parties de la mème cavité du même animal, je répétai les mêmes expériences fur un autre loir. Douzième Expérience. Je pris un loir bien portant, qui avoit dormi dans une chambre où il y avoit du feu (l’atmofphère étant de 64°) ; j'intro- duifis Le thermomètre dans fon ventre ; à-peu-près vers le milieu , entre le thorax & le pubis, & le mercure monta à 74° ou 75° ; lorfque je tournai la boule vers le diaphragme, il alla à 80°, & en l'appliquant au foie, il monta jufqu'à 81°=<. Treizième Experience. Le loir ayant été mis dans une atmofphère de 20°, il ÿ refta une demi-heure ; quand on l'en Ôta, il étoir fort vif, & même plus que lorfqu'il y fut mis. J'introduifis le thermomètre dans la partie inférieure de fon ventre , & le mercure monta à 91°; en le tournant vers le foie il alla à 03°. Quatorzième Expérience. L'animal ayant demeuré pendant une heure dans l’atmofphère froide à 30°, le thermomètre fut de nouveau introduit dans fon ventre; au foie le mercure monta à 93°; dans le bas-ventre à 92 : l'animal étoit fort vigoureux. Quinzième Expérience, Il fut de nouveau mis dans l’atmofphère froide SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 19 de 19° où il refta une heure; le thermomètre étoit au diaphragme à 87°, dans le bas-ventre à 83°; mais l'animal étoit alors moins vif. Seizième Expérience, Le loir fut mis dans fa cage , & deux heures après le thermomètre ayant été placé au diaphragme, il monta à 93°. Ces expériences nous apprennent que la chaleur actuelle fe trouve aug- mentée & diminuée par le contact du froid extérieur : elles nous font voir aufli que la chaleur varie fuivant les forces vitales, tantdans lesmêmes parties que dans les parties différentes du même animal; car nous avons vu que la chaleur de l'animal étoit d’abord beaucoup au-deffous du rerm: fixe ordinaire (Common Standard); & que la chaleur fut confidérablement augmentée par le contact du froid, & par les forces de réfiftance accrues par le froid; mais que lorfque l'animal fe trouva affoibli par ces efforts, il perdit le pouvoir de produire de la chaleur, & cela en raifon de la diftance du cœur. IL n’eft pas facile de dire pourquoi la chaleur de cet animal n'alla qu'au 80° dans une atmofphère de 50° à 60° , fi ce n’eft qu'on ne l'attribue aw fommeil. Mais je croirois volentiers que le fommeil ne peut pas entrer ici en ligne de compte, parce que le fommeil eft un effer qui fe produit dans les différens degrés de chaleur & de froid. Dans ces animaux he les mouvemens volontaires font fufpendus , il femble que c'eft un effet qui provient d'un certain degré de froid qui agit fur eux comme une efpèce de fédatif, par lequel les forces de l'animal fe trouvent proportionnelle- ment affoiblies , mais retiennent néanmoins la puiflance d'opérer , dans cet état, toutes les fonctions vitales. Au-delà de ce degré, le froid paroït agir comme un ftimulant, & les forces de l'animal font réveillées pour veiller à fa confervation. Il eft plus que probable que la plupart des animaux font dans ce cas, & que chaque sn a fon degré de froid, dans lequel les aétions fpontanées peuvent être fufpendues. Quand l'homme dort, il a plus froid que lorfqu’il eft éveillé; & je trouve qu'en général, la différence eft d’environ un degré & demi, quelquefois moins. Mais la différence du degré de froid quand on dort & quand on veille, ce n’eft pas la caufe du fommeil, mais un effet du fommeil; car il y a plufeurs maladies qui occafionnent un bien plus grand degré de froid dans l'animal , fans néanmoins lui donner aucune tendance au fommeil : l'engourdiffement ou le défaut de mouvement dans Les animaux , occafionné ar le froid , diffère donc du fommeil. En outre , toutes les opérations vitales, telles que la digeftion , les fenfations, &c. s'exercent pendant le fommeil naturel dans les animaux bien conftitués; mais aucune de ces opérations n'a lieu chez cette dernière efpèce. Ka Pour voir jufqu’à quel point le réfultat de ces expériences étoit particulier aux Loirs, je Les répétai fur des fouris. Je m'en procurai deux ; l'une forte & vigoureufe , l’autre affoiblie par le jeune. sise Dix-feptième Expérience. L'atmofphère commune étant de 60°, jintro- Tome XVII, Part. I.17981. JANVIER. C2 20 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, duifis Le thermomètre dans l'abdomen de la fouris vigoureufe : la boule rouchant au diaphragme, le mercure monta à 09°; mais dans le bas- ventre il alla feulement à 96° à. Je trouvai ici une différence réelle d'environ 9° dans deux animaux de la même grandeur, en quelque manière du même caractère | & peadant la même faifon de l’année; latmofphère fe trouvant à-peu- près de la même température. 4 Dix-huitième Expérience. La même fouris ayant été mife pendant une heure dans une atmofphère froide de 13°, & le thermomètre ayant été introduit comme auparavant, le mercure monta au diaphragme à 83°, & dans le bas-ventre feulement à 78°. Dix-huitième Expérience. Pour favoir fi un animal affoibli a la même force relativement à la chaleur & au froid , que celui qui eft fort & vigoureux, j'introduifis la boule du thermomètre dans le ventre de la fouris affoiblie : lorfque la boule toucha au diaphragme , le mercure monta à 97°; dans le bas-ventre à 95°: la fouris ayant été mife dans une atmofphère froide comme l’autre, le mercure fe trouva à 79° au dia- phragme, & à 74° dans le bas-ventre. Dans cette expérience, la chaleur du diaphragme fe trouva diminuée de 18°, & dans le bas-ventre de 21°. Il y eut ici une diminution plus confidérable de chaleur dans le fecond animal que dans le premier, que nous pouvons fuppofer proportionnelle à la diminution des forces de l'animal par le défaut de nourriture. Pour déterminer combien différentes parties d’autres animaux que ceux dont nous venons de parler, diféroient dans leur degré de chaleur, je fis les expériences fuivantes fur un chien bien portant. Vingrième Expérience. La boule du thermomètre avant été introduite à deux pouces de profondeur dans le reétum , le mercure monta exacte- ment à 100° =. La poitrine du chien ayant été ouverte, on fitune incifion dans le ventricule droit du cœur où la boule fut immédiatement introduire, & le mercure s'éleva exactement à 101° ; après quoi on fit une plaie dans la fubftance du ‘foie , où la boule ayant été introduite, le mercure monta à 100° 2. Il monta exactement à 101° dans la cavité de l'eftomac. Toutes ces expériences furent faites en peu de minutes. Vingt-unième Expérience. Les mêmes expériences furent faites fur des bœufs; & le mercure monta exactement à 09°=. Vingt-deuxième Expérience. Les mêmes expériences furent aufli faites fur un lapin, & le mercure monta à 90° =. IL paroît clairement par les expériences faites fur les fouris & fur le chien , que chaque partie de l’animal n'a pas le même degré de chaleur; d'où nous pouvons conclure avec raifon, que la chaleur des parties vitales de l'homme eft plus grande que celle que nous avons trouvée dans La bouche, dans le rectum & dans l’urètre. SUR L'HIST. NATURELLE’ ET LES ARTS. 21 Pour mieux m'aflurer fi ; comme jele penfois, la chaleur des animaux eut varier en raifon de leurs imperfections , je fis les, expériences FU fur des oifeaux, que je regarde comme un degré au-deflous des animaux auxquels on donne communément le nom de quadrupèdes. a de me Expérience. J'introduilis fuccefivement la! boule::du thermomètre dans l'inteftin reétum de plufieurs poules ; & je trouvai que le mercure montoit à 103°, 103°=, & dans une entr'autres’à 104$. 1: Vingt-quatrième Expérience. Je répétai les mêmes expériences fur plu- fieurs coqs, & Le refultat fut le mème. Vingt-cinquième Expérience. Afin de déterminer fi la chaleur de la poule feroit augmentée pendant l'incubation; je répétai la XXII expéi tience fur plufeurs poules actuellement occupées à. l'incubation;.dans “l’unele mercure monta à 104°, & dans des autres à 103°,5,:103°, comme dass la XXHI expérience. a Vingt-fixième Expérience. Ayant placé la boule du thermomètre. fous la poule qui avoit fait monter le mercure à 104° , je trouvai que la cha- leur y étoit au même degré que dans le rectum. s Vingt - cinquième Expérience. Je pris quelques œufs de deffous la poule, dans lefquels le poulet fe trouvoit environ aux trois quarts formé ; après en avoir caflé la coque, &c. jy introduifis la boule du thermomètre, dont le mercure monta à 99°. Dans quelques-uns qui étoient fans germe , je trouvai que la chaleur étoit moins grande de deux degrés ; de forte qual paroït que la force vitale dans l'œuf vivant contribue en quelque forte à y maintenir fa propre chaleur. On pourroit nous demander fi les trois ou quatre degrés de chaleur qu'on trouve de plus dans les oifeaux que dans les quadrupèdes , ne font pas deftinés pour l’œuvre de l'incubation ? Nous avons trouvé que la chaleur des œufs, laquelle étoit produire & foutenue par cette chaleur , n'étoit pas au-deflus du terme fixe ( Standard-heat ) de la chaleur des qua- drupèdés, & qu’elle auroit fans doute été moïndre, ‘ff la chaleur de la poule n'eut pas été fi grande. Ayant trouvé par les expériences que nous venons de rapporter; que a chaleur des oïfeaux eft de quelques degrés plus grande que celle de la claffe communément appellée dede (quoïqu ils foient certainement des animaux moins parfaits que ceux-ci), je préférai de continuer mes PRES fur les mêmes principes, & je hs celles qui fuivent fur des individus d'un ordre inférieur. La clafle qui fuit les oifeaux eft celle des animaux auxquels on donne communément le nom d’amphibies. Vinot-huitième Expérience. J'introduifis Le thermomètre dans l’eftomac êc dans l'anus d'une vipère bien portante ; Le mercure monta de $8° (degré de la chaleur de l’armofphère dans laquelle elle fe trouvoit) à 68° ; de forte qu'elle étoit de 10° plus chaude que l’armofphère. Vingteneuvième Expérience, La vipère ayant été mife dans un poële, >2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & le poële dans une mixtion froide d'environ 10°, où elle refta envirom dix minutes, fa chaleur fut réduite à 37°. La vipère ayant refté dix mi- nutes de plus dans une mixtion de 13°, la chaleur fe trouva réduire à 35°. Dix minutes de plus qu’elle refta dans une mixtion de 20°, rédui- firent la chaleur à 31°, & elle n’alla pas plus bas. La queue de la vipère commençoit alors à fe geler, & l'animal étoit fort foible. I] faut remar- uer que la vipère perdit beaucoup plus lentement fa chaleur que plufeurs fe animaux fuivans. Comme la conformation de la grenouille eft beaucoup plus analogue à celle de la vipère qu'à celle des oifeaux & des poiflons, je fis fur cet animal les expériences fuivantes. Trentième Expérience. J'introduifis la boule du thermomètre dans l'ef- tomac, & le mercure refta au 44°. Je mis alors la grenouille dans une mixtion froide, & le mercure defcendit à 31°; l'animal parut prefque mort, mais il revine bientot à lui: il w’étoit pas poflible de diminuer la chaleur au-delà de ce degré, fans faire périr l'animal. La diminution de fa chaleur fut plus prompte que dans la vipère, quoique la mixtion fût à-peu-près la même. Les poiflons forment la claffe fuivante. Trente-unième Expérience. Je dérerminai la chaleur d’un étang où il y avoit des carpes, & je la trouvai de 65°. Ayant tiré une carpe de cette eau, j'introduifis le thermomètre dans fon eftomac, qui fit monter le mercure à 69°; de forte que la différence entre l'eaü & le poiflon n'étoit que de 3° <. Trente-deuxième Expérience. La chaleur de l’eftomac d’une anguille, laquelle éroit d'abord de 37°, defcendit après que Vanimal eut refté quelque tems dans une mixtion froide , à 31°: l'animal parut alors mort, mais je le retrouvai vivant le lendemain. Trente=troifième Expérience, Une limaffe dont la chaleur éroit de 44°, la perdit dans une mixtion froide jufqu'à 31°3 alors l'animal fe trouva gelé. Trente-quatrième Expérience. Plufieurs fang-fues ayant été mifes dans une bouteille qu'on plongea dans une mixtion froide, le thermomètre qu'on plaça au milieu de ces fang-fues , defcendit au 31°; & en con- tinuant cette immerlion pendant aflez de tems pour détruire la vie des fang-fues , le mercure monta à 32°, & alors elles fe gelèrent. Dans toutes ces expériences, aucun des ces animaux ne revint à la vie lorfqu'on les eut fait déceler. Ayant trouvé que ces claffes d'animaux imparfaits peuvent varier le germe de leur chaleur jufqu'au degré de la congélation des folides ou des fluides quand ils fonc morts, mais non pas à une latitude beaucoup plus grande, fans perdre la vie ; je voulus déterminer jufqu'à quel degré la chaleur de l'animal peut être portée, SÛR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 323 Trente cinquième Expérience. On laiffa pendant fept minutes une vipère bien portante dans une atmofphère de 108° ; la chaleur de l’eftomac & de l'anus de l'animal étoit alors de 92°, au-delà duquel elle ne put pas s'élever dans ladite atmofphère. Les mêmes expériences furent faites fur des grenouilles, dont les réfultats furent aufli à-peu-près les mêmes. Trente-fixvième Expérience. Une anguille dont la chaleur étoit de 44°, qui étoit à-peu-près la même que celle de l'atmofphère, ayant refté pen- dant quinze minutes dans de l'eau de 65° , je trouvai qu'elle avoit le même degré de chaleur que l’eau. Trente-feptième Expérience. Une tanche dont la chaleur alloit à 41°, ayant été plongée pendant dix minutes dans de l’eau de 65°, le ther- momètre que j'introduifis dans l'eftomac & dans le reum, monta à 55. - Ces expériences furent répétées à-peu-près avec le même fuccès. Pour m'aflurer fi les forces vitales de ces clafles d'animaux pouvoient réfifter à la chaleur & au froid, je fis des expériences fur des individus vivans & morts de ces efpèces , pour me fervir de fujets de comparaifon. Trente - huitième Expérience. Je pris une tanche vivante & une tanche morte , de même qu'une anguille vivante & une anguille morte, que je mis toutes dans de l'eau chaude : la chaleur fe communiqua également à toutes ; & lorfque je les plongeaï dans de l’eau froide , les individus vivans & Les morts en furent tous également affectés, La fuite dans le Mois prochain. SUITE DU MÉMOIRE DE M. ACHARD, Sur Les Savons Acides. SE CRE ON LL Sur les Savons faits en combinant l'acide vitriolique avec des Huiles animales douces (1). | LALRERRE que j'ai indiquée pour faire des favons vitrioliques avec les huiles douces végétales, fert encore à combiner l'acide vitrioli- que avec les huiles douces animales, de manière qu'il en réfulte de vé- ritables favons. Je ne parlerai dans cette Section que de deux favons, — (1) Voyez le commencement de ce Mémoire , mois de Décembre 1780. A 4 + SNA te RER NE CRE LUS gr en e hs: MA + jt DRE Ê « 1:77 | 24 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, c'eft-à-dire, de celui du blanc de baleine & de celui de l’huile tirée des jaunes d'œufs par expreflion. Lorfqu'on n'a pas employé une trop grande quantité d’acide vitriolique , le favon de blanc de baleine eft caffant & d’une couleur brune. EN SRE SC IP É IRIMMENNICLE: J'ai verfé de l’eau diftillée fur un morceau de ce favon;il s’eft entièremene diflous : la folution étoit blanche, laiteufe, vifqueufe au toucher, & écu- moit très-fort lorfqu'on l'agitoit. E-X.X X, EX PEU RIT EN CE: J'ai verfé de l’efprit - de - vin fur du favon vitriolique de blanc de ba- leine; il fut entièrement diffous : La folution étoit tranfparente & d'une couleur jaune. D XD DMEPNUP SEM RUE INÎCYE; J'ai ajouté à la folution de ce favon autant d'huile de tartre par dé- faillance qu'il en falloit pour faturer l'acide vitriolique : il fe forma d’abord un coagulé blanc; je fis bouillir ce mêlange; par la chaleur, les parties huileufes fe réunirent en une mafle jaune de la confiftance de la cire , & le fuide devint tranfparent. EXO TT IN ESP EM RMIMEINICIE L'efprit de fel ammoniac produifit fur la folution de ce favon le même effet que l'huile de tartre, pourvu qu'on n'en ajoute pas plus qu'il n’eft néceflaire pour la faturation exacte de l'acide vitriolique. ; Il en eft de ce favon comme des précédens : l’on ne parvient pas à féparer les parties huileufes , fi l'on ajoute plus d’alkali que l'acide ne peut en abforber. Lorfque l'alkali eft furabondant , le blanc de baleine, après avoir été féparé de l'acide vitriolique , fe combine avec cet alkali, & forme un nouveau favon. De cette manière , on obtient fort aifément un favon de blanc de ba leine & d’alkali fixe ou volatil; ce qui donneroit beaucoup de peine, fi l'on vouloir combiner directement le blanc de baleine avec les alkalis, & fur-tout avec l’alkali volatil. LUXRROL ILE XP FIRÉTME NICE. J'ai ajouté de la magnéfie du fel d'Angleterre à la folution de ce favon: elle fe décompofa d’abord , & par la chaleur les parties huileufes fe rappro- chèrent & fe réunirent en une mafle brune. IRON OGINVONNE X°P. A ' PR mn SURL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS 2 LA SUTNVEUEX PE RME NC E. Les yeux d'écrevifles produifent fur la folution de ce fayon le même effer que la magnéfie du fel d'Angleterre. ER E VR EE GAP ER LE NICE: J'ai ajouté de l'efprit de nitre à la folution de ce favon; elle devint d’abord jaune, & fe cailla: je la mis dans un bain de fable; lorfqw’elle commença à bouillir, les parties huileufes fe réunirent en une mafle jaune & caflante, & Le fluide devint entièrement tran{parent. . EMNUE EVEL EUX P'É RTE N'C'E L’acide marin produifit fur la folution de ce favon le même effet que l'efprit de nitre, à l'exception que Le blanc de baleine étoit noir après avoir gté féparé de l'acide vitriolique. £ JAXAXOX NT ES FUN OP: ÉUR I E°N/C°E: Le vinaigre concentré ne décompofa pas la folution de ce favon, & n’y produifit aucune autre altération fenfible. NON ELIIRI ME EX CPEÉNRUIRE INAGLE J'ai mis la folution du favon vitriolique de blanc de baleine en digef- tion avec de la crème de tartre ; le favon fe décompofa , & par la chaleur les parties huileufes fe réunirent en une mafle brune de la confiftance du blanc de baleine : Le fluide qui refta étoit tranfparent, LIX Xe Xe EX PIE RE IEMNAGLE: J'ai ajouté de l’efprit de foufre volatil à la folution de ce favon; elle fe décompofa; les parties huileufes, qui étoient déjà féparées de l'acide vitriolique, fe réunirent en une mafle brune de la conliftance de la cire. XAGOUECXPP' ÉORITE"N CE J'ai fait diffoudre du nitre triangulaire dans la folution de ce favon ; il fe forma d’abord un coagulum blanc ; le refte du fluide devint tranf- RUES ; & par la chaleur les parties huileufes fe réunirent en une mafle rune d'une confftance approchante de celle du blanc de baleine, MÉRITE X PE R'L'EN QE J'ai ajouté du nitre cubique à la folution de ce favon; elle fe caïlla d’abord; le fluide devint tranfparent, & les parties huileufes fe raflembloient à la furface du fluide. Tome XVII, Part. I. 1781, JANVIER, D 26 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, X CHE ÆXIP ER MENWCE Le fel ammoniac fixe produifit fur la folution de ce favon à-peu-près le même effet que le nitre. X CT TTC EUXOP IE PRMSEENUGLES Le, fel commun régénéré produifit ur la folution du favon vitriolique de blanc de baleine , les mêmes effets que le nitre & le fel ammoniac fixe, X;. CIN. EX PIÉ R L'EUN CIE J'ai djouté de la liqueur de la terre foliée du tartre à la folution de ce favon ; elle fut décompofée; le fuide devint tranfparent , & les parties huileufes fe réunirent par la chaleur en une mafle jaune. XCV EXPÉRIENCE. J'ai mis la folution de ce favon en digeftion avec de la cérufe; au bout de quelques heures , elle fe cailla : je la is bouillir; & les parties huileufes , qui éroient difperfées dans le fluide, fe réunirent en une maffe brune de la confiftance de la cire. RACINE PIE ARINENNTIGUE. J'ai verfe la folution de ce favon fur de la limaille de plomb , & l'ai mife en digeftion pendant plufieurs jours; elle ne fe décompofa pas, & il ne s’y fit aucun changement remarquable, XICVITT. EUX P É RAIE NN C'E: La limaille d'étain, mife en digeftion pendant plufieurs jours avec la folurion du favon vitriolique de blanc de baleine , ne la décompofa pas & ne la changea en rien. XAC NET ID EX) PIÉMRADE NC! E: J'ai ajouté du zinc pulvérifé à la folution de ce favon; au bout de quelque tems, le favon fe décompofa ; la folution devint tranfparente, & les parties huileufes fe réunirent en une mafle brune. k Il fuit de ces expériences, 1°. que le compofé d'acide vitriolique & de blanc de baleine, auquel j'ai donné le nom de favon , en eft effective- ment un, puifqu'il eft diffoluble dans l’eau & dans l'efprit-de-vin, & qu'il eft décompofé par les alkalis falins & terreux, qui ont plus d’aflinité avec l'acide vitriolique, que cet acide n’en a avec le blanc de baleine. 2°. Que l'acide nitreux , l'acide marin , l'acide fulfureux volatit & la crême de tartre décompofent ce favon, tandis que l'acide végétal ne l'altère en aucune manière. La propriété de ce favon, d'être décompofé par les acides minéraux, eft commune aux favons vitrioliques d'huile de SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 2 lin, d'huile d'amande & d’huile d'olive, comme nous l'avons vu par les expériences faites fur ces favons. Pour ce qui eft de la décompofition produite par la crème de tartre, j'ai déjà remarqué qu'elle vient de l’alkali fixe , qui y eft tour formé. 3°. Que le nitre triangulaire , le nitre cubique , le fel ammoniac fixe, le fel commun régénéré, & la terre foliée du tartre, décompofent le favon en queftion. Dans ce cas, la décompofition fe fait, parce que l'affinité de l'acide vitriolique avec les bafes alkalines de ces fels eft plus grande que fon affinité avec le blanc de baleine, & qu'elle furpañle aufli l'affnité de ces mêmes bafes avec les acides auxquels elles font unies. 4°. Que le plomb ne décompofe ce favon que lorfau’il eft réduit en chaux & privé de la forme métallique. 5°. Que l'étain ne décompofe pas la folution de ce favon, tandis que le zinc pulvérifé la décompofe facilement. Je paile maintenant aux expériences faites avec le favon vitriolique d’huile tirée 4. jaunes d'œufs par expreflion. Lorfqu’en faifant ce favon on ajoute une certaine quantité d'huile d'œuf à l'acide vitriolique, & que le mélange devient vifqueux & s'épaillit, l'on remarque en le:triturant, qu'il s’en dégage une très-grande quantité de petites fphères creufes , qui forment un brouillard auteur du mortier ; ces fphères deviennent quelquefois d'un demi-pouce de diamètre, & vol tigent pendant un quart-d’heure dans l'air avant que leur écorce fe defsèche & fe brife. J'attribue ce phénomène au degré de vifcofité du mélange d’acide vitriolique & d'huile d'œuf, qui eft très-favorable à la formation de ces | boules, L'on remarque quelque chofe de femblable lorfqu’on broie de la poix fondue ; mais il s'en faut de beaucoup que le nombre des petites fphères foit aufi grand & qu'elles fe foutiennent auili long -tems dans l'air, RCA MEN RS PE PR UIRE INIGTE. Le favon vitriolique d'huile de jaunes d’œufs eft entièrement diffoluble dans l'eau ; cette folution eft blanche , opaque , vifqueufe au toucher , & elle écume très-fort lorfqu’on l’agite. C EXPÉRIENCE. L'efprit-de-vin diffout parfaitement ce favon; cetre folution eft jaune & tranfparente. CI EXPÉRIENCE. J'ai ajouté à la folution de ce favon autant d'huile de tartre qu'il en Tome XVII, Part I,1781 JANVIER. D 2 28 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, falloit pour faturer exactement l'acide vitriolique ; elle fe cailla d'abord , & les parties huileufes fe raffemblèrent à La furface du fluide en une mafle blanche de la confiftance de la cire. C'T°T. "EX PLÉlRÉTIENNIC'E L'efprit de fel ammoniac décompofe la folution de ce favon, comme l'huile‘ de tartre, pourvu qu'on Ale attention de ne pas en ajouter plus qu'il neft néceffaire pour faturer l'acide. Ce qui a été dit au fujet de la décompefition du favon de blanc de baleine, a encore lieu ici; l'huile d'œuf, qui, fäns cela, ne fe combine que très-difficilement avec les alkalis, s'y anit fort aifément lorfqu'on en forme auparavant un favon vitriolique. À C'eft pourquoi, lorfqu’on veut féparer l'huile d'œuf de l'acide vitrio- lique par l’intermède des fels alkalis, il faut ne pas en ajouter plus qu'il n'eft néceffaire pour la faturation de l'acide, E CD FER PNEIROME NICE, L’efprit de nitre coagule à l'inftant la folution de ce favon; par a chaleur, les paities huileufes , féparées de l'acide vitriolique , & difperfées dans le fluide, fe réuniflent en une mafle jaune de la confiftance de la cire. CPI Vi: EURBRIEMRIMENN CE .. Lacide marin produit fur la folution de ce favon le même effét que F'efprit de nitre, excepté feulement que l'huile, féparée de l'acide vitriolique, eft d’une couleur brune foncée. € VIDE XP ER ENEANICLE J'ai ajouté du vinaigre concentré à la folution de ce favon; il n’y produilit aucun changement remarquable. HN CN ÉTÉ XIP'ÉLRIPIEINEGEE: La folution de ce favon, mife en digeftion avec du fel fédatif, ne fe décompofa pas, & ne parut changée en rien. CN LUE XUPIÉTR I ENNICME J'ai ajouté du nitre triangulaire à la folution de ce favon ; elle fe cailla d'abord ; le favon fut décompofé, & les parties huileufes fe réunirent en une mafle brunätre. AREA CANON ou HE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. . 29 C:VUIUI-L: EYXPPAÉ TR I ENIGCE. Le fel ammoniac ordinaire, le fel ammoniac fixe , le fel marin & le fel commun régénéré produifirent le même effet que Le nitre fur la folution de ce favon. GT PENCIP'É RTE" NC E. J'ai ajouté du tartre tartarifé à la folution de ce favon ; elle refta Jaiteufe , & il ne fe fit aucune féparation des parties huileufes. Je fuis tenté de croire que l'huile a réellement été féparée de l'acide vitriolique, mais qu’elle s’eft de nouveau combinée avec le fel formé par l'union de l'acide vitriolique avec la bafe alkaline du tartre tartarifé; en forte qu'il s’'eft fait une décompoñtion & une nouvelle combiraifon. COX FEMX/PUÉ RLE-N; CE. Le borax , mis en digeftion avec la folution du favon vitriolique d’huile d'œuf, ne la décompofa pas, & ne parut l'avoir changée en aucune ma- nière. : CXI EXPÉRIENCE. J'ai ajouté du fucre de Saturne à la folution de ce favon; elle ne fe cailla pas d’abord : mais au bout de quelques jours elle fe décompofa, & les parties huileufes fe réunirent en une mafle jaune de la confiftance de la cire. GX DTEIXID ÉIRTE NIG E La limaille de fer, mife en digeftion avec la folution de ce favon, la décompofa dans l’efpace de quelques heures ; elle devint tranfparente, & les parties huileufes fe raflemblèrent à la furface du fluide. CR URTIL EX ED ER I EUNIC E. J'ai mis la folution de ce favon en digeftion avec du zinc pulvérife ; le favon fe décompofa , le fuide devint tranfparent, & les parties huileufes tombèrent au fond du vafe en flocons blancs. CXMDNe CE STI 'É RU EIN) CÆE. J'ai ajouté de À limaille de plomb à la folution de ce favon, & l'ai mife en digeftion pendant plufieurs jours; Le favon ne fe décompofa pas, la folution ne parut changée en rien. - Les réfultats de ces expériences étant affez femblables à ceux des expé- 30 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, riences faites fur Le favon vitriolique de blanc de baleine , je ne m'y arréterai pas davantage , & pañlerai à la confidération des favons vicrioliques faits avec les huiles effentielles. SEC TP L'OENAEIVIER Des Savons faits en combinant l'acide vitriolique avec des huiles effentielles: Lx grande aétivité avec laquelle l’acide vitriolique concentré agit fur les huiles effentielles , ne permet pas de combiner ces deux fubitances pour en faire des favons de la manière dont on combine, pour cet effet , l'acide vitriolique avec les huiles douces végétales ou animales. Pour faire des favons avec l'acide vitriolique & les huiles effentielles , il eft néceflaire d'empêcher tout ce qui peut augmenter l'action de cet acide fur les huiles. Voici de quelle manière j'ai réufMi à faire des favons avec l'acide vitriolique & une huile effentielle quelconque. J'ai verfé trois onces d’huile de vitriol blanc dans un mortier de verre, qui étoit placé dans de l’eau froide; enfüuice j'y ai ajouté lentement , & goutte à goutte, quatre onces de l'huile effentielle dont il sagifloit de faire un favon; j'ai trituré continuellement ce mélange, & lorfqu'il com- mençoit à s'échaufler, je n’y ai plus ajouté d'huile avant qu'il ne foit en- tièrement refroidi: j'ai continué de cette manière jufqu'à ce que toute l'huile foit mêlée avec l'acide. Cela étant fait, j'ai verfé environ une livre d'eau fur une livre de ce mélange, & l'ai fait échauffer lentement jufqu'a ce qu'elle ait un degré de chaleur approchant de celui de l'eau bouillante; alors j'ai Oté Le tout du feu : par le refroidiffement , les parties favonneufes fe réuniflent en une mafle brune, qui a plus ou moins de folidité , fuivane la nature de l'huile qu'on a employée. L'eau froide, dans laquelle je plonge le mortier de verre pendant que je mêle l'huile à l'acide vitriolique, fert à empêcher que ce mêlange ne s'échaufle trop, & à lerefroidir plus promptement, sil venoit tout d'un coup à s’échauffer. Il eft abfolument néceffaire de prendre toutes ces précautions pour empêcher la trop forte action de l'acide fur l'huile : fans cela, au lieu d'obtenir un favon , l’on obtient un corps charbonneux & demi-réfineux. Lorfqu'on ajoute en même tems une trop grande quantité d'huile à l'acide vitriolique , lon remarque une odeur d'acide fulfureux volatil très-fort; ce qui prouve qu'il fe fait une véritable deftruction de l'huile. L'eau dans laquelle je fais diffoudre le mêlange d’huile effentielle & d'acide vitriolique , eft deitinée à enlever à ce mélange l'acide, qui SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 31 pourroic encore y être furabondant, & n'être pas affez intimément uni à l'huile. ‘I ef effentiel de faire attention que l'eau ne s’échauffe pas jufqu'a bouillir; car fans cela l'acide furabondant , qui eft encore libre, agit avec trop d'activité fur l'huile effentielle , la détruit & la change en un cerps réfineux, ou même enun véritable charbon. Après avoir expofé une méthode générale pour combiner l'acide vitrio- lique avec les huiles effentielles ; de manière qu'il en réfulte des corps parfaitement favonneux, & avoir indiqué les précautions fans lefquelles on manque sprefque toujours l'opération , je vais parler de plufieurs de ces fortes de favons ; montrer qu'ils font de véritables favons, & faire voir les altérations qu'ils reçoivent lorfqu'on les unit avec d’autres fub{= tances. Je commencerai par le favon vitriolique d'huile effentielle de térében- thine. Lorfque ce favon ne contient pas d'acide furabondant, il eft brun foncé de la confiftance de la cire molle. C'X VVE XP ER MEINICIE: J'ai verfé de l'eau diftillée chaude fur un morceau de ce favon; il s'eft entièrement diffous : cette folution étoit opaque, d’une couleur grife, . vifqueufe au toucher, & écumoit crés-fort lorfqu'on l'agitoit. CONVAEURIPUÉ RAIN CE J'ai mis de lefprit-de-vin en digeftion avec un morceau de ce favon ; il s'eft entièrement diflous : cette folution étoit brune & partaitement tranfparente. CXVIL EXPÉRIENCE. Si l’on ajoute une petite quantité d'huile de tartre à la folution de ce favon, en forte qu'il y en ait exactement autant qu'il en faut pour faturer l'acide vitriolique , cette folution fe caille d'abord ; & par la chaleur, les parties huileufes fe réuniflent en une mafle brune de la confiftance de la térébenthine. CRUNEL ICE BR IDE HR UNENN'OTE: Lorfqu’on ajoute à la folution de ce favon autant d'efprit de fel am- ‘moniac qu'il en faut pour faturer l'acide vitriolique , elle fe caille, & le favon fe décompofe , comme lorfqu'on y ajoute de l'huile de vartre par défaillance. Si l'on ajoute une plus grande quantité de fel de tartre ou d’alkali volatil à la folution de ce favon, qu'il n'en faut pour faturer l'acide , elle devient d’abord jaune & tranfparente; fi on la chauffe alors jufqu'à la faire bouillir, elle redevient laiteufe , & il fe forme un nouveau favon par la combinaifon de l'alkali avec l'huile de térébenthine. > OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, L'on fait combien on a de peine à faire le favon de Starkey; il de- mande un tems & un travail de plufieurs mois (1). Au moyen de ce favon vitriolique d'huile de térébenthine , l'on peut faire ce favon dans l’efpace de quelques minutes. Pour cet effet, il ne s'agit que d'ajouter à la folution de ce favon une plus grande quantité d’alkali qu'il n'eft néceflaire pour faturer l'acide , & de faire enfuite bouillir ce mélange. C'XTE-X.N'EUXIBNÉ RNIN EINUGIE: Us L'acide nitreux cailla fur le champ la folution du favon vitriolique d'huile effentielle de rérébenthine ; les parties huileufes fe réunirent en une mafle noire, qui , lorfqu’on la ferroit entre les doigts, fe réduifoit en petits morceaux : le Auide qui refta étoit jaune & tranfparent, CA X' 0 E CP ENRIMENNNENE L'efprit de fel produifit, fur la folution de ce favon , le même effet que l'efprit de nitre. . EX EC ID ÉARNIRE IN) CAE: Le vinaigre, ajouté à la folution de ce favon, n’y produifit aucun changement remarquable. C'L XIE I. DEEP RINEMNIC'E; J'ai mis du fel d’acétofelle en digeftion avec la folution de ce favon: le fluide devint brun, entièrement tranfparent, & les parties huileufes fe réunirent en une mafle qui occupoitle fond du vafe; par le refroidiflement, une partie du fel d’acétofelle fe recryftallifa. CX XII LIFE XIPIÉMRAT ENNICEE: J'ai mis du fel fédatif en digeftion avec la folution de ce favon; iln y produifit pas de changement remarquable ni de décompoftion. CX XIV, EUX P'ÉMRAMEMNIC:E: J'ai ajouté du fel commun à la folution de ce favon ; elle fe décom-" pofa ; les parties huileufes fe réunirent en une maffe noire de la confitance de la térébenthine, le fluide devint jaune & tranfparent. - (x) MA. Rouelle & Baumé ont donné des procédés pour faire une aflez grande quantité de ce fayon en peu de tems. Voyez Diét. de Chymie de M. Macquer, au mot Savon; cependant le procédé de M, Achard me paroït bien préférable par fa fimplicité & a facilité : & Journ. de Phyÿf, 17773 Tom. IX, pag. 223. CXX V. EXP, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 33 CXXVYEXBÉRIENCE. J'ai fait difloudre du fel commun régénéré dans la folution du favon vitriolique d'huile effentielle de térébenthine ; au bout de quelque tems, cette folution étoit devenue tranfparente & de couleur brune foncée; les parties huileufes fe réunirent en une mafle noire, qui occupoit le fond du vafe. Je fuis tenté de croire, à caufe de la couleur brune que prit la felution après avoir été décompofée, que le fl commun régénéré avoit rediflous une partie de l'huile. CXXVL :EXaPÈCR I E NiGE J'ai ajouté de la liqueur de la terre foliée du tartre à la folution de ce favon, & l'ai mife en digeftion : il ne s’y fit aucun changement remar- quable. C'X°:X V VE EXPÉRIENCE. J'ai ajouté du tartre tartarifé à la folution de ce favon; elle ne fe dé, compofa pas, & ne parut pas altérée en aucune manière. CXXVIIL EXPÉRIE NC E. J'ai ajouté du verdet à la folution de ce favon; il ne fe décompofa qu'au bout de quelque tems : la folution devint verte & tranfparente; & les parties huileufes fe réunirent, par la chaleur, en une mafle brune de la sophie de la térébenthine. CENT X.CEUPIÉ RILE N CE J'ai mis la folution de ce favon en digeftion avec du plomb corné; au bout de-quelques heures, elle fe décompofa, devint entiègement tranf- parente : les parties huileufes fe réunirent en une maflebrune, & il {e forma, dans ce mélange , une matière faline qui fe cryftallifa en fort petites plumes. CRXEX LE. M PÉRbE IN GE: _ J'ai mis de la cérufe en digeftion avec la folution de ce favon; elle devint entièrement tranfparente, & les parties huileufes féparées de l'acide . . . . \ C 1 vitriolique vinrent nager à la furface de l’eau. C.X XXE) E°X!P,É R'PEN CE. J'ai ajouté de la limaille d’étain à la folution de ce favon , & ai mis le tout en digeftion : après plufieurs jours il ne s'étoit pas fait de décom- pofition, & la folution ne parut changée en aucune manière. Tome XVII, Part. I. 1781, JANVIER, E 84 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, CXXXIL EXPÉRIENCE. J'ai mis-la folution de ce favon en digeftion avec de la limaille de fer: après un certain tems elle fe décompola ; le fluide devint jaune & tranf païent, &les parties huileufes fe réunirent:, par Ja chaleur, en une mafle ‘brune, Il fuit des expériences que je viens de rapporter fur le favon vitriolique d'huile eflentielle-de térébenthine : 1°. Que le compofé d'acide vitriolique & d’huile effentielle de téré- benthine, auquel j'ai donné le nom de favon , en eft effectivement un, puifqu'il eft diffoluble dans l’eau & dans l’'efprit-de-vin; que fa folution dans l'eau eft opaque’, & fa folution’dans l'efprit-de-vin tranfparente ; enfin, parce que ce favon eft décompofé avec les alkalis, à caufe de leur aMnité gyec l'acide viriolique , qui, furpafle celle de cet acide avec les huiles. e ' 2°, Que l'acide nitreux, l'acide marin &:le fel d'acétofelle , décom- pofent la folution de ce favon , tandis que le vinaigre concentré & le fel fédatif ne la changent en aucune manière. Ce favon eft doncdécompofé par les acides minéraux , comme les favoris vitrioliques d'huiles douces végétales & animales. Pour ce qui eft de La décompofition opérée par le fel d’acérofelle , il eft probable qu’elle vient de l’alkali qui eft tout formé, mais caché dans ce fel. 3°. Que Je fel marin, le fel commun régénéré, le verdet,, le: plomb corné, la cérufe & la limaille de fer, décompofent ce favon; les fels neutres qui viennent d'être nommés décompofent le favon vitriolique d'huile de térébenthine , parce que l'acide vitriolique sunit aux bafes alka- lines ou métalliques de ces fels, avec lefquelles il a plus d’affinité qu'avec lhuile, & en chafle les acides auxquels elles étoient unies; en forte qu'il y a ici une double caufe de décompofition; c’eft-à-dire, l’abforption de l'acide vitriolique, & l'acide marin ou nitreux qui eft mis‘en liberté’, & qui, comme.on l’a vu par les expériences précédentes, a la propriété de décompofèr le favon vitriolique d'huile de-térébenchine.. 4°. Que la liqueur de la terre foliée du tartre tartarifé & la limaille d'étain ne décompofent pasicé favon. Je pafle maintenant aux expériences faites avec le favon vitriolique d'huile eflentielle de fenouil, En faifant le mêlange d'acide vitriolique & d'huile de fenouil, & en diffolvant ce mêlange DER de l’eau, j'ai remarqué une odeur très-forte, & qui reffembloit fi parfaitement à celle du camphre, qu'il étoit impof- fible de diftinguer cette odeur de celle du camphre. CN XXL EU: LE XPAELROMEINPONE: Ce favon fe diffout en entier dans l’eau diftillée: cette folution eft ; : F ; ; . opaque & d'une couleur brune ; elle écume affez fort lorfquon l'agite SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 35 CL'XIXUOL Vi EXP É ROUINE N°°€ 2E. J'ai verfé de l'efprit-de-vin fur un morceau de ce favon ; il s'eft diffous gn entier; la folution étoit brune & tranfparente, CXX XV. EXPÉRIENCE. Lorfqu'on ajoute à la folution du favon vitriolique d'huile effentielle de fenouil , autant d'huile de tartre par défaillance qu'il en faut pour faturer l'acide , elle fe caille fur-le-champ , & par le repos & la chaleur: les Res huileufes fe féparent du fluide , & fe réuniflent en une mafle jaune & confiftante, CEXXUXIV LE X PL É RIEN CE. L'efprit de fel ammoniac décompofe aufi la folution de ce favon , pourvu qu'on fafle attention de ne pas y en ajouter une trop grande quantité, & feulement autant que l'acide vitriolique peut en, abforber. Si l'on ajoute à la folution de ce favon plus d’alkali fixe ou volatil qu'il n’en faut pour faturer l'acide, cette folution devient jaune & tranfparente ; & il fe fait une décompofition , qui eft d'abord fuivie d'une nou- velle combinaifon entre l'huile féparée de l'acide vitriolique & Falkali furabondant: de forte que de cette manière on peut faire dans très-peu de rems un favon alkalin d'huile effentielle de fenouil. CEXX XV IA. CEUX P Ha R IE NC Ex J'ai verfé la folution de ce favon fur la magnéfie du fel d'Angleterre; peu après elle devint tranfparente : mais il ne fe fépara aucune partie huileufe ; en forte qu'il faut que la magnéfie, qui étoit en trop grande quantité pour s'unir en entier avec l'acide vitriolique , fe foit combinée ayec l'huile qu'elle en avoit dégagée, CXXXAVILI LUE X PAÉRol E:NIC Es J'ai ajouté de l’efprit de nitre à la folution de ce favon; ilne fa dé compofa pas, & n’y produifit aucun changement remarquable, CUXAXSRNT NE MMPHÉLRMIPE UN CIE. L’efprit de fel ne décompofa pas la folution de ce favon; & il ne fe forma pas de coagulé, comme lorfqu’on ajoute de Pefprit de fel aux folutions des autres favons vitrioliques. Tome XVII, Part. I.1781. JANVIER, -. ItEa - 36 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, CXIL EXPÉRIENCE. J'ai ajouté du vinaigre concentré à la folution du favon vitriolique d'huile de fenouil ; il ne la changea en aucune manière. GX LL EXP 'ÉRIAI EVNCC'E: J'ai mis la folution de ce favon en digeftion ‘avec de la crème de taitre; elle devint entièrement tranfparente, & d’un jaune tirant fur le brun ; il ne fe fépara cependant pas la plus petite quantité d'huile. CXLII EXPÉRIENCE Le fel d'acétofelle mis en digeftion avec la folution de ce favon , pro duifit le même effet que la crème de tartre, IL fuit de ces expériences : 1°. Que le compofé d’acide vitriolique & d'huile effentielle de fenouil auquel j'ai donné le nom de favon , le mérite à tous égards, puifqu'il eft difloluble dans l'eau & dans lefprit-de-vin, & que les fels aikalis le décompofent. 2°. Que ce favon diffère à bien des égards des autres favons vitrioli- ques, tant de ceux qui font faits avec des huiles eflentielles , que de ceux qui font faits avec des huiles douces végétales ou animales. La magnélie, l'acide nitreux , l'acide marin, la crême de tartre & le fel d’acétofelle, qui décompofent tous les autres favons , ne décompofent pas celui-ci. L'huile de fuccin , combinée avec l'acide vitriolique de la manière dont il a été dit plus haut , forme aufli un véritable favon: Les expériences fuivantes le prouveront. CXTITH/EXPÉATE NCE J'ai verfé de l'eau chaude diftillée fur un morceau de favon vitriolique d'huile de fuccin: ce favon s'eft entièrement diffous ; la folution étoit grife, opaque , vifqueufe au toucher, & écumoit aflez fort lorfqu’on l'agitoit. CNIL NV: EL XUPLÉRMISEMNICLE: Ce favon mis en digeftion avec de l'efprit-de-vin fe diffout en entier ; sette folution eft brune & tranfparente. CKXLNaELX BR ÉCROLEANICAEL Lorfqu’on ajoute à la folution de ce favon la quantité d'alkali nécef- faire pour faturer l'acide vitriolique , elle devient blanche & laiteufe, & SURIL'HIST, NATURELLE ET'LES ARTS. 57 les parties huileufes fe féparent & fe réuniflent par la chaleur en une mafle jaune d’une confiftance un peu moindre que celle de la térében- thine ; le Auide qui refte eft cranfparent. CR LVL TL EUXMPUENRET EAN CLE; J'ai ajouté de l'efprit de fel ammoniac à {a folution de ce favon; les rélultats furent, à tous égards, femblables à ceux de l'expérience pré- cédente. Si l'on ajoute à la folution du favon vitriolique d'huile de fuccin plus d’alkali que l'acide ne peut en abforber, les parties huileufes ne fe féparent pas du fluide, mais s’uniffent à l'alkali à mefure qu’elles abandonnent l'acide vitriolique, CES IEP IE EP FE RAIUELN CE, La magnéfie du fel d'Angleterre décompofa fur-le-champ la folution de ce favon; il fe forma un coagulé, & par la chaleur les parties hui- leufes fe raflemblèrent en une mafle brune, de la confftance de la térébenthine. CXEVAAFTL/E XPÉ NI EN € E: Les yeux d'écrevifles réduits en poudre & mis en digeftion avec la folution de ce favon, y produifirent les mêmes effets que la magnélie. CXLEX JEUXAPLÉGR F EN C:E. J'ai ajouté de l’efprit de nitre à la folution de ce favon: il fe forma d'abord un coagulé ; par la chaleur les parties huileufes fe réunirent en une mafle noire d'une confiftance cireufe , & le fluide devint blanc & tranfparent, CINE CMPRÉMRMINEUN ICE L'efprit de fel produifit fur la folution de ce favon les mêmes effers que l'acide nitreux. CE D ZHXPÉRME NC E. J'ai ajouté de l’efprit de foufre volatil à la folution de ce favon, & l'ai mife en digeflion : au bout de quelque tems le favon fe décompofa , les parties huileufes fe raffemblèrent en une mafle noire de la confiftance de la térébenthine, & le Auide devint parfaitement tranfparent. C'LTT EX PE R'ItENNICIE Le vinaigre concentré ne décompofa pas la folution de ce favon, & By produifit aucun autre changement. 38 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, CE LI EXP ER MIAERNIIGRE J'ai mis de la crème de tartre en digeftion avec la folution de ce favon; elle fe décompofa au bout.de quelques heures, & les parties hui- leufes fe réunirent en une mafle brune. CLIV EXPÉRIENCE. J'ai ajouté du fel ammoniac à la folution du favon vitriolique d'huile de fuccin: elle fe cailla d’abord ; & par la chaleur les parties huileufes, qui étoient déja féparées de l'acide vitriolique , fe réunirent en une mafle noire de la confiftance de la térébenthine, CIE EN CrPAÉPRTINENRGLE L’efprit de Mindérérus , ajouté à la folution de ce favon , n’y produif# au= cun changement remarquable. CLIN ENNE X PIÉPRATMENNICNE : J'ai ajouté du beurre d’antimoiïne à la folution de ce favon: l’antimoïne fe précipita d'abord, comme cela arrive ordinairement lorfqu'on y ajoute de l’eau pure; le favon fe décompofa aufli; l'huile fe fépara de l'acide vitriolique , & le fluide devint entièrement tranfparent. C'L'V:I LE X P'ÉIR VMENNC'E Le fucre de Saturne décompofa fur-le-champ la folution de ce favon, & les parties huileufes fe réunirent par la chaleur en une maffe jaune, de la confftance de la térébenthine. C'LN TL MORE MR EPMEARNM EN) C EE. La limaille de plomb mife en digeftion avec la folution de ce favor ne la décompofa pas , & ne la changea en aucune manière. CAPES EXPÉRIENCE. J'ai mis la foiution de ce favon en digeftion avec de la limaille de cuivre; elle devint tranfparente & les parties huileufes fe féparèrent de Pacide vitriolique , & fe réunirent en une mafle noire de la confiftance de la térébenthine. Il fuir de ces expériences : ., 1" Que le compofé de l'acide vitriolique & d'huile de fuccin , auquel J'ai donné le nom de favon, a tous les caractères d'un favon parfait, Il + SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 39 eft diffloluble dans l’eau & dans l'efprit-de-vin; la folution dans l’eau eft opaque ; celle dans l'efprit-de-vin eft tranfparente; enfin, il eft décompofé par les alkalis falins 8 terreux. 2°. Que l'acide nitreux , l’acide marin, l’acide fulfureux volatil & la crème de tartre, décompofent ce favon. 3°. Que l'acide végétal ne le change en aucune manière, 4°. Que le fel ammoniac, le beurre d’antimoine , le fucre de Saturne & la limaille de cuivre, décompofent ce favon , tandis que l’efprit de Min- dérérus & la limaille de plomb n’y produifent aucun changement. L'huile animale rectifiée de Dippel étant traitée avec l'acide vitriolique de la manière dont il a été dit ci-deflus, fe change aufli en un véritable favon. Lorfqu'on mêle cette huile à l'acide vitriolique , l'on remarque une odeur extrèmement approchante de celle de l'urine pourrie ; le favon, uand il eft privé de l'acide furabondant, a une odeur parfaitement fem- blable à celle du vieux fromage. GALENX PÉRELÉSNNC-E J'ai verfé de l’eau diftillée chaude fur un morceau de ce favon, il s'eft entièrement diffous ; la folution étoit brune , opaque, & écumoit un peu lorfqu'on l'agitoit. GÉXIM EX P'ÉRTE NC E; L'efprit-de-vin diffout parfaitement ce favon ; cette folution eft brune & tranfparente. CLOX AL: EXP, ÉR-INE NUCiE; J'ai ajouté autant d’huile de tartre à la folution de ce favon qu'il en falloit pour faturer l'acide: le favon fe décompofa ; & les parties hui- leufes , féparées de l'acide vitriolique, fe réunirent par la chaleur en une malle noire dela confiftance de la térébenthine. CHMPENTINL VE XV PIÉVRMIEE: NIC:E. L'efprit de fel ammoniac ajouté à la folution de ce favon, produit le même effet que l'huile de tartre. Pour décompoler ce favon au moyen des fels alkalis, de manière qu'on obtienne les parties hüileufes à part, il faut faire atrentionde n’ajourer w'autant d’aikaii que l'acide vitriolique peut en abforber; fans cela il fe Me un nouveau favon, compofé de l'huile qui étoit unie à l'acide, & du fel alkali employé pour décompofer le favon vitriolique. 40 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, CE XIV: Æ XP ÉCRIME IN C'E. L'efprit de nitre décompofa fur-le-champ la folution de ce favon; pat la chaleur les parties huileufes fe réunirent en une mafle brune , de la confiftance de la térébenthine. CL X V. MEXPIÉ RI ENNICLE. L'acide marin produifit fur la folution de ce favon à-peu-près le même effet que l’efprit de nitre. é CHLX NI ENXNP É PISE UNÈCLE: Le vinaigre très-concentré décompofa la folution de ce favon; & les parties huileufes , après avoir été féparées de l'acide vitriolique , fe réu- nirent en une mafle brune & caflante. CE X V L'L VEUX Pl ÉMERNTMENNNGLE La crème de tartre mife en digeftion avec la folution de ce favon la décompofa, & les parties huileufes fe réunirent par la chaleur en une mafle noire & caflante. L'on voit par ces expériences : 1°. Que ce que j'ai nommé favon vitriolique d'huile animale de Dippel, eft un véritable favon, puifqu'il a toutes les propriétés qui caractérifent les fubftances véritablement favonneufes. ; 2°. Que l'acide nitreux, l'acide marin , le vinaigre concentré & la crème de tartre, décompofent ce favon. Je pafle maintenant au favon vitriolique d'huile de cire. Pour faire ce favon, l’on opère comme je lai indiqué pour les huiles eflentielles , excepté qu'on n'a pas befoin de prendre autant de précautions en faifant le mélange de cette huile avec l'acide vitriolique, parce qu'il n'a pas une auf forte action fur elle que fur les huiles effentielles, CL XV L'MEMENX SP ÉNIRGIMEANDCLE Ce favon eft entièrement difloluble dans l’eau diftillée; la folution eff d'un verd fale, & écume aflez fort lorfqu'on l'agite. CLIN ME CU PIENREDMERNICTE J'ai verfé de l'efprit-de-vin fur un morceau de ce favon, & ai mis le tout en digeftion; le favon seft diffous en entier ; cette folution étoir brune & tranfparente. ÇCLXX, EXP, . SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4x CHR IX NE AP LÉ RUTÉEINUCUE: J'ai ajouté de l'huile de tartre à la folution de ce favon; de verte qu'elle étoit, elle devint d'abord blanche; par le repos & la chaleur, les parties huileufes fe féparèrent de l'acide vitriolique, & fe réunirent en une mafle brune d’une confiftance approchante de celle de la térébenthine; le fluide devint entièrement tranfparent. CE XX Bu El XUPÉ KR I ENiCIE L'efprit de fel ar oniae pen duife fur la folution du favon vitriolique d'huile de cire, le même eflet que l'huile de tartre par défaillance. Il en eft encore de ce favon comme des précédens; l’on ne peut obtenir l'huile feale, fi l'on ajoute plus d'alkali que l'acide ne peut en abforber. GILAXXUL El EEX-P'É RSIME NC E: J'ai ajouté de l'efprit de nitre à la folution de ce favon; elle fe cailla d'abord; ayant laiflé ce mélange en repos pendant quelque tems, les parties huileufes fe raflemblèrent à la-furface du fluide, & fe réunirent par la chaleur en une miafle noire, de la confiftance de la térébenthine. CAN IN L En XP ÉTRADE IN. CE. L'efprit de fel décompofa la folution de ce favon comme avoit fait l'efprit de nitre. CLR IV EXP EUR FEUN CE: J'ai ajouté du vinaigre concentré à la folurion de ce favon: elle ne fe décompofa pas, il ne parut changé en aucune manière. CLXIXONEL EN PE ROLE NICE La crème de tartre mife en digeftion avec la folution de ce favon, ne fe décompofa pas, & les parties huileufes fe raflemblèrent en flocons blancs à la furface du fluide, CUIR Vo lon EUXPLÉ R'NE.N:C-E, Le fel d'acétofelle produifit fur la folution de ce favon le même effec que la crême de tartre; les parties huileufes fe réunirent, par la chaleur , en une mafle jaune de la confiftance de la cire. GEX-X-V IL EXBLÉ RE N'C-E. Le fel fédatif ne décompofa pas la folution de ce favon , & n’y produifit aucun changement remarquable. . Tome XVII, Part.I.1781. JANVIER, FE 42 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, EC L'XUX MN MIE EX PE RIMNENNQC:E: L'efprit de foufre volatil étant mêlé avec la folution de ce favon, ne la changea en aucune manière. CLR X IE No EXP LÉ RIM ENNUCE; J'ai ajouté du borax à la folution de ce favon; elle devint entièremenc tranfparente : mais il ne fe fit aucune féparation des parties huileufes. Cette tranfparence vient, ou de ce que l'huile s'eft difloute plus parfaite- ment, ou de ce qu’elle s’eft combinée avec Le borax, après avoir abandonné Vacide vitriolique. CLIN NN NES NU PE IRMIMEUNAGUE. J'ai fait diffoudre du nitre cubique dans la folution de ce favon; elle fe décompofa d’abord : l'huile de cire fe précipita en flocons rouges , & le fluide devint entièrement tranfparent. C'LXRIX EX DMX DCE RU IMEANU CIE Le fel commun décompofa la folution de ce favon, comme avoit fait le nitre cubique; pat la chaleur, les parties huileufes, féparées de l'acide vitriolique, fe réunirent en une mafle brune de la confiftance de la térében- thine. L'on voit par les expériences qui viennent d’être rapportées , que ce favon préfente , avec les fubftances falines , les mêmes phénomènes que les autres favons vitrioliques. Je finirai cette Section , en remarquant encore que, lorfqu'on foumet un favon quelconque d'acide vitriolique & d'haile fntielle à la diftillation , il paffe do quelques outtes d’eau dans le récipient, & enfuite une huile qui s’épaifit; & enfin, par la plus forte chaleur , il vient quelques gouttes d’acide vitriolique. : Donc l'acide vitriolique épaiffit auffi les huiles effentielles. Nous avons déjà vu qu'il produit le même effec fur Les huiles douces végétales & ani- males. La facilité avec laquelle les huiles effentielles, qui ont été combinées avec l'acide vitriolique, s’uriffent aux fels alkalis, efl certainement bien remarquable, & nous donne un moyen prompt de faire des favons. alkalins d'huiles effentielles; ce qui, fans cela , eft très-difficile, & demande un travail de plufieurs mois. La fuite au Mois fuivant. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 43 PERDRE ET RECETTE L'ELLPEN TES PRE DCE PEL TIR TNEIT POSTE ET TT TRE IE NET EN PRES ME TT UR E SUR LES BALANCES D'ESSAI, Ecrite à M. l'Abbé Rogier, par M. J. Hyacinthe Magellan, Membre de la Société Royale de Londres, & Correfpondant de l'Académie Royale des Sciences de Paris. Cette Lettre contient , 1°. la defcription d’une nouvelle bafance d’effsi; 2°, une méthode nouvelle d'employer ces balances en général, de façon qu’on puïfle» même avec les plus communes, pefer très-exaétement ; 3°. enfin, une manière de faire, fans aucun tâtonnement, une fuite de petits poids fort juftes, qui puiffene fervir à exprimer avec la plus grande précifion les poids de chaque Pays (1). Moxsreur, J'Ar l'honneur de vous envoyer un précis de mon Mémoire fur les balances d'effai , qui a été lu dans l'Académie des Sciences, il y a plufieurs années. Par la méthode que je propofe, on peut, fi jene me trompe, parvenir à pefer avec une grande précifion, même avec les balances della ordi- naires. Cependant comme je crois que la balance que j'ai imaginée eft la plus parfaite de routes celles que l’on a faites jufqu'à préfent , je com- mencerai par vous en donner une idée. Vous comprendrez aifément enfuite comment ma méthode de pefer eft applicable à toutes Les autres balances de ce genre , & les avantages qui peuvent en réfulter, Dans ma balance, le fléau d’acier abc mno (pl. 1 ), eft , comme on le voit dans la figure, d’une forme rhomboïde. Ce fléau eft fort mince fur fon champ, afin de lui donner plus d'élégance, en lui confervant cependant toute fa force; il eft même évidé dans les quatre partiesgprs, po le rendre même plus léger. Une vis k 7, & une autre toute fem- lable de l'autre côté, fervent d’axe à ce fléau. Ces deux vis font d'un acier bien trempé, & leurs pointes portent ou repofent fur deux plans md (1) Voyez la defcription d’une grande balance du même Auteur, 1773, Tom.ll, pag: 252. Tome XVII, Part. I, 17981. JANVIER. F2 : SON Une | NE 44 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d’agate bien polis, qui font’ enchäflés l'un d’un côté, l’autre de l’autre, dans le piédeftal a a bb. Ce piédeftal eft fendu en za en forme de four- chette, pour recevoir la partie inférieure du fléau, & qu’elle puifle y faire librement fes vibrations. Ces deux vis paffent à travers deux trous taraudés dans deux talons ou pièces £1x#, & viennent enfuite repofer fur les plans d’agate dont je viens de parler. Le fléau porte en outre à chacune de ces extrémités deux pointes d'acier, qui font tournées en haut, & qui font un angle droitavec la ligne agpc; ce font entre ces pointes que portent une efpèce d’anneaux alongés u , u, au lieu des effes or- dinaires, ces pointes «entrant dans une efpèce de rainure pratiquée dans ces anneaux. Les deux .bafins &Æ, Æ & font fufpendus par des fils de métal extrêmement déliés, qui tiennent à une verge yy, pareillement de métal, applatie à fon extrémité y. Vous concevrez facilement que par le moyen des deux vis, qui forment l'axe de ce Aéau , on elt le maître de l’élever ou del'abaitler relativement aux plans d’agate , & de l'amener par: là aufi près qu'on veut de la ligne agpc, qui pañle par les points de la fufpenfon des baflins. Or, vous favez que par ce moyen on eft toujours en état d'augmenter ou de diminuer la mobilité ou la fenfibilité d’une ba- lance ou d’un fléau (1). Mais quelles que foient fa forme & fa mobilité , je n'ai pas befoin, - par la manière dont je me fers de la balance ; je n'ai pas befoin, dis-je, d’une égalité aufli parfaite dans les deux bras de fon Aéau que dans les balances d’effai ordinaires. En effet, un à- peu - près fuffit ici pour pefer avec toute l'exactitude poñlible , comme vous le verrez plus bas, lorfque je parlerai de ma nouvelle manière de pefer. Mais il faut achever la defcrip- tion de ma balance. Au lieu d’en placer l'aiguille où l'index au-deflus du fléau , comme à Vordinaire, je le place au bout d’un de fes bras, ainfi qu’on le voit en B; ce qui le rend beaucoup plus long, & fait appercevoir par-là. des diffé- rences beaucoup plus petites dans l'inclinaifon ou la pofition de ce fléau. Vis-à- vis l'extrémité ou la pointe de cet index, il y a une pièce à cou-- life AC, qui porte une autre pointe, & en même tems une loupe ou (1) Enceffet, la mobilité d’un fléau (toutes chofes d’ailleurs égales) dépend du degré de proximité où fon centre de gravité fe trouve, de fon centre de mouvement ; car s'il fe confondoit avec lui, la Statique nous apprend qu'il refte dans toutes les pofitions où on le mettroit, & par conféquent qu'il ne faudroït, pour le faire tourner, wune: force infiniment petite , ou fufffanté uniquement pour furmonter le frottement e fes pivots ou de: fes couteaux. il:en réfulte donc qu'ayant dans la balance de M. Magellan la poflbilité d'élever le centre de gravité du fléau ou de Pabaifier à volonté par le moyen de la-vis #z, on eft ie maîtte de donner. toute la mobilité qu'on veut à ce fléau, &c.; & par fa manière de pefer, comme on le verra plus bas fi, en tournant cette vis, il fe trouvoit que l’un-des bras du fléau devint plus long que l’autre, il n’en réfulteroit encore aucun inconvénient fenfble. SUR L'HIST. NATURELLE ET:LES ARTS. 4ç un microfcope fimple B, pour mieux juger de la coïncidence de ces deux pointes. La figure en di aflez fur le refte de cette balance. On y voit une efpèce de planchette avec une vis ff à chaque extrémité, Cette vis porte à fa partie fupérieure un petit plateau de bois gg, & re- couvert pardeflus d’un morceau de verre ire qui eft maftiqué. Cette planchette tient au bord le plus éloigné du chaflis de la lanterne, & y tourne autour des deux charnières e e, ee. Elle porte pardevantune efpèce de petit tourniquet 12 mobile horizontalement autour du point yv, & qui fert, en repofant fur le fupport 77, à retenir cette plancherte dans la fituation repréfentée dans la figure, où l’on voit les deux baflins fou- tenus de chaque côté par les deux plateaux de verre gg , gg. Quand on veut pefer ou examiner le poids de ce qui eft dans les bañins, & sil eft en équilibre , il ne faut que tourner le tourniquer 1; alors la plan- chette étant libre, on la délcend très - doucement, en ayant l'œil à la coupe B, pour voir fi, la balance étant en liberté, les deux points fe répondent bien exactement, l’une n'étant pas plus haute que l'autre. Que fi l'on obferve qu’elles ne font pas vis - à - vis l'une de l’autre, & que l'une, par exemple celle du fléau, foit plus élevée que l'autre, on remontera la planchette: on remettra de nouveau le -tourniquet fur le repos 77, & on diminuera le contre-poids dans le bain E, oppofé à cette pointe, & vice vers4, fi la pointe du fléau fe trouve plus bas que l'autre, & comme dans les balances ordinaires. Paflons maintenant à la manière de faire ufage des balances d'effai, foit que le fléau foic conftruit ou non comme celui que je viens de décrire. Cependant il faut toujours fuppofer qu'il eft placé fur un pié- deftal comme ce dernier; qu'on y ajoute une pointe, par exemple une aiguille fort fine, au bout de l'un de fes bras: enfin qu'il y a une autre pointe dans le côté intérieur de la lanterne, pour pouvoir juger avec exactitude de la poftion du fléau par la coïncidence de ces deux pointes. ou peut, lorfquon n'a pas d'autre moyen, faire tenir cette pointe avec e la cire. Manière de pefer avec les balances d'effai. La balance étant arrangée & difpofée comme je viens de le dire, on ne fera ufage que d'un feul balfin , tant pour le poids, Fo pour la chofe que lon veut pefer ; fuppofez, par exemple, que ce foit un diamant. Vous le placerez dans le baflin D, ou plutôt dans un bañlin très- mince , que vous mettrez dans ce bafin. Vous chargerez enfuite le baflin E d'un contre - poids quelconque formé de petits morceaux de cuivre ou d'un autre métal bien mince, jufqu’à ce qu'ils forment équilibre, c'eft-à- dire, jufqu’à ce que la pointe du bout du fléau fe rencontre bien vis-à-vis l'autre en B. S'il s'en du de quelque chofe qu’elles ne coïncident, on y 46 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, remédie en touchant ou en frappant tant foit peu fur la pointe de la coulifle A C. Cela étant fait, vous Ôterez le petit baflin avec le diamant; vous replacerez ce baflin, & vous y mettrez des poids connus, jufqu'à ce que les deux pointes coïncident de nouveau comme auparavant : alors vous aurez exactement le vrai poids du diamant que vous voulez con- noître. Or, cela eft fi évident pour quiconque a tant foit peu de con- noiflance de la Statique, qu’il feroittout-à-fait inutile d'en donner aucune démonttration. Je remarquerai feulement qu'il eft bien extraordinaire qu’on ait fuivi depuis fi long - tems conftamment & aveuglément l'ancienne méthode dans la conftruction des balances deftinées à des expériences délicates, En effet, la fufpenfion portée fur des chafffs mouvans empêche la fta- bilité que demandent ces balances. L'incertitude de l'égalité de longueur des bras du fléau fait qu'ilfaut toujours changer le poids du bafin pour avoir quelque réfultat fur lequel on puiffe compter ; tranfport qui entraîne un autre inconvénient : car l'axe de la balance étant formé en couteau, & les trous où il tourne étant ronds, ce changement du poids d'un baflin dans l'autre, &c., ne peut produire l'effet qu’on en attend , que lorfque le point d'appui fur lequel repofe chaque partie du couteau fe trouve précifément dans le même endroit du cercle où il étoit aupara- vant ; fans cela, l'inclinaifon du plan de fon appui doit donner une autre pofition au fléau, ou , en d’autres termes , changer l'équilibre. La méthode que je propofe eft exempte de cette incertitude , ainfi que des autres inconvéniens que je viens de faire obferver; 1°. parce que les morceaux d'agate, fur lefquels tourne l'axe, font parfaitement plans & bien polis ; 2°. parce que, même dans le cas où il y auroic quelqu'imperfection qui échapperoit aux fens, il eft clair que Le baflin fe trouvant toujours le même, & placé dans les mêmes circonftances , foit en y mettant le dia- mant ou la chofe à pefer, foit en y mettant Le poids néceflaire pour reconnoître combien ce diamant ou cette chofe pèfe, il n'en peut ré- fulter aucune différence, les caufes qui pourroient produire un effet dans la première pefée fe trouvant précifément les mêmes, & fans aucune différence dans la feconde. IL fuit de-là inconteftablement que le fléau ne peut fe trouver à la même hauteur dans ces deux pefées, que le poids de la première & celui de la feconde, placés tous les deux fuccefive- ment dans le même baflin, ne foient entièrement égaux, & par confé- quent qu'on a tout ce qu'on peut demander des balances Les plus exactes er plus précifes, qui eft l'égalité parfaite entre le poids & la chofe à peter (1), ms (1) Je füppofe, 1°. qu'on aura eu foin de mettre la lanterne (au moyen d’un niveau à l'efprit-de-vin ) dans la pofition néceffaire, c’eft-à-dire, le fond parallèle à SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 47 Munière de faire fans aucun tâtonnement une fuite de petits poids fort jufles, qui puif[ent férvir à exprimer avec la plus grande précifion les poids de chaque Pays. Tout le monde fait qu'il faut un tems confidérable pour conftruire une fuite de poids bien exacts par la méthode ordinaire. On dit que le célèbre M. Harris, Surintendant de la Monnoie d'Angleterre, avoit mis plus de cinq mois à juftifier une fuite de poids d'eflai par la méthode connue de la duplicagion ou fubduplication ; encore cette fuite ne def- cendoit-elle pas aü-deffous de la cent vingt-huitième partie d'un grain. Or, je puis aflurer que je n'ai a mis plus de douze heures pour faire celle que j'ai, & qui defcend jufqu'à la fix centième partie du même grain. Voici comme je m'y fuis pris. : J'ai cherché un fil de métal le plus fin que j'ai pu trouver; j'y ai fufpendu un poids pour le tenir tendu bien également dans toutes fes parties. J'en ai enveloppé deux fils de métal un peu plus gros ; j'ai coupé enfuite cette efpèce d'enveleppe avec un canif, en le gliffant le long des deux fils : ce qui m'a donné de petits anneaux de figure ovale & très-déliés. On fait l'extrème dudilité de l'or, & qu'on peut en avoir des fils d'une finefle extrême. Je me fuis contenté d’en prendre qui foiene fenfbles à la vue. J'ai appellé les anneaux ovales que j'en aieus, des A - ou des unités; j'ai coupé enfuite de petits triangles dans une feuille de métal très- mince, de manière qu'ils augmentaflent fucceflivement de grandeur. J'ai coupé de même des parallélogrammes & des cercles ; je les ai marqués les uns & les autres par la fuite des lettres de l'alphabet, en commençant par les plus petits, & en montant jufqu'aux plus grands cercles, qui, dans la réalité, ne pefoient pas plus d'un grain. Cela fait, j'ai pefé, par la méthode décrite ci-deflus , le plus petit triangle B avec mes unités ; & j'ai trouvé, par exemple, qu'il pefoit cinq de ces unités A. J'ai pefé enfuite ie triangle c , qui vient après, en y employant le trian- gle B, & en ajoutant à celui-ci autant d'A comme il en falloit pour a parfaite coïncidence de ma balance , & j'ai trouvé qu'il falloit B4-7— 9; ce de j'ai marqué dans une table. Par cette méthode , j'ai vérifié Le poids réel de tous les triangles ; parallélogrammes & cercles que j'avois, a Phorizon; 2°. que les furfaces planes des deux agates fur lefquelles portent'les deux pointes de vis d’acier trempé, qui font l'office d'axe dans ma balance, fe trouvent aufli parallèles au fond de la lanterre , & par conféquent à l'horizon ; 3°. enfin, que la ligne qui pafle parle milieu de la longueur du fléau , lorfqu'’il eft en équilibre, ou que l'aiguille ou la pointe qui en fait l'office fe trouve vis-à-vis de l’autre pointe fixée dans la lanterne, fe wouve pareillement parallèle au plan de l'horizon. 45 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & j'en ai fait une table. J'ai examiné enfuite tous les poids depuis un grain jufqu'à un quart d'once, poids le plus fort que mon petit fléau puifle porter, & j'ai porté fur ma table la pefanteur véritable de chacun de ces poids. J'ai fait après une comparaifon entre un gros , que m’avoit donné M. Allcorn , Intendant des Effais , & j'ai trouvé qu'il pefoit 14,66 de mes unités ; d'où il fuit que la vingt-quatrième partie , qui eft un grain, vaut 610,875 de ces unités. M, l'Abbé Bouriot, Chanoïne de Bazas, n'ayant donné dans la fuite un gros, poids de marc de Paris, qu'il m'aflura avoir ajufté lui-même très-exactement , j'ai trouvé qu'il-peloit 37:977 de mes unités, Par-là il eft fort aifé de voir que la proportion de la livre de Paris à la livre de Troy de Londres n'éft pas encore bien déterminée, à moins qu'il ny ait quelqu'erreur dans les poids qui ont fervi de bafe à mes comparaifons. On voit par cet exemple que lorfque je voudrai connoître de même le vrai rapport de la livre d’un autre pays quelconque , il fuffira d'en avoir un gros, & que la quantité de mes unités qu'il pefera m'en donnera la vraie proportion. Or, pour mettre dans les pefées toute l'exaitude néceffaire, nous devons obferver qu'il faut à chaque opération mettre tantôt une unité de plus, tantôt une unité de moins dans la balance, pour être für que la coïncidence des pointes dont nous avons parlé ci-deffus, fe perd en defcendant dans le premier cas, & en montant dans le fecond. Après avoir ainfi déterminé avec le petit Aéau deux ou trois des plus grands poids qu'il puifle pefer fans varier, c'eit - à - dire, fans indiquer différentes pefanteurs pour le même poids , ce qui arrive lorfque le fléau, étant trop chargé , il plie plus ou moins fous fa charge ; après, dis-je, qu'on aura déterminé ces poids, on pourra prendre un autre fléau plus fort. On procédera enfuite à l'examen des autres poids plus grands, jufqu'à ce qu'on foit arrivé au plus lourd de ceux qu'il peut pefer fans plier, en ayant foin de marquer toujours quelle eft la plus petite quantité, par exemple le poids B, qui l’a fait trébucher d'un côté ou de l’autre. On empioiera après cela un troilième fléau plus fort. On continuera à faire des poids exacts jufqu'au marc ou jufqu’à un autre grand poids qu'on fe propofera. Telle eft la méthode que feu M. Harris, dont j'ai parlé , employoit pour former une fuite de poids plus forts avec une grande exactitude, J'ai vu cette fuite de différens fléaux, dont le plus petit m'a paru avoir huit ou dix pouces de long, & le plus grard trois pieds ou à-peu-près, mefure d'Angleterre. Il eft pourtant néceflaire d’ob- ferver , au fujet de cette méthode, que les poids qu’on ajufte , en l'em- ployant, ne peuvent avoir une précifion plus grande que celle de la fomme des petits poids capable de faire trébucher ces fléaux : ce qu'il eft facile de fentir. Ainfi, par exemple, fi le fecond fléau ne trébuchoit qu'avec vingt unités, Le troifième avec cinquante, le quatrième avec cent, & ainf de fuite, le plus grand poids , par exemple, du quatrième fléau, qui SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 49 ui fera peut-être une livre, ne pourra être ajufté avec une précifion qui aille au- delà de 100 + fo +-20+ 1 — 171 unités, & ainfi de fuite jufqu’au poids du plus grand fléau : au lieu que fi l'on faifoit 64 quarts d’once avec le fléau le plus petit, on ajufteroit le même poids d'une livre, à 64 unités près; ce qui eft une précifion près de crois fois plus grande. LT 2 ART PISE DRE AS PR RS ee | LE NP PT RE DE M ROLAND DE LA PLATIERE Infpetteur - Général des Manufatlures de Picardie, Affocié des Académies de Rouen ; de Villefranche , de Montpellier, &c., & Correfpondanr de celle des Sciences de Paris. PEN D FE NCLONUERTONNENSES SECRÉTAIRE DE L'ACADÉMIE DE ROUEN, Sur un Projet relaiif à la matière tinéloriale , lue dans l'Académie de Rouen le 15 Novembre 1780. Monsieur, IL eft une affaire fur laquelle des prétentions , que je ne difcute point, effuient des éclairciflemens de ma part. Je n'occupe depuis fort long- tems de teinture : plufieurs chofes en font foi. 1°, Les Arts que je publie, & dont je ferai pafler incefflamment un exemplaire à l'Académie; 2°. le Prix propofé par l’Académie des Sciences de Paris, en 1775, fur l’ana- lyfe de lindigo; Prix formé chez moi entre quelques perfonnes dont je faifois partie, avec lefquelles je fis les fonds, & qui me chargèrent de rédiger le Programme. Il n'étoit point queftion d’abord de lanalyfe d'une plante, ni de la fuivre dans les différens procédés auxquels l’art l'aflujérit pour Ja mettre en état de produire une couleur plus ou moins intenfe , plus où moins folide: mais de faire, 1°. une analyfe générale des plantes propres à la teinture; 2°. une analyfe générale des ingrédiens non colorans, mais fervant à extraire ou à fixer les parties colorantes des bois ou des plantes; 3°. de donner des réfultats fentis de ces ingré- diens les uns fur les autres , yelativement aux couleurs, & fondés fur des expériences. C'eft ainfi que je préfentai la queftion à l’Académie, en La priant de la propofer äu Public, & d'agréer en dépôt es fonds deftinés à celui qui, à fon jugement, la réfoudroit le mieux ; enfin, nous demandions Tome XVII, Part. I 1781. JANVIER. G so OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, une théorie générale de la teinture, déduite des expériences : & cétoit notre titre. Nous avions beaucoup raifonné fur l’état dé la teinture, l’un des plus beaux arts entièrement dans l'enfance, & dans lequel les Artiftes mar- Choïent toujours à tätons. Nous avions remarqué bien des fois que des cuves de bleu, très - chargées encore de matière colcrante, tournoient à une fermentation putride, ou que Le bain en noircifloit, tandis que Findigo fe dépofoit dans la patée, & y reftoit adhérent, Nous avions vu la garance s'échapper de l'étoffe , après y avoir adhéré dans le commen- cement du travail, fe perdre dans le bain & ne plus fournir de teinture, Nous avions remarqué des effets fembläbles ou approchans fur des bains de bois , fur des bains de noir, &c.; & trop fouvent les ouvriers, dans ces occurrences, ne pouvant remonter au principe, ne favoir quelles conféquences tirer ni quels remèdes apporter, & fe voir forcés de perdre, avec le tems, toujours précieux , leurs bains & leurs ingrédiens qui y étoient étendus. Enfin, nous voulions tirer des lumières qui guidañle: t les Artiftes dans les procédés, foit pour la sûreté, foir dans l’économie; car il ne nous avoit point échappé ui comme une des conditions, da recherche des ingrédiens , qui , plus à portée de nous , & moins coûteux, produifoient le même effet. L'Académie fentit toute la beauté & l'utilité du projet : mais elle trouva nos demandes beaucoup au-deflus des fecours que nous offrions, & elle n'entrevit perfonne dans la République des Sciences en état d'y fatisfaire en aufli peu de tems; cependant elle nomma des Commiflaires pour en conférer avec moi, & prendre enfemble un parti le plus conforme aux vues de la Société, que l'amour de l'art excitoit à cette générofité. M. Macquer m'écrivit en conféquence : je lui répondis. Je vins a Paris: nous réduisimes la queftion à un certain nombre, qui, réunies & ré- folues , auroient complété notre première idée. La queftion fur l'analyfe de lindigo fut la prernière par laquelle nous décidâmes de tenter, peut- être, le favoir caché de quelqu'Artifte où Amateur ; & c’étoit d’après la manière dont elle auroit été réfolue, que nous devions diriger les fui- vantes. M. Trudaine mit beaucoup d'intérêt à la chofe. IL offrit fur le champ de doubier le Prix : je le priai de nous conferver fes bonnes intentions pour l'année fuivante. Je partis pour l'Italie avant l'expiration du délai : le Prix fut adjugé pendant mon abfence. M. Trudaine étoit mort à mon retour. Je fondai la nouvelle Adminiftration : elle avoit d’autres vues, & nous nous vîmes forcés de changer de marche. Je n’en fuivis pas moins mes goûts &c mes projets fur la teinture; & je puis ajouter en preuve, troifièmement, ce que j'avois dit, bien avant que j'imaginafle que qui que ce foit dans le SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. si monde s’en occupât, à M. Macquer lui-même, à MM. de Montieny, de Fougeroux, de Condorcet, Tillet & autres Académiciens de Paris, de mon projet de former un traité de la teinture, contenant l’analyfe des matières tinétoriales. Cet hiver, caufant avec confiance de mes idées & de mes projets avec M. L. D **%, if me fit aufli part de fes vues, que je vais expofer, Dee lui rendre le témoignage de leur nouveauté pour moi. J’avois fait eaucoup d'expériences fur les végétaux ; mais fans cet enfemble, qui, liant des parties aufli éparfes, donne la facilité de tirer des réfulrats gé- néraux, & ouvre bien plus la carrière & hâte autrement les progrès. M. L. D*** me donna l'idée des claffes & des familles: elle me parut lumineufe ; quoique je n’ofe pas encore aflurer qu’elle ait tout l'avantage qu'elle préfente , elle a du moins des rapports certains, dont quelques- uns, très-connus déjà, peuvent faire tirer d’heureufes conféquences pour les autres. M. L. D ***, très - habile Botanifte d’ailleurs, peut répandre un très-orand jour fur la marche des idées dans cette partie, & l’ordre à y donner pour rendre la théorie & la pratique lumineufes & faciles aux Gens-de-Lettres & aux Artiftes. D’après ces idées, nous avions formé le projet & commencé l’entreprife de l’analyfe par clafles & par familles de nos végétaux, bien avant que j’eufle été informé que M. Dambourney marchât dans la même carrière. Son travail m'ayant paflé par les mains pour être remis au Commiflaire de l'Adminiftration, jy ai vu des faits ifolés, très-intéreffans à recueillir , mais qui ne font point l'exécution de notre projet, & qui n’en donnent même pas l'idée. Dois-je encore m'expliquer fur la prétention d’un fecret pour lequel je n'en ai aucune, & que je ne crois pas même un fecret, Ad afle beaucoup de bruit? Cet celui d’aflurer les couleurs réputées de faux teint, au moyen d’une diffolution métallique dans les Lu minéraux. Je ne nommerai aucun de ceux qui en revendiquent la découverte; ils fe font affez connoître : mais j’ai avancé dans mes Arts que les Anciens avoient cette connoïffance ; que les Indiens la mettent en pratique ; que Pierre Go- belin en faifoit la bafe de fes procédés, & la chofe eft évidente. I] y a bien affez à découvrir dans cette partie; le champ à cultiver eft affez valte, pour qu'on ne s'approprie point le coin qu'un autre a détriché. Voila, Monfieur, quelques détails que vous ne trouverez peut être pas fans intérêt pour l’hiftoire de la teinture, qui fe trouve dans une heureufe époque. Je les dépofe en vos mains comme un hommage public que je dois à la vérité. J'ai l'honneur d’être, &c. A Paris, ce:3 Aoûr 1780. FRET Tome XVII, Part. 1,1781. JANVIER. G2 LEP DORE A.M. HAILLET DE COURONNE, Secrétaire Perpétuel de l'Académie des Sciences, Belles - Lettres & Arts de Rouen, & lue à la Séance de la même Académie du 15 Novembre dernier ; Contenant l’hifloire €: le plan d'un Ouvrage qui aura-pour titre : Botanique des Peintres & des Leinturiers, fuivant l’ordre des familles naturellès, avec quelques vues nouvelles fur l'analogie extrinsèque & intrinsèque des Plantes dans la pratique des Arts en général @ de la Teinture en particulier. Duz4 Août 1780. Par HI*Y*, de l'Académie de Rouen, ec. ES y a déjà long-tems, Monfieur & cher Confrère, que je vous ai parlé d’un projet utile aux Arts; mais, preffé par mille autres occupa- tions, je ne vous en ai parlé que d'une façon générale. Je vous ai dit que ce projet étoit neuf; que j'avois la noble ambition de vouloir jeter es fondemens d’une fcience qui n'exifte pas encore, fi l'on en excepte quelques lambeaux détachés. Je vais mettre les faits fous vos yeux, vous prononcerez. Vous pouvez vous rappeller que dès le mois d'Oûobre 1777, en conférant avec vous fur différens projets relatifs aux Sciences & aux Lettres, je vous parlai d’un Ouvrage dont j'avois dès-lors jetté les fon- demens. Je vous dis que la leéture d'une Diflertation de Linnæus , inti- tulée : Plantæ Tinéloriæ , qui fe trouve dans le V° Tome des Amænitates Academicæ de ce favant Naturalifte, m'avoit fait naître le projet de créer, pour ainfi dire, une matière tinéloriale tirée du feul règne végétal. Cet Ouvrage, vous dis-je alors, fera, pour la Peinture & la Teinture, ce que la maiière médicale, tirée des plantes, eft pour la Médecine; & fl me fera doux d’être utile à la Ville de Rouen, où l'Art de la Teinture eft peut-être plus cultivé que par-tout ailleurs. Lorfqu'on connoïtra toutes les plantes indigènes ou exotiques qui peuvent fervir dans l’exercice de cet Art utile, ce fera un encouiagement, un avertiflement au moins pour en cultiver un grand nombre, qui, jufqu'à préfent, ont été né- gligées. Plufeurs croiflent dans Les plus mauvais terreins, fans foin & re ê APT + | Eh R ; "HIST. NATURELLE ET LES ARTS. #3: Fans culture ; que feroit- ce fi on les rafflembloit avec quelque atteñtion , fi on les femoit! Vous aïmez le bien public, mon cher Confière ; vous m’exhortâtes à fuivre mon projet. Depuis ce tems , je m'en fuis occupé. Au commence- ment de 1778, je lus la Bibliothèque Botanique de Haller; je notai tous les Livres qui pouvoient être utiles à l'exécution de mon plan; j'ai fait depuis la même chofe pour le Journal Economique, pour différens Mémoires d'Académies , & autres Ouvrages cftimés. Si la Bibliographie f'eft pas la première des Sciences, elle eft au moins le fondement de toutes les autres; & l’homme prudent & jufte, qui ne veur pas s’expofer à faire ce qui a été déjà fait, ou à s'emparer , peurêtre fans le favoir, de LOuvrage d'autrui, commence, lorfqu'il entréprend un Ouvrage lit- téraire quelconque, par fe mertre au fait de tous les Ouvrages écrits fur la même matière. C'eft ce que j'ai fair, & c’eft ce que je fais encore tous les jours. Avouons-le cependant; ces différentes connoifflances préli- minaires ne font qu'un échafaudage , néceffaire à la vérité, mais qui doit difparoïrre lorfque l'Ouvrage eft fair. Le plan, l’ordre, l'enfemble, voilà ce qui mintérefle, voilà ce qui n''attache patticulièrement pour travailler ou pour juger. 2 Le projet de ma Botanique’ des Peintres & des Teinturiers une fois conçu, je réfléchis quelque tems fur l’ordre dans lequel je l'exécuterois. & Sera-ce, me dis - je alors, par ordre alphabétique ? il napprend rien. > Sera-ce par l'ordre des différentes coileurs que fourniffent les végétaux ? » placerai-je enfemble les plantes qui donnent une couleur jaune? réani- »rai-je en une même clafle celles qui fourniflent une couleur verte? 3 Cet ordre eft fans doute infiniment meilleur que l’ordre alphabétique. » On pourroit le fuivre : mais il ne rempliroit pas toutes mes vues. M. » Linné,' dans les cent plantes environ dont il a parlé dans fa Diflerta-- » tion, les claffe fuivant fon fyftême fexuel ; fuivrai-je cet arrangement © » IL peut étre bon, à quelques égards , pour la Boranique théorique, mais » non pas pour la Boranique pratique dont il s’agit ici ». Après différentes réflexions, je me fixai à l'ordre des familles naturelles établi au Jardin du Roi de Paris, qui commence par le champignon, & finit par le cèdre du Liban. Parmi les différentes raifons de mon choix, je me bornerai ici à en expofer une. Mon intention & mon defir feroient qu'au moyen de mon Ouvrage , & des étiquettes qui accompagnent les plantes du Jardin du Roi, chacun püc prendre , feul & fans maître, dans ce Jardin célèbre ,un: con- noiffance fufffante des végétaux indigènes & exotiques propres à la Teinture; & la fuite de certe Lettre fera voir de plus en plus que cela eft poflible, facile même jufqu'à un certain point. Ce n'eft pas ici Le lieu de roiaer que dans la Botanique, comme dans les deux autres règnes, il exifte un ordre naturel, que tout eft lié ) 54 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dans la Nature, & qu’elle ne procède jamais par ces fauts brufques, fi fréquens dans les Ouvrages de l’Art; cette vérité eft 2- peu-près univerfelle- ment reconnue ; mais J'aime à obferver que ce n'eft rien que de faire des découvertes, qu'il faut les rendre utiles, & que la gloire ftérile ou def wuctive n’eft qu'un fantôme ridicule ou cruel, qni ne peut tenir devant la raifon. Tout ce que nous faifons, difoit un Ancien, doit porter le caractère d'utilité, fans quoi la gloire qui nous en revient ne fera que folie. ( N1f2 utile eff quod facimus , flulta ef? gloria. Phæd. ). Particularifons certe idée, & revenons à l’objet de cette Lettre. Quelle a pu être la raifon qui a déterminé le Créateur à établir des rapports extérieurs entre certaines plantes, fi ce n'eft pour nous avertir qu'il a placé à-peu-près les mêmes rapports entre les propriétés internes ? : Après mètre occupé de ces rapports extérieurs, tels que Rp le Jardin du Roi, je m'étois mis à étudier les vertus médicales des plantes. Au commencement de cette étude, je me dis à moi-même : Sans doute les plantes qui fe reffemblent nous préfenteront des propriétés femblables, des ufages analogues. La pratique vérifia mes conjectures ; la lecture de Tournefort, de Chomel, de Geoffroy, de Linné, de Jufieu, d'Haf- felquift, &c., m'apprit que l'expérience étoit d'accord avec mes idées, Je tirai de cette érude un réfultat prefque général; je vis qu'à un très- petit nombre d’exceptions près, on pouvoit, dans un même genre, fub{- tituer pour la pratique, une efpèce à une autre. Je vis plus; je vis que dans une même famille la Divinité avoit imprimé à-peu près le même caractère , le même fceau d'utilité ou de réprobation. C’eft ce que Je pourrois aifément prouver par le détail des ll'acées, des labiées, des cruciferes, des ombelliferes, des papilionacées , des graminées, des eu- phorbes, &c.; mais cette matière importante fera quelque jour le fujet d'une ailez longue differtation dans les élémens de Botanique dont je vous ai fait voir le Plan. 5 Ce premier pas fait dans l'étude de la Botanique pratique, je voulus en faire un fecond, & je me dis encore à moi-même: « Il me paroît im- » poflible que Dieu n'ait deftiné les plantes qu’à nous guérir ; le Grand- » Etre eft trop bon pour les avoir bornées à ce genre d'utilité. Pour- » quoi donc, jufqu'à préfent, femble -t-on les avoir circonfcrites dans » ce cercle étroit? L'homme eft - il donc néceffairement deftiné à la » maladie & aux fouffrances? Non, fans doute; & sil eft quelques » maladies inévitables pour l'homme le plus fage, ilen eft peut-être un » plus grand nombre, qui font les effets également triftes & néceifaires » de fon intempérance , de fes autres pañlions, des erreurs de l'éducation » & de l'habitude ». Je continuai ma méditation philofophique , & je me dis encore ; æ L'état des homnres influe fur leurs idées , fur leurs recherches , fur leurs ® travaux , beaucoup plus qu'on ne peut croire. Quels font les Auteurs . SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS, ç$ » qui ont traité des plantes, qui onc écrit fur leurs vertus & leurs pro- » priétés? ce font prefque vous des Médecins. IL eft donc naturel qu'ils » aient porté leurs recherches du côté de la Médecine. Auffi Les matières >» médicales fe {ont-elles multipliées à un point extrême , tandis quonrna >» pas une marièretinéloriale, pas une mutière ruflique, pas une matière des Aris » quelconques «. » Voici donc, me dis-je alors, un champ à defricher. Commençons » par un Coin; & peut-être, de proche en proche, pourrons-nous parvenir » Jufqu'à la fin ». Je me propofai donc de travailler à la Botanique des Arts, & de commencer par celle de la Teinture. J'ai déjà raffemblé un grand nombre de faits, d'obfervations & de matériaux de tout genre. Je n'entrerai point ici dans le détail de mon plan général ; je me borne à une partie, aux plantes qui peuvent être utiles pour La Peinture & La Teinture. On parle volontiers à fes amis de ce qui nous intérefle, de ce qui faic l'objet de nos occupations. L'hiver dernier , caufant avec M.R. D. L**, notre Confrère , dont vous connoiflez les talens naturels & acquis en dif- férens genres, & fur-tout dans les Arts, il me parloit de fes études, je lui parlois des miennes. La converfation tomba naturellement fur la Botanique des Peintres & des Teinturiers. Je lui montrai ce que j'avois raflemblé fur cet objet. Je lui dis alors : « Il me femble avoir bien ob- » fervé que chaque famille des plantes donne une fuite graduée des » mêmes genres de couleurs depuis les rubiacées, dont les racines four- > niflent toutes une couleur roug- ,:qui ne differe de celle de la garance, » qui appartient à cette famille, que par l’intenfité ou la nuance, juf- » qu'aux lichen, auxquels appartient l’orfeille , &c. Il s’agiroit, ajoutai- » je, de vérifier entièrement ces PERS obfervations ; & c’eft à quoi » je m'occuperai , fi jamais, rendu à moi-même , je puis faire une fuite » d'expériences dans l’ordre que je me propofe. Malheureufement la fituation » où je me trouve dans ce moment, & mes autres études, ne me permettent >» pas de me livrer actuellement à cette fuite d'expériences ». M. R. D. L'*** applaudit à mes vues. Il me ft part des fiennes, me propofa de s’unir à moi pour ce genre de travail. Il fe chargea des expériences à faire ou à répéter, qui doivent être plus faciles pour lui ue pour moi, à caufe des relations que fon état lui donne avec les ter Je me chargeai de tenir la plume, & de faire toutes les recherches que les Livres pourroient me fournir. Il fut convenu que ces expériences feroient dirigées fuivant l’ordre des familles des plantes. « /L » faut abfolument s’affurer , lui dis - je alors , comme j'ai déjà commencé » à l'obferver fur un grand nombre de végétaux , sil en eft de la Tein- » ture comme de la Médecine; fi les couleurs, fournies par les plantes , » ont toujours d'autant plus d'analogie, que ces plantes ont une reflem- » blance extérieure plus frappante. Si l'on découvre certainement en 56 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » Teinture ce qui eft déjà découvert dans la matière médicale | & mème » en quelque forte dans la matière alimentaire ; fi l'on découvre décidé- » ment, & par une fuite d'expériences, que dans cet Art utile l’analogi » intrinsèque eft à-peu-près la même que l'analogie extrinsèque : ce fera, j'ofe » Le dire, un pas de Géant dans la Botanique pratique , qui intéreffe particu- » lièrement la Société». Il loua mes idées: il convint que ce point de vue étoit de la plus grande importance. « Du moins, lui disje , il réfultera de nos travaux > des faits bien conftatés; &,, pour la perfection des Sciences & des » Arts, jamais Les faits ne fonc perdus pour celui qui fait s’en faifir & les » faire valoir». : Ce fut à-peu-près dans ce tems que vous m'apprites que Monfieur Dambourney soccupoit à tirer différentes teintures de nos. végétaux indigènes ou naturalifés en Normandie. Vous pouvez vous rappeller qu'en répondant à votre Lettre, je vous marquai beaucoup d'envie de voir le rélultat des travaux de notre Confrère ; j'avois mes raifons , & vous voyez qu'elles étoient bonnes, Je voulois favoir fi nous nous étions ren- contrés dans la même route; vous ne pütes me fatisfaire. Le hafard ft ce qui avoit réfifté aux defirs & aux de l'amitié. J’eus communi- cation du Mémoire de M. Dambourney, & des cent foixante - huit échantillons de teinture qu'il a donnés au Public. Je m'occupai de ce Mémoire ; j'y fis quelques remarques : j'y défignai les plantes mifes en expérience par les noms triviaux de Linné , devenus par-tout le Îan- gage abrégé de la Botanique , & je les joignis aux noms François. Je les rangeai fuivant l’ordre naturel fuivi au Jardin du Roi. Je communi- quai mon travail à M. R. D. L***, Il avoit alors avec lui un de fes amis, qui me parut être un homme fort inftruit en Chymie & en Bo- tanique , & joindre à ces connoiflances beaucoup de fuite dans le rai- fonnement. On le mit dans notre fecret-: il connoïffoit déjà le travail e M. Dambourney. Il paroït démontré, nous dit-il, que M. le Secré- taire de l'Académie de Rouen, pour la partie des Sciences, n’a point eu l'idée de l'analogie extrinsèque @ intrinsèque des plantes ; G: on peut le conclure de l’efpèce de confufion de couleurs qui règne dans la fuite de fes échantillons. Ce principe d'analosie extrinsèque @ intrinsèque, egalement fimple , lumineux @ fécond ; vous paroît entièrement dû, me dit-il, Monfieur ; & je ne doute pas qu'il ne devienne entre vos mains G celles de M. R. D L*Y** une fource d'utilité conftante @ générale. Le Mémoire de M. Darbozrney me paroît fournir quelques fairs, 6: rien de plus. & Vous voyez , dis-je alors à M. R. D. L***, que notre projet relte » abfolument intact. Il faut donc nous en occuper férieufement; mais, > dans les différentes opérations à faire, il faut que la Chymie & la Bo- » tanique fe prêtent des fecours mutuels. Il faut que le Chymifte, guidé » par le Botanifte, épuife une famille entière, les efpèces, les variétés » mème SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 57 * même d'un gente, avant de pafler à d’autres objets : où du moivs, fi >» la Nature, qui fouvent fait naître les végétaux d'une même famille ou >» d'un même genre dans différens tems, ne permet pas d'épuifer de fuite » toutes les efpèces qui ont des rapports extérieurs plus ou moins directs, nil faut noter toutes ces expériences à part, & les préfenter enfüuite dans mlordre des variétés, des efpèces, des genres & des familles ; c’elt Le » feul moyen de s’aflurer fi l'avantage d'adopter & de fuivre l'ordre na- » turel, l'ordre graduet de refflemblance dans la configuration extérieure » des plantes, donne celui d'en conclure les mêmes principes, les mêmes » propriétés dans Les parties internes pour les différens ufages auxquels » l'homme peut appliquer les végétaux. Ces expériences conduiront en- » core à connoître la différence que les climats & la culture mettront dans » les réfultats fournis par les plantes. Voici, par exemple, une plante » qui n'eft qu'une variété, fruit unique de la culture; donne - t-elle le » même produit que fi elle eût été abandonnée aux feuls foins de la » Nature En voici une du même genre de l'Amérique Septentrionale Ÿ »en voici une troifième de l'Amérique Méridionale ; quel eft le réfultac » de ces trois efpèces du même genre, nées dans des climats différens, » foumifes aux mêmes expériences»? Je crois, mon cher Confrère, que des expériences , dirigées fous ce point de vue, peuvent fervir à foulever un petit coin du voile de la Na- ture. Par ce moyen, on pourra voir, jufqu'a un certain point, l'influence des climats & c-lle des travaux des hommes fur les ouvrages de Dieu; & ce fpectacle ne vous paroîtra pas fans doute indifférent pour un Philo- fophe. Déjà nous avons raffemblé , M.R. D. L***& moi, une fuire de végétaux pour faire des expériences: mais nous ne les avons pas raflemblés au hafard, & comme ils fe font préfentés. Par exemple, nous avons raf- femblé les bois de la famille Li Erables, depuis celui de nos foréts, que les Luthiers emploient, jufqu'à celui que Kalm nous a fait con- noître, & dont les Habitans de la Virginie, où il croît naturellement, tirent un fucre aflez femblable au fucre ordinaire. Nous avons fait la même chofe pour les Saules , les Peupliers , les Rhus, les Figuiers, les Müriers, les Bouleaux , les Charmes, &c. Teile eft, mon cher Confrère, l’hiftoire de ma Botanique des Peintres &@ des Teinturiers. Je veux finir cette Lettre, en expofant en peu de mots la manière dont je compte exécuter ce plan. Les plantes, comme je l'ai déjà dit, feront rangées fuivant l’ordre établi au Jardin du Roi, tout-à-la fois parce que cet ordre me paroïc plus conforme à la Nature, plus propre à lui arracher au moins une partie de fon fecret, plus propre encore à faciliter les moyens d'étudier , feul & fans maître , les plantes dont il fera queftion , avec le fecours des étiquettes jointes à l'Ouvrage. On peut le dire fans latterie, ce Jardin, Tome XVII, Part. I. 1781. JANVIER. H 58 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, le plus beau peut-être de l'Europe, eft devenu de l'accès le plus facile par l'honnêteté & la poliefle de ceux qui le gouvernent. Chaque plante fera indiquée d’abord par le nom trivial de Linné ; c’eft celui qui eft marqué fur les étiquettes qui accompagnent les plantes du Jardin du Roi. Ce nom fera imprimé dans mon Ouvrage en gros caractère, afin qu'il puifle frapper d’abord. Il fera fuivi des noms Fran- \Çois; mais comme cet Ouvrage eff fait particulièrement pour faire con- noître à ceux qui pratiquent l’Ârt de la Peinture & celui de la Teinture , Yhiftoire de toutes les matières que peut leur fournir le règne végétal, & que fouvent une même plante porte plufiears noms François , fuivant les différens Pays, je ne me contenterai pas d’un feul; j'y mettrai tous ceux que j'aurai pu découvrir : à ce moyen, par-tout on pourra s'y recon- noître. Pour rendre l'Ouvrage d'une utiliré plus générale encore, qui empêcheroit de joindre à ces noms François les noms Anglois, Suédois , Italiens, Efpagnols, &c.? Cette première nomenclature abréoée fera fuivie de l'indication du pays & du fol où la plante dont il s'agira croît naturellement. Rien de plus utile, à tous égards, que cette indication, & fur - tout pour le Cultivateur, qui ne peut réuflir dans fon Art qu'en procurant , autant qu'il eft poffible, aux végétaux , qui font l'objet de fes foins , le même climat , le mème terrein à-peuprès que ceux où la Nature les fait croître. Tout l'Art du Jardinier Botanifte fe réduit, comme bien d’au- tres, à ces mots bien fimples : Naturam imitare magiffram. Ce fera donc ici le lieu de parler de la culture de la plante, & c'eft ce qu'on fera. - On trouvera enfuite la fynonymie de la même plante, c'eft-à- dire , les phrafes dont fe font fervis, pour la défigner , les Auteurs Botaniftes des différens tems. Chaque phrafe Latine fera fuivie de fa traduction Françoife la plus exacte qu'il fera poflible ; car il ne faut pas oublier un inftant qu'en travaillant pour les Savans, on travaille encore plus pour les Gens de Art, qui ignorent cette Langue précife, douce, harmo- nieufe, la Langue Latine, qui eft fur-tout néceflaire dans la Botanique, qu'on n'a pas encore rendue Françoife, comme on auroit dû le faire. Je m'attacherai particulièrement aux phrafes des Auteurs nouveaux, & fur-tout de ceux qui ont parlé de la plante en Boranifles pratiques. Cette fynonymie, devenue malheureufement d'une nécefité indifpen- fable dans l’étude de la Botanique, fera fuivie de la defcription claire & abrégée de la plante ; les phrafes fynonymes des différens Auteurs feront, autant qu'il fera poffible, la preuve juftificative de ma defcriprion. Chaque article fera rerminé par l'ufage-pratique de la plante dans la Teinture. On parlera de la manière de l’y employer; on fera l’hiftoire des expériences qui auront été faites à cet égard. On citera exactement les Auteurs qui auront le mieux travaillé fur cette plante relativement à ve SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 59 la Teinture. De tems en tems on ajoutera quelques conjeétures fur ce qu'il y auroit encore à faire , afin de tirer tout le parti poflible de la plante pour les progrès de l'Art. Je rendrai à mon laborieux & favant Coopérateur toute la juftice qui lui fera due ; je citerai aufi M. Dambourney, en lui rendant l'hommage qu'il mérite. A la fin de l'Ouvrage, je rangerai les plantes par l’ordre des couleurs, fuivant leurs noms François feulement, & au plus , fuivant Les noms tri- viaux de Linné. Chaque plante fera fuivie de la page où il en fera quef- tion dans le corps du Livre. Le tout fera terminé par deux tables alpha- bétiques , l'une des noms Latins, l’autre des noms François , avec les renvois néceflaires; & enfin par une Bibliographie tinéloriale, où l’on trouvera la notice raifonnée des Auteurs généraux & particuliers fur l'Arc de la Teinture, celle des differtations perdues, pour ainfi dire, dans les Recueils, dans les Journaux & autres Ouvrages de cette efpèce, & qui peuvent intérefler cet Art utile. Notre intention eft encore qu'on trouve, au commencement de notre Ouvrage, une hiftoire abrégée de l'Art de la Teinture depuis les anciens tems jufqu’à nos jours. Tel eft, mon cher Confrère , le plan de cet Ouvrage, qui ne laiffe pas que d’être avancé, à certains égards. Quelques perfonnes voudroient que je file graver & enluminer les plantes dont il fera queftion; ce feroit une dépenfe très confidérable, & je n'ai pas pris de parti fur cet objet : mais ce que je defire, ce feroit de faire enluminer fur la nature même les échantillons des couleurs produites par chaque plante, & de placer cet échantillon, ainfi enluminé, vis-à-vis de la plante même. Il me femble que l'exécution de cette idée feroit d’une véritable utilité. Ce n’eft rien en effet, ou peu de chofe, de dire que cette plante, traitée de telle ma- nière, produit telle couleur : un coup - d'œil fur la couleur même, en MEURT quetoutes les defcriptions. Je remarquerai ici que M. R. D. L*** & moi nous comptons faire nos expériences fur des étoffes de différentes efpèces, fur laïtoile, fur la laine, fur la foie; &, à cet égard, -il faut encore obferver qu'il nous paroît que M. Dambourney, en choififfant pour le fujet de fes couleurs le feutre des chapeaux, a cheifi la matière la plus avantageufe pour la teinture , parce que la liaifon , en tout {ens, des parties qui compofent ce feutre, retient plus facilement les parties colorantes , & lui donne par conféquent plus d'éclat qu’elle ne pourroit faire à une étoffe légère de fil, de coton, de laine ou de foie, dont les par- ties font plus-droites & moins nombreufes. Ceci, au refte, n’eft encore qu'une conjecture que l'expérience pourra vérifier ou détruire, Vous me demanderez peut-être, mon cher Confrère , fi cet Ouvrage fera un Traité complet de la Teinture ? Non, fans doute, pas plus qu'une Matière médicale n'eft un Traité complet de Médecine. Il s’agit de faire connoïître aux Peintres & aux Teinturiers toutes les matières , rous les ingré- diens que le règne végétal peut leur fournir dans la pratique, & de les Tome XVII, Part I. 1781. JANVIER. H2 A te ANNE TE TN 60 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, leur faire connoître dans toutes leurs parties par des principes fixes & conftans , & non pas feulement par la routine, qui, pour lordinaire, les guide uniquement. IL s’agit de leur en apprendre tous les noms exiftans , afin d'éviter les erreurs. Ce qui arriva dernièrement à un Anglois, dont je vous ai parlé plufieurs fois, en démontre la néceflité. Occupé de la Chymie qu'il cultive avec fuccès, & qui vient même de lui procurer un très-beau rouge tiré du feul règne végétal, il avoir befoin du fafran bâtard ( Carthamus tin&lo- rius, Linn.), Il alla le demander fous ce nom François, qui eft le véri- table, à un Droguifte, qui lui répondit qu'il ne l'avoit pas. Il alla chez un autre, même réponfe. Enfin, fatigué de fes courfes , il décrivit ce qu'il demandoit. Après différentes explications, on lui montra ce qu'il cherchoit, & qui, dans les boutiques, porte le nom de fafranum. Cette petite hiftoire peut contribuer à faire fentir l'utilité du projet dont je viens de vous faire part; c'eft un moyen de répandre une inftruétion de- venue néceflaire parmi les Marchands & les Artifans. Je vous ai parlé plus haut d’une Botanique univerfelle des Arts ; vous voudrez peut-être favoir en quoi confifte ce projet dont la Botanique des Peintres @& des Teinturiers n'eft qu'une partie. Ce que je vous ai dit pour- roit vous en faire connoître l’idée; mais fi vous le defirez, je vous en ferai quelque jour Le détail. Je vous expoferai ce que j'ai fait & ce que je me propofe de faire pour conduire lOuvrage à fa fin. Aujourd'hui, je me contenterai de vous dire que je voudrois faire fur tous les Arts en général, en commençant par le plus précieux de tous, par l'Aoricul- ture; ce que je viens de vous expofer fur la Teinture. J'ai déjà fait beaucoup de chofes à cet égard. Il y a quelque tems , en particulier , que j'ai achevé la Traduélion avec des Notes de deux excellens Ouvrages de Lin- né: l’un eft le réfultat de deux milletrois cents quatorze expériences fur les plantes indigènes à la Suède, les mêmes à-peu-près que celles de la France, qui, préfentées au bœuf, à la chèvre, au mouton, au cheval & au co- chon, ont été mangées ou rejetées par ces animaux. Cet Ouvrage eft intitulé: Le Pan Suedois ( Pan Suecus ); la fonétion que les Païens donnoient à ce faux Dieu, qu'ils regardoient comme celui des Bergers, en explique le titre & l'objet. L'autre a pour titre : La Flore économique (Flora œconomica) ; c'eft un eflai fur les plantes de la Suède, qui font d’ufage dans les Arts. Différentes circonftances ont rendu ces deux Tra- ductions difficiles, comme on pourroit s'en convaincre en les comparant aux originaux : mais elles font achevées. Je compte traduire encore quel- ques autres Differtations-pratiques de ce Prince des Botaniftes, fur les principes généraux qui concernent la culture des plantes relativement au climat & au fol où elles naïiflent, fwr les alimens de nos jours comparés à ceux des Anciens, fur les rlantes qui peuvent fervir de nourriture en tems de diferte, Ge... de rout ceci, il réfultera un ou deux Volumes qu'on » 11: M MnMSlEi HSRE SURPLIHIST NATURE LLEVET LES ARTS... 6à pourra intiuler : Mélanges de Botanique pratique , Gc. Ne pourroit-on pas dire qu'on s’eft prefqueuniquement borné àla connoiflance rheorique ou mé- dicale des plantes, & qu'on a trop négligé l'étude vraiment utile de leur ufage & de leur application dans les Arts ? : M. Ducretot, célèbre Fabricant de Louviers, qui s’eft beaucoup occupé de Teinture, & qui s’en occupe encore , vint me voir, il y a quelques jours. Nous parlâmes du fegret de M. de la Follie, communiqué, dit le Mémoire de M. Dambourney , aux Fabricans de Louviers & d'Elbeut, & que néanmoins M. Ducretot aflure ne pas avoir. Je lui moatrai mon plan, mes recueils, mes notes, mes obfervations: il parut goûter cet Ouvrage ; &, dans loccafion, je compte m'aider de fes lumières & de fon expérience. : Je vous avoue, mon cher Confrère , que je ne ferois pas fâché qu’on fût que je fuis le premier qui me fuis perluadé , par le réfultat de mes lectures & de mes obfervations, qu'il y a une analogie entre les propriétes des plantes pour la Teinture &: leur configuration extérieure ; en. forte que chaque famille naturelle des plantes doit donner une fuite graduée des mêmes genres de couleurs. | Je defire que vous fafiez part de cette Lettre à l'Académie, Je fuis, &c. RE CARE RCE: S Sur la graduation du Thermomètre dont s’eft fervi M. Gautier pour les. Obfervaiions météorologiques faites à Québec, & inférées dans les Mémoires de l’Académie Royale des Sciences , années 1744: 4745 , 1746 & 1749. Par M. Gauflen , de Montpellier. AVE! RTL SSS EE MIE) NT. LE Differtation que je produis aujourd’hui , pour preffentir le jugement du Public fur le genre de travail auquel je me fuis livré , fait partie d'un Ouvrage affez étendu, dans lequel je cherche les principes de conftruc- tion de tous les thermomètres qui me font connus, &+ leur compa- raifon entr'eux. On trouvera dans cette Diflertation des chofes qui pour- zont paroître peu intelligibles, parce que le Lecteur eft fuppofé avoir 62 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, été inftruit, dans ce qui a précédé , des fondemens généraux dont j'ai fait l'application au thermomètre de M. Gautier. Le morceau que je préfente étant ifolé & hors d'œuvre , il eft néceffaire d'expliquer au moins fommairement les principes de comparaifon que j'ai adoptés, & d'apres lefquels j'ai calculé leurs rapports. , La comparailon de ces deux thermomètres, remplis d’un même fluide , eft une chofe facile. Leurs degrés de dilatation font les mêmes dans toutes les parties de leur échelle, & la connoïiflance de leurs rapports dépend d'un calcul fort fimple. Ainfi, lorfque l’on fait que le thermo- mètre de Farenheit marque 212° à l'eau bouillante & 324 à la congé- lation, & que dans celui de Delifle, dont la graduation commence à l'eau bouillante , où on compte O, les degrés croiffent jufqu'’au nombre de 150 au point de la congélation, on a le rapport 212— 32— 180 Farenheit = 150 Delifle; & ce rapport eft fufhfant pour réduire à l’un de ces thermomètres un intervalle quelconque de l'autre. Mais il n’en eft pas de même lorfqu'on veut comparer deux thermo- mètres remplis de Auides différens. Chaque fluide a des loix de dilatation qui lui font particulières. L'un fe dilate plus qu'un autre dans une tem- érature donnée , & fe contracte davantage dans une autre température. L'efpric - de - vin fur-tout , qu'on emploie plus que tout autre liquide à conftruire des thermomètres , differe prodigieufement du mercure par les propriétés graduelles de fon expanfion. C'étoit donc une charlatannerie à Farenheit ( a) * que de prétendre faire des thermomètres de mercure & d’efprit- de - vin à degrés égaux, & dont la marche füt parfaitement femblable. Aufi Boerhaave (b) lui donne-t-il un démenti fur ce fair. Mais ce qu'il y a d'étonnant, c’eft que la véritable caufe de la déviation de deux thermomètres, réglés par les mères principes , ait échappé au favant Profeffeur de Leyde, & qu'il ait pu l’attribuer aux différentes qualités du verre. Puifque cette fubftance, eft beaucoup plus homogène avec une autre qualité de verre quelconque, que ne le font entreux les diffé. rens fluides dont on fe fert pour mefurer la chaleur, qui, comme l'efprit-de-vin & le mercure, fe dilatent felon des loix différentes. Quoiqu'il réfultât mille erreurs d’une comparaifon des thermomètres, faite fur un principe aufli vicieux que celui de la fuppofition d'une dila- tation qui feroit la même pour toute efpèce de fluide, on a cependant fuivi pendant long-tems l’ancienne routine. Le Docteur Martine a acquis une grande célébrité par fes Effais fur la conflruëlion & la comparaifor des Thermomètres ; & en 1765 , M.de Mairan (c), ayant à comparer un grand nombre d'obfervations fur Le froid & la chaleur, il les a réduites d'après la méthode fautive de Martine. - “ ——————_— * Voyez les Notes 4 la fin du Mémoire, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 63 Cependant M. Micheli du Creft.(d), inventeur d'un thermomètre ui porte fon nom, avoit recherché , en 1740 ,& 1741, les dilatations F- l'efprit-de-vin comparées à celles du mercure ; & il avoit donné une table fe comparaifon de la marche de ces deux Auides (e) très- diffé- rente, felon les degrés de froid ou de chaleur auxquels il les expofoir. Mais perfonne n’en faifoit ufage , & on comparoit toujours, degré pour degré , tous les thérmomètres conftruits fur les mêmes principes, encore qu'ils fuflent remplis de fluides différens. L'ancienne méthode. étendoit toujours fon empire ; & l'erreur , propagée & accréditée par un, grand _nombre de Savans diftingués, ne UN être détruite par l'évidence. IL étoit tems que quelque Phyficien éclairé & laborieux tournat fes vues vers de nouvelles expériences qui miflent la vérité dans tout fon jour, & tiràc cette partie de la Phylique des ténèbres & de la barbarie defquelles elle avoit été jufques-là enveloppée. C'eft ce que fit M. Deluc, dans fes Recherches fur les modifications de l'Atmofphère. Cet Ouvrage parut en 1773, & l’Auteur y a configné les détails & les réfulrats de fes expériences fur les dilatations refpectives de l’efprit- de- vin & du mercure. Il y a joint une table de ces dilatations dans Les différentes lati- tudes du froid & de la chaleur; & il a donné en conféquence la folution du problème fur lequel Farenheït s'éroit vainement exercé, & qui con- fifte à faire deux thermomètres, l’un de mercure & l’autre d’efprit- de- vin, gradués de telle manière, que leur marche foit uniforme dans tous leurs points. On trouve dans le même Ouvrage une application de ces principes à la recherche du véritable thermomètre de Réaumur , fur lequel on avoit les idées les plus faufles. Après que M. Deluc eut ainfi frayé la voie, il ne reftoit plus qu'à abandonner l’ancienne méthode, & appliquer la nouvelle à l'évaluation de tous les thermomètres connus. Ce travail a été entrepris par M. Van- Swinden , Profeffeur de Philofophie à Francker. homme aufñfi eftimable par fes vertus fociales, que par fes vaftes connoiffances en Phylique. Ce Savant donna , au commencement de 1778 , une Differtarion fur la com- paraifon des Thermomètres. Il eft difficile de raffembler dans un pareil Volume un corps d'inftruétion aufli complet, à quelques erreurs près, occafionnées par la grande abondance “ matières , la nouveauté du point de vue fous lequel l’Auteur les a confidérées, le manque de quel- ques Livres effentiels, &c.; on peut aflurer que c’eft un à meilleurs Ouvrages dont la Phyfique ait été enrichie. C'eit pour rectifier ces erreurs , fuppléer à quelques omiffions, & pro- pofer quelques vues nouvelles, que j'ai entrepris de traiter en entier l'hiftoire & la comparaifon des thermomètres. Je joindrai à cet Ouvrage des tables très- érendues, qui montreront les rapports de tous les ther- momêtres dont jai pu avoir connoiffance. Ils feront tous rapportés à l'échelle d’un thermomètre de mercure divifé en 80 parties égales depuis la 64 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, congélation ; ou le point de la glace fondante , jufqu'à l'eau bouillante. Cette échelle, qu'on appelle improprement de Réaumur, & que j'appelle de Dzzuc, à limitation de M. Van-Swinden, fert de mefure commune dans ces tables. C’eft de ces tables, dréflées pour la plus grande partie & calculées avec une exactitude rigoureufe & plus que fufhfante pour cé qui eft du reflort de la Phyfique , que j'ai tiré les rapports dont j'ai fait ufage, pour les faire fervit de fondement à l'évaluation du thermomètre de M. Gautier! Comme j'établis fur ces mêmes rapports quelques démonftrations, il faut que le Lecteur les admette; ou, sil a quelque doute là-deflus, il doit les vérifier, à mefure que je les cite, fur la table des dilatations de M. Deluc (f). La pofition de ces principes & l'examen des conféquences qui en découlent exigeroient une longue differtation, qui fe trouvera à fa place dans mon Ouvrage. J'invite aufli le Lecteur à recourir fur ce qu'a écrit le même M. Deluc fur le thermomètre de Réaumur, qu'il ne faut jamais perdre de vue en lifant ce morceau (g). J'ai été obligé d'y ajouter, en le donnant ainf féparé, divers éclaircifflemens fur ce thermomètre mal connu; mais on s'inftruiroit beaucoup mieux, en les puifant directement dans l'Ouvrage du- quel je les ai tirés. id Es obfervations fur la température de Québec font dépoféesdepuis fong- tems dans les Memoires de l Académie Royale des Sciences ; & de la manière dont elles ontété rédigées, elles ne pouvoient être d’un grand ufage au Public. Elles font cependant très-curieufes , tant à caufe de leur longue fuite (1), que parce qu'elles ont été faites dans un Pays dont la rem- pérature eff très-différente de celle de nos climats d'Europe, Ce font d’ailleurs prefque les feules relatives à cette partie du globe qui foienc publiques. A l'exception de quelques fragmens aflez courts qui fe trouvent dans le Voyage de Kalm dans l'Amérique Septentrionale, ou dans quel- ques autres Ouvrages en petit nombre , je ne connois aucune fuite d'ob- fervations qui foient propres à donner une idée de ce fingulier climat. Ce feroit donc bien mériter des curieux de la Météorologie, que de rendre in- telligibles celles de M. Gautier. £ Mais la connoïiffance du thermomètre dont s'eft fervi cet Obferva- teur, cft une énigme dont le mot ne fe préfente pas d'abord: on ne peut y parvenir qu'après beaucoup de tâtonnemens. Î] auroit été aifé à M. Gautier , ainfi qu'à M. Duhamel, qui a mis ces obfervations dans l’état où on les voit, d'épargner beaucoup de peine à ceux qui auroient defiré de Les parcourir. Quelques mots de plus ajoutés dans ie préambule (ou comme SURSERISTENATURELLENET LESTARTS. 6$ comme l’appellent les Météorologiftes, ratio obférvationum ) , auroient rendu la chofe très-fimple; mais on diroit que ces Meflieurs ont voulu « Aux Saumailes futurs préparer des tortures ». Ils n’ont rendu compte de ce thermomètre que d’une manière louche & inexacte; & il & trouve une contradiction manifefte entre quelques parties de fa defcription. Il s'en rencontre d’autres entre quelques données, qui pourroient mettre fur la voie pour découvrir cette graduation. Cette complication d’obfcurités & d’incuries a probablement dérouté, dès Les premiers pas, ceux qui ont entrepris cette recherche. Parmi les Thermométrographes, qui ont écrit depuis que ces obferva— tions ont été publiées , je ne connois que M. Delifle (2) & le P. Cotte (3) qui aient parlé de ce thermomètre. Ce dernier n’a fait que fuivre la route qui avoit été tracée par M. Delifle, dont le Mémoire renferme plufeurs erreurs; & d’ailleurs la defcription qu'il a faite du thermo- mètre de M. Gautier , eft infuffifante pour apprécier la totalité des obfer- vations de Québec, puifqu’elle n'indique nullement à quel point de ce thermomètre étoit placée la température des caves de l'Obfervatoire , terme duquel M. Gautier compte fouvent fes deorés. M. l'Abbé Rozier (4), M. Deluc (5) & M. Van-Swinden (6 ) ne font aucune mention de ce thermomètre. J'ignore fi cette réticence vient de ce qu'ils ont penfé qu'il fufifoit, pour le connoître, de favoir que ces degrés font les mêmes que ceux du thermomètre de M. Delifle; ou bien fi c'eft parce qu'ils ont regardé comme un de ces thermomètres arbitraires & anomaux, dont il n’eft plus poflible aujourd’hui de connoître la graduation. L’efpèce de fuccès des uns & le filence des autres ne n'empêcheront pas de tenter cette utile découverte, qui, felon moi, ne peut fe préfenter d’une ma- nière fatisfaifante & en fon entier, qu'après avoir été recherchée avec foin. Je fens que je rencontrerai d’abord beaucoup de difficultés , & que je ne pourrai marcher qu'a tâtons ; mais il eft pofible qu'une conjecture foit confirmée par d’autres conjeétures, & que plufeurs DE fe prêtent entr’elles un degré de force qui donne une très-grande apparence de probabilité aux réfultats qui en parvicndront. Voici la defcription qu’on trouve du thermomètre de M. Gautier dans les préambules de fes obfervations (7 ). M. Gautier n'ayant pu obferver les froids de Québec avec un thermomètre de Réaumur, qu'il tenoit de M. Duhamel, fans doute parce qu'il penfoit ue les froids exceflifs de ce Pays en feroient geler la liqueur, il /e fervit un thermomètre de mercure, divifé en degrés de Pelifle; mais ce ther- momètre étoit conftruit d’une manière qui l’expofoit a un autre inconvé- nient 2 n'étoit pas moindre, puifque le. mercure defcendoit fouvent tout entier dans La boule(8), & même y laiffoit quelquefois un vuide : en forte Tome XVII, Part. I. 1781. JANVTER, 66 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que M. Gautier n'a pu évaluer avec jufteffe les plus grands froids qu'il a éprouvés dans ce Pays pendant le cours de fes obfervations. La gra- duation de fon échelle n’alloit pas plus bas que le 33 ou le 34° d'gré de Delifle au-deffous de la congélation ; immédiatement au diffous de ce point, le tube s'unifloit-à la boule, & il n’y avoit plus de mefure du froid , qu'on ne pouvoit apprécier que d’une manière arbitraire & incer- taine (Q ). Quoique les degrés du thermomètre de M. Gautier fuffent putative- ment des degrés de Delifle, ils n’étoient cependant point placés dans le même ordre numérique fur fon échelle. Celle -ci éroit un renverfemenc de celle de Delifle, Dans ce dernier thermomètre, la graduation commençoit à Oo, placé au point de l’eau bouillante, principe unique de cetre gradua- tion, & les nombres alloient en croïffant à mefure que la chaleur di- minuoit; au lieu que dans le thermomètre de M. Gautier, le point o étoit placé à la congélation , & les degrés croifloient uniquement au deflus comme au-deflous de ce terme, Si les degrés de ce thermomètre étoient parfaitement femblables à ceux de Delifle, c'eft-à-die, comme 150 font à 80 de Réaumur, leur éva- luation ne préf:nteroit pas de grandes difficultés. Mais nous ne tarderons pas à nous appercevoir qu'ils different de ce rapport généralement reçu. D'ailleurs , il ariive fouvent à M. Gautier, lorfque le chermomètre eft au deflus de la congélation , de noter fon obfervation en degrés de De- lifle au- deffus ou au-d-ffous de la température des caves de l'Obferva- toire. [l appelle cette température les caves ; & comme il n’a pas indiqué à quel poirt de fon thermomètre il l’avoit placée, cette omiflion a jeté beaucoup de confufon fur la partie de fes obfervations ainfi énoncée. Mais quoiqu'il ne l'ait pas fair d'une manière complette, il a cependant accompagré fes obfervations de quelques points de comparaifon , qui peu- vent fuflire pour faire connoitre aflez exactement la graduation de fon thermomètre, C'eft ce que je vais entreprendre , appuyé fur les rapports fuivans du thermomètre de M. Gautier , qu'on trouve çà & là dans le cours de ces obfervations. : 1742 23 Nov.therm. de Gautier. 21—o. Cf? 1 °2 plus froid qu'en France en 1740 (10). 14 Déc. . . . . . 25—o, le froidétoir e 1° plus fort quil n'ctoit en France en 1742(11), 1743 13 Mars , . . , , 23—0, deg. duplus grand froid de 1742 en France (12). 14 Août . . . ... 1$ caves—15+0de Réaum.(x3). 1745 16Mai . , . . . 43+o... —25+0 de Réaum. (14Y SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ‘67 M. Duhamel, Rédacteur de ces obfervations , ajoute, dans un des dif- cours d'explication qui les précèdent (15 ), que les degrés de Delifle font à ceux de Réaumur comme 15 font à 8, & que le terme de glace, qui eft marqué 140 dans le thermomètre de Deiifle, eff © dans le thermomètre de M. Gautier. Avant de fe fervir de ces données pour fixer la graduation de ce ther- momètre, il eft néceflaire de purger ces rapports de deux contradictions palpables qui s’y rencontrent. Les erreurs réfultantes de ces difparates feront faciles à corriger; & en ayant égard à toutes les indications qui font don- nées , il eft poflible de prendre un parti qui faifle peu d'incertitude fur cette correction. Si 23—0, froid obfervé à Québec le 13 Mars 1743, eft précifément le même que celui qui fut obfervé en France en 1742 , 25 —0 , froid à Québec le 14 Décembre 1742, doit être plus grand de 2 degrés que celui de France, & non pas de 1 degré, comme avance M. Gautier; ou bien vice versä, fi le froid du 14 Décembre 1742 à Québec fur de 1 degré plus grand que celui qui fut obfervé en France dans la même année , le froid de Québec, du 13 Mars 1743, aura donc été de 24—0. IL y a donc dans une de ces deux aflertions de M. Gautier ou une faute d’impreflion , ou une inadvertance; & comme elles fe contrarient l’une l'autre, je fuis libre de choïifir celui de ces deux rapports qui me con- viendra le mieux. Je prendrai 2$ — 1 — 24 pour le véritable, & la fuite me fera voir fi j'ai erré dans ce choix. Je tiendrai donc pour conf tant que le froid , obfervé en France en 1742 , auroit été de 24—0 au thermomètre de M. Gautier, & j'abandonnerai, comme fautif , l’autre rap- port, 23—0 =— au froid de 1742 en France. è Cette autre aflertion de M. Duhamel, que le thermomètre de Delifle indique la congélation au 140° degré, renferme aflurément une erreur. Tout le monde fait que ce point fe trouve vers le r50° degré; & au- jourd'hui on a abandonné en Rufie (16), où ce thermomètre eft pref- que exclufivement en ufage, ce véritable principe de fa conftruction, a divifer en 150 degrés l'efpace compris entre la congélation & l’eau ouillante. Mais cette erreur eft de peu de conféquence; & il eft aifé de La rectifier , en lifant immédiatement avant, dans le paffage cité , que 15 degrés de Delifle font égaux à 8 de Réaumur. Or 1$ : 8 :: 15@: 80. Ceci, au refte, doit être entendu avec des reftrictions ; les degrés du thermomètre de Delifle ne peuvent être comparés à ceux de Réaumur, d’après un rapport conftant & uniforme dans toutes les parties de l'échelle. Les dilatations de l'efprit-de-vin dons eft compofé le thermomètre de Réaumur , & du mercure , matière du thermomètre de Gautier, ne fonc point les mêmes. D'ailleurs , le point fupérieur du thermomètre de Réau- mur & celui des thermomètres de mercure en général, différent beaucoup entreux. Ce n’eft donc point avec le thermomètre de Réaumur à efpric- Tome XVII, Part. I.1781. JANVIER, 12 63 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de-vin que je prérends comparer celui de M. Gautier , mais avec les degrés repréfentatifs des degrés cités de Réaumur, pris fur un thermo- mètre de mercure divifé en 80 parties égales depuis la congélation jufqu’à l'eau bouillante, & qui porte abufivement le nom de Réaumur. Après avoir fait ces obfervations ; qui font évanouir les contradictions que nous avons rencontrées jufqu'à préfent, il fera néceflaire d'érablir certains points qui doivent entrer comme élémens dans la recherche dont il s'agit ici. [l faudra donc examiner les queftions fuivantes. 1°. Quels ont été les froids obfervés en France en 1740 & 1742? 2°. Quelle eft la véritable graduation du thermomètre de Réaumur ? 3°. M. Gautier a-t il obfervé au thermomètre de Réaumur, & fimul- tanément, les degrés qu'il compare avec ceux qu'a indiqués fon ther- momètre ; ou bien a-t-il réduit ceux-ci rationnellemeut au thermomètre de Réaumur , d’après un rapport obfervé par lui fur ces deux thermomètres dans un point feulement ? 4°. M. Gautier at-il fait cette réduction d’après les principes de dila- tation relative, fujette à varier fuivant les différences hauteurs du li- quide ; ou bien a-til confidéré les degrés comme étant conftamment & uniformément les mêmes pour différens fluides dans toutes les parties de l'échelle ? 5°. Les froids obfervés à Paris, auxquels M. Gautier compare ceux de Québec, font-ils ceux indiqués par le grand thermomètre de Réaumur, placé dans la tour de l'Obfervatoire, ou ceux qu'a marqués le petit thermo- mètre expofé à l'air libre ? 6°. Le thermomètre de Réaumur , fur lequel M. Gautier a obfervé le 25° degré correfpondant au 43° du fien , étoit - il réglé fur les principes déduits dansle Mémoire de M. de Réaumur , Mem. de l'Acad. , ann. 1730, ou bien d’après les corrections que l'Abbé Nollet fit dans la fuite à ces principes ? 1°. Rien n'eft plus vague que cette expreffion : Froid éprouvé en France en 1740, 1742. On a fans doute éprouvé pendant ces deux années des degrés de froid très différens dans les diverfes parties de la France; & pour que la propoñtion de M. Gaurier puifle fignifier quelque chofe , il faut admettre qu'il a voulu parler des plus grands froids obfervés à Paris pendant ces deux hivers remarquables , & dont on trouve la mefure dans les Mémoires de l'Académie Royale des Sciences , années 1740 & 1742. Les obfervations rapportées dans cette favante Colletion , ont été faites avec deux thermomèties gradués fuivant la méthode de Réaumur, Fun à cès grofle boule, placé dans l’intérieur de la tour de Ll'Obferva- toire, l’autre fort petit, expofé en dehors de la fenêtre de la même tour. Ces deux thermomètres devoient indiquer différens degrés de froid, tant à railon de l'expofition du petit thermomètre à l'extérieur, que parce SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 69 que la quantité de liqueur qu'il contenoit étoit infiniment moindre que celle du thermomètre placé en dedans de la tour , & qu'il étoit par con- féquent plus prepre à marquer les augmentations inftantanées du froid, Aulli voit-on que pendant l'hiver le petit thermomètre eft toujours def- cendu de 1 degré, fouvent même davantage , au-deffous du grand. On verra ci-après qu'il feroit poflible que ces deux thermomètres aient indiqué des degrés différens, à raifon de la poltion différente du point o. Froid de 1740 10 Janv. au gr. therm. 10—0; . . . aupet. 11—0 (17). Froid de 1742 10 Janv . . . . . . . 12:—05 . . . . . . 14:—0(18). Voilà deux différentes mefures de froid pour chaque .année , réful- tantes de l'expofition diverfe des inftrumens : laquelle de ces deux mefures M. Gautier avoit-il en vue? Il eft très-probable qu'il entendoit le plus grand froid qui lui fût connu , puifqu'il vouloit donner, par cette com- araifon , l’idée d’un climat très-rigoureux. On verra d’ailleurs que len- * femble de fes points de comparaïifon s'accorde aflez bien avec les degrés de froid qu'a indiqués le petit thermomètre de l'Obfervatoire. 2°. La defcription du thermomètre de Réaumur fe trouve dans deux Mémoires inférés dans la même Collection, années 1730 , pag. 452, & 1731, pag. 250. Ces Mémoires , contenant de très-longs détails, abou- tiflent à ceci , pour ce qui concerne les principes de conftruction de ce ther- momètre. « Que le point o étoit donné par un froid artificiel produit par un » mélange de glace & de fel. M. de Réaumur appelloit ce point congé- » lation». Mais ce froid eft réellement plus intenfe que ce qu’on entend ordinairement par ce terme, qui, dans l’acception qu'on lui donne aujourd'hui, fignifie Le froid de la glace qui fond, ou de l'eau fous la glace. M. Deluc (19) l'eftime de +de degré plus confidérable que le point de con- gélation , tel queje viens de le défiir. « Que le point où la liqueur, fuppofée de 100 parties au point de # la congélation , fe dilare de 80 de ces mêmes parties , éroit marqué fur » fon thermomètre à la hauteur où la liqueur s’arrétoit après avoir ceflé de » bouillir ». C'eft ce 80° degré du thermomètre de Réaumur , & l’un des prin- cipes de fa graduation , qu'on a confondu avec le point auquel l'eau bouillante auroit fait monter ce thermomètre , parce que M. de Réaumur dit qu'il les plongecit dans l’eau bouillante , mais qu'il ne marquoit le point de l’afcenfion de la liqueur qu'après qu’elle avoit ceffé de bouillir. Cette chaleur étoit donc fort différente de celle qu'auroit pu communiquer au thermomètre une immerfion plus longue dans une eau qui auroit été dans un état de forte ébullition, 7O OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Boerhaave (20) prétend que l'efprit - de-vin bout au 174° degré du thermomètre de Farenheit ; Martine (21) au 175‘, Muflenbroeck (22), & Farenheit (23) au 176°. IL eft probable que ces expériences ont été faites fur un efprit de- vin très-rectifié, qu'ils défignent par le nom d’alcohol. M bre 24) parle d’une autre quantité d’efprit -de - vin qui exige 180 degrés de chaleur pour bouillir. Cet efprit de- vin eft à-peu-près de la même fpirituofité que celui dont fe fervoit Réaumur, lequel, felon M. Deluc (25), fe dilatoit de 80 parties au point où il entroit en ébullition; & cette chaleur, dit-il, répond au 66°: degré d'un thermomètre de mercure, ( En calculant les dilatations de ce thermomètre d’après Les principes de M. Deluc, il eft évident que le thermomètre de Réaumur, que je viens de décrire, s’élèveroit à 100 degrés s'il avoit reçu toute la chaleur ue l’eau bouillante peut lui communiquer. Malgré les explications données par M. de Réaumur , on s’eft obftiné à confondre, par un.mal-entendu, les deux termes extrêmes de fa graduation avec deux autres points qu'on a identifiés avec ceux qui fervoient de prin- cipes à ce Phyficien ; favoir, la congélation artificielle avec Le froid de la glace fondante, & la chaleur qui fuffit juftement à faire bouillir l’ef- rit-de-vin avec celle de l’eau bouillante; & on n’a pas voulu entendre qu'une chaleur beaucoup moindre que celle de l'eau bouillante peut caufer une ébullition dans l'efprit-de-vin. Peu après que M. de Réaumur eut préfenté fon Mémoire à l'Académie , il plaça un thermomètre conftruit fur fes principes , dans la tour orientale de lObfervatoire (26), à coté de l’ancien thermomètre de la Hire; ce fut enx731 & en 1736 (27): ilen expofa un autre plus petit en dehors d’une fenêtre de la même tour. Il eft permis de penfer qu'il y avoit quel- que différence dans la graduation de ces deux thermomètres de Réaumur; ce qui va fuivre, & l’indication conftante de plus grands degrés de froid donnée par le thermomètre extérieur, pourront donner quelque fondement à cette opinion. Mais les principes dont M. de Réaumur avoit fait ufage pour conftruire fes premiers thermomètres ne tardèrent pas à fubir un change- ment eflentiel. L’Abbé Nollet (28) nous apprend » que M. de Réaumur » & lui reconnurent que le froid indiqué par o fur fes premiers thermo- » mètres étoit plus grand que celui de la glace fondante, & que par > la fuite ils marquèrent ce point à l'endroit où la glace pilée, & qui » commence à fe fondre, faifoit defcendre la liqueur «e. J'ai fait remar- quer que dans ce nouveau thermomètre le point o eft plus élevé de À de degré que dans l'ancien. Au refte, le point fupérieur demeura tou- jours le même. Bientôt ces nouveaux thermoniètres prirent la place des anciens , & tous ceux qui ont été faits depuis ont été réglés par les mêmes principes, uw SURL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. tr I! refte aujourd'hui très-peu des anciens, tels que ceux qui ont fervi à mefurer la chaleur au Pérou, au Sénégal, à Pondichery , à Alger, &c., lefquelles obférvations M. de Réaumur a rapportées dans les Mémoires de l'Académie des Sciences. Les thermomèrres que l'Abbé Nollet, ou d’autres, à fon imitation, ont conitruit d’après cette nouvelle méthode, laquelle eft aujourd'hui généralement adoptée, ont fait oublier les anciens; & peu de gens foupçonnent qu'il exifte des thermomètres de Réaumur qui, comparés avec d'autres qui portent le même nom, indiquent un degré de froid différent à l’un des points fondamentaux de fa griduation. 11 eft donc befoin de diftinguer deux thermomètres de Réaumur. J'ap- pellerai l'ancien srai Réaumur , & le fecond Réaumur c-rrigé, ou Noller. Enfin , il eft néceffaire de faire connoître un autre thermomètie, ap- pellé très improprement de Réaumur. Après avoir marqué fur ce ther- momètre , qui eft rempli de mecure, les points de la glace fondante & de l'eau bouillante, on divife en 80 parties égales l'efpace compris entre ces deux points. Ces 80 degrés équivalent, comme je l'ai déjà dit, à 100 des deux th:rmomètres de Réaumur dont je viens de parler; & comme celui-ci en diffère beaucoup , il convient de le déligner par une aurre dénomination. Je l’appellerai, avec M. Van-Swinden, thermomètre de Deluc, parce que c’eft avec un femblable inftrument que M. Deluc a exploré les dilatations relatives des deux fluides, comparativement à un thermomètre d’efprit-de-vin , divifé également en 80 degrés de lun à l'autre de ces deux mêmes points fondamentaux. Les autres queftions que je me fuis propofé d'examiner ne pouvant être éclaircies que par le caltul , il eft tems de commencer à faire ufage des rapports donrés par M. Gaurier. Nous voyons fous la datedu 16 Mai 174$ , quele 43° degré de Gautier répond au 25° de Réaumur , c’eft-à-dire, que 43 degrés de Gautier font égaux à l'efpace compris entre la congélation & le 25° de Réaumur. C'eft ainf qu'il convient de p'éfenter cette propolition , qui, énoncée de l'autre manière, feroit trop vague , & pourroit induire qe une erreur qui tendroit à favorifer un préjugé déjà trop profondément enraciné. L'efhrit-de-vin, comme il a été dit ci-devant, ne fe dilate pas comme le mercure ; fes degrés, qui , vers le 12° degré d'un thermomètre de Réaumur corrigé, ont, dans cette échelle, une étendue égale à ceux d'un thermomètre de Deluc , croiffant progreffivement à mefure que les inftrumens comparés font expofés à une plus grande chaleur, &: vice verfä, font moins étendus dans les pue voifines de la congélation. Pour donner une idée de l'expanfion relative des deux fluides, il fufira de dire que les cinq degrés fupérieurs d'un thermomètre de Deluc font äu même intervalle d’un thermomètre d’efprit-de-vin gradué par les mêmes expériences :: $ à 6 =, & que les cinq premiers , à commencer du oen montant du même thermomètre du mercure , font à celui de 72 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'efprit de-vin:: $ à 3 . Cette diminution de volume qu'éprouve l'efprit- de-vin relativement à celui du mercure vers le Re la congélation, devient encore plus confidérable fi on fait defcendre les deux thermomètres beaucoup au-deffous de ce point (29). Ces principes une fois établis, il eft évident que ce feroit une grande erreur d'appliquer aux degrés de Réaumur , au-deflous de la congélation , la mefure des 25 degrés au-deflus de Oo de cette même échelle , fi on veut comparer les uns & les autres à ceux d’un thermomètre de mercure. Ainfi, M. Gautier, qui avoit obfervé fon thermomètre au 43° degré, tandis que celui de Réaumur indiquoit le 25° , ne pouvoit, fans erreur, fe fervir de ce rapport par une Règle-de-Trois fimple, pour en conclure w’elle auroit été fur fon thermomètre de mercure l’expreflion du froid e Paris dans une année donnée. Ce produit fe feroit fort écarté du rapport donné par une obfervation fimultanée : c'eft ce que je vais dé- montrer. 43° Gautier étant égaux à 26% Réaumur , donc 1° Gautier = + de 100 Réaumur. Donc 42 : 25 :: 21—15=—19;, froid cité par M. Gautier pour être exac- tement celui de Paris en 1740: 11. Et 43:25 ::25—1— 24, froid égal à celui de Paris en 1742: 14. Or, il eft à remarquer que felon mes tables de comparaifon, calculées fur Les principes de dilatations refpeétives : Le 11: — 0 Réaumur répond au 12:—0 Leg —0:...:, +, 1570 Tops etoile MeNeenO du therm. de Deluc mercure. 16 certe NEC ME MIE A RAS ETS, SE M ER A AQUE CO) Ainfi 43 degrés de Gautier , aflimilés à 23 Deluc, — 25° Réaumur ; donneront, Pour le froid de Paris 1740,43: 232 1: 192 : 102 Pour le froid de . . 1742, 43:23%::24 :13+ \Deue mercure. 10 Dans cette manière d’envifager la chofe, 43 n’eft plus comparé avec le 25° degré de Réaumur , mais avec 233, qui ie repréfente dans un thermomètre de mercure, On comprendra facilement que pour comparer un thermomètre d’efprit - de-vin avec un thermomètre fe mercure , il faut réduire les points de ce premier aux points correfpondans du ther- momètre de Deluc, parl'intermède du thermomètre d'efprit-de-vin, avec lequel M. Deluca faitfes expériences comparativementavec fon thermomètre de mercure. Aumoyen de cette fubftitution de 255 à 29, voilà 1° - qui s'évanouit SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 73 s’évanouit dans le haut ; mais la différencé ne fe trouvé point encore com- penfée par la contraction de l'efprit-de-vin, plus grande que celle du mercure dans ces latitudes du grand froid ; & la Règle-de-T rois ne peut par conféquent donner un quatrième terme qui foit égal àr 1—0 Réaumur, froid obfervé à Paris en 1740,—=11+—0 Deluc. Cette méthode fera encore plus fautive, fi on l'applique à chercher le 14°: degré — o Réaumur, froid obfervé à Paris en 1742, =—15;—0 Deluc. Le Ô Les produits qu’on obtiendra, en partant du rapport 43 = 237, feront 107 Del. = 10° — 0 Réaumur pour le froid obfervé à Paris en 1740, ADN ETES O ERP NOTE AT ITANN 1742, Or, les froids obfervés à Paris en 1740 & 1742.étant 11 — 0 & 14: — O Réaumur, & ces deux points répondant fur le thermomètre de Deluc à 114 & 15, il eft évidentque 102 & 13; feroient trop petits pour les repréfenter. Cette Mu Ton réfoudra tout-à-la-fois plufeurs queftions néceffairement liées l’une avec l’autre ; & il en réfultera, S 3°. Que M. Gautier na point rapporté , d'après des obfervations fimul- tanées faites au thermomètre de Réaumur & au fien, les froids qu'il a obfervés à Québec; mais qu'ayant remarqué une fois pour toutes que fon thermomètre indiquoit 43%, tandis que celui de Réaumur étoit à 2$+0, il s'eft formé, d'après ce feul rapport ,. une idée, de la compa- raifon de ces deux thermomètres, & qu'il avoit réduit rationnellement, & non d’après un fyftème de comparaifon, confirmé, par plufieurs expé- riences faites dans diverfes latitudes du froid & de la chaleur , les froids de 192 — o & 24 — o de fon thermomètre qu'il avoit obfervé à Québec. Il fuit de ce degré ,que j'ai démontré qu’une obfervation fimultarée ou un calcul exact fait fur les principes de M. Deluc , lui auroient donné , en fup- pofant 43—=237—2$+0 Réaumur, # 3 21:—0Gaut.=11—OoDel.=11 —oRéaum.froidobferv. à Par. en 1740. 27:—0.. =1$5—0. —14—0 . 1 & froid à Paris:en 1742. Ainfi, ces réfultats étant aufli éloignés d’une jufte analogie, ils ne peu- vent provenir que d’un calcul erroné. 4°. Que cette réduétion rationnelle de M. Gautier n’a point été faite d'après les principes de dilatations refpeétives, mais fur la confidération d'une expanfon qui auroit été la même pour les deux liquides dans tous les degrés de l'échelle. M. Gautier n’avdit certainement aucune idée de ce procédé, qui auroit pu abfolument lui être connu, puifque M. Mi- cheli commença vers :1741 à publier fes diverfes Brochures fur le ther- momètre, Mais quelle apparence qu'un homme , relégué dans le Canada, Tome XVII, Part. I. 1781. JANVIER. K 74 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, füc fi empreflé d'adopter, dans leur enfance, des principes qui n’ont été rendus bien fenfibles que long -tems après, & qui même aujourd’hui ont un fi petit nombre de Seétateurs ? Il a donc fait , comme tant d'autres avant & après lui, qui, ayant à comparer entreux deux thermomètres remplis de fluides différens , n'ont eu égard qu'au nombre des degrés, fans s'imaginer que la valeur relative de ces degrés pouvoit changer felon le froid plus où moins grand dont étoient affectés Les inftrumens qui les in- diquoient. a ; . 5°. Que c'eft aux divers degrés de froid obfervés à Paris avec ce petit thermomètre de Réaumur, placé à l'extérieur, lequel indiquoit un plus grand degré de froid que celui qui étoit dans l'intérieur, que M; Gaurier a comparé les froids obfervés par lui à Québec les 23 Novembre & 14 Décembre. 1742 , puifque les degrés obfervés à ce petit thermomètre font ceux qui cadrent le mieux avec les degrés correfpondans de fon ther- momètre qu'ilindique. 6°. Cette dernière queftion a déjà été réfolue, en partie, dans les ar- ticles précédens. Le thermomètre de Réaumur, dont M. Ggsitier avoit afimilé le "25° degré avec le 43° de fon thermomètre , étoit d’une.nou- velle. conftruction, ou de ceux que j'appelle Réaumur corrigé, dont le oint o,eft à la glace fondante. Voici ce qui m'induit à penfer ainfi. M. Duhamel (36) obferve qu'il avoit envoyé à M. Gautier des thermo- mètres faits fur les principes de Réaumur ; or Les obfervations de M. Gautier n'ayant commencé que le o Novembre 1742, il eft à croire qu'il venoit de recevoit. alôrs les thermomètres que, M. Duhamel lui avoit envoyés. Ces thermomètres avoient donc été gradués en 1742; ou s'ils l'avoient été !dans un tems antérieur , on ne pourra du moins refufer de m'accorder qu'ils étoient conformes aux thermomètres alors en ufage, & que M. Duhamel avoit pris quelque foin pour procurer de bons inf- trumens à fon Corréfpondant de Québec, qui y avoit fait fes obferva- tions à fon inftigation ( 31). Pour conclure quelque chofe de ces induc- tions, fixons , autant qu'il fe pourra, l’époque à laquelle fe fit le change- ment dans le thermomètre de Réaumur. Ce Savant écrivoit ,en 1739 (32) : La plupart des thermomètres, conf- truits [ur nos principes, ont été procurés par M. l'Abbé Nollet. C’étoit donc indubitablement de cet Abbé que M. Duhamel tenoit les thermomètres qu'il avoit envoyés à M. Gautier. Examirons la defcription que donne l'Abbé Noller des principes de conftruction des thermomètres de Réau- mur, M. de Réaumur a choifi le degré de froid par Fe l’eau commence à fe geler, comme un point fixe. Nous avons reconnu depuis, lui 6 moi, qu'il étoit plus commode & plus sûr de prendre ce degré dans la glace pilée, qui com- mence à fondre (33 ). SUR'L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 7 On plonge la boule dans un vafe plein de glace pilée bien menue, 6 on D laiffe jufqu'à ce que la liqueur ait reçu tout le froid qw'elle y peu: pren- re (34). Puis donc que l'Abbé Nollet conftruifoit en 1739 des thermomiètres dont le point o étoit donné par la glace fondante, il n’y a aucun doute que ceux qu'il fournit vers 1742 à M. Duhamel, pour être envoyés à Qüébec, ne fuflent gradués fur ce principe. - J’ai donné à entendre que le petit thermomètre de Réaumur , expofé à l'air libre, pouvoit aufli être de la nouvelle conftruction , & par con- féquent différent du grand thermomètre, qui étoit en dedans. {1 n'y a pasune néceflité abfolue d'examiner cette queftion , parce que, de quelque manière que füt réglé ce thermomètre, M. Gautier n'imaginoit afluré- R ment pas qu'il füt différent de celui qu'il poffédoit ; & il éroir bien perfuadé que fon thermomètre de Réaumur , placé à côté de ceux de l’Obfervaroire en 1740 & 1742, auroit indiqué les mêmes degrés que ceux qui font rap- portés dans les Mémoires de l'Académie des Sciences. En réfumant tout ce qui a été dit ci -deffus, on fera convaincu ue le thermomètre de Réaumur ayant le point o à la glace fondante, & Le 80° degré au point de chaleur qui fait bouillir l'efprit-de- vin, étant à 25 +0, M. Gautier obferva en même tems fon thermomètre de mercure , marquant la congélation au point Oo, au 43° degré, Or, en fubftituant au 25° o Réaumur le 23 du thermomètre de Deluc, on aura pour la valeur de chaque degré de Gautier 5 22 += de 100° de Réaumur ; ou bien 12 Gautier + 1° de Réaumur. Dans ce rapport , les degrés du thermomètre de Gautier font plus grands , comparativement à ceux de Réaumur, que dans celui qui fup- pofe 150" entre la congélation & l’eau bouillante. Jestrouve qu'environ 144 degrés de Gautier rempliront l’efpace compris entre ces deux termes. Le rapport connu du thermomètre de Delifle à celui de Réaumur eft + ide 100 Réaum. — 1 Delifle ; ou 12 Delifle — 1 Réaumur. M. Duhamel eft donc tombé tout-à-la fois dans deux erreurs: 1°. En difant que le point de la congélation dans le thermomètre de Delifle , dont M. Gautier avoit emprunté les degrés , étoit au 140% ; 2°. En comparant le pointo, ou celui de l’eau bouillante dans le ther- momètre de Gautier, avec le 80° degré de Réaumur. Nous connoiflons aétuellement la valeur des degrés du thermomètre de M. Gautier ; mais ilrefte encore un pas à faire. Pour pouvoir évaluer complétement la fuite de fes obfervations , il faut fixer fu# ce thermomètre le point qu'il appelle les caves. Le feul endroit de fon Journal qui puifle donner quelque lumière là-deflus , fe trouve fous 14 date du 14 Août 174?, où l’on voit que le 15° degré + les caves corfefpondoit au 15° + o de Réaumur. Nous favons , par un grand nombre d'expériences faites L Tome XVII, Part, I, 1781. JANVIER. K2 76 - OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, avec le thermomètre de Réaumur ; que la température de ces caves le faifoit foutenir à 1050, fans qu'il y eût prefque jamais aucune varia= tion (35). C’eft avec le Là thermomètre de Réaumur qu'on a obtenu ce réfultat, comme l'indique évidemment la date du Mémoire dans lequel il en eft queftion, Mais lorfque M. de Réaumur fit à fon thermomètre la réforme dont j'ai parlé, il auroit dû faire de nouvelles expériences ‘pour déterminer fur le thermomdtre corrigé cette température. Il auroit vu dans ces caves ce nouveau thermomètre à 950 , ainfi que portent mes tables , ou 940, felon M. Deluc (36). Cependant on lit, re l'Arc des Expériences (37), ue M. de Réaumur marquoit fur fon thermomètre le point des caves de l'Obfervatoire à 10240 ; & je n'ai rien trouvé dans les Ouvrages du “même Auteur de relatif au changement que la réforme de ce thermomètre doit avoir occafionné à cette indication. à Au refte, il eft affez indifférent de connoître à.quel degré du ther- momètre individuel de Réaumur que poffédoir M. Gautier étoit marquée cette température , puifque nous allons voir qu'il s’eft étrangement abufé , en voulant la rapporter fur fon thermomètre de mercure. M. Gautier ne pouvoit ignorer qu'elle devoit fe crouver au 10+ou 10:de Réaumur; &, d’après cette idée, s'il eür calculé jufte, il auroit fixé le point des caves au 182 ou 19 +0 de fon thermomètre. i 23: 43 :: 10; Deluc=— 10 Réaumur : 19; ê une obfervation fimultanée lui auroit donné 172 de fon thermomètre — 9? Deluc; ce quieft, fuivant ce Phyficien, un milieu entre un grand nombre d’oblervations faites pour s’affurer du éritable point de cette tem- pérature ( 38). 2 : 43 :: 9È— caves : 175 Gautier. Il eft facile de démontrer que M. Gautier n’a procédé felon aucune de ces deux manières pour fixer le point des caves, puifque 17: où 19+1$ auroient donné 32- ou 34—15$ Réaumur. Or ,ce degré, répondant à14+ du thermomètre de Deluc, ne peut équivaloir à plus de 26+ degrés de Gautier. Il eft donc bien avéré que cette température n'étoit point placée fur fon thermomètre au point où elle auroit dû être. Il eft une voie qui pourra nous l'indiquer. Soit la partie de l'échelle de Réaumur de o à 25 + o repréfentée par 23; du thermomètre de Deluc ; qu’on divife cet intervalle en deux portions , dont les extrêmes repoferont fur quelqu'un des points déterminés par M. Gautier; qu'on réduife chacune de ces portions, ainfi que ces points de repos, à Lexpreflion destroisthermomètres de Réaumur, de Gautier & de Deluc, on aura o Gautier — o Réaum.— o Deluc. 1$ + caves — 15 + O . —= 14, 80. 43#H0 .: = 2$+0. —=23,90 L SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, +7 L'intervalle de 15 <- caves à 43 Gautier eft donc repréfenté par 92 du thermomètre de Deluc ; or23, 9 : 9,1::43: 16. Voilà donc 16 degrés ; de Gautier correfpondans à l'efpace compris entre le xÿ & le 25 + o de Réaumur. En Dutget 165 + 15—312 de 43, il reitera 11, qui eft le degré où étoit placée la température des caves de PObfervatoire fur Le thermomètre de M. Gautier. J'avoue que je fuis peu fatisfait de ce rélultat, obtenu par le calcul, & qu'on doit en conclure une irrégularité dans quelqu'un des tubes de l'un des deux thermomètres comparés. IL n’eft pas pofible de déterminer dans quel endroit de l’un ou de l'autre de ces tubes étoit cette irrégula- tité; nous n'avons pas aflez de données pour en venir à’bout. Il eft aifé de s’appercevoir que le deflein de M. Gautier étoic de placer la rempé- rature des caves au 10; où 10; +0; mais il seft grandement mépris, en prenant ce degré numérique fur fon thermomètre , fans corfidérer que fes degrés ne valoient environ que la moitié de ceux de Réaumur. Il y a donc fur le thermomètre de M. Gautier une erreur de 1 ou1 degré pour la pofition du point des caves ; & comme rien ne nous indi- que dans quel endroit de l’un ou l'autre des thermomètres comparés étoit l'irrégularité qui paroît aflez vifiblement, je ne trouve point d'autre moyen que de répartir également cet excédent de 1* ou 12 fur les 43 degrés de l'échelle de M. Gautier. Ainfi, par ce milieu, on trouvera que la température des caves étoit marquée fur fon thermomètre à 10, 2$+0, 30— 10, $$ « : 43 : 103:: 1::0, 30. Par conféquent chaque degré de l'échelle de Gautier fera repréfenté par 5 + 5 de 100° du thermomètre de Deluc; & pour la réduction des obfervations de M. Gautier, énoncées en degrés au-deflus des la température des caves, il faudra ajouter 11%: aux degrés énoncés, & réduire Le tout au thermomètre de Deluc , d’après le rapport 43—23 2. Il importoit d'autant plus de faire connoître ce thermomètre , que M. Delifle (39) , dans un Mémoire fur les froids obfervés en Sibérie, ayant voulu leur comparer ceux du Canada, eft rombé dans une erreur dont il devoit fe défendre plus que tout autre. Voici comment il s’ex- prime (40 ). « Ce doit être un froid (il parle de celui que les Acadé- miciens François éprouvèrent en Laponie) « approchant de celui que l’on #a éprouvé à Québec vers la fin de Janvier 1743. M. Gautier ayant » remarqué que dans fon thermomètre, qui eft de mercure, @& régle fui- .» vant la divifion de M. de Réaumur , le mercure eit defcendu, le 29 » Janvier de la fufdite année , à 32 au-deffous de oO, ou de la première » congélation ». Et dans la table gravée, qui eft jointe à ce Mémoire, il réduit ce froid au 211: degré de fon thermomètre, & au 23 — 0 de Réaumur. Je ne faurois trop m’attacher à relever les négligences & les bévues entaflées dans ce court paflage que je viens de citer. \ 78 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, s 1°. Le thermomètre de M. Gautier ne portoit point l'échelle de Réau- mur; & quand même il auroit indiqué un nombre de degrés équivalent à 33 d'un thermomètre de mercure divifé en 80 degrés, ce terme ne ouvoit fe rendre par 33% de Réaumur , parce que l’efprit-de-vin fe dilate Etes moins que le mercure dans ces latitudes d’un froid exceflif. 2°. Si M. Delifle eût cherché la fuite de ces obfervations dans le Volume de 174$, il auroit vu que les degrés du thermomètre de M. Gautier étoient donnés pour être précifément les mêmes que ceux de fon propre thermomètre; aïnfi il auroit dû évaluer ces 32 degrés obfervés à Québec à 150+ 32— 182 de fon thermomètre, & non pasäa 211<. 3°. Le froid du 29 Janvier 1743 n'eft pas le plus confidérable qui ait été obfervé à Québec; il éroit fans doute beaucoup plus grand lorfque le mercure étant tout entier dans la boule, y laïfloit un vuide, ce qui eft arrivé fouvent, IL eft vrai que ce froid ne pouvoit s'apprécier ; mais au moins M. Delifle ne devoit point citer le froid de 32 degrés obfervé à Québec , qui n’équivaloit qu'à environ 17— 0 du thermomètre de Deluc, pour être égal à celui de 37 deg. d'un thermomètre de mercure , qui a été obfervé par M. de Maupertuis en Laponie. . IL eft bien étonnant que M. Delifle ait ainfi confondu avec ces degrés de M. de Réaumur ceux qui étoient pris de fon propre thermomètre. J'aurai occafon de faire voir fouvent dans mon Ouvrage que la Thermometrie a, été extrèmement négligée par le plus grand nombre des Savans qui ont écrit fur cette matière, & qui, indépendamment de ce qu'ils n’ont point fait ufage des principes de dilatation refpetive, n'ont pas toujours donné tous leurs foins à l'emploi des principes qu'eux-mêmes ont établis, + "Ta k | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 79 TABLE De la valeur des degrés du Thérmomèrre de M. Gautier, pour fervir à l'intelligence des Objérvations faites à Québec. Gautier. Deluc.| Gautier. Deluc. |Gautier. Deluc. |Gautier. pu] cs °. 18. 10, ,00.! 364 20, tof: z + 105 128: 11e 20, 29. 1. 19. 10, 56.| 37. 20,2 57: + +. 10, 84.| + 20, 84. 2e 20. x1, 12.11 38. ZT . + + x IT» 39. = 21, 40. 3- 21. 113=67:| 39. 215," 68: L LI 3. 7. 113 95.| - 21, 95. # 22. 12, :23.| 40. 225 23, 1 L 1 ED Le 12, S1. je. 22, Sls $- 24 1271078. 4Te 22, 79e %. ce 13, o6. 3. 233 O7 6. 24 19 SA AS 23» 34. +. ro 13, 612. Ze 23, 62 7° 25° 13, 90'| 43. 23, 90. Li 1 , + Ze à 143 17] > 24, 18. 8. 26° 14, 45.| 44. 24, 46 4. + T4 u173u| 07e 243 73° 2- 27 “Ms. o1-| 45e 25, O1! + 15 28.0 Se 25, 29 10. 28, 15, 56.| 46. 251797 + + 15 84.1 à. 255 85e 11. 29. 16, 12.] 47. 26, 12e + En 16-040: | 26, 40 32 30. 16, 67.| 48. 26, 68. + + HE NE 26, 96 13: 31. 17, 23-| 49. 27 42By 3° 7 ALT | 273 Se 34 324 VS CE CH 27 179 7. 3. Us QU — 15: 33. 18, 34 Te + 18, 62 16. 34. 18, 9o + + 19, r8. Due 35. 19, 45 3e à 319, 73: 80 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, NIOT ES (a) ire ANSACT. Pnicosopx. N°.328. Grilchow, Thermometria comparart, in JZifeell. Berol. Vol. VI. À (&) Elémens de Chymie, Tom. 1, pag. 158, Traduét. d’Allamand. (c) Mémoires de l'Académie des Sciences , année 176$ ,.dans un Mémoire fur les caufes de froid & de chaleur. (4) Recueil de diverfes Pièces fur le Thermomètre , par l’Auteur de la Méthode d’un Thermomètre univerfel. Z’id. 4éa Helverica, Vol. II. (e) Ibid. page 6. (f) Recherch. fur les modific. de l’'Atm. Tom. I, pag. 152. (g) Ibid. pag, 378. ES el (1) Ouwrre les obfervations de Québec, qui fe trouvent dans-les Mémoires de l’Académie , je pofsède deux autres fuites d’obfervations faites dans le même lieu pat M. Gautier, tirées des Manufcrits de M. Delille, au Dépôt dela Marine : la première commence au premier Oëtobre 1744, & finit avec le mois de Seprembre 1745. Les obfervations générales de cet efpace de tems font dans les Mémoires de l’Académie, mais non pas les hauteurs du thermomètre ; l’autre fuite comprend depuis le premier O&tobre 1747 jufqu’à la fin de Septembre 1748, Je ne fais f M. Gautier a obfervé depuis O&tobre 174$ jufqu’à la fin de 1746 , & fi ces obfervations exiftent. Nousavons donc pour le moins cinqannées complettes de ces obfervations. (2) Mémoires fur les froids obfervés en Sibérie, Mém. de PAcad, 17493 Pe 1e (3) Traité de Météorologie, p.358, 385. ‘ (4) Thermomètre univerfel de comparaïfon, dans les Obfervations Gr la Phyfique, l'Hiftoire Naturelle &les Arts, par M. l'Abbé Rozier, in-112, 2°. année, Tom. I, Part. I, p. 147. ( 5 ) Recherches fur les modifications del’Atmofphère, Tom, I. (6) Comparaifon des Thermomètres. (7) Mémoires de l’Académie ,-1745, p. 194. (8) Obfervations de M. Gautier, dans les Mémoires de l'Académie, 1744 — 1747 é en divers lieux, (9) On lit dans les Obfervations de M. Gautier , Mémoires de l'Académie, 1744, p: 138, que le 19 Décembre 1742, à fept heures du foir, le mercure de fon thermo- mètre étant tout-à-fait rentré dans la boule, celui de Réaumur marquoit 3 deg. au- deffous du froid de 1709 en France. M, Gautier auroit donc dû faire fes obfervations avec SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $r avec le thermomètre de Réaumur , puifqu’il étoit capable de déterminer la mefure d’un froid qui ne pouvoit être apprécié fur fon thermomètre de mercure. (10) Mémoires de l’Académie, 1734, p. 137: (1x) Zhid. 138. (12 ) Thid. p. 139. (13 ) Jhid. p. 152. (14) Ibid. 1746, p.94. (15) Zbid. 1745, p. 195 (16) Recherches fur les modifications de PAtmofphère, Tom I, p. 241 ; note 6. (17) Mémoires de l'Académie, 1740, p. 614. (18) Ibid, 1742, p. 391. { 19 ) Recherches, Tom. I, p.378. ( 20 ) Elémens de Chymie, Tom. I, p. 185. (21) Effais, p. 30. { 22 ) Cours de Phyfique, Parag. 1576. (23) Tranfa@ions philofophiques , N°. 38r. (24) Cours de Phyfique, Parag. 1576. (25) Recherches, Tom.I, p. 378. (26) Mémoires de l'Académie, 1731, p.513 (27) Ibid. 1736, p. $o7. (28) Art des Expériences , Tom. III, p. 147- (29) Recherches, Tom. I, p. 252. (3°) Mémoires de l'Académie, 1745, p. 194: (37) Ibid. 1744, p. 135. (32) Ibid. 1739, p. 458. (33) Art des Expériences, Tom. HI, p.146, 147< (34) Leçons de Phyfique, Tom. IV, p.375. . (35) Mémoires de l’Académie, 1730, p.503, 1731, p.513« (36) Recherches, Tom.I, p.375. Ce n’eft pas ici le lieu de difeuter lequel de ces deux points convient le mieux à la température de ces caves. Cette recherche trouvera fa place dans la partie de mon Ouvrage, qui a rapport à la nombreufe famille des thermomètres de Réaumur, & n’eft pas abfolument néceflaire à l’objet dont il s’agit ici. 1 (37) Tom. III, p. 165. (38) Recherches, Tom. I, p. 375: (32) Mémoires de l’Académie, 1749 , p. 1. (40) IBid. p. 10. Tome XVII, Part.I.1781. JANVIER, L S2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 4 MEMOIRE Sur un nouvel Hygroclimax, ou Balance , qui détermine, au premier coup- d'œil, & avec précifion , les pefanteurs fpécifiques & refpeives de neuf Liqueurs comparées ; Inventé par le Sieur SCANEGATTY ; Démonffrateur de Phyfique, € Membre de l'Académie Royale ‘des Sciences, Belles- Lettres & Arts de Rouen, G& dela Société d'Agriculture de la même Ville. NE n'avons, jufqu'à préfent , aucun inftrument pour les Cabinets de Phyfique qui foit en état de nous donner au jufte la pefanteur fpé- cifique des liqueurs , qu'un fyphon renverfé à deux branches, que l'on plonge chacune dans un vafe. Cet inftrument nous a été donné par Muffenbroeck. Mais, avec ce fyphon, on ne peut comparer que deux liqueurs à la fois. Si on a une troifième liqueur à comparer avec les deux premières , il faut nettoyer le tube. Malgré toutes les précaurions que lon peut prendre , il eft impoñlible d'éviter que Le rube ne refte impré- gné de la première liqueur; ce qui occalionne des erreurs, fur-tout lorfqu'on fubititue une liqueur acide à une alkaline: Cette machine, toute imparfaite qu’elle eft, fe trouve néanmoins dans tous les Cabinets de Phyfque, & notamment à l'Article Hydroffatique, dans les Traités de MM. TAbbé Nollet & Sigaud de la Fond. Pour éviter ‘cet inconvé- nient, on propofe le nouvel hygroclimax, ou balance, qui détermine, au premier coup-d'œil, & avec précifion, les pefanteurs fpétifiques de neuf liqueurs comparées. Cet inftrument eft compofé de neuf tubes de verre A-(pl. 2) d'un diamètre égal & de feize pouces de hauteur, verticalement pofés à treize lignes de diftance l’un de l’autre. Tous, par leur orifice fupérieur, communiquent par des douilles B, qui les emboitent exactement, à un canal de cuive C , pofé tranfverfalement. Le milieu de ce canal. eft fur- monté d'un robinet D, garni d’une petite pompe E. Cet appareil, eft folidement attaché fur un fupport en forme d'écran, à la bafe duquel eft une tablette F, traverfée par neuf petites vis G, portant chacune un petit calice de bois H, pour retenir folidément un gobelet de verre I, où l'orifice inférieur de chaque tube eft plongé dans la liqueur foumife à l'expérience. Devant les gobelets eft un-fil de fer K, horizontalement SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 83 tendu, qui fert d’index pour mettre de niveau la furface de toutes les liqueurs, en tournant les vis à droite ou à gauche, fuivant le befoin. Ce fil de fer (ou de métal ) eft fixé fur deux fupports de cuivre L , attachés fur les montans de la machine. La planche fur laquelle font perpendicu- lairément fixés les tubes , eft divifée à diftances égales par des lignes pa- rallèles à l'horizon. L'on met, par exemple, dans Le premier des gobelets , du mercure, qui doit fervir de bafe, vu que fa pefanteur fpécifique eft toujours la même. ( C’eft pour cette raifon que l’on a prolongé à cette partie la lanche fur laquelle font les divifions , & quelle entre-dans le premier gobelet ). On verfe enfüite dans les autres de l'huile de virriol, de l'efprit-de-nitre , de l'huile de tartre , de l’eau faturée de fel marin, de l'eau diftillée, de leau-de-vie, de l'efprit-de-vin , de l'huile de rérében- thine , ou toute autre liqueur dont on defirera connoître la pefanteur fpécifique. Après avoir garni les sobelets des différentes liqueurs, on ouvre le robiner D, & l’on fait agir la pompe. Alors on verra s'élever dans les tubes chaque liqueur à des hauteurs différentes , en raifon de leur pefan- teur (ayant attention que la furface des liqueurs fe trouve toujours à mefure que l’on fait le vuide parallèle au fil de métal ). Par exemple, lorfque le mercure fera élevé à la première divifion, l'eau commune fe trouvera foutenue à la quatorzième, &c. IL réfuite donc que la pefanteur refpective du mercure à celle de l'eau eft comme 1 eft à 143 & ainfi our les autres liqueurs, en raifon de leur pefanteur fpécifique. L'Inventeur ofe efpérer que l'utilité de cette machine, plus générale ue celle dont on s’eft fervi jufqu’alors, méritera l'accueil des Savans , ainfi w’elle l’a mérité à la Séance publique de l'Académie Royale des Sciences je Rouen du 2 Août dernier , où cette machine a été préfentée & ce Mémoire a été lu. Le) Tome XVII, Part. I,1781. JANVIER. L 84 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, NOUVELLES LITTÉRAIRES. A © me — A TLAS € Defcription minéralogiques de la France, entrepris par ordre du Roi, par MM. GuzTTARD G& MONNET, publiés par M. Monnet , d'aprés fes nouveaux Voyages. A Paris, chez Didot l'aîné, rue S. André- des-Arts; Défnos, Libraire , rue S. Jacques; & Jombertjeune, Libraire, rue Dauphine, 7780, in-fol°. Cette première partie de cet intéreffant Ouvrage contient fe Beauvoiis , fa Picardie, le Boulonnois, la Flandre Françoife, le Soiffonnois, la Lorraine Allemande ,une partie de la Lorraine Françoife, le Pays Mein, & une partie de la Champagne. Nous ferons connoître plus en détail ce Voyage minéralogique. Hifloire Naturelle de la France Méridionale , ou Recherches fur la Minéralogie du Vivarais, du Viennois, du Valentinois, du Fortz, de l'Auvergne, du V'élay , de lUfegeois, du Comtat Venaiffin, de la Provence , des Diocèfes de Nimes, Monipellier, Agde, &c. ; fur la phyfique de la Mer Médirer- ranèe; fur les Méréores, les Arbres, les Animaux, l'Homme € la Femme de ces Contrées ; avec cinq Planches doubles par Volume, & une Carte géographique des trois Règnes : Ouvrage dédié & préfenté au Roÿ, imprimé fous le Privilése G& l’Approbation de l'Académie Royale des Sciences, par M. l'Abbé GrrauD-SourArtEz, Tome II. À Paris, Hôtel de Venife, Cloître S. Benoît ; & chez Quillau, Libraire, rue Chriftine , au Magafin Littéraire; Mérigot l'aîné, quai des Auguftins, près le Pont-Neuf; Belin, rue Saint-Jacques. : L'Hiftoire des volcans forme le fecond Volume de l'Hiftoire Naturelle de la France; ils ont été découverts par l’Auteur dès 1772. Ila parcouru ceux d'Agde en 1774, & communiqué fes découvertes à plufeurs Aca- démies , & furtout à celles de Dijon & de Nîmes, lorfquil écrivoit fur ces lieux , réfidant au centre même de ces montagnes volcanifées. M. V'Abbé Soulavie donne ainfi les defcriptions des objets qui l'environnoient chaque jour. Il donne d'abord, dans le premier Chapitre, la Géographie phyfique de ces montagnes brûlées par l’adivité des anciens volcans. La forme des courans des laves , le fyffême des montagnes volcanifées , l’engagent à les divifer en trois claffes principales , plus anciennes les unes que les autres. Les montagnes à cratère avec des courans de laves aboutiflans de Craux, de Coupe des gravènes , &c. , forment la premières SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 8$ La feconde claffe eft remplie par ceux dont les bouches ignivomes font eomblées , effacées : il n’en refte que des laves en défordre , fans courans. Des buttes volcaniques enfin perdues dans ce Pays, féparées de tout volcan , éloignées de tout Pays volcanifé , ifolées, font enfin le troifième monument des plus antiques volcans de la terre ; leurs laves , voilines, con- tiguës ou correfpondantes , ont été déblayées par Les eaux , entraïnées , ufées par Les agens deftructeurs des montagnes. M. l'Abbé Giraud-Soulavie prend un à un tous ces volcans; il décrit la charpente de leur enfemble, le fyftème de leurs courans, leurs divers degrés de décrépirude; &, pour conferver dans fa marche une méthode qui facilite les progrès des fciences exactes, il prend celle de l’efpric humain , qui, Ve fes progrès , pale du plus fimple vers le plus com- pofé. Ainfi, le détail des laves eft décrit avant les volcans , & leur forme avant leur compofition. Parmi Les formes, les plus fimples devancent les plus compofées : les bafalres de 3, 4, 5, 6, 7 & 8 côtés, précèdent les bafaltes 4 larme batavique , qu'un choc léger fait éclater en des millions de parties , de même que le bafalte -aimant: phénomène nouveau , établi par les expériences de l'Auteur, & dépendant de la pofition que ces ba- falces ont eue dans leur carrière relativement aux pôles du monde. Après avoir parlé des variétés bafaltiques en détail, PAuteur, fuivant toujours fa méthode , traite les carrières entières bafaltiques. Ici des ba- faltes réunis forment des voûtes naturelles | des montagnes en vis, en boule; là, des arcs géométriques, des angles rentrans, des colonnades. Ces vues pittorefques ont donné fans doute la dénomination de pavé de Géans à ces magnifiques chauffées, La définition du Patate eft établie par l’Auteur fur fes nouvelles ob- fervations. Il l'appelle une lave fondue ( & non pas une boue volcanique), fufceptible de poli, fufible, attirable par laimant, devenant quelquefois aimant elle-même , homogène, couleur de fer, étincelant aux coups de l'acier, fonore lorfquelle eft fans félures, plus pefante que les An le granit, &c. Après l'examen des laves , l’Auteur décrit les volcans à cratère; celui de Neirac eft le plus curieux. Environné de laves bafaltiques , il laifle émaner des airs gazeux , des eaux chaudes , acidules; fouvent des flammes voltigeantes M. l'Abbé Soulavie a fait plufieurs expériences fur les ani- maux, les végétaux & les, élémens , pour connoître la nature de ces az, & la manière dont ils donnent la mort aux animaux qui les refpirent , en examinant fur les lieux même les vifcères intérieurs de ces animaux af- phyxiés. Les volcans fous - marins font décrits dans le Chapitre XI. L'Auteur croit qu'ils ont été inondés des eaux maritimes à l'époque de leurs étup- tions, parce qu'il a obfervé des matieres calcaires fituées {ur des courans de laves, L’aflertion des éruptions fous-marines eft même fufceptible de 56 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, démonftration, lorfqu'on fait attention que l’Auteur a trouvé des cailloux roulés bafaltiques , inférés dans une carrière de pierre blanche coquillière, ficuée dans le voifinage de ces volcans; obfervation neuve, qui démontre d'une manière inconteftable l'origine de la carrière & l’époque comparée des volcans voilfins. Le lit fuviatile, compofé de cailloux roulés, granitiques, calcaires &c volcanifés, fitué entre la roche calcaire inférieure; & Les coulées de lave des fommets d’une très-haute montagne, offrent des faits plus étonnans encore. Enfin ; les volcans de la plus haute contrée font obfervés les derniers. Ils font fyftême avec ceux du Vélay & d'Auvergne. Le Mont Mezin en eft le fommet le plus élevé; le volcan de Gerbier-de-Jones, d'où fort la Loire, fe trouve fur le plateau fupérieur tout volcanifé : il domine ainf fur la plus grande partie de la France, puifque la Loire, qui arrofe plus de dix Provinces, defcend de ces hauteurs, & entraîne les ma- tières volcaniques qu'on trouve tout ufées , réduites en petits galets vers les bords de l'Océan , & encore inférieurement; car on a trouvé le coquillage nommé le fripier (qu'on fait s'approprier des petits galets & en environner fa fpirale), chargé de quantité de petits cailloux volcanifés, defcendus du Vivarais ou de l'Auvergne. Tel eft Le fommaire des Obfervations de M. Abbé Soulavie. Les Com- miffaires de l’Académie ont repréfenté à cette Compagnie que cet Ou- vrage, écrit fur les lieux, faifoit connoître plufieurs Contrées encore oubliées, & qu'il étoit rempli d’obfervations neuves; motifs qui ont pro- curé à l’Auteur l'approbation de l’Académie, aux termes du rapport. Expériences & nouvelles Obfervations fur les Houilles d'engrais ; Recherches Jr la Houille d'engrais 6 les Houillières, fur les marais G leur tourbe, & fur l'exploitation de lune & l'autre de ces fubftances. A Paris, chez Cloufier, Imprimeur-Libraire, rue S. Jacques; & Jombert fils, rue Dauphine. L'Auteur de ces deux Ouvrages, qui font la fuite l'un de l'autre, & qui pourront être infiniment utiles aux Propriétaires & aux grands Culti- vateurs , après avoir traité de la houille en général , indique les moyens sûrs de connoître les houilles d'engrais, les lieux où on les trouve, les fignes qui les annoncent , & la manière de les chercher & d'en ex- ploiter les bancs. Il s'occupe enfuite de la: tourbe, qu'il fuit dans fa for- mation , fon exploitation , fa régénération, & fon utilité pour le feu & comme engrais, réduite en cendre. En général, ces deux Traités fe font remarquer par des obfervations neuves & bien faites. Tout ce que l'Auteur avance . il le prouve par des faits & des expériences; moyens de démonf- tration auxquels on ne peut réfifter. nee De SURVL'HIST. NATURELLE ET LES: ARTS. 87 Découvertes de M. Marat, [ur la Lumière comparée par une fuite d'expé- riences nouvelles qui ont été faites un très - grand nombre de fois fous les yeux de MM. les Commiffaires de l’Académie des Sciences. À Londres ; & fe trouve à Paris, chez Jombert fils aîné, rue Dauphine, 1780, in-8°. M. Marat, ficonnu par fes belles expériences fur le Feu, vient d'en faire de nouvelles fur la Lumière, & toujours à l’aide de fa méthode d’obferver dans la chambre obfcure. [1 réfulre de fes expériences , que tous les corps font environnés d'une atmofphère lumineufe, plus étendue que leur dia- mètre # & qu'un rayon ne traverfe jamais en ligne droite cette fphère d'activité. Voilà donc l'attraction de la lumière rendue vifible dans tous les corps, & une nouvelle loi d'Optique découverte, dont on ne foup- gonnoit pas même l'exiftence. Les Phyficiens verront, du premier coup- d'œil, le grand rôle qu'elle doit jouer dans la Nature, fur - tout dans le fyftème planétaire. Jufqu'ici la théorie de Newton fur les couleurs avoit triomphé des objections de fes Adverfaires ; & les vains efforts de tant de Phsficiens qui fe font travaillés à décompofer le fpectre , avoient confacré le nom- bre de fept couleurs primitives :-mais M. Marat eft parvenu à le décom- pofer de plufisurs manières; &, dans chacune, le nombre des rayons hétérogènes fe trouve réduit à trois. Suivant l’Auteur, les couleurs du fpeétre font formées par les rayons décompofés fur les bords du trou deftiné à les introduire dans la chambre obfcure, Pour porter fa démonf- tration jufqu'à l'évidence , il donne un faifceau de rayons blancs, avec lequel il n'eft pas pofible de former le fpectre, quel que foit le nombre de prifmes que ce faifceau vienne à traverfer. M. Marat démontre encoreque dans les expériences Newtoniennes, la lu- mière n'eft point décompofée par le prifme, & qu'elle ne fe décompofe jamais en traverfant un verre, quelle que foit fa figure, pourvu qu'il foit d’un bon grain & d'un beau poli. Il faudroit conclure de fes aflertions nou- velles, que la doétrine de l’abération de la lumière, produite par la différente réfrangibilité de fes rayons, feroit une chimère; & la conftruc- tion des lunettes acromatiques dépendra déformais d'une nouvelle théorie. Enfin , à l'aide d'un appareil d’inftrument dont la fimpliciré étonne, M, Marar a trouvé l'art de faire de la lumière un fpectacle aufli frappant enchanteur. C:s découvertes, qui ont été long -tems fous les yeux de MM. de l’Académie des Sciences, viennent d'être rendues pnbliques par Yimpreflion. À l'accueil favorable qu'ont reçu les premières découvertes de l'Auteur, on peut juger de la curiofité que celles-ci doivent exciter. 88 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, &c. TEETZ = RER "AIRE Des ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. R ELATION inéreffante d'une éruption du Mont Véfuve, arrivée en Août 1779 x extraite d'une Lettre du Chevalier Wiccram HAMILTON, Envoyé Extraordinaire d'Angleterre à Naples, Membre de la Société Royale, 6c., à M.Jofeph Banxs , Préfident de la Société Royale, Pag. 3 Mémoire fur la Chaleur, Gc. des Animaux © des Végétaux ; paf M. J. HuNTER, FRS, 12 Suite du Mémoire de M, ÂACHARD, fur les Savons acides, 23 Lettre fur les Balances d’effai , écrite par M. J. HYACINTHE MAGELLAN, Membre de la Société Royale de Londres , & Correfpondant de l'Académie Royale des Sciences de Paris, Lettre de M.RoLAND DE LA PLATIERE, In/peëleur-Général des Manufaëlures de Picardie, Affocié des Académies de Rouen, de Villefranche, de Montpellier, G'c, & Corre/pondant de celle des Sciences de Paris, à M.DE COURONNE, Secrétaire del Académie de Rouen ; fur un Projet relatif à la matière tinéto- riale, lue à l'Académie de Rouen le 1$ Novembre 1780 , 49 Leitre a M. HAïLLET DE COURONNE, Secrétaire Perpétuel de l Académie des Sciences , Belles-Lettres & Arts de Rouen , G: lue à la Séance de la même Académie du 1$ Novembre dernier : Contenant l’hifloire 6: Le plan d'un Ouvrage qui aura pour titre : Botanique des Peintres & des Tein- turiers, fuivant l’ordre des familles naturelles, avec quelques vues nou- velles fur l'analogie extrinsèque & intrinsèque des Plantes dans la pra- tique des Arts en général & de la Teinture en particulier ; par M.** *, de l Académie de Rouen , &c., # s2 Recherches [ur la graduation du Thermomètre dont s’eft fervi M. GAUTIER pour les Obfervations météorologiques faites a Québec, & inférées dans les Mémoires de l'Académie Royale des Sciences, ann. 1744, 174$ ; 1746 S 17473 par M, GAUSSEN , de Montpellier, 61 Mémoire [ur un nouvel Hygroclimax, ou balance, qui détermine,, au premier coup-d'œil, & avec précifion , les pefanteurs fpécifiques & refpetlives de neuf Liqueurs comparées ; inventé par le Sieur SEANEGATTY , Démonftrateur de Phyfique, & Membre de l'Académie Royale des Sciences, Belles- Lettres G& Arts de Rouen, & dela Société d’ Agriculture de la même Ville, 82 Nouvelles Littéraires, | 84 ACPAPEREO BEA IR RNIONN: At{u, par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a pour titre ; Obfervarions fur La Phyfique, fur l’Hiftoire Naturelle & fur les Arts, Ec.;par A4. L' Abbé Rozier, &c. La Collettion de faits importans qu’il offre périodiquement à fes Leéteurs , mérite laccueil des Savans ; enconféquence , j'eftime qu’on peut en permettre lmpreflion, 44 Paris, ce 22 Janvier1781 VALMONT DE BOMARE, PET; | {ll ll \ Y A] V4 = = = \ Le == es e Not CTMRNTE | © | || 6 all Lu sr GES Seller Seulp. 919 Es HS 4 17 Echelle dun pied VE Janvier 1701, ne JOUR NALADE PHYSIQUE. | FÉVRIER, 1787. OBSERVATIONS Sur la manipulation & la propriété de l'Huile de Faïne ; " Par M CarirrR, Prévôt Royal de Verberie. {tee qualités de l'huile de faîne ont été, jufqu'à préfent, inconnues dans la plus grande partie du Royaume. On a ignoré la véritable pro- priété de la faîne; &, jufqu'ici, cette graine a fervi de nourriture aux animaux comme les glandées : on n’en a fait communément ufage que LE engraifler le gibier, les oifeaux des bois, & certaine volaille de affe-cour. Quelques Auteurs artribuent à la faîne la propriété de rendre une huile à-peu-près femblable à celle de noix: mais ils font entendre que cette huile eft groflière , & qu'elle ne peut fervir qu'à bruler. Etabli dans un canton au centre de plufieurs forêts confidérables, & où la faîne abonde dans des années propres à fa production, je me fuis afluré que les gens du commun n'ufoient point d'autre huile en aliment que celle de faîne. La propriété de cette huile, & le rapport de plufieurs perfonnes de poids, qui en avoient ufé d’abord par fantaifie , enfuite par goût & par raifon de fanté, ont excité ma curiofité. Je me fuis fur-tout fortifié & animé dans l'examen que j'annonce, lorfqu'il m eft revenu que dans les années d’abondance, Le Marchands en gros en fai- foient des enlèvemens dans le Canton; & qu'après avoir gardé cette huile pendant deux ans dans des tonnes ou dans des vafes de grès , ils. la faifoient pafler pour l'huile d'olive, & la débitoient avec d'autant plus de fuccès & de confiance, que l'huile de faîne, à cette époque, a acquis toutes les propriétés de l’huile d'olive, & peut conferver fa vertu huit & dix ans. Ce point eft d'autant plus important, que l'huile d'olive com- mence à perdre fa qualité au bout de dix huit mois. | Ces circonftances , démontrées par des enlèvemens prodigieux dont j'ai été le rémoin , ne m'ont pas permis de différer à rendre public un objet dont la connoiffance peut opérer les füites les plus avantageufes pour le bien de l'Etar. e Tome XVII, Part. I.1781. FÉVRIER. M 90 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, J'examinerai, en premier lieu , la produétion de cette matière , la manière de la recueillir & d'en diftinguer les qualités : je traiterai enfuire de la manipulation convenable pour enexprimer l'huile; & enfin, je ferai con- noître les diverfes qualités de cette huile, naturelles & accidentelles, tarit par la façon de l'exprimer, que par la manière de la garder & de la purifier, A RTC UETE P'RYE4MUILELR: De la Faîne & de l'Arbre qui la produit ; manière de la recueillir & d'en diflinguer les qualités. i D HÈTRE, fagus, fau, fouteau , fayant , fayard ou fain , eft l'arbre qui prouuit la faîne. Cet arbre eft commun en France : il fe plaît dans prefque toutes les forêts ; fon fruit s’appelle glan fagis, fruëlus fagi, faine. Fagina, d'où on a fait faina , eft Le mot Latin , d’où dérive le nom de fîne. Le hêtre, vulgairement appellé fau ou fouteau , eft un arbre de haute futaie : fes racines ne font ui nombreufes ni profondes ; il eft grand , gros , branchu : fon bois eft blanc & dur; fon écorce eft unie, de cou- leur grife cendrée, médiocrement groffe : fes feuilles participent de celles du peuplier & de l’orme; elles font fermes, unies & un peu luifantes ; fes fleurs font de petites cloches dentelées en leur bord, du fond def quelles s'élèvent quelques éramines jaunes. Elles fe ramaflent en chatons arrondis ou pelotons : elles ne laiffent rien après elles. Les fruits naiffent fur ce même pied de hêtre, dans des endroits féparés des chatons. Il s’en forme d’abord un petit embryon, enveloppé de quelques feuilles me- nues. Cet embryon acquiert infenfiblement de la confiftance : il devient un fruit dur comme du cuir, & hériflé de piquans. Lorfqu'il eft parvenu à maturité, il s'ouvre de lui-même par la pointe en quatre parties égales : ordinairement il renferme deux, femences oblongues. Ces femences ou noifettes font relevées de trois coins dans leur longueur : on les appelle vulgairement fanènes ou faînes. Ces faînes contiennent une moëlle blanche bonne à manger, d’un goût doux avec quelqu'aftriction. On en fait de l'huile, en les concaflant & les exprimant à froid. à Je ne parlerai pas des différens ufages du bois de hêtre; les Menui- fiers, les Faifeurs de coffres, les Boïiffeliers, les Selliers, les Bourreliers s’en fervent , les uns pour les ouvrages de menuiferie, les autres pour éclifles, pelles, cuillers, fabots, arçons, atteloirs, &c. Les coterets de hêtres font excellens, & les copeaux de ce bois font les meilleurs pour faire des rapés & éclaircir Le vin qu'on verfe deflus, SUR L'HIST. NATURE LLE ET. LES ARTS. 91 IL femble que le hètre porte en lui-même une vertu médicinale; car lufieurs perfonnes affurent avoir été guéries de la gale, la gratèle, les His & les démangeaifons de la peau, avec L'eau qui fe trouve dans Le creux dès vieux hêtres. Le mot hêtre vient de l'Allemand hefler. Faye, efculetum, vieux mot, fignifoic un lieu foreftier, Efculis ;| fagutal , fagis , évoienr des lieux analogues au fruit du hêtre; & plufeurs Paroifles en France fe nomment ençore aujourd’hui Faye, Belle-Faye, Fayel & Fagel : ce qui prouve que ces Pays étoient au milieu ou à proximité de bois peuplés de hêtres. Le hêtre ou fau fe dépouille de fon fruit vers la fin de Septembre & dans le courant d'Octobre. La température du mois d'Août a la plus rande influence fur la bonne ou la mauvaife qualité de la faîne: les Éouillards & l'ardeur plus ou moins forte du foleil en empêchent la formation, & en dérruifent la qualité. Une année abondante eft prefque toujours fuivie d’une ou plufieurs autres ftériles ; mais ordinairement le hêtre produit tous les deux ans. Le commerce de l'huile de faîne eft d'autant plus intéreflant, qu'il peut s'étendre dans toute la France. Le Manouvrier le moins aifé peut en tirer un avantage certain. J'ai déja dir que le hètre étoit un arbre de haute futaie, dont l'écorce eft unie & blanchâtre, les feuilles d'un beau verd, & le fruit un petit gland de figure triangulaire , vulgairement nommé faîne. Ce fruic tombe en au- tomne à la chüte des feuilles. Pour que la faîne foit de bonne qualité, il faut qu’elle tombe natu- rellement, ou qu'aumoins ce foit l'effer de quelques fecoufles des vents : c’eft le figne le plus certain de maturité. La faine , ramaffée dans le mois d'Otobre, eft toujours la meilleure; celle qu'on recueille en No- vembre & au commencement de Décembre a perdu fa qualité, à pro- portion de l'éloignement du temps où elle eft tombée, & à raifon des pluies & de l'humidité, qui, néceflairement, doivent avoir altéré l'a- mande. La faîne fe recueille de deux manières , au balai & àla main. Un Ouvrier, qui veut ramafler de la faîne avec fuccès & prompte- ment, doit fe munir d’un balai, d'un petit rateau, d'un crible & d’un fac. Le balai fert à ramafler la faïne en tas ; le rateau enlève les premières matières ligneufes & étrangères; le crible achève d'ôter le refte des or- dures ; & lesfac reçoit la faîne à mefure qu'elle eft nettoyé, Le balai le plus-propre à ramaffer la faine fe fait avec le houx, de référence au Fear & à la bruyère. La raifonren eft naturelle ; la feuille de houx, par fes piquans, fait l’effer du rateau : elle a même fur lui cet avantage, qu'elle raflemble les graines fans les froifler ni les en- pmmager ; le rateau eft à dents de bois, par une fuite des mêmes con- fégiences. On s'en fert pour purger les tas de faîne de tous les. perirs corps ligneux, & des feuilles d'arbre qui y font entrelacées. La faine Tome XVII, Part. I. 17981. FÉVRIER. = PMR 92 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, étant ainfi ramaflée en tas de deux à trois boïffleaux, on fait ufage du crible. Le crible eft ordinairement , pour une plus grande commodité, de trois pieds de diamètre ; le fond eit d’ofier & à claire-voie : les jours ou‘dif- tances d'unbrin d'ofierà l’autre peuvent être environ d'une à deux lignes: il doit être pourvu de deux anfes oppoñées. : Pour s’en fervir avec avantage, & qu'un feul homme puifle faire lou- vrage de deux & aufli promptement, on s'y prend ainfi. On, garnit d'une corde une des anfes du crible ; on attache cette corde à un arbre: la taille & laifance de l'Ouvrier déterminent la hauteur à laquelle le crible doit être fufpendu ; il faut feulement avoir l'attention de lui donner un jeu-convenable. Les chofes ainfi difpofées, on emplit le crible de faine à volonté. Saïfiffant alors la feconde anfe des mains, on pouffe & repouffe le crible : au moyen de ce double mouvement, tous les petits corps étrangers & inutiles fortent par les jours du crible; ceux qui font trop gros, & les grains de mauvaife qualité, reftent au deffus Fa la bonne faïne. Il eft aifé de les en féparer avec la main. Après chaque opération du crible , la faîne, ainfi mondée, fe verfe dans le fac. La feconde manière de ramafler la faîne s'exécute à la main. Il eft inutile d'en faire une explication détaillée: la feule définition rend la chofe aflez {enfible. L'Ouvrier ramafle avec les doigts autant de grains que fa main peut en contenir. [1 a un vafe à côté de lui, dans lequel il dépofe la taîne; quand le vafe eft plein, il le vuide dans un fac. Il répète la même opéra- tion jufqu'à ce que le fac foir plein. La faiîne, ramaflée au balai, eft ordinairement plus productive, en ce que le balai rafflemble les gros & les menus grains. Ces derniers, qui paroîtroient devoir être un objet de rebut, fourniflent plus d'huile : la “pellicule en eft plus mince, il y a plus de fuc. Ceux qui recueillent la faîne à la main, ne s’attachent communément qu'aux gros grains, foit qu'ils les jugent meilleurs, foit qu'ils veuillent avancer plus vîte, foit que les petits grains échappent à leurs recherches, foit qu'ils les croient d'une qualité inférieure. Du refte, ces deux méthodes ont chacune leur avantage : l’une ne peur être pratiquée que par des hommes qui ontune certaine force & une certaine adreffe; l’autre eft à la portée de tout le monde : les vieillards, les femmes, les enfans mêmes peuvent s’y livrer avec fuccès, & il leur eft facile, en ramaffant la fîne, d'en féparer Les corps étrangers, c'eft-à-dire, les herbes , les feuilles, les pierrailles & les autres ingrédiens qui peuvent s’y trouver mêlés. Tout eft fimple, comme on le voit, daus la manière de ramafler Ja faîne : il n'eft pas plus difficile de la rendre propre à en faire( ce l'huile, LOOÉ J'ai déjà dit que , pour la facilité du tranfport, il étoit convenable de Li 74 Es SURUL'HISTINATURE LLENET LES ARTS. . 93 dépofer la faîne ramaflée dans des facs. On vuide les facs au retour du bois; on en dépofe la faîne dans des greniers , ou fur des planchers quelconques. La faîne, ramaflée à point & sèchement, peut samon- celer jufqu’à fept & huit cents boiffeaux dans le même lieu : il faut feu- lernent avoir attention d'examiner fi les endroits’ font fecs & en bel air, car la faîne exige autant de foin & de précaution que le bled. IL eft effentiel de ne point lui laiffer prendre l'humidité; pour l'en pré- ferver, il faut l’étendre & la remuer fouvent avec la pelle. De cette façon , la faîne fe sèche infenfiblement ; elle eft infiniment meilleure que fi elle étoic expofée fubitement à l'ardeur du foleil. Cetre remarque eft fondée fur l'expérience. Une mefure de faîne, féchée à l'ombre, rend plus d'huile que pareille quantité féchée au foleil : elle a en outre plus de qualité. La raifon de cette différence eft naturelle. La faîne, féchée à l'ombre, conferve toute fa fubflance ; celle au contraire qui eft expofée aux rayons du foleil, en reçoit toute l’impreflion; elle s’échauffe , & cette chaleur fait évaporer la vertu la plus eflentielle de l'huile contenue dans l’'amande. La faîne étant parfaitement sèche, on la vanne comme le bled : les faînes creufes, vuides ou defléchées , paroiflent au-deflus de celles qui font de bonne qualité ; & on Les en fépare avec la main. IL eft encore une autre méthode de préparer la faîne. Ceux qui font curieux d’avoir une huile parfaite , en font ufage. On étale la faîne fur une grande table; on met entre les jambes un panier quelconque : on épluche la faîne grain à grain, & on la fait tomber dans le panier deftiné à la recevoir à mefure qu’elle eft ainfi épluchée; de cette manière , il ne refte aucune ordure dans la faîne : l'huile qui en provient a une qualité fupérieure. La faîne étant parée, on la porte au moulin. Le mois de Mars eft l'époque ordinaire où on commence à moudre : les moulins font occupés, dans les années d’abondance, jufqu'à la Touflaint inclufivement. On éprouve journellement que le tems le plus favorable pour faire de la bonne huile eft celui où la sève n’eft pas en fermentation, & où les cha- leurs de l'été ne fe font pas encore fentir. Aïnli, le Propriétaire, qui a le pouvoir de choifir le temps de moudre , doit faire porter fa graine au moulin à la fin de Février ou au commencement de Mars ; & pour tour dire enun mot, dans les intervalles des sèves & des chaleurs. J’en ai fait fabriquer dans le courant de Novembre, qui s'eft trouvée excellente. Du refte ; on peut faire moudre en tout temps , même auffi-tôt après que la faine a été ramaflée, fi toutefois elle eft parfaitement müre, sèche & purgée , comme il eft dir, de tousdes corps étrangers , qui néceflairement altéreroient l'amande. CU 04 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ART CAT ATEN De l'Huile de Faine & de fa fabrication ; manipulation propre & exprimer l'Huile de Faïîne. Î L eft à propos de donner une idée fuccinéte des moulins propres à exprimer l'huile de la faîne. Ces moulins font conitruits de même que ceux des moulins à chenevis. Ces derniers font trop communs en France , pour qu'il foit néceffaire de faire la defcription de toutes les parties : je me bornerai aux prin- cipales. La pièce effentielle d’un moulin à huile eft une groffe poutre de chêne ou d’orme, longue de douze pieds de furface horizontale , fur deux pieds quarrés. À un pied de l'extrémité de cette poutre, fur la gauche, il y a quatre pots ou trous ovales, dont le fond eft droit, & qui font évuidés fur le devant en manière de cruche; ils font fur la même ligne, & dif tans l'un de l’autre de fix à fept pouces : chaque pot a neuf pouces d'ouverture diamétrale, dix pouces de longueur & un pied de profon- deur ; la bafe eft de fix pouces; le fond de chaque pot eft garni d’une plaque ronde de fer ou de potin de fix pouces de diamètre, dont l’épaif- feur eft à volonté. Un pot contient un quartier de faîne ; ce qu revient à un boiffeau & un douzième de boiffeau , mefure de Paris. Au-deflus de chaque pot eft fufpendu un pilon, efpèce de folive , haute de dix pieds. Ce pilon a fix & fept pouces d'équarriffage par le haut; il eft arrondi par le bout à dix-huit pouces de hauteur, en proportion de l'ouverture du pot, La tère eft environnée d’un petit cercle de fer, qui peut avoir un demi - pouce d’épaiffeur & deux pouces de largeur. L'intérieur de ce cercle eft garni de clous à l'ufage des Maréchaux, vul- gairement nominés caboches. Ces clous ont une pointe d’eaviron un pouce; ils font enfoncés jufqu'à la cêre. Les pilons font mis en jeu par l'arbre tournant, à mefure que les levées touchent la queue de chacun d'eux : chaque pilon tombe perpendiculairement; & au moyen de ce que le bout en eft arrondi, que le fond des pots eft droit, qu'ils fone creufés fur le devant & évaidés en manière de ventre de cruche, on conçoit que ce pilon, en tombant, tourne & retourne la faîne jufqu'à ce qu'elle foit brifée convenablement. Quand on s’apperçoit que la faîne, en fe broyant, devient trop sèche, on l’arrofe avec de l’eau, fuivant le befoin. La faîne étant en état, on dévraine ; c'eft ôter la faîne des pots, lorf- qu'elle eft fuifamment broyée. On la retire avec les mains, & on la dépofe dans un morceau de toile de treillis oblong de dix-huit à vinot pouces fur autant de large. Une extrémité de cette toile a la figure d’un lac fendu , & l'autre fe replie fur la toile même, lorfque la faîne eft arrangée +: SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. os dedans ; on met alors cette efpèce de fac dans une fangle, qui fert à ex- primer l'huile. On fe rappelle que fur la groffe poutre , dont j'ai fait la defcription, ily a quatre pots ou trous à gauche fur la même ligne. A deux pieds de diftance du dernier pot, fur la droite, il y a un grand trou, qui fe nomme preffe ou grand bloc. Ce trou traverfe ia poutre dans toute fon épaifleur ; il a dix-huit pouces de long fur treize de large. Aux deux bouts oppofés eft une efpèce de porte - feuille, qu’on appelle angles ; chaque fangle a quatre pieds de longueur fur quatorze pouces de largeur. La pièce eft fabriquée avec du crin, artiftement treflé en manière de cotte dans tous Les fens; elle eft premièrement couverte d'une bafane, qui elle-même eft couverte d’un Êx cuir de cheval ou de fanglier, parfai- tement tendu & bien coufu, de façon qu'elle eft aufli ferme & qu’elle a autant de confiftance qu'une planche. Cette pièce s'appelle fangle , parce pe dans l’origine, on ne fe fervoit pour couverture que de peaux de anglier. La fangle eft compofée de deux feuillets, qui tiennent enfemble, & qui font charnière environ dans le milieu. Le feuillet de deffous , qui fert de bafe, & fur lequel on arrange la faîne broyée de la manière que j'ai développé, eft plus long que celui de deflus de trois pouces. Cette différence provient de ce que le premier eft terminé par un coufliner de a trois pouces d'épaifleur; ce couflinet s'élève en dedans d'environ eux pouces. Cette même feuille de deffous, depuisi l'endroit où com- mence la charnière jufqu'au couflinet, eft bordée d’une efpèce de planche large de deux pouces, qui eft formée avec le même cuir de cheval , qui Ja recouvre : cette bordure excède la furface de quelques lignes. Le feuillet de deffus eft aufli épais que celui de deffous : mais il eft un peu moins large & un peu moins long; il n’a pas de bordure, pour qu'il puifle s’emboîter parfaitement dans celui auquel il fert de couvercle. Il eft garni à fon extrémité d'une anfe faite avec de la groffe corde : on s'en fert pour haufler ou baïffer le feuillet , fuivant les circonftances. Dans le milieu de la prefle, il y a deux gros coins de figure inégale : l'un s'appelle coin, l’autre décoin. Au-deflus de chacun d'eux font fuf- pendus deux gres pilons , efpèce de folive haute de douze pieds fur fept pouces d’équarriffage : la tête eft quarrée & large de dix pouces. Le coin, dont l'office eft de ferrer, a deux pieds de longueur fur un pied de largeur : fa tête porte fix pouces ; elle va toujours en s'aiguifant Jufqu’au bout, Le décoin, dont le nom exprime l’ufage , porte trois pouces de fur- face ; il a deux pieds & demi de longueur: il eft plus épais & plus large du bas que du haut. Entre les deux coins dont je viens de parler , on met une planche qui a dix-huit lignes d’épaifleur ; on l'appelle c/ef : elle entre dans le bloc jufqu’à la fuperficie. Entre les fangles & les coins, on place deux autres planches, qu'on 6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nomme fourneaux ; ces fourneaux font le même effec & ont la mème épaifleur que la clef. Toutes les pièces étant difpofées dans la preffe, fuivant l’ordre que j'ai tracé, on fait agir le pilon, qui, dans les momens d’inaétion , eft fufpendu au - deflus du coin; on le laifle opérer jufqu'à ce qu'il rebute : ‘quarante-huit ou cinquante coups fufffent ordinairement; alors on met en œuvre Je pilon propre du coin, Il fait, ainfi que l'autre, l'effet du marteau; & au moyen de deux ou trois coups fucceflifs , il dégage la clef quitient la prefle en action : on en retire les fangles. On fe fouvient qu'on a dépofé dans chaque fangle un morceau de toile de treillis en forme de fac, dans lequel on a arrangé la faîne broyée , & que certe fangle eft compofée de deux feuillets. On lève le feuillet de deflus : on retire ce morceau de toile; & comme il a été étroitement ferré dans la preffe, la faine qui y étoit renfermée préfente la figure d'une planche. On en détache la toile , qui y eft comme collée; & l'écorce de la faîne, dont l'huile eft entièrement exprimée, compofe une tablette oblongue de quinze à feize pouces fur dix pouces de large. Elle eft folide, épaifle d'un pouce : on l'appelle rourte. Cette tourte a diverfes propriétés: l'huile découle dans le petitbloc à mefure qu’elle eft exprimée. Au fond du grand trou , communément dit grand bloc (il faut fe rappeller la figure de ce bloc), ily a un réfervoir en forme d'évier : on le nomme perit bloc. Il eft adhérent au grand bloc; il eft fait avec du bois de chêne ou d’orme. Il a quatre pieds de longueur , deux pieds de largeur & fix pouces d'épaifleur ; il eft enfoncé dans la terre. Les alen- tours de ce réfervoir font exhauflés : ils s'évident enfuite, de manière que l'huile tombe au fond; & à mefure qu’elle eft exprimée, elle en découle. au moyen d'un tuyau , dans un baflin quelconque , ménagé en dehors à fleur de terre. On recouvre ce bafñin Fr marche-pied | pour que les ordures ne puiflent pas y entrer, & pour que l'Ouvrier air l'ai- fance de pouvoir faire les manœuvres convenables. C'eft dans ee bain qu'on puife l'huile, pour la tranfvafer dans un vaifleau à volonté (1). A AR TO MOMILANE SET Qualité de l’'Huile de Faîne. J:- crois avoir fufifamment détaillé comment on ramafloit Ja faîne, comment on la faifoit fécher, & comment on parvenoit à la convertir en huile ; il faut à préfent faire connoître fa propriété. On diftingue plufieurs qualités d'huile de faîne. La première eft équi- valente à celle de l'huile d'olive; elle fupplée à l'ufage de cette dernière, (2) Voyez Décembdc 1777, Tom. X , la defcription & les planches de ce moulin em- ployé pour le colfat, lanaverre , &c, lorfqu'on SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. o7 lorfqu'on eft parvenu à lui procurer le premier degré de pe:fe@ion; elle a même dé l'huile d'olive l'avantage , que plus elle eft gardée, plus elle acquiert de qualité. L'huile d'olive, comme il eft démontré: par l'ex: érience, commence à dégénérer après dix-huit mois : à cette époque, elle perd, par degrés, une partie de fa vertu. L'huile de faïne au contraire fe bonifie en vieilliffant. L'huile de faîne , fabriquée dans un temps propre, & avec de la bonne graine , dans l'intervalle des sèves & des chaleurs, peut fe marger un mois après fa fabrication. Une feule année fufñt pour lui donner le même degré de bonté qu'a l'huile d'olive ; elle eft même fupérieure après deux ans. Si cette huile eft gardée pendant cinq ans dans des bouteilles de terre, elle devient excellente. Elle conferve toute fa force pendant dix années. On pourroit , fans crainte de détérioration, en faire ufage pour les voyages de long cours. L'huile de faîne clarifiée fe congèle comme celle d'olive; ainfi l'huile de faîne bien faite a toutes les vertus de l'huile d'olive, & elle a fur celle-ci l'avantage de pouvoir fe conferver bien plus long-temps. Pour que l'huile de faîne obtienne cette première qualité qui la rend fupérieure à celle d'olive , il faut que les pilons, qui en expriment la li- queur, ne foient pas trop pefans, & que les coups en foient modérés. Les moulins, dont le travail eft le plus bruyant, donnent toujours une huile défectueufe ; la force des coups trop précipités, échauffe le bois des écorces de la faîne : il fe fait une fermentation qu'il ef indifpenfable d’appaifer par le mélange de trop d'eau; la qualité de l'huile en eft altérée. c Cet inconvénient n'a pas lieu dans les moulins dont les pilons ont les qualités requifes pour la bonne fabrication. Comme les coups ne font ni trop fréquens ni trop redoublés , la matière première eft moins échauffée : la fermentation eft plus foible, & il faut moins d'eau ; ce qui opère une meilleure qualité d'huile. L'ufage de l’eau eft principalement de fouder les tourtes; fans eau, on ny pourroit jamais parvenir. L'écorce du bois de la faîne ne pourroit pas S'allier ; il n'y auroit aucune confiftance, Ce n'eft cependant pas l’eau qui forme l'huile; l'humidité de l’eau demeure adhérente aux parties li- gneufes : elle ne s’y confond que is opérer l'expreflion de l'huile: une chopine d'eau , mefure de Paris, doit être fufhfante pour chaque quantité de graine contenue dans ce co Cette qu eft un quart de mine, ce qui revient environ à un boïfleau & un douzième de boïfleau , mefure de Paris; la mefure de la faîne eft la même que celle du bled. Si l'eau étoit employée avec excès , elle fe mélangeroit avec l'huile ; & quoiqu'en général l'huile furnage à l'eau, les Meüniers de mauvaife foi favent trouver le moyen d'incorporer ces deux liqueurs l'une aveé l'autre ,à force de les fouetter & de les battre confufément. Une huile Tome XVII, Part. I. 1981, FÉVRIER. N 98 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de ce genre eft néceflairement défectueufe, le dépôt en eft confidérable; c’eft ce qui arrive dans tous les cas où on veut identifier deux corps ou deux liqueurs étrangères & difparates. Par le détail dans lequel je viens d'entrer, on conçoit aifément que les proportions plus où moins juftes des moulins, opèrent une différence de qualité d'huile. Il feroit donc très -intéreflant que tous les moulins fuflent également bien proportionnés. L'avantage feroit réciproque : les Meüniers pourroient exiger un droit un peu plus fort, & ceux qui les mettent en œuvre gagneroient le quadruple fur la qualité : l'huile feroit plus limpide, plus onctueufe & plus blanche ; elle dépoferoit bien moins dans une année où Le gland de la faîne a toutes les qualités requifes. Il eft prouvé qu'une mine de faîne, moulue avec foin , ne rend com- munément que dix livres d'huile. Si les Meüniers en fourniflent douze , c’eft qu'ils arrofent davantage, & l'huile doit néceflairement être infé- rieure en qualité. Il eft donc eflentiel, pour que l'huile de faîne foit fufceptible de pouvoir acquérir la première qualité, qu'elle ait été fabri- quée dans un moulin bien proportionné; car la bonne qualité, obtenue par le moulage, contribue pour beaucoup au degré de bonté où l'huile peut atteindre. On parvient à la perfectionner par la manipulation fui- vante. On laifle repofer l'huile dans les tonnes pendant trois mois : à cette époque, on la tire à clair; elle doit avoir formé fon dépôt. Si l'huile a été bien faite, dans une failon propre, & avec de la bonne faîne, il eft rare qu'elle dépofe davantage, & il paroît inutile de la tranfvafer de nouveau. Cependant, par précaution, fur - tout quand on foupçonne qu'il y a eu quelque défaut, foit dans la fabrication, foit dans la ma- nipulation de la faîne , ce qu'il eft aifé de connoître par Le plus ou moins de brout qui fe trouve dans les tonneaux, lors du premier foutirage, il eft à propos de faire une nouvelle tranfvafion trois autres mois après ; l'huile alors eft de la première qualité & de la plus grande lim- pidité. ; Il y a deux manières de foutirer l'huile de faîne. Les perfonnes, qui ont une médiocre quantité d'huile, doivent de préférence fe fervir de bouteilles de, grès; elles font commodes ; l'huile s'y porte mieux, elle eft plus fraîche, & on peut fans crainte lui donner le temps de fe parfaire. Les Marchands en gros, & en général ceux qui font le commerce d'huile, doivent employer des tonnes bien conditionnées, fur- tout fi elles fort d'une capacité pareille à celle des bufes d’eau-de-vie. L'huile devant y féjourner long-temps, il eft à propos que les douves foient plus épaifles que celles des futailles ordinaires. Le vin , ainfi que les autres liqueurs limpides, reflerre les jointures. L'huile fait un effet contraire ; elle ouvre les pores t elle filtre à travers, & la liqueur fe perdroit infen- SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 99 fiblement, fi on n'y faifoit pas attention. Pour prévenir cette perte, il eft indifpenfable que les tonnes foisnt bien cerclées, & que les deux extrémités en foient garniss de plufeurs cercles de fer. Par ce moyen, des douves fe trouvent étroitement liées enfemble ; l'huile ne peut point filtrer, & elle s'y conferve plufeurs années. Il eft très-intéreflant que les futailles foient folides. L'huile qui refte continuellement dans le même vale, conferve toute fa vertu; & il faut éviter, autant qu'il eft pollible, de la tranfvafer, lorfqu'elle eft parvenue au premier degré de bonté. Toutes les années ne font pas favorables. La faîne , ainfi qu: les autres graines, eft fujette à des accidens ; elle n’eit pas toujours également bonne: il peut être furvenu des chaleurs contraires & des brouillards mal fains, lors de fa formation, La manipulation peut avoir été deéfeétueufe. Dans tous ces cas, la propriété de la graine eft altérée : elle ne peut pas rendre une huile aufli parfaite que la première; elle doit dépofer davantage. Il faut aufli la laïfler repofer plus long - temps. Six mois après fa fabrica- tion, on la tire au clair dans des vafes de grès ou dans des tonnes. Au bout d'un an, on répète la même opération. Cette huile alors eft de la feconde qualité; elle eft bonne & limpide: plus elle eft gardée , plus elle acquiert de vertu. Quant au réfidu des huiles qui ont dépofé, on en remplit des vafes quelconques; on les bouche bien. Le brout fe purifie de lui-même ; & il arrive aflez fouvent qu’en laiflant féjourner ces mêmes huiles plufieurs mois , pour qu'elles puiflent former leur dépôt, elles fe décompofent en deux qualités : la première eft quelquefois en à manger ; l'autre fert à brüler. Si cette Lt eft trop épaifle, on peut l'employer avec fuccès à graiffer le fer, le bois, le cuir, &c.; elle a même plus d'onétion que l'huile limpide. Il ne me refte plus qu’à parler de la propriété des tourtes de faîne. On s'en fert avec beaucoup d'avantage pour la fabrication des huiles de noix. On fait que l’amande de la noïx ne peut être travaillée qu'en y joignant une matière plus folide : ainfi, pour avoir de bonne huile de noix, il eft befoin de fe procurer des tourreaux de faîre; ils font en effet les meilleurs. On brife ces tourteaux par morceaux , & on les met dans les pots confufément avec les noix. L'huile qui en eft exprimée eft bien plus délicate que celle qui eft faite avec des tourteaux d'autre ma- tière. L'huile de noïfette, faite avec Les mêmes tourteaux , eft d'un goût exquis. Je ne parlerai point de toutes les propriétés des tourtes de faine ; j'ajouterai feulement qu'elles peuvent fuppléer à l'ufage du bois. Elles font un feu clair, fans odeur défagréable ; elles ont autant de chaleur que le charbon de terre : la braife s'en conferve allumée pendant vingt-quatre heures. Les cendres qui en proviennent font excellentes pour les leflives : elles font équivalentes à la Été Tome XVII, Part. I, 1781. FÉVRIER. N 2 100 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, La propriété de l'huile de faîne n'a pas encore été rendue publique ; on peut donc regarder comme neuf le fujet dont on vient de soc- cuper. ; Quoique, par des recherches multipliées , je me fois affuré qu'on igno- roit prefque généralement la manipulation & la qualité de la bonne huile de faine, il fe peut qu'il me foit échappé des Cantons où on foit par- venu à lui procurer le même degré de bonté. Dans ce cas, je prie les perfonnes inftruites de la matière, de vouloir me faire part k leurs obfervations; je me ferai un plaifir de les divulguer, fi elles peuvent contribuer à la perfection de l’objet dont il s'agit. On peut envoyer les Mémoires , franc de port, à l’adrefle du Libraire chez qui fe débite ce Journal. D'après Les perquifitions les plus exactes fur tout ce qui paroît devoir être objeété contre l’ufage & la qualité de l'huile de faîne, les diffcul- tés qui pourroient être oppofées femblent fe réduire à celles qui fui- vent : 1°. L'huile de faîne eft , dit-on, plus pefante que celle d'olive. 2°. Elle échauffe , elle eft moins faine. 3°. Le goût en eft moins agréable. 4°. On ne peut pas en faire ufage fur le champ. 5°. Elle eft moins onétueufe que l'huile d'olive ; il en faut une plus grande quantité dans la confommation. IL eft facile de réfoudre ces objections. 1°. La pefanteur attribuée à l'huile de faîne n’eft réelle qu'à l’égard de celle qui n'a pas été foumife à toutes les épreuves dont on a fait men- tion. On doit fe rappeller que toutes les dificultés ont été dé;à prévenues. Si la faine a été fabriquée fans être sèche, dans une faïfon contraire, comme dans les différentes périodes des sèves , fi elle a été depofée dans des endroits chauds ou humides, l'huile qui en provient doit être né- ceflaiement défectueufe ; elle eft pefante , parce qu'elle a été mal fabri- quée , que le dépôt n'en eft pas fait, & que les parties hétérogènes la font fermenter. Cette fermentation eft commune à toutes les huiles fabri- quées précipitamment ou avec négligence; l'huile d'olive n’en eft pas exempte. 2°. L'huile de faîne eft rafraichiffante ; elle eft falutaire : elle contribue efficacement à faciliter la digeftion; c'eft le témoignage de plufieurs per- fonnes valétudinaires & d’un tempérament échauflé, qui en ont fait ufage avec fuccès. 3°. L'huile de faîne efl aufi agréable que l’huile d'olive; elle eft même plus douce : elle eft plus blanche, plus limpide : elle fe congèle même; il faut feulement qu’elle ait été gardée le temps convenable. On peut faire ufage de l'huile de faîne aufi-rôt après fa fabrication, pourvu qu’elle ait été fabriquée avec de la graine de bonne qualité, # SÛR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 101 ee L'huile de faîne eft aufli onétueufe que celle d'olive ; la confom- tion eft égale , fi toutefois elle n'eft pas nouvellement faite. Il eft impoffible de prévoir toutes Les objections. Je fais que dans plu- fieurs endroits on a fait des tentatives fur l’objet dont je parle; je fais que des perfonnes curieufes ont pouffé la précaution jufqu’à faire enlever l'écorce dela faîne , dans l’efpoir qu'elle fourniroit une huile de meilleure ualité. Je fais encore que routes les épreuves ont été rebutantes , que la déserte a quelquefois excédé le bénéfice, & que les Manufaétures ont été abandonnées. Je ne ferai point d'autre réponfe que l'expolition du fait. Entre Compiègne & Verberie, fur la petite rivière dite d'Automne, il ÿ a plufeurs moulins à huile; la faine s'y prépare de la même manière que j'ai détaillé. L'huile qui en provient eft excellente : elle a toutes les vertus & toutes les propriérés que j'annonce. Nombre d'Epiciers de Paris sy font approvifionnés avec une forte d'envie & de concurrence. Les effais qu'ils ont multipliés dans la Capitale ont furpañfé leurs efpérances ; ils ont fait de nouveaux enlèvemens fi confidérables dans le Canton, que cette huile, qui d’abord (ceft-à-cire, en Décembre ) ne revenoit qu'a cinq fols la livre, eft plus que doublée de valeur préfentement ; encore n'en trouve-t-on pas. Je laiffe le Lecteur à fes propres réflexions: je me borne à dire qu'il eft poffible de faire de bonne huile de faine dans tous les Pays où cette graine abonde. Il ne faut que fuivre la méthode que j'ai développée ; fondée fur l'autorité des faits, elle paroït devoir être à l'abri de toute atteinte. De quelque cèté qu’on envifage l’objet que je rends public, on le trouve également intéreffant : il apporte l'abondance dans le Royaume ; c'eft un moyen d'occuper les gens de la Campagne , d'autant plus que la faifon propre à la collettion de la faîne eft celle où les ouvrages commencent à manquer. Les qualités inverfes qui diftinguent l'huile de faîne de celle d'olive, la Mes encore très-précieufe à la Société. On ne peut trop répéter que l'huile d'olive, après un an ou dix-huit mois au plus, perd, par degrés, de fa qualité ; elle devient rance : l’ufage en eft alors pernicieux. Toutes les obfervations des Naturaliftes & .des Médecins les plus célèbres tendent à anéantir les huiles rances ; ils les regardent, avec raifon , comme la fource des maladies les plus dange- teufes, fur-tout dans les Campagnes , où on ne porte ordinairement que le rebut des huiles-furannées. L'huile de faîne tombe rarement dans ce défaut; plus elle eft gardée, plus elle eft douce , plus elle eft faine , plus elle eft bienfaifante : elle peut fe conferver dix années danstoure fa vertu. | | L’olivier eft une production des feuls Pays chauds; la faîne & le hêtre qui la produit fe plaifent dans prefque tous les climats, fur-tout dans les lieux incultes, tempérés & froids. Cet arbre ne demande aucune culture: 102 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fon fruit eft comme le patrimoine des gens de Campagne ; il deviene pour eux un moyen de fubliftance : eux-mêmes recueillent la faîne ; ils la font fabriquer fous leurs yeux. Ajoutons que dans les années où les oliviers manquent de produire, la faine eft prefque toujours abondante , & qu'elle a toutes les qualités requifes pour rendre de bonne huile. Cette remarque eft des plus intéreflantes. Nous éprouvons tous les jours les inconvéniens qui réfultent du défaut de récolte des oliviers; nous nous trouvons dans la néceflité de nous approvifionner chez l'Etranger : nous ne pouvons nous procurer de l'huile qu'à grands frais. En faifant ufage des reflources que la Providence nous ménage , nous pourrons nous pafler de nos voifins. La France récoltera fur fon propreterritoire plus d'huile qu'elle n'en pourra confommer. En effet, il y a dans le Royaume une infinité de bois, qui, pour la plupart, font peuplés de hêtres. Dans des années propres à la produétion de la faîne, on pourroit en faire des amas con- fidérables ; on établiroit des Manufa@ures : on fourniroit des magafins d'huile dans plufeurs Provinces. La France pourroit devenir, en quel- que forte, l'entrepôt général de l'Europe; l'huile feroit toujours à un taux raifonnable : elle neferoit plus fujette aux variations qui lui font trop ordinaires. Les années même, où les oliviers manquent de produire, nous deviendroient avantageufes; ce feroit pour nous une occafion de nous défaire avec avantage de nos huiles de faine magafinées depuis long- temps, d'autant mieux qu'elles feroient dans toute leur vertu, & même fupérieures aux huiles d'olive : on pourroit les tranfporter au delà des mers, & former avec les Colonies une nouvelle branche de commerce. Je crois avoir {uffifamment applani les objections qui peuvent être valablement oppofées à l’ufage 1 l'huile de faîne. J'ai cru devoir en omettre une foule d’autres, parce que les perfonnes judicieufes trouve-. ront à chacune d'elles des réponfes dans les remarques que j'ai faites. Il ne me refte plus qu'une feule obfervation. Malgré les avantages réels du commerce de l'huile de faîne, on s'at- tend à éprouver beaucoup d’oppolition & de contrariété. Les Négocians, intéreflés au débit de l’huile Folie & autres dont cette faîne peut tenir lieu, ne manqueront pas de s'élever contre cette innovation; peut - être craindront-ils que cette découverte n’occalionne une révolution défavan- tageufe à leur commerce. Il eft bon de calmer leurs inquiétudes à.cet égard ; ils ne doivent craindre aucune léfion : l'huile de faîne ne peut faire aucun tort aux huiles d'olive; une réflexion bien fimple convaincra de cette vérité. ! L'huile d'olive eft tendre; elle doit être confommée dans l’année : on ne peut pas en faire d'amas, puifqu'au bout de dix-huit mois au plus, elle perd, par degrés, de fa vertu. Toutes ces raifons impofent l’obliga- tion d'en continuer la confommarion dans l’intérieur du Royaume. L'huile de faîne à des qualités inverfes : plus elle eft gardée , plus elle SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 103 aquiert de bonté. Elle peut fupporter le paflage des mers , on en fera des exportations au dehors; on s'en fervira pour les voyages de long cours , & fur-rout pour les embarquemens, auxquels elle pourra devenir une. denrée de feconde néceflité. L'abondance d’ailleurs ne peut jamais être nuifible dans un Etat où le commerce eft en vigueur; c'eft au contraire un, moyen de l'animer & d'exciter lémulation , pour chercher à fe défaire avec avantage du fuperfu. SUITE DU MÉMOIRE DE M. ACHARD, Sur Les Savons Acides (mn): , Ce — = SECTION IV. Savons faits avec l’Acide vitriolique, & les Huiles empÿréumatiques animales & végétales. : BEN IDE vitriolique ayant aufli une très - forte action fur les huiles empyreumatiques , il eft eflentiel, lorfqw'on combine ces deux füubftances, de prendre routes les précautions qui ont été indiquées pour les huiles effentielles ; fans cela, au lieu de combiner l'acide avec l'huile , on la détruit & la décompofe entièrement. Si l'on n'empêche pas, autant qu’il eft poflible , que l'acide n’agifle avec trop d'activité fur l'huile, l'on n'obtient pas de favon , mais un corps réfineux ou même charbonneux produit par la deftruction de l'huile. Pour faire voir qu'on obtient de véritables favons, én combinant , avec les précautions néceffaires, l'acide vitriolique & les huiles empyreumati= ques , & pour montrer les altérations que reçoivent ces favons de fa part des matières falines, je vais rapporter les expériences que j'ai faites fur le favon vitriolique d'huile empyreumatique du bois de.gayac, & fur le favon vitriolique d'huile empyreumatique de corne de cerf. Lorfque le favon vitriolique d'huile de gayac eft bien fait , en forte qu'il ne contienne pas d'acide furabondant , & que l'huile n’ait pas été (1) Voyez le Journal de Phyfique , Décembre 1780 & Janvier 1781. 104 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, décompofée par l'acide , il eft d'un brun foncé, & a la confftance de la cire. CLX-X XIE EX PMR BANICNE: J'ai verfé de l’eau diftillée chaude fur un morceau de ce favon; il s’eft entièrement diffous: la folution étoit brune , opaque, vifqueufe , & écu- moit très-fort lorfqu'on l’agitoit, CE X XXL :E X P'É RTENEE J'ai mis un morceau de ce favon en digeftion avec de l’efprit-de-vin ; il s'eft entièrement diflous, & la folution étoit tranfparente & d’une couleur brune. CLR X RE IOVAPE ST PRE PI EUNACNE J'ai ajouté autant d'huile de tartre à la folution de ce favon qu'il en falloit pour faturer l'acide vitriolique; il fe raffembla à la furface du fluide ‘en flocons bruns. Si l'on ajoute plus d’alkali qu'il n'en faut pour faturer l'acide vitrio- lique, les parties huileufes , après avoir quitté cet acide, s’uniffent à l'alkali, & entrent en une nouvelle combinaifon favonneufe. CP REX X AVAUNE EUDIÉIROIMEENPCRE: L'efpric de fel ammoniac ajouté en quantité convenable à La folution de ce favon, produifit les mêmes effets que l'huile de tartre. CL XP NI PEPX PIE LRO E NICE: Quelques gouttes d'acide nitreux ajoutées à la folution de ce favon, la caillèrent d'abord ; & les parties huileufes, féparées de l'acide vi- triolique, fe réunirent par la chaleur en une mafñfe brune & caflante. CLXXXVIL EXPÉRIENCE. L'efprit-de-fel produifit fur la folution de ce favon le même effet que l'efprit-de-nitre , excepté que l'huile , après fa féparation de l'acide vitrioli- que, avoit-une confiftance cireufe. iv CLXXXVIIL EXPÉRIENCE Le vinaigre concentré ajouté à la folution de ce favon ne produifit aucun changement remarquable. - —- é CLXXXIX. EXP. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. _10$ ELXXAXIXAEX EP ÉRIE N.C.E. La crème de tartre, mife en digceftion avec la folution de ce favon, la décompofa , & les parties huileufes fe réunirent, par la chaleur , en une mafle noire de La confiftance de la térébenthine. CXC'EXPÉRIEN CE: Le fel d’acétofelle, traité avec la folution de ce favon , comme Îa crème de tartre, la décompofa aufli, & occafñonna la féparation des parties huileufes. Je pale aux pe que j'ai faites avec le favon vitriolique d’huile empyreumatique de corne de cerf. our faire ce favon, on opère comme il a été dit pour l’huile de gayac. Lorfqu'il eft bien fait, en forte que Les parties quile compofent foient dans un état parfait de faturation réciproque, il eft noir & d’une confiftance femblable à celle de la cire. CXCT:EXPÉRIENC E. J'ai verfé de l’eau diftillée fur.un morceau de ce favon; il s’eft entière- ment diflous : la folution éroit brune & opaque , & n’écumoit pas beaucoup lorfqu'on l’agitoit. CHICIUE LE RNIP ER PEUN: CE J'ai mis un morceau de ce favon en digeftion avec de l’efptit-de-vin ; il s’eft diffous en entier , & la folution étoit brune & tranfparente. CXCIITL EXPÉRIENCE. J'ai ajouté autant d'huile de tartre par défaillance à la folution de ce favon qu'il en falloit pour faturer exactement l'acide vitriolique : le favon fe décompofa , & , par la chaleur, les parties huileufes fe féparèrent du refte du fluide, & fe réunirent en une mafle brune de la confftance de la cire. E X CGAV: E XPFRIEN.CIE L'efprit-de fel ammoniac , ajouté en quantité convenable à La folution de ce favon, produifit Les mêmes effets que l'huile de tartre. Lorfqu’on ajoute à la folution du favon vitriolique d'huile empyreu- matique de corne de cerf plus d’alkali qu'il n’en faut pour faturer l'acide, ilne fe fait pas de féparation dès parties huileufes, parce qu'à mefure de abandonnent l'acide vitriolique, elles s’'uniffent à l'alkali fura- ondant, Tome XVII, Part. I,.1781. FÉVRIER. O Se 06 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, C'X C VÉE'X P É RIGEUN/CHE: J'ai ajouté de l'efprit-de-nitre à la folution de ce favon; par le repos & la chaleur, les parties huileufes fe réunirent en une mafle jaune. CXCVIL EXPÉRIENCE. L'efprit-de-fel produifit fux la folution de ce favon le même effet que l'efprit - de - nitre. CXICV MINE X PEER ENICE Le vinaigre concentré ne produifit aucun changement fur la folution de ce favon. Il fuit de ces expériences : 1°. Que l'acide vitriolique forme, avec les huiles empyreumatiques, de véritables favons, puifque ces compofés font diflolubles dans l'eau & dans l'efprit de-vin; que leur folution dans l'eau eft opaque , & leur fo- lution dans l'efprit-de-vin tranfparente, & qu'ils font décompofés par les alkalis. 2°. Que ces favons font décompofés par les acides minéraux, mais que lc vinaigre ne les change en aucune manière, 3°. Que le favon vitriolique d'huile de gayac eft décompofé par la crème de tartre & par le fel d’acétofelle ; ce qui , comme je l'ai remarqué plus haut, peut venir de l’alkali tout formé qui fe trouve caché dans ces fels. 4°. Que les favons vitrioliques d'huiles empyreumatiques animales fubi{- fent les mêmes altérations de la part des matières falines, que les favons vitrioliques d'huiles empyreumatiques végétales. J'ai encore foumis ces deux favors à la diftillation. D'abord il vine quelques gouttes de fleome, enfüuite une huile brune, qui fe congela dans le récipient , & qui devint de plus en plus noire , à mefure que la chaleur devenoit plus forte. Les huiles empyreumatiques font donc épaiflies , comme les autres huiles, par l'acide vitriolique, Ex SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 107 SECTION V. Des Savons vitrioliques réfineux. Liz: réfines , qui ne font que les huiles effentielles épaifies, suniffent aufi avec l'acide vitriolique, & forment, avec lui, de véritables fa- yons. Pour faire les favons vitrioliques réfineux , il convient de faire fondre d'abord les réfines , de les chauffer enfuite jufqu'à ce qu'elles bouillent, & de les ajouter enfuite, peu-à - peu & dans de longs intervalles, à l'huile de vitriol, qui doit être dans un mortier de verre, & qu'il faut triturer fans interruption, afin de la bien mêler avec la réfine. L'on peut combiner de cette manière trois onces de réline avec deux onces & demie d'huile de vitriol, Lorfque ce mêlange fe refroidit, il s’épaiflit & prend la confiftance de la cire; il faut, lorfqu'il eft froid , le faire diffbudre dans de l’eau qu'on échauffe tout doucement, jufqu'à ce qu'elle foit prefque bouillante : de favon s’y diflout entièrement, &, par le refroidiflement de cette folu- tion, les parties favonneufes fe réuniflent en une mafle brune de la con- fiftance de la cire, & l'acide, qui pouvoit encore être furabondant, refte uni à l'eau. Si, après cette opération, le favon avoit encore le goût acide , il faudroit le redifloudre encore une fois dans l’eau , & réitérer les nouvelles diffolutions , jufqu'à ce qu'il perde entièrement le goût acide. J'ai fait de cetre manière des favons vitrioliques, de térébenthine, de colophone, de réfine de fcammenée, de réfine de jalap de poix blanche & de poix noire. . Pour éviter les trop grands détails, je me bornerai à parler du favon vitriolique de térébenthine. Lorfque ce favon eft bien fait & ne contient pas d’acide furabondant, if eft brun & de la confiftance de la cire. C'X CAAT I I - EXP ÉRARE NC°E; J'ai verfé de l’eau diftillée chaude fur un morceau de ce favon; il ; “1 . . , . A s s'eft entièrement diflous: la folution étoit opaque, d’un verd fale, vif queufe au toucher, & elle écumoit très-fort lorfqu'on l'agitoix, CR -CANX, EUGPÉ RE N CE. J'ai mis un morceau de ce favon en digeftion avec de lefprit-de-vin; il s'eft entièrement diffous : cette folution étoit jaune & tranfparente, Tome XVII, Part, 1, 1781, FÉVRIER. O2 108 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ‘: CCG EXPÉRIENCE. Lorfqu'on ajoute à la folution de ce favon autant d’huile de tartre qu'il en faut pour faturer l'acide vitriolique , il fe forme d’abord un coagulé , & les parties réfineufes abandonnent l'acide vitriolique & fe réuuiflent, par la chaleur, en une mafle jaune de la confiftance de la cire. CCL EXPÉRIENCE. L'efprit-de-fel ammoniac produit le même effet que Phuile de tartre fur la folution de ce favon. Si l'on ajoute plus d’alkali, foit fixe ou volatil, qu'il n'en faut pour faturer l'acide vitriolique , les parties réfineufes s'y uniflent à mefure qu'elles abandonnent l'acide vitriolique, EC CIL EX P'É RUE N EE J'ai ajouté de l'efprit-de-nitre à la folution de ce favon; elle fe coagula d'abord : je la mis dans un bain de fable, & les parties réfineufes fe réunirent, par la chaleur, en une mafle jaune, qui fe réduifoit en poudre lorfqu'on la ferroit entre les doigts ; le fluide qui sefta étoit jaune & tran{parent. G'CFE L3 EE IBNEUR MENNICIE: L'efprit-de-fel produifit le mème Sr lefprit-de-nitre fur la folution: de ce favon , excepté que les parties réfineufes, après s'être féparées de l'acide vitriolique, fe réunirent en une mafle noire. C-CTV "EXPÉRIPEN E: Le vinaigre ne décompofa pas la folution de ce favon, & ne [x changea en aucune manière. CCV. EXPÉRIENCE. J'ai mis du fel d’acérofelle en digeftion avec la folution de ce favon; elle fe décompofa, le fluide devint jaune & tranfparent, & les parties huileufes fe réunirent, par la chaleur , en une mafle noire de la confiftance de la cire, CPC NE RP ER NMEINC La crême de tartre produifit {ur la folution de ce favon les mêmes effets que le fel d’acétofelle, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 109 Il fuit de ces expériences : 1°. Que le compofé de térébenthine & d'acide vitriolique , auquel j'ai donné le nom de favon, en eft effectivement un , puifqu'il a toutes Les propriétés qui caractérifent les favons. : 2°, Que l'acide marin, l'acide nitreux, le fel d’acétofelle & la crème de tartre le décompofent ; ce qui , comme je l'ai montré, a auñli lieu à l'égard des autres favons vitrioliques. Pour ce qui eft de la crème de tartre & du fel d’acétofelle, j'ai déjà remarqué plufeurs fois que ce n'eft pas l'acide de ces fels qui décompofe les favons vitrioliques , mais que c’eft l'alkali qui y eft tout formé. 3°. Que le vinaigre ne décompofe pas & n’altère pas fenfiblement le favon vicriolique de térébenthine. : De l’aélion de l'Acide nitreux fur les Huiles. A> RÉS avoir rapporté les expériences que j'ai, faites en combinant Vacide vitriolique avec les huiles, & avoir montré que lorfqu'on opère d'une certaine manière, l’acide vitriolique forme de véritables favons avec Les fubftances huileufes ; je vais parler des expériences que j'ai faites, dans La vue de former des favons avec les autres acides, Et EXPÉRIENCE. J'ai mis deux onces d’huile de lin dans un matras de verre, & y ai ajouté quatre onces d’efprit - de - nitre fumant , affoibli avec autant d'eau qu'il en falloit pour lui ôter la propriété de s’exhaler en vapeurs rouges. Ce mélange fut mis en digeftion; au bout de quelques jours, l'huile de lin s'étoit entièrement épaiflie & changée en une mafle blanche de la confiftance du beurre ; par la chaleur , elle fe fondoit , & redevenoit folide par le retroidiflement : cette huile ainf épaiflie n’avoit aucun caractère favonneux. IL EXPÉRIENCE. J'ai ajouté une once & demie d'huile de lin bouillante à une once d’efprit - de - nitre très - fumant, que j'avois verfé auparavant dans un mortier de verre, & ai trituré ce mélange jufqu'à ce que l'huile ait été bien exactement mêlée à l'acide. J'obtins par-là une mafle jaunâtre, qui avoit une confiftance butireufe; elle étoit indifloluble dans l'eau, & avoit tous les caractères d’une véritable huile. TIN' EX PÉRIME'N'C E. J'ai mis deux onces d'huile d'olives en digeftion avec quatre onces 10 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d’efprit-de-nitre non fumant ; l'huile s'eft épaiflie au bout de quelques jours , & s’eft changée en une mafle blanche de la confiftance de la cire molle. Certe huile épaiflie n’avoit aucun caractère favonneux; elle fe fondoit par la chaleur, & s’allumoit facilement lorfqu'elle étoit bouillante. IV EXPÉRIENCE. J'ai trituré deux onces d'huile d'olives bouillante avec de l’efprit - de« nitre fumant. Ce mêlange devint blanc , & prit une confiftance butireufe ; il n’avoit aucun caractère favonneux , & reflembloit , à tous égards , à une huile figée. J'ai mis une portion de ce mêlange dans une cornue de verre, & ai procédé à la diftillation. I! paffa d’abord dans le récipient quelques gouttes d’un fluide jaune & acide , qui n'étoit autre chofe que l'acide nitreux charzé de quelques parties huileufes; car y ayant ajouté de l'huile de tartre, il fe fit une effervefcence, & il fe forma un précipité en flocons blancs; par une plus forte chaleur, il vint une huile jaune, qui ne fe conoela pas: dans la cornue , il refta une matière réfineufe noire, Ve SE X\PNÉNR IMENNICIE J'ai mis deux onces d'huile d'amandes douces en digeftion pendant plufieurs jours avec trois onces d’efprit - de - nitre ; l'huile s’épaifhit & fe changea en une mafle blanche d’une confiftance cireufe. Après l'avoir féparée de l'acide & l'avoir lavée avec de l’eau diftillée, je la fis bouillir pendant un quart-d’heure; enfuite je l'ai ôtée du feu : elle fe congela, par de refroidiflement, en une mafle rougeâtre. Je mis une portion de cette huile, congelée par l'acide nitreux, dans une cornue de verre; la diftillation donna d’abord un peu de flegme acide, enfuite une huile qui s’épaiflit dans le récipient, & prit la con- fiftance du miel. Je changeai ajors de récipient , & il vint, par la plus forte chaleur, une huile brune , prefque noire , qui ne fe congela pas, Dans la cornue , il refta une matière charbonneufe noire. En changeant de récipient, j'ai remarqué une odeur très-forte & péné- trante , qui reflembloit à celle qu'on obferve dans la diftillation des graifles animales. L’acide nitreux n’auroit-il pas peut-être donné à l'huile d'amandes les caractères d’une graifle animale? L’on ne peut répondre à cette queftion intéreffante que par un grand nombre d'expériences. N'LE X PE RANEAINCONE, + J'ai fait bouillir de lefprit-de-nitre avec de l'huile de cire; elle parut S'épaiflir, mais d’ailleurs elle n’avoit fubi aucun changement remarquable. J'ai faturé de l'efprit-de- nitre avec de l'huile de tartre par défaillance ; SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 17 fe mélange devint laiteux, & il fe forma un précipité peu abondant en flocons blancs. Si l'on ajoute plus d’alkali qu’il n’en faut pour faturer l'acide , & qu'on faffe chauffer ce mélange, le précipité fe rediffout & forme avec l’alkali un compofé qui eft parfaitement favonneux. VOTE XUPIEUR T'ENN C'E; J'ai mis de l'huile de fuccin en digeftion avec de l’efprit - de - nitre, qui n'étoit pas fort concentré; l'huile s'éroit un peu épaiflie , mais d’ailleurs elle parut mavoir fubi aucun changement fenfible : mais ayant enfuite chauffé ce mêlange jufqu’à le faire bouillir, l'huile s’eft épaiflie au point de prendre la confiftance de la térébenthine; elle avoit alors tous les caractères d’une véritable réfine. J'ai filtré l’efprit-de-nitre qui avoit bouilli avec l'huile de fuccin ; il étoit tranfparent , mais d'une couleur jaune. J'y ai ajouté de l'huile de tartre; il fe troubla d’abord, & il fe précipita une matière blanche. Lorfqu'on ajoutoit encore plus d’alkali & qu’on faifoit chauffer ce mê- lange, la matière précipitée Éparoiffoir , S'unifloit à l’alkali furabondant , & formoit avec lui un véritable favon. VLIL-EXPÉRIENCE J'ai fait bouillir deux livres d’efprit - de - nitre avec une demi-drachme d'huile de fuccin ; elle sv eft entièrement difloute, & l’efprit-de-nitre pric une couleur jaune. J'ai répété cette expérience ; de même que la précédente, avec de lhuile effentielle de térébenthine, de camomille , de faflafras, d’angé- lique, d’aneth & de fenouil; les réfultats furent en général les mêmes , & toujours femblables à ceux que préfenta l'huile de fuccin, lorfque je la fis bouillir avec de l'efprit-de-nitre. LX. EUX-P.É-RT-E-NIC-E, J'ai fait bouillir de l’efprit-de-nitre avec de l'huile effentielle d’anis; cette huile s’épaiflit & fe changea en une véritable réfine: l’efprit-de-nitre avoit pris une couleur jaune; par Le refroidiffement, il s’y forma une matière cryftalilne. Je l'ai féparée de l'efprit- de - nitre, & ai verfé cet acide fur l'huile d’anis avec laquelle il avoit déjà bouilli , &, l'ai fait bouillir une feconde fois : par le refroidiflement, il s'y ferma, comme la prernière fois, une matière cryftalline blanche. Après avoir répété un Es nombre de fois cette opération, l'huile s’eft entièrement difloute. s l'acide , & s'eft féparée en partie de cet acide par le refroidiflement. x12 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, X EXPÉRIENCE. Après avoir bien édulcoré la matière cryftalline de l'expérience pré- cédente, j'en ai mis une portion dans üne cucurbite de verre, garnie de fon chapiteau, & l'ai mife dans un bain de fable, qui fut échauffé pat degrés; cette matière cryftalline fe fublima en entier en aiguilles longues , brillantes & fort blanches. La matière qui fe cryftallifa dans l'efprit - de - nitre, qui avoit bouilli avec de l'huile effentielle d’anis, eft indiffoluble dans l'eau pure, dif- foluble dans l'efprit- de-vin, dans tous les acides, & dans des leffives alkalines quelconques , avec lefquelles elle forme de véritables favons. IL fuit de ces expériences que j'ai faites avec la matière cryftalline en queftion, qu’elle a plufeurs propriétés communes au camphre & auxrélines, & qu’elle en diffère par d’autres , en forte qu’elle femble tenir le milieu entre ces deux fubftances. Toutes les huiles effentielles font diffolubles en entier dans l’efprit-de: nitre. Lorfqu'on ajoute de l'huile de tartre à l'efprit - de - nitre, qui a diffous une huile effentielle quelconque , l'huile diffoute fe précipite fur le champ en flocons blancs. Ce précipité a toutes les propriétés de la matière cryftalline , qu'on obtient en traitant l'acide nitreux avec de l'huile effentielle d’anis. L'huile d’anis ne difière donc, à cet égard, des autres huiles effentielles, qu’en ce qu’elle fe diffout en plus grande quartité dans Vefprit - de - nitre, lorfqu'il eft froid; & que par le refroidiffement de Vacide nitreux, l'huile {e cryftallife en petites aiguilles, ce qui n'arrive pas à l'efprit-de-nitre qui a diflous d’autres huiles effentielles. Les huiles effentielles diffoutes dans l'acide nitreux, & féparées enfuire de cet acide , foit par cryftallifation, ou en Le faturant avec de l'huile de tartre, suniflent très-facilement avec les fels alkalis; propriété par la- quelle elles diffèrent de ce qu’elles étoient avant d’avoir été diffoutes dans l'acide nitreux. SECTION PREMIÈRE. De l'aëlion de L'Acide marin fur les Huiles. Péri Chymiftes penfent que l'acide marin n'a aucune action fur les huiles. Pour m'aflurer de la vérité, j’aitraité cet acide avec diffé- rentes huiles , & de différentes manières , & aitrouvé qu'il a non-feulement quelqu'action fur toutes les huiles, mais qu’il en a même une très-marquée fur Les huiles effentielles qu'il diffout en entier. IEEE. SURL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 113 EE XOÉR I E N:C'E. J'ai mis de l'efprit-defel fumant en digeftion pendant plufeurs jours avec de l'huile d'amandes douces; l'acide ne parut point changé en rien , mais l'huile avoit perdu fa tranfparence & s'étoit un peu épaiflie, E Je EXP RIIE NC'E. J'ai fait bouillir de l’efprit - de - fel fumant avec de l'huile de cire ; l'acide devint rouge, & l'huile devint noire & épaifle. J'ai ajouté à l'efpric- de-fel autant d'alkali qu'il en falloit pour le faturer ; il fe pré- * cipita une matière jaunâtre, qui n'étoit autre chofe que de l'huile de cire, difloute par l'efprit-de-fl. Si l’on ajoute plus d’alkali qu'il n’en faut pour faturer l'acide, le précipité s’unit à l’aikali furabondant, & forme avec lui un véritable favon. DIN EXP ER MENE E:" J'ai fait bouillir de l’efprit - de - fel fumant avec de l'huile effentielle d'anis; elle devint noire & épaifle, & ne fe congela plus par le refroi- diflemert, comme elle a coutume de le faire : l’efprit - de -fel devint jaune comme une folution d'or dans l'eau régale ; il étoit encore fumant & avoit une odeur approchante de celle de l'acide fulfureux vo- latil, ce qui eft très - remarquable. Lorfqu'on fature cet acide avec un alkali quelconque, il fe forme un précipité blanc & abondant. Ce pré- cipité n'eft autre chofe que l'huile d'anis difloute par l'acide du fel ; il a toutes les propriétés de la matière cryftalline qui fe forme dans lefprit- de?nitre qu'on a fait bouillir avec l'huile eflentielle d’anis. Si lon ajoute plus d’alkali qu'il n'en faut pour faturer l'acide, le pré- cipité redifparoît & s’unit à l'alkali furabondant , avec lequel il forme un véritable favon. AUVATE X'PÉ RIE'N CE J'ai fait bouillir de l’efprit-de-fel fumant avec de l'huile de gayac ; l'acide pi une couleur brune, & l'huile de cire devint plus épaifle qu'elle ne ‘étoit auparavant. Si l’on ajoute à l'efprit-de-fel autant d’alkali qu'il en faut pour le faturer, l'huile de gayac qu'il a difloute fe précipite en flo- cons blancs, & le précipité redifparoît, lorfqu'on ajoute une plus grande quantité d’alkali; ce qui vient de ce qu'il s’'unit aux fels alkalis, & forme avec eux des compofés favonneux. Les huiles eflentielles & les huiles empyreumatiques fe diffolvent en entier dans l’efprit-de-fel , pourvu qu'il foit en affez grande quantité, qu'il foit cencentré & aidé d’un certain degré de chaleur. Ï1 fuit de ces expériences , que les Chymiftes , qui nient l’action de l'acide marin fur les huiles, font dans l'erreur, & n’ont peut-être pas employé, pour leurs expériences , un acide affez concentré, Tome XVII, Part. I.-1781, FÉVRIER, P 114 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, S--ECAE TO NOT De l'aëlion de l'Acide végétal fur les Huiles. Dix: la vue de m'aflurer de l’aftion de cet acide fur différentes huiles, je l'ai fait bouillir tant avec des huiles douces végétales, qu'avec des huiles eflentielles & des huiles empyreumatiques, V. EXPÉRIENCE. J'ai fait bouillir du vinaigre très-concentré avec de l'huile d'olive ; elle ne parut changée par-là en aucune manière. J'ai faturé le vinaigre avec de l'huile de tartre par défaillance ; il ne fe croubla pas, & il ne fe forma pas de précipité. VI EXPÉRIENCE. J'ai mis de l'huile d'amandes en digeftion pendant plufeurs jours avec du vinaigre bien concentré , & l’aï enfuite chauffée jufqu'à la faire bouillir; Fhuile d'amandes s’épaiflit un peu, mais l'acide ne parut avoir {ubi aucur changement fenfible. NÉ. EXIPEB MR TIPINICE: J'ai fait bouillir du vinaigre concentré avec de l'huile empyreumatique de corne de cerf; une partie de l'huile refta au fond du vafe, fans qu’elle parüt avoir fubi de changement. Le vinaigre devint brun, prefque noir ; il fe troubla très -fort par l'addition de l'huile de tartre, fans qu'il fe fit d’effervefcence , & il fe forma un précipité blanc fort abondant. Si fon ajoute plus d’afkali qu'il n’en faut pour faturer l'acide, & qu'on faffe bouillir ce mélange , le précipité redifparoît , s’unit à l'alkali furabondanr, & forme avec lui un véritable favon. Ce précipité reffemble prefqu’à tous égards à la matière cryftalline qu'on obtient en faifant bouillir de l'acide nitreux avec de l'huile effentielle- d’anis. Si l’on verfe du nouveau vinaigre fur l'huile qui eft reftée au fond: du vafe, qu'on la faffe bouillir, & qu'on répète plufieurs fois cette opé- sation , l'huile diminue toujours & difparoït enfin entièrement. VITEL EXPÉRMENCE Jai fait bouillir du vinaigre très-concentré avec de l'huile eflentielle fe: ©) . d'anis; par le refroidifflement, cette huile fe congela , comme elle a cou- » P £ 2 = u x Le) >] À tume de faire lorfqu’elle eft pure. L'acide n'avoit pas changé de couleur , & il ne s’y forma pas de petits cryftaux comme dans l'a +rit-de-nitre qu'on a fait bouillir avec l'huile eflentielle d’anis, 56 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. x1$ J'ai faturé le vinaigre avec de l'huile de tartre par défaillance; il devine blanc & laiteux , & il fe forma un précipité affez abondant : ce précipité, étant foumis aux mêmes expériences que la matière cryftalline qu'on obtient en faifant bouillir ln le.Me avec l'huile d’anis, donna, à peu de différence près , les mêmes réfultars. Lorfqu'on ajoute une grande quantité de vinaigre à une petite portion d'huile d’anis, & qu'on fait bouillir ce mélange , l'huile difparoit & fe diffout en entier dans le vinaigre. L'XHERKIRIÉTR LE N.C'E. J'ai fait bouillir deux onces de vinaigre très-concentré avec une demi- drachme d'huile effentielle d’angélique ; cette huile s’eft entièrement dif- foute dans l'acide : elle lui dénna une couleur brune foncée. Cet acide devenoit blanc & laiteux par l'addition de l'eau diftillée; & lorfqu'on le faturoit avec un alkali quelconque, l'huile qu'il avoit difloute fe précipitoit en flocons blancs. Ce précipité fe fublimoit enentier, & étoit diffoluble dans l'efprit-de-vin, dans les acides & dans les alkalis falins. Donc l'acide végétal n’a que peu d’action fur les huiles douces végétales ; mais il en a beaucoup fur les huiles eflentielles & empyreumatiques , qu'il diffout er entier. Il fuit encore de ces expériences rapportées ci-deffus : 1°. Que les acides minéraux & l'acide végétal ont de l’action fur toutes les huiles. 2°. Qu'ils épaififfent les huiles douces végétales & animales. 3°. Qu'ils défolvent en entier Les huiles ‘effentielles & empyreumatiques animales & végétales. 4°. Que lorfqu'on fature les acides qui ont diffous des huiles avec un alkali quelconque, l'huile diffoute fe précipite en flocons blancs ; & que ce précipité eft une matière qui tient Le milieu entre le camphre & les réfines, qui participe des propriétés de ces deux fubftances. 5°: Que les huiles , qui ne s’uniflent fans cela que très - difficilement & imparfaitement avec les alkalis, s’y uniffent très - aifément , lorfqu'on les combine auparavant avec un acide quelconque; ce qui eft fort utile, tant dans la Chymie que dans la Médecine, puifque , par ce moyen , l’on peut faire des favons avec une huile &un La quelconque , même avec l’alkali volatil, qui, fans cette manipulation , paroît Air toute union ‘avec la plupart des huiles, & en particulier avec les huiles eflentielles, DS Tome XVII, Part. I. 1781, FÉVRIER. P2 SUITE DU MÉMOIRE DE M. J. HUNTER, Sur la chaleur des Animaux &' des Végétaux (1). J E fus long-temps dans l'idée que le principe ‘de la vie ne fe trouvoit pas entièrement borné aux animaux ou à la fubftance animale douée d’une organifation fenfible & d’un mouvement fpontané; je crus que ce même principe exiftoit aufli dans les fubftances animales , qui n’ont aucune orga- nifation ni aucun mouvement apparent, où le pouvoir de la confervation étoit feulement néceflaire. | Il y a vingt ans que ce doute me vint, en faifant des expériences fur faccroiflement du poulet pendant lincubation. Je remarquai alors que, quoique l'œuf foit couvé, le jaune ( qui ne diminue point pendant le temps de l’incubation) refte toujours parfaitement doux jufqu'a la fin; & que la partie de l’'albumen ou du blanc, qui ne fe trouve point épuifé lorfque l'animal a pris {a croiffance, eft de même parfaitement doux quelques jours avant que le développement fe fafle , quoique l'un & l’autre euflent été foumis à une chaleur de 103° pendant trois femaines dans l'œuf de poule, on quatre femaines dans l'œuf de canard. Mais je remar- quai que fi un œuf n'eft pas couvé, cet œuf eft fujet à la putréfaction, à-peu-près dans le même temps que toute autre fubftance d’un animal mort. Afn de pouvoir m'aflurer jufqu'à quel degré les œufs pourroient foutenir d’autres épreuves, je fis les expériences que voici. Trente-neuvième Expérience, Je mis un œuf dans de l'eau froide jufqu’à environ ©, il fe gela; je le fis dégeler enfüite, & je crus que l'œuf de- voit avoir perdu, par cette épreuve, la puiflance de fe conferver. Je mis alors cet œuf dans une mixtion froide avec un autre œuf nouvellement pondu : la différence du temps de la congélation fut de fept minutes & demie que l'œuf frais mit de plus à fe geler. Quarantième Expérience. Un œuf , nouvellement pondu, ayant été mis dans une atmofphère froide. entre 17° & 15°, il fur plus d'une demi- heure à fe geler: mais après qu'il eut été dégelé & placé dans une at- mofphère de 25°, il fe trouva gelé dans la moitié de ce temps. Cette expé- rience fut répétée plufieurs fois avec à-peu-près le même fuccès. RS mm (1)1781, Mois de Janvier, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 17 Pour connoître le rapport qu'il ya entre un œuf vivant.& un œuf mort, & pour favoir en même temps fi l'œuf vivant.eft fajet aux mêmes loix que les animaux les plus imparfaits, je fis les expériences fui- vantes. Quarante -unième Experience. On mit dans une mixtion froide de 15° un œuf frais, & un autre qui avoit été gelé & ‘dégelé : l'œuf dégelé fut bientôt à 32°, & commença à fe gonfler & à fe geler ; l'œuf frais defcendit à29°2, & vingt-cinq minutes après l'œuf mort; il monta à 32°, commen- çant alors à fe gonfler & à fe geler. Le réfultat de l'expérience fur l'œuffrais étoit analogue aux expériences fur la grenouille, l'anguille, la limace, &c., dont il a été parlé, & par lefquelles nous avons vu que la chaleur peut être diminuée. de 2° où 3° au-deffous du point de la congélation, mais qu’elle ne peut l'être davantage fans détruire l'économie animale: mais qu’alors les forces vitales fe trou- voient épuifées par cette épreuve , & que Les parties fe geloient comme toute autre matière animale morte. IL paroît, par ces expériences en général, qu'un œuf frais peut réfifter à la chaleur, au froid & à la putréfaction autant que plufieurs des ani- maux les plus imparfaits; & il eft plus que probable que ce pouvoir pro- vient du même principe chez les uns & chez les autres. Ces expériencës nous apprennent que la chaleur & le froid peuvent être confidérablement variés dans les animaux les plus impaïfaits, non pas en raifon de la latitude dela chaleur ou du froid du medium dans lequel ils peuvent vivre , mais en raifon du degré de froid qui peut altérer les parties dans unanimal mort, au-deffous de laquelle la force vitale ne peut pas aller beaucoup ; car toutes les fois que Le froid ambiant les fait pañler à ce degré, la puiflance de gro de la chaleur prend la place, jufqu'à ce que la vie fe trouve détruite : alors l'animal fe gèle, & peut, immédiatément après, être affecté de tous les degrés pofhbles dé froid. Nous pouvons donc conelure de certe-faculté des animaux imparfaits fur lefquels-j'ai: faic mes expériences , de varier fi promptement le degré de leur chaleur ;'que cette chaleur w’eft pas fi eflentielle à leur exiftence gr celle des efpèces plus parfaites , quoiqu'elle foit néceffaire à plufeurs es opéfations, qu'on peut appeller les aétions fecondaires de la vie äni- male , telles que celle. de digérer les alimens ( 1.) &,la propagation de l'efpèce, qui demandent les plus grandes forces dont l'animal foit ca- pable , fur-tout la dernière; & comme la partie principale de ces forçes dans les animaux imparfaits eft communément employée dans Ja première, nous (x) Je ne fais pas au jufte jufqu’à quel oint cette idée peut être appliquée aux 7 P JARCUIQUEI QUE P poi ons, . & \ 118 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pouvons croire que leur chaleur eft telle que le demande cette action vitale, quoiqu'il ne foit jamais eflentieilement néceffaire qu’elle foit affez grande pour opérer la génération (r). C'eft pourquoi , quand ces animaux imparfaits fe trouvent dans un froid affez grand pour affoiblir leurs fa- cultés & les rendre incapables d'exécuter la premièré de ces actions {e- condaires , ils deviennent, pour ainfi dire, palhfs, & reftent dans un état d’engourdifflement durant Le degré de kid qui fe fait toujours fentir pendant une partie de l'hiver dans les pays qu'ils habitent; & l’on péut regarder encore comme une raifon de leur engourdiffement, le défaut de la nourriture qui leur eft propre , & qui ne croît point pendant la faifon tigoureule. Comme la chaleur de ces animaux peut defcendre jufqu’au degré de la congélation , ou même un peu plus bas, mais qu'alors elle devient fixe; & comme ils ne peuvent pas conferver la vie en reftant long- temps dans une atmofphère beaucoup plus froide , ils cherchent toujours à fe procurer des retraites où l'intenfité du froid aille rarement à ce point pendant l'hiver. C'eft pourquoi nous voyons que les crapauds fe retirent dans la terre, que les grenouilles. & les limaces fe cachent fous des pierres & dans des trous, & que les poiffons fe tiennent au fond de l'eau , parce que dans ces endroits le froid ne fe fait point fentir jufqu’aw degré Le congélation pendant les plus fortes gelées , quoiqu’à la vérité le froid foit quelquefois affez vifen Angleterre pour faire périr une infinité de ces animaux , de l'afyle n’eft pas sûr, em (1) Je n’ai pas encore pu déterminer jufqu'à quel degré la chaleur animale fe erouve diminuée dans les animaux les plus parfaits, quand les aëtions fecondaires ne font pas néceffaires , ainfi que cela a lieu dans la chauve-fouris, le hériflon, l'ours ; &c., n’ayant-pas eu occafon d'examiner ces animaux dans jeur état pañlif. Les loirs font dans un état mixte, entre le volontaire & l'involontaire, & l’on trouve que la chaleur diminue lorfque les mouvemens ne font pas bien fort. De l'examen gé- néral de cette queftion, il réfulteroit que l'animal a befoin d’un certain degré de chaleur pour la digeftion, & que cette chaleur néceffaire eft proportionnée à la nature de animal. Une grenouille digérera les alimens quand fa chaleur fera à 60°, mais non pas à 35°. ou 40°; & il femble très- probable que lorfque la chaleur de l'ours, du hériflon, du loir, de la chauve - fouris, &c., fi trouve réduite à 70°, 75° ou 80°, ces animaux doivent perdre la faculté de digérer; ou plutôt que, dans ce degré de froid, le corps n’a pas befoin de lexercice de leftomac. Il eft prouvé, par l'exemple des abeilles, que les animaux ont toujours befoin, de nourriture dans un certain degré de chaleur. La confommation de l'abeille eft fort analogue à celle de la mouche, de la guêpe , &c. La mouche & la guêpe peuvent perdre de leur chaleur, comme les poiflons, les ferpens, &c., fans perdre la vie; mais cela ne peut pas avoir lieu dans l’abeille : aufli Pabeille doit-elle conferver fa chaleur jufqu’au desré que nous pouvons appeller fa chaleur diciues mais non pas fa générative;. voilà pourquoi elle cherche à fe garantir du froid, qui pourroit la priver même de fa chalew: digefive, f elle n’ayoit point d’aliment pour la conferver. -:$ . SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. «19 Lorfque l'intenfité du froid eft plus grande & qu'il dure. plus lons- temps que de coutume, dans certains pays où les hivers fonc: rou- jours rudes , la terre eft, en général , couverte de neige, & l'eau fe géle. Les avantages qui réfultent de ces phénomènes font fort grands , la neige fervant de couverture à la terre, ainfi que la glace à Peau (x). . Comme toutes mes expériences fur la congélation des animaux , pour voir s’il étoit poffible de leur rendre les mouvemens de la vie après les avoir fait dégeler, avoient été faites fur des animaux entiers, & que je n'avois jamais vu reprendre la vie en fe dégelanc (2), je voulus voir ne analogie il y avoit, à cet égard, entre les parties avec. le tout, ‘autant plus que nous croyons, & avec aflez de probabilité , que les parties du corps de l'homme peuvent fe geler & reprendre enfüuite leurpremière vi- gueur. Pour cet effet, je fs les expériences fuivantes fur un animal du même ordre que nous. En Janvier 1777, je fis une mixtion de fel & de olace jufqu'à ce que le froid fût à environ o; fur un des côtés du vale, il y avoit un trou par lequel j'introduifis l'oreille d'un lapin : afin de diminuer la cha- leur auf vite qu'il étoit poflible, l'oreille fut placés entre deux lames de fer, qui fe prolongeoient plus avant dans la mixtion; la PIRE de l'oreille, qui fe trouvoit dans le vafe , devint roide, & ne rendit aucun fang lorfqu'on y fit des incifions, & la partie qu'on en coupa avec des _cifeaux partit avec éclat, SR — (1) La glace & la neige font peut-être les plus mauvais conduéteurs de la chaleur & de toutes les fubftances connues jufqu’à préfent; leur propre chaleur ne peut jamais aller au-delà du degré de la congélation : de forte qu'aucune chaleur ne peut pénétrer au travers de la glace & de la neige, lorfqu’elles/{ont à 32°, &elles deviennent alors un obftacle abfolu pour la chaleur qui eft à ce degré ou au-deflus; de manière que la chaleur de la terre ou de toute autre fubftance qu'elles couvrent, fe trouve arrêtée : mais elles font des conducteurs de la chaleur au-deffous de 32°. Peut-être que cette force décroît en raïon que la chaleur diminue fous cette partie. Pendant l'hiver de 1776, la furface de la terre fe trouva gelée; mais il tomba en même y de pendant plufieurs femaines , une grande quantité de neige. L’atmofphère £ trouva fouvent à 152: mais ce froid ne put pas affeéter confidérablement la furface de la terre; de forte que cette furface fe trouva dégelée, & fa terre revint la chaleur de 34°, chaleur dans lequelle les pois & les fèves peuvent croître. : La même chofe eut lieu dans l’eau, dans un étang dont leau ( trouvoit gelée à une profondeur confdérable. 11 tomba une grande quantité de neige qui couvritla place : l'eau conferva fa chaleur & fit dégeler la glace , & l’on trouvaique la partie inférieure de la neige éroit mélée avec l’eau. La chaieur de l’eau deffous la neige étoit de 35°, dans laquelle le poiffon fe trouvoir fort bien. 1! feroit digne de l’atention d’un Philofophe de chercher la caufe de a chaleur de ta verre, par quel principe elle fe conferve , &c, (2) Vid. PAilofoph. Tranfaë. pour l’année 1775, Volume I.XV, Paie If, Pag: 446; & le Mémoire imprimé dans le Vol. IX de ce Journal, pag. 294 120 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, L'oreille ; après avoir. demeuré à-peu-près une heure dans la mixtion, en fut retirée; & commenca à faigner aufli-tôt qu’elle fut dégelée ; elle devint flafque & foible, de manière qu'elle retomba fur elle-même, ayant perdu toute fon élafticité naturelle. Une heure après qu'elle eut été ôrée . de la mixtiôn , elle reprit fa chaleur, qui s’'augmenta même à un degré confidérablé; & commença à s’enfler, tandis que l’autre oreille continua à conferver fon degré de froid ordinaire. Le jour fuivant, l'oreille gelée éroit toujours chaude, & , deux jours après, elle confervoit encore fa chaleur & fa grofleur; ce qui continua de même pendant plufeurss jours. Envirôn une femaine après; je compofai une mixtion femblable à la première , ‘dans laquelle j'introduifis, par l'ouverture , les deux oreilles du lapin, Fes fe gelèrent également. Néanmoins l'oreille faine fe gela la première, fans doute àcaufe qu'elle étoit beaucoup plus froide que l’autre au commencement. Après les avoir retirées , elles fe dégelèrent bientôt, & bientôt elles prirent de la chaleur ; l'oreille faine s’enfla , ainf que l'autre l'avoit fair. | Le 23 Février 1777, je répétai les mêmes expériences. Je fis geler l'oreille d'un lapin blanc jufqu'a ce qu’elle füt devenue auffi dure qu'une planche. Elle refta plus long-temps à fe dégeler que dans l'expérience pré- cédente , & plus long-temps encore à reprendre fa chaleur : néanmoins elle fe trouva un peu échauffée au bout de deux heures, & le jour fuivant elle fut très-chaude & fort enflée. Au printemps de année 1776, je remarquai que les crêtes des coqs que j'avois à la Campagne étoient unies avec un bord , paroïffant coupées & n'ayant pas la moitié de leur première grandeur. M'étant informé de la caufe de ce phénomène, un Domeftique me dit que cela avoir été général pendant le grand froid qu'il avoit fait cet hiver. Il avoit remarqué . que ces crêtes étoient mortes à moitié, & étoient à la fin tombées ; que la crète d’un autre coq étoit entièrement tombée: ce que je ne vis que par accident, cet animal s'étant brûlé jufqu'à la mort. J’attribuai natu- rellement ce phénomène à la congélation des crêtes pendant le grand froid , qui leur avoit fait perdre leur énergie. Je voulus confirmer cette idée par l'expérience. Je râchai de faire geler la crête d’un jeune coq fort grand ; elle étoit d'une largeur confidérable : mais je ne pus parvenir qu'à faire geler les bords dentelés dont les parties faillantes avoient un demi-pouce de long ; la crête elle-même, étant fort épaifle & fortchaude, réfifta au froid. Les parties gelées devinrent blanches & dures ; & lorfque j'en coupai un morceau , il n'en fortit point de fang , & l'animal ne fit appercevoir aucun figne de douleur. J'introduifis enfuite dans la mixtion un des pen- dans qui étoient fort larges & fort minces ; il fe gela bientôt. Après avoir SURIL'HIST. NATURELLE"ET LES ARTS. 11 avoit fait déveler la crête & la membrane , elles reprirent de la chaleur : mais elles éroient couleur de pourpre, ayant perdu leur tranfparence , que l'autre partie de Ja- crête & le fecond pendant avoient confervée ; la plaie faite à la crête , elle faigna alors librement. La crête & le pendant fe trouvérent rétablis environ un mois après. La couleur naturelle reparut d'abord proche des parties faines, & con- tinua de s'étendre, par dés ; jufqu’à ce que toute la partie offenfée eût été rétablie dans fon premier état, & rendue parfaitement faine. Il y avoit une différence très-marquée dans l'effet produit fur ces oifeaux, &z dans ceux doncles bords dentelés de la crête avoient été gelés, felon moi, par le froid de l'hiver de 1775. La feule caufe que je puille afligner 2 certe différence, c'eft que , dansces derniers cogs , les parties avoient été gelées fi long-temps, que les parties actives ou non gelées s’étoient enfin en- flammées : ce qui avoit caufé une féparation des parties gelées, comme fi elles avoient été exactement mortes; & qu'avant de fe dégeler , la fépa- ration avoitété fi bien faite, que ces parties fe trouvoient dépourvues de toute efpèce de foutien. Comme on aflure hardiment que le poiffon gelé revient fouvent à la vie, & comme je n’avois jamais réufli dans une expérience de cette efpèce fur l'individu entier, j'en fis quelques-unes fur des parties ifolées. J'y fus d'autant plus engagé, que j'avois remarqué une différence confidérable entre mes expériences fur les individus entiers, -& celles fur de fimples parties des animaux d’une clafle plus parfaite. Je fis geler la queue d’une tranche (jufqu'a la hauteur de lanus ); elle devint aufli dure qu'une planche. Au dégel que j'en fs, cette partie étoit plus blanche qu'à l'ordinaire; & lorfquelle fe remuoit, la queue entière fe mouvoit auñi tout d’une pièce , & l'endroit où finifloit La partie gelée reffémbloit à la jointure fur laquelle elle fe mouvoir. Le même jour, je fis geler la queue de deux poiflons dorés, jufqu'a ce qu’elles fuffent devenues aufli folides qu'un morceau de bois. On les plongea dans de l'eau froide pour les faire dégeler. Ces poiffons paru- rent d'abord , pendant queïques jours, fort bien portans ; mais cette partie de la queue, qui avoit été gelée, n’avoit pas fa couleur naturelle , & ia nageoire de. la queue fe divifa en lambeaux. Environ trois femaines après, il Fe forma une peau fur toute la partie gelée; la queue devint plus lé- gère: de forte que ces poiflons fe trouvoient fufpendus perpendiculaire ment dans l’eau, & ils avoient, pour ainfi dire, perdu l’ufage du mou- vement, [ls moururent enfin, On avoit gardé ces poiffons dans dix gallons, ouenviron quarante pintes de Paris , d'eau fraîche sé rivière qu'on changeoit tous les jours. Je répérai ces expériences furune efpèce d'animaux plus imparfaits en- core, favoir des vers de terre. Tome XVII, Part. I.1781. FÉVRIER. Q 122 OBSERFATIONS SUR LA PHYSIQUE, Je fis d’abord geler un ver de terre tout entier, pour me fervir de rapport commun, & je le fis dégeler, lorfqu'il fut tout-à fait mort. Après quoi, jefis geler la partie antérieure d’un autre ver : mais l'individu entier mourut. Ayant enfuite fait geler la partie poftérieure d’un ver de terre , la partie antérieure conferva la vie, & fe fépara de la partie morte. Comme en faifant autrefois mes expériences fur les animaux relative- ment à la chaleur & au froid, j'en avois fait de femblables fur les vé- gétaux , dont les réfultats avoient été fort analogues à cet égard, je fus naturellement conduit à {es continuer fur le même plan. Je fus d'autant plus porté à répéter mes expériences fur les végéraux, que je crus ap- percevoir une différence eflentielle dans leur pouvoir à fupporter le froid. - I paroït par ces obfervations & par les précedentes expériences, que ces animaux, pour conferver la-vie, ne peuvent pas perdre leur chaleur à un degré beaucoup plus bas que celui de la congélation , quoique l'atmofphère ambiante foit beaucoup plus froide, & que, dans cet état, ils ne peuvent pas conferver long-temps la vie. Mais on remarque que la plupart des végétaux de tous les pays réfiftent au froid de leur climat. Dans les régions les plus froides, telles que les parties les plus fepten- trionales de l'Amérique, où le thermomètre eft fouvent à 5o° au-deffous de o, où l’on fait que les pieds des Habitans fe gèlent & que les nez tombent par le froid , je fapin, le bouleau, le genevrier, &c., n’en font point affectés. Cependant l'expérience nous apprend tous les jours que les végétaux peuvent être affectés par le froid, comme on le voit dans tous les pays, quand l'intenfité du froid y eft plus grande qu’elle ne left ordinairement dans ces Contrées ; & quelques végétaux y font plus fenfibles que d’autres : car on voit fouvent , dans les Contrées dont nous avons parlé plus haut, que les végétaux périffent faute de pouvoir réfifter au Pod. Un arbre meurt par le froid , puis fe gèle & fe fend en plufieurs morceaux avec de grands éclats qui fe font entendre au loin. En Angleterre, la même chofe arrive fouvent aux plantes exotiques de Contrées plus chaudes. On en vit cet hiver un exemple fingulier dans le Jardin du Roi à Kent. L'Erica arborea , ou la bruyère ;qui vient d'Ef pagne & de Portugal, s’étoit fort bien confervée pendant quatre ou cinq ans: mais elle périt alors, quoique couverte d'une natte, & fe fendit en un nombre infini de morceaux ( 1). Mais doit - on regarder tout arbre oo à (1) Cela doit être attribué à la sève que contient l'arbre gelé, qui occupe alors un plus grand efpace que lorfqu’elle eft dans fon état de fluidité, aimit qu'on le remarque dans l’eau; & l’on ne peut pas douter qu'un arbre nouvellement füé ne contienne une quantité fufhfante de sève, d’après la grande quantité qui en fort quand on fait SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 1x2; gelé comme mort ? Je puis feulement aflurer Ha dans routes les expé- riences que j'ai faices fur les arbres & les arbrifleaux , tant dans leur état actif ou de végétation , que dans leur état pafif, l'arbre ou l'ar- brifleau entier , ou bien la partie que j'en fis geler , étoit mort au dégel. L'hiver de 177£ me procura une occafion favorable pour faire des expériences fur Le froid , dont je profitai avec empreffement. J'avois néan- moins déjà fait, avanc cet hiver là, plufieurs expériences fur les végétaux relativement à la comparaifon de leur température avec celle de l'atmof- phère, & dans les diiérens degrés de leur état d'aétivité; c'eft pourquoi Je les ai examinés dans les différentes faifons, afin de connoître la puif= fance des véyétaux. Je rapporterai ces expériences dans le même ordre que je les ai faites. Je Les commençai au printemps , les actions de la vie , dont dépendent la végétation, prenant alors toute leur activité, & je Les ai continuées jufqu'a ce que ces forces fe trouvèrent fur leur déclin: je Les renouvellai aufli, lorfque ces actions n'exiftoient plus, mais tandis que les puiflances pañlives continuoient à avoir lieu. Je fis mes premières expériences fur un noyer dont la tige avoit neut pieds de haut & fept pieds de circonférence au imilieu. On y perça un trou du côté expofé au nord, à cinq pieds au-deflus de la furface de la terre, ayant onze pouces de profondeur vers le centre de l'arbre , mais obliquement vers le haut, afin de faciliter l'écoulement de Ja sève qui pourroit en fortir. J'adaptai à cette partie une boîte d'environ huit pouces de large fur cinq pouces de Onde le fond de la boîte s’ouvroit comme une porte avec un gond. Je garnis la boîte de laine, à l'exception du milieu , vis-à-vis du trou de l'arbte; j'avois gardé pour cette partie une fiche de laine pour l'en garnir, laquelle, quand’ la porte étoit fermée, bou- choit le tout. Je voulois, par ce moyen, prévenir, autant qu'il étoit poflible , l'influence de la chaleur & du froïd. Je fis gliffer le même thermomètre avec lequel j'avois fait mes précé- dentes expériences , ayant fept pouces & demi de long , dans un tuyau de plume de la queue d’un paon ; fendu d'un côté pour voir les degrés ; par ce moyen , la boule de mon thermomètre pouvoit étre introduité jufqu'au fond du trou de l'arbre. Le) des incifions à un arbre vivant. Mais ce qui me parut le plus fingulier, c’eft qu'un noyer, fur ir je fis plufieurs expériences, rendit plus de sève pendant l'hiver que pendant l'été. Ÿ ayant fait forer un trou, il en fortit à peine quelque liqueur pendant l'été ; mais pendant l'hiver, il en coula abondamment, ù Tome XVII, Part. I, 1781. FÉVRIER. Q 2 T4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Première Expérience. Je commençai mes expériences le 29 Mars, à fx heures du matin, l'atmofphère étant à 57° +, le thermomètre dans l'arbre defcendit à $5°; quand il en fut retiré, fe mercure tomba à 53°, mais il remonta bientôt à 57 + (1). Cette expérience fut répétée trois fois avec le même fuccès. L'arbre étcit donc plus froid que latmofphère , tandis qu'on auroit dû croire qu'il feroit plus chaud : car on ne pouvoit pas fuppofer qu'il eût déjà perdu {a chaleur du jour précédent. Seconde Expérience, Le 4 Avril , à cinq heures & demie du foir , l'arbre fe trouva à 56° & l’armofphère à 62° ; l'arbre étoit donc encore plus froid que l'air ambiant. Troifième Expérience. Le $ Avril, le vent étant au nord & le temps froid , le thermomètre fut, à fix heures du foir, à 55°, & l'atmofphère à 47°; donc l'arbre étoit plus chaud que l'atmofphère. Quatrième Expérience. Le 7 Avril, le temps étant froid & couvert avec un vent de nord , à trois heures après-midi , le thermomètre fe trouva dans Parbre à 42°, & dans l'atmofphère au même degré. Cinqu'ème Expérience. Le 9 Avril , le temps étant froid, avec neige, grêle & vent de nord-eft , Le thermomètre fe trouva , à fix heures du foir, à 45° dans l'arbre, & à 30° dans l’atmofphère. Ici nous trouvons que larbre étoit plus chaud que l'atmofphère ,comme on pouvoit l’attendre, Si ces expériences peuvent fervira prouver quelque chofe, c'eft qu'il ny a point de terme fixe ( Standard); & ces varia- tions provenoient , fans doute, de quelques circonftances qui n’avoient point de connexion immédiate avec les puiflances internes de l'arbre. On peut fuppofer aufli qu’elles provenoient d'un pouvoir dans l'arbre de pro- duire ou de diminuer la chaleur, puifque quelquefois il fe trouvoit en oppoñtion avec l’atmofphère. Après avoir cherché à trouver la chaleur comparative des végéraux avec l'atmofphère, tandis que les végétaux font dans leur état actif, je les foumis enfuite a des expériences dans leur état pañlif. Comme la différence étoit fort petite dans leur état a@tif, je devois n''at- tendre au’elle feroit de même peu confidérable , quand les puiffances de l’.xbre fe trouvent en repos. IL paroît, par les expériences fur les clafles des animaux les plus im parfaits, que quoiqu'ils ne zéliftent point aux effets du plus grand froid (1) Cette defcente du mercure, après qu’on eut retiré le thermomètre de l’arbre, >» 4P doit s’attribuer, je crois, à l’évaporation de l'humidité de la sève qui s’étoit atachée à la boule. À SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. -52ç jufqu’à ce qu’ils foient portés au point de la congélation , ils femblent alors avoir la force d'y réfifter, & qu'ils ne peuvent pas réfiiter à un plus grand degré de froid. Pour m'aflurer jufqu'à quel degré la nature des végétaux eft analogue, à cet égard, à celle des animaux, je fis plufeurs expériences. Je foui- *çonnois néanmoins qu'elle n'étoit point femblable, parce que ces animaux meurent dans un degré de froid auquel ces végétaux réfiftent; je crus donc qu'il y avoit quelqu'autre principe. Je ne bornai pas mes expériences au noyer: mais j'en fis de femblables fur différentes efpèces d’arbres , telles que le pin, l'if, le peuplier , &c., afin de pouvoir n'aflurer de la différence que préfentent diverfes efpèces d'arbres. Cette différence ne fut pas grande; car elle n’alla pas au-delà d’un ou de deux degrés. Cette différence néanmoins , quelque petite qu’elle foit, prouve un principe de vie, toutes les autres chofes étant d'ailleurs égales; car, ces mêmes expériences ayant été faites fur un arbre mort, qui fe trouvoit encore avec fes racines en terre comme les arbresvivans, elles deviennent plus concluantes. Je commençai mes expériences fur le noyer en Oétobre, lorfque les puiflances actives étoient fur leur déclin, & lorfque cet arbre alloit pañler à fa vie pañlive. Sixième Expérience. Le 18 Oétobre , à fix heures & demie , l'atmofphère étant à $1°:, le thermomètre dans l'arbre étoit à $$° =; mais en le reti- rant & en l'expofant pendant quelques minutes dans l’'atmofphère commune, le mercure defcéndit à 0°: Septième Expérience. Le 21 Ottobre, à fept heures du matin, l'atmofphère fut à 41°, & l'arbre à 47°. t DA Huitième Expérience. Le 21 Oétobre , à cinq heures du foir , l'atmofphère à 51° -, l'arbre à 57°. Neuvième Expérience. Le 22 Oétobre, à fept heures du matin, l'atmof- phère à 42° , l'arbre à 48°. Dixième Expérience. Le 22, Octobre , à une heure après-midi, Patmof- phère à ÿ1°, l'arbre à 53°, Onzième Expérience. Le.23 Octobre au foir, le temps étant humide, J'atmofphère à 46°, l'arbre à 48°. Douzième Experience. Le-28 Oétobre , Le temps étant au fec , l’atmofphère à 45°, l'arbre à 46°. Treizième Expérience. Le 29 Octobre , le temps étant au beau, Patmof phère à 45°, l'arbre à 49°. Quatorzième Expérience. Le à Novembre, le vent étant à left, l'atmof- phère à 43°, l'arbre de même à 43°. 126 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Quinzième Expérience. Le $ Novembre, le temps humide , l’'atmofphère à 43°, l'arbre à 45°. Seiziôme Expérience. Le 10 Novembre, l'atmofphère à 49°, l'arbre AUS Te Dix-feptiôme Expérience. Le 18 Novembre, l'atmofphère à 42°, l'arbre à 44°. Dix-huitième Expérience. Le 20 Novembre , beau temps , l’atmofphère à 40°, l'arbre à 42°. Dix-neuvième Expérience. Le 2 Décembre , l'atmofphère à 54”, l'arbre à 54°. Danstoutes ces expériences, qui furent faites à différens temps du jour, c'eft-à-dire le matin, à midi & le foir, la chaleur de l'arbre fut quelques degrés plus grande que celle de l'atmofphère , fi ce n’eft dans une feule, où nous trouvons que leur température fut égale. Pour être plus concis, j'ai raffemblé mes autres expériences, fur différens arbres, dans quatre Tables, ayant été faites dans quatre différens degrés de chaleur de l’at- mofphère , y compris celles faites pendant le grand froid de l'hiver 177 2. PORVE MINE) RE UIS A) BITILE- Atmofphere. Noms. ) Hauteur. Diam. Chai. Pieds, Pouç, Pieds, Pouc, (Peuplier de la Caroline; : ? : . - 2 27129 Peuplier d'Angleterre |, . ... 4 25 297 Platane Oriental, . . . 3 17 30 Platane Occidental, MMS 2 TUE 2 30 Platane de la Caroline, . . . . . . 7 1£ 30 Boule at es IEEE NES AS 22 207 #9 Degrés.o\ Sapin d'ÉCOIE, tre Pie elle ete Ie TES 4 282 (Cas en CE EM mot Loi Er 43 28+ ATbOUREE A NUE E, DÉNPNOSSE 2e 37 30 L'arbre de vie, ou Thuya du Canada , . 2 8 37 29 CYBER HELENE M0 27 30 L’Arbre au Vernis, ._. cm AU 2:30 Noyer AE Rue NN $ LE 31 L'ancien trou fait dans Le noyer fe trouvant plein de sève gelée : on en fit un nouveau. SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS, 127 S E C'0 N D\E. T 4 :B LE. Atmofphère. Noms. Hauteur. Diam. Chal. Pieds, Pouc, Pouc (Sapin de Norwège, : : . : : . 4 + 32 SAPIN BE CON AU MN RORAE EEE 1 + 12 28 Sapin commun . . noie gra he ds 24 30 Sapin de Weymouth, . . . 4 25 30 27 Degrés.{ 7, Ne AT 3 7 3 30 | Houx AU MCE 2 6 2 30 TC a PRES PORTEURS 4 é 3 31% Cédréimorpot Mile Lette gytie DT 3 29 (La terre fous la neige, . . . . . : 3 de profondeur, 34 TR O IS'I À M\E TA BEE. Atmofphère. Noms. Chaleur, (Sapin JONNONWEPE NE Me Mere LS de elite 00e NEC Sapin dEcoffc, "14 Bebe pee; Sapin commun, :® + 5 . : «+ : 129 24 Degrés.} Sapin de Weymouth, . . . . . . : F 23 EE er lie the uetmimt etes crc ee Det Éd Ts 22! OURS M SE le ul Men Ê 23 se : 24 (Cèdre mort, . sd Aa JS Les mêmes arbres, dont nous avons parlé, lorfque le thermomètre étoic à 29° dans les trous nouveaux faits à la même hauteur , & laïiflé ouverts pendant Res temps, jufqu’à ce que la chaleur produite par le forêt füc pañlée, mais ans lefquels la chaleur ne pouvoit être que très-foible , d’au- tant plus quele forêt ne fe trouvoit pas du toutéchauffé par l'opération, don- nèrent : QUAT AR I:È ME, TA E L,E. Atmofphère, {{ Peuplier det la Gaoline ,;-c0,5, 5524 Peupliern d'Angleterre, 2.00 Plane Oenrah} nus Jon 2510 16 Degrés.} Platane Occidental ; : + 44 15 à, | Platane de la Caroline, . . + . . + Bédleantiovs eur grid (Sapin d'Ecoffe , . . . . . 162 128 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, IL eft néceflaire d'obferver que la sève du noyer, qui couloir en grande Gé fe gela au 32°. Je n'ai pas effayé de faire geler la sève des autres arbres. Or, puifque la sève d'un arbre fe oèle au 32°, quand elle eft ortie de, cetarbre, puifque de même la sève d’un arbre, quand on l’a Ôtée de fes canaux naturels; fe gèle quand la chaleur de l'arbre eft à 31°, & puifque la chaleur d'un atbre peut defcendre à 17° fans qu'il fe gèle, comment fe peut-il que les fucs d’un arbre, quand ils fe trouvent dans leurs canaux naturels, confervent leur fluidité dans un pareil degré de froid? Eft-ce par un principe de végétation? ou bien la sève fe trouve-t-elle renfermée de telle manière dans l'arbre , que la congélation ne peut pas fe pro- pager , comme nous favons que cela a lieu quand l'eau eft renfermée dans des vaiffleaux globulaites ? Si cela eft'ainfi, fon englobement doit être différent de l’englobèment de la matière humide dans les végétaux morts. Mais la deftruction des végétaux , par le froid & par la gelée, femble répondre à la dernière queftion. Ce font néanmoins-là des articles que je.ne chercherai pas , pour le moment, à réfoudre. J'ai fait plufeurs expériences fur les femences des végétaux, pareilles à celles fur les œufs des animaux; mais comme ce Mémoire deviendroit trop volumineux fi je Les inférois ici, je les garderai pour une autre fois, OBSERVATIONS Sur des Végetations extraordinaires ; & fur la Tarentule (1) ; Par M DE MARCORELLE, Baron d'Efcalles, & de plufieurs Académies, AG ren armes nee ANR ee ce a on APROTUINCMLNE MRPARSENMAIAEURT Sur les doubles produétions des Arbres fruitiers dans les mêmes années, JL HISTOIRE de l'Académie des Sciences de Paris de l’année 1723 rapporte, d’après une relation envoyée par M. de Montagnac , Conful (x) Cet Écrit v’eft qu'un Recueil de quelques faits de végctation extraordinaire ; com= me ils peuvent contribuer à éclajrer la Phyfique des végétaux , qui conduit à la perfcétion de l'Agriculture, je n’héfite pasid’en faire part au Public, en les dépo- fant dans l’intéreffant Journal de Phyfique, d'Hiltoire Naturelle & des Arts. 4 € SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 129 de France à Lifbonne , que dans la Province des Algarves, les atbres , qui avoient porté des fruits au mois de Juin 1722, parurent couverts de nouvelles Aeurs au mois de Décembre de la méme année, & donnèrent, au mois de Janvier fuivant, des fruits aufli bons que ceux qui étoient venus dans la faifon ordinaire. Le même fait a été obfervé en 1765$.,, dans les environs de Narbonne, Les poiriers , Les pommiers, les pruniers y fleuritent au mois d'Octobre; & dans celui de Novembre, ils éroient couverts de fruits. Ce phénomène fut attribué à la chaleur des mois de Septembre & d'Octobre de cette année, où le thermomètre monta à 25 degrés, comme dans le mois de Juin. Cette obfervation eft inférée dans l'Hiftoire de l’Académie, de l’année 1771. En voici une toute récente, faite également à Narbonne, qui eft femblable aux précédentes. Les arbres de même |efpèce , plantés en plein air & en efpalier, qui, dans le mois de Juin de l’année 1779, portèrent des fruits, reeurirent au mois d'Octobre de la même année , & donnèrent, dans les mois de Décembre & de Janvier fuivans, de nouveaux fruits. Madame de Monteiïl, Abbefle des Ollieux, autant recommandable par fes vertus que: par fa naäiflance, m'en envoya qu'elle avoit cueillis fur les arbres du jardin de fon Abbaye; ils avoient lé même goût que eeux qui éroient venus au temps marqué par la Nature. On vit aufli des péchesen fleur vers la mi- Décembre : mais ces arbres ne donnèrent pas de fruits, ug # Les pois & les fèves, qui avoient produit dans les mois de Mai & de Juin ; reproduifirent dans le mois de Décembre, On fervit fur nos tables dé ces nouveaux légumes; ceux de même efpèce, femésen Octobre, étoient en fleur au mois de Décembre. | I n'eft pas inutile de rernarquer :que Fair fut tempéré & fec pendant les mois de Septembre, Oëtobre, Me dites & Décembré ; que la'li2 queur du thermomètre de Réaumur monta, pendant les deux premiers mois, au 23° degré au-deflus de la glace, & pendant les deux autres aux 12° & 15° degrés au-deflus du même terme ; que le mercure s'éleva dans le baromètre à 27 deg. 11/lig.} & qu'il netomba pas dé pluie durant ces mois. Le concours de ces cfrconftances a pu favorifer des vésérations extraordinaires donc nous venons de parler. | ):: 2RNIF19 Les Papiers publics nous ont offert quelques exemples de parcillés vé- aps On lit (1) qu'au mois de Seprémbre 1776 ; on fit, dans l'Ifle e Ly, une cuecillétte très - abondante des fruits d’un pommier } qui, bientôt après, perdit entièrement fes feuilles; qu’à la fin du même mois, les Aeurs , les feuilles & les fruits s'étoienr fucceflivemient |réproduirs fur cet arbre , & qu'au mois de Décembre fuivant, il étoit aufli chargé de À 1 "12 4 ; - {1} Courier. de l'Europe, -N°. X, du 3 Décembre 1776. £ Tome XVII, Part. I. 1781,, FÉVRIER.: : KR 130 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pommes & de jeunes branches qu'au mois de Juiller. On lit encore (1}, que toutes les terres qui furent couvertes de cendres enflammées par l’érup- tion du Véfuve da 9 Août 1779 , acquirent un fi grand degré de fécon- dité, que les arbres fruitiers portèrent de nouvelles fleurs , & furent chargés , aux mois d'Oétobre & Novembre, de nouveaux fruits. La pro- duction extraordinaire des terres voifines du Véfuve s’eft opérée dans le même temps que celle des terres de Narbonne, qui ne font pas couvertes de cendres enflammées , & où iln’y a point de volcan allumé; ce qui por- teroit à croire que la température de l'air a beaucoup de part à l'une & à l'autre de ces productions. AR IMICGLE EAUOT. Sur deux grains de Raifin d'une conformation fingulière. sw A fingulière conformation de ces grains de raifin détermina Madame de Guy, Tréforière de France , d’un rare mérite, à me les envoyer. Ils furent cueillis dans une de fes vignes, près Narbonne, & ils étoient de l'efpèce de ceux qu'on nomme dans le Pays riveirenc. De l’un de ces grains fortoit un autre grain & une branche chargée d'une feuille. Ce fruit avoit un pouce trois lignes & demie de longueur , onze lignes de diamètre & deux pouces neuf lignes de circonférence. Son poids étoit de trois gros. La figure que j'en joins ici me difpenfe d'en faire une plus ample defcription (pl. 1, fig. 1). Ces grains de raifin furent ouverts, & on ne trouva des pepins ni dans un ni dans l’autre. On remarqua que la chair du gros grain étoit féparée de la chair de la partie poftérieure du petit grain, la partie antérieure n'étant pas entièrement fortie, & que les fibres ligneufes pafloient à tra- vers le gros grain, pour produire, fans doute, la branche & la feuille. On fera peut-être tenté de croire que ces fruits fe font formés de la même.manière que les fruits doubles ; mais que la différence entreux eff grande ! On fait que les fruits jumeaux ne fe forment que, lorfque deux boutons fortent de la même. queue, & fi près l’un de l’autre, que les chairs de leurs fruits font forcées de fe méler & de fe confondre. Dans le cas préfent ,on voit au contraire une fucceffion diftinéte de générations ; on voit que le petit grain de raifin fort du gros, & que ce dernier produit l'autre, ainfi quela branche & la feuille. _ Cette végétation. remarquable. de la vigne m'en rappelle unej autre dont l’obfervation eft inférée dans l'Hiftoire de l'Académie de l’année Lo 0 6 Cote ver a (1) Mercure de France du 4 Décembre1779 , Article d’Arlies 42 coli Ce MIEL OA 1 TEE ESS ds SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 13r La glacière commune de la Ville de Narbonne avoit été-remplie au mois de Décembre 1769 : elle étoit vuide au mois de Janvier 1771 ; & le froid étant devenu aflez rigoureux au commencement de Février , il fut queflien d'y remettre de la glace. Celle de 1769 avoit été placée, _ füuivaut l'ufage, fur un lit de farmens; on trouva que ces farmens, qui n'avoient que, depuis un mois, ceffé d'être couverts de glace, avoient pouffé des branches de fept à huit pouces, avoient des bourgeons, des feuilles, des grappes en fleur, & même des fruirs tout formés. Les Ou- vriers avoient déjà obfervé ce phénomène, mais jamais ils n'avoient vu la végétation fi avancée. On fait que plufieurs efpèces de plantes végètent fous la neige; mais fa précédente obfervation femble prouver que ce phénomène n'eft point res à queiques plantes , & qu'en général c'eft moins le froïd que es alternatives de chaud & de froid ou l'action de l’air qui arrêtent la végétation. ARCTIC LLOPE 2 TRI TS Sur un Citron d'une forme extraordinaire. . O: a fait quelques obfervations fur des fruits compofés de citron, d'orange & de limon; on en a fait fur des citrons qui en renfermoient d’autres : en voici fur un citron remarquable par la fingularité & la bi- zarrerie de fa forme. On le trouva, au mois de Janvier de cette année (1780 ), dans une barque chargée d’oranges & de citrons, que des Patrons Génois portoient de Gènes pour les vendre à Narbonne; & on le donna à M. le Marquis de Bon, ancien Premier Préfident du Confeil Souverain de Rouflillon, & Intendant de cette Province & de celle de Foix. Ce Magiftrat, qui a pour les Sciences & les Lettres le goût le plus décidé & le plus éclairé, voulut bien me permettre d’en prendre le deflin. Je le joins à cette obfervation, pour éviter de décrire , dans un trop grand détail, le citron qui en eft le fujer. La feule infpe@tion de la figure (pl. 1 ) de ce fruit induit à croire qu'il eft compofé de plufieurs citrons exaétement réunis depuis la queue, qui leur eft commune, jufqu'à environ le quart de leur longueur, & fenfi- blement divifés dans le refte de cette longueur. Après leur divifion, ils font applatis d’un côté & arrondis de l’autre; leur groffeur décroît infen- fiblement jufqu'à leurs bouts, qui font pointus & un peu recourbés. Au point de leur réunion & {ur une des faces ( fig. 2 ), eft une excroiflance de la forme d’un priapolyte (1), dont le bout eft ligneux. Cette excroif- (1) On trouve, près de Caftres, des pierres qui ont la même forme & auxquelles on a donné le nom de priapolyte. On peuten voic la.defcription. dans le VIIS Tome des Savans Etrangers, pag. 588 & fuiv. ; & Journal de Phyfique, T. XI , 1778, p. 1394 Tome XVII, Part. I, 17981. F ÉVRIER. R2 132 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, paroît avoir été produite des fibres ligneufes de la queue, qui, au liew de s'en débarrafler lorfqu'elle s'eft attachée à la chair, les a repouflées à travers les citrons réunis, & les a prolongées jufqu'à l'endroit où ils fe font divifés. À la face oppofée eft une autre petite excroiffance (fig. 3), qui, à raifon de la diftribution, du mélange ; de la dégradation des cou- leurs, de Leur rencontre , de leur accord & des ombres , forme un ta- bleau repréféntant une hyfterolyte ( 1 ). Au moyen de cet arrangement , ce fruit donne une repréfentation aflez vive des parties génitales externes, où font d’un côté celles du fexe mafculin, & de l’autre celles du fexe féminin; en forte qu'on peut les confidérer comme un fingulier herma- phrodite. | Ce fruit eft d’un jaune clair, nuancé de verd : il y a néanmoins à la furface des efpèces de taches de couleur de biche. Sonécorce eft life, par- femée pourtant, en quelques endroits, de petits tubercules. L'odeur en eft forte & agréable, & fon poids eft d’une livre trois quarts. A -t-il des pepins ou n’en a-t-il pas? on ne pouvoit acquérir cette connoiffance qu'en louvrant; mais l'attachement du Propriétaire à cette production extraordinaire a empêché.de la facrifier à la curiofité. C’eft de cette pro- duction qu’on peut dire, avec quelque fondement, qu'elle a été formée à la manière des fruits doubles , triples , quadruples, qu'on nomme jumeaux dont il eft parlé à l’article précédent, AR nb C, LE HN Sur la grande fécondité de quelques grains de Bled. dE vu un pied de bled qui contenoit foixante-fix épis , fans compter environ vingt tiges dont il paroifloit que les épis avoient été détachés. Les grains contenus dans un des épis fubfiftans étoient au nombre de trente. Ainli, à fuppofer que chacun des autres. épis en renfermât au- tant, ce pied auroit eu mille neuf cents quatre-vingts grainsÿ & fi on a égard aux vingt épis perdus, un feul grain de froment auroit produit deux mille cinq cents quatre-vingts grains. Quelle fécondité ! On ne peur guère la regarder que comme un des prodigesde la Phyfique. Mais le tronc, dont toutes les tiges partoïent , étoit-il formé de l’af femblage de plufieurs, dont la’ contiguité auroit produit l’adhérence qui auroit pu commencer d'un fimple contact entre plufieuxs collets de racines encore tendres, voifines & preflées l’une contre l'autre, ces racines (r) On donnece nom à des pierres de la même figure qu'on trouve fur une montagne voiline de Coblentz. Encyclopédie, Tom. VIII, pag. 420. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 133 provenues chacune de fon grain de bled? ou bien étoient-elles le produit d’un feul grain ? On ne pouvoit le favoir qu'en Le difléquant, & on n'en fit pas la diflection. La Gazette d'Agriculture offre divers faits de cette efpèce. Dans celle du 8 Juillet 1766, on lit, à l’article de Quimper, qu'un grain de feigle, tombé par hafard dans un jardin, produifitune feule tige qui portoit foixante- trois tuyaux, dont les épis avoient fix pouces de long ; qu'un autre grain, également de feigle , donna foixante-quinze tuyaux; qu'un grain de fro- ment en donna cent vingt ; & que d'une feule graine d'avoine provint une tige fur laquelle il y avoit vingt-deux tuyaux. Dans celle du 8 Août de la même année , on lit encore, à l’article de Poitiers, que deux grains de bled portèrent chacun foixante-neuf épis, dont les tuyaux montèrent à la hauteur de cinq pieds un pouce; & qu'un troifième grain de. froy ment en engendra deux mille neuf cents. Un grain de bled tomba, l'année dernière, dans le jardin d’un Particulier de Narbonne; il le cul- tiva avec foin jufqu’à la récolte : ce grain produifit cinquante-cinq tuyaux, chacun avec fon épi, & fept cents foixante-douze grains. [1 eft agréable d'annoncer de telles productions, qui font conçevoir l'efpoir d’avoir, dans les fuites, d’abondantes moiflons. On voit dans les Mémoires de l'Académie , que M. Dodart, qui avoit cru long-temps qu'un grain de froment ne pouvoit poufler qu'un feul tuyau, en avoit entre fes mains deux trochets, dont l’un contenoit plus de foixante tuyaux, & l’autre plus de cent; & que celui de qui il les tenoit s’en fervoit pour prouver qu'une liqueur, RH laquelle il avoit mis tremper les deux grains de bled d'où ces deux trochets éroient iflus ; augmentoit à l'infini la fécondité naturelle du froment. La raifon qu'il en donnoit, étroit que cette liqueur pouvoit, en humectant une graine unique, ouvrir les conduits du germe & le rendre propre à recevoir une lus grande abondance de sève. IL eft des Pays où, pour procurer [a multiplication des tuyaux fur un pied de froment , on fait brouter le fuperflu du verd par des beftiaux, afin de ne laifler à chaque pied de froment que la sève néceffaire pour bien nourrir l'épi principal, & faire végéter les épis latéraux. Virgile nous apprend qu'on pratiquoit, de fon temps, cette méthode : Luxuriem fegetum tener& depafcit in herba. AIR TIIIGALUE AV, Sur un des ufages des feuilles dans les Plantes & les Arbres. ‘ur Phyficieus conviennent tous de la néceflité des feuilles fur les plantes & les arbres; mais ils ne font pas encoxe bien d'accord fur leurs 134 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, différens ufages. Cette obfervation peut fervir à déterminer un de ces ufages. Ayant femé dans une bonne terre des graines du corona folis ou herbe au foleil , qui tient en quelque forte de la nature de la plante & de celle de l'arbre, elles germèrent toutes; on eut l'attention de retrancher des trois plantes qui en provinrent les feuilles à mefure qu’elles paroif- foient Le Îong de la tige : on en retrancha aufli Les branches, & oncon- tinua de faire ce retranchement jufqu'à ce que la fleur principale du mi- lieu , qui la terminoit, füt épanouie & bien formée, 11 étoit naturel de croire que ces trois plantes n'ayant aucune branche ni aucune feuille à nourtir , deviendroient plus grandes que celles nées en même temps dans le même terrein, auxquelles on avoit laiffé Les feuilles & les branches. Cependant Le contraire eft arrivé; les plantes qui en ont été dépouillées n'ont pas été fi bien formées; leurs tiges ont été moins hautes de deux pieds , leurs eurs beaucoup plus petites, & les femences qui leur fuccé- dèrent moins grofles. On ne fauroit attribuer eur état d’imperfeétion au défaut de nourriture, puifque, par le retranchement des feuilles & des branches, elles ont dû en recevoir une plus grande quantité. Il vient donc de la qualité de leux fuc nourricier, qui, n'ayant pas parcouru les vaifleaux des feuilles dont les plantes étoient privées, ni fuivi la route ordinaire de la circulation, a dû être moins bien élaboré, affiné, pré- paré, & conféquemment moins propre pour leur vésétation. On peut en inférer de-là, ce femble, qu'un des ufages des feuilles fur les plantes & les arbres , eft de perfectionner la sève &c leur fuc nourricier. ARCTIC ED ENT VUE Sur la différente couleur des Plantes de deux Terreins contigus prés du bord dela mer; & fur la découverte de l'exiftence de la Tarentule au voifinage de ces Terreins. O: voit communément que les plantes qui naiflent {ur les bords de la mer. ont une couleur blanchâtre, tandis que celles qu'on cultive dans l'intérieur des terres ont une couleur verte. J'ai obfervé néanmoins que les mêmes plantes, les frènes, les peupliers & les autres végétaux qui croiffent dans le terrein de Deume, appartenant à M. le Vicomte de Monteil, Colonel des Gardes-Suifles de Monfeigreur le Comte d'Artois, font verds, quoique ce terrein, qui métoit jedis qu'un étang, foit près de la mer. Cette diférence vient, fans doute, de ce que la falure de ce terrein eft tempérée par les eaux douces de Ja rivière de Berre qui l'ar- rofent continuellement : aufli eft-il à préfumer que les plantes qu'on y cultive donneroient des fels différens de ceux qu'elles produiroient, fi on les cultivoit près Les bords de la mer, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 13; Au voifinage du terrein de Deume, du port de la Nouvelle, & dans l'intérieur des terres du golfe de Narbonne, eft l'Ifle de Sainte - Lucie, où l’on découvrit une tarentule le 23 Juin 1776, veille d'une éclipfe de foleil. Ce jour-là, M. Adanfon, de l'Académie Royale des Sciences , herborifoit dans cette Ifle avec M. Calmertes, Maître en Chirurgie à Narbonne ; celui-ci ayant apperçu un infete qui fortoit la tête d’un trou de la terre, il appella M. Adanfonr , pour qu'il l'examinät. Cet Aca- démicien reconnut bien vite que cet infecte étoit une véritable tarentule ; il acheva de la tirer de fon nid avec une petite pincette. La defcription de la tarentule, donnée par M. Homberg dans les Mé- moires de l'Académie Royale des Sciences (1), convient parfairement bien à celle qui a été trouvée à Sainte-Lucie. Comme les araignées des autres efpèces , elle eft velue & garnie de poils: mais, par fon port & fa figure , elle approche de nos araignées domeftiques , avec certe diflérence néanmoins que ces dernières font plus foibles & moins robuftes dans toutes leurs parties. Son corps eft compofé de la tête & de la poitrine , qui font la partie antérieure, & du ventre, qui forme la partie poftérieure. Ces deux parties font unies par un petit anneau: Ja tête & la poitrine font couvertes d’une croûte noire , dure, écailleufe , & le ventre n’eft couvert que d’une peau fouple; le deflous du ventre eft noir, & bordé d'une bande roufsâtre : Le deflus eft grisâtre & racheté de noir & de blanc. Du bas de fon front partent deux branches ou cornes articulées, garnies de pointes fort dures aux deux bouts , qui fe joignent & qui font armées d'un ongle articulé & crochu : ces deux branches font une efpèce de ferre ou tenaille dont fe fert vraifemblablement cette araignée pour faifir fa proie. Elle a auli deux bras courts , articulés & terminés chacun de deux cro- chets. Ses jambes, articulées de même, font au nombre de huit; elles font adhérentes à la poirrine : chaque jambe a deux grands ongles cro- chus articulés. Notre tarentule a aufli huit yeux ; ils font jaunes, brillans & même étincelans : leur arrangement eft tel, que quatre font placés en quarré imparfait au milieu du front, & quatre en une ligne hori- zontale au-deflous des autres, bordant le bas du front, & immédiatement au-deflus de la racine des tenailles, dont il a été parlé. Les quatre yeux, placés en quarré imparfait , font doubles en groffeur des quatre rangés hori- zontalement. Les premiers font très-vilibles; mais il eft difficile de voir les autres fans Le fecours d’un verre. Jene poufferai pas plus loin ce détail ; la figure de fa tarentule (pl.2), ue je joins ici, la fera mieux connoître que tout ce que je pourrois en de Elle la fait voir foustrois afpeéts différens : en face, n°. 1 ; de profil, n°. 2; & renverfée, n°. 3. (1) Aonée 1707 , pag. 351. 126 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, On a cru long - temps qu'on ne trouvoit la tarentule qu'aux environs de Tarente, Ville de la Pouille, qui lui a donné fon nom, ainf qu'au golfe au fond duquel elle eft Située , dans une prefqu'ifle de la mer Adriatique. On la trouve aujourd’hui dans la Romanie, la Tofcane , la Lombardie , dans plufieurs autres endroits de l'Italie, dans l’Ifle de Corfe, en Andaloufie ; & l’obfervation que je viens de rapporter fait voir que cetre araignée exifte dans les Pays méridionaux de la France , dont la conftitution de l'air eft à-peu-près la même que celle du T'arentin. Mais eft-ce enrichir ces Pays, que de leur faire des préfens qui peu- vent être funeftes ? n’eft-ce pas plutôt les mettre dans le cas de regretter leur pauvreté ? On ne fauroit difconvenir qu'il ne peut être qu'avanta- geux à l'homme de conroître tous fes ennemis: alors il s’en défie avec plus de foin, ou les combat avec plus de fuccèc. On le fert également, en lui indiquant les moyens, foit de faire le bien, foit d'éviter le mal. Il ne peut pas exiger de la Phyfique plus que de la Morale. D'ailleurs , on commence à révoquer en doute les eflèts finguliers de la morfure de la tarentule , & ceux peut-être plus finguliers encore de la mufique & de la danfe pour la auérifon de cette bizarre maladie; & ileft à préfumer qu'on ne tardera pas à les mettre au rang des fables. Bientôt le T'arentilme, ou, fi l'on veut, le Tarentulifme, ne fera plus confidéré que comme une des fameufes chimères de l'Antiquité. DESCRIPTION De la Fontaine jailliffante du Geyfer en Iflande. Ox trouve, près une des réfidences Epifcopales d'Iflande, nommée Skallhalt , plus de cinquante fontaines bouillantes dans un efpace de moins d’une demi-lieue; quoiqu'elles paroiflent avoir toutes la même fource , l'eau qui en jaillit n'eft pas également pure : dans quelques-unes , elle eft claire & limpide; dans d’autres, elle eft trouble & blanche comme du lait. Il y a de ces fontaines où l’eau eft rouge comme du fang. Celle- ci pañle, fuivant toute apparence, fur des veines d’ocre maïtiale rouge , comme lobferve M. de T roil (1), célèbre Naturalifte Suédois , auquel on doit des Lettres hiftoriques fur l'Iflande, Ouvrage très-intéreflant, dont la Traduction Françoife paroîtra inceffamment. Toutes ces fontaines forment des jets d’eau; les uns jailliffent conti- (1) M. de Troil accompagna, en 1772, MM. Banks, Solander & Lind, dans leur voyage cn Jflande. nuellement, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 39 nuellement, les autres ne le font que par intervalles. Tel eft Le Geyfer, qi fixa l'attention de M. Troil , au point qu'il refta depuis fix heures lu matin jufqu'à fepe heures du foir , à confidérer les effets de certe fontaine. Le Geyfer eft la plus remarquable de ces fontaines, & fe trouve placée au milieu d'elles. Le jour où M. Troil s’y trouva, l’eau jaillit dix fois en cinq heures à la hauteur de foixante pieds. Vers Les quatre heures après- midi, un tremblement de terre fe fit fentir: il fut accompagné d’un bruit fouterrein femblable à celui que produiroient des coups de canon qui fe fuccéderoient. L'inftant d’après, la colonne d’eau de la fontaine du Geyfer s'éleva à quatre vingt-dix pieds de hauteur; puis elle fe divifa & prit diverfes directions. Les pierres que M. Troil & fes Compagnons de voyage jettoient dans l'ouverture de cette fontaine , étoient reportéesen l'air par Le jet d’eau. L'eau de la fontaine du Geyfer fort de terre par une ouverture qui s’y eft faite ; elle a la forme d'une grande coupe, dont le diamètreeft de cinquante- fix pieds, & la hauteur de neuf pieds, à partir du fol. C'eft au milieu de cette coupe qu'eft un canal dont le diamètre de l'ouverture elt de dix- neuf pieds (1). Quant à fa profondeur, on ne la connoît point: c’eft de ce canal que fort la gerbe du chaude, qui s'élève quelquefois à quatre- vinot- dix pieds. Cette colonne d’eau cft ceinte à la bafe#par un nuage ondulant , formé par cette eau vaporifiée. M. Troil dit que l’eau de ces fontaines jailliffantes d’Iflande eft plus ou moins chaude ; qu'il ft cuire , dans l'efpace de dix minutes , un gros morceau de mouton , quelques truires faumonées, & des beccaflines dans Veau d’une fontaine qui jaillifloit de dix-huit à vinoc - quatre pieds de hauteur fur un diamètre de fix à huit pieds ; que ces viandes v furent aflez cuites pour y tomber en morceaux, & qu'elles ne contractèrent aucun mauvais goût. (1) M. Troil rapporte que les Iflandois font très-fuperftitieux , & qu'ils croient que cette ouverture eft l'entrée de l'Enfer. Il dit qu'aucun Iflandois ne pañfe devant fans y cracher, en prononçant ces mots : Ti Fundens mund , dans la gueule du Diable. Tome XVII, Part. I, 1781. FÉVRIER. S 138 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, HUILE D'ONOPORDON ov DE PÉDANE: Par M. DURANDE. O UTRE les propriétés communes à toutes les plantes, celles d'embellir la furface du globe, de la fertilifer, de rendre l'air plus falubre, &cc., il eft peu de végétaux auxquels la Nature n’ait accordé quelque vertu qui le rende digne de notre attention & de notre étude. Parmi les plantes, les chardons font dédaignés trop généralement. Doit - on croire que la Nature les ait inutilement armés d’épines qui les garantiflent de la dent meurtrière des animaux, & que ce foic unique- ment pour multiplier ces êtres incommodes qu'elle a couronné leurs fe- mences d’aigrettes qui favorifent leur difperfion? S'il £ trouve un tas d'argile, où , depuis long-temps, aucun être n'ait végété, & que le vent y porte les femences de chardon, ces plantes ger- ment, attirent l'humidité de l'air, humectent la terre par leurs racines, ouffent avec force, fourniffent de ombre à d'autres végétaux plus délicats qu'elles défendent par leurs épines. Outre ces propriétés générales, l’analogie nous porte à en chercher dans les chardons, qui tiennent à la clafle des compofés dont prefque tous les individus fourniflent des remèdes falutaires , & dont à peine deux ou trois font fufpects. On fait que généralement ces plantes font apéri- tives, échauffantes , dépuratives; qu'elles font recommandées contre les obftrudions, les maladies de la peau. On fait encore qu'un grand nombre de végétaux de cette claffe fourniffent une nourriture lépère , apéritive, un peu échauffante , comme l'artichaud , qui ne differe effentiellement du chardon, qu'en ce que fes écailles font charnues & fon réceptacle plus nourri. La plante dont je veux parler eft connue fous le nom d'onopordon, acanthium, Li Carduus t‘mentofus, acanthi folio vulgaris, T.Pédane à feuilles d’acanthe. é Le pédane s'élève à deux ou trois pieds & plus: fa tige, rameufe dès la bafe, eft aîlée; les feuilles plus étroites à leur infertion , plus larges à leur extrémité, font grandes, ovales, oblongues, lancéolées, fefiles, finuées, anguleufes ; les angles font terminés ordinairement par une & quelquefois par deux épines vigoureufes. Les feuilles , courant fur la tige & fur les branches, forment des aîles pareillement finuées & épineufes . qui fe prolongent jufqu'aux calices. Ceux - ci font écailleux, les écailles écartées & terminées par une épine forte: le réceptacle eft nud, charnu, percé d'une infinité de petites foffettes ou alvéoles pour recevoir les graines. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 1239 Les fleurons font de couleur pourpre, lesfemences quadrangulaires , fur- montées d'une aigrette très-caduque ; les têtes formées par ces fleurs fonc grofles & courtes , caractère propre aux cinarocéphales. Toute la plante ell couverte d’un duvet blanchâtre. Elle fe trouve fur le bord des chemins, dans les terres inculres ; elle Aeurit en Juillet, & ne vit que deux ans. La racine, un peu charnue , fe mange dans quelques endroits de l’Italie. On mange également les têres & les jeunes poufles dans le Nord. Toute la PTE fert de nourriture à différens animaux : à l'âne , d’où lui vient fa dénomination (1) ; au papillon qu'on nomme belle-dame, & qui fe dif- tingue par la variété des couleurs qui embelliffent fes aîles. Le fuc exprimé du pédane eft regardé comme vulnéraire , déterfif. On l'a recommandé intérieurement dans les gonorrhées commençantes , exté- rieurement contre le cancer des lèvres : les graines ont été vantées comme anti-épileptiques. Cette vertu eft peu couftatée : mais oneft porté à croire que la Nature leur afligna quelque propriété effentielle, lorfqu'on confidère la manière dont elle les a dfpolécs Les femences , amincies à leur extrémité inférieure, font fixées cir- culairement dans les petites cellules d’un réceptacle charnu. Elles onc à leur extrémité fupérieure quatre angles inégaux. Celui qui eft dirigé vers le centre eft plus aïgu : les deux latéraux font plus obtus; & ces femiences font tellement rapprochées, que quoiqu'aflez grofles, on en compte plus de trois cents fur une tête dont Le diamètre eft à peine de douxe à treize lignes. Ces chardons fe trouvent par-tout , & leurs têces font nombreufes, füur-tout dans les bonnes terres. J'en ai compté jufqu’à cent trente fur un feul pied, d'où l’on voit combien il devient intéreflant d’affurer Putilité de ces graines ; & l'huile que j'en ai retirée me paroît mériter quelqu'at- tention. Après avoir ramaflé, en automne , les têtes de Patte il faut les laïfer fécher; & dès-lors, en les battant, on en détache aifémenc les graines, Vingt- deux livres de ces têtes ont fourni douze livres de fe- mences. | L'enveloppe de ces graines eft fi dure, qu'on n'a pu parvenir à en re- tirer l’huile à froid avec Les plaques dont on fe fert pour l'huile d'amandes; mais au moyen de la prefle d'un huilier, ‘ces douze livres de femences ont fourni trois livres d'huile. Ainfi, une mefure de ces graines, qui, füivant les années, peferoit trente- fix à quarante livres, fourniroit deux pintes , un chevau, eu deux pintes & demie d'huile; ce qui équivaut au pro- duit du chanvre dans les bonnes années. Pour s'affurer des propriétés de certe huile, il convenoit de [a comparer avec plufieurs autres. É (1) Os, af£aus. Nudn, crepitus ventris. Tome XVII, Part.I 17981. FÉVRIER, S b 140 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Le thermomètre de Réaumur étant à deux degrés au-deffus de 0, Fatéomèrre s'eft enfoncé à dix-huit degrés dans l'huile de lin, à dix-neuf dans celle de pédane, à vingt dans celle de chanvre, à vingt-un dans celle de navette, & à vingt-deux dans celle d'olive: ainf l'huile de pédane eft la plus pefante, après celle de lin. Ë Ces mêmes huiles ayant été expofées à l'air pour être figées, celle d'olive s’eft figée entièrement, lorfque le thermomètre étoit à deux degrés &t demi au-deflus de o. Celle de navette a commencé à fe figer à un degré au-deflus de o: elle étoit entièrement figée le lendemain , où le thermomètre éroit à trois degrés au-deflous de o. Les autres huiles n'ont pu fe figer pendant l'hiver , quoique le thermo- mètre foit defcendu au-delà de fix degrés au-deffous de o: elles s'étoient feulement un peu épaiflies ; elles ont été enfuite tenues dans la glace ar- tificielle pendant plus de quatre heures , le thermomètre étant à quinze degrés au - deffous de o. L'huile de pédane a encore été mife dans un vale féparé avec de la nouvelle glace faétice, où le thermomètre eft defcendu jufqu'à vingt degrés , & sy eft maintenu pendant plus d'une heure ; cette huile a confervé fa fluidité, excepté fur les bords de la capfule , eù elle a paru un peu figée. Ea pefanteur de l'huile de pédane , la difficulté de lui faire perdre fa Auidité, portent à croire qu'elle ne doit fervir que pour les ufages éco- nomiques. Deux onces deux gros d’huile de pédane , mifes dans unelampe, y ontbrülé pendant près de douze heures avec une mèche de huit fils de coton. Même quantité Fuite dechenevis a brûlé pendant onze heures & quelques minutes. Même quantité d'huile de navette a brûlé pendant dix heures & demie, Même quantité d'huile d'olive a brülé , à quelques minutes près, autant que la navette. Enfin , la même quantité d'huile de lin a brûlé pendant huit heures. Les Aammes que donnoient ces huiles étoient affez femblables; & comme les mêches ont été les mêmes, l'huile de pédane femble mériter d'être préférée. Cependant la terre ef par-tout hériffée de pédanes, dont on laiffe perdre les graines. [ls croiffent dans Le fol Le plus ingrat: c’eft un moyen d'en tirer parti. Ils multiplient beaucoup dans les terres fertiles ; & l’on peur préfumer qu'elles ne les épuiferoient point, & qu’il y auroit de l'avantage de les cul- tiver, La culture d'une plante aufi peu délicate fera , fans doute ; peu pé- xible , & doit aifément dédommager le Cultivateur. $ Li SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 1a4t SUITE DES EXTRAITS DU PORTEFEUILLE DE M. L'ABBÉ DICQUEMARE. Ge 9 LA PELLICULE ANIMÉE., S 1 l'on s’eft trompé de bonne foi en regardant comme vrais zoophytes des animaux qui avoient une forme peu différente de celle des plantes, cette erreur ne peut fe foutenir long-temps, & n'aura fervi qu'à mettre la vérité dans tout fon jour: mais il en eft une autre qui tient davantage; elle a pour objet ceux des corps naturels animés, qui ont une forme fi eu caractérifée ou fi peu fymmétrique , qu'on ne peut aifément la dé- finir. Lorfque ces animaux font aflez petits, comme ceux de certaines liqueurs , pour ne pouvoir être vus qu'avec le fecours des lentilles, on leur donne des noms qui indiquent qu'on ne les regarde pas comme de vrais animaux ; cependant , de proche en proche , l’analogie nous conduit à penfer que c'en font. Je ne me borne pas à ceux qu'on voit avec les lentilles; le microfcope folaire nous en fait appercevoir, fur-tout dans l'eau de la mer, d'infiniment plus petits, & une quantité fi prodigieufe , w’elle peint l'immenfité. Quoiqu'ils ne nous préfentent fouvent que des fines trop peu diftinétes, trop peu décidées, ou des contours indécis, noyés, pour ainfi dire, par Les réfractions, les illufions d'optique & des manœuvres bornées, je ne puis me refufer à croire que fi nous avions des microfcopes plus Na nous reconnoîtrions évidemment ce que nous ne pouvons que foupçonner , & que la plupart des fyftèmes, que l’obf- curité & la ténuité des objets favorifent, s'évanouiroient. Lorfqu'il n'eft plus poñfible de faire un pas en avant, on peut employer utilement fon temps, & tirer avantage de fa pofition, en regardant autour de foi, en obfervant , avec une plus grande attention, les objets qui font à fa portée. La mer eft infiniment plus admirable par fa fécondité, & Faut dans fes productions animales , qu’elle ne left par fon étendue, fa profondeur, fes mouvemens. Ce feroit une entreprife bien vaine que de tenter de faire connoître toutes ces productions, même animales. J'ai laiflé pañler une uantité confdérable d’infeétes marins’ fans les décrire & fans les duffñer, j'ai choifi, pour mes obfervations, ceux qui pouvoient fervir à nous éclairer par quelques-unes de leurs propriétés, leur forme, leur ma- nière d'être, &ec. Ici, c’eft feulement de la forme extérieure dont nous 142 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tirerons quelqu'avantage, celui de nous perfuader que, prefque fans ca= ractère , elle voile un animal qu'on ne pourroit méconnoître, à moins qu'il ne füt d’une petitefle extrême. Celui que je nomme pellicule animée , va donc nous fervir d'exemple. Voyez la figure 4, pl.2, qui le repréfente de grandeur naturelle, & retiré fur lui-même : il n'a guère d'autre air ue celui d'une pellicule; quelquefois il refflemble un peu à une graine do dans fes membranes. Quand il fe met en marche, il prend un peu de l'air d'une limace: mais fes mouvemens font beaucoup plus vifs ; & il eft fi mince, qu'il ne peut lui être comparé à cet égard. Voyez la figure ç. Dans la fioure 6, il eft agrandi; on apperçoit des points noirs fur le deflus de fa partie antérieure : ce font peut -être quelques organes extérieurs de l'animal. On remarque de plus un centre compofé de vif- cères, d’où partent des canaux tendant à la circonférence, comme les nervures d’une feuille, & qui rendent tout l'intérieur vafculeux : le deffous eft uni. On ne remarque aucune partie par laquelle il puiffe fe nourrir : mais ce que l’on voit de fon orvanifation ne permet pas de douter qu'il ne le faffe ; je crois que fes digeftions fe font par le ventre. Si l'animal étoir plus petit ou aufii lent qu'il eft vif, on ne manqueroit pas de Le reléguer dans une claffe obfcure & équivoque : mais’ il femble s'être montré pour nous prouver que la forme ne doit point nous féduire. En effet, il eft très-vif, fe glifle contre les parois d'un vafe avec un mouvement quel- quefois fi doux, qu'il reffemble à une goutte d'huile extravafés qui coule. On le voit changer de lieu avec vitefle , fans s’appercevoir comment cela s'opère; c’elt, je crois, à la manière des limaces. L'animal qui eft très- mince, fe donne dans l’eau des mouvemens violens, qui marquent une grande force, jufqu'à ce qu'il ait rencontré quelque corps contre lequel il puifle ‘attacher: fa plus grande étendue eft d’un pouce: je l'ai rouvé fur un grouppe de cœurs unis, RAPPORT SUR L'OPÉRATION DU DÉPART, Extrait des Regiftres de l’Académie Royale des Sciences , du 22 Décembre 1780 (1). Pivsurs Chymiftes modernes, d’une réputation bien méritée, & en particulier MM, Brandt, Schæffer & Bergman, ayant avancé que (1) MM. de la Claffe de Chymie ayant fait à l’Académie le Rapport fuivant, fur une queftion relative aux effais d’or, l'Académie a approuvé leur rapport; & attendu l'importance dont il étoit d’éclaiter le Public fur cet objer., & de raflurer promptement le Commerce , a arrêté que ce Rapport feroit imprimé féparément, & envoyé aux différens Ouvrages périodiques. SURL'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. 143 l'acide nitreux, quoique très-pur , pouvoit difloudre une certaine quantité d'or, & ceteffet paroiffant devoir influer fur la sûreté de l’importante opé- ration du Départ, l’Adminiftration, qui en a été inftruite, a envoyé à l'Académie plufieurs queftions relatives à cette opération, fur lefquelles elle lui a demandé fa révonfe. En conféquence, l'Académie a chargé la Claffe de Chymie de s’occu- per de cer objet, & de faire toutes les expériences convenables pour la mettre en état de répondre d’une manière précile aux queftions qui lui ont été faites. Pour remplir les vues de l’Académie , nous nous fommes réunis & nous avons fait en commun une orande fuite d'expériences avec tout le foin dont nous fommes capables. , Nous rendrions compte dès-à-préfent , ou du moins d'ici à fort peu de temps, du détail de tout ce travail, fi nous n'avions confidéré que la partie la plus étendue & la plus difficile de nos expériences n'intérefloit point directement l'opération du départ, & qu'il feroit plus fimple & plus clair de ne faire mention dans un premier rapport, que de celles de nos recherches qui nous ont mis en état de prononcer avec sûreté fur la pratiqué de cette opération, Nous nous renfermons donc uniquement aujourd'hui dans ce dernier objet. Le départ confifte à féparer, avec toute l'exactitude dont la Phyfique eft fufceptible , l'or & l'argent alliés enfemble; & eft fondé fur la propriété qu'a l'acide nitreux de difloudre parfaitement l'argent, & de ne point dif- foudre l'or. Nous fappofons que l'on connoît toutes les manipulations ufitées pour le départ par l’eau-forte, c’eft le feul dont nous devions nous occuper ; nous ferons feulement obferver ici que le départ fe fair, foit en grand , pour féparer des mafles confidérables d’or & d'argent alliés enfemble , foit en petit & par eflai, pour déterminer fur une petite quantité prife d’un lingot allié, la proportion des deux métaux contenus dans ce lingot , & par con- féquenc Le titre de l'or; & c’eft uniquement de ce départ d'effai dont nous parlerons , parce qu'il eft Le feul qui puiffe intéreffer le Public , l'Adminiftra- tion & le Commerce en général. Il s’'agifloit donc de déterminer fi la découverte , publiée par les Chy- miftes que nous avons cités , pouvoit influer fur la pratique ufitée dans e départ d'effai , & répandre de l'incertitude fur le réfultat de cette opération effentielle. Pour y parvenir, nous avons fait un grand nombre de fois l’opération du départ, en nous fervant d’acide nitreux très-pur, à l’action duquel nous foumettions un alliage d’or & d'argent , que nous avions fait nous- mêmes dans les proportions convenables, & à l'égard duquel nous con- noiflions par conféquent la quantité d’or pur qui y étoit contenu. Après 144 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, chacune de ces opérations, faites très-révulièrement fuivant la pratique ordinaire, mous avons toujours retrouvé très-jufte la quantité d'or em- ployée. . . Len a été de même dans les opérations de départ , dans lefquelles nous nousfommes fervis d'acide nitreux plus concentré que pour les opérations ordinaires. Cet acide donnojt jufqu'à 46 degrés au pèfe-liqueur de M. Baumé : nous l'avons fait bouillir pur fur l'or , dans la reprife , plus long- temps qu'il neft d'ufage; & jamais, dans aucune de ces opérations, nous n'avons eu la moindre diminution fur le poids de l'or qui nous étoit connu. : Enfin, dans une autre fuite d'expériences, nous avons fait bouillir de l'or tout feul & très-pur, réduit en lames fort minces, dans de l'acide nitreux à 46 degrés, pendant -un temps beaucoup plus long qu'il n'eft néceffaire ni d'ufage pour le départ, en nous fervant pour cela de matras ou de cucurbites, comme à l'ordinaire, & nous n'avons pas obfervé la moindre diminution feufible fur l'or dans aucune de ces expériences. Nous ne prétendons pas conclure de ces faits, que dans aucun cas l'acide nitreux, même le plus-pur , ne puifle faire éprouver à l'or quelque très-foible décher. Au contraire, lorfque nous rendrons compte du détail de nos experiences , nous en rapporterons plufeurs dont il réfulte que l'acide nitreux le plus pur fe charge de quelques particules d'or; mais nous pouvons aflurer , dès-à-préfent, que les circonftances néceflaires à la pro- duction de cet effet font abfolumenr étrangères au départ d’eflai; que dans ce dernier , lorfqu’on le pratique fuivant Les règles & l’ufage reçu, il ne peut jamais y avoir le moindre déchet fur l'or; qu'enfin cette opération doit être regardé: comme portée à fa perfection ; qu'il n’y a rien à craindre en la faifant comme on l’a toujours faite jufqu'à préfent ; & qu'au contraire il pourroit y avoir de très-grands inconvéniens, fi on vouloit y faire la moindre innovation. Fait à l’Académie , au Louvre , le 22 Décembre 1780.Signés MACQUER, CADET, LAVoIrsrER, BAUMÉ, CORNETTE, BERTHOLLET. Je certifie le préfent Extrait conforme a l'Original &, à la Délibération de l’Académie, ce 2$ Décembre 1780. Signé Le Marquis pe Conporeer, Secrétaire Perpétuel. SR MÉMOIRE SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 145 MEMOIRE Sur une fubflance nouvelle trouvée dans les Urines, & fur la différence qu'il y a entre les divers acides phofphoriques; Par M. PROUST , ancien Profeffleur de Clymie, G de la Société Royale de Bifcaye. 1 ES acides phofphoriques , que l'on retire des urines, des os(1) & du deliquium du pholphore, préfentent des différences fi marquées, que l'on a jufqu'ici douté fi l’on devoit les regarder comme autant d'acides par- ticuliers , ou fi l'on devoit les rapporter tous à un feul. Je me propofe, dans ce Mémoire , d’éclaircir les Mes ce iujet, en démontrant qué certe diverfité apparente n'eft que l’effec des combinaifons variées , où un feul & même of fe trouve engagé. Si, pour conftater Les attractions de l'acide vitriolique, on employoit les vitriols ou la félénite , chacun fent combien feroient taufles les confé- de que l'on tireroit des réfultats, puifque les bafes entreroient néce{= airement , pour leur part, dans les effets. Telle a cependant été, jufqu'à ce jour , la manière de raifonner fur l'acide, qui fert de bafe au fel fufble natif ou microcofmique des urines. On la regardé comme un acide très-pur, très fimple ; en un mot,comme l'acide. phofphorique par excellence. Il faut avouer que l'état dars lequef il perfifte opiniatrément après les purifications que l'on a cru les plus parfaites, étoit bien capable d'en impofer. Mais enfin , des SXPÉR RES nouvelles ont décelé l’errreur; & fur l’expofé que je vais en faire, on né pourra s’empêcher de convenir que tout eft à recommencer, pour reconnoître & fixer les attractions du véritable acide phofphotique. Les Savans verront, fans doute avec plaifir, une nouvelle carrière ouverte à leurs recherches; mais fi, pour y entrer, il faut d'abord fe procu er foi-même cet acide , je ne> diflimulerai pas que c’eft au milieu d'un océan d'infection & de mauvaife odeur. Ces premiers obitacles font bien ca- pables de refroidir la curiofité; & j'avoue qu'il ny a qu'une longue fan i- liarité qui puifle les faire furmonter, ou un extrême defir de connoître (1) Homo virrum ef & ie virum redigi poreft, fimul € omnia animalia, dispharum snicum vitrorum nobili{fimum fufile , & fui generis colore téntum. Beccher , Phyfic. fub- Iétranea, pag 67. Tome XVII, Part, L 1781, FÉVRIER. T « 146 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, une fubftance que M. Pott décoroit du nomde vrai bijou parmi Les produits chymiques. Les végétaux & Îes animaux n'ont pas feuls le privilège de produire Facide phofphorique , fi l'on en croit une Annonce, qu'il eft à defirer de voir confirmer , & nous n’aurons plus à accufer la Nature de l'avoir produit avec tant d'économie. M. Stolcenftroom , Directeur-Général des Forges de fer de Sa Majefté le Roi de Suède, Difciple de M. Bergman, & que j'ai eu Favantage de connoître en Efpagne, a écrit dernièrement à M. de Lapeiroufe , favant Na- turalifte , réfidant à Touloufe , qu'on avoit trouvé l'acide phofphorique dans des mines (1) de plomb blanches; & que ces mines, traitées avec la poudre de charbon , donnoient du phofphore. Ce dernier m'en apprit la nouvelle dans une entrevue que j'eus l'honneur d’avoir avec lui à monpaf fage dans cette Ville au mois de Juillet dernier. L’acide phofphorique , indépendamment de l’alkali volatil qui le fature dans le fel natif, eft encore uni à une fubftance particulière , unique de fon efpèce , & jufqu'ici à peine foupçonnée. Il eft étonnant que le Docteur Schloffer (2) & M. Maroraff ne l’aient point apperçu dans le grand nombre de recherches qu'ils ont faites, l'un & l'autre, fur cet acide, bafe du fel natif: cependant la petite quantité de phofphore qu’il donne auroit dû es y conduire. Cette fub/fance particulière accompagne conftamment l'acide phofphorique du fel natif; elle le fature , le neutralife & lui enlève tous les carattères dont il eft revêtu, quand il jouit de fa fimplicité. Elle fe retrouve encore dans le fel fufble à bafe de natrum , qui fuccède or- dinairement au fel natif dans les cryftallifations de l’urine; elle eft unie à la bafe de ce fel, mais fans le concours de acide phofphorique. Son apparition dans les urines n’eft point accidentelle, comme il arrive à quel- ques fels, que la putréfaction produit, & qui ne fe montrent pas dans l'urine fraîche ; je l'ai touiours vue au contraire dans l’une & dans l’autre. Ainfi que l'acide phofphorique, elle ne fe montre point formellement (x) La Nature crée indiftinétement & journellement les acides fimples dans les trois règnes. L’acide phofphorique eft un acide parfaitement fimple; pourquoi feroit-il plus furprenant de wouver cet acide dans le règne minéral, qu'il ne left aujourd’hui de voir l’acide vitriolique fe former au fein des corps organifés ? Le foufre, qui fembloit appartenir qu'au degré minéral, ne fe forme-t- il pas dans les végétaux? L’acide nitreux , que nous avons long-temps cru originaire des putréfa@tions, ne fe reproduit-il pas annuellement dans des rerreins où Pon n’apperçoit aucune trace des corps orga- nilés? Le gypfe, donr il y à des montagnes entières, n’eft-il pas tout formé dans les animaux , puifqu'il y en a dont les os én contiennent la moiticfde leur poids? La terre du fer n'eft-elle pas également une production des végéraux, des animaux & des mi- néraux ? Enfin, n'’eft-il pas démontré que l’acide marin, dont la mer & les mines de {el gemme fembloient être les magafns exclufifs, fert de minéralifareur au mercure &c à l'argent? (2) Journal de Phyfique, SuPPLÉMENT, Tome XIII, page 204. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. x4# dans les humeurs du corps humain ; du moins n'ai-je jamais rien apperçu defemblable dans celles que j'ai eu occafion d'examiner: comme lui, e'le eft entraînée par Les urines (1), fans doute après avoir rempli, de même que les autres fels animaux, des fonctions aflignées; fonctions fur lef- quelles il faut avouer que notre ignorance eft complette, Cette /ub/fance, en un mot, eftun produit journalier de l'animalifation, occupe fon rang parmi les êtres que nous préfente l’analyfe animale, & elt caractérifée par des attractions propres, qui lui aflignent une place entre les corps fimples. Perfuadé que le verre, bafe du fel natif, éroit un acide libre, qui par conféquent ne devoit point céder en puiflance attractive aux Jde connus, jétois furpris de ne le pas voir doué d’une faveur plus marquée ; il me paroifloit, en cela, déroger à une loi générale & conftante dans la Nature : favoir qu'un être fimple, & jouiflant de toute fa falinité (2), ait aulli la faveur pour figne ou expofant de cette même falinité, & l'expé- rience m'a démontré que cet acide fourniffoit une nouvelle preuve à la gé- néralité de cette loi. Je fuis obligé de fuppofer le Lecteur inftruit des propriétés de l'acide, bafe du fel natif: faure de quoi , il peut recourir aux Diflertations de MM. Port & Margraff, & aux articles Pho/phore & Sel natif du nouveau Diction- naire de M. Macquer. On met dans une cornue de verre lutée une once de cet acide mé- lée avec demi - once de poudre de charbon très-sèche ; on place la cornue dans un fourneau de réverbère proportionné à fon volume, & on l’en- vironne de charbons ardens. Si la grille du fourneau eft bien percée & le dôme furmonté d’un pied de tuyau, le phofphore paroît au bout d'un quart d'heure; on entretient le feu dans fon état un quatt d'heure de plus, & le phofphore fe trouve pañlé à la dofe d'un gros, & très- fouvent beaucoup moins, par des raifons que nous déduirons bientôt. Cette dofe de charbon eft de beaucoup trop grande : mais elle a l'avan- tage de préfenter à l'acide phofphorique un contact néceffaire ; & de plus, elle s'oppofe à ce que la matière, qui refte au fond de la cornue, ne fe réunifle par la fufion & ne la diflolve. ; Le phofphore eft précédé par une affez grande quantité d'acide phof- horique volatil, que l'union du phlogiftique réduit en un gas, qui eft a l'acide phofphorique ce que l'acide fulfureux eft à l'acide vitriolique. Il (1) S'il eft vrai, comme il y a lieu de le penfer , quelles fels furabondans fe déchargent par la voie des urines, pourquoi les animaux , dont les os contiennent le plus d’acide phofphorique, n’en donnent ils point dans leurs urines ? (2) Je prends le terme de finit pour fynonyme de caufticiré, puiffance atrrathive ; il ne faut pas confondre la faliniré avec la folubilité , comme il ne faut pas confondre la caufe avec l'effet. Tome XVII, Part. 1,1781. FÉVRIER. 472 - 148 : OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pañle enfuite de l'hépar-phofphorique volatil , qui fe décompofe au cori- tad de l'air, & couvre l’eau d'une pellicule de phofphore. D'où vient Valkali volatil propre à former cet hépar ? j'en parlerai dans un autre temps. Après une évaporation ménagée, l'eau du récipient donne de l'acide phofphorique aflez pur. Boyle l'a obfervé le premier, comme on peut vois dans fon Traité de Noëtiluca, mais fans le reconnoître. MM. Margraff, Rouelle &c l'Auteur de l’article Phofphore de l'Ency- clopédie , n’ont jamais obtenu au-delà d’un gros de phofphore par once d'acide, bafe du {el natif, Ilen faut néceffairement conclure que cet acide contient quelque fubftance qui n’elt point attirée par le phlogiftique. Exami- nons Le réfidu, Le réidu de la cornue, leffivé à l'eau diftillée , laiffe la poudre de char- bon fur le filere, & la leflive évaporée à l'air libre donne des cryftaux parallélogranmes d'un pouce de longueur, couchés horizontalement les uns fur les autres, & fe croifant entreux. La quantité de ces cryftaux va depuis cinq jufqu'à fix gros par once, & celle du phofphore eft toujours en plus, lorque Les cryftaux font en moins. Sur ce fimple expofé , le Leéteur fent déjà que les cryftaux faturent Facide phofphorique. Je me fais un devoir d'annoncer que M. Port les a vus avant moi; il en parle nommément aux pages 59 & 60 de fon Mémoire fur le Sel natif: mais il les a regardés comme une terre /èle- nitique, qui devoit fa fuñbilité à l'union d’une matière faline. Subjugué par des erreurs tranfinifes d'âge en âge fur la nature des fels, M. Port éroit fort éloigné de croire qu'une fubftance ainfi douée de faveur & de. folubilité fût un être pur & fimple , qui jouit de ces propriétés fans les devoir à un principe falin. L'analyfe animale nous offrant l'acide phofphorique engagé fous di- verfes combinaifons , il étoit naturel de rechercher fi cette /ub/fance l'ac- compagnoit dans ces mêmes combinaifons. Les urines donnent, après le fel natif, un fel que feu M. Rouelle le jeune nomma /t/ fufible à bafe de natrum, parce qu'il reconnut le premier qu'il avoit le natrum pour bafe: mais il croyoit alors que ce natrum étoit faturé par l'acide phof- phorique ; & les expériences par lefquelles il le voyoit indiqué, étoient bien 4 nature à lui en faire tirer la conféquence, comme on peut voir dans l'examen qu'il en fit, Journal de Médecine, Juillet 1776. Feu M. Rouelle avoit eu occafon de réfléchir, bien fong-temps avant moi, fur le peu de phofphore que donne l'acide fufñble : aufli m'avoir- il fait part, de vive voix, des doutes qu'il avoit formés fur fa pureté. Ayant pareillement remarqué que le fel fufible à bafe de natrum ne don- noir point de phofphore avec la poudre de charbon, il fut le premier À m'engager dans eette recherche, Ce que je publie aujourd'hui n'eft donc . SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ï49 que lecommencement d’un travail tracé par le Maître à un Difciple qu’il chérifloit , & qui le pleure aujourd'hui. Ma première curiofité fut de rechercher cette /ub/fance dans le fel fufble à bafe de natrum; & l'expérience me fit découvrir que ce fel étoit faturé par notre fubflance, même fans le concours de l'acide phofphorique. Voilà donc les combinaifons fous lefquelles cet acide fe montre dans Yanalyfe animale , réduites, à deux, le fel natif & le fel phofphorique ojfeux (1). Le fel fuñble à bafe de natrum ne donne point de phofphore avec la poudre de charbon. Je renvoie Le Lecteur, pour fes autres propriétés, à ce qu'en ont écrit M. Margraff, M. Haupt qui l'avoit appellé fal mi- rabile per latum | & feu M. Rouelle, dans fon Examen ‘des Sels de l'Urine. Journal déjà cité. Les acides minéraux paroiffent n’avoir ancune action fur le fel fufible à bafe de natrum. Il n'en faut cependant pas conclure négativement : la pratique de la Chymie offre tous les jours de ces expériences muettes contre lefquelles on doit être en garde , fur tout , quand tel corps que l’on veut dégager de combinaifon, eft de nature à fe réunir au milieu dans lequel fe pafle la fcène de fon expulfion. ; J'elle eft aufi notre fubffance, qui, lors de: fon dégagement par les acides , refte en diflolution dans la liqueur. La décompofition du borax par les acides en fournit encore un exemple. Si l’on mêle des acides vitrioliques, nitreux, marins, & même le vinaigre diftillé à une folution de fel fufble à bafe de natrum, on retire, après les opérations & le re- froidiffement , du fel de Glauber, du nitre cubique, se felmarin &,de la terre foliée à bafe de natrum. On épuife tous ces fels par des évapo- rations réitérées ; on finit par avoir une eau- mère, qui refufe de donner fes dernières portions de fels neutres, Je ne parlerai point des moyens par lefquels on peur enlever ces dernières portians ; parce que jy revien- drai dans un autre temps ; je me borne, pour le préfent, à l’eau - mère que l'ont obtient par le mêlange du vinaigre diftillé: On verfe cette der- nière eau- mère dans huit ou dix fois fon volume d’efprit -de- vin chaud ; on fecoue fortement ; les Sets Porn de terre foliée fe dif- folvent, & notre fubffance fe raffemble au fond en magma fec. Après avoir lavé ce magma dans de nouvel efprit-de-vin chaud, on le diflour dans de l’eau diftillée, & onen retire, par l'évaporation à l'air libre, des cryftaux femblables à ceux que nous avonsditavoir retirés du réfidu du phofphore. —. (r) On votidroit peut-être ajouter fa terre dépofée des urines; mais elle n’eft elle- même que la terre offeufe, avec certe différence néanmoins qu'elle contient l'acide phefhgrique en plus grande quantité, puifqu'elle peut fondre à la flamme d'une ougie. ‘ 150 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Je vais expofer leurs propriétés générales , fans, dorénavant, citer leur origine , parce que j'ai reconnu qu'ils font toujours les mêmes , foit qu'on les retire du fel fufñble à bafe de natrum, ou de l'acide, bafe du fel natif. Je garde les détails pour le temps où j'aurai terminé ce que j'ai com- mencé dans ce genre, Ces cryftaux ont beaucoup de propriétés communes avec le fei fédatif; j'ai cru en conféquence devoir les comparer quelquefois, afin de les faire mieux connoître. Une once d'eau peut diffoudre à chaud jufqu’à cinq gros de ces cryftaux ; ils ont une faveur très-légèrement alkaline: leur folution verdit le fyrop de violette. Ces cryftaux n’attirent point l'humidité, s’effleuriffent & tombent en pouf- fière : l’efprit-de-vin n’en diflout rien. Mis au feu dans un creufer de Heffe , ils fe bourfouflent légèrement, perdent leur eau de cryftallifation, rougilfent & fe fondent enfuire un peu plus difficilement que le fel fédatit : leur fufion eft tranfparente, tandis qu’elle refte rouge. Cette matière n’exhale aucune fumée, même avec la poudre de charbon; coulée fur une plaque, elle n'a rien de pâteux ni de filant, & elle devient opaque eh fe refroidiffant. Si elle demeure trop long-temps dans le creufer, elle en diffout une partie, perd de fa folubilité dans l'eau, en raifon de la quantité qu'elle en diffout. Si, pendant fa fufñon, on en verfe à travers des charbons, & qu’elle foit enlevée par des torrens de flamme, elle les colore en verd; pro- priété qui lui eft commune’avec le cuivre, l'acide marin, Le fel fédatif 8e la terre fedlitienhe. Tenue en fuñon avec la limaille de quelques métaux , elle s’en colore, & les détruit, en attirant infenfiblement leur chaux, à la mauière du fel fédarif & de tous les verres incapables d’abforberle phlooiftique. Elle fe diffout par la voie sèche & humide dans Les alkalis fixes, & forme, avec chacun d'eux, des fels cryftallifables; avec le natrum , elle régénère le fel fufñible à bafe de natrum : ce fel régénéré verdit le fyrop de violette, peut prendre de cette matière en excès , ainfi que lefel à bafe de natrum retiré des urines, dont il ne paroît différer en rien, Ce nouveau fel régénéré fe laifle, comme celui des urines, décompofer par tous les acides. La chaux Le décompofe aulli , & le natrum refte libre dans la liqueur ; en quoi il fe comporte abfolument comme le borax. Les fels métalliques & terreux décompofent notre fel fuñble à bafe de natrum. Si on verfe une folution de mercure fur.ce fel, le mêlange fe trouble & laifle dépofer un précipité blanc. Ce précipité, diftillé dans une cornue ; laiffe pafler le mercure, & le réfidu eft une matière opaque bien fondue, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 351 . qui agit fortement fur la cornue, comme Le rapporte M, Rouelle dans le gel cité. … Cette fubffance opaque & blanche, mêlée avec la poudre de charbon, ne donne pas de phofphore. Le précipité , bouilli avec une folution de natrum , régénere le fel fufble à bafe de natrum, abandonne le mercure fous la forme d'un pré- cipité briqueté , & fe comporte comme le fel fédatif mercuriel, Ce dernier fe décompole par le feu, ainfi que par les alkalis , & régénère du borax avec le natrum. Notre fubffance décompofe le nitre & le fel marin; privilège qu'elle ne dit, comme le fel fédatif, qu'à fa propre fixité d’une part, &c à l'ex- panfbilité de ces acides, qui la déplacent , à leur tour , d'avec les alkalis, quand Ja fcène fe pafle dans un milieu tranquille & incapable de contre- balancer par l’effer d’une expanfion fubite , leur attraction pofitive. Elle fe diflout tranquillement dans les acides minéraux, & partage leur eau de diffolution, mais elle ne leur enlève point la faveur & necon- uacte point d'union avec eux : auf l'efprit-de-vin peut , en diflolvant ces acides, la féparer, Il n’en eft pas ainfi de l'acide phofphorique pur, ou de celui que donne Le deliquium du phofphore; elle sy unit, par la voie sèche & humide , ans toutes FUCE: se Si on la fond dans un creufet avec lui, elle partage fa cranfparence, & la conferve après la fufñion & le refroidiffe- ment. Dans cette union, l'acide phofphorique perd fa faveur acide & régénère le verre clair & tranfparent, qui fert de bafe au fel natif; ce nouveau verre artificiel fature l’alkali volatil, verdit Le fyrop violer, donne du fel natif régénéré, & a la même folubilité & la même faveur que l'acide , bafe du fel natif. Ce verre donne, avec Ja poudre de charbon , du phof- phore, & laifle en réfidu notre fubffance, D | de reformer des cryf- taux. | . Le verre, bafe du fel natif des urines, peut aufli prendre en excès de ces cryftaux , fans perdre fa tranfparence. Il doit paroître étonnant que l'acide phofphorique, déjà faturé , puiffe encore attirer les alkalis; mais en voici la raifon. L'acide phefphorique , notre fubflance & l'alkali volatil, tendant d’une force égale les uns vers les autres, ne peuvent s’'exclure l’un par l’autre, & forment, à ce moyen, yne combinaifon parfaite; en un mot, un vrai fel à trois parties. Cet exemple n'eft pas le feul daiis la Chymie. I eft évident, par tous ces faits, que le fel natif n'eft point immédia- tement compofé d'alkali volatil & d'acide phofphorique, ainfi qu'on l’avoit cru, mais qu'il a pour parties conftituantes crois corps qui s’attirent entr'eux dans un degré de force égale. Cette égalité d'attraction Les maintient dans une union parfaire, & le 152 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, verre, obtenu du fel natif après la féparation de l'alkali volatil, ne peur être pris pour l'acide phofphorique pur ; ce verre n'eft au contraire qu'un fel neutre, que le phlogiitique a feul le pouvoir de décompofer. La fubf- tance qu'on retire apres la décompoficion de ce verre, fe préfente une feconde fois dans les urines, mais unie au natrum, avec lequel elle forme alors le fel nommé par feu M. Rouelle /el fufible à bafe de natrum. Ce dernier fel neutreëft, comme le borax , décompofable par tous les acides & les fels métalliques. Enfin, notre fubffance, retirée du fel natif & du fel fufble à bafe de natrum, aù pouvoir près qu'elle a d'être attirée par l'acide phofphori- qe pofsède un très-grand nombre de propriétés communes au fel {é- atif, Cette fubflance fingulière accompagne aufli l'acide phofphorique dans les os (1). Je n'ai point encore aflez d'expérience pour prononcer fur fa vraie manière d'y être; d’ailleurs , les bornes de ce Journal ne me per- mettent pas d'entrer dans ces détails: je les réferve pour Le temps où je pourrai reprendre cetté matière avec plus de loifir. Mais je crois pouvoir conclure, dès-à préfent , que cette ub/fance eft unique dans fon efpèce; qu'elle occupe un rang parmi les fels fimples , cels que les acides, les alkalis, parce qu'elle a, comme eux, fes attractions particulières , & de plus tous les Caractères d’un corps fui gereris. Mais, dira-t-on, quelle eft donc la nature de cette fuh/fance? Ma réponfe eft trouvée ; mais elie couche de fi près la folution d'un des plus importans probiêmes de la Chymie; que je crois ne devoir pas les donner, lun fans l’autre. La terre calcaire préfere l'acide phofphorique à toute autre bafe, dit M. Bergman. C’eft un fait qu'on peut remarquer dans l'opération de M. Schéele, pour retirer l'acide phofphorique. Les os d:s animaux {2} font compofés de natrum, de félénite"& de fel phofphorique calcaire. Ce dernier peut être décompofé par l'acide vitrioli- que ; l'acide phofphorique décompole, à fon tour, la félénite, & régénère ainfi la terre offeute. (1) Plufieurs Docimafiftes anciens s'accordent à rejeter les os de porc de la compo fiion des coupelles. Il eft probable qu'ils leur âvoient reconnu trop de fufibilité Il feroir curieux de les examiner fous ce point de vue. Sthaal, entrautres, dit: Æx- cepris offtbus porcorum guæ plané inutilia funr. ( Fund. Chymie , T.H,, pag. 52° édit: de 1746). ! (2) La terre offeufe eft un affemblage de compofés fort diférens entr’eux ; elle change d’une efpèce à l’autre : elle n’eft point: la même: dans l'homme, le cheval, le bœuf, le cochon , le mouton ; & ain, dérerminerchymiquement La différence des os d’un nombre donné d'animaux , elt une queftion qui auroit dû, ce me femble, précéder celle que P'Aça+ démie de Rouen vient de propofer pour la feconde fois. Cette SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 153 Cette régénération arrive en plus ou en moins, fuivant les précautions avec lefquelles on procède; & dans le procédé le mieux réglé , l'acide phofphorique refte toujours uni à une portion de terre calcaire , avec laquelle il forme un fel fufible à bafe terreufe , qui prend de la tranf- parence : c'eft ce verre qu’on appelle acide phofphorique offeux. Plus ce verre eft calcaire, plus il eft dur & infoluble. Je fuis afluré qu'il con- tient aufli la /ubflance qui fature l'acide phofphorique du fel natif, Si - l'on projette de la terre calcaire bien pure dans l'acide bafe du fel natif fondu, on obtient le verre offeux ; ces deux verres, cimentés avec la chaux vive, fe convertiflent en porcelaine de Réaumur (1): c'eft une expé- rience que j'ai faite pour M. Bofc d’Antic. Ce verre ne mérite donc pas plus le nom d'acide phofphorique , que celui des urines : ils ne font tous les deux que de fimples combinaifons , & donnent du phofphore dans des proportions qui varient, comme celles des acides qu'ils contien- nent. acide phofphorique ne s'unit au phlogiftique que dans fa plus grande pureté; le phofphore fe décompofeà l'air , & fon deliquium eft l'acide phof phorique par excellence. : De tous les moyens connus pour l'obtenir, celui de M. Sage eft le plus avantageux. On lutte un entonnoir de verre fur un flacon dans lequel l’on,a mis trois ou quatre onces d’eau diftillée; & pour empêcher les bâtons de phofphore, qu'on place dans cet entonnoir , de tomber dans le flacon, on affujettit dans fon col un tuyau de verre, dont une extrémité s'élève d'un pouce dans l'intérieur du cône: on couvre le tout avec un chapi- teau garni de fon récipient. Le phofphore fe réfout en acide & rombe dans le facon; il laifle après lui une fécule jaune, qui tapifle aufli les vaifleaux dans lefquels on a diftillé le phofphore. Je ne puis prononcer fur cette fécule , n'en ayant point encore raflemblé fufifamment. Boyle plaçoit fon phofphore fur un entonnoir découvert : mais l'air, qui attire le phlosiftique, diflolvoit, par fes courans , la plus grande partie de la vapeur acide. * La liqueur du flacon eft prodigieufement acide; fi elle eft trèsichargée, on la concentre àla cornue jufqu'à lui faire prendre la confiftance vitreufe. Ce verre acide attire fortement l'humidité, s’échauffz avec l’eau, rougit Ja couleur bleue des végétaux , fature les alkalis, les terres , déphlogif- tique les métaux, fe convertit tout en-phofphore & en gaz phofphori- que, & a pour expreflion de fa fimplicité une faveur parfaitement fem- (1) Certe expérience réfout un problème de Beccher... Terram( animulium ) fufflerr, virefcibilem, mo omnium' nobili{fièmam , ade ue vel rotus Sinenftum v2forum apparatus cum ef comparari nequeat. Phyfica fubterr., pag. 69. Tome XVII, Part. I, 1781. FÉVRIER. V 154 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, blable à celle de l'huile de vitriol ; comme Facide vitriolique, il eft odorant & volatil tant qu'il eft phlogiftiqué : mais une fois dépouillé de ce principe par l'évaporation à l'air libre , il n’a pas plus d’odeur que l'acide vitriolique même. C'eft lui que Bocrhaave ne connoifloit point , & qu'il vic, pour la première fois, avec tant de furprife, qu'il alla jufqu'à foupçonner que Homberg auroit bien pu faire entrer l’alun dans la com- poñtion du phofphore qui lui avoit donné cer acide, Quelques Auteurs l'ont encore pris pour un mélanged’acide vitriolique & d’acide main (1). Voilà l'acide phofphorique (2) dant il nous refte à connoître les attrac- tions. REFLEXIONS Sur le procédé employé par M. SAGE, pour extraire lOr des Végétaux; Adreffées aux Auteurs du Journal par M. RITHER. D:: le mois de Juin 1778 , lors de la première annonce du procédé de M. Sage, je me ferois mis à travailler en grand , s’il n’eüt alors été contredit, foit par l’Académie elle-même , foit par d’autres Chymiftes de la Capitale; leurs mauvais fuccès, affez d'accord entr'eux, fans sètre concertés , m'en imposèrent d’abord, & me détournèrent d’une entreprife qu'ils me firent regarder comme ruineufe : mais aujourd'hui que M. Sage infifte fur l'exactitude de fon travail & la réaliré de fes produits qu'it a répétés & obtenus plufieurs fois, qu'il vient même de limprimer, d'après fes réfultats, j'ai repris mes calculs, & je me livre, fans réferve, à toute la confiance qu’il m'infpire , avec la certitude abfolue que je ne puis plus être trompé. Etat des frais qu'il en coûteroit pour exploiter en grand, & retirer For de la terre des jardins, de la rerre des bruyères, & de la cendre des (1) Will. Pentzri, PAofphori urine anabyfis & ufus Hedicus. Hall. 1755. (2) S'il eft une fois démontré que l’acide phofphorique forme une combinaifon dans le règne minéral, comme je fuis très-porté à le croire, je ne défefpère pas de le voir uni, foit à la terre calcaire , formant une terre offeufe minérale, foit à quelques métaux en qualité de phofphore, devenu minéralifateur à la manière du foufre, foit enfin en nous préfentant, comme les autres acides, un certain nombre de combinaifons dont il eft fufceptible, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. v55 végétaux, &c., avec le tableau des différens produits, d’après Les réfulrats plus ou moins riches qu'en a obtenus M. Sage , & tels qu'il les a donnés à l’Académie des Sciences le 23 Mai 1778, & publiés enfuite au mois de Décembre 1780 , dans une Brochure qui a pour titre : L'Art d'effayer l'Or & l'Argent, Gc. De l'Imprimerie de MONSIEUR. Cette opération fe faifant, comme dans les travaux en grand, dans un fourneau à manche ordinaire , on peut y fondre facilement dix milliers ou cent quintaux de terre par jour, c’eft-à-dire en vingt-quatre heures. D'après cela, voici quels en feroient Les frais. 1°. Pour l'extraction & le tranfport de la terre à la fonderie, . po RUE Ras Lid 12 1. 2°. Pour dix milliers ou cent quintaux de litharge (je double ici la quantité de celle qu'a employée M. Sage , afin de fuppléer au Aux noir dont l'ufage eft impraticable en grand), à 20 Liv. le quintal, ci 204 MER ARE 3°. Pour vingt quintaux ou deux milliers de charbon, à2oliv. le millier, ci . . . . 40 IL. 4°. Pour quatre Ouvriers par douze heures ou par polte , ce qui en fait huït en vingt-quatre RELEES AS OHOLS EE PMR ARR 12 I. Il réfultera à-peu-près de cette fonte huit milliers & demi de plomb , qu’il faut coupeller enfuite pour en retirer l'or. 2000 f. Frais de la Coupelle. $°. Pour les cendres de la coupelle, : . so f. 6°. Pour le bois, foit fagot ou bois de corde , PTE PTS DU LES TS ee loi 7°. Pour quatre Ouvriers toutes les douze heures ou par pofte, ce qui en fait feize en qucrante-huit heures que durera cette opéra- tion, à 30 fols, 7 LR TT Te Ren Le 8°. Pour la conftruction & dépenfe des fourneaux, 20,000 livres: mais ces fourneaux, bien conftruits, dureront dix ans; or, en fai- fant la départition de cette fomme far les dix années , ceft par an 2000 livres. On fuppofe qu'on ne faffe que cent opérations par chaque . —, —- 2198 1. Tome XVII, Part. I. 1781, FÉVRIER. V2 60 L. 24 L 156 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Da Dautreiperts ere RUE P année, ce qui cft, pour ainfi dire, le moins | qu'on puifle faire, il s'enfuit que l'opération entière de trois fois vingt-quatre heures, telle qu'il la faut pour notre effai de dix milliers, coûtera, pour l'entretien des fourneaux, 20 livres. Maïs fuppofons qu'on ne fafle qu'une feule opération, qu’on loue même les four- neaux, & qu’ainfi on les paye deux tiers en TUS M EN NET UE Ne NT Er RS PNA AE Total de la dépenfe à faire, en cavant au plus fort, pour extraire & affiner l'or de cent quintaux de cendres ou deterre, &e., …. .), Mais comme nous avons compté 2000 I. pour les dix milliers de litharge , & que cette litharge ne perd cependant que feize pour cent dans les deux travaux de la fonte & de la coupelle, ilen réfulte qu'on ne doit comp- ter icien dépenfe que les feize quintaux per- dus : ce qui fait, à 20 livres le quintal, la fomme de 320 liv. Il faut donc par confé- quent défalquer de la fomme totale ci -deflus celle de 1680 liv. pour la valeur des quatre- vingt-quatre quintaux de litharge qui reftent dé l'opération; ci!” 0,7 MReeRI Lt. Ainfi la dépenfe réelle n’eft que de . . . Etat des produits, d'après les réfulrars de W. Sage. Terre du Potager. M. Sage ayant retiré de la terre du potager deux onces trois gros & quarante grains d'or fin au quintal, il s'enfuit que l’opération faite en grand donneroit pour dx milliers de terre en or fin trente marcs quatre onces trois gros & quarante grains d’or fin ; ce qui, àraifon de 100 liv. l’once feulement, fait la fomme de Ten Ur SAS VAS Le RU 2198 I. 24444 L 8f. 11 à SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 157 (CHEN 0 AU RENE TETE ENRES 24444 1. 8 £ 11 d. IL faut retrancher de ce produit les frais du travail, Ouvriers, charbon, &c. Or, nous avons vu que les frais bien détaillés , & pris fur le plus haut pied, d’après de bons renfei- gnemens, ne s'élevent qu'a la fomme de . .. 578 I. Refte par conféquent de produit net . Lo | 23866 Fe YSNCExrdd; Terre de Jardin. La terre de jardin ayant donné à M. Sage cinq gros d'or fin au quintal, elle donnera par conféquent, dans une femblable opération faite fur dix milliers, fept marcs fix onces & quatre gros d'or fin, c'eft-a-dire, une fomme CE RENTRER AS PR TERRES 6250 1. Dont il faut retrancher les mêmes frais de 578 L. Refte de produither. . + + + , + ». + :s672cl Cendre de Sarments. La cendre de farments ayant donné à M. Sage quatre gros & douze grains d’or fin au quintal, les dix milliers donneront fix marcs quatre onces & quarante-huit grains d'or fin, IR LOMMENTP RAS ASE: UTC OU COSTA GC ht, 8 Et Otez-en les frais énoncés ci-deflus, . - 578 1 Refte de produit net . ". -", . . 4630 1. GITE D Re ne a =; : Cendre de Bois de Hétre. La cendre de bois de hêtre ayant donné deux gros 8 trente-fix grains d’or fin au quin- tal , les dix milliers donneront trois marcs fept onces & deux gros d’or fin; ce qui revient à la Hinmeide, 220% da 2h 10! 22 Sup. 219990 312$ L Oterrles fie den RM oh mise co 578 1. Kefte de produit net. « s … « 4,/e 2547 1 158 OBSERVATIONS SUR LA Terre de Bruyéres. La terre de bruyères ayant donné deux gros & trente-fix grains d’or fin au quintal , les dix milliers donneront, comme ci - deflus, trois marcs fept onces & deux gros d'or fin, où la ommeidel tan ERP AU Otézles frais de + > » ” L Le produit net fera de . . . . . . Terreau. Le terreau ayant produit un gros & cin- quante-fix grains d’or fin au quintat, les dix milliers donneront donc deux maïcs fix onces un gros & cinquante-fix graihs d’or fin, ou là Lonimelde nee UE PNR te Otezilesitrars des 00 MR NORERC IR Produit net de . + « . . . nu En ne prenant que ce dernier produit , quoi- que Le plus pauvre de tous, il réfulte pout- tant qu'en ne faifant feulement que cent opé- rations par an, ce qui feroit bien peu de chofe, l'entreprife auroit néanmoins &n bénéfice bien afluré de . . Piéni oUR) #leT-e NICE Mais fi au lieu d'exploiter ée terreau, le plus pauvre en effet des fix terres ou cendres que M. Sage a traitées par cette opération, on s’attachoit à la terre de potager, dont le produit a été de deux onces trois gros & qua- rante grains d’or fin au quintal, il s'enfuivroic un bénéfice certain, tous frais faits, de . . PHYSIQUE, »#221 4at.8d. 578 1 1644 L 4f 8 d. PA D 164423 1 6T 8 d. 2386644 1 11 1 8 d Somme étonnante & au-deffus, fans contredit, de tout ce qu'on pout+ roit efpérer de quelqu’autre entreprife que ce foit de ce genre, au-deffus même de tout ce que l'imagination exaltée des Hiftoriens & des Poëtes nous -ont-chanté-des mines inépuifables du Potofi & du Nouveau-Monde. Il n’y eut jamais de mines auf riché, ‘auñli conftantes , autant fous la main, & dont l'exploitation foit en même temps auñli facile, aufli peu SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 159 difpendieufe & avec auff peu de rifques que celle de certe efpèce de terre dont il eft ici queftion. Tout ce qu'on appelle marais & jardin, aux portes & aux environs de Paris & des grandes Villes du Royaume, onc tous, plus ou moins, les mêmes conditions que demande M, Sage: confacrés à ce genre de cul- ture , ils font fumés depuis plufieurs fiècles; & quand je dis qu'il n’y eut jamais d'exploitation aufli facile, je dis une vérité qui faute aux yeux : Car enfia, plus de fouilles , plus d’excavation. La Science, fi difpendieufe , fouvent même fi incertaine, des Mineurs, nous devient inutile. Notre mine eft par-tout à la furface du globe ; par-tout elle eft fi difpofée à la fonte, qu'elle peut elle feule entrer en fufion, & couler même en un verre tranfparent. Que feroit - ce done à l’aide du fondant que nous propofons d'y mettre avec excès? Paris, ce me femble , n’a rien à envier aux mines du Pérou ; celles-ci ne peuvent tout au plus que le difputer, à cet égard, à la terre qui nous environne. D'après des faits aufli conftans , comment fe peut-il que M. Sage at- tache Fo de prix à fa découverte ? Savant Minéralogifte comme il l’eft, il n'ignore pas qu'on exploite utilement des mines de cuivre feulemenc à cinq ou fix au quintal; que la mine de cuivre à Krankenberg, dans la Heffe, eft travaillée depuis trois cents ans, quoiqu'elle ne donne que douze livres de cuivre par quintal de mine lavée ou de Schkich pour pro- duire Les trois cents quintaux à-peu-près de cuivre pur, & tout au plus deux cents marcs d'argent que Frankenberg met par an dans le Commerce? Cependant cette mine eft exploitée à près de cent foixante pieds de pro- fondeur ; on la lave , on fait la fonte à dégrofhr; ce qui produit la matte. Cette matte eft enfuite grillée à neuf ou dix reprifes ; on la refond encore pour y mettre le plomb d'œuvre: on fait la liquation, le refluage, la dernière fonte, enfin le coupellage ; & tout ce travail , indépendamment d’autres confidérations , s'exécute avec quelque prof. Cependant , que de peines , que de foins, que de bois, de charbon , de plomb & de répara- tions de toutes efpèces ne faut - il pas pour toutes ces opérations multi- pliées ! Comparons la complication de ces procédés avec Ia facilité, {a fim- plicité & Le peu de durée des travaux qu’exige l'extraction de l'or de Ja terre la plus pauvre de M. Sage , nous trouverons que le bénéfice de celle- ci eft au moins de deux tiers en fus plus grand que la valeur totale de tout le cuivre & l'argent même qu'on retire de cette mine dont je viens de parler. D'après tous ces faits, comment , encore une fois , M. Sagea-t-il donc pu fi mal apprécier fa découverte, & dire, page 87 de fa Bros chure : « Quand je me fuis occupé de l'extraction de l'or qui fe trouve » dans les végétaux , mon deflein n'étoit pas d’infinuer au Public qu'on » pouvoit tirer de ce travail quelqu'avantage pécuniaire, puifque la petite 160 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » quantité d’or que je retire des végétaux ne peut pas même dédommager > des frais Re pour l'obtenir »? Je ne puis que louer , fans doute, la modeftie & le grand défintéreffement de ce Profefleur : mais l'intérèt pécuniaire , qui, je l'avoue, me pofsède comme les autres, m'empêche d’être de fon avis, T'A BL EAU Des Voyages minéralogiques de M. Mon NET, pour la confeélion de l'Atlas mineralogique de la France, extrait de l'Atlas minéralogique. N OUS avons déjà annoncé, dans le mois dernier, une partie de cet Ouvrage immenfe, un des plus importans & le premier en ce genre, M. Monnet fut chargé par le Miniftre d'en diriger & achever l'exécution : mais cela ne confiftoit qu’en une certaine quantité d’obfervations éparfes , préfentées fur des cartes; il a fallu que M. Monnet y donnût cette liaifon, cet enfemble néceflaire pour l'inftruction & l'utilité du Public. Les der- niers Voyages qu'il a faits ont eu pour but cet objet; il ne s’eft pas con- tenté de préfenter sèchement fur fes cartes les points ou marques indi- catives, qui font connoître les minéraux, leur filiation, &c.: ila cru devoir joindre à ces cartes un détail , à la vérité rrès-précis, de fes Voyages, où l’on voit l'allure, l'étendue & la poftion des matières. Ce détail eft joint aux cartes qui en dépendent : c'eft pourquoi on Ta fait imprimer du même format de ces cartes; de manière qu'on eura fous les yeux lun & l'autre objets, qui s’éclairciront réciproque- ment. La Partie que fait paroître M, Monnet , quoique la moins curieufe de la France, puifqu'elle comprend la Picardie, la Flandre Fran- çoife & la Champagne, en même temps que la Lorraine Allemande, le Pays Meffin, &c., offre néanmoins des obfervations curieufes & utiles. En partant de Paris, par exemple, l’Auteur obferve continuellement la pierre calcaire au nord, & la craie à l’oueft-nord-oueft: la pierre cal- caire & les coquilles s'étendent jufqu'à Aubenton , petite Ville de la Thié- rache, & même un peu au-delà (1). (1) Ce Pays à coquilles décrit un cercle de plus de cent cinquante lieues , dont la dif- tance de Paris à Aubençon donne la diagonale ou la ligne droite de çe cercle. M. es SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 161 M. Monnet fait obferver , dans ce long efpace, que les coquilles fe montrent abondamment jufqu'à plus de trois cents pieds de profondeur perpendiculaires, à commencer de vallées les plus profondes. Au-delà de ce Pays immenfe , où l’on voit plus de coquilles qu'il n'y en a peut- être de vivantes dans toutes les mers, fe trouve le Pays aux ardoifes, qui s'étend à une lieue & demie de la petite Ville que nous venons de nommer , jufqu’à Chimay d’un côté, & jufqu'à Bouillon de l’autre. Après cela, on trouve le Pays au marbre, qui s'étend fort avant dans le Pays de Liège. Ce Pays à marbre, où les grands bancs fe montrent depuis le Village de Rance, Village fameux par rapport à l'exploitation du mar- bre, jufqu’au-delà de Givet, & fur lequel le Pays aux ardoifes s'étend encore, comme des rameaux qui fortent d’un grand tronc; ce Pays, dis-je, offre encore une quantité incroyable de coquilles, fur - tout des cornes d'ammon & des MHadetpore: On trouve même des bancs de corail ou de madrépore auprès de Clermont, Village de la Principauté de Liège, de plus de foixante pieds de hauteur. Ces bancs, qui font droits comme des murailles, & qui reflemblent aflez bien à ces rochers de corail décrits par le fameux Capitaine Cook, & fur lefquels il a marqué plufieurs fois d’échouer auprès de là Nouvelle-Guinée, renferment d'au- tres bancs de bon marbre aufli droits & qu’on exploite, On peut fuivre ces bancs jufqu’à S. Vaaft-les-Bavay , au delà de Maubeuge ; après quoi, on obferve un Pays crayeux, mais diftingué & différencié par diverfes couches, au-deffous defquelles il fe trouve des veines de charbon. Tel eft le Pays des environs de Valenciennes. Le Pays qui fuccède à celui-ci, vers Cambray , Arras, eft à grandes maffes de craie , où fe trouvent aufli des coquilles , quoique bien plus rarement que dans les Pays à pierre cal- caire. Ce Pays fe prolonge jufqu'auprès de Boulogne ; là, fuccède en- core à la craie un petit Canton, rempli de coquilles parfaitement en- tières. M. Monnet a profité d'une ouverture qu'on’a faite dans une des plus profondes vallées du Bas-Bolonnois, à deffein d’y découvrir du charbon, pour y obferver jufqu'où vont les bancs de pierre calcaire & les co- quilles. Cette ouverture, de cinq cents pieds de profondeur perpendicu- laire, & qui pafloit le niveau de la mer de plus de cent pieds, a montré autant de coquilles dans fon fond que dans fa hauteur. M. Monnet, qui divife fon Ouvrage par Voyages au lieu de Cha- pitres, donne, dans un autre Voyage, la defcription de la Lorraine Al- lemande & du Pays Mein, qui, fe joignant à la Thiérache par le Pays de Thionville, forme une continuité avec les Pays précédemment décrits. Il ne s'arrête que peu fur la Champagne, où il ne trouve continuelle- ment que de la craie, & fe hâte d'arriver dans le Pays Meflin, & delà dans la Lorraine Allemande, qui eft un des Pays les plus curieux pour un Naturalifte. D'abord , il obferve fur prefque toutes les hauteurs des Tome XVII , Part. I. 1781. FÉVRIER. X 162 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, cailloux roulés, ufés & tels qu'on en obferve actuellement dans le fic des rivières; enfuite la pierre calcaire coquillière, du bol ou argile in peu calcaire, du gypfe, & puis de la pierre de fable rouge. On trouve pareillement, dans les bancs de cette pierre, ia placés très - profon- dément, des galets, ou cailloux roulés comme dans les hauteurs : une partie des hauteurs ayant été détruite , laiffe paroître la pierre de fable nue & feule comme dans le baflin de Sare-Louis. Cette pierre, dont les bancs font très- irréguliers, préfente deux objets qui méritent la plus grande attention, des parties végétales changées en mines de plomb & de cuivre. Ce font ces parties de mines qu'on y exploite depuis long-temps, mais elles n’y font pasen fillons; ce ne font que des morceaux ifolés. La Nature, dit M. Monnet s’eft fervie du phlosiftique du bois pour former ces mines, comme nous voyons ailleurs qu'elle a formé de la pyrite aux dé- pens du bois pouiri. Il obferve dans les fentes de ces roches de l'argile extrèmement fine , qu'il croit pareillement due aux végétaux détruits, mais qu'il nomme our ou argile de montagne , à limitation des Allemands , qui la diftinguent de cette manière de l'argile ordinaire. Cependant on ne doit pas regarder ces roches comme primitives ; fi elles l’écoient, elles au- roient des fentes capitales, que nous nommons filons. Ces mines ne peuvent être regardées que comme de feconde formation. Ces bancs, qui s'étendent encore de Sare-Louis jufqu'auprès de Sarguemine d’une part, & de l'autre jufqu’au-delà de Mackeveiller , dans la Principauté de Sar- bruck , ont tous enfemble cent à cent cinquante pieds d’épaifleur ; il s'en trouve d’autres deffous, qui font de fable prefqu'’entièrement friable , gris-blancs. Dans ceux ci, il fe trouve abondamment de la mine de fer fsbleufe. Rien n’eft plus fingulier que cette mine, placée à une fi grande profondeur , tandis qu'ailleurs on la trouve placée prefqu'à la furface de la terre. Ce n'eft pourtant que relativement qu'on dit ici que cette mine fe trouve placée profondément; car comme une partie de ces roches fe trouve dépouiilée ou détruite, cette mine fingulière fe trouve fouvent répandue çà & la fur le fable. C’eft aufli dans cette feconde partie que £ trouvent les mines de charbon, fi communes dans tout ce Pays; elles n'en font diftinguées que par un chyte ou faufle ardoife, qui les entoure comme prefque par-tout. Ces bancs de pierre fableufe font couverts, en quelques endroits, par du fable mobile & des cailloux, ou par de la pierre calcaire en mafles ifolées & comme ufées ; c’eft ce qui forme des montagnes aflez élevées en quelques endroits , fur lefquelles on trouve fouvent des mines de fer en gros jets de même forme que les pierres calcaires. M. Monnet regarde ces pierres calcaires comme très-anciennes , auffi bien que ces mines. Éeidnes confidérant toute la Lorraine Allemande comme un grouppe des montagnes, il obferve, avec grande attention, un objet qui l’avoit frappé d'abord, & reconnoît comme un point où SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 163 centre à ce grouppe, dans une chaîne plus. élevée que les autres placée au - deflus du Village de Dipenveiller. En effet , il foupçonne qu’elle n’eft point compofée de même; qu'au lieu de pierres de fable, le centre de cette chaîne eft formé de granit. Mais ce qu'il remarque encore de plus frappant & de plus fingulier , eft que de ce granit il réfulre un rocher de quartz pur à foixante pieds de hauteur au-deflus de la furface de la plus grande élévation de ces montagnes. D’autres montagnes offrent des bancs comme celle qui eft au-deflus du Village de Dunchery, d’une forte de pierre bleue & très - ferrugineufe; c’eft dans cette efpèce de roche que fe trouvent abondamment des morceaux d’agathe en geodes, où d'autres y font comme encaftrés. Mais ce Pays , fertile en fingularités , en offre’ d’une toute autre efpèce à notre Minéralogifte. Les mines de charbon obfervent la ligne horizontale auprès de Sare-Louis, & d'autres s'écar- tent totalement de cette ligne, & s'élèvent prefque perpendiculairement dans les montagnes de Tuttveiller, dans le Duché de Sarbruck; mais ces mines, au lieu d’être accompagnées par la pierre fableufe & le chyte, le font par de véritable mine d’alun. M. Monnet, de Sarbruck , remonte contre le cours de la Sarre juf- qu'auprès de fon origine, toujours à travers la pierre calcaire ; la pierre fableufe rouge règne au-delà dans le Duché des Deux - Ponts , & fe prolonge de-là circulairement dans les Vofges. Mais une nouvelle fingu- larité vient s'offrir à fes yeux. Tout le Pays calcaire, compris entre Put- telange & Saint-Nicolas, contient du fel marin, des eaux falées dans {on fond , & du gypfe pardeflus. IL avoit vu auprès de Paris le gypfe ou pierre à plâtre pardeflus la pierre calcaire; ici il voit tout le contraire, le gypfe au-deffous de la pierre calcaire, toujours précédée par des cou- ches de bol marneux, comme, lui-même, il précède Les eaux falées ou Le fel marin. Enfin, en fuivant de Nancy Le cours de la Mofelle jufqu'à Pont-à- Mouflon:, on trouve, à droite, les couches de pierre calcaire, qui cou- vrent le gypfe dans l’efpace que nous venons 2 citer, remplies de co- quilles , & à gauche des bancs de pierre de taille, remplis de madré- potes: ce n'elt pas qu'il faille de-là prendre occafion de croire que les rivières qui divifent les Pays établiflent des diftinétions entreux. Notre Voyageur ; qui eft fortement perfuadé que l'arrangement de la terre eft antérieur aux paflages des rivières, croit que cette diftinétion n'eft qu'un effet du hafard , & que c'eft entre des Pays fi différens que la rivière a trouvé de la facilité à creufer fon lit. M: Monner, qui s'eft attaché à faire connoître que chaque Pays eft caractérifé par quelques-unes des matières minérales ou par plufieurs à la fois, trouve que l'efpace compris entre la Mofelle & la Meufe, n'eft abfolument formé que de bancs de pierre calcaire à madrépores ou à coraux, fur-tout depuis la vallée où eft fitué Pont-à-Mouflon, & celle où Tome XVII, Part. I.1781. FÉVRIER. X2 164 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, font fitués à Commercy & Saint Michel. Les bancs les plus élevés ou couches délitées, qui font à la furface ou près de la furface du terrein, font remplis de ces fortes de corps organifés fort reconnoiffables. Les bancs qui font au-déffous , à cent cinquante pieds de profondeur , & qui fe montrent fur le bord de la rivière, font formés d'une pâte plus fine, & où l’on ne reconnoït plus ces coquilles ou madrépores. On y voit beau- coup de parties fpathiques. Une chofe digne de remarque dans ce Pays, eft que les bancs de pierres très-propres à la taille, qui règnent tout le long de la Meufe depuis Commercy jufqu'à trois à quatre lieues au-delà de Saint-Michel , font peut-être les plus épais qu'il y ait, uoiqu'ils foient tous parfaitement horizontaux. M. Monnet en a trouvé 4 treize à qua- torze pieds d’épaifleur : la pierre en eft excellente, & à grains fpathi- ques. De-là, notre Naturalifte , coupant ce Pays par une ligne droite, at= tive dans la vallée où fe trouve placé Bar; il remarque que la chaîne fur laquelle eft adoflée cette Ville, n’a aucune forte de rapport avec le Pays calcaire qu'il vient de parcourir. L'intérieur de ces hauteurs eft d’une forte de pierre brifée , fendillée & tout- à - fait curieufe à voir; d’abord par une durcté extrême , en tant que pierre calcaire, & enfuite en ce qu'elle eft formée vifiblement du débris d’ancienne pierre calcaire : aufli n'y peut-on reconnoître aucune trace de coquilles provenantes des pierres. primitives dont elles tirent leur origine. Mais une chofe digne encore de. remarque, c'eft une couche d'argile très - épaifle, placée plus haut que cette chaîne , remplie de coquilles d’huitres de la plus grande efpèce , toute changée en fparh calcaire. À ce Pays fuccède une vafte plage, qui eft la plaine , au bout de laquelle fe trouve placé Vitry-le- François. Cette plaine immenfe eft formée par un affemblage de petits galets de pierre calcaire, pofés fur une couche de marne. Au bout de cette plaine, à V'oueft & fud-oueft, commence le Pays à craie, qui ne préfente rien d'ex- traordinaire que les élévations très-rapides qui bordent cette plaine. Ce Pays à craie fe prolonge jufqu'au-delà de Troye , d'un côté, & de Pautre jufqu'à Epernay. Là commence une autre nature de Pays, formée de couches de pierres calcaires délitées, de fable & de pierre meulière bâtarde, de vraie pierre meulière & du grès, qui font placées pardeffus la pierre. Ce Pays, fans changer entièrement, prend un autre caractère. De Château-Thierry à Paris, il fe trouve des bancs de gypfe ou pierre à plâtre pardeffus la pierre calcaire. Mais une obfervation qui fait revenir M. Monnet fur fes pas, eft que: {a chaîne de montagnes qui fe trouve au-delà de Sainte- Ménehould, & qui borne, d’un côté , le Pays à pierre calcaire, & de l'autre le Pays à craie, & dans laquelle fe trouve placé Clermont, eft formée d'une pierre d’une nature toute particulière. Cette pierre , d’après les effais, s'eft trouvée être une vraie pierre marneufe, c'eft-à-dire, une combinaifon de laterre calcaire, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 165 de l'argileufe & du fable. Mais ce qu'il y a de fingulier, les bancs de cette pierre renferment beaucoup de pierre à fufil. Toutes ces montagnes font couvertes d'une couche d'argile : voilà pourquoi elles font fi fertiles & fi propres à la végétation des bois qui les couvrent. De ce Pays, M. Monnet rentre dans le Pays à craie par Reims, & de-là il fait la fameufe vallée qui eft entre cette Ville & Soiffons. Cette vallée eft remarquable, aufli bien qu’une bonne partie du Soiffonnois den un fyftème de Pays tout particulier. M. Monnet vient de voir le fable fur- monter le fommet des plus hautes montagnes; ici il trouve tout le con- traire , le fable eft dans le bas, & la pierre calcaire coquillière dans le haut, Cette pierre n’eft pas en bancs réouliers ; on pent même dire qu'ex- cepté la pierre qui eft immédiatement au - deflous de la terre végétale, ce ne font que des mafles ou rochers calcaires placés fur le fable. On trouve dans ce fable toutes ces pierres primitives réduites en très - petites parties, le bafalte des Anciens, le chyte de montagne, le quartz, la pierre à fufil ou à agate de montagne & le feld fpath. On peut même obferver que beaucoup de parties de ces fables proviennent du débris de granit. Le lit des ruiffeaux & des rivières préfente encore beaucoup de ces pierres , mais plus oroffes. ! Enfin , nous rapporterons encore une obfervation de M. Monnet, très- intéreffante pour prouver l'extrême antiquité du fyftême de ce Pays. C’eftune couche de coquilles Auviatiles | placée direétement fur un banc d’huitres, auprès des remparts de la Ville de Soiffons. Nous terminerons ce léger tableau des Voyages minéralogiques de M. Monnet par faire obferver l'immenfe quantité de coquilles numifmales, que les Payfans nomment deniers de Saint Pierre, & que d’autres nomment monnoie du Diable , qui fe trouvent entre Soiflons , Noyon, Laon & Saint-Gobain. Rien n'eft plus furprenant que cette immenfe quantité de petites coquilles , dont l'analogue vivant n’exifte plus dans nos mers ; & quand bien même il y en exifteroit , il y en a peut-être plus dans cet efpace qu'il ne peut y en avoir dans toutes les mers de notre globe enfemble ; non -feulement les pierres en font chargées, mais encore les fables. De Saint-Gobain à Pré- mentré, les terres en font couvertes; il y a certaines parties de ces pierres qui ne font qu'un amas pur & fimple de ces coquilles, & tenant enfemble par la pétrification. ske 166 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, NOUVELLES LITTÉRAIRES. LE Citoyen à la cure , Ouvrage qui a remporté le Prix de la Société Royale d'Agriculture de Soiffons, du mois de Février 1780, par M. J. F. BouRrsIER, Avocat à Vienne en Dauphine. À Genève, 1780, in- 8°, C'eft la téponfe à la queftion propofée par cette Société d'Agricul- ture, dont voici les articles: « Quelles font les connoiffances néceffaires, »à un Propriétaire qui fait valoir fon bien, pour vivre à la Campagne » d'une manière utile pour lui & les Payfans qui l’environnent ? Dans mles cas où les Propriétaires ne demeurent pas dans leurs biens , » quelles feroient également les connoiffances néceffaires pour que les » Curés, indépendamment de leurs auguftes fonctions , puffent être » utiles à leurs Paroifliens » ? Il nous paroît qu'en général M. Bourfier a fatisfair à ces différens articles avec précifion & avantage; & le jugement des favans Agronomes de Soiffons fe verra confirmé par tous ceux qui liront ce Mémoire. ‘ L'Art d'effayer Or & l'Argent, tableau compofé de la coupellation des fübffances métalliques , par le moyen du plomb & du bifmuth ; & procédés pour obtenir lOr plus pur que par la voie du départ, avec figures, par M. SAGE. À Paris, de l'Imprimerie de MonsiEUR, in- 8°. 1780. Prix, 2liv. 8 f. br., chez Didot le jeune, quai des Auguftins. . On doit remarquer, dans ce nouvel Ouvrage, une belle fuite d'expé- riences de ce laborieux Chymifte, fur la coupellation des métaux & des demi-métaux par le plomb & par le bifmuth. Nous nous abftiendrons de parler ici de celles qu'il a faites fur le départ & fur la folution de Yor dans l'acide nitreux , l'Académie des Sciences nous ayant envoyé le rapport des Commiflaires nommés à ce fujet, inféré dans le Cahier de ce mois. Effai fur l'aëtion de l'Air dans les Maladies contagieufes, qui a rem- porté le Prix propofé par la Société Royale de Médecine ; par M. J. J. MENURET, Affocié-Regnicole de la même Société, 1781. Brochure in-12 ; prix, 1liv. 10 fols. AParis , rue & Hôtel Serpente. On fait qu'en 1779 ; M. Raptt, Médecin de Lyon , avoit propofé pour füjet du Prix cette queftion fi intéreffante : « Déterminer, par un nombre » fufifant d’obfervations & d'expériences exactes, fi les maladies conta- » gieufes, principalement la petite Vérole ; peuvent fe cranfmettre par SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS, 164 » l'intermède de l'air ». Le Mémoire couronné eft celui que nous an- ‘nonçons. L'Auteur y regarde l'air comme le difflolvant, l’excipient, le véhicule de toutes fortes de corps aflez atténués pour s'y élever, & fur- tout comme l'excipient privilégié des corpufcules que la fermentation putride divife, des levains de maladies, des exhalaifons des animaux , & comme le diftributeur des maladies épidémiques. Il eft beau d’emporter la Couronne fur nombre de favans Rivaux : mais fe contenter de la mériter & l'abandonner pour le Prix d'un nouveau combat, eft noble & généreux. C'eft ce que M. Menuret vient de faire. Satisfait de la préférence dont il s’eft rendu digne, &: des honneurs Aca- démiques qu'il a obtenus, il n’a point accepté les 300 livres qui lui étoienc deftinées ; & il les offre aujourd'hui pour la valeur du Prix que la Société Royale de Médecine diftribuera le premier Mardi après la Fête de Saint- Louis 1782, & dont voici le Programme tel qu'il l'a cracé lui-même : » Expofer les raifons, les caufes, le méchanifme & le traitement de »lHydropifie, & fur - tout faire connoître Les fignes qui fixent d'une » manière précife les indications des différens genres de fecours appropriés maux divers cas &aux diverfes efpèces d'épanchements». Les Mémoires doivent fur-tout contenir les idées les plus poñtives fur les remèdes propres aux diflérens cas. Les indications peuvent feules fixer ce choix. C’eft donc vers la diftinétion des diverfes efpèces d'Hydropilie &c de leur complication , c’eft vers la recherche dés fignes capables d'en déterminer la nature, que l’on doit principalement diriger fes vues. Les Mémoires feront adreflés, francs de port, à M. Wic-d’Azyr, Secrétaire de la Société Royale, rue du Sépulcre. Météréographie ow Art d’obferver , d’une manière commode & utile, les … Phénomènes de l'Atmofphère, Gc.; par M. CHANGEU x , Brochure in-8°; + prix, 1 liv. 4 fols, avec fig.A Paris ,rue & Hôtel Serpente. C’eft le Mémoire que nous avons inféré dans le Journal du mois de Novembre 1780. Diélionnaire raifonné de Phyfique ; par M.BR1ISSON, de l'Académie Royale-des Sciences, Profeffeur de Phyfique expérimentale au Collège de Navarre, 2 vol. in-4°. de difcours, & 1 vol. de planches. À Paris , Hôtel de Thou , rue des Poitevins. Ce Didionnaire, deftiné à faire partie de l’Æncyclopédie, par ordre de matieres , contient tous les articies de Phyfique qui fe trouvoient épars dans l'Encyclopédie , & que l’Auteur a eu foin de diftinguer par deux crochets tels que ceux-ci'[ J. On y a ajouté toutes les connoiffances nouvellement acquifes dans cette Science, & quelques notions élémentaires de Marhé- matiques & de la Phyfique célefte, &c., &c. xé8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Gt. LPC EP Des ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. O BSERVATIONS fur la manipulation & la propriété de l'Huile de Faîne ; par M. CARLIER, Prévôt Royal de Verberie, Pag. 89 Suite du Mémoire de M. ACHARD, fur les Savons acides , 103 Suite du Mémoire fur la Chaleur, @c, des Animaux 6 des Végétaux; par M. J.HuNTER, F.R.S, 116 Obfervations fur des Végétations extraordinaires, @ [ur la Tarentule ; par M. DE MARCORELLE, Baron d'Efcalles, de plufieurs Aca- démies , 128 Huile d’Onopordon ou de Pédane ; par M. DURANDE, 138 Suite des Extraits du Porte-Feuille de M. l'Abbé DICQUEMARE, 141 Rapport fur l'opération du Départ ; extrait des Regifres de l Académie Royale des Sciences , du 22 Décembre 1780, 242 Mémoire [ur une fubffance nouvelle trouvée dans les Urines , @ fur la différence qu'il y a entre Les divers acides phofphoriques ; par M. PROUST , ancien Proféffeur de Chymie, & de la Société Royale de Bifcaye , 145 Réflexions fur le procédé employé par M. SAGE , pour extraire l'or des Ve gétaux 3 adreffées aux Auteurs du Journal ; par M. RITHER , 154 Tableau des Voyages minéralogiques de M. MoNNET , pour la confeétion de l'Atlas minéralogique de la France , extrait de l’Aclas minéralogique, 160 Nouvelles Littéraires, 16$ APPROBATION. J lu, par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un QE quia pour titre: Obfervations fur La Phyfique, fur l'Hiftoire Naturelle & fur les Arts, ce. ;par Af.l Abbé Rozier, 6e. La Colleétion de faits importans qu’il offre périodiquement à fes Leéteurs , mérite l’accueil des Savans ; encouféquence , j’eftime qu’on peuten UNE lmpreffion. À Paris, ce 22 Février 1781. VALMONT DE BOMAR pour d Citron , / R ë NŸ Ÿ À Jr) l va à PL D: l Levrier 1761. | YARIS TOUR NAL DE PHYSIQUE. MARS 1781. EAr Pure te LÉ MÉMOIRE Tiré de la Colleétion des Mémoires de la Séance publique de la Faculté de Médecine, 12779, Sur le Quinquina de la Martinique, connu fous le nom de QUINQUINA - PrToNn. Par M. MarzEerT, Doëdeur- Régent de la Faculté. L:: fièvres intermittentes ont long - temps défolé nos climats avant que les Médecins euffent découvert un moyen sûr pour les combattre. Ce ne fut, comme on fait, qu'en 1649 que l'on commença à avoir quelques notions du Quinquina, par les relations du Cardinal de Lugo & des Jé- fuites à leur retour en France, Trente années s’écoulèrent encore depuis cette époque , avant que les Médecins fe déterminaffent à le prefcrire aux malades avec cette confiance que méritent ven général les fpécifiques, & qu'il a acquife depuis. En 1679, yn Anglois nommé Talbot, le mit en vogue, & Louis-le- Grand acheta de lui la manière de Le prefcrire & fes dofes. Depuis cette époque jufqu'à ce jour , le Pérou feul étoit en poffeffion de fournir du Quirquina à l'Europe, & on n’avoit point encore fait ufage de celui qui croît dans d’autres Contrées. Il en exiftoit cependant à Saint-Domingue, dans le Nouveau-Mexique & à la Martinique. C'eft à M. de Badier, Voyer & habitant de la Guadeloupe, que nous fommes redevables de la connoiffance de celui qui croît à la Martinique, & qui y eft connu fous le nom de Quinquina-Piton (1). C'eft lui qui le (1) Le terme de Piron eft celui dont on fe fert dans les Colonies pour défigner le fommer des montagnes, & celui des Æ£ornes pour fignifier les montagnes elles-mêmes. C’eft par- ticulièrement fur les pitons des mornes des quartiers du Vauclin & du Carbet que l'arbre de Quinquina croît en plus grande abondance. Tome XVII, Part. I 1781, MARS, Y 170 CBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, premier en a apporté en France, & qui a bien voulu nous donner une branche de cet arbre, & une petite quantité de fon écorce pour en faire l'analyfe & répéter les expériences propres à conftater fes propriétés. Ce Naturalifte, plein de zèle pour les progrès de l'Hiftoire Naturelle & le bien de l'humanité, nous a communiqué en même temps quelques ob- fervations fur les effèts de cette écorce, dont les Chirurgiens & Habitans du Gros. Morne fe fervent avec beaucoup de fuccès pour détruire les fièvres, qui fouvent font beaucoup de ravages dans ces climats. La branche qui nous a été donnée n’a été cueillie qu'après que la feu a été paflée : mais elle porte à fon extrémité des fruits dans l'état de ma- turité. M. Defcemet, notre Confrère, fi connu par l'étendue de fes con- noiflances en Botanique , a bien voulu fe charger de l’examiner & de la comparer avec la defcription du Quinquiva du Pérou. Il a prouvé, dans un Mémoire très-détaillé qu'il a donné à la Faculté, & que je vais rap- orter, que le Quinquina-Piton eft une efpèce de Quinquina parfaitement femblable à celui du Pérou. M. de Badier, dit-il, ne nous ayant donné aucune defcription de Farbre dont nous allons parler, nous nous renfermerons dans l’expofé des parties qui {e font trouvées {ur la branche qui nous a été remife par M. Mallet. Elle eft longue de dix pouces & demi, portant fix paires de feuilles oppofées , longues de fix pouces, larges de deux, pointues par les deux bouts, luifantes en-deflus , obfcures en-deffous , féparées dans leur lon- gueur par une côte faillante, qui diminue infenfiblement à mefure qu'elle approche de la pointe , traverfée par des nervures obliques alternes. Elles font attachées à la branche par un pédicule long d’un demi-pouce. Au-deflus de chaque pairede feuilles, on trouve une gaîne membraneufe appliquée fur la tige, longue de ttois lignes, fendue en deux parties, qui ne reflemble pas mal au haut d’une mitre. Cette branche eft terminée par un bouquet de fruits dont les plus gros ont fept à huit lignes de long. [ls font portés fur cinq paires de pédun- cules communs oppofés , placés les uns au- deflus des autres , qui fe fub- divifent en d’autres pareillement oppofés, à lextrémité defquels les fruits font attachés. Au deffous des deux premières paires de péduncules communs, nousavons obfervé deux ftipules intermédiaires, larges , pointues, réunies par leurs bafes : dans les autres, elles étoient féparées & placées à la bafe des péduncules, ainfi que dans ceux du fecond ordre. Elles man- quoient dans ceux du troifième. La branche que nous avons vue n’avoit point de fleurs , mais feule- ment des fruits prefque mürs, dont nous allons donner la defcription la plus exacte : nous rappo:terons enfuite celle que M. de la Condamine a faite du fiuit du Quinquina du Pérou : nous les comparerons enfemble , & nous donnerons nos conjectures fur l'arbre que nous avons examiné, Par SUR L'HIST,; NATURELLE ET LES ARTS. - 171 Le fruit du Quinquina-Piton eft une capfule oblongue, noire, conique, ointue dans le bas, obtufe dans le haut , applatie fur les côtés, marquée de deux fiflons longitudinaux , couronnée par le calice , qui eft perfiftant, d'une feule pièce découpée profondément en cinq parties étroites, écar- tées l'une de l’autre, pointues & courbées en-dedans quand le fruit eft fec. Cette capfule a deux loges; elle eft compofée de deux panneaux féparés par une cloifon membraneufe verticale , qui s'attache aux bords es panneaux es font repliés en-dedans. Chaque loge renferme plufieurs petites graines brunes , arrondies, placées au milieu d’un double feuillet membraneux , mince , large , roufsâtre , difpofées à la manière des écailles de poiflon , & attachées autour d'un placenta oblong , charnu, inégal, libre par Les deux bouts, plus gros par le haut , applati en-dehors, adhérent à la cloifon mitoyenne par un feuillet membraneux , placé de champ vis-à- vis du placenta de l’autre loge, M. de la Condamine dit, page 232 des Mémoires de l’Académie des Sciences pour l'année 1738 , que la fleur du Quinquina étant pañlée , le calice fe renfle dans fon milieu en forme d'olive; qu'il groflir & fe change en un fruit à deux loges, qui devient plus court & plus rond en fe féchant , & s'ouvre enfin en deux demi-coques féparées par une cloifon & doublées d'une pellicule jaunâtre , life, mince, dont il s'échappe pref- qu'aufli-tôt des femences roufsâtres, applaties & comme feuilletées ; dont plufieurs n’ont pas demi-ligne de diamètre, très-mince vers les bords & plus épaifle vers le milieu, qui eft d’une couleur plus foncée, & con- tient la plantule dans fon épaiffeur entre deux pellicules. Ces femences reflemblent, en petit, à celles de l’orme; elles font attachées & difpofées en manière d’écailles fur un placenta oblong & aigu par fes deux extré- * mités. Le placenta tient de chaque côté à la cloifon mitoyenne : il a la forme à- peu - près d’un grain d'avoine , mais plus long & plus mince, applati, avec une cannelure felon fa longueur du côté qui joint la cloifon avec quelques afpérités du côté oppofé. 5 Cette defcriprion du fruit du Quinquina du Pérou fe rapporte fi parfai- tement avec celle du fruit du Quinquina-Piton, qu'il ne nous a pas été pofñible d’y trouver aucune différence. Dans l'un & dans l’autre , le calice eft fur le fruit; &, comme difoit Tournefort, le calice devient le fruit. Dans tous deux le fruit eft ovale ; il s'ouvre en deux demi-coques, féparées par une cloifon & dou- blées d’une pellicule jaunâtre, life & mince, qui n'a paru être un pro- longement de la cloifon. Dans l'ure & dans l'autre, les graines font applaties & comme feuilletées, Elles n’ont pas demi-ligne de diamètre ; elles font très-minces vers les bords, & plus épaifles vers le milieu , qui eft d'une couleur plus foncée, & contient la graine dans fon épaiileur entre deux pellicules. Ces femences, que M. de la Condamine a com- parées avec celles de l’orme, font attachées & difpofées en manière Tome XVII, Part.I.1781, MARS, Y2 172 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Fautre. Ce placenta tient de chaque côté à la cloifon mitoyenne, M. de la Condamine, qui a vu le fruit frais, a remarqué que le placersa avoit cette forme. D'après tous ces caraétères, nous penfons que le Quinquina-Piton eft une véritable efpèce de Quinquina. Si nous y joignons d’autres traits de reffemblance ; tirés de la forme des feuilles, de leur difpofition & de celle des fleurs fur les branches , nous ajouterons de nouvelles preuves à notre opinion. Dans l'un & dans l’autre , les feuilles font oppofées; & quoique M. de la Eondamine ne le dife pas de l'efpèce dont il a parlé , cependant nous en fommes affurés par un pied que nous avons vu vivant au Jardin du Roi. Elles font portées , dans l’une & l'autre efpèce , fur un pédicule d'un demi-pouce de long, liffes en-deflus , obfcures en deffous, pointues par les deux bouts, larges d’un pouce & demi ou deux pouces dans leur partie moyenne, Celles du Quinquina-Piton font feulement du double plus longues que celles du Quinquina du Pérou. Les plus longues de la bran- che que nous avons ont fix pouces de long, tandis que celles du Quin- quina du Pérou n’ont que deux pouces & demi ‘ou trois pouces. Elles ont une côte longitudinale dans l’une & dans l'autre efpèce, &les principales nervures font alternes. Un autre caractère dont M. de la Condamine n’a pas non plus parlé, SRE nous avons obfervé fur le Quinquina du Pérou , & qui fe trouve auñi ans le Quinquina - Piton, c’eft une gaîne membraneufe de deux ou trois lignes, qui embrafle la tige au-deffus de chaque paire de feuilles. Enfin, les feurs du Quinquina-Piton font difpofées par bouquets au haut des branches, comme dans le Quinquina du Pérou. On avoit déjà trouvé le Quinquina dans nos Ifles. On voit, dans VHifloire des Maladies de Saint -Domingue , par M. Poupée Defporres , Médecin du Roi dans cette Colonie, & Correfpondant de l’Académie des Sciences, une Lettre (1) que cet habile Botanifte écrivoit à M. fon frère en 1747, par laquelle il lui mandoit. que; depuis long-temps , il avoit fait part à MM: de Juffieu de la découverte qu'il avoit faite de trois efpèces de Quinquina à Saint-Domingue, dont une avoit uu parfait (1) Hiftoire des Maladies de Suinr-Domingue , Tom. Il, p.231. » SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 173 rapport avec la defcription que M. de la Condamine a envoyée du Pérou à l'Académie des Sciences. M. Defportes a nommé cette dernière efpèce : Trachelium arberefcens & fluviarile, lauri foliis conjugatis, floribus race- mofis feu corymbofis albis, capfulis conicis n'gris (1 ). Ce n'eft point ici le moment de prouver que cet arbre net pas du genre du Trachelium ; il nous fuffit d’avoir conftaté qu'il fe trouve aufli à Saint- Domingue au moins une efpèce de Quinquina, & que nous n'en avons pas encore ne depuis plus de trente ans que la découverte en a été envoyée en france. L’analyfe chymique n’a rien diminué de J'idée favorable que nous avions conçue du Quinquina-Piton; & le travail de M. de la Planche, notre «Confrère , dont les talens, l'exactitude & la plus fcrupuleufe atten- tion font connus de la Faculté, prouvera de plus en plus l'analogie qui exifte entre le Quinquina de la Martinique & celui du Pérou, aiofi qu'il eft aifé de s’en convaincre par la comparaifon qu'il en a faite, & que je vais rapporter, L'écorce du Quinquina-Piton, dit-il, eft large, mince, fibreufe , légères dépouillée de fon épiderme, d’un gris-brun foncé , d'une faveur excellive- ment amère. Le Quinquina du Pérou , dont nous nous fommes fervis pour faire l'ana- lyfe comparée , étoit d’une groffeur moyenne , d'une couleur rouge-brunâtré en-dehors, & rouge-cannelleen-dedans , d’une faveur ftiprique amère. Ces deux écorces ont été traitées féparément , à différens degrés de chaleur , avec l'eau, le vin, l’efprit-de-vin, les acides, les alkalis, & ont donné les réfultats fuivans : 1°. Deux onces de Quinquina du Pérou, groffièrement pulvérifé, mis acération dans deux pintes d’eau froide, le mêlange fouvent & for- en macération dans deux p d froide, 1 lange f t& hf tement agité pendant huit jours, il s'en dégagea une grande quantité d'air : 8! J > 825 Een : qui produifit une moufle abondante. Cette liqueur, filtrée par un papier gris, parut jaunâtre , louche & amère. 2°, Res d’eau bouillante, verfée fur le réfidu & filtrée, douze heures Je 3 donna une liqueur plus jaune & plus amère; la même infulion réitérée fournit une 2m à-peu-près femblable. o ñn ’ . « 7. x . . 3°. Le même réfidu foumis à une ébullition de fepr à huit minutes, dans une chopine d’eau, & réitérée trois fois , Le produit des deux premières décoctions étroit d'un jaune foncé, trouble , d'une faveur amère, & le pro- duit de la troifième étoit plus foible à l'œil & au goût que les deux autres. e 4°. Le même réfidu, après avoir été arrofe d'eau bouillante verfée à plufeurs reprifes, jufqu’à lui ôter route faveur , fut mis en digeftion dans 0 {1) Hifloire des Maladies de Sainr-Demingue, Tom, IT, p.198. 174 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, un peu d’efprir de-vin, auquel il donna une couleur ambrée fans amer: tume: on mit enfuite le feu au réfidu,, qui brûla très - promptement fans répandre d’odeur particulière, & ne fournit pas un atôme d’alkali fixe par lincinération, $°. Toutes les liqueurs qui avoient fervi aux infufions, décoctions & lotions, réunies & formant environ quatre à cinq pintes , furent filtrées, pafsèrent très-lentement, & furent mifes enfuite à évaporer. Elles fe trou- blèrent beaucoup pendant certe opération, furent refltrées deux fois; & enfin , l’évaporation terminée , elles laifsèrent fur une aflierte de fayance deux gros d’un extrait fec, brillant , s'humectant à l'air. Les mêmes expériences furent faites fur le Quinquina-Piton. 1°. Deux onces de cette écorce , groflièrement pulvérifée, furent mifes à macérer dans deux pintes d’eau froide ; ‘il s'en dégagea une quantité d’air beaucoup plus confidérable qu'il ne s’en étoit dégagé de la macé- ration du Quinquina du Pérou; la moufle qui fe forma, en l’agitanc, fut plus abondante, & ne S’'affaifla jamais complérement. L'eau dans la- quelle macéra le Quinquina-Piton , déjà très-colorée dès le premier jour, devint , au bout de huit, d’un rouge-fafran très-foncé , néanmoins très- limpide : on filtra la liqueur; on verfa une égale quantité d’eau froide fur le réfidu: &, huit jours après cette nouvelle macération, la liqueur fe trouva prefque aufli foncée en couleur que la première fois. Après avoir filtré cette feconde teinture, le réfidu fut foumis à trois infufons différentes , chacune dans une chopine d'eau bouillante; la teinture diminua d’intenfité de la première à la feconde , & de celle-ci à la troifième, qui cependant fe trouva encore aufli foncée pour le moins que la première teinture du Quinquina du Pérou. 2°. Avant de procéder à la décoétion du marc, il fut lavé par deux intes d'eau bouillante verfée à plufieurs reprifes, jufqu'à ce qu’elle pafsät foiblement colorée. Etant ainfi aflurés qu'il ne pouvoit plus rien fournir à l'infufon , nous lui fimes fubir fucceflivement trois décoctions dans deux livres d’eau, qui fe trouvèrent encore d’une couleur trèssambrée & d'une faveur très - amère, la première fur - tout: enfin le marc, qui n’avoit pas encore perdu toute faveur, fut lefivé pour la feconde fois ps beaucoup d’eau bouillante, jufqu'à ce qu'il füt devenu entièrement infipide. Dans cet état , il colora très-peu l’efprit-de-vin bouillant , brüla très-rapidement, & fes cendres ne donnèrent pas d’alkali fixe. 3°. Toutes lesliqueurs chargées des principes extra@ifs , provenantes des macérations, des infufions, des décoctions & des lavages, qui, réunies , formoient la quantité de douze pintes & plus., furent verfées fur le filtre , pafsèrent très promptement, furent enfuite foumifes à l'évaporation , per- dirent peu de leur limpidité pendant l'opération , furent filtrées une feconde fois fur la fin, & produifirent quatre gros d’un extrait fec , noir-jai très-net, très-amer, qui shumectoic un peu à l'air, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 175 Quoique les liqueurs rapprochées ne dépofaffent rien defalin , cependant, pour nous aflurer s'il n’exiftoit pas du fel ammoniac dans nos extraits, comme on en trouve dans ceux de quelques plantes, notamment celui de la ciguë , nous y avons délayé de l'alkali Axe, qui nous a certifié l’abfence de ce fel, en ne dégageant point d’alkali volatil. Après ces expériences , nous avons pris une nouvelle quantité des deux efpèces de Quinquina , que nous avons fait bouillir féparément dans de l'eau commune ; il ne $eft exhalé, pendant l’ébullition , aucun principe aromatique, & chaque déco&ion n'a produit que l'odeur propre à a décoétion du Quinquina : de plus, lébullition a produit, dans les deux cas, une raréfaction confidérable ; &, en réitétant les ébullitions, nous avons obfervé que le Quinquina-Piron eft celui des deux qui a confervé plus long-temps la faculté de produire cet effer. Nous avons enfuite brûlé féparément , dans des cuillers de fer, les deux efpèces de Quinquina, qui-n’avoient fervi à aucune opération ; l’une & l'autre n’ont exhalé aucune odeur aromatique , & leurs cendres ont fourni beaucoup d’alkali fixe. L'eau dans laquelle nous avions fait macérer, infufer & bouillir nos Quinquina, fe conferva long - temps; mais, au bout de quinzé jours, la température de l'air étant habituellement entre le 12°. & Le 15°, degré du thermomètre de Réaumur , celle du Quinquina du Pérou avoit contracté du moifi, & paroifloit alors plus trouble qu'au commence- ment, De l'efprit-de-vin ou de l'alkali fixe verfés fur cette décoction, en ont rétabli la limpidité , en diflolvant la matière errante. 3°. La grande amertume du Quinquina- Piton mafquant les autres Fos fapides , pour décider s'il poflédoit, aufli bien que le Quirquina u Pérou, quelque principe aftringent, nous les avons fait bouillir l’un & l’autre dans l'eau non épurée de Pafly, qui a noirci fur le champ. Nous les avons fait bouillir enfuite dans du vin rouge , dont ils ont précipité entièrement la partie colorante , & n’ont laiflé chacun que la couleur & la faveur qui leur font particulières : mais nous avons ob- fervé que le Quinquina-Piton décompofoir promptement à froid le vin rouge ; ce que’ne fair que très-lentement le Quinquina du Pérou. L'efprit- de - vin agit puiffamment fur les deux efpèces de Quinquina. La teinture du Quinquina-Piton eft plus amère, plus foncée en couleur, fe trouble d'elle-même au bout de deux jours; ce qui n'arrive plus, Jorfqu'elle à été filrrée. Elle fe mêle intimément à l’eau fans perdre fa nouvelle tranfparence, & laifle plus que le quart de fon poids d'un extrait d’un brun-noir luifant, tenace , prefque d’une faveur d'aloës. La teinture du Quinquina du Pérou offre des différences ; elle eft moins foncée, moins amère , conferve fa limpidité qu'elle perd dans fon mé- Jange avec l'eau , fe décompole en évaporant, & ne fournit pas le quart _* . , c- . 176 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de fon poids d’un extrait fec, brun - obfcur, grenu & d’une amertume fupportable. ‘ L L'application de l'aimant n’a demontré l'exiftence du fer ni dans la poudre ni dans les cendres d'aucune des deux efpèces de Quinquina; mais les ayant mifes l’une & l’autre en digeftion dans l'efprit-de vitriol, cet acide s’eft chargé d’une couleur ambrée. L’alkali fixe phlogiftiqué a précipité de la teinture vitriolique du Quinquina du Pérou des flocons d’une couleur grife-légère : mais verfé fur celle du Quinquinä-Piton, il en a précipité des flocons, qui, raflemblés, formoient, fans addition d’acide marin, de très-beau bleu de Pruffe. Cette expérience curieufe ne nous paroît Se pas fufhfante pour devoir attribuer ce bleu à la préfence du fer, & en inférer l'exiftence de ce principe dans le Quinquina- Piton. Les deux folutions vitrioliques évaporées n’ont dé- pofé aucun fel neutre , & ont laiflé un réfidu noir , femblable aux réfidus d'éther. L'acide nitreux attaque rapidement les fubftances végétales, & parti- culièrement nos deux efpèces de Quinquina. Nous avons mis une égale quantité de ces deux écorces à digérer dans cet acide; les deux folutions ont laiffé, après l'évaporarion de toute l'humidité , un réfidu jaune léger , fpongieux , fort acide, animant un peu l’activité du feu , mais n’y exerçant pas la fulguration qui caraétérife les fels nitreux. Les réfidus, lavés à l'eau fraîche jufqu'à perte de toute acidité, fe trouvèrent dépouillés de faveur & de principe , entièrement épuifés; & c'eft en vain qu'on a cherché de l’alkali fixe après l'incinération. E Enfin, les deux efpèces de Quinquina, mifes en digeftion dans de la liqueur alkaline, ont donné deux teintures rouges très-limpides, : . Voici ce que nous pouvons conclure de certe analyfe. 1°. L'eau fufit pour extraire les principes actifs des deux efpèces de Quinquina ; mais à froid, ou aidée de différens degrés de chaleur, fon action, & même celle du vin, eft plus prompte & plus marquée fur le Quinquina-Piron que fur l'autre. Il y a cependant, dans le re du Pérou, un principe que l'eau ne peut difloudre, qui trouble l'infufion & la décoétion , où il paroît errant, & qui-fait une efpèce de lait virginat grisâtre de la teinture fpiritueufe étendue dans l'eau, Mais quel eft ce principe ? le trouble de l'infufion , plus marqué dans la décoction de ce même Quinquina du Pérou, la dificulté que ces liqueurs ‘éprouvent à traverler les filtres, la limpidité qui leur eft procurée par l'addition de l'alkali fixe ou de l'efprit-de-vin, cette même limpidité ; qui eft conf tante dans la teinture fpiritueufe ou alkaline, tout prouve qu'il eft de nature réflineufe, . Dans le Quinquina - Piton , au contraire , tout eft foluble dans l’eau ; l'efprit-de-vin y trouve un principe qu'ii ne peut diffoudre : il le dépofe au bout de deux jours ;c’eft çe qui elt caufe que fa teinture fpiritueufe fe UE alors: SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 177 alors : mais ce principe furabonde en petite quantité, & paroît être de na- ture gommeufe. 2°. Il exifte évidemment , dans l'un & dans l'autre, un principeaft-ingent, ui n'eft nullement dû à l’épiderme ( 1}, mais qui appartient en entier À l'écorce proprement dite ; où il réfide. 3°. Les deux Quinquina ont une odeur de moili qui n’eft pas défa- gréable , qui leur eft propre: mais ce n'eit pas un principe aromatique; on n'y trouve de principe ni falin ni ferrugineux; ce qui le conititue effentiellemenc eft un extrait favonneux , aftringent , amer , près de moitié lus abondant dans le Quinquina- Piton, que dans le Quinquina du érou. Ces deux efpèces font donc de même nature; mais avec certe diffé- rence, que la réfine eft fur-ajourée à la partie favonneufe dans le Quin- quina du Pérou; & que, dans le Quinquina-Piton, au contraire, s'il y exifte un peu de gomme à nud, les principes d’ailleurs y font dans un état de combinaifon plus exaét, & y formentun corps favonneux plus abon- dant & plus parfait. Les principes du Quinquina-Piton étant bien établis par cette analyfe, & répondant aux obfervations faites à La Martinique & à la Guadeloupe , qui m'avoient été communiquées , je me fuis déterminé à Le prefcrire ici à plufieurs malades. Onze en ont fait ufage : dix étoient attaqués de fièvres tierces, qui avoient duré plus ou moins; les unes un mois, les autres deux, trois , quatre , même un an :toutes avoient été traitées par la méthode ordinaire, & avoient rélifté à l'effer du Quinquina du Pérou. Un feul écoit attaqué de fièvre quarte depuis huit mois, & n'avoit également éprouvé aucun foulagement du Quinquina du Pérou. Je prefcrivis aux trois premiers deux gros de Quinquina-Piton en dé- coétion dans une chopine d’eau ,, que je leur fis prendre en trois verres, d'heure en heure; ils vomirent tous les trois deux ou trois fois, & éva- cuèrent confidérablement par les felles : tous trois n'éprouvèrent, le len- demain, qu'un accès très-court, très-léger & fans friflon. Encouracé par le fuccès, je voulus réitérer la même dofe: mais il me fut impoflible de vaincre leur répugnance pour l'amertume exceflive de cette décotion. Je pris le parti alors de leur donner le Quinquina en poudre à la dofe d'un ros en bol, incorporé avec fuffifante quantité de fyrop de guimauve ; il : À FREE Sr Une ï : produifit le même cffet que la décotion, c’eft - à- dire, qu'il ft vomir & purgea de même. Le lendemain, l'accès fut à peine fenfble : les malades étoient feulement très-fatiqués de l’effec purgatif & vomitif. (1) La décoëtion de l’épiderme du Quinquina du Pérou ne fait pas de l'encre avec les eaux de Pafly. Tome XVII, Part. I, 1781. MARS. Z 198 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Je Îes laiffai repofer , dans l'intention de leur en faire prendre une troi- fième dofe : mais ilsne voulurent point y confentir , & je ne pus continuer le traitement, Quelque temps après, quatre autres malades en firent ufage en bol. M. Solier, mon Confrère , le leur prefcrivit , conjointement avec moi. Nous ob- fervimes le même effet, & nous eûmesle même fuccès, Un des quatre fut même huit jours fans fièvre : mais nous eûmes encore le délagrément de ne pouvoir fuivre le traitement, comme nous nous l'étions propofé. Le 2$ du mois dernier (1) , je fis prendre notre nouveau Quinquina en bol, à la dofe d’un gros, à un jeune homme de dix-huit à vingt'ans, attaqué d'une fièvre tierce depuis un mois, laquelle avoit réfifté au traitement ordinaire. Dès la première prife, la fièvre cefla prefqu'entièrement; il n'eut plus le friflon, & le malade n'éprouva qu'un mal-aife léger, qui fe termina par une fueur aflez abondante, Il prit deux jours de fuite Le même bol, & n’éprouva que le mal aife dont je viens de parler, fans augmentation de fièvre. Je le laiflai repofer deux jours, & le-trouvai, le troifième, fans fièvre & fans mal-aife. Je lui confeillai d'en prendre pendant quelques jours à la dofe de huit grains : cette petite Lee l'a encore évacué deux fois chaque jour qu'il la prit. Je l'ai fuivi depuis ce temps, & la fièvre n'a pas reparu. Ses forces fe font rérablies, & il jouit d’une très-bonne fanré. Le premier Décembre, je fis prendre le Quinquina- Pitonen bol, à la dofe de demi-gros, à deux autres malades, tous deux attaqués de fièvres tierces, l'un depuis près de deux mois, autre depuis quatre , tous deux ayant été traités , fans fuccès , par la méthode ordinaire. Il les fit vomir copieufement , quoiqu'à demi-gros , & les purgea égale- ment. Dès la première prife, le friflon difparur, comme nous l’avions obfervé précédemment : ils en prirent deux prifes fucceflivement, qui produifirent le même effet. Un des deux étoit abfolument fans fièvre le lendemain, l’autre n’en avoit éprouvé qu'un reffentiment très - léger : tous deux prirent le Quinquina- Piton , à la dofe de huit grains, pendant quelques jours ; & furent parfaite- ment guéris. Il feroit à defirer , fans doute ; que nous euñlions une fuite d’obfervations plus nombreufes à préfenter; maïs le temps & les circonftances (2) ne nous ont pas permis d'en avoir davantage. Quoi qu'il en foit, il rélulrera toujours des faits que je viens d’ex- pofer : (x) Novembre 1779. (2) M. de Badier n’avoit apporté en France qu’une très - petite quantité de Quinquina- Piton , & nousn’autions pas même pu continuer les abfervations que nous avions com- mencées, fans la générofité de M. le Préfident de Tacher, Intendant de Ja Martinique, qui a bien voulu nous en donner. if mt dt SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 179 1%. Que le Quinquina-Piton, pris en décotion à la dofe de deux gros dans une chopine d'eau, & à la dofe d'un gros en bol, mêine de demi- gros, eft vomitif & pu pie 2°. Qu'il guérit les hèvres intermittentes récentes; qu’il fafpend celles qui font anciennes, & qui ont réfifté long-temps à l'action du Quin- quina du Pérou ; qu'ileft même à préfumer qu'il les auroir guéries toutes radicalement, sil m'eût été poflible d'en faire prerdre encore deux dofes aux malades que j'ai traités, & qui n'ont pas voulu en continuer lufage. 3°. Que fon action eft très-prompte. 4°. Enfin, que la ae qu'il a de faire vomir & de purger, eftun avantage précieux , qui doit même lui aflurer la préférence fur le Quin- quina du Pérou dans le trairement des fièvres intermittentes , puifqu'il réunit à lui feul Ja faculté d'évacuer copieufement les malades , & celle de guérir la fièvre. Par ces deux propriétés réunies, il remédie aux plus grands inconvéniens du Quinquina, & peut prévenir les engorgemens , les obftruétions, l'hydropifie , la cachexie, & une infnité d’autres maladies qui ne font que trop fouvent les fuites funeftes du Quinquina du Pérou mal adminiftré. Si nous confidérons maintenant Le Quinquina - Piton fous des vues poli- tiques, nous croyons qu'indépendamment vas avantages dont nous venons de parler, il mérite celui de fixer l'attention du Gouvernement, en ce qu'il peut devenir, pour la France, une nouvelle branche de commerce très-intéreffante. ” MEMOIRE Sur l’Alkali fixe tout formé dans les Végétaux; Par M. BERNIARD. Ï- femble que la préfence de l’alkali fixe dans les végétaux ne devroit plus être un problème, fur-tout d’après les expériences bien conftatées de MM. Maroraff & Roueile le jeune, & principalement de ce dernier, qui les avoit dirigées uniquement vers cer objet. Cependant, dans la Séance publique que la Faculté de Médecine de Paris tint le Jeudi 28 Décembre 1780, dans les Ecoles de Sorbonne, M. Alphonfe Leroy, Do éteur-Régent de cette Faculté, Savant diftingué dans plufieurs branches de la Médecine & de la Phyfique, commença la leéture d’un Mémoire hift orique & critique fur la Héte de l’alkali dans le tartre, qui tendoit à prouver que tous ceux qui croyoient à fon exiftence , n’étoient fondés Tome XVII, Part. 1.179781. MARS. Z 2 480 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que fur des expériences mal faites, ou qui en ont impofé; & que c'eft une erreur, quine s'eft foutenue & propagée , comme une infinité d’autres, qu'à la faveur des grands noms dont elle étoit étayée. Des circonftances n'ayant pas permis alors à M. Leroy d'achever la lecture de fon Mé- moire, il ne lui fut pas pofible de donner fon procédé, pour prouver ce qu'il avançoit. Mais ayant, depuis, communiqué fon Mémoire aux Rédacteurs de la Gazette de Santé, ceux-ci en ont donné un extrait fort étendu dans le premier N° de la Gazette, Janvier 1781; par ce moyen, ils ont mis les Chymiftes à portée de juger fi les expériences de M. Le- roy éroient fuffifantes pour détruire celles de deux plus habiles & plus exaûts Chymiftes de nos jours: c'eft de quoi je m’occuperai dans ce Mé- moire. M. Leroy critique Kunkel d’avoir fait un mélange de chaux-vive & de crème de tartre, & d'avoir conclu, du goût alkalin qui en réfultoit, pour la préfence de l’alkali ; tandis, ajoute M. Leroy, qu'il ne faifoit qu'un foie de foufre terreux : mais comme il ne donne pas l'expérience qui lui a prouvé qu'un pareil mélange de chaux & de tartre forme un foie de foufre terreux , j'avoue qu'il m'eft impoflible de deviner ce qu'il veut dire. M. Leroy, en rapportant une des expériences de M. Rouelle , qui con- fifte à faire digérer de l'acide nitreux {ur de la crême de tartre, & d’où il réfulté un vrai nitre, lui reproche de n’en avoir pas examiné la bafe, & par conféquent d'avoir été dans l'erreur, en prenant cette bafe pour un alkali (1). Ce reproche, auñi gratuit que mal fondé, prouve que M. Leroy n'a pas lu les Mémoires de M. Rouelle , comme je le dé- montrerai en rapportant la belle fuite d'expériences de ce dernier. Mais fappofons que M. Rouelle n'ait pas fait d'expériences pour démontrer l’alkali dans le nitre qu'il a obtenu par le mêlange de l'acide nitreux & la crème de tartre, pourquoi M. Leroy ne donne-t-il pas celle qui lui a démontré que la bafe de ce fel n’eft pas un alkali ? El doit bien favoir qu'en Chymie , la plus petite expérience détruit fouvent les raifonnemens les plus fpécieux. Si le célèbre Stalh fe für contenté de dire feulement q'e le foufre éroit compofé d'acide vitriolique & de phlogiftique , nous ignorerions peut-être encore ce que ceft que ce corps ; mais , grace aux ingénieufes expériences de cet illuftre Savant , nous connoiffons aufli certainement les principes qui conftiuent le foufre , que nous ignorons comment fe forme le foie de foufre terreux de M. Leroy dans le mélange de la chaux-vive & de la crème de tartre. Voici les raifons que donne M. Alphonfe Leroy, pour prouver qu’il eft très-fondé à regarder l'idée de M. Rouelle comme une erreur. D ————————— ———————"—— —————"———————————————————— —————_— ————— —————————.—.—.—— (1) On obfervera que cette expérience eft la plus fimple, la plus courte, la plus aifée &c la plus démonftrarive, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 181 Toujours dans la vue de s’aflurer, dic- il, fi l’alkali exifte dans la trème de tartre, il a verfé du vinaigre diftillé, fur une folution très- chaude de crème de tartre; & lors du refroidiflement , il a obtenu la même quantité de tartre qui S'eft précipitée ; ayant fait évaporer la li- queur , il n'a pas obtenu de terre foliée de tartre , qui , comme on fair, eft le réfultat de la combinaifon du vinaigre avec l’alkali du tartre : & de-ila conclu que le tartre ne contenoit pas d’alkali. Si l'alkali exiftoit réellement dans la crème de tartre, dit M. Leroy, enverfant de l'acide nitreux fur une folution de tartre émétique, on devroit obtenir du fel-de-nitre; cependant on n’en obtient pas: donc l’alkali n’exifte pas dans la crême de tartre, Je fuis bien fâché d'être obligé de dire à M. Leroy que c’eft ici le cas d'appliquer la preuve de cette grande vérité : Experientia fallax , judicium difficile ; car la conclufion qu'il donne qu'il ny a pas d’alkali dans la crème de tartre , parce que l'ayant mêlée avec le vinaigre diftillé, il n’a pas eu de terre foliée, & quiayant verfé de l'acide nitxeux fur une folu- tion de tartre émétique, il na pas obtenu de nitre ; cette conclufion, dis-je, ne fignifie autre chofe, aux yeux des Chymiftes un peu inftruits, finon que M. Leroy n'a pas fait les expériences qu'il convenoit de faire pour trouver l'alkali dans le tartre. IL verra ci-après des expériences bien détaillées qui prouveront ce que j'avance. M. Leroy , pour répondre aux objections qu’on pourroit lui faire; que l'alkali fe trouve tout formé dans d'autres végétaux, comme dans le nitre de la bourrache, dans le fel marin du kali, &c.: mais autre chofe, dit-il , eft de l’alkali pur, & autre chofe eft de l’alkali dans un fel neutre. D'ailleurs, continue-t-il , a-t-on bien conftaté que la bafe de ces fels ni- treux & marin fût un alkali ? IL eft bien fingulier que ce Savant ait fait cette dernière queftion; les moindres notions de Chymie fufhfent pour y répondre. Quant à ce qu'il dit, qu'autre chofe eft un alkali en combinaifon dans un fel neutre, qu'autre chofe eft un alkali pur , je puis répondre que les Chymiftes qui ont parlé de l'aikali tout formé dans les végétaux, n’ont jamais die qu'il y für fans bafe; au contraire, ils l'ont regardé combiné d’une telle manière ; qu'il n'y avoit guère que ceux qui fauroient bien faire des expé- riences qui pourroient le démontrer. Parmi les Chymiftes, tant anciens que modernes, il y en a plufeurs qui ont prétendu que cet alkali fixe étoit rout formé dans le règne vé- gétal; mais aucun, avant M M. Margraff & Rouelle, n'avoir donné d'expériences pour appuyer cette aflertion. Glauber , il eft vrai, avoit reconnu la préfence du nitre dans les végétaux : mais il navoit pas porté fes vues plus loin; de forre que MM. Maroraff & Rouelle font les pre miers qui, par des expériences bien faites ( quoi qu’en dife M. Leroy}, ont prouvé ce que d'autres , ayant eux, n'avoient que fonpçonné. 182 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, - Ces deux Hommes célèbres, également convaincus qu'en Chymie l'expérience doit toujours précéder le raifonnement, ayant trouvé que le nitre qui fufe dans la combultion de certaines plantes, telle que le corona- folis , la bourrache, la buglofe , la pariétaire, la ciguë , &c., n'étoit pas une expérience aflez concluante pour prouver l’exiftence de l’alkali dans les végétaux, paroiflent s'être occupés , dans le même temps, de re- cherches ultérieures, qui les miflenr à mème de réfoudre un problème qui étoit agité depuis fi long-temps. Quoique ces deux Chymiftes ( l'un à Berlin , l'autre à Paris) euffent procédé d'une manière différente pour trouver la vérité, leur réfultat n’en fut pas moins le même, & les mit à portée l’un & l'autre de prouver, fans replique, que l’alkali fixe étoit l'ouvrage de la vécétation, & non pas celui du feu. s M. Margraff n'étant pas fatisfait du procédé de Kunkel , qui confifte à faire bouillir enfemble deux parties LT chaux - vive & une partie de tartre, d'où il réfulte, dit Kunkel, un alkali; M. Margraff, dis-je, à la fuite de fa belle diflertation fur le fel de cuifine, où il prouva, contre Yopinion de plufieurs Chymiftes , que la bafe de ce fel avoit beaucoup plus de reffembiance à un alkali fixe qu'à une terre alkaline, & que cet alkali, loin d’être le produit du feu, étoit tout formé dans le fel com- mun. Pour s'aflurer de même fi l'alkali fixe végétal éroir le feul produit du feu, ou bien s'il étoit tout formé dans les végétaux, comme il le foupçonnoit depuis long-temps, il imagina de faire l’effai fuivant. Il fit diffoudre, dans une fufifante quantité d’eau diftillée & bouillante, huit onces de cryftaux de tartre; il y jetta, peu-à-peu , quatre onces & demie de craie en poudre bien pure: au bout de quelques minutes, il y eut une effervefcence, & cette quantité de craie fut fuffifante pour fa- turer le tartre. Il eut foin, pendant l'ébuliition , de remuer continuelle- ment le mélange avec une fpatule de bois bien propre; il filtra la li- queur , & la fit évaporer jufqu'au tiers : il filtra encore une fois cette dernière portion ; & lui ayant trouvé un goût alkalin, il y verfa, peu- ä-peu , de l'acide nitreux. Alorsil y eut un précipité ; il continua à verfer de l'acide nitreux jufqu'à ce qu'il ne fe précipitât plus rien. Il filtra la liqueur; il la fit évaporer lentement, & la mit à cryftallifer. Au bout de gens jours, il eut un vrai nitre en cryftaux prifmatiques ; il fit ifloudre & cryftallifer une feconde fois ces cryftaux : ils eurent, à tous égards , les caractères qui appartiennent à un nitre ordinaire, c’eft -à- dire, à bafe d’alkali fixe végétal; car, ae lon dife que rien n'eft plus trompeur que les apparences, fur-tout dans la cryftallifation, pour peu qu'on travaille, on verra qu'un acide quelconque , combiné à diffé- rentes bafes, affectera toujours une figure conftante & régulière, fui- vant la nature de la bafe , & principalement l'acide nitreux avec l'alkali fixe végétal. Malgré que le célèbre Chymifte de Berlin fût bien convaincu que SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 1% l'acide nitreux ne produifoit un nitre femblable à celui qu'il venoit d’ob- tenir, que lorfqu'il étoic uni à un alkali fixe végétal, & que tout fem- blât lui indiquer que l'alkali fixe, qui avoit faturé fon acide nitreux, ne pouvoit provenir ré du tartre qu'il avoit employé dans fon opéra- tion , il fe contenta de dire que fon expérience étoit réelle; qu'il l'avoit fouvent répérée avec diverfes proportions de craie & de tartre, & que le réfultat avoit été uniforme ; que par conféquent il croyoit que le feu d’incandefcence n'étoit pas néceflaire pour la production d’un fel alkali végétal. D'après ce que nous venons de voir de M. Margraff, ne pourrions« nous pas déjà conclure que l'alkali fixe eft tout formé dans les végétaux? Mais non; préfentons auparavant des expériences plus nombreufes & plus décifives, faites par M. Rouelle , à qui il étoit réfervé de mettre cetre queftion hors de tout foupçon. Ces expériences font l’objet de deux Mé- moires lus à l’Académie Royale des Sciences, Le premier , Le 14 Juin 1769, & le fecond , le premier Septembre 1770 (1). Ces deux Mémoires étant deftinés à être imprimés dans les Volumes des Savans Etrangers, je ne rapporterai ici que les principales expériences qu'ils contiennent, & je les rapporterai avec d'autant plus de confiance, que j'en ai répété moi - même un grand nombre fous les yeux de feu M. Roux, pendant les trois premières années du Cours de Chymie aux Ecoles de Médecine, enfüuite en mon particulier, & conjointement avec M. d’Arcet depuis la lecture du Mémoire de M. Leroy. IL fut l'a- vouer, M. Leroy ayant annoncé affirmativement, dans une Séance publique, qu'il démontreroit que tous ceux qui croyoient à l’alkali tout Rem dans les végétaux fe trompoient , malgré l'autorité que peut avoir en Chymie le jugement de MM. Margraff & Rouelle, & me défiant de mes propres expériences , je me déterminai , dès ce moment, à reprendre ce rravail; & comme M. d'Arcer avoit été rémoin de la plus grande partie des procédés de M. Rouelle , je le priai de fe joindre à moi. Ayant donc répété avec cet habile Chymifte tout ce qui auroit pu laifler en- trevoir quelques doutes à des Chymiftes peu accoutumés à faire. des ex- périences , nous nous fommes convaincus de nouveau que M. Rouelle n'avançoit jamais rien qu'il ne füt à même de prouver par des expériences bien faites , bien conftatées , bien réfléchies , & fur-tout répétées plufieurs fois. Les faits fuivans confirmeront ce que j'avance. PRE MIT EUR IP LR OC) BD E. On met dans un évaporatoire de verre une livre d'acide vitriolique du commerce , & dans cet acide une livre de crême de tartre en poudre (1) L’Exvrait de ces Mémoires eft imprimé dans notre Journal, 1773, Tomel, page 12, 184 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, très- fine; en agitant le tout avec une fpatule de verre, le mélange s'échaufle au point de faire monter le thermomètre de quelques dégrés : l'effervefcence, qui s'exécute alors, eft très - légère. On place l'évapora- toire dans le bain-marie; on fait bouillir l’eau peu-à-peu , & on l’entre- tient toujours bouillante. On voit qu'il y a une action de l'acide fur la crème de tartre, caufée par la chaleur que le fimple mélange a produite. On apperçoit, par la fuite, s'élever des petites bulles au-deflus de la liqueur, & la liqueur fe trouble un peu. On tient toujours l’évaporatoire au bain bouillant; on temue de temps en temps la liqueur avec la fpatule de verre, & on continue cette opération dix à douze heures. Oïdinairement la liqueur s’épaiflit : alors , on ajoute deux ou trois onces d'eau diftillée bouillante. Toute la matière, qui n’étoit qu'une efpèce de bouillie, devient très-fluide ; on la laiffe encore dans Le bain-marie en- viron deux heures. Alors, on ôte du feu le bain, on laifle refroidir la liqueur en partie ; puis on y ajoute trois pintes d’eau diftillée bouillante, afin de bien diffoudre toute la matière. Cette diffolution eft un peu co- lorée & opaque; il y a une très-petite portion de crême de tartre , qui fe précipite. La liqueur contient beaucoup d'acide vitriolique , de la crème de tartre & du tartre vitriolique. En faturant l’excès d'acide vitriolique par de la craie, il en réfulte une félénite, qui eft prefque infoluble ; elle fe précipite avec la craie, qui eft furabondante , & avec une portion de crême de tartre non décompofées La liqueur, féparée du dépôt par le filtre, mife à évaporer, donne d’abord un peu ii crème de tartre, mêlée d'une très- petite quantité de félénite. Én continuant l'évapora- tion , il fe cryftallife toujours un peu de crême de tartre, mêlée de fé- lénite, que l’on à foin de féparer jufqu'à ce que la liqueur foit réduite à dix-huit ou vingt onces, A ce point d’évaporation , la liqueur , féparée de fes cryftaux, & diminuée LA quelques onces par une nouvelle éva- poration, donne des cryftaux de vrai tartre vitriolé. Ce tartre vitriolé eft encore mêlé d'un peu de crème de tartre ; ce qu'on reconnoît au goût ou à l'odeur , lorfqu'on en met fur des charbons embrafés. On continue l'évaporation à différentes reprifes ; & les cryftallifations étant répétées jufqu'à ce que la liqueur foit réduite à quelques gros plus ou moins, elle donne toujours du tartre vitriolé ; fi ces cryftaux font mis fur des char- bons embrafés, ou mieux fur un fer rouge , ils donnent une odeur de tartre qui brûle, comme on vient de l'obferver. Si l’on diffout ce tartre vitriolé dans la jufte quantité d’eau qu'il faut pour cela, la crème de tartre refte au fond du vaifleau : qu'on évapore enfuite la liqueur fui- vant les règles de l'Art, & qu'on procède au refroidiffement & aux cryftallifations comme il convient, on aura des cryftaux de tartre vi- triolé qui feront parfaitement purs, & qui ne contiendront plus de crème de tartre. Ce tartre vitriolé a toutes Les propriétés de celui qu'on fait avec l'alkali fixe Me 4 ï: SUR L'HIST. NATURELLE ET LES*ARTS. 185 fixe ordinaire de tartre & avec l'acide vitriolique. La preuve que ce tartre vicriolé lui eft parfaitement femblable , réfulte de ce Éi'éere difous dans l'eau diftillée, fi on y ajoute de l'huile de tartre par défaillance , il ne fe précipite rien. DE Dix LE MEN Pi, roc ED à, En traitant la crème de tartre avec l'efprit-de-fel, comme on vient de le faire avec l'acide vitriolique , on obtient un fel marin régénéré. Comme j'ai annoncé l'impreflion des deux Mémoires de M. Rouelle dans les Volumes des Savans Etrangers, & qu’on pourra les confulter, je fupprimerai ici les détails des procédés; je donnerai fimplement le réfultac de chaque expérience. 1°. Ce fel marin révénéré, en traitant la crême de tartre par l'acide du fel, mis fur des charbons embrafés, ou mieux fur un fer un peu rouge, décrépite & ne répand aucune odeur de tartre qui brûle. 2°. Si on décompofe ce fel par l'acide vitriolique dans une cornue, il pafle de l'acide marin, & il refte dans la cornue un vrai tartre vi- triolé. 3°. Ce fel étant diffous dans l'eau, en y mêlant de Phuile de tartre par défaillance , il ne {e précipite aucune crême de tartre ; preuve que ce {el eft pur. 4°. La diffolution de ce fel , mêlée aux diffolutions d'argent, de mercure & de plomb par l'efprit-de-nitre , il fe fait un argent corné, un mercure. précipité blanc , & un plomb corné. Voilà des preuves bien {ufifanres pour démontrer que ce fel eft un fel marin régénéré , & que fa baie eft un alkali fixe du tartre que lui a fourni la crème de tartre. MARTONT IS NE MMEMMPE RON CLÉ ID IE. En traitant la crême de tartre avec de l'acide nitreux comme avec les deux autres acides minéraux , on obtient un vrai nitre; il ne s'agit, pour cela, que de faire digérer , fur quatre onces de crème de tartre en poudre très-fine, quatre onces d'acide nitreux bien pur; il s'excite, dès l'inflanc du mêlange, une légère effervefcence : on laifle repofer ce niélange cinq à fix heures ; après quoi, on filtre la liqueur, laquelle mife à évaporer & cryftallifer, donne un nitre très- pur: car fi l'on diflout ce nitre dans une eau diftillée, & qu'on y ajoute de l'huile de tartre par défaillance , il ne fe précipite rien ; preuve bien certaine que la bafe de ce fel-de-nitre eft un alkali, & non pas de la crème ds tartre (1). (x) Cette feule expérience eût fuff à M. Alphonfe Leroy , pour s’affurer de l’alkali vowt formé dans la crême de rartre. Tome XVII, Part. I.1781. MARS. Aa t« 186 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Si l’on ajoute deux onces & demie d’acide nitreux à la crème de tartre, qui n'eft pas décompofée, cette quantité fufit pour la décompofer en- tièrement : alors, en procédant aux filtrations , évaporations & cryftalli- fations, on obtient toujours du nitre. En diffolvant enfuite dans l’eau diftillée tout le nitre obtenu des différentes cryftallifations, & procédant aux évaporations, on obtient un nitre parfaiement femblable à celui du commerce, 1°. Ce nitre, mis fur un fer un peu rouge, ne s’enflamme point; s'il contenoit du tartre, il s’enflammeroit & répandroit l'odeur dutartre qui brûle. 2°. Etant décompofé par l'acide vitriolique, le réfidu ou caput mor- tuum , qui refte dans la cornue , eftun vrai tartre vitriolé, Si ce nitre éroit un fel compofé de deux acides , il contiendroit une grande quantité de crême de tartre. Maïs toutes les expériences prouvent qu'il ny en a pas, & que c'eft un vrai fel- de - nitre, qui peut être employé à tous les ufages or- dinaires. QU AT RIT É ME MP RUOLGhENDIE M. Rouelle, après avoir décompofé la crème de tartre par les trois acides que nous venons de voir, s'occupa de l’ation des terres abfor- bantes & de quelques fubftances métalliques fur la crème de tartre, tous moyens qui démontrent l’exiftence de l’alkali fixe dans le tartre. IL n’y a pas de Chymifte qui ne connoifle ce qu’on a dit fur la folu- bilité du tartre par les terres abforbantes. On eft redevable de tout ce travail à MM. Grofle & Duhamel, qui ont donné à l’Académie , en 1732 & 1733, deux Méinoires fur différentes manières de rendre le tartre foluble par les terres abforbantes. Quoiqu'on doive regarder ces deux Académiciens comme les premiers qui aient traité cette matière avec étendue, M. Rouelle cependant y a joint un nombre d’ebfervations , qui font pour la Chymie d'une très-grande conféquence. M. Rouelle n’a parlé, dans fon Mémoire , que de deux fortes de terres abforbantés, & de trois fubftances métalliques , parce que les autres terres abforbantes, de quelque nature qu’elles foient, donnent les mêmes réfultats. Les fubftances terreufes font la chaux & la craie ; les métalliques font Le plomb, le fer & l'antimoine, . On avoit toujours regardé ces matières comme propres à rendre le tartre foluble, & l'on avoit jugé qu'elles avoient les mêmes propriétés que l’alkali fixe de tartre & de la foude, & que ces fubftances terreufes & métalliques fervoient de bafe au tartre foluble , comme les deux alkalis en fervent au fel végétal & au fel de feignette. 2 M. Rouelle a fait voir que les tartres folubles faits par la craie, la chaux-vive ou éteinte à l'air, & la chaux de plomb, traités avec le même SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 187 foin que le fel végétal , n'en diffèrent aucunement ; ils cryftallifent comme Jui, en préfentant la même forme de cryftaux à un point de reflemblance fi parfaite, que fi on oublie d'ériqueter les vaifleaux qui contiennent les liqueurs , il eft impoñible, à qui que ce foit, de diftinguer le vrai fel vé- gétal d’avec les autres. Ces tartres folubles ont encore les propriétés fuivantes. 1°. Ils onttousle même poût. 2°. Ils font folubles dans la même quantité d’eau. 3°. Expofés à un air humide, ils s'humectenc tous affez également; fi quelqu'un d'eux s’humecte plus que l’autre , c'eft qu'il n'eft pas parfaitement neutre, & que l’alkali y eft furabondant. IL faut que les liqueurs de ces fels v'altèrent point le fyrop de violettes. Si je ne cite que trois rartres folubles pour comparer au fel végétal, il n'en eft pas moins vrai, comme#l'a obfervé M. Rouelle, que toutes les autres terres abforbantes, de quelque nature qu’elles foient , préfentent les mêmes phénomènes. Pour démontrer, par la décompofition de ces tartres folubles, qu'ils fone tous parfaitement uniformes dans leurs principes conftitutifs, voici comment M. Rouelle recommande de procéder. On diffout deux livres de chacun de ces quatre tartres folubles en quatre différentes reprifes , en employant à chaque fois huit onces d’un *k ces fels dans une pinte d'eau diftillée ; on filtre les liqueurs, ce qui fait feize parties, qu'on met dans autant de grands bocaux de verre. On com- mence par la décompofition du fel végétal , qui fert de type pour les trois autres tartres folubles. 1°. On verfe peu-à-peu fur une des liqueurs l’acide vitriolique, affoibli de cinq à fix parties d'eau, obfervant, à chaque fois, de remuer la liqueur avec une fpatule de bois, afin de favorifer le mélange & l'aétion de l'acide. Un inftant après avoir verfé l'acide, la liqueur fe trouble, & le tartre fe précipite. On continue de mettre l'acide à différentes repriles, & en petite quantité fur la fin, pour avoir le point de faturation le plus exact. On s’aflure du point de faturation par le moyen du fyrop de vio- lettes. Lorfqu’on eft certain de la jufte décompofition de fon fel, on vuide la liqueur & le précipité {ur un filtre de papier , afin de féparer la li- queur de la crème de tartre. Lorfque la liqueur eft pañlée, on met fur la crème de tartre, qui eft reftée fur le filtre, cinq onces d'eau froide diftillée, à quatre reprifes différentes, afin de bien enlever à ce tartre toute la première liqueur, En évaporant & cryftallifant toutes ces folu- tions avec La première liqueur , on obtient un beau tartre vitriolé. Dans ces premières cryftallifations , il fe trouve une très-petite quantité de félénice & un peu de crème de tartre. 2°. En décompofant une autre portion de la même liqueur par un efprit-de-nitre pur & non fumant, & procédant de la même manière Tome XVII, Part. I1,1781. MARS, Aa 2 188 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qu'avec l'acide vitrielique, la liqueur qui réfulte de cette décompofition, mife à évaporer, & réduite à neuf ou dix onces, donne de très-beaux cryf- taux de nitre. 3°. Si on décompofe la troilième portion de liqueur par un efprit- de-fel pur non fumant, on obferve ici la même chofe que dans les deux expériences précédentes; tout eft égal: on obtient un fel marin régénéré. 4°. En procédant à la décompoftion de la quatrième portion de li- queur par le moyen du vinaigre diftillé, on obtient de la terre foliée de tartre. Cette décompolition n'eft pas fi prompte que par les trois autres acides; mais on peut l’accélérer, en faifant chauffer ou la liqueur difloute du fel végétal, ou le vinaigre diftillé. Si l'on met un excès de vinaigre, la crème de tartre fe précipite fort bien. Comme on eft obligé de chauffer & de mettre une certaine quantité de vinaigre diftillé , il fe diflout une portion de crème de tartre. Après que la décompofition du fel eft faite, on filtre, comme dans les procédés ci-deflus ; on lave le tartre qui refte fur le filtre , avec de l'eau : on fait évaporer routes ces liqueursà mefüure qu'elles évaporent. Il fe cryftallife un peu de crème de tartre, que l'on ramafle pour, la joindre à la première , en continuant d’évaporer la li- queur jufqu’à ficciré: on obtient alors une vraie terre foliée de cartre. Il eft bon de faire obferver que les trois premières liqueurs, qui ont été décompofées par les acides minéraux, l'ont été à froid; que ces li- queurs tiennent en diflolution une petite portion de crème detartre, mais qui fe précipite, en partie, dans lévaporation. … J'aurois pu paffer fous filence tout ce détail fur la décompofition du fel végétal; mais j'ai cru devoir y entrer, pour les éviter aux trois autres tartres folubles , qui ne font, comme l’a démontré M. Rouelle, que de vrais fels vévéraux. En décompofant deux livres de tartre foluble par la craie, par les mêmes acides, 1°. par l'acide vitriolique , 2°, par l'acide nitreux , 3°. par lefprit-de-fel, 4°. par le vinaigre diftillé; en obfervant les mêmes ma- nipulations que pour le fel vécéral, tant pour le point de faturation, que pour les lotions du tartre, 1°. de celle par l'acide vitriolique, on obtient un vrai tartre vitriolique , tel que celui qui réfulte de la décompoñrion du fel végétal; 2°. de celle par l'acide nitreux on obtient un vrai ni- te, & à la fin des cryftallifations, une très-petite quantité d’eau -mère ; 3°. de celle par l'acide du fel, on a du fel marin régénéré; 4°. enfin par le vinaigre diftillé, on obtient une vraie terre’ foliée defféchée : elle attire l'humidité de l’air ; elle fe diffout dans l’'éfprit-de-vin en grande quan- tité, comme la terre foliée ordinaire. Voilà donc des preuves bien claires que ce tartre foluble par la craie, ne différe en rien du {el vésétal ; comme lui, il a pour bafe un alkal; fixe: car fi c’étoit une terre, en le décompofant par l'acide vitriolique v SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 18 on auroit une félénite, au lieu de tartre vitriolé; par l'acide nitreux &e marin, des fels à bafe terreufe & déliquefcens; & par l'acide du vinaigre, une efpèce de terre foliée , qui cryftallife en manière de fils foyeux comme Vamianthe, & qui n’attire! pas l'humidité de l'air; au contraire, elle fe defsèche à l'air, & eft très-peu foluble dans l’efprit-de-vin, En décompofant , par ce même procédé, deux livres de tartre foluble fait avec la chaux éteinte à l'air, 1°. par l'acide vitriolique, on obtient un tartre vitriolé; 2°, par l'acide nitreux, du nitre; 3°. par l'efprit-de- fel , un fel marin régénéré; 4°. par le vinaigrediftillé , une vraie terre foliée de tartre, Si ce fel avoit eu la chaux pour bafe , comme on lavoit cru avant le fuperbe travail de M. Rouelle, l'acide vitriolique auroit fait de la félénite, & on n'auroit pas trouvé de tartre vitriolé; avec l'acide nitreux, on auroit eu un nitre à bafe terreufe; avec l'acide marin, un fel marin à bafe terreufe; avec l'acide du vinaigre, une terre foliée à bafe terreule, Qu'il me foit permis de rappeller ici à M, Alphonfe Leroy, que fi, en traitant la crème de tartre avec le vinaigre, il eût fuivi le procédé dont je viens de faire mention , il fe feroit convaincu que l’alkali fixe étoit tout formé dans la crème de tartre, CITIN ONU ME M EMMMEN PR OC IENDLE M. Rouelle, après avoir examiné l’ation des terres abforbantes fur la crème de tartre, porta fes vues fur l'union du plomb ou plutôt de fes chaux avec cette fubftance, On fait que les chaux de plomb ont quel- ques-unes des propriétés des terres abforbantes. Ces chaux s’uniffent à la plupart des acides ; elles ont encore une propriété qui les rapproche plus des terres abforbantes: elles décompofent le fel ammoniac, en dégagent l'alkali volatil fous la forme fliide. M. Rouelle ayant donc traité ces chaux avec la crème de tartre , en a obtenu un tartre foluble , comme avec les tetres abforbantes. Ce fel cft parfaitement femblable au fel vé- gétal. Comme on avoit cru que ces chaux de plomb lui fervoient de bafe , dé même qu'on avoit cru que les terres abforbantes fervoient de bafe aux fels dont je viens de parler, M. Rouelle foumit ce fel aux expé- riences fuivantes. 1°. [l fit calciner , dans une poële de fer, quatre onces de ce fel ; après qu'il l’eut réduit en une efpèce de matière charbonneufe , telle que le caput morcuum de la diftillation du tartre, il ajouta à cette matière une once d'alkali fixe ; & après avoir fondu le tout dans un creufet d’eflai, il ne trouva pas un atôime de plomb : preuve bien convaincante que ce fel n'avoit pas de plomb pour bafe. ne 2°, Pour mettre le complément à l’analyfe de ce prétendu fel à bafe métallique, M. Rouelle l'a foumis aux quatre mêmes expériences qu'il 190 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, avoit faites fur les trois autres tartres folubles. Les produits ont été les mêmes tant pour la quantité du tartre , que pour le tartre vitriolé , le nitre, le fel marin régénéré & la terre foliée, Voilà donc encore un moyen de démontrer l’alkali dans la crême de tartre. STATE MM EM PIREO CIENDUE: M. Rouelle s'eft afluré, en examinant la teinture de mars tartarifée , que le fer agit fur la crème de tartre au point qu'il en décompofe la plus grande partie , & que l'alkali devient libre. Si on traite cette teinture avec les trois acides minéraux & le vinaigre diftillé, on obtient du tartre vitriolé, du nitre, du fel marin régénéré & de la terre foliée de tartre. Tous les Chymiftes qui ont travaillé connoïflent la façon dont fe prépare le tartre émétique avec le verre d’antimoine & la crème de tartre : il me fufhra donc de faireremarquer ce qui fe pale dans cette opé- ration. Ii faut obferver qu'en combinant la crème de tartre avec le verre d’an- timoine, une portion de cette crème de tartre fe décompofe , & fon al- kali, qui devient libre, s’unit au foufre du verre d’antimoine , & fait un hepar fulphuris , qui diffout le régule du verre d’antimoine. Quoique cet hépar nous prouve la préfence de l’alkali dans le tartre, je dois avertir M. Leroy, qui n’a pu obtenir de nitre en verfant de l'acide nitreux fur une folution de tartre émétique , que c’eft dans les eaux-mères de ce fel qu'on trouve, dans l’état de fel végétal, la portion d'alkali fixe de la crème de tartre décompofée, Si on traite ces eaux-mères par l'acide vi- triolique, on obtient du tartre vitriolé; par l'acide nitreux, du fel-de- nitre, &c. Parmi la quantité d’autres belles expériences de M. Rouelle, que les bornes de ce Journal m'empêchent de donner, j'en indiquerai une feule , qui démontrera qu'il eft poflible de décompofer totalement le tartre, & de mettre fon alkali fixe libre. Il fufñt, pour cela, de faire difloudre deux livres de crême de tartre dans quinze ou dix-huit pintes d'eau ; lorfque la liqueur bout bien, on y met deux livres de chaux-vive, & l'on continue l’ébullition pendant douze ou quinze minutes. Cette chaux s'éteint avec une ébullition très-forte. Son action eft telle, qu’elle enlève à la crême de tartre ce qu’elle contient d'huile & d'acide. L'alkali fixe qu'elle renferme devient libre & refte diffous dans la liqueur. Si à certe liqueur décantée de deflus la chaux qui seft précipitée, on ajoute la quantité d’eau néceffaire pour faire douze ou quinze pintes environ, u'on la fafle rebouillir comme la première fois , & qu’on y remette qe livres de chaux - vive, en continuant l’ébullition un demi - quart d'heure , la liqueur étant décantée &7 évaporée jufqu'aihuit ou dix onces , on obtient une liqueur alkaline telle que celle que l'on prépare avec lalkali fixe & la chaux-vive pour la pierre-à-cautère. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 191 Cette expérience, qui et fi fimple, démontre évidemment l’exiftence de l'alkali fixe dans Le tartre , de façon à ne plus être révoquée en doute. Pour répondre aux objections qu'on auroit pu faire, que quoiqu’on obtianne de l'alkali fixe immédiatement de la crème de tartre, il n’en faut pas conclure pour cela que cet alkali foit l'ouvrage de la végétation, qu'il paroît au contraire que c'eft l'ouvrage de la fermentation fpiritueufe , M. Rouelle fit l'expérience fuivante. Ce célèbre Chymilte s'étant afluré, d’après Glauber & Kunkel, que le tartre étoit tout formé dans le vin doux , traita ce tartre par les acides minéraux. Par l'acide nitreux , il eut un vrai nitre; par Pacide vitriolique, un tartre vitriolé ; par l'efprit-de-fel, un fel fébrifuge de Sylvius. Ce même tartre , traité avec Les terres abforbantes & quelques fubftances métalliques, fe décompofe , en partie ou totalement , comme la crême de tartre avec la chaux-vive. D'après cela, je penfe qu'on ne peut plus douter que le tartre & l'alkali fixe ne foient l’ouvrage de la végétation. Tous les Chymiftes favent que M. Rouelle a non-feulement démontré l'alkali fixe végétal dans les plantes , mais encore l’alkali minéral (x). L'expérience qu'il a faite pour cela, confifte à faire macérer & digérer, à une très-douce chaleur , une certaine quantité de la plante connue fous le nom de kali, avec de l'eau aiguifée d'un acide minéral quelcon- que. En procédant enfuite aux filtrations ; évaporations & cryftallifations, on obtient un fel neutre, tel qu’il réfulteroit de la combinaifon du fel de foude avec l'acide qu'on a employé. ROUTE LEEIIKIT IO NS: Il eft,çe me femble, difficile de donner une démonftration auñli exacte, auffi lumineufe & aufli complette que celle de M. Rouelle , pour prouver l'exiftence de l'alkali fixe dans les végétaux. La nombreufe fuite d’expé- rienceS que j'ai rapportées, jointes à une infinité d’autres découvertes très- utiles de ce Savant, doivent faire fentir de plus en plus la perte que la Chy- mie a faite dans fa perfonne ; perte d'autant plus grande, j'ofele dire, que c'éroit le feul qui pouvoit réparer celle qu’on avoit faite à la mort de fon illuftre frère , le Reftaurateur de la Chymie en France. a ——— (1) Journal de Médecine, Janvier 1753. M. Montet, de Montpellier, paroït être le premier qui a démontré l’alkali minéral tout formé dans les végétaux, 6x. fe 192 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, EXPÉRIENCES SUR L'ÉLECTRICITÉ, Dans lefquelles l'on tâche de démontrer l'urilité des Conduéteurs pointus élevés ; Par M. EnouarD NArRNE, de la Societé Royale de Londres. O x vient de renouveler, depuis peu , la fameufe difpute qui s’eft élevée, il y a quelque temps, au fujet de la forme des conducteurs pour préferver les bâtimens des funeftes effers du tonnerre. Les uns difent que, loin d’être pointus , ils devroient au contraire être émouffés par le bout ; qu'ils ne devroiïent point dépaffer la paitie la plus élevée des édifices ; que pour garantir de la foudre les grands bâtimens, les édifices élevés, les magafins, &c., il faudroit les laifler comme ils font, c'eft-à-dire, fans aucun conduéteur métallique, pointu ou non, au - deflus de leur faîtage : mais qu'à l'intérieur de leur partie la plus élevée., à un pied ou deux environ de leur faîte , il eft bon de mettre une barre de métal à tête ronde, qui defcende tout le long de la muraille jufqu'à quelqu’endroit humide dans la terre (1). Les autres font d’un fentiment tout -à- fait contraire; ils prétendent d'un conducteur doit non - feulement terminer en pointe, mais même s'élever beaucoup au-deflus de la partie la plus éleuée de l'édifice. Comme il eft de la dernière importance pour le genre humain de fa- voir quel parti prendre dans ces fentimens oppofés, j'ai tâché, autant qu'il m'a été poflible, par le feu artificiel de nos machines électriques, de déterminer laquelle de ces deux méthodes eft la meilleure pour ga- rantir les bâtimens des effets du tonnerre. Ai-je réufli£ c’eft au Public à en juger, d’après les expériences & obfervations fuivantes, que je foumets, avec toute la déférence pofñlible, à fon examen, Dans la pl. 1, fig. 1, font repréfentés la machine électrique & l’ap+ pareil dont je me fuis fervi dans les expériences fuivantes. Le cylindre de verre A( fig. 1) avoit dix-huit pouces de diamètre ; le conduéteur B, qui étoit de bois étamé, avoit fix pieds de long & un pied de diamètre. Au bout de ce conducteur, étoit viflée la boule de cuivre C , qui avoit quatre pouces & demi de diamètre. Comme ce conducteur doit, lorf- qu'il eft chargé par le cylindre de verre , repréfenter un nuageélectrique , (1) Voyez le Mémoire de M. Wilfon, Journalde Phyfique, 1780, Décembre, p.428. ou SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. x193 ou chargé de la matière du tonnerre , pour le mieux diftinguer , je l'ap- pellerai , dans les expériences fuivantes, nuage artificiel. F repréfente une verge de cuivre fur fon guéridon étamé, ayant une bonne communication métallique avec la terre. À un des bouts de cette verge étoient viflées d’autres verges, qui aboutifloient à des boules de différentes grofleurs, ou à une verge qui feterminoit en pointe. La verge F étoit mobile dans un manche, afin qu'on püt la placer avec fa termi- naifon, à différentes diftances de la boule C, au bout du nuage artificiel. Cette verge, devant, par fes bouts , recevoir de notre nuage artificiel le coup ou les étincelles , fera nommée, dans l'expérience fuivante , verge récipiente. Cette verge récipiente, avec fon guéridon , devoit repréfenter le conducteur d’une maifon, fur lequel on pouvoit placer différentes termi- nai[ons. Mais avant de rapporter ces expériences , il eft bon d'obferver qu'on n’a jamais vu faire de mal au feu électrique qu'on a enlevé peu-à-peu à un nuage électrique, fi la fubftance avec laquelle on l’enlevoit avoit une bonne communication métallique avec la terre humide. Toutes les fois que cela eft arrivé, il a été occafonné par un coup de foudre, ou, pour me fervir d'autres termes, par une explofion fubite du feu éleétrique dont le nuage étroit chargé. I, Exp. Ayant viflé une boule de cuivre D de quatre pouces de diamètre au bout de la verge F, je l'ai mife prefqu’en contact avec la boule C au bout du nuage artificiel; ayant enfuite chargé le nuage arti- ficiel , le feu électrique jaillit de la boule C fur la boule qui éroit au bout de la verge, & ne cefla de la frapper pendant tout le temps qu'on Féloignoit par degrés à la diftance de dix-fept pouces & +, & quelquefois jufqu'à dix-neuf pouces: j'ai même obtenu des coups qui portoient à la dif- tance de vingt pouces, mais ils étoient très-rares. IT. Exp. L'appareil étant comme dans l'expérience précédente , j'ôtai la boule de quatre pouces de diamètre , & j'y viflai à fa place une boule d'un pouce, que je plaçai très-près de la boule C, comme ci- devant ; ayant enfuite chargé le nuage artificiel , le feu électrique vint frapper la boule d’un pouce de diamètre, qui étoit au bout de la verge F, & ne ceffa de la frapper pendant qu'on l'éloignoit par degrés jufqu'à la diftance d'environ deux pouces : alors les coups cefsèrent, & furent füuivis d'un fifflement; la boule d'un pouce continua à être lumineufe pendant tout le temps qu'on l'éloignoit par degrés de la boule C , jufqu'à ce qu'elles fuffent à la diftance d'environ dix pouces l'une de l’autre : alors Le fifflement ceffa, & la lumière fur la boule d'un pouce difparue. Ici les coups fur la boule d’un pouce recommencèrent & continuèrent pendant tout Le temps qu'on l’éloignoit par deorés , jufqu'à la diftance . . ñ . L d'environ quatorze pouces +, & quelquefois même jufqu'à feize pouces & :;. Tome XVII, Part, I. 1781. MARS, Bb 194 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Le feu électrique ceflant de frapper la boule, & enfuite recommen- çant quand le nuage artificiel eft fortement chargé, eft un phénomène qui n'a été obfervé jufqu'ici par perfonne que je fache. J'aurai occafion d'en reparler dans le cours des expériences fuivantes, III. Exp. Tout étant comnie dans l’expérience précédente, j'ôtai la boule d’un pouce de diamètre, & j'y en viffai une de + de pouce, que je mis prefqu'en contact avec la boule C. Ayant chargé le nuage artificiel, le feu électrique vint frapper la boule de À, & continuoïit à la frapper pendant tout le temps qu'on l'éloignoit par degrés jufqu'à la diftance d’un demi-pouce; au-delà, il ne la frappa point, mais la boule p > PPENDEIDES fut lumineufe pendant tout le temps qu'on l’éloignoit jufqu'à trente-trois P (PES) 5 Jai pouces hors de la diftance du choc, . IV. Exp. L'apparcil. étant comme dans l'expérience précédente , j'ôtai feulement la boule de -£ , & j'y viflai à fa placeun fil d’'archal long d'environ trois pouces & demi, & qui fe terminoit en pointe. Ayant chargé le nuage artificiel, je ne pus pas venir à bout de produire un choc ou étincelle fur la pointe au feu électrique, quoiqu'elle touchât prefque la boule C : mais quand elle en fut éloignée d'environ = de pouce , alors le feu électrique fondit deflus en un très-petit courant ; au-delà de cette diftance, la pointe ne fut que lumineufe, & continua dans cet état pen- dant tout le temps qu'on l’éloignoit par degrés à la diftance de fix pieds de la boule C, qui terminoit le nuage artificiel, V. Exp. Tout étant comme dans l'expérience précédente, je chan- geai le fil d’archal, & j'y viflai à fa place la boule de quatre pouces de diamètre, dont je m'étois fervi dans la première expérience. Cette boule étoit percée dans fon milieu d’un trou, dans lequel je mis un bout de fil d'archal , dont le bout, quife terminoit en pointe, ne dépafloit que de = de pouce feulement la furface de la boule , & faifoit directement face à la boule C. Ayant chargé le nuage artificiel , je plaçai la boule qui ren- fermoit la pointe fort près de la PAT C, dont on l'éloignoit enfuite par degrés: mais le feu éleétrique ne frappa à aucune diftance que ce füt ni la boule ni la pointe qui en fortoit; la pointe fut lumineufe à la diftance de trente pouces. VI. Exp. Tout étoit dans le même état que dans l’expérience pré- cédente, finon que je fis rentrer la pointe dans la boule jufqu’à ce qu'elle fût au niveau de fa furface. Ayant chargé le nuage artificiel, la boule fut frappée pendant tout le temps qu'on léloignoit par degrés depuis le point où elle étoit prefqu’en contact avec la boule € jufqu'à la diftance de dix-fept pouces.Quoique dans la dernière expérience, la pointe ne débordät la fu:face de la boule que de + de pouce feulement, elle ne fut frappée à aucune diftance que ce für, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. x9$ VII. Exp». Les chofes étant dans le même ératque dans l'expérience précédente, je pris une boule de trois pouces & demi de diamètre, qui étoit percée d'un petit trou, & la viffai à une zige creufe de cuivre ; en- fuite je mis dans ce trou le bout d’un fil d’archal, & Pautre bout, qui étoit pointu , débordoit d’un pouce la furface de la boule de trois pouces & demi. J'attachai cette boule avec fa tige & fon fil d’archal pointu à un guéridon étamé, qui avoit une bonne communication métallique avec la terre ; enfuire je plaçai ce guéridon de manière que la pointe en étoit vis-à-vis Le côté du nuage artificiel, dont il n’étoit éloigné que de cinq pieds feulement. Ayant chargé le nuage artificiel , j'ai trouve que de la boule C à la boule de quatre pouces de diamètre , qui terminoit la verge récipiente F, la pius grande diftance du choc étoit de feize pouces 7. VIII. Exp. Tout étoit comme dans l'expérience précédente, finon que je fortis Le fil d’archal de la boule, de manière qu'il en débordoit la furface de neuf pouces. Ayant chargé le nuage NE , je trouvai que la plus grande portée du feu électrique n’étoit que de fix pouces +. Pour favoir jufqu'où une verge pointue ou des boules de différentes groffeurs , placées fur un guéridon, ayant une petite féparation dans la communication métallique avec la terre, agiroient vifiblement fur le feu électrique du nuage artificiel , je fis l'expérience fuivante. IX. Exp. Je pris un bâton de cire à cacheter ordinaire, aux deux bouts duquel j'attachai une vis ; enfuite j'y collai, le lông de fa furface, une feuille d’étain; & ayant fait une féparation d’environ ; de pouce dans l’étamage, je viflai à un des bouts de ce bâton de cire le fil d’ar- chal pointu : l’autre bout étoit attaché à la verge de fcuivre, où a été placée , dans l'expérience précédente , la boule à pointe fortante ; j'ôtai auffi l'autre guéridon avec la boule qu’avoit frappée , dans la même expé- rience , le nuage artificiel ; enfuite je chargeai le nuage artificiel, & ayant placé le guéridon de manière que la pointe en étoit tournée direétement vis-a-vis le côté du nuage artificiel, alors je l’éloignai jufqu'à ce que jeuffe trouvé la diftance à laquelle la lumière, entre la féparation de l'étamage, n'étoit plus vifible. Cette diftance de la pointe, qui étoit fur le bâton de cire, étoit de plus de fept pieds, Je ne pus pas m'aflurer jufqu'où elle eût pu être lumineufe au - Li. attendu que ma chambre ne me permit pas de reculer plus loin, & que le bout du nuage artificiel étoit à trente - trois pouces de la boiferie, Ayant mis une boule de -: de pouce à la place de la pointe, je vis la lumière à la diftance de quatre pieds fix pouces, & à deux pieds feulement avec une boule de trois pouces de diamètre. X. Exp. Je pris un autre bâton de cire d'un pouce -; de diamètre & long de dix pouces ou environ, fur lequel je collai des plaques rondes d’étain d'un demi-pouce de diamètre, & éloignées l’une de l'autre d’en- Tome XVII, Part. I,1781. MARS. Bb 2 196 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, viron un demi-pouce, Je viffai un bout de ce bâton de cire a la verge récipiente F ( fig: 2), & à l'autre bout j'y viffai le fil d’archal dont m'étois fervi dans la quatrième expérience ; enfuite je mis fur le bâton de cire une plaque de cuivre qui remplifloittellement tous les interftices des plaques rondes d'étain , qu'il les unifloit toutes , excepté deux. Ayant mis la pointe du fil d’archal qui étoit attaché au bâton de cire, prefqu'en contaét avec le bout, je chargeai le nuage artificiel, & je vis qu'il frap- poit la pointe , & continuoit ainfi à la frapper pendant tout le temps qu'on l’éloignoit par degrés jufqu'à la diftance d'un pouce & -—; plus loin, il ne la frappa point, mais la pointe fut lumineufe à la diftance de trois pieds, r XI. Exp. L'appareil fut le même que dans l’expérience précédente. J'ôtai feulement la plaque de cuivre que j'avois mife pour unir enfemble les plaques d'étain. Ayant chargé le nuage artificiel, je vis que le feu électrique ne frappoit point la pointe, jufqu'à ce qu'on l'eût éloignée de la boule C à la diftance de quatre pouces & demi : alors il commença à la frapper, & continua ainfi pendant tout le temps qu'on l'éloignoit par degrés à la diftance quelquefois de dix pouces; mais quand la pointe étoit hors de la plus grande diftance du choc, elle n’étoit point lumi- neufe comme dans l'expérience précédente, excepté quand le nuage ar- tificiel, dans un coup divergent e la boule €, déchargeoit fon électricité dans les airs : alors elle étoit lumineufe, mais cet inftant-là feulement. Toutes les fois que la pointe étoit frappée par le nuage artificiel , c’étoit un beau coup-d'œil de voir pafler le fluide électrique entre les interftices des plaques d'étain. Toutes les plaques d’étain, qui étoient fur le bâton de cire, ayant été jointes enfemble, de manière qu'il n’y avoit plus de féparation entrelles, le nuage artificiel ne frappeit plus la pointe à au- cune diftance que ce fut. XII Exp. Ayant placé au bout de la verge F la boule de quatre pouces de diamètre, comme dans:la première expérience, je la mis fur un pilier de verre pour l'ifoler; enfuite je fis une communication de la verge à la terre, avec environ trois pieds de fil d'argent, qui n'avoit qu'un -= de pouce de diamètre. Le nuage artifieiel ayant été chargé, il frappa la boule D, comme dans la première expérience, favoir à la diftance de dix-fept pouces £. Comme le fil d'argent qui avoit conduit le coup étoit fi mince, je crus qu'en le tenant entre mes doigts, je fen- tirois le fluide éle@rique le traverfer. Je ferrai donc le fil d'argent entre mes doigts : mais je ne fentis rien; & je n'aurois jamais fu qu'il avoit paflé entre mes doigts, fi je n’avois vu ou entendu le choc qu'avoit donné le nuage artificiel à la boule à laquelle le fil d'argent éroit attaché. -Alors j'effayai fi .le-feu électrique n’étoit point vifible dans les ténèbres : mais on ne voyoit pas la moindre lumière, excepté dans les endroits où le fi] SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 197 d'argent n'étoit pas exactement uni. Il m’eft arrivé de bien fentir une de ces étincelles , un jour de je faifois cette expérience dans les ténèbres ; car m'étant approché de trop près, je reçus le coup dans le front, ce qi m'étourdit au point que j'en tombai contre le mur. Il eft bon d’ob- erver ici que fi, dans certe expérience, on tient les doigts écartés du fil d'argent , ils attirent une petite quantité de matière électrique de la même manière que fi elle éroit emportée par une plus grande quantité de métal. 1e, OZ (SERV AITII ON. Par les trois premières expériences, il paroît que le nuage artificiel frappe à des diftances d'autant plus grandes , que le bout du conducteur eft plus émouflé , ou qu'il eft terminé par une Sn plus grofle; & que la diftance à laquelle il frappe eft d'autant moindre, que le bout du conducteur eft plus pointu. Nous avons vu dans la quatrième expérience que lorfque le conducteur étoit pointu au bout , il métoit point frappé à aucune diftance que ce fût ; mais qu'il continuoit à être lumineux à une certaine diftance, & emportoit, en filence, la matière électrique de notre nuage artificiel. Par ces expériences , il paroîc que les conducteurs pointus doivent être préférés à ceux qui ont une groffe boule au bout, attendu que ceux-là emportent fourdement la matière électrique du nuage, au lieu que ceux-ci en recoivent le choc par une forte étincelle. Dans la cinquième expérience, où la pointe ne débordoit que d’= de pouce une boule de quatre pouces de diamètre , ni la pointe ni la boule n’étoient frappées à aucune diftance que ce für. Ceci paroît démontrer l'utilité d’une verge pointue , pour peu qu'elle excède la partie la plus élevée d’un édifice. La fixième expérience fait voir qu'une pointe qui ne dépañle point la furface d’une boule , ne l'empêche point d’être frappés. La feptième & la huitième expériences font voir que le nuage artificiel ne frappe que jufqu'à la diftance de fix pouces = , lorfque la pointe déborde de neuf pou- ces la füurface de la boule de trois pouces & demi, placée vis - à- vis le côté du nuage artificiel : lorfque la pointe déborde feulement d'un pouce , certe même boule eft frappée à la diftance de feize pouces -, Ne peut-on pas conclure des deux expériences précédentes, que plus nos conducteurs pointus font élevés, & plus nous devons efpérer qu'ils péEieont nos bâtimens des effets du tonnerre; car on a vu qu’en auffant la pointe neuf.pouces au-deflus de la boule, qui repréfentoit la partie la plus élevée d'un édifice, elle privoit continuellement de fon feu Électrique le nuage artificiel, quoiqu'on le chargeñt fans ceile; & elle l'en privoit fi bien, qu'il ne frappoit pas à la moitié de la diftance qu'il failoit lorfque la pointe n’étoit élevée que d’un pouce ? 198 OBSERFWATIONS SUR LA PHYSIQUE, La neuvième expérience nous apprend qu’un conducteur pointu em- porte plus efficacement & à une plus grande diftance le feu électrique ou la matière du tonnerre, que ne feroit un conducteur terminé par une boule, Il faut remarquer aufli que quoique la pointe füt lumineufe jufques- là, cependant elle n’étoit point frappée par le nuage artificiel à aucune dif- tance que ce fut. Les dixième & onzième expériences font voir que la pointe n'eft frappée par le nuage artificiel, que parce que la partie métallique du conducteur eft féparée ou interrompue ; & que plus ces féparations font nombreufes ; plus la pointe eft frappée : mais que le nuage artificiel ne fe décharge jamais fur la pointe, fi la communication métallique avec la terre humide eft complette, Quand un édifice à conducteur pointu a été frappé du tonnerre, je fuis porté à croire que ce n'a été que parce que le conduéteur n'avoit point une communication métallique fuffifante & complete avec la terre humide ; c’eft ce qui m'a paru au moins par toutes les relations de ces fortes d’accidens , qui font venues à ma connoïffance. Dans la douzième expérience, nous voyons qu'un fil d'argent très-fin peut conduire une forte étince!le. La fig. 3, pl. IT, repréfente une nuée artificielle mobile; elle eft com- pofée d’un tuyau de bois creux , ayant une boule à chaque bout , ce qui lui donnoit en tout fix pieds de longueur. Aux deux bouts, étroit fufpendu un léger cylindre de bois creux EE, qu'on avoit eu foin d'étamer, ainfi que les deux boules & le tube de verre. L’axe de ce tube pofoit fur deux creux demi-circulaires dans un morceau de cuivre, placé fur un pilier de verre qui l'ifoloit ; il tournoit aifément fur fon axe; & onlui faifoit pren- dre une pofition horizontale au moyen de deux pièces mobiles FF. XIII, Exp. Ayant d'abord mis cette nuée artificielle mobile dans une pofition horizontale, je la plaçai de manière que le cuivre fur lequel pofoit l'axe du tuyau touchoit Le bout du nuage artificiel B ; enfuite fous Chaque cylindre creux EE, je plaçai un guéridon GG, ayant une bonne communication métallique avec la terre. À un de ces guéridons, j'attachai un fil d’archal, le même dont je me fuis fervi dans la quatrième expé- rience, & à l’autre une boule de cuivre de trois pouces de diamètre; enfuite je mis la pointe & la boule à onze pouces chacune du milieu du fond du cylindre creux qui lui répondoit. Ayant chargé le nuage arti- ficiel, qui par conféquent chargea la nuée artificielle mobile qu'il tou- choit, je vis que la pointe étoit lumineufe , & que la nuée artificielle mobile gardoit fa pofition horizontale, quoiqu'il y eût une pointe fous l'un de fes bouts, & une boule fous l'autre. Ayant ceflé de charger les # . A . . 7 D .\ deux nuées, je trouvai que la pointe avoit emporté prefque toute la matière électrique des deux. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 199 XIV. Exp. Ayant chargé les deux nuées, j'ôtai le guéridon fur fur lequel éroit la boule de trois pouces; la pointe continua à être lu- mineufe, & la nuée artificielle mobile garda fa polition horizontale, n'ayant point été attirée par la pointe, Qi n'y eüt alors que le guéridon du fil d'archal pointu fous un de fes bouts. La pointe avoit Heure toute la matière électrique, comme dans l'expérience précé- ente. XV. Exp. Ayant chargé de nouveau les deux nuées , je remis le guéridon fur lequel étoit placée la boule, que j'avois ôté dans l'expé- rience précédente, & j'ôtai celui du fl d’archal pointu; voici ce qui en téfulta. Le bout de la nuée artificielle mobile fut attiré en en-bas par Ja boule jufqu’à ce qu’elle fût à la diftance de fon choc, & fe déchargea fur elle dans une forte étincelle ( fig. 4 ); enfuite la nuée artificielle mobile fe retira un peu, jufqu’à ce qu’elle eût été rechargée : alors elle fut attirée de nouveau par la boule, comme dans l'expérience précédente, jufqu'à la diftance de fon choc, & déchargea tout fon fluide électrique à la fois. Elle continua ainfi à fe décharger & à fe retirer à une petite ia tance , jufqu'à ce que les deux nuées euffenrt été rechargées. XVI. Exp. La même nuée artificielle mobile continuant à décharger fon feu fur la boule , je remis le guéridon du fl d’archal pointu. Sur le champ la pointe devint lumineule, & la nuée artificielle mobile cefla de frapper la boule, & reprit bientôt fa pofition horizontale, comme ci- devant (fig. 3). XVII. Exp. L'appareil étant comme dans l'expérience précédente , & les deux nuées contiuuant à être chargées, j'ôtai le guéridon du fil d'archal pointu; fur le champ, la nuée artificielle mobile fut attirée en en-bas par la boule fur laquelle elle fe déchargea comme ci-devant; enfuite je plaçai le guéridon de la pointe tout auprès de celui de la boule : alors la pointe devint lumineufe, & la nuée artificielle mobile ceffa fur le champ de frapper. Bientôt elle fe retira de La boule, & reprit, à peu de chefe près, fa potion horizontale; la pointe avoit emporté la matière électrique, comme dans les expériences XIII & XIV. IEUO’z SE R VAT I OR Par la treizième expérience, où la pointe étoit fous un bout de la nuée artificielle mobile & la boule de trois pouces de diamètre fous l'autre bout, il paroît que, ni la pointe, ni la boule n'attiroient le bout qui leur répondoit ; ou qu’elles attiroient ou repoufloient également les deux bouts, attendu que, dans l’un ou l’autre cas, la nuée artificielle reftoit dans une pofition horizontale. 7 200 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Dans Ja quatorzième expérience, je voulus m'aflurer fi la pointe atti- reroit ou repoufleroit la nuée artificielle mobile. Pour cet-effet, j'otai la boule, & ne laiffai que la pointe fous un des bouts de la nuée, fachant 2 q . . bien qu’alors toute la force de la pointe, foit pour attirer , foit pour repouffer, feroit employée contre le bout fous lequel elle étoit, & que par confé- quent elle l'attireroit ou la repoufferoit. Mais il a paru, par l'expérience, que la pointe en avoit emporté fourdement toute la matière électrique, fans avoir ni attiré ni repouflé le bout de la nuée artificielle mobile P ; fous lequel on l’avoit placée , attendu que la nuée artificielle avoit tou- d P > q - jours gardé fa pofition horizontale pendant tout le temps qu'elle avoit été chargée. s La quinzième expérience a été faite dans la vue de favoir fi la boule attireroit ou repoufleroit la nuée artificielle mobile , attendu que dans cette expérience il n’y avoit que la boule feule fous un des bouts de ta nuée, tout le refte étant exaétement comme lorfque la pointe y avoit été. Mais l'effet de la boule a été bien différent de celui de la pointe ; car au lieu d’emporter en filence la matière électrique de la nuée artif- cielle, fans en attirer Le bout, comme J'avoit fait le fl d’archal pointu, elle avoit au contraire attiré jufqu'à elle la nuée artificielle, qui, par- venue à la portée de fon coup, déchargea fur elle fon feu éleétrique dans une forte & vive explofon, Dans la feizième expérience, on a vu que tandis que la boule attiroit la nuée & en alloit être frappée, le fil d’archal pointu qu’on avoit placé avec fon guéridon fous l’autre bout de la nuée, l'avoit empèchée de frapper la boule, en emportant le feu électrique de la nuée artificielle mobile à mefure que celle-ci avoit reçu du nuage artificiel. La dix-feptième expérience nous apprend qu'en mettant le guéridon de la pointe près de celui de la boule dans le moment où la nuée artificielle mobile décharge fur celle-ci toute fa matière électrique , la nuée, dans ce cas même , cefle dans l’inftant de frapper la boule, dont elle fe retire, & reprend à-peu-près fa pofition horizontale. XVIII Exp. Ayant ôté les cylindres EE des bouts de la nuée arti- ficielle mobile , la hauteur de ma chambre ne me permettant point de les tenir fufpendus dans les expériences fuivantes, je la plaçai, ainfi que le pilier de verre qui l'ifoloit, fur un pied dont la hauteur étoit telle, que lorfqu'une des boules qui la terminoit étoit trois pouces au-deflus de la boule C du nuage artificiel, la nuée artificielle mobile étoit horizontale; enfuite je plaçai le guéridan de la pointe à la diftance de dix-huit pouces & directement fousla boule de l'autre extrémité ( fig. ÿ ). Ayant chargé le nuage artificiel , je vis que la pointe étoit lumineufe, & que le bout de la nuée artificielle mobile, qui étoit trois pouces au-deffus de la bouleC, en étoit attiré en en-bas, enfuite s’en éloignoit d'environ un pouce, &c -ne A ne SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 201 ne cefloit de décharger fur elle fon feu éleétrique pendant tout le temps qu'elle étoit chargée. Ayant ceflé de charger le nuage artificiel , je trou- vai que la pointe en avoit emporté prefque toute la matière électrique. XIX. Exp. Tout étant comme dans l'expérience précédente , je chargeai le nuage artificiel; & ayant Ôté le guéridon de la pointe, je mis celui de la boule de trois pouces à fa place , à la même diftance que j'avois mis la pointe : alors le bout de la nuée artificielle mobile, qui avoit continué à être attiré en en-bas & bien près par le nuage artificiel, en fut repouflé dans le moment même , tandis que l’autre bout éroit attiré par la boule de trois pouces de fi près qu'il en reçut Le coup dans une forte étincelle, Alors le bout de la nuée artificielle mobile s’éloigna de la boule de trois pouces, l'autre bout en étant attiré par le nuage artificiel , qui l'avoit chargé prefque dans un inftant. Il s’en éloigna encore avec rapi- dité, & déchargea, comme auparavant, fa matière electrique fur la boule. Il continua ainfi dans un grand mouvement , recevant du nuage artificiel de fortes érincelles , & les déchargeant dans l’inftant fur la boule. C’étoit une image , en petit, d’un orage ou une nuée électrique, qui fe décharge dans une autre nuée, qui, à fon tour, frappe quelqu'édifice fans conducteur régulier, ou qui en a un terminé par une boule. XX. Exp. Tandisque cet orage, en petit, duroit, j'ôtai le guéridon de la boule de trois pouces, & jy mis celui de la pointe à fa place, Dans un inftant, la pointe fut lumineufe, & l'orage artificiel eefla fur le champ; le bout de la nuée artificielle mobile, qui étoir près du nuage artificiel , en fut attiré, comme dans la dix-huitième expérience, XXI. Exp. L'appareil étant comme dans l'expérience précédente, je dérachai la pointe de fon guéridon, & la vifflai au bout d'un bâton de cire, long de fix pouces, fur lequel on avoit collé onze plans d’'écain à -- de pouce l’une de l’autre; enfuite j'attachai ce bâton de cire, avec fa pointe, à un guéridon que je plaçai de manière que la pointe én étoit directement fous le bout de la nuée artificielle mobile, à la dif- tance de dix-huit pouces, comme ci-devant. Le nuage artificiel ayant été chargé, la nuée artificielle mobile fut d’abord attirée, enfuite re- ouffée alternativement, de la même manière que quand le guéridon de la boule de trois pouces étoit deflous ; mais avec cette différence qu'au lieu de fe décharger dans une forte étincelle, comme fur la boule , elle ne fe déchargeoït fur la’ pointe que dans une très-peire étincelle. La pointe ayant privé la nuée mobile de prefque toute fa matière électrique à mefure qu’elle l'approchoit, l'on voyoit clairement le fluide électrique pafler entre les interftices des plaques d'érain. XXII. ExP. Tout étant comme dans d'expérience précédente , je fufpendis feulement une chaîne au fil d’archal pointu, complettant ainli Tome XVII, Part. I.1781. MARS, Cc 202 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la communication métallique avec la terre. La chaîne n’avoit pas été plutôt mife, que la nuée artificielle mobile cefla , dans l'inftant même, de fe décharger fur la pointe, tandis que Pautre bout en étoit attiré par le nuage arüficiel, dont il ne cefloit de recevoir & de décharger le Auide électrique ; la nuée artificielle mobile ne retourna pas à la pointe , comme elle avoit fait dans l'expérience précédente, avant qu'on eût ajouté la chaîne. TILL OBsErRVATIONK. Dans fa dix-huitième expérience, où la nuée artificielle mobile repré- fentoit une nuée naturelle , recevant le fluide électrique d’une autre nuée chargée, nous avons vu que la pointe la privoit de fon feu électrique, qu'elle recevoir de la nuée, chargée avec tant de rapidité, que la nuée artificielle ne cefloit d’en frapper l’autre bout fans le repouffer. Mais dans la dix-neuvième expérience, où la boule étoit fous le bout de la nuée artificielle mobile à la place de la pointe, on a vu que le nuage arti- ficiel , au lieu de fe décharger fur l’autre bout fans le repouffer , l'attiroit d'abord, & le chargeoïit de matière électrique , enfuite le repoufloit ; & étant attité par la boule fous l'autre bout, il defcendoit avec rapidité jufqu'à la diftance du choc, & fe déchargeoïit fur la boule avec une forte & vive explofion. Il continuoit ainfi à recevoir le fluide électrique, & à le décharger alternativement fur la boule , d’abord attiré pour recevoir le feu électrique , enfuite repouflé jufqu’à ce qu'il fe füt déchargé. Tout ceci s'accorde parfaitement avec les loix de l'électricité. Peut-être cette expérience répandra-t-elle du jour fur ce que nous voyons arriver quelquefois dans la Nature; favoir, une nuée continuant long- temps à décharger fon feu électrique fur la terre : car fiune nuée, dans fon état naturel, fe trouvoit ainfi placée entre une nuée chargée & la terre, elle peut être d'abord attirée & chargée, enfuite repouflée ; & fi la répulfon étoit aflez forte pour l'obliger à defcendre Lu la fphère d'attraction de quelque corps émouffé ,ayantun bon conducteur ou même un conducteur incomplet, alors elle en fera attirée jufqu'à la diftance où elle pourra frapper, & elle déchargera fubitement toute fa matière électrique fur le corps émouffé ; & fi elle neft point repouflée ou attirée hors de la fphère d’attraétion de la nuée chargée, elle en fera attirée & chargée de nouveau, enfuite repouflée comme auparavant, & conti- nuera ainfi à recevoir & à décharger fon feu électrique, jufqu'à ce que la nuée chargée foit prefqu'épuifée de fon éleétricité ou matière du tonnerre. Mais fi une nuée , dans fon état naturel, fe trouvoit placée à la portée d'une nuée chargée, & en même temps dans la fphère d'attraction d’un bon conducteur métallique terminant en pointe, il paroît, par ces expé- riences , que la nuée chargée communiqueroit fon électricité à la nuée SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. 3263 naturelle, qui , à fon tour, la donneroit fourdement & fans éclat à la pointe, jufqu’à ce que la nuée chargée füt prefqu'épuifée. Quand nous voyons une nuée déchargeant plufeurs coups dans une autre nuée, nous concluons de toutes les Loix connues de l'Eleétricité, que la nuée , qui avoit d'abord reçu le coup, doit avoir déchargé une partie ou la “bd feu éleétrique qu'elle avoit reçu avant que d’être fufceptible d'en recevoir davantage. Dans la vingtième expérience, quoique notre nuée artificielle mobile füt dans un grand mouvement, & qu'elle reçüt & déchargeît fon feu éleétrique fur la boule, nous avons vu qu'en ôtant la boule, & eny mettant la pointe à fa place, l'orage artificiel avoit ceflé fur le champ. Dans la vingt-unième expérience, la pointe étoit attachée à un (2 A de cire; la communication métallique avec la terre étoit féparée & in- terrompue: cependant nous avons vu que, dans cette fituation même, le coup fur la pointe n'avoit été rien en comparaifon de ce qu'il avoit été fur la boule, qui avoit une bonne communication. On voyoit claire- ment pafler une grande partie du fluide éleétrique à mefure qu'il appro- choit de la pointe; & quand on avoit complété la communication mé- tallique, en y fufpendant la chaîne, la pointe ceffa fur le champ d'être frappée. XXIII Exp. Le tube, que j'ai appellé dans Les expériences pré- cédentes nuée artificielle mobile, à raifon de la facilité avec laquelle il tournoit {ur fon axe, fut, dans celle-ci, affujetti au moyen de deux vis ; la boule qu'il avoit à un de fes bouts étoit trois pouces au - deflus de la boule C, qui terminoit le nuage artificiel : à l’autre bout, on plaça la pointe avec fon guéridon à trois pouces aufli au- deffous de la boule. Le nuage artificiel ayant été chargé, la boule C qu'il avoit à un de fes bouts communiqua fon fluide électrique à la boule plus élevée de la nuée artificielle qu'on venoit d’aflujettir, tandis que la boule qui étoit à l’autre bout déchargea au même inftant le fien fur la pointe à la diftance de trois pouces. XXIV. Exp. Le tube, qui a fervi dans l'expérience précédente ( & que j'appellerai encore une fois nuée artificielle mobile, parce qu'il pouvoit tourner fur fon axe ); ce tube, dis-je , fut placé dans la même ofition , à tous égards , que dans l’expérience précédente , avec cette feule différence que dans celle-ci il tournoit facilement fur fon axe, au lieu qu'auparavant il étoit immobile. Le nuage artificiel ayant été chargé, la nuée mobile, au lieu de recevoir une étincelle & de la décharger fur la pointe, comme dans l'expérience précédente , fut attirée en - bas par le nuage artificiel, & y refta fans frapper la pointe ni y revenir tant que le nuage artificiel étoit chargé. Tome XVII, Part, 1, 1781. MARS. Céia 204 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, IV. OBSERVATION. Par la vingt-troifième expérience , il paroît que fi notre nuée eft placée à une certaine diftance entre le nuage artificiel & la pointe, la nuée im- mobile n’a pas plutôt reçu le feu éle@rique, qu’elle le décharge fur la pointe. Mais dans la vingt-quatrième expérience, où il n’y a eu d'autre changement que celui de rendre la nuce mobile fur fon axe, où les dif- tances étoient exactement les mêmes, nous avons vu que le bout de la nuée s’éloignoit de la pointe fans la frapper. La vingt - quatrième expé- rience eft plus dans la nature des chofes que la vingtetroifième , attendu que les nuages font des corps flottans, & non des corps fixes. Pour n'aflurer de l'effct que produiroient des verges aboutiffant à des boules de différentes srofleurs , ou terminant en pointe, & paflant rapi- dement fous ma nuée artificielle , jé me fuis fervi de l'appareil fuivant. Dans la fg.7 H, eft uni tube creux de boisétamé, à un des bouts duquel on avoit attaché un gros poids ; à environ trois pouces au- deflus du poids, étoit un axe au moyen duquel on le fufpendoit entre deux piliers de bois: dans ce tube de bois étoit une verge de cuivre mobile, qui, furmontée d'une boule ou d’une pointe , pouvoit les élever à la hauteur + requife : la fig. 7 le repréfente baïffé, & la fig. 8 en mouvement. < XXV. Exp. Une boule d'un pouce & À de diamètre ayant été attachée à la partie inférieure du nuage artificiel en K, fous cette boule on plaça la verge de cuivre, furmontée d'une pointe qu'on couvrit; en- fuite on baifla la verge, la pointe en terre, jufqu’à ce qu'on eût chargé le nuage artificiel par quelques tours de cylindre : alors on la laiffa aller avec la pointe, qui pafla rapidement fous & fort près de la boule fous le nuage artificiel en K. On a répété la même chofe à plufeurs reprifes, ayant eu foin de baïfler la pointe chaque fois, jufqu'à ce qu’on eût trouvé la plus grande diftance du choc, qui étoit ordinairement d’un pauce 5. XXVI. Exp. On ôta la pointe, & on mit une boule de + de diamètre à fa place. On l’eflaya ,; comme on avoit fait de la pointe dans l'expérience précédente , & on trouva que la diftance étoit ordinairement de deux pouces & —. XXVITI Exp. La boule def. ayant été ôtée, on en effaya une autre d'un pouce -—, comme dans les deux expériences précédentes. La diflance du choc a été ordinairement de quinze pouces : mais quand_le temps étoit favorable pour les expériences électriques, la pointe étoit fouvent frappée, en paflant rapidement fous la boule , & aufli près qu'elle pouvoit fans la toucher, jufqu'à ce qu’on l’eût baïffée d’un pouce & £: alors Le nuage artificiel cefloit de la frapper, jufqu'à ce qu'on l'eût def SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 20% rcendue’de trois pouces 3 alors il commençoit de nouveau à la frapper, & continuoit: ainfi fes coups pendant tout le temps qu'on l'éloignoit à la dif- tance de dix pouces --. Quand la boule de + étoit à la place de la pointe , elle étoit frappée en paffant Sp & fort près de la boule du nuage artificiel, qui ne cefloit de fe décharger fur elle pendant tout le temps qu’on l'en éloi- noit à La diftance de deux pouces : alors le nuage Pfciel cefloit de Élpier la boule, jufqu'à ce qu'on l’eût éloigné de trois pouces —; hors de cette diftance, il continuoit à fe décharger fur elle jufqu à ce qu'on l'eut defcendu de dix pouces +. Mais quand une boule d’un pouce & : étoit employée, le nuagears tificiel la frappoit, lorfqu’elle pailoit rapidement & fort près de la boule ui étoit attachée à fa partie inférieure. Il ne cefloit de la frapper pen- due tout le temps qu'on la defcendoit de feize pouces. Il n'y avoit point de diftance à laquelle le nuage artificiel vint à ceffer de frapper la boule, pour recommencer enfuite fes coups; au contraire, il y avoit deux dif- tances où la boule de -: cefloit d’être frappée , ainfi qu'on l'a rapporté dans l'expérience précédente. y Ce phénomène fingulier eft, je crois, nouveau pour les Electriciens , & peut mériter leur attention. V. OBSERVATION. Par la vingt-cinquième expérience , il paroït que la pointe eft frappés à caufe de la rapidité de fon mouvement; & par la vinat-fixième , que la boule de < eft frappée à une plus grande diftance que la pointe; 8 enfin par la vingt-feptième, que la boule d'un pouce - eft frappée à une diftance beaucoup plus grande que ni lune ni l'autre , aidée même par la rapidité du mouvemefit. D'après ces expériences, je ferois porté à préférer les conducteurs pointus élevés; enfuite ceux qui font pointus, quand ils ne dépañferoient que de très-peu la partie la plus élevée des édifices ; enfuite ceux qui aboutiffent à des boules, & qui font placés au niveau de la partie la plus élevée d'un bâtiment. Il paroît cependant, par ces expériences , que ces derniers font plus fujets à être frappés du tonnerre, fans avoir , ainfi que les con- ducteurs pointus élevés, la propriété de garantir les parties éloignées d'un édifice: mais s'ils entune bonne communication métallique avec laterre , l'édifice peut n’être point endommagé, quoique le conduéteur foit frappé de la foudre. Cependantije crois qu'il y a très -peu de, perfonnes:qui ne tremblaffent d’être dans une maifon frappée du tonnerre.‘Les conducteurs qu'on recommande de placer à l'intérieur des bâtimens à un pu deux pieds au-deffous de leur partie la plus élevée, font aflurément très dangereux, fur-tout pour toutes les parties au deflus du conducteur. 206 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Je fus témoin des terribles effets d’un coup de tonnerre fur une maifon ui avoit, par hafard, un conducteur incomplet à l'intérieur de la partie fupérieure de la maifon. Il arriva ,le 20 Juillet 1775, dans une maifon fur la route de Ratcliff. Dans une chambre au haut de cette maifon , il y avoit un conducteur d’en- viron trois pieds de haut; la foudre s’y fit jour au travers du comble , en levant un grand nombre de tuiles , mettant les lattes en pièces, faifant fauter les plâtres pour parvenir jufqu'au conduéteur qu’elle frappa , & de- lun marteau qui étoit fur le plancher tout auprès ; de-là, elle fe fit jour jufques dans la cave, où il y avoit un tuyau de plomb qui y conduifoit Veau de la mer, laiffant les triftes marques de fes ravages dans plulieurs endroits de la maifon qu'elle avoit rendus prefqu'inhabitables. On trouva des marques de fufon de différens uftenfiles de métal, dont j'en ai quelques- uns en ma pofleffion. Si le conducteur avoit eu une bonne communication métallique avec laterre, toutes les parties inférieures de la maifon auroient été garanties : mais les parties fupérieures auroient été également endom- magées. Qu'on me permette de faire quelques remarques fur le Mémoire de Wilfon (1), intitulé: Expériences & Obfervations fur la nature 6 l'ufage des Conduëteurs. Dans la page 2, M. Wilfon dit qu'en 1772, il avoit pu- bliquement défapprouvé les conduéteurs pointus. Je vais copier ici une partie de fon Mémoire fur ce fujet, tel qu'il fe trouve dans les Tranfaëtions Philofophiques, Vol. LXIII, pag. 43. Voici fes propres termes : « Je regarde une pointe, en tant que pointe, comme provoquant le > tonnerre , & par conféquent non-feulement contribuant à augmenter la » quantité de chaque décharge actuelle, mais aufli occafionnant fouvent une dite , Où elle ne fe feroit jamais faite fans pointe; au lieu que fi nous » nous fervons de conduéteurs émouffés à la place de ceux qui terminent »en pointe, ils emporteront la matière électrique auf efficacement & » avec aufli peu de rifque que ceux - ci, fans avoir, comme eux, la » propriété d'attirer Le feu électrique, & d'en augmenter la quantité». En réponfe à cette aflertion, je dis que mes expériences femblent PR ver tout le contraire; & que la pointe, loin d'augmenter une décharge actuelle, la prévient même au contraire, où elle fe feroit faite fans elle. Je dis que les conduéteurs émouffés tendent à attirer les nuages chargés de feu électrique. M. Wilfon, dans fes deux premières expériences, s’étoit propofé de montrer que les conduéteurs pointus attiroient le feu éleétrique à une diftance beaucoup plus grande que les conducteurs émouffés. Ma neuvième expérience eft parfaitement d'accord avec les fiennes fur ce fujet, avec cette 1» (1) Voyez-en l’Extrait, Journal de Phyfique, 1780, Décembre, pag. 428. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 207 feule différence que dans la mienne la pointe a agi fur le nuage artificiel àune diftance beaucoup plus grande; « d'où il s'enfuit, pour me fervir de fes propres termes » qu’un Conducteur por enlève à un corps chargé plus » de fon fluide éleétrique que n’en feroit un conducteur émouTé ». Pour répondre à la douzième expérience, ainfi qu'à toutes celles qui fuivent jufqu’à la dix-huitième , où fon modèle de maifon paffa AIR pa ment fous fon grand nuage artificiel, & où la pointe fut frappée à quinze pouces, & quelquefois un quart de pouce plus loin que la RÉ de =; il faut obferver que j'ai vu au Pantheon l'appareil, dont il s’eft fervi , frap- per quelquefois la boule de - à une aufli grande diftance que la pointe, Mais dans les expériences que j'ai faites , la pointe a été frappée à la diftance de dix pouces =, &une boule de 2 à dix pouces Ma Rule d'un pouce & a été ordinairement frappée à Ja diftance de quinze, quelquefois de feize pouces. A fa ne expérience , ainfi qu'aux fuivantes, je réponds qu'il n'eft point naturel d'arrêter le fubftitur (1), vu que les nuages font com pofés d’une fubftance fluide, nageant, avec la plus grande facilité , dans une autre fubftance fluide ; & quoique la pointe ait été frappée dans la vingt-troifième expérience ; où j'avois arrêté Ja nuée artificielle, cepen- dant dans la vingt-quatrième expérience, où je n'ai rien changé à l'ap- paréil, finon de donner au nuage une entière liberté, la pointe n'a pas été frappée. Je crois que fi le grand nuage artificiel de M. Wilfon, de cent cinquante pieds de long fur feize de diamètre, avoir été bien ifolé, s’il y avoit eu plufieurs cylindres montrés comme il faut pour les charger, je crois, dis-je, qu'il auroit trouvé la diftance du choc & toutes fes autres expériences bien différentes de ce qu'il les a trouvées, fur-tout celle où ko fubflitut avoit été arrêté à environ un pouce & demi de fon rand nuage artificiel. Voici les raifons qui me portent à penfer ainfi. Ayant placé un conduc- teur, qui avoit exaétement lés mêmes dimenfions, à tous égards , que le fien , à environ un pouce & demi de mon nuage artificiel, la plus forte: étincelle que j'aie pu tirer ne pouvoit pas frapper la pointe au-delà d’un pouce & —/; mais une boule de -: en étroit frappée à la diftance. de huit 19 1 A 4 pouces -. Ce qui me confirma davantage dans mon fentiment, ce fuc W'ayant placé fur mon nuage artificiel un cône de cuivre, dont la bafe 5 étoit d'un pouce & la hauteur de deux pouces, pour lui enlever, une artie de fon électricité, qui, fans cela, l’auroit peut être trop chargé 2 q 2 Q P D”? Jai vu que la pointe étoit frappée à. la diftance d’un pouce & :—, comme auparavant, tandis qu'une boule de ne l'étoit pas quelquefois à une plus grande diftance. Mais quand je ne faifois d'autre changement à l’ap- (1) M. Wilfon donne ce nom à fon nuage artificiel. 208 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pareil que d’ôter le cône .du nuage artificiel, la pointe en étoit frappée comme ci- devant, c'eft - à -dire, à la diftance d'un pouce & =, & la boule de - l’étoit à huit pouces --: la boule d'un pouce a été frappée à la diftance de neuf pouces -— , au lieu d'un demi- pouce, comme cela lui étoit arrivé lorfque le cône étoit fur le nuage artificiel, & que par conféquent le conduéteur n'étoit pas fi chargé. Si Le fubflitur étoit mis en contact, avec le nuage artificiel , alors la pointe n’étoit plus frappée , à quelque diftance que ce für. Les boules feules l'étoient, comme l'a très- bien remarqué M. Wilfon dans le cours de fes expériences. Voici comme il s'exprime : « De forte qu'en mettant les deux fub/fituts »en contaét , -on produit les mêmes phénomènes qu'occafionne le cy- » lindre feul; c'eft-à-dire, que le bout émouflé caufe une explofon à » une diftance confidérable, au lieu que la pointe n’en.occafionne que peu » ou point , quoiqu'elle foit tout près du fubffitut ». Qu'on me permette de faire encore une obfervation fur cette partie du Mémoire de M. Wilfon, où il paroît conclure de fes expériences que la foudre en tombant à Purflet, a d’abord frappé la pointe de la verge du conducteur, & enfuite, par un coup latéral, le crampon enfoncé dans la pierre fur le faîte du bâtiment. Je crois que s'il eût bien examiné la fitua- tion de la pierre, il eût vu que fi la foudre füt tombée fur la pointe du conducteur , il eût fallu, pour produire cet effet fur la pierre, qu'après avoir frappé la pointe & defcendu Le long d'une grande quantité de mé- tal, elle fe déchargeât dans l'air, & qu'enfuite elle redefcendit fur le crampon, & de-là fur le métal qu'elle venoit de quitter : car la petite dentelure qu’elle! avoit faite à la pierre étoit à fa furface fupérieure ; & cependant la communication métallique avec la terre continuoit de la pointe fous la pierre qui avoit été frappée. Il me paroît plus probable que le nuage éleétrique , en paflant au- deffous de la pointe a conduéteur , a été épuifé d'une grande partie de fon éleétricité, & qu'après l'avoir dépaffé, il a été attiré plus en - bas par une chaîne de montagnes qui étoient un peu au-delà, & qu'étant hors de l'influence de la pointe , il s’eft décharoé par un angle fur le cram- pon , & de-là furla partie métallique du conducteur, qui n'étoit qu'à environ : fept pouces plus bas. Je conclurai, en obfervant que M. Henly & moi nous avons fait defcendre la verge du conduéteur à Purflet, pour en éxaminer la pointe, & que nous n’y avons rien trouyé qui fit voir qu'elle avoit été frappée, + MÉMOIRE v SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 209 9 és morue ét um ct Cent. | MÉMOIRE Sur la Matière verte, ou plutôt fur l'efpèce de Conferve qui croit dans les vaifleaux pleins d’eau expofés à l'air, & fur l'influence fingulière de la Lumière pour la développer, Par M. JEAN SENEBIER, Bibliothécaire de la République de Genève, & Membre de La Societé Hollandoife des Sciences de Haarlem. Moss IEUR Prieftley, qui a ouvert tant de portes dans les recoins de la Phyfique, & qui a créé la Pneumato - Chymie, indique, dans: fon IV°. Volume d'Expériences, Se&tion XX XII, p.335 & fuivantes, un nouveau fait que je me fuis propofé d'examiner plus à fond, parce qu'il avoit beaucoup d’analogie avec mes recherches fur la lumiere & fon influence, dans la végétation & la production de différens airs. : Je profite de cette occafion pour annoncer que j'avois eu des idées analogues à celles que M. Ingen-Houz a publiées fur l'émiflion fpontanée de l'air déphlogiftiqué que rendent les feuilles des plantes expofées à la lumière, & que j'en avois écrit quelque chofe à M. Bonnet au mois de Mai 1779. J’aurois fait connoître diverfes chofes fur ,ces matières & la théorie des airs, fi une maladie aufñi longue que cruelle n’avoit pas en- chaîné ma tête & mes mains pendant huit mois , & ne m’avoit pas abfo- lument Ôté les moyens de tenir les promeffes que j'avois faites dans mon dernier Mémoire publié dans ce Journal. Voici les réfultats des expériences de M. Prieftley de le fujet que je veux traiter. Il obferve. qu'il fortoit des vafes, tapiflés de ce qu’il appelle matiére verte, de l'air déphlogii- qué ; qu'une mefure de cet air avec deux mefures d'air nitreux fe rédui- foient aux quatre cinquièmes d’une de ces mefures; que cet air s’'échap- poit particulièrement au foleil; que l'eau de pluie & l'eau de rivière ne produifoient point la matière verte, mais feulement l'eau de puits; que Veau imprégnée d’air fixe en favorifoit la naiflance; qu'il a trouvé la matière verte dans les vaifleaux fermés; que la chaleur feule fufit pour la produire ; qu’elle n'eft niun végétal ni un animal, mais Ens fui generis ; w'il feroit pourtant probable que la lumière du foleil infuät fur la pro- duétion ÿ que cette matière fe forme plus tard, quand l'eau eft profonde. Il ajoute, dans la feconde partie de cette Section, qu'il doute que la matière verte foit l'organe producteur de l'air, mäis qu'il s'échappe feu- . lement hors de l’eau, lorfqu'elle eft dans une circonftance particulière qu'il n'indique pas ; qu'aucun degré de chaleur ne remplace Le foleil pour mertre Tome XVII, Part. I. 1781, MARS. D d 4:30 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'eau -en-état de produire l'air déphlogiftiqué, mais que la chaleur fu, uand l’eau a été expofée au foleil. Telles font les conclufions que M. Prieftley tire de fes expériences ; quelles qu'elles puiffent être, elles annoncent le grand homme fait pour devancer fes Contemporains dans tout ce qu'il étudie. Je marche ici à fa lurhière; je mé garderai bien de l’analyfer: mais je raconterai naïve- ment ce.que j'ai vu avec certitude , & ce que jai fait voir de même à d’autres. Il en réfultera, 1°. la defcription de cette matière verte; 3°. quelques obfervations fur quelques conditions néceflaires à fa naiilance ; 3°. les preuves les plus fortes de l'influence que la lumière a non-feule- ment pour produire cette matière verte, mais encore pour développer Fair déphlosiftiqué auquel elie feule donne naïffance. I. Cette matière verte eft une plante aquatique du genre des conferves gélatineufes. Voici quelques traits de fon hiftoire. Dans des vaifleaux cylindriques , tenus pleins d’eau à la hauteur de fépe à huit pouces, j'ai toujours vu cette plante paroître d’abord vers le fond , où elle s’accumule fans ceffe; puis on la voit s'élever & tapifler les parois des vaifleaux : mais c’eft roujouxs vers le fond qu'elle eft la plus épaifle , &-elle devient toujours plus rare à mefure qu'elle s’en éloigne tn montant. Je lai vue s'élever ainfi pendant deux mois à la haureur d'environ deux pouces & demi; dans les endroits les plus élevés; où parvient ce vécétal , il eft feulement fort clair femé, tandis que le tapis devient plus ferré & plus épais à mefure qu'on s'approche du fond. Dans les vaiffeaux qui-ont peu de profondeur , comme les foucoupes , ce vé- gétal couvre leur furface à la diftance de deux ou trois lignes de la partie qui eft baignée par l’eau. On comprend facilement que, pour obferver cela , il faut avoir foin de conferver l'eau dans la plus grande tranquillité poñible, & de ne point troubler les habitudes du végétal, en y verfanc de l'eau fans précaution pour remplacer celle qui s'évapore : alors l'eau conferve toute fa tranfparence & fa pureté, comme on peut s'en affurer par le moyen du microfcope, & comme on l'obferve dans les eaux où croïffent les conferves plus grandes. Cette plante , comme les conferves, naît & végète dans Feau; fa fitua- tion naturelle eft d'être attachée par petites males aux parois des vaif- feaux ou aux petits corps qui s'y trouvent. Elle paroît aufi préférer les furfaces, qui font peu polies. Ces petites mafles reflemblent à des taches vertes , ayant une certaine épaifleur dont le centre eft d'une couleur verte très-foncée , qui fe dégrade en s’approchant des bords, & qui y devient même tout-à-fait blanchätre dans les extrémités, comme on le voit avec une forte loupe , & comme on l’obferve dans d’autres conferyes. Ces taches, en fe rapprochant plus ou moins, forment le tapis de verdure , qui couvre les lieux où ehles croïffent. 1 3 Ce végétal eft impalpable; il fe réduit fous les doigts qui le preffent, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 21 ca une gelée qui femble fe réfoudre dans l’eau en petits corps infenfbles À l'œil nud, mais dont l'eau eft verdie tant qu'ils ÿ fonc fufpendus, Ces corpufcules fe raffemblent enfuite au fond de l'eau, & lui baiflene fa tranf- parence. On obferve les mêmes phénomènes dans plufeurs conferves géla: tineufes. 50 ‘ol Quand on étudie cette plante avec un microfcope , elle paroîc un tiffu de très-perits filets, dent l'union femble former une efpèce de ouate, Ces filets m'ont paru ellipfoïdaux, c'eft-à-dire, que fi on les confidère comme des tubes , leur extrémité offre un ovale dont les diamètres font aflez inégaux, & dont la bafeeft aflez tranchée. : : j La’couleur de ces filets eft verte, mais la nuance duverd eft tout-à-faic pâle; chacun de ces filets paroît compofé de petits grains, ce qui annonce une Organifation, jh} Chacun de ces filets eft un tube qui paroît plus ou moins plein d'air & d'une liqueur fort -fubtile, On voit cela dé même dans les conferves gélatineufes, qui font plus grandes; on a même:le plaifir de voir l'air s'échapper ‘hors de ces tubes, lorfqu'on les obferve au foleil : alors on fuit da bulle, qui fe meurt quelquefois jufqu'au pore qui lui ferc d'iffue; mais il faut une forte lentille & beaucoup d'atcention: On, peut s'amufet à füivre ainfi la réunion de ces petites bulles , qui fe. fait .fouvent à le partie la plus élevée du filet : alors la bulle s'en détache, loriqw’elle a acquis par l'augmentation de fon volume une force fufñfante pour fur- monter celle qui la tient collée au filer où elle s'eft formée. On obferve fur-tout ces bulles autour des mafles vertes, mais particulièrement encore fur les plus perits filets. } | Cette conferve, comme toutes les autres, pafle de-la:couleur verte, à la couleur jaune , quand elle périt, & elle-a befoin, pour vivre, de l’aétion immédiate de l’eau , de l'air & de la lumière. Je ne dis rien ici de l'origine de ce fingulier végétal, de fa repro- duétion , des caufes de fa mort, des impreflions qu'il-reçoit lorfqu'on le combine avec divers corps & qu'on le met dans diverfes. circonf tances; par conféquent je pale fous Free à préfent une foule d'analogies qu'il a & qu'il doit avoir avec les autres conferves : mais j'en ai ditiaffez pour affirmer que cette matière verte étoit une conferve, gélatineufe. : L'examen de ces diverfes queftions eft très-important .& très-long : j'ajou- terai feulement, pour confirmer mes idées fur la nature-de cet être, qu'il teint l’efprit-de-vin en verd lorfqu’on en fait infufer dedans, & qu'ille charge, comme toutes les parties vertes des végétaux , d'üne partie rélineufe, IT. Cette efpèce de conferve paroît fous l'eau dans tous les vaïfleaux expofés à l'air & à la lumière; elle a avec ‘ces trois étres une relation fi intime ; que l’abfence d’un feul fuffc pour l'empêcher de fe déve- lopper. : : . L'eau eft Le lieu naturel de cette conferve , comme de toutes Les plantes Tome XVII, Part. I, 1781 MARS. Dd2 212 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, aqttariques ; quand elle en eft privée , elle devient, commetous les végé- taux qui périffent, d'un blancheur jaunâtre : fans eau, elle re fauroic näître ; l'humidité mêmé n’eft pas fufffante pour la développer; il faut. que ce Auide puifle la baïgner entièrement, & la tenir toujours dans cet état de bain. Les eaux de nos rivières & de nos fources, dont quelques- ünes font chargées de félénite ; m'ont paru convenir également à ce vé- gétal. Cette plante a encore befoin non - feulement de la préfence de l'air pour paroître , mais encore de l'influence d'un air qui fe renouvelle; quel- ques bulles d’air dans un vafe fermé, une quantité même aflez grande de ce fluide , ‘eft infuffifante ; énfin, fi l'air du vaifleau ; où l’eau eft ren- fermée, ne communique que d'une manière gênée avec l'air extérieur ; les conferves dont je parle ne peuvent y naître. Un matras plein d’eau, auquel j'avois fcellé un long tube recourbé, n'a donné, pendant trois mois, aucune apparence de conferve, quoiqu'il ait toujours été dans les mêmes” circonftances que ceux qui en ont donné le plus, & qui en don- nent communément au’ bout de deux ou trois jours quelques filets , quand l'air eft chaud. [l faut cépendant ajouter que ces conferves fe confervent & véoètent , quoique lentement, dans le$ vaifleaux où la circulation eft généé, même débs ceuxoù elleeft fufpendue , quandils en ontété remplis ; ce qui pourroit faire préfumer, comme je le crois, que l'air porte les graines de ces plantes dans l'eau ÿ qu'elles s'y développent de même que les moififlures , aufli-tôt qu'elles trouvent le fol qui leur convient, Enfin, on n'obferve aucune de ces conferves dans les vafes pleins d'eau & expofés à l'air , lorfqu'ils n’ont aucune communication avec la Jumière, comme je l'ai vu pendant trois mois confécutifs dans des vaif feaux placés dans toutes les mêmes, circonftances que ceux dans lefquels la végétation des conferves étoit la plus vigoureufe, fi l'on excepte feu- lement qu'ils étoient entièrement privés de l'aétion de la lumière, car ils jouifloient d’uncouranc d'air continuel. Ils ont éprouvé une chaleur égale; lesovaifleaux éroienc de la même matière, de la même figure, & placés à côté les uns des-autres. Mais on jugera mieux. de la juftefle du réfuitat que-je tiré, nquand' on aura lu le détail des expériences que j'ai faites dans l'article fuivant. Ontrouve encore que-cette conferve , placée dans l'obf- curité, s'étiole comme les autres végétaux, & cefle de végéter, quoi- qu'elle: puifle vivre dans cet état de maladie pendant plufieurs mois: il ft vrai qu'il eh, a toujours uneigrande partis qui périt. Enfin , je foup- çonne qu’elle cherche la:lumière: mais je n'ai pas de preuves aflez fortes pour laflurer.: ss'L 0) 2:016q IT. La lumière néceffaire pour -le-développement des conferves et en- core abfolument indifpenfable pour:la production de l’air-déphlogiftiqué qu’on trouve dans ie haut de rous les vafes plcins d'eau , où cette plante a végété. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 213 L'appareil dont je me fers eft compolé de récipiens de verre, conte- nant environ trois onces d'eau ; je les remplis de ce fluide, & je les ren- verfe, lorfqu'ils font remplis fous l’eau & bien privés d'air, fur une fou- coupe de faïence , aufli pleine d'eau; de manière que l'eau du récipient ne communique avec l'air extérieur que par le moyen de l’eau de la fou- coupe dont il eft environné : de forte qu'il ne peut point entrer d’air fous ce récipient, que celui qui eft produit par la conferve, qui tapifle Le fond de la foucoupe fur lequel il repofe. Quand je veux ôter l’action immédiate de la lumière à ces récipiens , je les couvre avec un pot de faïence , dont les bords de l'ouverture font appuyés fur la foucoupe ou plutôt fur le fond d’une grande tafle pleine d'eau, que je préfere alors à la foucoupe, parce qu'elle garantit mieux de la lumière le récipient plein d’eau, que je deftine à l'obfcurité; mais il faut-que ce pot foit plongé dans l’eau, autant qu'il eft poflible. Les récipiens avec lefquels j'ai !fait mes expériences, ont toujours été placés fur une fenêtre, que le foleil éclairoit continuellement depuis onze heures jufqu’à cinq ; & depuis le commencement de Juin jufqu'au 13 d'Août de j'écris, il n’y a point eu de jour pendant lequel le foleil n'ait éclairé ma enêtre durant plufieurs heures. L'eau dont je me fuis fervi étoit tantôt celle d’une fontaine affez chargée de félénite , & tantôt celle du Rhône : mais je n'ai éprouvé aucune différence dans leurs effets. Je ne donne point ici de journaux ni de détails barométriques & ther- mométriques , parce que, dans ces cas, ils me paroïffent inutiles : il faut éviter tout ce qui ne fert qu'a faire valoir l'Obfervateur , fans être utile à l'obfervation. Si un récipient plein d'eau, comme je viens de le dire, eft expofé à l'action immédiate de la lumière, il y paroît des bulles d’air au bout de deux jours , lorfqu'il fait bien chaud; & fion examine cette eau avec atten- tion au microfcope après l'avoir agitée, on y découvre des filets de conferve, qui font les organes de fon émiflion. Dans tous les récipiens pleins d'eau, expofés, comme je l'ai die, à l'action immédiate de la lumière du foleil, la conferve & les bulles d’air y paroiffent en même temps ; & la quantité de l'air produit alors eft toujours LS cp à la quantité de la conferve qui s'y trouve & à l'intenfité de a lumière qui agit fur elle. Si l'on place des récipiens femblables à ceux que j'ai décrits, dans des circonftances parfaitement femblables à ceux qui ont été expofés à Fadtion immédiate du foleil, en leur interceptant abfolument la lumière par un Vaifleau de faïence, qui Les couvre parfaitement, il n’y aura jamais de conferve produite ni Lai développé. J'en ai eu de femblables pendant trois mois, qui ont été ftériles, aux deux égards, quoique les bords ex- rérieurs du vaifleau de faïence qui couvroit le récipient, & qui étoient 214 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, expofés à la lumière, fuflent eux-mêmes couverts de conferve: mais elle n'avoit point franchi les bornes que lui avoit tracé l'obfcurité, & il n'y avoit point de conferve fous le récipient ni fous le vaifleau couvrant. Si l'on met à la lumière du foleil des récipiens pleins d’eau & couverts avec des vaifleaux de faïence, dont les trous laiffent paffer plus ou moins de rayons ; alors la conferve fera d'autant plus prompte à paroïtre & à produire de l'air, & elle fera auffi d'autant plus vigoureufe & plus abon- dante, qu'elle aura reçu davantage l'influence de la lumière; les cotés des récipiens oppofés à la lumière & qui en ont été garantis par les vaifleaux de faïence , n'en ont jamais , & la conferve fe trouve toujours dans les places que la lumière a éclairées. Si les récipiens pleins d’eau fuivant la manière indiquée, font mis dans un lieu parfaitement obfcur, ils ne donnent ni air ni conferve au bout de trois mois, quoique le thermomètre foit monté , dans ce lieu , à 214 au-deflus de o. Les récipiens femblables, placés dans un endroit où l'on pourroit lire avec peine ce Journal , n’en donnent abfolument point; ceux qui font expofés à la réflexion de la lumière , dans une chambre, fans lation du foleil , font aufli ftériles ; enfin, ils commencent à mon- trer quelque végétation, lorfque la lumière de la fenêtre tombe directe: ment fur eux. 11 faut cependant obferver que La réflexion de la lumière folaire tire de l'air hors des conferves, quand l’eau eft échauffée à 16% du thermomètre de Réaumur. Mais il y a plus; j'ai placé des récipiens pleins d’eau dans des vafes dont le fond étoit tapiffé de conferves : je les ai couverts avec un vafe de faïence , & je Les ai ainfi expofés au foleil. J'en ai mis fans couverture dans un lieu obfcur, & il n'y a point eu d’air produit pendant trois mois ; j'ai Ôté la couverture du premier, j'ai tiré le fecond du lieu obfeur où il étoit, pour les expofer à l'action immédiate du foleil, & les bulles d'air ont paru au bout d'une demi -heure, Je Les ai mis tous les deux dans l'obfcurité, après avoir rempli les récipiens , &c je n'ai vu aucune bulle; en Les replaçant de nouveau au foleil, ils ont de nouveau donné de l'air. Mais peut-être cet air eft-il produit par l'action de la chaleur. IL eft vrai que l’action feule de la chaleur fuffit pour faire élever des bulles d'air hors de l’eau : mais, 1°. l'action feule de la chaleur n'a jamais pro- duit aucune conferve ; l'eau échauffée à 35%, & expofée fous des réci- piens couverts à l'aétion du foleil, n’a jamais montré ni conferves ni bulles d'air pendant trois mois: les récipiens même, qui, couvroient des conferves vigoureufes, ont ceflé d’avoir des bulles d'air auffi-tôt qu'on leur a intercepté l'aétion de la lumière. 2°. Tandis qu'une eau échauffée à 124 donne ke l'air quand elle a des conferves, & qu’elle eft expofée au foleil, elle ne fournit fon air qu'à 17*, lorfqu'elle éprouve l'ation de la chaleur du feu ou de l’eau chaude ; & cet air eft, pout l'ordinaire , LI LA SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 215 un air fixe, ou un air que l’eau abforbe bientôt, ou un air qui n’eft pas, à beaucoup près ; aufli pur que celui des conferves. Enfin, eft- ce l’eau qu’il faut regarder comme la caufe efficiente de cet air déphlogiftiqué ? J’obferve d’abord que l'eau fournit de l'air dé- phlogiftiqué, comme M. l'Abbé Fontana l'a démontré dans ce Journal (1): mais cet air déphlogiftiqué eft en petite quantité, & il eft bientôt épuilé. Je “inst encore que toutes les eaux ne fourniflent pas la même quantité d'air déphiogiftiqué, mais qu'elles en fourniflent également , uand elles couvrent des conferves, & qu'elles font expofées à la lumière dk foleil. Enfin, je conclus que l’eau feule ne produit pas l'air déphlo- giftiqué dont j'ai parlé jufqu'ici, 1°. parce que l'eau , parfaitement pure & fans filets de conferves, ne donne d'abord que très-peu où même quel- quefois point d'air. 2°. L'eau expofée à la lumière du foleil pendant un temps très-chaud , ne donne un peu d'air au bout de deux jours , que parce qu'il y a déjà des filets de conferves , qui ne fauroïent étre apperçus à l'œil nud, mais que le microfcope y découvre bientôt, quand on les cherche attentivement ; d’ailleurs, en filtrant cette eau plufieurs fois au travers d’un papier gris, elle ceffera de donner de l'air; enfin, l'eau qui couvroit des conferves vigoureufes & donnant beaucoup d'air, fi elle eft coulée doucement dans un autre récipient , de manière qu'elle n'entraîne avec elle aucune conferve , cette eau ne donnera plus aucun air à la lu- mière : il faut effayer cette eau au microfcope pour être sûr de l'obferva- tion. 3°. J'ai renouvellé tous les jours l'eau des récipiens mis dans une obfcurité totale, foi qu’ils couvriflent des conferves , foit qu'ils n'en cou- vriflent pas; & dans ces deux cas, il n'y a pointeu de bulles d'air. 4°. La mêmeeau , qui produifoit des conferves furle bord extérieur des vafes de faïence qui couvroient mes récipiens , & qui faifoit éclore, par leur moyen, des bulles d'air, n’en laïifloit paroître aucune bulle ni fous ces mêmes vafes, où il n'y avoit point de conferves , ni fous les récipiens, qui étoient privés par eux de la lumière. $°. Une eau , gardée pendant trois mois à l'obfcurité , n’a point donné d'air au bout de ce temps-là, quand elle a été expofée à la lumière du foleil. 6°. J'ai vu fouvent l'air fortir hors des pores des conferves, & très - fouvent les bulles entraînent avec elles Les conferves & les amènent à la furface de l’eau. 7°. L'eau nouvelle, placée fur les conferves, montre les bulles d'air qui s'échappent de ces lantes aufli-tôt qu’elles font expofées au foleil. 8°. Enfin, les conferves Eumniffent de l'air déphlôgiftiqué avec abondance , tant quelles reçoivent l'action de la lumière folaire; & l'air produit par les conferves eft le meilleur air déphlogiftiqué que je connoiffe : il differe de Fair déphlo- giftiqué produit dans nos RE en ce qu'il n’a aucune apparence d’acidité. Il faut obferver aufli qu’il eft toujours infiniment meilleur que Le meilleur air fourni par l’eau feule. (1) 1779, Mai. pag. 374. 216 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Toutes les plantes aquatiques’ que j'ai obfervées fourniflent de l'air déphlogiftiqué , quand elles font expofées au foleil ; tels font divers . byilus des eaux douces , diverfes conferves & tremelles ; tels font encore les poramogetons, la lentille de marais. Les feuilles mêmes des plantes terreftres, attenantes à leurs racines, donnent de l'air déphlosiftiqué quand elles font expofées au foleil fous mes récipiens , & elles n’en don- nent abfolument point ou infiniment peu, quand les récipiens pleins d’eau qui les contiennent font couverts avec un vafe de faïence, qui leur inter- cepte l’action immédiate du foleil. La végétation eft la fource de répa- ration pour l'air qui l'abforbe, & elle purifie celui qui tend à fe gâter tous les momens, Je démontrerai une autre fois qu'elle opère ces deux effets par le moyen de l'air déphlogiftiqué, que le folcil foutire des plantes végétales. Je n'arrête ; ce fujet eft trop important pour être traité par occafion ; iltouche à cette propriété, que la lumière a certainement, de fe combiner avec Les corps, & que j'efpère, s’il plaît à Dieu, de faire bientôt connoître. MÉMOIRE Sur les Terres fimples, & principalement fur celles qu'on nomme abforbantes; fuivi d’un appendice fur une nouvelle preuve de l’exiflence du Phlopifiique dans la chaux , & de quelques obfervations fur le Sel phofphorique calcaire ou fubftance offeufe régénérée, Lu à l'Académie de Dijon le 21 Décembre 1780; Par M. DE MoRVEAU. C: EST un des points les plus importans pour la Minéralogie, pour la Chymie, pour toutes les opérations qui en dépendent, & même pour les Arts, d’avoir des notions juftes & précifes de la nature & des pro- priétés des terres fimples, c'eft à-dire, de celles qui, féparées de toute autre fubftance, préfentent des caraétères propres, & conftituent des cfpèces actuellement différentes, foit que ces caraétères leur foient eflen- tiels , foit qu'ils foient le produit d’une compofition que l'Art ne peut ni prouver, ni détruire, niimiter; qui forment enfin de vrais élémens chymiques , dans la rigueur de cetre expreflion. Cependant quelques Auteurs femblent prendre plaifir à confondre à ce fujet toutes Les idées par des nomenclatures fouvent faufles & toujours équivoques , par de prévendues analogies qu'ils érigent en principes , peut- à être SUR L'HIST. NATURELLE'ET LES ARTS. 217 être parzle defir d'avoir un fyRème à eux ; ils admettent , fans preuve! une terre élémentaire : ils fuppofent arbitrairement que les autres en fonc formées , qu'elles font fimplement modifiées pour être ce qu'elles font; & ils expofent toute cette doctrine dans une langue ae nouvelle pourembarrafler ceux qui ne l'ont pas apprile , pour que les Seétateurs de leur Ecole ne foient pas en état de communiquer avec ceux qui pourroient les détromper. On kit, par exemple, dans les Lettres du Docteur Demefte , que la terre du gypfe ou de la félenite ef une terre abforbante, qu'il ne faut pas confondre avec la terre calcaire :. ; que la terre calcaire, combinée avec l'acide vitriolique , forme du fpath pefant ; que la terre des os n'eft pas cal- caire ; qu'elle forme; avec l'acide vitriolique, une vraie félénite à bafe de terre ab/orbante | & non pas de terre calcaire , comme le répètent tous les Chy- miles, Ge. LL faut favoir une fois qui eft-ce qui a raifon ou de tous les Chymiftes, où de M. Demefte. J'avoue que la méthode d'un Auteur , qui ne daigne pas indiquer les procédés de fes expériences, qui ne raifonne pas fes obfervations , qui fe contente le plus fouvent d'affirmer qu'il s'ef? dé- montré, fans prendre la peine de démontrer aux autres, ne prête guère à certe difcuflion, qui feule peut éclairer les Sciences ; malgré cela , je me latte de mettre les chofes dans un jour fi frappant, qu'on ne fera pas embarraflé de prononcer de quel eôté eft l'erreur. $. L. S'il étoit vrai que la terre du gypfe ne füt pas de la terre calcaire , fi elle avoit , je ne dis pas des propriétés différentes, mais une feule propriété différente bien avérée & bien conftante entre mille pro- priétés communes, je m'empreflerois d'adopter la découverte de M. De- mefte, parce que je ne connois de corps femblables que ceux qui ‘ont abfolument toutes leurs propriétés femblables: feulement, au lieu de la nommer terre abforbante, qui eft un nom vague, emprunté de l'ufage qu'on en fait en Médecine pour abforber les aigres, qui n'indique par conféquent qu'une propriété commune à toutes les terres folubles, je la nommerois tout bonnement terre gypfeufe; & tout le monde entendroit fans peine, fous cette dénomination, la terre qui conftitue le gypfe par fa combinaifon avec l'acide vitriolique. . Mais eft-ilbien vrai que La terre du gypfe ou de la félénite differe de la terre calcaire? M, Demefte en donne pour preuve, que l'eau de chiux a la propriété de” décompofer la diffolution de gypfe & d'en précipiter La terre. Le fait admis, la preuve eft fans replique ; car il eft évident que le mê- Jange des diflolutions d'une même terre ne. peut produire aucune décom- ofition. Je fuis bien éloigné de contredire ce principe, que j'aurai tout- à l'heure occafon de lui oppofer. Refte donc à examiner le fait. J'ai fait bouillir de l’eau diftillée fur du gypfe pulvérifé, {ur des cryftaux Tome XVII, Pari. I, 1781. MARS. Fre 218 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, E de fpath féléniteux ; la liqueur filtrée s'eft trouvée affez chargée poué donner un précipité très-abondant avec l’alkali : elle n’a pas été troublée par l’eau de chaux ; le mélange s’eft comporté, au premier inftanr & pendant tout le temps que je l'ai obfervé, abfolument de la même ma- nière qué la diffolution d'une félénite artificielle préparée avec la craie ou le marbre blanc. Toutes ces diffolutions ont confervé leux limpidité fous la crème de chaux , qui s’eft formée à leur furface. Qu'eft-ce qui a donc pu faire dire à M. Demefte, que l’eau de chaux précipiroit la félénite? Je n’accufe perfonne de tromper volontairement; mais je foupçonne ce qui a pu tromper M. Demeite. Il aura verfé de l’eau de:chaux dans quelques-unes de ces eaux de puits, que l'on nomme fé- léniteufes; & de ce qu'elles auront été troublées fur le champ ; il aura conclu, fans autre examen, qu'il y avoit décompofition de la félénire. Il eft commode, fans doute, d'écrire ce que l’on croit, fans simpofer l'obligation de rendre compte de la manière dont on a opéré pour s'en convaincre : mais cette méthode accoutume à voir légèrement , au lieu que celui qui préfume moins de la docilité de fon Lecteur, prend à tâche de l'aflocier à fon obfervation, de le mettre à même de la vérifier; & la néceflité d’un travail plus approfondi le conduit fouvent à: effacer ce qu'il alloit affirmer : il mérite donc, à tous égards, bien plus de con- fiance. Ce travail eût appris à M. Demefte ce qu'il a fait voir au célèbre Berg- man (1), que la précipitation dont il s’agit n’a nul rapport avec la décom- pofition de la félénite ; en voici les preuves. = 1°. J'ai chargé de l’eau pure de gas crayeux où d'air fixe ; j'y ai laiffé féjourner de la craie pulvérifée; la liqueur fltrée a été troubléefur le champ par l'eau de chaux: voilà bien le même effet; il n’eft pas dû à la décompo- fition de la félénite qui n'y exifté pas. 2°. L'eau de puits ayant été précipitée par l'eau de chaux, la terre qu'on en fépare par le filtre , où même qui refte fur les parois des vaif- feaux immédiatement après la précipitation , fait effervefcence avec les acides : ce n’eft donc pas de la terre de félénite, qui ne tient point d'acide gazeux, qui n'a pu en recevoir de l’eau de chaux , & qui n’a pas eu le temps d’en reprendre par le contaét de l'air, ; $ 39. J'ai mis un petit morceau d’alun dans l'eau de puits prétendue fé- léniteufe ; il s'eft formé un précipité en forme dé zône blanche , fufpendue un peu au -deflus du fond du verre: donc cette eau tient d’autres prin- cipes que la félénite; car il ne peut y avoir de décompofition par le mê- lange de deux terres tenues en diffolution par le mêmelacide : tout au plus y auroit-il cryftallifation. Mais il eft de fait que l’alun ne précipite en aucune manière la félénite. (1) Opufe. chym. , Tradu, Franç., Tom. I, p. 29 & 174. SUR\L'HIST. NATURE LLE.ET LES ARTS. 219 fe, L'alun , mis dans l'eau gazeufe chargée de craie, y occafionne un pareil précipité. : 4°. De quelque quantité d'eau de chaux qu'on noie leaude puits, elle donne, après avoir été filtrée, tout autant de précipité avec le fel marin à bafe de terre pefante , que fi l’on n’y eût pas d'abord verfé de l'eau de chaux : donc l’eau de chaux n’a pas décompofe le peu de félénite qu’elle contient, ..$°- Si on verfe d’abord dans l'eau de puits quelques gouttes d'acide marin , quelque quantité d’eau de chaux qu'on y ajoute enfuite, on ne parvient plus à la troubler : donc la terre qui fe précipicoit'a été diffoute ar cet acide ; donc elle n'étoit pas en état de félénite. Enfin, il fuffic de faire bouillir l’eau de puits pour en féparer La plus grande partie de la terre qut Peau de chaux en précipite à froid, ainfi Ne l'a très-bien remarqué M. Bergman, qui a pris La peine de décrire & "expliquer toutes les circonftances de ce phénomène. D'où il réfulte invinciblement que ce qui a été pris pour un précipité de terre félétineufe n'eft réellement que de la terre calcaire ou chaux aërée , qui éroit tenue en diflolution par une portion furabondante de gas crayeux , qui tombe à l'inftant que ce gas eft repris par l'eau de chaux qui en eft fort avide, & qui fe trouve par-là fournir elle - même une partie du précipité : aufñi obferve-t- on que ce précipité eft bien moins confidérable , quand on emploie de l'alkali cauftique, au lieu d'eau de chaux. Il feroit nul avec l’alkali complettement aëré, fi l'eau ne tenoiten même temps un peu de vraie félénite, qui, pour le coup, eft décompolée par l'affinité fupérieure de l’alkali avec fon acide. STI. Eft-il bien vrai quela terre calcaire, combinée avec l'acide vitriolique; forme du fpath pefant? Voici le procédé d’une expérience qui nous ds nera [a folution de cette queftion. * Que l’on prenne de la pierre de Bologne ou de tout autre fpath pe- fant bien connu aujourd’hui des Minéralooiftes ( marmor metallicum de Cronfledt ) ; qu'on le choïfiffe blanc-opaque ou demi-tranfparent , iln'im- poïte ; qu'on le traite au creufet avec deux parties d'alkali & un peu de pouflière de charbon pour en former du foie de foufre ; qu'on pré- cipite la diffolution de ce foie de foufre par un acide; qu'on précipite enfin La liqueur reftante par l’alkali, on aura la terre bafe du fpath pe- fant, que M. Bergman, qui le premier l'a fait connoître, a nomméeiterre pefante. Je compare cette rerre avec la terre calcaire | & je trouve, 1°. que la terre calcaire, je veux dire le fpath , le marbre, la craie, &c., forment, avec l'acide vitriolique, un fel dont l’eau diffout à - peu - près un 500". de fon poids ; que la terre pefante forme, avec le même acide, un feltout-à- faitinfoluble, Tome XVI, Part. 1. 1781. MARS. Ee2 220 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE,. 2°. La terre pefante enlève l’acide vitriolique à toutes les bafes , même aux alkalis fixes; c’eft à raifon de certe ne que M. Bergman indi- que la diflolution de terre pefante par l'acide marin, comme le réactif le plus sûr pour découvrir cet acide (1). Non-feulement la terre calcaire n'a pas la même puiffance de décompofer le tartre vitriolé , mais l’alkali la déplace, quand elle eft unie à l'acide vitriolique. 3°. Si la terre calcaire cède l'acide vitriolique à.la terre pefante, celle- ci cède au contraire l'acide du fucre à la chaux ; ainfi leurs affinités font différentes , & elles fe précipitent refpectivement dans les divers acides. Nous avons vu que M. Demefte étoit d'accord du principe, qu'une terre ne peut être précipitée par une terre femblable : ce n'eft donc pas la peine de pouffer plus loin nos preuves; & nous pouvons conclure, contre fon aflertion , que la terre calcaire n'eft point la terre pefante; qu'elle ne forme pas, avec l'acide vitriolique, du fpath pefant. M. Demefte objectega-t-il que MM. Maroraff & Canton ont fait, avec la terre calcaire & l'acide vitriolique , des phofphores comme avec la pierre de Bologne ? À la bonne heure; il faut en conclure que ces deux terres ont également la propriété .de former des vitriols, rerreux , qui, étant calcinés, retiennent la lumière. Ce n’eft pas aflurément la feule propriété qui leur fera commune, puifqu’elles font toutes deux folubles dans les acides , toutes deux fufceptibles de fe charger de gas, toutes deux calcinables, &c., &c. Mais qu’eft-ce que cela fait à notre affaire ? il ne s’agit pas de favoir fi elles fe comportent quelquetois de la même manière , il s’agit’ de décider fi ces terres forment une fubftance abfolu- ment identique. Or, il n’eft befoin que d’une feule propriété conftam- ment différente pour en faire deux êtres diftinéts: autrement tous, les carps dela Nature feroient confondus; car il eft impoñlible d'en nommer deux | qui n'aient aufli quelques propriétés femblables, Encore une fois, on convient qu'une terre quien précipite une autre, n'eft point la même que celle qu'elle précipite. Or, puifque nos deux terres fe précipitent, réci proquement à raifon de leurs affinités avec divers acides, tout eff dit, & mille, propriétés communes ne peuvent détruire la conféquence qui réfulre de ces faits. AR. Je pourrois ajouter, que de toutes les propriétés qui peuvent fonder quelqu’analogie , celle de répandre la lumière dans l’obfcurité eft [a moins concluante, puifque MM. Lavoifrer & Macquer ont trouvé que la ma- gnéfie calcinée éroit elle - même lumineufe (2). Faudra- t-il donc pour céla la confondre, avec:la terre qui exifte dans la pierre de Bologne? Ce (1) Opafe: éhymi, ci Tom, pag. 110: (2) Dition. de Chymie, art. déugréffe, té SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 221 $. IIT. Seroit-il poflible que la terre que s’approprient les animaux, pour en compofer leurs parties les plus folides, ne für pas calcaire? fe pourroit-il qu'elle füt d'une autre natureque ces maffes qui couvrent la furface du globe, & que les reftes de parties figurées par lorganifation qu’elles contiennent fi abondamment , nous démontrentavoir été formées des débris des fubftances animales ? S'il eft quelqu'analogie qui puiffe , non pas établir, mais du moins faire préférer dans le doute une opinion, c’eft, fans con- tedit, celle qui a pour principe la marche habituelle de la Nature dans une de fes opérations les plus fenfibles & les plus journalières. Cepen- dant ce n’eft-là qu'une analogie; il n’eft pas permis au Chymifte d’en tenir compte , tant qu'il lui refte des procédés pour acquérir des preuves. Examinons donc fi la terre offeufe differe réellement de la terre calcaire. Quelle que foit l'iffue de cette recherche , elle ne peut manquer d’intéreffer: ou elle affermira une vérité utile, mal-à-propos ébranlée ; ou elle augmen- tera nos richefles , en nous faifant connoître un être nouveau pourvu de nou- velles propriétés. . Suivant M. Demefte, la terre pure des os calcinés ne s’échauffe pas avec l’eau, comme la chaux; elle forme, avec l'acide vitriolique , une félénite dont la bafe n'eft pas calcaire : elle eft propre à former des cou- pelles, ce que ne peut ne la terre calcaire, IL n’en faut pas tant, pui£ qu'une feule propriété différente conftitue un être différenc: mais il faut aufli que cette propriété foit bien conftatée; &, pour y parvenir, je ne connois d'autre moyen que de procéder en même temps fur les deux matières par des expériences comparées, qui les mettent d'avance dans des circonftances abfolument femblables , de poids , de volume & fur- tout de compofition accidentelle, Ainfi , au lieu de chercher à voir fim: plement les petits faits atteftés par M. Demefte , je me fuis livré à un travail un peu plus étendu; le compte que j'en 1endrai prouvera qu'il n'a pas été infruétueux. 1°. J'ai fait calciner au blanc des os de bœuf; je les ai fait digérer dans de leau-forte très-pure, rectifiée à la manière de Meyer, jufqu'à ce qu'elle en fût faturée. Après avoir filtré la liqueur , j'en ai précipité la terre, en état de félénite, par l'acide vitriolique : certe félénire a été lavée dans l’eau chaude, puis dans lefprit-de-vin, & enfuite defléchée fur un têr'à un feu de fable doux. 2°. J'ai fait diffoudre dans la même eau-forte des cryftaux de fpath calcaire tranfparent ; j'en ai fait la précipitation en félénire par le même acide vitriolique ; cette féconde félénite a fubi les mêmes lotions que la première : elle a été defléchée au même feu , pendant le même temps, fux un têt pareil. 3° IL m'a paru intéreffant de faire état, dans ces expériences com- parées , dela terre des cendres , d'autant plus que quelques Méralluraiftes les font entrer dans la compofition des grandes coupelles. J'ai donc fait 222 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, diffoudre dans la même eau-forte de la cendre de chêne, qui avoit été auparavant tamifée & leflivée à l’eau chaude; je l'ai encore précipitée par l'acide vitriolique, & cette sroifième félénite a été édulcorée & defléchée comme les précédentes. 4°. Enfin, je me fuis fait un autre fujet de comparaifon de la félénite paturelle, en pulvérifant du beau oypfe cryftallifé tranfparent, le lavant & le defléchant comme les autres, pour le mettre, autant qu'il étoic poñible , dans le même état : je dis autant qu'il étoit polible ; car elle étoit , malgré ces préparations , d’une denfité bien plus confidérable. "IS EwPÉRIENCE COMPARATIVE. Ces quatre félénites ont été placées dans quatre creufets pareils , garnis de leurs couvercles lutés, & expofés dans le même fourneau au feu de calcination. La perte de poids a été prefqu'égale pourles n°°.1, 3 & 4, à-peu-près de:; elle à été fenfiblement moindre pour la félénite offeufe du n°.2, & n'excédoit guère le 12°. On conçoit que cette différence , que je ne rapporte ici que pour l’exac: titude , ne pouvoit avoir d'autre caufe que le volume beaucoup plus confidérable de la félénite offeufe ; qui avoit favorifé les progrès de la defficcation ; & cette forme plus ou moins foyeufe & rare de la félénite, dépend elle-même de l'état de concentration des liqueurs dans lefquelles fe fait l'uuion de l'acide vitriolique avec la terre. J'ai obtenu plufieurs fois une félenite aufli lègère avec la craie ou avec la terre des cendres. Aurefte, ces quatre félénites, de nouveau pulvérifées & délayées ayec fufñfante quantité d’eau, fe font comportées abfolument de la même manière, c'eft-à- dire, qu'elles ont abforbé l'eau, & ont fait corps avec elle. C'étoit-là l'ebjet effentiel de l’expérience , & je n’ai pu obferver la moindre différence; la félénite offeufe formoit feulement un plâtre beaucoup plus blanc que les trois autres. i II, EXPÉRIENCE COMPARATIVE: J'ai pris une once de chacune de ces quatre félénites , que j'ai fait bouillir dans l'eau diftillée avec des cryftaux de foude, pour les décom- ofer & obtenir la terre pure; j'ai préféré l’alkali minéral cryftallifé , parce que l'alkali végétal porte toujours un peu de terre -quartzeufe, su peut changer ou troubler les réfultats, quand on n'opère pas fur des quantités très -confidérables ; & j'ai eu la précaution d'ajouter de ces ctyftaux jufqu'à ce que la liqueur rougît fenfiblement le papier coloré par le terra merita , pour m'aflurer qu’il y avoit furabondance L alkali , & que toute la félénite étoit décompofée: alors, j'ai filtré la liqueur ; j'ai lavé, en 155 Cv h.. ” PE . ‘ 4: Rd 14 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 223 grande eau, la terre demeurée fur le filtre, & j'ai laiflé fécher à l'air libre. Deux gros de chacune de ces terres ont été mis dans des creufets pareils, &expolés à un feu fuffifant pour les convertir en chaux; la perte de poids des terres des n°. 2, 3 & 4 n'a varié que de foixante à foixante-quatre grains : celle de la terre, n°. 1°°., n'a été que de quarante-quatre ; ce qui indique ou qu'elle éroit accidentellement plus sèche, ou que peut - être il y éroit refté , malgré l'ébullition, quelque peu de félénite non décom- pofée. Comme elle n’étoit-là qu'un fujet de comparaifon furabondant , & que l'expérience fe dirigeoit principalement fur la terre des os & fur ‘la terre calcaire, qui fe trouvoient bien dans les mêmes circonftances, je n'ai pas cru néceflaire de revenir fur cette opération, Aucune de ces terres n’a donné de fignes fenfibles de chaleur en s'unif- fant avec l'eau, & j'en ai été peu furpris. Il faut, pour cet effet , ou que les mafles foient bien plus confidérables, ou du moirs que état folide & pierreux de la terre calcinée oppofe quelque réfiftance à lation de l'eau; d'où il réfulte quelques efforts, quelques frottemens ; Le brifemenc des mafles intérieures par la dilatation rapide des furfaces, & par fuite le dégagement inftantané d'une portion confidérable de matière ignée libre. Or, c’eft ce que l’on ne peut attendre de l'état’ pulvérulent. Maïs routes ces terres ont également formé la crême de chaux; elles lontégalemént reproduite routes les fois que je l'ai enlevée à la furface de l’eau qui Les farnageoit , & que j'avois ajoutée à ce deffein. III EXPÉRIENCE COMPARATIVE. Un gros de chacune des terres retirées des félénites, n°. 2 & 3, a été placé dans un petit creufer, & les deux creufets couverts ont été ex- ofés dans le même fourneau au feu le plus violent pendant deux heures, Lortqu'ils ont été refroïdis , j'ai trou vé les deux terres complettement vi- trifiées, fans qu’il fût rien paflé dans l’intérieur des creufets qui püt dé- cider la fufñon ; le verre de la terre offeufe étroit du même ton de couleur que celui de la chaux , feulement un peu plus tranfparent. ‘IV. EXPÉRIENCE COMPARATIVE, Quatre portions du même acide nitreux, reétifié à la manière de Meyer, ont été fäturées féparément de nos quatre terres. Ces diffolutions filtrées fe font comportées de la même manière avec tous les réactifs ordinaires; aucune n’a |altéré la couleur des papiers colorés par le tournefol, le fer- nambouc & Le rerra merita: celles des n°°. 1. 3 & 4 ont verdi fur le champ le fÿrop de violettes. Les premiers effais ne m'ont pas donné la même nuance avec la diflolution de la terre, ‘n°. 2; le mélange , en différentes proportions , n’a fait d'abord qu’eflacer la couleur bleue. Cepen- °24 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dant j'étois bien afluré d’avoir déjà obfervé l'altération én verd par le nitre à bafe de terre ofleule , puifque j’avois démontré, dans une des Séances de nos Cours, contre l'opinion du célèbre Rouelle (1) , que le fyrop ne rougifloit que quand il reftoit de l'acide phofphorique dans la diflolution nitreufe de la terre des os. Il ne m'étoit pas poflible enfin de revenir à cette opinion, tandis que ni le papier, ni la teinture du rournelol , ni le fyrop de violettes, n'étoient altérés en rouge. Ces réflexions me perfuadèrent que l'effet pouvoit dépendre de la concentra- tion des liqueurs, ou de toute autre caufe accidentelle. J'ai refait en conféquence deux diflolutions nouvelles de terres offeufes par le même acide nitreux: l’une des terres, provenante encore de la décompolfition de la félénite, n°. 2; l'autre d’une coupelle diffoute dans l'acide nitreux, puis précipitée par l'alkali & bien édulcorée. Ces diffolutions , faites au feu de fable , filtrées & refroidies , ont communiqué au fyrop violat une nuance de verd très-marquée. Vf. EXPÉRIENCE COMPARATIVE. Ayant verfé de l’eau dans chacune de ces diffolutions pour voir s'il n'y auroit pas une précipitation. par afhnité fupérieure, comme dans les dif folutions de nitre , de magnéfie & de fel marin magnéfien , j'ai obfervé que toutes nos difflolutions, provenues de félénite, devenoient fur le champ troubles & laiteufes, & donnoient un dépôt blanc, Aoconneux. NI ExPÉRIENCE COMPARATIVE. Ce qui reftoit des quatre diflolutions ci-deflus a été évaporé à ficcité dans des capfules placées fur le même bain de fable ; elles ont laiffé des mafles falines blanches, qui routes ont bouillonné fur les charbons ar- dens, qui fe font bourfoufflées & qui ont fufé foiblement fur les bords. Tous ces fels, abandonnés à l'air libre , ont également attiré l'humidité & fe font à la fin réfous en liqueur. , S VII EXPÉRIENCE COMPARATIVE. Si la terre ofleufe & Ja terre calcaire font des fubftances identiques , elles doivent préfenter les mêmes phénomènes avec l'acide -phofphori- que, & fur-tout avoir une égale aptitude à former la matière propre aux coupelles , quand elles font combinées avec cet acide. J'ai fait Pouillé, à plufeurs reprifes, de l'acide phofphorique retiré du phofphore par déliquefcence fpontanée , fur de la rérre des os du n°.2, & fur de la terre calçaire du n°, 3. Es (1) Voyez Elémens de Chymie de Dijon, Tom. INT, p. 120, & le Journal de Médecine du mois d'O&obre 1777. : es SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 225$ . Ces diffolutions filtrées, je les ai éprouvées par les réactifs; La diffolu- tion phofphorique de la terre des os a rougi fortement le fyrop violat & toutes les couleurs végétales : j'ai obfervé qu'elle étoit fur Le champ troublée & précipitée par l’eau de chaux. Len a été de même dans tous Les points de la diflolution phofphorique calcaire. L'une & l'autre diffolution portées au point de faturation (chacune avec leur terre calcinée à ce deflein ), ont produit un fel phofphorique terreux, infoluble dans l’eau bouillante & dans le vinaigre, infufible au plus grand feu, fufceptible de fe pêtrir avec l'eau, quoiqu’avec peu de lien, qui a abforbé le verre de plomb , qui n'eft pas tombée en pouflière par extinc- tion à l'air, en un mot, qui étoit la vraie matière des coupelles , ou, pour mieux dire, La fubftance offeufe régénérée. CONCLUSION. “ Ces expériences me paroiflent établir de la manièrela plus fatisfaifante les faits contraires aux aflertions de M. Demefte. Ainf, dans l'état a@tuel de nos connoiffances , pour ne pas confondre les terres qui ont des caractères propres , & ne pas admettre de faufles dif- tinétions de principes conftamment identiques , on doit fe borner à compter cinq terres fimples; favoir : L Le filex ou terre quartzeufe pure, affez connue de tout le monde pi fon infufbilité , fon indiflolubilité dans les acides, & fon affinité avec es alkalis & la chaux par la voie sèche. IL L'argile pure ou terre bafe d’alun , que la Nature nous préfente en fi grandes mafles, mais prefque toujours mêlée de filex, & colorée par des terres métalliques; qui exifte dans les bols, les fchiftes, les mar- nes, &c. ; que l'on retire de ces mêlanges par l'acide vitriolique; qui ne fe fond ni feule ni avec la chaux pure ; qui fe pêtrit facilement dans l'eau & durcit au feu. III. La terre calcaire pure, qui eft unie au gas crayeux dans les cryftaux de fpath, dans les mafles de craie , de marbre, de pierre à chaux, de falun , de marne, &c. ; Qui fait près de + du réfidu terreux des matières végétales, après leur combuftion & la féparation des fels ; * Qui eft unie à l'acide vitriolique dans le gypfe, le fpath féléniteux , la pierre à plâtre ; Qui eit unie à l'acide fpathique dans les fpaths fufibles; Qui eft unie à l'acide phofphorique dans les os ; \ Qui a la propriété, fi précieufe dans les Arts, de devenir foluble dans l'eau, quand elle a fubi la calcination. Tome XVII , Part. 1.1781. MARS. FF 226 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, IV. La terre de magnéfie, qui fert de bafe au fel natif amer des fon- taines d'Epfom , de Sedlitz , de Seydchutz, de Pyrmont, &c. ; Qui fe trouve en quantité , unie à l’acide marin dans l’eau de la mer; Qui fe trouve unie au gas crayeux dans les eaux de Seltz, de Spa, &c., dans la plupart des maffes calcaires, dans les marnes, dans les marbres les plus durs , & plus abondamment encore dans les ferpentines , Les fléatites, les ollaires , Les fchiftes , &c. , &c. ; Qui fe diffout dans l'eau avant fa calcination; qui ne s’y diffout plus quand elle eft calcinée; Qui eft plus infufble que la chaux ; Qui forme, avec les mêmes acides, des fels abfolument différens de ceux qui ont La chaux pour bafe ; Qui, fuivant les belles expériences que M. Quatremère Dijonval na communiquées , donne, même avec les acides nitreux & marin, des fels en beaux cryftaux non déliquefcens. V. Enfin, la terre pefante, qui, unie à l'acide vitriolique , conftitue une efpèce particulière de fel terreux , plus infufble , plus infoluble qu'au- cun autre, connue fous les noms de pierre de Bologne, de fpath pefant (marmor metallicum ) de Cronftedt , Le plus communément difpofée en filons dans les Pays à mines ; Qui fe diftingue , comme je l'ai dit, des autres terres calcinables par la propriété d'enlever l'acide vitriolique , même aux alkalis fixes. On pourra peut-être par la fuite découvrir d’autres terres aufli peu com- pofées, pourvues de propriétés conftantes, qui nous obligent de les mettre dans une autre claffe ; il ne feroit pas impollible non-plus que l’on parvint à décompofer une de ces terres que nous regardons aujourd’hui comme fimples : mais jufqu’à ces nouvelles découvertes, voilà bien sûrement les cinq principes terreux qui doivent feuls être admis en Chymie ; & voilà en même temps les dénominations exaétes qu'il faut leur conferver, fi l'on veut fe faire entendre. Il eft échappé aux Auteurs des Elémens de Chymie de l’Académie de Dijon , de dire que le marbre eft une des terres abforbantes ; cette ex- preflion a été juftement relevée par le favant Profefleur, qui a pris la peine de les traduire en Allemand. M. Weigel dir, avec raifon, que Y'épithète d’abforbant , que les François donnent communément à la terre calcaire, convient tout aufli bien à la magnéfie & à la terre pefante, qui ont également la vertu de s'emparer des acides. Mais il ajoute , dans la même note (1), que , dans l'ufage, ce mot eft approprié à la terre des (1) Voyez les Elmens de Chymie de l'Académie de Dijon, traduits en Allemand par M. Weigel, Gc., Tom.l, pag. 68, Note 38. M. Weigel convient lui-même x és SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 227 os (knocheuerde) ; il me permettra de lui obferver que cette application n'eft pas plus jufte : car elle ne peut être fondée que fur ce que les cou- pelles ont la propriété d’abforber le verre de plomb dans leurs pores ; or, Cette propriété n'eft nullement celle de la pure terre des os, mais du fel ter- xeux, qui conftitue la fubftance offeufe calcinée. Convenons donc, une bonne fois, d'abandonner l’expreflion de terre abforbante, qui eft vague & incertaine dans le fens des François, quieft impropre dans Le fens des Allemands ; qui ne préfente, dans le fens de M. Demelte , que des idées faufles & démenties par Les faits. Appendice fur une nouvelle preuve de l'exiflence du Phlogiftique dans la Chaux. La cinquième expérience, dont il a été précédemment fait mention , préfente un phénomène, que je ne fache pas avoir encore été obfervé; c'elt la précipitation du nitre calcaire par l’eau de chaux. Cet effet ayant eu lieu uniformément dans les quatre diffolutions qu'il s'agifloit de comparer, je n'ai dû pour lors m'en Rspes que pour en conclure l'identité des bafes de ces diffolutions : mais le fait m'a paru affez intéreffant pour être examiné féparément. Je dois prévenir d'abord que j'ai pris toutes Les précautions néceffaires pour ne pas m'en laifler impofer pat la préfence accidentelle de quelques matières hétérogènes. Je ne me fuis pasborné à diffoudre le marbre blanc, la craie, Le fpath calcaire cryftallifé & le précipité de félénite ; j'ai diflous la crême de chaux recueillie avec foin; j'ai faturé une autre fois l’acide par l'eau de chaux elle-même : j'ai employé différentes eaux fortes, & , dans tous les cas, l’affufon de l’eau chaude a toujours troublé la diffolution & occafiunné un précipité. ù La caufe de ce phénomène ne me paroît pas bien difficile à indiquer, Il eft évident que la précipitation ne vient pas de l’affinité fupérieure de la nouvelle terre avec l'acide , puifqu'elle eft de même nature; cette afh- nité ne peut dès- lors être produite que par le phlogiftique même qui refte adhérent à la chaux. Tous les Chymiltes favent que l'acide nitreux, faturé de fer, attaque le phlogiftique du nouveau fer qu'on lui préfente : & laiffe tomber en proportion la terre martiale dont il étoit chargé : c'eft ici abfolument la même chofe. Cette obfervation fournit donc une nouvelle preuve que le feu exifte dans la chaux ; qu'il y exifte, non comme matière de chaleur , ainfi que — , » . 1 > que la fubftance offeufe n’eft autre chofe qu’une terre calcaire faturée d acide phofpho rique. Voici fes expreflions : L/nd nach den neveften eurde ckungen eine mit phofphorfaurem gefaigre kalcherde ift. Tome XVII, Part. I,1781. MARS, FF2 228 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la cru le célèbre Bergman ( 1), mais en état de feu fixe, entièremene femblable à celui qui neutralife l'acide vitriolique dans le foufre , l'acide arfenical dans l'arfenic blanc ; qui exifte dans les hépars, dans toutes les matières charbonneufes ; qui eft Le vrai pt métallifant ; au phlo- giftique enfin, dont l'acide nitreux eft fi fort avide, qu'il décompofe fubi- tement le gas hépatique (2), qu’il reprend même à l'acide vitriolique le principe colorant qui le noircit, Obfervations fur Le Sel phofphorique calcaire ou fubffance o[feufe régenérée. La précipitation des deux fels phofphoriques calcaires par l'eau de Chaux ( feptième Expérience comparative), eft encore un phénomène qui mérite d'être examiné, & qui me-fournira l’occafion de détromper ceux qui fe perfuadent que l'acide phofphorique n’exifte pas dans les os , & qu'il eft produit par l'acide vitriolique qui le dégage. La précipitation dont il s’agit dans cette expérience n’eft ni une dé- compofñition par l'affinité fupérieure d’une autre bafe , ni l'effet de l'action de l'acide fur le phlogiftique , comme dans l'expérience cinquième, ni même, à proprement parler, une cryftallifation fubite d’un {el tout formé ; c’elt l'effet de la faturation de l'acide furabondant qui tenoit le fel en diffo- lution Cette explication n'eft pas une fimple hypothèfe ; elle fe démontre par les faits. | Après avoir obtenu lacide déliquefcent, foit du phofphore retiré des os, foic de celui qui fe fait tout fimplement avec l'urine defféchée & la pouflière de charbon, je verfe dans ces deux acides phofphoriques de lalkali &xe en liqueur; il n'y a pas l'ombre de précipitation. Je fais bouillir ces mêmes acides fur des os calcinés ou fur des fragmens de coupelles; les liqueurs filtrées altèrent encore très-fortement en rouge tores les couleurs bleues végétales, & cependant quelques gouttes d’alkali y occafionnent fur le champ un précipité blanc très-abondant : donc la fubftance offeufe a été attaquée; donc Le fel qui la conftitue devient foluble par un excès d'acide. Si je fature d’alkali une portion de chacune de ces liqueurs, il fe forme du fel fufble de tartre, & le précipité bien édulcoré eft une pure terre calcaire, qui fe diffout dans le vinaigre; qui fait l'eau de chaux après avoir été calcinée , & qui tombe en ee par l'extinction à l'air ; qui fe laifle percer par le verre de plomb avant d’en être imbibée, & qui fe vitrifie, comme la chaux pure, à un feu violent. Si au contraire je fature ces mêmes liqueurs par l'eau de chaux , le (1) Voyez Opufeul. chym. & phyfig. , Tom. 1, p. 17, 32 & 249 de la Trad. Franc. , & les Notes fur ces pañlages. (2) Ibid, pag. 108, 121 & 255. à, SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 229 précipité n’eit plus une terre, mais un fel terreux , dont les premières molécules qui fe féparent, préfentent même à l'œil quelque chofe de cryftallin ; qui n’eft plus attaqué par le vinaigre; qui ne s’éteint ni ne fait l’eau de chaux après fa calcination; qui s'imbibe de verre de plomb; qui l'attire comme les coupelles au-deffus du bain de métal, & qui réfifte à un feu capable de vitrifier une égale portion de fpath calcaire. Remar- quons, en paflant , que cette dernière propriété rejette bien loin une autre hypothèfe favorite de M. Demefte; car fi une terre qui fe vitrifie feule n'eft plus vitrifiable quand elle eft unie à l'acide phofphorique , comment admettre que cet acide eft Le principe vitrifant? La liqueur qui furnage notre fel terreux n’eft que de l’eau, ou du moins elle ne tient qu'un peu d’eau de chaux qu'il a Alu ajouter furabondam- ment, pour s'aflurer que la précipitation étoit complette, & qui rougit le papier coloré par le terra merita. C'eft le feul procédé pour faturer l'acide phofphorique de terre calcaire ; & je ne fuis pas furpris que ceux qui ne l'ont pas connu, aient hélité de croire à la parfaite régénération d’une matière femblable aux os calcinés. J'ai fait bouillir, à diverfes reprifes, de l'acide phofphorique fur du marbre blanc, fur des cryftaux de fpath; j'ai évaporé plufieurs fois la liqueur à ficcité: en ajoutant de nouvelle eau, j'ai toujours obtenu une diflolution aflez chargée pour donner un précipité copieux par l'alkali, C'eft-là peut-être ce qui a perfuadé à quelques-uns qu'ils devoient retirer le fel phofphorique , en faifant bouillir dans l’eau des os pulvérifés : mais il eft évident , il eft prouvé , par ce que j'ai dit plus haut, que ce fel, naturellement infoluble dans l’eau , ne fe diflout ici qu'à la Lveid d'un excès d’acide. Si cet acide , qui fe manifefte par une Dre altération des couleurs bleues végétales, n’attaque plus le marbre, même à la chaleur de l'ébullition, c’eft qu'it n'eft plus affez puiffant pour enlever fa terre au gas crayeux, quand fa force attractive eft diminuée par fon adhérence avec le fel qui s’eft d’abord formé : aufli, dès qu'on lui préfente la terre calcaire privée de ce gas, il s’en empare; il abandonne le fel , & tombe lui-même , faute d’un fluide capable de le difloudre dans cer état de compo- fition. Je pourrois ajouter bien d’autres faits, qui fourniroient de nouvelles preuves aufli décifives , non-feulement de l’exiftence d’un acide dans les os, mais d’un acide femblable à celui qu'on obtient de la déliquefcence fpontanée du phofphore : je me bornerai aux trois fuivans. 1°. On fair que l'acide nitreux , faturé de terre calcaire & même de terre des os purs , verdit la ceinture de violettes ; ou du moins ne rougit jamais les couleurs bleues végétales. Que l’on faffe bouillir l'acide nitreux fur des os calcinés, qu'on le repafle tant qu'on voudra fur des os nouveaux, on ne parviendra pas à avoir une diflblution qui n’altère très - fortement en rouge toutes ces couleurs. Que ceux qui ne croient pas à l'acide des os; 230 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tâchent d'expliquer, s'ils le peuvent , ce que c'eft que cet acide, pourquoi il demeure libre, & ce qui a pu, cette fois, Le produire. 2°. On fait que l’eau de chaux n'occafionne aucun changement fenfible dans la diflolution de terre calcaire par l'acide marin. Que l'on fafle bouillir, à plufieurs reprifes, de l'acide marin fur des os pulvérifés, ia liqueur filtrée manifeftera également un acide libre; qu'on y verfe de l'eau de chaux, elle s’unira à cet acide libre , & formera du fel phof- horique calcaire, qui fe précipitera fur Le champ: donc l'acide de ce {el exiftoic dans la matière offeufe, & l'acide marin n'a fait que le rendre libre. 3°. L’acide phofphorique a la propriété d'enlever La terre pefante à l'acide marin , & de former avec elle un fel infoluble , qui ne tarde pas à fe précipiter. Pour s'affurer de la vérité de ces faits, il n'y a qu'à laifler tomber quelques gouttes d'acide phofphorique pur dans la diffolution de ce fel marin à bafe de terre pefante; cela pofé, qu'on fafle bouillir de V’acide marin fur des os calcinés ou de fragmens de coupelle; que l'on - filtre La liqueur , que l'on y ajoute une diffolution même étendue de ce fel marin à bafe de terre pefante, on verra paroître bientôt le nouveau fel infoluble. Il eft vrai que le mêlange du fel marin calcaire, avec le fel marin à bafe de terre pefante, produit à-peu-près le même effet, c’eft-à dire, que la liqueur fe trouble & dépofe: mais le dépôt eft plus lent, moins con- fidérable & moins terreux, c’eft un autre phénomène; c'eft une précipi- tation du même genre que la précipitation du fel marin magnéfien par le fel marin calcaire , dont l’obfervation appartient encore à M. Quatre- mère Dijonval : il ne peut fervir qu'à confirmer la différence que M.Bergman a établie entre la chaux & la terre pefante. G Cependant pour que la preuve réfultante de cette affinité de l'acide phofphorique avec la terre pefante füt à l'abri de toute objection, j'ai refait l'expérience avec une diflolution de terre de coupelle par l'acide nitreux; jy ai verfé de la diffolution de fel marin à bafe de terre pe- fante: j'ai vu bientôt fe précipiter un fel terreux infoluble; ce qui n'arrive pas avec une diflolution nitreufe de pure terre calcaire, ou de pure terre des os ; ce qui indique par conféquent ici la préfence de l'acide phofpho- rique fimplement dégagé de la matière offeufe par l'acide nitreux. On ne doit pas être étonné que je n'aie pas employé le vinaigre dans ces expériences: il eft conftant qu'il ne peut décompofer ni la Ébitance offeufe naturelle, ni celle qui eft régénérée par l’acide phofphorique & la terre calcaire. Si l'on fait bouillir du vinaigre fur des os calcinés, il fe charge d'abord d'une légère portion de terre que la violence de la calcination a laiflée à nud , en diflipant fon acide en état de phofphore : auffi cette diflolution n'eft-elle pas précipitée par le fel marin à bafe de terre pefante ; mais cette terre une fois difloute, il ne prend plus rien de SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 231 ce qui refte; & qu'y prendroit-il ? L’affinité de la terre avec l'acide phof phorique eft tellement fupérieure , qu'il ne faut ÊE verfer quelques gouttes de cet acide pur dans une fuffifante quantité de fel acéteux calcaire en liqueur, pour reproduire fur le champ Le fel offeux; je dis une fufifante quantité, parce que s’il n'y trouvoit pas aflez de bafe pour le faturer , ce fel ne feroit que paroître, & feroit aufli - tôt rediffous par l'acide fura- bondant. Au refte, je ne réfume ici tous ces faits, je n'infifte fur leurs confé- quences qu'en faveur de ceux qui auroïient pu fe laifer éblouir par des expériences mal ordonnées. Les Chymiftes, qui ont un peu de logique dans l’efprit, fe font dit: Il y a long -temps que puifque le phofphore retiré de Purine à la manière de M. Maroraff ( c’eft-à- dire, fans acide vitriolique ) donnoit, par fa déliquefcence fpontanée , un acide tout fem- blable à celui du phofphore obtenu par la méthode de M. Schéèle , il étoit bien démontré que cet acide animal ne pouvoit être le produit de l'acide vitriolique. Estrair des Repifires de l’Académie Royale des Sciences du 20 Janvier 1782. Novs avons été chargés par l'Académie, M M. Fougeroux, Maquer & moi, de l'examen d’un Mémoire préfenté par M. le Duc de Chaulnes , fous cetitre: Sur la manitre de peindre comme les Chinois fur. le papier & avec leurs couleurs. Deux Colle@ions intéreffantes des produits des différens Arts de la Chine, offrent préfentement aux Phyficiens & aux Chymiltes les objets d’une étude qui peut contribuer à perfectionner les Arts de l’Eu- rope : l'une a été formée par M. le Duc de Chaulnes, l'autre par M. Bertin, Miniftre d'Etat. Cette dernière s'enrichit de jour en jour par la correfpondance des Mifionnaires Chinois, que M. Bertin a de inftruire à Paris, dans la vue de tirer de leur Nation routes. les connoïffances qui pourroient nous être utiles. Parmi les deflins en grand nombre qu'ils ont envoyés fucceflivement à M. Bertin, ceux qui ont fixé plus particulière ment l'attention de M. le Duc de Chaulnes , font une fuite d'élévation & de profils de maifons & de palais Chinois, où l'éclat & la vivacité des couleurs furpaffe tout ce que nous avons de plus beau dans ce genre; elles ont de plus l'avantage de réfifter à l’eau, dont la moindre goutte tache, & délaie toutes nos détrempes. M. le Duc de Chaulnes ayant eu communication de ce Recueil, a employé, avec beaucoup de fagacité, les connoiffances qu'il a dans les Arts & dans la Chymie à chercher les moyens d’imiter ces belles peintures 232 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, avec tous leurs avantages; non-feulement il y eft parvenu , mais fouvent il les a furpaflés, comme l’Académie en a jugé lorfqu'il lui a préfenté en même temps les modèles & les copies, Il communique dans ce Mémoire les procédés qui lui ont réuf. IL obferve d’abord que le papier de Chine, faitiavec l'écorce de bam- bou, convient beaucoup mieux à ces ouvrages que les nôtres; 1°. en ce qu'il eft plus égal & prefqu'aulli uni que le vélin & l'ivoire , fur lef- quels nous établiflons nos miniatures ; 2°. en ce qu’il n’eft point travaillé comme les nôtres avec une colle animale, dont le phlogiftique pafle in- fenfiblement dans les couleurs tirées des métaux, les ternit & les altère. T1 obferve , en fecond lieu, que Les couleurs métalliques ne doivent jamais être employées qu'après avoir été lavées dansiune très - grande quantité d’eau bouillante ; qu'autrement, elles retiennent quelques parties, foit de l'acide qui les diffouc , foit de l’alkali qui les a précipitées : ce qui les rend fujettes à changer. Enfin , s'étant afluré que ces détrempes Chinoifes pou- voient être lavées avec de l’eau fans être emportées ni même altérées, il en a conclu que la gomme n'étoit pas le feul mordant employé par les Chinois pour attacher les couleurs fur le fond, & s'eft déterminé à effayer la colle de parchemin employée chaude, ce quilui a parfaitement réul; en voici le procédé, l Ayant mis dans une coquille une couleur bien broyée, délayée avec de l’eau gommée, & préparée comme pour la miniature , il ajoute dans Ja cogtle un peu d'eau & de colle de parchemin, & l'établit fur une brique chauffée légèrement; l'eau s’échauffe &. diffout en même temps la colle, la couleur & la gomme, Ce mélange s'emploie facilement au pinceau ; en féchant, il prend la confiftance & la dureté de la colle, & n'eft plus foluble à l'eau froide. On peut tracer deflus des lignes avec la plume, comme für Le papier, fans que le bec de la plume entre dans la couleur, : J On peut préparer ainfi des fonds avec le blanc de plomb, & mieux encore avec La terre d'alun , qui donne des blancs beaucoup plus écla- tans , des gris avec le terre d’alun ou le blanc de plemb mêlé avec l'encre de la Chine , des jaunes avec le mañlicot, des bleus avec l’outremer, où celui qu'on nomme improprement bleu d'argent, qui n'eft autre chofe qu'un bleu d’émail très-divifé, comme M. le Duc de Chaulnes s'en eft afluré , en Le vitriflant dans un teffon de porcelaine au feu de lampe. On pourroit, pour les verdir, employer le verd-de-pris bien édulcoré ; mais il préfere le cuivre diffous par l'acide nitreux précipité par l’alkali fixe. Ées rouges fe font avec le cinabre ou avec la laque carminée ; les jaunes de Rats avec le jaune de Naples; les bruns avec le til de grain d'Angle- terre & la terre jaune d'Italie. On éclaircit toutes ces couleurs à volonté, en y joignant un peu de terre d’alun bien broyée ; les ombres fe font avec l'encre de la Chine. On | L : SURLL'HIST. NATURELLE ET.LES: ARTS. 233 22 On fait que les Chinois ne fe fervent point de la plume dans leurs deflins; qu'ils en font tous les traits avec le pinceau, même les lignes droites. Pour les imiter encore en ce point, M. le Duc de Chaulnes a fait faire une règle d'ébène à rainure, garnie d’une pièce de cuivre, qui eut y couler ; cette pièce porte un tuyau de cuivre qu'on peut incliner a volonté pour coucher plus ou moins le pinceau qu'on y introduit, de façon même à ne toucher le papier qu'avec la pointe la plus délicate du pin- ceau. Avec ce petit appareil, le Deflinateur le moins adroit peut tirer des lignes d’une grande finefle & d’une parfaite égalité (1). On fent combien ces nouveaux procédés doivent êrre intéreffans & avantageux pour ceux qui s’adonnent à la peinture à gouache , foit fur le papier, foic fur les évoffes. On doit favoir beaucoup de gré à M. le Duc de Chaulnes d’en avoir fait la découverte, & de les communiquer en même temps; on ne fauroit trop l'inviter à centinuer fes recherches fur les Arts de la Nation Chinoife. Si elle eft moins avancée que nous dans les Sciences phyfiques, fon antiquité, fa longue pratique re Arts, fa patience , fon induftrie, lui ont fait faire de plus grands progrès dans plufieurs Arts : il feroit important pour nous de les atteindre, Nous penfons que le Mémoire de M. le Duc de Chaulnes eft très-digne d’être imprimé parmi ceux qui font approuvés par l'Académie, Au Louvre, ce 20 Janvier 1781. Signés DE MONTIGNY, MACQUER , FOUGEROUx DE BONDAROY. Je certifie le préfent Extraït conforme à l'Original & au jugement ds l'Aca- démie, ce 20 Janvier 1781. Signé le Marquis DE CON DORCET. a Compofition Chinoife pour bronzer le Cuivre, par M. le Duc DE CHAULNES, Parties. 2 de verd-de-oris, 2 de cinabre. $ de fel ammoniac. 5 d'alun. Le tout bien pulvérifé & porphyrifé avec deux parties de bec & de foie e . ’ . La . . , de canne pilée; puis paflez par une étamine , en ajoutant aflez d'eau pour qu'il réfulte du tout une bouillie épaifle, On en couvre exaétement la pièce Ca) Il faut que le papier Soit tendu fur une planche, fuivant l’ufage des Defi- nateurs, Tome XVII, Part. I. 1781. MARS. Gg 234 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, jufqu'à dix fois au foleil , en lavant & faifant fécher à chaque fois, On a commencé par polir & fouxbir le cuivre avec des cendres de charbon & du vinaigre. .Compofition dont je me fuis fervi pour bronzer Le cuivre. Parties. 3 &+< verdet cryftallifé, 3 & = fanguine. I cinabre. x bec & foie de canne. Le tout préparé comme deflus ; en mettre une couche qui couvre biens exactement le cuivre, parfaitement poli & dégraiflé au blanc, & d'une certaine épaifleur , mais égale : laver la pièce; la couleur fera d'autant plas belle , que le cuivre aura été plus poli. OBSERVATIONS SUR L'ACIDE ANIMAL; Par 4. L. BRONGNIART, Premier Apothicaire du Roi, Démonfirateur . M de Chymie au Jardin Royal des Plantes, de l'Académie des Sciences, M Arts @ Belles - Lertres de Dijon. | , CG: n'eft pas fans fondement qu’on a cru que l'acide phofphorique étoie U tout formé dans les animaux, & qu'il fufhfoir , pour le prouver, de pré- À {enter à {a bafe un acide avec lequel elle eût plus d’affinité. C’eft une vérité À qui a été fentie par les Chymiftes les plus renommés; & leur opinion, fur F ce point, a été généralement adoptée par ceux qui les ont fuivis dans cette k carrière des Sciences. Cependant, malgré ces autorités refpectables, un Chymifte a annoncé | dernièrement, dans un Ouvrage particulier , des expériences qui ont mé- rité l'éloge des Réda‘teurs de la Gazette de Santé, & qui tendenr à prouver que l'acide phofphorique n'exifte pas tout formé dans Les animaux ; | qu'il eft ou le produit du feu ou de la fermentation, ou bien ( & ce fyftême lui paroît le plus probable } Le réfultat d’une modification particulière de l'acide vitriolique. | de Quelques expériences heureufes m’avoient déterminé à croire l’exif- tence de l'acide phofphorique dans les fécrétions animales, & Le hafard confirma mes idées, / SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 23$ Dans mon premier Cours de Chymie, je fis obferver à mes Auditeurs un phénomène intéreffant, dont voici le détail. Je devois parler du précipité rofe dans ma Leçon: on me prévint qu’il n'y en avoit pas; je me hâtai de verfer quatre gros de diffolution de mercure fur vingt-quatre onces d'urine fraiche: il fe fit un précipité aflez abondant , accompagné d’effervefcence. Je laiffai dépoler; je décantai la liqueur, & je jettai Le refte fur un filtre, pour féparer entièrement le précipité: je le fis porter à létuve, pour l'avoir bien fec à l'heure de ma Leçon. Je me hâtai de retirer le précipité de deffus Le filtre; 8 comme il y étoit un peu adhérent, je me fervis d’une fpatule d'argent, &c je nrapperçus que j'occafionnois, par le frottement, une efpèce de fcintil- lation, qui fe renouvelloit à chaque, coup de fpatule. J'examinai mon filtre au grand jour, & je vis des traces de brülure aflez fenfibles. Je recommençai l'expérience: nouvelle fcintillation. J'en mis un morceau fur des charbons allumés ; il fe fit alors une déflagration plus rapide, & j'attribuai ce phénomène à la combuftion de quelques portions de phofphore qui s'éroient féparées dans mon opération. Je ne pouffai pas plus loin cette expérience alors , mais j'en pris feulement note. Les phénomènes, qui accompagnent les précipitations métalliques , font d'autant plus intéreffans , qu’ils préfentent beaucoup de variétés. Depuis cette époque, j'ai recommencé très - fouvent l'opération que je viens de décrire; & je n'ai obtenu que deux fois du phofphore pareil, quoique j'eufle employé exprès des diffolutions mercurielles abfolument femblables , & de l'urine fraîche & produite par des perfonnes en bonne fanté. Au refte, ce qui m'a paru très - remarquable dans cette expérience, c'eft , d’une part, la décoloration abfolue de l'urine, la pefanteur relative des précipités , la quantité de matière extractive dontiils fe chargent; & de l'autre ,les modifications particulières des fubftances falines contenues dans Furine & la diflolution mercurielle, phénomène dont je me propofe de rendre compte incefflamment à l’Académie. « Le feu ou la fermentation (ditla Gazette de Santé) font , ainfi que » l'acide vitriolique , les caufes primordiales de la formation de l'acide _» phofphorique ». Cette aflertion, publiée dans le N°. 43, année 1780, : m'a dérerminé à faire les expériences fuivantes. I, Exp. J'ai mis dans plufeurs terrines environ trente-deux pintes d'urine fraîche , que j’ai expofée à l’action de la gelée dans les derniers froids de Décembre 1780. J'ai décanté la liqueur qui ne s’étoit pas gelée, & elle s'eft trouvée réduite à moitié. Je l'ai expofée de nouveau le lendemain, & j'ai continué jufqu’à ce qu'enfin le tout füt réduit à-peu-près à cinq pintes; j'ai divifé cette urine , qui étoit louche & affez colorée, dans des capfules de verre Tome XVII, Part, I, 1781, MARS, Gzg2 236 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que j'ai expofées à la chaleur d’un bain-marie très-modéré ( 1 ), & j'ai hâté l’évaporation, en dirigeant à la furfice du fluide le vent d’un fort foufflet. Je fuis parvenu, par ce moyen, à réduire très-promptement ma liqueur à vingt onces; elle étoit épaifle, fort colorée, & n'avoir guère plus d’odeur que dans fon état naturel. Au bout de quelques jours , j'ai trouvé dans mes capfules des cryftaux de fel phofphorique roux & cryftallifés en forme d’oétaëdres tronqués. II. Exp. Je fis mettre dans des terrines environ quarante pintes d'urine, & j'en fis évaporer l'humidité furabondante par le moyen fui- vant. J'arrangeai dans deux arraffes (2), pofées l’une fur l’autre , des menues branches de bois prifes dans des fagots, &'je les mis aflez près les unes des autres pour ne laifler entr'elles qu'un demi- pouce d'efpace; je fis verfer l'usine deffus, & j'obtins, en petit, l'effet des bâtimens de gra- duation dont on fe fert dans les Salines. Le deffous de mes arrafles étoit garni d’une table inclinée , fur laquelle j’avois étendu une toile cirée neuve, dont les bords éroient relevés de quatre à cinq pouces. Mon appareil étoit placé entre deux portes, & j'avois établi un grand courant d'air , en ouvrant les fenêtres de chaque côté. Le temps me fut trèc-favorable ; & à force de verfér l'urine fur mes fagots, je parvins, en moins de trente - fix heures, à la réduire à huit pintes. Après avoir laiffé égoutter les bianchages, je divifai cette urine, qui éroit aflez co- lorée, en deux parties égales, dont l'une fut foumife à l’évaporation in- fenûble, augmentée par le même moyen:ci-deflus indiqué , & l'autre fut évaporée par ébullition ; & mes deux liqueurs , rapprochées également , me donnèrent la même quantité ds fel microcofmique. On lit, dans le même N°, 43 de la Gazette de Santé, « que les os ne » contiennent pas en eux mêmes d'acide phofphorique , & que celui qu'on » obtient eft le réfulrat de la modification de l'acide vitriolique ». D'après cette hypothèfe, je me fuis applaudi d'avoir confervé le magma terreux qui étoit refté de ma dernière préparation du phofphore , à la manière de M. Nicolas, & dont j'avois obtenu deux livres cinq onces d'acide à l'état nitreux. J'ai verfé deffus ce magma la moitié du poids d'acide vitriolique indiqué par le procédé : il seit fait une vive effervef- cence. J'ai fuivi le refte du procédé comme pour le phofphore ; & après avoir fait évaporer, féparer la félénite, &c., je n'ai obtenu qu'une once & demie d'acide à l’état de verre : il étoit très-peu coloré. (x) Ceite chaleur n’a pas excédé 32 degrés au thermomètre de Réaumur. (2) Paniers dont on fe fert dans les Vénetes pour le tranfport des marchandiles de verre, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 237 J'ai arrofé de nouveau ce qui me reftoit fur le filtre avec le quart d'acide éioique nouvelle effervefcence, nouvelle lotion , filtration, évapora- tion à ficcité, calcination, &c., &c, & je n'ai obtenu qu'un peu de matière blanchârre, qui, diftillée avec de la poudre de charbon, n’a donné que de légères vapeurs de phofphore. IV. Exp. Une perfonne de ma connoiffance fut attaquée , dans le mois de Novembre dernier, d'une maladie inflammatoire produite par un travail forcé & de fréquens soyages; fes urines déposèrent , pendant fa convalefcence , une très-grande quantité de fédiment rerreux. Le malade inquiet me pria d'examiner ce dépôr,.& de lui en rendre compte. Je faifis avec plaifir cette occafion, & je foumis cette matière à l'expérience fuivante. Tous les jours on m’apportoit dans une bouteille l'urine du malade ; je la verfois dans un vale de cryftal long & étroit, afin que le dépôt, plus ramaflé , füt en état d’être ôté plus facilement : je décantois la liqueur au bout de douze à quinze heures; & comme le dépôt étoit peu foluble, je le lavois avec un peu d’eau diftillée : je le faifois enfuire fécher à une très-douce chaleur. De cette manière, je parvins, dans l'efpace de treize jours, à me procurer fept onces de ce précipité, que je féparai en deux portions inégales , l’une de cinq & l'autre de deux onces. Je foumis cette dernière à l’aétion du feu dans une cornue de verre, & je diftillai à la manière accoutumée. J'obrins du flegme infpide, incoloré, qui acquit en peu de temps une légère couleur jaune & une odeur fétide ; il pafla enfuite de l’alkali volatil Auor & concret , de l'huile empyreumatique , de l'air méphitique, & fur fa fin un peu de gas inflammable. Il refta au fond de la cornue une maffe terreufe , noire & fpongieufe. J'arrofai cette mafle avec une once d'acide vitriolique, & elle produifit une forte effervefcence , accompagnée d’une vive exhalaifon d’acide fulfureux volatil & de vapeurs abondantes. J’arrofai le magma , lorfque l'effervefcence fut paflée, avec feize onces d’eau bouillante; & après avoir filtré, arrofé de nouveau & évaporé, j'obtins environ deux gros d'extrait noirâtre & deliquefcent. Cet extrait m'a donné, au degré de chaleur fupérieur à l'eau bouillante, de l'acide fulfureux volatil , & fur la fin de la diftillation un peu de foufre, qui s’eft attaché aux parois du col de la cornue. Il reftoit au fond une mafle blanchâtre un peu vitreufe , pefant onze gros. Cerre matière, mife de nouveau à diftiller avec de la poudre de charbon, m'a donné près d'un gros de phofphore. Je verfai fur les cinq onces de précipité terreux huit onces d’acide nitreux foible ; il fe fit une très- grande effervefcence, pendant laquelle il 'exhala une odeur très - fétide & des vapeurs fenfibles. Le mouvement d'efférvefcence pañlé , la liqueur étoit encore trouble ; je la verfai, à l'aide d’un entonnoir , dans une cornue de verre, que je plaçai fur un bein de fable. 238 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, J'obfervai que la liqueur refta trouble jufqu'à ce que l'ébullition füt complette ; il pafla d’abord des vapeurs rouges , dont l'intenfité de cou- leur diminua de plus en plus au point de n'être plus colorées. Ces dernières vapeurs n'avoient plus l’odeur de l'efprit-de-nitre , & je n'eus pas un atome d’alkali volatil. Cette diftillation m'a donné matière à plufieuts réflexions fur lalkali volatil des corps organifés. J'ai diftillé des végétaux & des fubftances animales avec l'acide nitreux ; & je n'ai point obtenu un feul atôme d’alkali volaril, même avec le tartre, qui en donne prodigieufement dans fa dé- compolition par le feu. Ce qu'il y a de remarquable, c’eft que la mafle qui refte daus la cornue paroît jouir de toutes les propriétés de l'acide par- ticulier, défigné fous le nom d'acide du fucre ; fujet qu'on a peu traité jufqu'à préfent, & dontje m'occupe effentiellement.. Mais je reprends la fuite des détails de mon expérience. La matière de la cornue prit un peu de couleur fur la fin de l'opéra: tion, & je crus appercevoir quelques gouttes d'huile blanchâtre & fem- blable à celle qu'on obtient fur la fin de la diftillation de la liqueur pro- venante du précipité rofe par l'urine; enfin, il refta dans la cornue une mafle falineterreufe peu abondante, qui, leflivée avec de l’eau bouil- Jante, m'a donné par évaporation & calcination un peu de fel phofphorique vitreux. Ne peut-on pas conclure de ces expériences, que l'acide phofphorique exifte cout formé dans les animaux ? M. Bertholet a prouvé d’une manière bien fimple la préfence de cet acide dans l'urine. En verfant de l’eau de chaux fur de l'urine fraîche, il seft fait un précipité très-abondant, du- quel il a tiré une aflez grahde quantité de phofphore, Le détail des expé- riences de ce favant Académicien eft configné dans un Mémoire qu'il a lu dernièrement à l’Académie, Je n'entreprendrai pas de difcuter s'il eft poflible de prouver l’exif- tence de cet acide dans le corps animal, par la décompofñtion qu’éprou- vent les compofés mercuriels dans le traitement des maladies vénériennes. Je ne n'érigerai pas non plus en cenfeur des aflertions publiées dernie- rement fur l'acide phofphorique , comme n'étant que Le produit du feu ou de la fermentation, ou bien encore le réfulrat d'une modification par- ticulière & inftantanée de l'acide vitriolique. Je laiffe terminer cette que- relle à ceux qui ont fufcitée, Mon but a été de m'initruire, & ma prin- çipale occupation d'examiner les fécrétions animales & les divers produits qu'on en pouvoit tirer; mais comme en travaillant pour foi-même on ac- quiert le droit de penfer librement, je crois voir clairement d’après mes propres expériences : 1°. Que l'acide phofphorique exifte tout formé dans l'urine, puifque j'ai obtenu du phofphore en faifant le précipité rofe. 2°. Que la Rp ne produit pas le fe! phofphorique dans l'urine SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 239 (& la concentration de l'urine par la gelée, dont j'ai fait l'épreuve, vient à l'appui de ce fyftème). IL eft de fait en Chymie, d’ailleurs, que la fer- mentation n'a lieu dans les fluides, que lorfqu'ils ont un certain degré de chaleur , ou qu’ils font gardés pendant un efpace de temps affez long pour y déterminer ce mouvement inteftin. En outre, la liqueur provenante de la réfolution des cryftaux de l'urine mife à fermenter & déterminée à cette opération à l’aide d’un ferment, ne m'a pas donné fenfiblement de fel microcofmique d'urine putréfée. 3”. Ma troifième expérience prouve d’une manière bien précife que le fel phofphorique eft contenu dans l'urine, puifque l’évaporation de l'hu- midité furabondante a été produite par l'air ambiant , & que ce réfidu , féparé en deux parties égales, foumifes l'une à l’évaporation infenfible, & l'autre à l’ébullition, m'a fourni la même quantité de fel microcofmi- que pour chaque portion. 4. Sila terre des os ef la fubftanceque modifie l'acide vitriolique , pour- quoi, tant qu'il m'eft refté de cette matière rerreufe, n’ai-je pas obtenu d'acide phofphorique ? & fi je parviens à en obtenir des os calcinés par l’intermède d'un autre acide, comment me perfuadera-t-on que c'eftune nouvelle mo- dification de cet acide? enfin, à quoi attribuera-t-on cette flamme particu- lière qu'obferva M. Nicolas, en calcinant les os de mouton pour la prépa ration du phofphore à ,5”. Dans l'analyfe que j'ai faite.du dépôt terreux qu'on m'a remis, j'ai obtenu du fel phofphorique dans l’une & l’autre opération. Cette ma- tière étoit probablement deftinée à l’accrétion des os en général; car le malade éprouva dans fa convalefcence beaucoup de foiblefle & une efpèce de ramolliflement dans les os, qui lui rendoit le contact prefqu'infup= portable. Il y a encore à ce fujet une obfervation importante à faire; c’eft que le dépôt étoit bien plus effervefcent, lorfque le malade faifoit ufage d’eau acidulée d’air fixe ; & lorfque des raifons de fanté le forcèrent à s’en abf- tenir, le dépôt étoit moins confidérable & très-peu effervefcent. Je répète donc que l'acide phofphorique exifte tout formé dans les ani- maux; qu’il eft le rélultat de la décompofition particulière que nos alimens éprouvent dans l’eftomac & autres vifcères qui fervent à la digeftion ; que le LH la fermentation & les acides fonc les moyens Les plus avantageux pour retirer ce fel plus abondamment des matières ou desliqueurs dans lefquelles ileft contenu , & que ces agens ne le compofent pas. L'acide phofphorique eft un acide fui generis, dont les caractères font propres, & qui préfente, avec les différentes fubftances auxquelles on le combine , des phénomènes particuliers. Au furplus , je me propofe de poufler plus loin ces expériences; & je me ferai toujours un devoir de foumettre au jugement des Savans le réfultat de mes travaux, perfuadé que la déférence aux avis des autres eft le premier facrifice que doit s’impofer tout homme curieux de s’inftruire. PROBLÈMES D'AGRICULTURE A RÉSOUDRE ; Par M. DIERVILLE , Lieutenant-Géneral d' Evreux. LE *’EXPÉRIENCE paroï avoir confirmé une obfervation faite par un vieux Culrivateur, que les pommiers à cidre ne rapportent que lorf- qu’on a eu foin, en Les greffant, de prendre des greffes fur un arbre dans fon année de rapport (le pommier ne rapporte que fur deux années). Si l’on n’a pas eu cette attention, & que la greffe ait été prife fur un arbre dans fon année ftérile , l’arbre portera du bourgeon & des fleurs en abon- dance, jainais de fruit. Il a obfervé encore que le choix des efpèces étoit fort effentiel; que telle efpèce ne réufliffoit pas dans un canton, & profpéroit dans un autre, même très-voifin : aufli ne greffe-t-il chez lui que les efpèces du lieu qu'il connoît Les plus abondantes. Les vents-roux (efpèce de vapeur nébuleufe dans l’armofphère , fouvent même par un ciel ferein, & que le foleil diflipe ) font le fléau des pommiers au temps de la leuraifon : alors toutes les Heurs, dont les pétales fe replient en - dedans & ferment le calice , contiennent une femence de ver qui éclot dans les vingt-quatre heures, & fait périr la fleur & le fruit. Telle efpèce eft plus fufceptible du vent-roux dans un canton , moins dans un autre, ainfi d’une autre efpèce, vice versa. Mais un problème inexplicable, faute de connoître les caufes. Dans la plaine de Saint-André, à deux lieues eft - fud - eft d'Evreux, une Terre, nommée Saint-Luc, eft couverte de pommiers, foit lizière de pièces en plein champ, foit vergers en plein champ, en enclos de murs, haies, &c.; on n'a pas connoiflance d’une année de production, & toutes les Terres ou Paroïfles environnantes produifent avec abondance dans les années favorables. On a mis en ufage toutes les reffources de la pratique locale ; labours au pied , gazon , fumier ,taille, &c., rien n'a pu opérer une produétion, même la plus médiocre. Le fol eft le même que dans les Paroifles voifines. Les récoltes en bled & mars quelconques , y font aufli belles: pourquoi cet unique point de ftérilité au milieu d’une plaine de quatre à cinq lieues de large, fur fept à neuf de long? L OBSERVATION ii #4 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, ‘24x1 REPOS EEE ET PR PET PE ES EN SEE SET TETT VE TI LEON TEEN VENT NET PET EN ENTE NET POPIEENE EE OBSERVATION Sur du Soufre trouvé dans la racine de Patience , & procédé o Sp pour le rertrer ; à Par M. DÉxEux, Apothicaire de Paris. il L y a long-temps qu'on a dit que le feu étoit le moyen le plus infidèle de tous ceux qu'on pouvoit employer pour analyfer les végétaux; & en effet, comme ces êtres font très-compofés, & que parmi leurs différentes parties conftituantes il s’en trouve beaucoup qui, étant d’une texture foible & délicate, font fufceptibles d’être altérés par le moindre degré de chaleur, on conçoit que les produits de l’analyfe qu'on prétendroit en faire au moyen du feu, loin de donner de leur compofition l’idée exacte qu'on cherche à acquérir, doit au contraire éloigner du but qu'on fe propofe ; puifque ces produits, tels que nous les voyons , ne font pas les corps qui exiftoient dans les végétaux, mais ceux qui fe font formés pendant l'opération. Bien convaincus des défauts de l’analyfe des plantes par le feu, les Chymiftes modernes l'ont abandonnée , pour recourir à une autre méthode, qui eft fans doute plus avantageufe , puifque, par fon moyen, on parvient à obtenir aifément & fans aucune altération quantité de corps que l'analyfe ancienne ne pouvoit jamais faire reconnoître, Cette. méthode confifte à féparer, avec des diflolvans appropriés, des êtres qui formoient enfemble une union aflez intime; & comme cette féparation fe fait toujours fans le fecours d'un feu ardent, mais fimple- ment à l’aide d'une chaleur douce, on voit qu'il doit en réfulter une analyfe du végétal qu'on examine , mais non pas la décompofition des fubftances qui entroient dans l'organifation de ce même végétal. C’eft ainfi , par exemple, su employant à propos l’eau fimple, on eft parvenu à décompofer le froment, c'eft-à-dire, à féparer l'amidon du corps muqueux fucré & de la matière glutineufe avec lefquels il étoic mêlé. C'eft ainfi encore que, par le moyen de l’efprit-de-vin, on eft par- venu à féparer des végétaux la partie réfineufe de la partie extractive , & qu'on a démontré que tous ces corps ont chacun des propriétés bien différentes ; tandis qu'avec l'analyfe par le feu, ces corps, décompofés prefqu'en même temps, ne donnent , le plus fouvent , que de l'huile, de l'acide | de l’alkali volatil, &c,:& ne Haiffent jamais au Chymifte la fa- tisfaction de favoir fi l’un ou l’autre des produits qu'il a obtenus ont été fournis par telle ou telle autre fubftance. Tome XVII, Part. I,1781. MARS. Hh 242 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, :… Quelqu'avantaseufe que foit la méthode adoptée par les Chymiftes mo- dernes, il s'en faut de beaucoup qu'elle nous préfente avec exactitude toutes Les parties qui conftituent les végétaux : difons mieux , elle ne nous montre peut - être que les ss ou les moins indeftructibles, ou ceux dont la quantité eft aflez grande pour pouvoir être apperçue. Il en eft, fans doute, beaucoup d’autres qui fe diflipent pendant l'analyfe, & élu- dent l’action des diflolvans, ou forment , avec les diflolvans, de nouvelles combinaifons fi peu fenfibles, qu’elles deviennent , en quelque forte , nulles pour celui qui feroit curieux de les connoître. L’analyfe végétale n’eft donc pas encore auffi complette qu’on pourroit bien le croire. Beaucoup de chofes ; à la vérité font faites: mais, n’en doutons pas , il entrefte beaucoup. plus à. faire. Qui fait fi,avec le temps, on ne parviendta, pas à prouver que la végétation eft un des moyens que da Nature emploie journellement avec:.efhcacité pour former les terres’, les fels & les métaux ? Déjà la terre. calcaire, lefel marin, le nitre , la félénite, le fer, l'or, &c., font démontrés exiftans dans les végétaux; pourquoi ne pourrions-nous pas efpérer d’y découvrir les autres fubftances que nous appellons minérales? Mais fi lon, parvenoit à faire cette dé- couverte ,: il faudroit convenir que tous les fyftèmes qui ont été publiés pour rendre raifon de. la formation : de ces mêmes fubftances dans les entrailles de la terre, ne feroient plus fufffans pour expliquer comment elles fe forment dans les: végétaux. On conçoit qu'une pareille révolution ne-peut être que l’efféc d'une fuite d'obfervations bien faites. Je ferai pleinement fatisfait, fi celle que je préfente aujourd'hui Es engager les Chymiftes, qui s'occupent .de l'analyfe végétale, à publier sauf celles qui leur font particulières. Des expériences faites en. commun avec M. Parmentier , mon Confrère , dans l'intention de reconnoître quelques végétaux qui contenoient de l’'amidon, me conduifirent à la découverte du foufre dans la racine de patience. Averti par l'odeur qu'exhale ce minéral lorfqu'il eft échauffé , j'oubliai, pour un inftant, l’amidon que je cherchois, pour m'occuper abfolument du nouveau corps, qui venoit de fe préfenter à moi; & après bien des tentatives ; je parvins à trouver plufieurs procédés sûrs &commodes pour l'obtenir promptement. Voici deux de ces procédés auxquels j'ai.cru devoir donner la préférence. Ayant choifi des racines de patience de moyenne groffeur, bien fraîches & bien noutries (c’eft au moisde Novembre que j'ai opéré), je les ai fait laver dans dé l’eau froide pour féparer toute la terre adhérente à leurs furfaces ; enfuite , par le moyen d’uné,rape., elles ont été réduites en une forte de pulpe aflez fine: cette pulpe ; délayée dans de l’ean froide, a éré paflée avec exprefion au travers d'un linge peu ferré; j'ai obtenu une liqueur. jaune: très - trouble ; qui, après, vingt-quatre heures de repos, a donné un dépôt d'une couleur jaune. La liqueur ayant été décantée , 4 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 243 on a fait fécher le dépôt (qui, pour la plus grande partie , étoit de l'amidon ), en expolant le vaifleau qui le conrenoit au bain - marie: eu à-peu la matière eft devenue fort épaifle & affez folide pour pouvoir être maniée aifément: Unpeu decette matière, mis furun fer chaud , a donné dans L’obfcurité une Aamme bleue femblable à celle du foufre. IL s'eft exhalé en même temps une odeur d'efprir fulfureux volaril, qui bientôt a été mafquée par une vapeur qui commençoit à s'élever de l’ami- don avec lequel le foufre éroit mêlé. M'étant afluré, par ce moyen, de l'exiftence du foufre dans la matière que j'examinois, j'introduifis tout ce qui m'en reftoit dans une cornue de verre, qui fut enfuite expofée à une chaleur aflez forte pour faire fublimer le foufre, fans cependant dé- compofer l'amidon. D'abord, j'ai obtenu une liqueur claire & tranfpa- rente, qui avoit l'odeur de la racine de patience ; enfüuite une autre liqueur laiteufe, qui exhaloit une odeur fulfureufe ; enfin, dès que toute l’humi- dité a été diflipée , il s’eft fublimé dans le col de la cornue une poudre d’un beau jaune de citron. J'ai ceflé alors le feu , & les vaifleaux étant refroidis , j'ai examiné le fublimé , que j'ai trouvé parfaitement femblable aux fleurs de foufre les plus pures. Le fecond procédé que j'ai employé differe du premier, en ce qu’au lieu d'abandonner à elle-même la liqueur dans laquelie on avoit délayé la pulpe dé racine de patience , je l'ai fait bouillir très-promptement dans un vaifleau de terre verniffée, Dès que l’ébullition a commencé à fe faire, il s'eft formé une écume très-épaifle, qui s’eft féparée avec foin. Cette écume , defféchée au bain-marie & foumife à denrées expériences, a donné les preuves les plus marquées qu’elle contenoit du foufre. Enfin, par la fublimation, j'ai obtenu un produit femblable à celui de la précé- dente opération. Ce fecond procédé eft , comme l’on voit, plus prompt & plus commode que le premier : aufli doit-il être préféré. A@uellement que j'ai prouvé que la racine de patience contient du foufre, on voit que les anciens Chymiftes ne s'éroient pas trompés, lorf- qu'ils affuroient que ce minéral devoit fe trouver dans les végéraux. Ce- pendant il faut convenir avec Kunkel, qui a traité cette queftion dans fon Ouvrage intitulé, Flora Saturnifans ; il faut convenir, dis-je, que quoi- que les Anciens cruflent à l’exiftence du foufre dans le règne végétal, is n’ont jamais pu la prouver , qu’en difant SL Li les végétaux avoient la propriété de brüler en s’enflammant, ils ne devoient tenir cette propriété que du foufre qui entroit dans leur compofition. Cette preuve, comme Von voit, melt pas, à beaucoup près, fuffifante : aufli Kunkel s'eft - il efforcé d’affoiblir la prétention des Anciens; mais, malheureufement, en combattant une erreur , ce Chymifte eft tombé dans une autre, puifquil à nié formellement que Le foufre püc exifter dans les plantes , & qu'il a affuré que la grande quantité d’eau qu’elles contenoient étoic & feroit toujours Tome XVII, Part. I. 1781, MARS. Hh 2 { 244 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, un obftacle invincible à la combinaifon de l'acide vitriolique avec le phlo- giftique. Au refte, je dois avertir que la racine de patience n’eft pas la feule dans laquelle on rencontre du foufre. Il y a plus de douze ans que j'ai trouvé des racines de raifort fauvage qui en contenoient. Le moyen que jemployois alors pour le retirer, confiftoit à diftiller ces racines avec de bon efprit - de - vin; la liqueur fpiritueufe qui pafloit fournifloit , au bout d'un certain temps , du foufre très- pur cryftallifé en aiguilles. Quoique cette expérience me parüt concluante, j'avouerai cependant qu’on pouvoit m’ob- jecter que le foufre que j'avois obtenu avoit été fait pendant l'opération , & que l’efprit-de-vin avoit contribué à le former. Maïs aujourd'hui je ne crains plus d’objections : car ayant foumis la racine de raifort aux mêmes épreuves que la racine de patience , j'en ai retiré une aflez grande quantité de foufre. Je n'ai pas également réufli lorfque j'ai voulu effayer d'en obtenir des feuilles de cochléaria ; en forte qu'il me paroît vraifemblable que le foufre qui fe cryftallife au fond des bouteilles qui contiennent l'efprit ar- dent de cochléaria , ne s'y trouveroit jamais , fi l’on préparoit cette liqueur avec les feuilles de cette plante fans ajouter des racines à raifort, La démontftration du foufre dans la racine de patience pourroit peut-être fervir à expliquer la propriété que tout le monde connoît à cette racine de guérir la gale, lorfque, réduite en pulpe par le moyen d'une rape, on l'appliqué en forme de cataplafme ; car enfin, puifque le foufre feul eft un remède des plus efficaces que l’on connoifle dans cette maladie , pourquoi la racine de patience ne devroit -elle pas au foufre qu’elle contient fa pro- priété anti- pforique? Au refte , cette explication , en fuppofant qu'elle foit admife, eft auflinaturelle que celle qui a été donnée pour rendre raifon des propriétés de la bourache, de la buglofe & de la pariétaire, qui, toutes les trois, ne font , dit-on, diurétiques, que parce qu'elles contiennent du nitre. Mais fi la Médecine peut tirer avantage de la démonftration du foufre dans la racine de patience pour expliquer quelques unes de fes propriétés médicinales, le Pharmacien peut aufli fe fervir de la démonftration de l’amidon de cette mêmeracine, pour rendre non-feulement raifon des alté- rations fubites qu'éprouve fon extrait, mais même encore pour tâcher de les prévenir. j | Et en effet, tous ceux qui ont préparé un extrait avec de la racine de patience fraîche , favent qu'il fe couvre prefque toujours & aflez prompte- ment d’une moififlure légère ; qui, quelquefois, devient fi confidérable , qu'elle pénètre dans l’intérieur de ce médicament , & l’altère complère- ment. Il eft plus que:probable, que cette moifflure n'eft due qu'à la pré- fence d'un mucilage ; qui a été produit par la diffolution qui fe fait de Famidon que contient la racine de patience. Ce mucilage , quoique mêlé avec la partie extractive, ne perd pas pour cela fes propriétés ; & comme : TE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 245 une de celles qui le caractérifent eft de fe moifir facilement, il n’eft pas éton- pant qu’il la communique à l'extrait. Le moyen pour obvier à cet inconvénient eft bien fimple. Au lieu de faire bouillir la racine de patience avec de l’eau, comme cela fe pratique ordi- nairement , il faudroit fe contenter de raper cette racine , de délayer la pulpe qu'on obtiendroit dans une certaine quantité d’eau froide , de pafler la li- queur avec expreflion , & de la laifler repofer. Comme l’amidon eft un corps pefant , qui n'eft pas foluble dans l’eau froide, il fe précipiceroit prompte- ment au fond de la liqueur : alors, en la décantant & l’évaporant jufqu'au point convenable, on obtiendroit un extrait, qui ne contiendroit plus de mucilage , & qui dès-lors ne feroit plus fufceptible de fe moilir. NOUVELLES LITTÉRAIRES. O> wuScuLEs chymiques & phyfiques de M. BERGMAN, Profefleur de Chymie à Upfal, recueillis, revus € augmentés par lui-même ; traduits, par M DE MoRvVEAU, avec des Notes, Tome I“. À Dijon, chez L. N. Frantin, 1780 , in-8°. - La réputation, juftement méritée, que Le favant Chymifte d'Upfal a acquife par fes découvertes, prend une nouvelle folidité , en expofant au’ Public les titres fur lefquels elle eft fondée. Il y avoit long-temps que l'on defiroit que M. Bergman recueillit le grand nombre de Mémoires ifolés qu'il a donnés fucceflivement, dont nous en avons traduit plufieurs pour Tes inférer dans notre Journal : il vient de le faire en Latin. M. de Mor- veau , fichéri de fes Concitoyens par les établiffemens utiles qu'il a pro- pofés , formés & encouragés, fi eftimé des Savans par fes vaftes connoif- fances & fes travaux intéreffans en Chymie, & fi chéri de tous ceux que des rapports d'étude ou d'amitié lient avec lui, a entrepris la Traduétion de ces Opufcules. Les Notes favantes qu'il y a jointes fervent à expliquer les idées de M. Bergman, & à les développer. Ce premier Volume , outre une Differtation préliminaire de M. Berg- man fur la recherche de la vérité, contient onze Differtations: la première, fur l'acide aërien; la feconde traite de l’analyfe des eaux en général; la troifième , des eaux d'Upfal ; la quatrième, de la fontaine acidule de la Pa- roifle de Danemarck; la cinquième, de l'eau de la mer; la fixième, des eaux médicinales froides artificielles ; la feptième, des eaux médicinales chaudes artificielles; la: huitième, de l'acide du fucre; la neuvième , de la préparation de l’alun ; la dixième , du tartre antimonié ou émétique ; & la onzième, de la magnéfie. M. de Morveau eft occupé aétuellement de la traduction du {econd Volume. 246 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Mémoires de la Société établie à Genève pour l'encouragement des Arts & de l'Agriculture. Tome 1°". , feconde Partie, in -4°. Genève, chez Bonnant, 1780. k Les fujers utiles & intéreffans dont s'occupe cette Société , annoncent que c’eft à bien mériter de la Patrie qu’elle penfe eflentiellement. Mais il eft rare que des découvertes dans certains Arts &la perfection de quel- ques parties, ne refluent infenfiblement fur tous les autres, & ne devien- nent d’une utilité générale. C’eft ce qui engage la Société de Genève à pu blier ces Mémoires, qui méritent, la plupart, d’être lus par Les Savans & étudiés par les Artiftes. Le premier eft un Effai fur les échappemens, par M. CALLET; le deuxième , un Mémoire fur le laiton, & différens procédés pour faire le meilleur, par M. CHAMBRIER ; le ttoifième, un Effai fur les prés (nous le ferons connoître en détail ); le quatrième, & certainement le meilleur, renferme des confidérations pratiques fur les engrénages, par M: Pru- D'HOMME : le rapport des Commiffaires fur ce Mémoire v eft joint ; le cinquième, eft la Defcription d’une machine deftinée à féparer l'or & Vargent des terres & fcories par le moyen de la trituration & de l'amal- game, par M. le Baron DE CHasTeL ; le fixième, un Extrait mortuaire de Genève pour les années 1778 & 1779, par M. ObrEer; & le fep- tième & dernier, des Confidérations fur la Météorologie, & réfultats d'obfervations faites à Genève pendant l'année 1778, par M. PIcTET. Vues phyfiologiques fur lOrganifation animale 6: végétale , par M. DE LA METHERIE, Doëteur en Medecine. À Paris, chez Didot jeune, quai des Auouftins. Les Phyfolovifles , jufqu'ici , s’étoient bornés à confidérer fealement le corps humain. Pour en expliquer le méchanifme, on avoit fait quelques applications à l’Anatomie comparée. M. D. L. M. embrafle un plan plus vafte ; il cherche à expliquer les fonétions de l'économie animale & vé- gétale. « La Nature dit-il , a fait fes ouvfages fur un feul plan ». L’Auteur montre ainfi l’analogie des êtres organifés entr’eux, en rapprochant leur - phyfique, - Les connoiffances acquifes fur le méchanifme de ces êtres font la bafe de ce plan; leurs folides & leurs liqueurs ont été comparés, & leurs propriétés chymiques, avouées par les plus grands Maîtres de nos jours , tel que M. Rouelle, y font énoncées. C’eft donc fur des fondemens bien établis que M; D. L. M. élève fa méthode, Il jette un coup-d'œil fur les élémens des corps, l’eau , la terre & le feu, felon leurs rapports avec les êtres organifés. L'eau eft très - abondante dans les jeunes animaux & végétaux; dans un âge plus avancé, les autres élémens y dominent : l’air & Le feu y jouent le rôle principal ; la lumière & le fluide électrique en fonc les grands agens, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 247 Dans la ftruéture intérieure des corps organifés, l’Auteut trouve, rap- proche & compare les mêmes analogies, les forces reflemblantes, la même phyfque; enfin, l'Auteur examine ces animaux dont les forces actives & les folides s’approchent fi fort de ceux de plufeurs plantes, qu'ils peuvent être coupés en morceaux & reproduire chacun-un nouvel animal, comme les branches de plulieurs arbres qui prennent racine. La vitalité des animaux & des végétaux offre les mêmes vues ; les liqueurs circulent dans ces deux fortes d'êtres; les fécrétions , leconcours des deux fexes pour la reproduction , les pores abforbans, & toutes ces vues rapprochées donnent la mème vérité de conféquence. Le fluide nerveux & le Auide féminal font des huiles éthérées, comme l'efprit recteur des végétaux : l'un & l’autre font le fhimulus des autres li- queurs , qui en tirent leur énergie. Ce qui paroît très-intéreffant dans les vues de l’Auteur, ce font fes idées fur la formation des deux clafles. « Les animaux & les végétaux. » dit M. de la Metherie , font produits par la cryftallifarion de leurs (e- »mences ; par la même force, ils fonc nourris & prennent l’accroifle- » mént». On trouve enfin dans cet Ouvrage la férie des êtres organifés depuis lhômme jufqu’à la matiète la plus brute ; & c’eft la plus étendue, la plus exacte & la plus détaillée qu'on eût donnée encore. Prix propofes par l'Académie des Sciences , Arts & Bélles-Lettres de Dijon. L'Académie propofe pour le fujet du Prix de 1782, de Déterminer, avec plus de précifion qu'onne l'a fait jufqu’a préfent, le caraëtère des Fidyres intermittentes , 6 d'indiquer , par des fignes non équivoques, les circon/tances dans lefquelles les fébrifuges peuvent étre employés avec avantage 6: fans danger pour les malades. L'expérience a dû faire fentir à tout Médecin - Praticien qui réfléchit, l'importance de cette queftion; & c’eft des Obfervateurs attentifs que l'Aca= démie en‘attend la folution., Cette Compagnie, ayant été obligée de réferver le Prix qu'elle avoit à diftribuex cette année , & dont le fujet étoit La Théorie des Vents, pro- pofe le même fujet pour l’année 1783 : le Prix fera doublé, & on le par- tageroit, fi deux Mémoires , envoyés au Concours, paroifloient y avoir un droit éoal, Comme l'Académie n’a point reçu de Mémoires au füjec des Savons acides , pour lequel elle avoit ouvert un nouveau concours, elle a ré- fervé le Prix extraordinaire qu'elle deftinoit à celui qui auroit farisfait à cette queftion, & renouvelle ici la publication qu’elle a déjà faire de la délibération par laquelle éerré Compagnie s'engage à donner ce Prix à us ce foir, enverra une folution fatisfaifante celui qui, en quelc de ce Probléme. 248 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Tous les Savans , à l'exception des Académiciens réfidens , feront ad- mis au concours. Ils ne fe feront connoître ni directement ni indirecte- ment; ils infcriront feulement leurs noms dans un billet cacheté, & ils adrefferont leurs Ouvrages , francs de port, à M. Maret, Docteur en Médecine, Secrétaire Perpétuel , qui les recevra pour les Prix ordi- naires jufqu'a premier Avril inclufivement, & pour les extraordinaires jufqu’au premier Janvier des années pour lefquelles ces différens Prix font propofés. Le Prix fondé par M.le Marquis du Terrail & par Madame Cruffol d'Uzès de Montaufier fon épou/e , a préfent Ducheffe de Caylus, confifte en une Médaille d'Or de la valeur de 300 liv., portant, d'un côté, l'empreinte des Armes & du nom de M. Pouffier , Fondateur de l’Académie ; & de l'autre, la Devife de cette Societé littéraire. Nouveau Prix propofé par la Société Royale de Médetine. Un Particulier, qui ne s'eft point nommé , a dépofé entre les mains de M. de Jufieu, Tréforier de la Société Royale de Médecine, une fomme de 600 livres , laquelle doit être remife à celui qui aura envoyé le meilleur Mémoire, au jugement de la Compagnie, fur la queftion. fui- vante : Quels fonc les moyens de préferver les Enfans en nourrice des acci- dens auxquels La dentition les cexpofe, & d'y remédier lorfqu'ils en font aiteints ? Ce Prix fera diftribué dans la première Séance publique de 1582. Les Mémoires qui cencourront feront envoyés avant le premier Novembre 1781, francs de port, à M. Vicq-d'Azyr, Secrétaire Perpétuel de la Société Royale de Médecine , rue du Sépulcre , avec un billet cacheté conte- nant le nom de l’Auteur & la même épigraphe que le Mémoire, Avis du Comité d'Economie de Genève. La Société avoit propofé , en 1779, une récompenfe au meilleur Mé- moire fur cette queftion : Quel eff le préfervatif Le plus propre à garantir de Coliques venteufes les Beftiaux qui paîtroient des Treffles ou Sainfoins à la rofée ou après la pluie? Les curatifs étant connus, la Société demandoit , uniquement les préfervatifs. Elle n’a reçu, fur ce fujet, aucun Mémoire qui püt la fatisfaire : mais comme le Comité d'Economie , qui s’eft occupé plufieurs fois de cet objet, a quelques raifons de croire que les Cendres des ou la Potafle peuvent fournir le préfervatif qu'il cherchoit, il emande là-deffus, au nom de la Société, quelques expériences détaillées, & il offre des récompenfes proportionnées à leur fuccès, pourvu qu'il foit bien conftaté. Les Mémoires qu’on enverra à la Société pour lui expofer ces expériences, devront être adreflés, francs de port, avant le premier Novembre 1781, à M, Calandrini, Confeiller d'Etat, & Préfident du Comité d'Economie. TABLE ee SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 249 1 £a HN ME Pie DEs ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. M: MOIRE tiré de la Colleétion des Mémoires de la Séance publique de la Faculté de Médecine, 1779 , fur le Quinquina de la Martinique, . connu fous le nom de Quinquina Piton; par M. MALLET, Docieur- Régent de la Faculté, Page 169 Mémoire [ur L'Alkali fixe tout formé dans les Végétaux ; par M, BERNIARD, p 179 Expériences fur l'Ele&ricité, dans lefquelles on tâche de démontrer l'utilité des Conduéteurs pointus élevés ; par M. EpouaARD NaAIRNE, de la Société Royale de Londres, 192 Mémoire fur la Matière verte, ou plutôt fur l'efpèce de Conferve qui croît dans les vaifleaux pleins d’eau expofés à l'air, & fur l'influence freuliré de la Lumiére’pour la développer ; par M. JEAN SENEBIER, Biblio- thécaire de la République de Genève, & Membre de la Societé Hollandoïfe des Sciences de Harlem , 209 - Mémoire [ur les Terres fimples, € principalement fur celles ia nomme abforbantes ; fuivi d’un appendice fur une nouvelle preuve de l'exiflence du Phlogiftique dans la chaux ; @ de quelques obfervations [ur le Sel ph-fpho- rifique calcaire ou fxbftance offeufe régén’rée : lu à l’Académie de Dijon le 21 Décembre 1780; par M. DE MORVEAU, 216 Extrait des Regiflres de l’Académie Royale des Sciences du 20 Janvier 1781, 231 Obférvations fur l'Acide animal ; par M. A.L.BRONGNIART , premier Apoihicaire du Roi, Démonfirateur de Chymie au Jardin Royal des Plantes, de l'cadémie des Scinces & Belles-Lertres de Dijon , 34 = Problèmes d'Agriculture à réfoudre ; par M. DirrviLLe, Lieutenant-Général d'Evreux , æ 240 Obfervation fur du Soufre trouvé dans la racine de Patience, 6 procédé pour le retirer ; par M. DÉYEUXx, Apothicaire de Paris, 241 APPROBATION. "At lu, par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a pour titre: Obfervarions fur La Phyfique, [ur L'Hiftoire M'arurelle & fur les Arts; Ec.; par M. Abbé Rozier, &c. La Colleétion de faits importans qu'il offre périodiquement à fes Leéteurs, mérite l'accueil des Savans ; en conféquence , j’eftime qu’on peuten permette l'impreflion. A Paris, ce22 Mars178, VALMONT DE BOMARE. # ST ER : 7 NE site AA La ire S'elusst it A D SRE dot sa PÉTER, Er Dyson 44. sax a 15)Eus ï à: no DT es Fra girèant sh Rae act va #S@: LE JR Se me | "#- ts sésr eU x Cu g4 9 Cr En Last ete PASS DE UTSS sis cut rain 18 RAT AL: À soma god CEE st ÉROEME ES RAA LE share M ha iris fa 7: Sie À RASE Ar F Fuite: ‘Heat Le ou rene) ASE AR 1 4 où 58 0 Le Lol ee nant Ce rl SU DR Late | NTM a a an ur m0} June Hs job ut sn unbs. d'A tE CNIL EL sb auf Sa à à “ag mo relie ie 4 no Air à PEL HY sac Le Me pe hr Eole PRE LT ETS sien Ni SLT RIRE à PAROLE HUE: { ge 4:35 co F hi A Fi EEE aff nt ne FAIT NS: se. a 1 Er “br SE ne LEE LE SE LA SRE NE. 0 re | au ARE 4! re ie Gb LR 0) LAN CRUE A ak ip sai canne ash SERIE) cr ei shnhra ie, Pire pren HS Re “2 ELA 4 À Mars 1781, 6 baternesét SFr sh, De Ce EE nn RER EN STAR ES a M F D 5}. 28 d e € ÿ % À ; - FA } 4 F2 : 2e Rs à dk S: Rent Se - Re à raser ser": fl 5; RE : if #- 1 DUREE PI.,2, Mars 1781. r à men ttl — nt St mms mb + et (a ne É+ lé 1 JOURNAL DE PHYSIQUE. AVRIL 1787. ART 77 Sr = Q; MEMOIRE PUR L'ATCRIV-SMAL ITS A TION Par M. DE LA MÉTHERTE, D. M. La ctyftallifation eft, fans doute, un des plus grands phénomènes de la Nature. Tous les corps affectent conftamment une figure particulière , lerfqu'ils font livrés à leur force propre , & que cette action n’eft point troublée, Chaque fl, chaque métal, chaque pierre a une forme: appro- priée. M. Rouelle a développé le méchanifme de la cryftallifation des fels , & a démontré qu'ils cryftallifoient , à la vérité , d’une manière parti- culière, mais qui varie néanmoins beaucoup. Différens Auteurs, {ur-tout MM. Linné, Hill, de Romé Delifle, &c., ont fait voir que la plupart des minéraux affectent des figures qui ne font pas moins régulières que À celles des fels : ils n’ont confidéré que les beaux cryftaux que. donnènt | certaines mines métalliques & quelques pierres. Mais en examinant de près toutes Les pierres & tous les métaux minéralifés ou non minéralifés, nous les verrons cryftallifés. Le moëllon, le marbre , le quartz, le gra- | nit, &c., ont leurs cryftäaux crès- diftinéts. Tous les Naturaliftes recon- noiflent , au grain, un métal, une mine, une pierre ; ce grain n'eft que : la cryftallifation des parties conftitutives de ces corps; cryftallifation auf marquée que celle des fpaths, des cryftaux de roche , des pierres pré- …._ cieufes. Portant nos vues plus loin encore, nous n'avons pas craint de dire que la reproduction de êtres organifés, des végétaux & des ani- maux, eft également une véritable cryftallifation. L'air fixe fait cryftal- lifer les os desuns, & le tiflu ligneux des autres. Nous trouverons encore, dans cette force qui fait ainfi cryftallifer toute la matière, la caufe de la dureté des corps, qui a été recherchée fi long- temps. IL froit , fans doute , très-intéreflant de connoître la caufe première Tome XVII, Par. 1781. AVRIL. li 252 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d'une loi aufi univerfelle ; elle doit dépendre de la configuration des premiers principes, & de la force qui Fe LS fans cefle les uns vers les autres : nous ne pouvons que nous tenir dans ces généralités, fans qu'il nous foit pollible encore de pénétrer plus loin. Mais tâchons d’en développer les caufes fecondes. Les corps cryftallifant en vertu de Ia force dont ils font animés, ne le pourront donc faire qu'autant que cette force aura’ fon plein exercice 3 autrement , oênée dans fon action, ou détruite en partie, elle ne pourra y agir avec toute fon activité. Or , ces premiers élémens des corps ne jouiront de leurs forces que lorfqu'ils ne feront point unis les uns aux autres, & qu'ils feront dans un état de parfaite liquidité. Nous ne con- noiflons que deux agens qui puiffent vaincre la force de cohéfion des corps , en défunir les principes & les rendre à leur propre force : ce font le feu & l’eau, Cette dernière même n’agit que fecondairement : car elle tient fa liquidité du feu; & aufli-tôt qu'il l’abandonne, elle cryftallife fous une torme régulière. La neige forme de petites aiguilles, qui, fui- vant M. de Mairan, fe touchent fous des angles de 6o ou 120%. L'air lui-même cryftalliferoit peut-être aufli, fi on pouvoit le dépouiller de feu à un certain point. Ainfi Le feu feul paroït avoir la faculté de difloudre Les corps & de les rendre fluides; & cet élément lui - même , comme tous les autres , cherche fans ceffe à fe combiner , & fe combine effectivement fous le nom de phlogiftique: dans cer état , il doit aufi affecter une forme particulière & cryftallifer. Le feu libre, jouiflant de toute fon activité, eft donc le principe de toute fluidité; il détruit la force de cohéfion , écarte toutes les parties qui étoient unies, & les agite d'un mouvement extrèmement rapide. Les corps, qui n’ont pas une grande fixité, fe diffipent par ce mouvement violent fous forme de vapeurs, & font volatilifés; ceux qui ont plus de confiftance deviennent liquides & entrent en fufon. Pour lors, cha- que petite partie intégrante eft re due à fa propre activité; & lorfque le puiffant agent, qui les tient dans cet état de défunion , aura perdu de fa violence , elles fe rapprocheront peu- à- peu, & affecteront différentes formes régulières. C’eit ce que nous préfentent fur-rout les métaux , lorf- wils ont été en fufon. Chacun a fon grain, c'eft-a- dire, cryftallife me manière particulière. Cette cryftallifation variera , fuivant que la fufon aura été plus où moins parfaite , & le refroidiffement plus ou moins lent. L’antimoine, à fa furface, forme une étoile très bien figurée. L’ar- fénic cryftallife en cubes, en rhombes, &c. Mais pour que le métal puifle cryftallifer , il faut qu'il ait fon phlogiitique : car s'ilen ef dépouillé , il eff réduit en chaux, & ne fauroir prendre de la confiffance. Les pierres fondues affectent aufli conftamment des formes déterminées. On apperçoïe dans leurs fractures un certain tifflu qu’on pourroit appeller cryftallifation ; on diftingue ainf les différentes efpèces de porcelaines , de verres, de SUR L'HIST. NATURELLE ET LÉS ARTS. 25R cryftaux faices, de laitiers, &c. La pierre-ponce cryftallife toujours en aiguilles, dont on n'apperçoit pas bien les angles; ce qu paroît dû aux parties ferrugineufes qu'elle contient. Mais il n’eft point de plus fingulières cryftallifations dans ce genre, que celles des magnifiques bafaltes prifma- tiques, qui ont régulièrement tel ou tel nombre d’angles. Les defcrip- tions que nous en ont données les différens Naturaliftes, ont de quoi éton- ner; & quoiqu'on ne puifle douter qu'ils ne foienc le produit du feu , it eft très -furprenant qu'on ne trouve rien d’aufli beau dans les laves de nos volcans allumés. M. Hamilton n’en cite qu'un exemple dans celles d'Italie, qui, en coulant dans la mer, ont affecté une figure prifmatique ; ce qui eft une nouvelle raifon de dire que la mer étoit dans les environs des volcans éteints lors de leurs explofñons, Nous avons encore d'autres cryftallifations par le feu, qui fe font par fublimation : le foufre, le fel ammoniac, les fleurs de benjoin , &c., cryftallifent en fe fublimant. Le foufre communique la forme fous laquelle il cryftallife aux fubftances qu'il volatilife, tel que le mercure. L’arfénic cryftalife également par fublimation ; & ainfi que le foufre, fait cryftallifer les fubftances auxquelles il donne de la volatilité: enfin , Les métaux dif- fous par le mercure, fous le nom d’amalgame , cryftallifent auffi, Les cryftallifations par l'eau font beaucoup plus variées que celles par le feu. Celui-ci eft un agent trop violent, qui ne laifle point Le temps aux parties de s’arranger avec aflez d'ordre. L'eau agit avec plus de lenteur, & donne à La Nature le loifir d'opérer à fon gré. Elle ne tire néanmoins fon action que du feu , puifque lui feul entretient dans fa liquidité, L'eau ne peut agir fur toutes les fubftances , comme Le feu ; un grand nombre, telles que les terres , les pierres & la plupart des métaux, échappent à fon action, lorfqu’elle eft feule : mais par fon union avec d'autres corps, il n’en eft aucune qu’elle n’attaque; & ces menftrues , qui , fans elle, feroient privés de toute action, A date dss diffolyans très-puif- fans. Tous les {els s'y diffolvent complètement; les acides contractent une telle union avec elle, qu'on ne fauroit les avoir fous forme folide, & ils fe volatilifent plutôt que de abandonner : car les fleurs de benjoin, le fel de vinaigre , la crème de tartre paroïffent unis à un principe hui- leux. Il n’y a que l'acide phofphorique qu'on ait fous une forme vitreufe , lorfqu'on l'expofe à un feu violent; peut-être efl-il uni à quelque fubf tance , à des alkalis, par exemple. Ceux-ci, quoique très - folubles dans l'eau, peuvent en être féparés par un degré de feu plus ou moins fort: alors l’alkali marin & le volatil donnent des cryftaux réguliers; mais celui du tartre, qui exige une plus grande chaleur, ne prend point de forme régulière, & demeure en pouflière. Les acides & les alkalis combinés enfemble pour former a fels neutres , adhèrent moins à Feau. Ils en D buene une plus ou moins grande quantité pour être Tome XVII, Part. I. 1781. AVRIL. 12 st 2ÿ4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, diflous; & fi on la leur ôte , ils fe dépofent peu - à - peu fous une forme déterminée, & cryftallifent. Ce font ces mêmes cryftallifations qu'on a obfervé les premières. Nous n’en examinerons pas toutes les efpèces; nous: ferons feulement remarquer, d’après M. Rouelle, qu’elles varient Eu digieufement, fans qu'on puifle, jufqu'ici, en donner dés raifons bien fatisfaifantes, Le tartre vitriolé , par exemple, eft fufceptible , fuivant M. de Romé Dalifle, de dix efpèces de cryftallifations. L'eau diflout également les gommes , les mucilages & les gelées ani- males & végétales, Lorfqu'elle s'évapore, ces fubitances fe rapprochent & cryftallifent. Le fucre , la manne, le fel de laït, &c. , forment des cryftaux aufli parfaits que les fubftances falines.…. £ à . Paffons aux grandes cryftallifarions que forme la Nature; car toutes les grandes mafles, telles que les pierres calcaires, les gypfes, les fchiftes, les quartz, les granits, les pyrites , les demi-méraux , les métaux, &c., font cryftallifées, Quels font les agens qu'elle emploie ? Nous avons vw qu'il n’y a aucune cryftallifation, fans qu'auparavant une difolurion n'ait précédé. Toutes ces fubftances ont donc été diffoutes. Ce n'eft pas par le feu: fon aétion eft trop violente; les produits des volcans, les laves qu’il forme , font bien différentes de ces beaux cryftaux. C'eft doncuné caufe lente , une action tranquille qui a agi peut-être pendant des fiècles. Nous ne la pouvons trouver que dans l'eau : mais feule, elle ne peut diffoudre les terres, les pierres, les métaux (excepté le fer, le cuivre, Tarfénic) ; il faut donc qu'elle ait été unie à quelqu'agent plus actif. Nous ne pouvons douter que ces diflolutions n'aient été opérées par les eaux de la mer. Les coquillages innombrables dont font remplies la plupart des pierres , les offemens d'animaux marins & rerreftres, des ancres trouvés dans leur fein, font autant de témoignages auxquels on ne fauroit fe refufer. Cherchons donc par quels intermèdes les eaux de la mer ont pu diffoudre toutes ces mafles énormes, & enfuice Les laifler cryftallifer. L'eau, unie aux difiérens acides, diffout prefque toutes les fubftances minérales d'une manière plus ou moins prompte. Son action eft mès-vive fur les terres calcaires; elle l'eft un peu moins fur les argileufes : cepen- dant elle s'y unit, comme nous le voyons dans la formation de l’alun, & tous ces produits cryftallifent , ainfi que les fubftances falines, Il n’y a que_ les quartz & toutes les pierres de cette nature fur lefquels l'eau, chargée d'acide, n’agit point d'une manière marquée. Cependant la Nature a des aoens qui les’attagde; car le filex, jonché fur la furface de la terre, fe décompofe. Le verre, quoique compofé de terre vitrifable , eft auf altéré , les laves, les bafaltes & vous les produits volcaniques fur lefquels nos menftrues n’ont aucune action fenfble , fe convertiflent tous en ar- gile à la fuite des temps; & il ne faut pas une bien longue fuite de fièciéss L'eau, imprégnée d'acide, agit également fur les fubflances métalliques , SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 2 & les fair cryftallifer, [1 eft de ces cryftallifarions très-élégantes, connues fous le nom d'arbre de Diane. Les alkalis donnent aufli à l’eau une qua- lité diflolvante; elle attaque pour lors les huiles & les réfines, dont elle forme des favons, Son action eft moindre fur les minéraux; cependant il ft peu de métaux qu'elle nentame: mais lorfque les alkalis font unis au foufre pour former le foie de foufre', elle diffout la plupart dés fübftances métalliques, & les laifle cryftallifer. Les eaux des mers ne patoiflent contenir aucun de ces différens prin- cipes en quantité fufffante pour pouvoir diffoudre routes ces mafles énor- mes qui forment les montagnes. Elles font chargées de diflérens fels neutres, fur-tout du fel marin ; mais on n'y apperçoit hi acides ni alkalis développés. Cependant on ne fauroit difconvenir que. leurs gas ne sy rencontrent : car tout indique ; difoit M. Rouelle, les vapeurs, de l’efprit- de-fel fur le rivage de la mer; les couleurs rouges y font alrérées, comme elles le font ordinairement , par cet acide. Auf ce grand Chymifte croyoit- il que l'air fur les côtes de la mer contenoit beaucoup de cet efprit. II paroîe qu'il eft le produit de la décompofition du fel mario , dont l'acide abandonne très-facilement la bafe. Ce gas acide marin fe diflout avec la plus grande facilité dans l’eau , qui acquiert par-là , dit M. Pricftley, une partie des qualités de l’efprit-de-fel. L’acide univerfel , qui eft fi répandu dans les argiles , dans les chaïbons, dans le foufre ; dans les pyrires , fe trouve auf fous forme de vapeurs dans les entrailles de la terre: & dans le vaoué derl'air. Ce gas acide vitriolique, très-foluble à l’eau, fe mé- lera donc légalement à celui de la mer. Il en fera de même de tous les autres gas, qui font fi généralement répandus dans le féin de la terre & dans l'atmofphère. On a‘prouvé qu'il n'y a qu'un quart de l'air atmofphé- | rique qui puile fervir à la refpiration , & que les trois autres quarts fonc | chargés de différens gas. Or, tous ces gas, excepté l'inflammable , fonc , très-lolubles dans les eaux. Ils s’y diffoudront donc en partie; & comme nul n'eft fi abondant que l'air fixe, il fe trouvera en plus grande quantité dans les eaux de la mer , auxquelles il donnera une qualité diffolvante : auffi eft ce lui qu’on retrouve le plus fouvent dans les minéraux. Les pierres calcaires ; la chaux, les craies font compofées d'une terre __ particulière, d’eau & d'une grande quantité de cet air fixe , comme l'ont …. * prouvé lesanalyfes qu’en ont faites diflérens Chymiftes, fur - tout M.La- | voifier. Ce fera cet air fixe qui aura donné à l’eau la qualité de difloudre : a partie verreufe. EfeGivement, nous favons que l'air fixe a beaucoup de propriétés des acides, telles que de rougir les ceintures bleues des vé- gétaux , de s'unir aux alkalis, &c. Or, tous les acides diflolvent la terre calcaire. L'eau imprégnée d'air fixe la diffoudra donc également, & læ dépofant lentement , la fera cryftallifer. Cette cryftallifation variera, fui- vant mille circonftances. Les Chymiftes voient chaque jour leurs cryftalli- 256 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fations éprouver des variétés confidérables, comme nous l’avons dit; &, dans le grand Laboratoire &e la Nature , il fe trouve une foule de cir- conftances bien plus capables de faire varier ces formes. La terre calcaire peut avoir été difloute plus ou moins parfaitement, avoir été dépofée avec plus où moins de lenteur; enfin différens gas peuvent fe mêler à l'air fixe , & différentes terres à la calcaire. Ce feront ces différentes caufes qui donneront les variétés dans la cryftallifation des pierres calcaires, telles que le moëllon , la pierre à chaux, la pierre de liais, les marbres , les fpaths calcaires, &c. Je croirois , par exemple, quele gas acide marin peut fe trouver dans ces derniers ; les autres gas, tels que le vitriolique , les va- eurs métalliques , les terres argileufes, les quartzeufes, celles qui fervent de br aux métaux , fur-tout lesterres martiales, &c., peuvent être mélés en plus ou moins grande quantité avec la terre calcaire. Les incruftations pierreufes , Les oftéocolles, &c., nous préfentent journellemenr de pareilles cryftallifations. Les ftalactites & ftalagmites fe forment fous nos yeux de la même manière, Des eaux, traverfant des bancs de pierre calcaire ; en diffolvent quelques parties, viennent les dépofer à leur furface , & les laifent cryftallifer. Dans des voûtes RES calcaire, expofées aux pluies , l'eau qui les traverfe & les pénètre forme des concrétions pierreufes du même genre. Lorfque la folution a été parfaite & la cryftallifation lente, comme dans les fentes des grandes montagnes calcaires ou dans les grottes, on a de fuperbes cryftallifations , connues fous le nom de fpathiques, d’al- bâtre, &c. M. de Tournefort en a trouvé de magnifiques dans les grottes de Paros. L'eau de la mer , chargée d'air fixe, comme nous l'avons dit, pourra donc difloudre la terre calcaire , & d'autant plus facilement, ue par fon mouvement continuel, cette terre fe trouvera fufpendue po fes Aots ; pour lors , elle fe dépofera par couches, formera de grands bancs, & cryftallifera, Les bancs fuivront l'inclinaifon du terrein fur lequel. ils fe dépoferont. Ces mafles immenfes, en fe defféchant, éprouveront un retrait, qui y formera des fentes plus ou moins confidérables , prefque toujours perpendiculaires. Les eaux fuintant de tous côtés à travers ces tiffus encore tendres, rediffoudront une partie de ces pierres. Arrivées dans le lieu de la fciflure, elles y dépoferont lentement; & ainfi fe feront les belles cryftallifations , dont nous avons parlé, dans l’écartement,des grands bancs. Mais fi ces eaux de la mer, chargées d'air fixe, rencontrent de la terre argileufe, que l'agitation de leurs flots tienne également fufpendue, elles la diffoudront, la laifferont dépofer, & produiront les fchiftes. Cette ar- gile n'eft jamais fans acide vitriolique, qui, s'uniflant avec l'air fixe , modifiera la cryftallifation. Les vapeurs métalliques pénétreront ces fchiftes , & y formeront des pyrites ; car on en renconte dans un grand nombre de couches argileufes, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 257 Les argiles ne contiennent qu'une certaine quantité d'acide vitriolique ; mais les gypfes en font formés : ce font des fels compofés de terre cal- caire & d'acide vitriolique. Nous ne voyons jamais les eaux de la mer chargées de cet acide; & cependant, on ne peut difconvenir que le plâtre n'ait été formé dans la mer. La quantité immenfe d'os fofliles & de co- quillages qu'on y trouve, la régularité des bancs & des couches , ne per- mettent pas d'en douter, Au refte, cette efpèce de pierre n'eft point aufli abondante que les calcaires; on ne la rencontre qu'en quelques endroits ifolés, IL fuffit donc de pouvoir faire voir qu’en certaines circonftances les eaux de la mer ont été affez chargées d'acide vitriolique pour produire ces petites mafles degypfe. Les volcans font entretenus par les pyrites & Les charbons enflammés, Ces deux fubftances font chargées de foufre & d’acide vitriolique. Lors des éruptions des feux fouterreins, qui font très - fréquentes, il doit fe dégager une quantité piodigieufe decetacide dont s'imprégneia la maffe d’eau qui eft dans les environs; fi en même tempsil s'y trouve fufpendu de la terre calcaire, elle fera diffoute, & produira des gypfes qui cryftallife- ront comme les autres pierres. Des vapeurs fouterreines, chargées d'acide vitriolique, pourront produire le mêine effet. Peut-être des argiles, con- tenant une très grande quantité de cet acide, en Jaifferont-elles dégager une partie par l'intermède de la terre calcaire avec laquelle il paroît avoir plus de rapport: mais cette eau , imprégnée d'acide vitriolique, aura- t-elle rencontré de la terre argileufe, elle formera les aluns. Comme cette union eft difficile, elle fe fera rarement dans le fein des eaux agitées : ce -ne fera que dans des lieux tranquilles , comme dans des fentes, des grottes & dans la formation des pyrites. Le gas acide marin, contenu dans les eaux de la mer, fe combinera, ainfi que le vitriolique , avec les fubftances qu'il rencontrera. Le fpath fufñble paroît un de fes produits ; fa bafe eftune terre argileufe. M. Prieftley croit vitriolique le gas fingulier qu'on en retire: d'autres Chymiltes pen- fent que c’eft le gas acide marin; & leur fentiment paroît plus fondé. Peut-être, eft-ce l'union de ces deux gas qui donne au gas fpathique des qualités fi farprenantes, que nous ne connoiflons ni à l’un ni à l’autre. Nous voyons le mélange des acides nitreux & marin produire l'eau régale, qui feule peut attaquer l'or & la platine. Ce gas fpathique , outre fa bale atgileufe, tient encore en diflolution une terre particulière qu'il volatilife; il ne la laiffe précipiter que lorfqu'on le mêle avec l’eau, Cette terre de- vient infoluble à tous les autres acides, & paroît approcher des quartz ; ce qui nous fait voir que la Nature a des agens que nous ne connoiffons pasencore. Une autre particularité de ce gas, eft d'attaquer , de ronger , de diffoudre avec la plus grande facilité le verre , quoique compofé de terre vitrifiable, Il perce , dit M, Prieftley, les verres les plus épais.en très- peu de temps, 258 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Le gas marin rencontre-til de la terre calcaire, il fe combinera avec elle, & la diffoudra; mais ces fels font extrèmement déliquefcens, & ne ctyftallifent jamais, au moins quand ils font feuls. Peut-être en s’uniffant à la terre calcaire, diffoute par l'air fixe, cryftalliferont-ils; & ainfi ils concourroient à former le fpath calcaire, dont la cryftallifation approche aflez de celle du fparh fufble : & nous avons vu que Le gas de ce fpath'pa- roît contenir du gas marin: IL nous refte un genre immenfe de pierres; ce font les quartz & toutes les pierres de cetre claffe , telles que Le feld-fpath , le granit, le porphyre, le jafpe, les cailloux , les cryftaux - de- roche, & routes les pierres pré- cieufes : leur nature eft aufli compofée que celle despierres calcaires. MM. Bergman, Bayen, ont reconnu que leur bafe étoit la terre vitrifiable à la vérité, mais que la plupart contenoient une quantité plus où moins confidérable de terre alumineufe & argileufe , de la terre calcaire, & de celle qui fert debafe au fel de fedlitz , & enfin du fer ; elles forment la plupart des cryftaux très - beaux, qui font düs à l’eau. On en trouve des bulles renfermées dans du cryftal de roche; on a même de ces cry£ taux fur des cryftallifations calcaires & fpathiques. Dans les traétus cal- Caires, on trouve beaucoup de quartz cariés ; il eft donc certain que ces cryftaux & ces quartz ont été diflous dans les eaux. Cependant nous ne connoiflons aucun diffolvant qui agifle fur la terre vitrifiable ; nos acides ne l’attaquenñt nullément: mais réduits en gas, ils fe combirent plus facile- ment. Ne feroit-ce pas la voie que la Nature emploie pour décompofer les cailloux , les laves, les bafaltes, & les convertir en argiles, quoique -ces mêmes menftrues, fous forme liquide , n'y faflent aucune impreflion? Beaucoup de Chymiftes prétendent que la terre vitrifiable n'eft que de l'argile ; un plus grand nombre encore regarde comme aroileufe là terre métallique, qui a toujours été prife pour la terre vitrifiable la plus pure. On peut étayer ces opinions par Le fable quartzeux qu'on trouve toujours dans l'argile. Les quartz cariés font enveloppés d'argile, qui pourroit bien être le produit de leurs décompofitions. La terre qu’on retire de a liqueur des cailloux eft argileufe. On prétend avoir fait de l’alun avec du cryftal de roche; ce qui leveroit tout doute, Or, nous avons des agens qui diflolvent l'argile. Lt Mais , fans entrer dans ces difcuflions, nous avons vu que le gas fpa- thique tient en diffolution une terre quartzeufe, attaque le verre, le dif fout, le perce ; ainf, il agit fur les quartz. Les eaux chargées de ce gas pourront donc les difloudre. Et effeétivement , leur nature approche aflez de celle du fpath fufble; ils en ont le luifant, le gras, & cryftallifent prefque de même en rhombes & en cubes, Il fe pe donc bien que le quartz fût compofé ,comme celui-ci , de terre fchifteufe ou alumineufe un-peualtérée, &que la terre vitrifiable ne fit qu'une modification de l'argileufe. Si le gas fpathique agit fur Le quartz, le feld-fpath, le jafpe,. es | sé SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. àç9 les pierres précieufes feront également foumifes à fon action. Ce font des cryfallifactons de la terre vitrifiable, mélangée de terres argileufes , cal- caires & mattiales. IL eft vraifemblable qu’elles contiennent d’autres gas, füur-tout l'air fixe, qui diflolvent ces parties argileufes, calcaires & mar- tiales, La manière dat fe conduit le diamant à un feu vif, indiqueroit qu'il en renferme un particulier , qui Le fait confumer & difliper. Les cryftallifations, en petit, ont été formées comme nous avons dit que l'ont été les albâtres. Des eaux chargées de différens gas, fuintant à travers les grands bancs, ont diflous différentes matières terreufes , qu’elles font venues dépofer dans leurs fciflures ou dans des vuides qui s’y ren- controient. Sont-ce des parties calcaires ? elles ont formé les albâtres, les fpaths calcaires , le cryftal d'Iflande ; font-ce des gypfeufes? elles ont pro- duit les albâtres & fpaths gypfeux ; font-ce des argileufes ? elles ont donné les cailloux , les agates , le fpath fufble; enfin, la diflolution des parties quartzeufes a donné les cryftaux de roche, les pierres précieufes. Ces cryftallifations ne font pas homogènes; mais elles contiennent , comme nous avons dit, différentes terres, fur -tout celle du fer, répandue pat- tout. Mais toutes ces cryftallifations particulières font d’un moindre in- rérêt pour le Naturalifte, qui doit s'attacher principalement à la nature & à la ftructure des grandes mafles, qui ne font compofées que de pier- res calcaires, de gypfeufes, de fchiftes, de quartz , de His ur & de granits. Toutes les pierres ont donc des gas propres qui en diffolvent la partie terreufe , & la font cryftallifer. L’analyfe les découvrira & nous donnera des idées beaucoup plus juftes de ces compofés , que nous ne les avions jufqu'à ces derniers temps. Une nouvelle preuve qu'on pourroit apporter de la préfence d’un gas dans la plupart des pierres, c'eft qu'expofées à un feu plus ou moins violent , elles deviennent phofphoriques. Or, M:Mac- quer a affez bien établi que cette qualité des corps eft due à l’union d’un gas ou d'un acide avec le phlogiftique. Le phlogiftique des métaux peut aufli être regardé comme un gas par- ticulier, qui en diflout la terre métallique par le moyen d'un feu plus | ou moins violent, & la fait cryftallifer ; mais ce feu doit être propor- tionné: car lorfqu'il eft trop vif & trop long-temps continué , le phlo- giftique fe difipe, abandonne la terre ; le métal eft calciné, réduit en chaux, & ne fauroit plus cryftallifer. Dans la diffolution des métaux par les acides, il fe dégage un vrai gas, femblable en tout aux autres gas; il en a toutes les propriétés acides. Ce gas paroïît n'être que le phlogiftique mé- tallique réduit en vapeurs. Ne pourroit - on pas foupçonner que le phlogiftique eft acide par lui- même, & eft le principe de l'acidité? De l'air très-pur , qu’on fait pafler fur des charbons ardens, fe phlogiftique, & eft rendu acide, Cet acide n'étoit cependant point dans ce charbon; il ne fauroit y en.être refté, Tome XVII, Part 1,1781. AVRIL. Kk 260 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, puifqu'expofé au feu le plus violent dans des vaiffeaux clos , il n’eft nulle- ment altéré. I n'y a donc dans le charbon que du phlosiftique très-pur ; .phlogiftique avec lequel on revivifie toutes Les chaux métalliques : & ce- pendant il: eft acide | & rend acide l'air avec lequel il fe mêle ( 1). Cela “nous donneroit des vues pour expliquer comment certains métaux , tels que le fer, le cuivre, font attaquables à l'eau; c’eftique, fans doute, leur phlogif- tique feroit plus à découvert. Mais les métaux, dans le fein du globe, ne paroiffent formés ni par l'eau ni par unfeu violent; il paroit plutôt que leurs principes, fublimés par la chaleur centrale fous forme de vapeurs, viennent fe dépofer dans les fentes des montagnes granitiques ; ils font enlevés par le foufre & l'ar- fénic , leurs minéralifateurs , qui les volatilifent & les font cryftallifer dans cet état: car on fait que c'eft le propre de ces deux fubiftances de cryf- tallifer de certe manière. Ces cryltallifations, comme toutes les autres , feront d'autant plus révulières , qu'elles fe feront faites plus lentement. C’eft ainfi qu'on peut concevoir que fe feront formés les grands filons métal- Hiques. Dans les endroits où le minérai n'a pas rempli parfaitement le vuide que laïfle la gangue, la cryftallifation aura été plus lente & plus parfaite : des cryftallifations quartzeules , fpathiques , viendront s'y dépofer. ÎL paroît qu'il y a quelques mines, telles , que les fpathiques qui contien- nent des gas; ils auront pour lors contribué à leurs cn BaliiOnse Les fubftances métalliques cryftalliferont donc par la même caufe que les pierres ; leur terre eft difloute par le phlogiftique : rendue liquide par daétion du feu, fes parties fe rapprochent, & abandonnées à leurs pro- pres forces, elles cryftallifent. Sont-elles minéralifées? le foufre & l’ar- fénic les fait cryftallifer par fublimation. Un gas, qui paroît être l'air fixe, contribue à la cryftallifation de celles qui ont pour gangue du fpath; & Je gas marin à celle de la mine d’argent cornée, peut-être à celle de beau- coup d’autres. Peut-être toutes les mines contiennent-elles un gas particulier comme les pierres. ; -: C’eft ainfi qu'on peut expliquer , en détail, la cryftallifation de chaque minéral. Les fables, les pierres auront été diflous par Les eaux de la mer, -animées par différens agens, fur -tout par l'air fixe, &les gas acides vi- triolique & marin. Hs-feront modifiés dans chaque fubftance:; car il pa- roît qu'ils varient dans chaque minéral, & qu'ils ont quelques propriétés particulières: L'air fixe, l’acide, vitriolique & le marin font les grands lagens de la Nature:dans le/règne, minéral; elle les modifie enfuite dans les autres règnes ; en. forme l'acide phofphorique , Le nitreux , &c. (x) Les acides. ne feroient-ils que le phlogiftique uni à des gas & à de l'ait commun? MM. Bertholet & Fontana ont réduit, en dernière analyfe, les acides végétaux en ait gazeux & en ait commun. M. Lavoifier a fait de Pacidé nitreux avec le gas nitreux & l'air commun : les gas eux-mêmes ne paroiffent être que de l’airphlogiitiqué. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 26» On demandera peut-Étre d'où viennent ces gas? Je n'examinerai point ici cette queftion; leur exiftence eft prouvée & démontrée. Nous avons vu combien le gas marin eft abondant fur les bords de la mer. Cet acide eft aufli très-fouvent combiné dans le fein du globe; car on y trouve beaucoup de fels, dontileftla bafe , tels que le fel gemme & le fel marin à bafe terreufe. Quelques Chymiltes l'ont trouvé dans la mine d'argent cornée, M. Meyer a retiré des coquillages, contenus dans les pierres cal- caires, un peu de fel marin; 8 M. Bergman a trouvé fouvent de l'acide marin dans la craie: la ferpentine en contient éxalement. Or, ces fels fe décompofant dans l’intérieur de la terre, laifferont libres leurs acides, ui fe volatiliferont par les mêmes caufes , qui élèvent toutes Les vapeurs Ware Far & ME fe mêler à RER LRO & aux eaux dela mer. Quant au gas vitriolique, il eft par-tout, dans les argiles & les pyrites, dans Les cavernes , dans Les grottes & dans l’atmofphère (1). Ce font vrai- femblablement ces gas, s’échappant de toutes parts, qui attaquent les corps expofés à la furface de la terre, tels que les cailloux ; le verre, les laves volcaniques & les méraux changent les premirs en argile , & les autres en chaux. ; Mais pourquoi, dira-t-on , l’acidenitreux ne coopèrera-t-il pas dans ces grandes opérations de la Nature, ainfi que l'acide phofphorique & les alkalis? L’acide nitreux ne paroît dû qu'aux règnes animal & végétal; il eft un de leurs produits. On ne le trouve dans le minéral que par des circonftances locales; car les falpètres de houffage , celui qu'on trouve dans certaines terres, proviennent de putréfactions animales & végétales. Cet acide ne paroït être que le vitriolique modifié par le phlogiftique des corps organifés. La plus grande Baie dé Chymiftes penfent de même, que l'acide phofphorique eft un produit des forces vitales chez les ani- maux. Ne pourroit-on pas foupçonner qu'il eft l'acide marin modifié par le phlogiftique du gas inflammable, ou plutôt du Auide électrique, fi abondant chez les animaux, qui lui donne l’odeur d'ail, ainfi que le vi- triolique eft modifié par le phlogiftique pour former & l'acide fulfureux volatil & le nitreux? car l'acide phofphorique a un fi grand nombre de propriétés de l'acide marin, que, jufqu'à M, Margraff, on les avoit con- fondus. IL eft vrai qu’on devroit trouver de l’acide phofphorique dans les minéraux. On fait qu'il eft très - abondant dans les os de plufieurs ani- maux. L’analogie doit faire préfumer qu'il eft également dans ceux des autres & dans les coquillès. Or, les terres & les pierres calcaires contien- vent une quantité prodigieufe de ces débris ; mais il faut qu'il fe décom- (1)'M. dé Bomare, pour lever toutes les difficultés qu'apportent à ces expériences les vire qui s'élèvent dans les villes & les plaines , écant fur les montagnes du Dav- phiné, s’eft afluré de la préfence de l'acide vitriolique dans l’atmofphère. Tome XVII, Part. 1,1781. AVRIL. Kk 2 262 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pole & foit volatilifé : car, dans les analyfesqu’on a faites de ces fubftances, on n'en a jamais retiré ; on n'en a trouvé que dans Les os fofliles. Les alkalis, jufqu'ici, n’ont point été reconnus dans les produétions du règne minéral ; ils y exiftent cependant, puifqu'outre le fel gemme , qui eft fi abondant, beaucoup d’eaux minérales donnent du fel de Glau- ber. Ces fels ont pour bafe de lalkali marin : l'aphro-natrum , ou fel mu- ral, eft ce même alkali marin. L’alkali volatil eft très-abondant dans les bitumes , & fe trouve quelquefois dans les produétions des volcans fous forme de fel ammoniac, parce qu'il a été dégagé de ces mêmes bitumes. On le rencontre encore dans quelques pierres ( celui du tartre ne fe ren- contre dans aucun minéral ). Il fe pourroit donc que ces alkalis , fur-tout le marin, fuflent combinés dans quelques pierres, particulièrement Les calcaires ; car il paroît qu'il y a du natrum dans les os qu’elles contien- nent : peut-être en trouvera-t-on aufli dans les coquilles. M. Rouelle en à trouvé dans prefque tous les produits animaux qu'il a examinés ; & ce fel paroîc aflez fixe pour ne point fe détruire. Cependant, dans les analyfes des terres & pierres calcaires, on n'a jamais retiré de cet alkali. Atten- dons donc des lumières ultérieures pour nous décider; & fi ces fels onc part aux grands phénomènes de la Nature, on les claflera à leur place. Les gas alkalins ne paroiflent non plus entrer pour rien dans les produétions minérales. On demandera encore comment chaque efpèce de terre & de pierre a été féparée des autres. Là, on trouve les couches granitiques; ailleurs , les fchifteufes ; ici, les calcaires; dans un autre endroit, les gypfes. C’eft une fuite des loix de la cryftallifation, qui ne confond jamais fes différens produits. Si nous, faifons cryftallifer dans la même bafline différens fels, chacun cryftallife à part, Nous obfervons la même chofe dans les belles cryftallifations minérales ; un même morceau nous préfente quelquefois des: quartz , des fpaths & diverfes mines métalliques cryftallifés enfemble , mais chacun d’une manière très-diftinéte , & ne {e confondant point. De même, dans la cryftallifation des grandes maffes , la Nature, toujours une, dé: pofe ici les matières calcaires; ailleurs, les fchifteufes; dans un autre en- droit , les plâtres; plus loin, les quartz & les granits, Toute la furface de la terre a donc été travaillée par les eaux de la mer à une profondeur plus ou moins confidérable. Ces mêmes eaux ont dif- fous toutes ces matières , les ont dépofées chacune féparément , &elles ont cryftallifé de diverfes manières. On convient aflez généralement que les couches calcaires, les fchyfteufes & les gypfes ont été produites par les eaux. Mais il n’en eft pas de même des granits, que, jufqu'à ces derniers temps, on avoit défignés fous le nom de montagnes primitives. Beaucoup d'Auteurs commencent néanmoins à les regarder. comme formées par les eaux. On trouve beaucoup de pierre calcaire au milieu des granits. J'en ai vu en beaucoup d'endroits des montagnes du Beaujolois, fur- tout à SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 263 Thizy. On trouve aufli du granit au milieu des tra@us calcaires. Mais ce qui eft plus déciff, c'eft qu'on rencontre du calcaire au-deffous du gra- nit. M. le Chevalier de Lamanon m'a dit, depuis long-temps, en avoir trouvé dans les montagnes de Provence; & M. l'Abbé Giraud - Soulavie en cite en plufieurs endroits dans fon Hiftoire intéreffante de la France Méridionale. JL eft vrai qu'ordinairement il n’y a point de coquilles ni de débris d'animaux ou végétaux dans les granits. On ne peut à douter que les granits , compolés de quartz , feld-fpath, mica, fchorl, &c., aient été diffous dans les eaux ; & toutes ces fubftances fe font précipitées enfemble, & fans fe féparer, parce que , peut - être, demandent - elles beaucoup d’eau pour cryftallifer : la partie quartzeufe , diffoute par l'acide fpathique, fe précipite promptement. Je ne parle point des birumes : l'huile & l'alkali volatil qu'on en tire , les impreflions végétales qu'on y rencontre, ne permettent pas de douter que leur origine ne foit de for- mation fecondaire par les eaux , & leur cryftallifation eft très-marquée. Comment la mer aura t-elle pu remuer ainfi toute la maffe de nos mon- tagnes? Je crois, avec l’Auteur des Effais fur les Principes de la Philo{ophie Naturelle, que c’eft par une fuite du tranfport de fes eaux des pôles à l'équateur , & de l'équateur aux pôles. Elles diflolvent les terres & les pierres fur telle côte qu'elles rongent, & vont les dépofer ailleurs. La force centrifuge, dit - il, dans les premiers temps, a dü être plus con- fidérable qu'elle n’eft aujourd’hui, la rotation de la terre plus accéle- rée(1); & par conféquent les eaux plus élevées fous la zône Forride, puifque l'équateur fe trouve beaucoup plus élevé qu'il ne devroit être, fuivant la théorie des forces centrales : car les mefures des Académiciens François ont donné la différence des deux axes beaucoup plus confidé- rable que la théorie ne l’avoit donnée à Newton. Certe force a enfuite diminué par une caufe quelconque ; les eaux ont coulé vers les pôles : maintenant elle augmente de nouveau ; les eaux fe portent à l'équateur ; toutes ces contrées font inondées par les mers , comme l'annonce le nom- bre prodigieux d'ifles qu'on y remarque, tandis qu'elles abandonnent le Nord. La mer Baltique , fur laquelle on a des obfervations plus exactes , baifle confidérablement ; un jour l'Amérique Septentrionale pourra com- muniquer avec notre continent. En même temps l’obliquité de l'écliptique diminue , & il fe rapproche de l'équateur. Peut-être un jour ces deux cer- cles fe confondront:ls ; & pour lors, la chaleur fera aflez confidérable dans les zônes glaciales, pour que les animaux & les végétaux du Midi puiffent y fubfifter , comme ils l'ont fait dans des temps très-reculés , . . Autrement, comment expliquer la formation des grandes montagnes qui (1) Idées qu’on retrouve dans l’intéreffant Ouvrage que viennent de donner MM. Je Baron de Mariverz & Gouflier , far La lhyfique du Monde. 264 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, font fi élevées au-deflus du niveau de la mer, à moins que de dire qu’elles ont couvert ces montagnes, & d'admettre une diminution quelconque dans fes eaux? ce qui ne pourroit fatisfaire à tous les phénomènes , expli- quer comment les productions du Midi fe trouvent au Nord, l'éléphant, Thippopotame au Canada . . . elles font les conjectures qu’on peut hafarder. Mais que nous fommes éloignés d’avoir des notions juftes fur la nature de notre globe ! Le fluide électrique dont nous le voyons tout imprégné, & qui fe manifefte de toutes parts dans les éruptions des volcans, dans les aurores boréales , le magnétique qui fe porte principalement au Nord, le phlogiftique, les gas , les moffetes , qu’on rencontre par-tout dans l'intérieur du globe , & qui s'en échappent de tous côtés, tous ces fluides fi puiffans entrent pour plus qu'on ne penfe communément dans les phénomènes fouterreins de notre habitation. Ils'en font certainement les grands agens , comme nous le prouverons plus au long, & auxquels on n'a pas encore aflez fait d’at- tention. Leur préfence nous y annonce ure organifation intérieure, vrai- femblablement bien différente de celle qu’on lui a attribuée jufqu'ici. Toutes Les fubftances que nous découvrons dans la partie du globe où nous avons pénétré étant cryftallifées, l’analogie nous doit faire préfumer que celles qui font à de plus grandes profondeurs le font aufli, & que tout Le globe a été formé entièrement par la cryftallifation des premiers élémens que nous connoiflons, l’eau, la terre, l'air & le feu, & peut- être d’autres qui nous font inconnus (1). Mais nous avons vu que la cryf- tallifation exige une diffolution ; que le feu eft Le premier principe de toute fluidité ; que tout a été diflous & cryftallifé par l'eau. IL faut donc que, dans ces premiers momens, le feu ait été aflez aftif pour tenir en diffolution l'air, & fur-tout l’eau, qui, autrement, fe feroient congelés. Ces trois élémens s'unirent, fe combinèrent pour former les différens gas, fur-tout le méphitique & les acides. Il paroît , par les phénomènes que nous avons expofés plus haut, que ce furent les acides vitriolique & marin qui furent d’abord produits. Les eaux , animées par ces agens , ont diflous la partie terreufe avec laquelle elles ont contratté union. Tous ces principes , ainfi combinés , ont cryftailifé : une partie a produit les pierres, l'autre les fubftances métalliques; les unes & les autres fe dépo- sèrenc féparément , fuivant les loix de la cryftallifation. Cependant il de- meura une portion métallique , fur - tout ferrugineufe , confondue avec les pierres; car elles en contiennent toutes. Le foufre fut produit en même temps par l'union de l'acide vitriolique & du phlogiftique ; l'arfénic le fut également ( peut-être ce dernier eft - il le produit de la combinaifon de l'acide marin uni au phlosiftique ou fluide éleétrique , ce qui lui donne {1) Comme je l'ai dir dans mes Vyes Phyfiologiques, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 26$ l'odeur d'ail, & d’une terré métallique dont on n’a pu encore, jufqu'ici, le dépouiller : en forte qu'il feroit un fel métallique avec excès d'acide, comme le fublimé corroff). Ces deux fubftances, l'arfénic & le foufre, minéralisèrent les métaux , les pyrites, & les firent cryftallifer. Les pierres cryltallisèrent aufli dans le même moment : ce furent, vraifémblablement, des quartz , des jafpes, des granits, &c. Il ne pouvoit y avoir de’pierres coquillières , puifque les coquilles n'exiftoient pas encore. La partie des eaux, qui na pas été combinée dans la cryftallifation, & qui n’eft pas reftée dans l'intérieur du globe, a été dépofée à fa furface pour former les mers, qui furent bientôt agitées des mouvemens dont nous avons parlé, & de celui des marées. ; Toutes ces matières, lors de leurs cryftallifarions, étoient pourvues d'un degré de chaleur aflez confidérable pour que l'eau ne fe congelàt point, comme nous venons de le dire. C'eft ce qui a produit la chaleur centrale, qui eft de quelques degrés au-deflus de la congélation (1). Les feux fouterreins, produits par la décompofition & l'inammation des pyrites & des bitumes , entretiennent à un certain point, où même aug- mentent cette chaleur première : peut-être diminue-t-elle, La même analogie nous doit faire foupçonner qu'ainfi que la terre, les planètes , les comètes , Les foleils ont été produits par la même crvftal- lifation des premiers élémens. L’éther a été le fluide dans lequel fe fons opérées toutes ces cryftallifations, MÉMOIRE Sur le Caoutchouc, connu fous le nom de Gomme élaftique (2). Par M. BERNIARD. Ava NT le voyage des Académiciens au Pérou , on n’avoit que quel- ques notions imparfaites fur la gomme élaftique ; on en voyoit feulement dep petits ouvrages dans les cabinets des Curieux : mais M, de la Condamine, à la fagacité duquel rien n'échappoit, en traverfant la Pro- vince des. Emeraudes pour fe rendre à Quito , ayant trouvé l'arbre qui (1) Dans les caves de l'Obfervatoire de Paris, le thermomètre fe fourient conftam— ment à 10° enviren au-deflus de zéro ; & il paroïit que c’eft la rempérature moyenne des lieux où Pon’eft defcendu. (2) J'emploicrai le nom de gomme élaftique , comme le plus généralement reçu. 266 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, produit cette fubftance fingulière, prit tous les renfeignemens néceflaires concernant l’ufage qu'en font les naturels du Pays; & très-peu après fon arrivée à Quito, en 1736, il envoya à l’Académie Royale LE Sciences la xelation fuivante. « I] croît dans les forêts de [a Province d'Efmeraldas un arbre appellé » par les naturels du Pays hhévé ; il en découle, par la feule inciñon, » une réfine blanche comme du lait : on la reçoit au pied de l'arbre fur » des feuilles qu'on étend exprès; on l’expofe enfüuite au foleil, où elle » fe durcit & {e brunit d’abord extérieurement, & enfuire en-dedans. On. » en fait des lambeaux d'un pouce & demi de diamètre fur deux pieds » de long ; on les enveloppe d'uñe double feuflle de bananier ou de bihhao » (bixao ), pour la contenir quand elle eft liquide & enflammée. Les » lambeaux, ainfi préparés, s'allument fans mêche , & ne coulent point » quand ils font en place. Ils ont un peu d'odeur, mais qui n’eft nulle- >» ment défagréable. Leur lumière efttrès-vive ; & une moitié de flambeau, » préparé comme je l'ai dit, dure environ douze heures. J'ai appris, » depuis mon arrivée à Quito , que l'arbre d’où diftille cette matière croît » aufli fur les bords de la rivière des Amazones, & que les Indiens Maïnas > la nomment caoutchouc. Ils en couvrent des moules de terre de la forme » d’une bouteille ; ils caffent le moule quand la réfine eft durcie. Ces » bouteilles font plus légères que fi elles éroient de verre, & ne font point » fujettes à fe cafler ». Lorfque M. de la Condamine traverfa l'Amérique méridionale , en def- cendant la riviere des Æmazones , il étoit fi occupé d’obfervations aftro- nomiques, de détails topographiques, & de tout ce qui pouvoit contri- buer à la perfection de la carte qu'il levoit du cours de ce fleuve, qu'il ne lui fut pas pofhble de donner aux recherches d'Hiftoire Naturelle tout le temps qu'il auroit defiré. D'ailleurs , il étoit d'autant plus tranquille à cet égard, qu'il avoit fur qui fe repofer de ce foin en la perfonne de Dom Pedro Maldonado , fon Compagnon de voyage, que fon goût & fes lumières rendoient propre à tout. Comme il étoit arrivé de Laguna , chef-lieu des Mifions FR EEnoles , un mois avant M. de La Condamine , il s’étoit appliqué à s’'inftruire, à l’aide des Miffionnaires & Indiens dont il entendoit la langue, fur les divers ufages de ces Nations. Chez les Omagnas , & fur-tout à Para, où ils firent un affez long féjour, M. Wal- donado porta particulièrement fon attention fur la gomme élaftique , à recueillir tout ce qu'il pourroit apprendre à ce fujer, & fur la manière de la préparer, avec d'autant plus d’ardeur , qu'il étoit Gouverneur de Ja Province d'Efimeraldas , où cette matière étoitcommune , & où l’on nes'en fervoit guère qu'à faire des flambeaux. Les recherches de ce Savant fur le caoutchouc devoient , fans contredit, faire un des articles les plus intéreffans de fes Mémoires, qu'une mort prématurée empêcha de mettre en ordre & de publier : fes papiers de reftés SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 267 reftés à Paris chez un de fes Compauriotes, furent remis à M. l'Ambaf- fadeur d'Efpagne par ordre de S. M.C,, fans que M. de la Condamine eût pa en avoir communication; & comme ce dernier n'avoit écrit aucun détail fur l'arbre qui produit le caoutchouc , il prit le parti de: demander de nouvelles inflructions au Para. Telles étoient les connoïflances qu’on avoit pu avoir fur la gomme élaftique jufqu'en 1751 , lorfque M. de la Condamine fit part à l'Aca- démie d’un Mémoire qu'il venoit de recevoir fur cet fujet de M. Frefnau, Chevalier de l'Ordre de Saint Louis, Ingénieur à Cayenne, où il avoit paflé quatorze ans : après de longues recherches , il avoit enfin découvert dans cette Colonie l'arbre qui produit le caoutchouc ; après s'être informé foigneufement des Indiens du Para de la manière dont ils lemployoient , il fit lui-même des expériences qui eurent le plus heureux fuccès. Les différens ouvrages de gomme élaftique , apportés en différens temps à Cayenne par les Indiens du Para, avoient donné envie à M. Frefnau de connoître l'arbre qui produit cette fubftance fingulière. On prérendoit qu'il ne fe trouvoit que fur la rivière des Amazones ; mais le fol de Cayenne étant fertile en produtions femblables à celles des bords de cette rivière, M. Frefnau ne douta point qu'avec d’exactes recherches, on ne parvint à découvrir cet arbre dans l'intérieur de la Colonie qu'il habitoit. En con- féquence, il intéreffa plufeurs Indiens par des petits préfens de mercerie , & fur-tout par de leau-de-vie, qui éroit encore plus de leur goût; mais ayant été la dupe des efpérances que quelques - uns d’eux lui avoient données , il forma le projet de faire lui-mème des effais, en mêlant le fuc laiteux d’un grand nombre d'arbres du Pays , dont les uns trop liquides pour faire corps, les autres extrêmement gras, mais plus fecs , étoient inaliables avec d'autres de même nature. Il apperçut cependant qu’en mêlant le fuc laiteux du mapa avec une égale quantité de fuc du figuier fauvage, on parvenoit à faire une efpèce de courroïe ou de femelle femblabie à du cuir. M. Frefhau n’a point donné la defcription de l'arbre mapa, que ceux du Para nomment amapa, parce que, dit-il, cet arbre eft fort connu & fort commun. Il a dit feulement que c'eft un arbre qui vient très- haut & fort gros, fans être branchu ; que fon écorce eft lifle, & que fa feuille reffemble affez à celle du tilleul de Hollande, hors qu’elle eft un peu plus large. Parmi divers arbres de La Guiane, dont M. Frefnau donne la defcrip- tion (1), on remarque le figuier fauvage, que les Portucais nomment grande comacaï : cet arbre eft extrèmement gros. M. Frefnau en a vu (1) Mémoires de l'Académie Royale des Sciences , p. 324 ; an. 1751. Tome XVII, Part. I.1781. AVRIL. L1 268 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qui , fur dix-huit pieds de hauteur , avoient vingt-quatre pieds de circon- férence. Ses branches tortues s'étendent au loin; il reflemble aflez aux chênes, qui viennent feuls & ifolés dans la Campagne. Son écorce eft raboteufe ; il eft entouré & foutenu d’une douzaine de fortes racines, qui reflemblent à des arcs - boutans. La feuille eft rude & épaifle ; elle a cinq à fix pouces de long fur environ trois de large : elle forme à fa queue un cœur, comme beaucoup d’autres feuilles. Le fuit de cet arbre reflemble à certaines figues rondes d'Europe , mais il eft plus dur; il a la peau unie, & il eft rempli de petites graines. Lorfqu'il eft muür , il tombe en fi grande abondarce, au premier vent , que le terrein en eft couvert à plufieurs toifes aux environs. Il fait du bruit quand on l’écrafe en marchant, & s'attache aux pieds par un lait glutineux, femblable à celui que contiennent l'écorce & les racines. M. Frefhau a obfervé que le fuc de ce figuier fauvage s'allie encore mieux avec le fuc d’une efpèce de poirier, dont il donne la defcription, qu'avec Le fuc du mapa. Du mêlange de deux parties de fuc laiteux de ce poirier, que les Portugais nomment au Para, couma , avec trois parties du luc de comacai ou figuier fauvage, il en a obtenu une efpèce de cuir plus païfait que celui dont j'ai déjà parlé, qui fe fait en mêlant parties égales du fuc de ce même figuier & celui du mapa. M. Frefnau a découvert un autre arbre dont le fuc laiteux s'épaifli fans aucun mélange , & qui a beaucoup de rapport à celui qui donne la gomme élaftique. Cet arbre , qui eft très-rare dars la Guiane, n'eft connu fous aucun nom ni des Habitans ni des Nègres de Cayenne (1). Les Indiens Portugais, de qui M. Frefnau s’eft informé s'ils le connoïfloient , ne lui ont point appris le nom que lui donnent les naturels du Pays dans leur langue, mais feulement qu'il étoit connu au Pura fous le nom de pao-comprido , qui veut dire, en Portugais, bois-long. Cet arbre , en effet, d’après la defcriprion qu'en donne M. Frefnau, eft extrêmement haut, de groffeur proportionnée , fans branche autour de fa tige, avec une belle tête ronde & de petites racines. Il abonde en fuc laiteux , qu'on dit être corrofif & dangereux pour les yeux, s’il en rejaillit deffus, lorfqu’on entaille le tronc. La feuille de cet arbre eft pointue, tant à fa queue qu'à fon autre extrémité, lifle en-dedans & rude en-dehors, de couleur verd-clair tirant fur le jaune. Le fruit de cet arbre eft long & gros à-peu-près comme le _ petit doigt ; quand il eft mûr , il eft jaune : fon noyau eft fort long & dur. On mange de ce fruit, qui eft doux & agréable au goût. Les expériences que fic M. Frefnau fur te fuc laiteux de cet arbre ; achevèrent de le convaincre qu'il pourroit trouver dans les bois des envi- (1) I y a cout lieu de croire que c’eft le pro-xiringu des Portmgais. » 45 2 5, LL SUR L'HIST'NATURE LLENET LES ARTS. -269 zons de Cayenne un arbre dont la sève laireufe fit cette fubftance élafti- : Mg que M. de la Condamine avoit décrite dans fa relation de la rivière es Amagones. En conféquence , M. Frefnau, doué d’une fagacité éton- pante , & à qui cette découverte tenoit fort à cœur, réfoluc de prendre toutes les informations des premiers Indiens qu'il trouveroit. Le hafard lui ayant fait rencontrer des Indiens Nouragues, fagitifs des MifMions Por- tugaifes qui réfident à Mayacaré, il invita ces Sauvages à entrer chez lui, & les régala d'eau-de-vie. Après diverfes queltions , il leur demanda s'ils connoifloient l'arbre avec le fuc duquel les Portugais faifoient des feringues & d’autres ouvrages qu'il leur montra. Ils lui dirent qu'il y avoit chez eux beaucoup. d'arbres d’où couloit la gomme élaflique qu'il cherchoit. Pour lors, il les engagea à imiter avec de la terre glaife le fruit de cet arbre qu'ils connoïfloient fi bien. Les Nouragues lui don- nèrent donc en terre la forme d’un fruit trianguloire , qui devoit ren- fermer trois amandes que produit l'arbre qui donne la gomme élaftique, que les Portugais appellent pao-xiringa ( bois-feringue) , & qui fe nomme a Quito, caoutchouc. Muni de ces renfeignemens, M. Frefnau ne douta plus de la réulite de fes recherches aux environs de Cayenne. Il s'occupa donc aufli-tôt à faire plufieurs modèles du fruit de l’arbre-feringue , qu'il diftribua aux Nègres chaffeurs, les plus intelligens , qu'il envoya Fe différens quartiers de la Colonie. Peu de temps après, il eut la farisfation d'apprendre que le fieur Mérigot , demeurant à Aprouague , y avoit dé- couvert un pied de l'arbre dont il lui avoit envoyé le fruit modélé, en le priant de faire des recherches. | À peine M. Frefnau eut-il appris cette découverte, qu'il brüla d'envie de fe fatisfaire par fes propres yeux; en conféquence, il pria M. d'Or- villiers, Gouverneur de la Colonie , de lui accorder un canot, aux frais du Roi, pour fe rendre auprès du fieur Mérigot. Le Gouverneur fe préta de la meilleure volonté à fes vues; & pour rendre fon voyage double- ment utile , il le chargea de lever la carre de la rivière d'Aprouague & de celles qu'il remonteroit. Le jour même qu'il arriva à Aprouague, il vit l'arbre qu'il cherchoit; & du fuc qui en Le , il enduifit quel- sp ouvrages de carton qu'il avoit apportés avec lui de Cayenne. Le len- emain , il remonta la rivière Mataruni, où il avoit appris qu'il y avoit une grande quantité de ces arbres. Il montra aux Sauvages CoufJaris le fruit de l'efpèce d'arbre qu'il defiroit tant voir multiplié , & leur fit de- mander s'il y en avoit aux environs de chez eux: ils répondirent quil ÿ en avoit beaucoup. Aufli-tôt il envoya fes Indiens Nouragues reconnoître les lieux. Ceux-ci lui ayant appris qu'un nombre infini de ces arbres bor- doient des deux côtés la rivière Mataruni, il en fit entailler plufieurs pour tirer Le fuc laiteux. Ce fuc fe trouva fi épais , qu'il ne put en ra- mafler , pendant fix jouts qu'il pafla chez les Couffaris, qu'une petite quan- Tome XVII, Part. I.1781. AVRIL. Lie 270 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tité, dont il fit une paire de bottes & autres petits ouvrages, comme fe- ringue, boules élaitiques & bracelets, à l'imication des Habitans du Para. Je penfe qu'avant de pafler aux ufages de l'arbre - feringue & de fon fruit, il eft à propos de donner la defcription de cet arbre telle que M.Fref- nau l’a décrit dans fon Mémoire, « L'arbre - feringue * (ainfi nommé par les Portugais du Para, hhéyé >» par les. Habitans de la Province d'Efmeraldas, & caoutchouc chez les » Maïnas ) eft fort haut, très-droit, ayant une petite tère, & fans autres » branches dans toute fa longueur. Les plus gros dans la Guiane n'ont >» guère que deux pieds de diamètre, & routes leurs racines font en terre. » Son tronc eft plus gros vers fa bafe, & écailleux à - peu - près comme » une pomme de pin; la feuille reflemble aflez à celle du manioc, c'eft- »a-dire, qu’elle eft compofée de plufeurs feuilles de grandeur inégale, » portées fur la même queue, tantôt au nombre-de cinq, tantôt de 5 quatre, & plus ordinairement de trois. Les plus grandes feuilles, qui » occupent le centre, ont environ trois pouces de longueur & trois quarts » de pouce de largeur ; elles font d’un verd-clair en- deflus , & plus pâles > en-deffous. » Le fruit de cet arbre eft une coque triangulaire, femblable par fa > figure au fruit du ricin ou palma Chriffi , mais il eft beaucoup plus gros. » La fubftance de la coque eft épaifle & ligneufe ; cette coque a trois » loges, qui renferment chacune une feule femence ovale & de couleur » brune, où fe trouve une amande», Avant de pafler à lanalyfe chymique de la gomme élaffique , je dois dire un mot des préparations qu'elle a fubies par les naturels du Pays d'où elle nous vient, afin que le Lecteur puifle juger fi les conféquences que j'en tire à la fin de ce Mémoire font bien ou mal fondées. On commence par laver le pied de l'arbre; enfuite on fait , avec une ferpe , des incifions en long, mais un peu en biais, qui doivent pénétrer toute l’épaiffeur de l'écorce , ayant attention de les faire les unes fur ies autres , en forte que ce qui fort de lincifion d’en-haut tombe dans celle qui eft au-deflous , & ainfi de fuite jufqu'à la dernière , au bas de laquelle on met une feuille de balifier ou autre femblable, que l’on fait tenir avec de la terre glaife pour conduire le fuc dans un vafe qui eft au pied de l'arbre. Pour employer le fuc laiteux des divers arbres dont a fair mention M, Frefnau , on fait un moule de terre glaife, felon ce qu'on a deflein de former; & pour le tenir plus commodément , on enfonce un morceau de bois dans l'endroit qui ne doit point être enduit de fuc laiteux. C'est 2 2 * C'eft M. Frefnau qui parle. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 291 ainfi qu'on conferve dans ces ouvrages une ouverture par laquelle on fait fortir enfuite la terre glaife, en y introduifant de l’eau pour la délayer, Un moule étant ainfi préparé , on lenduit de fuc laiteux avec les doigts, ou bien avec un pinceau ; après quoi, on expofe cet enduit fur une funtée épaifle, où l’ardeur du feu fe fait peu fentir, en tournant de temps en temps, pour que le fuc fe répande également fur le moule, & prenant bien garde que la flamme ne l'atteigne pas. Dès qu'on voit une couleur brunâtre, & que le doigt ne s'attache plus à ce premier enduit, on met une feconde couche qu'on traite de même, & ainfi des autres, jufqu'à ce qu'on juge qu'il y a aflez d’épaifleur; & alors, on tient la matière plus long-temps fur le feu, afin d'en faire évaporer toute l'hu- midité. Avec ces différens fucs & de la toile, on pourroit faire des prelats(1), des manches de pompe, des habits de plongeur, des outres, des facs pour enfermer du bifcuit en voyage , en un mot toute efpèce de toiles impénétrables à l'eau, & qu'on pourroit plier à volonté. C'eit ainfi que M. de la Condamine, dans fon voyage au Pérou, fit enduire un gros canevas taillé pour fervir fur tout à un quart de cercle d2 trois pi-ds de rayon; ce qui lui donnoit La facilité de laifer lisftrument, monté fur fon pied, à l'abri de la pluie & de la neige. Le plus grand ufage ceperdant qu'on ait fait jufqu’à préfent de la gomme élaftique, fe réduit à des bou- teilles en‘forme de poire , au goulot defqueiles 1+s Omaguas atrachent une canule de bois; &, par ce moyen, ces bouteilles deviennent de vérita- bles feringues, M. de la Condamine dit que ce feroit chez eux une efpèce d’impolitefle de manquer à préfenter avant le repas, à chacun de ceux vi Jon a priés à manger, un pareil inftrument rempli d'eau chaude , uquel il ne manque pas de faire ufage avant de fe mettre à table. C'eft cette fingulière coutume qui a fait nommer par les Portugais l'arbre qui produit cette fubitance, pao-xiringa ou bois-feringue. * M: Frefhau dit que les ouvrages nouvellement fabriqués , & approchés les uns des autres, fe collent pour peu qu'ils fe touchent; mais qu'il a trouvé le moyen d'empêcher cette union, & de donner fur le champ à la gomme élaftique la couleur brune qu’elle n'acquiert qu'à la longue. Il fuffit pour cela, dit-il , de frotter l’enduit frais avec du blanc d'Efpagne , de la cendre où même de la pouflière. Il refte à faire connoître la propriété des fucs de différens arbres dort M. Frefnau a donné la defcription. Le mêlange du mapa avec le figuier fauvage fait une efpèce de cuir non élaftique ; qui peut fervir à toute forte d'ouvrages, pourvu qu'ils ne foient pas expolés au feu & à la trop grande (1) Toile grafle dont on couvre furles faifeaux , en temps de pluie , les rreillages qui donnent du jour à l’entre-pont, 272 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ardeur du foleil : cette matière eft impénétrable à l’eau, & peut par con- féquent être utile. Le comacai, mêlé avec le poirier de la Guiane, fait une autre efpèce de cuir plus parfait, fans cependant être élaftique : il eft également impénétrable à l'eau. Le fuc laireux du pao-comprido ou du bois-long, outre qu'il eft impé- nétrable à l’eau , comme les deux précédens , a de plus l’avantage , que la chaleur, quelque grande qu'elle foit, ne l'amollit point , & que le froid ne le gèle point : mais il n’eft prefque pas élaftique ; fa couleur naturelle eft la couleur de chair. Les ouvrages du fuc laiteux de l’arbre-feringue , quoique {enfbles à la moindre gelée , furpaflent infiniment les autres : aufli les Portugais l'em- ploient-ils feul. Il a de plus la propriété de s'attacher fur tout & beau- coup plus intimément que les autres fucs. L’ardeur du foleil n’y fair au- cune impreflion; l’eau ne peut le pénétrer , quand mème il n’y auroit que quelques couches d’enduit fur quelque matière que ce foit. M. Frefnau ne s’en eft pas tenu aux recherches précédentes : il a eflayé plufeurs moyens de diffoudre le caoutchouc ; il eft parvenu à cette diflo- lution, en le mêlant avec l'huile de noix, & le tenant long - temps en digeftion fur les cendres chaudes ou à un bain de fable doux. D'après les inftructions de cet Obfervateur exat, M. Macquer, en- couragé par M. Bertin, Miniftre d'Etat, s’'occupa à connoître cette fubf- tance par l’analyfe chÿmique , pour voir fi elle pourroit être employée avec quelque fuccès dans les Arts. En confuitant les Volumes de l’Académie Royale des Sciences pour l’année 1368, on y trouvera un Mémoire fort intéreffant de cet Académicien , contenant une fuite d'expériences très- curieufes , & faites pour fixer l'attention des Chymiftes fur une fubf- tance aufli extraordinaire que peu connue; c'eft ce qui me détermina, au commencement de l’année 1780 , à examiner avec route l'attention dont je fuis capable cette même fubltance qui m’a toujours paru la plus fingulière & Ja plus remarquable de toutes les productions du règne vé- gétal. Il n’y a perfonne qui, au premier coup-d'œil, ne prit cette fubftance pour du cuir : elle en a la couleur; comme lui , elle eft extenfible; mais elle a de plus une très-grande élafticité, C'eft cette matière que j'ai foumife aux expériences fuivantes, Comme je rapporterai toutes mes expériences jufqu’à la dernière , fans entrer dans d’autres détails, je prie ceux des Lecteurs à qui cette longue énumération paroîtra ennuyeule, de fufpendre leur jugement avant d’avoir vu les conclulions que je donne à la fin de mon Mémoire. J'ai cru qu'il étoit indifpenfablement néceffaire de fuivre cette marche, afin de par- venir, par gradation, aux connoiflances d'une matière qui femble n’avoir trouvée que pour exciter l’émulation des Phyfciens & des Natura- iftes, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 2; I®%%, Exp. J'ai mis deux gros de gomme élaftique coupée à petits morceaux dans fix onces d’eau froide, que j'ai laiflé macérer pendant la nuit; le lendemain , j'ai trouvé que la gomme avoit blanchi, qu’elle avoit un peu durci, mais qu’elle navoit rien perdu de fon poids : alors j'ai fait bouillir jufqu'à réduétion de deux tiers, fans que pour cela la gomme ait riep perdu ; retirée de l'eau & féchée fur le papier gris, elle a eu fon même poids : elle a confervé toute fa mollefle & fon élaflicité, & au bout de quelques heures , elle a pris fa première couleur. Dans cette expérience , les morceaux de gomme fe font tous aglutinés enfemble, & ont ragé à la furface de l'eau. II. Exp. Demi-gros de cette fubftance , mife à digérer à froid pen- dant fix jours dans un petit matras avec deux onces d’efprit-de-vin rec- tifié , elle n’a rien perdu, l’efprit-de- vin a confervé fa blancheur & fa limpidité ; mêlé avec de l'eau diftillée, il ne s’eft point troublé : mais après quelques minutes d’ébullition, l'efprit. de-vin a pris une petite teinte jaune, qui a augmenté fenfiblement ; quelques gouttes jettées dans l'eau l'ont blanchi. Ici, les morceaux de gomme ne fe font point aglu- - tinés; ils ont conftamment demeurés au fond du matras, que j'ai laiflé en repos dans mon Laboratoire. Après dix à douze jours ne pareille digeftion, ayant voulu voir dans quel état étoit la gomme , je l'ai trouvée entièrement décolorée, & j'ai apperçu que chaque morceau étoit com- pofé de plufieurs feuillets plus ou moins épais, féparés par une ligne noirâtre. Les ayant examinés à la loupe, j'en ai compté vingt-fept; d'où j'ai conclu que c'étoit autant de couches de fuc appliquées fucceflivement les unes fur lesautres, & x la ligne noire n’eft due qu’à la fumée à laquelle chaque couche a été expofée pour lui donner une certaine confiftance avant d'en appliquer une feconde. III Exp. Demi-gros de gomme élaftique, digérée à froid pendant fix jours avec deux onces d’efprit-de-vin alkalifé, n'a pas du tout été altérée; après une demi-heure d'ébullition , le changement n'a pas été notable : mais ayant abandonné ce mêlange pendant cinq à fix mois, la gomme a un peu blanchi, & l'efprit-de-vin S'eft un peu coloré ; les mor- ceaux ont refté aglutinés au fond du matras , fans laiffer appercevoir les feuillets dort j'ai parlé plus haut. Depuis un an que cette digeftion dure , je n'ai pas vu la moindre difiérence. IV. Exp. Quatre onces de liqueur cauftique des Savonniers , digé- rées à froid pendant fix jours fur un gros de gomme élaftique, ne l'ont point altérée fenfiblement, ou, pour mieux dire, point du tour : mais après une demi - heure d'ébullition , la liqueur a exercé fon ation {ur cette matière à-peu-près de la même manière que far les fubftances ani- males ; c’eft-à-dire, qu’elle l'a corrodée & racornie. Dans cette opération, les morceaux ont refté aglutinés à la furface de la liqueur. 274 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, V.Æxp?. Deux onces d'acide vitriolique de javelle , digérées à froid pendant fix jours avec demi-gros degomme , n’ont pas paru l’attaquer fen- fiblement; mais au bout d’une quinzaine de jours, j'ai vu que l’acide fe coloroit. & que cette couleur augmentoit infenfiblement , au point qu'au bout de deux mois, il étoit extrêmement noir, & chaque morceau de gomme refflembloit à un charbon nageant à la furface : alors j'ai féparé la gomme de l'acide, & après l'avoir lavée à plufieurs eaux & féchée, elle n'a pefé que feize grains; il y a eu par conféquent vingt grains dedé- truits par l'acide vitriolique. Cet acide , mis à diftiller dans une petite cornue de verre, a prefque tout pañlé en acide fulfureux volatil; il n'eft refté qu'un enduit noirâtre attaché aux parois de la cornue. VI. Exp. Deux onces d'acide nitreux du commerce , digérées à froid pendant fix jours fur demi-gros de cette matière , ne l'ont pas altérée vifi- blement; mais à la longue, l'acide a agi fur la gomme de la même manière que fur un bouchon de liége, en la rongeant peu-à -peu & la jauniffant. Je n'ai cependant pas pu obtenir une entière diffolution avec cet acide. En froiffant entre les doigts cette fubftance aïinfi jaunie & ron- géc, on la divife très- aifément. L'acide nitreux fumant à la manière de Glauber, détruit très-promptement la gomme élaftique. VII Exp. L'acide marin, traité avec la gomme élaftique , de la même manière que les deux autres acides minéraux, ne l’a point altérée ni à chaud ni à froid. Après deux mois de digeftion, la gomme a con- fervé fa couleur, fon élafticité & fon poids; les morceaux ont toujours été adhérens les uns aux autres, & ont nagé à la furface de la li- queur. VIII Exp. Le vinaigre diftillé, digéré pendant plufieurs fois, foit à froid , foit à chaud, fur la gomme élatique, ne lui a pas fait fubir la moindre altération ; les morceaux ont refté aglutinés au fond de la li- queur. Après avoir effayé inutilement de diffoudre la gomme élaftique avec les menftrues décrits ci d-flus, j'ai eu recours à l’éther, qui a été re- gardé jufqu'’aujourd'hui comme le f:ul diffolvant de cette fubftance dont on puille retirer quelques avantages, Pour cet effet, j'ai opéré comme il fuir, IX. Exp. J'ai mis digérer à froid pendant fix jours dans un flacon de cryftal bien bouché trente-fix grains de gomme élaftique coupée par petits morceaux avec deux onces d’écher no ; ayant foin d’agiter le flacon plufeurs fois dans la journée; mais au bout de ce temps , ayant vu que la gomme fe confervoit telle que je l’avois mife , j'ai expofé le mêlange au foleil du mois de Juin , en laiflant le bouchon du flacon fort Jèche, pour éviter l'explofion lorfque l’éther viendroit à s’échauffer : après plufieurs | | SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 327$ plufieurs heures d’une femblable chaleur à différentes reprifes , l’éther s'eit à la vérité un peu coloré; la gomme a un peu blanchi, mais elle n’a point diminué de volume : ce qui m'a engagé à abandonner à lui-même ce mélange pendant deux mois, fans que pour cela il y ait eu une plus forte diflolution, A cette époque, deux gros d’éther, ainfi macéré avec la gomme, mis dans une petite capfule de verre, s’eft évaporé entière- ment dans l’efpace de dix à douze minutes , fans laiffer fur les parois du verre d'autres marques que fon odeur. Depuis dix mois que dure cette digeftion, je n'ai pas apperçu le moindre changement. Ici , les morceaux de gomme ne font point aglutinés & font reftés au fond de la liqueur. J'avoue que ma furprife a été grande de n'avoir pas pu difloudre [a gomme élaftique dans lécher vitriolique, fur-tout d’après le Mémoire de M. Macquer, dans lequel ce célèbre Chymifte aflure que rien n'eft plus fimple & plus facile que cette diffolution. Cependant comme il a eu foin d’avertir que l’écher ordinaire, même celui qui eft rectifié par la méthode ufitée, ne peuvent point diffoudre cette fubftance , il y a tout lieu de croire que la grande différence qui fe trouve entre fon expérience & le mienne , n'eft due qu’à la différence des éthers que nous avons employés. Quoi qu'il en foit, M. Macquer ne donnant point la formule de fon éther, qu'il fe contente fimplement de dire qu'il faut rectifier à une cha- leur très - douce huit ou dix livres de bon éther ordinaire, & mettre à part les deux premières livres qui paflent dans cette rectification (1 }, je “crois devoir décrire celui que j'ai employé, été ni ne me reproche pas les réticences qui ne font que trop fréquentes en Chymie. J'ai pris quatre livres d'efprit-de-vin bien re&tiñé, que j'ai mêlé avec “autant L'huile de vitriol de javelle dans une cornue de verre, en obfer- vant toutes les précautions qu'exige ce procédé; après y avoir ajufté deux ballons enfilés , j'ai fait bouillir ce mélange jufqu'au moment que l'acide fulfureux fe foit manifefté : & alors, j'ai mis ce premier produit dans un flacon bien bouché, en y ajoutant deux onces d'alkali xe du tartre bien purs vingt-quatre heures après, j'ai remis ce mélange dans une cornue, à laquelle j'ai adapté les deux mêmes ballons, & j'ai donné le plus petit degré de feu pofible. Ayant mis de côté les huit premières onces d’éther qui ont paflé dans cette rectification , je m'en fuis fervi pour difloudre la gomme élaftique ; mais, comme on l'a vu, j'ai été trompé dans mes ef- “pérances. Quel eft donc cet éther qui a fi bien réufli à M. Macquer ? avec quelles proportions l’a-t-il faite je l'ignore. Il y a apparence qu'il a oublié de les donner, & qu'il a paflé tout de fuite à la manière de rectifier , fans faire [LE RE (x) Voyez Mémoires de l'Académie , ann. 1768. Tome XVII, Part, 1, 1781, AVRIL. M m 276 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, attention qu'il omettoit l'opération qui précède ordinairement [a re@tif: cation. , Ayant donc eflayé inutilement de diffoudre la gomme élaftique par le moyen de l'éther vitriolique, j'aitenté cette diflolution avecles éthers nitreux & acéteux. X. Exp. La même quantité de gomme que dans l'expérience pré- cédente, mêlée dans un flacon bien bouché, avec deux onces d’éther ni- treux, fait fans feu à l'appareil de Woulf, a été fenfiblement attaquée dans l'efpace de deux heures ; l’éther a pris une très-belle couleur jaune; ayant laiffé ce mélange pendant la nuit, le lendemain matin j'ai reconnu que chaque morceau de gomme avoit viliblement diminué de volume : alors, j'ai cru qu’en donnant à cet éther une très-douce chaleur, j'accé- lérerois fon ation. J’ai donc expofé le flacon au foleil pendant une heure, en prenant les mêmes précautions pour le bouchon, que j'ai prifes avec l’éther vitriolique, fans que pour cela j'aie vu une différence marquée. J'ai décanté ce premier éther, & j'en ai ajouté de nouveau , toujours à la dofe de deux onces, que j'ai laiflé en digeftion pendant huit jours; l’éther s'étant fortement coloré dans cet intervalle , j'en ai ajouté, pour la troifième fois, deux onces de nouveau, lequel , au bout de douze jours, avoit prefque diflous route la gomme. Après avoir décanté cette troilième macération, j'ai trouvé que la gomme ne pefoit plus que neuf grains: il y a donc eu par conféquent vingt - fept grains d’enlevés par l'éther ni- treux; les morceaux ont conftamment refté ifolés au fond de la liqueur. Malgré la manière dont on vient de voir que fe comporte l’éther ni- treux avec la gomme élaltique , il s’en faut de beaucoup que je le re- garde comme un vrai diffolvant de cette fubftance; je crois au contraire que ce n'eft qu'en la décompofant qu'il l'attaque à-peu-près comme l'acide nitreux, mais beaucoup plus lentement ,en raifon de l’efprit-de-vin quientre dans fa compofition. Tous les Chymiftes connoiflent l’aétion de l'acide nitreux fur une,huile effentielle : ils favent qu'en mélant ces deux fubftances à certaine pro- portion, on obtient de cette combinaifon une vraie réline. Eh bien! en évaporant lentement une diflolution de gomme élaftique dans l’éther nitreux, on obtient une fubftance tranfparente, fiable, d’une très-belle couleur jaune, & totalement foluble dans l’efprit-de-vin; en un mot, qui a tous les caraétères d’une réfine , & qui n’eft point élaftique. Si l'on trempe dans cette diffolution un morceau de taflétas, & qu'on l'expofe à l'air, l’éther s’évapore fur le champ ; & il refte fur le tafferas un enduit très-mince d'une efpèce de vernis tranfparent, qu'on peut aug- menter en appliquant fucceflivement plufieurs couches , ayant attention de Jaifler fécher la première au point qu’elle ne s'attache pas aux doigts avant d'en appliquer une feconde, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 27 XI. Exp. Lagommeélaftique, digérée pendant dix mois dans lécher acéteux, n'a tien fouffert ; les morceaux ont toujours refté aglutinés & fufpendus dans Le milieu de la liqueur; l’éther a feulement pris une très - [épère reinte. Je dirai, ci- après , à quel principe eft due [a petite teinte jaune , que certains menftrues prennent en digérant fur la gomme élaftique. XIL Exp. Ayant mis demi-gros de gomme coupée en petits mor- ceaux dans'un petit matras avec une once d'huile eflentielle de lavande, au bout d’une Rte , j'ai apperçu que la gomme fe gonfloit confi- dérablement : alors j'ai mis le matras fur un bain de fable , que j’ai chaufté jufqu'à ce que je n'aie plus entendu de pétillement, qui n’eft dû qu'à l'eau que contiennent les huiles; une demi-heure après la diffipation de toute l'humidité , la gomme a été entièrement diffoute. J'ai laiflé cette diffolution en repos pendant Ja nuit. Le lendemain, ayant trouvé ma diflolution claire, limpide & un peu filante entre les doigts, j'en ai enduit un morceau de taffetas blanc, que j'ai laiflé expofé à l'air pendant une quinzaine de jours, fans que pour cela il ait féché affez pour ne pas coller aux doigts ; il s'eft confervé au contraire para fort long-temps, & ce n’eft qu'après l'avoir expofé au foleil plufieurs jours, que je fuis parvenu à lui ôter cette onétuofité. Malgré cela , le plus petit feu de charbon le ramollit très-promptement , & le rend par-là hors d'état d’être employé à aucun ufage. XIII Exp. La gomme élaftique, mife à digérer à froid pendant trois heures avec l'huile d'afpic, aux mêmes dofes que dans l'expérience précédente, elle ne s’eft point gonflée : ayant fait bouillir, la diflolution a eu lieu à la vérité, mais avec bien plus de difficulté qu'avec l'huile de lavande; car ce n’eft qu'après plufieurs heures d'ébullition que je fuis arrivé à une entière diflolution. Un taffetas , enduit de cette diflolution, s'eft féché très-promptement, & n’a prefque pas été poifleux. Ces deux dernières expériences m’ayant prefque convaincu que l'unique diffolvant de cette fubftance fi extraordinaire, c'étoit les huiles, je réfolus d'employer l'huile de térébenthine, comme la plus fubrile , la plus atténuée & la moins chère. XIV. ExpP. Demi-once de gomme élaftique, digérée à froid pen- dant la nuit dans quatre onces d'huile de Rae , Set fortement gonflée , fans HT es il y aiteu le moindre fignede diffolution: mais après une heure d’ébullition , la diflolution a été complète; mife à éva- porer enfuite à une forte chaleur jufqu'à réduétion de moitié, elle s'eft épaiflie au point qu'en la mettant entre les doigts, elle filoit confidéra- blement. Un taffetas, enduic de cette diffolution, s’eft féché à la vérité plus-promptement que celui des deux expériences précédentes; mais il n a Tome XVII, Part. I. 1781, AVRIL. Mm 2 »78 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pas moins été poiffeux , par conféquent hoïs d'état d'être employé à aucu ufage. : Voulant m’aflurer dans quelles proportions cette fubftance étoit foluble dans Les huiles , je m’y fuis pris de la manière fuivante. XV. Exp». J'ai mis une once d'huile de térébenthine dans une cap- fule de verre, pofée fur un bain de fable légèrement chauffé ; en ajoutant peu à-peu des morceaux de gomme, & en continuant d'en mettre de nouvelle à mefure que la première fe diffolvoit, je fuis parvenu à diffoudre dans une once d'huile neuf gros de gomme. Cette diflolution a été fore épaifle; ayant tenue enfuite fix heutes à un bain de fable plus chaud pour enlever le plus d'huile qu'il feroit poffible, j'ai obtenu une matière gluante comme de [a poix , mais élaftique , qui ne pefoit plus que douze gros. Quoique ce mélange ait refté fur ma cheminée pendant tout l'hiver, il n’a pas perdu pour cela fon gluant ; ce qui a achevé de me convaincre qu'il étoit impofñlble de tirer quelqu'avantage de la gomme élaftique par le moyen des huiles décrites ci deflus. Je penfe que c’eft ici le moment de donner une expérience qui m'a démontré viliblement deux fubftances diftinétes dans la gomme élaftique, laquelle expérience peut conduire à la connoiffance certaine de cette pro- dudtion. Ayant donc vu qu'il étoit abfolument impoflible de tirer quel- ques avantages des trois diffolurions huileufes que je viens de décrire, j'ai cherché le moyen de retirer la gomme de ces Solutions: pour cet efler, j'ai eu recours à l'efprit-de-vin. XVI. Exp. J'ai mis dans un petit matras une diflolution faite avec demi-gros de gomme élaftique & deux onces d'huile d'afpic, j'y ai ajouté quatre onces d’efprit-de-vin très-rectifié ; d’abord le mélange eft devenu blanc-opaque comme du lait; pre il s’eft éclairci, & il s'eft pré- cipité en flocons une fubftance blanchatre que j'ai prife pour une gomme , laquelle n'étant foluble ni dans l'huile ni dans l'efpric de-vin, fe préci- pitoit. Quoique jufques-là je n’eufle dû faire que de fimples conjectures fur la nature de ce précipité, je lannonçai cependant à M. Darcet comme : une matière que je croycis gommeufe; mais je n'ai pas tardé à me convaincre que j'avois décidé trop vite fur de fimples apparences qui font fi trompeufes en Chymie. Après avoir lavé ce précipité, à plufieurs reprifes, avec de l’efprir-de- vin, & l’ayant Liflé fécher , j'ai verfé deffus de l’eau chaude; aufli - tôt jai vu nager à la furface une huile qui, dans le refroidiffement, a pris une confiftance épaiïfle femblable à de la cire. Ainfi donc cette matière , qu’au premier coup-d'œil j'avois prife pour une gomme, n’eft autre chofe qu’une huile grafle, Jé prie de faire attention aux phénomènes de cette opération, parce rt Tatt} + ne (4 È : ’ SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 279 qu'en les comparant à ce qui fe pafle dans l’analyfe à feu nud, on fera plus à même de prononcer fur la nature d’une fubftance fi bizarre, Ce que lon vient de voir avec l'huile d’afpic a également lieu avec l'huile de lavande & de térébenthine. Je dois obferver que je me fuis afluré, par des expériences, que les huiles que j'ai employées étoient pures. XVII Exp. M. Macquer ayant tenté inutilement de diffoudre la gomme élaftique dans le camphre ; j'ai cru que je parviendrois plus ailé- ment à cette diflolution dans l'huile de camphre (combinaifon du cam- phre avec l'acide -nitreux ); en conféquence , j'ai fait digérer à froid pen- dant huit jours, dans un facon bouché , un gros de gomme avec deux onces d'huile de camphre. Au bout de ce temps, la diflolution a été complète ; elle s’eft confervée claire, ayant une couleur jaune : l'efprit-de- vin, ajouté à cette diflolution , n’y a pas produit le plus petit changement. Alors, voulant favoir ce que j'obriendrois par l'évaporation, j'ai opéré de Le manière fuivante, XVIII Exp, J'ai mis la moitié de cette diffolution dans une capfule de verre que j'ai pofée fur un baïn de fable légèrement échauflé; à peine la liqueur at-elle fenti la chaleur, que le camphre s’eft volatilifé & s'eft fublimé fur les parois de la capfule; après l'entière fublimation du camphre, j'ai trouvé, dans le fond de la capfule , une matière d’uné couleur ambrée , un peu foncée, d’une confiftance affez ferme , prefque pas oluante. Cette matière , ainf rapprochée , fe diflouttrès-bien dans 1 efprit- PTE , avec lequel elle forme une efpèce de vernis d’une très-belle cou- leur , qui pourroit être employé avec fuccès dans Les Arts. Après avoir diflous la gomme élaftique dans les huiles effentielles , je devois naturellement voir fi je réuflirois également avec les huiles par expreflion : c'eft de quoi je vais rendre compte. XIX. Exp. Demi-gros de cette fubftance, digérée à froid pendant plufieurs jours dans un matras avec deux onces d'huile d'olive, n'a pas fouffert la moindre altération; mais ayant fait bouillir le mélange jufqu'à ce qu'il n'y ait plus eu de pétillement, la gomme s’eft parfaitement bien difloute dans l'efpace de quatre heures. Pour éviter les répétitions & abréger un détail qui eft déjà trop long, je ne donnerai qu'un feul exemple des huiles par expreflion. I fuffira de ‘dire que les huiles d'amandes douces, de lin, de noix, de béen, de pa- vot, &c., &c., agiflent fur la gomme élaftique avec plus ou moins d'é- nergie. “Ayant vu dans le Cabinet de M: le Duc de-Chaulnes de petits échantillons d'un demi - pouce cube environ d'une fubftance rougeatre , flexible & élaftique, qu’on dit être la gomme élaftique des Chinois (1), je ne doutai () L’arbre qui produit la gomme élaitique fe rrouyeroit donc également en Chiné, / 2$8o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, : pas que cette couleur ne für artificielle , & qu'on ne parvintà imiter Ja même chofe, en appliquant une couleur quelconque à une diffolution de gomme dans l'huile de térébenthine ; c'eft de-quoi je me fuis occupé dans l'expérience fuivante. XX. Exp. Après avoir defléché , le mieux qu'il m'a été poflible , la diflolution de l'expérience n°, XV, j'ai ajouté une demi - once de cette matière, ainfi rapprochée , vingt-quatre grains de minium porphyrifé (1); & après avoir bien malaxé ce mélange, j'ai obtenu une fubftance parfai- tement reflemblante par la couleur à celle que j'avois vue chez M. le Duc de Chaulnes, beaucoup plus gluante à la vérité, mais très - élaftique. On peut de même donner [a couleur bleue, verte, jaune ; en un mot celle qu'on voudra. J'en ai une teinte en rouge & une en verd, qui pourroient en impofer à bien de gens, fur-tout la verte. XXI. Exp. Ées huiles ne font pas les feuls corps gras qui diffolvent la gomme élaftique 5 je fuis parvenu à la diffoudre dans la cire, avec plus de peine cependant que dans les huiles. Pour cela, il s'agit de faire fon- dre la cire, & de la chauffer jufqu’au point de l'ébullition; au degré de la chaleur, elle diffout la gomme , mais fort lentement : car il a fallu. cinq heures d’une femblable chaleur à deux onces de cire, pour difloudre un demi-gros de gomme. Après avoir traité la gomme élaftique par les diflolvans aqueux, fpi- ritueux , falins & huileux , fans qu'il en foit réfulté aucun avantage pour les Arts, j'ai voulu m'aflurer fi en la ramolliffant à une douce chaleur , il feroit polfible de lui donner telle forme qu'on voudroit; ou bien fi ,en fondant plufieurs morceaux enfemble, on parviendroit à n’en faire qu'un feul; pour cela, je m'y fuis pris de la manière fuivante. XXII Exp. J'ai coupé par morceaux demi-once de cette fubftance; l'ayant expofée dans un bain-marie au degré moyen de l’eau bouillante, je n'ai pas été long-temps à m'appercevoir que ce degré de chaleur n’étoit pas fufhfant pour la fondre; pour lors je l'ai mife dans une grande cuiller d'argent, en la chauffant peu-à-peu à un feu de charbon: à mefure que la cuiller s'eft échauffée, la gomme a noirci, & bientôt après elle s'eft réduite en une efpèce d’huile fort noire & épaifle , en répandant des va- peurs blanches, bre certain d’un commencement de décompofition. Un taffetas, trempé dans cette mätière & expofé à l'air pendant deux mois, a toujours été gras, au point qu'il a été impoñlible de le toucher (x) Je penfe qu’on parviendroit aifément à colorer cette matière au moment qu’elle découle de larbre avec des couleurs tirées du rêgne végétal, qui ne lui ôteroient poing fon élafticire, ) Do. di ES a re ft h à € SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 987 fans qu'il & collât aux doigts; &, depuis un an, il eft toujours dans le mème létat. Après les différentes expériences que je viens de rapporter fur la gomme élaftique , j'ai cru qu'il en teftoit encore une à faire (je veux parler de lanalyfe à feu nud ); pour voir fi les principes qu'elle donneroït pour- roïent la rapprocher de quelques autres produétions connues du règne végétal. . XXIII Exp. J'ai mis dans une cornue de verre une once de gomme élaftique coupée par petits morceaux; j'ai placé la cornue dans un four« neau de réverbère, après y avoir ajufté un ballon percé d’un petit trou : jiai commencé à chauffer très - lentement : il a d'abord pafñlé une très= petite quantité de flegme, enfuite une huile claire, légère, qui seft épaiflie & colorée de plus en plus jufqu'à la fin de l'opération : il a pañé en même temps de l’alkali volatil. Le charbon qui en eft réfulté eft de douze grains , reflemblant parfaitement aux charbons provenant de la dé. compofition des réfines. | Vers la fin de cette opération , l’alkali volatil. s'eft manifefté par le petit trou du ballon: il a paflé en même temps par le bec de la: cornue un jet de vapeurs blanches très-épaifles , qui fe font toujours portées dans la partie inférieure du ballon, comme font les vapeurs des corps huileux ; & fur-tout celles de la diftillation de la cire. Le produit de la diftillation de la gomme élaftique a parfaitement lo- deur d'une huile bitumineufe. Plufieurs Chymiftes, qui ént été à portée de voir dans mon Laboratoire môn travail fur cette fubitance, entr'autres MM..Darcet, Sage , Croharé, &c., &c., à qui j'ai fait fentir ce produit ; fans leur dire ce que c'étoit , ont tous, reconnu: l'odeur de l'analyfe des bitumes, RO ES LE EX T'ON MNS: Œn Éomparant le réfultat de mes expériences avec l’hiftoire raccourcie ‘qué j'ä? donnée de la &ômme élaftique, ‘1 éft aifé dé concevoir que cetre fubftance eft unelefpète d'huile‘brafle particulière; fa grande folubilité dans’tous les corps gras, de quelque nature qu'ils foient, fon infolubilité dans l'eau & dans l'efprit- de- vin, les phénomènes qui fe paffent dans Yexpétience n°XVP,"& dans Panalyfe à feu nud , l'odeur bitumineufe détes produits ; tous ces faits, dis-je, prouvent inconteftablément ce que j'avañce, Mais fr cette matière eft une huile, me dira-c-on, d'où vieñt l’alkali volatil "qu'elle donne dans fon analyfe ? On peut répondre à Cette Gbjeion ; eñ réfléchiflant aux préparations qué cette fubftance a füubies à la forrie de l'arbre qui l'a produire. Oh a vu qu'après avoir enduit un moule de terre d'une couche de ce fac laïteux, on l'expofe à une fumée fort épaifle, pour lui doitier une U 282 *OBSERVATIONS:SUR LA PHYSIQUE ; certaine confiftance ; avant d'en appliquer une feconde, en contintant ainfi d'en appliquer fucceflivement, jufqu'à ce qu'on foit parvenu à lui donner l’épaiffeur qu’on defire. Eh bien ! je penfe que l’alkali volatil qu'on obtient n’eft dû qu'à la fuie produite par la fumée de la combultion des Corps , à laquelle cette fubftance a été expofée pour lui donner Le degré de ficcité & la couleur noirâtre que nous lui voyons , & que ce n'eft qu'à cette fuie qu'eft,due la petite teinte jaune que prennent les menftrues fpiri- tueux , en digérant long temps fur la gomme élaftique. Je fuis fort éloigné de croire qu’en diftillant cette matière à l'inftant qu'elle découle de l'arbre , elle donnât le plus petit arôme d’alkali vo- latil ; j'aurois bien défiré , pour compléter cette analyfe, pouvoir m'en procurer qui n’eût fubi aucune préparation préliminaire : mais l’impofli- bilité où l'on eft d’en trouver de femblable en Europe , a mis des bornes à mesdefirs, & ne m'a laiffé que l’efpoir de voir des Voyageurs , inftruits & encouragés par le Gouvernement de France, nous procurer la gomme élaftique dans ion état primitif, c’eft-à-dire, avant d’avoir fubi aucunes des préparations qui la dénaturent tellement, que fon NE induire en erreur, en la faifant prendre pour une fubftance différente de ce qu'elle a été dans fon origine. Malgré l'attention fcrupuleufe que jai apportée au travail dont je viens de rendre compte, je n'ai point prétendu lui donner le degré de perfection dont il étoit fufceptible ; de telles prétentions d'ailleurs euffent été au- deflus de ines forces, & n'appartiennent qu'à des Chymiltes plus célèbres que moi. Je nai donc eu d'autre but dans cette entreprife ; que de chercher a connoître la nature d’une fubftance fi extraordinaire, & à y découvrir quelques propriétés qui euffent pu la rendre propre à d’autres ufages que ceux auxquels elle a été employée jufqu'’à ce jour : mais, quelques pré- cautions que j'aie prifes pour y parvenir, elles n’ont fervi qu'à me con- vaincre de plus en plus que cette fubftance , telle qu'elle nous arrive de l'Amérique , eft plutôt un produit de l’induftrie humaine, qu'un produit de la Nature; & que ce n'eft par conféquent que fur les, lieux où croif- fent les arbres qui la produifent, qu’on peut fe ES d'en tirer quel ques avantages pour les Arts & pour l’économie domeftique. < En confidérant les différens objets de gomme élaftique, qui. font ap- portés en Europe, on conçoit aifément qu'il feroit poflible de donner à cette matière, lorfqu’elle fort de l'arbre , telle figure qu’on voudroit, & que des toiles ou d’autres étoffes qui en feroient enduites d’une ligne feu- lement d'épaiffeur, pourroient être employées avec fuccès à différens ufages. Il eft à fouhaiter, pour cela, qu'il y ait fur les lieux mêmes un bon Obfervateur, qui fafle des recherches ultérieures qui puiffent étendre nos connoiflances fur cette fubftance ; & ce n’eft que par ce moyen qu'on parviendra à La rendre propre à une infinité d’ufages dont je la crois {uf- ceptible, Je ER SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 283 CP JE viens d'apprendre que M. Richard, homme très-inftruit dant l'Hif. toire Naturelle, principalement dans la Botanique, fe difpofe à partir pour Cayenne : fon voyage peut devenir fort intéreflant pour les Savans. Son zèle & fon amour pour l'étude de la Nature nous promettent les lus grands fuccès. Ce favant Botanifte a bien voulu fe charger de quelques Kocs que je lui ai communiquées fur la manière dont on prépare, fur les lieux, la fubftance fingulière qui fait l'objet de cs Mémoire. Il y a tout lieu de croire que les obfervations qu'il fera dans le cours de fes voyages, étendront nos connoiffances fur une infinité de productions de l'Amérique, & fur lefquelles nous n'avons que des notions imparfaites. Eee RAI T D'UNE LETTRE DE M. L. H. DE MAGELLAN, Membre de la Société Royale de Londres, G d'autres Académies, fur une Pendule peu commune de fon invention (1). Le eft vrai, mon cher ami, que j'ai fait exécuter dernièrement à Londres la pendule dont on vous a parlé, & fur laquelle vous me demandez quelques détails qui vous donnent une idée de fes effets & de fon ufage. Elle eft deftinée pour la chambre de Son Altefle Séréniffime le Duc d'Aremberg à Bruxelles ; c’eft un fervice que j'ai cru pouvoir rendre à ce Prince, ou, s'il m'eft permis de parler ainfi, c’eft une efpèce de monument de mon refpectueux attachement à fa perfonne, & de la reconnoiflance qu'ont gravée dans mon cœur les grandes obligations que j'ai à fon augufte fa- mille. Je cherchois depuis long-temps l’occafion de leur donner de mes fentimens un témoignage plus durable que les fimples proteftations que mon âge déjà avancé ne peut pas permettre de réitérer long -temps. Dès que j'appris que S. A. S. venoit d'avoir Les yeux bleffés à la chafle , & que l'on appréhendoit que ni la Nature ni l'Art ne puflent les rétablir, je conçus le deffein de faire exécuter une pendule qui confervät à ce Prince, autant qu'il étoit poflible, les avantages principaux que l’'Horlogerie procure à chaque moment de la vie civile, fans qu'on ait befoin d'em- (1) Cette pendule a paru d’une fi grande utilité, que nous croyons bien mériter du Public en la faifant connoître. Tome XVII, Part. I. 1781, AVRIL. Na 284 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ployer le fens de la vue pour en jouir, Il.m’a paru d’abord que ce projer nétoit rien moins que difficile à être pratiqué par le moyen de la mé- chañique , aflez connue ,.des horloges & montres à répétition ; mais fa- vouerai franchement qu’il m'a fallu furmonter beaucoup plus de difficultés, & employer bien plus de temps que je n'avois prévu en le concevant. Je me fuis trouvé dans la néceflité de rejetter grand nombre de pièces qui ne remplifloient pas aflez mes vues, pour faire marcher de concert la multiplicité de ces objets avec la fimplicité de cet ouvrage: cela n'obligea à employer fucceflivement différens Artiftes à la méchanique de cette pendule, & par conféquent à en faire traîner aflez long-temps l’exécution; ophthalmie , dont j'ai été accablé plus d’un an & demi , fans que j'en fois encore tout-à-fait guéri, y contribua aufli beaucoup. \ ) A » . 0) LA La s » e # ë> i Peut-être n'a-t-on jamais exécuté une pareille pièce de méchanique , ou du moins elle ne l'a pas été par quelqu'un dont le cœur excitât auffi vivement & aufi conftamment les efforts de lefprit, quoique je ne me fais point du tout occupé de l'enrichir avee des ornemens fuperfus.. Elle n'a ni carrillon ni figures mouvantes, ni autres colifichets pareils dont les Artiftes décorent fouvent leurs ouvrages pour leur attirer les regards. C'eît la fimplicité utile, je crois, de cette pendule qui en fait le mé- rite principal ; & quoiqu'elle contienne DR roues avec le nombre réceflaire de pignons , rochets & d’autres pièces indifpenfables pour pro- duire les effers que je vais indiquer, un Horloger ordinaire, qui poffédera l'intelligence de fon Art, pourra y faire aifément , dans la fuite, toutes és réparations dont elle auroit befoin par quelqu’accident. Cette pendule bat les fecondes, & ne frappe pas feulement les heures comme les pendules ordinaires , & les quarts par des coups redoublés far un timbre différent; elle indique encore , de foi-même & fans Gtre interrogée, les minutes, outre les quarts, en-les frappant fur un autre timbre plus petit que les premiers, défignant chaque trois minutes par ün feul coup ; en forte que deux coups de ce petit timbre/annoncent J'x minutes ; trois coups indiquent neuf minutes , & quatre cotps défignent douÿe minutes. Sur les côtés de la boîte de la pendule, il y a des ape de métal doré , quatre de chaque côté; & au milieu de chaque fleuron fe trouvent fufpendues une ou deux lettres de métal en or moulu ; mais aflez grandes & avec leurs furfaces affez différentes lune de l'autre, pour être facile- - ment reconnues au toucher ; le cordon, au bout duquel chaque lettre eft attachée, communique au rouage deftiné à fon opération particulière : de façon que dans un moment quelconque, une perfonne qui ne veut ou ne peut pas employer, le fens de la vue, reconnoîtra aifémenr , par le tâton- nement, la lettre qu'il faut tirer pour favoir ce qu’elle foubaite relativement aux articles fuivans. Lorfqu'on tirera léoèrement la lettre R, on entendra à l’inftant répcter SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 585 l'heure, le quart & la minute. Veut-on favoir à quel jour de la femaine on eft?il ny a qu'à tirer la lettre J confonne, & la pendule fonnera fur un timbre particulier depuis un coup, qui indique le Dimanche comme premier jour de la femaine, jufqu'à fept, qui défigne le Samedi. Pour favoir le quantième du mois, on tire la lettre Q , dont le cordon de fufpenfon fait frapper fur un autre timbre un nombre de coups qui défigne ce quantième; mais pour éviter la peine de compter jufqu'à trente ou trente-un, elle ne frappe qu'au-delà de neuf coups fimples, & chaque dizaine eft indiquée par un double coup : de façon qu'un coup fimple, füuivi d’un double coup, défigne l'onzième du mois; s'il y a deux coups doubles, cela montre le 21; & s'il y a trois doubles coups, alors ce fera le 31 du mois. Le méchanifme de cette partie de la pendule efttel, uele vrai quantième de Février y fera toujours indiqué, quoique l’année it biffextile , fans qu'il foit néceflaire d'y toucher ou faire quelque chan- gement dans la pendule pour le jour intercalaire. Si lon tire La lettre L, on entend fonner, par la même méthode que je viens d'indiquer, le jour actuel de la lune, La différence qui doit fe trouver entre les nombres de la combinaifon de ce rouage & le vrai intervalle des lunaifons moyennes eft fi petite, qu'il faudroit que cette endule marchät durant cent vingt-quatre ans fans s'arrêter pour qu'il y eût l'erreur d'un feul jour. Je pourrois encore poufler beaucoup plus loin cette exactitude, fi je voulois employer le méchanifme inventé par le fameux M. Mudoe , que le Journal de Phyfique pour l’année 1778 a pu- blié, Tom. IT, pag. 537, d’après une de mes lettres: mais il ne n''étoit pas néceflaire d'obtenir une ne exactitude aux dépens de la fim- plicité que je m'étois propofée dans la conftruétion de cette pendule. A la partie intérieure du cercle des heures dans le cadran de cette pendule, fe trouve une efpèce de foleil de métal en or moulu, qi a douze rayons, & qui peut être mis, en tâtant, à une heure ou demi- heure quelconque où l'on s’eft propofé d’être averti pour faire telle ou telle chofe, ou pour être réveillé ; car fi l'on tourne les rayons à la gauche, ils s’arrêteront à l'heure actuelle : ainfi il n’y a qu'à faire pafler, vers ka droite & pardeffous l'aiguille des heures , autant des mêmes rayons , qu'il en faut pour aller jufqu'à douze , en comptant l'heure défignée ; par exemple quatre, fi l'on veut être averti ou éveillé huic heures après le moment où l’on fe trouve; & alors l'aiguille des heures ne marchera plus que huit heures avant que le lévier du réveil décharge le rocher du marteau qui frappe aflez long-temps dans fon timbre. Auf - tot qu'on aura mis l'avertiffeur , par cette méthode, à l'heure qu'on fouhaite, l’on tirera La lettre À, qui eft fufpendue , comme les autres, au milieu d'un des fleurons latéraux, afin de bander le reflort de l’avertifleur , qui ne -manquera pas de produire fon effer au temps marqué. Cette pendule a l'avantage de marcher en filence, c'eft-à- dire, fans Tome XVII, Part. 1,1781. AVRIL. Nn 2 286 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qu'on entende le bruit de fon échappement à chaque vibration, comme il arrive dans Les pendules ordinaires; ainfi, on peut l'avoir à côté de fon lit, fans en être incommodé la nuit. Néanmoins, cet échappement a. les propriétés de celui inventé par le fameux Graham; c’eft- à-dire, j'ai trouvé Le moyen de l’exécuter à filence, & dans le même temps à repos, fans qu'il y aitle moindre recul. De même, lorfqu'on ne veut pas entendre la fonnerie des heures , quarts & minutes durant un certain temps, par exemple la nuit, on tire la let- tre Î, & toute la fonnerie reftera tranquille; lorfqu'on veut qu’elle re- commence à fonner à fon ordinaire, en tire la lettre S. Si c'éroit feule- ment le petit timbre des minutes qu'on ne voulût pas entendre fi fouvent, on le rendra rranquille, en tirant le petit T; enfuite on fera reparler les minutes , en tirant la lettre M. Tandis qu'on remonte cette pendule, l'aiguille des fecondes continue fa marche fans s'arrêter ni reculer comme à l'ordinaire, parce qu'on y a adapté le méchanifme fimple de feu M. Harrifon, qui eft le moyen le plus propre à produire cet effet, moyen de la plus grande conféquence dans les pendules aftronomiques ; & celle-ci a aufli , comme les dernières, la correttion des changemens caufés par la chaleur ou le froid dans la longueur de fon pendule , felon la méthode fimple ils j'ai expliquée dans la Deftription que j'ai publiée des Inffrumens qui furent exécutés l’année dernière à Londres, fous mon infpection , pour la Cour d'Efpagne. Cette pendule marche huit jours, fans avoir befoin d’être remontée; elle pourroit même aller un mois entier, fi l’on donnoit à fon poids une fufñfante étendue à parcourir, en perçant le fond de fa boîte & le plancher inférieur où elle eft fixée. J'ai fait monter cette pendule dans une caiffe ou boîte affez belle, mais fimple, de bois des Indes , d’une couleur jaune-fatinée, & elle eft dé- corée d'ornemens légers de marqueterie en différentes couleurs. La tête ou frontifpice de la partie fupérieure de cette boîte eft en bronze doré, d'un deffin dont la fimplicité faic le plus grand mérite , fans manquer d'agrément. Elle eft travaillée à jour , pour laifler entendre la fonnerie, & eft tapiflée au-dedans d'une étoffe mince de foie bleue, qui, fans empè- cher le fon des timbres , ne laiffe point y pénétrer la pouflière. Le cadran des aiguilles porte à la circonférence un grand cercle d’émail pour les minutes, & au-dedans de ce cercle font Éfpofés St tie ment fix autres cercles ou petits cadrans aufli d’émail, pofés fur un fond d'or uni. Une aiguille marque, fur chacun de ces cercles ou cadrans, les divers mouvemens & les objets dontje viens de parler. Enfin, l'on y voit vers le centre deux petites bandes ou cartouches en émail , dont l’une porte une infcription Latine adreffée à S. A. S. Le préfent Duc d’Aremberg ; & fur l'autre, {e lit le nom de celui qui a l'honneur de lui préfenter le foible hom- mage de fa refpeétueufe reconnoiffance. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 287 Manière dont on fe fert du Plätre dans quelques cantons du Dauphiné pour les Prairies artificielles (x ), Par M. CHAMPEL. 5 op peu inftruit & trop peu à portée de l'être fur la vraie théorie de l'Agriculture , fans principe fur les Arts qui y font relatifs, & dé- pourvu du génie qui fait combiner les faits & rapprocher ceux qui paroif- {ent difparates, quoique dépendans de la même caufe, je me bornerai à dire ce que j'ai vu de fix ans fur les effets du plâtre dans la plaine de Bièvres, fituée à cinq lieues de Grenoble, à Tullin, qui en eft à quatre lieues , & dans quelques autres Communautés. Le terrein de Bièvres eft extraordinairement graveleux ; l'œil n'y apper- çoit, pour ainfi dire, que des cailloux d’une groffeur à-peu-près uniforme, & arrondis : il y en a de calcaires, de fufibles , des quartz , des granits, des pyrites, &c. Le peu de terre qu’on y trouve paroît être compofé des débris de ces différentes pierres & d'un peu de terre végétale , c'eft-à- dire, de débris de végétaux. A huit ou dix pouces au-deflous , on trouve une terre arpileufe , quoique légère, mêlée avec beaucoup de graviers abfolument tous calcaires, qui fe brifent facilement , & font très - légers relativement à leur volume. Cette terre fert à faire des murs qu'on appelle pifay(2) dans le Pays, & devient un engrais puiflant lorfqu'elle a été long- temps expofée à l'air. J'ai penfé qu'il étoit néceflaire de donner une notice de ce fol, pour qu'on puifle plus facilement appercevoir la raifon des effets du plâtre; on ne me faura peut-être pas mauvais gré d'expofer aufli la manière dont les terres étoient cultivées , & le changement qu'a occafionné dans cette culture l'ufage du plâtre. Indépendamment de l’aridité naturelle du fol, fa pofition en rendoit encore la culture plus difficile. On ne trouve pas un {ul ruiffeau dans toute l'étendue de cette plaine, qui eft très-vaite; & routes les efpérances w'on a pu'concevoir d'y amener des eaux font chimériques , lorfqu'on e donne la peine de faire un examen férieux , & des difhcultés qui s'op- pofent à la confection d'un aquéduc, & de la nature du terrein , qui n'efk qu'une mafle très-épaifle de fable & de gravier, dans laquelle toutes les eaux pénètrent facilement & dans un court trajet, () Mo les premiers Effais faits avec le gyple ; Journal de Phyfique, 1774, T.IV, page 18. (2) Voyez le moyen de conftruire ces murs ; Journal de Phyfique , Introduétion , Tom. I, pag. 682. 288 © OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Cet inconvénient rend les prairies très-rares dans ce canton; & l’on ne voyoit, il y a dix ans, dans les Communautés voifines que la dixième partie du bétail néceffaire pour la culture des terres. Cette raifon, plus que toute autre, nuifoit à la fertilité. Le Payfan, toujours ambitieux , vouloit cultiver une trop ‘grande étendue de terrein relativement à la quantité de bétail qu'il nourrifloit; & dés-lors ; fes labours éroient légers, les engrais lui manquoient ; ils devenoient même inutiles par la périté quantité qu’on pouvoit en mettre fur une vafte furface : en conféquence, on ne femoit que du feigle ou du bled noir fur des terres qui produifent aujourd’hui de très-belles récoltes en froment. Il y a quelques années qu'un Particulier effaya de cultiver du trefle dans cette plaine, & de le fumer avec de la fuie de cheminée qu'il ache- toit à Lyon. Son fuccès encouragea fes voifins, qui l'imitèrent. Bientôt ce genre de prairie fit accroître la quantité du bétail & celle des récoltes ; mais la confommation immenfe de fuie que cette culture occafñonnoit, en fit hauffer le prix au point qu'on auroït été incefflamment obligé de s'en pafler, ou de ne l’employer que dans la plus urgente nécefité. Ce fut dans ce moment qu'un Particulier, qui avoit oui parler de l’em- ploi du plâtre pour la culture du trefle, réfolut d'en faire l'effai. Depuis 1775 tufqu'à préfent , il a toujours eu le mème fuccès. Voici fon procédé. Les terres font alternativement une année en jachères & une année enfemencées.. On jette les femences du bled ou du feigle en automne, Dans le mois de Mars, on sème de la graine de trefle fur la terre cou- -verte de bled, & bientôt elle germe, mais fans élever fa tige. Si on a eu foin d'écaillouter le terrein d'avance , immédiatement après la moiffon, on jette du plâtré cuit & réduit en poudre bien fine fur Le trefle (il en ‘faut à-peu-près un quintal fur cent roifes de furface, plus ou moins, fui- vant la qualité du plâtre : l'excès n'eft pas nuifible) ; & fi l'été n’eft pas extrêmement fec, on a une très-belle coupe de fourrage en Septembre ou Oétobre. Dans le mois de Mars fuivant au plutôt, on jette de nou- veau une demi-dofe où même un quait de plâtre fur le même trefle; & dans le cours de l’année, on coupe le trefle deux & même trois fois. fuivant la température de la faifon. Lorfque le temps de femer le froment eft arrivé, on laboure la terre une feule fois; on y pañle la herfe ; on sème le grain, & l’on eft sûr d’avoir une récolte fupérieure à celle des meilleurs fonds du même canton & des mieux fumés, IL ne faut pas re- mettre du trefle fur le même fond l’année fuivante, On a remarqué qu'il ne réuflifloit pas aufli bien; & quoiqu’on n'ait pas vu d’expérience Pen -mauvais effet de cette répétition, d'un côté l’affertion de bien des per- fonnes ,. & de l’autre la néceffité plus urgente d'améliorer fucceflivement toutes les terres par ce genre de culture, a fait craindre de sy livrer. Un feul Particulier de ma connoiffance a fait cet eflai, &c il ne s'en eft pas mal trouvé jufqu'à préfent, c’eft-à-dire , depuis deux ans. Refte à favoir te pt J SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 289 fi le temps détruira ou confirmera l'opinion généralement répandue que cette méthode épuife le terrein. Je penfe fermement que non: mais je puis me tromper, Si quelque räifon a empêché de jetter le plâtre d’abord Aie la moifs fon , il.eft avantageux de le jetter le plutôt que l'on peut d'abord après la Touflaint; on peut cependant renvoyer jufqu'au mois de Mars ou d'Avril : le plutôt eft le meilleur. ) * 1 peut arriver aufli que la graine de trefle, femée au mois de Mars fur ke bled en herbe, n'ait pas réufhi. Alors, comme il eft d’ufage de femer quelquefois du bled noir ou farrafin d’abord après la moiflon du gros grain ; on fait cette femence fur la terre qu'on a deftinée au trefle, & on en sème la graine en même temps que celle du farrafin. Le trefle ne nuit en aucune manière à la récolte du bled noir ; qui fe fait en Octobre, ni celle-ci au trefle, qu'il ne faut pas fonger alors à couvrir de plâtre avant le mois de Novembre, & immédiatement après qu'on a enlevé les cailloux. e Les mêmes procédés ont parfaitement réufli à Tullin, dont le fol eft bien différent : à Bievres, C'eft un gravier prefque pur; à Tullin, c'eft une argile fchiteufe de très-mauvaife qualité pour les productions; & à une lieue de là, dans un terrein graveleux , mélé de beaucoup de fable, gai vu le même fuccès. On peut encore affirmer , que dans une prairie dont le fol n’eft que de fable pur un peu marécageux, du plâtre femé a fait croître la deuxième année une quantité prodigieufe de trefle, & amélioré tous les cantons où il a été femé : après deux ans, il étoit encore facile de diftinguer tous les endroits où le plâtre avoit touché , s’il eft permis de parler ainf; & l’on efpère que la troifième année, qui fera la prochaine , donnera encore des preuves de la puiflance de cet engrais. On a oui dire qu'un Seigneur, dans le voifinage du Rhône, avoit fumé de l'efparcel avec du plâtre, & que le plus heureux fuccès avoit couronné fon épreuvé, Ce Seigneur difoit, il y a deux ans, qu'il avoit triplé le revenu de fa Terre depuis 1771 qu'il avoit adopté cette méthode. On a oui dire aufli que le plâtre n’avoit point réufi dans des terreins gras & fertiles. I eft à propos d’obferver que le plâtre dont on fe fert dans les endroits Qu'on a cités, vient de Grenoble, ou plutôt de Vizille, qui eft à deux lieues au-delà; qu'on l’y achète cuit & en poudre, mais fi mal prépare, qu'il y a un tiers à perdre, & que plufieurs perfonnes préferent celui qui vient de Lyon , dont le prix eft triple de l’autre. L'ufage du plâtre n'eft pas borné aux cantons dont on a parlé; il eft même très borné ,-eu égard à ce qui s'en confomme dans plufieurs parties du Dauphiné ; & tous les jours cette confommation augmente, dans Le yoi- finage de Lyon fur tour, 290 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Les avantages de cette culture font fenfibles par eux-mêmes. D'un côté, on augmente la quantité des fourrages, & par conféquent du bétail & des engrais; & d'autre part, on diminue la quantité d terre à fumer, puifque celles qui font enfemencées de treñles n'ont pas befoin d'autre fumier : enfin, l’on épargne des labours, attendu que la terre femée en trefle n’a befoin d'être labourée qu’une fois, tandis que fi elle eûr été en jachère , il auroit fallu trois ou quatre cultures. La plaine de Bièvres s’eft déjà reflentie de cette amélioration, au point que la valeur des terres a prefque doublé en général, & que le prix des plus mauvaifes eft prefqu'au niveau de celui des plus précieufes avant cetre révolution. Déjà même cette amélioration s'éoit étendue fur la partie de cette plaine, qui dépend du Domaine deS. M., & quieft poffédée par dif- férens Particuliers, fous la redevance de la vingtième gerbe des grains qui y croiflent, lorfqu'un événement malheureux a ralenti, pour ne pas dire anéanti leur zèle. Un Conceflionnaire de cette plaine menace de dé- pofféder incefflamment de ce terrein les malheureux qui le cultivent depuis plufieurs fiècles ; & fur le champ ils ont ceffé la première réparation qu'elles exigent, celle d'enlever les cailloux qui les couvrent prefqu’entièrement. Dès-lors, plus de trefles dans le canton, & plus d’efpérance d'en voir quintupler le produit, d’après l'expérience de quelques petits cantons mis en valeur avant cette conceflion. DPEPS CRETE EMETONN D'un fourneau propre à toutes les Opérations de Chymie & de Phyfique; Par M: PiLATRE DE RoOz1ER, Profeffeur de Phyfique & de Chymie, dela Société d’Emulation de Reims , attache au Service de MADAME, &c. Cou il eft très-important, en Chymie, ainfi qu'en Phyfique, en diminuant les dépenfes , de fimplifier les inftrumens & les opérations, je crois faire plailir aux Savans & aux Amateurs, en décrivant le modele d'un fourneau qui remplit très-avantageufement tout le parti qu'on obtient de la multitude qu'on a imaginée jufqu’à préfent (1). M. Macquer définiffant très - exaétement prefque tous les fourneaux (1) Voyez la Defcription d’un fourneau à -peu - près femblable , imaginé par M. de Morveau. Journal de Phyfique , 716, Tom. VIII, pag, 117. connus SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 291 connusen Chymie, j'ai recours à fon Ouvrage , pour prouver que celui que je propofe peut toujours leur êrre fubftitué. Les fourneaux font des inftrumens qui fervent à contenir les matières dont la combultion doit procurer le degré de chaleur néceffaire à l’opé- ration. Le nombre de fourneaux inventés par les Chymiftes où Alchymiftes, peut fe réduire à un feul, qui, par fa forme, produit depuis le plus foible jufqu'au plus violent degré de chaleur. Ce fourneau a fix pieds de haut fur deux de large : il eft divifé en quatre parties , qui s'adaptent très-exactement dans les gorges, ou engrenures, où flures r,2,3 (plx}. La hauteur & la largeur peuvent varier felon les opérations de l’Ar- tifte qui en faic ufage ; il faut néanmoins qu'il foit toujours conftruit dans les mêmes proportions géométriques. Le fourneau que j'emploie dans mon Laboratoire eft établi fur celles que j'indiquerai dans ce Mémoire. La partie fupérieure, qui fe nomme le tuyau , va de Aa en Bb; il eft quarré intérieurement comme extérieurement ; chacun des côtés où murs a deux pouces d'épaiffeur fur dix-huit de hauteur. Son principal ufage eft de prolonger la colonne de la flamme , en empêchant fon iffue trop rapide, & l'obligeant à fe réverbérer fous le dôme. BC eft la cheminée, qui a fix pouces de large à fa partie extérieure & fupérieure , onze à l'inférieure & douze de hauteur. Le côté antérieur C forme , avec Le côté antérieur du tuyau AB, un angle aigu de quatre- vingt-cinq degrés parallèle à ab. L'intérieur de la cheminée & du tuyau jufqu’au dôme ne doivent avoir que trois pouces de diamètre. On forme les murs de terre glaife lavée , ou en briques placées verticale- ment , & d’autres obliquement à l'horizon. La cheminée procure, outre les avantages du tuyau, celui de contenir les matières combuftibles néceffaires à plufeurs opérations , telles que le coupellage , les calcinations du tartre, des os, la fufion ou fonte des mi- néraux ou métaux, & la diftillation per latus , foit du phofphore ou d’au- tres fubftances qui exigent un feu véhément. CcD d eft un dôme qui a neuf pouces de haut extérieurement , fix inté- rieurement & dix-huit de large inférieurement; les murs font toujours de deux pouces d'épaiffeur. A la partie poltérieure d, on ménage un petit trou rond pour introduire la tuyère d’un foufflet de forge. L’efpace entre deux lignes EE fe nomme le col du dôme ; il a quatre pouces de large fupérieurement & trois inférieure- ment, ce qui forme une efpèce d'entonnoir, Le dôme eft d'un ufage très-important; en réverbérant la flamme far les vaifleaux placés dans les fourneaux , il augmente fingulièrement la violence de la chaleur , en raffemblant tous les rayons en un feul point. D d, fF ne forment qu’une feule pièce en forte maçonnerie ou en Tome XVII, Part. 1,1781. AVRIL. Oo 292 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, briques ; elle eft divifée intérieurement en trois parties , qui font les foyers, le cendrier & le parterre. DG, dg comprennent les foyers, qu'on peut étendre à volonté en hauflant ou baïffant la grille Hh, qui a douze pouces quarrés, ainfi que nous le verrons dans un inftant. GFgfeft le cendrier, dont les proportions fuivent celles du foyer. fj le parterre , qui n’eft qu'une brique de vingt-quatre pouces quarrés , deux d’épaiffeur. On peut, fi on veut, en affembler plufieurs petites, qui ferviront également à garantir le fourneau de l'humidité de la terre ou des autres caufes qui pourroient le déprader. Les parties antérieures L,M, N , O font des portes ou tampons en terre ou en briques , dont j'expliquerai les différens ufages. D 3 eft la retraite de la moufle; elle a fix pouces de Iong fur douze de large : c’eit fur cette avance qu'on échauffe la moufle avant de la placer pour coupeller, c’eft-à-dire, pendant qu'on grille ou torréfie les mi- néraux ou qu'on les fond. Elle fert encore à refroidir le creufet ou têts qui fe fendent lorfqu'on les expofe trop promptement à l'air atmofphé- tique. Les deux trous quarrés $f, qu'on remarque au-deflus de la grille, font deftinés à recevoir deux petites barres de fer, qui foutiendront la grille lorfqu'on la remonte; comme elles font mobiles, elles s'enlèvent quand on defcend la grille. Les deux trous plus fupérieurs 66 reçoivent également deux petites barres de fer , fur lefquelles on pofe la moufle , dont on avance l’ouverture ju£- qu'à la porte D , qui doit être d’une feule brique très-épaifle , percée dans fon centre de deux quarrés longs , qui laiffant appercevoir ce qui fe pale dans les coupelles. On enlève facilement cette porte avec des tenailles ou pincettes. Ce fourneau ne differe prefqu’en rien de celui qu’on emploie au coupellage dans tous les Laboratoires. N eft un tampon ou porte mobile, qui, étant retiré, donne la faci- lité de voir ce qui fe pafle dans le creufet outêts qui contiennent les miné- taux ; il a deux pouces de haut, autant d’épaiffeur & quatre à cinq de lar- geur : fes proportions font affez arbitraires. M eft un fecond tampon, qui a deux pouces quarrés de plus que le fupérieur; fon ufage eft de procurer une entrée au bois qu'on emploie dans les diftillations, Éévaporations ou décoctions, &c. L eft une grande porte de tôle, montée fur deux gonds; on peut la partager en deux petites, qui accélèrent ou interrompent, à volonté, le courant d'air. d'3 la tuyère d’un foufflet. Si l'on veut former de ce fourneau une forge , il fuffit de mettre, foit fur la grille , foit fur les barres , une brique de douze pouces quarrés ; on pourra fe procurer deux feux de forge, l'un poux SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 293 accélérer la calcination ou la fufion dans les creufets, l’autre pour forger les métaux, en élevant la brique fur les barres qui reçoivent la moufle. Ce foufflet procurera le triple avantage de précipiter la coupellarion , en paflant la tuyère par le trou qui elt à la parie posts de la mouñle. IL paroît prudent de ménager, dans l’épaifleur de la retraite , une rigole du diamètre de la tuyère , qui eft mobile. Après avoir donné la defcription de ce fourneau , je vais prouver qu'on peut en faire l'application à tous ceux que l'imagination a pu fuggérer. Premier Fourneau , fimple. Le fourneau le plus fimple eft ordinairement une tour creufée cylin- driquement, qui a deux portes ou ouvertures principales, l'une en bas, appellée porte du cendrier, & l’autre immédiatement au-deflus, qui eft celle du foyer; ce fourneau eft traverfé horizontalement d’une grille qui fépare les deux portes. Le fourneau que je propofe réunit tous ces avantages, fi on fupprime toute la partie fupérieure, c’eft-à-dire, le dôme , la cheminée & Le tuyau, ou les parties 1, 2, 3. L'expérience a confirmé plus d’une fois que la forme quarrée du four- neau fimple procure une chaleur plus vive que lorfqu’elle eft cylindrique. Au refte, on verra, à La fin de ce Mémoire, qu'il eft très-facile de lui faire pren- dre cette dernière forme. Le fourneau, dans cet état, fert à fondre toutes les fubftances très- fufibles, celles que le plomb, l'étain; à calciner les matières, qui exigent peu de chaleur, telles que l’alkali pour le bleu de Pruffe ou le fel ani- mal , &c. Son ufage n'eft pas moins étendu pour toute efpèce d'évapo- rations , diftillations dans les alambics de métal ou aux bains-marie & de fable, &infuñons , macérations ou décoétions. Second Fourneau , de lampe. Dans le fourneau de lampe , la chaleur eft produite ou entretenue par la famme d’une bougie ou lampe qu’on introduit dans fonintérieur. On voit par ps TR qu’il n'eft befoin ni de grille ni de cendrier ; qu'il ny a qu'une feule ouverture par laquelle pafle la lampe, & une efpèce de cheminée pratiquée dans la partie latérale & fupérieure, qui, en donnant iflue à la fumée, procure un courant d'air. Ce fourneau produit aflez exactement un égal degré de chaleur. Pour retirer cet avantage de mon fourneau, il fufit de pofer fur la grille H À la brique de douze pouces quarrés ; on pourra de plus hauffer ou baïfler la lampe, en augmentant les briques. à La forme quarrée de l'intérieur du fourneau fournit des cheminées; on Tome XVII , Part. I,1781. AVRIL, Oo 2 294 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, en trouve encore dans les trous, qui reçoivent les barres de fer fur lef- quelles repofe la moufle. Le tampon M eft la porte par laquelle on in- troduit la lampe. ] Troifième Fourneau , de réverbère. Le fourneau de réverbère ne differe du fimple, qu’en ce qu'il eft fur- monté d'une bande de même forme que le fourneau. Cette pièce, appellée laboratoire, eft traverfée horizontalement par deux petites barres,. qui fe trouvent par conféquent au-deflus de la grille; elle a de plus à fon bord antérieur une échancrure demi-circulaire , par laquelle on paffe le col de la cornue , qui repofe fur les barres dont je viens de parler. C’eft au-deflus de cette pièce qu'on adapte un dôme ou calotte. ; En ajoutant le dôme D4dCc à mon fourneau fimple DdF f, on aura abfolument le fourneau de réverbère ; on placera la cornue fur les deux petites barres qui font au-deflus de la grille. Le tampon ou la porte forme l’échancrure exigée pour pafler le col de la cornue. On peut augmenter l’activité du feu, en ajoutant au dôme la cheminée & le tuyau. On peut aufli s’aflurer par la porte D, dece qui fe pafle autour de la cor- nue. Quatrième Fourneau , de fufion. Le fourneau de fufion étant deftiné à produire le plus grand degré de chaleur fans le fecours des foufflets, on le conftruit de manière qu'il fe renouvelle perpétuellement un courant d'air qui traverfe le foyer. Le moyen le plus fimple eft de ménager, dans la partie fupérieure 2 eE, un cfpace ouvert feulement par en- haut, afin que l'air qu'il contient étant raréñé ou décompofé par la chaleur véhémente, il fe forme un vuide que l'air extérieur & inférieur tend toujours à occuper par fa propriété effentielle de fe porter dans tous les vuides qui lui font ouverts. On con- çoit aifément que cet efpace ne fe rempliffant que par l'air qui traverfe du cendrier au foyer, ce dernier augmente fingulièrement l'aétivité du feu , au point d’occafionner un bruit comparable à celui des foufflets qu'en auroit placés dans ce foyer. Il fuit de-là 1°, qu'un fourneau de fufon procurera d'autant plus de chaïeur, que cet efpace, où l'air fe raréfie, eft plus grand, parce qu'il force le courant d'air inférieur à pafler plus rapidement à travers le foyer ardent, 2°. La longueur du tuyau d’afpiration y contribue pour beaucoup, fur- tout fi fon diamètre intérieur n'excède pas les deux tiers de la capacité du fourneau. L 3°. Si on lui a donn une courbure ellyptique ; qui aide à concentrer la la chaleur. Il faut ménager une ouverture à la partie antérieure de la chemi- née, pour y jettex toutes les matières combuftibles, foit pour la fonte, SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 295 foit pour la coupellation ou calcination. Si cette ouverture étoit fuppri- mée , il faudroit charger le fourneau par l'ouverture du tuyau d’afpiration. Un fourneau, conftruit d’après ces proportions , renvoie dans une demi- heure une flamme blanche éblouiffante, qui furmonte d'un pied Le tuyau ; elle eft capable de fondre les métaux les plus réfractaires. L'expérience m'a plus d’une fois convaincu, ainfi que M. Thyrion, Profefeur Royal de Chymie à Metz, que le fourneau que je propofe réunic avec le plus heureux fuccès tous les avantages qu’on peut attendre d'un fourneau de fufion. Je dirai plus; ce n’eft qu'après avoir reconnu, dans le Laboratoire de ce Savant, l'excellence de cet inftrument , que je me fuis déterminé à le rendre univerfel. Lorfqu'on veut examiner l’état des creufets, il fuffit de tirer les tam- pons D, N. Si l’on veut calciner promptement des os ou dutartre, on range, lit fur lit, les matières & le charbon jufqu'à la partie fupérieure du dôme; on jette par le cuyau , de la paille & du charbon allumé: dans une heure & demie au plus on a calciné quatre-vingts à cent livres de matière. Nota. Pour augmenter ou diminuer la capacité intérieure du fourneau, on place de champ, c'eft-à - dire, verticalement à l'horizon, & fur la grille, des briques d’un pied quarré; on comprend bien que le foyer & le laboratoire feront d'autant plus étroits , qu'on aura rangé davantage de briques, ou qu'elles feront plus épaiffes. Comme elles font adoffées aux côtés latéraux internes du fourneau, on peut en mettre fur les trois & même fur les quatre côtés, en obfervant cependant de laiffer une ouverture dans celles qu’on place devant la porte du res Comme il y a toujours une routine aveugle qui commande fouvent à l'expérience la plus évidente, & que d’ailleurs il eft une infinité de per- fonnes qui M HE l'intérieur d’un fourneau cylindrique, pour les faris- faire, il ne faut que placer fur la grille des briques quarrées, ouvertes circulairement dans leur centre. De toute nécellité , les angles faillans de ces briques formeront les angles rentrans du foyer. On peut également, dans la conftruction du fourneau , lui donner une forme cylindrique , & lui conferver fes avantages. & L’efpace vuide p, g, f, eft deftiné à refferrer les briques & les barres qui dépendent de ce fourneau; on eft très-libre de le fermer en maçonnerie : c'eft une commodité que je me fuis réfervée. Je n’entrerai pas dans un plus long détail fur l'utilité de mon fourneau, l'expérience en fera aflez connoître les avantages : mon but étoit de prouver qu'en diminuant les dépenfes, il débarrafle d’une infinité d’autres fourneaux , qui confomment d’ailleurs beaucoup trop de matières combuftibles. Si quel- É Rai, Savans ou Amateurs defiroient des détails plus précis , je me ferai un evoir de répondre à toutes leurs obfervations. EXPÉRIENCES Sur les moyens de préferver les Aiguilles des Boufjoles de l'influence de l'Eleéricité atmofphérique ; Par M. GATTEY. OO: lit, dans un des Cahiers du Journal de Phyfique (1), un Mé- moire de M. le Comte de la Cépède , fur les variations des aiguilles aimantées & {ur les boufloles. Le favant Auteur de ce Mémoire fait voir que ces variations font de deux efpèces : les unes régulières, qui font un effet conftant du magnétifme; les autres irrégulières, qui font caufées par le fluide électrique répandu dans l'air. Après avoir rapporté les obferva- tions qu'il a faites fur les variations de cette dernière efpèce, il propofe un moyen d'en garantir les boufloles. Il ne s’agit que de les renfermer dans des boîtes ou des caifles de verre bien maftiquées avec de La poix ou de la réfine. 4 Un moyen peu différent avoit déjà été propofé par M. le Comte de Milly , dans un Mémoire donc il fit lecture à la Séance de l’Académie Royale des Sciences d'après Pâques 1779, au fujet des nouvelles aiguiles de bouflole qu’il a imaginées (2). Ce moyen confifte à enduire le dedans de la bouflole de plufieurs couches de vernis de gomme laque ou de cire d'Efpagne, qui, étant idio-éleétriques , empêchent , dit M. le Comte de Milly, la communication de l'électricité de l'air avec l'aiguille magné- tique. Il faut de plus , ajoute-t-il , ifoler la boîte de la bouflole fur un pla- teau de verre, &c. Cette méthode ne s'accordant pas avec Les idées que j'avois fur la ma- nière dont l’éleétricité agit fur te verre & les autres fubftances électriques par elles-mêmes , & M. le Comte de Milly d’ailleurs ne l'ayant point an- noncée comme le réfultat de fes expériences, voici celles que je crusjdevoir faire pour éclaircir mes doutes fur cet important objet. 1‘'°, Exp. Je fufpendis une balle de liége fort légère à un fil de lin derrière un carreau de verre, & à la diftance d'environ un pouce ; & m'étant fait électrifer , je préfentai mon dojot contre le carreau à l'endroit (1) Février 1780 , Tom. XV , Part. Î, p. 140. : (2) LE wouve PExtrait de ce Mémoire dans le Journal de Phyfique, Tom. XIII, art. I, p. 391: ! SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 297 correfpondant à la petite boule de liége, laquelle s’en approcha aufli-tôr, comme fi le carreau n'eût point été interpofé. II. Exp. Je fubftituai au carreau de verre une plaque de cuivre à-peu- près de même grandeur ; & ayant préfenté mon doigt vers le milieu de cette plaque, & tiré une forte étincelle , j’obfervai un petit mouvement dans la boule de liége. III. Exp. J'imaginai que peut-être il y auroit encore moins , ou même qu'il ny auroit point de mouvement dans la boule, fi la plaque de cuivre communiquoit à une plus grande mafle de corps électriques par communication , & que le mouvement que j'avois obfervé ne pro- venoit que de ce que cette plaque étant pofée fur la table , elle fe trouvoir un peu ifolée ; je la fis en conféquence communiquer avec plufieurs corps métalliques. | L'effet répondit à mon attente; car m'étant fait électrifer, je tirai de vives étincelles de la plaque de cuivre, fans obferver le moindre mouvement dans la boule de liége, IV. Exp. J'électrifai la bouteille de Leyde, & j'en préfentai le bou- ton au milieu du carreau de verre ; au même inftant, la boule de liége fe porta vers ce bouton avec prefqu’autant de force que s’il n’y eût point eu d'obftacle. V. Exp. Je fépétai la même expérience avec la plaque de cuivre, difpofée comme dans l'expérience troifième ; & quoique j'excitafle de vives étincelles, il n'y eut aucun mouvement fenfible den: la boule de liége, VI. Exp. Ayant électrifé la bouteille de Leyde par fon bouton, jen préfentai le ventre au carreau de verre ; & aufhi-tôt la boule de liége s’y porta, mais avec moins de force que dans l'expérience précédente. VII. Exp. Cette expérience répétée avec la plaque de cuivre, la boule de liége ne fit aucun mouvement fenfible. VIII. Exp. Au lieu de la boule de liége, je plaçai derrière Le car- teau de verre une aiguille aimantée très-mobile que j'avois faite exprès pour ces expériences. | Cette aiguille s'étant fixée, je me fis électrifer, & je préfentai mon doigt à l’une des pointes; cette pointe fe dirigea aufli-tôt du côté de mon doigt, malgré le carreau interpofé , comme Fe lui euffe préfenté du fer ou un aimant. IX. Exp. Ayant fait la même expérience avec la plaque de cuivre, je ne remarquai aucun mouvement dans l'aiguille aimantée , encore même que j'excitafle de vives étinceiles contre la plaque. 298 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Je pouvois conclure de ces ee que le verre étoit un mauvais préfervatif contre les influences de l'électricité de l'air fur la bouflole, & que les métaux lui étoient préférables. Pour m'aflurer davantage de cette vérité , que j'avois foupçonnée, & que je commençois à entrevoir, je fis les expériences fuivantes , qui me la confirmèrent pleinement. X. Exp. J'attachai avec dela cire, au fond d’un bocal de verre d’envi- ron trois pouces de diamètre & quatre de profondeur , un morceau de fil de lin d'un pouce & demi de long, de manière qu'il paroiffoit planté perpen- diculairement au milieu du RÉ M'étant fait éleétrifer , je préfentai mon doigt contre le bocal à-peu- près à La hauteur du fil; & aufi-tôt je vis ce fil fe ployer pour s'approcher de mon doigt, comme fi c’eût êté dans l'air libre, XI Exp. Jefis les mêmes expériences avec un fil attaché au fond d'un vafe d'argent: mais ce fil refta immobile, quoique je tirafle de vives étincelles du vafe; je le plaçai dans le cercle de l'expérience de Leyde, & le fil ne donna pas plus de figne d’agitation, XII Exp. Je plaçai l'appareil de l'expérience dixième fur un fup- port de verre, puis fur un fupport de métal; l’effer fut le même que dans cette dixième expérience , c’eft-à-dire, que le fil fe ploya aufi-tôt vers mon doigt. XIII. Exp. Ayant pareillement ifolé fur un fupport de verre l'ap- pareil de l'expérience onzième, j'eus encore le même effet que dans cette onzième expérience, c’elt-à dire, que le fil n'éprouya aucune agitation. XIV. Exp. J'élettrifai direétement ce même re en faifant communiquer la chaîne de mon conduéteur au vafe d'argent; j'excitai de vives étincelles contre Le vafe, fans remarquer aucun mouvement dans le fl. XV. Exp. Je répétai les mêmes expériences avec l'aiguille aimantée; je la plaçai alternativement au fond du vafe de verre, & au fond du vafe d'argent , ifolé & nonifolé, & j'obfervai conftamment qu’elle n'éprou- voit aucun effet d'électricité dans Le vafe d'argent, tandis qu’elle en rece- voit prefque toutes les imprefions dans le vafe de verre, quoiqu'à la vérité moins fortement que dans l'air libre. XVI. Exp. Ayant placé mon aiguille aimantée fur un fupport de métal haut de quatre pouces , je recouvris le tout d'un grand bocal de verre d'environ cinq pouces de diamètre & dix de haut; je me fis élec- trifer, & je préfentai mon doigt contre le bocal : aufli-tôt l'aiguille ai- mantée commença à {fe mouvoir pour s’en approcher; elle en fuivit les mouvemens, & je parvins aufli-tôt à la faire tourner fur fon pivot. XVII. Exp, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 299 XVII Exp. J'éleétrifai la bouteille de Leyde par fon bouton ; je préfentai ce bouton contre le bocal, & l'aiguille fuivit de même. XVIII Exp. Je préfentai le ventre de la mème bouteille de Leyde, & laiguille fe mit encore en mouvement pour s'en approcher : mais l’effec fuc beaucoup moins fenfible. XIX. Exp.. Au fupport de métal, je fubftituai un fupport de verre, & je répétai Les expériences que j'avois faites avec le premier; les mêmes effets eurent lieu : il y eut feulement des momens où je crus remarquer qu'ils étoient plus foibles, XX. Exp. Ayant placé mon aiguille aimantée fur un bocal de verre, je fufpendis au-deflus, avec des cordons de foie , & àune petite diftance(r), une plaque de cuivre, queije fs communiquer au conducteur. À peine eus-je éleétrifé , que l'aiguille parut agitée de mouvemens pré- cipités & irréguliers , tournant tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, fur-tout lorfque je tirois quelques étincelles du conduéteur. XXI Exp. Je fis la même expérience avec l’aivuille aimantée , placée dans un vafe d'argent, dont les bords ne furpafloient point l'aiguille de lus de dix ou douze lignes , couvert d’un morceau L verre, comme les boufloles ordinaires , de manière cependant que les bords du vafe ex- cédoient encore d’une ligne ou deux; je n’obfervai jamais le plus léger mouvement dans l'aiguille, quelque vives que fuflent les étincelles que je tirois du conducteur ou de la plaque de cuivre. Telles font les expériences que j’avois faites l'année dernière au fujet du procédé annoncé par M. le Comte de Milly, AGE la lecture du Mémoire de M. le Comte dela Cépède me donna l’occafion de m'occuper de nouveau du même objet. J'ai répété toutes ces expériences , & j'en ai fait plufeurs nouvelles, que je crois inutile de rapporter. En voici feule- ment une, qui me parut extrémement décifive. XXII Exp. J’avois remarqué que M. le Comte de la Cépède re- commandoit d’enfermer les aiguilles aimantées dans des vafes de verre épais: voulant favoir fi cette épaifleur de verre contribuoit beaucoup à diminuer l'effet de l'électricité, j'introduifis une aiguille aimantée dans un flacon de verre de forme fphérique & fort épais, fermant dans fa partie fupérieure par un bouchon à vis aufli de verre, Je laiffai l'aiguille fe fixer; après quoi, m'étant fait électrifer , je pré- fentai le doigt contre le facon: l'aiguille ne parut faire aucun mouve- OS (1) Environ quatre pouces. Tome XVII, Part I,1781. AVRIL, Pp 300 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ment pour s'en approcher, & je commençois à croire que l'épaifleur du verre étoit en effet un obftacle infurmontable à lation du fluide éle&tri- que, lorfque je fis attention que le facon étoit mal- propre, qu'il étoit couvert de poullière intérieurement & extérieurement, ce qui peut - être en faifoit un vafe électrique par communication; & en effet, j’obfervai qu'il n’étoir point du tout propre à ifoler. Je le nettoyai bien; & y ayant de nouveau placé mon aiguille aimantée , je la vis auffi-tôt fenfible à l’ac- tion de l'électricité, fe diriger vers les corps électrifés que je lui préfentois, & en fuivre les mouvemens. Dans toutes ces expériences, je me fuis fervi d’une aiguille très-légère & peu aimantée, afin que fa tendance au pôle étant moins confidérable , elle apportât moins de réfiftance à l’action de l'électricité, F Il réfalte, comme l’on voit, de ces expériences, que fi l'interpoftion du verre, & par conféquent de toute autre fubftance éleétrique par frot- tement comme le verre, rend l’action de l'électricité moins fenfble fur l'aiguille aimantée , il eft vrai de dire aufli qu’elle ne l'empêche point en- tièrement ; tandis qu'au contraire les métaux & les autres fubftances , qui, comme les métaux , font électriques par communication, préfervent ab- folunient les aiguilles aimantées de cette même aétion du fluide éleétri- que : d’où lon peut conclure, à ce qu'il me femble, que lon retireroit beaucoup moins d'avantage de la méthode propofée par M. le Comte de Milly, de vernir ou d'ifoler les boîtes de butte - ou de celle de M. le Comte de la Cépède , deles renfermer dans des caifles de verre, que du moyen que paroiflent indiquer mes expériences , qui feroit de les placer dans des boîtes de métal aflez profondes pour furpaffer l'aiguille de quel- ques pouces; en quoi je ne vois d'autre inconvénient que celui d’éloigner un peu la bouflole de l'œil de l’obfervateur , & de la tenir moins éclairée, inconvénient auquel on pourra remédier, en conftruifant la boîte d’un métal blanc, & en la poliffant intérieurement (1). Cette propolition de renfermer les aiguilles de bouffoles dans des boîtes de métal, & même de ne les point ifoler , pour les mieux préferver de Fac- tion de l'éleétricité de l’atmofphère, va peut être, malgré les expériences fur iefquelles elle eft fondée, paroître un paradoxe; s'il eft quelques per- fonnes qui en jugent ainfi, je les invite à chercher, par des expériences nou- velles , à s’aflurer par elles-mêmes de la vérité. Il ne pourra qu’en réfulter un plus grand bien, puifque , fi je me fuis trompé , mon erreur étant bien- tôt reconnue, il ne fera pas à craindre qu’elle ait de mauvais effèts; & (1) J'ai obfervé d’ailleurs qu'une aiguille, d'environ trois pouces, étoit abfolument infenfible aux impreflions de l’éleétricité dans une boîte dont les bords n’excédoient que de quelques lignes ; d’après quoi, je crois que cet inconvénient n’auroit même pas lieu. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 301 qu'au contraire, fi la méthode que je propofe eft bonne, ces mêmes per- fonnes auront peut-être par-là occafion de la confirmer & d'en perfectionner l'ufage. C'eft dans cette vue que je me, fuis déterminé à publier ces expériences, perfuadé que M. le Comte de Milly & M. le Comte de la Cépède, loin d'être offenfés que j'aie fait connoître l'infufifance des moyens qu'ils ont imaginés, verroient au contraire avec fatisfaction qu'un autre eût réufli dans une carrière que ces illuft:es Phyficiens ont ouverte eux-mêmes. Moyen fimple de condenfer l'air dans un grand Récipient avec toute efpèce de Pompe. Par M. CouLroms , Capitaine en Premier au Corps Royal du Génie. D: ns un Mémoire qui a été imprimé dans ce même Journal, 1779, Tom. XIV, pag. 393, j'ai cherché à fubltituer à la cloche du plongeur un bateau pneumatique, pour pouvoir exécuter fous l’eau en grand & fans danger pour les travailleurs , toutes fortes de travaux hydrauliques, Dans le même Mémoire, où il étoit queftion de condenfer l'air dans un récipient de fept à huit cents pieds cubes , je n'ai pas propofé d’autres moyens que ceux qui font en ufage. Mais comme les pompes deftinées , foit à condenfer, foit à dilater l'air, exigent dans leur exécution plus de précifion que les pompes ordinaires, & que, dans les travaux en grand, il faut rendre l'effet des machines abfolument indépendant de l'adrefle des ouvriers, j'ai cherché depuis à condenfer l'air avec les pompes les plus imparfaires, & même avec des pompes de bois. Ce moyen eft fim- ple; il n'a d'autre mérite que de pouvoir être utile. Voici les réflexions dont je fuis parti. Lorfque l’on comprime de l’eau dans un corps de pere avec une preflion qui répond, comme dans mon Mémoire , au tiers de la hauteur de l’'atmofphère, ou à une colonne d’eau à-peu-près de onze pieds, s’il ÿ a quelque jour , foit entre les parois & le pifton de la pompe, foit en- tre Les clapets & leur battée, l'eau tend à s'échapper par ces petites ou- vertures avec une vitefle qui répond à la preflion d’une colonne d’eau de onze pieds de hauteur : mais lorfque l’on comprime de l'air dans le même PAS de pompe avec une preflion du tiers de la hauteur de l'atmofphère , la denfité de l'air étant à - peu - près neuf cents fois moindre que celle de l'eau , il s'enfuit que fi l'air, ainfi comprimé , ne changeoit point de den- fité, il tendroit à s'échapper avec une vitefle qui répondroit à la preflion Tome XVII, Part.1,1781. AVRIL. Pp2 392 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d'une colonne neuf cents fois plus haute que la première. D’après cette obfervation , j'ai conftruit ma machine à double récipient, de manière que toutes les parties mobiles dela pompe, les piftons & clapets fuffent toujours fubmergés dans Feau. Dans les fig. 1@2, pl. 2, dont l'une eft le plan, & l'autre le profil de ma nouvelle pompe, A défigne la capacité de lachambre de compref- fion , que j'ai deftinée, dans mon Mémoire, à loger les travailleurs. J’ac- colle à cette chambre un réfervoir B, formé de plufeurs madriers, réunis & liés de manière à fupporter l'effet de la réaction de l'air comprimé. Je double ce réfervoir de lames de plomb bien foudées entrelles. Un tuyau F part de la partie fupérieure du réfervoir, entre dans la chambre de com- prellion, & forme une communication, qui fe ferme naturellement par un clapet H. L’on attache fur le côté du référvoir trois ou quatre corps de pompe. Ces pompes communiquent avec le réfervoir, au moyen d'un trou garni d’un clapet D. Le tout eft placé dansun baquet LOG, dans lequel l'on verfe autant d’eau qu'il peut en entrer dans le réfervoir B. Aux deux extrémités du réfervoir font deux petites vannes, qui ferment aflez exactement. Les hommes employés aux pompes, font paffer l’eau du baquet dans le réfervoir B; l’eau, en rempliflant le réfervoir, poufle l'air que ce ré- fervoir contient dans la chambre de compreflion. Lorfque le réfervoir eft rempli d’eau, l’on ouvre les deux vannes EE ; l’eau du réfervoir fe vuide dans le baquet, & l'air la remplace. L'on recommence enfuite la première opération, Si L'on craignoit que le clapet H, deftiné à empêcher le retour de l'air de la chambre de compreffion dans le réfervoir, ne fermât pas la com- munication aflez exactement, l’on pourroit adapter au tuyau F un robinet dans le genre de ceux des machines pneumatiques. RE MARQUE. j Le moyen que nous.employons ici pour condenfer l'air , pourroit égale- ment fervir à le dilater. L'arrangement de cette nouvelle machine pneuma- tique eft facile à imaginer; en voici un aflez fimple. AB (fig. 3, pl. 2) repréfente un corps de pompe, quicommunique, au moyen d'un tuyau, avec le réfervoir B ; le rélervoir B communique ; par un canal, avec le récipient H. Cette dernière communication s'ouvre & fe ferme avec un robinet G, femblable aux robinets de toutes les ma- chines pneumatiques, ayant, dans le fens de fa longueur , une petite échancrure à fa furface, pour pouvoir chafler l'air du réfervoir B, lorfque la communication avec le récipient H fera fermée. | L'on remplit d’eau le corps de pompe AC & Le réfervoir B, en rele- ‘à SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 303 vant le pifton P; & ouvrant le robinet G, l’on fait pafler l'air du réci- pient H dans le réfervoir B. En baiffant le pifton & fermant le robinet, l'on chafle par la cannelure du robinet l'air contenu dans ce réfervoir, & on le remplit d'eau. On ouvre alors le robinet , on foulève le pifton, & l'on recommence la première opération. Le plus mauvais ou- vrier eft en état d'exécuter une machine pneumatique à ce genre. L’on pourroit fubftiruer à l’eau , du mercure purgé d'air , ce qui rendroit lopé- ration plus parfaite. MÉMOIRE Sur des bois pétrifiés, trouvés à Sery dans le Valois. Par M. NERET fils. y LA quantité de fontaines qui fe trouvent au Village de Sery dans le Valois eft innombrable : aufh cette Paroifle a-t-elle été nommée Sery- les - Fontaines. Sa diftance eft à trois quarts de lieue nord - oueft de la Ville de Crepy, & fa poñition eft au bas de plufeurs vallons profonds, qui fillonnent Ja plaine du Valois; je dis la plaine, car le Valois n’eft point un Pays montagneux, comme plufieurs perfonnes l'ont prétendu : c'eft au contraire un plat Pays, profondément creufé par de larges vallées, dont il eft affez difficile d'expliquer l’origine , fans s’écarter dans des hypo- thèfes qu'il feroit toujours aifé de contredire. Toutes les fontaines du Village de Sery fourniffent de très-bonne eau ; mais on a trouvé dans l’une d'elles, fituée au pied de la montagne qui du vallon remonte à la plaine, plufeurs fragmens de bois pétrifiés qu'on n'a pu méconnoître. Cette fingularité, & l'efpérance d'en trouver de plus gros morceaux , engagèrent, il y a une dizaine d'années, le Seigneur de Sery à faire ouvrir le Aanc de la montagne à l'endroit où fortoit la fource ; ce qui étoit d'autant plus aifé, qu'il falloit feulement creufer dans un fable argileux , recouvert de cinq à fix pouces de terre végétale. Les ou vriers rapportèrent en effet une aflez grande quantité de bois pétrifiés, qui fe rencontrèrent environ à deux pieds de baureur, & à une profondeur peu confidérable dans le fable argileux dont nous venons de parler Les bois extraits de cetre première fouille ont une pétrification folide : ils ne font point effervefcence avec l'acide; & probablement, ils donne- roient des étincelles fous le choc du briquet, s'ils étoient plus durs. On diftingue très-bien , dans ces bois, l'endroit qui a été recouvert par l'écorce; il eft toujours convexe , & confdérablement piqué de vers, qui, après 304 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, avoir fillonné entre l'écorce & le bois, traverfent toute l’épaifleur du morceau , & y font agatifés. La plupart de ces vers n’ont qu’une ligne ou une ligne & demie de diamètre; mais il y en a d'autres qui font peut- être d'une efpèce différente, & qui font quatre à cinq fois plus gros: ils font agatifés comme les premiers, & cette pétrification animale étant beaucoup plus dure que le bois qui la renferme, plufieurs de ces vers font tombés hors de leur matrice, ou caflés à une ligne ou deux de pro- fondeur. Les bois pétrifiés de Sery, en raifon de leur nature fablon- neufe, & cependant aflez tendre, formeroient d’aflez bonnes pierres à aiguifer, s’il ne s'y rencontroit trop de ces vers, dont la dureté nuiroit au tranchant des pièces qu’on prétendroit repañfer. En 1777, le Propriétaire de la Terre de Sery, voyant s'épuifer la petite quantité de bois pétrifiés qu'il avoit fait extraire , voulut s’en pro- curer de nouveaux : mais, foit qu'on n’ait pas attaqué le flanc de la mon- tagne à la même place , foit que l’efpèce de pétrification n’y füt plus la mème, on trouva bien des morceaux de bois , mème aflez volumineux, mais ceux-ci n'étoient qu'à demi-pétrifiés; & quoiqu'il foit facile de re- marquer, en les confidérant avec quelqu'attention , qu'ils feroient tout- à-fait femblables à ceux de la première fouille , fi leur pétrification étoir achevée, la Nature ayant été interrompue dans fon travail , il en réfulte que toutes Les fibres végétales , quoique devenues pierreufes , s'enlèvent en bouquets, & fe divifent enfuite comme les poils d'un pinceau, de forte qu'elles n’ont entr'elies prefqu'aucune adhérence, Les vers agatifés font également fréquens dans ces bois; mais leur ma- trice étant dépourvue de folidité, rien n’eft fi aifé que de les en féparer: quoique cette efpèce de pétrification ne foit pas, à ce qu’il femble, en- tièrement terminée, cependant aucune partie n’eft reftée combuftible. Les fibrilles pierreufes , vues au microfcope , repréfentent des parallé- logrammes d’autant plus alongés, que l’on a pu les détacher plus en- tières ; &, mifes fous la dent, elles s’y brifent en une pouflière fablon- neufe. De tous Les Cabinets d'Hiftoire Naturelle que j'ai vifités, je n’ai trouvé que celui de M. le Docteur Bultin, à Bruxelles, qui renfermat des bois pétrifiés, qui fe lèvent ainf en pinceaux. Ceux que pofsède M. Bultin font noirs , & je crois qu'il les a reçus du Pays de Liége; ceux de Sery font blancs, &c les poils de pinceau affez analogues à la couleur du poil de porc, mais infiniment plus fins. Si l'on en croit le témoignage des plus anciens Habitans de Sery , il y avoit autrefois une plantation de faules auprès & au-deflus de la fon- taine où l'on trouve des bois pétrifiés : mais il y a cependant lieu de penfer que ce n’eft pas là l’origine de nos bois , car ils paroïffent être plutôt la pétrification d’un bois dur, que celle d’un bois tendre; peut- "+ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 30$ être même font- ils nés fous un autre hémifphère : ce qui n'eft pas plus difficile à admettre à l'égard des bois pérrifiés , qu’à l'égard des coquilles vivant dans les mers des Indes, que nous trouvons néanmoins chaque jour dans nos climats ou pétrifiées ou foffiles, Je ferois d'autant plus fondé de penfer ainfi, que j'ai vu dans la fuite des pétrifications du Soiflonnois, raflemblées avec le plus bel ordre dans le Cabinet de M. Petit , célèbre Naturalifte de Soiflons, des bois pétrifiés, qui n’avoient aucun rapport avec nos arbres indigènes, tandis qu'ils en avoient de très-frappans avec certains bois d'Amérique. Les vers agatifés des bois pétrifiés de Sery font venus fortifier une idée que j'ai eue depuis long-temps fur cette forte d'agatifation ; & j'ai vu avec plailir qu'un des plus célèbres Naturaliftes de la Capitale penchoit aflez pour mon pas , fortifiée par quelques fofliles, qui font partie de ma collection de pétrifications, & dont je vais parler. Je crois donc que la plupart des agates font dues à des fucs pierreux , infiltrés à travers une matière animale ; & j'apporte en preuves les bois pétrifiés de Sery , dont les vers feuls font agatifés ; les vis & les cames en male du Soif- fonnois , dont fouvent la coquille eft encore calcaire , tandis que le refte eft changé en agate ; un ourlin filiceux, recouvert de fa coquille cal- caire (1) ; enfinune portion de dentale, où l'animal eft changé , au milieu du tube calcaire, en une très-belle agate blanche & veinée : peut-être les couches de filex, fi fréquentes dans la craie, ont-elles écalement une origine animale (2). Les bois pétrifiés de Sery m'ont paru mériter d’être connus par leurs vers agatifés, leur coup-d’œil vermoulu , & fur-teut par la demi-pétrifica- tion des derniers extraits. (x) J'ai trouvé cet ourfin, de la claffe des pleurocyftos de Klein, & du gemte des ova-marina, dans les environs de Péronne ; la même efpèce n’eft point rare au- près de Saint - Quentin: mais prefque toujours la robe calcaire, & comme ruilée, s’ef détachée, & on ne trouve que le noyau converti en filex. (2) L’acide phofphorique des animaux formeroit alors, avec les fucs pierreux, une forte de verre plus où moins tranfparent. Dans beaucoup d’agates, on remarque une efpèce de dépuration ; [a partie fupérieure eft bien diaphane, randis que celle de deffous brune & colorée, paroît contenir fouvent des corps étrangers. Les belles vis aparifées du Soiflonnois peuvent fervir d'exemple. ske 306 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, LOST OUR CE De M. DAmBOURNEY, Névociant, Secrétaire Perpéruel de l'Académie des Sciences & de la Societé Royale d'Agriculture de Rouen, Affocié à l'Académie de Lyon, & des Sociétés de Berne, de Londrès , de Lyon & de Beauvais ; à M. MoNGEZ le jeune, Auteur du Journal de Phyfique, des Académies de Rouen, de Dijon, de Lyon, Gc., &c. À Rouen, le 19 Mars 1781. Monsieur ET CHER CONFRÈRE, Vous avez accordé onze pages dans votre Journal du mois de Janvier à l'annonce d'un projet, dont je me bornerois à delirer l'exécution, s’il ne me forçoit de comparoître au tribunal du Public; mais comme il m'importe de denner à ce Juge refpectable une opinion plus exaéte de mes travaux , je vous prie d'inférer dans votre Cahier, pour le mois d'Avril pro- chain, les trois propofitions fuivantes , & Le détail hiftorique, à l’aide duquel j'efpère les prouver. 1°. Toutce qui peut réfulter de vraiment utile de l'exécution parfaite du rojet annoncé, je l'ai déjà fait & foumis depuis long-temps à l'examen de l'Adminiftration. 2°. M. le Commiflaire de l’Adminiftration a prononcé que je l'avois bien fait, & dans la forme la plus avantageufe aux progrès de l'Art de la Teinture. 3°. J'ai apperçu & démontré , les 13 & 27 Avril 1780 , l’analogie des couleurs produites par les individus de chacune des efpèces d’arbres dé- fignées fous les noms de populus, mefpilus & drupa, me réfervant de füivre, ex profeffo , cet examen fur les autres. Cet objet de curiofité , qui n’étoit pour moi qu'accefloire , paroît être le capital des Auteurs du pro- jet, & peut, entre leurs mains, devenir très - piquant: mais au moins il demeurera certain que je l'ai réalifé, en partie, avant eux. Ceci pofé, j'entre en preuves. Dès que j'eus l'idée très -fimple d'extraire de nos végétaux des tein- tures folides fur la laine , je n’effayai point à lui mendier dans la mé- moire de mes amis une époque, très - reculée. Je travaillai en filence à la réalifer; & je ne l'ai annoncée à notre Académie, les 24 Novembre & | | | | * SUROLHIST, NATURELLE ET LES ARTS. 307 & premier, Décembre 1779, que preuves en main. J'avois cru devoir employer en, pratique le remps que j'aurois rifqué de perdre À bâtir une théorie dont l'exactitude eft toujours fubordonnée aux expériences, J'ai donc cumulé des faits, en teignant des Aocons de laine 1 cha- cun un demi - gros, Dans l'impoñibilité d'en fabriquer is draps , le feul moyen. qui me reftoit pour leur donner une EUR durable & l'apparence d'étoffe , évoit d'en faire ce, qu'on nomme dans la Fabrique des feutres d'efai. Cette opération, qui équivaut à-peu-près à celle du foulon , m'afluroit d’ailleurs que les draps fabriqués par la fuite avec des laines teintes.ainf, réfifteroient à l’a@ion de cet inftrument deftructeur des couleurs fauffes. Je fubmergeois enfuite mon échantillon dans le vinaigre de vin, Si la couleur y réfltoit pendant cinq minutes , je l'infcrivois pour folide, quoique la plupart s’y foient trouvées inaltérables depuis une juf- qu'à douze heures, J'ai ofé dire, d’après La faine Phyfique & le fens com- mun, que ces feutres réféchifloient la lumière, & par conféquént les couleurs , moins favorablement que ne le feroient des morceaux de drap apprêté, mis fous prefle & liffé. Je n'ai fait aucune comparaifon avec des éroffes tiffues de matières végétales, quoique, depuis vingt ans, j'aie prouvé n'être pas novice en teinture fur le coton & le fil; mais elles n’en- troient point dans mon projet. Cependant on m'impute d'avoir teint par préférence des feutres de chapeau , Comme matière plus avantageufe à l'in- tenfité & au brillant de la couleur, que ne pourtoient l'être les étoffes légères de fil & de coton. J'ai regret d’être obligé de relever cette erreur , d'autant que M. Rolland de la Platière, Infpecteur + Général des Ma- nufaétures , qui, par état, doit favoir diftinguer les feutres d'effai des eutres de chapeau , s’éft compromis en la permettant à fon Coopérateur. l'en eft à-peu-près de même d’une prétendue conféquence tirée au pré- judice de là mémoire de feu M. Delafolie & de ma véracité. J'ai dit, dans mes Ecrits, lus à l’Académie & préfentés à l'Adminiftration, que mon ami donnoit généreufement fon procédé à ceux des Fabricans d'El- beuf & de Louviers, qui le lui demandoient ; & néanmoins ( objecte- t-on) M. de Crérot , célèbre Fabricant de Louviers , aflure ne le point avoir. Ce raifonnement cefleroit d'être ridicule, fi M. de Crêtor étoit feul Fabricant à Louviers , ou s’il étoit prouvé que, fur fa demande , M. Delafolie le lui eût refufé. Quant à là differtation fur les Anciens & fur Pierre Gobelin, qui fixoient les couleurs au moyen d’une diffolution métallique, on le favoit avant les Arts publiés par M. Rolland. Le Diétionnaire de Chymie de M. Macquer , fes Mémoires à l’Acadéniie des Sciences, & bien d’autres Ouvrages, en inftruifent fuffifamment. Cela n'empêche pas qu'entre mes mains, le procédé de feu M. Delafolie n'ait affuré les couleurs de prefque tous les végétaux fur lefquels j'ai travaillé. Jamais je n'en ai dit, je n'en Tome XVII, Part. I.1781. AVRIL. Qq LE 308 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ai prétendu dire davantage ni au préjudice d'aucune autre compofition, Au commencement de Mars 1780, me voyant cent cinquante - deux couleurs fimples, & feize compofées , je crus devoir les foumettre au ju- gement de l'Adminiftration, Un ami fe chargea de les préfenter à M. To- dozan, avec un Mémoire que je lus à l’Académie le 15 , & à la Société d'Agriculture de Rouen le 16 dudit mois. Ce Mémoire ne contenoit encore aucun plan; il rendoit hommage à M. Delafolie, de l'invention du mordant : il indiquoit l’idée que cette découverte m’avoit infpirée, & mes premiers fuccès dans l’exécurion. Le tout fut, fuivant l'ufage , ren- voyé à M. Macquer; & d’après la lettre de M. Rolland, il paroît qu'il voulut bien fecharger de cetranfport. fl pritle temps d'y faire fes réflexions; & le 23 Aoûtfuiyant, il me juge fur cet apperçu. M. T'olozan inftruifit mon ami de ce renvoi. J'écrivis donc le 20 Mars à M. Macquer, pour lui faire pafler direétementun fupplément de vingt-fix échantillons nouveaux, en Jui marquant: « J'ai cru devoir employer à des effais le temps néceffaire pour rédiger » un Mémoire en règle ; je n’ai donné qu'un apperçu, mais je conferve des >» notes pour diriger un jour les premiers pas de ceux qui defireront perfec- > tionner mon travail, &c. ». M. Macquer me répondit le 28 Mars 1780: « J'ai différé de vous répondre jufqu’à ce que j'eufle reçu les autres >» échantillons que vous aviez fait remettre à M. Tolozan; je ne viens que »:de Les recevoir , & je me hâte de vous en féliciter. Je reconnois bien » dans ce travail, long, pénible, & dirigé vers un objet d'utilité très- >» fenfble ; le zèle d'un bon Citoyen, qui joint l’activité aux lumières , » comme vous l'avez toujours fait. Il y a des gens qui croient avoir fait » une grande découverte, quand ils ont trouvé une couleur; vous, Mon- > fieur, vous nous les donnez par centaines. Je juge, au premier coup- » d'œil, qu'il n’y en a pas une des vôtres qui ne puifle avoir fon ufage, fur- » tout fi elles font d’un très-bon teint comme vous le dites & que je le pré- » fume, &c. f » J'ai l'honneur d’être avec la plus grande confidération, Monfieur, » votre très - humble, &c. Signé MACQUER. À Paris, ce 28 Mars > 1780 ». Je continuai de préfenter à l'Académie , à la Société d'Agriculture de Rouen, & d'envoyer à M. Macquer les nouveaux échantillons que j'ob- tenois , jufqu'au 13 Avril 1730 , que le nombre en montoit à deux cents cinq. Je confignai , ledit jour, fur le regiftre de la Société en Séance, les deux importantes découvertes dont j'avois fait part la veille à l'Académie , en difant : f « Je vois avec plaifir que les brandilles ou jeunes pouflures des bois, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 309 » dont l'écorce m'a fourni les meilleures couleurs, font propres au même » objet ; cela épargnera beaucoup de main d'œuvre & de dépenfes, puif- » qu'au lieu d'enlever l'écorce & de faire périr l'arbre, il fuffira de # l'émonder ou d'en couper des bourrées. » J'entrevois encore une vérité atreufe pour les Botaniftes, en ce qu'elle » confirme leur fyftême d'arrangemenct des arbres par familles. En eflét, » plufieurs de ceux de la mêmefamille me donnent , à très-peu près, les » mêmes couleurs; ce qui prouve leur identité ou parenté. Fous les peu- » pliers me donnent des jaunes ; tous les mejpilus , du mordoré ; tous les » drupa , des cannelles, couleur de Nanquin ,muft & noifette. Je me pro- » pofe de fuivre cet examen , ex profeffo , dès que Les nouveaux fujets, qui » commencent à me paroître rares, s épuiferont , &c.». Cette délibération ef confignée fur Le regiftre par M. le Marquis de Limezy, qui préfidoit à la Séance, J'en envoyai copie à M. Macquer, ledit jour 13 Avril, en y ajou- tant: « Si les légumineufes & les cruciferes , dont l'anil & le paftel font » coufins, pouvoient me donnér un peu de leur seint ; je ferois bien joyeux ; # mais je le fouhaite plus que je ne l'efpère ». Ma lettre, entre Les mains de M. Macquer , donnera cette preuve. Le 27 Avril 1780, je montrai à la Société d'Agriculture les mêmes feutres que j'avois préfentés la veille à l'Académie; & voici l'extrait de la délibération. : « À l'Affemblée ordinaire du Jeudi 27 Avril 1780, le Secrétaire a fait » voir quelques nouveaux feutres, qui démontrent (1) l'identité ou parenté entre les arbres d’une même famille , & que ces arbres, en sève & en 5 feuilles, donnent les mêmes & autant de couleurs que dans l’état de 55 fommeil de Fhiver, &c. Signé TOUsSTAIN DE LrmEezy, Pré- > fident ». : L’ufage des jeunes branches, au lieu de l'écorce, l’analogie des couleurs produites par les arbres d’une même efpèce, ont été depuis confacrés dans tous mes écrits ; favoir : Dans le Mémoire que j'ai adreflé, le 7 Juin 1780, à M. Necker, & dans une copie exacte d'icelui, que j'ai lue en Séance préparatoire & en Séance publique de l'Académie Le 2 Août dernier ; dont le cahier, paraphé par M. de Couronne, mon Collègue , eft dans ma liafle,. : M. Macquer m'écrivit le 15 Mai 1780. « Me voilà maintenant en état de faire un rapport de votre beau travail » & de vos découvertes en teinture: non pas un rapport défiüitif, cat ( 1.) J'entends identité de couleurs, & nonidentité d’intenfité deces mêmes çous leurs f Tome XVII, Part. L.1781,, AVRIL, Qgq2 310 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » VOUS n'avez pas encore fini ; mais un rapport préparatoire pour expofer >» votre plan, le travail aflez confidérable qui eft déjà fair, vos premiers », fuccès & ceux qu'on eft en droit d'efpérer par la fuite; 8&, fi vous n'y » trouvez pas d'inconvénient , ce premier rapport fera fait fous huic ou », dix jours d'ici.. À té “fut c >» J'ai l'honneur d’être avec infiniment d’eftime & d'attachement. Signé ». MAcQuER. A’Paris, ce.1 5 Mai 1780 ». i . Je lui répondis le 17, Mai, pour le prier de différer fon rapport juf. qu'après, mon retour, d’un voyage , & que je lui eufle fait paffer le fupplé- ment de couleurs fimples obtenues depuisle n°. 205 & des compoiées depuis lacoteR. j Le 24 Mai, je lui envoyai ce fupplément au nombre detrente - neuf échantillons , en.lui, difant:.4 J'aurois bien befoin de votre confeil fur la >» forme à donner au Mémoire ou petit Traité, par lequel je tendrai » çompte uu jour de mes opérations, Lediviferai-je en familles botaniques » ou en familles de nuancés ? je crois que ce dernier moyen feroit Le-plus ». court & le plus intelligible, poux le Public». M. Macquer me réponditle 3 Juin:1780. « J'ai fait hier, Monfieur , le rappor de votre travail fur la teinture ; >, VOUS, verrez, parles nouveiles que vous en recevrez ; tout. le bien que »,jen penfe, c'eft-à dire , beaucoup, Ce font en effet les recherches des >» plus utiles qu'il y eût à faire pour le préfent , puifque nous avons de, 2 nouveaux mordans:, qui peuvent s'étendre à toutes: les couleurs ,: que >. je nomme exradives , qui font celles: que fourniflent, prefque tous. >,les végétaux & plofieurs. matières animales par la fimple. décoétion. », dans. l'eau. J'étois f perfuadé de l'importance du travail que vous. » avez entrepris, &. que vous fuivez avec:tant de zèle & de fuccès;: que: æ j'en avois donné le plan, comme d’un des plus effentiels & des plus: mpreffés, dans ua, Pro/pe&lus. d’une, defcriprion générale de: l'Art de la ». Feinture , que l'Adminiftration: m'avoir demandée, &: qui eft entre fes: » mains depuis huit ou neuf mois. Dans l’impuiffance où j'aurois éré: de faire. moi-n ême ur parcilträvail là caufé de beaucoup d’autres oeciipa- >, tions, jE ne puis.Ctre. que très fâtisfair: que ivous l'ayiez: entrepris & déjà >» fi.avancé. IL: re pouvoir affurémens être «en de meilleures: mainss; &:, : en! » mon particulier, ja vousexhorte très-fortà le pouffer auf: loin qu'il vous: » fera poffible, 04 y eo ivre ter von » Parini. le.grand.nombre de vos nouvelles couleurs, il yren acplufieurs, ».comime jé l'ai-dis dansile rapport, qui:prometrent de grands avantages: » Si l'efpèce de noir, par exemple, que vous avez tiré du noyer noir » de Virginie, Æft fülide dans les nuances foibles,, cette teinture feroit infiniment :précieufe pour ce qu'on n8mme les brunirures dans les nuances » des laines à tapifferies, pour lefquelles on n’a eu, jufqu'à préfent, que » Le noirsoydihaire à la couperofe | lequel n’eft folide que. dans fa‘ plé- ad æ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3v1 » nitude de noir, & ne l'eft point du tout dans fes nuances de gris dé- » gradées, » J'ai fait voir votre brun-noir à M. Neïlfon, Direéteur & Entrepreneur » des tapifleries des Gobelins, qui defire beaucoup une bonne bruniture, & ». doit même vous écrire à ce fujet, | >» Je peniè comme vous , Monfieur:, que dans le Traité que:vous publierez ; il » faudra que vos divifions foient par couleurs , 6 non pas par claffes de bota- » nique, Les Teincuriers 6 Fabricans n'entendroient rien duvout à ces dernières » divifions. » J'aurois encore mile chofrs vous dire fur tous ces:objets : mais cela » feroit rrop long pour des lereres, 14 faut: fe borner ; & je termine celle- > ci, en vous réitérant mes complimens, & en vous prianc d'étre bien » perfuadé de tous les fentimens de donfidération & d’attachement avec »lequel. j'ai Fhonneur d'être. Signe MAC QU'E BR. À Paris, le 3 Juin »# 1780 ». , oil : Certain que M. Macquer avoit fair fon, rapport, j'adreffai, Le 7 Juin 1780, a: M. Dailly. un exemplaire de deux cents foixants échantillons; avec un Mémoire, prefque copie de la délibération de la. Société d’Agri- culture du 13 Avril, c’eft à-dire , où! j'érabliffois analogie des couleurs, reconnue entre les produirs des:arbres de: chacune des trois familles ikdi- quérs:, & je le priois de faire pafler le tour à M: le Direéteur général, chez lsquel.on peut.con ftater ce fair. Le $ Juillet, j'ai envoyé encore à M. Macquer trente-fix nouveaux échan- tillons. À la fin de Juillet 1720, en Séance préparatoire, & le 2 Août, en. Séance publique de l'Académie, j'ai expofé deux cents quatre - vingt-cinq couleurs, fimples, 8 vingrfept compofées, & j'ai lu le Mémoire ci-après, copie de: celui que j'avois adreflé, le 7 Juin, à M, Dailly pour M. Necker. : M É MOIRE. L’excellent Citoyen, le favant Confrère que nous. regrettons: ( M. De- lafolie), inraginæ, l’année dernière, un procédé, qui; en adouciffant la laine; y fxoit prefque: toutes les-couleurs, jufqu’alors réputées fugaces ou: de: petit teint: Sa générofité naturelle ne lui permit point d'en faire um fecret; il! me le donra, de même qu'à plufñews! Fabricans d'Elbeuf & de: Louviers: qui le lui demandèrent : il fe contentoit d’un récépiffé , pour conf- tater feulement-qu'ils le tenoient-d» luis Cértte précisule découverte: m'iufpira, dleffayer quelles couleurs folides je /poubrois obrevir fur la laine, des fruits, des plantes, des bois & ra- cines indigenes ou naturalifées en Normandie. M. le Profefleur de Bo- tanique,, MM. Rondeaux & Grandin; s’intérefflant à mon projet, ont bien 312 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, * voulu me facrifier des branches de prefque tous les arbres & arbuftes curieux qu’ils cultivent. : J'ai penfé ne point devoir m'occuper effentiellement de [a garance, de la gaude , & d'autres plantes dont les propriétés font affez connues des Tein- turiers. Je n'en ai donc employé qu'avec des tours-de-main, ou pour n’af- furer que l’apprèr de M. Delafolie ajontoit à la folidité & à l'intenfité de leurs couleurs. à Ce Mémoire ne fera point chargé de l'énumération des tentatives qui ne mont point réufli; J'en garde feulement des notes, que je publierai quelque jour , pour prévenir la perte du temps d’autrui à les répéter. Je me borne donc à préfenter trois cents douze échantillons de nuances, dont deux cents quatre-vinot-cinq font fimples & extraites de nos végétaux par décoc- tion & teinture dans lebain tiré au clair. Ces’-échantillons font des feutres, qui réfléchiflent la lumière moins favorablement que ne le feroient des morceaux de drap apprêtés & liffés ;+ quelques-uns font même aflez mal faits. On peut juger quel avantage en réfulteroit dans l’opération en grand. Au refte, ces couleurs font généra- lement plus folides que celles qu'on emploie communément dans la Dra- perie ; prefque toutes réfiftent au vinaigre. Quelques - unes de ces nuances, quoiqu’effentiellement diverfes, fem- blent rentrer les unes dans les autres, parce que différens véséraux n'ont donné des réfultats qui fe rapprochent. C’eft une générofité de la Nature, qui nous procure des fupplémens. Parce que la carrière que j'ai entreprife eft immenfe, & que je n'ai dù prefque m’occüper que des nuances fimples, on y trouvera peut-être un peu de monotonie; mais mon opération principale a été d'interroger chaque végétal ifolé. Les vingt-fept nuances compofées que je préfente annoncent ce que l'Art pourra obtenir de leurs mélanges. Ony verra , entrautres & comme hors d'œuvre, l’orfeille , virée & fixée agréablement, également inattaquable par les acides & par les alkalis. Les couleurs même, que leur bizarrerie femble exclure des habillemens , conviennent pour les ombres des rapiferies. On m'a encore objecté que, dans la pratique aëtuelle, on exécutoit, par des mêlanges d’ingrédiens , la plupart de mes nuances. J'en conviens;l mais le fuccès dépend de l’exa@itude des dofes & de l’uniformité de: Ténergie de chacune des drogues employées. D'ailleurs , l'air & le foleil ;' Aéaux de toutes les couleurs, attaquent d’abord les plus foibles de ces! ingrédiens & bringent la nuance. Dans mon fyftème, au contraire , points d'erreurs dans les poids, point de variétés à craindre dans l'énergie ; & le foleil n'agiffant que fur des atômes colorans homogènes , il les dégrade à la longue, mais fans les dénaturer. ' ) Je dois connoître afez les principes du Commerce , pour ne pas ignorer: SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 313 qu'il faut néceffairement acheter des Nations auxquelles on a intérét de vendre : aufli n'ai je pas prétendu que mon travail, perfeétionné même par des mains plus habiles, nous difpensät jamais d'importer des matières “colorantes ; mais il ne m'a point femblé indifférent de connoître les ri- cheffes naturelles de ce clitnat, fauf à n’en ufer que dans les circonftances critiques , amenées par la guerre ou par la politique fifcale des Etats voifins. L'Académie de Rouen a daigné accueillir mon projet comme un objet de curiofité, qui pouvoit concourir aux progrès de l'Art de la Teinture. La Société Royale d'Agriculture a penfé que, vu qu'il procure, une valeur vénale à plufeurs herbes nuifbles aux grains, il engageroit les Culriva- teurs à les en extirper plus exactement, Elle fe atre aufli que les arbuftes, les plus vils en apparence, m'ayant fourni les plus belles couleurs , cela in- vitera à leur confacrer les terreins arides ou marécageux qui fe refufent à la culture, & qui pourront fufhre à leur végétation. | J'ai reconnu que les brandilles ou pouflures d'un an, de tous les bois dont l'écorce me donnoit des couleurs riches ; étoient propres au même effet. IL en réfulte économie de main-d'œuvre & de dépenfe , puifqu'au lieu d'enlever l'écorce de l’atbre, & de le faire périr, il fufira de l'émonder ou d'en couper des bourrées, | J'entrevois encore une vérité qui confirme l'exaëlitude des diffributions par familles botaniques, puifque les arbres de chacune me procurent | à très-peu près, les mêmes nuances. Tous les peupliers me donnent du jaune ; tous les mef- pilus, du mordoré; tous les drupa, du cannelle , couleur de Nanguin € noiferte. Je me propofe de fuivre cet examen , lorfque les nouveaux fujets d'expériences me manqueront. Au refte, ayant prefque épuifé les végéraux ligneux, j'entreprends les plantes ; je defire des fuccès , & les occafions d’en faire un nouvel hommage à la Patrie, J'oferai- dire que ce Mémoire fut accueilli par les applaudiffemens de mes Concitoyens affemblés , tant il eft vrai que des faits d'une urilité di- reéte &: réèlle n’ont pas (comme des projets & des fpéculations ) befoin dela magie du ftyle pour intéreffer les efprits juftes. Dès que-la Séance fut finie, on s'empreffa dé vifiter, en détail, lés échantillons expofés ; & , pendant demi - heure, je pus à peine répondre aux queftions & aux propos obligeans qui m'étoient inileteutE ed adreffés. Mälheur à celui qui, dans ces momens d’enthoufiafme patriotique, fe füt échappé à dire quéie préfentois des fuirs ifolés : que je m'appropriois le coin qu'un autrez défriché ; que je 'n'avois nulle idee de l’analgie extrinsèque &' intrinsèque des plantes’; que mon Mémoire & mes Cartes paroiffoient fournir quelques faits, & rien de plus ! On lui auroit dit: « Vos affertions ne font ni pohes » nivVraies», Si quelqu'un fe füt vanté d’avoir raflemblé les diverfes elpèces 314 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, des érables , des: faules, des peupliers, des rhuz, des figuiers | des müûriers, des bouleaux, des charmes, &c., pour faire, par la fuite, des expériences , les gens les plus modérés lui auroient répondu : « Lifez les » mots écrits fous ces échantillons; vous y trouverez tous ceux que vous » citez, & les couleurs folides qu'ils produifent. Vos projets font vaftes, » mais ce ne font encore que des projets. Si vous les rempliflez auf bien » que vous les expofez, vous donnerez un Livre curieux; mais quant à > l'utilité, objet Le plus louable des travaux d’un Citoyen, l'ouvrage eft » fait; vous ne venez qu'en fecond dans la lice, L'édifice eft conftruit, » vous pourrez peut-être y ajouter feulement quelques décorations; c’eft ce » qu'il faudra voir, & fur tout fi elles feront de bon goût ». s < Ici finit l'énumération de mes titres d’antériorité fur les prétentions dés ‘Auteut$ des deux Lettres, datées les 23 & 24 Août, mais lues à l'Aca- démie feulement dans fa Séance du 15 Novembre 1780. Je dois cependant apporter tout Ce-qui a fuivi le 2 Août, parce qu'il fert au moinsà prouver que l’Adminiftration ne regardoit pas mon travail comme une chofe indiffé- rente ou déjà connue. | M. le Directeut - Général m'a honoré , le 10 Septembre, d'une ré- ponfe , gage précieux de fes bontés & de diftinion pour mon entre- prife , laquelle feroit bien peu: intéreflante , fi je n’avois fait que me traîner fur Les pas de ceux qui en ufurpent l'honneur , les 23 & 24 Août. Le 18 Septembre , preflé par je ne fais quelle infpiration , je fis paffer à M. Dailly les mêmes cartes d'échantillons que j'avois expofées en Séance publique, en y ajoutant trois nuances de verd fimple & natifque je poffédois alors, & qui compléroient le nombre de deux cents quatre-vingt-huir. Le même jour, j'adreflai à M. Macquer trois coupons , chacun de fix aunes & demi d’efpagnolette, teints du même verd /£mple & naïif, en trois nuances. Le 13 O&tobre, M. Dailly m'accufe la réception des cartes d’échan- tillons, en difant: & C’eft une collection auffi nouvelle qu'intéreffante , &c » je, vous promets de la conferver bien précieufement . . . :.. Vous ne » pouvez manquer de fatisfaire M. de Crofne , en lui en remettant une. Ce > travail eft en effet bien digne de l'attention d'un Adminiftrateur >. Le 20 Oétobre,: M. Macquer me répond: « J'ai reçu , dans leur temps, » les trois coupons d’efpagnolette teints de votre nouveau verd natif ; ils » m'ont paru prouver complétement l'utilité de cette découverte. Ce verd, » fans être du plus grand brillant, eft pourtant une couleur décidée & affez » agréable ; il a l'avantage très-effentiel de, conferver toute la douceur de » la laine, C’eft ce qu'ont reconnu , avec moi, MM. Perou & de Crétot, » de Louviers, qui ont vu chez moi vos coupons , & qui eu ont été très- » contens. Ainf, Menfieur, fur cet objet, je regarde lachofe comme décidée, » & je vous.en fais mes complimens de tout mon cœur: x Vos cinquante-un échantillons nouveaux ont, comme vous le dites , un y 4 ua SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. x » un grand air de famille avec leurs devanciers, mais ils n'en font pas # moins importans, parce que dans celles de toutes ces nuances dont » l’ufage pourra s'introduire dans la Teinture, il fera infiniment utile d’avoir » à choifir celles qui mériteront la préférence, par la folidité de la couleur, » la modicité du prix , la facilité de l'exécution, la douceur de la laine, &c: ; » & ce n'eft qu'en multipliant Les eflais, comme vous le faites avec tant de » Courage, qu'on pourra fe procurer ce choix. » Je goûte fort les motifs par lefquels M. Grandin vous a déterminé à » teindre en laine le drap que vous projettez de faire de votre verd ; il »> vaut mieux être un peu plus longtemps, & prévenir toutes Les objec- » tions dans cette première épreuve, d'autant plus que, puifque votre verd >» pénètre la tranche du drap foulé, cela n’empêchera pas que vous ne puifliez, > par la fuite, teindre aufli des draps tout apprètés .,.. J’ai l'honneur d'être 2 avec infiniment de confidération & d’attachement, &c. Signé MACQUER. 2 À Paris, ce 20 Octobre 1780 ». D'après tout ce que deflus, je demande fi l’Adminiftration , fi M.Mac- quer, fon Commiflaire , juge-né, en premiere inftance ; de toutes les nou- veautés en ce genre , accueilleroient ainfi quelques faits ifolés , pris au hafard, ou le vil Plagiaire du travail d'autrui ? Enfin, pendant la vacance , j’ai continué mes recherches , & j'ai pré- fenté à l'Académie, le 22 Novembre, ma colleétion d'échantillons juf- ques & compris le n°. 352 en couleurs fimples. J'ai lu, dans la même Séance , le premier Cahier, mis au net, contenant 32 pages, du petit Traité de (1) Phytobaphie indigène, que j'efpère mettre en état de paroître un jour. La Préface n'eft prefque qu'une copie du Mémoire que j'ai lu en Séance publique du 2 Août. Les divifons font par claffes de couleurs, parce que mon opinion, étayée de celle de M. Macquer , vaut bien celle d'au- trui, en fait d'Arts. Je n’aurai jamais la préfomption d’inftruire les Savans, mais bien les Ouvriers & les Artiftes, de la perfuafion & du concours defquels je croirai toujours que dépendent les progrès d’un genre de teinture nouvellement propofé. Engagé par l'Académie à produire mes défenfes, je lui préfentai, en otiginal, tous mes titres ci-deflus tranfcrits; ils furent lus à haute voix , &, à ma réquifition , paraphés à mefure par mon Collègue : après quoi , la Compagnie m’accorda ae & tranfcription fur fon regiftre des aflertions fuivantes ; 1°, Tant qu'on ne m'oppofera point trois cents cinquante- deux nuances fimples & folides fur laine , extraites des végétaux indigènes, mais autres que (1) Pegerabilium tinélura de qurèr , planta, & Bagn ,tinéfura , mmerffo , de f& ao , je plonge, &c. Tome XWIT, Part. I, 1781, AVRIL. Rr 316 ‘OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ceux qui me les ont fournis, je prétendrai toujours devancer de 3$2 pas ceux qui me difputeront la carrière, parce que, dans les Arts , les faits feuls forment époque. 2°, J'ai reconnu & démontré , les 13 & 27 Avril 1780 (1), l'identité des couleurs produites par Les arbres de la même efpèce; & mal-à-propos me taxe-t-on de n'avoir nulle idée de l’'analogie extrinsèque & intrinsèque des plantes. Si je n'ai pas préféré la divifion par familles, c'eft d'après de bons avis, & dans la vue d'accélérer les progrès de l'Art. 3°. Ni moi ni M. Delafolie n'avons fourragé le champ de perfonne, & moins encore celui des Auteurs des Lettres, qui, jufqu'à préfent, n'ont montié aucun titre de propriété ni même de poffeflion en ce genre. 4°. Je n'ai point teint des feutres de chapeau , mais des flocons de laine, réduite enfuite en feutres d'effai, lefquels réfléchiflent la lumière, & parcon-- féquent Les couleurs , moins favorablement que des morceaux de drap ,ap- prètés, mis fous preffe & lLiffés. : k 5°. De ce que M. de Crétot (qui n’a point demandé à feu M. Del:- folie la compolition de fon mordant ) a dit ne le point avoir, on n'en doit pas infinuer que j'ai eu tort d'avancer que ce généreux ami l'avoit donné aux Fabricans d'Elbeuf & de Louviers, qui le lui demandoient. 6°.J ai annoncé verbalement, & dans tous mes Ecrits, combien je fouhai- tois que mon travail fût perfeétionné par des mains plus habiles ; je defire encore qu'on puifle former une ftetue exquife du bloc de marbre que je préfente , pourvu qu'on ne me difpute point fon extraction de la carrière où 1l reftoit ignoré. 7°. J'applaudirai le premier aux fuccès des Entrepreneurs du vafte & beau projet annoncé, s'ils le rempliffent auffi bien que je les en crois . capables, pourvu qu'au milieu de leur gloire , ils n’attentent point à la mienne. 8°. Je crois être le premier qui ait démontré, par la pratique, les 13 & 27 Avril 1780 , l'identité des couleurs produites par les arbres d’une même efpèce, quoiqu’à l'inftant, & dans le fein même de l'Académie ,on me fafle obferver que M. Adanfon l’a expreffemenr annoncé, pag. 78 de fes Familles des Plantes. 9°. Au refte, je prie l'Académie, & particulièrement M. de Couronne, d’interpofer leurs bons offices pour faire cefler une querelle qui ne pourroit que nuire à l'émulation & aux progrès des Sciences & des Arts. Malgré ces avances de ma part & mes efforts pour obtenir la paix, la querelle a acquis la plus grande publicité par limpreffion des Lettres des 23 & 24 Août 1780. Alors j'ai demandé à l’Académie des Commiflaires pour vérifier les co- EEE (x) J'entends toujours identité de couleurs , & non identité d’intenfité. SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 317 pies que je lui remettois de tous mes titres, & à l'Adminiftration fon agré- ment pour publier ceux de ces titres que je tenois de fa bienveillance. Dans l'intervalle , j'ai continué mes opérations & porté ma colleétion de couleurs fimples & folides jufqu'à quatre cents vingt. Il me refte à defirer que cetre pccafion , que mes rivaux m'ont donnée de parler de moi, mette le Public en état de juger entre nous. J'ai l'honneur d'être, &c. Détail des Découvertes de M. MARAT, fur l'Éle&ricite ; Envoyé par M***, J E me fais un devoir de vous communiquer , Monfieur , es expériences qui font la bafe de la nouvelle théorie de PAuteur; elles ne fauroîent manquer de faire plaifir à ceux de vos Lecteurs qui s'occupent des phéno- mènes de l’éleétricité, à ceux fur-tout qui connoïflent fon a travail fur le feu & fur la lumière. Jufqu'à préfent, c'eft une loi conftante pour les Phyficiens , que les ai électrifés de même fe repouflent après s'être attirés : effet qu'ils déduifent d'une force répulfive, effentielle aux globules électriques. Per- fonne , avant M. Marat, ne s’étoit avifé de révoquer en doute la vérité d'un principe fondé , en apparence , fur des phénomènes invariables. Voici de quelle manière cet ingénieux Phyficien eft parvenu à reconnoitre que ce principe , univerfellement admis, eft deftitué de fondement. « Après » avoir ifolé fur des cordons de foie neuve un gros fil d'archal , terminé >» par des boutons, il fufpend deux boules de liége à des fils égaux , de » manière qu'elles fe touchent & que les fils foient perpendiculäires ; en- >» fuite il met en contaét, avec un des boutons du fil d'archal , le crochet » de la bouteille de Leyde bien chargée. A l’inftant les boules font repouf- 5 fées: mais bientôt elles fe rapprochent peu-à-peu jufqu'à fe toucher ; » » puis elles reftent en contat, malgré que la boureille ne foit pas dé- >» chargée ». Or, fi la répulfion des corps électrifés venoit d'une force répulfive , effentielle aux globules électriques , le rapprochement des boules feroit impofhble, tant que la bouteille continue d’être électrifée , parce qu'une caufe conftante a nécefflairement un efféc conftant. Mais il ne borne pas-là fes preuves. « Après avoir fufpendu, de la même manière ; #les boules de liége à un petit cylindre, arrondi par les bouts & viflé » tranfverfalement à l'extrémité d’un gros fil d’archal introduit à travers # un bouchon dans un grand récipient de verre, il fixe l’autre extrémité » dans un trou pratiqué au bouton du cenduéteur; puis il interdit tout » paflage à l'air ,au moyen d’un enduit de cire appliqué au bouchon ; enfin Tome XVII, Part, 1,1781. AVRIL, Rs 318 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » il fait le vuide. Dès qu'on électrife Le fil d’archal, les boules s'écartent > beaucoup moins qu'en plein air. Si le vuide eft porté à un haut degré, » quelque violemment qu'on éleétrife le fil d’archal, les boules ne s’écar- # tent point du tout durant quinze ou vingt fecondes ». Or, fi leur ré- pulfon venoit de la caufe à laquelle on Fattribue, conclut encore M. Marat, elle devroit être plus marquée dans le vuide qu’en plein air, parce que cette caufe n’y eft pas contre -balancée comme dans l’atmofphère. Ainfi, libres de compreflion , les globules électriques devroient s'écarter beaucoup plus. Puis donc.que les boules reftent unies, quoique fortement électrifées , le fuide électrique n’eft pas doué d’une force répullive, effentielle à fes globules. D'où vient done la répulfion des corps éleétrifés? elle vient , felon M. Marat, de l'impreflion du fluide, qui fe précipite fur leurs fur faces, & qui, s’écoulant par tous les points, écarte ce qui s’oppofe à fon paflage. Dans les corps élafliques, elle vient auf de la réadion après le choc: car elle eft toujours proportionnelle à leur reflort. À l'égard de la divergence des rayons d’une aigrette, il penfe qu'elle n’eft produite que par la réfiftance de l'air ambiant, parce qu'il a obfervé que dans le vuide, porté à certain point, ces rayons fe réuniflent & forment toujours des filets continus de même groffeur. Néanmoins Le contraire devroit nécef- fairement arriver, fi la divergence venoit d’une force répulfive , effentielle aux globules éleétriques; car plus l'air eft raréfié, moins il oppoferoit de réfiftance à ces globules, qui tendroient à s’écarter. Après avoir démontré que ces globules ne fe repouffent pas , M. Marat démontre qu’ils s’attirent, & toujours à l’aide d'expériences faites dans le vuide. « Ainfi, au lieu d’être en contact, fi ces boules font efpacées » d'une ligne , dès qu’on viendra à éleétrifer le fil d’archal, elles s’atti- > reront jufqu'à fe toucher; fi elles font efpacées de fix lignes , elles s’at- > tireront & fe rapprocheront de la moitié de l’efpace intermédiaire. Vient- 2 On alors à diminuer la quantité de fluide électrique, qui influe aux » boules fimplement en approchant du fil d’archal le bout du doigt, fans > pourtant tirer l’étincelle , les boules s'attireront avec violence & fe tou- » cheront à l'inftant ». Ce qu'il y a d’étranger, c’eft qu’elles fe touchent au moment où l’on approche le doigt, & au moment où on le retire. IL eft donc hors de doute que les globules électriques s’attirent mutuellement , loin de fe repouffer. Jettons un coup-d’œil fur les conféquences de cette importante décou- verte. On fait que les Phyfciens ont coutume de déduire les phénomènes d'électricité, & de l'attraction des globules éleétriques par toute autre matière, & de la répulfion réciproque de ces globules. En renfermant la fcience dans les bornes du vrai, M. Marat aura donc facilité les moyens de ramener les effets à leurs caufes , & fimplifié fingulièrement les expli- cations. Perfonne n’ignore que ce qui, jufqu'à préfent, s’eft le plus oppofé ä une connoiffance exacte de Ja nature du fluide élerique, c’eft qu'il TE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 319 échappe toujours à l'examen de l'Obfervateur; ou s'il vient à briller à fes yeux, c'eft pour un inftant fi court, qu'il eft impoffble de l'obferver, Or, les Phyficiens n’ont trouvé d’autres moyens d’obvier à cet inconvénient, que d'augmenter le volume de leur appareil ; expédient inutile , car pour avoir accumulé une plus grande quantité de fluide fur un corps , ils n’ont pas diminué la vélocité de fon mouvement. Mais dans les expériences par lefquelles notre Auteur démontre que les globules électriques s’at- tirent, ce fluide forme, fous les yeux de l'Obfervateur, des courans continuels , qu'il peut examiner à fon aife & foumettre à toutes fortes d'épreuves durant des heures entières. C’eft ici le lieu de vous entretenir, Monfieur, de quelques phénomènes éleétriques fort étranges, que per- fonne ( du moins que je fache) n'avoit obfervés avant l’Auteur ; phéno- mènes qui paroiflent non-feulement confirmer fa théorie, mais renverfex toutes les idées reçues , lorfqu'on ne fait pas les rappeller à leur vraie caufe; les voici. æ Si, à deux pouces de diftance, on place fur un fupport métallique » au niveau & dans une direction parallèle à la longueur du conduc- # teur, une aiguille mouvante avec liberté fur pivot, quoique la roue » tourne avec force, l'aiguille reftera immobile ; mais pour peu que fa > direction ne foit pas parallèle, aufi-tôt que la roue commencera À tour- » ner, l'aiguille préfentera une pointe au conducteur. Alors, fi de part » & d'autre on oppofe latéralement à cette pointe le bout du doisr, un fil d’archal, un tube de verre, ou un bâton de cire, elle s’en éloi- >» gnera; fi on oppofe l'un de ces corps à l’autre pointe, elle s’en approchera; » fi de part & d’autre on approche lentement de la première pointe l'un » de ces corps , l'aiguille décrira un quart de cercle ; fi on l'approche promp- » tement, l'aiguille en décrira deux ». On fent bien que c'eft le mouvement véloce, imprimé à la première pointe, lorfqu’elle parcourt le premier quait de cercle, qui l'oblige de parcourir le fecond; car, pour peu que ce mouvement foit aflez vit poux faire décrire à cette pointe un arc de 9 x degrés, il ramène l’autre pointe dans la fphère d’attraétion du conducteur. « Par la même raifon, fi on met circulairement Fun de ces corps au- >» deflus de la première pointe , l'aiguille fuivra le même mouvement , & >» décrira un cercle entier; fi l'aiguille eft pofée fur un fupport de cire, les » phénomènes feront femblables , mais moins marqués ». Ainfi, du cercle qu’elle décrit, la moitié paroïît être la fphère d'acti- vité d’une force répulfive , tandis que la moitié oppofée eft la fphère d'ac- tivité d’une force attractive; & l’efpace où ces deux forces oppofées fem- blent déployer leur énergie, a de fi exactes bornes, qu’elles font fixées par une même ligne. Mais ce qu'il y a de plus étrange encore, c’eft que, dans la première fphère, la répulfion s'exerce, en apparence, entre deux corps différemment éleétrifés. 820 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ? « Sion obferve ces phénomènes dans l’obfcurité, tant que l'aiguille fera » parallèle au conduéteur, fans être ifolée, on remarquera un petit point >» lumineux à chaque extrémité; mais dès que l'aiguille préfente une ex- > trémité au conduéteur, à cette extrémité feule paroït un grand point lu- 2 IMmIneUux. » Quand on approche de cette extrémité un corps quelconque , le » point lumineux s'éloigne à l'inftant ; quand on le préfente à l'extrémité >» oppofée, au moment du contaét, paroït un point lumineux fort petit. » Mais fi l'aiguille eft ifolée & à une diftance convenable du conduc- » teur , à l'extrémité antérieure paroîtra un point lumineux, & une aigrette » à l'extrémité poftérieure. Ce point fuit toujours à l'approche d’un corps » quelconque: mais cette aigretre, changée en jet, s'y porte toujours ; & #ce jet décrit tantôt une droite, tantôt une courbe. Quelle que foit la » nature du corps préfenté , les phénomènes font identiques ; mais ils font » toujours d’autant mieux marqués, qu'il eft plus propre à tranfmettre la »# commotion ». Ainfi, ces phénomènes lumineux confirment ce que nous avons dit de la fphère d'attraction & de Ja fphère de répulfion renfermées dans un même cercle. Je n'arrête ici, Monfieur , pour donner quelque temps carrière à l'ima- gination de vos Lecteurs , qui s'occupent des recherches phyliques. Le merveilleux a des charmes, même pour les Phyficiens; eh! quoi de plus propre à piquer leur curiofité , que les phénomènes dont je viens de vous faire Le détail ! Le petit nombre s’occupera , fans doute, à en rechercher la çaufe ; quant à ceux qui aiment à fe retrancher dans l'incertitude des connoif- fances humaines , le beau champ pour les déclamateurs ! La fuite au Mois fuivant, Lettre de M. DE PAUI DE LAMANON, du 15 Mars 1781, Monsieur, J'a1 l'honneur de vousenvoyer un Mémoire relatif à un Os qu’on a trouvé dans une cave de cette Ville , & qui a appartenu à un animal des plus monf- treux pour la groffeur. Si vous croyez que les perfonnes qui cultivent l'Hif- toire Naturelle puiffent prendre quelqu’intérêt à ma defcription, je vous prie de l’inférer dans votre Journal (1). Je fuis , avec les fentimens les plusdiftingués, &c. (1) Nous ferons connoître ce Mémoire dans le Journal prochain, L | | | | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 32y NOUVELLES LITTÉRAIRES. PT: STOIRE NATURELLE, ou Expofition génér..le de toutes [es parties, gravées G imprimées en couleurs naturelles ; par M. FABIEN GAUTIER D'AGOTY, cinquième fils. I°*°. Partie, Règne Minéral. L'Hiftoire Naturelle , cette fcience fi néceffaire à l'homme , étant, pour ainf dire, la bafe“de toutes fes connoiffances , on fent combien ileft inté- reflant d'en faire fon étude, & d'y chercher la vérité à travers les nuages épais qui l’enveloppent. … C’eft à l'éloquence , à la nobleffe du ftyle, aux vues fublimes ou pro- fondes de M. le Comte de Buffon, qu'on doit, fans doute , parmi nous cette vive émulation & ce goût décidé pour la plus belle des Sciences , pour la connoiffance des êtres qui conftituent la Nature: en effet, cet immortel Ecrivain femble avoir fait germer dans nos ames le defir conf- tant d'interroger la Nature & d'en approfondir les plus fecrets myf- tères. Plufeurs Savans de différentes Nations , & non moins célèbres , fe font efforcés , de leur côté, à enrichir de leurs découvertes le dépôr de nos con- noiflances ; ilne m'appartient pas d'en faire ici l'éloge : je me bornerai donc à faire mention de ceux qui ont trait à mon fujet. Etant, en 1776, dans le deffein de donner au Public lHiftoire Naturelle des trois Règnes en planches coloriés, Sa Majefté m'accorda un Privilège en conféquence, & j'entrepris cet Ouvrage. Je commençai par le Règne minéral , pour fuivre l’ordre que fembloit m'indiquer la Nature, qui s'élève des fubftances les plus fimples aux plus compofées: mais me défiant de mes propres lumières, & fentant combien il étoit effentiel pour moi de confulter les Savans , pour apprendre d'eux la route que je devois tenir dans cette carrière épineufe, je m'adreflai à M. Sage, moins célèbre encore parmi nous que chez l'Etranger, où fa réputation me l’avoit fait connoïtre , comme joignant au mérite le plus vrai les manières les plus obligeantes. C'eft lui qui m'a recommandé à M. de Romé de l'Ifle, homme à qui la Nature a donné ce taét heureux qui failic les rapports les plus délicats des êtres, pour remonter à leurs caufes & dévoiler leurs principes ; c'eft M. de l'Tfle qui , le premier, a confidéré les Elémens de Criftallographie du Chevalier Von - Linné comme bons & fufceptibles du degré de perfection où il les a portés, en nous enri- chiffant des découvertes du plus grand Naturalifte que le Nord ait produit, 322 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, C'eft fur fes traces que je marche.d'un pas ferme, & fans crainte de m'égarer dans le dédale des fyflèmes. Son Effai de Criftallographie , chef-d'œuvre d’une application réfléchie, d'un travail conftant & pénible, eft peut - être l'Ouvrage le plus farisfai- fant & le plus capable d'infpirer l'amour du vrai, & celui de fa recherche en Hiftoire Naturelle : auf, dès qu'il parut, les Allemands s'emprefsè- rent-ils de le traduire en leur Langue; & l'Europe éronnée vit la Géo- métrie concourir avec la Chymie , à faire prendre à la Phyfique une face toute nouvelle qu'on avoit à peine foupconnée. Si l'Ouvrage que je vais mettre au jour peut me mériter l'attention du Public, c’eft aux lumières de cet habile Criftallographe quej'en ferai re- devable. Ses confeils m'ont affermi dans la réfolution que j'avois prife de commencer par {e Règne minéral, quoique les objets qui le compofent foient beaucoup plus difficiles à repréfenter que ceux des deux autres Règnes. Comment en effet rendre une multitude de corps lifles ou diaphanes, des furfaces luifantes comme l'acier poli, ou changeantes comme la gorge des pigeons? comment faire fentir les nuances infiniment variées des cou- leurs métalliques , & les tons qui diftinguent, par exemple, une mine d'argent grife , d'une galène, d'une pyrite arfénicale, d'une mine de cobalt grife , d’une mine de fer ou d'antimoine, d’une molybdène ou d'un mica ? Ce font, fans doute, ces difficultés qui font caufe que, jufqu'à préfent , on n’a rien donné de bien fatisfaifant fur cet objet (1): aufli, fans le fecours des formes cryftallines ou polyèdres, qui caractérifent bien dé- cidément chaque efpèce, aurois-je abfolument renoncé à ce projet. Le Règne minéral ne paflera pas cent planches ; les planches feront im- primées en couleurs naturelles, qui imiteront celle de chaque minéral, autant que l'Art peut, en ce genre , approcher de la Nature. Chaque planche repréfente un ou plufeurs grouppes bien cara@térifés ; & , comme les formes polyèdres ou cryftallines font un des principaux ca: raétères que doivent confulter les Naturaliftes , je m'attache fur-tout à celles qui font très - diftinétes & les moins altérées qu'il eft poffible; je cherche auffi à rencontrer plufieurs variétés réunies dans le même morceau , afin qu'on ait fous un feul point de vue les objets de comparaifon , & que le paf. fage d’une forme primitive à une forme fecondaire , ou d’un polyèdre à l’au- tre , s'apperçoive du premier coup-d'œil. Chaque morceau met ainfi fous les yeux la forme angulaire propre à chaque fubftance dans l'état de cryftallifation. C’eft pour sait cette forme encore plus fenfible, que je donne , au bas de la planche , les cryf- (x) Il faut ici rendre juftice à M. Schmiedel, Quelques planches de minéraux qu’il a faitenluminer à Nuremberg , font ce que nous avons de mieux dans ce genre; elles fon d’ailleurs accompagnées de favantes Remarques ; qui fappléent à ce que ces planches laif= fent defirer pour la vérité des couleurs, j taux SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 393 taux folitaires & dérachés de même forme que Ceux qui compofent le grouppe : fouvent même j'y joins leurs variétés; &, lorfque la figure en ef crop compliquée, j'en préfente la coupe ou le développement. Les planches font accompagnées de Notes faites par M. Romé de VIfle; elles donnent l'explication des grouppes qui sy trouvent repré- fentés , & l'exaéte defcription des formes polyèdres particulières à chaque efpèce. J'indique le Cabinet d’où j'ai tiré l’objet que je repréfente, autant par reconnoiffance pour les perfonnes qui ont bien voulu concourir à l'exécution de cet Ouvrage, que pour éviter le reproche d'inexactitude dans la repré- fentation des objets. Cet Ouvrage eft de format grand in-4°., &, comme je l'ai dit, ne paf- fera pas 100 planches; je tâcherai même de le compléter avec 80 : ce qui formera huit ou dix diftributions de 10 planches chacune, La première livraifon fe fera dans le commencement de Mai prochain; & les autres fuivront de trois mois en trois mois. Chaque livraifon, compofée de 19 planches coloriées , avec leurs expli- cations, coûtera 15 liv. Les planches & les notes feront imprimées fur le plus beau papier d'Hol- lande, En retirant, au commencement de Mai, la première livraifon ou les 10 premières planches , on paiera 15 liv., & on donnera d'avance 1j Liv. pour la livraifon fuivante; en recevant la feconde , au premier Juillet, on paiera 15 Liv. pour la troifième , & ainfi de fuite : de forte que Les Souf- cripteurs ne feront jamais en avance que de 1$ liv. pour le montant de la prochaine livraifon. Ceux qui voudroient acheter cette livraifon fans foufcrire pour Les autres, paieront 20 liv. , au lieu de 15. IL faut s'adreffer, pour recevoir la première livraifon & foufcrire pour les fuivantes, chez MM. Belu & Compagnie, Marchands Merciers, rue de L'Arbre-Sec, près la Fontaine , au coin de La rue Saint - Honoré. Les perfonnes de Province & de l'Etranger font priées d’affranchir les lettres & le port de l'argent, . Connoiffance des Temps , ou connoiffance des Mouvemens célefles pour l'année 1783 , publiée par l'ordre de l’Académie Royale des Sciences ; calculée par M. JEAURAT, de la méme Académie ; préfentée au Roile 28 O&lobre 1780. À Paris, de l'Imprimerie Royale; & fe vend chez Moutard, rue des Mathurins, à l'Hôtel de Clugny. Cet Ouvrage , qui, dans l'origine , n’étoit qu’une fimple annonce des principaux phénomènes aftronomiques , s’eft confidérablement augmenté dans les mains des Académiciens , qui, fucceflivement, l'ent enrichi de ce Tome XVII, Pari. 1,1781 AVRIL, x 324 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qui pouvoit ètre le plus utile aux progrès de la Navigation; & Les Volumes de M. Jeaurat ne cèdent en rien à ceux de fes prédéceffeurs. Si on récapitule nos annonces de cet Ouvrage, on verra ce qu'à chaque fois M. Jeaurat a publié de nouveau en faveur des Aftronomes & des Na- vigateurs, Par exemple : Dans le Volume de 1776, il a donné, pag. 315—359,une Table calculée de la pofition du nonagéfime fous plufieurs latitudes, &c. Dans le Volume de l'année 1777, il a donné, pag. 190—247, la po- fition de neuf cents vingt-fepe Etoiles zodiacales, que la lune & les autres planètes peuvent éclipfer; une méthode pour dérerminer , par obfervation, l'effet de la réfraction horizontale, &c. Dans le Volume de l'année 1798, il a donné, pag. 163—196 , le cé- lèbre Catalogue des Etoiles obfervées par Tobie Mayer , & dont il y a très- peu d'exemplaires en France. Dans le Volume de l’année 1779 , il a donné, pag. 213—223 , la mé- thode de M. le Chevalier de Borda, pour déterminer les Longitudes à la mer; aux pages 260— 301, une Table précieufe du relevé de l'erreur des T'ables de la Lune de Mayer, &c. à Dans le Volume de l’année 1780, il a donné, pages 317—318, des obfervations d’Eclipfes des Satellites de Jupiter , faices à Marfcille par un habile Obfervateur, &c. Dans le Volume de l’année 1781 , il a donné, pag. 223— 351, une faite confidérable de Tables pour l'aberration & pour la nutation de deux cents cinquante-huit des principales Etoiles, &c. Dans le Volume de l’année 1782, il a donné , pag. 213—231, la pof- tion de deux cents cinquante-huit Etoiles, calculée fcrupuleufement & trigo- nométriquement pour le premier Janvier 1782, &c. Préfentement, dans le Volume qui vient d’être publié pour l'année 1783, voici fuccinétement ce que M. Jeauratnous paroît avoir donné de nouveau & d'intéreflant tant pour les Obfervateurs que pourles Navigateurs. Pag. 212—21;, il donne une Table d’un ufage facile dans la pratique, pour calculer ,aufli exaétement qu’on le puifle defirer , le temps que le demi- diamètre de la Lune emploie à traverfer le méridien. Pag. 225—2 54, il donne un Catalogue précieux des Nébuleufes obfer- vées par M. Mefier à l'Obfervatoire de la Marine. Pag. 276— 296, il donne une Fable très-ample de la poftion géogra- phique des différens lieux de la terre; &, quoiquefufceptible de nouvelles perfeétions, cette table eft peut-être la plus étendue & la plus précife qu'on ait encore eue. Pag. 342—351, il donne les Tables du Soleil de Tobie Mayer, ré- duites au méridien de Paris; & afin de les rendre plus commodes que celles de l'édition de Londres, il a rendu additives toutes les équations. Ces Tables SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 325 font fuivies des erreurs des Tables de MM. l'Abbé de la Caille & Mayer ce qui met les Aftronomes à portée de fixer leur choix entre les deux meil- feures théories du Soleil. Pareillement , M. Jeaurat donne auf , pag. 260— 301, l'erreur des Tables de la Lune de MM. Claurant & Mayer; ce qui confirme de nouveau le degré de confiance qu'on doit avoir en ces deux différentes Tables de la Lune. Enfin, M. Jeaurat a terminé fon huitième Volume, pour l’année 1783, ar des obfervations météorologiques faites à l’'Obfervatoire Royal de Paris & à Montmorency. À la page 388 , on trouve, dans deux colonnes contigués & de front, la quantité. d'eau tombée à Paris & à Montmorency dans le courant de l’année 1778 , &c., &c. L'aëlion du Feu central démontrée nulle à la furface du Globe, contre les affertions de MM. le Comte de Buffon, Bailly, de Mairan, Gc.; par M.RoOMÉ DE L'IsLE, de plufieurs Académies: feconde Edition, augmentée de nouvelles preuves 6: de plufieurs éclairciffemens, in-8°. À Paris, chez Didot Le jeune, quai des Augultins, 1781. La promptitude avec laquelle la première édition de cette bonne Dif- fertation a été enlevée, annonce bien le jugement que le Pablicen a porté & l’eftime qu'il ena faite. Les preuves & les éclairciffemens nouveaux que l'Auteur y a ajoutés , ne peuvent qu’en augmenter l'intérêt. La brillante idée du feu central & de fon influence , doit s’évanouir devant des obfervations : & des faits. Mémoires d Agriculture pour la Côte de la Méditerranée du Royaume, par M, BARTHES, Seigneur de Marmozières, in -8°. de 334 pages. A Montpellier, chez Picot, 1780. Il feroit à defirer que les bons Obfervateurs s’occupaffent uniquement des parties d'Agriculture relatives à leurs cantons ; c’eft le moyen #de les perfectionner & d’inftruire fes voifins par les expériences, Tel a été Le but de M. Barthes. Le premier Mémoire contient un traité fur l'olivier; des vues neuves, des expériences utiles, des conféquences exaétes , caracté- rifent ce Mémoire. Dans Le fecond , l’Auteur recherche la caufe de la gé- nération des infectes qui dévorent les tas de bleds de la Province du Lañiguedoc , & des moyens de les détruire lorfqu'ils s’en font emparés. Les chenilles des bleds de Languedoc font différentes de celles qui firent de fi grands dégâts en Angoumois, & fi bien décrites par M. Duhamel. M. Barthes confidère, dans ce Mémoire , Les infe@tes & les bleds dans tous leurs états. Le troifième Mémoire fournit les moyens d'augmenter de multiplier les bois fur la côte de la Méditerranée du Royaume; & ces moyens font dictés par l'expérience & par l'obfervation. Cet Ouvrage eft très-utile. 4 Tome XVII , Part. 1,1781, AVRIL, sf 2 326 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Herbier de la France, par M. BULLIARD.. Nous avons annoncé avec éloges les quatre premiers Cahiers de ce magnifique Ouvrage ; la fuite n’a fait que confirmer notre façon de penfer. Le cinquième Cahier contient l’Agaric aqueux, Agaricus aquojus , Aga- 4 ricus melleus , Schæf. ; le Tue-Chien, ou Colchique d'automne, Colchicum 2 aitumnale, Lin. ; le Bolet de Noyer, Boletus juglandis, Schæœf. ; la Jufquiame à dorée , Hyofcyamus aureus , Lin. * Le fixième contient la Digitale pourprée, Digitalis purpurea, Lin.; | lAgaric en forme de dez, Agaricus digitaliformis , ÆAgaricus palefcens, | Schæœf, ; la Douce-Amère, ou Morelle grimpante, Solanum Dulcamara , | Lin. ; la Vefce-Loup commune, Lycoperdon verucofum. Vail. Le feptième Cahier contient le Pied-de-Veau commun, rm macu- - latum, Lin.; l'Agaric bifide, ÆAgaricus bifidus ; la Renoncule bulbeufe , Ranunculus bulbofus , Lin. ; le Bolet coriace , Brlezus coriaceus , Schæf. Le huitième Cahier contient la Beliadone baccifere, Atropa belladona , Lin.; l'Agaric amer , Agaricus amarus ; la Vermiculaire brülante, ou Orpia brülant, Sedum acre, Lin.; la Véfce - Loup pyriforme, Lycopordon pyriforme, Schæf. Le neuvième Cahier contient l’Hellebore noir , Heileborus niger, Lin.; l'Hydne Hériffon, Hydnum parafiticum , acaulon, candido--flavicans , aculeis gradatim dependentibus, longiufculis , ou fimplement Hydnum crinaceus ; l'Hellebore d'hiver, Helleborus hiemalis, Lin.; l’Agaric tortu, Agaricus contortus. Le dixième Cahier contient la Lauréole majeure, Daphne Laureola, Lin.; l'Agaric mou, Agaricus mollis; l'Ariftoloche clématite, Ariffolochia clema- zitis, Lin. ; les Pezizes àlentilles, Peziza lentifera, Lin. L'Herbier de la France , qui fut commencé au mois de Juin 1780 , fera, au premier Mai, à fa douzième livraifon. L'exactitude avec laquelle on a fait paroître tous les mois un Cahier, n'a pas manqué de raffurer le Public fur l'abus qu'on ne fait que trop fouvent de fa confiance; & le contentement unanime que les Soufcripteurs fe font empreflés de prouver, n'a pu qu'encourager l’Auteur & doubler fon zèle. El n’y a pas en effet de Journal, pas de Papiers publics qui n'aient avan- tageufement parlé de cette entreprife; & tout le monde voit avec éton- nement qu'au moyen de l'impreflion feulement, les produétions végétales y font repréfentées d’une manière furprenante & au-d:flus de toutes efpèces ÿ de peintures, tant par la vérité & la durée des couleurs , que par l’exac- titude des détails, qui attent Le Botanifte & le Deflinateur en même temps. Si, pour cette entreprife hardie, il 4 été néceffaire de confulter Îes Chymiltes les plus éclairés, il ne l’étoit pas moins de foumettre ce travail au jugement des Botaniftes Les plus célèbres de notre ficcle; & lon ren- Lai L. | en PS 14 . W EL" Lies d 11" à: Ya nid E7 . 4 e. AU , SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 37 contre à chaque pas, dans le corps de cet Ouvrage , les hommages qui leur font dûs , foit pour quelques obfervations qu'ils ontbien voulu com- muniquer à l’Auteur, foit même pour quelques individus rares dont ils {e font privés en fa faveur. L'Herbier de la France réunit à l’exa@titude du defin & du coloris une courte defcription de chaque plante, qui contient le détail de fes parties caratériftiques , fa durée, le temps où elle leurit, les lieux où on la trouve, fon ufase en Médecine, comment & en quel cas on doit l’em- ployer , l'antidore qu'il faut lui oppofer fi elle eft vénéneufe, Les effers qu'elle produit fur l'homme & fur les animaux, enfin l’ufage qu'on en peut faire dans les Arts 8 Métiers. Cet Ouvrage eft de format in-4°. ; il contiendra toutes les plantes du Royaume : elles font deflinées par M. Bulliard, & gravées à fes frais en manière de peinture. Il en paroît qua- rante huit par an, jufqu’à ce qu'on puiffe doubler les livraifons, Été qu'on aura pu augmenter fuffifamment Le nombre des Artiftes propres à l'exécution de cette entreprife. Si l'on n'a pas adopté un ordre méthodique fous lequel chaque plante auroit paru à tour de rôle, c'eft qu'on a craint les lacunes, prefqu'iné- vitables en pareille circonftance, qui auroient retardé l'exécution de cet Ouvrage ; c'eft qu’il falloir éviter la monotonie, & qu'il étoit fufhfant de faire des citations (1), qui laiflaflent à chaque Botanifte la faculté de claffer , felon fa méthode , ces plantes artificielles, comme il fait dans fon Herbier des plantes naturelles, à mefure qu’elles s'offrent à fes yeux dans le cours de fes herborifations. Pour rendre cette Colletion plus à la portée de tout le monde & la moins difpendieufe poñible { car elle ne manqueroit pas de l'être à la longue , quoiqu’elle foit à un prix très-modique ), il éroit néceffaire de créer un plan de diftribution au moyen duquel chaque Particulier püt fe procurer une partie de cet Ouvrage, fans qu'il s’'engageût à prendre toute {a fuite. De toutes les divifions dont ce travail étoit fufceptible , il a paru fuf- Ffant d’en adopter quatre principales, pour lefquelles chacun püt foufcrire féparément : 1°. pour les plantes vénéneufes (2) ; 2°. pour les champignons; 3°. pour les plantes médicinales ; 4°. pour les plantes grafles, c’eft-à-dire, pour ue les plantes qu’on ne peut deffécher pour être mifes en herbier naturel. (x) On a laïflé à chaque plante le nom François fous lequel elle eft décrite dans la méthode analytique de M. le Chevalier de la Marck ; fes noms Latins , fes clafles & ordres font ceux du Sp. P4. Linn. (2) Les accidens que caufe rous les jours l’ufage des plantes vénéneufes , ne permettoit pas qu'on privât plus long-temps le Public d’un travail de cette efpèce; c’eft pourquoi l’on a commencé par-là. 328 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Lorfque chacune de ces fuites particulières fera finie, on délivrera, Sal » une Table qui déterminera l’ordre qu’on y devra donner. Prix de la Soufcription pour l’Herbier entier. La première année, compofée de douze Cahiers, eft révelue: en la recevant, on paye 39 liv.; & la feconde année, ainfi que les fuivantes, ne coùteront que 36 liv., chaque Cahier ne fe payant que 3 liv.. On envoie régulièrement les Cahiers, à mefure qu'ils paroïflent , aux Soufcripteurs de Paris. ï Il eft néceffaire que les perfonnes de Province, qui foufcrivent poar l'Herbier entier, envoient 39 liv. pour la première année qu’elles recevront fur le champ, & 36 liv. pour la feconde année courante. Pour aflurer la confervation des épreuves dans les envois qu’on eft obligé de faire, on expédie , par La voie des Diligences, les Cahiers dans des boîtes, franches de port; les moindres envois font de fix Cahiers. Si l'on avoit quelques autres occafions dont on voulüt profiter, on eft libre de charger quelqu'un de Paris de retirer les Cahiers à mefure qu'ils paroiflent. Si l'on veut la première année reliée, on eft obligé de joindre au prix de la foufcriprion 3 Liv. , & pareille fomme pour chaque année fubféquente. Prix de la Soufcription pour une partie de l'Herbier. Les perfonnes qui ne foufcrivent que pour une partie de l’'Herbier ,comme pour la fuite des plantes vénéneufes, pour celle des champignons , payent 3 livres la première des plantes qu'elles reçoivent, & 20 fols toutes les autres On envoie également en Province ces fuites dans des boîtes , fi-tôt qu'il y a vingt plantes à expédier ; mais il eft néceffaire que les perfonnes qui foufcrivent pout une partie de l'Herbier quelconque , envoient 39 livres d'avance. On voudra bien avoir l'attention d'affranchir le port des lettres & de l'argent. Il faut s’adrefferà M. Bulliard , rue des Poftes ,au coin de La rue du Cheval- -Verd , à Paris, 1 (4 NT re SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 329 INA) BL E Des ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. M: O1RE furlaCryftallifation ; Par M.pe LA Métuerte, D. M.; = » Page 257 Mémoire fur le Caoutchouc, connu fous le nom de Gomme élaflique; par M. BERNIARD, 26 Extrait d'une Lettre de M. L. H. DE MAGELLAN, Membre de la Société Royale de Londres , 6: d’autres Académies, fur une Pendule peu commune de fon invention , 283 Manière dont on fe fert du Plätre dans quelques cantons du Dauphiné pour les Prairies artificielles ; par M. CHAMPEL, 287 Deftription d'un fourneau propre à toutes les opérations de Chymie € de Phy- Jique ; par M. PrLATRE DE RoOZ1ER, Profeffeur de Phyfique & de Chymie, de la Société d'Emulation de Reims, attaché au Service de MADAME, Gc., 290 Expériences fur les moyens de préferver les aiguilles des Bouffoles de l'influence de l'Eleélricité atmofphérique ; par M. GATTEY, 296 Moyen fimple de condenfer l'air dans un grand Récipient avec toute efpèce de corps par M. CouLoms , Capitaine en Premier au Corps Royal du enLe , 30I Mémoire fur des bois pétrifiés, trouvés à Sery dans le Valois ; par M, NERET ls, 303 je de M. DaAmBoURNEY , Négociant , Secrétaire Perpétuel de l'Académie des Sciences & de la Société Royale d'Agriculture de Rouen, Affocié à L Académie de Lyon, @ des Sociétés de Berne, de Londres , de Lyon G& de Beauvais; à M. MoNGEZ le jeune, Auteur du Journal de Phyfique, des Académies de Rouen, de Dijon, de Lyon, &c., &c., 306 Détail des decouvertes de M. MARAT, fur l'Eleétricite, envoyé par M***,317 Lettre de M. DE PAUL DE LAMANON , du 15 Mars 1787, 320 Nouvelles Litréraires , 321 APPROBATION. 1 lu , par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a pour titre: Obfervarions fur La Phyfique, [ur l'Hiftoire Naturelle & fur les Ares, Êc. ; par M. l'AbbE Rozirr , &c. La Colle&tion de faits importans qu’il offre périodiquement à fes Le&teurs , mérite l’accueil des Savans ; en conféquence , j’eftime qu’on peuten permerre limpreflion, À Paris, ce 12 Avrili78r VALMONT DE BOMARE. pe x 3399 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, €. - ER (REANTIA Mois de JAnNvIER, Mémoire de M. Gaufen. Page 61, ligne , /e cherche, lifez je recherche. Pag. 62, lis. 29, fabffance, eff beaucoup , lifez fubftznce, beaucoup. Ibid. , lig. 31, après le mor chaleur, au lieu du refte de la phrafe, lifez peur étre Sifceptible de différens degrés d'expanffon, à plus forte raifon lefprit-de-vin & le mercure peuvent fe. dilarer felon des loëx différentes. Pag. 63, lig.2, 1740 & 1741, lifez 1740 ou 1741. Tbid., lig. 33, compler, corrigez complet; Pag. 64, lig. 15, recourir fur, lifez recourir à. Pag. 65, lig.24, l’efpéce de fuccés , lifez le peu de fuccés. Jbid., lig. 32, parviendrone, lifez proviendronr. Pag. 66, lig. 15, uniquement, lifez numériquement. Pag. 67, lig. 3, de glace, lifez de la glace. Thid. , lig. 31; ce véritable ,lifez Le véritable. Pag. 69, lig. 30, de 100 parties, lifez de 1000 parties. Pag. 70, lig. $ , quartiré, lifez qualiré. à Zbid., lig. 26, 1731 & en 1736 (27); él, lifez 1731, en1736 (27) il, &c. Pag. 71, lig, 9, de [4 graduarion, lifez de leur graduation. Pag. 72 ,lig. 16, +5, Life +. Ibid. , lig. dernière 255 à 29, lifez 23 à 25. Pag. 73 ,lig. 28, à/ fuir de ce degré, effacez degré. Pag.76, lig. 12,10+<+o, life; 1057 +o. Pas. 78, lig. antépénultième, & gxi, lifez & que. Jbid,, lig. pénultième, r’onr pas, lifez i/s r’onr pas. Mois de Mars. Pag. 224, lis. 17, ayantverfé de l’eau, ajoutez de chaux: Pag. 233, après ces mots , compofirion Chinoife pour bronger L cuivre, ajoutez communiquée. Pag. 234, lig. première, ÿufgu’a dix fois au foleil, en Livant & faifanr fécher à cha- que fois, lilez jufqu’à dix fois , en lavanr & faifanr fécher & chaque fois au foleil. Pag.237, lig. 35, deux gros d'extrair, lifez douze gros. Ibid. , lig. 35 , pefanr onze gros , lifez pefantquarre gros. Pag. 243 ,lig. 32, é/ faut convenir avec Kunkel, lifez Henkel. La même faute fe trouve fix lignes plus bas. Pag.253 ligne 33, 4e el de vinaigre, lifez de fébde fuccin ; &effacez /a crême de rartre. | . l je a Li | ——— WU ol | X D mage mem US PU TT ——— ——— — 7 JOURNAL DE PHYSIQUE. Î IE RE 72 MAI 1781. AI 7 CORNE TEEN EC PTE eo z Dion om | \ ) 4 EF SES CAT S'IMRECE TTLE: QUES PLO:N: Quelle eft la meilleure méthode d'établir & d'entretenir les Prés naturels & artificiels , relativement aux diverfes Plantes qui les compofent; & quels font les moyens de détruire les Plantes | Infeëtes & autres Animaux qui leur font nuïfibles? Patriæ fim idoneus, utilis agris, Uülis bellorum & pacis rebus gerendis. Juven., Sa. XIF. Le Comité d'Agriculture de Genève, en imprimant ce Mémoire, auquel il 4 adjugé la moitié du Prix décerné pour la Queftion qui en ef l'objet, a cru devoir fupprimer quelques palfages inutiles , ajouter des Notes (1) qui fervi[- fent d'explication au texte dans les endroits qui lui ont paru en avoir befoin, & retrancher abfolument toute la partie concernant L'effet du Gypfe fur les Prés, comme ne répondant point à [a demande G& à [on attente, J, PPELLE pré naturel celui qui eft compofé de plantes que l'homme n’a point femées, Ces plantes font de différentes efpèces , les unes hâtives, d’autres tardives; celles-ci retardent le moment de la récolte, ce quifait que ces prés ne fe fauchent d'ordinaire que deux fois par an, L'on a imaginé qu'avec un peu plus de dépenfes & de foins, & en ne coms 2 A RE RER EE nr (1) Les Notes annoncées par des chiffres font de l’Aureur ; celles annoncées par 06 lettres ont été miles par ordre du Comité, Toïne XVII, Parc. 1,1781. MAI Tt 332 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pofant un pré que de plantes hâtives d’une bonne efpèce , on pourroit faire des coupes plus fréquentes, & augmenter ainfi les récoles : de-là l’origine des prés artificiels. On donne ce nom à ceux qui font femés de plantes choifes, qui de- mandent un certain foin, & ne durent que quelques années , au bout def- quelles la Nature , qui tend toujours à reprendre fes droits fur les ufurpa- tions de l'Art, couvre elle-même le fol de plantes ( qu’on peut, par cette raifon, appeller naturelles), à melure que celles qui avoient été femées périffent ; ainfi le pré artificiel devient naturel. Tel a été probablement le fort de rous les prés naturels que nous connoiffons. Pour mettre de l’ordre dans mes idées fur la queftion propofée par la Société établie à Genève pour l’encouragement des Arts & de l'Agriculture, je diviferai cet Effai en deux Parties. La première traitera de la manière d’établir Les prés artificiels & na- turels. z La feconde, des procédés néceffaires ou utiles pour les entretenir. Ici, ce que j'aurai à dire fur le dernier objet de cette queftion : Les moyens de détruireles Plantes, Infeëles & Animaux nuifibles , txouvera fa place naturelle. PREMIÈRE PARTIE. De la manière d'établir les Prés artificiels & naturels. Comme les présnaturels font compofés d’un nombre indéterminé d’efpèces de plantes , il me paroît plus fimple de commencer par traiter de l’éta- bliffment des prés artificiels, qui ne doivent être compofés que d'un nom- bre fixe & déterminé de ces mêmes efpèces ; mais, par préliminaire , je donnerai ici la nomenclature & une defcription abrégée des plantes em- ployées dans ce bur. 6. 1°. Nomenclature € defcription des Plantes employées pour La compoft- tion des Prés artificiels. Elles font en petit nombre , & fe rangent fous deux claffes, celle des graminées & celle des papilionacées ; car, jufqu'ici , ce n'a été que dans ces deux claffes qu’on a pris les efpèces dont on a compofé Les prés, parce qu'en effet elles contiennent une quantité confidérable de parties farineufes , favou- seufes & nutritives. Les papilionacées portent des femences plus grandes, & donnent un fourrage plus abondant à caufe des branches latérales qu'elles pouflent de tous côtés ; elles font d’ailleurs très-vivaces & compenfent largement, par leus produit annuel, Les foins plus grands qu'il faut prendre de leur culture, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 333 Les graminées ont une ge fimple fans branches; elles forment des touffss près de terre. De bons Agriculteurs préferent leur fourrage à celui des papilionacées, qui contiennent une trop grande quantité d'air & de parties favoureufes; elles ont de plus l'avantage de conferver leurs feuilles en féchant, tandis que les papilionacées les perdent , & font un grand déchet fur le pré, en les charianc , & dans la fenière même, Voici les efpèces cultivées qui appartiennent à la claffe des gramens. T. Pleum caulereëlo, fpicis longiffimis , calycibus ciliatis , obliquè truncatis. Haller, Hifforia Helveticarum Stirpium. Ce gramen croît fpontanément dans la Suifle & aux environs de Genève , dans les endroits humides & même marécageux. Sa tige s'élève à la hauteur de trois pieds , & quelquefois plus haut encore; fes feuilles font fort larges : c’eft Le plus grand & le meil- leur des gramens. On doit prendre garde de ne pas le confondre avec le fui- vant, qui ne vaut pas la peine d’être cultivé. IT. Pleum caule imo, bulbofo, declinante , glumis calycinis obliquè truncatis. Haller, ibid., n°. 1530. Quoiqu'il foit très-petit & très-mince, quelques Agriculteurs l'ont pris pour le premier. LIT. Lolium radice perenni, Locufis contiguis oflifloris. Haller , ibid , n°. 1416. Les variétés de ce gramen pourroient être cultivées , & l’ont même été, foit en Angleterre , foit en Suifle, où il croît fpontanément; mais comme il n'a guère qu'un pied de hauteur, il n’en vaut pas la peine, IV. L'un des meilleurs gramens, le fromental des François, avenæ diantha, flofculis bafi villofis, majori ariftà geniculat4, Haller, ibid, n°. 1492, eft très-commun en Suifle: fa tige eft haute de trois à quatre pieds; fes feuilles font rudes au toucher, & larges d'environ trois lignes. Cette plante dure de quatre à dix ans, & peut être fauchée jufqu’à trois fois dans les bonnes années; cependant on ne la cultive guère en Suiffe (a). Je ne crois pas que, dans ce Pays , on ait effayé d’autres gramens que ceux-là avec quelqu'efpèce de fuccès, fi ce n’eft peut-être une plante venue d'Amérique, connue ee le nom de bird-graff, à laquelle il paroît qu'on renonce aufli pour cultiver Les fuivantes, qui font d'un bien plus grand rapport, les plantes papilionacées. I. La luzerne. Medica caule ereë£lo , foliis oblonguis , ferratis, racemis erefis, filiquis planis iterato contortis. Haller, ibid., 382. Cette plante, qui nous eft venue des Pays chauds, eft univerfellement cultivée & depuis très long- temps en Europe : fa tige eft haute de deux à trois pieds , ferme, droite & rameufe. Elle fe diftinguera facilement des autres plantes de la même clafle (a) Son fourrage eft trop dur, & le bled réuflit difficilement après cette plante. Tome XVII, Part. 1,1781. MAI. Ta 334 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, par fa filique life, applatie, contournée deux ou trois fois à courbures peur diftantes (1) (b). IT. Le trefle, Trifol'um caule obliquo , foliis ovatis, hirfutis, fupremis conjugatis ; vaginis ariftatis. Haller, ibid. , croît fpontanément dans toute la Suifle, même fur les hautes montagnes; fa tige eft couchée à terre, rameufe, longue pour l'ordinaire de plus d'un pied ; fes feuilles fonc aflifes au nombre de trois fur des pétioles très - courts: fa filique eft ovale, fa fe- mence large & uniforme. Cette plante eft aflez connue pour qu'une plus ample deicription foit inutile. On cultiveen Angleterre trifolium caul. rep. , fpicis glabris , calycib. fericis ampullafcentibus. Haller, ibid. On dit qu’en Irlande il eft quelquefois haut de fept pieds. On y cultive encore zrif. fpicis flrepentibus, ovatis, denfiffimiss caulibus diffufis. Haller , ibid. Les Anglois font grand cas de cette plante , qui ne dure cependant qu'une année. On cultive aufi dans les Pyrenées un autre trefle connu depuis peu fous le nom de faronche. HT. L'efparcette ou le fainfoin (2), onobrychis caule erefto, ramo/o ; floribus Jpicatis. Haller , ibid. Sa racine eft longue & vivace; fes tiges droites , : xameufes, hautes de plus d’un pied. On la diftingue principalentent par fes feuilles aîlées de huit à dix paires à nervures obliques , tronquées par le Haut, le nerf fe terminant en pointe, les ftipules lancéolées, finiflant en fil, & par Le fruit qui eft comprimé, ovale & couvert d’une écorce épi- neufe. Outre les plantes des trois genres dont nous venons de parler , on pour- roit encore cultiver avec fuccès quelques plantes du genre des hedyfarum & des coronilla. . On cultive en Flandres Alfîne foliis linearibus, verticillatis , feminibus rotun= dis. Haller, ibid. Son nom ufité eft e/pargoute. Récemment on a cultivé en Angleterre la grande pimprenelle. Pimpinella tetrafemon, fpicé brevi. Haller , ibid, (3). Cette plante eft connue en Suifle, & y refke verte pendant l'hiver, (1) AZedica caule diffufo, capirulis kæmifphericis, filiculis ramifor, eft une efpèceex-- trémement bafle , três-connue en Suiffe , fans y être cultivée. ‘ (6) La lugerne, Medica, &c. , eft connue, dans les environs de Genève, fous le nom de fainfoin & l’efparcenre , onobrychis , &c, fous celui de pelagra ; mais ce dernier nom eft inconnu en France , où la première de ces plantes n'eft connue que fous fon nom de lugerne , & la feconde porte communément celui de fainfoën. (2) Le premier de ces noms vaut mieux , parce que c’eit fous le nom de finfoir que cette plante a été fi fouvent confondue avec la /ugerne. (3) M. Baker en a femé des prés qui lui oncuès-bienréuffi, ( Voyez les Mémoires de la Société Economique de Berne > "TU SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, :3ç Les plantes, dont le fourrage eft Le plus exquis, & qu’eftiment le plus les Habitans du Simmen: hal & de l Emmenthai , font une efpèce de plantain , & la menirine. La première, plantago foliis linearibus , fpicdoblongé. Haller, ib. ; la feconde eft la diftora major. Ces plantes compofent les meilleurs pâturages qu'il y ait peut-être au monde; mais elles ne peuvent pas réuflir dans les bafles vallées : car , comme Va obfervé Linnæus , les plantes qui croiffent fur les hautes montagnes peu- vent profpérer dans les vallées ; mais elles n’y produifent pas de la graine, & meurent fans fe perpétuer. On fait encore grand cas, en Italie, d'une efpèce de fainfoin | nommé dans le Pays fulla (c). Enfin, j'ai lu, dans un Journal, qu'un Agriculteur propofe la culture des orties à fleurs blanches, comme donnant le fourrage le plus abon- dant & de la plus excellente qualité, moyennant qu'on le recusille avec certains foins. Le feul inconvénient eft qu'il faut planter les orties , fans quoi elles ne rendent paflablement que la troifième ou la quatrième année. Il eft encore quelques plantes, comme le mélilot , les poifettes de Vienne, l'orobe , les poifettes fauvages , le bled arrafin, les raves, carottes, &c., qui pourroient tenir lieu de fourrage; mais elles ont deux grands inconvéniens , celui de fécher mal , & celui d'avoir befoin, comme plantes annuelles, d'être femées chaque année. Il n'entre pas dans mon plan de parler de ces dernières efpèces ; & quoique je fache que l’on a été très - content, dans divers endroits, de quelques-unes des graminées dont j'ai donné la défignation , je n'en par- lerai non plus que par occafion : car le but de la Société paroît être prin= cipalement que lon traite des plantes cultivées aux environs de Genève . & dans les Pays qui l’avoifinent. Une autre raifon de mon filence , eft que ces plantes ne donnant guère qu’une bonne coupe par an, ne m'ont pas paru d'un rapport aflez avantageux pour mériter une culture parti- culière. Je me bornerai donc à celles qu’on emploie le plus volontiers dans l’éta- bliffement des prés artificiels & naturels, parce qu’elles donnent des récoltes plus fréquentes. "© (c) La fulla eft encore peu connue dans notre Pays, dont on nous annonce qu’elle ne peut fupporter les hivers rigoureux. Les Agriculteurs des environs de Genève, qui eront des expériences fur cette plante, obligeront le Comité d'Agriculture , s'ils veulent bien les lui communiquer. 336 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, / $. II. De la manière d'établir des Prés avec les Plantes que nous avons décrites. Lorfqu'il s'agit d'établir un pré artificiel , foie que ce foit fur un fol déjà occupé par un pré ou fur une terre en friche, tous les bons Agriculteurs veulent qu'on les mette quelque temps en champ; d'abord afin que la terre sameubliffe par les différens labours, enfuite pour avoir deux ou trois bonnes récoltes en bled, & enfin pour faire périr les racines des plantes qui occupoient précédemment cette fuperficie ; carun pré , remis en pré fans intervalle, fera toujours compofé en grande partie des anciennes plantes qui Le couvroient. Quant au temps & à la manière d'établir & d’enfemencer les prairies artificielles, les Agriculteurs font fort partagés: les uns veulent qu'on sème en automne , les autres, que ce foit au printemps ;lesuns, qu’on mêle le trefle, la luzerne, l’efparcette avec de l’avoine , du bled, &c. , les autres, qu'on sème ces premières graines feules. La règle pour laquelle je me déciderois feroit celle-ci : Toutes Les plantes des prairies artificielles , la luzerne exceptée , doivent être femées en auromne, G encore fans mélange d'autres graines, comme bled , ayoine, Gc., excepte , pour ce dernier cas, letrefle feul. Je vais tâcher de juftifier mon fentiment. D'abord, quant à la pre- mière partie de la règle que j'établis, qui ef? de femer en automne plutôt qu'au printemps, ma grande raifon eft que l’on gagne prefqu'une année de récolte, Les plantes femées au mois de Septembre ont le temps de prendre un certain accroiflement avant l'hiver & durant cette faifon rigoureufe : tandis qu'elles paroiffent ne faire aucun progrès au-dehors, elles jettent des ra- cines dans les couches inférieures & tempérées de la terre; ce qui les met, au printemps, en état de faire des jets confidérables, & de donner, dans cette première année. une affez bonne récolte, qui auroit été prefque perdue , fi ces plantes avoient été femées au printemps. Mais pour que la règle foit exactement vérifiée & éprouvée bonne , il faut que l'on sème au commencement de Septembre , afin que les jeunes plantes aient le temps de fe fortifier avant l'hiver , & puiflent réfifter aux gelées ; car la grande ob- jetion de ceux qui veulent qu'on sème au printemps , eft que les froids rigou- reux font périr les jeunes plantes : ce qui arrivera très-rarement, fi elles ont acquis une certaine force avant l'hiver. J'ai excepté la luzerne de ma règle générale, parce qu'originaire de Ia Médie , elle craint davantage les frimats; cependant je croirois encore la règle de femer en automne bonne pour cette plante : car les gelées tar- dives des mois d'Avril & de Mai, & l’on sème de bonne heure au prin- tement dons pes dE. . ! } à SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 337 temps, & les chaleurs de Juin & de Juillet, fi l'on a femé tard , doivent lui faire pour le moins autant de mal fortant de fa graine, que les froids de l’hiver , qui, fi l’on fuit la règle que j'ai prefcrite , ne l'attaquent que lorf- qu'elle a déjà pris une certaine vigueur, Dans le cas où l’on sème au printemps, fi les gelées détruifent la £e- maille, toute récolte eft perdue pour l'année ; au lieu que fi les froids de Thiver ont produit le même effet fur les femailles faites en automne, on peut femer de nouveau au printemps le même terrein, fans aucun frais de labour, & en recouvrant feulement les femailles avec la herfe, tant ‘la terre eft alors ameublie & fouverainement difpofée à Ja végétation part Ja gelée, qui a dilaté l'eau qu'elle contenoit, & divilé fes diverfes parcelles mieux que le plus excellent labour n'auroit Ée le faire. Pour cet effec, il faut profiter du premier beau jour après la fonte des dernières neiges : la terre ouvre alors fes entrailles & fes pores à toutes les ramifications des racines des plantes. J'ai dit, en fecond lieu, que Les plantes dont il ef? queftion doivent être femées feules. La raifon en eft que celles qu'on mêle nuifent toujours plus ou moins aux plantes principales ; & que quand il eft queftion d'un pré qui doit durer quinze à vingt ans, comme ceux qu'on enfemence de lu- zerne , ou fept ou huit ans, comme ceux qu'on établit en efparcette , il ne faut pas fonger à un petit lucre, comme celui d’une chétive récolte en bled ou en avoine ; je ds chétive , car je défie qu’elle foit bonne, fi les plantes de luzerne ou d’efparcette font vigoureufes ; &, dans la fuppoñ= tion contraire , on ne devroit pas regarder cette récolte de bled ou d'a- voine comme un pur gain, puifqu’il eft certain qu'une luzerne ou une efparcette, mêlée de ces graines , donnera une bonne coupe de moins cette première année (d). J'ai excepté le trefle de cette feconde partie de la règle générale, parte ue cette plante ne fubfiftant guère que trois ans, ne paroît pas mériter les ais d’une culture féparée ; & que d'ailleurs elle réufit très-fouvent, malgré le mélange (4). © ———— ( 4) Contre l’idée de l’Auteur, plufieurs Agriculteurs expérimentés affurent que la luzerne & l’efparcette réuffiffent mieux , mélées d’un peu d’avoine, pourvu qu'on aït foin de la couper en verd , que lorfqu’on les sème fans aucun mélange. (4) L’argument de ceux qui veulent que l’on sème les graines d’efparcette & de lu- zerne en les mélangeant, eft que les plantes de bled & d’avoine mettent Îes jeunes pouffes à Pabri des trop grandes chaleurs : mais fouvent ces mêmes plantes étouffent celles qu’elles ne devoient que conferver ; & d’ailleursfi , {lon ma méthode, on sème de bonne heure en automne , les jeunes plantes auront acquis, avant les chaleurs, des racines aflez profondes, pour n’en pas redouter Peffet. J’ai arraché, au mois de Juin, des plantes de luzerne femées en Septembre précédent : prefque çoutes leurs racinws avoiens déja fix à huit pouces de longueur, 3338 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Etant une fois établi qu'on doit femer au commencement de Septembre les graines des prairies artificielles , & les femer feules, voyons quels pro- cédés font les plus propres à en affurer la réuflite ($'). Je fuppofe, comme c’eft le cas le plus ordinaire, que c'eft un champ qu'on fe propofe de convertir en prairie artificielle : on commencera par le labourer immédiatement après la moiffon ; à un mois de là, c’eft-à-dire, vers la fin d’Août, on lui donnera un fecond labour en travers du pre- mier , & plus profond encore, s’il ett poñlible ; enfuite , profitant de la première pluie pour femer, on aura foin de recouvrir les femences avec la herfe, fans ôter trop minutieufement les touffes des racines du bled 3 il en doit refter peu, fi le mois d’Août a été pluvieux ; & celles que la herfe n’enlève pas, pourriflant bientôt en terre, font d’ailleurs une efpèce d'engrais. Si jemploie une terre épuifée par une récolte aufñli hâtive que celle du bled, & qui ne paroît pas convenir à des plantes qui exigent un bon terrein , comme celles dont il eft ici queftion, c’eft que ces jeunes plantes, pendant les premiers mois, ne demandent pas une grande quantité de fucs nourriciers : il ne leur faut que de l'eau. J'ai fréquemment obfervé que, dans ces premiers temps, il n'y a pas de différence fenfible entre des fe- mences jettées fur un terrein bien fumé & celles qui le font fur un terrein qui ne left pas ; & même un Agriculteur a cru remarquer que les froids faifoient plus de mal aux jeunes plantes de luzernes fumées, qu'à celles qui ne l'avoient pas été, foit que le fumier leur procure une fura- bondance de fucs qui les rend plus délicates & plus fenbbles , foit que les vapeurs ,qui s'élèvent en plus grande quantité d’un terrein fumé , leur foient nuifbles dans ce temps-là. : Le fumier eft abfolument néceflaire au printemps, à moins que le ter- rein ne foit excellent par lui-même ,ou qu'il n'ait été labouré profondément à la pelle, ou mème défoncé à la profondeur de deux pieds: dans ces cas, on pourra attendre à l’année fuivante pour en faire ufage. Le bon temps pour le charrier eft celui d’une forte gelée , qui empêche que les pieds des chevaux & les roues des tombereaux n'endommagentles plantes & ne crèvent la fuperficie ; & le meilleur temps pour l’étendre, eft, felon moi , les premiers beaux jours du mois de Mars : il fait alors merveille fur ces jeunes plantes , dont Les racines fe font fortifiées pendant l'hiver , & qui font accoutumées à une terre peu fucculente. RMLDS vf NN JD REMONTER PEN Ex Le 57 PREURR SE OR REE RER (5) Dans le paffage füivant , jene parle d’aucune efpèce d’amendement , ni de laiffer tepofer la terre une année avant de la femer. Le premier article s'entend, fans qu'il foit befoin d’en parler, vu que je ne m’atrache ici qu'à décrire la méthode d'établir un pré la plus fimple & la moins difpendieufe; & quant au fecond , il me paroït que, dans un Pays où les denrées font à un prix aufli haut que dans le Pays de Vaud & Jes environs de Genève , un Cultivateur intelligent , & dont les terres font affez bonnes, doit toujours préférer de les fumer & les cultiver fans cefle, à les laiffer repofer, à our y SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 339 Pour femer en automne, il faut qu'un Agriculteur foit doué d'un certain taét , qui lui fafle faifir Le temps favorable; la réuflire dépend de-là. Semez huit jours plutôt, femez huit jours plus tard , vous aurez de grandes dif férences. En général , il faut fe garder de le faire, fi le terrein n’eft pas humeété profondément; & fi le mois de Septembre s'écoule fans qu'il y ait une pluie abondante, il faut renvoyer jufqu’au printemps. Si les graines tombent fur une terre sèche ou légèrement humectée, ou ( ce qui eft pis encore ) qui sèche lorfqu'une fois les germes fe font développés, le foicil, qui eft encore fort heu au-mois de Septembre , brule & defsèche ces jeunes plantes , de façon qu'il n’en refte prefque rien. * Maïs après des pluies confidérables, vous pourriez femer même en Août, bien sûr alors que, foit l’humidité qui environne vos graines , foit les rofées (6) , très-abondantes dans ce mois, foutiendront & feront prof- pérer vos jeunes plantes , jufqu’à ce que les chaleurs foient diminuées. Si l'on n'a femé à la fin d’Août qu'après des pluies peu abondantes , la réufite eft fort cafuelle : elle dépecidea Pare autre pluie affez forte dans le mois de Septembre. On a beaucoup parlé, il y a quelques années, d’une nouvelle méthode donnée le: M. Thull pour femer les plantes dont nous parlons ; elle a eu un grand fuccès dans plufieurs Provinces de France. L’Auteur fonde fa méthode fur ce principe , que la terre, pour être fer- tile , a befoin de fréquens labours, foit pour faciliter l'introduction & la formation des diflérens fels végétatits , foit pour extirper les plantes étran- gères à celles qu'on cultive ; & fa théorie eft juftifiée par l'expérience , a nous fait voir que les prés de luzerne, par exemple , commencent à fe dé- grader dès la cinquième ou fixième année , quoique la plante qui les compofe puifle durer plus de vingt ans bien cultivée. M. Thull veut, en conféquence de ce principe, qu'on sème ces plantes par fillons diftans d’un pied ; ce qui donnera la facilité de farcler la verre entre ces fillons , & d’arracher les plantes étrangères. IL prérend qu'un pré établi de cette manière rapportera plus, qu’il faudra la moitié moins de ire pour le femer , & que la luzerne, le trefle , &c., dureront prefque le ouble. Je n’ai pu effayer encore cette méthode : mais je me propofe de le faire, (6) La rofée eft produite par les vapeurs que la chaleur fait élever d’une terre hu- mide.: Pendant le jour, elles nepeñvént s’atacher à la fuperficie de la terre, plus chaude alors que les couches inférieures de l’air qui l’environnent: elles s'élèvent & fe diffolvent-facilement dans cet air échauffé des rayons du-foleil. La nuir, ces mêmes vapeurs continuent à s'élever de la terre, qui a confervé une partie de fa chaleur ; mais ne trouvant plus qu'un ait froid, qui dépofe lui-même une partie de l’eau q il conte-, noit, elles s er à la fuperficie, & fur-tour aux plantes rafraîchies par le frojd_ de Ja nuit, & s’y condenfent comme au chapiteau d’un alambic. Tome XVII, Part. I, 1781 MAI, Vy 340 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & je ne doute pas de fa parfaite réuffite ; quoiqu’elle fafle plus de frais que les procédés ordinaires, je ne crois pas au’on y doive regarder dans un Pays où les fourrages fontäun prix très-haut , fi d'ailleurs la récolte eft plus abondante (+). Jufqu'ici j'ai traité en général de la culture des trois plantes dont on eom- pote Les prés artificiels; je vais ajouter quelques détails fur chacune d'elles prifes féparément. Tournefort dit que la luzerne eft rafraîchiffante , propre à calmer les ardeurs du fang , excellente pour refaire Les beftiaux qui font tombés dans une grande maigreur. Cette plante épuife moins que les deux autres la fuperficie du terrein: fa racine, pivotante & profonde, va chercher fa nourriture dans les couches inférieures, ce qui fait que le bled vient à merveille après elle. C’eft, je crois, de toutes les plantes des prés celle si donne la plus abondante récolte ; il n’eft pas rare qu’elle rende foixante- ix à quatre - vingts quintaux par pofe de quatre cents toifes (e) chaque année. Elle ne réuflit point dans les terres fortes, ni dans celles qui fonc trop léoères. Elle s'accommode cependant d’une terre fablonneufe : mais il Jui faut fur-tout une couche profonde de terre végétative, à caufe de la profondeur de fes racines. L’on doit femer de quinze à dix-huit livres * de graine par pofe. Cette graine doit être choifie colorée, life & bien nourrie. Souvent les Payfans qui la recueillent, pour gagner davantage , font fécher au foleil les tiges qui la portent, afin que les graines, encore vertes, féchant d’une manière forcée , puiflent fe féparer de la plante, & augmenter la quantité de la récolte; mais ces mauvaifes graines fe dif- tinguent facilement par leur blancheur jaunâtre & par les rides qui les couvrent. Le bon moment pour faucher cette plante eft celui où les boutons à fleur commencent à re forme: latige de cette plante n’eft pas encore dur- cie, & elle fait un excellent fourrage, qu’on doit cependant avoir foin de tenir au meins deux mois dans la fenière avant de le donner au bétail. La luzerne furabonde en fucs nourriciers, & peut être dangereufe feule : auffiles Agriculreurs confeillent-ils de la mêler avec du foin de prés naturels ou de la paille, avant de la faire manger. I faut fe garder de la donner fraîche , & fur-tout mouillée ; les beftiaux la dévorent alors avec la plus grande avidité, & en mangeroient jufqu'à en crever. Il arrive plus fouvent à cette plante qu'au trefle & à l'efparcette de (7) Ceux qui voudront apprendre fes détails de cette méthode , confulteront le Recueil & Pièces économiques. Gen. 1764. (e) La toife , aux environs de Genève, a huit pieds de France. * La liyre dont on parle ici cit celle de Genève. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 34x fouffrir des gelées tardives du printemps. Dans le cas où l’on voit l'ex- trémité des tiges pendre en - bas & les feuilles jaunir , il ne faut pas héfirer de faucher promptement; elle ne feroit que dépérir, & les nou- veaux jets qui poufleront auront bien vite remplacé cette première coupe. Il faut faucher de même , dès qu'on s’apperçoit que l'herbe de la luzerne jaunit avant que les boutons à Meur aient paru : cette maladie eft caufée par des chenilles, qui rongent les tiges, & que la faux feule peut faire dif- paroïre (f). Le trefle croît fpontanément en Suifle ; on le trouve par-tout dans les nee , & j'en ai vu fur les plus hautes montagnes: mais il eft quelquefois petit, qe ne le prendroit pas pour la plante que nous cultivons ; alors il ne produit pas de fleurs. I! demande un terrein bon & gras (8); on perdroit fon temps à le femer en mauvaile terre. [l rapporte, toutes chofes d'ailleurs égales , un quart moins que la luzerne , & demande plus de foin qu’elle pour être fané & recueilli à propos. IL sèche plus difficilement, & la moindre pluie qui tombe , quand il eft coupé, le fait noircir & lui ôte beaucoup-de fa faveur & de fon prix. [l dure beaucoup moins que cette première plante: mais aufli pour un beau pré artificiel de celle-ci, vous en trouverez facilement deux ou trois de trek Quoiqu'il demande une terre meilleure que celle qui fuffit à la lu- ( f) Comme la luzerne, le trefle, l’efparcette abondent en fucs nourriciers, & que feur végétation eft encore très-forte lorfqu’on les coupe , on peut avoir à craindre que leur fourrage ne fermente dans la fenière, quoiqu'il n’ait été ferré que dans l’état de la lus parfaite fécherefle apparente. Cette fermentation produit fouvent la moififlure & L putridité réelle du foin, & quelquefois elle a été affez forte pour cauler des in- cendies. On pare à cet inconvénient, lorfque le temps le permet, en laïffant deux nuits de fuite {ur le pré ce fourrage en meulons afez gros , pour que la fermentation s’opère en partie ; après quoi on l'étend , & lon a foin de ne le ferrer que parfaitement fec. (8) M. Srapfer raconte que fe trouvant, en Oëtobre 1760, près de Birfeld , terrein fort itérile , il vie un trefle fort épais, haut de plus d’un pied , qui avoit déjà été fauché deux fois. Il fut fort étonné d'apprendre du propriétaire qu'il n’en avoit jamais femé for cette place ; mais qu'y ayant répandu du fumier & de la marne, cette plante y étoit venue en fi grande abondance , qu’elle avoit étouffé routes les autres. M. Srapler fat d’abord d’autant plus furpris de cette merveille, qu’on ne voyoit point de trefle dans les prés voilins; mais un examen plus attentif lui en fit appercevoir une grande quan cité de fi petit, qu'on avoit peine à le diftinguer , & qu’il étoit tout-à- fait couvert par les autres plantes du pré. C’étoit ces petites plantes de trefles qe le fumier & la marne avoient fi bien fait profpérer fur le terrein dont parle M. Stapfer; ce qui me fait croire que les variétés qu’on CNE dans le trefle, par pi à fa haureur, ne viennent que de la qualité du terrein fur lequel il a crd. J'ai femé moi-mêm: fur de la bonne terre de jardin de la graine de ces petites plantes de trefle qui croifleat (pon- tanément dans ce Pays, & leur produir égaloit en beauté le plus beau tree d’Ef- pagne. Tome XVII, Part. I,1781. MAI. Vv2 342. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, zerne , il eft cependant moins délicat qu’elle, & réfifte mieux aux hivers rudes ; il donne plutôt qu'elle de belles récoltes , étant dans route fa force la feconde année , tandis qu’elle ne l’atteint qu’à la quatrième ou cin- quième. La meilleure graine de trefle fe tire des Pays-Bas & de la Flandre; celle des environs de Genève eft très-bonne. En général , «elle eft jaune, rouge ou noirâtre. La première eft la meilleure : la dernière eft la moins bonne. Il faut, à l'apparence, que la graine foit luifante, nourrie & fans pouflière, de peur qu'il ne s’ytrouve quelque femence de cufèute ( con- nue chez nous fous le nom de rache). Huit ou dix livres au plus fufh- fent pour enfemencer une pofe de terrein de la mefure déterminée ci- deflus. | Le trefle doit fe couper lorfque les boutons à fleur commencent à s’épa- nouir. Donné en verd à J'étable, il engraifle beaucoup le bétail: mais il lui caufe des tranchées venteufes , qui peuvent être mortelles, s'il eft mouillé & fur-tout par la rofée: aufli les Bergers intelligens ont-ils grand foin de le mêler d’abord avec d'autre foin, pour accoutumer peu-à-peu les beftiaux à en faire leur unique nourriture, & de ne jamais le leur laifler brouter à la rofée ni même après la pluie. L'efparcetre réuflit fe toutes fortes de terreins, mème dans les plus mauvais , comme les crayonneux & graveleux, pourvu que le labour en foit profond. Elle croît dans les fentes des rochers & dans les endroits Les plus arides. II faut la femer un peu dru, lherbe en fera plus délicate. Elle donne deux coupes par an, PTon ne la fauche que lorfque les boutons à feur s’épanouiffent ; & trois, fi l’on n'attend pas la formation des fleurs. Mais le premier parti eft préférable à celui - ci ; &, dans ce cas, on laïflera confommer fur pied, par le gros bétail, la troifième poule, qu'on ne ourroit pas faire fécher affez Fe pour pouvoir la ferrer dans la fenière. fais comme les pieds du bétail font du mal aux prés artificiels, pour peu que la terre foit humide & les plantes délicates, on ne doit le con- duire fur Les prés qu'après la troifième année, & par le fec ; & jufqu'alors, faucher certe troifième pouffe pour la donner en verd à Pétable , ou la laïfler pourrir fur place. / Les feuilles & les fleurs de l’efparcerte en font les parties les plus appé- tiffantes ; & cependant elles fe détachent bien vite de a tige, fon n’ufe de grandes précautions en fenant. Pour mieux les conferver, je voudrois qu'on ne tournàt & retournât pas fouvent cette plante une fois fauchée , mais qu'on la laifsät un jour entier expofée au foleil, & que lorfque la rofée a atrendri les nervures des feuilles, on la tourriât fans la fecouer. Les mêmes attentions feront utiles pour le trefle & la luzerne, toutes les fois qu'elles teront poflibles, 7. Er Eee le PE LITE Et © D ut ge y D ns > 2 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 343 On doit juger la graine d’e/parcette bonne, fi la feve eft d’un roux tirant fur le jaune; fs elle eft noirâtre, elle eft échautfée. Celle qui eft blanchätre & ridée n'étoic pas müre quand on l'a recueillie , & n’a été détachée de la plante que par une fraude femblable à celle dont nous avons parlé à l’ar- ticle de la luzerne. L'efparcette ne dure que fix ou fept ans, & rend moins par an que la luzerne & le trefle : mais auffi, indépendamment de ce qu’elle réufit dans de plus mauvais terreins, fon fourrage pañle pour être plus falutaire aux beftiaux, & fur-tout aux chevaux, à qui l'on doit donner cette plante en verd préférablement à toute autre, $: III. De l'etabliffément des Prés naturels. Jufqu'ici je n'ai parlé que des prés artificiels; mais la méthode que j'ai prefcrite eft de tous points la même pour l’établiffement des prés naturels: ‘car, quoiqu'il paroifle y avoir une efpèce de contradiction dans ces termes de La queftion propofée, établir un pré naturel, puifque , fuivant notre dé- finition, ces prés font compofés de plantes que l'homme n’a point femé; . Cependant il eft crès-poffible de femer un pré , dans l'intention qu’il devienne une fois une prairie naturelle : en y répandant de la pouflière de foin de corde, on en fera un pré artificiel sine les deux ou trois premières an- nées; & naturel pendant tout le refte du temps qu'il durera , puifque les plantes qu'on y aura femées érant toutes annuelles ou bis - annuelles, feront entièrement renouvellées par la Nature au bout de ce terme. Je renvoie, pour le temps & la manière de femer cette poulière de foin, à ce que j'aidit page 336 de ce Mémoire. SE CAO:N; DEPART. E. De la manière d'entretenir les Prés naturels G artificiels. La fcience de l'entretien des prés confifte à diftinguer les mauvaifes plantes d'avec les bonnes , & à les extirper , à détruire les infeétes & autres animaux nuifbles , à arrofer, fumer , récolter à propos & renouveler les prés quand il en eft befoin. S.1*. Plantes bonnes & mauvaifes, 6: manière de détruire ces dernières. Ontrouve dans les prés naturels toutes fortes de plantes, mais on n’y doit laiffer que celles qui font propres à la nourriture Le beftiaux ; pour cet effec, il faut connoître celles qui ne peuvent remplir ce but. Les bonnes plantes des prés firués fur le territoire de la République de Genève ou dans fon voilinage , font, outre les graminées & papilionacées, 344 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dont nous avons donné la defcription, le piffenlit , les lychnis , le melilot , la barbe-de-bouc , les veftes , le lotus, le cumin , le caille-lair (9). Il en eft quelques autres moins bonnes, à caufe de la dureté qu'elles acquièrent en féchant, que Les chevaux & le bétail mangent en verd avec plaifr; telles font la grande marguerite ,une efpèce de gener, la carotte /auvage, la ftabieufe, la fauge, le chardon, le grateron, la centaurée & le fainfoin épi- neux ou arrêre-bœuf. De ces dernières plantes, je ne vois que le chardon , le grateron (10) & le fainfoin épineux qui doivent être extirpés. Les chevaux ne les mangent point lorfqu'elles font sèches ; elles peuvent d’ailleurs leur faire du mal en les piquant au palais. Il A donc arracher en automne les chardons & l’arrête - bœuf; mais cetre dernière plante a des racines profondes qu'il faut tirer routes entières, ou ne pas s'en mêler. Quelques plantes paffent pour nuifibles aux chevaux, quand elles fe trou- vent en certaine quantité dans leur fourrage : telles font la cigué & la re= noncule. La première n'eft pas aufli commune dans les prés voifins de Genève que dans certains cantons de la Suifle; elle croît d'ordinaire dans des endroits gras & humides. On prétend que les chevaux qui en ont mangé en trop grande quantité chancèlent & ont des tournoiemens de tête jufqu'à frapper le mur & àtomber (11). Il faut donc arracher certe plante lorfqu'elle fe trouve en trop grande quantité; car elle eftd’autant plus dangereufe , que les beftiaux la dévorent avec grand appétit. La renoncule eft fi commune dans le Pays de Waud & les environs de Ge- néve, qu'on y voit des prés entièrement jaunis par la fleur de cette plante , dont on prétend que le fel, âcre & corrofif, plonge les chevaux dans une langueur très-dangereufe, s'ils la mangent en certaine quantité & fans mé- lange (12). Je ne crois pas que cette plante foit dangereufe, mêlée avec (9) J'ai offert moi-même aux chevaux , aux bœufs & aux vaches toutes les plantes dont je parlerai, vertes & sèches; j'ai remarqué foigneufement celles qui excitoient le plûs leur appétit ou leur dégoi : ainfi on peut m'en croire fur ce qui regarde le goût de ces animaux. (10) Quelques chevaux mangent le grateron , même celui de la groffe efpèce & féché : mais il en eft d’autres plus délicats que les femences de cette plante, toujours couvertes de poils rudes & épineux , tourmentent beaucoup , & forcent à rejeter tout ce qu'ils ont dans la bouche, pour fe débarraffer des capfules de cette femence qui fe font attachées à leur palais. Cette plante eftrare dans UE (11) J'ai cependant donné, l'été pañlé, cinq ou fix livres de ciguë verte äuncheval, fans qu'il en ait paru incommodé : il eft vrai que ce n’étoir pas l’efpèce de ciguë la plus vé= aéneufe, qui eft celle de marais. (12) Il m'a femblé effeétivement qu’un cheval , à qui j'en avois donné huit ou dix livres par (eee verd , avoit perdu en grande partie l’appétit les jours fuivans , & évoit devenu un peu mol. nr SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 345 d'autre foin ; mais comme il eft prefqu'impoflible de la détruire dans les prés qui en font infectés, je confeillerois feulement d'en réferver le fourrage poux les bœufs , fi elle y dominoit trop. LL eft encore des plantes qu'il importe de détruire, parce qu’étant paralites, elles dévorent la fubitance des aurres ; telles font la cufcute ou la rache, & le petit thym ou le ferpolet. Cette dernière s'étend infenfiblement fur la furface des terres légères , confume fes fucs néceflaires à la végétation des autres plantes, & les force, petic-à petit , à lui céder la place. La meilleure manière de la détruire eft de répandre du fumier tout autour: l'expérience eft sûre, quoique la raifon n'en foit pas facile à découvrir. Je ferois porté à croire de le bon effet du fumier confifte à faire croître avec vigueur les plantes voilines du petitthym, fans faire aucun bien à ce dernier , qui, ayant fur-tout befoin du foleil, périt bien vite lorfque les touffes vigoureufes des plantes qui l'entourent le lui interceptent. Quant à la cufcute ou la rache , elle fait bien plus de mal que le petit thym, mais elle ne s'attache guère qu'aux trefles; le dégât qu’elle caufe eft quelquefois prodigieux. Pour s’en préferver, il faut d'abord tâcher de fe procurer de la graine exempte de cufcute, ce qui eft très-facile à ceux qui la récoltent pour leur propre ufage. Enfuite, pour peu qu'on foup+ gonne qu'elle n’elt pas pure, il faut avoir grand foin de la nettoyer avant de la ie car sa ou trois femences de cette plante fuffiroient pour endommager plufeurs arpens. Quand on en apperçoit quelque trace dans une prairie artificielle, on doit fur le champ faire faucher toute la place qui en eft attaquée, & la faire labourer à La sou (g)3 car il fufiroit d'un feul brin qui en refteroit pour la reflufciter au bout de quinze jours. Enfin, il eft des plantes que les chevaux, bœuts & autre bétail ne man- gent ni vertes ni sèches, & qui font un grand tort aux prés. Ces plantes font dans Les prés naturels les moufles & la colchique ; & dans les prés artifi- ciels, une efpèce de filice, que nos Payfans appellent herbe à écurer , parce qu'elle reffemble aflez à cette plante. La mouffe ou les moufles nuifent infiniment aux prés , & y font fi univer- fellement répandues, qu'il n’ya pas de prairie naturelle où il ne s’en trouve. Leur effec eft d'empêcher les plantes os croître , ou du moins de retarder beaucoup leur progrès , foit parce que , couvrant la terre de leur duver , elles la rendent inaccefhble aux influences de l'air, foit parce qu'elles confument elles-mêmes une partie des fucs nourriciers. On doit avoir foin d’arracher la moufle en automne & au printemps, après les premières pluies chaudes de Février ou de Mars. La meilleure Ou brûler en cet endroit des farmens, ou faire un petit foffé qui lui intercepte le (2) pallage. 346 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, manière de s’y prendre eft de promener fur le pré une herfe ordinaire gaie d’épines; les pointes de fer dont elle eftarmée coupent la moufle par bandes, tandis que les épines, fe prêtant aux inégalités du terrein, l’arrachent à mefure : il faut remplacer ces épines à mefure qu’elles s’ufent, & faire fuivre la herfe de deux Ouvriers armés de rateaux de fer pour arracher celle qu’elle laiffe. Dans cette opération , la herfe pourra endommager plufieurs des bonnes plantes du pré: mais il ne faut pas que cela arrête Le Cultivateur; les plantes arrachées feront bientôt remplacées par l’accroiflement de celles qui reftent, ou repoufleront de la racine que la herfe ne peut extirper. Il peut d’ailleurs s’aflurer que les parties des plantes qui font hors de terreen automne où au commencement du printemps, ne font point les mêmes que celles qu'on fauche : elles pourriflent long-temps avant la récolte. Un grand avantage de cette opération eft de gratter lésèrement la terre qui environne les plantes, ce qui les fait profpérer beaucoup plus qu'on ne l'imagineroit. Toutes chofes d’ailleurs égales, les places où l’on a en- levé la moufle donnent une herbe plus épaifle que celles où il n’y en avoit point (13). La colchique eftune plante bulbeufe, qui pafle pour un violent poifon, (Col- chicum autumnale, Linn.). Elle feuriten automne : fes fleurs lilas, blanches ou violettes , s'ouvrent le matin & fe ferment le foir; l'on ne voit paroître alors aucune feuille de la plante: mais aux premières chaleurs du printemps, tandis que les autres fleurs commencent à s'épanouir, celle - ci apporte fa graine toute formée pendant l'hiver, au milieu de quatre grofles feuilles ui pouffent avec une vigueur étonnante, & confument une grande partie 1 fucs de la terre. K Cette plante abonde dans beaucoup de prés aux environs de Genève &en Savoie (je calculai qu’elle faifoit plus de la dixième partie du fourrage d’une pride que je vis faucher l’année pañlée ). Elle épuife la nourriture des onnes plantes qui l’avoifinent; & comme les chevaux ne la mangent point, ils perdent & rejettent fouvent du bon foin où elle fe trouve mêlée, afin de s’en débarrafler. Tout cela fait fentir la néceflité de la détruire; &, malheureufement, la chofe n'eft pas facile: car l'oignon, qui lui fert de ra- cine, a plus de demi-pied de ul J'avois cherché pendant long-temps la meilleure manière d'en venir à bout, lorfque je lus dans un Journal qu'un Agriculteur y avoit réufli , en arrachant foigneufement, en automne, les fleurs de cette plante à mefure qu'elles fortoient de terre. (13) La moufle, recueillie avec quelques foins , eft d’un grand ufage dans les bâtimens pour mettre entre les planchers & couvrir les aqueducs: elle peut même fervir à garnir des meubles & tenir lieu de crin. J'ai vu des chaifes & fauteuils garnis depuis plus de cent ans de cette manière , qui faifoient cependant encore des fièses agréables. La SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 47 La colchique étoit alors en fleurs ; je me hâtai de les arracher dans un terrein de trente-fix toifes quarrées, pris fur un pré de trente pofes, qui en éroir tout couvert: l'expérience me réuflit mal; au printemps , je vis reparoître prefque toutes ces plantes, dont quelques-unes étoient cependant mutilées & fans graine. Je foupçonnai que ce peu de fuccès ne venoit que de ce que j'avois arraché les fleurs toutes formées, & la plupart déjà vieilles , & je fis alors arracher foigneufement toutes les tiges de ces plantes à mefure qu'elles fortoient de terre. L'automne fuivante , je vis avec plailir que Les fleurs avoient fenfiblement diminué , ou plutôt que Le peu qui en reftoit n'étoit que celles dont les tiges s'étoient rompues en les arra= chant (14). z J'ai fait cout récemment deux expériences du même genre, & j'en at: tends les réfultats pour être parfaitement sûr de la bonté de la méthode (rs); je ne doute pas cependant qu’elle ne réuflifle par - tout où l’on joindræ V'extirpation des tiges à celles des leurs : car cette première opération, que l’Agriculteur que j'ai cité ne prefcrit point, eft certainement la plus efficace. Je n'ai pu cependant m'aflurer bien pofitivement que cette méthode fait périr les cayeux; je n'ai pas vu, dans ces premières années, rien qui en annonçât: ce qui me porteroit à croire qu'ils ont été détruits avec l'oi- gnon auquel ils appartenoient. [1 fe pourroit cependant qu'ils reparuffenc au bout de trois ou quatre ans, lorfqu'ils auront acquis la groffeur nécef- faire pour faire des jets vigoureux; l'opération demanderoit alors d'être réitérée pendant trois ou quatre années de fuite pour extirper cette dange- reufe plante , de manière à ne pas craindre d’en revoir jamais : car fa graine eft fi pefante , qu’il feroit bien difficile qu’elle y füt de nouveau apportée par les vents. " L'efpèce de filice dont j'ai parlé, que nos Payfans appellent herbe à écurer , ne croît guère que dans les prairies artificielles ; mais elle eft fort tenace, & fait quelquefois bien du mal. L'unique remède que j'y con- noïfle eft de, la couper & de l'emporter foigneufement avant qu'elle ait acquis fa maturité & répandu fes graines imperceptibles. Avec cette précaution , on la verra difparoître bientôt, car elle ne dure que deux ans. Outre les plantes dont j'ai parlé, il en. eft encore qui ne font ni bonnes ni mauvaifes, mais qui croiffent dans les prés artificiels, qui n'en doivent contenir que de femées, & y font par-lè même de trop. Telles font le muffle- (14) Cela n’arrivera pas, fi l’on prend pour cette opération un temps où la terre foit humide: on tirera alors fort aifément avec la main trois ou quatre pouces de Ja portion de la tige qui eft enterrée , ce qui fufit bien pour faire périr l'oignon. (15) J'aurai foin de communiquer les réfültats de ces expériences au Comité d'Ecos nomie & d'Agriculture. Tome XVII, Part.l,17981. MAI, Xx 848 ‘ OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de-veau , les ffachys, les liferons , la menthe. On doit les extirper, pour pet qu'elles fe multiplient. s. II. Des Infeéles & autres Animaux nuifibles aux Prés. Après avoir parlé des plantes nuifibles aux prés, je pafle aux animaux qui les endommagent, tels que les rats , les mulots , les taupes , les han- netons, les fauterelles , la courtillière ou taupe-grillon, & les chenilles. Je ne fais de manière frutueufe de les détruire, qu’autant que tous les pofleffeurs de fonds, d’un canton aflez étendu, fe réuniront tous à la mettre en ufage; car ces animaux paflent facilement & bien vite du pré qui en eft infecté à celui d’où l’on fait fes efforts pour les détruire, Les rats, mulots & taupes nuifent moins aux prés qu'on ne le croit d'ordinaire ; la terre qu’ils pouffent au-dehors de leurs trous, étendue fur la fuperficie qui les environne, peut compenfer , en partie , le dégât qu'ils caufent. On les prend au lacet, ou l’on les aflomme , au foleil levant, avec un fer armé de trois ou quatre pointes, dans le moment où ils remuent la terre. Le meilleur moyen de tous feroit le poifon, siln'yavoit pas de danger pour les chiens & autres animaux domeftiques. Le dommage que caufent les hannetons eft bien plus confidérable. Ils font de tous Les infectes les plus nuifibles aux prés. Ces grandes places qu'on voit jaunir & fe faner tout-à-coup au printemps dans les plus belles prairies , ne font attaquées que par eux. Arrachez quelques plantes , vous les trouverez en quantité attachés à leursracines. Si le dégât eft bien étendu , il faut labourer fur le champ la place défolée par ces animaux, pour y femer quelque graine ou pour renouveller le pré, comme je l'expliquerai plus bas; car également l’on.n’y feroit aucune récolte pour cette année-là. | Quant aux courtillières, on en détruira beaucoup, fi l'on a foin de re- marquer dans les prés, en les fauchant, ces petites élévations couvertes d'herbe jaunie : ce font autant de nids de ces animaux qu'on doit enlever avec la bèche. I feroit inutile d'entreprendre de détruire Les autres petits animaux que j'ainommés , les fauterelles , les chenilles, &c.; ils font d’ailleurs les moins. nuifibles de ceux qui infeétent les prés. Il eft encore un dégât caufé par les animaux , dont je dois parler en finiffant cet article; c’eft celui que fait le gros bétail, conduit au pâturage: par un temps humide, & fur une prairie inondée: alors il enfonce la terre avec fes pieds, & arrache quelquefois les jeunes plantes, On feroit mieux de ne jamais le faire paître dans les prairies artificielles ; mais fi l'on y eft nécefité, on ne doit pas le conduire avant la troifième ou la qua- trième année, & en tout temps avoir foin qu'il n'y entre pas de bêtes à laine ; non qu'elles brôlent les plantes, comme quelques - uns le préten- + ut dE 4 # = SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 349 dent, mais parcé qu'elles broutent & rongent fi près la terre , qu'elles détruifent, en partie, les bourgeons qui doivent poufler l'année fui- vante, : $. IIT. Des Arrofemens, * L'art d’arrofer les prés eft une partie effentielle de leur entretien ; cet art eft très-étendu , requiert des connoiffances fur les diverfes qualités dés terres, fur Le nivellement , fur Les propriétés des eaux , &c. Je renvoie, fur cet ar ticle, à un Mémoire imprimé dans les Recueils de la Société Economique de Berne ( en 1761) , qui a expofé tout cet art bien mieux que je ne pour- rois le faire(15). L’arrofément eft-le meilleur amendement pour les prés , lorfqu'on a à fa portée des eaux d’une bonne qualité, Le orand art confifte à répandre Veau par-tout également , & de manière qu'elle ne féjourne nulle part. * Le trefle eft la feule plante des prés eflentiels qui puifle croître dans ün terrein humide, & en général tout foin qui a crü dans des prés où Feau féjourne, eft de mauvaife qualité. Les herbes les plus pleines de fucs croiffent , comme l'a obfervé Linnæus, dans les terreins Les plus fecs. La trop grande humidité caufe la pourriture dans les plantes, en y fai- fant abonder les parties aqueufes, au lieu des fels qui Les en préfervent. ; & IV, Des Engrais. Malgré l'importance des fumiers en agriculture, tant d'Agriculteurs igno- rent la bonne manière de les préparer & de les entretenir, que je crois de- voir en dire un mot. Le fumier n'eft autre chofe qu'un compofé de matières végétales où animales, qui fubiflent ou ont fubi la fermentation putride. L'effet de cette fermentation elt la diflolution de ces matières & la féparation de leurs parties conftituantes; les parties lévères, comme les huiles effen- tielles, alkalis & fels volatils, s'élèvent dans l’atmofphère ou s’'attachent à quelques corps froids , comme les vapeurs dans le chapiteau d’an alambic; : après l’évaporation des principes volatils , il ne refte que les parties ter- reufes élémentaires , les’ fels fixes & les huiles grafles: & cependant , comme toutes ces parties , foit fixes, foit volatiles, font également utiles à la végétation, il faut prévenir, autant qu'il eft poflible, la perte des premières. On obfervera encore que pour ge la fermentation putride ait lieu, il faut le concours de l'air, de l'humidité & d’un certain degré de chaleur. On peut juger , d'après cela , des fautes que font la plupart des Payfans (15) Voyez aufli un Traïté de M, Bertrand , Pafteur à Orbe. Lyon, 1764. Tome XVII, Part. I,1781, MAI. x2 k LIT) OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dans l’arrangement de leur fumier. On les voit fréquemment jetter leurs charges les unes à côté des autres fur une grande fuperficie de terrein , de façon que leur tas a rarement un pied & demi de hauteur , & quelquefois beaucoup moins encore. De cette manière , il préfente à l'airune très-grande furface. Par-là , il eft d’abord privé du degré d’humidité néceffaire pour le faire pourrir; le foleil & les vents Mie tour-à-tour fa fuperfcie , fa fermentation ne s'opère , & même très-foiblement , que dans les couches inférieures ; car moins il y a de matière entaflée, plus elle eft lente & im- parfaite : enfuite le foleil & les vents diffipent toutes les parties volatiles ; enfin, s'il furvient des pluies abondantes , elles délavent tellement ce fumier peu élevé, qu'elles pénètrent fans ceffe, qu’elles en entraînent toutes les parties falines & favoureufes , & n’y laiflent que ce qui eft prefque inutile à tout amendement, Les Payfans font encore trècpeu d’attention au fol fur lequel ils pla- cent leur fumier. Si, par hafard , il fe trouve être fablonneux , toute l’eau qui fort du fumier filtre au travers, & eft perdue pour le Cultivateur, qui doit cependant la regarder comme la plus eflentielle de l’engrais. Pour préparer & entretenir les fumiers d’une manière qui pare à tous ces inconvéniens , il faut choifir un efpace de terrein d'une étendue pro- portionnée à la quantité de fumier qu'on fe propole d'y dépofer , en l’éle- vant jufqu'à la hauteur de trois à quatre pieds. On pavera cet efpace, s’il eit poflible , avec de grandes pierres plates, & on l’entourera de murs. excepté du côté du nord , qui devra être ouvert; cela fait, l’on aura foin d'étendre fur toute cette place une couche d'environ huit pouces à un pied de terre sèche , qui, humectée à la longue par les eaux qui pénétre- ront le fumier , & imprégnée de fes fels, deviendra elle-même un excel- lent engrais, On dépofera enfuite fon fumier de façon que les murs le dépaflent de quelques pieds: ce qui aura le bon effet d’empêcher les vents de balayer trop fa furface & de difliper les parties volatiles ; enfin, lor£ que le tas de fumier fera fini, il faudra avoir foin de le couvrir d’une couche de terre, & le Laiffer au moïns un mois dans cet état. De cette manière, la fuperficie , qui ne pourrit jamais, ou du moins bien diffci- lement, fera amenée à La putréfaction; les fels volatils feront comme forcés de fe concentrer , & la fermentation intérieure fera parfaite (16), Une charge de ce fumier , bien pourri, fera un effet plus grand & plus durable que deux de ce fumier délavé que préparent nos Payfans. Pour répandre à propos Le fumier fur les prés, il faut choifir, dansle mois de Novembre , un temps où le terrein foit plutôt fec qu'humide : (16) Cetteméthode eft fimple : on pourroït cependant la fimplifier encore, en fupprimant les murs, & en mesrant le fumier dans un.creux de terre grafle, Re CR RTE se te ne ne © à SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 351 avant l'automne, on auroit à craindre, en l'étendant, que le foleil ne volatilisât fes parties effentielles. Au contraire, en hiver, la terre étant pref- que toujours gelée ; Ou pouvant geler immédiatement après que le fumier eft répandu, l'engrais ne peut pénétrer les terres qu'au premier dégel ; & alors la neige qui fe fond ou des ua abondantes, détrempent les parties favoureufes , & lavant la furface de la terre plutôt qu'elles ne la pénètrent, uifqu’elle eft encore gelée, entraînent avec elles dans les foffés ou dans 24 PA fitués plus bas , tout ce que Le fumier a de plus propre à aider la végétation. C’eft par certe dernière raifon que la place où l'on le met ne paroît pas toujours avoir profité, tandis qu’une autre place où l’on n’en avoit pas répandu, profpère merveilleufement. M. Lullin de Châteauvieux confeille de fillonner les prés avec une charrue à coûtres éloignés de trois pouces, & de répandre le fumier fur ces fillons : il a remarqué qu'ainfi il pénétroit mieux la terre; que Les plantes fembloient rajeunir , & que l'herbe a payé avec ufure Le furplus des frais de culture ordinaire. Cette remarque a beaucoup de rapport avec celle que j'ai faite fur [a manière merveilleufe dont Le fumier opère fur les prés, dont on a gratté la furface en élevant la mouffe : mais cet effet n’eft pas dû uniquement au fu- mier ni dans le premier cas ni dans Le dernier. Le labour que M. Lullin donne avec fa charrue à coûtres y contribue beaucoup pour la plus grande partie, J'aurai bientôt occafon de le démontrer. $. V. De la manière de recueillir Le Foin. En traitant des plantes des prairies artificielles , j'ai déjà parlé du temps où chaque efpèce Ré être coupée , & des précautions à prendre en fenant, ILeft plus difficile de marquer l’époque où les prés naturels doivent être fauchés , les plantes qui les compofent n'étant jamais toutes müres à la fois. Lä-deflus, l’expérience des bons Cultivateurs les fert mieux que toutes les règles; en général , elle leur fait attendre que le foin ait acquis une couleur roufle , qu'il commence à fécher, & que les graminées portent des graines bien formées. Quant à la manière de foigner Le foin , une fois recueilli, la meilleure eft de ne pas le remuer. Il eft peu convenable de le mettre en meules. Expolé aux injures de l'air, il perd & en qualité & en quantité. S'il ne peut pastout entrer dans Ja fenière, je préférerois de le mettre en tas de figure prifma- tique à quatre faces, couvert de planches , avec quelques pierres deflus pour Les aflujettir, $. VI. Manière de renouveller les Prés naturels, … ya trois ou quatre ans qu'au mois d'Avril, j'apperçus une portiort d'une prairie qui jaunifloic tellement , qu'elle ne promertoit aucune récolte; 352 , OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, je découvris bientôt. que les hannetons avoient caufé tout ce ravage, & en conféquence je fis labourer fur le champ toute la place endommagée, & j'y fisfemer du bled farrafin, IL vint aflez mal, parce que Les racines que Les hannetons avoientépargnées repoufloient avec vigueur , & étoufloient les jeunes plantes. J'y femai cette même année du froment, qui ne réuflic guère mieux, par la même raïlon; il étoit mêlé d'une grande quantité d'herbe , ce qui me fit efpérer une abondante récolte en foin pour l’année fuivante, en laiffant cette portion de pré in flatu quo. Je ne fus point trompé dans mon attente; quoique le pré dont je parle n'eût jamais rendu plus de vingt quintaux par pole, le Faucheur eut toutes les peines du monde à remuer la faux dans la partie dont je parle, tant l'herbe y étoit épaifle : elle étoit haute d'un bon tiers de plus que celle du refte dupré; & quoique cette place n'eût guère plus d'une pofe & demie , elle donna trois grands chariots de foin. Depuis ce remps-là, j'ai fait labourer toutes les années une portion de cette mème prairie , toujours avec le même fuccès. Il'eft vrai que le produit de ces parties labourées diminue infenfible- ment chaque année, jufqu'à redevenir égal à celui de celles qui ne l'one pas été. Ce feroit alors le temps de recommencer l'opération ; mais je puis aflurer que la première portion que j'ai fait xenouveller ainfi donne encore ua produit plus confdérable que celles qui ne l'ont pas été. | Comment un fimple labour peut-il augmenter fi prodigieufement la force de la végétation dans les plantes à On n'en fera pas étonné, fi l'on obferye que Les plantes des prés naturels ne jettent pas leurs racines à une grande profondeur, & que par confé- quent la fuperficie du tertein eft épuifée , tandis que la couche inférieure ne left pas: d’ailleurs, dans Les vieux prés la terre eft quelquefois fi dure & fi tenace, que les racines ne peuvent les pénétrer ; elles ont pour ainfi dire des routes frayées qu'elles fuivent ordinairement , ce qui fait qu’une grande partie de la première couche d'un vieux pré peut être regardée comme une terre vierge 8 repofée , & par-là même très-propre à la végéta- tion, pour peu qu'on la remue. 3 = ne De-là, le grand bien du labour dont je parle. Il rend ces. ra de terre vierge à la végétation ; & pénétrant jufqu’à la couche inférieure qu’il ameublit, il y fraie un nouveau chemin aux racines du pré, & leut fournit par-là même dés fucs nutritifs en beaucoup plus grande abon- dance: i Je confeille donc à ceux qui ont:des prés vieux ; & pour ainfi dire ufés, d’effayer ma méthode , plutôtque de les couvrir fans ceffe de fumier , comme on le fait ordinairement; l'amélioration produite par un labour eft beaucoup plus confidérable, & dure au moins le double. Pour l'employer avec fuccès, il faut labourer en Septembre ou en Oc- tobre , pafler {a herfe fur lechamp, & après la première bonne pluie, le rouleau; opération que vous répéterez au printemps après la fonce des ee 0. dm tif SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 353 dernières neiges : votre terrein fera alors bien égalifé, & vous ferez éronné de fon produit. Il en coûtera autant peut-être que fi l'on couvroit la même lace de fumier; mais il n'eft pas facile de s’en procurer , & sûrement moins profitable de s’en fervir. L'on pourroit divifer une prairie en dix portions, & en travailler une ainfi chaque année. Je crois qu'il feroit à-peu-près temps de refaire la première après avoir labouré la dixième ; & fi à cette culture on joignoit le fumier , & qu'on l'étendit vers la fixième ou feptième année depuis le labour donné , je ne doute pas qu'il ne fit merveille (h). Je ne parle point des autres amendemens , comme tranfports & mê- langes de terre , tourbe brülée, &c,, &c., parce qu'ils conviennent plutôt à une efpèce particulière de terrein qu'à toutes les terres en général, Ces diftinétions m'entraineroient trop loin & inutilement , puifque ces divers amendemens font peu ufités aux environs de Genève & dans le canton que j'habite, LETTRE A M DE MORVEAU, Sur les Terres fimples ; & principalement fur celle que M. Sage a défignée fous le nom de Terre abforbante; Par. M ROMÉ DE L’ISLE. fs viens de lire, Monfieur, dans le Journal de Phyfique du mois de Mars dernier, votre Mémoire fur les terres fimples que vous m'aviez annoncé dans votre Lettre du 23 Décembre de l’année dernière, comme devant affermir les dénominations adoptées par tous les Chymifles à qui le Doëleur Deémefle reproche de fe répéter ; il vous a paru important , ajoutez - vous, de décider enfin qui avoir raifon de tous ces Chymifles ou de M. Démefle, auquel vous reprochez vous-même de répéter les aflertions de M. Sage, fans les avoir examinées, & ( pour me fervir des termes de votre Lettre ) de s'être égaré par l'imagination d'autrui. Examinons donc ici qui du Docteur Démefte_ou de vous. Monfieur., s’eft égaré par l'imagination d'autrui. Vous prouvez d'abord à merveille , dans votre Mémoire, que la terre qui fert de bafe au /path calcaire n eft point la même que celle qui fert de bafe au fpath pefant ; M. Sage, le Doëteur Démefte & moi , fommes en cela de votre avis, qui eft égale- + (4) La prudence exige des Cuhivateurs qu’ils ne faflent cet effai qu'en peu. 3ÿ4 : OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ment celui de M. Bergman. Vous prouvez aufli très-bien que la terre qui fert de bafe au fpath calcaire, eft la même que celle ue de bafe au gypfe, aux fubftances offeufes, aux végétaux, &c.; & nous fommes en- core ,en ceci, parfaitement d'accord avec Le célèbre Bergman , & générale- 4 ment avec tous les Chymiftes. En quoi donc différons-nous, Monfieur ? le voici : c'eft que nousappellons terre abforbante , terre fimple ou primitive , celle qui fert de bafe à la terre calcaire, au gypfe, aux fubftances offeufes, aux végétaux, &c., & que nous appellons terre calcaire, ou, fi vous voulez, terre primitive, déjà modifiée par quelque principe qui lui eft inhérenc, celle qui fert de bafe au fpath pefant. Nous regardons aufli comme autant de modifications différentes de la terre primitive ou élémentaire, celles qui fervent de bafe au fel d'Epfom ou de Sd, à l’alun & même aux différentes fubftances métal- Aiques (1). Il ne s’agit donc plus que de favoir fi nous fommes fondés à refufer le nom de terre calcaire à celle qui fert de bafe aux fpaths calcaire & vitreux , au gypfe, &c., pour lui donner un nom particulier, ou fi nous devons fuivre les dénominations reçues. Je n'irai pas chercher bien loin les expériences dont j'ai befoin pour démontrer que c’eft abufvement qu'on a laiflé à cette terre le nom de calcaire, dans tous les cas où elle n’eft point unie avec l’acide méphiti- que, que je nommerai, fi vous voulez, air fixe ou gas crayeux. Ces expé- riences font aujourd’hui connues , je ne dis pas feulement de tous les Chy- miftes , mais de tout Phyficien; @ je me flatte, ainfique vous, Monfieur, de mettre les chofes dans un jour fi frappant, qu'on ne fera plus embarraflé de prononcer de quel côté eff l'erreur ou plutôt l'abus des mots. Les Chymiftes étoient bien excufables, il y a trente ans, d’appeller terre calcaire la bafe du gypfe ou de la félénite; ils voyoient en effet qu’ils obtenoient conftamment ce dernier fel toutes les fois qu'ils verfoient de l'acide vitriolique fur une terre calcaire. Regardant alors cette terre cal- caire comme une terre fimple, il étoit très-naturel de penfer que c'étoit celle qu'ils combinoïent avec l'acide vitriolique. L'effervefcence , qui avoit lieu dans l'inftant de la combinaifon , leur fit bien foupçonner qu'il s'échap- poit quelque chofe. Halès n’y vit qu'un air emprifonné , qui recouvroit (1) M. de Morveau ne compte (toujours d’après M. Bergman) que cinq terres fim- ples, quifont, 1°. le //ex ou terre quartzeufe pure , 2°. l’arai/e pure ou terre bafe d’alun, 3°. la terre calcaire pure, 4°. la serrede magnéffe ou bafe du fel d’Epfom, 5°. enfin fa terre pefante. Mais comme on doit aufli fenir compte des terres fimples ou également indécompofables, qui fervent de bafe à l'or, à la platine, à l'argent, au cuivre ,au plomb, au fer, à l’étain, au mercure , à l’antimoine , au bifmuth, au zinc, au cobalt, à l’ar- fénic, & même, fuivant l'illuftre Chymifte Suédois, au nickel & à la manganèfe, voilà le nombre des terres fimples augmenté de quinze, ce qui porte à vingt la lifte de ces serres , felon M. Bergman, £ a SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3çs fa première élafticité; de-là le nom d'air fixe donné à ce fluide aëriforme. Maïs aujourd'hui que nous favons que l'acide vitriolique ne peut fe com- biner,du moins artificiellement, avec la terre calcaire, fans en dégager un acide particulier qui la conftituoit telle, je vous demande , Monfeur, fi nous pouvons dire que dans le gypfe l'acide vitriolique eff combiné avec la terre calcaire? Quand vous employez cette expreflion, n'entendez-vous pas que c'eft avec la terre fimple qui, lors de fon union avec l'acide crayeux, formoit la terre calcaire, que l'acide vitriolique s’eft combiné > Que l'on donne à cette terre fimple le nom d'abforbante, ou tout autre, toujours fera-t-il vrai de dire que ce n’eft plus la terre compofée que nous appellions calcaire. Vous convenez vous-même ( page 218 ) que la terre de félénite ne tient point d'acide gazeux ; ce n’eft donc plus la terre cal- caire. Nous favons aufli que ce même acide gazeux ou crayeux eft dégagé de fa bafe par la calcination: la chaux n’eft donc point la rerre calcaire pure , comme vous la définiflez, d'après M. Bergman, ou du moins vous con- viendrez que cette dénomination eft équivoque; car la chaux eft la terre qui, lors de fa combinaifon avec l'acide crayeux, formoit la terre ou le {path calcaire: mais cet acide ayant été chaflé par le feu , il eft évident que dans la chaux il ne refte plus que la terre fimple, qui fervoit de bafe au premier compofé, unie à la matière du feu, au caufficum de Meyer, à l'acide igné de M. Sage. Si vous reftituez enfuite à cette terre fimple fon acide crayeux , ce n'eft point avec la chaux , que vous appellez terre calcaire pure, que vous le combinez, puifqu’alors la matière du feu fe dégage , & qu'ainfi la terre bafe laifle échapper l'acide au moyen du- quel elle’‘étoit foluble dans l'eau , pour s'unir avec un autre qui lui enlève cette propriété en régénérant La terre ou le [path calcaire. Il me femble , Monfieur, que ces idées font fimples & fondées fur des faits généralement avoués ; que cette doctrine n'eft point en termes faits pour embarralfer ceux qui ne l'ont point apprife ( p.217) ; & vous voyez que nous ne craignons point de communiquer avec ceux qui veulent bien rendre le foin de nous détromper. Or, la bafe du gypfe n'étant point la terre primitive dont nous par- lons, faturée d'acide crayeux, plus d'acide vitriolique , il eft évident que Ja bafe du gypfe n'eft point le compofé que tous les Chymiftes appellent terre calcaire; mais la terre fimple , que nous défignons fous le nom d'abforbante , nom vague autrefois, mais aujourd'hui très-précis, par la définition que M. Sage & le Docteur Démefte en ont donnée dans leurs Ouvrages. Ainfi les expériences que vous avez faites pour démontrer que la terre des os lorfqu'on en a dégagé l'acide du phofphore , la terre du fpath calcaire lorfqu'on en a dégagé l'acide crayeux , la terre du gypfe lorfqu'on en a dégagé l'acide vitriolique , & enfin la terre des végétaux lor/qu'on en Tome XVIT, Part, I, 1781. MAI. Yy 356 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, a dégagé l'acide végétal, font une feule & même terre; ces expériences , dis-je, font très-bonnes, très-exaétes, & nous les adoptons avec recon- noïflance : mais encore une fois elles prouvent contre vous, qu'on ne eut, fans équivoque , donner à la terre fimple qui fert de bafe à ces différens compofés & même à plufieurs autres, le nom de terre calcaire, puifque ce nom ne convient & ne peut convenir qu'au feul de ces com- pofés où l'acide crayeux fe trouve joint à la terre abforbante, ce S'il étoit vrai, dites-vous, que la terre du gypfe ne füt pas de la » terre calcaire, fi elle avoit, je ne dis pas des propriétés différentes , mais » une feule propriété différente, bien avérée & bien conftante entre mille > autres propriétés communes je n'emprefferois d'adopter la découverte » de M. Démefte;... feulement au lieu de la nommer terre abforbante, » qui eft un terme vague , .. je la nommerois teut bonnement terre gyp: » feufe, & tout le monde entendroit fans peine, fous cette dénomination, » la terre qui conftitue le gypfe par fa combinaifon avec l'acide vitrio- » lique». ( Ibid. p. 217.) Permettez-moi , Monfieur, de vous faire obferver que le nom de terre gypfeufe, pour défigner la terre qui fert de bafe au gypfe, eft tout auf équivoque que celui de terre calcaire pour défigner cette même terre lorfqu’elle fert de bafe au fpath calcaire , aux fubitances offeufes, &c. En effet, vous n'ignorez pas que Wallerius, Von-Linné, Port, Cronftedr , & la plupart des Minéralogiftes ont donné le nom de terre gypfeufe, je ne dis pas à la terre qui fert de bafe au gypfe, mais au gyple même réduit en pouflière, comme on donne encore aufli exactement le nom de terre calcaire à la craie & aux pierres calcaires en pouflière ; mais ces noms, juftement confacrés par l’ufage pour défigner des fubftances compofées qu'on a, j'en conviens , long temps regardées comme des terres fimples G primitives , ne peuvent être aujourd'hui tranfportés fans équivoque à la terre vraiment fimple, qui fert également de bafe au gypfe & au fpath calcaire. Cette terre, dans fon état libre, je veux dire , dégagée de l'acide vitriolique avec lequel elle conftituoit le gypfe , ou de l'acide crayeux avec lequel elle conftituoit le fpath dont nous parlons, ne mérite pas plus le nom de terre pypfeufe que celui de terre calcaire. Cette terre étant effentiellement la même dans les cendres des végétaux , dans les fubftances offeufes , dans le gypfe & dans le fpath calcaire , il doit y avoirun nom, tel que celui d'ab/orbante , ou tout autre qu'il vous plaira d'ima- giner , pourvu qu'il n'appartienne à aucun des quatre compofés précé- dens, afin que l’on puifle défigner clairement cet état de fimplicité dans lequel fes propriétés font tout-à-fait différentes de celles qu’elle préfente lorfqu'elle eft unie aux différens acides qui la conftituent gypfe, terre calcaire, &c. Avant que de éhercher à affermir les dénominations reçues , eu d’en SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 357 introduire de nouvelles, il eft, ce me femble, effentiel d'examiner fi ces dénominations ne font point abufves , équivoques ou même faufles, telles que celles d'air fixe, d'alkali phlogifliqué, de nitre fixé, de fer fucré, de chaux aërée, (1) &c. Gr. Or , dire que Le gypfe réfulte de la combinaifon de l'acide vitriolique avec la terre calcaire, c'eft s'exprimer tout aufli mal que fi l'on difoit que le vitriol martial réfulte de la combinaifon de l'acide vitriolique avec le métal que nous appellons fer. En effet, l’acide vitriolique dégage l'acide crayeux du compofé qui porte le nom de terre calcaire, à mefure w’il fe combine avec la terre fimple, que nous défignons fous le nom d'abforbante . de même qu'il dégage ce que vous appelez air inflam- mable , c'eft-àdire, le principe de la métalléité du fer, à mefure qu'il s’'unit à la terre de ce métal. Le Docteur Démefte n’a donc point eu des idées fauffes & démenties par les faits ( p. 227), lorfqu'il a ditavec M. Sage, que la terre du gypfe ou de la félénite étoit une terre ab{orbante, terre fimple qu’il ne faut pas confondre avec la terre calcaire, quoiqu'elle lui ferve de bafe. C’eft encore avec raifon qu'il a dit que La terre des os n’étoit pas calcaire , puifque dans l’état Pons c’eft l'acide du phefphore , & non l'acide crayeux, qui la fature, ce qui n'empêche pas que cette même terre des os ne forme une vraie /élénité dès qu'elle fera combinée avec l'acide vitriolique, &c une vraie terre calcaire dès qu'elle fera jointe à l'acide crayeux. I ne refte donc plus qu'à examiner s’il a également raifon lorfqu'il avance , d'après M. Sage , que le /path pefant ou féléniteux ( 2) eff la terre calcaire faturce d’acide vitriolique. JL ef d'abord certain que par terre calcaire le Doéteur Démefte n'a jamais prétendu défigner la terre fimple qui fert de bafe au gyple, au fpath calcaire , aux fuftances offeufes, &c., puifqu'il défigne celle-ci fous le nom d’abforbante. Il entend donc par terre calcaire une terre compofée ou déja modifiée par fon union avec quelque principe acide, qui eft ici tellement inhérent à la terre dont il s’agit, que l'art eft impuiflant pour (1) Il eft bon d’avertir, car on ne s’en douteroit pas, que par chaux aërée, M. Bergman défigne le fpath calcaire, le marbre & généralement toute pierre calcaire. Cette dénomination nouvelle n’a d’autre fondement qu'une fuppofition de cet habile Chymilte, fuivant laquelle le fpath calcaire eft compofé de chaux & d'air fixe. Mais on vient de voir que ces deux fubftances s’excluoient l’une l’autre. Comment donc peut-on nous vanter des dénominations aufli peu juftes, & traiter aufh leftement les perfonnes qui refufent de les adopter? , (2) On à long-temps confondu ce fpath avec le gypfe, & plufieurs Minéralogiftes Allemands appellent encore aujourd’hui gypfe pefane ( gypfum ponderofum , Lith. Born. Gypfum fpathofum. Scopoli min). L’acide eft en effet le même dans ces deux fübftances, mais la bafe eft différente ; de-la le nom de fparh félénireux, pour le diftinguer de la félénite, qui n’a jamais-porté le nom de fpath, Tome XVII, Part. I1,1781. MAI. Yy 2 358 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la décompofer, Il dit expreflément ( Wol. I, p. 251 de fes lettres a Doéleur Bernard): « La terre calcaire DIFFÉREMMENT MODIFIÉE & » combinée avec l'acide vitriolique forme les terres & pierres de la cin- » quième clafle, dont les principes conftituans font la terre abforbante, > l'acide phofphorique & l'acide vitriolique; telles font le fpath féléniteux » ou fpath-pefant, les argilles, &c ». IL peut très-bien fe faire que la terre qui fert de bafe au fpath pefant ne foit point le compofé mte méphitique & de terre abforbante, qui porte communément le nom de terre calcaire , d'autant qu’on n’eft point encore parvenu à combiner l'acide vitriolique avec la terre calcaire ordinaire, fans en dégager l'acide méphitique ou crayeux, & eonféquemment fans Ja décompofer; mais fi Ja terre du fpath pefant n’eft point la terre calcaire commune & décompofable que nous connoiflons , elle en eft du moins une modification très-voifine , puifque , fuivant M. Bergman lui - même, « elle s'unit à l'air fixe lorfqu'on la ue de fa diflolution par un » alkali aëré; qu'elle fait alors effervefcence avec les acides ; qu'après avoir >» dégagé ce fluide élaftique par la calcination, elle eft foluble dans l’eau; » que cette diflolution filtrée & expofée à l'air libre , fe couvre à fa fur- » face d’une pellicule qui s’en fépare ainfi fucceflivement, comme il arrive » à l'eau de chaux », & que M. Bergman appelle terre pefante aërée. Enfin la diffolution de terre pefante calcinée altère, comme la chaux, les couleurs bleues végétales, ce qui , indépendammenr de la propriété phofphorique qu'on lui connoît , établit entre ces deux terres des rapports très marqués ; mais il fut que le Docteur Démefte reconnoiffe dans la terre du fpath pefant une terre calcaire DIFFÉREMMENT MODIFIÉE par la nature , pour qu'on ne puifle le foupçonner d’avoir confondu cette terre avec celle qui fert de bafe au gypfe & au fpath calcaire. Après cet. éclairciflement , j’ofe croire , Monfieur, qu'il fera facile de décider quels font les Chymiftes modernes qui, relativement aux terres fimples , ont le plus contribué à confondre toutes les idées par des nomen- clatures fouvent fauffes G toujours équivoques. J'aurois moins infifté fur ce point, fi vous neufliez pas avancé que des Chymiftes, qui, füivant moi , font honneur à la Nation, n'ont qu’une théorie fondée /ur de pré- tendues analogies qu'ils érigent en principes , peut-être par le defir d'avoir un fyfléme à eux. Non, Monfieur, c'efk le defir du vrai qui les anime; s'ils fe trompent quelquefois, il faut les relever fans aigreur, & fur-tout les entendre avant que de les combattre. J'ai l’honneur d’être , &c. LM ms SR TE ue de os cé Ages nd res ses .. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 359 EE Bab; RE DE M DE ROCHEBLAVE, Sur les hauteurs des différentes montagnes des Pyrénées. Monsteur, J'Ar l'honneur de vous envoyer la copie d'un Mémoire que je viens d’adrefler à M. Adanfon , de l’Académie Royale des Sciences, touchans la mefure des montagnes par le baromètre: ce célèbre Naturalifte m'ayanc engagé à vérifier les différentes méthodes , qui ont été préfentées jufqu’à ce jour, pour déterminer précifément les rapports des hauteurs du mercure dans le Bmane comparativement à l'élévation des lieux où fe fonc les obfervations, & notamment l'influence de la chaleur fur les varia- tions de cet inftrument , pour en déduire Ja correction à y faire, j'ai cru, Monfieur , entrer dans vos vues, en vous priant de vouloir bien inférer le préfent Mémoire dans votre précieux Journal. Mon principal but eft d'y rendre juftice à l'ingénieufe & excellente méthode de M. de Luc, & de convaincre les Savans, par une nouvelle fuite d'obfervations , de toute la confiance que l’on doit y avoir. Lertre de M. de Rocheblave, Chevalier de Saint-Lazare, à M, Adanfon , de l’Académie Royale des Sciences. « J'ai reçu dans fon temps, Monfeur, la lettre que vous m'avez fait » l'amitié de m'écrire. Je fuis infiniment fenfible à tout ce que vous » voulez bien m'y dire d’obligeant, & c’eft avec un bien grand empref- » fement que j'ai cherché les moyens de répondre à la confiance que vous » voulez bien avoir dans mes opérations Comme je n'avois pas alors »tout ce qu'il me falloit pour réuflir dans toutes les diverfes expériences » que je devois préalablement tenter, avant que d'entrer en befogne , j'ai » commencé par me les procurer. Voici le précis de mon atelier, de ma » marche , & des conféquences que j'en tire, Forme des Baromètres. # Les baromètres dont je me fuis fervi, font de fimples tubes de > Torricelli, d'environ quatre lignes de diamètre intérieur , plongés dans 360 : OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » de grands réfervoirs cylindriques dans la partie qui fert de niveau au # mercure, & dont le diamètre intérieur a un rapport connu avec celui » du tube ; par ce moyen, je fais, par l'abaïflement du mercure dans le » baromètre, de combien il'eft monté dans fon réfervoir , & par confe- » quent la différence entre les deux niveaux. Ils font parfaitement purgés d'air par. le feu, & le mercure éroit récemment revivifié ducinabre; la > la graduation eff divifée en quart de ligne , de forte qu'avec une loupe » on peut très-bien tenir compte du génie chaque divifion, ce qui 2 1 » fait de ligne ; elle eft collée par fes deux extrémités fur Le derrière » du tube, ce qui fait qu'elle n’eft point fujette à s'alonger par l'impreg- » nation de la colle, & fe trouve aufli près du tube qu'on peut le defirer. » Le réfervoir eft recouvert avec une peau de gant aflez épaifle pour » que le mercure ne puiffe pas.la traver{er lorfqu'on retourne l'inftrument » & qu'on lui fait éprouver les fecouffes inévitables auxquelles il eft fujec » en route; mais elle ne s’oppofe en rien à l'efficacité du reflort de l'air, » ainfi que je l'ai éprouvé en les comparant avec d'autres. baromètres , » dont les réfervoirs étoient découverts. Le tout eft monté & fixé foli- » dement dans un étui à charnière, pour être tranfporté où on le » defire. | Accord des Baromètres. » Une des conditions que je crois la ‘plus néceffaire, pour que deux » baromètres, bien faits d'ailleurs, puiffent être d'accord, c’eft qu'ils aient + parfaitement le même calibre: mais cette confidération étant très-dif. Écile à remplir, j'ai obvié à tout, en prenant des calibres de quatre » lignes au moins de diamètre intérieur; dans ce cas l'attraction du mer- » cure au verre devient prefque nulle, relativement à fon agrégation, & que » pour peu que les verres foient de même efpèce, ilsfe trouvent régulièrement » d'accord , pourvu qu'ils aient été purgés d'air exactement : cette ma- > nière corrige auf trés-bien l'inconvénient réel que M. de Luc a remarqué » aux baromètres à réfervoir , favoir qu'ils fe tiennent conftamment plus » bas que ceux qui font faits d’un feul tube recourbé. » J'ai fait voyager dans les montagnes deux baromètres faits avec » foin , dont l'un avoit quatre lignes environ de diamètre, & l’autre une » ligne trois quarts ; ce dernier s'eft tenu conftamment deux lignes & un > quart plus bas que l'autre, & a gardé le parallélifme de fon niveau à > toutes les hauteurs où je les ai tranfportés ; je conclus de-là See » des baromètres bien faits, mais de différens calibres, & par conféquent » mal d'accord , on peut cependant faire les expériences de M. de Luc # avec exactitude, en ajoutant à la hauteur du mercure, dans chaque » baromètre, ce qui lui manque pour être au point où il feroit, s’il avoit 2 quatre lignes de diamètre. 2 Éc SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 361 Thermemètres. » Mes thermomètres font de mercure , les boules n’excédent pas cinq » lignes dé diamètre; ils font purgés d'air au point de ne faire paroître » de bulle qu'au moment ,de l'ébullition du mercure qu'ils contiennenc: » je crois que c’eft la façon la plus füre de les éprouver; mais ils font x fort difficiles à faire, & il ne faut pas moins que toute ma patience » pour en avoir fair l'aflortiment dont je fuis porfaffeur Accord des Thermomèrres. >» Rien de fi rare que deux thermomiêètres qui confervene leur accord » depuis Le plus grand froid , jufqu’à la plus forte chaleur ; peut-être mêmé » n'en eft il point qui remplifle parfaitement cette condition: en effer, » fi on fait attention à la multitude d’inconvéniens qu'il faut vaincre, » of aura lieu d'être étonné qu'on en fafle d'aufli bons que ceux qu'on » trouve actuellement chez tous Les Phyficiens jaloux d'expériences exactes. » Un thermomètre ne peut conferver fon accord avec un autre, qu’autant » que, » 1°. Jls font tous deux de même verre, fans quoi le même degré > de chaleur ne leur donne pas le même degré de dilatation. » 2°. Que leurs boules font foufflées de même épaifleur, pour » que la même rempérature fafle des changemens égaux dans leurs » capacités. » 3°. Que les boules font de même grofleur , fans quoi la tempé- » rature de l'air étant toujours variable, la boule la plus groffe fe » trouvera toujours arrièrée fur la plus petite , le mercure reftant plus » bas lorfque l'atmofphère s'échauffe , & plus haut lorfqu’elle {e re- » froidit : cette condition ft fi eflentielle, qu'elle fait des effets très- » notables, lors même que les boules en prefqu'égales. » 4°. Que les tubes font parfaitement calibrés; fans cette précaution, » tous thermomètres , tel bien faits qu'ils puiflent être d’ailleurs, doivent » être rejettés comme inutiles. », $°. Que le mercure eft récemment tevivifié du cinabre, fans quoi mon n'eft jamais für de fa pureté: la méthode de le faire couler fur » une afliette de fayance, & de le regarder comime pur lorfqu'il n’y » fait point de tache, eft infufhfante. J'ai allié du mercure avec très-peu » d'un mêlange de bifmuth, d'étain & de plomb , & cet amalgame n’a » nullement taché le vale de. fayance fur lequel je l'ai fait rouler; » il a cependant fui pour m'empêcher de purger d'air complettement »un thermomètre que j'ai voulu faire avec ; j'ai attribué la quantité » confidérable d'air que j'ai dégagé pendant cette expérience, à la dif- 362 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » folution parfaire du mélange, par le mercure bouillant. Seroit-ce un » nouveau gas? c'eft ce que j'ignore ; mon but n’étant point alors de » travailler fur cette matière, je n'ai pas fuivi plus loin cette obfervation, » que je reprendrai peut-être par la fuite avec l'appareil pneumato- » chymique. _» 6°. Que pour marquer les points de la glace, on faifit exa@tement » le moment où elle commence à fondre. » 7°. Que ceux de l’eau bouillante ont été marqués, le baromètre » étant à 28 pouces , fans quoi le plus ou moins de pefanteur de l'atmof- » phère retarde ou accélère l’ébullition, & la température de l’eau bouil- » lante n'eft plus la même. » 8°. Enfin, qu'ils font parfaitement purgés d'air, fans quoi la marche # de cet inftrument ne fuit plus aucune règle, & la graduation, tel exacte » qu'elle foit, devient inutile. Nivellement & mefure géométrique de dix ffations au - deffus du niveau e la Mer. » La chofe [a plus effentielle pour mon opération étoit de déterminer » avec exactitude la hauteur de plufieurs ftations au-deflus du niveau de la » mer. Je n'entreprendrai pas le détail de cette longue & pénible entre- » prife; on fait que cette opération fi facile à mal faire , renferme des » obftacles infinis pour Les gens fcrupuleux , & qui cherchent la vérité; » je fuis de ce nombre, aufli ce n’a été qu'avec beaucoup de peine que » je fuis parvenu à me convaincre moi-même de l'exactitude de mon >» travail. Toutes les hauteurs ont été levées par deux triangles différens, » & je ne les ai regardées comme juftes, que lorfque les deux calculs # m'ont donné les mêmes réfultats : c’eft de cette façon que j'ai levé la n hauteur de dix ftations au-deflus du niveau de la mer; favoir: » Perpignan 10 toifes, Pont de Ceret so, Arles 142, Montferrer 407, » Croix de ja Cefte ÿ16, Grand-Paftor 619, Pic de la Soque 801, # Paftor du Canigou 931, Trezevent 1187, Pic méridional du Canigou 2 1442. » Cette détermination de la hauteur du Canigou 1442 toifes, neft » pas conforme avec celle de M. de Plantade, qui l'a trouvée de 1453. » Il y à apparence que nous n'avons pas mefuré la même pointe ; le » Canigou en forme quatre qui font fituées à peu près fuivant les quatre >» points cardinaux. » La hauteur de ces dix ftations , au-deflus du niveau de la mer, étant » bien conftatée, j'ai cru devoir m'aflurer par moi-même de la quantité » de dilatation qu'occafionne fur le mercure la chaleur de l'eau bouillante, >» comparativement au velume de ce fluide, foumis à la Mn de » la glace, afin de faire fur le baromètre la correction qu'indique M. de » Luc; ts SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 6j » Luc: ce célèbre Phyficien l’a déterminée de 6 lignes , le baromètre » étant à 27 pouces ; j'ai cru devoir répéter fon expérience d’une autre » manière , afin d'en comparer les réfulrats. » J'ai fait avec foin un baromètre d'un long tube recourbé qui avoit » 3 lignes de diamètre intérieur ; j'y ai foufflé au bout une grofle am- » poule, à laquelle j'ai foudé un long tube , comme le repréfente la » figure 1, PL I, en A BC. Le bout C du tube eft cuvert de manière » que Le baromètre étant plongé , foit dans la glace pilée, foic dans l'eau » bouillante , l'air pouvoit y Etre une colonne de mercure propor- » tionnée à la pefanteur fpécifique de ce fluide , fans que l'inftrument » pût être endommagé. Le diamètre du réfervoir s’eft trouvé être à celui » du tube du baromètre comme 34 à 3, & par conféquent les furfaces » du mercure comme 1156 à 9; de forte qu'il falloit une defcente de » 128 > de ligne dans le tube, pour faire monter le mercure d'une » ligne dans le réfervoir; ainfi 6 lignes d’abaiflement, comme l'a trouvé » M. de Luc dans cette expérience, ne devoient faire monter le réfervoir » que de ou de ligne environ, ce qui peut être négligé fans erreur » fenfible. De. cette manière j'ai pu juger du AE arrivé dans la » pefanteur fpécifique du mercure, fans avoir égard à la fuperficie du ré- à fervoir, On verra ci-après que cette condition étoit néceffaire. » Tout étant difpofé ainfi, j'ai choifi un jour où le baromètre füt na- # turellement à 28 pouces; j'ai mis prefqu'en entier mon nouvel inftru- » ment ABC dans le vafe D rempli de glace pilée ; j'ai marqué, au > moyen d'un fil ciré, le point F où s'eft tenu le mercure , & ayant » défait l'appareil , j'ai rempli le vafe D d'eau & l'ai mis dans l'efpèce » de fourneau E rempli de charbon allumé , jufqu’à ce que l'eau bouillant »bien , annonçât 80 degrés au thermomètre de Réaumur. J'ai pareille- » ment marqué le point G où s’eft trouvé le mercure; il étoit de 6 au » deflus du point précédent, Faifant la règle de proportion , fi 28°: 6: 5 :: 27% x, j'ai trouvé 6: pour la dilatation d’une co- lonne de 27 pouces. M. de Luc l'a aflignée être de 6 lignes par fa méthode ; mon réfultat diffère donc + ligne du fien. Cette différence vient fans doute des diverfes manières dont nous avons opéré : au refte, à laquelle de ces deux obfervations qu'on s'attache , les réfultats dans »’application feront toujours fenfiblement les mêmes; & j'adopte bien » volontiers celle de M. de Luc, tant par la confiance que je lui dois, » que par la facilité de divifer fon échelle en 96 parties, ue a conftruite ® pour corriger l'effet de la dilatation du mercure dans le baromètre. C'eft » d’après la méthode de ce Savant que j'ai dreflé le tableau ci joint des » hauteurs du mercure dans le baromètre , à différentes élévations & à deux » différentes températures : fa hauteur étant conftamment de 28 pouces » au niveau de la mer, on fentira aflez combien il a fallu d'obfervations Tome XVII, Part. 1,17981 MAL Zz 8 Et % 8 264 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, > pour pouvoir remplir cette clafle que j'ai cru effentielle ; aufi v’ai-je pu » y réuflir qu'avec l'aide de MM. de Padies & de Girod , Capitaines au » Corps Royal du Génie, qui joignent tous deux aux plus grandes con- >» noiflances le defir que de vrais Philofophes doivent avoir pour décou- » vrir la vérité. Voici les réfultats de nos obfervations fans aucune efpèce # de correction. Table des hauteurs du mercure dans le Baromètre à dix différentes flations G par deux différentes températures, le Baromètre étant conffamment à vingt-huit pouces au niveau de la mer. Stations. Température chaude, Température froide. Elévations géométr, Pouc. Lig. Min. Pouc. Lign, Min Toifes, OM ee Ne 8 16 18 16 © x Perpignan , . «+ . 27 11 27 LI _ 10 2 Pont-de-Ceret, . « 27 8 2748 so grAtles ete PCIe NL TMENTINS 27bX 142 4 Montferrer, MN NUAGE ZHUILS 13 4OT 5 Croix dela Cefte, . 24 10 Z 24 9 516 6 Grand-Paftor, . . . 24 3 % 2ASIEUT Fi 619 7. Pic-de-la-Soque, . . 13 3 23 RO) TÈ 8ot 8 Paftor-de-Canigou, . 122 7 22 4 Fu 931 SiHrezevent a, NT UV ANS 21 1187 10 Pic-du-Canigou, , 20 1 7 19 8 e u442 » J'ai eu grand foin , lorfque j'ai fait les expériences que renferme Ia » table précédente, de noter exactement la température de l'air, & celle >» des baromètres, au moment de l’obfervation, me réfervant enfuite d'y » appliquer la règle de M. de Luc, pour en conclure l'élévation des ftations æ & les comparer avec les hauteurs géométriques. Vous pourrez juger, » Monfieur,de l'excellence defa cho par le tableau que je vousenvoie(r), > qui renferme l'opération complette ; vous y verrez que bien que le baro- » mètre füt à 28 pouces au niveau de la mer dans les deux tempéra- >» tures, il y a de très grandes différences dans ces hauteurs aux mêmes » ftations; par exemple, le baromètre étant à 28 pouces à la mer, & æ à 21 pouces 4 lignes - à Trezevent; dans un temps chaud il fe trouve > encore à 28 pouces à la mer, quoiqu'il ne foit plus qu'à 21 pouces à # Trezevent dans un temps froid. Ces confidérations me paroiffent prou- (3) Ce tableau étant trop confidérable, nous n’avons pu linférer ici ; nous offrons de le communiquer aux Savans qui defireroient le voir. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 365$ » ver, d’une manière inconteftable , que les variations dans la tempéra- » ture de l'air, font les vraies caufes de celles qu'on obferve dans le » baromètre, fur-tout lorfqw'on voit qu'en füuivant la règle de M. de » Luc , qui eft toute fondée {ur cette fuppoñition , on trouve que le thermo- » mètre corrige très-bien ces grandes variétés, & que malgré Les différences » qui fe trouvent dans la hauteur du mercure, en un même lieu , dans >» diverfes températures, on trouve toujours , à très-peu près , la même » élévation pour réfultat ». ] Telleeft, Monfieur, la fuite d'expériences que je defirerois faire parvenir à M. de Luc, que je n'ai l'honneur de connoître que par fon excellent Ouvrage fur les modifications de l’armofphère, & par les différens Mé- moires qu'il configne dans votre Journal. J'ai l'honneur d’être avec la plus parfaite confidération , &c. PREMIER MÉMOIRE Sur quelques Etabliffemens utiles à la Province de Languedoc ; Par M. CHAPTAL, Doëteur en Médecine , de la Société Royale des Sciences de Montpellier, Profeffeur d'Hifloire Naturelle & de Chymie docimaftique. I: eft de Ja fagefle d'une Adminiftration éclairée d'établir des Manu- faétures; mais il eft de fa prudence d’en faciliter les premiers matériaux. La cherté des drogues néceffaires pour les teintures, quelquefois leur ra- reté, plus fouvent leur infidélité, ont fait manquer ces établiffemens. Un moyen infaillible d'en affurer l'exiftence , eft de rapprocher la fabrication des matières premières de l'endroit où s’en fait la confommation , & d'en diminuer Le prix. Le Hollandoiïs , en couvrant du voile du myftère toutes fes opérations, nous a long-temps impofé la rude nécellité d'avoir recours à lui, & le prix de fes marchandifes abforboit tout le produit de notre induftrie ; mais aujourd'hui que nous poffédons fes fecrets, aujourd'hui que nous pouvons perfectionner fes procédés par nos découvertes , il elt honteux de feconder, par une fuite de l'habitude, l'infatiable cupidité de ce Peuple. Une Compagnie éclairée a établi, aux portes de Paris, une Manufacture des principales drogues uftées dans le Commerce; le prix des produits, quoique fupérieur en qualité, a baiflé des deux tiers : que ne doit-on pas efpérer de pareils établiffemens diftribués dans les Provinces? Le Languedoc eft très - heureufement fitué pour de fem- blables Manufactures : placé fur les bords de la mer, coupé par des Tome XVII, Part. I1,1781. MAI Zz2 366 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, canaux, & ouvert par des routes que le Voyageur étonné regarde, avec taifon, comme des monumens tracés à la gloire de l'Adminiftration , if offre des avantages qu'aucun Pays ne peut lui difputer. Nous nous bor- nerons aujourd'hui à indiquer les moyens fimples & peu coûteux de faire, 1°. du foufre & du vitriol; 2°. du brun rouge fupérieur à celui d'Efpagne & de la Hollande; 3°. du verre fans le fecours di la foude. Ces premiers objets fuffront , je crois , pour faire fentir la néceflité & l'utilité des autres établiffemens que nous ferons connoître dans la fuite. Lorfque l'emploi du foufre étoit borné à des ufages domeftiques , à la compolition des maftics & goudrons, à la fabrication de la poudre ou au blanchiffage des'jaines & des foies, il nous étoit permis alors de nous adrefler à des Etrangers pour leur acheter à bon prix une denrée d’un ufage peu étendu: mais aujourd’hui que Drebel nous a appris à en retirer l'huile de vitriol, il eft devenu un agent principal du Commerce; & ïl eft na- turel que nous nous occupions des moyens de Îe fabriquer chez nous. Le Languedoc eft fourni de pyrites ; il abonde en mines de cuivre, dont la cherté du bois, la rareté des eaux , & plus fouvent la pauvreté de la mine, ne’ permettent point l'exploitation, Ces confidérations ma- jeures ont rendu cette quantité prodigieufe de minéral inutile & même à charge à la Province, puifque la Nature a refufé toute autre produc- tion aux Pays qui en font pourvus. Ces pyrites & les mines de cuivre les plus pauvres en métal contiennent de quarante à cinquante livres de foufre par quintal , dont l'extraction eft facile 8 peu coûteufe, On établit en plein air une couche de bois; on y pratique des iflues pour en faciliter la combuftion; on élève pardeflus cette bafe quarrée, de vingt pieds de diamètre, un monceau de pyrites groflièrement con- caflées ; on en forme une pyramide à fommet tronqué, fur lequel on pratique des trous larges d’un pied & profonds de fept huit pouces; on garnit Les côtés de la pyramide d’une couche de glaife ou de pyrite pul- vérifée & pétrie. L'édifice conftruit, on allume le bois, les pyrites s'échauffenr, fe décompofent ; une partie du foufre fe volatilife, & va fe ramafler dans des trous placés à la partie fupérieure de la pyramide, tandis que l’autre s’unit au minéral, & forme du vitriol verd ou bleu, felon la nature de la pyrite. Tel eft le procédé ufité au Hartz & à St. Bel. Dans tous les endroits où on exploite le cuivre , on peut, de cette manière , recueillir tout le foufre qui fe perd par le grillage. Quelqu'induftrieux que foit ce procédé, il n’eft point à fa perfe&tion. En leflivant ces pyrites, une fois dépeuillées de la plus grande partie de leur foufre, l’on pourroit retirer une quantité fort confidérable de beau vitriol : en outre, il s’exhale une quantité de foufre par le fommet de la pyramide , qu'on pourroit ramafler par le moyen d’un chapiteau ; & fion adaptoit un chapeau de plomb qui fit l'office des murs de ce même métal employé dans le procédé de Drebel , l’on parviendroit à retirer l'huile de vitri o] par cette première opération. pi h SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 367 Des établiflemens de cette nature , diftribués dans la Province , ne peu- vent être qu'avantageux. Ces travaux n'écarteroient point le Payfan de fes opérations journalières ; feulement lorfque les frimats ne lui permet- tent plus d'ouvrir la terre, & qu'il attend , dans une oifiveté forcée, le retour d'une faifon plus douce, il iroit s'échauffer dans le fein de la terre, & tenteroitune nouvelle récolte. C'eft de cette manière qu’on exploite quel- ques mines de plomb en Languedoc & ailleurs. 2°”. Le brun-rouge , dont l'ufage eft très-étendu , puifqu’il eft employé à peindre les briques, les portes, les fenêtres, à pafler les appartemens en couleur , a encore fixé mon attention, par la rareté dont il eft au- jourd’hui, 8 la mauvaife qualité de celui qu’on trouve dans le Commerce. Le Hollandois, qui, depuis long-temps, vient puifer dans nos Provinces les premiers matériaux de fon induftrie , achetoit , dans celle du Berry, à 16 fols le quintal, un bol jaune qu'il nous revendoit , après quelques pRpenaone. fous Le nom de brun-rouge , à raifon de 10 liv. le quintal. e Fermier de M. le Comte de R*** en vendit pour 40,000 liv. pen- dant quelques années. Un fcrupuleux retour {ur lui-même lui fit découvrir fon fecret à fon Maître , qui apporta decette terre à M. Sage. Il en fit l'effai, & il vit que le plus léger degré de feu fuffifoit pour la convertir en beau rouge (1). Le Pur des Hollandoïs une fois éventé , M. le Comte de R *** voulut s'approprier cette branche de commerce, & refufa de vendre la terre aux Hollandois, qui vinrent, à l'ordinaire, pour l'acheter. Mais les établiffemens des Particuliers manquent en général de ces reflources qui vivifient les grands projets , & de ces moyens puiffans qui en aflurent le fuccès; celui-ci fut de ce nombre. Mais depuis que le Hollandois ne re- tire plus le bol du Berry , pour en faire le AN - rouge, celui qu'il nous fournit eft fablonneux , peu liant; & les Ouvriers font obligés d'y ajouter du minium pour en aviver la couleur. L'Efpagne , qui en Burnitfoit une aflez bonne efpèce, en a arrêté l'exportation par un impôt que le Gou- vernement a mis fur fa fortie; & nous fommes réduits à employer une terre rouge des environs de Lodève, qui n’a ni l'éclat niia qualité nécef- faires. Le bol jaune de S. Viétor, près d'Uzès , me paroît remplacer le plus beau qui ait encore paru dans le commerce ; il fufñt de l'expofer au feu quelques inftans ; pour lui faire prendre une belle couleur rouge & dura- ble. Les effais que j'en ai fait faire ont parfaitement réuffi ; & nos Mar- chands m'ont afluré qu'ils n’en avoient jamais vu de fi beau. Pour le travailler en grand il n’y auroit qu’à érablir un fimple fourneau dereverbère anglois, qu'on rempliroit de cette terre groflièrement con- caffée ; la Aamme reverbèrera fur cette couche à laquelle on fera préfenrer toutes les furfaces en l'agitant avec des rateaux. Cette terre noircit par la Lou RP BE ET Ts ie pe daa ETAT REART ER EE (1) M. Sage a lu un Mémoite à l’Académie fur ce fujer. 368 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; calcination; & dès qu'elle a pris une couleur d’un brun obfcur, on peut . la retirer, parce qu’en fe refroidiffant elle paffera à l’état rouge. Si l'on poule un feu violent, la couleur brune perffte , parce que le fer réduit à l'état métallique, ne peut point repafler fubitement à l’état de chaux : alors il eft fort attirable à l’aimant. La terre de S. Viétor m'a fourni deux rouges bien différens ; le bol léger que M. de Genfane avoit dépofé dans le cabinet de l’Académie , m'a donné un rouge très- foncé , tandis que celui qu'on m'a envoyé direc- tement de S. Viétor ,m'a fourni un rouge plus clair. 3°. Le verre eft devenu par une fuite de l'habitude un objet de première néceflité; fes ufages font très - étendus , la confommation en eft immenfe , & fa fragilité ne fournit point le moyen de la diminuer: la foude qui lui fert de bafe, le rendra toujours d'une cherté proportionnée à la rareré de Ja plante qui la produit ,au bois employé pour fa combuftion , & au travail long & pénible néceflaire pour la dégager. Ces confidérations ont exifté de tout temps; mais il en eft une majeure qui n’eft que l'effet de quel- ques circonftances. Le falicor dont on retire la foude, croît abondamment fur nos côtes; mais par une fatalité qui ne devient que trop ordinaire, cette plante ne trouve pas toujours des faifons favorables à fon accroiffe- ment. Pouvons-nous nous flatter qu’à la longue une fuite funefte de ces événemens n'en étouffe en entier le germe? Nous avons vu des végétaux fe perdre dans un climat pour paroïtre fous un autre ciel ; la Nature fe plaît quelquefois à faire ces échanges , & le végétal fait des émigrations prefque aufli fréquentes que l'animal. Ces confidérations m'ont engagé à rechercher une matière qui püt remplacer la foude avec avantage ; la lave & le bafalre m'ont paru propres à remplir ces vues. La lave eft commune dans nos Provinces ; elle fond avec la plus grande facilité. Le verre qui en réfulte eft noir, bien égal & inaltérable ; & l'on pourra établir fur les débris de ces grandes crifes de la Nature des ver- reries , comme nous conftruifons des Es à chaux fur les montagnes de pierre calcaire. Cette reflource devient majeure , fi nous confidérons que la matière du verre ne coûte rien, ne demande d’autre préparation que d’être légèrement concaffée , & n’exige pas même de fritte. La foude contient des matières étrangères , comme tartre, vitriol , fel de Glauber , matières grafles qui viennent nager à la furface du mêlange fondu , & qu’on rejette fous le nom de frel de verre ; la lave, au contraire, ne perd rien par le feu. Le verre diminuant de prix nous faciliteroit le moyen d’en multiplier les ufages; nous pourrions en compofer des aqueducs , & nous éviterions les dangers toujours funeftes du plomb, & les inconvéniens du bois, de la pierre & des poteries: l'on pourroit remplacer avec avantage quelques uftenfiles de cuifäne, qui prefque tous portent avec eux un danger efluré, & toujours l'incertitude & la méfiance encore plus terribles. pe SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 569 L'ufage de l’aikali devenant moins général, la confommation du bois fera moindre, & l’on redonnera aux ulages domeftiques une production de première néceflité qu'on en avoit dérivée pour les Arts: confidération bien importante dans un temps où l’Adminiftration s'occupe des moyens de rendre le combuftible plus abondant , & qu’elle touche au terme d’en manquer. Je ne ferai point part d'une longue fuite de travaux entrepris pour décolorer le verre; les calcinations long-temps foutenues ; la manganefe dans toutes les proportions, le nitre, le borax, le fpath phofphorique , le charbon , tous ces mélanges ont été inutiles : mais il en eft réfulté une obfervation aflez conftante ; c'eft que toutes ces matières altèrent la folidité du verre, & le rendent beaucoup plus fragile. Le fer qui Le rend fufñble eft le même principe qui le colore; & fi on diffout ce métal par le moyen de l'acide marin , comme l’a fait M. Sage , la lave perd fa couleur , devient blanche & infufble, Il eft donc démontré qu’on ne peut point la déco- lorer ; ce qui reftreint fon emploi à des ufages groffers , mais très-éten- dus. Le luxe qui ne connoît que l’agréable , s’en tiendra toujours au verre tranfparent mais l’indigence qui calcule ne comptera pour rien la cou- leur, fi la même utilité sy trouve. Je finis, Monfieur , par vous annoncer une production qui peut devenir intéreffante pour la Province : c’eft un marbre blanc , que M. de Joubert a ramaflé aux Combes de Valignières , près de Conau ; la montagne qui le fournit eft très-confidérable, La beauté des deux morceaux qui m'ont été remis par M. de Joubert , nous autorifent à croire qu’à une certaine pro- fondeur ce marbre le difputeroit à celui de Carrare. Cette découverte devient importante , fur-tout dans une Province qui fe plaît à graver fur le marbre les traits de tous les grands hommes qui lui font chers, & qui aime à infcrire fa reconnoiflance fur des monumens aufli durables qu’elle, LRESENTFURN E De M MAGELLAN à l'Auteur de ce Journal, fur le Memoire fuivant. Moxsreur, JE vous envoie mon ÆEfai fur le feu élémentaire, fujet qui fait une branche nouvelle de connoïffances dans la Phyfique, & dont l'impor- tance doit intérefler , on ne peut plus , tous les vrais Philofophes , par le grand jour qu'elle porte de une infinité de phénomènes, jufqu'à préfent mal entendus & plus mal expliqués. Peut-être y a-t-il actuelle 370 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ment peu de perfonnes qui fe trouvent en état de rendre à cette matière toute la juftice quelle mérite. Les anciens préjugés font toujours un. obftacle des plus infurmontables pour bien juger des découvertes nou- velles. D'ailleurs. les Petits-Maïîtres en fcience (car il y en a de toute claffe & de tous les genres) ne font pas capables de penfer attentive- ment fur une matière quelconque; &, le. à fond le talent du caquet , ils paflent’ leur temps à drefler des objections à tort & à travers, fans fe donner la peine de réfléchir. C’eft que nos faifeurs de raifonne- mens ne font , à proprement parler, que de vrais jafeurs. Ajoutez à cela de nos modernes ont le goût gâté tout-à-fait par la paflion des cabinets ‘hiftoire naturelle, & par le clinquant (ou faux brillant) de la nomen- clature. En effet , cette fcience ne demande aucun effort de génie: il n'y a que l'exercice nonchalant de la mémoire. De-là vient que tous les gens fenfés voient déja avec regret les approches de la décadence des Sciences dans l'Europe , puifque toutes vont être englouties dans le gouffre immenfe des recherches & des fouilles inépuifables, qui font l'idole de nos Naturaliftes modernes. | Cependant j'ofe me flatter que cette malheureufe époque n’eft pas encore aufli proche; & votre Journal, que toute l’Europe s'empreffe conftamment de lire avidement, femble devoir retarder ce malheur. L'abrégé de la nouvelle doctrine que je vais vous fournir, devient d’au- tant plus précieux, qu'il n’eft pas potes d’avoir actuellement un feul exemplaire de la première édition de l'Ouvrage ineftimable du Docteur Crawford , où cette matière fut préfentée intelligiblement aux yeux du Public : & pour ce qui regarde la feconde édition , dont ce Savant s’oc- cupe depuis quelque-temps, elle ne paroïfloit pas encore lors de mon départ de Londres, au commencement de cette année ( 1781 ). L’exer- cice de fa profeflion & l’afiduité de fon zèle pour le foulagement des malades, accompagnés d’une conftitution qui n’eft rien moins que robufte, ont retardé le grand nombre d'expériences que l’Auteur vouloit examiner & répéter de nouveau, pour conftater par différens procédés la plupart des conclufions qu’il avoit tirées des phénomènes qui l'avoient conduit dans fes recherches. La nouvelle théorie que je donne dans cet Effai ne diffère pas pour le Fonds de celle que leDoGteur Crawford a publiée; mais elle a peut-être l’avan- tage d'être expofée plus méthodiquement ; en forte que par l’arrangement des termes nouveaux & des définitions que j'y ai ajoutés, elle ne peut pas manquer d'être bien conçue par les vrais Phyfciens. Ainfi je vais vous prier, Monfieur, de ne pas manquer d'adopter mes propres expreflions & les termes principaux dont je me fuis fervi, quoi qu'ils manquent fouvent de cet agrément & de cette tournure dont les Amateurs de langue Françoife font fi jaloux. Tout mon but eft d'exprimer mes idées : &' fi j'obtiens lafatisfaction de dire des chofes, je renonce très- volontiers SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 37t volontiers à la gloire éphémère des beaux-efprits , celle des bons mots. Mais pour revenir à mon fujet, vous ne pouvez manquer d'obferver que je nai pas oublié le Docteur Black, Profeffeur à Edimbourg, ni le Doéteur Irwine, Profefleur à Glafcow , dans ce qui pouvoit leur appar- tenir, relativement aux nouvelles découvertes du fu élémentaire. C'eft une vraie perte pour le public que ces deux Savans aient gardé fi long- temps le filence fur les découvertes & les recherches qu'ils ont faites fur cette matière , & particulièrement le premier ( le Docteur Black) qui date, à ce qu'on dit, dès l’année 1757, comme vous verrez au der- nier article de mon Effai. Cependant c'eft au Docteur Crawford qu'on doit la plus belle partie de ce qui forme ce fyftème nouveau : & j'ai vu avant de fortir de Londres deux papiers fignés par ces deux Profefleurs , où chacun d’eux déclaroit ouvertement ne pas avoir la moindre préten- tion à tous les points de la doctrine que le Docteur Crawford avoit établie comme de lui dans la première édition de fon Ouvrage. Faute de cette candeur, ou peut-être par ignorance, quelqu'Élève de ces Profeffeurs Ecoflois , envoya un article à l'éditeur du Critical Reviey de Londres, qui eut la fimplicité de l'introduire ( fans d'autre examen) dans l'extrait qu'il donna de la traduction Angloife des expériences Chymiques de M. Scheele fur l'air & le feu. Suivant cet article, M. KirWan dans fes notes du Traité de M. Scheele n’avoit fait nulle mention de M. le Doéteur Ixwine de Glafcow , à qui M. le Docteur Crawford doit la doctrine fur la chaleur animale. Îl eft bien fingulier qu'un de vos Journaliftes François(1) ait traduit aveuglément cet article dans le fecond cahier de Février de cette année , fans fe douter de cette erreur. J’avois écrit d’a- bord à l'Editeur du Critical Review, pour l'avertir qu'il s'étoit trompé: car, en premier lieu, M. KirWan n'avoit rien à démêler avec les pré- tentions des Elèves du fieur Irwine; & en fecond lieu, il eft faux que ce Profeffeur s’attribue à foi-même la partie de la doctrine fur la chaleur animale, que le Docteur CraWford a publiée comme à lui appartenante, comme il paroît par l’aveu même du Docteur Irwine. L'Editeur du Journal Anglois s'excufa en vrai Journalifte, difant qu'il avoit reçu l'article er queftion d’un anonyme , & promit de rendre juftice publiquement à læ vérité, dans un des cahiers fuivans. Je ne doute point qu'il l'a déja fait en Angleterre. Il refte à favoir fi le copilte François aura l'honnêteté d'imiter fon exemple. É Je finirai cette lettre, qui fervira comme de préambule à mon Effai fur le feu élémentaire, par un ou deux faits relatifs à ce fujet, & dont j'ai été témoin oculaire. Le premier prouvera combien il eft effentiel EEE (x) Journal Encyclopédique du 15 Février 1781. Tome XVII, Part.1,17981. MAI. A aa 372 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d'apporter l'attention la plus fcrupuleufe & la plus grande délicateffe, pour déduire avec certirude des conféquences vraies de toutes fortes d'expériences de Phyfque. On auroit entendu à la dernière rentrée pu-. blique de l'Académie Royale des Sciences, un exemple bien frappant de cette vérité, fi M. le Comte de Milly avoit eu le temps de lire fon excellent Mémoire fur la nouvelle manière de faire les analyfés Chymiques, particulièrement celles des deux règnes animal & végétal ; car il y eft démontré que c’eft faute de ces aitemtions, que l'ignorance appelle mi- nutieufes & inutiles, qu'on n'a trouvé avant lui, par les procédés Chy- miques, que les mêmes réfultats entre les fubftances plus oppofées dans leurs propriétés effentielles; comme, par exemple, entre la belladonna, qui cfun vrai poifon , & le froment, qui fait notre nourriture ordinaire. Quant au fecond fait, il fervira à montrer la force du préjugé , mème chez ceux qui méritent le nom de Savans , maïs qui ne manquent pas de déraifonner toutes les fois qu'ils ne veulent pas fe donner la peine de réfléchir long-temps avant que d'écrire. Allons au premier fait. A peine avois-je rendu public mon Effai fur le feu élémentaire, que jentendis dire qu’un jeune Savant de ma connoiffance à Londres, débitoir qu'il avoit trouvé faufles les expériences & la doétrine du Docteur Crawford fur ce fujet. Je n’y fis d’abord aucune attention ; mais voyant que ce bruit fe répandoit, je paflai chez lui pour m'en affurer de fa propre bouche. Il eut la bonté de confirmer ce qu'on m'avoir dir, & même de m'expliquer la manière dont il sy prenoit pour faire fes expé- ziences, Aufhi-tôt qu'il me montra les inftrumens dont il fe fervoir, je fus convaincu qu'il éroit impofñhible de rien conclure ; ils n'étoient nullement faits pour l’objet dont il s'agifloit, & qui demandoit non-feulement des inftrumens beaucoup plus délicats, mais aufli beaucoup de certe adreffe pratique qu'il n’eft poffible d'acquérir que par l’ufage des manipulations répétées, même jufqu’à la fatiété. Je remarquai entr'autres fautes, que fon thermomètre contenant une grande maffe de mercure, ne ponvoit pas lui faire fentir les nuances de chaleur foudaine dans le mélange des dif- férentes fubitances. Je lui repréfentai qu'il falloit fe donner la peine d'ap- prendre à faire des expériences, avant que d'ofer les contredire : je Jui promis en même tempsde voir comment le Docteur Crawford faifoit les fiennes, & que je ne manquerois pas de lui en rendre tout le détail. Je paffai le même matin chez le Docteur Crawford, & je le priai de: me répéter l'expérience par laquelle il démontroit que l'air déphlogiffiqué avoit plus de chaleur fpécifique que Fair commun où que l'air fixe; car un prétendu Phyficien de ma connoifflance, auquel je venois de parler, foutenoit qu'il n’y en avoit aucune. Le Docteur Crawford remit la partie au foir, parce qu'il auroit Le temps de préparer les matériaux & d'arran- ger les inftrumens. 4 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 373 A l'heure convenue, voici le détail de ce que j'ai vu. M. le Docteur Crawford prit deux thermomètres à mercure, dont chaque boule n'a- voit tout au plus qu'une ligne & demie , & peut-être pas tant, de diamètre , mais dont le tuyau étoit fi capillaire, que chaque degré , fuivant l'échelle de Fahrenheit , étoit fubdivifé en plufieurs parties fort vifibles, jufqu'à marquer très-diftinétement des quarts de degré aflez fenfbles. Un de ces thermomètres avoitle tube de verre aflez épais pour y avoir des divifions & fubdivifions des degrés marquées deflus avec le diamant; de façon qu'il n'avoit pas befoin d’une plaque de cuivre qui lui fervit d'échelle. Le Docteur prit une petite bouteille très- fine de verre, comme celles où l’on reçoit le vin de Florence. Il en avoit déjà déterminé auparavant la capacité, qui étoit de 18 onces cubiques (1); mais aufli la chaleur [pécifique de la maffe de ce verre. Il le remplit par Ya méthode déjà connue de tous les Phyficiens,avec de l'air fre, Il y introduifit le fecond thermomètre, dont je viens de parler,!de facon que fa boule fût au centre de la bouteille, & la boucha fans la retirer du deflous de l'eau, où il faifoit fon opération. Cette bouteille fut enveloppée dans de la flanelle & mife enfuite dans un vieux chapeau , pour lui former une efpèce d’atmofphère conftante. Enfüuite il plongea le tout dans un bain A fable, qui étoit préparé pour cet effet. En attendant , il avoit mis l’autre thermomètre dans un vafe de métal propre à recevoir la bouteille, & qui contenoit 21 onces d’eau néceffaire pour l'y plonger fans répandre au dehors. On prit par écrit le degré de cette eau, qui étoit de 64, 25 de Fahrenheit ; & aulli-tôt que l'air de la bouteille dans le bain de fable monta au-deflus du 115°. degré, il l'ôta, enveloppée comme elle l’étoit, & il attendit que le thermomètre intérieur fût comme ftationnaire : ce qui arriva au 113° degré. Dans le moment , il plongea la bouteille dans le vafe d'eau, qui étroit à 62: ; & on trouva que dans la 1° minute de temps l'eau monta à 63 degrés, dans la 2°. . cant foit peu au-deffus de . . 63, danse RMS NT et tn 0, dans la 4°.. . un peu plusde . . . 63<. Après cela la chaleur communiquée commença à fe ralentir. Enfüite le Doéteur Crawford répéta la même expérience en mettant de l'air déphlogiftiqué à la place de l'air fixe , & prenant les mêmes pré- Cautions que LU le premier cas; le 2 de la chaleur ftationnaire de l'air déphlogiftiqué étant 115, & celle de l'eau du vafe ci-deflus étant (#) M. B. Le Doéteur Prieftley a expliqué cette mefure dans fes Ouvrages de Phy+ fique. Tome XVII, Part. I.1781. MAI. Aaa2 374 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 64°, voici les réfultats obfervés à la montre , comme dans la première expérience. Dans la 1". minute l'eau monta à 66 degrés, dans Ha 2e Nan nee ENCORE é 3 dans a ER Le AN EN UC dans Mahal Enfuite la chaleur de l’eau commença à diminuer. N. B. 1°. La chalèur de l’atmofphère, dans la chambre où l’on fit ces expériences étoit à 66 degrés, comme il paroifloit par un troilième ther- momètre qui s'y trouvoit fufpendu. N. B. 2°. La mafle du verre de la bôuteille étoit capable de donner de foi-même, toute feule, un degré de chaleur dans le cas atuel, felon le calcul & felon l'expérience qu'on en avoit faits féparément. N. B. 3°. Le thermomètre au-dedans de la bouteille, dans la cinquième minute de la feconde expérience , avoit defcendu jufqu'au degré 76; mais j'oubliai de marquer fon degré à la fin de la première expérience. N. B. 4°. À préfent il ne s'agit que d'établir un rapport entre la mafle refpective de l'air, ou autrement, entre fa pefanteur fpécifique & celle de Veau; & voir sil eft poflible de nier que l'air déphlogiffiqué pofsède plus de feu fpécifique que l'air fixe. . . . : Le jour fuivant je paffai chez mon jeune Philofophe, auquel je fi le détail ci deflus, & l’avertis en ami de ne pas fe hâter à prononcer fur des expériences qu'il n'avoit point fu faire. Je crois cependant que ce jeune homme n’a pas profité de mes avis; car je viens d'apprendre par une lettre de Londres, qu'il 4 attaqué vive- ment l'Ouvrage du Docteur Crawford , mais foiblement pour les raifons, ajoute la perfonne qui m'écrit. J'ai déjà prié cet ami commun de dire de ma part au Docteur Crawford, de ne pas perdre fon temps à répon- dre à & adverfaires de cette clafle, qui ne méritent que du mépris par leur entètement & leur peu de connoïflances. Le fecond fait regarde deux de mes amis, pour lefquels j’ai la confi- dération & l'eftime que méritent leur génie, leur application & leur caractère; mais qui fe plaifent moins à réfléchir fur les expériences phy- fiques & à bien combiner les réfultats, qu'à enfanter des fyftémes , fans s'inquiéter de les établir folidement. Un d’eux eut la bonté de me donner par écrit fes objections contre le nouveau fyflème du feu é/émentaire. Quelqu'ingénieufes que fuflent ces objections, il ne les avoit conçues que parce qu'il ne l'enrendoit pas : aufñli je le priai, pourtoute réponfe, de vouloir bien relire mon Eflai; ce qui réuflit comme je l’avois prévu. Mais pour l’autre , il ne me fut pas poñible de lui faire concevoir, quoiqu'il foit en vérité un-excellent Mathématicien , que Le quotient de SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 37 8 divifé par 2 eft égal à 4, & que fi le divifeur eft 4, alors le quotient eft égal à 2 , comme je l'affure au numéro 10 A de cet Effai. Voici fon argument ou fon objection : le lecteur fera le maitre de juger. Selon la Dhs que je donne au numéro 38 & que j'avoue encore fort imparfaite, la chaux de fer a beaucoup plus de chaleur fpécifique que le même fer en for état métallique ; l'acide nitreux en a beaucoup plus quetous les deux : or, difoit:il, Ji je verfe de l'acide nitreux fur chacune de ces fubftances , je devrois avoir plus de chaleur fenfible dans la folution de la chaux , que dans celle du fer ; & c'eft tout le contraire qui arrive toujours. Point du tout, lui difois-je, puifque plus il y a de feu Jpécifique ; ou, pour parler encore plus précifé- ment, plus il y a de capacite dans la chaux que dans le fer, pour recevoir le feu, felon ia table que vous citez, moins il y doit être fenfible. Mais non , repliqua-t-il, car j'ai toujours dans les deux cas la même [olution, &c. Voilà donc comme on déraifonne toujours, lorfqu'on aime plus à dif- puter qu'à réfléchir. ESS; A.I Sur la nouvelle Théorie du Feu élémentaire , & de la Chaleur des Corps (1). Par M. H MAGELLAN. IT. 17 S recherches fux la chaleur abfolue , ou, pour mieux dire, fur le feu élémentaire , qui entre dans la confticution des corps phyfiques , méritent toute l'attention de ceux qui cultivent la philofophie naturelle. C’eft à la publication de l'excellent Ouvrage du Doéteur Adair Crawford , fur la chaleur animale , & fur l'ignition ou inflammation des corps ( qui , felon lui , dépendent toutes deux d'un feul 6 même principe ), qu'on doit Ja naiffance de cette branche de phyfique , qui, par la nouveauté & l'évidence de fes principes , doit faire époque dans la philofophie moderne. 2. Une découverte heureufe du Docteur Black , Profeffeur de Chymie à Edimbourg ( ou plutôt de M. Wilcke, Profefleur de Phyfique à Stoc- kholm ) , fut le germe de Ja théorie lumineufe, que le Docteur Crawford préfenta au public fur ce fujer. On lui doit favoir bon gré d’avoir ofé nous introduire dans un pays d’une érendue & d’une fertilité immenfes, puifque (1) Voyez les différens Mémoires que nous avons imprimés fur la hauceur des corps , Table-du Journal, Tom. X, 1777; pag. 473 & de plus, Obfervations für l'origine de la chaleur animale, par M. Nofcati, 1778, T. XI, p. 389 ; Recherches fur la caule de la chaleur animale , par M. Lelie, 1780 , T.XV , p. 24. 376 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tous les corps y végètent; mais encore inculte, faute d'avoir été connti jufques à préfent. L'honneur de cette découverte doit appartenir entière- ment au Profeffeur Suédois. Car c’eft lui , qui non feulement a trouvé le premier ce phénomène; mais aufli qui l'a rendu public il y a long-temps, dans les Tranfaétions ou Mémoires de l'Académie de Stockholm ; comme il paroît par le Traité De Aquis artificiosè calidis, du fameux Profeffeur de Chymie à Upfal , M. Tobern Bergman, qui y fait mention de cette découverte du Profeffeur Wilcke. C’eft à ceux qui publient leurs propres découvertes, & même celles des autres, que le public en eft redevable, 3. Je ne m'arrêterai pas fur ce qui fait l'objet principal de l'ouvrage du Docteur Crawford , parce qu'il eft entre les mains de tout le monde, Ila été fi généralement goûté , & fi avidement demandé de toutes parts , que l'Auteur en va donner inceflamment une feconde édition , la première ayant été épuifée cp de mois ; &c je me flatte que le Docteur Crawford n'y laif- fera rien à defirer, tant pour la correction de la prefle , que pour la clarté & l'étendue des propofitions. Car j'ai vu, d’après des Lettres de plufieurs correfpondans , auxquels j'ai envoyé cet Ouvrage précieux, qu'ils y trou- vent de la difficulté à bien faifir les principes fur lefquels l’Auteur a fondé fa doctrine. C’eft peut-être, parce qu’il n'a pas mis fes idées dans un affez grand détail , & à la portée de rout le monde. 4. Cette circonftance m'engage à publier ici un petit Effai fur les prin- cipes de cette nouvelle doctrine , afin de m'épargner la peine de l'envoyer par lettre à mes amis, qui ne font pas à même de les comprendre , faute de connoître aflez bien la langue Angloife , ou à caufe du peu d’étendue ue l’Auteur a donné à lexpofition des principes nouveaux de fa théorie. Je tacherai d'en parler avec toute la précifion qui me fera pofñlible , & je me flatre que je ne m'écarterai pas des idées qu'il a expofées. Mais j'agirai avec la liberté qui n'appartient là-deflus, en m'exprimant felon ma manière de les concevoir. s- Le Docteur Crawford a parlé d’une manière problématique fur la queftion , fi la chaleur abfolue ( ou le feu ) eft une fubftance fui generis ; ou fi elle eft feulement une qualité ou modification des autres fubftances. La grande modeftie de l'Auteur l’a porté, fans doute , à ne pas donner fon opinion fur cet article : mais il me paroît indubitablement établi par toutes les expériences, qui fervent de bafe à cette théorie, que le feu eft un élément ou fubftance fui generis ; & je regarderai cette affertion comme un fait démontré , dans ce que je vais dire fur ce fujet. DÉFINITIONS. I. 6. La chaleur abfolue eft le feu élémentaire, qui fe trouve répandu dans tous les corps phyfiques. LT, 7. La chaleur fpécifique eft la quantité de la chaleur abfolue, qui appartient à chaque élément ou particule intégrante d’un corps quelcon- NAS Ne Fm re ann À 2 “ --pemed SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 379 + dans un certain état; ou , en autres mots , eft la proportion numérique es particules élémentaires du feu , appartenantes à chaque partie fpécifis que d'un corps quelconque fous une forme déterminée, Voyez le N°. 30.4. III. 8, La chaleur fenfible eft l'excès ( proportionnel) de la quantité de la chaleur abfolue, qui s’accumule, par une caufe ou circonftance quel- conque , fur la quantité de la chaleur fpécifique de chaque corps. C’eft elle qui agit fur nos /ens, ou qui produit les effets fenfibles fur les corps; comme, par exemple, fur le thermomètre, &c. 9. N. B. 1°. La quantité de la chaleur abfolue qui s’accumule dans un corps, & qui fait fa chaleur fenfible, eft toujours proportionnelle à la quantité de la chaleur fpécifique de ce corps : mais il n’y a que l’accroifflement pro- portionnel {ur chacun de ces élémens fpécifiques , qui en foit proprement la chaleur fenfible; comme par exemple, dans deux corps a b, dont la chaleur fpécifique eft comme 4 à 2: fi le premier reçoit 8, & l'autre 4 quantités égales d’accumulation de chaleur abfolue , tous les deux n'auront que deux degrés de chaleur fenfible ; parce que la portion ou l’accroiffe- ment de chaque élément du feu fpécifique de ces deux corps, n’eft que Lors PAPE Na 10 Zn = % —2. Voyez le N°. 39. 4. 10. 4. N. B.'2°. La même quantité de chaleur abfolue qui s'accumulera dans un corps, caufera d'autant plus de chaleur fenfible, que la quantité de fa chaleur fpécifique fera plus petite : comme par exemple, la quan- tité 8 degres , dans le corps à ‘==4) caufera feulement 2 degrés de chaleur Jenfible: mais la même quantité de 8 degrés dans le corps b (—2) fera une chaleur fenfible égale à 4 degrés. Parce que : = 2 :& !—4. 11. B.N.B. 3°. On voitbien par ces définitions , que la chaleur abfolue ne differe point des autres deux chaleurs, que feulement dans les cir- conftances. DonNNÉESs. 12. [L. La chaleur abfolue peut être accumulée fur les corps, au - delà de la quantité de leur chaleur fpécifique. Ceci n’a pas befoin d'etre prouvé, & tout le monde le fait par expérience. 13. II. La chaleur fenfible fe répand également dans tous lescorps, où elle fe met poux ainfi dire de niveau ; pourvu qu'ils foient dans les mêmes éirconftances , qu'il y ait le temps néceflaire pour former cet équilibre. C'eft un fait généralement connu. Le grand Boerhaave établit ce fait ; & perfonne n'en doute aujourd’hui, mi . 14: III. Le thermomètre de mercure mefure par fes degrés , la quantité de la chaleur fenfible des corps. Cette aflertion eft affez évidente par les définitions & par la propofition première. Mais on peut voir là- deffus les expériences de M. de Luc, au Chap. Il , N°. 422 & fuivans , de fou Ouvrage fur les Modificasions de L'Armofphere, \ 378 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 15. À. Voici une comparaifon qui aidera à fixer l’idée de ma manière de concevoir ce fujet. Soit un vaifleau c, communiquant avec un autre vaifleau d par un tuyau; & que les furfaces horizontales de leurs fonds foient dans la proportion de 4 à 1. Il eft certain 1°. que la quantité de l'eau qui y fera jettée , fe divifera toujours dans la même proportion: 2°. qu'elle y fera toujours au même niveau : 3°. qu'elle aura toujours la même profondeur, nonobftant la proportion de 4 à 1: & 4°. qu'en verfant l'eau de chacun de ces vaifleaux dans un autre, le niveau qui fera formé dans ce dernier à chaque fois , aura une profondeur, dont la pro- portion de [a première du vaifleau c, fera à celle formée par l'eau de l'autre vaifleau d , comme 4 à 1. 16. B. Donc, fi chaque efpèce de corps phyfique contient un certain nombre de particules élémentaires, capable de recevoir { ou attirer , fi l'on veut ) la chaleur abfolue , le nombre de ces capacités forme fa conftitu- tion fpécifique; & les phénomènes de deux chaleurs fpecifique & fenft- ble , feront exaétement les mêmes que ceux de la comparaifon que je viens de donner. is PRO PONS ETUI O NAT 17. La chaleur fpécifique des corps homogènes eft proportionnelle à leur mafle. AN. B. Quoique cette propofition foit contenue, pour ainf dire, dans la définition II, en voici cependant quelqu’éclairciffement. 18. PRÉPARATION. Exp. [. Prenez 10 livres pefantes (—4 ) d'eau à 140° (—m) du thermomètre de Fahrenheit: mêlez-les avec 10 livr es(—=4) d’eau à 40° (—n): la chaleur (—c) du mélange fera 90 degrés. 19. Exe. IT. Mèlez 8 livres (—a) de glace à 32° (—=m), avec 2 livres (—b)à 22° (—n): la chaleur (—c) du mélange fera 30°. 20. DÉMONSTRATION. Nous avons dans le premier cas, lorfque les amb+an LZ A , Ha eCiouamHan—2ac, C'eft-ä- dire, mafles font égales, C':a::Mm+Hn:2 4. Donc la chaleur fpécifique des corps eft toujours ( avant & après le mê- lange) proportionnelle à leur maffe. ——— = == c. Donc am+bn—ac+}#bc; d'où il fuit quec:1::am+bn:a+k+b. Ce qui revient au même. 22. N. B. Il faut avoir égard à cinq ou fix circonftances, lorfqu'on fait ces expériences , pour ne pas faire entrer dans les réfultats , les variations ui dépendent des caufes concomitantes. 1°. Îl faut calculer les déchets de la chaleur dans ces mélanges , qui viennent de la différente température du vaifleau , du corps du thermo- mètre & de fon échelle. C’eft par La proportion de leurs mafles refpecti- ves, qu'on fait cette correction, 21. De même, nous avons, dans le fecond cas, L4 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 379 29. La différente température de l'atmofphère , lorfqu’elle n'eft pas ‘épale à celle du vaifleau qu’on emploie dans ces expériences. 3°. La différence de la chaleur fpécifique du mercure du thermomètre, & de la matière dont il eft compofé. Pour prévenir la peine de cette correction , il faut employer toujours des mafles aflez grandes , pour rendre infenfible cette petite quantité différentielle, 4°. Il faut obferver les moindres variations de la température de cha- que mélange, non-feulement par des degrés entiers du thermomètre, mais par des parties aliquotes de fes degrés. Autrement il ne fera pas poflible de reconnoître La variation de la chaleur fenfible, qui réfulte du mélange des corps dont les chaleurs fpécifiques ne diffèrent pas beaucoup. 5°. Il faut enfin avoir égard à la chaleur qui fe perd dans le temps guss emploie à faire ces expériences. Les thermomètres dont je donnerai ans la fuite la defcription, fervent à empêcher, du moins en grande partie , les erreurs de ces deux dernières circonftances. Quant à la feconde, il eft bien aifé de l’éviter toujours: mais pour les deux autres, c’eft à lobfervateur à avoir foin de les mettre en ligne de compte. Voyez la Jixième circonftance , au N°. 39 ci-après. PAR D PO SIA TT OUNICINT- 23. La chaleur fpécifique de deux corps quelconques , eft en rai/on in- verfe de la différence de la chaleur fenfible de leur mélange, à celle de chacun d'eux avant d’être mêlés enfemble. 24. PRÉPARATION. Exp. III. Mèêlez 1 livre de glace (—4) à 32°(—m), avec 1 livre d’antimoine diaphorétique lavé (—d) à 22° (—n); le degré de la chaleur fenfible dans le premier moment du mêlange, fera 30° (= c.) AN. B. Je prends, pour la plupart, des nombres ronds , au lieu de fraétions. 25. DÉMONSTRATION. 4. Par le N°. 21 ci-deflus, nous avons — 7 —=c; d’où il fuit que am dn—ae<+dc. On a donc am—a c—d c—d n: d'où l’on tire cette proportion a: d::c—n: mc; c'eft-à- dire a: d:: 30—22 (—8):32—30(—2). Donc la chaleur de l'eau glacée, eft à celle de l'antimoine : comme 8 à 2; ou comme 4 à 1. Mais ce réfultat eft le même dans le cas du N°. 19 , lorfque les deux corps étoient homogènes. Donc la chaleur fpécifique des corps hétéro- gènes , &c. APPLICATION GÉNÉRALE, 26. Pour cette méthode on peut découvrir la proportion de [a cha: leur fpécifique d’un corps , relativement à celle d’un autre. L'eau paroît la matière la plus propre pour fervir de terme de comparaifon. En voici la méthode, Éhautez chaque corps , dont la mafle ( Le poids) foit égale à celle de l’autre , à des degrés différens de température : mêlez- les en- Tome XVII, Part, 1, 1781. MAI. Bbb 389 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, femble ; & après avoir fait les compenfations ou corrections du N°.22, prenez les deux différences de la chaleur qu'elles avoient auparavant , à celle qui fe fait fentir dans le premier inftanc du mélange. Si ces diffé- rences font égales ( ce qui peut-être n'arrive jamais que dans les corps homogènes), leur chaleur fpécifique eft la même: mais fi elles ne le font pas, leurs chaleurs fpécifiques feront en raifon inverfe de leurs différences refpectives. Voyez ci-deflous la méthode de M. Kirwan, N°. 39. D. A. Ain l’on voit dans le N°. 18, qu'en prenant des mafles égales: d’ à Différences" 4: _ fais : remière quantité d’eau étoità +. +. +, 140 La p 9 4 ï Rire La chaleur du mêlange . . . . . . 90° 54 site 150 Le chaleur de la feconde quantité . . . se ÿ Donc leur chaleur fpécifique eft égale. B. Mais dans lexemple du N°. 24, le réfulrat eft fort différent ; favoir : Différences, Chaleut de la glace + + iles se Mat 32% S Chaleur dumélange ., 10e PO 30" : Chaleur de l’antimoine diaphorétique lavé. . 22° Donc la chaleur fpécifique ou le feu élémentaire , contenu dans la glace, eft à celui contenu dans l’antimoine diaphoretique lavé, comme 8 à 2, où comme 4à I. C. Nous voilà arrivés à pouvoir reconnoître la chaleur refpeëtive , ou la proportion refpective de la chaleur Jpécifique des corps. Il eft inutile de remarquer les avantages infinis qui rélulteront de ces recherches pour la Phyfique en général, & en particulier pour la médecine. L'Ouvrage du Docteur Crawford en eft déjà une preuve. M. Kirwan, Membre de la So- ciété Royale de Londres, a fuivi avec beaucoup de génie & de fuccès cette nouvelle carrière philofophique. Je donnerai bientôt (au N°. 38), un échantillon de la chaleur fpécifique de différens corps, que le même Savant m'a communiqué, & dont lui-même a augmenté confidérablement le nombre, & répété les effais. Je me flatre qu'il donnera bientôt au Public un Traité fur le feu, qui furpaflera tout ce que nous avons fur cette matière. Les vues qu'il aeues fur ce fujet, les rapports qu'il y a découverts, & les conféquences qu'il en a déduites, jettent la plus grande lumière fur cette branche prodigieufe de la Phyfique moderne. PrafosPfofsirirrione LT): 27. La différence entre la chaleur fpécifique d’un corps fluide, & celle du même cotps dans un état folide (c’eft-à - dire, dans un état de cryf- tallifation , fiviré, ou dureté) , eft fort confidérable. Ce font les faits qui en peuvent donner la démonftration. { $ | J ‘ à Ç k: SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 38t … 28. DÉMONSTRATION. Exp. IV. Prenez 1 livre d'eau , à la température de 162°; mêlez-la avec 1 livre de glace pilée à la température de 32°: agitez le mélange tout de fuite, pour que la glace fe fonde , & la tem- pérature commune ne fera plus que 32°. Donc la chaleur Jpécifique de l’eau fluide eft de 130° (—162—32), plus grande que celle de la même eau glacée. Cette expérience eft confirmée encore plus, en prenant de l'eau à 32°, avant qu'elle foit glacée, & la mélant avec une quantité égale à 162° : car dans ce cas, la chaleur du mélange eft 97° , comme dans le N°. 210; c'eft-à-dire,c: a::mn:2 4. 29. On aflure que le Docteur Black d'Edimbourg, a trouvé dans Le cas dont il s'agit, une différence de r47°, au lieu des 130°, que le Pro- fefleur Wilcke avoit trouvée dans les mêmes circonftances. Mais il paroît, felon Le rapport du fameux Bergman , que cettedifférence n’étoit que 72° du thermomètre Suédois, égale à 129, 6 de Fahrenheit ; car on fait que leur rapport eft comme 100 à 180. Ce fera à la fuite des expériences bien répétées, qu'on pourra décider fi le Docteur Ecoflois a mieux obfervé que le Profeffeur Suédois. 30. Selon les élèves du même célèbre Docteur Black, la quantité de chaleur qui fait la différence entre les deux chaleurs fpécifiques pie même corps dans l’état de folidité ( de fixité), & celle de fon état fluide ou de vapeur eft appellée chaleur latente. Mais il eft évident que cette quantité n'eft pas latente , puifqu'elle produit l'effet fenfible de fluidité & de vapeur : & même on eft parvenu à reconnoître par l’expérience , la quantité de cette chaleur. D'ailleurs, les mots latente, caché, ou occulte, reflemblent . trop au langage des Péripatéticiens. Cependant il eft permis à tout le monde d’adopter les mots qu'on veut, pourvu qu'on en explique le fens. Voyez le N°. 39. C. 31. On aflure que le Docteur Irwine, Profeffeur de Philofophie à Glaf- cow , a fuivi cette théorie par des expériences répétées faites exprès, & qu'il a démontré par une induétion bien Endée , que celleeci eft une loi uni- verfelle : c’eft-à-dire , que les corps fluides contiennent plus de chaleur que les mêmes corps , lorfqu'ils font dans un état de folidité; & que les mêmes corps en état de vapeur, peuvent en retenir encore davantage que dans l’état de fimple fluidité. A. Je ne fais pas s'il y a des preuves direétes, fondées fur des expé- riences bien décifives, par lefquelles il foit démontré que la Vapeur ; par exemple de l’eau, contient la grande quantité de chaleur fpécifique , w’on affirme être environ 900 degrés, au-delà de celle de l’eau dans on état de fluidité. On aflure qu'il y a eu des expériences faites en Ecoffe, qui déterminent ce fait intéreffant , & qu'on les a annoncées en RARE Cours de Chymie. Mais ceux qui en parlent ne font point d'accord dans leurs rapports. Il y en a un qui, plus zélé que fon maitre pour l'avance- Tome XVII, Part. 1,1781. MAI. Bbb 2 LA 382 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ment des connoiffances humaines , publia un Effai fur ce fujet, où il dé- clare que la vapeur de l'eau rarement eft plus chaude que l’eau bouillante, quoiqu'il y ait 790° de chaleur latente. Voyez An Inquiry into the Effeëls of Hear , London, 1770, in-8° , pages 48 & 49. Un autre plus moderne , Ie Docteur Leflie (1), affure d’après les calculs de deux Profeffeurs célèbres d’Ecoffe , que la chaleur latente, ou felon mes idées, la chaleur fpécifique de la vapeur de l'eau va jufqu'à 800°. Voyez fon Ouvrage, Inquiry into the: Caufes of Animal Heat. London, 1778 , in-8° , page 320. Enfin , un jeune Philofophe m'a dit dernièrement, que certe différence étoit près de 900 deorés. B. Peut-être fufroit-il de mettre le thermomètre du N°.30. F. dans la partie fupérieure d’un alambic, où l’on fait la diftillation de différentes. liqueurs, pour déterminer ce point. Ce procédé eft fort aifé : mais il faudra employer beaucoup de précautions, & la plus grande attention, induftrie & afliduité, pour n’en être pas impofé dans les réfultats de ce genre, dont 6n ne connoïît pas encore aflez bien toute la manipulation nécef- faire pour réuflir avec füreté, C. Autant qu'on peut juger d’après ce qu’on connoît de certain fur ce füjet , il eft très - probable que la chaleur fpécifique de la vapeur de l'eau , eft beaucoup plus grande que celle du mème fluide , avant d'être réduite en vapeur. Car on vient voir (N°. 28.) qu'il y a réellement près de 130° de différence entre l’état de la fluidité de l’eau, & celui de fa fixité,. lorfqu’elle eft glacée, On fait d’ailleurs, qu’en fait d'électricité, la vapeur de l'eau peut en recevoir une quantité beaucoup plus confidérable, que Teau même dans fon état de fluidité , comme le grand. Franklin l’affirme , felon la citation du Docteur Leflie , dans le Traité ci-deflus, page 325: &, parune efpèce d’analogie, il eft très-probable qu’il y aitauffi plufeurs degrés de différence entre la chaleur de l’eau fluide, & celle de l’eau en vapeur. Il refle à favoir fi toute la vapeur, mème celle qui s'élève à froid de Ia glace , fe trouve dans le cas d’avoir auffi un fi grand degré de chaleur. Ceci devient un problème des pius intéreflans ; & il eft fort à defirer qu'on en puifle obtenir une folution complète. En attendant , je le fuppoferai comme décidé, dans ce que j'aurai encore à dire pour le préfent fur ce fujet. 32. Je crois néceflaire d’avertir ici , que l’eau eff encore un certain temps à fe glacer après qu'elle a acquis le ur 32 de Fahrenheït; même elle va quelquefois jufqu'au 27 degré avant de fe glacer tout- à - fait : mais aufli-tôt qu'elle eft fixée , alors elle fe mer au 32° degré. La raifon en eft, gelle doit dépofer entre les corps environnans, les 130 degrés de fa cha: leur fpécifique, avant de pouvoir devenir folide en fe glaçant: ce qui ne peut fe faire que graduellement, pendant quelque intervalle fenfble de temps. (1) Journal de Phyfique, 1780, Tom; 15, p. 24: » SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 383 Il y a un grand nombre de phénomènes qui dépendent de cette loi, Par exemple, la folution d’un fel neutre , qui eft prêt à cryftallifer , fi on la prend avec la main , en lui donnant une petite fecoufle, la cryftallifa- tion fe fait à l'inftant; mais on fent dans la main une chaleur fenfible , qui eft le furplus de la fpecifique, dont la folution fe décharge pour pafler de la forme fluide à l'état A Jolidité , ou fi l'on veut de fa fixiré. V oyez le N°. 47. C. & D. 33° IL eft forc naturel de conclure de l'expérience du N°.28, que fi Ton pouvoit avoir une livre pefant de glace à 130° au- deffous de la congélation ( du 32 degré de Fahrenheit) , & qu'on la mélât avec 1 livre d'eau à 32 degrés , maïs avant d’être gelée (N°.32): dans ce cas, fi on la remuoit tant foit peu pour que le tout füt glacé , alors on ne trouveroir d'autre degré dans le mêlange que le 32°; parce que la livre d’eau doit perdre toute la chaleur fpécifique de fon état de fluidité, laquelle , felon le Profeffeur Wilke , eft de 130° (ou 129, 6°) pour prendre la forme folide. Ceux-ci feroient communiqués à la livre de glace ; & par confé- quent , les deux livres ou mafles de matière, feroient exactement à 32 degrés, PrRrOB8LÈME I V. 34. Déterminer la quantité abfolue de la chaleur fpécifique d'un corps ui eft fufceptible des deux états, folide & fluide , felon la mefure commune u thermomètre, 35: PRÉPARATION. Cherchez Ia différence de la chaleur fpécifique ds ce corps dans fes deux formes ( par le N°, 28 ): cherchez auff la pro- portion relative de [a chaleur fpécifique de ce corps fous fes deux formes (N°. 23): & le prose par chacun des deux termes, fera la quantité abfolue de chaque chaleur fpécifique. 36. DÉMONSTRATION. Que-a chaleur fpécifique de l’eau (—=x), foie à celle de la glace (—y), comme 10 à 9, felon qu'on le verra par la table ci - deffous N°. 38. Et foit La différence 129 ,! 6° de ces deux cha- leurs refpectives —a. Nous avons (N°,38.)x:y::10:9, & nous avons aufh ( N°. 28.) x—y—a; d'où il fuit, que x—4+-y & y==x—0. Ainf en fubitituant, on a a+-y: } :: 10 : 9 : donc 9 a4-9 y—=10 y, c'eft-à-dire 9 a—=10 y—9 y—y. De même on a, enfubfticuant, x: 4=—4: : 10 : 9; donc 9 x—=10x—10 4, c'eft- à-dire 10 410 x—09 x—x. On voit donc,.1°, que l’eau fluide contient 10 fois 129,6° ; c’eft-à-dire, 1206 degrés de chaleur fpécifique , felon l'échelle de Fahrénheit. Et 2°. que la glace contient 9 fois 129,6° : c’eft - à -dire , 1166,4 degrés de chaleur fpécifique, felon la même échelle. A, Si l'on calcule cette quantité d'après la différence de 140 degrés; w'on dit. être celle trouvée par quelques expériences, entre la glace & Veau fluide : dans ce cas, la quantité abfolue de la chaleur fpécifique de l'eau fera 1400 desrés; & celle de La glace 1260 degrés. Mais felon Le LA 384 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, rappott du Docteur Leflie { page 313 de fon Ouvrage déjà cité } cette dif- férence qu'il dit avoir été trouvée par Le Docteur Black , eft de 147 devrés; ainfi la chaleur fpécifique de l’eau fluide pourroit être 1470 degrés , & celle de la glace 1323 degrés, comme ceux mefurés par l'échelle de Fahrenheit. 37. Je dois au même M: Kirwan la communication de cet important problème; & je profite de cette occalion pour lui témoigner ma gratitude , pour les lumières que je dois à fon amitié fur cette matière. C'eit aufli à la générofité philofophique de ce Savant, que je dois la communication de la table fuivante ; dont cependant, il n’a pu garantir l’exactitude en . tous les articlés qui y font contenus , parce qu'il n'en a répété qu'une partie. 38: Table des rapports de La chaleur fpécifique , ou feu élémentaire contenu | en différentes fubftances. L'eau commurie “ec uote (0e GH900|| 1 dl z Glace (eau glacée) . abc 0,200 SPRRPAIRERT F )... PER Mercure, dont la pefanteur Ba Air déphlogiftiqué . . + + : 87,009 g 9033 Lee paaiés Air atmofphérique - « + + «+ .18,670 fique ILES 300), d’après Mines P T Ant El PNA huit ou dix expériences , 1... ii : x Le fer _. 40-0..,091.10%,2%0;t25||Solution du vitriol de fer( x Y + 078 Re HUE URI Es Acide vitriolique , dont la pe- se Roule Ft M DRE 0,086 fanteur fpécifique= 1885 è Chaux de régule d’antimoine ou Acide vitriolique brun , c'elt- 2 pe 3 o A 1: A7A antimoine diaphorétique lavé. A *. à-dire, phlogifliqué , dont SARA Chaux de fer . . . . . . . o,320|| la pefanteur fpécifique — UT Chaux d'étain : HUE 0,096 DE 72 0e Ne ele Chaux de plomb. [+ 6068! Huile de tartre, dont la ME. ’étain & d lomb calciné ; o Chaux d’étain & de plomb calcinés NES RS An 5752, ienfeghles vrai: cum RTL À É 2 Cryftald Anglererre ou Firr-gHfà 2 o,174|lAcide nitreux pâle & SDReEANS 0,844 Terre-cuite ougrèés + + «+ » + 0,195 Acide nitreux rouge & ümant, Solution de fucre brut . + . . 1,686 dont la pefanteur gi À . 0,$76 Huile detérébenthine + . . . 0,472|| que—1,355 : + » : me se st I TN CE te cr Acide marin fumant , dont ne TE uile dedin dut so ilslé 2101052 RDEVENTT LT. LEO) Huile de baleine( fpermaceti-oil en à pefanteur REPAS, : ? 0399 Ecfoñfe ADR OES EC o;T8z An) DE + ù Le foie volatil de foufre,, dont la pefanteur fpécifique — $. . 0,994 0,818, 4, nie 1.4 410: Vinaigre fort de vin rouge . . . 0,387 Vinaigre concentré diftillé ; . . 0,103 Alkali volatil cauftig., dont-la pefanteur io hr Fi —) Alkali volatil doux... . : 1,851 à 37,3) + 0765 || L’efprit-de-vin retifié, dont Solution de fel ammoniac . Er 0,798|| la pefanteur fpécifique = ? : : 1,08€ Solution du fl d'Epfom(i) . . o,844/| 0,783 . . . . tie de [el en huit parties d’eau com- mure Le 2e} + este Solution de nitre + (une païtie dece felen huit parties d’eau). :+ + 0,646 Solution du fe! de Gjauber (ci: - 0,728 Solution de crême de tar- ETC re ie AV RIEUd a Solution du fel commun +(une par- k 0,832 0,708 SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 38s 39. Lorfqu'il s'agit de découvrir la chaleur fpécifique d'un fluide quel- conque, & particuliérement lorfqu’on emploie la méthode indiquée dans le N°. 26, il faut prendre le degré moyen indiqué par le thermomètre , mis au fond du mélange & à {a furface. Car il y a toujours quelque différence dans la température de ces deux endroits ; pendant les premiers momens du mélange de deux Auides à différentes températures : les parties les plus chaudes prenant le deflus comme plus raréfiées ; & les plus Fe 2 tombant par leur poids vers le fond du vaiffeau. À. Lorfque j'ai avancé aux N°°.7 & 8, qu'il ÿ avoit de la différence entre la chaleur fpécifique & la chaleur fenfible, en ce que la première n'étoit pas apperçue par nos fens ni par le moyen du thermomètre, je n'ai parlé vire faits : & je me flarte que Le Leéteur ne m'accufera pas de contradiction en foutenant dans le N°. 30 , que cette chaleur fpécifique, ou , pour mieux dire, la différence entre la chaleur fpécifique de deux états d’un même corps, étoit proprement latente dans le vrai fens du mort. Je vais encore ajouter quelques réflexions , afin d’expofer plus clairement mes idées fur ce fujet ; & démontrer qu’il n'y a point de contradiction dans ces deux affertions. En voici la fubftance. B. On vient de voir par la Table précédente , que la chaleur fpécifique de l'eau fluide , eft à celle de la glace comme 10 à 9; & tandis qu'il paroît par les expériences du Profefleur Wilke, qu'il y a effectivement 129,6 degrés de différence entre les deux états de ce corps ; le thermomètre né nous montre qu'à peine un degré de différence , lorfque la glace eft à 32 ‘degrés de Fahrenheït; mais à 33 dégrés, ( ou même plus bas ) nous trou vons que l’eau eft fluide. C. Il eft donc évident par ces faits, 1°. que ni nos fens, ni nos inftru2 mens ( les thermomètres) ne nous montrent pas la grande différence de la chaleur fpécifique des corps qui font dans une forme déterminée; parce que toure cette quantité de chaleur eft employée à foutenir ou conftituer la forme ou l'état de ce corps. 2°. Mais dans le même temps , il eft faux que cette quantité qui fait la chaleur fpécifique de ce corps, foit latence ; puifque l'effér qu’elle produit, c'eft-à-dire, l'etat ou la forme qu'elle donne à ce même corps, font en effet apperçus par nos fens. 3°. Enfin, on voit auf, par les mêmes faits, que ce n'eft que l'addition ou l'accumulation de la chaleur abfolue , qui font réellement apperçues par nos fens , & par le thermomètre , comme il eft déclaré par la Définition III, N°. 8. Méthode plus aïfée pour faire les expériences. D. La méthode que M. Kirwan emploie dans ces expériences eft la plus aifée. Il prend un même vaifleau de terre cuite, dont il a déterminé au- paravant la chaleur fpécifique. Il lui laïifle prendre la température de l'atmol- 386 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, phère , & il le remplit avec les différens fluides qu'il veut effayer. Mais a l'égard des corps folides, il propofe de faire ouvrir des trous dans chacun de ces corps avant de les effayer, pour y recevoir la boule du thermomètre. Enfuite M. Kirwan trouve par le calcul quelle devoit être la vraie quantité de la chaleur commune dans le premier inftant de l'union ou mêlange des deux corps, en obfervant les degrés des refroi- diffemens , lorfqu’ils deviennent réguliers dans les temps égaux. Car , en connoiffant Le rapport des mafles, & la progreflion des refroidiflemens , il n'y a qu'à employer les principes du Chevalier Newton , du Docteur Martine , & du célèbre Académicien de Pétersbourg, M. Richmann , pour trouver cette inconnue. _ Æ. La formule de ce dernier Philofophe, qui fut la victime du feu électrique ( c’eft-à- dire, de fes propres expériences fur la foudre }, eft la fuivante, La lettre a repréfente la différence entre la chaleur fenfible de la maffe du corps qu’on examine & celle de l'air : b fignifie la quantité du refroidiffement; & t l'intervalle du temps ; par exemple, chaque minute ou demi-minute. Si l’on demande pour un temps donné n t, la différence entre la chaleur fenfible du mêlange & celle de l'air: elle Lra= (a—b)#_" ar € la quantité du refroidiffement fera — L'on trouve plufieurs autres recherches importantes qui ont du rapport à ce même fujet, dans les premiers volumes des Commentaires nouveaux de la même Académie de Pérersbourg , pour les années 1747 , 1748, &c. que les curieux de ces matières feront bien de confulter. F. Ce ne fera pas fi-tôt qu'on pourra fe flatter d’avoir une Table fufifamment complète & exacte, des rapports de la chaleur fpécifique des corps. C'eft un travail immenfe, qui demande la plus grande attention de la part des bons obfervateurs, dont Le caractère perfonnel , & la paflion pour les recherches philofophiques pourront nous affurer du fuccès, 40. Le Lecteur doit voir déjà que j'ai eu raifon d'annoncer avec en- thoufiafme cette nouvelle branche de Phyfique , afin d’exciter la curiofité des Phyficiens. Je vais à préfenc donner le précis des travaux que l’on a déjà faits dans cette carrière , quoiqu'on ne commence à la fuivre que depuis peu de temps ; on le verra dans le Journal prochain, x Le MÉMOIRE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 387 MÉMOIRE ‘SUR PES C'AIMEIOU X HERBORISÉS; Per M. À. MoxcErz,Garde du Cabinet d'Hifloire Naturelle de Sainte- Geneviève, des Académies de Lyon, de Dijon & de Rouen. Pauvre Naturaliftes ont entrevu l'origine des herborifations. Ils l'ont en général attribuée à des infiltrations ; & M. de Leuze 1: dit ex- preffément dans le nouveau Dictionnaire de M. de Bomare. MM. Salerne & de Sauvage ont trouvé des mafles d'argile ou de marne, qui fe par- tageoient conftamment dans les endroits correfpordans à des fentes exté- rieures. Les parois de ces pierres fe trouvoient herborifées , & ils en conclurent avec raifon que les fucs introduits par les fentes, produiloient les arbrifleaux. L’analogie fit denner la même origine aux agates herbo- rifées ; mais on n’en avoit point encore vu qui puflent fervir de preuve à cette affertion. La collection des minéraux de Sainte- Geneviève offre un filex qui dé- montre clairement & fans replique l’origine préfumée. C’eft une portion de caillou roulé, parfaitement femblable aux pierres à fufil des environs de Paris. Il eft gris & prefqu'opaque comme elles ; mais fa furface exté- rieure eft parfemée de petites taches noires & de fentes de même couleur. L'intérieur vu dans le fens de la figure 2 , PL. I, préfente la ligne noire AC, fervant de bafe à un grouppe d’arbrifleaux , & la ligne AB qui «ft formée par une fente très- apparente , fervant aufli de terrafle à un petit bofquet. Cette dernière fe prolonge en B jufqu'à la furface extérieure , où elle eft vifble à l'œil nud. Si l’on confidère dans la figure 3 le même filex dans une coupe plus oblique, on verra la fente ED de la fig. 2 reparoïtre enD, être entièrement découverte par la perte d’une de fes parois, & former une large tache noirâtre , facile à reconnoître dans le deflin où tout eft de grandeur naturelle. Les agates étant de la même nature que les filex, à la tranfparence rès , jointe à la fineffe de la pâte; il eft évident que les fentes font éga- É. la caufe des deflins variés qu'on y admire. Et ces fentes mêmes, uoïque très-difficiles à appercevoir à l'aide du microfcope, font fen- bles dans les enhydres du Vicentin. En effet, ces petites géodes de Calcédoine perdent facidement par l’'évaporation l'eau qu'elles contiennent. Les place-t-on-enfuite dans une éponge imbibée d'eau , elles reprennent à la longue le liquide qu’elles avoient perdu. Cette perte & certe abforption alternative démontrent l'exiftence des fentes , ou fuçoirs, qui fuient l'œil de lobfervateur. Toutes les géodes elles-mêmes qui renferment un Tome XVII, Part. I,17981 MAI. Cce 388 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, vuide formé par l’évaporation de l’eau de cryftallifation, contiennent aufi des fentes; & on en voit qui, dans leur rupture, montrent l'entrée & l'ifue du fluide. M. Sage a très-bien obfervé & démontré cette e/pèce d’entonnoir par lequel la diffolurion quartzeufe s'eft introduite dans la géode. On peut donc aflurer conftamment que les pierres herborifées , de quel- ue nature qu'elles foient, ont offert aux fucs colorans des fentes capables & les recevoir & de produire l'effet des tubes capillaires, J'ai fait quelques recherches fur la nature de ces fucs, & en voici le réfultar. Les uns charient une argile brunâtre très-atténuée , & leurs traces fe décolorent au feu; tels font les argiles & les marnes herborifées de Cavéreau près Orléans, & de Châteauroux en Berri. On en voit de bitu- mineux , que le feu fait entièrement difparoître, La troifième efpèce enfin eft due à de chaux mattiales; & le phlogiftique des charbons fufit pour les revivifier. M. Beflon a, dans fa précieufe collection, des marnes feuille- tées de Corfe, fur lefquelles font placés des arbriffeaux de quatre & cinq pouces de hauteur avec un relief de plus d’une ligne & demie. Ces marnes ayant été chauflées une fois affez fortement , attirent l'aiguille aimantée. Ce feroit ici le lieu de parler des pierres, ou marbres de Florence ; mais M. d’Aubenton a expliqué leur formation avec tant de vraifemblance & de fagacité, qu'on ne fauroit micux faire que de l'entendre lui-même fur ce fujet. LEMESTEROE De M. QUATREMERE DiroNVALa M.DE MoRVEAU, fur le Phénomène de diverfes précipitations fans décompo/ition. Moxsreur, Vous m'avez tenu bien exaétement parole; vous vous êtes abftenu avec bien du fcrupule de toucher à ce fait de la précipitation du nitre magnéfien par le nitre calcaire & des fels marins formés des mêmes bafes , dont j'ai eu l'honneur de vous donner communication en Décembre dernier par Fentremife de M. le Chevalier de Caftellane. Quoique ce fait vous ait paru fi piquant; quoique vous ayiez commencé à reconnoitre par vous-même que le précipité, qui avoit lieu dans cette circonftance , n'étoit pas un dépôt terreux, mais un précipité falin , un véritable fel qui fe trouve feulement en cryftaux impalpables; quoique vous ayez peut-être apperçu dès-lors une folution de cette énigme chymique beau- Coup meilleure que celle que je vais donner, vous vous tes abfolument SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 389 interdit toute recherche fur cette obfervation, & vous vous êtes contenté d’en faire une mention diftinguée dans votre dernier Mémoire fur les terres fimples. Il me devient doublement indifpenfable de donner au public les idées qui me paroiffent réfoudre ce problème ; & laiffant à part le fond de la queftion importante que vous venez d'élever fur les terres fimples, je me bornerai à vous répondre fur la difcufion de beaucoup antérieure qui exiftoit entre nous, s Après avoir reconnu, me dices-vous, Monfieur, dans la lettre dont il s'agit ici, la vérité & l'exiftence , tant du nitre que du fel marin de ma- gnéfie , non déliquefcents, dont la poflibilité avoit échappé à l'illuftre Bergman , le point qui vous a le plus attaché dans mes du Mémoires eft un petit fait d’afinité que j'ai logé accefloirement dans le fecond, &e ui, felon vous, mériteroit bien d’être en titre d’un troifième, c’eft-à- he , la précipitation du nitre magnéfien par le nitre calcaire, & du fe} marin de magnélie également part le fel marin calcaire. Rien , m’ajou- tez-vous, ne vous a plus étonné; du moment que vous avez lu cet article, vous ayez été dans l'impatience de voir ce phénomène qui troubloit toutes vos idées, d'autant plus que je ne caraétérifois pas le genre de précipi- tation , & que ne concevant pas comment elle pouvoit fe faire par cryf- tallifation, vous cherchiez à la comprendre par décompofition , ce qui vous jettoit encore bien plus loin... Ayant répété l'expérience par vous-même, aufli-tôr que vous en avez été libre, vous avez parfaitement reconnu mes deux précipitations. La manière dont elles s’opèrent vous a feulement donné à foupçonner un précipité falin, & non pas une terre, quoiqu'il foit aflez pefant, ce que vous vous êtes démontré de plus en plus en faifant re- diffoudre le précipité par l'addition de l’eau chaude. Mais, concluez -vous de cette dernière remarque même, comment fe fait-il que deux fels qui, étant féparés, ont une quantité fuffifante de fluide aqueux pour être tenus en diflolution , donnent par le mêlange une cryftallifation fubite , comme fi l'eau étoit reprife par l’efprit de vin? Voilà la queftion toute neuve que vous paroît préfenter mon obfervation; queftion qui vous paroît en même temps très-difficile à réfoudre, & qui vous engage à ne me de- mander qu’une explication probable, à défaut de caufes bien évidemment démontrées. Je n'uferai peut-être que trop, Monfeur, de cette permiflion par la- quelle vous terminez votre lettre ; je fuis cependant encouragé à produire mon fyftême, & par l'approbation que l’Académie m'a paru y donner en lui en faifant lecture, & fur-tout par fa liaifon intime avec la dif tinction des terres que je cherchois précifément à établir dans l'expérience & le fait dont il s'agit. è Oui, Monfieur, j'avoue que je ne verrois aucune folution au problème ge vous me propolez, fi la terre magnéfienne n’étoit pas, non-feulement ifférente , mais même toute oppofée dans fes propriétés à celles de la Tome XVII, Part, I1,1781. MAL. Ccc 2 350 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, terre calcaire, La précipitation fubite du fel nitreux magnéfien en cryftaux” lorfqu’on l'unit à du nitre calcaire, ou du fel marin de magnéfe, lorf- qu'on lunit-au fel marin calcaire, ne provient, felon moi, que de ce que la terre calcaire étant aufli avide de l'humidité que la terre magné- fienne left peu, les fels nitreux ou marins calcaires étant aulli déliquef- cens , aufli avides de fe combiner à une nouvelle quantité d’eau que les fels magnéfiens font cryftallifables & portés à s’effleurir, le fel le plus dé- liquefcent fait à l'égard de l'autre la même fonétion précifément que lefprit-de-vin. Les fels nitreux ou marin calcaire pouvant abforber une plus grande quantité d’eau que celle qui leur eft néceflaire pour être tenus en diflolution, & paroiflant même n'en pouvoir jamais abforber aflez, dès qu'on leur unit une diflolution de fels magnéfiens, ils s’empa- rent aufli-tôt de l’eau de cryftallifation de ces derniers, qui, n'étant plus équipondérables à la Fa pe d’eau qui les foutenoit, fe précipitent & reparoiflent fous leur forme cryftalline. M. Macquer ayant diftingué fi à propos deux efpèces d’affinité, l’affinité abfolue & l'affiinité relative , ne pourrois-je pas introduire ici deux efpèces d'états de diffolution pour les fels ? J'appellerois , état de diflolution abfolue, celui dans lequel un fel a abforbé la quantité d’eau qui lui eft néceflaire pour y refter fufpendu , & état de diflolution relative, celui dans lequel un fel peut encore en ab- forber une quantité notable, & s'emparer fur-tout de l’eau de cryftallifa- tion d'un autre fel qu’on lui préfente. Quoique cette idée n'offre rien qui ne foit parfaitement d'accord avec celles reçues en Phyfique & en Chymie , on fera encore moins tenté de la contredire , fi je préfente des preuves directes en elles-mêmes, ou frappantes par leur analogie. Je prends de l'eau mère de nitre calcaire , qu'on ne peut s'empêcher de regarder comme une diflolution faline en excès de concentration & doublement avide d’eau; jy jette de la diflo- lution de tartre vitriolé bien limpide: j'ai à l’inftant une précipitation confidérable , qui n’eft autre chofe que des cryftaux de tartre vitriolé, aban- donnés fans doute, parce qu’une partie de leur eau de cryftallifation a été abforbée par la diffolution calcaire, & que leur propre fluide ne s'eft plus trouvé équipondérable à leur maffe. Mais, me dira-t-on, quoiqu'il y ait bien ici précipitation fans décom- poñtion, cette expérience ne réfout pas parfaitement un problème, qui a pour objet des fels formés par un mênie acide. Je répondrai d’abord, que la diffolution de fel d'Epfom unie à celle de félénite, donne les mêmes effers que les fels nitreux & marin de magnéfe, avec les fels nitreux & marin calcaire , quoique d'une manière imperceptible 8 avec beaucoup plus de difficulté, par une raifon qu’on foupçonne aifément. L’eau aÉ tillée ne pouvant tenir en diffolution que la huit-centième partie de fon poids de félénite, ce fel peut à peine manifefter fes propriétés en général lorfqu'il eft diffous , & fur -vout celle dont il s'agit. Mais ce qui me paroït SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 3o1 répondre à tout, c'eft que ce fait, qui vous a caufé tant de furprife, Monfieur , a lieu d’une manière encore plus fubite & plus frappante , lorfqu'on unit la diffoiution du fel d'Epfom , ou vitriol de magnéfie, à la diflolution du vitriol ammoniacal, ou fel fecrer de Glauber. Ces deux fels qui font de différentes bafes, mais bien avec même acide , font à peine en contact , qu'il s'opère une précipitation totale du fel d'Epfom, fans décompofition. Celui-ci tombe en entier au fond du verre, fous forme de cryftaux affez gros ; & ce qui paroît fi évident par l'organe de la vue, peut encore fe vérifier par celui du goût. Si on porte fur la lan- gue une goutte de la liqueur furnageante, on ne lui trouve d’autre faveur que celle du fel ammoniacal vitriolique ; fi on porte fous la dent les cryf- taux qui reftent au fond du verre, on les trouve craquans, amers, & légèrement froids, comme le fel catarctitique. Voilà denc , d'une part, le phénomène de précipitation fans décompolition renouvellé , avec La feule différence qu'il eft encore beaucoup plus prompt & plus complet, que dans les deux cas qui vous font connus ; l l’autre , on retrouve toutes les conditions que je demande par mon explication. Différence très-mar- uée & oppolition même dans la nature des bafes : très - grande diffolu- bilité dans l’un des deux fels , très-grande difpofition à la cryftallifation dans l'autre. | Enfin, fi la diffolution du fel [fébrifuge de Sylvius ne précipite pas Thuile de chaux, comme vous me l'oppolez , Monfieur , dans une objec- tion qui porte fur un autre point, j'ai reconnu que fi on unit la diffolution du fel fébrifuge à une de fel marin de magnéfie , ce fel que M. Bergman avoit, par parenthèle, regardé comme le moins cryftallifable de tous , a au contraire une fi grande difpofition à fe cryftallifer par comparaifon au {el fébrifuge, qu’il fe précipite encore en milliers de cryftaux, pen- dant que le premier refte diffous & fufpendu dans la liqueur furnageante, Quatre exemples d'un même fait, quelque nouveau qu'il foit , doivent fufre fans doute, pour le faire regarder comme une loi, peut-être in- connue jufqu'à préfent, mais très-conftante en elle-même ; & celle dont il S'agit a d'autant plus de droit à l'attention des Chymiftes , qu’elle mettra peut-être dans le cas de revenir fur une très-orande de de précipita- tions connues. Combien de précipités regardés univerfellement comme ter- reux , comme le fruit de la décompofition d’un autre fel, parce que ne mon obfervation, l'on n’a pu croire qu'il y eût jamais précipitation fans décompolition; & qui ne font que des précipités falins , de vrais fels ré- duits en cryftaux aflez petits pour préfenter l'apparence terreufe, & qui remis à difloudre dans une nouvelle quantité d'eau reprendroient toute leur apparence faline? Ces réflexions m'ont même paru fi propres à ex- pliquer plufieurs cas embarraffans fur les précipités , que je me propofe de faire un examen particulier de tous les réactifs dans cette vue , & d’en publier les réfulrats Es un Mémoire particulier : mais en attendant peut- 392 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, on s'empêcher, pour peu qu'on ait fuivi la chaîne des faits que je viens de rapporter, de reconnoïtre d’abord combien ils appuient mon expli- cation de cette précipitation fans décompofition qui a lieu lors de l'union des féls magnélien & calcaire avec même acide , & enfuite, combienils prouvent non feulement de différence, mais même d'oppofition entre les bafes ; combien s'ils n'approchent pas la terre magnéfienne des alkalis, ils s'éloignent au moins de la terre calcaire, en entendant par ce mot ce ue l'on entend vulgairement? Pourfuivons, @ vous le jugez à propos, Monfieur , la démonftration de cette vérité fur laquelle nous fommes entiérement d'accord, par l'examen de nouvelles décompofitions , & l'ap- plication des loix chymiques les moins conteftées. Defirant connoïtre le jeu comparé des affinités des fels magnéfiens & des fels calcaires , j'ai verfé fucceflivement de la diflolution de tartre vitriolé, de fel de Glauber, & de fel ammoniac fecret de Glauber, dans les diflolutions des fels nitreux & marin calcaire; j'ai eu aufli-tôc décompoftion marquée , & précipité auili prompt qu'abondant, J'ai verfé enfuite les mêmes difflolutions de tartre vitriolé , de fel de Glauber, de fel ammoniac fecrec de Glauber , dans les diffolutions de fels nitreux & marin de magnéfie; mais je n'ai eu aucun figne de décompofition , ni aucune efpèce de précipité : peut - on établir une différence plus marquée entre deux efpèces de terres? Certe différence ne réfulte -t-elle pas claire- ment de ce que l'acide nitreux & le marin, ayant une très - foible adhé- rence à la terre calcaire , tendent avidement à fe combiner avec les trois alkalis contenus dans nos trois fels vitrioliques; au lieu que dans la feconde circonftance, les mêmes acides nitreux & marin ayant une adhérence plus forte avec la terre magnéfienne qu'avec les alkalis mêmes , elle ne peut tendre à fe les combiner? La diflolution de vitriol de magnélie ou fel d’Epfom, verfée dans les diflolutions de nitre & fel marin calcaire, décompofe ces derniers ; ce qui prouve que les acides nitreux & marin ont plus d’affinité avec la terre magnéfienne que l'acide vitriolique même , quoique le vitriol de magnéfie ait été jufqu'à préfent, la feule combinaifon de cette terre connue & re- gardée comme permanente, Troifièmement enfin, la diffolution de nitre de magnéfie , verfée dans le fel marin calcaire , décompofe en entier celui-ci; ce qui établit bien que l'acide marin eft des trois acides minéraux, celui qui a le plus d'afi- nité avec la terre magnéfienne. Il eft rare qu'un travail conduife à des conféquences plus neuves , & plus éloignées de celles qui étoient reçues, que ces dernières fur - tout : mais il me femble qu'elles portent entièrement fur des faits, & que loin de répugner à cette Logique que vous recommandez , Monfieur, avec tant de raifon à tous ceux qui cultivent les Sciences , elles en dérivent naturellement , & en font la plus rigoureufe fuite. Je ne craindrai donc , SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 393 pas d'ajouter que fi on doit regarder une fubftance comme d'autant plus élémentaire , qu'elle tend avec plus d’avidité à la combinaifon , & qu'elle forme les combinaifons les plus parfaites , la terre magnéfienne doit être regardée non feulement comme différente de la terre calcaire , mais encore comme plus élémentaire qu'elle. Si on fe rappelle en effet que la terre magnéfienne fe combine parfaitement avec les trois acides minéraux , & forme avec eux des cryftallifations permanentes, ce que ne font ni la terre calcaire , ni même la terre argileufe (1); que les trois fels vitrioliques forrnés des trois divers alkalis décompofent tous les fels terreux | & ne décompofent pas les fels magnéfiens; que ceux-ci, au contraire, décompo- fent tous les Ês terreux à la manière des alkalis ou des fels qui en con- tiennent, on ne pourra fe refufer à regarder les fels magnéliens comme les meilleures combinaifons peut-être qui exiftent , & leur bafe comme la terre la plus élémentaire qu'offre la Chymie. J'ai l'honneur d’être, Paris, ce 10 Avril 1781. MÉMOIRE Sur un Os d’une groffeur énorme qu'on a trouvé dans une couche de glaife au milieu de Paris; & en général [ur les Offemens fofiles qui ont appartenu à de grands Animaux. Par M. ROBERT DE PAUL DE LAMANON. 15 ÿ a environ deux ans que le fieur Paquet, Marchand de vin dans la rue Dauphine, à l'enfeigne du Merle blanc, perça un mur dans une cave qui lui appartient, & trouva à deux pieds du mur l'extrémité d’un os qu'il rit d'abord pour un tronc d'arbre. Lorfqu'il reconnut que c'étoit vérita- lement un os, il voulut le dégager de la glaife dans laquelle il étoir enfeveli : il travailla pour cela pendant plus de huit jours; mais comme les terres s'ébouloient, & que l'os continuoit à fe prolonger fous la glaife, il prit le parti de le couper. Il ne put en venir à bout, qu'en employant (x) Je pale ici de la terre argileufe, felon l'opinion reçue, qui eft que cette terre ne forme ni combinaifons ni cryftaux avec les acides nitreux & marin ; mais je m'emprefle d'annoncer que cette opinion n’exifte déjà plus pour moi, & que je fuis affuré , depuis peu , d'obtenir dunitre & du fel marin d’alun, aufli permanens &aulfi bien cryftallifés que les {els nitreux & marin de magnélie, 394 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, une maflue & des coins de fer. C’eft ainfi qu’il dégrada , fansle favoir , un des monumens les plus précieux pour l’'Hiftoire naturelle. La glaife dans laquelle cet os gifloit depuis des fiècles étoit jaunâtre,. fablonneufe & fort humide, Il paroït aufli que la terre n'avoit jamais été remuée dans ce lieu , & que le dépôt de la glaife a été co-exiftant à celui de l'os qu’elle renfermoit. Le fieur Paquet , craignant un affaiflement des terres fupérieures, reboucha le trou qu'il avoit fait, & bâtit pardevant un petit mur, dans lequel il employa pour matériaux une partie des fragmens de ce grand os. La partie la plus confidérable qu'il enleva , & que l’on voit chez lui, forme la moitié de l'os entier, & pèfe elle feule 227 livres. Comme elle eft écornée en plufieurs endroits, on ne peut dire au jufte quel éroit Le poids de l'os total; mais on peut aflurer qu'il appro- choit fort de 30: livres. Un f grand nombre de Curieux ont été voir cet os fofile , le plus énorme qu’on ait encore trouvé en France, & peut-être ailleurs , que le propriétaire l’auroit fait expofer cette année à la foire Saint Germain , s'il en avoit eu le temps (1). On peut néanmoins dire que cette découverte a refté inconnue jufqu’aujourd'hui: car elle n’a été annoncée nulle part ; on n'a rien écrit à fon fujet , & aucun des Savans de Paris auxquels j'en ai parlé n'en avoit connoïflance; chofe peu étonnante dans une aufli grande ville. J'ai paffé plufieurs jours à l’examiner ; j'en ai fait faire le deflin fous mes yeux, ainfi que plufieurs modèles en terre cuite, dont j'ai remis un exem- plaire au cabinet d'Hiftoire naturelle de Sainte Geneviève. Ce modèle qui eft à la portée de tous les Curieux , eft felon la proportion de deux pouces par pied. Il a été fait avec beaucoup de précifion par M. MARTIN , jeune Artifte de la plus grande efpérance. La forme de cette os eft très-irrégulière. On en prendra plus facile- ment une idée, en jettant les yeux fur la planche qui eft à la fin de ce Mémoire, que par tout ce que j'en pourrois dire. Sa longueur totale depuis A jufques à B ( Planche IT, fig. 1), eft de quatre pieds trois pouces; fa circonférence dans l'endroit le plus étroit m n ,eft de deux pieds neuf pouces & demi, & s'il n’étoit pas caflé depuis E jufques à F, on trou- veroit pour circonférence environ trois pieds deux pouces. Sa circonfé- rence dans l'endroit le plus épais C O , eft de quatre pieds & demi; l’ex- trémité fupérieure À B, a deux pieds un pouce de longueur. On pourra connoître les autres dimenfions, en les prenant avec un compas fur la figure ou le modèle. Il y a deux concavités remarquables: l'une eft défignée par les lettres (x) Le fieur Paquet affure en avoir refufé 80 liv. Il eft à fouhaiter que le Curieux qui l’achetera , faffe creufer dans la cave. FHQ, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 395 FHQ, & l'autre par la lettre P. Ces concavités , ainfi que plufieurs autres qu'on pese fur l'os en queftion , donnoient paflage à des mufcles. On diftingue aufli une vraie future H HI, qui fait le tour de l'os ; elle fe partage enfuite pour fe réunir dans une cavité dont nous parlerons bientôt. L'os A B eft donc divifé en trois parties, jointes enfemble par des futures , dont les dentelures font plus ou moins longues. Il y en a qui n'ont que quelques lignes , d’autres ont plus d’un pouce. Cer os eft dans fon état naturel & nullement pétrifié; aufli ne fait-il qu'une légère effervefcence avec les acides. [1 doit fa confervation à la glaife qui le couvroir. Ce feroit bien avancer les progrès de l'Hiftoire naturelle , que de déterminer quel doit être , dans.un temps donné, le point d’altération des corps étrangers que la terre contient. La Société Royale de Médecine vient de publier un Mémoire curieux (1) , dans le- quel elle examine quelle eft la-durée des corps humains dans les diffé- rens lieux de leur fépulture. Cette queftion , appliquée aux offemens & aux coquilles foffiles , feroit de la plus grande importance; mais les obferva- tions de ce genre nous manquent. Je donnerai ailleurs un petit Effai fur cette matière , & je comparerai les coquilles que la mer a laiflées depuis plus de deux fiècles dans l'Ile de la Camargue, avec celles qui font aétuel- lement fur le bord de nos mers, & dans des carrières ficuées fous dif- férens climats. Je me contente à préfent de remarquer , que les os & les coquilles fofliles s’altèrent beaucoup plus dans l'intérieur des pierres cal- caires les plus dures que dans le gypfe, & qu'ils font en état de fe con- ferver pendant une longue fuite de fiècles dans la glaife ou dans le fable, fur-tout lorfqu’il eft humide. On peut en juger par l'os que nous exa- minons : on diroit en le voyant qu'il eft nouvellement tiré du corps de l'animal; cependant, depuis qu'il exifte, combien de révolutions doit avoir Péprouvé la furface du Globe ? On apperçoit dans les endroits où cet os a été endommagé , le tiflu réticulaire O OO, fig. 1; il eft formé par de petites lames offeufes , parallèles entr’elles, & placées à deux ou trois lignes l'une de l’autre. Cet intervalle eft partagé en cellules par d’autres petites lames un peu recourbées, perpendiculaires aux autres, & placées fans ordre ni fymmétrie. Ces petites cellules forment la partie fpongjeufe de l'os; elles ont depuis une IREEEs à fix lignes de longueur. Les lames qui font parallèles entrelles , le font aufñi à la furface de l'os, & font plus refler- rées à mefure qu’elles s’en approchent. Cependant la table offeufe n'a pas dans certains endroits un quart de ligne ; mais dans les courbures , br cipalement dans la grande courbure H, toutes ces mailles fe confondent, qq {1) Rapport fur plufieurs queftions propofées à la Société Royale de Médecine par M.’ Ambañladeur de la Religion, de la part de S. A.E. M. 1e GranD - MAITRE , relativement aux fépultures, &c. imprimé aux dépens de la Religien à Male, 1781, Tome XVII, Part I,1781. MAI. Ddd 396 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & forment une fubftance offeufe très-denfe , qui a plus de fix pouces d’épaiffeur. On doit fe rappeller que los que nous examinons , n’eft que la moitié de l'os total : il a été coupé dans la partie E B, où il y a une cavité de forme ovale, & qui a un pied & demi de longueur fur neuf pouces de largeur, & à-peu- près autant de profondeur. Le fieur Paquet frappant à coup de marteau fur cette cavité, efpéroit d’ytrouver un tréfor ; mais en louvrant il n'y vit que du fable: il s’y étoit infinué par quatre petits ca- naux qui patent de la furface, & aboutiffent à cette cavité. On voit dans la fig. 1 , aux lettres K & L, l'ouverture de deux de ces canaux. Ils font marqués tous les quatre ( À À À À ) dans la fig. 2 , qui repréfente en petit la forme de l'os, avant qu'on le coupät par le milieu. Les parties infé.. rieures C D, n’étoient alors éloignées l’une de l’autre que de deux pieds & demi. Voilà en général quelles font nos données, pour pouvoir parvenir à connoître quel eft cet os. J'ajouterai encore qu'il étoit placé à cinquante pas de la Seine, & à quatorze pieds & demi d'élévation fur fon niveau, {orfqu'’elle eft au numéro $ de l'échelle du Pont royal. Il étoit furmonté de onze pieds d’une glaife fablonneufe , éloigné d'environ quarante lieues de la mer, & à cent vingt-fept pieds au-deflus de fon niveau. Il me refte à préfenc plufeurs problèmes à réfoudre, & à remplir la partie la plus intéreffante , mais aufli Le plus difficile de ce Mémoire. Quel eft cet os? à quel animal a-t-il appartenu ? par quelles révolutions tant d'offemens fofliles fe trouvent-ils au milieu des terres, & éloignés des lieux où vivent les animaux analogues dont ils ont fait partie ? Ces quef- tions tiennent à toute La théorie de la terre. Je tâche d’y répondre d’une manière fatisfaifante dans mon Manufcrit fur la nature & l'origine des montagnes , des vallées & des plaines (1) ; mais puifque l’occafion s'en pré- fente, & que des affaires importantes, & relatives à l’arrofement du ter- ritoire de la ville de Sallon ma patrie ,m'empêchent de donner à préfent mon Ouvrage àl’impreflion, j'expoferai à la fuite de ce Mémoire quelques- unes de mes réflexions à ce fujer. ï . I. À quelle partie du corps l'os trouvé à Paris doit-il être rapporte ? q P P PP On voit facilement que cet os n’a pu appartenir ni aux jambes, ni aux bras d’un animal. Les fémur , les tibia, les os du coude , & en gé- néral tous les grands os font moins arqués que celui que nous examinons; ils ont d’ailleurs dans le milieu , une grande cavité médullaire plus ou moins cylindrique, qui n’eft point dans l'os en queftion, Outre cela, fa forme totale eft entièrement différente des grands os. (1) Voyez le Journal de Pkyfique du mois de Décembre 1780. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 397 I diffère auffi de l’omoplate , tant par fa forme que par {es dimenfions. On croiroit à la première vue que c'eft un os du baflin, & avant de l'avoir bien examiné, je croyois y reconnoître los des îles réuni à l'os facrum. C'éroit aufli La façon de penfer de plufieurs Anatomiltes, qui en ont fait part au fieur Paquet ; mais on n'y trouve point la cavité coty- loïde , dans laquelle s’emboîte la rêce du fémur, ni la tubérofité de l'ifchion, ni certe partie fupérieure large & évafée comme une patelle, qui eft réunie par une faufle future avec l'os facrum. On n'y trouve pas non plus le trou ovalaire ; les deux os font aufñli trop écartés pour pouvoir appartenir au baflin: car nous avons vu plus haut ( fig. 2), qu'ils étoient à deux pieds de diftance. On pourroit peut-être dire, que ces os s’emboîtoient dans d’autres os qui venoient former le pubis; mais il n'exifte aucun animal ui ait des articulations dans Le baflin , & d’un autre côté, ce qu’on pren- Spa pout l'os facrum n'y reffemble en rien. Il faut donc abandonner l'idée qui fe préfente d’abord , que ces os réunis enfemble foient ceux des îles. Un grand trait dans cet os, & qui m’a mené à des conjeétures fatif- faifantes , c’eft la future qu’on y trouve, Il n’y a aucun animal connu qui ait d’autres os que ceux de la tête, réunis par de vraies futures. Or, dans notre os nous avons une future à angles faillans & rentrans , précifément comme ceux d'un crâne : il eft vrai que les dentelures en font fort longues ; mais il eft naturel qu'elles foient proportionnées aux parties qu’elles téuniflent. Quand je n’aurois que cette raifon, elle me fuffiroit pour ra- mener à une tête, notre os inconnu, Cette preuve devient une démonf- tration , lorfqu'on fait attention à la grande cavité que j'ai décrite, & qui “n'eft autre autre chofe que la cavité du crâne. C’eft-là où toutes les futures 3 viennent aboutir. $. II. 4 quel genre & à quelle efpèce d'animal l'os trouvé à Paris a-1-il appartenu ? IL eft clair qu’un os de la tête pefant cinq cents livres , ne peut raifon- nablement être comparé à aucun de ceux des animaux terreftres que nous connoiffons. Mais comme plufieurs Naturaliftes font d'avis que les DE ont dégénéré, & qu'ils en donnent pour raifon une moindre inten ité de chaleur, je comparerai cet os avec ceux de nos plus grands animaux. En admettant pour principe que la groffeur d’un animal eft relative au degré de chaleur, & en fuppofant depuis la formation du Globe une diminu- tion de chaleur progreffive , il ne feroit pas abfurde de dire que nos plus petits animaux ont été des coloffes. Mais il n'y a aucune liaifon naturelle entre la chaleur & les grandes efpèces. Les plus grands animaux marins font dans la Zone glaciale: nos animaux domeftiques ont propagé ,mais font devenus plus petits dans les climats chauds de l'Amérique ; les vaches Tome XVII, Part. I.1781. MAI. Ddd2 398 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, du bas Valais m'ont paru beaucoup plus petites que celles du Canton de Berne , tandis que j'ai trouvé les plus beaux hommes de la Suifle dans le haut Valais, dans le Canton d'Uri , la Vallée d'Urferen, & en général dans tous les environs de Saint Gothard. Je m'abftiendrai donc de com- parer notre os de cinq cents livres à ceux des petits animaux, dans la perfuafion où je fuis que la théorie de la chaleur du Globe, à laquelle on a voulu tout rapporter ,manque de vérité, & que le génie du Com- binateur profond qui nous l’a donnée a dévancé de trop loin les Obferva- teurs de fon fiècle. L'os trouvé à Paris n’a pu appartenir à un éléphant ; car fans parler de la grandeur démefurée qu'il auroit eu, les futures qu’on y apperçoit ont de très-longues dentelures , tandis que ces dentelures font très-courtes dans la tête de l'éléphant, & les futures peu apparentes. M. Daubenton les regarde même comme une efpèce d’articulation , que les ariciens ap- pelloient harmonie. La concavité du crâne n’a pas non plus cette forme alongée qui fe trouve dans l'os que nous examinons , ni proportionnel- lement les mêmes dimenfons. Enfin , il difière de l'os de la tête d'un élé- phant par fa forme totale. Il n’a rien de commun non plus avec la tête de l'hippopotame , qui eft très- petite fi l’on en retranche les mâchoires. 11 faut donc croire que cet os a appartenu à un animal aquatique , & probablement à un animal du genre des céracées. Il y a environ 25 ans, qu'un Charlatan faifoit voir à Surenne , près de Paris, le fquelette d’une petite baleine : fon inconduite l'ayant obligé de fuir , il laifla cette baleine pour otage. Comme on en étoitembarraffé dans la maifon, on l’a tranf- portée à la place du village , où j’en aï examiné une partie des débris. Les maçons ont emporté depuis peu les machoires, pour en faire des échelles. U réfulte de la comparaifon que j'ai faire de ce fquelette avec l’os trouvé à Paris, que le tiflu réticalaire a exaétement la même organifation , qui eft très - différente de celle des animaux terreftres. La cavité du crâne a en-dedans les mêmes futures & le même poli : on voit dans lun & dans l’autre , les mêmes petits canaux qui fervoient à l'animal pour poufler l'eau fur fon corps en forme de jet ; mais malgré ces reflemblances affez fortes pour faire croire que l’os trouvé à Paris a appartenu à un cétacée, on ne peut dire qu'il foit un os de baleine : car la cavité du crâne de la baleine eft ronde, tandis que l’autre eft ovale. La première eft aufli pro- portionnellement plus grande; & on ne voit rien dans le refte de latête, qui reflemble à toute la partie H A que j'ai décrite. Les animaux aquati- ques nous font peu connus; très-fouvent des voyageurs en rencontrent qu'aucun Naturalifte n'a décrit, & qui ont les conformations les plus fingulières ; tel eft entr’autres celui qui échoua en 1644, au rivage de TIfle de la Tortue. Faut- il s'étonner après cela qu'on ne puifle pas rap- porter plufieurs de ces grands offemens à leurs véritables analogues? Je fuis en outre perfuadé qu'il y a beaucoup d’efpèces qui ont péri , lorfque nn 7 di L d SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 399 les grands lacs fe font écoulés. Sachons donc nous réfoudre à garder notre ignorance , fur-tout lorfque nous pouvons la motiver. SIL. Réflexions fur les offemens foffiles , qui ont appartenu à de grands animaux, Theophraîte , Pline , Agricola , & beaucoup d’autres Auteurs plus mo- dernes ont cru que les offemens fofliles étoient des productions fpontanées de la terre , & n’avoient jamais appartenu à des animaux. Les connoiflan- ces en Hiftoire naturelle font trop avancées & trop répandues, pour qu’on doive s'arrêter à combattre cette opinion, Plufieurs Savans, convaincus de l’exiftence ancienne d’une race d'hommes bien fupérieure à la nôtre, ont rapporté à des géans la plus grande partie des offemens fofliles : de là, ce grand tableau qu'on voit à Lucerne, repré- fentant un géant de quatorze pieds. Ona trouvé , m’a-t-ondit dans le pays, une de fes côtes près du Monaftère de Reyden. De là aufh , tant de diiferta- tions & de difputes, au fujet du fameux géant Teutobochus, treuvé, àce que l'on prétendoit , en Dauphiné. M. FAUJASs DE SAINT-FOND , qui va nous donner l'Hiftoire naturelle de cette Province, annonce dans fon Profpectus qu'il traitera de nouveau la queftion. On a tout lieu d’attendre d’un Na- turalifte aufli diftingué, & qui a écrit fur les lieux, qu'il fxera là-deflus l'opinion publique. - On à trouvé dans plufieurs endroits de l'Europe & dans l'Amérique feptentrionale des RE foffiles , qu'on affure avoir appartenu à des éléphants & à des hippopotames. En Sibérie, dit M. de Buffon , les dépouilles de ces animaux terreftres fe trouvent prefque à la furface de la terre : il ajoute qu'on a déja tiré du Nord plus d'ivoire que tous les élé- phants des Indes, actuellement exiftans, n’en pourroient fournir. Mais cet ivoire eft . il bien un ivoire d’éléphant, & devons- nous croire que les dépouilles de cet animal inconnu au nouveau monde exiftent dans le Canada? La terre en eft-elle jonchée en Sibérie ? Eft-il vrai enfin, que tous les os fofiles trouvés en Allemagne, en Italie, en France &illeurs, pie dit avoir appartenu à des éléphants, aient réellement fait partie e ces animaux ? Je remarquerai d’abord, que fi l’on trouve une infinité de ces dépouilles en Sibérie , comme le dit M. PaLLas, fi la terre en eft pour ainfi dire jonchée , comme le fait entendre M. DE BUFFON, il eft impofible qu’elles aient appartenu à des éléphants. La population d’un animal eft relative à ce qu'il trouve pour fa fubfiftance; & plus l'individu confomme, moins l'efpèce eft abondante. Les éléphants ne peuvent donc qu'être rares dans les pays qu'ils habitent, puifqu'il faut à chacun d'eux plus de s fo livres d'herbes par jour, & qu'ils en détruifent avec leurs pieds plus encore qu'ils n'en 400 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, mangent, Jamais une aufli grande quantité qu'on en fuppofe n'auroient pu vivre en Sibérie. On a, dit-on, trouvé des dents & des défenfes foffiles qui, com- parées à celles des éléphants, ne laiffent appercevoir aucune différence. Nous ferons tout à l’heure quelques obfervations fur ces dents ; mais quand cette reflemblance feroit aufli exaéte qu'on la fuppofe, on n'en pourroit conclure que ces dents ont néceffairement appartenu à des éléphants. Dans le règne animal , ce ne font point les dents ni quelques autres parties du fquelette , qui peuvent nous faire diftinguer Les efpèces ; car chaque efpèce na pas une forme de dent qui lui appartienne exclufivement. Les dents mâ- chelières du chat reffemblent aux dents mâchelières du chien , le fquelette de l'âne a la plus crande reffemblance aveccelui du chevat, & M. Daubenton remarque que leurs dents fur-tout ont la même figure, &tout-à-fait la même fituation dans la mâchoire. Une dent qui nous paroït femblable à celle d’un éléphant peut donc, à la rigueur , avoir appartenu à un autre animal, Il eft vrai qu'on ne fauroit dire quel eft cet autre animal : mais il exifte fans doute beaucoup d'animaux que nous ne connoiflons pas, il eft même très-pro- bable que les montagnes de la Sibérie & du Canada en contiennent, dont nous n'avons aucune idée. 11 doit aufli y avoir eu dans nos climats, lorfqw'ils étoient peuplés de rennes & d’élans, des animaux qui nous font actuellement inconnus. Quand même les dents fofliles feroient parfaite- ment analogues aux dents d’éléphant, j'aimerois encore mieux croire que ces dents ont appartenu à un animal autre que l'éléphant, ini d’embraffer tous les fyftèmes qu’on a faits pour expliquer la préfence de ces animaux dans les lieux où ils ne peuvent vivre. Que fera-ce, fi la refflemblance entre les off:mens folles & leur prétendus analogues n'eft pas exacte , ou fi les circonftances dans lefquelles on a trouvé ces offemens prouvent évidemment qu'ils n'ont pu appartenir à des éléphants. Les défenfes qu’on a trouvées en Canada , près de la rivière d'Ohio, aux environs d’un marais falé, » n’éroient accompagnées, dit M. Collinfon, 5» d'aucune dent mollaire ni mâchelière d'éléphant , mais feulement » d’un grand nombre de grofles dents, dont chacune porte cinq à fix » pointes moufles, lefquelles ne peuvent avoir appartenu qu'à quelque » animal d’une énorme grandeur , & ces grofes dents quarrées n’ant point » de reflemblance aux mâchelières de l'éléphant. ....... Elles ne reflem- & blent aux dents d’aucun animal connu ». On a aufñli trouvé dans Le même marais, & toujours à côté de ces dé- fenfes, des mâchoires trop grofles pour avoir appartenu à des éléphants, des fémurs qui pefoient cent livres , & beaucoup d’autres os monftrueux. Or, des défenfes trouvées à côté d’une mâchoire , mêlées avec des dents, & au milieu d’offemens qui décidément appartenoient à un animal qui n'étoit pas un éléphant, ces détenfes, dis-je, peuvent-elles être re- gardées comme des défenfes d’éléphant? Pourquoi les éléphants auront- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 41 ils dépofé leurs défenfes à côté des dents de la mâchoire & des os d’un autre animal? comment n’auront-ils laiflé en Canada que leurs défenfes ? Ne vaut-il pas mieux croire avec M. Collinfon, que tous ces os ap- partenoient au même animal qui avoit les défenfes de l'éléphant , avec des dents mollaires & particulières à fon efpèce ? M. George Crogham, qui a été fur les lieux, dit aufi, TE expliquer ce fait, qu'il a exifté un animal qui avoit les défenfes de l'éléphant, & les mächelières de l'hippopotame ; & M. Daubenton , ce fage & profond Obfervateur, avoit déja fait à-peu- près la même fuppofition , en décrivant un fémur dans le Tome XXII de l’'Hiftoire naturelle. Il neft donc nullement prouvé que les grands offemens fofliles qu’on a trouvés dans le Canada , aient appartenu à des éléphants & à des hip- popotames, & l'on doit plutôt être perfuadé qu'ils font les dépouilles d'un animal inconnu; nous allons voir qu'il en eft de même des offemens qu'on trouve en Sibérie. La plupart des Rufles penfent que ces offemens ont appartenu à un animal qu'ils appellent Mammouth, & que plufeurs d’entr'eux aflurent avoir vu vivant; d’autres prétendent en avoir trouvé les offemens en- tourés d’une chair encore faignante. Mais comme tout ces récits font accompagnés de plufieurs contes ridicules, & relatifs aux qualités de l’ani- mal , on en a conclu que les Mammouths n'exiftoient pas. Il eft vrai qu'on ne fe perfuadera pas facilement, qu'il y ait des animaux plus grands que les éléphants qui puiflent vivre fous terre, tuer quelqu'un par un fimple regard, &c., &c. Ne fe pourroit-il pas cependant qu'on eût réellement rencontré un animal inconnu , d’une taille énorme , & que cette tradition générale en Ruffie , ne fût pas dépourvue de fondement : La chair faignante qu’on a traitée de fable, cefle d’en être une depuis les derniers voyages du Profeffeur Pallas & les montagnes qui font à l'Eft de la Sibérie , font fi peu connues qu’elles peuvent bien contenir au milieu de leurs profondes vallées des animaux qui n’ont jamais été décrits. Dans cetre hypothefe, il ne faudroit pas chercher d’autre origine aux grands oflemens qu'on ren- contre en Sibérie, dans les environs des grandes rivières. Au refte, ces offemens font bien moins communs qu'on ne le dit. En 1722, Pierre- le-Grand fit une ordonnance pour qu'on apportät dans le cabinet de Pérersbourg tous ceux qu'on trouveroit ; il promit même des récompenfes: on fit de tout côté beaucoup de recherches qui en procurèrent à la vérité, mais non pas un grand nombre. On nous dit qu’il fe fait dans la Sibérie un commerce d'ivoire confidérable, d’où l’on conciut qu'il y a eu dans ce pays un nombre d’éléphants prodigieux ; cependant cet ivoire felon le rapport de M. Gmelin qui a été fur les lieux , eft dü à des dents de vache marine qu'on trouve fur les côtes dans les temps de la bafle mer, Ces dents ne font point fofliles, Quoi qu'il en foit , Les offemens qu'on trouve enfevelis dans la terre; 402 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ne peuvent être attribués à des éléphants. Ils font tous extrêmement gros en comparaifon de leur longueur (1), & diffèrent en cela de leurs prétendus analogues. On a cru répondre à cette objection , en difant que l’âge & le fexe changent les dimenfions des os , & qu'ainfi un os peut être plus gros & moins long que celui de tel éléphant, & avoir néanmoins appartenu à cetre efpèce d'animal. Mais il faudroit pour cela que ces offemens fof- files euflent fait partie d'animaux qui fuffent tous du même âge & du "+ même fexe, puilque cette plus grande épaifleur , relativement à la lon- | gueur , eft chez eux très-conftante. Une telle fuppofition ne peut être admife. Les os des cuifles, ceux des jambes, ceux du baflin, &c. font aufli beaucoup plus gros que leurs analogues chez les plus grands éléphans qui exiftent, & cette plus grande grofleur eft une nouvelle raifon pour les attribuer à un autre animal. Les défenfes trouvées en Sibérie ont une courbure plus confidérable , & de plus , une double courbure que n’ont pas celles des éléphans (2) ; les dents font auñli un peu plus ferrées dans la mâchoire. Enfin tous ces offe- mens fe trouvent mêlés, comme dans le Canada, avec des os qui, de l'aveu de tous les Naturaliftes, ne fauroient être rapportés à des éléphans, Concluons donc que les offemens fofiles , trouvés en Canada & en Sibérie, n'ont point appartenu à des éléphans, mais à des animaux qui avoient des dents & des défenfes à-peu-près femblables. Il en eft de même des grands offemens trouvésien Allemagne, en Italie, en France & ailleurs. Par exemple, l’ivoire foflile des environs de Rome, qui eft au Cabinet du Roi, & qui eft femblable par la forme & la groffeur à un tronc d'arbre , ne peut être pris pour une défenfe d'éléphant, car il n'en a point du tout la courbure. D'après Le très-petit nombre de defcriptions bien faites que les Naturaliftes nous ont données d'offemens foffiles, on reconnoît quelques dents qui reffemblent à celles de l'éléphant; mais nous avons vu plus haut que cette conformité ne fuffit pas pour pouvoir dire qu’elles aient appartenu à ces animaux. M. Guettard, dont les defcriptions en ce genre font des modèles, prouve dans un de fes Mémoires (3), que la plupart des Naturaliftes, d'ailleurs inftruits, ont conclu trop précipitamment. Ce Savant dit aufli, en parlant d'offemens trouvés à Montpellier, « que leur découverte auroit dû faire revenir de » l’idée où l’on étoit & où l’on eft encore trop de nos jours, au fujec » des gros os fofliles que l’on attribue à des fquelettes d’éléphant ». Il eftfür que jamais dents ne méritèrent mieux d’être comparées à la fameufe dent d'or de Fontenelle, que ces prétendues dents d’éléphant. (1} Voyage de Sibérie par M. Gmelin. (2) Recueil des Voyages au Nord, Tom. VIIT, pag. 48. (3) Mémoires fur différentes parties des Sciences & Anis, T,I, p.58, On SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 40; On peut demander à préfent fi ces offemens fofliles ont appartenu à des animaux terreftres ou aquatiques : nous allons râcher de répondre à cette queftion , & à quelques autres dans le paragraphe fuivant, qui termi- nera ce Mémoire, $. IV. Par quelles révolutions tous ces grands offemens foffiles ont-ils TES € ! 4 . Ü 1 été dépofés dans Les lieux où on les trouve. C’eft ordinairement fur Les bords des rivières ou dans les plaines qu’elles ont formées , qu'on rencontre les grands offemens fofliles. On en a trouvé en Sibérie près des fleuves Jenizea, Oby, Lena, Mangazea, Trugon ; dans le Canada, le long du Mififipi & de lOÿo; dans nos climats, aux environs de la Tamife, du Rhin, de la Viftule, de la Mofelle, du Rhône & de la Seine. On a obfervé qu’ils étoient enfevelis dans un ter- rein fablonneux ou caillouteux &, pourainfi dire, de nouvelle formation ; d'où l’on a conclu qu'ils avoient fait partie d'animaux terreftres, qui vi- voient dans les lieux où l’on trouve leurs dépouilles. Mais fi l’on fait attention que des offemens du même genre fe trouvent aufli mélés avec des coquilles fofliles 8 d’autres dépôts de l’eau, on croira que les ri- vières & les rorrens en creufant les vallées dans lefquelles elles coulent aujourd'hui, ont détaché ces offemens des montagnes & les ont tranfs portés dans leur lit. Pline fait mention (Hifi. Nat. lib. 7, cap. 16.) d'un fquelette de qua- rante-fix coudées trouvé en Crète, dans l'intérieur d’une montagne, lorf qu'elle fut renverfée par un tremblement de terre. . En 1171 une grande inondation amena dans une plaine d'Angleterre des offemens énormes. Hapellius , dans fes Relaiones curiofæ, cite des dents & autres grands offemens trouvés fur le fommet d’une montagne à quatre brafles de pro- fondeur. Dans Ja Paroifle de Haun, à demi lieue du port de Langoiran, on a trouvé entre deux lits de roches, des dents trop grofles pour être des dents de bœuf ou de cheval, & d’une figure différente (1). L'os que j'ai décrit, trouvé à Paris à cinquante pas de la Seine, ainfi qu'une grofle dent trouvée dans la plaine de Grenelle , dont on fait men- tion dans l'Encyclopédie, me paroiffent être des dépôts de la rivière ui les a détachés des montagnes , au milieu defquelles elle a creufé fon lit, Nous voyons en effet beaucoup d’offemens dans les montagnes envi- ronnantes ; à la droite de la Seine, ils font dans du plâtre ; à la gauche (1) Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, ann, 1719. Tome XVII, Part. I, 1781. MAI. Ece 44 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dans une pierre coquillière. M. l'Abbé Dicquemarse (1) en a trouvé à fon embouchure , entre deux couches de pierre calcaire, & il y en a qui ont plus d’un pied de largeur fur deux pieds de longueur. » Toutes les rivières de la Sibérie paffent à travers les montagnes, & » dans le temps du dégel ont un cours de glace fi impétueux , qu’elles » arrachent les montaones, & roulent avec leurs eaux des pièces de terre » d’une groffeur prodigieufe , ce qui découvre au milieu de ces mon- » tagnes les dents de Mammouths , & quelquefois des Mammouths tout » entiers (2) «. M. Pallas remarque (2) que tous ces grands offemens quelquefois épars, le plus fouvent entaflés par fquelettes , & même par hécatombe, font dans des lits, mêlés de petites telines calcinées , d’os de poiflons & de gloffo- pêtres. Ce Savant a encore trouvé dans les terres glacées de la Sibérie un rhinoceros avec fa peau entière, des reftes) de tendons de ligamens & de cartilages; mais cet animal a été probablement amené de la Chine (où les rhinoceros font très-communs) par les Tartares, lorfque chaffés & pourfuivis par les Chinois, ils furent forcés de chercher un afyle dans les parties les plus reculées de leur ancien pays, ou peut-être du temps de Jenghiz-Khan, qui réduific route la Tartarie fous fa domination. Tous ces grands offemens fofliles ant donc été dépolés par les eaux en même temps que les montagnes qui les renferment. Cela n'eft pas une raifon fufhfante , pour conclure qu'ils aient appartenu à des animaux aqua- tiques : car des animaux terreftres auroient pu tomber dans ces anciens amas d’eau, ou y être charriés par des rivières. Mais aucun fait conftaté ne nous prouve qu'il y ait des efpèces d'animaux terrettres qui fe foienc perdues; nous avons au contraire mille preuves que des efpèces aquati- ques ont péri. Ces os fofliles, à ne confidérer que leur groffeur , ont des analogues parmi les cétacées, & n'en ont point parmi les animaux ter- reftres ; ils fe trouvent avec des coquilles & des poifons: il eft donc naturel de croire qu'ils ont appartenu pour la plupart à des animaux aquatiques. Lorfque les lacs fe font ouvert des paflages dans les montagnes , pour aller joindre ou former l'Océan, des efpèces d'animaux ont péri: nous trouvons à préfent leurs dépouilles dans les anciens dépôts de ces lacs pri- mitifs. S'il y a une plus grande quantité de ces grands offemens dans le Nord , c’eft parce que les grandes efpèces de poiflons préfèrent, comme nous le voyons encore aujourd’hui , les climats les plus froids. Nous voyons dans nos contrées quelques dépouilles de ces grands animaux aquatiques , parce que plufieurs des anciens lacs occupant des lieux fort élevés, leurs 0 (x) Journal de Phyfique, année 1776, p.406. (2) Recueil des Voyages au Nord, Tom. VIII. (3) Obferyations fur la formation des Montagnes, p. 38. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 405$ eaux avoient la même température que celles du Nord. Nous trouvons quelquefois des offemens d'animaux terreftres , mêlés avec ceux des ani- maux aquatiques, parce que les lacs dans leur irruption ont inondé & englouti des contrées inférieures qui étoient habitées. Ordinairement ces oflemens font les uns fur les autres , & comme par hétacombe , parce que, à mefure qu'un lac s’écouloit, il devenoit toujours plus étroit , & les ani- maux qu'il contenoit fuivoient l’eau, & fe rendoient dans les endroits les plus profonds où l’eau fe trouvoit encore, De là tous ces offemens pris dans les lacs, qui ne font que le fond des baflins des anciens lacs. Le Comte de Marfgli a trouvé de ces os dans plufieurs lacs de Hongrie. Ceux du Canada font dans de vaftes marais , & il exifte encore quelques- uns de ces lacs où vivent les grandes efpèces. Le lac Tzana dans la haute Abyflinie contient plus d'hippopotames que toute l'Egypte. On trouve de ces offemens dans ds grottes , parce que les terres bourbeufes des anciens lacs qui s’écouloient renfermant des animaux entiers, fe font confolidées en deffus de ces animaux , privés d’eau & expirans; leur chair s’étant enfuite confumée , Les os fe font accumulés par leur propre poids, & fe font natu- rellement trouvésdans une cavité proportionnée aux premiers efforts , à la groffeur & au nombre desanimaux etant Dans mon hypothèfe , dont je ne fais ici qu’uneapplication, je n'ai pas befoin de mouvoir le globe , de fou- lever la mer, derecouriraux comètes pour expliquer un fait. Des révolutions locales , & qui ont prefque toujours laïffé des traces reconnoiffables , donnent la folution de tout. J'ai obfervé par exemple, dans les montagnes de Pro- vence & ailleurs , des bancs énormes de coquilles Auviatiles fur des bancs de coquilles qu’on appelleroit marines dans le fyftème ordinaire; ce grand fait s'explique d’une manière bien naturelle dans ma théorie. D'abord un grand lac d’eau falée aura dépofé le premier banc; ce lac s'étant ouvert un paflage , il en eft forti une rivière; les eaux ont alors changé de nature : car tout lac où il entre &dontil fortune rivière, eft néceflairement d’eau douce. De à, la fuperpofition des nouvelles coquilles qui fe font établies dans ce lac. Mais comme ce changement DE être fubit , on trouve une couche intermédiaire où les coquilles d’eau douce font mélées avec celles d’eau falée. Les dépouilles des animaux aquatiques laiflées où nous les voyons par les anciens dépôts lacueftres ; la formation des vallées & des plaines qui font fur la terre, ou aétuellement fous les eaux de la mer, par le creufement & les atterifflemens des rivières ; la formation de FOcéan, par l'écoulement des lacs primirifs , Gc. ne font pas, comme on voit, des hypothèfes faites dans le cabinet; mais le réfulrat d’un grand nombre d’obfervations, & le fruit de 1800 lieues faites en me pros menant, Tome XVII, Part. 1,1781. MAI. Ecez 406 OBSERVATIONS SÛR LA PHYSIQUE, Rp NE à Se ee | NOUVELLES LITTÉRAIRES. } RÉCIS hiflorique @& expérimental des phénomenes éleélriques, depuis l'origine de cette découverte jufqu'à ce jour, par M. SiGAUD DE LAFOND , 1 vol. in-8° avec fie. ;broché, 6 L, 1781. À Paris , rue & hôtel Serpente. La réputation du célèbre Profeffeur de Phyfique expérimentale, Auteur de cet Ouvrage, eft fondée non feulement fur fes connoiffances dans cette fcience , mais encore fur la clarté , la facilité & la méthode avec lefquelles il les expofe dans fes leçons. On retrouve toutes ces qualités précieufes dans ce Précis hiftorique. L’Auteur ne seft pas contenté feulement de tra- cer l’hiftorique des découvertes électriques ; les raifonnemens , les expli- cations, les développemens intéreffans en font un livre que tout Phyfi- ciens éleétrifant ou qui afpire à l’étre , doit connoïtre à fond, Diélionnaire des Merveilles de la Nature, par M. A. JS. D., 2 vol.in-8°. À Paris, rue & hôtel Serpente, 1781, 7 Liv. 10 fols broché, 9 liv. relié. Un Recueil de faits finguliers, de phénomènes extraordinaires, qui paroiffent contrarier les loix de la Nature, ou du moins s'en éloigner, au point qu'il eft très-difficile, pour ne pas dire impoñlible de Les y rame- ner; des obfervations fages fur ces faits & ces phénomènes: tel eft en deux mots l'Ouvrage que nous annonçons. On fent combien il doit être inté- reffant , fur-tout étant rédigé avec précifion, & d’après les autorités les plus refpe“tables, comme les Mémoires des plus célèbres Académies, & les Journaux les mieux accrédités. La fingularité . des objets qe ce Re- cueil préfente, ne manquera pas d’exercer la fagacité des Phyficiens qui veulent tout expliquer, & d'éronner ceux qui commencent par nier tout ce qu'ils ne conçoivent pas au premier moment. Hifloire naturelle, chymique & miédicinale des Corps des trois Règnes de la Nature, ou Abrégé ds Œuvres chymiques de M. Gafpard Neuman, par feu M.Roux, Doëleur de la Faculté de Médecine de Paris, Profeffeur de Chymie, Gc., Gc. À Paris, chez Le Clerc, Libraire, quai des Auguftins, 1781, in-4°. Ce n’eft ici que la première Partie d’un grand Ouvrage dont M. Roux s'occupoit, lorfque la mort l'a enlevé. Il a pour bafe les Leçons & les Œuvres du célèbre Neuman, expliquées déjà par MM. Zimerman & Lewis. Il ne renferme que le Règne minéral. La manière dont la partie chymique eft traitée, annonce le grand-Maître , le parfait Chymifte, digne émule des Rouelle, à qui cette fcience doit tout en France. Jamais d'ex: PRE ES SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 407 plication fans expérience, jamais de raifonnement fans démonftration. On regrette feulément que l'Auteur , trop tôt enlevé pour l'avancement de la Chymie, n'ait pas connu la belle théorie des gas. Mais qu’on faffe atten- tion qué cette “as Partie éroit écrite & imprimée en 1771, temps où cétte nouvelle doétrine étoit à peine foupçonnée. Papillons d'Europe, peints d'après Nature, 5°. Cahier. À Paris, chez de la Güette, imprimeur-Libraire, rue de la Vieille Draperie ; & chez Bafan, Marchand d'Eftampes , rue & Hôtel Serpente. Cette quatrième Livraifon contient les defëriprions du grand Papillon du chou, du petit Papillon du chou, du Papillon blanc veiné de verd, du Papillon blanc-de-laïr, du Papillon blanc marbré de verd, de l’Aurore, de l’Auroré de Provence, de la Diane , du Citron, du Soùci & du Soufre. Ici finiflent lés Papillons, que M. Ernft avoit ramaflés dans fes différens Voyages. Il eft impoñiblé qu'un feul Obfervateur puiffe tour voir , & qu'il ne lui échappe bien dés objers qué mille circonftances dérournent de fes yeux. Il n’eft donc pas étonnant que depuis cé fameux Naturalifte, on ait découvert des variétés ou dés efpèces nouvelles de Papillons qui lui ont été inconnues. Le favant & eftimable Editeur de cette fuperbe Collection, pour la compléter, a lié correfpondance avec les Poffeffeurs des Cabinets les plus curieux en ce genre. M. Gerning de Francfort , dont le riche Ca- binet renferme la Collection de Papillons la plus confidérable & la plus complerte qui exifle, eft un de ceux qui a fourni le plus de fecours. Ce que a fourni, avec ce qu'ont envoyé plufeurs Amateurs, formera un upplément très-intéreffant , dans lequel on reétifiera les erreursqui s'étoient gliffées dans les defcriptions des premiers Cahiers, & où l’on trouvera de nouvelles obfervations au füujet de quelques efpèces. Ce füupplément com- mence par les defcriptions de deux Papillons: l'un, variété du Morio, pl. I; l’autre, variété de la grande Tortue, pl. IT; de la Tortue moyenne ; d’une variété du Gamma; du V blanc; de la Carte géographique rouce; d'une variété du Silvain; d’une autre du petit Silvain; d’une du Tabac d'Efpagne ; du Cardinal ; d’une variété du grand Nacré, d'une du Papillon-le-Chifre , de l'Ino, de l'Agave, de la Chenille du grand Nacré; d'une variété du Dia , de la Pales, grande & petite efpèce. . Cette nouvelle Livraifon ne pourra qu'accroitre l'idée avantageufe que Le Public s’eft formée des talens des Editeurs de certe belle Colle&tion. Prix de 600 livres, propofé par la Société d'Emulation établie à Paris pour l'encouragemient des Inventions qui tendent à la perfeëtion de la pratique des Arts G& Métiers, fur le meilleur Moulin & Preiloir à Huile d'olives. M: PAbbé RoZIER, après avoir parcouru les Ateliers à huile d'olives de Languedoc, de Provence & d'une partie d'Italie, publia, à la fn de 408 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 1776 , un Mémoire intitulé : Vues économiques fur les Moulins 6 Preffoirs à huile d'olives , connus en France € en lialie , qui fut inféré dans le Cahier de Décembre 1776 du Journal de Phyfique & des Arts, L’Auteur s’eft atta- ché à rapprocher les différentes de employées dans ces Pays, & a propolé des changemens qu'il regarde comme avantageux. Il envoya un certain nombre d'exemplaires de ce Mémoire aux Etats de Provence, pour qu'ils fuffent diftribués gratuitement dans la Province, & les Etats lui accordèrent une gratification de 300 liv. L’Auteur, flatté de cette diftinc- tion, defirant la perfection en ce genre, ne tenant en aucune manière aux idées répandues dans le premier Mémoire dont on vient de parler, & dans un fecond qu'il a publié fur le même fujet depuis cette époque, a remis cette fomme de 300 liv. entre Les mains du Tréforier de la Société, pour le fonds d’un Prix fur les Moulins & Prefloirs à huile d’olives. La Société ne l'ayant pas trouvée fufhfante pour récompenfer Le travail des Concurrens , y avoit ajouté pareille fomme de 300 liv., & ouvert un Con- cours qui a été fermé le premier Juillet 1779. Elle n’a trouvé , dans aucun des Mémoires ou Modèles qui lui font parvenus , la folution dela RE propofée ; mais perfuadée que la perfection des Moulins & Pref- oirs à huile d'olives eft d’une très - grande utilité dans ‘les Pays où croît l'olivier, elle a arrêté'de propofer de nouveaula même Queftion & le même Prix qu'elle délivrera dans une de fes Affemblées publiques de l’année 1783. Elle exige que ceux qui s’occuperont de cette matière, s’attachent fpé- cialement, 1°. à fimplifier leméchanifme du Moulin & du Prefloir, foiten réuniflant Les deux machines dans une feule, foit en fimplifiant le mécha- nifme des deux féparément, & par conféquent à diminuer la dépenfe de leur conftruction. 2°. À accélérer le travail de l'un & de l’autre, fans nuire à fa perfection, c'eft-à-dire, que l'olive y foit parfaitement détritée, & que la pâte ne con- tienne plus aucune olive entière ou à demi-écrafée. 3°. À diminuer le nombre des Ouvriers employés pour Îeur fervice. 4°. A retirer le plus d’huile poñlible d’une maffe donnée d'olives, & par conféquent à rendre inutiles les Moulins de récenfe. 5° A donner la defcription d’un fourneau qui confumeroit moins de bois pour chauffer l’eau néceffaire à l’arrofement des cabats chargés de pâte. 6°. Enfin , la Société exige qu'on lui envoie, outre les deffins, un Te téduit du pied au pouce, & accompagné d’un Mémoire explicatif du Moulin, du Prefloir, de toutes leurs parties, & d’un devis eftimatif de la Machine exécutée en grand. Les Concurrens font invités à lire le Mémoire déjà cité, & la Defcription du Moulin Hollandoïis pour les huiles de graines, appliqué aux Moulins à huile d'olives. Ce dernier Mémoire eft inféré dans le Cahier de Décembre du Journal de Phyfique de 1777. On pourra encore y confulter, dans les Cahiers de Septembre ou d'Oobre SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 409 2778, la defcription des Moulins à huile employés en Alface; enfin, le Theatrum univerfale Machinarum de Schenc. , 1 vol. in-fol. imprimé à Amf- terdam. Les Mémoires & Modèles à envoyer pour le Concours feront remis avant le premier Mars 1783 ( le terme eft de rigueur ), francs de port, au Secré- taire de la Société, par un domicilié à Paris. Les Auteurs y joindront une devife en Latin ou en François, & un billet cachcté, qui renfermera leurs noms, qualités & demeure , fur lequel ils répéteront la même devife. Le Secrétaire donnera du tout fon récépiflé, vifé par le Contrôleur & fcellé du cachet de la Société. Le prix ne fera délivré que fur le vu & au porteur dudic récépiffé dans fa première Affemblée publique , après la date fixée pour le terme du Concours. . Les Machines dont les Auteurs fe feront fait connoître de quelques Mem- bres de la Société avant le jugement définitif, feront exclues du Concours. Differtatio Inauguralis Aftronomica de origine nervorum intercoftolium , Au- tore DEMETRIO IwAROFF, 1780. Argentorati. Typis Joan. Henr. Heizii, Univerfitatis Typographi , in-4°. de 32 pag. Opuftules Mathématiques, ou Mémoires [ur différens fujets de Géométrie , de Méchanique , d'Optique, d'Affronomie, &c., par M. D'ALEMBERT, Secrétaire Perpétuel de l'Académie Françoife, des Académies Royales des Sciences de France, de Pruffe, d'Angleterre, d: Ruffie,Cc.,@c., T. VIT G VIII. À Paris, chez C. A. Jombert, fils aîné, Libraire du Roi, rue Dauphine, près le Pont-Neuf, 1700 , 2 vol. in-4°. de 480 pag. avec fig. Les deux nouveaux Volumes contiennent de favantes recherches fur la théorie du mouvement des fluides, fur la perturbation des comètes, fur les attractions des fphéroïdes ellypriques, fur Les loix de la réfraction; & des additions importantes à tous les Ouvrages de Mathématiques de ce fameux Géomètre. Analyfe des infiniment Petits, pour l'intelligence des Lignes courbes , par M. le Marquis DE L'HÔPiTAL , nouv. édit. revue & augmentée par M. Lefebvre. À Paris, chez Alex. Jombertieune, Libraire pour le Génie & l’Artillerie, rue Dauphine, près du Pont-Neuf, 1781, in-4°. fig. ; prix, 12 liv.rel. Cet Ouvrage , qui a eu fa plus grande célébrité quand il paruten 1 696 pour la première fois , a beaucoup gagné & a été pour ainfi dire perfeétionné par les Notes que M. Lefebvre y a ajoutées. © Fautes à corriger. Page 374, ligne antépénultième, aulieu de ces mots, ce qui réuf]it comme je l'avois prévu ; lifez ce qui, je crois, doir lui réuffir. Page 394, lig. 13, 300 livres , Zifèz 500 Livres, go OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, &@k. AND, LITE DEs ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. E SSAZI fur cette queffion : Quelle ef la meilleure méthode d'établir €: d'entretenir les Prés naturels & artificiels, relativement aux diverfes Plantes qui les compofent ; @ quels font les moyens de détruire les Plantes, Infeëtes G autres Animaux qui leur font nuifibles, Page 337 Lettre à M. de Morveau, fur les Terres fimples , G principalement fur celle que M. Sage a défignée fous le nom de terre abforbante ; par M. RoMÉ DE L'ISLE, 353 Lettre de M. DE ROCHEBLAVE , fur les Hauteurs des différentes Montagnes des Pyrénées, 359 Premier Mémoire fur quelques Etabliffemens utiles ‘a la Province de Languedoc ; par M. CHAPTAL, Docteur en Medecine, de la Société Royale des Sciences * de Montpellier, Profeffeur d’'Hiftoire Naturelle & deChymie docimaftique, 365$ Lettre de M. H. MAGELLAN a l’Auteur de ce Journal , fur le Mémoire fui- vant, 369 Effai fur la nouvelle Théorie du Feu élémentaire, & dela Chaleur des Corps ; par M. H. MAGELLAN, 375 Mémoire [ur les Cailloux Herborifés; par M. MonGEez, Garde du Cabinet d'Hifloire Naturelle de Sainte Geneviève, des Académie de Lyon, de Dijon G de Rouen, 337 Lertre de M. QUATREMERE DiJoNvAL à M.de Morveau, fur le Phénomène - de diverfes précipitations fans décompofition , 388 Mémoire fur un Os d'une groffeur énorme , qu'on a trouve dans une couche de glaife au milieu de Paris ; 6: en général fur les Offemens foffiles qui ont ap- partenu à de grands Animaux ; par M. Robert DE PAUL DE LAMANON, 393 Annonces Litréraires, 406 APPROBATION. ’A1I lu , par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux , un pins qui a pour titre: Obfervations fur La Phyfique, fur l'Hifloire Naturelle & fur les Arts, &c.; par Ml Abbé Rozier, Ge. La Colleétion de faits importans qu’il offre périodiquement à fes Leéteurs, mérite l’accueil des Savans ; en conféquence , j’eftime qu’on peuten permettre Pimprefion. : À Paris, ce 27 Maii78r. VALMONT DE BOMARE. Mat 1781: Zchelle de 18. Seller 77/2 1Z. y 2= #2 | JOURNAL DE PHYSIQUE. | JUIN 1781. | SUITE DU MEMOIRE DIE MNCAER EM 'ANG'E L LAN; Sur LE FEU ÉLÉMENTAIRE ET LA CHALEUR, Sommaire de l'Ouvrage du Dofteur CRAW FOR D. 41. Te atmofphérique contient beaucoup plus de chaleur fpe- cifique que l'air expiré du poumon des animaux, car celui-ci eft phlo- giffiqué, & en bonne partie air fixe. On a vu dans la table, n°. 38, que fi cet air étoit tout air fixe , alors la proportion feroit comme 1867 à 27, ou comme 69 à 1, de façon que la même quantité de cha- leur , qui feroit monter l'air commun un degré, doit faire monter l'air fixe 69°, à caufe de la quantité fupérieure de La chaleur fpécifique du premier à l'égard du fecond (N°.11. 4.). A. Or, on a vu par les expériences faites à Pétersbourg, que l'air dans la température commune , a du moins 200° de chaleur ; car le froid y fit defcendre le thermomètre 200° au - deffous de la température ordi- naire : donc 69 x 200 (=—13800) feroic le degré de chaleur, qu'une quantité d'air fixe prendroit d'une mafle d'air commun, lorfque celui-ci de- viendroit air fixe; en fuppofant que toute fa chaleur fpécifique ne püt point fe répandre dans les corps environnans ( N°. 32). Mais cette chaleur eft 13 Pis plus grande que celle du fer échauflé à rouge, qui, {elon des expériences affez bien calculées , n'excède point le degré 10$o. Donc la chaleur qui eft répandue dans Le corps animal, en conféquence de cette converfion ou tranfmutation de l'air commun en air phlogifliqué, & en air fixe, doit être fort confidérable à chaque infpiration. Donc, &c. B. La chaleur fpécifique du fang, qui pafle des poumons aux artères, eft à celle du fang des veines , comme 100000 à 89285 ; ou environ comm 100 à 89. Donc, &c. N. B. On fait, par expérience, que tous les animaux qui ont des pou- mons, ont leur fang beaucoup plus chaud que ceux qui n’en ont point. Toms XVII, Part. I, 17981. JUIN. Fff 412 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, : C'eft même une règle générale que le fang de ceux qui ont des poumons , eft d'autant plus chaud, que leurs poumons font plus grands. C._ La quantité de la chaleur fpécifique d'un corps eft diminuée par l'addition du ph'ogiffique , & augmentée par fa féparation. On en voit des exemples dans la Table ci-deflus ; favoir dans la quantité de la chaleur des chaux métalliques, & dans celle des mêmes métaux; dans les acides vitrioliques, &c. Donc , &c. 42. C'eft d’après ces propofitions, établies par l’Auteur fur les réfultats d'un grand nombre d'expériences, qu'il conclut que la chaleur animale provient de celle de l’air qui eft refpiré par les animaux. Maïs il faut voir, dans l'original même , les raifonnemens & Les preuves fur lefquelles le Doc- teur Crawford a établi cette do@trine , qui femble aufli bien démontrée qu'un problème d'Euc'ide. 43: Par un procédé femblable ; eft produite , felon l’Auteur , l’ignition ou Pinflammarion des corps ; ce qui fair la feconde partie de l'Ouvrage du Docteur Crawford. On vient de voir que la grande quantité de chaieur Jpécifique de l'air eft capable de fe dégager à un degré prodigieux , lorfque l'air devient fixe ou phlogiftiqué (N°.41 4). On fait d'ailleurs que les com- buft:bles n’ont que très-peu de chaleur & beaucoup de on ubs Ainfi, à mefure que celui-ci commence à fe dégager , l'air le reçoit avidement, comine il eft montré par les expériences du Docteur Prieftley , & toute fa chaleur tend à former la flamme & l'ignition. C’eft fur ce principe que Fair d’un foufflet augmente l'ignition; & que le même air, foufflé fur un boulet de canon, échauffé à rouge, le met en fufion, &c. Sommaire d’autres Phenomenes. 44. À préfent, j'ajouterai le précis de quelques autres phénomènes indi- qués, en bonne partie, par le même Auteur , outre ceux que J'ai trouvés. La pierre à fufl, frappée par l'acier trempé, en fépare des particules très- minces, enveloppées & chargées de phlosiftique, dont l'air s'empare tout d'un coup , .& lui communique fa chaleur , qui produit lignition ou l'étin- celle. L'inflammation de l'alcohol & du foufre produit beaucoup de par- ticules aqueufes & acides, qui abforbent le feu qui fe dégage de l'air, tandis qu'il s'empare du phlogiftique ; &, par conféquent , la flamme n’eft point du tout brillante. Au contraire, les corps qui ont peu de vapeur, donnent une flamme plus brillante & beaucoup plus de chaleur. A. Lorfqu'on mêle de Pacidenitreux avec l'huile de térébenthine , le phlo- giftique de celui ci eft attiré par l'acide ; &, par conféquent, une grande partie de fa chaleur pafle dans l'huile , qui devient fort chaude par l'accu- mulation de cette chaleur additionnelle; & en certaines circonftances, elle va jufqu’à la famme & l'embrafement. B. Lorfque l'air nitreux vient à être mêlé avec l'air commun, le phlo- 4‘ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 413 Eu s'empare de l'air commun par l'affinité fupérieure qu'il y a entre ces deux fubftances, comme il eft démontré par les expériences du Doc- teur Prieftley. Dans le même inftant, l'air commun fe décharge de fa chaleur fpécifique, du moins en grande partie; & cette chaleur fe répand dans les corps à l'entour, comme il eft aifé de s’en appercevoir, en appli- quant la main au vaiffeau où le mélange fe fait. -: C La vapeur de l'acide nitreux a du moins autant de chaleur fpécifique que l'air de l'atmofphère , puifqu’elle entretient la flamme , comme l'air le fait, dans le procédé pour faire de l'acide vitriolique avec du foufre. Ainf , dans la déflagration du nitre, l'acide eft réduit en vapeur : fa com- ‘binaifon avec Le phlogiftique du charbon fait dégager le feu, & la flamme eft produite avec une explofion. D. On fait, par les expériences du Docteur Prieftley , que le feu élec- trique rend l'air phlogiftique : il eft donc très probable que la foudre reçoit “une grande partie de fon feu, de l'air par où elle pafle, en le rendant hlogiftique. Dans le mêlange que l’on fait avec du foufre , de la limaille “de fer & de l'eau , pour former une explofon fous terre, l'air qui eft ré- pandu par-tout, & même dans la terre, agit fur le phlogiftique, tandis que l'eau & le fer agiflent fur l'acide ; le feu efl dégagé de l'air, tandis re le phlosiftique s’en empare ; & telle eft la caufe de l’explofion qui fe ait alors. Notice de quelques autres Phénomènes. 45. J'ajouterai encore Le détail de quelques phénomènes felon l'ordre que je m'en fouviendrai, parce qu'ils en à confirmer cette doctrine. On fait que le pho/phore de Kunckel & tous les pyrophores s'enflam- ment d'eux-mêmes, dès qu’ils font expofés au contact de lair. Aufli-tôc que le phlogiftique y eft attaqué par l'air, en vertu de leur attraction mu- tuelle, ce dernier fe décharge de fa chaleur ; & cela fe fait avec une telle zapidité , que l'inflammation du pho/phore ou du pyrophore en eft la con- féquence. M. de Suvigny devoit dire que c’étoit la chaleur de l'air, & non pas fon humidité, que les pyrophores attiroient dans leur inflammation, pour donner la vraie explication de ce phénomène. M. W. Bewley a dé- montré cette erreur de M. de Suvigny, dans fa Lettre au Doéteur Prieftley ( N°. 9 de l’Appendice , au IV®, Volume de ce dernier Auteur , fur différentes expériences philofophiques , &c. ). Mais celle-ci paroît en être la vraie théorie. 46. On voit, par la Table ci-deffus, n°. 38 , que l'acide virriolique n'a pas autant de chaleur fpécifique que l'étu commune. Ne faudroit-il pas en conclure que la chaleur qu'on fent lors du mêlange de ces deux fubf= tances, provient de la rédondance de la chaleur fpéc fique de l’eau fur’ celle de l'acide ? Probablement , cous les autres phénomènes parcils dépendent de cette même loi. Fome XVII, Part. I, 1781. JUIN. FEf2 414 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, A. En mêlant du fel dans un verre d'eau, le thermomètre ne manque pas de baïfler dé quelques degrés, pourvu que la quantité de l'eau ne toit pas trop grande à l'égard de la quantité du fel. Mais fi l'on fait un mélange d’eau avec la folution la plus forte du même {el , elle ny produit aucun refroidiflement. C’eft que, dans le premier cas, il faut avoir la quantité de chaleur fpécifiqu: qui eft requife pour l'érat fluide du fel(n°.27); & celle-ci eft retranchée de la chaleur fenfible de l'eau où la folution fe fair, Mais il n’en eft pas befoin dans le fecond cas. - B. C'eft d'après la même loi qu'on mêle du fel avec de la glace (dont une partie eft fondue) dans le même feau, où lon plonge un vaiffeau de ferblanc avec de la crème ou des fruits qu'on veut glacer , & qu'on l'y remue continuellement, &c. Voyez le Diflionnaire des Arts, par Jaubert, au mot Limonadier. De mème, en répandant l'acide nitreux fur la glace pilée ou far la neige, on produit un plus grand froid. C’eft que la fufñon qu'il y caufe, & les vapeurs qui s’en élèvent, exigent une quantité de cha- leur fpecifique que les corps environnans fourniflent de leur chaleur fen- Jible; & celle-ci doit, par conféquent, être diminuée dans tout ce qui eft en contact avec le mélange. C. Selon les expériences de feu M. Richmann, ci-deffus (n°. 39 E), plus la différence de la chaleur, entre Peau & l'air, eft grande, plus ily a de l’évaporation. Le furplus de la chaleur fenfible attaque a abs d & avec rapidité les premières particules des deux furfaces qui font en contaét; ce qui fe fait en de/cendant , fi l'air eft le plus chaud , ou en mon- tant, s'il eft le plus froid. Dans ces deux cas, même fans l'influence de l'attraétion éleétive entre ces deux Auides, les premières particules de l'eau acquièrent la dofe néceffaire de la chaleur fpécifique pour devenir vapeur, dont l'expanfion eft à celle de l'eau comme 14000 à 1 (sGravefande , Muffenbroeck & Nollet). Par conféquent, elle monte dans l’atmofphère par fa gravité fpécifique , celle de l’eau n'étant à celle de l'air qu'environ 800 à 1. Ainfi, lors même que la température eft à 33° de Farenheir, l'expanfon de la vapeur doit être plus de trois fois plus grande ; car 180°: 33 :: 14000 : 2566; & 2566:800:: 3,2:1. N.B. Je fais bien que le Decteur Leflie, entr'autres, réduit l'expanfion de la vapeur à 1660; mais les autorités de s'Gravefande, Muffenbroeck & Noller ne doivent être rejettées que par des expériences démonftratives & indubitables. D. Auñi tôt que les vapeurs viennent à être condenfées par le défaut de chaleur dans l'air, elles font changées en neige ou-en pluie, Dans ces deux cas, tout le monde obferë que l’une & l’autre rendent l'atmof- phère moins froide qu'auparavant, C'’eft que le furplus de la chaleur fpé- cifique des vapeurs qui y font condenfées, fe répand dans l'air ; & par con- fquence , augmente la chaleur fenfible de l’atmofphère. Æ, Si l'on met de l’efprit-de-vin fur un thermomètre, & qu'on y fouffie SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 41s deffus avec un foufflet, l’évaporation qui fuit emporte le feu dont il a befoin pour devenir vapeur; &, par conféquent, la chaleur fenfible doit diminuer très confidérablement dans le corps & dans l'échelle du ther- momètre, aufhi-bien que dans les particules aqueufes qui reftent fur la boule, & qui même peuvent fe glacer, comme on l’a vu quelquefois. 47. Cependant l'évaporation qui fe forme en grande abondance dans le vuide, quoiqu’elle dépende du même principe , n'eft point due à l’action de l'air. La chaleur, à laquelle tous Les corps font pénétrables , agit plus librement fur le Auide renfermé dans le récipient où l’on fait le vuide, parce qu'il n'y a pas d’autres corps aufli propres que ce fluide pour la dif- fiper ou la partager entr'eux. Ainfi, chaque particule du fluide y acquiert plus promptement route la chaleur fpécifique dont elle a befoin pour ar- river à l'état de vapeur. Mais aufli-tot qu’on y laifle entrer de l'air, cette chaleur eft partagée entre fa mafle; & conféquemment la vapeur y eft réab- forbée ou même condenfée , felon que les circonftances le permettent. Par la même raifon , les folutions des fels ne cryftallifent pas bien dans le vuide. Tranf. phil. Vol. LX, p.336. A4. Lorfqu'on touche avec le doigt une pièce de métal, dont la tem- pétature eft au-deflous de la température du doigt, elle paroît beaucoup plus froide que le bois & que la laine , parce que la quantité de la chaleur Jpécifique du métal, quoique dans une proportion inférieure à celle de l'animal , elt multipliée par la quantité de fa maffe qui doit entrer dans la raifon compofée de fa valeur; & toute certe fomme fort de l'animal pour pafler dans le métal. Par conféquent, il doit fentir un grand déchet dans fa propre chaleur pour en former l'équilibre. Mais cette mafle étant moindre dans le bois, & encore moins dans la laine, le froid doit y être beaucoup moins fenfible. Au contraire, fi la chaleur du metal, du bois & de la laine eft confidérablement au-deflus de celle de l'animal , alors fa chaleur fenfible doit augmenter par la même raifon , en touchant le métal , moins en touchant le bois, &ainfi de fuite, diminuant toujours en rai/on direële des denfités. C’eft peut être par le même principe que l'air, fortement con- denfé , devient plus chaud , felon l'obfervation que je viens d'apprendre , faite par M. Arden , Démonftrateur de Philofophie expérimentale. Au con- traire , il devient bien plus froid lorfqu'il eft rarefié dans la machine pneu- matique. B. Parla même raifon, la grande ténuité de la maffe de l'air (elle eft à l'égard de celle de l'air comme 1 à 800) fait qu'on le peut fupporter au même degré de chaleur que l’eau bouillante. D'ailleurs, en confidé- tant Ja quantité de la chaleur qui eft néceflaire pour former la vapeur de da tranfpiration, on fera convaincu de la facilité avec laquelle la refpi- ration re{roidit l'animal dans ces circonftances (n°. 31 & 46 E ); de façon qu'elle doit produire un effet cout-à-tait oppofé à celui qu'elle produiloit 416 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, auparavant. Ceci explique la: puiffance fuppofée par le Doéteur Cullen dans les animaux ( Mem. du Docteur Blagden , dansles Tranf. philo, Vol. LXV, p. 112, note D ) pour produire du froid. C. Le phénomène dont j'ai parlé ci-deflus (n°. 42 A), eft aflez connu des Chymiftes, quoiqu'on n'en eût pas donné une explication fatisfai- fante jufqu'à préfent. Il y en a cependant un de cette efpèce qui mérite quelque Pas Le Docteur Highins en a parlé dans les Cours de Chy- mie qu'il fait depuis quelques années à Londres, & qui font les plus complets & les plus inftru@ifs qu'on a jamais vus dans l'Europe; car toutes les opérations & procédés y font faits en grand. M. Watfon , Pro- feffeur à Cambridge, en avoit déjà parlé en termes généraux dans les Tranf: philof., Vol. LX, p. 336. Le phénomène dont il s’agit eft la cryftallifa- tion prefque foudaine d’une folution bien forte du fel de Glauber, qui fe conferve liquide tant que le vaiffeau eft couvert, en forte que l’aétion de l'atmofphère n'y puifle point agir par un contact fucceflif, Mais aufli-tôt qu'on ouvre le vaifleau , la chaleur fpécifique du fluide commence à fe dé- pofer entre les particules de l'air qui le touchent. La Auidité & le mou- vement de l'air fonr qu'à chaque inftant de nouvelles furfaces font faifies avec une trés-grande rapidité, parce que les particules les plus chaudes, comme plus raréfiées, montent au-deflus des plus froides, & font expofées au contact de l'air; & par conféquent la cryftallifation fe fait prefque dans la minute. La chaleur fenfible que le vale reçoit dans He & qu'il eft aifë de fentir en le touchant, montre que le fluide fe dépouille de {a chaleur fpécifique, en la donnant aux corps environnans avant de pouvoir fe fixer & prendre la forme folide. D. On connoït également un autre phénomène fort fingulier, mais pareil au précédent, & qui ne peut pas être expliqué dans aucun autre fyftême, Si l’on prend dans la main une bouteille d’eau pendant un temps très-froid (au-deflous de 32°), & qu'on ôte le bouchon , tout d'un cou l'eau commence à fe glacer avec une efpèce de violence , jettant çà & la des petites ramifications de cryftaux, & communiquant en même temps une fenfation aflez décidée de chaleur à la main qui tient la bouteille. 48. Je pourrois parler encore d'un grand nombre de phénomènes qui me femblent avoir la plus grande liaifon avec le nouveau fyftème du few élémentaire. Ceux de l'éle&tricité en font du nombre. L’excellent Ouvrage de Milord Mahon, qui vient d’être publié en Anglois, avec le titre, Prin- ciples of Eleëtricity , répand la plus grande lumière fur ce fujet ; & je me flatte qu’on franchira bientôt le pas qu'il y refte encore à faire pour dé- couvrir la connexion ou peut - être l'identité du feu élémentaire avec la lumidre & l’éleétricité, & mème avec le magnétifme, d’après la combi- naifon & réunion de.leurs loix, & des propriétés qui les diverfifiene. Mais il faut laiffer ces recherches à des Philofophes plus profonds & plus SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 417 habiles. Heureux, fi mes foibles efforts excicent leur curiofité, & leur fonc entrevoir les tréfors de nouvelles connoiffances que cette branche philo- fophique du feu élémentaire promet à ceux qui voudront y appliquer leurs attentions. Remarque fur l'u'age de la refpiration animale. À. On me permettra néanmoins de remarquer ici ( & je le fais avec un grand plaifir, parce que je m'intérefle toujours à ce qui a du tapport à ceux qui m'honorent de leur amitié ), que l'on doit au Doéteur Pricftley , cet Invefligateur infatigable des myftères de la Nature ; la première dé- couverte fur l’ufage de la refpiration; car ce grand Philofophe fut le pre- mier qui démontra, autant que les objets de Phyfique le permetrent, que la refpiration étoit un procédé employé par la Nature pour décharger l’éco- nomie animale de la Érabéhdatte du phlogiflique, qui ne manqueroit pas de La détruire tout-à-fait fans cer expédient. B. Le Docteur Crawford, Philofophe très-eftimable par la douceur de fon caractère, & dontle génie clair-voyant apperçoit la plus foible lueur, à travers de grandes ténèbres, dans les opérations de la Nature, vienc de démontrer, autant que fon fujet le permet, que c'eft au même pro- cédé qu’on doit attribuer la fource de la chaleur animale : myftère L la Nature, que tous les Philofophes n'avoient jamais pu déchiffrer avant lui, malgré les rêveries de leurs fyftèmes & nombreufes théories ! myf- tère, dis-je, qui doit exciter notre plus haute admiration & notre re- connoiflance pour la Sagefle Infinie, qe une feule opération, à produit deux réfultats fi effentiellement néceflaires à l'exiftence des corps animés ! ‘ C M. J'Elliot a confidéré aufli très - ingénieufement les phénomènes de la refpiration animale & de l'inflammation fous le même point de vue, à peu de chofe près, dans fes Obfervations ph'lofophiques fur les Sens, &c., in-8°, qui furent publiées peu de temps après l'Ouvrage du Docteur Crawford , mais dont il n’avoit eu aucune connoïffance en les compofant, Enfin , M. Kirvan, Savant diftingué,: & par l'étendue de fes lumières, & par la jufteffe de fon efprit, vient d’entreprendre de parcourir (n°.26€C) certe nouvelle carrière de la Phyfique dde ; pour laquelle je ne puis avoir d’autres prétentions que les foibles efforts que je viens d’expofer dans cet Effai , afin de développer cette belle théorie, en la mettant dans un plus grand jour, & À la portée de tout le monde. Je me flatte que, par la publication de cet Effai , je contribuerai à répandre la connoïflannce de ces découvertes dans la plupart des autres Pays de l'Eurpe plus-fa- cilément que par lettres. Je vais donner à préfent la defcription des thermomètres dont je me füis fervi dans ces expériences , & les moyens d'en faire exécuter de pareils avec la plus grande facilité. #18 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Sur les nouveaux Thermomètres pour ces Expériences. 49. Pour conftruire ces thermomètres, on doit commencer par fouffler la boule, qui eft fort différente de celles des autres thermomètres. Pre- miérement, On fait fouftler une boule de verre à (fig.2, pl. 1) parquel- qu'Artifte qui travaille cette matière à la lampe. Plus la boule fera grande, & plus Le diamètre du tuyau de verre eb fera petit, plus il y aura de longueur pour chaque degré. 50. La meilleure manière de fouffler des boules pour les thermomètres délicats, n'eft pas celle qu'on pratique communément en les foufflant à la bouche, parce que l'haleine qui y entre empêche de bien remplir, dans la fuite, les boules avec le mercure, à moins de les laifler, pendant quel- ques femaines, dans une polition verticale, afin que la vapeur aqueufe en puiffe fortir tout-à fair d'elle-même. D'ailleurs, il eft fort difficile de bien fouffler cés boules lorfque le diamètre intérieur des tuyaux eft extrêmement petit ou vraiment capillaire. $I. Pour obvier à ces inconvéniens, on prend une bouteille des plus fortes, de gomme ou plutôt réfine élaftique (1); on lui attache bien une embouchure de bois ou de métalavec une ficelle, & l’on y met du ciment réfineux : enfuite on pafle dans cette embouchure le tube de verre qu’on veut fouffler ,en échauffant fon bout à la lampe. Ces bouteilles font impénétrables à l'air, plient comme le cuir, & ont une confiftance fi forte, qu'il eft prefqu'impolflible de les crever en les preffant avec la plus ie vio- lence dela main. Tout étant ainfi préparé, il n'y a qu’à faire rougir l’autre bout du tuyau de verre, & y fouffler la boule qu’on fouhaite , en preffant la bouteille élaftique, C'eft ainfi qu'on évite route vapeur. On pourroit même appliquer une efpèce de petite prefle de bois au-dehors de La hou- taille élaflique avec un levier ou avec une vis à double pas, pour aug- menter régulièrement, & dans l'inftant, la force de la preflion. Mais un peu d'exercice & d'habileté de la part de l'Ouvrier lui rendra bientôt cette pratique très-aifée , qui eit celle des meilleurs Artiftes Anglois, en fait de thermomètres. s2: Après avoir formé la boule (b ff. 1), on échauffe Le fond 7, & l'on y touche avec un morceau de verre pour former une efpèce de petit tuyau qui communique avec elle. On ferme le bout au-deflus de e; on échauffe la boule b d'un côté, & en fuçant l'air qui eft dedans par le petit tuyau qu’on a formé en 7, von lui fait prendre la forme d'une ca- lotte fort mince, de taçôn que le mercure y foit étendu , dans la fuite, avec la moindre épaiffeur poflible. On ouvre, après cela, le bout fupé- (x) Journal de Phyfique, Avril 178r. rieur €, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 419 rieur e, & l’on y fouffle une petite boule environ un pouce au-deffous de ce bout du tuyau. Cette petite boule e fert à recevoir le mercure lorfqu'il monte au-delà du dernier degré de l'échelle ; car, fans cela, il feroit crever quelquefois Le thermomètre. Enfin, on ferme le trou en 7, & on remplit, comme à l'ordinaire, le tuyau & fa boule inférieure avec du mercure , felon les degrés qu'il faut avoir, & onle ferme hermériquement , &c. $3- IL eft néceflaire d’avoir dix ou douze de ces thermomètres pour obferver toutes les températures depuis la glace jufqu'à l'eau bouil- lante ; il eft plus commode de ne donner que de fept à huit pouces à la tige nnx, pour que la plus grande partie de l'inftrument puille être plongée dans la matière fur laquelle on fait l’obfervation. Dans cette fup- pofition, chaque degré peut avoir environ un demi - pouce en longueur ; de façon que le thermomètre , n°. 1 , ne montrera que la température depuis le 22° degré de Fahrenheit jufqu’au 46° degré ou environ ; le fecond montrera celle qui fuit jufqu'au 60° degré ; & ainfi de fuite à l'égard des autres. 4. Il ne faudra employer qu'un feul de ces thermomètres à la fois ; car , dans cette efpèce d'expériences , on connoît d'avance quel doit être le degré dont on a befoin, à quelque petite différence près. D'ailleurs , ce font des expériences qu'il faut répéter plufieurs fois avec les mêmes précautions & circonftances. Ainfi, dans le cas où l'on manqueroit la première ( faute d'employer le thermomètre qui lui correfpond ) , on en pro- fie pour corriger cette faute, dans l'expérience fuivante , en appliquant le thermomètre qui eft convenable. ss. Les degrés de l'échelle de chaque thermomètre font gravés fur le tuyau intérieur de cuivre jaune cc nn ( même fig. ), nn duquel la partie fupérieure e de la tige n x eft cimentée avec quelque ciment fort, On met pardeflus un autre tuyau s (fig. 2), formé d'une feuille très- mince de métal, pliée dans cette forme, mais fans être toute foudée , afin de faire reffort. Sa longueur doit être telle, qu'elle découvre, par fon bout s fur le tuyau intérieur, le nombre du degré qui correfpond à la hauteur du mercure vis-à-vis l'autre bout vv. Enfuite on vifle le couvercle en cc; &, de cette façon, le tuyau extérieur 51 y eft arrêté, fans pouvoir gliffer que vers la boule 2. 56. On peut faire aifément la fubdivifion de chaque degré de ce ther- momètre en plufieurs parties fenfiblement égales , quoique les degrés foient de grandeurs différentes, par la méthode fuivante. On divife, en parties égales, au bout s du tuyau sr, une petite échelle sr d'environ 6 ou 8 dixièmes de pouce. Ces divifions doivent être extrèmement fines , au point même de ne pouvoir être diftinguées qu'à la loupe; & on y met les nombres qui les montrent à chaque dix en defcendant, depuis le o près de s vers r. $7- Lorfqu'on fait une obfervation, fi le zéro de la petite échelle ne Tome XVII, Part, I, 1781. JUIN, Ggg 420 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, coïncide point avec la divifion de quelque degré, on compte combien de petites parties de l'échelle s r font au - deflus du degré marqué dans léchelle ccnn; & ce nombre fera le numerateur de la fraction. On pouffe enfuite la même petite échelle sr jufqu’au degré total qui fuit; & alors les petites divifions de fa longueur donnent le dénominateur de la ième fraction. Suppofons, par exemple , que le zero, près de s, fe trouve 15 divifions au-deflus du degré 53 , & que le degré ÿ4 contienne 40 de ces petites divifions , la fraction = + montre que le degré obfervé n'eft que 53 + degrés de l’échelle du thefmomèrre. 53. IL eft évident, par la conftruétion de ce thermomètre, qu'on peut cbferver, non-feulement les nuances ou variations fôrt délicates de la température des corps, mais qu'il n'y aura pas l'incertitude qu'on rencontre dans tous les thermomètres ordinaires : car plus les boules font épaifles, plus il faut du temps pour que la température foit conftamment la même avant que le mercure du thermomètre puifle montrer le degré qui y cor- refpond ; & cette circonftance feule produit des erreurs très-confidérables dans les expériences qui demandent de l'exactitude , particulièrement dans celles dont j'ai parlé ci - deflus, qui n’admettent pas un grand retarde- ment. 59- Avant de faire quelque obfervation avec ces thermomètres, l'on doit effayer fi la pefanteur fpécifique du Auide, qu'on veut examiner , caufe quelqu’effet fenfible dans la cavité de la calotte de chaque ther- momètre , indépendamment de la différence de température , afin de ne as faire entrer’cette variation , en cas qu'il y en ait, fur le compte de la chaleur ob{ervée. On mettra donc, dans le fluide à effayer, le corps de l'inf- trument dans la même pofition dans laquelle on doit l’employer pendant l'expérience : lon marquera la variation qu'il indiquera par cette feule caufe, & l’on en tiendra compte dans la fuite. Go. La manière d’obferver l'endroit du tube n x (fig. 1), où fe trouve le mercure du thermomètre pendant l'expérience , eft la même qui eft décrite aux n°. 203 & 206 de mon Traité fur les nouveaux Barometres. Cette méthode empêche abfolument l'erreur de la paraliaxe vifuelle qu'ileft très-difficile d'éviter dans les obfervarions qu'on fait avec les autres thermo- mètres à échelle plate. Le couvercle g h ( fig. 2), ou fd (fig. 1) du tuyau qui fert d'étui aux nouveaux thermomètres, ferme à vis dans la petite boîte de métal KP O M, qui a du coton dans le fond, afin de fermer cet inftrument lorfqu'on ne s’en fert pas, & de l'empêcher de fe caffér. Dans ce cas, la rondelle q k , oufd, fe trouve viflée en £m; le bout fupérieur : fe trouve alors en nn, & l'anneau g les ferre à vis aflez bien pour que le tuyau extérieur & l’intérieur foïent fans aucun mouvement, comme s’il n'y avoit qu'un feul tuyau. 61. J'ai fait exécuter de ces nouveaux thermomètres avec tout le fuccès imaginable , qui montroient immédiagement le degré fixe de la tempé- G \ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4x rature du corps ou du fluide où l’on les plongeoit. MM. Nairne & Blune s'occupent actuellement à les conftruire; & je crois que leurs avantages font affez évidens pour être adoptés généralement par tous ceux qui vou- dront s'appliquer aux recherches dont je viens de parler dans cet Eflai. 62. J'apprends par une Lettre de M. Achard, Membre de l’Aca- démie Royale des Sciences de Berlin , Chymifte d'un génie fort éclairé , & d'une application extraordinaire, comme on en peut juger d'après fes excellentes découvertes, qu’il a actuellement des thermomètres de fon invention, pour déterminer avec exactitude les degrés de chaleur , fort 15 ra à ceux que les thermomètres peuvent indiquer. La boule & le tubé de ces nouveaux thermomètres font d’une porcelaine diaphane , au lieu de verre : & il emploie un alliage compofé de deux parties de bifmuth , avec une de plomb & une autre d'érain. On fait que ce mélange entre en fufion à la chaleur de l'eau bouillante : ainfi on peut rendre l'é- chelle de ces thermomètres comparable à celle des autres, puifque le mercure monte à environ 600° degrés avant l'ébullition ; ce qui donne des degrés communs du thermomètre ordinaire , pour continuer l'échelle des nouveaux thermomètres avec la même régularité. NE POST-SCRIPTU M. 63. I. Quelques amis, auxquels j'ai communiqué les épreuves de cet Effai, trouvent que j’aurois rendu mon fujet plus à la portée de tout le monde, fi j'avois adopté le mot feu au lieu de celui Fe Quoi- que celui - ci foit évidemment le fens de mes expreflions , comme on le voit parle n°. 6, je prie néanmoins le Lecteur de fubftituer ce mot (feu) dans tous les articles où je pouvois ou devois en faire ufage. IL. J'apprends , par deux Lettres que j'ai reçues depuis ia de M. James Watt de Bermingham, que le Docteur Black d'Édimbourg avoit fait la découverte de la chaleur latente avant l’année 1758 ou même avant 1757; que ce Profeffeur s'eft décidé à publier cet été ce qu'il a fait relative- ment à cette découverte; & que la chaleur latente, dépofée par l'eau fluide en fe glaçant , eft égale à 108 degrés de Farenheit. S'il n'y a point de mébprife dans ces chiffres, cette: quantité eft encore moindre que celle trouvée par le Profeffeur Wilcke , (n°. 29) : mais je Sn de répondre. A l'égard de la priorité de cette découverte, je ne fais pas fi le Profeffeur Suédois a retardé autant que le Profeffeur Ecoflois à publier fa décou- verte, & , dans ce cas, le premier doit avoir la priorité de fept à huit ans fur le fecond. Quoi qu'il en foit, pour le fait, je ne trouve rien à changer dans mon affertion à la fin du n°. 2. Cependant le Public a le droit d’efpérer d'excellentes chofes du Docteur Black, puifqu'il a été Tome XVII, Part. 1,1781. JUIN. Ggg2 1422 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, près de vingt-deux à vingt- trois ans à perfectionner fon travail. Je dois à l'amitié de M. James Watt les remarques fuivantes fur les épreuves que je lui communiquai de cet Effai ; mais je n'en ai point pro- fité dans leur place refpective, parce qu’elles n’arrivèrent qu'après l'im- preflion de la dernière page. Les voici. I, Que la chaleur fpecifique de la vapeur de l’eau eft égale à 800 degrés de Fahrenheit; & 11, que fon ex- panfon, lorfque la chaleur fenfible eft à 216 degrés, eft à celle de l'eau comme 1800 à 1. Je fuis fi perfuadé de l'exactitude & ingénuité de M. Watt, que j'abandonne entièrement le doute expolé à la fin du n°. 46 C; & j'adopte l'explication du phénomène de l'élévation des vapeurs , comme dépendant tout-à-fait de l'attraction entre les particules de l'air & celles de la vapeur, &c. III. M. Watt croit, ainfi que moi (n°.31C), que la chaleur fpécifique de la vapeur de la glace n'eft pas moindre que celle de la vapeur de l'eau bouillante IV ; Que le Doéteur Irvine de Glafcow avoit déjà réfolu le problème 4°. du n°. 34, & avoit trouvé que la chaleur fpécifique du mélange de l’eau avec l'acide vitriolique étoit moindre que {a fomme des chaleurs fpécifiques de ces deux fluides avant leur mélange. On voit, par len°.46, que c'eft exactement ce qu'on y a avancé. V. Enfin, que le Docteur Black avoit déjà parlé du phénomène du n°. 47 D, quel- que part dans les Tranfaëlions philofophiques. Je trouve fon Mémoire dans le Vol. LXV, pag. 128; & je fuis très-charmé que l'explication que j’ai donnée de ce phénomène ( n°. 47 D), ne foit point contraire à celle de ce grand Philofophe : car le petit mouvement inteftin auquel il y attribue Teffec de la fixité de l'eau pour fe glacer, & dont j'ai parlé dans un cas pareil (n°. 324), ne peut y contribuer qu'en expofant les différentes particules de ce fluide à celles de l'air, pour y dépofer le furplus de leur chaleur fpécifique , comme je l'ai expliqué dans le n°. 47 C. N. B. Je dois au Docteur Crawford la théorie que j'ai expofée dans Le n°. 47 ; elle eft trop ingénieufe pour ne pas en nommer l'Inventeur, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 423 DISSERTATION SUR DEUX QUESTIONS AGRONOMIQUES: Les Engrais peuvent-ils étre fuppléés par de fréquens Labours ? Quelle eft l'influence des Labours fur la Végétation ? » Amaflons toujours des Expériences, & éloignons-nous , s’ileft poffible; » de tout efprit de Syftéme». ( pe Burron , Préface de fa Traduétion de la Srarique des Végéraux ). Par M. MourGUE, de la Sociére Royale des Sciences de Montpellier, Ge, &c. 1 3 eft peu de problèmes d'Agriculture-pratique auf intéreffans que ceux je je me propofe de réfoudre, On fe plaint , avec aflez de raifon , du peu e pratique de prefque tous ceux qui écrivent fur l'Agriculture; & on eft Éndéaselrer qu'ils appuient, par des expériences, les preuves de ce qu'ils avancent. Cette confidération m'engage à préfenter mes vues fur Les has qui vont faire ia matière de cette Differtation. La première Partie fera employée à difcuter fi les engrais peuvent être fuppléés par de fréquens labours : la feconde aura pour objet d'examiner Y'influence des labours fur la végétation. Les Engrais peuvent-ils être fuppléés par de fréquens Labours ? On fait qu'à la renaïffance de l'Agriculture théorique, cette queftion fut donnée en affertion par un Auteur refpectable à qui l’Agronomie a de très-grandes obligations. Pofée en principe par M. Duhamel, elle fut foutenue par beaucoup d'Amateurs de l'Agriculture. Mais ne ferions-nous pas en droit de leur reprocher de s'être trop preffés à établir un principe général , & en tirer des conféquences d’après des opérations particulières &c trop peu fuivies ? Trop fouvent accoutumés , &fur-tout en Agriculture, à voir des Effais affez fautifs donnés pour preuves certaines, J'ai tenté tout ce qui a été annoncé fur cet objet. La ae étoit trop brillante, & devoitavoir de trop heureufes conféquences, pour ne pas mériter toute l'attention d’un Agronome décidé. Mes opérations ont toujours été faites en grand , la di- verfité de terrein & la Soft de mes Domaines m'ayant permis de pratiquer mes eflais fur diverfes natures de terre. J'ai cherché, de toute manière , à pouvoir connoitre fi les engrais pou- 454 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, voient être fuppléés par les labours, & fur - tout comment cela fe pouvoir faire. L'expérience, très-fouvent répétée, m'a conduit à une folution toute contraire , & m'a toujours démontré que les labours ne pouvoient jamais fuppléer aux engrais. Pour s'en convaincre, il n’y a qu'à examiner l'opération & l'effet des labours, & l'opération & l'effet des engrais. Les labours brifent, divifent, ameubliffent la terre; ils la retournent fens deflus deffous en toute manière, & l’expofent par-là tantôt aux in- fluences de l’atmofphère, tantôt à lation F la chaleur & de l'humidité qui s'exhalent de la terre. Les labours opèrent ces effets par le moyen de la force méchanique, qui brife, retourne, divife, mais fans addition quel- conque de quelqu'autre corps que ce foit. Les engrais divifent aufli Le terrein ; ils l'ameubliffent , le rendent plus doux: mais ce n'eft pas feulement par une force méchanique, e’eft bien plus par Les fels, les huiles, les corps étrangers , par Paddition de diverfes matières hétérogènes qui pénètrent le grain même de la terre; qui fe lient prefque à fes parties intégrantes ; qui y ajoutent comme par une vraie agrégation chymique; qui y développent ce qui y eft déjà; qui les difpofent à être pénétrées plus facilement par d’autres matières hétérogènes, & fur-tout par les uidés atmofphériques propres à telle faifon , àtelle po- fition, &c. Tel eft l'effet des engrais ; très-certainement perfonne ne pourra croire que les labours puiffent opérer la même chofe : ils ne peuvent porter aucune addition corrective. On a dit, les engrais divifent, les labours divifent aufi; donc ce qui divife produit le même effet. Si, par divifer, on entend féparer ce qui ne fait qu'un corps , les engrais & les labours peuvent également faire cette opération méchanique , quoique par des moyens différens. Mais les labours divifent une chofe, qui refte toujours la même , en divers mor- ceaux; au lieu que les engrais divifent , en altérant les parties intégrantes, en y ajoutant ouen y développant des qualités qui feroient reftées fans action, faute de ce mode porté, ajouté par tél fel ou par telle huile. Prenez une motte de térre, divifez-la, mettez-la en poudre , ce feront toujours des millions de grains de terre, qui n'auront que les mêmes parties intésrantes qu’ils avoient en motte. Prenez une même motte de terre, répandez-y de l'eau de fumier où quelqu'autre fubftance compofée qui la divife à l'infini, il y aura certainement quelque chofe de GA les parties intégrantes de la terre. L’analyfe chymique met cette vérité dans le plus grand jour. _ On dira que cette motte de terre, divifée par l'effet méchanique qui là retourne, qui la brife, qui en augmente les furfaces, fera plus fufcep- cible de s'approprier les influences de l'atmofphère , en fera plus péné- trable , &c.; j'en conviens. Cela démontre l'utilité & la néceflité des SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 42$ labours , comme je le développetai dans ma feconde Partie; mais cela ne prouve, en aucune manière , qu'ils peuvent fuppléer aux engrais. Mais, obfervera-t-on , comment tant d'expériences , faites & expofées par un Agronome aufli fage & aufli inftruit que M. Duhamel, & par tant d’autres, ont-elles pu induire en erreur les Partifans de cette opinion? Rien de plus facile: je vais le démontrer, L'erreur tient à notre nature; elle fe glifle dans toutes nos opérations. J'y ai été induit fur cet objet, comme tant d’autres ; & fi je n'avois fair mes expériences en grand que pen- dant deux ou trois années {ur une même nature de terrein , je ne ferois peut- être pas encore détrompé. J'avois acheté une Terre, dont les Domaines, qui étoient entre les mains des Fermiers depuis un temps immémorial , étoient en fort mauvais état; je réfolus d'en faire le champ de mes expériences. Quoi de plus avantageux & de plus propre à améliorer un Domaine, que de pouvoir fuppléer aux engrais par de fréquens labours? J'étois enchanté de cette idée. Je commençai par les champs qui éroient en jachère. Après m'être informé de leur qualité , je fis mon poñlible pour que les expériences fuf- fent faites fur des champs de qualité à-peu-près égale. J’en fis labourer une partie par des œuvres plus profondes & plus fréquentes qu'on ne les donne ordinairement dans le canton. Je fis labourer une feconde partie fuivant l'ufage du dernier Fermier & du canton. Je fis fumer la troifième partie avec le parc de mes moutons, & la fis labourer encore fuivant l'ufage du lieu. Je fus fatisfait du produit du bled de la première partie labourée fréquem- ment & profondément; j'y eus une récolte prefqu’aufli bonne que dans la partie fumée. La partie labourée fuivant l'ancien ufage du lieu , ne produifit prefque rien. { Je répétai cette expérience pendant trois ou quatre années de fuite fur prefque tous les champs de ce Domaine; j'étois enchanté de ce ré- fultat, & je croyois fermement que les labours pouvoient fuppléer aux engrais. 11 , Plein de cette idée , que je prenois pour une vérité démontrée , je portai la même culture fur les champs de mes anciens Domaines fitués dans Le terroir de Marfillargues, & dans un des meilleurs fonds qu’on puifle de- firer (1). TE Cr) On pourra juger de la tenue-& du bon état de ce Domaine, Jorfqu'on faura qu'il eft dans ma famille depuis plufeurs générations, qu'il n'a jamais pallé par les mains des Fermiers , & que mes pères ontété , de temps immémorial , les Agronomss les plus renommés de nos cantons. 426 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Je fis labourer fréquemment (:1 ),& aufñi profondément que notre charrue le permet, la moitié d'un grand champ qui avoit été deftiné à à être fumé, mais qui ne le fut pas. Je labourai & conduifis, fuivant notre ancien ufage, l'autre moitié du même champ. Je les enfemençai en bled au même temps : Le réfultat fut tout oppofé à ce que j’attendois. Non-feulement les labours répétés ne produifirent pas les effets des en- grais, mais même ils deffaifonnèrent les parties foumifes à cette première expérience. Le bled n'y valut rien, tandis que la récolte fut bonne dans la partie laboyrée & cultivée fuivant notre ancien ufage. Ce premier effai fur un bon fonds, bien cultivé de tout temps ,ne me sebuta pas; j'étois trop rempli de mes idées, confirmées par les expé- riences faites fur mes nouveaux Domaines. Je choifis pour nouveau théâtre de mes expériences un très - grand champ, qui pafloit pour le meilleur de la contrée. Je le divifai en quatre parties à-peu-près égales ; j'en fis fumer une avec le fumier de bat aie , & cultiver fuivant notre ancien ufage. Une feconde partie fut fumée avec mes troupeaux, que j'y fis parquer , & fut cultivée comme la première. Je fis labourer fréquem- ment & profondément la troifième partie. La quatrième enfin fut con- duite , fuivant notre ancien ufage, fan$ aucun engrais. Les femailles en bied fe firent toutes dans la même femaine par le plus beau temps. J’at- tendis avec impatience le réfultat de cette nouvelle épreuve, Ma récolte en bled fut excellente dans les deux parties fumées; elle fut bonne dans la partie conduite, fuivant notre ufage , fans engrais : Le bled ne valut rien {ur la partie fréquemment labourée. Il eft à noter que j'avois réfervé la meilleure portion de ce champ pour l'expérience des fréquens labours ; que j'avois fait parquer mes moutons fur la partie jugée moyenne, & mettre le fumier de bafle-cour fur la partie que je crus la plus foible. IL eft difficile d'imaginer mon étonnement fur la contrariété du réfultat de ces diverfes expériences, On fait combien il en coûte de revenir des idées qu’on a conçues avec plaifir : aufli m'obftiné-je à faire de nouvelles tentatives ae À mefure que ma nouvelle acquifition a profité de ma façon de cultiver, qu’elle a été plus échauffée par les nombreux troupeaux qu’elle me donne la faculté de tenir , j'ai vu diminuer l'effet des fréquens labours; ils n'ont plus réufli , tandis que j'avois les meilleures récoltes fur les champs fumés & cultivés fuivant mon ufage. Après plus de quinze années d'expériences, faites avec foin fur diverfes efpèces de terrein, avec toute forte de grains & de fourrages cultivés (1) Par fréquemment, j'entends donner fix ou fept labours dans un Pays où l’oa n’en donne ordinairement que trois ou quatre. dans k -diis SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 427 dans nos contrées , j'ai été obligé d'abandonner cette façon de cultiver , & de renoncer à l'idée que les labours fréquens pouvoient fuppléer aux engrais. Avant de renoncer totalement à cette méthode, je tâchai de trouver la caufe de la différence étonnante que j'avois d'abord vue fur l’un & fur l'autre de mes Domaines, & je crois être parvenu à la découvrir. Les champs mal cultivés, peu En labourés , tels que ceux de la Terre dont je fis l'acquifition, ont gagné par les fréquens & pro- fonds labours , parce que ces œuvres ont divifé & ont ramené à la fur- face du terrein une couche de terre qui n’avoit pas vu le jour depuis plu- fieurs années, qui s’étoit pourtant imbibée des améliorations portées fur la fuperficie , & qui avoit profité du dépériffement de la quantité im- menfe de mauvaifes herbes qui dominoient fur les plantes qu'on y cultivoit. Cette couche de terre inférieure pouvoit être confidérée comme en ja- chère depuis très-long-temps. Les fréquens & profonds labours, en la ramenant à la furface, l'ont ameublie & ont fait périr une grande quantité dès mauvaifes herbes dont la couche fupérieure étoit infectée : de-là les plus excellentes récoltes fur de pareils champs. Il eft effentiel d'obferver que les champs négligés , peu profondément cultivés, font ordinairement couverts d'une quantité immenfe de mauvaifes herbes , qui, bien placées, profondément enracinées , font à peine effleu- rées par de légers labours, tandis qu'elles font ou détruites ou confidé- rablement afloiblies par des œuvres profondes, J'eftime que certe dernière caufe aura la plus grande part à l'illufion de ceux qui , frappés des bons fuccès des fréquens labours fur de pareils terreins , auront été portés à croire qu'ils pouvoient fuppléer aux engrais, Cette culture de fréquens labours , 8: toutes mes expériences relatives à ce point de vue, n'ont pas réufli dans mon ancien Domaine, que je crois être , depuis long-temps , dans le meilleur état poflible, parce que toute la couche de terre labourable , également bonne ; également re- muée , n’a rien eu à développer de plus par les fréquens labours; il n'y | avoit prefque point de mauvaifes herbes vivaces à détruire, Mes anciens t champs y ont même perdu, parce qu’ils ont été deffaifonnés par des labours extraordinaires dont ils n’avoient pas befoin , comme je le démontrerai dans ma feconde Partie. Peu content des expériences faites fur mes propres Domaines, j'ai voulu voir confirmer ma théorie par de nouveaux eflais fur Les plus mau- vais terreins. J'ai vu que par-tout où les champs étoient mal cultivés depuis long - temps, de fréquens & de profonds labours ont mieux valu que du fumier & de foibles œuvres; mais cette fupériorité a diminué avec la continuité d’une bonne culture: de manière que fur les mêmes champs mieux cultivés , au bout de trois ou quatre années , les fréquens Tome XVII, Part. 1,1781. JUIN. Hhb 428 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & profonds labours devenoient nuifibles , tandis que les engrais produifoient un effet fupérieur. Telle auta été la marche des premiers Auteurs, qui ont avancé que les engrais peuvent être fuppléés par de fréquens labours; frappés, fans doute, du réfulrat de leurs premiers eflais fur des terreins négligés, ils en auront fait une règle générale. La fimple lecture de ce qui a été écrit fur cette matière, prouve ce que j'augure. Si ces Auteurs avoient con- tinué leurs épreuves pendant quelques années avec cette défiance recom- mandable dans de pareilles nouveautés, ils auroient été conduits aux mêmes réfultats que j'ai eus; & loin d'établir, pour précepte, que les engrais peuvent être fuppléés par de fréquens labours , ilsauroient été convaincus que de fréquens labours, toujours utiles, & plus néceffaires encore fur des champs mal cultivés , ne peuvent jamais fuppléer aux engrais. . De L'influence des Labours fur la Végétation. L'ufage des labours, fi ancien & fi univerfellement répandu fur la terre (1), annonce bien authentiquement fon influence fur la végé- ration. La culture de tous les objets de récolte ne peut fe faire fans le labourage ou fans tout autre remuement du fol qui y fupplée. On ne voit dans tous les climats, dans les pays les plus fauvages & les plus agreftes, comme dans les contrées les plus fertiles; on ne voit, dis-je, que les grands arbres qui puiflent parvenir à une belle venue fans labours & fans œuvres quelconques. Toutes les autres produétions de la terre font foibles & rap- portent peu, lorfque, livrées à elles-mêmes, elles ne font pas foignées &c cultivées par les hommes. Les grands arbres, qui, par leurs branches & leurs feuilles , occupent des ie immenfes Le l'atmofphère (2), portent autant de fuc nour- ricier à leur tige & à leurs racines par le moyen des feuilles qu'ils en tirent de la terre par leurs racines. Cette réciprocité de fecours & de moyens peut rendre les labours peu néceflaires à la végétation de ces (1) Dans la relation de fon avant-dernier Voyage, l’infortuné Coock nous apprend qi a troùvé la méthode du labourage répandue jufques dans les plus petites Iles qu’il écouvertes ; & que quelqu'imparfaites que fuffent les pratiques & quelque fertile que fût le fol, on ne pouvoit avoir, fans cette foible culture, les récoltes dont les Colons avoient befoin. (2) M: Halès (Srérique des Végétaux ) a trouvé qu'un héliotrope, de trois pieds de Hauteur, occupoit dans l’ätmofphère, par fes feuilles, une farface de cinq mille fix cents (eize pouces quarrés, près de: quarante pieds quarrés. Que l’on: juge quelle doit Care prodigieufe furface. occupée. par les grands arbres lorfqw'ils, ont toutes leurs euilles. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 429 grandes maffes ; elles n’ont À reproduire chaque année que leurs feuilles & leur fruit: le corps de l'arbre prend des accroiffemens, il eft vrai, mais il fubfifte pendant le période que la Nature a mis à fa durée. Il n'en Su de même ds plantes qui font l’objet de nos récoltes, & qui fourniflent l'aliment de nos befoins ; il faut que leur végétation, toujours prompte , donne bientôt & le corps de la plante & le fruit defiré. On fait que ces plantes ont peu de racines, & leurs feuilles n'occupent pas une aflez grande furface dans l’atmofphère pour pomper la quantité de füuc nourricier néceffaire à leur développement & à la nutrition de lear fruit. IL faut donc pourvoir artificiellement au befoin de ces plantes, & leut préparer des réfervoirs où elles puiffent trouver facilement & abon- damment les fucs nourriciers qui leur font néceffaires. Toute bonne cul- ture doit donc avoir pour but de préparer le fol auquel on veut confier fes femences, de manière qu’il puifle s'imprégner , autant qu’il eft poflible, des fubftances , des qualités propres à la végétation. Rien ne remplit mieux cet Lo que Les Jabours. On en connoît l'effet pour la divifion & l'ameubliffement des terres dont ils expofent les dif- férentes faces, rour-à-tour, à l’ardeur du foleil & aux influences de l’at- mofphère ; ils facilitent le paflage aux exhalaifons qui fortent de la terre, & qui font fans cefle mifes en action par la chaleur & par l'humidité fou- terraines. Les vents, les pluies, la féchereffe , les effets de l'air forment une croûte à a fuperficie du terrein ; cetre croûte , trop négligée , devient dure, & peut à peine être pénétrée par les influences de l’armofphère : il n’y a que les labours qui puiffent la brifer & rendre à la furface du terrein cette péné- trabilité dont elle a fi grand befoin. On voit de- là quelle eft la grande influence des labours fur la végé- tation. Mais pour qu'ils puiffent donner au terrein cet ameubliffement , ces qualités requifes pour fournir à la végétation des plantes, il faut qu'ils foient faits à propos. Bien faits par les uns, on a de bonnes récoltes ; mal faits, trop ou trop peu faits par les autres, la terre ne produit rien. Telle eft, en général, la caufe £ la prodigieufe différence qu'on obferve fouvent entre le produit de deux champs voilins, qui ont un même fond de terre , qui font placés aux mêmes expofitions , & qui fe trouvent à-peu- rès dans les mêmes circonftances. On laboure par -tout, mais on ignore trop généralement le moment auquel il convient de labourer à propos, pour que les labours aient la meilleure influence fur la végétation. On fuit trop fervilement les routines de communauté. Ici on donne fix œuvres à un guéret; là deux , ailleurs quatre; & fur quel fondement? fur l'ufage. Ne Aérate oh pas voir que Le moment du labourage doit varier comme La température des années ; que telle faifon néceflite une œuvre de plus, ou en exige une de moins ; Tome XVII, Part 1,1781, JUIN. Hhh 2 430 - OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que telle œuvre, donnée à propos, fuffit pour la végétation de La plante qu'on veut cultiver, tandis qu’une de plus lui nuit ? Ce point, pour labourer à propos , n’eft pas difficile à faifir. Un Agri- culteur intelligent , connoiflant la grande influence des labours fur la vé- gétation, pourra s'écarter des ufages locaux fur les jerres où on donne es œuvres. Il examinera attentivement l’étac de fon guéret. S'il trouve que la croûte formée à la fuperficie du terrein eft déjà aflez compacte , qu'elle eft gercée par des milliers de fentes, que la plus grande partie des mauvailes herbes a déjà levé, & que les plus avancées font prefque en fleur , il doit donner une nouvelle œuvre, n’y cût-il que peu de temps u'il a donné la précédente. Un œil, accoutumé à voir les champs , juge Pen ce moment. Les Payfans de nos cantons ont une excellente ex- preflion pour indiquer cet inftant auquel un champ a befoin d'être labouré de nouveau : ils difent qu'il a mangé fon guérer. En effet, on voit qu'alors la terre, couverte par cette croûte devenue impénétrable, ne peut plus abforber les influences de l’atmofphère, ni laïfler échapper les exhalaifons fouterraines; que la fermentation extérieure eft déjà faite; qu'elle a befoin d’être renouvellée , recombinée avec les végétaux & lesautres parties hétérogènes acquifes depuis le dernier labour, pour imprégner le fol d’autres qualités qui doivent influer efficacement fur la végétation des plantes que l'on voudra cultiver ; que les mauvaifes herbes qui ont levé & celles qui ont déjà pris un certain accroiflement, vont feules profiter des cultures données , & dépofer fur la terre le fruit, legerme fatal qui va gâter le champ pour long-temps. ; Labourera-t- on fon champ avant de voir ce moment favorable, ce moment où il aura mangé fon guéret (s'il m'eft permis de me fervir de l'expreflion énergique de nos Payfans), on expofe le fol à une évapora- tion nuifible : la fermentation des parties hétérogènes, qui compofent la terre végétative, n'a pas eu le temps de fe faire ; elle eft manquée ; la terre en peut reffentir des altérations fâcheufes qui influeront puiflamment fur La végétation , & qui pourront la rendre foible, mauvaife & même nulle. Si tels peuvent être les effets d’une feule œuvre donnée mal ä-propos, on fentira qu'on ne fauroit faire trop d'attention au moment où il con- vient de labourer, puifque les labours influent autant fur la végétation. Ce principe général, que je viens d’expofer, fe modifie par une in- finité de circonftances qui doivent faire diverfifier les pratiques pour cha- que domaine, pour chaque nature de terre , pour chaque faifon, &c. , &c. Peu après avoir fait labourer un guéret, par exemple, furvient-il une de ces grofles ondées de pluie qui affaiffent la furface du champ , qui y forment une croûte qui deviendra très- dure en féchant, Éuhee il le labourer de nouveau ? je ne le penfe pas. Ce labour rameneroit à la fu- prfcie la terre enfouie depuis peu, avant qu'elle eût fubi aucune des altérations qui font Le but des labours; il remettroit au fond celle qui mA SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 431 -p'auroit pas encore reflenti les effets de l'atmofphère. Dansun pareil'cas; je me contente de faire brifer la furfaçce de mon champ. par un labour très-fuperfciel avec un arraïre (1) fort léger, ou avec une herfe à pointes de fer. Par ce moyen, l'objet de mon précédent labour n'eft pas dé- rangé , & je rends à la furface de mon champ la pénétrabilité néceflaire, Se rencontrera-t-il au contraire des faifons sèches , qui, feronc que mon champ n’aura pas mangé fon guéret de long-temps , je ne dois le labourer .de nouveau, quel que foit l'ufage local, que lorfque je verrai mes indications remplies. Ainfi durefte, fuivant des circonftances qui fe varieront à l'infini. La manutention d'un Domaine eft un Art aflez compliqué ; il exige tous les foins & de grandes attentions de celui qui le fait sn Sa règle principale doit être la connoiflance du fonds qu'il. a,à exploiter ; il doit avoir étudié le empérament particulier de-chaque champ.( s'il m'eft permis de me fervir de ce terme ) ; il doit favoir qu'un fonds léger, qui fe defsèche facilement, ne doit pas être labouré aufli fouvent qu'unifonds gras, & dont la couche de terre végétative eft profonde & fe durcit facilement. Les fonds légers font aifément pénétrables par les influences de l’armof- phère; contenant moins de parties hétérogènes que les bonnes terres, il faut plus de temps à leur fermentation intérieure. De fréquens labours dérangeroient cette, fermentation, defsècheroient de pareils rerreins , & feroient évaporer une grande. partie des fubftances qui doivent fournir à la végétation. Les fonds gras , toujours plus compactes, veulent être labourés plus fou- vent, parce que la croûte qui fe forme à leur fuperficie devient très - dure, parce que, contenant beaucoup de parties hétérogènes propres à la végétation, Ja fermentation s’y fait plutôt; & l'on juge bien que plus, ces fortes de terreins font difficilement penétrables aux influences de l’atmofphère, plus il faut y expofer leurs différentes faces. J'ai eu occafñon d’obferver la manière de cultiver des contrées de l'Eu+ rope les plus renommées par leur fertilité Bupas l'état de leur culture, & j'ai vu par-tout que les ufages locaux s'accordent aflez avec la théorie que je viens d'expliquer. On faboure peu, & avec des inftrumens légers, dans les Pays où les terres font légères, & où elles ont peu de fonds ;.on la boure plus fréquemment .& plus profondément dans les Pays oras.où il y a un bond fa de terre ; & , quoi qu’en difent tant d'Auteurs , qui jugent nos opérations agronomiques fans fortir de leur Cabinet , & qui croient toutes les routines fautives & peu fondées, j'ai vu prefque par- rout que les ufages locaux étoient fondés fur une longue :expérience. De pareilles expériences tacites font toujours refpectables pour un bon Obfervareur. (1) On nomme arraïre, en Languedoc, une petite charrue très-léère , fans courte ni roues, & qui a deux verfoirs , un dechaque côté du foc; ces vetoirs n’ont que deux d'irois pouces de hauteur. € 432 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Un Agronome fage &intelligentdoit les bien étudier, pour n’y rien changer w'après müre réflexion , & après une pratique fuivie qui lui démontre ce w'il en faut admettre, rejetter ou bé IL eft une tradition très-ancienne que j'ai vu vérifier par une longue ex- périence, qui dit qu'il y a plus de danger à donner trop d'œuvres à un guéret , qu'il n’y en a à en donner moins, De trop fréquens labours deffaifonnent fouvent les terres, & peuvent détériorer les meilleurs fonds, en ramenant à la furface les terres crues du fonds qui n’ont pas étébonifiées par les additions naturelles & artificielles qui contribuent à la végétation, en enfouiflant trop profondément les terres de la fuperficie déjà améliorées, en altérant la fubftance de celles- ci, foit en abforbant partie de leurs qualités acquifes, foit en leur en communiquant de nuifibles. De trop fréquens labours nuifent encore plus, en ne donnant pas à la terre le temps néceffaire pour la fermentation inté- rieure , ou en faifant évaporer hors de propos des matières qui n’ont pas acquis, par cette fermentation, toute leur qualité , toute leur maturité, & je puis ainfi m'exprimer. C’eft à ces caufes réunies qu’on peut attribuer le manque de récolte des champs de mon ancien Domaine de Marfillargues, qui ont fervi aux expériences mentionnées dans la première Partie de cet Ecrit. Ils avoient été trop labourés ; & loin de fuppléer aux engrais , de fréquens labours, donnés fans befoin, avoient fait évaporer , difliper les améliorations pré- cédentes. On fent bien qu'il ne peut y avoir de règle abfolue pour la pratique du labourage relativement à fa meilleure influence fur la végétation : elle doit varier à l'infini, fuivant le nombre infini de caufes naturelles & ac- cidentelles qui influent fur l’état du fol. Les bornes & l’objet de cette Diflertation ne me permettent pas d’expofer les différens cas qui exigent le plus ou le moins de labourage , pour influer efficacement fur la végé- tation des diverfes foie que l'on voudra cultiver. IL fuffira à tout Agri- culteur intelligent d'être bien convaincu de ce principe, que la plus grande influence des labours fur la végétation confifte à Bob fon terrein de manière à lui faire acquérir les qualités les plus propres à fournir à la végétation des plantes qu'il voudra cultiver. De -la, il connoîtra facile: : ment la quantité de labours qui pourront fuffire pour la végétation qu'il demandera à fon champ pour quelqu'efpèce de grain , de fourrage & de produétion que ce foit. Il endéduira une variété infinie de conféquences pratiques qu'il eft impofñlible de prévoir. Il efttrès-difficile, & j'ofe même dire impoflible, ‘de déterminer avec quel- ue précifion jufqu’à quel point les labours influent fur la végération ; cela Rp de tant de circonftances, qu’on doit s’eftimer fort heureux ,en Agro- nomie, d'être parvenu à un élément, à un prineipe général dont l’applica- tion foit facile, & fur-tout lorfque ce principe a toute la fanétion que l'expé- tience & la pratique la plus fage peuvent donner. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 433 EE T'ORICTSS Sur l'inflammation des Végétaux, € jur-tour des Foins ferrés € entaffés en grande quantité avant d'être defféchés, où l’on trouvera peut-être un caraëlère propre à diflinguer les trois efpèces de fermentations. Par Jean SENEBIER , Bibliothécaire de la Répulliquede Genève, €: Mémbre de la Société Hollandoife des Sciences de Harlem. DE sT un phénomène bien étonnant que linlammation prefque fpon- tanée des végétaux férrés. & entaflés en grande. quantité avant d'être def féchés. Boerhaave en parle dans fa Chymie , lorfqu'il décrit les alimens du feu ; Muffénbroeck fe contente de l’énoncer au parag. 982 de fa Phyfique: mais ni lun ni l'autre n'ont penfé à chercher la caufe d’un fait fi propre à fixer l'attention du Phyficien par ce qu'il à de furprenant dans wi cir- conftances, & quelquefois de fi funefte dans fes LA Le feu jaillit du {ein de l'humidité ;, fa Aamme dévorante diflipe, le corps qui lui donne le jour, & menace de détruire. avec lui tout ce qui l’environne. .- Quelle eft la caufe de cet incendie ? quels en font les remèdes ? Je ne prétends point réfoudte ces queftions ; il eft Ja AS de faire des expériences décifives fur ce fujet : jé propoferai donc feulement-quelques idées peut-être probables. Quand il s’agit d’un Effai pour contribuer au bonheur des hommes, en les garantiflant d’un fléau redoutable, on peut efpérer de l'indulgence ; on doit même braver la Critique, & faire le facrifice fon amout-propre à celui du bien public, Les foins les plus fecs éprouvent dans la grange une fermentation qui s'arnonce par une chaleur très-forte ; une odeur vive, une humidité très- fenfible, & par une émiflion d'air fixe produit ordinairement par le pre- mier degré de le fermentation. L'expérience prouve au moins qu'on ne peut alors fupperter toujours avec la main nue la chaleur intérieure d’un tas de foin, que la tête s'embarraffe alors dans les granges, quand on y féjourne ; qu'on y réfpire plus difhcilement qu'à Fair libre; qu'un feu brêlant circule avec, le fang dans les. veines ;. qu'on y eft bientôt couvert d'une. fueur abondante ; 8 qu’on y éprouveroit enfin Dot tous les effers que Le charbon allumé produit fur ceux qui font expofés à {es vapeurs, fi Fon ne les évitoit par une prudente retraite. Mais fi, les végétaux font entaffés en grande quantité avant d'être fecs, 434 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, on y obferve, bientôt les mêmes effecs que je viens de décrire: mais enfuite la chaleur s'augmente, une vapeur aqueufe & phlosittiquée s'élève, une odeur fétide fe fait fencir, &,. fuivant les circonftances, il s'échappe une flamme violente qui femble fuir ces décombres de la pourriture. La fermentation eft la caufe de la décompofition des végétaux; mais leurs élémens,, en fe défuniffant , forment bientôt de nouveaux compofés. Dans les commencemens de la fermentation, la défunion n’eft pas com- pires il s'échappe une vapeur aëriforme, l'air fixe , qui eft une partie aline vaporifée: mais le phlogiftique refte encore uni à une grande partie de la matière du végétal ; il s’y accumule & fans l’abandonner , il lui eft cependant moins enchaîné: il forme avec elle les efprits ardents. L'air fixe devient le caractère’ de la fermentation fpiritueufe ; le phlogiftique refte dans le mixte, & il fe produit peu de chaleur. 'Si la défunion des parties augmente dans le végétal , la chaleur s'augmente, le phlogiftique rompt une partie de fes chaines; il s'échappe, il fouille l'air qu'il traverfe ; il Le diminue :confidérablement ; il:dônne naifflance à l'air phlogiftiqué , qui eft leicaractère de lafermentation acéteufe. Enfin ; la fermentation uttrée qui rompt tous les liens dés élémens , qui leur rend leur indépendance avec la liberté: de contracter les unions qui peuvent leur plaire , s'annonce par la chaleur la plus vive: le phlogiftique s'échappe avec abondance; il s'unit avecles acides ou Les alkalis qui fe volatilifent , & il forme l'air inflam- mable ou l'air extrèmement phlosiftiqué , qui déterminera le commence- ment de la fermentation putride. Cela doit êrré de cette manière, Dans la fermentation fpiritueufe , le phlogiftique fe combine en plus grande quan- tité avec une partie du mixte ; la partie vaporifée doit être par conféquent unie à une très-petite partie dwphlooiftique , comme l'air fixe. Dans la fer- mentation acide, le phlogiftique, en fe cachant pour former Le vinaigre, fe fépare des parties auxquelles il étoit uni: il s’en exhale alors une quantité qui forme l'air phlosiftiqué. Enfin, quand tout le phlogiftique s'échappe, on a la vapeur aëriforme la plus phlogiftiquée , l'air inflammable , & avec Jui la putréfaétion. Î Si l’on expofe des végétaux au feu ‘&: qu'on reçoive les airs qui s'é- chappent ; en graduant avec foin le feu, on obtient d’abord de l'air fixe, enfuite de l'air phlogiftiqué , puis de l'air inflammable; ce qui démonrre que la nature de ces airs eft en rapport avec le degré de la décompofition du végétal/qui les fournit. On comprend aifément la caufe de la chaleur qu'on éprouve, fi l’on touche les végétaux humides ,: & entaflés depuis quelque temps. L'expé- rience apprend que l'union des acides avec le phlogiftique occafionne tou- jours une chaleur dont l’intenfité eft proportionnelle à la pureté & à la quantité des acides & du phlogiftique qui s’uniffent. On voit aufli la cha- Jeur s’augmenter dans les végétaux qui fermentent, avec la se, de « eurs SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 435 leurs parties , qui, en leur rendant leurs propriétés réciproques, les rap. proche de l’érat où ils font dans nos Laboratoires , & leur fait produire Les mêmes effets, L'inflammation des végétaux, dans ces circonftances, peut être ou fpontanée ou accidentelle, Dans Le premier cas, ne pourroit-elle pas s'ex- pliquer par l'union des acides avec les huiles, foit éthérées, foit plus denfes, comme il arrive lorfqu'on mêle lécher vitriolique avec une huile ? ne fe formeroit-il pas une efpèce de pyrophore , ou de phofphore , ou lutôt un nitre ammoniac, fi ce n’eft un foufre nitreux qui s'enflamme à une médiocre chaleur, ou même , comme quelques-uns de ces mixtes, par le contaét de l'air? Les végétaux offrent les ingrédiens de ces diffé- rens mixtes. Dans la volatilifation générale de toutes leurs parties, on comprend la pofhbilité de la compofñtion des êtres que je viens de nommer, & par conféquent celle de l'effet que j'effaie d'expliquer. Si lon examine Les corps qui ont fermenté, on voit qu'ils ont changé de couleur, d'odeur, de confiftance, que leur poids eft beaucoup diminué, & que lorfque la pourriture a été complète, les débris de ces corps ne font plus fufceptibles de combution , & forment une efpèce de terre cal- caire, qui eftla bafe du végétal, & peut-être l'ouvrage de la végétation. Ceux qui enferment le foin humide favent qu'il noircit, qu'il contracte une mauvaife odeur, un mauvais goût, & que Les beftiaux refufent de le manger. Aïnf donc puifque l’analyfe fait trouver dans les végétaux les acides, les alkalis, les huiles, les efprits ardens , le phlogiftique , puifque ces matières diminuent, ou puifque quelques - unes d'elles fe dénaturent & difparoiffent tout - à - fait pendant la fermentation, puifqu’on fait que la plupart fe volatilifent dans le même temps, ou peuvent fe volatilifer ainfi ; on peut raifonnablement conjeéturer que la décompofition du végétal doit donner naiffance aux êtres qui l'embrafent : car elle peut faire éclore des combinaifons que le feul contaét de l'air doit allumer. Mais quoiqu'il y ait quelques probabilités en faveur de ces caufes, quoiqu'elles y jouent un rôle dans diverfes circonftances, cependant je crois qu'il ne faut pas leur attribuer toujours l'inlammation des foins ferrés pendant qu'ils font humides. Cet accident n’eft pas commun ; il n'arrive pas toutes les fois que l’on ferre le foin avant d'être fec: on ne l'obferve pas même conftamment quand le foin fe gâte, fe noircit & fe pourri. Il paroît donc qu'alors il faut le concours d’une caufe extérieure: auf, pour l'ordinaire , cette inflammation des végétaux humides eft-elle produite par l'air inflammable auquel les végétaux donnent naiffance dans cet état, qui eft alors enflammé par quelque caufe particulière , & qui ne fe feroit jamais enflammé fans elle. Voici les fondemens de mon opinion. 1°. On crée l'air inflammable par la diffolution du fer ou de quelqu’autre métal dans l'acide vitriolique , Tome XVII, Part. I, 1781. JUIN. Jii 436 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, en mélant cet acide avec les efprits ardens, ou même par la feule com- binaifon de cet acide volatilifé avec les matières phlogiltiquées, ou avec le phlogiftique lui - même; on produit encore l'air inflammable par la feule ébullition des huiles, comme M. Néret Fa obfervé, en faifanc bouillir l'huile de térébenthine, & M. Prieftley en faifant bouillir l'huile d'olives (1). Enfin l’action du feu fur les végétaux en fait fortir l'air in- flammable; mais il ne paroît que lorfque les acides commencent à fe volatilifer , & que les huiles qui s'élèvent font aflez épaifles. J’ajouterai même que l'air inflammable fort de la diffolution du fer par les alkalis. IL eft évident que tous ces matériaux de air inflammable fe trouvent dans les végétaux, & qu'ils peuvent éprouver la chaleur néceflaire pour les mettre en mouvement, Je conclus donc que mon bypothèfe eft au moins poñible, 2°. Les plantes qui pourriflent dans les marais fourniffent Pair inflam- maeble que M. Volta a fu y découvrir. Si l'on fait fermenter pendant l'été une mafle aflez grande de végétaux, en la couvrant d’eau pour hâter fa décompofition , il y aun moment où l’on peut allumer fur l’eau les bulles d'air qui y paroiflent ; & ce moment eft celui où la couleur verte des végétaux difparoît, L'air tiré des huiles par l’ébullition , a la plus grande analogie avec l'air inflammable des marais : une efpèce de fumée annonce Fair inflammable dans les végétaux qu'on brûle, comme dans ceux qui pourriflent ; enfin les foins, & fur-tout les regains qui pourriflent dans a grange, y perdent leur couleur verte : d’où il réfulte que mon hy- pothèfe eft probable. Il eft certain que la preuve directe manque. On n’a pas fait l'épreuve de l'air des granges : mais aufli, 1°. je dis feulement que mon opinion eft probable ; & je crois que cette probabilité eft fufifante pour engager les Agriculteurs à chercher la preuve décifive, que je n’aurois pas laiffée à d'autres, fi les circonftances où je me trouve m'avoient permis de vivre à la Campagne, & de fuivre les fenaifons. 2°. Toutes les années & tous les lieux ne font pas également favorables à cette expérience. 3°. Il n'eft pas poñlible de faire cette expérience en petit. 4°. Enfin, ce qui peut ajouter confidérablement à la probabilité de mon hypothèfe, c’eft que. Fair des granges eft, comme je l'ai déjà obfervé, nuifible à la refpi- ration. On ne fauroit douter que le foin qui pourrit ne forme des vapeurs ga- zeufes par fes élémens qui fe décompofent. La théorie & l’obfervation conduifent à croire qu'il paroït d'abord de l’air fixe , enfuite de l’air phlo- giftiqué, enfin de Pair inflammable; mais on pourroit s’aflurer de leur nature, en examinant l'air des granges à différens temps, après qu'on a ferré le foin, avec l’air nitreux , l’eau de chaux, l'eau pure. Mais pour re connoître fi cet air renferme de l'air inflammable , il faudroit employer (1) Prieflley, Tom. IV, pag. 363,; Journal de Phyfique, Tom. XIV , p. 139. | | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 437 les procédés de M. Volta (x) : alors on prendroit l'air de la grange dans le moment où le foin eft le plus échauffé , & dans la partie la plus élevée de la grange, parce que l'air inflammable eft plus léger que l'air atmof- paid mais comme cet air pourroit être noyé dans l'air commun , il audroit l'effayer d'abord feul par une étincelle électrique , puis en y joi- gnant fucceflivement quelques bulles d'air déphlogiftiqué ; fi ce moyer étoit inutile, on n’auroit qu'à ajouter fucceflivement à l'air de la grange, donton connoîtroit le volume quelques bulles d’air inflammable métalli- que dont on connoîtroit la quantité qu'il faut mêler avec l'air commun , afin que l’étincelle électrique püt l’enflammer : alors, par la différence qu'il y auroit entre le velume des bulles d'air inflammable métallique ajoutées à lair de la grange pour qu'il pût s'enflammer, & la quantité de cet air qu'il faut mêler à l'air commun pour fon inflammation, par le même moyen on jugeroit combien l'air de la grange contient d'air in- flammable, : Mais comment cet air inflammable s'embrafe-t-il> 1°. 1 ne s'embrafe pas toujours, quoique le foin qui l'a UE ait été ferré plein d’humi- dité : alors l'air inflammable s'eft diflipé, ou il s’eft trouvé noyé dans une trop grande quantité d’air commun, ou la caufe embrafante a man- qué. 2°. L'air inflammable s'allume avec la Aamme la plus iègère , comme l'étincelle qu’on tire des bas de foie , de la peau humaine , du dos d’un chat. Il ne fera donc pas extraordinaire fi les éclairs des nuits d'été ou d'orages , où même les météores qu'on appelle étoiles tombantes, &c., embrafent l'air qui s'échappe au travers du toit de la grange, & commu- niquent l'embrafement dans l'intérieur. 3°. La feule préfence d’une chandelle allumée peut produire cet effet; au refte, elles font peu dangereufes alors dans les éeuries qui font fous les granges, parce que cet air inflammable tend naturellement à s'élever. Par quels moyens préviendroit-on les funeftes effets de f’embrafement de cet air inflammable dans les granges? Je n'en vois que deux : le premier confifteroit à fermer fi exaétement toutes les iffues de la grange, que l'air inflammable, produit par le foin humide, ne püt s'échapper que lorfqu'on jugeroit qu'il n'y auroit rien à craindre pour l'inflammation ; le fecond au contraire confifteroit à donner à l'air inflammable toutes les iflues poflibles, afin qu’il pût s'échapper à mefure qu'il ef produit, & qu'il n’eût pas le temps de s’accumuler dans la grange: alors celui qui s'échapperoit ainfi feroit toujours noyé dans une fi grande quantité d’air commun , qu’il ne pourroit lus être embrafé; mais celui qui ne fort de la grange que par de petites iffues , comme celles qu'offrent les tuiles, tient à une atmofphère qui en eft fort chargée, qui s'embrafe dès qu'il ÿ aune caufe embrafante , & qui embrafe avec lui tout ce qu'ilenveloppe. om (1) Journal de Phyfique , Novembre 1778 & Avril 17794 Tome XVII, Par. 1,1781. JUIN. ii a 438 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, X ANÉMOMÈTRE PROPOSÉ AUX AMATEURS DE MÉTÉRÉOLOGIE Gas Mémoire lu dans la Séance de L'Académie d'Erfurt du $ Janvier 1781, par Ch. DE DALBERG. € TNT R NO DIU CUT ON: D E tous les inftrumens de Mértéréologie , l'Anémomètre eft le moins perfectionné. Je n'alléguerai qu'une preuve: l’on a négligé jufqu'ici d'ob- ferver l'inclinaifon du vent, qui mérite pourtant l'attention du Météréo- logifte. Quelques converfations avec un habile Obfervateur ( M. le Pro- ffleur Planer), & la le&ture de plufeurs Ecrits météréolégiques, m'ont fait réfléchir fur les moyens de faire un bon Anémomètre. Je crois avoir apperçu ces moyens, & férois charmé fi mes idées pouvoient être de quelqu'utilité. Tout homme qui s'intérefle aux progrès des Sciences, ne peut voir qu'avec plaifir les grands pas qu'on fait tous les jours dans la Météréolovie. Hs font dûs aux projers de feu M. Lambert, aux inventions de M. de Luc, aux grandes vues de M. l'Abbé Toaldo, au zèle éclairé de MM. Bæckmann, Hemmer, & de plufieurs autres Savans, & aux encouragemens de plufieurs Princes , fur -rout de 5. A. S. l'Electeur Pa- latin & de S, A. S.le Margrave de Bade (2). Le vent influe confidérablement fur les changemens & les effets de l'atmofphère; l’'hypothèfe de Halley, & celles de plufeurs autres Phyficiens fur la caufe des vents, font très- ingénieufes. Mais l'on ne fubftituera l'Hiftoire aux Romans, le fyfème aux conjeétures , que par des obfervations anémométriques, continuées , multipliées, comparées entrelles, & faites fur différentes hauteurs, à différentes diftances, en différentes expofitions, tantôt en même temps , d’autres fois en temps différens. Les Anémomètres fixés ferviront plus par- ticulièrement de mefure aux vents alizés & généraux. Les Anémomètres por- tatifs, tels que celui de M. Wolf, ferviront plus particulièrement de mefure aux vents locaux. (1) En comparant l’Anémométre de M. Berquin Demenge, que nous avons imprimé T. XV, 1780, p. 433, avec celui-ci, on pourra juger de la différence & de leur mérite réciproque. (2) À la fuite de ces favans Méréréologiftes, on doit certainement ajouter le P. Corte, Curé de Montmorency, à qui cette partie de la Phyfique a de très-grandes obligations. ÂVore des Edireurs. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 439 Les Phyfco - Mathématiciens pourront feconder les Météréologiftes, s'ils cherchent à conftater les loix que l'air obfexve dans fes mouvemens, dans fes impulfions fur toutes fortes de furfaces & dans toutes fortes de directions, dans les répulfonsqu'iléprouve, &c. Ils pourront fuivre en ceci les routes indiquées par plufieurs grands Génies, Par exemple, le Chancelier Bacon confeille d'employer les foufflets pour faire des expériences fur la nature du vent ; & récllement, en donnant à ces inftrumens les formes & la précifion dont ils font fufceptibles , on pourra parvenir, par des expé- riences bien entendues, à créer une Science anémodinamique qui nous manque encore. Par exemple, M. Keftner confidère, avec raifon , la di- reétion des molécules du même courant d'air comme autant de lignes parallèles; & il eft certain que, fans cette manière de concevoir la chofe, les effets du Vent ne feront jamais commenfurables, J'ai choili ces deux exemples parmi d’autres que l’on pourroit alléouer, Qu'on fuive de tels guides, & l’'Anémométrie deviendra Science exaûte. Si l'expérierce prouvoit un jour que les vents généraux font des effets périodiques de la gravitation des corps céleftes; que les vents Locaux dé- pendent des montagnes, des vallons, des marais , dé l’expolition ;, que telle plantation d'arbres, telle élévation & telle excavation de terrein , tel écoulement des eaux produira certainement tél changement dans les cours. des vents locaux , cela répandroit des lumières fur l’Aoriculture , fur l'Art de rendre l'air falubre, &c.: cela épargneroit de faux emplois; l’on pourroit prévoir & éviter bien des inconvéniens ; le fuccès de plu- fieurs entrepriles de défrichemens, &c., deviendroit afluré, & l’Ané- mométrie ae alors une Science fort utile. L'on a déjà des apperçus & même des connoiflances fur ces objets. : elles pourront être étendues & perfectionnées par l'emploi fréquent qu'on fera d'un bon Anémomètre. Je fupplie les Connoiffeurs de regarder ce petit Ecrit comme l'amu- fement d’un Amateur, & non comme l’Ouvrage d’un Savant, La Planche ci-jointe eft deflinée par Le fieur Siegling. Je dois le témoignage à la fa- gacité & aux connoïiflances de cet Axtifte, qu'il a tracé la fig. G, qu'il a fubftitué de petits cones aux axes des petites fphères, 6. 6, & quil m'a fuggéré l'idée de rendre latige (1) creule, $. 29. Cette dernière idée m'a été confirmée par M. Schroeder, Secrétaire de S, A, S. le Duc de Gotha, & excellent Méchanicien. CE TE — —— 2 PROBLIÉME. 1. IL s'agit d'inventer un Anémomètre qi marque la direction du vent & fon inclinaifon, à l’aide duquel on découvre facilement la force x à 5 ù 1 abfolue & relative du vent, qui ferve de mefure à tous Les degrés de certe 440 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, force , dont l'ufage foit commode pour l'Obfervateur , dont la conftruétiort ne foit pas difpendieufe , dont le méchanifme ne foit pas fujet à fe déranger facilement. S"O'I U T T O0 NW. 2. Faites forger une tige de fer qui ait deux pouces de diamètre, depuis n°. (2) jufqu'a ($), enfuite un pouce de diamètre depuis (5) jufqu'à (32), & vingt-quatre pieds de longueur , fig. A&B, n°. r. 3. Placez au haut de cette tige une boule de verre: elle empêchera latige de devenir électrique. 4. Confolidez une girouette de fer battu (3) avec la tige de fer: l’impulfon du vent forcera la tige de fer à tourner avec la girouette, qui aura deux pieds de hauteur & quatre de longueur. 5 Au-deffus de la girouette, attachez une aiguille de fer-blanc (4) de neuf pouces de longueur &trois de largeur, qui tourne fur fon petit axe courbé (fig. d), & que cet axe foit fixé dans la tige de fer ; elle fera tou- jours parallèle avec linclinaifon du courant d’air. 6. Confolidez avec la tige de fer une plaque de fer horizontale , ronde en forme de meule, de deux pieds & demi de diamètre, un demi - pouce d'épaiffeur , & qui tourne avecelle (5). 7-Cette plaque tournera entre les branches de quatre fourches de bois (6), & fera pofée dans chaque fourche fur une petite fphère mobile de laiton, se tourne elle-mème fur fon petit axe de fer. La plaque (5) rencontrera une emi-ligne au-deffus d'elle, & à même diftance , à fon extrémité , de petites fphères mobiles du même métal. Ces fourches ferviront de fupport à la ma- chine, & diminueront le frottement (fig. €). 8. Les fourches font fixées dans une conitruétion de bois de charpente , élevée au-deflus du toit à-peu-près en forme de tuyau de cheminée qui - feroit rond (7). 9. Sur la plaque (5), s'élève une lame de fer battu (8) de deux pieds de large fur deux pieds trois quarts de long, un pouce d’épaiffeur ; elle eft mobile dans les charnières ( 9.9.) ; dans le point ( 10 ), qui eft le milieu de fa largeur & le fommer de fa hauteur , elle eft atrachée à un fil de laiton, qui pafle en (11) par une coupure pratiquée dans la tige fur une roulette mobile, dont le petit axe eft fixé Le la même tige de fer du côté oppofé à la lame, C’eft fur cette lame (8) que le vent exerce fon intenfité. 10. Un petit toit de fer-blane (12) garantit le méchanifme de la neige & de la pluie. Il tourne avec la tige de fer 1 ; il eft échancré du côté où la lame s'élève : il a de petites coupures dans les endroits où les fils de laiton (4) & (10) doivent paffer. Ces mêmes coupures font faites aufli dans la plaque (5) fg.B & D, ER Te RP D Se de Re ee NT EI SES ES DOTE SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 441 Y1. Au n°. (13), il y a fur le dos de la lame (8) deux petites fphères . mobiles de laiton, fur lefquelles la lame tourne lorfqu'elle eft retomibée dans fa pofition horizontale, & qu'elle tourne dans cette pofition par le mouvement de la girouette. C'eft une précaution pour la conferver , en - évitant par-là le frottement qu’elle éprouveroit dans les temps où l’obferva- teur, occupé ailleurs, doit l'abandonner à l’action du vent. 12.Latige de fer pale par le toit de la maifon (14), & entre par un ouverture faire au plafond (16) dans la chambre de l’obfervateur (15). 13. Près du Hd: une plaque de fer ronde d’un pied un quart de dia- mètre , eft confolidée avec la tige de fer (17), & tourne avec elle. Les fils de Jaiton (4) & (10) paflent par les coupurés pratiquées dans cette plaque. Es À cette plaque de fer tient une aiguille horizontale fixée, & qui tourne avec elle (18). Cette aiguille eft parfaitement parallèle avec fa gi- rouette , & marque les trente-deux vents qui font tracés fur le plafond autour de la plaque (17). 15. Au n°. (19), placez une aiguille de fer parfaitement femblable à celle n°. (4), & correfpondante avec elle par deux fils de laiton ( 20), qui tiennent aux deux pointes des deux aiguilles, de manière que l'ai- guille (19) inférieure tourne néceflairement dans la même direction que l'aiguille fupérieure (4). 16. Cette aiguille (19) marque l'inclinaifon du vent fur un quart de cercle gradué (21), attaché latéralement à la tige de fer. La progreflion des 90* -procédera du rayon diagonal ou vertical. 17. L’efpace de la tige (22) eft divifé en 90 degrés. La progreflion de leur nombre eft marquée fur la tige de bas en-haut ; à chaque degré il ya un trou d'un demi-pouce de profondeur dans la tige (1). Ces degrés font comme les cordes À D— A B, (fig. G), PL II. 18. La gaîne mobile de laiton (23) peut defcendre & monter le long de la tige (1); il y a un trou dans cette gaîne (24). Un clou à vis qu'on fera paffer par ce trou dans un des trous de la tige , l'affermira à tel nepté de la tige qu'on voudra. L'on choïfira dans lobfervation le degré du même nombre marqué par l'aiguille d’inclinaifon (19). 19. Aux côtés de la gaîne (23), aux points (25) deux petits axes de fer feront fixés dans la gaîne (23): une barre de laiton (26) fe meurt fur cet axe. (fig. E & fig. F). : 20. La barre de laiton (26) fera attachée (28) au fil (10), & devient par-là correfpondante avec la lame (8), qui rendra à l’élever à mefure qu'elle eft elle-même abaiflée par l'impulfion du vent. 21. Sur cette barre (26), emboïîtez la petite gaîne mobile (27). Quand vous voudrez pefer la force du vent, vous y attacherez un poids (29); moyennant un crochet, Plus vous éloignerez la gaîne (27) des axes (25), plus le poids (29) augmentera. Par l'augmentation du poids, la barre (26) 442 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE,. s’abaiflera; & il y aura équilibre entre la puiflance & Le poids , lorfque le pendule (31) , attaché à la barre (26) , fera parallèle avec fa règle (31). Les degrés d'augmentation du poids font tracés fur la barre (26). 22. La tige de fer (1) eft terminée par un poids de plomb (32) d’un quin- tal, qui l'affujertit à la direction verticale : un entourage de bois empêche fon ofcillation. La folution du problème eft donnée. DÉMONSTRATION. 23. La girouette (3).étant mobile , fera toujours parallèle à la direction; & l'aiguille (18) marquera cette direction à l'Obfervateur. 24. Marquer l'inclinaifon du vent, c’efl déterminer combien la ligne de fon mouvement differe de la ligne horizontale ; c’eft marquer file vent monte ou defcend, & de combien de degrés, L’aiguille (4) tournera juf- qu'à ce qu'elle foit parallèle à la ligne de mouvement du courant d'air; l'aiguille correfpondante (19) marquera fur le quart de cercle ( 19) les degrés de cette inclinaifon, Les ças où la ligne du mouvement du cou- rant d'air eft de bas en-haut , ne peuvent être un peu fréquens qu'au bord de lx mer, des lacs , des fleuves , des cavités fouterreines. Dans une telle pofition, qu'on établiffe un fecond Anémomètre qui aboutifle dans la même falle : la lame.(8) fera alors placée en-fens renverfé, & du côté de la girouette ; elle s’élèvera par l'impulfon du vent, au lieu que dans les fig. A & B , elle eft abaïflée par fon impulfon. Fig. K (8), PL. II, eft La lame mobile de fer-blanc ; laroulette(11), pardeflus laquelle paffe le fl de laiton, correfpondant avec le levier (26). Au n°. (9) , voyez l'axe fur lequel la lame tourne. (y) (y) (y) font les barres de fer confolidées avec la plaque ( $) , qui tournent avec elle, & fervent de fupport & d'appui à la lame.(8). 25. La force abfolue du vent fera égale au poids marqué fur la barre 26)), qui aura fait équilibre fur cette barre (26 ) ; car la lame (8) faifant re- monter cette.barre (26) par impulfon du vent, & le poids (29) la faifant defcendre, il eft clair que la ligne horizontale eft le point d'équilibre pour cette barre (26) , ‘qui eft un levier homodrome. Pour plus grande perfec- tion ; vous pourrez joindre un Nonnius à ee gaîne (27). Le volume de vent, dont on aura peé la force, fera, dans tous les cas pour chaque inftant d'impulfion , un parallélipipède dont la longueur fera en raifon compofée de la mafle & de la vitefle du vent [*], mais dont la largeur [*] Lorfqu’on s’appliquera plus genéralement à f’Anémométrie , l’on pourra favoir le temps où tel vent s’eft manifefté en tel endroit, le temps où il s’eft propagé jufqu’en «telautre endroit. Sa vitefle fera conaue; cette vitéfle déterminera la longueur du pa- rallélipipède dontnous avons parlé ; par exemple, -foit la force d'impulfion ( ro), là & SUR L'AIST. NATURELLE ET LES ARTS. 443 & la hauteur feront égales à la furface du parallélogramme (8 ); car la gaîne ( 23) étant fixée par l'Obfervateur au degré de la tige du même nombre que l'aiguille (19), marque fur le quart de cercle $, 18; & la progreflion de ces nombres marchant fur la tige (1) en raifon inverfe de Ja progrefion des nombres du quart de cercle (19), il eft évident que la ligne de mouvement du vent formera un angle de 90 degrés avec Le profil de la lame (8). Si cette ligne d'inclinaifon ou de mouvement du vent formoit un autre angle quelconque avec Le profil de la lame (8), le volume de vent feroit égal à un parallélipipède, dont la largeur, à la vérité, feroit la même que celle de la lame (8), mais dont la hauteur feroit comme le finus + ce dernier angle, puifque ce finus couperoit tranfverfalement toutes les molécules de vent qui peuvent donner im- pulfion à la lame (8). Or, chaque changement de l'angle, par un chan- gent dans la ligne d’inclinaifon du vent, produiroit un changement ans le f£nus : ce qui donneroit lieu à des calculs faftidieux. (fig. H & fig. I)cc, fonce les lignes de mouvement du vent; A, le profil de le lame (3); B, le finus. Cet arrangement dans l'Anémomètre procure un autre avantage; c'eft que l'impulfion des molécules de vent fera, dans tous les cas, verticale , par conféquent dans fa plus grande force. La force relative du vent fe fera connoître lorfque le Météréologifte comparera fucceflivement les réfultats de fes obfervations anémométri- ques. 26. Il ne fera guère poflible de mouvoir autant de poids avec moins de frottement que ne le fera la girouette de cet Anémomètre. Si elle n'étoit pas affez mobile au moindre mouvement d'air, il fera facile d’en placer une qui aic plus de furface, & qui foit fur-tout prolongée, La mobilité dépendra beaucoup aufli de l’exa équilibre. L'Ouvrier fera bien de fouder, 1°. à la tige (1), du côté oppofé à La girouette, un morceau de plomb égal en poids à la lame (3), & d'en fourter de pareils aux côtés laréraux de cette tige, & tout cela vers le point de gravité de (3), qui eft (7) fig. À ; 2°. fur la plaque (5), dans les points oppofés aux charnières (9) (9), il fixera des morceaux de plomb, dont chacun éga- viteffe (4), la maffe fera (6); l'étendue qu’occupe l'air dans fa denfité moyenne étant connue d’ailleurs & déterminée par fa ten fpécifique, l’on aura toutes les données pour calculer la longueur de ce parallélipipède, & l’on aura des probabilités fur le lieu où tel vent a commencé. Il reftera cependant toujours des incertitudes, puifque le vent peut avoir rencontré des obftacles & de vapeurs dont la direétion, fouvent oppolée, fera pour lui un milieu réfiftant. Au refte, il paroît certain que le parallélipipède de vent, en courant d'air, pouffera la lame ( 8 ) latéralement de la même manière , que toute colonne d’air pèfe verticalement, par exemple, fur le baromètre ; c'eft-à-dire, que toutes fes molécules agiflent, à cerégard, comme partie d’un feul tout. Tome XVIT, Part. I1,1781. JUIN. Kkk 444 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, lera 12 du poids de la charnière (9); 3°. il fixera quatre morceaux de plomb coxrefpondans , & marquant en tout avec (9) (9) fur (5) les points d’un oétogone : ce qui évitera tout balottement (x) (x) (x) fig. D. Les petites fphères mobiles fupérieures & latérales , dans les fourches (6), font placées pour les cas où la plaque (9) forte d'équilibre par quelque choc violent. La lame (1) fera mobile à la moindre impulfion d’air & au moindre poids ajouté à (26). L'éloignement qu'il y a de fon fommet à fon axe faci- litera également l'action & le réaction de la puiffance & du poids. (10) eft Le point de gravité de la lame (8) pour la puiflance comme pour le poids. Le propre poids de la lame (8) doit être égal à celui du levier (26) ; dans le point (28). Quant aux ouragans, rien n’empêchera d'augmenter le poids qu'on attache au levier (26), jufqu’à la concurrence de la force quelconque du vent. k L’aiguille (4), de trois pouces de largeur , & tournant fur un axe qu'elle ne touchera que dans deux points, fera mobile au poffble. Il eft donc clair que cet Anémomètre fervira de mefure aux vents de tous les degrés. L'on fent bien que l’Anémomètre doit être placé dans une maifon fituée de manière que les bâtimens voifins n'interceptent pas les courans d'air. 27. L'Anémomètre fera commode pour le Météréolosifte, puifqu'il fera fes obfervations fans fortir de fa chambre. L’on dira qu'on pouvoic lui épargner la peine de pefer la force du vent ; mais qu'on permette d’ob- ferver que tout Anémomètre , qui marquera lui-même l'intenfité du ven, ne fervira jamais de mefure à tous les degrés de fa force. Il en eft ainfi de celui de l’illuftre Wolf, de ceux de Leipold, & de tous ceux dont l'invention m'eft connue. A cet égard , l'Anémomètre ne peut être comparé au thermomètre ni au baromètre, dont la plus grande hauteur ne diffère de la plus petite que de quelques pouces. Quelle échelle praticable fufñroit pour mefurer tous les degrés du vent, dont le fouffle femble quelquefois carefler les feuilles de la rofe , & qui, d’autres fois , déracine les chênes? Les Ané- mométrographes de Leipold , de M. d'Onsenbrai ( Mém. de l Académ. des Sciences de 1734), celui que j'ai inventé moi-même ( & que je publierai peut-être un jour ), ont lemême inconvénient. Il eft à defirer que lingénieux M. Changeux puifle l’éviter dans celui qu’il a annoncé ( Journal de Phyfique, Janv. 1780). 28. Notre Anémomètre ne peut coûter beaucoup; fes parties ne font pas en fort grand nombre, & font d’une forme qui exige plutôt del'exactitude, qu'un long travail de la part de l'Artifte. 29. Il ne fe dérangera pas facilement; fes pièces font folides, & leur méchanifme eft fimple. La réparation fera plus facile, fi l’on combine les il Û SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 44s parties de manière qu'on puife les démonter, & fi la tige de fer elt com- pofée de plufieurs pièces jointes enfemble. Si l'on trouvoit la machine trop lourde , l'on pourroit fubtituer une tige creufe d'un plus grand diamètre à la tige folide (1); dansla même intention, une croix de fer entourée d’un cercle de fer, le toutieouvert d’une lame de fer-blanc, rendroit le même fervice que la plaque (5) , & peferoit beaucoup moins. 30. Tout doute eft levé. L’Anémomètre fatisfait donc aux conditions du problème. C. Q. F. D. SUPPLÉMENT. LE Mémoire étoit imprimé quand j'ai conçu les modifications fui- vantes. L'on fait que Le reffort peut fervir de mefure à la pefanteur; il pourra fervir de même pour mefurer la force du vent. Subitituez , G vous voulez , à la barre (26) le tuyau (A), fig. N, PLIT: il eft fixé également à la gaîne mobile (24); ce tuyau , de figure cylindrique, ne fera fermé qu'en haut (f). Vous infinuez par l'ouverture inférieure le .xeflort (C), de la forme d’un tire-bouchon fixé fur la plaque (ff). Le fil de laiton (10), correfpondant à la lame (8), eft attaché à la petite barre (E ). Cette barre pafle par l'ouverture (G) & par Le centre, autour duquel le reflort (C) décrit fa fpirale, & par le trou (G) pratiqué dans la re plaque (f) , fur laquelle le reffort eft fixé à travers le trou(H} e labarre (E) ; un petit clou confolide ce reffort avec la petite barre (E). IL eft clair que la force du vent, en abaïffant la lame (8) , fera remonter la petite barre (E); & la compreflion du reffort (C) donnera La mefure de la force du vent. Les degrés feront marqués fur l'échelle (D); cette échelle fera fixée fur Le . Cylindre (A), & fuffira pour le reffort (c). IL fera facile de fubitituer à (c) des refforts d’une plus grande & d'une moindre force ; & par-là l'Anémomètre pourra fervir de mefure à tous les degrés d'intenfité du vent. En plaçant un autre reffort , on placera une autre échelle, qui lui fera appropriée. IL fera facile de déterminer les degrés & leur valeur, & de tracer ces échelles. Soulevez la barre (E) par diférens poids: formez une pre chaque reflort; renouvellez cet effai une fois par an, pour conftater {1 vos reflorts n’ont rien perdu de leur élafticité, ou fi les échelles doivent être graduées de nouveau. Le méchanifme du reffort paroît très-propre à mefurer la force du vent, qui n'eft qu'une fuite d'impulfons diftinétes, mais fouvent fi rapides, qu'on . aura pas toujours le temps de les pefer à l'aide du levier bomodrome (26), Tome XVII, Part. I. 1781. JUIN. KKkka2 446 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, g. À. Pour plus grande exactitude, je propofe d’ajouter à la lame (8 } les poids (MM), fig. L, qui feront équilibre avec le propre poids de cette lame (8); dès-lors la compreffion du reflort (C) fera égale à la force du vent, Le frottement produit par le mouvement de la lame (8) ne fera pas confidérable. On pourra le diminuer encore , en faifant rourne#fon axe entre trois très-petites roulettes mobiles qu’on placera dans l'intérieur de chaque charnière (0). Il fera même poffible de fe pafler d'un fecond Anémomètre pour les vents dont l’impulfion fera de bas en haut. A cette fin ,élevez, 1°. l'axe de la lame (8), au point que cette lame puñffé décrire tout le demi - cercle autour de fon axe. 2°. Attachez àla tige (1) deux roulettes{11) & (11) ,une fupérieure comme en la fig. À, l’autre inférieure comme en la fig. K. 3°. Attachez deux fils de laiton au point (10) de la lame (8), l’un placé fur la furface, l’autre fur le, revers de cette lame (8), fig. M, le prernier paflant fur la roulette fupérieure , l'autre fur l'inférieure, 4°. Ces deux fils defcendront également gar la coupure ( 11) de la plaque fig. D. 5°. Au lieu du quart de cercle (19), placez un demi-cercie (19). 6°. Tracez fur la tige (1) , du côté oppofé à l'éthelle ( 22), la même échelle en fens renver{é. 7°. Certe dernière échelle fervira de mefure pour fixer la gaine (23), quand limpulfon du vent fera de bas en haut. 8°. Dans un tel gas, l'Ob- fervateur détache le fil de laiton (10) fupérieur de fa barre (E), & y atta- che le fil de laiton (10) , qui paffe fur la roulette inférieure (11). 9°. Comme la tige (1) fera plus élevée en plein vent, il faudra que lArtifte augmente proportionnellement létendue de la girouette (3) & le diamètre de la tige (1) , afin que cette tige ne foit pas fujette à fe courber. IL eft certain que, par ces moyens, l'Anémomiètre (À) deviendra univerfel, & le double emploi de l’Anémomètre K deviendra fuperfu. Je me flatte que le Connoiïfleur pardonnera à l'Amateur de ne pas avoir imapiné plutôt ces moyens. En fait d'inventions méchaniques, il n'appartient qu'aux Maîtres de l'Art d'atteindre aufli-tôt à une perfeétion dont mon Ané- momètre eft peut-être encore fort éloigné. Erfurt, ce 10 Janvier 1781. N. B. Je dois corriger une erreur quiss’eft gliffée dans ce Mémoire. La force du vent eft égale au double du poids levé (ou reffort comprimé) par Paétion du vent fur la lame (8). Cela eft évident, puifque la lame (8) eft un levier, que les poids agiflent für fon extrémité, & que l’action du vent eft répartie fur la totalité de la lame (8,. Si le fil de laiton (10) étoic fixé au milieu de ce levier (8), il y auroit égalité entre la puifance & le poids. AR SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 447 EX PR AE D'une Lettre du P.J.B. BeccAR1A à S. A.S. Madame la Princeffe Joféphine DE SAVOIE-CARIGNAN, au Jujet de l'obfervation de l'Eclipfe du Soleil du 24 Juin z 778 ; Par D. ANTONIO DE ULLOA , traduit de l'Italien. Cette Lettre, rapportée dans les Opufcoli fcelti de Milan, ann. 1780, p. 166, commence par extrait de l’obfervation & des conjeétures de D. Antonio de Ulloa ; comme elles fe ‘trouvent dans le Cahier d'Avril 1780 du Journal de Phyfique, Tom. XV , pag. 319, nous pañlerons à l'opinion de l’Auteur fur cette. obfervation fingulière. ee peu de folidité, dit-il, des preuves rapportées par D. Ulloa en faveur de fon opinion, & l'invitation qu'il fait aux Savans, m'enhardiffent à rapporter une obfervation plus ancienne d’un point lumineux fur le difque de la lune entièrement éclipfé, & mon opinion différente de la fienne fur la caufe de ce phénomène. - ’ L'obfervation dont je parle a été faite à mon Obfervatoire électrique de Garfegna lors de l’éclipfe rotale de lune du 11 Oétobre 1772. M. le Comte Pertengo m’avoit prêté une excellente lunette de Dollon, d'un ied & demi de long , qu'il venoït de recevoir ; je m'étois, pendant toute l'après-midi de ce jour-là , préparé à obferver l'éclipfe, lorfqu'une lettre, sé je reçus de M. de Sauflure , & qui m'apprit qu'il étoit arrivé à Mon- ovi, m'obligea à retourner en Ville. Je confiai la lunette à un neveu & une nièce qui me faifoient compagnie dans ma folitude , & leur dis qu'ils pouvoient s'amufer à obferver l'éclipfe. A mon retour, le lendemain, ils vinrent au-devant de moi, & me témoignèrent, d’une manière ingénue, le plaifir qu'ils avoient d’avoir obfervé dans l’éclipfe une chofe qi leur paroifloit extraordinaire , & qu'ils ne comprenoient pas: je leur dis que nous en parlerions à loifir, Etant rentrés, je pris mon neveu à paït ; il me rapporta que, peu de temps après que la lune fut entièrement obfcurcie, il avoit obfervé fur fon dilque une particule lumineule ; que cette lumière avoit duré pendant tout l’o Re po qu'elle ne lui avoit pas paru changer de place, relativement au bord de la lune : il comparoit cette Jumière à celle d’une perite étoile , en ajoutant cependant que cette com- paraifon ne le fatisfaifoit pas entièrement, qu'il touvoit dans la qualité de la lumière une différence qu’il ne pouvoit pas bien exprimer, J'évitai 448 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de lui rien fuggérer, voulant que cette obfervation reftt dans toute fa fimplicité. Ayant interrogé ma nièce en particulier, fon rapport fut en- tièrement conforme, à l'exception des termes techniques dont fon fexe l'avoit empêchée d'acquérir l'ufage ; fe trouvant enfuite enfemble, ils. ont fouvent remis le même fujet fur le tapis, fans jamais rien changer à leur première relation. Le foir, la lune étant levée, je dis à mon neveu de diriger la lunette fur la lune , de manière qu’elle fe trouvât dans la même pofition relati- vement à fon bord que la veille lorfqu’il avoit apperçu la particule lu- mineufe. Lorfqu'il eut trouvé à-peu-près cette pofition, je regardai promp- tement à travers la lunette, & je vis que la tache de Copernic étoit très- voifine de fon centre. Ma nièce voulut faire la même opération ; & , fans avoir remarquéla pofition que fon frère avoit donnée à la lunette, elle lui donna à-peu-près la même. J'ai peut-être trop infifté fur les détails de cette obfervation; mais fi l’on confidère la manière détaillée avec laquelle D. Ulloa rapporte la fienne , on me pardonnera peut-être de m'être autant étendu fur celle-ci, d'autant plus que cela étoit néceffaire pour lui donner fa jufte valeur. Dès l'année 1773 , je commençai, dans mes Leçons publiques à notre Uni- verfité, à faire mention de cette obfervation, & à l'expliquer. Voici com- ment (dans le. $1 de mes Cahiers, qui traite de la gravité célefte) je la rapporte en peu de mots. « Quant à ce qui concerne les inégalités de » la furface des planètes, elles font très-vifibles dans la lune , &, d’après » l'ombre qu'elles projettent fur la partie oppofée au foleil , il paroît que » les montagnes de la lune font, pour la plupart, plus élevées que celles » de la terre. Îl y en a peu qui faffent chaîne comme les Appennins ; la » plupart s'arrondiffent en rentrant fur elles-mêmes , & renferment une » vallée ronde , au centre de laquelle s'élève une monticule : ces vallées » rondes me paroiflent autant de craters d'énormes volcans éteints depuis >» long-temps. Dans l’éclipfe de lune du 11 Oëtobre 1772, à l'aide d’un » télefcope de Dollon , appartenant à M. le Comte de Pertengo, j'ai » obfervé, fur le difque de la lune entièrement obfeurci, une particule » lumiseufe. Je ne puis attribuer une femblable lumière qu’à l’embrafe- # ment d’un volcan dans la lune ; chaque fois que j'examine la lune, je » ne puis m'empêcher de regarder ces longs rayons faillans , qui s’éten- » dent en tout fens autour de Ticho, comme des torrens de matières » fondues qui fe font écoulés tout à l’entour d’un volcan immenfe », Kepler , Copernic & d’autres taches , me repréfentent la même apparence. La briéveté du temps & la grande variété des matières per- mettent à peine, dans des Leçons publiques, d'indiquer fommairement les objets : c’eft pour cela que, dans mes Cahiers, j'ai employé, pour abréger, l'expreflion j'ai obfèrvé, tandis que, dans l'explication , j'indique les auteurs de l'obfervation, & j'en détaille les circonftances, en ajoutant SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 449 que le En LE de mes neveux, ingénu, uniforme & exempt de route préoccupation , doit avoir plus de poids que n’en auroit le mien même. Si mon opinion eft Éndée. malgré que D. Antonio penfe qu'il fera dificile de répéter une pareille obfervation, j'imagine que cette apparence d'une petite lumière pourra fe rencontrer dans d’autres éclipfes rorales. En regardant d’une diftance convenable la terre parfaitement obfcurcie , on y diftingueroit la lumière d'un volcan actuellement embrafé fur un point quelconque de fon hémifphère apparent; & pourquoi n’en feroit-il pas de même de la lune, puifque les éminences & les cavités de fon dif- que ont la forme de volcans très-nombreux & trés valtes (1). D. Antonio, en excluant tout autre caufe du phénomène qu'il a obfervé, n'a pas exclus celle d'un volcan embrafé. La caufe qu'il lui fuppofe paroïît être contredite par le trajet énorme que devroit parcourir une ouverture paflant d’un hémifphère à l’autre de la June à deux lignes de fon bord, Guérifon d'une contraétion des Mufcles , opérée par l'Éledricité ; Par M. Mizes PARTINGTON. fe y a quelque temps que vous m'avez écrit de vous aviez commu- piqué à M. J. Pringle la guérifon de Mifs Lingfñeld par l'électricité, & qu'il croyoit que cette cure méritoit d'être communiquée à la Société Royale de Londres; j'efpère que vous voudrez bien me pardonner de n'avoir pas fatisfait plutôt à votre demande, Si j'ai difléré, ce n'a été que pour m'aflurer par de nouveaux rapports de la continuation des bons effets que Mifs Lingfeld avoit reflentis des expériences éleétriques que nous venions de faire fur elle. L'heureufe réuflite m'en a été confirmée depuis; & je me flatte de pouvoir foumettre aujourd'hui avec aflurance les particularités fuivantes au jugement des perfonnes à qui vous voudrez bien les communiquer, & dont vous pourrez faire l'ufage que vous jugerez à propos. Comme vous fûtes préfent à la première vilite que je fis à certe infor- tunée Demoifelle, vous vous rappellerez fans doute bien encore l'état dans lequel nous la trouvames. Sa tête fe trouvoit penchée pardeffus fon épaule droite, & les mufcles de:la partie poftérieure en éroient tellement Cam , fa diffolution dans l’eau régale manifefteroit cette minicule d'alliage, par la couleur noire qu’elle prendroit & l'odeur d’ail qu'elle répandroit en la brûlant fur un charbon ardent. M. Margraff a-t-il été trompé dans les étains ? a-t-il appliqué à tousles étains ce qui n'appartient qu'à une feule efpèce? Tels font les doutes honnètès dont nos Chymiftes accompagnent la contradiction .qu'exige d’eux la vérité à des expériences qu’il importoit d'approfondir , puifqu’elles font l'occafon de la queftion formée par le Gouvernement. En examinant fcrupuleufement l'action des divers acides minéraux , tant fur les étains primitifs que fur l'étain allié, comme il eft dit plus haut, en ne laiffant échapper aucun des moyens de les appliquer à ce métal, ni aucune variété des phénomènes qu'ils préfentent, MM. Bayen & Charlard ont vu que même l’eau régale n’étoit pas exempte de foupçon dans fon action fur l’alliage d’étain; mais que l'unique & paiñble diflol- vant de ce métal pur étoit l'acide marin , qu'il étoit le feul qui ne tou- chât point au régule d'arfénic, & qui par conféquent le laifle fe préci- piter lorfqu'il eft artificiellement allié à l’étain primitif. Cette vérité eft encore plus développée dans la feconde fe&ion, lorf- que nos Chymiftes exercent leur fagacité fur le régule d'arfénic lui-même à nud & point allié, On voit ce que les autres acides en corrodent; que Vacide nitreux prend avec lui une couleur verte; que l'eau régale le diffout fans fe colorer ; que le feul acide marin demeure avec ce régule durant fix femaines , fans y toucher d’une manière fenfible : découverts précieufe , que feront valoir nos Chymiftes dans la troifième feétion. Tome XVII , Part. 1,1781. JUIN. Lila 454 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, L'étain primitif des Indes & d'Angleterre n'eft pas le plus répandu dans le commerce de France. Il en eft un plus connu fous le nom = gros fau- mon d'Angleterre ; il eft extrait de mines où abondent le mundick & des pyrites cuivreufes, dont le plus grand foin ne peut, dans l'exploitation en grand, débarraffer entièrement le minérai avant de le porter à la fufion. Cet étain n’a pu tenir caché, pour nos Chymiftes, le peu de cuivre qu'il contient, ni l'atome de régule fourni par le mundick. MM. Bayen & Charlard les ont féparés, à l’aide de l'acide marin, Le régule arfénical fe trouve dans cet étain en diverfes proportions, dont le terme moyen eft = : La proportion la plus commune en eft d'un grain par once. Comme l'expérience elt délicate, & cependant mérite d’être vérifiée, nos Chymiftes préviennent que plus on procédera lentement à la diflolution , & plus le réfultat du précipité fera jufte. Voici donc l'unique efpèce d’étain que M. Margraff ait eu vraifemblablement occafion d'examiner. Enfin, fur cinq - efpèces de ce métal, dont quatre font évidemment pures & abfolu- ment femblables, une feule tient un minimum du minéral, objet de tant de craintes , qui enfin ont donné lieu aux recherches les plus fcrupu- lcufes. Paffons à la troilième fection , dans laquelle MM: Bayen & Charlard n’examinent plus les érains purs & ceux en gros faumons , qu'autant qu'ils font alliés par le Potier d'étain avec d’autres métaux permis où tolérés. L’extrème flexibilité des étains purs a néceflité d'en permettre lalliage avec Le cuivre & le bifmuth, d’y tolérer l'introduction du plomb & celle du régule d’antimoine , ce dernier étant néceflaire pour concilier aux petits uftenfiles d’étain un ton aigre qui les empêche de plier. La Loi a prévu les abus, en diftinguant l'érain fin, l'étain commun , & une efpèce dernière appellée claire-étoffe. L'ancien étain fin contenoit au plus deux à trois livres de cuivre au quintal. L'érain commun n’en contenoit que cinq livres, & on y toléroit fept à huit livres de plomb au quintal. Quant au bifmuth , fa proportion eft très- médiocre ; & d’ailleurs tant le prix dont ils font, que le danger dont feroit leur proportion exceflive, empèchentl'Ouvrier d’en abufer. } Une révolution due à la perfection de l'Art du Fayancier , qui fournit desuftenfiles propres , faciles À nettoyer, recouverts d'un vernis agréable à la vue, dont l’étain calciné & vitrifié eft la bafe : cette révolutiona relégué Fufage de l'érain chez le plus grand nombre des Habitans de la Campa- gne, pour les grands uftenfiles de quelques Artiftes & dans les nombreufes Commuuautés. Les Potiers fe font peu à-peu écartés de la Loi, au point d’expofer en vente de l’étain commun pour de l'étain: fin, & prefque de la claire-étoffe en place d’étain commun. L'expofé hiftorique de cette dégradation dans la Fabrique & le Com- merce de étain, amène naturellement celui des moyens ordonnés poux SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4$5 vérifier fi la Loi ou la tolérance font exécutées ou outre- paflées. L'or elt foumis à deux fortes d'épreuves, la coupelle & le départ : & ces deux eflais font, jufqu'à ce jour, d'une précifion fuffifante. L'érsin ne peut fubir la coupellation, & on ne seft pas encore avifé de le départir. Le Gouvernement a adopté, faute de mieux, l’eflai de l’étain 4 La pierre & celui à la balle. Tous les Le font dans le cas de l'épreuve par les rouchaux ; ils ne font bons que pour des à-peu-près; & fi l'Ouvrier s'en contente , ils ne font pas Dites pour le Gouvernement. L'eflai à la pierre a le coup-d'œil & l'habitude pour juges. L'effai 4 La balle fuppofe que le métal, jetté dans le moule, ne formera ni foufflures ni chambres, & aura par conféquent une denfité égale fous un volume égal. Nos Chymiftes ont donné une table de poids que doivent avoir les divers étains pur, fên , comumun , claire - érofe, jettés dans le même moule, quoiqu'ils fentiflenc bien l'infuffifance de cet eflai. La balance hydroftatique eft d’un ufage trop or fervir à d'autres qu'à des Phyficiens confommés. Le dé- part s’eft offert à MM. Bayen & Charlard; ils le propofent avec cette confiance qu'infpire l'efpèce d’infaillibilité de la découverte mentionnée dans la première fe@tion de leur Ouvrage. L'acide marin diffout nettement l'étain; il fera donc précipiter de ce métal le régule fourni par le mundick dans l'étain dit en gros faumons ; & le répule d’antimoine dans les alliages. L'acide nitreux découvrira le cuivre, & fur-tout le plomb. Quelle fourée de perfection dans la pratique de l’effai des étains ! Ils ont reconnu avec une précifion prefqu'égale à celle de l'eflayeur des métaux parfaits, les pro- ortions de cuivre & de plomb alliés à l'étain; ils ont reconnu jufqu'à celle de l'argent, dans l’occafiun qu'ils ont eue de départir un alliage de ce métal avec l’étain. L'acide marin diflout celui-ci, & laifle l'argent à nud. Paur y réuflir sûrement, nos Chymiftes avertiflent qu'il faut procéder lentement, & opérer fur un gros au moins d'alliage. Le cuivre allié à l’érain, ainfi que le bifmuth & le plomb, paffent dans l'acide nitreux; & ils trouvent dans l’aikali volatil un moyen de féparer le cuivre. Le même acide nitreux leur a montré le plomb jufqu’à la proportion de + dans des étains qui ne devoient en contenir au plus que - ; ils ont donc trouvé la route infaillible pour découvrir, en ce genre d'alliage , un abus dont émiffent Les honnêtes Ouvriers. Ils joignent leurs vœux à ceux de nos ja Chymiftes pour voir rétablir le bon ordre ; vœux que le Collége ne peut qu'adopter , ainfi que le Gouvernement. Une obfervation très fage de nos deux Chymiftes couronne cette fcétion. L'étain , en état d'être ouvré, chargé de —— de régule dangereux , eft habituellement combiné à de l’étain pur, & celui-ci allié aux métaux & demi-métaux d'ufage; ce qui fubdivife & anéantit prefque entièrement fa proportion , & détruit abfelument Les doutes & craintes fondées fur la préfence d'un minimum de fubftance qui n’a pas pu fe conferver dans l'écain fans avoir perdu la très-grande partie de fa qualité délétère, en 456 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, prenant l'état de régule, état fans lequel il eft démontré qu'ilne s’allieroit pas à l’étain, ! MM. Bayen & Charlard ont établi, dans cette troifième fection, denx vérités bien importantes. Il exifte des étains naturellement homogènes & purs, quelle que foit leur origine: ce fera, fi l'on veut, de l'étain à vingt-quatre karats. Tout étain, allié par hafard ou à deffein, peut, à l'aide d'un départ fimple & facile, être ramené à fa première pureté. Les voici maintenant en état de répondre immédiatement à la queftion pro- pofée. Ils connoiffent imperturbablement les étains; ils y découvrent les alliages de tout genre, & leurs proportions les plus forcées, comme celles qui font infiniment petites. L’étain eft-il dangereux ou non dans l'ufage économique? Les fe&ions précédentes démontrent la néceflité de divifer en trois cette queftion générale. L’étain primitif & pur, tel que celui des Indes , eft-il dangereux ? Première queftion. Elle fe réfout par l'expofé exact de ce qui , depuis plus de trente fiècles , a été dit, fait, obfervé , écrit fur l'étain pur, même fur celui dit en gros faumons. Les Ouvriers qui traitent Le plomb & fes préparations font ex- pofés à des infirmités, des coliques , des paralyfies , & à d’autres ma- ladies, L'étain feul n’incommode les Ouvriers ni par fa vapeur ni par fa cendrée légère. Si le ul Galien paroît défendre de conferver les trochifques de vipères dans des vafes d’étain ou. d'argent, il fait affez entendre que c’eft à caufe du plomb & du cuivre dont on abufoit déjà dans l'alliage de ces deux mé- taux, L’étain a paru fi falubre, qu'on l'a fait pafñler au nombre des mé- dicamens utiles. Tout concourt donc à prouver que l'étain pur eft fans au- cune qualité nuifible à la fanté. Deuxième queftion, L’étain qui , comme celui dit en gros faumon, tien- droit jufqu'à > de réoule fourni par le mundick, & dont le nom eft fi re- douté , cet étain eft-il nuifible dans l’économie animale ? Nos deux Chymiftes ont prouvé précédemment, & le rappellent ici, que le régule d’arfénic n'eft pas aufli délétère que fa chaux, qui ne peut entrer dans aucune combinailon métallique ; que tout alliage fuppofe une combinaifon telle , que dans la = partie d'un pareil alliage il ne s'y trouveroit que la = partie de ce régule; que, dans l’ufage alimentaire, l'étain s’ufe très-peu. À ces obfervations néceflaires & fages, ils ont joint des expériences réitérées fur divers animaux , auxquels ils ont fait prendre de l'étain allié du régule en queftion dans la proportion de =, & en quantité telle, que la fomme du régule avalé très-certainement par ces animaux auroit fufñ pour les tuer, s'ils l’avoient confommé en nature, & non allié. M. Bayen , l’un de nos Auteurs , a été plus loin ; il a voulu que la même afliette d’étain fin d'Angleterre lui fervic durant deux ans: au SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 457 bout de ce temps , elle n’avoit pas perdu quatre grains de fon poids. Ainfi quand toute une famille, ufant habituellement de-vaiffelle d'étain, abfor- beroit par chaque individu trente fix grains d'étain par an, ce feroit par jour la 36$5° partie de trente fix grains, & tout au plus la ÿ760° portion d'un grain de régule arfénical. Or, il faut avouer que de pareils atomes ne peuvent être d'aucun danger. Il eft donc prouvé que l'étain , dit en gros Jaumon d’Angleerre , & fes pareils , ne font point nuifibles dans l’économie animale. Troifñième queftion. L'étain allié à d’autres métaux ne porte-t.il pas , à raifon de cet alliage, quelque danger dans l'ufage économique ? Ce qui eft dit dans la réponfe à la queftion précédente s'applique na- turellement à celle-ci. Si le régule Le plus redouté perd abfolument toute propriété délétère par fon alliage, par fon état régulin, par fa divifion per minima , le cuivre, le bifmuth, dont il eft évident que les Ouvriers A abufer, & dont les proportions dans l’alliage de l’étain ne pañlent pas pour le premier le 20°, & pour le bifmuth le 200°, jouiflenc au moins de la même innocuité qu'ils ont dans la vaiffelle d'argent au titre de Paris, & autres alliages. Mais en eft - il de même pour ces étains dans lefquels il entre depuis un dixième jufqu’à un quart de plomb ? MM. Bayen & Charlard ont trop fouvent vu les étains , alliés de plomb, former du fel de Saturne avec l'acide de vinaigre ; ils font trop convaincus & du danger de ce métal perfide, & de l’abus qu'en peuvent faire les Potiers, pour héfiter à le charger feul de tous les dangers dont pour- roient être fufceptibles les étains alliés de plomb, pour ne pas infifter fur la néceflité d’une réforme à ce fujet, & pour ne pas rappeller, à ceux qui s'y intéreffent , les moyens de découvrir avec précilion les proportions de plomb , moyens qu'ils ont détaillés dans la troifième fection de leurs Re- cherches. L’étain ouvré eft donc fans danger, tant qu’il n’eft allié qu'aux métaux permis par la Loi. L'abus & l'abondance d'un métal pernicieux , qui n'eft que toléré, eft donc la feule caufe funefte à redouter ; il le faut donc profcrire. Les obfervations fur les étamages du fer & du cuivre forment une qua- trième queftion. L’étain qui recouvre les métaux, ou ce qu'on appelle étamage , fufit-il pour garantir ces métaux de tout danger dans l'ufage économique ? Il y a deux manières de recouvrir les métaux avec l’étain : l’une , qui confifle à étendre fur le métal préparé & forgé de l’étain fondu qui s'y attache, & forme une efpèce de vernis; c'eft ainfi que, depuis bien des fiècles , s’'érament le fer & le cuivre ouvragés. MM. Bayen & Charlard obfervent que vingt-trois grains d’étain fufhfent pour étamer une caflerole de cuivre de neuf pouces de diamètre, & que cette couche, quelque 458 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, mince qu'elle foit, fufit pour empêcher la réaction des fluides fur le métal qu'elle recouvre : qu'elle ne s'ufe que par le frottement, & que devant être faite avec de l’étain pur , fa préfence jouit toujours des avan- tages reconnus dans les étains en général, fur-tout fi on oblige les Etameurs à ne fe fervir que d’étain des Indes. Ici ils font mention d'un projet d'étamage propofé par un Négociant qui cultivoit à Rouen la Chymie , fous le point de vue d’en tirer parti pour fes Fabriques, Il a configné, dans le Journal de Phyfique, un Mé- moire qui contient , avec quelques erreurs , d’aflez bonnes obfervations fur V'étain. C’eft Le zinc ; & la fubftitution de ce demi-métal aigre n’a pas réuffi dans l'efprit du Public, meilleur Juge (obfervent nos Chymiftes) qu'on a coutume de Le préfumer. La feconde méthode d’étamer eft connue fous le nom de fabrique de fer-blanc , fur laquelle MM.Bayen & Charlard font quelques obfervations , dont la plus remarquable eft qu’ils croient la tôle pénétrée, attendu fon peu d’épaifleur, par l'étain fondu, dans lequel on la plonge après l'avoir décapée & préparée à cette immerfion par un procédé qui nous donne oc- cafon de redire, avec nos Chymiftes , que les Arts exigent des pratiques où néceffairement on emploie des fubftances dont le nom feul pourroit alarmer , & que par conféquent il eft prudent de ne pas divulguer, puif- que, comme le ere nos Auteurs , dans l'objet qui a le plus fixé leur attention , ces fubftances ne portent avec elles aucun danger dans leur alliage avec l'étain. Dans tout Le cours de ces dernières obfervations, nos Chymiftes montrent les avantages tant de l’étamage du cuivre, que de la Ferblanterie, pour la sûreté, la propreté & la légèreté des uftenfiles qu'on en fabrique. Nous ne pouvons affez donner aux jeunes Chymiftes, pour modèle de conduite dans leurs recherches, la patience, la fagacité, l’honnête mo- deltie de nos deux Chymiftes, repréfentant le Collége de Pharmacie dans une fonction aufli honorable que celle de répondre à la confiance du Gou- vernement. Nous rendons avec empreflement ce témoignage public de l'eftime qu'ils ont méritée autant par leurs qualités perfonnelles que par eur talent, . Qu'il nous foit permis, avant de terminer ce Rapport, de- faire des vœux pour quela mème attention du Miniftère fe porte fur la poterie de terre, dont le vernis, fait avec le plomb, n’eft pas exempt d'érofon. Le Collége faifira cette nouvelle occafon de lui prouver fa gratitude, en fe rendant de plus en plus digne de fa confiance. Nous eftimons que les Recherches fur l’Etain répondent à la queftion propofée, en prouvant qu'il y a de l’étain pur; que celui dans lequel on trouve du régule d'arfénic, en tient un atome à peine perceptible ; que les étains alliés en contiennent encore moins; qu'il eft poñlible de ramener SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4$9 ramener tous les étains à leur première pureté , & , ce qui eft bien avan- tageux, de découvrir tant les métaux auxquels on l'auroit allié, que leurs proportions ; enfin, & c’eft La vérité la plus confolante pour le Gouver- nement & les Citoyens, qu'aucun de ces étains purs, viciés par le régule du mundick, ou alliés légitimement, ne porte dans l'ufage économique aucune atteinte à la fanté, & encore moins à la vie. Nous eftimons en conféquence que les Recherches fur l'étain , faites par MM. Bayen & Charlard , méritent d’être adoptées par le Collége de Phar- macie, & préfentées, en fon nom, par les Prévôts & Députés du Collége, comme contenant la réponfe à la queftion propalée : L'étain ef?- il ou non dangereux dans l'économie animale ? Fait , à Paris, ce 2 Mars 1781. LrEGE, MiTOUART , DE MAcuy. 0 SP Vo ES en à See Dune CSS 27 AS EE SULTEMDES,D ÉCOUFPER TE S DE M MARAT, SUR L'ÉLEcTRICITÉ (1). J E me fuis engagé, Monfieur, à rendre raifon des phénomènes étrangers dont j'ai déjà fait l'expolé; je vais dégager mapatole, mais d’après la théorie de M. Marat. Vous favez que c’eft par l'analyfe feule que l'on par- vient à développer les caufes des effets compliqués ; l’Auteur a employé cette méthode pour éclaircir les phénomènes dont il s’agit. Or, à l’aide d'une fuite d'expériences , qui fe prêtent un jour mutuel, il a réufli à ramener ces phénomènes à quelques principes fimples, & à en faire difparoître le mer- veilleux. IL entre en matière. Tant qu'on préfente latéralementun corps quelconque à [a pointe ( d'une aiguille) o Role au conducteur, elle paroît conftamment repouffée. « Mais. » lorfque de part & d'autre on abaïfle perpendiculairement ce corps près » de cette partie, elle eft attirée à l'inftant ». L'expérience réuflit d'autant mieux, que ce corps eft abaïflé plus près du pivot. La force attractive exerce donc réellement fon action dans l’efpace entier circonfcrit par le cercle où l'aiguille fe meut. « Cependant la partie antérieure de l'aiguille » continue À fuir, lorfque, de part & d’autre, on abaifle perpendiculais >» rement un corps fort près de la pointe ou au-delà ; lors même que ce »# corps & la perfonne qui le tient font de l’autre côté du conducteur », (1) Voyez Journal d’Avril, 1781, p. 320. Tome XVII, Part. L.1781. JUIN. Mm m 460, OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Ce phénomène ne dépend donc pas de l'attraction de la partie poftérieure de l'aiguille par ce corps ou la perfonne qui le tient. Il ne dépend pas: non plus de ce que l'extrémité de l'aiguille & le bout du corps qu'on lui préfence fe trouvent l’un & l'autre dans l’atmofphère éleétrique du conduc- teur , puifque cette atmofphère a des bornes déterminées, & que ce phéno- mène a lieu à différentes diftances. À quoi donc l’attribuer ? au fluide que la pointe de l'aiguille attire , & dont elle eft environnée; car elle ne fauroit tout l’abforber à mefure qu'il aflue. Or ce fluide fait au fommer de cette pointe une atmofphère en forme de fer de lance ; & comme il a un courant, dès que fon cours eft oëné, il porte fon action fur les corps qui le refferrent: mais elle n’eft fenfible que dans celui qui l'environne , fi celui qu’on lui préfente eft trop réfiftant. Ce fluide, qui aflue à la pointe, s'écoule en partie le long de l'aiguille; & comme le corps de l'aiguille lui fournit, pour s'écouler , un plus grand canal, il forme autour d'elle une beaucoup plus petite atmofphère. « Ainfi, quand on fait glifler le long de la partie antérieure » de l'aiguille le corps qui l'a attirée , elle y adhère jufqu'à ce qu'il foit > amené fort proche du fommet : alors elle s’en éloigne tout-à-coup ». La portion la plus denfe de cette atmofphère fe diftingue à œil nud , lorfqu’on examine à l'obfcurité la pointe de Paiguille fort rapprochée du conducteur. Quant à fa portion qui échappe à la vue , «elle eft beaucoup plus étendue; car la pointe fuit à une diftance d'autant moins confidérable , que ce corps eft plus petit. Pourfuivons. « Quand on adapte au conducteur un cerps métallique pointu , le uide > accumulé s’en échappe fous la forme d’une aigrette; &, loin que ce > corps repoufle fa pointe de l'aiguille , il l'attire toujours : alors fi, de » part & d'autre de la pointe, on préfente latéralement ou perpendicu- 5 laitement un corps quelconque, elle fera attirée à l'inftant ». Pourquoi cela ? parce que le fluide, pouflé dans l'air ambiant en plufeurs jets par le corps pointu dont le conduéteur eft armé, n’eft plus attiré par la pointe de l'aiguille qu’en petite quantité : il n'eft donc plus affez abondant pour former autour d'elle une atmofphère capable Lempécher la force at- tractive d'agir fenfiblement entre la pointe de l'aiguille & les corps qu’on en approche, malgré que la quantité proportionnelle du fluide contenu dans ces corps, diffère affez peu. La répulfion apparente eft donc pro- duite par la forme que prend autour de l’aiguille le fuide électrique qui y afflue. Je termine ici cet article, peut-être déjà trop long; car je n’aurois ja- mais fini, MONstEUR , fi je voulois alléguer , à l'appui de cette aflertion , toutes les expériences analogues que j'ai vues chez l’Auteur. Les phé- FREE qui paroiflent les plus oppofés à fa théorie fervent donc à étayer. SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 461 C'eft fur-tout dans les points fondamentaux que cette théorie differe de celle de tous ceux qui ont écrit fur le même fujet. On croit généralement, d’après un Phyficien célèbre, que le verre eft imperméable au fluide électrique. Le contraire eft à préfent démontré; & c'eit à l'aide d'un nouvel inftrument, que M. Marat eft parvenu à établir cette vérité nouvelle, Cet inftrument eft fait d’un gros matras de verre commun fort épais, à long col & à fond plat, doublé d’une feuille étain. À travers un bouchon , coulé dans le col jufqu’à deux pouces du ventre, pafle un fil d'archal , terminé en pointes ; de ces pointes, l’interne eft oppolée au centre du fond à un pouce de diftance ; l’externe , faillante de quelques doigts hors du col, eft luttée avec du maitic; enfin le cof du matras traverfe obliquement ( fond en bas ) un vafe métallique rempli d'eau faturée de fel marin , & y eft maftiqué avec un foin extrême. Vous concevez, Monfieur , que c’eft la pointe renfermée dans le matras qui doit donner des marques d'électricité, fi le Auide éle@rique pénètre le verre. Mais fi vous obfervez comment la conftruétion de cet inftrument eft raifonnée , vous y remarquerez cette fage économie, qui n'emploie qu'à propos les reffources d'une imagination féconde. Le matras eft applati par le fond ; afin qu'en préfentant au conduéteur une large furface, il n'en tire le Auide que lorfqu'il eft à une très-petite diftance, Ce fond eft garni d'une feuille d’étain , afin que l’efpèce de foleil radieux, formé par Le jet électrique lorfque le matras & le conducteur font prefqu'en contact, n'empêche pas d'obferver les phénomènes qu'offre la pointe renfermée dans Le verre, Le vafe que le col traverfe eft rempli d'eau, afin que le Auide du conduéteur, qui fe répand fur la partie antérieure du matras, foit rendu au plancher avant de pouvoir fe répandre fur la partie poftérieure. L'eau qui remplit le vafe eft faturée de fel marin, afin de mieux abforber le fluide qui afflue au fond du matras. Enfin, le boutfaillant du fil d’archal, introduit dans le matras , s'élève en l'air, afin que, placé hors de la fphère d'attraction des corps am- bians, on fache à quelle caufe rapporter Les phénomènes que l’autre bout préfente. : Voilà, Monfeur, l'analyfe de cet ingénieux inftrument ; voici fes effets. « Le vale étant pofé fur un guéridon de manière que le centre » du fond du matras foit à fix pouces du bout du conducteur, fi on obferve. » la pointe interne du fil d’archal , on n'y appercevra aucune lueur : mais on » commence bientôt à y appercevoir un point lumineux , en approchant du » conducteur le vafe. » Ce point eft très-marqué lorfque le fond du matras n'eft éloigné que » de huit lignes : alors aufli on voit paroître une petite aigrette à la pointe »externe du fil d'archal ». Or, ce fil ne recevant pas un feul globule du Auide qui s'écoule à la furface externe du matras , le point lumineux &e Tome XVII, Part. 1, 1781. JUIN. Mmm 2 462 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'aigrette, qui paroïflent à fes extrémités, font néceffairement produits par le fluide qu'il attire du conducteur à travers l'épaiffeur du verre in- terpofé : le verre n’eft donc pas imperméable. Cette expérience eft directe & décilive. Voyez, MowstEUR, avec quel art l’Auteur fait toujours forcer la Nature à lui révéler fes fecrets. Pour continuer à vous donner une idée des découvertes électriques de M. Marar, il faut continuer à vous donner la defcription des inftrumens qu'il a imaginés pour les faire. Je procède à celle d'un nouvel électromètre, dont les effets font auffi finguliers qu'importans, Cet éleétromètre eft fait d'un petit vafe de verre blanc, doublé d’une feuille d'étain aux deux fur- faces jufqu'à trois lignes du collet, & bouché avec du liége, recouvert de cire. Au milieu du bouchon pafle un crochet dont l'extrémité infé- - sieure communique ayec la doublure interne , & l'extrémité fupérieure fe termine en bouton. Ce vafe fe pofe fur un piédeftal en bois doublé d’étain. De ce pied & le long du vafe s'élève un tuyau de laiton où coule une tige graduée , léoèrement recourbée, & termirée par un bouton qui correfpond à celui du crochet, sen approche à volonté , fe fixe à l'aide d’une vis de preflion, Dès que le crochet eft en contaét avec le conducteur, le vafe fe charge conftamment au même point par un même nombre de tours de roue; puis il fe décharge de fui-même en plein air plus ou moins vite, à raifon de la diftance où font les boutons lun de l'autre. Ainfi, marquant à Voreille le réfultat de chaque expérience, il devient une efpèce de répé- tition éleétrique. Cet inftrument ne forme pas feulement l'électremètre le plus fimple, le plus exact, le plus propre à comparer la force de diffé- rentes machines électriques placées dans un même lieu; mais il devient l'éleétromètre le plus commode imaginable : car pour être en expérience, il n'a befoin que d’être fucceflivement mis en contact avec les différens conducteurs , & il n’exige pas que l'obfervateur foit dans l’'inaétion. On conçoit bien que cet inftrument eft de mème très-propre à déter- miner les remps & les climats les plus favorables à l'électricité; mais fon utilité ne fe borne pas-là. En adaptant au crochet des pointes plus ou moins aiguës , il fert à mefurer avec précifion leur fphère d'activité; en changeant la groffeur & la diftance de fes boutons, il fert aufli à déter- miner l'action de l'air fur le fluide éleétrique ; en comparant la diftance de fes boutons à la hauteur du mercure dans le tube de Torricelli, il fert encore à déterminer la quantité de ce fluide dans les différentes régions de l’atmofphère ; enfin en variant la forme de fes boutons, il fert à de. miner la preflion de l'air fur notre Auide , accumulé dans des corps de di- menfions données. À la defcription de cet inftrument doit fuccéder l’expofition des princi- pales vérités qu’il fert à établir. Puifqu'il déconne toujours à une diftance d'autant plus grande, qu'il SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 463 eft armé de plus petits boutons , il eft hors de doute que c’eft par la preffion de l'air ambiant que le fluide électrique eft retenu fur les corps où il s'accumule, Pour pañler en mafle d'un corps à un autre, il doit donc déplacer la colonne d’air interpofée; & plus cette colonne eft confidé- table, moins il la déplace aifément. De ce principe, fi fimple, découle clairement toute la théorie des pointes, encore fi obfcure pour ies Phyfi- ciens. Ce n’eft pas tout; moins l'air ambiant a de denfité, moins il s'oppofe au paflage sp fluide éleétrique. Parvenu à certain degré de raréfaction, il ar même de sy oppofer fenfiblement : d’où il fuit que ce n’eft qu'en vertu de la preflion de l'air que la bouteille de Leyde x PRE Ain les phénomènes de la détonnation ne doivent pointaveir lieu dans les couches fupérieures de l’atmofphère; &, d’après les expériences de l'Auteur , il eft conftant que la bouteille ne fauroit fe charger ni détonner fur le fom- met des plus hautes montagnes. On voit, du premier coup-d'œil, le grand jour que ce petit nombre de principes doit répandre fur la théorie des météores fulminass , théorie dont M. Marat fe propofe d'enrichir bientôt la phyfique. Parmi les inftrumens électriques qu'il a inventés, eft un excitateur ou tranfmetteur , approprié aux folides pulvérifés, aux liquides & aux va- peurs. Fait d’un tube de verre, long de dix jeu fur quatre lignes d'ouverture, il eft à chaque bout garni d’une douille en cuivre, armée d'un crochet terminé en boule. À l'une des douilles, eft adapté un petit tuyau pour introduire les Monte & ces crochets, fe montant à vis, chan- gent de polition füuivant Le befoin. Conftruit de la forte, Dee s’emplir & fe ne avec une facilité extrème : mais il importe que les douilles foienc maftiquées à eur du tube, & que leur fond foit enduit de cire molle , afin d'obvier au fuintement des liquides. C’eft à l’aide de ce tranfmetteur, que M. Marat eft parvenu non-feule- ment à faire la table des liquides conducteurs & des liquides non con- ducteurs, mais à découvrir la différence des phénomènes qui accompa- nent la détonnation de la bouteille de Leyde, déchargée par l’intermède ia ces différens liquides. Dans la claffe des conducteurs font l'eau, Le lait, le vin, le vinaigre , l’eau-de-vie, l'efprit-de-vin, l’éther, le vinaigre de Saturne, l'eau gommée, l'huile de tartre par défaillance, l'acide ni- treux, le mercure, l'acide vitriolique, l’eau faturée de fel commun, l'acide marin , &c. Dans la claffe des non - conduéteurs font toutes les huiles végétales par expreflion, les huiles animales, l'huile éthérée de térébenthine , les baumes végétaux , &c. Ti, Monsreur, les différens liquides font claffés fuivant les degrés d’aptitude qu’ils ont à conduire ou à ne pas conduire l'électricité , mais en commençant l'échelle par les nuances les plus foibles. 454 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Parmi les liquides conduéteurs , le mercure , l'acide vitriolique ; l’eau faturée de fel commun, l’acide matin , conduifent à la manière des mé- taux; l'étincelle qu'ils tirent eft blanche , mais beaucoup moins confidé- sable, & le bruit qui l'accompagne beaucoup moins fort. A l'écard des autres , on obferve cette fingularité frappante ; que l’étincelle qu'ils tirent de la bouteille chargée à l'excès , au lieu d'être forte & brillante, eft très- etite & d’un rouge obfcur bordé de bleu. Cette étincelle eft accompagnéé d'un petit bruit fourd , mais fi petit & fi fourd, qu'on a peine à croire que la bouteille ait détonné. Enfin cette étincelle ne part pas d’auñfi loin, & jamais elle ne fuit pour décharger entièrement la bouteille, Au refte, on n'apperçoit aucune lueur dans le tube, & la main qui le tient n'éprouve aucune fenfation, à moins que, trop près de la douille fupérieure , elle #'attire le fluide du crochet : alors l’impreflion que les doists éprouvent eft femblable à celle que produiroit un coup de maïlue. La différence des corps conducteurs & non-conduéteurs a frappé tous les Phyficiens : mais peu fe font appliqués à en rechercher la caufe. Je n’entrerai point ici, Monfeur, dans l'examen du petit nombre de fyftèmes imaginés pour en rendre raifon ; je me borneraï , fut cet ar- ticle , à dire un mot de la théorie de l'Aureur. M. Marat attribue La dif- férence de ces corps à un tiffu plus ou moins propre à donner ou à re- fufer paflage au fluide électrique. La preuve qu'il donne de cette affer-- tion, c'eft que tel corps conduéteur ne cefle pas de l'être par fa combi- naifon avec tel autre corps non-conduéteur , comme le vinaigre avec la litharge ; tandis que tel cerps conduéteur le devient beaucoup plus par fa combinaifon avec tel autre corps non-conduéteur , comme l'eau avec le fel marin: c’eft que deux corps conducteurs ceffent de l'être en fe com- Binant avec un troifième qui n'eft pas conduéteur, comme l'eau , le phlo- giftique & le principe falin dans les huiles grafles; tandis que ces mêmes matières le deviennent davantage , combinées en différentes proportions, comme l'eau, le phlogiftique & le principe falin dans l'huile de vitriol. Je voudrois, Monfieur, vous donner ici la théorie entière de l'Auteur fur le méchanifme de la bouteille de Leyde ; mais les bornes de votre Journal me fercent de me reftreindre à un point particulier abfolument neuf, d'après lequel il ne fera pas difficile de déduire tous les autres. Il n’eft point d'Ecolier , en Phyfique, qui ne fache que l'effet caracté- riftique de cette fingulière bouteille eft la commotion, effet toujours ré- fultant de l'action d'une certaine quantité de fluide électrique ,qui pañle brufquement de la furface où il elt accumulé à la furface d’où il a été tiré, lorfqu'on électrife la bouteille fans être ifolée. Il eft certain qu'il y a une communication intime entre ces deux fur- faces ; c’eft par l’action de l’une fur l'autre que la bouteille fe charge or- dinairement , & c’eft par l’action de l’une fur l’autre qu’elle fe décharge toujours, Cette communication n'eft pourtant pas effentielle ; car elle a SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 46$ lieu entre les fisrfaces oppofées ou refpeétives de deux vafes féparés , comme l'Auteur l'a prouvé par l'expérience qui fuit. « Il prend deux jarres » de verre mince d'inégale grandeur , & doublées chacune d'un feul côté, » l'une en dedans , l'autre en dehors. Il place la première au milieu de » la dernière fur un petit difque de cire épais de trois lignes ; il pofe » celle-ci fur la table : entre la doublure de celle-là & le conducteur , il » établit une communication ». Puis on tourne la roue, & kes deux jarres s'éleétrilent d’une manière oppolée ; car après avoir appliqué une main à la doublure externe , fi de l'autre main on touche à la doublure interte, on recevra une violente commotion. Jufqu'ici, Monfieur , jai moins cherché à faire l’analyfe de la nouvelle théorie de M. Marat, qu'à donner un précis de fes découvertes. En les confignant dans votre Journal, mon but n’a été que de fournir de nou- veaux faits aux Phyficiens qui travaillent fur cette branche de la Phyfique, d'étendre & de fimplifier leurs vues, de profcrire les opinions erronées, & de renfermer la Science dans les bornes du vrai. Je connois trop la façon de penfer de l'Auteur pour craindre qu'il défavoue l’ufage que je fais ici du fruit de fon travail : il femble d’ailleurs m'y avoir autorifé, en communiquant , fans réferve, fes découvertes aux Phyficiens dont elles ont excité l'admiration, & c’eft toujours entrer dans fes vues, que de travailler à étendre la fphère de nos connoïffances. Au refte, l’Auteur ne tardera pas long-temps à donner lui-même au Public fes découvertes en ce genre, {ous le titre de Recherches phyfiques fur l'Eleflricité, Paris, le $ Janyier 1781. Sur ia Plantation & Récolte des Orties , ainfi que far leur * grande utilité pour nourrir les Befftiaux , par le double ufage de les preferver des Maladies & de fuppléer au manque de Fourrage. TARVA MD UT TD D S'U'É DOS (Cr). © Sur la Plantation des Orties. | EST à la fin du mois d'Août qu'on ramafle les graines des orties piquantes, de la manière fuivante. Les orties étant coupées, on les fait (x) C’eft aux bontés & au zèle infatigable autant qu'éclairé pour le bien public, de M. le Comte de Scheffer , Premier Miniftre de Sa Majelté le Roi de Suède, qu'on 466 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fécher, & la graine, Fe reflemble à celle de navet, plus petite que celle de myrtham , tombe d’elle-même, Il n'eft pas néceffaire d’en féparer les ordures, qui, avec elle, tombent des épis. Tout le mois de Septembre eft propre pour la femer. À la fin de ce même mois, ainfi que pendant tout Le mois d'Oétobre , on peut prendre la racine des orties, & les planter après les avoir féparées & avoir coupé un bout de la racine & en avoir coupé la tige à la diftance d’un pouce au deffus de la racine. On les plante enfuite très-ferrées par rangées à la même profondeur où elles étoient en les Otant de la terre. On les couvre enfuite avec de la terre, qui doit être bien battue , pour que les racines fe trouvent perpendiculaires. IL re- vient au même de femer la graine des orties ou d'en planter la racine, pour l'utilité qu'on en tire. La différence qu'il y a, c'eft que Les orties, produites par la graine, ne doivent pas être récoltées immédiatement après qu'elles ont été femées, au lieu que les orties provenues par la plan- tation des racines, font déjà fort bonnes l’année d'après. ca autre graine ou racine d’orties que de la piquante , ne font d'aucune utilité, n'ayant point de confiftance, Elles meurent au bout de deux à trois ans, tandis que la racine de l'ortie piquante une fois fixée, poufle toujours , fans qu'on foit obligé d'en renouveller ni la racine ni la graine. Terrein propre à la femence 6: à la plantation des Orties. Les orties pouflent également dans toute forte de terre dont l'expofi- fition eft un peu élevée ; elles réufliffent fur-tout dans des roches & des pierres ex fÉes à la chaleur du foleil. Il feroit trop difpendieux de faire voiturer ne terres dans ces endroits - là. Pour en éviter tant la dépenfe que la peine, il fuit, pour favorifer cette plante, de mettre une autre terre mêlée avec des balayures dans l'endroit deftiné pour cette produc- tion. Cette terre & balayures doivent être étendues à deux pouces d’é- paiffeur, fans qu'il foit néceflaire de labourer la terre fur laquelle on veut les étendre. Arrangée de cette manière , cette nouvelle terre eft telle qu'elle doit être, & l'on procède à la femence ou à la plantation de la manière que l'on vient de dire, Engrais pour la plantation des Orties. Par-tout où fe trouvent des orties , il eft prouvé Le celles qui tom. bent d’elles-mêmes fans qu’on les récolte , font non = feulement fufifantes eft redevable de ce Mémoire. Sür la demande de M. le Baron de Servières , il le lui a faitenvoyer par M. Riftel, Bibliothécaire de S. M. Suédoife. M. de Servières n'ayant pe l'avantage de pofléder le Suédois , s’eft adreffé à M. Genet fon ami, Chef du ureau des Interprètes , qui a eu la complaifance de le faire traduire fous fes yeux. La publication de ce Mémoire ne pouvant qu'être utile, M. de Servières croit devoir le faire inférer dans divers Ouvrages périodiques. pour SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 46m pour en entretenir la production dans l'endroit, mais qu'elles fervent en- core d'engrais pour le terrein. Mais en faifant annuellement trois fois récolte des orties, il devient indifpenfable d'en engraifler la terre. De faire tranfporter le fumier deftiné à la culture à l'endroit où l'on veut avoir des orties, ce feroit le plus mauvais principe d’économi: que l'on pût adopter. Pour le prévenir, on s’eft occupé des moyens de fe pro- curer du bon fumier ; qui eft abfolument néceflaire à la plantation des orties. On peut, pour ceteffer, employer les petires branches d'aune, que lon fait couper dans l’aurtomne avant que les feuilles en foienttombées ; on en couvre la terre déjà enfemencée de la graine d’ortie ou plantée de ces racines à l'épaifleur d'un demi-pied. Ces jeunes branches, avec le feuillage qu'on y laïffe pourrir , font de la même utilité que le fumier. Au défaut d'aune, on peut fe fervir de jeunes branches avec les feuilles de tout autre arbre, ainfi que de celles du pin & du fapin, qui doivent être hachées. On peut encore fe fervir de la paille vieille. L'endroit enfemencé ou planté de la graine & de la racine d’orties, doit, tous les trois ou quatre ans, étre recouvert de jeunes branches & du feuillage de l’aune, & dans l'intervalle , des branches & du feuillage d’autres arbres à feuilles, ainfi que de petites branches du genièvre , du fapin & du pin ou de la vieille paille. Tout étant ainf difpofé, les orties profitent beaucoup , & tout autre engrais eft inutile. Recolte des Orties. Les orties , produites par la graine femée, ne doivent être recueillies que la feconde année après celle de la femence. Celles provenues par la plantation des racines peuvent être recueillies l'année d'après, & à trois fois; c'eft-à-dire , la première récolte doit fe faire vers le 1$ Juin, la feconde vers Le 15 Juillet, & la troifième, qui eft la dernière de l’année, vers le 15 Août. On peut enfuite, tous les ans , recueillir les orties pro- duites des deux manières, en obfervant ces trois époques pour leur récolte. Celles qui fe font produites d’elles-mêmes peuvent être recueillies de même. La manière de diffribuer les Orties aux Befliaux. Les orties étant récoltées dela manière fufdite, Les beftiaux en ee avec plus de plaifir, fi on en mêle avec de la paille en place de foin. On peut encore , pour les rendre appétiffantes , employer unautre moyen, qui eft de mettre les orties , la veille, dans de l'eau chaude, & de les y laifler pendant la nuit, & faire boire le lendemain aux beftiaux certe eau à laquelle les orties donnent un goût qui leur eft fort agréable. Avec cette eau, on leur donne auf Les orties qui y ont été trempées pendant Tome XVII, Parc. 1,1781. JUIN. Nna 468 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la nuit. Les orties, récoltées de la manière & au tempsprefcrits, fone mangées avec le même plailir par tous les beftiaux indiftinétement. L'avantage qu'on a de nourrir les Befliaux d'Orties. Les vaches à qui on donne des orties à manger en fufhfance, donnent abondamment du lait, une bonne érême. Le beurre, qui en reçoit un goût fort agréable , eft en hiver aufli jaune qu’en été. Le bétail qui mange des orties fe porte on ne peut pas mieux, & engraifle ; il eft par-là non-feulement exempt de toutes fortes d’épizooties , mais encore à l'abri d'en être attaqué. Objections réfutées contre l'ufage des Orties pour la nourriture des Beffiaux. Nous ne nous diflimulons pas que les orties font préjudiciables aux beftiaux , fi on leur donne de celles qui ne font recucillies qu'au mois de Septembre , étant alors trop dures & couvertes d’infectes & de toiles d'araignées. Il en eft de même de tous les autres végétaux que l’on laiffe trop long-temps fux leur racine avant de les recueillir. Les beftiaux ne veulent pas en manger, ils s’en dégoûtent ; au lieu que les ayant coupés dans les temps ci-deflus prefcrits , ‘ils en mangent avidement, & s’en portent mieux. On foutient encore que les orties étant une plante médi- cinale purgative , font trop couler les humeurs, au moyen de quoi elles maigriflent les beftiaux, & leur deviennent préjudiciables. Il eft cepen- dant démontré, par l'expérience , que les orties, dans certaines Provinces de Suède , ont été employées depuis des fiècles avec Le plus grand fuccès pour la nourriture des beftiaux , & que ceux qui en ont été nourris n'ont jamais été atteints d'aucune des maladies qui ailleurs font fi communes, & qui font de terribles ravages parmi les bêtes à corne dans d’autres Pro- vinces du Royaume. I réfulte pour le Royaume un avantage confidérable & vifible de la culture des orties. Les preuves que nous allons donner , convaincront de la vérité de cette affertion. 1°. Tout terrein montagneux & rempli de pierres peut être employé à la culture des orties, qui, par la fuite des temps , procurera au Pays, en abondance, un excellent fourrage aux beftiaux. 2°, Ce terrein, d’après les preuves qu'on a faites, donnera dix-huit chariots de fourrage par cha- que arpent. 3°. Cette plante réfifte contre la rigueur & les intempéries du climat du nord; & une fois plantée ou femée, elle pouffe fans qu’on ait befoin d’en renouveller la racine. 4°. IL n'arrive jamais de faire une mauvaife récolte d’orties, pourvu que l’on ait foin que les beftiaux n'en gâtent pas le terrein en y marchant, ce qui nuiroit à La racine. 5°. Le SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 469 tetrein ne doit avoir pour engrais d'autre fumier que celui qui n'eft pas néceffaire pour l'agriculture, & qui, pour cette raifon, eft à préférer à tous les projets donnés pour l’amélioration des prés & à la femence de tous les grains étrangers pour l'augmentation du foin. 6°. L’ufage des orties préferve contre l'épizootie, & empêche qu'aucune maladie ne puifle sintroduire dans les troupeaux. Fondés fur ces principes , une grande partie des Habitans de beaucoup de Provinces en Suède ont adopté l'ufage des orties pour la nourriture des beftiaux , quoique la plu- part aient le préjugé , qui efttrès-nuifible , de regarder cette plante comme mauvaife herbe. L'utilité qui réfulte des orties étant ainfi démontrée, il n'y a point d’Agriculteur ou Habitant de Campagne, ce me femble, qui ne doive donner fes foins à la production de cette plante, qui non- feulement ne coûte aucun embarras, mais qui eft encore moins difpen- dieufe que toute autre herbe quelconque, Li étrangère où native du Pays, & dont on tire un profit aulli confidérable. Le meilleur foin ne vaut pas Les orties pour la nourriture des beftiaux. On fuppléera par - là au manque de fourrage auquel on n’a pas encore pu remédier. Puif- qu'il eft facile de fe procurer cette nouvelle reffource, ce fera donc à tort que l’on fe plaindra maintenant du manque de fourrage; & ce préfervatif certain contre les maladies des beftiaux , eft un nouveau bienfait de la Pro- vidence. P.S. Pluñeurs Particuliers, en différens cantons, ont effayé ce nouveaw genre de culture , & les fuccès les plus heureux ont couronné leurs tentatives. À DFE DADRI Pafrd DIN à NO D De M.DELAS , Prêtre de l'Oratoire, Profeffeur de Phyfique à Arras, à M. PILATRE DE ROZIER, fur quelques Experiences éleétriques, & fur l'origine du Tonnerre. von moins en vue, dans la lettré que j'ai eu l'honneur de vous écrire ; | Monfieur, de vous demander des éclairciflemens au fujet de l'expérience qui fert de démonitration à vos réflexions fur lacaufe du tonnerre (1), que de vous témoigner tout le plaifir que j'ai reffenti en lifant ces mêmes réflexions : mais puifque vous voulez prendre la peine de me détailler ce qui mya a paru expofé un peu trop fuccinétement, je vais, pour ufer du droit — (x) Journal de Phyfique, Tom. XVI, p. 301. Tome XVII, Part.I1,1781. JUIN, Nan 2 r 470 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que vous me donnez, vous rappeller ce. que je vous ai déjà marqué. I y a deux ans, Monfieur, que, dans un petit difcours de Collége , je conjeéturai ce que vous venez de démontrer ; & ma conjeéture , iétayée de quelques preuves, de quelques expériences feulement indiquées, eut le bonheur de paroître vraifemblable aux perfonnes inftruires sr lef . quelles jeus l'honneur de parler. Plus hardi encore, j'ofai attribuer à la mème çcaufe l'éclair, la foudre, l'électricité, & les effets terribles. de la poudre à canon , de l'or & du mercure fulminant. Je vous prie , Monfieur, de se pas oublier que ce ne font-là que des conje@tures; car qui empèche de dire que la matière électrique ne differe point de l'air inflammable, & que celui-ci eft compofé de l'air & du feu principes ? Dans cette hypo- thèfe , il eft bien moins difficile que.dans toute autre d'expliquer pour- quoi un corps eft toujours électrique, quelque longue.que foit fon élec- trifation, puifque deux matières , très - abondantes dans chaque corps, concourent à la produire. Cette matière brüle, décrépite, produit une flamme plus où moins bleuâtre comme l'air inflammable, &-en général les propriétés de l’une font celles de l’autre. Ainf la vertu de confumer. les corps , que nous donnons au feu , n’appartiendroit qu’à la combinaifon de l'air & du feu élémens , & non à ce dernier feul; de même que l'acide vitriolique ne jouit point feul de la propriété de difloudre les métaux, mais qu'il a befoin d'être étendu dans l'eau; que l’'efprit- de-nitre doic être faturé de fel ammoniac, pour défunir les parties de l'or, &c. Mon imagination me fuggère une multitude d'expériences qui conftateroient infailliblement la vérité ou l'erreur de ma conje@ure , mais que le temps & l'impoffbilité où je fuis de me procurer des inftrumens convenables , m'empêchent de tenter. Il fe préfente encore à mon efprit une foule de raifons qui femblent fe liguer pour me fixer à mon hypothèfe ; mais je vous en fais grace, mon intention n'étant pas de vous ennuyer par mes rêves philofophiques. Je viens à votre découverte. Depuis mon difcours, j'ai eu occafion, Monfieur, de faire quelques expériences qui m'ont confirmé dans mes anciens doutes. En allumant la lampe philofophique de M. Volta , que je nomme ainfi, parce que mon Machiniftene me l’a fait connoîtreque fous cenom , le vaiffeau qui contenoit Tair inflammable, éclata avec une très-grande violence : un des fpeétateurs, moins heureux que les témoins. de votre expérience, fut bleflé au vifage, & moi je Le fus dans plufeurs endroits.deila main. D'abord, jene faifis pas la caufe de cette détonnation; mais après avoir réfléchi un peu, je me rappellai qu'elle avoit dû DRE lus le mélange de l’air-atmof phérique qui navoit pas manqué de s’introduire.dans le vafe, iparce que Javois été obligé de défaire l'appareil jufqu’à cinq fois. Cette.expériènce m'a convaincu, Monfieur, & de la véritable caufe du tonnerre, & du danger qu'il y a à répéter ces fortes d'expériences fans beaucoup de pré- cautions. J'aurois dû cependant en manquer moins qu'un autre , averti , SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 471 «comme je l'avois été, par la rupture d’un piftoler électrique de verre, que je réduifis dans ma main, en parties prefqu'aufli petites que celles d’une lame bavarique dont on a caflé la queue. Le coup fuc fi violent, qu'il cafla le fupport demon conduéteur , formé d’une bouteille de Leyde rem- plie de réhine, perça le conduéteur, qui eft un tuyau de fer- blanc & fit une brèche au plateau épais de plus une ligne. Après tant de rifques , veuillez, Monfieur, me dire ce que vous entendez par oppofer quarante pintes d'eau à une bouteille de phofphore volatil, & une pinte d'eau ré- duite,en vapeurs. Pour parvenir à votre réfultat, je pourrois bien, à l'exemple d'un Eccléfiaftique de ce canton , qui a perdu un œil, & aveuglé un paralytique qu'il vouloit électrifer , faire des expériences qui m'en éloi- “paroi en me mettant hors d'état de fuivre mes recherches. D'ailleurs, Monfieur, je crois cette expérience de nature à piquer les Phyfciens du defir de la répéter. Conféquemment , pour prévenir les rifques auxquels on:pourroit s'expofer par imprudence, j'ofe vous prier d'en publier les détails & les procédés Le le même Journal qui eft en pofleflion de votre précieufe Hécouverte. J'ai l'honneur d’être , &c. RÉPONSE De M. PILATRE DE RozIiERr, attaché au Service de MADAME, Profeffeur de Phyfique & de Chymie, de la Société d’'Émulation de Reims, &c. Monsieur, JE fuis enchanté que mes réflexions aient pu mériter votre attention, & qu'elles fe trouvent érayées des obfervations d’un Savant. Il y a plus de trois ans que je les ai confignées dans un Ouvrage aflez confidérable dédié à M. de Sonne , dont M. Sage fut nommé Cenfeur; mais des raifons particulières s’oppofant encore à l'impreflion de ce travail, je m'en tiens aux paraphes de mon Cenfeur, pour aflurer monantériorité fur lesex périences gen publiées depuis, puifque c’eft le feul aiguillon qui m'ait toujours con- uit dans cette carrière. 11 parut , il y a quelques mois, une Brochure fur le Feu central, qui me É autant de fatisfaétion que j'en éprouve aujourd'hui par la leéture e votre lettre, Monfieur , parce que l'Auteur ( dont la modeftie & le 472 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, mérite font bien au-deffus de nos éloges) appuie fa théorie du foleil fur des principes que j'ai établis fur le même Ouvrage; &, par une de ces circonftances heureufes qu'on ne rencontre que dans les Sciences phyfiques, nous avons quelquefois employé des mêmes expreflions : en forte qu'on pourroit foupçonner que nous nous fommes communiqué nos idées. Etant très-flatté de l'occafion que vous me procurez de correfpondre avec vous, je memprefle, Monfieur, de vous donner le détail de mes procédés, perfuadé qu’en fuivant ce travail , vous répandrez le plus grand jour fur une matière aufli intéreflante, qu’elle a paru abftraite jufqu'à préfenr. Pour oppofer quarante, cinquante à foixante pintes d’eau à une chopine d'air inflammable ou phofphore volatil, j'avois rempli d’eau commune un técipient de machine pneumatique ( contenant deux pintes), garni à fa partie fupérieure d’un robinet, tel que l’a décrit M. Sigaud de la Fond. J'ai introduit, par le trou de la planche qui eft à la furface de l’eau de la cuve hydro-pneumatique , une chopine d'air inflammable ou phofphore volatil. J'y fis également entrer, par le tuyau recourbé , de l’eau réduite en vapeurs par l'éolipile, qui, comme vous le favez, acquiert Fee toute l’élafticité de l'air; enfuite j'ai plongé doucement & perpendiculai- rement dans la cuve le récipient contenant les Auides aëriformes , après avoir ouvert le robinet. J'y préfentai une bougie, qui, en allymant le ARE phore volatil ou air inflammable, produifit à l’inftant cette violente explofion dont j'ai parlé. Comme ma cuve contient foixante pintes d’eau, il eft évident que n'ayant pas plongé mon récipient jufqu’au fond , il n’y a eu qu'environ quarante pintes d'eau plus la colonne d'air qui repofoit fur cette furface; mais, d'après les loix de l’'Hydroftatique, cette dernière ne doit être comptée pour rien, puifque la colonne d'air qui repofe fur la partie convexe du récipient, jointe à la réfiftance qu'oppofe le verre , font au moins égales. Voici encore une autre expérience & quelques faits quiappuient beau- coup ma nouvelle théorie. : Jettez trois à quatre pintes d’eau bouillante dansun pot ou jarre, dont les patois feront élevées, & qui contienne environ quinze à vingt pintes; mettez au fond de ce pot un bocal qui renferme environ deux poiflons d'air inflammable ou phofphore volatil, & un poiflon d'air atmofphéri- ue; couvrez ce dernier vaiffleau d’un papier Jofeph; traverfez un tube de verre d’une tige de métal garnie de DER » ajuftée de manière qu'en paflant à travers les vapeurs dont le pot éft rempli, elle jar conduire une étincelle électrique dans le petit vaifleau. J’oubliois de dire qu'il falloit mettre au fond de ce vaifleau un morceau de ce métal qui tireroit l’étincelle du conducteur : auffi le phofphore volatil ou air inflammable s'enflammera avec une détonnation proportionnée à la réfiftance , & des vapeurs iront à l'inftant'tapiffer l'intérieur du pot. L'illufion de l'éclair & du bruit fera très-fenfible, fi on l'obferve à quelques diftances de l'expérience, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 473 Les Anciens rapportent encore une infinité d’obfervations qui font bien en faveur de mon affertion; par exemple, Plutarque dit que le tonnerre ou la foudre eft beaucoup plus fréquent dans les endroits où le terrein cft fulfureux ou pyriteux ; que l'Egypte ni l'Ethiopie ne font point fujettes à la foudre : les Ethiopiens ne craignent point le tonnerre , ni les Habitans des Gaules Les tremblemens de terre ( 1 ). L'Italie, qui eft remplie de foufre, eft très- fujetre au tonnerre , aux volcans, aux tremblemens de terre ; C'eft par la même raifon qu’il tonne toute l'année à la Jamaïque. Il paroît que ces terribles événemens n’ont lieu que lorfque l'acide vi- triolique du foufre , principe des RE ntRe fon action fur le fer, & qu'il en dégage une prodigieufe quantité de ce phofphore volatil ou ais inflammable , lequel, en venant fe mêler à l'air atmofphérique , eft en- flammé par l'électricité répandue dans l'atmofphère. Ce qui donne beau- coup de vraifemblance à cette hypothèfe, c'eft que, dans tous les volcans, on diftingue très-bien que les explofons ne fe réitèrent qu'à mefure qu'il s'introduit de nouvelles portions d’air atmofphérique dans le cratère. Les volcans de Lefevre, de Lemery, en font une nouvelle preuve , puifqu'il faut étendre l'acide vitriolique d'eau pour qu'il attaque la limaille de fer. Mufchenbroeck dit qu'à Utrecht il tonne quinze fois par année l’une portant l’autre, & que l'été la foudre y eft bien plus fréquente que l'hi- ver, parce qu'il s'élève de la terre des exhalaifons en bien plus grande quantité. Cette différence ne doit être attribuée qu’à l'air inflammable ou phof- phore volatil , qui eft dégagé en beaucoup plus grande quantité en été. Vous favez, Monfieur, que la fraxinelle, le fainfoin & d’autres plantes, lors de leur fécondation, c’eftä-dire, au mois d'Août, donnent confidérable- ment d'émanations inflammables, puifqu'il fuffit d'approcher une bougie de ces plantes pour enflammer tout le parterre. - J'imagine que les globes de feu de Kirck en 1686, de Balbus à Bou- logne en 1719, de Montanali en 1679 , ne font que des amas d'air in- flammable ou phofphore volatil allumés par l'électricité ; au moins leur courte durée , jointe aux éclairs & au tonnerre qui fouvent les accompa- ne, fourniffent des préfomprions très fortes. Il me femble que la couleur Éucte de la flamme , fon odeur & l'extrême légèreté ces globes n'ont aucun rapport au foufre dont il prétend qu'ils font formés, Mufchenbroeck a auffi très- bien remarqué que quand les nuées font trop épaifles, on apperçoit difficilement l'éclair qui accompagne le tonnerre. Si l'éclair n’éroit dû qu'à l'électricité, comme elle fe diftribue égale- ment fur toutes les parties de la nuée, il paroït vraifemblable qu'on de- vroit lavoir auf brillant, à moins qu'elle ne foit accumulée qu'en petite quantité, Nous appercevons très-fouvent des éclairs fans tonnerre , fur-tout quand —_—_—_—_—_—_—_—_————————…—— — —— — ——— "— “Î {3) Traité des Superflisions , II, Chapitre, 474 OBSERVATIONS SUR LA PHPSIQUE, l'atmolphère eft fereine , oune contient que quelques nuages fur fon ho= rizon ; alors les éclairs fe fuccèdent fur une aflez longue chaine. Si Le ton= nerte n'eft que le réfultat de la tendance qu’a l'éleëtricité à fe mettre en équilibre, pourquoi ne produiroit-il pas alors de petites explofons ? Si on à mot que ces effets ne font dûs qu'aux portions d’air inflammable ou phafphore volatil allumées par l'électricité, on concevra facilement que fans nuage il ne peut pas y avoir de tonnerre, & que le coup foudroyant eft d'autant plus bruyant, que les nuages font plus épais. Maintenant, qui pourra affirmer que l'odeur que répand l'atmofphère dans un temps orageux, même avant qu'il ait ronné, approche davantage de celle de l’éleétricité que du phofphore volatil ou air inflammable, puif- que les Phyficiens ne font pas encore d'accord fur l'odeur de l'électricité ? Le P. Beccaria a obfervé que , dans l’inftant quele tonnerre a frappé, il laifle appercevoir fes traces à travers les plus gros nuages qui fe crèvent en différens endroits, par lefquels on découvre un ciel ferein ; au même inftant Les pluies redoublent fortement, & font fouvent accompagnées de grèle. Doit-on attribuer ces effets à l'électricité, qui fe communique dans les fluides fans les agiter , ou à l'air inflammable ou phofphore volatil, ui, par fon inflammation, écarte & repoufle avec violence tout ce qui l'environne?. Le même Phyficien avance qu’il eft impoñible que les nuages qui fone conducteurs de l'électricité, contiennent affez de ce fluide pour fuffire à cette vigoureufe explofion. Voilà, Monfieur, une partie des obfervations qui m'ont conduit à établir ma doétrine fur la caufe de la foudre. Je dois aufli rendre hommage aux favantes expériences de l’immortel Francklin, du Docteur Ingen- Houze & de Prieftley, fans lefquelles nous n'aurions certainement aucune notion des caufes de la foudre; car nous devons avouer que la théorie compliquée des Anciens, qui prétendoient que le tonnerre étoit Le réfultat des frottemens du foufre, des fels, &c, , n’étoit guère propre à fatis- faire un Phyficien éclairé , & ne pouvoit ouvrir une carrière aux recherches des Modernes. Si mes obfervations fe trouvoient contredites par des faits plus évi- dens , foyez afluré, Monfieur, que je ne tiens pas a mes opinions , & que je les recevrai avec toute la déférence qu'on doit aux Savans, me trouvant très-généreufement récompenfé , fi, après avoir excité l'attention du Phy- ficien, j'ai pu vous convaincre de la confidération trèç-diftinguée avec lu. quelle j'ai l'honneur d'être , &c. NOUVELELES SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 47< = — > SE —— — Xe NOUVELLES LITTÉRAIRES. ce NQUIÈME Cahier du Syfléme planétaire, par M. DuCARLA, de Genève. Newton a prouvé que les corps s’attirent , & que les planètes ont été pro- jettées. M. Ducarla demande, 1°. qu'elles aient été projettées par une impulfon commune, 2°. qu'elles éprouvent quelque réfiftance de la part de l'écher. Il déduit rigoureufement de ces deux demandes foixante & douze phénomènes céleftes, dont aucun n'en fuppofe un autre, & dont voici le détail. Les feize corps planétaires tournent, dans le même fens, autour de {eur foyer; ce qui donne une uniformité de feize faits. En tournant dans un même zodiaque , ils donnent une uniformité d’autres feize faits. Cinq de ces corps tournent dans un mème fens fur leur eflieu, & donnent par conféquent cinq faits à l'uniformité. En tournant Si a dans un même zodiaque fur leur eflieu, ils fournif fent autres cinq uniformités. La vitefle diurne fuit une proportion dire@te avec la groffeur du globe ; d’où naïflent autres quatre uniformités. Le foleil feul s’écarte de cette loi, par des raifons que l'Auteur expliquera. Les corps planétaires font communément plus gros dans leur efpèce à mefure qu'ils font plus éloignés du foleil. L’Auteur donne les caufes qui rendent cette uniformité moins nette que les précédentes, & ajoute par con- féquent autres feize faits à l’uniformité générale. La trajectoire des fatellites eft plus inclinée fur l’écliptique, ou plutôt fur le plan-moyen de comparaifon, que la trajectoire de leur planète ; ce qui ajoute une dizaine de faits à l’uniformité. On emploie le fubftantit NE TA une dizaine, parce que l’Auteur n’a pas cru devoir fixer ce nombre. . Ducarla termine La première partie de ce Cahier , en expliquant la . fingulière excentricité des comètes , & la bizarre inclinaifon de leur or- bite, pour pañler aux phénomènes terreftres réfultans de cette première partie. Tous les corps planétaires font compofés de petits corps, ci - devant planètes, qui fe font réunis felon l’ordre , qui eft une conféquence de fes deux demandes, Ces corps, en fe réuniffant, fe mettoient dans une défo- lation que l’Auteur décrit , qu'on ne lit pas fans frémir , dont les monumens font par-tout. Tome XVII, Part. I, 1781, JUIN. Ooa 476 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, On trouve dans ces évènemens l’hiftoire de tous les déluges , la forma- tion des couches terreftres, des vallées, des montagnes, des plaines, le féjour dix fois alternatif des mers & des Villes fur un même local, ainfi que l'Auteur l’avoit promis dans fon premier Cahier. Il montré pourquoi les montagnes , les ifles & les bas fonds font plus nombreux dans la torride que vers les pôles ; comment l’année a acquis un plus grand nombre de jours plus courts ; comment les tropiques fe font fé- parés de l'équateur. Il confidère ce que la tradition raconte de l’âge d’or; & rétablit fur une infinité de monumens terreftres, la perpétuité du printemps avant le dernier déluge. Il examine enfuite ce que devint le genre humain. Il Le voit s'enfuir vers les pôles, y féjourner, y périr ;-y laifler quelques réfidus , qui, après la fin du défordre, vont repeupler la terre, y portent des cérémonies, des mœurs & des connoiflances, devenues préjugés , mais qui fourniflent à M, Baïlli l’enchaînement de leur hiftoire, & développent celle des Livres faints. Deux principes fimples qu’on ne peut blâmer , quand ils ne feroient point prouvés , fourniflent donc à M. Ducarla la généalogie des feize corps planétaires , la contexture de notre globe & les renaiflances du genre ani- mal. Ce corps immenfe de raifonnemens & de preuves, eft renfermé dans un Cahier de 148 pages, dont la lecture n’exige que des connoiffances très- élémentaires, - Cette briéveré & cette clarté font un fort préjugé pour ces développe: mens; ceft prefque toujours par ces deux caractères que la vérité sans nonce. IL eft raifonnable de compter fur l'évidence & fur le nombre des faits. Nous avons donc enfin la véritable théorie de la terre dans tout le détail que nous pourrions attendre de nos connoiflances préfentes, & avec toute da certitude que peuvent donner des réfultats phyfiques. Mais pour mieux juger de ce Mémoire, laïflons un moment l’Auteur parler lui-même. Page 17. « Mes deux demandes n’ont pas même l'apparence de la nou- » véauté. La plupart des Savans admettent la feconde, & l’on ne peur > lui oppofer aucun fait. La première eft l'option de deux hypothèfes éga- æ lement fondées , oppofées, & dont l'une eft déjà de néceflité phyfique. > Ainfi , je n’ajoute rien nine diminue sien au fyfème a@uel des fciences, æ & quoique j'aie l'avantage fur tous ceux qui eurent le bonheur ou le mal< » heur d'inventer quelque chofe en Phyfque; avantage fans lequel je n'au- » rois jamais ouvert la bouche». F Page 48, « Un homme ; qui f paflionne pour des vérités inconnues , -» doit devenir bien plus ardent pour celles qu'il a cru découvrir. Après >». n'être afluré que mon hypothèfe avoit ce degré de vraifemblance qu'on » vient d'examiner, jen parcourus nuit & joux les autres conféquences SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 477 # pour tâcher d'épuifer toutes celles que mes foibles lumières pouvoient » mettre à ma portée ; & l'on verra, dans la fuite de ce Mémoire , juf- » qu'à quel point je remplis ce nouvel objet, dans lequel j'étois fortifié #» par ce que je croyois pouvoir HSE certitude, & qui néroit encore » qu'une conjeéture plaufible ; car fi j'étois Le premier qui , dans une feule >» hypothèfe fur le fyftème planétaire , eût trouvé quarante-deux folutions, » je ne pouvois m'aflurer encore que quelqu’autre hypothèfe, que je n'avois » pas même conçue, n’en fournit davantage. Il fallut donc voir fi les » autres phénomènes de ce fyftème concouroient avec Les premiers, afin # de renoncer à un fuccès qui pouvoit n'être pas certain, ou de le rendre » plus utile, en lui faifant embrafler tout ce qui étoit dans fon extenfion æ poffible, » De ce chaos d'idées , qui rempliffent l'ame d’un Inventeur , lorfqu'ik » entreprend l'étude d’un be inconnu, vafte, difficile, & dans lequel ® font comme enfevelis les précieux germes de la vérité qu'il pourtuit, > j'étois parvenu à cet état paifble, où cette vérité, dégagée de tous Jes # nuages qui accompagnent fa génération , fembloit m'indiquer elle-même » les routes qu’il me falloit prendre pour m'aflurer que c'étoit elle - même » que je contemplois; & l’accord parfait ie je croyois voir dans mes > réfultats, me Burnie un point d'appui, duquel je dirigeai mes efforts # pour fallier tout ce qui fembloit m'appartenir, & qui étoit encore difperfé > dans la Nature. » J'aveis vu, dans les dépôts de l’obfervation, que les corps plané- æ taires les plus gros ont la vitefle diurne la plus rapide, non-feulement > la vitefle abfolue, mais, ce qui doit paroître plus étonnant, la virefle » même angulaire ; & je crus entrevoir une pofhbilité vague &c coufufe » d'expliquer encore ce phénomène par le même principe qui m'avoit con- æ duit dans mes autres recherches : car, me difois-je alors, fi les pla- >» nètes ont été mifes dans leur état actuel par leurs réunions fucceflives , » fi leur rotation eft l'effet de leurs réunions, il faut aufMi que la rapidité æ de ce mouvement en foic une conféquence ; & je crus ce raifonnement » fi certain, que fi j'avois trouvé un réfultat contraire dans l’obfervation , » j'aurois renoncé pour jamais à une théorie dont les preuves, purement » morales par leur nature, me paroifloient avoir acquis une forte d'évi- » dence par leur multiplicité , leur énergie, leur accord : ainfi , ce nouvean » problème devint comme la pierre de touche, qui devoit décider du fort æ de mes combinaifons en Je laiffe à penfer quelle dut être mon o application. » J'arrète ici la narration peu importante des nouveaux efforts auxquels # mon zèle, ou, fi l'on veut, mon amour-propre ; me portèrent. Si l'hi£ > toire des inventions eft la plus intéreffante qu’on puifle offtir au genre » humain , ce n’eft que des inventions qu'il a couronnées de fes fuffrages. » Or, je ne fais pas encore fi je fuis fondé à attendre ce fucces. Laiffant Tome XVII, Part. I,1781. JUIN. Oooz 478 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » donc mes recherches pour le problème en queftion, je cours au ré- » fultat, & l’on verra, dans deux pages, le fruit d’une étude de plufeurs > années ». Page 57. « Ainfi aux quarante- deux témoignages que la Nature avoit » foumis d'abord à mon hypothèfe , elle joint celui des cinq corps dont » la rotation eft connue ; en forte que cette hypothèfe fournit déjà la » folution de quarante-fept phénomènes ifolés , indubitables. Cependant, > A on a autant réfléchi que je l'avois fait fur le pouvoir des paf >» ions, on ne peut fe contenter du témoignage de fa propre raifon. Je » communiquai cette théorie à M. le Ch. de R***, qui en parut fatis- » fait. La confiance que m'infpira cet homme célèbre, redoubla l'aîivité » de mes recherches; elles me conduifirent aux nouveaux réfultats qui vont » fuivre. » Ce n'eft pas aflez pour une hypothèfe d'expliquer tout; il faut encore » qu'il ne fe trouve aucun fait qui la contredife formellement: car, quelle » me foit la force du témoignage , elle eft totalement détruite par une > feule abfurdité, quelque foible qu’elle paroïfle ; ainfi une explication » contraire aux loix par lefquelles feules on conçoit la Nature, auroit » beau s'appuyer d'une partie de la Nature, elle cefferoit d’être admiffible, » en admettant des faits contradictoires. Voyons donc fi les autres phéno- 2 mênes du fyfème planétaire peuvent fe concilier avec les faits que nous x venons d'établir ». - Pag. 82. « Nous venons de parcourir les principaux monumens que la » Nature a tracés dans le Ciel pour nôus fournir l'hiftoire phyfique de » notre fyftème planétaire. Arrêrons maintenant nos regards autour de » nous: nous devons découvrir fur la terre des empreintes aufli marquées > des révolutions que ce méchanifime lui a fait éprouver ». 4 _ Page 137. « On ne m'accufera pas, fans aus de chercher des au- >» torités dans Les anciens Livres , en rapportant quelques reftes des fciences » anti-diluviennes qu'ils ont confervés, défigurés, embrouillés; je n'ai » d'autre vue que de rendre hommage à cette fupériorité de connoif- » fances auxquelles nos pères étoient parvenus dans le bel âge de la Na- wture, & vers lefquelles nous remontons aflez vite, malgré l’état où # nons voilà réduits. Ces traditions , devenues ridicules par elles-mêmes, >» parce que nous étions devenus ignorans, avoient été encore plus avilies > par la tournure que lui donnèrent les Auteurs de ces Livres; & les ap- » plications qu'on en faifoit étoient plus propres à érouffer toute raifon, » qu'à fournir quelque lumière. C’eft ainfi que les prodiges de l'efprit hu- > main deviennent des fottifes, en paflant par des canaux impurs. L’hon- » nête homme, l’homme profond (M. Bailli), qui me fournit ces pré- » cieux reftes des traditions antiques, prépare la réconciliation des fiècles » les plus éloignés, qui nous ont précédés & qui nous fuivront, Il nous » indique les monumens où nos Rai neveux retrouveront [a gloire SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 479 5 de nos premiers ancêtres ; il rappelle fur le trône de la Philofophie ces » chartes précieufes qu'elle fouloit aux pieds avec indignation ; plus nous » ferons des progrès, plus nous les trouverons fublimes. » En tournant les yeux vers ces dépôts mutilés, je ne prétends point # annoncer des moyens de découverte ; tout homme qui fe flarteroit d’en- » richir les fciences par ce fecours, feroit hors d'érar même de les com- » prendre. Comment reconnoître la vérité dans le fombre chaos où elle » a été plongée par l'orgueil & par l'ignorance de la moyenne Antiquité ? » On lira bien plus clairement dans la Nature. Mais chaque découverte > fournira une nouvelle clarté pour l'hiftoire de ces générations , qui, en- > fevelies dans les bouleverfemens de la Nature, paroïtront fortir de » l'oubli à mefure qu'elle nous mettra à portée de les entendre; &, par » le peu qui s’en eft confervé, nous pourrons fuppléer ce qui peut com- » plérer leur hiftoire. Ce nouveau champ nous promet une ample moiffon » de richeffes morales ; l'émulation y fera continuellement excitée par le » fouvenir de ce que nous fümes, & conféquemment par l’aflurance de » ce que nous pouvons devenir. Détrompés fur la folie apparente des » traditions , nous refpecterons ce que nous n'y comprenons pas encore; » & chaque obfcurité nous annonçant de nouveaux oracles, nous ferons » toujours plus enflammés par l'efpoir de la réfoudre. En voyant la car- > rière brillante que nous avons tracée dans ce labyrinthe obfcur, nous >» aurons toujours plus de motifs pour nous occuper à la débrouiller; &, » en voulant atteindre nos pères, nous parviendrons sûrement à les furpafler. > Je donnerai un jour les raifons de cette belle perfpective, & l’on frémira du temps que nous avons perdu ». Dans le fixième Cahier, l'Auteur pofera les principes de fa Géographie phyfique; ces deux Cahiers ne font, à proprement parler , qu'un feul Ou- vrage. M. Ducarla a déjà publié les neuf premiers Cahiers, que les nou- veaux Soufcripteurs recevront tous à la fois. Ils s'adrefferont à lui-même , M. Ducarla à Genève , & donneront un louis pour les feize Cahiers, à raifon de trente fols par Cahier. L’Edition eft belle à rous égards. Tous les Cahiers précédens de cet excellent Ouvrage fe trouvent chez fa veuve Tilliard & fils, Libraires, rue de la Harpe ; & chez Quillau l'aîné, zue Chriftine, La Société Economique de Berne a propofé un Prix de 60 ducats en or au meilleur Mémoire fur la Queftion : Quelles font les vapeurs produites par la fermentation des Végétaux qui font inflammables, € par quelles cir- conffances font elles produites € peuvent-elles être inflammables ? La Société defireroit principalement d'apprendre , par des expériences faites à ce but, fi la vapeur du foin, du regain & du fumier en fermen- tation, peut être allumée par le feu électrique ? de plus , fi, par les obfervations., on peut indiquer une caufe pourquoi la foudre , qui tombe 480 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dans les granges , produit quelquefois des embrafemens à l'inftant mênie® & pourquoi elle pafle quelquefois à travers le foin , la paille, fans exciter aucune inflammation, & quelquefois même fans en laifler la moindre trace ? Les Mémoires doivent être fondés fur des expériences nouvelles, & envoyés avant la fin de l’année 1782, afin de pouvoir être vérifiés en 1783, & que le Prix puifle être décerné en 1784. Ils peuvent être écrits en Latin, François, Allemand , Anglois & Italien. [ls devront être adreflés, francs de port, à M. de Haller de ue , Secrétaire de la Société; & on avertit que toutes Les Pièces fignéesou dont les Auteurs n'auront point foi- gneufement écarté tout indice qui pourroit les faire connoître, feront jugées inadmiflibles au concours, On vient de mettre au jour le VIII® & dernier Cahier de la Botanique mife a la portée de tout le monde , par M. REGNAUDT. Il eft compofé de trente-cinq Planches , PAvertifflement, & les Tables propres àl’Ouvrage, Ce n'eft plus un Ouvrage à faire que l’on annonce : c’eft une Colle@tion rer- minée des Plantes d'ufage dans la Médecine, dans les Alimens & dans les Arts; c'eft le fruit de dix ans de travaux, qui ont été fecondés & encouragés par des perfonnes éclairées, qui, par leurs foufcriptions , ont facilité les moyens d'amener à fa fin un Ouvrage d’auffi longue haleine, Les Auteurs onc fait leurs efforts pour mériter leur confiance, & la per- févérance des Soufcripreurs leur donne lieu de croire que leur zèle n'a pas été infructeux. C'eft ici le lieu de rappeler les avantages qui conftituent l'utilité de cette Collection. Elle contient quatre cents foixante-quinze Planches , de format grand in-fol. Les Plantes font repréfentées avec le port & la couleur de leur font propres. C'eft le premier Ouvrage de Botanique ( orné de gures ), où l'on foit entré dans le détail des parties de la génération des Plantes , de la différence des fexes, de la figure des parties fexuelies. On y rend compte de leur office, de leur concours, fans lequel la féconda- tion ne pourroit s’opérer, des fleurs hermaphrodites, des ftériles, des individus males, des individus femelles, dont l’organifation eft effentiel- lement différente, foit qu'ils fe trouvent portés fur le même pied, foit qu'ils naiflent fur des pieds différens. On a démontré l'erreur vulgaire fur la qualification des fexes de certaines Plantes qui eft inverfe , fur - tout parmi les Habitans de la Campagne, dans le chanvre , la mercuriale, &c. On eft entré dans tous les détails qui ont paru utiles aux progrès de la con- noiffance des Plantes. Dans les Notices qui accompagnent chaque Plante, on voit d’un coup- d'œil le pays originaire , les terreins & les fituations qu’elles adoptent quand elles ne font point foumifes à la main du Cultivateur, l'efpèce de culture qui convient aux Plantes exotiques , le degré de poñfibilité qu'on trouve à les cultiver dans nos climats, Les moyens les plus sûrs pour la multiplication, &cç, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. a8t Les propriétés & Les vertus des Plantes forment l’objet le plus important de cet Ouvrage. Le choix pour Les Plantes exotiques , la récolte pour les indigènes , les dofes pour les unes & les autres, & les efpèces de maladies . dans lefquelles elles font convenables , utiles ou néceflaires, font cités d'après les plus grands Médecins tant anciens que modernes , ainfi que leurs préparations particulières, & celles dans lefquelles on les introduit ordinairement dans les Pharmacies, Les Plantes vénéneufes n'ont pas été oubliées dans cette Collection. On y traite des dangers auxquels leur ufage expofe , des fymptômes qui décèlent leur préfence dans l’eftomac, des remèdes les plusconnus contr'eux, des tentatives de quelques Médecins hardis , & de leurs fuccès. Les propriétés des Plantes , par rapport aux alimens & aux Arts, y font décrites, ainfi que les Plantes qui font à la fois propres à la Méde- cine & à fournir un fourrage utile aux beftiaux. Enfin, on a tâché de rendre cet Ouvrage agréable aux Savans , utile à l'humanité, & inftructif pour tout le monde. La Table des maladies , qui renvoie à toutes les Plantes employées dans chacune d'elles , termine l'Ouvrage. Elle eft faite avec le plus grand foin , & fournit une clef importante & eflentielle pour en donner l'intel- ligence. Quelques-uns des Soufcripteurs, que des voyages ou autres raifons ont empêché de continuer à faire prendre les Cahiers à différentes époques, ayant témoigné qu'ils defireroient fe procurer ce qui leur manque pour compléter leur Ouvrage, mais qu'ils voudroïent lavoir par parties, afin de payer à la fois une fomme moins forte, pour remplir leur vœu , les Auteurs fe font déterminés à leur donner cette facilité, en divifant la dif tribution des Planches qu’elles n’ont point reçues par Cahier de vingt, de quarante Planches ou davantage, enfin au nombre & aux époques qui leur conviendront, & à raifon de LE fols chaque Planche, prix de la fouf- cription; & fi même quelques perfonnes vouloient fe procurer Ouvrage complet, elles ne paieront que le prix de la foufcription en le prenant entier, Mais fi elles trouvoient plus commode de Le prendre par époque, elles auront la bonté de traiter de gré-à-gré avec l’Auteur ou avec les Libraires chargés de la diftribution. Les Auteurs ont déjà quelques foufcriptions de perfonnes qui étoient en retard , & qui veulent fe compléter. Elles font diftribuées par Cahier de quarante Planches, & feront délivrées par trimeftres , dont le premier fe livrera au mois de Janvier 1782. Ils invitent les perfonnes qui voudront fe procurer leur Collection, à foufcrire avant le mois de Juillet prochain; & les préviennent que l’année 1781 révolue , on ne trouvera plus que des exemplaires complets ; fi toutefois il en refte de l'Edition. Ce dernier Cahier fe paie 45 liv., fur quoi l’on tiendra compte de a Loufcription, s 482 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, À Paris, chez les Auteurs, demeurant ci-devant rue Croix-des-Petits- Champs, actuellement rue de Montmorency, la 4° porte cochère à droite en entrant par la rue Saint-Martin. | Nouvelles Obfervations & Recherches analytiques fur la Magnéfie du Sel d'EpJom , Juivies de réflexions fur l'union chymique des corps ; par Pierre BuTint, Citoyen de Genève. À Genève, chez Nouffer, 1781. Les principales obfervations que cet Ouvrage renferme regardent la diflolution de la magnéfie dans l’eau imprégnée d’air fixe en plus grande quantité que dans l'eau pure ,& plus dans l’eau froide que dans l'eau chaude ; {a cryftallifation fpontanée obtenue par l’ébullition de la diffolution aërée de cette terre , fa calcination & fa préparation. Dans la fuite de ce tra- vail, M. Butini a fait des découvertes chymiques intéreffantes, & qui peuvent fervir de marques propres & diftinétives de la magnéfie, terre fi fingulière, qu'elle a mérité jufqu'à préfent une claffe à part. Ces deux propriétés font qu'une diflolution de magnéfie, par une eau gazeufe, eft précipitée par le feule chaleur, & que cette précipitation fe cryftallife fpontanément en prifmes à fix faces. Une differtation fur l'union chy- mique des corps, qui y eft jointe, renferme quantité de vues neuves & inté- reflantes. Recherches fur les Végétaux nourriffans, qui, dans les temps de diferte; peuvent remplacer les alimens ordinaires ; par, M. PARMENTIER, Apothicaire- Major des Camps & Armées du Roi , &c. À Paris , chez l’Au- teur, 1781. On connoît les travaux multipliés de cet excellent Citoyen , qui ont toujours été dirigés vers l'utilité de la claffe la plus précieufe, le Peuple & les gens de la Campagne. On retrouve , dans l'Ouvrageque nous annon- çons, le même zèle, les mêmes vues bienfaifantes & patriotiques. IL eft terminé par de nouvelles obfervations fur la culture des Pommes-de-terre , & de la defcription d'un Moulin à les raper , pour en obtenir la fécule, Diftours prononcés à l'Ouverture de l'Ecole Gratuite de Boulangeriele 8 Juin 1780 , par MM. PARMENTIER G CADET DE VAUX , Profeffeurs de cette École, 1780. Ces deux Difcours roulent fur l'hiftoire, l'utilité de la Boulangerie, fur les moyens de perfectionner cet Art, & fur les avantages d’en établir une Ecole. Efai fur l'Eleétricité naturelle 6 artificielle ; par M. le Comte DE LA CÉPÈDE, Colonel au Cercle de Wefiphalie, des Académies de Dijon , de Stockholm , Heffe- Hombourg , Munich, &c., Ge., 2 vol. in us. ati, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 483 Paris , chez Didot le jeune, Libraire ; Mérigot le jeune; & Barrois le jeune, quai des Auguflins ; chez Durand neveu , rue Galande ; & chez De- lalain l'aîné , rue S. Jacques, 1781. ; 4 Ramener prefque tous les phénomènes de la Nature à une feule caufe, l'électricité , & ne faire dépendrecerte caufe que d’un feul principe, l'union du feu avec l'eau dans l'intérieur du globe , pour produire le fluide élec- trique , telles font les idées de M. le Comte de la Cepède. Le dévelop- pement de cette théorie, depuis la naiflance de la fimple étincelle éleétri- que jufqu'à la formation des météores impofans & jufqu'à l'électricité du foleil, des planètes & des comètes, eft digne d’un Phyficien qui étudie la Nature en grand. Par-tout le fyflème de l'immortel Francklin faic la bafe des explications, & par-tout il femble s'accorder de plus en plus avec les loix fimples de la Nature. L’Auteur de cet Eflai a à profondi cette matière intéreflante, & les explications naturelles qu'il donne des phénomènes, paroiffent réfoudre abfolument toutes les dificulrés, Le Microftope Moderne , pour débrouiller la Nature par le filtre d'un nouvel Alambic chymique , où l'on voit un nouveau Méchanifme univ-r/el ; par M. Charles RABIQUEAU, Avocat en Parlement, Ingénieur-Opticien du Roi, G:c., in-8°, 1781. À Paris, chez l’Auteur, parvis Notre-Dame, à côté du Bureau de l'Hôtel-Dieu; &chez Demonville, Imprimeur-Libraire, rue Chriftine, Le meilleur moyen de faire connoître cet Ouvrage fingulier , eft d'ers citer ici quelques principes. Dans les termes de l’Auteur , le foleil eft un réverbère, lumineux d’un côté & obfcur de l’autre... Il donne alternative ment Le jour par fa face éclairé, & la nuit par fon oppofé..… Le monde n'eft pas rond , il eft plat, & fans antipodes ; c'eft à l'Académie des Sciences de Paris que l’on doit fa rorondité, & cela, parce qu'elle en a befoin..…. Notre façon de voir en rond le lever & le coucher du foleil (qui, dans le vrai, ne fuit qu'une ligne droite ), eft un eff:t d'oprique, qui, nous trompant, nous aflure invinciblement la terre très-fxe fans antipodes .… La lune & les étoiles ne font pas des corps : les aftres n'exiftent que dans le brifement & repos de nos rayons vifuels fur les bulles & corps qui fe forment continuellement par la Chymie & au chapiteau du grand alambic. Le foleil ne tourne pas autour de la terre, mais feulement au- deffus dans un efpace de trente lieues. .,&c., &c., &c. Diféours philofophiques fur les trois principes animal , végétal & minéral, où la Clef du San&uaire philo/ophique ; par SABINE STUART DE CHEVALIER, 2vol.in-12 ; prix , 12 liv. A Paris, chez Quillau, Libraire, rue Chriftine. Nous avouons de bonne foi que nous n'entendons abfolument rien dans cet Ouvrage d’Alchymie tranfcendante, Nous avons feulement vu Fome XVII, Part. I,1781. JUIN. Ppp 454 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que l'Auteur rérend que le nom de Bafle Valentin n'eft qu'un nom fup= pofé , qu'il n’a jamais exifté. Que ceux qui liront ces Difcours & qui les entendront , feront heureux! Nous avons la fimplicité de ne pas être jaloux de leur bonheur. Mémoire phyfique & médicinal, montrant des rapports évidens entre les phénomènes de la Baguette divinatoire , du Magnétifme & de l'Eleétr cité par M.T***, D.M. M. in-8°. A Paris, chez Didotle jeune , quai des Auguftins, 1781. L'entreprife de vouloir ramener les effets de la baguette divinatoire (S'ils font vrais }au magnétifme & à l'électricité, devoit produire des phé- nomènes finguliers & des découvertes intéreflantes , fi l'exécution en avoit été publique & foumife aux regards clair-voyans de gens difficiles à croire, ou tout au moins à fe laiffer prévenir. Pourquoi reléguer dans la Province les opérations du fieur Bletton ? pourquoi prefque tous les noms des fpec- tateurs, admirateurs de ce Sourcier , font-ils en blanc ? pourquoi le nom même de l’'Auteur de cet Ouvrage left-il aufli? Quand où dit la vérité, guand on certifie un fait, doit-on craindre de fe nommer ? Trouver une fource n'eft pas une merveille ; mais être fenfible jufqu'aux convulfons, lorfqu'on paffe au-deflus d’un filet d’eau qui coule à so , 60, 100 pieds fous terre, & n'être nullement affecté lorfquon traverfe une rivière ou qu'il pleut , voilà la merveille incompréhenfible, au moins autant que d’avoir la fièvre à l'approche d'un écu de fix francs enfoui dans la terre, & n'avoir pas la moindre émotion loin de-là, quoique l’on porte des boucles & autres bijoux de ce métal. O Nature ! que tu es incompréhenfible dans ta marche & tes effets ! Avis fur L'Éleëtricité médicale; par M, MAUDUYT. Depuis long-temps une partie des Phyficiens regardoit l’éleétriciré comme un remède puiffant ; une autre partie nioit qu’elle fût utile én Médecine. C’étoit à l'expérience feule qu'il appartenoit de prononcer entre deux opinions fi oppofées ; & l’on ne pouvoit avoir de fentiment à cer égard, ni fixer fes idées qu'après des obfervations nombreufes , entreprifes & fuivies avec foin , fans partialité, fans prévention. L'objet étoit en lui-même im- portant ; il intérefloit le bien général. La Société Royale de Médecine pto- jetta, en 1778, de s'en occuper, & me nomma pour être fpécialemient chargé, fous fon infpection, de cette partie de fes travaux, Elle informaM: le Dircéteur-Général des Finances de fon deffein: il voulut bien ‘en rendre compte au Roi; & Sa Majefté , fur le rapport qui lui fut fait, m'accorda une gratiication annuelle pendanttrois ans, pour fubvenir aux frais indifpenfa- bles dans le travail dont j'étois chargé. in Au commencement de 1780, j'ai lu, dans les Séances de [a Société, un Mémoire qui contenoic l’'hiftoire du traitement électrique adminiftré SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 495 depuis deux ans à quatre-vingt-deux malades. La Compagnie, après en avoir entendu la leéture, a chargé trois de fes Membres, MM. Geoffroy, Lorry & Andry , de l'examiner en particulier, & de luien rendre compte. Sur le rapport qu'ils lui ont fait, elle a conclu : 1°. Que j'avois adminiftré l'électricité à un affez grand nombre de para- tiques , qu'ilsenavoient éprouvé des effets aflez marqués & allez permanens pour qu'il füc avéré que l'électricité eft un moyen de foulager & de guérir la paralyfie, & que par conféquent elle doit être comptée au nombre des remèdes propres à la combattre, 2°. Que, d'après l'applicarion que j'avois faite de l'électricité à des ma- ladies différentes de la paralyfie, il éroit probable que l’éleétricité pouvoit être employée avec avantage dans leur traitement ; qu’elle pourroit fou- lager & guérir ceux qui en étoient attaqués : mais que Les faits éroient encore trop peu nombreux ; qu'ils ne préfentoient as efpérances, fans qu'il füc poflible d’en tirer une conclufon fage & bien établie ; que je ferois chargé en conféquence de continuer à admiriftrer l'élétriciré, & que je m’attacherois fur-tout à l'appliquer dans Les cas où fon utilité, quoi- que fort probable , n'étoit pas fufffamment démontrée. Au commencement de cette année, j'ai rendu compte à Ja Société du traitement fait à trente deux malades électrifés dans le cours de l’année 1780, & différens de ceux dont j'avois donné l’hiftoire dans mon premier Mémoire. La Société a perlifté, dans fes conclufions portées l'année pré- cédente : favoir, 1°. fur l'utilité démontrée de l'éleétricité dans le traite- ment de la paralyfie ; 2°. fur la probabilité des avantages qu'on a lieu d'en attendre dans celui de plufeurs autres maladies. Elle a defiré que je con- tinuafle à employer l'éleétricité; que j'en prévinile le Public ; que je lui file connoître les maux différens de la paralyfie, dans le traitement def- quels léletricité a déjà réufli fouvent, & pour lefquels on a lieu d'en attendre du fuccès. Cette conclufon n’a pas eu mon travail pour feul fon- dement ; elle a encore été déterminée par le compte que plufieurs Aflociés & Correfpondans de la Société, foit Regnicoles, foit Etrangers, lui ont rendu de leurs effais dans le même genre. La Compagnie a en conféquence chargé fon Secrétaire de rendre compte de fa délibération à M. le Direc- teur-Génétal des Finances. C'eft d'après une lettre que ce Miniftre m'a fait l'honneur de m'adrefler, & par laquelle il m’apprend que Sa Majefté, fur fon rapport , veut bien me continuer pendant quatre ans encore la même gratification qui m'avoit été accordée antérieurement pour trois, que je publie cet Avis. Je continuerai pendant quatre ans à recevoir & à traiter gratuitement les malades qui fe préfenteront dans des cas où l'éleétricité pourra leur être utile. Je n'admetrrai aucun malade fans avoir pris l'avis de fon Méde:in ordinaire, s'il en a un, ou fans avoir confulté à fon fujet avec un de m:s Tome XVII, Part, I, 1781. JUIN. Ppp2 486 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ! Confrères, dont il atira lui-même fait choix, & je n’adminiftrerai l'électricité qu'autant que ce fera l'avis du Médecin avec lequel j'aurai confulté, ainf que ce fera le mien, i Je ne recevrai de paralytiques qu'autant que la place me le permettra dans le lieu où je fais mes traitemens. g Les maladies dans le traitement defquelles l'électricité a réufi, & pour lefquelles on a lieu d'en attendre du fuccès, d’après la guérifon obtenue dans des cas pareils, font: 1°. Le rhumatifme, foit fimple, foit goutteux. 2°. L'état de langueur & de foibleffe des enfans dont l’accroiffement eft retardé, ou dans toute leur perfonne, ou dans quelqu'un de leurs membres, fans caufe apparente; qui, libres de leurs mouvemens, ne les exercent qu'avec peine & fans force; qui font fujets, parfoibleffe, à des chütes fré- quentes , ou dontles mains ne peuvent porter le poids le plus léger. Ce cas, aflez commun , eft un de ceux dans lefquels l'électricité a été fuivie des fuccès les plus fréquens & les plus marqués. 3°. La perte ou la gène du mouvement , les douleurs occafionnées par les vices de l'humeur laiteufe, & fuites de la maladie vulgairement ap- pellée lait épanche. Deux Dames entr'autres, dont’une eft veuve d’un de nos Confrères, ont obtenu de l'électricité, dans ce cas, les plus grands avantages. ŸE 4°. Les fcrophules ou écrouelles. Les malades qui en feront attaqués feront traités feuls, & l’on emploiera pour eux des inftrumens qui ne ferviront qu'à leur traitement. 5°. Plufeurs maladies des yeux, dépendantes de l’engorgement des mem- branes, la cataraéte commencçante, la goutte fereine récente. 6°. Les convulfñons & les tremblemens occafionnés par les vapeurs du mercure, Je n'ai pas moi-même été témoin d'aucun fait à cet égard ; mais M. de Haen, qui étoit Médecin d’un des Hôpitaux de Vienne, dont l’ha- bileté & la probité font généralement reconnues , aflure dans fes Ouvrages, d'une manière fi pofitive , avoir guéri par l'électricité un grand nombre de Doreurs , rendus impotens par les vapeurs du mercure, qu'il ne paroit pas pofible de refufer fa confiance à l'éleétricité dans ce cas, d’après ce qu'il en dit. : 7°. La furdité. J'ai traité plufieurs fourds : deux feulement ont eu un fuccès confidérable & permanent. L'un des deux montroit les Mathématiques ;, fa fardité l'avoir obligé de quitter {à profefion ; il l'a reprife au bout de trois mois , & il la continue depuis vingt. ? 8°. Je n'ai encore employé l’éleétricité négative qu'une fois; elle n’a produit aucun effet: cé n’eft pas une xaifon de croire qu'elle n’en puifle pas produire, & de nier les avantages que des Phyficiens qui s’en font fervis difent en avoir retirés. Les cas dans lefquels on l'annonce comme utile, fone le tremblement, les convulfions , & en général les maux connus fous le nom de maladies des nerfs, PE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 487 9°. L'éleétricité a plufieurs fois rappellé le cours des mois; & il parofr, ‘après Le témoi nage de ceux qui l'ont employée , que c’eft un des cas dans ri elle réuflit le plus généralement. “obferverai , en terminant cet Avis, que depuis trois ans que j'électrife des malades, je n'en ai vu aucun auquel elle ait occafionné un mal réel , & que je crois, avec la plupart des ee ; qu'elle n’en peut pas produire , étant fagement adminiftrée. Je prie les malades qui fe trouveront dans les cas que j'ai délignés, de faire attention que je ne leur propofe pas des expériences que j'ai envie de faire, Je fais que perfonne n’en a le ae je n'annoncerois pas publi- quement un projet dont l'exécution me feroit févèrement défendue aufli tôt qu'il feroit connu. Mais je propofe d'employer , fous l'autorité du Gouver- nement, à fes frais, & d’après l'avis d’ure Compagnie de Médecins, un remède dont l'utilité eft avérée dans le traitement de la paralyfie, dont il y, a lieu, d'après des faits antérieurs, d'attendre un fuccès égal ou à-peu-près femblable dans celui des maladies que j'ai défignées, &cqui, jufqu'à préfent, n'a produit aucun mauvais effet dans ceux qui en ont fait ufage (1). … Je certifie que Le préfent Avis a été lu dans la Séance tenue au Louvre le 20 Avril1781 , que la Société Royale l'a approuvé, & qu’elle a defiré qu'il foic rendu public. Signé V r1c@-D'Azy R, Secretaire Perpétuel. Kox cu. Vetenskaps Academiens Handlingar , Gc., ou Mémoires de L'Aca- démie Royale des Sciences de Suède , pour l'année 1779. À Stockholm, 1779, : 0 in-8°., avec fig. Ce Volume,de l’Académie de Stockholm , renferme quantité de très- bons Mémoires , qu'il feroit à fouhaiter de voir traduire dans notre Langue. À mefure que nous en aurons fait traduire quelques-uns , nous les inférerons dansnotre Journal; en attendant, voici la Table de ces Mémoires, Premier Trimeftre, 1°. Obfervations fuivies fur l'Agriculture, faites pendant un efpace de trente ans, par M. Walerius. 2°. Defcription d’un Canard chantant, Anas glocitans , oifeau trèsrare, qui ne fe trouve que dans la partie orientale de la Siléfie , defliné & décrit par M. Pallas. + é © 3°. Defcription de plufeurs vices trouvés à l’orifice & la fuperficie ex- térieure d’un eftomac , qui empêchèrent l'entrée de la nourriture, par M. Murray. 1 è 4°. Expériences fur la quantité d’air qui fe trouve journellement dans notre atmofphère , par M. Scheële. (1) La demeure de M,Maupuyr, eft rue Neuve S. Etienne , fauxbourg Saint-Marçel, 488 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Extrait des Regiftres paroifliaux & des Tables de population de Fu kasjervi, depuis 1725 jufqu'en 1774, avec des Remarques, par Turdejall. 6°. Première partie d'un Traité fur les Sections coniques en général , repréfentées dans un plan droit, dans lequel on propofe en même temps, d'une manière très-détaillée , les moyens les plus commodes de décrire de telles Sections, avec des lignes droites feulement, par des points & tangentes données, par M. Meldercreutz. 7°. Defcription d'une Cataracte membraneufe produite par un accident violent, & guérie par M. Odhelius. Deuxième Trimeftre. 1°. Mémoires fur Le temps le plus favorable pour Les Semailles d'automne dans la Province d’Albo, par M. Haartman. 2°. Continuation du Traité des Seétions coniques, par M. Meldercreutz. 3°. Defcription d’une Fièvre bilieufe, à l’occafion d’une maladie épidé- mique dans les Paroiffes d’Aby , Klackeberg & Kyfby dans la Province de Calmas, par M. Sautheffon. 4°. RE MES d'un animalnommé Hartebeeften où Dorcas, de La fa- mille des Gazelles, qui fe trouve au Cap de Bonne-Efpérance , par M. Sparrman. - 5°. Eland ou Capske Elgen, autre efpèce de Gazelle , par M. Sparrman, 6°. Effai pour décompofer les Sels neutres par le moyen de la chaux-vive ‘du fer, par M. Scheele, : 7°. Recherches fur les Vers qui attaquent les racines des plantes, par M. Bierkander. 8°. Defcription des Plantes que les bêtes à cornes aiment ou rejettent, par M. Holmbérger, Troifième Trimeftre. 1°. Suite du Mémoire de M. Haartinan, {ur Les Semailles d’automne dans la Province d’Albo. 2°. Suite du Traité fur les Seétionsconiques , par M. Meldercreutz. 3°. Defcription d'un Poiffon nommé Lophius-Barbatus , pat M. Montin, 4°. Recherches fur les moyens d'améliorer les Batteries de Cuifine, par M. Prinman. 5°: Defcription d’une nouvelle efpèce de Gramen , inconnue jufqu'ici, & nommée Ehzharta, par M. Thunberg. 6°. Recherches fur les vertus du Ledum Palluffro ; contre la Lèpre, pat M. Odhelius. à : 7°. Les Tourmalines brunes examinées quant à leurs parties conflitutives fondamentales, par M. Bergman. 8°. Effais faits avec la Mine Plumb, plumbago , par M. Scheele. 9°. Suite des obfervations fur la Foudre, par M. Bierkander. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 489 Quatrième Trimeffre. 1°. Mémoire fur l'Etoile changeante au col de la Baleine, par M. War- gentin. 2°. Mémoire fur la différence de population de la Paroiffe de Larfen Weftgothie, depuis 1749 jufqu'en 1773, par M. Afzelius Arfrid{on. 3°. Defcription d'un nouveau genre de Plante, découvert & nommé Ekebergia Capenfis , par M. Sparrman. 4°. Defcription d'un Ver très-nuifible , qui attaque les racines des plantes, par M. Bierkander. 5°. Fin du Traité des Sections coniques, par M. Meldercreutz. 6°. Remarques fur les Abeilles , principalement à l'occafñon de l’effai qu’on a fairen pefant les ruches, par M. Beroman. 7°: Mémoire fur plufieurs efpèces de Vers , qui ont des inteftins qui leur font attachés dans une efpèce de paquet en forme de faifceau , par M. Muller. DEC EEE RS RERO CIE SEE TER ERP RME EEE T EN ETS © CALE JERTET ES UTIER OUEN MA à DRELINE Des ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. LE 1TE du Mémoire de M. H. MAGELLAN , fur le Feu élémentaire & la Chaleur, Page 411 Differtation [ur deux Queftions agronomiques : Les Engrais peuvent-ils étre féppleés par de fréquens Labours ? Quelle ef? l'influence des Labours fur la Végétation ? par M. MourGUE , de la Societé Royale des Sciences de Mont- pellier, Gc. &e., 423 Idées fur L'inflammation des Végétaux , 6 fur-tout des Foins ferrés & entaffés en grande quantité avant d'être defféchés, où l'on trouvera peut-être ur earaëlère propre à diffinguer les trois efpèces de fermentations ; par Jean SENEBIER, Bibliothecaire de la République de Genève, & Membre de la Societé Hollandoife des Sciences de Harlem , 433 Anémomètre propofé aux Amateurs de Météréologie : Mémoire lu dans la Séance de l'Académie d'Erfurt du $ Janvier 1781 , par Ch. DE DALBERG, 438 Extrait d'une Lettre du P. J. B. Beccaria à S. À. S. Madame la Princefle Joféphine de Saveie - Carignan , au fujet de l’obfervation de l'Eclipfe du 490 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, x. Soleil du 24 Juin 1778 ; par D. ANTONIO DE ULLOA , traduit de l'Ita= lien, 447 Guérifon d’une contraëtion des Mufcles , opérée par l'Eletricité ; par M. MiLEs PARTINGTON, 449 Rapport de Ouvrage de MM.BAYEN @& CHARLARD, inciulé : Recherches fur L'Etain ; fait au Collége de Pharmacie par MM. MiTOUARD , LIEGE &@ DE MACHY, 451 Suite des Découvertes de M. MARAT , fur l'Eleétricite, 459 Sur la Plantation & Récolte des Orties , ainft que fur leur grande utilité pour nourrir les Befliaux, par le double ufage de Les préferver des maladies & de Juppléer au manque de fourrage , traduit du Suédois, 46$ Lettre de M. DELAS, Prêtre de l'Oratoire , Profeffeur de Phyfique à Arras, à M. PiLATRE DE ROZIER, fur quelques Expériences éleëtriques , & fur l'origine du Tonnerre , 469 Réponfe de M. PrLATRE DE ROZIER, attaché au Service de MADAME, Profeffeur de Phyfique & de Chymie, de la Société d'Emulation de Reims , Ec., 471 Nouvelles Listéraires, 4a7$. L : L - s APPROBATION. J' lu , par ordre de Monfcigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a pour titre: Oëfervations fur La Phyfique , fur lHiftoire Narurelle & [ur les Arts, Gc.; par MM. Rozier & Moncez, Ec. La Colle@tion de faits importans qu’iloffre périodi= quement à fes Lelteurs, mérite l'accueil des Savans; en conféquence, j’eftime qu’on peut en permettre l'impreflion, À Paris, ce 27 Juin1781r. VALMONT DE BOMARE. TABLE 439 ==, © TABLE GÉNÉRALE IDR SR ART T'CLETS CONTENUS DANS CE VOLUME. == NL PH SINOAUE; M : MOIRE fur la Chaleur, &c. des Animaux, des Végétaux ; par M. HUNTER, Page 12 Suite du Mémoire fur la Chaleur, Gc. des Animaux & des Vé épétaux ; par M. HUNTER, 116 Recherches fur la graduation du Thermomètre pour les Obfervations météoro- logiques 3 par M. GAUSSEN , de Montpellier , 6x Mémoire [ur un nouvel Hygroclimax > Ou balance, qui détermine, avec pré cifion, les pefanteurs fpécifiques & refpeétives de neuf Liqueurs comparées ; par le Sieur SCANEGATTY , 82 Expériences fur l'Eleëlricité ; par M.Epouarp NAIRNE, 192 Mémoire fur la Cryflallifation ; par M. DE LA MÉTHFRIE, 251 Expériences [ur les moyens de préferver les aiguilles des Bouffoles de L'influence de l'Eleétricité atmo/phérique ; par M. GATTEY cs 296 Moyen fimple de condenfer l'air dans un grand Récipient avec toute efpèce de Pompe; par M. Couroms, 301 Détail des Découvertes de M. MARAT, fur l'Eleétricité, 317 Suitedes Découvertes de M. MARAT , fur l'Eletricité , 459 Lettre de M. DE ROCHEBLAVE , far les Hauteurs des différentes Montagnes des Pyrénées, 359 Lettre de M. DELas , de l'Oratoire, à M.PiLATRE DE ROZIER , fur quelques Expériences éleétriques ; G fur l'origine du Tonnerre, 4 Reponfe de M. PILATRE DE ROZIER , 71 Ef[ai fur la nouvelle Théorie du Feu élémentaire, & dela Chaleur des Co : ; par M. H. MAGELLAN, 375 Suite du Mémoire de M. MAGELLAN , fur Le Feu élémentaire, AIT Nouvel Anémomètre ; par M. D'ALFERG, 438 Lettre du P, BECCARTA , fur l'obfervation de l'Eclipfe du Soleil du 24 ta 1778 ; par D. ANTONIO ULLoA, 449 Tome XVII, Part. 1,1781. JUIN. Qqq 490 TABLE GÉNÉRALE CH MORTE, Le TE du Mémoire de M. ACHARD , fur les Savons acides, 23 Suite du Mémoire de M. ACHARD, Jur les Savons acides , 10 3 Mémoire fur une [ubffance nouvelle trouvée dans les Urines , G fur la différence qu'il y aentre les divers acides pho/phoriques ; par M.PROUST, 145$ Réflexions fur le‘procédé employé pe M. SAGE, pour extraire l'or des Vé= gétaux ; adreffces aux Auteurs du Journal, par M. RITHER , 154 Mémoire fur lAlkali fixe tout formé dans les Vécétaux ; par M. BERNIARPD, 179 Mémoire fur les Terres fimples, & principalement fur celles qu'on pr äbforbantes; par M. DE MORVEAU, 216 Letiré à M.dé Morveau, fur les Terres fr imples ; & principalement fur celle que M. Sage a défignéé fous le nom de terre abforbante ; par M. ROME DE L'ISLE, 353" Obférvations fur l'Acideanimal ; par M. A.L.BRONGNIART;, 234 Obfervation fur du Soufre trouvé dans là racine de Patience, G procédé pour le retirer ; par M. DÉYE UX; Apothicaire de Paris, 241 Deftription d’un fourneau propre à toutes les opérations de Chyÿmie € de Phy- Jique; par M. PILATRE DE ROZIER, 290 Lertre de M. QUATREMERE DIJONVAL à M. de Morveau , [ur le Phénomène de diverfes précipitations fans décompofition , 88 Rapport de l'Ouvrage de MM. BAYEN G@ CHARLARD, fur l'Etain; par MM. MitTouARD , LIEGE 6 DE MACHY, 455 HISTOEIRE. N'A T U>R'EE Tr EP) l à ELATIOr duneirruption du Mont Véfuve, extraite d'une Lettre du Chevalier WizLiAM HAMILTON, 3 Suite des Extraits du Porte-Feuille de M, l Abbé DICQUEMARE, 141 Tableau des Voyages minéralogiques de M. MoNNET , pour la confeélion de l’'Aïlas minéralogique de la France , 160 Mémoire fur la Matière verte, ou plutôt fur l’efpèce de Gonferve qui croît dans les vaiffeaux pleins d'eau expofés à l'air, 6 fur l'influence frngulière de la Lumière pour la développer ; par M. JEAN SENEBIER, 209 Mémoire fur le Caoutchouc, connu fous le nom vi Gomme élaflique ; > M. BERNIARD, 265$ D'ELS ARTICLES. 491 Mans fur des bois pétrifiés, trouvés à Sery dans le Valois; par M. Neret : 1 7 . 7 Mémoire fur les Cailloux Herborifés; par M. MoNGEz, Garde du Cane de Sainte-Geneviève, 387 Mémoire fur un Os d’une groffeur énorme , qu'on a trouvé dans une couche de £laife au milieu dé Paris ; G en général fur les Offémens foffiles qui ont ap- partenu à dé grands Animaux ; par M. Robert DE PAUL DE LAMANON, 393 | MÉDECINE. H> 1LE d'Onopordon ou de Pédane ; par M. DURANDE, 138 Mémoire fur le Quinquina de la Martinique , connu fous le nom de Quin+ quina Piton; par M. MALLET, 169 Guérifon d'une contraëlion des Mules par l'Eleétricité ; par M. PARTINGTONS 449 MERLOUETURE"ET*YBOTANTQUE. 7 je TTRE deM. ROLAND DE LA PLATIERE, fur un Projet relatif a la matière tinéloriale , 4 ur > Lettre à M. HAïLLET DE COURONNE, contenant l'hifloire €: le plan d Ouvrage qui aura pour titre : Botanique des Peintres & des Teinturiers ; DANRDLEE, s2 Lettre de M. DAMBOURNEY, Secrétaire de l’Académie de Rouen, au fujet de la Botanique tinétoriale, 306 Obfervations fur des Végetations extraordinaires , & [ur la Tarentule ; par M. DE MARCORELLE, 128 Problêmes d'Agriculture à réfoudre ; par M. DIiERVILLE, 240 Manière dont on fe fert du Plätre dans quelques cantons du Dauphiné pour les Prairies artificielles ; par M. CHAMPEL, 287 Effai fur cette queffion : Quelle eff la meilleure manière d'établir €: d’en- tretenir les Prés naturels & artificiels , 331 Differtation fur deux Queftions agronomiques : Les Engrais peuvent-ils être Juppléés par de fréquens Labours ? Quelle ef? l'influence des Labours fur la Végétation ? par M. MOURGUES, 423 Obfervations [ur la Plantation & la Récolte des Orties, 465 Jdées fur L'inflammarion des Végétaux ; par M. Jean SENEBIER , 433 42 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES, A-RYT:5. LE TRE fur les Balances d'effai; par M. MAGELLAN, 44 Obfervations fur La manipulation & la propriété de l'Huile de Faîne > par IV. CARLIER, 89 Extrait des Regiftres de l'Académie Royale des Sciences , fur la manière de peindre comme les Chinois, 231 Rapport fur l'opération du Départ ; extrait des Regiftres de l'Académie Royale des Sciences , 242 Extrait d'une Lettre de M. L. H, MAGELLAN, fur une Pendule peu commune de fon invention , 283 ‘Mémoire fur quelques Etabliffemens utiles à la Province de Languedoc ; par M. CHAPTAL, 36$ Nouvelles Littéraires , 84, 165, 245 » 321 ; 406,475 A De l'Imprimerie de Demonviie, Imprimeur de l'Académie Françoife, rue Chriftine, are AT ET, rpm me +2 ide 4 noel 7 RS EE Le ee EE : ER ES ce SRE } Re RE She We 4 \3 ÉTEINT . FAIR RTACRMAETES] ’ PR muet Ha | ri] Te |] ve dx shared « En . Hi . ÉOEECs CEA LS fee ÈS RRET HÉSENTE ARLES RÉ Re COCO