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ODILON

ODILON REDON

ANDRÉ MELLERIO

ODILON REDON

Peintre, Dessinateur et Graveur

henrl,rLouï>) (l

H. FLOURY, ÉDITEUR

2. RUE SAINT-SULPICE & 4. RUE DE CONDÉ

PARIS (VIO 1923

11 a été tiré de cet ouvrage CENT Exemplaires sur papier du Japon, numérotés de I à 100 et contenant une épreuve avant la lettre de la couverture.

Les Cent exemplaires sont, en outre, accompagnés d'une suite, sur Vélin du Marais, des neuf compositions originales d'OoiLON Redon, pour Les Fleurs du Mal de Ch. Baudelaire.

NE

ODILON REDON (1914)

INTRODUCTION

Quand nous fut confiée la tâche de rendre à Odilon Redon l'honneur que sa mémoire et son art étaient en droit d'attendre, nous avons éprouvé une hésitation compréhensible devant telle responsabilité.

Cependant, la pensée s est imposée à nous : que presque trente années d amicales relations et de conversations intimes avec l'artiste, la perpé- tuelle fréquentation de ses œuvres, aussi d'antérieurs travaux à leur égard, nous créaient une véritable obligation.

Mais ce qui nous a rassuré principalement, c'est que d'abondants témoignages, tant publiés qu'inédits, demeuraient, émanant de Redon lui-même. De plus, fut connue et approuvée de sa bienveillante attention, l Etude mise par nous en tête d'un précédent Catalogue de ses estampes. Avant tout, nous nous sommes appuyé scrupuleusement sur ces documents authentiques, d autant plus précieux que la voix qui, jadis vivante, pouvait parler et redresser les erreurs, s est éteinte dans le suprême silence.

Enfin, la femme d'intelligence et de cœur, pendant tant d'années sa compagne inlassablement dévouée, a bien voulu mettre à notre disposition non seulement les manuscrits qu'elle conserve pieusement, mais par .surcroît les commentaires de sa mémoire personnelle. Ici, qu elle agrée l hommage de notre respectueuse gratitude.

Nous remercions aussi bien vivement les Musées, ainsi que les amateurs et amis de Redon qui nous ont ouvert libéralement leurs collections plus encore, ont permis des reproductions, lesquelles sont l ornement et le complément expressif du présent livre.

A défaut de toutes les qualités en des ordres différents d idées, qui eussent été requises pour mener complètement à bien une semblable tâche, nous y avons apporté du moins un entier labeur, le souci de la méthode et la sincé- rité de l'émotion. Notre ambition serait satisfaite si, contribuant à une meilleure compréhension de Redon, nous pouvions davantage le faire aimer et admirer.

A. M.

ABRÉVIATIONS

EMPLOYÉES DANS LES NOTES DE CE VOLUME.

Od. R., a s. m. --= Odilon Redon. A Soi-Même. Paris,

H. Floury. 1922. Letl. d'Od. R. à Edm. P. = Lettre d'Odilon Redon à Edmond

Picard (13 juin 1894). Reproduite dans L'Art Moderne

(Bruxelles). 23 août 1894. Letf. d'Od. R.à A. M. = Lettre d'Odilon Redon à André Mellerio. Man. de R. = Manuscrits de Redon. A. M. Et. s. R. ^= André Mellerio. Odilon Redon. Société pour

l'Etude de la Gravure Française. Paris, 1913. Étude sur Redon. A. M. Préf. d'Exp. Od. R. -'^ André Mellerio. Préface pour

l'Exposition Odilon Redon (Galeries Durand-Ruel, 1894).

A. M. Gaz. d. B. A. =^ André Mellerio. Odilon Redon. La Gazette des Beaux-Arts. Aoiit-septembre 1920.

App. Appendice du volume.

ODILON REDON

I L'HOMME ET SA VIE

Odilon Redon naquit à Bordeaux, le 20 avril 1840.

De ses origines, voici ce qu'il nous a fait connaître et plus spécialement de son père : '^ dans les environs de la petite ville de Libourne, quelques villages et maintes familles portent notre nom, il était parti jeune pour la Nouvelle-Orléans, au moment des guerres du Premier Empire, fils aîné d'une famille aisée, mais appauvrie par les duretés du temps. Son ambition était d'y acquérir de la fortune pour revenir au foyer natal afin d'y mettre une aisance atteinte ou qui n'y était plus. Il nous a confié bien des fois qu'il débarqua là-bas sans ressources et qu'il dût faire, pour parer aux besoins matériels immédiats, divers métiers d'expédient, que la chance toujours accompagnait. Après avoir exploré et défriché des forêts, il devint rapidement posses- seur d'une fortune assez grande. Il fut colon, il eut des nègres (1). »

C'est alors qu'il épousa une créole de la Nouvelle-Orléans, dont la famille était d'origine française. Il devait en avoir cinq enfants, qui furent : Ernest, Odilon, Marie, Léo, Gaston.

Bertrand Redon, se trouvant à la tête d'une large aisance acquise par son intelligence et son travail, résolut de revenir se fixer, avec sa famille, dans son pays natal. « C'était nous dit Redon quelque cinq ou SIX années après son mariage, moi déjà conçu et presque à naître, second fruit de son union. Les voyages sur mer étaient alors longs

(I) Od. R., a s. m., p. 12. Voir : App. Note I.

et hasardeux... J'eusse aimé, par le hasard ou le destin, naître au milieu de ces flots... un lieu sans patrie sur un abîme (1). »

Du chef de son ascendance maternelle et des circonstances précitées, ne faut-il pas voir chez Redon, bien qu'issu d'une bonne souche de vieille France, quelque mélange d'Outre-Atlantique? Et qui sait si

Coll R. B.. Winterthur

Paysage (Pastel).

l'artiste qui illustra Edgar Poe ne sera point revendiqué un jour par les Américains comme un peu leur.

A Bordeaux, Odilon vint au monde dans un logis que sa famille occupait 26, rue des Allées-d'Amour. Mais l'enfant était de complexion peu vigoureuse, et l'on crut même qu'on ne pourrait l'élever. Il fallut presque immédiatement l'envoyer, à peine âgé de deux jours, en nourrice à la campagne, dans les Landes. Quand il en revint, cette faiblesse native persista pendant toute la première partie de son enfance : " J'étais

(I) Od. R., a s. m., p. 12.

10 ^

Études (Dessin à l'encre de Chine).

II

maladif et débile, entouré toujours de soins, on avait prescrit de m'éviter les fatigues cérébrales (1). »

L'atmosphère familiale, durant les séjours à Bordeaux et ceux passés longuement dans la propriété rurale de Peyrelebade, apparaît paisible, ordonnée, jouissant du confort matériel. Les arts y étaient cultivés, principalement la musique, se distinguait déjà Ernest, le fils aîné. Pourtant, si Odilon ne connut pas les âpretés d'une condition pauvre, il ne trouvait point parmi les siens ces nuances de tendresse, ces appels à l'expansion qui l'eussent porté à se librement épanouir. Les natures sensibles ont des délicatesses raffinées, d'impondérables besoins, lesquels réclament davantage que les soins communs d'une affection ordinaire.

Certes il vénérait son père, il l'aimait aussi, mais avec un respect craintif, et en quelque sorte distant : « ...Il m'apparaissait comme un être impérieux, indépendant de caractère et même dur, devant qui j ai toujours tremblé. Bien qu'aujourd'hui à lointaine et confuse distance, et avec tout ce qui reste de lui dans mes yeux, je vois bien au fond des siens qui, facilement, s'humectaient aussi de larmes, une sensibilité miséricordieuse et douce que ne réprimaient guère les dehors de sa fermeté. Il était grand, droit et fier, avec beaucoup de distinction native (2). »

Dans une lettre écrite douloureusement après la mort de ce père qui, dans le fond, porta toujours une prédilection secrète envers Odilon, celui-ci déplorera cette sorte de malentendu indéfinissable. Ne fut-ce point pour deux âmes tendres par nature, mais d'une pudeur effarouchée, se masquant chez l'un de dureté extérieure, et d'une retenue froide chez l'autre, l'obstacle à communier en pleine sympathie ?

Par surplus, sa mère, ayant un peu de la frivolité de goûts propre souvent aux créoles, ne possédait ni valeur intellectuelle, ni caractère ferme. D'ailleurs, l'attrait de son sentiment la portait davantage vers Ernest qui, plus tard, lorsqu'elle fut devenue veuve, continua de vivre à ses côtés.

(1) Od. R., a s. m., p. 16.

(2) Od. R.. a s. m., p. 12.

LA COURONNE (Paslel)

Peut-être Léo et Marie auraient-ils pu entretenir avec Odilon d affectueuses relations, étant d'une nature mieux rapprochée de la sienne, mais tous deux, malheureusement, moururent relativement jeunes.

Entre son frère Gaston, le dernier-né de la famille et lui, il n exista jamais aucun lien de sympathie. En outre, tous deux menèrent

Troupeau dans le Médoc (Peinture).

leur vie en des milieux bien différents et même hostiles : 1 un revêtu des honneurs officiels, l'autre dans le monde des artistes libres.

Enfin il y avait aussi à Peyrelebade '• un vieil oncle, régisseur alors du domaine, et dont la physionomie débonnaire aux yeux bleus tient grande place dans les souvenirs de mon enfance (1) ».

Mais ce fut la Nature qui, dès le premier éveil de Redon, le saisit et le domina pleinement, le marquant d'une ineffaçable empreinte : " Je fus porté en nourrice à la campagne, dans un heu qui eut sur mon enfance

(I) Od. R.. a s. m., p. 13.

1.3

et ma jeunesse, et même sur ma vie, beaucoup d influence. C était alors bien désert et bien sauvage; les lieux ont changé; je vous parle de ce qui fut. On y allait alors en diligence et même en voiture à bœufs, locomotion monotone, d'une lenteur paisible et engourdissante. Mais l'esprit libre, les yeux dispos, on s'allongeait sur les bancs du char pour ne plus voir que le déroulement du paysage, doucement, délicieusement, à peine remué sur place, en état fixe de suggestive contemplation.

V>'

Coll. de M"" Redon.

Etudes (Dessin à la mine de plomh).

« On traversait ainsi sans bruit, ni les surexcitations d un voyage d'aujourd'hui, et même sans fatigue, la route longue et triste qui s'allonge indéfiniment de Bordeaux à Lesparre, droite et seule, coupant des landes sans fin de sa ligne uniforme et haute de beaux peupliers. La vue s'y étend jusqu'à l'horizon, par-delà des genêts, ainsi que sur un océan de terre : un infini...

« Dans la région dont je vous parle, située entre les vignes du Médoc et la mer, on y est seul. L'océan, qui couvrait autrefois ces espaces

14

LE PAPILLON BLANC (Peinture)

déserts, a laissé dans l'aridité de leurs sables un souffle d'abandon,

d'abstraction. De loin en loin, un groupe de quelques pins, faisant

entendre un continuel bruissement de tristesse, entoure et désigne un

hameau ou quelque parc

pour des moutons. C'est

une sorte d'oasis autour

de laquelle de tranquilles

bergers dessinent, avec

de hautes échasses, leur

étrange silhouette sur le

ciel. Ces petits villages

n ont point d églises.

Partout l'humanité

qu on y trouve semble

s anéantir, éteinte et

dissoute, chacun les

yeux navrés, dans

l'abandon de soi-même

et du lieu.

" C'est à travers ces arides plaines que j'ai passé la première fois

enfant, avant l'éveil de ma conscience, presque en deçà de ma vie, ] avais deux jours.

« Je les ai traversées bien des fois depuis : les bœufs furent remplacés par des chevaux, ceux-ci par le fer dur sur les voies et les engins du monde moderne je ne récrimine pas. il reste toujours 1 esprit de l'espace et des lieux déserts, et le bruissement harmonieux des pins sous le vent du large, et les bruyères, et le silence et l'admirable éclat de la lumière dans le clair azur.

« Sur la lisière de cette lande, longeant le beau fleuve, s'allonge, étroit et resserré de vignes, le Médoc, avec ses résidences nettes, ses chemins étroits, son luxe de culture traditionnelle... (1) »

Tel est, esquissé en large fresque, le fond du décor général. Mais

Titan (Dessin à la

Coll. de M Rcdo:

lie plomb).

(1) Od. R„ .4 S. A'/., p. 12 et sur

15

un site plus restreint se trouvait davantage connu et aimé : Peyrele- bade (1). Si longtemps la propriété familiale des Redon, encore leur foyer central après la mort du père, et jusqu'au jour la vente en devint forcée après des circonstances douloureuses. « Un ancien domaine entouré de vignes et de terres incultes, avec de grands arbres, des genêts toujours, des bruyères tout près du château... On ne voyait au delà du seuil que des terrains vagues garnis de ronces, de fougères, et des restes de larges allées plantées d'ormeaux et de chênes, routes abandonnées, à demi-sauvages, qu'on réservait autrefois pour le service de tout domaine : un reste de solennelle grandeur, décor naturel, sans convention et sans lignes, taillé sans pénurie à larges coupes, en plein bois ou forêt vierge peut-être, à travers des terres qu'on ne mesurait pas (2). »

C'est que l'enfant, chétif de naissance, isolé moralement parmi les siens, pousse, moins dru sans doute, mais aussi spontanément que les sauvageons issus du sol fruste. « Les sensations reçues et dont il me reste un souvenir lointain sont celles de mes jeux avec les petits enfants de la maison, au milieu desquels on me laissait fort libre. Période confuse d la mémoire me sert assez mal, et qui ne refléterait d'ailleurs ici que peu de chose, sinon les ébats éternels de l'enfance, loin des contraintes de la ville et de ses gênes (3). »

Peut-être un tempérament plus robuste fut ainsi devenu énergique, brutal même. Il n'en est rien pour une nature sensitive que rebutent les mouvements violents, et qu'effraye le premier apprentissage com- mencé déjà de la lutte rude pour la vie. « J'étais tranquille, point batail- leur, inhabile aux entreprises de vagabondage par les champs les autres me conduisaient. J'étais plutôt confiné dans les cours ou le jardin, et occupé de jeux paisibles (4). »

Combien il importe de regarder et scruter de près ces impres- sions de la prime enfance. Et qu'il est heureux que Redon nous ait conservé et si bien décrit les siennes! C'est qu'elles sont essentiellement révélatrices d'une personnalité, source même de sa genèse. Or, cette

(1) La propriété de Peyrelebade était située à peu de distance de Listrac (Gironde). Le nom signifie : Pierre levée, sans doute en raison de quelque souvenir mégalithique.

(2) Od. R.. a s. m., p. 14.

(3) Od. R.. a s. m., p. 15.

(4) Od. r., a s. m., p. 13.

i6

Coll. <lc Dometv.

La Souffrance (Pastel).

émotion devant la lumière, cette attirance aussi pour les coins obscurs, suggestifs de la rêverie se complaît une âme reployée en sa vie inté- rieure, ne sont-ce pas les éléments, tant spirituels que matériels, qui plus tard aideront l'artiste à constituer son œuvre ?

Dans cette période se place un épisode imprévu et formant contraste. Vers l'âge de sept ans, Odilon se trouve amené à Pans, et y fait un séjour de plusieurs mois. encore ce n'était point la mère qui s'occupait de l'en- fant, mais une vieille bonne aimante et pleine de soins. Elle l'emmenait en de longues pro- menades à travers la grande ville. Mais et le fait était assez inattendu, elle le conduisit même dans les Musées. C'est qu'il put con- templer pour la première fois des œuvres plasti- ques, et qui plus est les chefs-d'œuvre des maîtres. Peut-être alors, dans l'éveil de puis- sances latentes et insoupçonnées, s'est murmuré contusément aux profondeurs de cette âme encore inconsciente, le fatidique : " Anch'io son pittore ! >'

Cependant, au retour dans le Médoc, quelques années se continuent dans l'ambiance et les conditions que nous avons décrites. Mais la première enfance s'achève, et voici qu'il faut songer à éduquer le sauvageon. Afin de ménager sa faible constitution physique, on avait attendu et l'on s'y prit assez tardivement. Pour 1 enfant jusqu'alors développé en pleine liberté, la contrainte des études et de la géhenne scolaire parut une torture véritable, dont il garda le plus pénible souvenir : « Je fus mis tard à l'école, à onze ans, je crois. Cette période est la plus triste et la plus lamentable de ma jeunesse. Externe cependant ; mais je ne me vois que tardif aux classes, travaillant avec un effort qui m'attristait. Que de larmes j ai versées sur des livres d'ennui que l'on me prescrivait d apprendre mot à mot. Je crois pouvoir dire que de onze à dix- huit ans, je n'ai ressenti que de la rancœur d'études. Elles furent

i8

inégales, sans suite, sans méthode, faites dans deux pensions de Bordeaux (I). »

On présumera quels fruits devait produire une éducation ainsi donnée et reçue. De fait, nous pouvons le noter ici, l'esprit grec et latm n'a contribué en rien à la formation intellectuelle de Redon. Soit dans les écrits émanés de lui, comme au cours des fréquents entre- tiens que nous eûmes ensemble, il ne nous souvient pas qu'il ait fait une citation des auteurs de l'antiquité classique, ni même allusion à leurs œuvres.

Comme évé- nement à cette époque se place la première commu- nion de l'enfant. Plus tard il en a remémoré les in- fluences ressenties. Elles paraissent bien avoir été plus d'ordre esthétique et sensible, que profondément mo- rales ou mystiques. « La grande émo- tion est à l'heure de ma première communion, sous les voûtes de Saint- Seurin, les chants m'exaltaient... Je

fus le visiteur radieux des églises, le dimanche, ou bien je m appro- chais au dehors des absides, sous l'attirance irrésistible des chants divins, j'allais de préférence dans les quartiers pauvres de la banlieue les temples sont populeux, la piété plus naturelle et vraie. Ce sont- des

(I) Od. R.. a s. m., p. 16.

19

heures dont je me souviens comme ayant ressenti une vie à son comble, haute et suprême, inouïe. Etait-ce par l'art ? Etait-ce de communion avec le peuple que j'aimais ?... Les chants sacrés me révèlent entièrement alors un infini sans mélange, découvert comme un absolu réel, le contact même de l'au delà (1). »

Cependant au cours des années de ce travail infructueux des classes, Odilon montre déjà un don natif, et qui ne tardera pas à se développer. Le dessin l'attire et il y réussit. Tout d'abord par des manifestations spontanées et bien rudimentaires, suffisantes cependant pour éveiller l'attention de son entourage, et engager à le pousser dans cette voie.

Au sein des ténèbres scolaires, c'est le rayon qui luit et déjà éclaire une voie d'avenir. « Je ne revivais et n'étais heureux que les jours de sortie durant lesquels je m'occupais... (2) » On lui avait fait prendre des leçons particulières. " J'ai gardé un souvenir tendre et pieux de mon premier maître et des heures ferventes d'étude et de douceur passées en son atelier... entouré à profusion des fleurs d un jardin hors ville, dans le silence de la solitude, et sous le jour d une large baie donnant lumière à la lisière d'un petit bois (3). » Puis c'était, vers sa quinzième année, cette heure aurorale et confuse de l'éveil ardent de notre être, moment décisif se dévoilent nos facultés, s orientent nos inspirations, et peut-être notre destinée. " La divine adolescence », ainsi qu'il l'exprime si bien.

Coll M A Lebiond

Eve (Peinture).

(1) Od. R., a s. m , p. 16 et

(2) Od. R.. a s. m., p. 16. U) Od. r., a s. m., p. 19.

Cependant, l'éduca- tion scolaire sommairement faite et hâtivement menée, a pris fin. Maintenant l'enfant n'est plus, et le jeune homme doit se préoccuper d'une carrière. Le choix lui en était pour ainsi dire naturellement imposé déjà : Odilon sera artiste. Dans sa famille, s'il ne trouve point un assenti- ment spontané, car d'autres projets avaient été formés à son égard, du moins ne rencontre-t-il pas de veto

péremptoire, ni même ;

d obstruction. Le père, l

doué lui-même d'une per- sonnalité forte, avait en

quelque sorte le respect A la vieillesse (Lithographie).

de celle de ses enfants. Et (PUnche tirée de laibum /.« .\w.)

ce n est point chose si

commune ! Il ne se contenta donc pas d'un acquiescement de tolérance,

mais accorda encore de subvenir aux frais matériels que devait entraîner

pour un temps assez long, la profession choisie.

Alors, pendant une douzaine d'années, va se poursuivre pour Redon une vie que l'on peut dire véritablement en partie double, tantôt en sa région native, et tantôt à Paris. Nous eûmes l'occasion jadis, analysant l'existence rurale et celle des grandes villes, de proposer cette remarque : « Peut-être, à notre époque, seul apparaîtra fondamentalement complet, l'homme qui comprend et goiàte ces deux modes de vivre en ce qu ils ont chacun de caractéristique et d'essentiel. Pour celui-là, résulte une complexité qui le rend supérieur à l'individualité homogène... mais bornée à la compréhension d'une seule de ces existences. Et certai- nement l'inspiration créatrice de l'esprit que nous étudions ici, se

nuance d'influences opposées, provenant directement de ses séjours à Paris ou à la campagne (1). »

En premier lieu, nous envisagerons son existence à Bordeaux et à Peyrelebade, car elle est le prolongement naturel des commencements que déjà nous connaissons. « Et d'abord il faut bien tenir compte que l'artiste originaire d'une campagne vraie, presque d'un pays sauvage, en a toujours gardé le souvenir et le contact. Ce n'est certes point un déraciné de cœur, ni même de fait. Chaque année, tant qu'il l'a pu, il s'en retourna dans le Médoc, sous son ciel à lui, respirer l'air natal (2). » Cette existence, elle était « calme, toute de terroir et de tradition fami- liale, avec ses aspects connus et ses coutumes anciennes. N'était-ce point elle qui avait constitué ses premières impressions, marquant d'un sceau indélébile sa sensibilité intime? En province, Redon ne se retrouvait pas un étranger. Il n'était plus, comme à Pans, un atome infinité- simal perdu dans le nombre immense. Mais, il redevenait une personnalité effective, possédant en sa sphère déterminée d'action, une autorité morale, un rayonnement d'influence respectée. Puis les effluves de la grande na- ture, en le pénétrant, le pacifiaient et l'élevaient à des hauteurs sereines (3)."

D'autant plus qu'il ne vécut jamais à la campagne qu'en désinté- ressé. Nous entendons par ce terme : qu'aux émotions humaines, d'ordre sentimental et esthétique, il n'eut point à joindre les tracas absorbants, le matériel souci de celui qui exploite sa terre. C'est ce qui donne au paysan souvent ce côté farouchement obstiné, ce je ne sais quoi de presque bestial, courbant sans rémission ses membres au labeur sur la glèbe. Comment avoir le temps, ni même l'idée, de jeter un regard de pensée ou de rêverie vers les lueurs douces de l'aube ou les splendeurs du couchant !

Et cet amour de la nature vint s'élargir encore pour Redon. Car il ne reste plus confiné seulement à Peyrelebade, en son coin de terre intime. Voici qu'il fait un séjour dans les Basses-Pyrénées, à Uhart-Mixe, près de Saint-Palais, la famille de son ami d'enfance Henri Berdoly, possédait un château entouré de vastes domaines. Ce fut une révélation pour cette âme SI sensible aux beautés du sol, que le spectacle soudain de

(1) A. M.. Et. s. R.. p. 31.

(2) A. M., Et. s. R., p. 30.

(3) A. M., Et. s. R., p. 30.

22

0-

ces hautes montagnes élevant dans un ciel bleu leurs sommets aux neiges étincelantes. L'entassement chaotique des rochers, le bruit des torrents, la

pureté transpa- rente de l'air tout cela 1 em- plissait de sensa- Z/'"''^. tions nouvelles

et profondes.

Puis aussi les

1/ êtres qu'il con-

i'' templait : cette

,! race des Basques

V ' \ très ancienne en

-^' sesoriginesauto-

\ chtones encore

, '. mystérieuses,

~^ V demeurée si par-

. j ticulière dans sa

langue comme ■^^ ses usages, et

dont les femmes par surplus of- fraient un type remarquable de

Coll de M"" Redon. 1 i ' C C

Portrait de Déodat de Séverac (Dessin à la mine de plomh).

une excursion poussée au cirque de Gavarnie, 1 entraînait plus loin à travers les cimes escarpées, jusqu'en Espagne, li visita Pampelune. Les émotions alors éprouvées, laissèrent à Redon d'ineffaçables souvenirs, dont la trace devait se retrouver dans ses œuvres...

A Bordeaux, le jeune artiste faisait souvent aussi des séjours durables, se continuaient les études commencées et les travaux entrepris à Pans. Toutefois il jouissait en j^rovince d'une ambiance plus calme qui lui permettait davantage le recueillement. Il avait d'amicales relations, notamment son ancien professeur de dessin qu'il estimait et ne cessa jamais de revoir avec affection.

24

Mais deux personnalités entrèrent alors dans son cercle intime, que nous devons tout particulièrement signaler. C'est que, à des titres différents, elles exercèrent sur la formation générale de Redon, aussi bien comme homme que comme artiste, une réelle influence.

La première, celle qui peut-être eut la part la plus grande sous ce rapport, fut le botaniste Armand Clavaud. D'une complexion originale et vive, il appartenait à la catégorie rare des esprits qu'on peut dire complets, lesquels ne se contentent pomt ce qui pourtant est beau- coup déjà, de se montrer mstruits et actifs dans leur spécialité, mais s'ouvrent encore largement à toutes les vues humaines. De semblables in- tellectualités, vi- sant à l'encyclopé- die synthétique se retrouvent surtout au Moyen-Age et à la Renaissance. C est la tendance qui permet d a- grandir et de mieux faire fructifier le champ d'un labeur particulier. Ces hommes, égaux à leurs pairs dans le cercle donné des mêmes observations, leur deviennent supérieurs, parce qu'ils peuvent et savent s'éclairer de la comparaison avec d'autres domaines. Ainsi s'enchaînent mutuellement par relation

Le bouquet blanc.

ces éléments si variés constituant le grand tout qu on appelle l'Univers.

« Clavaud était extraordinairement doué. Nature de savant autant qu'artiste (ce qui est rare), toujours apitoyé sur les révélations du micros- cope, toujours à ses collections d herbiers qu il visitait, soignait et classait sans cesse, il s adonnait encore avec passion à la lecture et à des recherches littéraires, avec une érudition éclairée. Ainsi il avait pu former dans le silence, les difficultés et l'isolement de la vie de province, une bibliothèque qui ne comptait que les chefs-d'œuvre, ceux des lit- térateurs de tous les temps. Il me parlait des poèmes indous, qu'il admi- rait et adorait par-dessus tout, et qu'il se procurait onéreusement, en s imposant des privations dans sa pauvreté. Très avisé, il était au courant de tout. Lorsque parurent les premiers livres de Flaubert, il me les désignait déjà avec clairvoyance. Il me fit lire Edgar Poe et Baudelaire, Les Fleurs du Mal, a 1 heure même de leur émission. Il professait pour Spinoza une admiration quasi-rehgieuse. Il avait une manière de pro- noncer ce nom avec une sensibilité et une douceur dans la voix qu'on ne pouvait entendre sans émotion (1). » A tant de points de vue, pour Redon prédisposé à la pensée, mais de culture restreinte et si mal ordonnée dans le passé, Clavaud était un véritable révélateur.

Avec une incomparable aisance, ce maître vivant et passionné évoluait à travers les âges littéraires, depuis les chefs-d'œuvre des primi- tives civilisations, en passant par l'antiquité classique et l'époque médiévale, jusqu'au Romantisme moderne. Il appréciait les mani- festations les plus variées, montrant un attrait de prédilection pour Shakespeare, cet esprit lui aussi tellement universel. Plus haut dans les siècles, les recherches sur le sanscrit, les Védas, la religion bouddhique, retenaient sa curiosité et 1 émouvaient ardemment. De tous ces enthou- siasmes partagés l'aspiration de Redon se formait, et plus tard il devait en retrouver l'élan dans le domaine d'art qui fut sien.

Mais la littérature n était point le seul mode d'esthétisme dont se préoccupa Clavaud. « Dans les arts plastiques, il goûtait la vision sereine de la Grèce autant que le rêve expressif du Moyen-Age. Dela- croix, dont la peinture rencontrait encore beaucoup de réfractaires, était

(I) Od. R„ a s. m., p. 19.

26

GERMINATION

(Lithographie)

défendu par lui avec véhémence; et j'entends encore la démonstration qu'il me faisait de ce sens de la vie et de la passion qu'il y sentait, me parlant de l'irradiation vitale qui s'épand des attitudes de ses guerriers, amants ou héros ; de la vie

passionnelle qu'il y voyait '~

et qu il comparait au génie de Shakespeare, me disant qu un seul mot du drama- turge anglais dessine immé- diatement et en entier le personnage. De même chez Delacroix : une main, un bras aperçus dans un fragment de la scène traduisent aussi toute la personne (I). »

L'intérêt éprouvé par Redon était tel que sou- vent, dès son retour chez lui, il notait avec soin les propos et les jugements entendus (2). On peut con- cevoir la capitale influence que put exercer une intel- hgence aussi lucide et vaste sur la personnalité à peine naissante du jeune artiste. Surtout si l'on joint aux connaissances variées du mentor et à sa pensée originale, une chaleur d'attraction, une vivacité de parole et son courant de sympathie. Leur amitié, même lorsque plus tard ils furent séparés, ne cessa jamais. Et la mort de Clavaud, survenue rapide et prématurément, en 1890, dans de pénibles circonstances, fut un coup cruellement subi : ...Je sentis soudain qu un appui me manquait. Sa mort me laissa un malaise. Je fus dans un litige, litige douloureux et sans issue devant l'inexorable. Je voudrais maintenant

Voici la bonne dtesse, I idcunnc ilcs luoiitjgi ( Lithographie. J

(PLinche lirée de l-a TcnLilion J, Sa,nl-Anl«mf.)

(1) Od. R.. a s. m., p. 20.

(2) Voir ; App. Noie 2.

lui donner ma pensée plus résolue, et plus sûre qu'autrefois. Il ne connut de moi que la sensibilité d'un être flottant, contemplatif, tout enveloppé de ses rêves. Lui, plus âgé que moi, dont l'instruction était forte et

solidifiée de sciences, malgré son idéalisme, il était comme un bloc, je 1 écoutais (1). » A la mémoire de son ami Armand Clavaud, Odilon Redon a dédié l'album intitulé : Songes.

C est à Bordeaux encore, qu'il connut un curieux et intéressant

(I) Od. R., a s. m. p. 21.

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personnage : le graveur Bresdin (1). L'arliste vieilli déjà s'était retiré dans cette ville, après une existence aventureuse mêlée de complexes vicissitudes. Pauvre, chargé de famille, il y menait une vie solitaire et pour amsi dire ignorée, tout entière consacrée à son art. Pittoresque figure, attachante aussi et digne de sympathie. Ses œuvres, d'une inspiration naïve mais d'une exécution compliquée, n'eurent longtemps qu'un petit cercle d'amateurs. Depuis un certain nombre d années, elles paraissent jouir d'un regain d'estime légitime- ment mérité. A ce résultat, quelques écrits de Redon sur ce sujet ont pu contribuer (2). Leurs relations commencées vers 1863 devinrent rapidement intimes, et malgré les interruptions causées par l'éloigne- ment, durèrent jusqu'à la fin de la vie de Bresdin.

Quelques traits puisés dans les souvenirs de Redon évoquent les débuts de leur liaison, ainsi que la nature de leurs rapports : « Je le vis à Bordeaux dans une extrême détresse qu'il oubliait dans un labeur forcené. Sa rue, d'appellation ancienne, ne porte plus aujourd'hui ce nom de rue Fosse-aux-Lions, qu il me faisait remarquer en plaisantant, avec un sourire. Elle était proche du beau cimetière de la Chartreuse que je traversais quelque-

C;oM. de M"" Redon,

Etude pour " Silence ". i Dessin à la mine de plonth.)

(1) Le littérateur Champfleury lui créa une certaine popularité par l'une de ses œuvres, dont il l'avait fait le héros sous le surnom bizarre de Chien-Caillou. Voir : CnAMPFLEOfY, Chien-Caillou, Paris, E. Dentu, 1882. Le titre du volume provient de celui de la première des nouvelles qui composent 1 ouvrage. Plus récemment, une réédition en fut faite : ClIAMPFLEURV, Qien-Cai7/ou. (Nouvelle illustrée par Paul GllIGNEBAULl), Paris. H. F1.0UKY. 1903.

(2) Voir : Odilon Redon, Rodolphe Bresdin : Dessins sur pierre, eaux-fortes, dessins originaux. La Gironde, 10 janvier 1869. - A une date ultérieure : Odilon I^EDON, Rodolphe 6r«</in (1822-1883). Prélace pour V Exposition rélrospeclive d'œuvres de Bresdin, organisée par M. J. Perrichon. Salon d'Automne, 6'' Exposition, 1900. On pourra aussi consulter utilement: Robert DE MoNTESQUiOl), L'Inextricable traceur, Rodolphe Bjesdin. Paris. H. FlOURV, 1913.

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fois en allant chez lui, le matin à la première heure. C'était au printemps. Cette saison, à Bordeaux, a des douceurs délicieuses ; l'atmosphère y est humide et chaude sous un ciel clair, la lumière limpide. Je ne sais si c est le recul du temps qui amplifie ainsi les impressions de la jeunesse, mais nulle part et jamais je n'ai goûté si fortement la vivifiante souplesse de mes marches le long des petites rues solitaires aux trottoirs étroits qui me conduisaient chez lui. C'étaient des quartiers à demi faits, sans agglomération humaine, des arbres émergeaient des jardins par-dessus des murs bas ou des palis- sades, où des fleurs d'aubépine tombées sur les trottoirs, et que je foulais, me plongeaient dans de singulières rêveries... (1) "

Voici maintenant le portrait esquissé de Bresdin : " C'était un homme de moyenne taille, trapu et puissant, les bras courts. La figure aux yeux clairs et fins. Un front placide et haut qu'aucune ride ne rayait... Il était de 1822. Et le petit village il est ne lui avait mis sous les yeux, en son enfance, que les paisibles tableaux agrestes de la campagne... Il m a dit que sa mère était du monde de la noblesse, et cette origine expliquerait peut-être les traits disparates du caractère qu'on voyait en lui. Il était peuple et aristocrate. Il tenait sans doute de cette naissance les particularités de sa nature étrange, fantasque, enfantine, brusque et bonne, subitement repliée, subitement ouverte et enjouée... Il était pauvre et entouré d'objets bien précaires, mais tout ce qu'il touchait de ses belles mains fines donnait à l'esprit l'idée d'une chose rare et pré- cieuse. Quand il travaillait, ses doigts en fuseau semblaient prolongés de fluides qui les liaient à ses outils... Des mains artistes. Elles révélaient bien, comme toute sa personne d'ailleurs, l'être à part et de destination fatale, l'être prédestiné que doivent faire souffrir sourdement, douloureu- sement, les heurts journaliers de la vie ordinaire contre celle de sa dilection. L'artiste, cet accident, cet être que rien n'attend dans le monde social, sauf l'amour et l'admiration de quelques êtres, au hasard des affi- nités, l'artiste est bien condamné, quand il naît sans fortune, à subir toutes les duretés du désenchantement. Mais Bresdin, par un don naturel d enjouement et d'allégresse, portait hautement les blessures du sort : ses dehors à qui savait voir exprimaient la bonté (2). >'

(1) Od. R., a s. m., p. 131.

(2) Od. R., a s. m., p. 123 à 129.

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LA FLEUR DU MARECAGE

(Lilhosralthic)

Lorsque Redon écrivait sur les soufïrances qui presque toujours viennent assaillir un véritable artiste dans sa vocation, ces lignes empreintes de mélancolie profonde, sans doute il faisait un pensif retour sur lui-même. Par combien de points, sa propre destinée ne se rapprocha-t-elle pas, surtout en certaines périodes cruelles, des traits âpres qu'il marquait douloureusement, hélas ! et si justement.

Mais le vieux graveur avait aussi des particularités, de petites manies, pourrait-on dire, oîi l'on retrouve des concordances avec son faire artistique : « Il jardinait volontiers et avec la minutie d'un Chinois. Subtil en tout et méticuleux, il apportait sa finesse, sa délicatesse, ses curiosités d'analyse et d'observation. C'était alors, plus qu'à tout autre moment, qu'il avait l'esprit alerte et qu'il s'épanchait en jets de paroles subits et saisissants qui me laissaient pensif (1). »

Que de longues conversations entre eux ! Non comme celles avec Clavaud, planantes et vastes sur les sujets les plus variés, mais davantage circonscrites à 1 art plastique, spécialement la gravure, sa technique et ses maîtres. D ailleurs, sans préjudice d'envolées vers la rêverie venant illuminer souvent ces précisions de métier. Redon, par surplus, travaillait matériellement sous la direction de ce guide d'une expérience si avertie et d'inspiration sincère. De Bresdin il a donné plus tard une effigie, un peu idéalisée, dans sa belle estampe lithographique : Le Liseur...

Nous 1 avons indiqué précédemment, une autre partie de l'exis- tence de Redon et non la moindre, se passe dans des conditions opposées, en un heu très différent. C'est à Pans « ce grand centre civi- lisé, où des intelligences vives et variées subissent l'excitation émanée de ce rapprochement. Ville plus prenante encore pour les caractères neufs qui lui sont arrivés de province jeunes, et en quelque sorte vierges de toute empreinte brûlante. Ceux-ci, Pans les tue ou les féconde ! Si peu qu'on éprouve la trépidation ambiante, même cherchant à s'en abstraire, sa fièvre nous pénètre toujours par une sorte d'endosmose. Apre courant de production, d'élan à vaincre les autres, à se surpasser soi-même, à la face d'une foule nombreuse et où, par surcroît, se trouve une élite. De découle une sorte de supériorité pour 1 homme qui a connu, partagé et, malgré tout, aimé ce mouvement intense (2) ».

(1) Od. R., a s. m., p. 126.

(2) A. M.. Et. s. R.. p. 30.

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De cette influence complexe Redon se rend compte, et l'avoue explicitement. S'il lui arrive, tandis qu'il est à la campagne, d'écrire à un ami : « Je m'oublie un peu ici... bientôt quatre mois de calme et de recueillement absolu ; le contraste est grand après l'existence de Pans... Si n était nos bonnes causeries qui me manquent ici pour me ranimer et me soutenir un peu, j'aimerais fort la solitude entière dont on jouit dans ce coin retiré... (I) ». D'autre part en une lettre postérieure de quelques mois, dans laquelle il analyse la crise de for- mation personnelle il se trouve, nous rencontrons cette constatation : « Mon naturel est faible, défaillant : je le reconnais et j'en souffre. Pans m est plus salutaire pour soutenir ma volonté de chaque jour, celle qui fait la vie. Je n agis ici que par bonds et secousses, et ces réveils intermittents me fatiguent et m'accablent (2). »

Quelle était donc l'existence de Redon, à cette époque, dans la grande ville ? Celle d'un jeune homme libre partageant, malgré la spécialité de ses travaux d'artiste, les habitudes courantes des étudiants en droit ou en médecine. Plutôt resserré dans ses ressources, il n'en était point toutefois dépourvu, car sa famille, sans lui permettre de mener larges ébats, lui fournit du moins toujours le nécessaire. Au reste Redon ne se montre point dépensier, il est ordonné même. Jamais il ne fît partie intégrante de la bohème, dont Murger poétisa les fantai- sistes mais au fond assez piètres aventures. D'autant que cette période romantique déclinait, dernier vestige affaibli des temps lointains du Moyen-Age, la corporation universitaire formait une petite cité avec son aspect, ses mœurs et ses curiosités particulières.

D ailleurs si Redon fréquenta le quartier latin, il ne l'habitait pas. C est à Montparnasse nichait une colonie d'artistes, faisant pendant à celle des Batignolles, qu'il avait établi ses pénates. Il pouyait jouir d un calme relatif au sein de la ville agitée. Il aimait cette quasi-solitude, les longues flâneries paisibles dans le jardin du Luxembourg, resté beau encore malgré que bien diminué. Cette région de la rive gauche, même après son mariage, fut longtemps la sienne. Et quand plus tard, son existence étant avancée déjà, sa notoriété établie et ses relations

(1) Man. de R. Broujllon non daté d'une lettre antérieure à 1870.

(2) Man. de R. Brouillon d'une autre lettre.

FLEURS (Pastel)

s'élarglssant le forceront de traverser les ponts et d'aller loger sur la rive droite, il lui semblera accomplir un événement grave, presque symbolique (j).

Coll. M.-A. Lcbiond.

La Pensée (Peinture).

Nous avons dit qu'il n'existait plus de véritable cité universitaire, mais il y avait toujours le groupement nombreux et très vivant des

(I) L'influence ressentie a été notée par I artiste: Je ne saurais vous dire le tourment profond que me cause un simple déplacement, un changement de demeure... Il me faut pour reprendre vie et goût au labeur au nouveau gîte je vais être, du temps, beaucoup de temps, des saisons mcmc. ' Mon. de R. Et il ajoute cette réflexion empreinte de psychologie : Quitter un lieu habituel participe de la mort. De l'effroi d'un recommencement ailleurs. D'". En ce qui concerne les divers logis habités par Redon, voir : App. Note 3.

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étudiants, qu'on appelait, à 1 époque de Napoléon III, la jeunesse des Ecoles. Elle était bruyante et gaie, privilège naturel de son âge, mais de plus assez effervescente sous le rapport des manifestations politiques. C'était la protestation contre le système autoritaire jusqu à la compression, qui avait succédé aux secousses incohérentes de 1848, et se continua jusque vers la fin du second Empire. Dans les manuscrits de Redon et sa correspondance d'alors, on trouve des traces de cette ébuilition qui agitait souvent le quartier latin. Mais si ses opinions étaient foncièrement hostiles au régime, sa part d'activité réelle ne paraît point avoir été grande. Jamais d'ailleurs, au cours de sa vie entière, les intrigues compliquées, les manœuvres d'une moralité

parfois SI différente de l'honnêteté ordinaire qui constituent trop souvent le fond de ce qu'on appelle la poli- tique, n'attirèrent ou même ne purent intéresser cette âme élevée, dont la probité était souverainement scru- puleuse.

Redon avait parmi ses compa- gnons plusieurs jeunes gens de la région bordelaise. Entre eux ils aimaient à se retrouver, avec 1 accent de là-bas, leurs souvenirs familiaux, et jusqu'à de pareils goûts culi- naires. Le meilleur ami fut Henri Berdoly, celui-là même qui l'invitait et le recevait si hospitalièrement à Uhart (1). Alors étudiant en droit, ensuite avocat, plus tard il devint sé- nateur. Etrange contraste qu'offrait avec le jeune artiste ce bon vivant, gaillard et inlassable coureur du beau sexe, demandant avec exubérance à la vie insoucieuse tout ce qu'elle peut donner de jouissances maté-

Passage d'une âme (Eau-for le).

(I) La famille Berdoly était propriétaire, à Bordeaux, de la maison, 26, rue des Allées-d'Amour naquit Odllon, et dans laquelle demeurèrent pendant de longues années les Redon.

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rielles. Il avait connu Redon à Bordeaux, dès l'enfance, s'était pris pour lui d'une affection sincère et profondément attachée, qui ne se démentit jamais. Des carrières très différentes, et l'éloignement de rési- dences qu'elles comportaient, espacèrent plus tard leurs relations, mais jusqu'à la mort de Berdoly, tous deux conservèrent fidèlement le souvenir des premières années.

Certes il est curieux de lire les lettres que Redon avait voulu garder de son ami. Plus intéressant encore serait de connaître celles de l'artiste mais, que sont-elles devenues ? Le joyeux étudiant se peint lui-même en sincère franchise. Cependant, il fait en outre des allusions au travers desquelles on entrevoit aussi le portrait de celui auquel il écrit, en donnant des détails sur leur vie d'alors. Redon apparaît,

ce sont des caractéristiques marquées dé)à et qui ne feront que s'accentuer, comme un être foncièrement plus sage et pondéré que son entourage, d'une sensibilité supérieure, et surtout d'un irrésistible penchant à la rêverie. De une physionomie particulière, disons même originale au milieu de ses compagnons de jeunesse. Non point d ailleurs qu'il se posât en misanthrope morose. Il avait à l'occasion la gaîté franche et se montrait bon camarade. Mais les extériorités bruyantes, chères à la pétulance juvénile, loin de l'absorber comme les autres, lui causaient plutôt une impression de futilité et de vide. N'est-ce pas le sentiment définitif dont le monde ambiant, davantage expérimenté et subi, remplira le fond de son âme (1).

Coll. He M" R.doi

Ornement décoratif. (Dessin à l'encre de Chine.)

(I) Que si l'on avait la curiosité de connaître physiquement Redon à cette époque, il est un document qui. malgré sa banalité courante et son côté superficiel, ne laisse pas que d'apporter quelques indications. C'est le signalement énoncé dans un passeport à lui délivré en 1862 par la Préfecture de Bordeaux. Il en fallait alors pour circuler, même à l'intérieur du pays. Voir le libellé de cette pièce : App. Note 4.

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Cependant, au cours de ce laps de temps, Redon ne néglige point les occupations ainsi que les études afférentes à sa carrière d artiste.

Nous l'avons vu, son père n'avait point entravé sa vocation, mais par un reste de prudence bourgeoise, il avait d'abord mis comme condi-

Coll. de M"" Redon.

Etudes (Dessin à ta mine de plomh).

tion qu'elle viserait un but pratique : Odilon devait être architecte. C'est dans ce sens qu'il travailla d'abord. Mais il sentait bien que ce n'était point sa véritable voie. 11 obtint, alors de sa famille de pou- voir se consacrer entièrement à la peinture. Toutefois, derechef on lui imposa la traditionnelle formation de l'atelier académique. Après un essai loyal, mais qui resta vain, de se conformer à un enseigne- ment SI opposé à son tempérament, le jeune artisan conquit enfin sa pleine liberté. Et c'est désormais seul qu'il cherche, dans des efforts confus et souvent pénibles, à dégager l'énigme de sa personnalité et de son avenir.

A cette époque, il tenta quelque peu d'écrire. Non qu'il songeât à sacrifier au démon littéraire celte plastique pour laquelle il se sentait une

- 36 - ,

PROFIL DE LUMIERI

vocation arrêtée et sans cesse fortifiée mais par idée de se créer en plus un autre mode d'expression d'art. Ces premiers essais, demeurés dans ses manuscrits, apparaissent d'une juvénilité incertaine, portant surtout des traces d'influence romantique. Mais leur intérêt est de nous faire connaître les débats intimes qui s'agitaient alors au fond de lui-même. Car ce sont moins des œuvres liées et composées, qu'une sorte d autobiographie, répétée sous des formes variées, de ses impres- sions et sentiments, ainsi que de ses vagues aspirations. Et sa tendance essentielle se manifeste bien dans le choix de ce pseudonyme par lui adopté : // rêve.

Redon, toutefois, ne vivait pas en complet isolé de ses contemporains d'art. Il en connut plusieurs et certains même notables, avec lesquels il entretint quelques personnelles re- lations : Corot, principale- ment Chintreuil, aussi Courbet. Mais sa grande occupation était de fré- quenter assidûment les Musées. C'est qu'il se mettait en communion avec les maîtres, méditant leur esprit, analysant aussi leur métier dont il pénétrait les secrets par les copies atten- tives qu'il faisait de leurs œuvres.

Ainsi se passent des années assez nombreuses de lente et secrète incu- bation, que corroborent des études faites en toute liberté, mais avec intelligence et une conscience sérieuse. En outre quelques réalisations effectives, modestes d'ailleurs et peu abondantes, le présentent déjà

Les prêtresses furent en attente (Lithographie).

(Planche lircc de lalhum La \ml.)

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au public. C est ainsi qu'il figure au Salon officiel de 1867, dans la sec- tion de gravure, avec une petite eau-forte sous ce simple titre : Paysage ( I ). A Bordeaux, se tenaient alors des expositions régionales importantes et suivies, il se manifestait plus amplement par des œuvres de peinture. Et même son Roland à Roncevaux attirait déjà l'attention grâce à des qualités réelles d'originalité naissante (2).

Mais nous devons signaler très particulièrement une série d'articles de critique sur le Salon de 1868, écrits par Redon pour le journal La Gironde (3). Non point seulement à cause de la valeur de leurs jugements empreints d'un esprit pénétrant et compréhensif, qu'appuient en outre de solides considérations techniques. C'est qu'à notre avis, ils montrent que Redon avait pris conscience déjà, au moins pour les principes essen- tiels, de l'art si personnel qui sera le sien, lorsque plus tard il aura trouvé le mode expressif capable de rendre plastiquement son inspiration. A l'égard de notre assertion nous considérons comme probantes des affirmations de sa part telles que les suivantes : " ...Quelques-uns veulent absolument restreindre l'art du peintre à ne reproduire que ce qu il voit. Ceux qui restent dans ces limites bornées se condamnent à un idéal infé- rieur. Les maîtres nous prouvent que l'artiste une fois en possession de son langage, une fois qu'il a pris dans la nature les moyens nécessaires d'expression, est libre, légitimement libre d'emprunter ses sujets à l'histoire, aux poètes, à son imagination... (4) » " Tout en reconnaissant comme base la nécessité de la réalité vue... l'art véritable est dans la réalité sentie. (5) >' « ...A nous maintenant de nous livrer à notre fantaisie, à nous de créer librement... Les imitations épuisées de 1 art antique, depuis longtemps condamnées par leur absence de vie, doivent faire place au règne de l'expression de Vaccent moral... embellir toujours d'une poésie bienfaisante, luxe magnifique, inépuisable trésor de l'imagination humaine, hors de laquelle il n'y a point de salut (6). »

(1) Plus tard, dans son œuvre, elle sera dénommée différemment : Le Gué. Elle datait d ailleurs de 1863.

(2) A lire l'appréciation favorable de FÉLIX LÉAL, Salon Bordelais, 19* Exposition de la Société des Amis des Arts. La Gironde. 14 mai 1870.

(3) La Gironde, numéros des 19 mai, 9 juin et i*^' juillet 1868.

(4) Dilo, 19 mai 1868. (3) Dite. 9 iuin.

(6) Dilo, 2 août.

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Roland (Dessin à la plume J.

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A cette époque, Redon commence à n être plus complètement un débutant mconnu. Aussi un de ses amis, l'architecte A. Carré, n'hésite- t-il pas à lui confier la décoration dune chapelle à Arras. Le jeune artiste, dont c est la première composition d'envergure, accepte le travail, s'y met aussitôt et l'achève rapidement.

Nous sommes en 1870. C'est alors que « brusquement éclate un événement imprévu, non pas afïérent seulement à 1 artiste, mais d effet puissant sur la société et le pays il vit... dont le retentissement à vaste portée entraîne chacun et tous dans son orbe perturbatrice. Date qui fait dire, bien longtemps encore après : 1 Année de la guerre, comme d'une terrible hégire, dressée sanglante et ineffaçable (1) ».

Quelle était la situation de Redon au point de vue militaire, et dans quelle mesure prit-il part aux événements ?

A l'époque du second Empire, le service militaire obligatoire et égal pour tous n'existait point. Après le recensement et le tirage au sort des conscrits, se trouvait seulement appelé sous les armes le contingent reconnu nécessaire. Celui-ci était formé avec les numéros les plus bas. Les autres qu'on appelait les bons numéros, demeuraient exonérés de tout service. Néanmoins les premiers avaient la faculté de se racheter, c'est-à-dire de trouver, moyennant une somme d argent qui variait selon l'offre et la demande, un exempté qui voulût bien partir à leur place.

Dans les conditions de recrutement que nous venons d exposer, Redon appelé au tirage avec sa classe, et favorisé d'un bon numéro (2), n'avait eu par conséquent aucun service militaire à faire.

C'est le 19 juillet que l'Empire déclarait officiellement la guerre à la Prusse, dans des circonstances historiques sur lesquelles nous n avons point à nous étendre ici. Au bout d'un mois la malheureuse France avait vu se consommer sa déchéance militaire et perdait sa suprématie

(1) A. M.. Et. 5. R., p. 27.

(2) Il était porté au recensement de la classe 1860 (2'' Arr' de la Justice de Paix de Bor- deaux), tira au sort le 3 mars 1861 et eut le numéro 135, non compris dans le contingent.

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en Europe. Malgré d'hércïques efforts et de sanglants sacrifices, une série ininterrompue de revers dus à des négligences antérieures, à l'in- suffisance du haut commandement et à une malchance obstinée, abou- tissait à la catastrophe de Sedan (2 septembre). Celle-ci, après la reddition et la capture de Napoléon III, entraînait la chute de sa dynastie et du régime impérial. Le 4 septembre la République était proclamée, et ses représentants voulurent continuer la lutte. Gambetta surtout incarna cette résistance sans issue qui, si elle paraît insensée au regard de la froide logique, eut du moins ce suprême effet de nous relever devant le monde. Les souffrances, supportées jusqu'au delà de l'extrême limite, rendirent moralement à la France la grandeur, que lui faisaient perdre politiquement ses erreurs, sa légèreté et l'impéritie de celui à qui elle avait confié sa destinée.

Le nouveau gouvernement dit de Défense nationale, afin d'atteindre son but de combattre à outrance, dut faire état des forces totales du pays. Notamment « on avait appelé sous les drapeaux ce qui restait des réservistes, les anciens militaires au-dessous de trente-cinq ans, les jeunes gens de la classe de 1870, tous les gardes mobiles, et ceux qu'on nomma les mobilisés ou les vieux garçons, tous les gardes nationaux célibataires ou veufs sans enfants, au-dessous de quarante ans (1) ». Redon, à peine âgé de trente ans et non marié, se trouvait donc compris parmi les mobilisables, et fut effectivement appelé.

C'était pour la vie que menait l'artiste, avant tout intime et consacrée à de paisibles études, un complet bouleversement, moral aussi bien que matériel. On en retrouve le contre-coup, les nuances psychologiques et la noble acceptation dans les pages qu'il écrivit alors, seulement pour lui-même, sous forme d'abord de méditation et d'examen de conscience, puis comme journal de route.

Avant tout domine chez lui la haute appréciation du devoir à remplir le Devoir, cette règle suprême qui décide sans appel pour un caractère véritable et une âme élevée. « L'heure est impérative... J'exposerai mes jours pour l'honneur du grand nombre, j avancerai avec confiance (2). » Redon avait, dès le début, ressenti profondément

(1) A. ChuquET. (Histoire générale du IV'- siècle à nos Jours, par E. Lavisse et A. Rambai'd). chap. XXI. La Guerre de 1870-1871. (La Défense nationale), p. 812.

(2) A/an. de R.

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les défaites du pays. En outre, le régime impérial, pour lequel la jeunesse d alors dont il faisait partie ne professait guère d'estime, venait de sombrer dans la tourmente. Il ne restait donc plus que la Patrie et il

I aimait d une passion admirative : " Tes malheurs, pauvre France, comme tes succès, ont quelque chose d'extraordinaire. L'Europe est inquiète, il semble que tout s'arrête, comme obscurci par la pénombre tu passes (I). » C'est qu'il la considère comme un flambeau du monde, et " on ne peut pas tuer la lumière (2) ».

Cependant si Redon est franchement patriote, il ne témoigne point de chauvinisme puérilement démonstratif. Surtout il n'éprouve aucun penchant démesuré, comme certains de ses jeunes compagnons d'armes, pour la gloriole du panache et des grades, sans comprendre la lourde et sérieuse responsabilité qu'ils imposent. Ce qu'il veut, c'est servir modes- tement dans le rang à côté des humbles, du paysan et de l'ouvrier, qui donnent leur sang simplement et sans ambition : « Après de mûres réflexions ou plutôt sans réflexion, spontanément... aisément, je me mets dans les rangs des soldats. Je n'ai point de génie militaire. Je ne crois pas non plus être sur le champ de I action à la hauteur de tout ce que demande mon espérance... Je reste simple soldat, je pars simple soldat, je reviendrai, s'il plaît à Dieu, simple et humble soldat (3). »

II pourra dire dans toute la sincérité de sa conscience : « Je pars aujourd hui le cœur bien léger et l'âme souverainement attendrie (4). »

Puis au fond de lui-même s éveille cette attirance, instinctive pour tout esprit jeune, vers le mystère de l'inconnu. « ...Quelque chose me pousse d ailleurs, la confuse curiosité de voir la bataille; le danger stimule l'âme, allons-y. Je verrai du pays... (5) » Et, ce qui marque bien son caractère de penseur, il songe qu'il va explorer encore de « nouveaux points de la conscience humaine (6) ». A peine un murmure lui échappera-t-il, car son abnégation est entière, mais elle doit revêtir parfois une forme particulièrement pénible à son extrême sensibilité : « Mes compagnons d'armes sont d'un entrain et d'une exubérance de

(1) Mon.

de R.

(2) Man.

de R.

(3) Man.

de R

(4) Man.

de R.

(3) Man.

de R.

(6) Man.

de R.

4-'

tempérament sans mesure : ils chantent, ils rient... Au milieu de tant de bruit, je me sens ahuri, fatigué. Cela n'est pas de la lourdeur, de la rudesse de la tâche. Ce qui m écrase et m abîme est de ne point avoir une heure, un instant, je puisse me recueillir ( I ). » Ainsi le sacrifice consenti, le même en apparence et pour tous égal, devient-il à certains, du fait de leur nature, davantage ardu et aussi, dirons-nous, plus méritoire.

Donc Redon est appelé, sommairement équipé, et à peine exercé il est désigné pour aller en -^

avant. Le voici " sous l'uni- forme, sac au dos... une vie matérielle énergiquement menée, forcé d'obéir avec passivité à des ordres péremptoires, dont on Ignore souvent la portée. Il faut avoir faim, marcher, souffrir, supporter le contact d'êtres inférieurs, même brutaux, qui parfois se revêtent d'héroïsme (2)". Le corps auquel il appar- tenait fut presque immé- diatement engagé dans la lutte (3) : " Ah ! la journée du 20 ou 22 décembre, je me suis battu près de Tours, à Monnaie (ou

Monay). Je l'ai dite tout entière avec toute ma curiosité et mon exal- tation en une ou deux lettres écrites à mon frère Ernest Redon... Ce

tlle t

s,i luictrine une éponge foule noire, la couvre de baisers... " ( Lithographie).

(Planche liicc- de La T.nlalio,, d^ Suinl-Anloinc)

(1) Man. de R.

(2) A. M.. El. s. R.. p. 2S. . , j , . D j

(3) L'Insuffisance des documents qui restent sur cette période de la vie de Kedon. ne nous a pas permis d'Identifier exactement les opérations militaires auxquelles il prit part. Sans doute, celles de la 2-^ Armée de la Loire, dont le général Chanzy avait reçu le commandement en cl.el au commencement de décembre, et qui manœuvra dans la région d'Orléans. Tours et Le Mans.

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sont des impressions sur le vif, écrites sur le coin d'une table de cantine, au ralliement quelques jours après : récit de deux journées, que je voudrais bien relire (1). » Pour lui quel souvenir inoubliable! Et la raison en est sans doute que « dans certaines heures, telles celles du combat, il est possible qu'il se produise un afflux nerveux décuplant la personnalité, lui révélant une énergie et des ressorts qu'elle ne con- naissait point en elle-même. Ou bien est-ce encore qu'un voile se déchire devant les yeux offrant soudain, dans le frisson de la mort qui plane, des aspects nouveaux donnant leur signification véritable et très haute aux gestes humains (2) >'. Redon sortit de la mêlée sans blessure, mais dans un tel état d'affaiblissement physique qu'il dût être évacué (3).

Après une assez longue convalescence passée d'abord à Cherbourg, puis à Niort, il était renvoyé le 3 mars de cette ville pour rejoindre son dépôt à Bordeaux (4). Pendant que sa santé se remettait tant bien que mal, ne lui permettant plus une participation active, il faisait des démarches pour rester encore de quelque utilité, en entrant dans un service auxiliaire. Mais la paix de Francfort survenait (10 mai 1871) terminant tristement cette guerre désastreuse.

Nous avons insisté avec quelques détails sur cette période de la vie de Redon, car elle eut en lui un grand retentissement. Certainement « plus que tout autre l'artiste fortement imaginatif qu'il était se trouvait- il apte à vibrer de façon complète sous des émotions si diverses. Peut- être sur le moment n'a-t-il pas analysé le détail de ses sentiments, lors- qu il était ardent acteur du drame joué. Mais la transformation secrète et profonde opérée en lui, il put s'en rendre compte postérieurement. Dans sa voie une ligne de démarcation s'était tracée, au delà de laquelle il se trouvait... changé, comme élevé au-dessus de lui-même (5) ». D ailleurs il en eut parfaitement conscience et à maintes fois le constate

(1) Lettre d'Odilon Redon à André Melterio (Peyrelebade, 2 octobre 1898).

Combien il est à regretter que la correspondance si intéressante de Redon à ce moment, ait disparu, lors de la mort de son frère Ernest, sans que l'on ait pu savoir ce qu'elle était devenue.

(2) A. M., Et. s. R., p. 27.

(3) Un certificat médical de l'autorité militaire, en date du 21 février 1871, mentionne : " affaiblissement général, suite de fièvre ".

(4) Sur la feuille de route qui lui fut alors délivrée, Redon est qualifié : ' Soldat de la garde mobilisée de la Gironde ".

(3) A. M , El. s. R.. p. 28.

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AQUARELLE

COLLEC. A '■'

expressément : « La guerre, un moment ma vision fut comme décu- plée (1). " Et encore : " La vie de soldat fui pour moi d'un grand repos, elle a mis fin à une recherche inquiète. J'ai eu en ce moment conscience de mes dons naturels. Les momdres croquis ou grifïonnements que j'avais

Fantôme.

laissés dans mes cartons prnent un sens à mes yeux. Et c'est ma date véritable du vouloir (2). "

Voilà donc dissipée la tourmente qui, saisissant brusquement

(1) Lelt. d'Od. R. à A. M. (2 octobre 1898).

(2) Un. dVd. R. à Fdi: p. (15 juin 1894.)

-4.5

Redon, l'avait arraché à lui-même, à ses reploiements mtimes et à ses rêveries sans but défini, pour le jeter dans une vie d activité intense et aussi de réflexions décisives.

De nouveau il vient séjourner à Paris, avec des retours intermittents auMédoc natal. Mais il n'est plus l'adolescent, m même le jeune homme de naguère, il entre maintenant dans la plénitude virile, fortifiée encore par les études faites et les événements traversés, Déjà il a un passé vécu.

Et le voici qui reprend ses travaux. Dans le cercle de société qu'il fréquente, et qui va s'agrandissant, il commence à tenir une certaine place. Car c'est un point de commun que Redon eut, dans son existence extérieure, avec Delacroix. Comme le grand peintre qu'il admirait, il était de bonne famille, et formé tôt aux usages de la société où, sans toutefois s'y absorber, il ne se déplaisait point. A cette époque on le voyait fréquenter le salon mondain, mais intellectuel aussi et artistique, de M"'° de Rayssac. Il rencontrait Chenavard, Jeanmot, d'autres encore. Il échangeait avec ces esprits instruits et portés parfois aux théories, des conversations susceptibles de 1 inté- resser, de le faire réfléchir, même de l'inciter à la discussion.

Puis aussi, comme dès son enfance, et ce fut toujours ainsi jus- qu'au bout de sa vie, la musique le passionnait. Il était 1 assidu des grands concerts, prenant part aux manifestations d'un public spécial et d'élite qui applaudissait les œuvres d'une originalité neuve.

Mais la mort de son père survient. Il en résulte pour son existence un notable changement. Pans devient alors véritablement sa résidence principale et il y établit son domicile stable. La propriété de Peyrelebade restée indivise entre la mère et les enfants se trouvait confiée à I aîné des fils : Ernest, pour une gérance, qui d'ailleurs fut peu heureuse. Redon y retournait bien, toutefois en des séjours espacés et moins longs, ne revivait plus entière 1 atmosphère de sa jeunesse.

Cependant, en même temps que s'achevait la formation de sa personnalité d'homme, il poursuivait son éducation professionnelle d'artiste. Mais en toute liberté. Si l'enseignement académique avait été pour lui un achoppement plutôt qu'une aide et une direction, il continuait à faire de longues stations dans les musées, demandant aux grands Maîtres les seuls pour lui désormais, la lumière que ne lui avaient point dispensée les années de son stérile apprentissage.

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Puis il produisait aussi, et cherchait à se présenter devant le public. Mais, sous ce rapport, la scission déjà consommée entre sa fiensée et le

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La Roue (Lithographie).

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monde dit o//rcie/ s'accentuait, par surplus, dans le domaine matériel. Ce fut la méconnaissance qu'il rencontra d'abord, aggravée bientôt

- 47

d une hostilité voulue et persistante. Les quelques dessins ou gravures qu'il avait pu glisser timidement dans les sections spéciales moins encombrées, furent désormais refusés. Ainsi vers la solitude et l'indé- pendance, qui lui étaient chères déjà, se voyait-il rejeté définitivement, et brutalement mêm.e. S'il en résulta pour lui des heurts et des souf- frances, ce fut incontestablement un grand bien, car ainsi put être sauve son entière originalité.

Ces difficultés rencontrées le poussèrent notamment à utiliser le procédé lithographique, où, très vite, il devait révéler une véritable maîtrise. Son premier album publié date de 1879. Il porte ce titre émi- nemment suggestif : Dans le Rêve.

Entre temps il accomplissait quelques voyages ou séjournait dans des contrées diverses. C'est ainsi qu'il parcourut « la Hollande... par vénération, comme en pèlerinage aux lieux saints vécut Rembrandt (1) ". Puis il retournait à Uhart, dont les sites et la popu- lation basque qui l'avaient dès la première fois surpris et enchanté ne cessaient point de l'attirer. En 1877, il passait un été à Barbizon, tant fréquenté par les peintres de sa génération, et, comme eux, il faisait études et croquis agrestes dans cette belle forêt de Fontainebleau, alors plus sauvage et solitaire...

Cependant l'âge mûr approchait pour Redon. Malgré qu'il eût pris conscience de sa personnalité comme homme et comme artiste, l'indécision demeurée dans son esprit ne cessait point de le tour- menter. C était comme une sorte de flottement l'empêchant d'arrêter définitivement sa ligne directrice.

Alors se produisit I événement qui devait solidifier son existence : le mariage. Epreuve toujours grave, davantage ardue et redoutable pour un artiste, tant sa carrière réclame de spécial ménagement. Le sort se trouve jeté qui, selon l'occurrence, peut rendre l'avenir meilleur ou plus néfaste !

Mais pour une nature comme celle de Redon, un double écueil se présentait. S il rencontrait un caractère pareil au sien, il risquait d'aug- menter encore ses tendances rêveuses, et de sombrer dans I inaction du non-réalisé. Par contre, un être tout différent et de plus d'énergie

(1) Lell. dVd. R. à Edm. P. (15 iuln 1894) - 48

s I

Coll. Je M - KcJ„

Portrait de M""" 0. Redon (Dessin à la mine de plomh).

49

matérielle ne chercherait-il pas, méconnaissant son idéalisme, à le pousser aux besognes lucratives ou vers de vains honneurs.

Or, par une chance difficile à espérer, cette exceptionnelle réunion de qualités opposées, Redon, pour son bonheur, la rencontra. Chez M"^^ de Rayssac, il fréquentait beaucoup, il avait remarqué une

Coll. de M"'" Redon.

Etudes (Dessins à l'encre violelle).

jeune fille venue de l'Ile Bourbon avec sa mère et sa sœur. Elle se nom- mait Camille Faite (1). Nature d'élite, mêlant au respect de l'art et de l'intellectualité, un caractère enjoué, une sensibilité affectueuse, en même temps qu'un sens net et pratique de la vie.

C'est elle que Redon, après l'avoir distinguée et appréciée, épousait, à Pans, le 1^"^ mai 1880. Il écrira plus tard, lui rendant un plein et conscient témoignage : " J'ai trouvé dans M'"^' Redon, comme un fil sacré, la parque de vie, qui m'a fait passer sans mourir les heures les

(I) Voir les renseignements concernant la famille Faite : App. Note 5. 50

plus tragiques... Je crois que le oui que j'ai prononcé le jour de notre mariage, fut l'expression de la certitude la plus entière et sans mélange que j'ai ressentie... (I) »

Nous avons tenté jadis d'esquisser l'atmosphère nouvelle et bien- faisante dont fut enveloppé l'artiste : " Certes, au milieu d'épreuves diverses et répétées, on peut dire que Redon n'a cessé de trouver joie et réconfort dans la compagne de sa vie. Celle-ci, créole, originaire de l'Ile Bour- bon (2), n avait conservé du lieu de sa naissance qu'un souvenir de ciel ardent et de beaux sites. Elle gardait aussi certaines habitudes nutritives, tel ce fameux kari, composé d'un riz relevé de piment aigu et coloré de jaune safran. Mais elle n'avait point l'apathique nonchalance des blanches affadies sous leciel tropical. Au contraire déployant une activité continue, elle se montrait dans son intérieur, organisatrice logique et vive. De plus elle accom- plissait au dehors maintes courses et démarches chez les marchands et les imprimeurs, se défendant avec lucidité et énergie parmi les âpres questions pécuniaires. Elle s'efforçait d'épargner à son mari les obstacles extérieurs qui, pour les natures extrêmement sensitives et renfermées, constituent parfois d'insurmontables pierres d'achoppement. Ainsi l'artiste, délivré des pertes de temps, comme des contacts ennuyeux

Portrait de Jeun

Cliché H. De Bois Femme.

(1) Leil. d'Od. R. à A. M. (Peyrelebade. 2 octobre 18'

(2) A la Possession, commune de Samt-Paul (Réunion).

et des SOUCIS opprimants, pouvait s'absorber tout entier, calme et méditativement laborieux, dans sa sphère supérieure (1). »

Puis ce fut la paternité. A cet égard, Redon a laissé dans ses manus- crits des pages d'une analyse lucide et infiniment tendre. Elles ne sont point seulement l'écho de sentiments personnels, mais une expression de portée plus générale. C'est l'Hosannah de l'homme qui voit se continuer la race dont il est issu, la fierté, comme aussi 1 impression de devoir que ressent l'être puissant et vigoureux envers celui faible et débile, auquel il a donné la vie.

« Après des journées d'appréhension infinie, d'inquiétudes et de troubles incessants (car ]e n'avais jamais vu naître autour de moi...), novice enfin de cette angoisse, je vis naître... mon fils Jean. Je l'aimai d'emblée, à la minute même de sa vie que je sentais fragile... Qu il était

peu de chose et humain. Et dans mon cœur quelle pitié ! Je crois pouvoir dire que tout l'amour paternel dépend de cet instant suprême nous est révélée une vie en sa condition la plus pi- toyable. C'est vraiment, durant plusieurs jours et des mois, 1 in- fime faiblesse ... Ce fut une joie. Une joie forte et saine et vraie. Une secousse ressentie aux entrailles, comme si ma force lasse et usée eut repris nouvel essor... La conscience de cet être qui va être, cet attachement subit et nécessaire me domina entière- ment... Le dévouement spontané qui naît au cœur à une telle heure nécessité. On ne peut pas laisser éteindre la vie ; et tout en le nouveau-né appelle secours ... Ce premier mois... de Jean me donna le souci calme et toujours

Coll. Gobln.

Saint-Sébastien (Pastel).

est une chose subie, une loi de

(1) A.

R.. p. 32.

5^

PÉGASE (Peinture)

présent de son souffle. La maison tout entière me semblait emplie d'un mystère... Puis le premier sourire... (1) »

Hélas ! cette joie pure et si profonde, donnée pour un temps bien court, lui réservait une cruelle épreuve. Ce petit être, tellement chéri, et sur lequel s'illusionnaient déjà tant d'espérances, fut enlevé, n'ayant que quelques mois à peine.

Et c'est seulement plusieurs années après, qu'un autre fils étant venu et qui vécut, compléta la trilogie sainte de la famille. Existence normale et vraie de l'homme, SI quelque mysticisme supérieur ne le réclame, l'accaparant tout entier. Cette nouvelle paternité fut d abord anxieuse, combien remplie de soins répétés, tant le passé faisait encore peser de crainte. Jusqu'au jour où, dépassant l'âge de son aîné disparu, le second enfant se montra de croissance vigou- reuse. Il porta le nom d'Ari (2).

Cependant, après son mariage, Redon commença de déployer une activité plus pro- noncée. Cet effort résultait en partie de la quiétude morale de sa vie enfin établie, mais également des nécessités maté- rielles provenant de ses charges familiales.

Puisque le monde académique le repoussait, sa résolution était prise. De même que sa personnalité avait se former seule, c'est seule aussi qu'il voulut la produire devant le public. A cet égard les circonstances ambiantes devenaient plus propices. Pareille tentative

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Des Esseintes (Lithographie).

(1) Man. de R.

(2) Ari-Robert, en \t

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n'avait-elle pas été accomplie, et avec succès, par des artistes de talent qu'un ostracisme injustifié contraignait à présenter leurs œuvres en dehors des manifestations officielles.

Alors, coup sur coup, Redon fit deux expositions particulières : la première dans les salles de la Vie Moderne, en 1881, la seconde au journal Le Gaulois, en 1882. C'étaient avant tout des dessins, et notamment des fusains. Ces manifestations suscitèrent immédiatement une attention mêlée de controverses. Chez une grande partie du public ce fut une surprise faite d'incompréhension et d'hostilité, tant les œuvres contemplées, échappant à la banalité courante, présentaient une spéciale originalité. Par contre elles valurent à l'artiste, parmi des esprits intelligents et notoires, une sympathie admirative qui combattit pour lui.

Au rang de ces clairvoyants et courageux défenseurs, proclamant en Redon une véritable et très personnelle inspiration, il faut citer tout d'abord: J.-K. Huysmans et Emile Hennequm. Le long article que ce dernier consacra alors à Redon est certainement la première étude développée son art soit saisi compréhensivement dans ses traits essentiels : « Cet artiste, plus original, plus nouveau, d'un talent plus saisissant que nous ne l'espérions... M. Odilon Redon doit être considéré désormais comme un de nos maîtres... Cette œuvre est bizarre ; elle touche au grandiose, au délicat, au subtil, au pervers, au séraphique... Seul de tous nos artistes, peintres, littérateurs et musiciens, il nous paraît avoir atteint cette originalité absolue qui aujourd'hui, dans notre monde si vieux, est aussi le mérite absolu. Assurément M. Odilon Redon n'est fait ni pour plaire aux masses, ni pour peindre l'actualité... Il recherche ardemment en art... des beautés inconnues, l'étrangeté, la création, le rêve; des moyens d expression neufs, précieux, saisissants (1). »

Cependant, malgré tant d'impressions contradictoires, peut-être même à cause de leur opposition si tranchée, résultait envers Redon un éveil de curiosité. 11 se trouvait très discuté certes, mais commençait à être connu. En outre, non seulement il produisait de nouveaux dessins.

(1) Emile Hennequin, Odilon Redon. Dans la Revue Littéraire et Artistique, numéro du 4 mars 1882. Au sujet de cet écrivam, voir : App. Note 6.

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mais ses publications lithographiques se continuant (1) diffusaient, par la multiplicité des épreuves, plus abondamment son nom.

" Gloire et louange à toi, Satan...

(Planche tirée de Lfs FIcms du Mal.)

Puis un pays qui, souventes fois, salua dès la première heure les manifestations neuves de l'art français : la Belgique, 1 accueillait effica-

(1) Après Dans le Rêve, qui date de 1879, parurent d'autres albums : A EJgar Poe (1882): Les Ori'^ines (1883), témoignant d'une préoccupation scientifique; Hommage à Goi/a (1885); La Nuil (1886). Aussi des pièces séparées : le beau Profil de Lumière (1886). et en 1887 : Jeune fille, Christ, Araignée.

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cernent. Ce n'était pas assez de lui ouvrir avec honneur, à Bruxelles, 1 entrée des Expositions des XX, restreintes et très sélectionnées (I). Voici que des poètes et des littérateurs se disputaient à l'envi le pri- vilège recherché d'un frontispice de lui pour leurs œuvres (2), plus encore, un ensemble d'illustrations (3). Même l'un d'eux, Jules Destrée, publiait le premier Catalogue de ses lithographies (4). Enfin un éditeur réputé : Deman, lui commandait des suites entières consacrées à Flaubert et à Baudelaire (5). On peut dire qu'en Belgique, puis aussi en Hol- lande (surtout par la constante action du vieil et fidèle ami Bouger),

la notoriété de Redon fut alors établie plus largement qu'elle ne l'était encore en France.

Ce n est point que, dans son pays d'origine, l'artiste n'eut rencontré déjà, nous l'avons vu, des sincères et ardents admirateurs. A ces esprits d'élite se joignaient graduellement des amateurs convaincus, heureux de posséder les œuvres, et dont plusieurs devenaient, par surcroît, d amicales relations pour leur auteur. Il lui arrivait même de figurer oh ! bien modestement toujours et seu- lement avec quelques estampes, au Salon des Artistes Français en 1885, 1886 et 1888. En somme l'avenir pour Redon Les Débâcles (Liihographk). paraissait s'éclairer d'espérance !

(1) Dès 1886, et les années qm suivirent.

(2) Pour: Emile Verhaeren, Les 5o(>s (1888), Les ûeiâc/es (1 889) et Les Flambeaux noiVs (1890).

Edmond Picard, £/Mo^/ire/)-e/-/l/i:sa (1889). Ywan Gilkin, La Damnation de l'Artiste {\SS9).

Jules Destrée, Les Chimères (1889).

(3) Edmond Picard, Le Juré, monodrame en cinq actes. Sept interprétations originales par Odilon Redon et deux portraits, Bruxelles, Veuve Monnom, M.D.CCC.LXXXVl.

(4) Jules Destrée, L'Œuvre lithographique de Odilon Redon (Catalogue descriptiO. Bruxelles, Edmond Deman, M.D.CCC.XC.I.

(3) Tentation de Saint-Antoine, Première série, texte de GuSTAVE Flaubert. Dix lithographies et un frontispice par Odilon Redon, Bruxelles, Deman, 1888.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal. Interprétations par Odilon Redon (neuf dessins, dont une couverture-frontispice et un cul-de-lampe), Bruxelles, Deman (1890). (Tirage par le procédé sur cuivre d'Evely).

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Or, c est vers cette époque environ que nous connûmes l'artiste. On nous pardonnera d'évoquer ici un souvenir personnel, qui demeurera toujours gravé et pour tant de motifs, au fond même de notre mémoire.

En janvier 1889, s'ou- vrait chez Durand-Ruel, rue Laffitte, la première Exposition des Peintres- Graveurs. Visiteur assidu des galeries, nous nous rendîmes à cette manifes- tation qui promettait d'être intéressante. A peine entré, nos regards tombèrent sur une lithographie portant ce titre : La Fleur du Ma- récage{\), et qu'entouraient quelques autres estampes du même graveur : Odilon Redon. Bien que, par goût et comme écrivain d'art, nous fussions assez rensei- gné, le nom nous était complètement inconnu. D emblée nous demeu- râmes frappé et conquis, tant par la perfection technique que l'imprévu et intense effet qui se dégageait de ces œuvres. Nous pûmes en acquérir facilement, car les prix étaient alors véritablement infimes.

Mais, nous voulûmes plus encore. Remué profondément dans notre

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d'homme sur un corps de poisson...» (Lithographie).

(Planche lirce de La Ttnialion de Sainl-Anloine.)

(\) La Fleur du Marécage, une tête humaine et (rrs/c. Planche II de V Hommage à Goya.

émotion esthétique, incité en outre par tant de nouveauté originale, nous voulûmes connaître l'artiste lui-même. Cependant un doute inquiet nous faisait hésiter. N'allions-nous pas au-devant d'une déception, et rencon- trant un caractère fantasque, des goûts hétéroclites, ne regretterions- nous point, en face de l'auteur, de n'être point demeuré à la jouissance seule et si complètement passionnante de ses œuvres ?

" Combien de gens se sont forgé de sa personne l'idée la plus cauchemardesque et, ajoutons tout de suite, la plus erronée. Volontiers ils lui présument l'aspect de ses monstrueuses créations. Au moral l'artiste leur semblerait, pour le moins, devoir être un maniaque quelque peu délirant. Quant aux occupations capables de lui complaire, on envisage le spiritisme et l'occultisme, sinon la magie tout à fait noire. Enfin cet évocateur de larves et de terrifiantes apparitions est soupçonné vivre dans quelque pandémonium fantastique.

«Or, en prenant l'absolu contre-pied de ces hypothèses... on aura la très exacte vérité. En effet, Redon, ainsi qu'élevé bourgeoi- sement, comme nous l'avons indiqué, a toujours mené 1 existence la plus réglée. Son esprit droit et scrupuleux, ne peut entrevoir les moindres manques de délicatesse dans cette mêlée des intérêts les pires choses, hélas ! sont quotidiennes, sans éprouver une stupeur pleine d'indignation. D une pudeur extrême d affection, il s'est caché pour rendre à des amis de délicats services... (1) "

Tel est l'essai de portrait que nous pûmes tracer, quand d amicales relations nous eurent permis de connaître amplement celui qui en était le sujet. Ajoutons ce complément : « Redon ne fut jamais et c'est un fait déroutant pour les curieux passagers, l'homme de 1 interview à tout venant, non plus qu'un caractère à fîeur d'être, facilement saisissable. S'il apparaît de prime aspect un homme doux et de relations polies, aux manières simples, il cache un fond plus complexe, un esprit cultivé et une extrême ténacité en art. Sa conversation, sa gaîté même, qui est franche, demandent pour s'épanouir la bonne et chaude intimité. seulement, il se redresse, comme dans une légitime et consciente fierté de lui-même; il s'abandonne à parler, émet ses inspirations, s'épanche en un mot, avec une entière sincérité.

(I) A. M., El. s. R.. p. 31.

LE MASQUE DE LA MORT ROUGI.

« L homme se rend sympathique, il attire vers sa personne par une raison claire et une âme généreuse. On s'intéresse à ses jugements très appuyés, aussi bien qu'on aime son enthousiasme inébranlable pour les maîtres anciens. Il retient fortement dans son orbe par l'amitié, en même temps solide et affectueuse, qu'il témoigne pour les intimes que le temps a triés et groupés autour de lui. Les gens férus d'artificiel et de singula- rité outrancière, ont passé vite chez lui, et se sont écoulés d'eux-mêmes. Par contre sont demeurés attachés invinciblement à sa personnalité saine et empreinte de noblesse, ceux-là qui l'ont véritablement recherchée et pénétrée. Esprits loyaux et convaincus, qui graduellement ont formé un noyau de fidèles, passionnés de l'homme comme de l'artiste. En même temps qu'ils recueillaient les fruits d une conversation intellec- tuellement esthétique, très précise au point de vue technique, ils ont éprouvé le réconfort qui vient d'un haut caractère entrevu, sans petitesse ni compromission, planant dans une atmosphère pure (I). "

Que, sans doute, on sera curieux de connaître physiquement l'homme, ainsi que le cadre dans lequel il apparaissait. A cet égard, nous donnerons trois ou quatre brèves descriptions émanant, à quelques années d'intervalle, d'amis différents.

« Odilon Redon habite rue de Rennes, au premier étage, au fond d'une cour silencieuse. L'atelier, éclairé par deux larges fenêtres, est une pièce carrée dont les rideaux et les meubles verts tranchent sur les tentures brunes. Grand, mince, l'artiste travaille à son chevalet ou devant sa table de lithographe. Des yeux couleur tabac d'Espagne et légèrement divergents, éclairent sa face oblongue, terminée par une barbe en pointe d'un brun roussâtre. Ayant coutume de vivre seul et médi- tatif... (2) » « Je trouvai un homme d'une trentaine d'années (3), haut, mince, pâle, d'une figure intellectuelle et un peu ascétique qui me parut s'exprimer avec le calme, le choix des mots, la justesse d un esprit solide et subtil (4). "

(1) A. M.. Et. s. R.. p. 29 et 30.

(2) Triolet (Emile Hennequin). (Au haut de la lorgnette). Odilon Redon. Le Gaulois. 2 mars 1882.

(3) Redon en avait exactement près de quarante-deux, étant ne en avril 1840. Sans doute, il paraissait alors plus jeune que son âge.

(4) Emile Hennequin. (Beaux-.Arts). Odilon Redon. Revue Litlcraire et Artistique. 4 mars 1882.

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Et plus tard, en Belgique, on le représentait comme « ne se dis- tinguant du premier venu que par l'énergie d'un visage placide qu'anime un regard implacablement décidé. La bonhomie, la bienveillance d'Odilon Redon, sa vie laborieuse partagée entre son art, sa femme et son fils, tantôt dans le rustique asile d'une maisonnette plantée à l'orée de la forêt de Fontainebleau, tantôt et durant la grande partie de l'année, en ce solitaire appartement de la rive gauche d oui artiste ne sort guère que pour faire une promenade méditative presque une oraison ! sous les ombrages du Luxembourg, étranger au Pans qui bout à ses pieds, confiné dans son rêve... (1) »

Enfin : « un homme d une cinquantaine d'années, le front largement découvert, les cheveux grisonnants, d'apparence placide. Le parler lent ne rappelle en rien la vivacité du Midi bordelais d'où il est issu, une grande, très grande modestie, beaucoup d'indulgence. Parfois seulement une flamme 1 anime, n augmentant qu'à peine la vibration de sa voix, quand il parle d'une œuvre de maître ou de la belle épreuve sur Chine mirifique, pas celui du commerce, le vrai, presque introuvable. C est Odilon Redon. En son appartement du 40 de la rue d'Assas, une petite pièce lui sert d'atelier. Un gros bébé blond et rose, à la tête forte, aux cheveux frisottants, y roule perpétuellement, bouleversant les cartons, cachant la clef de la bibliothèque. Voilà l'homme, paisible et paternel, très doux... (2) »

C'est peu de temps après que nous eûmes fait la connaissance, bientôt affectueusement intime, de Redon, et lorsque luisaient pour lui quelques légitimes espérances, que commença la période sans doute la plus douloureuse de sa vie. Elle devait durer plusieurs années. On eût dit que les épreuves venues de côtés et dans les genres les plus divers, s'unissaient véritablement pour l'accabler. Tout esprit un peu superstitieux n'aurait pu s'empêcher d'être frappé en voyant s abattre, et sur un homme qui certes ne le méritait point, un tel ensemble continu de souffrances.

D'abord Ihostilité du monde officiel se manifestait entièrement.

(1) Extrait d'un article paru dans : Y Art Moderne (Bruxelles), 2 mars 1890.

(2) A. M. (André Mellerlo), Les Artistes à l'atelier, Odilon Redon, L'Art dans les Deux Mondes, 4 juillet 1891.

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Araignée ( Lithographie J.

6i

Bien compréhensible d'ailleurs, car dans cette sphère spéciale, on n est pas seulement troublé par une originalité neuve, mais on s'ofïusque également de rencontrer une personne fière, manquant de souplesse obséquieuse. Puis, il faut le dire, le succès comporte à sa suite des avan- tages matériels, auxquels beaucoup de rivaux avides tiennent avant tout, et dont ils se considèrent comme frustrés. Cet ostracisme avait revêtu une forme, peut-être la plus pénible pour un artiste, non le doute et la discussion, mais le silence obscur et voulu sur ses œuvres.

En outre, l'incompréhension qui régnait dans le public et chez la majeure partie des critiques, s'était faite agressive. Les dépréciations aveugles et les plaisanteries sans pitié se multipliaient. Redon était à tel point méconnu que les ouvriers typographes, de simples manœuvres de métier, se refusaient parfois à sa direction et prétendaient lui imposer, en matière de technique, leurs vues routinières et bornées.

Or, si persévérant et certain de lui-même que soit un homme, si plein d'ardente foi en ses inspirations que demeure un réel artiste, une telle atmosphère de contradiction ne laisse point à la longue, d exer- cer sur lui une influence déprimante. La lassitude vient de 1 effort perpé- tuellement tendu dans une lutte de tous les instants et qui paraît sans issue.

Puis, qui ne sait aussi qu'une âme haute, susceptible d'entreprendre et de soutenir de grandes envolées, s'épuise péniblement aux obstacles mesquins ? Les mille coups menus mais chaque jour répétés, viennent à bout de celui que n'aurait point abattu un revers terrible de la destinée.

D'autre côté, après la situation sans soucis matériels de sa jeunesse, puis ensuite l'aisance même provenant de l'héritage paternel : » voici que des revers pécuniaires avaient surgi... Il en résultait une diminution de la position extérieure... en même temps que la nécessité de pourvoir immédiatement par soi-même à la vie quotidienne. Toutes épreuves plus péniblement ressenties, quand elles succèdent à la possession depuis la naissance d'une situation indépendante et aisée. D'autant plus qu'une honnêteté très stricte, des habitudes de ponctuelle existence n'auraient pu s'accommoder du laisser-aller... de la bohème (I) ».

(I) A. M.. El. s. R.. p. 33.

Collcctiun <lc Do

LA DÉSESPÉRANCE (Peinture sur bois)

Ce qui rendait cette gêne davantage douloureuse, c'est qu'elle provenait pour majeure partie de difficultés en famille. La propriété de Peyrelebade, plantée beaucoup en vignes et déjà diminuée de valeur à cause du phylloxéra, s'était trouvée, après la mort du père, incon- sidérément gérée, pour ne pas dire plus, par le frère aîné, qui en avait assumé la charge. Bien des illusions furent enlevées à l'âme confiante de Redon. Le coup suprême vint le frapper, lorsqu'on dût, après ce qu'il qualifia très énergiquement de « putréfaction d'un indivis familial (I) ", procéder à la licitation forcée du domaine, pour faire face, et encore insuffisamment, à une situation obérée. Peyre- lebade ! le heu sacré d'enfance, si plein de chers souvenirs, le seul asile se retremper, chaque année, au sein d'une nature solitaire et pacifiante, contre les irritantes âpretés de la lutte artistique ! Peyrele- bade passé en des mains étrangères, c'était un lien du cœur, combien puissant et salutaire, qui se brisait irrémédiablement !

Nous avons vu qu'après la mort d'un enfant à peine apparu, un autre était venu, plein de vitalité. Source de joie sans doute, mais aussi d inquiétudes journalières, souvent exagérées même. Ceux-là, qui ont eu l'atroce chagrin de perdre leur premier-né, connaissent seuls ce qu'on peut ressentir d'angoisses, tant que le petit être qui suit n a pas grandi, et pris un développement avancé. C'est qu ils savent par expérience, que cette aube de vie si rayonnante d avenir et d espérance peut s'éteindre brusquement. Or cela, les autres parents, malgré les difficultés éprouvées, n'arrivent même point à se I imaginer, tant c'est chose qui paraît contre nature. Et puis, pour les Redon, c était un fils unique !

Nous devions faire connaître et pénétrer dans leur tréfond tant d'éléments divers se rencontrant < pour meurtrir infiniment la sensibi- lité si délicate de Redon (2) ». Car ces épreuves n'affectèrent pas seu- lement son existence d'homme, mais eurent aussi leur répercussion sur son art. En effet, pendant cette fatale période, sa presque totale production fut consacrée, quasi symboliquement, à l'austère blanc et noir de l'estampe. Tout, moralement et matériellement, l'y poussait

(1) Man. de R.

(2) A. M.. Et. sur R., p. 33.

63

on pourrait dire presque forcément. Pourquoi faut-il que nos jouissances esthétiques, comme aussi l'inspiration profonde d'un artiste aient trop souvent comme cause initiale, le ferment de sa douleur ?

Cependant, même au cours de cette longue et sombre oppression, quelques lueurs ne cessèrent point de briller pour Redon, lui apportant au moins un peu de ce réconfort que donne l'espoir en des jours meilleurs.

Tout d abord, ses lithographies commençaient à se répandre, dif- fusant son nom et sa réputation. Ses dessins, les fusains surtout, peu

à peu sortaient de ses cartons, acquis par des marchands ou des collection- neurs. Aux amis anciens venaient s'en joindre de nouveaux, formant un groupe de fidèles qui entou- raient Redon de leur admiration affectueusement dévouée. C'étaient alors chez lui : J.-K. Huysmans, déjà préoccupé d'une conversion qui devait l'absor- ber tout entier; Stéphane Mallar-

Cnll M. -A. Leblond , ,

Portrait de M. Marius Leblond (Sanguine). me, chef reCOnUU

de l'abstrus Sym- bolisme, par ailleurs d'une conversation si limpide et pleine de charme; Ernest Chausson, musicien d'un talent sérieux, et qu'en- leva trop tôt une mort accidentelle ; Ambroise Vollard, alors à ses

- 64 -

débuts dans le commerce des tableaux; le peintre Scbuffenecker ; MM. Maurice Fabre, Fayet, Charles Destrée, Alain d'Assay, Robert de Domecy, Antoine de La Rochefoucauld, de Gonet, René Philippon puis nous-même. Aussi, une femme de cœur ardent et

d'intelligence i^?*-- ^■

cultivée, d'origine russe. M""" Hols-

tein. Parfois on se '.

retrouvait à jour '^

fixe, en d'intimes et cordiales réu- nions où, tout en prenant une tasse de thé, on agitait, en de longues causeries, d'inté-

ressantes questions '■■•-.

d'art.

Plus tard ce

fut encore l'entière portrait de M. Ary Leblond (Sansmnc).

pléiade des jeunes artistes formant le Mouvement Idéaliste : Sérusier, Maurice Denis, Pierre Bonnard, Ed. Vuillard, K.-X. Roussel, Ranson. Alors venaient aussi : deux littérateurs, les frères Marius et Ary Leblond; le pianiste Vines ; Parent, violoniste réputé; le D' Sabouraud; 0. Sainsère; Arthur Fontaine; le peintre Lerolle, etc.

Cependant, en 1894, un coup réel avait été j)orté. Profitant de la libérale hospitalité dont MM. Durand-Ruel furent toujours coutumiers envers les peintres audacieux et novateurs, Redon avait fait (du 29 mars au 14 avril), dans leurs Galeries de la rue Laffitte, une exposition importante. C'était la première qui présenta un ensemble de son œuvre déjà ample et fécond. L'artiste, comme dans toute tenta- tive de ce genre, risquait une forte partie. Sa personnalité en ressortit

Coll. M A. Lclilond.

cf/

affirmée et son talent abondamment démontré. Malgré une hostilité qui, dans le gros public, ne désarmait point : " la curiosité... fut vive,

mais empreinte cette fois chez plusieurs, critiques ou amateurs, d intérêt et même de sympathie (I) ». M''i. Ainsi le courant

|l;i, I. SI âpre devenait moins

I ^j^ difficile à surmonter.

Devant la force inhé- rente à toute origina- lité vraie, aussi par la persistance calme mais inébranlable de 1 artiste, les obstacles, ,' , ' lentement il est vrai,

^j ' n'en arrivaient pas

W«* V J II

moins a se graciuelle- -^' " - ment aplanir.

On peut dire i que c'est dans les

environs de 1900 que s'inaugura pour Re- don, et à tous points

Coll. Sabourat.d. j , ,

Portrait de M. le D'^ Sabouraud (Sanguine). ^^ ^ue. Une ère Véri-

tablement nouvelle. La période de l'estampe, dont les débuts datent de 1879, se clôture d une manière générale en 1899. En effet les œuvres de ce genre qui suivirent - et encore sont-elles en petit nombre, forment une série à part de portraits.

A la grande exhibition mondiale de V Exposition universelle une consécration quasi-officielle échoit bien légitimement à l'artiste. En effet, il est représenté à la Centennale Je l'Art Français par trois

(I) A. M., Gaz. des B.-A.. p. 140.

66

/

r

œuvres : d'abord Profil de Lumière; puis une pièce extraite de l'album intitulé : Hommage à Goya, et une autre enfin de Y Hommage à Flaubert. N'avait-il pas d'ailleurs figuré déjà à VExposition générale de la lithographie en 1891, ainsi qukV Exposition du Centenaire de la litho graphie en 1 893 ?

La notoriété comme aussi la si- tuation pécuniaire de Redon s amé- lioraient sensible- ment, et ne cessaient de progresser. Même un témoignage hono- rifique en marquait extérieurement le degré, imposant au gros public sinon la compréhension, au moins un peu plus de retenue dans ses manifestations d'iro- nie acerbe. En 1903, à la suite d'une parti- cipation à I Exposition artistique d'Hanoï (Indo-Chine), Re- don était fait cheva- lier de la Légion d honneur.

Puis c'était l'Etat qui, au cours de 1904, lui achetait, pour le Musée du Luxembourg, une peinture : Les Yeux clos.

En outre de jeunes artistes, novateurs eux aussi, venaient à lui, respectueux de son caractère et admirateurs de son talent. L'expres- sion des sentiments qui les animaient demeure dans un tableau de Maurice Denis : L'Hommage à Cézanne, Redon occupe une place de premier plan.

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A

'A'

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Portrait de

Coll. A. Par.

A. Parent (Sangtiim).

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Les amateurs, tant en France qu'à l'étranger, se multipliaient. Tandis que des marchands de plus en plus nombreux et importants (I) s'occupaient de l'artiste, achetant ses œuvres. Il pouvait légitimement en hausser les prix. Ainsi lui devenait-il loisible d assurer aux siens une existence suffisante, qui bientôt confinait même à l'aisance. Enfin il sor- tait de son isolement des dernières années et, comme autrefois, fréquen- tait le monde. Non point celui frivole et dissipé, dont il fut toujours contempteur, mais une société choisie, dont les réunions de bon ton s'animaient encore de la présence d'artistes, de littérateurs et de musi- ciens. C'était la vieille tradition française avec tout ce qu'elle comporte de manières affinées, d'agrément de conversation, et aussi d intelli- gence sans prétention.

Du changement accompli sous tant de rapports, il existait un signe matériel que Redon faisait remarquer en souriant, car il le considérait comme quasi-symbolique. Il avait quitter la paisible rive gauche dont il était, depuis ses débuts à Paris, l'hôte fidèle et fervent, pour établir ses pénates plus aisées dans un quartier avoisinant l'Arc de Triomphe. Il se rapprochait ainsi du centre effervescent d'activité, 1 appelaient davantage ses affaires, ainsi que des relations plus étendues. Ce ne fut pas toutefois sans une émotion sensible mêlée de regret intime qu il accomplît cette sorte d'émigration. Il lui semblait se ?éparer sans retour des souvenirs de sa jeunesse rêveuse, comme aussi des longues années de travail et de lutte, presque toute une vie déjà passée.

Alors, grâce à l'appoint de sa nouvelle position, il put revoir sa région girondine, en passant quelques saisons à Royan et à Saint-Georges de Didonne. Il ne se lassait point d'y contempler 1 immense Océan, évocateur des hautes pensées. Combien il lavait aimé déjà, pendant un séjour à Morgat, sur la baie de Douarnenez en « la douce et mélanco- lique Bretagne (2) », pays des landes et des grèves l'on dirait que " dans l'air celtique, il s'est accumulé un long dépôt de 1 âme humaine, pleine de jours et de temps, comme un esprit des choses, de légende aussi (3) ». Jadis encore, après son mariage, il était retourné auprès de la

(1) Voir la désignation de ces marchands à VApp. Note 7.

(2) Lellre dOo. R. à Edm. P. (13 juin 1894).

(3) Od. r.. a s. m., p. 13.

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forêt de Fontainebleau, non plus à Barbizon, mais à Samois, proche de la Seine. Il y voisinait avec son ami Stéphane Mallarmé, villégiaturant à Valvins, le poète se montrait féru de sport nautique. La fille de ce dernier, Geneviève (qu'on appelait familièrement Vève), fut choisie comme marraine, l'avocat belge Picard étant le] parrain, lorsqu'on baptisa le jeune Ari.

Cuil. M -A. l.tblond.

La Mer à Morgot (Peinture).

Entre temps, Redon faisait aussi quelques voyages. Il retournait en Belgique et en Hollande, pays qui l'entourèrent toujours d une respectueuse admiration, de fidèles amitiés l'accueillaient, lui et les siens, d'une hospitalité cordiale. Puis c'était encore Robert de Domecy qui l'emmenait en sa compagnie, visiter le Nord de I Italie. Redon pouvait contempler à Milan la sublime Cène de Léonard de Vinci, goûter le charme si particulièrement extraordinaire de Venise, et, dans Florence, atmosphère de lumière et d'art, pénétrer l'âme même de la Renaissance. Plus tard, en un nouveau voyage, il traversa la région

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des beaux lacs, clairs miroirs se reflètent les hautes cimes des Alpes.

Ainsi pour lui la vie devenait meilleure.

C est alors, sous l'influence de ces conditions nouvelles et bien- faisantes, que se produisit en l'homme âgé déjà qu'était Redon, un inattendu et curieux rajeunissement. On eut dit comme l'épanouisse- ment tardif d'une nature longtemps comprimée par l'hostilité de forces

adverses, et qui, enfin libérée, pouvait vivre et œuvrer en toute facilité et joie.

Voici que, soudaine- ment presque, sa produc- tion en noir, prépondérante depuis tant d'années, prenait fin. Et de façon SI absolue que, lorsqu'en 1913 nous établissions de concert avec lui le Cata- logue de ses estampes, nous pouvions lui tenir, mi- séneusement mi- plaisan- tant, ce propos qui l'amu- sait, mais dont il recon- naissait la justesse : " Nous avons connu jadis, vous et moi, un Redon graveur. Il n'est plus et rejjose... sans doute sous une pierre lithographique. "

Maintenant la couleur, la séduisante couleur, qui l'avait attiré déjà à ses débuts, mais alors restrictivement pratiquée, le ressaisissait, l'exaltait, le dominait entièrement. Et pour surplus, il voulait, ne se contentant point seulement de la matière huileuse, manier aussi le pastel.

Coll R Rose (Peinture).

70

cette poudre impalpable et brillante, qui semble ravie aux ailes diaprées des papillons.

Nous pouvons certainement attribuer, pour une bonne partie, cette tendance empreinte d'une activité joyeuse, à l'aisance matérielle enfin conquise, ainsi qu à une quiétude morale succédant à de multiples et douloureuses épreuves. Cependant, à l'examiner de près, le phéno- mène apparaît plus intimement com- plexe. Redon en a suggéré une expli- cation d'ordre physiologique, mais relevant aussi de la psychologie, qui serait intéressante à vérifier comme portée générale. Dans tous les cas, elle demeure valable pour lui-même d'après son témoignage exprès et conscient : " Le noir prend surtout son exaltation et sa vie, I avouerai-je? aux sources discrètes et profondes de la santé. Du bon régime et du repos, ou disons mieux, de la plénitude de la force physique dépend la sourde ardeur vitale que donnera le fusain. C'est dire qu'il apparaîtra

dans sa pleine et meilleure beauté, au , , , ,)^ g^,,

cœur même de notre carrière, courte I-lilette nue.

ou longue, il est un épuisant, plus tard,

dans la vieillesse, quand la nourriture s'assimile moins. On pourra toujours, à ce terme, étaler de la matière noire sur une surface, mais le fusain reste charbon, le crayon du lithographe ne transmet rien; c est en un mot que la matière reste à nos yeux ce qu'elle paraît, chose inerte et sans vie; tandis qu'à l'heure heureuse de l'effervescence et de la force propices, c'est la vitalité même d'un être qui jaillira d elle, son énergie, son esprit, quelque chose de son âme, le reflet de sa sensibilité, un résidu de sa substance en quelque sorte (I). »

Et, notons-le, combien aussi les sujets auxquels s'attachera I artiste

(I) Od, R.. a s. m., p. 119.

,0^

désormais, ne sont-ils point eux-mêmes complètement changés! Les monstres et la terreur qu'ils engendrent, la douleur des faces convulsées, ces effrayantes visions du chaos primordial et d'une création bouillon- nante, tout cela s évanouit comme un pénible et térébrant cauchemar à )amais disparu.

A présent, ses attirances vont, avec une préférence presque exclu- sive, à la femme, à l'enfance et aux fleurs. A ce qui, dans la nature et l'humanité, brille d éclat et de fraîcheur, d'aube douce et de joie légère. Toutes les clartés jetant sur la trame obscure du monde comme un réseau doré, grâce auquel la vie peut devenir non seulement sup- portable, mais encore douée d'attrait et de beauté.

La double affection pour la femme et l'enfant, Redon n'avait jamais cessé de la ressentir, même pendant l'époque de sa production austère et la plus angoissée (1). Dans le courant de la vie il éprouvait pour ces êtres de faiblesse et de charme une sensi- bilité voilée de respect, et qui se témoignait par de délicats égards. Mais surtout sa prédi- lection était marquée envers la jeune fille, l'ingénuité première se mêle à la naissante séduction féminine près de bientôt épanouir. Rayonnement fugitif d'énigme virginale, qui toujours fit rêver les esprits élevés, et battre les cœurs animés d'une pure tendresse !

Quant aux fleurs, il lui était loisible de fréquemment en contempler les corolles écla- tantes et variées, voire même de. les faire naître et de scruter leur vie intime. En effet, après la perte si cruelle du Peyrelebade familial, il avait pu du moins se reconstituer un asile champêtre plus stable que les villégiatures annuelles en des lieux différents. C'était aux environs de Pans, non

l'f

Coll. de M"" Redon.

Dessin à l'encre violette.

(1) Voir : André Mellerio, La Femme et l'Enfant dans l'œuvre d'Odilon Redon, L'£srampe tl l'Affiche, 13 février 1898.

72

loin deVersailles, dans le site paisible de la petite et pittoresque vallée de Jouy-en-Josas. A Bièvres, il disposait depuis 1909, d'une villa modeste, mais commode et avec un grand jardin, que la mort prématurée de sa belle-sœur Juliette Dodu, avait laissée vacante. A chaque retour de la belle saison, Redon et les siens venaient s'y établir pour un séjour jdIus ou moins prolongé. Au bout de la propriété, l'ar- tiste avait fait construire un atelier s'isoler, et, dans le recueillement de ce décor agreste et riant, rêver et travailler.

Cependant, la majeure partie de son temps, se pas- sait au logis confortable- ment aménagé, qu'il occu- pait maintenant dans une grande avenue parisienne, large et bien aérée, d'un calme reposant (1). A défaut de son vieux et très aimé Luxembourg, li retrouvait au parc Monceau un coin de verdure discret et ombragé, diri- ger souvent sa promenade méditative. II y rencontrait encore des enfants, et aussi des oiseaux (2). Puis, de retour au logis, il se livrait à son labeur d'art, non point fardeau imposé, mais à son libre gré, et dans l'intime joie de produire. De bons amis le venaient voir fréquemment, l'entourant de respect et d'affection. Ce sont eux qui formaient également le cercle des quelques réunions mondaines, d'une élégance aimable et sans vain apparat, qu'il aimait, et l'on goûtait fort son affabilité ainsi que l'intérêt et le

leurs dans un v

(1) Ce fut la demeure définitive de Redon : 129, avenue de Wagram.

(2) Voir une anecdote à cet égard : App. Note 8.

73

charme de sa conversation. Enfin, quand dans notre ville au ciel souvent brumeux, l'hiver se montrait avec persistance revêche et gris, l'artiste natif d un pays ensoleillé, faisait une fugue vers le Midi, pour lui deman- _ der cette lumière et cette

! chaleur qui sont l'essence

même de la vie.

Ce furent pour Redon ^"S^ quelques belles années

mSS^fc comme la revanche d'un

/l«n m^ longetdurdestin, enfin lassé

^i^_ .jR^ ^^ ^°" injustice. Au bout

^liwP^'^l^V^ d'une existence avancée

i lïï nli^ déjà, s il n'avait plus les illu-

I 's ' /M'-W sions doucement rêveuses

i i ^''' § ^^ ^^ jeunesse, il goûtait

i II 1; du moins le sentiment de

' \ ' ^/ \ force d'un idéal mûri, la

' \ "y pleine confiance de sa puis-

sance artistique et morale. '^ D'autant qu'en lui

/' résidait un esprit de pen-

seur, meurtri souvent mais aussi élevé et complété par l'expérience de sa carrière ,_ ^ humaine. Toujours son

« L'Intelligence fut à mol ! Je devins le Bouddha... âme " fut Sincèrement et

(Planche ,irée l^ifZ^S.ol'j! '^ain, 4„,o,„c profoudément spirîtualiste.

Non toutefois qu'il ait cru devoir, pendant son existence, s'astreindre à l'observation stricte d'un dogme au rite exactement établi. Si l'intellectualité transcendante de la sagesse antique, mêlée de stoïcisme, ne paraît pas l'avoir essentiellement retenu, il montra une incessante attirance pour la pitié miséricordieuse de 1 Evangile, et la douceur mystiquement résignée du Bouddha (1).

(I) Ses fantaisies d'ostéologie eurent, il nous le dit textuellement, " un sentiment quasi chrétien pour assise». Leit. d'Od. R. à Edm. P. (15 juin 1894^ Quant aux effigies du Bouddha, elles sont nombreuses dans son œuvre.

74

PAbL StKLbILk

l'IKRKI. H(),N\ \Ki'

malkicl: uems

(Lilhooraphics)

Aussi sa philosophie morale, innée si l'on peut dire, est-elle empreinte de sereine clarté et de sympathie attendrie pour toute souffrance (I)».

Or, il semblait, en sa robuste vieillesse, que cette période dût se prolonger. C'était le couronnement victorieux d'âpres luttes soute- nues et des pénibles épreuves courageusement supportées. Au sein d'un foyer familial heureux et paisible, que son travail ornait d'ai- sance, entouré d'amis choisis et fidèles, il jouissait enfin d'une noto- riété légitime, s'accroissant de jour en jour...

C est alors que le coup de tonnerre qui ébranla la France, l'Europe, et l'on peut dire le monde entier, éclata soudain. En août 1914, avec une rapidité inconcevable, dans un bouleversement général pareil à une catastrophe géologique, se déchaînait l'effroyable lutte qui devait être la Grande Guerre !

La guerre ! Redon était de ceux qui l'avaient connue et plus, qui 1 avaient faite. Il savait tout ce que ce seul mot contient d'horreurs multiples, de désarroi moral, de sang versé, comme aussi de haut devoir et de mâle effort. Jamais il n'avait cru la revoir. Sa pensée si noble, son cœur toujours apitoyé de la souffrance humaine, sa confiance enfin dans les progrès d'une civilisation, hélas! plus apparente que réellement profonde, ne lui permettaient point de présumer le retour d une telle barbarie. D'autant que cette fois, il n en allait pas seulement pour la France, comme dans la lutte de 1870, de son prestige euro- péen et d'une situation hégémonique, mais bien de son existence même en tant que nation.

Cependant, il y avait plus encore pour Redon. Si personnellement, la première épreuve s'était trouvée par lui durement ressentie, celle-ci s'annonçait davantage poignante. Ce n'était plus lui qui entrait dans la fournaise, avec au moins l'entrain et le mouvement de 1 action, mais son enfant, sa chair vivante, pour qui son angoisse ne pouvait rien ! Et par surcroît un fils unique, élevé depuis sa naissance avec tant de soins inquiets, aimé passionnément et méritant de 1 être !

Pourtant Redon ni sa femme n'eurent un moment de faiblesse, qui eut été si compréhensible. Ils maîtrisèrent leur émotion profonde, la refoulant en eux-mêmes, par crainte d'amollir le courage de

(I) A. M.. Gaz. des B.-A., p. 143.

75

celui qui partait avec tant de volonté et de conviction. Mais après la séparation d'An, quel vide immense à leur foyer ! Et cela, ce fut l'héroïsme des familles françaises !

C est à Bièvres, la famille s'était installée dès les beaux jours, dans le repos de la campagne, que la tourmente l'avait saisie. Les parents y restèrent, vivant avec anxiété les premières heures fiévreuses de la guerre. Dans le modeste village passait la ligne de Grande Ceinture, mise en intense activité par la mobilisation, et oij se ressentait le contre- coup des formidables événements accomplis au loin : trains bondés de soldats partis en chantant et qu'on acclamait, puis bientôt convois de blessés et de prisonniers. Chez Redon, l'artiste ne pouvait rester inactif, il s intéressait à ce spectacle mouvementé sans cesse se renouvelant, et il trouvait moyen d'en faire des dessins.

Cependant le cours des choses se précipitait. Aux éphémères succès du début avaient succédé les revers, et bientôt de redoutables éven- tualités menacèrent Pans et ses environs. Vers la fin d'août, Redon et sa femme, emmenés par des amis avertis, purent s'éloigner de Bièvres et aller s installer à Royan. C'est que, pendant plusieurs semaines, ils demeurèrent tourmentés d'inquiétude, sans recevoir aucune nouvelle de leur his. Quel soulagement de 301e, quand enfin leur parvint tardi- vement la première missive !

Or, la glorieuse victoire de la Marne avait éclairci l'horizon, sauvant Pans et donnant au pays de grandes espérances. Redon et sa femme purent rejoindre leur foyer, dans la capitale. Lui se remit au travail, seul effort capable de le distraire des angoisses d'une guerre si terrible dès le début, et qui par surplus menaçait d'être longue. Ainsi échappait-il un peu à l'incessante préoccupation des destinées de la France et du sort de l'enfant qui combattait pour elle (I).

Alors commença pour les Redon cette vie intimement douloureuse et aussi de courage endurant, que menèrent les familles ayant quelqu'un des leurs exposé au front. Ceux-là seulement qui ont subi l'épreuve pour leur compte, peuvent la mesurer dans son étendue de souffrance, et en pénétrer jusqu'au fond la véritable agonie morale. L'esprit comme le cœur, étaient invinciblement et uniquement concentrés sur la lutte

(1) Au sujet d'Ari Redon, pendant la guerre, voir : App. Note 9. - 76 -

LA MORT : Mon ironie dépasse foutes les autres ! (Lithographie)

lointaine soutenue sans répit par ceux qui combattaient pour le salut de tous.

La correspondance de Redon avec Ari, demeure éminemment suggestive de cet état d ame. Que de force de caractère dans ces encou- ragements virils donnés au jeune soldat qui se bat ! Mais que d'efïusions aussi d une tendresse infinie, qui cherche à se contenir, et voudrait se voiler sous l'apparent souci de menus détails matériels. Elle éclate à chaque ligne écrite par le père à son fils dans lequel il revit, devenu un homme à son tour et de plus un héros qu'il admire. Enfin combien de hautes pensées sur l'heure présente, et pour l'issue finale quelle confiance soutenue par une inaltérable droiture : "...Les idées font d'invincibles bataillons (I) ».

Après les premières semaines d'alternative, on avait renoncé à la croyance dans un dénouement proche, si sanglant dût-il être. On sup- puta ensuite des mois, et c'était des années qu'il fallait compter ! Alors par degrés s'imposa l'acceptation résignée d'une lutte démesu- rément longue, dont on ne pouvait prévoir, même par approxima- tion, la date ultime.

Et l'existence se continua dans la vibration quotidienne des communiqués, 1 attente sans fin avec 1 intermittente consolation des lettres du cher combattant. Puis ce furent les permissions, la joie ardente et presque folle de se revoir, hélas ! trop vite passée, et dès l'arrivée même obnubilée déjà par la poignante pensée du prochain départ. Ainsi vécut Redon, se réfugiant dans le travail de son art, seul consolateur possible. Parfois, malgré tout, en ses moments de rêverie, lui souriait l'espoir intime du retour de son fils sain et sauf, à l'heure glorieuse de la France enfin délivrée et triomphante ! Cette double joie, si profondément méritée, il ne devait pas 1 avoir.

Au commencement de 1916, après une période longue sans nouvelles d'Ari, son père allait voir une famille amie, il pensait recueillir sur lui au moins quelques renseignements indirects. La saison était inclémente, il prit alors un refroidissement et dut s'aliter. Le mal qui ne paraissait point inquiétant d'abord, ne tarda pas à s aggraver. Malgré son âge avancé, il avait alors soixante-seize ans, telle était la

(1) Lellre d'Od. R. à son fils (Bièvres, 10 juillet 191 S).

77

robustesse de sa constitution, qu'elle résista assez longtemps, même avec des Intermittences de relèvement. Puis de quels soins attentifs et inlassés n'était-il pas entouré par celle qui fut la compagne de toute sa vie, et que secondaient en outre de fidèles amis. Mais vainement, et le 6 juillet sans que son fils, appelé en hâte du front, pût recevoir son suprême adieu, il s'éteignait doucement.

Malgré les anxiétés de l'heure si tourmentée, ce fut une foule nombreuse qui voulut lui rendre le témoignage d'une haute estime et d'une admiration sincère (1). De tels sentiments s avivaient encore, pour ceux qui l'avaient approché de près, d'un intime regret au pro- fond de leur cœur, tant étaient forts les liens d'affection par lesquels il avait su les attacher et les retenir à sa personne...

Au sommet d'une colline dominant, sous le ciel clair, les campagnes pondérées de l'Ile-de-France, s'étend le modeste cimetière de Bièvres. C'est dans ce dernier asile calme et solitaire que, son existence achevée, mais son œuvre lui survivant, repose l'homme, 1 artiste et le penseur que fut Odilon Redon.

(I) Les obsèques de Redon eurent lieu à Paris, dans l'église Saint-Charles-de-Monceau, puis son corps fut transporté ensuite à Bièvres pour l'inhumation.

78

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II

L'ARTISTE ET SON ŒUVRE

Nous avons vu les faits qui composent la trame vitale de Redon. Elle apparaît en somme d une grande simplicité, sans que surgisse aucun événement particulièrement dramatique ou extraordinaire.

Mais est-ce bien 1 homme tout entier? N'existe-t-il pas aussi une sphère intérieure, se meuvent librement nos aspirations secrètes, et qu'anime le sentiment des activités que nous aurions souhaitées? Ce rêve qui se réaliserait sans les obstacles incessants et divers du monde matériel, ne doit-il pas compter au fond, comme le vrai but pour lequel chacun de nous avait été essentiellement créé? Or, cette vie cachée, on peut dire que Redon l'a intensément vécue. Recueillons-en de lui-même le conscient témoignage : " C'est dans la solitude que 1 artiste se sent vivre énergiquement, en profondeur secrète, et que rien du dehors mondain ne le sollicite et ne l'oblige au déguisement. C'est qu li se sent, se découvre, qu'il voit, trouve, désire, aime, et se sature de naturel aux sources initiales de l'instinct; c'est là, plus qu'en tout autre heu social que lui est donné le pouvoir de s'exalter purement, et d illuminer de son esprit la matière qu'il ouvre et qu il déploie (1). "

Cet œuvre de l'artiste, se révèle en s'exténorisant le mystère des forces latentes contenues en lui, nous allons essayer d en accom- plir l'exploration.

Et d'abord, il importera de connaître l'enseignement reçu direc- tement par Redon, comme aussi la voie indépendante qu il a voulu suivre pour sa formation personnelle. Nous aurons à nous préoccuper corol- lairement des sources parfois son inspiration a puisé. Ensuite nous

(I) Od. R.. a s. m., p. 121.

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examinerons en détail les différents modes techniques dont il a fait usage, nous efforçant de les caractériser et commenter.

C'est seulement après ce double travail d'analyse, que nous pour- rons tenter une synthèse de l'art de Redon, en montrant les assises sur lesquelles il repose, son originalité propre, et les effets frappants qui en résultent.

Enfin ne devrons-nous pas situer la place de l'artiste en 1 esthétique contemporaine, et proposer, dans la mesure du possible, un jugement conclusif ?

L'ÉDUCATION ET LA FORMATION ARTISTIQUES DE REDON

A cet égard, rappelons tout d'abord, en les développant, quelques détails de son existence : " Fort jeune, j'ai dessiné; à onze ans j obtenais un prix de dessin lorsque je ne savais guère lire ( I ) ". Non seulement dès son enfance il a griffonné comme tout jeune être, peut-on dire, à qui tombe sous la main un crayon, mais encore il l'a fait avec plus de suite et de réussite déjà. Au cours de ses médiocres études, il peinait sans goût ni résultats, son unique succès est remporté dans la branche qui doit devenir la vocation de sa vie. Ce n'était pourtant encore que de bien infimes notions qu'il recevait, et fort banalement inculquées : « J'avais copié les lithographies d'alors selon les premiers modes de la hachure (2). "

Mais ultérieurement, il lui sera donné un enseignement davantage développé, et notamment de plus de valeur. Par un hasard heureux, celui qui fut appelé à devenir vraiment son premier maître, sans être un grand artiste, possédait du moins quelque talent et connaissait son métier. Puis surtout, chose rare, sa pédagogie demeurait soucieuse de respecter la personnalité chez le jeune élève qu'on lui avait confié. Il s'efforçait, non de le plier à de rigides théories doublées de pratique routinière, mais bien plutôt de l'aider à se dégager lui-même en lui

(1) Lett. dOo. R. à Edm. P. (13 juin 1894).

(2) Od. r.. a s. m., p. 16.

Étude (Dessin à l'encre de Chine). 8l

ouvrant les vastes horizons de l'art. " Vers l'âge de quinze ans, on me donna pour le dessin un professeur libre, chez qui j allais travailler les jours de sortie. Il était aquarelliste distingué et très artiste. Son premier mot je m'en souviendrai toujours fut de m'aviser que je l'étais moi-même, et de ne me permettre jamais de donner un seul trait de crayon sans que ma sensibilité et ma raison ne fussent présentes.

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Morgat (Dessin à la mine de plomb).

Coll. de M'"- Redon.

Il me fit faire des études qu'il appelait études sur nature, je ne devais traduire que ce qui m'était motivé par les lois de la lumière et de la statique. Il avait horreur de ce qui s'exécute de pratique. Il apportait dans 1 analyse des copies qu'il me faisait faire un sens pénétrant et subtil des procédés, une clairvoyance à les décomposer et les expliquer, qui m étonnaient beaucoup alors, et que je comprends aujourd'hui. Il possédait des aquarelles des maîtres anglais qu'il admirait beaucoup. Il m en fit faire des copies.

" Très indépendant, il me laissait aller à mes sympathies. Il considé- rait comme un bon augure les frissons et les fièvres que me donnaient les

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toiles exaltées et passionnées de Delacroix. En ce temps-là, il y avait en province des expositions ouvertes à des envois nombreux des grands artistes. C'est ainsi que je pus voir à Bordeaux des œuvres de Millet, Corot, Delacroix, les débuts de Gustave Moreau. Mon professeur me parlait devant elles en poète qu'il était, et ma ferveur en redoublait. Je dois à mon enseignement libre beaucoup des premières poussées de

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Coll. de M"' Redon.

Etude de centaures (Dessin à la mine de plomb).

mon esprit, les meilleures sans doute, les plus fraîches, les plus décisives ; et je crois bien qu'elles valurent pour moi beaucoup mieux que l'ensei- gnement d'une école d'Etat (1). »

Telle était la substance de cette initiation intelligente, et par cela même féconde, dont les principes demeurèrent indélébiles dans le souvenir de l'élève devenu homme et à son tour artiste. " Je ne me suis guère départi, depuis, des influences de ce premier maître romantique et enthousiaste, pour qui l'expression était tout, et Veffet une attirance

(I) On. R., A S. Al, p. 17.

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ou subterfuge d'art indispensable. C'est avec lui que j'ai connu la loi essentielle de création; j'entends la loi de constitution, ses mesures, ses rythmes, cet organisme d'art qui ne peut être appris par règles ni formules, mais qui se transmet et se communique par la communion du maître à 1 élève ensemble au travail. Le bon démon me prit ainsi. Quand ce sens me fut révélé, j'eus hâte de me laisser aller à la joie de m épancher en des esquisses. Et c'était vraiment par un effort de raison, de devoir, presque de vertu, quand il fallait me mettre objectivement à l'étude; je préférais tenter la représentation des choses imaginaires qui me hantaient et j'échouais infructueusement au début. J en fis cependant beaucoup : paysages, batailles, évocations d'êtres épars dans des plaines rocheuses, tout un monde de désespérance, noires fumées du romantisme qui m'embrumaient encore.

« Je fis aussi des dessins d'après des estampes, ceux-ci avec un réel plaisir (1). »

Et ce travail plein d'enthousiasme s'accomplissait dans un cadre autrement seyant que la sombre géhenne de ses études classiques si mornes et peu fructueuses. C'est allègrement qu'il se dirigeait vers r « atelier entouré à profusion des fleurs d'un jardin hors ville, dans le silence de la solitude, et sous le jour d'une large baie donnant lumière à la lisière d un petit bois (2) ».

Ce premier maître se nommait Gorin. Il ne fut point notable à son époque, et n'a guère laissé de souvenir. A Pans, il avait tenté la fortune, elle ne dut pas lui être propice, car il avait abandonné sans esprit de retour la capitale " et ses fatigues après quelques déboires (3) ». Puis retiré définitivement à Bordeaux, il partageait son temps entre l'enseignement et un labeur sans éclat. Redon, lors de ses séjours dans cette ville, ne manquait jamais d'aller voir son ancien professeur, auquel l'attachait une reconnaissance mêlée d'estime et d'affection.

Ce fut certainement pour le jeune artiste futur une bienfaisance du destin d'avoir rencontré à ses débuts un pareil guide. Entre quinze et dix-huit ans, à l'heure décisive de l'existence, s'éveille la person-

(1) Od. R., a s. m., p. 18.

(2) Od. R..A S. M., p. 19.

(3) Od. r., a s. m., p. 19.

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L'oeil, comme un ballon bizarre, se dirige vers I iiiliiii... tLithu^rupliic.)

(Plancbt tirée de lalbum A iVjor Por)

nalité, il put de la sorte acquérir quelques bases solides. Et sur celles-ci viendra s appuyer son effort, lorsque plus tard, s'évadant d'un stérile enseignement officiel, il poursuivra, solitaire et incertain, l'acfiè- vement de son entière formation.

Ainsi que nous l'avons vu, si la famille de Redon ne mit point d opposition à sa carrière d'artiste, elle avait imposé tout au moins un but précis, qui lui paraissait susceptible de résultats profitables : il devait être architecte. De pour le jeune homme, lorsqu'il vint à Pans, la nécessité d'un enseignement spécial, qu'il suivit d'ailleurs réguliè- rement. « A dix-sept ans j'entrepris, avec peu de foi et seulement au gré de mes parents, l'étude de l'architecture. J'ai travaillé journellement chez un architecte de talent, quelque temps aussi chez Lebas (1). J'ai fait beaucoup de géométrie descriptive, des masses dépures, toute une préparation en vue de l'Ecole dite des Beaux-Arts, j'ai échoué dans les examens oraux (2). » Entre temps, quelques tentatives aussi " de sculpture durant une année à Bordeaux, dans l'atelier particulier du professeur de la ville. J'ai touché cette matière exquise, douce et souple qu est la terre glaise, en m'essayant à des copies de morceaux antiques (3) ».

Alors succéda une période pénible de son apprentissage d'artiste. Ce fut 1 essai loyal mais douloureusement infructueux, de se conformer aux méthodes qu'imposait la pédagogie officielle." ...A l'atelier X. (4), je fis un grand effort dans l'application à rendre des formes; ces efforts furent vains, inutiles, sans portée ultérieure pour moi... J'étais mû, en allant à 1 Académie, par le désir sincère de me ranger à la suite des autres peintres, élève comme ils l'avaient été et attendant des autres l'appro- bation et la justice. Je comptais sans la formule d'art qui devait me conduire, et j'oubliais aussi mon propre tempérament. Je fus torturé par le professeur. Soit qu'il reconnût la sincérité de ma disposition sérieuse à 1 étude, soit qu'il vît un sujet timide de bonne volonté, il cherchait visiblement à m'inculquer sa propre manière de voir et à

(1) Lf.bas (Hippolyte), architecte français, à Paris (1782-1867).

(2) Od. R., a s. m., p. 22.

(3) Od. R., a s. m., p. 22.

(4) C était l'atelier du peintre Gérome.

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LA PREMIERE CONSCIENTE ni' CHAdS

faire un disciple ou à me dégoûter de l'art même. Il me surmena, fut sévère; ses corrections étaient véhémentes à tel point que son approche à mon chevalet éveillait chez mes camarades une émotion. Tout fut vam.

Il me préconisait d'enfermer dans un contour une forme que je voyais, moi, palpitante. Sous prétexte de simplification (et pourquoi?), il me faisait fermer les yeux à la lumière et négliger la vision des subs- tances. Je n'ai jamais pu m'y contraindre. Je ne sens que les ombres, les reliefs apparents; tout contour étant sans nul doute une abstraction. L'enseignement qu'on me donna ne convenait pas à ma nature. Le pro- fesseur eut de mes dons naturels la plus obscure, la plus entière mécon- naissance. Il ne me comprit en rien. Je voyais que ses yeux volontaires étaient clos devant ce que voyaient les miens. Deux mille ans d'évolution ou de transformation dans la manière de comprendre l'optique sont d ailleurs peu de chose à côté de l'écart créé par nos deux âmes contraires. J étais là, jeune, sensible et fatalement de mon temps, à écouter je ne sais quelle rhétorique issue on ne sait comment des œuvres d'un certain passé. Ce professeur dessinait avec force une pierre, un fût de colonne, une table, une chaise, un accessoire inanimé, un roc et toute la nature inorganique. L'élève ne voyait que l'expression, que l'expansion du sentiment triomphant des formes. Impossible lien entre eux deux, impossible union ; soumission qui eût amené 1 élève à être un saint, ce qui était impossible (I). »

Or, dans cette rébellion qu'on peut dire tout instinctive, rien qui soit, remarquons-le bien, prémédité ni consciemment voulu. Ce n'est pas à plaisir que l'élève résiste et se redresse. De sa part, aucun défi audacieux et insolent d'un orgueil anarchique : " Peu d'artistes ont souffrir ce que j'ai vraiment souffert dans la suite, doucement, pa- tiemment, sans révolte, pour me ranger, ainsi que les autres, dans la lignée ordinaire. Les envois au Salon qui suivirent cet enseignement, ou plutôt, cet égarement d'atelier, eurent, vous le pensez bien, le même sort que mes travaux d'élève. J'ai persévéré dans cette impasse

(1) Od. R., a s. m., p. 22. Voir sur l'enseignement professé par Gérome : App. Note 10.

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trop longtemps ; la conscience d'une conduite ne m était pas encore venue (1). "

Cette faculté de se diriger lui vint petit à petit, grâce à la puis- sance d'un tempérament qu'on pouvait comprimer mais non réduire. Les propensions qui étaient vraiment siennes ne cessèrent jamais, secrè- tement d'abord puis ouvertement, de s'affirmer et de s accentuer. Car si Redon n'était point de parti-pris le contempteur de toute auto- rité, il lui semblait ne devoir en accepter aucune dépourvue de titre réel et légitime. Il possédait la force simple, toutefois très grande, des âmes qui, dans leur profondeur, sentent une foi ardente et invin- cible, capable, à un moment donné, de prononcer son : non possumus sans réplique. Non, en toute sincérité, il ne pouvait pas. Et un élan, supérieur même à son effort voulu d'application, 1 empêchait de s anni- hiler! De plus en plus, abandonnant la route vulgaire et ingratement stérile, le voici qui s'engage dans sa voie véritable, davantage ardue certes, mais entièrement à lui. « On m'a fait, par cet éloignement l'on m'a laissé, distinct des autres et indépendant... J'ai été amené à l'isolement je suis par l'impossibilité absolue de faire autrement l'art que j'ai toujours fait. Je ne comprends rien à ce qu'on appelle des concessions ; on ne fait pas l'art qu'on veut (2). »

Plus tard, c'est nettement et très consciemment qu'il pourra résumer ainsi la genèse de sa personnalité : « En somme je me suis fait seul, comme j'ai pu, et parce que je ne trouvais pas, dans 1 enseignement que j'essayais de recevoir, mon vrai régime (3). »

Mais déjà quelques idées directrices, pour ainsi dire innées en lui, servent de phares éclairants à cet autodidactisme involontaire. Tout d'abord il a le sentiment de l'appel mystérieux d'en haut, qui enfante et justifie une vocation irrésistible : « On ne sait point, on ne saura jamais, ce qui fait que celui-ci devient un artiste, cet autre un finan- cier, ou un fonctionnaire, bien que partis ensemble, auréolés des mêmes virtualités. C'est un point insondable, irréductible. La fortune ou la pauvreté n'y sont pas un obstacle : on a son âme

(1) Od. R., a s. m., p. 24.

(2) Od. R.. a s. m., p. 24.

(3) Od. r.. a s. m., p. 22.

partout; on dispose d'une matière partout. C'est affaire de conduite intérieure, hors des faiblesses de la vanité ou des égarements de l'orgueil. Il y a des artistes de génie dans la misère, il y en a d'autres dans l'opu-

Un étrange Jongleur I Lithographie)-

(Planche tirée de Y Hommagf à Goya.)

lence. La fin d'une destinée est en soi-même; elle suit des chemins cachés que le monde ne sait pas; ils sont remplis de fleurs ou d'épines (1). >'

(I) Od. R.. a s. m., p. 26.

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Or, cet élu, à quelles marques le reconnaîtra-t-on, et en quoi sera- t-il difïérent des autres ? « L'artiste est, au jour le jour, le réceptacle des choses ambiantes; il reçoit du dehors des sensations qu'il transforme par voie fatale, inexorable et tenace, selon soi seul. Il n'y a vraiment production que lorsqu'on a quelque chose à dire, par nécessité d expan- sion (I). »

Et quand Redon aura vécu, œuvré aussi par lui-même, il pourra en toute vérité, se rendre ce témoignage : " Je crois avoir eu le souci de la conduite de mes facultés; je me suis cherché avec conscience sous les éveils et la croissance de ma propre création, et dans le désir de la pré- senter parfaite, c'est-à-dire entière, autonome, ainsi qu'elle devait l'être pour elle-même (2). "

A ses tout premiers travaux, sous la direction de Gorin, le jeune artiste s'était livré beaucoup et avec un penchant intime, à des ébau- ches purement Imaginatives. Mais, ses forces grandissant, il eut l'ambition d'atteindre aussi l'expression analytique et précise du monde objectif. De une véritable lutte entre deux courants opposés dont il ne devait que bien plus tard, dans son œuvre mûrie, opérer l'entière synthèse. Et ce lui fut un pénible dissentiment d aspirations, tant il est difficile de s'équilibrer entre ces pôles extrêmes, lorsqu'on prétend tout ensemble s'appuyer fortement sur l'un et 1 autre. Des essais alors tentés, du but poursuivi et lentement dégagé, le processus a été par Redon lui-même, exactement retracé.

" Qu'est-ce qui me rendit, au début, la production difficile et la fit SI tardive? Serait-ce une optique ne concordant pas avec mes dons? Une sorte de conflit entre le cœur et la tête? je ne sais (3). " " ... Avais-je un tempérament de dessinateur ou de peintre (4) ? A quoi bon le chercher maintenant? Le discernement assez vain qu'a fait la pédagogie de ces deux modes importe assez peu. Cependant, par analyse, nous les dis- tinguons. La pratique du dessin me vint plus tard, appelée par la volonté, lentement, presque douloureusement. J'entends ici, par dessin le

(1) Od. R., a s. m., p. 24.

(2) Od. R., a s. m., p. 24.

(3) Od. r., a s. m., p. 26.

(4) Nous devrons noter que ceci fut écrit avant la dernière période de la vie de l'artiste, ses qualités de peintre éclatèrent si vivement.

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pouvoir de formuler objectivement la représentation des choses ou des personnes selon leur caractère en soi. J'yai toujours tendu à titre d'exer- cice, et parce qu'il est néces- saire d évoluer dans l'élément le plus essentiel de l'art qu'on exerce; mais j'obéissais aussi à 1 incitation de la ligne seule de même que je cédais au charme du clair-obscur. Je me SUIS encore efforcé de réa- liser par le menu, avec la plus grande part de détails visibles, et avec relief, un morceau, un détail fragmen- taire. C'était l'étude qui m attirait le plus sans me préoccuper de son utilité. Ces fragments m'ont servi bien des fois depuis, à reconstituer des ensembles, et même à en imaginer. C'est le mystérieux che- min de l'effort, et du pro- duit, dans l'acheminement d'une destinée, il est quel- quefois décisif et très déter- miné chez les uns; il fut souvent troublé et inquiet chez moi ; mais jamais je ne perdis de vue une fin plus haute (I). " Et il affirme derechef, indiquant même la date précise de cette crise intérieure : " Mon aptitude contemplative me rendit douloureux mes efforts vers une optique. A quel moment

Petite Madone ( Eau-forlc).

(1) Od. R.. a s. m., p. 24.

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suis-je devenu objectif, c'est-à-dire assez regardeur des choses, assez voyant de la nature en soi, pour aller à mes fins et m'ap- proprier des formes visibles? Ce fut vers 1865 (1). » Encore cette évolution obscure et longue ne se termina-t-elle qu'au bout de plusieurs années, et sous le coup d'événements dont nous avons indiqué tout le retentissement dans la vie de l'artiste : « Mon ori- ginalité... parut plus tard, après trente ans, c'est-à-dire après la guerre de 1870 (2). »

Mais tandis que Redon s'appliquait avec effort et persévérance à discerner ce qu'il sentait bouillonner en lui confusément, il ne demeu- rait point dans une oisiveté inactive. A défaut d une direction vivante qu'il ne rencontrait pas chez ses contemporains, il en recherchait avi- dement une autre, plus élevée certes, mais difficile à saisir et à suivre, SI bien doué que soit un artiste, quand il est jeune encore et isolé. C'est l'éducation qui émane des Maîtres du passé. Dans les musées, devenus pour le jeune disciple comme des sanctuaires, il se livrait à de longues contemplations ainsi qu à des méditations réfléchies des chefs-d'œuvre, afin de pénétrer 1 essence même de leur inspiration. De plus, il faisait avec attention et scrupule de soigneuses copies, afin de mieux analyser et comprendre toutes les ressources techniques du métier.

De ces gloires vénérées, il en est trois pour qui Redon éprouva toujours une admiration passionnée, presque un culte : « Léonard de Vinci, Rembrandt et Durer. Grands génies qu'on peut creuser sans cesse plus avant sans en jamais trouver le fond !

« Vinci fut dévoré de curiosités intellectuelles. Ses énigmatiques, mais cependant très réelles figures, d'un fini si soigné, demeurent fascinatrices. N'a-t-il pas su mettre sur des lèvres demi-closes de femme, un sourire mystérieux et divin qui fit rêver tant de générations... Et ses personnages vivent dans le sfiimato, sorte de pénombre subtile qui, tout ensemble, les révèle et les dissimule. ...Esprit de penseur avant tout, ce Vinci qui fut à la fois et savant et artiste.

« Rembrandt! Chez le maître hollandais, quelle profonde humanité se mêle au mystérieux de l'ambiance! Lui aussi réfléchit et médite, mais

(1) Od. R., a s. m., p. 25.

(2) Lell. dVd. R. à Edm. P. (13 juin 1894).

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ANGK DECHU

avec quelle émotion grave, tandis que joue une lueur blonde à travers les opacités des sombres logis d'Amsterdam. Combien apparaît magi- quement sublimisateur ce rayon de soleil, qui fait reluire jusqu'à des détritus comme transmués en pierres précieuses. Car si les sujets furent simples, pris tout à côté de l'artiste, parfois même dans l'humble vulga- rité, ils revêtent l'empreinte magnifiante d'un sentiment biblique et essentiellement chrétien. C'est ce qui donne une vie palpitante au clair- obscur se déroulent en péripéties infiniment nuancées les oppositions de la lumière et de l'ombre. Ainsi luttent ensemble dans un duel iné- luctable et éternel, le Bien et le Mal, la Science et l'Ignorance, le Beau et la Laideur. Comme on révère le haut pontife d'une religion suprême, Redon s'incline devant le grand artiste...

« La trilogie se complète par un homme au tempérament concentré, ayant parfois de puissantes envolées : Albrecht Diirer... L'œuvre célèbre : la Mélancolie. C'est une figure de femme assise, et gravement rêveuse, tandis qu autour d elle sont amoncelés des objets nombreux et dispa- rates, d un dessin précis et incisif comme le ciselé d'une armure. On y retrouve ce mélange d esprit bien allemand voisinent une réalité terre-à-terre et la songerie éthérée. Puis, c est l'intérêt profond porté à ce mystère final de la mort souveraine, cachée mais toujours présente sous l'aspect des choses les plus banales et familières (I). »

Ajoutons qu'à côté des anciens, un maître lui aussi parmi les modernes eut le privilège d'émouvoir profondément Redon et de con- tribuer à sa formation : c'est Delacroix. « ...Ame toute de mouvement et de fougue, dont la passion allait jusqu'à la fièvre. Cependant très connaisseur et soucieux des ressources techniques de l'art, demeurant ordonné même dans les plus grands élans de son imagination... Esprit très largement compréhensif et qui, dans son Journal, apparaît à tous points de vue comme une des personnalités éminentes du siècle (2). »

Enfin, il est un artiste dont l'exemple et la conversation influèrent certainement sur Redon c'est Bresdin. Nous avons vu comment se nouèrent entre eux d'intimes relations, qui furent principalement fré- quentes à Bordeaux, entre 1863 et 1870.

(1) A. M., El. s. R.. p. 35 à 37.

(2) A. M., El. s. R.. p. 37.

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» Bresdin me dit une fois, sur un ton d autorité douce : " Voyez ce " tuyau de cheminée, que vous dit-il ? Il me raconte à moi une légende. « Si vous avez la force de le bien observer et de le comprendre, ima- « ginez le sujet le plus étrange, le plus bizarre, s il est basé et s'il « reste dans les limites de ce simple pan de mur, votre rêve sera « vivant. L'art est là. >' Bresdin me tenait ce propos en 1864. J'en note la date parce que ce n'est pas ainsi qu on enseignait en ce moment-là.

" Je me déclare heureux aujourd'hui d'avoir entendu jeune, d'un artiste très original et entier que j aimais et admirais, ces paroles peu subversives que je comprenais si bien, et qui confirmaient ce que je pressentais moi-même. Elles donnent, sous une forme apparemment bien simple, les préliminaires du haut enseignement. Elles ouvrent la vue du peintre sur les deux mondes de la vie, sur deux réalités qu il est impossible de séparer sans amoindrir notre art et le priver de ce qu il peut donner de noble et de suprême. Les artistes de ma géné- ration, pour la plupart, ont assurément regardé le tuyau de cheminée. Et ils n ont vu que lui. Tout ce qui peut s'ajouter au pan de mur par le mirage de notre propre essence, ils ne l'ont pas donné (1). '

Puis c était la manière d'inculquer de tels conseils, non pédante et formaliste, mais si libre et vivante : " Le naturel de ses propos donnait de bons avis qu on recueillait sans les fatigues d'un enseignement grave. Tout prenait avec lui une forme légère pour vous amener à réfléchir et souvent même avec un sourire. C'était un véritable humour (2). >'

Or que préconisait encore Bresdin? " Il ne comprenait et n'aimait pas 1 art académique. Il s'indignait qu'un certain maître eût parlé de probité a propos du dessin (3). ""La couleur, c'est la vie même, disait-il, elle anéantit la ligne sous son rayonnement. » Et l'on sentait que ses convictions sur ce point ne relevaient que de lui seul, et du culte qu'il portait à l'invention naturelle, instinctive (4).

De semblables souvenirs amènent Redon, très naturellement, à exposer ses idées sur ce que doit être une éducation artistique vrai-

(1) Od. R., a s. m., p. 126.

(2) Od. R, a s. m, p. 129.

(3) Redon fait ici allusion au mot que Ton cite souvent de la part d'Ingres : " Le dessin, c'est la probité de l'art. '

(4) Od. r.. a s. m.-, p. 129.

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PORTRAIT DE M. O. SAINSÈRE

ment féconde : " Hélas, comme ce que j'écoutais auprès de lui contrastait avec ce qu'on entendait dans les écoles ! Quel enseigne- ment avons-nous reçu?... Est-il possible, au cours de la tournée que fait le professeur à I atelier, parmi les élèves devant le modèle, est-il pos- sible de donner à chacun la bonne parole, la fertile parole, celle qui ensemencera chaque front selon sa loi particulière? Non, difficilement. En tout élève, en tout enfant, n'y a-t-il pas un mystère, le mystère surprenant de ce qui va être? Et le professeur aura-t-il le tact assez docile, la perspicacité assez fine et divinatrice pour mettre en floraison fertile les premiers bégaiements de son élève?

« Celui qui professe, après tout, ne veut que continuer l'action des maîtres, mais, hélas! et même seulement pour la transmettre, il n'a pas leurs procurations. Il se les octroie bien comme il peut, tant bien que mal, comme le grammairien, par l'analyse de belles œuvres du passé que le temps a consacrées, mais il n'acquiert qu'une expérience abstraite, toute en formules, il manque l'autorité prenante de l'amour. Or il faut aimer pour croire, et il faut croire pour agir : le meilleur ensei- gnement sera donc reçu de celui seul qui aura déjà touché l'apprenti d'une sorte de révélation créatrice, issue de la beauté de ses propres œuvres.

« Il n'en est pas ainsi aujourd'hui (I). "

C'est ainsi pourtant qu'il en fut jadis, et nous émettons ce souhait qu'il peut en être de nouveau dans 1 avenir. Pour ce qui touche Redon, il est loisible de dire que l'enseignement qu'il indique comme seul profitable, il le reçut, sinon d'une façon suivie et complète, au moins partiellement. Et cela par deux fois : la première, à ses débuts avec Gorin ; la seconde, quand plus âgé déjà il en pouvait mieux profiter encore, de la part de Bresdin.

Mais cette instruction, en quelque sorte limitée à la sphère d'un métier spécial, n'est point tout ce qui contribue à former la personnalité entière d'un artiste. Il éprouve des curiosités, subit des attractions.

(I) Od. R.. a s. m., p. 129.

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ressent des jouissances dans des domaines différents, et celles-ci peuvent influer plus ou moins directement sur son œuvre.

Or, ce iurent pour Redon, nous semble-t-il : la Nature, la Musique, la Science et la Littérature.

Au premier plan, il faut mettre la Nature. C'est elle qui l'accueillit dès son entrée dans la vie, à laquelle il revint sans cesse, et jusqu'au bout de son existence. Sublime spectacle les lois fondamentales de la cosmogonie se révèlent, sous des apparences infiniment variées ! Dès son début le jeune artiste la reproduisait amoureusement de son pinceau novice, puis il en fit le décor imposant surgissent les êtres de sa conception fantastique, et elle fîeurira encore, merveilleusement épanouie, dans la dernière période de peinture. Il ne la comprenait pas impassible et détachée de nous, mais tout humaine et mêlée à nos sentiments les plus profonds. S'il la connut et l'étudia ses dessins et ses croquis le témoignent, jusqu'en ses intimes et menus détails, c'est surtout dans ses grandes lignes qu'il voulut la retenir et prétendit la rendre. Horizons sans fin, onde fluide, ciels aux nuages colorés, ondoyants comme notre âme, robustesse vivante de l'arbre, solidité de la roche impénétrable ! Mais surtout l'émouvait le rythme périodique du jour et de la nuit, opposant éternellement l'ombre et la lumière. A ce trésor de spectacles contemplés ont contribué tous les pays qu'il a connus, stablement ou en rapide passage. Ainsi demeurent dans son souvenir, les landes et les bois du Médoc natal, les sites hautains et neigeux des Pyrénées, la grève mélancolique de Bretagne, et ces paysages fins et nuancés de l'Ile-de-France. Ce qu'ont vu ses yeux est passé en son âme, pour s exprimer enfin dans son œuvre.

Et l'influence était si forte, qu'elle agissait même physiologique- ment. En effet, Redon émet, à propos de l'artiste en général, cette remarque certainement émanée de son expérience particulière : "■ Je dirai même que les saisons agissent sur lui ; elles activent ou amortissent sa sève : tel effort, tel essai tenté hors de ces influences, que les tâtonnements et l'expérience lui révèlent, sont infructueux pour lui, s il les néglige (I). »

Cette Nature, il l'aima tant, y trouva un tel réconfort, que parfois

(I) Od. R., a s. m., p. 24.

«6

il lui vint le souhait de se livrer à elle tout entier et sans partage. Non point en l'abîmement intense du Nirvana rêvé sous l'opprimante fécon- dité tropicale, mais au sein de la vie calme et laborieuse de nos cli- mats plus pondérés : « Quel baume eut ja- mais sur moi, sur mon esprit et même sur mes peines, une action plus subite, plus bien- faisante que l'herbe verte, ou le contact de tout autre élément in- conscient. Quitter la ville, aller aux champs, approcher d un village en sa tranquillité rusti- que, c'est toujours que ] ai senti les se- cousses d'un petit bat- tement de cœur qui m'ont rendu grave, et que, recueilli subite- ment dans un retour Christ (Lithographie).

sur moi-même, j'ai

balbutié, distrait, que la vérité de la vie était de vivre là, peut-être (1)...» Mais, dès les jeunes années de Redon, une autre attirance fut puis- sante également sur lui : la Musique : '<■ Je suis sur une onde sonore. Pas un souvenir de la première enfance qui ne se mêle à un chant musical, à une musique de qualité. Plus tard, adolescent, j entendis les œuvres alors peu connues de Berlioz, Schumann, Chopin. La maison de famille en était remplie. Elle imprima assurément à mon âme un pli (2). »

(1) Letl. d'Od. R. à Edm. P. (13 juin 1894).

(2) D-".

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On peut dire plus encore, un véritable sillon tracé au profond de lui- même. Car la musique ne lui apporte pas seulement les joies, délec- tables déjà, du dilettante, elle avive et affine sa sensibilité, enfin elle constitue pour lui une incitation féconde et sans cesse renouvelée à produire dans l'art plastique, son domaine personnel.

A ses premières admirations ressenties pour des maîtres classiques et romantiques, Redon demeura fidèle toute sa vie, avec une prédi- lection pour Beethoven. Par la suite, sans doute, il se montra sympa- thique envers d'autres écoles, notamment celle de Bayreuth, mais toutefois, paraît-il, " sans s'abandonner avec une très profonde émotion au torrentueux courant wagnénen. Cependant, certains personnages du génial dramaturge lyrique 1 intéressèrent vivement : ainsi Parsifal et Briinnhilde. Durant de longues années Redon fut un habitué des grands concerts. Il s'y trouvait en contact avec d'excellents amateurs, dont il partagea la lutte en faveur d'admirations audacieuses. Puis il eut pour ami, le fréquentant souvent et familièrement, un musicien sérieux dont la fatale mort accidentelle fut si prématurée : Ernest Chausson (1). « Nous avons dit que son frère aîné fut un compositeur bien doué. Enfin 1 amour de 1 artiste pour la musique s'étendait même en amicale affection aux virtuoses qui nous la font vivre par une belle exécution. C est ainsi que l'on voyait chez lui dans l'intimité, principalement en la dernière période de sa vie : le violoniste Parent, le pianiste Vinès et le guitariste Llobet.

Mais Redon doit plus encore à VArt céleste (tel est le titre d'une estampe il représente un auditeur religieusement absorbé en les sons entendus). Car pénétrant dans leur mystère son but et ses moyens, il a pu concevoir le projet, en apparence non possible, de rivaliser avec son emprise vague mais si puissante sur les âmes...

En ce qui concerne le penchant pour la Science, on peut dire que, sous ce rapport, 1 artiste suivait bien 1 un des courants généraux qui ont caractérisé son époque : " Redon semble profondément frappé de cette vision du Cosmos et de l'Humanité, telle que le XIX'' siècle l'a évoquée. Grande et inquiétante en sa vérité découverte, que sans cesse la science

(I) A. M., El. .s. R., p. 38.

ET L'HOMME PARUT. (Lithographie)

cherche à élucider ainsi qu'à étendre (1). Et comme chaque époque accompht sa tâche particuhère, cet espace de cent ans marquera par des caractéristiques spéciales dans la filière ininterrompue des investigations de l'esprit... Ainsi le Préhistorique et la Microbie, si l'on y ajoute la théorie de l'Evolution (2), jetèrent sur l'énigme mystérieuse de notre origine des lueurs soudaines. Notre entité apparut pour ainsi dire sous un angle nouveau... (3) "

Le grand initiateur en cette matière fut Clavaud, dont nous avons signalé déjà la pro- ronde influence sur la formation de la personnalité intégrale de Redon. N'était-il pas en sa spécialité, un botaniste notable et de valeur originale. A 1 artiste encore jeune, le savant déjà mûri exposait ses observations et ses vues d'hypothèse. ■' Il travaillait dans l'infi- niment petit. Il cher- chait— je ne sais trop vous dire sur les confins du monde imperceptible, cette vie intermédiaire entre l'animalité et la plante, cette fleur

Fleur illuminée.

(!) On peut se demander quelle curiosité ressentirait actuellement Redon envers les travaux d'un Lebon, sur les propriétés de la matière et de la force, ainsi que leur identification entrevue ou bien 1 essai de synthèse mathématique de l'Univers, proposé par un Einstein, f'-t quelles œuvres plastiques produirait-il en corrélation ?

(2) A laquelle se rattache le Darwinisme avec la sélection naturelle.

(3) A. M., El. s. R.. p. 14.

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ou cet être, ce mystérieux élément qui est animal durant quelques heures du jour et seulement sous l'action de la lumière (I). »

Ainsi Clavaud lui ouvrait d'immenses horizons sur 1 essence même de la vitalité et ses obscures origines. Il lui révélait le sens profond des lois qui régissent la matière, lui enseignant aussi ce que sont la méthode analytique et la synthèse. Par s'agrandissait pour 1 esprit de l'ar- tiste, la portée du monde extérieur qui, sublimé ensuite par l'imagi- nation, devenait en quelque sorte infini

Certainement- Redon s'est intéressé à la Littérature. Mais l'influence ressentie paraît moins capitale et décisive que les trois autres. Non pas qu'il ne fît des lectures abondantes et variées dont il retirait un véritable fruit. Cependant, contrairement à ce que d aucuns ont pu croire et même écrire, l'action exercée, en dehors de sujets l'incitant occasionnel- lement à produire, n a pas influencé essentiellement l'inspiration qui anime son œuvre plastique. C'est plutôt pour la formation générale de l'homme, sa culture intellectuelle et ceci d ailleurs n'est point négli- geable, que sa curiosité des livres a pu servir.

" En ce qui concerne ses goûts littéraires, Redon se montrait prin- cipalement classique. Toutefois, parmi les maîtres de notre passé, il avouait une particulière attirance pour ceux dont l'originalité marquée s'accompagnait d'une langue savoureuse : ainsi Montaigne (2) et Saint- Simon. Mais avant tout et surtout son livre de chevet fut Pascal, cet abîme de pensée, si l'on peut dire, ce visionnaire logique, qui éprouve et sait nous communiquer, en un style d'une inimitable profondeur, le vertige de l'Infini.» Ajoutons que «dans le siècle dont il était, Redon s attacha de préférence à des littérateurs d'exception : Edgar Poe, som- nambule d'un rêve étrange, mais demeurant toujours clairvoyant des exactitudes scientifiques de la vie matérielle ; Baudelaire, âprement ironique et tout ensemble douloureusement exacerbé ; Flaubert enfin, évocateur en phrases sonores et imagées des prestigieuses visions de la Tentation de Saint-Antoine (3) ».

(1) Od. R., a s. m., p. 19. Au sujet de Clavaud, voir aussi : App., note 11.

(2) A 1 égard de l'auteur des Essaie, faut-il voir chez Redon un attrait de plus provenant de la communauté de Terroir En effet, le grand écrivain dans le Périgord, vécut aussi de longues années à Bordeaux, il occupa d'importantes fonctions municipales.

(3) A. M., Gaz. des B.-A.. p. 143 et 144.

' A travers ses longs cheveux qui lui couvraient la figure, )'ai cru reconnaître Ammonaria., (Lithographie.)

(Planche tirif de VHmnmagc à Fhukcil.)

Dirons-nous encore l'intérêt de sympathie qu'il portait aux ten- tatives, vers ou prose, de la jeune littérature contemporaine qui, sous le nom d'ailleurs un peu vague de «Symbolisme», visait au raffinement des sensations et au renouvellement du verbe. Le grand chef reconnu de l'Ecole était alors Mallarmé, intime ami de Redon. L'artiste aimait aussi Verlaine. Il feuilletait les œuvres d'André Gide, d'Adrien Remacle, de F. Hérold, surtout de Remy de Gourmont (l),et suivait le mouvement de publications d'avant-garde, telles que : le Mercure de France, la Revue indépendante, la Revue blanche.

Nous ne saunons manquer de répéter ici une observation faite jadis par nous, et qu'il est loisible de vérifier en un volume récemment paru (2) : •> Qui sait si l'auteur de Dans le Rêve, ne sera pas reconnu lui- même, et légitimement, comme un écrivain? Pour notre part nous consi- dérons, outre les légendes mises par lui comme un piédestal à ses estampes, qu il a laissé des pages, pouvant être confrontées comme élé- vation de pensée avec le Journal de Delacroix, comme réflexions sur 1 art avec la critique savante et raisonnée de Fromentin (3). "

En effet, si les essais restés manuscrits de la jeunesse de l'artiste apparaissent hésitants, confus, portant en leur esprit comme dans leur forme un cachet romantique, il n'en fut pas de même par la suite (4). Au fur et à mesure des expériences de la vie, sa pensée se clarifiait et se haussait, son style mûri se concentrait. De sorte que c est précisé- ment quand Redon abandonna le juvénile dessein, conçu bien fugi- tivement, d'être littérateur, qu'il nous paraît, dans les pages écrites seulement pour épancher sa méditation ou satisfaire la curiosité de ses amis, mériter vraiment le titre d écrivain.

(1) Pour certains d'enlre eux. comme il l'avait fait à l'égard de ses amis de Belgique, Redon composa des frontispices. Voir : Adrien Remacle, La Passante (roman d'une âme), Paris. Bibliothèque artistique et littéraire, 1892. F. Herold, Chevaleries senlimentales.

(2) Odii,on Redon, .4 Soi-Même (Journal, 1867-1915). Notes sur la Vie, l'Art et les Artistes. (Introduction de Jacques Morland). Paris, H. Floury. 1922.

(3) A. M., Gaz. des B.-A.. p. 144.

(4) Les premières pages publiées de lui qui méritent attention sont les éludes concernant le Salon de 1868, parues à la Gironde, et. dans le même journal, l'article sur Brcsdin, en 1869.

L'ŒUVRE DE REDON

Après 1 étude préliminaire qui vient d'être faite, on peut aborder avec plus de clarté 1 œuvre même de Redon. Nous le diviserons, afin de conduire méthodiquement notre examen, en ses diverses parties techniques, nous efforçant ainsi de mieux pénétrer et comprendre chacune d'entre elles.

LES ESTAMPES

N'est-ce point par l'estampe que Redon s'est fait connaître d'abord, et a commencé vraiment de se répandre parmi le public? Elle constitue dans l'ensemble de sa production, et surtout pendant la maturité de son âge, toute une floraison éminemment expressive de 1 artiste, tant au point de vue de 1 originalité d'inspiration, que du parfait usage des procédés employés. On peut donc dire que si elle ne représente point la totalité de son art, elle en contient au moins les caractéristiques essentielles.

Nous considérerons l'estampe chez Redon, successivement selon ses deux modes matériels : la Gravure et les Lithographies.

§ I. La Gravure.

C'est avec Bresdin et par lui, que Redon encore jeune fut initié à la gravure.

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Certes, le vieux maître était passionnément curieux et subtile- ment connaisseur de la technique sur cuivre, qu'il pratiquait assidûment. Non seulement il en avait approfondi les ressources, mais il savait les utiliser de manière très personnelle. Expert en les cuisines (c est le terme d'argot du métier) fort compliquées des mordants, il déployait également une habile dextérité dans les tours de main du tirage qu'il effectuait lui-même. Il inculquait encore à son disciple, et lui démontrait par l'exemple, ce que Rembrandt prouva si magistralement à savoir qu'en une simple planche de métal taillée directement ou creusée à l'acide, on peut enfermer tout un monde de pensées et des trésors de sensibilité. De lui émanait « le goût en même temps que la science des triturations méticuleuses et richement expressives (1) ».

Redon se dit alors il signe même expressément : Elève de Bresdin (2). Mais, bien que jeune encore, malgré qu'admirateur et affectueux ami du maître, il laisse déjà percer, presque inconsciemment peut-on croire, sa propre personnalité. Prenez en effet une gravure de Bresdin, et mettez-la à côté du Gué, essai bien modeste du débutant, tout de suite le contraste frappera. C'est que « le faire de l'élève encore qu'incertain et gauche, revêt néanmoins plus de force et d'ampleur que les raffinements parfois trop poussés de son maître (3)». En effet, Bresdin " est un graveur d'esprit vraiment curieux, mais dont le travail minutieux se complaît surtout en le fouillis des accessoires. Cependant ses compositions fantaisistes : villes irréelles, forêts grandioses aux ciels tourmentés, lointains naïfs et premiers plans pullulant de bizarres bestioles, cette imagination vagabonde put inciter le jeune artiste à se libérer d'une trop exacte reproduction de l'ambiance réelle (4) ». C'est là, semble-t-il, l'élément essentiel et fécond que s'assimilera surtout Redon.

Assurément l'originalité de ce dernier, pour naissante à peine qu'elle fût alors, existait déjà irréductiblement. Même si son sujet voisine un de ceux qu'a traités Bresdin et alors plus encore peut-

(1) A. M., Et. s. R.. p. 38.

(2) C'est la formule respectueuse qu'il incise dans le cuivre, au bas d'une de ses premières gravures : Le Gué (1865).

(3) A. M., Ga::. Jes B.-A.. p. 146.

(4) A. M.. Et. s. R., p. 37.

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Sciapode (Eau-forte).

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être, apparaît la difïérence fondamentale qui les sépare. C'est à la simplicité que vise Redon, au grand efïet large, à l'opposition vigou- reuse du clair-obscur. Il agence sa composition nettement et avec clarté, sobrement aussi, sans s'arrêter ni se compliquer à un monde touflu, si séduisants qu'en soient les détails.

D ailleurs, cette incursion dans le domaine de la gravure est limitée en grande partie aux années de relations intimes entretenues avec Bres- din. Redon y reviendra au cours de sa carrière d'art, mais de façon toujours restreinte, et qui compte peu, du moins numériquement, dans l'ensemble de son œuvre (1). C'est qu'une autre technique de l'estampe devait l'attirer plus tard, se trouverait le mode adéquat, tout ensemble fort et souple, qui convenait le mieux à son inspiration.

§ II. Les Lithographies.

« Les lithographies forment la plus abondante part dans la pro- duction de Redon. Ce sont elles qui, se dispersant nombreuses près de 200 planches tirées à 25 ou 50 exemplaires, quelquefois 100 et au- dessus (2), ont contribué le plus à répandre son nom et son art, lui sus- citant par degré la curiosité étonnée, l'attirance involontaire, et enfin la compréhension admirative. On ne sait s'il faut louer davantage I extraordinaire fécondité d'inspiration ou bien la perfection si originale, avec laquelle fut employé le procédé graphique. Sous ce dernier rapport, ceux-là mêmes que la conception surprend et déconcerte ne peuvent s'em- pêcher de rendre, en parfaite sincérité, un hommage au maître litho-

(1) Notons cependant un fait curieux. Vers la fin de sa vie, en 1914, à Blèvres, pendant les premières angoisses de la guerre, Redon voulut se remettre à la gravure. L'austérité du noir et blanc lui semblait-elle convenir aux terribles circonstances alors traversées ? Il commença un cuivre qui, non entièrement terminé, était assez poussé pour qu'on essayât, après sa mort, d'en tirer des épreuves. Ce ne fut d'ailleurs possible qu'à très petit nombre. En voici le sujet : Dans I obscure profondeur d'un temple dont on devine le vitrail lumineux, s'avance un personnage indéterminé, d'une expression étrange et saisissante.

(2) Ce dernier chiffre, d'ailleurs, est rare. Les bornes se limite d'ordinaire le tirage ont permis de lui assurer le maximum de soins et une belle homogénéité.

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graphe (1). C'est que Redon connaît à fond les ressources de la pierre, mais en se les appropriant toutes, i! prétend non s'y asservir, mais au contraire les dominer et les faire concourir à son but expressif (2). » Rappelons que : " Pendant dix années de sa vie, il en a fait son presque unique, en tout cas son plus important agent d'ex- pression. Cet œuvre... plus que les peintures et les fusains mêmes, a contribué durant cette période à la dif- fusion de son art... Chacune de ces estampes a été col- lectionnée passionné- ment, jalousement ; nombre de pièces sont devenues rares, quelques- unes quasi-introuvables! C'est en somme avec elles que 1 artiste a, sinon livré ses plus retentissantes batailles, du moins pénétré profondément dans le public. Ce sont elles qui lui ont suscité ses admirateurs et ses amateurs, comme aussi ses adversaires les plus passionnés » (3).

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(1) A cet égard, demeure typique le jugement du regretté Henri BoiCHOT (La Lilhosraphie . Paris, Librairies-Imprimeries réunies), lorsqu'il signale de l'artiste ses ' noirs veloutés ■' (chapitre V, La Lithographie contemporaine en France, le " nouveau jeu ■', p. 196). Dans le même ouvrage figure à la page 203, une reproduction du Bouddha, publié par Redon en VEslampe originale de l'éditeur Marty.

(2) A. M., Gaz. des B.-A., p. 146.

(3) A. M., F.i. s. R. p. 21.

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Nous constaterons, fait curieux et qui vaut d'être noté, que ce furent des causes occasionnelles plutôt qu'une directe volonté d'art, qui amenèrent Redon à utiliser le procédé sur pierre : « ... je puis vous dire pourquoi j'ai fait de la lithographie ; c'est que j'avais avant, vainement essayé de produire dans les salons officiels les nombreux fusains que j'avais crayonnés et qui dormaient dans mes cartons... J'ai donc fait mes premières lithographies j30ur multiplier mes dessins (1). » L'idée n'en vint qu'au cours d'une rencontre fortuite : " Fantin-Latour me donna 1 excellent conseil de... reproduire au crayon gras; il me passa même de bonne grâce, une feuille de papier report, pour le calque (2). » Mais presque aussitôt, comme ajoute Redon : " prenant goût au procédé nouveau que j essayais, j'ai fait pour le terminer (i7 s'a^// ici de son premier recueil : Dans le Rêve), de la lithographie de jet (3). »

CejDendant il nous paraît qu'à ces motifs matériels, il faut en adjoindre d'autres, et ceux-là dans l'ordre moral. En effet, l'on voudra bien consi- dérer que la période de 1 estamjDe a correspondu principalement à cette longue suite d épreuves que nous avons signalée dans l'existence de Redon. Alors : " tout contribua pour que, par le simple blanc et noir de la pierre, il s efforçât de traduire le poème concentré d'une vie reployée contre 1 hostilité des événements du dehors. Et c'est à ce double concours d un tempérament d'artiste et de contingences spécialement propres à le développer que se doit l'œuvre particulier, douloureux et profond, qu un autre n aurait jjas su enfanter... (4) » Ajoutons que lui-même ne fut plus dans la possibilité de continuer semblable production, quand les circonstances ambiantes se trouvèrent changées. Aux années davantage favorables qui suivirent correspondit lefHoraison d'une couleur lumineusement sereine.

(1) Lcllrc d'OJ. R. à A. M. 21 juillet 1898.

(2) D'". Fantin-Latour a usé pour lui-même, très largement, de la lithographie, et laissé, sous ce rapport, un œuvre abondant et apprécié.

D autre part, il est à remarquer que, bien que Bresdm ait produit des œuvres par ce pro- cédé, Redon ne fit jamais à ses côtés que travailler le cuivre. Le vieux graveur, en effet, ne fut point véritablement lithographe, au sens complet du terme. En intitulant d'ailleurs les œuvres qu'il exécuta par ce procédé : Dessins sur pierre, il indiquait bien son but de ne demander uniquement à celle-ci que la transmission, aussi exacte que possible, de ce qui avait été conçu en dehors et sans souci d elle-même.

(3) Ldlre d'Od. R. à A. M., 21 juillet 1898.

(4) A. M., Et. s. R., p. 33.

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Or, dès le recueil de début : Dans le Rêve, paru en 1879, Redon

se révélait d'emblée maître en la matière qu'il employait nouvellement.

Tout ce qu il devait développer par la suite se trouvait concentré là, comme

dans un résumé pré- ventif, et sous une appellation très sym- boliquement expres- sive. L'artiste s'en est bien rendu compte, et toujours a conservé pour ce premier-né, si complètement représentatif de son œuvre, une prédilec- tion spéciale et justi- fiée : ' Cet album est peut-être l'un de mes préférés, parce qu'il est façonné sans aucun alliage de littérature. Le titre de Dans le Rêve n'était, en quel- que sorte, qu'une clé d'ouverture (I). "

Et c'est ici le lieu de dissiper une erreur parfois commise. D'aucuns, en effet, ont voulu voir dans les légendes placées depuis par Redon sous certaines de ses

estampes, une préoccupation intellectuelle se mêlant à la plastique pure.

Mais l'artiste, en commentant le fait, s'est chargé de remettre toutes choses

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Sur la coupe (Lithographie).

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(1) Lciirc d'Od. R. à A. M.. 21 juillet 1898.

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au point. Dès le second album : A Edgar Poe, nous dit-il, « ...je vis qu'on ne touchait pas impunément à la pierre sans être amené à la surcharger d un mot d'écrit : tous les grands lithographes l'ont fait(l) ». Cette remarque est fort exacte pour les Raflet, les Daumier, les Gavarni, les Willette, les Forain et combien d'autres, chez qui souvent le mot fait corps avec l'image, l'explique, et la complète pour ainsi dire nécessaire- ment. Cependant, observe encore très justement Redon : < ...Chez moi tort différemment rien de contingent (2). » Il s'agit comme d'«un qualificatif sur une sonate... La désignation par un titre à mes dessins est quelquefois de trop pour ainsi dire. Le titre n'y est justifié que lorsqu'il est vague, indéterminé, et visant même confusément à l'équivoque (3)". C est qu un but est intrinsèquement poursuivi : « Je voudrais vous convaincre que tout ne sera qu'un peu de liquide noir, huileux, transmis par le corps gras et la pierre, sur un papier blanc, à seule fin de pro- duire chez le spectateur une sorte d'attirance diffuse et dominatrice dans le monde obscur de l'indéterminé, et prédisposant à la pensée (4). »

Ainsi Redon a constaté la place très importante que tenait l'es- tampe dans son œuvre, et il a voulu nous faire connaître également les raisons profondes qui l'y ont incité, puis longuement retenu : « J'ai... regardé et scruté mes noirs, et c'est surtout dans les lithographies que ces noirs ont leur éclat intégral, leur éclat sans mélange (5). " L'artiste ajoute, comme s'exaltant sur la haute mission réservée à l'opposition fondamentale de l'ombre et de la lumière : " Le noir est la couleur la plus essentielle... Il faut respecter le noir. Rien ne le prostitue. Il ne plaît pas aux yeux et n'éveille aucune sensualité. Il est agent de l'esprit bien plus que la belle couleur de la palette ou du prisme (6). »

A ce mode austère, mais souverainement expressif, ne convient pas un public léger ni fugitivement regardeur. Quand il est utilisé par un artiste digne de ce nom, on lui doit une contemplation longue et appro- fondie, presque religieuse : » ... la bonne estampe sera... goûtée plutôt

(1) Lettre d'Od. R. à A. M.. 21 juillet

(2) Û-".

(3) D":

(4) û'«.

(3) Od. R..A S. M., p. 119. (6) D'».

en pays grave, la nature au dehors peu clémente contraint Ihomme à se confiner chez soi, dans la culture de sa propre pensée, ainsi que dans

L_.

Sainte Thérèse f Pointe-sèche).

les régions du nord, par exemple, et non celles du midi, le soleil nous extériorise et nous enchante (I). » De cela Redon n a-t-il point

(I) Od. R., a s. m., p. 120.

fait la plus personnelle expérience : '< ...Ces étranges lithographies, souvent sombres, abstruses, et disons-le, peu séductrices d'aspect, s adressent... à des esprits de silence, et même ayant encore en eux les ressources si rares de l'ingénuité naturelle sorte de grâce. Pour dire ICI toute ma pensée, j'ai toujours cru que mon public était loin de ces lieux, ainsi que le prouva d'ailleurs la première attention qui me fut donnée : c est tout d'abord au delà de la frontière qu'on aima et rechercha mes travaux (I). » Mais il est un pays oîi l'artiste fut particulièrement compris et hautement estimé. " Tant de difficultés vaincues, d'aussi étonnantes réussites n'ont-elles pas incité les admirateurs hollandais de Redon à le qualifier amicalement de : Rembrandt français (2). "

Certainement beaucoup de ses effets doivent leur puissance au vigoureux clair-obscur. Mais le lithographe sait aussi, quand il lui plaît, varier très heureusement le faire de ses estampes. Quelques-unes sont entièrement traitées dans la lumière, tandis que d'autres s'es- tompent de toutes les gradations du gris. Ce qui fait que si l'on feuillette d'affilée cet ensemble abondant, le souple changement exclut la monotonie et, par sa richesse sans cesse renouvelée, forme un trésor d aspects incomparablement variés.

Cet œuvre de Redon, il nous échut, en 1913, la charge difficile, 1 honneur aussi, d'en dresser, grâce à la Société pour l'Etude de la Gravure Française, le Catalogue complet et raisonné. De l'essai de classification, alors tenté, nous devons rappeler ici les idées principales.

Tout d abord nous observions une démarcation presque entière- ment d ordre matériel, mais suscitant quelques réflexions : « Les Pièces séparées, conçues sans aucun rapport entre elles, possèdent chacune leur autonomie complète. Les Albums, par contre, font res- sortir un autre caractère. Ce sont de petites entités, la liaison intime des diverses parties constitue un tout organisé. Comme autant de micro- cosmes dans l'ensemble plus vaste de l'œuvre lithographique, dont ils partagent d ailleurs les caractères essentiels.

« L artiste sait composer un Album, résultat qu'on n'atteint point sans difficultés. Ne faut-il pas, en effet, éviter d'une part l'excessif relâ-

(1) Oo. R. A S. M., p. 120.

(2) A, M,, Gaz. desB.-A.. p. 130.

Parsifal (LilhographieJ.

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défectueux d > illustration », vous ne le trouverez pas en mes catalogues. C est un mot à trouver : je ne vois que ceux de transmission, d'inter- prétation, et encore, ils ne sont pas exacts pour dire tout à fait le résultat d'une de mes lectures, passant par mes noirs orga- nisés (I) ". De résulte que "si... l'on établit comparaison avec 1 ancienne illus- tration, tenue en des limites beaucoup plus strictes, on admettra que Redon a, dans ce genre, apposé, comme dans tout ce qui émane de son initia- tive créatrice, un sceau lui appartenant véritablement. Les grands noms, les hautes œuvres : litté- raires, symphoniques, picturales même, invoquées ou évoquées, sont moins les causes efficientes de la produc- tion de I artiste, que d'occasionnelles incitations pour lui à exprimer les conceptions personnelles de son esprit. Que les appellations limi- naires ne fassent donc point illusion (2) ».

Nous écrivions à ce sujet : « Certes Flaubert fut un écrivain d expressivité tendant à susciter des impressions plastiques. Dans son œuvre existe éminemment une vision du monde extérieur qu il trans-

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•\

Briinnhllde (Lithographie).

(1) Lettre d'Od. R. à A. M.. 21 juillet

(2) A. M.. Et. s. R., p. 9.

1898.

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forme et magnifie. Sa plume sait douer les objets d'une vie colorée, leur créer une atmosphère d'ambiance vibrante, en son style sonore, imagé, parfois grandiloquent. Mais de telles caractéristiques s'appliquent sur- tout à ce livre si spécial : La Tentation de Saint- Antoine. Amalgame confus et trouble, d'une étrange attraction prenante, se rencontre 1 ossature d une érudition qui veut être savante et précise, en même temps que s'ajoute une surabondance inépuisable et toute orientale d évocation. L immense désert étend ses insondables profondeurs sous un ciel sans fin que convulsé l'agonie du couchant. Décor grandiose 1 anachorète mystique, travaillé par le jeûne et la tentation, dans ses heures de fièvre hallucinatnce, subit douloureusement, curieusement aussi, des visions chimériques et monstrueuses. En ce pandémonium surgissent les formes incroyablement variées des divinités du Paganisme qui finit, prolongeant son écho, et luttant encore dans les multiples hérésies détachées du Christianisme naissant. Celles-ci pullulent, équivoques bour- geons tendant à accaparer la substance même du dogme, pour nourrir et épanouir de sa moelle vivante leurs pustuleuses difformités. D'innom- brables spectacles se succèdent, des fantômes vagues apparaissent, se con- densent un moment, puis s'évanouissent à l'horizon, en un baroque et in- interrompu défilé, passionnant, obsédant parfois jusqu'à devenir horrifiant.

«On pouvait présumer qu'un tel terrain dût être propice à Redon (I). Et de fait, la Tentation de Saint-Antoine est une mine qu'il se plaît à creuser, il revient sans cesse, comme si loin de l'épuiser, il la retrou- vait à chaque fois plus richement féconde. Cependant, les impressions qu il en éprouve restent intimement siennes. Il les exprime par ses moyens personnels et dans le domaine des j^rocédés purement plastiques. Les descriptions précises, aux lapidaires vocables de l'écrivain, n'ont point asservi l'artiste. Ce poids, qui eut écrasé tout autre, lui semble léger. Il demeure original avec la plus entière liberté.

" Que SI nous envisageons les œuvres d'autres littérateurs s'est complu Redon, nous le verrons toujours rester lui-même, identique en

(I) Nous connaissons dans quelle occasion l'artiste se trouva induit à s'occuper de la curieuse œuvre littéraire : " Quant à Flaubert, ce fut mon très regretté ami, Emile Hennequin, qui m'apporta la Tenlalion de Saint- Antoine, lorsqu'il eut vu les Origines. Il me dit que je trouverais, dans ce livre, des monstres nouveaux. J'ai été vite séduit par la partie descriptive de cet ouvrage, par le relief et la couleur de toutes ces résurrections d'un passé ". Lettre d'Oil. R. à A. M., 21 juillet 1898.

ses facultés. S'agit-il de Baudelaire dont les raffinements parfois visent à la subtilité, qui ajoure la broderie du style avec un sentiment de

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Le cirur a ses raisons... ' (Pasc.\l). (De.

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1 artificiel poussé jusqu à l'aigu? Le dessinateur n'en mamtient pas moins hautement la simplicité de lignes et de lumière, les fortes oppositions essentielles de ses effets coutumiers. Tout autant gardera-t-il sa large pitié douloureuse, quand il voisinera l'Américain Edgar Poe, mathé- matiquement déductif, inexorable en sa démonstration de I horrible.

Remémorons, pour constatation semblable, l'Apocalypse, prophétie obscurément mystérieuse et surhumame, qui inspira l'un de ses Albums. Puis le Juré, œuvre dramatiquement conduite de l'avocat et écrivain belge Picard (1). Aussi, les figures évoquées du grand cycle musical de Wagner : Brùnnhilde, Parsifal... (2) '>

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Dessin à la mine de plomb.

Mais un projet encore plus audacieux hanta l'esprit de l'artiste : « Quel autre que Redon eut pu seulement concevoir l'idée d'une illus- tration de Pascal? (3) » Ajoutons d'ailleurs qu'il y renonça plus tard : « Je

(1) Il y a lieu d'ajouter : La Maison banlée, Texte de Bulwer-Lytton (Traduction de René Philippon). Encore les planches d'essai pour : Le Coup de Dés, du poète Stéphane Mallarmé.

(2) A. M., Et. s. R.. p. 7 et suiv.

(3) A. M.. Gaz. des B.-A. p. 143.

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n ai fait pour les Pensées de Pascal, qu'apposer une phrase de cet écrivain sur l'une de mes mines de plomb, elle s'adaptait un peu. Je doute que je donne suite à mon idée d'en produire d'autres. C'est un texte trop abstrait, pour en tirer un << blanc et noir " qui y corresponde, même pour moi (I). » Notons cependant que : « De ce projet incomplè- tement réalisé demeu- rent deux dessins à la "^ , mine de plomb. « Le ^^ ' silence de ces espaces infinis... » est entré, par le généreux don de M. Zuba- lofî, au Petit Palais. >< Le cœur a ses raisons... » se trouve dans notre collec- tion (2). »

Nous devrons encore noter qu'un groupe d'es- tampes, en quelque sorte posthumes à la période de pleine floraison, forme un ensemble particulier. C'est " toute une série de por- traits d hommes, exécutés sur pierre, en noir, bistre ou sanguine, de 1900 à

1908. L'effigie s'y impose par un caractère constant de simplicité et d'expression. Ce sont les peintres : Bonnard, Maurice Denis, K.-X. Roussel, Sérusier, Vuillard ; les musiciens Llobet et Ricardo Vines ; le critique d'art Roger Marx. Puis aussi une femme, l'héroïne

M"^' Juliette Dodu (Lithographie).

(1) Lettre d'Od. R. à .A. M.. 21 juillet 1898.

(2) A. M., Gaz. des B.-A. p. 143.

Nous possédons en outre la préparation au crayon lithographique et sur papier report, établie par Redon daprès le second de ces dessins, en vue dune estampe sur pierre dont le tirage ne fut jamais réalisé.

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française de la guerre de 1870 : M"' Juliette Dodu, qui était la sœur de M-^Odilon Redon »(1).

Enfin, on ne saurait être complet sans mentionner 1 incursion, d'ailleurs restreinte, qui fut tentée dans le domaine de 1 estampe en couleurs. C'était vers 1892, la chromographie alors très en faveur séduisait nombre de bons artistes, et l'on pouvait augurer une production aussi féconde qu'intéressante. Mais le mouvement, malgré d'appréciables réussites, s'arrêta sans avoir donné tout ce que 1 on avait espéré (2). En ce qui le concerne personnellement, Redon et pourtant ses essais offrent du charme, considérait la lithographie comme " appauvrie par la couleur, résultat autre, qui anéantit l'estampe et 1 avoisine à l'image (3). "

Mais il est un point selon notre estimation à envisager très parti- culièrement : la technique.

C'est que la matière est appelée tout ensemble à commander et à obéir. Commander, avons-nous dit, ce terme n'est point ici stric- tement exact. On devra entendre qu'à l'égard du substratum il existe des lois générales, dont les applications d'ailleurs se particularisent selon les éléments divers qui sont employés. Bois, cuivre ou pierre ont leurs possibilités personnelles, leurs facilités séductrices même, venant solliciter l'artiste et lui servir d'auxiliaires. Par contre, en leur essence résident aussi des rédhibitions, si l'on peut dire, aux efforts qui ne tiennent point compte de leur nature. Ce sont des propriétés caracté- ristiques qu'il faut connaître bien, car elles constituent la base sur laquelle s'édifiera l'œuvre réalisée extérieurement. Mais, une fois le grand principe observé, l'artiste créateur, s'il ne peut asservir complè- tement la substance, doit arriver néanmoins à en faire une compagne docile et fidèle. Ce n'est que par elle qu'il peut s'élever au-dessus

(1) A. M.. Gaz. des B.-A. p. 149.

A cette époque, Redon, de plus en plus absorbé par la peinture, n'usa guère encore de la lithographie que pour multiplier par le tirage quelques-uns des portraits originaux à la sanguine, qu'il fit en assez grand nombre. Parmi les dessins non reproduits sur pierre, nous citerons : le D'' Sabouraud: le D'' Well; le Conseiller d'Etat et amateur d'art, Olivier Sainsère; le composi- teur Ernest Chausson ; le violoniste A. Parent ; deux littérateurs, les frères Marius et Ary Leblond, etc.

(2) Voir : André Mellerio, La Lithographie originale en couleurs (Couverture et Estampe en couleurs de Pierre Bonnard). Publication de V Estampe et l'Affiche, 1898.

(3) Od. R.. a s. m., p. 120.

LE LISKUK

( Lithographie t

d elle. Et mieux il respectera les liens qui le retiennent, pour une part du moins, inéluctablement au sol, plus il aura chance d'envoler haut sa pensée dans le ciel de l'idéal. Profonde et mystérieuse vérité, impres- criptible destin des choses ici-bas. Si l'esprit pouvait s'affranchir de la matière, il deviendrait l'absolu, il serait Dieu !

Tout cela, combien Redon le sait et le comprend intimement : « Je crois que l'art suggestif tient beaucoup des incitations de la matière elle-même sur l'artiste. Un artiste vraiment sensible ne trouve pas la même fiction dans des matières différentes, parce qu'il est par elles différemment impressionné (1). "Nous ajouterons corollairement que, SI une inspiration vient animer l'esprit de l'artiste, l'intelligence et le tact de celui-ci devront s'efforcer de choisir pour la réaliser, des matériaux d'une nature vraiment adéquate.

Cette importance du suhstratum a tellement frappé Redon, elle lui paraît si capitale qu'il y revient, et dans des termes encore plus expli- cites : « Outre les dispositions reçues sous l'influence du monde et du lieu qui l'entourent, l'artiste cède aussi, dans une certaine mesure, aux exigeants pouvoirs de la matière qu'il emploie : crayon, charbon, pastel, pâte huileuse, noirs d'estampe, marbre, bronze, terre ou bois, tous ces produits sont des agents qui l'accompagnent, collaborent avec lui, et disent aussi quelque chose dans la fiction qu'il va fournir. La matière révèle des secrets ; elle a son génie ; c'est par elle que 1 oracle parlera. Quand le peintre donne de son rêve, n'oubliez pas l'action de ces linéaments secrets qui le lient et le tiennent au sol, avec I esprit lucide et bien éveillé tout au contraire (2). >'

Or, qu'est-ce donc que la Lithographie? Quelles sont ses ressources et ses difficultés? « Le crayon gras du lithographe opère indirectement : il est l'intermédiaire qui transmet et multiplie l'ouvrage (3). » Dans ces conditions l'avantage est de donner, comme pour tout mode de gravure, un certain nombre d'exemplaires d'un unique original. Par contre, la rançon obligée c'est que l'extériorisation matérielle de 1 (Euvre ne s'opère plus aussi directement que par le pinceau, le fusain ou la

6 août M

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(2) Od.

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(3) Od.

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plume. En effet, il intervient une seconde opération : le tirage. Par analogie, on pourra voir la même différence qu'entre le livre qui va droit de l'auteur au lecteur, et la pièce de théâtre nécessitant la mise en scène et le jeu des acteurs. Or, davantage il existe d'intermédiaires entre le jaillissement de la sensibilité créatrice et sa définitive expression, plus il y a crainte d'atténuation, voire même de déformation.

En ce qui concerne spécialement la Lithographie, voici l'appré- ciation de Redon, très à retenir, car il y fut un maître. La pierre «... est impressionnable, elle subit les influences les plus mobiles et variées du temps. S'il pleut, s il neige, si la température est chaude ou froide, autant de conditions décevantes ou heureuses, fertiles en agréables ou désagréables surprises, et dictant l'attitude qu'il faut avoir avec elle quand on imprime (1) ». Or, nous pouvons le dire : « ...pour rendre le monde intérieur de la pensée, notre artiste... a su trouver une plastique vibrante, à la fois souple, sévère et profonde (2) ». Puis, comme l'écri- vait si justement de lui un critique ami : " Ajoutez à cette haute valeur idéale, une étonnante maîtrise d'exécution qui fait paraître toutes ces lithographies et ces fusains plus lumineux et plus puissants que des eaux-fortes... (3) »

Redon, par la lithographie " a su s'exprimer avec abondance, mar- quant toujours le procédé qu'il employait de son sceau personnel... la matière était sévère, plus restreinte même sous certains rapports que le fusain, car elle ne pouvait en avoir les imperceptibles et vivantes nuances d original direct, sensible au moindre frémissement de la main. La pierre forme un intermédiaire avec lequel on doit compter. Parfois aussi, elle offre des séductions matérielles, grâce à ses tours de métier appris, ses invites au laisser-aller. C'étaient d'autres écueils Redon eut garde de ne se point perdre... S'il acceptait de la lithographie toutes les ressources connues, c'était à la condition de les utiliser avec la plus extrême indépendance, et en leur adjoignant d'efficaces innovations (4) ».

En effet : " La pierre était traitée non en maîtresse au grain souverain.

(1) Od. R., a s. m., p. 124.

(2) A. M.. Préf. d'Exp. dVd. R.. 1894.

(3) Emile Hennequin, Odilon Redon. Revue Littéraire et Artistique, 4 mars

(4) A. M., Et. s. R.. p. 19 et 20.

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plutôt au contraire en servante souple et docile, par une main consciem- ment volontaire. Et toujours dominait l'émotion ardente de l'artiste, lui faisant considérer les procédés qu'il connaissait à fond, et modifiait sans pré- jugé.jamais comme un but de virtuosité mais ainsi qu un simple intermé- diaire d'expression. Le métier chez Redon est extrê- mement curieux et varié. Choix des papiers de Chine ou autres, charge- ment de la pierre à noirs redoublés, emploi de la plume, coups de grattoir, et le reste. L'ar- tiste a usé parfois, et dans des condi- tions très spéciales du papier report (1). plaçant la feuille, pendant le travail, sur des surfaces lisses ou rugueuses destinées à pro- duire des effets très différents (2) ». A ce sujet, voici quelques expli- cations complémentaires : « Le papier report est excellent pour l'improvisation. Je l'aime beaucoup parce qu'il obéit mieux que la pierre... celle-ci ne permet guère les aventureuses entreprises de ma

Mq,lustu.

(1) C'est un papier spécial, sur lequel on travaille tilrectement avec le crayon lithographique. Puis, le dessin ainsi obtenu, est appliqué par pression, reporte sur la pierre, il se fixe. On opère alors le tirage dans les conditions ordinaires.

(2) A. M, El. s. R.. p. 20.

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fantaisie. Le papier cède, la pierre résiste. Je ne la comprends qu'après le premier coup de feu, après les chaudes fumées de l'impro- visation initiale et sur le papier (I).»

Que devait-il résulter de telles entreprises, Redon nous 1 expose : « Je savais ces essais façonnés irrégulièrement, hors des méthodes habi- tuellement suivies pour le travail sur pierre : mais je cherchais, j'ai cherché. Et je crois avoir mis abandonnément, et sans contrainte, mon imagination à même d'exiger des ressources de la lithographie, tout ce qu'elles pouvaient donner. Toutes mes planches, depuis la première jusqu'à la dernière, n'ont été qu'une analyse curieuse, attentive, inquiète et passionnée de ce que contenait de pouvoir d'expression le crayon gras du lithographe, aidé du papier (2) et de la pierre. " (3)

Ces innovations audacieuses ne pouvaient se manifester de la part d'un artiste inconnu, dépourvu de prestige et d'autorité, sans rencontrer des difficultés, des protestations, voire même de l'obstruc- tion : " Par de telles façons, non seulement Redon causait une surprise, mais encore il bouleversait les manouvriers commerciaux, ainsi que les reproducteurs plus ou moins habiles, végétant dans les arrière-fonds des expositions officielles... Cette saveur profonde des blancs et des noirs, d'une vigueur intense égalant l'eau-forte, n'était pas plus comprise que les nuancements estompés et gradués avec une suprême finesse (4) ». Que de souvenirs d'une lutte longuement et douloureusement sou- tenue : " Vous parlez... des lithographes officiels. Je ne connais de leur pensée que le soin qu'ils ont pris de m'éliminer jadis des expositions qu ils organisaient. Après examen fait en ma maturité, je crois pouvoir dire qu'ils ont écarté mes meilleures lithographies. Ils sont copistes d'ailleurs, je ne pouvais donc pas traiter mes ouvrages comme ils traitaient les leurs. C était impossible. J'ai vu autrefois quelques-uns de ces litho- graphes à l'imprimerie Lemercier ; mais nous n'avons guère échangé de propos sur nos diverses cuisines. Nos abords étaient d'ailleurs tempérés par une atmosphère assez fraîche qui se répandait quand j'approchais

(1) Lellre dVJ. R. à A. M.. 16 août 1898.

(2) C est encore le papier report auquel Redon fait ici allusion.

(3) Od. R.. a s. m., p. 124.

(4) A. M.. Et. 5. R.. p. 20.

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UN MASQUE SONNE LE GLAS FUNÈBRE (Lithographie)

d eux ; je sais qu ils parlaient du " grain " avec quelque mystère... Tous les lithographes connaissent et traitent avec beaucoup d'égard cet élément essentiel d'une bonne pierre ; mais le résultat qu'il donne n'est pas le but (I). "

Or, la cause de ce malentendu était profonde et devait fatale- ment 1 amener à dégénérer en un vrai conflit : " ... Les lithographes de profession... ont tort de témoigner contre moi qui n'ai jamais fait ni désiré faire leur besogne. Ils ont un point de vue, j'en ai un autre (2). " Et le but poursuivi par Redon, le voici : " Je n'ai jamais le souci de faire donner à la pierre ce qu'elle a en soi, mais de me transmettre moi-même... toutes mes planches ne sont guère qu'un dessin transposé et multiplié, avec la pierre pour humble agent de transmission (3). »

On peut dire que cette hostilité s'étendait du haut en bas du monde lithographique. Certainement, si elle était déjà une épreuve morale- ment pénible venant des confrères de l'estampe, elle constituait un véritable obstacle de la part des ouvriers de métier : " Mon Dieu ! ai-je souffert dans les imprimeries, ai-je éprouvé intérieurement des sursauts de colère à la constatation de la confuse incompréhension que 1 im- primeur montrait toujours de mes essais (4). " En effet, quiconque s'est intéressé un peu au travail lithographique, ne saurait ignorer l'importance réelle du tireur (qu'on ajDpelle aussi en terme technique : . essayeur). C'est l'ouvrier déjà élevé en grade, connaisseur de son métier, et autant que possible d'intelligence adroite, qui procède à la mise en train selon les conditions jugées par lui les plus favorables à reproduire le dessin original. En outre, il surveille le roulement de la presse, et remédie aux accidents fortuits : " ... La sensibilité de l'artiste devra compter aussi (hélas) avec la promiscuité obligée de l'imprimeur. On lui confie le fruit précieux de son esprit, il le faut bien ; mais rien de bon, rien de complet ne sera possible sans la collaboration attentive et soumise de cet acolyte, simple opérateur, dont la participation est pré- cieuse quand elle est intuitive, néfaste et déplorable quand elle ne pres-

(1) Od. R., Lettre o A. M.. 16 aoCit 1898.

(2) Od. R.. Lettre à A. M. 16 août 1898.

(3) Lett. lOd. R. à Edm. p.. 15 juin 1894.

(4) Od. r., a s. m., p. 124.

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sent ou ne devine rien. On fait avec lui une union temporaire mal assortie, il faut par raison s entendre, s'accorder. Mais on ne fait pas œuvre d'art à deux. Il faut qu'il y en ait un qui se ploie (1). "

Or Redon, comme on pouvait s'y attendre, tint bon. Il déploya une fois de plus cette fermeté intérieure, cette patience inébranlable, qui toujours, dans sa vie d'artiste, furent contre les pressions hostiles du dehors, sa protestation silencieusement persévérante et finalement victorieuse.

Parmi les imprimeurs et ouvriers lithographes, auxquels il eut affaire, et dont certains arrivèrent à lui donner satisfaction, nous cite- rons : <| Lemercier, Becquet, Duchâtel, Clôt si adroit, et surtout le très expert mais bien fantasque Blanchard (2). " A titre de renseignement, ajoutons encore les noms suivants : Monrocq, Furstein, etc.

« Cependant, il est une considération importante... que nous devons faire valoir. Lorsque Redon vint à choisir comme moyen d expression la Lithographie, dans quel état se trouvait celle-ci? Il faut bien le cons- tater, ce mode artistique, datant du commencement du XIX^ siècle, et qui, dans sa première moitié, fut triomphant, pour ainsi dire prépon- dérant, avait énormément décru. Tombé généralement à des besognes infîmes, végétant sans notoriété, il ne demeurait guère que comme une simple utilité commerciale, quand l'artiste lui apporta un mouvement de réimpulsion... Ce procédé, dans ce qu'il a d'original et de puissant, lui doit, après une période d'abaissement, sa rénovation, nous dînons presque son ressuscitement. Depuis, il a été réemployé souventes fois, non plus mécaniquement mais expressivement, par de véritables artistes... (3) »

Certainement on sera curieux de connaître l'opinion de Redon sur la Lithographie qu'il a tant approfondie et aimée comme aussi l'avenir qu'il pensait pouvoir être réservé à celle-ci : « Je suis étonné que les artistes n'aient pas donné plus d'expansion à cet art souple et riche,

(1) Od. R., a s. m., p. 123.

(2) A. M., Gaz. des B.-A., p. 149.

Au sujet des imprimeurs de Redon, on pourra consulter, outre ses manuscrits et ses publications : Jeanne Doin, OJilon Redon {Mercure le France. I'' juillet 1914), p. 18, et AndrÉ Mellerio, La Lithographie originale en couleurs, p. 25 et 26.

(3) A. M.. El. s. R.. p. 2! et 22.

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Tète cl'exp*ession (Dessin).

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obéissant aux plus subtiles impressions de la sensibilité. Il faut que le temps j ai vécu ait été bien préoccupé d'imitation et de naturalisme directs, pour que ce procédé n'ait pas captivé plus souvent les esprits inventifs de fiction et tenté de les conduire à déployer les richesses suggestives qu il réserve. Il provoque et fait apparaître l'inattendu. Je parle ici du papier dit report bien plus que de la pierre (1). » Et sur ce dernier point, il insistait : " Tout l'avenir de la lithographie (s'il y en a) gît dans les ressources encore à découvrir du papier, qui transmet si parfaitement sur la pierre les plus fines et mobiles inflexions de l'esprit (2). »

Néanmoins, dans les conversations que nous eûmes plus d'une fois avec 1 artiste, relativement à la Lithographie, qui nous a toujours personnellement intéressé, et pour laquelle nous éprouvons de la pré- dilection, — il nous confiait, qu'à son sentiment, on devait redouter un écueil prochain. Les vieux praticiens disparaissaient, et l'on ne voyait plus de jeunes se former. Aussi, tenant compte de l'importance du tireur, précédemment exposée, Redon estimait que les artistes futurs qui voudraient reprendre le procédé, rencontreraient certai- nement de ce chef, un sérieux obstacle à la réalisation matérielle de leurs œuvres en belles épreuves.

LES DESSINS : FUSAIN, PLUME, CRAYON, etc.

Redon a beaucoup et passionnément dessiné.

Avant tout doit-on mentionner son emploi fréquent du fusain, grâce auquel, d'ailleurs, il commença de se révéler vraiment. C'est par lui « qu'il connut la joie des premiers enfantements se cherchait et se mûrissait sa personnelle originalité (3). >' Il le dit : « Vers 1875, tout m arriva sous le crayon, sous le fusain, cette poudre volatile, impal- pable, fugitive sous la main. Et c'est alors que ce moyen, parce qu'il m exprimait mieux, me resta. Cette matière quelconque, qui n'a

(1) Od. R., a s. m., p. 124.

(2) Od. R., a s. m., p. 125.

(3) A. M.. Gaz. da^ B.-A.. p. 150.

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aucune beauté en soi, facilitait bien mes recherches du clair-obscur et de l'invisible (I). »

Ainsi que nous avons eu 1 occasion déjà de 1 écrire : " ... les fusains de Redon sont réellement uniques. Ils ont un aspect lointain et mystérieux qui suggère l'infîni. La matière semble disparaître, ou plutôt elle s'incor- pore intimement à 1 inspiration pour former une vision intense. Cette supériorité ne sera jamais mieux saisie qu'en mettant côte à côte les œuvres dv l'artiste et celles des fusinistes les plus en renom. Pour ob- tenir un tel résultat, il faut posséder une

forte émotion intuitive des êtres et des choses, l'exprimer largement et par grandes masses de clair-obscur, passent parfois de très soujjles nuancc- ments... (2) " Certes " du simple fusain il a fait un évoquement grandiose, avec du blanc et du noir, il a créé vraiment de l'ombre et de la lumière (3).»

Pégase blanc ( Peinture j.

(1) Un. lOd. R. à Edm. P.. 13 juin 1894.

(2) A. M., Et. s. R.. p. 19.

(3) A. M., Préf. d'Exp. d'Od. R.. 1894.

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Cependant, pour atteindre un tel but que de difficultés à vaincre ! « C'est une matière mal vue chez les artistes, et négligée. Que je le dise pourtant, le fusain ne permet pas d'être plaisant : il est grave. On ne peut tirer bon parti de lui qu'avec le sentiment même. Tout ce qui ne suggère rien à l'esprit ne vaut rien qui vaille avec le charbon. Il est sur la lisière de quelque chose de désagréable, de laid. Je vous le dis, c est la matière qui supporte le moins la négligence du déshabillé, rien n est à tirer d elle seule. Il lui faut la tenue, elle a besoin plus que toutes les autres d'être élevée à la dignité d'expression. Elle exige de l'artiste qui l'emploie, à la minute heureuse l'agent passionnel fournit une égale dose de clairvoyance et de logique, un tact, un goût minutieux toujours en éveil et présent (1). "

Certainement, en énonçant tant d'obstacles divers, Redon a dé- montré indirectement et sans y prendre garde toute sa maîtrise, puisqu'il en a su triompher. Les fusains formaient la base d ensemble des deux premières expositions que l'artiste présenta à la Vie Moderne en 1881 et au Gaulois en 1882. Outre la constatation faite alors de la savoureuse puissance de leur clair -obscur, venait s'ajouter encore cette juste remarque : " ...Un dessin impeccable qui contraint 1 œil à accepter les déformations les plus bizarres des êtres réels et l'on conçoit ce que de pareilles œuvres peuvent susciter d'admiration (2). »

De l'inspiration de ces fusains nous n'avons rien à dire qui la diffé- rencie de celle des lithographies, dont ils furent d'ailleurs « les pro- dromes, souvent même la source initiale (3) ". Tantôt la nature avec ses grands ciels et ses horizons vastes, forme le décor de fond. Tantôt ce sont des structures monumentales, tout ensemble fantastiques et précises. A ce dernier effet contribuèrent les travaux de géométrie et de dessins linéaires que Redon, encore jeune homme, avait effectuer dans un but bien différent. C'est que : » rien n est perdu d une étude... celles que je fis comme aspirant architecte des projections des ombres qu'un professeur éclairé me fit faire avec une attention méticuleuse, appuyant l'abstraction de la théorie et des démonstrations sur des corps

(1) L'M. d'Od. R. à Edm. p., 15 juin 1894.

(2) Em. Hennequin, jam cit.

(3) A. M.. Et. s. R.. p. 19.

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tangibles, et me proposant, dans les problèmes à résoudre, des cas spéciaux d'ombres projetées sur des sphères ou autres solides. Cela m a servi plus tard : j'ai plus aisément rapproché l'invraisemble du vraisemblable, et j'ai pu donner de la logique visuelle aux éléments ima- ginaires que j'entrevoyais (1). »

Et sur ces fonds, qu'il s'agisse de nature ou d'architecture, c'est fusains et lithographies, un pareil monde multiple et divers, les mêmes formes étranges, jailhes pour ainsi dire du néant et appelées à la vie par la puissance d'un démiurge créateur...

En ce qui concerne le côté purement technique, quelques remarques doivent être retenues : " Redon emploie un papier tantôt bleuâtre, tantôt et le plus souvent jauni. Par un fixatif, mixture à lui particulière, il donne à ses dessins un fondu général comme doré sourdement, équi- valant à cette patine d'ensemble que prennent au vieillissement les peintures de Rembrandt (2). "

On a voulu parfois comparer Redon à deux artistes avec lesquels nous n estimons point qu'on puisse lui établir d'affinités véri- tables. « Malgré qu'on en ait dit..., et bien qu'un album lithogra- phique soit dédié à Goya, il semble que ce soit un simple hommage plutôt qu un rapprochement effectif. Les tendances satiriques dans l'ordre politique et religieux, le côté réaliste et brutal du grand Espa- gnol n'ont, au fond, guère de rapport avec l'œuvre de notre artiste. Dans un autre ordre d'idées, il ne serait pas plus loisible d'établir comparaison avec un dessinateur plus moderne, Gustave Doré. De celui- ci les effets moyenâgeux souvent d'un |:)ittoresque indéniaf)le, la verve très abondante mais j^arfois se répétant, ne sauraient être mis en parallèle avec le tempérament moins exubérant et plus profond de Redon (3)... >'

Notons que l'artiste eut toujours la haute estime du dessin. En même temps qu'il regrettait que l'estampe ne fût généralement point mise à sa juste valeur, il ajoutait : » Le crayon n'est guère plus apprécié. Il y a au Louvre, dans les galeries des dessins, une somme d art bien plus grande et plus pure que dans les galeries de peinture : on y va peu ;

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37.

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on visite préférablement les tableaux. C'est que le plaisir est là. Voilà le clair indice de I analogue indifïérence qui accueillera toujours en France l'œuvre de l'artiste qui se complaît dans l'austérité du noir ())...«

Non seulement c'est un œuvre abondant au fusain que Redon a laissé, mais encore de " nombreux croquis, certains très poussés, à la plume, au crayon noir, à la mine de plomb, à la sanguine. L'artiste ne pouvait manquer de s'attacher profondément au dessin, ce pain des forts, SI l'on nous permet de dire. Il savait par expérience tout ce qu'on y met d impression directe, de vision analytique, aussi d'expression spontanée (2). «

Cette partie presque entièrement ignorée de sa production n'a commencé à être révélée vraiment que depuis sa mort, lorsque des spécimens sont entrés, les uns dans l'asile stable des grands Musées, les autres en des collections particulières. Et la raison de cette non- connaissance antérieure provient de ce que " c'était pour lui un véri- table répertoire il allait puiser les éléments de ses compositions importantes. Aussi, de son vivant, déroba-t-il jalousement ce trésor précieux à la curiosité de son entourage même le plus fidèle, tant il craignait de s attirer l'obsession d'un amateur trop passionné à le vouloir acquérir (3). "

LA PEINTURE DE REDON

Nous aurons à envisager sous cette désignation générale : la peinture proprement dite et les pastels puis les œuvres décoratives.

^ I. Peinture et Pastels.

" ... Redon fut peintre aussi. En ce domaine de son art, il affirme également une personnalité marquée, deux périodes distinctes doivent être considérées (4). « Elles sont nettement séparées l'une de l'autre

(1) Od. R.

, A S. M., p.

120.

(2) A. M.,

Gaz. des B.-A.,

p. 151.

(3) A. M..

Gaz. des B.-A..

p. 131.

(3) A. M.,

Gaz. des B.-A.,

p. 151.

132

par le long intervalle d années, l'artiste se consacra presque uni- quement au blanc et noir, surtout lithographique. Mais de plus elles apparaissent différentes d'inspiration, d'aspect et de métier. La première commence aux essais de jeunesse, et se prolonge encore un peu après la guerre de 1870. La seconde, par contre, est afférente à la dernière époque d existence, lorsque l'âge mûr était déjà fini. On peut en dater les prodromes caractérisés aux environs de 1900. Elle se poursuivra sans interruption jusqu'à la fin de la vie de Redon.

Au début, l'influence certainement ressentie est celle du roman- tisme, surtout émanant de Delacroix. Quoi d'étonnant d'ailleurs? Si originale que soit nativement une personnalité, il lui faut encore, en ses œuvres naissantes, se chercher par tâtonnement, en un mot s'orienter. Elle subira fatalement l'effet de ses curiosités et de ses admirations, qui souvent sont révélatrices déjà de ses tendances profondes bien que confusément inconscientes. Les attirances éprouvées alors aideront par degrés l'artiste à s'éclairer sur ses facultés, jusqu au jour où, pleinement dégagé, il pourra voler de ses propres ailes.

Or, sans doute, l'homme vers qui Redon, à ses premiers com- mencements, se sentait entraîné, auquel il devait s'attacher, et cela presque nécessairement : c'était bien Delacroix, il avait contemplé ses œuvres, et les admirait avec une émotion passionnée. Même, cherchant à pénétrer plus intimement leur esprit et leur métier, il en faisait des copies. Témoin celle peinte d'après une Chasse au lion du Musée de Bordeaux, toile superbe du grand romantique, et qui, dans un incendie, fut malheureusement détruite. De cette première période on peut citer comme typique : Roland, toile originale du jeune artiste, laquelle figura à l'exposition du Salon Bordelais en 1870. Certes l'influence se constate, mais pourtant Redon n'est point servilement impressionné par Delacroix. Comme nous l'avons dit au sujet de ses premières gravures avec Bresdin, si l'élève respecte ses maîtres et les aime, il n'est point annihilé dans leur orbe puissant, et fait preuve déjà de qualités personnelles, comme de recherches indépendantes.

A cette époque, un critique d'art se montrait perspicace, lorsqu'il écrivait : « Le Roland de M. Redon avec sa couleur sombre voulue, et qui ne messied point trop, du reste, à ce sujet qui doit avoir dans l'inten- tion bien évidente de l'artiste et l'intérêt de l'histoire et la saveur de la

133

légende a dans ses proportions exiguës une grande et belle allure qui plaît... petit tableau, fort original... (I) » Cette appréciation favo- rable est d'autant plus intéressante qu'elle indique bien les visées voulues de l'artiste, en même temps qu'elle reconnaît sa personnalité comme déjà apparente.

Mais à côté de sujets de même ordre, Redon prenait plaisir, et nous retrouvons son penchant profond pour la nature, à s'adonner au paysage. Après la guerre de 1870, il y revint même assez fréquemment : " ...Vers 1865... j avais un ami qui m'initiait, en théorie et par 1 exemple, à toutes les sensualités de la palette. Il fut pour moi comme le pôle opposé; de des discussions sans fin. Nous faisions ensemble du paysage je m'efforçais cependant à la représentation du ton réel. J'ai réussi des études à ce moment-là qui sont sans aucun doute de la peinture, incontestablement (2). " Puis encore : " J'ai fait comme les autres... des fonds de boîtes en Bretagne ou à Barbizon (3). » Si quelque influence se démêle dans le choix de valeurs fines, le métier simple et sobre, la recherche du sentiment poétique, c est évidemment celle de Corot, surtout en ses toiles d'Italie. D'ailleurs Redon connut person- nellement le Maître paysagiste et, sans être son élève direct, reçut de lui au moins quelques conseils.

Cependant, encore, pour peu qu'on y regarde assez près, l'origi- nalité se fait sentir. Dans les œuvres de cette époque qui nous sont connues : « L'artiste montre déjà cette tendance, plus tard consciente

et pleinement développée, à rechercher dans le spectacle offert

à ses yeux, moins l'objet d'une reproduction directe et précise, que matière à épancher ses sentiments intérieurs et sa libre fantaisie créatrice (4). » De la nature ce qu'il voudrait rendre avant tout, ce n est point ce qu'elle dit expressément, mais bien plutôt ce qu'elle peut laisser deviner de son mystère intime et profond. Seuls les grands intuitifs perspicaces, attentifs à soulever le voile jaloux des apparences arrivent à en pénétrer l'essence même.

(1) Félix LÉai., Salon Bordelais, 19'-' Exposition de la Société des Amis des Arts, IV, La Gironde. 14 mai 1870.

(2) Od. R., a s. m., p. 25.

(3) Letl. d'Od. R. à Edm. p., 15 juin 1894.

(4) A. M., Gaz. des B.-.i.. p. 151.

134

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Étuae po.r "Roger e. Angélique" (Dc^m ù /Wrc Je Chine).

Or "...toute cette première production picturale fut par Redon tenue secrètement réservée, amsi que nous l'avons vu agir à 1 égard de ses dessms (!) ». Et cela, pour les mêmes raisons : " Aussi estimons-nous qu'il y a des parties de son œuvre qui réclameront un examen attentif et approfondi (2). >' Il fut loisible de le commencer, lors de quelques expositions faites récemment...

Nous en venons à l'autre courant de sa peinture : " Cette seconde période, très différente, est beaucoup plus connue. C'est elle qui pendant les dernières années de l'artiste, suscita chez un public nombreux plus que de la sympathie, presque un engouement, d'ailleurs très justifié. Cette production correspond à l'époque enfin rassérénée de sa vie quand on constata chez lui, au lieu de la normale lassitude de 1 âge, une jouvence de la sensibilité, en même temps que de la vision (3). »

De cet état à la fois moral et physique « nous trouvons le témoi- gnage expressif dans une peinture et des pastels rayonnant de clarté et d'opulent coloris. Or, choix bien corrélatif, ce qu'il représente, ce sont des sujets de grâce et d'élégance, tout ce qui est jeune, séduisant, empreint de fraîcheur et de charme : la femme, 1 enfant et les fleurs. « Rappelons les portraits de : M""' Bouger, A. de La Rochefoucauld, de Gonet, Fayet, de Cystria, Odilon Redon ; M' " Simone et Yseult Fayet, de Gonet, M"' H..., nièce de M. Kapferer ; d'autres encore. Aussi, dans leur prime éclat de vie : Marcel Mellerio, Jacques Mithouard, le jeune Bernheim, etc. (4). "

Quant aux fleurs, qu'il eut toujours en amour et admiration, il pouvait à loisir, dans son jardin de Bièvres, contempler leur grâce ingé- nue et les suivre en leur développement. Elles se revêtaient à ses yeux qu'elles charmaient d'une énigme aussi étrange et profonde que le visage humain mais ne vivent-elles pas aussi ? Et « ce sont de rouges géraniums, des mimosas d'or, des anémones mauves ou d'un violet pour- pre, parfois même des germinations entièrement féeriques. Toute cette flore se dispose en gerbes épanouies, d'où l'élancement des tiges vient aboutir au bouquet d'artifice savamment irradié des corolles éblouis-

(1) A. M.,

Gaz. des B.-A..

P-

131.

(2) A. M.,

Gaz. des B.-A.,

, P-

151.

(3) A. M..

Gaz. des B.-A..

P-

132.

(4) A. M.,

, Gaz. des B.-A..

P-

152.

136

Coltrcllon dr GonrI.

QUADRIGE (Pastel)

santés. Mais que l'on veuille bien y regarder de près, et sous l'aspect objectivement rendu, on retrouvera toujours c'est la marque iné- luctable de Redon, un " je ne sais quoi " de subtil, mystérieux reflet de l'âme même des êtres et des choses (1) ".

Cependant il s évadera plus loin encore, en un pays entièrement de rêve : « ...L'évocation d'une irréelle et prestigieuse mythologie oij dominent les Pégases aux allures nobles et fières, soudain cabrés comme pour un essor. Maintes fois aussi l'artiste s'est complu dans l'aventure de Phaéton, imprudent conducteur des coursiers du soleil qui l'em- portent follement à travers l'espace empourpré d'aurore (2). "

Ne faut-il point rappeler ici qu'envers le cheval, Redon, qui le pratiqua de fait et passionnément dans sa jeunesse, éprouvait et conserva toujours comme artiste, une attirance mêlée de curiosité et d'admiration. C est que, dans » la plus noble conquête que l'homme ait jamais faite » selon 1 expression enthousiaste d'un naturaliste qui fut également grand littérateur (3) semblent s'être condensées, en des muscles vigoureux aux mouvements agiles et élégants, toutes les forces les plus souples de la vie. Au cours du mois d'août 1914, malgré les terribles préoccupations de l'heure guerrière, l'artiste s'intéressait encore à dessiner des groupes de cavaliers campés momentanément dans le village de Bièvres.

De toute cette période abondante en belles peintures, les carac- téristiques de l'apport particulier à Redon, les effets cherchés et les heureuses réussites, entrevus fragmentairement jadis à des expositions diverses, apparaissaient pleinement dans l'ensemble, posthume, hélas! qu'on put réunir aux Galeries Barbazanges, en 1920. Pour une partie du public ce fut certainement une véritable révélation. Mais ceux-là même qui connaissaient déjà les œuvres, trouvèrent un enseignement d études ainsi qu'un surcroît d'admiration vérifiée, devant cette fécondité écla- tante et variée.

(1) A. M., Gaz. des B.-A., p. 152. En ce qui concerne la fleur chez Redon, consulter notamment : AndrÉ Salmon, OJilon Redon (L'Arl décoratif, janvier 1913). ArsÈNK ALEXANDRE. Floralies (Comœdia, \" novembre 1913). JeaNNE Doin, Odilon Redon (Mercure de France. 1"^ juillet 1914, p. 19 et suiv.).

(2) A. M, Gaz. des B.-A., p. 153.

(3) Buffon.

137

Que SI, et c est une juste et légitime préoccupation, on s'intéresse au métier d un artiste dont bien des peintres actuels considèrent inter- rogativement la production, nous donnerons, à titre curieux, un ren- seignement susceptible de paraître instructif. C'est une indication, d ailleurs de date assez ancienne, que nous avons recueillie en marge d'un cahier manuscrit de Redon, perdue qu'elle se trouvait au milieu de notations très diverses. Peut-être lavait-il seulement copiée pour mémoire ?

« Une bonne palette.

" Blanc de plomb.

« Jaune Mars.

« Ocre jaune.

« Ocre de... (I), terre d'Italie naturelle.

« Jaune antimoine.

« Orangé Mars.

" Sienne brûlée.

« Rose Mars.

« Ocre rouge.

« Laque fine.

« Violet Mars.

'< Violet de cobalt (2).

« Bleu d'outremer.

'< Vert émeraude.

'< Terre verte.

« Terre d'ombre naturelle.

« Noir de pêche.

" Jaune de Naples et vermillon, sans mélange aucun de blanc de plomb (3) ».

Ne devons-nous pas puisque nous sommes ici en examen de questions techniques, signaler le probe souci, digne des vieux maîtres d autrefois, qu'avait Redon, de n'employer : couleurs à l'huile ou à

(1) Mot Illisible.

(2) Celte couleur a été raturée dans l'original.

(3) A la suite de cette dernière mention, Redon avait rajouté au crayon : " Se servir du blanc de zinc ».

- 138 -

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4

Coll. de M"" Rtdo

Études de chevaux (Dessin à la mine de plomb).

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leau, et pastel également, pour ses œuvres que des matériaux de premier choix. Il ne regardait jamais à la difficulté de se les procurer, non plus qu'au prix élevé qui en résultait. Tel est le respect qu'un artiste vrai aura toujours pour ses œuvres, quand il y a mis toute son âme et son talent, afin de leur assurer le maximum de perfection matérielle, et aussi cette durée qu'il souhaiterait assurée à jamais. Or Redon sous ce rapport, ne voulait se fier qu'à l'expérimentation. C'est pourquoi, dans son atelier de Bièvres, tout isolé au fond du jardin, il étalait sur du papier ou sur des toiles, les éléments colorés, puis il les exposait longuement au soleil d'été. Et ce n était qu après la certitude entière de leur pleine solidité, qu'il les employait. Car il savait combien l'altération d'un ton risquait de détruire, dans l'avenir, toute harmonie d'ensemble savamment dosée et synthétique- ment établie.

Nous n'avons, à l'égard des pastels, point d'autres considérations à développer que pour la peinture. Ce sont sujets semblables : » Même inspiration et pareille facture, avec plus de vivante fraîcheur encore SI possible, tenant à la pureté de la matière employée que n alourdit aucun véhicule étranger destiné à la fixer... (I) »

§ II. Œuvres décoratives.

Nous indiquons à part les œuvres réalisées par 1 artiste dans le domaine spécial de la décoration.

" Redon a fait quelques ensembles décoratifs. D'abord une chapelle à Arras, qu'il achevait lorsqu'éclata la guerre de 1870. Ensuite, pen- dant sa dernière période, toute une pièce avec fîeurs et figures allé- goriques au Château de Domecy, à Sermizelles (Yonne), en 1900; une loge dans le salon de M"' Chausson, à Pans (2) ; la décoration de la bibliothèque de l'ancienne abbaye de Fontfroide, dans le Midi,

(1) A. M.. Gaz. des B.-A., p. 153.

(2) Dans une paroi de cette vaste pièce consacrée à la musique, souvre la petite loggia en retrait, comprenant un large panneau de fond, et deux autres plus étroits sur les côtés. Les motifs ornementaux se composent d'une végétation fleurie, mi-réelle et mi-partie idéalisée, dans le même esprit que celui Redon exécuta plusieurs de ses œuvres de chevalet. On peut considérer cet ensemble comme caractéristique de la conception décorative de I artiste.

140

devenue la propriété de M. Fayet. Ajoutons des paravents pour M. Sainsère, M""" de Cystria, prince Bibesco, etc.. (1) '

Mais « une mention particulière est due à rameublement entier : fauteuils, chaises et écrans, commandé et exécuté par les Gobelins. Avec une fantaisie toute moderne de création, Redon sut néanmoins observer ce principe fondamental, trop souvent oublié ou négligé de nos jours, que décorer un objet c'est l'embellir en respectant sa desti- nation utilitaire, et sans surcharge alourdissante. De plus, se gardant également des séductions matérielles qu'ont apportées les découvertes de la chimie dans la teinture mille fois nuancée des lames et des soies, il a conservé à la tapisserie son caractère à la fois solide et souple de trame tissée, sans viser au trompe- l'œil, rival de la peinture de chevalet (2) ".

Il existe également de l'artiste quelques beaux cartons, notamment pour des tapis, mais qui n'ont pas encore été exécutés.

(1) A. M.. Gaz. des B.-A.. p. 153.

(2) A. M., Gaz. Jss B.-A.. p. 154.

141

142

III

L'ART DE REDON

Nous avons montré en sa genèse la formation artistique de Redon, comme aussi les mflucnces qui ont pu agir sur sa personnalité. Nous nous sommes ensuite livré à une analyse détaillée des diverses parties de son œuvre. C'est maintenant seulement que nous pouvons tenter un essai de synthèse. Quel est dans son essence même l'art de Redon, quelles en sont les caractéristiques, quel est enfin le but poursuivi? Et comme corollaire, nous chercherons à définir les émotions ressenties au contact de son inspiration, ainsi que la nature de l'admiration qu'on en peut éprouver.

L art de Redon : " Cette seule dénomination éveille tout un monde ! Dès le premier choc on est désorienté, emporté, aussi comme hypno- tisé. C'est qu'on ne trouve pas les ressources d'un talent plus ou moins expressif, mais bien la singularité complète, l'étrangeté bouleversante du non-vu, sorte de rafale formée on ne sait ni comment, et nous courbant sur son passage, qu'on le veuille ou qu on lui résiste. Cette émotion spontanée, tous la ressentent et s'en rendent compte. Les uns la proclament laudativement, admirant la main qui terrasse, tandis que les autres protestent, se rebellent même contre cette destruction de leurs habitudes courantes. En sorte que par leur indignation et leurs critiques les plus emportées, ils rendent encore un involontaire témoi- gnage au tempérament de 1 artiste.

" Que si l'on veut aller plus loin que cette prime impression, puis- sante mais vague... ce travail que peu d'ennemis, ou même d'amis de l'œuvre ne tentent d'ordinaire, demeure cependant indispensable pour en posséder la compréhension, Odilon Redon n'est point facile à pénétrer en ses replis secrets. Il faut à cet effet apporter un esprit sérieux de

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recherche, en même temps qu'une âme capable d'éprouver, au moins à quelque degré, le frisson qu'a subi l'artiste. Nous ajouterons une contemplation suffisamment longue et réfléchie de l'œuvre... (I) »

Avant tout, quel but s'est proposé l'artiste, instinctivement d'abord, puis à mesure de son avance dans la vie et de son mûrissement intellec- tuel, avec une clairvoyance consciente et des moyens perfectionnés, sans cesse plus adéquats? Nous avons de lui-même sur ce sujet des déclarations multiples et explicites, de nature à nous éclairer.

" J'ai fait un art selon moi seul. Je l'ai fait avec les yeux ouverts sur les merveilles du monde visible, et quoi qu on en ait pu dire, avec le souci constant d'obéir aux lois du naturel et de la vie. Je l'ai fait aussi avec l'amour de quelques maîtres qui m'ont induit au culte de la beauté... Je croîs avoir cédé docilement aux lois secrètes qui m'ont conduit à façonner tant bien que mal, comme j'ai pu et selon mon rêve, des choses je me suis mis tout entier (2). » « ...Laissez-moi vous dire... que nulle forme plastique, j entends perçue objectivement, pour elle-même, sous les lois de l'ombre et de la lumière, par les moyens conventionnels du modelé, ne saurait être trouvée en mes ouvrages. Tout au plus ai-je tenté souvent, au début, et parce qu'il faut autant que possible tout savoir, de reproduire ainsi les objets visibles selon ce mode d'art de l'optique ancienne... Mais je vous le dis aujourd'hui, en toute maturité consciente, et j y insiste, tout mon art est limité aux seules ressources du clair-obscur et il doit aussi beaucoup aux effets de la ligne abstraite... agissant directement sur l'esprit. L'art suggestif ne peut rien fournir ]/ sans recourir uniquement aux jeux mystérieux des ombres et du rythme des lignes mentalement conçues (3) ».

Mais VOICI une définition plus développée encore et dont il faut peser, pour ainsi dire, chaque terme : " L'art suggestif est comme une irradiation des choses pour le rêve s'achemine aussi la pensée... Disons... qu'il est croissance, évolution de l'art pour le suprême essor de notre propre vie, son expansion, son plus haut point d'appui ou de maintien moral par nécessaire exaltation. Cet art suggestif est tout entier dans l'art

(1) A. M., El. .. R.. p. 5.

(2) Od. R.. a s. m., p. 11.

(3) Od. r.. a s. m., p. 26.

144

excitateur de la musique, plus librement, radieusement ; mais il est aussi le mien par une combmaison de divers éléments rapprochés, de formes transposées ou transformées, sans aucun rapport avec les contmgences (1) ». A cet égard rappelons un trait caractéristique :

Tête de jeune Fille.

" ... La musique, Redon l'a toujours et passionnément goûtée... à tel pomt que, venant à Pans, il se qualifia : Peintre symphonique. Entendant de la sorte, non qu'il cherchait par la plastique à évoquer la sonorité, mais bien que ses œuvres, en une compréhension plus large et profonde

(1) Od, R., a s. m. p. 27.

145

des contingences, tendaient à exprimer, telle la musique, le monde des sentiments indéfinis et grandioses (1) ».

C'est l'imprévue en même temps qu extraordinaire audace du but que se proposait Redon, qui certainement a dérouté beaucoup des esprits prétendant à juger son œuvre : ' Toutes les erreurs de la critique commises à mon égard, à mes débuts, furent qu elle ne vit pas qu'il ne fallait rien définir, rien comprendre, rien limiter, rien préciser, parce que tout ce qui est sincèrement et docilement nouveau comme le beau d'ailleurs porte sa signification en soi-même... Mes dessins --^ inspirent et ne se définissent pas. Ils ne déterminent rien. Ils nous placent... dans le monde ambigu de l'indéterminé. Ils sont une sorte de métaphore, a dit Remy de Gourmont, en les situant à part, loin de tout art géométrique. Il y voit une logique Imaginative. Je crois que cet écrivain a dit en quelques lignes plus que tout ce qui fut écrit autrefois sur mes premiers travaux (2) ».

Et comment va procéder l'artiste : " Imaginez des arabesques ou méandres variés se déroulant, non sur un plan, mais dans l'espace, avec tout ce que fourniront pour l'esprit les marges profondes et indéter- minées du ciel; imaginez le jeu de leurs lignes projetées et combinées avec les éléments les plus divers, y compris celui d'un visage humain ; SI ce visage a les particularités de celui que nous apercevons quoti- diennement dans la rue, avec sa vérité fortuite immédiate toute réelle, vous aurez, là, la combinaison de beaucoup de mes dessins.

Ils sont donc, sans autre explication qui ne se peut guère plus pré- cise, la répercussion d'une expression humaine, placée, par fantaisie permise, dans un jeu d'arabesque, où, je croîs bien, l'action qui en déri- vera dans l'esprit du spectateur l'incitera à des fictions dont les signi- fications seront grandes ou petites, selon sa sensibilité, et selon son aptitude Imaginative à tout agrandir ou à tout rapetisser (3) ».

Cependant la nature a des lois essentielles et primordiales, qu on ne saurait transgresser. Redon qui les connaît, en formule ainsi ce qu'elles ont d'impératif et d'imprescriptible : " ... Tout dérive de la vie univer-

(1) A. M., El. s. R.. p. 23 et 26.

(2) Od. R.. a s. m., p. 28.

(3) Od. r., a s. m., p. 28.

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selle : un peintre qui ne dessinerait pas verticalement une muraille, dessinerait mal, parce qu'il détournerait l'esprit de l'idée de stabilité. Celui qui ne ferait pas l'eau horizontale ferait de même (pour ne citer que des phénomènes très simples). Mais il y a dans la nature végétale, par exemple, des tendances secrètes et normales de la vie qu'un paysagiste sensitif ne saurait méconnaître : un tronc d arbre, avec son caractère de force, lance ses rameaux selon des lois d'expansion et selon sa sève, qu'un artiste véritable doit sentir et représenter.

« Il en est de même de la vie animale ou humaine. Nous ne pouvons pas bouger la main sans que tout notre être ne se déplace, par obéis- sance aux lois de la pesanteur. Un dessinateur sait cela. Je croîs avoir obéi à ces intuitives indications de l'instinct dans la création de certains monstres (1) ».

Et ceci nous amène à la conception que Redon se fait de la manière de dessiner, tout au moins en ce qui concerne son personnel usage : '< il y a un mode de dessin que l'imagination a libéré du souci embarrassant des particularités réelles, pour ne servir, avec liberté, qu à la représentation des choses conçues. J'ai fait quelques fantaisies avec la tige d une fleur, ou la face humaine, ou bien encore avec des éléments dérivés des ossatures, lesquels, je crois, sont dessinés, construits et bâtis comme il fallait qu'ils le fussent. Ils le sont parce qu ils ont un organisme. Toutes les fois qu'une figure humaine ne peut donner l'illusion qu'elle va, pour ainsi dire, sortir du cadre pour marcher, agir ou penser, le dessin vraiment moderne n'y est pas. On ne peut m enlever le mérite de donner l'illusion de la vie à mes créations les plus irréelles. Toute mon originalité consiste donc à faire vivre humai- nement des êtres invraisemblables selon les lois du vraisemblable, en mettant, autant que possible, la logique du visible au service de l'invi- sible (2) ...

Mais n'existe-t-il pas un prototype d'une telle façon d'agir, au moins pour l'entière liberté de l'imagination? Il semble bien que nous le rencontrions, soit provenant du sommeil véritable, ou bien comme état de veille méditatif et absorbant, dans ce qu'on appelle d'un nom

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(1) Od.

R.,

A

S.

M..

p-

29.

(2) Od.

R.

A

S.

M.,

p-

29.

.^

LES PAVOTS NOIRS

générique : le rêve. Et de celui-ci, notre artiste se réclame d'ailleurs expressément. Dès sa prime enfance, il y était initié déjà, d'une façon particulièrement évocatrice : " Mon père me disait souvent : " Vois « ces nuages, y discernes-tu, comme moi, des formes changeantes? » Et il me montrait alors dans le ciel muable, des apparitions d'êtres bizarres, chimériques et merveilleux (I). » Puis, lors de ses essais litté- raires, presque tous restés en manuscrit, Redon ne choisit-il point ce pseudonyme significatif : // rêve (2) ? C'est enfin le titre de son premier album lithographique : Dans le Rêve, appellation si justement symbo- lique, qu'elle pourrait servir d'épigraphe à son œuvre entier.

Nous avons jadis tenté une définition : " règne cette apparente incohérence, constituant la logique particulière de l'état de sommeil, le mécanisme de l'association des idées fonctionne en toute indépen- dance, sans le contrôle régulateur qui, pendant la veille, apprécie, élimine et coordonne. Alors 1 imagination vertiginée évoque, combien rapidement et avec quelle incroyable fécondité, les aspects les plus inat- tendus et les plus divers. Des figures multiples, hétéroclites, se ren- contrent, se séparent, évoluent de façon étrange et contradictoire. Ces apparitions se silhouettent sur un fond confus grouillent d'innom- brables entités pressenties et devinées plutôt qu'entrevues. Parfois émerge du chaos, selon le hasard, ou par l'effort quasi-automatique de la volonté, une forme qui vient se mettre en pleine lumière, envahissant le champ de l'espace, dominatrice et comme obsédante. La liaison attrac- tive des êtres et des objets entre eux demeure secrète, fondée souvent sur des analogies si ténues et si lointaines, que l'esprit pour les saisir est obligé de faire un compliqué travail. Encore cette recherche ne peut- elle s'effectuer qu'en des méditations ultérieures, car la vélocité fugi- tive et l'intensité des sensations n'en laissent ni le temps ni la possibilité durant l'action du Rêve (3) ».

Que si nous contemplons l'œuvre de Redon, et cherchons à nous

(1) Od. R., a s. m., p. 11.

(2) Ajoutons un détail assez piquant. Après 1870. dans le salon de M'""' de Rayssac, Tartute fréquentait. quelques personnes amies, connaissant son irrésistible penchant, l'avaient, par plaisanterie sympathique, qualifié : Le Prince du Rêve. Et si jamais surnom mérite de lui rester, certes c'est bien celui-là.

(3) A. M., Et. s. R.. p. 10.

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en rendre un compte exact, nous pourrons vérifier combien ces carac- téristiques s'y retrouvent amplement et à un degré élevé : •< C'est comme un drame successif qui sort des limbes pour fixer curieusement nos yeux et impressionner fortement notre esprit. En ce travail de 1 artiste, comme dans le Rêve que nous avons décrit, mêmes prodromes et semblable évolution. D'abord des noirs profonds s'amoncellent, masse sombre, trame indéfinie, demeurent latentes les réserves innombrables des mirages futurs. Mais, sur ce fond d'horizon, voici que soudain émergent des êtres. Ils s'organisent fabuleusement et bizarrement sous des clartés parues au ciel, blanchissements qui traînent en zébrures fulgurantes. Les formes se multiplient, permanent, s'accentuent. Figures insolites qui brusquement s'imposent, avec une incroyable netteté, aux regards qu'elles surprennent et fascinent, sans qu'ils puissent s'en arracher. Ce sont bien les sautes rapides, les accouplements, invraisemblables de pensées lâchées en liberté qui, dépourvues du frein de la raison, galopent et s'ébrouent en une incessante activité. Des objets, extrê- mement disparates d'essence, s'appellent et se groupent entre eux. Les plus légers et imperceptibles points d'un contact accidentel suffisent à leur aimantation. C'est ainsi qu'une circonférence éveillera l'idée d'un ballon, qui lui-même suscitera I image d'une face humaine détachée, s envolant dans l'espace nocturne. Et toute cette étrange ruée se préci- pite vers l'inconnu en un tourbillon bouleversant (I) ».

Mais Redon n'est point un simple hypnotique, esclave de ses visions. La haute raison consciente de l'artiste demeure toujours, bien que secrètement cachée parfois, la souveraine ordonnatrice de cet inextri- cable chaos. En effet " ... si l'on examine de près ces entités extraordi- naires, personnifiées et représentées par des apparences plastiques, on s aperçoit qu elles ne sont point forgées de toutes pièces en leurs plus intimes éléments. Il y réside et c'est un terrain de forte assise, un fond d observations multiples, de sensations éprouvées au cours de la réalité... Analysez certaines de ces physionomies si imprévues et bizarres, vous serez étonné, malgré les transformations subies, de leur ressemblance avec des visages rencontrés dans l'existence ordinaire.

(I) A. M., El. s. R.. p. 11.

150

C est que les plus fantastiques et désordonnées visions du Rêve ont leur début premier dans des matérialités tangibles à l'état de veille. Telles, les complexes et innombrables combinaisons du Kaléidoscope rendent pres- que méconnaissables les fragments simples dont elles sont composées (1) ».

Qu'on veuille bien se remémorer la vie de Redon, et maintes comparaisons aussi mtéressantes qu'instructives pour la compréhension vraie de son art, se feront en quelque sorte d'elles-mêmes : "... Dans les sites 1 homme a résidé longuement, comme ceux il a vibré passagèrement, nous retrouvons les éléments du décor que l'artiste a dressé. Sous l'aspect dramatisé par l'imagination qui transpose et magnifie, 1 œuvre conserve... les réalités extérieures observées et expéri- mentées. Celles-ci... sont facilement vérifiables chez Redon. En ses noirs vigoureux aussi bien que dans les estampes vaporeusement lumineuses, réapparaissent les nuits opaques, les brouillards vespéraux ou les légères brumes matinales que l'artiste contempla avec émotion, avant de les rendre féeriquement (2). Sur cet horizon parfois se détache une silhouette, un objet, avec cette importance envahissante et domi- natrice que prennent dans la nature, aux heures de songerie, un être humain, quelque arbre isolé, ou même un simple brin d'herbe considéré de près. Voilà le point initial d'où le rêve prend essor, pour planer à son gré. Si, dans certains paysages de Redon, surgissent, erratiques et formidables, des blocs de rochers, ou bien encore de grandioses pans de montagnes aux arêtes quasi-géométriques (3) », c'est que ses yeux n oublient point qu'ils ont : " vu le Nord de l'Espagne. Il y a des rocs brûlés par le soleil, des sables tristes, des solitudes désolées (4) ».

Combien d'êtres lamentables et de mélancolie profonde, qu'ex- plique un pays sauvage, se rencontrent parmi la population des Landes végétant * laide, triste, comprimée entre le fîeuve et la mer.. J'y ai vu des regards en détresse, des souffrances réduites. J'ai entendu conter des légendes superstitieuses il y a encore des sorciers (5) ».

(1) A. M.. Et. s. R.. p. 12.

(2) N"a-t-il point dit de son Médoc natal : L'automne y est toujours superbe. La mer et 1rs marais v font le ciel et les brouillards féeriques '. Lett. d Od. R., à Edm. P., 1894.

6) A. M.. Et. s. R., p. 24 et 25.

(4) Uti. dOd. R. à Edm. P. 13 juin 1894.

(5) D-.

151

Qui n évoquerait dans l'œuvre, certaines faces navrées aux yeux démesurément dilatés par la douleur. Et si, par contre, le Profil de lumière vous frappe en l'expression intense de sa silhouette lumineuse,

Redon vous dira qu'en Biscaye "les femmes ont un grand éclat (1) »

Mais, peut-être s'intéressera-t-on à connaître comment l'artiste travaillait, et quelles phases traversaient son esprit et sa main avant de parvenir au résultat final.

« A ce propos, voici, nous paraît- il, les deux occur- rences qui se peu- vent rencontrer.

"Parfois, en proie à l'attirance vague mais inéluctable de s'exprimer exté- rieurement, 1 ar- tiste s en vient à son chevalet. Que fera-t-il au juste, ii ne le sait. D une main incertaine il crayonne confusé- ment, dans une prise de possession du champ vierge que lui livre le subjectile. Pour lui c'est une satisfac- tion, un premier soulagement d'é- craser le grain du crayon, de voir la matière noire se masser. Comme si cette simple salissure était le commencement du travail

Coll. M. -A. Leblond.

L'Enfant prédestinée (Peinture).

(1) Leit. d'Od. R. à Edm. P.. 15 juin 1894. 152

Collrction Chu

VIERGE D'AURORE

(Sansiiine)

effectif. Puis l'artiste cherche à augmenter l'intensité, la diversité aussi de ce premier fond ; or, voici que dans cet horizon largement esquissé apparaît un détail. C'est un rien, peut-être même l'œil est-il joué, mais il a cru entrevoir... Cependant la main de l'artiste accentue ce que le regard a pensé percevoir. Bientôt son imagination se prend et s'échauffe à ce travail, l'évocation se précise et s'amplifie davantage, maintenant les contours apparaissent. Alors se présentent, successive- ment sollicités, les trésors de sa mémoire enrichie jadis de visions et d'observations réelles. Ce sont des sites contemplés, des physionomies analysées, de simples jeux de lumières notés. Ces éléments, empruntés directement à la nature matérielle et qui viennent fortifier la première esquisse, donnent un point d appui. Ainsi se construit graduellement un tout complet de ces parties diverses, provenues souvent de points très lointains. L art les enchaîne par une logique qui lui est propre, les subordonnant entre elles pour produire un effet central.

"Ad autres occasions, le chemin suivi semble avoir été tout diffé- rent. L'artiste, au hasard de la vie, rencontre une forme dont l'aspect l'attire et le retient. Son esprit subit, sans pouvoir, dirait- on, s'en défendre, une invite lancinante et impérieuse à la reproduire. Lorsqu'il se trouve à son chevalet, il n'éprouve plus la sensation vague que nous décrivions tout à l'heure. Mais il contemple une vision déter- minée, dont les traits précis s'éclairent en une silhouette hallucinatrice. A mesure que cette obsession qui le hante se traduit plastique- ment, il jouit d'un sentiment croissant de libération. Cependant, le fait matériel qui éveilla la puissance créatrice de l'artiste ne lui suffit point. Comme autour d'un centre, il groupe des détails accessoires, dresse un décor de fond, établit une atmosphère qui agrandit la scène et la prolonge. Mais tout ce travail aboutira en fin de compte, à l'unité de l'effet.

'< De sorte que ces deux manières de procéder, opposées en leur marche d'action, produisent des résultats identiques aussi bien pour l'inspiration générale que comme aspect. A moins de révélations émanées de Redon, on ne saurait spécifier quel mode fut employé. Ainsi offrent-ils chacun la réunion homogène des qualités qui caractérisent I artiste (1) «.

(I) A. M., El. s. R.. p. 12 à 14.

153

Mais, dans ce monde indéterminé du rêve si multiplement diversifié il règne à travers 1 œuvre, deux courants dont la synthèse forme la trame substantielle de l'inspiration. Pour comprendre le premier,

nous nous souviendrons de l'impression profonde que causèrent à Redon les inves- tigations hardies de la science au XIX" siècle, quand elle voulut scruter l'aube même de la vie. Les Origines, n est-ce point le titre, à cet égard bien suggestif, de l'un de ses plus anciens albums lithographiques ? A un haut degré, il éprouva " ces frissons nouveaux » ressentis par la génération d'alors : " et il prétendit les rendre non en savant précis... mais en artiste vibrant. Il ne s'arrêta point à mesurer les dimensions exactes, compter les pattes et les antennes, mais plutôt il s'efforça de restituer l'émo-

(Planche tirée de l'album Oi/s.ncs.) .• f J '„ ' J„

tion proionde émanée de cette Création puissante. Ne nous fait-il point entrevoir des formes rudimentaires s'éveillent les ébauches d'organes, tressauts de la vie boursouflant la matière inerte, et cherchant à s en dégager. Ainsi une lave ardente soulève et crevasse l'écorce terrestre, qui ne peut la maintenir tout en l'oppressant. Appa- raissent encore... des essais haletants de la primitivité hésitant entre l'avortement et l'aboutissement. Parfois, il semble que l'artiste n'ait pas voulu définir davantage que par de brèves lignes schématiques, circon- férences ou courbes sinueuses, les organismes... non encore formés. Et tout cela inépuisablement naît, se développe, fait luire sur le fond

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y eut peut-être une vision première essayée dans la fleur... •• (Lithographie.)

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d ombre de 1 éternel abîme la silhouette accidentelle qui sera leur vie momentanée (1) ».

Cependant, voulant plus encore '< l'artiste, comme enivré par le spectacle des époques primordiales, ainsi que du monde microbique, en est arrivé, parailélisant avec la féconde nature, à créer lui aussi des monstres (2) ". Et, de manière telle qu'il parvient « à donner aux apparences purement Imaginatives, dont il peut revendiquer la totale paternité, une conformation rationnelle, qui fait que si elles ne sont pas, elles pourraient être. Machines parfaitement agencées, pour l'action, qu'une étincelle vitale suffirait à mettre en branle et qui fonc- tionneraient (3) ». C'est ce que Redon indique fort bien : " La pensée d en créer à ma fantaisie vint bientôt. Il ne s'agissait plus que d'atro- phier, de réduire ou développer des parts de l'être, à ma guise. Je ne voudrais pas prononcer le mot " monstres », mais plutôt ceux de fantaisie humaine sur le clavier de l'ostéologie... (4) »

Et cette dernière définition soulève une question bien intéressante, celle de la Tératologie. Les tendances de la science moderne sont actuellement de voir dans les anomalies du type habituel, non une déviation à un plan préconçu de la nature, mais bien une action normale des forces agissantes qui, ne rencontrant point les conditions ordinaires d'ambiance, aboutissent de ce fait à un résultat différent (5).

Toutefois l'artiste, s'il a éprouvé une intense curiosité dans ce domaine, et même effectué quelques études sous ce rapport, n a jamais prétendu et nous y insistons à nouveau, faire de la science pure. Comme le remarquait excellemment J.-K. Huysmans, il y avait : « un nouveau point de départ, presque une issue neuve, elle paraît

(1) A. M., Et. s. R., p. 16.

(2) A. M., Et. s. R.. p. 16.

(3) A. M.. El. s. R., p. 16. A cet égard, voici une curieuse anecdote que nous tenons de M""' Odilon Redon :

L'artiste avait adressé en hommage à Pasteur, qu'il ne connaissait point personnellement, mais pour lequel il professait beaucoup d'admiration, un exemplaire de l'album : Les Origines. Le grand savant le feuilleta avec curiosité. Or, quelque temps après, comme on lui avait offert une table, œuvre de Carabin, avec sculptures représentant des êtres fantastiques, il lui arriva de dire : Il aiir.iit fallu le cravon d'Odilon Redon pour donner la vie à ces monstres.

(4) Lit. d'Od. R. à Edm. P.. 15 Juin 1894.

(5) Voir : .4pp. Note 12

avoir été découverte par le seul peintre qui soit maintenant épris du fantastique, par M. Odilon Redon (1) ». Néanmoins, par ailleurs, le subtil critique a commis une erreur vis-à-vis de ces créations, relevant de la seule imagination, sans recourir, comme il semble le croire, au secours du microscope. " Non (ainsi nous 1 affirme Redon), j'avais en les faisant, le souci plus important d organiser leur struc- ture (2).» Ce sont donc les libres conceptions de son esprit que l'artiste a toujours et uniquement rendues. Telle fut sa fécondité, pour ainsi dire illimitée et tant caractéristique, qu'elle nous a permis d'avancer que : " Si l'on affirme littérairement l'existence d'un monde balzacien, on peut dire que plastiquement fut évoqué un monde redonnesque (3). »

Cependant, il est un autre pôle confine cet " œuvre grand qui part des époques primaires pour aboutir au mysticisme suprême (4). » Et l'auteur lui-même le fait remarquer, lorsqu'il assigne à ses fan- taisies d'ostéologie « un sens quasi-chrétien pour assise (5). » En effet, à côté de ces êtres monstrueux, protagonistes, pourrait-on dire, d une épopée darwinienne ou pasteunenne, rayonnent les apparitions d une sphère supérieure : « Dans des faces extasiées éclatent les lueurs d'un rêve divin, des faces de martyrs pour qui le bûcher devient des roses (6). »

Mais le sentiment « qui chez Redon forme la base continue de tout : Ignorance, bestialité, perversité, sublimité c est la souffrance. Il y a dans telles de ses physionomies un summum d'intensité expressive qui attire et qui effraie comme un vertige. C'est l'abîme entrevu à travers la prunelle claire des yeux dilatés. Redon nous a montré la Nature inapte, ridicule ou terrible, parfois les deux ensemble dans ses premiers essais rudimentaires. Puis, parvenue au point culminant dans la face humaine affinée, frissonne l'âme prête à s'envoler vers un degré supérieur. Devant une telle compréhension de la misère et de la grandeur de notre

(1) J.-K. HUYSMANS, Certains, Paris, Tresse et Stock, 1889, Le Monstre, p. 150.

(2) Od. R.. a s. m., p. 29.

(3) André Mellerio. Lettre publiée parmi celles émanées de personnalités diverses, et qui lurent réunies sous le titre général d' Hommage à Redon ». La Vie, numéros des 30 novembre et 7 décembre 1912.

(4) A. M., PréJ. de ÏExp. R., 1894.

(5) Letl. d'Od. R. à Edm. P.. 15 Juin 1894.

(6) A. M., Préj. de l'Exp. R., 1894.

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être, involontairement on se reporte à ces Pensées de Pascal, l'huma- nité douloureusement analyse cette double face d'elle-même, essayant de sonder à la fois le mystère de sa basse origine et celui de sa haute destinée (1). »

Aussi combien juste apparaît ce jugement bref, mais si plein de compréhension, porté par un admirateur de Redon : « La grandeur dans 1 effroi, la tristesse, voilà les trois sentiments dominants de cet art» en y adjoignant " la simple... la bonne pitié (2). »

(1) A. M., Préf. de fExp. R.. 1894.

(2) Jules DestrÉE, L'Œuvre lUhographiqut de Odilon Redon. A Bruxelles, cliez Edmond Deman, MDCCCXCI, p. 78.

157

Cliché Vollard.

Tête.

158

IV ODILON REDON

SA PLACE DANS L'ART CONTEMPORAIN L'AVENIR DE SON ŒUVRE

« Odilon Redon occupe dans l'art contemporain une place à part. »

Telle est 1 affirmation par laquelle nous ouvrions la préface de sa première Exposition d'ensemble, en 1894. Elle se vérifie, pensons- nous, SI l'on veut bien prendre la peine d'examiner les mouvements variés qu il a pu voir se succéder au cours d'une vie qui fut longue.

Certainement, nous n'avons point à faire ici une histoire esthétique de la fin du XIX'^ siècle et du commencement du XX^. Toutefois, une vue générale et quelques notions sommaires sont indispensables pour situer exactement Redon, et comprendre la portée de son œuvre.

" On peut dire qu'en France, depuis Louis XIV, secondé par Lebrun, et la fondation de 1 Ecole de Rome, il y a tendance à une centra- lisation officielle directrice, à un art d Etat. Le XVIII^ siècle semble y échapper un moment avec Watteau, Boucher, Chardin. Mais sur la fin, le retour préconisé vers l'antiquité (la copiant sans en comprendre l'esprit, la faussant même) ramène le dogmatisme (I). Il devient tyrannie avec David, sous l'Empire qui, renouvelant Louis XIV, introduit en peinture l'autoritarisme administratif. Et tout le Xix'' siècle est l'histoire de l'indépendance artistique sans cesse revendiquée par des générations nouvelles. C'est le Romantisme et Delacroix, ce sont les Paysagistes de 1830. La lutte se continue avec Courbet, Millet, Manet, qui

(I) En adjoignant à ce pseudo gréco-ronnanisme des recettes empruntées aux maîtres italiens: mais sans conserver la flamme qui les animait, on forgea la doctrine factice quel on dénomme souvent . Académisme.

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engendrent dans une suite ininterrompue de talents divers et de combats identiques : Monet, Pissarro, Renoir, Degas, etc. (1)."

Lorsque Redon, en 1840, arrivait à ses vmgt ans, le Ro- mantisme, commencé sous la Restauration , avait complètement achevé sa carrière. Delacroix, son plus illustre protagoniste, allait mourir en 1863. Nous avons dit que notre artiste l'admirait passionnément et Té- tudiait avec conscience. Même, en ses œuvres de début, on perçoit une part d'influence éprou- vée. Mais aussi, déjà sa personnalité naissante montrait d'autres ten- dances, et qui devaient de plus en plus s'accen- tuer. On s'en rendra compte précisément lorsque certains personnages chers aux romanti- ques, tels : Méphistophélès, Caliban, Ophélie, apparaissent et le fait est fréquent, parmi les sujets qu'affectionne Redon. Il les traite d'une façon tellement différente, qu'on peut affirmer que chez lui ceux-ci n ont vraiment de commun que le nom.

Au Romantisme avait succédé l'école dite des Paysagistes de 1830. Avec ceux-là il semblait que Redon fût susceptible d'avoir des liens plus étroits. N'aimaient-ils point la nature, ne s'attachant presque

Le Diable f Lithographie).

irce de ralijum L'Apocalycse de SmnI-Jc,

(I) André Mellerio. L' Exposition de 1900 et l'Impressionnisme. (Couverture de Ranson). Paris, H. Floury. 1900, p. 13.

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AQUARELLE

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exclusivement qu'à elle ? De plus, notre artiste « approcha l'un de ses maîtres les plus justement réputés... et reçut même de lui quelques conseils (1). » Nous avons signalé certaines similitudes de métier entre les premières toiles de Redon et les paysages faits par Corot en Italie. « Enfin une amitié sincère 1 unissait avec Chintreuil, esprit dis- tingué et technicien de fines valeurs. Pourtant, si Redon goûtait en eux, comme chez Rousseau, Daubigny, Dupré, le simple et grand Millet, un amour loyal et vif pour la nature, il ne pouvait partager leur état d'âme non plus que leur vision, dans la façon de la comprendre et de l'exprimer (2). «

Mais le divorce apparaît absolu, c'est avec le Réalisme. Redon connut personnellement " Courbet, duquel le séparait d ailleurs un véri- table abîme intellectuel (3) ». Il eut avec lui des conversations s'avivait l'antithèse radicale de leurs principes. Non pas que 1 artiste, jeune alors, ne rendît lustice à la saine et forte peinture, à la plénitude de métier du Maître d'Ornans. Mais, quelle liaison d'idées pouvait s'établir entre le pontife du dogme réaliste si borné en des limites étroites, et 1 ardent défenseur du rêve, le protagoniste de la fantaisie Imaginative pour laquelle était réclamée la souveraine prépondérance ? Car telle est bien la théorie essentielle soutenue par Redon, en ses articles de critique publiés de 1868 à 1870.

Non plus, ne s'indiquera une emprise sur lui, quand, après Manet << s'instaurèrent les recherches d'intensité lumineuse qui sont à la base même du groupement de beaux peintres qu'on a qualifiés d' « impres- sionnistes ». Et le fait apparaîtra d autant plus frappant que Redon se trouvait être de leur génération bien plus : qu'il prit part matérielle- ment à leurs premières manifestations collectives (4). Toutefois c'était l'indépendance révoltée contre le joug oppresseur de lacadémisme qui le joignait à eux, plutôt que les tendances admises et la poursuite d un

(1) A. M., Gaz. des B.-A., p. 134.

(2) A. M., Gaz. des B.-A., p. 154.

(3) A. M.. Gaz. des B.-A., p. 154.

(4) En 1886, du l*' mai au 15 juin : 8^ Exposition. Ce fut la dernière d'ailleurs s'affirmèrent ensemble, sinon tous, au moins un bon nombre des artistes Impressionnistes.

Nous rappellerons également un fait. En 1884, Redon prit une part assez active à la formation de la Société des Artistes Indépendants. Mais le principe d'absolue liberté, base de cette association, n'impliquait aucune théorie d'esthétique, ni adhésion quelconque à des tendances déterminées.

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but identique (I) "■ Du groupe, il se séparait nettement » par une tradi- tion plus équilibrée, par son goût pour le dessin pur, aussi pour l'estampe lithographique, mais surtout par son imagination illimitément libre (2) ». On pourra vérifier ces différences, même dans la dernière période pictu- rale de Redon le rapprochement aurait dû, semble-t-il, très facile-

Frontispice pour Le Mouvement idéaliste en Peinture (Lithographie).

ment s'effectuer. Comme chez les Impressionnistes on constate bien une palette claire et joyeusement éclatante, mais l'artiste poursuit moins les vibrations de l'atmosphère lumineuse que l'assise d'une composition, le contraste des couleurs s harmonise par le moyen de gradations subtiles. Enfin et surtout, insoucieux de l'effet mobile et passager, si séduisant soit-il, c'est 1 essence même de la vie et comme une âme pro- fonde qu'il veut donner à ses ffeurs, d'un aspect absolument particulier.

(1) A. M, Gaz. des B.-A.. p. 154

(2) A. M., El. s. R., p. 42. Au sujet de l'Impressionnisme, voir : App., note 13.

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Cependant un dernier essor se produisit dans les arts plastiques, vers la fin du xix'' siècle. Très différent de ceux qui l'avaient précédé, il est loisible même de dire qu'il prenait comme point de départ des principes opposés. On le qualifia de Symbolisme ou Néo-Tradi- tionnisme. Malgré la défectuosité de telles dénominations, peut lui être appliquée encore celle dont, pour notre part personnelle, nous avons fait usage, de : Mouvement Idéaliste (I). « Il ne paraît point contestable que 1 œuvre de Redon n ait... aidé de jeunes artistes à s éclairer eux-mêmes sur leurs aspirations... Mais il ne fit pas partie effective de leur groupe, non plus, bien qu on 1 ait cru souvent à tort, de la petite phalange de la Rose-Croix (2). L'action exercée et l'ensei- gnement direct provinrent de la vue des peintures de Cézanne et de Van Gogh, comme aussi des théories de Gauguin. L'auteur de Dans le Rêve, par l'attraction émanée de sa personne et dans d'amicales conversations, a surtout rappelé d'une manière générale aux Maurice Denis, Sérusier, Bonnard, Vuillard, K.-X. Roussel, le souci éternel de 1 idéal et la haute mission qui incombe à tout véritable artiste (3). »

Or, de même que Redon ne peut être rangé dans les groupements plus ou moins exactement établis et catalogués, mais du moins reconnus, on ne saurait davantage le rapprocher de personnalités particulières telles que, par exemple : Puvis de Chavannes ou Carrière.

N est-ce point encore vainement qu'on essaya parfois d'apparenter son œuvre à diverses manifestations du fantastique à travers les âges ? Ainsi, prenez l'Art Chinois avec ses élucubrations bizarres et difformes, par ailleurs curieusement ornementales, d'esprit très éloigné de notre conception d occidentaux. Ou bien encore, plus près de nous, les cocas- series plaisantes, mais au fond bien peu terribles, des vieux maîtres flamands et hollandais. Quel rapport essentiel peut-on véritablement établir? Plus intéressante certainement serait à étudier l'assertion de M. Jules Destrée, lorsqu'il pense trouver quelque rapprochement avec 1 inspiration du moyen-âge, dont la foi profonde et l'imagination

(1) i^u sujet du Mouvement Idéaliste, voir : App.. note 14.

(2) Redon n'a cessé d'insister sur ce point : " Je n'ai jamais envoyé aux expositions de la Rose-Croix, c'est un fait certain. Et ce fut volontairement et consciemment ". Man. de R.

(3) A. M., Gaz. des B.-A.. p. 155.

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exaltée enfantèrent, dans la décoration sculptée des cathédrales, tout un monde étrange, grouillant d'une vie ardente et si expressive. Quant aux assimilations concernant Goya ou Gustave Doré, nous avons dit précédem- ment ce qu'il fallait en juger. Enfin les œuvres d une archéologie éru- dite, aux rutilances méticuleusement do- sées, de Gustave Mo- reau, ne sont point de nature comparable aux libres fantaisies de mythologie féerique, qu on rencontre en la dernière période de no- tre artiste. D'ailleurs, lorsque tous deux, et seulement vers la fin de leur vie, se connu- rent personnellement et se visitèrent, ils « causèrent non de théories ou de hautes spéculations, mais uni- quement des procédés de la peinture, tant ancienne que moderne (1) ».

Ainsi, le voit-on clairement : « C'est dans sa solitude qu'il faut admettre et comprendre Redon (2). »

Petit prélat ( Pointe sèche J .

Quelle peut-être dans l'avenir la place occupée par l'artiste ? Tout pronostic de rang déterminé et de dignité définitive demeure,

(1) A. M., Et. 5. R.. p. 38.

(2) A. M., Gaz. (/« B.-A.. p. 156.

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à ce sujet, oiseux autant que puéril. Ce que pensera et jugera la postérité c'est son secret. Mais encore, après l'émotion éprouvée par les contem- porains, les discussions soulevées, peut-être aussi les explications éluci- dantes que nous avons tenté de présenter... certains faits paraîtront- ils acquis (1).

Redon nous semble devoir être rangé dans la catégorie des esprits qu'on a dénommés : Mystiques.

« Qu'on nous entende bien toutefois, à propos de ce mot qui, pour les uns, possède une valeur strictement limitée à la sphère religieuse (2), tandis que pour les autres, il constitue une sonorité imprécise... et dont on abuse à tort et à travers. Au sens large nous voulons nous placer, il semble que le Mysticisme ne soit pas autre chose que le sentiment de l'Au delà, de l'incompréhensible, de l'infini. A ce point de vue, tout être humain paraît susceptible de partager, au moins à quelque degré, si infime soit-il, ce frisson intime et profond... La puissance de cette faculté quand elle s'élève au-dessus de la moyenne ordinaire, son impor- tance dans la formation de la personnalité, sa répercussion sur les manières d'être ainsi que les décisions dans la vie, voilà ce qui constitue le véritable mystique. Les caractéristiques en seront donc 1 intérêt porté au mystère en lui-même, l'inquiétude intense qui en résulte, la propension à s'en préoccuper avant tout. En revanche, plus l'esprit est vulgaire et étroitement borné aux représentations immédiates, qui lui sont davantage accessibles et il se complaît, moins il a le sentiment de l'infini recouvert pour lui d'un voile épais.

On peut juger par que les esprits réellement mystiques sont peu nombreux. Plus rares encore se comptent les artistes capables d avoir exprimé ces hautes aspirations. De telles envolées ne semblent appartenir qu'à des organisations particulières, dont l'audace choque et terrifie les mentalités ordinaires. Mais la réussite est éminemment ardue. En effet, la réalité objective bien observée et soigneusement reproduite donnera toujours des résultats appréciables. Par contre, si l'on tend au

(1) A. M., El. s. R., p. 46.

(2) A I égard du mysticisme religieux, on peut lire un livre récent de M''"^ Albert Farges ; Les Phénomènes mqsliques distingués de leurs contrefaçons humaines et diaboliques (Traité de Théologie mystique à Tusage </es Séminaires, du Clergé et des gens du Monde), Pans, 3, rue Bayard, 1920.

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Le Sphinx.

Collection Ani. de La Rochefoucauld.

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Mysticisme, surtout par le fantastique, qui est la transformation ultime et indéfinie que se permet un tempérament à l'égard des matérialités visibles, il n'existe point de milieu. Ou les œuvres produites sont élevées et vraiment impressionnantes, ou bien, demeurant froides et stériles conceptions, elles choquent et tombent au-dessous de la moyenne. C'est le domaine de l'art se peut le moins supporter le défaut d'inspi- ration et de sincérité.

A notre pensée, Redon est mystique au sens que nous venons de définir. En effet, son objectif supérieur et sans cesse poursuivi n'est-il pas de faire surgir l'inconnu vague que nous pressentons sous les aspects contingents, comme une énigme d'absolu résidant au fond de tout être et de toute chose. Ce fut le propre de l'artiste de s'exprimer en recourant à des moyens entièrement plastiques, c est-à-dire par l'emploi des formes, ainsi que 1 énergique puissance du clair-obscur et les innom- brables gammes diluées de la lumière (1).

Peut-être pensera-t-on aussi qu'en la fin de ce XIX*^ siècle, tourmentée « par la recherche des origines primaires, hantée par l'aspiration des perfectionnements futurs, faisant de ses vices une litière s'épanouit l'inguérissable souffrance cet homme s'est rencontré : Odilon Redon. Dans sa sérénité de penseur, dans son imagination d'artiste, dans ses secrètes douleurs, il a puisé les éléments d'une vision haute, qu'il a formulée sincèrement, sans théorie préconçue. Et si l'on recherche jamais dans 1 histoire plastique 1 image de cette époque inquiète et troublée... partagée entre la science et le mysticisme, ne pouvant pas plus nier les découvertes positives de l'une qu'étouffer l'ardente aspi- ration de l'autre, n'est-ce pas à l'œuvre d'un Redon qu'il faudra en demander, dans une synthèse d'art le symbole et l'expression (2) ».

Et sur lui la conclusion s'imposera que " comme tout véritable et profond artiste, il eut le don de retrouver l'Humanité à travers les formes de son époque. L'Humanité ! essence toujours la même sous le pro- téisme successif d aspects sans cesse diversifiés. Le problème qu'elle suscite peut sembler reculer plus loin ses données à chaque découverte conquise, mais il reste, au fond, identique dans son angoisse confuse

(1) A. M„ El. s. R.. p. 44 et suiv.

(2) A. M., Pré/. d'Exp. d'Od. R, 1894.

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et troublante. Vainement en la forêt épaisse et obscure de la Vie, des routes neuves sont inlassablement tentées vers la clairière lumineuse des conceptions définitives. Toujours, après l'implacable déception raillant les ambitions vaincues, et ravivant pourtant une inépuisable curiosité d'espoir, apparaît sur le ciel d'horizon, sombre et rayé de minces clartés, l'éternel Sphinx à la silhouette imposante et énigmatique. Sonder ce mystère, tout au moins l'éprouver et chercher à faire partager son émotion. Avoir la foi, l'audace et la force d'un tel but, malgré les incompréhensions et souvent les huées de la foule grossière, demeure certes l'apanage d'un petit nombre d'esprits d élite.

'I Quelle que soit la place réservée par l'avenir à l'œuvre d'Odilon Redon, ce fut le partage et nous dirons la gloire de l'artiste, d'avoir lui aussi essayé la grande tentative (I) ».

(I) A. M., El. s. R.. p. 46.

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Et dans le disque même du Soleil rayonne la face de Jésus-Christ... " (Lithographie.)

(Planche tiice de La Tenlalwn de Sainl-Anloine.)

Odilon Redon en 1894.

APPENDICE

(1) D'après les actes officiels, son prénom exact est : Bertrand, porté déjà par son père.

C'était une coutume dans la famille Redon que de donner aux enfants, lors de leur baptême, un autre nom que celui inscrit à l'état civil. Cette seconde appellation demeurait ensuite la seule usitée au cours de leur existence.

La mère de Redon, élevée dans une famille se retrouvait la même habitude, avait vu son prénom de Marie remplacé par celui d'Odile d'où fut emprunté Odilon, pour son second fils.

Au sujet de cette dernière, voici quelques renseignements plus détaillés, contenus dans un acte authentique :

D'après un : Extrait du Registre des Baptêmes des Blancs, Livre neuvième, page 153, n" 844 de l'Eglise Cathédrale et Paroissiale de la Nouvelle-Orléans (Etats-Unis d'Amérique, Louisiane), fut baptisée le 16 novembre 1820, Marie, fille légitime de Jean-Gabriel- Jérôme CuÉRlN et d'Antoi- nette ChapUS, natifs de France et résidant à la Nouvelle-Orléans. ' En ce qui concerne les enfants :

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L'aîné, Ernest, à la Louisiane, s'occupait de musique. Il liabita Bordeaux, il s'éteignit assez âgé.

Marie, restée jeune fille, mourut peu après 1870; ainsi que, vers la même époque, Léo, qui était médecin, et ne se maria point.

Le dernier, Gaston, ancien Prix de Rome, et architecte connu, ultime survivant de la famille, est décédé récemment en décembre 1921.

(2) Nous donnons, à titre d exemple, quelques pensées typiques de Clavaud dont Redon avait été particulièrement frappé et qu il avait transcrites, par habitude déjà de faire une sorte de journal des idées et des faits qui le frappaient au cours de sa vie :

« Le beau est l'évolution libre, aisée de la force (force considérée ici comme bienfaisante).

« Le laid est le triomphe de l'obstacle, ou le triomphe de la force malfaisante.

« Il y a l'élément statique et l'élément dynamique : la beauté peut être calme et représenter le repos ou bien représenter le mouvement et la vie.

« Si je dis que le beau est le libre essor de la vie, la définition n'est pas rigoureusement juste, parce que si je regarde un soleil couchant, une belle ligne de montagnes, ces objets ne sont pas vivants dans la parfaite acception du mot : le mot force convient mieux à la définition, le terme est plus général.

« Le sublime est une évolution de la force bienfaisante mêlée à lidée de réussite, de bien général, de justice.

L apothéose (ou faux sublime) est l'essor de la personne humaine dans un sens personnel, égoïste, limitée dans le moi : c'est du pur égoïsme.

« Le sublime est de I altruisme ; l'apothéose est le contraire.

" Il y a une subordination dans les divers modes de la beauté. Une œuvre d'art est d autant plus belle qu'elle a d'importance dans la durée et l'espace.

" La grâce est la beauté en mouvement. " Voir : Od. R., A S. M., p. 21.

(3) Nous avons retrouvé dans les manuscrits de Redon, les indications suivantes qu il avait groupées sous ce titre :

MES DIVERSES DEMEURES

72, rue d'Assas. en 1872. 104, id. nov. 1873.

Boulevard Montparnasse, nov. 1874. (Sans indication de numéro.) 76, rue de Rennes, juillet 1877.

Rue de Rennes, 1880-1887. (Sans indication de numéro.) 18, rue Saint-Romain, 1887-1890. 40. rue d'Assas, 1890. 27. rue de Fleurus. 1892. 10. rue du Regard, 1893-1896. 32. avenue Wagram, avril 1895. 129. id.

Redon installé en dernier lieu à cette adresse, mourut en 1916.

Certainement il serait intéressant d'écrire au sujet de l'artiste une étude équivalente à l'opuscule documentaire publié récemment par M.-C. PoiNSOT et G.-U. LanCî : L'is logis de Huysmans, Paiis, La Maison Française d'Art et d'Edition, 1919.

(4) PASSEPORT DÉLIVRÉ A REDON PAR LA PRÉFECTURE DE BORDEAUX, EN 1862

« Le s. Redon. Odilon-Jean-Bertrand, profession d'étudiant architecte... Agé de 22 ans. Taille d un mètre 73 centimètres. Front moyen. Sourcils noirs. Yeux hruns. Nez moyen. Barbe châtain. Menton rond. Visage ovale. 1 eint ordinaire. Signes particuliers néant. »

(3) M""' Faite avait eu de son premier mariage une fille : Camille, et un fils, brillant officier de marine, qui fut tué dans la défense des forts, au cours du siège de Paris.

Devenue veuve, elle eut d'un second mariage, une autre fille. Celle-ci, Juliette Dodu, fut connue par sa conduite héroïque, quand elle n'était que simple employée des Postes à Pithiviers, pendant la guerre de 1870. Deux distinctions, rares pour une femme : la Médaille militaire et la Légion d honneur récompensèrent son courage.

(6) Hennequin était un esprit intelligent, très cultivé, de tournure scientifique en même temps que littéraire. Il promettait beaucoup par la valeur de ses premières publications, lorsqu'il fut enlevé prématurément et d'une mort tragique. Pendant rété,'il était allé voir Redon, avec lequel il s'étai lié intimement, et alors en villégiature à Samois, non loin de Fontainebleau. Hennequin voulu se baigner dans la Seine, en des conditions imprévoyantes, et se noya sous les yeux mêmes de l'artiste, impuissant à le sauver malgré tous ses efforts.

Outre de nombreux articles écrits dans les journaux et les revues, il reste d'EMiLC Henne- quin, comme principaux ouvrages :

Traduction d'EoGAR PoE, Conte grotesques (avec une vignette par Odilon Redon), Paris, P. Ollendorff. 1882.

La Critique scientifique. Pans, Perrin et C''. 1888.

Ecrivains francises. Etudes de critique scientifique (Dickens, Heine, Tourguenef, Poe, Dostoiewski, Tolstoï), Paris, Perrin et C'', 1889.

(7) Comme marchands principaux s'étant occupé de Redon, nous devons citer : DuMONT, quai Malaquais d'abord, puis ensuite rue Laffitte, et qui, l'un des premiers, mit en vente des estampes de l'ariiste ; Van Gogh, frère du peintre, et directeur de la succursale de la Maison Goupil, boulevard des Italiens ; Vanier, quai Saint-Michel ; Bailly, à la librairie de I Art Indépendant ; Ambroise Vollard ; MM. DuRAND-RuEL; PelLET ; MoLINE. Plus tard : MM. BernhEIM frères, et tout notamment J. HessÈle.

En Angleterre : Gravel, et en Hollande : DebgIS.

(8) Au sujet de l'affection de Redon pour les oiseaux, voici une petite anecdote amusante. L'article ci-dessous (daté manuscritement : 4 janvier 1914), fut découpé dans un journal ou

une revue dont nous ignorons le titre, et remis à Redon :

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L'AMI DES OISEAUX

« Chaque jardin de Paris a son ornithophile ou, si Ton préfère une expression moins pédante et plus jolie : son ami des oiseaux. On connaît, aux Tuileries et au Luxembourg, maints donneurs de petites miettes. Et les moineaux, chers à Coppée, les connaissent mieux que nous.

" Le Parc Monceau a, lui aussi, son porteur de pain quotidien, chargé sans doute par l'Eternel de donner la pâture à qui vous savez. Les enfants l'appellent le " monsieur décoré " et accourent sitôt qu'ils voient son pardessus fleuri de rouge et sa cape marron.

« Ils Ignorent (et leurs gardiennes ne savent pas davantage) que le monsieur décoré, peintre charmant de fleurs de rêve, est M. Odilon Redon. '

Et l'artiste, avec cette pointe d'ironie malicieuse, dont il savait user finement à l'occasion, disait que, dans sa vie, beaucoup d'articles l'étaient venus contrister, quelques-uns le satisfaire un peu, mais que celui-là seul lui avait causé un plaisir sans mélange.

(9) Arl Redon était alors âgé de 25 ans. Il avait fait son service militaire dans la Section des ballons qu'organisait le colonel (depuis général) Hlrschauer. A l'égard de l'aéronautique, il possédait donc une instruction sérieuse et une réelle compétence. C'est dans cette arme que, parti sergent, dès le deuxième jour de la mobilisation, il fit toute la guerre, se distinguant en diverses occasions, et notamment dans les dures offensives allemandes de la première moitié de 1918. 11 revint indemne, avec le grade de sous-lieutenant.

(10) Au sujet de l'enseignement pratiqué par Gérôme, voici quelques détails complémentaires, et qui feront plus pleinement comprendre en quoi il devait fatalement répugner à toute nature spontanée et indépendante : " Gérôme engageait les jeunes gens à simplifier leur palette ; c était un avis excellent : une palette trop chargée est un bagage encombrant qui gêne 1 œil. Mais il leur pres- crivait aussi de faire leurs tons d avance et ceci était moins bon. C est devant le modèle que 1 artiste doit préparer ses tons, au moment même de les appliquer, sinon, il ne fait rien de sincère et de personnel. La peinture, selon les prescriptions de Gérôme, n est plus que 1 enluminure à la manière de I imagerie d Epinal.

" Dans le programme de travail hebdomadaire, figurait encore la confection d une esquisse que le patron corrigeait avec sa conscience habituelle. Le principe n était pas mauvais, puisqu il avait pour but d'habituer les élèves à composer un tableau. Cependant, dans la pratique, il n aboutissait qu'à donner naissance à une quantité de compositions conformes au goût du maître et dans lesquelles la recherche archéologique la plus puérile tenait une place prépondérante ". Georges RlviÈRE, Renoir et ses amis, Paris, H. Floury, 1921, p. 54.

(11) Nous n'avons certes point la capacité professionnelle et d ailleurs ce n'est pas Ici le heu, pour analyser l'œuvre d'Armand Clavaud.

Mais peut-être nous saura-t-on gré de donner le résumé de quelques recherches que nous avons effectuées sur ses travaux, à la Bibliothèque du Muséum, à Pans. Nous remercierons, à cette occasion, M. de Nussac, bibliothécaire, de ses obligeantes indications.

Et d abord, voici par l'un de ses confrères, le porlrait esquissé du savant lors de sa mort, survenue dans des conditions très tristes après une douloureuse maladie. " Nommé membre titulaire le 17 février 1875... la Société (Llnnéenne de Bordeaux) avait pu apprécier... les qualités brillantes de ce savant distingué.

" M. Clavaud était un travailleur infatigable, un observateur consommé, un homme d'un savoir sûr et étendu. Aussi était-il tout désigné comme titulaire de la chaire municipale de botanique...

" Il déploya dans cette fonction cette clarté, cette méthode et en même temps cet humour spécial qui rendait attrayants les sujets les plus arides...

" Botaniste par goût, il avait cette qualité maîtresse qui mène aux résultats féconds : je veux parler du feu sacré. Qui de nous ne l'a vu dans ses nombreuses communications à la Société, alors qu il s'enfonçait dans ces descriptions si sèches par elles-mêmes, s'animer, s'enflammer et faire vivre,

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SI )e puis ainsi dire, ce monde qu'il connaissait si bien. Ce n'étaient pas de simples et banales énumé- rations de caractères qu'il trouvait dans les grandes espèces végétales ; c'étaient en quelque sorte des attributs qui faisaient de chaque plante une personnalité vivante. Grâce à une méthode rigoureuse d'observation sagace. grâce à sa conception si originale de l'espèce, il était en train de renouveler la systématique botanique présentée le plus souvent dans un esprit suranné et absolument terre-à-terre.

' Sous un titre modeste, sa Flore Je la Gironde, produit de longues années de recherches... porte le cachet d'un esprit véritablement supérieur. Ce n'est pas, comme on pourrait s'y attendre, une courte énumération des plantes rencontrées dans le département, mais bien une revision d'un ordre bien plus élevé de la plupart des familles végétales indigènes.

"Son œuvre avançait... Dans nos dernières séances, il nous faisait part de ses recherches sur un des genres les plus difficiles à étudier du règne végétal, le genre Callilrkhe, et nous apportait à l'appui de ses observations, une quantité de planches dessinées par lui-même avec ce soin méticuleux d'anatomiste, cette habileté consommée d'artiste, qui en font de véritables chefs-d'œuvre. Tout nous faisait prévoir également un travail important sur les Rubus.

Malheureusement, la mort a tout fauché... ». Acles de la Société Linnéenne de Bordeaux. Vol. XLIV, 5'' série, t. IV, 1890. Bordeaux, J. Durand, 1890. Extraits de Procès-verhaux des séances de la Société... (Séance du 3 décembre 1890). Discours prononcé aux obsèques de M. Clavaud par le Président de la Société, le 4 décembre 1890.

L'ouvrage principal auquel il est fait allusion fut publié comme suit : Flore de la Gironde, \" fascicule, Thalamiffores. Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, vol. XXXV, 4'' série, t. V, Bordeaux, Imp. Durand, 1881, p. 121 à 226, planches à la suite. 2""^ fascicule, Cu/iciT/orcs (1'^' partie).

D'°, 1884, p. 461 à 583, avec 4 planches. Il a été fait également un petit nombre de tirages à part.

On retrouvera dans les Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, de très nombreuses commu- nications de Clavaud sur des sujets divers.

(12) Les véritables créateurs de la Tératologie comme partie spéciale de la science sont les Geoffroy Saint-Hilaire, qui lui ont consacré de nombreux travaux pendant la première partie du Xix" siècle.

Voir notamment : Et. Geoffroy Saint-Hilaire, Philosophie anatomique, t. II, Des monstruosités humaines. Pans, 1822. Id., Considérations générales sur les monstres. Dictionnaire classique d Histoire naturelle, 1826.

Et : Isidore Geoffroy Saint-Hii^IRE, Histoire générale et particulière des .Anomalies de l'orga- nisation chez l'homme et chez les animaux... ou Traité de la Tératologie. Pans. J.-B. Baillière, t. I, 1832.

T. II et III, 1336. avec atlas.

On consultera utilement un livre paru au cours de ces dernières années : E. Rabaud (Encyclo- pédie scienli/ique), La Tératogénèse, Pans, .4. Doin & fils, 1914. A la fin du volume, un abondant Index bibliographique mentionne les principaux auteurs qui se sont occupés de la matière.

('3) Nous avons jadis essayé une définition de I Impressionnisme, laquelle, si on la considère comme acceptable, fera ressortir la séparation bien marquée avec les tendances et l'art de Redon : <i ]J Impressionnisme nous paraît : la revendication de la libre personnalité de l'artiste en dehors de tout contrôle académique, par un groupe de peintres contemporains, dont la plupart se filient à l'école des Paysagistes, dite de 1830... avec l'apport particulier de recherche d'effets plus lumineux et l'emploi d'une technique appropriée par l'usage d'une palette de couleurs pures et la division des tons. » A. M., L'Exp. de 1900 et llmp., op. cit., p. 3.

A tenir compte également de la définition d'ordre plus philosophique, due à un critique très compétent : " L'Impressionnisme, dans les œuvres qui le représentent le mieux, c'est une peinture qui va vers le phénomène, vers l'apparition et la signification des choses dans 1 espace et qui veut faire tenir la synthèse de ces choses dans l'apparition d'un moment. ' G. GefFROY, La Vie Artistique, Paris, Denlu, 1894, troisième série. Histoire de TImpressionisme, p. 8.

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(14) " Comment définjrons-nous le Mouvement Idéaliste?

La tendance d'artistes cherchant à échapper à la contingence par l'inspiration et le mode d'expression. En d'autres termes : tandis que le rénlisle prend pour but final de reproduire la nature dans la sensation directe qu elle fait éprouver, 1 idéaliste ne veut y voir que le point de départ éloigné de son œuvre. Tout réside pour lui dans la transformation cérébrale, entièrement subjective, que lui fait subir notre esprit. Il ne s'agit plus de sensation, c'est-à-dire de la chose perçue indépendamment de la volonté, mais de Vidée que nous en dégageons, pur concept que l'artiste cherchera à exprimer uniquement, sans se préoccuper des exactes objectivités qui en ont été la cause.

L'oeuvre d'art actuelle, a dit M. G.-Albert Aurier, critique autorisé (Le Symbolisme en peinture, Paul Gauguin, article paru dans le Mercure de France, de mars 18''l), devra être :

" Idéiste, puisque son idéal unique sera l'expression de l'idée;

« 2" Symboliste, puisqu'elle exprimera cette idée par des formes ;

" Synthétique, puisqu'elle écrira ces formes, ces signes, selon un mode de compréhension générale ;

Subjeclii'e, puisque l'objet n'y sera point considéré en tant qu'objet, mais en tant que signe d'idée perçu par le sujet ;

' (C'est une conséquence) Décoratiie... "

L écrivain ajoute encore à ces qualités, pour que l'artiste soit complet : « Le don d'Emotivité, non point certes cette émotivité que sent tout homme devant les illusoires combinaisons passionnelles des êtres et des objets... mais cette transcendantale émotivité, si grande et précieuse qui fait frissonner l'âme devant le drame ondoyant des abstractions ■'.

Nous voici en présence d'un programme idéaliste bien différent du réalisme ». AndrÉ Mellerio, Le Mouvement Idéaliste en peinture, H. Floury, Paris, 1896, p. 9 et 10.

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CATALOGUE

DE L'ŒUVRE GRAVÉ ET LITHOGRAPHIE D'ODILON REDON

CATALOGUE

DE L'ŒUVRE GRAVÉ ET LITHOGRAPHIE D'ODILON REDON

Nous donnons la dimension des estampes en millimètres et par des chiffres tenant uniquement compte de la partie recouverte par le dessin. Le premier indique la Hauteur ; le second la Largeur.

L artiste signe habituellement : Odilon Redon, mais cette inscription est manus- crite et tracée au crayon sur les exemplaires après l'impression effectuée, sauf rares exceptions.

Outre le tirage officiel, il faut tenir compte de deux exemplaires exigés par le dépôt légal et de deux autres attribués par les Imprimeurs à la collection de leur maison. Pour chaque planche enfin, la moyenne habituelle des essais avant lettre monte de quatre à sept épreuves.

L'ŒUVRE GRAVE

1. CH.4PELLE DES PYRÉNÉES

(H. 060, L. 140). Eau-forte. Tirage à 3 épreuves effectué à Bordeaux (?). Cuivre perdu. [Vers 1861]

2. LE GUÉ (avec petits cavaliers) (H. 1 35, L. 180). Eau-forte. Tirage à 15 ou 20 épreuves effectué à Bordeaux ; et à Paris, chez Delâtre. Cuivre perdu. [1865]

3. LES DEUX PETITS CAV.4LIERS (H. 100, L. 080). Eau-forte. Tirage à quelques épreuves effectué à Pans. [1865]

4. LUTTE DE CAVALIERS (H. 083, L. 120). Eau-forte. Tirage à 30 épreuves effectué à Paris. |1865]

5. BATAILLE (H. 058. L. 132). Eau- forte. Tirage à 23 épreuves effectué à Paris. [1865]

6. LA PEUR (H. 1 12. L. 200). Eau-forte. Tirage à 30 épreuves effectué à Pans. [1865]

7. CAVALIER DANS L'ATTENTE (H. 085. L. 110). Eau-forte. Tirage d essai à 3 épreuves effectué à Bordeaux. Cuivre effacé. [1866]

8. CAVALIER D.4NS LES MON- T AGNES (H. 085, L. 113). Eau-forte. Tirage d'essai à 3 épreuves effectué à Bordeaux. Cuivre effacé. [1866]

9. CAVALIER SOUS UN CIEL D'ORAGE (H. 056. L. 140). Eau-forte. Tirage d essai de quelques épreuves effectué à Bordeaux. Cuivre effacé. [1866]

10. CAVALIER GALOPANT (H. 065. L. 135). Eau-forte. Tirage d'essai à 3 épreuves effectué à Bordeaux. Cuivre effacé. [Vers 1866]

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11. PAYSAGE DE MONTAGNES (H. 040, L. 105). Eau-forte. Tirage d'essai à 3 épreuves effectué à Bordeaux. Cuivre effacé. [Vers 1866]

12. SAINT-JEAN-PfED-DE-PORT (H. 110, L. 200). Eau-forte. Tirage à 4 épreuves effectué à Bordeaux. Cuivre effacé. (1866]

13. CROQUIS (H. 120, L. 095). Eau- forte. Tirage effectué à Paris, dont épreuve unique dans la collection Redon, [antérieurement à 1870]

14. DAVID (H. 095, L. 055). Eau-forte. Tirage effectué à Paris dont 3 épreuves dans la collection Redon. Cuivre effacé. [Vers 1880]

15. TOBIE (H. 155, L. 120). Eau-forte. Tirage effectué à Paris, dont 3 épreuves dans la collection Redon. Cuivre effacé. [Vers 1880]

16. VISION DE RÊVE (H. 090, L. 105). Eau-forte. Tirage effectué à Paris, dont 2 ou 3 épreuves dans la collection Redon. [Vers 1880]

\7. MAUVAISE GLOIRE (H. 093, L. 050). Eau-forte. Tirage à 20 épreuves effectué à Paris. [1886]

18. GAIN ET ABEL (H. 175, L. 119). Eau-forte. Tirage à 20 épreuves effectué à Paris. [1886]

19. PETIT PRÉLAT (H. 085, L. 046). Pointe sèche. Tirage à 30 épreuves effectué à Paris. [1888]

20. PERVERSITÉ (H. 160. L. 126). Eau-forte. Tirage à 30 épreuves effectué à Paris. [1891]

21. PASSAGE D'UNE AME (H. 034, L. 053). Eau-forte. Frontispice pour un volume de : Adrien Remâcle. La Pas- sante, roman d'une âme. Pans. Biblio- thèque artistique et littéraire, 1892. Tome XII. Tirage à 420 exemplaires (dont 400 sur Hollande et 20 sur Japon Impérial). Il existe quelques épreuves à part du frontispice sur grand papier. Tirage effectué à Paris. [1891]

22. PRINCESSE MALEINE (connue aussi sous ce titre : La petite Madone) (H. 119, L. 064). Eau-forte. Tirage à 8 épreuves effectué à Paris. [1892]

23. ÉNIGME (H. 085, L. 082). Pointe sèche. Tirage effectué à Paris, dont 1 épreuve dans la collection Redon. [1892]

24. LE LIVRE (connue aussi sous le titre de : Sainte-Thérèse) (H. 120, L. 083). Pointe sèche. Tirage à 20 épreuves effectué à Paris. [1892]

25. SCI APODE (H. 190, L. 140). Eau- forte. Quelques épreuves tirées jadis à Pans. Depuis 1912, la planche a été rachetée par Artz et Debois, éditeurs à La Haye, qui ont publié un tirage à 39 exemplaires. Le cuivre est mainte- nant au Cabinet des Estampes d Ams- terdam. [1892]

25 /./.s. EX-LIBRIS (H. 128, L. 088). Eau-forte. Premier tirage effectué à Pans vers 1893, dont 1 épreuve dans la collection Redon. Depuis, le cuivre retravaillé par Redon a servi de frontis- pice pour : André Mellerio. Odilon Redon. Société pour l'Etude de la Gra- vure Française, Paris 1913. Tirage effectué à Pans, par A. Porcabeuf, à 550 exemplaires uniquement réservés à l'ouvrage indiqué. [1913]

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L'ŒUVRE LITHOGRAPHIE

DANS LE RÊVE. Dix lithographies et un frontispice. Album tiré à 25 exemplaires. Format demi-colombier. Planches sur Chine appliqué et une cou- verture, imprimées par Lemercier et C'', à Paris. Pierres effacées. [1879]

26. Couverture-frontispice (H. 302, L. 223).

27. I. Éclosion (H. 328, L. 257).

28. il. Germirtalion (H. 273, L. 194).

29. III. La Roue {H. 232. L. 196).

30. IV. Limbes (H. 307, L. 223).

31. V. Le Joueur (H. 270, L. 193).

32. VI. Gnome (H. 272, L. 220).

33. VII. Félinerie (H. 268, L. 203).

34. VIII. Visior, (H. 274. L. 198).

35. IX. Triste montée (H. 267. L. 200).

36. X. Sur la coupe (H. 244. L. 160).

A EDGAR POE. Six lithographies et un frontispice. Album tiré à 50 exemplaires. Format quart grand-colombier. Planches sur Chine appliqué et une couverture, imprimées par Lemercier et C'^, à Pans. Pierres effacées. [1882]

37. Couverture-frontispice. Recto (H. 322, L. 322). Verso (H. 165, L. 115).

38. I. L'Œil, comme un ballon bizarre se dirige vers l'infini (H. 262, L. 198).

39. II. Devant le noir soleil de la mélan- colie, Lénor apparaît (H. 168. L. 127).

40. III. Un masque sonne le glas funèbre (H. 158, L. 219).

41. IV. A l'horizon, l'ange des certitudes, et, dans le ciel sorribre, un regard interro- gateur (H. 272. L. 208).

42. V. Le souffle qui conduit les êtres est aussi dans les sphères (H. 273. L. 209).

43. VI. La Folie (H. 145. L. 200).

LES ORIGINES. Huit lithographies et un frontispice. Album tiré à 25 exem- plaires. Format demi-jésus. Planches sur Chine appliqué et une couverture, imprimées par Lemercier et C'*^, à Pans. Pierres effacées. [1883]

44. Couverture-frontispice (H. 305. L. 225).

45. I. Quand s'éveillait la vie au fond de la matière obscure (H. 275. L. 203).

46. II. // y eut peut-être une vision pre- mière essayée dans la fleur (H. 223,

L. 172).

47. III. Le Polype difforme flottait sur les rivages, sorte de cqclope souriant et

hideux (H. 213. L. 200).

48. IV. La Sirène sortit des flots, vêtue de dards (H. 300. L. 235).

49. V. Le Satyre au cynique sourire (H. 240.

L. 207).

50. VI. // y eut des luttes et de vaines victoires (H. 289, L. 222).

51. VII. L'Aile impuissante n'éleva point la bête en ces noirs espaces (H. 295, L. 220).

52. Vlll. Et l'homme parut, interrogeant le sol doit il sort et qui l'attire, il se fraya la voie vers de sombres clartés (H. 280, L. 204).

53. CENTAURE VISANT LES NUES (H. 298, L. 256). Pièce d'essai, n'ayant point figuré dans l'Album précédent. Reprise ultérieurement par Redon, elle devint l'estampe que nous décrivons ci-après sous le N" 133.

HOMMAGE A GOYA. Six lithographies. Album tiré à 50 exemplaires. Format quart grand-colombier. Planches sur Chine appliqué, imprimées par Lemer- cier et C'*-', à Paris. Pierres effacées. [1885]

i8i -

54. I. Dans mon rêve, je vis au ciel, un visage de mystère (H. 291, L. 238).

55. II. La Fleur du marécage, une tête humaine et triste (H. 275. L. 205).

56. III. Un Fou dans un morne paysage (H. 226. L. 193).

57. IV. // y eut aussi des êtres embryon- naires (H. 238. L. 197).

58. V. Un étrange Jongleur {H. 199. L. 190).

59. VI. Au réveil, j'aperçus la déesse de l'Intelligible au profil sévère et dur (H. 276. L. 217).

60. L ŒUF. Pièce d'essai non mise dans l'Album précédent.

61. PROFIL DE LUMIÈRE (H. 340. L. 242). [1888]. Tirage à 50 exemplaire^ sur Chine appliqué, par Lemercier et C'^. à Pans. Format demi-colombier. Pierre effacée.

LA NUIT. Dix dessins lithographiques. Album tiré à 50 exemplaires. Format quart grand-colombier. Planches sur Chine appliqué imprimées par Lemercier et C''. à Paris. Pierres effacées. [1886]

62. I. A la Vieillesse (H. 245. L. 183).

63. II. L'Homme fut solitaire dans un paysage de nuit (H. 293. L. 220).

64. III. L'.4nge perdu ouvrit alors ses ailes noires (H. 258, L. 215).

65. IV. La Chimère regarda avec effroi toutes choses (H. 250. L. 185).

66. V. Les Prêtresses furent en attente (H. 287, L. 212).

67. VI. Et le Chercheur était à la recherche infime (H. 276, L. 181).

es. BRÏINNHILDE (H. 118, L. 100). (1886] Planche hors texte pour la Revue wagnérienne. VII. 8 août 1886. Impression à 300 exemplaires sur Chine appliqué par Lemercier et C'** à Paris. Epuisé. Quelques épreuves sur Japon et d'autres sur papier blanc.

69. CIME NOIRE (H. 170, L. 090). [1887]. Planche hors texte pour la Revue indépendante. 6. Avril 1887. Edition de luxe. Tirage à 100 exemplaires sur Japon et 400 sur Chine appliqué, par Lemercier et C'^, à Pans. Pierre effacée.

70. JEUNE FILLE (H. 300. L. 224). [1887]. Tirage à 25 exemplaires sur Chine appliqué. Impression par Lemer- cier et C'*". à Pans. Format demi-colom- bier. Pierre effacée.

71. CHRIST (H. 330. L. 270). [1887] Tirage à 25 exemplaires sur Chine appliqué par Lemercier et C'', à Pans. Format demi-colombier. Epuisé

72. ARAIGNÉE {H. 260, L. 215). [1887] Tirage à 25 exemplaires sur Chine appliqué, par Lemercier et C''\ à Pans. Format demi-colombier. Epuisé.

73. MENU POUR LE DINER DES LITHOGRAPHES FRANÇAIS DU l'"'- AVRIL 1887. (H. 050, L. 118). [1887] Tirage sur Japon à quelques rares exemplaires par Lemercier et C®, à Pans.

74. L'IDOLE (H. 162, L. 094). [1887] Frontispice pour : Emile Verhaeren. Les Soirs. Bruxelles. Deman, 1888. Tirage à 56 exemplaires sur Chine appliqué par Becquet, à Pans. Pierre barrée.

LE JURE. Sept interprétations originales par Odilon Redon pour : Edmond Picard. Le Juré. Monodrame en cinq actes. Bruxelles. Veuve Monnom. 1886. Tirage à 100 exemplaires sur Japon dans le texte et 20 sur Chine appliqué hors texte. Impression par Becquet. à Paris. Les 20 exemplaires hors texte sur Chine ont été publiés sous couverture en forme d'Album et selon les indi- cations ci-après données. [1887[

182

75. I. Un homme du peuple, un sauvage. (H. 183. L. 136.

76. II. Dans le dédale des branches la blême figure apparaissait... (H. 135, L. 098). Signé en bas, à droite Odilon Redon.

77. III. Une cloche battait dans la tour... (H. 205, L. 154). Signé en bas, à droite : Odilon Redon.

78. IV. Par la fente du mur, une tête de mort fut projetée (H. 180, L. 151).

79. V. N y a-t-il pas un monde invisible... (H. 218, L. 169).

80. VI. Dramatique et grandiose avec sa figure de prêtresse druidique... (H. 192, L. 143).

81. VII. Le rêve s'achève par la mort (H. 238, L. 1 87). Signé en haut, à droite : Odilon Redon.

N.-B. Le portrait de Redon par lui- même (H. 112, L. 190) annexé à l'illus- tration n est pas une lithographie ori- ginale, mais une reproduction sur cuivre par le procédé d Evely, d un croquis sommaire de 1 artiste. Il existe quelques épreuves en noir et un très petit nombre en sanguine ou en bleu de Prusse.

82. DES ESSEINTES (H. 129. L. 092). [1888] Frontispice hors texte pouvant être joint au volume de J.-K. HuYSMANS : A rebours. Tirage à 50 exemplaires sur Chine appliqué par Becquet, à Pans.

TENTATION DE SAINT-ANTOINE. Première série. Texte de Gustave Flau- bert. Dix lithographies et un frontis- pice. Paru à Bruxelles, chez Deman. [1888] Tirage à 60 exemplaires (en réa- lité 58 seulement) sur Chine appliqué par Becquet, à Pans. Format quart grand-colombier, il a été tiré aussi quelques épreuves d'essai sans lettre, format demi-colombier.

83. Couverture-frontispice (H. 198, L. 140).

84. I. D abord une flaque d'eau, ensuite une prostituée, le coin d'un temple, une figure de soldat, un char avec deux chevaux blancs qui se cabrent (H. 291, L. 208).

85. II. C'est le diable, portant sous ses deux ailes les sept péchés capitaux... (H. 254, L. 200).

86. III. ...Et un grand oiseau qui descend du ciel, vient s'abattre sur le sommet de sa chevelure... {H. 190, L. 160).

87. IV. // hausse le Da.se d'airain (H. 274 L. 196).

88. V. Ensuite parait un être singulier, ayant une tête d'homme sur un corps de poisson (H. 275, L. 170).

89. Vi. C est une tête de mort, avec une couronne de roses, elle domine un torse de femme d une blancheur nacrée (H. 296,

L. 213).

90. VII. La Chimère aux yeux verts tour- noie, aboie (H. 275, L. 160).

91 . VIII. Et toutes sortes de bêtes e0royables surgissent (H. 312, L. 224).

92. IX. Partout des prunelles flamboient (H. 204. L. 158).

93. A. ...Et dans le disque même du soleil rayonne la face de Jésus-Christ (H. 282, L. 230).

A GUSTAVE FLAUBERT. Deuxième série de la Tentation de Saint-Antoine. Six lithographies et un frontispice. [1889] Tirage à 60 exemplaires sur Chine appliqué par Becquet, à Paris. Format demi-jésus.

94. Frontispice (H. 258, L. 203).

95. I. Saint-Antoine... A travers ses longs cheveux qui lui couvraient la figure, j'ai cru recormaitre Ammonaria (H. 287,

L. 232).

96. II. ...Une longue chrysalide couleur de sang (H. 220, L. 185).

97. III. La Mort : Mon ironie dépasse toutes les autres (H. 262, L. 197).

- 183

98. IV. Saint-Antoine : Il doit y avoir quelque part des figures primordiales dont les corps ne sont que les images (H. 170. L. 124).

99. V. Le Sphinx : ...Mon regard que rien ne peut dévier, demeure tendu à travers les choses sur un horizon inacces- sible. La Chimère : Moi, je suis légère et joyeuse (H. 282, L. 202).

100. VI. Les Sciapodes : La tête le plus bas possible, c'est le secret du bonheur (H. 277. L. 210).

101. LES DÉB.4CLES (H. 149. L. 097). [1889] Frontispice pour : Emile Ver- HAEREN. Les Débâcles. Bruxelles, Deman, 1889. Il ne se trouve que dans 52 exem- plaires. Tiré sur Chine appliqué par Becquet. à Pans. Si^né en bas. à gauche : Odilon Redon. Pierre efïacée.

102. PÉGASE CAPTIF: \''' État (H. 340. L. 293). [1889] Tirage marqué à 100 exemplaires (mais dont 25 tout au plus virent le jour) par Becquet. à Pans. Format demi-colombier.

D'<=: 2'' État (H. 340. L. 293). La pierre précédente fut. quelques anées après, reprise et retouchée par Redon. Le tirage marqué à 100 exemplaires, na pas été atteint. Pierre effacée.

103. EL MOGHREB-AL-AKSA (H. 243. L. 185). [1889] Frontispice pour : Edmond PiCARD. El Moghreb-al-Aksa. Larcier, Bruxelles. 1889. Tirage à 205 exemplaires sur Chine appliqué par Becquet. à Pans. Pierre efïacée.

104. LA DAMNATION DE L'ARTISTE (H. 190. L. 125). [1889] Frontispice pour : Iwan GlLKIN La Damnation de l'Artiste, Bruxelles, Deman. 1890. Tirage à 152 exemplaires sur Chine appliqué par Becquet. à Paris. Pierre effacée.

105. LES CHIMÈRES (H. 140. L. 097). [1889] Frontispice pour : Jules Des- TRÉE. Les Chimères, Bruxelles. Monnom, 1889. Tirage à 120 exemplaires (dont 105 sur Chine appliqué et 15 sur papier teinté) par Becquet. à Pans. Pierre effacée.

106 LES FLAMBEAUX NOIRS {H. \7i, L. 121). [1890] Frontispice pour : Emile Verhaeren. Les Flambeaux noirs, Bruxelles. Deman. 1891. Tirage pour 52 exemplaires seulement sur Chine appliqué par Becquet, à Pans. Pierre effacée.

107. YEUX CLOS (H. 312. L. 242). [1890] Imprimé sur Chine appliqué par Becquet. à Pans. Format demi-colom- bier. 11 a été fait deux tirages : le premier porte la mention suivante, en bas. à droite : 50 exemplaires et le second : Yeux clos, 2'' tirage à 50 exemplaires. Pierre effacée. Il a été tiré en outre de très rares estampes où, la bande de terrain ayant été supprimée, il ne reste que le buste de femme Impression à l'encre légèrement teintée de vert.

108. SERPENT-AURÉOLE (H. 302. L. 226). [1890] Tirage à 50 exemplaires sur Chine appliqué par Becquet. à Pans. Format demi-colombier. Pierre effacée.

109. SAINTE ET CH.ARDON (H. 285, L. 207). [1891] Tirage à 50 exemplaires sur Chine appliqué par Becquet. à Paris. Format demi-colombier Pierre effacée.

SONGES (.4 la mémoire de mon ami Armand Clavaud). Six lithographies. [1891] .Mbum tiré à 80 exemplaires sur Chine appliqué par Becquet, à Paris. Format quart grand-colombier. Il a été fait en outre un rarissime tirage de l'Album sur Chine volant. Pierres effa-

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110. I. C'était un voile, une empreinte (H. 188, L. 133).

111. II. Et là-has l'Idole astrale, l'apo- théose (H. 277. L 192).

112. III. Lueur précaire, une tête à l'infini suspendue (H. 275, L 208).

113. IV. Sous l'aile d'ombre, l'Etre noir appliquait une active morsure (H. 225, L. 172).

114. V. Pèlerin du monde suhlunaire (H. 275. L. 205).

115. VI. Le Jour (H. 210, L. 158).

1 16. PARSIFAL (H. 322, L. 242). [1892] Tirage à 50 exemplaires sur Chine appliqué par Becquet, à Pans. Format demi grand-colombier. Pierre effacée.

117. DRUIDESSE{H.230, L. 200). [18921 Tirage à 50 exemplaires sur Chine appliqué par Becquet. à Paris. Format demi grand-colombier. Pierre effacée.

118. ENTRETIEN MYSTIQUE (H. 134, L. 098). [1892] Tirage à 50 exemplaires sur Chine appliqué par Becquet, à Pans. Format quart grand-colombier. Signé au bas, à gauche : Odilon Redon. La signature apparaît retournée. Pierre effacée.

119. LE LI.SEUR (H. 310, L. 236). [1892] Tirage à 50 exemplaires sur Chine appliqué par Becquet. à Pans. Format demi grand-colombier. Pierre effacée.

120. .4RRRE (H. 480, L. 320). [1892] Tirage à 25 exemplaires sur Chine appliqué par Becquet, à Pans. Format demi grand-colombier. Pierre effacée.

121. LES TÉNÈBRES (H. 198, L. 123). [1892] Frontispice pour : Iwan GlI.KIN. Les Ténèbres. Tirage sur Chine appliqué par Becquet, à Paris. Il existe aussi

quelques épreuves d'essai en dehors du livre, également sur Chine appliqué. Pierre effacée.

122. L'AILE (H. 319. L. 245). [1893] Tirage à 25 exemplaires sur Chine appliqué par Becquet, à Pans. Format demi grand-colombier. Signé en bas, à droite : Odilon Redon. Pierre effacée.

123. LUMIÈRE (H. 302, L. 272). [1893] Tirage à 50 exemplaires sur Chine appliqué par Becquet, à Pans. Format demi grand-colombier. Pierre effacée.

124. CHEVALERIES SENTIMEN- TALES (H. 138, L. 083). [1893] Tirage pour : F. Herold. Chevaleries senti- mentales, sur Chine appliqué par Bec- quet, à Pans. Signé en haut, à gauche, du monogramme enlacé : 0. R. Quelques épreuves d'essai sur Chine appliqué quart grand-colombier ont été tirées avant lettre. Pierre effacée.

125. MON ENFANT (H. 230, L. 217).

[1893] Tirage à quelques exemplaires sur Chine appliqué par Becquet, à Pans. Format demi grand-colombier. Pièce non mise dans le commerce et réservée par l'artiste seulement pour ses intimes. Au bas du dessin sont lithographiées en cursive les deux mentions suivantes : à gauche, 25 exemplaires ; à droite, d'après mon enfant. Pierre effacée.

126. CELLULE AURICULAIRE (H.im. L. 250). [1894] Tirage à 100 exemplaires sur Chine appliqué par Ancourt, à Pans. Format demi grand-colombier. Cette lithographie a fait partie de : L'Estampe originale, publication fondée et dirigée par André Marty. Pierre effacée.

127. CHEVAL AILÉ (H. 158. L. 118). [1894] Tirage sur Chine appliqué par Becquet. à Paris. Pièce publiée par la Revue Blanche. Pierre effacée.

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128. HANTISE (H. 361, L. 229) (V' et

2'^ états). [1894] Quelques explications relativement à cette pièce sont nécessaires.

Premier état. Redon avait dessiné une sorte de Marguerite de Faust, marchant comme hypnotisée par Méphisto qu on apercevait derrière elle, la poussant en avant. Mais une retouche projetée après désencrage de la pierre n'ayant pas réussi, l'estampe qui s'annonçait comme une des plus belles de l'artiste, fut pro- fondément modifiée dans le sens indiqué ci-après. Rarissimes épreuves imprimées directement sur le papier.

Deuxième état. Sur un fond très opaque une femme s'avance, vue de profil, et semblant écouter les inspirations de trois larves bizarres. Tirage à 23 épreuves sur Chine appliqué par Monrocq, à Paris. Format demi grand-colombier. Pierre effacée.

129. LE COURSIER (H. 215, L. 188). [1894] Tirage à 25 exemplaires sur Chine appliqué par Monrocq, à Pans. Format demi grand-colombier. Pierre effacée.

130. BRUNNHILDE {CRÉPUSCULE DES DIEUX) (H. 380, L. 292). [1894] Tirage à 80 exemplaires sur Chine appliqué par Monrocq, à Pans. Format demi grand-colombier. Pierre effacée.

131. L'ART CÉLESTE (H. 315. L. 258). [1894] Tirage à 50 exemplaires sur Chine appliqué par Furstein, à Pans. Format demi grand-colombier. Il a été tiré aussi quelques très rares exemplaires datis les conditions suivantes : toute la moitié de gauche en longueur de 1 es- tampe, partie se trouve I ange musi- cien, a été supprimée. Il reste : Tête d'homme écoulant (H. 315, L. 136). Pierre effacée.

132. LE BUDDHA (H. 324, L. 249). [1895]. Tirage à 100 exemplaires sur

Chine appliqué par Clôt, à Pans. Format demi grand-colombier. Cette pièce fait partie de l'Estampe originale, publi- cation fondée et dirigée par André Marty. Pierre effacée.

133. CENTAURE VISANT LES NUES (H. 314, L. 250). [1893] Tirage à 50 exemplaires sur Chine appliqué par Clôt, à Paris. Format demi grand-colom- bier. Quelques rares exemplaires avant lettre sur Chine appliqué sont teintés monochromes : soit vert, soit rouge un peu groseille. Pierre effacée.

TENTATION DE SAINT-ANTOINE. Troisième série. Texte de Gustave Flaubert, 24 dessins sur pierre dont un frontispice. [1896] Tirage à 50 exem- plaires sur Chine appliqué (sauf le frontispice sur papier du Japon) partie par Clôt et partie par Blanchard, à Pans. L'Album est contenu sous cartonnage grenat portant en lettres dorées : Tenta- tion de Saint-Antoine, 1896. Vollard qui en fut l'éditeur, a effectué également un tirage sur Hollande, destiné à illustrer une édition éventuelle du livre.

134. I. Frontispice (H. 240, L. 165). Imprimé monochrome sur papier du Japon par Clôt. Il n'y a pas deux épreu- ves exactement semblables.

135. II. Saint- Antoine : Au secours mon Dieu! (H. 215, L. 130). Imprimé par Blanchard.

136. III. Et partout ce sont des colonnes de basalte... la lumière tombe des voûtes (H. 243, L. 090). Imprimé par Clôt.

137. IV. Mes baisers ont le goût d'un fruit qui se fondrait dans ton cœur:... Tu me dédaignes ! Adieu ! (H. 203. L. 166). Imprimé par Blanchard.

138. V. Des fleurs tombent, et la tête d'un python paraît (H. 260, L. 198). Imprimé par Blanchard.

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139. VI. Dans l'omhre des gens pleurent et prient entourés d'autres qui les exhortent... (H. 265. L. 216). Imprimé par Blanchard.

140. VII. ...Et il distingue une plaine aride et mamelonneuse (H. 248, L. 195). Imprimé par Blanchard.

141. VIII. Elle tire de sa poitrine une éponge toute noire, la couvre de baisers (H. 193, L. 133). Imprimé par Clôt.

142. IX. ...Je me suis enfoncé dans la soli- tude. J'habitais l'arbre derrière moi (H. 300, L. 223). Imprimé par Blan- chard.

143. X. Hélène (Ennoia) (H. 095. L. 085), Imprimé par Blanchard.

144. XI. Immédiatement surgissent trois déesses (H. 170, L 133). Imprimé par Blanchard.

145. XII. L'Intelligence fut à moi. je devins le Buddha (H. 320. L. 220). Imprimé par Blanchard.

146. XIII. ...Et que des yeux sans tête flottaient comme des mollusques (H. 310, L. 224). Imprimé par Blanchard.

147. XIV. Oannès : Moi, la première conscience du chaos, fai surgi de l abîme pour durcir la matière, pour régler les formes (H. 279, L. 217). Imprimé par Blanchard.

148. XV. Voici la Bonne Déesse, l'ïdéenne des montagnes (H. 148. L. 130). Imprimé par Clôt.

149. XVI. Je suis toujours la grande Isis ! Nul n'a encore soulevé mon voile ! Mon fruit est le soleil! (H. 282. L. 204). Im- primé par Blanchard.

130. XVII. // tombe dans l'ahime. la tête en bas (H. 278. L. 212). Imprimé par Blanchard.

151. XVIII. Antoine : Quel est le but de tout ceta ? Le Diable : Il n'y a pas de but ! (H. 311, L. 230). Mise sur pierre faite par Clôt, et rimpression par Blanchard.

132. XIX. La Vieille : Que crains-tu? Un large trou noir ! Il est vide peut- être? (H. 162. L. 108). Imprimé par Blanchard.

133. XX. La Mort : C'est moi qui te rends sérieuse; enlaçc-ns-nous (H. 303, L. 211). Imprimé par Blanchard.

134. XXI. ...J'ai quelquefois aperçu dans le ciel comme des formes d'esprits (H. 261 , L. 182). Imprimé par Clôt.

135. XXII. ...Les Bêtes de la mer, rondes comme des outres (H. 222. L. 190). Imprimé par Blanchard.

156. XXIII. Des peuples divers habitent les pays de l'Océan (H. 310. L. 230). Imprimé par Blanchard.

157. XXIV. Le jour enfin parait ...Et dans le disque même du soleil, rayonne la face de Jésus-Christ (H. 270. L. 263). Im- primé par Blanchard.

158. VIEUX CHEVALIER (H. 298. L. 239). [1896] Tirage à 100 exemplaires sur Chine appliqué par Blanchard, à Paris. Format demi grand-colombier. Cette estampe fait partie de V Album des Peintres-Graveurs, édité par M. Vollard. Pierre effacée.

159. LE MOUVEMENT IDÉALISTE EN PEINTURE (H. 090, L. 080). [1890]. Frontispice pour : André Mel- LERIO. Le Mouvement idéaliste en pein- ture, Paris, H. Floury, 1896. Tirage à 350 exemplaires, (dont quelques volumes sur Hollande), par Blanchard, à Pans. En plus des exemplaires insérés dans l'édition (papier teinté jaune pour la plus grande partie, et Japon pour les livres sur Hollande), il a été fait quelques épreuves d'essai également sur papier teinté et Japon. Enfin un tirage à part sur Chine appliqué, format quart grand- colombier. Signé en haut, à droite, du monogramme enlacé : 0. R. i icrre effacée.

iS/

LA MAISON HANTÉE. Six lithogra- phies et un frontispice. [1896] Tirage à 60 exemplaires sur Chine apphqué par Clôt, à Pans. Format quart grand- colombier. Album édité aux frais et par les soins de M. René Philippon, pour servir de commentaire à sa tra- duction d'une œuvre de : BuLWER- Lytton. La Maison hanlée. Pierres effacées.

160. Frontispice (H. 320, L. 200).

161. I. Je vis dessus le contour vaporeux d'une forme humaine (H. 253, L. 181). Il a été tiré en outre de cette pièce 20 épreuves à part.

162. II. Je vis une lueur large et pâle (H. 230, L. 170).

163. III. // tenait ses yeux fixés sur moi avec une expression si étrange (H. 228, L. 153). Signé en bas, à gauche : Odi. R.

164. IV. Selon toute apparence, c'était une main de chair et de sang comme la mienne (H. 245, L 178).

165. V. Des larves si hideuses (H. 179. L. 1 70). Signé en bas, à gauche, du mono- gramme enlacé : 0. R.

166. VI. La largeur de l'aplatissement de l'os frontal (H. 140. L. 170). Signé vers le bas, à gauche : Od. R.

167. LA SULAMITE (H. 245, L. 190). [1897] Tirage à 50 exemplaires par Ciot, à Pans. Impression en couleurs. Certaines épreuves sont en noir, jaune et violet d'autres en bleu clair, jaune et violet. Format demi grand-colombier. Pierre effacée.

168. BÉATRICE (H. 335, L. 295). [1897] Cette pièce fait partie de VAWum des Peintres-Graveurs, édité par Vollard. à Pans. Tirage en couleurs sur Chine appliqué par Clôt, à Paris. Format demi grand-colombier. Signé en haut, à droite, dans la fleur, du monogramme

enlacé : 0. R. Il existe aussi quelques épreuves d'essai avant lettre sur Chine volant (H. 250, L. 190) plus poussées comme travail et coloris. Pierre effacée.

1 69. TÊTE D'ENFANT A VEC FLEURS (H. 251, L. 2 13). [1892] Tirage à 50 exem- plaires sur Chine appliqué par Duchâtel, tireur d'art chez Lemercier et C"', à Paris. Format demi grand-colombier. Le tirage comprend : A. Epreuves mono- chromes. B. Epreuves en noir, retou- chées en couleur à la main. Ces rehauts sont appliqués aux fleurs. C. Epreuve unique sur papier vert. Il a été tiré en outre quelques épreuves d'essai, rehaus- sées ou non, sur Chine appliqué et sur Chine volant. Pierre effacée.

170. ARI (H. 208, L. 125). [1898] Tirage par Navier, à Pans. Cette pièce destinée à L'Estampe et TAffiche ne fut point exécutée. Epreuves rarissimes. Il en existe deux états. Premier état. Titre, en bas, lithographie d'après l'écriture de l'artiste : Ari 1898, 0. R. Deuxième état. Avec retouches. Dans la marge a été ajouté un croquis léger du profil de l'enfant. Le titre et la date sont restés, mais le monogramme a été remplacé par la signature abrégée : Od. R., en écriture cursive lithographiée. Pierre effacée.

171. HOMME SUR PÉGASE (H. 137, L. 093). [1898] Tirage à 10 exemplaires par Becquet, à Paris. Rares épreuves d'essai sur papier blanc de cette pièce non définitivement exécutée. Pierre effacée.

172. LE SOMMEIL (Dans la pensée de l'artiste, cette planche devait avoir pour titre : Sulamite) (H. 130. L. 125). [1898] Tirage annoncé à 510 exemplaires (en réalité 300) sur Chine appliqué par Duchâtel, tireur d'art chez Lemer- cier et C'^, à Pans. Cette estampe fut donnée en prime par la Revue d'art :

i88

L'Estampe et l'Affiche. N" 2 (2'' année), 13 février 1898. Il existe en outre, quelques épreuves sur Japon, d autres sur Chine volant, d'autres enfin sur Chine appliqué, format quart grand- colombier. Pierre effacée.

APOCALYPSE DE SAINT-JEAN. Douze lithographies et un frontispice, édités par Vollard, à Paris [1899]. Album tiré à 100 exemplaires sur Chine appliqué par Blanchard, à Pans. Format demi grand-colombier. Pierres effacées.

173. Couverture-frontispice (H. 202, L. 233)

174. I. Et il avait dans sa main droite sept étoiles, et de sa bouche sortait une épée aiguë à deux tranchants (H. 292, L. 209). Signé au bas, à gauche : Odilon Redon.

175. 11. Puis je vis dans la main droite de celui qui était assis sur le trône, un livre écrit dedans et dehors, scellé de sept sceau.x (H. 322, L. 243). Signé vers le bas, à gauche : Odilon Redon.

176. III. ...Et celui qui était monté dessus se nommait la Mort (H. 310, L. 225). Signé en bas. à droite, du monogramme enlacé : 0. R.

i 77. IV. Puis l'Ange prit l'encensoir (H. 3 1 0, L. 215). Signé en bas, vers le milieu, deux fois. D'abord : Odilon Redon puis le monogramme enlacé : 0. R.

178. V. Et il tombe du ciel une grande étoile ardente (H. 303, L. 233). Signé en bas, à droite, du monogramme enlacé : 0. R.

179. VI. ...Une Femme revêtue du soleil (H. 230, L. 286). Signé en bas, au milieu, du monogramme enlacé : 0. R.

180. VII. Et un autre Ange sortit du temple qui est au ciel, ayant lui aussi une faucille tranchante (H. 313. L. 212). Signé en bas. à droite, du monogramme enlacé : 0. R.

181. VIII. Après cela je vis descendre du ciel un Ange qui avait la clef de l'abîme, et une grande chaîne en sa main (H. 304, L. 232).

182. IX. ...Et le lia pour mille ans (H. 298. L. 210).

183. X. Et le Diable qui les séduisait, fut jeté dans l'étang de feu et de soufre, oii est la Bêle et le faux Prophète) (H. 274. L. 238). Signé en bas, au milieu : Odilon Redon.

184. XI. Et moi, Jean, je vis la sainte cité, la nouvelle Jérusalem, qui descendait du ciel, d'auprès de Dieu (H. 300, L. 237). Signé en bas, à droite, du monogramme enlacé : 0. R.

185. XI!. C'est moi, Jean, qui ai Vu et qui ai ouï ces choses (H. 158, L. 190). Signé en bas, à droite, du monogramme enlacé : 0. R.

PLANCHES D'ESSAL [1900] Quatre planches d essai commandées à Redon furent exécutées par lui. La pierre de l'une d'elles fut égarée. Des trois autres indiquées ci-dessous, quelques très rares épreuves furent tirées à Pans.

186. I. Femme de profil vers la gauche, coiffée d'un hennin (H. 300, L. 240). Sur papier blanc. Signé vers le bas, à droite, du monogramme enlacé : 0. R,

187. II. Tête d'enfant, de face, avec au- dessus un arc-en-ciel (H. 120, L. 070). Sur Chine. Signé en bas, à droite, du monogramme enlacé : 0. R.

188. III. Femme coiffée d'une toque et rejetant le buste en arrière (H. 260, L. 240). Sur papier blanc.

189 TÊTE DE FEMME AVEC FLEURS AU CORSAGE (H. 225. L. 195). [19001 Tirage par Blanchard, à Paris. De cette planche rarissime, il n'existe que quatre exemplaires : A. Deux sont tirés sur papier blanc ; B. les deux autres sur papier gris.

189

PORTRAITS

190. EDOUARD VUILLARD (H. 200. L. 152). 11900] Portrait du peintre Vuillard, tiré à 12 exemplaires sur Chine appliqué par Blanchard, à Pans. Format grand-colombier. Pierre effacée.

191 . P/Ê/^/^£fîON/V/4/?D(H. 145, L. 123). [1902] Portrait du peintre Bonnard, tiré à 12 exemplaires sur Chine appliqué par Blanchard, à Paris. Format grand- colombier. En plus du tirage en noir, il existe quelques épreuves à la sanguine. Pierre effacée.

192. PAUL SÉRUSIER (H. 160, L. 135). [1903] Portrait du peintre Sérusier, tiré à 12 exemplaires sur Chine appliqué par Blanchard, à Pans. Format grand- colombier. Daté en bas, à gauche : 1903. En plus du tirage en noir, il existe une épreuve en bistre et quelques épreuves à la sanguine. Pierre effacée.

193. MAURICE DENIS {H. 153, L. 135). [1903] Portrait du peintre Denis, tiré à 25 exemplaires sur Chine appliqué par Blanchard, à Pans. Format grand- colombier. Daté en bas. à droite : 1903. Pierre effacée.

194. RICARDO VINES (H. 135, L. 1 14). [1903] Portrait du pianiste Vinès. tiré à 25 exemplaires sur Chine appliqué par Blanchard, à Pans. Format grand- colombier. Daté en bas, à droite : 1903. Pierre effacée.

195. M"« JULIETTE DODU (H. 146, L. 090). [1904] Portrait de Théroïne fran- çaise de 1870, demi-sœur de M'"*" Odilon Redon, tiré à 40 exemplaires sur Chine appliqué par Clôt, à Paris. Format grand-colombier. Daté en bas, à droite : 1904. Le total se décompose ainsi : 15 épreuves en rouge, 25 épreuves en noir. Il existe aussi quelques très rares épreuves d essais en noir, tirées par Blanchard, à Paris. Pierre effacée.

196. ROGER MARX (H. 250, L. 145). [1904] Portrait de l'écrivain d'art Roger Marx, tiré à 20 exemplaires sur Chine appliqué par Clôt, à Pans. Format grand-colombier. Le total se décompose ainsi : 15 épreuves en noir, 5 épreuves en rouge. Pierre effacée.

197. LLOBET (H. 095, L. 095). [1909] Portrait du guitariste Llobet, tiré à 15 exemplaires sur Chine appliqué par Clôt, à Pans. Format grand-colombier. Daté en bas, à droite : 1908. Pierre effacée.

ANNEXE

LES FLEURS DU MAL. Neuf dessins dont une couverture-frontispice et un cul-de-lampe pour : Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal [1890]. Tirage par le procédé sur cuivre d Evely, sans aucune retouche des planches par Redon. Le résultat est inférieur à celui que donne une impression lithographique. L'Album, bien qu'annoncé à 50 exem- plaires, ne fut réellement tiré qu'à 43, dont : 41 sur vélin teinté, I sur Chine et 1 avant lettre. Format quart de colom- bier. Il existe deux ou trois épreuves, d'essai en bistre.

De plus, l'éditeur Deman a fait imprimer un tirage dans le format in-8'' pour pouvoir être inséré dans : Charles Bau- delaire, Les Fleurs du mal. Bruxelles, Deman, 1890. C'est une réduction sur cuivre par le procédé d Evely, des grandes planches ci-dessus. Ce tirage comprend : 100 exemplaires, dont 80 sur vélin teinté, 10 sur Chine et 10 sur Japon. Dessins et cuivres demeurés chez 1 édi- teur Deman, à Bruxelles.

198. I. Couverture-frontispice (H. 190, L. 142).

199. II. Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne, ô vase de tristesse, ô grande taciturne (H. 250, L. 179). Signé en bas, à droite, du monogramme enlacé : 0. R.

igo

200. 111. Parfois on trouve un vieux flacon qui se souvient, d jaillit toujours vive une âme qui revient (H. 245, L. 168). Signé en bas, au milieu, du mono- gramme enlacé : 0. R.

201. IV. Si par une nuit lourde et sombre, un bon chrétien, par charité, derrière quelque vieux décembre, enterre votre corps voûté (H. 232, L. 183). Signé en bas, à gauche, du monogramme enlacé :

0 R

202 V. Volupté, fantôme élastique ! {H. 178, L. 1 15). Signé en bas, à droite, du mono- gramme enlacé : 0. R.

203. VI. Sur le fond de nos nuits Dieu de son doigt savant dessine un cauchemar

multiforme et sans trêve (H. 212, L. 187). Signé en haut, à gauche, du mono- gramme enlacé : 0. R.

204. Vil. Sans cesse à mes côtés s'agite le démon (H. 214, L. 180). Signé en bas au milieu, du monogramme enlacé : 0. R.

205. Vlll. Gloire et louange à toi Satan, dans les hauteurs du ciel, tu régnas, et dans les profondeurs de l'enfer où. vaincu, tu rêves en silence! (H. 174, L. 180). Signé en bas, à droite, du monogramme enlacé : 0. R.

206. Cul-de-lampe (H. 118, L. 090). Signé en bas, à droite, du monogramme enlacé : 0. R.

SUPPLEMENT AU CATALOGUE

N.-B. Le Catalogue ci-dessus donné des gravures et lithographies d'Odilon Redon est conforme, comme numération, à celui jadis édité par la SOCIÉTÉ POUR L Etude DE LA Gravure française. Aussi peut-on se reporter facilement à ce dernier pour la description et la reproduction documentaire des estampes, ainsi que les détails relatifs aux épreuves d'essais, aux dessins antérieurs, etc.

Depuis la publication, en 1913, certaines corrections sont apparues comme devant être effectuées. De plus, quelques pièces omises en nombre très minime d ailleurs ont été retrouvées. Enfin, assez récemment. M""-' Odilon Redon a fait procéder au Retirage, à nombre restreint d'exemplaires, de plusieurs gravures, ainsi qu'au PREMIER Tirage de trois cuivres, dont deux considérés par l'artiste comme non encore absolument achevés. De cet appoint, il était nécessaire d'établir l état exact.

Afin d'éviter toute confusion, nous avons adopté dans le SUPPLÉMENT ci-après, la méthode suivante.

A. Sous le titre : ADDITIONS ET RETIRAGES sont réunis les rectifications et ADDENDA, ainsi que les indications concernant les éditions supplémentaires. Nous donnons à chaque pièce son NuMÉRO DE l'Ancien Catalogue, mais en y ajoutant ce mot : bis.

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B. Puis, sous la rubrique : Estampes non encore Cataloguées, nous avons groupé celles omises en 1913, ainsi que les cuivres gravés par Redon depuis celle date. A ces pièces soni attribués des Numéros d'ordre NOUVEAUX, qui font immédiatement suite au chiffrage des 206 pièces cataloguées précédemment.

ADDITIONS ET TIRAGES COMPLEMENTAIRES

GRAVURES

4 bis. LUTTE DE CAV.4LIERS (H. 083. L. 120). Tirage nouveau en 1922, après la mort de l'artiste. Impression à 30 épreuves sur papier par Louis Fort, à Pans. Pas de signature manuscrite de l'artiste.

5 ils. BATAILLE (H. 058, L. 120). Tirage nouveau en 1922. Impression à 30 épreuves sur papier par Louis Fort, à Pans. Pas de signature manuscrite.

6 bis. LA PEUR (H. 112, L. 200). Ti- rage nouveau en 1922. Impression à 30 épreuves sur papier par Louis Fort, à Pans. Pas de signature manuscrite.

12 bis. SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT (H. 110, L. 200). Le cuivre primitif, dont nous venons de donner les dimen- sions fut, dans la suite, coupé en deux par Redon. La partie de gauche ayant été détruite, il ne resta que celle de droite, représentant : Un groupe de maisons, et, à côté, deux petits personnages assis.

De cette dernière moitié (H. 110, L. 080) il a été fait deux tirages en 1922. I" Impression à 3 épreuves sur papier par Louis Fort, à Paris. Pas de signature manuscrite.

Puis la demi-plaque ayant été aciérée : 2" Impression à 1 10 épreuves sur papier par Porcabeuf, à Pans. Pas de signature manuscrite.

13 Aïs. CROQUIS (H. 120. L. 095). Tirage nouveau en 1922 dans les condi- tions suivantes :

I" Impression en noir de quelques rares épreuves dans les dimensions ci-dessus indiquées, par Louis Fort, à Pans. Pas de signature manuscrite.

2" Impression, supprimant le sommet du cuivre jusqu'au front de la petite tête du haut (H. 090, L. 080), à 30 épreuves sur papier (dont 15 en noir et 15 en rouge) par Louis Fort, à Paris. Pas de signature manuscrite.

3" Enfin, la plaque ayant été aciérée, impression, selon les secondes dimen- sions, de 110 épreuves, en sanguine, sur papier par Porcabeuf, à Paris. Pas de signature manuscrite.

17 ils. MAUVAISE GLOIRE (H. 093, L. 050). Tirage nouveau en 1922. Impression à 30 épreuves sur papier par Louis Fort, à Paris. Pas de signature manuscrite.

192

18 bis. GAIN ET ABEL (H. 175. L. 1 19). Tirage nouveau en juillet 1914, du vivant de Redon, impression à 15 épreuves sur papier par Porcabeuf, à Pans. Signées à la main par l'artiste.

19 bis. PETIT PRÉLAT (H. 085, L. 046). Tirage nouveau en 1922. Impression à 30 épreuves sur papier par Louis Fort, à Paris.

20 bis. PERVERSITÉ (H. 160, L. 126). Tirage nouveau en 1922. impression à 30 épreuves sur papier par Louis Fort, à Pans. Pas de signature manus- crite.

21 bis. PASSAGE D'UNE AME (H. OSA. L. 053). Tirage nouveau en 1922. Impression à 30 épreuves sur papier par Louis Fort, à Pans. Pas de signa- ture manuscrite.

22 bis. PRINGESSE MALEINE (connue aussi sous ce titre : La petite Madone)

(H. 119, L. 064). Tirage nouveau en 1922, comme suit :

1" impression à 30 épreuves sur papier par Louis Fort, à Pans. Pas de signature manuscrite.

Puis, la plaque ayant été aciérée : 2" Impression à 1 10 épreuves sur papier Japon par Louis Fort, à Pans. Pas de signature manuscrite. Ce second tirage effectué pour joindre aux exemplaires de luxe du volume suivant : Odilon Rf.DON, .4 Soi-même (Journal), Paris, H. Floury, 1922.

24 bis. LE LIVRE (connu aussi sous le titre de : Sainte-Thérèse) (H. 120, L. 083). Tirage nouveau en 1922. impression à 15 épreuves sur papier par Louis Fort, à Paris. Pas de signature manuscrite. Le tirage n'ayant pas donné le résultat qu'on espérait, 5 exemplaires seulement ont été gardés et les autres détruits.

ESTAMPES NON ENCORE CATALOGUEES

GRAVURES

207. MÉDITATION (H. 087, L. 062). Eau-forte. [Antérieurement à 1870?]

Dans un site montagneux, sous un ciel chargé de nuées, un personnage assis sur un rocher parait s absorber en sa médi- tation.

Tirage à 3 épreuves sur papier. Pas de signature manuscrite par 1 ar- tiste.

208. EX LIBRIS (H. 090, L. 035). Eau-forte.

Quelques arabesques. En haut, à gauche, une sorte de banderole rigide formant la base d'un triangle dont le coin de la gravure serait le sommet. On peut y lire cette devise : " Gomprends et '.

Tirage à rares épreuves. Pas de signa- ture manuscrite.

193

209. BAIGNEUSE (Ce titre a été donné par Redon) (H. 134. L. 062). Eau-forte.

En un paysage irréel, émerge au milieu de floraisons fantastiques une femme nue debout, dont la tête inclinée laisse retomber devant elle sa longue chevelure pendante.

Redon grava ce cuivre avant 1914. Il ne le considérait point comme achevé, et pensait y ajouter un paon.

Tirage posthume en 1 922, comme suit :

Impression à 20 épreuves (dont 6 en rouge brun) sur papier (quelques exemplaires sont sur Japon) par Louis Fort, à Paris. Pas de signature manus- crite. En revanche, Redon a incisé, sur le cuivre, ce qui est rare pour lui, en bas à gauche et verticalement son nom : 0. Redon. Les lettres majuscules 0 et R sont enlacées, formant mono- gramme.

Puis la plaque ayant été aciérée : 2" Impression à 110 exemplaires sur papier par Porcabeuf, à Pans. Pas de signature manuscrite.

210. INTÉRIEUR DE CATHÉDRALE (H. 122. L. 125). Pointe sèche.

Une crypte surbaissée aux lourds piliers, oii dans l'ombre s'avance un personnage mystérieux et dolent.

A ce cuivre, incisé seulement et non mordu à l'eau-forte, Redon travailla pendant la Guerre de 1914. Il ne put le terminer.

Tirage en 1922. Impression à 2 exem- plaires seulement sur papier par Louis Fort, à Pans. Pas de signature manus- crite. La plaque ne paraissant plus pouvoir donner de résultats satisfai- sants, on dut s'en tenir à cette double épreuve.

194

BIBLIOGRAPHIE

EXPOSITIONS - MUSÉES & COLLECTIONS

BIBLIOGRAPHIE

Nous ne pouvions donner ici une Biblio- graphie trop détallié: concernant Redon. Mais il nous a paru indispensable de signaler les livres, publications et articles offrant le plus d intérêt à l égard de sa personne ou de son œuvre.

Les documents particulièrement importants sont précédés d'un astérisque.

Cette édition posthume a pu voir le jour grâce aux soins pieux de M""^ Odilon Redon. C'est un choix fait parmi les manuscrits que l'artiste a laissés, et dont lui-même avait l'intention de publier une partie.

Livres et Publications

En toute première ligne doivent être indiquées les œuvres publiées par l'artiste lui-même.

Odilon Redon. Salon de 1868. La Gironde (Bordeaux). N'*" des 19 mai, 9 juin, l*^"- juillet 1863.

Odilon Redon. Lettre à Edmond Picard, du 13 juin 1894, reproduite sous ce titre : Confidences d'artiste, dans la revue : L'Art Moderne (Bruxelles), 25 aoiît 1894.

Odilon Redon. Rodolphe Bresdin (1822- 1885). Préface pour l'Exposition rétros- pective d'œuvres de l'artiste. Catalogue du Salon d'. Automne, 1908.

* Odilon Redon. A Soi-Même, Journal (1867-1915). Notes sur la Vie, l'Art et les Artistes. Introduction de Jacques Mor- LAND. Paris, H. Floury, 1922. En plus du tirage ordinaire, il a été imprimé 125 exemplaires de luxe sur papier spécial, et enrichis d'une eau-forte originale de 1 ar- tiste.

J.-K. HuvsMANS. L'Art moderne, Paris, Charpentier, 1883. Appendice. P. 274 et suiv.

* J.-K. HuYSMANS. Certains. Paris. Tresse et Stock, 1889. Le Monstre. P. 150 et suiv.

* Jl'LES DestrÉE. L'Œuvre lithogra- phique de Odilon Redon. Bruxelles, Edm. Deman 1891. Tirage à 75 exemplaires.

Henri Beraldi. Les Graveurs du Xix" siècle. (Guide de l'amateur d'es- tampes modernes). Paris, L. Concjuet, 1891. Vol. XI. P. 172 et suiv.

André Mellerio. Préface pour \'E.xpo- sition d'œuvres d'Odilon Redon. (Galeries Durand-Ruel), 1894.

André Mellerio. Le Mouvement Idéa- liste en Peinture (Frontispice d'ODILON Redon. Couverture de H. Nocq). Paris, Floury, 1896. Odilon Redon. P. 20 et suiv-

André Mellerio. La Lithographie ori- ginale en couleurs. (Couverture et estampe de P. Bonnard). Paris, Publication de L'Estampe et l'. 4 fiche, 1889. P. 20 et suiv.

197

H. Bouchot. La Lithographie. (Biblio- thèque de I Enseignement des Beaux-Arts). Pans, Librairies -Imprimeries Réunies. Chap. IV. La Lithographie contemporaine en France. Le " nouveau jeu ". P. 296.

Odilon Redon. Dans : Figures contem- poraines. Tirées de V Album Mariani (Auto- graphes, Notes et Biographies rédigées par Joseph Uzanne). II'' Vol. Paris, Floury, 1904. (Avec le portrait de Redon).

* André Mellerio. Odilon Redon. Avec une gravure originale de l'artiste. Société pour l'Etude de la Gravure Française, 1913. Tirage à 550 exemplaires, dont 73 sur Japon et 425 sur papier véliii d Arches. (L ouvrage contient le Catalogue détaillé de VŒuvre gravé et lithographi' d'Odiion Redon, avec la reproduction de toutes les planches décrites).

Gustave Cgqjiot. Les Indépendants (1884-1920) 5" éd. Paris, Ollendorfï. (1920). Les Isolés. Redon. P. 71 et suiv.

Maurice Denis. Théories (1890-1910). Du Symbolisme et de Gauguin vers un nouvel ordre classique, 4*^ éd. Pans, L. Rouart et J. Watelin, 1920. Exposition Odilon Redon. P. 136 et SUIV.

Nous devons encore mentionner une publication spéciale.

L'Œuvre graphique comp'et d'Odiion Redon (192 planches en Phototypie d'après toutes les lithographies et eaux-fortes du Maître, précédées d'une notice chrono- logique sur leur tirage. Edition limitée à 300 exemplaires. Publication de MM. Artz et Debois, b. Vijverberg, 14, à La Haye, 1913. In-folio. En deux portefeuilles cartonnés et entoilés.

Journaux et Revues

Dans : L'Industrie (Bordeaux), 7 avril 1861 (Article non signé).

A. P. IAmédée Pigeon]. Dans : Le Courrier républicain, 15 mai 1881.

Triolet [Emile Hennequin]. (Au bout de la lorgnette). Odilon Redon. Le Gaulois, 2 mars 1882.

* Emile Hennequin (Beaux-Arts). Odilon Redon. La Revue artistique et littéraire. 4 mars 1882.

Gustave Geffroy. Odilon Redon. La Justice, 6 mars 1885.

Charles Morice (La Semaine). L'Hom- mage à Goya. La Petite Tribune républi- caine, 2 avril 1885.

J.-K. Huys.MANS. Le nouvel album d'Odiion Redon. (L'Hommage à Goya). La Revue Indépendante, février 1885.

Robert Gaze. Dans le rêve. Lutèce, 11 février 1835.

Maurice Fabre. Odilon Redon, 1886. (La revuz ou parut l'article n'a pu être identifiée).

Jules DestrÉE. Odilon Redon. La Jeune Belgique (Bruxelles), l'^'' février 1886.

Paul Guigou. Odilon Redon, 24 octobre 1886. (La revue parut l'article n a pu être identifiée).

LÉO Rouanet (Les Artistes nouveaux) Odilon Redon. Le Petit Toulousain (Tou- louse), 17 avril 1886.

Octave Mirbeau. L'Art et la Nature. Le Gaulois, 26 avril 1886.

J.Staphorst. Odilon Redon. De nieuwe Gids (Amsterdam), 1887.

Gustave Kahn. Dans : La Revue Indé- pendante, janvier 1888.

J. Staphorst (Kunst). Impressies. il. De nieuwe Gids (Amsterdam), avril 1888.

igS -

La Tenlalion Je Saint-Antoine pur Odilon Redon. Dans : L'Art Moderne (Bruxelles), 21 octobre 1888 (Article non signé).

Gabriel Moure-i'. (L'Art). Trois dessins d'Odilon Redon. Feu(7/e libre, 24 avril 1890.

Yeux clos. Dans : L'Art Moderne (Bruxelles), 28 décembre 1890 (Article non signé).

Arthur Symons. A french Blake. The Art reoiew (Londres), juillet 1890.

Charles Morice (Les Hommes d'Au- jourd hui), Odilon Redon. Avec le portrait de l'artiste dessiné par ScHUFFENECKER. S*-' Vol. N" 386 1 18901.

A. M. (.André Mellerio). (Les Artistes à l'Atelier). Odilon Redon. L'Art dans les Deux-Mondes, 4 juillet 1891.

G. Albert-Aurier. Les Symbolistes. La Revue encyclopédique, \''^ avril 1892. PaULET. Dans ; Le Jour, 17 avril 1892.

B. GuiNAUDEAU. La Réaction idéaliste. XXII. Odilon Redon.iLa;u.<i/,ce,4 mai 1893.

H. M. Odilon Redon. La Paix, 3 avril 1894.

C.-J. [Clément-Janin]. Notes d'Art. L'Estafette, 30 mars 1894.

Zadic. Dans : Le Voltaire, 31 mars 1894.

Jean-E. Schmitt. (Choses d'Art). Expo- sition Odilon Redon. Le Siècle, 31 mars 1894.

Gustave Geffroy. (L'Art d'Aujour- d'hui). Odilon Redon. [La Justice?], 3! mars 1894.

GÉRARD DE BeAUREGARD. (Notes d'Art). Exposition de M. Odilon Redon. (Chez Durand-Ruel). La Patrie, 2 avril 1894.

Auc. Barbey. Odilon Redon. Le Mémo- rial artistique, 7 avril 1894.

Pierre Robbe. (Chronique). Le Tour- ment de l'Inconnu. Famille-Revue, 8 avril 1894.

Charles Mokice. (Les Passants). Odilon Redon. Le Soir, 10 avril 1894.

Jean Lorrain. Un étrange Jongleur. L'Echo de Paris, 10 avril 1894.

Gustave Soulier. Dans : L',4r/ et la Vie, 15 avril 1894.

Alfred Paulet. Notes d'An. La Fa- mille, 15 avril 1894.

ThiÉbault-SiSSON. Dans : Le Temps, 17 avril 1894.

C. R. Exposition Odilon Redon. La Paix Sociale, 18 avril 1894.

Dans : Allgemeine Zeitung (Munich), 21 avril 1894 (Article non signé).

Pascal Forthuny. Dans : L'Œuvre d'Art, 25 avril 1894.

Camille MaUCLAIR. Exposition Odilon Redon (Chez Durand-Ruel). Mercure de France, \" mai 1894.

Emile Leclerc. Les Lithographies d'Odi- lon Redon. La Revue des Arts graphiques, 1" mai 1894.

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Gabriel Mourey. Odilon Redon. L'Opi- nion, novembre 1908. {La date exacte n'a pu être identifiée.)

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Les Expositions. Dans : La Grande Revue, 10 décembre 1908 {L'auteur de l'article n'a pu être identifié).

Georges Lecomte. Dans : Le Matin, 22 octobre 1912.

Hommage à Odilon Redon (Témoi- gnages émanant de MM. Jacques Beltrand, P. Bonnard, Maurice Denis, G. Desval- lières, Kees van Dongen, Fagus, A. Fon- tainas, Gayac, R. Gbil. H. de Groux, Hermann-Paul, E. Herscher, G. Kahn, H. Lacoste, P. Laprade, A. Mellerio, G. de Monfreid, G. Sarrazin, P. .Sérusier, Louis Valtat, C. Waltner.) La Vie. N'« des 30 novembre et 7 décembre 1912.

* André Salmon, Odilon Redon. L'Art décoratif, janvier 1913.

Odilon Redon. Dans : Die Graphische Kiiiste (Vienne), 1913.

* Arsène Alexandre. (La semaine artis- tique.) Floralies. Comœdia, l'"^ novembre 1913.

* Jeanne Doin. Odilon Redon, Mer- cure de France, !''■' juillet 1914.

Odilon Redon. Dans : L'Intransigeant, 7 juillet 1916 {.Article non signé).

Mort du graveur Odilon Redon. Dans Le Temps, 7 juillet 1916 {Article non signé).

Marius Leblond. Odilon Redon. L'Œuvre, 7 juillet 1916.

Odilon Redon. Dans Paris-Midi, 7 juil- let 1916 {Article non signé).

Louis Vauxcelles. Odilon Redon. L'Évé- mment, 8 juillet 1916.

Odilon Redon. Dans : Le Rappel, 8 juillet 1916 {Article non signé).

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André FoNTAINAS. Odilon Redon. Mer- cure de France, 16 août 1916.

* ThiÉBAULT-Sisson (La Vie artistique). Un isolé : Odilon Redon. Feuilleton du Temps, 12 novembre 1916.

Tr. LeclÈRE. Redon (Odilon). Larousse mensuel illustré, 19 octobre 1917.

Arsène Alexandre. L'évolution du Petit Palais et ses enrichissements pendant la guerre. La Renaissance de l'Art Français et des Industries de luxe, octobre 1919.

Paul SeruSIER (Les Arts et les Lettres). Odilon Redon. La Vie, 13 mai 1920.

Charles Oulmont. Souvenirs sur Odi- lon Redon. A propos de l'Exposition rétrospective de son œuvre. Le Gaulois, 22 mai 1920 (Supplément du Dimanche).

Louis Vauxcelles. La rétrospective d'Odilon Redon. Excelsior, 26 mai 1920.

André Michel. Exposition rétrospec- tive d'œuvres d'Odilon Redon. Journal des Débats, 29 mul 1920.

Louis Vauxcelles. Les Expositions do la Quinzaine. L'Êc/û(V, 31 mai 1920.

Guillaume Janneau. Le dernier roman- tique : Odilon Redon. La Renaissance politique, littéraire, économique, 3 juin 1920.

Claude Roger-Marx. Odilon Redon ou les droits de l'imagination. Les Feuillets d'Art. H' 5. 1920. (Avec une eau-forte originale de l'artiste.)

G. Jean Aubry. Odilon Redon. La Renaissance de l'Art Français et des Indus- tries de luxe, août 1920.

Robert Rey. Odilon Redon. Art et Décoration, août 1920.

* André Mellerio. Odilon Redon. La Gazette des Beaux-Arts, août-septem- bre 1920.

* Walter Pach. The etchings and lithographs of Odilon Redon. The prinl Connaisseur (New-York). Vol. 1. N" I, octobre 1920.

EXPOSITIONS

Abolis donnons les indicaticns concernant les plus importantes expositions Je Redon, notamment celles oit l artiste fut représenté soit entièrement seul, soit par un groupement nombreux d cBuVres.

EXPOSITION DE DESSINS D'ODILON REDON faite à La Vie Moderne, 1881.

DEUXIÈME EXPOSITION DE DESSINS DE M. ODILON REDON. Salle du journal Le Gaulois, 1882.

SOCIÉTÉ DES ARTISTES FRAN-

ÇAIS {Participation à l Exposition de la),

1885.

Aux Expositions de la même Société, Redon fit des envois en 1886 et 1888.

EXPOSITION D'ARTISTES INDÉ- PENDANTS (Participation à /'), 1886.

PREMIÈRE EXPOSITION DES PEINTRES-GRAVEURS (Participation à la). Galeries Durand-Ruel, 1889.

Redon fut représenté également à la : Deuxième Exposition ( 1 890) . Troisième Exposition (1891). Quatrième Exposition (1892). Cinquième Exposition (1893).

EXPOSITION DES XX (Participation à /■). A Bruxelles. 1890.

EXPOSITION GÉNÉRALE DE LA LITHOGRAPHIE (Participation à ï). A l'Ecole des Beaux-Arts, 1891.

EXPOSITION DU CENTEN.4IRE DE LA LITHOGRAPHIE (1793-1893). (Participation à /'), 1893. -

EXPOSITION ODILON REDON (Dessins, Portraits et Lithographies). Préface du Catalogue par AndrÉ Mellerio. Galeries Durand-Ruel. Du 29 mars au 4 avril 1894.

EXPOSITION AU CERCLE DES ARTS DE LA HAYE (Hollande). 1894.

EXPOSITION DE DESSINS ET PASTELS D'ODILON REDON. Galeries Vollard, 1898.

EXPOSITION D'ARTISTES (Parti- cipation à /'). Préface d'ANDRÉ Mellerio. Galeries Durand-Ruel. 1899.

EXPOSITION D'ŒUVRES DE PEINTRES - GRAVEURS ÉDITÉES PAR VOLLARD (Participation à /')• Galeries Vollard. 1899.

EXPOSITION CENTENNALE DE L'ART FRANÇAIS (Participation à /'). Exposition Universelle de 1900.

EXPOSITION D'ŒUVRES AN- CIENNES ET RÉCENTES D'ODILON REDON. Galeries Durand-Ruel. 1900.

EXPOSITION DE DESSINS ET PASTELS D'ODILON REDON. Galeries Vollard. 1901.

EXPOSITION D'ŒUVRES D'ODI- LON REDON. A Cracovie (Galicie). (1902 ou 1903P)

PASTELS ET PEINTURES DE ODILON REDON. Galeries Durand-Ruel, 1903.

SALON D'AUTOMNE (Participation avec plusieurs œuvres groupées dans une salle spéciale. Notice de Jean Pascal, 1904).

Au Salon d' .Automne, Redon fit encore des envois, dans le cours des années 1905, 1906 et 1907.

EXPOSITION DE PEINTURES, P.4STELS ET EAUX-FORTES DVDI- LON REDON. Galeries Durand-Ruel. 1906.

PEINTURES, PASTELS. DESSINS ET LITHOGRAPHIES PAR ODILON REDON. Galeries Druet, 1908.

ASS0CI.4TI0N DES PEINTRES ET SCULPTEURS .AMÉRICAINS iE.xpo- sition Internationale organisée par / ). A l'envoi de Redon était consacrée une salle spéciale dans la rétrospective du XIX'' siècle. L'Exposition eut lieu d abord à New-

York, puis fut transportée ensuite à Chi- cago et Boston, 1913.

EXPOSITION DE PAYSAGES D'APRES NATURE (PEINTURE A L'HUILE). .AQUARELLES ET DES- SINS P.AR ODILON REDON (1840- 1916). Galeries Bernheim-Jeune et G'"' 1917.

EXPOSITION RÉTROSPECTIVE D'ŒUVRES D' ODILON REDON (1840- 1916). Galeries Barbazanges, 1920.

EXPOSITION RÉTROSPECTIVE D'ODILON REDON. Galeries Georges Giioux (Bruxelles). 1921.

EXPOSITION D'.AQUARELLES ET DESSINS D'ODILON REDON. Galeries Druet, 1921.

MUSEUM OF FRENCH ART DE NEW-YORK (Exposition organisée au). Exposition d ensemble d œuvres de Redon : Peintures, Pastels, Dessins et Gravures.

MUSÉES ET COLLECTIONS

Nous donnons quelqms renseignements, qui par force demeurent très wmmaiVe.s, car on m saurait naturellement connaître tous les possesseurs d'œuvre^ d'Odilon Redon.

MUSÉE DU LUXEMBOURG. Les Yeux Clos (Peinture). Acquis par l'État en 1904.

MUSÉE DE LA VILLE DE PARIS

(Petit Palais).

En 1906, M. Jacques Zubaloff, avec son inépuisable générosité envers nos collec- tions publiques, fit entrer au Petit Palais un important ensemble, choisi avec discer- nement, d'œuvres originales de Redon : Peintures, Pastels et Dessins.

BIBLIOTHÈQUE NATIONALE (Cabinet des Estampes).

Quelques années avant la Guerre, M. René Philippon, amateur et ami de

203

Redon, effectua une précieuse donation d'Estampes, comprenant notamment les publications anciennes et les plus rares, telles que les Albums : Dans le Rêve, A Edgar Poe, Les Origines, Hommage à Goya, etc., et les Pièces séparées : Profil de Lumière, Christ, Araignée, etc.

BIBLIOTHÈQUE D'ART ET D'AR- CHÉOLOGIE. (Fondation Doucet), rue Spontini.

Le Cabinet des Estampes modernes, dont M. Clément- Janin fut le zélé instal- lateur et conservateur, acquit, en 1912, de nombreuses pièces (surtout de la seconde partie de la période des Estampes), pro- venant principalement de la collection de l'Artiste et de celle de M. Joseph Durand- Ruel. Depuis, ce premier fonds s'est encore enrichi.

En 1921, le MUSÉE DE CHICAGO (U. S.) a racheté de Mme Odilon Redon, la collection très complète d estampes que l'Artiste avait établie soigneusement de son vivant au fur et à mesure des publi- cations. Cet ensemble contient, en ce qui concerne les gravures antérieures à 1870, des pièces uniques.

BRITISH MUSEUM (Angleterre).

MUSÉE D'AMSTERDAM (Hollande).

MUSÉE DE WINTHERTUR (Suisse).

MUSÉE DE CHICAGO. - MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE WORCESTER (MASSACHUSSETTS), (Etats-Unis).

Les deux collections d Estampes de Redon, les plus importantes qu'on con- naisse, sont celles de : MM. André Melle- RIO, à Paris et A. BoNCER, à Amsterdam (Hollande).

Au point de vue des Œuvres originales, citons les collections: En France, de MM. R. de Domecy, Marius et Ari Leblond, A. Parent, Fayet, de Gonet. Arth. Fontaine, D'' Sabouraud, Kapferer, Hessel, D'' Weil, 0. Sainsère ; M'"^ E. Chausson, etc.

En Suisse, de : MM. Hahnioser, Biih- ler, etc.

Aux États-Uni^, de : MM. John Quinn, Daniel H Morgan, Arthur B. Davies, Irving F. Bush, Âlexander M. Bing, M""-' H. V. Hardon, M'"^^-^ Lizzie P. Bliss, Gertrude Watson, M.L. Villard, E. M-^ Kinney, Anna C. Pallew New-York ) . - M'"'' Porter Norton Bujjalo). M. Ira Nelson Morris, M"'« Chadbourne Chicago). Etc.

204

INDEX DES NOMS CITÉS

INDEX DES NOMS CITÉS

Alexandre (Arsène). 137. AssAY (Alain d'). 65. AuRiER (G.-Albert). 176.

BaiLLY, Editeur. 173. Barbazanges (Galeries). 137. Baudelaire (Charles). 26, 56, 100, 117.

Becquet, Imprimeur. 126.

Beethoven. 98.

Berdoly (Henri). 22, 34, 35.

Berlioz (Hector). 97.

Bernheim Frères. 173.

Bernheim Jeune. 136.

BiBESCO (Prince). 141.

BiÈVRES (Propriété et village).

136, 137. Blanchard, Imprimeur. 126. Bonger. 56. BONGER (M""). 136. Bonnard (Pierre). - 65, 119. 120, 164. Boucher (François). 159. Bouchot (H.). 107.

Bresdin (Rodolphe). 93, 94, 103, 104, 108,

BUFFON. 137.

Bulwer-Lytton. 118.

29, 30, 31 133.

Carabin (Rupert). 155.

Carré (A.), Architecte. 40.

Carrière (Eugène). 164.

Cézanne (Paul). 164.

Champfleury. 29.

Chardin. 159.

Chausson (Ernest). 64, 98, 120.

Chausson (M'"'' E.). 140.

Chenavard. 46.

Chintreuil. 37, 162.

Chopin. 97.

Clavaud (Armand), Botaniste. 25

à 28. 31, 99. 100, 172, 174, 175. Clôt. Imprimeur. 126. Corot. - 37, 83, 134, 162. Courbet. - 37. 159. 162. Cystria (M""' de). 136. 141.

Daubigny (Charles). 162.

Daumier. 108.

David (Louis). 159.

De Bois (H.), Editeur. 173.

Degas (Edgar). 160.

Delacroix (Eugène). 27, 46, 83, 93, 102, 133. 159, 160.

Deman (Edm.), Editeur. 56. Denis (Maurice). 65. 67. 149, 162. Destrée (Ch.). 165. Destrée (Jules). 56. 157. 164. Dodu (M"^" Juliette). - 73. 120. 173. DoiN (M"^ Jeanne). 126. 137. DoMECY (R. de). 65. 69, 140. Doré (G.). 131. 165.

Duchatel. Imprimeur. 126. DuMONT (Ern.). 175. DuPRÉ (Jules). 162. Durand-Ruel. 57. 65. 173. Durer (Albert). 92. 93.

Einstein. 99.

Fabre (Maurice). 65. Falte (M'"^')- 173. Fantin-Latour. 108. Farces (Mgr Albert). 165. Fayet. 65. 142. Fayet (M'"'-). 136. Fayet (M'"^^^ S. et Y.). 136.

Flaubert (G.). 26, 56, 100, 115,

116. Fontaine (Arthur). 65. Forain. 108. Fromentin (Eugène). 102. Furstein. 126.

Gauguin (Paul). 164.

Gavarni. ^ 108.

Geffroy (Gustave). 75, 175.

GEOFFROY-SAINT-HlLAIRE(Et.). 175.

Geoffroy-Saint-Hilaire (Isidore).

175. GÉROME (J.-L.). 86, 87, 174. Gide (André). 102. GlLKlN (Ywan). 56. Goya. 131, 165. GoNET (de). 65. GoNET (M""" de). 136. GoNET (M"*- de). 136. GoRiN. 84. 90. Goupil, Editeur. 173. GouRMONT (R. de). 102, 146. Gravel. 173.

H... (M'"- Violette). 136.

Hennequin (Emile). 54, 116, 122,

130, 175. Herold (A.-F.). 102. Hessel. 173.

208

HiRSCHAUER (Général). 174.

HOLSTEIN (M""'). 65.

HuYSMANs (J.-K.). 54, 64, 155, 156.

94.

Jeanmot. 46.

Langé (U.-G.). - 172.

La Rochefoucauld (Ant. de). 65.

La Rochefoucauld (M"'*" Ant. de).

- 136. LÉAL (Félix). - 38, 134.

LebAS (Hippolyte), Architecte. 86.

Lebon (D^ J.). - 99.

Leblond (Marius et Ary). 65, 120.

Lebrun. 159.

LemerCIER, Imprimeur. 124, 126.

Lerolle. 65.

Llobet, Guitariste. 98, 119.

Mallarmé (Stéphane). 64. 69, 109,

118. Mallarmé (M"*" Geneviève). 69. ManET (Edouard). 159. Marty (André). Editeur. 107. Mar.X (Roger). 119. Mellerio (André). 60, 120. 126.

160. 176.

Mellerio (Marcel). 136. Millet (J.-F.). - 83, 155. Mithouard (Jacques). 136. Moline. 173. Monet (Claude). 160. Monrocq. 126. Montaigne. 100. Montesquiou (R. de). 29. Moreau (Gustave). 83, 165. Morland (Jacques). 102, 156.

Nussac (M. de).

174.

Parent (Armand). - 65. 98, 120.

Pascal. - 100. 118.

Pasteur. 155.

Pellet (G.), Editeur. 173.

Peyrelebade (Propriété de). 12,

13. 16, 22. 46, 63. 79. Philippon (René). 65, 118. Picard (Edmond), Avocat. 56, 69,

118. Pissarro (Camille). 160. Poe (Edgar). - 6, 100. 117. PoiNSOT (M.-C). 172. Puvis DE Chavannes. 164.

Rabaud (E.). - 175. Raffet. 108. Ranson. 65, 160.

209

Rayssac (M""' de). 46, 50, 149. Redon (Ari). - 53, 60. 76, 77, 174. Redon (Bertrand). 9. Redon (M'"*" Bertrand). 171. Redon (Ernest). 9, 12, 43, 44, 46,

172. Redon (Gaston). 13, 172. Redon (Léo). 9, 13, 172. Redon (Marie). 9, 13, 172. Redon (M"><- Odilon). 50, 120, 136,

155. Remacle (Adrien). 102. Rembrandt. 48, 92, 104. Renoir (Aug.). 160. Rivière (Georges). 174. Rousseau (Théodore). 162. Roussel (K.-X.). - 65, 119, 164.

Sabouraud (Docteur). 65, 120. Sainsère (Olivier). 65, 120, 141.

Saint-Simon. 100. Salmon (André). 137.

SCHUFFENECKER. 65.

SCHUMANN. 97.

SÉRUSIER (Paul). 65, 119, 164.

Van Gogh (Vincent). 164.

Van Gogh, frère du précédent. VaniER, Editeur. 173.

Verhaeren (E.). 56.

Vinci (L. de). - 72.

Vines (Ricardo). 65, 98, 119.

Vollard (Ambroise). 64, 173.

Vuillard. - 65, 119, 164.

Wagner (Richard). 118. WattEAU (Antoine). 159.

Willette (Adolphe). 110. Weil (Docteur). 120

173.

ZOUBALOFF.

19.

TABLE DES ILLUSTRATIONS DANS LE TEXTE

Odilon Redon (1914) Frontispice

Paysage 1 0

Etudes Il

Troupeau dans le Médoc 1 3

Etudes 14

Titan 15

La Souffrance 1 7

Dessin 15

Etude 19

Eve 20

A la vieillesse 21

Hantise 23

Portrait de Déodat de Séverac 24

Le bouquet blanc 25

" Voici la bonne déesse, l'idéenne des montagnes... " 27

Silence 28

Etude pour " Silence " 29

La Pensée 33

Passage d'une âme 34

Ornement décoratif 33

Etudes 36

Les prêtresses furent en attente 37

Roland 39

" Elle tire de sa poitrine une éponge toute noire, la couvre de baisers... ' . . 43

Fantôme 45

La Roue 47

Portrait de Madame O. Redon 49

Etudes 50

Portrait de )eune femme 51

Saint Sébastien 52

Des Esselntes 53

" Gloire et louange à toi, Satan... " 55

Les débâcles 36

» Ensuite parait un être singulier, ayant une tête d'homme sur un corps de

poisson... " 37

Araignée 61

Portrait de Monsieur Marins Leblond 64

Portrait de Monsieur Ary Leblond 63

Portrait de Monsieur le Docteur Sabouraud 66

Portrait de Monsieur Armand Parent 67

La mer à Morsat 69

Rose '^ 70

Fillette nue 'I

Dessin à l'encre violette 72

Fleurs dans vase vert ' J

« Lintelligence fut à moi ! Je devins le Bouddha... " 74

Etude 81

Morgat 82

Etude de Centaures 83

« L'œil, comme un ballon bizarre, se dirige vers l'infini... » 83

Un étrange jongleur 89

Petite Madone 91

Christ 97

Fleur illuminée 99

" A travers ses longs cheveux qui lui couvraient la figure, j ai cru reconnaître

Ammonaria... " 101

Sciapode 1 05

Couverture-Frontispice de l'Album Les Origines 107

Sur la coupe 1 09

Sainte Thérèse III

Parsifal 113

Brunnhilde 115

" Le cœur a ses raisons... " 117

" Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie... " 118

Mademoiselle Juliette Dodu 119

Méphisto 123

Tête d'expression 1 27

Pégase blanc 1 29

Etude pour " Roger et Angélique " 133

Etudes de chevaux 1 39

Figure 1 42

Tête de jeune fille 145

Masque 1 47

L'enfant prédestinée 152

" Il y eut peut-être une vision première essayée dans la fleur... " 154

Tête 138

Le Diable 160

Les yeux clos 161

Frontispice pour Le Mouvement idéaliste en Peinture 1 63

Petit Prélat 165

Le sphinx 1 67

« ... Et dans le disque même du soleil rayonne la face de Jésus-Christ... ". . . . 170

Odilon Redon en 1894 171

TABLE DES PLANCHES HORS-TEXTE

Pages

Couverture, d'après l'original du Petit Palais .

La Couronne (Pastel), reproductions en couleurs 12-13

Le papillon blanc fPeinlure) 14- 15

Portrait de jeune homme (Dessin à la mine Je plomh). fac-similé, Collection

Redon 20-21

Germination (Lithographie) 26- 27

La Fieui du marécage (Lithographie) 30- 31

Fleurs (Pastel), reproduction en couleurs 32- 33

Profil de lumière (Fusain) Petit Palais 36-37

Le Calvaire (Dessin à la mine de plomh), fac-similé, COLLECTION Redon .. 40- 41

Papillons (Aquarelle), reproduction en couleurs 44- Al

Pégase (Peinture) 52-53

Le masque de la mort rouge (Fusain), Photo Boncer 58-59

La Désespérance (Peinture sur bois) 62- 63

Profil de jeune fille (Sanguine) '0- 71

P. Sérusier, Ed. Vuillard. M. Denis, P. Bonnard (Lithographies) 74-75

La mort (Lithographie) '^~ ''

Portrait de Redon par lui-même (Dessin sut pierre), COLLECTION Redon.. 78- 79

La première conscience du chaos (Fusain). COLLECTION M.-A. Leblond.. 86- 87

Portrait de Mademoiselle Violette H. (Pastel), reproduction en couleuis.. 88- 89

Ange déchu (Fusain). COLLECTION A. Mellerio 92-93

Portrait de Monsieur 0. Sainsère (Sanguine) 94- 93

Et l'Homme parut... (Lithographie) 98-99

Profils de Hollandaises (Aquarelle), reproduction en couleurs 106-107

Cain tuant .AbeUPcin/ureV 114-113

213

Le liseur (Lithographie) 120-121

Deux profils (Aquarelle), reproduction en couleurs 122-123

Un masque sonne le glas funèbre (Lithographie) 124-123

Femme sauvage (Fusain), fac-similé, COLLECTION RedoN 130-131

Pégase captif (Lithographie) 132-133

Quadrige (Peinture), reproduction en couleurs 136-137

Les pavots noirs (Fusain), Photo Boticm 148-149

Vierge d'aurore (Peinture) 152-153

Fleurs vivantes (Aquarelle), reproduction en couleurs 162-163

214

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

I. L'Homme ET SA Vie

II. L'Artiste et son Œuvre

L'éducation et la formation artistique de Redon.

L'œuvre de Redon

Les estampes. § ] . La Gravure

§ 2. Les Lithographies

Les dessins, fusains, plume, crayon, etc

La peinture de Redon. § I. Peinture et Pastels. § 2. Œuvres décoratives.

III. L'Art de Redon

IV. Odilon Redon. Sa place dans l'Art contemporain. L'Avenir

DE son Œuvre

Pages

7

9

79

81

103

103

106

128

132

140

143

159

171

APPENDICE

CATALOGUE de l'ŒUVRE GRAVÉ et LITHOGRAPHIE de REDON 1 77

SUPPLÉMENT AU CATALOGUE 191

BIBLIOGRAPHIE. - EXPOSITIONS. - MUSÉES ET COLLECTIONS 195

INDEX DE NOMS CITÉS 205

TABLE DES ILLUSTRATIONS DANS LE TEXTE 211

TABLE DES PLANCHES HORS-TEXTE 213

215

ACHEVÉ D'IMPRIMER

LE 30 Mai 1923

Par Jean LANGLOIS

IMPRIMEUR

A PARIS

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UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY

^ Mellerio, André

^ Odilon Redon

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