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— : : .. ^J,..;w, ..'- V
OEUVRES
COMPLÈTES
DE BTJFFON.
TOME 1.
MATIÈRES GÉNÉRALES.
TYPOGRAPHIE DE FIRMIN DIDCT FRÈRES
IMPRIMEURS DE u’iNSTITUT I5E FRANCE,
RUE JACOB , N° 24.
;
OEUVRES
COMPLÈTES
DE BUFFON
AVEC
LES SUPPLÉMENS,
AUGMENTÉES de la classification
DE G. CUVIER,
ET ACCOMPAGNEES
DE 700 VIGNETTES GRAVEES SUR ACIER , REPRESENTANT AU MOINS 900 ANIMAUX.
Sentie fermier.
PARIS,
P. DUMÉNIL, ÉDITEUR, RUE DES BEAUX-ARTS, 10.
MDCCCXXXV.
ÉLOGE DE BUFFON,
PAR CONDORCET.
— — -
George-Louis Leclerc, comte de Buffon,
trésorier de l’Académie des Sciences , de
l’Académie Françoise, de la Société royale de
Londres , des Académies d’Édimbourg , Pé-
tersbourg , Berlin , de l’Institut de Bologne,
naquit à Montbard, le 7 septembre 1707, de
Benjamin Leclerc de Buffon, conseiller au
parlement de Bourgogne, et de mademoiselle
Marlin.
Animé dès sa jennesse du désir d’appren-
dre, éprouvant à la fois et le besoin de mé-
diter et celui d’acquérir de la gloire, M. de
Buffon n’en avoit pas moins les goûts de son
âge; et sa passion pour l’étude, en l’empê-
chant d’être maîtrisé par son ardeur pour le
plaisir, contribuoit plus à la conserver qu’à
l’éteindre. Le hasard lui offrit la connois-
sance du jeune lord Kingston , dont le gou-
verneur aimoit et cultivoit les sciences : cette
société réunissoit pour M. de Buffon l’in-
struction et l’amusement ; il vécut avec eux
à Paris et à Saumur, les suivit en Angleterre,
les accompagna en Italie.
Ni les chefs-d’œuvre antiques, ni ceux
des modernes qui , en les imitant , les ont
souvent surpassés, ni ces souvenirs d’un
peuple-roi sans cesse rappelés par des monu-
mens dignes de sa puissance, ne frappèrent
M. de Buffon; il ne vit que la nature, à la
fois riante, majestueuse et terrible, offrant
des asiles voluptueux et de paisibles retraites
entre des torrens de laves et sur les débris
des volcans, prodiguant ses richesses à des
campagnes qu’elle menace d’engloutir sous
des monceaux de cendres ou de fleuves en-
flammés, et montrant à chaque pas les ves-
tiges et les preuves des antiques révolutions
du globe. La perfection des ouvrages des
hommes, tout ce que leur foiblesse a pu y
imprimer de grandeur, tout ce que le temps
a pu donner d’intérêt ou de majesté, dis-
parut à ses yeux devant les œuvres de cette
main crédîrice dont la puissance s’étend sur
tous les mondes, et pour qui, dans son éter-
nelle activité, les générations humaines sont
à peine un instant. Dès lors il apprit à voir
Buffon. I.
la nature avec transport comme avec ré-
flexion; il réunit le goût de l’observation à
celui des sciences contemplatives; et les em-
brassant toutes dans l’universalité de ses
connoissances , il forma la résolution de leur
dévouer exclusivement sa vie.
Une constitution qui le rendoit capable
d’un travail long et soutenu; une ardeur qui
lui faisoit dévorer sans dégoût et presque
sans ennui les détails les plus fastidieux; un
caractère où il ne se rencontroit aucune de
ces qualités qui repoussent la fortune , le
sentiment qu’il avoit déjà de ses propres
forces, le besoin de la considération, tout
sembloit devoir l’appeler à la magistrature,
où sa naissance lui marquoit sa place, où il
pouvoit espérer des succès brillans et se
livrer à de grandes espérances : elles furent
sacrifiées aux sciences , et ce n’est point le
seul exemple que l’histoire de l’Académie
puisse présenter de ce noble dévouement. Ce
qui rend plus singulier celui de M. de Buffon,
c’est qu’alors il n’étoit entraîné vers aucune
science en particulier par cet attrait puissant
qui force l’esprit à s’occuper d’un objet , et
ne laisse pas à la volonté le pouvoir de l’en
distraire. Mais tout ce qui élevoit ses idées
ou agrandissoit son intelligence avoit un
charme pour lui : il savoit que , si la gloire
littéraire est, après la gloire des armes, la
plus durable et la plus brillante, elle est de
toutes celle qui peut le moins être contestée ;
il savoit enfin que tout homme qui attire les
regards du public par ses ouvrages ou par ses
actions , n’a plus besoin de place pour pré-
tendre à la considération , et peut l’attendre
de son caractère et de sa conduite.
Les premiers travaux de M. de Buffon
furent des traductions; anecdote singulière
que n’a encore présentée la vie d’aucun
homme destiné à une grande renommée. Il
désiroit se perfectionner dans la langue an-
gloise, s’exercer à écrire dans la sienne,
étudier dans Newton le calcul de l’infini ,
dans Haies les essais d’une physique nou-
velle, dans Tull les premières applications
z
ELOGE DE BUFFON
des 'sciences à l'agriculture ; il ne vouloit
pas en même temps qu’un travail nécessaire
à son instruction retardât l’instant où il com-
menceroit à fixer sur lui les regards du pu-
blic, et il traduisit les livres qu’il étudioit.
Chacune de ces traductions est précédée
d’une préface. M. de Buffon a obtenu de-
puis , comme écrivain , une célébrité si
grande et si méritée, que les essais de sa
jeunesse doivent exciter la curiosité. Il est
naturel d’y chercher les -premiers traits de
son talent , de voir ce que les observations
et l’exercice ont pu y ajouter ou y corriger,
de distinguer, en quelque sorte , les dons de
la nature et l’ouvrage de la réflexion. Mais
on ne trouve dans ces préfaces qu’un des
caractères du style de M. de Buffon, cette
gravité noble et soutenue qui ne l’aban-
donne presque jamais. Son goût étoit déjà
trop formé pour lui permettre de chercher
des ornemens que le sujet eût rejetés , et
son nom trop connu pour le risquer. La
timidité et la hardiesse peuvent être égale-
ment le caractère du premier ouvrage d’un
homme de génie; mais la timidité, qui sup-
pose un goût inspiré par la nature et une
sagesse prématurée, a été le partage des écri-
vains qui ont montré le talent le plus pur et
le plus vrai. Rarement ceux dont une crainte
salutaire n’a point arrêté les pas au commen-
cement de la carrière, ont pu en atteindre
le terme et ne pas s’y égarer.
M. de Buffon parut d’abord vouloir se
livrer uniquement aux mathématiques : re-
gardées , surtout depuis Newton , comme le
fondement et la clef des connoissances na-
turelles, elles éloient, en quelque sorte, de-
venues parmi nous une science à la mode ;
avantage qu’elles dévoient en partie à ce
que M. de Maupertuis, le savant alors le
plus connu des gens du monde, étoit un
géomètre. Mais, si M. de Buffon s’occupa
quelque temps de recherches mathématiques,
c’étoit surtout pour s’étudier lui-même, es-
sayer ses forces, et connoître la trempe de
son génie. Bientôt il sentit que la nature
l’appeloit à d’autres travaux , et il essaya
une nouvelle route que le goût du public lui
indiquoit encore.
A l’exemple de M. Duhamel, il voulait
appliquer les connoissances physiques à des
objets d’une utilité immédiate ; il étudia en
physicien les bois dont il étoft obligé de
s’occuper comme propriétaire, et publia sur
cette partie de l’agriculture plusieurs mé-
moires remarquables surtout par la sagesse
avec laquelle, écartant tout système, toute
vue générale, mais incertaine, il se borne à
raconter des faits, à détailler des expériences*
Il n’ose s’écarter de l’esprit qui commençoit
alors à dominer parmi les savans , de cette
fidélité sévère et scrupuleuse à ne prendre
pour guides que l’observation et le calcul ,
à s’arrêter dès l’instant où ces fils secoura-
bles se brisent ou s’échappent de leurs mains.
Mais s’il fut depuis moins timide , il faut lui
rendre cette justice, qu’en s’abandonnant
trop facilement peut-être à des systèmes
spéculatifs, dont l’adoption peut tout au
plus égarer quelques savans et ralentir leur
course, jamais il n’étendit cet esprit systéma-
tique sur des objets immédiatement applica-
bles à l’usage commun , où il pourroit con-
duire à des erreurs vraiment nuisibles.
Parmi les observations que renferment
ces mémoires, la plus importante est celle
où il propose un moyen de donner à l’aubier
une dureté au moins égale à celle du cœur
du bois, qui est elle-même augmentée par
ce procédé; il consiste à écorcer les arbres
sur pied dans le temps de la sève , et à les y
laisser dessécher et mourir. Les ordonnances
défendoient cette opération; car elles ont
trop souvent traité les hommes comme si ,
condamnés à une enfance éternelle ou à une
incurable démence, on ne pouvoit leur laisser
sans danger la disposition de leurs propriétés
et l’exercice de leurs droits.
Peu de temps après , M. de Buffon prouva
par îe fait la possibilité des miroirs brûlans
d’Archimède et de Proclus. Tzetzès en a
laissé une description qui montre qu’ils
avoient employé un système de miroirs
plans. Les essais tentés par Kircher avec un
petit nombre de miroirs , ne laissoient aucun
doute sur le succès; M. Dufay a voit répété
cette expérience; Hartsoeker avoit même
commencé une machine construite sur ce
principe ; mais il restoit à M. de Buffon
l’honneur d’avoir montré , le premier parmi
les modernes , l’expérience extraordinaire
d’un incendie allumé à deux cents pieds de
distance ; expérience qui n’avoit été vue
avant lui qu’à Syracuse et à Constantinople.
Bientôt après, il proposa l’idée d’une loupe
à échelons , n’exigeant plus ces masses énor-
mes de verres si difficiles à fondre et à tra-
vailler, absorbant une moindre quantité de
lumière, parce quelle peut n’avoir jamais
qu’une petite épaisseur, offrant enfin l’avan-
tage de corriger une grande partie de l’aber-
ration de sphéricité. Cette loupe, proposée
en 1748 par M. de Buffon, n’a été exécutee
que par M. l’abbé Rochon, plus de trente
ans après , avec assez de succès pour montrer
quelle mérite la préférence sur les lentilles
3
PAR CONDORCET.
ordinaires. On pourvoit même composer de
plusieurs pièces ces loupes à échelons ; on y
gagnerait plus de facilité dans la construc-
tion, une grande diminution de dépense,
l’avantage de pouvoir leur donner plus d’é-
tendue, et celui d’employer, suivant le be-
soin , un nombre de cercles plus ou moins
grand , et d’obtenir ainsi d’un même instru-
ment différens degrés de force.
En 1739, M. de JBuffon fut nommé in-
tendant du Jardin du Roi. Les devoirs de
cette place fixèrent pour jamais son goût
jusqu’alors partagé entre différentes scien-
ces ; et sans renoncer à aucune , ce ne fut
plus que dans leui’s rapports avec l'histoire
naturelle qu’il se permit de les envisager.
Obligé d’étudier les détails de cette science
si vaste , de parcourir les compilations im-
menses où l’on avoit recueilli les observa-
tions de tous les pays et de tous les siècles,
bientôt son imagination éprouva le besoin de
peindre ce que les autres avoient décrit; sa
tête , exercée à former des combinaisons ,
sentit celui de saisir des ensembles où les
observateurs ne lui offroient que des faits
épars et sans liaison.
Il osa donc concevoir le projet de ras-
sembler tous ces faits, d’en tirer des résultats
généraux qui devinssent la théorie de la na-
ture, dont les observations ne sont que
l’histoire ; de donner de l’intérêt et de la vie
à celle des animaux, en mêlant un tableau
philosophique de leurs mœurs et de leurs
habitudes à des descriptions embellies de
toutes les couleurs dont l’art d’écrire pouvoit
les orner ; de créer enfin pour les philoso-
phes , pour tous les hommes qui ont exercé
leur esprit ou leur âme , une science qui
n’existoit encore que pour les naturalistes.
L’immensité de ce plan ne le rebuta
point; il prévoyoit sans doute qu’avec un
travail assidu de tous les jours, continué
pendant une longue vie, il n’en pourrait en-
core exécuter qu’une partie : mais il s’agis-
soit surtout de donner l’exemple et d’impri-
mer le mouvement aux esprits. La difficulté
de répandre de l’intérêt sur tant d’objets
inanimés ou insipides ne l’arrêta point; il
avoit déjà celte conscience de talent qui ,
comme la conscience morale , ne trompe ja-
mais quand on l’interroge de bonne foi , et
qu’on la laisse dicter seule la réponse.
Dix années furent employées à préparer
des matériaux, à former des combinaisons,
à s’instruire dans la science des faits, à
s’exercer dans l’art d’écrire , et au bout de
ce terme le premier volume de Y Histoire na-
turelle vint étonner l’Europe. En parlant de
cet ouvrage, que tous les hommes ont lu ,
que presque tous ont admiré, qui a rempli,
soit par le travail de la composition, soit
par des études préliminaires , la vie entière
de M. de Buffon , nous ne prendrons pour
guide que la vérité ; (car pourquoi cherche-
rions-nous vainement à flatter par des éloges
qui ne dureraient qu’un jour, un nom qui
doit vivre à jamais?) et en évitant, s’il est
possible, l’influence de toutes les causes qui
peuvent agir sur l’opinion souvent passagère
des contemporains, nous tâcherons de pré-
voir l’opinion durable de la postérité.
La théorie générale du globe que nous
habitons, la disposition, la nature et l’ori-
gine des substances qu’il offre à nos regards,
les grands phénomènes qui s’opèrent à sa
surface ou dans son sein ; l’histoire de
l’homme et les lois qui président à sa forma-
tion, à son développement, à sa vie, à sa
destruction; la nomenclature et la descrip-
tion des quadrupèdes ou des oiseaux , l’exa-
men de leurs facultés, la peinture de leurs
mœurs, tels sont les objets que M. de Buffon
a traités.
Nous ne connoissons, par des observations
exactes, qu’une très-petite partie de la sur-
face du globe; nous n’avons pénétré dans
ses entrailles que conduits par l’espérance,
plus souvent avide qu’observatrice, d’en
tirer ce qu’elles renferment d’utile à nos be-
soins, de précieux à l’avarice ou au luxe;
et, lorsque M. de Buffon donna sa Théorie
de la Terre, nos connnoissanees n’étoient
même qu’une foible partie de celles que nous
avons acquises, et qui sont si imparfaites
encore. On pouvoit donc regarder comme
téméraire l’idée de former dès lors une théo-
rie générale du globe , puisque celte entre-
prise le serait encore aujourd’hui. Mais
M. de Buffon connoissoit trop les hommes
pour ne pas sentir qu’une science qui n’of-
friroit que des faits particuliers , ou ne pré-
senterait des résultats généraux que sous la
forme de simples conjectures, frapperait
peu les esprits vulgaires , trop foibles pour
supporter le poids du doute. Il savoit que
Descartes n’avoit attiré les hommes à la
philosophie que par la hardiesse de ses sys-
tèmes; qu’il ne les avoit arrachés au joug
de l’autorité, à leur indifférence pour la
vérité, qu’en s’emparant de leur imagination,
en ménageant leur paresse ; et qu’ensuite ,
libres de leurs fers , livrés à l’avidité de con-
noîire, eux-mêmes avoient su choisir la
véritable roule. Il avoit vu enfin, dans l’his-
toire des sciences , que 1 époque^ de leurs
grands progrès avoit presque toujours été
ELOGE DE BUFFON
celle des systèmes célèbres, parce que ces sys-
tèmes exaltant à la fois l’activité de leurs ad-
versaires et celle de leurs défenseurs , tous
les objets sont alors soumis à une discussion
dans laquelle l’esprit de parti, si difficile sur
les preuves du parti contraire, oblige à les
multiplier. C’est alors que chaque combattant,
s’appuyant sur toqs les faits reçus, ils sont
tous soumis à un examen rigoureux ; c’est
alors qu’ayant épuisé ces premières armes, on
cherche de nouveaux faits pour s’en procurer
de plus sûres et d’une trempe plus forte.
Ainsi la plus austère philosophie peut
pardonner à un physicien de s’être livré à
son imagination, pourvu que ses erreurs
aient contribué aux progrès des sciences,
ne fût-ce qu’en imposant la nécessité de le
combattre; et si les hypothèses de M. de
Buffon, sur la formation des planètes, sont
contraires à ces même lois du système du
monde, dont il avoit été en France un des
premiers, un des plus zélés défenseurs, la
vérité sévère, en condamnant ces hypo-
thèses , peut encore applaudir à l’art avec
lequel l’auteur a su les présenter.
Les objections de quelques critiques , des
observations nouvelles, des faits ancienne-
ment connus, mais qui lui avoient échappé,
forcèrent M. de Buffon d’abandonner quel-
ques points de sa Théorie de la Terre.
Mais, dans ses Époques de la Nature ,
ouvrage destiné à rendre compte de ses vues
nouvelles, à modifier ou à défendre ses
principes , il semble redoubler de hardiesse
à proportion des pertes que son système a
essuyées, le défendre avec plus de force,
lorsqu’on l’auroit cru réduit à l’abandonner,
et balancer par la grandeur de ses idées ,
par la magnificence de son style, par le
poids de son nom, l’autorité des savans
réunis , et même celle des faits et des calculs.
La Théorie de la Terre fut suivie de V His-
toire de l’Homme , qui en a reçu ou usurpé
l’empire.
La nature a couvert d’un voile impéné-
trable les lois qui président à la reproduc-
tion des êtres ; M. de Buffon essaya de le
lever , ou plutôt de deviner ce qu’il cachoit.
Dans les liqueurs où les autres naturalistes
avoient vu des animaux , il n’aperçut que
des molécules organiques, élémens communs
de tous les êtres animés. Les infusions de
diverses matières animales et celles des
graines présentoient les mêmes molécules
avec plus ou moins d’abondance : elles ser-
vent donc également à la reproduction des
êtres, à leur accroissement, à leur con-
servation; elles existent dans les alimens
dont ils se nourrissent, circulent dans leui
liqueurs, s’unissent à chacun de leurs or
ganes pour réparer les pertes qu’il a pi
faire. Quand ces organes ont encore la flexi
bilité de l’enfance , les molécules organiques
se combinant de manière à en conserver O'
modifier les formes , en déterminent le dé
veloppement et les progrès; mais, aprè
l’époque de la jeunesse, lorsqu’elles son
rassemblées dans des organes particuliers
où échappant à la force qu’exerce sur elle
le corps auquel elles ont appartenu, elle
peuvent former de nouveaux composés ; elle
conservent, suivant les différentes parties Oi
elles ont existé, une disposition à se réuni
de manière à présenter les mêmes formes
et reproduisent par conséquent des indivi
dus semblables à ceux de qui elles son
émanées. Ce système brillant eut peu d
partisans ; il étoit trop difficile de se fair
une idée de cette force , en vertu de laquell
les molécules enlevées à toutes les partie
d’un corps conservoient une tendance à s
replacer dans un ordre semblable. D’ailleuri!
les recherches de Haller sur la formatio:
du poulet contredisoient cette opinion avei
trop de force ; l’identité des membranes di
l’animal naissant, et de celles de l’œuf, s
refusoit trop à l’hypothèse d’un animal formi
postérieurement , et ne s’y étant attaché qui
pour y trouver sa nourriture. Les observa
tions de Spallanzani sur les mêmes liqueur
et sur les mêmes infusions sembloient éga
lement détruire , jusque dans son principe
le système des molécules organiques. Ma
lorsque, dégagé des liens de ce système
M. de Buffon n’est plus que peintre, histc
rien et philosophe, avec quel intérêt, pai
courant l’univers sur ses traces, on vo
l’homme, dont le fond est partout le même j
modifié lentement par l’action continue d
climat , du sol , des habitudes , des préjugé, j
changer de couleur et de physionomie comm j
de goût et d’opinion, acquérir ou perdre d !
la force, de l’adresse, de la beauté, comm;
de l’intelligence , de la sensibilité et de;
vertus! Avec quel plaisir on suit dans so
ouvrage l’histoire des progrès de l’homme
et même celle de sa décadence ! On étudi 1
les lois de cette correspondance constant!
entre les changemens physiques des seri
ou des organes , et ceux qui s’opèrent dar |
l’entendement ou dans les passions ; on ap ;;
prend à connoître le mécanisme de nos sen:|
ses rapports avec nos sensations ou ne J
idées, les erreurs auxquelles ils nous expef
sent, la manière dont nous apprenons
voir, à toucher, à entendre, et commet
PAR CONDORCET.
l’enfant, de qui les yeux foibles et incer-
tains apercevoient à peine un amas confus
| de couleurs, parvient, par l’habitude et la
réflexion, à saisir d’un coup d’œil le ta-
bleau d’un vaste horizon, et s’élève jusqu’au
pouvoir de créer et de combiner des images.
Avec quelle curiosité enfin on observe ces
détails qui intéressent le plus vif de nos
plaisirs et le plus doux de nos sentimens ,
ces secrets de la nature et de la pudeur aux-
quels la majesté du style et la sévérité des
réflexions donnent de la décence et une
sorte de dignité philosophique qui permet-
tent aux sages mêmes d’y arrêter leurs re-
gards et de les contempler sans rougir !
Les observations dispersées dans les livres
des anatomistes , des médecins et des voya-
geurs , forment le fond de ce tableau , offert
pour la première fois aux regards des hommes
I avides de se connoître et surpris de tout ce
: qu’ils apprenoient sur eux-mêmes , et de
retrouver ce qu’ils avoient éprouvé , ce
j cpi’ils avoient vu sans en avoir eu la con-
I science ou conservé la mémoire.
Avant d’écrire l’histoire de chaque espèce
d’animaux , M. de Buffon crut devoir porter
j ses recherches sur les qualités communes à
toutes , qui les distinguent des êtres des
autres classes. Semblables à l’homme dans
presque tout ce qui appartient au corps;
I n’ayant avec lui dans leurs sens , dans leurs
j organes, que ces différences qui peuvent
j exister entre des êtres d’une même nature,
et qui indiquent seulement une infériorité
,dans les qualités semblables; les animaux
sont-ils absolument séparés de nous par
leurs facultés intellectuelles ? M. de Buffon
essaya de résoudre ce problème, et nous
n’oserions dire qu’il l’ait résolu avec succès.
Craignant d’effaroucher des regards faciles
à blesser en présentant ses opinions autre-
ment que sous un voile , celui dont il les
(lcouvre a paru trop difficile à percer. On
( peut aussi lui reprocher , avec quelque jus-
(jtice, de n’avoir pas observé les animaux
,,^vec assez de scrupule; de n’avoir point
j porté ses regards sur des détails petits en
, eux-mêmes , mais nécessaires pour saisir les
( nuances très-fines de leurs opérations. Il
t(pemble n’avoir aperçu dans chaque espèce
t du’une uniformité de procédés et d’habi-
j, odes , qui donne l’idée d’êtres obéissans à
j, -ne force aveugle et mécanique, tandis qu’en
5 observant de plus près , il auroit pu aperce-
voir des différences très-sensibles entre les
D individus , et des actions qui semblent appar-
tenir au raisonnement , qui indiquent même
B ies idées abstraites et générales.
5
La première classe d’animaux décrite par
M. de Buffon est celle des quadrupèdes ; la
seconde celle des oiseaux; et c’est à ceâ
deux classes que s’est borné son travail. Une
si longue suite de descriptions sembloit de-
voir être monotone et ne pouvoit intéresser
que les savans : mais le talent a su triom*
pher de cet obstacle. Esclaves ou ennemis
de l’homme, destinés à sa nourriture, ou
n’étant pour lui qu’un spectacle, tous ces
êtres, sous le pinceau de M. de Buffon , ex-
citent alternativement la terreur, l’intérêt,
la pitié ou la curiosité. Le peintre philosophe
n’en appelle aucun sur cette scène toujours
attachante, toujours animée, sans marquer
la place qu’il occupe dans l’univers, sans
montrer ses rapports avec nous. Mais s’agit-
il des animaux qui sont connus seulement
par les relations des voyageurs, qui ont
reçu d’eux des noms différens , dont il faut
chercher l’histoire et quelquefois discutef
la réalité au milieu de récits vagues et sou-
vent défigurés par le merveilleux , le savant
naturaliste impose silence à son imagination ;
il a tout lu , tout extrait , tout analysé , tout
discuté : on est étonné de trouver un no-
mencîateur infatigable dans celui de qui on
n’attendoit que des tableaux imposans ou
agréables ; on lui sait gré d’avoir plié son
génie à des recherches si pénibles; et ceux
qui lui auroient reproché peut-être d’avoir
sacrifié l’exactitude à l’effet , lui pardonnent
et sentent ranimer leur confiance.
Des réflexions philosophiques mêlées aux
descriptions , à l’exposition des faits et à la
peinture des mœurs, ajoutent à l’intérêt,
aux charmes de cette lecture et à son utilité.
Ces réflexions ne sont pas celles d’un phi-
losophe qui soumet toutes ses pensées à une
analyse rigoureuse, qui suit sur les divers ob-
jets les principes d’une philosophie toujours
une ; mais ce ne sont pas non plus ces ré-
flexions isolées que chaque sujet offre à
l’esprit , qui se présentent d’elles-mêmes , et
n’ont qu’une vérité passagère et locale.
Celles de M. de Buffon s’attachent toujours
à quelque loi générale de la nature , ou du
moins à quelque grande idée.
Dans ses discours sur les animaux domes-
tiques, sur les animaux carnassiers , sur la
dégénération des espèces , on le voit tantôt
esquisser l’histoire du règne animal consi-
déré dans son ensemble, tantôt parler en
homme libre de la dégradation où la servi-
tude réduit les animaux; en homme sensible,
de la destruction à laquelle l’espèce humaine
les a soumis ; et en philosophe, de la néces-
sité de cette destruction , des effets lents et
ÉLOGE DE BUFFON
6
sûrs de cette servitude, de son influence
sur la forme, sur les facultés, sur les habi-
tudes morales des différentes espèces. Des
traits qui semblent lui échapper caractérisent
la sensibilité et la fierté de son âme; mais
elle paroît toujours dominée par une raison
supérieure : on croit, pour ainsi dire, con-
verser avec une pure intelligence , qui n’au-
roit de la sensibilité humaine que ce qu’il
en faut pour se faire entendre de nous et
intéresser notre foiblesse.
Dans son discours sur les perroquets , il
fait sentir la différence de la perfectibilité
de l’espèce entière, apanage qu’il croit ré-
servé à l’homme , et de cette perfectibilité
individuelle que l’animal sauvage doit à la
nécessité, à l’exemple de son espèce , et l’a-
nimal domestique aux leçons de son maître.
Il montre comment l’homme par la durée
de son enfance, par celle du besoin phy-
sique des secours maternels, contracte l’ha-
bitude d’une communication intime qui le
dispose à la société, qui dirige vers ses
rapports avec ses semblables le développe-
ment de ses facultés , susceptibles d acquérir
une perfection plus grande dans un être
plus heureusement organisé et né avec de
plus grands besoins.
Peut-être cette nuance entre nous et les
animaux est-elle moins tranchée que M. de
Buffon n’a paru le croire ; peut-être, comme
l’exemple des castors semble le prouver,
existe-t-il des espèces d’animaux susceptibles
d’une sorte de perfectibilité non moins
réelle, mais plus lente et plus bornée : qui
pourvoit même assurer qu’elle ne s’élendroil
pas bien au delà des limites que nous osons
lui fixer, si les espèces qui nous paroissent
les plus ingénieuses , affranchies de la crainte
dont les frappe la présence de l’homme , et
soumises par des circonstances locales à des
besoins assez grands pour exciter l’activité ,
mais trop foiblcs pour la détruire, éprou-
voient la nécessité et avoient en même
temps la liberté de déployer toute l’énergie
dont la nature a pu les douer ? Des observa-
tions long-temps continuées pourroient
seules donner le droit de prononcer sur
cette question; il suffit, pour la sentir, de
jeter un regard sur notre espèce même.
Supposons que les nations européennes
n’aient pas existé, que les hommes soient
sur toute la terre ce qu’ils sont en Asie et
en Afrique, qu’ils soient restés partout à ce
même degré de civilisation et de connois-
sances auquel ils étoient déjà dans le temps
où commence pour nous l’histoire : ne seroit-
onpas alors fondé à croire qu’il est un terme
que dans chaque climat l’homme ne peul
passer? ne regarderoit-on pas comme un
visionnaire le philosophe qui oseroit pro-
mettre à l’espèce humaine les progrès qu’elk
a faits et qu’elle fait journellement en Eu-
rope ?
La connoissance anatomique des animaux
est une portion importante de leur histoire.
M. de Buffon eut , pour cette partie de son
ouvrage , le bonheur de trouver des secours
dans l’amitié généreuse d’un célèbre natu-
raliste, qui, lui laissant la gloire attachée
à ces descriptions brillantes, à ces peintures,
de mœurs, à ces réflexions philosophiques
qui frappent tous les esprits, se contentoil
du mérite plus modeste d’obtenir l’estime
des savans par des détails exacts et précis,
par des observations faites avec une rigueur
scrupuleuse, par des vues nouvelles qu’eux
seuls pou voient apprécier. Ils ont regrette
que M. de Buffon n’ait pas, dans l’histoire
des oiseaux , conservé cet exact et sage
coopérateur : mais ils l’ont regretté seuls,
nous l’avouons sans peine et sans croire di
marner par là le juste tribut d’honneui
qu’ont mérité les travaux de M. Daubenton. I
A l’histoire des quadrupèdes et des oi-j
seaux succéda celle des substances miné-
rales.
Dans cette partie de son ouvrage , peut- ,
être M. de Buffon n’a-t-il pas attaché assez !
d’importance aux travaux des chimistes!
modernes , à cette foule de faits précis et|
bien prouvés dont ils ont enrichi la science j|
de la nature, à cette méthode analytique1
qui conduit si sûrement à la vérité, oblige
de l’attendre lorsqu’elle n’est pas encore i |
notre portée , et ne permet jamais d’y sub-
stituer des erreurs. En effet, l’analyse chi-i
mique des substances minérales peut seule j
donner à leur nomenclature une base solide f
répandre la lumière sur leur histoire , sur j
leur origine , sur les antiques événemen;
qui ont déterminé leur formation.
Malgré ce juste reproche , on retrouve
dans l’histoire des minéraux le talent et h
philosophie de M. de Buffon, ses aperçu;
ingénieux, ses vues générales et grandes. j
ce talent de saisir dans la suite des fait;
tout ce qui peut appuyer ces vues, de s’em-
parer des esprits, de les entraîner où i:
veut les conduire, et de faire admirer l’au-
teur lors même que la raison ne peul adop- ;
ter ses principes.
V Histoire naturelle renferme un ouvrage,
d’un genre différent , sous le titre d 'Jrith- 1
métique morale. Une application de calcul s
la probabilité de la durée de la vie humaine
PAR CONDORCET.
1
à-
la
ine
entrait dans le plan de l’ Histoire naturelle ;
M. de Buffon ne pouvoit guère traiter ce
sujet sans porter un regard philosophique
sur les principes mêmes de ce calcul , et
sur la nature des différentes vérités. Il y
établit cette opinion, que les vérités ma-
thématiques ne sont jpoint des vérités réelles,
mais de pures vérités de définition : obser-
vation juste, si on veut la prendre dans la
rigueur métaphysique, mais qui s’applique
également alors aux vérités de tous les
ordres , dès qu’elles sont précises et qu’elles
n’ont pas des individus pour objet. Si en-
suite on veut appliquer ces vérités à la pra-
tique et les rendre dès lors individuelles,
semblables encore à cet égard aux vérités
mathématiques, elles ne sont plus que des vé-
rités approchées.Il n’existeréellementqu’une
seule différence : c’est que les idées dont
l’identité forme les vérités mathématiques
ou physiques sont plus abstraites dans les
premières ; d’où il résulte que , pour les vé-
rités physiques, nous avons un souvenir
distinct des individus dont elles expriment
les qualités communes , et que nous ne l’a-
vons plus pour les autres. Mais la véritable
réalité, l’utilité d’une proposition quelcon-
que est indépendante de cette différence;
car on doit regarder une vérité comme
réelle, toutes les fois que, si on l’applique
à un objet réellement existant, elle reste
une vérité absolue, ou devient une vérité
indéfiniment approchée.
M. de Buffon proposoit d’assigner une
valeur précise à la probabilité très-grande
que l’on peut regarder comme une certitude
morale , et de n’avoir , au delà de ce terme ,
aucun égard à la petite possibilité d’un
événement contraire. Ce principe est vrai ,
lorsque l’on veut seulement appliquer à
l’usage commun le résultat d’un calcul ; et
dans ce sens tous les hommes l’ont adopté
dans la pratique, tous les philosophes l’ont
suivi dans leurs raisonnemens ; mais il cesse
d’être juste si on l’introduit dans le calcul
même, et surtout si on veut l’employer à
établir des théories, à expliquer des para-
doxes, à prouver ou à combattre des règles
générales. D’ailleurs, cette probabilité, qui
peut s’appeler certitude morale , doit être
plus ou moins grande suivant la nature des
objets que l’on considère, et les principes
qui doivent diriger notre conduite; et il au-
roit fallu marquer, pour chaque genre de
vérités et d’actions, le degré de probabilité
où il commence à être raisonnable de croire
et permis d’agir.
C’est par respect pour les talens de notre
illustre confrère que nous nous permettons
de faire ici ces observations. Lorsque des
opinions qui paraissent erronées se trouvent
dans un livre fait pour séduire l’esprit comme
pour l’éclairer, c’est presque un devoir
d’avertir de les soumettre à un examen ri-
goureux. L’admiration dispose si facilement
à la croyance, que les lecteurs, entraînés
à la fois par le nom de l’auteur et par le
charme du style, cèdent sans résistance,
et semblent craindre que le doute , en affoi-
blissant un enthousiasme qui leur est cher,
ne diminue leur plaisir. Mais on doit encore
ici à M. de Buffon , sinon d’avoir répandu
une lumière nouvelle sur cette partie des
mathématiques et de la philosophie, du
moins d’en avoir fait sentir l’utilité, peut-
être même d’en avoir appris l’existence à
une classe nombreuse qui n’auroit pas été
en chercher les principes dans les ouvrages
des géomètres , enfin d’en avoir montré la
liaison avec l’histoire naturelle de l’homme.
C’est avoir contribué aux progrès d’une
science qui, soumettant au calcul les événe-
mens dirigés par des lois que nous nommons
irrégulières, parce qu’elles nous sont incon-
nues, semble étendre l’empire de l’esprit
humain au delà de ses bornes naturelles , et
lui offrir un instrument à l’aide duquel ses
regards peuvent s’étendre sur des espaces
immenses , que peut-être il ne lui sera ja-
mais permis de parcourir.
On a reproché à la philosophie de M. de
Buffon non seulement ces systèmes généraux
dont nous avons parlé, et qui reparaissent
trop souvent dans le cours de ses ouvrages,
mais on lui a reproché un esprit trop sys-
tématique, ou plutôt un esprit trop prompt
à former des résultats généraux d’apres les
premiers rapports qui l’ont frappé, et de
négliger trop ensuite les autres rapports qui
auraient pu ou jeter des doutes sur ces ré-
sultats, ou en diminuer la généralité, ou
leur ôter cet air de grandeur, ce caractère
imposant, si propre à entraîner les imagi-
nations ardentes et mobiles. Les savans qui
cherchent la vérité étoient fâchés d’être
obligés sans cesse de se défendre contre la
séduction, et de ne trouver souvent, au
lieu de résultats et de faits propres à servir
de base à leurs recherches et à leurs obser-
vations , que des opinions à examiner et des
doutes à résoudre.
Mais si Y Histoire naturelle a eu parmi
les savans des censeurs sévères, le style de
cet ouvrage n’a trouvé que des admirateurs.
M. de Buffon est poète dans ses descrip-
tions ; mais , eomme les grands poètes , il
« ÉLOGE DE BUFFON
sait rendre intcr'éssânte h peinture dés ob-
jets physiques, en y mêlant avec art des
idées morales qui intéressent l’âme, en même
'temps que l’imagination est amusée ou éton-
taée. Son style est harmonieux, non de cette
harmonie qui appartient à tous les écrivains
corrects à qui le sens de l’oreille n’a pas
été refusé, et qui consiste presque unique-
ment à éviter les sons durs ou pénibles ,
mais de cette harmonie qui est une partie
du talent, ajoute aux beautés par une sorte
d’analogie entre les idées et les sons, et
fait que la phrase est douce et sonore,
majestueuse ou légère, suivant les objets
qw’elle doit peindre et les sentimens qu’elle
doit réveiller.
Si M. de Buffon est plus abondant que
précis, cette abondance est plutôt dans les
choses que dans les mots : il ne s’arrête pas
à une idée simple, il en multiplie les nuan-
ces; mais chacune d’elles est exprimée avec
précision. Son style a de la majesté, de la
pompe ; mais c’est parce qu’il présente dés
idées vastes et de grandes images. La
force et l’énergie lui paraissent naturelles ;
il semble qu’il lui ait été impossible de
parler, ou plutôt de penser autrement. On
a loué la variété de ses tons, on s’est plaint
de sa monotonie; mais ce qui petit être fondé
dans cette censure est encore un sujet d’éloge.
En peignant la nature sublime ou terrible ,
douce ou riante; en décrivant la fureur du
tigre, la majesté du cheval, la fierté et la
rapidité de l’aigle, les couleurs brillantes du
colibri, la légèreté de l’oiseau-mouche, son
style prend le caractère des objets; mais il
conserve sa dignité imposante : c’est tou-
jours la nature qu’il peint, et il sait que
meme dans les petits objets elle a manifesté
toute sa puissance. Frappé d’une sorte de
respect religieux pour les grands phéno-
mènes de 1 univers , pour les lois générales
auxquelles obéissent les diverses jiarties du
vaste ensemble qu’il a entrepris de tracer,
ce sentiment se montre partout, et forme
ni quelque sorte le fond sur lequel il répand
de Ja variété, sans que cependant on cesse
jamais de l’apercevoir.
Cet art de peindre en ne paraissant que
raconter, ce grand talent du style porté aux
objets qu’on avoit traités avec clarté , avec
elegance, et même embellis par des ré-
llexions ingénieuses , mais auxquels jusqu’à-
lors I éloquence avoit paru étrangère, frap-
pèrent bientôt tous les esprits : la langue
Ira i^oise était déjà devenue la langue de
Lui ope, et M. de Buffon eut partout des
le^teyrs et des disciples. Mais ce qui est
plus glorieux parce qu’il s’y joint une uti-
lité réelle, lé succès de ce grand ouvrage
fut l’épôqne d’une révolution dans les es-
prits; on ne put le lire sans avoir envie de
jeter au moins un coup d’œil sur la nature,
et l’histoire naturelle devint une connois-
sance presque vulgaire; elle fut pour toutes
les classes de la société , ou un amusement,
ou une occupation; on voulut à voie une bi-
bliothèque. Mais le résultat n’eh est pas le
même; car dans les bibliothèques on ne
fait que répéter les exemplaires des mêmes
livres : ce sont au contraire des individus
différeiis qu’on rassemble dans les cabinets;
ils s’y multiplient pour les naturalistes, à
qui dès lors les objets dignes d’être observés
échappent plus difficilement.
La botanique , la métallurgie , les parties
de l’histoire naturelle immédiatement utiles
à la médecine, au commerce, aux manufac-
tures , avoient été encouragées : mais c’est
à la science même, à cette science commë
ayant pour objet la conuoissanfce de la na-
ture , que M. de Buffon a su le premier in-
téresser les souverains , les grands , les
hommes publics de toutes les nations. Plus
sûrs d’obtenir des récompenses, pouvant
aspirer enfin à cette gloire populaire que
les vrais savans savent apprécier mieux que
les autres hommes , mais qu’ils ne méprisent
point, les naturalistes se sont livrés à leurs
travaux avec une ardeur nouvelle ; on les
a vus se multiplier à la voix de M. de Buf-
fon dans les provinces comme dans les ca-
pitales, dans les autres parties du moude j
comme dans l’Europe. Sans doute on avoit I
cherché avant lui à faire sentir la nécessité i
de l’étude de la nature; la science n’étoit ;
pas négligée; la curiosité humaine s’étoit j
portée dans les pays éloignés, avoit voulu
connoître la surface de la terre , et pénétrer :
dans son sein; mais on peut appliquer à
M. de Buffon ce que lui -même a dit d’un
autre philosophe également célèbre , son ri-
val dans l’art d’écrire, comme lui plus utile S
peut-être par l’effet de ses ouvrages que par ;
les vérités qu’ils renferment : D’autres !
avoient dit les mêmes choses ; mais il les a
commandées au nom de la nature i et on lui
a obéi.
Peut-être le talent d’inspirer aux autres
son enthousiasme, de les forcer de concou-
rir aux mêmes vues , n’est pas moins néces-
saire que celui des découvertes au perfçe*
tionnement de l’espèce humaine; peut-êtra
n’est-il pas moins rare, n’exige-t-il pas moins
ces grandes qualités de l’esprit qui nous
forcent à l’admiration, Noug l’accordons à
!
s
I
n
P
P
i
di
li
El
vains, les défauts tiennent souvent aux beau-
tés, ont la même origine, sont plus difficiles
à distinguer ; et ce sont ces défauts que l’imi-
tateur ne manque jamais de transporter dans
ses copies. Veut-on les prendre pour mo-
dèles, il ne faut point chercher à saisir leur
manière , il ne faut point vouloir leur res-
sembler, mais se pénétrer de leurs beautés,
aspirer à produire des beautés égales , s’ap=.
pliquer comme eux à donner un caractère;
10
ÉLOGE DE BUFFON
original à ses productions , sans copier celui
qui frappe ou qui séduit dans les leurs.
Il seroit donc injuste d’imputer à ces
grands écrivains les fautes de leurs enthou-
siastes, de les accuser d’avoir corrompu le
goût , parce que des gens qui en manquoient
les ont parodiés en croyant les imiter. Ainsi,
on auroit tort de reprocher à M. de Buffon
ces idées vagues, cachées sous des expres-
sions ampoulées, ces images incohérentes,
cette pompe ambitieuse du style, qui dé-
figure tant de productions modernes, comme
on auroit tort de vouloir rendre Rousseau
responsable de cette fausse sensibilité, de
cette habitude de se passionner de sang-
froid, d’exagérer toutes les opinions, enfin
de cette manie de parler de soi sans néces-
sité , qui sont devenues une espèce de mode ,
et presque un mérite. Ces erreurs passagères
dans le goût d’une nation cèdent facilement
à l’empire de la raison et à celui de l’exem-
ple: l’enthousiasme exagéré, qui fait admirer
jusqu’aux défauts des hommes illustres ,
donne à ces maladroites imitations une vo-
gue momentanée; mais à la longue il ne
reste que ce qui est vraiment beau ; et
comme Corneille et Bossuet ont contribué à
donner à notre langue, l’un plus de force,
l’autre plus d’élévation et de hardiesse ,
M. de Buffon lui aur% fait acquérir plus de
magnificence et de grandeur, comme Rous-
seau l’aura instruite à former des accens plus
fiers et plus passionnés.
Le style de M. de Buffon n’offre pas tou-
jours le même degré de perfection ; mais ,
dans tous les morceaux destinés à l’effet, il
a cette correction, cette pureté, sans les-
quelles , lorsqu’une langue est une fois for-
mée, on ne peut atteindre à une célébrité
durable. S’il est permis quelquefois d’être
négligé, c’est uniquement dans les discus-
sions purement scientifiques , où les taches
qu’il a pu laisser ne nuisent point à des
beautés , et servent peut-être à faire mieux
goûter les peintures brillantes qui les sui-
vent.
C’étoit par un long travail qu’il parvenoit
à donner à son style ce degré de perfection,
et il conlinuoit de le corriger jusqu’à ce
qu’il eût effacé toutes les traces du travail,
et qu’à force de peine il lui eût donné de la
facilité; car cette qualité si précieuse n’est,
dans un écrivain, que l’art de cacher ses
efforts , de présenter ses pensées, comme s’il
les avoit conçues d’un seul jet, dans l’ordre
le plus naturel ou le plus frappant , revê-
tues des expressions les plus propres ou les
plus heureuses ; et cet art , auquel le plus
grand charme du style est attaché, n'est
cependant que le résultat d’une longue suite
d’observations fugitives et d’attentions mi-
nutieuses.
M. de Buffon aimoit à lire ses ouvrages ,
non par vanité , mais pour s’assurer, par
l’expérience, de leur clarté et de leur effet;
les deux qualités peut-être sur lesquelles on
peut le moins se juger soi-même. Avec une
telle intention, il ne choisissoit pas ses au-
diteurs ; ceux que le hasard lui offroit sem-
bloient devoir mieux représenter le public ,
dont il vouloit essayer sur eux la manière 1
de sentir : il ne se bornoit pas à recevoir
leurs avis ou plutôt leurs éloges ; souvent il i
leur demandoit quel sens ils attachoient à !
une phrase, quelle impression ils avoient j
éprouvée ; et s’ils n’avoient pas saisi son idée, !
s’il avoit manqué l’effet qu’il vouloit pro- j
duire, il en concluoit que cette partie de
son ouvrage manquoil de netteté, de mesure j
ou de force, et il l’écrivoit de nouveau, j
Cette méthode est excellente pour les ou- j
vrages de philosophie qu’on destine à deve- j
nir populaires ; mais peu d’auteurs auront le !
courage de l’employer. Il ne faut pas cepen- !
dant s’attendre à trouver un égal degré de
clarté dans toute Y Histoire naturelle; M. de
Buffon a écrit pour les savans, pour les phi- i
losophes et pour le public , et il a su pro- i
portionner la clarté de chaque partie au désir
qu’il avoit d’être entendu d’un nombre plus ;
ou moins grand de lecteurs.
Peu d’hommes ont été aussi laborieux que j
lui, el l’ont été d’une manière si continue et ;
si régulière. Il paroissoit commander à ses j
idées plutôt qu’être entraîné par elles. Né !
avec une constitution à la fois très-saine et ;
très-robuste, fidèle au principe d’employer !
toutes ses facultés jusqu’à ce que la fatigue j
l’avertit qu’il commençoit à en abuser, son
esprit étoit toujours également prêt à rem-
plir la tâche qu’il lui imposoit. C’étoit à la j
campagne qu’il aimoit le plus à travailler:
il avoit placé son cabinet à l’extrémité d’un :
vaste jardin sur la cime d’une montagne ; ;
c’est là qu’il passoit les matinées entières , ;
tantôt écrivant dans ce réduit solitaire, tan-
tôt méditant dans les allées de ce jardin ,
dont l’entrée étoit alors rigoureusement in-
terdite; seul, et dans les momens de distrac-
tion nécessaires au milieu d’un travail long-
temps continué, n’ayant autour de lui que
la nature, dont le spectacle, en délassant
ses organes, le ramenoit doucement à ses
idées que la fatigue avoit interrompues. Ces ;
longs séjours à Montbard étoient peu com-
patibles avec ses fonctions de trésorier de
XI
PAR CONDORCET.
l’Académie; mais il s’étoit choisi pour ad-
joint M. Tillet, dont il connoissoit trop le
zèle actif et sage, l’attachement scrupuleux
à tous ses devoirs , pour avoir à craindre que
ses confrères pussent jamais se plaindre d’une
absence si utilement employée.
On doit mettre au nombre des services
qu’il a rendus aux sciences, les progrès que
toutes les parties du Jardin du Roi ont faits
sous son administration. Les grands dépôts
ne dispensent point d’étudier la nature. La
connoissance de la disposition des objets et
de la place qu’ils occupent à la surface ou
dans le sein de la terre , n’est pas moins im-
portante que celle des objets eux-mêmes ;
c’est par là seulement qu’on peut connoître
leurs rapports, et s’élever à la recherche de
leur origine et des lois de leur formation :
mais c’est dans les cabinets qu’on apprend
à se rendre capable d’observer immédiate-
ment la nature; c’est là encore qu’après
l’avoir étudiée, on apprend à juger ses pro-
pres observations , à les comparer, à en tirer
des résultats, à se rappeler ce qui a pu
échapper au premier coup d’œil. C’est dans
les cabinets que commence l’éducation du
naturaliste , et c’est là aussi qu’il peut mettre
la dernière perfection à ses pensées. Le Ca-
binet du roi est devenu entre les mains de
M. de Buffon, non un simple monument
d’ostentation, mais un dépôt utile et pour
l’instruction publique et pour le progrès des
sciences. Il avoit su intéresser toutes les
classes d’hommes à l’histoire naturelle ; et
pour le récompenser du plaisir qu’il leur
avoit procuré, tous s’empressoient d’appor-
ter à ses pieds les objets curieux qu’il leur
avoit appris à chercher et à connoître. Les
savans y ajoutoienl aussi leur tribut; car
ceux mêmes qui combattoient ses opinions ,
qui désapprouvoient sa méthode de traiter
les sciences, reconnoissoient cependant qu’ils
dévoient une partie de leurs lumières aux
vérités qu’il avoit recueillies, et une partie
de leur gloire à cet enthousiasme pour l’his-
toire naturelle, qui étoit son ouvrage. Les
souverains lui envoyoient les productions
rares et curieuses dont la nature avoit en-
richi leurs états : c’est à lui que ces présens
étoient adressés; mais il les remettoit dans
le Cabinet du roi , comme dans le lieu où ,
exposés aux regards d’un grand nombre
d’hommes éclairés, ils pouvoient être plus
utiles.
Dans les commencemens de son adminis-
tration , il avait consacré à l’embellissement
du Cabinet une gratification qui lui étoit of-
ferte, mais qu’il ne vouloit pas accepter
pour lui-même : procédé noble et double-
ment utile à ses vues, puisqu’il lui donnoit
le droit de solliciter des secours avec plus
de hardiesse et d’opiniâtreté.
lia botanique étoit celle des parties de
l’histoire naturelle dont il s’étoit le moins
occupé; mais son goût particulier n’influa
point sur les fonctions de l’intendant du
Jardin du Roi. Agrandi par ses soins, dis-
tribué de la manière la plus avantageuse
pour l’enseignement et pour la culture, d’a-
près les vues des botanistes habiles qui y
président , ce jardin est devenu un établisse-
ment digne d’une nation éclairée et puis-
sante. Parvenu à ce degré de splendeur, le
Jardin du Roi n’aura plus à craindre sans
doute ces vicissitudes de décadence et de
renouvellement dont notre histoire nous a
transmis le souvenir, et le zèle éclairé du
successeur de M. de Buffon suffiroit seul
pour en répondre à l’Académie et aux
sciences.
Ce n’est pas seulement à sa célébrité que
M. de Buffon dut le bonheur de lever les
obstacles qui s’opposèrent long-temps à l’en-
tier succès de ses vues; il le dut aussi à sa
conduite. Des louanges insérées dans YHis-
toire naturelle étoient la récompense de
l’intérêt que l’on prenoit aux progrès de la
science , et l’on regardoit comme une sorte
d’assurance d’immortalité l’honneur d’y voir
inscrire son nom. D’ailleurs, M. de Buffon
avoit eu le soin constant d’acquérir et de
conserver du crédit auprès des ministres et
de ceux qui , chargés par eux des détails ,
ont sur la décision et l’expédition des af-
faires une influence inévitable. Il se conci-
lioit les uns en ne së permettant jamais d’a-
vancer des opinions qui pussent blesser, en
ne paroissanl point prétendre à les juger; il
s’assuroit des autres en employant avec eux
un ton d’égalité qui les flattoit, et en se dé-
pouillant de la supériorité que sa gloire et
ses talens pouvoient lui donner. Ainsi , au-
cun des moyens de contribuer aux progrès
de la science à laquelle il s’étoit dévoué ,
n’ avoit été négligé. Ce fut l’unique objet de
son ambition: sa considération, sa gloire y
étoient liées sans doute; mais tant d’hommes
séparent leurs intérêts de l’intérêt général ,
qu’il seroit injuste de montrer de la sévérité
pour ceux qui savent les réunir. Ce qui
prouve à quel point M. de Buffon étoit éloi-
gné de toute ambition vulgaire, c’est qu’ap-
pelé à Fontainebleau par le feu roi , qui
vouloit le consulter sur quelques points re-
latifs à la culture des forêts, et ce prince lui
ayant proposé de se charger en chef dç l’ad-
ELOGE DE BUFFON
*2
ministration de toutes celles qui composent
les domaines , ni l’imjportance de cette place,
ni l’honneur si désire d’avoir un travail par-
ticulier avec le roi, ne purent l’éblouir : il
sentoit qu’en interrompant ses travaux , il
alloit perdre une partie de sa gloire; il sen-
toit en même temps la difficulté de faire le
bien : surtout il voyoit d’avance la foule des
courtisans et des administrateurs se réunir
contre une supériorité si effrayante , et con-
tre les conséquences d’un exemple si dan-
gereux.
Placé dans un siècle où l’esprit humain
s’agitant dans ses chaînes, les a relâchées
toutes et en a brisé quelques-unes, où toutes
les opinions ont été examinées, toutes les
erreurs combattues , tous les anciens usages
soumis à la discussion , où tous les esprits
ont pris vers la liberté un essor inattendu ,
M. de Buffon parut n’avoir aucune part à ce
mouvement général. Ce silence peut paroître
singulier dans un philosophe dont les ou-
vrages prouvent qu’il avoit considéré l’hom-
me sous tous les rapports , et annoncent en
même temps une manière de penser mâle et
ferme, bien éloignée de ce penchant au
doute , à l’incertitude, qui conduit à l’indif-
férence.
Mais peut-être a-t-il cru que le meilleur
moyen de détruire les erreurs en métaphy-
sique et en morale, étoit de multiplier les
vérités d’observations dans les sciences na-
turelles; qu’au lieu de combattre l’homme
ignorant et opiniâtre, il falloit lui inspirer
le désir de s’instruire : il étoit plus utile ,
selon lui , de prémunir les générations sui-
vantes contre l’erreur, en accoutumant les
esprits à se nourrir de vérités même indiffé-
rentes, que d’attaquer de front les préjugés
enracinés et liés avec l’amour-propre, l’in-
térêt ou les passions de ceux qui les ont
adoptés. La nature a donné à chaque homme
son talent, et la sagesse consiste à y plier
sa conduite: l’un est fait pour combattre,
l’autre pour instruire ; l’un pour corriger et
redresser les esprits , l’autre pour les subju-
guer et les entraîner après lui.
D’ailleurs, M. de Buffon vouloit élever le
monument de V Histoire naturelle , il vouloit
donner une nouvelle forme au Cabinet du
roi , il avoit besoin et de repos et du con-
cours général des suffrages; or, quiconque
attaque des erreurs, ou laisse seulement en-
trevoir son mépris pour elles , doit s’attendre
à voir ses jours troublés, et chacun de ses
pas embarrassé par des obstacles. Un vrai
philosophe doit combaUre les ennemis qu’il
rencontre sur la route qui le conduit à la
vérité, mais il seroit maladroit d’en appeler
de nouveaux par des attaques imprudentes.
Peu de savans, peu d’écrivains, ont ob-
tenu une gloire aussi populaire que M. de
Buffon , et il eut le bonheur de la voir con-
tinuellement s’accroître à mesure que les
autres jouissances diminuant pour lui , celles
de l’amour-propre lui devenoient plus néces-
saires. U n’essuya que peu de critiques ,
parce qu’il avoit soin de n’offenser aucun
parti, parce que la nature de ses ouvrages
ne permetloit guère à la littérature ignorante j
d’atteindre à sa hauteur. Les savans avoient
presque tous gardé le silence, sachant qu'il
y a peu d’honneur et peu d’utilité pour les
sciences à combattre un système qui devient
nécessairement une vérité générale si les
faits le confirment, ou tombe de lui-même
s’ils le contrarient. I
D’ailleurs, M. de Buffon employa le moyen
le plus sûr d’empêcher les critiques de se
multiplier; il ne répondit pas à celles qui
parurent contre ses premiers volumes. Ce
n’est point qu’elles fussent toutes méprisa-
bles; celles de M. Haller, de M. Bonnet, de
M. l’abbé de Condillac, celles même que
plusieurs savans avoient fournies à l’auteur i
des Lettres américaines , pou voient mériter
des réponses qui n’eussent pas toujours été
faciles. Mais en répondant, il auroit inté-
ressé l’amour-propre de ses adversaires à
continuer leurs critiques, et perpétué une
guerre où la victoire, qui ne pouvoit jamais
être absolument complète, ne l’auroit pas
dédommagé d’un temps qu’il étoit sûr d’em-
ployer plus utilement pour sa gloire.
Les souverains , les princes étrangers qui
visitoient la France , s’empressoient de ren-
dre hommage à M. de Buffon, et de le cher-
cher au milieu de ces richesses de la nature
rassemblées par ses soins. L’impératrice de
Russie , dont le nom est lié à celui de nos
plus célèbres philosophes , qui avoit proposé j
inutilement à M. d’Alembert de se charger
de l’éducation de son fils , et appelé auprès
d’elle M. Diderot, après avoir répandu sur
lui des bienfaits dont la délicatesse avec la-
quelle ils étoient offerts augmentoit le prix ;
qui avoit rendu M. de Yoltaire le confident
de tout ce qu’elle entreprenoit pour répan-
dre les lumières, établir la tolérance et
adoucir les lois ; l’impératrice de Russie pro-
diguoit à M. de Buffon les marques de son
admiration les plus capables de le toucher,
en lui envoyant tout ce qui , dans ses vastes
états , devoit le plus exciter sa curiosité , et
en choisissant par une recherche ingénieuse
les productions singulières qui pouvoien^
PAR CONDORCET.
servir de preuves à ses opinions. Enfin il eut
l’honneur de recevoir dans sa retraite de
Montbard ce héros en qui l’Europe admire
le génie de Frédéric et chérit l’humanité
d’un sage , et qui vient aujourd’hui mêler ses
regrets aux nôtres , et embellir par l’éclat de
sa gloire la modeste simplicité des honneurs
académiques.
M. de Buffon n’étoit occupé que d’un seul
objet , n’avoit qu’un seul goût ; il s’étoit créé
un style, et s’étoit fait une philosophie par
ses réflexions plus encore que par l’étude :
on ne doit donc pas s’étonner de ne trouver
ni dans ses lettres , ni dans quelques mor-
ceaux échappés à sa plume, cette légèreté,
cette simplicité qui doivent en être le carac-
tère; mais presque toujours quelques traits
font i’econnoitre le peintre de la nature et
dédommagent d’un défaut de flexibilité in-
compatible peut-être avec la trempe mâle et
vigoureuse de son esprit. C’est à la même
cause que l’on doit attribuer la sévérité de
ses jugemens, et celle sorte d’orgueil qu’on
a cru observer en lui. L’indulgence suppose
quelque facilité à se prêter aux idées et à la
manière d’autrui , et il est difficile d’être
sans orgueil , quand , occupé sans cesse d’un
grand objet qu’on a dignement rempli , on
est forcé en quelque sorte de porter toujours
avec soi le sentiment de sa supériorité.
Dans la société, M. de Buffon souffroit
sans peine la médiocrité; ou plutôt, occupé
de ses propres idées , il ne l’apercevoit pas,
et préféroit en général les gens qui pouvoient
le distraire sans le contredire et sans l’assu-
jettir au soin fatigant de prévenir leurs ob-
jections ou d’y répondre. Simple dans la vie
privée, y prenant sans effort le ton de la
bonhomie, quoique aimant par goût la ma-
gnificence et tout ce qui avoit quelque ap-
pareil de grandeur, il avoit conservé cette
politesse noble, ces déférences extérieures
pour le rang et les places , qui étoient dans
sa jeunesse le ton général des gens du monde,
et dont plus d’amour pour la liberté et l’é-
galité , au moins dans les manières , nous
a peut-être trop corrigés; car sauvent les
formes polies dispensent de la fausseté, et
le respect extérieur est une barrière que l’on
oppose avec su< cès à une familiarité dange-
reuse. On auroil pu tirer de ces déférences
qui paroissoient exagérées, quelques induc-
tions défavorables au caractère de M. de
Buffon, si dans des circonstances plus im-
portantes il n’avoit montré une hauteur
d’âme et une noblesse supérieures à l’intérêt
comme au ressentiment.
Il avoit épousé en 1752 mademoiselle de
i3
Saint-Belin, dont la naissance, les agréniens
extérieurs et les vertus réparèrent à ses yeux
le défaut de fortune. L’âge avoit fait perdre
à M. de Buffon une partie des agrémens de
la jeunesse; mais il lui restoit une taille
avantageuse, un air noble, une figure impo-
sante, une physionomie à la fois douce et
majestueuse. L’enthousiasme pour le talent
fit disparoître aux yeux de madame de Buf-
fon l’inégalité d’âge; et dans cette époque de
la vie où la félicité semble se borner à rem-
placer par l’amitié et les souvenirs mêlés de
regrets un bonheur plus doux qui nous
échappe , il eut celui d’inspirer une passion
tendre , constante, sans distraction comme
sans nuage : jamais une admiration plus pro-
fonde ne s’unit à use tendresse plus vraie.
Ces sentimens se montroient dans les re-
gards , dans les manières , dans les discours
de madame de Buffon, et remplissoient son
cœur et sa vie. Chaque nouvel ouvrage de
son mari, chaque nouvelle palme ajoutée à
sa gloire , étoient pour elle une source de
jouissances d’autant plus douces, qu’elles
étoient sans retour sur elle-même , sans au-
cun mélange de l’orgueil que pouvoit lui
inspirer l’honneur de partager la considéra-
tion et le nom de M. de Buffon; heureuse
du seul plaisir d’aimer et d’admirer ce qu’elle
aimoit, son âme étoit fermée à toute vanité
personnelle , comme à tout sentiment étran-
ger. M. de Buffon n’a conservé d’elle qu’un
fils, M. le comte de Buffon, major en se-
cond du régiment d’Angoumois, qui porte
avec honneur dans une autre carrière un
nom à jamais célèbre dans les sciences, dans
les lettres et dans la philosophie.
M. de Buffon fut long-temps exempt des
pertes qu’amène la vieillesse : il conserva
également et toute la vigueur des sens et
toute celle de l’âme; toujours plein d’ardeur
pour le travail, toujours constant dans sa ma-
nière de vivre , dans ses délassemens comme
dans ses études , il sembloit que l’âge de la
force se fût prolongé pour lui au delà des
bornes ordinaires. Une maladie douloureuse
vint troubler et. accélérer la fin d’une si belle
carrière : il lui opposa la patience , eut le
courage de s’en distraire par une étude opi-
niâtre; mais il ne consentit jamais à s’en
délivrer par une opération dangereuse. Le
travail, les jouissances de la gloire, le plai-
sir de suivre ses projets pour l’agrandisse-
ment du Jardin et du Cabinet du Roi, suf-
fisoient pour l’attacher à la vie; il ne voulut
pas la risquer contre l’espérance d’un soula-
gement souvent passager et suivi quelquefois
d’infirmités pénibles, qui, lui ôtant une
ÉLOGE DE BUFFON
î4
partie de ses forces, auroient été pour une
âme active plus insupportables que la dou-
leur. Il conserva presque jusqu’à ses derniers
momens le pouvoir de s’occuper avec intérêt
de ses ouvrages et des fonctions de sa place,
la liberté entière de son esprit , toute la force
de sa raison, et pendant quelques jours seu-
lement il cessa d’être l’homme illustre dont
le génie et les travaux occupoient l’Europe
depuis quarante ans.
Les sciences le perdirent le 16 avril 1788.
Lorsque de tels hommes disparoissent de
la terre , aux premiers éclats d’un enthou-
siasme augmenté par les regrets, et aux der-
niers cris de l’envie expirante , succède bien-
tôt un silence redoutable , pendant lequel se
prépare avec lenteur le jugement de la pos-
térité. On relit paisiblement, pour l’exami-
ner, ce qu’on avoit lu pour l’admirer, le
critiquer, ou seulement pour le vain plaisir
d’en parler. Des opinions conçues avec plus
de réflexion, motivées avec plus de liberté,
se répandent peu à peu , se modifient , se
corrigent les unes les autres ; et à la fin une
voix presque unanime s’élève, et prononce
un arrêt que rarement les siècles futurs doi-
vent révoquer.
Ce jugement sera favorable à M. de Buf-
fon; il restera toujours dans la classe si peu
nombreuse des philosophes dont une posté-
rité reculée lit encore les ouvrages. En gé-
néral , elle se rappelle leurs noms; elle s’oc-
cupe de leurs découvertes, de leurs opinions :
mais c’est dans des ouvrages étrangers qu’elle
va les rechercher , parce qu’elles s’y présen-
tent débarrassées de tout ce que les idées
particulières au siècle, au pays où ils ont
vécu, peuvent y avoir mêlé d’obscur, de
vague ou d’inutile; rarement le charme du
style peut-il compenser ces effets inévita-
bles du temps et du progrès des esprits :
mais M. de Buffon doit échapper à cette
règle commune, et la postérité placera ses
ouvrages à côté des dialogues du disciple de
Socrate , et des entretiens du philosophe de
Tusculum.
L’histoire des sciences ne présente que
deux hommes qui par la nature de leurs ou-
vrages paroissent se rapprocher de M. de
Buflon , Aristote et Pline. Tous deux infati-
gables comme lui dans le travail, étonnans
par l’immensité de leurs connoissances et par
celle des plans qu’ils ont conçus et exécutés,
tous deux respectés pendant leur vie et ho-
norés après leur mort par leurs concitoyens,
ont vu leur gloire survivre aux révolutions
des opinions et des empires , aux nations
qui les ont produits , et même aux langues
qu’ils ont employées, et ils semblent par
leur exemple promettre à M. de Buffon une
gloire non moins durable.
Aristote porta sur le mécanisme des opé-
rations de l’esprit humain , sur les principes
de l’éloquence et de la poésie, le coup
d’œil juste et perçant d’un philosophe ,
dicta au goût et à la raison des lois aux-
quelles ils obéissent encore , donna le pre-
mier exemple, trop tôt oublié, d’étudier la
nature dans la seule vue de la connoitre
et de l’observer avec précision comme avec
méthode.
• Placé dans une nation moins savante,
Pline fut plutôt un compilateur de relations
qu’un philosophe observateur; mais, comme
il avoit embrassé dans son plan tous les
travaux des arts et tous les phénomènes de
la nature, son ouvrage renferme les mé-
moires les plus précieux et les plus étendus
que l’antiquité nous ait laissés pour l’his-
toire des progrès de l’espèce humaine.
Dans un siècle plus éclairé , M. de Buffon
a réuni ses propres observations à celles que
ses immenses lectures lui ont fournies; son
plan, moins étendu que celui de Pline, est
exécuté d’une manière plus complète; il pré-
sente et discute les résultats qu’ Aristote n’a-
voit osé qu’indiquei\
Le philosophe grec n’a mis dans son
style qu’une précision méthodique et sévère,
et n’a parlé qu’à la raison.
Pline , dans un style noble , énergique et
grave, laisse échapper des traits d’une ima-
gination forte , mais sombre , et d’une phi-
losophie souvent profonde, mais presque
toujours austère et mélancolique.
M. de Buffon, plus varié, plus prodigue
d’images, joint la facilité à l’énergie, les
grâces à la majesté ; sa philosophie , avec
un caractère moins prononcé , est plus vraie
et moins affligeante. Aristote semble n’avoir
écrit que pour les savans, Pline pour les
philosophes, M. de Buffon pour tous les
hommes éclairés.
Aristote a été souvent égaré par cette
vaine métaphysique des mots, vice de la
philosophie grecque, dont la supériorité de
son esprit ne put entièrement le garantir.
La crédulité de Pline a rempli son ou-
vrage de fables qui jettent de l’incertitude
sur les faits qu’il rapporte , lors même qu’on
n’est pas en droit de les reléguer dans la
classe des prodiges.
On n’a reproché à M. de Buffon que ses
hypothèses : ce sont aussi des espèces de
fables, mais des fables produites par une
imagination active qui a besoin de créer,
•:
PAR CONDORCET.
| et non par une imagination passive qui cède
à des impressions étrangères.
On admirera toujours dans Aristote le
génie de la philosophie ; on étudiera dans
I Pline les arts et l’esprit des anciens, on y
cherchera ces traits qui frappent l’âme d’un
j sentiment triste et profond : mais on lira
l M. de Buffon pour s’intéresser comme pour
s’instruire; il continuera d’exciter pour les
iÔ
sciences naturelles un enthousiasme utile,
et les hommes lui devront long-temps et
les doux plaisirs que procurent à une âme
jeune encore les premiers regards jetés sur
la nature, et ces consolations qu’éprouve
une âme fatiguée des orages de la vie, en
reposant sa vue sur l’immensité des êtres
paisiblement soumis à des lois éternelles et
nécessaires.
ÉLOGE DE BUFFON
PAR VICQ D’AZYR.
M. Yicq d’Azyr ayant été élu par Mes-
sieurs de l’Académie Françoise, à la place
de M. le comte de Buffon , y vint prendre
séance le jeudi ix décembre 1788 , et pro-
nonça le discours qui suit ;
Messieurs;
Dans le nombre de ceux auxquels vous
accordez vos suffrages, il en est qui, déjà
célèbres par d’immortels écrits , viennent
associer leur gloire avec la vôtre; mais il en
est aussi qui , à la faveur de l’heureux ac-
j cord qui doit régner entre les sciences et
les arts , viennent vous demander , au nom
des sociétés savantes, dont ils ont l’honneur
1 d’être membres , à se perfectionner près de
vous dans le grand art de penser et d’écrire ,
le premier des beaux-arts, et celui dont
ivous êtes les arbitres et les modèles.
C’est ainsi, messieurs, c’est sous les aus-
pices des corps savans auxquels j’ai l’hon-
neur d’appartenir, que je me présente au-
jourd’hui parmi vous. L’un de ces corps 1
vous est attaché depuis long-temps par des
liens qui sont chers aux lettres ; dépositaire
des secrets de la nature , interprète de ses
jois , il offre à l’éloquence de grands sujets
çt de riches tableaux. Quelque éloignées
que paroissent être de vos occupations les
autres compagnies 2 qui m’ont reçu dans
leur sein, elles s’en rapprochent, en plu-
sieurs points , par leurs études. Teut-ètre
x. L’Académie royale des Sciences.
2. La Faculté et la Société royale de Médecine
de Paris.
que les grands écrivains qui se sont illustrés
dans l’art que je professe, qui ont contribué,
par leurs veilles , à conserver dans toute leur
pureté ces langues éloquentes de la Grèce
et de l’Italie , dont vos productions ont fait
revivre les trésors , qui ont le mieux imité
Pline et Celse dans l’élégance de leur lan-
gage, peut-être que ces hommes avoient
quelques droits à vos récompenses. Animé
par leurs exemples, j’ai marché de loin sur
leurs traces; j’ai fait de grands efforts, et
vous avez couronné mes travaux.
Et ce n’est pas moi seul dont les vœux
sont aujourd’hui comblés ; que ne puis-je
vous exprimer, messieurs, combien la fa-
veur que vous m’avez accordée a répandu
d’encouragement et de joie parmi les mem-
bres et les correspondans nombreux de la
compagnie savante dont je suis l’organe !
J’ai vu que, dans les lieux les plus éloignés,
que partout où l’on cultive son esprit et sa
raison , on connoît le prix de vos suffrages ;
et si quelque chose pouvoit ajouter au bon-
heur de les avoir réunis , ce seroit celui de
voir tant de savans estimables partager votre
bienfait et ma reconnoissance ; ce seroit ce
concours de tant de félicitations qu’ils m’ont
adressées de toutes parts , lorsque vous m’a-
vez permis de succéder parmi vous à l’homme
illustre que le monde littéraire a perdu.
Malheureusement il en est de ceux qui
succèdent aux grands hommes, comme de
ceux qui en descendent. On voudroit qu’hé-
ritiers de leurs privilèges, ils le fussent
aussi de leurs talens ; et 011 les rend , pour
ainsi dire, responsables de ces pertes que
ÉLOGE DE BUFFON
iG
Ja nature est toujours si lente à réparer.
Mais ces reproches qui échappent au senti-
ment aigri par la douleur , le silence qui
règne dans l’empire des lettres , lorsque la
voix des hommes éloquens a cessé de s’y
faire entendre, ce vide qu’on ne sauroit
combler, sont autant d’hommages offerts au
génie. Ajoutons-y les nôtres ; et méritons ,
par nos respects , que l’on nous pardonne
d’être assis à la place du philosophe qui fut
une des lumières de son siècle, et l’un des
ornemens de sa patrie.
La France n’avoit produit aucun ouvrage
qu’elle pût opposer aux grandes vues des
anciens sur la nature. Buffon naquit , et la
France n’eut plus, à cet égard, des regrets
à former.
On touchoit au milieu du siècle; l’auteur
de la Henriade et de Zaïre continuoit de
charmer le monde par l’inépuisable fécon-
dité de son génie; Montesquieu démèloit les
causes physiques et morales qui influent sur
les institutions des hommes; le citoyen de
Genève commençoit à les étonner par la
hardiesse et l’éloquence de sa philosophie;
d’Alembert écrivoit cet immortel discours
qui sert de frontispice au plus vaste de tous
les monumens de la littérature ; il expliquoit
la précession des équinoxes, et il créoit un
nouveau calcul: Buffon préparoit ses pin-
ceaux, et tous ces grands esprits donnoient
des espérances qui n’ont point été trompées.
Quel grand , quel étonnant spectacle que
celui de la nature ! Des astres étincelans et
fixes qui répandent au loin la chaleur et la
lumière ; des astres errans qui brillent
d’un éclat emprunté , et dont les routes sont
tracées dans l’espace; des forces opposées
d’où naît l’équilibre des mondes; l’élément
léger qui se balance autour de la terre; les
eaux courantes qui la dégradent et la sil-
lonnent; les eaux tranquilles, dont le limon
qui la féconde forme les plaines; tout ce qui
vit sur sa surface, et tout ce qu’elle caché
en son sein; l’homme lui-même dont l’au-
dace a tout entrepris, dont l’intelligence a
tout embrassé , dont l’industrie a mesuré le
temps et l’espace; la chaîne éternelle des
causes ; la série mobile des effets : tout est
compris dans ce merveilleux ensemble. Ce
sont ces grands objets que M. de Buffon a
traités dans ses écrits. Historien , orateur,
peintre et poète , il a pris tous les tons et
mérité toutes les palmes de l’éloquence. Ses
vues sont hardies , ses plans sont bien con-
çus, ses tableaux sont magnifiques. Tl instruit
souvent, il intéresse toujours; quelquefois il
enchante, il ravit; il force l’admiration,
lors même que la raison lui résiste. On re
trouve dans ses erreurs l’empreinte de so
génie; et leur tableau prouveroit seul qu
celui qui les commit fut un grand homme.
Lorsqu’on jette un coup d’œil général su
les ouvrages de M. de Buffon , on ne sait c I
qu’on doit le plus admirer dans une entre j
prise si étendue, ou de la vigueur de so
esprit, qui ne se fatigua jamais, ou de 1
perfection soutenue de son travail, qui n
s’est point démentie , ou de la variété d
son savoir, que chaque jour il augmentai >
par l’étude. Il excella surtout dans l’art d
généraliser ses idées et d’enchaîner les ob
servations. Souvent , après avoir recueilli de
faits jusqu’alors isolés et stériles , il s’élève e
il arrive aux résultats les plus inattendus. E
le suivant , les rapports naissent de toute j
parts; jamais on ne sut donner à des conjec
tures plus de vraisemblance, et à des doute
l’apparence d’une impartialité plus parfaite
Voyez avec quel art, lorsqu’il établit un
opinion , les probabilités les plus foibles som
placées les premières; à mesure qu’il avance
il en augmente si rapidement le nombre et
la force, que le lecteur subjugué se refuse
toute réflexion qui porteroit atteinte à son
plaisir. Pour éclairer les objets, M. de But
fon emploie, suivant le besoin, deux ma;
nières : dans l’une, un jour doux, égal, s:
répand sur toute la surface; dans l'autre
une lumière vive, éblouissante, n’en frapp
qu’un seul point. Personne ne voila mieu;i
ces vérités délicates, qui ne veulent qu’êtr
indiquées aux hommes. Et, dans son style
quel accord entre l’expression et la pensée i
Dans l’exposition des faits, sa phrase n’es
qu’élégante ; dans les préfaces de ses traduc l
tions, il ne montre qu’un écrivain correct
et sage. Lorsqu’il applique le calcul à la mo
raie , il se contente de se rendre intelligibl
à tous. S’il décrit une expérience, il est préci i
et clair; on voit l’objet dont il parle; et
pour des yeux exercés , c’est le trait d’ui !
grand artiste : mais on s’aperçoit sans pein j
que ce sont les sujets élevés qu’il cherche el
qu’il préfère. C’est en les traitant qu’il dé !
ploie toutes ses forces , et que son styl
montre toute la richesse de son talent. Dan
ces tableaux , où l’imagination se repose su ;
un merveilleux réel , comme Manilius e
Pope, il peint pour s’instruire; comme eux
il décrit ces grands phénomènes, qui son
plus imposans que les mensonges de la fable
comme eux, il attend le moment de l’inspi
ration pour produire; et comme eux il es
poète. En lui, la clarté, cette qualité pre
mière des écrivains, n’est point altérée pa:
PAR TIC Q D’Azm
l’abondance. Les idées principales, distri-
& buées avec goût, forment les appuis du dis-
)i cours ; il a soin que chaque mot convienne
il à l’harmonie autant qu’à la pensée ; il ne se
sert, pour désigner les choses communes,
il que de ces termes généraux, qui ont , avec ce
ci qui les entoure , des liaisons étendues. A la
e beauté du coloris il joint la vigueur du des-
)i sin; à la force s’allie la noblesse; l’élégance
li de son laugage est continue; son style est
if toujours élevé, souvent sublime, imposant
lf et majestueux; il charme l’oreille, il séduit
l’imagination, il occupe toutes les facultés
lt de l’esprit; et, pour produire ces effets, il
i) n’a besoin ni de la sensibilité qui émeut et
« qui touche, ni de la véhémence qui entraîne
Pi et qui laisse dans l’étonnement celui quelle
fol a frappé. Que l’on étudie ce grand art dans
c| le discours où M. de Buffon en a tracé les
c| règles ; on y verra partout l’auteur se ren-
jf daut un compte exact de ses efforts, réflé-
ejj chissant profondément sur ses moyens , et
icj dictant des lois auxquelles il n’a jamais man-
nl qué d’obéir. Lorsqu’il vous disoit, messieurs,
e, que les beautés du style sont les droits les
elj plus sûrs que l’on puisse avoir à l’admiration
à de la postérité ; lorsqu’il vous exposoit com-
® ment un écrivain , en s’élevant par la con-
f | templation à des vérités sublimes , peutéta-
î- biir sur des fondemens inébranlables des
«| monumens immortels, il portoit en lui le sen-
8ij timent de sa destinée; et c’étoit alors une
?i| prédiction qui fut bientôt accomplie.
u| Je n’aurois jamais osé, messieurs, parler
ï<| ici de l’élocution et du style, si, en essayant
îi d’apprécier M. de Buffon sous ce rapport,
il je n’avois été conduit par M. de Buffon lui-
st même. C’est en lisant ses ouvrages que l’on
I éprouve toute la puissance du talent qui les
et a produits et de l’art qui les a formés. Je
0 sens mieux que personne combien il est dif-
1 ficiie de célébrer dignement tant de dons
us rassemblés ; et lors même que cet éloge me
i,l ramène aux objets les plus familiers de mes
m travaux, j’ai lieu de douter encore que j’aie
ne rempli votre attente. Mais les ouvrages de
cl M. de Buffon sont si répandus , et l’on s’est
é- tant occupé de la nature en l’ étudiant dans
|£ ses écrits, que pour donner de ce grand
Mj homme l’idée que j’en ai conçue, je n’ai pas
ur! craint, messieurs, de vous entre tenir, aussi
et des plus profonds objets de ses méditations
h et de ses travaux.
utj Avant de parler de l’homme et des ani-
Ifi maux, M. de Buffon devoit décrire la terre
®'. qu’ils habitent, et qui est leur domaine
st| commun; mais la théorie de ce globe lui
e-| parut tenir au système entier de l’univers ;
Buffoh. T.
11
et différens phénomènes , tels que l’augmen-
tation successive des glaces vers les pôles ,
et la découverte des ossemens des grands
animaux dans le Nord, annonçant qu’il avoit
existé sur cette partie de notre planète une
autre température , M. de Buffon chercha ,
sans la trouver, la solution de cette grande
énigme dans la suite des faits connus. Libre 4
alors, son imagination féconde osa suppléer
à ce que les travaux des hommes n’avoient
pu découvrir. Il dit avec Hésiode : Yous con-
noîtrez quand la terre commença d’être , et
comment elle enfanta les hautes montagnes.
Il dit avec Lucrèce : J’enseignerai avec quels
élémens la nature produit, accroît et nourrit
les animaux; et, se plaçant à l’origine des
choses : un astre, ajouta-t-il, a frappé le so-
leil ; il en a fait jaillir un torrent de matière
embrasée , dont les parties , condensées in-
sensiblement par le froid, ont formé les
planètes. Sur le globe que nous habitons , les
molécules vivantes sê sont composées de
l’union de la matière inerte avec l’élément
du feu; les régions des pôles, où le refroi-
dissement a commencé, ont été, dans le
principe , la patrie des plus grands animaux.
Mais déjà la flamme de la vie s’y est éteinte;
et la terre se dépouillant par degrés de sa
verdure, finira par n’être plus qu’un vaste
tombeau.
On trouve dans ces fictions brillantes la
source de tous les systèmes que M. de Buf-
fon a formés. Mais, pour savoir jusqu’à quel
point il tenoit à ces illusions de l’esprit,
qu’on le suive dans les routes où il s’engage.
Ici , plein de confiance dans ses explications,
il rappelle tout à des lois que son imagina-
tion a dictées. Là, plus î-éservé, il juge les
systèmes de Winston et de Leibnitz, comme
il convient au traducteur de Newton; et la
sévérité de ses principes étonne ceux qui
- savent combien est grande ailleurs la har-
diesse de ses suppositions. Est-il blessé par
la satire? il reprend ces théories qu’il avoit
presque abandonnées ; il les accommode aux
découvertes qui ont changé la face de la
physique; et , perfectionnées , elles excitent
de nouveau les applaudissemens et l’admira-
tion que des critiques maladroits avoient
projeté de lui ravir. Plus calme ailleurs , il
convient que ses hypothèses sont dénuées de
preuves; et il semble se justifier plutôt que
s’applaudir de les avoir imaginées. Mainte-
nant son art est connu, et sop secret est dé-
voilé. Ce grand homme n’a rien négligé de
ce qui pouvoit attirer sur lui l’attention gé-
nérale, qui éloit l’objet de tous ses travaux.
Il a vou lu lier? par une chaîne commune
i8
ÉLOGE DE BUFFON
toutes les parties du système de la nature ;
il n’a point pensé que , dans une si longue
carrière , le seul langage de la raison pût se
faire entendre à tous ; et , cherchant à plaire
pour instruire, il a mêlé quelquefois les vé-
rités aux fables , et plus souvent quelques
fictions aux vérités.
Dans les discours dont je dois rassembler
ici les principales idées, les problèmes les
plus intéressans sont proposés et résolus. On
y cherche, parmi les lieux les plus élevés
du globe, quel fut le berceau du genre hu-
main; on y peint les premiers peuples s’en-
tourant d’animaux esclaves ; des colonies
nombreuses suivant la direction et les pentes
des montagnes, qui leur servent d’échelons
pour descendre au loin dans les plaines , et
la terre se couvrant, avec le temps, de leur
postérité.
On y demande s’il y a des hommes de
plusieurs espèces; l’on y fait voir que, de-
puis les zones froides, que le Lapon et
î’Eskimau partagent avec les phoques et les
ours blancs , jusqu’aux climats que disputent
à l’Africain le lion et la panthère , la grande
cause qui modifie les êtres est la chaleur.
L’on y démontre que ce sont ses variétés qui
produisent les nuances de la couleur et les
différences de la stature des divers habiîans
du globe , et que nul caractère constant n’é-
tablit entre eux des différences déterminées.
D’un pôle à l’autre , les hommes ne forment
donc qu’une seule espèce, ils ne composent
qu’une même famille. Ainsi, c’est aux natu-
ralistes qu’on doit les preuves physiques de
cette vérité morale, que l’ignorance et la
tyrannie ont si souvent méconnue, et que,
depuis si long-temps, les Européens outra-
gent, lorsqu’ils achètent leurs frères, pour
les soumettre, sans relâche, à un travail sans
salaire, pour les. mêler à leurs troupeaux, et
s’eu former une propriété, dans laquelle il
n’y a de légitime que la haine vouée par les
esclaves à leurs oppresseurs, et les impré-
cations adressées , par ces malheureux , au
ciel , contre tant de barbarie et d’impunité.
On avait tant écrit sur les sens, que la
matière paroissoit épuisée; mais on n’avoit
point indiqué l’ordre de leur prééminence
dans les diverses classes d’animaux. C’est ce
que M. de Buffon a fait; et considérant que
les rapports des sensations dominantes doi-
vent être les mêmes que ceux des organes
qui en sont le foyer, il en a conclu que
l’homme, instruit surtout par le toucher, qui
est uu sens profond, doit être attentif, sé-
rieux et réfléchi ; que le quadrupède, auquel
l’odorat et le goût commandent, doit avoir des
appétits véhémens et grossiers; tandis qu
l’oiseau , que l’œil et l’oreille conduisent
aura des sensations vives, légères, précipi
tées comme son vol , et étendues comme 1,
sphère où il se meut en parcourant les airs.
En parlant de l’éducation , M. de Buffoi
prouve que, dans toutes les classes d’ani
maux, c’est par les soins assidus des mère
que s’étendent les facultés des êtres sensi
blés; que c’est par le séjour que les petit
font près d’elles, que se perfectionne leu
jugement et que se développe leur industrie
de sorte que les plus imparfaits de tous son.'!
ceux par qui ne fut jamais pressé le sein qu
les porta , et que le premier est l’homm
qui, si long-temps foible, doit à celle don
il a reçu le jour tant de caresses , tant d’in
nocens plaisirs, tant de douces paroles, tan
d’idées et de raisonnemens , tant d’expé
riences et de savoir ; que , sans cette pre
mière instruction qui forme l’esprit , ;
demeureroit peut-être muet et stupide parm
les animaux auxquels il devoit commander.
Les idées morales sont toutes appuyées su 2lt
ph
des vérités physiques; et, comme celles -c
résultent de l’observation et de l’ expérience
les premières naissent de la réflexion et d
la philosophie. M. de Buffon , en les mêlan
avec art les unes aux autres , a su tout ani
mer et tout embellir. Il en a fait surtout 1
plus ingénieux usage pour combattre le
maux que répand parmi les hommes la peu
de mourir. Tantôt , s’adressant aux personne
les plus timides, il leur dit que le corp
énervé ne peut éprouver de vives souffrance
au moment de sa dissolution. Tantôt , voit
lant convaincre les lecteurs les plus éclairés
il leur montre dans le désordre apparent d
la destruction un des effets de la cause qi
conserve et qui régénère; il leur fait re
marquer que le sentiment de l’existence n
forme point en nous une trame continue
que ce fil se rompt chaque jour par 1
sommeil , et que ces lacunes , dont personn:
ne s’effraie, appartiennent toutes à la mort
Tantôt, parlant aux vieillards, il leur an
nonce que le plus âgé d’entre eux, s’il joui
d’une bonne sauté , conserve l’espérance lé
gitime de trois années de vie; que la mor
se ralentit dans sa marche , à mesure qu’ell
s’avance, et que c’est encore une raiso;
pour vivre, que d’avoir long-temps vécu.
Les calculs que M. de Buffon a publié IRd
sur ce sujet important, ne se bornent poiu
à répandre des consolations; on en tire eri
eore des conséquences utiles à l’administra
tien des peuples. Il prouve que les grande
villes sont des abîmes où l’espèce humain
Condül;
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COüQoijf
14 !
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«Uom,
K i5
PAR YICQ
s’engloutit. On y Voit que les années les
moins fertiles en subsistance sont aussi les
moins fécondes en hommes. De nombreux
résultats y montrent que le corps politique
languit lorsqu’on l’opprime, qu’il se fatigue
et s’épuise lorsqu’on l’irrite; qu’il dépérit
faute de chaleur ou d’aliment, et qu’il ne
jouit de toutes ses forces qu’au sein de l’a-
bondance et de la liberté.
M. de Buffon est donc le premier qui ait
uni la géographie à l’histoire naturelle, et
qui ait appliqué l’histoire naturelle à la
philosophie ; le premier qui ait distribué
les quadrupèdes par zones , qui les ait com-
parés entre eux dans les deux mondes, et
qui leur ait assigné le rang qu’ils doivent
tenir à raison de leur industrie. Il est le
premier qui ait dévoilé les causes de la dé-
génération des animaux , savoir : le change-
ment de climats, d’alimens et de mœurs,'
c’est-à-dire l’éloignement de la patrie et la
perte de la liberté. Il est le premier qui
ait expliqué comment les peuples des deux
continens se sont confondus , qui ait réuni
dans un tableau toutes les variétés de notre
espèce, et qui, dans l’histoire de l’homme,
ait fait connoître, comme un caractère que
l’homme seul possède, cette flexibilité d’or-
ganes qui se prête à toutes les températures,
et qui donne le pouvoir de vivre et de
vieillir dans tous les climats.
Parmi tant d’idées exactes et de vues
neuves, comment ne reconnoîtroit- qn pas
une raison forte que l’imagination n’aban-
donne jamais , et qui, soit qu’elle s’occupe
s Sa discuter, à diviser ou à conclure, mêlant
|f jdes images aux abstractions et des emblèmes
U aux vérités, ne laisse rien sans liaisons, sans
I couleur ou sans vie, peint ce que les autres
jj ont décrit, substitue des tableaux ornés à
e des détails arides, des théories brillantes à
|de vaines suppositions, crée une science
E( nouvelle, et force tous les esprits à méditer
rtpur les objets de son étude, et à partager
n ses travaux et ses plaisirs?
ujl Dans le nombre des critiques qui s'élevè-
rent contre la première partie de l’Histoire
(jr paîurelle de M. de Buffon, M. l’abbé' de
dondiilac, le plus redoutable de ses adver-
bes , fixa tous les regards. Son esprit jouis-
it de toute sa force dans la dispute. Celui
M. de Buffon, au contraire, y étoit en
elque sorte étranger. Veut-on les bien
gut-onnoître? que l’on jette les yeux sur ce
trafiu ils ont dit des sensations. Ici les deux
hilosophes partent du même point; c’est
tint*11 ^omme que chacun d’eux veut animer,
’un, toujours méthodique, commence par
D’ÀZYR. ig
ne donner à sa statue qu’un seul sens à la
fois, Toujours abondant , l’autre ne refuse
à la sienne aucun des dons qu’elle auroit pu
tenir de la nature. C’est l'odorat, le plus
obtus de tous les organes , que le premier
met d’abord en usage. Déjà le second a ou-
vert les yeux de sa statue à la lumière, et
ce qu’il y a de plus brillant a frappé ses re-
gards. M. l’abbé de Condillac fait une ana-
lyse complète des impressions qu’il commu-
nique. M. de Buffon, au contraire, a dis-
paru; ce n’est plus lui, c’est l’homme qu’il
a créé, qui voit, qui entend et qui parle.
La statue de M. l’abbé de Condillac, calme,
tranquille, ne s’étonne de rien, parce que
tout est prévu, tout est expliqué par son
auteur. Il n’en est pas de même de celle de
M. de Buffon; tout l’inquiète, parce qu’a-
Jjandonnée à elle-même, elle est seule dans
l’univers; elle se meut, elle se fatigue, elle
s’endort, son réveil est une seconde naissance;
et, comme le trouble de ses esprits fait une
partie de son charme, il doit excuser une
partie de ses erreurs. Plus l’homme de
M. l'abbé de Condillac avance dans la car-
rière de son éducation, plus il s’éclaire ; il
parvient enfin à généraliser ses idées , et à
découvrir en lui-même les causes de sa dé-
pendance et les sources de sa liberté. Dans
la statue de M. de Buffon, ce n’est pas la
raison qui se perfectionne, c’est le sentiment
qui s’exalte; elle s’empresse de jouir; c’est
Gaîatée qui s’anime sous le ciseau de Pyg-
malion , et l’amour achève son existence.
Dans ces productions de deux de nos grands
hommes, je ne vois rien, de semblable. Dans
l’une, on admire une poésie sublime; dans
l’autre, une philosophie profonde. Pourquoi
se traiîoient-ils en rivaux, puisqu’ils al-
laient par des chemins différens à la gloire ,
et que tous les deux étoient également sûrs
d’y arriver ?
Aux discours sur la nature des animaux
succéda leur description. Aucune production
semblable n’avoit encore attiré les regards
des hommes. Swammerdam avoit écrit sur
les insectes. Occupé des mêmes travaux ,
Réaumur avoit donné à l’histoire naturelle
le premier asile qu’elle ait eu parmi nous ,
et ses ouvrages, quoique diffus, étoient re-
cherchés. Ce fut alors que M. de Buffon se
montra. Fort de la conscience de son talent ,
il commanda l’attention. I! s’attacha d’abord
à détruire le merveilleux de la prévoyance
attribuée aux insectes; il rappela les hommes
à l’étude de leurs propres organes; et, dé-
daignant toute méthode, ce fut à grands
traits qu’il dessina ses tableaux. Autour de
y
% O
ÉLOGE DE BUFFON
l’homme , à des distances que le savoir et le
goût ont mesurées, il plaça les animaux
dont l’homme a fait la conquête; ceux qui
le servent près de ses foyers , ou dans les
travaux champêtres; ceux qu’il a subjugués
et qui refusent de le servir; ceux qui le
suivent , le caressent , et l’aiment ; ceux
qui le suivent et le caressent sans l’aimer ;
ceux qu’il repousse par la ruse ou qu’il at-
taque à force ouverte; et les tribus nom-
breuses d’animaux qui , bondissant dans
les taillis, sous les futaies, sur la cime des
montagnes, ou au sommet des rochers, se
nourrissent de feuilles et d’herbes ; et les
tribus redoutables de ceux qui ne vivent
que de meurtre et de carnage. A ces grou-
pes de quadrupèdes il opposa des groupes
d’oiseaux. Chacun de ces êtres lui offrit une
physionomie , et reçut de lui un caractère,
il avoit peint le ciel, la terre, l’homme, et
ses âges, et ses jeux, et ses malheurs, et ses
plaisirs ; il avoit assigné aux divers animaux
toutes les nuances des passions. Il avoit
parlé de tout, et tout parloit de lui. Ainsi
quarante années de vie littéraire furent pour
M. de Buffon quarante années de gloire ;
ainsi le bruit de tant d’applaudissemens
étouffa les cris aigus de l’envie, qui s’effor-
çoit d’arrêter son triomphe; ainsi le dix-
huitième siècle rendit à Buffon vivant les
honneurs de l’immortalité.
M. de Buffon a décrit plus de quatre cents
espèces d’animaux ; et , dans un si long tra-
vail, sa plume ne s’est point fatiguée. L’ex-
position de la structure et rémunération
des propriétés , par les places qu’elles occu-
pent, servent à reposer la vue , et font res-
sortir les autres parties de la composition.
Les différences des habitudes, des appétits,
des mœurs et du climat, offrent des con-
trastes, dont le jeu produit des effets bril-
Jans. Des épisodes heureux y répandent de
la variété , et diverses moralités y mêlent ,
comme dans des apologues, des leçons utiles.
S'il falloit prouver ce que j’avance, qu’au-
rois-je, messieurs, à faire de plus que de
retracer des lectures qui ont été la source de
vos plaisirs ? Vous n’avez point oublié avec
quelle noblesse, rival de Virgile, M. de Buf-
fon a peint le coursier fougueux, s’animant
au bruit des armes, et partageant avec l’hom-
me les fatigues de la guerre et la gloire des
combats; avec quelle vigueur il a dessiné le
tigre , qui , rassasié de chair , est encore
altéré de sang. Comme on est frappé de
l’opposition de ce caractère féroce avec
la douceur de la brebis , avec la docilité du
chameau , de la vigogne et du renne , aux-
quels la nature a tout donné pour leurs maî-
tres; avec la patience du bœuf, qui est le
ture ! Qui n’a pas remarqué , parmi les oi-
seaux dont M. de Buffon a décrit les mœurs,
le courage franc du faucon , la cruauté lâche
du vautour, la sensibilité du serin, la pétu-
lance du moineau, la familiarité du troglo-
dyte, dont le ramage et la gaieté bravent
la rigueur de nos hivers, et les douces habi-
tudes de la colombe, qui sait aimer sanr.l
partage , et les combats innocens des fau-ij
vettes, qui sont l’emblème de l’amour léger ij
Quelle variété, quelle richesse dans les cou
leurs avec lesquelles M. de Buffon a pein
la robe du zèbre , la fourrure du léopard
la blancheur du cygne, et l’éclatant plumag
de i’oiseau-mouche ! Comme on s’intéress
à la vue des procédés industrieux de l’élé I
pliant et du castor ! Que de majesté dans le
épisodes où M. de Buffon compare les terre!
an (Oit» nu oc ot hmilooc ri ne docoph- r î’ A rom/J
Ie: >
anciennes et brûlées des déserts de l’Arabie;
où tout a cessé de vivre , avec les plaint
fangeuses du nouveau continent, qui foui;
millent d’insectes, où se traînent d’énorme
reptiles , qui sont couvertes d’oiseaux ravi
seurs , et où la vie semble naître du sein dé
eaux ? Quoi de plus moral enfin que h!
réflexions que ces beaux sujets ont dictées
C’est, dit-ii (à l’ article de l’éléphant), paru
les êtres les plus intelligens et les plus doi ;
que la nature a choisi le roi des animau
Mais je m’arrête. En vain j’aecumulerois
les exemples ; entouré des richesses que
génie de M. de Buffon a rassemblées, il
seroit également impossible de les faire coi
noître, et de les rappeler toutes dans ce d
cours. J’ai voulu seulement, pour paroît
meilleur, emprunter un instant son langai
J’ai voulu graver sur sa tombe, en ce jo
.de deuil, quelques-unes de ses pensées ;j
voulu , messieurs , consacrer ici ma vénér
tion pour sa mémoire, et vous montrer qu
moins j’ai médité long-temps sur ses écrits j gfaude
Lorsque M. de Buffon avoit conçu le pi
jet de son ouvrage , il s’étoit flatté qi
fui seroit possible de l’achever dans s
entier. Mais le temps lui manqua; il vit q trouvé
la chaîne de ses travaux alloit être rompt
il voulut au moins en former le dern
anneau, l’attacher et le joindre au premi
Les minéraux , à l’étude desquels il a vc
la fin de sa carrièrre, vus sous tous
rapports, sont en opposition avec les êî
animés , qui ont été les sujets de ses p
miers tableaux. De toutes parts, dans
premier règne, l’existence se renouvelle
se propage; tout y est vie, mouvement
V k
tc"ïl
FAR YiCQ D’AZYR. a*
sensibilité. ‘ Ici, c’est au contraire l’empire
de la destruction : la terre, observée dans
.l’épaisseur des couches qui la composent, est
jonchée dossemens; les générations passées
y sont confondues; les générations a venir
s’y engloutiront encore. Nous-mêmes en
ferons partie. Les marbres des palais, les
murs des maisons, le soi qui nous soutient,
le vêtement qui nous couvre, l’aliment qui
nous nourrit , tout ce qui sert à l’homme
est le produit et l’image de la mort.
Ce son! ces grands contrastes que M. de
Ruffon aimoiî. à saisir; et, lorsque abandon-
nant à l’un de ses amis, qui s’est montré
digne de cette association honorable, mais
qui déjà n’est plus, le soin de finir son
traité des oiseaux, il se îivroit à l’examen
des corps que la terre cache en son sein , il
y cherchoit, on n’en peu! douter, de nou-
veaux sujets à peindre ; il voulait considé-
rer et suivre les continuelles métamorphoses
de la matière qui vit dans les organes, et
ui meurt hors des limites de leur énergie ;
vouloit dessiner ces grands laboratoires
ou se pif jtrent la chaux , la craie, la soude
et la magnésie au fond du vaste océan; il
vouloit parler de la nature active, j’ai pres-
ue dit des sympathies, de ce métal ami
e l’homme , sans lequel nos vaisseaux vo-
gueroieut au hasard sur les mers; il vouloit
décrire l’éclat et la limpidité des pierres
précieuses, échappées à ses pinceaux; il
vouloit montrer i’or suspendu dans les
fleuves, dispersé dans les sables, ou caché
dans les mines, et se dérobant partout à
la cupidité qui le poursuit; il vouloit
adresser un discours éloquent aux nations
sur la nécessité de chercher les richesses ,
pon dans des cavernes profondes , mais sur
tant de plaines incultes , qui , livrées an
aboureur, produiroient à jamais l’abon-
' lance et la santé.
K Quelquefois M. de Buffon montre dans
| on talent une confiance qui est l’âme des
j fraudes entreprises. Voilà , dit-il , ce que
]! 'apercevais par la duc de l’esprit ; et il ne
u rompe point , car cette vue seule lui a dé-
couvert des rapports que d’autres n’ont
(jijrouvés qu’à force de veilies et de travaux,
ut il «voit jugé que le diamant étoit inflam-
nitiable, parce qu’il y avoit reconnu, comme
ii( ans les huiles, une réfraction puissante,
i le qu’il a conclu de ses remarques sur l’é-
; fendue des glaces australes, Cook l’a con-
3tr rmé. Lorsqu’il comparoit la respiration à
prhetion d’un feu toujours agissant; lorsqu’il
is listinguoit deux espèces de chaleur , l’une
Ile marneuse, et l’autre obscure; lorsque, mé-
at
content du phlogistique de Stalil, il en for-
mait un à sa manière ; lorsqu’il créoit un
soufre; lorsque, pour expliquer la calcina-
tion et la réduction des métaux, il avoit
recours à un agent composé de feu , d’air
et de lumière; dans ces différentes théories,
il faisoit tout ce qu’on peut attendre de l’es-
prit ; ildevançoit l observa lion ; il arrivoit an
but sans avoir passé par les sentiers pénibles
de l’expérience ; c’est qu’il l’avoit vu d’en
haut, et qu’il étoit descendu pour l’atteindre,
tandis que d’autres ont à gravir long-temps
pour y arriver.
Celui qui a terminé un long ouvrage sa
repose en y songeant. Ce fut en réfléchis-
sant ainsi sur le grand édifice qui étoit sorts
de ses mains, que M. de Buffon projeta
d’en resserrer l’étendue dans des sommaires,
où ses observations, rapprochées de ses
principes, et mises eu action, offriroient
toute sa théorie dans un mouvant, tableau.
A cette vue il en joignit une autre, L’his-
toire de la nature lui parut devoir com-
prendre, non seulement tous les corps,
mais aussi toutes les durées et tous les es-
paces. Far ce qui reste, il espéra qifil join-
droit le présent au passé , et que de ces
deux points il se porteroit sûrement vers l’a-
venir. Il réduisit à cinq grands faits tous les
phénomènes du mouvement et de la chaleur
du globe; de toutes les substances miné-
rales, il forma cinq monumens principaux;
et, présent à tout, marchant d’une de ces
bases vers l’autre, calculant leur ancien-
neté, mesurant leurs intervalles, il assigna
aux révolutions leurs périodes, au monde
ses âges , à la nature ses époques.
Qu’il est grand et vas le ce projet de mon-
trer les traces des siècles empreintes depuis
le sommet des plus hautes élévations du
globe jusqu’au fond des abîmes , soit dans
ces massifs que le temps a respectés, soit
dans ces couches immenses, formées par les
débris des animaux muets et voraces , qui
pullulent si abondamment dans les mers,
soit dans ces productions dont les eaux ont
couvert les montagnes, soit dans ces dé-
pouilles antiques de 1 éléphant et de l’hip-
popotame que l’on trouve aujourd’hui sous
des terres glacées, soit dans ces excavations
profondes, où, parmi tant de métamor-
phoses, tant décompositions ébauchées, et
tant de formes régulières , on prend l’idée
de ce que peuvent le temps et le mouvement,
et de ce que sont l’éternité et la toute-puis-
sance !
Mille objections ont été faites contre
cette composition hardie. Mais que leurs
ÉLOGE DE BUFFON
auteurs disent si, lorsqu’ils affectent, par
une critique aisée , d’en blâmer les détails ,
ils ne sont pas forcés à en admirer l’ensem-
ble; si jamais des sujets plus grands ont fixé
leur attention ; si quelque part le génie a
plus d’audace et d’abondance. J’oserai pour-
tant faire un reproche à M. de Buffon.
Lorsqu’il peint la lune déjà refroidie , lors-
qu’il menace la terre de la perte de sa cha-
leur et de la destruction de ses liabitans;
je demande si cette image lugubre et som-
bre, si cette fin de tout souvenir, de toute
pensée , si cet éternel silence n’offrent pas
quelque chose d’effrayant à l’esprit ? Je de-
mande si le désir des succès et des triom-
phes, si le dévouement à l’étude, si le zèle
du patriotisme, si la vertu même, qui s’ap-
puie si souvent sur l’amour de la gloire, si
toutes ces passions, dont les vœux sont sans
limites, n’ont pas besoin d’un avenir sans
bornes? Croyons plutôt que les grands
noms ne périront jamais; et quels que soient
nos plans, ne touchons point aux illusions
de l’espérance, sans lesquelles que resteroit-
il , hélas ! à la triste humanité ?
Pendant que M. de Buffon voyoit chaque
jour à Paris sa réputation s’accroître , un
savant méditoit à Upsal le projet d’une ré-
volution dans l’étude de la nature. Ce savant
avoit toutes les qualités nécessaires au succès
des grands travaux. ïl dévoua tous ses mo-
mens à l’observation; l’examen de vingt
mille individus suffit à peine à son activité.
Il se servit, pour les classer, de méthodes
qu’il avoit inventées; pour les décrire,
d’une langue qui étoit son ouvrage; pour
les nommer, de mots qu’il avoit fait revivre,
ou que lui-même avoit formés. Ses termes
furent jugés bizarres; on trouva que son
idiome étoit rude; mais il étonna parla
précision de ses phrases; il rangea tous les
êtres sous une loi nouvelle. Plein d’enthou-
siasme , il sembïôit qu’il eût un culte à éta-
blir, et qu’il en fût le prophète. La pre-
mière de ses formules fut à Dieu, qu’il
salua comme le père de la nature. Les sui-
vantes sont aux élémens , à l’homme , aux
autres êtres ; et chacune d’elles est une énigme
d’un grand sens, pour qui veut l’approfon-
dir. Avec tant de savoir et de caractère,
Linné s’empara de l’enseignement dans les
écoles ; il eut les suÜcès d’un grand profes-
seur; M. de Buffou a eu ceux d’un 'grand
philosophe. Plus généreux, Linné auroit
trouvé, dans les ouvrages de M. de Buffon,
des passages dignes d’être substitués à ceux
de Sénèque, dont il a décoré les frontispices
de ses divisions. Plus juste , M. de Buffon
fs,
le for
Plia
plus
m
j as
ws éc
® du
rien y soit approfondi ; aussi l’on en ti
souvent des citations, et jamais des pri
cipes. Les erreurs que l’on y trouve ne sol
point à lui; il ne les adopte point, il
raconte ; mais les véritables beautés , cj
sont celles du style, lui appartiennent,
sont au reste moins les mœurs des anima |
que celles des Romains qu’il expose. Y» j ^
tueux ami de Titus , mais effrayé par
auroit profité des recherches de ce savant
laborieux./Us vécurent ennemis, parce que
chacun d’eux regarda l’autre comme pouvant
porter quelque atteinte à sa gloire. Aujour-
d’hui que l’on voit combien ces craintes
étoient vaines , qu’il me soit permis , à moi,
leur admirateur et leur panégyriste, de
rapprocher, de réconcilier ici leurs noms,
sûr qu’ils ne me désavoueroient pas eux-mê-
mes, s’ils pouvoient être rendus au siècle
qui les regrette et qu’ils ont tant illustré.
Pour trouver des modèles auxquels M. de
Buffon ressemble, c’est parmi les anciens
qu’il faut les chercher. Piaton, Aristote, et
Pline , voilà les hommes • auxquels il faut
qu’on le compare. Lorsqu’il traite des facul-
tés de l’aine, de la vie, de ses élémens, ef
des moules qui les forment, brillant, élevé. ?
mais subtil , c’est Platon dissertant à l’Aca- | ,,1!
démie; lorsqu’il recherche quels sont le
phénomènes des animaux, fécond, mai
exact , c’est Aristote enseignant au Lycée
lorsqu’on lit ses discours , c’est Pline écri
vaut ses éloquens préambules. Aristote
parlé des animaux avec l’élégante simplicité
que les Grecs ont portée dans toutes le
productions de l’esprit. Sa vue ne se born
point à la surface, elle pénétra dans l’inté
rieur, où il examina les organes. Aussi
ne sont point les individus, mais les pro
priétés générales des êtres qu’il considère
Ses nombreuses observations ne se montrer
point comme des détails; elles lui serv
toujours de preuve ou d’exemple. Ses carat
tères sont évidens , ses divisions sont nati
relies, son style est serré , son discours e:
plein; avant lui, nulle règle n’étoit tracée
après lui , nulle méthode n’a surpassé
sienne ; on a fait plus , mais on n’a pas fa
mieux; et le précepteur d’Alexandre sei
long-temps encore celui de la postérité. Plu
suivit un autre plan, et mérita d’autr
louanges; comme tous les orateurs et 1
poètes latins, il rechercha les ornemens
la pompe dans le discours. Ses écrits col
tiennent , non l’examen , mais le récit de
que l’on savoit de son temps. Il traite
toutes les substances, il révèle tous les s
crets des arts ; tout y est indiqué , sans q
elres,
raide
rantniaii
«le
'pb,
tas
3%
'■S 11
'N
PAR VICQ DAZYR, a3
règnes de Tibère et de Néron, une teinte de
mélancolie se mêle à ses tableaux; chacun
de ses livres reproche à la nature le malheur
de l’homme, et partout il respire, comme
Tacite, la crainte et l’horreur des tyrans.
M. de Buffon, qui a vécu dans des temps
calmes , regarde au contraire la vie comme
un bienfait; il applique aussi les vérités
physiques à la morale, mais c’est toujours
pour consoler; il est orné comme Pline;
mais, comme Aristote, il recherche, il in-
tente; souvent il va de l’effet à la cause, ce
fui est la marche de la science , et il place
'homme au centre de ses descriptions. Il
aarle d’Aristote avec, respect, de Platon
ivec étonnement, de Pline avec éloge ; les
noindres passages d’Aristote lui paroissent
lignes de son attention ; il en examine le sens,
1 les discute, il s’honore d’en être i’inter-
irète et le commentateur. Il traite Pline
ivec moins de ménagement; il le critique
tvec moins d’égards. Platon, Aristote, et
Suffon , n’ont point , comme Pline , recueilli
bs opinions des autres; ils ont répandu
les leurs. Platon et Ajistote ont imaginé,
! tomme le philosophe françois, sur les mou-
;mens des cieux et sur la reproduction des
res, des systèmes qui ont dominé long-
mps. Ceux de M. de Buffon ont fait moins
e fortune, parce qu’ils ont paru dans un
ècle plus éclairé. Si l’on comparp Aristote
Pline , on voit combien la Grèce étoit
lus savante que l’Italie : en lisant M. de
juffon, l’on apprend tout ce que les con-
pissanees physiques ont fait de progrès
Ami nous; ils ont tous excellé dans l’art
p penser et dans l’art d’écrire. Les Athé-
ens écoutoient Platon avec délices; Aris-
1 le dicta des lois à tout l’empire des lettres ;
val de Quintilien, Pline écrivit sur la
“ammaire et sur les talens de l’orateur.
fj. de Buffon vous offrit, messieurs, à la
f s le précepte et l’exemple. On cherchera
( ns ses écrits les richesses de notre Lan-
10 *e , comme nous étudions dans Pline celles
1 la langue des Romains. Les savans, les
mfesseurs étudient Aristote; les philo -
Sf|>hes, les théologiens lisent Platon ; les
l1 iteurs les historiens, les curieux, les
fis du monde préfèrent Pline. La lecture
111 ! écrits de M. de Buffon convient à tous;
501 11, il vaut mieux que Pline; avec M. Dau-
"iiton, son illustre compétiteur , il a été
*1 s loin qu’ Aristote. Heureux accord de
dix âmes dont l'union a fait la force, et
“alit les trésors étoient communs ; rare as-
^ iblage de toutes les qualités requises pour
observer, décrire, et peindre la nature;
phénomène honorable aux lettres , dont les
siècles passés n’offrent point d’exemple, et
dont il faut que les hommes gardent long-
temps le souvenir.
S’il m’éloit permis de suivre ici M. de
Buffon dans la carrière des sciences phy-
siques, nous l’y retrouverions avec cet amour
du grand qui le distingue. Pour estimer la
force et la durée du bois, il a soumis des
forêts entières à ses recherches. Pour obte-
nir des résultats nouveaux sur les progrès
de la chaleur, il a placé d’énormes globes de
métal dans des fourneaux immenses. Pour
résoudre quelques problèmes sur l’action du
feu, il a opéré sur des torrens de flamme
et de fumée. Il s’est appliqué à la solution
des questions les plus importantes à la fonte
des grandes pièces d’artillerie; disons aussi
qu’il s’est efforcé de donner plus de perfec-
tion aux fers de charrue, travail vraiment
digne que la philosophie le consacre à l’hu-
manité. Enfin, en réunissant les foyers de
plusieurs miroirs en un seul, il a inventé
l’art qu’employèrent Procul et Archimède
pour embraser au loin des vaisseaux. On
doit surtout le louer de n’avoir pas, comme
Descartes, refusé d’y croire. Tout ce qui
étoit grand et beau lui paroissoit devoir
être tenté , et il n’y avoit d’impossible pour
lui que les petites entreprises et les travaux
obscurs, qui sont sans gloire comme sans
obstacles.
M. de Buffon fut grand dans l’aveu de ses
fautes; il les a relevées dans ses supplémens
avec autant de modestie que de franchise,
et il a montré par là tout ce que pouvoit sur
lui la force de la vérité.
Il s’étoit permis de plaisanter sur une let-
tre dont il ignoroiî alors que M. de Voltaire
fût l’auteur. Aussitôt qu’il l’eut appris, il
déclara qu’il regrettoit d’avoir traité légère-
ment une des productions de ce grand hom-
me; et il joignit à cette conduite généreuse
un procédé délicat , en répondant avec beau-
coup d’étendue aux faibles objections de
M. de Voltaire, que les naturalistes n’ont pas
mêmes jugées dignes de trouver place dans
leurs écrits.
Pour savoir tout ce que vaut M. de Buf-
fon, il faut, messieurs, l’avoir lu tout entier.
Pourrois-je ne pas vous le rappeler encore
lorsque dans sa réponse à M. de la Conda-
mine, il le peignit voyageant sur ces monts
sourcilleux que couvrent des glaces éter-
nelles, dans ces vastes solitudes , où la na-
ture , accoutumée au plus profond silence ,
*4
ÉLOGE DE BUFFON
dut être étôiinée de s'entendre interroger
pour la première fois ! L’auditoire fut frappé
de celte grande image, et demeura pendant
quelques instans dans le recueillement avant
que d’applaudir.
Si, après avoir admiré M. de Buffon dans
toutes les parties de ses ouvrages, nous com-
parions les grands écrivains dont notre siècle
s’honore , avec ceux par qui les siècles pré-
cédons furent illustrés, nous verrions com-
ment la culture des sciences a influé sur l’art
oratoire, en lui fournissant des objets et des
moyens nouveaux. Ce qui distingue les écri-
vains philosophes, parmi lesquels celui que
nous regrettons s’ést acquis tant de gloire,
c’est qu’ils ont trouvé, dans la nature même,
des sujets dont les beautés seront éternelles ;
c’est qu’ils n’ont montré les progrès de l’es-
prit que par ceux de la raison , qu’ils ne se
sont servis de l’imagination qu’autant qu’il
fallait pour donner des charmes à l’étude ;
c’est qu’avançant toujours' et se perfection-
nant sans cesse , on ne sait ni à quelle hau-
teur s’élèveront leurs pensées , ni quels es-
paces embrassera leur vue, ni quels effets
produiront un jour la découverte de tant de
vérités et l’abjuration de tant d’erreurs.
Pour suffire à d’aussi grands travaux, il a
fallu de grands taîens, de longues années, et
beaucoup de repos. A Montbard, au milieu
d’un jardin orné, s’élève une tour antique:
c’est là que M. de Buffon a écrit l’histoire
de la nature; c’est de là que sa renommée
s est répandue dans l’univers. Il y venoit au
lever du soleil, et nul importun n’avoit le
droit de l’y troubler. Le calme du matin, les
premiers chants des oiseaux , l’aspect varié
des campagnes, tout ce qui frappoit ses sens,
le rappeloit à son modèle. Libre, indépen-
dant, il erroit dans les allées; il précipitoit,
il modéroit, il suspendoit sa marché, tantôt
la tète vers le ciel, dans le mouvement de
1 inspiration et satisfait de sa pensée; tantôt
recueilli, cherchant, ne trouvant pas, ou
prêt à produire; il écrivoit, ileffaçoit, il
ecrivoit de nouveau pour effacer encore;
rassemblant, accordant avec le même soin,
le même goût, le même art, toutes les par-
ties du discours Kil le prononçoit à diverses
reprises, se corrigeant à chaque fois; et
content enfin de ses efforts, il le déclamoit
de nouveau pour lui-même, pour son plaisir,
et comme pour se dédommager de ses peines.
Tant de fois répétée, sa belle prose, comme
de beaux vers, se gravoit dans sa mémoire;
il la récit oit à ses amis; il les engageoit à la
lire eux-memes à haute Yoix en sa présence;
alors il l’écoutoit en juge sévère, et il 1
travailloit sans relâche , voulant s’élever à 1
perfection que l’écrivain impatient ne pourr
jamais atteindre.
Ce que je peins foiblement, plusieurs e
ont été témoins. Une belle physionomie, d(
cheveux blancs, des attitudes nobles rer
doient ce spectacle imposant et magnifique
car s’il y a quelque chose au dessus des pr
ductions du génie, ce ne peut être que
génie lui-même, lorsqu’il compose , lorsqu i
crée, et que dans ses mouvemens subliml
il se rapproche, autant qu’il se peut, de <
Divinité.
Voilà bien des litres de gloire. Quand :
seroient tous anéantis , M. de Buffon ne d !
meureroit pas sans éloge. Parmi les mon
mens dont la capitale s’honore , il en est i
que la munificence des rois consacre à la e
ture, où les productions de tous les rège
sont réunies, où les minéraux de la Suè
et ceux du Potose , où le renne et l’éléphai
le pingoin et le kamichi sont étonnés de
trouver ensemble; c’est M. de Buffon qu
fait ces miracles; c’est lui qui, riche c
tributs offerts à sa renommée par les souv
rains, par les savans, par tous les nalun
listes du monde, porta ces offrandes
les cabinets confiés à ses soins. Il y av
trouvé les plantes que Tournefort et Vaill
avoient recueillies et conservées ; mais
jourd’hui ce que les fouilles les plus p
fondes et les voyages les plus étendus
découvert de plus curieux et de plus
s’y montre rangé dans un petit espace. L
y remarque surtout ces peuples de quad
pèdes et d’oiseaux qu’il a si bien peints
se rappelant comment il en a parlé, chac
les considère avec un plaisir mêlé de rec
noissance. Tout est plein de lui dans
temple, où il assista, pour ainsi dire , à
apothéose; à l’entrée, sa statue, que lui
fut étonné d’y voir, atteste la vénération
sa patrie, qui, tant de fois injuste envers
grands hommes, ne laissa pour la gloire
M. de Buffon rien à faire à la postérité.
La même magnificence se déploie dans
jardins. L’école, l’amphithéâtre, les sel-
les végétaux, l’enceinte elle-même, tou
est renouvelé, tout s’y est étendu, loi
porte l’empreinte de ce grand caractère,
repoussant les limites , ne se plut jamais
dans les grands espaces et au milieu
grandes conceptions. Des collines, des val
artificielles, des terrains de diverse nati
des chaleurs de tous les degrés y serve!
la culture des plantes de tous les pays. 1
PAR TIC*
de richesse et de variété rappellent l’idée de
ces monts fameux de l’Asie , dont la cime est
glacée, tandis que les vallons situés à leur
base sont brûlans, et sur lesquels les tem-
pératures et les productions de tous les cli-
mats sont rassemblées.
Une mort douloureuse eplente a terminé
cette belle vie. A de grandes souffrances
M. de Buffon opposa un grand courage. Pen-
dant de longues insomnies, il se féliciioit
d’avoir conservé cette force de tète, qui,
après avoir été la source de ses inspirations,
1 entretenoit encore des grands objets de la
nature. Il vécut tout entier jusqu’au moment
où nous le perdîmes. Tous vous souvenez ,
messieurs, de la pompe de ses funérailles;
vous y avez assisté avec les députés des au-
tres académies , avec tous les amis des lettres
et des arts, avec ce cortège innombrable de
personnes de tous les l’angs, de tous les états,
qui suivoient en deuil, au milieu d’une foule
immense et consternée. Un murmure de
louanges et de regrets rompoit quelquefois
le silence de l’assemblée. Le temple vers le-
quel on marchoit ne put contenir cette nom-
breuse famille d’un grand homme. Les por-
tiques, les avenues demeurèrent remplis; et
tandis que l’on cbantoit l’hymne funèbre ,
ces discours , ces regrets , ces épanchemens
de tous les cœurs 11e furent point interrom-
pus. Enfin, en se séparant, tristes de voir le
siècle s’appauvrir, chacun formoit des vœux
pour que tant de respects rendus au génie
fissent germer de nouveaux talens , et prépa-
rassent une génération digne de succéder à
celle dont on trouve parmi vous , messieurs ,
les titres et les exemples.
J’ai parlé des beautés du style et de l’éten-
due du savoir de M. de Buffon. Que ne peut
s’élever ici, messieurs, pour peindre digne-
ment ses qualités et ses vertus, et pour ajou-
ter beaucoup à vos regrets, la voix des per-
sonnes respectables dont il s’étoit environné!
que ne peut surtout se faire entendre la voix
éloquente d’une vertueuse amie, dont les
tendres consolations, dont les soins affec-
tueux, elle me permettra de dire, dont les
hommages ont suivi cet homme illustre jus-
qu’au tombeau ! elle peiudroit l’heureuse
alliance de la bonté du cœur et de la simpli-
cité du caractère avec toutes les puissances
de l’esprit ! elle peiudroit la résignation d’un
philosophe souffrant et mourant sans plainte
et sans murmure ! Cette excellente amie a
été témoin de ses derniers efforts ; elle a reçu
ses derniers adieux ; elle a recueilli ses der-
nières pensées. Qui mérita mieux qu’elle
,) D’AZYR. a.5
d’ê.lre dépositaire des dernières méditations
du génie ? Que ne peut encore s’élever ici la
voix imposante d’un illustre ami de ce grand
homme, de cet administrateur qui tantôt,
dans la retraite, éclaire les peuples par ses
ouvrages, et tantôt, dans l’activité du mi-
nistère, les rassure par sa présence et les
conduit par sa sagesse ! Des sentimens com-
muns d’admiration , d’estime et d’amitié ,
rapprochoient ces trois âmes sublimes. Que
de douceurs , que de charmes dans leur
union ! Étudier la nature et les hommes , les
gouverner et les instruire, leur faire du bien
et se cacher, exciter leur enthousiasme et
leur amour; ce sont presque les mêmes soins,
les mêmes pensées ; ce sont des travaux et des
vertus qui se ressemblent.
Avec quelle joie M. de Buffon auroit vu
cet ami, ce grand ministre, rendu par le
meilleur des rois aux vœux de tous, au mo-
ment où les représentans du plus généreux
des peuples vont traiter la grande affaire du
salut de l’état; à la veille de ces grands jours
où doit s’opérer la régénération solennelle
du corps politique; où de l’union, naîtront
l’amour et la force; où le père de la patrie
recueillera ces fruits si doux de sa bienfai-
sance, de sa modération et de sa justice; où
son auguste compagne, mère sensible et
tendre, si profondément occupée des soins
qu’elle ne cesse de prodiguer à ses enfans ,
verra se préparer pour eux , avec la prospé-
rité commune, la gloire et le bonheur ! Dans
cette époque, la plus intéressante de notre
histoire, qui peindra Louis XVI protégeant
la liberté près de son trône, comme il l’a
défendue au delà des mers; se plaisant à
s’entourer de ses sujets; chef d’une nation
éclairée, et régnant sur un peuple de ci-»
toyens; roi par la naissance, mais de plus,
par la bonté de son cœur et par sa sagesse, le
bienfaiteur de ses peuples et le restaurateur
de ses états P
Qu’il m’est doux, messieurs, de pouvoir
réunir tant de justes hommages à celui de la
reconnoissance que je vous dois ! L’Académie
Françoise fondée par un roi qui fut lui-
même un grand homme, forme une répu-
blique riche de tant de moissons de gloire,
fameuse par tant de conquêtes ,- et si célèbre
par vos propres travaux, que peu de per-
sonnes sont dignes d’èire admises à partager
avec vous un héritage transmis par tant
d’aïeux illustres; mais voulant embrasser,
dans toute son étendue, le champ de la
pensée, vous appelez à vous des colonies
composées d’hommes laborieux dont vous
2Ô ÉL0G3Î DE BUFFON
éclairez le zèle, dont vous dirigez les tra-
vaux, et parmi lesquels j’ai osé former le
vœu d’ctre placé. Ils vous apportent ce que
le langage des sciences et des arts contient
d’utile aux progrès des lettres ; et ce concert
PAR VICQ D’ÀZYR.
de tant de voix , dont chacune révèle quel-
ques-uns des secrets du grand art qui préside
à la culture de l’esprit, est un des plus beaux
monumens que notre siècle puisse offrir à
l’admiration de la postérité.
DISCOURS ACADÉMIQUES.
■» ■■....— ^,.1.
DISCOURS
PRONONCÉ A d’aCADEMIE FRANÇOISE PAR M., DE EUFFON
DE JOUR. DE SA RÉCEPTION,
M. de. Buffon ayant été élu par MM. de
l’Académie Françoise, à la place de feu
M. l’archevêque de Sens, y vint prendre
séance le samedi 2 5 août 1753 , et prononça
le discours qui suit ;
Messieurs ,
Tous m’avez comblé d’honneur en m’ap-
pelant à vous; mais la gloire n’est un bien
qu’autant qu’on en est digne, et je ne me per-
suade pas que quelques essais écrits sans art
et sans autre ornement que celui de la na-
ture soient des titres suffisans pour oser
prendre place parmi les maîtres de l’art ,
parmi les hommes éminens qui représentent
ici la splendeur littéraire de la France , et
dont les noms célébrés aujourd’hui par la
voix des nations retentiront encore avec éclat
dans la bouche de nos derniers neveux.
Yous avez eu, messieurs, d’autres motifs en
jetant les yeux sur moi; vous avez voulu
donner à l’illustre compagnie 1 à laquelle j’ai
l’honneur d’appartenir depuis long-temps ,
une nouvelle marque de considération : ma
reconnoissance , quoique partagée, n’en sera
pas moins vive. Mais comment satisfaire au
devoir qu’elle m’impose en ce jour? Je n’ai,
messieurs, à vous offrir que votre propre
bien : ce sont quelques idées sur le style que
j’ai puisées dans vos ouvrages ; c’est en vous
lisant, c’est en vous admirant qu’elles ont
été conçues; c’est en les soumettant à vos
lumières qu’elles se produiront avec quelque
succès.
ïl s’est trouvé dans tous les temps des
hommes qui ont su commander aux autres
par la puissance de la parole. Ce n’est néan-
x. L’Académie royale des Sciences. M. de Buffon
y avoit été reçu en 1733 , dans la elasse de méca-
nique.
moins que dans les siècles éclairés que l’on
a bien écrit et bien parlé. La véritable élo-
quence suppose l’exercice du génie et la cul-
ture de l’esprit. Elle est bien différente de
cette facilité naturelle de parler qui n’est
qu’un talent, une qualité accordée à tous
ceux dont les passions sont fortes, les or-
ganes souples et l’imagination prompte. Ces
hommes sentent vivement, s’affectent de
même, le marquent fortement au dehors;
et, par une impression purement mécanique,
ils transmettent aux autres leur enthousiasme
et leurs affections. C’est le corps qui parle
au corps ; tous les mouvemens , tous ies
signes, concourent et servent également. Que
faut-il pour émouvoir la multitude et l'en-
traîner ? que faut-il pour ébranler la plupart
même des autres hommes et les persuader ?
Un ton véhément et pathétique, des gestes
expressifs et fréquens, des paroles rapides
et sonnantes. Mais pour le petit nombre de
ceux dont la tête est ferme, le goût délicat,
et le sens exquis i et qui, comme vous, mes-
sieurs , comptent pour peu le ton , les gestes
et le vain son des mots, il faut des choses,
des pensées, des raisons; il faut savoir les
présenter, les nuancer, les ordonner : il ne
suffit pas de frapper l’oreille et d’occuper les
yeux; il faut agir sur l’âme, et toucher le
cœur en parlant à l’esprit.
Le style n’est que l’ordre et le mouvement
qu’on met dans ses pensées. Si 011 les en-
chaîne étroitement, si 011 les serre, le style
devient ferme, nerveux et concis; si on les
laisse se succéder lentement, et ne se join-
dre qu’à la faveur des mots, quelque élé-
gans qu’ils soient, le style sera diffus, lâche
et traînant.
Mais, avant de chercher l’ordre dans le-
quel on présentera ses pensées, il faut s’en
être fait un autre plus général et plus fixe ,
28 DISCOURS ACADEMIQUES.
où ne doivent entrer que les premières vues
et les principales idées : c’est en marquant
leur place sur ce premier plan qu’un sujet
sera circonscrit, et que l’on en connoîtra
l’étendue; c’est en se rappelant sans cesse
ces premiers linéamens qu’on déterminera
les justes intervalles qui séparent les idées
principales, et qu’il naîtra des idées acces-
soires et moyennes , qui serviront à les rem-
plir. Par la force du génie, on se représen-
tera toutes les idées générales et particulières
sous leur véritable point de vue; par une
grande finesse de discernement, on distin-
guera les pensées stériles des idées fécondes;
par la sagacité que donne la grande habitude
d’écrire, on sentira d’avance quel sera le
produit de toutes ces opérations de l’esprit.
Pour peu que le sujet soit vaste ou compli-
qué, il est bien rare qu’on puisse l’embrasser
d’un coup d’œil, ou le pénétrer en entier
d’un seul et premier effort de génie; et il
est rare encore qu après bien des réflexions
on en saisisse tous les rapports. Ou ne peut
donc trop s’en occuper ; c’est même le seul
moyen d’affermir, d’étèndre et d’élever ses
pensées : plus on leur donnera de substance
et de force par la méditation, plus il sera
facile ènsuite de les réaliser par l’expression.
Ce plan n’est pas encore le style , mais il
en est la base; il le soutient, il le dirige, il
règle son mouvement et le soumet à des lois :
sans cela, le meilleur écrivain s’égare; sa
plume marche sans guide , et jette à l’aven-
ture des traits irréguliers et des figures dis-
cordantes. Quelque brillantes que soient les
couleurs qu’il emploie , quelques beautés
qu’il sème dans les détails, comme l’ensem-
bie choquera, ou ne se fera pas assez sentir,
l'ouvrage ne sera point construit; et, en
admirant l’esprit de fauteur, on pourra
soupçonner qu’il manque de génie. C’est par
cette raison que ceux qui écrivent comme ils
parlent, quoiqu’ils parlent très-bien, écri-
vent mal; que ceux qui s’abandonnent au
premier feu de leur imaginai ion prennent
un ton qu’ils ne peuvent soutenir; que ceux
qui craignent de perdre des pensées isolées,
fugitives, et qui écrivent en différens temps
des morceaux détachés , ne les réunissent
jamais sans transitions forcées ; qu’en un mot
il y a tant d’ouvrages faits de pièces de
rapport, et si peu qui soient fondus d’un
seul jet.
Cependant tout sujet est un; et, quelque
vaste qu’il soit, il peut être renfermé dans
un seul discours. Les interruptions, les re-
pos, les sections, ne devroient être d’usage
que quand on traite des sujets différens, ou
lorsqu' 'ayant à parler de choses grandes,
épineuses et disparates , la marche du génie
se trouve interrompue par la multiplicité des
obstacles, et contrainte par la nécessité des
circonstances 1 : autrement le grand nombre
de divisions, loin de rendre un ouvrage plus
solide, en détruit l’assemblage; le livre pa-
roît plus clair aux yeux , mais le dessein de
l’auteur demeure obscur; il ne peut faire
impression sur l’esprit du lecteur; il ne peut
même se faire sentir que par la continuité
du fil, par la dépendance harmonique des
idées, par un développement successif, une
gradation soutenue, un mouvement uni-
forme que toute interruption détruit ou fait
languir.
Pourquoi les ouvrages de la nature sont-ils
si parfaits ? c’est que chaque ouvrage est un
tout, et qu’elle travaille sur un plan étemel
dont elle ne s’écarte jamais ; elle prépare en
silence les germes de ses productions ; elle
ébauche, par un acte unique, la forme pri-
mitive de tout être vivant; elle la développe,
elle la perfectionne par un mouvement
continu et dans un temps prescrit. L’ouvrage
étonne ; mais c’est l’empreinte divine dont
il porte les traits qui doit nous frapper.
L’esprit humain ne peut rien créer; il ne
produira qu’après avoir été fécondé par
f expérience et la méditation; ses connois-
sances sont les germes de ses productions :
mais s’il imite la nature dans sa marche et
dans son travail, s’il s’élève par la contem-
plation aux vérités les plus sublimes, s’il les
réunit, s’il les enchaîne, s’il en forme un
tout, un système par la réflexion, il établira
sur des fondemens inébranlables des monu-
mens immortels.
C’est faute de plan, c’est pour n’avoir pas
assez réfléchi sur son objet, qu’un homme
d’esprit se trouve embarrassé, et ne sait par
où commencer à écrire. Il aperçoit à la fois
un grand nombre d’idées; et comme il ne
les a ni comparées ni subordonnées, rien
ne le détermine à préférer les unes aux au-
tres; il demeure donc dans la perplexité :
mais lorsqu’il se sera fait un plan, lorsqu’une
fois il aura rassemblé et mis en ordre tontes
les pensées essentielles à son sujet , il s’aper-
cevra aisément de l’instant auquel il doit
prendre la plume; il sentira le point de
maturité de la production de l’esprit, il sera
pressé de la faire éclore, il n’aura même que
du plaisir à écrire : les idées se succéderont
i. Dans ce que j’ai dit ici , j’avois en vue le livre
de C Esprit des Lois; ouvrage excellent pour le fond,
et auquel on n’a pu faire d’autre reproche que celui
des sections trop fréquentes.
DISCOURS ACADÉMIQUES. àg
aisémént, et le style sera naturel et facile;
la chaleur naîtra de ce plaisir, se répandra
partout et donnera la vie à chaque expres-
sion; tout s’animera de plus en plus, le ton
s’élèvera, les objets prendront de la couleur;
et le sentiment , se joignant à la lumière ,
l’augmentera, la portera plus loin, la fera
passer de ce que l’on a dit à ce que l’on va
dire, et le style deviendra intéressant et lu-
mineux.
Rien ne s’oppose plus à la chaleur que le
désir de mettre partout des traits saillans ;
rien n’est plus contraire à la lumière, qui
doit faire un corps et se répandre unifor-
mément dans un écrit, que ces étincelles
qu’on ne tire que par force en choquant les
mots les uns conli’e les autres, et qui ne
nous éblouissent pendant quelques instans
que pour nous laisser ensuite dans les té-
nèbres. Ce sont des pensées qui ne brillent
que par l’opposition; l’on ne présente qu’un
côté de l’objet; on met dans l’ombre toutes
les autres faces; et ordinairement ce côté
qu’on choisit est une pointe, un angle sur
lequel on fait jouer l’esprit avec d’autant
plus de facilité qu’on l’éloigne davantage des
grandes faces sous lesquelles le bon sens a
coutume de considérer les choses.
Rien n’est encore plus opposé à la véri-
table éloquence que l’emploi de ces pensées
fines, et la recherche de ces idées légères,
déliées, sans consistance, et qui, comme
la feuille du métal battu, ne prennent de
l’éclat qu’en perdant de la solidité. Ainsi
plus on mettra de cet esprit mince et bril-
lant dans un écrit, moins il aura de nerf,
de lumière, de chaleur et de style; à moins
que cet esprit ne soit lui-mème le fond du
sujet, et que l’écrivain n’ait pas eu d’autre
objet que la plaisanterie ; alors l’art de dire
de petites choses devient peut-être plus dif-
ficile que l’art d’en dire de grandes.
Rien n’est plus opposé au beau naturel
que la peine qu’on se donne pour exprimer
des choses ordinaires ou communes d’une
manière singulière ou pompeuse ; rien ne
dégrade plus l’écrivain. Loin de l’admirer,
on le plaint d’avoir passé tant de temps à
faire de nouvelles combinaisons de syllabes ,
pour ne dire que ce que tout le monde dit.
Ce défaut est celui des esprits cultivés , mais
stériles : ils ont des mots en abondance,
point d’idées; ils travaillent donc sur les
mots, et s’imaginent avoir combiné des
idées parce qu’ils ont arrangé des phrases ,
et avoir épuré le langage quand ils font cor-
rompu en détournant les acceptions. Ces
écrivains n’ont point de style , ou, si l’on
veut, ils n’en ont <|ue l’ombre. Le style
doit graver des pensees ; ils ne savent que
tracer des paroles.
Pour bien écrire , il faut donc posséder
pleinement son sujet , il faut y réfléchir as-
sez pour voir clairement l’ordre de ses pen-
sées , et en former une suite, une chaîne
continue, dont chaque point représente une
idée; et lorsqu’on aura pris la plume, il
faudra la conduire successivement sur ce
premier trait, sans lui permettre de s’en
écarter, sans l’appuyer trop inégalement,
sans lui donner d’autre mouvement que ce-
lui qui sera déterminé par l’espace qu’elle
doit parcourir. C’est en cela que consiste
la sévérité du style; c’est aussi ce qui en
fera l’imité et ce qui en réglera la rapidité ;
et cela seul aussi suffira pour le rendre précis
et simple, égal et clair, vif et suivi. A cette
première règle dictée par le génie si l’on
joint de la délicatesse et du goût , du scru-
pule sur le choix des expressions, de l’at-
tention à ne nommer les choses que par les
termes les plus généraux, le style aura de
la noblesse. Si l’on y joint encore de la dé-
fiance' pour son premier mouvement, du
mépris pour tout ce qui n’est que brillant ,
et une répugnance constante pour l’équi-
voque et la plaisanterie, le style aura de la
gravité, il aura même de la majesté. Enfin,
si l’on écrit comme l’on pense, si l’on est
convaincu de ce que l’on veut persuader,
cette bonne foi avec soi-même, qui fait la
bienséance pour les autres, et la vérité du
style, lui fera produire tout son effet, pourvu
que cette persuasion intérieure ne se marque
pas par un enthousiasme trop fort, et qu’il
y ait partout plus de candeur que de con-
fiance, plus de raison que de chaleur.
C’est ainsi , messieurs, qu’il me sembloit,
en vous lisant, que vous me parliez, que
vous m’instruisiez. Mon âme, qui recueil-
loit avec avidité ces oracles de fa sagesse ,
vouloit prendre l’essor et s’élever jusqu’à
vous : vains efforts ! Les règles , disiez-xous
encore, ne peuvent suppléer au génie; s’il
manque, elles seront inutiles. Bien écrire,
c’est tout à la fois bien penser, bien sentir
et bien rendre; c’est avoir en même temps
de l’esprit, de l’âme et du goût. Le style
suppose la réunion et l’exercice de toutes
les facultés intellectuelles : les idées seules
forment le fond du style, l’harmonie des
paroles n’en est que l’accessoire , et ne dé-
pend que de la sensibilité des organes. Il
suffit d’avoir un peu d’oreille pour éviter
les dissonances; de l’avoir exercée, perfec-
tionnée .par la lecture des poêles et des
3 o DISCOURS ACADEMIQUES.
orateurs , pour que mécaniquement on soit
porté à l’imitation de la cadence poétique
et des tours oratoires. Or jamais l’imitation
n’a rien créé : aussi cette harmonie des
mots ne fait ni le fond ni le ton du style,
et se trouve souvent dans des écrits vides
d’idées.
Le ton n’est que la convenance du style
à la nature du sujet; il 11e doit jamais être
forcé; il naîtra naturellement du fond même
de la chose, et dépendra beaucoup du point
de généralité auquel on aura porté ses pen-
sées. Si l’on s’est élevé aux idées les plus
générales, et si l’objet en lui-même est grand,
le ton paraîtra s’élever à la même hauteur ;
et si , en le soutenant à cette élévation , le
génie fournit assez pour donner à chaque
objet une forte lumière, si l’on peut ajouter
la beauté du coloris à l’énergie du dessin ,
si l’on peut, en un mot, représenter chaque
idée par une image vive et bien terminée ,
et former de chaque suite d’idées un tableau
harmonieux et mouvant, le ton sera non
seulement élevé , mais sublime.
Ici, messieurs, l’application ferait plus
que la règle ; les exemples instruiraient
mieux que les préceptes-: mais il ne m’est
pas permis de citer les morceaux sublimes
qui m’ont si souvent transporté en lisant vos
ouvrages , je suis contraint de me borner à
des réflexions. Les ouvrages bien écrits se-
ront les seuls qui passeront à la postérité.
La quantité des connoissances , la singula-
rité des faits , la nouveauté même des dé-
couvertes, ne sont pas de sûrs garans de
l’immortalité; si les ouvrages qui les con-
tiennent ne roulent que sur de petits objets,
s’ils sont écrits sans goût, sans noblesse et
sans génie, ils périront, parce que les con-
noissances, les faits et , les découvertes s’en-
lèvent aisément , se transportent, et gagnent
même à être mis en œuvre par des mains
plus habiles. Ces choses sont hors de l’homme;
le style est de l’homme même. Le style ne
peut donc ni s’enlever, ni se transporter, ni
s’altérer : s’il est élevé, noble, sublime,
l'auteur sera également admiré dans tous
les temps; car il n’y a que la vérité qui
soit durable et même éternelle. Or un beau
style n’est tel en effet que par le nombre
infini des vérités qu’il présente. Toutes les
beautés intellectuelles qui s’y trouvent,
tous les rapports dont il est composé, sont
autant de vérités aussi utiles et peut-être-
plus précieuses pour l’esprit humain que
celles qui peuvent faire le fond du sujet.
Le sublime ne peut se trouver que dans
les grands sujets. La poésie, l’histoire et la
philosophie , ont toutes le meme objet , et
un très-grand objet , l’homme et la nature.
La philosophie décrit et dépeint la nature ;
la poésie la peint et l’embellit; elle peint
aussi les hommes, elle les agrandit; elle les
exagère; elle crée les héros et les dieux :
l’histoire ne peint que l’homme, et le peint
tel qu’il est; ainsi le ton de i’bistorien ne
deviendra sublime que quand il fera le por-
trait des plus grands hommes, quand il ex-
posera les plus grandes actions, les plus
grands mou vemens , les plus grandes révo-
lutions, et partout ailleurs il suffira qu’il
soit majestueux et grave. Le ton du philo-
sophe pourra devenir sublime toutes les
fois qu’il parlera des lois de la nature, des
êtres en général, de l’espace, de la matière,
du mouvement et du temps, de l’âme, de
l’esprit humain, des sentimens, des pas-
sions : dans le reste , il suffira qu’il soit
noble et élevé. Mais le ton de l’orateur et
du poète, dès que le sujet est grand, doit
toujours être sublime, parce qu’ils sont les
maîtres de joindre à la grandeur de leur
sujet autant de couleur, autant de mouve-
ment, autant d’illusion qu’il leur plaît, et
que, devant toujours peindre et toujours
agrandir les objets, ils doivent aussi par-
tout employer toute la force et déployer
toute l’étendue de leur génie.
ADRESSE
A MESSIEURS DE l’aCADÉMIE FRANÇOISE.
Que de grands objets, messieurs, frappent
ici mes yeux ! et quel style et quel ton fau-
drait-il employer pour les peindre et les
représenter dignement ! L’élite des hommes
est assemblée; la Sagesse est à leur tête.
La Gloire, assise au milieu d’eux , répand
ses rayons sur chacun, et les couvre tous
d’un éclat toujours le même et toujours re-
naissant. Des traits d’une lumière plus vive
encore partent de sa couronne immortelle,
et vont se réunir sur le front auguste du
plus puissant et du meilleur des rois1. Je
le vois, ce héros, ce prince adorable, ce
maître si cher. Quelle noblesse dans tous
ses traits! que de majesté dans toute sa
personne ! que d’âme et de douceur natu-
relle dans ses regards ! il les tourne vers
vous , messieurs , et vous brillez d’un nou-
veau feu; une ardeur plus vive vous em-
brase; j’entends déjà vos divins accents et
les accords de vos voix; vous les réunissez
1. Louis XV, le Bien-Aimé.
DISCOURS ACADEMIQUES. 3®
pour célébrer ses Vertus , pour chanter ses
victoires, pour applaudir à notre bonheur;
vous les réunissez pour faire éclater voire
zèle, exprimer voire amour, et ü'ansmellre
à la postérité des sentimens dignes de ce
grand prince et de ses descendans. Quels
concerts! ils pénètrent mon cœur; ils seront
immortels comme le nom de Louis.
Dans le lointain, quelle autre scène de
grands objets ! le génie de la France qui
parle à Richelieu , el lui dicte à la fois l’art
d’éclairer les hommes et de faire régner les
rois; la Justice el la Science qui conduisent
Seguier , et l’élèvent de concert à la première
place de leurs tribunaux; la Yictoire qui
s’avance à grands pas , et précède le char
triomphal de nos rois, où Louis-!e-Grand ,
assis sur des trophées, d’une main donne
la paix aux nations vaincues, et de l’autre
rassemble dans ce palais les muses disper-
sées. Et près de moi , messieurs, quel autre
objet intéressant! la Religion en pleurs, qui
vient emprunter l’organe de l’éloquence
pour exprimer sa douleur, et semble m’ac-
cuser de suspendre trop long-temps vos re-
grets sur une perte que nous devons tous
ressentir avec elle *.
i. Celle de M. Languet de Cergy , archevêquede
Sens, auquel j’ai succédé à l’Académie Françoise.
PROJET D’UNE RÉPONSE
A M. COETLOSQÜET,
ANCIEN ÉVÊQUE DE LIMOGES ,
Lors de sa réception à l’Académie Françoise r.
Monsieur ,
En vous témoignant la satisfaction que
nous avons à vous recevoir, je ne ferai pas
i rémunération de tous les droits que vous
laviez à nos vœux. Il est un petit nombre
j d’hommes que les éloges font rougir, que
la louange déconcerte , que la vérité même
jhlesse, lorsqu’elle est trop flatteuse. Cette
poble délicatesse, qui fait la bienséance
|du caractère, suppose la perfection de toutes
les qualités intérieures. Une âme belle et
sans tache, qui veut se conserver dans toute
pa pureté , cherche moins à paraître qu’à se
couvrir du voile de la modestie; jalouse de
ses beautés qu’elle compte par le nombre de
jses vertus, elle ne permet pas que le souffle
jmpur des passions étrangères en ternisse
2e lustre; imbue de très-bonne heure des
principes de la religion, elle en conserve
avec le même soin les impressions sacrées :
jnais comme ces caractères divins sont gra-
ves en traits de flamme, leur éclat perce et
polore de son feu le voile qui nous les dé-
e
i. Cette réponse devoit être
jour de la réception de M. 1’
l’Académie Frairoise; mais
prononcée
'évêque de
comme ce
en 1760,
Limoges
prélat se
roboit; alors il brille à tous les yeux et sans
les offenser. Bien différent de l’éclat de la
gloire, qui toujours nous frappe par éclairs,
et souvent nous aveugle, celui de la vertu
n’est qu’une lumière bienfaisante qui nous
guide, qui nous éclaire, et dont les rayons
nous vivifient.
Accoutumée à jouir en silence du bon-
heur attaché à l’exercice de la sagesse , occu-
pée sans relâche à recueillir la rosée céleste
de la grâce divine, qui seule nourrit la piété,
cette âme vertueuse et modeste se suffit à
elle-même : contente de son intérieur, elle
a peine à se répandre au dehors; elle ne
s’épanche que vers Dieu. La douceur et la
paix , l’amour de ses devoirs , la remplissent,
l’occupent tout entière ; la charité seule a
droit de l’émouvoir ; mais alors son zèle ,
quoique ardent, est encore modeste; il ne
s’annonce que par l’exemple; il porte l’em-
preinte du sentiment tendre qui le fit naître;
c’est la vertu, seulement devenue plus ac-
tive.
Tendre piété ! vertu sublime ! vous rnéri-
retira pour laisser passer deux hommes de lettres
qui aspiroient en même temps à l’Académie , cette
^réponse n’a été si prononcée ni imprimée.
32
tez tous nos respects; vous élevez l’homme
au dessus de sou être , vous l’approchez du
Créateur , vous en faites sur la terre un ha-
bitant des cieux. Divine modestie ! vous
méritez tout notre amour; vous faites seule
la gloire du sage, vous faites aussi la décence
du saint état des ministres de l’autel : vous
n’êtes point un sentiment acquis par le
commerce des hommes; vous êtes un don
du ciel, une grâce qu’il accorde en secret à
quelques âmes privilégiées, pour rendre la
vertu plus aimable; vous rendriez même,
s’il étoit possible, le vice moins choquant.
Mais jamais vous n’avez habité dans un
cœur corrompu; la honte y a pris votre
place : elle prend aussi vos traits lorsqu’elle
veut sortir de ces replis obscurs où le crime
l’a fait naître; elle couvre de votre voile sa
confusion, sa bassesse. Sous ce lâche dégui-
sement elle ose donc paroître : mais elle
soutient mal la lumière du jour , elle a l’œil
trouble et le regard louche; elle marche à
pas obliques dans des routes souterraines où
le soupçon la suit; et lorsqu’elle croit échap-
per à tous les yeux, un rayon de la vérité
luit , il perce le nuage , l’illusion se dissipe,
le prestige s’évanouit, le scandale seul reste,
et l’on voit à nu toutes les difformités du
vice grimaçant la vertu.
Mais détournons les yeux, n’achevons
pas le portrait hideux de la noire hypocri-
sie; ne disons pas que, quand elle a perdu
le masque de la honte , elle arbore le pa-
nache de l’orgueil, etqu’alors elle s’appelle
impudence. Ces monstres odieux sont in-
dignes de faire ici contraste dans le tableau
des vertus; ils souilleraient nos pinceaux.
Que la modestie, la piété, la modération,
la sagesse, soient mes seuls objets et mes
seuls modèles. Je les vois , ces nobles filles
dir ciel, sourire à ma prière; je les vois,
chargées de tous leurs dons, s’avancer à ma
voix, pour les réunir ici sur la même per-
sonne : et c’est de vous , monsieur
DISCOURS ACADÉMIQUES.
pour eux, les marques publiques qu’ils
que je
vais emprunter encore des traits vivans qui
les caractérisent.
Au peu d’empressement que vous avez
marqué pour les dignités, à la contrainte
qu’il a fallu vous faire pour vous amener à
la cour , à l’espèce de retraite dans laquelle
vous continuez d’y vivre, au refus absolu
que vous fîtes de l’archevêché de Tours,
qui vous étoit offert, aux délais mêmes que
vous avez mis à satisfaire les vœux de l’A-
cadémie , qui pourrait méconnaître cette
modestie pure (pie j’ai tâché de peindre ?
L’amour des peuples de votre diocèse, la
tendresse paternelle qu’on vous connoît
donnèrent de leur joie lorsque vous refusâtes
de les quitter, et parûtes plus flatté de leur
attachement que de l’éclat d’un siège plus
élevé, les regrets universels qu’ils ne cessent
de faire encore entendre , ne sont-ils pas
les effets les plus évidens de la sagesse, de
la modération, du zèle charitable, et ne
supposent-ils pas le talent rare de concilier
les hommes en les conduisant ? talent qui
ne peut s’acquérir que par une connoissance
parfaite du cœur humain, et qui cependant
parait vous être naturel, puisqu’il s’est
annoncé dès les premiers temps, lorsque,
formé sous les yeux de M. le cardinal de
La Rochefoucauld, vous eûtes sa confiance
et celle de tout son diocèse ; talent peut-
être le plus néces-saire de tous pour le succès
de l’éducation des princes ; car ce n’est en
effet qu’en se conciliant leur cœur que l’on
peut le former.
Tous êtes maintenant à portée, monsieur,
de le faire valoir, ce talent précieux; il
peut devenir entre vos mains l’inslrumenl
du bonheur des hommes; nos jeunes princes
sont destinés à être quelque jour leurs maî-i
très ou leurs modèles ; ils font déjà l’amour
de la nation; leuraugûste père vous honorei
de toute sa confiance; sa tendresse, d’au-
tant plus éclairée , qu’elle est plus vive et
plus vraie , ne s’est point méprise : que faut-
il de plus pour faire applaudir à sou discer-
nement, et pour justifier son choix? U vous
a préposé, monsieur, à cette éducation si
chère , certain que ses augustes enfans vous
aimeraient, puisque vous êtes universelle-
ment aimé.... Universellement aimé : à ce
seul mot , que je ne crains point de répéter,
vous sentez , monsieur, combien je pourrai;
étendre , élever mes éloges ; mais je vous ai
promis d’avance toute la discrétion que peu!
exiger la délicatesse de votre modestie. J(
ne puis néanmoins vous quitter encore, ni
passer sous silence un fait qui seul prouve
voit tous les autres, et dont le simple réci
a pénétré mon cœur ; c’est ce triste et der
nier devoir que, malgré la douleur qui dé
chirait votre âme , vous rendîtes avec tan
d’empressement et de courage à la méinoii
de M. le cardinal de La Rochefoucauld. I
vous avoit donné les premières leçons de 1;
sagesse; il avoit vu germer et croître vo
vertus par l’exemple des siennes; il étoit
si j’ose m’exprimer ainsi, le père de votr
-'os Irav;
ï, celle
tàs ton
lettre v
nieuu
cetii
ame : et vous, monsieur, vous aviez pou
lui plus que l’amour d’un fils, une constanc
d’attachement qui ne fut jamais altérée
une reconnoissanee si profonde , qu’au lie
Ueü
NflUll;
h'.
DISCOURS ACADÉMIQUES. 33
de diminuer avec le temps , elle a paru tou-
l jours s’augmenter pendant la vie de votre
j illustre ami, et que, plus vive encore après
son décès , ne pouvant plus la contenir, vous
I la fîtes éclater en allant mêler vos larmes à
celles de tout son diocèse , et prononcer son
éloge funèbre, pour arracher au moins
quelque chose à la mort en ressuscitant ses
vertus.
Vous venez aussi, monsieur, de jeter des
fleurs immortelles sur le tombeau du prélat
auquel vous succédez. Quand on aime autant
la vertu, on sait la reconnoitre partout, et
la louer sous toutes les faces qu’elle peut
présenter. Unissons nos regrets à vos éloges.
Le reste de ce discours manque, les cir-
constances ayant changé. M. l’ancien évêque
de Limoges auroit même voulu qu’il fût
supprimé en entier. J’ai fait ce que j’ai pu
pour le satisfaire, mais l’ouvrage étant trop
avancé, et les feuilles tirées jusqu’à la p. 16,
je n’ai pu supprimer celte partie du discours,
et je la laisse comme un hommage rendu à
la piété, à la vertu, et à la vérité.
REPONSE A M. WATELET,
LE JOUR DE SA RECEPTION A l’aCADEMIE FRANÇOISE, DE SAMEDI 19 JANVIER 1761.
| Monsieur ,
Si jamais il y eut dans une compagnie un
(deuil de cœur, général et sincère , c’est celui
de ce jour. M. de Mirabaud, auquel vous
uccédez , monsieur, n’avoit ici que des amis,
quelque digne qu’il fût d’y avoir des rivaux.
Souffrez donc que le sentiment qui nous af-
jlige paroisse le premier, et que les motifs de
10s regrets précèdent les raisons qui peuvent
ions consoler. M. de Mirabaud, votre con-
fère et votre ami, messieurs, a tenu, pen-
lant près de vingt ans, la plume sous vos
(eux. Il était plus qu’un membre de notre
orps, il en était le principal organe : occupé
put entier du service et de la gloire de l’A-
'adémie, il lui avoit consacré et ses jours et
ps veilles; il étoit , dans votre cercle, le cen-
re auquel se réunissoient vos lumières, qui
e perdoient rien de leur éclat en passant par
% plume. Connaissant par un si long usage
pute l’utilité de sa place pour les progrès de
ps travaux académiques, il n’a voulu la quit-
cette place qu’il remplissoit si bien, qu’a-
,rès vous avoir désigné, messieurs, celui
‘ lenlre vous que vous avez jugé convenir le
ieux C et qui joint à tous les talens de l’es-
TÎt. cette droiture délicate qui va jusqu’au
[rupule dès qu’il s’agit de remplir ses devoirs,
jjb de Mirabaud a joui lui-même de ce bien
p’il nous a fait ; il a eu la satisfaction , pen-
î ii. M. Duclos a succédé à M. de Mirabaud dans
jtl place de secrétaire de l’Académie Françoise.
Buffon. I.
dant ses dernières années, de voiries premiers
fruits de cet heureux choix. Le grand âge
n’avoit point affaissé l’esprit; il n’avoit altéré
ni ses sens, ni ses facultés intérieures : les
tristes impressions du temps ne s’étoient mar-
quées que par le dessèchement du corps. A
quatre-vingt-six ans, M. de Mirabaud avoit
encore le feu de la jeunesse et la sève de l’âge
mûr, une gaieté vive et douce, une sérénité
d’âme, une aménité de mœurs qui faisoient
disparoîtrela vieillesse, ou ne la laissoient voir
qu’avec celte espèce d’attendrissement qui
suppose bien plus que du respect. Libre de
passions , et sans autres liens que ceux de
l’amitié, il étoit plus à ses amis qu’à lui-
même : il a passé sa vie dans une société
dont il faisoit les délices; société douce,
quoique intime, que la mort seule a pu dis-
soudre.
Ses ouvrages portent l’empreinte de son
caractère : plus un homme est honnête, el plus
ses écrits lui ressemblent. M. de Mirabaud
joignoit toujours le sentiment à l’esprit, et
nous aimons à le lire comme nous aimions
à l’entendre ; mais il avoit si peu d’attache-
ment pour ses productions, il craignoit si
fort et le bruit et l’éclat , qu’il a sacrifié cel-
les qui pou voient le plus contribuer à sa
gloire. Nulle prétention, malgré son mérite
éminent ; nul empressement à se faire va-
loir, nul penchant à parler de soi ; nul désir,
ni apparent ni caché, de se mettre au dessus
des autres : ses propres talens n’éloient à
3
34 DISCOURS ACADÉMIQUES.
ses yeux que des droits qu’il a voit acquis
pour être plus modeste , et il paroissoit n’a-
voir cultivé son esprit que pour élever son
âme et perfectionner ses vertus.
Vous, monsieur, qui jugez si bien de la
vérité 'des peintures , auriez-vous saisi tous
les traits qui vous sont communs avec votre
prédécesseur dans l’esquisse que je viens de
tracer ? Si l’art que vous avez chanté pou-
voit s’étendre jusqu’à peindre les âmes, nous
verrions d’un coup d’œil ces ressemblances
heureuses que je ne puis qu’indiquer; elles
consistent également et dans ces qualités du
cœur si précieuses à la société, et dans ces
talens de l’esprit qui vous ont mérité nos suf-
frages. Toute grande qu’est notre perte, vous
pouvez donc, monsieur, plus que la réparer;
vous venez d’enrichir les arts et notre langue
d’un ouvrage qui suppose, avec la perfection
du goût, tant de connoissances différentes,
que vous seul peut-être en possédez les rap-
ports et l’ensemble ; vous seul , et le premier,
avez osé tenter de représenter par des sons
harmonieux les effets des couleurs; vous avez
essayé de faire pour la peinture ce qu’Horace
fit pour la poésie, un monument plus durable
que le bronze. Rien ne garantira des outra-
ges du temps ces tableaux précieux des Ra-
phaël , des Titien , des Corrége ; nos arrière-
neveux regretteront ces chefs-d’œuvre comme
nous regrettons nous-mêmes ceux des Zeuxis
et des Apelles. Si vos leçons savantes son!
d’un si grand prix pour nos jeunes artistes,
que ne vous devront pas dans les siècles fu-,
turs l’art lui-même et ceux qui le cultive-
ront ? Au feu de vos lumières ils pourroni
réchauffer leur génie; ils retrouveront an
moins, dans la fécondité de vos principes el
dans la sagesse de vos préceptes , une partit
des secours qu’ils auroient tirés de ces mo-
dèles sublimes qui ue subsisteront plus qut
par la renommée.
fc V» -V* X'A. -VA. •V%V>'V%. 'A'*'»/*. l’abrégé le plus savant qui ait jamais été
Ire J fait, si la science est en effet l’histoire des
| faits; et quand même on supposeroit qu’A-
ristote auroit tiré de tous les livres de son
rit j temps ce qu’il a mis dans le sien , le plan
'e | de l’ouvrage, sa distribution, le choix des
us j exemples, la justesse des comparaisons , une
115 certaine tournure dans les idées , que j’ap-
^ ! pellerois volontiers le caractère philoso-
*eS phique, ne laissent pas douter un instant
fl' j qu’il ne fût lui-même bien plus riche que
^ j ceux dont il auroit emprunté.
® ! Pline a travaillé sur un plan bien plus
® i grand , et peut-être trop vaste : il a voulu
I- tout embrasser, et il semble avoir mesuré
rit j la nature et l’avoir trouvée trop petite en-
lé- core pour l’étendue de son esprit. Son His-
on toire naturelle comprend , indépendamment
- de l’histoire des animaux, des plantes, et
les ides minéraux, l’histoire du ciel et de la
ueï terre, la médecine, le commerce, la navi-
re gation, l’histoire des arts libéraux et méca-
it, niques, l’origine des usages, enfin toutes
ire | les sciences naturelles et tous les arts hu-
a- mains; et ce qu’il y a d’étonnant c’est que
les idans chaque partie Pline est également
ou grand. L’élévation des idées , la noblesse du
nt J style, relèvent encore sa profonde érudi-
ii- tion : non seulement il savait tout ce qu’on
en pouvoit savoir de son temps, mais il avoit
les cette facilité de penser en grand qui mul-
a. tiphe la science; il avoit cette finesse de SUR-
NATURELLE. Sq
flexion , de laquelle dépendent l’élégance et
le goût, et il communique à ses lecteurs
une certaine liberté d’esprit , une hardiesse
de penser , qui est le germe de la philoso-
phie. Son ouvrage, tout aussi varié que la
nature, la peint toujours en beau : c’est, si
l’on veut, une compilation de tout ce qui
avoit été écrit avant lui, une copie de tout
ce qui avoit été fait d’excellent et d’utile à
savoir ; mais cette copie a de si grands traits.,
cette compilation contient des choses ras-
semblées d’une manière si neuve, qu’elle
est préférable à la plupart des ouvrages ori-
ginaux qui traitent des mêmes matières.
Nous avons dit que l’histoire fidèle et la
description exacte de chaque chose étoient
les deux seuls objets que l’on devoit se
proposer d’abord dans l’étude de l’histoire
naturelle. Les anciens ont bien rempli le
premier, et sont peut-être autant au des-
sus des modernes par cette première partie,
que ceux-ci sont au dessus d’eux par la se-
conde; car les anciens ont très-bien traité
l’historique de la vie et des mœurs des ani-
maux, de la culture et des usages des plan-
tes, des propriétés et de l’emploi des miné-
raux , et en même temps ils semblent avoir
négligé à dessein la description de chaque
chose. Ce n’est pas qu’ils ne fussent très-ca-
pables de la bien faire : mais ils dédaignoient
apparemment d’écrire des choses qu’ils re-
gardoient comme inutiles, et cette façon de
penser tenoit à quelque chose de général,
et n’étoit pas aussi déraisonnable qu’on pour-
roit le croire; et même ils ne pouvoient
guère penser autrement. Premièrement , ils
cherchoient à être courts, et à ne mettre
dans leurs ouvrages que les faits essentiels
et utiles, parce qu’ils n’avoient pas, comme
nous, la facilité de multiplier les livres et
de les grossir impunément. En second lieu ,
ils tournoient toutes les sciences du côté de
l’utilité, et donnaient beaucoup moins que
nous à la vaine curiosité; tout ce qui n’é-
toit pas intéressant pour la société, pour la
santé, pour les arts, étoil négligé; ils rap-
portaient tout à l’homme moral, et ils ne
croyoient pas que les choses qui n’avoient
point d’usage fussent dignes de l’occuper ;
un insecte inutile dont nos observateurs ad-
mirent les manœuvres , une herbe sans vertu
dont nos botanistes observent les étamines,
n’étoient pour eux qu’un insecte ou une
herbe. On peut citer pour exemple le vingt-
septième livre de Pline, reliqua herbarum
généra , où il met ensemble toutes les her-
bes dont il ne fait pas grand cas, qu’il se
contente de nommer par lettres alphabé-
58 MANIÈRE
tiques, en indiquant seulement quelqu’un
de leurs caractères généraux et de leurs usa-
ges pour la médecine. Tout cela venoit du
peu de goût que les anciens avoient pour la
physique; ou pour parler plus exactement,
comme ils n’avoient aucune idée de ce que
nous appelons physique parliculière et ex-
périmentale, ils ne pensoient pas que l’on
pût tirer aucun avantage de l’examen scru-
puleux et de la description exacte de toutes
les parties d’une plante ou d’un petit ani-
mal ; et ils ne voyoient pas les rapports que
cela pouvoit avoir avec l’explication des
phénomènes de la nature.
Cependant cet objet est le plus important,
et il ne faut pas s’imaginer, même aujour-
d’hui, que dans l’étude de l’histoire natu-
relle , on doive se borner uniquement à faire
des descriptions exactes, et à s’assurer seu-
lement des faits particuliers. C’est, à la vé-
rité, et comme nous l’avons dit, le but es-
sentiel cju’on doit se proposer d’abord ; mais
il faut tâcher de s’élever à quelque chose de
plus grand et de plus digne encore de nous
occuper, c’est de combiner les observations ,
de généraliser les faits, de les lier ensemble
par la force des analogies, et de tâcher d’ar-
river à ce haut degré de connoissances où
nous pouvons juger que les effets particu-
liers dépendent d’effets plus généraux, où
nous pouvons comparer la nature avec elle-
même dans ses grandes opérations, et d’où
nous pouvons enfin nous ouvrir des routes
pour perfectionner les différentes parties de
la physique. Une grande mémoire, de l’as-
siduité, et de l’attention, suffisent pour ar-
river au premier but : mais il faut ici quel-
que chose de plus , il faut des vues générales ,
un coup d’œil ferme, et un raisonnement
formé plus encore par la réflexion que par
l’étude; il faut enfin cette qualité d’esprit
qui nous fait saisir les rapports éloignés,
les rassembler et en former un corps d’idées
raisonnées, après en avoir apprécié au juste
les vraisemblances et en avoir pesé les pro-
babilités.
C’est ici où l’on a besoin de méthode
pour conduire son esprit , non pas de celle
dont nous avons parlé, qui ne sert qu’à ar-
ranger arbitrairement des mots, mais de
cette méthode qui soutient l’ordre même
des choses, qui guide notre raisonnement,
qui éclaire nos vues, les étend , et nous em-
pêche de nous égarer. Les plus grands phi-
losophes ont senti la nécessité de cette mé-
thode, et même ils ont voulu nous en don-
ner des principes et des essais : mais les
uns ne nous ont laissé que l’histoire de
D’ÉTUDIER
leurs pensées , et les autres la fable de leur
imagination; et quelques-uns se sont élevés
à ce haut point de métaphysique d’où l’on
peut voir les principes , les rapports , et
l’ensemble des sciences : aucun ne nous a
sur cela communiqué ses idées, aucun ne
nous a donné des conseils, et la méthode
de bien conduire son esprit dans les sciences
est encore à trouver : au défaut de précep-
tes , ou a substitué des exemples ; au lieu
de principes, on a employé des définitions;
au lieu de faits avérés, des suppositions ha-
sardées.
Dans ce siècle même , où les sciences pa-
roissent être cultivées avec soin, je crois j
qu’il est aisé de s’apercevoir que la philoso- j
phie est négligée, et peut-être plus que dans
aucun autre siècle; les arts qu’on veut ap-
peler scientifiques ont pris sa place ; les j
méthodes de calcul et de géométrie, celles
de botanique et d histoire naturelle, les for-
mules, en un mot, et les dictionnaires, oc-
cupent presque tout le monde : on s’imagine
savoir davantage, parce qu’on a augmenté
le nombre des expressions symboliques et
des phrases savantes, et on ne fait point
attention que tous ces arts ne sont que des j
échafaudages pour arriver à la science, etj
non pas la science elle-même; qu’il ne faut
s’en servir que lorsqu’on ne peut s’en pas-N
ser, et qu’on doit toujours se défier qu’ils;
ne viennent à nous manquer, lorsque nous!
voudrons les appliquer à l’édifice. i
La vérité, cet être métaphysique dont;
tout le monde croit avoir une idée claire J (
me paroît confondue dans un si grand nom- ! p
bre d’objets étrangers auxquels on donne p
son nom , que je ne suis pas surpris qu’ori i
ait de la peine à la reconnoitre. Les préjugée] pi
et les fausses applications se sont multiplié.' | œ
à mesure que nos hypothèses ont été plu;j pu
savantes , plus abstraites et plus perfection al
nées; il est donc plus difficile que jamais d< n
reconnoitre ce que nous pouvons savoir, e! lio
de le distinguer nettement de ce que noua fer
devons ignorer. Les réflexions suivantes ser i sot
viront au moins d’avis sur ce sujet im | dé
portant. j (e|
Le mot de vérité ne fait naître qu’un ion
idée vague, il n’a jamais eu de défini tioi jirj
précise; et la définition elle-même, pris : \
dans un sens général et absolu, n’est qu’uni jonl
abstraction qui n’existe qu’en vertu de quelj poit
que supposition. Au lieu de chercher a fairjj JB
une définition de la vérité, cherchons don] is
à faire une énumération; voyons de près c Je!
q^gn appelle communément vérités, et tfj tfpé
cHons de nous en former des idées nettes. a,
| fest
L’HISTOIRE NATURELLE.
59
Il y a plusieurs espèces de vérités, et on
1 coutume de mettre dans le premier ordre
les vérités mathématiques : ce ne sont ce-
pendant que des vérités de définitions; ces
définitions portent sur des suppositions sim-
îles, niais abstraites, et toutes les vérités
jn ce genre ne sont que des conséquences
composées, mais toujours abstraites de ces
léfinitions. Nous avons fait les suppositions,
ions les avons combinées de toutes les fa-
çons, ce corps de combinaisons est la science
nathématique; il n’y a donc rien dans cette
cience que ce que nous y avons mis , et les
Mérités qu’on en tire ne peuvent être que des
expressions différentes, sous lesquelles se
îrésentent les suppositions que nous avons
employées : ainsi les vérités mathématiques
ie sont que les répétitions exactes des défi-
îitions ou suppositions. La dernière consé-
quence n’est vraie que parce qu’elle est
dentique avec celle qui la précède, et que
belle-ci l’est avec la précédente, et ainsi de
[uite, en remontant jusqu’à la première
upposition; et comme les définitions sont
es seuls principes sur lesquels tout est éta-
bli, et qu’elles sont arbitraires et relatives,
toutes les conséquences qu’on en peut tirer
kmt également arbitraires et relatives. Ce
qu’on appelle vérités mathématiques se ré-
duit donc à des identités d’idées, et n’a au-
cune réalité : nous supposons , nous raison-
nons sur nos suppositions, nous en tirons
jles conséquences , nous concluons : la con-
clusion ou dernière conséquence est une
proposition vraie, relativement à notre sup-
position; mais cette vérité n’est pas plus
réelle que la supposition elle-même. Ce n’est
point ici le lieu de nous étendre sur les
usages des sciences mathématiques, non plus
Jus bue sur l’abus qu’on en peut faire ; il nous
suffit d’avoir prouvé que les vérités mathé-
dematiques ne sont que des vérités de défiui-
ettions, ou, si l’on veut, des expressions dif-
férentes de la même chose, et qu’elles ne
sont vérités que relativement à ces mêmes
définitions que nous avons faites : c’est par
jcette raison qu’elles ont l’avantage d’être
nejtoujours exactes et démonstratives, mais ab-
ionjstraites , intellectuelles et arbitraires.
Les vérités physiques, au contraire, ne
sont nullement arbitraires, et ne dépendent
point de nous; au lieu d’être fondées sur
lirf'des suppositions que nous ayons faites, elles
il ne sont appuyées que sur des faits. Une suite
cjde faits semblables, ou, si l’on veut, une
répétition fréquente et une succession non
interrompue des mêmes événemens, fait
l’essence de la vérité physique ; ce qu’on
appelle vérité physique n’est donc qu’une
probabilité, mais une probabilité si grande,
qu’elle équivaut à une certitude. En mathé*
malique on suppose ; en physique on pose
et on établit. Là ce sont des définitions; ici
ce sont des faits. On va de définitions en
définitions dans es sciences abstraites; on
marche d’observations en observations dans
les sciences réelles. Dans les premières on
arrive à l’évidence, dans les dernières à la
certitude. Le mot de vérité comprend l’une
et l’autre, et répond par conséquent à deux
idées différentes ; sa signification est vague
et composée, il n’éloit donc pas possible de
la définir généralement; il falloil, comme
nous venons de le faire , en distinguer les
genres afin de s’en former une idée nette.
Je ne parlerai pas des autres ordres de
vérités: celles de la morale, par exemple,
qui sont en partie réelles et en partie ar-
bitraires, demanderoient une longue dis-
cussion qui nous éloigneroit de notre but,
et cela d’autant plus qu’elles n’ont pour objet
et pour fin que des convenances et des pro-
babilités.
L’évidence mathématique et la certitude
physique sont donc les deux seuls points
sous lesquels nous devons considérer la vé-
rité; dès qu’elle s’éloignera de l’une ou de
l’autre, ce n’est plus que vraisemblance et
probabilité. Examinons donc ce que nous
pouvons savoir de science évidente ou cer-
taine; après quoi nous verrons ce que nous
ne pouvons connoître que par conjecture, et
enfin ce que nous devons ignorer.
Nous savons ou nous pouvons savoir de
science évidente toutes les propriétés, ou
plutôt tous les rapports des nombres , des
lignes, des surfaces et de toutes les autres
quantités abstraites; nous pourrons les sa-
voir d’une manière plus complète à mesure
que nous nous exercerons à résoudre de
nouvelles questions, et d’une manière plus
sûre à mesure que nous rechercherons les
causes des difficultés. Comme nous sommes
les créateurs de celte science , et qu’elle ne
comprend absolument rien que ce que nous
avons nous-mêmes imaginé, il ne peut y avoir
ni obscurités ni paradoxes qui soient réels
ou impossibles, et on en trouvera toujours
la solution en examinant avec soin les prin-
cipes supposés , et en suivant toutes les dé-
marches qu’on a faites pour y arriver ;
comme les combinaisons de ces principes et
des façons de les employer sont innombra-
bles, il y a dans les mathématiques un
champ d’une immense étendue de connois-
sances acquises et à acquérir, que nous se*
6o
MANIERE
rons toujours les maîtres de cultiver quand
nous voudrons, et dans lequel nous re-
cueillerons toujours la même abondance de
vérités.
Mais ces vérités auroient été perpétuelle-
ment de pure spéculation , de simple curio-
sité et d’eniière inutilité, si on n’avoit pas
trouvé les moyens de les associer aux vérités
physiques. Avant que de considérer les avan-
tages de cette union, voy ons ce que nous pou»
vons espérer de savoir en ce genre.
Les phénomènes qui s’offrent tous les
jours à nos yeux, qui se succèdent et se ré-
pètent sans interruption et dans tous les cas,
sont le fondement de nos connoissances phy-
siques. Il suffit qu’une chose arrive toujours
de la même façon , pour qu’elle fasse une
certitude ou une vérité pour nous; tous les
faits de la nature que nous avons observés ,
ou que nous pourrons observer, sont autant
de vérités : ainsi nous pouvons en augmenter
le nombre autant qu’il nous plaira, en mul-
tipliant nos observations; notre science n’est
ici bornée que par les limites de l’univers.
Mais lorsqu’après avoir bien constaté les
faits par des observations réitérées, lorsqu’a-
près avoir établi de nouvelles vérités par des
expériences exactes , nous voulons chercher
les raisons de ces mêmes faits , les causes de
Ces effets, nous nous trouvons arrêtés tout
à coup , réduits à lâcher de déduire les ef-
fets d’effets plus généraux, et obligés d’a-
vouer que les causes nous sont et nous seront
perpétuellement inconnues; parce que nos
sens étant eux-mêmes les effets de causes
que nous ne connoissons point , ils ne peu-
vent nous donner des idées que des effets ,
et jamais des causes; il faudra donc nous ré-
duire à appeler cause un effet général, et
renoncer à savoir au delà.
Ces effets généraux sont pour nous les
vraies lois de la nature: tous les phénomènes
que nous reconnoî Irons tenir à ces lois et en
dépendre, seront autant de faits expliqués,
autant de vérités comprises ; ceux que nous
ne pourrons y rapporter, seront de simples
faits qu’il faut mettre en réserve, en atten-
dant qu’un plus grand nombre d’observa lions
et une plus longue expérience nous-appren-
nent d’autres faits, et nous découvrent la
cause physique, c’est-à-dire l’effet général
dont ces effets particuliers dérivent. C’est ici
où l’union des deux sciences mathématique
et physique peut donner de grands avan-
tages : l’une donne le combien, et l’autre le
comment des choses; et comme il s’agit ici
de combiner et d’estimer des probabilités
pour juger si un effet dépend plutôt d’une
D’ÉTUDIER
cause que d’une autre, lorsque vous av(
imaginé par la physique le comment , c’esl
à-dire lorsque vous avez vu qu’un tel eff<
pourroit bien dépendre de telle cause , voi
appliquez ensuite le calcul pour vous assure
du combien de cet effet combiné avec s
cause; et si vous trouvez que le résultat s’a<
corde avec les observations, la probabilil
que vous avez deviné juste augmente si for' ^
qu’elle devient une certitude , au lieu qu
sans ce secours elle seroit demeurée simpl
probabilité. | J
Il est vrai que cette union des mathéma
tiques et de la physique ne peut se faire qu
pour un très-petit nombre de sujets : il fau
pour cela que les phénomènes que nou
cherchons à expliquer soient susceptible
d’être considérés d’une manière abstraite
et que de leur nature ils soient dénués d< ^
presque toutes qualités physiques; car poui
peu qu’ils soient composés , le calcul ne peu
plus s’y appliquer. La plus belle et la plut
heureuse application qu’on en ait jamais!
faite est au système du monde ; et il faut
avouer que si Newton ne nous eût donne
que les idées physiques de son système, sansi
les avoir appuyées sur des évaluations pré-
cises et mathématiques, elles n’auroient pas
eu , à beaucoup près , la même force : maisi
on doit sentir en même temps qu’il y a très-
peu de sujets aussi simples , c’est-à-dire aussi
dénués de qualités physiques que l’est ce-
lui-ci; car la distance des planètes est si
grande, qu’on peut les considérer les unes ^
à l’égard des autres comme n’étant que des
points. On peut en même temps, sans se t
tromper, faire abstraction de toutes les qua- jj^
lités physiques des planètes , et ne considérer
que leur force d’attraction : leurs mouve-
mens sont d’ailleurs les plus réguliers que
nous commissions , et n’éprouvent aucun re-
tardement par la résistance. Tout cela con-
court à rendre l’explication du système du
monde un problème de mathématique , au-
quel il ne falloit qu’une idée physique heu-
reusement conçue pour la réaliser; et celte
idée est d’avoir pensé que la force qui fait
tomber les graves à la surface de la terre ,
pourroit bien être la même que celle qui re-
tient la lune dans son orbite.
Mais, je le répète, il y a, bien peu de
sujets en physique où l’on puisse appliquer
aussi avantageusement les sciences abstraites,
et je ne vois guère que l’astronomie et l’op-
tique auxquelles elles puissent être d’une
grande utilité : l’astronomie par les raisons
que nous venons d’exposer, et l’optique parce
que la lumière étant un corps presque inh-
L’HISTOIRE NATURELLE.
61
ment petit, dont les effets s’opèrent en
jne droite avec une vitesse presque infinie,
propriétés sont presque mathématiques ;
qui fait qu’on peut y appliquer avec
elque succès le calcul et les mesures géo-
êtriques. Je ne parlerai pas des mécani-
es , parce que la mécanique rationnelle est
e-mème une science mathématique et ab-
aite , de laquelle la mécanique pratique ,
l’art de faire et de composer les machines,
mprunte qu’un seul principe par lequel
peut juger tous les effets en faisant ab-
action des frottemens et des autres qualités
ysiques. Aussi m’a-t-il toujours paru qu’il
avoit une espèce d’abus dans la manière
nt on professe la physique expérimentale,
bjet de cette science n’étant point du tout
ui qu’on lui prête. La démonstration des
èts mécaniques, comme de la puissance
leviers, des poulies, de l’équilibre des
ides et des fluides , de l’effet des plans in-
lés, de celui des forces centrifuges, etc.,
parlenant entièrement aux mathématiques,
pouvant être saisie par les yeux de l’esprit
pc la dernière évidence, il me paroît su-
rflu de la représenter à ceux du corps : le
û but est, au contraire, de faire des ex-
iences sur toutes les choses que nous ne
avons pas mesurer par le calcul , sur tous
effets dont nous ne connoissons pas en-
•e les causes, et sur toutes les propriétés
it nous ignorons les circonstances ; cela
1 peut nous conduire à de nouvelles dé-
livertes , au lieu que la démonstration des
ts mathématiques ne nous apprendra ja-
is que ce que nous savons déjà.
JMais cet abus n’est rien en comparaison
| inconvéniens où l’on tombe lorsqu’on
I“| it appliquer la géométrie et le calcul à des
ets dont nous ne connoissons pas assez les
priétés pour pouvoir les mesurer : on est
igé dans tous ces cas de faire des suppo-
ons toujours contraires à la nature, de
ouiller le sujet de la plupart de ses qua-
s, d’en faire un être abstrait qui ne res-
ible plus à l’être réel; et lorsqu’on a
ucoup raisonné et calculé sur les rap-
re' ts et les propriétés de cet être abstrait ,
Jpi’on est arrivé à une conclusion tout
® jsi abstraite, on croit avoir trouvé quel-
chose de réel , et on transporte ce ré-
at idéal dans le sujet réel; ce qui pro-
une infinité de fausses conséquences et
reurs.
est ici le point le plus délicat et le plus
ortant de l’étude des sciences : savoir
1 distinguer ce qu’il y a de réel dans un
sujet de ce que nous y mettons d’arbitraire
en le considérant, reconnoître clairement
les propriétés qui lui appartiennent et celles
que nous lui prêtons, me^ paroît être le fon-
dement de la vraie méthode de conduire son
esprit dans les sciences ; et si on ne perdoit
jamais de vue ce principe, on ne feroit pas
une fausse démarche , on éviteroit de tomber
dans ces erreurs savantes qu’on reçoit sou-
vent comme des vérités : on verroit dispa-
roître les paradoxes, les questions insolubles
des sciences abstraites; on reconnoîtroit les
préjugés et les incertitudes que nous portons
nous-mêmes dans les sciences réelles; on
viendrait alors à s’entendre sur la métaphy-
sique des sciences ; on cesserait de disputer,
et on se réunirait pour marcher dans la
même route à la suite de l’expérience , et
arriver enfin à la connoissance de toutes les
vérités qui sont du ressort de l’esprit hu-
main.
Lorsque les sujets sont trop compliques
pour qu’on puisse y appliquer avec avantage
le calcul et les mesures , comme le sont pres-
que tous ceux de l’histoire naturelle et de la
physique particulière, il me paroît que la
vraie méthode de conduire son esprit dans
ces recherches, c’est d’avoir recours aux
observations , de les rassembler, d’en faire
de nouvelles, et en assez grand nombre pour
nous assurer de la vérité des faits princi-
paux , et de n’employer la méthode mathé-
matique que pour estimer les probabilités
des conséquences qu’on peut tirer de ces
faits; surtout il faut tâcher de les généraliser
et de bien distinguer ceux qui sont essentiels
de ceux qui ne sont qu’accessoires au sujet
que nous considérons; il faut ensuite les
lier ensemble par les analogies, confirmer
ou détruire certains points équivoques par
le moyen des expériences , former son plan
d’explication sur la combinaison de tous ces
rapports, et les présenter dans l’ordre le
plus naturel. Cet ordre peut se prendre de
deux façons : la première est de remonter
des effets particuliers à des effets plus géné-
raux, et l’autre de descendre du général au
particuliei : toutes deux sont bonnes, et le
choix de l’une ou de l’autre dépend plutôt
du génie de l’auteur que de la nature des
choses, qui toutes peuvent être également
bien traitées par l’une ou par l’autre de ces
manières. Nous allons donner des essais de
cette méthode dans les discours suivans, de
la Théorie de la Terre, de la Formation
des Planètes et de la Génération des
Animaux.
SECOND DISCOURS.
HISTOIRE ET THÉORIE DE LA TERRE.
Vidi ego , quod fuerat quondam solidissima tell [
Esse fretum; vidi factas ex æquore terras;
Et procul à pelago eonchæ jacuêre marinæ ,
Et vêtus inventa est in montibus anchora summisiî
Quodque fuit campus, vallem decursus aquarur
Fecit, et eluvie mous est deductus in æquor. ,
(O vin. , Metarn,, lib. xv, r.
Il n’est ici question ni de la figure 1 de
la terre , ni de son mouvement , ni des rap-
ports qu’elle peut avoir à l’extérieur avec les
autres parliesde l’univers; c’est sa constitu-
tion intérieure , sa forme et sa matière, que
nous nous proposons d’examiner. L’histoire
générale de la terre doit précéder l’histoire
particulière de ses productions, et les dé-
tails des faits singuliers de la vie et des mœurs
des animaux , ou de la culture et de la vé-
gétation des plantes , appartiennent peut-être
moins à l’histoire naturelle que les résultats
généraux des observations qu’on a faites sur
les différentes matières qui composent le
globe terrestre, sur les éminences, les pro-
fondeurs et les inégalités de sa forme , sur
le mouvement des mers , sur la direction des
montagnes, sur la position des carrières,
sur la rapidité et les effets des courans de
la mer , etc. Ceci est la nature en grand , et
ce sont là ses principales opérations; elles
influent sur «outes les autres, et la théorie
de ces effets est une première science de la-
quelle dépend l’intelligence des phénomènes
particuliers , aussi bien que la connoissance
exacte des substances terrestres; et quand
même on voudroit donner à cette partie des
sciences naturelles le nom de physique ,
toute physique où l’on n’admet point de sys-
tèmes n’est-elle pas l’histoire de la nature ?
Dans des sujets d’une vaste étendue dont
les rapports sont difficiles à rapprocher , où
les faits sont inconnus en partie, et pour le
reste incertains , il est plus aisé d’imaginer
un système que de donner une théorie :
aussi la théorie de la terre n’a-t-elle jamais
été traitée que d’une manière vague et hy-
i. Voyez ci-après les Preuves de la Théorie de
la terre , art. I.
pothétique. Je ne parlerai donc que légè
méat des idées singulières de quelques i
teurs qui ont écrit sur cette matière.
L’una, plus ingénieux que raisonnab
astronome convaincu du système de Newti j;
envisageant tous les événemens possibles
cours de la direction des astres, expliqq
à l’aide d’un calcul mathématique, par:
queue d’une comète, tous les changera
qui sont arrivés au globe terrestre.
Un autre3, théologien hétérodoxe,!;
tête échauffée de visions poétiques, ci
avoir vu créer l’univers. Osant prendre i
style prophétique, après nous avoir dit;
qu’étoit la terre au sortir du néant, ce < ;
le déluge y a changé, ce qu’elle a été, et (
qu’elle est, il nous prédit ce qu’elle se< ,
même après la destruction du genre hum;: (
Un troisième 4, à la vérité meilleur 1 >
servateur que les deux premiers , mais t a
aussi peu réglé dans ses idées, expliq j
par un abîme immense d’un liquide cont 1 T
dans les entrailles du globe, les principe [{
phénomènes de la terre, laquelle, selon j ^
n’est qu’une croûte superficielle et fort mir i j
qui sert d’enveloppe au fluide qu’elle i B
ferme. ^
Toutes ces hypothèses , faites au hasa ; (j
et qui ne portent que sur des fondea ; ^
ruineux , n’ont point éclairci les idées , et j(
confondu les faits. On a mêlé la fable j ^
physique : aussi ces systèmes n’ont été r< 1
que de ceux qui reçoivent tout aveuglém ^
incapables qu’ils sont de distinguer les m 1
2. Whiston. Voyez les Preuves de la Théori ;j
la terre , art. II. ! ®
3. Burnet. Voyez les Preuves de la Théorie < ! fi
terre, art. III.
4. Woodward. Voyez les Preuves, art. IV.
THÉORIE DE LA TERRE.
ces du vraisemblable, et plus flattés du mer-
veilleux que frappés du vrai.
Ce que nous avons à dire au sujet de la
terre sera sans doute moins extraordinaire ,
et pourra paroître commun en comparaison
des grands systèmes dont nous venons de
parler : mais on doit se souvenir qu’un bis- .
torien est fait pour décrire et non pour in-
venter , qu’il ne doit se permeltre aucune
supposition , et qu’il ne peut faire usage de
son imagination que pour combiner les ob-
servations, généraliser les faits, et en for-
mer un ensemble qui présente à l’esprit un
ordre méthodique d’idées claires et de rap-
ports suivis et vraisemblables : je dis vraisem-
blables , car il ne faut pas espérer qu’on
puisse donner- des démonstrations exactes
sur cette matière, elles n’ont lieu que dans
les sciences mathématiques; et nos connois-
sances en physique et en histoire naturelle
dépendent de l’expérience et se bornent à
des inductions.
Commençons donc par nous représenter
ce que l’expérience de tous les temps et ce
que nos propres observations nous appren-
nent au sujet de la terre. Ce globe immense
nous offre, à la surface, des hauteurs , des
profondeurs, des plaines, des mers, des
marais , des fleuves , des cavernes , des gouf-
fres, des volcans; et à la première inspection
nous ne découvrons en tout cela aucune ré-
gularité , aucun ordre. Si nous pénétrons
dans son intérieur, nous y trouverons des
métaux, des minéraux, des pierres, des bi-
tumes , des sables , des terres , des eaux et
des matières de toute espèce, placées comme
au hasard et sans aucune règle apparente.
En examinant avec plus d’attention , nous
voyons des montagnes 1 * affaissées, des rochers
fendus et ' brisés , des contrées englouties ,
des îles nouvelles, des terrains submergés,
des cavernes comblées ; nous trouvons des
matières pesantes souvent posées sur des
matières légères ; des corps durs environnés
de substances molles ; des choses sèches , hu-
mides, chaudes, froides, solides, friables,
toutes mêlées et dans une espèce de confu-
sion qui ne nous présente d’autre image que
celle d’un amas de débris et d’un monde en
ruine.
Cependant nous habitons ces ruines avec
une entière sécurité ; les générations d’hom-
mes, d’animaux, de plantes, se succèdent
sans interruption : la terre fournit abondam-
i. Vide Senec. Quœst. , lib. vi , cap. 21; Strab.
Geograph., lib. i ; Oros., lib. n, cap. 18; Plin.,
lib. ii, cap. 19; Histoire de V Academie des Sciences ,
année 1708, page 2 3»
63
ment à leur subsistance ; la mer a des limites
et des lois , ses mouvemens y sont assujettis;
l’air a ses courans réglés a , les saisons ont
leurs retours périodiques et certains, la ver-
dure n’a jamais manqué de succéder aux
frimas; tout nous paroît être dans l’ordre :
la terre, qui tout à l’heure n’étoit qu’un
chaos , est un séjour délicieux , où régnent
le calme et l’harmonie, où tout est animé et
conduit avec une puissance et une intelli-
gence qui nous remplissent d’admiration
et nous élèvent jusqu’au Créateur.
Ne nous pressons donc pas de prononcer
sur l’irrégularité que nous voyons à la sur-
face de la terre , et sur le désordre apparent
qui se trouve dans son intérieur : car nous
en reconnoîtrons bientôt l’utilité, et même
la nécessité ; et en y faisant plus d’attention,
nous y trouverons peut-être un ordre que
nous ne soupçonnions pas, et des rapports
généraux que nous n’apercevions pas au pre-
mier coup d’œil. A la vérité, nos connois-
sancesà cet égard seront toujours bornées:
nous ne connoissons point encore la surface
entière3 * du globe : nous ignorons en partie
ce qui se trouve au fond des mers ; il y en a
dont nous n’avons pu sonder les profondeurs;
nous 11e pouvons pénétrer que dans l’écorce
de la terre, et les 4 plus grandes cavités,
les mines 5 les plus profondes , ne descendent
pas à la huit millième partie de son diamè-
tre. Nous ne pouvons donc juger que de la
couche extérieure et presque superficielle ;
l’intérieur de la masse nous est entièrement
inconnu. On sait que , volume pour volume,
la terre pèse quatre fois plus que le soleil.
On a aussi le rapport de sa pesanteur avec
les autres planètes : mais ce n’est qu’une es-
timation relative; l’unité de mesure nous
manque , le poids réel de la matière nous
étant inconnu : en sorte que l’intérieur de
ta terre pourroit être ou vide ou rempli d’une
matière mille fois plus pesante que l’or, et
nous n’avons aucun moyen de le reconnoî-
tre ; à peine pouvons-nous former sur cela
quelques6 conjectures raisonnables?.
2. "Voyez les Preuves, art. XI V.
3. Voyez les Preuves, art. VI.
4. Voyez Trans. phil. abrig., vol. II, page 323.
5. Voyez Bojrle’s JVorks , vol. III , page 232.
6. Voyez les Preuves, art. 1.
7. Lorsque j’ai écrit ce Traité de la Théorie de la
terre, en 1744» je n'étois pas instruit de tous les
faits par lesquels on peut reconnoître que la den-
sité du globe terrestre , prise généralement , est
moyenne entre les densités du fer, des marbres ,
des grès, de la pierre et du verre, telle que je l’ai
déterminée dans mon premier Mémoire ; je n’avois
pas fait alors toutes les expériences qui. m’ont con-
duit à ce résultat; il me manquoit aussi beaucoup
64 THEORIE DE LA TERRE.
Il faut donc nous borner à examiner et à
décrire la surface de la terre , et la petite
épaisseur intérieure dans laquelle nous avons
d’observations que j’ai recueillies dans ce long es •
Î>ace de temps : ces expériences toutes faites dans
a même vue , et ces observations , nouvelles pour
la plupart , ont étendu mes premières idées , et
m’en ont fait naître d’autres accessoires et même
plus élevées ; en sorte que ces conjectures raisonnables
que je soupçonnois dès lors qu’on pouvoit former,
me paroissent être devenues des inductions très-
plausibles , desquelles il résulte que le globe de la
terre est principalement composé, depuis la surface
jusqu’au centre , d’une matière vitreuse un peu plus
dense que le verre pur; la lune, d’une matière
aussi dense que la pierre calcaire; Mars, d’une
matière à peu près aussi dense que celle du mar-
bre ; Vénus , d’une matière un peu plus dense que
l’émeril; Mercure, d’une matière un peu plus dense
que l’étain ; Jupiter, d’une matière moins dense que
la craie ; et Saturne , d’une matière presque aussi
légère que la pierre ponce ; et enfin que les satellites
de ces deux grosses planètes sont composés d’une
matière encore plus légère que leur planète prin-
cipale.
Il est certain que le centre de gravité du globe ,
eu plutôt du sphéroïde terrestre, coïncide avec son
centre de grandeur, et que l'axe sur lequel il tourne
passe par ces mêmes centres , c’est-à-dire par le
milieu du sphéroïde, et que par conséquent il est
de même densité dans toutes ses parties correspon-
dantes : s’il en étoit autrement, et que le centre de
grandeur ne coïncidât pas avec le centre de gra-
vité, l’axe de rotation se trouveroit alors plus d’un
côté que de l’autre; et, dans les différens hémi-
sphères delà terre, la durée de la révolution pa-
roitroit inégale. Or, cette révolution est parfaite-
ment la même pour tous les climats : ainsi toutes
les parties correspondantes du globe sont de la
même densité relative.
Et comme il est démontré par son renflement à
l’équateur et par sa chaleur propre , encore actuel-
lement existante, que , dans son origine, le globe
terrestre étoit composé d’une matière liquéfiée par
le feu, qui s’est rassemblée par sa force d’attrac-
tion mutuelle, la réunion de cette matière en fu-
sion n’a pu former qu’une sphère pleine depuis le
centre à la circonférence , laquelle sphère pleine ne
diffère d’un globe parfait que par ce renflement
sous l’équateur et cet abaissement sous les pôles ,
produits par la force centrifuge dès les premiers
momens que cette masse encore liquide a commencé
à tourner sur elle-même.
Nous avons démontré que le résultat de toutes
les matières qui éprouvent la violente action du
feu, est l’élat de vitrification; et comme toutes se
réduisent en verre plus ou moins pesant, il est né-
cessaire que l’intérieur du globe soit en effet une
matière vitrée, de la même nature que la roche
vitreuse, qui fait partout le fond de sa surface au
dessous des argiles, des- sables vitrescibles , des
pierres calcaires, et de toutes les autres matières
qui ont été remuées , travaillées et transportées par
les eaux.
’ Ainsi l’intérieur du globe est une masse de ma-
tière vitrescible , peut-être spécifiquement un peu
plus pesante que la roche vitreuse , dans les fentes
de laquelle nous cherchons les métaux ; mais elle
est de même nature , et n’en diffère qu’en ce qu’elle
est plus massive et plus pleine : il n’y a de vides
pénétré. La première chose qui se présente,
c’est l’immense quantité d’eau qui couvre la j
plus grande partie du globe. Ces eaux occu-
et de cavernes que dans les couches extérieures ;
l’intérieur doit être plein ; car ces cavernes n’ont
pu se former qu’à la surface , dans le temps de la
consolidation et du premier refroidissement : les
fentes perpendiculaires qui se trouvent dans les
montagnes , ont été formées presque en même
temps, c’est-à-dire lorsque les matières se sont
resserrées par le refroidissement : toutes ces cavités
ne pouvoient se faire qu’à la surface , comme l’on
voit dans une masse de verre ou de minéral fondu
les éminences et les trous se présenter à la super-
ficie , tandis que l’intérieur du bloc est solide et
plein.
Indépendamment de cette cause générale de la
formation des cavernes et des fentes à la surface de
la terre, la force centrifuge étoit une autre cause
qui , se combinant avec celle du refroidissement, a
produit dans le commencement de plus grandes
cavernes et dt plus grandes inégalités dans les cli-
mats où elle agissoit le plus puissamment. C’est .
par cette raison que les plus hautes montagnes et 1
les plus grandes profondeurs se sont trouvées voi-
sines des tropiques et de l’équateur; c’est par la
même raison qu’il s’est fait dans ces contrées mé- ■
ridionaies plus de bouleversemens que nulle part
ailleurs. Nous ne pouvons déterminer le point de ï
profondeur auquel les couches de la terre ont été
boursoufflées par le feu et soulevées en cavernes ;
mais il est certain que cette profondeur doit être :
bien plus grande à l’équateur que dans les autres
climats, puisque le globe, avant sa consolidation,
s’y est élevé de six lieues un quart de plus que
sous les pôles. Cette espèce de croûte ou de calotte
va toujours en diminuant d’épaisseur depuis l’équa-
teur, et se termine à rien sous les pôles. La ma-
tière qui compose cette croûte est la seule qui ait
été déplacée dans le temps de la liquéfaction, et
refoulée par l’action de la force centrifuge; le reste :
de la matière qui compose l’intérieur du globe , ,
est demeuré fixe dans son assiette, et n’a subi ni i
changement , ni soulèvement , ni transport : les
vides et les cavernes n’ont donc pu se former que
dans cette croûte extérieure; elles se sont trouvées s
d’autant plus grandes el plus fréquentes que cette ;
croûte étoit plus épaisse , c’est-à-dire plus voisine
de l’équateur. Aussi les plus grands affaissemens se ;
sont faits et se feront encore dans les parties méri- 1
dionales , où se trouvent de même les plus grandes
inégaliiés de la surface du globe, et, par la même
raison , le plus grand nombre de cavernes , de j ;
fentes et de mines métalliques qui ont rempli ces ? 11
fentes dans le temps de leur fusion ou de leur sublî- 1
mation.
L’or et l’argent , qui ne font qu’une quantité , t
pour ainsi dire , infiniment petite en comparaison f
de celle des autres matières du globe, ont été su- |
blimés en vapeurs , et se sont séparés de la ma- :
tière vitrescible commune par l’action de la cha- ■
leur, de la même manière que l’on voit sortir d’une i
plaque d’or ou d’argent exposée au foyer d’un mi- f
roir ardent, des particules qui s’en séparent par la f
sublimation , et qui dorent ou argentent les corps j
que l’on expose à cette vapeur métallique : ainsi ;
l’on ne peut pas croire que ces métaux , suscepti- ]
blés de sublimation , même à une chaleur médiocre, >
puissent être entrés en grande partie dans la com-
position du globe, ni qu’ils soient placés à de
THEORIE DE LA TERRE.
>ent toujours les parties les plus basses;
illes sont aussi toujours de niveau, et elles
endent perpétuellement à l’équilibre et au
epos. Cependant nous les voyons 1 agitées
>ar une forte puissance , qui , s’opposant à
i tranquillité de cet élément , lui imprime
in mouvement périodique et réglé, soulève
t abaisse alternativement les flots, et fait
n balancement de la masse totale des mers,
n les remuant jusqu’à la plus grande profon-
eur. Nous savons que ce mouvement est
e tous les temps, et qu’il durera autant que
i lune et le soleil , qui en sont les causes.
Considérant ensuite le fond de la mer ,
pus y remarquons autant d’inégalités 2 que
[ir la surface de la terre ; nous y trouvons
es hauteurs3, des vallées, des plaines, des
rofondeurs, des rochers, des terrains de
pute espèce : nous voyons que toutes les
fîs ne sont que les sommets 4 de vastes mon-
gnes, dont le pied et les racines sont cou-
prts.de l’élément liquide ; nous y trouvons
'autres sommets de montagnes qui sont
resque à fleur d’eau. Nous y remarquons
es courans5 rapides qui semblent se sous-
jaire au mouvement général : on les voit 6
•ancles profondeurs dans son intérieur. Il en est
i même de tous les autres métaux et minéraux ,
Û sont encore plus susceptibles de se sublimer
àï l’action de la chaleur; et à l’égard des sables
ptrescibles et des argiles, qui ne sont que des dé-
jimens de scories vitrées dont la surface du globe
pit couverte immédiatement après le premier re-
pidissement, il est certain qu’elles n’ont pu se
ter dans l’intérieur, et qu’elles pénètrent tout au
lus aussi bas que les fiions métalliques dans les
ntes et dans les autres cavités de cette ancienne
jrface de la terre, maintenant recouverte par- toutes
5 matières que les eaux ont déposées.
jNous sommes donc bien fondés à conclure que le
pbe de la terre n’est, dans son intérieur, qu'une
asse solide de matière vitrescible , sans vides,
|ns cavités , et qu’il ne s’en trouve que dans les
uches qui soutiennent celles de sa surface; que
us l’équateur, et dans les climats méridionaux ,
, b cavités ont été et sont encore plus grandes que
ins les climats tempérés ou septentrionaux , parce
, l’il y a eu deux causes qui les ont produites sous
, jquateur, savoir, la force centrifuge et le refroi-
, bsement ; au lieu que , sous les pôles , il n’y a eu
, e la seule cause du refroidissement : en sorte
le , dans les parties méridionales , les affaisse-
bns ont été bien plus considérables, les inégalités
ps grandes, les fentes perpendiculaires plus fré-
j tentés, et les mines des métaux précieux plus
, Sondantes. ( Adcl . Buff.)
i. Voyez les Preuves, art. XII.
2. Voyez les Preuves, art. XIII.
ie [3. Voyez la Carte dressée en 1737 par M. Buache,
j/ s profondeurs de l’Océan entre l’Afrique et l’A-
la brique.
j 4- Voyez Varen. Gcogr. gcn. , page 218.
si 5. Voyez les Preuves , art XIII.
t[. 6. Voyez Varen., p. 140. Voyez aussi les Voyages
■e, j Pjrrard, p. i37.
Buffon. T,
65
se porter quelquefois consomment dans la
même direction , quelquefois rétrograder ,
et ne jamais excéder leurs îimiies, qui pa-
roissent aussi invariables que celles qui bor-
nent les efforts des fleuves de la terre. Là
sont ces contrées orageuses où les vents en
fureur précipitent la tempête, où la mer et
le ciel , également agités , se choquent et
se confondent : ici sont des mouvemens in-
testins, des bouillonnemens7, des trombes 8
et des agitations extraordinaires causées par
des volcans dont la bouche submergée vomit
le feu du sein des ondes, et pousse jusqu’aux
nues une épaisse vapeur mêlée d’eau, de sou-
fre et de bitume. Plus loin, je vois ces gouf-
fres 9 dont on n’ose approcher, qui semblent
attirer les vaisseaux pour les engloutir : au
delà j’aperçois ces vastes plaines , toujours
calmes et tranquilles10, mais tout aussi dan-
gereuses, où les vents n’ont jamais exercé
leur empire , où l’art du nautonier devient
inutile, où il faut rester et périr : enfin,
portant les yeux jusqu’aux extrémités du
globe, je vois ces glaces 11 énormes qui se
détachent des continens des pôles, et vien-
nent , comme des montagnes flottantes, voya-
ger et se fondre jusque dans les régions
tempérées 1 2.
Yoiîà les principaux objets que nous offre
le vaste empire de la mer : des milliers d’ha-
bitans de différentes espèces en peuplent
toute l’étendue; les uns, couverts d’écailles
légères, en traversent avec rapidité les dif-
férens pays; d’autres, chargés d’une épaisse
coquille, se traînent pesamment, et mar-
quent avec lenteur leur route sur le sable;
d’autres, à qui la nature a donné des na-
geoires en forme d’ailes, s’en servent pour
s’élever et se soutenir dans les airs; d’autres
enfin, à qui tout mouvement a été refusé,
croissent et vivent attachés aux rochers :
tous trouvent dans cet élément leur pâture.
Le fond de la mer produit abondamment
des plantes, des mousses, et des végétations
encore plus singulières. Le terrain de la mer
est de sable, de gravier, souvent de vase,
quelquefois de terre ferme, de coquillages,
de rochers , et partout il ressemble à la terre
que nous habitons.
Yoyageons maintenant sur la partie sèche
7. Voyez les Voyages de S haut, tome II, page 56.
8. Voyez les Preuves, art. XVI.
9. Le Malestroom dans la mer de Noîwége.
xo. Les calmes #t les tornaclos de la mer Éthio-
pique.
11. Voyez les Preuves , art. VI et X.
12. Voyez la Carte de l’expédition de M. Bouvet;
dressée parM. Buache, en 1739.
66
THÉORIE DE LÀ TERRE.
du globe : quelle différence prodigieuse entre
les climals ! quelle variété de terrains ! quelle
inégalité de niveau ! Mais observons exacte-
ment^ et nous reconnoîtrons que les grandes 1
chaînes de montagnes se trouvent plus voi-
sines de l’équateur que des pôles; que dans
l’ancien continent elles s’étendent d’orient
en occident beaucoup plus que du nord au
sud, et que dans le Nouveau-Monde elles
s’étendent au contraire du nord au sud
beaucoup plus que d’orient en occident :
mais ce qu’il y a de très-remarquable , c’est
que la forme de ces montagnes et leurs con-
tours, qui paroissent absolument irréguliers 2,
ont cependant des directions suivies et cor-
respondantes 3 entre elles ; en sorte que les
angles saillans d’une montagne se trouvent
toujours opposés aux angles rentrans de la
montagne voisine, qui en est séparée par un
vallon ou par une profondeur. J’observe
aussi que les collines opposées ont toujours
à très-peu près la même hauteur, et qu’en
général les montagnes occupent le milieu des
eontinens, et partagent, dans la plus grande
longueur, les îles, les promontoires, et les
autres 4 terres avancées. Je suis de même la
direction des plus grands fleuves, et je vois
quelle est toujours presque perpendiculaire
à la côte de la mer dans laquelle ils ont leur
embouchure, et que, dans la plus grande
partie de leur cours, ils vont à peu près 5
comme les chaînes de montagnes dont ils
prennent leur source et leur direction. Exa-
minant ensuite les rivages de la mer, je
trouve qu’elle est ordinairement bornée par
des rochers , des marbres , et d’autres pierres
dures, ou bien par des terres et des sables
qu elle a elle-même accumulés ou que les
fleuves ont amenés, et je remarque que les
côtes voisines , et qui ne sont séparées que
par un bras ou par un petit trajet de mer,
sont composées des mêmes matières, et que
les lits de terre sont les mêmes de l’un et de
l’autre côté6. Je vois que les volcans se 7
trouvent tous dans les hautes montagnes,
qu’il y en a un grand nombre dont les feux
sont entièrement éteints, que quelques-uns
de ces volcans ont des correspondances 8 sou-
terraines, et que leurs explosions se font
quelquefois en même temps. J’aperçois une
correspondance semblable entre certains lacs
i. Voyez les Preuves, art. IX.
а. Voyez les Preuves, art. IX et XII.
3. Voyez Lettres pli il. de Bourguet , page 181.
4. Vide V are ni i Geogr., p. 69.
5. Voyez les Preuves, art. X.
б. Voyez les Preuves, art. VII.
7. Ibid. , art. XVI.
è. Vide Kircher, Mund, fulter. in præf.
et les mers voisines. Ici sont des fleuves e
des torrens 9 qui se perdent tout à coup , e
paroissent se précipiter dans les entrailles d
la terre; là est une mer intérieure où s
rendent cent rivières , qui y portent de toute
parts une énorme quantité d’eau, sans jamai
augmenter ce lac immense , qui semble rendr
par des voies souterraines tout ce qu’il reço
par ses bords; et, chemin faisant, je recon
nois aisément les pays anciennement liai)
tés, je les distingue de ces contrées noi
velles , où le terrain paroît encore tout brut
où les fleuves sont remplis de cataractes, Oi
les terres sont en partie submergées , mar(
cageuses, ou trop arides, où la distribuée
des eaux est irrégulière , où des bois incuit
couvrent toute la surface des terrains q
peuvent produire.
Entrant dans un plus grand détail , je vc
que la première couche10, qui enveloppe
globe, est partout d’une même substanc
que cette substance, qui sert à faire croit
et à nourrir les végétaux et les animau
n’est elle-même qu’un composé de pari
animales et végétales détruites ou plutôt 1
duites en petites parties, dans lesquel
l’ancienne organisation n’est pas sensibi
Pénétrant plus avant, je trouve la vrti
terre; je vois des couches de sable,
pierres à chaux, d’argile, de coquillages,
marbre, de gravier, de craie, de plâtre, et
et je remarque que ces 11 couches sont te
jours posées parallèlement les unes 12 sur \
autres, et que chaque couche a la mê
épaisseur dans toute son étendue. Je v' l
que dans les collines voisines les mêr
matières se trouvent au même nivet
quoique les collines soient séparées par
intervalles profonds et considérables. J’<
serve que dans tous les lits de terre, et
même dans les couches plus solides, corn
dans les rochers , dans les carrières de mi
bres et de pierres, il y a des fentes, et <
ces fentes sont perpendiculaires à l’horiz
et que, dans les plus grandes comme d
les plus petites profondeurs, c’est une esp
de règle que la nature suit constamment
vois de plus que dans l’intérieur de la tei
sur la cime des monts *4 et dans les lieux
plus éloignés de la mer, on trouve des
quilles , des squelettes de poissons de n
des plantes marines , etc. , qui sont enti
9. Voyez Varen. Geogr., page 43.
10. Voyez les Preuves , art. VII.
xx. Voyez les Preuves , art. VII.
12. Voyez Woodward , page 4x> etc.
13. Voyez les Preuves, art. VIII.
x4- Ibid.
THÉORIE DE LA TERRE.
Ineut semblables aux coquilles , aux poissons ,
aux plantes actuellement vivantes dans la
mer, et qui en effet sc-nt absolument les
mêmes. Je remarque que ces coquilles pétri-
fiées sont en prodigieuse quantité, qu’on en
trouve dans une infinité d’endroits , qu’elles
sont renfermées dans l’intérieur des rochers
et des autres- masses de marbre et de pierre
dure, aussi bien que dans les craies et dans
les terres; et que non-seulement elles sont
renfermées dans toutes ces matières, mais
qu’elles y sont incorporées, pétrifiées, et
remplies de la substance même qui les en-
vironne. Enfin, je me trouve convaincu , par
des observations réitérées, que les marbres,
les pierres , les craies , les marnes , les argiles ,
les sables , et presque toutes les matières ter-
restres, sont remplies de f. coquilles et d’au-
tres débris de l'a mer, et cela par toute la
terre , et dans tous les lieux où l’on a pu faire
des observations exactes.
Tout cela posé, raisonnons.
Les changeroens qui sont arrivés au globe
terrestre , depuis deux et même irpis mille
ans, sont fort peu considérables en compa-
raison des révolutions qui ont du se faire
dans les premiers temps après la création ;
car il est aisé de démontrer que comme
toutes les matières terrestres n’ont acquis
de la solidité que par l’action continuée de
la gravité et des autres forces qui rappro-
chent et réunissent les particules de la
matière , la surface de la terre devoit être
au commencement beaucoup moins solide
qu’elle ne l’est devenue dans la suite, et que
par conséquent les mêmes causes qui ne
produisent aujourd’hui que des chaugemens
presque insensibles dans î’espaee de plusieurs
siècles , dévoient causer alors de très-grandes
révolutions dans un petit nombre d’années.
En effet, il paroît certain que la terre, ac-
tuellement sèche et habitée , a été autrefois
sous les eaux de la mer, et que ces eaux
éloient supérieures aux sommets des plus
hautes montagnes , puisqu’on trouve sur ces
montagnes et jusque sur leurs semmets des
productions marines et des coquilles 2 qui ,
1. Voyez Sténon , Woodward , Bay, Bourguet,
Scheuchzer, tes Trans. philos ., les Mémoires de l’A-
cadémie', etc.
2. Ceei exige une explication, et demande même
quelques restrictions. Il est certain et reconnu par
mille et mille observations , qu’il se trouve des co-
quilles et d’autres productions de la mer sur toute
la surface de la terre actuellement habitée , et
même sur les montagnes , à une très-grande hau-
teur. J’ai avancé, d’après l’autorité de Woodward,
qui , le premier, a recueilli ces observations , qu’on
trouvoit aussi des coquilles jusque sur les sommets
des plus hautes montagnes j d’autant que j’étois
67
comparées avec les coquillages vivans, sont
les mêmes, et qu’on ne peut douter de leur
assuré par moi-même et par d’autres observations
assez récentes , qu’il y en a dans les Pyrénées et les
Alpes, à 900, 1000, 1200 et i5oo toises de hau-
teur au dessus du niveau de la mer; qu’il s’en
trouve de même dans les montagnes de l’Asie, et
qu’enfin dans les Cordillères, en Amérique, on en.
a nouvellement découvert un banc à plus de 2000
toises au dessus du niveau de la mer.
On ne peut donc pas douter que, dans toutes
les différentes parties du monde, et jusqu’à la hau-
etùr de i5oo ou 2000 toises au dessus du niveau
des mers actuelles, la surface du globe 11’ait été
couverte des eaux, et pendant un temps assez long ,
pour y produire ces coquillages et les laisser mul-
tiplier; car leur quantité est si considérable, que
leurs débris forment des bancs de plusieurs lieues
d’étendue , souvent de plusieurs toises d’épaisseur
sur une largeur indéfinie; en sorte qu’ils compo-
sent une partie assez considérable des couches ex-
térieures de la surface du globe , c’est-à-dire, toute
la matière calcaire, qui, comme l’on sait, est très-
commune et très-abondante en plusieurs contrées.
Mais au dessus des plus hauts points d’élévation ,
c’est-à-dire, au dessus de i5oo on 2000 toises de
hauteur, et souvent plus bas , on a remarqué que
les sommets de plusieurs montagnes sont composés
de roc vif, de granité et d’autres matières vitresci-
bles produiies par le feu primitif, lesquelles ne
contiennent en effet ni coquilles, ni madrépores,
ni rien qui ait rapport aux matières calcaires. On
peut donc en inférer que la mer ri’a pas atteint, oa
du moins n’a surmonté que pendant un petit temps,
èes parties les plus élevées et ces pointes les plus
avancées de la surface de la terre.
Comme l’observation de don Ulloa , que nous
venons de citer au sujet des coquilles trouvées sur
les Cordillères, pourroit paraître encore douteuse,
ou du moins comme isolée et 11e faisant qu’un seul
exemple , nous devons rapporter à l’appui de son
témoignage celui d’Alphonse Barba, qui dit qu’au
milieu de la partie la plus montagneuse du Pérou ,
on trouve des coquilles dè toutes grandeurs, les
unes concaves et les autres convexes . et très-bien
imprimées. Ainsi l’Amérique , comme toutes les
autres parties du monde, à également été couverte
par les eaux de la mer ; et si les premiers observa-
teurs ont cru qu’on ne trouvoit point de coquilles
sur les montagnes des Cordillères, c’est que ces
montagnes, les plus élevées de la terre, sont pour
la plupart des volcans actuellement agissans , ou
des volcans éteints, lesquels, par leurs éruptions,
ont recouvert de matières brûlées toutes les terres
adjacentes; ce qui a non seulement enfoui, mais
détruit toutes les coquilles qui pouvoient s’y trou-
ver. Il ne seroii donc pas étonnant qu’on ne ren-
contrât point de productions marines autour de ces
montagnes, qui sont aujourd’hui ou qui ont été
autrefois embrasées ; car le terrain qui les enveloppe
ne doit être qu’un composé de cendres , de scories,
de verre, de lave et d’autres matières brûlées ou
■vitrifiées; ainsi il n’y a d’autre fondement à l’opi-
nion de cens qui prétendent que la mer n’a pas
couvert les montagnes, si ce n’est qu’il y a plu-
sieurs de leurs sommets où l’on ne voit aucune
coquille ni autres productions marines. Mais
comme on trouve en une infini lé d’endroits, et jas-
qu’à i5oo et 2000 toises de hauteur, des coquille?
et d’autres productions de la mer, il est évident
qu’il y a eu peu de pointes ou crêtes de montagsgp
5c
THÉORIE DE LA TERRE.
6 S
parfaite ressemblance, ni de l’identité de
leurs espèces. Il paroît aussi que les eaux de
la mer ont séjourné quelque temps sur cette
terre, puisqu’on trouve en plusieurs endroits
des bancs de coquilles si prodigieux et si
étendus, qu’il n’est pas possible qu’une aussi
grande 1 multitude d’animaux ait été tout à
la fois vivante en môme temps. Cela semble
prouver aussi que, quoique les matières qui
composent la surface de la terre fussent alors
dans un état de mollesse qui les rendoit sus-
ceptibles d’ètre aisément divisées , remuées
et transportées par les eaux , ces mouvemens
ne se sont pas faits toitf à coup, mais suc-
cessivement et par degrés; et comme on
trouve quelquefois des productions de la
mer à mille et douze cents pieds de profon-
deur, il paroît que celte épaisseur de terre
ou de pierre étant si considérable, il a fallu
des années pour la produire; car, quand on
voudrait supposer que dans le déluge uni-
versel tous les coquillages eussent été enlevés
du fond des mers et transportés sur toutes
les parties de la terre, outre que cette sup-
position serait difficile à établir 2, il est clair
que comme on trouve ces coquilles incor-
porées et pétrifiées dans les marbres et dans
les rochers des plus hautes montagnes, il
faudroit donc supposer que ces marbres et
ces rochers eussent été tous formés en même
temps et précisément dans l’instant du dé-
luge, et qu’avant cette grande révolution il
n’y avoit sur le globe terrestre ni montagnes,
ni marbres, ni rochers, ni craies, ni aucune
autre matière semblable à celles que nous
connoissons, qui presque toutes contiennent
des coquilles et d’autres débris des produc-
tions de la mer. D’ailleurs, la surface de la
terre devoit avoir acquis au temps du déluge
un degré considérable de solidité, puisque
la gravité avoit agi sur les matières qui la
composent pendant plus de seize siècles ; et
par conséquent il ne paroît pas possible que
les eaux du déluge aient pu bouleverser les
terres à la surface du globe jusqu’à d’aussi
grandes profondeurs, dans le peu de temps
que dura l’inondation universelle.
Mais, sans insister plus long-temps sur
ce point, qui sera discuté dans la suite, je
m’en tiendrai maintenant aux observations
qui n’aient été surmontées par les eaux , et que les
endroits où on ne trouve point de coquilles , indi-
quent seulement que les animaux qui les ont pro-
duites ne s’y sont pas habitués, et que les mouve-
mens de la iner n’y ont point amené les débris de
ses productions , comme elle en a amené sur tout
le reste de la surface du globe. (Add. Buff.)
1. Voyez les Preuves, art. VIII.
2. Voyez les Preuves , art. V
qui sont constantes, et aux faits qui sont
certains. On ne peut douter que les eaux de j
la mer n’aient séjourné sur la surface de la
terre que nous habitons , et que par consé-
quent cette même surface de noire continent,
n’ait été pendant quelque temps le fond
d’une mer, dans laquelle tout se passoit
comme tout se passe actuellement dans la
mer d’aujourd’hui. D’ailleurs, les couches ;
des différentes matières qui composent la <
terre étant, comme nous l’avons remarqué 3, j
posées parallèlement et de niveau , il est clair (
que celte position est l’ouvrage des eaux, (
qui ont amassé et accumulé peu à peu ces ,
matières, et leur ont donné la même situa- )
tion que l’eau prend toujours elle-même, j
c’est-à-dire cette situation horizontale que ]
nous observons presque partout; car dans ,
les plaines les couches sont exactement ho- 1 ]
rizontales, et il n’y a que dans les montagnes ,
où: elles soient inclinées , comme ayant été
formées par des sédimens déposés sur une
base inclinée , c’est-à-dire sur un terrain f
penchant 4. Or, je dis que ces couches ont ,
3. Voyez les Preuves, art. VII.
4- Non seulement les couches de matières cal-
caires sont horizontales dans les plaines, mais elles I
le sont aussi dans toutes les montagnes où il n’y a I
point eu de bouleversement par les tremblemens de : j
terre ou par d’autres causes accidentelles; et lors- ■ j
que ces couches sont inclinées , c’est que la mon-
tagne elle-même s’est inclinée tout en bloc , et t J
qu’elle a été contrainte de pencher d’un côté par I
la force d’une explosion souterraine, ou par l’af- • ,
faissement d’une partie du terrain qui lui servoit
de base. L’on peut donc dire qu’en général toutes
les couches formées par je dépôt et le sédiment des ; Jl
eaux sont horizontales, comme l’eau l’est toujours s
elle-même, à l’exception de celles qui ont été for- - lu
mées sur une base inclinée, c’est-à-dire sur un ter- - d«,
rain penchant, comme se trouvent la plupart des > «
mines de charbon de terre. &!(
La couche la plus extérieure et superficielle de
la terre, soit en plaine, soit en montagne, n’est i «le
composée que de terre végétale, dont l’origine est t reu
due aux sédimens de l’air, au dépôt des vapeurs et 1 if)i
des rosées, et aux détrimens successifs des herbes, e fussent ensuite précipitées au fond de cet
élément , parce qu’alors elles eussent pro-
iuit une tout autre composition que celle
pii existe ; les matières les plus pesantes se-
’oient descendues les premières et au plus
3as ; et chacune se seroit arrangée suivant sa
jravité spécifique , dans un ordre relatif à
eur pesanteur particulière, et nous ne trou-
verions pas des rochers massifs sur des arènes
égères, non plus que des charbons de terre
ous des argiles, des glaises sous des mar-
ges, et des métaux sur des sables.
Une chose à laquelle nous devons encore
aire ittention, et qui confirme ce que nous
'enons de dire sur la formation des couches
>ar le mouvement et par le sédiment des
aux, c’est que toutes les autres causes de
évolution ou de changement sur le globe
ie peuvent produire les mêmes effets. Les
iontagnes les plus élevées sont composées
e couches parallèles, tout de même que les
laines les plus basses, et par conséquent on
e peut attribuer l’origine et la formation
es montagnes à des secousses , à des trem-
fbstances calcaires , la craie est celle dont les
ancs conservent le plus exactement la position
orizontale : comme la craie n’est qu’une poussière
es déirimens calcaires, elle a été déposée par les
iux dont le mouvement étoit tranquille et, les
.dilations réglées, tandis que les matières qui
étoient que brisées et en plus gros volume, ont
é transportées par les courans et déposées par le
anous des eaux; en sorte que leurs bancs ne sont
is parfaitement horizontaux comme ceux de la
aie. Les falaises de la mer en Normandie sont
imposées de couches horizontales de craie si ré-
.dièrement coupées à plomb, qu’on les prendroit
: loin pour des murs de fortifications. L’on voit
itre les couches de craie de petits lits de pierre à
sil noire, qui tranchent sur le blanc de la craie:
est là l’origine des veines noires dans les marbres
ancs.
Indépendamment de^ collines calcaires dont les
mes sont légèrement inclinés et dont la position
a point varié , il y en a grand nombre d’autres
li ont penché par différens aecidens , et dont
utes les couches sont fort inclinées. On en a de
ands exemples dans plusieurs endroits des Pyré-
ies , où l’on en voit qui sont inclinées de 45, So
même 60 degrés au dessous dè la ligne horizontale;
qui semble prouver qu’il s'est fait de grands
angemens dans ces 'montagnes par l’affaissement
s cavernes souterraines sur lesquelles leur masse
oit autrefois appuyée. ( Add . Buff.)
' i. Voyez les Preuves , art. IV.
blemens de terre , non plus qu’à des volcans;
et nous avons des preuves que s’il se forme
quelquefois de petites éminences par ces
mouvemens convulsifs de la terre 2, ces émi-
nences ne sont pas composées de couches
parallèles; que les matières de ces éminences
n’ont intérieurement aucune liaison, aucune
position régulière, et qu’enfin ces petites
collines formées par les volcans ne présentent
aux yeux que le désordre d’un tas de ma-
tière rejetée confusément. Mais cette espèce
d’organisation de la terre que nous décou-
vrons partout, cette situation horizontale et
parallèle des couches, ne peuvent venir que
d’une cause constante et d’un mouvement
réglé et toujours dirigé de la même façon.
Nous sommes donc assurés, par des ob-
servations exactes, réitérées, et fondées sur
des faits incontestables, que la partie sèche
du globe que nous habitons a été long-temps
sous les eaux de la merj par conséquent
cette même terre a éprouvé pendant tout ce
temps les mêmes mouvemens, les mêmes
changemens qu’éprouvent actuellement les
terres couvertes par la mer. Il paroît que
notre terre a été un fond de mer : pour
trouver donc ca qui s’est passé autrefois sur
cette terre, voyons ce qui se passe aujour-
d’hui sur le fond de la mer, et de là nous
tirerons des inductions raisonnables sur la
forme extérieure et la composition intérieure
des terres que nous habitons.
Souvenons-nous donc que la mer a de
tout temps, et depuis la création, un mou-
vement de flux et de reflux causé principa-
lement par la lune; que ce mouvement,
qui dans vingt-quatre heures fait deux fois
élever et baisser les eaux, s’exerce avec plus
de force sous l’équateur que dans les autres
climats. Souvenons-nous aussi que la terre
a un mouvement rapide sur son axe, et par
conséquent une force centrifuge plus grande
à l’équateur que dans toutes les autres par-
ties du globe ; que cela seul , indépendam-
ment des observations actuelles et. des
mesures , nous prouve qu’elle n’est pas parfai-
tement sphérique , mais qu’elle est plus
élevée sous l’équateur que sous les pôles;
et concluons de ces premières observations,
que quand même on supposeroit que la
terre est sortie des mains du Créateur par-
faitement ronde en tout sens (supposition
gratuite, et qui marqueroit bien le cercle
étroit de nos idées) , son mouvement diurne
et celui du flux et du reflux auroient élevé
peu à peu les parties de l’équateur, en y
2. Voyez les Preuves , art, XVII,
70
THEORIE DE LA TERRE.
amenant successivement les limons , les ter-
res, les coquillages, etc. Ainsi les plus gran-
des inégalités du globe doivent se trouver
et se trouvent en effet voisines de l’équateur;
et comme ce mouvement de flux et de re-
flux 1 se fait par des alternatives journa-
lières et répétées sans interruption, il est
fort naturel d’imaginer qu’à chaque fois les
eaux emportent d’un endroit à l’autre une
petite quantité de matière, laquelle tombe
ensuite comme un sédiment au fond de l’eau ,
et forme ces couches parallèles et horizon-
tales qu’on trouve partout ; caria totalité du
mouvement des eaux dans le flux et le re-
flux étant horizontale, les matières entraî-
nées ont nécessairement suivi la même di-
rection, et se sont toutes arrangées paral-
lèlement et de niveau.
Mais, dira-t-on, comme le mouvement
du flux et reflux est un balancement égal
des eaux , une espèce d’oscillation régulière,
on ne voit pas pourquoi tout ne seroit pas
compensé , et pourquoi les matières appor-
tées par le flux ne seroient pas remportées
par le reflux ; et dès lors la cause de la for-
mation des couches disparoît, et le fond de
la mer doit toujours rester le même, le flux
détruisant les effets du reflux, et l’un et
l’autre ne pouvant causer aucun mouve-
ment, aucune altération sensible dans le
fond de la mer, et encore moins en chan-
ger la forme primitive en y produisant des
hauteurs et des inégalités.
A cela je réponds que le balancement des
eaux n’est point égal , puisqu’il produit un
mouvémefît continuel de la mer de l’orient
vers l’occident; que de plus, l’agitation cau-
sée par les vents s’oppose à l’égalité du flux
et du reflux , et que de tous les mouve-
mehs dont la mer est susceptible, il résul-
tera toujours des transports de terre et des
dépôts de matières dans de certains endroits;
que ces amas de matières seront composés
de couches parallèles et horizontales, les
combinaisons quelconques des mouvemens
de la mer tendant toujours à remuer les ter-
res et à les mettre de niveau les unes sur
les autres dans des lieux où elles tombent
en forme de sédiment. Mais de plus il est
aisé de répondre à cette objection par un
fait : c’est que dans toutes les extrémités de
la mer où l’on observe le flux et le reflux ,
dans toutes les côtes qui la bornent, on voit
que le flux amène une infinité de choses
que le reflux ne remporte pas; qu’il y a des
terrains que la mer couvre insensiblement
x. Voyez les Preuves, art. Xlt.
2. Voyez les Preuves, art. XIX.
et d’autres qu’elle laisse à découvert, après
y avoir apporté de terres, dessables, des
coquilles, etc. , qu’elle dépose, et qui pren-
nent naturellement une situation horizon-j
taie; et que ces matières, accumuloer
par la suite des temps, et élevées jusqu’à
un certain point, se trouvent peu à per hors
d’atteinte des eaux, restent ensuite pour
toujours dans l’état de terre sèche, '-.('font
partie des continens terrestres.
Mais, pour ne laisser aucun dout? sur ce
point important, examinons de près la pos-
sibilité ou l’impossibilité de la formation
d’une montagne dans le fond de la mer par
le mouvement et par le sédiment des eaux.
Personne ne peut nier que sur une côte
contre laquelle la mer agit avec violence
dans le temps qu’elle est agitée par le flux,
ces efforts réitérés ne produisent quelque
changement, et que les eaux n’emportent à
chaque fois une petite portion de la terre
de la côte; et quand même elle seroit bor-
née de rochers, on sait que l’eau use peu à
peu ces rochers3, et que par conséquent!
elle en emporte de petites parties à chaque
fois que la vague se retire après s’être bri-
sée. Ces particules de pierre ou de terre se
ront nécessairement transportées par le;;
eaux jusqu’à une certaine distance et dan,
de certains endroits ou le mouvement ddj
l’eau, se trouvant ralenti, abandonnera ce;
particules à leur propre pesanteur, et alor
elles se précipiteront au fond de l’eau ei
forme de sédiment, et là elles formeront un If
première couche horizontale ou inclinée
suivant la position de la surface du terrai:
sur laquelle tombe cette première couche
laquelle sera bientôt couverte et surmonté
d’une autre couche semblable et produit
par la même cause, et insensiblement il s
formera dans cet endroit un dépôt consi dé
rable de matière, dont les couches seroi
posées parallèlement les unes sur les autre.
Cet amas augmentera toujours par les noi
veaux sédimens que les eaux y transport;
ront , et peu à peu par succession de temj
il se formera une élévation, une montagi
dans le fond de la mer, qui sera entier
ment semblable aux éminences et aux mo
tagnes que nous connoissons sur la ter
tant pour la composition intérieure que po
la forme extérieure. S’il se trouve des c
quilles dans cet endroit du fond de la m
où nous supposons que se fait notre dépt
les sédimens couvriront ces coquilles et 1
rempliront; elles seront incorporées da
3. Voyez les p'ojage* de Shaw , tome II, page
THÉORIE DE IA TERRE.
les couches de celle matière déposée, et
elles feront partie des masses formées par
ces dépôts ; on les y trouvera dans la situa-
tion qu’elles auront acquise en y tombant ,
ou dans l’état où elles auront éié saisies;
car, dans celte opération, celles qui se se-
ront trouvées au fond de la mer , lorsque
les premières couches se seront déposées , se
trouveront dans la couche la plus basse, et
celles qui seront tombées depuis dans ce
même endroit, se trouveront dans les couches
plus élevées.
Tout de même, lorsque le fond de la mer
sera remué par l’agitation des eaux, il se
fera nécessairement des transports de terre,
de vase, de coquilles, et d’autres matières,
dans de certains endroits où elles se dépo-
seront en forme de sédimens. Or, nous
sommes assurés par les plongeurs 1 qu’aux
plus grandes profondeurs où ils puissent
descendre, qui sont de vingt brasses, le
fond de la mer est remué au point que
l’eau se mêle avec la terre , qu’elle devient
trouble, et que la vase et les coquillages
sont emportés par le mouvement des eaux
à des distances considérables; par consé-
quent, dans tous les endroits de la mer où
Fou a pu descendre, il se fait des transports
de terre et de coquilles qui vont tomber
quelque part, et former, en se déposant,
des couches parallèles et des éminences qui
sont, composées comme nos montagnes le
sont. Ainsi le flux et le reflux, les vents,
les courans, et tous les. mouvemens des
eaux, produiront des inégalités dans le fond
de la mer, parce que toutes ces causes dé-
tachent du fond et des côtes de la mer des
matières qui se précipitent ensuite en
forme de sédimens.
Au reste, il ne faut pas croire que ces
transports de matières ne puissent pas se
faire à des distances considérables, puisque
nous voyons tous les jours des graines et
d’autres productions des Indes orientales et
occidentales arriver 2 sur nos côtes : à la
vérité, elles sont spécifiquement plus légères
que l’eau, au lieu que les matières dont
nous parlons sont plus pesantes ; mais comme
elles sont réduites en poudre impalpable,
elles se soutiendront assez long-temps dans
l’eau pour être transportées à de grandes
distances.
Ceux qui prétendent que la mer n’est
pas remuée à de grandes profondeurs, ne
font pas attention que le flux et le reflux
1. Voyez Boyle’s Works, vol. III, page 23a.
2. Particulièrement sur les cotes d’Ecosse et d’Ir*
lande. Voyez Raj’s Discourses.
ébranlent et agitent à la fois toute la masse
des mers, et que dans un globe qui seroit
entièrement liquide il y auroit de l’agitation
et du mouvement jusqu’au centre; que la
force qui produit celui du flux et du reflux ,
est une force pénétrante qui agit sur toutes
les parties proportionnellement à leurs mas-
ses ; qu’on pourrait même mesurer et déter-
miner par le calcul la quantité de cette ac-
tion sur un liquide à différentes profon-
deurs, et qu’enfin ce point ne peut être
contesté qu’en se refusant à l’évidence du
raisonnement et à la certitude des obser-
vations.
Je puis donc supposer légitimement que
le flux et le reflux, les vents, et toutes les
autres causes qui peuvent agiter la mer,
doivent produire par le mouvement des
eaux des éminences et des inégalités dans
le fond de la mer, qui seront toujours com-
posées de couches horizontales ou également
inclinées : ces éminences pourront , avec le
temps, augmenter considérablement, et de-
venir des collines qui, dans une longue
étendue de terrain, se trouveront, commue
les ondes qui les auront produites, dirigées
du même sens, et formeront peu à peu une
chaîne de montagnes. Ges hauteurs une fois
formées feront obstacle a l’uniformité du
mouvement des eaux , et il en résultera des
mouvemens particuliers dans le mouvement
général de la mer : entre deux hauteurs voi-
sines il se formera nécessairement un cou-
rant 3 qui suivra leur direction commune ,
et coulera, comme coulent les fleuves de
la terre , en formant un canal dont les an-
gles seront alternativement opposés dans
toute l’étendue de son cours. Ges hauteurs
formées au dessus de la surface du fond
pourront augmenter encore de plus en plus;
car les eaux qui n’auront que le mouvement
du flux déposeront sur la cime le sédiment
ordinaire, et celles qui obéiront au courant
entraîneront an loin les parties qui se se-
raient déposées entre deux, et en même
temps elles creuseront un vallon au pied
de ces montagnes , dont tous les angles se
trouveront correspondons , et , par l’effet de
ces deux mouvemens et de ces dépôts, le
fond de la mer aura bientôt été sillonné,
traversé de collines et de chaînes de mon-
tagnes , et semé d’inégalités telles que nous
les y trouvons aujourd’hui. Peu à peu les
matières molles dont les éminences éloient
d’abord composées, se seront durcies par
leur propre poids : les unes , formées de par-
is
3. Voyez les Preuves, art. XIII.
THEORIE DE LA TERRE,
ties purement argileuses, auront produit
ces collines de glaise qu’on trouve en tant
d’endroits; d’autres, composées de parties
sablonneuses et cristallines, ont fait ces énor-
mes amas de rochers et de cailloux d’où l’on
tire le cristal et les pierres précieuses ; d’au-
tres, faites de parties pierreuses mêlées de
coquilles , ont formé ces lits de pierres et de
marbres où nous retrouvons ces coquilles
aujourd’hui ; d’autres enfin , composées d’une
matière encore plus coquilleuse et plus ter-
restre, ont produit les marnes, les craies,
et les terres. Toutes sont posées par lits ,
toutes contiennent des substances hétéro-
gènes; les débris des productions marines
s’y trouvent en abondance, et à peu près
suivant le rapport de leur pesanteur; les co-
quilles les plus légères sont dans les craies,
les plus pesantes dans les argiles et dans
les pierres , et elles sont remplies de la ma-
tière même des pierres et des terres où
elles sont renfermées; preuve incontestable
qu’elles ont été transportées avec la matière
qui les environne et qui les remplit, et que
cette matière étoit réduite en particules im-
palpables. Enfin toutes ces matières, dont
la situation s’est établie par le niveau des
eaux de la mer, conservent encore aujour-
d’hui leur première position.
On pourra nous dire que la plupart des
collines et des montagnes dont le sommet
est de rocher, de pierre, ou de marbre,
ont pour base des matières plus légères;
que ce sont ordinairement ou des monti-
cules de glaise ferme et solide, ou des cou-
ches de sable qu’on retrouve dans les plai-
nes voisines jusqu’à une dislance assez grande;
et on nous demandera comment il est arrivé
que ces marbres et ces rochers se soient
trouvés au dessus de ces sables et de ces
glaises. Il me paroît que cela peut s’expli-
quer assez naturellement : l’eau aura d’a-
bord transporté la glaise ou le sable qui
faisoit la première couche des côtes ou du
fond de la mer; ce qui aura produit au bas
une éminence composée de tout ce sable ou
de toute cette glaise rassemblée ; après cela
les matières plus fermes et plus pesantes qui
se seront trouvées au dessous, auront été
attaquées et transportées par les eaux en
poussière impalpable au dessus de cette émi-
nence de glaise ou de sable, et celte pous-
sière de pierre aura formé les rochers et
les carrières que nous trouvons au dessus
des collines. On peut croire qu’étant les plus
pesantes, ces matières étoient autrefois au
dessous des autres, et qu’elles sont aujour-
d’hui au dessus , parce qu'elles ont été en-
levées et transportées les dernières par le ®
mouvement des eaux. gu
Pour confirmer ce que nous avons dit ; né
examinons encore plus en détail la situa- te
tion des matières qui composent celte pre- et
mière épaisseur du globe terrestre, la seule ei
que nous connoissions. Les carrières sont ils
composées de différens lits ou couches près- et
que toutes horizontales ou inclinées suivant de;
la même pente; celles qui posent sur des po
glaises ou sur des bases d’autres matières gre
solides sont sensiblement de niveau , surtout i f
dans les plaines. Les carrières où l’on trouve obi
les cailloux et les grès dispersés ont, à la vé- 1 col
rité, une position moins régulière: cepen- bit
dant l’uniformité de la nature ne laisse pas qu
de s’y reconnoître; car la position horizon- gli
taie ou toujours également penchante des lat
couches se trouve dans les carrières de roc y:
vif et dans celles de grès en grande masse’: . su
elle n’est altérée et interrompue que dans et
les carrières de cailloux et de grès en petite ni
masse, dont nous ferons voir que la forma- ne
tion est postérieure à celle de toutes les au- sei
très matières; car le roc vif, le sable vitri-- leu
fiable , les argiles , les marbres , les pierres par
calcinables, les craies, les marnes sont tou- - àli
tes disposées par couches parallèles toujours r lai
horizontales, ou également inclinées. Omet!
reconnoît aisément dans ces dernières ma- et a
tières la première formation ; car les cou- les
ches sont exactement horizontales et fort ! ris
minces, et elles sont arrangées les unes suri mi
les autres comme les feuillets d’un livre. Les rei
couches de sable, d’argile molle, de glaise < etc
dure, de craie, de coquilles, sont aussi tou- - »
tes ou horizontales ou inclinées suivant la à pi
même pente. Les épaisseurs des couches sont con
toujours les mêmes dans toute leur étendue, que
qui souvent occupe un espace de plusieurs ffi
lieues, et que l’on pourroit suivre bien plus w
loin, si l’on observoit exactement. Enfin ous
toutes îes matières qui composent la pre- Égal
mière épaisseur du globe sont disposées de »
celte façon; et quelque part qu’on fouille, (en
on trouvera des couches, et on se couvain- es
cra par ses yeux de la vérité de ce qui vient roi
d’être dit.
Il faut excepter , à certains égards , les t roi
couches de sable ou de gravier entraîné du ; laa
sommet des montagnes par la pente dos *
eaux : ces veines de sable se trouvent quel- iojn
quefois dans les plaines, où elles s’étendent •*,
même assez considérablement; elles sont or- m
dinai remeut posées sous la première couche «n
de la terre labourable, et, dans les lieux n£n
plats , elles sont de niveau, comme les cou- ^
ches plus anciennes et plus intérieures : ^
THÉORIE DE LA TERRE. 73
biais , au pied et sur la croupe des monta-
gnes, ces couches de sable sont fort incli-
nées , et elles suivent le penchant de la hau-
teur sur laquelle elles ont coulé. Les rivières
üt les ruisseaux ont formé ces couches; et,
în changeant souvent de lit dans les plaines,
1s ont entraîné et déposé partout ces sables
ït ces graviers. Un petit ruisseau coulant
les hauteurs voisines suffit , avec le temps ,
lour étendre une couche de sable ou de
gravier sur toute la superficie d’u-n vallon ,
juelque spacieux qu’il soit ; et j’ai souvent
ibservé dans une campagne environnée de
:ollines , dont la base est de glaise aussi
)ien que la première couche de la plaine,
ju’au dessus d’un ruisseau qui y coule, la
;iaise se trouve immédiatement sous la terre
abourable, et qu’au dessous du ruisseau il
r a une épaisseur d’environ un pied de sable
ur la glaise, qui s’étend à une distance
:onsidérable. Ces couches, produites par les
ivières et par les autres eaux courantes,
1e sont pas de l’ancienne formation; elles
le reconnoissent aisément à la différence de
èur épaisseur, qui varie et n’est pas la même
>artout comme celle des couches anciennes,
leurs interruptions fréquentes, et enfin à
i matière même , qu’il est aisé de juger ,
t qu’on reconnoît avoir été lavée, roulée
lt arrondie. On peut dire la même chose
es couches de tourbes et de végétaux pour-
is qui se trouvent au dessous de la pre-
îière couche de terre dans les terrains ma-
écageux : ces couches ne sont pas anciennes,
t elles ont été produites par l’entassement
accessif des arbres et des plantes qui peu
peu ont comblé ces marais. Il en est en-
pre de même de ces couches limoneuses
ue l’inondation des fleuves a produites dans
ifférens pays : tous ces terrains ont été
ouvellement formés par les eaux courantes
u stagnantes, et ils ne suivent pas la pente
gale ou le niveau aussi exactement que les
louches anciennement produites par le mou-
ement régulier des ondes de la mer. Dans
îs couches que les rivières ont formées , on
pouve des coquilles fluviatiles : mais il y
n a peu de marines, et le peu qu’on y en
rouve est brisé, déplacé, isolé, au lieu que
ans les couches anciennes les coquilles ma-
in es se trouvent en quantité; il n’y en a
oint de fluviatiles , et ces coquilles de mer
sont bien conservées, et toutes placées de
même manière , comme ayant été trans-
ortées et posées en même temps par la
tême cause. Et en effet, pourquoi ne trouve-
on pas les matières entassées irrégulière-
tent, au lieu de les trouver par couches ?
Pourquoi les marbres, les pierres dures, les
craies, les argiles, les plâtres, les marnes, etc.,
ne sont-ils pas dispersés ou joints par cou-
ches irrégulières ou verticales ? Pourquoi
les choses pesantes ne sont-elles pas toujours
au dessous des plus légères P II est aisé d’a-
percevoir que cette uniformité de la nature,
cette espèce d’organisation de la terre , cette
jonction des différentes matières par couches
parallèles et par lits, sans égard à leur pe-
santeur , n’ont pu être produites que par
une cause aussi puissante et aussi constante
que celle de l’agitation des eaux de la mer,
soit par le mouvement réglé des vents, soit
par celui du flux et reflux , etc.
Ces causes agissent avec plus de force sous
l’équateur que dans les autres climats , car
les vents y sont plus constans et les marées
plus violentes que partout ailleurs : aussi
les plus grandes chaînes de montagnes sont
voisines de l’équateur. Les montagnes de
l’Afrique et du Pérou sont les plus hautes
qu’on connoisse ; et, après avoir traversé
des continens entiers , elles s’étendent encore
à des distances très-considérables sous les
eaux de la mer Océane. Les montagnes de
l’Europe et de l’Asie , qui s’étendent depuis
l’Espagne jusqu’à la Chine , ne sont pas aussi
élevées que celles de l’Amérique méridionale
et de l’Afrique. Les montagnes du Nord ne
sont, au rapport des voyageurs, que des col-
lines , en comparaison de celles des pays
méridionaux I. D’ailleurs le nombre des
1. Lorsque j’ai composé, en 1744 > ce Traité de
la Théorie de la terre , je n’étois pas aussi instruit
que je le suis actuellement, et l’on n’avoit pas fait
les observations par lesquelles on a reconnu que
Iss sommets des plus hautes montagnes sont com-
posés de granité et de rocs vitrescibles , et qu’on
ne trouve point de coquilles sur plusieurs de ces
sommets; cela prouve que ces montagnes n’ont pas
été composées par les eaux, mais produites par le
feu primitif, et qu’elles sont aussi anciennes que
le temps de la consolidation du globe. Toutes les
pointes et les noyaux de ces montagnes étant com-
posés de matières vitrescibles , semblables à la
roche intérieure du globe, elles sont également
l’ouvrage du feu primitif, lequel a le premier établi
ces masses de montagneà , et formé les grandes
inégalités de la surface de la terre. L’eau n’a tra-
vaillé qu’en second , postérieurement au feu , et n’a
pu agir qu’à la hauteur où elle s’est trouvée après
la chute ^entière des eaux de l’atmosphère et l’éta-
blissement de la mer universelle , laquelle a dé-
posé successivement les coquillages qu’elle nourris-
soit et les autres matières qu’elle délayoit; ce qui a
formé les cduches d’argile et de matières calcaires
qui composent nos collines, et qui enveloppent les
montagnes vitrescibles jusqu’à une grande hauteur.
Au reste, lorsque j’ai dit que les montagnes du
Nord ne sont que des collines en comparaison des
montagnes du Midi , cela n’est vrai que pris géné-
ralement ; car il y a dans le nord de l’Asie de
74 THÉORIE DE
îles est fort peu considérable dans les mers
septentrionales, tandis qu’il y en a une quan-
tité prodigieuse dans la zone torride; et
comme une île u’est qu’un sommet de mon-
tagne , il est clair que la surface de la terre
a beaucoup plus d’inégalités vers l’équateur
que vers le nord.
Le mouvement général du flux et du re-
flux a donc produit les plus grandes monta-
gnes, qui se trouvent dirigées d’occident en
orient dans l’ancien continent, et du nord
au sud dans le nouveau , dont les chaînes
sont d’une étendue très-considérable; mais
il faut attribuer aux mouvemens particuliers
des courans , des vents, et des autres agita-
tions irrégulières de la mer , l’origine de
toutes les autres montagnes. Elles ont vrai-
semblablement été produites par la combi-
naison de tous ces mouvemens, dont on
voit bien que les effets doivent être variés
à l’infini , puisque les vents, la position dif-
férente des îles et des côtes , ont altéré de
tous les temps et dans tous les sens possibles
grandes portions de terre qui paroissent être fort
élevées au dessus du niveau de la mer ; et en Eu-
rope les Pyrénées, les Alpes, le mont Carpate,
les montagnes de Norwége , les monts Riphées et
Rymniques, sont de hautes montagnes; et toute la
partie méridionale de la Sibérie, quoique composée
de vastes plaines et de montagnes médiocres, paroît
être encore plus élevée que le sommet des monts
Riphées; mais ce sont peut-être les seules excep-
tions qu’il y ait à faire ici ; car non seulement les
plus hautes montagnes se trouvent dans les climats
plus. voisins de l’équateur que des pôles, mais il
paroit que c’est dans ces climats méridionaux où
se sont faits les plus grands bouleversemens inté-
rieurs et extérieurs, tant par l’effet de la force
centrifuge dans te premier temps de la consolida-
tion , que par l’action plus fréquente des feux sou-
terrains et le mouvement plus violent du flux et
du reflux dans les temps subséquens. Les tremble-
mens de terre sont si fréqnens dans l’Inde méri-
dionale, que les naturels du pays ne donnent pas
d’autre épithète à l’Etre tout-puissant que celui de
remueur de terre. Tout l'archipel indien ne semble
être qu’une mer de volcans agissons ou éteints :
on ne peut donc pas douter que les inégalités du
globe ne soient beaucoup plus grandes vers l’équa-
teur que vers les pôles; on pourroit même assurer
que cette surface de lu zone torride a été entière-
ment bouleversée depuis la côte orientale de l’A-
frique jusqu’aux Philippines, et encore bien au
delà de la mer du Sud. Toute cette plage ne paroit
être que les restes en débris d’un vaste continent,
dont toutes les terres basses ont été submergées.
L’action de tous les éléntens s’est réunie pour la
destruction de la plupart de ces terres équinoxiales;
car, indépendamment des marées, qui y sont plus
■violentes que sur le reste du globe , il paroit aussi
qu’il y a eu plus de volcans , puisqu’il en Subsiste -
encore dans la plupart de ces îles , dont quelques-
unes, commé les îles de France et de Bourbon, se
sont trouvées ruinées par le feu, et absolument dé-
sertes , lorsqu’on en a fait la découverte. ( Add.
Bu/f)
LÀ TERRE, %
la direction du flux et du reflux des eâuj
Ainsi il n’est point étonnant qu’on trouv et
sur le globe des éminences considérabh le
dont le cours est dirigé vers différentes pk st
ges : il suffit pour noire objet d’avoir dt :i
montré que les montagnes n’ont point él a
placées au hasard, et qu’elles n’ont poir d
été produites par des tremblemens de terr pt
ou par d’autres causes accidentelles, mai je
qu’elles sont un effet résultant de l’ordr l'a
général de la nature, aussi bien que l’espèc : I
d’organisation qui leur est propre, et la pn 511
sition des matières qui les composent. gei
Mais comment est-il arrivé que cette terr Bai
que nous habitons , que nos ancêtres on fie»
habitée comme nous, qui, de temps imm« liai
morial, est un continent sec , ferme et éloi iju
gné des mers , ayant été autrefois un fon no
de mer, soit actuellement supérieure à tout€ Il
les eaux , et en soit si distinctement séparée di
Pourquoi les eaux de la mer n’ont- elles pa ; ni
resté sur celte terre, puisqu’elles y ont sé ce
journé si long-temps ? Quel accident, quell j en
cause a pu produire ce changement dans ! de
globe? Est-il même possible d’en concevoi 101
une assez puissante pour opérer un tel effet ! Il:
Ces questions sont difficiles à résoudre lai
mais les faits étant certains , la manière donj coi
ils sont arrivés peut demeurer inconnue sar; de
préjudicier au jugement que nous devons e; fai
porter : cependant , si nous voulons y réflé i
chir, nous trouverons par induction de co
raisons très- plausibles de ces cbaagemens 1 ïi
Nous voyons tous les jours la mer gagne p
du terrain dans de certaines côtes, et eifen
perdre dans d’autres; nous savons que F G JL/
céan a un mouvement général et continue f cet
d’orient en occident ; nous entendons de loii j en
les efforts terribles que la mer fait contr Loi
les basses terres et contre les rochers quif |con
bornent; nous connoissons des province Las
entières où on est obligé de lui oppose ] Jep
des dignes que l’industrie humaine a bien d je[(
la peine à soutenir contre la fureur de j au
flots; nous avons des exemples de pays ré II SU1
cemmenl submergés et de débordemens ré nei
guliers; 1 histoire nous parle d’inondation j pj
encore plus grandes et de déluges : tout ce{.-.l p|u,
ne doit-il pas nous porter à croire qu’il es iijfj
en effet arrivé de grandes révolutions suri Jjjf,|
surface de la terre , et que la mer a pu quii j j
ter et laisser à découvert la plus grand fi mil
partie des terres qu’elle occupoit autrefois
Par exemple , si nous nous prêtons un instan | lyi;
à supposer que l’Ancien et le Nouveau-Mond j ^
11e faisoient autrefois qu’un seul continent ]a „
I
x. Voyez les Preuves, art. XIX.
eau
m t que, par un violent tremblement de terre,
“î)l( 3 terrain de l’ancienne A tlantide de Platon
'laie soit affaissé , la mer aura nécessairement
dé oulé de tous côtés pour former l’Océan
lél üamique, et par conséquent aura laissé à
poii écouvert de vastes continens , qui sont
le» ieul-être ceux que nous habitons. Ce chan-
œt ement a donc pu se faire tout à coup par
fdl affaissement de quelque vaste caverne dans
et intérieur du globe , et produire par consé-
ip tient un déluge universel; ou bien cechan-
ement ne s’est pas fait tout à coup , et il
en fallu peut-être beaucoup de temps : mais
oi nfm il s’est fait , et je crois même qu’il s’est
œ ait naturellement; car, pour juger de ce
!o [ui est arrivé , et même de ce qui arrivera,
m tous n’avons qu’à examiner ce qui arrive.
Ht 1 est certain , par les observations réitérées
ée le tous les voyageurs r, que l’Océan a un
pi nouvement constant d’orient en occident :
:e mouvement se fait sentir non seulement
pntre les tropiques , comme celui du vent
l’est , mais encore dans toute l’étendue des
:ones tempérées et froides où l’on a navigué.
1 suit de cette observation , qui est cons-
ante, que la mer Pacifique fait un effort
continuel contre les côtes de la Tartarie ,
ïe la Chine et de l’Inde ; que l’Océan indien
fait effort contre la côte orientale de l’Afri-
que , et que l’Océan atlantique agit de même
contre toutes les côtes orientales de l’Amé-
’ique : ainsi la mer a dû et doit toujours ga-
gner du terrain sur les côtes orientales , et
îii perdre sur les côtes occidentales. Cela
;eul suffiroit pour prouver la possibilité de
3e changement de terre en mer et de mer
3n terre; et si en effet il s’est opéré par ce
mouvement des eaux d’orient en occident ,
comme il y a grande apparence, ne peut-on
pas conjecturer très-vraisemblablement que
e pays le plus ancien du monde est l’Asie
et tout le continent oriental; que l’Europe,
au contraire, et une partie de l’Afrique, et
surtout les côtes occidentales de ces conti-
nens, comme l’Angleterre, la France, l’Es-
pagne, la Mauritanie, etc., sont des terres
plus nouvelles ? L’histoire paroît s’accorder
ici avec la physique , et confirmer cette con-
jecture, qui n’est as sans fondement.
Mais il y a bien d’autres causes qui con-
courent, avec le mouvement continuel de
la mer d’orient en occident , pour produire
l’effet dont nous parlons. Combien n’y a-t-il
pas de terres plus basses que le niveau de
la mer, et qui ne sont défendues que par
un isthme, un banc de rochers, ou par des
digues encore plus foibles ! L’effort des eaux
x. Voyez Karen. Geogr. gen., page ng.
1$
détruira peu à peu ces barrières , et dès lors
ces pays seront submergés. De plus, ne sait-
cm pas que les monlagnes s’abaissent 2 con-
tinuellement par les pluies, qui en détachent
les terres et les entraînent dans les vallées ?
ne sait-on pas que les ruisseaux roulent les
terres des plaines et des montagnes dans les
fleuves , qui portent à leur tour cette terre
superflue dans la mer ? Ainsi peu à peu le
fond des mers se remplit , la surface des
continens s’abaisse et se met de niveau , et
il ne faut que du temps pour que la mer
prenne successivement la place de la terre.
Je ne parle point de ces causes éloignées
qu’on prévoit moins qu’on ne les devine ,
de ces secousses de la nature dont le moin-
dre effet seroit la catastrophe du monde :
le choc ou l’approche d’une comète, l’absence
de la lune, la présence d’une nouvelle pla-
nète, etc., sont des suppositions sur les-
quelles il est aisé de donner carrière à son
imagination ; de pareilles causes produisent
tout ce qu’on veut, et d’une seule de ces
hypothèses on va tirer milie romans physi-
ques , que leurs auteurs appelleront Théorie
ae la terre. Comme historien , nous nous
refusons à ces vaines spéculations ; elles rou-
lent sur des possibilités qui, pour se réduire
à l’acte , supposent un bouleversement de
l’univers , dans lequel notre globe , comme
un point de matière abandonnée, échappe
à nos yeux, et n’est plus un objet digne de
nos regards : pour les fixer , il faut le pren-
dre tel qu’il est, en bien observer toutes
les parties , et , par des inductions, conclure
du présentai! passé. D’ailleurs, des causes
dont l’effet est rare, violent et subit, ne doi-
vent pas nous toucher; elles ne se trouvent
pas dans la marche ordinaire de la nature ;
mais des effets qui arrivent tous les jours ,
des mouvemens qui se succèdent et se re-
nouvellent sans interruption, des opérations
constantes et toujours réitérées , ce sont là
nos causes et nos raisons.
Ajoutons-y des exemples, combinons la
cause générale avec les causes particulières,
et donnons des faits dont le détail rendra
sensibles les différens changemens qui sont
arrivés sur le globe, soit par l’irruption de
l’Océan dans les terres, soit par l’abandon
de ces mêmes terres , lorsqu’elles se sont trou-
vées trop élevées.
La plus grande irruption de l’Océan dans
les terres est celle 3 qui a produit la mer 4
2. Voyez Raj’s Discourscs , page 226; Plot, Hist.
nat., etc.
3. Voyez les Preuves , art. XI et XIX.
4. Voyez Raj’s Discourses , page 209.
THÉORIE DE LA TERRE,
7 6 THEORIE DE LA TERRE.
Méditerranée. Entre deux promontoires
avancés , l’Océan 1 coule avec une très-grande
rapidité par un passage étroit , et forme en-
suite une vaste mer qui couvre un espace,
lequel, sans y comprendre la mer Noire,
est environ sept fois grand comme la France.
Ce mouvement de l’Océan par le détroit de
Gibi'altar a été contraire à tous les autres
mouvemens de la mer dans tous les détroits
qui joignent l’Océan à l’Océan; car le mou-
vement général de la mer est d’orient en
occident, et celui-ci seul est d’occident en
orient; ce qui prouve que la mer Méditer-
ranée n’est point' un golfe ancien de l’Océan,
mais qu’elle est formée par une irruption
des eaux, produite par quelques causes ac-
cidentelles, comme seroit un tremblement
de terre , lequel auroit affaissé les terres à
l’endroit du détroit, ou un violent effort de
l’Océan causé par les vents, qui auroit
rompu la digue entre les promontoires de
Gibraltar et de Ceuta. Cette opinion est
appuyée du témoignage des anciens 1 , qui
ont écrit que la mer Méditerranée n’exisloit
point autrefois ; et elle est, comme on voit,
confirmée par l’histoire naturelle, et par
les observations qu’on a faites sur la nature
des terres à la côte d’Afrique et à celle
d’Espagne, où l’on trouve les mêmes lits
de pierre, les mêmes couches de terre en
deçà et au delà du détroit, à peu près
comme dans de certaines vallées où les deux
collines qui les surmontent se trouvent être
composées des mêmes matières et au même
niveau.
L’Océan , s’étant donc ouvert cette porte .
a d’abord coulé par le détroit avec une ra-
pidité beaucoup plus grande qu’il ne coule
aujourd’hui, et il a inondé le continent qui
joignoit l’Europe à l’Afrique; les eaux ont
couvert toutes les basses terres dont nous
n’apercevons aujourd’hui que les éminences
et les sommets dans l’Italie et dans les îles
de Sicile, de Malte, de Corse, de Sardai-
gne, de Chypre, de Rhodes, et de l’Archi-
pel.
Je n’ai pas compris la mer Noire dans
cette irruption de l’Océan , parce qu’il pa-
roît que la quantité d’eau qu’elle reçoit du
Danube, du Niéper, du Don, et de plu-
sieurs autres fleuves qui y entrent , est plus
que suffisante pour la former, et que d’ailleurs
elle 3 coule avec une très-grande rapidité
par le Bosphore dans la mer Méditerranée.
On pourroit même présumer que la mer
1. Voyez Tram. phil. abrig’d , vol. II, page 289.
2. Diodore de Sicile , Strabon.
3. Veye? Trans.phil. abrig'd , vol. II, page 289.
Noire et la mer Caspienne ne faisoient au 1 (î
trefois que deux grands lacs qui peut-êtri 1 g
étoient joints par un détroit de communi j
cation , ou bien par un marais ou un peti (S|
lac qui réunissoit les eaux du Don et dili |a
Volga auprès de Tria , où ces deux fleuve; j
sont fort voisins l’un de l’autre, et l’on peu
croire que ces deux mers ou ces deux lac, m
étoient autrefois d’une bien plus grandi f
étendue qu’ils ne sont aujourd’hui : peu i ]f
peu ces grands fleuves, qui ont leur embou jcl
chure dans la mer Noire et dans la mei p0l
Caspienne , auront amené une assez grandi 1 ^
quantité de terre pour fermer la communi- ^
cation, remplir le détroit et séparer ce*
deux lacs; car on sait qu’avec le temps let
grands fleuves remplissent les mers et for- m
ment des continens nouveaux, comme h |e„
province de l’embouchure du fleuve Jaune m
à la Chine , la Louisiane à l'embouchure ^
du Mississipi, et la partie septentrionale
dejl’Égyple, qui doit son origine 4 et soin M
existence aux inondations 5 du Nil. La ra- j ]ffi
pidité de ce fleuve entraîne les terres dé fo,
l’intérieur de l’Afrique, et il les dépose en-i m
suite dans ses débordemens en si grandéi J,
quantité, qu’on peut fouiller jusqu’à cin-i ,jfl
quante pieds dans l’épaisseur de ce limon ^
déposé par les inondations du Nil ; de même (ei
les terrains de la province de la rivière K
Jaune et de la Louisiane ne se sont formés 0ll
que par le limon des fleuves. M
Au reste, la mer Caspienne est actuel-! ja
lement un vrai lac qui n’a aucune commun m
nication avec les autres mers, pas même* |ua
avec le lac Aral, qui paroît en avoir fait par-r ten(
tie, et qui n’en est séparé que par un vaste pi
pays de sable, dans lequel on ne trouve ni. ^
fleuves ni rivières, ni aucun canal par le- n
quel la mer Caspienne puisse verser ses y
eaux. Cette mer n’a donc aucune commu- ^
nication extérieure avec les autres mers, ]|
et je ne sais si l’on est bien fondé à soup- ÿ,
çonner qu’elle en a d’intérieure avec la mer C()ll,
Noire ou avec le golfe Persique. Il est vrai sje
que la mer Caspienne reçoit le Volga et ^
plusieurs autres fleuves qui semblent lui sjje
fournir plus d’eau que l’évaporation n’en; y
peut enlever : mais, indépendamment de la ^
difficulté de cette estimation, i! paroît que j|re
si elle avoit communication avec l’une ou te|tc
l’autre de ces mers, on y auroit reconnu un y
courant rapide et constant qui entraîneroit jy
tout vers cette ouverture qui serviroit de ]31ltl
décharge à ses eaux , et je ne sache pas qu’on j ^
4- Voyez les Voyages de Shaw, vol. II, page ij3 i,
jusqu’à la page 188. wl, [
5. Voyez les Preuves, art. XJX.
THÉORIE DE LA TERRE.
77,
ait jamais rien observé de semblable sur
cette mer; des voyageurs exacts, sur le té-
moignage desquels on peut compter, nous
assurent le contraire, et par conséquent il
(est nécessaire que l’évaporation enlève de
la mer Caspienne une quantité d’eau égale
à celle qu’elle reçoit.
On pourvoit encore conjecturer avec quel-
que vraisemblance, que la mer Noire sera
un jour séparée de la Méditerranée, et que
le Bosphore se remplira lorsque les grands
fleuves qui ont leurs embouchures dans le
Pont-Euxin, auront amené une assez grande
mtité de terre pour fermer le détroit; ce
qui peut arriver avec le temps, et par la
diminution successive des fleuves, dont la
[quantité des eaux diminue à mesure que les
montagnes et les pays élevés dont ils tirent
leurs sources, s’abaissent par le dépouille-
ment des terres que les pluies entraînent et
que les vents enlèvent.
La mer Caspienne et la mer Noire doi-
vent donc être regardées plutôt comme des
lacs que comme des mers ou des golfes de
l’Océan ; car elles ressemblent à d’autres lacs
qui reçoivent un grand nombre de fleuves
et qui ne rendent rien par les voies exté-
rieures, comme la mer Morte, plusieurs
lacs en Afrique, etc. D’ailleurs les eaux de
ces deux mers ne sont pas à beaucoup près
aussi salées que celles de la Méditerranée
(ou de l’Océan, et tous les voyageurs assu-
rent que la navigation est très-difficile sur
la mer Noire et sur la mer Caspienne , à
cause de leur peu de profondeur et de la
quantité d’écueils et de bas-fonds qui s’y
rencontrent, en sorte qu’elles ne peuvent
; porter que de petits vaisseaux 1 ; ce qui
prouve encore qu’elles ne doivent pas être
Regardées comme des golfes de l’Océan,
mais comme des amas d’eau formés par les
grands fleuves dans l’intérieur des terres.
Il arriverait peut-être une irruption con-
[érable de l’Océan dans les terres, si on
coupait l’isthme qui sépare l’Afrique et l’A-
sie, comme les rois d’Egypte, et depuis les
califes , en ont eu le projet : et je ne sais
si le canal de communication qu’on a pré-
tendu reconnoître entre ces deux mers, est
àssez bien constaté; car la mer Rouge doit
être plus élevée que la mer Méditerranée :
êelte mer étroite est un bras de l’Océan,
qui dans toute son étendue ne reçoit aucun
fleuve du côté de l’Égypte , et fort peu de
“autre côté : elle ne sera donc pas sujette
à diminuer comme les mers ou les lacs qui
reçoivent en même temps les terres et les
eaux que les fleuves y amènent , et qui se
remplissent peu à peu. L’Océan fournit à
la mer Rouge toutes ses eaux, et le mouve-
ment du flux et reflux y est extrêmement
sensible : ainsi elle participe immédiate-
ment aux grands mouvemens de l’Océan.
Mais la mer Méditerranée est plus basse
que l’Océan, puisque les eaux y coulent
avec une très-grande rapidité par le détroit
de Gibraltar ; d’ailleurs elle reçoit le Nil qui
coule parallèlement à la côte occidentale de
la mer Rouge, et qui traverse l’Égypte dans
toute sa longueur, dont le terrain est par
lui-même extrêmement bas : ainsi il est très-
vraisemblable que la mer Rouge est plus
élevée que la Méditerranée, et que si on
ôtoit la barrière en coupant l’isthme de
Suez , il s’ensuivrait une grande inondation
et une augmentation considérable de la mer
Méditerranée, à moins qu’on ne retînt les
eaux par des digues et des écluses de dis-
tance en distance, comme il est à présumer
qu’on l’a fait autrefois, si l’ancien canal de
communication a existé.
Mais, sans nous arrêter plus long-temps
à des conjectures qui, quoique fondées,
pourraient paraître trop hasardées , surtout
à ceux qui ne jugent des possibilités que par
les événemens actuels , nous pouvons don-
ner des exemples récens et des faits certains
sur le changement de mer en terre 2 et de
terre en mer. A Venise, le fond de la mer
Adriatique s’élève tous les jours, et il y a
déjà long-temps que les lagunes et la ville fe-
raient partie du continent, si on n’a voit
pas un très-grand soin de nettoyer et vider
les canaux ; il en est de même de la plu-
part des ports, des petites baies, et des
embouchures de toutes les rivières. En Hol-
lande, le fond de la mer s’élève aussi en
plusieurs endroits, car le petit golfe de
Zuyderzée et le détroit du Texel ne peu-
vent plus recevoir de vaisseaux aussi grands
qu’autrefois. On trouve à l’embouchure de
presque tous les fleuves, des îles, des sables,
des terres amoncelées et amenées par les
eaux; et il n’est pas douteux que la mer ne
se remplisse dans tous les endroits où elle
recoit.de grandes rivières. Le Rhin se perd
dans les sables qu’il a lui-même accumulés.
Le Danube, le Nil, et tous les grands fleu-
ves ayant entraîné beaucoup de terrain,
n’arrivent plus à la mer par un seul canal;
mais ils ont plusieurs bouches dont les in-
tervalles ne sont remplis que des sables ou
- Voyez les Voyants dt Pietro dclla Valle
vol. III, page a36.
2. Voyez les Preuves, art. XIX,
7§
THÉORIE DE LA TERRE.
du limon qu’ils ont charriés. Tous les jours
on dessèche des marais, on cultive des ter-
res abandonnées par la mer, on navigue
sur des pays submergés ; enfin nous voyons
sous nos yeux d’assez grands changemens de
terres en eau et d’eau en terres, pour être
assurés que ces changemens se sont faits , se
font et se feront, en sorte qu’avec le temps
les golfes deviendront des continens, les
isthmes seront un jour des détroits , les ma-
rais deviendront des terres arides, et les
sommets de nos montagnes les écueils de la
mer.
Les eaux ont donc couvert et peuvent
encore couvrir successivement toutes les
parties des continens terrestres, et dès lors
on doit cesser d’être étonné de trouver par-
tout des productions marines , et une com-
position daqs F intérieur qui ne peut être
que l’ouvrage des eaux. Nous avons vu com-
ment se sont formées les couches horizon-
tales de la terre ; mais nous n’avons encore
rien dit des fentes perpendiculaires qu’on
remarque dans les rochers, dans les car-
rières, dans les argiles, etc., et qui se
trouvent aussi généralement 1 que les cou-
ches horizontales dans toutes les matières
qui composent le globe. Ces fentes perpen-
diculaires sont, à la vérité, beaucoup plus
éloignées les unes des autres que les cou-
ches horizontales; et plus les matières sont
molles, plus ces fentes paroissent être éloi-
gnées les unes des autres. Il est fort ordi-
naire, dans les carrières de marbre ou de
pierre dure, de trouver des fentes perpen-
diculaires , éloignées seulement de quelques
pieds : si la masse des rochers est fort grande,
on les trouve éloignées de quelques toises,
quelquefois elles descendent depuis le som-
met des rochers jusqu’à leur base, souvent
elles se terminent à un lit inferieur du ro-
cher ; mais elles sont toujours perpendicu-
laires aux couches horizontales dans toutes
les matières calcinables, comme les craies,
les marnes , les pierres , les marbres , etc.,
au lieu qu’elles sont plus obliques et plus
irrégulièrement posées dans les matières vi-
trifiables , dans les carrières de grès et les
rochers de caillou, où elles sont intérieure-
ment garnies de pointes de cristal et de mi-
néraux de toute espèce ; et dans les carriè-
res de marbre ou de pierre calcinable, elles
sont remplies de spar , de gypse , de gravier,
et d’un sable terreux, qui est bon pour
bâtir , et qui contient beaucoup de chaux ;
dans les argiles, dans les craies, dans les
i. Voyez les Preuves , art. XYIÏ.
marnes , et dans toutes les autres espèces
terre, à l’exception des tufs, on trouve c<
fentes perpendiculaires, ou vides, ou reir
plies de quelques matières que l’eau y
conduites.
Il me semble qu’on ne doit pas aller che
cher loin la cause et l’origine de ces fent<
perpendiculaires : comme toutes les matièr
ont été amenées et déposées par les eau
il est naturel de penser qu’elles étoient d(
trempées et qu’elles ccnleuoient d’abord ur
grande quantité d’eau; peu à peu elles
sont durcies et ressuyées , et en se desséchai
elles ont diminué de volume, ce qui les
fait fendre de distance en distance : ell
ont dû se fendre perpendiculairement, par
que l’action de la pesanteur des parties I
unes sur les autres est nulle dans cette d
reetion , et qu’au contraire elle est tout-,
fait opposée à cette disruption dans la s
tuation horizontale; ce qui a fait que
diminution de volume n’a pu avoir d’eff
sensible que dans la direction verticale. ,
dis que c’est la diminution du volume p
le dessèchement qui seule a produit *ces ft
tes perpendiculaires , et que ce n’est p
l’eau contenue dans l’intérieur de ces ni
tières qui a cherché des issues et qui a fora i
ces fentes ; car j’ai souvent observé que 1
deux parois de ces fentes se répondent da
toute leur hauteur aussi exactement que dei
morceaux de bois qu’on viendroil de fendr
leur intérieur est rude , et ne paroît p;
avoir essuyé le frottement des eaux, qui a
roient à la longue poli et usé les surface
ainsi ces fentes se sont faites ou tout à cov»
ou peu à peu par le dessèchement , comi
nous voyons les gerçures se faire dans
bois, et la plus grande partie de l’eau s’(
évaporée par les pores. Mais nous fera
voir dans noire discours sur les minéral
qu’il reste encore de cette eau primitil
dans les pierres et dans plusieurs autres ir
tières, et qu’elle sert à la production i
cristaux , des minéraux , et de plusieurs i
très substances terrestres.
L’ouverture de ces fentes perpendiculai
varie beaucoup pour la grandeur : quelqu
unes n’ont qu’un demi-pouce , un pouc
d’autres ont un pied, deux pieds; il y ei
qui ont quelquefois plusieurs toises , et ■
dernières forment entre les deux parties
rocher ces précipices qu’on rem ontre si sd
vent dans les Alpes et dans toutes les h au
montagnes. On voit bien que celles di
l’ouverture est petite ont été produites ]
le seul dessèchement : mais celles qui p
sentent une ouverture de quelques pieds I fn
1
ÏHEORIË DE
largeur ne se sont pas augmentées à ce point
par cette seule cause ; c’est aussi parce que
la base qui porte le rocher ou les terres
supérieures , s’est affaissée un peu plus d’un
côté que de l’autre, et un petit affaissement
dans la base, par exemple, une ligne ou
deux, suffit pour produire dans une hau-
teur considérable des ouvertures de plusieurs
pieds, et môme de plusieurs toises : quel-
quefois aussi les rochers coulent un peu sur
leur base de glaise ou de sable , et les fen-
tes perpendiculaires deviennent plus gran-
des par ce mouvement. Je ne parle pas
encore de ces larges ouvertures , de ces
énormes coupures qu’on trouve dans les ro-
chers et dans les montagnes; elles ont été
produites par de grands affaissemens, comme
seroit celui d’une caverne intérieure qui, ne
pouvant plus soutenir le poids dont elle est
chargée, s’affaisse et laisse un intervalle
considérable entre les terres supérieures.
Ces intervalles sont différens des fentes
perpendiculaires; ils paroissent être des
portes ouvertes par les mains de la nature
pour la communication des nations. C’est
de cette façon que se présentent les portes
qu’on trouve dans les chaînes de montagnes
et les ouvertures de détroits de la mer,
comme les Thermopyîés , les portes du Cau-
case , les Cordillères , etc., la porte du dé-
troit de Gibraltar entre les monts Calpe et
Abyla , la porte de l’HeîIespont, etc. Ces
ouvertures n’ont point été formées par la
simple séparation des matières, comme les
fentes dont nous venons de parler 1 , mais
par l’affaissement et la destruction d’une
partie même de terres , qui a été engloutie
on renversée.
Ces grands affaissemens, quoique pro-
duits par des causes accidentelles 2 et se-
condaires , ne laissent pas de tenir une des
premières places entre les principaux faits
de l’histoire de la terre , et ils n’ont pas peu
contribué à changer la face du globe. La
plupart sont causés par des feux intérieurs,
dont l’explosion fait les tremblemens de
terre et les volcans : rien n’est comparable
à la force 3 de ces matières enflammées et
resserrées dans le sein de la terre ; on a vu
des villes entières englouties, des provinces
bouleversées , des montagnes renversées par
leur effort. Mais, quelque grande que soit
cette violence, et quelque prodigieux que
j. Voyez les Preuves , art. XVII.
2. Voyez les Preuves , art. XVII.
3. Voyez Agricola, De rebus quce efjliiunt e Terra ;
Trans. phii. ab., yol. H , page 39; Discourses t
page 272 , etc.
LA TERRÉ. 7 g
nous en paroissent les effets , il ne faut pas
croire que ces feux viennent d’un feu cen-
tral, comme quelques auteurs l’ont écrit,'
ni même qu’ils viennent d’une grande pro-
fondeur, comme c’est l’opinion commune,
car l’air est absolument nécessaire à leur
embrasement , au moins pour l’entretenir.
On peut s’assurer, en examinant les matiè-
res qui sortent des volcans dans les plus
violentes éruptions , que le foyer de la ma-
tière enflammée n’est pas à une grande pro-
fondeur, et que ce sont des matières sem-
blables à celles qu’on trouve sur la croupe
de la monlagne, qui ne sont défigurées que
par la calcination et la fonte des parties
métalliques qui y sont mêlées ; et pour se
convaincre que ces matières jetées par les
volcans ne viennent pas d’une grande pro-
fondeur, il n’y a qu’à faire attention à la
hauteur de la montagne , et juger de la
force immense qui seroit nécessaire pour
pousser des pierres et des minéraux à une
demi-lieue de hauteur ; car l’Etna , l’Hécla,
et plusieurs autres volcans , ont au moins
cette élévation au dessus des plaines. Or,
on sait que l’action du feu se fait en tous
sens : elle ne pourroit donc pas s’exercer en
haut avec une force capable de lancer de
grosses pierres à une demi-lieue en hau-
teur , sans réagir avec la même force en bas
et vers les côtés ; cette réaction auroit bien-
tôt détruit et percé la montagne de tous
côtés, parce que les matières qui la compo-
sent ne sont pas plus dures que celles qui
sont lancées : et comment imaginer que la
cavité qui sert de tuyau ou de canon pour
conduire ces matières jusqu’à l’embouchure
du volcan , puisse résister à une si grande
violence ? D’ailleurs si cette cavité descen-
doit fort bas, comme l’orifice extérieur n’est
pas fort grand, il seroit comme impossible
qu’il en sortît à la fois une aussi grande
quantité de matières enflammées et liquides,
parce qu’elles se choqueroient entre elles et
contre les parois du tuyau , et qu’en par-
courant un espace aussi long, elles s’étein-
droient et se durciraient. On voit souvent
couler du sommet du volcan dans les plai-
nes des ruisseaux de bitume et de soufre
fondu qui viennent de l’intérieur, et qui
sont jetés au dehors avec les pierres et les
minéraux. Est-il naturel d’imaginer que des
matières si peu solides , et dont la masse
donne si peu de prise à une violente action,
puissent être lancées d’une grande profon-
deur ? Toutes les observations qu’on fera
sur ce sujet prouveront que le feu des vol-
cans n’est pas éloigné du sommet de la mon-
8o
THÉORIE DE LA TERRE.
tagne , et qu’îl s’en faut bien qu’il ne des-
cende 1 au niveau des plaines.
Cela n’empêche pas cependant que son
action ne se fasse sentir dans ces plaines par
des secousses et des tremblemens de terre
qui s’étendent quelquefois à une très-grande
distance , qu’il ne puisse y avoir des voies
souterraines par où la flamme et la fumée
peuvent se 2 communiquer d’un volcan à
un autre , et que dans ce cas ils ne puissent
agir et s’enflammer presque en même temps.
Mais c’est du foyer de l’embrasement que
nous parlons : il ne peut être qu’à une pe-
tite distance de la bouche du volcan, et il
n’est pas nécessaire, pour produire un trem-
blement de terre dans la plaine, que ce
foyer soit au dessous du niveau de la plaine,
ni qu’il y ait des cavités intérieures remplies
du même feu; car une violente explosion,
telle qu’est celle du volcan, peut, comme
celle d’un magasin à poudre , donner une
secousse assez violente pour quelle produise
par sa réaction un tremblement de terre.
Je ne prétends pas dire pour cela qu’il
n’y ait des tremblemens de terre produits
immédiatement par des feux souterrains ;
mais3 il y en a qui viennent de la seule
explosion des volcans. Ce qui confirme tout
ce que je viens d’avancer à ce sujet, c’est
qu’il est très-rare de trouver des volcans
dans les plaines ; ils sont au contraire tous
dans les plus hautes montagnes, et ont tous
leur bouche au sommet : si le feu intérieur
qui les consume s’étendoit jusque dessous
les plaines, ne le verroit-on pas dans le
temps de ces violentes éruptions s’échapper
et s’ouvrir un passage au travers du terrain
des plaines ? et dans le temps de la première
éruption, ces feux n’auroient-ils pas plutôt
percé dans les plaines, et au pied des mon-
tagnes où ils n’auroient trouvé qu’une foible
résistance, en comparaison de celle qu’ils
ont dû éprouver, s’il est vrai qu’ils aient
ouvert et fendu une montagne d’une demi-
lieue de hauteur pour trouver une issue ?
Ce qui fait que les volcans sont toujours
dans les montagnes , c’est que les minéraux,
les pyrites et soufres, se trouvent en plus
grande quantité et plus à découvert dans
les montagnes que dans les plaines , et que
ces lieux élevés recevant plus aisément et en
plus grande abondance les pluies et les au-
tres impressions de l’air , ces matières miné-
rales qui y sont exposées, se mettent en
i. Voyez Borelli , de Incendîis'Æ tnœ, etc.
3. Voyez Trans. phil. cibrig’d, vol. II, page 3g2.
3. Voyez les Preuves, art. XVI.
fermentation et s’échauffent jusqu’au point
de s’enflammer.
Enfin on a souvent observé qu’après de
violentes éruptions pendant lesquelles le
volcan rejette une très-grande quantité de
matières, le sommet de la montagne s’affaisse
et diminue à peu près de la même quantité
qu’il seroit nécessaire qu’il diminuât pour
fournir les matières rejetées ; autre preuve
quelles^ ne viennent pas de la profondeur
intérieure du pied de la montagne, mais de
la partie voisine du sommet, et du sommet
même.
Les tremblemens de terre ont donc pro-
duit dans plusieurs endroits des affabsemens
considérables, et ont fait quelques-unes des
grandes séparations qu’on trouve dans les
chaînes des montagnes : toutes les autres
ont été produites en même temps que les
montagnes mêmes par le mouvement des
courans de la mer; et partout où il n’y a
pas eu de bouleversement , on trouve les
pondans des montagnes 4. Les volcans ont
aussi formé des cavernes et des excavations
souterraines qu’il est aisé de distinguer de
celles qui ont été formées par les eaux, qui,
ayant entraîné de l’intérieur des montagnes
les sables et les autres matières divisées,
n’ont laissé que les pierres et les rochers
qui contenoient ces sables , et ont ainsi
formé les cavernes que l’on remarque dans
les lieux élevés, car celles qu’on trouve
dans les plaines ne sont ordinairement que
des carrières anciennes ou des mines de sel
et d’autres minéraux, comme la carrière de
Maestricht et les mines de Pologne, etc.,
qui sont dans des plaines. Mais les caver-
nes naturelles appartiennent aux montagnes,
et elles reçoivent les eaux du sommet et des
environs , qui y tombent comme dans des
réservoirs , d’où elles coulent ensuite sur la
surface de la terre lorsqu’elles trouvent une
issue. C’est à ces cavités que l’on doit attri-
buer l’origine des fontaines abondantes et
des grosses sources; et lorsqu’une caverne
s’affaisse et se comble , il s’ensuit ordinaire-
ment 5 une inondation.
On voit par tout ce que nous venons de
dire, combien les feux souterrains contri-
buent à changer la surface et l’intérieur du
globe. Cette cause est assez puissante pour
produire d’aussi grands effets : mais on ne
croiroit pas que les vents pussent 6 causer
des altérations sensibles sur la terre ; la mer
abi
«llei
4. Voyez les Preuves, art. XVII.
5. Voyez Trans. phil. ab., vol. II, page 3aa.
6. Voyez les Preuves, art. XV.
THEORIE DE LA TERRE.
81
>aroit être leur empire, et après le flux et
e reflux, rien n’agit avec plus de puissance
ur cet élément ; même le flux et le reflux
aarchent d’un pas uniforme , et leurs effets
opèrent d’une manière égale et qu’on pré-
oit : mais les vents impétueux agissent,
our ainsi dire, par caprice; ils se préci-
itent avec fureur et agitent la mer avec une
die violence, qu’en un instant cette plaine
aime et tranquille devient hérissée de vagues-
autes comme des montagnes, qui viennent
3 briser contre les rochers et contre les
ôtes. Les vents changent donc à tout mo-
lent la face mobile de la mer : mais la face
la terre, qui nous paroît si solide, ne
evroit-elle pas être à l’abri d’un pareil
fet ? On sait cependant que les vents
évent des montagnes de sables dans l’A-
ibie et dans l’Afrique, qu’ils en couvrent
s plaines ; et que souvent ils transportent
îs sables à de grandes 1 distances et jusqu’à
lusieurs lieues dans la mer, où il les amon-
llent en si grande quantité, qu’ils y ont
»rmé des bancs, des dunes, et des îles. On
lit que les ouragans sont le fléau des Antilles ,
e Madagascar, et de beaucoup d’autres pays ,
i ils agissent avec tant de fureur, qu’ils en-
vent quelquefois les arbres, les plantes, les
îimaux, avec toute la terre cultivée; ils
mt remonter et tarir les rivières, ils ep
roduisent de nouvelles, ils renversent les
ontagnes et les rochers, ils font des trous
des gouffres dans la terre, et changent
itièrement la surface des malheureuses con-
ées où ils se forment. Heureusement il n’y
que peu de climats exposés à la fureur
ipétueuse de ces terribles agitations de
pr.
Mais ce qui produit les changemens les
us grands et les plus généraux sur la sur-
ce de la terre, ce sont les eaux du ciel,
s fleuves, les rivières et les torrens. Leur
emière origine vient des vapeurs que le
leil élève au dessus de la surface des mers ,
que les vents transportent dans tous les
imats de la terre : ces vapeurs , soutenues
ms les airs, et poussées au gré du vent,
attachent aux sommets des montagnes
li’elles rencontrent, et s’y accumulent en
grande quantité , qu’elles y forment con-
nuellement des nuages, et retombent in-
ssamment en forme de pluie, de rosée, de
Mouillard, ou de neige. Toutes ces eaux sont
abord descendues dans les plaines a sans
1. Voyez Bellarmin , de Aseen. mentis in Deum ;
aren. Geogr. gen., page 282; Voyages de Pyrard ,
me I , page 47°-
2. Voyez les Preuves, art. X et XVIII.
Büffoiî. I.
tenir de route fixe ; mais peu à peu elles ont
creusé leur lit , et , cherchant par leur pente
naturelle les endroits les plus bas de la mon-
tagne et les terrains les plus faciles à diviser
ou à pénétrer, elles ont entraîné les terres
et les sables; elles ont formé des ravines
profondes en coulant avec rapidité dans les
jplaines; elles se sont ouvert des chemins
jusqu’à la mer, qui reçoit autant d’eau par
ses bords qu’elle en perd par l’évaporation :
et de même que les canaux et les ravines que
les fleuves ont creusés ont des sinuosités et
des contours dont les angles sont correspon-
dans entre eux, en sorte que l’un des bords
formant un angle saillant dans les terres, le
bord opposé fait toujours un angle rentrant,
les montagnes et les collines, qu’on doit re-
garder comme les bords des vallées qui les
séparent, ont aussi des sinuosités correspon-
dantes de la même façon; ce qui semble
démontrer que les vallées ont été les canaux
des courans de la mer, qui les ont creusés
peu à peu et de la même manière que les
fleuves ont creusé leur lit dans les terres.
Les eaux qui roulent sur la surface de la
terre, et qui y entretiennent la verdure et
la fertilité, ne sont peut-être que la plus pe-
tite partie de celles que les vapeurs pro-
duisent; car il y a des veines d’eau qui
coulent et de l’humidité qui se filtre à de
grandes profondeurs dans l’intérieur de la
terre. Dans de certains lieux, en quelque
endroit qu’on fouille, on est sûr de faire un
puits et de trouver de l’eau; dans d’autres,
on n’en trouve point du tout : dans presque
tous les vallons et les plaines basses , on ne
manque guère de trouver de l’eau à une
profondeur médiocre ; au contraire , dans
tous les lieux élevés et dans toutes les plaines
en montagne, on ne peut en tirer du sein
de la terre, et il faut ramasser les eaux du
ciel. Il y a des pays d’une vaste étendue où
l’on n’a jamais pu faire un puits, et où toutes
les eaux qui servent à abreuver les habitans
et les animaux sont contenues dans des mares
et des citernes. En Orient , surtout dans
l’Arabie, dans l’Égypte, dans la Perse, etc.,
les puits sont extrêmement rares, aussi bien
que les sources d’eau douce ; et ces peuples
ont été obligés de faire de grands réservoirs
pour recueillir les eaux des pluies et des
neiges ; ces ouvrages, faits pour la nécessité
publique, sont peut-être les plus beaux et
les plus magnifiques monumeus des Orien-
taux; il y a des réservoirs qui ont jusqu’à
deux lieues de surface, et qui servent à
arroser et à abreuver une province entière,
au moyen des saignées et des petits ruisseaux
6
8a THÉORIE DE LA TERRÉ.
qu’on en dérive de tous côtés. Dans d’autres
pays, au contraire, comme dans les plaines
où coulent les grands fleuves de la terre, on
ne peut pas fouiller un peu profondément
sans trouver de l’eau; et dans un camp situé
aux environs d’une rivière , souvent chaque
tente a son puits au moyen de quelques coups
de pioche.
Celte quantité d’eau qu’on trouve partout
dans les lieux bas , vient des terres supérieu-
res et des collines voisines, au moins pour
la plus grande partie; car, dans le temps
des pluies et de la fonte des neiges , une
partie des eaux coule sur la surface de la
terre, et le reste pénètre dans l'intérieur à
travers les petites fentes des terres et des ro-
chers; et cette eau sourcille en différens
endroits lorsqu’elle trouve des issues, ou
bien elle se filtre dans les sables; et lors-
qu’elle vient à trouver un fond de glaise ou
de terre ferme et solide , elle forme des lacs,
des ruisseaux , et peut-être des fleuves sou-
terrains dont le cours et l’embouchure nous
sont inconnus, mais dont cependant, par
les lois de la nature, le mouvement ne peut
se faire qu’en allant d’un lieu plus élevé
dans un lieu plus bas; et par conséquent ces
eaux souterraines doivent tomber dans la
mer , ou se rassembler dans quelque lieu bas
de la terre , soit à la surface , soit dans l’in-
térieur du globe ; car nous connaissons sur
la terre quelques lacs dans lesquels il n’en-
tre et desquels il ne sort aucune rivière, et
il y en a un nombre beaucoup plus grand
qui, ne recevant aucune rivière considé-
rable, sont les sources des plus grands fleu-
ves de la terre, comme les lacs du fleuve
Saint-Laurent, le lac Chiamé, d’où sortent
deux grandes rivières qui arrosent les royau-
mes d’Asem et de Pégu, les lacs d’Assini-
boïls en Amérique , ceux d’Ozera en Mos-
covie, celui qui donne naisance au fleuve
Bog, «celui dont sort la grande rivière Irtis,
etc. , et une infinité d’autres qui semblent
être les réservoirs 1 d’où la nature verse de
tous côtés les eaux qu’elle distribue sur la
surface de la terre. On voit bien que ces
lacs ne peuvent être produits que par les
eaux des terres supérieures, qui coulent par
de petits canaux souterrains en se fdtrant à
travers les graviers et les sables, et vien-
nent toutes se rassembler dans les lieux les
plus bas où se trouvent ces grands amas
d’eau. Au reste, il ne faut pas croire,
comme quelques gens l’ont avancé , qu’il se
trouve des lacs au sommet des plus hautes
montagnes ; car ceux qu’on trouve dans les
Alpes et dans les autres lieux hauts, sont
.tous surmontés par des terres beaucoup plut
hautes, et sont au pied d’autres montagne!
peut-être plus élevées que les premières : ils
tirent leur origine des eaux qui coulent à
l’extérieur ou se filtrent dans l’intérieur df
ces montagnes , tout de même que les eaus
des vallons et des plaines tirent leur source
des collines voisines et des terres plus éloi-
gnées qui les surmontent.
Il doit donc se trouver, et il se trouve
en effet dans l’intérieur de la terre des1
lacs et des eaux répandues; surtout ai
dessous des plaines 2 et des grandes val-
lées ; car les montagnes, les collines, el
toutes les hauteurs qui surmontent les terre!
basses , son! découvertes tout autour , et pré
sentent dans leur penchant une coupe on
perpendiculaire ou inclinée, dans l’étendm
de laquelle les eaux qui tombent sur le som-
met de la montagne et sur les plaines éle-
vées , après avoir pénétré dans les terres, ne
peuvent manquer de trouver issue et de sor-i
tir de plusieurs endroits en forme de sour i
ces et de fontaines; et par conséquent il n’j
aura que peu ou point d’eau sous les monta-
gnes. Dans les plaines, au contraire, commt
l’eau qui se filtre dans les terres ne peut trou-
ver d’issue, il y aura des amas d’eau souter-
rains dans les cavités de la terre, et un<
grande quantité d’eau qui suintera à traveriii
les fentes des glaises et des terres fermes, j|p
ou qui se trouvera dispersée et divisée dan!
les graviers et dans les sables. C’est cette ear
qu’on trouve partout dans les lieux bas. Poui
l’ordinaire, le fond d’un puits n’est autre
chose qu'un petit bassin dans lequel les eauj <| u1
qui suintent des terres voisines serassemblen
en tombant d’abord goutte à goutte, et en-
suite à filets d’eau continus, lorsque les route sèc
sont ouvertes aux eaux les plus éloignées; er fait
sorte qu’il est vrai de dire que quoique dam cm
les plaines basses on trouve de l’eau partout au
on ne pourroit cependant y faire qu’un cer loi
tain nombre de puits, proportionné à fefoi
quantité d’eau dispersée, ou plutôt à l’é-ie
tendue des terres plus élevées d’où ces eaus la
tirent leur source. p
Dans la plupart des plaines, il n’est pa!
nécessaire de creuser jusqu’au niveau de k
rivière pour avoir de l’eau ; on la trouve
ordinairement à une moindre profondeur , fini
et il n’y a pas d’apparence que l’eau deip
fleuves et des rivières s’étende loin en st
filtrant à travers les terres. On ne doit pas
1
T.. Voyez les Preuves, art. XI.
a. Voyez les Preuves, art. XVIII.
THEORIE DI LÀ TERRE.
83
non plus leur attribuer l’origine de toutes
les eaux qu’on trouve au dessous de leur
niveau dans l’interieur de la terre ; car dans
les torrens , dans les rivières qui tarissent,
dans celles dont on détourne le cours, on
ne trouve pas, en fouillant dans leur lit ,
plus d’eau qu’on n’en trouve dans les terres
voisines. Il ne faut qu’une langue de terre
de cinq ou six pieds d’épaisseur pour conte-
nir l’eau et l’empècher de s’échapper ; et
j’ai souvent observé que les bords des ruis-
seaux et des mares ne sont pas sensiblement
humides à six pouces de distance. Il est vrai
que l’étendue de la filtration est plus ou
moins grande, selon que le terrain est plus
ou moins pénétrable : mais si 1 on examine
les ravines qui se forment dans les terres et
même dans les sables, on reconnoîtra que
l’eau passe toute dans le £etit espace qu’elle
se creuse elle-même , et qu’à peine les bords
sont mouillés à quelques pouces de distance
dans ces sables. Dans les terres végétales
même, où la filtration doit être beaucoup
plus grande que dans les sables et dans les
autres terres , puisqu’elle est aidée de la force
du tuyau capillaire , on ne s’aperçoit pas
Quelle s’étende fort loin. Dans un jardin
m an arrose abondamment, et on inonde, pour
:oi ainsi dire, une planche, sans que les plan-
te ihes voisines s’en ressentent considérable-
ui nent. J’ai remarqué, en examinant de gros
ive non^eaux de terre de jardin de huit ou dix
me lieds d’épaisseur , qui n’avoient pas été re-
M nués depuis quelques années, et dont le
ea ommet étoit à peu près de niveau , que l’eau
Pot Les pluies n’a jamais pénétré à plus de trois
aut u quatre pieds de profondeur; en sorte
eau u’en remuant cette terre au printemps
il)|j près un hiver fort humide, j’ai trouvé la
;t et Brre de l’intérieur de ces monceaux ai.ssi
roui eche que quand on l’avoit amoncelée. J’ai
; f lit la même observation sur des terres ac-
ed’ai umulées depuis près de deux cents ans:
ulon u dessous de trois ou quatre pieds de pro-
mue mdeur, la terre étoit aussi sèche que la
j j | oussière. Ainsi l’eau ne se communique ni
j fi e s’étend pas aussi loin qu’on le croit par
;seal l seule filtration; cette voie n’en fournit
Jans l’intérieur de la terre que la plus pe-
estjii jte partie; mais depuis la surface jusqu’à
u(je! g grandes profondeurs, l’eau descend par
iroUj lin propre poids ; elle pénètre par des con-
D(|flir uits naturels ou par de petites routes
,i( u’elle s’est ouvertes elle-même; elle suit les
peines des arbres, les fentes des rochers,
s interstices des terres , et se divise et s’é-
nd de tous côtés en une infinité de petits
imeaux et de filets , toujours en descendant
jusqu’à ce qu’elle trouve une issue après
avoir rencontré la glaise ou un autre terrain
solide sur lequel elle s’est rassemblée.
Il seroit fort difficile de faire une évalua-
tion un peu juste de la quantité des eaux
souterraines qui n’ont point d’issue appa-
rente1. Rien des gens ont prétendu qu’elle
surpassoit de beaucoup celle de toutes les
eaux qui sont à la surface de la terre ; et sans
parler de ceux qui ont avancé que l’intérieur
du globe étoit absolument rempli d’eau , il
y en a qui croient qu’il y a une infinité de
fleuves, de ruisseaux, de lacs, dans la pro-
fondeur de la terre : mais cette opinion ,
quoique commune, ne me paroît pas fon-
dée, et je crois que la quantité des eaux
souterraines qui n’ont point d’issue à la sur-
face du globe n’est pas considérable; car s’il
y avoit un si grand nombre de rivières sou-
terraines, pourquoi ne verrions-nous pas à
la surface de la terre des embouchures de
quelques-unes de ces rivières, et par con-
séquent des sources grosses comme des fleu-
ves ? D’ailleurs les rivières et toutes les eaux
courantes produisent des changemens très-
considérables à la surface de la terre ; elles
entraînent les terres , creusent les rochers ,
déplacent tout ce qui s’oppose à leur passage.
Il en seroit de même des fleuves souterrains;
ils produiraient des altérations sensibles
dans l’intérieur du globe. Mais on n’y a point
observé de ces changemens produits par le
mouvement des eaux; rien n’est déplacé :
les couches parallèles et horizontales sub-
sistent partout; les différentes matières gar-
dent partout leur position primitive, et ce
n’est qu’en fort peu d’endroits qu’on a ob-
servé quelques veines d’eau souterraines un
peu considérables. Ainsi l’eau ne travaille
point en grand dans l’intérieur de la terre;
mais elle y fait bien de l’ouvrage en petit :
comme elle est divisée en une infinité de
filets, qu elle est retenue par autant d’obsta-
cles, et enfin qu’elle est dispersée presque
partout , elle concourt immédiatement à la
formation de plusieurs substances terrestres
qu’il faut distinguer avec soin des matières
anciennes, et qui en effet en different tota-
lement par leur forme et par leur organi-
sation.
Ce sont donc les eaux rassemblées dans la
vaste étendue des mers qui, par le mouve-
ment continuel du flux et du reflux, ont
produit les montagnes, les vallées et les au-
tres inégalités de la terre; ce sont les cou-
rans de la mer qui ont creusé les vallons et
t. Voyez les Preuves, art. X , XI et XVIII.
6.
84 THÉORIE DE LA TERRE.
élevé les collines en leur donnant des direc-
tions correspondantes; ce sont ces mêmes
eaux de la mer qui, en transportant les
terres , les ont disposées les unes sur les au-
tres par lits horizontaux; et ce sont les eaux
du ciel qui peu à peu détruisent l’ouvrage
de la mer, qui rabaissent continuellement
la hauteur des montagnes, qui comblent les
vallées , les bouches des fleuves et les golfes,
et qui, ramenant tout au niveau, rendront
un jour cette terre à la mer qui s’en empa-
rera successivement, en laissant à découvert
de nouveaux continens entrecoupés de val-
lons et de montagnes, et tout semblables à
ceux que nous habitons aujourd’hui. %
A Montbard, le 3 octobre 1744.
PREUVES
DE LA THÉORIE DE LA TERRE.
ARTICLE I.
De la formation des planètes.
Fecitque cadendo
Undique ne caderet.
Ma. nil.
Notre objet étant l’histoire naturelle ,
nous nous dispenserions volontiers de parler
d’astronomie : mais la physique de la terre
tient à la physique céleste ; et d’ailleurs ,
nous croyons que pour une plus grande in-
telligence de ce qui a été dit , il est nécessaire
de donner quelques idées générales sur la
formation, le mouvement et la figure de la
terre et des planètes.
La terre est un globe d’environ trois mille
lieues de diamètre : elle est située à trente
millions de lieues du soleil , autour duquel
elle fait sa révolution en trois cent soixante-
cinq jours. Ce mouvement de révolution est
Le résultat de deux forces : l’une qu’on peut
se représenter comme une impulsion de
droite à gauche , ou de gauche à droite ; et
l’autre comme une attraction de haut en bas,
ou du bas en haut, vers un centre. La direc-
tion de ces deux forces et leurs quantités sont
combinées et proportionnées de façon qu’il
en résulte un mouvement presque uniforme
dans une ellipse for» approchante d’un cer-
cle *. Semblable aux autres planètes , la terre
1. J’ai dit que la terre est située à trente million»
de lieues du soleil ; et c’étoit en effet l’opinion com-
mune des astronomes en 1745 , lorsque j’ai écrit ce
traité de la formation des planètes : mais de nou-
velles observations , et surtout la dernière faite en
1769, du passage de Vénus sur le disque du soleil,
nous ont démontré que cette distance de trente
millions doit être augmentée de trois ou quatre
est opaque, elle fait ombre, elle reçoit et
réfléchit la lumière du soleil , et elle tourne
autour de cet astre suivant les lois qui con-
viennent à sa distance et à sa densité rela-
tive : elle tourne aussi sur elle-même en vingt
quatre heures, et l’axe autour duquel se fait
ce mouvement de rotation est incliné de
soixante-six degrés et demi sur le plan de
l’orbite de sa révolution. Sa figure est celle
d’un sphéroïde dont les deux axes diffèrent
d’environ une cent soixante et quinzième
partie, et le plus petit axe est celui autour
duquel se fait la rotation.
Ce sont là les principaux phénomènes de
la terre; ce sont là les résultats des grandes
découvertes que l’on a faites par le moyen
de la géométrie, de l’astronomie, et de la
navigation. Nous n’entrerons point ici dans
le détail qu’elles exigent pour être démon-
trées, et nous n’examinerons pas comment
on est venu au point de s’assurer de la vé-
cu
re
au
dé
soi
millions de lieues ; et c’est par cette raison que dans I tel
les deux mémoires de la partie hypothétique de !
cet ouvrage, j’ai toujours compté trente-trois mil-
lions de lieues, et non pas trente, pour la distance j ®
moyenne de la terre au soleil. Je suis obligé de Ici
faire cette remarque , afin qu’on ne me mette pas | toi
en opposition avec moi-même. ||
Je dois encore remarquer que non seulement on j ,
a reconnu par les nouvelles observations que le so- J (l"'
leil étoit à quatre millions de lieues de plus de dis- J (]U6
tance de la terre, mais aussi qu’il étoit plus volu- I ijoj
mineux d’un sixième, et que par conséquent le L».
volume entier des planètes n’est guère que la huit 1
centième partie de celui du soleil , et non pas la ij 8 'E
six cent cinquantième partie, comme je l’ai avancé J Sont
d’après les connoissances que nous avions , eu | tous
1745 , sur ce sujet. Cette différence en moins rend || .
d’autant plus plausible la possibilité de cette pro- jj
jection de la matière des planètes hors du soleil, j *™C!
(Add. Buff.\ - j Celte
1 nm
ART. L FORMATION DES PLANÈTES.
J rité de tous ces faits; ce seroit répéter ce
qui a été dit : nous ferons seulement quel-
ques remarques qui pourront servir à éclair-
cir ce qui est encore douteux ou contesté,^
t et en même temps nous donnerons nos idées
; au sujet de la formation des planètes, et des
' ,r différens états par où il est possible qu’elles
aient passé avant que d’être parvenues à
l’état où. nous les voyons aujourd’hui. On
trouvera dans la suite de cet ouvrage des
extraits de tant de systèmes et de tant d’hy-
pothèses sur la formation du globe terres-
tre, sur les différens états par où il a passé,
et sur les changemens qu’il a subis, qu’on
ne peut pas trouver mauvais que nous joi-
gnions ici nos conjectures à celles des phi-
losophes qui ont écrit sur ces matières , et
surtout lorsqu’on verra que nous ne les don-
nons en effet que pour de simples conjec-
ît tures, auxquelles nous prétendons seule-
e ment assigner un plus grand degré de pro-
habilité qu’à toutes celles qu’on a faites
I sur le même sujet. Nous nous refusons d’au-
i tant moins à publier ce que nous avons
jt pensé sur cette matière, que nous espérons
|e par là mettre le lecteur plus en étal de pro-
ie noncer sur la grande différence qu’il y a
le entre une hypothèse où il n’entre que des
et possibilités , et une théorie fondée sur des
lie faits; entre un système tel que nous allons
ûr en donner un dans cet article sur la forma-
i tion et le premier état de la terre , et une
de histoire physique.de son état actuel, telle
[fS que nous venons de la donner dans le dis-
ffl cours précédent.
la Galilée ayant trouvé la loi de la chute des
ms corps , et Kepler ayant observé que les ai-
in. res que les planètes principales décrivent
ÎUt autour du soleil, et celles que les satellites
[j. décrivent autour de leur planète principale,
sont proportionnelles aux temps , et que les
mu temps des révolutions des planètes et des
Je satellites sont proportionnels aux racines
ul1' carrées des cubes de leurs distances au so-
leil ou à leurs planètes principales, New-
pas ton trouva que la force qui fait tomber les
i graves sur la surface de la terre s’étend jus-
qu’à la lune et la relient dans son orbite;
” que cette force diminue en même propor-
,0jij tion que le carré de la distance augmente;
jtli j que par conséquent la lune est attirée par
tul la terre; que la terre et toutes les planètes
“J sont attirées par le soleil , et qu’en général
ei jj tous les corps qui décrivent autour d’un
centre ou d’un foyer des aires proportion»
P1! nelles au temps, sont attirés vers ce point.
1,1(1 Cette force, que nous connoissons sous le
nom de pesanteur, est donc généralement
851
répandue dans toute la matière; les planè-
tes, les comètes, le soleil, la terre, tout est
sujet à ses lois, et elle sert de fondement
à l’harmonie de l’univers : nous n’avons rien
de mieux prouvé en physique que l’exis-
tence actuelle et individuelle de cette force
dans les planètes, dans le soleil, dans la
terre , et dans toute la matière que nous
touchons ou que nous apercevons. Toutes
les observations ont confirmé l’effet actuel
de cette force , et le calcul en a déterminé
la quantité et les rapports. L’exactitude des
géomètres et la vigilance des astronomes at-
teignent à peine à la précision de celte mé-
canique céleste et à la régularité de ses
effets.
Cette cause générale étant connue , on en
déduiroit aisément les phénomènes , si l’ac-
tion des forces qui les produisent n’étoit
pas trop combinée. Mais qu’on se représente
un moment le système du monde sous ce
point de vue, et on "senftra. quel chaos or
a eu à débrouiller. Les planètes principales
sont attirées par le soleil; le soleil est attiré
par les planètes; les satellites sont aussi at-
tirés par leur planète principale ; chaque pla-
nète est attirée par toutes les autres, et elle
les attire aussi. Toutes ces actions et réac-
tions varient suivant les masses et les dis-
tances : elles produisent des inégalités, des
irrégularités : comment combiner et évaluer
une si grande quantité de rapports ? Paroit-
il possible, au milieu de tant d’objets, de
suivre un objet particulier? Cependant on
a surmonté ces difficultés; le calcul a con-
firmé ce que la raison avoit soupçonné ;
chaque observation est devenue une nou-
velle démonstration , et l’ordre systématique
de l’univers est à découvert aux yeux de
tous ceux qui savent reconnoître la vérité.
Une seule chose arrête, et est en effet
indépendante de cette théorie ; c’est la force
d’impulsion : l’on voit évidemment que celle
d’attraction tirant toujours les planètes vers
le soleil, elles tomberoient en ligne perpen-
diculaire sur cet astre si elles n’en étoient
éloignées par une autre force, qui ne peut
être qu’une impulsion en ligne droite, dont
l’effet s’exerceroit dans la tangente de l’or-
bite, si la forçe d’attraction cessoit un ins-
tant. Cette force d’impulsion a certainement
été communiquée aux astres en général par
la main de Dieu, lorsqu’il donna le branle
à l’univers; mais comme on doit, autant
qu’on peut, en physique, s’abstenir d’avoir
recours aux causes qui sont hors de la na-
ture, il me paroît que dans le système so-
laire on peut rendre miser? de celte force
THÉORIE DE LA TERRE.
86
d’impulsion d’une manière assez vraisem-
blable, et qu’on peut en trouver une cause
dont l’effet s’accorde avec les règles de la
mécanique, et qui d ailleurs ne s’éloigne pas
des idées qu’on doit avoir au sujet des chan-
gemens et des révolutions qui peuvent et
doivent arriver dans l’univers.
La vaste étendue du système solaire, ou,
ce qui revient au même, la sphère de l’at-
traction du soleil , ne se borne pas à l’orbe
des planètes, même les plus éloignées; mais
elle s’étend à une distance indéfinie, tou-
jours en décroissant dans la même raison
que le carré de la distance augmente. Il est
démontré que les comètes qui se perdent
à nos yeux dans la profondeur du ciel, obéis-
sent à cette force, et que leur mouvement,
comme celui des planètes , dépend de l’at-
traction du soleil. Tous ces astres , dont les
routes sont si différentes, décrivent autour
du soleil des aires proportionnelles au temps,
les planètes dans des ellipses plus ou moins
approchantes d’un cercle, et les comètes
dans des ellipses fort allongées. Les comètes
et les planètes se meuvent donc en vertu de
deux forces , l’une d’attraction , et l’autre
d’impulsion, qui, agissant à la fois et à tout
instant, les obligent à décrire ces courbes :
mais i! faut remarquer que les comètes par-
courent le système solaire dans toutes sortes
de directions, et que les inclinaisons des
plans de leurs orbites sont fort différentes
entre elles; en sorte que, quoique sujettes,
comme les planètes, à la même force d’at-
traction, les comètes n’ont rien de commun
dans leur mouvement d’impulsion : elles pa-
raissent à cet égard absolument indépen-
dantes les unes des autres. Les planètes, au
contraire, tournent toutes dans le même
sens autour du soleil, et presque dans le
même plan, n’y ayant que sept degrés et
demi d’inclinaison entre les plans les plus
éloignés de leurs orbites. Cette conformité
de position et de direction dans le mouve-
ment des planètes suppose nécessairement
quelque chose de commun dans leur mou-
vement d’impulsion, et doit faire soupçon-
ner qu’il leur a été communiqué par une
seule et même cause.
Ne peut-on pas imaginer, avec quelque
sorte de vraisemblance, qu’une comète,
tombant sur la surface du soleil , aura dé-
placé cet astre, et qu’elle en aura séparé
quelques petites parties auxquelles elle aura
communiqué un mouvement d’impulsion
dans le même sens et par un même choc,
en sorte que les planètes auraient autrefois
appartenu au corps du soleil, et quelles en
auraient été détachées par une force impul-
sive commune à toutes, qu’elles conservent
encore aujourd’hui ?
Cela me paraît au moins aussi probable
que l’opinion de M. Leibnitz, qui prétend
que les planètes et la terre ont été des so-
leils; et je crois que son système, dont on
trouvera le précis à l’article cinquième, au-
rait acquis un grand degré de généralité et
un peu plus de probabilité s’il se fût élevé
à cette idée. C’est ici le cas de croire avec
lui que la chose arriva dans le temps que
Moïse dit que Dieu sépara la lumière des
téuèbres; car, selon Leibnitz, la lumière
fut séparée des ténèbres lorsque les planètes
s’éteignirent. Mais ici la séparation est phy-
sique et réelle, puisque la matière opaque
qui compose les corps des planètes fut réel-
lement séparée de la matière lumineuse qui
compose le soleil 1 .
Cette idée sur la cause du mouvement
d’impulsion des planètes paraîtra moins ha-
sardée lorsqu’on rassemblera toutes les ana-
logies qui y ont rapport, et qu’on voudra
se donner la peine d’en estimer les proba-
bilités. La première est celte direction com-
mune de leur mouvement d’impulsion qui
fait que les six planètes vont toutes d’occi-
dent en orient. Il y a déjà 64 à parier contre
un qu’elles n’auroient pas eu ce mouvement
dans le même sens si la même cause ne l’a-
voit pas produit; ce qu’il est aisé de prou-
ver par la doctrine des hasards.
Cette probabilité augmentera prodigieu-
sement par la seconde analogie, qui est que
l’inclinaison des orbites n’excède pas 7 de-
1. J’ai dit que la matière opaque qui compose le
corps des planètes fut réellement séparée de la matière
lumineuse qui compose le soleil.
Cela pourroit induire en erreur; car la matière
des planètes au sortir du soleil étoit aussi lumi-
neuse que la matière même de cet astre, et les
planètes ne sont devenues opaques , ou pour mieux
dire obscures , que quand leur état d’incandescence
a cessé. J’ai déterminé la durée de cet état d’in-
candescence dans plusieurs matières que j’ai sou-
mises à l’expérience, et j’en ai conclu, par ana-
logie, la durée de l’incandescence de chaque pla-
nète dans le premier mémoire de la partie hypo-
thétique.
Au reste, comme le torrent de la matière pro-
jetée par la comète hors du corps du soleil a tra-
versé l’immense atmosphère de cet astre, il en a
entraîné les parties volatiles aériennes et aqueuses
qui forment aujourd’hui les atmosphères et les
mers des planètes. Ainsi l’on peut dire qu’à tous
égards la matière dont sont composées les planètes
est la même que celle du soleil , et qu’il n’y a
d’autre différence que par le degré de chaleur, ex-
trême dans le soleil, et plus ou moins attiédie dans
les planètes, suivant le rapport composé de leur
épaisseur et de leur densité. ( Add . Buff.)
ART. I. FORMATION DES PLANETES. 87
grés et demi : car en comparent les espa-
ces , on trouve qu’il y a 24 contre un pour
que deux planètes se trouvent dans des plans
plus éloignés , et par conséquent 24 ou
7962624 à parier contre un que ce n’est
pas par hasard qu’elles se trouvent toutes
six ainsi placées et renfermées dans l’espace
de 7 degrés et demi ; ou , ce qui revient au
même, il y a cette probabilité qu’elles ont
quelque chose de commun dans le mouve-
ment qui leur a donné cette position. Mais
que peut-il y avoir de commun dans l’im-
pression d’un mouvement d’impulsion, si
ce n’est la force et la direction des corps
qui le communiquent ? On peut donc con-
clure avec une très-grande vraisemblance
que les planètes ont reçu leur mouvement
d’impulsion par un seul coup. Cette proba-
bilité qui équivaut presque à une certitude,
étant acquise , je cherche quel corps en
mouvement a pu faire ce choc et produire
cet effet, et je ne vois que les comètes ca-
pables de communiquer un aussi grand mou-
vement à d’aussi vastes corps.
Pour peu qu’on examine le cours des co-
mètes, on se persuadera aisément qu’il est
presque nécessaire qu’il en tombe quelque-
fois dans le soleil. Celle de 1680 en appro-
cha de si près, qu’à son périhélie elle n’en
étojt pas éloignée de la sixième partie du
diamètre solaire; et si elle revient, comme
il y a apparence, en l’année 22 55, elle pour-
voit bien tomber cette fois dans le soleil :
cela dépend des rencontres qu’elle aura fai-
tes sur sa route, et du retardement qu’elle
a souffert en passant dans l’atmosphère du
soleil l.
Nous pouvons donc présumer, avec le
philosophe que nous venons de citer, qu’il
tombe quelquefois des cometes sur le soleil;
mais celte chute peut se faire de différentes
façons : si elles y tombent à plomb, ou
même dans une direction qui ne soit pas
fort oblique, elles demeureront dans le so-
leil et serviront d’aliment au feu qui con-
sume cet astre, et le mouvement d’impul-
sion quelles auront perdu et communiqué
au soleil , ne produira d’autre effet que celui
de le déplacer plus ou moins, selon que la
masse de la comète sera plus ou moins con-
sidérable. Mais si la chute de la comète se
fait dans une direction fort oblique , ce qui
doit arriver plus souvent de cette façon que
de l’autre, alors la comète ne fera que raser
la surface du soleil ou la sillonner à une
petité profondeur ; et dans ce cas elle pourra
ï. Voyez Newton, troisième édition , page 525.
en sortir et en chasser quelques parties de
matière auxquelles elle communiquera un
mouvement commun d’impulsion, et ces
parties poussées hors du corps du soleil , et
la comète elle-même , pourront devenir alors
des planètes qui tourneront autour de cet
astre dans le même sens et dans le même
plan. On pourroit peut-être calculer quelle
masse, quelle vitesse et quelle direction
devroit avoir une comète pour faire sortir
du soleil une quantité de matière égale à
celle que contiennent les six planètes et
leurs satellites : mais cette recherche seroit
ici hors de sa place ; il suffira d’observer
que toutes les planètes avec les satellites ne
font pas la 65oe partie de la masse du so-
leil 2 , parce que la densité des grosses pla-
nètes, Saturne et Jupiter , est moindre que
celle du soleil, et que quoique la terre soit
quatre fois, et la lune près de cinq fois plus
dense que le soleil, elles ne sont cependant
que comme des atomes en comparaison de la
masse de cet astre.
J’avoue que quelque peu considérable que
soit une six cent cinquantième partie d'un
tout , il pai oit au premier coup d’œil qu’il
faudroit, pour séparer cette partie du corps
du soleil, une tres-puissante comète : mais
si on fait réflexion à la vitesse prodigieuse
des comètes dans leur périhélie, vitesse
d’autant plus grande que leur route est plus
droite, et qu’elles approchent du soleil de
ilus près; si d’ailleurs on fait attention à
a densité, à la fixité et à la solidité de la
matière dont elles doivent être composées
pour souffrir, sans être détruites, la cha-
leur inconcevable qu’elles éprouvent auprès
du soleil, et si on se souvient en même temps
qu’elies présentent aux yeux des observa-
teurs un noyau vif et solide qui réfléchit
fortement la lumière du soleil à travers l’at-
mosphère immense de la comète qui enve-
loppe et doit obscurcir ce noyau , on ne
pourra guère douter que les comètes ne
soient composées d’une matière très-solide
et très-dense3, et qu’elles ne contiennent
2. "Voyez Newton , page 4o5.
3. J’ai dit que les cometes sont composées d'une
matière très- solide et tres-dense. Ceci ne doit pas être
pris comme une assertion positive et générale; car
il doit y avoir de grandes différences entre la den-
sité de telle ou telle comète, comme il y en a entre
la densité des différentes planètes i mais on ne
pourra déterminer cette différence de densité rela-
tive entre chacune des comètes que quand on en
connoîtra les périodes de révolution aussi parfaite-
ment que l’on connoît les périodes des planètes.
Une comète dont la densité seroit seulement comme
la densité de la planète de Mercure, double de
celle de la terre , et qui auroit à sou périhélie a®-
THÉORIE DE LA TERRE.
88
sous un petit volume une grande quantité
de matière ; que par conséquent une comète
ne puisse avoir assez de masse et de vitesse
pour déplacer le soleil , et donner un mou-
vement de projectilité à une quantité de
matière aussi considérable que l’est la 65oe
partie de la masse de cet astre. Ceci s’ac-
corde parfaitement avec ce que l’on sait au
sujet de la densité des planètes : on croit
qu’elle est d’autant moindre que les planè-
tes sont plus éloignées du soleil , et qu’elles
ont moins de chaleur à supporter; en sorte
que Saturne est moins dense que Jupiter,
et Jupiter beaucoup moins dense que la
terre. En effet, si la densité des planètes
étoit, comme le prétend Newton, propor-
tionnée à la quantité de chaleur qu’elles ont
à supporter, Mercure seroit sept fois plus
dense que la terre , et vingt-huit fois plus
dense que le soleil ; la comète de 1680 se-
roit 28,000 fois plus dense que la terre, ou
112,000 fois plus dense que le soleil; et en
la supposant grosse comme la terre , elle
contiendroit sous un même volume une
quantité de matière égale à peu près à la
neuvième partie de la masse du soleil , ou,
en ne lui donnant que la centième partie de
la grosseur de la terre , sa masse seroit en-
core égale à la 900e partie du soleil : d’où
il est aisé de conclure qu’une telle masse
qui ne fait qu’une petite comète , pourroit
séparer et pousser hors du soleil une 900e
ou une 65oe partie de sa masse, surtout si
l’on fait attention à l’immense vitesse acauise
avec laquelle les comètes se meuvent lors-
qu’elles passent dans le voisinage de cet
astre.
Une autre analogie , et qui mérite quel-
que attention , c’est la conformité entre la
densité de la matière des planètes et la
densité de la matière du soleil. Nous con-
noissons sur la surface de la terre des ma-
tières 14 ou 1 5,ooo fois plus denses les
unes que les autres; les densités de l’or et
de l’air sont à peu près dans ce rapport :
mais l’intérieur de la terre et le corps des
planètes sont composées de parties plus si-
milaires , et dont la densité comparée varie
beaucoup moins ; et la conformité de la den-
tant de vitesse que la comète de 1680, seroit peut-
être suffisante pour chasser hors du soleil toute la
quantité de matière qui compose les planètes ,
parce que la matière de la comète étant dans ce cas
huit fois plus dense que la matière solaire, elle
communiqueroit huit fois autant de mouvement,
et chasseroit une 800e partie de la masse du soleil
aussi aisément qu’un corps dont la densité seroit
égale à celle de la matière solaire, pourroit en
chasser une centième partie. {Adcl, Bujf. )
sité de la matière des planètes et de la den-
sité de la matière du soleil est telle, que
sur 65o parties qui composent la totalité de
la matière des planètes, il y en a plus de ;
640 qui sont presque de la même densité
que la matière du soleil , et qu’il n’y a pas
dix parties sur ces 65o qui soient d’une
plus grande densité ; car Saturne et Jupiter
sont à peu près de la même densité que le
soleil, et la quantité de matière que ces deux
planètes contiennent est au moins 64 fois
plus grande que la quantité de matière des
quatre planètes inférieures , Mars , la Terre,
Vénus , et Mercure. On doit donc dire que
la matière dont sont composées les planètes
en général est à peu près la même que celle
du soleil, et que par conséquent cette ma-
tière peut en avoir été séparée.
Mais, dira-t-on, si la comète, en tom-
bant obliquement sur le soleil , en a sillonné
la surface et en a fait sortir la matière qui
compose les planètes, il paroît que toutes
les planètes, au lieu de décrire des cercles 1 j
dont le soleil est le centre, auroient au 1
contraire à chaque révolu lion rasé la sur- 5
face du soleil , et seroient revenues au même | 1
point d’où elles étoient parties , comme fe- ^
roit tout projectile qu’on lanceroit avec as- I1
sez de force d’un point de la surface de la
terre pour l’obliger à tourner perpétuelle-
ment : car il est aisé de démontrer que ce d
corps reviendrait à chaque révolution au d
point d’où il aurait été lancé ; et dès lors on J 1
ne peut pas attribuer à l’impulsion d’une f f
comète la projection des planètes hors du ^
soleil , puisque leur mouvement autour de Cl
cet astre est différent de ce qu’il seroit dans «
cette hypothèse. se
A cela je réponds que la matière qui com- i|
pose les planètes n’est pas sortie de cet astre s"
en globes tout formés , auxquels la comète fr
auroit communiqué son mouvement d’im-
pulsion , mais que cette matière est sortie { ^
sous la forme d’un torrent dont le mouve- U
ment des parties antérieures a dû être accé- 1 ct
léré par celui des parties postérieures ; que 1 P
d’ailleurs l’attraction des parties antérieures f P<
a dû aussi accélérer le mouvement des par-
ties postérieures , et que cette accélération I ot
de mouvement , produite par l’une ou l’au- ;! b
tre de ces causes, et peut-être par toutes les p
deux, a pu être telle, qu’elle aura changé p
la première direction du mouvement d’im- P
pulsion, et qu’il a pu en résulter un mou- p
vement tel que nous l’observons aujourd’hui p
dans les planètes, surtout en supposant que Me
le choc de la comète a déplacé le soleil ; > f
car , pour donner un exemple qui rendra ; ^
ART. I. FORMATION DES PLANETES.
ceci plus sensible , supposons qu’on tirât du
haut d’une montagne une bade de mous-
I quet , et que la force de la poudre fût assez
grande pour la pousser au delà du demi-
| diamètre de la terre; il est certain que cette
balle tourneroit autour du globe, et revien-
droit à chaque révolution passer au point
d’où elle auroit été tirée : mais si au lieu
d’une balle de mousquet nous supposons
qu’on ait tiré une fusée volante où l’action
du feu seroit durable et accéléreroit beau-
coup le mouvement d’impulsion , cette fusée,
ou plutôt la cartouche qui la contient, ne
reviendrait pas au même point , comme la
balle de mousquet , mais décriroit un orbe
dont le périgée seroit d’autant plus éloigné
i de la terre , que la force d’acçélération au-
roit été plus grande et aurait changé da-
vantage la première direction , toutes choses
étant supposées égales d’ailleurs. Ainsi,
pourvu qu’il y ait eu de l’accélération dans
le mouvement d’impulsion communiqué au
torrent de matière par la chute de la comète,
lil est très-possible que les planètes qui se
Isont formées dans ce torrent aient acquis le
mouvement que nous leur connoissons dans
■, des cercles et des ellipses dont le soleil est
le centre ou le foyer.
La manière dont se font les grandes érup-
tions de volcans peut nous donner une idée
de cette accélération de mouvement dans
le torrent dont nous parlons. On a observé
que quand le Vésuve commence à mugir et
à rejeter les matières dont il est embrasé,
le premier tourbillon qu’il vomit n’a qu’un
certain degré de vitesse ; mais cette vitesse
est bientôt accélérée par l’impulsion d’un
second tourbillon qui succède au premier,
puis par l’action d’un troisième , et ainsi de
suite : les ondes pesantes de bitume, de sou-
fre, de cendre, de métal fondu, paraissent
des nuages massifs; et, quoiqu’ils se succè-
dent toujours à peu près dans la même di-
rection , ils ne laissent pas de changer beau-
coup celle du premier tourbillon , et de le
[pousser ailleurs et plus loin qu’il ne seroit
parvenu tout seul.
[I D’ailleurs ne peut-on pas répondre à cette
:< objection , que le soleil ayant été frappé par
Ija comète , et ayant reçu une partie de son
jmouvement d’impulsion , il aura lui-même
E 'prouvé un mouvement qui l’aura déplacé ;
t que quoique ce mouvement du soleil soit
aaintenant trop peu sensible pour que dans
jde petits intervalles de temps les astronomes
[aient pu l’apercevoir, il se peut cependant
que ce mouvement existe encore , et que 1g
kjsoleil se meuve lentement vers différentes
parties de l’univers , en décrivant une courbe
autour du centre de gravité de tout le sys-
tème ? et si cela est , comme je le présume,
on voit bien que les planètes , au lieu de
revenir auprès du soleil à chaque révolution,
auront au contraire décrit des orbites dont
les points des périhélies sont d’autant plus
éloignés de cet astre, qu’il s’est plus éloigné
lui-même du lieu qu’il occupoit ancienne-
ment.
Je sens bien qu’on pourra me dire que
si l’accélération du mouvement se fait dans
la même direction, cela ne change pas le
point du périhélie, qui sera toujours à la
surface du soleil ; mais doit-on croire que
dans un torrent dont les parties se sont suc-
cédé, il n’y a eu aucun changement de
direction ? Il est au contraire très-probable
qu’il y a eu un assez grand changement de
direction pour donner aux planètes le mou-
vement qu’elles ont.
On pourra me dire aussi que si le soleil
a été déplacé par le choc de la comète, il
a dû se mouvoir uniformément , et que dès
lors ce mouvement étant commun à tout le
système , il n’a dû rien changer ; mais le so-
leil ne pouvoit-il pas avoir avant le choc un
mouvement autour du centre de gravité du
système cométaire, auquel mouvement pri-
mitif le choc de la comète aura ajouté une
augmentation ou une diminution ? et cela
suffirait encore pour rendre raison du mou-
vement actuel des planètes.
Enfin, si l’on ne veut admettre aucune
de ces suppositions, ne peut-on pas présu-
mer , sans choquer la vraisemblance , que
dans le choc de la comète contre le soleil il
y a eu une force élastique qui aura élevé
le torrent au dessus de la surface du soleil,
au lieu de le pousser directement ? ce qui
seul peut suffire pour écarter le point du
périhélie et donner aux planètes le mouve-
ment qu’elles ont conservé : et cette suppo-
sition n’est pas dénuée de vraisemblance ;
car la matière du soleil peut bien être fort
élastique, puisque la seule partie de cette
matière que nous connoissons, qui est la
lumière , semble par ses effets être parlai
tement élastique. J’avoue que je ne puis pas
dire si c’est par l’une ou par l’autre des rai-
sons que je viens de rapporter, que la di-
rection du premier mouvement d’impulsion
des planètes a changé ; mais ce3 raisons suf-
fisent au moins pour faire voir que ce chan-
gement est possible , et même probable ; et
cela suffit aussi à mon objet.
Mais sans insister davantage sur les oh*;
j actions qu’on pourrait faire \ non plus que
9°
THEORIE DE LA TERRE.
sur les preuves que pourraient fournir les
analogies en faveur de mon hypothèse ,
suivons-en l’objet et tirons des inductions;
voyons donc ce qui a pu arriver lorsque les
planètes, et surtout la terre, ont reçu ce
mouvement d’impulsion , et dans quel état
elles se sont trouvées après avoir été sépa-
rées de la masse du soleil. La comète ayant,
par un seul coup , communiqué un mouve-
ment de projectile à une quantité de ma-
tière égale à la six cent cinquantième partie
de la masse du soleil , les particules les
moins denses se seront séparées des plus
denses, et auront formé par leur attraction
mutuelle des globes de différente densité:
Saturne, composé des parties les plus gros-
ses et les plus légères , se sera le plus éloigné
du soleil ; ensuite Jupiter , qui est plus
dense que Saturne, se sera moins éloigné;
et ainsi de suite. Les planètes les plus gros-
ses et les moins denses sont les plus éloignées,
parce qu’elles ont reçu un mouvement d’im-
pulsion plus fort que les plus petites et les
plus denses; car la force d’impulsion se com-
muniquant par les surfaces, le même coup
aura fait mouvoir les parties les plus grosses
et les plus légères de la matière du soleil
avec plus de vitesse que les parties les plus
petites et les plus massives : il se sera donc
liait une séparation des parties denses de
différens degrés , en sorte que la densité
de la matière du soleil étant égale à ioo,
celle de Saturne est égale à 67 , celle de
Jupiter = 94 1/2 , celle de Mars = 200,
celle de la terre = 400, celle de Vénus=
800 , et celle de Mercure= 2800. Mais la
force d’attraction ne se communiquant pas,
comme celle d'impulsion , par la surface, et
agissant au contraire sur toutes les parties
delà masse, elle aura tenu les portions de
matière les plus denses ; et c’est pour cette
raison que les planètes les plus denses sont
les plus voisines du soleil, et qu’elles tour-
nent autour de cet astre avec plus de rapi-
dité que les planètes les moins denses , qui
sont aussi les plus éloignées.
Les deux grosses planètes, Jupiter et Sa-
turne, qui sont, comme l’on sait, les par-
ties principales du système solaire, ont con-
servé ce rapport entre leur densité et leur
mouvement d’impulsion, dans une propor-
tion si juste, qu’on doit en être frappé : la
densité de Saturne est à celle de Jupiter
comme 67 à 94 1/2 , et leurs vitesses sont
à peu près comme 88 1/2 à 120 1/72, ou
comme 67 à 90 n/16. Il est rare que de
pures conjectures on puisse tirer des rap-
ports aussi exacts. Il est vrai qu’en suivant
ce rapport entre la vitesse et la densité des
planètes, la densité de la terre ne devrait
être que comme 206 7/18, au lieu qu’elle
est comme 400 1 : de là on peut conjecturer
que notre globe étoit d’abord une fois moins
dense qu’il ne l’est aujourd’hui. A l’égard
des autres planètes, Mars, Vénus, et Mer-
cure, comme leur densité n’est connue que
par conjecture, nous ne pouvons savoir si
cela détruirait ou confirmerait notre opi-
nion sur le rapport de la viiesse et de la
densité des planètes en général. Le senti-
ment de Newton est que la densité est d’au-
tant plus grande, que la chaleur à laquelle
la planète est exposée est plus grande; et
c’est sur cette idée que nous venons de dire
1. J’ai dit qu’en suivant la proportion de ces rap-
ports , la densité du globe de la terre ne devrait être
que comme 206 7/18 , au lieu d’être 4oo.
Cette densité' de la terre, qui se trouve trop
grande relativement à la vitesse de son mouvement
autour du soleil, doit être un peu diminuée par
une raison qui m’avoit échappé: c’est que la lune,
qu’on doit regarder ici comme faisant corps avec
ta terre, est moins dense dans la raison de 702
à 1000, et que le globe lunaire faisant 1/49 du vo-
lume du globe terrestre , il faut par conséquent
diminuer la densité 4oo de la terre , d’abord dans
la raison de 1000 à 70 1 ; ce qui nous donneroit 281,
c’est-à-dire 119 de diminution sur la densité 400,
si la lune étoit aussi grosse que la terre : mais
comme elle n’en fait ici que la 49e partie, cela ne
produit qu’une diminution de 119/49 ou 2 3/7, et |]j
par conséquent la densité de notre globe relative-
ment à sa vitesse, au lieu de 2067/18, doit être
estimée 206 7/18 —J— 2 3/7, c’est-à-dire à peu près 209.
D’ailleurs l’on doit présumer que notre globe étoit
moins dense au commencement qu’il ne l’est au-
jourd’hui , et qu’il l’est devenu beaucoup plus ,
d’abord par le refroidissement , et ensuite par l’af-
faissement des vastes cavernes dont son intérieur jh
étoit rempli. Cette opinion s’accorde avec la con-
noissance que nous avons des bouleversemens qui
sont arrivés et qui arrivent encore tous les jours à
la surface du globe , et jusqu’à d’assez grandes
profondeurs : ce fait aide même à expliquer com-
ment il est possible que les eaux de la mer aient;
autrefois été supérieures de deux mille toises aux
parties de la terre actuellement habitées ; car ces
eaux la couvriroient encore , si , par de grands af-
faissemens, la surface de la terre ne s’étoit abaissée
en différens endroits pour former les bassins de la
mer et les autres réceptacles des eaux tels qu’ils
sont aujourd’hui.
Si nous supposons le diamètre du globe terrestre
de 2863 lieues , il en avoit deux de plus lorsque les3
eaux le couvroient à 2000 toises de hauteur. Cette
différence du volume de la terre donne 1/477 d’aug
mentation pour sa densité par le seul abaissement
des eaux : on peut même doubler, et peut-être
tripler cette augmentation de densité ou cette dirni
nution de volume du globe par l’affaissement et les
éboulemens des montagnes et par les remblais des
vallées , en sorte que depuis la chute des eaux sur
la terre, on peut raisonnablement présumer qu’elle
a augmenté de plus d’un centième de densité. {Add,
Buff.)
ART. I. FORMATION DES PLANÈTES. 91
que Mars est une fois moins dense que la
terre, Vénus une fois plus dense. Mercure
sepl fois plus dense, et la comète de 1680
vingt-huit mille fois plus dense que la terre.
Mais cette proportion entre la densité des
planètes et la chaleur quelles ont à suppor-
ter, ne peut pas subsister lorsqu’on fait at-
tention à Saturne et à Jupiter, qui sont les
principaux objets que nous ne devons jamais
perdre de vue dans le système solaire ; car,
^elon ce rapport entre la densité et la cha-
leur , il se trouve que la densité de Saturne
peroit environ comme 4 7/18 , et celle de
Jupiter comme 14 17/22 au lieu de 67 et
de 94 1/2 , différence trop grande pour que
le rapport entre la densité et la chaleur
| que les planètes ont à supporter , puisse être
admis: ainsi, malgré la confiance que mé-
ritent les conjectures de Newton , je crois
}ue la densité des planètes a plus de rap-
port avec leur vitesse qu’avec le degré de
chaleur qu’elles ont à supporter *. Ceci
J’ai dit que malgré la confiance que méritent
'es conjectures de Newton, la densité des planètes a
plus de rapport avec leur vitesse qu’avec le degré de
en! chaleur qu’elles ont à supporter.
; Par l’estimation que nous avons faite dans les
mémoires précédens , de l’action de la chaleur so-
dlre sur chaque planète , on a dù remarquer que
pette chaleur solaire est en général si peu considé-
rable , qu’elle n’a jamais pu produire qu’une très-
'égère différence sur la densité de chaque planète;
;ar l’action de cette chaleur solaire , qui est fiable
pn elle-même, n’influe sur la densité des matières
flanétaires qu’à la surface même des planètes , et
:11e ne petit agir sur la matière qui est dans l’inté-
rieur des globes planétaires , puisque cette chaleur
solaire ne peut pénétrer qu’à une très-pelite pro-
fondeur. Ainsi la densité totale de la masse entière
le la planète n’a aucun rapport avec cette chaleur
jui lui est envoyée du soleil.
' Dès lors il me paroît certain que la densité des
tdanètes ne dépend en aucune façon du degré de
:haleur qui leur est envoyée du soleil , et qu’au
:ontraire cette densité des planètes doit avoir un
apport nécessaire à leur vitesse, laquelle dépend
l’un autre rapport qui me paroit immédiat: c’est
felui de leur distance au soleil. Nous avons vu que
es parties les plus denses se sont moins éloignées
[Ue les parties les moins denses dans le temps de
ja projection générale. Mercure, qui est composé
les parties les plus denses de la matière projetée
lors du soleil , est resté dans le voisinage de cet
istre , tandis que Saturne , qui est composé des
parties les plus légères de cette même matière pro-
jetée , s’en est le plus éloigné. Et comme les pla-
îètes les pins distantes du soleil circulent autour
le cet astre avec plus de vitesse que les planètes les
plus voisines , il s’ensuit que leur densité a un rap-
port médiat avec leur vitesse, et plus immédiat avec
eur distance au soleil. Les distances des six pla-
lètes au soleil sont
; comme 4, 7» 10 » *5, 52, 95.
Leurs densités
comme 2o4o, 1270, 1000, 780, 292, 184.
Et ci l’on suppose les densités en raison inverse
n’est qu’une cause finale , et l’autre est un
rapport physique dont l’exactitude est sin-
gulière dans les deux grosses planètes : il est
cependant vrai que la densité de la terre, au
lieu d’être 206 7/8, se trouve être 400, et
que par conséquent il faut que le globe ter-
restre se soit condensé dans cette raison de
206 7/8 à 400.
Mais la condensation ou la coction des
planètes n’a-t-elle pas quelque rapport a\ec
la quantité de la chaleur du soleil dans cha-
que planète? et dès lors Saturne, qui est
fort éloigné de cet astre, n’aura souffert
que peu ou point de condensation, Jupiter
sera condensé de 1 1/16 à 94 1/12 : or, la
chaleur du soleil dans Jupiter étant à celle
du soleil sur la terre comme 14 17/22 sont
à 400, les condensations ont dû se faire
dans la même proportion ; de sorte que Ju-
piter s’étant condensé de 90 11/16 à 64 1/2,
la terre auroit dû se condenser en même
proportion de 206 7/8 à 2i5 990/1451, si
elle eût été placée dans l’orbite de Jupiter,
où elle n’auroit dû recevoir du soleil qu’une
chaleur égale à celle que reçoit cette pla-
nète. Mais la terre se trouvant beaucoup
plus près, de cet astre , et recevant une cha-
leur dont le rapport à celle que reçoit Ju-
piter est de 400 à 14 17/22, il faut multi-
plier la quantité de condensation qu’elle
auroit eue dans l’orbite de Jupiter par le rap-
port de 400 à 14 17/22; ce qui donne à
peu près 234 1/2 pour la quantité dont la
terre a dû se condenser. Sa densité étoit
207 7/8 : en y ajoutant la quantité de con-
densation, l’on trouve pour sa densité ac-
tuelle 440 7/8 ; ce qui approche assez de la
densité 400 , déterminée par la parallaxe de
la lune. Au reste, je ne prétends pas donner
ici de rapports exacts, mais seulement des
approximations, pour faire voir que les
densités des planètes ont beaucoup de rap-
port avec leur vitesse dans leurs orbites.
La comète ayant donc par sa chute oblique
sillonné la surface du soleil, aura poussé
hors du corps de cet astre une partie de ma-
tière égale à la six cent cinquantième partie
de sa masse totale : cette matière, qu’on
doit considérer dans un état de fluidité,
ou plutôt de liquéfaction, aura d’abord
formé un torrent; les parties les plus gros-
ses et les moins denses auront été poussées
des distances, elles seront 2040, 1x60, 889 1/2,
660, 210, i5g. Ce dernier rapport entre leurs den
sites respectives est peut être plus réel que le pre
mier, parce qu’il me paroît fondé sur la cause phy-
sique qui a dù produire la différence de densité
dans chaque planète. (Add. Buff.)
9*
THÉORIE DE LÀ TERRE.
au plus loin ; et les parties les plus petites
et les plus denses n’ayant reçu que la même
impulsion, ne se seront pas si fort éloignées,
la force d’attraction du soleil les aura rete-
nues; toutes les parties détachées par la co-
mète et poussées les unes par les autres,
auront été contraintes de circuler autour
de cet astre, et en même temps l’attraction
mutuelle des parties de la matière en aura
formé des globes à différentes distances,
dont les plus voisins du soleil auront néces-
sairement conservé plus de rapidité pour
tourner ensuite perpétuellement autour de
cet astre.
Mais, dira-t-on une seconde fois, si la
matière qui compose les planètes a été sé-
parée du corps du soleil, les planètes de-
vroient être, comme le soleil, brûlantes et
lumineuses, et non pas froides et opaques
comme elles le sont : rien ne ressemble
moins à ce globe de feu qu’un globe de terre
et d’eau; et, à en juger par comparaison,
la matière de la terre et des planètes est
tout à fait différente de celle du soleil.
A cela on peut répondre que dans la sé-
paration qui s’est faite des particules plus ou
moins denses , la matière a changé de forme ,
et que la lumière ou le feu s’est éteint par
cette séparation causée par le mouvement
d’impulsion. D’ailleurs ne peut-on pas soup-
çonner que si le soleil ou une étoile brûlante
et lumineuse par elle-même se mouvoil avec
autant de vitesse que se meuvent les planè-
tes, le feu s’éteindroit peut-être, et que
c’est par cette raison, que toutes les étoiles
lumineuses sont fixes et ne changent pas de
lieu , et que ces étoiles que l’on appelle nou-
velles, qui ont probablement changé de lieu,
se sont éteintes aux yeux mêmes des obser-
vateur ? Ceci se confirme par ce qu’on a
observé sur les comètes ; elles doivent brûler
jusqu’au centre lorsqu’elles passent à leur
périhélie : cependant elles ne deviennent
pas lumineuses par elles-mêmes ; on voit
seulement qu’elles exhalent des vapeurs brû-
lantes, dont elles laissent en chemin une
partie considérable.
J’avoue que si le feu peut exister dans
un milieu où il n’y a point ou très-peu de
résistance , il pourroit aussi souffrir un très-
grand mouvement sans s’éteindre; j’avoue
aussi que ce que je viens de dire ne doit
s’entendre que des étoiles qui disparoissent
pour toujours, et que celles qui ont des re-
tours périodiques et qui se montrent et dis-
paroissent alternativement sans changer de
lieu , sont fort différentes de celles dont je
pari* ; les phénomènes de ces astres singu-
liers ont été expliqués d’une manière très
satisfaisante par M. de Mauperluis dans soi
Discours sur la figure des astres , et je sui
convaincu qu’en partant des faits qui nou
sont connus , il n’est pas possible de mieu:
deviner qu’il l’a fait. Mais les étoiles qu
ont paru et ensuite disparu pour toujours
se sont vraisemblablement éteintes , soit pa
la vitesse de leur mouvement , soit par quel
que autre cause, et nous n’avons poin
d’exemple dans la nature qu’un astre lumi
neux tourne autour d’un autre astre : d
vingt-huit ou trente comètes et de treiz
planètes qui composent notre système et qu
se meuvent autour du soleil avec plus o
moins de rapidité, il n’y en a pas une d
lumineuse par elle-même.
On pourroit répondre encore que le fei
ne peut pas subsister aussi long-temps dan
les petites que dans les grandes masses , e
qu’au sortir du soleil les planètes ont d
brûler pendant quelque temps, mais qu’elle
se sont éteintes faute de matières combustit
blés, comme le soleil s’éteindra probable
ment par la même raison, mais dans déi
âges futurs et aussi éloignés des temps aux'
quels les planètes se sont éteintes, que s
grosseur l’est de celle des planètes. Quo
qu’il en soit, la séparation des parties plui
ou moins denses, qui s’est faite nécessaire
ment dans le temps que la comète a pouss
hors du soleil la matière des planètes, mi
paroît suffisante pour rendre raison de cett!
extinction de leurs feux.
La terre et les planètes au sortir du sole:
étoient donc brûlantes et dans un état d
liquéfaction totale. Cet état de liquéfactio
n’a duré qu’autant que la violence de 1
chaleur qui l’avoit produit ; peu à peu lé
planètes se sont refroidies , et c’est dans 1
temps de cet état de fluidité causée par 1
feu qu’elles auront pris leur figure, et qui!*1
leur mouvement de rotation aura faitéleve
les parties de l’équateur en abaissant lé
pôles. Cette figure , qui s’accorde si bien ave
les lois de l’hydrostatique, suppose uécessa
rement que la terre et les planètes aient ét
dans un état de fluidité ; et je suis ici d
l’avis de M. Leibnitz : celte fluidité éto
une liquéfaction causée par la violence d
la chaleur ; l’intérieur de la terre doit êtr
une matière vitrifiée dont les sables, le
grès, le roc vif, les granités et peut-être le
argiles , sont des fragmens et des scories.
On peut do te croire, avec quelque vrai
semblance , que les planètes ont apparten
au soleil, qu’elles en ont été séparées pa
un seul coup (jui leur a donné un mouvç
ART. I. FORMATION DES PLANÈTES. 9$
: |rjs ment d’impulsion dans le même sens et dans
k S0I Je même plan , et que leur position à diffé-
h Sllj rentes distances du soleil ne vient que de
ri J, leurs différentes densités. Il reste mainte-
nu^ nant à expliquer par la même théorie le
qn paouvement de rotation des planètes et la
j01)rs formation des satellites : mais ceci , loin d’a-
il pa jouter des difficultés ou des impossibilités à
quel aotre hypothèse, semble au contraire la
poig confirmer.
y Car le mouvement de rotation dépend
jpniquement de l’obliquité du coup, et il est
trejZ( nécessaire qu’une impulsion, dès qu’elle est
«ijnblique à la surface d’un corps, donne à ce
iIS01:orps un mouvement de rotation : ce mou-
ae Jvement de rotation sera égal et toujours le
même, si le corps qui le reçoit est homo-
efeigène ; et il sera inégal, si le corps est com-
y posé de parties hétérogènes ou de différentes
s ef densités : et de là on doit conclure que dans
lt| chaque planète la matière est homogène,
'e|e nuisque leur mouvement de rotation est
|||stj égal : autre preuve de la séparation des par-
y ities denses et moins denses lorsqu’elles se
jd^ont formées.
Mais l’obliquité du coup a pu être telle
ie sa qu’il se sera séparé du corps de la planète
)ll0j principale de petites parties de matière, qui
^ auront conservé la même direction de mou-
3ire vement que la planète même; ces parties se
m seront réunies, suivant leurs densités, à dif-
m( Férentes distances de la planète par la force
cet(f jle leur attraction mutuelle, et en même
temps elles auront suivi nécessairement la
0|ej planète dans son cours autour du soleil, en
; (j, tournant elles-mêmes autour de la planète ,
ltj0Ia peu près dans le plan de son orbite. On
e ], voit bien que ces petites parties que la
j|e grande obliquité du coup aura séparées, sont
s |f les satellites : ainsi la formation , la position
r ](pt la direction des mouvemens des satellites
.^s’accordent parfaitement avec la théorie; car
| ils ont tous la même direction de mouvement
]f; flans des cercles concentriques autour de
M eur planète principale ; leur mouvement est
—dans le même plan, et ce plan est celui de
'|( l’orbite de la planète. Tous ces effets qui
l^leur sont communs, et qui dépendent de
(0jleur mouvement d’impulsion, ne peuvent
^ venir que d’une cause commune, c’est-à-
-dire d’une impulsion commune de mouve-
]f ment, qui leur a été’ communiquée par un
|ejseul et même coup donné sous une certaine
^obliquité.
; Ce que nous venons de dire sur la cause
du mouvement de rotation et de la forma-
tion des satellites , acquerra plus de vrai-
" semblance , si nous faisons attention à tou-
tes les circonstances des phénomènes. Les
planètes qui tournent le plus vite sur leur
axe, sont celles qui ont des satellites. La
terre tourne plus vile que Mars dans le
rapport d’environ 24 à 1 5; la terre a un
satellite, et Mars n’en a point. Jupiter sur-
tout , dont la rapidité autour de son axe
est 5 ou 600 fois plus grande que celle de
la terre , a quatre satellites ; et il y a grande
apparence que Saturne , qui en a cinq et un
anneau , tourne encore beaucoup plus vite
que Jupiter.
On peut même conjecturer avee quelque
fondement que l’anneau de Saturne est pa-
rallèle à l’équateur de cette planète, en
sorte que le plan de l’équateur de l’anneau
et celui de l’équateur de Saturne sont à peu
près les mêmes ; car en supposant , suivant
la théorie précédente , que l’obliquité du
coup par lequel Saturne a été mis en mou-
vement ait été fort grande , la vitesse autour
de l’axe, qui aura résulté de ce coup obli-
que, aura pu d’abord être telle, que la
force centrifuge excédoit celle de la gravité ;
et il se sera détaché de l’équateur et des par-
ties voisines de l’équateur de la planète une
quantité considérable de matière, qui aura
nécessairement pris la figure d’un anneau,
dont le plan doit être à peu près le même
que celui de l’équateur de la planète ; et
cette partie de matière qui forme l’anneau
ayant été détachée de la planète dans le
voisinage de l’équateur, Saturne en a été
abaissé d’autant sous l’équateur ; ce qui fait
que, malgré la grande rapidité que nous
lui supposons autour de son axe, les dia-
mètres de cette planète peuvent n’être pas
aussi inégaux que ceux de Jupiter, qui dif-
fèrent de plus d’une onzième partie.
Quelque grande que soit à mes yeux la
vraisemblance de ce que j*ai dit jusqu’ici sur
la formation des planètes et de leurs satel-
lites, comme chacun a sa mesure, surtout
pour estimer des probabilités de cette na-
ture, et que cette mesure dépend de la
puissance qu’a l’esprit pour combiner des
rapports plus ou moins éloignés, je ne pré-
tends pas contraindre ceux qui n’en vou-
dront rien croire. J’ai cru seulement devoir
semer ces idées , parce qu’elles m’ont paru
raisonnables , et propres à éclaircir une ma-
tière sur laquelle on n’a jamais rien écrit,
quelque important qu’en soit le sujet, puis-
que le mouvement d’impulsion des planètes
entre au moins pour moitié dans la compo-
sition du système de l’univers , que l’attrac-
tion seule ne peut expliquer. J’ajouterai
seulement, pour ceux qui voudroient nier
I
94
THÉORIE DE LA TERRE.
la possibilité de mon système , les questions
suivantes :
i° N’est-il pas naturel d’imaginer qu’un
corps qui est en mouvement, ait reçu ce
mouvemenl par le choc d’un corps ?
20 N’est-il pas très-probable que plu-
sieurs corps qui ont la même direction dans
leur mouvement, ont reçu cette direction
par un seul ou par plusieurs coups dirigés
dans le même sens ?
3° N’est-il pas tout-à-fait vraisemblable
que plusieurs corps ayant la même direction
dans leur mouvement et leur position dans
un même plan, n’ont pas reçu cette direc-
tion dans le même sens et cette position
dans le même plan par plusieurs coups,
mais par un seul et même coup ?
4° N’est-il pas très-probable qu’en même
temps qu’uu corps reçoit un mouvement
d’impulsion , il le reçoive obliquement , et
que par conséquent il soit obligé de tourner
sur lui-même d’autant plus vite que l’obli-
quité du coup aura été plus grande ?
Si ces questions ne paroissent pas dérai-
sonnables, le système dont nous venons de
donner une ébauche cessera de paroître une
absurdité.
Passons maintenant à quelque chose qui
nous touche de plus près, et examinons la
figure de la terre, sur laquelle on a fait tant
de recherches et de si grandes observations.
La terre étant , comme il paroît par l’égalité
de son mouvement diurne et la constance de
l’inclinaison de son axe, composée de parties
homogènes, et toutes ses parties s’attirant
en raison de leurs masses, elle auroit pris
nécessairement la figure d’un globe parfai-
tement sphérique, si le mouvement d’im-
pulsion eût été donné dans une direction
perpendiculaire à la surface ; mais ce coup
ayant été donné obliquement , la terre a
tourné sur son axe dans le même temps
qu’elle a pris sa forme, et de la combinaison
de ce mouvement de rotation et de celui de
l’attraction des parties, il a résulté une figure
sphéroïde , plus élevée sous le grand cercle
de rotation, et plus abaissée aux deux ex-
trémités de l’axe, et cela parce que faction
de la force centrifuge provenant du mouve-
ment de rotation, diminue l’action de la
gravité : ainsi la terre étant homogène , et
ayant pris sa consistance en même temps
qu’elle a reçu son mouvement de rotation ,
elle a dû prendre une figure sphéroïde, dont
les deux axes diffèrent d une 23oe partie. Ceci
peut se démontrer à la rigueur , et ne dépend
point des hypothèses qu’on voudroit faire
sur la direction de la pesanteur ; car il n’est
pas permis de faire des hypothèses contraires
à des vérités établies ou qu’on peut établir.
Or , les lois de la pesanteur nous sont con-
nues ; nous ne pouvons douter que les corps
ne pèsent les uns sur les autres en raison
directe de leurs masses , et inverse du carré
de leurs distances : de même nous ne pou-
vons pas douter que l’action générale d’une
masse quelconque ne soit composée de toutes
les actions particulières des parties de cette
masse. Ainsi il n’y a point d’hypothèse à
faire sur la direction de la pesanteur : cha-
que partie de matière s’attire mutuellement'
en raison directe de sa masse et inverse du
carré de la distance ; et de toutes ces attrac-
tions il résulte une sphère lorsqu’il n’y a
point de rotation, et il en résulte un sphé-
roïde lorsqu’il y a rotation. Ce sphéroïde
est plus ou moins accourci aux deux extré-
mités de l’axe de rotation, à proportion de
la vitesse de ce mouvement, et la terre a
pris, en vertu de sa vitesse de rotation et
de l’attraction mutuelle de toutes ses parties,
la figure d’un sphéroïde, dont les deux axes
sont entre eux comme 229 à 2 3o.
Ainsi, par sa constitution originaire, par
son homogénéité, et indépendamment de
toute hypothèse sur la direction de la pesan-
teur, la terre a pris cette figure dans le
temps de sa formation , et elle est , en vertm
des lois de la mécanique , élevée nécessaire-
ment d’environ six lieues et demie à chaque
extrémité du diamètre de l’équateur de
plus que sous les pôles.
Je vais insister sur cet article, parce qu’il
y a encore des géomètres qui croient que la'
figure de la terre dépend, dans la théorie,
du système de philosophie qu’011 embrasse,
et de la direction qu’on suppose à la pesan-
teur. La première chose que nous ayons à
démontrer c’est l’attraction mutuelle de tou-
tes les parties de la matière; et la seconde,
l’homogénéité du globe terrestre. Si nous fai-
sons voir clairement que ces deux faits nt
peuvent pas être révoqués en doute , il n’y
aura plus aucune hypothèse à faire sur ls
direction de la pesanteur : la terre aura et
nécessairement la figure déterminée pai
Newton ; et toutes les autres figures qu’or
voudroit lui donner en vertu des tourbillon!
ou des autres hypothèses , ne pourront sub
sister.
On ne peut pas douter , à moins qu’on ni
doute de tout, que ce ne soit la force de la
gravité qui retient les planètes dans leurs
orbites. Les satellites de Saturne gravitenl
vers Saturne, ceux de Jupiter vers Jupiter,
la lune vers la terre, et Saturne, Jupiter,
ART. I. FORMATION DES PLANETES. g5
Mars, la terre, Vénus et Mercure, gravi-
tent vers le soleil; de même Saiurne et Jupi-
ter gravitent vers leurs satellites, la terre
gravite vers la lune, et le soleil gravite vers
les planètes. La gravité est donc géné-
rale et mutuelle dans toutes les planètes ;
car l’action d’une force ne peut pas s’exercer
sans qu’il y ait réaction : toutes les planètes
agissent donc mutuellement les unes sur les
autres. Cette attraction mutuelle sert de fon-
dement aux lois de leur mouvement , et elle
est démontrée par les phénomènes. Lorsque
Satyrne et Jupiter sont en conjonction, ils
agissent l’un sur l’autre, et celte attraction
produit une irrégularité dans leur mouve-
ment autour du soleil. Il en est de même
de la terre et de la lune; elles agissent mu-
tuellement l’une sur l’autre ; mais les irré-
gularités du mouvement de la lune viennent
de l’attraction du soleil, en sorte que le so-
leil, la terre et la lune, agissent mutuelle-
ment les uns sur les autres. Or, cette attrac-
tion mutuelle que les planètes exercent les
unes sur les autres, est proportionnelle à leur
quantité de matière lorsque les distances
sont égales; et la même force de gravité qui
f«Lt tomber les graves sur la surface de la
terre, et qui s’étend jusqu’à la lune, est
aussi proportionnelle à la quantité de matière :
donc la gravité totale d’une planète est com-
posée de la gravité de chacune des parties qui
la composent ; donc toutes les parties de la
matière, soit dans la terre, soit dans les pla-
nètes , gravitent les unes sur les autres; donc
toutes les parties de la matière s’attirent mu-
tuellement : et cela étant une fois prouvé,
la terre, par son mouvement de rotation, a
dû nécessairement prendre la figure d’un
sphéroïde dont les axes sont entre eux comme
229 à 23o,et la direction de la pesanteur
est nécessairement perpendiculaire à la sur-
face de ce sphéroïde ; par conséquent il n’y
a point d’hypothèse à faire sur la direction
de la pesanteur, à moins qu’on ne nie l’at-
traction mutuelle et générale des parties de
la matière : mais on vient de voir que l’at-
traction mutuelle est démontrée par les ob-
servations; et les expériences des pendules
prouvent qu’elle est générale dans toutes les
parties de la matière : donc on ne peut pas
faire de nouvelles hypothèses sur la direction
de la pesanteur, sans aller contre l’expérience
et la raison.
Venons maintenant à l’homogénéité du
globe terrestre. J’avoue que si l’on suppose
que le globe soit plus dense dans certaines
parties que dans d’autres, la direction de la
pesanteur doit être différente de celle que
nous venons d’assigner; qu’elle sera différente
suivant les différentes suppositions qu’on
fera , et que la figure de la terre deviendra
différente aussi en vertu des mêmes suppo-
sitions. Mais quelle raison a-t-on pour croire
que cela soit ainsi ? Pourquoi veut-on , par
exemple , que les parties voisines du centre
soient plus denses que celles qui en sont
plus éloignées ? toutes les particules qui
composent le globe ne sont-elles pas rassem-
blées par leur attraction mutuelle ? dès lors
chaque particule est un centre , et il n’y a
pas de raison pour croire que les parties
qui sont autour du centre de grandeur du
globe , soient plus denses que celles qui sont
autour d’un autre point : mais d’ailleurs, si
une partie considérable du globe étoit plus
dense qu’une autre partie, l’axe de rotation
se trouveroit plus près des parties denses ,
et il en résulteroit une inégalité dans la ré-
volution diurne, en sorte qu’à la surface de
la terre nous remarquerions de l’inégalité
dans le mouvement apparent des fixes ; elles
nous paroitroient se mouvoir beaucoup plus
vite ou beaucoup plus lentement au zénith
qu’à l’horizon , selon que nous serions posés
sur les parties denses ou légères du globe.
Cet axe de la terre ne passant plus par le
centre de grandeur du globe, changeroit
aussi très-sensiblement de position. Mais tout
cela n’arrive pas : on sait , au contraire , que
le mouvement diurne de la terre est égal et
uniforme ; on sait qu’à toutes les parties de
la surface de la terre les étoiles paroissent
se mouvoir avec la même vitesse à toutes
les hauteurs; et s’il y a une nutation dans
l’axe, elle est assez insensible pour avoir
échappé aux observateurs. On doit donc
conclure que le globe est homogène ou
presque homogène dans toutes ses parties.
Si la terre étoit un globe creux et vide ,
dont la croûte n’auroit, par exemple, que
deux ou trois lieues d’épaisseur, il en résul-
teroit, i° que les montagnes seroient dans
ce cas des parties si considérables de l’épais-
seur totale de la croûte, qu'il y auroit une
grande irrégularité dans les mouvemens de
la terre par l’attraction de la lune et du so-
leil ; car quand les parties les plus élevées
du globe, comme les Cordilières, auroient
la lune au méridien, l’attraction seroit beau-
coup plus forte sur le globe entier que quand
les parties les plus basses auroient de même
cet astre au méridien ; 20 l’attraction des
montagnes seroit beaucoup plus considéra-
ble qu’elle ne l’est en comparaison de l’at-
traction totale du globe , et les expériences
faites à la montagne de Chimboraço au Pé^
90
THÉORIE DE LA TERRE.
rou donneraient dans ce cas plus de degrés
qu’elles n’ont donné de secondes pour la
déviation du fil à plomb; 3° la pesanteur
des corps seroit plus grande au dessus d’une
haute montagne, comme le pic de Ténérilfe,
qu’au niveau de la mer, en sorte qu’on se
sentiroit considérablement plus pesant et
qu’on marcheroit plus difficilement dans les
lieux élevés que dans les lieux bas. Ces corn
sidérations , et quelques autres qu’on pour-
roit y ajouter, doivent nous faire croire que
l’intérieur du globe n’est pas vide, et qu’il
est rempli d’une matière assez dense.
D’autre côté, si au dessous de deux ou
trois lieues la terre étoil remplie d’une ma-
tière beaucoup plus dense qu’aucune des
matières que nous connoissons, il arriverait
nécessairement que toutes les fois qu’on des-
cendrait à des profondeurs même médiocres,
on pèseroit sensiblement beaucoup plus , les
pendules s’accéléreraient beaucoup plus qu’ils
ne s’accélèrent en effet lorsqu’on les trans-
porte d’un lieu élevé dans un lieu plus bas.
Ainsi nous pouvons présumer que l’intérieur
de la terre est rempli d’une matière à peu
près semblable à celle qui compose sa sur-
face. Ce qui peut achever de nous déterminer
en faveur Ve ce sentiment, c’est que dans
le temps de la première formation du globe,
lorsqu’il a pris la forme d’un sphéroïde aplati
sous les pôles , la matière qui le compose
étoit en fusion , et par conséquent homogène
et à peu près également dense dans toutes
ses parties, aussi bien à la surface qu’à l’in-
térieur. Depuis ce temps la matière de la
surface , quoique la même , a été remuée
et travaillée par les causes extérieures ; ce
qui a produit des matières de différentes
densités. Mais on doit remarquer que les
matières qui , comme l’or et les métaux , sont
les plus denses , sont aussi celles qu’on trouve
le plus rarement , et qu’en conséquence de
l’action des causes extérieures , la plus grande
partie de la matière qui compose le globe à
la surface , n’a pas subi de très -grands chan-
gemens par rapport à sa densité , et les ma-
tières les plus communes, comme le sable et
la glaise , ne diffèrent pas beaucoup en den-
sité, en sorte qu’il y a tout lieu de conjectu-
rer , avec grande vraisemblance , que l’in-
térieur de la terre est rempli d’une matière
vitrifiée dont la densité est à peu près la
même que celle du sable, et que par consé-
quent le globe terrestre en général peut être
regardé comme homogène.
Il reste une ressource à ceux qui veulent
absolument faire des suppositions ; c’est de
dire que le globe est composé de couches
concentriques de différentes densités: car,
dans ce cas, le mouvement diurne sera égal,
et l’inclinaison de l’axe constante, comme
dans le cas de l’homogénéité. Je l’avoue ;
mais je demande en même temps s’il y a au-
cune raison de croire que ces couches de
différentes densités existent, si ce n’est pas
vouloir que les ouvrages de la nature s’a-
justent à nos idées abstraites , et si l’on doit
admettre en physique une supposition qui
n’est fondée sur aucune observation, aucune
analogie , et qui ne s’accorde avec aucune
des inductions que nous pouvons tirer d’ail-
leurs.
Il paraît donc que la terre a pris, en
vertu de l’attraction mutuelle de ses parties
et de son mouvement de rotation , la figure
d’un sphéroïde dont les deux axes diffèrent
d’une 23 oe partie : il paraît que c’est là sa
figure primitive , qu’elle l’a prise nécessaire-
ment dans le temps de son état de fluidité
ou de liquéfaction ; il paraît qu’en vertu des
lois de la gravité et de la force centrifuge,
elle ne peut avoir d’autre figure que du
moment même de sa formation. If y a eu
cette différence entre les deux diamètres ,
de six lieues et demie d’élévation de plus
sous l’équateur que sous les pôles, et que par
conséquent toutes les hypothèses par les-
quelles on peut trouver plus ou moins de
différence , sont des fictions auxquelles il ne
faut faire aucune attention.
Mais , dira-t-on , si la théorie est vraie ,
si le rapport de 229 à 23o est le vrai rapport
des axes , pourquoi les mathématiciens en-
voyés en Laponie et au Pérou s’accordent-ils
à donner le rapport de 174 à 175 ? d’où peut
venir cette différence de la pratique à la théo-
rie ? et , sans faire tort au raisonnement
qu’on vient de faire pour démontrer la théo-
rie , n’est-il pas plus raisonnable de donner
la préférence à la pratique et aux mesures ,
surtout quand on ne peut pas douter qu’elles
aient été prises par les plus habiles mathé-
maticiens de l’Europe 1 , et avec toutes les
précautions nécessaires pour en constater le
résultat ?
A cela je réponds que je n’ai garde de
donner atteinte aux observations faites sous
l’équateur et au cercle polaire , que je n’ai
aucun doute sur leur exactitude, et que la
terre peut bien être réellement élevée d’une
175e partie de plus sous l’équateur que
sous les pôles : mais en même temps je main-
tiens la théorie, et je vois clairement que ces
deux résultats peuvent se concilier. Cette
lia
1 . M. de Maupertui# , Figure de la terre.
.
ART. I. FORMATION DES PLANÈTES.
différence des deux résultats de la théorie
et des mesures est d’environ quatre lieues
^lans les deux axes , en sorte que les parties
sous l’équateur sont élevées de deux lieues
ae plus qu’elles ne doivent l’être suivant la
théorie. Cette hauteur de deux lieues ré-
pond assez juste aux plus grandes inégalités
le la surface du globe : elles proviennent
lu mouvement de la mer, et de l’action
les fluides à la surface de la terre. Je m’ex-
>lique : il me paroît que dans le temps que
a terre s’est formée, elle a nécessairement
lu prendre, en vertu de l’attraction mu»
uelle de ses parties et de l’action de la
orce centrifuge, la figure d’un sphéroïde
ont les axes diffèrent d’une a3oe partie,
a terre ancienne et originaire a eu néces-
airement cette figure qu’elle a prise lors-
[u’elle éloit fluide ou plutôt liquéfiée par le
êu : mais lorsqu’après sa formation et son
efroidissement , les vapeurs , qui étoiçnt
tendues et raréfiées , comme nous voyons
atmosphère et les feux d’une comète, se
tirent condensées, elles tombèrent sur la
|urface de la terre, et formèrent l’air et
eau ; et lorsque ces eaux qui éloient à la
ùrface furent agitées par le mouvement du
ux et du reflux , les matières furent en-
tamées peu à peu des pôles vers l’équateur,
n sorte qu’il est possible que les parties
es pôles se soient abaissées d’environ une
eue, et que les parties de l’équateur se
bient élevées de la môme quantité. Cela ne
est pas fait tout à coup, mais peu à peu
t dans la succession des temps : la terre
tant à l’extérieur exposée aux vents, à bac-
on de l’air et du soleil, toutes ces causes
'régulières ont concouru avec le flux et le
bflux pour sillonner sa surface, y creuser
es profondeurs, y élever des montagnes;
s qui a produit des inégalités, des irrégu-
rités , dans cette couche de terre remuée ,
ont cependant la plus grande épaisseur ne
lié- jeut être que d’une lieue sous l’équateur,
etle inégalité de deux lieues est peut-être
plus grande qui puisse être à la surface de
terre; car les plus hautes montagnes n’ont
1ère qu’une lieue de hauteur, et les plus
’andes profondeurs de la mer n’ont peut-
re pas une lieue. La théorie est donc vraie,
. la pratique peut l’être aussi : la terre a
jî d’abord n’être élevée sous l’équateur que
environ six lieues et demie de plus qu’aux
blés, et ensuite, par les changemens qui
|nt arrivés à sa surface , elle a pu s’élever
avantage. L’histoire naturelle confirme mer-
iilleusement cette opinion, et nous avons
ouvé, dans le discours précédent, que
c’est le flux et reflux , et les autres mouve-'
mens des eaux, qui ont produit les mon-
tagnes et toutes les inégalités de la surface
du globe; que cette même surface a subi
des changemens très-considérables, et qu’à
de grandes profondeurs, comme sur les
plus grandes hauteurs, on trouve des os,
des coquilles, et d’autres dépouilles d’ani-
maux habitans des mers ou de la surface
de la terre.
On peut conjecturer, par ce qui vient
d’être dit, que pour trouver la terre an-
cienne et les matières qui n’ont jamais été
remuées, il faudroit creuser dans les cli7
mats voisins des pôles , où la couche de terré
remuée doit être plus mince que dans les
climats méridionaux.
Au reste , si l’on examine de près les me-
sures par lesquelles on a déterminé la figure
de la terre, on verra bien qu’il entre de
l’hypothétique dans cette détermination ,
car elle suppose que la terre a une figure
courbe régulière ; au lieu qu’on peut penser
que la surface du globe ayant été altérée
par une grande quantité de causes combi-
nées à l’infini, elle n’a peut-être aucune
figure régulière, et dès lors la terre pour-
roit bien n’être en effet aplatie que d’une
a3oe partie, comme le dit Newton, et
comme la théorie le demande. D’ailleurs,
on sait bien que, quoiqu’on ait exactement
la longueur du degré au cercle polaire et à
l’équateur, on a aussi exactement la lon-
gueur du degré en France , et que l’on n’a
pas vérifié la mesure de M. Picard. Ajoutez
à cela que la diminution et l’augmentation
du pendule ne peuvent pas s’accorder avec
le résultat des mesures, et qu’au contraire
elles s’accordent à très-peu près avec la
théorie de Newton. En voilà plus qu’il n’eù
faut pour qu’on puisse croire que la terré
n’est réellement aplatie que d’une a3o^
partie, et que, s’il y a quelque différence,
elle ne peut venir que des inégalités que
les eaux et les autres causes extérieures ont
produites à la surface ; et ces inégalités étant 9
selon toutes les apparences, plus irrégulières
que régulières, on ne doit pas faire d’hypo-
thèses sur cela , ni supposer , comme on l’a
fait, que les méridiens sont des ellipses ou
d’autres courbes régulières : d’où l’on voit
que quand on mesureroit successivement
plusieurs degrés de la terre dans tous les
sens, on ne seroit pas encore assuré par
là de la quantité d’aplatissement qu’elle peut
avoir de moins ou de plus que la 2 3o®
partie.
Ne doit-on pas conjecturer aussi que si
BüFForr. I.
THÉORIE DE LA TERRE,
l’ inclinaison de î’âxe de la terre a changé ,
ce ne peut être qu’en vertu des changeinens
arrivés à la surface , puisque tout le reste du
globe est homogène; que par conséquent
celte variation est trop peu sensible pour
être aperçue par les astronomes, et qu’à
moins que la terre ne soit rencontrée par
quelque comète, ou dérangée par quelque
autre cause extérieui’e , son axe demeurera
perpétuellement incliné comme il l’est au-
jourd’hui, et comme il l’a toujours été?
Et atin de n’omettre aucune des conjec-
tures qui me paroissent raisonnables, ne
peut-on pas dire que comme les montagnes
et les inégalités qui sont à la surface de la
terre ont été formées par l’action du flux et
reflux , les montagnes et les inégalités que
nous remarquons à la surface de la lune
ont été produites par une cause semblable ?
qu’elles sont beaucoup plus élevées que
celles de la terre, parce que le flux et reflux
y est beaucoup plus fort, puisqu’ici c’est la
lune, et là c’est la terre, qui le cause, dont
la masse étant beaucoup plus considérable
que celle de la lune, devrait produire des
effets beaucoup plus grands, si la lune avoit,
comme la terre , un mouvement de rotation
rapide par lequel elle nous présenterait suc-
cessivement toutes les parties de sa surface ?
mais comme la lune présente toujours la
même face à la terre, le flux et le reflux ne
peuvent s’exercer dans cette planète qu’en
vertu de son mouvement de libration, par
lequel elle nous découvre alternativement
un segment de la surface; ce qui doit pro-
duire une espèce de flux et de reflux fort
différent de celui de nos mers, et dont les
effets doivent être beaucoup moins consi-
dérables qu’ils ne le seraient , si ce mouve-
ment avoit pour cause une révolution de
cette planète autour de son axe, aussi
prompte que l’est la rotation du globe ter-
restre.
J’aurais pu faire un livre gros comme
celui de Burnet ou de Whislon, si j’eusse
voulu délayer les idées qui composent le
système qu’on vient de voir ; et , en leur don-
nant l’air géométrique, comme l’a fait ce
dernier auteur , je leur eusse en même temps
donné du poids; mais je pense que des hy-
pothèses, quelque vraisemblables qu’elles
soient, ne doivent point être traitées avec
cet appareil qui tient un peu de la charla-
tanerie.
A Buffon, le 20 septembre 1745.
ARTICLE îî.
Du système de M. Whistoit
Cet auteur commence son traité de la
Théorie de la terre par une dissertation sur
la création du monde. Il prétend qu’on a
toujours mal entendu le texte de la Genèse ,
qu’on s’est trop attaché à la lettre et au sens
qui se présente à la première vue , sans faire
attention à ce que la nature, la raison, la
philosophie, et même la décence, exigeoient
de l’écrivain pour traiter dignement cette
matière. Il dit que les notions que l’on a
communément de l’ouvrage des six jours
sont absolument fausses, et que la descrip-
tion de Moïse n’est pas une narration exacte
et philosophique de la création de l’univers
entier et de l’origine de toutes choses, mais
une représentation historique de la forma-
tion du seul globe terrestre. La terre, selor
lui, existoit auparavant dans le chaos, ei
elle a reçu dans le temps mentionné par
Moïse la forme, la situation, et la consis
tance nécessaires pour pouvoir être habité»
par le genre humain. Nous n’entrerons poin
dans le détail de ses preuves à cet égard
et nous n’entreprendrons pas d’en faire It
réfutation : l’exposition que nous venons di
faire suffit pour démontrer la contrariété di
son opinion avec la foi , et par conséquen a }
l’insuffisance de ses preuves. Au reste, il h
traite cette matière en théologien contra i s
versiste plutôt qu’en philosophe éclairé. f t
Partant de ces faux principes, il pass
à des suppositions ingénieuses, et quii
quoique extraordinaires, ne laissent pas d’s
voir un degré de vraisemblance lorsqu’oi
veut se livrer avec lui à l’enthousiasme d
système. Il dit que l’ancien chaos, l’originj
de notre terre , a été l’atmosphère d’une cc
mète; que le mouvement annuel de la terr
a commencé dans le temps qu’elle a pri |çt
une nouvelle forme; mais que son motive
ment diurne n’a commencé qu’au temps d
la chute du premier homme ; que le cercl
de l’écliptique coupoit alors le tropique du cai
cer au point du paradis terrestre à la irontièi j qu
d’Assyrie, du côté du nord-ouest ; qu’avant
déluge l’année commençoil à l’équinoxeji’ai
tomne ; que les orbites originaires des plam
tes, et surtout l’orbite delà terre, étoien
avant le déluge, des cercles parfaits ; que le d
luge a commencé le 18e jour de novembi
de l’année 2365 de la période julienn»
c’est-à-dire 234Q ans avant i’ère chrétien»
î. À new Tbeory of the eartb, by Will. Wbisto
London, 1708.
ART. ÏI. SYSTÈME DE M. WHISTON,
99
que l’année solaire et l’année lunaire étoient
les mêmes avant le déluge, et qu’elles con-
tenoient juste 36o jours; qu’une comète
descendant dans le plan de l’écliptiqué vers
son périhélie, a passé tout auprès du globe
ur jde la terre le jour même que le déluge a
commencé; qu’il y a une grande chaleur
dans l’intérieur du globe terrestre, qui se
ni répand constamment du centre à la circon-
cire iférence; que la constitution intérieure et lo-
1) taie de la terre est comme celle d’un œuf,
ni ancien emblème du globe ; que les mon-
tagnes sont les parties les plus légères de la
terre, etc. Ensuite il attribue au déluge uni-
versel toutes les altérations et tous les chan-
ïipfgemens arrivés à la surface et à l’intérieur
acte du globe; il adopte aveuglément les hypo-
thèses de Woodward , et se sert indislinc-
lœuftement de toutes les observations de cet au-
teur au sujet de l’état présent du globe ;
mais il y ajoute beaucoup lorsqu’il vient à
,e traiter de l’état futur de la terre : selon lui,
elle périra par le feu , et sa destruction sera
iis (précédée de tremblemens épouvantables,
de tonnerres, et de météores effroyables;
iin le soleil et la lune auront l’aspect hideux,
les cieux paraîtront s’écrouler , l’incendie
sera général sur la terre : mais lorsque le
è feu aura dévoré tout ce qu’elle contient
d d’impur, lorsqu’elle sera vitrifiée et trans-
parente comme le cristal , les saints et les
, i | bienheureux viendront en prendre posses-
Ision pour l’habiter jusqu’au temps du juge-
ment dernier.
assi Toutes ces hypothèses semblent, au pre-
jiii mier coup d’œil , être autant d’assertions té-
d’a méraires, pour ne pas dire extravagantes.
i’üi Cependant l’auteur les a maniées avec tant
à j d’adresse , et les a réunies avec tant de force,
j- J qu’elles cessent de paroitre absolument chi-
co Stériques. Il met dans son sujet autant d’es-
ecp prit et de science qu’il peut en comporter,
pt et on sera toujours étonné que d’un mélange
ivtj d’idées aussi bizarres et aussi peu faites
d jpour aller ensemble, on ait pu tirer un sys-
rfiütème éblouissant: ce n’est pas même aux
I esprits vulgaires, c’est aux yeux des savans
ièi I qu’il paraîtra tel, parce que les savans sont
il î déconcertés plus aisément que le vulgaire
'ai; i par l’étalage de l’érudition et par la force
inè 1 et la nouveauté des idées. Notre auteur étoit
en j un astronome célèbre, accoutumé à voir le
di ciel en raccourci, à mesurer les mouvemens
i| des astres , à eompasser les espaces des
mi cieux : il n’a jamais pu se persuader que ce
ij petit grain de sable, cette terre que nous
habitons, ait attiré l’attention du Créateur
au point de l’occuper plus long-temps que
le ciel et l’univers entier , dont la vaste éten-
due contient des millions de millions de so-
leils et de terres. Il prétend donc que Moïse
ne nous a pas donné l’histoire de la pre-
mière création, mais seulement le détail
de la nouvelle forme que la terre a prise
lorsque la main du Tout-Puissant l’a tirée
du nombre des comètes pour la faire pla-
nète, ou, ce qui revient au même, lorsque
d’un monde en désordre et d’un chaos in-
forme il en a fait une habitation tranquille
et un séjour agréable. Les comètes sont en
effet sujettes à des vicissitudes terribles à
cause de l’excentricité de leurs orbites : tan-
tôt, comme dans celle de 1680, il y fait
mille fois plus chaud qu’au milieu d’un bra-
sier ardent; tantôt il y fait mille fois plus
froid que dans la glace, et elles ne peuvent
guère être habitées que par d’étranges créa-
tures, ou, pour trancher court, elles sont
inhabitées.
Les planètes, au contraire, sont des lieux
de repos où la distance au soleil ne variant
pas beaucoup , la température reste à peu
près la même, et permet aux espèces de
plantes et d’animaux de croître, de durer
et de multiplier.
Au commencement, Dieu créa donc l’uni-
vers; mais, selon notre auteur, la terre,
confondue avec les autres astres écrans ,
n’étoit alors qu’une comète inhabitable ,
souffrant alternativement l’excès du froid
et du chaud, dans laquelle les matières se
liquéfiant, se vitrifiant, se glaçant tour à
tour, formoient un chaos, un abîme enve-
loppé d’épaisses ténèbres : et tenebræ erant
super faciem abyssi. Ce chaos étoit l’atmo-
sphère de la comète qu’il faut se représenter
comme un corps composé de matières hété-
rogènes, dont le centre étoit occupé par un
noyau sphérique, solide et chaud, d’environ
deux mille lieues de diamètre, autour du-
quel s’étendoil une très-grande circonférence
d’un fluide épais, mêlé d’une matière in-
forme, confuse, telle qu’étoit l’ancien chaos:
rudis indigestaque moles. Cette vaste atmo-
sphère ne conlenoit que fort peu de parties
sèches, solides ou terrestres, encore moins
de particules aqueuses ou aériennes, mais
une grande quantité de matières fluides ,
denses et pesantes, mêlées, agitées et con-
fondues ensemble. Telle étoit la terre la
veille des six jours; mais dès le lendemain,
c’est-à-dire dès le premier jour de la créa-
tion , lorsque l’orbite excentrique de la co-
mète eût été changée en ellipse presque
circulaire , chaque chose prit sa place , et
les corps s’arrangèrent suivant la loi de leur
îoo THEORIE DE LA TERRE.
gravité spécifique : les fluides pesans des-
cendirent au plus bas, et abandonnèrent
aux parties terrestres, aqueuses et aériennes
la région supérieure ; celles-ci descendirent
aussi dans leur ordre de pesanteur, d’abord
la terre , ensuite l’eau , et enfin l’air ; et cette
sphère d’un chaos immense se réduisit à un
globe d’un volume médiocre, au centre du-
quel est le noyau solide qui conserve en-
core aujourd’hui la chaleur que le soleil lui
a autrefois communiquée lorsqu’il étoit
hoyau de comète. Cette chaleur peut bien
durer depuis six mille ans , puisqu’il en fau-
drait cinquante mille à la comète de 1680
pour se refroidir, et qu’elle a éprouvé en
passant à son périhélie une chaleur deux
mille fois plus grande que celle d’un fer
rouge. Autour de ce noyau solide et brûlant
qui occupe le centre de la terre, se trouve
le fluide dense et pesant qui descendit le
premier, et c’est ce fluide qui forme le grand
abîme sur lequel la terre porteroit comme
!e liège sur le vif-argent; mais comme les
parties terrestres éloient mêlées de beaucoup
d’eau, elles ont, en descendant, entraîné
une partie de cette eau , qui n’a pu remonter
lorsque la terre a été consolidée, et cette
eau forme une couche concentrique au fluide
pesant qui enveloppe le noyau : de sorte que
le grand abîme est composé de deux orbes
concentriques, dont le plus intérieur est un
fluide pesant, et le supérieur est de l’eau;
c’est proprement cette couche d’eau qui sert
de fondement à la terre , et c’est de cet ar-
rangement admirable de l’atmosphère de la
comète que dépendent la théorie de la terre
et l’explication des phénomènes.
Car on sent bien que quand l’atmosphère
de la comète fut une fois débarrassée de
toutes ces matières solides et terrestres, il
ne resta plus que la matière légère de l’air,
à travers laquelle les rayons du soleil pas-
sèrent librement; ce qui tout d’un coup
produisit la lumière : fiat lux. On voit bien
que les colonnes qui composent l’orbe de la
terre s’étant formées avec tant de précipi-
tation, elles se sont trouvées de différentes
densités , et que par conséquent les plus pe-
santes ont enfoncé davantage dans ce fluide
souterrain , tandis que les plus légères ne se
sont enfoncées qu’à une moindre profon-
deur ; et c’est ce qui a produit sur la sur-
face de la terre des vallées et des montagnes.
Ces inégalités étoient , avant le déluge , dis-
persées et situées autrement qu’elles ne le
sont aujourd’hui : au lieu de la vaste vallée
qui contient l’océan , il y avoit sur toute la
surface du globe plusieurs petites cavités
séparées qui contenoient chacune une partie
de cette eau, et faisoient autant de petites !
mers particulières; les montagnes étoient I
aussi plus divisées et ne formoient pas des :
chaînes comme elles en forment aujour- j
d’hui. Cependant la terre étoit mille fois J
plus peuplée, et par conséquent mille fois :
plus fertile qu’elle ne l’est ; la vie des hom- j;
mes et des animaux étoit dix fois plus Ion- !
gue, et tout cela parce que la chaleur inté- j;
rieure de la terre , qui provient du noyau 1
central , étoit alors dans toute sa force , et ! 1
que ce plus grand degré de chaleur faisoit j <
éclore et germer un plus grand nombre 11
d’animaux et de plantes , et leur donnoit le H
degré de vigueur nécessaire pour durer plus |
long-temps et se multiplier plus abondam- j <
ment ; mais cette même chaleur, en aug- ; 1
mentant les forces du corps, porta malheu- |t
reusement à la tête des hommes et des jj<
animaux; elle augmenta les passions, elle b
ôta la sagesse aux animaux et l’innocence à fi
l’homme; tout, à l’exception des poissons P
qui habitent un élément froid, se ressentit 'P
des effets de cette chaleur du noyau; enfin, N
tout devint criminel et mérita la mort. Elle N
arriva, cette mort universelle, un mercredi pi
28 novembre, par un déluge affreux de Jft
uarante jours et de quarante nuits; et ce |l'i
éluge fut causé par la queue d’une autre P
comète qui rencontra la terre en revenant de
son périhélie. là
La queue d’une comète est la partie la si
Elus légère de son atmosphère ; c’est un e
rouillard transparent, une vapeur subtile, fî«
que l’ardeur du soleil fait sortir du corps et tjjde
de l’atmosphère de la comète; cette vapeur, .de
composée de particules aqueuses et aériennes sfloi
extrêmement raréfiées, suit la comète lors- javi
qu’elle descend à son périhélie, et la pré— i en
cède lorsqu’elle remonte , en sorte qu’elle j toi
est toujours située du côté opposé au soleil, w
comme si elle cherchoit à se mettre à l’om- -lieu
bre et à éviter la trop grande ardeur de cet lima
astre. La colonne que forme celte vapeur ficoi
est souvent d’une longueur immense; et plus ftei
une comçte approche du soleil , plus la h
queue est longue et étendue, de sorte qu’elle Isaii
occupe souvent des espaces très-grands, et ijCe
comme plusieurs comètes descendent au des- liai
sous de l’orbe annuel de la terre, il n’est jjdei
pas surprenant que la terre se trouve quel- ceo
quefois enveloppée de la vapeur de cette jlipie
queue; c’est précisément ce qui est arrivé pue
dans le temps du déluge : il n’a fallu que I cou:
deux heures de séjour dans cette queue de Ipré
comète pour faire tomber autant d’eau qu’il j asir
y en a dans la mer; enfin cette queue étoit f jtom
ART. II. SYSTÈME
U(
les es cataractes du ciel : et cataractes cœli
eut r ipertœ surit. En effet, le globe terrestre
ayant une fois rencontré la queue de la co-
r-imète, il doit, en y faisant sa roule, s’ap-
ois aroprier une partie de la matière qu’elle
ois Contient : tout ce qui se trouvera dans la
m. .phère de l’attraction du globe doit tomber
®. mr la terre , et tomber en forme de pluie ,
tés puisque cette queue est en partie composée
5« le vapeurs aqueuses. Voilà donc une pluie
et lu ciel qu’on peut faire aussi abondante
oit ju’on voudra, et un déluge universel dont
ne es eaux surpasseront aisément les plus
le ;iautes montagnes. Cependant notre auteur,
lus jui, dans cet endroit, ne peut pas s’éloigner
ij. de la lettre du livre sacré, ne donne pas
i’. pour cause unique du déluge cette pluie
J ;irée de si loin ; il prend de l’eau partout
les où il y en a : le grand abîme , comme nous
Ile ivonsvu, en contient une bonne quantité,
ij La terre, à l’approche de la comète, aura
es sans doute éprouvé la force de son attrac-
tit ion : les liquides contenus dans le grand
iQ) abîme auront été agités par un mouvement
lie ie flux et de reflux si violent , que la croûte
di superficielle n’aura pu résister; elle se sera
de ’endue en divers endroits, et les eaux de
ce l’intérieur se seront répandues sur la surface:
re et rupti surit, fontes abyssi.
de Mais que faire de ces eaux que la queue
de la comète et le grand abîme ont fournies
la si libéralement ? Notre auteur n’en est point
ja embarrassé. Dès que la terre, en continuant
et sa route , se fut éloignée de la comète , l’effet
et 'de son attraction, le mouvement de flux et
irr de reflux, cessa dans le grand abîme, et dès
ej lors les eaux supérieures s’y précipitèrent
J avec violence par les mêmes voies qu’elles
é- en étoient sorties : le grand abîme absorba
Ile toutes les eaux superflues, et se trouva d’une
il( .capacité assez grande pour recevoir non
tt. seulement les eaux qu’il avoit déjà contenues,
et mais encore toutes celles que la queue de la
llt comète avoit laissées, parce que, dans le
m temps de son agitation et de la rupture de
la la croûte, il avoit agrandi l’espace en pous-
|)e saut de tous côtés la terre qui l’environnoit.
et Ce fut aussi dans ce temps que la figure de
;s. la terre, qui jusque-là avoit été sphérique,
,st devint elliptique , lant par l’effet de la force
centrifuge causée par son mouvement diurne
te que par l’action de la comète , et cela parce
sé que la terre, en parcourant la queue de la
ne comète, se trouva posée de façon qu’elle
Je présentoit les parties de l’équateur à cet
,’é astre, et que la force de l’attraction de la
)j 'comète , concourant avec la force centrifuge
de la terre, fit élever les parties de l’équa-
DE M. WHÎSTON. tôt
teur avec d’autant plus de facilité que la
croûte étoit rompue et divisée en une infi-
nité d’endroits, et nue l’action du flux et du
reflux de l’abîme poussoit plus violemment
que partout ailleurs les parties sous l’équa-
teur.
Voilà donc l’histoire de la création, les
causes du déluge universel , celles de la lon-
gueur de la vie des premiers hommes , et
celles de la figure de la terre. Tout cela
semble n’avoir rien coûté à notre auteur;
mais l’arche de Noé paroît l’inquiéter beau-
coup. Comment imaginer en effet qu’au
milieu d’un désordre aussi affreux, au milieu
de la confusion de la queue d’une comète
avec le grand abîme, au milieu des ruines
de l’orbe terrestre , et dans ces terribles
momens où non seulement les élémens de la
terre étoient confondus, mais où il arrivoil
encore du ciel et du tartare de nouveaux
élémens pour augmenter le chaos ; comment
imaginer que l’arche voguât tranquillement
avec sa nombreuse cargaison sur la cime des
flots ? Ici, notre auteur rame et fait de grands
efforts pour arriver et pour donner une rai-
son physique de la conservation de l’arche :
mais comme il m’a paru qu’elle étoit insuffi-
sante, mal imaginée, et peu orthodoxe, je
ne la rapporterai point ; il me suffira de faire
sentir combien il est dur pour un homme
qui a -expliqué de si grandes . choses sans
avoir recours à une puissance surnaturelle
ou au miracle, d’être arrêté par une cir-
constance particulière : aussi notre auteur
aime mieux risquer de se noyer avec l’arche
que d’attribuer, comme il le devoit, à la
bonté immédiate du Tout-Puissant, la con-
servation de ce précieux vaisseau.
Je ne ferai qu’une remarque sur ce sys-
tème , dont je viens de faire une exposition
fidèle, c’est que toutes les fois qu’on sera
assez téméraire pour vouloir expliquer par
des raisons physiques les vérités théologi-
ques, qu’on se permettra d’interpréter, dans
des vues purement humaines, le texte divin
des livres sacrés, et que l’on voudra rai-
sonner sur les volontés du Très-Haut et sur
l’exécution de ses décrets, on tombera né-
cessairement dans les ténèbres et dans le
chaos où est tombé l’auteur de ce système ,
qui cependant a été reçu avec grand applau-
dissement. Il ne doutoit ni de la vérité du
déluge, ni de l’authenticité des livres sacrés:
mais comme il s’en étoit beaucoup moins
occupé que de physique et d’astronomie, il
a pris les passages de l’Écriture-Sainte pour
des faits de physique et pour des résultats
d’observations astronomiques ; et il a si
THÉORIE DE LA TERRE.
étrangement mêlé la science divine avec nos
sciences humaines, qu’il en est résulté la
chose du monde la plus extraordinaire, qui
est ïe système que nous venons d’exposer.
ARTICLE III.
Du système de M. Burnet 1.
Cet auteur est le premier qui ait traité
cette matière généralement et d’une manière
systématique. Il avoit beaucoup d’esprit et
étoit homme de belles-lettres. Son ouvrage
a eu une grande réputation, et il a été cri-
tiqué par quelques savans, entre autres par
M. Keill, qui, épluchant cette matière en
géomètre , a démontré les erreurs de Burnet
dans un traité qui a pour titre : Examina-
tion of the Theory of the eart ; London ,
1734, 2e édit. Ce même M. Keill a aussi ré-
futé le système de Whiston : mais il traite
ce dernier auteur bien différemment du
premier; il semble même qu’il est de son
avis dans plusieurs cas , et il regarde comme
une chose fort probable le déluge causé par
la queue d’une comète. Mais pour revenir à
Burnet, son livre est élégamment écrit; il
sait peindre et présenter avec force de gran-
des images, et mettre sous les yeux des
scènes magnifiques. Son plan est vaste; mais
l’exécution manque faute de moyens : son
raisonnement est petit, ses preuves sont
foibles, et sa confiance est si grande, qu’il
la fait perdre à son lecteur.
Il commence par nous dire qu’avant le
déluge la terre avoit une forme très-diffé-
rente de celle que nous lui voyons aujour-
d’hui. C’étoit d’abord une masse fluide , un
chaos composé de matières de toute espèce
et de toute sorte de figures : les plus pesan-
tes descendirent vers le centre , et formè-
rent au milieu du globe un corps dur et
solide , autour duquel les eaux , plus légères,
se rassemblèrent et enveloppèrent de tous
côtés le globe intérieur ; l’air , et toutes les
liqueurs plus légères que l’eau , la surmon-
tèrent et l’enveloppèrent aussi dans toute la
circonférence : ainsi entre l’orbe de l’air et
celui de l’eau il se forma un orbe d'huile
et de liqueur grasse.plus légères que l’eau.
Mais comme l’air étoit encore fort impur,
et qu’il conienoit une très-grande quantité
de petites particules de matière terrestre,
peu à peu ces particules descendirent , tom-
1. Thomas Burnet: Telluris Theoria sacra , orbis
nostri originem et mutadones generales , quas aut jam
subiit , aut olim subilurus est, complectens. Loudini
j68i
bèrent sur la couche d’huile , et formèrent
un orbe terrestre mêlé de limon et d’huile ;
et ce fut là la première terre habitable et
le premier séjour de l’homme. C’étoit un j
excellent terrain, une terre légère, grasse,
et faite exprès pour se prêter à la faiblesse
des premiers germes. La surface du globe :
terrestre étoit donc, dans ces premiers temps, j
égale, uniforme, continue, sans montagnes,
sans mers, et sans inégalités. Mais la terre!
ne demeura qu’environ seize siècles dans cet
état; caria chaleur du soleil, desséchant
peu à peu cette croûte limoneuse , la fit ;
fendre d’abord à la surface; bientôt ces
fentes pénétrèrent plus avant, et s’augmen-
tèrent si considérablement avec le temps,
qu’enfin elles s’ouvrirent en entier; dans’
un instant toute la terre s’écroula et tomba |
par morceaux dans l’abîme d’eau qu’elle*
contenoit ; voilà comme se fit le déluge uni- j
verse 1.
Mais toutes ces masses de terre, en tom-j
bant dans l’abîme , entraînèrent une grande 1
quantité d’air ; et elles se heurtèrent , se j (
choquèrent , se divisèrent , s’accumulèrent I (
si irrégulièrement, qu’elles laissèrent entre! (
elles de grandes cavités remplies d’air. Les| (
eaux s’ouvrirent peu à peu les chemins de (
ces cavités ; et à mesure qu’elles les remplis- (
soient, la surface de la terre se découvrait j J
dans les parties les plus élevées. Enfin il ne j
resta de l’eau que dans les parties les plus!
basses, c’est-à-dire dans les vastes vallées I
qui contiennent la mer ; ainsi notre océan 1
est une partie de l’ancien abîme; le reste '
est entré dans les cavités intérieures avec J
lesquelles communique l’océan. Les îles el j ||
les écueils sont les petits fragmens , lest
continens sont les grandes masses de l’an- j j|
cienne croûte; et comme la rupture et là ^
chute de cette eroûte se sont faites avec ,
confusion, il n’est pas étonnant de trouver j,
sur la terre des éminences, des profondeurs ^
des plaines, et des inégalités de toute es-J j,
pèce. ^
Cet échantillon du système de Burnet
suffit pour en donner uue idée ; c’est ur !
roman bien écrit , et un livre qu’on peu
lire pour s’amuser, mais qu’on ne doit pad ^
consulter pour s’instruire. L’auteur ignorai ■ j
les principaux phénomènes de la terre , e j ,
n’étoit nullement informé des observations j
il a tout tiré de son imagination, qui, comme* ,
l’on sait , sert volontiers aux dépens de h ! e
vérité.
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I1
ART. IV. SYSTÈME DE M. WOODWARD.
ARTICLE 1Y.
Du système de M. Woodward *.
On peut dire de cet auteur qu’il a voulu
élever un monument immense sur une base
moins solide que le sable mouvant, et bâtir
l’édifice du monde avec de la poussière ; car
il prétend que dans le temps du déluge
il s’est fait une dissolution totale de la
terre. La première idée qui se présente
après avoir lu son livre, c’est que cette
dissolution s’est faite par les eaux du grand
abîme, qui se sont répandues sur la surface
de la terre , et qui ont délayé et réduit en
pâte les pierres , les rochers , les marbres,
les métaux, etc. Il prétend que l’abîme où
cette eau étoit renfermée s’ouvrit tout d’un
coup à la voix de Dieu , et répandit sur la
surface de la terre la quantité énorme d’eau
qui étoit nécessaire pour la couvrir et sur-
monter de beaucoup les pins hautes mon-
tagnes , et que Dieu suspendit la cause de
la cohésion des corps, ce qui réduisit tout
en poussière, etc. Il ne fait pas attention
que par ces suppositions il ajoute au miracle
du déluge universel d’autres miracles , ou
tout au moins des impossibilités physiques
qui ne s’accordent ni avec la lettre de la
sainte Écriture , ni avec les principes ma-
thématiques de la philosophie naturelle.
Mais comme cet auteur a le mérite d’avoir
rassemblé plusieurs observations importan-
tes , et qu’il connoissoit mieux que ceux qui
ont écrit avant lui les matières dont le
globe est composé, son système, quoique
mal conçu et mal digéré, n’a pas laissé d’é-
blouir les gens séduits par la vérité de quel-
ques faits particuliers et peu difficiles sur
la vraisemblance des conséquences générales.
Nous avons donc cru devoir présenter un
extrait de cet ouvrage, dans lequel, en ren-
dant justice au mérite de l’auteur et à l’exac-
titude de ses observations, nous mettrons
le lecteur en état de juger de l’insuffisance
de son système et de la fausseté de quelques-
unes de ses remarques. M. Woodward dit
avoir reconnu par ses yeux que toutes les
matières qui composent la terre en Angle-
terre, depuis sa surface jusqu’aux endroits
les plus profonds où il est descendu , étoient
disposées par couches , et que dans un grand
nombre de ces couches il y a des coquilles
et d’autres productions marines ; ensuite il
ajoute que par ses correspondans et par
ses amis il s’est assuré que dans tous les
x. Jean Woodward : An Essay towards the natural
History of the earth , etc.
ïo3
autres pays la terre est composée de même,
et qu’on y trouve des coquilles non seule-
ment dans les plaines et en quelques en-
droits , mais encore sur les plus hautes mon-
tagnes , dans les carrières les plus profon-
des, et en une infinité d’endroits : il a vu
que ces couches étoient horizontales et po-
sées les unes sur les autres , comme le se-
roient des matières transportées par les eaux
et déposées en forme de sédiment. Ces re-
marques générales, qui sont très-vraies, sont
suivies d’observations particulières, par les-
quelles il fait voir évidemment que les fos-
siles qu’on trouve incorporés dans les couches
sont de vraies coquilles et de vraies pro-
ductions marines , et non pas des minéraux,
des corps singuliers, des jeux de la na-
ture, etc. A ces observations, quoique en
partie faites avant lui , qu’il a rassemblées et
prouvées , il en ajoute d’autres qui sont
moins exactes ; il assure que toutes les ma-
tières des différentes couches sont posées
les unes sur les autres dans l’ordre de leur
pesanteur spécifique , en sorte que les plus
pesantes sont au dessous, et les plus légères
au dessus. Ce fait général n’est point vrai :
on doit. arrêter ici l’auteur, et lui montrer
les rochers que nous voyons tous les jours
au dessus des glaises , des sables , des char-
bons de terre , des bitumes , et qui certai-
nement sont plus pesans spécifiquement
que toutes ces matières ; car en effet , si par
toute la terre on trouvoit d’abord les cou-
ches de bitume , ensuite celles de craie , puis
celles de marne, ensuite celles de glaise,
celles de sable, celles de pierre, celles de
marbre , et enfin les métaux , en sorte que
la composition de la terre suivît exactement
et partout la loi de la pesanteur , et que les
matières fussent toutes placées dans l’ordre
de leur gravité spécifique, il y auroit ap-
parence qu’elles se seroient toutes précipi-
tées en même temps ; et voilà ce que notre
auteur assure avec confiance , malgré l’évi-
dence du contraire : car , sans être obser-
vateur, il ne faut qu’avoir des yeux pour
être assuré que l’on trouve des matières pe-
santes très-souvent posées sur des matières
légères , et que par conséquent ces sédimens
ne se sont pas précipités tous en même
temps, mais qu’au contraire ils ont été
amenés et déposés successivement par les
eaux. Comme c’est là le fondement de son
système , et qu’il porte manifestement à
faux , nous ne le suivrons plus loin que
pour faire voir combien un principe erroné
peut produire de fausses combinaisons et
de mauvaises conséquences. Toutes les ma-
ïo4
THÉORIE DE LA TERRE.
tières , dit notre auteur , qui composent la
terre , depuis les sommets des plus hautes
montagnes jusqu’aux plus grandes profon-
deurs des mines et des carrières , sont dis-
posées par couches , suivant leur pesanteur
spécifique: donc, conclut-il, toute la ma-
iière qui compose le globe a été dissoute et
S’est précipitée en même temps. Mais dans
quelle matière et en quel temps a-t-elle été
dissoute P Dans l’eau et dans le temps
dû déluge. Mais il n’y a pas assez d’eau
Êür le globe pour que cela se puisse, puis-
qu’il y a plus de terre que d’eau, et que
le fond de la mer est de terre. Eh bien !
nous dit-il , il y a de l’eau plus qu’il n’en
faut au centre de la terre : il ne s’agit
que de la faire monter; de lui donner
tout ensemble la vertu d’un dissolvant uni-
versel et la qualité d’un remède préservatif
pour les coquilles, qui seules n’ont pas
été dissoutes, tandis que les marbres et
les rochers l’ont été; de trouver ensuite
le moyen de faire rentrer cette eau dans
l’abîme, et de faire cadrer tout cela avec
l’histoire du déluge. Voilà le système de la
vérité duquel l’auteur ne trouve pas le
moyen de pouvoir douter; car quand on
lui oppose que l’eau ne peut point dissoudre
les marbres, les pierres, les métaux, sur-
tout en quarante jours qu’a duré le déluge,
il répond simplement que cependant cela
est arrivé. Quand on lui demande quelle
étoit donc la vertu de cette eau de l’abîme
pour dissoudre toute la terre et conserver
en même temps les coquilles, il dit qu’il
n’a jamais prétendu que cette eau fût un dis-
solvant ; mais qu’il est clair , par les faits,
que la terre a été dissoute , et que les co-
quilles ont été préservées. Enfin , lorsqu’on
le presse et qu’on lui fait voir évidemment
que s’il n’a aucune raison à donner de
ces phénomènes, son système n’explique
rien, il dit qu’il n’y a qu’à imaginer que
dans le temps du déluge la force de la
gravité et de la cohérence de la matière a
cessé tout à coup , et qu’au moyen de
cette supposition , dont l’effet est fort aisé
à concevoir, on explique d’une manière
satisfaisante la dissolution de l’ancien monde.
Mais , lui dit-on , si la force qui tient unies
les parties de la matière a cessé , pourquoi
les coquilles n’ont-elles pas été dissoutes
comme tout le reste ? Ici il fait un discours
sur l’organisation des coquilles et des os
des animaux, par lequel il prétend prouver
qne leur texture étant fibreuse et diffé-
rente de celle des minéraux, leur force
de cohésion est aussi d’un autre genre.
Après tout , il n’y a , dit-il , qu’à sup-
poser que la force de la gravité et de la ta
cohérence n’a pas cessé entièrement , mais d'
seulement qu’elle a été diminuée assez pour tli
désunir toutes les parties des minéraux, le
mais pas assez pour désunir celles des ani- é
maux. A tout ceci on ne peut pas s’empê- d
cher de reconnoîlre que notre auteur n’étoit p
pas aussi bon physicien qu’il étoit bon ob- si
servateur ; et je ne crois pas qu’il soit n1
nécessaire que nous réfutions sérieusement y,
des opinions sans fondement, surtout lors- a
qu’elles ont été imaginées contre les règles pi
de la vraisemblance , et qu’on n’en a tiré 1 n
que des conséquences contraires aux lois de q
la mécanique. \
ARTICLE V. J
Exposition de quelques autres systèmes. j
On voit bien que les trois hypothèses dont f
nous venons de parler ont beaucoup de j
choses communes; elles s’accordent toutes p
en ce point , que dans le temps du déluge a,
la terre a changé de forme, tant à l’extérieur p
qu’à l’intérieur : ainsi tous ces spéculatifs „
n’ont pas fait attention que la terre , avant d
le déluge, étant habitée par les mêmes es- p
pèces d’hommes et d’animaux, devoit être p
nécessairement telle , à très-peu près , qu’elle e
est aujourd’hui , et qu’en effet les livres saints p
nous apprennent qu’avant le déluge il y avoit p
sur la terre des fleuves , des mers , des mon- ^
tagnes, des forêts et des plantes; que ces (
fleuves et ces montagnes étoient pour la plu- s
part les mêmes, puisque le Tigre et l’Eu- Sl
phrate étoient les fleuves du paradis terres- p
tre ; que la montagne d’Arménie sur laquelle
l’arche s’arrêta, étoit une des plus hautes p
montagnes du monde au temps du déluge , p
comme elle l’est encore aujourd’hui ; que les ^
mêmes plantes et les mêmes animaux qui i [p
existent existoient alors, puisqu’il y est parlé y
du serpent, du corbeau, et que la colombe j
rapporta une branche d’olivier: car quoique p
M. de Tournefort prétende qu’il n’y a point „
d’oliviers à plus de 400 lieues du mont A.ra- ..
rath , et qu’il fasse sur cela d’assez mauvaises
plaisanteries 1 , il est cependant certain qu’il jj
y en avoit en ce lieu dans le temps du dé-
luge, puisque le livre sacré nous en assure;
et il n’est pas étonnant que dans un espace j
de 4000 ans les oliviers aient été détruits dans ]
ces cantons et se soient multipliés dans d’au-
tres. C’est donc à tort et contre là lettre de
la sainte Écriture que ces auteurs ont sup-
1. Voyage du Levantt vol. 11, page 336.
ART. y. QUELQUES AUTRES SYSTÈMES. xo5
posé que la terre étoit, avant le déluge, to-
talement différente de ce qu’elle est aujour-
d’hui ; et cette contradiction de leurs hypo-
thèses avec le texte sacré, aussi bien que
leur opposition avec les vérités physiques ,
doit faire rejeter leurs systèmes, quand
même ils seroient d’accord avec quelques
phénomènes : mais il s’en faut bien que cela
soit ainsi. Burnet, qui a écrit le premier,
ïi’avoit, pour fonder son système, ni obser-
vations , ni faits. Woodward n’a donné qu’un
essai , où il promet beaucoup plus qu’il ne
peut tenir ; son livre est un projet dont on
pas vu l’exécution : on voit seulement
qu’il emploie deux observations générales ;
la première , que la terre est partout com-
posée de matières qui autrefois ont été dans
un état de mollesse et de fluidité, qui ont
été transportées par les eaux, et qui se sont
déposées par couches horizon tales ; la seconde,
qu’il y a des productions marines dans l’in-
térieur de la terre en une infinité d’endroits.
Pour rendre raison de ces faits, il a recours
au déluge universel , ou plutôt il paroît ne
les donner que comme preuves du déluge :
mais il tombe , aussi bien que Burnet , dans
des contradictions évidentes ; car il n’est pas
permis de supposer avec eux qu’avant le dé-
tre luge il n’y avoit point de montagnes, puisqu’il
est dit précisément et très- clairement que
les eaux surpassèrent de quinze coudées les
plus hautes montagnes. D’autre côté , il n’est
pas dit que ces eaux aient détruit et dissous
ces montagnes: au contraire, ces montagnes-
so^t restées en place, et l’arche s’est arrêtée
sur celle que les eaux ont laissée la première
ï découvert. D’ailleurs, comment peut-on
l’imaginer que pendant le peu de temps qu’a
iuré le déluge, les eaux aient pu dissoudre
es montagnes et toute la terre? Y’est-ce pas
|ine absurdité de dire qu’en quarante jours
eau a dissous tous les marbres , tous les ro-
chers , toutes les pierres, tous les minéraux ?
’est-ce pas une contradiction manifeste que
l’admettre cette dissolution totale, et en
nême temps de dire que les coquilles et les
iroductions marines ont été préservées , et
tes jue tout ayant été détruit et dissous , elles
eules ont été conservées , de sorte qu’on les
etrouve aujourd’hui entières , et les mêmes
ire> [u’elles étoient avant le déluge ? Je ne crain-
Irai donc pas de dire qu’avec d’excellentes
ibservations , Woodward n’a fait qu’un fort
tiauvais système. Whiston, qui est venu le
lernier, a beaucoup enchéri sur les deux
utres; mais en donnant une vaste carrière
i son imagination, au
ombé en contradiction
moins n’est-il pas
: il dit des choses
fort peu croyables ; mais du moins elles ne
sont ni absolument ni évidemment impossi-
bles. Comme on ignore ce qu’il y a au centre
et dans l’intérieur de la terre, il a cru pouvoir
supposer que cet intérieur étoit occupé par un
noyau solide , environné d’un fluide pesant
et ensuite d’eau sur laquelle la croûte exté-
rieure du globe étoit soutenue, et dans la-
quelle les différentes parties de celte croûte
se sont enfoncées plus ou moins, à propor-
tion de leur pesanteur ou de leur légèreté
rélalive; ce qui a produit les montagnes et
les inégalités de la surface de la terre. Il faut
avouer que cet astronome a fait ici une faute
de mécanique : il n’a pas songé que la terre,
dans cette hypothèse, doit faire voûte de
tous côtés ; que par conséquent elle ne peut
être portée sur l’eau qu’elle contient , et en-
core moins y enfoncer. A cela près je ne
sache pas qu’il y ait d’autres erreurs de phy-
sique dans ce système. Il y en a un grand
nombre quant à la métaphysique et à la
théologie ; mais enfin on ne peut pas nier
absolument que la terre, rencontrant la
queue d’une comète , lorsque celle-ci s’ap-
proche de son périhélie , ne puisse être inon-
dée, surtout lorsqu’on aura accordé à l’au-
teur que la queue d’une comète peut contenir
des vapeurs aqueuses. On ne peut nier non
plus , comme une impossibilité absolue , que
la queue d’une comète , en revenant du pé-
rihélie , ne puisse brûler le terre, si on sup-
pose avec l’auteur que la comète ait passé
fort près du soleil, et qu’elle ait été prodi-
gieusement échauffée pendant son passage.
Il en est de même du reste de ce système ;
mais quoiqu’il n’y ait pas d’impossibilité ab-
solue , il y a si peu de probabilité à chaque
chose prise séparément, qu’il en résulte une
impossibilité pour le tout pris ensemble.
Les trois systèmes dont nous venons de
parler ne sont pas les seuls ouvrages qui
aient été faits sur la théorie de la terre. U
a paru, en 1729, un mémoire de M. Bour-
guet, imprimé à Amsterdam avec ses Let-
tres philosophiques sur la formation des
sels , etc., dans lequel il donne un échantil-
lon du système qu’il méditoit, mais qu’il
n’a pas proposé , ayant été prévenu par la
mort. Il faut rendre justice à cet auteur ;
personne n’a mieux rassemblé les phéno-
mènes et les faits : on lui doit même cette
belle et grande observation , qui est une des
clefs delà théorie de la terre; je veux parler
de la correspondance des angles des monta-
gnes. Il présente tout ce qui a rapport à ces
matières dans un grand ordre : mais , avec
tous ces avantages, il paroît qu’il n’auvoit
!
io6
THEORIE DE
{>as mieux réussi que les autres à faire une
listoire physique et raisonnée des change-
mens arrivés au globe, et qu’il étoil bien
éloigné d’avoir trouvé les vraies causes des ef-
fets qu’il rapporte; pour s’en convaincre, ilne
faut que jeter les yeux sur les propositions qu’il
déduit des phénomènes, et qui doivent servir
de fondement à sa théorie1. Il dit que le
globe a pris sa forme dans un même temps,
et non pas successivement ; que la forme et
la disposition du globe supposent nécessai-
rement qu’il a été dans un état de fluidité;
que l’état présent de la terre est très-diffé-
rent de celui dans lequel elle a été pendant
plusieurs siècles après sa première formation ;
que la matière du globe étoit dès le com-
mencement moins dense qu’elle ne l’a été
depuis qu’il a changé de face; que la con-
densation des parties solides du globe dimi-
nua sensiblement avec la vélocité du globe
même, de sorte qu’après avoir fait un cer-
tain nombre de révolutions sur son axe et
autour du soleil, il se trouva tout à coup
dans un état de dissolution qui détruisit sa
première structure; que cela arriva vers l’é-
quinoxe du printemps; que dans le temps
de cette dissolution les coquilles s’introdui-
sirent dans les matières dissoutes; qu’après
cette dissolution la terre a pris la forme que
nous lui voyons, et qu’aussitôl le feu s’y est
mis, la consume peu à peu , et va toujours
en augmentant, de sorte qu’elle sera dé-
truite un jour par une explosion terrible ,
accompagnée d’un incendie général, qui aug-
mentera l’atmosphère du globe et en dimi-
nuera le diamètre, et qu’alors la terre, au
lieu de couches de sable ou de terre, n’aura
que des couches de métal et de minéral cal-
ciné, et des montagnes composées d’amal-
games de différens métaux. En voilà assez
pour faire voir quel étoit le système que
l’auteur méditoit. Deviner de cette façon le
passé, vouloir prédire l’avenir, et encore
deviner et prédire à peu près comme les au-
tres ont prédit et deviné, ne me paroît pas
être un effort : aussi cet auteur avoit beau-
coup plus de connoissances et d’érudition
que de vues saines et générales , et il m’a
paru manquer de cette partie si nécessaire
aux physiciens, de cette métaphysique qui
rassemble les idées particulières, qui les rend
plus générales, et qui élève l’esprit au point
où il doit être pour voir l’enchaînement des
causes et des effets.
Le fameux Leibnitz donna en i683, dans
les Actes de Leipzick 2 , un projet de sys-
1. Voyez page ai
2. Page 4<>,
LA TERRE.
tème bien différent, sous le titre de Pro
togœa. La terre , selon Bourguet et tous
les autres, doit finir par le feu; selon
Leibnitz, elle a commencé par là, et a
souffert beaucoup plus de changemens et
de révolutions qu’on ne l’imagine. La plus
grande partie de la matière terrestre a été
embrasée par un feu violent dans le temps
que Moïse dit que la lumière fut séparée des
ténèbres. Les planètes, aussi bien que h
terre , étoient autrefois des étoiles fixes et
lumineuses par elles-mêmes. Après avoir
brûlé long-temps, il prétend qu’elles se soin
éteintes faute de matière combustible, e
qu’elles sont devenues des corps opaques
Le feu a produit par la fonte des matière:
une croûte vitrifiée, et la base de toute 1
matière qui compose le globe terrestre es
du verre, dont les sables ne sont que de.
fragmens : les autres espèces de terre se son
formées du mélange de ces sables avec de
sels fixes et de l’eau; et quand la croûte fu
refroidie, les parties humides, qui s’étoien
élevées en forme de vapeurs, retombèren
et formèrent les mers. Elles envelopperai
d’abord toute la surface du globe, et surmon
tèrent même les endroits les plus élevés, qu
forment aujourd’hui les conlinens et les îles
Selon cet auteur , les coquilles et autres dé
bris de la mer qu’on trouve partout, proi
vent que la mer a couvert toute Ta terre
et la grande quantité de sels fixes, de sa
blés , et de matières fondues et calcinées
qui sont renfermées dans les entrailles de 1
terre, prouve que l’incendie a été générai
et qu’il a précédé l’existence des mers. Quo:
que ces pensées soient dénuées de preuves
elles sont élevées, et on sent bien qu’elle
sont le produit des méditations d’un grau
génie. Les idées ont de la liaison, les hy
pothèses ne sont pas absolument impossible
et les conséquences qu’on en peut tirer n
sont pas contradictoires : mais le grand dé
faut de celte théorie c’est qu’elle ne s’appli
que point à l’état présent de la terre; c’e;
le passé qu’elle explique ; et ce passé est ,
ancien , et nous a laissé si peu de vestiges
qu’on peut en dire tout ce qu’on voudra
et qu’à proportion qu’un homme aura pli
d’esprit , il en pourra dire des choses qi
auront l’air plus vraisemblable. Assurer
comme l’assure Whiston , que la terre a él
comète, ou prétendre avec Leibnitz qu’el:
a été soleil, c’est dire des choses égalemei
possibles ou impossibles, et auxquelles
seroit superflu d’appliquer les règles d<
probabilités. Dire que la mer a autrefo
couvert toute la terre , qu’elle a envelopj
ÂRT. V. QUELQUES
ni, le globe tout entier, et que c’est par cette
ou raison qu’on trouve des coquilles partout ,
a n’est-ce pas faire attention à une chose très-
essentielle, qui est l’unité du temps de la
création? car si cela étoit, il faudroit néces-
sairement dire que les coquillages et les au-
tres animaux habitaus des mers, dont on
trouve les dépouilles dans l'intérieur de la
jj terre, ont existé les premiers, et long-temps
avant l’homme et les animaux terrestres :
or, indépendamment du témoignage des
givres sacrés, n’a-t-on pas raison de croire
, e[que toutes les espèces d’animaux et de végé-
taux sont à peu près aussi anciennes les
unes que les autres ?
M. Scheuchzer , dans une dissertation
esj qu’il a adressée à l’Académie des Sciences
Wen 1708, attribue., comme Woodward, le
( changement, ou plutôt la seconde forma-
, 1. Lion de la surface du globe, au déluge uni-
e|jjversel; et pour expliquer celle des monta-
r|i[gnes , il dit qu’qprès le déluge Dieu, voulant
Paire rentrer les eaux dans les réservoirs sou-
terrains, avoit brisé et déplacé de sa main
toute-puissante un grand nombre de lits au-
paravant horizontaux, et les avoit élevés
iiir la surface du globe. Toute la disserta-
tion a été faite pour appuyer celte opinion,
pomme il falloit que ces hauteurs ou émi-
pences fussent d’une consistance fort solide,
\1. Scheuchzer remarque que Dieu 11e les
lira que des lieux où il y avoit beaucoup
I |ile pierres : de là vient , dit-il , que les pays,
f| pomme- la Suisse, où il y en a une grande
'..quantité, sont montagneux, et qu’au con-
ü traire ceux qui , comme la Flandre , l’Alle-
,m jnjtagne, la Hongrie, la Pologne, n’ont que
du sable ou de l’argile, même à une assez
'f grande profondeur, sont presque entière-
, paient sans montagnes T.
1 I Cet auteur a eu plus qu’aucun autre le
'""défaut de vouloir mêler la physique avec la
j, théologie; et quoiqu’il nous ait donné quel-
If ques bonnes observations, la partie systé-
ceSfnalique de ses ouvrages est encore plus
mauvaise que celle de tous ceux qui l’ont
précédé : il a fait même sur ce sujet des dé-
damai ions et des plaisanteries ridicules.
P11 Voyez la plainte des poissons, Piscium
rjfyè'relœ, etc., sans parler de son gros livre
sn plusieurs volumes in-folio , intitulé Phy-
>ica sacra, ouvrage puéril, et qui paroît
1 “fait moins pour occuper les hommes que
1101 pour amuser les enfans par les gravures et
111 [es images qu’on y a entassées à dessein et
ans nécessite.
ï. VojezYHistoirs de l’Académie , 1708.., p. 3a.
AUTRES SYSTÈMES, 10?
Stenon, et quelques autres après lui, ont
attribué la cause des inégalités de la surface
de la terre à des inondations particulières ,
à des tremblemens de terre, à des secousses,
des éboulemens , etc. : mais les effets de ces
causes secondaires n’ont pu produire que
quelques légers changemens. Nous admet-
tons ces mêmes causes après la cause pre»
mière, qui est le mouvement du flux et re-
flux, et le mouvement de la mer d’orient en
occident. Au reste, Stenon ni les autres
n’ont pas donné de théorie , ni même des
faits généraux sur cette matière 3.
Ray prétend que toutes les montagnes
ont été produites par des tremblemens de
terre, et il a fait un traité pour le prouver.
Nous ferons voir, à l’article des volcans,
combien peu cette opinion est fondée.
Nous ne pouvons nous dispenser d’obser-
ver que la plupart des auteurs dont nous
venons de parler, comme Burnet, Whiston,
et Woodward, ont fait une faute qui nous
parqît mériter d’êire relevée, c’est d’avoir
regardé le déluge comme possible par l’ac-
tion des causes naturelles, au lieu que l’É-
criture-Sainte nous le présente comme pro-
duit par la volonté immédiate de Dieu. Il
n’y a aucune cause naturelle qui puisse pro-
duire sur la surface entière de la terre la
quantité d’eau qu’il a fallu pour couvrir les
plus hautes montagnes; et quand même on
pourrait imaginer une cause proportionnée
à cet effet , il seroit encore impossible de
trouver quelque autre cause capable de faire
disparaître les eaux : car en accordant à
Whiston que ces eaux sont venues de la
queue d’une comète, on doit lui nier qu’il
en soit venu du grand abîme, et qu’elles y
soient toutes rentrées, puisque le grand
abîme étant, selon lui, environné et pressé
de tous côtés par la croûte ou l’orbe ter-
restre, il est impossible que l’attraction de
la comète ait pu causer aux fluides conte-
nus dans l’intérieur de cet orbe le moindre
mouvement; par conséquent le grand abîme
n’aura pas éprouvé, comme il le dit, un
flux et reflux violent ; dès lors il n’en sera
pas sorii et il n’y sera pas entré une seule
goutte d’eau; et à moins de supposer que
l’eau tombée de la comète a été détruite par
miracle, elle seroit encore aujourd’hui sur
la surface de la terre, couvrant les sommets
des plus hautes montagnes. Rien ne carac-
térise mieux un miracle que l’impossibilité
d’en expliquer l’effet par les causes natu-
relles. Nos auteurs ont fait de vains efforts
s. Voyez la Dissertation de sçlido intra soli •
dum , etc.
io8 THÉORIE DE LA TERRE.
pour rendre raison du déluge : leurs erreurs
de physique au sujet des causes secondes
qu’ils emploient, prouvent la vérité du fait
tel qu’il est rapporté dans PÉcriture-Sainte ,
et démontrent qu’il n’a pu être opéré que
par la cause première, par la volonté de
Dieu.
D’ailleurs il est aisé de se convaincre que
ce n’est ni dans un seul et même temps , ni
par l’effet du déluge , que la mer a laissé à
découvert les continens que nous habitons :
car il est certain par le témoignage des li-
vres sacrés, que le paradis terrestre était en
Asie, et que l’Asie étoit un continent ha-
bité avant le déluge; par conséquent ce
n’est pas dans ce temps que les mers ont
couvert cette partie considérable du globe.
La terre étoit donc avant le déluge telle à
peu près qu’elle est aujourd’hui; et cette
énorme quantité d’eau que la justice divine
fit tomber sur la terre pour punir l’homme
coupable, donna en effet la mort à toutes
les créatures : mais elle ne produisit aucun
changement à la surface de la terre ; elle
ne détruisit pas même les plantes, puisque
la colombe rapporta une branche d’olivier.
Pourquoi donc imaginer, comme Pont
fait la plupart de nos naturalistes, que cette
eau changea totalement la surface du globe
jusqu’à mille et deux mille pieds de pro-
fondeur ? pourquoi veulent-ils que ce soit
le déluge qui ait apporté sur la terre les
coquilles qu’on trouve à sept ou huit cents
pieds dans les rochers et dans les marbres ?
pourquoi dire que c’est dans ce temps que
se sont formées les montagnes et les col-
lines ? et comment peut-on se figurer qu’il
soit possible que ces eaux aient amené des
masses et des bancs de coquilles de cent
lieues de longueur ? Je ne crois pas qu’on
puisse persister dans celle opinion, à moins
qu’on n’admette dans le déluge un double
miracle, le premier pour l’augmentation des
eaux , et le second pour le transport des co-
quilles; mais comme il n’y a que le premier
qui soit rapporté dans PEcriture-Sainte, je
ne vois pas qu’il soit nécessaire de faire un
article de foi du second.
D’autre côté, si les eaux du déluge, après
avoir séjourné au dessus des plus hautes
montagnes, se fussent ensuite retirées tout
à coup, elles auroient amené une si grande
quantité de limon et d’immondices, que les
terres n’auroient point été labourables ni
propres à recevoir des arbres et des vignes
que plusieurs siècles après cette inondation,
comme l’on sait que , dans le déluge qui ar-
riva en Grèce, le pays submergé fut totale-
ment abandonné, et ne put recevoir aucune
culture que trois siècles après cette inonda- i
lion I. Aussi doit-on regarder le déluge uni-
versel comme un moyen surnaturel dont
s’est servie la toute-puissance divine pour
le châtiment des hommes , et non comme
un effet naturel dans lequel tout se seroitj
passé selon les lois de la physique. Le dé-
luge universel est donc un miracle dans sa I
cause et dans ses effets; on voit clairement |
par le texte de PÉcriture-Sainte qu’il a servi !
uniquement pour détruire l’homme et les |
animaux, et qu’il n’a changé en aucune fa-ij
çon la terre, puisqu’après la retraite deî
eaux les montagnes, et même les arbres |
étoient à leur place, et que la surface de U:
terre étoit propre à recevoir la culture et i
produire des vignes et des fruits. Commenl ;
toute la race des poissons, qui n’entra pa:
dans l’arche, auroit-elle pu être conservé* j
si la terre eût été dissoute dans Peau ou seu-;
lement si les eaux eussent été assez agitée.1!
pour transporter les coquilles des Indes er
Europe , etc. ?
Cependant cette supposition, que c’est h
déluge universel qui a transporté les CO'
quilles de la mer dans tous les climats dé
la terre, est devenue l’opinion ou plutôt lu
superstition du commun des naturalistes!
Woodward, Scheuchzer, et quelques au
très appellent ces coquilles pétrifiées les resj
tes du déluge; ils les regardent comme le
médailles et les monumens que Dieu nou
a laissés de ce terrible événement , afin qu’i I
ne s’effaçât jamais de la mémoire du genr
humain ; enfin ils ont adopté cette hypothès
avec tant de respect, pour ne pas dire d’aver
glemenl , qu’ils ne paroissent s’être occupé '
qu’à chercher les moyens de concilier l’Écr
ture- Sainte avec leur opinion, et qu’au lieu d
se servir de leurs observations et d’en tirer d<
lumières, ils se sont enveloppés dans les nuagi
d’une théologie physique, dont l’obscurité et
petitesse dérogent à la clarté et à la digniij
de la religion, et ne laissent apercevoir au|
incrédules qu’un mélange ridicule d’idéu
humaines et de faits divins. Prétendre c
effet expliquer le , déluge universel et s<
causes physiques, vouloir nous apprend])
le détail de ce qui s’est passé dans le temj
de cette grande révolution, deviner que)
en ont été les effets , ajouter des faits à ceij
du livre sacré, tirer des conséquences <
ces faits, n’est-ce pas vouloir mesurer ,
puissance du Très-Haut? Les merveilles qi
sa main bienfaisante opère dans la natu i
i. Voyez Acta érudit Lips., anno 1691, p. xoci
de l’Ecjualeitr
ART V. QUELQUES
d’une manière uniforme et régulière , sont
i incompréhensibles; et à plus forte raison,
Ses coups d’éclat , les miracles doivent nous
tenir dans le saisissement et dans le silence.
Mais , diront-ils , le déluge universel étant
un fait certain , n’est-il pas permis de rai-
sonner sur les conséquences de ce fait ? A
la bonne heure : mais il faut que vous com-
menciez par convenir que le déluge universel
h’a pu s’opérer par les puissances physiques ;
fl faut que vous le reconnoissiez comme un
iffet immédiat de la volonté du Tout-Puis-
sant; il faut que vous vous borniez à en
savoir seulement ce que les livres sacrés
tous en apprennent , avouer en même temps
qu’il ne vous est pas permis d’en savoir da-
vantage, et surtout ne pas mêler une mau-
vaise physique avec la pureté du livre saint,
lies précautions , qu’exige le respect que
lions devons aux décrets de Dieu, étant
| prises, que reste-t-il à examiner au sujet du
jéluge? Est -il dit dans l’Écriture-Sainte
jue le déluge ait formé les montagnes ? U
est dit le contraire. Est-il dit que les eaux
fussent dans une agitation assez grande pour
Enlever du fond des mers les coquilles et les
Iransporter par toute la terre ? Non ; l’arche
foguoit tranquillement sur les flots. Est-il dit
jue la terre souffrit une dissolution totale ?
Point du tout. Le récit de l’historien sacré est
impie et vrai ; celui de ces naturalistes est
oniposé et fabuleux.
ARTICLE VI.
Géographie.
La surface de la terre n’est pas, comme
ielle de Jupiter, divisée par bandes alterna-
ives et parallèles à l’équateur : au contraire,
lie est divisée d’un pôle à l’autre par deux
tandes de terre et deux bandes dé mer. La
Première et principale bande est l’ancien
ontinent, dont la plus grande longueur se
t’ouve être en diagonale avec l’équateur, et
tu’on doit mesurer en commençant au nord
e la Tartarie la plus orientale, de là à la
erre qui avoisine le golfe Linchidolin, où
J&s Moscovites vont pêcher des baleines, de
\ à à Tobolsk, de Tobolsk à la mer Caspienne,
?je la mer Caspienne à la Mecque, de la
Mecque à la partie occidentale du pays ha-
bité par le peuple de Galles en Afrique,
Ensuite au Monoemugi, au Monomoîapa, et
nün au cap de Bonne - Espérance. Cette
jlgue, qui est la plus grande longueur de l’an-
' ien continent , est d’environ 36oo lieues T :
x. J’ai dit que la ligne que l'on peut tirer dans la
AUTRES SYSTÈMES. 109
elle n’est interrompue que par la mer Cas-
pienne et par la mer Rouge, dont les lar-
geurs ne sont pas considérables ; et on ne
plus grande longueur de l’ancien continent , est d’en-
viron 36oo lieues. J’ai entendu des lieues comme on
les compte aux environs de Paris , de 2000 ou aooo
toises, et qui sont d’environ 27 au degré.
Au reste, dans cet article de géographie géné-
rale , j’ai tâché d’apporter l’exactitude que deman-
dent des sujets de cette espèce; néanmoins il s’y
est glissé quelques petites erreurs et quelques né-
gligences. Par exemple, i° je n’ai pas donné les
noms adoptés ou imposés par les François à plu-
sieurs contrées de l’Amérique; j’ai suivi en tout les
globes anglois faits par Senex , de deux pieds de
diamètre , sur lesquels les cartes que j’ai données
ont été copiées exactement. Lee Anglois sont plus
justes que nous à l’égard des nations qui leur sont
indifférentes; ils conservent à chaque pays le nom
originaire, ou celui que leur a donné le premier
qui les a découverts. Au contraire, nous donnons
souvent nos noms françois à tous les pays où nous
abordons , et c’est de là que vient l’obscurité de
la nomenclature géographique dans notre langue.
Mais , comme les lignes qui traversent les deux
continens dans leur plus grande longueur sont bien
indiquées dans mes cartes par les deux points ex-
trêmes , et par plusieurs autres points intermé-
diaires, dont les noms sont généralement adoptés,
il ne peut y avoir sur cela aucune équivoque es-
sentielle. •
20 J’ai aussi négligé de donner le détail du cal-
cul de la superficie des deux continens, parce qu’il
est aisé de le vérifier sur un grand globe. Il en
résulte que dans la partie qui est à gauche de la
ligne de partage, il y a 2,471,092 3/4 lieues car-
rées, et 2,469,687 lieues carrées dans la partie qui
est à droite de la même ligne, et que par consé-
quent l’ancien continent contient en tout environ
4,940,980 lieues carrées, ce qui ne fait pas une
cinquième partie de la surface entière du globe.
Et de même la partie à gauche de la ligne
de partage dans le nouveau continent contient
1,069,286 5^6 lieues carrées, et celle qui est à
droite de la même ligne, en contient 1,070,926 1/12,
en tout 2,i4o,2i3 lieues environ; ce qui ne fait
pas la moitié de la surface de l’ancien continent.
Et les deux continens ensemble ne contenant que
7,080,993 lieues carrées , leur superficie ne fait
pas, à beaucoup près, le tiers de la surface totale
du globe , qui est environ de 26 millions de lieues
carrées.
3° J’aurois dû donner la petite différence d'in-
clinaison qui se trouve entre les deux lignes qui
partagent les deux continens; je me suis contenté
de dire qu’elles étoient l’une et l’autre inclinées à
l’équateur d’environ 3o degrés , et en sens opposés.
Ceci n’est en effet qu’un environ , celle de l’ancien
continent l’étant d’un peu plus de 3o degrés , et
celle du nouveau l'étant un peu moins. Si je me
fusse expliqué comme je viens de le faire , j’aurois
évité l’imputation qu’on m’a faite d’avoir tiré deux
lignes d’inégale longueur sous le même angle
entre deux parallèles : ce qui prouveroit , comme
l’a dit un critique anonyme, que je ne sais pas les
élémens de la géométrie.
4° J’ai négligé de distinguer la haute et la basse
Égypte : en sorte que, dans les pages 283 et 285 ,
il y a une apparence de contradiction ; il semble
que , dans le premier de ces endroits , l’Égypte soit
Î10
THÉORIE DE LÀ TERRE,
doit pas avoir égard aux petites interruptions
lorsque l’on considère, comme nous le fai-
sons, la surface du globe divisée seulement
en quatre parties.
Cette plus grande longueur se trouve en
mesurant le continent en diagonale : car si
on le mesure au contraire suivant les méri-
diens, on verra qu’il n’y a que i5oo lieues
depuis le cap nord de Laponie jusqu’au cap
de Bonne -Espérance, et qu’on traverse la
mer Baltique dans sa longueur, et la mer
Méditerranée dans toute sa largeur; ce qui
fait une bien moindre longueur et de plus
grandes interruptions que par la première
route. A l’égard de toutes les autres distances
qu’on pourroit mesurer dans l’ancien con-
tinent sous les mêmes méridiens, on les
trouvera encore beaucoup plus petites que
celles-ci, n’y ayant, par exemple, que 1800
lieues depuis la pointe méridionale de l’ile de
Ceylan jusqu’à la côte septentrionale de la
Nouvelle-Zemble. De même, si on mesure
le continent parallèlement à l’équateur, 011
trouvera que la plus grande longueur sans
interruption se trouve depuis la côte occi-
dentale de l’Afrique, à Trefana jusqu’à Ning-
po sur la côte orientale de la Chine, et qu’elle
est environ de 2800 lieues; qu’une autre
longueur sans interruption peut sc mesurer
depuis la pointe de la Bretagne à Brest
jusqu’à la côte de la Tartarie chinoise, et
qu’elle est environ de 2800 lieues; qu’en
mesurant depuis Bergen en Norwège jusqu’à
la côte de Kamtschatka, il n’y a plus que
1800 lieues. Toutes ces lignes ont, comme
l’on voit, beaucoup moins de longueur que
la première; ainsi la plus grande étendue de
l’ancien continent est en effet depuis le cap
oriental de la Tartarie la plus septentrionale
jusqu’au cap de Bonne-Espérance , c’est-à-dire
de trois mille six cents lieues.
Cette ligne peut être regardée comme le
milieu de la bande de terre qui compose
l’ancien continent : car en mesurant l’éten-
due de la surface du terrain des deux côtés
de cette ligne, je trouve qu’il y a dans la
partie qui est à gauche 2,471,092 3/4 lieues
carrées , et que , dans la partie qui est à droite
de cette ligne, il a 2,469,687 lieues carrées;
ce qui est une égalité singulière, et qui doit
faire présumer, avec une très-grande vrai-
mise au rang des terres les plus anciennes ; tandis
que, dans le second, je la mets au rang des plus
nouvelles. J’ai eu tort de n’avoir pas , dans ce
passage, distingué, comme je., l’ai fait ailleurs , la
Laute Égypte , qui est en effet une terre très-an-
cienne, de la basse Égypte, qui est au contraire une
terre très-nouvelle, (Acid. Buff.)
semblance , que cette ligne est le vrai miliei
de l’ancien continent , en même temps qu’ell
en est la plus grande longueur.
L’ancien continent a donc en tout enviroi 1
4,940,780 lieues carrées, ce qui ne fait pa j
une cinquième partie de la surface totale d
globe ; et on peut regarder ce conrinen
comme une large bande de terre inclinée |
l’équateur d’environ trente degrés *.
A l’égard du nouveau continent, on per
le regarder aussi comme une bande de terr
dont la plus grande longueur doit être pris
depuis l’embouchure du fleuve de la Plat
jusqu’à cette contrée marécageuse qui s’éten l
au-delà du lac des Assiniboïls. Cette routr
va de l’embouchure du fleuve de la Plat a a |
lac Caracares ; de là elle passe chez les Ma f
1. Voici ce que dit sur la figure des contmen*
l’ingénieux auteur de l 'Histoire philosophique et pi
litique des deux Indes.
« On croit être sur aujourd’hui que le riouvea I
continent n’a pas la moitié de la surface du nôtre P
leur figure d’ailleurs offre des ressemblances sii
gulières.... Ils paroissent former comme deux band- 1
de terre qui partent du pôle arctique, et vont
terminer au midi, séparées à l’est et à l’ouest pi- I
l’océan qui les environne. Quels que soient et |j
structure de ces deux bandes , et le balancement < j
la symétrie qui règne dans leur figure , on vc j
bien que leur équilibre ne dépend pas de leur pli
sition : c’est l’inconstance de la mer qui fait *j
solidité de la terre. Pour fixer le globe sur sa bas ||
il falloit, ce me semble, un élément qui , flotta ij
sans cesse autour de notre planète , put contr fl
balancer par sa pesanteur toutes les autres suit
stances , et par sa fluidité ramener cet équilib H
que le combat et le eboe des autres élémens a j
roient pu renverser. L’eau , par la mobilité de [
nature et par sa gravité tout ensemble, est infir-
ment propre à entretenir cette harmonie et ce b j
lancement des parties du globe autour de s I
centre....
tf Si les eaux qui baignent encore les entrail |
du nouvel hémisphère n’en avoient pas inondé |
surface , l’homme y auroit de bonne heure cou j
les bois , desséché les marais , consolidé un j
pâteux,... ouvert une issue aux vents, et doi i|
des digues aux fleuves; le climat y eût déjà chair
Mais un hémisphère en friche et dépeuplé ne p- j
annoncer qu’un monde récent, lorsque la mer v |
sine de ces côtes serpente encore sourdement d; |j
ses veines. »
Nous observerons , à ce sujet, que quoiqu’il
ait plus d’eau sur la surface de l’Amérique que :
celle des autres parlies du monde, on ne doit ] 1
en conclure qu’une mer intérieure soit contei
flans les entrailles de cette nouvelle terre ; on d jj
se borner à inférer de cette grande quantité
lacs , de marais, de larges fleuves , que l’ Amérif I
n’a été peuplée qu’après l’Asie, l’Afrique et 1 1
rope, où les eaux stagnantes sont en bien moin '|
quantité; d’ailleurs il y a mille autres indices j
démontrent qu’en général on doit regarder le c j
tinent de l’Amérique comme une terre nouvel 1
dans laquelle la nature n’a pas eu le temps d’
quérir toutes ses forces , ni celui de les manife:
par une très-nombreuse population. ( Add . Buff.
Buffon Classique Tome i"r. Paçe m .
c l I B
JfOI7VEAlT fOPITI."(f.>T
'/ . '// ////A • t/S/S/Z/d’ /fV/
Ruifon Classique Tome i'T Paq-e ru
ÀRT. VI. GÉOGRAPHIE» m
iguaîs , chez les Chîriguanes , ensuite à Po-
ona , à Zongo , de Zongo chez les Zamas ,
îs Marinas, les Moruas, de là à Santa-Fé
t à Carthagène, puis, par le golfe du Mexi-
ue , à la Jamaïque , à Cuba , tout le long de
i péninsule de la Floride, chez les Apalaches,
;s Chicachas, de là au fort Saint-Louis ou
Irève-Cœur , au fort le Sueur , et enfin chez
;s peuples qui habitent au-delà du lac des
.ssiniboïls , où l’étendue des terres n’a pas
ncore été reconnue I.
Cette ligne, qui n’est interrompue que
jar le golfe du Mexique, qu’on doit regarder
omme une mer Méditerranée, peut avoir
nviron 2 5oo lieues de longueur, et elle
Sftage le nouveau continent en deux par-
ies égales, dont celle qui est à gauche a
,069,286 5/6 lieues carrées de surface, et
elle qui est à droite en a 1,070,926 1/12.
lette ligne , qui fait le milieu de la bande
u nouveau continent, est aussi inclinée à
équateur d’environ 3o degrés, mais en sens
pposé ; en sorte que celle de l’ancien con-
fient s’étendant du nord-est au sud-ouest ,
eile du nouveau s’étend du nord-ouest au
ud-est; et toutes ces terres ensemble, tant
e l’ancien que du nouveau continent, font
nviron 7,080,993 lièues carrées, ce qui
’est pas , à beaucoup près , le tiers de la
urface totale du globe, qui en contient
ingt-cinq millions.
On doit remarquer que ces deux lignes ,
ui traversent" les continens dans leurs plus
randes longueurs, et qui les partagent cha-
un en deux parties égales , aboutissent
ouïes les deux au même degré de latitude
eptentrionale et australe. On peut aussi ch-
er ver que les deux continens font des
vances opposées et qui se regardent , savoir,
es côtes de l’Afrique, depuis les îles Cana-
ries jusqu’aux côtes de la Guinée, et celles
le l’Amérique, depuis la Guiane jusqu’à
embouchure de Rio-Janéiro.
Il paroît donc que les terres les plus an-
tennes du globe sont les pays qui sont aux
eux côtés de ces lignes à une distance mé-
liocre, par exemple , à 200 ou 25o lieues
e chaque côté ; et en suivant cette idée,
jui est fondée sur les observations que nous
’enons de rapporter, nous trouverons dans
/ancien continent, que les terres les plus
incienïies de l’Afrique sont celles qui s’éten-
lent depuis le cap de Bonne-Espérance jus-
ju’à la mer Rouge et l’Égypte, sur une
argeur d’environ 5oo lieues, et que par
conséquent toutes les côtes occidentales de
1. Vo^ez la carte de géographie.
l’Afrique, depuis la Guinée jusqu’au détroit
de Gibraltar, sont des terres plus nouvelles.
De même nous reconnoîtrons qu’en Asie t
si on suit la ligne sur la même largeur, les
terres plus anciennes sont l’Arabie heureuse
et déserte, la Perse et la Géorgie, la Tur-
comanie et une partie de la Tartarie indé-
pendante, la Circassie, et une partie de la
Moscovie, etc.; que par conséquent l’Eu-
rope est plus nouvelle, et peut-être aussi la
Chine et la partie orientale de la Tartarie.
Dans le nouveau continent , nous trouverons
que la terre Magellanique , la partie orien-
tale du Brésil, du pays des Amazones, delà
Guiane et du Canada, sont des pays nou-
veaux en comparaison du Tucuman , du
Pérou , de la terre-ferme et des îles du golfe
du Mexique, de la Floride, du Mississipi
et du Mexique. On peut encore ajouter à
ces observations deux faits qui sont assez
remarquables : le vieux et le nouveau con-
tinent sont presque opposés l’un à l’autre;
l’ancien est plus étendu au nord de l’équa-
teur qu’au sud ; au contraire , le nouveau l’est
plus au sud qu’au nord de l’équateur; le
centre de l’ancien continent est à 16 ou 18
degrés de latitude nord, et le centre du nou-
veau est à 16 ou 18 degrés de latitude sud;
en sorte qu’ils semblent faits pour se contre-
balancer. Il y a encore un rapport singulier
entre les deux continens, quoiqu’il me pa-
roisse plus essentiel que ceux dont je vien3
de parler : c’est que les deux continens se-
roient chacun partagés en deux parties, qui
seroient toutes quatre environnées de la mer
de tous côtés , sans deux petits isthmes, cela
de Suez et celui de Panama,
Voilà ce que l’inspeotion attentive du
globe peut nous fournir de plus général sur
la division de la terre. Nous nous abstien-
drons de faire sur cela des hypothèses et de
hasarder des raisonnemens qui pourroien
nous conduire à de fausses conséquences :
mais comme personne n’avoit considéré sous
ce point de vue la division du globe , j’ai
cru devoir communiquer ces remarques. 11
est assez singulier que la ligne qui fait la
plus grande longueur des continens terres-
tres, les partage en deux parties égales; il
ne l’est pas moins que ces deux lignes com-
mencent et finissent aux mêmes degrés de
latitude, et qu’elles soient toutes deux in-
clinées de même à l’équateur. Ces rapports
peuvent tenir à quelque chose de général ,
que l’on découvrira peut-être et que iiqus
ignorons. Nous verrons dans la suite à exa-
miner plus en détail les inégalités de la fi-
gure des continens ; il nous suffit d’observer
ii 2 Théorie de la terre.
ici que les pays les plus anciens doivent être
les plus voisins de ces lignes , et en même
temps les plus élevés, et que les terres plus
nouvelles en doivent être les plus éloignées
et en même temps les plus basses. Ainsi en
Amérique la terre des Amazones , la Guiane
et le Canada, seront les parties les plus
nouvelles : en jetant les yeux sur la carte
de ces pays, on voit que les eaux y sont
répandues de tous côtés , qu’il y a un grand
nombre de lacs et de très-grands fleuves ; ce
qui indique encore que ces terres sont nou-
velles : au contraire , le Tucuman , le Pérou
et le Mexique, sont des pays très-élevés,
fort montueux et voisins de la ligne qui par-
tage le continent; ce qui semble prouver
qu’ils sont plus anciens que ceux dont nous
venons de parler. De même toute l’Afrique
est très-montueuse , et cette partie du monde
est fort ancienne ; il n’y a guère que l’É-
gypte , la Barbarie et les côtes occidentales
de l’Afrique jusqu’au Sénégal, qu’on puisse
regarder comme de nouvelles terres. L’Asie
est aussi une terre ancienne et peut-être la
plus ancienne de toutes, surtout l’Arabie,
la Perse et la Tartarie ; mais les inégalités
de celte vaste partie du monde demandent,
aussi bien que celles de l’Europe, un détail
que nous renvoyons à un autre article. On
pourroit dire en général que l’Europe est
un pays nouveau ; la tradition sur la migra-
tion des peuples et sur l’origine des arts et
des sciences paroît l’indiquer : il n’y a pas
long- temps qu’elle éloit encore remplie de
marais et couverte de forêts, au lieu que
dans les pays très-anciennement habités il y
a peu de bois, peu d’eau, point de marais,
beaucoup de landes et de bruyères, une
grande quantité de montagnes dont les som-
mets sont secs et stériles; car les hommes
détruisent les bois, contraignent les eaux,
resserrent les fleuves , dessèchent les marais,
et avec le temps ils donnent à la terre une
face toute différente de celle des pays inha-
bités ou nouvellement peuplés.
Les anciens ne connoissoient qu’une très-
petite partie du globe; l’Amérique entière,
les terres arctiques , la terre australe et Ma-
gel lanique , une grande partie de l’intérieur
de l’Afrique, leur étoient entièrement in-
connues; ils ne savoient pas que la zone tor-
ride étoit habitée , quoiqu’ils eussent navigué
autour de l’Afrique; car il y a 2200 ans
que Néco, roi d’Égypte, donna des vaisseaux
à des Phéniciens qui partirent de la mer
Rouge, côtoyèrent l’Afrique, doublèrent le
cap de Bonne-Espérance, et ayant employé
deux ans à faire ce voyage , ils entrèrent la
troisième année dans le détroit de Gib
tar *. Cependant les anciens ne connoissoi
pas la propriété qu’a l’aimant de se diri
vers les pôles du monde , quoiqu’ils conr
sent celle qu’il a d’attirer le fer; ils ig
roient la cause générale du flux et du ref
de la mer ; ils n’étoient pas sûrs que l’Oci
environnât le globe sans interruption ; qi
ques-uns, à la vérité, l’ont soupçonné, ir
avec si peu de fondement, qu’aucun n’a
dire , ni même conjecturer, qu’il étoit p
sible de faire le tour du monde. Magella
été le premier qui l’ait fait en l’année i5
dans l’espace de 1124 jours. François Dn
a été le second en 1577, et il l’a fait
io56 jours. Ensuite Thomas Cavendischi
fait ce grand voyage en 777 jours, d;
l’année i586. Ces fameux voyageurs ont 1
les premiers qui aient démontré physiqi
ment la sphéricité et l’étendue de la circc
férence de la terre ; car les anciens étoit
aussi fort éloignés d’avoir une juste mesi
de celte circonférence dn globe, quoiqu’
y eussent beaucoup travaillé. Les vents g
néraux et réglés, et l’usage qu’on en pt
faire pour les voyages de long cours, le
étoient absolument inconnus : ainsi on
doit pas être surpris du peu de prog1
qu’ils ont fait dans la géographie , puisq ] :!a
aujourd’hui , malgré toutes les connoissanei
que l’on a acquises par le secours des scie !
ces mathématiques et par les découvert
des navigateurs, il reste encore bien d|
choses à trouver et de vastes contrées à d
couvrir. Presque toutes les terres qui soi
du côté du pôle antarctique nous sont itij
connues ; on sait seulement qu’il y en a
qu’elles sont séparées de tous les autres co
tinens par l’Océan. Il reste aussi beaucou
de pays à découvrir du côté du pôle arct
que , et l’on est obligé d’avouer, avec quei
que espèce de regret, que depuis plus d’i i
siècle l’ardeur pour découvrir de nouvel!
terres s’est extrêmement ralentie ; on a pr-
ière , et peut - être avec raison , l’utili
qu’on a trouvée à faire valoir celles qu’c
connoissoit, à la gloire d’en conquérir c
nouvelles.
Cependant la découverte de ces tem
australes seroit un grand objet de curiosit
et pourroit être utile ; on n’a reconnu de <
côté-là que quelques côtes, et il est fâcheu
que les navigateurs qui ont voulu tente
cette découverte en différens temps aier
presque toujours été arrêtés par des glace
qui les ont empêchés de prendre terre. L|it
Voyez Hérodote, liv. tv.
:
ART. VI. GÉOGRAPHIE.
ii3
brume, qui est fort considérable dans ces
parages, est encore un obstacle. Cependant,
malgré ces inconvéniens , il est à croire qu’en
parlant du cap de Bonne-Espérance en dif-
férentes saisons, on pourroit enfin recon-
noître une partie de ces terres, lesquelles
jusqu’ici font un monde à part.
Il y auroit encore un autre moyen, qui
peut-être réussiroil mieux : comme les glaces
et les brumes paroissent avoir arrêté lous
les navigateurs qui ont entrepris la décou-
verte des terres australes par l’océan Atlan-
tique, et que les glaces se sont présentées
dans l’été de ces climats aussi bien que dans
les autres saisons , ne pourroil-on pas se
promettre un meilleur succès en changeant
de route ? Il me semble qu’on pourroit ten-
ter d’arriver à ces terres par la mer Pacifi-
que , en partant de Baldivia ou d’un autre
port de la côte du Chili et traversant cette
mer sous le 5 oe degré de latitude sud *. Il
, .. J’ajouterai à ce que j’ai dit des terres au-
strales , que depuis quelques années on a fait de
nouvelles tentatives pour y aborder, qu’on eft a
même découvert quelques points après être parti ,
jsoit du cap de Bonne-Espérance, soit de l’Ile-de-
France , mais que ces nouveaux voyageurs ont
également trouvé des brumes , de la neige et des
' laces dès le 46 ou le 47e degré. Après avoir con-
féré avec quelques-uns d’entre eux , et ayant pris
d’ailleurs toutes les observations que j’ai pu re-
cueillir, j’ai vu qu’ils s’accordent sur ce fait, et que
ous ont également trouvé des glaces à des latitudes
beaucoup moins élevé- ' qu’on n’en trouve dans
'hémisphère boréal; ils ont aussi tous également
trouvé des brumes à ces mêmes latitudes où ils ont
encontré des glaces, et cela dans la saison même
Jtle l’été de ees climats : il est donc très- probable
(Ju’au delà du 5oe degré on chercheroit en vain
les terres tempérées dans cet hémisphère austral ,
»ù le refroidissement glacial s’est étendu beaucoup
idus loin que dans l’hémisphère boréal. La brume
tfst un effet produit par la présence ou par le voisi-
nage des glaces; c’est un brouillard épais, une
ispèce de neige très-fine , suspendue dans l’air et
“ jui le rend obscur : elle accompagne souvent les
Vendes glaces flottantes , et elle est perpétuelle sur
es plages glacées.
Au reste , les Anglois ont fait tout nouvellement
tour de la Nouvelle-Hollande et de la Nouvelie-
élande. Ces terres australes sont d’une étendue
jlus grande que l’ Europe entière. Celles de la Zé-
^inde sont divisées e plusieurs îles : mais celles
[fjje la Nouvelle-Hollanci ■ doivent plutôt être regar-
dées comme une partie du continent de l’Asie que
omme une île du continent austral ; car la Nou-
elle-Hollande n’est séparée que par un petit dé-
lûîtoit de la terre des Papous ou Nouvelle-Guinée, et
tj put l’archipel qui s’étend depuis les Philippines
ers le sud , jusqu’à la terre d’Arnheim dans la
Nouvelle-Hollande, et jusqu’à Sumatra et Java,
[ers l’occident et le midi , paroît autant appartenir
Lil ce continent de la Nouvelle-Hollande qu’au conti-
ent de l’Asie méridionale.
M. le capitaine Cook , qu’on doit regarder comme
e plus grand navigateur de ce siècle, et auquel
or.
Buffon. I.
n’y a aucune apparence que cette navigation,
qui n’a jamais été faite , fût périlleuse : et il
est probable qu’on trouveroit dans cette tra-
versée de nouvelles terres ; car ce qui nous
reste à connoître du côté du pôle austral est
si considérable, qu’on peut sans se tromper
l’évaluer à plus d’un quart de la superficie
du globe; en sorte qu’il peut y avoir dans
ces climats un continent terrestre aussi grand
que l’Europe, T Asie et l’Afrique, prises tou-
tes trois ensemble.
Comme nous ne connoissons point du
tout cette partie du globe, nous ne pouvons
pas savoir au juste la proportion qui est en-
tre la surface de la terre et celle de la mer;
seulement, autant qu’on en peut juger par
l’inspection de ce qui est connu, il paroît
qu’il y a plus de mer que de terre.
Si l’on veut avoir une idée de la quantité
énorme d’eau que contiennent les mers, on
peut supposer une profondeur commune et
générale à l’Océan ; et en ne la faisant que
de deux cents toises ou de la dixième partie
d’une lieue, on verra qu’il y a assez d’eau
pour couvrir le globe entier d’une hauteur
de six cents pieds d’eau; et si on veut ré-
duire cette eau dans une seule masse , on
trouvera qu’elle fait un globe de plus de
soixante lieues de diamètre.
Les navigateurs prétendent que le conti-
nent des terres australes est beaucoup plus
froid que celui du pôle arctique : mais il n’y
a aucune apparence que cette opinion soit
fondée , et probablement elle n’a été adoptée
des voyageurs que parce qu’ils ont trouvé
-des glaces à une latitude où l’on n’en trouve
presque jamais dans nos mers septentrio-
nales ; mais cela peut venir de quelques
l’on est redevable d’un nombre infini de nouvelles
découvertes, a non seulement donné la carte des
côtes de la Zélande et de la Nouvelle-Hollande,
mais il a encore reconnu une très-grande étendue
de mer dans la partie australe voisine de l’Amé-
rique ; il est parti de la pointe même de l’Amérique,
le 3o janvier 1769, et il a parcouru un grand es-
pace sous le 60e degré, sans avoir trouvé des terres.
On peut voir, dans la carte qu’il en a donnée,
l’étendue de mer qu’il a reconnue , et sa route dé-
montre que s’il existe des terres dans cette partie
du globe, elles sont fort éloignées du continent de
l’Amérique, puisque la Nouvelle-Zélande, située
entre le 35e et le 45e degré de latitude, en est elle-
même très-éloignée : mais il faut espérer que quel-
ques autres navigateurs, marchant sur les traces
du capitaine Cook , chercheront à parcourir ces
mers australes sous le 5oe degré, et qu’on ne tar-
dera pas à savoir si ces parages immenses, qui ont
plus de deux mille lieues d’étendue , sont des terres
ou des mers; néanmoins je ne présume pas qu’au
delà du 5oe degré dans les régions australes ces
terres soient assez tempérées pour que leur décou-
verte pût nous être utile. (Add. Buff.)
8
THÉORIE DE LA TERRE.
causes particulières. On ne trouve plus de
glaces dès le mois d’avril en deçà des 67 et
68e degrés de latitude septentrionale , et les
sauvages de l’Acadie et du Canada disent
que quand elles ne sont pas toutes fondues
dans ce mois-là, c’est une marque que le
reste de l’année sera froid et pluvieux. En
1725 il n’y eut, pour ainsi dire , point d’été,
et il plut presque continuellement ; aussi
non seulement les glaces des mers septen-
trionales n’étoient pas fondues au mois d’a-
vril au 67e degré, mais même on en trouva
au i5 juin vers le 41 ou. 42e degré I.
On trouve une grande quantité de ces
glaces flottantes dans la mer du Nord , sur-
tout à quelque distance des terres; elles vien-
nent de la mer de Tartarie dans celle de la
Nouvelle-Zemble et dans les autres endroits
de la mer Glaciale. J’ai été assuré par des
gens dignes de foi qu’un capitaine anglois ,
nommé Monson, au lieu de chercher un
passage entre les terres du Nord pour aller à
la Chine, avoit dirigé sa route droit au
pôle et en avoit approché jusqu’à deux de-
grés ; que dans cette route il avoit trouvé une
haute mer sans aucune glace : ce qui prouve
que les glaces se forment auprès des terres
et jamais en pleine mer; car quand même
on voudroil supposer, contre toute appa-
rence, qu’il pourroit faire assez froid au
pôle pour que la superficie de la mer fût
gelée, on ne concevroit pas comment ces
énormes glaces qui flottent pourroient se
former, si elles ne trouvoient pas un point
d’appui contre les terres, d’où ensuite elles
se détachent par la chaleur du soleil. Les
deux vaisseaux que la compagnie des ludes
envoya en 1739 à la découverte des terres
australes, trouvèrent des glaces à une lati-
tude de 47 ou 48 degrés; mais ces glaces
n’éloient pas fc éloignées des terres , puis-
qu’ils les reconnurent sans cependant pou-
voir y aborder 2. Ces glaces doivent venir
des terres intérieures et voisines du pôle
austral, et on peut conjecturer qu’elles sui-
vent le cours de plusieurs grands fleuves
dont ces terres inconnues sont arrosées, de
même que le fleuve Oby, le Jénisca, et les
autres grandes rivières qui tombent dans les
mers du Nord, entraînent les glaces qui
bouchent , pendant la plus grande partie de
l’année, le détroit de Waigats et rendent
inabordable la mer de Tartarie par cette
route, tandis qu’au delà de la Nouvelle-
Zemble et plus près des pôles , où il y a peu
de fleuves et de terres, les glaces sont moins
a. Voyez l’ Histoire de U Académie, annéa 1725.
3, Voyez sur cela la carte de M. Euache, 173g.
communes et la mer est plus navigable ; en
sorte que si 011 vouloil encore tenter le
voyage de la Chine et du Japon par les mers
du Nord, il faudroit peut-être, pour s’éloi-
gner le plus des terres et des glaces , diriger
sa roule droit au pôle et chercher les plus
hautes mers , où certainement il n’y a que
peu ou point de glaces; car on sait que l’eau
salée peut , sans se geler, devenir beaucoup
plus froide que l’eau douce glacée, et par
conséquent le froid excessif du pôle peut
bien rendre l’eau de la mer plus froide que
la glace, sans que pour cela la surface de
la mer se gèle, d’autant plus qu’à 80 ou
82 degrés la surface de la mer, quoique mê- |
îée de beaucoup de neige et d’eau douce, i
n’est glacée qu’auprès des côtes. En recueil-
lant les témoignages des voyageurs sur le
passage de l’Europe à la Chine par la mer j
du Nord, il paroit qu’il existe, et que s’il a
été si souvent tenté inutilement , c’est parce
qu’on a toujours craint de s’éloigner des
terres et de s’approcher du pôle : les voya-
geurs l’ont peut-être regardé comme un
écueil.
Cependant Guillaume Barents , qui avoit
échoué, comme bien d’autres, dans son:)
voyage du Nord, ne doutoit pas qu’il n’yj
eût un passage, et que s’il se fût plus éloi-
gné des terres, il n’eût trouvé une mer
libre et sans glaces. Des voyageurs mosco-
vites , envoyés par le czar pour reconnoître
les mers du Nord , rapportèrent que la Nou-
velle-Zemble n'est point une île , mais une
terre ferme du continent de la Tartarie, et
qu’au nord de la Nouvelle-Zemble c’est une
mer libre et ouverte. Un voyageur hollan-
dois nous assure que la mer jette de temps
en temps , sur la côte de Corée et du Japon,
des baleines qui ont sur le dos des harpons
anglois et hollandois. Un autre Ilollandoisi
a prétendu avoir été jusque sous le pôle,
et assuroit qu’il y faisoit aussi chaud qu’il
fait à Amsterdam en été. Un Anglois nom-
mé Goulden , qui avoit fait plus de trente
voyages en Groenland , rapporta au roj
Charles II que deux vaisseaux hollandois
avec lesquels il faisoit voile, n’ayant poinl
trouvé de baleines à la côte de l’île d’Edges,
résolurent d’aller plus au nord, et qu’étant
de retour au bout de quinze jours, ces Hol
landois lui dirent qu’ils avoient été jusqu’au
89e degré de latitude, c’est-à-dire à un de
gré du pôle, et que là ils n’avoient poinl
trouvé de glaces , mais une mer libre e
ouverte , fort profonde , et semblable à cellt
de la baie de Biscaye , et qu’ils lui montré
rent quatre journaux de deux vaisseaux qu
ART. VI. GÉOGRAPHIE. n3
Restaient la même chose , et s’accordoient
fort peu de chose près. Enfin il est rap-
>orté dans les Transactions philosophiques ,
[ue deux, navigateurs qui avoienl entrepris
le découvrir ce passage firent une route de
rois cents lieues à l’orient de la Nouvelle-
Zemble; mais qu’étant de retour, la com-
>agnie des Indes, qui avoit intérêt que ce
jassage ne fût pas découvert , empêcha ces
Navigateurs de retourner *. Mais la com-
jagnie des Indes de Hollande crut au con-
raire qu’il étoit de son intérêt de trouver
:e passage : l’ayant tenté inutilement du
:ôlé de l’Europe, elle le fit chercher du
îôté du Japon; et elle auroit apparemment
’éussi , si l’empereur du Japon n’eut pas
nterdit aux étrangers toute navigation du
:ôté des terres de Jesso. Ce passage ne peut
lonc se trouver qu’en allant droit au pôle
au delà de Spitzberg , ou bien en suivant
e milieu de la haute mer, entre la Nou-
velle-Zemble et Spitzberg, sous le 79e de-
jré de latitude. Si cette mer a une largeur
considérable, on ne doit pas craindre de la
prouver glacée à cette latitude, et pas même
îfeous le pôle, par les raisons que nous avons
(alléguées. E11 effet, il n’y a pas d’exemple
jqu’on ait trouvé la surface de la mer glacée
jàu large et à une distance considérable des
côtes : le seul exemple d’une mer totale-
ment glacée est celui de la mer Noire ; elle
est étroite et peu salée, et elle reçoit une
très-grande quantité de fleuves qui vien-
nent des terres septentrionales, et qui y
apportent des glaces : aussi elle gèle quel-
quefois au point que sa surface est entière-
ment glacée , même à une profondeur con-
sidérable ; et , si l’on en croit les historiens,
elle gela, du temps de l’empereur Copro-
nyme , de trente coudées d’épaisseur , sans
compter vingt coudées de neige qu’il y avoit
par dessus la glace. Ce fait me paroît exa-
géré ; mais il est sûr qu’elle gèle presque
tous les hivers , tandis que les hautes mers,
qui sont de mille lieues plus près du pôle,
ne gèlent pas ; ce qui ne peut venir que de
la différence de la salure et du peu de gla-
ces qu elles reçoivent par les fleuves en com-
paraison de la quantité énorme de glaçons
jqu’ils transportent dans la mer Nome,
j Ces glaces , que l’on regarde comme des
barrières qui s’opposent à la navigation vers
les pôles et à la découverte des terres au-
strales , prouvent seulement qu’il y a de
très-grands fleuves dans le voisinage des
] climats où on les a rencontrées : par consé-
j- S, Voyez le Recueil des Topazes du, Nord, p. 200.
quent elles nous indiquent aussi qu’il y a
de vastes continents d’où ces fleuves tirent
leur origine, et on ne doit pas se découra-
ger à la vue de ces obstacles ; car , si l’on y
fait attention , l’on reconnoîtra aisément
que ces glaces ne doivent être que dans cer-
tains endroits particuliers; qu’il est presque
impossible que dans le cercle entier que
nous pouvons imaginer terminer les terres
australes du côté de l’équateur, il y ait
partout de grands fleuves qui charrient des
glaces, et que par conséquent il y a grande
apparence qu’on réussiroit en dirigeant sa
route vers quelque autre point de ce cercle.
D’ailleurs la description que nous ont don-
née Dampier et quelques autres voyageurs
du terrain de la Nouvelle-Hollande, nous
peut faire soupçonner que cette partie du
globe qui avoisine les terres australes , et
qui peut-être en fait partie, est un pays
moins ancien que le reste de ce continent
inconnu. La Nouvelle-Hollande est une
terre basse , sans eaux , sans montagnes, peu
habitée, dont les naturels sont sauvages et
sans industrie ; tout cela concourt à nous
faire penser qu’ils pourraient être dans ce
continent à peu près ce que les sauvages
des Amazones ou du Paraguay sont en Amé-
rique. On a trouvé des hommes policés,
des empires et des rois, au Pérou, au
Mexique, c’est-à-dire dans les contrées de
l’Amérique les plus élevées, et par consé-
quent les plus anciennes ; les sauvages , au
contraire, se sont trouvés dans les contrées
les plus basses et les plus nouvelles. Ainsi
on peut présumer que dans l’intérieur des
terres australes on trouverait aussi des hom-
mes réunis en société dans les contrées éle-
vées d’où ces grands fleuves qui amènent
à la mer ces glaces prodigieuses tirent leur
source.
L’intérieur de l’Afrique nous est inconnu
presque autant qu’il l’étoit aux anciens : ils
avoienl , comme nous , fait le tour de cette
presqu’île par mer ; mais à la vérité ils ne
nous avoient laissé ni cartes ni descriptions
de ces côtes. Pline nous dit qu’on avoit, dès
le temps d’Alexandre , fait le tour de l’Afri-
que ; qu’on avoit reconnu dans la mer d’Ara-
bie des débris de vaisseaux espagnols , et
qu’Harmon, général carthaginois, avoit fait
le voyage depuis Gades jusqu’à la mer d’A-
rabie ; qu’il avoit même donné par écrit
la relation de ce voyage. Outre cela , dit-il,
Cornélius Népos nous apprend que de son
temps un certain Eudoxe, persécuté par le
roi Laîhurus, fut obligé de s’enfuir; qu’é-
tant parti du golfe Arabique, il étoit arrivé
8.
tI6 THÉORIE DE
à Gades , et qu’avant ce temps on commer-
çoit d’Espagne en Éthiopie par la mer *.
Cependant, malgré ces témoignages des an-
ciens , on s’étoit persuadé qu’ils n’avoient
jamais doublé le cap de Bonne-Espérance,
et l’on a regardé comme une découverte
nouvelle cette route que les Portugais ont
prise les premiers pour aller aux grandes
Indes. On ne sera peut-être pas fâché de
voir ce qu’on en croyoit dans le neuvième
siècle.
« On a découvert de notre temps une
chose toute nouvelle , et qui étoit incon-
nue autrefois à ceux qui ont vécu avant
nous. Personne ne croyoit que la mer qui
s’étend depuis les Indes jusqu’à la Chine,
eût communication avec la mer de Syrie, et
on ne pouvoit se mettre cela dans l’esprit.
Yoici ce qui est arrivé de notre temps,
selon ce que nous en avons appris. On
a trouvé dans la mer de Roum ou Médi-
terranée les débris d’un vaisseau arabe que
la tempête avoit brisé, et tous ceux qui
le montoient étant péris, les flots l’ayant
mis en pièces , elles furent portées par le
vent et par la vague jusque dans la mer
des Cozars, et de là au canal de la mer
Méditerranée, d’où elles furent enfin jetées
sur la côte de Syrie. Cela fait voir que la
mer environne tout le pays de la Chine
et de Cila , l’extrémité du Turquestan et
le pays des Cozars; qu’ensuite elle coule
par le détroit jusqu’à ce quelle baigne la
côte de Syrie. La preuve est tirée de la
construction du vaisseau dont nous venons
de parler ; car il n’y a que les vaisseaux
de Siraf dont la fabrique est telle , que
les bordages ne sont point cloués , mais
joints ensemble d’une matière particulière,
de même que s’ils étoient cousus; au lieu
que ceux de t s les vaisseaux de la mer
Méditerranée et de la côte de Syrie sont
cloués , et ne sont pas joints de cette ma-
nière a. »
Yoici ce qu’ajoute le traducteur de celle
ancienne relation :
« Abuziel remarque comme une chose
nouvelle et fort extraordinaire , qu’un
vaisseau fût porté de la mer des Indes sur
les côtes de Syrie. Pour trouver le pas-
sage dans la mer Méditerranée , il suppose
qu’il y a une grande étendue de mer au
dessus de la Chine , qui a communication
avec la mer des Cozars, c’est-à-dire de
Moscovie. La mer qui est au delà du cap
1. Voyez Plin. , Hist. nal., tom. I, lib. n.
2. Voyez les anciennes relations des Vo/ages faits
par terre « la Chine, pages 53 et 54.
LA TERRE. J!(
des Courants étoit entièrement inconnu ®
aux Arabes , à cause du péril extrême d esi
la navigation ; et le continent étoit habit te
par des peuples si barbares , qu’il n’étoi | j
pas facile de les soumettre , ni même d
les civiliser par le commerce. Les Portu p I,
gais ne trouvèrent depuis le cap de Bonne :
Espérance jusqu’à Soffala aucuns Maure trii
établis , comme ils en trouvèrent depui ta
dans toutes les villes maritimes jusqu’à 11! Mo
Chine. Cette ville étoit la dernière qu les
connoissoient les géographes; mais ils no 3p
pouvoient dire si la mer avoit communii ri
cation par l’extrémité de l’Afrique avec là ils
mer de Barbarie, et ils se contentaient di cii
la décrire jusqu’à la côte de Zinge, qu: so
est celle de la Cafrerié : c’est pourquoi nou coi
ne pouvons douter que la première dé 4
couverte du passage de cette mer par 1< tei
cap de Bonne-Espérance n’ait été faite par j au
les Européens , sous la conduite de Yasct U
de Gama, ou au moins quelques année:, m
avant qu’il doublât le cap , s’il est vra; k
qu’il se soit trouvé des cartes marines plun jtm
anciennes que cette navigation, où le caji; pré
étoit marqué sous le nom de Fronteirc
da Afriqua. Antoine Galvan témoigne, sun tt(
le rapport de Francisco de Sousa Tavaresi mit
qu’en ï5t.8 l’infant don Fernand lui fiti ta
voir une semblable carte qui se trouvoiii tiei
dans le monastère d’Acoboca, et qui étoili le:
faite il y avoit cent vingt ans, peut-être | tio
sur celle qu’on dit être à Yenise dans] le
les trésors de Saint-Marc , et qu’on croitif ri
avoir été copiée sur celle de Marc Paolojj par
qui marque aussi la pointe de l’Afrique^ ri
selon le témoignage de Ramusio, etc. » 1 ou
L’ignorance de ces siècles au sujet de lai; ri
navigation autour de l’Afrique paraîtrai »pa
peut-être moins singulière que le silence j ri
de l’éditeur de cette ancienne relation au l
sujet des passages d’Hérodote, de Pline, etc.,, port
que nous avons cités, et qui prouvent: ipi'o
que les anciens avoient fait le tour de!' ri
l’Afrique. fao
Quoi qu’il en soit, les côtes de l’Afrique' Soi
nous sont actuellement bien connues; maiSl fie
quelques tentatives qu’on ait faites pour pé- sel
nétrer dans l’intérieur du pays, on n’a pu biei
parvenir à le connoître assez pour en donner j Ara
des relations exactes. Il seroit cependant { «toi
fort à souhaiter que , par le Sénégal ou par ri
quelque autre fleuve, on pût remonter bien!j«j
avant dans les terres et s’y établir : on y
trouverait -, selon toutes les apparences, un J',
pays aussi riche eu mines précieuses que ,
l’est le Pérou ou le Brésil; car on sait que \
les fleuves de l’Afrique charrient beaucoup
ART. VI. GÉOGRAPHIE.
l’or; et comme ce continent est un pays de
1 hontagnes très-élevées , et que d’ailleurs il
(Hst situé sous l’équateur, il n’est pas dou-
teux qu’il ne contienne, aussi bien que l’A-
: jnêrique , les mines des métaux les plus pe-
^ Sans, et les pierres les plus compactes et les
^ ilus dures.
oti La vaste étendue de la Tartarie septen-
rionale et orientale n’a été reconnue que
Pui lans ces derniers temps. Si les cartes des
I iloscovites sont justes, on connoît à présent
;s côtes de toute cette partie de l’Asie, et
paroît que depuis la pointe de la Tartarie
H rientale jusqu’à l’Amérique septentrionale,
C1 . n’y a guère qu’un espace de quatre ou
tdi inq cents lieues : on a même prétendu tout
<1» ouvellement que ce irajet étoit bien plus
ou ourt; car dans la gazette d’Amsterdam, du
dé 4 février 1747, il est dit, à l’article de Pé-
lf ersbourg, que M. Sloller avoit découvert,
pa u delà de Kamtschatka, une des îles de
ci Amérique septentrionale, et qu’il avoit dé-
ée bontré qu’on pouvoit y aller des terres de
ra fempire de Russie par un petit trajet. Des
lu jésuites et d’autres missionnaires ont aussi
a| prétendu avoir reconnu en Tartarie des sau-
iri fages qu’ils avoient catéchisés en Amérique;
ut je qui supposeroit en effet que le trajet se-
es oit encore bien plus court *. Cet auteur pré-
fi end même cpie les deux continens de l’An-
|ien et du Nouveau-Monde se joignent par
b nord, et il dit que les dernières naviga-
ions des Japonnois donnent lieu de juger que
p trajet dont nous avons parlé n’est qu’une
|aie, au dessus de laquelle on peut passer
zontale). Si , dans la maçonnerie , les pier-
11 res étoient posées sur un autre sens , elles
* se fendroient et ne résisteroient pas aussi
3'j long-temps au poids dont elles sont char-
'» gées. On voit bien que ceci confirme que
0 les pierres se sont formées par couches pa-
rallèles et horizontales , qui se sont succes-
sivement accumulées les unes sur les autres,
0I! et que ces couches ont composé des masses
01 1 dont la résistance est plus grande dans ce
* sens que dans tout autre.
ie Au reste , chaque couche , soit qu’elle
d ! soit horizontale ou inclinée , a , dans toute
le ! son étendue , une épaisseur égale ; c’est-à-
j dire , chaque lit d’une matière quelconque,
* pris à part, a une épaisseur égale dans
’f toute son étendue : par exemple , lorsque,
le dans une carrière , le lit de pierre dure a
ail trois pieds d’épaisseur en un endroit, il a
»ejces 3 pieds d'épaisseur partout; s’il a 6
le ! pieds d’épaisseur en un endroit, il en a 6
>"| partout. Dans les carrières autour de Paris,
à le lit de bonne pierre n’est pas épais, et il
mi n’a guère que 18 à 20 pouces d’épaisseur
jpartout; dans d’autres carrières, comme
fflien Bourgogne , la pierre a beaucoup plus
d d’épaisseur. Il en est de même des mar-
jiilbres : ceux dont le lit est le plus épais sont
isiles marbres blancs et noirs ; ceux de cou-
pleur sont ordinairement plus minces; et je
îiijconnois des lits d’une pierre fort dure , et
d;dont les paysans se servent en Bourgogne
01 pour couvrir leurs maisons , qui n’ont qu’un
)u pouce d’épaisseur. Les épaisseurs des diffè-
re ! rens lits sont donc différentes ; mais chaque
laijlit conserve la même épaisseur dans toute
ièlson étendue. En général , on peut dire que
s il’épaisseur des couches horizontales est telle-
iniiment variée , qu’elle va depuis une ligne
le jet moins encore , jusqu’à 1, 10, 20, 3o
J jet 100 pieds d’épaisseur. Les carrières an-
d ciennes et nouvelles qui sont creusées ho-
i’a rizontalement , les boyaux des mines , et
ot les coupes à-plomb , en long et en travers,
d de plusieurs montagnes, prouvent qu’il y a
«ides couches qui ont beaucoup d’étendue en
:oujtous sens. « U est bien prouvé , dit l’histo-
le rien de l’Académie, que toutes les pierres
d ont été une pâte molle ; et comme il y a
des carrières presque partout , la surface
de la terre a donc été dans tous ces lieux,
du moins jusqu’à une certaine profondeur,
une vase et une bourbe. Les coquillages
qui se trouvent dans presque toutes les
carrières , prouvent que cette vase étoit une
terre détrempée par de l’eau de la mer ; et
par conséquent la mer a couvert tous ces
lieux-là, et elle 11’a pu les couvrir sans
couvrir aussi tout ce qui étoit de niveau ou
plus bas , et elle n’a pu couvrir tous les
lieux où il y a des carrières , et tous ceux qui
sont de niveau ou plus bas , sans couvrir
toute la surface du globe terrestre. Ici l’on
ne considère point encore les montagnes,
que la mer auroit dû couvrir aussi , puis-
qu’il s’y trouve toujours des carrières, et
souvent des coquillages. Si on les supposoit
formées , le raisonnement que nous fai-
sons en deviendroit beaucoup plus fort.
« La mer, continue-t-il, couvroit donc
toute la terre; et de là vient que tous les
bancs ou lits de pierre qui sont dans les
plaines sont horizontaux et parallèles entre
eux : les poissons auront été les plus anciens
habitans du globe, qui ne pouvoit encore
avoir ni animaux terrestres, ni oiseaux. Mais
comment la mer s’est-elle retirée dans les
creux , dans les vastes bassins qu’elle occupe
présentement ? Ce qui se présente le plus na-
turellement à l’esprit, c’est que le globe de
la terre, du moins jusqu’à une certaine
profondeur, n’étoit pas solide partout, mais
entremêlé de quelques grands creux dont
les voûtes se sont soutenues pendant un
temps, mais enfin sont venues à fondre
subitement ; alors les eaux seront tombées
dans ces creux , les auront remplis et auront
laissé à découvert une partie de la surface
de la terre, qui sera devenue une habita-
tion convenable aux animaux terrestres et
aux oiseaux. Les coquillages des carrières
s’accordent fort avec celte idée ; car outre
qu’il n’a pu se conserver jusqu’à présent
dans les terres que des parties pierreuses
des poissons, on sait qu’ordinairement les
coquillages s’amassent en grand nombre
dans certains endroits de la mer, où ils sont
comme immobiles et forment des espèces
de rochers, et ils n’auront pu suivre les
eaux qui les auront subitement abandon-
nés : c’est par cette dernière raison que l’on
trouve infiniment plus de coquillages que
d’arêtes ou d’empreintes d’autres poissons ;
et cela même prouve une chute soudaine
de la mer dans ses bassins. Dans le même
temps que les voûtes que nous supposons
ont fondu , il est fort possible que d’autres
parties de la surface du globe se soient éle-
THÉORIE DE LA TERRE.
îa6
vées ; et , par la même cause , ce seront là
les montagnes qui se seront placées sur cette
surface avec des carrières déjà toutes for-
mées. Mais les lits de ces carrières n’ont
pas pu conserver la direction horizontale
qu’ils avoient auparavant, à moins que les
masses des montagnes ne se fussent élevées
précisément selon un axe perpendiculaire à
la surface de la terre ; ce qui n’a pu être
que très-rare : aussi , comme nous l’avons
déjà observé en 1708, les lits des carrières
des montagnes sont toujours inclinés à l'ho-
rizon , mais parallèles entre eux ; car ils
n’ont pas changé de position les uns à l’é-
gard des autres, mais seulement à l'égard
de la surface de la terre *. »
Ces couches parallèles, ces lits de terre
ou de pierre qui ont été formés par les sé-
dimens des eaux de la mer, s’étendent sou-
vent à des distances très-considérables, et
même on trouve dans les collines séparées
par un vallon les mêmes lits , les mêmes
matières , au même niveau. Cette observa-
tion que j’ai faite s’accorde parfaitement
avec celle de l’égalité de la hauteur des col-
lines opposées, dont je parlerai tout à
l’heure. On pourra s’assurer aisément de la
vérité de ces faits ; car dans tous les vallons
étroits où l’on découvre des rochers, 011
verra que les mêmes lits de pierre ou de
marbre se trouvent des deux côtés à la
même hauteur. Dans une campagne que
j’habite souvent et où j’ai beaucoup exa-
miné les rochers et les carrières , j’ai trouvé
une carrière de marbre qui s’étend à plus
de 12 lieues en longueur, et dont la largeur
est fort considérable , quoique je n’aie pas
pu m’assurer précisément de cette étendue
en largeur. J’ai souvent observé que ce lit
de marbre a la même épaisseur partout ; et
dans des collines séparées de cette carrière
par un vallon de 100 pieds de profondeur
et d’un quart de lieue de largeur, j’ai trouvé
le même lit de marbre à la même hauteur.
Je suis persuadé qu’il en est de même de
toutes les carrières de pierre ou de marbre
où l’on trouve des coquilles , car cette ob-
servation n’a pas lieu dans les carrières de
grès. Nous donnerons dans la suite les rai-
sons de cette différence, et nous dirons
pourquoi le grès a’est pas disposé , comme
les autres matières , par lits horizontaux , et
qu’il est en blocs irréguliers pour la forme
et pour la position.
On a de même observé que les lits de
terre sont les mêmes des deux côtés des
1. Voyez les Mémoires de l’Académie, année 1716,
pages 14 et suiv. de 1 ’ Histoire.
détroits de la mer : et cette observatioi !
qui est importante, peut nous conduire!
reconnoître les terres et les îles qui ont ( j
séparées du continent; elle prouve, j[
exemple , que l’Angleterre a été séparée
la France, l’Espagne de l’Afrique, la Sic
de l’Italie : et il seroit à souhaiter qu’ {
eût fait la même observation dans tous
détroits , je suis persuadé qu’on la trom
roit vraie presque partout ; et pour co: j
mencer par le plus long détroit que ne
connoissions , qui est celui de Magelîaj
nous ne savons pas si les mêmes lits j:
pierre se trouvent à la même hauteur
ensemble, ont près de 200 lieues de li -
gueur, ne formoient autrefois qu’une me î
terre ; elles sont divisées en treize provf 1
ces, que l’on appelle atollons. Chaque ai-
lon contient un grand nombre de pet js
îles, dont la plupart sont tantôt submerg b
et tantôt à découvert ; mais ce qu’il y a i
remarquable, c’est que ces treize atoll s !
sont chacun environnés d’une chaîne de j- ;
chers de même nature de pierre , et q fl 3
n’y a que trois ou quatre ouvertures d j- jj
gereuses par où on peut entrer dans chai b ï
atollon : ils sont tous posés de suite et h G
à bout : et il paroît évidemment que ÉN
îles étoient autrefois une longue monta; S »
couronnée de rochers 2.
Plusieurs auteurs, comme Yersteg;.|lf
Twine , Sommer, et surtout Campbell di fri
sa Description de V Angleterre , au chapilüii
de la province de Kent, donnent des ilài
sons très-fortes pour prouver que l’An^pJ
terre étoit autrefois jointe à la France J &
qu’elle en a été séparée par un coup de 1 ir i
qui , s’étant ouvert cette porte , a laiss I ir
2. Voyez les Voyages de François Pyrard, vo «j
Paris, 1719, page X07, etc.
I te
ion
Art. vil production
irefecouyert une grande quantité de terres
t eusses et marécageuses tout le long des
>tes méridionales de l’AngleteiTe. Le doc-
■ei ui' Wallis fait valoir comme une preuve
ici b ce fait la conformité de l’ancien langage
jn’i îs Gallois et des Bretons ; et il ajoute plu-
is 1 eurs observations que nous rapporterons
ijunns les articles suiyans.
cou Si l’on considère en voyageant la forme
jobs terrains, la position des montagnes et
lai s sinuosités des rivières , on s’apercevra
is du’ ordinairement les collines opposées sont
rdlon seulement composées des mêmes ma-
ipc eres, au même niveau, mais même qu’elles
roi ont à peu près également élevées. J’ai ob-
mebrvé cette égalité dé hauteur dans les en-
agn jroits où j’ai voyagé , et je l’ai toujours
s, pouvée la même, à très-peu près, des deux
a ôtés, surtout dans les valions serrés, et
ed ui n’ont tout au plus qu’un quart ou un
Mers de lieue de largeur ; car dans les gran-
e les vallées qui ont beaucoup plus de lar-
îèijeur, il est assez difficile de juger exacte-
an peut de la hauteur des collines et de leur
îtijgalité , parce qu’il y a erreur d’optique et
jrréur de jugement. En regardant une plaine
s |u tout autre terrain de niveau qui s’étend
[s brt au loin , il paroît s’élever ; et , au con-
traire, en voyant de loin des collines, elles
le tapissent s’abaisser. Ce n’est pas ici le lieu
irii (e donner la raison mathématique de cette
le lifférence. D’autre côté, il est fort difficile
îêi e juger, par le simple coup d’œil , où se
prouve le milieu d’une grande vallée, à
atpoins qu’il n’y ait une rivière ; au lieu que,
>ti lans les vallons serrés , le rapport des yeux
fjjist moins équivoque et le jugement plus
a jertain. Cette partie de la Bourgogne qui
llojst comprise entre Auxerre, Dijon, Autun
e : ft Bar-sur-Seine , et dont une étendue con-
I Erable s’appelle le bailliage de la Mon-
1; ^figne , est un des endroits les plus élevés
aq le la France : d’un côté de la plupart de
|ï es montagnes , qui ne sont que du second
! i rdre et qu’on ne doit regarder que comme
ades collines élevées , les eaux coulent vers
Océan et de l’autre vers la Méditerranée.
jj 1 y a des points de partage , comme à Som-
d; >ernon, Bouilli en Auxois, etc., où on peut
,i ourner les eaux indifféremment vers l’O-
r ‘éan ou vers la Méditerranée. Ce pays élevé
]jdst entrecoupé de plusieurs petits vallons
( issez serrés et presque tous arrosés de gros
n ruisseaux ou de petites rivières. J’ai mille
W mille fois observé la correspondance des
c) tngles de ces collines et leur égalité de hau-
teur ; et je puis assurer que j’ai trouvé par-
tout les angles saillans opposés aux angles
DES LITS DE TERRE. 127
rentrans et les hauteurs à peu près égales
des deux côtés. Plus on avance dans le pays
élevé où sont les points de partage dont
nous venons de parler, plus les montagnes
ont de hauteur ; mais cette hauteur est tou-
jours la même des deux côtés des vallons ,
et les collines s’élèvent ou s’abaissent éga-
lement. En se plaçant à l’extrémité des val-
lons dans le milieu de la largeur, j’ai tou-
jours vu que le bassin du vallon étoit en-
vironné et surmonté de collines dont la
hauteur étoit égale. J’ai fait la même
observation dans plusieurs autres provinces
de France. C’est cette égalité de hauteur
dans les collines qui fait les plaines en
montagnes ; ces plaines forment , pour ainsi
dire, des pays élevés au dessus d’autres
pays : mais les hautes montagnes ne parois-
sent pas être si égales en hauteur ; elles se
terminent la plupart en pointes et en pics
irréguliers ; et j’ai vu en traversant plu-
sieurs fois les Alpes et l’Apennin , que les
angles sont en effet correspondans , mais
qu’il est presque impossible de juger à l’œil
de l’égalité ou de l’inégalité de hauteur des
montagnes opposées , parce que leur som-
met se perd dans les brouillards et dans les
nues.
Les différentes couches dont la terre est
composée ne sont pas disposées suivant
l’ordre de leur pesanteur spécifique; sou-
vent on trouve des couches de matières pa*
santés posées sur des couches de matières
plus légères : pour s’en assurer, il ne faut
qu’examiner la nature des terres sur les-
quelles portent les rochers , et on verra que
c’est ordinairement sur des glaises ou sur
des sables qui sont spécifiquement moins
pesants que la matière du rocher1. Dans
1. J’ai dit que, dans les collines et dans les autres
élévations , on reconnaît facilement la base sur laquelle
portent les rochers ; mais qu’il n’en est, pas de même
des grandes montagnes ; que non seulement leur sommet
est de roc vif, de granité, etc.
J’avoue que cette conjecture , tire'e de l’analogie,
n’étoit pas assez fondée ; depuis trente-quatre ans
que cela est écrit, j'ai acquis des connoissances et
recueilli des faits qui m’ont démontré que les
grandes montagnes, composées de matières vitres-
cibles et produites par l’action du feu primitif,
tiennent immédiatement à la roclie intérieure du
globe , laquelle est elle-même un roc vitreux de la
même nature : ces grandes montagnes en font par*
tie , et ne sont que les prolongerons ou éminences
qui se sont formées à la surface du globe dans le
temps de sa consolidation; on doit donc les regar-
der comme des parties constitutives de la première
masse de la terre , au lieu que les collines et les
petites montagnes qui portent sur des argiles, ou
sur des sables vitrescibles , ont été formées par un
autre élément, c’est-à-dire par le mouvement et le
sédiment des eaux dans un temps bien postérieur
I5tg ÏHÉORIE DÊ
les collines et dans les autres petites élé-
vations, on reconnoît facilement la base
sur laquelle portent les rochers ; mais il
n’en est pas de même des grandes mon-
tagnes ; non seulement le sommet est de
rocher, mais ces rochers portent sur d’au-
tres rochers ; il y a montagnes sur mon-
tagnes et rochers sur rochers , à des hau-
teurs si considérables, et dans une si
grande étendue de terrain , qu’on ne peut
guère s’assurer s’il y a de la terre dessous ,
et de quelle nature est cette terre. On voit
des rochers coupés à pic qui ont plusieurs
centaines de pieds de hauteur ; ces rochers
portent sur d’autres qui peut-ê'tre n’en ont
pas moins. Cependant ne peut-on pas con-
clure du petit au grand? et puisque les
rochers des petites montagnes dont on voit
la base portent sur des terres moins pe-
santes et moins solides que la pierre , ne
peut-on pas croire que la base des hautes
montagnes est aussi de terre? Au reste,
tout ce que j’ai à prouver ici, c’est qu’il a
pu arriver naturellement, par le mouve-
ment des eaux, qu’il se soit accumulé des
matières plus pesantes au dessus des plus
légères, et que si cela se trouve en effet
dans la plupart des collines , il est probable
que cela est arrivé comme je l’explique dans
le texte. Mais quand même on voudroit se
refuser à mes raisons , en m’objectant que
je ne suis pas bien fondé à supposer
qu’avant la formation des montagnes , les
matières les plus pesantes étoient au des-
sous des moins pesantes , je répondrai que
je n’assure rien de général à cet égard,
parce qu’il y a plusieurs manières dont cet
effet a pu se produire , soit que les matières
pesantes fussent au dessous ou au dessus ,
ou placées i différemment comme nous les
voyons aujourd’hui : car pour concevoir
comment la mer ayant d’abord formé une
montagne de glaise, l’a ensuite couronnée
de rochers, il suffit de faire attention que
les sédimens peuvent venir successivement
de différens endroits , et qu’ils peuvent être
de matières différentes ; en sorte que , dans
à celui de la formation des grandes montagnes
produites par le feu primitif. C’est dans ces pointes
ou parties saillantes qui forment le noyau des
montagnes , que se trouvent les filons des métaux :
et ces montagnes ne sont pas les plus hantes de
toutes, quoiqu’il y en ait de fort élevées qui con-
tiennent des mines ; mais la plupart de celles où on
les trouve sont d’une hauteur moyenne, et toutes
sont arrangées uniformément, c’est-à-dire par des
élévations insensibles qui tiennent à une chaîne de
montagnes considérable, e*t qui sont coupées de
temps eu temps par des vallées. (. Add . BuJJ.)
LA TERRE*
un endroit de la mer où les eaux aur
déposé d’abord plusieurs sédimens de glai
il peut très-bien arriver que tout d’un coi
au lieu de glaise , les eaux apportent
sédimens pierreux; et cela, parce qu’e
auront enlevé du fond ou détaché des cc<
toute la glaise , et qu’ensuite elles aur»
attaqué les rochers , ou bien parce que
premiers sédimens venoient d’un endro
et les seconds d’un autre. Au reste , c
s’accorde parfaitement avec les observatic
par lesquelles on reconnoît que les lits
terre , de pierre , de gravier, de sable , et
ne suivent aucune règle dans leur arranj
ment, ou du moins se trouvent placés
différemment et comme au hasard les i
au dessus des autres.
Cependant ce hasard même doit av<
des règles , qu’on ne peut connoître qu’
estimant la valeur des probabilités et la vr
semblance des conjectures. Nous avons
qu’en suivant notre hypothèse sur la fora
tion du globe, l’intérieur de la terre d
être d’une matière vitrifiée, semblable
nos sables vitrifiables , qui ne sont que d
fragmens de verre , et dont les glaises so
peut-être les scories ou les parties décor
posées. Dans cette supposition, la terre dé
être composée dans le centre, et presq
jusqu’à la cmconférence extérieure, de ver
ou d’une manière vitrifiée qui en occu
presque tout l’intérieur; et au dessus
cette matière on doit trouver les sables , 1
glaises, et les autres scories de cette m
tière vitrifiée. Ainsi, en considérant la ter
dans son premier état, c’étoit d’abord i
noyau de verre ou de matière vitrifiée , q
est ou massive comme le verre , ou divisa
comme le sable , parce que cela dépend <
degré de l’activité du feu qu’elle au
éprouvé ; au dessus de cette matière étoie
les sables , et enfin les glaises : le limon d
eaux et de l’air a produit l’enveloppe ext
rieure, qui est plus ou moins épaisse su
vaut la situation du terrain , plus ou moii
colorée suivant les différens mélanges d
limon , des sables , et des parties d’animai
ou de végétaux détruits , et plus ou mon
féconde suivant l’abondance ou la diset
de cès mêmes parties. Pour faire voir qi
cette supposition , au sujet de la formatio
des sables et des glaises, n’est pas aus
gratuite qu’on pourrait l’imaginer, noi
avons cru devoir ajouter à ce que noi
venons de dire, quelques remarques part
culières.
Je conçois donc que la terre, dans
premier état , étoit un globe , ou plutôt u
ART. VII. PRODUCTION DES LITS DE TERRE.
I29
nhéroïde de matière vitrifiée , de verre , si
on veut, très-compacte, couvert d’une
rf mute légère et friable, formée par les
; tories de la matière en fusion, d’une véri-
ible pierre ponce : le mouvement et l’agi-
! ition des eaux et de l’air brisèrent bientôt
, ; réduisirent en poussière cette croûte de
0 ;rre spongieuse , cette pierre ponce qui
oit à la surface ; de là les sables qui , en
6 unissant, produisirent ensuite les grès et
roc vif, ou, ce qui est la même chose,
6 s cailloux en grande masse , qui doivent ,
M issi bien que les cailloux en petite masse ,
’ ur dureté , leur couleur ou leur transpa-
j! :nce , et la variété de leurs accidens , aux
!î fférens degrés de pureté et à la finesse
: i grain des sables qui sont entrés dans
11 ur composition.
Ces mêmes sables dont les parties consti-
J antes s’unissent par le moyen du feu,
11 issimilent et deviennent un corps dur très-
E mse, et d’autant plus transparent que le
j ble est plus homogène, exposés, au con-
aire , long-temps à l’air, se décomposent
ar la désunion et l’exfoliation des petites
: Mmes dont ils sont formés ; ils commencent
devenir terre , et c’est ainsi qu’ils ont pu
nrmer les glaises et les argiles. Cette pous-
j’ère, tantôt d’un jaune brillant, tantôt
I mblable à des paillettes d’argent, dont on
II f sert pour sécher l’écriture , n’est autre
c liose qu’un sable très-pur, en quelque fa-
Üm pourri, presque réduit en ses principes,
( l qui tend à une décomposition parfaite ;
■ rec le temps ces paillettes se seroient at-
^lnuées et divisées au point qu’elles n’au-
riî!)ient point eu assez d’épaisseur et de sur-
“ilce pour réfléchir la lumière , et elles
Pjiroient acquis toutes les propriétés des
if aises. Qu’on regarde au grand jour un
“ lorceau d’argile , on y apercevra une
[[’ande quantité de ces paillettes talqueuses,
1 ni n’ont pas encore entièrement perdu leur
" irme. Le sable peut donc, avec le temps,
I roduire l’argile, et celle-ci, en se divisant,
II tquiert de même les propriétés d’un véri-
l! ible limon , matière vitrifiable comme Çar-
^ île et qui est du même genre.
il Cette théorie est conforme à ce qui se
“jasse tous les jours sous nos yeux. Qu’on
five du sable sortant de sa minière , l’eau
» chargera d’une assez grande quantité de
lerre noire , ductile , grasse , de véritable
urgiie. Dans les villes où les rues sont pa-
yées de grès , les boues sont toujours noires
Ht très-grasses , et desséchées elles forment
Ine terre de la même nature que l’argile.
| )u’on détrempe et qu’on lave de même de
. Tome I.
l’argile prise dans un terrain où il n’y a ni
grès ni cailloux, il se précipitera toujours
au fond de l’eau une assez grande quantité
de sable vitrifiable.
Mais ce qui prouve parfaitement que
le sable, et même le caillou et le verre,
existent dans l’argile et n’y sont que dégui-
sés , c’est que le feu , en réunissant les par-
ties de celle-ci que l’action de l’air et des
autres élémens avoit peut-être divisées , lui
rend sa première forme. Qu’on mette de
l’argile dans un fourneau de réverbère
échauffé au degré de la calcination , elle se
couvrira au dehors d’un émail très-dur : si
à l’intérieur elle n’est pas encore vitrifiée ,
elle aura cependant acquis une très grande
dureté, elle résistera à la lime et au burin,
elle étincellera sous le marteau , elle aura
enfin toutes les propriétés du caillou; un
degré de chaleur de plus la fera couler et
la convertira en un véritable verre.
L’argile et le sable sont donc des ma-
tières parfaitement analogues et du même
genre ; si l’argile se condensant peut deve-
nir du caillou , du verre , pourquoi le sable
en se divisant ne pourroit-il pas devenir de
l’argile? Le verre paroît être la véritable
terre élémentaire , et tous les mixtes un
verre déguisé ; les métaux , les minéraux ,
les sels , etc. , ne sont qu’une terre vitres-
cible ; la pierre ordinaire , les autres ma-
tières qui lui sont analogues, et les coquilles
des testacés , des crustacés , etc. , sont les
seules substances qu’aucun agent connu n’a
pu jusqu’à présent vitrifier, et les seules qui
semblent faire une classe à part1. Le feu,
i. J’ai dit que les matières calcaires sont les seules
qu’aucun feu connu n’a pu jusqu’à présent vitrifier, et
les seules qui semblent, à cet égard , faire classe à
part, toutes les autres matières du globe pouvant être
réduites en verre.
Je n’avois pas fait alors les expériences par les-
quelles je me suis assuré, depuis, que les matières
calcaires peuvent, comme toutes les autres, être
réduites en verre; il ne faut en effet pour cela
qu’un feu plus violent que celui de nos fourneaux
ordinaires. On réduit la pierre calcaire en verre au
foyer d’un bon miroir ardent : d’ailleurs M. d’Arcet,
savant chimiste , a fondu du spath calcaire , sans
addition d’aucune autre matière , aux fourneaux à
faire de la porcelaine de M. le comte de Laura-
guais : mais ces opérations n’ont été faites que plu-
sieurs années après la publication de ma Théorie
de la terre. On savoit seulement que dans les hauts
fourneaux qui servent à fondre la mine de fer, 1®
laitier spumeux , blanc et léger, semblable à de la
pierre ponce , qui sort de ces fourneaux lorsqu’ils
sont trop échauffés , n’est qu’une matière vitrée
qui provient de la castine ou matière calcaire
qu’on jette au fourneau pour aider à la fusion de
la mine de fer : la seule différence qu’il y ait à
l’égard de la vitrification entre les matières cal-
caires et les matières vitrescibles, c’est que celles-ci
9
t3o THÉORIE DE
en réunissant les parties divisées des pre-
mières , en fait une matière homogène, dure
et transparente à un certain degré , sans
aucune diminution de pesanteur, et à la-
quelle il n’est plus capable de causer aucune
altération ; celles-ci , au contraire , dans les-
quelles il entre une plus grande quantité de
principes actifs et volatils , et qui se cal-
cinent, perdent au feu plus du tiers de
leur poids , et reprennent simplement la
forme de terre , sans autre altération que
la désunion de leurs principes : ces matières
exceptées, qui ne sont pas en grand nom-
bre , et dont les combinaisons ne produisent
pas de grandes variétés dans la nature ,
toutes les autres substances , et particuliè-
rement l’argile , peuvent être converties en
verre , et ne sont essentiellement par con-
séquent qu’un verre décomposé. Si le feu
fait changer promptement de forme à ces
substances en les vitrifiant , le verre lui-
même , soit qu’il ait sa nature de verre, ou
bien celle de sable ou de caillou , se change
naturellement en argile , mais par un pro-
grès lent et insensible.
Dans les terrains où le caillou ordinaire
est la pierre dominante , les campagnes en
sont ordinairement jonchées ; et si le lieu
est inculte , et que ces cailloux aient été
long-temps exposés à l’air sans avoir été
remués , leur superficie supérieure est tou-
jours très-blanche , tandis que le côté op-
posé qui touche immédiatement à la terre,
est très-brun et conserve sa couleur natu-
relle. Si on casse plusieurs de ces cailloux ,
on reconnoîtra que la blancheur n’est pas
seulement au dehors, mais qu’elle pénètre
dans l’intérieur plus ou moins profondé-
ment , et y forme une espèce de bande , qui
n’a dans de certains cailloux que très-peu
d’épaisseur, mais qui , dans d’autres , oc-
cupe presque toute celle du caillou ; cette
partie blanche est un peu grenue , entière-
ment opaque , aussi tendre que la pierre ,
et elle s’attache à la langue comme les bols,
tandis que le reste du caillou est lisse et
sont immédiatement vitrifiées par la violente ac-
tion du feu , au lieu que les matières calcaires
passent par l’état de calcination et forment de
la chaux avant de se vitrifier ; mais elles se vitri-
fient comme les autres, même au feu de nos four-
neaux , dès qu’on les mêle avec des matières vitres-
cibles , surtout avec celles qui, comme l’aubuë, ou
terre limoneuse, coulent le plus aisément au feu.
On peut donc assurer, sans crainte de se tromper,
que généralement toutes les matières du globe peu-
vent retourner à leur première origine en se ré-
duisant ultérieurement en verre, pourvu qu’on leur
administre le degré de feu nécessaire à leur vitrifi-
cation. [Add. Buff)
LA TERRE.
poli , qu’il n’a ni fil ni graiil , et qu’i |
conservé sa couleur naturelle , sa trans] ;
rence , et sa même dureté. Si on met d;
un fourneau ce même taillou à moitié t j
composé , sa partie blanche deviendra d’ |
rouge couleur de tuile , et sa partie bri j
d’un très-beau blanc. Qu’on ne dise poil j
avec un de nos plus célèbres naturalisé î
que ces pierres sont des cailloux imparfi
de différens âges , qui n’ont pas encore |
quis leur perfection ; car pourquoi seroie:
ils tous imparfaits ? pourquoi le seroient
tous du même côté , et du côté qui est < !
posé à l’air ? Il me semble qu’il est aisé j
se convaincre que ce sont au contraire ( j
cailloux altérés , décomposés , qui tendf j
à reprendre la forme et les propriétés !
l’argile et du bol dont ils ont été formé
Si c’est conjecturer que de raisonner ain j
qu’on expose en plein air le caillou le pl j
caillou (comme parle ce fameux naturalisé
le plus dur et le plus noir, en moins d’u j
année il changera de couleur à la surfac f
et si on a la patience de suivre cette exjJ
rience , on lui verra perdre insensiblemcl
et par degrés sa dureté , sa transparence !
ses autres caractères spécifiques , et apprj!
cher de plus en plus chaque jour de la i
ture de l’argile.
Ce qui arrive au caillou arrive au sabl \
chaque grain de sable peut être corisidél
comme un petit caillou , et chaque caillo l
comme un amas de grains de sable extrên: ;]
ment fins et exactement engrenés. L’exer
pie du premier degré de décomposition i |i
sable se trouve dans cette poudre brillant
mais opaque , mica , dont nous venons ;
parler, et dont l’argile et l’ardoise sont toi
joui's parsemées ; les cailloux entièreme j
transparens , les quarz, produisent en il
décomposant des talcs gras et doux au to i
cher, aussi pétrissables et ductiles que
glaise , et vitrifiables comme elle , tels q l
ceux de Venise et de Moscovie ; et il 1 1!
paroît que le talc est un terme moyen enl J
le verre ou le caillou transparent et l’argi I,
au lieu que le caillou grossier et impur, en l
décomposant, passe à l’argile sans intermèc \
Notre verre factice éprouve aussi la mêi ;
altération : il se décompose à l’air, il J
pourrit en quelque façon en séjournant de f
les terres : d’abord sa superficie s 'iris j
s’écaille , s’exfolie , et eh le maniant , !
s’aperçoit qu’il s’en détache des paillet i
brillantes ; mais lorsque sa décompositi
est plus avancée , il s’écrase entre les doi
et se réduit en poudre talqueuse très-blanc J
et très-fine ; l’art a même imité la nati
ART. VII. COUCHES ET LITS DE TERRE.
tooür la décomposition du verre et du cail-
lou. « Est etiam certa methodus solius aquæ
« communis ope silices et arenam in liquo-
« rem viscosum , eumdemque in sal viride
« convertendi , et hoc in oleum rubicun-
« dum , etc. Solius ignis et aquæ ope, spe-
« ciali experimento durissimos quosque la-
« pides in mucorem resolvo , qui distilîatus
« subtilem spiritum exbibet et oleum nullis
«c laudibus prædicabile. »
Nous traiterons ces matières encore plus
à fond dans notre discours sur les minéraux,
et nous nous contenterons d’ajouter ici que
les différentes couches qui couvrent le globe
terrestre, étant encore actuellement ou de
matières que nous pouvons considérer
pomme vitrifiées , ou de matières analogues
au verre , qui en ont les propriétés les plus
essentielles , et qui toutes sont vitrescibles,
et que d’ailleurs , comme il est évident que
de la décomposition du caillou et du verre
qui se fait chaque jour sous nos yeux , il
résulte une véritable terre argileuse, ce
n’est donc pas une supposition précaire ou
gratuite , que d’avancer , comme je l’ai fait,
que les glaises , les argiles et les sables , ont
été formés par les scories et les écumes vi-
trifiées du globe terrestre, surtout lorsqu’on
y joint les preuves à priori que nous avons
données pour faire voir qu’il a été dans un
état de liquéfaction causée par le feu.
Sur les couches et lits de terre en différens
endroits.
* Nous avons quelques exemples des
fouilles et des puits , dans lesquels on a ob-
servé les différentes natures des couches ou
lits de terre jusqulà de certaines profon-
deurs ; celle du puits d’Amsterdam , qui
descendoit jusqu’à 282 pieds; celle du puits
de Marly-la-Tille , jusqu’à 100 pieds; et
nous pourrions en citer plusieurs autres
exemples, si les observateurs étoient d’ac-
cord dans leur nomenclature : mais les uns
appellent marne ce qui n’est en effet que
de l’argile blanche ; les autres nomment
cailloux des pierres calcaires arrondies ; ils
donnent le nom de sable à du gravier cal-
coire : au moyen de quoi l’on ne peut tirer
aucun fruit de leurs recherches ni de leurs
longs mémoires sur ces matières , parce
qu’il y a partout incertitude sur la nature
des substances dont ils parlent ; nous nous
bornerons donc aux exemples suivants.
Un bon observateur a écrit à un de mes
amis , dans les termes suivans , sur les cou-
ches de terre dans le voisinage de Toulon ;
i3i
« U existe ici , dit-il , un immense dépôt
pierreux qui occupe toute la pente de la
chaîne de montagnes que nous avons au
nord de la ville de Toulon , qui s’étend
dans la vallée au levant et au couchant ,
dont une partie forme le sol de la vallée et
va se perdre dans la mer ; cette matière la-
pidifique est appelée vulgairement sa/re ,
et c’est proprement ce tuf que les natura-
listes appellent marga tofacea fistulosa.
M. Guettard m’a demandé des éclaircisse-
mens sur ce safre pour en faire usage dans
ses mémoires, et quelques morceaux de
cette matière pour la connoître. Je lui ai
envoyé les uns et les autres , et je crois qu’il
en a été content , car il m’en a remercié ; il
vient même de me marquer qu’il reviendra
en Provence et à Toulon au commencement
de mai Quoiqu’il en soit , M. Guettard
n’a rien de nouveau à dire sur ce dépôt ;
car M. de Buffon a tout dit à ce sujet dans
son premier volume de Y Histoire naturelle ,
à l’article des Preuves de la Théorie de la
terre; et il semble qu’en faisant cet article ,
il avoit sous les yeux les montagnes de Tou-
lon et leur croupe.
« A la naissance de cette croupe * qui est
d’un tuf plus ou moins dur, on trouve dans
de petites cavités du noyau de la montagne,
quelques mines de très-beau sable , qui sont
probablement ces pelotes dont parle M. de
Buffon. En cassant en d’autres endroits la
superficie du noyau , nous trouvons en
abondance des coquilles de mer incorporées
avec la pierre J’ai plusieurs de ces co-
quilles, dont l’émail est assez bien conservé :
je les enverrai quelque jour à M. de Buf-
fon T . »
M. Guettard , qui a fait par lui - même
plus d’observations en ce genre qu’aucun
autre naturaliste , s’exprime dans les termes
suivans en parlant des montagnes qui avoi-
sinent Paris :
« Après la terre labourable , qui n’est
tout au plus que de deux ou trois pieds ,
est placé un banc de sable qui a depuis
quatre et six pieds jusqu’à vingt pieds, et
souvent même jusqu’à trente de hauteur :
ce banc est communément rempli de pierres
de la nature de la pierre meulière Il y
a des cantons où l’on rencontre, dans ce
banc sableux , des masses de grès isolées.
« Au dessous de ce sable , on trouve un
tuf qui peut avoir depuis dix ou douze jus-
qu’à trente , quarante et même cinquante
pieds. Ce tuf n’est cependant pas coramu-
1. Lettre de M. de Boissy à M. Guenaud de Mont
béliard. Toulon, 16 avril 1775.
9*
THÉORIE DE LA TERRE.
i3a
nément d’une seule épaisseur ; il est assez
souvent coupé par différens lits de fausse
marne , de marne glaiseuse , de cos , que les
ouvriers appellent tripoli, ou de bonne
marne , et même de petits bancs de pierres
assez dures Sous ce banc de tuf com-
mencent ceux qui donnent la pierre à bâtir.
Ces bancs varient par la hauteur ; ils n’ont
guère d’abord qu’un pied. Il s’en trouve
dans des cantons trois ou quatre au dessus
l’un de l’autre : ils en précèdent un qui
peut être d’environ dix pieds , et dont les
surfaces et l’intérieur sont parsemés de
noyaux ou d’empreintes de coquilles ; il est
suivi d’un autre qui peut avoir quatre
pieds ; il porte sur un ae sept à huit , ou
plutôt sur deux de trois ou quatre. Après
ces bancs , il y en a plusieurs autres qui
sont petits , et qui peuvent former en tout
un massif de trois toises au moins ; ce massif
est suivi des glaises , avant lesquelles cepen-
dant on perce un lit de sable.
« Ce sable est rougeâtre et terreux : il a
d’épaisseur deux , deux et demi , et trois
pieds ; il est noyé d’eau ; il a après lui un
banc de fausse glaise bleuâtre , c’est-à-dire
d’une terre glaiseuse mêlée de sable : l’é-
paisseur de ce banc peut avoir deux pieds ;
celui qui le suit est au moins de cinq, et
d’une glaise noire, lisse, dont les cassures
sont brillantes presque comme du jayet ; et
enfin cette glaise noire est suivie de la glaise
bleue , qui forme un banc de cinq à six
pieds d’épaisseur. Dans ces différentes glai-
ses, on trouve des pyrites blanchâtres d’un
jaune pâle et de différentes figures L’eau
qui se trouve au dessous de toutes ces glaises
empêche de pénétrer plus avant
« Le terrain des carrières du canton de
Moxouris , au haut du faubourg Saint-Mar-
ceau, est disposé delà manière suivante:
pi. po.
i° La terre labourable, d’un pied d’épais-
seur t o
2° Le tuf, deux toises 12
3° Le sable, deux à trois toises 18
4° Les terres jaunâtres, deux toises ia
5° Le tripoli, c’est-à-dire des terres blan-
ches, grasses, fermes, qui se durcis-
sent au soleil, et qui marquent comme
la craie, de quatre à cinq toises 3o
6° Du cailloutage ou mélange de sable
gras, de deux toises ia
70 De la roche ou lichette, depuis un
pied jusqu’à deux a
8° Une espèce de bas appareil ou qui a peu
de hauteur, d’un pied jusqu’à deux. . a
90 Deux moies de banc blanc , de chacune
six , sept à huit pouces 1
io° Le souchet, de dix-huit pouces jusqu’à
pi. po.
De Vautre part, t , » 90 o
vingt, en y comprenant son bousin. . 1 6
ix° Le banc franc, depuis quinze, dix-huit,
jusqu’à trente pouces 1 6
12° Le liais-ferault , de dix à douze pouces. 1
i3° Le banc vert, d’un pied jusqu’à vingt
pouces 1 6
i4° Les lambourdes , qui forment deux
bancs , un de dix-huit pouces , et
l’autre de deux pieds 3 6
i5° Plusieurs petits bancs de lambourdss
bâtardes, ou moins bonnes que les
lambourdes ci-dessus; ils précèdent
la nappe d’eau ordinaire des puits:
cette nappe est celle que ceux qui
fouillent la terre à pots sont obligés
de passer pour tirer cette terre ou
glaise à poterie, laquelle est entre
deux eaux, c’est-à-dire entre cetto
nappe dont je viens de parler...., et
une autre beaucoup plus considéra-
ble, qui est au dessous.
En tout 99 pi. »
Au reste, je ne rapporte cet exemple
que faute d’autres ; car on voit combien il
laisse d’incertitudes sur la nature des dif-
férentes terres. On ne peut donc trop
exhorter les observateurs à désigner plus
exactement la nature des matières dont ils
parlent, et de distinguer au moins celles
qui sont vitrescibles ou calcaires comme
dans l’exemple suivant.
Le sol de la Lorraine est partagé en deux
grandes zones toutes différentes et bien
distinctes : l’orientale , que couvre la chaîne
des Vosges, montagnes 'primitives , toutes
composées de matières vitrifiables et cris-
tallisées, granités, porphyres, jaspes, et
quarz , jetés par blocs et par groupes , et non
par lits et par couches. Dans toute cette
chaîne , on ne trouve pas le moindre vestige
de productions marines , et les collines qui
en dérivent sont de sable vitrifiable. Quand
elles finissent , et sur une lisière suivie dans
toute la ligne de leur chute, commence
l’autre zone toute calcaire , toute en couches
horizontales , toute remplie ou plutôt for-
mée de corps marins *.
Les bancs et les lits de terre du Pérou
sont parfaitement horizontaux, et se ré-
pondent quelquefois de fort loin dans les
différentes montagnes : la plupart de ces
montagnes ont deux ou trois cents toises de
hauteur, et elles sont presque toujours
inaccessibles ; elles sont souvent escarpées
comme des murailles, et c’est ce qui per-
met de voir leurs lits horizontaux , dont ces
escarpemens présentent l’extrémité. Lorsque
le hasard a voulu que quelqu’une fût ronde ,
1. Note communiquée à M. de Buffon par M. l’ab-
bé Bexon, le i5 mars 1777.
90 o
ART. VII. COUCHES ET LITS DE TERRE.
et qu’elle se trouve absolument détachée des
autres , chacun de ces lits est devenu comme
un cylindre très-plat, et comme un cône
tronqué, qui n’a que très-peu de hauteur;
et ces différens lits placés les uns au-dessous
des autres, et distingués par leur couleur
et par les divers talus de leur contour, ont
souvent donné au tout la forme d'un ou-
vrage artificiel et fait avec la plus grande
régularité. On voit dans ces pays-là les mon-
tagnes y prendre continuellement l’aspect
d’anciens et somptueux édifices, de cha-
pelles, de châteaux, de dômes. Ce sont
quelquefois des fortifications, formées de
longues courtines munies de boulevarts. Il
est difficile, en distinguant tous ces objets
: et la manière dont leurs couches se ré-
pondent, de douter que le terrain ne soit
! abaissé tout autour ; il paroît que ces mon-
! tagnes , dont la hase étoit plus solidement
appuyée, sont restées comme des espèces
de æmoins et des monumens qui indiquent
la hauteur qu’avoit anciennement le sol de
ces contrées.
| La montagne des Oiseaux, appelée en
i arabe Gebelteiv, est si égale du haut en bas
l’espace d’une demi-lieue, qu’elle semble
plutôt un mur régulier bâti par la main des
| hommes que non pas un rocher fait ainsi
; par la nature. Le Nil la touche par un très-
long espace , et elle est éloignée de quatre
journées et demie du Caire, dans l’Égypte
supérieure.
Je puis ajouter à ces observations une
| remarque faite par la plupart des voyageurs :
c’est que dans les Arables le terrain est d’une
nature très-différente ; la partie la plus voi-
i sine du mont Liban n’offre que des rochers
tranchés et culbutés , et c’est ce qu’on ap-
pelle F Arabie pétvée. C’est de cette contrée ,
dont les sables ont été enlevés par le mou-
j vement des eaux, que s’est formé le ter-
1 rain stérile de l’Arabie déserte ; tandis que
5 les limons plus légers et toutes les bonnes
terres ont été portés plus loin dans la partie
que l’on appelle X Arabie heureuse. Au reste ,
les revers dans l’Arabie heureuse sont,
comme partout ailleurs , plus escarpés vers
la mer d’Afrique , c’est-à-dire vers l’occi-
dent , que vers la mer Rouge qui est à l’orient,
( Add . Buff. )
ARTICLE VIII.
! Sur les coquilles et autres productions de la
mer qu’on trouve dans l’intérieur de la terre.
J’ai souvent examiné des carrières du haut
en bas , dont les bancs étoient remplis de
i33
coquilles; j’ai vu des collines entières qui
en sont composées, des chaînes de rochers
qui en contiennent une grande quantité dans
toute leur étendue. Le volume de ces pro-
ductions de la mer est étonnant, et le nom-
bre de ces dépouilles d’animaux marins est
si prodigieux, qu’il n’est guère possible
d’imaginer qu’il puisse y en avoir davantage
dans la mer. C’est en considérant celte mul-
titude innombrable de coquilles et d’autres
productions marines qu’on ne peut pas dou-
ter que notre terre n’ait été, pendant un
très-long temps , un fond de mer peuplé
d’autant de coquillages que l’est actuelle-
ment l’Océan : la quantité en est immense ,
et naturellement on n’imagineroit pas qu’il
y eût dans la mer une multitude aussi grande
de ces animaux ; ce n’est que par celle des
coquilles fossiles et pétrifiées qu’on trouve
sur la terre que nous pouvons en avoir une
idée. En effet , il ne faut pas croire, comme
se l’imaginent tous les gens qui veulent rai-
sonner sur cela sans avoir rien vu , .qu’on
ne trouve ces coquilles que par hasard ,
qu’elles sont dispersées çà et là , ou tout au
plus par petits tas, comme des coquilles
d’huîtres jetées à la porte : c’est par mon-
tagnes qu’on les trouve , c’est par bancs de
ioo et 200 lieues de longueur; c’est par
collines et par provinces qu’il faut les toi-
ser, souvent dans une épaisseur de 5o ou
6o pieds , et c’est d’après ces faits qu’il faut
raisonner.
Nous ne pouvons donner sur ce sujet un
exemple plus frappant que celui des co-
quilles de Touraine : voici ce qu’en dit
l’historien de l’Académie 1 : « Dans tous
les siècles assez peu éclairés et assez dé-
pourvus du génie d’observation et de re-
cherche , pour croire que tout ce qu’on ap-
pelle aujourd’hui pierres figurées, et les
coquillages même trouvés dans la terre ,
étoient des jeux de la nature, ou quelques
petits accidens particuliers , le hasard a dû
mettre au jour une infinité de ces sortes de
curiosités , que les philosophes mêmes , si
c’étoient des philosophes, ne regardoient
qu’avec une surprise ignorante ou une lé-
gère attention : et tout cela périssoit sans
aucun fruit pour les progrès des connois-
sances. Un potier de terre , qui ne savoit ni
latin ni grec, fut le premier, vers la fin du
seizième siècle , qui osa dire dans Paris , et
à la face de tous les docteurs, que les co-
quilles fossiles étoient de véritables coquilles
(déposées autrefois par la mer dans les lieux
x. Année 1720, pages 5 etsuiv?
ï34 THÉORIE DE
où elles se trouvoient alors ; que des ani-
maux, et surtout des poissons, avoient
donné aux pierres figurées toutes leurs dif-
férentes figui'es , etc. ; et il défia hardiment
toute l’école d’Aristote d’attaquer ses preu-
ves : c’est Bernard Palissy , Saintongeois ,
aussi grand physicien que la nature seule
puisse en former un : cependant son sys-
tème a dormi plus de cent ans , et le nom
même de l’auteur est presque mort. Enfin
les idées de Palissy se sont réveillées dans
l’esprit de plusieurs savans ; elles ont fait
la fortune qu’elles méritoient; on a profité
de toutes les coquilles , de toutes les pierres
figurées que la terre a fournies : peut-être
seulement sont-elles devenues aujourd’hui
trop communes ; et les conséquences qu’on
en tire sont en danger d’être bientôt trop
incontestables.
« Malgré cela , ce doit être encore une
chose étonnante que le sujet des observa-
tions présentes de M. de Réaumur, une
masse de i3o, 680,000 toises cubiques, en-
fouie sous terre, qui n’est qu’un amas de
coquilles , ou de fragmens de coquilles ,
sans nul mélange de matière étrangère , ni
pierre, ni terre, ni sable : jamais, jusqu’à
présent, les coquilles fossiles n’ont paru
en cette énorme quantité , et jamais , quoi-
qu’on une quantité beaucoup moindre, elles
n’ont paru sans mélange. C’est en l'ouraine
que se trouve ce prodigieux amas, à plus de
36 lieues de la mer : on l’y connoît, parce
que les paysans de ce canton se servent de
ces coquilles qu’ils tirent de la terre, comme
de marne, pour fertiliser leurs campagnes,
qui sans cela seroient absolument stériles.
Nous laissons expliquer à M. de Réaumur
comment ce moyen assez bizarre leur réus-
sit ; nous nous renfermons dans la singula-
rité de ce grand tas de coquilles.
« Ce qu’on tire de terre, et qui ordinai-
rement 11’y est pas à plus de 8 ou 9 pieds
de profondeur, ce ne sont que de petits
fragmens de coquilles très-reconnoissables
pour en être des fragmens ; car ils ont les
cannelures très-bien marquées : seulement
ils ont perdu leur luisant et leur vernis ,
comme presque tous les coquillages qu’on
trouve en terre, qui doivent y avoir été
long-temps enfouis Les plus petits frag-
mens qui ne sont que de la poussière,
sont encore reconnoissables pour être des
fragmens de coquilles , parce qu’ils sont
larfaitement de la même matière que
es autres ; quelquefois il se trouve des co-
quilles entières. On reconnoît les espèces
tant des coquilles entières que des fragmens
LA TERRE.
un peu gros : quelques-unes de ces espèces |
sont connues sur les côtes de Poitou , d’au- |
très appartiennent à des côtes éloignées. Il j
y a jusqu’à des fragmens de plantes marines
pierreuses , telles que des madrépores , des 8
champignons de mer, etc. Toute cette ma-
tière s’appelle dans les pays du falun.
« Le canton qui, en quelque endroit qu’on
le fouille, fournit du falun, a bien neuf
lieues carrées de surface. On ne perce ja-
mais la minière de falun ou falunière au
delà de 20 pieds : M. de Réaumur en rap-
porte les raisons , qui ne sont prises que
de la commodité des laboureurs et de
l’épargne des frais. Ainsi les falunières peu-
vent avoir une profondeur beaucoup plus
grande que celle qu’on leur connoît ; ce-
pendant nous n’avons fait le calcul de
i3o, 680, 000 toises cubiques que sur le pied
de 18 pieds de profondeur, et non pas de
20, et nous n’avons mis la lieue qu’à 2,200
toises : tout a donc été évalué fort bas , et
peut-être l’amas de coquilles est-il de beau-
coup plus grand que nous 11e l’avons posé :
qu’il soit seulement double , combien la
merveille augmente-t-elle !
« Dans les faits de physique , de petites
circonstances que la plupart des gens ne
s’aviseroient pas de remarquer, tirent quel-
quefois à conséquence et donnent des lu-
mières. M. de Réaumur a observé que tous
les fragmens de coquilles sont, dans leur
tas , posés sur le plat et horizontalement :
de là il a conclu que cette infinité de frag- i
mens ne sont pas venus de ce que , dans le
tas formé d’abord de coquilles entières , les I
supérieures auroient , par leur poids , brisé i
les inférieures ; car de cette manière il se j
seroit fait des écroulemens qui auroient
donné aux fragmens une infinité de posi-
lions différentes. Il faut que la mer ait ap- ! èi
porté dans ce lieu-là toutes ccs coquilles , j
soit entières, soit quelques-unes déjà bri- j il
sées ; et comme elle les apportoit flottantes , j
elles étoient posées sur le plat et horizonta- j
lement ; après qu’elles ont été toutes dépo- ■ no
sées au rendez-vous commun , l’extrême ; te
longueur du temps en aura brisé et presque 1 Je
calciné la plus grande partie sans déranger ■ t«
leur position.
« Il paroît assez par là qu’elles n’ont pu i lal
être apportées que successivement ; et en i [«
effet , comment la mer voitureroit-elle tout ift
à la fois une si prodigieuse quantité de co- j ta
quilles, et toutes dans une position horizon- j tel
taie? elles ont dû s’assembler dans un même I lt
lieu , et par conséquent ce lieu a été le fond j ffl
d’un golfe ou une espèce de bassin. j b
ART. YIIL PRODUCTIONS DE LÀ MER.
« Toutes ces réflexions prouvent que ,
[uoiqu’il ait dû rester, et qu’il reste effecti-
ement sur la terre beaucoup de vestiges du
léluge universel rapporté par l’Écriture-
ainte , ce n’est point ce déluge qui a pro-
uit l’amas des coquilles de Touraine ;
eut-ètre n’y en a-t-il d’aussi grands amas
ans aucun endroit du fond de la mer : mais
nfin le déluge ne les en auroit pas arra-
îiées ; et s’il l’avoit fait , ç’auroit été avec
ne impétuosité et une violence qui n’au-
oient pas permis à toutes ces coquilles
'avoir une même position : elles ont dû
tre apportées et déposées doucement , len-
ement , et par conséquent en un temps
seaucoup plus long qu’une année.
« Il faut donc , ou qu’avant ou qu’après
b déluge la surface de la terre ait été , du
ûoins en quelques endroits, bien différem-
uent disposée de ce qu’elle est aujourd’hui,
|ue les mers et les continens y aient eu
tn autre arrangement , et qu enfin il y ait
:u un golfe au milieu de la Touraine. Les
fliangemens qui nous sont connus depuis le
emps des histoires ou des fables qui ont
[uelque chose d’historique, sont, à la vé-
rité , peu considérables ; mais ils nous
tonnent lieu d’imaginer aisément ceux que
les temps plus longs pourroient amener.
Æ. de Réaumur imagine comment le golfe
le Touraine tenoit à l’Océan , et quel étoit
je courant qui y charrioit des coquilles ;
nais ce n’est qu’une simple conjecture dou-
tée pour tenir lieu du véritable fait incon-
m , qui sera toujours quelque chose d’ap-
brochant. Pour parler plus sûrement de
“,ette matière , il faudrait avoir des espèces
le cartes géographiques dressées selon
Joutes les manières de coquillages enfouis
m terre : quelle quantité d’observations ne
laudroit-i! pas , et quel temps pour les
rvoir ! Qui sait cependant si les sciences
[t’iront pas un jour jusque là , du moins en
aartie ?»
r Cette quantité si considérable de coquilles
tous étonnera moins , si nous faisons atten-
ion à quelques circonstances qu’il est bon
le ne pas omettre. La première est que les
îoquillages se multiplient prodigieusement,
ît qu’ils croissent en fort peu de temps ;
’abondance d’individus dans chaque espèce
prouve leur fécondité. On a un exemple de
ïette grande multiplication dans les huîtres :
tn enlève quelquefois dans un seul jour un
volume de ces coquillages de plusieurs toises
le grosseur ; on diminue considérablement
ni assez peu de temps les rochers dont on
[es sépare , et il semble qu’on épuise les
i3 S
autres endroits où on les pêche : cependant
l’année suivante on en retrouve autant qu’il
y en avoit auparavant ; on ne s’aperçoit pas
que la quantité d huîtres soit diminuée , et
je ne sache pas qu’on ait jamais épuisé les
endroits où elles viennent naturellement.
Une seconde attention qu’il faut faire, c’est
que les coquilles sont d’une substance ana-
logue à la pierre , qu’elles se conservent
très long-temps dans les matières molles ,
qu’elles se pétrifient aisément dans les ma-
tières dures , et que ces productions ma-
rines et ces coquilles que nous trouvons sur
la terre , étant les dépouilles de plusieurs
siècles , elles ont dû former un volume fort
considérable.
Il y a , comme on voit , une prodigieuse
quantité de coquilles bien conservées dans
les marbres , dans les pierres à chaux ,
dans les craies , dans les marnes , etc.. On
les trouve , comme je viens de le dire , par
collines et par montagnes ; elles font sou-
vent plus de la moitié du volume des ma-
tières où elles sont contenues : elles parais-
sent la plupart bien conservées ; d’autres
sont en fragmens , mais assez gros pour
qu’on puisse reconnoître à l’œil l’espèce de
coquilles à laquelle ces fragmens appar-
tiennent , et c’est là où se bornent les ob-
servations et les connaissances que l’inspec-
tion peut nous donner. Mais je vais plus
loin : je prétends que les craies, les marnes
et les pierres à chaux ne sont composées
que de poussière et de détrimens de co-
quilles ; que par conséquent la quantité des
coquilles détruites est infiniment plus con-
sidérable que celle des coquilles conservées.
On verra dans le discours sur les minéraux
les preuves que j’en donnerai ; je me con-
tenterai d’indiquer ici le point de vue sous
lequel il faut considérer les couches dont le
globe est composé. La première couche ex-
térieure est formée du limon de l’air, du
sédiment des pluies , des rosées , et des
parties végétales ou animales , réduites en
particules dans lesquelles l'ancienne organi-
sation n’est pas sensible ; les couches inté-
rieures de craie , de marne , de pierre à
chaux , de marbre , sont composées de dé-
trimens de coquilles et d’autres productions
marines , mêlées avec des fragmens de co-
quilles ou avec des coquilles entières ; mais
les sablés vitrifiables et l’argile sont les ma-
tières dont l’intérieur du globe est composé ;
elles ont été vitrifiées dans le temps que le
globe a pris sa forme , laquelle suppose né-
cessairement que la matière a été toute en
fusion. Le granité, le roc vif, les cailloux,
i36
THÉORIE DE LA TERRE.
et les grès en grande masse , les .ardoises ,
doivent leur origine au sable et à l’argile ,
et ils sont aussi disposés par couches : mais
les tufs , les grès , et les cailloux qui ne sont
pas en grande masse , les cristaux , les mé-
taux , les pyrites , la plupart des minéraux ,
les soufres , etc. , sont des matières dont la
formation est nouvelle en comparaison des
marbres, des pierres calcinables, des craies,
des marnes , et de toutes les autres matières
qui sont disposées par couches horizontales,
et qui contiennent des coquilles et d’autres
débris des productions de la mer.
Comme les dénominations dont je viens
de me servir pourroient paroître obscures
ou équivoques , je crois qu’il est nécessaire
de les expliquer. J’entends par le mot d’ar-
gile non seulement les argiles blanches,
jaunes , mais aussi les glaises bleues , mol-
les , dures , feuilletées , etc. , que je regarde
comme des scories de verre , ou comme du
verre décomposé. Par le mot de sable,
j’entends toujours le sable vitrifiable; et
non seulement je comprends sous cette dé-
nomination le sable fin qui produit les grès,
et que je regarde comme de la poussière
de verre , ou plutôt de pierre ponce , mais
aussi le sable qui provient du grès usé et
détruit par le frottement, et encore le sable
gros comme du menu gravier , qui provient
du granité et du roc vif, qui est aigre , an-
guleux, rougeâtre, et qu’on trouve assez
communément dans le lit des ruisseaux et
des rivières qui tirent immédiatement leurs
eaux des hautes montagnes, ou de collines
qui sont composées de roc vif ou de gra-
nité. La rivière d’Armanson, qui passe à Se-
mur en Auxois , où toutes les pierres sont
du roc vif, charrie une grande quantité de
ce sable , qui est gros et fort aigre ; il est
de la même nature que le roc vif, et il
n’en est en effet que le débris , comme le gra-
vier calcinable n’est que le débris de la
pierre de taille ou du moellon. Au reste ,
le roc vif et le granité sont une seule et
meme substance ; mais j’ai cru devoir em-
ployer les deux dénominations , parce qu’il
y a bien des gens qui en font deux ma-
tières différentes. Il en est de même des
cailloux et des grès en grande masse : je
les regarde comme des espèces de rocs vifs
ou de granités, et je les appelle cailloux en
grande masse, parce qu’ils sont disposés,
comme la pierre calcinable , par couches ,
et pour les distinguer des cailloux et des
grès que j’appelle en petite masse , qui sont
les cailloux ronds et les grès que l’on trouve
à la chasse , comme disent les ouvriers,
c’est-à-dire les grès dont les bancs n’o:
pas de suite et ne forment pas des ca
rières continues et qui aient une certaii
étendue. Ces grès et ces cailloux sont d’ui
formation plus nouvelle, et n’ont pas
même origine que les cailloux et les gr
en grande masse , qui sont disposés par coi
ches. J’entends par la dénomination d’a
doise, non seulement l’ardoise bleue qi
tout le monde connoît, mais les ardoisi
blanches, grises, rougeâtres, et tous L
schistes. Ces matières se trouvent ordina
rement au dessous de l’argile feuilletée , i
semblent n’être en effet que de l'argile
dont les différentes petites couches ont pr
corps en se desséchant, ce qui a produ
les délits qui s’y trouvent. Le charbon d
terre , la houille , le jais , sont des matièn
qui appartiennent aussi à l’argile , et qu’o
trouve sous l’argile feuilletée ou sous. l’ai
doise. Par le mot de tuf, j’entends non sei
lement le tuf ordinaire qui paroît troué
et, pour ainsi dire, organisé, mais encor
toutes les couches de pierre qui se sont fa
tes par le dépôt des eaux courantes, toi
le
tes les stalactites , toutes les incrustations!
toutes les espèces de pierres fondantes
il n’est pas douteux que ces matières n
soient nouvelles, et qu’elles ne premier
tous les jours de l’accroissement. Le ti
n’est qu’un amas de matières lapidifiques
dans lesquelles on n’aperçoit aucune coucli
distincte : cette matière est disposée ordl
nairement en petits cylindres creux, irrî
gulièrement groupés et formés par des eaui
gouttières au pied des montagnes ou sur 1
pente des collines , qui contiennent des lit
de marne ou de pierre tendre et calcinable
la masse totale de ces cylindres, qui for
un des caractères spécifiques de cette e;.
pèce de tuf, est toujours ou oblique ou vei
ticale , selon la direction des filets d’eau qi
les forment. Ces sortes de carrières pari
sites n’ont aucune suite : leur étendue es
très-bornée en comparaison des carrière
ordinaires , et elle est proportionnée à 1
hauteur des montagnes qui leur fournisse!
la matière de leur accroissement. Le ti
recevant chaque jour de nouveaux sucs h
pidifiques , ces petites colonnes cylindrique
qui laissoient entre elles beaucoup d’intei
valle , se confondent à la fin , et avec 1
temps le tout devient compacte : mais cett
matière n’acquiert jamais la dureté de 1
pierre; c’est alors ce qu’Agricola nomm
marga tofacea fistulosa. On trouve ordi
nairement dans ce tuf quantité d’impre;
sions de feuilles d’arbres et de plantes d
si
ART. VIII. PRODUCTIONS DE LA MER. i37
l’espèce de celles que le terrain des envi-
rons produit ; on y trouve aussi assez sou-
vent des coquilles terrestres très-bien con-
servées , mais jamais-de coquilles de mer.
Le tuf est donc certainement une matière
nouvelle , qui doit être mise dans la classe
des stalactites, des pierres fondantes, des
incrustations , etc. Toutes ces matières nou-
velles sont des espèces de pierres parasites
il qui se forment aux dépens des autres , mais
qui n’arrivent jamais à la vraie pétrifi-
cation.
Le cristal , toutes les pierres précieuses ,
toutes celles qui ont une figure régulière ,
même les cailloux en petite masse qui sont
formés par couches concentriques , soit que
ces sortes de pierres se trouvent dans les
fentes perpendiculaires des rochers ou par-
tout ailleurs, ne sont que des exsudations
des cailloux en grande masse , des sucs con-
crets de ces mêmes matières, des pierres
i parasites nouvelles , de vraies stalactites de
ij caillou ou de roc vif.
1 On ne trouve jamais de coquilles ni dans
;! le roc vif ou granité , ni dans le grès ; au
j moins je n’y en ai jamais vu , quoiqu’on en
( trouve, et même assez souvent, dans le
j sable vitrifiable , duquel ces matières tirent
leur origine : ce qui semble prouver que le
| sable ne peut s’unir pour former du grès ou
, du roc vif que quand il est pur ; et que s’il
est mêlé de substances d’un autre genre,
comme sont les coquilles , ce mélange de
I1 parties qui lui sont hétérogènes en empêche
la réunion. J’ai observé, dans le dessein
de m’en assurer , ces petites pelotes qui se
forment souvent dans les couches de sable
mêlé de coquilles , et je n’y ai jamais trouvé
aucune coquille ; ces pelotes sont un véri-
!i table grès ; ce sont des concrétions qui se
! forment dans le sable aux endroits où il
j n’est pas mêlé de matières hétérogènes , qui
('s’opposent à la formation des bancs ou
;! d’autres masses plus grandes que ces pe-
lotes.
Nous avons dit qu’on a trouvé à Amster-
dam , qui est un pays dont le terrain est
i fort bas , des coquilles de mer à ioo pieds
de profondeur sous terre, et à Marly-la-
i Ville , à six lieues de Paris , à 7 5 pieds : on
en trouve de même au fond des mines et
dans les bancs des rochers au dessous d’une
hauteur de pierre de 5o, 100, 200 et jus-
qu’à 1000 pieds d’épaisseur, comme il est
aisé de le remarquer dans les Alpes et dans
îles Pyrénées ; il n’y a qu’à examiner de
( près les rochers coupés à plomb , et on voit
((que dans les lits inférieurs il y a des co-
quilles et d’autres productions marines :
mais , pour aller par ordre , on en trouve
sur les montagnes d’Espagne , sur les Pyré-
nées , sur les montagnes de France , sur
celles d’Angleterre , dans toutes les carriè-
res de marbre en Flandre , dans les monta-
gnes de Gueldre , dans toutes les collines
autour de Paris , dans toutes celles de Bour-
gogne et de Champagne , en un mot , dans
tous les endroits où le fond du terrain n’est
pas de grès ou de tuf ; et dans la plupart
des lieux dont nous venons de parler , il y
a presque dans toutes les pierres plus de
coquilles que d’autres matières. J’entends
ici par coquilles non seulement les dépouil-
les de coquillages , mais celles des crustacés,
comme tests et pointes d’oursin , et aussi
toutes les productions des insectes de mer,
comme les madrépores , les coraux , les as-
troïtes , etc. Je puis assurer , et on s’en
convaincra par ses yeux quand on le voudra,
que dans la olupart des pierres calcinables
et des marbres , il y a une si grande quan-
tité de ces productions marines , qu’elles
paroissent surpasser en volume la matière
qui les réunit.
Mais suivons. On trouve ces productions
marines dans les Alpes , même au dessus
des plus hautes montagnes , par exemple, au
dessus du mont Cenis; on en trouve dans
les montagnes de Gênes , dans les Apen-
nins et dans la plupart des carrières de
pierre ou de marbre en Italie ; on en voit
dans les pierres dont sont bâtis les plus
anciens édifices des Romains ; il y en a dans
les montagnes du Tyrol et dans le centre
de l’Italie, au sommet du mont Paterne,
près de Bologne, dans les mêmes endroits
qui produisent cette pierre lumineuse qu’on
appelle la pierre de Bologne ; on en trouve
dans des collines de la Pouille , dans celles
de la Calabre , en plusieurs endroits de
l’Allemagne et de la Hongrie , et généra-
lement dans tous les lieux élevés de l’Eu-
rope *.
En Asie et en Afrique, les voyageurs en
ont remarqué en plusieurs endroits : par
exemple , sur la montagne de Castravan au
dessus de Barut , il y a un lit de pierre
blanche , mince comme de l’ardoise , dont
chaque feuille contient un grand nombre
et une grande diversité de poissons ; ils
sont la plupart fort plats et fort comprimés,
comme est la fougère fossile ; et ils sont ce-
pendant si bien conservés , qu’on y remar-
que parfaitement jusqu’aux moindres traits
1, Voyez sur cela Stenon, Ray, Wootlward, etc.
i38
THÉORIÎ
des nageoires i des écailles , et de toutes les
parties qui distinguent chaque espèce de
poisson. On trouve de même beaucoup
d’oursins de mer et de coquilles pétrifiées
entre Suez et le Caire , et sur toutes les
collines et les hauteurs de la Barbarie ; la
plupart sont exactement conformes aux es-
pèces qu’on prend actuellement dans la mer
Rouge l. Dans notre Europe on trouve des
poissons pétrifiés en Suisse , en Allemagne,
dans la carrière d’Oningen , etc.
La longue chaîne de montagnes, dit
M. Bourguet, qui s’étend d’occident en
orient, depuis le fond du Portugal jusqu’aux
parties les plus orientales de la Chine , cel-
les qui s’étendent collatéralement du côté
du nord et du midi , les montagnes d’Afri-
que et d’Amérique qui nous sont connués,
les vallées et les .plaines de l’Europe, ren-
ferment toutes des couches de terres et de
pierres qui sont remplies de coquillages,
et de là on peut conclure pour les autres
parties du monde qui nous sont inconnues.
Les îles de l’Europe , celles de l’Asie et
de l’Amérique où les Européens ont eu oc-
casion de creuser , soit dans les montagnes,
soit dans les plaines , fournissent aussi des
coquilles , ce qui fait voir qu’elles ont cela
de commun avec les continens qui les avoi-
sinent 2.
En voilà assez pour prouver qu’en effet
on trouve des coquilles de mer, des pois-
sons pétrifiés et d’autres productions mari-
nes, presque dans tous les lieux où on a
voulu les chercher , et qu’elles y sont en pro-
digieuse quantité.
«Il est vrai, dit un auteur anglois3,
qu’il y a eu quelques coquilles de mer dis-
persées çà et là sur la terre par les ar-
mées , par les liabitans des villes et des
villages, et que ’a Loubère rapporte dans
son Voyage de Siam , que les singes au
cap de Bonne-Espérance s’amusent conti-
nuellement à transporter des coquilles du
rivage de la mer au dessus des montagnes ;
mais cela ne peut pas résoudre la question
pourquoi ces coquilles sont dispersées dans
tous les climats de la terre , et jusque dans
l’intérieur des plus hautes montagnes, où
elles sont posées par lit , comme elles le sont
dans le fond de la mer. »
En lisant une lettre italienne sur les chan-
gemens arrivés au globe terrestre , imprimée
DE LA TERRE.
à Paris cette année (1746), je m’attendois
à y trouver ce fait rapporté par la Loubère ;
il s’accorde parfaitement avec les idées de
l’auteur : les poissons pétrifiés ne sont , à
son avis , que des poissons rares , rejetés
de la table des Romains parce qu’ils n’étoient
pas frais ; et à l’égard des coquilles , ce sont,
dit-il , les pèlerins de Syrie qui ont rap-
porté , dans le temps des croisades , celles
des mers du Levant qu’on trouve actuelle-
ment pétrifiées en France , en Italie , et
dans les autres états de la chrétienté. Pour-
quoi n’a-t-il pas ajouté que ce sont les sin-
ges qui ont transporté les coquilles au som-
met des hautes moutagnes et dans tous les
lieux où les hommes ne peuvent habiter?
cela 11’eût rien gâté et eût rendu son ex-
plication encore plus vraisemblabe. Com-
ment se peut-il que des personnes éclairées
et qui se piquent même de philosophie, ,
aient encore des idées fausses sur ce sujet 4?
et 84
j. Voyez les V oyages de S/iaw , vol. II, pages 70
a. Voyez Lettres philosophiques sur la formation
des sels, page 2o5.
3. Tancred. Robinson,
4- Sur ce que j’ai écrit, au sujet de la lettre ita-
lienne, dans laquelle il est dit que ce sont les pèlerins
et autres qui , dans le temps des croisades, ont rap-
porté de Syrie les coquilles que nous trouvons dans le
sein de la terre en France, etc., on a pu trouver,
comme je le trouve moi-même , que je 11’ai pas
traité M. de Voltaire assez sérieusement ; j’avoue
que j’aurois mieux fait de laisser tomber cette opi-
nion que de la relever par une plaisanterie , d’au-
tant que ce 11’ est pas mon ton, et que c’est peut-
être la seule qui soit dans mes écrits. M. de Voltaire
est un homme qui , par la supériorité de ses talens,
mérite les plus grands égards. On m’apporta cette
lettre italienne dans le temps même que je corri-
geois la feuille de mon livre où il en est question ;
je ne lus cette lettre qu’en partie, imaginant que
c’étoit l’ouvrage de quelque érudit d’Italie, qui,
d’après ses connoissances historiques , n’avoit suivi
que son préjugé , sans consulter la nature ; et ce ne’
fut qu’après l’impression de mon volume sur la
Théorie de la terre, qu’on m’assura que la lettre
étoit de M. de Voltaire : j’eus regret alors à mes
expressions. Voilà la vérité : je la déclare autant
pour M. de Voltaire que pour moi-même et pour
la postérité, à laquelle je ne voudrois pas laisser
douter de la haute estime que j’ai toujours eue pour
un homme aussi rare , et qui fait tant d’honneur à
son siècle.
L’autorité de M. de Voltaire ayant fait impres-
sion sur quelques personnes , il s’en est trouvé qui
ont voulu vérifier par eux-mêmes si les objections j
contre les coquilles avoient quelque fondement , et
je crois devoir donner ici l’extrait d’un mémoire qui J«s
m’a été envoyé , et qui me paroit n’avoir été fait
que dans cette vue :
« En parcourant différentes provinces du royau-
me et même d’Italie, j’ai vu, dit le P. Chabenat,
des pierres figurées de toutes parts , et dans cer-
tains endroits en si grande quantité et arrangées
de façon qu’on ne peut s’empêcher de croire que I ®oi
ces parties de la terre n’aient été autrefois le lit de
la mer. J’ai vu des coquillages de toute espèce , et
qui sont parfaitement semblables à leurs analogues j fitill
vivans. J’en ai vu de la même figure et de la même f m,
grandeur : celte observation m’a paru suffisante
l pi
dimens qui se sont amoncelés peu à peu , e J
qui ont enfin produit des hauteurs consf i;
déràbles par la succession des temps ; ca;;i re
il est évident , pour tous les gens qui se ts
donneront la peine d’observer, que l’arran: »
gement de toutes les matières qui composen; tt
le globe est l’ouvrage des eaux. Il n’e^t don p
question que de savoir si cet arrangement ; fil
été fait dans le même temps : or nous avon )»
prouvé qu’il n’a pu se faire dans le mêm
temps , puisque les matières ne gardent palpa
l’ordre de la pesanteur spécifique , et qu’il
n’y a pas eu de dissolution générale d i
toutes les matières; donc cet arrangemen!
a été produit par les eaux, ou plutôt pai ïi
les sédimens qu’elles ont déposés dans 1
succession des temps ; toute autre révolu}
tion, tout autre mouvement, toute autrl
cause, auroit produit un arrangement très >
différent. D’ailleurs, un accident partiel]
lier, une révolution, ou un bouleversement
n'auroit pas produit un pareil effet dans 1 j
i. Voyez Ray ‘s Discourses, pages 178 et soiv.
ART. VIII. PRODUCTIONS DE LÀ MER. 147
»îobe tout entier *, et si l’arrangement des
terres et des couches avoit pour cause des
révolutions particulières et accidentelles,
an trouveroit les pierres et les terres dis-
posées différemment en différens pays , au
lieu qu’on les trouve partout disposées de
même par couches parallèles , horizontales ,
au également inclinées.
Voici ce que dit à ce sujet l’historien de
l’Académie 1 :
« Des vestiges très-anciens et en très-
»rand nombre d’inondations qui ont dû être
très-étendues, et la maniéré dont on est
abligé de concevoir que les montagnes se
sont formées, prouvent assez qu’il est arrivé
autrefois à la surface de la terre de grandes
révolutions. Autant qu’on en a pu creuser,
an n’a presque vu que des ruines , des dé-
bris , de vastes décombres entassés pêl -
mêle , et qui , par une longue suite de
siècles , se sont incorporés ensemble , et
unis en une seule masse le plus qu'il a été
possible : s’il y a dans le globe de la terre
quelque espèce d’organisation régulière ,
aile est plus profonde, et par conséquent
nous sera toujours inconnue, et toutes nos
Recherches se termineront à fouiller dans
les ruines de la croûte extérieure; elles
[tonneront encore assez d’occupations aux
philosophes.
I« M. de Jussieu a trouvé aux environs de
iaint-Chaumont , dans le Lyonnois , une
prande quantité de pierres écailleuses ou
euilletées, dont presque tous les feuillets
>ortoient sur leur superficie l’empreinte ou
l’un bout de tige, ou d’une feuille , ou d’un
ragment de feuille de quelque plante : les
«présentations de feuilles étoient toujours
ixactement étendues, comme si on avoit
:ollé les feuilles sur les pierres avec la main ;
e qui prouve qu’elles avoient été apportées
bar de l’eau qui les avoit tenues en cet état ;
lies étoient en différentes situations, et
uélquefois deux ou trois se croisoient.
« On imagine bien qu’une feuille déposée
ar l’eau sur une vase molle, et couverte
nsuite d’une autre vase pareille, imprime
pr l’une l’image de l’une de ses deux sur-
ices , et sur l’autre l’image de l’autre sur-
ice ; de sorte que ces deux lames de vase
jtant durcies et pétrifiées, elles porteront
hacune l’empreinte d’une face différente,
liais ce qu’on auroit cru devoir être, n’est
ias : les deux lames ont l’empreinte de la
îème face de la feuille, l’une en relief, et
üautre en creux. M. de Jussieu a observé,
1. Année 1718, pages 3 el suiv.
dans toutes ces pierres figurées de Saint-
Chaumont, ce phénomène, qui est assez
bizarre ; nous lui en laissons l’explication ,
pour passer à ce que ces sortes d’observa-
tions ont de plus général et de plus inté-
ressant.
« Toutes les plantes gravées dans les
pierres de Saint-Chaumont sont des plantes
étrangères ; non seulement elles ne se trou-
vent ni dans le Lyonnois , ni dans le reste
de la France, mais elles ne sont que dans
les Indes orientales et dans les climats chauds
de l’Amérique ; ce sont la plupart des
plantes capillaires , et souvent en particulier
des fougères-. Leur tissu dur et erré les a
rendues plus propres à se graver et à se
conserver dans les moules autant de temps
qu’il a fallu. Quelques feuilles de plantes
des Indes , imprimées dans les pierres d’Al-
lemagne, ont paru étonnantes à M. Leib-
nitz : voici la même merveille infiniment
multipliée ; il semble même qu’il y ait à
cela une certaine affectation de la nature;
dans toutes les pierres de Saint-Chaumont
on ne trouve pas une seule plante du pays.
« Il est certain, par les coquillages des
carrières et des montagnes, que ce pays,
ainsi que beaucoup d’autres , à dû autrefois
être couvert par l’eau de la mer; mais com-
ment la mer d’Amérique ou celle des Indes
orientales y est-elle venue?
«On peut, pour satisfaire à plusieurs
phénomènes, supposer avec assez de vrai'
semblance , que la mer a couvert tout le
globe de la terre : mais alors il n’y avoit
point de plantes terrestres; et ce n’est
qu’après ce temps-là , et lorsqu’une partie
du globe a été découverte, qu’il s’est pu
faire les grandes inondations qui ont trans-
Îiorté des plantes d’un pays dans d’autres
ort éloignés.
« M. de Jussieu croit que comme le lit
de la mer hausse toujours par les terres, le
limon , les sables que les rivières y char-
rient incessamment , des mers renfermées
d’abord entre certaines digues naturelles
sont venues à les surmonter, et se sont ré-
pandues au loin. Que les digues aient elles-
mêmes été minées par les eaux, t s’y soient
renversées, ce sera encore le même effet,
pourvu qu’on les suppose d’une grandeur
énorme. Dans les premiers temps de la for-
mation de la terre , rien n’avoit encore pris
une forme réglée et arrêtée ; il a pu se faire
alors des révolutions prodigieuses et subites
dont nous ne voyons plus d’exemple , parce
que tout est venu à peu près à un état de.
consistance, qui n’est pointant pas tel, que
10.
ï48
-
THÉORIE DE LA TERRE.
les changemens lents et peu considérables
qui arrivent, ne nous donnent heu cl en
imaginer comme possibles d’autres de meme
espèce, mais plus grands et prompts.
« Par quelqu’une de ces grandes révolu-
tions , la mer des Indes , soit orientales ,
soit occidentales , aura été poussée jusqu’en
Europe, et y aura apporté des plantes étran-
gères flottantes sur ses eaux ; elle les avoit
arrachées en chemin , et les alloit déposer
doucement dans les lieux où l’eau n’étoit
qu’en petite quantité, et pouvoit s’évapo-
rer. »
Il me seroit facile d’ajouter à 1 énumé-
ration des amas de coquilles qui se trouvent
dans toutes les parties du monde , un très-
grand nombre d’observations particulières
qui m’ont été communiquées depuis trente-
quatre ans. J’ai reçu des lettres des îles de
l’Amérique , par lesquelles on m’assure que
presque dans toutes on trouve des coquijles
dans leur état de nature ou pétrifiées dans
l’intérieur de la terre, et souvent sous la
première couche de la terre végétale ; M. de
Bougainville a trouvé aux îles Malouines
des pierres qui se divisent par feuillets , sur
lesquelles on remarquoit des empreintes de
coquilles fossiles d’une espèce inconnue dans
ces mers. J’ai reçu des lettres de plusieurs
endroits des Grandes- Indes et de l’Afrique ,
où l’on me marque les mêmes choses. Don
Ulloa nous apprend (t. III, p. 3i4 de son
Voyagé) , qu’au Chili , dans le terrain qui
s’étend depuis Talcaguano jusqu’à la Con-
ception , l’on trouve des coquilles de diffé-
rentes espèces en très-grande quantité et
sans aucun mélange de terre , et que c’est
avec ces coquilles que l’on fait de la chaux.
Il ajoute que cette particularité ne seroit pas
si remarquable , si l’on ne trouvoit ces co-
quilles que dans les lieux bas et dans d’au-
tres parages sur lesquels la mer auroit pu les
couvrir; mais que ce qu’il y a de singulier,
dit-il, c’est que les mêmes las de coquilles
se trouvent dans les collines à 5o toises de
hauteur au dessus du niveau de la mer. Je
ne rapporte pas ce fait comme singulier,
mais seulement comme s’accordant avec tous
les autres , et comme étant le seul qui me
soit connu sur les coquilles fossiles de cette
partie du monde, où je suis très persuadé
qu’on trouveroit, comme partout ailleurs,
des pétrifications marines , à des hauteurs
bien plus grandes que 5o toises au dessus
du niveau de la mer : car le même don Ul-
loa a trouvé depuis des coquilles pétrifiées
dans les montagnes du Pérou a plus de
a,ooo toises de hauteur; et, selon M. Kalm,
on voit des coquillages dans l’ Amérique sep-
tentrionale , sur les sommets de plusieurs
montagnes ; il dit en avoir vu lui-même sur
le sommet de la montagne Bleue. On en
trouve aussi dans les craies des environs de
Montréal , dans quelques pierres qui se
tirent près du lac (Jhamplain en Canada , et
encore dans les parties les plus septentrio-
nales de ce nouveau continent , puisque les
Groenlandois croient que le monde a été
noyé par un déluge , et qu’ils citent pour
garant de cet événement les coquilles et
les os de baleine qui couvrent les mon-
tagnes les plus élevées de leur pays.
Si de là on passe en Sibérie , on trouvera
également des preuves de l’ancien séjour
des eaux de la mer sur tous nos continens.
Près de la montagne de Jéniséik , on voit
d’autres montagnes moins élevées, sur le
sommet desquelles on trouve des amas de
coquilles bien conservées dans leur forme et
leur couleur naturelles : ces coquilles sont
toutes vides, et quelques-unes tombent en
poudre dès qu’on les touche; la mer de cette
contrée n’en Journit plus de semblables ; les
plus grandes ont un pouce de large, d’au-
tres sont très-petites.
Mais je puis encore citer des faits qu’on
sera bien plus à portée de vérifier ; chacun
dans sa province n’a qu’à ouvrir les yeux ,
il verra des coquilles dans tous les terrains
d’où l’on tire de la pierre pour faire de la
chaux ; il en trouvera aussi dans la plupart
des glaises , quoique en général ces produc-
tions marines y soient en bien plus petite '
quantité que dans les matières calcaires.
Dans le territoire de Dunkerque , au haut
delà montagne des Récollets , près de celle:
de Cassel , à 400 pieds du niveau de la basse:
mer, on trouve un lit de coquillages hori-
zontalement placés et si fortement entassés,
que la plus grande partie en sont brisés , et
par dessus ce lit, une couche de 7 ou 8 pieds!
de terre et plus; c’est à six lieues de dis-
tance de la mer, et ces coquilles sont de là
même espèce que celles qu’on trouve ac-
tuellement dans la mer.
Au mont Gannelon près d’Anet , à quel
que distance de Compiègne , il y a plusieurs
carrières de très-belles pierres calcaires,
entre les différons lits desquelles il se trouv<
du gravier mêlé d’une infinité de coquille;
ou de portions de coquilles marines très-lé
gères et fort friables : on y trouve aussi de:
lits d’huîtres ordinaires de la plus belle con
servation, dont l’étendue est de plus de cin< J1®
quarts de lieue en longueur. Dans l’une d»
ces carrières , il se trouve trois lits de co
Irai
raji
ART. YIH. PRODUCTIONS DE LA MER.
quilles dans difFérens états : dans deux de
ces lits elles sont réduites en parcelles, et
on ne peut en reconnoître les espèces , tan-
dis que dans le troisième lit, ce sont des
huîtres qui n’ont souffert d’autre altération
qu’une sécheresse excessive : la nature de
la coquille, l’émail, et la figure sont les
mêmes que dans l’analogue vivant ; mais ces
coquilles ont acquis de la légèreté et se dé-
tachent par feuillets. Ces carrières sont au
pied de la montagne et un peu en pente.
En descendant dans la plaine on trouve
beaucoup d’huîtres, qui ne sont ni chan-
gées , ni dénaturées , ni desséchées comme
les premières; elles ont le même poids et
le même émail que celles que l’on tire tous
les jours de la mer *.
Aux environs de Paris , les coquilles ma-
rines ne sont pas moins communes que dans
les endroits qu’on vient de nommer. Les
carrières de Bougival, où l’on tire de la
marne , fournissent une espèce d’huîtres
d’une moyenne grandeur : on pourroit les
appeler huîtres tronquées , ailées , et lisses ,
{parce qu’elles ont le talon aplati , et qu’elles
sont comme tronquées en devant. Près de
Belleville, où l’on tire du grès, on trouve
qne masse de sable dans la terre , qui con-
tient des corps branchus, qui pourroient
bien être du corail ou des madrépores de-
venus grès ; ces corps marins ne sont pas
ians le sable même, mais dans les pierres,
|ui contiennent aussi des coquilles de dif-
ërens genres, telles que des vis, des uni-
salves, et des bilvalves.
La Suisse n’est pas moins abondante en
:orps marins fossiles que la France et les
utres contrées dont on vient de parler;
n trouve au mont Pilate , dans le canton
Se Lucerne, des coquillages de mer pétri-
Sés , des arêtes et des carcasses de poissons.
C’est au dessous de la corne du Dôme où
l’on en rencontre le plus; on y a aussi
rouvé du corail , des pierres d’ardoises qui
je lèvent aisément par feuillets, dans les-
quelles on trouve presque toujours un pois-
jon. Depuis quelques années on a même
rouvé des mâchoires et des crânes entiers
Ile poissons, garnis de leurs dents,
j M. Altman observe que dans une des
parties les plus élevées des Alpes aux en-
trons de Grindelvald , où se forment les
jameux Gletchers , il y a de très-belles
arrières de marbre , qu’il a fait graver sur
ne des planches qui représentent ces mon-
jagne* : ces carrières de marbre ne sont
!i t. Extrait d’une lettre de M. Leschevin à M. de
îuffon, Compiègne, le 8 octobre 1772.
i49
qu’à quelques pas de distance du Gletcher.
Ces marbres sont de différentes couleurs ;
il y en a du jaspé, du blanc, du jaune , du
rouge, du vert : on transporte l’hiver ces
marbres sur des traîneaux par dessus les
neiges jusqu’à Underseen , où on les em-
barque pour les mener à Berne par le lac
de Thorne, et ensuite par la riviere d’Are.
Ainsi les marbres et les pierres calcaires se
trouvent , comme l’on voit , à une très-
grande hauteur dans cette partie des Alpes.
M. Cappeler, en faisant des recherches
sur le mon! Grimsel (dans les Alpes) , a
observé que les collines et les monts peu
élevés qui confinent aux vallées, sont en
bonne partie composés de pierre de taille
ou pierre mollasse, d’un grain plus ou
moins fin et plus ou moins serré. Lessom-
miiés des monts sont composées, pour la
plupart, de pierre à chaux de différentes
couleurs et dureté : les montagnes plus éle-
vées que ces rochers calcaires sont compo-
sées de granités et d’autres pierres qui pa-
roissent tenir de la nature du granité et
de celle de l’émeri ; c’est dans ces pierres
graniteuses que se fait la première généra-
tion du cristal de roche, au lieu que dans
les bancs de pierre à chaux qui sont au
dessous , l’on ne trouve que des concrétions
calcaires et des spaths. En général , on a
remarqué sur toutes les coquilles, soit fos-
siles , soit pétrifiées , qu’il y a de certaines
espèces qui se rencontrent constamment
ensemble, tandis que d’autres ne se trouvent
jamais dans ces mêmes endroits. Il en est
de même dans la mer, où certaines espèces
de ces animaux testacés se tiennent cons-
tamment ensemble , de même que certaines
plantes croissent toujours ensemble, à la
surface de la terre2.
On a prétendu trop généralement qu’il
n’y avoit point de coquilles ni d’autres pro-
ductions de la mer sur les plus hautes mon-
tagnes. Il est vrai qu’il y a plusieurs som-
mets et un grand nombre de pics qui ne sont
composés que de granités et de rochers vi-
trescibles, dans lesquels on n’aperçoit au-
cun mélange, aucune empreinte de coquilles
ni d’aucun autre débris des productions ma-
rines ; mais il y a un bien plus grand nom-
bre de montagnes , et même quelques-unes
fort élevées, où l’on trouve de ces débris
marins. M. Costa, professeur d’anatomie
et de botanique en l’université de Perpi-
gnan, a trouvé, en 1774, sur la montagne
de Nas , située au midi de la Cerdagne es-
2. Lettres philosophiques de M. Boiirguet Biblio-
thèque raisonnée , mois d'avril, mai et juin 1730.
ïSo
THÉORIE DE LA TERRE.
pagnole , ï’une des plus hautes parties des
Pyrénées, à quelcpies toises au dessous du
sommet de cette montagne, une très-grande
quantité de pierres lenticulées , c’est-à-dire
des blocs composés de pierres lenticulaires,
et ces blocs étoient de différentes formes
et de différens volumes; les plus gros pou-
voient peser quarante ou cinquante livres.
Il a observé que la partie de la montagne
où ces pierres lenliculaires se trouvent
sembloit s’ètre affaissée ; il vit en effet dans
cet endroit une dépression irrégulière , obli-
que, très-inelinée à l’horizon, dont une
des extrémités regarde le haut de la mon-
tagne , et l’autre le bas. Il ne put apercevoir
distinctement les dimensions de cet affais-
sement à cause de la neige qui le recouvroit
presque partout, quoique ce fût au mois
d’août. Les bancs de pierres qui environ-
nent ces pierres lenticulées , ainsi que ceux
qui sont immédiatement au dessous, sont
calcaires jusqu’à plus de cent toises toujours
en descendant. Cette montagne de Nas, à
en juger par le coup d’œil, semble aussi
élevée que le Canigou ; elle ne présente
nulle part aucune trace de volcan.
Je pourrois citer cent et cent autres
exemples de coquilles marines trouvées dans
une infinité d’endroits, tant en France que
dans les différentes provinces de l’Europe;
mais ce seroit grossir inutilement cet ou-
vrage de faits particuliers déjà trop multi-
pliés , et dont on ne peut s’empêcher de
tirer la conséquence très-évidente que nos
terres actuellement habitées ont autrefois
été, et pendant fort long-temps, couvertes
par les mers.
Je dois seulement observer, et on vient
de le voir, qu’on trouve ces coquilles ma-
rines dans des états différens ; les unes pé-
trifiées, c’est- dire moulées sur une ma-
tière pierreuse ; et les autres dans leur état
naturel , c’est-à-dire telles qu’elles existent
dans la mer. La quantité de coquilles pé-
trifiées, qui ne sont proprement que des
pierres figurées par les coquilles, est infi-
niment plus grande que celle des coquilles
fossiles , et ordinairement on ne trouve pas
les unes et les autres ensemble, ni même
dans les lieux contigus. Ce n’est guère que
dans le voisinage , et à quelques lieues de
distance de la mer, que l’on trouve des
lits de coquilles dans leur état de nature ,
et ces coquilles sont communément les
mêmes que dans les mers voisines : c’est
au contraire dans les terres plus éloignées
de la mer et sur les plus hautes collines
que l’on trouve presque partout des co-
quilles pétrifiées dont un grand nombre
d’espèces n’appartiennent point à nos mers,
et dont plusieurs même n’ont aucun ana-
logue vivant; ce sont ces espèces anciennes
dont nous avons parlé , qui n’ont existé que
dans les temps de la grande chaleur du
globe. De plus de cent espèces de cornes
d’ammon que l’on pourroit compter, dit
un de nos savans académiciens , et qui se
trouvent en France aux environs de Paris,
de Rouen, de Dive, de Langres et de Lyon,
dans les Cévennes , en Provence et en Poi-
tou, en Angleterre, en Allemagne et dans
d’autres contrées de l’Europe, il n’y en a
qu’une seule espèce nommée n'autilus papy-
raceus, qui se trouve dans nos mers, et
cinq à six espèces qui naissent dans les
mers étrangères. ( Add . Buff.)
ARTICLE IX.
Sur les inégalités de la surface de la terre.
Les inégalités qui sont à la surface de la
terre, qu'on pourroit regarder comme une
imperfection à la figure du globe , sont en
même temps une disposition favorable et
qui étoit nécessaire pour conserver la vé-
gétation et la vie sur le globe terrestre : il
ne faut , pour s’en assurer , que se prètci
un instant à concevoir ce que seroit la
terre, si elle étoit égale et régulière à sa
surface; on verra qu’au lieu de ces collines
agréables d’où coulent des eaux pures qui
entretiennent la verdure de la terre , au lieu
de ces campagnes riches et fleuries où les
plantes et les animaux trouvent aisément
leur subsistance , uue triste mer couvrirent 1
le globe entier , et qu’il ne resteroit à hi
terre de tous ses attributs, que celui d’être
une planète obscure, abandonnée et destinée
tout au plus à l’habitation des poissons.
Mais indépendamment de la nécessiteijl
morale , laquelle ne doit que rarement faire
preuve en philosophie , il y a une nécessite
physique pour que la terre soit irrégulière;
à sa surface; et cela, parce qu’en la sup
posant même parfaitement régulière dan
son origine , le mouvement des eaux , le
feux souterrains, les vents et les autre
causes extérieures auroient nécessairemen
produit à la longue des irrégularités sem
niables à celles que nous.. voyons.
Les plus grandes inégalités sont les pro
fondeurs de l’Océan, comparées à l’élévatioi ;
des montagnes ; cette profondeur de l’Océai |
est fort différente, même à de grandes dis |
tances des terres ; on prétend qu’il y a de
ART. IX. INÉGALITÉS DE LA TERRE. 1 St
j endroits qui ont jusqu’à une lieue de pro-
, fondeur : mais cela est rare , et les profon-
i deurs les plus ordinaires sont depuis 60 jus-
] qu’à i5o brasses. Les golfes et les parages
ii voisins des côtes sont bien moins profonds,
1 et les détroits sont ordinairement les en-
droits de la mer où l’eau a le moins de pro-
fondeur.
Pour sonder les profondeurs de la mer,
on se sert ordinairement d’un morceau de
plomb de 3o ou 40 livres, qu’on attache
à une petite corde. Cette manière est fort
bonne pour les profondeurs ordinaires :
mais lorsqu’on veut sonder de grandes pro-
fondeurs , on peut tomber dans l’erreur ,
et ne pas trouver de fond où cependant il
y en a , parce que la corde étant spécifique-
ment moins pesante que l’eau , il arrive ,
après qu’on en a beaucoup dévidé, que le
volume de la sonde et celui de la corde ne
pèsent plus qu’auîant ou moins qu’un pa-
reil volume d’eau : dès lors la sonde ne des-
cend plus, elle s’éloigne en ligne oblique ,
en se tenant toujours à la meme hauteur :
'ainsi , pour sonder de grandes profondeurs,
il faudroit une chaîne de fer ou d’autre ma-
tière plus pesante que l’eau. Il est assez pro-
bable que c’est faute d’avoir fait cette atten-
tion , que les navigateurs nous disent que
la mer n’a pas de fond dans une si grande
! quantité d’endroits.
En général , les profondeurs dans les
hautes mers augmentent ou diminuent d’une
manière assez uniforme ; et ordinairement
plus on s’éloigne des côtes , plus la profon-
deur est grande : cependant cela n’est pas
sans exception , et il y a des endroits au
milieu de la mer où l’on trouve des écueils,
comme aux Abrolhos dans la mer Atlanti-
que ; d autres où il y a des bancs d’une
étendue très-considérable , comme le grand
banc , le banc appelé le Borneur dans no-
tre Océan , les bancs et les bas-fonds de
l’Océan indien , etc.
I De même le long des côtes les profon-
deurs sont fort inégales : cependant on peut
donner comme une règle certaine , que la
profondeur de la mer à la côte est toujours
proportionnée à la hauteur de cette même
côte , en sorte que si la côte est fort élevée,
; la profondeur sera fort grande ; et , au con-
i traire , si la plage est basse et le terrain
plat , la profondeur est fort petite , comme
dans les fleuves où les rivages élevés annon-
cent toujours beaucoup de profondeur , et
où les grèves et les bords de niveau mon-
trent ordinairement un gué , ou du moins
une profondeur médiocre.
Il est encore plus aisé de mesurer la hau-
teur des montagnes que de sonder les pro-
fondeurs des mers , soit au moyen de la
géométrie pratique, soit par le baromètre :
cet instrument peut donner la hauteur d’une
montagne fort exactement, surtout dans
les pays où sa variation n’est pas considé-
rable , comme au Pérou et sous les autres
climats de l’équateur. On a mesuré par
l’un ou l’autre de ces deux moyens la hau-
teur de la plupart des éminences qui sont
à la surface du globe; par exemple, on a
trouvé que les plus hautes montagnes de la
Suisse sont élevées d’environ seize cents
toises au dessus du niveau de la mer plus
que le Canigou , qui est une des plus hau-
tes de Pyrénées1. Il paraît que ce sont les
plus hautes de toute l’Europe ,' puisqu’il en
sort une grande quantité de fleuves, qui
portent leurs eaux dans différentes mers fort
éloignées , comme le Pô , qui se rend dans
la mer Adriatique; le Rhin, qui se perd
dans les sables en Hollande; le Rhône, qui
tombe dans la Méditerranée ; et le Danube,
ii va jusqu’à la mer Noire. Ces quatre
mves, dont les embouchures sont si éloi-
gnées les unes des autres , tirent tous une
partie de leurs eaux du mont Saint-Gothard
et des montagnes voisines; ce qui prouve
que ce point est le plus élevé de l’Europe.
Les plus hautes montagne de l’Asie sont
le mont Taurus , le mont Xmaüs , le Cau-
case , et les montagnes du Japon. Toutes
ces montagnes sont plus élevées que celles
de l'Europe; celles d’Afrique, le grand
Atlas, et les monts de la Lune sont au
moins aussi hautes que celles de l’Asie ; et
les plus élevées de toutes sont celles de
l’Amérique méridionale, surtout celles du
Pérou , qui ont jusqu’à 3ooo toises de hau-
teur au dessus du niveau de la mer. En gé-
néral , les montagnes entre les tropiques
sont plus élevées que celles des zones tem-
pérées , et celles-ci plus que celles des zo-
nes froides ; de sorte que plus on approche
de l’équateur , et plus les inégalités de la
surface de la terre sont grandes. Ces inéga-
lités , quoique fort considérables par rap-
port à nous , ne sont rien quand on les con-
sidère par rapport au globe terrestre. Trois
mille toises de différence sur trois mille
lieues de diamètre , c’est une toise sur une
lieue , ou un pied sur deux mille deux cents
pieds ; ce qui, sur un globe de deux pieds
et demi de diamètre , ne fait pas la sixième
partie d’une ligne : ainsi la terre, dont la
1. Voyez Y Histoire de V Académie, 1708, p. s4*
THÉORIE DE LA TERRE.
surface nous paroit traversée et coupée par
!a hauteur énorme des montagnes et par la
rofondeur affreuse des mers , n’est cepen-
ant , relativement à son volume , que très-
légèrement sillonnée d’inégalités si peu sen-
sibles , quelles ne peuvent causer aucune
différence à la figure du globe.
Dans les continens , les montagnes sont
continues et forment des chaînes ; dans les
îles , elles paraissent ê tre ni us interrompues
et plus isolées , et elles s’élèvent ordinaire-
ment au dessus de la mer en forme de
cône ou de pyramide , et on les appelle
des pics. Le pic de Ténériffe , dans l’île de
Fer , est une des plus hautes montagnes de
la terre ; elle a près d’une lieue et demie
de hauteur perpendiculaire au dessus du
niveau de la mer. Le pic de Saint-George
dans l’une des Açores , le pic d’Adam dans
l’île de Ceylan , sont aussi fort élevés. Tous
ces pics sont composés de rochers entassés
les uns sur les autres, et ils vomissent à
leur sommet du feu, des cendres, du bi-
tume , des minéraux et des pierres. Il y a
même des îles qui ne sont précisément que
des pointes de montagnes , comme l’ile
Sainte-Hélène , File de l’Ascension , la plu-
part des Canaries et des Açores; et il faut
remarquer que dans la plupart des îles , des
promontoires et des autres terres avancées
dans la mer , la partie du milieu est tou-
jours la plus élevée , et qu’elles sont ordi-
nairement séparées en deux par des chaînes
de montagnes qui les partagent dans leur
plus grande longueur , comme en Écosse le
mont Gransbain, qui s’étend d’orient en
occident , et partage l’île de la Grande-Bre-
tagne en deux parties : il en est de même
des îles de Sumatra , de Luçon , de Bornéo,
des Célèbes , de Cuba , et de Saint-Domin-
gue , et aussi de l'Italie , qui est traversée
dans toute sa longueur par l’Apennin , de
la presqu’île de Corée , de celle de Ma-
laye, etc.
Les montagnes , comme l’on voit , diffè-
rent beaucoup en hauteur; les collines
sont les plus basses de toutes ; ensuite
viennent ïes montagnes médiocrement éle-
vées , qui sont suivies d’un troisième rang
de montagnes encore plus hautes, lesquel-
les , comme les précédentes , sont ordinaire-
ment chargées d’arbres et de plantes , mais
qui , ni les unes ni les autres , ne fournis-
sent aucune source , excepté au bas ; enfin
les plus hautes de toutes les montagnes sont
celles sur lesquelles on ne trouve (pie du
sable , des pierres , des cailloux , et des ro-
chers dont les pointes s’élèvent souvent
jusqu’au dessus des nues : c’est précisément
au pied de ces rochers qu’il y a de petits
espaces, de petites plaines, des enfonce-
mens , des espèces de vallons où l’eau de la
pluie , la neige et la glace s’arrêtent , et
où elles forment des étangs , des marais,
des fontaines , d’où les fleuves tirent leur
origine r.
La forme des montagnes est aussi fort
diffthente : les unes forment des chaînes
dont la hauteur est assez égale dans une
très-longue étendue de terrain , d’autres
sont coupées par des vallons très -profonds;
les unes ont des contours assez réguliers,
d’autres paroissent au premier coup d’œil
irrégulières , autant qu’il est possible de
l’être ; quelquefois on trouve au milieu d’un
vallon ou d’une plaine un monticule isolé :
et de même qu’il y a des montagnes de
différentes especes , il y a aussi de deux
sortes de plaines , les unes en pays bas, les
autres en montagnes : les premières ' sont
ordinairement partagées par le cours de
quelque grosse rivière ; les autres , quoique
d’une étendue considérable , sont èches,
et n’ont tout au plus que quelque petit
ruisseau. Ces plaines en montagnes sont
souvent fort élevées , et toujours de diffi-
cile accès : elles forment des pays au dessus
des autres pays, comme en Auvergne, en
Savoie , et dans plusieurs autres pays éle-
vés ; le terrain ep est ferme et produit
beaucoup d’herbes et de plantes odoriféran-
tes, ce qui rend ces dessus de montagnes
les meilleurs pâturages du monde.
Le sommet des hautes montagnes est com-
posé de rochers plus ou moins élevés , qui
ressemblent , surtout vus de loin , aux on-
des de la mer 2. Ce n’est pas sur cette ob-
servation seule que l’on pourrait assurer,
comme nous l’avons fait, que les montagnes
ont été formées par les ondes de la mer, et
je ne la rapporte que parce qu’elle s’accorde
avec toutes les autres. Ce qui prouve évi-
demment que la mer a couvert et formé
les montagnes , ce sont les coquilles et les
autres productions marines qu'on trouve
partout en si grande quantité , qu’il n’est
pas possible qu’elles aient été transportées
de la mer actuelle dans des continens aussi
éloignés et à des profondeurs aussi considé-
rables. Ce qui le prouve , ce sont les cou-
ches horizontales et parallèles qu’on trouve
partout , et qui ne peuvent avoir été for-
1. Voyez Lettres philosophiques sur la formation
des sels , page 198.
2. Voyez Lettres philosophiques sur la formation
des sels, page 196.
ART. IX. INÉGALITÉS DE LA TERRE.
mées que par les eaux ; c’est la composition
j des matières , même les plus dures , comme
! de la pierre et du marbre , à laquelle ou
recouuoît clairement que les matières étoient
réduites en poussière avant la formation de
ces pierres et de ces marbres , et qu’elles
se sont précipitées au fond de l'eau en forme
de sédiment ; c’est encore l’exactitude avec
laquelle les coquilles sont moulées dans ces
matières ; c’est l’intérieur de ces mêmes co-
jquilles , qui est absolument rempli des ma-
nières dans lesquelles elles sont renfermées :
et enfin ce qui le démontre incontestable-
ment , ce sont les angles correspondans des
moniagnes et des collines , qu’aucune autre
cause que les courans de la mer n’auroit pu
former ; c’est l’égalité de la hauteur des
jcoilines opposées et les lits des différentes
matières qu’on y trouve à la même hauleur ;
c’est la direction des montagnes, dont les
chaînes s’étendent en longueur dans ' le
même sens , comme l’on voit s’étendre les
ondes de la mer.
A l’égard des profondeurs qui sont à la
jisurface de la terre , les plus grandes sont
[sans contredit les profondeurs de la mer :
mais comme elles ne se présentent point
jà l’oeil , et qu’on n’en peut juger que
par la sonde , nous n’entendons parler
que des profondeurs de terre ferme, tei-
lles que les profondes vallées que l’on voit
entre les montagnes , les précipices qu’on
trouve entre les rochers , les abîmes qu’on
aperçoit du haut des montagnes , comme
l’abîme du mont Ararath , les précipices
[les Alpes , les vallées des Pyrénées. Ces
profondeurs sont une suite naturelle de
jj’élévation des montagnes ; elles reçoivent
des eaux et les terres qui coulent de la
[montagne ; le terrain en est ordinaire-
ment très-fertile et fort habité. Pour les
précipices qui sont entre les rochers , ils
ie forment par l’affaissement des rochers,
pont la base cède quelquefois plus d’un
“ôté que de l’autre , par l’action de l’air
t de la gelée qui les fait fendre et qui
les sépare, et par la chute impétueuse
(les torrens qui s’ouvrent des routes et
Entraînent tout ce qui s’oppose à leur vio-
lence : mais ces abîmes , c’est-à-dire ces
pionnes et vastes précipices qu’on trouve
ui sommet des montagnes , et au fond des-
quels il n’est quelquefois pas possible de
descendre , quoiqu’ils aient une demi-lieue
pu une lieue de tour , ont été formés par
le feu ; ces abîmes éloient autrefois les
loyers des volcans, et toute la matière qui
y manque en a été rejetée par faction et
i53
l’explosion de ces feux , qui depuis se sont
éteints faute de matière combustible. L’abîme
du mont Ararath, dont M. de Tournefort
donne la description dans son Voyage du
Levant , est environné de rochers noirs et
brûlés , comme seront quelque jour les abî-
mes de l’Etna , du Vésuve , et de tous les
autres volcans , lorsqu’ils auront consumé
toutes les matières combustibles qu’ils ren-
ferment.
Dans V Histoire naturelle de la province
de Stafford en Angleterre , par Plot , il
est parlé d’une espèce de gouffre qu’on a
sondé jusqu’à la profondeur de 2600 pieds
perpendiculaire, sans qu’on y ait trouvé
d’eau : on n’a pu même en trouver le fond,
parce que la corde n’étoit pas assez longue r.
Les grandes cavités et les mines profon-
des sont ordinairement dans les montagnes,
et elles ne descendent jamais , à beaucoup
près , au niveau des plaines : ainsi nous ne
connoissons par ces cavités que l’intérieur
de la montagne , et point du tout celui du
globe.
D’ailleurs ces profondeurs ne sont pas en
effet fort considérables. Ray assure que les
plus profondes n’ont pas un demi-mille de
profondeur. La mine de Cotteberg, qui, du
temps d’Agricola, passoit, pour la plus pro-
fonde de toutes les mines connues , n’avoit
que 9.500 pieds de profondeur perpendicu-
laire. U est vrai qu’il y a des trous dans
certains endroits, comme celui dont nous
venons de parler dans la province de Staf-
ford , ou le Poolshole dans la province de
Darby en Angleterre, dont la profondeur
est peut-être plus grande : mais tout cela
n’est rien en comparaison de l’épaisseur du
globe.
Si les rois d’Égypte , au lieu d’avoir fait
des pyramides et élevé d’aussi fastueux mo-
numens de leurs richesses et de leur vanité,
eussent fait la même dépense pour sonder
la terre et y faire une profonde excavation,
comme d’une lieue de profondeur , on au -
roit peut-être trouvé des matières qui au-
roient dédommagé de la peine et de la dé-
pense , ou tout au moins on auroit des con-
noissances qu’on n’a pas sur les matières
dont le globe est composé à l’intérieur ; ce
qui seroit peut-être fort utile.
Mais revenons aux montagnes. Les plui
élevées sont dans les pays méridionaux ; et
plus on approche de l’équateur , plus on
trouve d’inégalités sur la surface du globe.
Ceci est aisé à prouver par une courte énu-
mération des montagnes des îles.
1. Voyez le Journal des Savons, année 1680, p. ia.
X54 THÉORIE DE LA TERRE.
En Amérique , la chaîne des Cordillères,
les plus hautes montagnes de la terre , est
précisément sous l’équateur , et elle s’étend
des deux côtés bien loin au delà des cer-
cles qui renferment la zone torride.
En Afrique, les hautes montagnes de la
Lune et du Monomotapa , le grand et le pe-
tit Atlas, sont sous l’équateur, ou n’en sont
pas éloignés.
En Asie, le morit Caucase, dont la chaîne
s’étend sous différens noms jusqu’aux mon-
tagnes de la Chine, est, dans toute cette
étendue, plus voisin de l’équateur que des
pôles.
En Europe, les Pyrénées, les Alpes, et
les montagnes de la Grèce , qui ne sont que
la même chaîne, sont encore moins éloi-
gnées de l’équateur que des pôles.
Or ces montagnes dont nous venons de
faire l’énumération sont toutes plus élevées,
plus considérables et plus étendues en lon-
geur et en largeur que les montagnes des
pays septentrionaux.
A l’égard de la direction de ces chaînes
de montagnes , on verra que les Alpes prises
dans toute leur étendue forment une chaîne
qui traverse le continent entier depuis l’Es-
pagne jusqu’à la Chine : ces montagnes com-
mencent au bord de la mer en Galice , ar-
rivent aux Pyrénées, traversent la France
par le Vivarais et l’Auvergne, séparent l’Ita-
lie, s’étendent en Allemagne et au-dessus
de la Daîmatie jusqu’en Macédoine , et de
là se joignent avec les montagnes d’Arménie,
le Caucase, leTaurus, l’Imaüs, et s’étendent
jusqu’à la mer de Tartarie. De même le
mont Atlas traverse le continent entier de
l’Afrique d’occident en orient, depuis le
royaume de Fez jusqu’au détroit de la mer
Rouge. Les monts de la Lune ont aussi la
même direction.
Mais en Amérique la direction est toute
contraire , et les chaînes des Cordilières et
des autres montagnes s’étendent du nord au
sud plus que d’orient en occident *.
i. Cette dernière assertion doit être modifiée :
car quoiqu’il paroisse au premier coup d’œil qu’on
puisse suivre les montagnes de l’Espagne jusqu’à
la Chine, en passant des Pyrénées, en Auvergne,
aux Alpes, en Allemagne, en Macédoine, au Cau-
case, et autres montagnes de l’Asie jusqu’à la mer
de Tartarie, et quoiqu’il semble de même que le
mont Atlas partage d’occident en orient le continent
de l’Afrique, cela n’empêche pas que le milieu de
cette grande presqu’île ne soit une chaîne continue
de hautes montagnes qui s’étend depuis le mont
Atlas aux monts de la Lune, et des monts de la
Lune jusqu’aux terres du cap de Bonne-Espérance;
en sorte que l’Afrique doit être considérée comme
composée de montagnes qui en occupent le milieu
Ce que nous observons ici sur les plus
grandes éminences du globe peut s’observer
dans toute sa longueur, et qui sont disposées du
nord au sud et dans la même direction que celles
de l’Amérique. Les parties de l’Atlas qui s’étendent
depuis le milieu et des deux côtés vers l’occident
et vers l’orient, ne doivent être considérées que
comme des branches de la chaîne principale. Il en
sera de même de la partie des monts de la Lune qui
s'étend vers l’occident et vers l’orient : ce sont des
montagnes collatérales de la branche principale
qui occupe l’intérieur, c’est-à-dire le milieu de l’A-
frique; et s’il n’y a point de volcans dans cett*
prodigieuse étendue de montagnes , c’esi parce que
la mer est des deux côtés fort éloignée du milieu
de cette vaste presqu’île; tandis qu’en Amérique lg
mer est très-voisine du pied des hautes montagnes,
et qu’au lieu de former le milieu de la presqu’île
de l’Amérique méridionale, elles sont au contraire
toutes situées à l’occident , et que l’étendue des
basses terres est en entier du côté de l’orient.
La grande chaîne des Cordilières n’est pas la
seule, dans le nouveau continent, qui soit dirigée
du nord au sud ; car dans le terrain de la Guiane, à
environ cent cinquante lieues de Cayenne, il y s
aussi une chaîne d’assez hautes montagnes qui courl
également du nord au sud : cette montagne est si
escarpée du côté qui regarde Cayenne, qu’elle est,
pour ainsi dire, inaccessible. Ce revers à-plomb dt
la chaîne de montagnes semble indiquer qu’il y a d<
l’autre côté une pente douce et une bonne terre)
aussi la tradition du pays, ou plutôt le témoignagi
des Espagnols, est qu’il y a au delà de cette montagne
des nations de sauvages réunis en assez grand nomi.
bre. On a dit aussi qu’il y avoit une mine d’or danj,
ces montagnes, et un lac où l’on trouvoit des pail
lettes d’or; mais ce fait ne s’est pas confirmé.
En Europe, la chaîne de montagnes qui comi
mence en Espagne, passe en France, en Allemagne
et en Hongrie , se partage en deux grandes brani
clics, dont l’une s’éiend en Asie par les montagne ;
de la Macédoine, du Caucase, etc. , et l’autre bran !
che passe de la Hongrie dans la Pologne, la Rus j
sie, et s’étend jusqu'aux sources du Wolga et di j
Borysthène; et se prolongeant encore plus loin i
elle gagne une autre chaîne de montagnes en SiM
bérie qui aboutit enfin à la mer du Nord à l’occl !
dent du fleuve Oby. Ces chaînes de montagne j
doivent être regardées comme un sommet presquj 1
continu , dans lequel plusieurs grands fleuves prêt j
lient leurs sources : les uns , comme le Tage , j I
Doure en Espagne, la Garonne, la Loire en FranO'j
le Rhin en Allemagne, se jettent dans l’Océan; h '1
autres, comme l’Oder, la Vistule, le Niémen,! |
jettent dans la mer Baltique; enfin d’autres fleuve. ;
comme la Doine, tombent dans la mer Blanche, ! j
le fleuve Petzora dans la mer Glaciale. Du côté < |
l’orient, cette même chaîne de montagnes donufl
naissance à l’Yeucar et l’Èbre en Espagne, an Rhôi ;
en France, au Pô en Italie, qui tombent dans 3
mer Méditerranée; au Danube et au Don, qui ; |
perdent dans la mer Noire; et enfin au Wolga , q
tombe dans la mer Caspienne.
Le sol de la Norwége est plein de rochers et < ?ji
groupes de montagnes 11 y a cependant des plain i
fort unies de six, huit et dix milles d’étendue. 1 !|i
direction des montagnes n’est point à l’ouest <
l’est, comme celles des autres montagnes de l’E; j i
rope ; elles vont au contraire, comme les Cordilièrt q i
du sud au nord.
Dans l’Asie méridionale , depuis l’île de Ceyl
ART. IX. INÉGALITÉS DE LA TERRE.
iussi sur les plus grandes profondeurs de
a mer. Les plus vastes et les plus hautes
uers sont plus voisines de l’équateur que des
>ôles, et il résulte de celte observation que
es plus grandes inégalités du globe se trou-
ent dans les climats méridionaux. Ces irré-
ularités qui se trouvent à la surface du
lobe , sont la cause d’une infinité d’effets
rdinaires et extraordinaires; par exemple,
ntre les rivières de l’Inde et du Gange il y
t le cap Comorin , il s’étend une chaîne de mon-
tgnes qui sépare le Malabar -de Coromandel , tra-
erse le Mogol , regagne le mont Caucase , se pro-
mge dans le pays des Calmouks , et s’étend jus-
u’à la mer du Nord à l’occident du fleuve I r lis :
n en trouve une autre qui s’étend de même du
ord au sud jusqu’au cap Razalgat en Arabie, et
u’on peut suivre à quelque distance de la mer
ouge jusqu’à Jérusalem ; elle environne l’extrémité
e la mer Méditerranée et la pointe de la mer Noire,
t de là s’étend par la Russie jusqu’au même point
e la mer du Nord
On peut aussi observer que les montagnes de
Indostan et celles de Siam courent du sud au nord,
t vont également se réunir aux rochers du Thibel
t de la Tartarie. Ces montagnes offrent, de cha-
ue coté, des saisons différentes : à l’ouest on a six
ois de pluie , tandis qu'on jouit à l’est du plus
;au soleil.
Toutes les montagnes de Suisse , c’est-à-dire celles
e la Vallésie et des Grisons , celles de la Savoie ,
u Piémont et du Tyrol , forment une chaîne qui
étend du nord au sud jusqu’à la mer Méditer-
anée. Le mont Pilate, situé dans le canton de Lu-
erne, à peu près dans le centre de la Suisse, forme
ne chaîne d’environ quatorze lieues qui s’étend du
ord au sud jusque dans le canton de Berne.
On peut donc dire qu’en général les plus grandes
minences du globe sou: disposées du nord au sud,
que celles qui courent dans d’autres directions ne
oivent être regardées que comme des branches
llatérales de ces premières montagnes ; et c’est
partie par cette disposition de montagnes pri-
nitives , que toutes les pointes des continens se
résentent dans la direction du nord au sud, comme
i le voit à la pointe de l’Afrique, à celle de l’A-
érique, à celle de Californie, à celle de Groen-
nd , au cap Comorin , à Sumatra , à la Nouvelle-
ollande, etc.; ce qui paroît indiquer, comme
ous l’avons déjà dit , que toutes les eaux sont
enues en plus grande quantité du pôle austral que
u pôle boréal.
Si l’on consulte une nouvelle mappemonde, dans
quelle on a représenté autour du pôle arctique
outes les terres des quatre parties du monde , à
exception d’une pointe de l’Amérique , et autour
lu pôle antarctique, toutes les mers et le peu de
erres qui composent l’hémisphère pris dans ce
ens , on reconnoîtra é idemment qu’il y a eu beau-
oup plus de boulever-emens dans ce second hémi-
phère que dans le premier, et que la quantité des
aux y a toujours été et y est encore bien plus
onsidérable que dans notre hémisphère. Tout con-
ourt donc à prouver que les plus grandes inégalités
Ju globe se trouvent dans les parties méridionales,
Iît que la direction la plus générale des montagnes
jriiniiives est du nord au sud plutôt que d’orient
;n occident dans toute l’étendue de la surface du
;lobe. (Add. Buff.)
i55
a une large chersonèse qui est divisée dans
son milieu par une chaîne de hautes mon-
tagnes que l’on appelle le Gâte, qui s’étend
du nord au sud depuis les extrémités du
mont Caucase jusqu’au cap de Comorin :
de l’un des côtés est Malabar, et de l’autre
Coromandel; du côté de Malabar, entre
cette chaîne de montagnes et la mer, la sai
son de l’été est depuis le mois de septembre
jusqu’au mois d’avril, et pendant tout ce
temps le ciel esl serein et sans aucune pluie;
de l’autre côté de la montagne , sur la côte
de Coromandel , celte même saison est leur
hiver, et il y pleut tous les jours en abon-
dance; et du mois d’avril au mois de sep-
tembre c’est la saison de l’été , tandis que
c’est celle de l’hiver en Malabar; en sorte
qu’en plusieurs endroits qui ne sont guère
éloignés que de 20 lieues de chemin , on
peut , en croisant la montagne , changer de
saison. On dit que la même chose se trouve
au cap Razalgat en Arabie, et de même à
la Jamaïque, qui est séparée dans son mi-
lieu pas une chaîne de montagnes dont la
direction esl de l’est à l’ouest, et que les
plantations qui sont au midi de ces mon-
tagnes éprouvent la chaleur de l’été, tandis
que celles qui sont au nord souffrenl la ri-
gueur de l’iiiver dans ce même temps. Le
Pérou , qui esl situé sous la ligne et qui
s’étend à environ mille lieues vers le midi ,
est divisé en trois parties , longues, étroites,
que les habitans da Pérou appellent lanos ,
sierras, et andes. Les lanos, qui sont les
plaines, s’étendent tout le long de la côte
de la mer du Sud ; les sierras sont des col-
lines avec quelques vallées, et les andes
sont ces fameuses Cordilières, les plus hautes
montagnes que l’on commisse. Les lanos ont
10 lieues plus ou moins de largeur; dans
plusieurs endroits les sierras ont 20 lieues
de largeur, et les andes autant, quelquefois
plus, quelquefois moins : la largeur est de
ï’esl à l’ouest , et la longueur est du nord au
sud. Cette partie du monde a ceci de remar-
quable : i° dans les lanos, le long de toute
cette côte , le vent de sud-ouest souffle
constamment , ce qui est contraire à ce qui
arrive ordinairement dans la zone torride ;
20 il ne pleut ni ne tonne jamais dans les
lanos, quoiqu’il y tombe quelquefois un peu
de rosée ; 3° il pleut presque continuelle-
ment sur les andes; 40 dans les sierras , qui
sont entre les lanos et les andes , il pleut
depuis le mois de septembre jusqu’au mois
d’avril.
On s’est aperçu depuis long-temps que
les chaînes des plus hautes montagnes alloient
THÉORIE DE LÀ TERRE.
d’occident en orient; ensuite, après la dé-
couverte du Nouveau -Monde, on a vu qu’il
y en avoit de fort considérables qui tour-
noient du nord au sud : mais personne
n’â voit découvert avant M. Rôurguet la sur-
prenante régularité de la structure de ces
grandes masses; il a trouvé, après avoir
passé trente fois les Alpes en quatorze en-
droits différens, deux fois l’Apennin, et
fait plusieurs tours dans les environs de ces
montagnes et dans le mont Jura, que toutes
les montagnes sont formées dans leurs con-
tours à peu près comme les ouvrages de
fortification. Lorsque le corps d’une mon-
tagne va d’occident en orient , elle forme
des avances qui regardent, autant qu’il est
possible, le nord et le midi : cette régularité
admirable est si sensible dans les vallons,
qu’il semble qu’on y marche dans un che-
min couvert fort régulier; car si, par
exemple , on voyage dans un vallon du nord
au sud, on remarque que la montagne qui
est à droite forme des avances ou des angles
qui regardent l’orient , et ceux de la mon-
tagne du côté gauche regardent l’occident;
de sorte que néanmoins les angles saillans
de chaque côté répondent réciproquement
aux angles rentrais qui leur sont toujours
alternativement opposés. Les angles que les
montagnes forment dans les grandes vallées
sont moins aigus, parce que la pente est
moins roide, et qu’ils sont plus éloignés les
uns des autres; et dans les plaines ils ne
sont sensibles que dans le cours des rivières,
qui en occupent ordinairement le milieu :
leurs coudes naturels répondent aux avances
les plus marquées ou aux angles les plus
avancés des montagnes auxquelles le terrain,
où les rivières coulent , va aboutir. Il est
étonnant qu’on n’ait pas aperçu une chose
si visible; et lorsque dans une vallée la
pente de l’une des montagnes qui la borde
est moins rapide que celle de l’autre, la ri-
vière prend son cours beaucoup plus près
de la montagne la plus rapide, et elle ne
coule jias dans le milieu *.
On peut joindre à ces observations d’au-
tres observations particulières qui les con-
firment : par exemple , les montagnes de
Suisse sont bien plus rapides , et leur pente
est bien plus grande du côté du midi que
du côté du no; d , et plus grande du côté du
couchant que du côté du levant ; on peut le
voir dans la montagne Gemmi , dans le mont
Brisé, et dans presque toutes les autres
montagnes. Les plus hautes de ce pays sont
i. Voyez Lettres philosophiques sur la formation
des sels, pages 181 et 200.
celles qui séparent la Vallès ie et les Grisoi
de la Savoie , du Piémout , et du Tyrol ; c [
pays sont eux-mêmes une continuation c
ces montagnes , dont la chaîne s’étend ju
qu’à la Méditerranée , et continue mèn
assez loin sous les eaux de celte mer : l
montagnes des Pyrénées ne sont aussi qu’ur
continuation de cette vaste montagne qi
commence dans la Vallésie supérieure, <
dont les branches s’étendent fort loin a
couchant et au midi , en se soutenant toi
jours à une grande hauteur, tandis qu’a
contraire du côté du nord et de l’est c<
montagnes s’abaissent par degrés jusqu’à di
venir des plaines ; comme on le voit par h
vastes pays que le Rhin, par exemple , et 1
Danube arrosent avant que d’arriver à leur
embouchures , au lieu que le Rhône des
cend avec rapidité vers le midi dans la me
Méditerranée. La même observation sur 1
penchant plus rapide des montagnes du eôt
du midi et du couchant que du côté d !
nord ou du levant, se trouve vraie dans lé
montagnes d’Angleterre et dans celles dd
Norwége : mais la partie du monde où cel I
se voit le plus évidemment c’est au Pérou et
au Chili ; la longue chaîne des Cordilièret
est coupée très-rapidement du côté dit
couchant, le long de la mer Pacifique;
au lieu que du côté du levant elle s’abaiss»;
par degrés dans de vastes plaines arrosé»
par les plus grandes rivières du monde.
M. Bourguet, à qui on doit cette belbl
observation de la correspondance des angled
des montagnes , l’appelle avec raison , Itl
clef de la théorie de la terre ; cependant , i
me paroît que s’il en eût senti toute l’imt
portahce , il l’auroit employée plus heureuu
sement en la liant avec des faits plus com
venables, et qu’il auroil donné une théorie
de la terre plus vraisemblable , au lieu que
dans son mémoire, dont on a vu l’exposé I
il ne présente que le projet d’un systèmn
hypothétique dont le plupart des consé i
quences sont fausses ou précaires. La théorie
que nous avons donnée roule sur quatrtî
faits principaux, desquels on ne peut pa, '
douter après avoir examiné les preuves qu ‘
les constatent : le premier est, que la tern i
est partout, et jusqu’à des profondeurs con
sidérables , composée de couches parallèle: ;
et de matières qui ont été autrefois dan:
un état de mollesse ; le second , que la mei
a couvert pendant quelque temps la terr»
que nous habitons; le troisième, que le:
marées et les autres mouvemens des eauj
produisent des inégalités dans le fond de h ;
mer ; et le quatrième , que ce sont les cou
ART. IX. INÉGALITÉS DE LA TERRE. i5y
rans de la mer qui ont donné aux mon-
tagnes la forme de leurs contours , et la di-
(ç action correspondante dont il est question,
d On jugera, après avoir lu les preuves que
8 soutiennent les articles suivans, si j’ai eu
B fort d’assurer que ces faits solidement établis,
|{ dablissent aussi la vraie théorie de la terre.
U ]e que j’ai dit dans le texte au sujet de la
» formation des montagnes , n’a pas besoin
l’une plus ample explication; mais comme
m >n pourroit m’objecter que je ne rends pas
)ü aison de la formation des pics ou pointes
Je montagnes, non plus que de quelques
ef utres faits particuliers, j’ai cru devoir ajou-
ter ici les observations et les réflexions que
le ’ai faites sur ce sujet.
I J’ai tâché de me faire une idée nette et
u| jénérale de la manière dont sont arrangées
jj es différentes matières dont se compose le
lt ;lobe, et il m’a paru qu’on pouvoit les con-
Jlidérer d’une manière différente de celles
font on les a vues jusqu’ici ; j’en fais deux
dj lasses générales, auxquelles je les réduis
je outes : la première est celle des matières
d( ue nous trouvons posées par couches, par
its, par bancs horizontaux ou régulièrement
ncliaés; et la seconde comprend toutes les
aatières qu’on trouve par amas, par filons,
r veines perpendiculaires et irrégulière-
nent inclinées. Dans la première classe,
ont compris les sables, les argiles, les gra-
ites ou le roc vif, les cailloux, et les grès
n grande masse , les charbons de terre , les
|lrdoises, les schistes, etc., et aussi les
j||narnes, les craies, les pierres calcinables,
ltes marbres, etc. Dans la seconde, je mets
j es métaux , les minéraux , les cristaux , les
lierres fines, et les cailloux en petites
passes. Ces deux classes comprennent gé-
néralement toutes les matières que nous con-
loissous : les premières doivent leur origine
ux sédimens transportés et déposés par les
jaux de la mer, et on doit distinguer celles
ui, étant mises à l’épreuve du feu, se câl-
inent et se réduisent en chaux, de celles
[ui se fondent et se réduisent en verre ; pour
îs secondes , elles se réduisent toutes en
erre, à l’exception de celles que le feu
onsume entièrement par l’inflammation.
Dans la première classe , nous distingue-
rons d’abord deux espèces de sable : l’une
jue je regarde comme la matière la plus
abondante du globe , qui est vitrifiable, ou
plutôt qui n’est qu’un composé de fragmens
le verre ; l’autre , dont la quantité est beau-
jjoup moindre , qui est calcinable , et qu’on
ioit regarder comme du débris et de la pous-
sière de pierre , et qui ne diffère du gravier
que par la grosseur des grains. Le sable vi-
trifiable est , en général , posé par couches
comme toutes les autres matières : mais ces
couches sont souvent interrompues par des
masses de rochers de grès , de roc vif , de
caillou , et quelquefois ces matières sont
aussi des bancs et des lits d’une grande
étendue.
En examinant ce sable et ces matières
vitrifiables , on n’y trouve que peu de co-
quilles de mer ; et celles qu’on y trouve ne
sont pas placées par lits , elles n'y sont que
parsemées et comme jetées au hasard : par
exemple , je n’en ai jamais vu dans les grès ;
cette pierre, qui est fort abondante en cer-
tains endroits, n’est qu’un composé de par-
ties sablonneuses qui se sont réunies : on
ne la trouve que dans les pays où le sable
vitrifiable domine, et ordinairement les car-
rières de grès sont des collines pointues ,
dans des terres sablonneuses , et dans des
éminences entrecoupées. On peut attaquer
ces carrières dans tous les sens ; et s’il y a
des lits, ils sont beaucoup plus éloignés les
uns des autres que dans les carrières de
pierres calcinables, ou de marbres : on
coupe dans le massif de la carrière de grès
des blocs de toutes sortes de dimensions et
dans tous les sens , selon le besoin et la
plus grande commodité ; et quoique le grès
soit difficile à travailler, il n’a cependant
qu’un genre de dureté c’est de résister à
des coups violens sans s’éclater; car le frot-
tement l’use peu à peu et le réduit aisé-
ment en sable, à l’exception de certains
clous noirâtres qu’on y trouve , et qui sont
d’une matière si dure , que les meilleures
limes ne peuvent y mordre. Le roc vif est
vitrifiable comme le grès, et il est de la
même nature ; seulement il est plus dur , et
les parties en sont mieux liées : il y a aussi
plusieurs clous semblables à ceux dont
nous venons de parler, comme on peut le
remarquer aisément sur le sommet des hau-
tes montagnes, qui sont pour la plupart de
cette espèce de rocher, et sur lesquels on
ne peut pas marcher un peu de temps sans
s’apercevoir que ces clous coupent et déchi-
rent le cuir des souliers. Ce roc vif qu’on
trouve au dessus des hautes montagnes , et
que je regarde comme une espèce de gra-
nité , contient une grande quantité de
paillettes talqueuses , et il a tous les genres
de dureté au point de ne pouvoir être tra-
vaillé qu’avec une peine infinie.
J’ai examiné de près la nature de ces
clous 1 qu’on trouve dans le grès et dans le
i. J’ai dit qu’on trouve dans les grès des espèces de
* !
ï58 THÉORIE DÉ LA TERRE,
roc vif, et j’ai reconnu que c’est une ma
tièi'e métallique fondue et calcmee a un feu
clous, etc. Cela semble indiquer que les grandes
masses de grès doivent leur origine à l’action du
feu primitif. J’avois d’abord pensé que cette ma
tière ne devoit sa dureté et la réunion de ses par
lies qu’à l’intermède de l’eau; mais je me suis as
suré , depuis , que l’action du feu produit le même
effet , et je puis citer sur cela des expériences qui
d’abord m’ont surpris , et que j’ai répétées assez
souvent pour n’en pouvoir douter.
BXPÉRIÏNCB3.
J’ai fait broyer des grès de différens degrés de
dureté , et je les ai fait tamiser en poudre plus ou
moins fine pour m’en servir à couvrir les cémenta-
tions dont je me sers pour convertir le fer en acier:
cette poudre de grès répandue sur le cément, et
amoncelée en forme de dôme de trois ou quatre
pouces d’épaisseur, sur une caisse de trois pieds
de longueur et deux pieds de largeur, ayant subi
l’action d’un feu violent dans mes fourneaux d’aspi-
ration pendant plusieurs jours et nuits de suite
sans interruption , n’étoit plus de la poussière de
grès, mais une masse solide, q e l’on étoit obligé
de casser pour découvrir la caisse qui contenoit le
fer converti en acier boursouflé ; en sorte que l’ac-
tion du feu sur cette poudre de grès en a fait des
masses aussi solides que le grès de médiocre qua-
lité qui ne sonne point sous le marteau. Cela m’a
démontré que le feu peut , tout aussi bien que
l’eau , avoir agglutiné les sables vitrescibles , et
avoir par conséquent formé les grandes masses de
grès qui composent le noyau de quelques-unes de
nos montagnes.
Je suis donc très-persuadé que toute la matière
vitrescible dont est composée la roche intérieure
du globe, et les noyaux de ses grandes éminences
extérieures , ont été produits par l’action du feu
primitif, et que les eaux n’ont formé que les cou-
ches inférieures et accessoires qui enveloppent ces
noyaux, qui sont toutes posées par couches paral-
lèles, horizontales ou également inclinées, et dans
lesquelles on trouve des débris de coquilles et d’au-
tres productions de la mer.
Ce n’est pas que je prétende exclure l’intermède
de l'eau pour la formation des grès et de plusieurs
autres matières vitrescibles ; je suis, au contraire ,
porté à croire que le sable vitrescible peut acquérir
de la consistance, et se réunir en masses plus ou
moins dures par le moyen de l’eau, peut-être en-
core plus aisément que par l’action du feu; et c’est
seulement pour prévenir les objections qu’on ne
manqueroit pas de faire, si l’on imaginoit que j’at-
tribue uniquement à l’intermède de l’eau la solidité
et la consistance du grès et des autres matières
composées de sable vitrescible- Je dois même ob-
server que les grès qui se trouvent à la superficie
ou à peu de profondeur dans la terre, ont tous été
formés par l’intermède de l’eau ; car l’on remarque
des ondulations et des tournoiemens à la surface
supérieure des masses de ces grès , et l’on y voit
quelquefois des impressions de plantes et de co-
quilles. Mais on peut distinguer les grès formés par
le sédiment des eaux , de ceux qui ont été produits
par le feu : ceux-ci sont d’un plus gros grain , et
s’égrènent plus facilement que les grès dont l’agré-
gation des parties est due à l’intermède de Peau.
Ils sont plus serrés , plus compactes ; les grains qui
les composent ont des angles plus vifs , et en gé-
très-violent , et qui ressemble parfaiteme
à de certaines matières rejetées par les vi
cans , dont j’ai vu une très-grande quanti
étant en Italie , où l’on me dit que les ge
du pays les appeloient schiarri. Ce sont d
masses noirâtres fort pesantes, sur lesquell
le feu, l’eau, ni la lime, ne peuvent fai
aucune impression , dont la matière est d.
férente de celle de la lave , car celle-ci t
une espèce de verre, au lieu que l’autre p
roît plus métallique que vitrée. Les elo
du grès et du roc vif ressemblent beaucoi
à celte première matière; ce qui semJj
prouver encore que toutes ces matières o:J
été autrefois liquéfiées par le feu.
On voit quelquefois en certains endroit
au plus haut des montagnes , une prod
néral ils sont plus solides et plus durs que les gr
coagulés par le feu.
Les matières ferrugineuses prennent un tri
grand degré de dureté par le feu , puisque rii
n’est si dur que la fonte de fer ; mais elles peuvei
aussi acquérir une dureté considérable par l’inte
mède de l’eau : je m’en suis assuré en mettant u;
bonne quantité de limaille de fer dans des va.
exposés à la pluie; cette limaille a formé d<
masses si dures , qu’on ne pouvoit les casser qu’i
marteau.
La roche vitreuse qui compose la masse de l’i:
térieur du globe est plus dure que le verre orcr]
naire; mais elle ne l’est pas plus que certain
laves de volcans, et beaucoup moins que la fom
de fer, qui n’est cependant que du verre mêlé
parties ferrugineuses. Cette grande dureté de
roche du globe indique assez que ce sont les pa
ties les plus fixes de toute la matière qui se so
réunies, et que, dès le temps de leur consolid
tion , elles ont pris la consistance et la dure«
qu’elles ont encore aujourd’hui. L’on ne peut do; :
pas argumenter contre mon hypothèse de la viti
fication générale , en disant que les matières r
duites en verre par le feu de nos fourneaux so j
moins dures que la roche du globe , puisque
fonte de fer, quelques laves ou basaltes, et raéifi
certaines porcelaines , sont plus dures que cet
roche, et néanmoins ne doivent comme elle leu
dureté qu’à l’action du feu. D’ailleurs les élémen
du fer et des autres minéraux qui donnent de
dureté aux matières liquéfiées par le feu ou ait |
nuées par l’eau , existoient ainsi que les terres fix !
dès le temps de la consolidation du globe; et j’
déjà dit qu’on ne devoit pas regarder la roche
son intérieur comme du verre pur, semblable j
celui que nous faisons avec du sab!e et dt* salin
mais comme un produit vitreux mêlé des matièr
les plus fixes et les plus capables de soutenir
grande et longue action du feu primitif, dont no
ne pouvons comparer les grands effets que de loi I
avec le petit effet de nos feux de fourneaux ;
néanmoins cette comparaison , quoique désavant j
geuse , nous laisse apercevoir clairement ce qu :
peut y avoir de commun dans les effets du feu pi j
rnitif et dans les produits de nos feux , et nous c j
montre en même temps que le degré de durt j
dépend moins de celui du feu que de la combinj
son des matières soumises à son action. (Ac \
À#)
ma
vî gieuse quantité de blocs d’une grandeur
^ considérable de ce roc vif, mêlé de paillettes
■8» talqueuses : leur position est si irrégulière,
qu’ils paroissent avoir été lancés et jetés au
l™ hasard; et on croiroit qu’ils sont tombés
de quelque hauteur voisine, si les lieux où
on les trouve n’étoient pas élevés au dessus
1 f de tous les autres lieux : mais leur substance
P' vitrifiable et leur figure anguleuse et car-
rée comme celle des rochers de grès, nous
découvrent une origine commune entre ces
matières. Ainsi dans les grandes couches
de sable vitrifiable il se forme des bancs de
grès cl de roc vif, dont la figure et la si-
_ tuation ne suivent pas exactement la posi-
ro^l tion horizontale de ces couches : peu à peu
les pluies ont entraîné du sommet des col-
lines et des montagnes le sable qui les cou-
J vroit d’abord , et elles ont commencé par
rit sillonner et découper ces collines dans les
intervalles qui se sont trouvés entre les
noyaux de grès, comme on voit que sont
découpées les collines de Fontainebleau;
chaque pointe de colline répond à un noyau
qui. fait une carrière de grès , et chaque in-
tervalle a été creusé et abaissé par les eaux ,
J qui ont fait couler le sable dans la plaine.
De même les plus hautes montagnes , dont
les sommets sont composés de roc vif et ter-
minés par ces blocs anguleux dont nous ve-
nons de parler, auront autrefois été recou-
vertes de plusieurs couches de sable vitri-
fiable dans lequel ces blocs se seront formés;
et les pluies ayant entraîné tout le sable
qui les couvroit et qui les environnoit, ils
seront demeurés au sommet des montagnes
dans la position où ils auront été formés.
Ces blocs présentent ordinairement des poin-
tes au dessus et à l’extérieur : ils vont en
augmentant de grosseur à mesure qu’on
descend et qu’on fouille plus profondément ;
souvent même un bloc en rejoint un autre
par la base, ce second un troisième , et ainsi
de suite en laissant entre eux des intervalles
irréguliers ; et comme par la succession des
temps les pluies ont enlevé et entraîné tout
le sable qui couvroit ces différens noyaux,
il ne reste au dessus des hautes montagnes
que les noyaux mêmes qui forment des poin-
tes plus ou moins élevées , et c’est là l’ori-
gine des pics ou des cornes de montagnes,
qu’ | Car supposons, comme il est facile de
P" le prouver par les productions marines
j qu’on y trouve, que la chaîne des mon-
"',1, tagnes des Alpes ait été autrefois couverte
g: des eaux de la mer, et qu’au dessus de cette
il chaîne de montagnes il y eût une grande
épaisseur de sable vitrifiable que l’eau de la
ART. IX. INÉGALITÉS DE LA TERRE.
mer y avoit transporté et déposé, de la
même façon et par les mêmes causes qu’elle
a déposé et transporté dans les lieux un peu
plus bas de ces montagnes une grande quan-
tité de coquillages, et considérons cette
couche extérieure de sable vitrifiable comme
posée d’abord de niveau et formant un pays
plat de sable au dessus des montagnes des
Alpes , lorsqu’elles étoient encore couvertes
des eaux de la mer : il se sera formé dans
cette épaisseur de sable des noyaux de roc,
de grès , de caillou , et de toutes les ma-
tières qui prennent leur origine et leur fi-
gure dans les sables par une mécanique à
peu près semblable à celle de la cristalli-
sation des sels ; ces noyaux une fois formés
auront souienu les parties où ils se sont
trouvés , et les pluies auront détaché peu à
peu tout le sable intermédiaire aussi bien
que celui qui les environnoit immédiate-
ment ; les torrens, les ruisseaux , en se pré-
cipitant du haut de ces montagnes , auront
entraîné ces sables dans les vallons,- dans
les plaines , et en auront conduit une partie
jusqu’à la mer ; de cette façon le sommet
des montagnes se sera trouvé à découvert ,
et les noyaux déchaussés auront paru dans
toute leur hauteur l. C’est ce que nous ap-
i. J’ai tâché d’expliquer comment les pics des
montagnes ont été dépouillés des sables vitrescibles
qui les environnoient au commencement, et mon
explication ne pèche qu'en ce que j’ai attribué la
première formation des rochers qui forment le
noyau de ces pics à l’intermède de l’eau , au lieu
qu’on doit l’attribuer à l’action du feu; ces pics ou
cornes de montagnes ne sont que des prolongemens
et des pointes de la roche intérieure du globe, les-
quelles étoient environnées d’une grande quantité
de scories et de poussière de verre ; ces matières
divisées auront été entraînées dans les lieux infé-
rieurs par les mouvemens de la mer dans le temps
qu’elle a fait retraite, et ensuite les pluies et les
torrens des eaux courantes auront encore sillonné
du haut en bas les montagnes, et auront par con-
séquent achevé de dépouiller les masses de roc vif
qui formoient les éminences du globe , et qui , par
ce dépouillement, sont demeurées nues et telles
que nous les voyons encore aujourd’hui. Je puis
dire en général qu’il n’y a aucun autre changement
à faire dans toute ma Théorie de la terre , que celui
de la composition des premières montagnes qui
doivent leur origine au feu primitif, et non pas à
l’intermède de l’eau , comme je l’avois conjecturé ,
parce que j'étois alors persuadé , par l’autorité de
Woodward et de quelques autres naturalistes, que
l’on avoit trouvé des coquilles au dessus des som-
mets de toutes les montagnes; au lieu que, par des
observations plus récentes, il paroît qu’il n’y a pas
de coquilles sur les plus hauts sommets, mais seu-
lement jusqu’à la hauteur de deux mille toises an
dessus du niveau des mers , d’où il résulte qu’ellç
n’a peut-être pas surmonté ces hauts sommets, ou
du moins qu’elle ne les a baignés que pendant un
petit temps , en sorte qu’elle n’a formé que les
t6o théorie de la terre.
elons aujourd’hui des pics ou des cornes
e montagnes , el ce qui a formé toutes ces
éminences pointues qu’on voit en tant d’en-
droits ; c’est aussi là l’origine de ces roches
élevées et isolées qu’on trouve à la Chine
et dans d’autres endroits, comme en Irlande,
où on leur a donné le nom de devil’s stones,
ou pierres du diable , et dont la formation ,
aussi bien que celle des pics des montagnes,
avoit toujours paru une chose difficile à ex-
pliquer : cependant l’explication que j’en
donne est si naturelle , qu’elle s’est présen-
tée d’abord à l’esprit de ceux qui ont vu
ces roches , et je dois citer ici ce qu’en dit
le P. Du Tertre dans les Lettres édifiantes :
« De Yan-chuin-yen nous vînmes à Ho-
îcheou : nous rencontrâmes en chemin une
chose assez particulière ; ce sont des roches
d’une hauteur extraordinaire et de la figure
d’une grosse tour carrée , qu’on voit plan-
tées au milieu des plus vastes plaines. On
ne sait comment elles se trouvent là , si ce
n’est que ce furent autrefois des montagnes ,
et que les eaux du ciel ayant peu à peu fait
ébouler la terre qui environnoit ces masses
de pierre , les aient ainsi à la longue escar-
pées de toutes parts : ce qui fortifie la con-
jecture, c’est que nous en vîmes quelques-
unes qui vers le bas sont encore environ-
nées de terre jusqu’à une certaine hauteur 1 . »
Le sommet des plus hautes montagnes
est donc ordinairement composé de rochers
< t de plusieurs espèces de granité , de roc
vif, de grès, et d’autres matières dures et
vitrifiabîes, et cela souvent jusqu’à deux ou
trois cents toises en descendant ; ensuite on
y trouve souvent des carrières de marbre
ou de pierre dure qui sont remplies de co-
quilles, et dont la matière est calcinable,
comme on peut le remarquer à la grande
Chartreuse en Dauphiné et sur le mont
Cenis, où les pierres et les marbres qui
contiennent des coquilles, sont à quelques
centaines de toises au dessous des sommets ,
des pointes, et des pics des plus hautes
montagnes , quoique ces pierres remplies de
coquilles soient elles-mêmes à plus de mille
toises au dessus du niveau de la mer. Ainsi
les montagnes où l’on voit des pointes ou
des pics, sont ordinairement de roc vitri-
fiable, et celles dont les sommets sont plats
contiennent pour la plupart des marbres
et des pierres dures remplies de produc-
tions marines. Il eu est de même des col-
collines et tes montagnes calcaires, qui sont toutes
au dessous de cette hauteur de deux mille toises.
(Add. Buff.)
i. Voyez Lettres èdif., rec. II, t. II , p. t35, etc.
lines lorsqu’elles sont de grès ou de roi
vif, elles sont pour la plupart entrecoupée:
de pointes, d’éminences, de tertres et d<
cavités , de profondeurs et de petits vallon:
intermédiaires; au contraire, celles qui son |
composées de pierres calcinables sont à pei
près égales dans toute leur hauteur, et elle:
ne sont interrompues que par des gorges e'
des vallons plus grands, plus réguliers, e
dont les angles sont correspondans ; enfir
elles sont couronnées de rochers dont h
position est régulière et de niveau.
Quelque différence qui nous paroisse d’a
bord entre ces deux formes de montagnes .
elles viennent cependant toutes deux de le
même cause, comme nous venons de le
faire voir ; seulement on doit observer que
ces pierres calcinables n’ont éprouvé au-
cune altération, aucun changement, depuis
la formation des couches horizontales, au
lieu que celles de sable vitrifiable ont pu
être altérées et interrompues par la produc-
tion postérieure des rochers et des blocs
anguleux qui se sont formés dans l’intérieun
de ce sable. Ces deux espèces de montagner
ont des fentes qui sont presque toujours
perpendiculaires dans celles de pierres cal-!
cinables , et qui paroissent être un peu plus
irrégulières dans celles de roc vif et de
grès ; c’est dans ces fentes qu’on trouve les
métaux, les minéraux, les cristaux, les sou-:
fres, et toutes les matières de la seconde
classe, et c’est au dessous de ces fentes quel
les eaux se rassemblent pour pénétrer en-i
suite plus avant et former les veines d’eau
qu’on trouve au-dessous de la surface de là:
terre.
* Nous avons dit que les plus hautes
montagnes du globe sont les Cordillères en
Amérique , surtout dans la partie de ces'
montagnes qui est située sous l’équateur eé
entre les tropiques. Nos mathématiciens en-
voyés au Pérou, et quelques autres ob-!
servateurs, en ont mesuré les hauteurs ai; j
dessus du niveau de la mer du Sud , les
uns géométriquement, les autres par h
moyen du baromètre , qui , n’étant pa: ‘
sujet à de grandes variations dans ce cli- !
mat, donne une mesure presque aussi exacte
que celle de la trigonométrie. Yoici le ré-
sultat de leurs observations :
Hauteur des montagnes les plus élevées de ;
la province de Quito au Pérou.
toisas. ]
Cota-catché , au nord de Quito 2$7C
Cayambé-orcou , sous l’équateur 3o3<
Pitchincba , volcan en i53g, iSyy et 1660.. . . z43i
Antisana, volcan en i5go 3oa<
ART. IX. INÉGALITÉS DE LA TERRE.
toises.
îinchoulogea , volcan en 1660 2670
Ilinica , présumé volcan. .... ; 27 17
lt ]oto paxi, volcan en 1 533, en 1742 et 1744* ... 2960
,q|| ihimboraço , volcan : on ignore l’époque de
son éruption 3a 20
argavi-raso, volcan écroulé en 1698 245o
’ongouragoa, volcan en 1641 2620
eljïl-altan , l’une des montagnes appelées Coil -
lanes 2780
anguai , volcan actuellement enflammé de-
puis 1728 2680
En comparant ces mesures des montagnes
e l’Amérique méridionale avec celles de
lOtre continent, on verra qu’elles sont en
la [énéral élevées d’un quart de plus que celles
e l’Europe , et que presque toutes ont été
u sont encore des volcans embrasés ; tan-
is que celles de l’intérieur de l’Europe , de
Asie et de l’Afrique, même celles qui sont
^s plus élevées , sont tranquilles depuis un
mps immémorial. Il est vrai que , dans
lusieurs de ces dernières montagnes, on
Jeconnoît assez évidemment l’ancienne exis-
înce des volcans, tant par les précipices
ont les parois sont noires et brûlées , que
iar la nature des matières qui environnent
es précipices, et qui s’étendent sur la
pupe de ces montagnes : mais comme elles
ant situées dans l’intérieur des continens ,
t maintenant très-éloignées des mers , l’ac-
ion de ces feux souterrains, qui ne peut
roduire de grands effets que par le choc de
eau , a cessé lorsque les mers se sont éloi-
nées ; et c’est par cette raison que , dans
^s Cordilières , dont les racines bordent ,
our ainsi dire , la mer du Sud , la plupart
es pics sont des volcans actuellement agis-
ans , tandis que depuis très-long-temps les
Jolcans d’Auvergne , du Yivarais, du Lan-
bedoc , et ceux d’Allemagne , de la Suisse,
Jtc., en Europe; ceux du mont Ararath en
[sie, et ceux du mont Atlas en Afrique, sont
j,. bsolument éteints.
La hauteur à laquelle les vapeurs se gla-
[esj jent est d’environ 2400 toises sous la zone
]e arride ; et en France, de i5oo toises de
auteur : les cimes des hautes montagnes
arpassent quelquefois cette ligne de 8 à
00 toises , et toute cette hauteur est cou-
èrte de neiges qui ne fondent jamais ; les
uages (qui s’élèvent le plus haut) ne les
urpassent ensuite que de 3 à 400 toises , et
t’excèdent par conséquent le niveau des
ners que d’environ 36oo toises : ainsi , s’il
r avoit des montagnes plus hautes encore ,
in leur verroit sous la zone torride une
peinture de neige à 2400 toises au dessus
^ te la mer, qui finiroit à 35oo ou 36oo toises,
° ion par la cessation du froid , qui devient
Buffoîï. I.
161
toujours plus vif à mesure qu’on s’élève ,
mais parce que les vapeurs n’iroient pas plus
haut.
M. de Keralio , savant physicien , a re-
cueilli toutes les mesures prises par diffé-
rentes personnes sur la hauteur des monta-
gnes dans plusieurs contrées.
En Grèce , M. Bernouilli a déterminé la
hauteur de l’Olympe à 1017 toises ; ainsi
la neige n’y est pas constante , non plus
que sur le Pélion en Thessalie , le Cathaly-
lium et le Cyllenou ; la hauteur de ces monts
n’atteint pas le degré de la glace. M. Bou-
guer donne 25oo toises de hauteur au pic
de Ténériffe , dont le sommet est toujours
couvert de neige. L’Etna, les monts Nor-
wégiens, l’Hémus, l’Athos, l’Atlas, le Cau-
case et plusieurs autres, tels que le mont
Ararath , le Taurus , le Libanon , sont en
tout temps couverts de neige à leurs som-
mets.
toises.
Selon Pontoppidam , les plus hauts monts de
Norwége ont 3ooo
Nota. Cette mesure, ainsi que la suivante , me
paraissent exagérées.
Selon M. Brovallius, les plus hauts monts de
Suède ont 2333
Selon les Mémoires de V Académie royale
des Sciences (année 1718), les plus hautes
montagnes de France sont les suivantes :
toises.
Le Cantal 984
Le mont Ventoux io36
Le Canigou des Pyrénées i44t
Le Moussec 12 53
Le Saint Barthélemi 1184
Le Mont d’Or en Auvergne , volcan éteint. . . . 1048
Selon M. Needham,
Savoie ont en hauteur :
les montagnes de
Le couvent du grand Saint-Bernard. 124 1
Le Roc au sud-ouest de ce monl. 1274
Le mont Serène 1282
L’allée Blanche 1249
Le mont Tourné; i683
Selon M. Facio de Duiller, le mont Blanc, ou
la montagne Maudite , a 22i3
Il est certain que les principales monta-
gnes de Suisse sont plus hautes que celles
de France, d’Espagne, d’Italie et d’Alle-
magne; plusieurs savans ont déterminé ,
comme il suit, la hauteur de ces montagnes.
Suivant M. Mikhéli, la plupart de ces
montagnes, comme le Grimselberg, le Wet-
terhorn, le Schrekhorn , l’Eighess-schnée-
berg , le Ficherhorn , le Stroubel , le Fourke,
le Louk-manier, le Crispait, le Mougle ,
la cime du Baduts et du Gothard , ont de
2400 à 2750 toises de hauteur au dessus du
niveau de la mer ; mais je soupçonne que ces
i6a
THÉORIE DE LA TERRE.
mesures données par M. Mikhéli sont trop
fortes, d’autant qu’elles excèdent de moitié
celles qu’ont données MM. Cassini, Scheueh-
zer et Mariotte, qui pourroient bien être
trop foibles , mais non pas à cet excès ; et
ce qui fonde mon doute, c’est que, dans
les régions froides et tempérées où l’air est
toujours orageux , le baromètre est sujet à
trop de variations , même inconnues des
physiciens , pour qu’ils puissent compter
sur les résultats qu’il présente.
Sur la formation des montagnes.
* Toutes les vallées et tous les vallons de
la surface de la terre, ainsi que toutes les
montagnes et les collines , ont eu deux causes
primitives : la première est le feu, et la
seconde l’eau. Lorsque la terre a pris sa
consistance, il s’est élevé à sa surface un
grand nombre d’aspérités , il s’est fait des
boursOufflures comme dans un bloc de verre
ou de métal fondu. Cette première cause a
donc produit les premières et les plus hautes
montagnes qui tiennent par leur base à la
roche intérieure du globe, et sous lesquelles,
comme partout ailleurs, il a dû se trouver
des cavernes qui se sont affaissées en diffé-
rons temps : mais, sans considérer ce second
événement de l’affaissement des cavernes ,
il est certain que , dans le premier temps où
la surface delà terre s’est consolidée, elle
étoit sillonnée partout de profondeurs et d’é-
minences uniquement produites par l’action
du premier refroidissement. Ensuite, lorsque
les eaux se sont dégagées de l’atmosphère ,
ce qui est arrivé dès que la terre a cessé
d’être brûlant* au point de les rejeter en
vapeurs, ces memes eaux ont couvert toute
la surface de là terre actuellement habitée
jusqu’à la hauteur de 2000 toises; et, pendant
leur long séjour sur nos continens, le mou-
vement du flux et du reflux et celui des cou-
rans ont changé la disposition et la forme des
montagnes et des vallées primitives. Ces
mouvemens auront formé des collines dans
les vallées, ils auront recouvert et environné
de nouvelles couches de terre le pied et les
croupes des montagnes ; et les courans au-
ront creusé des sillons, des vallons, dont
tous les angles se correspondent. C’est à ces
deux causes , dont 1 une est bien plus an-
cienne que l’autre, qu’il faut rapporter la
forme extérieure que nous présente ia surface
de la terre. Ensuite, lorsque les mers se sont
abaissees , elles ont produit des escarpernens
du côté de l’occident où elles s’écouloieut
le plus rapidement , et ont laissé des pente
douces du côté de l’orient.
Les éminences qui ont été formées par 1»
sédiment elles dépôts de la mer , ont un»
structure bien différente de celles qui doi j
vent leur origine au feu primitif : les pre j
mières sont toutes disposées par couches ho j
rizontales et contiennent une infinité de pro|
ductions marines; les autres, au contraire
ont une structure moins régulière et ne ren
ferment aucun indice de productions de li
mer. Ces montagnes de première et de second»/
formation n’ont rien de commun que les fen
tes perpendiculaires qui se trouvent dans lé; |
unes comme dans les autres; mais ces fente:!
sont un effet commun de deux causes hier
différentes. Les matières vilrescibles , en s»
refroidissant, ont diminué de volume, etst
sont par conséquent fendues de distance ei
distance : celles qui sont composées de ma
tières calcaires amenées par les eaux, se son
fendues par le dessèchement.
J’ai observé plusieurs fois sur les colline
isolées, que le premier effet des pluies es
de dépouiller peu à peu leur sommet et d’ei
entraîner les terres, qui forment au pie»
de la colline une zone uniforme et tres-épaiss»
de bonne terre, tandis que le sommet est de
venu (diauve et dépouillé dans son contour
voilà l’effet que produisent et doivent pro
duire les pluies ; mais une preuve qu’il y
eu une autre cause qui avoil préeédemmen :i
disposé les matières autour de la colline |
c’est que, dan> toutes et même ctens celle |
qui sont isolées, il y a toujours un côu|
ou le terrain est meilleur; elles sont escar|
pées d’une part, et en pente douce d»|
l’autre; ce qui prouve l’action et la direclioij
du mouvement des eaux d’un côté plus q
de l’autre.
ARTICLE X.
Des Fleuves.
Nous avons dit que, généralement parlant
les plus grandes montagnes occupent le mi
lieu des continens, que les autres oecupen
le milieu des îles, des presqu’îles, et de
terres avancées dans la mer; que dans l’an
cien continent les plus grandes chaînes d
montagnes sont dirigées d’occident en orient
et que celles qui tournent vers le nord e
vers le sud ne sont que des branches de ce
chaînes principales : on verra de même qu
les plus grands fleuves sont dirigés comme le
plus giandes montagnes, et qu i! y en a pet
qui suivent la direction des branches de ce
montagnes Pour s’en assurer et le voir etj
détail, il n’y a qu’à jeter les yeux sur ut
ART. X. FLEUVES.
ïlobe, et parcourir l’ancien continent depuis
’Espagne jusqua la Chine; on trouvera qu’à
lommencer par l’Espagne, le Vigo, le Douro,
e Tage et la Guadiana vont d’orient en occi-
lent, et l’Èbre d’occident en orient, et qu’il
i’y a pas une rivière remarquable dont le
ours soit dirigé du sud au nord , ou du nord
u sud, quoique l'Espagne soit environnée
e la mer en entier du côté du midi , et pres-
ue en entier du côté du nord. Cette opér-
ation sur la direction des fleuves en Espagne
rouve non seulement que les montagnes de
e pays sont dirigées d occident en orient ,
îais encore que le terrain méridional et qui
voisine le détroit , et celui du détroit même,
st une terre plus élevée que les côtes du
ortugal ; et de même du côté du nord, rjue
;s montagnes de Galice, des Asturies, etc.,
e sont qu’une continuation des Pyrénées ;
t que c’est cette élévation des terres, tant
u nord qu’au sud, qui ne permet pas aux
euves d’arriver par là jusqu’à la mer.
On verra aussi , en jetant les yeux sur la
;arte de France, qu’il n’y a que le Rhône
|ui soit dirigé du nord au midi, et encore
ans près de la moitié de son cours, de-
uis les montagnes jusqu’à Lyon, est-il
irigé de l’orient vers l’occident ; mais qu’au
[mtraire tous, les autres grands fleuves,
)mme la Loire, la Charente, la Garonne
; même la Seine, ont leur direction d’o-
ent en occident.
On verra de même qu’en Allemagne il
’y a que le Rhin qui , comme le Rhône ,
la plus grande partie de son cours du
idi au nord ; mais que les autres grands
euves, comme le Danube, la Grave et
lûtes les grandes rivières qui tombent dans
îs fleuves, vont d’occident en orient se
indre dans la mer Noire.
On reconnoîtra que cette mer Noire, que
(du doit plutôt considérer comme un grand
c que comme une mer, a presque trois
is plus d’étendue d’orient en occident
je du midi au nord , et que par consé-
jent sa position est semblable à la direc-
on des fleuves en général ; qu’il en est de
lême de la mer Méditerranée, dont la
(ligueur d’orient en occident est environ
{x fois plus grande que sa largeur moyenne,
pise du nord au midi.
A la vérité, la mer Caspienne, suivant
carte qui en a été levée par ordre du
iar Pierre Ier, a plus d’étendue du midi
a nord que d’orient en occident ; au lieu
ue dans les anciennes cartes elle étoit pres-
ae ronde, ou plus large d’orient en occi-
bnt que du midi au nord : mais si l’on
i63
fait attention que le lac Aral peut être re-
gardé comme ayant fait partie de la mer
Caspienne , dont il n’est séparé que par des
piaiaes de sable, on trouvera encore jue la
longueur depuis le bord occidental de la
mer Caspienne jusqu’au bord oriental du
lac Aral , est plus grande que la longueur
depuis le bord méridional jusqu’au bord
septentrional de la même mer.
On trouvera de même que l’Euphrate et
le golfe Persique sont dirigés d’occident en
orient , et que presque tous les fleuves de
la 'Chine vont d’occident en orient. Il en
est de même de tous les fleuves de l’inté-
rieur de l’Afrique au delà de la Barbarie ;
ils coulent tous d’orient en occident et d’oc-
cident en orient : il n’y a que les rivières
de Barbarie et le Nil qui coulent du midi
au nord. A la vérité, il y a de grandes ri-
vières en Asie qui coulent en partie du nord
au midi, comme le Don, le Wolga, etc. :
mais en prenant la longueur entière de leur
cours, on verra qu’ils ne se tournent du
côté du midi que pour se rendre dans la
mer Noire et dans la mer Caspienne , qui
sont des lacs dans l’intérieur des terres.
On peut donc dire en général que dans
l’Europe, l’Asie et l’ Afrique, les fleuves et
les autres eaux méditerranées s’étendent
plus d’orient en occident que du nord au
sud ; ce qui vient de ce que les chaîne^ de
montagnes sont dirigées pour la plupart
dans ce sens , et que d’ailleurs le continent
entier de l’Europe et de l’Asie est plus large
dans ce sens que l’autre ; car il y a deux
manières de concevoir cette direction des
fleuves. Dans un continent long et étroit,
comme est celui de l’Amérique méridionale,
et dans lequel il n’y a qu’une chaîne prin-
cipale de montagnes , qui s’étend du nord
au sud , les fleuves n’étant retenus par au-
cune autre chaîne de montagnes, doivent
couler dans le sens perpendiculaire à celui
de la direction des montagnes, c’est-à-dire
d’orient en occident ou d’occident en
orient : c’est On effet dans ce sens que cou-
lent toutes les rivières de l’Amérique, parce
qu’à l’exception des Cordilières, il n’y a
pas de chaînes de montagnes fort étendues
et qu’il n’y en a point dont les directions
soient parallèles aux Cordilières. Dans l’an-
cien continent, comme dans le nouveau, la
plus grande partie des eaux ont leur plus
grande étendue d’occident en orient , et le
plus grand nombre des fleuves coulent dans
cette direction , mais c’est par une autre
raison ; c’est qu’il y a plusieurs longues
chaînes de montagnes parallèles les unes aux
ir.
théorie de la terre.
164
autres, dont la direction est d’occident en
orient, et que les fleuves et les autres eaux
sont obligés de suivre les intervalles qui
séparent ces chaînes de montagnes : par
conséquent uue seule chaîne de montagnes,
dirigée du nord au sud, produira des fleu-
ves dont la direction sera la même que celle
des fleuves qui sortiroient de plusieurs chaî-
nes de montagnes dont la direction com-
mune seroit d’orient en occident ; et c’est
par cette raison particulière que les fleuves
d’Amérique ont cette direction, comme
ceux de l’Europe , de l’ Afrique et de l’Asie.
Pour l’ordinaire , les rivières occupent le
milieu des vallées ou plutôt la partie la plus
basse du terrain compris entre les deux
collines ou montagnes opposées. Si les deux
collines qui sont de chaque côté de la ri-
vière ont chacune une pente à peu près
égale , la rivière occupe à peu près le mi-
lieu du vallon ou de la vallée intermédiaire.
Que cette vallée soit large ou étroite, si la
pente des collines ou des terres élevées qui
sont de chaque côté de la rivière, est égale,
la rivière occupera le milieu de la vallée.
Au contraire, si l’une des collines a une
pente plus rapide que n’est la pente de la
cdli'ie opposée, la rivière ne sera plus dans
le milieu de la vallée ; mais elle sera d’au-
tant plus voisine de la colline la plus rapide,
que cette rapidité de pente sera plus grande
que celle de la pente de l’autre colline :
l’endroit le plus bas du terrain , dans ce
cas, n’est plus le milieu de la vallée : il est
beaucoup plus près de la colline dont la
pente est la plus grande , et c’est par cette
raison que la rivière en est aussi plus près.
Dans tous les endroits où il y a d’un côté de
la riviere des montagnes ou des collines
fort rapides, et de 1 autre côté des terres
élevées en pente douce, on trouvera tou-
jours que la rivière coule au pied de ces
collines rapides et qu’elle les suit dans toutes
leurs directions, sans s’écarter de ces colli-
nes, jusqu’à ce que de l’autre côté il se
trouve d’autres collines dont la pente soit
assez considérable pour que le point le plus
bas du terrain se trouve plus éloigné qu’il
ne l’étoit de la colline rapide. Il arrive or-
dinairement que par la succession de temps
la pente de la colline la plus rapide diminue
et vient à s’adoucir, parce que les pluies en-
traînent les terres en plus grande quantité
et les enlèvent avec plus de violence sur une
pente rapide que sur une pente douce : la
rivière est alors contrainte de changer de lit
{jour retrouver l’endroit le plus bas du val-
on. Ajoutez à cela que comme toutes les
rivières grossissent et débordent de temps
en temps, elles transportent et déposent des
limons en différens endroits, et que souvent
il s’accumule des sables dans leur lit ; ce qui
fait refluer les eaux et en change la direc- !
tion. Il est assez ordinaire de trouver dans
les plaines un grand nombre d’anciens lits j
de la rivière , surtout si elle est impétueuse
et sujette à de fréquentes inondations , et
si elle entraîne beaucoup de sable et de
limon.
Dans les plaines et dans les larges vallées
où coulent les grands fleuves , le fond du lit ,
du fleuve est ordinairement l’endroit le plus ,
bas de la vallée : mais souvent la surface de !
l’eau du fleuve est plus élevée que les terres !
qui sont adjacentes à celles des bords du !
fleuve. Supposons, par exemple, qu’uni
fleuve soit à plein bord, c’est-à-dire que les |
bords et l’eau du fleuve soient de niveau,
et que l’eau peu après commence à déborder j
des deux côtés : la plaine sera bientôt inon-i
dée jusqu’à une largeur considérable; et l’on
observera que des deux côtés du fleuve les
bords seront inondés les derniers ; ce qu.
prouve qu’ils sont plus élevés que le reste
du terrain ; en sorte que de chaque côté du
fleuve , depuis les bords jusqu’à un certain
point de la plaine, il y a une pente insen-i
sible, une espèce de talus qui fait que la
surface de l’eau du fleuve est plus élevée
que le terrain de la plaine, surtout lorsque
le fleuve est à plein bord. Cette élévation
du terrain aux bords des fleuves provient du
dépôt du limon dans les inondations : l’eau
est communément très- bourbeuse dans les
grandes crues des rivières ; lorsqu’elle com-
mence à déborder, elle coule très-lentement 1
par dessus les bords ; elle dépose le limon
qu’elle contient et s’épure, pour ainsi dire,
à mesure qu’elle s’éloigne davantage au large
dans la plaine : de même toutes les parties
de limon que le courant de la rivière 11’en-
traîne pas sont déposées sur les bords; ce qui ;
les élève peu à peu au dessus du reste de la
plaine.
Les fleuves sont , comme l’on sait , tou-
jours plus larges à leur embouchure ; à me-
sure qu’on avance dans les terres et qu’on
s’éloigne de la mer, ils diminuent de largeur:
mais ce qui est plus remarquable et peut-être
moins connu , c’est que dans l’intérieur des
terres, à une distance considérable de lai
mer, ils vont droit et suivent la même direc* j
tion dans de grandes longueurs ; et à mesure j
qu’ils approchent de leur embouchure, les
sinuosités de leur cours se multiplient. J’ai
ouï dire à un voyageur, homme d’esprit el j
ART. X. FLEUVES. *65
bon observateur T, qui a fait plusieurs grands
voyages par terre dans la partie de l’ouest de
l’ Amérique septentrionale, que les voyageurs
et même les sauvages ne se trompoient guère
sur la distance où ils se trouvoient de la
jmer; que pour reconnoître s’ils éloient bien
kvant dans l’intérieur des terres ou s’ils
étaient dans un pays voisin de la mer, ils
suivoient le bord d’une grande rivière ; et
que quand la direction de la rivière étoit
droite dans une longueur de quinze ou vingt
ieues, ils jugeoient qu’ils éloient fort loin
lie la mer; qu’au contraire, si la rivière
avoit des sinuosités et changeoit souvent de
direction dans son cours, ils éloient assurés
[le n’être pas fort éloignés de la mer. M. Fa-
bry a vérifié lui-même cette remarque , qui
ui a été fort utile dans ses voyages , lors-
qu’il parcouroit des pays inconnus et presque
[inhabités. U y a encore une remarque qui
beut être utile en pareil cas ; c’est que dans
les grands fleuves il y a , le long des bords ,
E1 n remous considérable , et d’autant plus
onsidérable qu’on est moins éloigné de la
aer et que le lit du fleuve est plus large ; ce
qui peut encore servir d’indice pour juger
bi l’on est à de grandes ou à de petites dis-
tances de l’embouchure : et comme les sinuo-
sités des fleuves se multiplient à mesure qu’ils
approchent de la mer, il n’est pas étonnant
que quelques-unes de ces sinuosités venant
à s’ouvrir, forment des bouches par où une
partie des eaux du fleuve arrive à la mer ; et
c’est une des raisons pourquoi les grands
fleuves se divisent ordinairement en plusieurs
pras pour arriver à la mer.
| Le mouvement des eaux dans le cours
des fleuves se fait d’une manière fort diffé-
rente de celle qu’ont supposée les auteurs
qui ont voulu donner des théories mathé-
matiques sur cette matière : non seulement
la surface d’une rivière en mouvement n’est
ipas de niveau en la prenant d'un bord à
l’autre , mais même , selon les circonstances ,
le courant qui est dans le milieu est consi-
dérablement plus élevé ou plus bas que l’eau
qui est près des bords. Lorsqu’une rivière
grossit subitement par la fonte des neiges ,
pu lorsque , par quelque autre cause , sa
rapidité augmente, si la direction de la
Rivière est droite , le milieu de l’eau , où est
Je courant , s’élève , et la rivière forme une
espèce de courbe convexe ou d’élévation
ijtrès-sensible , dont le plus haut point est
idans le milieu du courant. Cette élévation
jest quelquefois fort considérable ; et M. Hu-
1
z. M. Fabry.
peau, habile ingénieur des ponts-et-chaus-
sées, m’a dit avoir un jour mesuré cette
différence de niveau de l’eau du bord de
l’Aveyronj et de celle du courant, ou du
milieu de ce fleuve, et avoir trouvé trois
pieds de différence ; en sorte que le milieu
de l’Aveyron étoit de trois pieds plus élevé
que l’eau du bord. Cela doit en effet arriver
toutes les fois que l’eau aura une très-
grande rapidité : la vitesse avec laquelle
elle est emportée diminuant l’action de sa
pesanteur, l’eau qui forme le courant ne se
met pas en équilibre par tout son poids avec
l’eau qui est près des bords ; et c’est ce qui
fait qu’elle demeure plus élevée que celle-ci.
D’autre côté , lorsque les fleuves approchent
de leur embouchure, il arrive assez ordi-
nairement que l’eau qui est près des bords
est plus élevée que celle du milieu, quoique
le courant soit rapide ; la rivière paroit alors
former une courbe concave dont le point le
plus bas est dans le plus fort du courant :
ceci arrive toutes les fois que l’action des
marées se fait sentir dans un fleuve. On sait
que dans les grandes rivières le mouvement
des eaux occasioné par les marées est sen-
sible à cent ou deux cents lieues de la mer ;
on sait aussi que le courant du fleuve con-
serve son mouvement au milieu des eaux
de la mer jusqu’à des distances considé-
rables : il y a donc, dans ce cas, deux
moirvemens contraires dans l’eau du fleuve ;
le milieu , qui forme le courant , se préci-
pite vers la mer, et l’action de la marée
forme un contre-courant, un remous, qui
fait remonter l’eau qui est voisine des bords,
tandis que celle du milieu descend ; et
comme alors toute l’eau du fleuve doit
passer par le courant qui est au milieu,
celle des bords descend continuellement
vers le milieu , et descend d’autant plus
qu’elle est plus élevée et refoulée avec plus
de force par l’action des marées.
Il y a deux espèces de remous dans les
fleuves. Le premier, qui est celui dont nous
venons de parler , est produit par une force
vive, telle qu’est celle de l’eau de la mer
dans les marées , qui non-seulement s’op-
pose comme obstacle au mouvement de
l’état du fleuve , mais comme corps en
mouvement, et en mouvement contraire
et opposé à celui du courant de l’eau de ce
fleuve; ce remous fâit un contre-courant
d’autant plus sensible que la marée est plus
forte. L’autre espèce de remous n’a pour
cause qu’une force morte , comme celle d’un
obstacle , d’une avance de terre , d’une île
dans la rivière, etc. Quoique ce remous
i66
THÉORIE DE LA TERRE.
n’occasionne pas ordinairement un contre-
courant bien sensible, il l’est cependant
assez pour être reconnu , et même pour
fatiguer les conducteurs de bateaux sur les
rivières. Si cette espèce de remous ne fait
pas toujours un contre-courant , il produit
nécessairement ce que les gens de riviere
appellent une morte , c’est-à-dire des eaux
mortes, qui ne coulent pas comme le reste
de la riviere , mais qui tournoient de façon
que quand les bateaux y sont entraînés , il
faut employer beaucoup de force pour les
en faire sortir. Ces eaux mortes sont fort
sensibles dans toutes les rivières rapides au
passage des ponts. La vitesse de l’eau aug-
menle, comme l’on sait, à proportion que
le diamètre des canaux par où elle passe
diminue , la force qui la pousse étant sup-
posée la même ; la vitesse d’une riviere
augmente donc au passage d’un pont, dans
la raison inverse de la somme de la largeur
des arches à la largeur totale de la riviere ;
et encore faut-il augmenter cette raison de
celle de la longueur des arches, ou , ce qui
est le même, de la largeur du pont : l’aug-
mentation de la vitesse de l’eau étant donc
tres-considérable en sortant de l’arche d’un
pont , celle qui est à côté du courant est
poussée latéralement et de côté contre les
bords de la riviere ; et par cette réaction ,
il se forme un mouvement de tournoiement
quelquefois très-fort. Lorsqu’on passe sous
le pont Saint-Esprit , les conducteurs sont
forcés d’avoir une grande attention à ne
pas perdre le fil du courant de l’eau , même
apres avoir passé le pont; car s’ils laissoient
écarter le bateau à droite ou à gauche , on
seroit porté contre le rivage avec danger de
périr, ou tout au moins on seroit entraîné
dans le tournoiement des eaux mortes, d’où
I on ne pourroit sortir qu’avec beaucoup
de peine. Lorsque ce tournoiement , causé
par le mouvement du courant et par le
mouvement opposé du remous , est fort
considérable , cela forme une espèce de
petit gouffre ; et l’on voit souvent dans les
rivières rapides, à la chute de l’eau , au-
delà des arrière-becs des piles d’un pont ,
qu’il se forme de ces petits gouffres ou
tournoiemens d’eau , dont le milieu paroît
être vide , et former une espèce de cavité
cylindrique autour de laquelle l’eau tour-
noie avec rapidité. Cette apparence de ca-
vité cylindrique est produite par l’action
de la force centrifuge , qui fait que l’eau
tâche de s’éloigner et s’éloigne en effet du
centre du tourbillon causé par le tournoie-
ment.
Lorsqu’il doit arriver une grande cru j
d’eau , les gens de rivière s’en aperçoiven !
par un mouvement particulier qu’ils re |
marquent dans l’eau ; ils disent que la rivièr
mouve de fond, c’est-à-dire que l’eau du font |
de la riviere coule plus vite quelle ne coul
ordinairement. Cette augmentation de vil
tesse dans l’eau du fond de la rivière an
nonce toujours, selon eux, un prompt e
subit accroissement des eaux. Le mouvemen
et le poids des eaux supérieures, qui ni
sont point encore arrivées , ne laissent pa j
d’agir sur les eaux de la partie inférieure d
la rivière, et leur communiquent ce mou
vement ; car il faut , à certains égards ,-coni
sidérer une fleuve qui est contenu et qui
coule dans son lit, comme une colonne d’eai f
contenue dans un Ui)au, et le fleuve entie u
comme un très-long canal où tous les mou | f
vemens doivent se communiquer d’un bou I mi
à l’autre. Or, indépendamment du mouve ft
ment des eaux supérieures , leur poids seu f
pourroit faire augmenter la vitesse de la ri du
viere, et peut-être la faire mouvoir de fond l)(
car on sait qu’en mettant à l'eau plusieurs te
bateaux à la fois, on augmente dans ce mo tu
ment la vitesse de la partie inférieure dé k
la rivière , en même temps qu’on retardé b
la vitesse de la partie supérieure. p
La vitesse des eaux courantes ne suit pas ■
exactement, ni même à beaucoup près, U «
proportion de la pente. Un fleuve dont kl b
pente seroit uniforme, et double de la pente il
d’un autre fleuve, ne devroit, à ce qu’il lia
paroît, couler qu’une fois plus rapidement; il
que celui-ci ; mais il coule en effet beau ; sa
coup plus vite encore; sa vitesse, au lieu- on
d’être double, est ou triple, ou quadruple, dai
etc. Cette vitesse dépend beaucoup plus dé
la quantité d’eau et du poids des eaux su- les
périeures que de la pente; et lorsqu’on t
veut creuser le lit d’un fleuve, ou celui d’un: la
égout , etc. , il ne faut pas distribuer la t
pente également sur toute la longueur; il; rei
est nécessaire, pour donner plus de vitesse ta
à l’eau, de faire la pente beaucoup plus agi
forte au commencement qu’à l’embouchure, itit
où elle doit être presque insensible, comme
nous le voyons dans les fleuves : lorsqu’ils ,
approchent de leur embouchure, la pente II,
est presque nulle, et cependant ils ne laissent
pas de conserver une rapidité d’autant plus ™
grande que le fleuve a plus d’eau; en sorte
que dans les grandes rivières, quand même fc
le terrain seroit de niveau , l’eau ne laisse- *
roit pas de couler, et même de couler ra- tlf
pidement , non seulement par la vitesse ac-
r1
ART. X. FLEUVES.
167
rjuise r, mais encore par l’action et le poids
les eaux supérieures. Pour mieux faire sen-
ir la vérité de ce que je viens de dire, sup-
posons que la partie de la Seine qui est
entre le Pont-Neuf et le Pont-Royal, fût
parfaitement de niveau, et que partout elle
eût dix pieds de profondeur; imaginons
oour un instant que tout d’un coup on pût
mettre à sec le lit de la rivière au dessous
au Pont-Royal et au-dessus du Pont-Neuf;
dors l’eau qui seroit entre ces deux ponts,
(juoique nous l’ayons supposée parfaitement
le niveau , coulera des deux côtés en haut
pi en bas, et continuera de couler jusqu’à ce
ju’elle se soit épuisée; car, quoiqu’elle soit
le niveau, comme elle est chargée d’un
poids de dix pieds d’épaisseur d’eau , elle
coulera des deux côtés avec une vitesse pro-
t portionnelle à ce poids; et celle vitesse di-
minuant toujours à mesure que la quantité
ll’eau diminuera, elle ne cessera de couler
que quand elle aura baissé jusqu’au niveau
lu fond. Le poids de l’eau contribue donc
.id beaucoup à la vitesse de l’eau; et cest pour
ni bette raison que la plus grande vitesse du
courant n est ni à la surface de l’eau ni au
ddcond , mais à peu près dans le milieu de la
ndi hauteur de 1 eau, parce qu’elle est produite
par l’action du poids de l’eau qui est à la
pas surface, et par réaction du fond. U y a
la même quelque chose de plus; c’est que si un
lia fleuve avoit acquis une tres-grande vitesse,
i!e|l poiirroil non seulement la conserver en
raversant un terrain de niveau, mais même
ni I seroit en état de surmonter une éminence
ans se répandre beaucoup des deux côtés,
pu du moins sans causer une grande inon-
iatiou.
On seroit porté à croire que les ponts,
es levées et les autres obstacles qu’on établit
n sur les riv ieres , diminuent considérablement
a vitesse totale du cours de l’eau; cepen-
|a iant cela n’y fait qu’une très-petite diffé-
rence. L’eau s’élève à la rencontre de l’avant-
>ec d’un pont : cette élévation fait qu’elle
igit da\antage par son poids, ce qui aug-
mente la vitesse du courant entre les piles,
’ijfj
nie
l|j
rtê
ne
i tr
■a*
ic-
1. C’est faute d’avoir fait ces réflexions que
ü. Kuhn dit que ta source du Danube est au moins
Je deux milles d’Allemagne plus élevée que son
jmbouchure ; que la mer Méditerranée est de
5 3/4 milles d’Allemagne plus basse que les sources
lu Nil; que la mer Atlantique est plus basse d’un
lemi-mille que la Méditerranée, etc., ce qui est
(bsolument contraire à la vérité. Au reste, le prin-
cipe'faux dont M. Kuhn tire toutes ces consé-
quences , n’est pas la seule erreur qui se trouve dans
:ette pièce sur l’origine des fontaines, qui a rem-
porté le prix de l'académie de Bordeaux en 174t.
d’autant plus que les piles sont plus larges
et les arches plus étroites; en sorte que le
retardement que ces obstacles causent à la
vitesse totale du cours de l’eau est presque
insensible. Les coudes, les sinuosités, les
terres avancées, les îles, ne diminuent aussi
que très-peu la vitesse totale du cours de
l’eau. Ce qui produit une diminution très-
considérable dans cette vitesse, c’est l’abais-
sement des eaux, comme au contraire l’aug-
mentation du volume d’eau augmente cette
vitesse plus qu’aucune autre cause.
Si les fleuves étoient toujours à peu près
également pleins , le meilleur moyen de di-
minuer la vitesse de l’eau et de les contenir,
seroit d’en élargir le canal : mais comme
presque tous les fleuves sont sujets à grossir
et à diminuer beaucoup , il faut, au con-
traire, pour les contenir, rétrécir leur canal,
parce que dans les basses eaux, si le canal
est fort large , l’eau qui passe dans le mi-
lieu, y creuse un lit particulier, y forme des
sinuosités; et lorsqu'elle vient à grossir, elle
suit cette direction qu’elle a prise dans ce
lit particulier, elle vient frapper avec force
contre les bords du canal, ce qui détruit les
levées et cause de grands dommages. On
pourroit .prévenir en partie ces effets de la
fureur de l’eau , en faisant , de distance en
distance, de petits golfes dans les terres,
c’est-à-dire en enlevant le terrain de l’un des
bords jusqu’à une certaine distance dans les
terres ; et pour que ces petits golfes soient
avantageusement placés, il faut les faire dans
l’angle obtus des sinuosités du fleuve; car
alors le courant de 1 eau se détourne et tour-
noie dans ces petits golfes, ce qui en dimi-
nue la vitesse. Le moyen seroit peut-être
fort bon pour prévenir la chute des ponts
dans les endroits où il n’est pas possible de
faire des barres auprès du pont : ces barres
soutiennent faction du poids de l’eau ; les
golfes dont nous venons de parler en dimi-
nuent le courant : ainsi tous deux produi-
raient à peu près le même effet , c’est-à-dire
la diminution de la vitesse.
La manière dont se font les inondations
mérite une attention particulière. Lorsqu’une
rivière grossit, la vitesse de l’eau augmente
toujours de plus en plus jusqu’à ce que ce
fleuve commence à déborder: dans cet instant
la vitesse de l’eau diminue; ce qui fait que le
débordement une fois commencé, il s’ensuit
toujours une inondation qui dure plusieurs
jours : car quand même il arriverait une
moindre quantité d’eau après le déborde-
ment qu’il n’en arrivoit auparavant, l’inon-
dation ne laisserait pas de se faire , parce
THÉORIE DE LA TERRE.
168
qu’elle dépend beaucoup plus de la diminu-
tion de la vitesse de l’eau que de la quantité
de l’eau qui arrive. Si cela n’étoit pas ainsi ,
on verroit souvent des fleuves déborder pour
une heure ou deux , et rentrer ensuite dans
leur lit, ce qui n’arrive jamais : l’inondation
dure au contraire toujours pendant quelques
jours, soit que la pluie cesse, ou qu’il arrive
une moindre quantité d’eau, parce que le
débordement a diminué la vitesse, et que
par conséquent la même quantité d’eau n’é-
tant plus emportée dans le même temps
qu’elle l’étoit auparavant, c’est comme s’il
en arrivoit une plus grande quantité. L’on
peut remarquer, à l’occasion de cette dimi-
nution, que s’il arrive qu’un vent constant
souffle contre le courant de la rivière, l’inon-
dation sera beaucoup plus grande qu’elle
n’auroit été sans cette cause accidentelle ,
qui diminue la vitesse de l’eau; comme au
contraire , si le vent souffle dans la même
direction que suit le courant de la rivière,
l’inondation sera bien moindre, et diminuera
plus promptement. Voici ce que ditM. Oran-
ger du débordement du Nil :
« La crue du Nil et son inondation a long-
temps occupé les savans ; la plupart n’ont
trouvé que du merveilleux dans la chose du
monde la plus naturelle , et qu’on voit dans
tous les pays du monde. Ce sont les pluies
qui tombent dans l’Abyssinie et dans l’Ethio-
pie qui font la croissance et l’inondation de
ce fleuve : mais on doit regarder le vent du
nord comme cause primitive, i° parce qu’il
chasse les nuages qui portent cette pluie du
côté de l’Abyssinie; 20 parce qu’étant le
traversier des deux embouchures du Nil ,
il en fait refouler les eaux à contremont, et
empêche par là qu’elles ne se jettent en trop
grande quantité dans la mer : on s’assure
tous les ans de ce fait lorsque le vent étant
au nord et changeant tout à coup au sud,
le Nil perd dans un jour ce dont il étoil
crû dans quatre l. »
Les inondations sont ordinairement plus
grandes dans les parties supérieures des
fleuves que dans les parties inférieures et
voisines de leur embouchure, parce que,
toutes choses étant égales d’ailleurs, la vi-
tesse d’un fleuve va toujours en augmentant
jusqu’à la mer ; et quoique ordinairement
la pente diminue d’autant plus qu’il est plus
près de son embouchure, la vitesse cepen-
dant est souvent plus grande par les raisons
que nous avons rapportées. Le P. Castelli ,
qui a écrit fort sensément sur cette matière ,
x. V ojrage de Granger; Paris, 1745, p. i3 et 14.
remarque très-bien que la hauteur des levées
qu’on a faites pour contenir le Pô , va tou-
jours en diminuant jusqu’à la mer, en sorte j
qu’a Ferrare , qui est à 5o ou 60 milles de :
distance de la mer, les levées ont près de j
20 pieds de üauteur au-dessus de la surface j
ordinaire du Pô ; au lieu que plus bas, à 10
ou 1 2 milles de distance de la mer, les le-
vées n’ont pas 12 pieds , quoique le canal1
du fleuve y soit aussi étroit qu’à Ferrare.
Au reste , la théorie du mouvement des
eaux courantes est encore sujette à beaucoup j
de difficultés et d’obscurités , et il est très-
difficile de donner des règles générales qui
puissent s’appliquer à tous les cas particu-'j
liers : l’expérience est ici plus nécessaire;
que la spéculation ; il faut non seulement
connoître par expérience les effets ordinai-
res des fleuves en général, mais il faut en-;
core connoître en particulier la rivière à ;
laquelle on a affaire , si l’on veut en raison- j
ner juste et y faire des travaux utiles el
durables. Les remarques que j’ai données*
ci-dessus , sont nouvelles pour la plupart : [
il seroit à désirer qu’on rassemblât beau- ;
coup d’observations semblables; on par-j
viendroit peut-être à éclaircir cette matière, j
et à donner des règles certaines pour con- !
tenir et diriger les fleuves, et prévenir la!
ruine des ponts, des levées, et les autres!
dommages que cause la violente impétuo-
sité des eaux a.
i. Au sujet de la théorie des eaux courantes, je
vais ajouter une observation nouvelle, que j’ai faite';
depuis que j’ai établi des usines , où la différente'
vitesse de l’eau peut se reconnoître assez exacte-j
ment. Sur neuf roues qui composent le mouvement;
de ces usines, dont les unes reçoivent leur impul- ;
sion par une colonne d’eau de deux ou trois' pieds j
et les autres de cinq à six pieds de hauteur, j’a:
été assez surpris d’abord de voir que toutes cesl p
roues tournoient plus vite la nuit que le jour, et «
que la différence étoit d’autant plus grande que lîl ft
colonne d’eau étoit plus haute et plus large. Pa> ! m
exemple, si l’eau a six pieds de chute, c’est-à-dirtij lie
si le biez près de la vanne a six pieds de hauteui i li
d’eau , et que l’ouverture de la vanne ait deuj j tfl
pieds de hauteur, la roue tournera, pendant la nuit J i]i
d’un dixième et quelquefois d’un neuvième plue I id
vite que pendant le jour; et s’il y a moins de hau-j t®
teur d’eau , la différence entre la vitesse pendant la j toi
nuit et pendant le jour sera moindre, mais tou- j |i
jours assez sensible pour être reconnue. Je me suis ; tu
assuré de ce fait , en mettant des marques blanches t lt
sur les roues , et en comptant avec une montre à I ni
secondes le nombre de leurs révolutions dans un igj
même temps , soit la nuit , soit le jour, et j’ai con- iy
stamment trouvé, par un très-grand nombre d’ob- )
servations , que le temps de la plus grande vitesse ! lit
des roues étoit l’heure la plus froide de la nuit , el 1 [lu
qu’au contraire celui de la moindre vitesse étoit le ; m
moment de la plus grande chaleur du jour : ensuite j ®
j’ai de même reconnu que la vitesse de toutes les
lt
ART. X. FLEUVES.
Les plus grands fleuves de l’Europe sont
le Wolga, qui a environ 65o lieues de cours
depuis Reschow jusqu’à Astracan sur la
mer Caspienne; le Danube, dont le cours
est d’environ 45o lieues depuis les mon-
tagnes de Suisse jusqu’à la mer Noire; le
Don, qui a 400 lieues de cours depuis la
source du Sosna, qu’il reçoit, jusqu’à son
embouchure dans la mer Noire; le Niéper,
dont le cours est d’environ S5o lieues , qui
se jette aussi dans la mer Noire ; la Duine,
qui a environ 3oo lieues de cours , et qui
va se jeter dans la mer Blanche , etc.
Les plus grands fleuves de l’Asie sont
le Hoanho de la Chine, qui a 85o lieues
! ïoues est généralement plus grande en hiver qu’en
été. Ces faits, qui n’ont été remarqués par aucun
physicien , sont importans dans la pratique. La
théorie en est bien simple : cette augmentation de
vitesse dépend uniquement de la densité de l’eau ,
! laquelle augmente par le froid et diminue par le
chaud; et, comme il ne peut passer que le même
volume par la vanne, il se trouve que ce volume
d’eau , plus dense pendant la nuit et en hiver qu’il
ne l’est pendant le jour ou en été, agit avec plus
de masse sur la roue , et lui communique par con-
séquent une plus grande quantité de mouvement.
Ainsi, toutes choses étant égales d’ailleurs, on
S aura moins de perte à faire chômer ses usines à
l’eau pendant la chaleur du jour, et à les faire tra-
vailler pendant la nuit : j’ai vu dans mes forges que
Icela ne laissoit pas d’influer d’un douzième sur le
(produit de la fabrication du fer.
Une seconde observation , c'est que de deux
! roues, l’une plus voisine que l’autre du Liez, mais
|du reste parfaitement égales, et toutes deux mues
ipar une égale quantité d’eau qui passe par des
ivannes égales, celle des roues qui est la plus voi-
sine du biez tourne toujours plus vite que l’autre
Iqui en est plus éloignée, et à laquelle l’eau ne peut
larriver qu’après avoir parcouru un certain espace
dans le courant particulier qui aboutit à cette roue.
jOn sent bien que le frottement de l’eau contre les
jparois de ce canal doit en diminuer la vitesse; mais
i'cela seul ne suffit pas pour rendre raison de la dif-
férence considérable qui se trouve entre le mouve-
'ment de ces deux roues : elle provient en premier
|lieu,dece que l’eau contenue dans ce canal cesse
d’ tre pressée latéralement, comme elle l’est en
(effet lorsqu’elle entre par la vanne du biez et
qu’elle frappe immédiatement les aubes de la roue ;
secondement , cette inégalité de vitesse , qui se me-
sure sur la distance du biez à ces roues, vient en*
tore de ce que l’eau qui sort d’une vanne n’est
(pas une colonne qui ait les dimensions de la vanne ;
;car l’eau forme dans son passage un cône irrégu-
lier, d’autant plus déprimé sur les côtés , que la
pnasse d’eau dans le biez a plus de largeur. Si les
aubes de la roue sont très-près de la vanne , l’eau
s’y applique presque à la hauteur de l’ouverture
de la vanne : mais si la roue est plus éloignée du
s'biez , l’eau s’abaisse dans le coursier, et ne frappe
'plus les aubes de la roue à la même hauteur ni
avec autant de vitesse que dans le premier cas ; et
jces deux causes réunies produisent cette diminution
de vitesse dans les roues qui sont éloignées du biez.
\{Add Buff.)
l6$
de cours en prenant sa source à Raja-Ri-
hron , et qui tombe dans la mer de la Chine,
au midi du golfe de Changi; le Jénisca de
la Tartarie, qui a 800 lieues environ d’éten-
due, depuis le lac Selingua jusqu’à la mer
septentrionale de la Tartarie ; le fleuve Oby,
qui en a environ 600, depuis le lac Kila
jusque dans la mer du Nord, au delà du
détroit de Waigats ; le fleuve Amour de la
Tartarie orientale, qui a environ 5^5 lieues
de cours, en comptant depuis la source du
fleuve Kerlon, qui s’y jette, jusqu’à la mer
de Kamtschatka , où il a son embouchure ;
le fleuve Menamcon, qui a son embouchure
à Poulo-Condor, et qu’on peut mesurer de-
puis la source du Longmu , qui s’y jette ;
le fleuve Kian , dont le cours est environ
de 55o lieues en le mesurant depuis la source
de la rivière Kinxa, qu’il reçoit, jusqu’à
sou embouchure dans la mer de la Chine ;
le Gange, qui a aussi environ 55o lieues
de cours; l’Euphrate, qui en a 5oo, en le
prenant depuis la source de la rivière Irma,
qu’il reçoit ; l’Indus, qui a environ 400 lieues
de cours, et qui tombe dans la mer d’A-
rabie à la partie occidentale de Guzarate;
le fleuve Sirderoias , qui a une étendue de
400 lieues environ, et qui se jette dans le
lac Aral.
Les plus grands fleuves de l’Afrique sont
le Sénégal, qui a 1125 lieues environ de
cours , en y comprenant le Niger, qui n’en
est en effet qu’une continuation, et en re-
montant le Niger jusqu’à la source du Gom-
barou , qui se jette dans le Niger ; le Nil ,
dont la longueur est de 970 lieues, et qui
prend sa source dans la haute Éthiopie , où
il fait plusieurs contours : il y a aussi le
Zaïr et le Coanza , desquels on connoît en-
viron 400 lieues, mais qui s’étendent bien
plus au loin dans les terres de Monoémugi;
le Couama, dont on ne connoît aussi qu’en-
viron 400 lieues, et qui vient de plus loin,
des terres de la Cafrerie; le Quilmanci,
dont le cours entier est de 400 lieues, et
qui prend sa source dans le royaume de
Gengiro.
Enfin les plus grands fleuves d’Amérique,
qui sont aussi les plus larges fleuves du
monde, sont la rivière des Amazones, dont
le cours est de plus de 1200 lieues, si l’on
remonte jusqu’au lac qui est près de Gua-
nuco, à 3o lieues de Lima, où le Maragnon
prend sa source; et si l’on remonte jusqu’à
la source de la rivière Napo , à quelque dis-
tance de Quito, le cours de la rivière des
Amazones est de plus de mille lieues.
On pourroit dire que le cours du fleuve
THÉORTE DE LA TERRE.
170
Saint-Laurent en Canada est de plus de 900
lieues, depuis son embouchure en remon-
tant le lac Oniario et le lac Érié, de là au
lac Huron, ensuite au lac Supérieur, de là
au lac Alemipigo , au lac Cristinaux, et
enfin au lac des Assiniboïls, les eaux de
tous ces lacs tombant des uns dans les au-
tres , et enfin dans le fleuve Saint-Laurent.
Le fleuve Mississipi a plus de 700 lieues
d’étendue depuis son embouchure jusqu’à
quelques-unes de ses sources, qui ne sont
p-as éloignées du lac des Assiniboïls dont
nous venons de parler.
Le fleuve de la Plata a plus de 800 lieues
de cours, en le remontant depuis son em-
bouchure jusqu’à la source de la rivière Pa-
rana, qu’il reçoit.
Le fleuve Orénoque a plus de 575 lieues
de cours, en comptant depuis la source de
la rivière Caketa près de Pasto, qui se jette
en partie dans l’Orénoque, et coule aussi
en partie vers la rivière des Amazones.
La rivière Madera, qui se jette dans celle
des Amazones, a plus de 660 ou 670 lieues.
Pour savoir à peu près la quantité d’eau
que la mer reçoit par tous les fleuves qui y
arrivent, supposons que la moitié du globe
soit couverte par la mer, et que l’autre
moitié soit terre sèche, ce qui est assez
juste; supposons aussi que la moyenne pro-
fondeur de la mer, en la prenant dans toute
son étendue, soit d’un quart de mille d’I-
talie, c’est-à-dire d’environ 23 o toises : la
surface de tou te la terre étant de 170,981,012
milles , la surfaeedela mer « stde 85,490,506
milles carrés, qui étant multipliés par r/4 ,
profondeur de la mer, donnent 21,372,6^6
milles cubiques pour la quantité d’eau con-
tenue dans l’Océan tout entier. Maintenant,
pour calculer la quantité d’eau que l’Océan
reçoit des rivières, prenons quelque grand
fleuve dont la vitesse et la quantité d’eau
nous soient connues; le Pô, par exemple,
qui passe en Lombardie, et qui arrose un
pays de 38o milles de longueur, suivant
Riccioli : sa largeur, avant qu’il se divise
en plusieurs bçmches pour tomber dans la
mer, est de cent perches de Bologne, ou
de mille pieds, et sa profondeur de dix
pieds; sa vitesse est telle, qu’il parcourt
4 milles dans une heure : ainsi le Pô four-
nit à la mer 200,000 perches cubiques d’eau
en une heure, ou 4,800,000 dans un jour.
Mais un miilecubique contient 125,000,000
perches cubiques : ainsi il faut vingt-six
jours pour qu’il porte à la mer un mille cu-
bique d’eau. Reste maintenant à détermi-
ner la proportion qu’il y a entre la rivière du
Pô et toutes les rivières de la terre prises
ensemble, ce qu’il est impossible de faire '
exactement ; mais pour le savoir à peu près, |
supposons que la quantité d’eau que la mer
reçoit par les grandes rivières dans tous les
pays, soit proportionnelle à l’étendue et à
la surface de ces pays, et que par consé-
quent le pays arrosé par le Pô et par les
rivières qui y tombent , soit à la surface de
toute la terre sèche en même proportion
que le Pô est à toutes les rivières de la terre.
Or, par les cartes les plus exactes, le Pô,
depuis sa source jusqu’à son embouchure,
traverse un pays de 38o milles de longueur,
et les rivières qui y tombent de chaque côté,,
viennent de sources et de rivières qui sont ;
à environ 60 milles de distance du Pô :
ainsi ce fleuve et les rivières qu’il reçoit,!
arrosent un pays de 38o milles de long et
de 120 milles de large; ce qui fait 45,600 È
milles carrés. Mais la surface de toute la terre I
sèche est de 85,490,506 milles carrés; par
conséquent la quantité d’eau que toutes les p
rivières portent à la mer sera 1874 fois
plus grande que la quantité que le Pô lui;
fournit : mais comme vingt-six rivières
comme le Pô fournissent un mille cubique'
d’eau à la mer par jour , il s’ensuit que dansi
l’espace d’un an, 1874 rivières comme k'
Pô fourniront à la mer 26,308 milles cu-i
biques d’eau, et que dans l’espace de 813 [
ans toutes ces rivières fourniroient à la mer;L
21,372,626 milles cubiques d’eau, c’est-à-i
dire autant qu’il y en a dans l’Océan, et
que par conséquent il ne faudrait que 8i2jco
ans pour le remplir. je
Il résulte de ce calcul, que la quantité p
d’eau que l’évaporation enlève de la surface |)B
de la mer, que les vents transportent sur là îf
terre, et qui produit tous les ruisseaux et p
tous les fleuves, est d’environ 245 lignes. jt
ou de 20 à 21 pouces par an, ou d’environ (i
les deux tiers d’une ligne par jour; ceci est roj
une très-petite évaporation, quand même #
on la doubleroit ou tripleroit, afin de tenir jj,
compte de l’eau qui retombe sur la mer, et (1
qui n’est pas transportée sur la terre. Voyea lu
sur ce sujet 1 écrit de Halley dans les Tran-, (ll
sactions philosophiques , n° 192, où il failj |e„
voir évidemment et par le calcul, que les j r (
vapeurs qui s’élèvent au dessus de la mer,j
et que les vents transportent sur la terre, 4
sont suffisantes pour former toutes les ri- *
vieres et entretenir toutes les eaux qui sonl ,<
à la surface de la terre. g|
Après le Nil, le Jourdain est le fleuve le j i,
plus considérable qui soit dans le Levant. j «j,
et même dans la Barbarie: il fournit à h!
ART. X. FLEUVES.
171
mer Morte environ six millions de tonnes
îd’eau par jour : toute cette eau, et au delà,
'est enlevée par l’évaporation ; car en comp-
tait , suivant le calcul de Halley, 691 '+ ton-
nes d’eau qui se réduit en vapeurs sur cha-
que mille superficiel , on trouve que la mer
«Morte, qui a 72 milles de long sur 18
milles de large, doit perdre tous les jours
jpar l’évaporation piès de neuf millions de
tonnes d’eau, c’est-à-dire non seulement
'toute l’eau qu’elle reçoit du Jourdain, mais
encore celle des petites rivières qui y arri-
vent des montagnes de Moab et d’ailleurs :
’ par conséquent elle ne communique avec
1 àucune autre mer par des canaux souter-
ILes fleuves les plus rapides de tous son';
e Tigre, l’Indus, le Danube, l’Yrtis en Si-
érie, le Malmistra en Cilicie, etc. Mais,
tomme nous l’avons dit au commencement
e cet article, la mesure de la vitesse des
aux d’un fleuve dépend de deux causes :
a première est la pente, et la seconde le
àoids ei la quantité d’eau. En examinant
ur le globe quels sont les fleuves qui ont
e plus de pente, on trouvera que le Da-
nube en a beaucoup moins que le Pô, le
Lhin, et le Rhône, puisque, tirant quel-
nies-unes de ses sources des mêmes mon-
agnes, le Danube a un cours beaucoup
dus long qu’aucun de ces trois autres fleu-
es, et qu’il tombe dans la mer Noire, qui
fist plus élevée que la Méditerranée, et
kut-ètre plus que l’Océan.
Tous les grands fleuves reçoivent beau-
oup d’autres rivières dans toute l’étendue
le leur cours; on a compté, par exemple,
ue le Danube reçoit plus de deux cents
ant ruisseaux que rivières. Mais en ne
pmptant que les rivières assez considérables
el (ue les fleuves reçoivent, on trouvera que
p Danube en reçoit trente ou trente-une,
00 k Wolga en reçoit trente-deux ou trente-
rois , le Don cinq ou six , le Niéper dix-neuf
u vingt, la Duine onze ou douze; et de
jême en Asie le Hoanlio reçoit trente-quatre
et u trente-cinq rivières; le Jénisca en reçoit
lus de soixante, l’Oby tout autant, le
êuve Amour environ quarante; le Kian ou
euve de Nanquin en reçoit environ trente,
Gange plus de vingt , l’Euphrale dix ou
üze , etc. En Afrique, le Sénégal reçoit
lus de vingt rivières ; le Nil ne reçoit au-
une rivière qu’à plus de cinq cents lieues
son embouchure; la dernière qui y tombe
;t le Moraba, et de cet endroit jusqu’à sa
mrce il reçoit environ douze ou treize
vières. En Amérique , le fleuve des Ama-
sonte
zones en reçoit plus de soixante , et toutes
fort considérables; le fleuve Saint-Laurent
environ quarante, en comptant celles qui
tombent dans les lacs; le fleuve Mississipi
plus de quarante, le fleuve de la Plata plus
de cinquante , etc.
U y a sur la surface de la ferre des con-
trées élevées qui paroissent être des points
de partage marqués par la nature pour la
distribution des eaux. Les environs du mont
Saint-Golhard sont un de ces points en Eu-
rope. Un autre point est le pays situé entre
les provinces de Belozera et de Vologda
en Moscovie, d’où descendent des rivières
dont les unes vont à la mer Blanche, d’au-
tres à la mer Noire, et d’autres à la mer
Caspienne en Asie; le pays des Tariares
Mogols d’où il coule des rivières dont les
unes vont se rendre dans la mer Tranquille
ou mer de la Nouvelle-Zemble, d’autres au
golfe Linchidolin , d’autres à la mer de
Corée , d’autres à celle de la Chine; et de
même le petit Tliibet , dont les eaux cou-
lent vers la mer de la Chine, vers le golfe
de Bengale, vers le golfe de Cambaïe et vers
le lac Aral ; en Amérique la province de
Quito, qui fournit des eaux à la mer du
Sud , à la mer du Nord , et au golfe du
Mexique.
Il y a dans l’ancien continent environ
quatre cent trente fleuves qui tombent im-
médiatement dans l’Océan ou dans la Mé-
diterranée et la mer Noire , et dans le
nouveau continent on ne connoît guère
que cent quatre-vingts fleuves qui tombent
immédiatement dans la mer; au reste, je
n’ai compris dans ce nombre que des ri»
vières grandes au moins comme l’est la
Somme en Picardie.
Toutes ces rivières transportent à la
mer avec leurs eaux une grande quantité
de parties minérales et salines qu’elles ont
enlevées des diflérens terrains par où
elles ont passé. Les particules de sels,
qui , comme l’on sait , se dissolvent aisé-
ment , arrivent à la mer avec les eaux
des fleuves. Quelques physiciens , et entre
autres Halley , ont prétendu que la salure
de la mer ne provenait que des sels de
la terre que les fleuves y transportent ;
d’autres ont dit que la salure de la mer
éloit aussi ancienne que la mer même,
et que ce sel n’avoit été créé que pour
l’empêcher de se corrompre ; mais on peut
croire que l’eau de la mer est préservée
de la corruption par l’agitation des vents
et par celle du flux et reflux , autant que
par le sel qu’elle contient ; car quand on
THÉORIE DE LA TERRE.
la garde dans un tonneau , elle se cor-
rompt au bout de quelques jours, et Boyle
rapporte qu’un navigateur pris par un
calme qui dura treize jours, trouva la
mer si infectée au bout de ce temps que
si le calme n’eût cessé, la plus grande
partie de son équipage auroit péri. L’eau
de la mer est aussi mêlée d’une huile bi-
tumineuse, qui lui donne un goût désa-
gréable , et qui la rend très-malsaine. La
quantité de sel que l’eau de la mer con-
tient est d’environ une quarantième par-
tie , et la mer est à jpeu près également
salée partout, au dessus comme au fond,
également sous la ligne et au cap de
Bonne-Espérance , quoiqu’il y ait quelques
endroits , comme à la côte de Mozam-
bique, où elle est plus salée qu’ailleurs.
On prétend aussi qu’elle est moins salée
dans la zone arctique : cela peut venir de
la grande quantité de neige et des grands
fleuves qui tombent dans ces mers, et
de ce que la chaleur du soleil n’y produit
que peu d’évaporation , en comparaison de
l’évaporation qui se fait dans les climats
chauds.
Quoi qu’ii en soit, je crois que les vraies
causes de la salure de la mer sont non seu-
lement les bancs de sel qui ont pu se trouver
au fond de la mer et le long des côtes , mais
encore les sels mêmes de la terre que les
fleuves y transportent continuellement; et
que Halley a eu quelque raison de présumer
qu’au commencement du monde la mer
n’étoit que peu ou point salée, qu’elle l’est
devenue par degrés et à mesure que les
fleuves y ont amené des sels; que cette sa-
lure augmente peut-être tous les jours et
augmentera toujours de plus en plus , et que
par conséquent il a pu conclure qu’en fai-
sant des expériences pour reconnoitre la
quantité de sel dont l’eau d’un fleuve est
chargée lorsq; lie arrive à la. mer, et qu’en
supputant la quantité d’eau que tous les
fleuves y portent, on viendroit à connoître
l’ancienneté du monde par le degré de la
salure de la mer.
Les plongeurs et les pêcheurs de perles
assurent, au rapport de Boyle , que plus on
descend dans la mer, plus l’eau est froide ; que
le froid est même si grand à une profondeur
considérable , qu’ils ne peuvent le souffrir,
et que c’est par cette raison qu’ils ne de-
meurent pas long -temps sous l’eau , lorsqu’ils
descendent à une profondeur un peu plus
grande , que quand ils ne descendent qu’à
une petite profondeur. Il me paroît que le
poids de l’eau pourroît en être la cause aussi
bien que le froid, si on descendoit à un
grande profondeur, comme trois ou quati
cents brasses; mais, à la vérité, les ploi
geurs ne descendent jamais à plus de cei
pieds ou environ. Le même auteur rappori |,
que dans un voyage aux Indes orientale}
au delà de la ligne , à environ 35 degrés d j
latitude sud, on laissa tomber une sonde !
quatre cents brasses de profondeur , <
qu’ayant retiré cette sonde qui étoit d
plomb et qui pesoit environ trente à trenh
cinq livres , elle étoit devenue si froide
qu’il sembloit toucher un morceau de glace
On sait aussi que les voyageurs, pour re
fraîchir leur vin , descendent les bouteille,
à plusieurs brasses de profondeur dans ]
mer ; et plus on les descend , plus le vin e
frais.
Tous ces faits pourroient faire présume
que l’eau de la mer est plus salée au fon
qu’à la surface; cependant on a des t<
moignages contraires , fondés sur des exp<
riences qu’on a faites pour tirer dans d<
vases , qu’on ne débouchoit qu’à une cei
taine profondeur, de l’eau de la mer, Id
quelle ne s’est pas trouvée plus salée qc
celle de la surface : il y a même des en
droits où l’eau de la surface étant salée;
l’eau du fond se trouve douce ; et cela do;
arriver dans tous les lieux où il y a des fou
taines et des sources qui sourdent du fom
de la mer, comme auprès de Goa , à Ormusi
et même dans la mer de Naples, où il y
des sources chaudes dans le fond *.
i. Au sujet delà salure de la mer, il y a der
opinions, qui toutes deux sont fondées et en part
vraies. Halley attribue la salure de la mer uniqui
ment aux sels de la terre que les fleuves y trana
portent, et pense même qu’on peut reconnoîtj
l’ancienneté du monde par le degré de cette salu»
des eaux de la mer. Leibnitz croit au contraire qi]
le globe de la terre ayant été liquéfié par le feu
les sels et les autres parties empyreumatiques or:
produit avec les vapeurs aqueuses une eau lixiviel
et salée, et que par conséquent la mer avoit ses
degré de salure dès le commencement. Les opinioi:
de ces deux grands physiciens , quoique opposées;
doivent être réunies , et peuvent même s’accorde
avec la mienne : il est en effet très-probable qt[
l’action du feu combinée avec celle de l’eau a fa j
la dissolution de toutes les matières salines qui i
sont trouvées à la surface de la terre dès le cou
mencement , et que par conséquent le premier d< j
gré de salure de la mer provient de la cause iri
diquée par Leibnitz; mais cela n’empêche pas qt j
la seconde cause désignée par Halley n’ait aus
très-considérablement influé sur le degré de la sa
lure aetuelle de la mer, qui ne peut manquer d’aile
toujours en augmentant, parce qu’en effet les flet
ves ne cessent de transporter à la mer une grand]
quantité de sels fixes, que l’évaporation ne pei j
enlever; ils restent donc mêlés avec la masse dtj
eaux, qui, dans la mer, se trouvent généralemerl
ART. X.
|™ Il y a d’autres endroits où l’on a remarqué
les sources bitumineuses et des couclies de
)itume au fond de la mer, et sur la terie il
‘ a une grande quantité de ces sources qui
Sortent le bitume mêlé avec l’eau dans la
j lier. A la Barbade , il y a une source de
Jpitume pur qui coule des rochers jusqai’à la
'ner; le sel et le bitume sont donc les ma-
niérés dominantes dans l’eau de la mer : mais
Ile est encore mêlée de beaucoup d’autres
natieres; car le goût de l’eau n’est pas le
,f aême dans toutes les parties de l’Océan,
d’ailleurs l’agitation, et la chaleur du soleil,
Itèrent le goût naturel que devroit avoir
I [eau de la mer; et les couleurs différentes
es différentes mers , et des mêmes mers en
ifférens temps , prouvent que l’eau de la
lier contient des matières de bien des es-
jj èces, soit qu’elle les détache de son propre
• pnd , soit qu’elles y soient amenées par les
^ leuves.
f i Presque tous les pays arrosés par de grands
r euves sont sujets à des inondations pério-
a iques , surtout les pays bas et voisins de
?ur embouchure; et les fleuves qui tirent
?urs sources de fort loin, sont ceux qui
, ebordent le plus régulièrement. Tout le
• îonde a entendu parler des inondations du
j [il ; il conserve dans un grand espace, et
f rt loin dans la mer, la douceur et la blan-
îeur de ses eaux. Strabon et les autres an-
,iens auteurs ont écrit qu’il y avoit sept
'jnbouchures, mais aujourd’hui il n’en reste
ne deux qui soient navigables ; il y a un
foisième canal qui descend à Alexandrie
our remplir les citernes, et un quatrième
anal qui est encore plus petit. Comme on
négligé depuis fort long-temps de nettoyer
^s canaux , ils se sont comblés. Les anciens
tnployoient à ce travail un grand nombre
^ouvriers et de soldats , et tous les ans ,
près l’inondation , l’on enlevoit le limon et
j sable qui étoient dans les canaux ; ce
euve en charrie une très-grande quantité,
ja cause du débordement du Nil vient des
luies qui tombent en Éthiopie : elles com-
lencent au mois d’avril, et ne finissent
îautant plus salées qu’elles sont plus éloignées de
îmbouchure des fleuves , et que la chaleur du
inaat y produit une plus grande évaporation. La
reuve que cette seconde cause y fait peut-être
jitant et plus que la première , c’est que tous les
jes dont il sort des fleuves , ne sont point salés ;
[ndis que presque tous ceux qui reçoivent des
^uves sans qu’ils en sortent, sont imprégnés de
ul. La mer Caspienne, le lac Aral, la mer Morte,
|c. , ne doivent leur salure qu’aux sels que les
üeuves y transportent et que l’évaporation ne peut
Jilever. {Add. Buff.)
FLEUVES. 17S
qu’au mois de septembre. Pendant les trois
premiers mois les jours sont sereins et beaux:
mais des que le soleil se couche, il pleut
jusqu’à ce qu’il se lève; ce qui est accom-
pagné ordinairement des tonnerres et d’é-
clairs. L’inondation ne commence en Égypte
que vers le 17 de juin; elle augmente ordi-
nairement pendant environ quarante jours,
et diminue pendant tout autant de temps :
tout le plat pays de l’Égypte est inondé.
Mais ce débornement est bien moins consi-
dérable aujourd’hui qu’il ne l’étoii autrefois;
car Hérodote nous dit que le Nil étoit cent
jours à croître et autant à décroître. Si le
fait est vrai , on ne peut guère en attribuer
la cause qu’à l’élévation du terrain que le
limon des eaux a haussé peu à peu , et à la
diminution de la hauteur des montagnes de
l’intérieur de l’Afrique dont il tire sa source ;
il est assez naturel d’imaginer que ces mon-
tagnes ont diminué , parce que les pluies
abondantes qui tombent dans ces climas
pendant la moitié de l’année , entraînent les
sables et les terres du dessus des montagnes
dans les vallons, d’où les torrens les char-
rient dans le canal du Nil, qui en emporte
uue bonne partie en Égypte , où il les dé-
pose dans1 ses débordemens.
Le Nil n’est pas le seul fleuve dont les
inondations soient périodiques et annuelles :
on a appelé la rivière de Pégu le Nil indien ,
parce que ses débordemens se font tous les
ans régulièrement; il inonde ce pays à plus
de trente lieues de ses bords, et il laisse,
comme le Nil, un limon qui fertilise si fort
la terre, que les pâturages y deviennent ex-
cellens pour le bétail, et que le riz y vient
en si grande abondance, qu’on en charge
tous les ans un grand nombre de vaisseaux
sans que le pays en manque. Le Niger, ou ,
ce qui revient au même, la partie supérieure
du Sénégal, déborde aussi comme le Nil, et
l’inondation, qui couvre tout le plat pays de
la Nigritie , commence à peu près dans le
même temps que celle du Nil, vers le
1 5 juin ; elle augmente aussi pendant qua-
rante jours. Le fleuve de la Plata, au Bré-
sil, déborde aussi tous les ans, et dans le
même temps que le Nil ; le Gange, l’Indus ,
l’Euphrate, et quelques autres, débordent
aussi tous les ans ; mais tous les autres fleuves
n’ont pas des débordemens périodiques ; et
quand il arrive des inondations, c’est un ef-
fet de plusieurs causes qui se combinent
pour fournir une plus grande quantité d’eau
qu’à l’ordinaire, et pour retarder en même
temps la vitesse du fleuve.
Nous avons dit que dans presque tous les
THÉORIE DE LA TERRE.
174
fleuves la pente de leur lit va toujours en
diminuant jusqu’à leur embouchure d une
manière assez insensible : mais il y en a
dont la pente est tres-brusque dans certains
endroits; ce qui forme ce qu’on appelle
une cataracte , qui n’est autre chose qu’une
chute d’eau plus vive que le courant ordi-
naire du fleuve. Le Rhin, par exemple, a
deux cataractes; l’une à Bilefeld, et l’autre
auprès de Schafihouse. Le Nil en a plu-
sieurs , et entre autres deux qui sont tres-
violentes et qui tombent de fort haut entre
deux montagnes. La rivière Vologda, en
Moscovie , a aussi deux cataractes auprès
de Ladoga. Le Zaïr, fleuve de Congo, com-
mence par une forte cataracte qui tombe du
haut d’une montagne. Mais la plus fameuse
cataracte est celle de la riviere Niagara au
Canada ' ; elle tombe de i5b pieds de hau-
teur perpendiculaire; comme un torrent pro-
digieux, et elle a plus d’un quart de lieue
de largeur : la brume ou le brouillard que
l’eau fait en tombant se voit de cinq lieues,
et séleve jusqu’aux nues; il s’y forme un
très-bel arc-en-ciel lorsque le soleil donne
dessus. Au dessous de cette cataracte il y a
des tournoiemens d’eau si terribles, qu’on
ne peut y naviguer jusqu’à six milles de
distance; et au dessus de la cataracte, la ri-
vière est beaucoup plus étroite qu’elle ne
l’est dans les terres supérieures. Voici la
description qu’en donne le P. Charlevoix:
« Mon premier soin fut de visiter la plus
belle cascade qui soit peut-être dans la na-
ture; mais je reconnus d’abord que le ba-
ron de La Hontan s’étoit trompé sur sa
i. J’ai dit que la cataracte de la rivière de Nia-
gara au Canada é t'oit la plus fameuse, et qu’elle
tomboit de rofi . ieds de hauteur perpendiculaire.
J’ai depuis été informé qu’i! se trouve en Europe
une cataracte qui tombe de 3oo pieds de hauteur;
c’est celle de Terni , petite ville sur la route de
Rome à Bologne. Elle est formée par la rivière de
Velino, qui prend a source dans les montagnes
de l’Abruzze. Après avoir passé par Riète , ville
frontière du royaume de Naples, elle se jette dans
le lac de Luco, qui paroîl entretenu par des sources
abondantes; car elle en sort plus forte qu’elle n’y
est entrée, et va jusqu’au pied de la montagne del
Marmore , d’où elle se précipite par un saut per-
pendiculaire de 3oo pieds; elle tombe comme dans
un abîme, d’où elle s'échappe avec une espèce de
fureur La rapidité de sa chute brise ses eaux avec
tant d’effort contre les rochers et sur le fond de cet
abîme, qu’il s’en élève une vapeur humide, sur
laquelle les rayons du soleil forment des arcs-en-
ciel, qui sont très-variés; et lorsque le vent du midi
souffle et rassemble ce brouillard contre la mon-
tagne, au lieu de plusieurs petits arcs-en-ciel, ou
n’en voit plus qu’un seul qui couronne toute la cas-
cade. {Add. Buff.)
hauteur et sur sa figure , de manière à fait
juger qu’il ne l’avoit point vue.
« Il est certain que si on mesure sa hau i
teur par les trois montagnes qu’il faut frai |
chir d’abord, il n’y a pas beaucoup à rai
battre des boo pieds que lui donne la cari
de M. Delisle, qui sans doute n’a avancé c
paradoxe que sur la foi du baron de L
Hanlon et du P. Hennepin : mais après qu
je fus arrivé au sommet de la troisiem
montagne , j’observai que dans l’espace d'
trois lieues que je fis ensuite jusqu’à cett
chute d’eau , quoiqu’il faille quelquefoi,
monter, il faut encore plus descendre ; t
c’est à quoi ces voyageurs paroissent n’avoi
pas fait assez d’aiteniion. Comme on ne pei
approcher la cascade que de côté, ni la voij
que de profil , il n’est pas aisé d’en mesure j
la hauteur avec les instrumens : on a voull
le faire avec une longe corde attachée 1
une longue perche ; et après avoir sou ver
réitéré cette maniéré , on n’a trouvé qu
x 10 ou f2o pieds de profondeur: mais i
n’esl pas possible de s’assurer si la percl i
n’a pas été arrêtée par quelque rocher qi
avançoit; car quoiqu’on l’eût toujours retit
rée mouillée aussi bien qu’un bout de J
corde à quoi elle étoit attachée, cela ni
prouve rien, puisque l’eau qui se précipita
de la montagne rejaillit fort haut en écu
mani. Pour moi , apres l’avoir considérée d
tous les endroits d où l’on peut f examiné
à son aise , j’estime qu’on ne sauroit h
donner moins de 140 ou i5o pieds.
« Quant à sa figure, elle est en fer-à-clie
Val , et elle a environ 400 pas de circonft
renee : mais, précisément dans son milieu;
elle est partagée en deux par une île foi
étroite et d’un demi-quart de lieue de longj
qui y abouti). Il est vrai que ces deux par
ties ne tardent pas à se rejoindre : celle qi
étoil de mon côté, et qu’on 11e voyoit qui
de profil, a plusieurs pointes qui avancent;
mais celle que je découvrois en face me pi
rut fort unie. Le baron de La Hontan
ajoute un torrent qui vient de l’ouest :
faut que dans la fonte des neiges les eau,
sauvages viennent se décharger là parque!
que ravine , etc.i. 2 ».
Il y a une autre cataracte à trois lieue;
d’Albanie, dans la province de la Nouvelle
York, qui a environ 5o pieds de hautec
perpendiculaire, et de cette chute d’eau
s’élève aussi un brouillard dans lequel o(
aperçoit un léger arc-en-ciel, qui chang
de place à mesure qu’on s’en éloigne 0
qu’on s’en approche.
2. Tome lit , pages 33a et suivantes.
ART. X. FLEUVES.
En général, dans tous les pays où le nom-
jre d’hommes n’est pas assez considérable
jour former des sociélés policées, les ter-
ains sont plus irréguliers et le lit des fleu-
res plus étendu, moins égal, et rempli de
fataractes. Il a fallu des siècles pour rendre
e Rhône et la Loire navigables. C’est en
iOn tenant les eaux, en les dirigeant, et en
lettoyant le fond des fleuves , qu’on leur
lonne un cours assuré ; dans toutes les
erres où il y a peu d’habitans, la nature
st brute, et quelquefois difforme.
Il y a des fleuves qui se perdent dans les
ïbles , d autres qui semblent se précipiter
ans les entrailles de la terre : le Guadal-
uivir en Espagne, la rivière de Gottemburg
h Suède, et le Rhin même, se perdent
ans la terre. On assure que dans la partie
icidentale de l’ile Saint-Domingue il y a
ne montagne d’une hauteur considérable ,
!i pied de laquelle sont plusieurs cavernes
i les rivières et les ruisseaux se précipitent
rec tant de bruit, qu’on l’entend de sept
ï huit lieues.
I Au reste, le nombre de ces fleuves qui
t perdent dans le sein de la terre est fort
etit , et il n’y a pas d’apparence que ces
lux descendent bien bas dans l’intérieur
li globe ; il est plus vraisemblable qu’elles
j perdent, comme celles du Rhin, en se
visant dans les sables : ce qui est fort or-
uaire aux petites rivières qui arrosent les
Tains secs et sablonneux; on en a plu-
jurs exemples en Afrique, en Perse, en
’abie, etc.
Les fleuves du Nord transportent dans les
srs une prodigieuse quantité de glaçons
i, venant à s’accumuler, forment ces masses
ormes de glace si funestes aux voyageurs.
|] des endroits de la mer Glaciale où ehés
ht le plus abondantes , est le détroit de
aigats, (pii est gelé en entier pendant la
is grande partie de l’année ; ces glaces
it formées des glaçons que le fleuve Oby
nsporte près pie continuellement ; elles
fâchent le long des côtes, et s’élèvent à
!e hauteur considérable des deux côtés du
roit ; le milieu du détroit est l’endroit
| gèle le dernier, et où la glace est le
lins élevée ; lorsque le vent cesse de venir
! nord et qu’il souffle dans la direction du
cl jroit , la glace commence à fondre et à se
J npre dans le milieu ; ensuite il s’en dé-
® lie des côtes de grandes masses qui
"i lagent dans la haute mer. Le vent, qui
1 lidanl tout l’hiver vient du nord et passe
j les terres gelées de la Nouvelle-Zemble,
id le pays arrosé par l’Oby et toute la
i75
Sibérie si froids , qu’à Tobolsk même , qui
est au 57e degré, il n’y a point d’arbres frui-
tiers , tandis qu’en Suède, à Stockholm, et
même à de plus hautes latitudes, on a des
arbres fruitiers et desdégumes. Cette diffé-
rence ne vient pas , comme on l’a cru , de
ce que la mer de Laponie est moins froide
que celle du détroit, ou de ce que la terre
de la Nouvelle-Zemble l’est plus que celle
de la Laponie, mais uniquement de ce que
la mer Baltique et le golfe de Bothnie adou-
cissent un peu la rigueur des vents du nord,
au lieu qu’en Sibérie il 11’y a rien qui puisse
tempérer l’activité du froid. Ce que je dis
ici est fondé sur de bonnes observations ;
il ne fait jamais aussi froid sur les côtes de
la mer que dans l’intérieur des terres : il y
a des plantes qui passent l’hiver en plein
air à Londres , et qu’on ne peut con-
server à Paris; et la Sibérie, qui fait un
vaste continent où la mer n’entre pas, est
par celte raison plus froide que la Suède,
qui est environnée de la mer presque de loua
côtés.
Le pays du monde le plus froid est le
Spitzberg*: c’est une terre au 78e degVé de
latitude, toute formée de petites montagnes
aiguës; ces montagnes sont composées de
gravier et de certaines pierres plates sem-
blables à de petites pierres d’ardoise grise,
entassées les unes sur les autres. Ces colli-
nes se forment , disent les voyageurs , de ces
petites pierres et de ces graviers que les
vents amoncelent ; elles croissent à vue d’œil,
et les matelots en découvrent tous les ans
de nouvelles ; on ne trouve dans ce pays
que des rennes , qui paissent une petite
herbe fort courte et de la mousse. Au des-
sus de ces petites montagnes , et à plus d’une
lieue de la mer, 011 a trouvé un mât qui
avoit une poulie attachée à un de ses bouts ;
ce qui a fait penser que la mer passoit au-
trefois sur ces montagnes , et que ce pays
est formé nouvellement : il est inhabité et
inhabitable ; le terrain qui forme ces peti-
tes montagnes n’a aucune liaison, et il en
sort une vapeur si froide et si pénétrante,
qu’on est gelé pour peu qu’on y demeure.
Les vaisseaux qui vont au Spitzberg pour
la pêche de la baleine, y arrivent au mois
de juillet, et en partent vers le i5 d’août;
les glaces empêcheroient d’entrer dans cette
mer avant ce temps , et d’en sortir apres ;
on y trouve des morceaux prodigieux de
glaces épaisses de 60, 70, et 80 brasses.
Il y a des endroits où il semble que la mer
soit glacée jusqu’au fond : ces glaces qui
sont si élevées au dessus du niveau de la
176
THÉORIE DE LA TERRE.
mer, sont claires et luisantes comme du
verre.
Il y a aussi beaucoup de glaces dans les
mers du nord de f Amérique , comme dans
la baie de P Ascension , dans les détroits de
Hudson, de Cumberland, de Davis, de
Forbisher, etc. Robert Lade nous assure
que les montagnes de Frisland sont entière-
ment couvertes de neige , et toutes les côtes
de glace, comme d’un boulevart qui ne
permet pas d’en approcher : « Il est, dit-il,
fort remarquable que dans cette mer on
trouve des îles de glace de plus d’une demi-
lieue de tour, extrêmement élevées , et qui
ont 70 ou 80 brasses de profondeur dans la
mer : cette glace, qui est douce, est peut-
être formée dans les détroits des terres voi-
sines , etc. Ces îles ou montagnes de glace
sont si mobiles , que dans des temps orageux
elles suivent la course d'un vaisseau , comme
si elles étoient entraînées dans un même
sillon : il y en a de si grosses , que leur
superfice au dessus de l’eau surpasse l’ex-
trémité des mâts des plus gros navires, etc. 1 »
On trouve dans le recueil des voyages qui
ont servi à l’établissement de la compagnie
des Indes de Hollande , un petit journal his-
torique au sujet des glaces de la Nouvelle-
Zemble , dont voici l’extrait : « Au cap de
Troost le temps fut si embrumé, qu’il fallut
amarrer le vaisseau à un banc de glace qui
avoit 36 brasses de profondeur dans l’eau,
et environ 16 brasses au dessus , si bien qu’il
avoit 52 brasses d’épaisseur...
« Le 10 d’août , les glaces s’étant séparées,
les glaçons commencèrent à flotter, et alors
on remarqua que le gros banc de glace au-
quel le vaisseau avoit été amarré, touchoit
au fond , parce que tous les autres passoient
au long et le heurtoient sans l’ébranler ; on
craignit donc de demeurer pris dans les gla-
ces, et on tâcha de sortir de ce parage , quoi-
que en passant on trouvât déjà l’eau prise , le
vaisseau faisant craquer la glace bien loin
autour de lui : enfin on aborda un autre
banc, où l’on porta vite l’ancre de touée,
et l’on s’y amarra jusqu’au soir.
« Après le repas , pendant le premier
quart , les glaces commencèrent à se rompre
avec un bruit si terrible, qu’il n’est pas
possible de l’exprimer. Le vaisseau avoit le
cap au courant qui charrioit les glaçons , si
bien qu’il fallut filer du câble pour se reti-
rer ; on compta plus de 400 gros bancs de
glace , qui enfonçoient de xo brasses dans
1. Voyez la traduction des Voyages de Lade, par
M. l’abbé Prévost, tome II, pages 3o5 et suivantes.
l’eau, et paroissoient de la hauteur de 2 br
ses au dessus.
« Ensuite on amarra le vaisseau à un ;
Ire banc qui enfonçoit de 6 grandes bras>
et l’on y mouilla en croupiere. Dès qu
y fut établi , on vit encore un autre bi
peu éloigné de cet endroit-là , dont le h,
s’élevoit en pointe, tout de même que
pointe d’un clocher , et il touchoit le fc
de la mer ; on s’avança vers ce banc , et 1
trouva qu’il avoit 20 brasses de haut di
l’eau , et à peu près 12 brasses au dessu
« Le 11 août on nagea encore vers
autre banc qui avoit 18 brasses de profc
deur , et 10 brasses au dessus de l’eau...
« Le 21 , les Hollandois entrèrent as
avant dans le port des glaces , et y demi
rèrent à l’ancre pendant la nuit : le lem
main matin ils se retirèrent et allèrent am
rer leur bâtiment à un banc de glace ;
lequel ils montèrent et dont ils adïnirèrt
là figure comme une chose très-singulièi
ce banc étoit couvert de terre sur le ha
et on y trouva près de quarante œufs ;
couleur n’en étoit pas non plus comme ce
de la glace , elle étoit d’un bleu céleste. Ct
qui étoient là raisonnèrent beaucoup sur
objet; les uns disoient que c’étoit un et
de la glace, et les autres soulenoient q
■ #- nrvrt Iavwia nrnlAn m,’!! *■
lOllS
iel
c etoit une terre gelée. Quoi qu’il en fût
banc étoit extrêmement haut , il avoit en
ron 18 brasses sous l’eau et 10 brasses
dessus ». »
Wafer rapporte que près de la Terre-(
Feu il a rencontré plusieurs glaces floltam
très-élevées, qu’il prit d’abord pour <
îles. Qnelques-unes , dit-il , paroissent av’
une lieue ou deux de long, et la plus gro
de toutes lui parut avoir 4 ou 5oo pieds
haut.
Toutes ces glaces , comme je l’ai dit d1 'oute du nord pour aller à la Chine, il vaut
jcaucoup mieux passer au nord de la Nou-
^ ^elle-Zemble à 77 ou 78 degrés, où d’ailleurs
(|1| }a mer est plus libre et moins glacée, que de
Jlljl tenter encore le chemin du détroit glacé de
le1 jVVaigals, avec l’incertitude de ne pouvoir
F%ortir de cette mer médit erranée.
ml En suivant donc l’Océan tout le long des
môles de la Nouvelle-Zemble et du Jelmor-
II «and, on a reconnu ces terres jusqu’à l’em-
1:4 m>ouchure du Chotanga, qui est environ au
lll* 1 3e degré ; après quoi l’on trouve un espace
i l’environ 200 lieues, dont les côtes ne sont
seul bas encore connues : on a su seulement par
it;j b rapport des Moscovites qui ont voyagé
tyj par terre dans ces climats , que les terres ne
wf ont point interrompues, et leurs cartes y
i b marquent des fleuves et des peuples qu’ils
' fjnt appelés Populi Patati. Cet intervalle de
t bûljples encore inconnues est depuis i’embou-
nèwhure du Chotanga jusqu’à celle du Kau-
elcfoina au 66e degré de latitude : là , l’Océan
ïiil ait un golfe dont le point le plus avancé
l’ei lans les terres est à l’embouchure du Len,
nte| fui est un fleuve très considérable ; ce golfe
id,:j st formé par les eaux de l’Océan; il est fort
mW luvert et il appartient à la mer de Tartarie ;
lue In l’appelle le golfe Linchidolin , et les Mos-
lorilovites y pêchent la baleine.
; terri De l’embouchure du fleuve Len, on peut
)lef|uivre les côtes septentrionales de la Tarta-
ie dans un espace de plus de 5oo lieues
|ers l’orient, jusqu’à une grande péninsule
lu terre avancée où habitent les peuples
Ichelates; cette pointe est l’extrémité la
ijlus septentrionale de la Tartarie la plus
Éjrientale, et elle est située sous le 72e de-
iré environ de latitude nord. Dans cette
longueur de plus de ôoo lieues , l’Océan ne
fait aucune irruption dans les terres , aucun
golfe , aucun bras ; il forme seulement un
coude considérable à l’endroit de la nais-
sance de celte péninsule des peuples Sche-
lates, à l’embouchure du fleuve Korvinea:
cette pointe de terre fait aussi l’exirémité
orientale de la côte septentrionale du con-
tinent de l’ancien monde, dont l’extrémité
occidentale est au cap Nord en Laponie ,
en sorte que l’ancien continent a environ
1700 lieues de côtes septentrionales, en y
comprenant les sinuosités des golfes , en
comptant depuis le cap Nord de Laponie
jusqu’à la pointe de la terre des Schelales ,
et il y a environ 1100 lieues en naviguant
sous le même parallèle.
Suivons maintenant les côtes orientales de
l’ancien continent , en commençant à cette
pointe de la terre des peuples Schelates , et
en descendant vers l’équateur : l’Océan fait
d’abord un coude entre la terre des peuples
Schelates et celle des peuples Tschurtschi,
qui avance considérablement dans la mer ;
au midi de cette terre, il forme un petit golfe
fort ouvert, qu’on appelle le golfe Suctoikret ,
et ensuite un autre plus petit golfe, qui
avance même comme un bras à 40 ou 5o
lieues dans la terre de Kamtschatka ; après
quoi l’Océan entre dans les terres par un
large détroit rempli de plusieurs petites îles,
entre la pointe méridionale de la terre de
Kamtschatka et la pointe septentrionale de
la terre d’Yeço , et il forme une grande mer
méditerranée dont il est bon que nous sui-
vions toules les parties. La première est
la mer de Kamtschatka , dans laquelle se
trouve une île très-considérable qu’on appelle
Vile Amuor ; cette mer d'e Kamtschatka
pousse un bras dans les terres au nord-est :
mais ce petit bras et la mer de Kamtschatka
elle-même pourroient bien être, au moins
en partie , formés par l’eau des fleuves qui y
arrivent , tant des terres de K amtschatka ,
que de celles de la Tartarie. Quoi qu’il en
soit , cette mer de Kamtschatka communique
par un très-large détroit avec la mer de Co-
rée , qui fait la seconde partie de cette mer
méditerranée, et toute cette mer , qui a plus
de 600 lieues de longueur, est bornée à l’oc-
cident et au nord par les terres de Corée et
de Tartarie, à l’orient et au midi par celles
de Kamtschatka , d’Yeço et du Japon , sans
qu’il y ait d’autre communication avec l’O-
céan que celle du détroit dont nous avons
parlé , entre Kamtschatka et Yeço ; car on
n’est pas assuré si celui que quelques cartes
ont marqué entre le Japon et la terre
12,
i8d
THÉORIE DE LA TERRE.
d’Yeço, existe réellement; et quand même
ce détroit existeroit , la mer de Kamtschatka
et celle de Corée ne laisseroient pas d’être
toujours regardées comme formant ensemble
une grande mer méditerranée , séparée de
l’Océan de tous côtés, et qui ne doit pas être
prise pour un golfe , car elle ne communique
pas directement avec le grand Océan par son
détroit méridional qui est entre le Japon et
la Corée; la mer de la Chine, à laquelle elle
communique par ce détroit , est plutôt en-
core une mer méditerranée qu’un golfe de
l’Océan.
Nous avons dit dans le discours précédent,
que la mer avoit un mouvement constant
d’orient en occident, et que par conséquent
la grande mer Pacifique fait des efforts con-
tinuels contre les terres orientales. L’inspec-
tion attentive du globe confirmera les con-
séquences que nous avons tirées de cette
observation; car si l’on examine le gisement
des terres, à commencer de Kamtschatka
jusqu’à la Nouvelle-Bretagne, découverte en
1700 par Dampier, et qui est à 4 ou 5 de-
grés de l’équateur, latitude sud , on sera très-
porté à croire que l’Océan a rongé toutes les
terres de ces climats dans une profondeur
de 4 ou 5oo lieues ; que par conséquent les
bornes orientales de l’ancien continent ont
été reculées, et qu’il s’étendoit autrefois
beaucoup plus vers l’orient : car on remar-
quera que la Nouvelle-Bretagne et Kam-
tschatka , qui sont les terres les plus avancées
vers l’orient, sont sous le même méridien ;
on observera que toutes ces terres sont diri-
gées du nord au midi. Kamtschatka fait une
pointe d’environ 160 lieues du nord au midi ;
et cette pointe , qui du côté de l’orient est
baignée par la mer Pacifique , et de l’autre
par la mer méditerranée dont nous venons
de parler , est partagée dans cette direction
du nord au miù, par une chaîne de monta-
gnes. Ensuite Yeço et le Japon forment une
terre dont la direction est aussi du nord au
midi dans une étendue de plus de 400 lieues
entre la grande mer et celle de Corée, et les
chaînes des montagnes d’Yeço et de cette
partie du Japon ne peuvent pas manquer
d’être dirigées du nord au midi , puisque ces
terres, qui ont 400 lieues de longueur dans
cette direction , n’en ont pas plus de 5o, 60
ou roo de largeur dans l’autre direction de
l’est à l’ouest : ainsi Kamtschatka , Yeço et
la partie orientale du Japon sont des terres
qu’on doit regarder comme contiguës et di-
rigées du nord au sud; et suivant toujours
la même direction, l’on trouve, après la
pointe du cap Ava au Japon, l’île de Barne-
veldt et trois autres îles qui sont posées les
unes au dessus des autres, exactement dans
la direction du nord au sud , et qui occupent
en tout un espace d’environ 100 lieues : or
trouve ensuite dans la même direction trois
autres îles appelées les îles des Callanos, qui
sont encore toutes trois posées les unes au
dessus des autres dans la même direction
du nord au sud ; après quoi on trouve les
îles des Larrons , au nombre de quatorze 01
quinze, qui sont toutes posées les unes an
dessus des autres, dans la même directior
du nord au sud, et qui occupent toutes en
semble, y compris les îles des Callanos, ur
espace de plus de 3oo lieues de longueui
dans cette direction du nord au sud, sui
une largeur si petite , que dans l’endroit oi
elle est la plus grande , ces îles n’ont pas 7 ï
8 lieues: il me paroît donc que Kamtschatka
Yeço , le Japon oriental , les îles Barneveldt
du Prince , des Callanos et des Larrons , n<
sont que la même chaîne de montagnes e
les restes de l’ancien pays que l’Océan a rongi
et couvert peu à peu. Toutes ces contrées ne
sont en effet que des montagnes, et ces île
des pointes de montagnes : les terrains main;
élevés ont été submergés par l’Océan ; et s
ce qui est rapporté dans les Lettres édifiante.
est vrai, et qu’en effet on ait découvert uno
quantité d’îles qu’on a appelées les Nouvelles
Philippines , et que leur position soit réellé
ment telle qu’elle est donnée par le P. Gohiem!
on ne pourra guère douter que ces îles le
plus orientales de ces Nouvelles-Philippine
ne soient une continuation de la chaîne d
montagnes qui forme les îles des Larrons i
car ces îles orientales , au nombre de onze
sont toutes placées les unes au dessus de'i
autres dans la même direction du nord a f
sud ; elles occupent en longueur un espac
de plus de 200 lieues, et la plus large n’ij
pas 7 ou 8 lieues de largeur dans la directio
de l’est à l’ouest.
Mais si l’on trouve ces conjectures tro
hasardées, et qu’on m’oppose les grands in
tervalles qui sont entre les îles voisines d;
cap Ava, du Japon, et celles des Callanos
et entre ces îles et celles des Larrons, et en
core entre celles des Larrons et des Nouvelle.5
Philippines, dont en effet le premier est d’en
viron 160 lieues, le second de 5o ou 60, e
le troisième de près de 120, je répondra
que les chaînes des montagnes s’étenden
souvent beaucoup plus loin sous les eaux d
la mer , et que ces intervalles sont petits e:
comparaison de l’étendue de terre que pré
sentent ces montagnes d«
de l’un et de l’autre côté de ce passage les «e
côtes suivent une direction droite et sur la
même ligne , la côte d’Arabie depuis le cap
Razalgat jusqu’au cap Fartaque étant dans
la même direction que la côte d’Afrique de-
puis le cap de Guardafui jusqu’au cap de
Sands.
A l’extrémité de la mer Rouge est cette
fameuse langue de terre qu’on appelle
l’isthme de Suez , qui fait une barrière aux
eaux de la mer Rouge et empêche la com-
munication des mers. On a vu dans le dis-
cours précédent les raisons qui peuvent faire
croire que la mer Rouge est plus élevée que
la Méditerranée , et que si l’on coupoit
l’isthme de Suez , il pourroit s’ensuivre une j
inondation et une augmentation de la Médi-i mut
terranée ; nous ajouterons à ce que nous
avons dit , que quand même on ne voudroit
pas convenir que la mer Ronge fût plus
élevée que la Méditerranée, on ne pourra
pas nier qu’il n’y ait aucun flux et reflux.) juge
dans cette partie de la Méditerranée voisine '
des bouches du Nil, et qu’au contraire il y
a dans la mer Rouge un flux et reflux très-
considérable et qui élève les eaux de plu-
sieurs pieds , ce qui seul suffirait pour faireloa
passer une grande quantité d’eau dans la j dit,
Méditerranée, si l’isthme étoit rompu. D’ail-
leurs nous avons un exemple cité à ce sujet
par Varenius, qui prouve que les mers 11e
sont pas également élevées dans toutes leurs
parties; voici ce qu’il en dit, page 100 de
sa Géographie : « Oceanus Germanicus , qui
« est Allanci pars, inter Frisiam et Hollau-i jtsll
« diam se effundens, efficit sinum qui, etsi
« parvus sit respectu celebrium sinuum
« maris, tamen et ipse dicitur mare, aluit-
« que Hoîlandiæ emporium celeberrimum, i ^
« Amstelodanum. Non procul inde abest
« lacus Harlemensis, qui etiam mare Har-
« lemense dicitur. Hujus altitudo non est
« minor aititudine sinus illius Belgici quern
« diximus, et mittit rarum ad urbem Lei-
« dam, ubi in varias fossas divaricatur.
« Quoniam itaque nec lacus hic neque sinus
« ille Hollandici maris inondant adjacentes
« agros (de naturali constitutione loquor,
« non ubi lempestatibus urgentur , propter
« quas aggeres facti sunt), patet inde quôd
« non sint altiores quàm agri Hoîlandiæ.
ART. XI. MERS ET LACS. i83
ÉÀt verô Oceanum Germanicum esse altio-
t rem quàm terras hasce experli sunt Lei-
i denses , cùm suscepissent fossam seu al-
: veum ex urbe sua ad Oceani Germanici
c littora prope Cattorum vicum perducere
jt (dislantia est duorum milliarium), ut,
:[= recepto per alveum hune mari , possent
\ navigationem instituere in Oceanum Ger-
t manicum , et hinc in varias terræ regiones.
I Verùm enimverô , cùm magnam jam alvei
|c partem perfecissent , desistere coacti sunt ,
I quoniam tum demum per observationem
| cognitum est Oceani Germanici acjuain
[ esse altiorem quàm agrum inter Leidam
| et littus Oceani illius ; unde locus ille ,
f ubi fodere desierunt, dicitur Het malle
[ Gat. Oceanus itaque Germanicus est ali-
[ quantum allior quàm sinus ille Hollan-
f dicus, etc. » Ainsi on peut croire que la
per Rouge est plus haute que la Méditer-
ranée , comme la mer d’Allemagne est plus
iaute que la mer de Hollande. Quelques
Inciens auteurs, comme Hérodote et Dio-
lore de Sicile, parlent d’un canal de com-
nunication du Nil et de la Méditerranée
ivcc la mer Rouge, et en dernier lieu
VL Delisle a donné une carte en 1704 , dans
aquelle il a marqué un bout de canal qui
ort du bras le plus oriental du Nil, et qu’il
uge devoir être une partie de celui qui
àisoit aulrefois cette communication du
Nil avec la mer Rouge T. Dans la troisième
)artie du livre qui a pour titre : Connois -
ance de l'ancien monde , imprimé en 1707,
in trouve le même sentiment, et il y est
lit, d’après Diodore de Sicile, que ce fut
'ïéco , roi d’Égypte , qui commença ce ca-
tal , que Darius , roi de Perse , le continua ,
t que Ptolémée II l’acheva et le conduisit
usqu’à la ville d’Arsinoé; qu’il le faisoit
uvrir et fermer selon qu’il en avoit besoin,
ans que je prétende vouloir nier ces faits ,
3 suis obligé d’avouer qu’ils me paroissent
outeux, et je ne sais pas si la violence et
1 hauteur des marées dans la mer Rouge" ne
e seroient pas nécessairement communi-
uées aux eaux de ce canal ; il me semble
u’au moins il auroit fallu de grandes pré-
au lions pour contenir les eaux , éviter les
aondations , et beaucoup de soin pour en-
['etenir ce canal en bon état : aussi les his-
Driens qui nous disent que ce canal a été
ntrepris et achevé , ne nous disent pas s’il
duré ; et les vestiges qu’on prétend en
sconnoître aujourd’hui, sont peut-être tout
e qui en a jamais été fait. On a donné à
1. Voyez les Mémoires de l'Académie des Sciences,
laée 1704.
ce bras de l’Océan le nom de mer Rouge ,
parce qu’elle a en effet cette couleur dan3
tous les endroits où il se trouve des madré-
pores sur son fond ; voici ce qui est rap-
porté dans X Histoire générale des Voyages ,
tome I, pages 198 et 199 : « Avant que de
quitter la mer Rouge , D. Jean examina
quelles peuvent avoir été les raisons qui ont
fait donner ce nom au golfe Arabique par
les anciens , et si cette mer est en effet dif-
férente des autres par la couleur. Il observa
que Pline rapporte plusieurs sentimens sur
l’origine de ce nom : les uns le font venir
d’un roi nommé Érythros , qui régna dans
ces cantons , et dont le nom en grec signifie
rouge ; d’autres se sont imaginé que la ré-
flexion du soleil produit une couleur rou-
geâtre sur la surface de l’eau ; et d’autres ,
que l’eau du golfe a naturellement cette
couleur. Les Portugais , qui avoient déjà
fait plusieurs voyages à l’entrée des détroits,
assuroient que toute la côte d’Arabie étant
fort rouge , le sable et la poussière qui s’en
détachoient, et que le vent poussoit dans
la mer, teignoient les eaux de la même
couleur.
« D. Jean, qui, pour vérifier ces opinions,
ne cessa point jour et nuit , depuis son dé-
part de Socotora , d’observer la nature de
l’eau et les qualités des côtes jusqu’à Suez ,
assure que , loin d’être naturellement rouge,
l’eau est de la couleur des autres mers, et
que le sable ou la poussière n’ayant rien de
rouge non plus , ne donnent point cette
teinte à l’eau du golfe. La terre sur les deux
côtés est généralement brune, et noire même
en quelques endroits; dans d’autres lieux
elle est blanche ; ce n’est qu’au delà de Sua-
quen , c’est-à-dire sur des côtes où les Por-
tugais n’avoient point encore pénétré , qu’il
vit en effet trois montagnes rayées de rouge ;
encore étoient-elles d’un roc fort dur, et le
pays voisin étoit de la couleur ordinaire.
« La vérité donc est que cette mer, de-
puis l’entrée jusqu’au fond du golfe, est
partout de la même couleur ; ce qu’il est fa-
cile de se démontrer à soi-même en puisant
de l’eau à chaque lieu ; mais il faut avouer
aussi que dans quelques endroits elle paroît
rouge par accident, et dans d'autres verte
et blanche. Yoici l’explication de ce phéno-
mène : depuis Suaquen jusqu’à Kossir, c’est-
à-dire pendant l’espace de i36 lieues, la mer
est remplie de bancs et de rochers de co-
rail ; on leur donne ce nom , parce que leur
forme et leur couleur les rendent si sembla-
bles au corail, qu’il faut une certaine habi-
leté pour ne pas s’y tromper; ils croissent
THÉORIE DE LA TERRE.
comme des arbres , et leurs branches pren-
nent la forme de celles du corail; on en
distingue deux sortes, l’une blanche et l’au-
tre fort rouge ; ils sont couverts en plusieurs
endroits d’une espèce de gomme ou de glu
verte , et dans d’autres lieux , orange foncé.
Or, l’eau de cette mer étant plus claire et
plus transparente qu’aucune autre eau du
inonde , de sorte qu’à 20 brasses de profon-
deur l’œil pénètre jusqu’au fond , surtout
depuis Suaquen jusqu’à l’extrémité du golfe,
il arrive qu’elle paroît prendre la couleur
des choses qu’elle couvre; par exemple,
lorsque les rocs sont comme enduits de glu
verte , l’eau qui passe par-dessus paroît d’un
vert plus foncé que les rocs mêmes ; et lors-
que le fond est uniquement de sable, l’eau
paroît blanche : de même, lorsque les rocs
sont de corail , dans le sens que j’ai donné
à ce terme , et que la glu qui les environne
est rouge ou rougeâtre , l’eau se teint , ou
plutôt semble se teindre en rouge. Ainsi ,
comme les rocs de cette couleur sont plus
fréquens que les blancs et les verts , D. Jean
conclut qu’on a dû donner au golfe Ara-
bique le nom de mer Rouge plutôt que celui
de mer Verte ou Blanche; il s’applaudit de
cette découverte avec d’autant plus de rai-
son, que la méthode par laquelle il s’en
étoit assuré ne pouvoit lui laisser aucun
doute. Il faisoit amarrer une flûte contre les
yocs dans les lieux qui n’avoient point assez
de profondeur pour permettre aux vaisseaux
d’approcher, et souvent les matelots pou-
voient exécuter ses ordres à leur aise , sans
avoir la mer plus haut que l’estomac à plus
d’une demi-lieue des rocs; la plus grande
partie des pierres ou des cailloux qu’ils en
tiroient dans les lieux où l’eau paroissoit
rouge , avoient aussi cette couleur ; dans
l’eau qui paroissoit verte, les pierres étoient
vertes ; et si l’eau paroissoit blanche, le fond
étoit d’un sable blanc , où l’on n’apercevoit
point d’autre n Jauge. «
Depuis l’entrée de la mer Rouge au cap
Guardafui jusqu’à la pointe de l’Afrique au
cap de Bonne-Espérance, l’Océan a une di-
rection assez égale , et il ne forme aucun
golfe considérable dans l’intérieur des terres ;
il y a seulement une espèce d’enfoncement
à la côte de Mélinde, qu’on pourroit regarder
comme faisant partie d’un grand golfe, si
l’île de Madagascar étoit réunie à la terre
ferme. Il est vrai que cette île, quoique sé-
parée par le large détroit de Mozambique ,
paroît avoir appartenu autrefois au conti-
nent : car il y a des sables fort hauts et
d’une vaste étendue dans ce détroit, surtout
deM
du côté de Madagascar ; ce qui reste de pa
sage absolument libre dans ce détroit n’e
pas fort considérable.
En remontant la côte occidentale de l’J
frique depuis le cap de Bonne-Espéram
jusqu’au cap Négro , les terres sont droit»
et dans la même direction , et il semble qi
toute cette longue côte ne soit qu’une suit
de montagnes; c’est au moins un pays élev
qui ne produit, dans une étendue de pli
de 5 00 lieues, aucune rivière considérable
à l’exception d’une ou de deux dont on n
reconnu que l’embouchure : mais au del
du cap Négro la côte fait une courbe dan
les terres, qui, dans toute l’étendue^ d
cette courbe , paroissent être un pays plu
bas que le reste de l'Afrique, et qui est ar
rosé de plusieurs fleuves dont les plus grand
sont le Coanza et le Zaïr ; on compte depui
le cap Négro jusqu’au cap Gonsalvez vingt
quatre embouchures de rivières toutes con
sidérables , et l’espace contenu entre ce
deux caps est d’environ 420 lieues en sui
vant les côtes. On peut croire que l’Océai
a un peu gagné sur ces terres basses de l’A
frique, non pas par son mouvement nature
d’orient en occident, qui est dans une di
rection contraire à celle qu’exigeroit l’eft’e
dont il est question , mais seulement parc«
que ces terres étant plus basses que toute
les autres, il les aura surmontées et minée
presque sans effort. Du cap Gonsalvez ai
cap des Trois-Pointes , l’Océan forme un
golfe fort ouvert qui n’a rien de remarqua
ble , sinon un cap fort avancé et situé à petiy
près dans le milieu de l’étendue des côteA,
qui forme ce golfe : on l’appelle le cap For- L
mosa , Il y a aussi trois îles dans la partie là 6[
plus méridionale de ce golfe, qui sont les n
îles de Fernandpo , du Prince , et de Saint ! ^
Thomas ; ces îles paroissent être la continua- (
lion d’une chaîne de montagnes située entre
Rio del Rey et le fleuve Jamoer. Du cap des
Trois-Pointes au cap Palmas , l’Océan rentre
un peu dans les terres, et du cap Palmas au
cap Tagrin, il n’y a rien de remarquable dansij
le gisement des terres; mais auprès du cap
Tagrin , l’Océan fait un très-petit golfe dans
les terres de Sierra-Leona , et plus haut un
autre encore plus petit où sont les îles Bi
sagas. Ensuite on trouve le cap Vert, qui est]
fort avancé dans la mer, et dont il paroît
que les îles du même nom ne sont que la
continuation , ou, si l’on veut, celle du cap
Blanc , qui est une terre élevée , encore plus
considérable et plus avancée que celle du
cap Vert. On trouve ensuite la côte mon-
tagneuse et sèche qui commence au cap
b
v
ART. XI. MERS ET LACS. i85
Blanc et finit au cap Bajador ; les îles Cana-
ries paroissent être une continuation de ces
montagnes. Enfin entre les terres de Portu-
gal et de l’Afrique, l’Océan fait un golfe
fort ouvert, au milieu duquel est le fameux
étroit de Gibraltar, par lequel l’Océan coule
ans la Méditerranée avec une grande rapi-
dité. Cette mer s’étend à près de 900 lieues
dans l’intérieur des terres , et elle a plu-
sieurs choses remarquables : premièrement
slle ne participe pas d’une manière sensible
ki mouvement de flux et de reflux , et il
p’y a que dans le golfe de Venise , où elle
e rétrécit beaucoup , que ce mouvement se
[ait sentir; on prétend aussi s'être aperçu
le quelque petit mouvement à Marseille et
la côte de Tripoli ; en second lieu , elle
contient de grandes îles, celles de Sicile,
celles de Sardaigne , de Corse , de Chypre ,
le Majorque, etc., et l’une des plus grandes
Presqu’îles du monde , qui est l’Italie : elle
1 aussi un archipel , ou plutôt c’est de cet
rchipel de notre mer Méditerranée que les
pitres amas d’iies ont emprunté ce nom ;
bais cet archipel de la Méditerranée me pa-
oît appartenir plutôt à la mer Noire, et il
èmble que ce pays de la Grèce ait été en
Partie noyé par ies eaux surabondantes de
a mer Noire, qui coulent dans le mer de
jlarmara, et de là dans la mer Méditerra-
tée.
Je sais bien que quelques gens ont pré-
endu qu’il y avoit dans le détroit de Gi-
braltar un double courant; l’un supérieur,
ui portoit l’eau de l’Océan dans la Médi-
erranée ; et l’autre inférieur, dont l’effet ,
isent-ils, est contraire; mais cette opinion
St évidemment fausse et contraire aux lois
le l’hydrostatique. On a dit de même que
ans plusieurs autres endroits il y avoit de
es courans inférieurs , dont la direction
toit opposée à celle du courant supérieur,
omme dans le Bosphore, dans le détroit du
und , etc. ; et Marsigli rapporte même des
kpériencés qui ont été faites dans le Bos-
hore et qui prouvent ce fait ; mais il y a
rande apparence que les expériences ont
té mal faites , puisque la chose est impos-
ble et qu’elle répugne à toutes les notions
ùe l’on a sur le mouvement des eaux,
•'ailleurs Greaves , dans sa Pyramidogra-
hie, pages 10 1 et 102, prouve, par des
itpériences bien faites, qu’il n’y a dans le
losphore aucun courant inférieur dont la
irection soit opposée au courant supérieur,
e qui a pu tromper Marsigli et les autres,
jest que dans le Bosphore , comme dans le
étroit de Gibraltar et dans tous les fleuves
qui coulent avec quelque rapidité, il y a un
remous considérable le long des rivages,
dont la direction est ordinairement diffé-
rente , et quelquefois coutraire à celle du
courant principal des eaux.
* J’ai dit trop généralement et assuré trop
positivement , qu’iV ne se trouvait pas dans
La mer des endroits ou les eaux eussent un
courant inférieur opposé et dans une direc-
tion contraire au mouvement du courant su-
périeur : j’ai reçu depuis des informations
qui semblent prouver que cet effet existe et
peut même se démontrer dans certaines
plages de la mer; les plus précises sont celles
que M. Deslandes, habile navigateur, a eu
la bonté de me communiquer par ses lettres
des 6 décembre 1770 et 5 novembre 1773,
dont voici l’extrait :
« Dans votre Théorie de la terre , art. xr ,
Des mers et des lacs , vous dites que quel-
ques personnes ont prétendu qu’il y avoit,
dans le détroit de Gibraltar, un double cou-
rant , supérieur et inférieur, dont l’effet est
contraire; mais que ceux qui ont eu de pa-
reilles opinions auront sans doute pris des
remous qui se forment au rivage par la
rapidité de l’eau , pour un courant véri-
table, et que c’est une hypothèse mal fon-
dée. C’est d’après la lecture de ce passage
que je me détermine à vous envoyer mes
observations à ce sujet.
« Deux mois après mon départ de France,
je pris connoissance de terre entre les caps
Gonsalvez et de Sainte-Catherine ; la force
des courants, dont la direction est au nord-
nord-ouest, suivant exactement le gisement
des terres qui sont ainsi situées, m’obligea
de mouiller. Les vents généraux, dans cette
partie, sont du sud-sud-est, sud-sud-ouest,
et sud-ouest : je fus deux mois et demi dans
l’cfttente inutile de quelque changement,
faisant presque tous les jours de vains ef-
forts pour gagner du côté deLoango, où
j’avois affaire. Pendant ce temps, j’ai ob-
servé que la mer descendoit dans la direc-
tion ci-dessus avec sa force , depuis une
demie jusqu’à une lieue à l’heure , et qu’à
de certaines profondeurs les courans re-
montoient en dessous avec au moins autant
de vitesse qu’ils descendoient en dessus.
« Voici comme je me suis assuré de la
hauteur de ces différens courans. Étant
mouillé par huit brasses d’eau , la mer ex-
trêmement claire , j’ai attaché un plomb de
trente livres au bout d’une ligne ; à environ
deux brasses de ce plomb, j’ai mis une
serviette liée à la ligne par un de ses coins,
laissant tomber le plomb dans l’eau ; aussi-
x86
THÉORIE DE LÀ TERRE.
tôt que la serviette y entroit, elle prenoit
la direction du premier courant : continuant
à l’observer, je la faisois descendre ; d’abord
que je m’apercevois que le courant n’agissoit
plus , j’arrêtois ; pour lors elle flottoit in-
différemment autour de la ligne. Il y avoit
donc dans cet endroit interruption de cours.
Ensuite, baissant ma serviette à un pied plus
bas , elle prenoit une direction contraire à
celle qu’elle avoit auparavant. Marquant la
ligne à la surface de l’eau , il y avoit trois
brasses de distance à la serviette , d’où j’ai
conclu, après différens examens, que, sur
les huit brasses d’eau, il y en avoit trois qui
couroient sur le nord-nord-ouest, et cinq
en sens contraire sur le sud-sud-est.
« Réitérant l’expérience le même jour,
jusqu’à cinquante brasses, étant à la distance
de six à sept lieues de terre , j’ai été surpris
de trouver la colonne d’eau courant sur la
mer, plus profonde à raison de la hauteur
du fond ; sur cinquante brasses , j’en ai es-
timé de douze à quinze dans la première
direction : ce phénomène n’a pas eu lieu
pendant deux mois et demi que j’ai été sur
cette côte , mais bien à peu près un mois en
différens temps. Dans les interruptions, la
marée descendoit en total dans le golfe de
Guinée.
« Cette division des courans me fit naître
l’idée d’une machine qui, coulée jusqu’au
courant inférieur, présentant une grande
surface , auroit entraîné mon navire contre
les courans supérieurs; j’en fis l’épreuve en
petit sur un canot , et je parvins à faire
équilibre entre l’effet de la marée supérieure,
joint à l’effet du vent sur lé canot, et l’effet
de la marée inferieure sur la machine. Les
moyens me manquèrent pour faire de plus
grandes tentatives. Yoilà , monsieur, un fait
évidemment vrai, et que tous les naviga-
teurs qui ont été dans ces climats peuvent
vous confirmer.
« Je pense que les vents sont pour beau-
coup dans les causes générales de ces effets ,
ainsi que les fleuves qui se déchargent dans
la mer le long de cette côte, charroyant
une grande quantité de terre dans le golfe
de Guinée. Enfin le fond de cette partie,
qui oblige par sa pente la marée de rétro-
grader lorsque l’eau, étant parvenue à un
certain niveau, se trouve pressée par la
quantité nouvelle qui la charge sans cesse ,
pendant que les vents agissent en sens con-
traire sur la surface, la contraint en partie
de conserver son cours ordinaire. Cela me
paroît d’autant plus probable, que la mer
entre de tous côtés dans ce golfe , et n’en
sort que par des révolutions qui sont fort
rares. La lune n’a aucune part apparent*
dans ceci, cela arrivant indifféremment dan!
tous ses quartiers.
« J’ai eu occasion
1
jet
“P:
de me convaincre dt
plus en plus que la seule pression de l’eai
parvenue à son niveau , jointe à l’inclinaisoi
nécessaire du fond , sont les seules e
uniques causes qui produisent ce phéno-
mène. J’ai éprouvé que ces courans n’on
lieu qu’à raison de la pente plus ou moin:
rapide du rivage, et j’ai tout lieu de croir*
qu’ils ne se font sentir qu’à douze ou quinzi
lieues au large , qui est l’éloignement le plu;
grand le long de la côte d’Angole , où l’or
puisse se promettre avoir fond... Quoiqu<
sans moyen certain de pouvoir m’assurer q.u<
les courans du large n’éprouvent pas ur
pareil changement , voici la raison qui m<
semble l’assurer. Je prends pour exempli
une de mes expériences faite par une hau
teur de fond moyenne , telle que trente-cinc
brasses d’eau : j’éprouvois jusqu’à la hauteu:
de cinq à six brasses le cours dirigé dan
le nord-nord-ouest ; en faisant couler davar
tage comme de deux à trois brasses , mi
ligne tendoit au ouest-noi’d-ouest ; ensuite
trois ou quatre brasses de profondeur de plui
me l’amenoient au ouest- sud-ouest, puis au
sud-ouest, et au sud; enfin, à vingt-cinq e
vingt-six brasses, au sud-sud-est, et jus
qu’au fond, au sud-est et à est-sud-est; d’où
j’ai tiré les conséquences suivantes , que j
pouvois comparer l’Océan entre l’Afrique e
l’Amérique à un grand fleuve dont le cour
est presque continuellement dirigé dans 1
nord-ouest ; que , dans son cours , il transi^
porte un sable ou limon qu’il dépose sur se
bords , lesquels se trouvant rehaussés , aug
mentent le volume d’eau , ou , ce qui est 1;
même chose, élèvent son niveau, et l’oblilj
gent de rétrogader selon la pente du ri
vage. Mais il y a un premier effort qui l
dirigeoit d’abord : il ne retourne donc pa
directement ; mais , obéissant encore au pre ^
mier mouvement , ou cédant avec peine i
ce dernier obstacle, il doit nécessairemeni
décrire une courbe plus ou moins allongée
jusqu’à ce qu’il rencontre ce courant du mi
lieu avec lequel il peut se réunir en partie
ou qui lui sert de point d’appui pour suivrij
la direction contraire que lui impose le fond r
comme il faut considérer la masse d’eau ei
mouvement continuel, le fond subira tou
jours les premiers changemens comme étanj |!7
plus près de la cause et plus pressé , et il iri s
en sens contraire du courant supérieur; pen
dant qu’à des hauteurs différentes il n’y sert
ila
ii.il
pie*
farco
lïtoiiv
ART. XI. MERS ET LACS. 187
is encore parvenu. Voilà, monsieur, quelles
dnt mes idées. Au reste , j’ai tiré parti plu-
èurs fois de ces courans inférieurs ; et
oyennant une machine que j’ai coulée à dif-
lirentes profondeurs , selon la hauteur du
nd où je me trouvois, j’ai remonté contre
courant supérieur. J’ai éprouvé que , dans
1 temps calme , avec une surface trois fois
;!us grande que la proue noyée du vais-
au , on peut faire d’un tiers à une démi-
né par heure. Je me suis assuré de cela
usieurs fois, tant par ma hauteur en lati-
'de que par les bateaux que je mouillois ,
mt je me trouvois fort éloigné dans une
ure , et enfin par la distance des pointes
long de la terre.»
Ces observations de M. Deslandes me pa-
issent décisives, et j’y souscris avec plai-
; je ne puis même assez le remercier de
us avoir démontré que mes idées sur ce
jet n’étoient justes que pour le général,
iis que, dans quelques circonstances , elles
îffroient des exceptions. Cependant il n’en
; pas moins certain que l’Océan s’est ou-
pt la porte du détroit de Gibraltar, et
le par conséquent l’on ne peut douter que
jjmer Méditerranée n’ait en même temps
is une grande augmentation par l’irrup-
n de l’Océan. J’ai appuyé celte opinion,
'n seulement sur le courant des eaux de
>céan dans la Méditerranée , mais encore
’ la nature du terrain et la correspondance
js mêmes couches de terre des deux côtés
détroit , ce qui a été remarqué par plu-
urs navigateurs instruits. « L’irruption
i a formé la Méditerranée est visible et
dente, ainsi que celle de la mer Noire
t* le détroit des Dardanelles, où le cou-
pi est toujours très-violent, et les angles
Hans et rentrans des deux bords , très-
Lrqués , ainsi que la ressemblance des cou-
2s de matières qui sont les mêmes des
jx côtés l. »
Au reste, l’idée de M. Deslandes, qui
asidère la mer entre l’Afrique et l’Amé-
ue comme un grand fleuve dont le cours
dirigé vers le nord-ouest , s’accorde par-
lement avec ce que j’ai établi sur le mou-
inent des eaux venant du pôle austral en
is grande quantité que du pôle boréal.
Iîl,ff )
Parcourons maintenant toutes les côtes
nouveau continent, et commençons par
point du cap Hold-with-hope, situé au
e degré latitude nord ; c’est la terre la
is septentrionale que l’on connoisse dans
• Fragment d’une lettre écrite à M. de Buffon
1772.
le Nouveau- Groenland; elle n’est éloignée
du cap Nord de Laponie que d’environ 160
ou 180 lieues. De ce cap on peut suivre la
côte du Groenland jusqu’au cercle polaire;
là l’Océan forme un large détroit entre l’Is-
lande et les terres du Groenland. On pré-
tend que ce pays voisin de l’Islande n’est
pas l’ancien Groenland que les Danois pos-
sédoient autrefois comme province dépen-
dante de leur royaume; il y avoit dans cet
ancien Groenland des peuples policés et
chrétiens , des évêques , des églises , des vil-
les considérables par leur commerce ; les Da-
nois y aboient aussi souvent et aussi aisé-
ment que les Espagnols pourraient aller aux
Canaries ; il existe encore , à ce qu’on assure,
des titres et des ordonnances pour les affai-
res de ce pays , et tout cela n’est pas bien
ancien : cependant, sans qu’on puisse devi-
ner comment ni pourquoi , ce pays est abso-
lument perdu, et l’on n’a trouvé dans le
nouveau Groenland aucun indice de tout ce
que nous venons de rapporter ; les peuples
y sont sauvages ; il n’y a aucun vestige d’é-
difice , pas un mot de leur langue qui res-
semble à la langue danoise , enfin rien qui
puisse faire juger que c’est le même pays;
il est même presque désert et bordé de gla-
ces pendant la plus grande partie de l’année.
Mais comme ces terres sont d’une très-vaste
étendue, et que les côtes ont été très-peu
fréquentées par les navigateurs modernes,
ces navigateurs ont pu manquer le lieu où
habitent les descendons de ces peuples po-
licés; ou bien il se peut que les glaces étant
devenues plus abondantes dans cette mer,
elles empêchent aujourd’hui d’aborder en
cet endroit: tout ce pays cependant, à en
juger par les cartes , a été côtoyé et reconnu
en entier ; il forme une grande presqu’île à
l’extrémité de laquelle sont les deux détroits
de Forbisher et l’île de Frisland, où il fait
un froid extrême, quoiqu’ils ne soient qu’à
la hauteur des Orcades , c’est-à-dire à 6a
degrés.
Entre la côte occidentale du Groenland
et celle de la terre de Labrador , l’Océan fait
un golfe et ensuite une grande mer méditer-
ranée , la plus froide de toutes les mers , et
dont les côtes ne sont pas encore bien re-
connues. En suivant ce golfe droit au nord,
on trouve le large détroit de Davis, qui con-
duit à la mer Christiane, terminée par la
baie de Baffin, qui fait un cul-de-sac dont
il paroît qu’on ne peut sortir que pour tom-
ber dans un autre cul-de-sac, qui est la
baie d’Hudson. Le détroit de Cumberland ,
qui peut , aussi bien que celui de Davis ,
x88 THÉORIE DE LA TERRE.
conduire à la mer Christiane, est plus étroit
et plus sujet à être glacé ; celui d’Hudson ,
quoique beaucoup plus méridional , est aussi
glacé pendant une partie de l’année ; et on a
remarqué dans ces détroits et dans ces mers
médilerranées un mouvement de flux et re-
flux très-fort, tout au contraire de ce qui
arrive dans les mers méditerranées de l’Eu-
rope, soit dans la Méditerranée, soit dans
la mer Baltique , où il n’y a point de flux
et de reflux; ce qui ne peut venir que de la
différence du mouvement de la mer, qui,
se faisant toujours d’orient en occident , occa-
sionne de grandes marées dans les détroits qui
sont opposés à cette direction de mouvement,
c’est-à-dire dans les détroits dont les ouver-
tures sont tournées vers l’orient, au lieu
que dans ceux de l’Europe qui présentent
leur ouverture à l’occident , il n’y a aucun
mouvement : l’Océan , par son mouvement
général , entre dans les premiers et fuit les
derniers , et c’est par cette même raison qu’il
y a de violentes marées dans les mers de la
Chine, de Corée, et de Kamtschatka.
En descendant, du détroit d’Hudson vers
la terre de Labrador, on voit une ouverture
étroite, dans laquelle Davis, en i586, re-
monta jusqu’à 3o lieues, et fit quelque petit
commerce avec les habitans ; mais personne,
que je sache, n’a depuis tenté la découverte
de ce bras de mer, et on ne eonnoît de la
terre voisine que le pays des Eskimaux : le
fort Pontcharlrain est la seule habitation
et la plus septentrionale de tout ce pays , qui
n’est séparé de l’île de Terre-Neuve que
par le petit détroit de Belle-Ile, qui n’est
pas trop fréquenté; et comme la côte orien-
tale de Terre-Neuve est dans la même di-
rection que la côte de Labrador, on doit
regarder l’île de Terre-Neuve comme une
partie du continent, de même que l’île
Royale paroîî être une partie du continent
de l’Acadie : le grand banc et les autres
bancs sur lesquels on pêche la morue ne
sont pas des hauts fonds , comme on pour-
roit le croire; ils sont à une profondeur con-
sidérable sous l’eau , et produisent dans cet
endroit des courans très-violens. Entre le
cap Breton et Terre-Neuve est un détroit
assez large par lequel on entre dans une pe-
tite mer méditerranée qu’on appelle le golfe
de Saint-Laurent : celte petite mer a un
bras qui s’étend assez considérablement
dans les terres , et qui semble n’être que
l’embouchure du fleuve Saint-Laurent : le
mouvement du flux et reflux est extrême-
ment sensible dans ce bras de mer ; et à
Québec même , qui est plus avancé dans les
terres , les eaux s’élèvent de plusieurs pie< j
Au sortir du golfe de Canada, et en si 0
vant la côte de l’Acadie, on trouve un pe , e
golfe qu’on appelle la baie de Boston, t ut
fait un petit enfoncement carré dans idi
terres. Mais avant que de suivre cette et i»
plus loin , il est bon d’observer que depi 1 lie
l’île de Terre-Neuve jusqu’aux îles Antil ' lu
les plus avancées, comme la Barbade et A fi
tigoa, et même jusqu’à celle de la Guian hui
l’Océan fait un très-grand golfe qui a pillent
de 5oo lieues d’enfoncement jusqu’à la Fl se:
ride. Ce golfe du nouveau continent < mit
semblable à celui de l’ancien continent de «sib
nous avons parlé ; et tout de même que da j»
le continent oriental, l’Océan, après av< jo
fait un golfe entre les terres de Kamtschat »
et de la Nouvelle-Bretagne, forme ensuijaau
une vaste mer méditerranée qui compreijade
la mer de Kamtschatka, celle de Coré ible
celle de la Chine, etc. : dans le nouvel im
continent l’Océan , après avoir fait un grai L’;
golfe entre les terres de Terre-Neuve et c ent
les de la Guiane , forme une très-gram Océ
mer méditerranée qui s’étend depuis 1 rofoi
Antilles jusqu’au Mexique : ce qui coi usuil
firme ce que nous avons dit au sujet d< rand
effets du mouvement de l’Océan d’oriei peu
en occident; car il semble que l’Océan i rem
gagné tout autant de terrain sur les côt mp
orientales de l’Amérique qu’il en a gag (ipai
sur les côtes orientales de l’Asie, et c ne i
deux grands golfes ou enfoncémens que l’< eut
céan a formés dans ces deux continen eut
sont sous le même degré de latitude , et iré
peu près de la même étendue; ce qui fjlisia
des rapports ou des convenances singulière! des i
et qui paroissent venir de la même causnrèsi
Si l’on examine la position des îles A! «es:
tilles à commencer par celle de la Trinit erres
qui est la plus méridionale, on ne pounieue
guère douter que les îles de la Trinité, < iouv
Tabago, de la Grenade, les îles des Gran le
dilles, celles de Saint-Vincent, delà Ma ’emb
tinique, de Marie-Galande , de la Désirad fia
dAntigoa , de la Barbade, avec toutes lien
autres îles qui les accompagnent , ne fasse irge
une chaîne de montagnes dont la directic wsii
est du sud au nord, comme celle de Pîl ’arri
de Terre-Neuve et de la terre dès Eskimau : entei
Ensuite la direction de ces îles Antilles e oncl
de l’est à l’ouest en commençant à l’île < liau
la Barbade, passant par Saint-Barthélem : bit
Porto-Rico, Saint-Domingue, et l’île c rca
Cuba, à peu près comme les terres du ca ni;
Breton de l’Acadie, de la Nouvelle- Anglt bas-
terre. Toutes ces îles sont si voisines L isoi
unes des autres, qu’on peut les regard» tanc
! rit
ART. XL MERS ET LACS. x8$
jnme une bande de terre non interrom-
pe et comme les parties les plus élevées
in terrain submergé : la plupart de ces
5 ne sont en effet que des pointes de mon-
des, et la mer qui est au-delà est une
aie mer méditerranée , où le mouvement
flux et reflux n’est guère plus sensible
e dans notre mer Méditerranée, quoique
ouvertures qu’elles présentent à l’Océan
lent directement opposées au mouvement
p eaux d’orient en occident; ce qui de-
nt contribuer à rendre ce mouvement
isible dans le golfe du Mexique : mais
mine cette mer méditerranée est fort large,
mouvement du flux et reflux qui lui est
mmuniqué par l’Océan, se répandant sur
aussi grand espace, perd une grande par-
| de sa vitesse et devient presque insen-
)le à la côte de la Louisiane et dans plu-
:urs autres endroits.
L’ancien et le nouveau continent parois-
ut donc tous les deux avoir été rongés par
)céan à la même hauteur et à la même
ofondeur dans les terres; tous deux ont
suite une vaste mer méditerranée et une
ande quantité d’îles qui sont encore situées
peu près à la meme hauteur : la seule dif-
■ence est que l’ancien continent étant beau-
up plus large que le nouveau , il y a dans
partie occidentale de cet ancien continent
:e mer méditerranée occidentale qui ne
ut pas se trouver dans le nouveau conti-
nt; mais il paraît que tout ce qui est ar-
-é aux terres orientales de l’ancien monde
: aussi arrivé de même aux terres orien-
es du nouveau monde , et que c’est à peu
ès dans leur milieu et à la même hauteur
e s’est faite la plus grande destruction des
•res, parce qu’en effet c’est dans ce mi-
u et près de l’équateur qu’est le plus grand
juvement de l’Océan.
Les côtes de la Guiane, comprises entre
mbouchure du fleuve Orenoque et celle
la rivière des Amazones n’offrent rien
remarquable ; mais cette rivière , la plus
ge de l’univers, forme une étendue d’eau
isidérable auprès de Coropa, avant que
irriver à la mer par deux bouches diffé-
ites qui forment l’île de Caviana. De l’em-
uchure de la rivière des Amazones jus-
’au cap Saint-Roch, la côte va presque
)it de l’ouest à l’est; du cap Saint-Roch
cap Saint-Augustin, elle va du nord au
1 ; et du cap Saint- Augustin à la baie de
us-les-Saints , elle retourne vers l’ouest ;
sorte que cette partie du Brésil fait une
mce considérable dans la mer, qui re-
de directement une pareille avance de
terre que fait l’Afrique en sens opposé. La
baie de Tous-les-Sainls est un petit bras de
l’Océan qui a environ 5o lieues de profon-
deur dans les terres, et qui est fort fré-
quenté des navigateurs. De cette baie jus-
qu’au cap de Saint-Thomas, la côte va droit
du nord au midi , et ensuite dans une direc-
tion sud-ouest jusqu’à l’embouchure du
fleuve de la Plata, où la mer fait un petit
bras qui remonte à près de ioo lieues dans
les terres. De là à l’extrémité de l’Amérique,
l’Océan paroît faire un grand golfe terminé
par les terres voisines de la Terre-de-Feu ,
comme l’île Falkland, les terres du cap de
l’Assomption, l’île Beauchène, et les terres
qui forment le détroit de La Roche, décou-
vert en 1671 ; on trouve au fond de ce golfe
le détroit de Magellan, qui est le plus long
de tous les détroits, et où le flux et reflux,
est extrêmement sensible; au delà est celui
de Le Maire, qui est plus court et plus com-
mode , et enfin le cap Horn , qui est la
pointe du continent de l’Amérique méri-
dionale.
On doit remarquer au sujet de ces poin-
tes formées par les continens qu’elles sont
toutes posées de la même façon ; elles re-
gardent toutes le midi , et la plupart sont
coupées par des détroits qui vont de l’orient
à l’occident ; la première est celle de l’Amé-
rique méridionale, qui regarde le midi ou
le pôle austral , et qui est coupée par le dé-
troit de Magellan; la seconde est celle du
Groenland, qui regarde aussi directement
le midi , et qui est coupée de même de l’est
à l’ouest par les détroits de Forbisher; la
troisième est celle de l’Afrique , qui regarde
aussi le midi, et qui a au delà du cap de
Bonne-Espérance des bancs et des hauts
fonds qui paroissent en avoir été séparés;
la quatrième est la pointe de la presqu’île
de l’Inde, qui est coupée par un détroit qui
forme l’île de Ceylan , et qui regarde le
midi, comme toutes les autres. Jusqu’ici
nous ne voyons pas qu’on puisse donner la
raison de cette singularité, et dire pour-
quoi les pointes de toutes les grandes pres-
qu’îles sont toutes tournées vers le midi ,
et presque toutes coupées à leurs extrémités
par des détroits.
En remontant de la Terre-de-Feu tout le
long des côtes occidentales de l’Amérique
méridionale, l’Océan rentre assez considé-
rablement dans les terres, et cette côte sem-
ble suivre exactement la direction des hautes
montagnes qui traversent du midi au nord
toute l’Amérique méridionale depuis l’équa-
teur jusqu’à la Terre-de-Feu. Près de l’équa-
*9°
THÉORIE DE LÀ TERRE.
leur, l’Océan fait un golfe assez considérable,
qui commence au cap Saint-François, et
s’étend jusqu’à Panama, où est le fameux
isthme qui, comme celui de Suez, empêche
la communication des deux mers, et sans
lesquels il y aurc t une séparation entière
de l’ancien et du nouveau continent en deux
parties; de là il n’y a rien de remarquable
jusqu’à la Californie, qui est une presqu’île
fort longue , entre les terres de laquelle et
celles du Nouveau-Mexique l’Océan fait un
bras qu’on appelle la mer Vermeille , qui a
plus de 200 lieues d’étendue en longueur.
Enfin on a suivi les côtes occidentales de la
Californie jusqu’au 43e degré ; et à cette la-
titude, Drake , qui le premier a fait la dé-
couverte de la terre qui est au nord de la
Californie, et qui l’a appelée Nouvelle-Al-
bion , fut obligé, à cause de la rigueur du
froid , de changer sa route , et de s’arrêter
dans une petite baie qui porte son nom; de
sorte qu’au delà du 43e ou du 44e degré,
les mers de ces climats n’ont pas été recon-
nues, non plus que les terres de l’Amérique
septentrionale , dont les derniers peuples qui
sont connus , sont les Moozemlekis sous le
48e degré , et les Assiniboïls sous le 5ie, et
les premiers sont beaucoup plus reculés vers
l’ouest que les seconds. Tout ce qui est au
delà, soit terre, soit mer, dans une étendue
de plus de mille lieues en longueur et d’au-
tant en largeur, est inconnu, à moins que
les Moscovites dans leurs dernières naviga-
tions n’aient , comme ils l’ont annoncé , re-
connu une partie de ces climats en partant
de Kamtschatka, qui est la terre la plus
voisine du côté de l’Orient.
L’Océan environne donc toute la terre
sans interruption de continuité, et on peut
faire le tour du globe en passant à la pointe
de l’Amérique méridionale ; mais on ne sait
pas encore si l’Océan environne de même la
partie septentrionale du globe, et tous les
navigateurs qui ont tenté d’aller d’Europe à
la Chine par le nord-est ou par le nord-
ouest , ont également échoué dans leurs en-
treprises.
Les lacs diffèrent des mers méditerranées
en ce qu’ils ne tirent aucune eau de l’Océan,
et qu’au contraire s’ils ont communication
avec les mers , ils leur fournissent des eaux :
ainsi la mer Noire, que quelques géographes
ont regardée comme une suite de la mer
Méditerranée, et par conséquent comme
une appendice de l’Océan, n’est qu’un lac,
parce qu’au lieu de tirer les eaux de la Mé-
diterranée elle lui en fournit, et coule avec
rapidité par ie Bosphore dans le lac appelé
»!
mer de Marmara , et de là par le détroit j
Dardanelles dans la mer de la Grèce,
mer Noire a environ deux cent cinqua
lieues de longueur sur cent de largeur,
elle x-eçoit un grand nombre de fleuves, d
les plus considérables sont le Danube ,
Niépei-, le Don, le Bog, le Donjec, etc. !
Don, qui se réunit avec le Donjec, foi’r
avant que d’arriver à la mer Noire, un
ou un marais fort considérable , qu’on
pelle le Palus Mèotide , dont l’étendue est
plus de cent lieues de longueur, sur vi
ou vingt-cinq de largeur. La mer de M
mara , qui est au dessous de la mer Noi ,j îf
est un lac plus petit que le Palus Méoti<"iS
et il n’a qu 'environ cinquante lieues de li
gueur sur huit ou neuf de largeur. Quelq
anciens , et entre autres Diodore de Sici
ont écrit que le Pont-Euxin , ou la n
Noire , n’étoit autrefois que comme 1
grande rivière ou un grand lac qui n’av
aucune communication avec la mer de Grè
mais que ce grand lac s’étant augmenté cc
sidérablement avec le temps par les eaux 1
fleuves qui y arrivent, il s’étoit enfin
vert un passage , d’abord du côté des i
Cyanées , et ensuite du côté de l’IIellespo
Cette opinion me paroît assez vraisemblal
et même il est facile d’expliquer le fait; <| ^
en supposant que le fond de la mer No
fût autrefois plus bas qu’il ne l’est aujoi
d’hui, on voit bien que les fleuves quii
arrivent auront élevé le fond de cette m
par le limon et les sables qu’ils entraîner
et que par conséquent il a pu arriver que»
surface de cette mer se soit élevée assez pc
que l’eau ait pu se faire une issue ; et comi 11 1
les fleuves continuent toujours à amener
sable et des terres , et qu’en même temps»
quantité d’eau diminue dans les fleuves ,
proportion que les montagnes dont ils tire
leurs sources s’abaissent , il peut arriver j
une longue suite de siècles que le Bosphc
se remplisse : mais comme ces effets dépe
dent de plusieurs causes , il n’est guère pi
sible de donner sur cela quelque chose
plus que de simples conjectures. C’est sur
témoignage des anciens que M. de Tournefd
dit, dans son Voyage du Levant , que la m
Noire recevant les eaux d’une grande par
de l’Europe et de l’Asie , après avoir au
menté considérablement , s’ouvrit un et
min par le Bosphore, et ensuite forma
MédileiTanée, ou l’augmenta si considéi
blement, que d’un lac quelle étoit autrefo ^
elle devint une grande mer, qui s’ouv
ensuite elle-même un chemin par le détrt
de Gibraltar, et que c’est probablement da
ART. XI. MERS ET LACS.
:e temps que File Atlantide dont parle Pla-
;on a été submergée. Cette opinion ne peut
je soutenir, dès qu’on est assuré que c’est
’Océan qui coule dans la Méditerranée , et
ion pas la Méditerranée dans l’Océan. D’ail-
eurs M. de l’ournefort n’a pas combiné deux
'aits essentiels, et qu’il rapporte cependant
nus deux : le premier, c’est que la mer
^oire reçoit neuf ou dix fleuves, dont il
l’y en a pas un qui ne lui fournisse plus
l’eau que le Bosphore n’en laisse sortir ; le
iecond , c’est que la mer Méditerranée ne
■eçoit pas plus d’eau par les fleuves que la
ner Noire; cependant elle est sept ou huit
ois plus grande, et ce que le Bosphore lui
mirait ne fait pas la dixième partie de ce
jui tombe dans la mer Noire : comment
^eut-il que celte dixième partie de ce qui
ombe dans une petite mer, ait formé non
eulement une grande mer, mais encoi e ait
i fort augmenté la quantité des eaux,qu elles
lient renversé les terres à l’endroit du dé-
çoit , pour aller ensuite submerger uni île
dus grande que l’Europe ? Il est aisé de voir
[ue cet endroit de M. de Tournefort n’est
>as assez réfléchi. La mer Méditerranée tire
m contraire au moins dix fois plus d’eau de
'Océan qu’elle n’en tire de la mer Noire,
»arce que le Bosphore n’a que huit cents
>as de largeur dans l’endroit le plus étroit,
u lieu que le détroit de Gibraltar en a plus
le cinq mille dans l’endroit le plus serré,
|t qu’en supposant les vitesses égales dans
jun et dans l’autre détroit, celui de Gibral-
ar a bien plus de profondeur.
M. de Tournefort , qui plaisante sur Po-
rbe au sujet de l’opinion que le Bosphore
a remplira , et qui la traite de fausse pré-
iction , n’a pas fait assez d’attention aux
irconstances , pour prononcer comme il le
lit sur l’impossibilité de cet événement,
.ette mer, qui reçoit huit ou dix grands
pives , dont la plupart entraînent beaucoup
b terre , de sable , et de limon , ne se rem-
jit-elle pas peu à peu ? les vents et le cou-
pnt naturel des eaux vers le Bosphore ne
oivent-ils pas y transporter une partie de
îs terres amenées par ces fleuves? Il est
onc, au contraire, très-probable que par
succession des temps le Bosphore se trou-
era rempli , lorsque les fleuves qui arrivent
ans la mer Noire auront beaucoup dimi-
îé : or, tous les fleuves diminuent de jour
I jour, parce que tous les jours les mon-
jgnes s’abaissent ; les vapeurs qui s’arrêtent
itour des montagnes étant les premières
■urces des rivières , leur grosseur et leur
tanlité d’eau dépend de la quantité de ces
vapeurs , qui ne peut manquer de diminuer
à mesure que les montagnes diminuent de
hauteur.
Cette mer reçoit, à la vérité, plus dJ’eau
par les fleuves que la Méditerranée , et voici
ce qu’en dit le même auteur : « Tout le
monde sait que les plus grandes eaux de
l’Europe tombent dans la mer Noire par le
moyen du Danube , dans lequel se dégorgent
les rivières de Suabe , de Franconie , de Ba-
vière, d’Autriche, de Hongrie, de Moravie,
de Carinthie, de Croatie, de Bothnie, de
Servie , de Transylvanie , de Yalachie ; celles
de la Russie Noire et de la Podolie se ren-
dent dans la même mer par le moyen du
Niester; celles des parties méridionales et
orientales de la Pologne , de la Moscovie sep-
tentrionale , et du pays des Cosaques , y en-
trent par le Niéper ou Borysthène ; le Tanaïs
et le Copa arrivent aussi dans la mer Noire
par le Bosphore Cimmérien; les rivières de
îa Mingrélie, dont le Phase est la principale,
se vident aussi dans la mer Noire, de même
que le Casalmac, le Sangaris et les autres
fleuves de l’Asie mineure qui ont leur cours
vers le nord; néanmoins le Bosphore de
Thrace n’est comparable à aucune de ces
grandes rivières l. »
Tout cela prouve que l’évaporation suffit
pour enlever une quantité d’eau très-consi-
dérable, et c’est à cause de cette grande
évaporation qui se fait sur la Méditerranée,
que l’eau de l’Océan coule continuellement
pour y arriver par le détroit de Gibraltar. H
est assez difficile de juger de la quantité d’eau
que reçoit une mer; il faudrait connoître la
largeur, la profondeur, et la vitesse de tous
les fleuves qui y arrivent , savoir de combien
ils augmentent et diminuent dans les diffé-
rentes saisons de l’année : et quand même
tous ces faits seroient acquis , le plus impor^
tant et le plus difficile reste encore, c’est de
savoir combien cette mer perd par l’évapa-
ration ; car en la supposant même propor-
tionnée aux surfaces , on voit bien que dans
un climat chaud elle doit être plus considé-
rable que dans un pays froid. D’ailleurs l’eau
mêlée de sel et de bitume s’évapore plus len-
tement que l’eau douce ; une mer agitée ,
plus promptement qu’une mer tranquille : la
différence de profondeur y fait aussi quelque
chose ; en sorte qu’il entre tant d’élémens
dans cette théorie de l’évaporation, qu’il
n’est guère possible de faire sur cela des
estimations qui soient exactes.
L’eau de la mer Noire paraît être moins
i. Voyez le Voyage du Levant de Tournefort^
Vol. II , page 123,
192 THÉORIE DE
claire, et elle est beaucoup moins salée que
celle de l’Océan. On ne trouve aucune île
dans toute l’étendue de cette mer : les tem-
pêtes y sont très-violentes et plus dangereuses
que sur l’Océan , parce que toutes les eaux
étant contenues dans un bassin qui n’a, pour
ainsi dire , aucune issue , elles ont une es-
pèce de mouvement de tourbillon , lors-
qu’elles sont agitées, qui bat les vaisseaux
de tous les côtés avec une violence insup-
portable *.
Après la mer Noire , le plus grand lac de
l’univers est la mer Caspienne , qui s’étend
du midi au nord sur une longueur d’environ
trois cents lieues , et qui n’a guère que cin-
quante lieues de largeur en prenant une me-
sure moyenne. Ce lac reçoit l’un des plus
grands fleuves du monde, qui est le Wolga,
et quelques autres rivières considérables ,
comme celles de Kur, de Faie , de Gempo ;
mais ce qu’il y a de singulier, c’est qu’elle
n’en reçoit aucune dans toute cette longueur
de trois cents lieues du côté de l’orient. Le
pays qui l’avoisine de ce côté, est un désert
de sable que personne n’avoit reconnu jus-
qu’à ces derniers temps ; le czar Pierre I‘ r
y ayant envoyé des ingénieurs pour lever la
carte de la mer Caspienne, il s’est trouvé
que cette mer avoit une figure tout à-fait
différente que celle qu’on lui donnoit dans
les cartes géographiques; on la représentoit
ronde, elle est fort longue et assez étroite : on
ne connoissoit donc point du tout les côtes
orientales de cette mer, non plus que le pays
voisin; on ignoroit jusqu’à l’existence du lac
Aral, qui en est éloigné vers l’orient d’en-
viron cent lieues ; ou si on connoissoit quel-
ques unes des côtes de ce lac Aral, on croyoit
que c’étoit une partie de la mer Caspienne :
en sorte qu’avant les découvertes du czar, il
y avoit dans ce climat un terrain de plus de
trois cents lieues de longueur sur cent et cent
cinquante de largeur, qui n’étoit pas encore
connu. Le lac Aral est à peu près de figure
oblongue , et peut avoir quatre-vingt-dix ou
cent lieues dans sa plus grande longueur, sur
cinquante on soixante de largeur ; il reçoit
deux fleuves très-considérables, qui sont le
Sirderoias et l’üxus, et les eaux de ce lac
n’ont aucune issue , non plus que celles de
la mer Caspienne : et de même que la mer
Caspienne ne reçoit aucun fleuve du côté
de l’orient, le lac Aral n’en reçoit aucun
du côté de l’occident; ce qui doit faire pré-
sumer qu’autrefois ces deux lacs n’en for-
moient qu’un seul , et que les fleuves ayant
x, Voyez les p'o/ages de Chardin, page 142,
LA TERRE.
diminué peu à peu et ayant amené une très
grande quantité de sable et de limon , tou
le pays qui les sépare aura été formé de ce 1
sables. Il y a quelques petites îles dans li
mer Caspienne , et ses eaux sont beaucouj
moins salées que celles de l’Océan. Les tem
pètes y sont aussi fort dangereuses , et le ,
grands bâtimens n’y sont pas d’usage pou
la navigation , parce qu’elle est peu profond m
et semée de bancs et d’écueils au dessou |
de la surface de l’eau. Yoici ce qu’en di ;j
Pietro délia Valle : « Les plus grands vais
seaux que l’on voit sur la mer Caspienne lt
le long des côtes de la province de Mazand
en Perse , où est bâtie la ville de Ferhabad
quoiqu’ils les appellent navires , me parois
sent plus petits que nos tartanes ; ils sont foi
hauts de bord, enfoncent peu dans l’eau , <
ont le fond plat : ils donnent aussi cet
forme à leurs vaisseaux, non seulement
cause que la mer Caspienne n’est pas profonc
à la rade et sur les côtes, mais encore par
qu’elle est remplie de bancs de sable , et qi :
les eaux sont basses en plusieurs endroit.'! 01
tellement que si les vaisseaux n’étoient fabi st
qués de cette façon, on ne pourrait pas s’e i®
servir sur cette mer. Certainement je m’éto: j®
nois , et avec quelque fondement, ce me ser
ble, pourquoi ils ne pèchoient à Ferhabe ''
que des saumons qui se trouvent à l’en ,
bouchure du fleuve, et de certains estu s
geons très-mal conditionnés, de même qi 1
de plusieurs autres sortes de poissons qui ’
rendent à l’eau douce, et qui ne valent riet j(
et comme j’en attribuois la cause à l’insuf :u
sance qu’ils ont en l’art de naviguer et 1 ’
pêcher, ou à la crainte qu’ils avoient de ; 1
perdre s’ils pèchoient en haute mer, par t
que je sais d’ailleurs que les Persans ne sc dm
pas d’habiles gens sur cet élément, et qu «
11’entendent presque pas la navigation, j“
kan d’Esterabad , qui fait sa résidence s ^
le port de mer, et à qui par conséquent ! ; 4
raisons n’en sont pas inconnues par l’exj ?s'
rience qu’il en a, m’en débita une , savo ®
que les eaux sont si basses à vingt et trer [(
milles dans la mer, qu’il est impossible < 1 ®
jeter des filets qui aillent au fond , et c »
faire aucune pêche qui soit de la conséquer J
de celles de nos tartanes ; de sorte que c’< ^
par cette raison qu’ils donnent à leurs va
seaux la forme que je vous ai marquée ' ®
dessus, et qu’ils ne les montent d’aucu '■
piece de canon, parce quil se trouve tij^
peu de corsaires et de pirates qui couvn y
cette mer. ». ' vi !
Struys , le P. Avril, et d’autres voyage!
ont prétendu qu’il y avoit dans le voisine , 4
ART. XI.
Kilan deux gouffres où les eaux de la mer
spienne étoient englouties, pour se rendre
suite par des canaux souterrains dans le
lfe Persique. De Fer et d'autres géographes
t même marqué ces gouffres sur leurs
rtes : cependant ces gouffres n’existent
s , les gens envoyés par le czar s’en sont
Burés. Le fait des feuilles de saule qu’on
it en quantité sur le golfe Persique , et
’on prétendoit venir de la mer Caspienne,
rce qu’il n’y a pas de saules sur le golfe
rsique , étant avancé par les mêmes au-
trs , est apparemment aussi peu vrai que
lui des prétendus gouffres ; et Gemelli
rreri , aussi bien que les Moscovites , as-
re que ces gouffres sont absolument ima-
laires. En effet , si l’on compare l’étendue
la mer Caspienne avec celle de la mer
)ire, on trouvera que la première est de
ès d’un tiers plus petite que la seconde;
e la mer Noire reçoit beaucoup plus d’eau
e la mer Caspienne ; que par conséquent
vaporation suffit dans l’une et dans l’autre
ur enlever toute l’eau qui arrive dans ces
ux lacs, et qu’il n’est pas nécessaire d’ima-
îer des gouffres dans la mer Caspienne
itôt que dans la mer Noire1.
t. A tout ce que j’ai dit pour prouver que la
r Caspienne n’est qu’un lac qui n’a point de
nraunication avec l’Océan, et qui n’en a jamais
I; partie, je puis ajouter une réponse que j’ai
ue de l’académie de Pétersbourg , à quelques
îstions que j’avois faites au sujet de cette mer.
< Augusto 1748 , octobr. 5 , etc. Cancellaria acca-
emiæ scientiarurn mandavit ut Astrachanensis
jubernii cancellaria responderet ad sequentia :
r Sunt-ne vortices in mare Caspico necne ?
P Quæ généra piscium illud inhabitant ? quomodo
apellantur? et an marini tantum aut et fluvia-
les ibidem reperiantur? 3° Qualia généra con-
îarurn , quæ species ostrearum et cancrorum
:currunt? 4° Quæ généra marinarum avium in
iso mari aut circa illud versantur ? Ad quæ
strachanensis cancellaria die i3 Mart. 1749» se-
îentibus respondit :
Ad 1, in mari Caspico vortices occurrunt nus-
am : hinc est , quod nec in mappis marinis
stant, nec ab ullo officialium rei navalis visi
se perhibentur.
Ad 2, pisces Caspiura mare inhabitant; aci-
nseres, sturioli Gmelin, siluri, cyprini clavati,
amæ, percæ, cyprini ventre acuto , ( ignoti
bi pisces ) , tincæ , salinones , qui , ut è mari
^vios intrare, ita et in mare è fluviis remeare
lent.
Ad 3, conchæ in littoribus maris obviæ qui-
m sunt , sed parvæ , candidæ , aut ex una parte
bræ. Cancri ad littora observantur magnitu-
ne fluviatilibus similes ; ostreæ aulem et capita
edusæ visa sunt nusquam.
Ad 4. aves marinæ quæ circa Caspium ver-
ptur, sunt anseres vulgares et rubri , pelicani ,
cni , anates rubræ et nigricantes aquilæ , corvi
ualici, grues, plateæ, ardeæ albæ cinereæ et
gricautes , ciconiæ albæ gruibus similes , ka-
Buffon. I.
MERS ET LACS* i93
Il y a des lacs qui sont comme des mares
qui ne reçoivent aucune rivière , et desquels
il n’en sort aucune ; il y en a d’autres qui
reçoivent des fleuves et desquels il sort
d’autres fleuves , et enfin d’autres qui seu-
lement reçoivent des fleuves. La mer Cas-
pienne et le lac Aral sont de cette dernière
espèce ; ils reçoivent les eaux de plusieurs
fleuves , et les contiennent : la mer Morte
reçoit de même le Jourdain , et il n’en sort
aucun fleuve. Dans l’Asie mineure il y a un
petit lac de la même espèce qui reçoit les
eaux d’une rivière dont la source est auprès
de Cogni , et qui n’a , comme les précé-
dons , d’autre voie que l’évaporation pour
rendre les eaux qu’il reçoit. Il y en a un
beaucoup plus grand en Perse, sur lequel
est située la ville de Marago ; il est de figure
ovale , et il a environ dix ou douze lieues
de longueur sur six ou sept de largeur : il
reçoit la riviere de Tauris , qui n’est pas
considérable. Il y a aussi un pareil petit lac
en Grèce, à douze ou quinze lieues de Lé-
pante. Ce sont là les seuls lacs de cette es-
pèce qu’on connoisse en Asie ; en Europe
il n’y en a pas un qui soit un peu considé-
rable. Eu Afrique il y en a plusieurs , mais
qui sont tous assez petits , comme le lac
qui reçoit le fleuve Ghir, celui dans lequel
tombe le fleuve Zez , celui qui reçoit la ri-
vière de Touguedout , et celui auquel abou-
tit le fleuve Tafiîet. Ces quatre lacs sont
assez près les uns des autres , et ils sont
situés vers les frontières de Barbarie , près
des déserts de Zara. Il y en a un autre si-
tué dans la contrée de Kovar, qui reçoit la
rivière du pays de Berdoa. Dans l’Amé-
rique septentrionale , où il y a plus de lacs
qu’en aucun pays du monde , on n’en con-
noît pas un de cette espèce , à moins qu’on
ne veuille regarder comme tels deux petits
amas d’eaux formés par des ruisseaux , l’un
auprès de Guatimapo , et l’autre à quelques
«rawaiki (ignotum avis nomen) , larorum variæ
« species , sturni nigri et lateribus albis instar pica-
« mm , phasiani , anseres parvi nigricantes , tudaki
« (ignotum avis nomen) albo colore præditi. »
Ces faits, qui sont précis et authentiques, con-
firment pleinement ce que j’ai avancé , savoir, que
la mer Caspienne n’a aucune communication sou-
terraine avec l’Océan ; et ils prouvent de plus
qu’elle n’cn a jamais fait partie, puisqu’on n’y
trouve point d’huîtres ni d’autres coquillages de
la mer, mais seulement les espèces de ceux qui sont
dans les rivières. On ne doit donc regarder cette
mer que comme un grand lac formé dans le milieu
des terres par les eaux des fleuves , puisqu'on n’y
trouve que les mêmes poissons et les mêmes coquil-
lages qui habitent les fleuves, et point du tout ceux
qui peuplent l’Océan ou la Méditerranée. ( Add .
Buff.),
i3
194
THÉORIE DE LÀ TERRE.
lieues de Réal-Nuevo , tous deux dans le
Mexique : mais dans l’Amérique méridio-
nale , au Pérou , il y a deux lacs consécutifs,
dont l’un , qui est le lac Titicaca , est fort
grand , qui reçoivent une rivière dont la
source n’est pas éloignée de Gusco , et des-
quels il ne sort aucune autre rivière : il y
en a un plus petit dans le Tucuman , qui
reçoit la rivière Salta , et un autre un peu
plus grand dans le même pays , qui reçoit
la l'ivière de Sant-Iago , et encore trois ou
quatre autres entre le Tucuman et le Chili.
Les lacs dont il ne sort aucun fleuve et
qui n’en reçoivent aucun, sont en plus grand
nombre que ceux dont je viens de parler :
ces lacs ne sont que des espèces de mares
où se rassemblent les eaux pluviales , ou
bien ce sont des eaux souterraines qui sor-
tent en forme de fontaines dans les lieux
bas , où elles ne peuvent ensuite trouver
d’écoulement. Les fleuves qui débordent ,
peuvent aussi laisser dans les terres des eaux
stagnantes , qui se conservent aussi pendant
long-temps , et qui ne se renouvellent que
dans le temps des inondations. La mer, par
de violentes agitations , a pu inonder quel-
quefois de certaines terres , et y former des
lacs salés , comme celui de Harlem et plu-
sieurs autres de la Hollande , auxquels il ne
paroit pas qu’on puisse attribuer une autre
origine ; ou bien la mer en abandonnant
par son mouvement naturel certaines terres,
y aura laissé des eaux dans les lieux les plus
bas > qui ont formé des lacs que l’eau des
pluies entretient. Il y a en Europe plusieurs
petits lacs de cette espèce , comme en Ir-
lande , en Jutland , en Italie , dans le pays
des Grisons , en Pologne , en Moscovie , en
Finlande , en Grèce ; mais tous ces lacs sont
très-peu considérables. En Asie il y en a un
près de l’Euphrate , dans le désert d’Irac ,
qui a plus de quinze lieues de longueur ; un
autre aussi en Perse , qui est à peu près de
Ja même étendue que le premier, et sur le-
quel sont situées les villes de Kélat , de
Tétuan , de Yastan et de Yan ; un autre
petit dans le Korasan auprès de Ferrior ; un
autre petit dans la Tartarie indépendante,
qu’on appelle le lac Lévi ; deux autres dans
la Tartarie moscovite ; un autre à la Co-
chinchine , et enfin un à la Chine , qui est
assez grand , et qui n’est pas fort éloigné
de Nankin ; ce lac cependant communique
à la mer voisine par un canal de quelques
lieues. En Afrique il y a un petit lac de
cette espèce dans le royaume de Maroc ; un
autre près d’Alexandrie , qui paroît avoir
été laissé par la mer ; un autre assez consi-
dérable , formé par les eaux pluviales dan
le désert d’Azarad , environ sous le 3oe de
gré de latitude , ce lac a huit ou dix lieu*
de longueur ; un autre encore plus grand
sur lequel est située la ville de Gaoga , soi
le 27e degré ; un autre , mais beaucoup pli
petit , près de la ville de Kanum , sous
3oe degré ; un près de l’embouchure de
rivière de Gambia; plusieurs autres dai
le Congo à 2 ou 3 degrés de latitude suc
deux autres dans le pays des Cafres, l’i,
appelé le lac Rufumbo, qui est médiocr*
et l’autre dans la province d’Arhuta , qui c
peut-être le plus grand lac de cette espèc j
ayant vingt-cinq lieues environ de longue j
sur sept ou huit de largeur. Il y a aussi 1 j
de ces lacs à Madagascar près de la cc
orientale , environ sous le 29e degré de la j
tude sud.
En Amérique , dans le milieu de la j |
ninsule de la Floride , il y a un de ces la<
au milieu duquel est une île appelée S.,
rope. Le lac de la ville de Mexico est aui
de cette espèce; et ce lac, qui est à p
près rond, a environ dix lieues de diamèt
Il y en a un autre encore plus grand dd
la Nouvelle-Espagne , à vingt-cinq lieues
distance ou environ de la côte de la b
de Campêche , et un autre plus petit di
la même contrée près des côtes de la ni
du Sud. Quelques voyageurs ont prêter
qu’il y avoit dans l’intérieur des terres
la Guiane un très-grand lac de cette espèt
ils l’ont appelé le lac d’Or, ou le lac J
rime ; ils ont raconté des merveilles de
richesse des pays voisins , et de l’abonda!
des paillettes d’or qu’on trouvoit dans 1’
de ce lac : ils donnent à ce lac une étenr
de plus de quatre cents lieues de longue
et «le plus de cent vingt-cinq de largeur
-»> ’ai-. oatiI île* OHOlin il
n’en sort , disent-ils , aucun fleuve , et il
en entre aucun. Quoique plusieurs géo|
plies aient marqué ce grand lac sur le
cartes , il n’est pas certain qu’il existe , <
l’est encore bien moins qu’il existe tel qi
nous le représentent.
Mais les lacs les plus ordinaires et les ] , “
communément grands , sont ceux qui, aj
avoir reçu un autre fleuve, ou plusieurs
tites rivières , donnent naissance à d’au
grands fleuves. Comme le nombre de
lacs est fort grand , je ne parlerai que
plus considérables , ou de ceux qui aui
quelque singularité. En commençant 1
l’Europe , nous avons en Suisse le lac
Genève , celui de Constance , etc. : en E
grie celui de Balaton : en Livonie un lac
est assez grand, et qui sépare les terre
ou SC
Ssoii
lac
tsii]
àl’o
%
ARi. XI. MERS ET LACS.
;ette province de celles de la Moscovie : en
Finlande le lac Lapwert , qui est fort long,
;t qui se divise en plusieurs bras ; le lac
3ula , qui est de figure ronde : en Moscovie
e lac Ladoga, qui a plus de vingt-cinq lieues
le longueur sur plus de douze de largeur ;
e lac Onega , qui est aussi long , mais moins
arge ; le lac Ilmen ; celui de Bélosero , d’où
iort l’une des sources du Wolga; l’Iwan-
3séro , duquel sort l’une des sources du
)on ; deux autres lacs dont le Yitzogda tire
on origine : en Laponie le lac dont sort le
leuve de Kimi ; un autre beaucoup plus
rand , qui n’est pas éloigné de la côte de
Yardhus; plusieurs autres, desquels sortent
es fleuves de Lula , de Pitha , d’Uma , qui
lous ne sont pas fort considérables : en
Ÿorwége deux autres à peu près de même
randeur que ceux de Laponie : en Suède
lac Yéner, qui est grand , aussi bien que
lac Mêler, sur lequel est situé Stockholm ;
eux autres lacs moins considérables , dont
un est près d’Elvédal , et l’autre de Lin-
]opin.
Dans la Sibérie et dans la Tartarie mos-
ovite et indépendante , il y a un grand
ombre de ces lacs , dont les principaux
ônt le grand lac Baraba , qui a plus de cent
eues de longueur, et dont les eaux tom-
ent dans l’Irtis ; le grand lac Estraguel , à
source du même fleuve Irtis ; plusieurs
îtres moins grands, à la source du Jérxisca ;
grand lac K.ita , à la source de l’Oby ; un
itre grand lac , à la source de l’Angara ;
lac Baïcal , qui a plus de soixante-dix
ues de longueur, et qui est formé par le
ême fleuve Angara ; le lac Péhu , d’où sort
fleuve Urack , etc. : à la Chine et dans la
artarie chinoise , le lac Dalai , d’où sort la
osse rivière d’ Argus , qui tombe dans le
;uve Amour ; le lac des Trois-Montagnes,
où sort la rivière Hélum , qui tombe dans
même fleuve Amour ; les lacs de Cinhal,
Cokmor et de Sorama , desquels sortent
sources du fleuve Hoanho ; deux autres
ânds lacs voisins du fleuve deNankin, etc. :
ïis le Tunquin le lac ue Guadag, qui est
es nsidérable : dans l’Inde le lac Chiamat ,
j)ù sort le fleuve Laquia , et qui est voisin
sources du fleuve Ava, duLongenu, etc.;
lac a plus de quarante lieues de lar-
ar sur cinquante de longueur : un autre
à l’origine du Gange ; un autre près de
a1 chemire , à l’une des sources .du fleuve
lus , etc.
'af jEn Afrique on a le lac Cayar et deux ou
is autres qui sont voisins de l’embou-
ire du Sénégal ; le lac de Guarde et celui
de Sigisme , qui tous deux ne font qu’un
même lac de forme presque triangulaire ,
qui a plus de cent lieues de longueur sur
soixante-quinze de largeur, et qui contient
une île considérable : c’est dans ce lac que
le Niger perd son nom ; et au sortir de ce
lac qu’il traverse, on l’appelle Sénégal. Dans
le cours du même fleuve , en remontant vers
la source , on trouve un autre lac considé-
rable qu’on appelle le lac Bournou, où le
Niger quitte encore son nom, car la rivière
qui y arrive s’appelle Gambaru ou Gom-
barow. En Éthiopie , aux sources du Nil ,
est le grand lac Gambia , qui a plus de cin-
quante lieues de longueur. Il y a aussi plu-
sieurs lacs sur la côte de Guinée , qui pa-
roissent avoir été formés par la mer ; et il
n’y a que peu d’autres lacs d’une grandeur
un peu considérable dans le reste de l’A-
frique.
L’Amérique septentrionale est le pays des
lacs : les plus grands sont le lac Supérieur,
qui a plus de cent vingt-cinq lieues de lon-
gueur sur. cinquante de largeur ; le lac Hu-
ron , qui a près de cent lieues de longueur
sur environ quarante de largeur ; le lac des
Illinois , qui , en y comprenant la baie des
Puants , est tout aussi étendu que le lac
Huron ; le lac Érié et le lac Ontario , qui
ont tous deux plus de quatre-vingts lieues
de longueur sur vingt ou vingt-cinq de lar-
geur ; le lac Mistasin , au nord de Québec ,
qui a environ cinquante lieues de longueur ;
le lac Champlain , au midi de Québec , qui
est à peu près de la même étendue que le
lac Mistasin ; le lac Alemipigon et le lac
des Cristinaux , tous deux au nord du lac
Supérieur, et qui sont aussi fort considé-
rables ; le lac des Assiniboïls , qui contient
plusieurs îles, et dont l’étendue en longueur
est de plus de soixante-quinze lieues. Il y
en a aussi deux de médiocre grandeur dans
le Mexique, indépendamment de celui de
Mexico : un autre beaucoup plus grand , ap-
pelé le lac Nicaragua, dans la province du
même nom ; ce lac a plus de soixante ou
soixante-dix lieues d’étendue en longueur.
Enfin dans l’Amérique méridionale il y
en a un petit à la source du Maragnon; un
autre plus grand à la source de la rivière du
Paraguay ; le lac Titicaca , dont les eaux
tombent dans le fleuve de la Plata ; deux
autres plus petits dont les eaux coulent aussi
vers ce même fleuve , et quelques autres qui
ne sont pas considérables dans l’intérieur
des terres du Chili.
Tous les lacs dont les fleuves tirent leur
origine , tous ceux qui se trouvent dans le
i3.
IQÔ
THÉORIE DE LA TERRE.
cours des fleuves ou qui en sont voisins et
qui y versent leurs eaux, ne sont point salés :
presque tous ceux , au contraire , qui reçoi-
vent des fleuves, sans qu’il en sorte d’autres
fleuves, sont salés; ce qui semble favoriser
l’opinion que nous avons exposée au sujet de
la salure de la mer, qui pourroit bien avoir
pour cause les sels que les fleuves détachent
des terres , et qu’ils transportent continuel-
lement à la mer : car l’évaporation ne peut
pas enlever les sels fixes, et par conséquent
ceux que les fleuves portent dans la mer y
restent; et quoique l’eau des fleuves paroisse
douce, on sait que cette eau douce ne laisse
pas de contenir une petite quantité de sel,
et, par la succession des temps, la mer a du
acquérir un degré de salure considérable ,
qui doit toujours aller en augmentant. C’est
ainsi, à ce que j’imagine, que la mer Noire,
la mer Caspienne, le lac Aral, la mer
Morte, etc., sont devenus salés; les fleuves
qui se jettent dans ces lacs y ont amené
successivement tous les sels qu’ils ont dé-
tachés des terres, et l’évaporation n’a pu
les enlever. A l’égard des lacs qui sont comme
des mares , qui ne reçoivent aucun fleuve ,
et desquels il n’en sort aucun, ils sont ou
doux ou salés, suivant leur différente ori-
gine; ceux qui sont voisins de la mer sont
ordinairement salés, et ceux qui eu sont
éloignés sont doux, et cela parce que les
uns ont été formés par des inondations de
la mer, et que les autres ne sont que des
fontaines d’eau douce, qui , n’ayant pas d’é-
coulement, forment une grande étendue
d’eau. On voit aux Indes plusieurs étangs et
réservoirs faits par l’industrie des habituas,
qui ont jusqu’à deux ou trois lieues de su-
perficie, dont les bords sont revêtus d’une
muraille de pierre; ces réservoirs se remplis-
sent pendant la saison des pluies, et servent
aux habitans pendant l’été, lorsque l’eau
leur manque absolument , à cause du grand
éloignement où ils sont des fleuves et des
fontaines.
Les lacs qui ont quelque chose de parti-
culier sont la mer Morte, dont les eaux
contiennent beaucoup plus de bitume que
de sel; ce bitume, qu’on appelle bitume
de Judée, n’est autre chose que de l’asphalte,
et aussi quelques auteurs ont appelé la mer
Morte lac Âsphaltite. Les terres aux environs
du lac contiennent une grande quantité de
ce bitume. Bien des gens se sont persuadé ,
au. sujet de ce lac, des choses semblables à
celles que les poètes ont écrites du lac d’A-
verne, que le poisson ne pouvoit y vivre;
que les oiseaux qui passoient par-dessus
étoient suffoqués : mais ni l’un ni l’autre de
ces lacs ne produit ces funestes effets, ils
nourrissent tous deux du poisson, les oiseaux
volent par-dessus, les hommes s’y baignent
sans aucun danger.
Il y a , dit-on , en Bohême , dans la cam-
pagne de Boleslaw, un lac où il y a des trous
d’une profondeur si grande, qu’on n’a pu
le souder , et il s’élève de ces trous des vents
impétueux qui parcourent toute la Bohême,
et qui pendant l’hiver élèvent souvent en
l’air des morceaux de glace de plus de cent,
livres de pesanteur. On parle d’un lac en
Islande qui pétrifie; le lac Néagh en Irlande!
a aussi la même propriété : mais ces pélrifi- j
cations produites par l’eau de ces lacs m >
sont sans doute autre chose que des incrus-
tations comme celles que fait l’eau d’Arcueil.
Sur les parties septentrionales, de la mer
Atlantique.
* A la vue des îles et des golfes qui S'f
multiplient ou s’agrandissent autour dil
Groenland, il est difficile, disent les navi
gateurs, de ne pas soupçonner que la me
11e refoule , pour ainsi dire , des pôles ver
l’équateur : ce qui peut autoriser celte cou
jecture, c’est que le flux qui monte jusqu’il
dix-huit pieds au cap des États, ne s’élcv
que de huit pieds à la baie de Disko , c’es
à dix degrés plus haut de latitud
à-dire
nord.
Celte observation des navigateurs , joint)
à celle de l’article précédent, semble confit
mer encore ce mouvement des mers depu
les régions australes aux septentrionales, elfe
elles sont contraintes, par l’obstacle d fi là
terres, de refouler ou refluer vers les plag lccii
du midi. Ifroi
Dans la baie de Hudson, les vaisseai T dan
ont à se préserver des montagnes de glacl
auxquelles des navigateurs ont donné quia
à dix-huit cents pieds d'épaisseur, et q<
étant formées par un hiver permanent
cinq à six ans dans de petits golfes éterni
lement remplis de neige, en ont été dél
chées par les vents de nord-ouest ou [
quelque cause extraordinaire.
Le vent du nord-ouest, qui règne presq,
continuellement durant l'hiver ,. et très-sc
vent en été, excite dans la baie même (j
tempêtes effroyables. Elles sont d’autant p
à craindre, que les bas-fonds y sont tr
communs. Dans les contrées qui bord<
celle baie, le soleil ne se lève, ne se c<
che jamais sans un grand cône de lumièr
lorsque ce phénomène a- disparu, l’aun
disp
finit
■pan
tuait
voit
1 c’est
I boréale en prend la place. Le ciel y est ra-
rement serein ; et, dans ie printemps el dans
l'automne, l’air est habituellement rempli
de brouillards très-épais, el durant l’hiver,
d’une infinité de petites flèches glaciales sen-
sibles à l’œil. Quoique les chaleurs de l’été
soient assez vives durant deux mois ou six
semaines , le tonnerre et les éclairs sont
rares.
La mer, le long des côtes de Norwége
qui sont bordées par des rochers, a ordinai-
rement depuis cent jusqu’à quatre cents
brasses de profondeur, et les eaux sont moins
isalces que dans les climats plus chauds. La
Iquantité de poissons huileux dont cette mer
est remplie la rend grasse au point d’en
être presque inflammable : le flux n’est point
considérable, et la plus haute marée n’y est
que de huit pieds.
On a fait, dans ces dernières années,
quelques observations sur la température
ides terres et des eaux dans les climats les
plus voisins du pôle boréal.
« Le froid commence dans le Groenland
là la nouvelle année, et devient si perçant an
unois de février et de mars , que les pierres
jse fendent en deux , et que la mer fume
comme un four , surtout dans les baies. Ce-
pendant le froid n’est pas aussi sensible au
îmilieu de ce brouillard épais que sous un
ciel sans nuages : car , dès qu’on passe des
! terres à cette atmosphère de fumée qui couvre
r da surface et le bord des eaux , on sent un
li air plus doux et le froid moins vif, quoique
j les habits et les cheveux y soient bientôt
I hérissés de bruine et de glaçons. Mais aussi
Icette fumée cause plutôt des engelures qu’un
[froid sec ; et , dès qu’elle passe de la mer
dans une atmosphère plus froide, elle se
change en une espèce de verglas, que le vent
disperse dans l’horizon, et qui cause un
froid si piquant, qu’on ne peut sortir an
grand air sans risquer d’avoir les pieds et les
mains gelés. C’est dans cette saison que l’on
[voit glacer l’eau sur le feu avant de bouillir :
c’est alors que l’hiver pave un chemin de
j glace sur la mer, entre les îles voisines, et
jdans les baies et les détroits...
« La plus belle saison du Groenland est
l’automne ; mais sa durée est courte , et sou-
vent interrompue par des nuits de gelées
jtrès-froides. C’est à peu près dans ces temps-
la que , sous une atmosphère noircie de va-
peurs , on voit les brouillards qui se gèlent
[quelquefois jusqu’au verglas, former sur la
mer comme un tissu glacé de toiles d’arai-
gnées, et dans les campagnes charger l’air
d’atomes luisans, ou ie hérisser de glaçons
197
pointus , semblables à de fines aiguilles.
« On a remarqué plus d’une fois que le
temps et la saison prennent dans le Groenland
une température opposée à celle qui règne
dans toute l’Europe ; en sorte que si l’hiver
est très-rigoureux dans les climats tempérés,
il est doux au Groenland; et très-vif en cette
partie do nord , quand il est le plus modéré
dans nos contrées. A la fin de 1739, l’hiver
fut si doux à la baie de Disko, que les oies
passèrent, au mois de janvier suivant, delà
zone tempérée dans la glaciale , pour y cher-
cher un air plus chaud, et qu’en 1740 on
ne vit point de glace à Disko jusqu’au mois
de mars , tandis qu’en Europe , elle régna
constamment depuis octobre jusqu’au mois
de mai...
« De même l’hiver de 1763, qui fut ex-
trêmement froid dans toute l’Europe, se fit
si peu Sentir au Groenland, qu’on y a vu
quelquefois des étés moins doux. »
Les voyageurs nous assurent que , dan?
ces mers voisines du Groenland , il y a des
montagnes de glaces flottantes très-hautes, et
d’autres glaces flottantes comme des radeaux,
qui ont plus de deux cents toises de longueur
sur soixante ou quatre-vingts de largeur :
mais ces glaces, qui forment des plaines im-
menses sur la mer, n’ont communément que
neuf à douze pieds d’épaisseur : il pareil
qu’elles se forment immédiatement sur la
surface de la mer dans la saison la plus froide,
au lieu que les autres glaces flot tantes et très-
élevées viennent de la terre , c’est-à-dire
des environs des montagnes et des côtes,
d’où elles ont été détachées et roulées dans
la mer par les fleuves. Ces dernières glaces
entraînent beaucoup de bois, qui sont ensuite
jetés par la mer sur les côtes orientales du
Groenland: il paroît que ces bois ne peuvent
venir que de la terre de Labrador , et non
pas de la Norwége , parce que les vents dit
nord-est, qui sont très -violens dans ces con-
trées, repousseroient ces bois, comme les
courans, qui portent du sud au détroit de
Davis et à la baie de Hudson, arrêterôient
tout ce qui peut venir de l’Amérique aux
côtes du Groenland.
La mer commence à charroyer des glaces
au Spitzberg dans les mois d’avril et de mai;
elles viennent au détroit de Davis en très-
grande quantité , partie de la Nouvelle-Zem-
ble, et la plupart le long de la côte orien-
tale du Groenland, portées de l’est à l’ouest,
suivant le mouvement général de la mer.
L’on trouve, dans le Voyage du capitaine
Phipps, les indices et les faits suivans :
«Dès xÔ27 , Robert Tfiorne, marchand
ART. XL MERS ET LACS.
ïgS théorie de
de Bristol, fit naître l’idée d’aller aux Indes
orientales par le pôle boréal Cependant
on ne voit pas qu’on ait formé aucune expé-
dition pour les mers du cercle polaire avant
1607 , lorsque Henri Hudson fui envoyé par
plusieurs marchands de Londres à la dé-
couverte du passage à la Chine et au Japon
par le pôle boréal Il pénétra jusqu’au
8o° 23', et il ne put aller plus loin...
« En 1609 , sir Thomas Smith fut sur
la côte méridionale du Spitzberg , et il ap-
prit , par des gens qu’il avoit envoyés à
terre , que les lacs et les mares d’eau n’é-
toient pas tous gelés (c’étoit le 26 mai) , et
que l’eau en étoit douce : il dit aussi qu’on
arriverait aussitôt au pôle de ce côté que
par tout autre chemin qu’on pourrait trou-
ver, parce que le soleil produit une grande
chaleur dans ce climat , et parce que les
glaces ne sont pas d’une grosseur aussi
énorme que celles qn’il avoit vues vers le
73e degré. Plusieurs autres voyageurs ont
tenté des voyages au pôle pour y découvrir
ce passage, mais aucun n’a réussi... »
Le 5 juillet, M. Pliipps vit des glaces
en quantité vers le 790 34" de latitude; le
temps étoit brumeux; et, le 6 juillet, il
continua sa route jusqu’au 790 59' 39", en-
tre la terre du Spitzberg et les glaces : le 7,
il continua de naviguer entre les glaces flot-
tantes , en cherchant une ouverture au nord
par où il aurait pu entrer dans une mer
libre : mais la glace ne formoit qu’une seule
masse au nord-nord-ouest, et au 8o° 36'
la mer étoit entièrement glacée; en sorte
que toutes les tentatives de M. Phipps pour
trouver un passage ont été infructueuses.
« Pendant que nous essuyions , dit ce na-
vigateur, une violente rafale le 12 septem-
bre, le docteur Irving mesura la tempéra-
ture de la mer dans cet état d’agitation , et
il trouva qu’elle étoit beaucoup plus chaude
que celle de l’atmosphère. Cette observation
est d’autant plus intéressante , qu’elle est
conforme à un passage des Questions natu-
relles de Plutarque , où il dit que la mer
devient chaude lorsqu’elle est agitée par les
flots...
« Ces rafales sont aussi ordinaires au
Erintemps qu’en automne ; il est donc pro-
able que si nous avions mis à la voile plus
tôt , nous aurions eu en allant le temps
aussi mauvais qu’il l’a été à notre retour. »
Et comme M. Phipps est parti d’Angleterre
à la fin de mai , il croit qu’il a profité de
la saison la plus favorable pour soù expé-
dition.
« Enfin , continue-t-il, si la navigation au
LA TERRE.
pôle étoit praticable , il y avoit la plus
grande probabilité de trouver , après le
solstice , la mer ouverte au nord , parce
qu’alors la chaleur des rayons du soleil a
produit tout son effet , et qu’il reste d’ail-
leurs une assez grande portion d’été pour
visiter les mers qui sont au nord et à l’ouest
du Spitzberg. »
Je suis entièrement du même avis que
cet habile navigateur, et je ne crois pas que
l’expédilion au pôle puisse se renouveler
avec succès, ni qu’on arrive jamais au-delà
du 82 ou 83e degré. On assure qu’un vais-
seau du port de Whilby , vers la fin du
mois d’avril 1774, a pénétré jusqu’au 80e
degré sans trouver de glaces assez fortes
pour gêner la navigation ; on cite aussi un
capitaine Robinson , dont le journal fait foi
qu’en 1773 il a atteint le 8x° 3o'; et enfin
on cite un vaisseau de guerre hollandois
qui protégeoit les pêcheurs de cette nation,
et qui s’est avancé, dit-on, il y a cinquante
ans , jusqu’au 88e degré. Le docteur Camp-
bell, ajoute-t-on, tenoit ce fait d’un cer-
tain docteur Daillie , qui étoit à bord du
vaisseau , et qui professoit la médecine à
Londres en 1745. C’est probablement le
même navigateur que j’ai cité moi-même
sous le nom de capitaine Mouton ; mais je
doute beaucoup de la réalité de ce fait , et
je suis maintenant très-persuadé qu’on ten-
terait vainement d’aller au-delà du 82 ou
83e degré, et que si le passage par le nord
est possible, ce ne peut être qu’en prenant
la route de la baie de Hudson.
Yoici ce que dit à ce sujet le savant et
|ii(
des : « La baie de Hudson a été long-temps
regardée et on la regarde encore comme la
route la plus courte de l’Europe aux Indes
orientales et aux contrées les plus riches de
l’Asje.
« Ce fut Cabot qui le premier eut l’idée
d’un passage par le nord-ouest à la mer du
Sud. Ses succès se terminèrent à la décou-
verte de file de Terre-Neuve. On vit en-
trer dans la carrière après lui un grand nom-
bre de navigateurs anglois... Ces mémorables
et hardies expéditions eurent plus d’éclat
que d’utilité. La plus heureuse ne donna
pas la moindre conjecture sur le but qu’on
se proposoit... On croyoit enfin que c’étoit
conrir après des chimères, lorsque la dé-
couverte de la baie de Hudson ranima les
espérances prêtes à s’éteindre.
« A cette époque une ardeur nouvelle fait
recommencer les travaux , et enfin arrive la
fameuse expédition de 1746 > d’où l’on voit
ART. XL MERS ET LACS.
*99
*
rtir quelques clartés après des ténèbres
’ûfondes qui duroient depuis deux siècles,
tir quoi les derniers navigateurs fondent-
de meilleures espérances ? D’après quel-
s expériences osent-ils former leurs con-
ctures? C’est ce qui mérite une discussion.
« Trois vérités dans l’histoire de la nalure
)ivent passer désormais pour démontrées,
la première est que les marées viennent de
■ Dcéan, et qu’elles entrent plus ou moins
1 ant dans les autres mers, à proportion
le ces divers canaux communiquent avec
grand réservoir par des ouvertures plus
moins considérables : d’où il s’ensuit
le ce mouvement périodique n’existe point
i ne se fait presque pas sentir dans la Mé-
terranée , dans la Baltique , et dans les
Ures golfes qui leur ressemblent. La se-
mde vérité de fait est que les marées ar-
vent plus tard et plus foibles dans les
:ux éloignés de l’Océan , que dans les en-
oits qui le sont moins. La troisième est
le les vents violens qui soufflent avec la
arée la font remonter au-delà de ses bor-
îs ordinaires , et qu’ils la retardent en la
minuant , lorsqu’ils soufflent dans un sens
mtraire.
« D’après ces principes , il est constant
le si la baie de Hudson étoit un golfe en-
avé dans des terres , et qu’il ne fût ouvert
’à la mer Atlantique , la marée y devroit
re peu marquée, qu’elle devroit s’affoiblir
s’éloignant de sa source, et qu’elle devroit
rdre de sa force lorsqu’elle auroit à lutter
intre les vents. Or, il est prouvé, par
s observations faites avec la plus grande
telligence , avec la plus grande précision,
le la marée s’élève à une grande hauteur
ms toute l’étendue de la baie ; il est prouvé
'elle s’élève à une plus grande hauteur
fond de la baie que dans le détroit même
au voisinage ; il est prouvé que cette
uteur augmente encore, lorsque les vents
posés au détroit se font sentir : il doit
ne être prouvé que la baie de Hudson a
nitres communications avec l’Océan que
lie qu’on a déjà trouvée.
« Ceux qui ont cherché à expliquer des
ts si frappans en supposant une commu-
cation de la baie de Hudson avec celle de
iïin , avec le détroit de Davis , se sont
anifestement égarés. Ils ne balanceroient
s à abandonner leur conjecture , qui n’a
ùlleurs aucun fondement , s’ils vouloient
re attention que la marée est beaucoup
as basse dans le détroit de Davis, dans
baie de Baffin , que dans celle de
idson.
« Si les marées qui se font sentir dans le
golfe dont il s’agit ne peuvent venir ni de
l’océan Atlantique, ni d’aucune autre mer
septentrionale, où elles sont toujours beau-
coup plus foibles, on ne pourra s’empêcher
de penser qu’elles doivent avoir leur source
dans la mer du Sud. Ce système doit tirer
un grand appui d’une vérité incontestable,
c’est que les plus hautes marées qui se fas-
seut remarquer sur ces côtes sont toujours
causées par les vents du nord-ouest qui
soufflent directement contre ce détroit.
« Après avoir constaté , autant que la na-
ture le permet , l’existence d’un passage si
long-temps et si inutilement désiré , il reste
à déterminer dans quelle partie de la baie
il doit se trouver. Tout invite à croire que
le welcome à la côte occidentale doit fixer
les efforts dirigés jusqu’ici de toutes parts
sans choix et sans méthode. On y voit le
fond de la mer à la profondeur de onze
brasses : c’est un indice que l’eau y vient
de quelque océan, parce qu’une semblable
transparence est incompatible avec des dé-
charges de rivières , de neiges fondues et
de pluies. Des courans, dont on ne sau-
roit expliquer la violence qu’en les faisant
partir de quelque mer occidentale , tien-
nent ce lieu débarrassé de glaces , tandis
que le reste du golfe en est entièrement
couvert. Enfin les baleines, qui cherchent
constamment dans l’arrière-saison à se reti-
rer dans des climats plus chauds, s’y trou-
vent en fort grand nombre à la fin de
l’été ; ce qui paroît indiquer un chemin
pour se rendre , non à l’ouest septentrio-
nal , mais à la mer du Sud.
« Il est raisonnable de conjecturer que
le passage est court. Toutes les rivières
qui se perdent dans la côte occidentale
de la baie de Hudson sont foibles et pe-
tites ; ce qui paroît prouver qu’elles ne
viennent pas de loin , et que par consé-
quent les terres qui séparent les deux
mers ont peu d’étendue : cet argument est
fortifié par la force et la régularité des
marées. Partout où le flux et le reflux
observent des temps à peu près égaux,
avec la seule différence qui est occasionée
par le retardement de la lune dans son
retour au méridien , on est assuré de la
proximité de l’Océan, d’où viennent ces
marées. Si le passage est court , et qu’il
ne soit pas avancé dans le nord , comme
tout l’indique , on doit présumer qu’il
n’est pas difficile ; la rapidité des courans
qu’on observe dans ces parages, et qui
ne permettent pas aux glaces de s’y ar-
THÉORIE DE LA TERRE.
200
rêter, ne peut que donner du poids à
celte conjecture. »
Je crois , avec cet excellent écrivain ,
que s’il existe en effet un passage prati-
cable , ce ne peut être que dans le fond
de la baie de Hudson , et qu’on le ten-
terait vainement par la baie de Baffin,
dont le climat est trop froid, et dont
les côtes sont glacées , surtout vers le
nord : mais ce qui doit faire douter en-
core beaucoup de l’existence de ce pas-
sage par le fond de la baie de Hudson,
ce sont les terres que Behring et Tschi-
rikow ont découvertes, en 174.1, sous la
meme latitude que la baie de Hudson ;
car ces terres semblent faire partie du
grand continent de l’Amérique , qui pa-
roi t continu sous cette même latitude jus-
qu’au cercle polaire : ainsi ce ne seroit
qu’au dessous du 55e degré que ce pas-
sage pourrait aboutir à la mer du Sud.
{Add. Buffon.')
Sur les lacs sales de l’Asie ,
* Dans la contrée des Tartares Ufiens,
ainsi appelés parce qu’ils habitent les bords
de la rivière Uf , il se trouve , dit M. Palias,
des lacs dont l’eau est aujourd’hui salée,
et qui ne l’étoit pas autrefois. Il dit la
même chose d’un lac près de Miacs, dont
l’eau étoit ci-devant douce , et qui est ac-
tuellement salée.
L’un des lacs les plus fameux par la
quantité de sel qu’on en tire , est celui
qui se trouve vers les bords de la rivière
Isel , et que l’on nomme Soratschya. Le
sel en est en général amer : la médecine
l’emploie comme un bon purgatif ; deux
onces de ce sel forment une dose très-
forte. Yers Kurtenegsch , les bas-fonds se
couvrent d’un sel amer , qui s’élève comme
un lapis de neige à deux pouces de hau-
teur ; le lac salé de Korjackof. fournit
annuellement trois cent mille pieds cubi-
ques de sel 1 ; le lac de Jennu en donne
aussi en abondance.
Dans les voyages de MM. de l’Académie
de Pétersbourg , il est fait mention du
lac salé de Jamuscha en Sibérie ; ce lac,
qui est à peu près rond , n'a qu’environ
neuf lieues de circonférence. Ses bords
sont couverts de sel, et le fond est re-
vêtu de cristaux de sel. L’eau est salée
nu suprême degré ; et quand le soleil y
donne , le lac paraît rouge comme une
1. Le pied cubique pèse trente-cinq livres, de
seize onces chacune.
belle aurore. Le sel est blanc comme neig
et se forme en cristaux cubiques. Il y e ;
a une quantité si prodigieuse , qu’en pe
de temps on pourrait en charger un grac \
nombre de vaisseaux ; et dans les endroi
où l’on en prend, on en retrouve d’auti
cinq à six jours après. Il suffit de dii
que les provinces de Tobolsk et Jéniséi ;
en sont approvisionnées , et que ce 1<
suffirait pour fournir cinquante provino
semblables. La couronne s’en est résert!1
le commerce , de même que celui de toi
tes les autres salines. Ce sel est d’ui
bonté parfaite ; il surpasse tous les autr
en blancheur, et on n’en trouve nulle pa !
d’aussi propre pour saler la viande. Dai
le midi de l’Asie , on trouve aussi d *
lacs salés ; un près de l’Euphrate , 1 1
autre près de Barra. Il y en a encore , |
ce qu’on dit , près d’Haleb et dans 1 î |
de Chypre à Larnaca ; ce dernier est vcl
sin de la mer. La vallée de sel de Barri!
n’étant pas loin de l’Euphrate , pourra^
être labourée, si l’on en faisoit coul m
les eaux dans ce fleuve, et que le terra:!
fût bon ; mais à présent cette terre rer|
un bon sel pour la cuisine , et même ( |
si grande quantité , que les vaisseaux < |
Bengale le chargent en retour pour les |t
(. ddet . Buff.) |i
ARTICLE XII.
Du flux et reflux. if
L’eau n’a qu’un mouvement naturel qt!
lui vient de sa fluidité ; elle descend toujoul
des lieux les plus élevés dans les lieux 1
plus bas, lorsqu’il n’y a point de digues <
d’obstacles qui la retiennent ou qui s’oppi
sent à son mouvement; et lorsqu’elle est a
rivée au lieu le plus bas , elle y reste trar
quille et sans mouvement , à moins que qu(
que cause étrangère et violente ne l’agite
ne l’en fasse sortir. Toutes les eaux de l’( j
céan sont rassemblées dans les lieux les pl
bas de la superficie de la terre ; ainsi 1
mouvemens de la mer viennent de caus j
extérieures. Le principal mouvement c
celui du flux et du reflux, qui se fait alte j
nativement en sens contraire, et duquel
résulte un mouvement continuel et génér
de toutes les mers d’orient en occident ; c
deux mouvemens ont un rapport consta:
et régulier avec les mouvemens de la lun ;
Dans les pleiues et dans les nouvelles lune
ce mouvement des eaux d’orient en oct :
dent est plus sensible, aussi bien que cel
du flux et du reflux ; celui-ci se fait senl
201
ART. XII. FLUX ET REFLUX.
ns l’intervalle de six heures et demie sur
plupart des rivages, en sorte que le flux
ive toutes les fois que la lune est au des-
> ou au dessous du méridien , et le reflux
reède toutes les fois que la lune est dans
1 plus grand éloignement du méridien,
st-à-dire toutes les fois qu’elle est à l’ho-
on, soit à son coucher, soit à son lever,
mouvement de la mer d’orient en occi-
ît est continuel et constant, parce que
it l’Océan dans le flux se meut d’orient en.
:idcnt, et pousse vers l’occident une très-
mde quantité d’eau, et que le reflux ne
oit se faire en sens contraire qu’à cause
la moindre quantité d’eau qui est alors
ussée vers l’occident ; car le flux doit plu-
être regardé comme une intumescence,
le reflux comme une *détumescence des
ix, laquelle, au lieu de troubler le mou-
nent d'orient en occident, le produit et
rend continuel , quoique à la vérité il soit
is fort pendant l’intumescence, et plus
bîe pendant la détumescence , par la rai-
i que nous venons d’exposer.
Les principales circonstances de ce mou-
nent sont, i° qu’il est plus sensible dans
nouvelles et pleines lunes que dans les
adrat ures : dans le printemps et bau-
me il est aussi plus violent que dans les
1res temps de l’année , et il est le plus
ble dans le temps des solstices; ce qui
ïplique fort naturellement par la combi-
son des forces de l’attraction de la lune
du soleil. 2° Les vents changent souvent
lirection et la quantité de ce mouvement,
tout les vents qui soufflent constamment
même côté ; il en est de même des grands
îves qui portent leurs eaux dans la mer,
qui y produisent un mouvement de cou-
lt qui s’étend souvent à plusieurs lieues;
orsque la direction du vent s’accorde avec
mouvement général , comme est celui
rient en occident , il en devient plus sen-
le : on en a un exemple dans la mer Pâ-
que, où le mouvement d’orient en occi-
it est constant et très-sensible. 3° On doit
marquer que lorsqu’une partie d’un fluide
meut , toute la masse du fluide se meut
si : or, dans le mouvement des marées,
r a une très-grande partie de l’Océan qui
meut sensiblement; toute la masse des
rs se meut donc en même temps , et les
rs sont agitées par ce mouvement dans
te leur étendue et dans toute leur pro-
deur.
tour bien entendre ceci, il faut faire at-
tion à la nature de la force qui produit
lux et le reflux , et réfléchir sur son ac-
tion et sur ses effets. Nous avons dit que la
lune agit sur la terre par une force que les
uns appellent attraction, et les autres pesan-
teur : cette force d’attraction ou de pesan-
teur pénètre le globe de la terre dans toutes
les parties de sa masse ; elle est exactement
proportionnelle à la quantité de matière, et
en même temps elle décroît comme le carré
de la distance augmente. Cela posé , exami-
nons ce qui doit arriver en supposant la lune
au méridien d’une plage de la mer. La sur-
face des eaux étant immédiatement sous la
lune, est alors plus près de cet astre que de
toutes les autres parties du globe, soit de la
terre, soit de la mer; dès lors celte partie
de la mer doit s’élever vers la lune , en for-
mant une éminence dont le sommet corres-
pond au centre de cet astre : pour que cette
éminence puisse se former , il est nécessaire
que les eaux, tant de la surface environ-
nante que du fond de cette partie de la mer,
y contribuent: ce qu’elles font en effet à pro-
portion de la proximité où elles sont de
l’astre qui exerce cette action dans la raison
inverse du carré de la distance. Ainsi la sur-
face de cette partie de la mer s’élevant la
première , les eaux de la surface des parties
voisines s’élèveront aussi , mais à une moin-
dre hauteur, et les eaux du fond de toutes
ces parties éprouveront le même effet et s’é-
lèveront par la même cause, en sorte que,
toute cette partie de la mer devenant plus
haute et formant une éminence, il est né-
cessaire que les eaux de la surface et du fond
des parties éloignées et sur lesquelles cette
force d’attraction n’agit pas, viennent avec
précipitation pour remplacer les eaux qui
se sont élevées : c’est là ce qui produit le
flux, qui est plus ou moins sensible sur les
différentes côtes, et qui, comme l’on voit,
agile la mer non seulement à sa surface ,
mais jusqu’aux plus grandes profondeurs. Le
reflux arrive ensuite par la pente naturelle
des eaux ; lorsque l’aslre a passé et qu’il
n’exerce plus sa force, l’eau, qui s’étoil
élevée par l’action de cette puissance étran-
gère, reprend son niveau et regagne les ri-
vages et les lieux qu’elle avoit été forcée
d’abandonner : ensuite, lorsque la lune
passe au méridien de l’antipode du lieu où
nous avons supposé qu’elle a d’abord élevé
les eaux , le même effet arrive ; les eaux ,
dans cet instant où la lune est absente et la
plus éloignée , s’ élèvent sensiblement, autant
que dans le temps où elle est présente et
la plus voisine de celte partie de la mer.
Dans le premier cas, les eaux s’élèvent, parce
qu’elles sont plus près de l’astre que toutes
!
THÉORIE DE LA TERRE.
les autres parties du globe ; et dans le se-
cond cas , c’est par la raison contraire , elles
ne s’élèvent que parce qu’elles en sont plus
éloignées que toutes les autres parties du
globe : et l’on voit bien que cela doit pro-
duire le même effet; car alors les eaux de
cette partie étant moins attirées que tout le
reste du globe , elles s’éloigneront nécessai-
rement du reste du globe, et formeront une
éminence dont le sommet répondra au point
de la moindre action , c’est-à-dire au point
du ciel directement opposé à celui où se
trouve la lune, ou, ce qui revient au même,
au point où elle étoit trois heures aupara-
vant lorsqu’elle avoit élevé les eaux la pre-
mière fois : car lorsqu’elle est parvenue à
l’horizon , le reflux étant arrivé , la mer est
alors dans son état naturel, et les eaux sont
en équilibre et de niveau; mais quand la
lune est au méridien opposé, cet équilibre
ne peut plus subsister, puisque les eaux de
la partie opposée à la lune étant à la plus
grande distance où elles puissent être de cet
astre, elles sont moins attirées que le reste
du globe, qui, étant intermédiaire, se trouve
être plus voisin de la lune, et dès lors leur
pesanteur relative , qui les tient toujours
en équilibre et de niveau, les pousse vers le
point opposé à la lune, pour que cet équi-
libre se conserve. Ainsi dans les deux cas,
lorsque la lune est au méridien d’un lieu
ou au méridien opposé, les eaux doivent
s’élever à très-peu près de la même quan-
tité , et par conséquent s’abaisser et refluer
de la même quantité lorsque la lune est à
l’horizon , à son coucher ou à son lever.
On voit bien qu’un mouvement dont la cause
et l’effet sont tels que nous venons de l’ex-
pliquer , ébranle nécessairement la masse en-
tière des mers , et la remue dans toute son
étendue et dans toute sa profondeur; et si
ce mouvement paroît insensible dans les
hautes mers, et lorsqu’on est éloigné des ter-
res , il n’en est pas moins réel : le fond et
la surface sont remués à peu près égale-
ment; et même les eaux du fond, que les
vents ne peuvent agiter comme celles de la
surface , éprouvent bien plus régulièrement
cette action que celles de la surface, et elles
ont un mouvement plus réglé et qui est tou-
jours alternativement dirigé de la même
façon.
De ce mouvement alternatif de flux et de
reflux , il résulte , comme nous l’avons dit ,
un mouvement continuel de la mer de l’o-
rient vers l’occident, parce que l’astre qui
produit l’intumescence des eaux va lui-mêine
d’orient en occident, et qu’agissant succes-
sivement dans cette direction , les eaux su
vent le mouvement de l’astre dans la mêa
direction. Ce mouvement de la mer d’oriei [
en occident est très-sensible dans tous 1
détroits ; par exemple, au détroit de Mi
gellan , le flux élève les eaux à près de vin
pieds de hauteur , et cette intumescem
dure six heures , au lieu que le reflux ou
détumescence ne dure que deux heures
et l’eau coule vers l’occident ; ce qui prou
évidemment que le reflux n’est pas égal ;
flux, et que de tous deux il résulte un mo
vement vers l’occident , mais beaucoi
plus fort dans le temps du flux que da
celui du reflux , et c’est pour cette raist
que, dans les hautes mers éloignées de tou
terre , les marées ne sont sensibles que p
le mouvement général qui en résulte, c’esl
à-dire par ce mouvement d’orient en oc< |
dent. i
Les marées sont plus fortes, et elles fo
hausser et baisser les eaux bien plus conn
dérablement dans la zone torride entre 1
tropiques , que dans le reste de l’Océan ; el):
sont aussi beaucoup plus sensibles dans
lieux qui s’étendent d’orient en oceideo sj
dans les golfes qui sont longs et étroits,
sur les côtes où il y a des îles et des pt
montoires : le plus grand flux qu’on co
noisse, est, comme nous l’avons dit da
l’article précédent, à l’une des embouchui «
du fleuve Indus , où les eaux s’élèvent
trente pieds; il est aussi fort remarquai
auprès de Malaye, dans le détroit de
Sonde, dans la mer Rouge, dans la baie
Nelson, à 55 degrés de latitude septentrip
nale , où il s’élève à quinze pieds , à l’embc
chure du fleuve Saint-Laurent, sur les cô
de la Chine, sur celles du Japon , à Panap j^
dans le golfe de Bengale , etc.
Le mouvement de la mer d’orient en oc
dent est très-sensible dans de certains < p
droits ; les navigateurs l’ont souvent obseï ®
en allant de l’Inde à Madagascar et en Af jfai
que ; il se fait sentir aussi avec beaucoup
force dans la mer Pacifique, et entre les JV
luques et le Brésil : mais les endroits où
mouvement est le plus violent sont les c
troits qui joignent l’Océan à l’Océan ; j
exemple, les eaux de la mer sont port<
avec une si grande force d’orient en oc
dent par le détroit de Magellan , que
mouvement est sensible même à une gran
distance dans l’océan Atlantique ; et
prétend que c’est ce qui a fait conjecture]
Magellan qu’il y avoit un détroit par leqi
x. "Voyez le Voyage de Narbrough,
il
ART. XII. FU
leux mers avoient unë communication,
s le détroit des Manilles et dans tous
:anaux qui séparent les îles Maldives ,
er coule d’orient en occident , comme
dans le golfe du Mexique entre Cuba
acatan ; dans le golfe de Paria , ce mou-
mt est si violent, qu’on appelle le dé-
la gueule du Dragon; dans la mer de
ida, ce mouvement est aussi très-vio-
aussi bien que dans la mer de Tartarie,
ins le détroit de Waigats, par lequel
:an, en coulant avec rapidité d’orient
ccident , charrie des masses énormes de
: de la mer de Tartarie dans la mer du
l de l’Europe. La mer Pacifique coule
ême d’orient en occident par les détroits
apon ; la mer du Japon coule vers la
e ; l’océan Indien coule vers l’occident
le détroit de Java et par les détroits
lutres îles de l’Inde. On ne peut donc
louter que la mer n’ait un mouvement
j;ant et général d’orient en occident , et
:st assuré que l'océan Atlantique coule
l’Amérique, et que la mer Pacifique
Joigne , comme on le voit évidemment
p des Courans , entre Lima et Panama,
i reste, les alternatives du flux et du
t sont régulières et se font de six heures
mie en six heures et demie sur la plu-
ies côtes delà mer, quoique à différentes
;s, suivant le climat et la position des
: ainsi les côtes de la mer sont battues
nuellement des vagues, qui enlèvent à
îe fois de petites parties de matières
es transportent au loin et qui se dé-
Lt au fond ; et de même, les vagues por-
ur les plages basses des coquilles , des
> qui restent sur les bords, et qui, s’ac-
lant peu à peu par couches horizon-
forment à la fin des dunes et des hau-
aussi élevées que des collines, et qui
;n effet des collines tout-à-fait sembla-
iux autres collines , tant par leur forme
>ar leur composition intérieure ; ainsi
r apporte beaucoup de productions ma-
sur les plages basses, et elle emporte
n toutes les matières qu’elle peut en-
des côtes élevées contre lesquelles elle
soit dans le temps du flux, soit dans
ips des orages et des grands vents,
îr donner une idée de l’effort que fait
r agitée contre les hautes côtes , je crois
’ rapporter un fait qui m’a été assuré
ne personne très-digne de foi , et que
iU d’autant plus facilement, que j’ai vu
lême quelque chose d’approchant. Dans
icipale des îles Orcades il y a des côtes
)sées de rochers coupés à plomb et
£ ET REFLUX.3 ao3
perpendiculaires à la surface de la mer , en
sorte qu’en se plaçant au dessus de ces ro-
chers, on peut laisser tomber un plomb jus-
qu’à la surface de l’eau , en mettant la corde
au bout d’une perche de neuf pieds. Cette
opération , que l’on peut faire dans le temps
que la mer est tranquille , a donné la mesure
de la hauteur de la côte, qui est de deux
cents pieds. La marée , dans cet endroit, est
fort considérable , comme elle l’est ordinai-
rement dans tous les endroits où il y a des
terres avancées et des îles : mais , lorsque
le vent est fort, ce qui est très-ordinaire en
Ecosse, et qu’en môme temps la marée
monte, le mouvement est si grand , et l’agi-
tation si violente, que l’eau s’élève jusqu’au
sommet des rochers qui bordent la côte ,
c’est-à-dire à deux ceuts pieds de hauteur ,
et qu’elle y tombe en forme de pluie ; elle
jette même à cette hauteur des graviers et
des pierres qu’elle détache du pied des ro-
chers , et quelques-unes de ces pierres , au
rapport du témoin oculaire que je cite ici ,
sont plus largès que la main.
J’ai vu moi-même dans le port de Li-
vourne , où la mer est beaucoup plus tran-
quille , et où il n’y a point de marée , une
tempête au mois de décembre 173 r , où l’on
fut obligé de couper les mâts de quelques
vaisseaux qui étoient à la rade , dont les
ancres avoient quitté ; j’ai vu , dis-je , l’eau
de la mer s’élever au dessus des fortifica-
tions , qui me parurent avoir une élévation
très-considérable au dessus des eaux ; et
comme j’étois sur celles qui sont les plus
avancées , je ne pus regagner la ville sans
être mouillé de l’eau de la mer beaucoup
plus qu’on ne peut l’être par la pluie la plus
abondante.
Ces exemples suffisent pour faire enten-
dre avec quelle violence la mer agit contre
les côtes ; cette violente agitation détruit ,
use , ronge et diminue peu à peu le terrain
des côtes ; la mer emporte toutes ces ma-
tières , et les laisse tomber dès que le calme
a succédé à l’agitation. Dans ces temps d’o-
rage , l’eau de la mer, qui est ordinairement
la plus claire de toutes les eaux , est trouble
et mêlée des différentes matières que le
mouvement des eaux détache des côtes et
du fond ; et la mer rejette alors sur les ri-
vages une infinité de choses qu’elle apporte
de loin , et qu’on ne trouve jamais qu’après
les grandes tempêtes , comme de l’ambre
gris sur les côtes occidentales de l’Irlande ,
de l’ambre jaune sur celles de Poméranie ,
des cocos sur les côtes des Indes , etc. , et
quelquefois des pierres ponces et d’autres
204
THÉORIE DE LA TERRE.
pierres singulières. Nous pouvons citer, à
cette occasion , un fait rapporté dans les
nouveaux Voyages aux îles de l’Amérique:
« Étant à Saint-Domingue , dit l’auteur, on
me donna entre autres choses quelques
pierres très-légères que la mer amène à la
côte quand il a fait de grands vents du sud :
il y en avoit une de deux pieds et demi de
long sur dix-huit pouces de large et environ
un pied d’épaisseur, qui ne pesoit pas tout-
à-fait cinq livres ; elle étoit blanche comme
la neige , bien plus dure que les pierres
ponces , d’un grain fin , ne paroissant point
du tout poreuse ; et cependant , quand on
la jetoit dans l’eau , elle bondissoit comme
un ballon qu’on jette contre terre ; à peine
enfonçoit-elle un demi-travers de doigt. J’y
fis faire quatre trous de tarière pour y
planter quatre bâtons , et soutenir deux pe-
tites planches légères qui renfermoient les
pierres dont je la chargeois: j’ai eu le plaisir
de lui en faire porter une fois cent soixante
livres , et une autre fois trois poids de fer
de cinquante livres pièce. Elle servoit de
chaloupe à mon nègre , qui se mettoit des-
sus et alloit se promener autour de la caye.»
Gette pierre devoit être une pierre ponce
d’un grain très-fin et serré , qui venoit de
quelque volcan , et que la mer avoit trans-
Ïiortée , comme elle transporte l’ambre gris,
es cocos , la pierre ponce ordinaire , les
graines de plantes , les roseaux , etc. On
peut voir sur cela les discours de Ray : c’est
principalement sur les côtes d’Irlande et
d’Écosse qu’on a fait des observations de
cette espèce. La mer, par son mouvement
général d’orient en occident , doit porter
sur les côtes de l’Amérique les productions
de nos côtes ; et ce n’est peut-être que par
des mouvemens irréguliers et que nous ne
connoissons pas , qu’elle apporte sur nos
rivages les productions des Indes orientales
et occidentales ; elle apporte aussi des pro-
ductions du Nord. Il y a grande apparence
que les vents entrent pour beaucoup dans
les causes de ces effets. On a vu souvent ,
dans les hautes mers , et dans un très-grand
éloignement des côtes , des plages entières
couvertes de pierres ponces : on ne peut
guère soupçonner qu’elles puissent venir
d’ailleurs que des volcans des îles ou de la
terre ferme , et ce sont apparemment les
courans qui les transportent au milieu des
mers. Avant qu’on connût la partie méri-
dionale de l’Afrique, et dans le temps où
ûn croyoit que la mer des Indes n’avoit au-
cune communication avec notre Océan , on
commença à la soupçonner par un indice
de cette nature. Le mouvement àlten
du flux et du reflux , et le mouvement i !
stant de la mer d’orient en occident, off
différens phénomènes dans les différem
mats ; ces mouvemens se modifient d j
remment suivant le gisement des terres
hauteur des côtes : il y a des endroits <
mouvement général d’orient en occi
n’est pas sensible ; il y en a d’autres c
mer a même un mouvement contra
comme sur la côte de Guinée : mais1
mouvemens contraires au mouvemen
néral sont occasionés par les vents , p
position des terres , par les eaux des gr
fleuves , et par la disposition du fond jl1
mer ; toutes ces causes produisent des I
rans qui altèrent et changent souvent
à-fait la direction du mouvement géi
dans plusieurs endroits de la mer.
comme ce mouvement des mers d’orier ;
occident est le plus grand , le plus gé
et le plus constant, il doit aussi proi 1
les plus grands effets , et tout pris cm "
ble , la mer doit , avec le temps , gagm ^
terrain vers l’occident , et en laisser
l’orient , quoiqu’il puisse arriver que si 13
côtes où le vent d’ouest souffle pends ®
plus grande partie de l’année , comm ^
France , en Angleterre , la mer gage 10
terrain vers l’orient : mais , encore une w
ces exceptions particulières ne détrr {
pas l’effet de la cause générale. I1''
|! e
ARTICLE XIII \
d
Des inégalités du fond de la mer c d’
courans. ^ <
Ci
irpc
On peut distinguer les côtes de la
en trois espèces : i° les côtes élevées
sont de rochers et de pierres dures , co
ordinairement à plomb à une hauteur j
dérabîe , et qui s’élèvent quelquefois i
ou huit cents pieds : s>° les basses (
dont les unes sont unies et presque c
veau avec la surface de la mer, et do
autres ont une élévation médiocre elfleü
vent bordée de rochers à fleur d’eau
forment des brisans et rendent l’app
des terres fort difficile : 3° les dunes
sont des côtes formées par les sables c
mer accumule, ou que les fleuves dépo
ces dunes forment des collines plus ou i
élevées.
Les côtes d’Italie sont bordées de mt
et de pierres de plusieurs espèces , do1 A
distingue de loin les différentes carri 1er y
les rochers qui forment la côte parois
AB.T. XIII. INÉGALITÉS DU FOND DE LA MER.
:ès-grande distance comme autant de
; de marbres qui sont coupés à plomb,
ôtes de France depuis Brest jusqu’à
sàux sont presque partout environnées
jcliers à fleur d’eau qui forment des
îs ; il en est de même de celles d’An-
•re, d’Espagne et de plusieurs autres
de l’Océan et de la Méditerranée , qui
bordées de rochers et de pierres dures,
ception de quelques endroits dont on
fite pour faire les baies , les ports et
vres.
profondeur de l’eau le long des côtes
’dinairement d’autant plus grande que
)tes sont plus élevées, et d’autant moin-
u’elles sont plus basses ; l’inégalité du
de la mer le long des côtes correspond
ordinairement à l’inégalité de la sur-
iu terrain des côtes. Je dois citer ici ce
i dit un célèbre navigateur :
l’ai toujours remarqué que dans les en-
s où la côte est défendue par des ro-
i escarpés , la mer y est très-profonde,
l’ü est rare d’y pouvoir ancrer ; et , au
•aire , dans les lieux où la terre penche
)té de la mer, quelque élevée qu’elle soit
avant dans le pays , le fond y est bon ,
r conséquent l’ancrage. A proportion
a côte penche ou est escarpée près de
er, à proportion trouvons-nous aussi
nunément que le fond pour ancrer est
ou moins profond ou escarpé : aussi
lions-nous plus près ou plus loin de la
, comme nous jugeons à propos ; car
i a point , que je sache , de côte au
Je , ou dont j’aie entendu parler, qui
d’une hauteur égale et qui n’ait des
> et des bas. Ce sont ces hauts et ces
ces montagnes et ces vallées , qui font
légalités des côtes et des bras de mer,
jetites baies et des havres , etc. , où l’on
ancrer sûrement , parce que telle est
rface de la terre , tel est ordinairement
nd qui est couvert d’eau. Ainsi l’on
vre plusieurs bons havres sur les côtes
i terre borne la mer par des rochers
’pés , et cela parce qu’il y a des pentes
ieuses entre ces rochers : mais dans les
; où la pente d’une montagne ou d’un
er n’est pas à quelque distance en terre
e montagne à l’autre , et que , comme
a côte de Chili et du Pérou , le pen-
t va du côté de la mer, ou est dedans,
a côte est perpendiculaire ou fort escar-
Jepuis les montagnes voisines , comme
est en ces pays-là depuis les montagnes
ides qui y régnent le long de la côte ,
er y est profonde , et pour des havres
20 5
ou bras de mer il n’y en a que peu ou point;
toute cette côte est trop escarpée pour y
ancrer, et je ne connois point de côtes où
il y ait si peu de rades commodes aux vais-
seaux. Les côtes de Galice , de Portugal , de
Norwége, de Terre-Neuve, etc., sont comme
la côte du Pérou et des hautes îles de l’Ar-
chipélague, mais moins dépourvues de bons
havres. Là où il y a de petits espaces de
terre , il y a de bonnes baies aux extrémités
de ces espaces dans les lieux où ils s’avan-
cent dans la mer comme sur la côte de Ca-
racas , etc. Les îles de Jean Fernando , de
Sainte-Hélène, etc., sont des terres hautes
dont la côte est profonde. Généralement
parlant , tel est le fond qui paroît au dessus
de l’eau , tel est celui que l’eau couvre : et
pour mouiller sûrement il faut ou cpie le
fond soit de niveau , ou que sa pente soit
bien peu sensible ; car s’il est escarpé, l’an-
cre glisse et le vaisseau est emporté. De là
vient que nous ne nous mettons jamais en
devoir de mouiller dans les lieux où nous
voyons les terres hautes et des montagnes
escarpées qui- bornent la mer : aussi, étant
à vue des îles des États , proche la terre del
Fuego , avant que d’entrer dans les mers du
Sud , nous ne songeâmes seulement pas à
mouiller après que nous eûmes vu la côîe ,
parce qu’il nous parut près de la mer des
rochers escarpés : cependant il peut y avoir
de petits havres où des barques ou autres
petits bàtimens peuvent mouiller ; mais
nous ne nous mîmes pas en peine de lès
chercher.
« Comme les côtes hautes et escarpées ont
ceci d’incommode qu’on n’y mouille que ra-
rement , elles ont aussi ceci de commode ,
qu’on les découvre de loin , et qu’on en
peut approcher sans danger ; aussi est-ce
pour cela que nous les appelons côtes ar-
dues, ou, pour parler plus naturellement,
côtes exhaussées : mais pour les terres basses
on ne les voit que de fort près , et il y a
plusieurs lieux dont on n’ose approcher, de
peur d’échouer avant que de les apercevoir;
d’ailleurs il y a en plusieurs endroits des
bancs qui sé forment par le concours des
grosses rivières , qui des terres basses se
jettent dans la mer.
« Ce que je viens de dire , qu’on mouille
d’ordinaire sûrement près des terres basses,
peut se confirmer par plusieurs exemples.
Au midi de la baie de Campêche les terres
sont basses pour la plupart : aussi peut-on
ancrer tout le long de la côte , et il y a des
endroits à l’orient de la ville de Campêche,
où vous avez autant de brasses d’eau que
206 THÉORIE DE
vous êtes éloignés de la terre , c’est-à-dire
depuis neuf à dix lieues de distance , jusqu’à
ce que vous en soyez à quatre lieues ; et de
là jusqu’à la côte la profondeur va toujours
en diminuant. La baie de Honduras est en-
core un pays bas , et continue de même tout
le long de là aux côtes de Porto-Bello et de
Carthagène , jusqu’à ce qu’on soit à la hau-
teur de Sainte-Marthe ; de là le pays est
encore bas jusque vers la côte de Caracas ,
qui est haute. Les terres des environs de
Surinam sur la même côte sont basses , et
l’ancrage y est bon ; il en est de même de
là à la côte de Guinée. Telle est aussi la baie
de Panama , et les livres de pilotage or-
donnent aux pilotes d’avoir toujours la
sonde à la main et de ne pas approcher
d’une telle profondeur, soit de nuit , soit
de jour. Sur les mêmes mers , depuis les
hauteurs de Guatimala en Mexique jusqu’à
Californie , la plus grande partie de la côte
est basse : aussi peut-on y mouiller sûre-
ment. En Asie la côte de la Chine, les baies
de Siam et de Bengale , toute la côte de
Coromandel et la côte des environs de Ma-
laca , et près de l’ile de Sumatra du même
côté, la plupart de ces côtes sont basses et
bonnes pour ancrer : mais à côté de l’occi-
dent de Sumatra les côtes sont escarpées et
hardies ; telles sont aussi la plupart des îles
situées à l’orient de Sumatra , comme les
îles de Bornéo , des Célèbres, de Gilolo, et
quantité d’autres îles de moindre considé-
ration qui sont dispersées par-ci par-là sur
ces mers , et qui ont de bonnes rades avec
plusieurs fonds bas : mais les îles de l’Océan
de l’Inde orientale, surtout à l’ouest de ces
îles, sont des terres hautes et escarpées;
principalement les parties occidentales , non
seulement de Sumatra , mais aussi de Java,
de Timor, etc. On n’auroit jamais fait si
l’on vouioit produire tous les exemples
qu’on pourroit trouver ; on dira seulement,
en général, qu’il est rare que les côtes hautes
soient sans eaux profondes , et au contraire
les terres basses et les mers peu creuses se
trouvent presque toujours ensemble r. »
On est donc assuré qu’il y a des inégalités
dans le fond de la mer, et des montagnes
très-considérables , par les observations que
les navigateurs ont faites avec la sonde. Les
plongeurs assurent aussi qu’il y a d’autres
petites inégalités formées par des rochers ,
et qu’il fait fort froid dans les vallées de la
mer. En général , dans les grandes mers les
profondeurs augmentent , comme nous l’a-
i . Voyage de Dampier autour du monde , tome II ,
pages 476 et suiv.
LA TERRE.
vons dit , d’une manière assez uniforme |b!
s’éloignant ou en s’approchant des c fl
Par la carte queM. Buache a dressée 1 »
partie de l’Océan comprise entre les 1 ; ®
d'Afrique et d’Amérique, et par les co Jr
qu’il donne de la mer depuis le cap T; j ie
jusqu’à la côte de Rio-Grande, il p cr
qu’il y a des inégalités dans tout l’Oc Si
comme sur la terre ; que les abrolhos P
y a des vigies et où l’on trouve quelque i il*
chers à fleur d’eau, ne sont que des som «s
de très-grosses et de très-grandes montai
dont l’île Dauphine est une des plus h; 1 s
pointes ; que les îles du cap Vert ne ulr
de même que des sommets de montag ®
qu’il y a un grand nombre d’écueils i
cette mer, où l’on est obligé de mettre air
vigies ; qu’ensuite le terrain tout auton m
ces abrolhos descend jusqu’à des pre pi
deurs inconnues , et aussi autour de ces ; if
A l’égard de la qualité des différens jff
rains qui forment le fond de la mer 2, co 1 it
is
2. M. l’abbé Dicquemare, savant physiciei jj.
fait sur ce sujet des réflexions et quelques obs j
tions particulières , qui me paroissent s’ac&i ,U
parfaitement avec ce que j’en ai dit dans ma 77 ®
de la terre. d
« Les entretiens avec des pilotes de toutes ^
gués ; la discussion des cartes et des sondes éc
anciennes et récentes ; l’examen des corps qui b
tachent à la sonde; l’inspection des rivages
bancs; celle des couches qui forment l’intérie
la terre , jusqu’à une profondeur à peu près Ip
blable à la longueur des lignes des sondes les le
ordinaires ; quelques réflexions sur ce que la il s
sique, la cosmographie et l’histoire naturelle te
de plus analogue avec cet objet, nous ont fait . ir
çonner, nous ont même persuadé, dit M. I Inc
Dicquemare, qu’il doit exister, dans bien des pai ion
deux fonds différens , dont l’un recouvre souvent l do
par intervalles : le fond ancien ou permanent , ir
peut nommer fond général , et le fond accident tu
particulier. Le premier, qui doit faire la hase la
tableau général , est le sol même du bassin Le
mer. Il est composé des mêmes couches que ed
trouvons partout dans le sein de la terre, i
que la marne, la pierre, la glaise, le sable!] ifa
coquillages , que nous voyons disposés horizor foi
ment , d’une épaisseur égale , sur une fort gj i ite
étendue... Ici ce sera un fond de marne; là 1 le
••glaise , de sable , dérochés. Enfin le nombri lé
fonds généraux qu’on peut discerner par la sens
ne va guère qu’à six ou sept espèces. Les plus ?r,
dues et les plus épaisses de ces couches, se s,
vant découvertes ou coupées en biseau , foi ^
dans la mer de grands espaces , où l’on do; #
connoître le fond général , indépendamment « «
que les courans et autres circonstances peuv ((
déposer d’étranger à sa nature. Il est encor
fonds permanens dont nous n’avons point p
ce sont ces étendues immenses de madrépore
coraux, qui recouvrent souvent un fond de roc
et ces banc? d’une énorme étendue de coquilb
que la prompte multiplication ou d’autres eau
ont accumulés ; ils y sont comme par peupl
- Une espèce paroît occuper une certaine éten
ART. XIII. INÉGALITÉS
t impossible de l’examiner de près , et
1 faut s’en rapporter aux plongeurs et à
mde , nous ne pouvons rien dire de bien
fis : nous savons seulement qu’il y a des
roi; s couverts de bourbe et de vase à
grande épaisseur, et sur lesquels les
'es n’ont point de tenue ; c’est probable-
Lt dans ces endroits que se dépose le
>n des fleuves : dans d’autres endroits ce
; des sables semblables aux sables que
s connoissons, et qui se trouvent de
le de différente couleur et de différente
seur, comme nos sables terrestres : dans
très ce sont des coquillages amoncelés ,
madrépores , des coraux et d’autres pro-
lions animales, lesquelles commencent à
ir, à prendre corps et à former des
res : dans d’autres ce sont des fragmens
pierre , des graviers et même souvent
pierres toutes formées , et des marbres;
exemple , dans les îles Maldives on ne
t qu’avec de la pierre dure que l’on tire
} les eaux à quelques brasses de profon-
r ; à Marseille on tire de très-beau mar-
du fond de la mer : j’en ai vu plusieurs
mtillons : et loin que la mer altère et
les pierres et les marbres , nous prou-
ms , dans notre discours sur les miné-
t , que c’est dans la mer qu’ils se for-
t et qu’ils se conservent , au lieu que le
ace suivant est occupé par une autre , comme
e remarque à l’égard des coquilles fossiles ,
une grande partie de l’Europe, et peut-être
tut. Ce sont même ces remarques sur l’inté-
' de la terre, et des lieux où la mer découvre
coup, où l’on voit toujours une espèce dominer
xe par cantons, qui nous ont mis à portée-de
lure sur la prodigieuse quantité des individus,
r l'épaisseur des bancs du fond de la mer,
nous ne pouvons guère connoître par la sonde
la superficie.
[je fond accidentel ou particulier.... est com-
i d’une quantité prodigieuse de pointes d’our-
f de toute espèce , que les marins nomment
es d’alènes ; de fragmens de coquilles , quel-
)is pourries; de crustacés, de madrépores, de
tes marines , de pyrites , de granités arrondis
e frottement, de particules de nacre, de mica,
être même de talc, auxquels ils donnent des
s conformes à l’apparence ; quelques coquilles
res , mais en petite quantité, et comme semées
| des étendues médiocres; de petits cailloux ,
bues cristaux , des sables colorés , un léger
n, etc. Tous ces corps, disséminés par les
ans , l’agitation de la mer, etc. , provenant en
e des fleuves , des éboulemens de falaises , et
:s causes accidentelles, ne recouvrent souvent
tparfaitement le fond général, qui se repré-
ï à chaque instant , quand on sonde fréquem-
: dans les mêmes parages.... J’ai remarqué que
s près d’un siècle une grande partie des fonds
aux du golfe de Gascogne et de la Manche n’ont
uc pas changé; ce qui fonde encore mon opi-
sur les deux fonds. » (Add. Buff)
DU FOND DE LÀ MER. 207
soleil , la terre , l’air et l’eau des pluies les
corrompent et les détruisent.
Nous ne pouvons donc pas douter que le
fond de la mer ne soit composé comme la
terre que nous habitons , puisqu’ en effet on
y trouve les mêmes matières , et qu’on tire
de la surface du fond de la mer les mêmes
choses que nous tirons de la surface de la
terre ; et de même qu’on trouve au fond de
la mer de vastes endroits couverts de co-
quillages , de madrépores et d’autres ou-
vrages des insectes de la mer, on trouve
aussi sur la terre une infinité de carrières
et de bancs de craie et d’autres matières
remplies de ces mêmes coquillages , de ces
madrépores , etc. , en sorte qu’à tous égards
les parties découvertes du globe ressemblent
à celles qui sont couvertes par les eaux ,
soit pour la composition et pour le mélange
des matières , soit par les inégalités de la
superficie.
C’est à ces inégalités du fond de la mer
qu’on doit atlribuer l’origine des courans;
car on sent bien que si le fond de l’Océan
étoit égal et de niveau , il n’y auroit dans la
mer d’autre courant que le mouvement gé-
néral d’orient en occident et quelques autres
mouvemens qui auroient pour cause l’action
des venîs et qui en suivroienl la direction :
mais une preuve certaine que la plupart des
courans sont produits par le flux et le re-
flux et dirigés par les inégalités du fond de
la mer, c’est qu’ils suivent régulièrement les
marées et qu’ils changent de direction à
chaque flux et à chaque reflux. Voyez sur
cet article ce que dit Pietro délia Valle, au
sujet des courans du golfe de Carnbaie , et
le rapport de tous les navigateurs , qui as-
surent unanimement que dans les endroits
où le flux et le reflux de la mer est le plus
violent et le plus impétueux, les courans y
sont aussi plus rapides.
Ainsi on ne peut pas douter que le flux
et le reflux ne produisent des courans dont
la direction suit toujours celle des collines
ou des montagnes opposées entre lesquelles
ils coulent. Les courans qui sont produits
par les vents suivent aussi la direction de
ces mêmes collines qui sont cachées sous
l’eau ; car ils ne sont presque jamais oppo-
sés directement au vent qui les produit ,
non plus que ceux qui ont le flux et le re-
flux pour cause, ne suivent pas pour cela la
même direction.
Pour donner une idée nette de la pro-
duction des courans , nous observerons d’a-
bord qu’il y en a dans toutes les mers ; que
les uns sont plus rapides et les autres plus
aoS THEORIE DE
lents; qu’il y en a de fort étendus tant en
longueur qu’en largeur, et d’autres qui sont
plus courts et plus étroits; que la même
cause , soit le vent , soit le flux et le reflux,
qui produit ces courans, leur donne à cha-
cun une vitesse et une direction souvent
très-différentes; qu’un vent de nord, par
exemple , qui devroit donner aux eaux un
mouvement général vers le sud , dans tonte
l’étendue de la mer où il exerce son action,
produit, au contraire, un grand nombre de
courans séparés les uns des autres et bien
différens en étendue et en direction : quel-
ques-uns vont droit au sud, d’autres au
sud-est, d’autres au sud-ouest; il y en a de
plus et moins forts, de plus et moins larges,
de plus et moins étendus , et cela dans une
variété de combinaisons si grande , qu’on ne
peut leur trouver rien de commun que la
cause qui les produit ; et lorsqu’un vent con-
traire succède, comme cela arrive souvent
dans toutes les mers et régulièrement dans
l’Océan Indien, tous ces courans prennent
une direction opposée à la première et sui-
vent en sens contraire les mêmes routes et
le même cours , en sorte que ceux qui al-
loient au sud vont au nord , ceux qui cou-
loient vers le sud-est vont au nord-ouest, etc. ;
et ils ont la même étendue en longueur et en
largeur, la même vitesse , etc. ; et leur cours
au milieu des autres eaux de la mer se fait
précisément de la même façon qu’il se feroit
sur la terre entre deux rivages opposés et
voisins , comme on le voit aux Maldives et
entre toutes les îles de la mer des Indes, où
les courans vont, comme les vents, pendant
six mois dans une direction et pendant six
autres mois dans la direction opposée. On
a fait la même remarque sur les courans qui
sont entre les bancs de sable et entre les
hauts-fonds ; et en général tous les courans,
soit qu’ils aient pour cause le mouvement
du flux et du reflux, ou l’action des vents,
ont chacun constamment la même étendue,
la même largeur et la même direction dans
tout leur cours, et ils sont très-différens les
uns des autres en longueur, en largeur, en
rapidité et en direction ; ce qui ne peut ve-
nir que des inégalités des collines, des mon-
tagnes et des vallées , qui sont au fond de la
mer, comme l’on voit qu’entre deux îles le
courant suit la direction des côtes aussi bien
qu’entre les bancs de sable, les écueils et les
hauts-fonds. On doit donc regarder les col-
lines et les montagnes du fond de la mer
comme Jes bords qui contiennent et qui di-
rigent les courans, et dès lors un courant est
un fleuve, dont la largeur est déterminée
LA TERRE.
par celle de la vallée dans laquelle il cou] j
dont la rapidité dépend de la force qui jù
produit , combinée avec le plus ou le moi §
de largeur de l’intervalle par où il doit p;
ser, et enfin dont la direction est trac foi
par la position des collines et des inég ] lr
lités entre lesquelles il doit prendre s j «o
cours. «
Ceci étant entendu, nous allons dont (
une raison palpable de ce fait singulier de ni
nous avons parlé, de cette correspondar. ■ ,«
des angles des montagnes et des colline a,
qui se trouve partout, et qu’on peut c »
server dans tous les pays du monde. I é
voit, en jetant les yeux sur les ruisseat *
les rivières et toutes les eaux courantt aro
que les bords qui les contiennent fornu «
toujours des angles alternativement opj on
sés; de sorte que quand un fleuve fait m
coude, l’un des bords du fleuve forme d’ rrc
côté une avance ou un angle rentrant d; h,
les terres, et l’autre bord forme au cf int
traire une pointe ou un angle saillant lii en
des terres, et que dans toutes les sinuosi t J
de leur cours cette correspondance des 4 icoi
gles alternativement opposés se trouve te qui
jours : elle est, en effet, fondée sur les j spe
du mouvement des eaux et l’égalité de 1’ h
tion des fluides , et il nous seroit très-fa* mm
de démontrer la cause de cet effet ; mai; s 21
nous suffit ici qu’il soit général et uni! imj
sellement reconnu, et que tout le mor fo
puisse s’assurer par ses yeux que toutes de
fois que le bord d’une rivière fait une aval i je
dans les terres, que je suppose à main g; le
che , l’autre bord fait , au contraire , ii oit
avance hors des terres à main droite. ! use
Dès lors les courans de la mer, qu tse
doit regarder comme de grands fleuves ose
des eaux courantes , sujettes aux mêmes 1 le
que les fleuves de la terre, formeront. 01
même, dans l’étendue de leur cours, u ef
sieurs sinuosités, dont les avances et ; ea|
angles seront rentrans d’un côté et sailli ir 1
de l’autre côté ; et comme les bords de j si
courans sont les collines et les montagi -r.
qui se trouvent au dessous ou au dessus* lira
la surface des eaux, ils auront donné à risse
éminences cette même forme qu’on rem; n;
que aux bords des fleuves. Ainsi on ne dj 1er
pas s’étonner que nos collines et nos mi il!
tagnes, qui ont été autrefois couvertes < 011
eaux de la mer et qui ont été formées | p
le sédiment des eaux , aient pris par le mû a
veulent des courans cette figure régulièj ts
et que tou§ les angles en soient alternat^ il
ment opposés ; elles ont été les bords « r
courans ou des fleuves de la mer, elles û lu
ART XIII. INÉGALITÉS DU FOND DE LA MER.
209
ne nécessairement pris une figure et des
rections semblables à celles des bords des
uves de la terre ; et par conséquent toutes
1 fois que le bord à main gauche aura
rmé un angle rentrant, le bord à main
oite aura formé un angle saillant , comme
|us l’observons dans toutes les collines op-
sées.
Cela seul, indépendamment des autres
euves que nous avons données, suffiroit
ur faire voir que la terre de nos conti-
ns a été autrefois sous les eaux de la
et l’usage que je fais de cette obser-
tion de la correspondance des angles des
Intagnes, et la cause que j’en assigne, me
oissent être des sources de lumière et de
nonstration dans le sujet dont il est ques-
n : car ce n’étoit point assez d’avoir
mvé que les couches extérieures de la
re ont été formées par les sédimens de la
r, que les montagnes se sont élevées par
itassement successif de ces mêmes sédi-
11s, qu’elles sont composées de coquilles
d’autres productions marines; il ialloit
:ore rendre raison de cette régularité de
ire des collines dont les angles sont cor-
ondans et en trouver la vraie cause que
sonne jusqu’à présent n’avoil même soup-
née , et qui cependant, étant réunie avec
autres, forme un corps de preuves aussi
iplet qu’011 puisse en avoir en physique,
’ournit une théorie appuyée sur des faits
épendans de toute hypothèse, sur un
et qu’on n’avoit jamais tenté par cette
et sur lequel il paroissoit avoué qu’il
it permis et même nécessaire de s’aider
ne infinité de suppositions et d’hypo-
ses gratuites, pour pouvoir dire quelque
se de conséquent et de systématique,
bes principaux courans de l’Océan sont
x qu’on a observés dans la mer Atlanti-
> près de la Guinée; ils s’étendent depuis
:ap Vert jusqu’à la baie de Fernandopo :
■ mouvement est d’occident en orient, et
it contraire au mouvement général de la
•, qui se fait d’orient en occident. Ces
rans sont fort violens , en sorte que les
iseaux peuvent venir en deux jours de
ura à Rio de Bénin, c’est-à-dire faire
route de plus de cent cinquante lieues ;
1 leur faut six ou sept semaines pour y
iiirner; ils ne peuvent même sortir de
parages qu’en profitant des vents ora-
>£ qui s’élèvent tout à coup dans ces cli-
: mais il y a des saisons entières pen-
It lesquelles ils sont obligés de rester, la
|s If étant continuellement calme , à l’ ex-
ci lion du mouvement des courans , qui est
| Büffon. I
toujours dirigé vers les côtes dans cet en-
droit ; ces courans ne s’étendent guère qu’à
vingt lieues de distance des côtes. Auprès de
Sumatra il y a des courans rapides qui cou-
lent du midi vers le nord , et qui probable-
ment ont formé le golfe qui est entre
Malaye et l’Inde. On trouve des courans
semblables entre l’île de Java et la terre de
Magellan. U y a aussi de très-grands cou-
rans entre le cap de Bonne-Espérance et
l’île de Madagascar, et surtout sur la côte
d’Afrique, entre la terie de Natal et le cap.
Dans la mer Pacifique, sur les côtes du Pérou
et du reste de l’Amérique, la mer se meut
du midi au nord , et il y règne constamment
un vent de midi qui semble être la cause
de ces courans; on observe le même mou-
vement du midi au nord sur les côtes du
Brésil, depuis le cap Saint-Augustin jus-
qu’aux îles Antilles, à l’embouchure du dé-
troit des Manilles, aux Philippines, et au Ja-
pon dans le port de Kibuxia.
U y a des courans très-violens dans la mer
voisine des. îles Maldives; et entre ces îles
les courans coulent, comme je l’ai dit, con-
stamment pendant six mois d’orient en occi-
dent , et rétrogradent pendant les six autres
mois d’occident en orient ; ils suivent la
direction des vents moussons, et il est pro-
bable qu’ils sont produits par ces vents , qui ,
comme l’on sait, soufflent dans cette mer
six mois de l’est à l’ouest, et six mois en
sens contraire.
Au reste, nous ne faisons ici mention que
des courans dont l’étendue et la rapidité
sont fort considérables : car il y a dans
toutes les mers une infinité de courans que
les navigateurs ne reeonnoissent qu’en com-
parant la route qu’ils ont faite avec celle
qu’ils auroient dû faire, et ils sont souvent
obligés d’attribuer à l’action de ces courans
la dérive de leur vaisseau *. Le flux et le
1. O11 doit ajouter à l’énurnération des courans
de la mer le fameux courant de Moschœ , 3füsc/ie
ou Male, sur les côtes de Norwège, dont un savant
suédois nous a donné la description dans les termes
suivans :
« Ce courant , qui a pris son nom du rocher de
Moschensicle , situé entre les deux îles de Lofœde et
de Woerœn, s’étend à quatre milles vers le sud et
vers le .‘.ord.
« Il est extrêmement rapide , surtout entre le
rocher de Mosche et la pointe de Lofoede ; mais
plus il s’approche des deux îles de Woerosu et de
Roest , moins il a de rapidité. Il achève son cours
du nord au sud en six heures, puis du sud au nord
en autant de temps.
« Ce courant est si rapide , qu’il fait un grand
nombre de petits tournans, que les habitans du pays
ou les Norwégiens appellent gargamer.
« Son cours ne suit point celui des eaux de la
14
210
THEORIE DE LA TERRE.
reflux , les vents et toutes les autres causes
qui peuvent donner de l’agitation aux eaux
de la mer, doivent produire des courans
lesquels seront plus ou moins sensibles dan j ,,
mer dans leur flux et dans leur reflux : il y est
plutôt tout contraire. Lorsque les eaux de l'Océan
montent , elles vont du sud au nord , et alors le
courant va du nord au sud : lorsque la, mer se re-
tire, elle va du nord au sud, et pour lors le courant
va du sud au nord.
« Ce qu’il y a de plus remarquable , c’est que
tant en allant qu’en revenant, il ne décrit pas une
ligne droite , ainsi que les autres courans qu’on
trouve dans quelques détroits, où les eaux de la
mer montent et descendent , mais il va en ligne
circulaire.
« Quand les eaux de la mer ont monté à moitié,
celles du courant vont au sud-est. Plus la mer
s’élève , plus il se tourne vers le sud ; de là il se
tourne vers Je sud-ouest , et du sud-ouest vers
l’ouest.
ce Lorsque les eaux de la mer ont entièrement
monté, le courant va vers le nord-ouest, et ensuite
vers le nord: vers le milieu du reflux, il recom-
mence son cours, après l’avoir suspendu pendant
quelques momens....
«Le principal phénomène qu’on y observe, est
son retour par l’ouest du sud-sud est vers le nord,
ainsi que du nord vers le sud-est. S’il ne revenoit
pas par le même chemin, il seroit fort difficile et
presque impossible de passer de la pointe de Lo-
fœde aux deux grandes îles de Woerœn et de Roest.
Il y a cependant aujourd’hui deux paroisses qui
seroient nécessairement sans habitans , si le cou-
rant ne prenoit pas le chemin que je viens de dire;
mais , comme il le prend en effet, ceux qui veulent
passer de la pointe de Lofœde à ces deux îles ,
attendent que la mer ait monté à moitié, parce
qu’alors le courant se dirige vers l’ouest : lors-
qu’ils veulent revenir de ces îles vers la pointe de
Lofœde , ils attendent le mi-reflux , parce qu’aîors
le courant est dirigé vers le continent; ce qui fait
qu’on passe avec beaucoup de facilité... Or, il n’y
a point de courant sans pente; et ici l’eau monte
d’un côté et descend de l’autre.
« Pour se convaincre de cette vérité , il suffit de
considérer qu’il y a une petite langue de terre qui
s’étend à seize milles de Norwège dans la mer, de-
puis la pointe de Lofœde, qui est le plus à l’ouest,
jusqu’à celle de Lodtlinge, qui est la plus orien-
tale. Cette petite langue de terre est environnée
par la mer ; et soit pendant le flux , soit pendant
le reflux, lés eaux y sont toujours arrêtées, parce
qu’elles ne peuvent avoir d’issue que par six petits
détroits ou passages qui divisent cette langue de
terre en autant de parties. Quelques-uns de ces dé-
troits ne sont larges que d’un demi-quart de mille,
et quelquefois moitié moins; ils ne peuvent donc
contenir qu’une petite quantité d’eau. Ainsi , lors-
que la mer monte , les eaux qui vont vers le nord
s’arrêtent en grande partie au sud de cette langue
de terre : elles sont donc bien plus élevées vers le
sud que vers le nord. Lorsque la mer se retire et
va vers le sud, il arrive pareillement que les eaux
s’arrêtent en grande partie au nord de cette langue
de terre , et sont par conséquent bien plus hautes
vers le nord que vers le sud.
« Les eaux arrêtées de cette manière, tantôt au
nord , tantôt au sud , ne peuvent trouver d’issue
qu’entre la pointe de Lofœde et de l’île de Woerœn,
et qu’entre cette île et celle de Roest.
« La pente qu’elles ont lorsqu’elles descendent ,
çause la rapidité du courant; et par la même raison
cette rapidité est plus grande vers la pointe d
Lofœde que partout ailleurs. Comme cette poinl
est plus près de l’endroit où les eaux s’arrêtent, j
pente y est aussi plus forte; et plus les eaux d
courant s’étendent vers les îles de Woerœn et d
Roest, plus il perd de sa vitesse
« Après cela , il est aisé de concevoir pourqoi
ce courant est toujours diamétralement opposé’
celui des eaux de la mer. Rien ne s’oppose à celle!
ci, soit qu’elles montent, soit qu’elles descendenj
au lieu que celles qui sont arrêtées au dessus do I
pointe de Lofœde ne peuvent se mouvoir ni en ligj
droite, ni au dessus de cette même pointe , tai
que la mer n’est point descendue au. plus bas, j
n’a pas , en se retirant, emmené les eaux que celli
qui sont arrêtées au dessus de Lofœde doivent reij
placer.,..
« Au commencement du flux et du reflux , li
eaux de la mer ne peuvent pas détourner celles q
courant; mais lorsqu’elles ont monté ou descend
à moitié, elles ont assez de force pour changer !
direction. Comme il ne peut alors retourner va
l’est , parce que l’eau est toujours stable près de 1
pointe de Lofœde, ainsi que je l’ai déjà dit, il fa:
nécessairement qu’il aille vers l’ouest , où l’eau d
plus basse. » Cette explication me paroît bonne!
conforme aux vrais principes de la théorie des eau
courantes.
Nous devons encore ajouter ici la description « hj0
fameux courant de Charybde et Scylla , près dej i
Sicile , sur lequel M. Brydone a fait nouvelleme»
des observations qui semblent prouver que sa ra»
dite et la violence de tous ses mouvemens est foi
diminuée.
« Le fameux rocher de Scylla est sur la côte I
cile, et J
la Calabre, le cap Pelore sur celle de Sic
célèbre détroit du Phare court entre les deux. L’ti
entend, à quelques milles de distance de l’entffl
du détroit , le mugissement du courant ; il aug
mente à mesure qu’on s’approche, et, en plusieui
endroits , l’eau forme de grands tournans , loi
même que tout le reste de la mer est uni coma
une glace. Les vaisseaux sont attirés par ces toJilüc
nans d’eaux ; cependant on court peu de dangi
uni
quand le temps est calme : mais si les vagues re#
contrent ces tournans violens, elles forment un
mer terrible. Le courant porte directement vers!
rocher de Scylla : il est à environ un mille de l’e|. cc
trée du Phare. Il faut convenir que réellement)!
fameux Scylla n’approche pas de la descriptif
formidable qu’Homère en a faite; le passage nr
pas aussi prodigieusement étroit ni aussi diffii
qu’il le représente : il est probable que depuis
temps il s’est fort élargi, et que la violence
courant a diminué en même proportion. Le roà
a près de deux cents pieds d’élévation ; on y troi
plusieurs cavernes et une espèce de fort bat
sommet. Le fanal est à présent sur le cap Peloi
I,’entrée du détroit entre ce cap et la Coda di Volj
en Calabre, paroît avoir à peine un mille de laf
geur ; son canal s’élargit , et il a quatre milles d r
près de Messine, qui est éloignée de douze mifl
de l’entree du détroit. Le célèbre gouffre ou tour
liant de Charybde est près de l’entrée du havre| #r
Messine : il occasionne souvent dans l’eau un mon
[°’il
vement si irrégulier, que les vaisseaux ont beau | !
coup de peine à y entrer. Aristote fait une longtt §/'
mère, Lucrèce, Virgile et plusieurs autres pot»»'
rART. XIII. INÉGALITÉS
différens endroits. Nous avons vu que le
îd de la mer est, comme la surface de la
re , hérissé de montagnes , semé d’inéga-
3S , et coupé par des bancs de sable : dans
is ces endroits monlueux et entrecoupés,
courans seront violens ; dans les lieux
ts où le fond de la mer se trouvera de
eau, ils seront presque insensibles : la
lidité du courant augmentera à propor-
i des obstacles que les eaux trouveront ,
plutôt du rétrécissement des espaces par
piels elles tendent à passer. Entre deux
înes de montagnes qui seront dans la
r, il se formera nécessairement un cou-
t qui sera d’autant plus violent que ces
ix montagnes seront plus voisines ; il en
i de même entre deux bancs de sable ou
re deux îles voisines : aussi remarque-t- on
s l’océan Indien, qui est entrecoupé
1e infinité d’îles et de bancs , qu’il y a
tout des courans très-rapides qui rendent
îavigation de cette mer fort périlleuse ;
courans ont en général des directions
blables à celles des vents , ou du flux et
reflux qui les produisent.
Ion seulement toutes les inégalités du
1 de la mer doivent former des courans,
s les côtes mêmes doivent faire un effet
larlie semblable. Toutes les côtes font
uler les eaux à des distances plus ou
ns considérables : ce refoulement des
t est une espèce de courant que les
instances peuvent rendre continuel et
;nt ; la position oblique d’une côte , le
inage d’un golfe ou de quelque grand
re , un promontoire , en un mot , tout
acle particulier qui s’oppose au mouvé-
t général, produira toujours un cou-
: or , comme rien n’est plus irrégulier
le fond et les bords de la mer, on doit
: cesser d’être surpris du grand nombre
décrit comme un objet qui inspiroit la plus
le terreur. Il n’est certainement pas si formi-
aujourd’hui , et il est très-probable que le
ement des eaux depuis ce temps a émoussé
ointes escarpées des rochers , et détruit les
clés qui resserroient les flots. Le détroit s’est
. considérablement dans cet endroit. Les vais-
sont néanmoins obligés de ranger la côte de
re de très-près , afin d’éviter l’attraction vio-
occasionée par le tournoiement des eaux ; et
l’ils sont arrivés à la partie la plus étroite et
as rapide du détroit , entre le cap Pelore et
i , ils sont en grand danger d’être jetés directe-
contre ce rocher. De là vient le proverbe ,
cidit in Scyllam cupiens vitare Churybdin,
placé un autre fanal pour avertir les marins
approchent de Charybde, comme le fanal
p Pelore les avertit qu’ils approchent de
ij. » {Add.
DÛ FOND DE LA MER. an
de courans qu’on y trouve presque partout.
Au reste, tous ces courans ont une lar-
geur déterminée et qui ne varie point : cette
largeur du courant dépend de celle de l’in-
tervalle qui est entre les deux éminences
qui lui servent de lit. Les courans coulent
dans la mer comme les fleuves coulent sur
la lerre , et ils y produisent des effets sem-
blables ; ils forment leur lit ; ils donnent
aux éminences entre lesquelles ils coulent
une figure régulière , et dont les angles
sont correspondais : ce sont , en un mot ,
ces courans qui ont creusé nos vallées ,
figuré nos montagnes , et donné à la surface
de notre terre, lorsqu’elle étoit sous l’eau
de la mer , la forme qu’elle conserve encore
aujourd’hui.
Si quelqu’un douloit de cette correspon-
dance des angles de montagnes, j’oserois
en appeler aux yeux de tous les hommes ,
surtout lorsqu’ils auront lu ce qui vient
d’être dit : je demande seulement qu’on
examine, en voyageant, la position des
collines oppbsées, et les avances qu’elles
font dans les vallons ; on se convaincra par
ses yeux que le vallon étoit le lit, et les
collines les bords des courans ; car les côtés
opposés des collines se correspondent exac-
tement , comme les deux bords d’un fleuve.
Dès que les collines à droite du vallon font
une avance , les collines à gauche du vallon
font une gorge. Ces collines ont aussi , à
très-peu près , la même élévation ; et il est
très-rare de voir une très-grande inégalité
de hauteur dans deux collines opposées , et
séparées par un vallon : je puis assurer que
plus j’ai regardé les contours et les hauteurs
des collines , plus j’ai été convaincu de la
correspondance des angles, et de cette res-
semblance qu’elles ont avec les lits et les
bords des rivières ; et c’est par des obser-
vations réitérées sur cette régularité surpre-
nante et sur cette ressemblance frappante,
que mes premières idées sur la théorie de
la terre me sont venues. Qu’on ajoute à
cette observation celle des couches parallèles
et horizontales , et celle des coquillages ré-
pandus dans toute la terre et incorporés
dans toutes les différentes matières , et on
verra s’il peut y avoir plus de probabilité
dans un sujet de cette espèce.
ARTICLE XXV.
Des vents réglés.
Rien ne paroît plus irrégulier et plus
variable que la force et la direction des
vents dans nos climats ; mais il y a des pays
i4.
212
THÉORIE DE LA TERB.E.
où cette irrégularité n’est pas si grande,
et d’autres où le vent souffle constamment
dans la même direction , et presque avec la
même force.
Quoique les mouvemens de l’air dépen-
dent d’un grand nombre de causes , il y en
a cependant de principales dont on peut
estimer les effets ; mais il est difficile de
juger des modifications que d’autres causes
secondaires peuvent y apporter. La plus
puissante de toutes ces causes est la chaleur
du soleil, laquelle produit successivement
une raréfaction considérable dans les diffé-
rentes parties de l’atmosphère , ce qui fait
le vent d’est , qui souffle constamment en-
tre les tropiques, où la raréfaction est la
plus grande.
La force d’attraction du soleil , et même
celle de la lune , sur l’atmosphère , sont des
causes dont l’effet est insensible en com-
paraison de celles dont nous venons de
parler. Il est vrai que cette force produit
dans l’air un mouvement semblable à celui
du flux et du reflux dans la mer : mais ce
mouvement n’est rien en comparaison des
agitations de l’air qui sont produites par la
raréfaction ; car il ne faut pas croire cpie
d’air, parce qu’il a du ressort et qu’il est
huit cents fois plus léger que l’eau , doive
recevoir par l’action de la lune un mouve-
ment de flux fort considérable. Pour peu
qu’on y réfléchisse , on verra que ce mou-
vement n’est guère plus considérable que
celui du flux et du reflux des eaux de la
mer ; car la distance à la lune étant suppo-
sée la même , une mer d’eau ou d’air , ou
de telle autre matière fluide qu’on voudroit
imaginer, aura à peu près le même mou-
vement , parce que la force qui produit ce
mouvement pénètre la matière, et est pro-
portionnelle à sa quantité. Ainsi une mer
d’eau, d’air ou de vif-argent, s’élèveroit à
peu près à la même hauteur par l’action
du soleil et de la lune ; et dès lors on voit
que le mouvement que l’attraction des as-
tres peut causer dans l’atmosphère , n’est
pas assez considérable pour produire une
grande agitation 1 ; et quoiqu’elle doive
causer un léger mouvement de l’air d’orient
en occident , ce mouvement est tout-à-fait
insensible en comparaison de celui que la
chaleur du soleil doit produire en raréfiant
l’air ; et comme la raréfaction sera toujours
plus grande dans les endroits où le soleil
i. L’effet de cette cause a été déterminé géomé-
triquement dans différentes hypothèses , et calculé
par M. d’Alembert. Voyez Réflexions sur la cause
generale des vents.
est au zénith , il est clair que le court \
d’air doit suivre le soleil et former un vt
constant et général d’orient en occidei
Ce vent souffle continuellement sur la n
dans la zone torride , et dans la plup. |
des endroits de la terre entre les tropiqut
c’est le même vent que nous sentons
lever du soleil ; et en général les ve; j
d’est sont bien plus fréquens et bien p j
impétueux que les vents d’ouest ce v<
général d’orient en occident s’étend mêi,
au delà des tropiques', et il souffle si c(
stamment dans la mer Pacifique , que
navires qui vont d’Acapulco aux Philip ;
nés font cette route , qui est de plus
deux mille sept cents lieues , sans auc
risque, et, pour ainsi dire, sans avoir 1 j’j
soin d’être dirigés. Il en est de même M
la mer Atlantique entre l’Afrique et le B
sil ; ce vent général y souffle constamme t re
Il se fait sentir aussi entre les Philippiri «j
et l’Afrique , mais d’une manière me
constante , à cause des îles et des diffère a
obstacles qu’on rencontre dans cette me pu
car il souffle pendant les mois de janvier
février , mars , et avril , entre la côte w
Mozambique et l’Inde ; mais pendant )K
autres mois il cède à d’auires vents ; ; je
quoique ce vent d’est soit moins sensii a
sur les côtes qu’en pleine mer, et enc( j
moins dans le milieu des continens que s L
les côtes de la mer , cependant il y a t L
lieux où il souffle presque continuellemei L
comme sur les côtes orientales du Brévia
sur les côtes de Loango en Afrique , etc [j]
Ce vent d’est, qui souffle continuelleme jj
sous la ligne , fait que lorsqu’on part d’I $
rope pour aller en Amérique , on dirige f i
cours du vaisseau du nord au sud dans i0j
direction des côtes d’Espagne et d’Afriq n
jusqu’à 20 degrés en deçà de la ligne , |î(]
l’on trouve ce vent d’est qui vous porte t |||
rectement sur les côtes d’Amérique ; et ei
même dans la mer Pacifique l’on fait «
deux mois le voyage de Callao ou d’A< ié(
pulco aux Philippines à la faveur de ce ve L
d’est , qui est continuel ; mais le retour d ; 81
Philippines à Acapulco est plus long et p!
difficile. A 28 ou 3o degrés de ce côté , .
delà ligne, on trouve des vents d’ou< j |;i
assez constans ; et c’est pour cela que ]:j f]
vaisseaux qui reviennent des Indes occide j |
taies en Europe ne prennent pas la mêjj j f,
route pour aller et pour revenir : ceux c| j jt
viennent de la Nouvelle-Espagne font vo; ;;
le long des côtes et vers le nord jusqu’à tf
qu’ils arrivent à la Havane dans l’île 1 j J
Cuba • et de là ils gagnent du côté du no
ART. XIV. VENTS RÈGLES. ai3
ur trouver les vents d’ouest , qui les amè-
nt aux Açores et ensuite en Espagne.
; même dans la mer du Sud ceux qui re-
muent des Philippines ou de la Chine
Pérou ou au Mexique , gagnent le nord
;qu’à la hauteur du Japon, et naviguent
us ce parallèle jusqu’à une certaine dis-
ace de Californie, d’où, en suivant la
te de la Nouvelle-Espagne , ils arrivent à
;apulco. Au reste, ces vents d’est ne
Lifllent pas toujours du même point ; mais
général ils sont au sud-est depuis le
ais d’avril jusqu’au mois de novembre , et
sont au nord-est depuis novembre jus-
’en avril.
Le vent d’est contribue par son action à
gmenter le mouvement général de la mer
□rient en occident : il produit aussi des
urans qui sont cons tans et qui ont leur
Irection , les uns de l’est à l’ouest , les au-
îs de l’est au sud-ouest ou au nord-ouest,
ivant la direction des éminences et des
laines de montagnes qui sont au fond de
mer, dont les vallées ou des intervalles
ii les séparent servent de canaux à ces
urans. De même les vents alternatifs qui
ufflent tantôt de l’est, et tantôt de l’ouest,
oduisent aussi des courans qui changent
i direction en même temps que ces vents
i changent aussi.
Les vents qui soufflent constamment pen-
int quelques mois sont ordinairement sui-
s de vents contraires , et les navigateurs
nt obligés d’attendre celui qui leur est
vorable ; lorsque ces vents viennent à
langer, il y a plusieurs jours et quelque-
is un mois ou deux de calme ou de tern-
îtes dangereuses.
Ces vents généraux causés par la raréfac-
dii de l’atmosphère se combinent diffé-
mment par différentes causes dans diffé-
ns climats. Dans la partie de la mer
tlantique qui est sous la zone tempérée,
vent du nord souffle presque constamment
rndant les mois d’octobre , novembre ,
Dcembre et janvier : c’est pour cela que
ïs mois sont les plus favorables pour s’em-
arquer lorsqu’on veut aller de l’Europe aux
ides , afin de passer la ligne à la faveur de
îs vents ; et l’on sait par expérience que
s vaisseaux qui partent au mois de mars
Europe n’arrivent quelquefois pas plus
»t au Brésil que ceux qui partent au mois
octobre suivant. Le vent du nord règne
jresque continuellement pendant l’hiver
jans la Nouvelle-Zemble et dans les autres
Dtes septentrionales. Le vent du midi souf-
e pendant le mois de juillet au cap Vert :
c’est alors le temps des pluies, ou î’hiver
de ces climats. Au cap de Bonne-Espérance
le vent de nord-ouest souffle pendant le mois
de septembre. A Patna dans l’Inde, ce
même vent de nord-ouest souffle pendant
les mois de novembre , décembre et jan-
vier , et il produit de grandes pluies ; mais
les vents d’est soufflent pendant les neuf
autres mois. Dans l’océan Indien , entre
l’Afrique et l’Inde, et jusqu’aux îles Mo-
luques , les vents moussons régnent d’orient
en occident depuis janvier jusqu’au com-
mencement de juin , et les vents d’occident
commencent aux mois d’août et de septem-
bre , et pendant l’intervalle de juin et de
juillet il y a de très-grandes tempêtes, or-
dinairement par des vents du nord : mais
sur les côtes ces vents varient davantage
qu’en pleine mer.
Dans le royaume de Guzarate et sur les
côtes de la mer voisine , les vents de nord
soufflent depuis le mois de mars jusqu’au
mois de septembre , et pendant les autres
mois de l’année il règne presque toujours
desvents.de midi. Les Hollandois, pour
revenir de Java, partent ordinairement aux
mois de janvier et de février par un vent
d’est qui se fait sentir jusqu’à 18 degrés de
latitude ausirale, et ensuite ils trouvent des
vents de midi qui les portent jusqu’à Sainte-
Hélène.
Il y a des vents réglés qui sont produits
par la fonte des neiges ; les anciens Grecs
les ont observés. Pendant l’été les vents
de nord-ouest , et pendant l’hiver ceux de
sud-est , se font sentir en Grèce , dans la
Thrace , dans la Macédoine , dans la mer
Égée, et jusqu’en Égypte et en Afrique;
en remarque des vents de môme espèce
dans le Congo , à Guzarate , à l’extrémité
de l’Afrique, qui sont tous produits par la
fonte des neiges. Le flux et le reflux de
la mer produisent aussi des vents réglés qui
ne durent que quelques heures, et dans
plusieurs endroits on remarque des vents
qui viennent de terre pendant la nuit, et
de la mer pendant le jour, comme sur les
côtes de la nouvelle-Espagne , sur celles de
Congo , à la Havane, etc.
Les vents de nord sont assez réglés dans
les climats des cercles polaires : mais plus
on appi’oche de l’équateur , plus ces vents
de nord sont foibles ; ce qui est commun
aux deux pôles.
Dans l’océan Atlantique et l’Éthiopique
il y a un vent d’est général entre les tropi-
ques , qui dure toute l’année sans aucune
variation considérable, à l’exception de
THÉORIE DE LA TERRE.
214
quelques petits endroits où il change sui-
Vact les circonstances et la position des cô-
tes. i° Auprès de la côte d’Afrique , aussi-
tôt que vous avez passé les îles Canaries,
vous êtes sûr de trouver un vent frais de
nord-est à environ 28 degrés de latitude
nord : ce vent passe rarement de nord-est
ou de nord-nord-est , et il vous accompagne
jusqu’à 10 degrés latitude nord , à environ
cent lieues de la côte de Guinée , où l’on
trouve au 4e degré latitude nord les calmes
et tornados ; 20 ceux qui vont aux îles Ca-
ribes trouvent , en approchant de l’Améri-
que , que ce même vent de nord-est tourne
de plus en plus à l’est, à mesure qu’on
approche davantage; 3° les limites de ces
vents variables dans cet océan sont plus
grandes sur les côtes d’Amérique que sur
celles d’Afrique. Il y a dans cet océan un
endroit où les vents de sud et de sud-ouest
sont continuels , savoir , tout le long de la
côte de Guinée dans un espace d’environ
cinq cents lieues , depuis Sierra-Leona jus-
qu’à l’île de Saint-Thomas. L’endroit le plus
étroit de celte mer est depuis la Guinée
jusqu’au Brésil, où il n’y a qu’ environ cinq
cents lieues : cependant les vaisseaux qui
partent de la Guinée ne dirigent pas leur
cours droit au Brésil ; mais ils descendent
du côté du sud, suriout lorsqu’ils partent
aux mois de juillet et d’août , à cause des
venls de sud-est qui régnent dans ce temps.
Dans la mer Méditerranée le vent souffle
de la terre vers la mer , au coucher du so-
leil; et au conlraire de la mer vers la terre
au lever; en sorte que le matin c’est un
vent du levant , et le soir un vent du cou-
chant. Le vent du midi , qui est pluvieux,
et qui souffle ordinairement à Paris , en
Bourgogne et en Champagne , au com-
mencement de novembre , et qui cède à
une bise douce et tempérée , produit le
beau temps qu’on appelle vulgairement
l’été de la Saint-Martin.
Le docteur Lister , d’ailleurs bon ob-
servateur , prétend que le vent d’est gé-
néral qui se fait sentir entre les tropi-
ques pendant toute l’année , n’est produit
que par la respiration de la plante appe-
lée lentille de mer , qui est extrêmement
abondante dans ces climats, et que la
différence des vents sur la terre ne vient
que de la différente disposition des arbres
et des forêts ; et il donne très-sérieuse-
ment cette ridicule imaginaiion pour cause
des vents, en disant qu’à 1 heure de midi
le vent est plus fort parce que les plan-
tes ont plus chaud et respirent l’air plus
souvent, et qu’il souffle d’orient en occi- [
dent , parce que toutes les plantes font i
un peu le tournesol, et respirent toujours
du côté du soleil.
D’aulres auteurs, dont les vues étaient
plus saines, ont donné pour cause de ce
vent constant le mouvement de la terre !
sur sou axe : mais cette opinion n’est qui ]
spécieuse, et il est facile de faire com-
prendre aux gens même les moins initiés
en mécanique , que tout fluide qui en-
vironneroit la terre ne pourrait avoir ata 1
cun mouvement particulier en vertu de
la rotation du globe , que l’atmosphère
ne peut avoir d’autre mouvement qui
celui de cette même rotation , et que tout
tournant ensemble et à la fois , ce mou-
vement de rotation est aussi insensible
dans l’atmosphère qu’il l’est à la surface
de la terre.
La principale /cause de ce mouvement
constant est, comme nous l’avons dit, la
chaleur du soleil ; on peut voir sur cela
la traité de Halley dans les Transactiojmi
philosophiques ; et en général toutes les
causes qui produiront dans l’air une raré-j
faction ou une condensation considérable!
produiront des vents dont les directions se-!
ront toujours directes ou opposées aux lieux
où sera la plus grande raréfaction ou la plus
grande condensation.
La pression des nuages, les exhalaisons
de la terre, l’inflammation des météores ,
la résolution des vapeurs en pluie, etc. 3 ,
sont aussi des causes qui toutes produisent
des agitations considérables dans l’atmo-
sphère ; chacune de ces causes se combinant
de différentes façons, produit des effets dif-
férent : il me paroît donc qu’on tenteroit
vainement de donner une théorie des vents,
et qu’il faut se borner à travailler à en faire
l’histoire : c’est dans cette vue que j’ai ras-
semblé des faits qui pourront y servir.
Si nous avions une suite d’observations
sur la direction , la force et la variation
des vents, dans les différens climats; si
cette suite d’observations étoit exacte et
assez étendue pour qu’011 put voir d’un coup
d’œil le résultat de ces vicissitudes de l’air
dans chaque pays , je ne doute pas qu’on
n’arrivât à ce degré de connoissance dont
nous sommes encore si fort éloignés, à une
méthode par laquelle nous pourrions prévoir
et prédire les différens états du ciel et la
différence des saisons : mais il n’y a pas assez
long-temps qu’on fait des observations mé-
téorologiques , il y en a beaucoup moins
qu’on les fait avec soin , et il s’en écoulera
ART. XIV, VENTS REGLES. ai 5
eut-être beaucoup avant qu’on sache en
nployer les résultals, qui sont cependant les
:uls moyens que nous ayons pour arriver
quelque connoissance positive sur ce sujet.
Sur la mer les venis sont plus réguliers
îe sur la terre, parce que la mer est un
pace libre , et dans lequel rien ne s’oppose
la direction du vent ; sur la terre , au con-
aire, les montagnes, les forêts, les villes,
c., forment des obstacles qui font changer
direction des vents, et qui souvent pro-
lisent des vents contraires aux premiers.
>s vents réfléchis par les montagnes se font
uvent sentir dans toutes les provinces qui
sont voisines , avec une impétuosité sou-
nt aussi grande que celle du vent direct
i les produit ; ils sont aussi très-irréguliers,
rce que leur direction dépend du contour,
la hauteur et de la situation des monta-
es qui les réfléchissent. Les vents de mer
ufflent avec plus de force et plus de con-
mité que les vents de terre; ils sont aussi
aucoup moins variables et durent plus
îg-temps. Dans les vents de terre , quelque
ilèns qu’ils soient, il y a des momens de
nission et quelquefois desinstans de repos;
ns ceux de mer , le courant d’air est cons-
ît et continuel sans aucune interruption :
différence de ces effets dépend de la cause
e nous venons d’indiquer.
En général , sur la mer, les vents d’est et
ix qui viennent des pôles sont plus forts
e les vents d’ouest et que ceux qui vien-
nt de l’équateur ; dans les terres , au con-
ir e , les vents d’ouest et de sud sont plus
moins violens que les vents d’est et de
rd, suivant la situation des climats. Au
intemps et en automne les vents sont
îs violens qu’en été ou en hiver , tant sur
:r que sur terre; on peut en donner plu-
urs raisons : i° le printemps et l’automne
ît les saisons des plus grandes marées, et
i* conséquent les vents que ces marées
>duisent, sont plus violens dans ces deux
sons; 2° le mouvement que l’action du
eil et de la lune produit dans l’air , c’esl-
lire le flux et le reflux de l’atmosphère ,
aussi plus grand dans la saison des équi-
pes ; 3° la fonte des neiges au printemps ,
la résolution des vapeurs que le soleil a
vées pendant l’été, qui retombent en
iies abondantes pendant l’automne, pro-
isent ou du moins augmentent les vents;
le passage du chaud au froid, ou du froid
i chaud, ne peut se faire sans augmenter
diminuer considérablement le volume de
r, ce qui seul doit produire de très-grands
îts.
On remarque souvent dans l’air des cou-
rans contraires : on voit des nuages qui se
meuvent dans une direction, et d’autres
nuages plus élevés ou plus bas que les pre-
miers qui se meuvent dans une direction
contraire ; mais cette contrariété de mouve-
ment ne dure pas long-temps, et n’est ordi-
nairement produite que par la résistance de
quelque nuage à l’action du vent, et par la
répulsion du vent direct qui règne seul dès
que l’obstacle est dissipé.
Les vents sont plus violens dans les lieux
élevés que dans les plaines ; et plus on monte
dans les hautes montagnes, plus la force du
vent augmente jusqu’à ce qu’on soit arrivé
à la hauteur ordinaire des nuages, c’est-à-dire
à environ un quart ou un tiers de lieue de
hauteur perpendiculaire : au delà de cette
hauteur le ciel est ordinairement serein, au
moins pendant l’été, et le vent dimintie; on
prétend même qu’il est tout-à-fait insensible
au sommet des plus hautes montagnes : ce*
pendant la plupart de ces sommets , et même
les plus élevés , étant couverts de glace et de
neige, il est naturel de penser que cette ré-
gion de l’air est agitée par les vents dans le
temps de la chute de ces neigesg ainsi ce ne
peut être que pendant l’été que les vents ne
s’y font pas sentir. Ne pourroit-on pas dire
qu’en été les vapeurs légères qui s’élèvent au
sommet de ces montagnes retombent en
rosée, au lieu qu’en hiver elles se condensent,
se gèlent et retombent en neige ou en glace,
ce qui peut produire en hiver des vents au
dessus de ces montagnes, quoiqu’il n’y en ait
point en été?
Un courant d’air augmente de vitesse
comme un courant d’eau , lorsque l’espace
de son passage se rétrécit : le même vent
qui ne se fait sentir que médiocrement dans
une plaine large et découverte, devient vio-
lent en passant par une gorge de montagne,
ou seulement entre deux bàtimens élevés ,
et le point de la plus violente action du
vent est au dessus de ces mêmes bàtimens ,
ou de la gorge de la montagne; l’air étant
comprimé par la résistance de ces obstacles,
a plus de masse, plus de densité; et la même
vitesse subsistant, l’effort ou le coup du vent,
le momentum, en devient beaucoup plus fort.
C'est ce qui fait qu’au près d’une église ou
d’une tour les vents semblent être beaucoup
plus violens qu’ils ne le sont à une certaine
distance de ces édifices. J’ai souvent remarqué
que le vent réfléchi par un bâtiment isolé
ne laissoit pas d’être bien plus violent que
le vent direct qui produisoit ce vent réfléchi ;
et lorsque j’en ai cherché la raison , je n’en
THEORIE DE LA TERRE.
216
ai pas trouvé d’autre que celle que je viens
de rapporter : l’air chassé se comprime con-
tre le bâtiment et se réfléchit non seulement
avec la vitesse qu’il avoit auparavant, mais
encore avec plus de masse : ce qui rend en
effet son action beaucoup plus violente T.
A ne considérer que la densité de l’air,
qui est plus grande à la surface de la terre
que dans tout autre point de l’atmosphère ,
on seroit porté à croire que la plus grande
action du vent devroit être aussi à la surface
de la terre, et je crois que cela est en effet
ainsi toutes les fois que le ciel est serein :
mais lorsqu’il est chargé de nuages, la plus
violente action du vent est à la hauteur de
ces nuages, qui sont plus denses que l’air,
puisqu’ils tombent en forme de pluie ou de
grêle. O11 doit donc dire que la force du
vent doit s’estimer non seulement par sa vi-
tesse, mais aussi par la densité de l’air, de
quelque cause que puisse provenir cette den-
sité, et qu’il doit arriver souvent qu’un vent
qui n’aura pas plus de vitesse qu’un autre
vent, ne laissera pas de renverser des arbres
et des édifices , uniquement parce que l’air
poussé par ce vent sera plus dense. Ceci
fait voir l’imperfection des machines qu’on
a imaginées pour mesurer la vitesse du vent.
Les vents particuliers , soit qu’ils soient
directs ou réfléchis, sont plus violens que
1. Je dois rapporter ici une observation qui me
paroît avoir échappé à l’attention des physiciens ,
quoique tout te monde soit en état de la vérifier;
c’est que le vent réfléchi est plus violent que le
vent direct, et d’autant plus qu’on est plus près de
l’obstacle qui le renvoie. J’en ai fait nombre de
fois l’expérience , en approchant d’une tour qui a
près de cent pieds de hauteur, et qui se trouve
située au nord, à l’extrémité de mon jardin, à
Montbard : lorsqu’il souffle un grand vent du midi,
on se sent fortement poussé jusqu’à trente pas de
la tour; après quoi il y a un intervalle de cinq ou
six pas où l’on cesse d’être poussé , et où le vent ,
qui est réfléchi parla tour, fait, pour ainsi dire,
équilibre avec le vent direct: après cela, plus on
approche de la tour, et plus le vent qui en est ré-
fléchi est violent; il vous repousse en arrière avec
beaucoup plus de force que le vent direct 11e vous
poussoit en avant. La cause de cet effet, qui est
général , et dont on peut faire l’épreuve contre
tous les grands bàtimens , contre les collines cou-
pées à plomb , etc. , n’est pas difficile à trouver.
L’air dans le vent direct n’agit que par sa vitesse
et sa masse ordinaire; dans le vent réfléchi, la vi-
tesse est un peu diminuée, mais la masse est consi-
dérablement augmentée par la compression que
l’air souffre contre l’obstacle qui le réfléchit ; et
comme la quantité de tout mouvement est com-
posée de la vitesse multipliée par la masse, cette
quantité est bien plus grande après la compression
qu’auparavant. C’est une masse d’air ordinaire qui
vous pousse dans le premier cas , et c’est une masse
d’air une ou deux fois plus dense qui vous repousse
dans le second cas. (Add. Bu//.')
les vents généraux. L’action interrompue de<
vents de terre dépend de cette compressior
de l’air , qui rend chaque bouffée beaucouf
plus violente qu’elle ne le seroit si le ven!
souffloit uniformément; quelque fort qut
soit un vent continu, il ne causera jamais
les désastres que produit la fureur de ce;
vents qui soufflent, pour ainsi dire, par ac
cès : nous en donnerons des exemples dam
l’ariicle qui suit.
On pourrait considérer les vents et leur,'
différentes directions sous des points de vui
généraux , dont on tirerait peut -être des in
ductions utiles : par exemple , il me paroi
qu’on pourrait diviser les vents par zones
que le vent d’est qui s’étend à environ 25 0$
3o degrés de chaque côté de l’équateur
doit être regardé comme exerçant son actioi
tout autour du globe dans la zone torride
le vent de nord souffle presque aussi com
slamment dans la zone froide, que le veqj
d’est dans la zone torride; et on a reconni
qu’à la Terre-de-Feu et dans les endroits le!
moins éloignés du pôle austral où l’on es
parvenu, le vent vient aussi du pôle. Ainsi
l’on peut dire que le vent d’est occupant U
zone torride , les vents du nord occupent le
zones froides; et à l’égard des zones tempe
rées , les vents qui y régnent 11e sont, pou:
ainsi dire, que des courans d’air, dont il
mouvement est composé de ceux de ces deuf
vents principaux qui doivent produire tou
les vents dont la direction tend à l’occident 1
et à l’égard des vents d’ouest, dont la direc
tion tend à l’orient, et qui régnent souven
dans la zone tempérée, soit dans la me
Pacifique, soit dans l’océan Atlantique!
on peut les regarder comme des vents réfié j
chis par les terres de l’Asie et de l’Amé j
rique , mais dont la première origine est du:
aux vents d’est et de nord.
Quoique nous ayons dit que, générale!
ment parlant, le vent d’est règne tout autou j
du globe à environ 2 5 ou 3o degrés de eha
que côté de l’équateur, il est cependant vra |
que dans quelques endroits il s’étend à un i
bien moindre distance, et que sa directioil
n’est pas partout de l’est à l’ouest; car e: I
deçà de 1 équateur il est un peu est-nord-esl |
et au delà de l’équateur il est est-sud -est j
et plus on s’éloigne de l’équateur, soit a l
nord , soit au sud, plus la direction du ven ]
est oblique : l’équateur est la ligne sous la f
quelle la direction du vent de l’est à l’ouâl
est la plus exacte. Par exemple, dans l’cjj
céan Indien le vent général d’orient en oc 1
cident ne s’étend guère au delà de 1 t
degrés : en allant de Goa au cap de Bonne >1
ART. XIV. VENTS REGLES.
spérance , on ne trouve ce vent d’est qu’au
elà de l’équateur, environ au 12e degré de
titude sud, et il ne se fait pas senlir en
îçà de l’équateur : mais lorsqu’on est ar-
vé à ce 12e degré de latitude sud, on a
! vent jusqu’au 28e degré de latitude sud.
ans la mer qui sépare l’Afrique de l’Amé-
cjue , il y a un intervalle, qui est depuis
4e degré de latitude nord jusqu’au 10e
I 11e degré de latitude nord, où ce vent
:néral n’est pas sensible, mais au delà de
10e ou ixe degré ce vent règne et s’é-
nd jusqu’au 3oe degré.
II y a aussi beaucoup d’exceptions à faire
sujet des vents moussons , dont le mou-
illent est alternatif : les uns durent plus
1 moins long-temps , les autres s’étendent
de plus grandes ou à de moindres dis-
îces ; les autres sont plus ou moins régu-
ts , plus ou moins violens. Nous rappor-
’ons ici , d’après Varenius , les principaux
lénomènes de ces vents. « Dans l’océan
(lien, entre l’Afrique et l’Inde jusqu’aux
oluques, les vents d’est commencent à ré-
er au mois de janvier, et durent jusqu’au
mmencement de juin; au mois d’août ou
septembre commence le mouvement con-
jure, et les vents d’ouest régnent pendant
>is ou quatre mois ; dans l’intervalle de ces
mssons, c’est-à-dire à la fin de juin, au
fis de juillet, et au commencement d’août,
l’y a sur cette mer aucun vent fait , et on
rouve de violentes tempêtes qui viennent
septentrion.
« Ces vents sont sujets à de plus grandes
nations en approchant des terres ; car
vaisseaux- ne peuvent partir de la côte
Malabar, non plus que des autres ports
la côte occidentale de la presqu’île de
ide, pour aller en Afrique, en Arabie,
Perse , etc. , que depuis le mois de jan-
r jusqu’au mois d’avril ou de mai : car
> la fin de mai et pendant les mois de
n, de juillet et d’août, il se fait de si
lentes tempêtes par les vents de nord ou
nord-est, que les vaisseaux ne peuvent
lir à la mer; au contraire, de l’autre côté
cette presqu’île, c’est-à-dire sur la mer
i baigne la côte de Coromandel , 011 ne
Iioît point ces tempêtes.
On part de Java, de Ceylan, et de pîu-
rs endroits, au mois de septembre pour
’ aux îles Moluques , parce que le vent
:cident commence alors à souffler dans
parages ; cependant , lorsqu’on s’éloigne
’équateur de i5 degrés de latitude aus-
e, on perd ce vent d’ouest et on retrouve
ent général , qui est dans cet endroit un
vent de sud -est. On part de même de Co-
chin, pour aller à Malaca, au mois de mars,
parce que les vents d’ouest commencent à
souffler dans ce temps. Ainsi ces vents d’oc-
cident se font sentir en différens temps
dans la mer des Indes : on part, comme l’on
voit, dans un temps pour aller de Java aux
Moluques, dans un autre temps pour aller
de Cochin à Malaca , dans un autre pour
aller de Malaca à la Chine, et encore dans
un autre pour aller de la Chine au Japon.
« A Banda les vents d’occident finissent à
la fin de mars ; il règne des vents variables
et des calmes pendant le mois d’avril; au
mois de mai, les vents d’orient recommen-
cent avec une grande violence. A Ceylau
les vents d’occident commencent vers le mi-
lieu du mois de mars, et durent jusqu’au
commencement d’octobre que reviennent les
vents d’est , ou plutôt d’est-nord-est. A Ma-
dagascar, depuis le milieu d’avril jusqu’à
la fin de mai , on a des vents de nord et de
nord-ouest ; mais aux mois de février et de
mars, ce sont des vents d’orient et de midi.
De Madagascar au cap de Bonne-Espérance
le vent du nord et les vents collatéraux souf-
flent pendant les mois de mars et d’avril.
Dans le golfe de Bengale , le vent de midi se
fait sentir avec violence après le 20 d’avril ;
auparavant il règne dans cette mer des vents
de sud-ouest ou de nord-ouest. Les vents
d’ouest sont aussi très-violens dans la mer
de la Chine pendant les mois de juin et de
juillet ; c’est aussi la saison la plus conve-
nable pour aller de la Chine au Japon : mais
pour revenir du Japon à là Chine , ce sont
les mois de février et de mars qu’on préfère,
parce que les vents d’est ou de nord-est ré-
gnent alors dans celte mer.
« Il y a des vents qu’on peut regarder
comme particuliers à de certaines côtes :
par exemple , le vent de sud est presque con-
tinuel sur les côtes du Chili et du Pérou ;
il commence au 46e degré ou environ de la-
titude sud , et il s’étend jusqu’au delà de
Panama ; ce qui rend le voyage de Lima à
Panama beaucoup plus aisé à faire et plus
court que le retour. Les vents d’occident
soufflent presque continuellement, ou du
moins très-fréquemment, sur les côtes de
la terre Magellanique , aux environs du dé-
troit de Le Maire ; sur la côte de Malabar
les vents de nord et de nord ouest régnent
presque continuellement ; sur la côte de Gui-
née le vent de nord-ouest est aussi fort fré-
quent, et à une ceitaine distance de cette
côte , en pleine mer , on retrouve le vent de
nord-est ; les vents d’occident régnent sur
THÉORIE DE LA TERRE.
218
les côtes du Japon aux mois de novembre
et de décembre. »
Les vents alternatifs ou périodiques dont
nous venons de parler sont des vents de
mer; mais il y a aussi des vents de terre
qui sont périodiques, et qui reviennent ou
dans une certaine saison , ou à de certains
jours, ou même à de certaines heures:
par exemple , sur la côte de Malabar , de-
puis le mois de septembre jusqu’au mois
d’avril souffle un vent de terre qui vient
du côté de l’orient; ce vent commence or-
dinairement à minuit et finit à midi , et il
n’est plus sensible dès qu’on s’éloigne à
douze ou quinze lieues de la côte ; et depuis
midi jusqu’à minuit il règne un vent de mer
qui est fort faible, etqui vient de l’occident :
sur la côte de la Nouvelle-Espagne en Amé-
rique , et sur celle de Congo en Afrique ,
il règne des vents de terre pendant la nuit ,
et des vents de mer pendant le jour : à la
Jamaïque les vents soufflent de tous côtés
à la fois pendant la nuit, et les vaisseaux
ne peuvent alors y arriver sûrement , ni en
sortir avant le jour.
En hiver le port de Cochin est inabor-
dable , et il ne peut en sortir aucun vais-
seau, parce que les vents y soufflent avec une
telle impétuosité , que les bàtimens ne peu-
vent pas tenir à la mer , et que d’ailleurs le
vent d’ouest qui y souffle avec fureur , amène
à l’embouchure du fleuve de Cochin une
si grande quantité de sable, qu’il est im-
possible aux navires, et même aux barques,
d’y entrer pendant six mois de l’année;
mais les vents d’est qui soufflent pendant les
six autres mois repoussent ces sables dans
la mer, et rendent libre l’entrée de la ri-
vière. Au détroit de Babel-Mandel , il y a
des vents de sud-est qui y régnent tous les
ans dans la même saison, et qui sont tou-
jours suivis de vents de nord-ouest. A Saint-
Domingue il y a deux vents différens qui
s’élèvent régulièrement presque chaque jour :
l’un, qui est un vent de mer, vient du côté
de l’orient , et il commence à dix heures du
matin ; l’autre , qui est un vent de terre ,
etqui vient de l’occident, s’élève à six ou
sept heures du soir et dure toute la nuit. Il
y auroit plusieurs autres faits de cette espèce
à tirer des voyageurs , dont la connoissance
pourroit peut-être nous conduire à donner
une histoire des vents qui seroit un ouvrage
très-utile pour la navigation et pour la phy-
sique.
Sur l’état de l’air au dessus des hautes
montagnes.
* Il est prouvé par des observations con-
stantes et mille fois réitérées, que plus on
s’élève au dessus du niveau de la mer ou
des plaines, plus la colonne de mercure des
baromètres descend , et que par conséquent
le poids de la colonne d’air diminue d’autant
plus qu’on s’élève plus haut ; et comme l’aii
est un fluide élastique et compressible , tous
les physiciens ont conclu de ces expériences
du baromètre, que l’air est beaucoup plus
comprimé et plus dense dans les plaines
qu’il ne l’est au dessus des montagnes. Pai
exemple, si le baromètre, étant à vingt-sept
pouces dans la plaine, tombe à dix-huit
pouces au haut de la “montagne, ce qui fait
un tiers de différence dans le poids de la co-
lonne d’air, on a dit que la compression de
cet élément étant toujours proportionnelle
au poids incombant, l’air duhaut de la mon-;
tagne est en conséquence d’un tiers moins
dense que celui de la plaine, puisqu’il est
comprimé par un poids moindre d’un tiers*.
Mais de fortes raisons me font douter de la
vérité de cette conséquence, qu’on a regar-
dée comme légitime et même naturelle.
Faisons pour un moment abstraction dti
cette compressibilité de l’air que plusieurs!
causes peuvent augmenter, diminuer, dé|
truire ou compenser; supposons que l’at-
mosphère soit également dense partout : si
son épaisseur n’étoit que de trois lieues , il
est sûr qu’en s’élevant à une lieue , c’est-à-
dire de la plaine au haut de la montagne!
le baromètre étant chargé d’un tiers demoins(
descendroit de vingt-sept pouces à dix-h ni ?|
Or , l’air, quoique compressible, me paroii
être également dense à toutes les hauteurs ,
et voici les faits et les réflexions sur les-
quels je fonde cette opinion.
i° Les vents sont aussi puissans , aussj
violens au dessus des plus hautes rnontagnd
que dans les plaines les plus basses ; tout
les observateurs sont d’accord sur ce fait!
Or, si l’air y étoit d’un tiers moins dense!
leur action seroit d’un tiers plus foible, ej
tous les vents ne seroient que des zéphyrs I
une lieue de hauteur , ce qui est absolumenl
contraire à l’expérience.
20 Les aigles et plusieurs autres oiseaux,
non seulement volent au sommet des plus
hautes montagnes, mais même ils s’élèvent
encore au dessus à de grandes hauteurs. Or,
je demande s’ils poui'roient exécuter leur vo
ni même se soutenir dans un fluide qui se
roit une fois moins dense , et si le poids d<
ART. XIV. VENTS RÉGLÉS.
219
corps , malgré tous leurs efforts , ne les
nèneroit pas en bas.
0 Tous les observateurs qui ont grimpé
sommet des plus hautes montagnes con-
nnent qu’on y respire aussi facilement
partout ailleurs , et que la seule incom-
dité qu’on y ressent est celle du froid,
augmente à mesure qu’on s’élève plus
R. Or, si l’air étoit d’un tiers moins
se au sommet des montagnes, la respi-
ion de l’homme, et des oiseaux qui s’é-
* nt encore plus haut , seroit non seule-
nt gênée, mais arrêtée, comme nous le
ons dans la machine pneumatique dès
en a pompé le quart ou le tiers de la
se de l’air contenu dans le récipient.
0 Comme le froid condense l’air autant
la chaleur le raréfie, et qu’à mesure
j'a" on s’élève sur les hautes montagnes le
d augmente d’une manière très-sensible,
t-il pas nécessaire que les degrés de la
densation de l’air suivent le rapport du
é du froid ? et cette condensation peut
er et même surpasser celle de l’air des
nés , où la chaleur qui émane de l’inté-
jç1 ir de la terre est bien plus grande qu’au
miet des montagnes , qui sont les poin-
les plus avancées et les plus refroidies de
nasse du globe. Cette condensation de
par le froid, dans les hautes régions
atmosphère , doit donc compenser la di-
ution de densité produite par la dirni-
ion de la charge ou poids incombant , et
conséquent l’air doit être aussi dense
les sommets froids des montagnes que
s les plaines. Je serois même porté à
e que l’air y est plus dense, puisqu’il
ble que les vents y soient plus violens ,
îe les oiseaux qui volent au dessus de ces
mets de montagnes semblent se soute-
dans les airs d’autant plus aisément
s s’élèvent plus haut.
' là je pense qu’on peut conclure que
libre est à peu près également dense à
es les hauteurs, et que l’atmosphère
une ne s’étend pas à beaucoup près
haut qu’on l’a déterminée , en ne con-
ant l’air que comme une masse élasti-
, comprimée par le poids incombant :
f: i l’épaisseur totale de notre atmosphère
1111 Toit bien n’ètre que de trois lieues, au
de quinze ou vingt comme l’ont dit les
iciens r.
hll
Albazen , par la durée des crépuscules , a
pdu ue la hauteur de l’atmosphère est de
1 toises. Kepler, par cette même durée, lui
4i,iio toises.
de La Hire, en parlant de la réfraction ho-
Nous concevons à l’entour de la terre une
première couche de l’atmosphère, qui est
remplie de vapeurs qu’exhale ce globe, tant
par sa chaleur propre que par celle du so-
leil. Dans cette couche , qui s’étend à la
hauteur des nuages, la chaleur que répan-
dent les exhalaisons du globe , produit et
soutient une raréfaction qui fait équilibre à
la pression de la masse d’air supérieur, de
manière que la couche basse de l’atmosphère
n’est point aussi dense qu’elle le devroit être
à proportion de la pression qu’elle éprouve:
mais à la hauteur où cette raréfaction cesse,
l’air subit toute la condensation que lui
donne le froid de cette région où la chaleur
émanée du globe est fort atténuée , et celte
condensation paroît même être plus grande
que celle que peut imprimer sur les régions
inférieures , soutenues par la raréfaction ,
le poids des couches supérieures ; c’est du
moins ce que semble prouver un autre phé-
nomène, qui est la condensation et la sus-
pension des nuages dans la couche élevée
où nous les voyons se tenir. Au dessous de
celte moyenne région , dans laquelle le froid
et la condensation commencent , les vapeurs
s’élèvent sans être visibles , si ce n’est dans
quelques circonstances où une partie de cette
couche froide paroît se rabattre jusqu’à la
surface de la terre , et où la chaleur émanée
de la terre , éteinte pendant quelques mo-
mens par des pluies , se ranimant avec plus
de force, les vapeurs s’épaississent à l’entour
de nous en brumes et en brouillards : sans
cela elles ne deviennent visibles que lors-
qu’elles arrivent à cette région où le froid
les condense en flocons, en nuages, et par
là même arrête leur ascension ; leur gravité,
augmentée à proportion qu’elles sont deve-
nues plus denses, les établissant dans un
équilibre qu’elles ne peuvent plus franchir.
O11 voit que les nuages sont généralement
plus élevés en été , et constamment encore
plus élevés dans les climats chauds ; c’est
que, dans cette saison et dans ces climats,
la couche de l’évaporation de la terre a plus
de hauteur : au contraire , dans les plages
rizontale de 32 minutes, établit le terme moyen de
la hauteur de l’atmosphère à 34,585 toises.
M. Mariotle , par ses expériences sur la com-
pressibilité de l’air, donne à l’atmosphère plus de
3o,ooo toises.
Cependant , en ne prenant pour l’atmosphère que
la partie de l’air où s’opère la réfraction , ou du
moins presque la totalité de la réfraction, M. Bou-
guer ne trouve que 5i58 toises, c’est-à-dire deux
lieues et demie ou trois lieues ; et je crois ce ré-
sultat plus certain et mieux fondé que tous les
autres.
220
THÉORIE DE LA TERRE.
glaciales des pôles , où cette évaporation de
la chaleur du globe est beaucoup moindre,
la couche dense de l’air paroît toucher à la
surface de la terre et y retenir les nuages
qui ne s’élèvent plus, et enveloppent ces
parages d’une brume perpétuelle. ( Add .
Buff-)
Sur quelques 'vents qui 'varient régulièrement.
* Il y a de certains climats et de certaines
contrées particulières où les vents varient ,
mais constamment et régulièrement; les uns
au bout de six mois , les autres après quel-
ques semaines , et enfin d’autres du jour à
la nuit ou du soir au matin. J’ai dit, page 218
de ce volume , « qu’à Saint-Domingue il y a
« deux vents différens , qui s’élèvent régu-
lièrement presque chaque jour; que l’un
« est un vent de mer qui vient de l’orient ,
« et que l’autre est un vent de terre qui
« vient de l’occident. » M. Fresnaye m’a écrit
que je n’avois pas été exactement informé.
« Les deux vents réguliers , dit-il , qui souf-
flent à Saint-Domingue , sont tous deux des
vents de mer, et soufflent l’un de l’est le
matin , et l’autre de l’ouest le soir, qui n’est
que le même vent renvoyé ; comme il est
évident que c’est le soleil qui le cause , il y
a un moment de bourrasque que tout le
monde remarque entre une heure et deux
de l’après-midi. Lorsque le soleil a décliné,
raréfiant l’air de l’ouest , il chasse dans l’est
les nuages que le vent du matin avoit con-
finés dans la partie opposée. Ce sont ces
nuages renvoyés , qui , depuis avril et mai
jusque vers l’automne , donnent dans la par-
tie du Port-au-Prince les pluies réglées qui
viennent constamment de l’est. Il 11’y a pas
d’habitant qui 11e prédise la pluie du soir
entre six et neuf heures , lorsque , suivant
leur expression , la brise a été t'envoyée. Le
vent d’ouest ne dure pas toute la nuit , il
tombe régulièrement vers le soir ; et c’est
lorsqu’il a cessé, que les nuages poussés à
l’orient ont la liberté de tomber, dès que
leur poids excède un pareil volume d’air : le
vent que l’on sent la nuit est exactement
un vent de terre qui n’est ni de l’est ni de
l’ouest, mais dépend de la projection de la
côte. Au Port-au-Prince , ce vent du midi
est d’un froid intolérable dans les mois de
janvier et de février : comme il traverse la
ravine de la rivière froide, il y est mo-
difié r. »
t. Note communiquée à M. de Buffon par
M. Fresnaye , conseiller au conseil supérieur de
.Saint-Domingue , en date du 10 mars 1777- {Add.
Buff.)
Sur les lavanges.
* Dans les hautes montagnes , il y a t
vents accidentels qui sont produits par c
causes particulières , et notamment par
lavanges. Dans les Alpes, aux environs d
glacières , on distingue plusieurs espèces
lavanges. Les unes sont appelées lavait £
venteuses, parce qu’elles produisent
grand vent ; elles se forment lorsqu’u
neige nouvellement tombée vient à être ni
en mouvement , soit par l’agitation de l’a
soit en fondant par dessous au moyen de
chaleur intérieure de la terre : alors la nei
se pelotonne , s’accumule , et tombe en co
lant en grosses masses vers le vallon ; ce q
cause une grande agitation dans l’air, par
qu’elle coule avec rapidité et en très-grai
volume , et les vents que ces masses pi
duisent sont si impétueux , qu’ils renverse
tout ce qui s’oppose à leur passage , jusqi
rompre de gros sapins. Ces lavanges co
vrent d’une neige très-fine tout le terra
auquel elles peuvent atteindre, et celte po
dre de neige voltige dans l’air au caprice d
vents, c’est-à-dire sans direction fixe;!
qui rend ces neiges dangereuses pour 1
gens qui se trouvent alors en campagn
parce qu’on 11e sait pas trop de quel co
tourner pour les éviter, car en peu de ni
mens on se trouve enveloppé et même e
fièrement enfoui dans la neige.
Une autre espèce de lavanges, encore pl
dangereuse que la première , sont celles q
les gens du pays appellent schlaglaïuvci
c’est-à-dire lavanges frappantes ; elles
surviennent pas aussi rapidement que !
premières , et néanmoins elles renversé
tout ce qui se trouve sur leur passage, pa;
qu’elles entraînent avec elles une grau
quantité de terres, de pierres, de caillou
et même des arbres tout entiers , en so
qu’en passant et en arrivant dans le valw'j
elles tracent un chemin de destruction !
écrasant tout ce qui s’oppose à leur passa
Comme elles marchent moins rapidemi !
que les lavanges qui 11e sont que de nei |
on les évite plus aisément : elles s’annonçi
de loin; car elles ébranlent, pour ainsi di
les montagnes et les vallons par leur poidi
leur mouvement , qui causent un bruit é ■
à celui du tonnerre.
Au reste , il ne faut qu’une très-pe !
cause pour produire ces terribles effets
suffit de quelques flocons de neige tom jj
d’un arbre ou d’un rocher, ou même du 3
des cloches, du bruit d'une arme à feu, p ,f
què quelques portions de neige se détacb [|
221
ART. XIV. L AV ANGES.
i sommet , se pelotonnent et grossissent en
scendant jusqu’à devenir une masse aussi
osse qu’une montagne.
Les habitans des contrées sujettes aux
vanges ont imaginé des précautions pour
garantir de leurs effets ; ils placent leurs
timens contre quelques petites éminences
i puissent rompre la force de la lavange :
plantent aussi des bois derrière leurs ha-
lations; on peut voir au mont Saint-Go-
ird une forêt de forme triangulaire , dont
rjgle aigu est tourné vers le mont, et qui
nble plantée exprès pour détourner les
•anges et les éloigner du village d’Urseren
des bâtimens situés au pied de la mon-
;ne ; et il est défendu , sous de grosses
ines , de toucher à cette forêt , qui est ,
ur ainsi dire , la sauvegarde du village.
1 voit de même , dans plusieurs autres
droits , des murs de précaution dont l’an-
; aigu est opposé à la montagne , afin de
npre et détourner les lavanges ; il y a une
iraille de cette espèce à Davis , au pays
3 Grisons, au dessus de l’église du milieu,
nme aussi vers les bains de Leuk ou
uèche en Valais. On voit dans ce même
ys des Grisons et dans quelques autres
droits , dans les gorges de montagne, des
ùtes de distance en distance, placées à
é du chemin et taillées dans le roc, qui
vent aux passagers de refuge contre les
anges. { Add . Buff.)
ARTICLE XV.
s 'vents irréguliers , des ouragans , des
trombes, et de quelques autres phénomènes
causés par V agitation de la mer et de
l’air.
Les vents sont plus irréguliers sur terre
e sur mer, et plus irréguliers dans les
ys élevés que dans les pays de plaines,
s montagnes non seulement changent la
■ection des vents , mais même elles en pro-
isent qui sont ou constans ou variables
vaut les différentes causes : la fonte des
iges qui sont au dessus des montagnes
jduit ordinairement des vents constans
i durent quelquefois assez long-temps ;
vapeurs qui s’arrêtent contre les mon-
des et qui s’y accumulent , produisent
s vents variables , qui sont très-fréquens
iis tous les climats , et il y a autant de
riations dans ces mouvemens de l’air qu’il
!a d’inégalités sur la surface de la terre,
ms ne pouvons donc donner sur cela que
s exemples , et rapporter les faits qui sont
avérés; et comme nous manquons d’obser-
vations suivies sur la variation des vents, et
même sur celle des saisons dans les différens
pays , nous ne prétendons pas expliquer
toutes les causes de ces différences , et nous
nous bornerons à indiquer celles qui nous
paroîtront les plus naturelles et les plus pro-
bables.
Dans les détroits , sur toutes les côtes
avancées , à l’extrémité et aux environs de
tous les promontoires , des presqu’îles et des
caps , et dans tous les golfes étroits , les
orages sont plus fréquens ; mais il y a outre
cela des mers beaucoup plus orageuses que
d’autres. L’océan Indien , la mer du Japon ,
la mer Magellanique , celle de la côte d’A-
frique au delà des Canaries , et de l’autre
côté vers la terre de Natal , la mer Rouge ,
la mer Vermeille , sont toutes fort sujettes
aux tempêtes. L’océan Atlantique est aussi
plus orageux que le grand Océan , qu’on a
appelé , à cause de sa tranquillité , mer Pa-
cifique : cependant cette mer Pacifique n’est
absolument tranquille qu’entre les tropiques,
et jusqu’au quart environ des zones tempé-
rées ; et plus on approche des pôles , plus
elle est sujette à des vents variables dont le
changement subit cause souvent des tem-
pêtes.
Tous les continens terrestres sont sujets
à des vents variables qui produisent souvent
des effets singuliers : dans le royaume de
Cachemire , qui est environné des monta-
gnes du Caucase, on éprouve à la montagne
Pire-Penjale des changemens soudains ; on
passe, pour ainsi dire, de l’été à l’hiver en
moins d’une heure : il y règne deux vents
directement opposés , l’un de nord et l’autre
de midi , que , selon Bernier, on sent suc-
cessivement en moins de deux cents pas de
distance. La position de cette montagne doit
être singulière et mériteroit d’être observée.
Dans la presqu’île de l’Inde, qui est tra-
versée du nord au sud par les montagnes de
Gâte, on a l’hiver d’un côté de ces monta-
gnes, et l’été de l’autre côté dans le même
temps , en sorte que sur la côte de Coro-
mandel l’air est serein et tranquille , et fort
chaud, tandis qu’à celle de Malabar, quoi-
que sous la même latitude , les pluies , les
orages , les tempêtes , rendent l’air aussi
froid qu’il peut l’être dans ce climat ; et au
contraire , lorsqu’on a l’été à Malabar, on a
l’hiver à Coromandel. Cette même différence
se trouve des deux côtés du cap de Rasal-
gate en Arabie : dans la pai’tie de la mer
qui est au nord du cap , il règne une grande
tranquillité , tandis que dans la partie qui
THÉORIE DE LÀ TERRÉ.
222
est au sud on éprouve de violentes tempêtes.
Il en est encore de même dans l’île de Cey-
lan : l’hiver et les grands vents se font sentir
dans la partie septentrionale de l’île , tandis
que dans les parties méridionales il fait un
très-beau temps d’été ; et au contraire quand
la partie septentrionale jouit de la douceur
de l’été, la partie méridionale à son tour
est plongée dans un air sombre , orageux et
pluvieux. Cela arrive non seulement dans
plusieurs endroits du continent des Indes ,
mais aussi dans plusieurs îles : par exemple,
à Céram , qui est une longue île dans le voi-
sinage d’Amboine, on a l’hiver dans la partie
septentrionale de l’île , et l'été en même
temps dans la partie méridionale, et l’inter-
valle qui sépare les deux saisons n’est pas de
trois ou quatre lieues.
En Égypte il règne souvent pendant l’été
des vents du midi qui sont si chauds , qu’ils
empêchent la respiration ; ils élèvent une si
grande quantité de sable , qu’il semble que
le ciel est couvert de nuages épais ; ce sable
est si fin et il est chassé avec tant de vio-
lence , qu’il pénètre partout , et même dans
les coffres les mieux fermés : lorsque ces
vents durent plusieurs jours, ils causent des
maladies épidémiques, et souvent elles sont
suivies d’une grande mortalité. Il pleut très-
rarement en Égypte ; cependant tous les
ans il y a quelques jours de pluie pendant
les mois de décembre , janvier et février. Il
s’y forme aussi des brouillards épais qui
sont plus fréquens que les pluies , surtout
aux environs du Caire : ces brouillards
commencent au mois de novembre , et con-
tinuent pendant l’hiver ; ils s’élèvent avant
le lever du soleil ; pendant toute l’année
il tombe une rosée si abondante, lorsque le
ciel est serein, qu’on pourrait la prendre
pour une petite pluie.
Dans la Perse l’hiver commence en no-
vembre et dure jusqu’en mars : le froid y
est assez fort pour y former de la glace , et
il tombe beaucoup de neige dans les mon-
tagnes , et souvent un peu dans les plaines ;
depuis le mois de mars jusqu’au mois de
mai il s’élève des vents qui soufflent avec
force et qui ramènent la chaleur ; du mois
de mai au mois de septembre le ciel est se-
rein , et la chaleur de la saison est modérée
pendant la nuit par des vents frais qui s’é-
lèvent tous les soirs , et qui durent jusqu’au
lendemain malin ; et en automne il se fait
des vents qui , comme ceux du printemps ,
soufflent avec force ; cependant , quoique
ces vents soient assez violens, il est rare
qu’ils produisent des ouragans et des tem-
pêtes : mais il s’élève souvent pendant l’éh
le long du golfe Persique, un vent trè
dangereux que les habitans appellent S,
myel, et qui est encore plus chaud et pf
terrible que celui de l’Égypte dont noi
venons de parler ; ce vent est suffocant
mortel ; son action est presque semblable
celle d’un tourbillon de vapeur enflammét
et on ne peut en éviter les effets lorsqu’®
s’y trouve malheureusement enveloppé,
s’élève aussi sur la mer Rouge , en été , i
sur les terres de l’Arabie , un vent de mên
espèce qui suffoque les hommes et les an
maux, et qui transporte une si gram
quantité de sable , que bien des gens pr<
tendent que celte mer se trouvera comble
avec le temps par l’entassement success
des sables qui y tombent : il y a souvent d
ces nuées de sable en Arabie, qui obscui
cissent l’air et qui forment des tourbilloi
dangereux. A la Yéra-Cruz, lorsque le vei
de nord souffle, les maisons de la ville sol
presque enterrées sous le sable qu’un vei
pareil amène : il s’élève aussi des veni
chauds en été à Négapatan dans la presqu’îl
de l’Inde, aussi bien qu’à Pélapouli et
Masulipatan. Ces vents brûlans, qui for
périr les hommes, ne sont heureusemei
pas de longue durée , mais ils sont violens
et plus ils ont de vitesse et plus ils soi
brûlans; au lieu que tous les autres venl
rafraîchissent d’autant plus qu’ils ont d
vitesse. Cette différence ne vient pas d
degré de chaleur de l’air : tant que la cha
leur de l’air est moindre que celle du corj
des animaux, le mouvement de l’air e;
rafraîchissant ; mais si la chaleur de l’ai
est plus grande que celle du corps , alors 1
mouvement de l’air ne peut qu’échauffer (
brûler. A Goa, l’hiver, ou plutôt le temp
des pluies et des tempêtes , est aux mois d
mai, de juin et de juillet; sans cela le
chaleurs y seroient insupportables.
Le cap de Bonne-Espérance est fameu
par ses tempêtes et par le nuage singulie
qui les produit : ce nuage ne paroît d’abor
que comme une petite tache ronde dans 1
ciel, et les matelots l’ont appelé œ il a
bçeiif; j’imagine que c’est parce qu’il s
soutient à une très-grande hauteur qu’
paroît si petit. De tous les voyageurs qi
ont parlé de ce nuage, Kolbe me paro
être celui qui l’a examiné avec le plus d’aï
tention : voici ce qu’il en dit, tom. I
pag. 224 et suivantes : « Le nuage qu’o
voit sur les montagnes de la Table, ou d
Diable, ou du Vent , est composé, si je n
me trompe , d’une infinité de petites pat
ART. XV. VENTS IRRÉGULIERS, OURAGANS, ETC. 223
iules poussées premièrement contre les
ntagnes du Cap , qui sont à l’est , par les
îts d’est qui régnent pendant presque
[te l’année dans la zone torride ; ces par-
îles ain^i poussées sont arrêtées dans
r cours par ces hautes montagnes , et se
aassent sur leur côté oriental; alors elles
iennent visibles , et y forment de petits
nceaux ou assemblages de nuages , qui ,
ut incessamment poussés par le vent
,t , s’élèvent au sommet de ces mou-
les. Ils n’y restent pas long-temps tran-
lles et arrêtés ; contraints d’avancer , ils
igouffrent entre les collines qui sont
ant eux, où ils sont serrés et pressés
îme dans une manière de canal : le vent
presse au dessous, et les côtés opposés
deux montagnes les retiennent à droite
gauche. Lorsqu’en avançant toujours ils
viennent au pied de quelque montagne
la campagne est un peu plus ouverte,
s’étendent, se déploient, et deviennent
îouveau invisibles ; mais bientôt ils sont
ssés sur les montagnes par les nouveaux
ges qui sont poussés derrière eux, et
viennent ainsi , avec beaucoup d’impé-
sité, sur les montagnes les plus hautes
Cap , qui sont celles du Vent et de la
ble, où règne alors un vent tout con-
re : là il se fait un conflit affreux , ils
t poussés par derrière et repoussés par
ant ; ce qui produit des tourbillons bor-
es, soit sur les hautes montagnes dont
jarle , soit dans la vallée de la Table,
ces nuages voudroient se précipiter,
sque le vent de nord ouest a cédé le
mp de bataille , celui de sud-est aug-
îte et continue de souffler avec plus ou
1ns de violence pendant son semestre ; il
•enforce pendant que le nuage de l’œil
îoeuf est épais , parce que les particules
viennent s’y amasser par derrière , s’ef-
ent d’avancer ; il diminue lorsqu’il est
ns épais , parce qu’alors moins de par-
îles pressent par derrière ; il baisse en-
ui ement lorsque ce nuage ne paroît plus,
lit ce qu’il n’y vient plus de l’est de nou-
ai es particules, ou qu’il n’en arrive pas
:l !Z ; le nuage enfin ne se dissipe point ,
il plutôt paroît toujours à peu près de
t[i aie grosseur, parce que de nouvelles
; i tières remplacent par derrière celles qui
g dissipent par devant.
I Toutes ces circonstances du phénomène
i jjduisent à une hypothèse qui en explique
|n pien toutes les parties : i° Derrière la
ni itagne de la Table on remarque une
I èce de sentier ou une traînée de légers
brouillards blancs , qui , commençant sur la
descente orientale de cette montagne, abou-
tit à la mer, et occupe dans son étendue
les montagnes de Pierre. Je me suis très-
souvent occupé à contempler cette traînée ,
qui , suivant moi , étoit causée par le pas-
sage rapide des particules dont je parle,
depuis les montagnes de Pierre jusqu’à celle
de la Table.
« Ces particules, que je suppose, doivent
être extrêmement embarrassées dans leur
marche par les fréquens chocs et conlre-
chocs causés non seulement par les monta-
gnes, mais encore par les vents de sud et
d’est qui régnent aux lieux circon voisins du
Cap ; c’est ici ma seconde observation. J’ai
déjà parlé des deux montagnes qui sont
situées sur les pointes de la baie Falzo ou
fausse baie : l’une s’appelle la Lèvre pen-
dante, et l’autre Norwège. Lorsque les
particules que je conçois sont poussées sur
ces montagnes par les vents d’est, elles en
sont repoussées par les vents de sud , ce qui
les porte sur les montagnes voisines ; elles
y sont arrêtées pendant quelque temps et y
paroissent en nuages, comme elles le fai-
soient sur les deux montagnes de la baie
Falzo , et même un peu davantage. Ces
nuages sont souvent fort épais sur la Bol-
lande Hottenfote, sur les montagnes de
Stellenbosch , de Drakenstein , et de Pierre,
mais surtout sur la montagne de la Table
et sur celle du Diable.
« Enfin ce qui confirme mon opinion est
que constamment deux ou trois jours avant
que les vents de sud-est soufflent , on aper-
çoit sur la Tête du lion de petits nuages
noirs qui la couvrent ; ces nuages sont, sui-
vant moi , composés des particules dont j’ai
parlé : si le vent de nord-ouest règne encore
lorsqu’elles arrivent, elles sont arrêtées dans
leur course ; mais elles ne sont jamais chas-
sées fort loin jusqu’à ce que le vent du sud-
est commence. »
Les premiers navigaleurs qui ont appro-
ché du cap de Bonne -Espérance ignoroient
les effets de ces nuages funestes, qui sem-
blent se former lentement, tranquillement,
et sans aucun mouvement sensible dans l’air,
et qui tout d’un coup lancent la tempête ,
et causent un orage qui précipite les vais -
seaux dans le fond de la mer, surtout lors-
que les voiles sont déployées. Dans la terre
de Natal il se forme aussi un petit nuage
semblable à l’œil de bœuf du cap de Bonne-
Espérance , et de ce nuage il sort un vent
terrible et qui produit les mêmes effets.
Dans la mer qui est entre l’Afrique et l’A-
THÉORIE DE LÀ TERRE.
224
mérique , surtout sous l’équateur et dans les
parties voisines de l’équateur, il s’élève très-
souvent de ces espèces de tempêtes. Près de
la côte de Guinée il se fait quelquefois
trois ou quatre orages en un jour : ils sont
causés et annoncés , comme ceux du cap de
Bonne - Espérance , par de petits nuages
noirs ; le reste du ciel est ordinairement fort
serein, et la mer tranquille. Le premier
coup de vent qui sort de ces nuages est fu-
rieux , et feroit périr les vaisseaux en pleine
mer, si l’on ne prenoit pas auparavant la
précaution de caler les voiles. C’est princi-
palement aux mois d’avril, de mai et de
juin qu’on éprouve ces tempêtes sur la mer
de Guinée , parce qu’ilTi’y règne aucun vent
réglé dans cette saison , et plus bas , en des-
cendant de Loango , la saison de ces orages
sur la mer voisine des côtes de Loango est
celle des mois de janvier, février, mars et
avril. De l’autre côté de l’Afrique, au cap
de Guardafui , il s’élève de ces espèces de
tempêtes au mois de mai , et les nuages qui
les produisent sont ordinairement au nord,
comme ceux du cap de Bonne-Espérance.
Toutes ces tempêtes sont donc produites
par des vents qui sortent d’un nuage, et
qui ont une direction, soit du nord au sud,
soit du nord-est au sud-ouest, etc. : mais il
y a d’au tres espèces de tempêtes que l’on ap-
pelle des ouragans, qui sont encore plus
violentes que celles-ci , et dans lesquelles les
vents semblent venir de tous les côtés; ils
ont un mouvement de tourbillon et de tour-
noiement auquel rien ne peut résister. Le
calme précède ordinairement ces horribles
tempêtes, et la mer paroît alors aussi unie
qu’une glace ; mais dans un instant la fureur
des vents élève les vagues jusqu’aux nues.
Il y a des endroits dans la mer où l’on ne
peut pas aborder, parce que alternativement
il y a ou des calmes ou des ouragans de cette
espèce : les Espagnols ont appelé ces en-
droits ca/mes et tornados . Les plus considé-
rables sont auprès de la Guinée, à deux ou
trois degrés latitude nord : ils ont environ
trois cents ou trois cent cinquante lieues de
longueur sur autant de largeur, ce qui fait
un espace de plus de trois cent mille lieues
carrées. Le calme ou les orages sont presque
continuels sur cette côte de Guinée, et il y
a des vaisseaux qui y ont été retenus trois
mois sans pouvoir en sortir.
Lorsque les vents contraires arrivent à la
fois dans le même endroit, comme à un
centre, ils produisent ces tourbillons et ces
tournoiemens d’air par la contrariété de leur
mouvement, comme les courans contraires
produisent dans l’eau des gouffres ou di [ !
tournoiemens : mais lorsque ees vents tro
vent en opposition d’autres vents gui coi
tre-balancent de loin leur action ; alors ij
tournent autour d’un grand espace dans li j
quel il règne un calme perpétuel ; et c’e
ce qui forme les calmes dont nous parlon
et desquels il est souvent impossible de so j
tir. Ces endroits de la mer sont marqu [
sur les globes de Senex, aussi bien que 1
directions des différens vents qui règne a
ordinairement dans toutes les mers. A la v ' ,»
ri té , je serois porté à croire que la conti: j
riété seule des vents ne pourrait pas produi j m
cet effet, si la direction des côtes et la forn L
particulière du fond de la mer dans ces è L
droits n’y contribuoient pas; j’imagine do! w
que les courans causés en effet par les*venji H
mais dirigés par la forme des côtes et J 1 §
inégalités du fond de la mer, viennent ^
aboutir dans ces endroits, et que leurs d ^
réel ions opposées et contraires forment I |el
tornados en question dans une plaine em ,|
ronnée de tous côtés d’une chaîne de mdii |e[
tagnes. ' j üt
Les gouffres neparoissent être autre cho sor
que des tournoiemens d’eau causés par ï’f ^
tion de deux ou de plusieurs courans oppL
sés. L’Euripe , si fameux par la mort d’Ar L
tote, absorbe et rejette alternativement 1 S|,
eaux sept fois en vingt-quatre heures fj:, j(s
gouffre est près des côtes de la Grèce. ' J nt
Charybde, qui est près du détroit de Sici
rejette et absorbe les eaux trois fois en vin |IS
quatre heures. Au reste, on n’est pas tr L
sûr du nombre de ces alternatives de mciE.
vement dans ces gouffres. Le docteur ffiL!
centia, dans son traité qui a pour titre
redivivo , dit que l’Euripe a des mouvemeL,
irréguliers pendant dix-huit ou dix-peL
jours de chaque mois, et des mouveme |eri
réguliers pendant onze jours; qu’ordinai . L
ment il ne grossit que d’un pied, et rareirn py'
de deux pieds; il dit aussi que les autëj -j
ne s’accordent pas sur le flux et le reflux jm
l’Euripe;que les uns disent qu’il se fait défi ltl
fois, d’autres sept, d’autres onze, d’aut rt(
douze, d’autres quatorze fois, en vim „|
quatre heures ; mais que Loirius l’ayant e l)i(
miné de suite pendant un jour entier, ^
l’avoit observé ci chaque six heures d’i ^
manière évidente et avec un mouvement ,jas
violent, qu’à chaque fois il pouvoit faire to ]|f
11er alternativement les roues d’un moulin ^
Le plus grand gouffre que l’on connoi ^
est celui de la mer de Nonvège; on assi j
qu’il a plus de vingt lieues de circuit; il | u
sorbe pendant six heures tout ce qui est d< j
ART. XV. VENTS IRRÉGULIERS, OURAGANS.
voisinage , l’eau , les baleines , les vais-
ix, et rend ensuite pendant autant de
ps tout ce qu’il a absorbé.
I n’est pas nécessaire de supposer dans
bnd de la mer des trous et des abîmes
engloutissent continuellement les eaux,
ir rendre raison de ces gouffres ; on sait
quand l’eau a deux directions contraires,
omposilion de ces mouvemens produit
tournoiement circulaire, et semble for-
■ un vide dans le centre de ce mouvement,
une on peut l’observer dans plusieurs en-
its auprès des piles qui soutiennent les
jes des ponts , surtout dans les rivières
ides : il en est de même des gouffres de
ner, ils sont produits par le mouvement
Jeux ou plusieurs courans contraires ; et
une le flux ou le reflux sont la principale
se des courans , en sorte que pendant
lux ils sont dirigés d’un côté, et que
dant le reflux ils vont en sens contraire,
est pas étonnant que les gouffres qui ré-
élit de ces courans attirent et engloulis-
t pendant quelques heures tout ce qui
environne, et qu’ils rejettent ensuite pen-
t tout autant de temps tout ce qu’ils ont
arbé.
,es gouffres ne sont donc que des tour-
emens d’eau qui sont produits par des
rans opposés, et les ouragans ne sont que
tourbillons ou tournoiemens d’air pro-
ts par des vents contraires : ces ouragans
t communs dans la mer de la Chine et du
on, dans celle des îles Antilles, et en
sieurs autres endroits de la mer, surtout
rès des terres avancées et des côtes éle-
s ; mai ils sont encore plus fréquens sur
erre, et les effets en sont quelquefois
digieux, « J’ai vu, dit Bellarmin , je ne
■roirois pas si je ne l’eusse pas vu , une
ie énorme creusée par le vent, et toute
erre de cette fosse emportée sur un vil-
i , en sorte que l’endroit d’où la terre
it été enlevée paroissoil un trou épou-
itable , et que le village fut entièrement
erré par cette terre transportée 1 . » On
lit voir dans X Histoire de l'Académie des
I ences et dans les Transactions philosophé
•s le détail des effets de plusieurs o lira-
is qui paroissent inconcevables, et qu’on
oit de la peine à croire , si les faits ri’é-
;nt attestés par un grand nombre de té-
ins oculaires , véridiques et intelligens.
II en est de même des trombes , que les
ûgateurs ne voient jamais sans crainte et
is admiration. Ces trombes sont fort fré-
. Bellanninus , de ascensu mentis in Deum.
ji Buffon. I.
225
quentes auprès de certaines côtes de la Mé-
diterranée , surtout lorsque le ciel est fort
couvert , et que le vent souffle en même
temps de plusieurs côtés ; elles sont plus
communes près des caps de Laodicée, de
Crecgo et de Carmel , que dans les autres
parties de la Méditerranée. La plupart de
ces trombes sont autant de cylindres d»eau
qui tombent des nues, quoiqu’il semble
quelquefois, surtout quand on est à quelque
distance, que l’eau de la mer s’élève en haut.
Mais il faut distinguer deux espèces de
trombes. La première, qui est la trombe
dont nous venons de parler , n’est autre
chose qu’une nuée épaisse, comprimée, res-
serrée et réduite en un petit espace par des
vents opposés et contraires , lesquels , souk
fiant en même temps de plusieurs côtés ,
donnent à la nuée la forme d’un tourbillon
cylindrique , et font que l'eau tombe tout à
la fois sous celte forme cylindrique ; la quan-
tité d’eau est si grande et la chute en est si
précipitée que si malheureusement une de
ces trombes tomboit sur un vaisseau, elle le
briseroit et le submergeroit dans un instant.
On prétend, et cela pourroit être fondé,
qu’en tirant sur la trombe plusieurs coups
de canon chargés à boulets, on la rompt,
et que cette commotion de l’air la fait cesser
assez promptement : cela revient à l’effet
des cloches qu’on sonne pour écarter les
nuages qui portent le tonnerre et la grêle.
L’autre espèce de trombe s’appelle ly phon ;
et plusieurs auteurs ont confondu le typhon
avec l’ouragan , surtout en parlani des tem-
pêtes de la mer de la Chine , qui est en effet
sujette à tous deux : cependant ils ont. des
causes bien différentes. Le typhon ne des-
cend pas des nuages comme la première es-
pèce de trombe; il n’est pas uniquement
produit par le tournoiement des vents comme
l’ouragan : il s’élève de la mer vers le ciel
avec une grande violence; et quoique ces
typhons ressemblent aux tourbillons qui s’é-
lèvent sur la terre en tournoyant , ils ont
une autre origine. On voit souvent, lorsque
les vents sont violens et. contraires, les oura
gans élever des tourbillons de sable , de
terre, et souvent ils enlèvent et transportent
dans ce tourbillon les maisons, les arbres ,
les animaux. Les typhons de mer, au con-
traire, restent dans la même place, et ils
n’ont pas d’autre cause que celle des feux
souterrains; car la mer est alors dans une
grande ébullition, et l’air est si fort rempli
d’exhalaisons sulfureuses, que le ciel paroîl
caché d’une croûte couleur de cuivre , quoi-
qu’il n’y ait aucun nuage et qu’on puisse
i5
THÉORIE DE LA TERRE.
226
voir à travers ces vapeurs le soleil et les étoi-
les : c’est a ces feux souterrains qu’on peut
attribuer la tiédeur de la mer de la Chine en
hi ver, où ces typhons sont très-fréquens r.
Nous allons donner quelques exemples de
la manière dont ils se produisent. Yoici ce
que dit Thévenot dans son Voyage du Le-
vant : « Nous vîmes des trombes dans le
golfe Persique entre les îles Quésomo , La-
réea et Orinus. Je crois que peu de per-
sonnes ont considéré les trombes avec tonte
l’attention que j’ai faite dans la rencontre
dont je viens de parler, et peut-être qu’on
n’a jamais fait les remarques que le hasard
m’a donné lieu de faire; je les exposerai
avec toute la simplicité dont je fais profes-
sion dans tout le récit de mon voyage, aün
de rendre les choses plus sensibles et plus
aisées à comprendre.
« La première qui parut à nos yeux étoit
du côté du nord ou tramontane, entre nous
et l’île Quésomo , à la portée d’un fusil du
vaisseau ; nous avions alors la proue à grec
levant ou nord-est. Nous aperçûmes d’abord
en cet endroit l’eau qui bouillounoit et étoit
élevée de la surface de la mer d’environ un
pied; elle étoit blanchâtre, et au dessus pa-
roissoit co rme une fumée noire un peu
énaisse, de manière que cela ressembloit
proprement à un tas de paille où l’on auroit
mis le feu, mais qui ne feroit encore que
fumer : cela faisoit un bruit sourd, sembla-
ble à celui d’un torrent qui court avec beau-
coup de violence dans un profond vallon ;
mais ce bruit étoit mêlé d’un autre un peu
plus clair, semblable à un fort sifflement de
serpens ou dbies. Un peu après nous vîmes
comme un canal obscur qui avoit assez de
ressemblance à une fumée qui va montant
aux nues en tournant avec beaucoup de vi-
tesse, et ce canal paraissait gros comme le
doigt , et le même bruit Continuoit toujours.
Ensuite la lumière nous en ôta la vue, et
nous connûmes que cette trombe étoit finie,
parce que nous vîmes que cette trombe ne
s’élevait plus, et ainsi la durée n’avoit pas
été de plus d’un demi-quart d’heure. Celle-là
finie, nous en vîmes une autre du côté du
midi , qui commença de la même manière
qu’avoit fait la précédente ; presque aussitôt
il s’en fit une semblable à côté de celle-ci
vers le couchant , et incontinent après une
troisième à côté de cette seconde ; la plus
éloignée des trois pouvoit être à portée du
mousquet loin de nous; elles paroissoient
toutes trois comme trois tas de paille hauts
1. Voyez Acta crud. Lips. supp. , t. I , p. 4o5.
d’un pied et demi ou de deux , qui fumoi
beaucoup, et faisoient même bruit qu
première. Ensuite nous vîmes tout aul j
de canaux qui venoient depuis les nues i
ces endroits où l’eau étoit élevée , et cha
de ces canaux étoit large par le bout
tenoit à la nue, comme le large bout d’
trompette, et fais .it la même figure (p }
l’expliquer intelligiblement) que peut f I
la mamelle ou la tette d'un animal tirée
pendiculairement par quelque poids, i
canaux paroissoient blancs d’une blanch i
blafarde , et je crois que c'était l’eau
étoit dans ces canaux tronsparens qui I
faisoit paroi tre blancs ; car apparemmen
étoient déjà formés avant que de tirer l’i
selon qu’on peut juger par ce qui suit
lorsqu ils étoient vides, ils ne paroisse
pas, de même qu’un canal de verre fort c
exposé au jour devant nos yeux à que la
distance, ne paroît pas, s’il n’est rempli i in
liqueur teinte. Ces canaux netoient P
droits, mais courbés en quelques endrvjt
même ils n’étoient pas perpendiculaires sic
contraire, depuis les nues où ils paroisse la
entés jusqu’aux endroits où ils tiraient f! ire
ils étoient fort inclinés; et ce qui est »e
plus particulier, c’est que la nue où étoi é:
tachée la seconde de ces trois ayant ftti
chassée du vent, ce canal la suivit sanilne
rompre et sans quitter le lieu où il 1 |«
l’eau, et passant derrière le canal de la «r
mière, ils furent quelque temps cr< Ile:
comme en sautoir, ou en croix de S; «te
André. Au commencement ils étoient fis
trois gros comme le doigt, si ce n’est amp
de la nue qu’ils étoient plus gros, corllil
j’ai déj ! remarqué; mais dans la suite 1 le)
de la première de ces trois se grossit ce*
dérabiemeut ; pour ce qui est des deu: Ici
très, je n’en ai autre chose à dire, ca ;»qi
dernière formée ne dura guère davarjU
qu’avoit duré celle que nous avions vu b
côté du nord. La seconde du côté du i |t
dura environ un quart d’heure ; ma 1 îrdi
première de ce même côté dura un pér i te
vantage, ci ce fut celle qui nous doin 1 îes
plus de crainte; et ce t de celle-là qu i j Je
reste encore quelque chose à dire. D’a U|
son canal étoit gros comme le doigt ; en i »
il se fit gros comme le bras , et après coi j irai
la jambe, et enfin comme un gros j : in
d’arbre, autant qu’un homme pourrait U,
brasser. Nous voyions distinctement ai 1 m|
vers de ce corps transparent l’eau qui 1 i
toit en serpentant un peu, et queïquefi fc(
diminuoit un peu de grosseur, tantôt! s f
haut et tantôt par bas : pour lors U res >
ART. XV. VENTS IRREGULIERS* OURAGANS.
227
oit justement à un boyau rempli de quei-
e matière Suide que l’on presserait avec
J doigts, ou par haut pour faire descendre
te liqueur, ou par bas pour la faire mon-
; et je me persuadai que c’étoit la vio-
ce du veut qui faisoit ces ehangeinens ,
saut monter l’eau fort vite lorsqu’il pres-
t le canal par le bas , et la faisant des-
idre lorsqu’il le pressoit par le haut,
res cela il diminua tellement de grosseur,
il étoil plus menu que le bras , comme
boyau qu’on allonge en le tirant perpen-
ulairement ; ensuite il retourna gros
lime la cuisse ; après il redevint fort
ïu : enfin je vis que l’eau élevée sur la
serfïcie de la mer commençoit à s’abais-
et le bout du canal qui lui touchait ,
a sépara et s’étrécit, comme si on l’eût
et alors la lumière qui nous parut par
noyen d’un nuage qui se détourna , m’en
la vue. Je ne laissai pas de regarder éli-
te quelque temps si je ne le reverrais
nt, parce que j’avois remarqué que par
is ou quatre fois le canal de la seconde
ce même côté du midi nous avoit paru
rompre par le milieu , et incontinent
•ôs nous te revoyions entier, et ce n é toit
es 3 la lumière qui nous en cachait la moi-
: mais j’eus beau regarder avec toute i’at-
ition possible ; je 11e revis plus celui-ci , et
an ie se lit plus de trombe , etc.
Ges trombes sont fort dangereuses sur
r ; car si elles viennent sur un vaisseau ,
s se mêlent dans les voiles , en sorte que
Sj eîquefois elles l'enlèvent , et , le laissant
mite retomber, elles le coulent à fond , et
ni la arrive particulièrement quand c’est un
it vaisseau ou une barque : tout au moins,
elles n’enlèvent pas un vaisseau , elles
upent toutes les voiles, ou bien laissent
m nber dedans toute l’eau qu’elles tiennent;
qui le fait souvent couler à fond. Je ne
îte point que ce ne soit par de sembla-
s accidens que plusieurs des vaisseaux
it on n’a jamais eu de nouvelles , ont été
mai -dus, puisqu’il n’y a que rop d’exemples
ceux que l’on a su de certitude avoir péri
cette manière. »
Je soupçonne qu’il y a plusieurs illusions
l ’ilptique dans les phénomènes que ce voya-
iir nous raconte ; mais j’ai été bien aise
rapporter les faits tels qu’il a cru les voir,
,ii U qu’on puisse ou les vérifier, ou du
lit tins les comparer avec ceux que rappor-
I au It les autres voyageurs. Voici la descrip-
it 11 qu’en donne Le Gentil dans son Voyage
niefl tour du monde : « A onze heures du ma-
nil , l’air étant chargé de nuages, nous vîmes
autour de notre vaisseau , à un quart de
lieue environ de distance, six trombes de
mer qui se formèrent avec un bruit sourd,
semblable à celui que fait l’eau en coulant
dans des canaux souterrains ; ce bruit s’ac-
crut peu à peu, et ressentbloit au sifflement
que font les cordages d’un vaisseau lors-
qu’un vent impétueux s’y mêle. Nous re-
marquâmes d’abord l'eau qui houiilonnoit et
qui s’élevoit au dessus de la surface de la
mer d’environ un pied et demi; il paraissait
au dessus de (e bouillonnement un brouil-
lard, ou plutôt une fumée épaisse, d'une
couleur pâle , et celte fumée formait une
espèce de canal qui montait à la nue.
« Les canaux ou manches de ces trombes
se pliaient selon que le vent emportait les
nues auxquelles ils étoient attachés; et mal-
gré l’impulsion du vent , non seulement ils
ne se détachoient pas , mais encore il sem-
bloit qu’ils s’allongeassent pour les suivre,
en s’étrécissant et se grossissant à mesure
que le nuage s’élevoit ou se baissoit.
« Ces phénomènes nous causèrent beau-
coup de frayeur, et nos matelots , au lieu de
s’enhardir, . fomentaient leur peur parles
contes qu’ils débitoient. Si ces trombes *
disoient ils, viennent à tomber sur notre
vaisseau, elle l’enlèveront, et, le laissant
ensuite retomber, elles le submergeront.
D’autres (et ceux-ci étoient les officiers) ré-
pondoient d’un ton décisif qu’elles n’enlè-
veroient pas le vaisseau, mais que venant à
le rencontrer sur leur route, cet obstacle
romproit la communication qu’elles avoienÇ
avec l’eau de la mer, et qu’étant pleines
d’eau , toute l’eau qu’elles renfermeroienî
tomberoit perpendiculairement sur le tillac
du vaisseau et lé briserait.
« Pour prévenir ce malheur, on amena les
voiles et on chargea le canon , les gens de
mer prétendant que le bruit du canon, agi-
tant 1 air, fait crever les trombes et les dis-
sipe : mais nous n’eûmes pas besoin de
recourir à ce remède; quand elles eurent
couru pendant dix minutes autour du vais-
seau , les unes à un quart de lieue , les au-
tres à une moindre distance, nous vîmes
que les canaux s’étrécissoient peu à peu,
qu’ils se détachèrent de la superficie de la
mer, et qu’enfm ils se dissipèrent f. » )
Il paroît par la description que ces deux
voyageurs donnent des trombes, qu’êllés
sont produites , au moins en partie , par
l’ action d’un feu ou d’une fumée qui s’élève
du fond de la mer avec qne grande violence,
1. Tome I , page 191.
ire!
i5.
228 THEORIE DE LA TERRE.
et qu’elles sont fort différentes de l’autre
espece de tiombe qui est produite par l’ac-
tion des vents contraires, et par la compres-
sion forcée et la résolution subite d’un ou
de plusieurs nuages , comme le décrit
M. Shaw : « Les trombes , dit-il 1 , que j’ai
eu occasion de voir, m’ont paru autant de
cylindres d’eau qui tomboient des nuées ,
quoique par la réflexion des colonnes qui
descendent , ou par les gouttes qui se déta-
chent de l’eau qu’elles contiennent et qui
tombent, il semble quelquefois , surtout
quand on en est à quelque distance, que
l’eau s’élève de la mer en haut. Pour rendre
raison de ce phénomène, on peut supposer
que les nuées étant assemblées dans un
même endroit par des vents opposés, ils
les obligent , en les pressant avec violence,
de se condenser et de descendre en tour-
billons. »
Il reste beaucoup de faits à acquérir avant
qu’onpuisse donner une explication c omplète
de ces phénomènes; il me paroît seulement
que s’il y a sous les eaux de la mer des ter-
rains mêlés de soufre , de bitume et de mi-
néraux, comme l’on n’en peut guère douter,
on peut concevoir que ces matières venant
à -s'enflammer produisent une grande quan-
tité d'air 2 comme en produit la poudre à
canon; que cette quantité d’air nouvellement
généré et prodigieusement raréfié s’échappe
et monte avec rapidité, ce qui doit élever
l’eau et peut produire ces trombes qui s’élè-
vent de la mer vers le ciel : et de même si,
par, l’inflammation des matières sulfureuses
que contient un nuage, il se forme un cou-
rant d’air qui descende perpendiculairement
du nuage vers la mer, toutes les parties
aqueuses que contient le nuage peuvent sui-
vre le courant d’air et former une trombe
qui tombe du ciel sur la mer. Mais il faut
avouer que l’explication de cette espece de
trombe, non plus que celle que nous avons
donnée par le tournoiement des eaux et la
compression des nuages, ne satisfait pas en-
core a tout ; car on aura raison de nous de-
mander pourquoi l’on ne voii pas plus sou-
vent sur la terre, comme sur la mer, de ces
especes de trombes qui tombent perpendi-
culairement des nuages.
U Histoire de L’ Académie , année 1727,
fait men.ion d’une trombe déterré qui pa-
rut à Capestan près de Béziers ; c’étoit une
colonne assez noire qui descendoit d’une
nue jusqu à terre, et diminuoit toujours de
1. Tome II , page 56.
2. Voyez f Analyse de l’air de M. Haies, et le
Traité de Taitillerie de M. Robins.
largeur en approchant de la terre , où ell ?
se lerminoit en pointe ; elle obéissoitau ven !
qui soufüoit de l’est au sud-ouest ; elle étoi j
accompagnée d’une espèce de fumée fo !
épaisse et d’un bruit pareil à celui d’uni
mer fort agitée, arrachant quantité de rejti
tons d olivier, déracinant des arbres et ju
qu’à un gros noyer qu’elle transporta jusqu I
quarante ou cinquante pas, et marquant sel
chemin par une large trace bien battue, ci
trois carrosses de front auroient passé. 1
parut une autre colonne de la même figurjj
mais qui se joignit bientôt à la première; fl
apres que le tout eut disparu, il tomba uij
grande quantité de grêle.
Cette espece de trombe paroît être enco 1
différente des deux autres : il n’est pas ci
quelle contint de l’eau, et il semble, ta I
par ce que je viens d’en rapporter, que p j j
l’explication qu’en a donnée M. Andoqu l
lorsqu'il a fait part de l’observation de (
phénomène à l’Académie, que cette Iromil
n’étoit qu’un tourbillon de vent épaissi jj
rendu visible par la poussière et les vaper jj
condensées qu’il conlenoit. Dans la mêi SI
histoire, année 17.41, il est parlé d’u j I
trombe vue sur le lac de Genève : c’ét |
une colonne dont la partie supérieure aboi
tissoit à un nuage assez noir, et dont la p;j
lie inférieure, qui étoit plus étroite, se tu
minoit un peu au dessus de l’eau. Ce ml
téore ne dura que quelques minutes ; et de j :
le moment qu il se dissipa, on aperçut un j
vapeur épaisse qui montoit de l’endroit 1 j
il avoit paru, et là même les eaux du , !
bouillonnoient etsembloient faire effort pc
s’élever. L’air étoit fort calme pendant j
temps que parut cette trombe; et lorsqu’f i
se dissipa, il ne s’ensuivit ni vent ni plu j 1
«Avec tout ce que nous savons déjà, j;
l’historien de l’Académie, sur les tromilj I
marines , ne seroit-ce pas une preuve b 1
plus quelles 11e se forment point pari
seul conflit des vents, et qu’elles sont pi !•
que toujours produites par quelque érupt 1
de vapeurs souterraines , ou même de Vj-
cans , dont on sait d’ailleurs que le fond î
la mer n’est pas exempt? Les tourbillîl
d’air et les ouragans qu’on croit connnu jr
ment être la cause de ces sortes de plié -
menes, pourroient donc bien n’en être «Je
l’effet ou une suite accidentelle. »
9
Sur la violence des vents du midi dai j
quelques contrées septentrionales, j
* Les voyageurs russes ont observé c jà
l’entrée du territoire de Milim , il y a su je
ART. XV. VENTS DU MIDI.
<229
bord de la Lena , à gauche , une grande
[daine entièrement couverte d’arbres ren-
| versés, et que tous ces arbres sont couchés
u sud au nord en ligne droite , sur une
tendue de plusieurs lieues; en sorte que
jout ce district, autrefois couvert d’une
paisse forêt, est aujourd’hui jonché d’arbres
[ans cette même direction du sud au nord,
i'et effet des vents méridionaux dans le nord
1 S aussi été remarqué ailleurs. Dans le Groen-
1 and, principalement en automne, il règne
111 les vents si impétueux, que les maisons s’eu
branlent et se fendent ; les tentes et les ba-
eaux en sont emportés dans les airs. Les
Jroenlandois assurent même que quand ils
eulent sortir pour mettre leurs canots à
I* 'abri , ils sont obligés de ramper sur le ven-
in , de peur d’être le jouet des vents. E11
ilé, on voit s’élever de semblables tourbil-
lons, qui bouleversent les flots de la mer,
;t font pirouetter les bateaux. Les pins fières
empêtes viennent du sud , tournent au nord
f s’y calment : c’est alors que la glace des
"kaies est enlevée de son lit, et se disperse
:ll?ur la mer en monceaux. ( Add . Buff)
Sur les trombes.
01 J * M. de La Nux , que j’ai déjà eu occasion
^ le citer plusieurs fois dans mon ouvrage,
111 ;t qui a demeuré plus de quarante ans dans
lÊf’îîe de Eourbon, s’est trouvé à portée de
voir un grand nombre de trombes, sur les-
quelles il a bien voulu me communiquer ses
Observations, que je crois devoir donner ici
‘par extrait.
üi! Les trombes que cet observateur a vues ,
I se sont formées, i° dans des jours calmes et
des intervalles de passage du vent de la par-
! fie du nord à celle du sud, quoiqu’il en ait
’ pu une qui s’est formée avant ce passage du
II vent à l’autre, et dans le courant même d’un
" peut d e nord , c’est-à-dire assez long-temps
'‘avant que ce vent eût cessé ; le nuage duquel
^ cette trombe dépendoit, et auquel elle te-
Oioil, étoit encore violemment poussé; le so-
11 leil se montrait eu même temps derrière lui,
:[ eu égard à la direction du vent : c’éloit le
1(6 janvier, vers les onze heures du matin.
| 20 Ces trombes se sont formées pendant
le jour, dans des nuées détachées , fort
11 épaisses en apparence, bien plus étendues
que profondes, et bien terminées par d s-
sous parallèlement à l’horizon, le dessous
\\ de ces nuées paroissant toujours fort noir.
“j 3° Toutes ces trombes se sont montrées
d’abord sous la forme de cônes renversés,
dont les bases étoient plus ou moins larges.
4° De ces différentes trombes qui s’an-
nonçoient par ces cônes renversés, et qui
quelquefois lenoient au même nuage, quel-
ques-unes n’ont pas eu leur entier effet ; les
unes se sont dissipées à une petite distance
de nuage; les autres sont descendues vers la
surface de la mer, et en apparence fort près,
sous la forme d’un long cône aplati , très-
étroit et pointu par le bas. Dans le centre de
ce cône, et sur toute sa longueur, régnoit
un canal blanchâtre, transparent et d’un
tiers environ du diamètre du cône, dont
les deux côtés étoient fort noirs, surtout
dans le commencement de leur apparence.
Elles ont été observées d’un point de
l’île de Jfourbon élevé de cent cinquante
toises au dessus du niveau de la mer, et elles
étoient, pour la plupart, à trois, quatre,
ou cinq lieues de distance de l’endroit de
l’observation, qui étoit la maison même de
l’observateur.
Voici la description détaillée de ces
trombes.
Quand le bout de la manche, qui pour
lors est fort pointu, est descendu environ
au quart de la distance du nuage à la mer,
on commence à voir sur l’eau, qui d’ordi-
naire est calme et d’un blanc transparent ,
une petite noirceur circulaire, effet du fré-
missement (ou tournoiement) de l’eau : à
mesure que la pointe de celte manche des-
cend, l’eau bouillonne, et d’autant plus que
cette pointe approche de plus près la sur-
face de la mer, et l’eau de la mer s’élève
successivement en tourbillon , à plus ou
moins de hauteur, et d’environ vingt pieds
dans les plus grosses trombes. Le bout de la
manche est toujours au dessus du tourbillon,
dont la grosseur est proportionnée à celle
de la trombe qui le fait mouvoir. Il ne pa-
roxt pas que le bout de la manche atteigne
jusqu’à la surface de la mer, autrement qu’en
se joignant au tourbillon qui s’élève.
On voit quelquefois sortir du même nuage
de gros et de petits cônes de trombes; il y
en a qui ne paroisseut que comme des filets,
d’autres un peu plus forts. Du même nuage
on voit sortir assez souvent dix ou douze pe-
tites trombes toutes complètes, dont la plu-
part se dissipent très-près de leur sortie , et
remontent visiblement à leur nuage : dans
ce dernier cas, la manche s’élargit tout à
coup jusqu’à l’extrémité inférieure, et ne
paroît plus qu’un cylindre suspendu au
nuage, déchiré par en bas, et de peu de
longueur.
Les trombes à large base , c’est-à-dire les
grosses trombes , s’élargissent insensiblement
a 3o THÉORIE DE LA TERRE.
dans toute ïeur longueur et par le bas qui
paroit s’éloigner de la mer et se rapprocher
de la nue. Le tourbillon qu’elles excitent sur
l’eau diminue peu à peu , et bientôt la man-
che de cette trombe s’élargit dans sa partie
inférieure et prend une forme presque cy-
lindrique : c’est dans cet étal que des deux
côtés élargis du canal on voit comme de l’eau
entrer en tournoyant vivement et abondam-
ment dans le nuage; et c’eT enfin par le rac-
courcissement successif de cette espèce de
cylindre que finit l’apparence de la trombe.
Les plus grosses trombes se dissipent lê
moins vite, quelques-unes clés plus grosses
durent plus d’une d; mi-heure.
On voit assez ordinairement tomber de
fortes ondées , qui sortent du même endroit
du nuage d’où sont sorties et auxquelles tien-
nent encore quelquefois les trombes : ces
ondées cachent souvent aux yeux celles qui
ne sont pas encore dissipées. J’en ai vu, dit
IV!. de La Nux, deux le 26 octobre 1775 ,
très-distinctement, au milieu d’une ondée
qui devint si forte , qu’elle m’en déroba la
vue.
Le vent , ou l'agitation de l’air inférieur
sous la nuée , ne rompt ni les grosses ni
les petites trombes; seulement cette impul-
sion les détourne de la perpendiculaire : les
plus petites forment des courbes très-remar-
quables , et quelquefois des sinuosités ; en
sorte que leur extrémité qui aboutissoit à
l’eau de la mer, étoit fort éloignée de l’a-
plomb de l’autre extrémité qui étoit dans le
nuage.
On 11e voit plus de nouvelles trombes se
former lorsqu’il est tombé de la pluie des
nuages d’où elles partent.
« Lé 14 juin de l’année 1756, sur les
quatre heures après midi , j’étois , dit M. de
La Nux, au bord de la mer , élevé de vingt
à vingt-cinq pieds au dessus de son niveau.
Je vis sortir d’un même nuage douze à qua-
torze trombes complètes, dont trois seule-
ment considérables , et surtout la dernière.
Le canal du milieu de la manche étoit si
transparent, qu’à travers je voyais les nuages
que derrière elle, à mon égard, le soleil
éclairoit. Le nuage , magasin de tant de
trombes , s’étendoit à peu près du sud-est
au nord-ouest , et cette grosse trombe , dont
il s’agit uniquement ici, me restoit vers le
sud-sud-ouest : le soleil étoit déjà fort bas,
puisque nous étions dans les jours les plus
courts. Je ne vis point d’ondées tomber du
nuage : son élévation pouvoit être de cinq
ou six cents toises au plus. »
Plus le ciel est chargé de nuages, et plus
il est aisé d’observer les trombes et toutes
les apparences qui les accompagnent.
, M. de La Nux pense, peut-être avec rai- 1
son , que ces trombes ne sont que des por-
tions visqueuses du nuage, qui sont entraî-
nées par différent tourbillons, c’est-à-dire j
par des tournoiemens de l’air supérieur en
gouffré dans les masses des nuées dont h
nuage total est composé.
Ce qui paroit prouver que ces trombe; !
sont composées de parties visqueuses , c’es i
leur ténacité, et , pour ainsi dire, leur collé
ronce; car elles font des inflexions et de :
courbures, même en sens contraire, sans s<
rompre: si cette matière des trombes n’étoi
pas visqueuse, pourroit-on concevoir com :
ment elles se courbent et obéissent au:
vents , sans se rompre? Si toutes les partie
n’étoient pas fortement adhérentes entr
elles, le vent les dissiperoit, ou tout a i
moins les feroit changer de forme ; mai I
comme celte forme est constante dans le
trombes grandes et petites, c’est un indicj
presque certain dè la ténacité visqueuse d i
la matière qui les compose. »
Ainsi le fond de la matière des trombe •f1
est une substance visqueuse contenue daii| ^
les nuages , et chaque trombe est formée pa| ^
un tourbillon d’air qui s’engouffre entre ît!| 1(11
nuages, et boursouflant le nuage inférieur!
le perce et descend avec son enveloppe dj
matière visqueuse; et comme les trombïS
qui sont complètes descendent depuis
nuage jusque sur la surface de la mer, real
frémira, bouillonnera, tourbillonnera à Loi
droit vers lequel le bout de la trombe seij
dirigé par l’effet de l’air qui sort deî'extrcij 1
mité de la trombe comme du tuyau d’u J «
soufflet : les effets de ce soufflet sur la nul f!
augmenteront à mesure qu’il s’en apprdj i
chera, et que l’orifice de cette espèce ci1»
tuyau , s’il vieil! à s’élargir, laissera sort ? 1 a
plus d’air.
O11 a cru mal à propos que les tromb< i I >
enlevoient l’eau de la mer, et qu’elles ( j ! ■
l'enfermoient une grande quantité: ce cp
a fortifié ce préjugé, ce sont les pluies, cil»
plutôt les averses qui tombent souvent ai ;
environs des trombes. Le canal du milic M
de toutes les trombes est toujours transp; I
refit, de quelque côté qu’on les regarde : ' I
l’eau de la mer paroit monter, ce n’est p i ) •
dans ce canal , mais seulement dans si >
côtés; presque toutes les trombes souffre |
des inflexions , et ces inflexions se font so ;
vent en sens contraire, en forme d'S, do !
la tête est au nuage et la queue à la me !
Les espèces de trombes dont nous A'eno
ART. XV.
le parler ne peuvent donc contenir de l’eau,
jii pour la verser à la mer, ni pour la mon-
Jér au nuage : ainsi ces trombes ne sont à
ijjraindre que par l’impétuosité de Pair qui
Sort de leur orifice inférieur; car il paroîtra
Certain à tous ceux qui auront occasion
l'observer ces trombes , qu’elles ne sont
lomposées que d’un air engouffré dans un
jiuage visqueux, et déterminé par son toui’-
toiemenl vers la surface de la mer.
M. de La Nux a vu des trombes autour
e Pile de Bourbon dans les mois de janvier,
mai, juin, octobre, c’est-à-dire en toutes
taisons; il en a vu dans des temps calmes
pt pendant de grands vents : mais néanmoins
bn peut dire que ces phénomènes ne se
[montrent que rarement, et ne se montrent
guère que sur la mer, parce que la viscosité
les nuages ne peut provenir que des parties
Sitümineüses et grasses que la chaleur du
loleil et les vents enlèvent à la surface des
iaux de la mer, et qui se trouvent rassem-
blées dans des nuages assez voisins de sa
audace; c’est par cette raison qu’on ne voit
îas de pareilles trombes sur la terre, où il
l’y a pas, comme sur la surface de la mer, une
fbbndamfe quantité de parties bitumineuses
ît huileuses que faction de la chaleur pour-
’oil én détacher. On en voit cependant quel-
piefois sur la terre , et même à de grandes
listalicës de la mer; ce qui peut arriver
orsque les nuages visqueux sont poussés
apidemenl par un vent violent de la mer
ters les terres. M. de Grignon a vu au mois
le juin 1768, en Lorraine, près de Vau-
ùiiier, dans les coteaux qui sont une suite
le l’empiètement des Vosges, une trombe
rès-bien formée; elle avoit environ cin-
(ùante toises de hauteur; sa forme éloit
:el!e d’une colonne, et elle communiquoit
1 un gros nuage fort épais, et poussé par
in ou plusieurs vents violens, qui faisoient
minier rapidement la trombe, et produi-
oient des éclairs et des coups de tonnerre,
[bette trombe ne dura que sept ou huit
minutes , et vint se briser sur la base du
îoteau , qui est élevé de cinq ou six cents
lieds '.
Plusieurs voyageurs ont parlé des trombes
le nier, mais personne 11e les a si bien ob-
iërvées que M. de La Nux. Par exemple ,
îes voyageurs disent qu’il s’élève au dessus
le la mer une fumée noire, lorsqu’il se
orme quelques trombes ; nous pouvons as-
>ùrer que cette apparence est trompeuse,
ît ne dépend que de la situation de l’obser-
1. Note communiquée par M. de Grignon à M. de
îuffoh, le 6 août 1777.
TROMBES. a3i
vateur : s’il est placé dans un lieu assez élevé
pour que le tourbillon qu’une trombe excite
sur l’eau ne surpasse pas à ses yeux 1 horizon
sensible, il ne verra que de l’eau s’élever
et retomber en pluie, sans aucun méiange
de fumée, et on le reconnoîtra avec la der-
nière évidence $ si le soleil éclaire le lieu du
phénomène.
Les trombes dont nous venons de parler
n’ont rien de commun avec les bouillonne-,
meiïs et les fumées que les feux sous-marins
excitent quelquefois , et dont nous avons
fait mention ailleurs ; ces trombes ne ren-
ferment ni n’excitent aucune fumée. Elles
sont assez rares partout : seulement les lieux
de la mer où l’on en voit le plus souvent
sont les plages des climats chauds, et en
même temps celles où les calmes sont ordi-
naires et où les vents sont le plus iucon-
stans; elles sont peut-être aussi plus fré-
quentes près les îles et vers les côtes que
dans la pleine mer. [Acid. Bu/f.)
ARTICLE XVI.
Des r, volcans et des tremblemens de terre.
Les montagnes ardentes qu’on appelle
' volcans renferment dans leur sein le soufre,
le bitume et les matières qui servent d’aSi-
ment à un feu souterrain, dont l’effet, plus
violent que celui de la poudre ou du ton-
nerre, a de tout temps étonné, effrayé les
hommes et désolé la terre. Un volcan est
un canon d’un volume immense, dont l’ou-
verture a souvent plus d’une demi-lieue :
cètie large bouche à feu vomit des torrens
de fumée et de flammes, des fleuv s de bi-
tume, de soufre et de métal fondu, des
nuées de cendres et de pierres, et quelque-
fois elle lance à plusieurs lieues de distance
des masses de rochers énormes, et que
toutes les forces humaines., réunies ne pôur-
rôient pas mettre en mouvement. L’embra-
sement est si terrible, et la quantité des
matières ardentes , fondues , calcinées , vitri-
fiées,- que la montagne rejette , est si abon-
dante, qu’elles enterrent les villes, les fo-
rets, couvrent les campagnes de cent et de
deux cents pieds d’épaisseur, et forment
quelquefois des collines et des montagnes
qui ne sont fjue des monceaux de Ces ma-
tières entassées. L’action de ce feu est si
grande, la force de l’explosion est si vio-
lente, qu’elle produit pàV sa réaction des
secousses assez fortes pour ébranler et faire
trembler la terre, agiter la mer, renverser
les montagnes, détruire les villes etlesédi-
23a THEORIE DE LA TERRE.
fices les plus solides, à des distances même
très-considérables.
Ces effets, quoique naturels, ont été re-
gardés comme des prodiges; et quoiqu’on
\oie en petit des effets du feu assez sem-
blables à ceux des volcans, le grand, de
quelque nature qu’il soit, a si fort le droit
de nous étonner, que je ne suis pas surpris
que quelques auteurs aient pris ces mon-
tagnes pour les soupiraux d’un feu central,
et le peuple pour les bouches de l’enfer.
L’étonnement produit la crainte et la crainte
fait naître la superstition : les habitans de
l’île d’Islande croient que les mugissemens
de leur volcan sont les cris des damnés,
et que leurs éruptions sont les effets de
la fureur et du désespoir de ces malheu-
reux.
Tout cela n’est cependant que du bruit ,
du feu et de la fumée : il se trouve dans
une montagne des veines de soufre , de bi-
tume et d’autres matières inflammables; il
s’y trouve en même temps des minéraux ,
des pyrites, qui peuvent fermenter et qui
fermentent en effet toutes les fois qu’elles
sont exposées à l’air ou «à l’humidité; il
s’en trouve ensemble une très-grande quan-
tité ; le feu s’y met et cause une explosion
proportionnée à la quantité des matières
enflammées, et dont les effets sont aussi plus
ou moins grands dans la même proportion;
voila ce que c’est qu’un volcan pour un phy-
sicien, et il lui est facile d’imiter l’action
de ces feux souterrains , en mêlant ensem-
ble une certaine quantité de soufre et de
limaille de fer qu’on enterre à une certaine
profondeur, et de faire ainsi un petit volcan
dont les effets sont les mêmes , proportion
gardée, que ceux des grands; car il s’en-
flamme par la seule fermentation, il jette
la terre et les pierres dont il est couvert, et
il fait de la fumée, de la flamme et des ex-
plosions.
Il y a en Europe trois fameux volcans , le
mont Etna en Sicile, le mont Hécla en Is-
lande et le mont Yésuve en Italie près de
Naples. Le mont Etna brûle depuis un
temps immémorial ; ses éruptions sont très-
violentes, et les matières qu’il rejette si
abondantes, qu’on peut y creuser jusqu’à
soixante-huit pieds de profondeur, où l’on
a trouvé des pavés de marbre et des vestiges
d’une ancienne ville qui a été couverte et
enterrée sous cette épaisseur de terre reje-
tée, de la même façon que la ville d’Héra-
clée a été couverte par les matières rejetées
du Vésuve. Il s’est formé de nouvelles bou-
ches de feu dans l’Etna en i65o, 1669 et
en d’autres temps. O11 voit les flammes et
les fumées de ce volcan depuis Malte, qui ;
en est à soixante lieues : il s’en éleve con-
tinuellement de la fumée , et il y a des j
temps où cette montagne ardente vomit avec I
impétuosité des flammes et des matières de
toute espèce. En i537, il y eut une érup-
tion de ce volcan qui causa un tremblement
de terre dans toute la Sicile pendant douze
jours, et qui renversa un très-grand nombre
de maisons et d’édifices; il ne cessa que par
l’ouverture d’une nouvelle bouche à feu, qui
brûla tout à cinq lieues aux en\ irons de laj
montagne; les cendres rejetées par le volcan i
étoient si abondantes et lancées avec tant de i
force , qu’elles furent portées jusqu’en Ita-i
lie , et des vaisseaux qui étoient éloignés de
la Sicile en furent incommodés. Fazelli dé-
crit fort au long les embrasemens de cette
montagne, dont il dit que le pied a cent
lieues de circuit.
Ce volcan a maintenant deux bouches
principales ; l’une est plus étroite que l’au
tre. Ces deux ouvertures fument toujours .
mais on n’y voit jamais de feu que dans hl
temps des éruptions : on prétend qu’on f
trouvé des pierres qu’il a lancées jusqu’il
soixante mille pas.
En x683, il arriva un terrible tremble-, j
ment en Sicile , causé par une violente i
éruption de ce volcan; il détruisit entière- j u
ment la ville de Catane et fil périr plus dt j ïn
soixante mille personnes dans cette ville j
seule, sans compter ceux qui périrent dan; j
les autres villes et villages voisins. j
L’Hécla lance ses feux à travers les glace;
et les neiges d’une terre gelée ; ses éruption;
sont cependant aussi violentes que celles de
l’Etna et des autres volcans des pays méri
dionaux. Il jette beaucoup de cendres , de ;
pierres ponces et quelquefois, dit-on, de
l’eau bouillante; on ne peut pas habiter il
six lieues de distance de ce volcan, e
toute l’ile d’Islande est fort abondante ei,
soufre. On peut voir l’histoire des vio:
lentes éruptions de l’Hécla dans Dithmal
Bleffken. (
Le mont Vésuve, à ce que disent le j
historiens, n’a pas toujours brûlé et il n’j
commencé que du temps du septième con|
sulat de Tite Vespasien et de Flavius Domil
tien : le sommet s’étant ouvert, ce volcaiï
rejeta d’abord des pierres et des rochers e S
ensuite du feu et des flammes en si grand
abondance, qu’elles brûlèrent deux ville;
voisines, et des fumées si épaisses qu’elle |
obscurcissoient la lumière du soleil. Pline
voulant examiner cet incendie de trop près
ART. XVI. VOLCANS ET TREMBLEMENS DE TERRE. 233
jit étouffé par la fumée r. Dion Cassius
pporte cpie cette éruption du Vésuve fut
violente , qu’il jeta des cendres et des
mées sulfureuses en si grande quantité et
' |rec tant de force, qu’elles furent portées
squ’à Rome, et même au delà de la mer
éditerranée en Afrique et en Egypte.
! une des deux villes qui fut couverte des
atières rejetées par ce premier incendie
Vésuve, est celle d’Héraclée, qu’on a
trouvée dans ces derniers temps a plus de
ixante pieds de profondeur sous ces ma-
! îres , dont la surface étoit devenue , par
succession du temps , une terre labou-
M ble et cultivée. La relation de la décou-
rte d’iïéraclée est entre les mains de tout
inonde : il seroit seulement à désirer que
lelqu'un versé dans l’histoire naturelle et
physique, prît la peine d’examiner les
fférentes matières qui composent cette
ijiaisseur de terrain de soixante pieds ;
lie a il fit en même temps attention à la dis-
bj bsition et à la situation de ces mêmes ma-
int ères , aux altérations qu’elles ont pi\>dui-
is I (s ou souffertes elles-mêmes, à la direction
mi Telles ont suivie, à la dureté qu’elles ont
(|iij tquise , etc.
jj II y a apparence que Naples est situé sur
illt li terrain creux et rempli de minéraux
enj plans , puisque le Vésuve et la Solfatare
1er? ?m b lent avoir des communications inié-
sili leures ; car quand le Vésuve brûle , la Sol-
vl tare jette des flammes ; et lorsqu’il cesse,
N I Solfatare cesse aussi. La ville de Naples
;t à peu près à égale distance entre les
ace îux.
io» i Une des dernières et des plus violentes
Tpptions du Vésuve a été celle de l’année
)én 737 ; la montagne vomissoit par plusieurs
jouches de gros torrens de matières métal-
liques fondues et ardentes , qui se répan-
er jpient dans la campagne et s’alloient jeter
, i àns la mer. M. de Montealègre, qui com-
mniqua cette relation à l’Académie des
'H ciences , observa avec horreur un de ces
ni! jieuves de feu , et vit que son cours étoit
é six ou sept milles depuis sa source jus-
fli u’à la mer, sa largeur de cinquante ou
» bixante pas, sa profondeur de vingt-cinq
* u trente palmes et , dans certains fonds ou
allées, de cent vingt; la matière qu'il rou-
is kit oit semblable à l'écume qui sort du
rs jpumeau d’une forge , etc. 2.
m En Asie , surtout dans les îles de l’océan
il adieu , il y a un grand nombre de vol-
f 1. Voyez l’Épître de Pline le jeune à Tacite.
2. Voyez Y Histoire de i’ Académie , année 1737,
il âges 7 et 8.
cans ; l’un des plus fameux est le mont Al-
bours auprès du mont Taurus , à huit lieues
de Hérat : son sommet fume continuelle-
ment et il jetie fréquemment des flammes
et d’autres matières en si grande abondance,
que toute la campagne aux environs est
couverte de cendres. Dans File de Ternate
il y a un volcan qui rejette beaucoup de
matière semblable à la pierre ponce. Quel-
ques voyageurs prétendent que ce volcan
est plus enflammé et plus furieux dans le
temps des équinoxes que dans les autres
saisons de l’année, parce qu’il règne alors
de certains vents qui contribuent à embra-
ser la matière qui nourrit ce feu depuis
tant d’années. L’île de Ternate n’a que sept
lieues de tour et n’est qu’un sommet de
montagne ; on monte toujours depuis le
rivage jusqu’au milieu de l’île, où le volcan
s’élève à une hauteur très-considérable et à
laquelle il est très-difficile de parvenir. Il
coule plusieurs ruisseaux d’eau douce qui
descendent sur la croupe de cette même
montagne ; et lorsque l’air est calme et que
la saison est douce, ce gouffre embrasé est
dans une moindre agitation que quand il
fait de grands vents et des orages. Ceci con-
firme ce que j’ai dit dans le discours précé-
dent, et semble prouver évidemment que
le feu qui consume les volcans ne vient pas
de la profondeur de la montagne, mais du
sommet ou du moins d’une profondeur assez
petite , et que le foyer de l’embrasement
n’est pas éloigné du sommet du volcan ; car
si cela n’étoit pas ainsi, les grands vents ne
pourroient pas contribuer à leur embrase-
ment. Il y a quelques autres volcans dans
les Moluques. Dans l’une des îles Mauriees,
à soixante-dix lieues des Moluques, il y a
un volcan dont les effets sont aussi violens
que ceux de la montagne de Ternate. L’île
de Sorca, l’une des Moluques, étoit autre-
fois habitée ; il y avoit au milieu de cette
île un volcan, qui étoit une montagne très-
élevée. En 1693 , ce volcan vomit du bitume
et des matières enflammées en si grande
quantité , qu’il se forma un lac ardent qui
s’étendit peu à peu , et toute l’île fut abîmée
et disparut. Au Japon , il y a aussi plusieurs
volcans, et dans les îles voisines du Japon
les navigateurs ont remarqué plusieurs mon-
tagnes dont les sommets jettent des flammes
pendant la nuit et de la fumée pendant le
jour. Aux îles Philippines il y a aussi plu-
sieurs montagnes ardentes. Un des plus fa-
meux volcans des îles de l’océan Indien ,
et en même temps un des plus nouveaux ,
est celui qui est près de la ville de Panaru-
234
THÉORIE DE LA TERRE.
can dans l’île de Java : il s’est ouvert en
i586; on n’avoit pas mémoire qu’il eût
brûlé auparavant; et à la première éruption
il poussa une énorme quantité de soufre ,
de bitume et de pierres. La même année,
le mont Gounapi dans File de Bànda, qui
brûloit seulement depuis dix-sepl ans, s’ou-
vrit et vomit avec un bruit affreux des ro-
chers et des matières de toute espèce. 11 y à
encore quelques autres volcans dans ies
Indes, comme à Sumatra et dans le nord
de l’Asie , au delà du fleuve Jénisca et de la
rivière de Pésida : mais ces deux derniers
volcans ne sont pas bien reconnus.
En Afrique il y à une monlagü'é, ou plu-
tôt une caverne appelée Reniguazcval, au-
près de Fez , qui jette toujours de la fumée ,
el quelquefois des flammes. L’une des îles
du cap Vert, appelée File de Fuogue , n’est
qu’une grosse montagne qui brûle conti-
nuellement : ce volcan rejette, comme les
autres , beaucoup de cendres et de pierres;
et les Portugais, qui ont plusieurs fois tenté
de' faire des habitations dans cette île, ont
été contraints d’abandonner' leur projet par
la crainte des effets du volcan. Aux Cana-
ries, le pic de Ténériffe , autrement appelé
la montagne de Teide, qui passe pour ètré
l’une des plus hautes montagnes de la terre,
jette du feti , des cendres et de grosses pier-
res : du sommet coulent des ruisseaux de
soufre fondu du côté du sud à travers les
neiges ; ce soufre se coagule bientôt , et
forme des veines dans la neige, qu’on peut
distinguer de fort loin.
En Amérique il y a un très-grand nom-
bre de volcans, et surtout dans les mon-
tagnes du Pérou et du Mexique : celui
d’Aréquipa est un des plus fameux; il cause
souvent des tremblemens de terre plus com-
muns dans le Pérou que dans aucun autre
pays du monde. Le volcan de Carrapa et
celui deMalabalio sont, au rapport des voya-
geurs les plus considérables après celui d’A-
réquipa ; mais il y en a beaucoup d’autres
dont on n’a pas une connoissance exacte.
M. Bouguer, dans la relation qu’il a don-
née de son voyage au Pérou, dans le vo-
lume des Mémoires de l' Académie de Fan-
née 1744, fait mention de deux volcans,
l’un appelé Cotopaxi, et l’autre Pichincha ;
le premier est cà quelque distance el l’autre
est très-voisin de la ville de Quito : il a
même été témoin d’un incendie de Coto-
paxi en 1742, et de l’ouverture qui se fit
dans cette montagne d’une nouvelle bouche
à feu; celte éruption ne fît cependant d’au-
tre mal que celui de fondre lès neiges de la
montagne, et de produire ainsi des lorrei
d’eau si abondans , qu’en moins de trois he
res ils inondèrent Un pays de dix-huit lieu
d’étendue , et renversèrent tout ce qui
trouva sur leur passage.
Au Mexique il y a plusieurs volcans do
les plus considérables sont Popocbampècl
et i opoeàtepec : ce fut auprès de ce demi
volcan que Cortez passa pour aller au Mes
que, et il y eût des Espagnols qui mont
rent jusqu’au sommet, où ils virent la bo
die dû volcan qui â environ une demi-lie
de tour. On trouve aussi de ceS montagn
de soufré à la Guadeloupe, à Tercère
dans les autres îles dés Açores ; et si 011 vo
îoit mettre au nombre des volcans toutes 1
montâgheé qui fument ou desquelles il s
levé même des flammes , on pourrait 1
compter plus de oixanie : mais nous n’
vous parlé que de ces volcans redouta bl
auprès desquels 011 n’Ose habiter, et qui 1
jettent des pierres et des matières minée
les à une grande distante.
Ces volcans , qui sont en si grand nom!
dans les Cordilières , causent, comme je 1
dit, des tremblemens de terre presque ce-
tinuels, ce qui empêche qu’on y bâtisse av ®
de la pierre au dessus du premier étag
et pour ne pas risquer d’être écrasés ,
habitans de ces parties du Pérou 11e co
struisent les étages supérieurs de leurs m ] :in
sons qu’avec des roseaux et du bois lég
Il y a aussi dans ces montagnes plusiet
précipices et de larges ouvertures dont
parois sont noires et brûlées, comme dé
le précipice du mont Ararath en Armé u
qu’on appelle L’Abîme ; ces abîmes sont
bouches des anciens volcans qui se sc
éteints.
Il y a eu dernièrement un tremblemt
de terre à Lima dont les effets ont été t<
ribles ; la ville de Lima et le por de Cal
ont été presque entièrement abîmés, m
le mal a encore été plus considérable au C
lào. La mer a couvert de ses eaux tous
édifices, el par conséquent noyé tous
habitans; il 11’est resté qu’une tour. De vin
cinq vaisseaux qu’il y avoit dans ce port,
y en a eu quatre qui ont été portés à tu
lieue dans les terres, et le reste a été n premier livre, rapporte qu’il y avoit une
i;i[Jj ille en Phénicie, située auprès de Sidon ,
ujr Jui lut engloutie par un tremblement de
^ prre , et avec elle le territoire voisin et les
eux tiers mêmes de la ville de Sidon , et
ni ne cet effet ne se fit pas subitement , de
I )rte qu’il donna le temps à la plupart des
(( àbitaus de fuir; que ce tremblement s’é-
,a) mdit presque par toute la Syrie et jusqu’aux
(af, es Cyclades, et en Eubée , où les fontaines
n’Arélhuse tarirent tout à coup et ne re-
ârurent que plusieurs jours après par de
iouvelles sources éloignées des anciennes;
J tee tremblement ne cessa pas d’agiter l’île,
jel jmtôt dans un endroit , tantôt dans un au-
J -e , jusqu’à ce que la terre se fût ouverte
jj ans la campagne de Lépante et qu’elle eût
Rejeté une grande quantité de terre et xie
I îafières enflammées. Pline, dans son pre-
mier livre, chap. 84, rapporte que sous le
lègne de Tibère il arriva un tremblement
f terre qui renversa douze villes d’Asie;
t dans son second livre, chapitre 83, il
lit mention dans les termes süivans d’un
rodige causé par un tremblement de terre :
Factum estsemel (quodequidem inEtruscæ
disciplinæ voluminibus inveni) ingens ler-
ràrum portentum, Lucio Marcio, Sex.
Julio coss. in agro Mutinensi. Namque
montes duo inter se concurrerunt , cre-
pitu maximo adsultantes, recedentesque,
inter eos flammâ fumoque in cœlurn
éxeunte interdiù , speclante è via Æmiiiâ
magnà equitum Romanorum , familiarum-
que et viatorum multitudîne. Eo concursu
villæomnes elisæ; animalia permulta, quæ
intra fuerant , exanimata sunt , etc. »
iaint Augustin (de Miraculis , lib. ix ,
Kap. 3) dit que par un très-grand tremble-
ment de terre, il y eut cent villes renver-
ées dans là Libye. Du temps de Trajan,
la ville d’Antioche et une grande partie du
pays adjacent furent abîmés par un trem-
blement de terre; et du temps de Justi-
nien, en 028, cette ville fut une seconde
fois détruite par la même cause avec plus
de quarante mille de ses habitans ; et soixante
ans après, du temps de saint Grégoire, elle
essuya un troisième tremblement avec perle
de soixante mille de ses habitans. Du temps
de Saladin, en 1x82 , la plupart des villes
de Syrie et du royaume de Jérusalem furent
détruites par la même cause. Dans la Pouille
et dans la Calabre il est arrivé plus de trem-
blemens de terre qu’en aucune autre partie
de l’Europe : du temps du pape Pie II,
toutes les églises et les palais de Naples fu-
rent renversés; il y eut près de trente mille
personnes de tuées, et tous les habitans
qui restèrent furent obligés de demeurer
sous des tentes jusqu’à ce qu’ils eussent ré-
tabli leurs maisons. En 1629, il y eut des
tremblemens de terre dans la Pouille , qui
firent périr sept mille personnes ; et en
i638, la ville de Sainîe-Euphémie fut en-
gloutie, et il n’est resté en sa place qu’un
lac de fort mauvaise odeur; Raguse et
Smyrne furent aussi presque entièrement
détruites. Il y eut en 1692 un tremblement
de terre qui s’étendit en Angleterre, en
Hollande, en Flandre, en Allemagne, en
France, et qui se fil sentir principalement
sur les côtes de la mer et auprès des gran-
des rivières ; il ébranla au moins deux
mille six cents lieues carrées; il ne dura
que deux minutes : le mouvement étoit
plus considérable dans les montagnes que
dans les vallées. En 1688, le 10 de
juillet , il y eut un tremblement de terre
à Smyrne qui commença par un mouve-
ment d’occident en orient. Le château fut
renversé d’abord, ses quatre murs s’étant
entr’ouverts et enfoncés de six pieds dans
la mer. Ce château, qui étoit un isthme,
est à présent une véritable île éloignée de
la terre d’environ cent pas , dans l’endroit où
la langue de terre a manqué : les murs qui
étoient du couchant au levant sont tombés;
ceux qui alloient du nord au sud sont restés
sur pied. La ville, qui est à dix milles du
château, fut renversée presque aussitôt; on
vit en plusieurs endroits des ouvertures à
la terre, on entendit divers bruits souter-
rains : il y eut de cette manière cinq ou six
secousses jusqu’à la nuit ; la première dura
environ une demi-minute : les vaisseaux qui
étoient à la rade furent agites, le terrain
de la ville a baissé de deux pieds; il n’est
resté qu’environ le quart de la ville, et prin-
a36
THÉORIE DE LA TERRE.
cipalement les maisons qui étoient sur des
rochers : on a compté quinze ou vingt mille
personnes accablées par ce tremblement de
terre. En 1695, dans un tremblement de
terre qui se fit sentir à Bologne en Italie,
on remarqua , comme une chose particu-
lière, que les eaux devinrent troubles un
jour auparavant.
« Il se fit un si grand tremblement de
terre à Tercère, le 4 mai 1614, qu’il ren-
versa en la ville d’Angra onze églises et neuf
chapelles, sans les maisons particulières, et
en la ville de Praya il fut si effroyable,
qu’il n’y demeura presque pas une maison
debout; et le 16 juin 1628, il y eut un si
horrible tremblement dans l’île de Saint-
Michel, que proche de là la mer s’ouvrit et
fit Sortir de son sein, en un lieu où il y
avoit plus de cent cinquante toises d’eau ,
une île qui avoit plus d’une lieue et demie
de long et plus de soixante toises de haut T.
Il s’en étoil fait un autre en i5gi, qui com-
mença le vingt-six de juillet, et dura, dans
l’île de Saint-Michel, jusqu’au 21 du mois
suivant ; Tercère et Fayal furent agitées le
lendemain avec tant de violence, qu’elles
paroissoient tourner ; mais ces affreuses se-
cousses n’y recommencèrent que quatre fois,
au lieu qu’à Saint-Michel elles ne cessèrent
point un moment pendant plus de quinze
jours; les insulaires, ayant abandonné leurs
maisons qui tomboient d’elles mêmes à leurs
yeux , passèrent tout ce temps exposés aux
injures de l’air. Une ville entière, nommée
Yilla-Franca , fut renversée jusqu’aux fon-
dements , et la plupart de ses habitans écra-
sés sous les ruines. Dans plusieurs endroits
les plaines s’élevèrent en collines , et dans
d’autres quelques montagnes s’aplanirent ou
changèrent de situation; il sortit de la terre
une source d’eau vive qui coula pendant
quaire jours, et qui parut ensuite sécher
tout d’un coup ; l’air et la mer , encore plus
agités, retentissoient d’un bruit qu’on auroit
pris pour le mugissement de quantité de
bêtes féroces; plusieurs personnes mouroient
d’effroi ; il n’y eut point de vaisseaux dans
les ports mêmes qui ne souffrissent des at-
teintes dangereuses, et ceux qui étoient à
l’ancre ou à la voile à vingt lieues aux en-
virons des îles , furent encore plus maltrai-
tés. Les tremblemens de terre sont fréquens
aux Açores ; vingt ans auparavant il en
etoit arrivé un dans l’île de Saint-Michel,
qui avoit renversé une montagne fort haute.
Il s’en fit un à Manille , au mois de sep-
i. Voyez les Voyages de Mande Islo.
tembre 1627, qui aplanit une des deux
montagnes qu’on appelle Carvalîos , dans la !
province de Cagayan. En 1645 , la troisième
partie de la ville fut ruinée par un pareil
accident , et trois cents personnes y périrent ;
l’année suivante elle en souffrit encore un
autre. Les vieux Indiens disent qu’ils étoient
autrefois plus terribles , et qu’à cause de
cela on ne bâtissoit les maisons que de bois
ce que font aussi les Espagnols, depuis le
premier étage.
« La quantité des volcans qui se trouvent
dans l’île confirme ce qu’on a dit jusqu’à
présent , parce qu’en certains temps ils vo
missent des flammes, ébranlent la terre,
et font tous ces effets que Pline attribue à
ceux d’Italie, c’est-à-dire de faire change!
de lit aux rivières et retirer les mers voi-
sines, de remplir de cendres tous les envi-
rons, et d’envoyer des pierres fort loin avec
un bruit semblable à celui du canon 2 »
« L’an 1646, la montagne de 1 île de Ma-
chian se feudit avec des bruits et un fracat
épouvantables , par un terrible tremblemén
de terre, accident qui est fort ordinaire ei;
ces pays-là : il sortit tant de feux par cettt]
fente, qu’ils consumèrent plusieurs nègre
ries avec les habitans et tout ce qui y étoil
O11 voyoit encore, l’an i685, cette prodi
gieuse fente, et apparemment elle subsisl
toujours; on la nominoit l’ornière de Ma;j -
chian , parce qu’elle descendoit du haut e
bas de la montagne, comme un chemin qi
y auroit été creusé, mais qui de loin ne pi
roissoit être qu’une ornière. «
L 'Histoire de l’Jcadémie fait mention
dans les termes suivants, des tremblemeï
de terre qui se sont faits en Italie en 170
et 1703 : « Les tremblemens commencèrei
en Italie au mois d’octobre 1702, et cor
tinuèrent jusqu’au mois de juillet 1703
les pays qui en ont le plus souffert , et qi
sont aussi ceux par où ils commencèrent
sont la ville de Norcia avec ses dépendai
ces dans l’Etat ecclésiastique, et la proviir
de l’Abruzze. Ces pays sont contigus et 5
tués au pied de l’Apennin , du côté du ùïic
« Souvent les tremblemens ont été aecoi
pagnés de bruits épouvantables dans l’ai 1
et souvent aussi 011 a entendu ces bruits sa
qu’il y ait eu de tremblemens, le ciel éta
même fort serein. Le tremblement du 2 il
vrier 1703 , qui fut le plus violent de ton j
fut accompagné, du moins à Rome, d’irl
grande sérénité du ciel et d’un grand cah
dans l’air : il dura à Rome une demi-minu
:l!t(
t|)ll
2. Voyez le Voyage de Gemelli Caireri , p. 1 2
h
ART. XVI. VOLCANS ET TREMBLEMENS DE TERRE. 237
t à Aquila, capitale de l’Abruzze, trois
leures. Il ruina toute la ville d’Aquila, en-
[*»velit cinq mille personnes sous les ruines ,
fit un grand ravage dans les environs.
« Communément les balaneemens de la
rre ont été du nord au sud , ou à peu près;
; qui a été remarqué par le mouvement des
mpes des églises.
« Il s’est fait dans un champ deux ouver-
tes, d’où il est sorti avec violence une
■ande quantité de pierres qui l’ont entière-
ent couvert et rendu stérile ; après les pier-
s il s’élança de ces ouvertures deux jets
eau qui surpassoient beaucoup en hauteur
s arbres de cette campagne, qui durèrent un
îarl d’heure , et inondèrent jusqu’aux cam-
ignes voisines. Cette eau est blanchâtre, se ni-
able à de l’eau de savon, et n’a aucun goût.
k Une montagne qui est près de Sigillo,
uirg éloigné d’Aquila de vingt-deux milles,
oit sur son sommet une plaine assez grande,
vironnée de rochers qui lui servoient
jmme de murailles. Depuis le tremblement
i 2 février, il s’est fait, à la place de cette
aine, un gouffre de largeur inégale, dont
plus grand diamètre est de vingt -cinq toi-
s, et le moindre de vingt : on n’a pu en
mver le fond, quoiqu’on ait été jusqu’à
>is cents toises. Dans le temps que se fit
tte ouverture , on en vit sortir des flammes ,
ensuite une très-grosse fumée, qui dura
lis jours avec quelques interruptions.
« A Gènes, le ier et le 2 juillet i7o3, il
eut deux petits tremblemens; le dernier
fut senti que par des gens qui travaiiloient
r le môle : en même temps la mer dans le
rt s’abaissa de six pieds , en sorte que les
lères louchèrent le fond , et cette basse
Jer dura près d’un quart d’heure.
« L’eau soufrée qui est dans le chemin de
ime à Tivoli s’est diminuée de deux pieds
demi de hauteur , tant dans le bassin que
ns le fossé. En plusieurs endroits de la
line appelée le Testine , il y avait dessour-
s et des ruisseaux d’eaux qui form oient des
irais impraticables ; tout sVst séché. L’eau
lac appelé l’ Enfer a diminué aussi de
pis pieds en hauteur : à la place des an-
ilines sources qui ont tari, il en est sorti
: nouvelles en . n on à une lieue des premiè-
s ; en sorte qu’il y a apparence que ce
nt les mêmes eaux qui ont changé de
ute1. »
Le même tremblement de terre qui , en
>38 , forma le Monte ill Cenere auprès de
luzzol, remplit en même temps le lac Lu-
1. Page 10, année 1704.
:i
crin de pierres, de terres, et de cendres; de
sorte qu’acluellement ce lac est un terrain
marécageux.
U y a des tremblemens de terre qui se
font sentir au loin dans la mer. M. Shaw
rapporte qu’en 1724, étant à bord de la Ga-
zelle , vaisseau algérien de cinquante canons ,
on sentit trois violentes secousses l’une après
l’autre, comme si, à chaque fois, on avoit
jeté d’un endroit fort élevé un poids de vi gt
ou trente tonneaux sur le lest : cela arriva
dans un endroit de la Méditerranée où il y
avoit plus de deux cents brasses d’eau. Il
rapporte aussi que d’autres avoient senti des
tremblemens de terre bien plus considéra-
bles en d’autres endroits , et un entre autres
à quarante lieues ouest de Lisbonne.
Schouten, en parlant d’un tremblement
de terre qui se fit aux îles Moluques, dit que
les montagnes furent ébranlées, et que les
vaisseaux qui étoienl à l’ancre sur trente et
quarante brasses, se tourmentèrent comme
s’ils se fussent donné des culéès sur le rivage,
sur des rochers , ou sur des bancs. « L’expé-
rience, continue-t-il, nous apprend tous les
jours que la même chose arrive en pleine
mer où l’on ne trouve point de fond, et que
quand la terre tremble, les vaisseaux viennent
tout d’un coup à se tourmenter jusque dans
les endroits où la mer étoit tranquille2 . » Le
Gentil, dans son Voyage autour du Monde ,
parle des tremblemens de terre dont il a été
témoin, dans les termes suivans : «,1'ai, dit-
il, fait quelques remarques sur ces tremble-
mens de terre. La première est qu’une demi-
heure avant que la terre s’agite, tous les ani-
maux paroissent saisis de frayeur; les che-
vaux hennissent , rompent leurs licous , et
fuient de l’écurie ; les chiens aboient ; les
oiseaux , épouvantés et presque étourdis ,
entrent dans les maisons ; les rats et les
son.is sortent de leurs trous, etc. La se-
conde est que les vaisseaux qui sont à
l’ancre sont agités si violemment, qu’il
semble que toutes les parties dont ils sont
composés vont se désunir ; les canons sau-
tent sur leurs affûts , et les mâts, par celte
agitation , rompent leurs haubans : c’est ce
que j’aurois eu de la peine à croire , si plu-
sieurs témoignages unanimes ne m’en avoient
convaincu. Je conçois bien que le fond de la
mer est une continuation de la terre; que si
cette terre est agitée, elle communique son
agitation aux eaux qu’elle porte : mais ce
que je ne conçois pas , c’est ce mouvement
irrégulier du vaisseau , dont tous les mem-
2. Voyez tome VI, page io3,
238
THÉORIE DE LA. TERRE.
bres et les parties prises séparément partici-
pant à cette agitation , comme si tout le
vaisseau faisait partie de la terre, et qu’il ne
nageât pas dans une matière fluide; son mou-
vement devroit être tout au plus semblable
à celui qu’il éprouveroil dans une tempête.
D’ailleurs, dans l’occasion où je parle, la
surface de la mer étoit unie , et ses flots n’é-
toient point élevés; toute l’agitation étoit
intérieure , parce que le vent ne se mêla
point au tremblement de terre. La troisième
remarque est que si la caverne de la terre où
le feu souterrain est renfermé va du septen-
trion au midi, et si la ville est pareillement
située dans sa longueur du septentrion au
midi, toutes les maisons sont renversées , au
lieu que si cette veine ou caverne fait son effet
en prenant la ville par sa largeur , le tremble-
ment de terre fait moins de ravage, etc. l. »
Il arrive que, dans les pays sujets aux
tremblemeus de terre, lorsqu’il se fait un
nouveau volcan, les tremblemeus de terre fi-
nissent et ne se font sentir que dans les érup-
tions violentes du volcan , comme on l’a ob-
servé dans l’île Saint-Christophe.
Ces énormes ravages produits par les
tremblemeus de terre ont fait croire à quel-
ques naturalistes que les montagnes et les
inégalités de la surlace du globe n’élolent
que le résultat des effets de l’action des feux
souterrains, et que toutes les irrégularités
que nous remarquons sur la terre dévoient
être attribuées à ces secousses violentes et
aux bouleversemens qu’elles ont produits.
: C’est , par exemple, le sentiment de Ray ; il
croit que toutes les montagnes ont été for-
mées par des tremblemeus de terre ou par
l’explosion des volcans , comme le mont di
Centre , file nouvelle près de Santprin, etc. :
mais il n’a pas pris garde que ces petites élé-
vations formées par l’éruption d’un volcan ,
ou par l’action d'un tremblement de terre,
ne sont pas intérieurement composées de
couches horizontales , comme le sont toutes
les autres montagnes ; car en fouillant dans
le mont di Caere , on trouve les pierres cal-
cinées , les cendres, les terres brûlées, le
mâchefer , les pierres ponces , tous mêlés et
confondus comme clans un monceau de dé-
combres. D’ailleurs , si les tremblemeus de
terre et les feux souterrains eussent produit
les grandes montagnes de la terre , comme
les Cordillères , le mon! Taurus, les Alpes ,
etc. , la force prodigieuse qui auroii élevé ces
masses énormes auroit en même temps dé-
truit une grande partie de la surface du glo-
i. Voyez le Nouveau Noyage autour du monde de
Le Gentil, Ionie I, pages ija et soir.
be, et l’effet du tremblement auroit été d’ j
ne violence inconcevable , puisque les pl
fameux tremblemeus de terre dont l’bisto
fasse mention n’ont pas eu assez de foi i
pour élever des montagnes : par exempl
il y eut, du temps de Valentinien Ier, !
tremblement de terre qui se fit sentir ch
tout le monde connu, comme le rappo !
Ammien Marcellin2, et cependant il n’y < j
aucune montagne élevée par ce grand Ire :
blement.
Il est cependant vrai qu’en calculant î
pourvoit trouver qu’un tremblement de te !
assez violent pour élever les plus hautes m<
tagnes, ne le seroit pas assez pour dépla |]
le reste du globe.
Car, supposons pour un instant que |
chaîne des hautes montagnes qui trave j|
l’Amérique méridionale, depuis la poi |
des terres Mageilaniques jusqu’aux mon |
gnes de la Nouvelle-Grenade et au golfe
Darien , ait été élevée tout à la fois et p
(luit, e par un tremblement de terre, etvoy
par le calcul l’effet de cette explosion. C<
chaîne de montagnes a environ dix-s 11
cents lieues de longueur , et corn numéro f
quarante lieues de largeur, y compris 1
Sierras , qui sont des montagnes moins > f
vées que les Andes ; la surface de ce len 1
est donc de soixante-huit mille lieues ; j]
rées. Je suppose que l’épaisseur de la } [“
tière déplacée par le tremblement est d’ !
lieue , c’est-à-dire que la hauteur raoye [
de ces montagnes , prise du sommet
qu’au pied, ou plutôt jusqu’aux cavgj:
qui, dans cette hypothèse , doivent les s |
porter, n’est que d’une lieue; ce qjjJ
m’accordera facilement : alors je dis qu J
force de l’exploûon pu du tremblement ;
terre aura élevé à une lieue de hauteur 1 1
quantité de terre égale à soixante-huit n 1
lieues cubiques; or, l’action étant éga |
la réaction, cette explosion aura connni g
qué au reste du globe la même quantité 1
mouvement : mais le globe entier est j
î?., 3(0,523, So t lieues cubiques , dont à j
68,ooo, il reste 12, 3 io, 455, 801 lieues c l
ques, dont la quantité de mouvement aun
égale à celle de 68,uoo lieues cubiques H
vées à une lieue ; d’où l’on voit que la f i
qui aura été assez grande pour dépi /I
68,000 lieues cubiques et les pousser à }
lieue n’aura pas déplacé d’un pouce le r j
du globe.
Il n’y auroit donc pas d’impossibilité •
solue à supposer que les montagnes ont j:
;
■i
si
n
2. Lib. XXVI, cap. xiv.
J- - ^ ^ y- a. . • • « Ifs sL S B .
ART. XYL YOLCANS ET
îlevées par des trembh mens de terre , si
leur composition intérieure, aussi bien que
leur forme extérieure, n’étoient pas évi-
lemment l’ouvrage des eaux de la mer.
L’intérieur est composé de couches régu-
ières et parallèles remplies de coquilles ;
j’extérieur a une figure dont les angles sont
partout correspondons : est-il croyable que
Jette composition uniforme et celle forme
légulière aient été produites par des secousses
^'régulières et des explosions subites?
Blais comme cette opinion a prévalu chez
uelques physiciens , eî qu’il nous paroît
|ue la nature et les effets des tremblemens
e terre ne sont pas bien entendus, nous
rayons qu’il est nécessaire de donner sur
fêla quelques idées qui pourront servir à
claircir cette matière.
La terre ayant subi de grands cliangemens
sa surface, on trouve, même à des pro-
, nideurs considérables , des trous, des ca-
ernes, des ruisseaux souterrains, et des
ncirqits vides qui se communiquent quel-
uefois par des fentes et des boyaux. Il y a
a deux espèces de cavernes. Les premières
Dut celles qui sont produites par l’action
es feux somerrains et des volcans ; l’action
u feu soulève, ébranle, et jette au loin les
patières supérieures, et en même temps
e divise, fend, et dérange celles qui sont
| côté , et produit ainsi des cavernes , des
ilroftes, des trous, et des anfractuosités :
rais cela ne se trouve ordinairement qu’aux
jnvirons des hautes montagnes où sont les
olcaos , et ces espèces de cavernes pro-
uves par l’action du feu sont plus rares
ue les cavernes de la seconde espèce, qui
ont produites par les eaux. Nous avons vu
ue les différentes couches qui composent
î globe terrestre à sa surface, sont toutes
Rerrompues par desfentes perpendiculaires
a iont nous expliquerons l’origine dans la
i< iii’e ; les eaux des pluies et des vapeurs,
n descendant par ces fentes perpendicu-
aires, se rassemblent sur la glaise, et for-
aient des sources et des ruisseaux ; elles
herehent pai leur mouvement naturel toutes
jes petites cavités et les petits vides, et elles
eudent toujours à couler et à s’ouvrir des
outes, jusqu’à ce qu’elles trouvent une
ssue ; elles entraînent en même temps les
ables, les terres, les graviers, et les autres
patieres qu’elles peuvent diviser, et peu à
jeu elles se font des chemins ; elles foraient
Jans l’intérieur de la terre des espèces de
jetites tranchées ou de canaux qui leur
ervent de lit ; elles sortent enfin , soit à la
urface de la terre, soit dans la mer, en
TREMBLEMENS DE TERRE. 289
forme de fontaines : les matières qu’elles
entraînent laissent des vides dont l’étendue
peut être fort considérable, et ces vides
forment des grottes et des cavernes dont
l’origine est, comme l’on voit, bien diffé-
rente de celle des cavernes produites par
des tremblemens de terre.
Il y a deux espèces de tremblemens de
terre : les uns causés par l’action des feux
souterrains et par l’explosion des volcans ,
qui ne se font sentir qu’à de petites di-
stance et dans les temps que les volcans
agissent, ou avant qu’ils s’ouvrent : lorsque
les matières qui forment les feux souterrains
viennent à fermenter, à s'échauffer, et à
s’enflammer, le feu fait effort de tous côtés ;
et s’il ne trouve pas naturellement des
issues, il soulevé la terre et se fait un pas-
sage en la rejetant, ce qui produit un vol-
can dont les effets se répètent e! durent à
proportion de la quantité des matières in-
flammables. Si la quantité des matières qui
s’enflamment est peu considérable, il peut
arriver un soulèvement et une commotion ,
un tremblement de terre, sans que pour
cela il se forme un volcan : l’air produit et
raréfié par le feu souterrain peut aussi
trouver de petites issues par où il s’échap-
pera , et dans ce cas il n’y aura encore qu’un
tremblement sans éruption et sans volcan ;
mais lorsque la matière enflammée est en
grande quantité, et qu’elle est resserrée par
des matières solides et compactes, alors il
y a commotion et volcan : mais toutes ces
commotions 11e font que la première espèce
des tremblemens de terre , et elles ne peu-
vent ébranler qu’un petit espace. Une érup-
tion Irès-violente de l'Etna -causera, par
exemple, un tremblement de terre dans
toute î’île de Sicile; mais il 11e s’étendra
jamais à des distances de trois ou quatre
cents lieues. Lorsque dans le mont Yésuve
il s’est formé quelques nouvelles bouches à
feu, il s’est fait en même temps des trem-
blemens de terré à Naples et dans le voi-
sinage du volcan : mais ces tremblemens
n’ont jamais ébranlé les Alpes , et ne se
sont pas communiqués en France ou aux
autres pays éloignés du Vésuve. Ainsi les
tremblemens de terre produits par l’action
des volcans sont bornés à un petit espace,
c’est proprement l’effet de la réaction du
feu ; et ils ébranlent la terre , comme l’explo-
sion d’un magasin à poudre produit une
secousse et un tremblement sensible à plu-
sieurs lieues de distance.
Mais il y a une autre espèce de tremble-
ment de terre bien différente pour les effets
240
THÉORIE DE LA TERRE.
et peut-être pour les causes : ce sont les
tremblemens qui se font sentir à de grandes
distances, et qui ébranlent une longue suite
de terrain sans qu’il paroisse aucun nou-
veau volcan ni aucune éruption. On a des
exemples de tremblemens qui se sont fait
sentir en même temps en Angleterre, en
France, en Allemagne, et jusqu’en Hon-
grie : ces tremblemens s’étendent toujours
beaucoup plus en longueur qu’en largeur ;
ils ébranlent une bande ou une zone de ter-
rain avec plus ou moins de violence en dif-
férens endroits, et ils sont presque toujours
accompagnés d’un bruit sourd, semblable à
celui d’une grosse voiture qui rouleroit
avec rapidité.
Pour bien entendre quelles peuvent être
les causes de cette espèce de tremblement ,
il faut se souvenir que toutes les matières
inflammables et capables d’explosion pro-
duisent, comme la poudre, par l’inflamma-
tion, une grande quantité d’air; que cet
air produit par le feu est dans l’état d’une
très-grande raréfaction , et que par l’état de
compression où il se trouve dans le sein de
la terre, il doit produire des effets très-
violens. Supposons donc qu’à une profon-
deur très-considérable, comme à cent ou
deux cents toises, il se trouve des pyrites
et d’autres matières sulfureuses , et que par
la fermentation produite par la filtration
des eaux ou par d’autres causes elles viennent
à s’enflammer , et voyons ce qui doit arriver :
d’abord ces matières ne sont pas disposées
régulièrement par couches horizontales ,
comme le sont les matières anciennes qui
ont été formées par le sédiment des eaux;
elles sont au contraire dans les fentes per-
pendiculaires, dans les cavernes au pied de
ces fentes, et dans les autres endroits où
les eaux peuvent agir et pénétrer. Ces ma-
tières, venant à s’enflammer, produiront
une grande quantité d’air, dont le ressort ,
comprimé dans un petit espace comme celui
d’une caverne , non seulement ébranlera le
terrain supérieur, mais cherchera des routes
pour s’échapper et se mettre en liberté. Les
routes qui se présentent sont les cavernes
et les tranchées formées par les eaux et par
les ruisseaux souterrains ; l’air raréfié se
précipitera avec violence dans tous ces pas-
sages qui lui sont ouverts, et il formera un
vent furieux dans ces routes souterraines ,
dont le bruit se fera entendre à la surface
de la terre , et en accompagnera l’ébranle-
ment et les secousses; ce vent souterrain
produit par le feu s’étendra tout aussi loin
que les cavités ou tranchées souterraines , et
causera un tremblement plus ou moins granc
à mesure qu’il s’éloignera du foyer, et qu’i
trouvera des passages plus ou moins étroits
ce mouvement se faisant en longueur , l’é-
branlement se fera de même; et le trem
blement se fera sentir dans une longue zom
de terrain; cet air ne produira aucuni
éruption, aucun volcan, parce qu’il auri
trouvé assez d’espace pour s’étendre, 01
bien parce qu’il aura trouvé des issues , e
qu’il sera sorti en forme de vent et de va
peur ; et quand même on ne voudroit pa
convenir qu’il existe en effet des route
souterraines par lesquelles cet air et ce
vapeurs souterraines peuvent passer, o;
conçoit bien que, clans le lieu même où s
fait la première explosion , le terrain étan
soulevé à une hauteur considérable , il e?
nécessaire que celui qui avoisine ce lieu s
divise et se fende horizontalement pou
suivre le mouvement du premier, ce qv
suffit pour faire des routes qui de proch
en proche peuvent communiquer le mouvc
plication s’accorde avec tous les phénomène
Ce n’est pas dans le même instant ni à 1
même heure qu’un tremblement de terre ;
fait sentir en deux endroits distans, p:
exemple, de cent ou deux cents lieues ;
n’y a point de feu ni d’éruption au deho j
par ces tremblemens qui s’étendent an loir
et le bruit qui les accompagne presque loi
jours marque le mouvement progressif <
ce vent souterrain. On peut encore cot
fumer ce que nous venons de dire, en
liant avec d’autres faits : on sait que 1
mines exhalent des vapeurs ; indépendant
ment des vents produits par le courant d
eaux , on y remarque souvent des coura
d’un air malsain et de vapeurs suffocante;
on sait aussi qu’il y a sur la terre des trou
des abîmes, des lacs profonds qui produise
des vents, comme le lac de Boleslavv
Bohème, dont nous avons parlé.
Tout ceci bien entendu, je ne vois [
trop comment on peut croire que les trei
blemens de terre ont pu produire des me
tagnes , puisque la cause même de ces tre
blemens sont des matières minérales et sij
foreuses qui ue se trouvent ordinairenu j
que dans les fentes perpendiculaires ci
montagnes et dans les autres cavités de j
terre, dont le plus grand nombre a i]
produit par les eaux; que ces matières j
s’enflammant ne produisent qu’une exp
sion momentanée et des vents violeiis <|
suivent les routes souterraines des eaux ; (j|
la durée des tremblemens n’est en effet c j
ART. XVL VOLCANS ET TREMBLEMENS DE TERRE.
homentanée à la surface de la terre, et que
ar conséquent leur cause n’est qu’une ex-
losion et non pas un incendie durable ;
qu’enfin ces tremblemens qui ébranlent
n grand espace, et qui s'étendent à des dis-
nces très-considérables, bien loin d'élever
;s chaînes de montagnes, ne soulèvent pas
lerre d’une quantité sensible, et ne pro-
lisent pas la plus petite colline dans toute
longueur de leur cours.
Les tremblemens de terre sont, à la vé*
té, bien plus fréquens dans les endroits
i sont les volcans qn’ailleurs, comme en
cile et à Naples: ou sait, parles observa-
ms faites en différens temps, que les plus
olens tremblemens de terre arrivent dans
temps des grandes éruptions des volcans;
ais ces trenfblemens ne sont pas ceux qui
Rendent le plus loin, et ils ne pourroient
mais produire une chaîne de montagnes.
I On a quelquefois observé que les maliè-
s rejetées de l’Etna, après avoir été re-
ndies pendant plusieurs années, et ensuite
imectées par l’eau des pluies, se sont ral-
mées , et ont jeté des flammes avec une
-plosion assez violente qui produisoit même
ie espece de petit tremblement.
En 1669, dans une furieuse éruption de
Itna , qui commença le 11 mars, le som-
îtde la montagne baissa considérablement,
ni me tous ceux qui avoieut vu cette mon-
;ne avant cette éruption s’en aperçurent ;
qui prouve que le feu du volcan \ient plu-
du sommet que de la profondeur iuté-
ure de la montagne. BorelLi est du même
îtiment, et dit précisément «que le feu
3 volcans ne vient pas du centre ni du
;d de la montagne , mais qu'au contraire
tort du sommet et 11e s’allume qu a une
s-petite profondeur *. »
ILe ont Vésuve a souvent rejeté, dams
i éruptions, une grande quantité d’eau
aillante: M. Ray, dont le sentiment est
j le feu des volcans vient d’une tres-^grande
^fondeur, dit que c’est de l’eau de la mer
\ communique aux cavernes intérieures
pied de cette montagne ; il en donne pour
puve la sécheresse et l’aridité du sommet
Vésuve, et le mouvement de la mer,
, dans le temps de ces violentes éruptions,
oigne des côtes , et diminue au point d’a-
r laissé quelquefois à sec le port de Na-
s. Mais quand ces faits seroient bien écr-
is, ils ne prouveroienl pas d’une maniéré
de que le feu des volcans vient dune
nde profondeur; car l’eau qu’ils rejettent
-
IL Voyez Borelli , de Incendiis montis Etna;.
Büffon. I,
I ’
241
est certainement l’eau des pluies qui pénètre
par les fentes, et qui se ramasse dans les ca-
vités de la montagne : on voit* découler des
eaux vives et des ruisseaux du sommet des
volcans, comme il en découle des autres
montagnes élevées ; et comme elles sont creu-
ses et qu’elles ont été plus ébranlées que les
autres montagnes, il n’est pas étonnant que
les eaux se ramassent dans les cavernes qu’el-
les contiennent dans leur intérieur, et que
ces eaux soient rejetées dans le temps des
éruptions avec les autres matières : à l’égard
du mouvement de la mer, il provient uni-
quement de la secousse communiquée aux
eaux par l’explosion ; ce qui doit les faire
affluer ou refluer , suivant les différentes cir-
constances.
Les matières que rejettent les volcans sor-
tent le plus souvent sous la forme d’un tor-
rent de minéraux fondus, qui inonde tous
les environs de ces montagnes : ces fleuves
de matières liquéfiées s’étendent même à
des distances considérables; et en se refroi-
dissant, ces matières, qui sont en fusion,
forment des couches horizontales ou incli-
nées , qui, pour la position, sont sembla-
bles aux coucnes formées par les sédimens
des eaux. Mais il est fort aisé de distinguer
ces couches produites par l’expansion des
matières rejetées des volcans, de celles qui
ont pour origine les sédimens de la mer:
x° parce que ces couches ne sont pas d’é-
gale épaisseur partout; 20 parce qu elles ne
contiennent que des matières quon recon-
noit évidemment avoir été calcinées, vitri-
fiées, ou fondues; 3° parce quelles ne s’é-
tendent pas à une grande distance. Comme
il y a au Pérou un grand nombre de vol-
cans, et que le pied de la plupart des mon-
tagnes des Cordilieres es; recouvert de ces
matières rejetées par ces volcans , il 11’est
pas étonnant qu’on ne trouve pas de co-
quilles marines dans ces couches de lerre,
elles ont été calcinées et détruites par l’ac-
tion du feu : mais je suis persuadé que si
l’on creusoit dans la terre argileuse qui ,
selon M. Bouguer, est la terre ordinaire de
la vallée de Quito, on y trouveroit des co-
quilles, comme l'on en trouve partout ailleurs;
en supposant que cette terre soit vraiment
de i’argile, et quelle 11e soit pas, comme
celle qui est au pied des montagnes , un ter-
rain formé par les matières rejetées des vol-
cans.
On a souvent demandé pourquoi les vol-
cans se trouvent tous dans les hautes mon-
tagnes. Je crois avoir sa isfait en partie à
cette question dans le discours précédent ;
16
242
THÉORIE DE LA TERRE.
mais comme je ne suis pas entré dans un
assez grand détail, j’ai cru que je ne de-
vôis pas finir cet article sans développer
ddvatitàge ce que j’ai dit Sur ce sujet.
Lës pics ou les pointes des montagnes
étoleut autrefois recouvertes et environnées
de sables et de terres que les eaux pluviales
ont entraînés dans les vallées; il n’est resté
que les rochers et les pierres qui formoient
le noyau de la montagne. Ce noyau, se trou-
vant à découvert et déchaussé jusqu’au pied,
aura encore été dégradé par les injures dé
l’air ; la gelée en aura détaché de grosses et
de petites parties qui auront roulé au bas;
en même temps elle aura fait fendre plu-
sieurs rochers au sommet de la montagne;
ceux qui foraient la base de ce sommet se
trouvant découverts, et n’étant plus appuyés
par les terres qui les environnoient , ahront
un peu cédé; et en s’écartant les uns des
autres ils auront formé de petits intervalles :
cet ébranlement de rochers inférieurs n’aura
pii se faire sans communiquer aux rochers
supérieurs Un mouvement plus grand; ils
se seront fendus ou écartés les uns des au-
tres. Il se sera donc formé dans ce noyau
de montagne une infinité de petites et dé
grandes fentes perpendiculaires, depuis le
sommet jusqu’à la base des rochers inférieurs;
les pluies auront pénétré dans toutes ces
fentes, et elles auront détaché, dans l’inté-
rieur de la montagne, toutes les parties mi-
nérales et toutes les autres matières qu’elles
auront pu enlever ou dissoudre; elles au-
ront formé des pyrites, des soufres et d’au-
tres matières combustibles; et lorsque, par
succession des temps, ces matières se seront
accumulées en grande quantité, elles auront
fermenté, et en s’enflammant elles auront
produit les explosions et les autres effets des
volcans. Peut-être aussi y a voit-il , dans l’in-
térieur de la montagne, des amas de ces
malièréé minérales déjà formées, avant que
les pluies pussent y pénétrer; dès qu’il se
Sera fait des ouverture, ou des fentes qui
auront donné passage à l’eau et à l’air, ces
matières se seront enflammées et auront
formé un volcan. Aucun de ces mouvemens
ne pouvant se faire dans les plaines , puis-
que tout est en repos, et que rien ne peut
se déplacer , il n’est pas surprenant qu’il
n’y ait aucun volcan dans les plaines, et
qu’ils se trouvent tous en effet dans les hau-
tes montagnes.
Lorsqu’on a ouvert des minières de char-
bon de terre , que l’on trouve ordinairement
dans l’argile à une profondeur considérable,
il est arrivé quelquefois que le feu s est mis
à ces matières ; il y à même des mines d
charbon en Écosse , en Flandre * etc. , qi
brûlent continuellement depuis plusieu
années : la communication de l’air suffit pou
produire Cet effet. Mais ces feux qui se soi
allumés daûs ces minés ne produisent qi
de légères exp.losions i et ils ne forment p
des volcans, parce que tout étant solide
plein dans ces endroits, le feu ne peut p
être excité comme celui des volcans, da '
lesquêls il y a des câvilés et des vides
l’air pénètre ; ce qui doit nécessaireme
étendre l’embrasement, et peut augmeni
l’action du feu au point où nous la voyo
lorsqu’elle produit les terribles effets do
nous avons parlé.
Sur les tremblemens de terre.
ti
b!
Mû
tes,
tsm
* Il y a deux causes qui produisent
tremblemens de terre : la première est 1’
faissement subit des cavités de la terre;
la seconde, encore plus fréquente et pj s™
violente que la première, est l’action
feux souterrains.
Lorsqu’une caverne s’affaisse dans le i
lieu des continens, elle produit par sa ch
une commotion qui s’étend à une plus
moins grande dislance, selon la quantité' 1
mouvement donné par la chute de et j‘[
masse à la terre; et à moins que le volui but
n’en soit fort grand et ne tombe de t
haut , sa chute ne produira pas une secoi
assez violente pour qu’elle se fasse resse : |0üj
à de grandes distances : l’effet en est bo
aux environs de la caverne affaissée;
le mouvement se propage plus loin , ce r
que par de petits trémoussemens et dé|tréi
gères trépidations.
Comme la plupart des montagnes pr
tives reposent sur des cavernes , parce (
dans le moment de la consolidation ,
éminences ne se sofit formées que par
boursouflures, il s’est fait, et il se fait n|e||
core de nos jours , des affaissemens dan: "
montagnes toutes les fois que les voûte;
cavernes minées par les eaux ou ébrai jai
par quelque tremblement, viennent à
crouler : une portion de la montagne
faisse en bloc, tantôt perpendiculairen
mais plus souvent en s’inclinant beauc
et quelquefois même en culbutant. On
des exemples frappans dans plusieurs
ties des Pyrénées, où les couches de la ,
jadis horizontales , sont souvent incl
de plus de 45 degrés ; ce qui démontr J
la masse entière de chaque portion de j
tagne dont les bancs sont parallèles J
Sires
fort
Ils
îeffo.
ART. XVI. VOLCANS ET
leux, a penché tou! en bloc, et s’est assise,
dans le moment de l’affaissement, sur une
Ibase inclinée de 4 S degrés : c’est la cause
a plus générale de l'inclinaison des couches
Ans les montagnes. C’est par la même rai-
011 que l’on trouve souvent entre deux
éminences voisines, des couches qui des-
■eudent de la première et remontent à la
econde , après avoir traversé le vallon. Ces
louches sont horizontales, et gisent à la
même hauteur dans les deux collines oppo-
ses , entre lesquelles la caverne s’étant
icroulée, la terre s’est affaissée, et le val-
on s’est formé sans autre dérangement dans
es couches de la terre que le plus ou moins
l’inclinaison, suivant la profondeur du val-
lon et la pente des deux coteaux correspon-
ians.
C’estTlà le seul effet sensible de Faffais-
èmenl des cavernes dans les montagnes et
! lans les autres parties des continens ter-
l’ jestres : mais toutes les fois que cet effet
irrive dans le sein de la mer, où les affais-
p emens doivent être plus frequens que sur
( a terre , puisque l’eau mine continuellement
ps voûtes dans tous les endroits où elles
Soutiennent le fond de la mer, alors ces
:l)i ffaissemens non seulement dérangent et
us ont pencher les couches de la terre , mais
té 1s produisent encore un autre effet sensible
ctjn faisant baisser le niveau des mers; sa
alu auteur s’est déjà déprimée de deux mille
tr bises par ces affaissemens successifs depuis
cou b. première occupation des eaux; et comme
set ouïes les cavernes sous-marines ne son! pas
bol ucore à beaucoup près entièrement écrou-
; e :es , il est plus que probable que l’espace
eu es mers s’approfondissant de plus en plus,
èp rétrécira par la surface, et que par con-
équent l’étendue de tous les continens ter-
pripsüvs continuera toujours d’augmenter par
ret|| retraite et l’abaissement des eaux.
1)11,1 Une seconde cause, plus puissante que
pat preiqiere, concourt avec elle pour pro-
létaire le même effet; c’est la rupture et
dans affaissement des cavernes par l’effort des
lûtes jux sous-marins. U est certain qu’il ne se
iliràt lit aucun mouvement , aucun affaissement
ut à ans le fond de la mer, que sa surface
igftE p baisse ; et si nous considérons en gé-
infi» ferai les effets des feux souterrains, nous
eaiiit kconnoîtrons que, dès qu’il y a du feu,
, t)n commotion de la terre ne se borne
eurs, oint à de simples trépidations , mais
e la-fue l’effort du feu soulève , entr’ouvre la
iiicljler et la terre par des secousses violentes
lontlf réitérées, qui non seulement renversent
in de 1 détruisent les terres voisines , mais encore
lelesl
TR EM BLEME NS DE TERRE.
243
çbyanlent celles qui sont éloignées , et ra-
vagent et bouleversent tout ce qui se trouve
sur la route de leur direction.
Ces tremblemens de terre , causés par les
feux souterrains , précèdent ordinairement
les éi\ options des volcans et cessent avec el-
les, et quelquefois même au moment où ce
feu renfermé s’ouvre un passage dans les
flancs de la terre, et porte sa flamme dans
les airs. Souvent aussi ces tremble mens épou-
vantables continuent tant que les éruptions
durent : ces deux effets sont intimement liés
ensemble ; et jamais iî ne se fait une grande
éruption dans un volcan , sans qw’elle ait
été précédée ou du moins accompagnée d’un
tremblepient de terre, au lieu que très-sou-
vent on ressent des secousses même assez
violentes sans éruption de feu. Ces mouve-
mens où le feu n’a point de part , provien-
nent non seulement de la première cause
que nous avons indiquée, c’est-à-dire de
l’écroulement des cavernes , mais aussi de
Faction des vents et des orages souterrains.
On a nombre d’exemples de terres soulevées
ou affaissées par la force de ces vents inté-
rieui’Si M. le chevalier Hamilton , homme
aussi respectable par son caractère, qu’ad-
mirable par l’étendue de ses connoissances
et de ses recherches en ce genre, ma dit
avoir vu entre Trente et Vérone , près du
vidage de Roveredo, plusieurs monticules
composés de grosses masses de pierres cal-
caires , qui ont été évidemment soulevées
par diverses explosions causées par des vents
souterrains. U n’y a pas le moindre indice de
Faction du feu sur ces rochers ni sur leurs
fragmens : tout le pays des deux côtés du
grand chemin, dans une longueur de près
d’une lieue , a été bouleversé de place en
place par ces prodigieux efforts des vents
souterrains. Les habitons disent que cela
est arrivé tout à coup par l’effet d’un trem-
blement de terre.
Mais la force du vent, quelque violent
qu’on puisse le supposer , qe me paroît pas
une cause suffisante pour produire d’aussi
grands effets; et quoiqu’il n’y ait aucune
apparence de feu dans ces monticules sou-
levés par la commotion de la terre , je suis
persuadé que ces soulèvemens se sont faits
par des explosions électriques de la foudre
souterraine, et que les vents intérieurs n’y
ont contribué qu’en produisant ces orages
électriques dans les cavités de la terre. Nous
réduirons donc à trois causes tous les mou-
vemeus convulsifs de la terre : la première
et la plus simple est l’affaissement subit des
cavernes- la seconde, les orages et tes coups
16.
244
THÉORIE DE LA TERRÉ.
de foudre souterraine : et la troisième , l’ac-
tion el les efforts des feux allumés dans l’in-
térieur du globe. Il me-paroîi qu’il est aisé
de rapporter à l’une de ces trois causes tous
les phénomènes qui accompagnent ou sui-
vent les Iremblemcns de terre.
Si les mouvemens de la terre produisent
quelquefois des éminences, ils forment en-
core plus souvent des gouffres. Le i5 octo-
bre *1773 , il s’est ouvert un gouffre sur le
territoire du bourg Induno, dans les états
de Modène, dont la cavité a plus de quatre
cents brasses de largeur, sur deux cents de
profondeur. En 1726, dans la partie sep-
tentrionale de l’ Islande , une montagne d’une
hauteur considérable- s’enfonça en une nuit
par un tremblement de terre , et un lac très-
profond prit sa place : dans la même nuit ,
à une lieue et demie de distance, un ancien
lac , dont on ignorait la profondeur , fut en-
tièrement desséché et sou fond s’éleva de ma-
niéré à former un monticule assez haut, que
l’on voit encore aujourd’hui. Dans les mers
voisines de la Nouvelle-Bretagne, les tremble-
mens de terre, dit M. de Bougainville, ont
de terribles conséquences pour la navigation.
Les 7 juin, 12 et 27 juillet 1766, il y en a
eu trois à Bocro , et le 22 de ce même' mois
un à la Nouvelle-Bretagne. Quelquefois ces
tremblemens!, anéantissent des îles et des
bancs de saille connus; quelquefois aussi ils
en créent où il n’y en avoit pas.
Il y a des tremblemens de terre qui s’é-
tendent très-loin, et toujours plus en lon-
gueur qu’en largeur : l’un des plus consi-
dérables est celui qui se fit ressentir au
Canada en 166 »; il s’étendit sur plus de
deux cents, lieues de longueur et cent lieues
de largeur, c’est-à-dire sur plus de vingt
mille lieues superficielles. Les effets du der-
nier tremblement de terre du Portugal se
se sont fait de nos jours ressentir encore plus
loin : M. le chevalier de Saint-Sauveur, com-
mandant pour le roi à Merueis, a dit à
3VI. de Gensanne qu’en se promenant à la
rive gauche de la Jouante, en Languedoc,
le ciel devint tout à coup fort noir, et qu’un
moment apres il aperçut au bas du coteau
qui est à la rive droite de celle riviere , un
globe de feu qui éclata d’une maniéré terri-
ble. Il sortit de Tint rieur de la terre un
tas de rochers considérables, el toute cette
chaîne de montagnes se fendit depuis Me-
rueis jusqu’à Elorac, sur près de six lieues
de longueur : '-etle fente a, dans certains en-
droits, plus de deux pieds de largeur, et elle
est en partie comblée. Il y a d’autres trem-
blemens de terre qui semblent se faire saus
l.
secousseâ et sans grande émotion. Kolb
rapporte que, le 24 septembre 1707, de
puis huit heures du malin jusqu’à dix heu
res, la mer monta sur la contrée du cap
Bonne-Espérance, et en descendit sept lo
de suite, et avec une telle vitesse, que d’u
moment à l’autre la plage étoit alternat
vement couverte et découverte par
eaux.
Je puis ajouter , au sujet des effets dé
tremblemens de terre et de l’éboulementd*
montagnes par 1 affaissement des cavernes
quelques faits assez lécens et qui sont bie
constatés. En Norwege, un promontoire
appelé Hammers-Jie/ds , tomba tout à cou
en entier. Une montagne fori élevée , et pre
que adjacente à celle de Cliimboraço , 1 ur
des plus hautes des Cordilieres , dans la pr»
vince de Quito, s’écroula tout à coup. I
fait avec ses circonstances est rapporté dai
les Mémoires de MM. de la Conîlamiiie
Bouguer. Il arrive souvent de pareils éboul
mens et de grands affaissemeus dans les il
des Indes méridionales. A Gamma-canon
où les Hollandois ont un établissement, un
haute montagne s’écroula tout à coup »
167.1, par un temps calme et fort beau
qui fut suivi d’uu tremblement de terre q
renversa les villages d’alentour, où plusieu
milliers de personnes périrent : le 1 1 ao
1772, dans File d Java, province de Cfi
ri/jou, l’une des plus riches possessions d
Hollandois, une montagne d’environ tri
lieues de circonférence s’abîma tout à eou:
s’enfonçant et se relevant allernativeme
comme les flots de la mer agitée : en mèr
temps elle laissoit échapper une quanti
prodigieuse de globes de feu qu’on apertr
voil de très-loin , et qui jetoient une lurnië
aussi vive que celle du jour ; toutes les ph
tâtions el trente-neuf negreries ont été e
glouties, avec deux mille cent quarante 1
bitans, sans compter les étrangers. Ne
pourrions recueillir plusieurs autres exe
pies de l’affaissement des terres et de 1
croulement des montagnes par la rupti
des cavernes , par les secousses des tremb
mens de terre , et par l’action des volcan
mais noua en avons dit assez pour qu’on
puisse contester les inductions el les con
quences générales que nous avons tirées j
ces faits particuliers. ( Add. Bujf. ) t
Des volcans.
* Les anciens nous ont laissé quelqi!
notices des volcans qui leur étoient connu
et particulièrement de i Euia et du Vésu
irjr
ART. XVI. VOLCANS ET TREMÜLEMENS DE TERRE.
240
Plusieurs observateurs savans et curieux
ont, de nos jours, examiné de plus près la
forme et les effets de ces volcans : mais la
première chose qui frappe en comparant
ces descriptions, c’est qu’on doit renoncer
à transmettre à la poslérité la topographie
exacte et constante de ces montagnes arden-
tes ; leur f irme s’altère et change , pour
ainsi dire , chaque jour ; leur surface s’élève
ou s’abaisse en différens endroits; chaque
éruption produit de nouveaux gouffres ou
des éminences nouvelles : s’attacher à, décrire
tous ces ehangeiuens , c’est vouloir suivre et
représenter les ruines d’un bâtiment incen-
dié. Le Vésuve de l’line et l’Etna d’Empé-
docle présentoient une face et des aspects
différens de ceux qui nous son! aujourd’hui
si bien représentés par MM. Hamilton et
Brydone; et, dans quelques siècles, ces
descriptions récentes ne ressembleront plus
à leur objet. Après la surface des mers , rien
sur le globe n’est plus mobile et inconstant
que la surface des volcans : mais de cette in-
constance même et de cette variation de
mouvemens et de formes on peut tirer quel-
ques conséquences générales en réunissant
les observations particulières. ( Add. Bujf )
Exemples des changent en s arrivés dans les
'volcans.
* La base de l’Etna peut avoir, soixante
lieues de circonférence , et sa hauteur per-
pendiculaire est d’environ deux mille toises
au dessus du niveau de la mer Méditerra-
née. On peut peut donc regarder cette énor-
me montagne comme un cône obtus, dont
la superficie n'a guere moins de trois cents
lieues carrées : cette superficie qonique est
partagée en quatre zones placées concentri-
quement les unes au dessus des autres. La
première et la plus large s’étend à plus de
six lieues, toujours en montant doucement,
depuis le point le plus éloigné de la base
de la montagne ; et cette zone de six lieues
de largeur est peuplée et cultivée presque
partout. La ville de Catane et plusieurs villa-
ges se trouvent dans celte première enceinle ,
dont la superficie est de plus de deux cent
vingt lieues carrées. Tout le fond de ce vaste
terrain n’est que de la lave ancienne et mo-
derne, qui a coulé des différens endroits
de la montagne où se sont faites les explo-
sions des feux souterrains ; et la surface de
cette lave, mêlée avec les cendres rejetées
par ces différentes bouches à feu , s’est con-
vertie en une bonne terrre actuellement se-
mée de grains et plantée de vignobles, à
l’exception de quelques endroits où la lave,
encore trop récente , ne fait que commencer
à changer de nature, et présente quelques
espaces dénués de terre. Vers le haut de
cette zone, on voit déjà plusieurs cratères
ou coupes plus ou moins larges et profon-
des, d’où sont sorties les matières qui ont
formé les terrains au dessous
La seconde zone commence au dessus de
six lieues ( depuis le point le plus éloigné
dans la circonférence de la montagne). Cette
seconde zone a environ deux lieues de lar-
geur en montant : la pente en est plus ra-
pide partout que celle de la première zone;
et celte rapidité augmente à mesure qu’on
s’élève et qu’on s'approche du sommet. Cette
seconde zone, de deux lieues de largeur,
peut avoir en superficie quarante ou qua-
rante-cinq lieues carrées : de magnifiques
forêts couvrent toute cette éteùdue, et sem-
blent former un beau collier de verdure à
la tête blanche et chenue de ce respectable
mont. Le fond du terrain de ces belles forêts
n’est néanmoins que de la lave et des cen-
dres converties par le temps en terres ex-
cellentes; et ce qui est encore plus remar-
quable, c’est l’inégalité de la surface de
cette zone : elle ne présente partout que
des collines, ou plutôt des montagnes, tou-
tes produites par les différentes éruptions
du sommet de l’Etna et des autres bouches
à feu qui sont au dessous de ce sommet, et
dont plusieurs ont autrefois agi dans cette
zone , actuellement couverte de forêts.
Avant d arriver au sommet, et après
avoir passé les belles forêts qui recouvrent
la croupe de cette montagne, on traverse
une troisième zone, où il ne croît que de
petits végétaux. Cette région est couverte de
neige en hiver, qui fond pendant l’été; mais
ensuite on trouve la ligne de neige perma-
nente qui marque te commencement de la
quatrième zone, et s’étend jusqu’au sommet
de l’Etna. Ces neiges et ces glaces occupent
environ deux lieues en hauteur , depuis la
région des petits végétaux jusqu’au sommet ,
lequel est également couvert de neige et de
glace : il est exactement d'une figure coni-
que , et l’on voit dans son intérieur le grand
cratère du volcan, duquel il sort conti-
nuellement des tourbillons de fumée. L’in-
térieur de ce cralere est en forme de
cône renversé , s’élevant également de tous
côtés : ii n’est composé que de cendres et
d’autres matières brûlées , sorties de la bou-
che du volcan, qui est au centre du cra-
tère. L’extérieur de ce sommet est fort es-
carpé ; la neige y est couverte de cendres ;
246
et il y fait un très-grand froid. Sur le côté
septentrional de cette région de neige, il y
a plusieurs petits lacs qui ne dégèlent ja-
mais. En général, le terrain de celte der-
nière zone est assez égal et d’une même
pente, excepté dans quelques endroits; et
ce n’est qu’au dessous de cette région de
neige qu’il se trouve un grand nombre d’in-
égalités , d’éminences, et de profondeurs
produites par les éruptions, et que l’on voit
les collines et les montagnes plus ou moins
nouvellement formées, et composées de ma-
tières rejetées par ces différentes bouches à
feu.
Le cratère du sommet de l’Etna , en 1770,
avoit, selon M. Brydôiie, plus d’une lieue
de circonférence , et les auteurs anciens et
modernes lui ont donné des dimensions très-
différentes : néanmoins tous ces auteurs ont
raison , parce que toutes les dimensions de
celte bouche à feu ont changé; et tout ce
que l’on doit inférer de la comparaison des
différentes descriptions qu’on en a faites,
c’est que le cratere , avec ses bords, s’est
éboulé quatre fois depuis six ou sept cents
ans. Les matériaux dont il est formé re-
tombent dans les entrailles de la montagne ,
d’où ils sont ensuite rejetés par de nouvelles
éruptions qui forment un autre cratère, le-
quel s’augmente et s’élève par degrés , jus-
qu’à ce qu’il retombe de nouveau dan^le
même gouffre du volcan.
Ce haut sommet de la moniagne n’est pas
le seul endroit où le feu souterrain ait fait
éruption; on voit, dans tout le terrain qui
forme la croupe de l’Etna, et jusqu’à de irès-
grandes distances du sommet, plusieurs au-
tres cratères qui ont donné passage au feu ,
et qui sont environnés de morceaux de ro-
chers qui en sont sortis dans différentes
éruptions. On peut même compter plusieurs
collines, toutes formeps par l’érüplion de ces
petits volcans qui environnent le grand ;
chacune de ces collines offre à son sommet
une coupe ou cratère, au milieu duquel on
voit la bouche ou plutôt le gouffre profond
de ces volcans particuliers. Chaque éruption
de l’Etna a produit une nouvelle montagne ;
et peut-être, dit M. Brydone , que leur
nombre serviroit mieux que toute autre
méthode à déterminer celui des éruptions
de ce fameux volcan.
La ville de Catane, qui est au bas de la
montagne, a souvent été ruinée par le tor-
rent des laves qui sont sorties du pied de
ces nouvelles moniagnes, lorsqu’elles se sont
formées. En montant de Calane à Nicolosi,
on oarcourt douze milles de chemin dans
THÉORTE DE M TERRE.
uii terrain formé d’anciennes laves, et dans
lequel on voit des bouches de volcans éteints ,
qui sont à présent des terres couverles de
blé, de vignobles et de vergers. Les laves
qui forment cette région proviennent de
l’éruption de ces petites moniagnes qui sont
répandues partout sur les flancs de l’Elna :
elles put toutes sans exception d’une figure
régulière, soit hémisphérique, soit conique :
chaqüb éruption crée ordinairement une de
ces montagnes. Ainsi l’aclion des feux sou-
terrains ne s'élève pas toujours jusqu’au
sommet de l’Etna ; souvent iis ont éclaté sur
la croupe, et, pour ainsi dire, jusqu’au
pied de eetle montagne ardente. Ordinaire-
ment chacune de ces éruptions du flanc de
l’Etna produit une montagne nouvelle, com-
posée des rochers, des pierres, et des cen-
dres lancées par la force du feu ; et le
volume de Ces montagnes nouvelles est plus
ou moins énorme, à proportion du temps
qu’à duré l’éruption : si elle se fait en peu
de jours , elle ne produit qu’une eollinei
d’environ une lieue de circonférem e à la
base, sur Irois ou quatre ceuts pieds de
bailleur perpendiculaire ; mais si l’éruption
a duré quelques mois, comme celle de 1669,
elle produit alors une montagne considérable
de deux ou trois lieues de circonférence sur
neuf cents ou mille pieds d élévation; et
toutes ces collines enfantées par l’Etna, qui !
a douze' mille pieds de hauleur, ne parois-
senl être que de petites éminences faites
pour accompagner la majesté de la mère-
montagne.
Dans le Vésuve, qui n’est qu’un très-petili
volcan en comparaison de l’Etna, les érup-
tions des flancs de la montagne sont rares,
et les laves sortent ordinairement du cra-
tère qui est au sommet ; au lieu que dans
l’Etna les éruptions se sont faites bien plus
souvent par les flancs de la montagne qui
par son sommet, et les laves sont sorties d<
chacune de ces montagnes formées par de;
éruptions sur les côtés de l’Etna. M. Bry-
done dit, d’après M. Recupero , que le;
masses de pierres lancées par l’Etna s’é-
lèvent si haut , qu’elles emploient vingi-unf ;
secondes de temps à descendre et retombei j
à terre , tandis que celles du Vésuve toffibenl !
en neuf secondes ; ce qui donne douze cen! ï
quinze pieds pour ta hauteur à laquelle s’é- ■
lèveni les pierres lancées par le Vésuve, et]
six mille six cent quinze pieds pour la liau- ;
teur à laquelle montent celles qui sont lan-
cées par l'Etna ; d'où l’on pourrait conclura, \
si les observations sont justes, que la foret ;
de l’Etna est à celle du Vésuve comme 441 i
ART. XVI. VOLCANS ET TREMBLEMENS DE TERRE.
ïinai
Cgnij
M
me il|
ont à 8 1 , c’est-à-dire cinq à six fois pins
;ra»de. Et ce qui prouve d’une pian i ère
Ipémonstralive que le Vésuve n’est qu’un
Jrès-foible volcan en comparaison de l’Etna ,
it J r’est que celui-ci paroît avoir enfanté d’autres
ni soni rçïlcahs plus grands que le Vésuve. « Assez
jrès de la caverne des Chèvres, dit M. Bry-
lone, on voit deux des plus belles monta-
gnes qu’ait enfantées l’Etna ; chacun des
ratéres de ces deux montagnes est beau-
oup plus large que celui du Vésuvje : ils
qu'au \°nt à présent remplis par des forêts de
dûmes, et revêtus jusqu’à un,e grande pro-
’oiideur d’un sol très-fertile ; le fond du sel
îst composé de lavesdans cette région comme
d{ lans toutes les autres, depuis le pied de la
pontagne jusqu’au sommet. La montagne
ionique qui forme le sommet de l’Etna et
contient son cratère a plus de trois lieues de
irconfcrence ; elle est extrêmement rapide ,
èt couverte de neige et de glace en tout
pç„ temps. Ce grand cratère a plus d’une lieue
de circonférence en dedans, et il forme une
excavation qui ressemble à un vaste amphi-
théâtre ; il en sort des nuages de fumée qui
ne s’élèvent point en l’air, mais roulent
jvers le bas de la montagne : le cratère est
si chaud , qu’il est très-dangereux d’y des-
cendre. La grande bouche du volcan est
el près du centre du cratère ; quelques-uns des
rochers lancés par le volcan hors de son
cratère sont d’une grandeur incroyable : le
l” jplus gros qu’ait vomi le Vésuve est de forme
ronde et a environ douze pieds de diamètre;
ceux de l’Etna sont bien plus considérables,
et proportionnés à la différence qui se trouve
entre les deux volcans. »
Comme toute la partie qui environne le
sommet de l’Etna présente un terrain égal,
sans collines ni vallées jusqu’à plus de deux
lieues de distance en descendant , et qu’on
y voit encore aujourd’hui les ruines de la
tour du philosophe Empédocle, qui vivoit
l” quatre ceuts avant l’ère chrétienne, il y a
toute apparence que depuis ce temps le
grand cratere du sommet de l’Etna n’a fait
' que peu ou point d’ éruptions ; la force du
feu a donc diminué, puisqu’il n’agit plus
avec violence au sommet et que toutes les
éruptions modernes se sont faites dans les
régions plus basses de la montagne. Cepen-
dant , depuis quelques siècles , les dimensions
de ce grand cratere du sommet de l’Etna
ont souvent changé : on le voit par les me-
sures qu’en ont données les auteurs siciliens
en différens temps. Quelquefois il s’est
écroulé, ensuite il s’est reformé en s’éle-
vant peu à peu jusqu’à ce qu’il s’écroulât de
nouveau. Le premier de ces écroulemens ,
bien constaté, est arrivé en r 1 57 , un se-
cond en i32Ç), up troisième en 14.74 , elle
dernier en 1669. 35dsii$ je pe crpis pas qu’on
doive en conclure avec M. Riydone, que
dans peu le cratère s’écroulera de nouveau;
l’opinion que cet effet doit arriver tous les
cent ans rie me paroît pas assez fondée , et
je semis au contraire l res-porté à présumer
que le feu n’agissant plus avec la même vio-
lence au sommet de ce yolcan , ses forces
ont diminué et continueront à s’atfoiblir à
mesure jqjue la mer s’éloignera davantage :
il l'a déjà fait reculer de plusieurs milles
par ses propres forces, il en a construit les
digues et les .côtes par ses t orrons de laves ;
et d’ailleurs, on sait, par la diminution de
la rapidité du Charybde et du Scylla, et par
plusieurs autres indices, que la mer de
Sicile a considérablement baissé depuis deux
mille cinq cents ans : ainsi l’on ne peut
guère douter qu’elle ne continue à s’abaisser,
et que par conséquent Faction des volcans
voisins ne se ralentisse, en sorte que le cra-
tère de l’Etna pourra rester t:ès-long-!emps
dans son état actuel, et que, s’il vient à
retomber dans ce gouffre, ce sera peut-être
pour la dernière fois. Je crois encore pou-
voir présumer que quoique l'Etna doive
être regardé comme une des montagnes
primitives du globe, à cause de sa hauteur
et de sou immense volume, et que très-
anciennement il ait commencé d’agir dans
le temps de la retraite générale des eaux,
son action a néanmoins cessé après cette
retraite, et qu’elle ne s’est renouvelée que
dans des temps assez modernes, e’est-a-dire
lorsque la mer Méditerranée, s’étant élevée
par la rupture du Bosphore et de Gibraltar,
a inondé les terres enire la Sicile el l’Italie,
et s’est approchée de la base de l’Etna.
Peut-être la première des éruptions nou-
velles de ce fameux volcan est-elle encore
postérieure à cette époque de la nature.
« Il me paroît évident, dit M. Brydone,
que l’Etna ne brûloit pas au siècle d’Ho-
mère, ni même long-temps auparavant;
autrement il seroit impossible que ce poele
eût tant parlé de la Sicile sans faire men-
tion d’un objet si remarquable. » Cette ré-
flexion de M. Brydone est très-juste ; ainsi
ce n’est qu’après le siècle d’Homere qu’on
doit dater les nouvelles éruptions de l’Etna :
mais on peut voir, par les tableaux poétiques
de Pindare, de Virgile, et par les descrip-
tions des auteurs anciens et modernes ,
combien en dix-huit ou dix-neuf cents ans
la face entière de cette montagne et des
1
248 THEORIE DE LA TERRE.
contrées adjacentes a subi de changemens
et d’altérations par les tremblemeris de
terre, par les éruptions, par les torrens de
laves, et enfin par la formation de la plu-
part des collines et des gouffres produits
par tous ces mouvemens. Au reste, j’ai
tiré les laits que je viens de rapporter de
l’excellent ouvrage de M. Brydone, et j’es-
time assez l’auteur pour croire qu’il ne
trouvera pas mauvais que je ne sois pas de
son avis sur la puissance de l'aspiration des
volcans et sur quelques autres conséquences
qu'il a cru devoir tirer des faits; personne,
avant M. Brydone, ne les a voit si bien
observés et si clairement présentés, et tous
les savans doivent se réunir pour donner à
son ouvrage tous les éloges qu’il mérite.
Les torrens de verre en fusion, auxquels
on a donné le nom de laves , ne sont pas,
comme on pourrait le craire, le premier
produit de leruption d’un volcan : ces
éruptions s’annoncent ordinairement par un
tremblement de terre plus ou moins violent,
premier effet de l’effort du feu qui cherche
à sortir et à s’échapper au dehors ; bientôt
il s échappe en effet , et s’ouvre une route
dont il élargit l’issue, en projetant au de-
hors les rochers et toutes les terres qui
s’opposoient à son passage ; ces matériaux ,
lancés à une grande distance, retombent
les uns sur les autres, et forment une émi-
nence plus ou moins considérable, à pro-
portion de la durée et de la violence de
l’éruption. Comme toutes les terres rejetées
sont pénétrées de feu , et la plupart conver-
ties en cendres ardentes, l’éminence qui en
est composée est une montagne de feu so-
lide , dans laquelle s achève la vitrification
d’une grande partie de la matière par le
fondant des cendres ; dès lors cette matière
fondue fait effort pour s’écouler, et la lave
éclate et jaillit ordinairement au pied de la
nouvelle montagne qui vient de la produire :
mais dans les petits volcans, qui n’ont pas
assez de force pour lancer au loin les ma-
tières qu ils rejettent , la lave sort du haut
de la montagne. On voit cet effet dans les
éruptions du Vésuve : la lave semble s’élever
jusque dans le cratère ; le volcan vomit
auparavant des pierres et des cendres qui,
retombant à-plomb sur l’ancien cratère , ne
font que l’augmenter ; et c’est à travers cette
matière additionnelle nouvellement tombée
que la lave s’ouvre une issu . Ces deux
effets, quoique différens en apparence, sont
néanmoins les mêmes : car, dans un petit
volcan qui , comme le Vésuve, n’a pas assez
de puissance pour enfanter de nouvelles
montagnes en projetant au loin les matière j
qu’il rejette, toutes tombent sur le sommet I
elles en augmentent la hauteur , et c’est at
pied de cette nouvelle couronne de matièr
que la lave s’ouvre un passage pour s'écouler j
Ce dernier effort est ordinairement suivi de
calme du volcan ; les secousses de la terr j
au dedans, les projections au dehors, cesseni
dès que la lave coule : mais 1rs torrens djdl
ce verre en fusion produisent des effets en j
core plus étendus, plus désastreux, qu
ceux du mouvement de la montagne dan
son éruption ; ces fleuves de feu ravagent!
détruisent, et même dénaturent la surfac j
de la terre. Il est comme impossible de leu
opposer une digue ; les malheureux liabé
tans de Catane en ont fait la triste expé»
rience : comme leur ville avoil souvent étl
détruite en total ou en partie par les ton
rens de lave , ils ont construit de trè-vs
fortes murailles de cinquante-cinq pieds di
hauteur; environnés de ces remparts, if
se croyoient en sûreté : les murailles résisi;
tèrenl en effet au feu et au poids du torrenti
mais cette résistance ne servit qu’à le gom
fier; il s’éleva jusqu’au dessus de ces remi
parts, retomba sur la ville, et détruisit toui
ce qui se trouva sur son passage.
Ces torrens de lave ont souvent une demiij
lieue et quelquefois jusqu’à deux lieues d j
largeur. « La derni< re lave que nous avoni
traversée, dit M. Brydone, avant d’arrivet
à Catane, est d une si vaste étendue, que j j
croyois qu’elle ne finirait jamais; elle n’i ;
certainement pas moins de six ou sept mil!;
de large, et elle paraît être en plusieurs em
droits d’une profondeur énorme : elle
chassé en arriéré les eaux de la mer à plui
d’un mille, et a formé un large promontoir j
élevé et noir, devant lequel il y a beaucou p
d’eau. Cette lave est stérile et n’est couvert I
que de très-peu de terreau : cependant ellil
est ancienne; car au rapport de Diodore dfl
Sicile, cette même lave a été vomie pa.fi
l’Etna au temps de la seconde guerre pun fl
que : lorsque Syracuse étoit assiégée par ldi
Romains, les habitans de Taurominum end
voyèrent un détachement pour secourir lelfl
assiégés; les soldats furent arrêtés dans leuifl
marche par ce torrent de lave qui avoit déj iirç
gagné la mer avant leur arrivée au pied d \M
la montagne; il leur coupa entièrement Ir
passage. Ce fait , confirmé par d’autres au N
leurs et même par des inscriptions et de j
monumens, s’est passé il y a deux mille ans jH
et cependant cette lave n’est encore couvert 1
que de quelques végétaux parsemés , et ell j
est absolument incapable de produire di
ART. XVI. VOLCANS ET TREMBLEMENS DE TERRE. 249
olé et des vins ; il y a seulement quelques
;ros arbres dans les crevasses qui sont rem-
)lies d’un bon terreau. La surface des laves
[evient avec le temps un sol très-fertile.
«En allant en Piémont, continue M. Bry-
011e, nous passâmes sur un large pont con-
truit entièrement de lave. Près de là, la ri-
ière se plonge à travers une autre lave, qui
st très-remarquable et probablement une
es plus anciennes qui soient sorties de
Etna ; le courant , qui est extrêmement ra-
ide, l’a rongée en plusieurs endroits jusqu’à
l profondeur de cinquante ou soixante
ieds ; et elon M. Recupero , son cours
ccupe une longueur d’environ quarante
plies : elle est sortie d’une éminence très-
pnsidérable sur la côte septentrionale de
Etna; et comme elle a trouvé quelques
liées qui sont à l’est, elle a pris son cours
ce côté : elle interrompt la rivière d’Al-
intara à diverses reprises , et enfin elle ar-
jve à la mer près de l’embouchure de cette
vière. La ville de Jaci et toutes celles de
tte côte sont fondées sur des rochers im-
enses de laves, entassés les uns sur les
•tires, et qui sont en quelques endroits
il une hauteur surprenante ; car il pareil que
js torrens enflammés se durcissent en ro-
i iers dès qu’ils sont arrivés à la mer De
1( ici à Catane on ne marche que sur la lave;
îi e a formé toute cette côte, et, en beaucoup
eipndroits, les torrens de lave ont repoussé
j( mer à plusieurs milles en arrière de ses
alciennes limites... ,A Catane , près d’une
lli ûie qui est à présent à (rente pieds de"
nofondeur, on voit un endroit escarpé où
ib distingue plusieurs couches délavé, avec
Ui e de terre très-épaisse sur la surface de
lacune : s’il faut deux mille ans pour for-
ujfer sur la lave une légère couche de (erre,
rlf ji dû s’écouler un temps plus considérable
§fre chacune des éruptions qui ont donné
abssance à ces couches. On a percé à tra-
laùssept laves séparées , placées les unes sur
mi autres, et dont la plupart sont couvertes
le in lit épais de bon terreau; ainsi la plus
en ?se de ces couches paroît s’être formée il
leija quatorze mille ans... En 1669, la lave
émana un promontoire à Catane, dans un
léji droit où il y avoit plus de cinquante pieds
^profondeur d’eau , et ce promontoire est
l levé de cinquante autres pieds au dessus du
au eau actuel de la mer. Ce torrent de lave
des jtit au dessous de Monlpelieri, vint frap-
îiis;|* contre cette montagne, se partagea en-
ertefcte en deux branches, et ravagea tout le
elle /s qui est entre Montpelieri et Catane ,
iOt elle escalada les murailles, avant de se
verser dans la mer; elle forma plusieurs col-
lines où il y avoit autrefois des vallées, et
combla un lac étendu et profond dont on
n’aperçoit pas aujourd’hui le moindre ves-
tige.... La côte de Catane à Syracuse est par-
tout éloignée de trente milles au moins du
sommet de l’Etna ; et néanmoins cette côte,
dans une longueur de près de dix lieues ,
est formée des laves de ce volcan : la niera
été repoussée fort loin, en laissant des ro-
chers élevés et des promontoires de laves qui
défient la fureur des flots et leur présentent
des limites qu’ils ne peuvent franchir. Il y
avoit, dans le siècle de Virgile, un beau
port au pied de l’Etna; il n’en reste aucun
vestige aujourd’hui : c’est probablement celui
qu’on a appelé mal à propos le port d’Ulysse.
On montre aujourd’hui le lieu de ce port à
trois ou quatre milles dans l’intérieur du
pays : ainsi la lave a gagné toute cette éten-
due sur la mer, et a formé tous ces nou-
veaux terrains... L’étendue de cette contrée
couverte de laves et d’autres matières brûlées
est, selon M. Recupero, de cent quatre-vingt-
trois milles en circonférence, et ce cercle
augmente encore à chaque grande érup-
tion. »
Voilà donc une terre d’environ trois cents
lieues superficielles toute couverte ou formée
par les projections des volcans, dans laquelle,
indépendamment du pic de l’Etna , l’on
trouve d’autres montagnes en grand nombre
qui toutes ont leurs cratères propres et nous
démontrent autant de volcans particuliers :
il ne faut donc pas regarder l’Etna comme
un seul volcan, mais comme un assemblage,
une gerbe de volcans , dont la plupart sont
éteints ou brûlent d’un feu tranquille, et
quelques autres, en petit nombre, agissent
encore avec violence. Le haut sommet de
l’Etna ne jette maintenant que des fumées ,
et, depuis très-long-temps, il n’a fait aucune
projection au ioin , puisqu’il est partout en-
vironné d’un terrain sans inégalités à plus
de deux lieues de distance, et qu’au dessous
de cette haute région couverte de neige 011
voit une large zone de grandes forêts , dont
le sol est une bonne-terre de plusieurs pieds
d’épaisseur. Cette zone inférieure est, à la
vérité, semée d’inégalités, et présente des
éminences, des vallons, des collines, et même
d’assez grosses montagnes : mais, comme
presque toutes ces inégalités sont couvertes
d’une grande épaisseur de terre, et qu’il faut
une longue succession de temps pour que les
matières volcanisées se convertissent en
terre végétale , il me paroît qu’011 peut re-
garder le sommet de l’Etna et les autres bon-
a5o
THÉORIE DE LA TERRE.
ches à feu qui l’environnoien! jusqu’à quatre
ou cinq lieues au( dessous comme des vol-
cans presque éteints, ou du moins assoupis
depuis nombre de siècles ; car les éruptions
dont on peut citer les dates depuis deux
mille cinq cents ans se sont faites dans la
région plus basse, c’est-à dire à cinq , six et
sept lieues de distance du sommet. Il me
paroît donc qu’il y a eu deux âges différens
pour les volcans de la Sicile : le premier très-
ancien, où le sommet de l'Etna a commencé
d’agir, lorsque la mer universelle a laissé ce
sommet à découvert et s’esî abaissée à quel-
ques centaines de toises au dessous ; c’est
dès lors que se sont faites les premières érup-
tions qui ont produit les laves du sommet
et formé les collines qui se trouvent au des-
sous dans la région des forêts : mais ensuite
les eaux, ayant continué de baisser, ont to-
talement abandonné cette montagne, ainsi
que toutes les terres de la Sicile et des con-
tinens adjaeens ; et , après cette entière re-
traite des eaux, la Méditerranée n’étoit
qu’un lac d’assez médiocre étendue , et ses
eaux étoient très-éloignées de la Sicile et de
toutes les contrées dont elle baigne aujour-
d’hui les côtes. Pendant tout ce temps, qui
a duré plusieurs milliers d’années, la Sicile
a été tranquille, l’Etna et les autres anciens
Volcans qui environnent son sommet ont cessé
d’agir; et ce n’est qu’après l’augmentation de
la Méditerranée par les eaux de l’Océan et
de la mer Noire, c’est-à-dire après la rupture
de Gibraltar et du Bosphore, que les eaux
sont venues attaquer de nouveau les mon-
tagnes de l’Etna par leur base, et qu’elles ont
produit les éruptions modernes et récente^,
depuis le sie.cle de Pindare jusqu’à ce jour;
car ce poète est le premier qui ait parlé des
éruptions des volcans de la Sicile. Il en est
de même du Vésuve ; il a fait long-temps
partie des volcans éteints de l’Italie , qui
sont en très-grand nombre; et ce n’est qu’a-
près l’augmentation de la mer Méditerranée
que, les eaux s’en étant rapprochées, ses
éruptions se sent renouvelées. La mémoire
des premières, et même de toutes celles qui
avoient précédé le siecle de Pline , éloit en-
tièrement oblitérée ; et l’on ne doit pas en
être surpris, puisqu'il s’est passé peut-être
plus de dix mille ans depuis la retraite en-
tière des mers jusqu’à l’augmentation de la
Méditerranée , et qu’il y a ce même inter-
valle de temps entre la première action du
Vésuve et son renouvellement. Toutes ces
considérations semblent prouver que les
feux souterrains ne peuvent agir avec vio-
lence que quand ils sont assez voisins des
mers pour éprouver un cjioc cnnfre u
grand volume d’eau : quelques autres phi
nomènes particuliers paroissent encore d<
montrer cette vérité. On a vu quelquefp
les volcans rejeter une grande quantit
d’eau , et aussi des torrens de bitume. I
P. de La Torre , très -habile pfrysjrjjBij
rapporte que, le 10 mars j?55, il sortit c
pied de la montagpe de l’Etna un large to
rent d’eau qui inonda les campagnes d’ale
tour. Ce torrent rouloit une quantité de s
ble si considérable, qu’elle remplit u
plaine très-étendue. Ces eaux étoient foi
chaudes. Les pierres et les sables laissés da
la campagne ne différoient en rien d
ids
pierres et du sable qu’on trouve dans
mer. Ce torrent d’eau fut immédiatemc
suivi d’un torrent de matière enflammé
qui sortit de la même ouverture.
Cette même éruption de 17 55 s’annom
dit M. d’Arthenay , par un si grand
brasement, qu’il éelairoit plus de vinn
quatre milles de pays du côté de Catar
les explosions furent bientôt si fréqu
les, que, des Je 3 mars, on apercevoit
nouvelle montagne au dessus du sommet
l’ancienne, de la même- manière que n
l’avons vu au Vésuve dans ces dernii
temps. Enfin les jurais de Mascali
mandé le 12, que le 9 du même mois
explosions devinrent terribles; que la fui
augmenta à tel point que le ciel en fut
scurci ; qu’à l’entrée de la nuit il comme
à pleuvoir un déluge de petites piem
pesant jusqu’à trois onces, dont tou
pays et les cantons circonvoisins fu
inondés ; qu’à cette pluie affreuse , qui c
plus de cinq quarts d’heure , en succéda
autre de cendres noires , qui continua t
la nuit ; que le lendemain, sur les huit 1
res du matin, le sommet de l’Etna v<
un fleuve d’eau comparable au Nil; qu
anciennes laves les plus impraticables
leurs montuosités, leurs coupures, et 1
pointes , furent en un clin d’œil couve I
par ce torrent en une vaste plaine de sa
que l’eau, qui heureusement n’avoit cl
que pendant un demi-quart d’heure,
très-chaude; que les pierres et les s:
qu’elle avoit charriés avec elle ne differ
en rien des pierres et du sable de la 1
qu’après l’inondation il étoit sorti de h
me bouche un petit ruisseau de fei
coula pendant vingi-quatre heures ; q
«f
:!i
qui s’y sont faites en différais temps, »
par lesquelles sortent les laves, ces torra
de matières , qui sortent quelquefois di ; it
flancs , et qui tantôt courent sur la croup
de la montagne, se répandent dans les can
pagnes, et quelquefois jusqu’à la mer, <
s’endurcissent comme une pierre lorsque I
matière vient à se refroidir....
« A la cime du Vésuve on ne voit qu’un
espèce d’ourlet ou de rebord de quatre
cinq palmes de large , qui , prolongé autoii
de la Cime, décrit une circonférence de cin
mille six cent vingt-quatre pieds de Pari}
On peut marcher commodément sur ce ri
bord. Il est mut couvert d’un sable brûlé
qui est rouge eu quelques endroits , et sot
lequel on trouve des pierrres partie nati
relies, partie calcinées.... On remarque, dar
deux élévations de ce rebord, des lits d
pierres naturelles, arrangées comme dan
toutes les montagnes; ce qui détruit le ser.
ART. XVI. VOLCANS ET TREMBLEMENS DE TERRE
fiment de ceux qui regardent le Vésuve
[ comme une montagne qui s’est élevée peu à
peu au dessus du plau du vallon....
r « La profondeur du goiiffrë où la matière
iniboiiillorlue est de cinq cent quarante-trois
11 pieds : pour la hauteur de la montagne de-
pt puis sa cime jusqu’au niveau de la mer, elle
K lest de seize cent soixante-dix-sept pieds, qui
(font le tiers d’un mille d’Italie.
Ü « Cette hauteur a vraisemblablement été
lophis considérable. Les éruptions qui ont
1 changé la forme extérieure de la montagne
Fi en ont aussi diminué l’élévation par les par-
ilijties qu’elles ont détachées du sommet , et
a qui ont roulé dans le gouffre. »
1 ' D’après tous ces exemples, si nous consi-
dérons la forme extérieure que nous présen-
tent la Sicile et les aùlrès terres ravagées par
il !ë feu , nous i’ëconnoîtrons évidemment qu’il
[ n’existe àùcùii volcan simple et purement
ijjisolé. La surface de ces contrées offre par-
tout une suite et quelquefois une gerbe de
f (volcans. On vient de le voir au sujet de
\ l’Etna , et nous pouvons en donner un së-
ajcond exemple dans l’Hécla. L’Islande, comme
s |â Sicile, n’est en grande partie qu’un groupe
rde volcans, et nous allons le prouver par
îles observations.
L’Islande entière ne doit être regardée que
Comme une vaste montagne parsemée de ca-
vités profondes, cachant dans son sein des
Ùmas de minéraux , de matières vitrifiées et
bitumineüsës, et s’élevant de tous côtés du
milieu de la mer qui la baigne, en forme
d’un cône court et écrasé. Sa surface ne pré-
sente à l’œil que des sommets de montagnes
jplanchis par des neiges et des glaces , et plus
«bas l’image de la confusion et du boulever-
sement. C’est un énorme monceau de pierres
èt de rochers brisés , quelquefois poreux et
à demi calcinés , effrayans par la noirceur
jet les traces de Feu qui y sont empreintes.
Les fentes et les creux de ces rochers ne sont
remplis que d’un sable rouge, et quelquefois
noir ou blanc; mais dans les vallées que les
piontngnes forment entre elles , on trouve des
plaines agréables.
I La plupart des johuts, qui sont des mon-
tagnes de médiocre hauteur , quoique cou-
vertes de glaces, et qui sont dominées par
d’autres montagnes plus élevées , sont des
volcans qui, de temps à autre, jettent des
(flammes et causent des tremblemens de terre;
ion en compte une vingtaine dans toute l’île.
«Leshabitans des environs de ces montagnes
ont appris, par leurs observations, que lors-
que les glaces et la neige s’élèvent à une hau-
teur considérable , et qu’elles oui bouché les
2 55
cavités par lesquelles il est anciennement
sorti des flammes, on doit s’attendre à des
tremblemens de terre, qui sont suivis im-
manquablement d’éruptions de feu. C’est par
cette raison qu’à présent les Hollandois
craignent que les jokuts qui jetèrent des
flammes, en 1728, dans le canton de Skat-
field, ne s’enflamment bientôt, la glace et la
neige s’étant accumulées sur leur sommet,
et paraissant fermer les soupiraux qui favo-
risent les exhalaisons de ces feux souterrains.
En 1721 , le jokut appelé Koetlegan , à
cinq ou six lieues à l’ouest de la mer , au-
près de la baie de Portland, s’enflamma
après plusieurs secousses de tremblement de
terre. Cet incendie fondit des morceaux de
glace d’une grosseur énorme, d’où se for-
mèrent des torrens impétueux qui portèrent
fort loin l’inondation avec la terreur, et en-
traînèrent jusqu'à la mer des quantités pro-
digieuses de terre, de sable et de pierres.
Les masses solides de glace et l’immense quan-
tité de terre, de pierres et de sable qu’em-
porta cette inondation, comblèrent tellement
la mer , qu’à un demi-mille des côtes il s’en
forma une petite montagne qui paroissoit en-
core au dessus de l’eau en 1750. On peut
juger combien cette inondation amena de
matières à la mer, puisqu’elle la fit remonter
ou plutôt reculer à douze milles au delà de
ses anciennes côtes.
La durée entière de cette inondation fut
de trois jours, et ce ne fut qu’après ce temps
qu’on put passer au pied des montagnes
comme auparavant....
L’Hécla, que l’on a toujours regardé comme
un des pus fameux volcans de l’univers à
cause de ses éruptions terribles, est aujour-
d’hui un des moins dangereux de l’Islande.
Les monts de Koetlegan dont on vient de
parler, et le mont K rafle , ont fait récem-
ment autant de ravages que l’Hécla en fai-
soit autrefois. On remarque que ce dernier
volcan n’a jeté des flammes que dix fois dans
l’espace de huit cents ans; savoir, dans les
années 1104, nÔ7, 1222, i3oo, i34i,
x3f)2, 1389, i558, i636, et pour la der-
nière fois en 1693. Celte éruption com-
mença le i3 février, et continua jusqu’au
mois d’août suivant. Tous les autres incen-
dies 11’ont de même duré que quelques mois.
Il faut donc observer que l’Hécla ayant fait
les plus grands ravages au quatorzième
siècle , à quatre reprises différentes , a été
toul-à-fait tranquille pendant le quinzième,
et a cessé de jeter du feu pendant cent
soixante ans. Depuis cette époque il n’a lait
qu’une seule éruption au seizième siecle , et
üS6 TËÉORlE DE
deux au dix-septième. Actuellement on n’a-
perçoit sur ce volcan ni feu , ni fumée , ni
exhalaisons ; on y trouve seulement dans
quelques petits creux, ainsi que dans beau-
coup d’autres endroits de l’iie, de l’eau
bouillante, des pierres, du sable et des cen-
dres.
En 1726, après quelques secousses de
tremblemens de terre , qui ne furent sensi-
bles que dans les cantons du nord, le mont
Krafle commença à vomir, avec un fracas
épouvantable, de la fumée, du feu, des
cendres et des pierres. Cette éruption conti-
nua pendant deux ou trois ans, sans faire
aucun dommage . parce que tout retomboit
sur ce volcan ou autour de sa base.
En 1728, le feu s’étant communiqué à
quelques montagnes situées près du Erafle ,
elles brûlèrent pendant plusieurs semaines.
Lorsque les matières minérales qu’elles ren-
fermoient furent fondues , il s’en forma un
ruisseau de feu qui coula fort doucement
vers le sud , dans les terrains qui sont au
dessous de ces montagnes. Ce ruisseau brû-
lant s’alla jeter dans un lac, à trois lieues du
mont Krafle, avec un grand bruit, et en
formant un bouillonnement et un tourbillon
d’écume horrible. La lave ne cessa de couler
qu’en 1729, parce qu’alors vraisemblable-
ment la matière qui la fonnoit étoit épuisée.
Ce lac fut rempli d’une grande quantité de
pierres calcinées, qui firent considérable-
ment élever ses easx : il a environ vingt
lieues de circuit , et il est situé à une pa-
reille distance de la mer. On ne parlera pas
des autres volcans d’Islande ; il suffît d’avoir
fait remarquer les plus considérables.
On voit , par cette description , que rien
ne ressemble plus aux volcans secondaires
de l’Etna que les jokuts de i’Hécla; que
dans tous deux le haut sommet est tranquille ;
que celui du Vésuve s’est prodigieusement
abaissé , et que probablement ceux de l’Etna
et de l’Hécia étoient autrefois beaucoup plus
élevés qu’ils ne le sont aujourd’hui.
Quoique la topographie des volcans, dans
les autres parties du monde, ne nous soit
pas aussi bien connue que celle des volcans
d’Europe , nous pouvons néanmoins juger ,
par analogie et par la conformité de leurs
effets , qu’ils se ressemblent à tous égards :
tous sont situés dans les lies ou sur le bord
des continens; presque tous sont environnés
de volcans secondaires; les uns sont agis-
sans, les autres éteints ou assoupis ; et ceux-ci
sont en bien plus grand nombre , même
dans les Cordilieres, qui paroissent être le
domaine le plus ancien des volcans. Dans
LA TERRE.
l’Asie méridionale, les îles de la Sonde, 1
Moluques et les Philippines, 11e retrace
que destruction par le feu , et sont euco
pleines de volcans. Les îles du Japon <
contiennent de même un assez grand nor
bre : c’est le pays de l’univers qui est ans
le plus sujet aux tremblemens de terre ;
y a des fontaines chaudes en beaucoup d’ei
droits. La plupart des îles de l’océan Indic
et de toutes les mers de ces régions oriei
taies ne nous présentent que des pics et d:
sommets isolés qui vomissent le feu, que d
côtes et des rivages tranchés , restes d’a.
ciens continens qui ne sont plus : il arri
même encore souvent aux navigateurs d 4
rencontrer des parties qui s’affaissent jou |
nellement;et l’on y a vu des îles entier |
disparoître ou s’engloutir avec leurs volcat ,
sous les eaux. Les mers de la Chine soi ffll
chaudes; preuve de la forte effervescern |
des bassins maritimes en cette partie : 1 œ
ouragans y sont alfreux ; on y remarq- jjr
souvent des trombes; les tempêtes sont to L
jours annoncées par un bouillonnement gç j
néral et sensible des eaux , et par divers nu fei
téores et autres exhalaisons dont l’almospheit ^
se charge et se remplit. n
Le volcan de Ténériffe a été observé p; |
le docteur Thomas Heberden , qui a résici j(;
plusieurs années au bourg d’Oratava, sitii ^
au pied du pic; il trouva eu y allant que w
ques grosses pierres dispersées de tous côM tW;
à plusieurs lieues du sommet de cette moi llle
tagne : les unes paroissent entières, d’an |e,
très semblent avoir été brûlées et jetées: j,,
celte distance par le volcan. En montant
montagne, il vit encore des rochers bn 1
lés qui étoient dispersés en assez grossi
masses. I
«En avançant, dit-il, nous arrivâmes t
la fameuse grotte de Zegds, qui est enviroi |;
née de tous côtés par des masses énormes c ^
rochers brûlés...
«A un quart de lieue plus haut, noi
ü’ouvâmes une plaine sablonneuse, du m, ^
lieu de laquelle s’élève une pyramide de si: ^
ble ou de cendres jaunâtres, que l’on ap ^
pelle le pain de sucre. Autour de sa base ^
on voit sans cesse transpirer des vapeui ^
fuligineuses : de là jusqu’au sommet, il pei ^
y avoir un demi-quart de lieue; mais |
montée en est très-difficile par sa hautei ^
escarpée et le peu d’assiette qu’on trouv, j.
dans tout ce terrain —
>< Cependant nous parvînmes à ce que l’o |
appelle la Chaudière. Cette ouverture
douze ou quinze pieds de profondeur; sc ^
côtés , se rétrécissant toujours jusqu’au fonc; ^
ART. XVI. VOLCANS ET TREMBLEMENS DE TERRE.
2J7
forment une concavité qui ressemble à un
cône tronqué dont la base seroit renversée...
La tei're en est fort chaude; et d’environ
vingt soupiraux , comme d’autant de che-
minées, s’exhale une fumée ou vapeur épais-
se, dont l'odeur est très^sulfureuse. Il semble
que tout le sol soit mêlé ou poudré de sou-
fre; ce qui lui donne une surface brillante
et colorée...
« On aperçoit une couleur verdâtre , mê-
lée d’un jaune brillant comme de l’or, pres-
jque sur toutes les pierres qu’on trouve aux
environs ; une autre partie peu étendue de
ce pain de sucre est blanche comme la
chaux; et une autre, plus basse, ressem-
ble à de l’argile rouge qui seroit couverte
ide sel.
« Au milieu d’un autre rocher nous dé-
couvrîmes un trou qui n’avoit pas plus de
deux pouces de diamètre , d’où procédoit
un bruit pareil à celui d’un volume consi-
dérable d’eau qui bouillir oit sur un grand
feu. »
1 Les Açores, les Canaries, les îles du cap
Vert, l’île de l’Ascension, les Antilles, qui
paraissent être les restes des anciens cont-
iens qui réunissoient nos contrées à l’Amé-
rique, ne nous offrent presque toutes que
Ues pays brûlés ou qui brûlent encore. Les
Volcans anciennement submergés avec les
Montrées qui les portoienl , excitent sous les
e:aux des tempêtes si terribles, que, dans
%ie de ces tourmentes arrivées aux Açores,
suif des sondes se fondoit par la chaleur
1 lu fond de la mer. {Acid. Buff.)
Des volcans éteints.
Le nombre des volcans éteints est sans
iomparaison beaucoup plus grand que celui
es volcans actuellement agissans; on peut
nême assurer qu’il s’en trouve en très-grande
uantité dans presque toutes les parties de
1 terre. Je pourrois citer ceux que M. de
a Condamine a remarqué dans les Cordi-
tères, ceux que M. Fresnaye a observés à
aint-Domingue , dans le voisinage du Port-
u-Prince , ceux du Japon et des autres îles
rientales et méridionales de l’Asie, dont
18 Iresquo toutes les contrées habitées ont au-
c refois été ravagées par le feu; mais je me
ornerai à donner pour exemple ceux de
®flle-de-France et de l’île de Bourbon, que
uelques voyageurs instruits ont reconnus
l’une manière évidente.
« Le terrain de l’Ile-de-France est recou-
;9 ert, dit M. l’abbé de La Caille, d’une quan-
0“ té prodigieuse de pierres de toutes sortes
de grosseurs, dont la couleur est cendrée
noire ; une grande partie est criblée de
trous : elles contiennent la plupart beau-
coup de fer, et la surface de la terre est
couverte de mines de ce métal ; on y trouve
aussi beaucoup de pierres ponces , surtout
sur la côte nord de l’île , des laves ou espè-
ces de laitier de fer, des grottes profondes
et d’autres vestiges manifestes de volcans
éteints...
«L’île de Bourbon, continue M. l’abbé
de La Caille, quoique plus grande que l’Ile-
de-France, n’est cependant qu’une grosse
montagne , qui est comme fendue dans toute
sa hauteur en trois endroits différens. Son
sommet est couvert de bois et inhabité, et
sa pente, qui s’étend jusqu’à la mer, est
défrichée et cultivée dans les deux tiers de
son contour ; le reste est recouvert de laves
d’un volcan qui brûle lentement et sans bruit :
il ne paroît même un peu ardent que dans la
saison des pluies...
« L’ile de l’Ascension est visiblement for-
mée et brûlée par un volcan ; elle est cou-
verte d’une terre rouge semblable à de la
brique pilée ou à dé la glaise brûlée... L’île
est composée de plusieurs montagnes d’élé-
vation moyenne , comme de cent à cent cin-
quante toises ; il y en a une plus grosse qui
est au sud-est de l’île , haule d’environ qua-
tre cents toises... Son sommet est double et
allongé ; mais toutes les autres sont termi-
nées en cône assez parfait et couvertes de
terre rouge : la terre et une partie des
montagnes sont jonchées d’une quantité
prodigieuse de roches criblées d’une infinité
de trous , de pierres calcaires et fort légères,
dont un grand nombre ressemble à du lai-
tier; quelques-unes sont recouvertes d’un
vernis blanc sale , tirant sur le vert ; il y a
aussi beaucoup de pierres ponces. »
Le célèbre Cook dit que, dans une ex-
cursion que l’on fit dans l’intérieur de l’ile
d’Otaïti , on trouva que les rochers avoient
été brûlés comme ceux de Madère , et que
toutes les pierres portoient des marques in-
contestables du feu; qu’on aperçoit aussi des
traces de feu dans l’argile qui est sur les col-
lines , et que l’on peut supposer qu’Otaïti
et nombre d’îles voisines sont les débris d’un
continent qui a élé englouti par l’explosion
d’un feu souterrain. Philippe Carteret dit
qu’une des îles de la Reine-Charlotte , située
vers le n° 10' de latitude sud, est d’une
hauteur prodigieuse et d’une figure conique,
et que son sommet a la forme d’un enton-
noir, dont on voit sortir de la fumée, mais
point de flammes ; que sur le côté le plus
Buffon. I.
17
a58
HÉORIÈ DE LA TËRRE.
méridional de la terre de la Nouvelle-Bre-
tagne se trouvent trois montagnes, de l’une
desquelles il sort une grosse colonne da
fumée.
L’on trouve des basaltes à l’île de Bour-
bon, où le volcan , quoique affoibli, est en-
core agissant ; à l’lle-de- France, où tous les
feux sont éteints; à Madagascar, où il y a
des volcans agissans et d’autres éteints : mais
pour ne parler que des basaltes qui se trou-
vent en Europe, on sait, à n’en pouvoir
douter, qu’il y en a des masses considéra-
bles en Irlande, en Angleterre, en Auver-
gne, en Saxe sur les bords de l’Elbe, en
Misnie sur la montagne de Cottener, à Ma-
rienbourg, à Weilbourg dans le comté de
Nassau, à Lauterbaeh, à Bilstein, dans plu-
sieurs endroits de la Hesse , dans la Lusace ,
dans la Bohême', etc. Ces basaltes sont les
plus belles laves qu'aient produites les vol-
cans qui sont actuellement éleints dans toutes
ces contrées : mais nous nous contenterons
de donner ici l’extrait des descriptions dé-
taillées des volcans éteints qui se trouvent en
France.
« Les montagnes d’Auvergne , dit M. Guet-
tard, qui ont été, à ce que je crois, autre-
fois des volcans sont celles de Volvic à
deux lieues de Riom, du Puy-de-Dôme pro-
che Clermont et du mont d’Or. Le volcan
de Volvic a formé par ses laves différens lits
posés les uns sur les autres , qui composent
ainsi des masses énormes, dans lesquelles
on a pratiqué des carrières qui fournissent
de la pierre à plusieurs endroits assez éloi-
gnés de Volvic.... Ce fut à Moulins que je
vis les laves pour la première fois... et étant
à Volvic, je reconnus que la montagne n’é-
toit presque qu’un composé de différentes;
matières qui sont jetées dans les éruptions
des volcans...
« La figure de cette montagne est conique ;
sa base est formée par des rochers de gra-
nité gris blanc, ou d’une couleur de rose
pâle.... le reste de la montagne n’est qu’un
amas de pierres ponces, noirâtres ou rou-
geâtres, entassées les unes sur les autres sans
ordre ni liaison.... Aux deux tiers de la
montagne , on rencontre des espèces de ro-
chers irréguliers, hérissés de pointes infor-
mes contournées en tous sens, de couleur
rouge obscur, ou d’un noir sale et mat, et
d’une substance dure et solide, sans avoir
de trous comme les pierres ponces... Avant
d’arriver au sommet, on trouve un trou large
de quelques toises, d’une forme conique , et
qui approche d’un entonnoir... La partie de
la montagne qui est au nord et à l’est m’a
paru n’être que de pierres ponces... Les
bancs de pierre de Volvic suivent l’inclinai-
son de la montagne, et semblent se conti-
nuer sur cette montagne, et avoir commu-
nication avec ceux que les ravins mettent à
découvert un peu au dessous du sommet...
Ces pierres sont d’un gris de fer qui semble
se charger d’une fleur blanche qu’on diroit
en sortir comme une efflorescence : elles
sont dures , quoique spongieuses et remplies
de petits trous irréguliers.
« La montagne du Puy-de-Dôme n’est
qu’une masse de matière qui n’annonce que
les effets les plus terribles du feu le plus
violent... Dans les endroits qui ne sont
point couverts de plantes et d’arbres , on ne
marche que parmi des pierres ponces, sur
des quartiers de laves et dans une espèce de
gravier ou de sable formé par une sorte de
.mâchefer et par de très-petites pierres pon-
ces mêlées de cendres...
« Ces montagnes présentent plusieurs pics,
qui ont tous une cavité moins large au fond
qu’à l’ouverture... Un de ces pics, le che-
min qui y conduit , et tout l’espace qui se
trouve de là jusqu’au Puy-de-Dôme , ne sont
qu’un amas de pierres ponces ; et il en est
de même pour ce qui est des autres pics ,
qui sont au nombre de quinze ou seize ,
placés sur la même ligne , du sud au nord ,
et qui ont tous des entonnoirs.
« Le sommet du pic du mont d’Or est un
rocher d’une pierre d’un blanc cendré ten-
dre , semblable à celle du sommet des mon-
tagnes de cette terre volcanisée ; elle est seu-
lement un peu moins légère que celle du
Puy-de-Dôme. Si je n’ai pas trouvé sur cette
montagne des vestiges de volcan en aussi
grande quantité qu’aux deux autres, cela
vient en grande partie de ce que le mont
d’Or est plus couvert, dans toute son éten-
due, de plantes et de bois que la montagne
de Volvic et le Puy-de-Dôme... Cependant
la partie sud-ouest est entièrement décou-
verte et n’est remplie que de pierres et de
rochers qui me paroissent avoir été exempts
des effets du feu...
« Mais la pointe du mont d’Or est un
cône pareil à ceux de Volvic et du Puy-de-
Dôme : à l’est de cette pointe est le pic du
Capucin, qui affecte également la figure co-
nique; mais la sienne n’est pas aussi régu-|
lière que celle des précedens : il semble
même que ce pic ait plus souffert dans sa
composiiion; tout y paroît plus irrégulier,
plus rompu, plus brisé... Il y a encore plu-
sieurs pics dont la base est appuyée sur le
dos de la montagne; ils sont tous dominés
ART. XVI. VOLCANS ET TREMËLEMENS DE TERRE. a59
par le mont d’Or, dont la hauteur est de
cinq cent neuf toises... Le pic du mont
d’Or est très-roide; il finit en une pointe
de quinze ou vingt pieds de large en tous
sens...
« Plusieurs montagnes entre Thiers et
Saint-Chaumont ont une figure conique ; ce
qui me fait penser, dit M. Guettard, qu’elles
pouvoient avoir brûlé... Quoique je n’aie pas
été à Pontgibault, j’ai des preuves que les
montagnes de ce canton sont des volcans
éteints; j’en ai reçu des morceaux de laves
qu’il étoit facile de reconnoître pour tels par
les points jaunes et noirâtres d’une matière
vitrifiée , qui est le caractèrë le plus certain
d’une pierre de volcan. »
Le même M. Guettard et M. Faujas ont
trouvé sur la rive gauche du Rhône , et
assez avant dans le pays, de très-gros frag-
mens de basaltes en colonnes... En remon-
tant dans le Vivarais, ils ont trouvé dans
un torrent un amas prodigieux de matières
de volcan, qu’ils ont suivi jusqu’à sa source:
il ne leur a pas été difficile de reconnoître
le volcan : c’est une montagne fort élevée ,
sur le sommet de laquelle ils ont trouvé la
bouche d’environ quatre-vingts pieds de dia-
mètre : la lave est partie visiblement du
dessous de celte bouche ; elle a coulé en
grandes masses par les ravins l’espace de sept
ou huit mille toises ; la matière s’est amon-
celée toute brûlante en certains endroits;
venant ensuite à s’y figer, elle s’est gercée
et fendue dans toute sa hauteur, et a laissé
toute la plaine couverte d’une quantité in-
, nombrable de colonnes, depuis quinze jus-
1 qu’à trente pieds de hauteur, sur environ
sept pouces de diamètre.
« Ayant été me promener à Montferrier,
dit M. Montet, village éloigné de Mont-
pellier d’une lieue... je trouvai quantité de
pierres noires détachées les unes des autres,
de différentes figures et grosseurs... et les
ayant comparées avec d’autres qui sont cer-
tainement l’ouvrage des volcans... je les
trouvai de même nature que ces dernières :
ainsi je ne doutai point que ces pierres de
Montferrier ne fussent elles-mêmes une lave
ftrès-dure ou une matière fondue par un vol-
can éteint depuis un temps immémorial.
Toute la montagne de Montferrier est par-
semée de ces pierres ou laves ; le village en
est bâti en partie, et les rues en sont pa-
vées... Ces pierres présentent, pour la plu-
part, à leurs surfaces, de petits trous ou de
petites porosités qui annoncent bien qu’elles
sont formées d’une matière fondue par un
volcan ; on trouve cette lave répandue dans
toutes les terres qui avoisinent Montfer-
rier...
« Du côté de Pézenas, les volcans éteints
y sont en grand nombre... toute la contrée
en est remplie , principalement depuis le cap
d’Agde, qui est lui-même un volcan éteint,
jusqu’au pied de la masse des montagnes qui
commencent à cinq lieues au nord de cette
côte , et sur le penchant ou à peu de dis-
tance desquelles sont situés les villages de
Livran , Peret , Fontès, Néfiez, Gabian,
Faugères. On trouve, en allant du midi au
nord, une espèce de cordon ou de chapelet
fort remarquable, qui commence au cap
d’Agde, et qui comprend les monts Saint-
Thibery et le Causse (montagnes situées au
milieu des plaines de Bressan) ; le pic de la
tour de Yalros, dans le territoire de ce vil-
lage ; le pic de Montredon au territoire de
Tourbes, et celui de Sainte -Marthe auprès
du prieuré royal de Cassan , dans le terri-
toire de Gabian. Il part encore du pied de
la montagne , à la hauteur du village de
Fontès , une longue et large masse qui finit
au midi auprès de la grange des Prés.... et
qui est terminée, dans la direction du levant
au couchant, entre le village de Cans et celui
de Nizas... Ce canton a cela de remarqua-
ble, qu’il n’est presque qu’une masse de
lave, et qu’oa observe au milieu une bouche
ronde d’environ deux cents toises de diamè-
tre , aussi reconnoissable qu’il soit possible,
qui a formé un étang qu’on a depuis dessé-
ché, au moyen d’une profonde saignée faite
entièrement dans une lave dure et formée
par couches, ou plutôt par ondes immédia-
tement contiguës...
«On trouve, dans ces endroits, de la
lave et des pierres ponces ; presque toute la
ville de Pézenas est pavée de lave; le ro-
cher d’Agde n’est que de la lave très-dure ,
et toute cette ville est bâtie et pavée de
cette lave, qui est très-noire... Presque tout
le territoire de Gabian , où l’on voit la fa-
meuse fontaine de pétrole, est parsemé de
laves et de pierres ponces.
« On trouve aussi au Causse de Basan et
de Saint-Thibery une quantité considérable
de basaltes..... qui sont ordinairement des
prismes à six faces , de dix à quatorze pieds
de long... Ces basaltes se trouvent dans un
endroit où les vestiges d’un ancien volcan
sont on ne peut pas plus reconnoissables.
« Les bains' de Balaruc nous offrent
partout les débris d’un volcan éteint; les
pierres qu’on y rencontre ne sont que des
pierres ponces de différentes grosseurs...
« Dans tous les volcans que j’ai exami-
I7*
THÉORIE DE LA TERRE.
260
nés, j’ai remarqué que la matière ou les
pierres qu’ils ont vomie sont sous diffé-
rentes formes : les unes sont en masse con-
tiguë, très-dures et pesantes, comme le
rocher d’Agde : d’autres, comme celles de
Montferrier et la lave de Tourbes ," ne sont
point en masses ; ce sont des pierres déta-
chées, d’une pesanteur et d’une dureté con-
sidérables. »
M. Yillet, de l’Académie de Marseille,
m’a envoyé, pour le Cabinet du roi, quel-
ques échantillons de laves et d’autres ma-
tières trouvées dans les volcans éteints de
Provence, et il m’écrit qu’à une lieue de
Toulon on voit évidemment les vestiges d’un
ancien volcan , et qu’étant descendu dans
une ravine au pied de cet ancien volcan de
la montagne d’( )lli ouïes , il fut frappé , à l’as-
pect d’un rocher détaché du haut , de voir
qu’il étoit calciné ; qu’après en avoir brisé
quelques morceaux, il trouva, dans l’inté-
rieur, des parties sulfureuses si bien carac-
térisées, qu’il ne douta plus de l’ancienne
existence de ces volcans éteints aujour-
d’hui.
M. Valmont de Bomare a observé, dans
le territoire de Cologne, les vestiges de plu-
sieurs volcans éteints.
Je pourrois citer un très-grand nombre
d’autres exemples qui tous concourent à
prouver que le nombre des volcans éteints
est peut-être cent fois plus grand que celui
des volcans actuellement agissans, et l’on
doit observer qu’entre ces deux états il y a,
comme dans tous les autres effets de la na-
ture , des états mitoyens , des degrés et des
nuances dont on ne peut saisir que les prin-
cipaux points. Par exemple, les solfatares
ne sont ni des volcans agissans, ni des vol-
cans éteints, et semblent participer des deux.
Personne ne les a mieux décrites qu’un de
nos savans académiciens, M. Fougeroux de
Bondaroy, et je vais rapporter ici ses prin-
cipales observations.
« La solfatare située à quatre milles de
Naples à l’ouest , et à deux milles de la
mer, est fermée par des montagnes qui l’en-
tourent de tous côtés. Il faut monter pen-
dant environ une demi-heure avant que d’y
arriver. L’espace compris entre les mon-
tagnes forme un bassin d’environ douze
cents pieds de longueur sur huit cents pieds
de largeur. Il est dans un fond par rapport
à ces montagnes , sans cependant être aussi
bas que le terrain qu’011 a été obligé de tra-
verser pour y arriver. La terre qui forme
le fond de ce bassin est un sable très-fin ,
uni et battu ; le terrain est sec et aride , les
plantes n’y croissent point; la couleur du
sable est jaunâtre... Le soufre qui s’y trouve
en grande quantité, réuni avec ce sable,
sert sans doute à le colorer.
« Les montagnes qui terminent la plus
grande partie du bassin 11’offrent que des
rochers dépouillés de terre et de plantes ; les
uns fendus , dont les parties sont bridées et
calcinées, et qui tous n’offrent aucun arran-
gement et n’ont aucun ordre dans leur posi- j
tion Ils sont recouverts d’une plus ou
moins grande quantité de soufre qui se su- j
blime dans cette partie de la montagne , et |
dans celle du bassin qui en est proche.
« Le côté opposé... offre un meilleur ter- !
rain aussi n’y voit-on pas de fourneaux
pai'eils à ceux dont nous allons parler, et qui
se trouvent communément dans la partie que
l’on vient de décrire.
« Dans plusieurs endroits du fond du bas- :
sin on voit des ouvertures, des fenêtres, ou ;
des bouches d’où il sort de la fumée accom-
pagnée d’une chaleur qui bruleroit vivement ;
les mains, mais qui n’est pas assez grande ;
pour allumer du papier....
« Les endroits voisins donnent une cha-
leur qui se fait sentir à travers les souliers; !
et il s’en exhale une odeur de soufre dés- 1
agréable... Si l’on fait entrer dans le terrain
un morceau de bois pointu, il sort aussitôt
une vapeur, une fumée pareille à celle qu’ex-
halent les fentes naturelles
«Il se sublime, par les ouvertures, du
soufre en petite quantité, et un sel connu
sous le nom de sel ammoniac , et qui en a
les caractères
« On trouve sur plusieurs des pierres qui
environnent la solfatare, des filets d’alun qui
y a fleuri naturellement Enfin ou retire
encore du soufre de la solfaFare Cette
substance est contenue dans des pierres de
couleur grisâtre, parsemées de parties bril- j
lantes, qui dénotent celles du soufre cris-
tallisé entre celles de la pierre ; et ces :
pierres sont aussi quelquefois chargées d’a-
lun
« En frappant du pied dans le milieu du
bassin , on reconnoît aisément que le terrain
en est creux en dessous.
« Si l’on traverse le côté de la montagne
le plus garni de fourneaux, et qu’on la des-
cende , on trouve des laves , des pierres
ponces , des écumes de volcans , etc. , enfin
tout ce qui, par comparaison avec les ma- ;
tières que donne aujourd’hui le Vésuve, peut !
démontrer que la solfatare a formé la bouche
d’un volcan
« Le bassin de la solfatare a souvent changé
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ART. XVI. VOLCANS ET TREMBLEMENS DE TERRE.
de forme; on peut conjecturer qu’il en
prendra encore d’autres , différentes de celle
qu’il offre aujourd’hui : ce terrain se mine
et se creuse tous les jours ; il forme main-
tenant une voûte qui couvre un abîme... Si
cette voûte venoit à s’affaisser, il est proba-
ble que , se remplissant d’eau , elle produi-
|j roit un lac. »
M. Fougeroux de Bondaroy a aussi fait
plusieurs observations sur les solfatares de
j quelques autres endroits de l’Italie.
«J’ai été, dit-il, jusqu’à la source d’un
ruisseau que l’on passe entre Rome et Ti-
voli, et dont l’eau a une forte odeur de
1 soufre... elle forme deux petits lacs d’envi-
ron quarante toises dans leur plus grande
! étendue
« L’un de ces lacs, suivant la corde que
j! nous avons été obligés de filer , a en certains
| endroits jusqu’à soixante, soixante-dix, ou
, quatre-vingts brasses.... On voit sur ces eaux
j plusieurs petites îles flottantes, qui changent
! quelquefois de place.... elles sont produites
j par des plantes réduites en une espèce de
j, tourbe, sur lesquelles les eaux, quoique
j corrosives , n’ont plus de prise
« J’ai trouvé la chaleur de ces eaux de
20 degrés, tandis que le thermomètre à
l’air libre étoit à 18 degrés; ainsi les obser-
vations que nous avons faites n’indiquent
I qu’une très-foible chaleur dans ces eaux....
elles exhalent une odeur fort désagréable...
et cette vapeur change la couleur des végé-
« taux et celle du cuivre.
« La solfatare de Viterbe, dit M. l’abbé
Mazéas, n’a une embouchure que de trois
! à quatre pieds ; ses eaux bouillonnent et
exhalent une odeur de foie de soufre , et
| pétrifient aussi leurs canaux, comme celles
j de Tivoli Leur chaleur est au degré de
l’eau bouillante, quelquefois au dessous...
Des tourbillons de fumée qui s’en élevent
quelquefois, annoncent une chaleur plus
grande ; et néanmoins le fond du bassin est
)| tapissé des mêmes plantes qui croissent au
j fond des lacs et des marais : ces eaux pro-
duisent du vitriol dans les terrains ferrugi-
neux , etc.
« Dans plusieurs montagnes de l’Apennin,
et principalement celles qui sont sur le che-
min de Bologne à Florence , on trouve des
feux ou simplement des vapeurs qui n’ont
besoin que de l’approche d’une flamme pour
brûler elles-mêmes
« Les feux de la monlagne Cenida , proche
Pietramala, sont placés à différentes hau-
teurs de la montagne , sur laquelle on compte
quatre bouches à feu qui jettent des flam-
26 £
mes.... Un de ces feux est dans un espace
circulaire entouré de buttes La terre y
paroît brûlée, et les pierrçs sont plus noires
que celles des environs ; il en sort çà et là
une flamme bleue, vive, ardente, claire,
qui s’élève à trois ou quatre pieds de hau-
teur Mais au delà de l’espace circulaire
orf ne voit aucun feu , quoique à plus de
soixante pieds du centre des flammes , on
s’aperçoive encore de la chaleur que con-
serve le terrain
« Le long d’une fente ou crevasse voisine
du feu , on entend un bruit sourd comme
seroit celui d’un vent qui traverseroit un
souterrain Près de ce lieu on trouve
deux sources d’eau chaude Ce terrain ,
dans lequel le feu existe depuis du temps,
n’est ni enfoncé ni relevé On ne voit
près du foyer aucune pierre de volcan, ni
rien qui puisse annoncer que ce feu ait jeté ;
cependant des monticules près de cet en-
droit rassemblent tout ce qui peut prouver
qu’elles ont été anciennement formées ou
au moins changées par les volcans Ert
1767, on ressentit même des secousses de
tremblemens de terre dans les environs ,
sans que le feu changeât, ni qu’il donnât
plus ou moins de fumée.
« Environ à dix lieues de Modène, dans
un endroit appelé Barlgazzo , il y a encore
cinq ou six bouches où paroissent des
flammes dans certains temps, qui s’étei-
gnent par un vent violent : il y a aussi des
vapeurs qui demandent l’approche d’un
corps enflammé pour prendre feu... Mais,
maigre les restes non équivoques d’anciens
volcans éteints, qui subsistent dans la plu-
part de ces montagnes, les feux qui s’y
voient aujourd’hui ne sont point de nou-
veaux volcans qui s’y forment , puisque ces
feux ne jettent aucune substance de vol-
cans. >»
Les eaux thermales, ainsi que les fon-
taines de pétrole, et des autres bitumes e8
huiles terrestres , doivent être regardées
comme une autre nuance entre les volcans
éteints et les volcans en action : lorsque les
feux souterrains se trouvent voisins d’une
mine de charbon, ils la mettent en distilla-
tion , et c’est là l’origine de la plupart des
sources de bitume; ils causent de même la
chaleur des eaux thermales cpii coulent dans
leur voisinage. Mais ces feux souterrains
brûlent tranquillement aujourd’hui; on ne
reconnoît leurs anciennes explosions que
par les matières qu’ils ont autrefois reje-
tées : ils ont cessé d’agir lorsque les mers
s’en sont éloignées ; et je ne crois pas ,
Ira ig|
j
THÉORIE DE LÀ TERRE.
262
comme je l’ai dit , qu’on ait jamais à
craindre le retour de ces funestes explo-
sions , puisqu’il y a toute raison de penser
que la mer se retirera de plus en plus. ( Add .
Buff.)
Des laves et basaltes.
* A tout ce que nous venons d’exposer au
sujet des volcans , nous ajouterons quelques
considérations sur le mouvement des laves ,
sur le temps nécessaire à leur refroidisse-
ment , et sur celui qu’exige leur conversion
en terre végétale.
La lave qui s’écoule ou jaillit du pied
des éminences formées par les matières
que le volcan vient de rejeter, est un verre
impur en liquéfaction , et dont la matière
tenace et visqueuse n’a qu’une demi-flui-
diié ; ainsi les torrens de cette matière vi-
trifiée coulent lentement en comparaison
des torrens d’eau , et néanmoins ils arrivent
souvent à d’assez grandes distances : mais il
y a dans ces torrens de feu un mouvement
de plus que dans les torrens d’eau ; ce mou-
vement tend à soulever toute la masse qui
coule, et il est produit par la force expan-
sive de la chaleur dans l’intérieur du torrent
embrasé ; la surface extérieure se refroidis-
sant la première, le feu liquide continue à
couler au dessous ; et comme l’action de la
chaleur se fait en tous sens , ce feu , qui
cherche à s’échapper, soulève les parties
supérieures déjà consolidées, et souvent les
force à s’élever perpendiculairement : c’est
de là que proviennent ces grosses masses
de laves en forme de rochers qui se trouvent
dans le cours de presque tous les torrens
où la pente n’est pas rapide. Par l’effort de
cette chaleur intérieure , la lave fait souvent
des explosions , sa surface s’entr’ouvre , et
la matière liquide jaillit de l’intérieur et
forme ces masses élevées au dessus du niveau
du torrent. Le P. de La Torre est, je crois ,
le premier qui ait remarqué ce mouvement
intérieur dans les laves ardentes ; et ce
mouvement est d'autant plus violent qu’elles
ont plus d’épaisseur et que la pente est plus
douce : c’est un effet général et commun
dans toutes les matières liquéfiées par le feu ,
et dont on peut donner des exemples que
tout le monde est à portée de vérifier dans
les forges *. Si l’on observe les gros lingots
1. La lave des fourneaux à fondre le fer subit
les mêmes effets. Lorsque cette matière vitreuse
coule lentement sur la dame, et qu’elle s’accumule
à sa base, on voit se former des éminences, qui
sont des bulles de verre concaves, sous une forme
hémisphérique. Ces bulles crèvent, lorsque la force
de fonte de fer qu’on appelle gueuses , qui
coulent dans un moule ou canal dont la
pente est presque horizontale, on s’aper-
cevra aisément qu’elles tendent à se courber
en effet d’aulant plus qu’elles ont plus d’é-
paisseur 2. Nous avons démontré , par les
expériences rapportées dans les mémoires |
précédens , que les temps de la consolidation !
sont à très-peu près proportionnels aux
épaisseurs, et que la surface de ces lingots |
étant déjà consolidée, l’intérieur en est en- 1
core liquide : c’est cette chaleur intérieure [
qui soulève et fait bomber le lingot ; et si
son épaisseur étoit plus grande, il y auroit, j
comme dans les torrens de lave, des explo-
sions, des ruptures à la surface, et des j
jets perpendiculaires de matière métallique I
poussée au dehors par l’action du feu ren-
fermé dans l’intérieur du lingot. Cette ex- j
plication, tirée de la nature même de la
chose , ne laisse aucun doute sur l’origine
de ces éminences qu’on trouve fréquemment
dans les vallées et les plaines que les laves '
ont parcourues et couvertes.
Mais , lorsqu’après avoir co-ulé de la mon-
tagne et traversé les campagnes , la lave
toujours ardente' arrive aux rivages de la
mer, son cours se trouve tout à coup arrêté :
le torrent de feu se jette comme un ennemi
puissant , et fait d’abord reculer les flots ; j
mais l’eau , par son immensité , par sa froide
résistance et par la puissance de saisir et
d’éteindre le feu , consolide en peu d’instans j
la matière du torrent, qui dès lors ne peut
aller plus loin, mais s’élève, se charge de
nouvelles couches , et forme un mur à-plomb,
expansive est très-active , et que la matière a moins j
de fluidité ; alors il en sort avec bruit un jet ra- j
pide de flamme : lorsque cette matière vitreuse est t
assez adhérente pour souffrir une grande dilata- :
tion , ces bulles, qui se forment à sa surface, 1
prennent un volume de huit à dix pouces de dia-
mètre sans se crever, lorsque la vitrification en est
moins achevée , et qu’elle a une consistance vis- j
queuse et tenace ; ces bulles occupent peu de vo- ;
lume, et la matière, en s’affaissant sur elle-même, i
forme des éminences concaves, que l’on nomme j
yeux de crapaud. Ce qui se passe ici en petit dans I
le laitier des fourneaux de forge , arrive en grand :
dans les laves des volcans.
?.. Je 11e parle pas ici des autres causes parti-
culières , qui souvent occasionnent la courbure des t
lingots de fonte. Par exemple, lorsque la fonte
n’est pas bien fluide , lorsque le moule est trop
humide, ils se courbent beaucoup plus, parce que j
ces causes concourent à augmenter l’effet de la
première : ainsi l’humidité de la terre sur laquelle jj
coulent les torrens de la lave aide encore à la cha-
leur intérieure à en soulever la masse , et à la
faire éclater en plusieurs endroits par des expie- ||
sions suivies de ces jets de matière dont nous avons H
parlé.
ART. XYI. VOLCANS ET TREMBLEMENS DE TERRE.
de la hauteur duquel le torrent de lave
tombe alors perpendiculairement et s’ap-
plique contre le mur à-plomb qu’il vient de
former : c’est par cette chute et par le sai-
sissement de la matière ardente que se for-
ment les prismes de basalte 1 , et leurs
colonnes articulées. Ces prismes sont ordi-
nairement à cinq, six, ou sept faces, et
quelquefois à quatre ou à trois, comme
aussi à huit ou neuf faces : leurs colonnes
sont formées par la chute perpendiculaire
de la lave dans les flots de la mer , soit qu’elle
tombe du haut des rochers de la côte, soit
qu’elle forme elle-même le mur à-plomb
qui produit sa chute perpendiculaire : dans
tous les cas , le froid et l’humidité de l’eau
qui saisissent celte matière toute pénétrée de
feu, en consolidant les surfaces au moment
même de sa chute, les faisceaux qui tombent
du torrent de lave dans la mer, s’appliquent
les uns contre les autres ; et comme'la cha-
leur intérieure des faisceaux tend à les di-
later , ils se font une résistance réciproque ,
et il arrive le même effet que dans le ren-
flement des pois , ou plutôt des graines
cylindriques , qui seraient pressées dans un
vaisseau clos rempli d’eau qu’on feroit bouil-
lir ; chacune de ces graines deviendrait
hexagone par la compression réciproque ;
et de même chaque faisceau de lave devient
à plusieurs faces par la dilatation et la rési-
stance réciproques ; et lorsque la résistance
* des faisceaux environnans est plus forte que
la dilatai ion du faisceau environné, au lieu
de devenir hexagone , il n’est que de trois ,
quatre , ou cinq faces ; au contraire , si la
dilatation du faisceau environné est plus
forte que la résistance de la matière envi-
ronnante , il prend sept , huit , ou neuf
faces, toujours sur sa longueur, ou plutôt
sur sa hauteur perpendiculaire.
Les articulations transversales de ces co-
lonnes prismatiques sont produites par une
cause encore plus simple : les faisceaux de
lave ne tombent pas comme une gouttière
régulière et continue, ni par masses égales:
! pour peu doue qu’il y ait d’intervalle dans la
chute de la matière, la colonne à demi consoli-
dée à sa face supérieure s’affaisse en creux par
le poids de la masse qui survient , et qui dès
lors se moule en convexe dans la concavité de
la première ; et c’est ce qui forme les espèces
i. Je n’examinerai point ici l’origine de ce nom
basalte, que M. Desmarest , savant naturaliste de
l’Académie des Sciences, croit avoir été donné par
les anciens à deux pierres de nature différente : et
je ne parle ici que du basalte lave , qui est en forme
de colonnes prismatiques.
203
d’articulations qui se trouvent dans la plu-
part de ces colonnes prismatiques : mais
lorsque la lave tombe dans l’eau par une
chute égale et continue, alors la colonne de
basalte est aussi continue dans toute sa hau-
teur, et l’on n’y voit point d’articulations.
De même, lorsque, par une explosion, il
s’élance du torrent de lave quelque masse
isolée , cette masse prend alors une figure
globuleuse ou elliptique , ou même tortillée
en forme de câble ; et l’on peut rappeler à
cette explication simple toutes les formes
sous lesquelles se présentent les basaltes et
les laves figurées.
C’est à la rencontre du torrent de lave
avec les flots et à sa prompte consolidation „
qu’on doit attribuer l’origine de ces côtes
hardies qu’on voit dans toutes les mers qui
sont au pied des volcans. Les anciens rem-
paris de basalte , qu’on trouve aussi dans
l’intérieur des continens, démontrent la
présence de la mer et son voisinage des vol-
cans dans le temps que leurs laves ont coulé :
nouvelle preuve qu’on peut ajouter à toutes
celles que nous avons données de l’ancien
séjour des eaux sur toutes les terres actuel-
lement habitées.
Les torrens de lave ont depuis cent jus-
qu’à deux et trois mille toises de largeur , et
quelquefois cent cinquante et même deux
cents pieds d’épaisseur; et comme nous
avons trouvé par nos expériences que le
temps du refroidissement du verre est à celui
du refroidissement du fer comme i32 sont
à 236 2, et que les temps respectifs de leur
consolidation sont à peu près dans ce même
rapport3, il est aisé d’en conclure que, pour
consolider une épaisseur de dix pieds de
verre ou de lave, il faut 201 21/59 minu-
tes , puisqu’il faut 36o minutes pour la con-
solidation de dix pieds d’épaisseur de fer;
par conséquent il faut 4028 minutes, ou
67 heures 8 minutes, pour la consolidation
de deux cents pieds d’épaisseur de lave : et,
par la même règle, on trouvera qu’il faut
environ onze fois plus de temps , c’est-à-dire
3o jours 17/24, ou un mois, pour que la
surface de cette lave de deux cents pieds
d’épaisseur soit assez froide pour qu’on
puisse la toucher : d’où il résulte qu’il faut
un an pour refroidir une lave de deux cents
pieds d’épaisseur assez pour qu’on puisse la
toucher sans se brûler à un pied de profon-
deur, et qu’à dix pieds de profondeur elle
sera encore assez chaude au bout de dix ans
2. Voyez le Mémoire sur le refroidissement de la
terre et des planètes.
3. Voyez ibid.
THÉORIE DE LA TERRE.
264
pour qu’on ne puisse la toucher , et cent
ans pour être refroidie au même point
jusqu’au milieu de son épaisseur. M. Bry-
done rapporte qu’après plus de quatre ans
la lave qui avoit coulé en 1766 au pied de
l’Etna n’éloit pas encore refroidie. Il dit
aussi « avoir vu une couche de lave de quel-
ques pieds, produite par l’éruption du Vé-
suve , qui resta rouge de chaleur au centre ,
long-temps après que la surface fut refroidie,
et qu’en plongeant un bâton dans ses crevas-
ses il prenoit feu à l’instant , quoiqu’il n’y
eût au dehors aucune apparence de chaleur.»
Massa, auteur sicilien, digne de foi, dit
« qu’étant à Catane, huit ans après la
grande éruption de 1669, il trouva qu’en
plusieurs endroits la lave n’étoit pas encore
froide. »
M. le chevalier Hamilton laissa tomber
des morceaux de bois sec dans une fente de
lave du Vésuve, vers la fin d’avril 1771 ; ils
furent enflammés dans l’instant : quoique
cette lave fût sortie du volcan le 19 octo-
bre 1767, elle n’avoit point de communica-
tion avec le foyer du volcan ; et l’endroit où
il fit cette expérience étoit éloigné au moins
de quatre milles de la bouche d’où cette
lave avoit jailli. Il est très-persuadé qu’il
faut bien des années avant qu’une lave de
l’épaisseur de celle-ci ( d’environ deux cents
pieds ) se refroidisse.
Je n’ai pu faire des expériences sur la
consolidation et le refroidissement qu’avec
des boulets de quelques pouces de diamè-
tre ; le seul moyen de faire ces expériences
plus en grand seroit d’observer les laves , et
de comparer les temps employés à leur con-
solidation et refroidissement selon leurs dif-
férentes épaisseurs : je suis persuadé que
ces observations confirmeroient la loi que
j’ai établie pour le refroidissement depuis
l’état’de fusion jusqu’à la température ac-
tuelle; et quoiqu’à la rigueur ces nou-
velles observations ne soient pas néces-
saires pour confirmer ma théorie, elles
serviroient à remplir le grand intervalle qui
se trouve entre un boulet de canon et une
planète.
Il nous reste à examiner la nature des
laves et à démontrer qu’elles se convertis-
sent, avec le temps, en une terre fertile;
ce qui nous rappelle l’idée de la première
conversion des scories du verre primitif qui
couvroienl la surface entière du globe après
sa consolidation.
« On ne comprend pas sous le nom de
laves, dit M. de La Condamine, toutes les
matières sorties de la bouche d’un volcan ,
telles que les cendres , les pierres ponces ,
le gravier, le sable; mais seulement celles
qui, réduites par l’action du feu dans un
état de liquidité , forment en se refroidissant
des masses solides dont la dureté surpasse
celle du marbre. Malgré cette restriction,
on conçoit qu’il y aura encore bien des es-
pèces de laves , selon le différent degré de
fusion du mélange, selon qu’il participera
plus ou moins du métal, et qu’il sera plus
ou moins intimement uni avec diverses ma-
tières. J’en distingue surtout trois espèces ,
et il y en a bien d’intermédiaires. La lave
la plus pure ressemble , quand elle est polie ,
à une pierre d’un gris sale et obscur ; elle
est lisse, dure, pesante, parsemée de petits
fragmens semblables à du marbre noir, et
de pointes blanchâtres ; elle paroît contenir
des parties métalliques ; elle ressemble , au
premier coup d’œil , à la serpentine, lorsque
la couleur de la lave ne lire point sur le vert ;
elle reçoit un assez beau poli, plus ou
moins vif dans ses différentes parties ; on
en fait des tables , des chambranles de che-
minée , etc.
« La lave la plus grossière est inégale et
raboteuse ; elle ressemble fort à des sco-
ries de forges ou écumes de fer. La lave la
plus ordinaire tient un milieu entre ces deux
extrêmes ; c’est celle que l’on voit répandue
en grosses masses sur les flancs du Vésuve
et dans les campagnes voisines. Elle y a
coulé par torrens : elle a formé en se re-
froidissant des masses semblables à des ro-
chers ferrugineux et rouillés, et souvent
épais de plusieurs pieds. Ces masses sont
interrompues et souvent recouvertes par des
amas de cendres et de matières calcinées....
C’est sous plusieurs lits alternatifs de laves,
de cendres, et de terre , dont le total fait une
croûte de soixante à quatre-vingts pieds d’é-
paisseur, qu’011 a trouvé des temples, des
portiques, des statues, un théâtre, une ville
entière , etc »
« Presque toujours, dit M. Fougeroux
de Bondaroy , immédiatement après l’érup-
tion d’une terre brûlée ou d’une espèce de
cendre le Vésuve jette la lave elle
coule par les fentes qui sont faites à la mon-
tagne...
« La matière minérale enflammée, fon-
due, et coulante, ou la lave proprement
dite, sort par les fentes ou crevasses avec
plus ou moins d’impétuosité, et en plus ou
moindre quantité, suivant la force de l’é-
ruption; elle se répand à une distance plus
ou moins grande , suivant son degré de flui-
dité , et suivant la pente de la montagne
ART. XVI. VOLCANS ET TREMBLEMENS DE TERRE.
lu’elle suit, qui retarde plus ou moins son
fefroidissement. . .
i| « Celle qui garnit maintenant une partie
i terrain dans le bas de la montagne , et
|ii descend quelquefois jusqu’au pied de
|>rtici forme de grandes masses, dures,
Isantes, et hérissées de pointes sur leur
ilrface supérieure ; la surface qui porte sur
terrain est plus plate : comme ces mor-
aux sont les uns sur les autres, ils res-
nblent un peu aux flots de la mer ; quand
morceaux sont plus grands et plus amon-
és, ils prennent la figure des rochers...
« En se refroidissant , la lave affecte dif-
entes formes... La plus commune est en
des plus ou moins grandes ; quelques mor-
aux ont jusqu’à six , sept , ou huit pieds de
aension : elle s’est ainsi cassée et rompue
cessant d’êire liquide et en se refroidis-
ilt ; c’est cette espèce de lave dont la su-
fficie est hérissée de pointes.
!< La seconde espèce ressemble à da gros
dages; elle se trouve toujours proche
verture , paroît s’être figée prompte-
nt et avoir roulé avant de s’ètre durcie :
I est moins pesante que celle de la pre-
ire espèce; elle est aussi plus fragile,
ins dure et plus bitumineuse; en la cas-
L on voit que sa substance est moins
fée que dans la première
I: On trouve au haut de la montagne une
i iième espèce de lave, qui est brillante,
osée en filets qui quelquefois se croisent;
est lourde et d’un rouge violet.... Il y a
i jmorceaux qui sont sonores et qui ont
t gure de stalactites Enfin on trouve à
s fines parties de la montagne , des laves
ïffectoient une forme sphérique, et qui
, lissoient avoir roulé. On conçoit aisément
e tuent la forme de ces laves peut varier
!înt une infinité de circonstances , etc. »
is ! entre des matières de toute espèce dans
le imposition des laves; on a tiré du fer et
eu de cuivre de celles du sommet du
« (ve ; il y en a même quelques - unes
l> ez métalliques pour conserver la flexi-
ie b du métal : j’ai vu de grandes tables
le pve de deux pouces d’épaisseur , tra-
in- ïes et polies comme des tables de mar-
se courber par leur propre poids; j’en
m- i d’autres qui plioient sous une forte
;nt I ;e, mais qui reprenoient le plan hori-
tec >1 par leur élasticité,
ou tûtes les laves, étant réduites en poudre,
|’é- comme le verre, susceptibles d'être
Jus prties , par l’intermède de l’eau , d’a-
lui- en argile, et peuvent devenir ensuite,
gne W!p mélange des poussières et des détri-
a65
mens de végétaux, d’excellens terrains. Ces
faits sont démontrés par les belles et grandes
forêts qui environnent l’Etna, qui toutes sont
sur un fond de lave recouvert d’une bonne
terre de plusieurs pieds d’épaisseur; les cen-
dres se convertissent encore plus vite en
terre que les poudres de verre et de lave :
on voit dans la cavité des cratères des an-
ciens volcans actuellement éteints , des ter-
rains fertiles ; on en trouve de même sur le
cours de tous les anciens torrens de lave.
Les dévastations causées par les volcans sont
donc limitées par le temps ; et comme la na-
ture tend toujours plus à produire qu’à dé-
truire , elle répare , dans l’espace de quel-
ques siècles , les dévastations du feu sur la
terre , et lui rend sa fécondité en se servant
même des matériaux lancés pour la destruc-
tion. (Add. Buff.)
ARTICLE XVII.
Des îles nouvelles , des cavernes, des fentes
perpendiculaires , etc.
Les îles nouvelles se forment de deux fa-
çons , ou subitement par l’action des feux
souterrains , ou lentement par le dépôt du
limon des eaux. Nous parlerons d’abord de
celles qui doivent leur origine à la première
de ces deux causes. Les anciens historiens
et les voyageurs modernes rapportent à ce
sujet des faits , de la vérité desquels on ne
peut guère douter. Sénèque assure que de
son temps l’ile de Thérasie T parut tout d’un
coup à la vue des mariniers. Pline rapporte
qu’autrefois il y eut treize îles dans la mer
Méditerranée qui sortirent en même temps
du fond des eaux, et que Rhodes et Délos
sont les principales de ces treize îles nou-
velles ; mais il paroît par ce qu’il en dit , et
par ce qu’en disent aussi Ammien Marcellin,
Philon , etc. , que ces treize îles n’ont pas
été produites par un tremblement de terre ,
ni par une explosion souterraine : elles
étoient auparavant cachées sous les eaux ; et
la mer en s’abaissant a laissé , disent-ils ,
ces îles à découvert ; Délos avoit même le
nom de Pelagia , comme ayant autrefois ap-
partenu à la mer. Nous ne savons donc pas
si l’on doit attribuer l’origine de ces treize
îles nouvelles à l’action des feux souterrains,
ou à quelque autre cause qui auroil produit
un abaissement et une diminution des eaux
dans la mer Méditerranée; mais Pline rap-
porte que l’îîe d ‘Hiera près de Thérasie a
i. Aujourd’hui Santorin,
a66
THÉORIE DE LA TERRE.
élé formée de masses ferrugineuses et de
terres lancées du fond de la mer ; et dans le
chapitre 89 , il parle de plusieurs autres îles
formées de la même façon. Nous avons sur
tout cela des faits plus certains et plus nou-
veaux. .
Le 23 mai 1707, au lever du soleil, on
vit de cette* même île de Thérasie ou de
Santorin , à deux ou trois milles en mer,
comme un rocher flottant : quelques gens
curieux y allèrent , et trouvèrent que cet
écueil , qui étoit sorti du fond de la mer,
augmentoit sous leurs pieds ; et ils en rap-
portèrent de la pierre ponce et des huîtres
que le rocher qui s’étoit élevé du fond de
la mer tenoit encore attachées à sa surface.
Il y avoit eu un petit tremblement de terre
à Santorin deux jours avant la naissance de
cet écueil. Celte nouvelle île augmenta con-
sidérablement jusqu’au 14 juin, sans acci-
dent, et elle avoit alors un demi-mille de
tour, et vingt à trente pieds de hauteur; la
terre étoit blanche , et tenoit un peu de l’ar-
gile : mais après cela la mer se troubla de
plus en plus, il s’en éleva des vapeurs qui
infectoient l’île de Santorin; et le 16 juillet
on vit dix-sept ou dix-huit rochers sortir à
la fois du fond de la mer; ils se réunirent.
Tout cela se fit avec un bruit affreux qui con-
tinua plus de deux mois, et des flammes qui
s'élevaient de la nouvelle île ; elle augmen-
toit toujours en circuit et en hauteur, et les
explosions lançoieut toujours des rochers et
des pierres à plus de sept milles de distance.
L’île de Santorin elle-même a passé chez les
anciens pour une production nouvelle; et,
en 726, 1427 et 1573 elle a reçu des ac-
croissemens , et il s’est formé de petites îles
auprès de Santorin1. Le même volcan qui
du temps de Sénèque a formé l’île de San-
torin, a produit, du temps de Pline, celle
d’Hiera ou de Volcanelle , et de nos jours a
formé l’écueil dont nous venons de parler.
Le 10 octobre 1720 , on vit auprès de l’île
de Tercère un feu considérable s’élever de
la mer ; des navigateurs s’en étant appro-
chés par ordre du gouverneur , ils aperçu-
rent, le 19 du même mois, une île qui n’é-
toit que feu et fumée , avec une prodigieuse
quantité de cendres jetées au loin , comme
parla force d’un volcan, avec un bruit pa-
reil à celui du tonnerre. Il se fit en même
temps un tremblement de terre qui se fit
sentir dans les lieux circonvoisins , et on re-
marqua sur la mer une grande quantité de
x. Voyez Y Histoire de l’Académie , année 1708 ,
pages 23 et suiv.
pierres ponces , surtout autour de la no
velle île ; ces pierres ponces voyagent, et 1
en a quelquefois trouvé une grande quanti
dans le milieu même des grandes mers
JJ Histoire de l’Académie , année 172
dit , à l’occasion de cet événement , qu’api
un tremblement de terre dans l’île de Saii
Michel , l’une des Açores , il a paru à vin!
huit lieues au large, entre cette île et
Tercère, un torrent de feu qui a don
naissance à deux nouveaux écueils3. D;
le volume de l’année suivante 1722
trouve le détail qui suit :
« M. Delisle a fait savoir à l’Acadér
plusieurs particularités de la nouvelle
entre les Açores , dont nous n’avions
qu’un mot en 1721 4 ; il les avoit tirées d’
lettre de M. de Montagnac , consul à I
bonne.
« Un vaisseau ou il étoit mouilla, le
septembre 1721, devant la forteresse dd
ville de Saint-Michel, qui est dans l’île
même nom , et voici ce qu’on apprit d
pilote du port :
« La nuit du 7 au 8 décembre 1720 ,
eut un grand tremblement de terre dan
Tercère et dans Saint-Michel, distantes 1’
de l’autre de vingt-huit lieues, et l’île ne
sortit ; an remarqua en même temps qu
pointe de l’île de Pic, qui en étoit à tr<
lieues, et qui auparavant jetoit du feu,
toit affaissée et n’en jetoit plus : mais
neuve jetoit continuellement une grosse
mée; et effectivement elle fut vue du
seau où étoit M. de Montagnac, tant
en fut à portée. Le pilote assura qu’il 0
fait dans une chaloupe le tour de l’île
l’approchant le plus qu’il avoit pu. Du
du sud il jeta la sonde, et fila soix
brasses sans trouver fond : du côté de l’c
il trouva les eaux fort changées ; elles ét<
d’un blanc bleu et vert , qui sembloi
bas-fond , et qui s’étendoit à deux tiei
lieue; elles paroissoient vouloir boui
au nord-ouest, qui étoit l’endroit d’où
toit la fumée, il trouva quinze brasses d
fond de gros sable; il jeta une pierre
mer, et il vit, à l’endroit où elle étoit ton
l’eau bouillir et sauter en l’air avec i
tuosité; le fond étoit si chaud, qu’il f
deux fois de suite le suif qui étoit au
du plomb. Le pilote observa encore t
côté-là , que la fumée sortoit d’un pet
borné d’une dune de sable. L’île est
tavi
2. Voyez Trans.phil. abrig’d , vol. VI, pa
page i54-
3. Page 26.
4. Page 26.
lest
l*son
®ari
i, et
Suh
per
i.
Pli
ÀRT. XVII. ILES NOUVELLES, CAVERNES. 267
s ronde, et assez haute pour être aper-
de sept à huit lieues dans un temps clair,
c On a appris depuis par une lettre de
Adrien , consul de la nation françoise
s l’île de Saint-Michel, en date du mois
mars 1722, que l’île neuve avoit consi-
ablement diminué , et qu’elle étoit pres-
: à fleur d’eau , de sorte qu’il n’y avoit
d’apparence qu’elle subsistât encore long-
Ps- ”
)n est donc assuré par ces faits et par un
id nombre d’autres semblables à ceux-ci,
tu dessous même des eaux de la mer les
ières inflammables renfermées dans le
de la terre agissent et font des explo-
is violentes. Les lieux où cela arrive sont
espèces de volcans qu’on pourroit ap-
ir sous-marins , lesquels ne diffèrent des
:ans ordinaires que parle peu de durée
eur action et le peu de fréquence de
s effets ; car on conçoit bien que le feu
^nt une fois ouvert un passage, l’eau doit
métrer et l’éteindre. L’île nouvelle laisse
sssairement un vide que l’eau doit rem-
; et cette nouvelle terre qui n’est corn-
ée que des matières rejetées par le volcan
in , doit x’essembler en tout au Monte di
ere , et aux autres éminences que les
:ans terrestres ont formées en plusieurs
ii’oits ; or, dans le temps du déplacement
>é par la violence de l’explosion , et pen-
t ce mouvement, l’eau aura pénétré
s la plupart des endroits vides, elle aura
jnt pour un temps ce feu souterrain. C’est
aremmenl par cette raison que ces vol-
» sous-marins agissent plus rarement que
volcans ordinaires , quoique les causes
nus les deux soient les mêmes , et que
matières qui produisent et nourrissent
feux souterrains , puissent se trouver
; les terres couvertes par la mer, en aussi
ide quantité que sous les terres qui sont
icouvert.
e sont ces mêmes feux souterrains ou
i-marins qui sont la cause de toutes ces
'Aidons des eaux de la mer, que les
tgeurs ont remarquées en plusieurs en-
ts, et des trombes dont nous avons
é : iis produisent aussi des orages et des
ablemens qui ne sont pas moins sensibles
la mer que sur la terre. Ces îles qui ont
formées par ces volcans sous-marins ,
t ordinairement composées de pierres
ces et de rochers calcinés ; et ces vol-
> produisent , comme ceux de la terre ,
tremblemens et des commotions très-
I entes.
>n a aussi vu souvent des feux s’élever
de la surface des eaux. Pline nous dit que
le lac de Trasimène a paru enflammé sur
toute sa surface. Agricola rapporte que lors-
qu’on jette une pierre dans le lac de Den-
stad en Thuringe, il semble, lorsqu’elle
descend dans l’eau, que ce soit un trait de
feu.
Enfin la quantité de pierres ponces que
les voyageurs nous assurent avoir rencon-
trées dans plusieurs endroits de l’Océan et
de la Méditerranée, prouve qu’il y a au
fond de la mer des volcans semblables à
eeux que nous connoissons, et qui ne dif-
fèrent , ni par les matières qu’ils rejettent ,
ni par la violence des explosions, mais seu-
lement par la rareté et par le peu de con-
tinuité de leurs effets : tout, jusqu’aux vol-
cans , se trouve au fond des mers , comme
à la surface de la terre.
Si même on y fait attention, on trouvera
plusieurs rapports entre les volcans de terre
et les volcans de mer; les uns et les autres
ne se trouvent que dans les sommets des
montagnes. Les îles des Açores et celles de
l’Archipel ne sont que des pointes de mon-
tagnes, dont les unes s’élèvent au dessus de
l’eau, et les autres sont au dessous. On voit
par la relation de la nouvelle île des Açores,
que l’endroit d’où sortoit la fumée n’étoit
qu’à quinze brasses de profondeur sous
l’eau ; ce qui , étant comparé avec les pro-
fondeurs ordinaires de l’Océan , prouve que
cet endroit même est un sommet de mon-
tagne. On en peut dire tout autant du ter-
rain de la nouvelle île auprès de Santorin:
il n’étoit pas à une grande profondeur sous
les eaux , puisqu’il y avoit des huîtres atta-
chées aux rochers qui s’élevèrent. U paroît
aussi que ces volcans de mer ont quelque-
fois, comme ceux de terre, des communi-
cations souterraines, puisque le sommet du
volcan du pic de Saint-George , dans l’île
de Pic, s’abaissa lorsque la nouvelle île des
■4çores s’éleva. On doit encore observer que
ces nouvelles îles ne paroissent jamais qu’au-
près des anciennes , et qu’on n’a point
d’exemple qu’il s’en soit élevé de nouvelles
dans les hautes mers : on doit donc regarder
le terrain où elles sont comme une conti-
nuation de celui des îles voisines; et lorsque
ces îles ont des volcans, il 11’est pas éton-
nant que le terrain qui en est voisin con-
tienne des matières propres à en former, et
que ces matières viennent à s’enflammer,
soit par la seule fermentation, soit par l’ac-
tion des vents souterrains.
Au reste, les îles produites par l’action
du feu et des tremblemens de terre sont en
a68
THÉORIE DE IA TERRE.
petit nombre, et ces événemens sont rares ;
mais il y a un nombre infini d’îles nouvelles
produites par les limons, les sables et les
terres que les eaux des fleuves ou de la mer
entraînent et transportent en différens en-
droits. A l’embouchure de toutes les rivières,
il se forme des amas de terre et des bancs
de sable, dont l’étendue devient souvent
assez considérable pour former des îles
d’une grandeur médiocre. La mer, en se re-
tirant et en s’éloignant de certaines côtes,
laisse à découvert les parties les plus élevées
du fond, ce qui forme autant d’îles nou-
velles ; et de même en s’étendant sur de
certaines plages, elle en couvre les parties
les plus basses , et laisse paroître les parties
les plus élevées qu’elle n’a pu surmonter, ce
qui fait encore autant d’îles ; et on remarque
en conséquence qu’il y a fort peu d’îles dans
le milieu des mers , et qu’elles sont presque
toutes dans le voisinage des continens, où
la mer les a formées , soit en s’éloignant ,
soit en s’approchant de ces différentes con-
trées.
L’eau et le feu , dont la nature est si dif-
férente et même si contraire, produisent
donc des effets semblables, ou du moins qui
nous paroissent être tels , indépendamment
des productions particulières de ces deux
élémens, dont quelques-unes se ressemblent
au point de s’y méprendre, comme le cristal
et le verre, l’antimoine naturel et l’antimoine
fondu, les pépites naturelles des mines et
celles qu’on fait artificiellement par la fu-
sion , etc. Il y a dans la nature une infinité
de grands effets que l’eau et le feu produi-
sent, qui sont assez semblables pour qu’on
ait de la peine à les distinguer. L’eau, comme
on l’a vu, a produit les montagnes et formé
la plupart des îles; le feu a élevé quelques
collines et quelques îles : il en est de même
des cavernes , des fentes, des ouvertures, des
gouffres, etc.; les unes ont pour origine les
feux souterrains, et les autres les eaux tant
souterraines que superficielles.
Les cavernes se trouvent dans les monta-
gnes, et peu on point du tout dans les
plaines ; il y en a beaucoup dans les îles de
l’Archipel et dans plusieurs autres îles , et
cela parce que les îles ne sont en général
que des dessus de montagnes. Les cavernes
se forment, comme les précipices, par l’af-
faissement des l'ochers, ou, comme les abî-
mes, par l’action du feu : car pour faire
d’un précipice ou d’un abîme une caverne,
il ne faut qu’imaginer des rochers contre-
buttés et faisant voûte par dessus; ce qui
doit arriver très-souvent , lorsqu’ils viennent
à être ébranlés et déracinés. Les cavefi
peuvent être produites par les mêmes eau
qui produisent les ouvertures , les ébran
mens et les affaissemens des terres ; et
causes sont les explosions des volcans , 1’
tion des vapeurs souterraines et les treml
mens de terre ; car ils font des boulevei
mens et des éboulemens qui doivent née
sairement former des cavernes, des trot
des ouvertures et des anfractuosités de to
espece.
La caverne de Saint-Patrice en Irlai
n’est pas aussi considérable qu’elle est
meuse; il en est de même de la grotte
Chien en Italie, et de celle qui jette du
dans la montagne de Beniguazeval au roy
me de Fez. Dans la province de Derby
Angleterre , il y a une grande caverne 1
considérable, et beaucoup plus grande <
la fameuse caverne de Bauman auprès d«l
forêt Noire dans le pays de Brunswick. .
appris par une personne aussi respecta
par son mérite que par son nom (mil»! K1
comte de Morton) que cette grande cave:'
appelée DevÏÏshole présente d’abord \
ouverture fort considérable, comme c»i
d’une très-grande porte d’église; que ]
cette ouverture il coule un gros misses?
qu’en avançant, la voûte de la caverne j
rabaisse si fort, qu’en un certain endroit ! ltlJt
est obligé, pour continuer sa route, de
mettre sur l’eau du ruisseau dans des
quets fort plats, où on se couche pour p
ser sous la voûte de la caverne, qui
abaissée dans cet endroit au point que l’i!|Jec
touche presque à la voûte : mais api'ès av
passé cet endroit, la voûte se relève, et
voyage encore sur la rivière, jusqu’à ce (
la voûte se rabaisse de nouveau et toucli
la superficie de l’eau , et c’est là le fond ®
la caverne et la source du ruisseau qui
sort; il grossit considérablement dans
certains temps , et il amène et amonci
beaucoup de sable dans un endroit de la
verne qui forme comme un cul-de-sac, d
la direction est différente de celle de la
verne principale.
Dans la Carniole, il y a une caverne «
près de Potpéchio, qui est fort spacieu.1
et dans laquelle on trouve un grand lac s<
terrain. Près d’Adelsperg, il y a une cave]
dans laquelle on peut faire deux mil
d’Allemagne de chemin, et où l’on trot
des précipices très-profonds. Il y a aussi
grandes cavernes et de belles grottes s(
les montagnes de Meudipp en Galles; ? %
trouve des mines de plomb auprès de <
cavernes , et des chênes enterrés à quir
ART. XVII. ILES NOUVELLES, CAVERNES. 269
lasses de profondeur. Dans la province de
jocester, il y a une très-grande caverne ,
l’on appelle Penpark hole , au fond de la-
|elle on trouve de l’eau à trente-deux
lisses de profondeur; on y trouve aussi
| filons de mine de plomb.
On voit bien que la caverne de Devil’s-
le et les autres, dont il sort de grosses
taines ou des ruisseaux , ont été creusées
formées par les eaux , qui ont apporté les
les et les matières divisées qu’on trouve
re les rochers et les pierres; et on auroit
t de rapporter l’origine de ces cavernes aux
mlemens et aux tremblemens de terre.
Jne des plus singulières et des plus gran-
cavernes que l’on connoisse , est celle
nliparos, dont M. de Tourneforl nous a
nié une ample description. On trouve
aord une caverne rustique d’environ
îte pas de largeur, partagée par quelques
ers naturels : entre les deux piliers qui
t sur la droite, il y a un terrain en pente
pce, et ensuite, jusqu’au fond de la même
erne , une pente plus rude d’environ
gt pas de longueur ; c’est le passage pour
r à la grotte ou caverne intérieure , et
passage n’est qu’un trou fort obscur, par
|uel on ne sauroit entrer qu’en se baissant
pu secours des flambeaux. On descend
aord dans un précipice horrible à l’aide
a câble que l’on prend la précaution
:tacher tout à l’entrée ; on se coule dans
autre bien plus effroyable, dont les bords
t fort glissans, et qui répondent sur la
che à des abîmes profonds. On place sur
bords de ces gouffres une échelle , au
fen de laquelle on franchit, en tremblant,
rocher tout-à-fait coupé à plomb ; on
tinue à glisser par des endroits un peu
ns dangereux. Mais dans le temps qu’on
;roit en pays praticable , le pas le plus
eux vous arrête tout court , et on s’y
seroit la tête , si on n’étoit averti ou ar-
ji par ses guides : pour le franchir, il
£ se couler sur le dos le long d’un gros
aer, et descendre une échelle qu’il faut
orter exprès; quand on est arrivé au bas
l’échelle , on se roule quelque temps en-
3 sur des rochers, et enfin on arrive
s la grotte. On compte trois cents brasses
profondeur depuis la surface de la terre :
;rotte paroît avoir quarante brasses de
teur sur cinquante de large ; elle est rem-
de belles et grandes stalactites de diffé-
tes formes, tant au dessus de la voûte
i sur le terrain d’en bas ».
Voyez le Voyage du Levant , pages 188 el
antes.
Dans la partie de la Grèce appelée Liva-
die ( Ac/iaia des anciens) il y a une grande
caverne dans une montagne, qui étoit au-
trefois fort fameuse par les oracles de Tro-
phonius, entre le lac de Livadia el la mer
voisine, qui, dans l’endroit le plus près, en
est à quatre milles : il y a quarante passages
souterrains à travers le rocher, sous une
haute montagne, par où les eaux du lac
s’écoulent 2.
Dans tous les volcans , dans tous les pays
qui produisent du soufre, dans toutes les
contrées qui sont sujeltes aux tremblemens
de terre , il y a des cavernes : le terrain de
la plupart des îles de l’Archipel est caver-
neux presque partout ; celui des îles de
l’océan Indien, principalement celui des îles
Moluques, 11e paroît être soutenu que sur
des voûtes et des concavités; celui des îles
Açores, celui des îles Canaries, celui des
îles du cap Vert, et en général le terrain
de presque toutes les petites îles , est , à
l’intérieur, creux et caverneux en plusieurs
endroits , parce que ces îles ne sont , comme
nous l’avons dit , que des pointes de monta-
gnes , où il s’est fait des éboulemens consi-
dérables, soit par l’action des volcans, soit
par celle des eaux , des gelées , et des autres
injures de l’air. Dans les Cordilières, où il
a plusieurs volcans, et où les tremblemens
de terre sont fréquens , il y a aussi un grand
nombre de cavernes , de même que dans le
volcan de l’ile de Banda , dans le mont Ara-
rath , qui est un ancien volcan , etc.
Le fameux labyrinthe de l’île de Candie
n’est pas l’ouvrage de la nature toute seule;
M. de Tournefort assure que les hommes y
ont beaucoup travaillé : et on doit croire
que cette caverne n’est pas la seule que les
hommes aient augmentée; ils en forment
même tous les jours de nouvelles en fouil-
lant les mines et les carrières ; et lorsqu’elles
sont abandonnées pendant un très-long es-
pace de temps , il n’est pas fort aisé de re-
connoître si ces excavations ont été produi-
tes parla nature, ou faites de la main des
hommes. On connoît des carrières qui sont
d’une étendue très-considérable, celle de
Maestricht , par exemple , où l’on dit que
cinquante mille personnnes peuvent se ré-
fugier, et qui est soutenue par plus de mille
piliers , qui ont vingt ou vingt-quatre pieds
de hauteur ; l’épaisseur de terre et de rocher
qui est au dessus est de plus de vingt-cinq
brasses. Il y a, dans plusieurs endroits de
cette carrière , de l’eau et de petits étangs
2. Voyez Géographie de Gordon , édition de Lon-
dres, 1733, page 179.
THÉORIE DE LÀ TERRE.
270
où l’on peut abreuver du bétail , etc. Les
mines de sel de Pologne forment des exca-
vations encore plus grandes que celle-ci. Il
y a ordinairement de vastes carrières auprès
de toutes les grandes villes ; mais nous n’en
parlerons pas ici en détail : d’ailleurs les
ouvrages des hommes , quelque grands qu’ils
puissent être , ne iiendront jamais qu’une
bien petite place dans l’histoire de la nature.
Les volcans et les eaux , qui produisent
les cavernes à l’intérieur, forment aussi à
l’extérieur des fentes , des précipices et des
abîmes. A Cajeta en Italie , il y a une mon-
tagne qui autrefois a été séparée par un
tremblement de terre, de façon qu’il semble
3ue la division en a été faite par la main
es hommes. Nous avons déjà parlé de l’or-
nière de l’île de Machian, de l’abîme du
mont Ararath, de la porte des Cordilières
et de celle des Thermopylès, etc.; nous
pouvons y ajouter la porte de la montagne
des Troglodytes en Arabie, celle des Echelles
en Savoie, que la nature n’avoit fait qu’é-
baucher, et que Yictor Amédée a fait ache-
ver. Les eaux produisent, aussi bien que
les feux souterrains, des affaissemens de
terre considérables, des éboulemens, des
chutes de rochers , des renversemens de
montagnes, dont nous pouvons donner plu-
sieurs exemples.
« Au mois de juin 1714, une partie de
la montagne de Diableret en Yalais tomba
subitement et tout à la fois entre deux et
trois heures après midi, le ciel étant fort
Serein. Elle éloit de figure conique. Elle ren-
versa cinquante-cinq cabanes de paysans ,
écrasa quinze personnes, et plus de cent
bœufs et vaches , et beaucoup plus de menu
bétail, et couvrit de ses débris une bonne
lieue carrée ; il y eut une profonde obscurité
causée par la poussière : les tas de pierres
amassés en bas sont hauts de plus de trente
perches , qui sont apparemment des perches
du Rhin de dix pieds ; ces amas ont arrêté
des eaux qui forment de nouveaux lacs fort
profonds. Il n’y a dans tout cela nul vestige
de matière bitumineuse , ni de soufre , ni
de chaux cuite , ni par conséquent de feu
souterrain; apparemment la base de ce
grand rocher s’étoit pourrie d’elle-même et
réduite en poussière. »
On a un exemple remarquable de ces af-
faissemens dans la province de Kent , auprès
de Folkstone : les collines des environs
ont baissé de distance en distance par un
mouvement insensible et sans aucun tremble-
ment de terre ; ces collines sont à l’intérieur
des rochers de pierre et de craie. Par cet
affaissement, elles ont jeté dans la mer 5,
rochers et des terres qui en étoient vc ^
nés. On peut voir la relation de ce fait 1 1
attesté dans les Transactions philoso :;s
abrig’d, vol. IV, page 200. - ^
En 1618, la ville de Pleur, s en Val te ifl
fut enterrée sous les rochers au pied i «I
quels elle étoit située. En 1678 il y eut jj®
grande inondation en Gascogne , causée i
l’affaissement de quelques morceaux (1
montagnes dans les Pyrénées, qui fii pi
sortir les eaux qui étoient contenues d, juer
les cavernes souterraines de ces monfagi a
En 1680, il en arriva une plus gra «n
en Irlande, qui avoil aussi pour cause ] jg
faissement d’une montagne dans des cai Sjui
nés remplies d’eau. On peut concevoir a *
ment la cause de tous ces effets ; on sait q iijon
y a des eaux souterraines en une infi:
d’endroits : ces eaux entraînent peu à: [fo
les sables et les terres à travers lesqj fjj
elles passent, et par conséquent elles 1 ^
vent détruire peu à peu la couche de té roc
sur laquelle porte une montagne ; et ci [’jj
couche de terre qui lui sert de base ver a(f
à manquer plutôt d’un côté que de l’aul g
il faut que la montagne se renverse; 011 w
cette base manque également partout ^
montagne s’affaisse sans se renverser. ue
Après avoir parlé des affaissemens , , ^
éboulemens et de tout ce qui n’arrive, p s (
ainsi dire , que par accident dans la nati ÿ ,
nous ne devons pas passer sous silence jj,ce
chose qui est plus générale, plus ordin; ^
et plus ancienne ; ce sont les fentes perp ii)t
diculaires que l’on trouve dans toutes ^
couches de terre. Ces fentes sont sensil 1 (C0[
et aisées à reconnoitre , non seulement d, ^
les rochers, dans les carrières de marbrt m,
de pierre, mais encore dans les argiles p
dans les terres de toute espèce qui n’out ,e |
été remuées ; et on peut les observer d ^
toutes les coupes un peu profondes des ^
rains et dans toutes les cavernes et les it-
cavations. Je les appelle fentes perpendi jç
laires, parce que ce n’est jamais que jt{
accident lorsqu’elles sont obliques, corai -J
les couches horizontales 11e sont inclin ! [|)(1|
que par accident. Woodward et Ray pari, J
de ces fentes , mais d’une manière confu j ÿ
et ils ne les appellent pas fentes perpen p
culaires, parce qu’ils croient qu’elles gj| ,(j
vent être indifféremment obliques ou p: 5î
pendiculaires; et aucun auteur n’en a exj: ^
qué l’origine : cependant il est visible < ^
ces fentes ont été produites , comme ra j ; |
l’avons dit dans le discours précédent , ; j ^
le dessèchement des matières qui compos
ART. XVII. ILES NOUVELLES , CAVERNES.
couches horizontales. De quelque ma-
re que ce dessèchement soit arrivé, il a
produire des fentes perpendiculaires ;
matières qui composent les couches n’ont
pu diminuer de volume sans se fendre de
tance en distance dans une direction per-
îdiculaire à ces mêmes couches. Je com-
nds cependant sous ce nom de fentes
■pendiculaires toutes les séparations na-
elles des rochers, soit qu’ils se trouvent
ts leur position originaire, soit qu’ils aient
peu glissé sur leur hase , et que par con-
uent ils se soient un peu éloignés les uns
autres. Lorsqu’il est arrivé quelque mou-
lent considérable à des masses de rochers,
fentes se trouvent quelquefois posées
quement, mais c’est parce que la masse
elle -même oblique; et avec un peu d’at-
ion , il est toujours fort aisé de recou-
re que ces fentes sont en général per-
dicülai'res aux couches horizontales , sur-
. dans les carrières de marbre, de pierre
aaux et dans toutes les grandes chaînes
’ocher.
l’intérieur des montagnes est principale-
t composé de pierres et de rochers, dont
lifférens lits sont parallèles. On trouve
rent entre les lits horizontaux de petites
ches d’une matière moins dure que la
re , et les fentes perpendiculaires sont
plies de sable , de cristaux , de miné-
l, de métaux, etc. Ces dernières ma-
ïs sont d’une formation plus nouvelle
celle des lits horizontaux dans lesquels
;rouve des coquilles marines. Les pluies
neu à peu détaché les sables et les terres
îessus des montagnes , et elles ont laissé
couvert les pierres et les autres matières
les , dans lesquelles on distingue aisé-
t les couches horizontales et les fentes
endiculaires ; dans les plaines , au con-
e , les eaux des pluies et les fleuves ayant
aé une quantité considérable de terre ,
>able, de gravier et d’autres matières
;ées, il s’en est formé des couches de
' de pierre molle et fondante , de sable
e gravier arrondi , de terre mêlée de
taux. Ces couches ne contiennent point
coquilles marines , ou du moins n’en
iennent que des fragmens qui ont été
chés des montagnes avec les graviers et
erres. Il faut distinguer avec soin ces
■elles couches des anciennes , où l’on
re presque toujours un grand nombre
oquilles entières et posées dans leur si-
on naturelle.
I l’on veut observer l’ordre et la distri-
J)n intérieure des matières dans une
montagne composée , par exemple , de
pierres ordinaires ou de matières lapidi-
fiques calcinables, on trouve ordinaire-
ment sous la terre végétale une couche de
gravier ; ce gravier est de la nature et de la
couleur de la pierre qui domine dans ce
terrain; et soua le gravier on trouve de la
pierre. Lorsque la montagne est coupée par
quelque tranchée ou par quelque ravine
profonde, on distingue aisément tous les
bancs , toutes les couches dont elle est com-
posée ; chaque couche horizontale est sépa-
rée par une espèce de joint qui est aussi
horizontal ; et l’épaisseur de ces bancs ou
de ces couches horizontales augmente ordi-
nairement à proportion qu’elles sont plus
basses, c’est-à-dire plus éloignées du som-
met de la montagne ; on reconnoît aussi que
des fentes à peu près perpendiculaires divi-
sent toutes ces couches et les coupent verti-
calement. Pour l’ordinaire, la première cou-
che, le premier lit qui se trouve sous le
gravier, et même le second , sont non seule-
ment plus minces que les lits qui forment
la base de la montagne, mais ils sont aussi
divisés par des fentes perpendiculaires si
fréquentes, qu’ils ne peuvent fournir aucun
morceau de longueur, mais seulement du
moellon. Ces fentes perpendiculaires , qui
sont en si grand nombre à la superficie, et
qui ressemblent parfaitement aux gerçures
d’une terre qui se seroit desséchée , ne par-
viennent pas toutes , à beaucoup près , jus-
qu’au pied de la montagne : la plupart dis-
paroissent insensiblement à mesure qu’elles
descendent; et au bas il ne reste qu’un
certain nombre de ces fentes perpendicu-
laires, qui coupent encore plus à plomb
qu’à la superficie les bancs inférieurs , qui
ont aussi plus d’épaisseur que les bancs su-
périeurs.
Ces lits de pierre ont souvent , comme je
l’ai dit, plusieurs lieues d’étendue sans in-
terruption : on retrouve aussi presque tou-
jours la même nature de pierre dans la mon-
tagne opposée, quoiqu’elle en soit séparée
par une gorge ou par un vallon; et les lits
de pierre ne disparoissent entièrement que
dans les lieux où la montagne s’abaisse et se
met au niveau de quelque grande plaine.
Quelquefois entre la première couche de
terre végétale et celle de gravier, on en
trouve une de marne qui communique sa
couleur et ses autres caractères aux deux
autres : alors les fentes perpendiculaires des
carrières qui sont au dessous sont remplies
de cette marne, qui y acquiert une dureté
presque égale en apparence à celle de la
272
THÉORIE DE LA TERRE.
pierre; mais en l’exposant à l’air, elle se
gerce, elle s’amollit et elle devient grasse et
ductile.
Dans la plupart des carrières, les lits qui
forment le dessous ou le sommet de la mon-
tagne sont de pierre tendre , et ceux qui
forment la base de la montagne sont de pierre
dure; la première est ordinairement blan-
che, d’un grain si fin, qu’à peine il peut
être aperçu : la pierre devient plus grenue
et plus dure à mesure qu’on descend ; et la
pierre des bancs les plus bas est non seule-
ment plus dure que celle des lits supérieurs,
mais elle est aussi plus serrée, plus com-
pacte et plus pesante; son grain est fin et
brillant , et souvent elle est aigre , et se casse
presque aussi net que le caillou.
Le noyau d’une montagne est donc com-
posé de différens lits de pierre, dont les
supérieurs, sont de pierre tendre et les in-
férieurs de pierre dure. Le noyau pierreux
est toujours plus large à la base et plus
pointu ou plus étroit au sommet : on peut
en attribuer la cause à ces différens degrés
de dureté que l’on trouve dans les lits de
pierre; car comme ils deviennent d’autant
plus durs qu’ils s’éloignent davantage du
sommet de la montagne , on peut croire que
les courans et les autres mouvemens des
eaux qui ont creusé les vallées et donné la
figure aux contours des montagnes, auront
usé latéralement les matières dont la mon-
tagne est composée, et les auront dégradées
d’autant plus qu’elles auront été plus molles:
en sorte que les couches supérieures , étant
les plus tendres, auront souffert la plus
grande diminution sur leur largeur, et au-
ront été usées latéralement plus que les au-
tres ; les couches suivantes auront résisté un
peu davantage ; et celles de la base , étant
plus anciennes, plus solides et formées d’une
matière plus compacte et plus dure , auront
été plus en état que toutes les autres de se
défendre contre l’action des causes exté-
rieures, et elles n’auront souffert que peu
ou point de diminution latérale par le frot-
tement des eaux. C’est là l’une des causes
auxquelles on peut attribuer l’origine de la
pente des montagnes ; cette pente sera de-
venue encore plus douce à mesure que les
terres du sommet et les graviers auront coulé
et auront été entraînés par les eaux des
pluies : et c’est par ces deux raisons que
toutes les collines et les montagnes qui ne
sont composées que de pierres calcinables ou
d’autres matières lapidifiques calcinables ,
ont une pente qui n’est jamais aussi rapide
que celle des montagnes composées de roc
vif et de caillou en grande masse, qui soi;
ordinairement coupées à plomb à des haï |
teurs très-considérables , parce que dans 0
masses de matières vitrifiables les lits sup<
rieurs, aussi bien que les lits inférieurs, son
d’une très-grande dureté, et qu’ils ont toi |
également résisté à l’action des eaux, qij
n’a pu les user qu’également de haut en ba |
et leur donner par conséquent une pen
perpendiculaire ou presque perpendiculaire
Lorsque au dessus de certaines collines j
dont le sommet est plat et d’une assez granc;
étendue, on trouve d’abord de la pien
dure sous la couche de terre végétale, c
remarquera, si l’on observe les environs c
ces collines, que ce qui paroît en être j
sommet ne l’est pas en effet, et que ce de
sus de collines n’est que la continuation c !
la pente insensible de quelque colline pli '
élevée ; car après avoir traversé cet espai j
de terrain, on trouve d’autres éminenol
qui s’élèvent plus haut, et dont les couch|
supérieures sont de pierre tendre et les ii .
férieures de pierre dure : c’est le prolong !
ment de ces dernières couches qu’on retrou'
au dessus de la première colline.
Lorsque au contraire on trouve une ca j
rière à peu près au sommet d’une montagm j
et dans un terrain qui n’est surmonté d’?J |
eu ne hauteur considérable, on n’en tireo!
dinairement que delà pierre tendre, et il fa j
fouiller très-profondément pour trouver J
pierre dure. Ce n’est jamais qu’entre ces lilj !
de pierre dure que l’on trouve des bancs c j
marbres : ces marbres sont diversement c<
lorés par les terres métalliques que les eanl •
pluviales introduisent dans les couches p;
infiltration , après les avoir détachées d
autres couches supérieures ; et on peut croi 1
que dans tous les pays où il y a de la pierr j i
on trouveroit des marbres si l’on fouille
assez profondément pour arriver aux ban ;
de pierre dure : quoto enim loco non situ j
marmor invenitur ? dit Pline. C’est en effj
une pierre bien plus commune qu’on ne j
croit, et qui ne diffère des autres pierr I
que par la finesse du grain , qui la rend pl
compacte et susceptible d’un poli brillan
qualité qui lui est essentielle, et de laque! 1
elle a tiré sa dénomination chez les ancien 1
Les fentes perpendiculaires des carrièrj
et les joints des lits de pierre sont souve
remplis ou incrustés de certaines concrétion
qui sont tantôt transparentes comme le cri ;
lai , et d’une figure régulière, et tantôt op;
ques et terreuses ; l’eau coule par les fenlj
perpendiculaires, et elle pénètre même I
tissu serré de la pierre ; les pierres qui so
ART. XVII. ILES NOUVELLES, CAVERNES. 2?3
poreuses s’imbibent d’une si grande quantité
d’eau , que la gelée les fait fendre et éclater.
Les eaux pluviales , en criblant à travers les
lits d’une carrière, et pendant le séjour
qu’elles font dans les couches de marne , de
pierre , de marbre , en détachent les molé-
cules les moins adhérentes et les plus fines ,
et se chargent de toutes les matières qu’elles
peuvent enlever ou dissoudre. Ces eaux cou-
lent d’abord le long des fentes perpendicu-
1 laires; elles pénètrent ensuite entre les lits
de pierre ; elles déposent entre les joints ho-
rizoniaux , aussi bien que dans les fentes per-
pendiculaires, les matières qu’elles ont en-
I traînées, et elles y forment des congélations
differentes, suivant les différentes matières
qu’elles déposent : par exemple , lorsque ces
eaux gouttières criblent à travers la marne,
Ja craie, ou la pierre tendre, la matière
I qu’elles déposent n’est aussi qu’une marne
‘I très-pure et très-fine , qui se pelotonne or-
dinairement dans les fentes perpendiculaires
: des rochers sous la forme d’une substance
‘j poreuse , molle , ordinairement fort blanche
|| et très-légère, que les naturalistes ont ap-
j pelée lac lunœ ou medulla saxi.
I Lorsque ces filets d’eau chargés de ma-
tière lapidifique s’écoulent par les joints ho-
rizontaux des lits de pierre tendre ou de
craie , cette matière s’attache à la superficie
des blocs de pierre, et elle y forme une
croûte écailleuse, blanche, légère et spon-
gieuse. C’est cette espèce de matière que
quelques auteurs ont nommée agaric miné-
ral, par sa ressemblance avec l’agaric végé-
tal. Mais si la matière des couches a un cer-
tain degré de dureté', c’est-à-dire si les lits
de la carrière sont de pierre dure ordinaire,
de pierre propre à faire de la bonne chaux,
le filtre étant alors plus serré, l’eau en sor-
tira chargée d’une matière lapidifique plus
pure , plus homogène , et dont les molécules
pourront s’engrener plus exactement ,, s’u-
nir plus intimement ; et alors il s’en formera
des congélations qui auront à peu près la
dureté de la pierre et un peu de transparence,
! et l’on trouvera dans ces carrières , sur la
| superficie des blocs , des incrustations pier-
<| reuses disposées en ondes , qui remplissent
i entièrement les joints horizontaux.
Dans les grottes et dans les cavités des
rochers , qu’on doit regarder comme les bas-
sins et les égouts des fentes perpendiculai-
res , la direction diverse des filets d’eau qui
|| charrient la matière lapidifique donne aux
I concrétions qui en résultent des formes dif-
jl férentes; ce sont ordinairement des culs-de-
| lampe et des cônes renversés qui sont alta-
Buffon. I.
chés à la voûte , ou bien ce sont des cylindres
creux et très-blancs formés par des couches
presque concentriques à l’axe du cylindre;
et ces congélations descendent quelquefois
jusqu’à terre, et forment dans ces lieux sou-
terrains des colonnes et mille autres figurés
aussi bizarres que les noms qu’il a plu aux
naturalistes de leur donner : tels sont ceux de
stalactites, stalagmites, ostéocolles , etc.
Enfin, lorsque ces sucs concrets sortent
immédiatement d’une matière très-dure ,
comme des marbres et des pierres dures , la
matière lapidifique que l’eau charrie étant
aussi homogène qu’elle peut l’étre, et l’eau
en ayant , pour ainsi dire , plutôt dissous
que détaché les parties constituantes, elle
prend , en s’unissant , une figure constante
et régulière ; elle forme des colonnes à pans,
terminées par une pointe triangulaire , qui
sont transparentes , et composées de couches
obliques : c’est ce qu’on appelle sparr ou
spalt. Ordinairement cette matière est trans-
parente et sans couleur ; mais quelquefois
aussi elle est colorée lorsque la pierre dure,
ou le marbre dont elle sort , contient des
parties métalliques. Ce sparr a le degré de
dureté de la pierre; il se dissout, comme
la pierre , par les esprits acides ; il se calcine
au même degré de chaleur : on ne peut pas
douter que ce ne soit de la vraie pierre,
mais qui est devenue parfaitement homo-
gène ; on pourroit même dire que c’est de
la pierre pure et élémentaire , de la pierre
qui est sous sa forme propre et spécifique.
Cependant la plupart des naturalistes re-
gardent celte matière comme une substance
distincte et existante indépendamment de
la pierre ; c’est leur suc lapidifique ou cris-
tallin, qui, selon eux, lie non seulement les
parties de la pierre ordinaire, mais même
celles du caillou. Ce suc, disent-ils, aug-
mente la densité des pierres par des infil-
trations réitérées; il les rend chaque jour
plus pierres qu’elles n’étoient , et il les con-
vertit en véritable caillou ; et lorsque ce suc
s’est fixé en sparr, il reçoit, par des infil-
trations réitérées de semblables sucs encore
plus épurés, qui en augmentent la densité
et la dureté , en sorte que cette matière
ayant été successivement sparr, verre, en-
suite cristal , elle devient diamant. Ainsi
toutes les pierres , selon eux , tendent à de-
venir caillou , et toutes les matières transpa-
rentes à devenir diamant.
Mais, si cela est, pourquoi voyons-nous
que dans de très-grands cantons , dans des
provinces entières , ce suc cristallin ne forme
que de la pierre , et que dans d’autres pro-
18
274
THÉORIE DE LA TERRE.
vinces il ne forme que du caillou ? Dira-t-on
que ces deux terrains ne sont pas aussi an-
ciens l’un que l’autre ; que ce suc n’a pas eu
le temps de circuler et d’agir aussi long-
temps dans l’un que dans l’autre ? cela n’est
pas probable. D’ailleurs , d’où ce suc peut-
il venir? s’il produit les pierres et les cailloux ,
qu’est-ce qui peut le produire lui-même ? Il
est aisé de voir qu’il n’existe pas indépen-
damment de ces matières, qui seules peu-
vent donner à l’eau qui les pénètre cette qua-
lité pétrifiante toujours relativement à leur
nature et à leur caractère spécifique , en sorte
que dans les pierres elles forment du sparr,
et dans les cailloux du cristal ; et il y a au-
tant de différentes espèces de ce suc qu’il
y a de matières différentes qui peuvent le
produire et desquelles il peut sortir. L’ex-
périence est parfaitement d’accord avec ce
que nous disons ; on trouvera que les eaux
gouttières des carrières de pierres ordinai-
res forment des concrétions tendres et calci-
nables comme ces pierres le sont ; qu’au con-
traire celles qui sortent du roc vif et du caillou
forment des congélations dures et vitrifiables,
et qui ont toutes les autres propriétés du
caillou, comme les premières ont toutes celles
de la pierre; et les eaux qui ont pénétré des
lits de matières minérales et métalliques,
donnent lieu à la production des pyrites, des
marcassites , et des grains métalliques.
Nous avons dit qu’on pouvoit diviser tou-
tes les matières en deux grandes classes et
par deux caractères généraux ; les unes sont
vitrifiables , les autres sont calcinables :
l’argile et le caillou , la marne et la pierre ,
peuvent être regardés comme les deux ex-
trêmes de chacune de ces classes , dont les
intervalles sont remplis par la variété pres-
que infinie des mixtes, qui ont toujours
pour base l’une ou l’autre de ces matières.
Les matières de la première classe ne peu-
vent jamais acquérir la nature et les pro-
priétés de celles de l’autre : la pierre, quel-
que ancienne qu’on la suppose , sera toujours
aussi éloignée de la nature du caillou que
l’argile l’est de la marne ; aucun agent connu
ne sera jamais capable de les faire sortir du
cercle de combinaisons propre à leur na-
ture. Les pays où il n’y a que des marbres
et de la pierre n’auront jamais que des mar-
bres et de la pierre , aussi certainement que
ceux où il n’y a que du grès , du caillou ,
et du roc vif, n’auront jamais de la pieri’e
ou du marbre.
Si l’on veut observer l’ordre et la distri-
bution des matières dans une colline compo-
sée de matières vitrifiables , comme nous l’a-
vons fait tout à l’heure dans une colline com
posée de matières calcinables , on trouvera
ordinairement sous la première couche de
terre végétale un lit de glaise ou d’argile,
matière vitrifiable et analogue au caillou , et
qui n’est, comme je l’ai dit, que du sable
vitrifiable décomposé; ou bien on trouve
sous la terre végétale une couche de sablé
vitrifiable. Ce lit d’argile ou de sable répond
au lit de gravier qu’on trouve dans les col-
lines composées de matières calcinables,
Après cette couche d’argile ou de sable , on
trouve quelques lits de grès, qui le plus sou-
vent n’ont pas plus d’un demi-pied d’épais-
seur, et qui sont divisés en petits morceaux
par une infinité de fentes perpendiculaires,
comme le moellon du troisième lit de la col-
line composée de matières calcinables. Sous
ce lit de grès, on en trouve plusieurs autres
de la même matière , et aussi des couches
de sable vitrifiable ; et le grès devient plus
dur et se trouve en plus gros blocs à mesurf
que l’on descend. Au dessous de ces lits deijj
grès , on trouve une matière très-dure , que
j’ai appelée du roc vif ou du caillou en
grande masse : c’est une matière très-dure,
très-dense, qui résiste à la lime, au burin. J
à tous les esprits acides , beaucoup plus que
n’y résiste le sable vitrifiable , et même le
verre en poudre , sur lesquels l’eau-forte pa- ?
roît avoir quelque prise. Cette matière, frap- P
pée avec un autre corps dur, jette des élin- f!
celles , et elle exhale une odeur de sùufwrffj
très-pénétrante. J’ai cru devoir appeler cettflp
matière du caillou en grande masse : il esl jj51
ordinairement stratifié sur d’autres lits d’ar- 1®
gile , d’ardoise , de charbon de terre , et dt W
sable vitrifiable, d’une très-grande épaisseur;
et ces lits de cailloux en grande masse ré-
pondent encore^, aux couches de matière*
dures et aux marbres qui servent de base
aux collines composées de matières calci-
nables.
L’eau , en coulant par les fentes perpen- if»
diculaires , et, en pénétrant les couches dé
ces sables vitrifiables, de ces grès, de ces
argiles , de ces ardoises , se charge des par-
ties les plus fines et les plus homogènes de i!!
ces matières , et elle en forme plusieurs con- I
crétions différentes, telles que les talcs, les
amiantes et plusieurs autres matières qui * '
ne sont que des productions de ces stilla-M
tions de matières vitrifiables , comme nous 3
l’expliquerons dans notre discours sur les
minéraux.
Le caillou , malgré son extrême dureté
et sa grande densité , a aussi , comme le
marbre ordinaire et comme la pierre dure
îiî
ART. XVII. ILES NOUVELLES, CAVERNES. 2?5
ses exsudations ; d’où résultent des stalacti-
tes de différentes espèces , dont les variétés
dans la transparence, les couleurs, et la
configuration, sont relatives à la différente
nature du caillou qui les produit , et parti-
cipent aussi des différentes matières métalli-
ques ou hétérogènes qu’il contient : le cris-
tal de roche, toutes les pierres précieuses,
blanches ou colorées , et même le diamant,
[peuvent être regardés comme des stalactites
jde celte espèce. Les cailloux en petites masses,
Mont les couches sont ordinairement concen-
triques , sont aussi des stalactites et des pier-
res parasites du caillou en grande masse , et
lia plupart des pierres fines opaques ne sont
Lue des espèces de caillou. Les matières du
genre vitrifiable produisent, comme l’on voit,
ine aussi grande variété de concrétions que
Lelles du genre calcinable; et ces concré-
ions produites par les cailloux sont presque
outes des pierres précieuses , au lieu que
elles de la matière calcinable ne sont que
[es matières tendres et qui n’ont aucune va-
eur.
On trouve les fentes perpendiculaires
ans le roc et dans les lits de cailloux en
rande masse, aussi bien que dans les lits
e marbre et de pierre dure : souvent mê-
le elles y sont plus larges, ce qui prouve
ue celte matière, en prenant corps, s’est
ncore plus desséchée que la pierre. L’une
t l’autre de ces collines dont nous avons
servé les couches , celles de matières cal-
nables et celles de matières vitrifiables ,
mt soutenues tout au dessous sur l’argile
u sur le sable vitrifiable , qui sont les ma-
ères communes et générales dont le globe
;t composé , et que je regarde comme les
irties les plus légères , comme les scories
î la matière vitrifiée dont il est rempli à
ntérieur : ainsi toutes les montagnes et
utes les plaines ont pour base commune
Irgile ou le sable. On voit par l’exemple
Ji puits d’Amsterdam , par celui de Marly-
[•Viile , qu’on trouve toujours au plus pro-
Ind du sable vitrifiable : j’en rapporterai
!]aulres exemples dans mon discours sur les
néraux.
On peut observer , dans la plupart des
chers découverts , que les parois des fen-
perpendiculaires se correspondent aussi
actement que celles d’un morceau de bois
du ; et cette correspondance se trouve
ssi bien dans les fentes étroites que dans
plus larges. Dans les grandes carrières
l’Arabie, qui sont presque toutes de
nite, ces fentes ou séparations perpen-
Ibulaires sont très-sensibles et très-fréquen-
tes ; et quoiqu’il yen ait qui aient jusqu’à
vingt et trente aunes de large, cependant
les côtés se rapportent exactement, et lais-
sent une profonde cavité entre les deux. Il
est assez ordinaire de trouver dans les fentes
perpendiculaires des coquilles rompues en
deux, de manière que chaque morceau, de-
meure attaché à la pierre de chaque côlé
de la fente ; ce qui fait voir que ces coquilles
étoient placées dans le solide de la couche
horizontale lorsqu’elle étoil continue , et
avant que la fenle s’y fût faite.
Il y a de certaines matières dans lesquelles
les fentes perpendiculaires sont fort larges ,
comme dans les carrières que cite M. Shaw ;
c’est peut-être ce qui fait qu’elles y sont
moins fréquentes. Dans les carrières de roc
vif et de granité , les pierres peuvent se tirer
en très-grandes masses : nous en connois-
sons des morceaux , comme les grands obé-
lisques et les colonnes qu’on voit à Rome
en tant d’endroits , qui ont plus de soixante,
quatre-vingts, cent, et cent cinquante pieds
de longueur sans aucune interruption ; ces
énormes blocs “sont tous d’une seule pierre
continue. Il paroît que ces masses de granité
ont été travaillées dans la carrière même ,
et qu’on leur donnoit telle épaisseur que
l’on vouloit , à peu près comme nous voyons
que, dans les carrières de grès qui sont
un peu profondes, on tire des blocs de telle
épaisseur que l’on veut. Il y a d’autres matiè-
res où ces fentes perpendiculaires sont fort
étroites : par exemple, elles sont fort étroi-
tes dans l’argile, dans la marne, dans la
craie; elles sont, au contraire, plus larges
dans les marbres et dans la plupart des pier-
res dures. Il y en a qui sont imperceptibles
et qui sont remplies d’une matière à peu
près semblable à celle de la masse où elles
se trouvent , et qui cependant interrompent
la continuité des pierres; c’est ce que les
ouvriers appellent des poils : lorsqu’ils débi-
tent un grand morceau de pierre , qu’ils le
réduisent à une petite épaisseur, comme à
un demi-pied , la pierre se casse dans la
direction de ce poil. J’ai souvent remarqué ,
dans le marbre et dans la pierre, que ces
poils traversent le bloc tout entier : ainsi
ils ne diffèrent des fentes perpendiculaires
que parce qu’il n’y a pas solution totale de
continuité. Ces espèces de fentes sont rem-
plies d’une matière transparente , et qui est
du vrai sparr. fl y a un grand nombre de
fentes considérables entre les différens ro-
chers qui composent les carrières de grès ;
cela vient souvent de ce que ces rochers por-
tent souvent sur des bases moins solides que
18.
!
27 6 THEORIE DE LA TERRE.
celles des marbres ou des pierres calcina-
hles, qui portent ordinairement sur des
glaises , au lieu que les grès ne sont le plus
souvent appuyés que sur du sable extrême-
ment fin : aussi y a-t-il beaucoup d’endroits
où l’on ne trouve pas les grès en grande
masse; et, dans la plupart des carrières où
Ton tire le bon grès, on peut remarquer
qu’il est en cubes et en parallélipipèdes po-
sés les uns sur les autres d’une manière
assez irrégulière, comme dans les collines
de Fontainebleau , qui de loin paroissent
être des ruines de bâtimens. Cette disposi-
tion irrégulière vient de ce que la base de
ces collines est de sable, et que les masses
de grès se sont éboulées, renversées, et af-
faissées les unes sur les autres , surtout dans
les endroits où on a travaillé autrefois pour
tirer du grès , ce qui a formé un grand nom-
bre de fentes et d'intervalles entre les blocs;
et si on y veut faire attention , on remar-
quera dans tous les pays de sable et de grès ,
qu’il y a des morceaux de rochers et de
grosses pierres dans le milieu des vallons et
des plaines en très-grande quantité , au lieu
que , dans les pays de marbre et "de pierre
dure, ces morceaux dispersés et qui ont
roulé du dessus des collines et du haut des
montagnes , sont fort rares ; ce qui ne vient
que de la différente solidité de la base sur
laquelle portent ces pierres, et de l’éten-
due des bancs de marbre et de pierres cal-
cinables , qui est plus considérable que celle
des grès.
Sur les cavernes formées par le feu primitif.
* Je n’ai parlé, dans ma Théorie de la
terre, que de deux sortes de cavernes, les
unes produites par le feu des volcans , et les
autres par -le mouvement des eaux souter-
raines : ces deux espèces de cavernes ne
sont pas situées à de grandes profondeurs ;
elles sont même nouvelles , en comparaison
des autres cavernes bien plus vastes et bien
plus anciennes , qui ont dù se former dans
le temps de la consolidation du globe ; car
c’est dès lors que se sont faites les éminen-
ces et les profondeurs de sa superficie, et
toutes les boursouflures et cavités de son in-
térieur , surtout dans les parties voisines de
la surface. Plusieurs de ces cavernes produi-
tes par le feu primitif, après s’être soute-
tenues pendant quelque temps se sont en-
suite fendues par le refroidissement successif,
qui diminue le volume de toute matière;
bientôt elles se seront écroulées , et par leur
affaissement elles ont formé les bassins ac-
tuels de la mer, où les eaux, qui étoient
autrefois très-élevées au dessus de ce niveau,
se sont écoulées et ont abandonné les terres
qu’elles couvroient dans le commencement :
il est plus que probable qu’il subsiste encore
aujourd’hui dans l’intérieur du globe un cer-
tain nombre de ces anciennes cavernes,
dont l’affaissement pourra produire de sem-
blabes effets, en abaissant quelques espaces
du globe , qui deviendront dès lors de nou-
veaux réceptacles pour les eaux; et dans ce
cas , elles abandonneront en partie le bassin 1
qu’elles occupent aujourd’hui , pour couler
par leur pente naturelle dans ces endroits
plus bas. Par exemple , on trouve des bancs
de coquilles marines sur les Pyrénées jus-
qu’à quinze cents toises de hauteur au des-
sus du niveau de la mer actuel. Il est donc
bien certain que les eaux, dans le temps de
la formation de ces coquilles , étoient de
quinze cents toises plus élevées qu’elles ne le !
sont aujourd’hui ; mais lorsqu’au bout d’un
temps les cavernes qui soutenoient les terres J
de l’espace où gît actuellement Tocéaiii
Atlantique se sont affaissées , les eaux , quiij
couvroient les Pyrénées et l’Europe entière,-
auront coulé avec rapidité pour remplir ces j
bassins, et auront par conséquent laissé à|
découvert toutes les terres de cette partie l:!
du monde. La même chose doit s’entendre t
de tous les autres pays ; il paroît qu’il n’y a 4
que les sommets des plus hautes montagnes i|]
auxquels les eaux de la mer n’aient jamais j
atteint, parce qu’ils ne présentent aucuns li
débris des productions marines, et ne don- ]j
nent pas des indices aussi évidens du séjoui |
des mers : néanmoins comme quelques-unes
des matières dont ils sont composés, quoi-
que toutes du genre vitrescible, semblent
n’avoir pris leur solidité , leur consistance,
et leur dureté que par l’intermède et le glu-
ten de l’eau, et qu’elles paroissent s’être
formées, comme nous l’avons dit, dans les
masses de sable ou de poussière de verre
qui étoient autrefois aussi élevées que ces iie
pics de montagnes , et que les eaux des pluies :i[
ont , par succession de temps , entraînées à j „
leur pied, ou ne doit pas prononcer affirs i;
mativement que les eaux de la mer ne
soient jamais trouvées qu’au niveau où l’oc
trouve des coquilles; elles ont pu être en- >,f
core plus élevées, même avant le temps où .
leur température a permis aux coquilles ,
d’exister. La plus grande hauteur à laquelle |,t
s’est trouvée la mer universelle, ne nous est j L
pas connue; mais c’est en savoir assez que ,
de pouvoir assurer que les eaux étoient éle i ,,
vées de quinze cents ou deux mille toises an
ART. XVI I. ILES NOUVELLES, CAVERNES.
dessus de leur niveau actuel, puisque les
coquilles se trouvent à quinze cents toises
dans les Pyrénées et à deux mille toises
dans les Cordilières.
Si tous les pics des montagnes éloient
formés de verre solide ou d’autres matières
produites immédiatement par le feu , il ne
seroit pas nécessaire de recourir à l’autre
cause, c’est-à-dire au séjour des eaux , pour
concevoir comment elles ont pris leur con-
sistance; mais la plupart de ces pics ou
pointes de montagnes paroissent être compo-
sés de matières qui, quoique vitrescibles ,
ont pris leur solidité et acquis leur nature
par l’intermède de l’eau. On ne peut donc
guère décider, si le feu primitif seul a pro-
duit leur consistance actuelle , ou si l’inter-
nède et le gluten de l’eau de la mer n’ont
aas été nécessaires pour achever l’ouvrage
lu feu , et donner à ces masses vitrescibles
la nature qu’elles nous présentent aujour-
l’hui. Au reste , cela n’empêche pas que le
eu primitif, qui d’abord a produit les plus
grandes inégalités sur la surface du globe ,
t’ait eu la plus grande part à l’établisse-
nent des chaînes de montagnes qui en tra-
ersent la surface , et que les noyaux de ces
randes montagnes ne soient tous des pro-
uits de l’action du feu, tandis que les con-
aurs de ces mêmes montagnes n’ont été
isposés et travaillés par les eaux que dans
Ies temps subséquens; en sorte que c’est
ir ces mêmes contours et à de certaines
auteurs que l’on trouve des dépôts de co-
uilles et d’autres productions de la mer.
Si l’on veut se former une idée nette des
liis anciennes cavernes , c’est-à-dire de
;lles qui ont été formées par le feu primi-
f , il faut se représenter le globe terrestre
îpouillé de toutes ses eaux, et de toutes
s matières qui en recouvrent la surface jus-
i’à la profondeur de mille ou douze cents
eds. En séparant par la pensée cette coû-
te extérieure de terre et d’eau, le globe
ms présentera la forme qu’il avoit à peu
ès dans tes premiers temps de sa consoli-
tion. Laroche vitrescible, ou, si l’on
ut, le verre fondu, en compose la masse
tière ; et cette matière , en se consolidant
sè refroidissant, a formé, comme toutes
; autres matières fondues , des éminences ,
s profondeurs , des cavités , des boursou-
Ires dans toute l’étendue de la surface du
ibe. Ces cavités intérieures formées par
feu sont les cavernes primitives, et se
mvent en bien plus grand nombre vers
contrées du Midi que dans celles du Nord,
|'ce que le mouvement de rotation qui a
277
élevé ces parties de l’équateur avant la con-
solidation y a produit un plus grand dépla-
cement de la matière , et , en retardant cette
même consolidation , aura concouru avec
l’action du feu pour produire un plus grand
nombre de boursouflures et d’inégalités
dans cette partie du globe que dans toute
autre. Les eaux venant des pôles n’ont pu
gagner ces contrées méridionales, encore
brûlantes, que quand elles ont été refroi-
dies; les cavernes qui les soutenoient s’é-
tant successivement écroulées, la surface
s’est abaissée et rompue en mille et mille
endroits. Les plus grandes inégalités du globe
se trouvent, par cette raison, dans les cli-
mats méridionaux : les cavernes primitives
y sont encore en plus grand nombre que
partout ailleurs; eues y sont aussi situées
plus profondément, c’est-à-dire peut-être
jusqu’à cinq et six lieues de profondeur,
parce que la matière du globe a été remuée
jusqu’à cette profondeur par le mouvement
de rotation , dans le temps de sa liquéfac-
tion. Mais les cavernes qui se trouvent dans
les hautes montagnes ne doivent pas toutes
leur origine à cette même cause du feu pri-
mitif : celles qui gisent le plus profondé-
ment au dessous de ces montagnes , sont les
seules qu’on puisse attribuer à l’action de
ce premier feu ; les autres, plus extérieures
et plus élevées dans la montagne, ont été
formées par des causes secondaires, comme
nous l’avons exposé. Le globe , dépouillé
des eaux et des ^matières qu’elles ont trans-
portées, offre donc à sa surface un sphéroïde
bien plus irrégulier qu’il ne nous paroît
l’être avec cette enveloppe. Les grandes
chaînes de montagnes, leurs pics, leurs
cornes , ne nous présentent peut-être pas au-
jourd’hui la moitié de leur hauteur réelle ;
toutes sont attachées par leur base à la roche
vitrescible qui fait le fond du globe , et sont
de la même nature. Ainsi l’on doit compter
trois espèces de cavernes, prod uites par la na-
ture ; les premières, en vertu de la puissance
du feu primitif ; les secondes, par l’action des
eaux; et les troisièmes, par la force des feux
souterrains : et chacune de ces cavernes diffé-
rentes par leur origine , peuvent être dis-
tinguées et reconnues à l’inspection- des
matières qu’elles contiennent ou qui les en-
vironnent. ( Acid. Buff.y
278
THÉORIE DE LA TERRE.
ARTICLE XVIII.
De V effet des pluies , des marécages , des
bois souterrains , des eaux souterraines.
Nous avons dit que les pluies et les eaux
courantes qu’elles produisent détachent con-
tinuellement du sommet et de la croupe des
montagnes les sables, les terres, les gra-
viers, etc., et qu’elles les entraînent dans les
plaines , d’où les rivières et les fleuves en
charrient une partie dans les plaines plus
basses, et souvent jusqu’à la mer : les
plaines se remplissent donc successivement
et s’élèvent peu à peu, et les montagnes dimi-
nuent tous les jours et s’abaissent continuel-
lement; et dans plusieurs endroits on s’est
aperçu de cet abaissement. Joseph Blan-
canus rapporte sur cela des faits qui étoient
de notoriété publique dans son temps , et
qui prouvent que les montagnes s’étoient
abaissées au point que l’on voyoit des
villages et des châteaux de plusieurs en-
droits d’où on ne pouvoit pas les voir autre-
fois. Dans la province de Derby en Angle-
terre , le clocher du village Craih n’étoit pas
visible en 1572 depuis une certaine mon-
tagne , à cause de la hauteur d’une autre
montagne interposée , laquelle s’étend en
Hoplon et Wirsworth , et quatre-vingts ou
cent ans après on voyoit ce clocher, et même
une partie de l’église. Le docteur Plot donne
un exemple pareil d’une montagne entre
Sibbertoft et Ashby, dans la province de
Northampton. Les eaux entraînent non seu-
lement les parties les plus légères des monta-
gnes , comme la terre , le sable , le gravier et
les petites pierres, mais elles roulent même de
très-gros rochers , ce qui en diminue consi-
dérablement la hauteur. En général, plus les
montagnes sont hautes, et plus leur pente
est roide , plus les rochers sont coupés à
pic. Les plus hautes montagnes du pays de
Galles ont des rochers extrêmement droits et
fort nus ; on voit les copeaux de ces rochers
(si on peut se servir de ce nom) en gros mon-
ceaux à leur pied : ce sont les gelées et les
eaux qui les séparent et les entraînent. Ainsi
ce ne sont pas seulement les montagnes de
sable et de terre que les pluies rabaissent ,
mais, comme l’on voit, elles attaquent les
rochers les plus durs , et en entraînent les
fragmens jusque dans les vallées. Il arriva
dans la vallée de Nantphrancon , en i685 ,
qu’une partie d’un gros rocher qui ne por-
toit que sur une base étroite , ayant été mi-
née par les eaux , tomba et se rompit en
plusieurs morceaux avec plus d’un millier
d’autres pierres , dont la plus grosse fit en
descendant une tranchée considérable jusque
dans la plaine, où elle continua à cheminer
dans une petite prairie, et traversa une pe-
tite rivière, de l’autre côté de laquelle elle
s’arrêta. C’est à de pareils accidens qu’on
doit attribuer l’origine de toutes les grosses
pierres que l’on trouve ordinairement çà et
là dans les vallées voisines des montagnes.
On doit se souvenir, à l’occasion de cette ob-
servation , de ce que nous avons dit dahs
l’article précédent, savoir, que ces rochers et
ces grosses pierres dispersées sont bien plus
communes dans les pays dont les montagnes
sont de sable et de grès, que dans ceux où
elles sont de marbre et de glaise , parce que
le sable qui sert de base au rocher est un
fondement moins solide que la glaise.
Pour donner une idée de la quantité de
terres que les pluies détachent des monta-
gnes, et qu’elles entraînent dans les vallées,
nous pouvons citer un fait rapporté par fi
docteur Plot: il dit, dans son Histoire natu-
relle de Stafford, qu’on a trouvé dans la terre,
à dix-huit pieds de profondeur, un grandi
nombre de pièces de monnoie frappées di
temps d’Édouard IY, c’est-à-dire deux cenb
ans auparavant , en sorte que ce terrain, qu
est marécageux, s’est augmenté d’enviroi
un pied en onze ans , ou d’un pouce et ut
douzième par an. On peut encore faire uni
observation semblable sur des arbres enterré
à dix-sep t pieds de profondeur , au dessou
desquels on a trouvé des médailles de Jule
César. Ainsi les terres amenées du dessu
des montagnes dans les plaines par les eau
courantes, ne laissent pas d’augmenter très
considérablement l’élévation du terrain
plaines.
Ces graviers , ces sables et ces terres qu
les eaux détachent des montagnes, et qu’elle
entraînent dans les plaines, y forment de '11
couches qu’il ne faut pas confondre avec le
couches anciennes et originaires de la terre
On doit mettre dans la classe de ces nouvelle
couches celles de tuf, de pierre molle, d
gravier et de sable , dont les grains sont lave
et arrondis; on doit y rapporter aussi li
couches de pierres qui se sont faites par un
espèce de dépôt et d’incrustation ; toutes ce
couches ne doivent pas leur origine au moi
vement et aux sédimens des eaux de la me
O11 trouve dans ces tufs et dans ces piern
molles et imparfaites une infinité de vég
'au: f
rès f
de f
fl
taux , de feuilles d’arbres , de coquilles te
restres, ou fluviatiles, de petits osd’animau
terrestres et jamais des coquilles ni d’aulrii 1^,
productions marines : ce qui prouve évidec y .
ART. XVIII. EFFET DES PLUIES.
ment , aussi bien que leur peu de solidité , .
que ces couches se sont formées sur la sur-
face de la terre sèche, et qu’elles sont bien
plus nouvelles que les marbres et les autres
aierres qui contiennent des coquilles , et qui
ie sont formées autrefois dans la mer. Les
;ufs et toutes ces pierres nouvelles paroissent
ivoir de la dureté et de la solidité lorsqu’on
es tire : mais si on veut les employer, on
rouve que l’air et les pluies les dissolvent
)ientôi ; leur substance est même si diffé-
ente de la vraie pierre, que lorsqu’on les
éduit en petites parties, et qu’on en veut
aire du sable, elles se convertissent bientôt
n une espèce de terre et de boue. Les sta-
lactites et les autres concrétions pierreuses
[ue M. de Tourriefort prenoit pour des mar-
iées qui avoient végété, ne sont pas de vraies
ierres, non plus que celles qui sont for-
cées par des incrustations. Nous avons déjà
ait voir que les tufs ne sont pas de Fan-
ienne formation, et qu’on ne doit pas les
^nger dans la classe des pierres. Le tuf est
ne matière imparfaite , différente de la
ierre et de la terre , et qui tire son origine
e toutes deux par le moyen de l’eau des
luies , comme les incrustations pierreuses
rent la leur du dépôt des eaux de certaines
mtaines : ainsi les couches de ces matières
jp sont pas anciennes , et n’ont pas été for-
Iées, comme les autres, par le sédiment
is eaux de la mer. Les couches de tourbes
ûvent être aussi regardées comme des coû-
tes nouvelles qui ont été produites par l’en-
ssement successif des arbres et des autres
jjjgétaux à demi pourris, et qui ne se sont
||nservés que parce qu’ils se sont trouvés
|ns des terres bitumineuses , qui les ont
jibpêchés de se corrompre en entier1. On
t . On peut ajouter à ce que j’ai dit sur les tour-
, les faits suivans :
■pans les châtellenies et subdélégations de Ber-
■es-Saint-Winox , Fûmes et Bourbourg , on trouve
tjla tourbe à trois ou^quatre pieds sous terre;
■ninairement ces lits de tourbe ont deux pieds
■|paisseur, et sont composés de bois pourris , d’ar-
■ ps même entiers, avec leurs branches et leurs
Mlles dont on connoît l’espèce , et particulière-
i;nt des coudriers , qu’on reconnoît à leurs noi-
■jjtes encore existantes , entremêlées de différentes
I flièces de roseaux faisant corps ensemble.
■ D’où viennent ces lits de tourbes qui s’étendent
■ puis Bruges par tout le plat pays de la Flandre
■ qu’à la rivière d’Aa , entre les dunes et les terres
■Jvées des environs de Bergues , etc. ? Il faut que,
■bs les siècles reculés , lorsque la Flandre n’étoit
Hune vaste forêt, une inondation subite de la
llr ait submergé tout le pays, et en se retirant ait
■posé tous les arbres, bois et roseaux qu’elle
■ »it déracinés et détruits dans cet espace de ter-
fi i, qui est le plus bas de la Flandre, et que cet
H bernent soit arrivé vers le mois d’août ou $«>■»•
ne trouve dans toutes ces nouvelles couches
de tuf, ou de pierre molle, ou de pierre
formée par des dépôts, ou de tourbe, aucune
tembre, puisqu’on trouve encore les feuilles aux
arbres , ainsi que les noisettes aux coudriers. Cette
inondation doit avoir été bien long-temps avant la
conquête que fit Jules César de cette province , puis-
que les écrits des Romains , depuis cette époque ,
n’en ont pas fait mention.
Quelquefois on trouve des végétaux dans le sein
de la terre, qui sont dans un état différent de celui
de la tourbe ordinaire : par exemple , au mont
Ganelon, près de Compïègne, on voit, d’un côté
de la montagne , les carrières de belles pierres et
les huîtres fossiles dont nous avons parlé , et , de
l’autre côté de la montagne, on trouve à mi-côte
un lit de feuilles de toutes sortes d’arbres , et aussi
des roseaux , des goémons , le tout mêlé ensemble
et renfermé dans la vase; lorsqu’on remue ces
feuilles , on retrouve la même odeur de marécage
qu’on respire sur le bord de la mer, et ces feuilles
conservent cette odeur pendant plusieurs années.
Au reste, elles ne sout point détruites, on peut en
reconnoître aisément les espèces : elles n’ont que de
la sécheresse, et sont liées foiblement les unes aux
autres par la rase.
« On reconnoît, dit M. Guettard, de deux espèces
de tourbes : les unes sont composées de plantes
marines , les autres de plantes terrestres ou qui
viennent dans les prairies. On suppose que les pre-
mières ont été formées dans le temps que la mer
recouvroit la partie de la terre qui est maintenant
habitée : on veut que les secondes se soient accu-
mulées sur celle-ci. On imagine, suivant ce sys-
tème , que les courans portoient dans des bas-fonds
formés par les montagnes qui étoient élevées dans
la mer, les plantes marines qui se détacboient des
rochers , et qui , ayant été ballottées par les flots ,
se déposoient dans les lieux profonds.
« Cette production de tourbes n’est certainement
pas impossible ; la grande quantité de plantes qui
croissent dans la îner, paroît bien suffisante pour
former ainsi des tourbes : les Hollandois mêmes
prétendent que la bonté des leurs ne vient que de
ce qu’elles sont ainsi produites , et qu’elles sont
pénétrées du bitume dont les eaux de la mer sont
chargées
« Les tourbières de Villeroy sont placées dans la
vallée où coule la rivière d’Essone ; la partie de
cette vallée peut s’étendre depuis Roissy jusqu’à
Escliarcon.... C’est même vers Roissy qu’on a com-
mencé à tirer des tourbes Mais celles que l’on
fouille auprès d’Escbarcon sont les meilleures....
« Les prairies où les tourbières sont ouvertes
sont assez mauvaises , elles sont remplies de joncs,
de roseaux , de prêles et autres plantes qui crois-
sent dans les mauvais prés : on fouille ces prés jus-
qu’à la profondeur de huit à dix pieds.... Après la
couche qui forme actuellement le sol de la prairie ,
est placé un lit de tourbe d’environ un pied : il est
rempli de plusieurs espèces de coquilles fluviatiles
et terrestres....
« Ce banc de tourbe , qui renferme les coquilles ,
est communément terreux : ceux qui le suivent sont
à peu près de la même épaisseur, et d’autant meil-
leurs qu’ils sont plus profonds ; les tourbes qu’ils
fournissent sont d’un brun noir, lardées de roseaux,
de joncs , de cypéroïdes et autres plantes qui vien-
nent dans les prés; on ne voit point de coquilles
dans ces bancs....
« On a quelquefois rencontré dans la masse des
s8o
THÉORIE DE LA TERRE.
production marine; mais on y trouve au
contraire beaucoup de végétaux, d’os d’ani-
maux terrestres , de coquilles fluviatiles et
terrestres , comme on peut le voir dans les
prairies de la province de Northampton au-
près d’Ashby, où l’on a trouvé un grand
nombre de coquilles d’escargots, avec des
plantes, des herbes, et plusieurs coquilles
fluviatiles, bien conservées à quelques pieds
de profondeur sous terre , sans aucune co-
quille marine. Les eaux qui coulent sur la
surface de la terre ont formé toutes ces
nouvelles couches en changeant souvent de
lit et en se répandant de tous côtés : une
partie de ces eaux pénètre à l’intérieur et
coule à travers les fentes des rochers et des
pierres ; et ce qui fait qu’on ne trouve point
d’eau dans les pays élevés , non plus qu’au
dessus des collines, c’est parce que toutes
les hauteurs de la terre sont ordinairement
composées de pierres et de rochers , surtout
vers le sommet. Il faut, pour trouver de
l’eau, creuser dans la pierre et dans le ro-
tourbes , des souches de saules et de peupliers , et
quelques racines de ces arbres on de quelques au-
tres semblables. On a découvert du côté d’Escharcon
un chêne enseveli à neuf pieds de profondeur : il
étoit noir et presque pourri ; il s’est consommé à
l’air : un autre a été rencontré du côté de Roissy à
la profondeur de deux pieds entre la terre et la
tourbe. On a encore vu près d’Escharcon des bois
de cerf; ils étoient enfouis jusqu’à trois ou quatre
pieds....
«II y a aussi des tourbes dans les environs d’E-
tampes , et peut-être aussi abondamment qu’auprès
de Villeroy : ces tourbes ne sont point mousseuses,
ou le sont très-peu ; leur couleur est d’un beau
noir, elles ont de la pesanteur, elles brûlent bien
au féu ordinaire, et il n’y a guère lieu de douter
qu’on n’en pût faire de très-bon charbon....
« Les tourbières des environs d’Etampes ne sont,
pour ainsi dire , qu'une continuité de celles de
Villeroy ; en un mot, toutes les prairies qui sont
renfermées entre les gorges où la rivière d’Etampes
coule sont probablement remplies de tourbe. On
en doit, à ce que je crois, dire autant de celles
qui sont arrosées par la rivière d’Essone ; celles de
ces prairies que j’ai parcourues m’ont fait voir les
mêmes plantes que celles d’Etampes et de Vil-
leroy. »
Au reste , selon l’auteur, il y a en France encore
nombre d’endroits où l’on pourroit tirer de la
tourbe , comme à Bourneuille , à Croué , auprès de
Beauvais , à Brunevàî , aux environs de Péronne ,
dans le diocèse de Troyes en Champagne, etc., et
cette matière combustible seroit d’un grand secours,
si l’on en faisoit usage dans les endroits qui man-
quent de bois.
11 y avoit aussi des tourbes près Vitry-le-Fran-
çois , dans des marais le long de la Marne : ces
tourbes sont bonnes et contiennent une grande
quantité de cupules de gland. Le marais de Saint-
Gon , aux environs de Cbàlons, n’est aussi qu’une
tourbière considérable, que l’on sera obligé d’ex-
ploiter dans la suite par la disette des bois. ( -idd.
3"ff)
cher jusqu’à ce qu’on parvienne à la hase,
c’est-à-dire à la glaise ou à la terre ferme
sur laquelle portent ces rochers, et on ne
trouve point d’eau lant que l’épaisseur de
pierre n’est pas percée jusqu’au dessous ,
comme je l’ai observé dans plusieurs puits
creusés dans les lieux élevés; et lorsque la
hauteur des roches, c’est-à-dire l’épaisseur
de la pierre qu’il faut percer , est fort con-
sidérable, comme dans les hautes montagnes
où les rochers ont souvent plus de mille
pieds d’élévation , il est impossible d’y faire
des puits , et par conséquent d’avoir de
l’eau. Il y a même de grandes étendues de
terre où l’eau manque absolument , comme
dans l’Arabie pétrée , qui est un désert où
il ne pleut jamais, où des sables brûlans
couvrent toute la surface de la terre, où
n’y a presque point de terre végétale , où le
peu de plantes qui s’y trouvent languissent :
les sources et les puits y sont si rares que
l’on n’en compte que cinq depuis le Cair;
jusqu’au mont Sinaï ; encore l’eau en est-elle
amère et saumâtre. ^ j
Lorsque les eaux qui sont à la surface de:
la terre ne peuvent trouver d’écoulement !
elles forment des marais et des marécages
Les plus fameux marais de l’Europe son:
ceux de Moscovie à la source du Tanaïs
ceux de Finlande, où sont les grands ma
rais Zavolax et Énasak : il y en a aussi ei |
isieurf
Hollande, en Westphalie', et dans plusieur
autres pays bas. En Asie on a les marais di |
l’Euphrate, ceux de la Tartarie , le Palu?
Méotide ; cependant en général il y en i jf
moins en Asie et en Afrique qu’en Europe "
mais l’Amérique n’est, pour ainsi dire
qu’un marais continu dans toutes ses plaines
cette grande quantité de marais est un»
preuve de la nouveauté du pays et du peti
nombre des habitans , encore plus que di
peu d’industrie.
Il y a de très-grands marécages en Angle
terre dans la province de Lincoln près de 1
mer, qui a perdu beaucoup de terrain d’ui
côté, et en a gagné de l’autre. On trouv
dans l’ancien terrain une grande quantit
d’arbres qui y sont enterrés au dessous d
nouveau terrain amené par les eaux ; on ei
trouve de' même en grande quantité ei
Écosse , à l’embouchure de la rivière Ness
Auprès de Bruges en Flandre , en fouillait ! *
à quarante ou cinquante pieds de profon
deur, on trouve une très-grande quantil
d’arbres aussi près les uns des autres qu
dans une forêt : les troncs , les rameaux c ,
les feuilles sont si bien conservés qu’o N
distingue aisément les différentes espèce
ART. XVIII. EFFET DES PLUIES. 281
!
arbres. U y a cinq cents ans que cette
rre, où l’on trouve des arbres, étoit une
1er, et avant ce temps là on n’a point de
émoire ni de tradition que jamais cette
jrre eût existé ; cependant il est nécessaire
îe cela ait été ainsi dans le temps que
s arbres ont crû et végété : ainsi le ter-
in qui dans les temps les plus reculés
oit une terre ferme couverte de bois, a
é ensuite couvert par les eaux de la mer
li y ont amené quarante ou cinquante
eds d’épaisseur de terre, et ensuite ces
ux se sont retirées. On a de même trouvé
ie grande cpiantité d’arbres souterrains à
mie dans la province d’York , à douze
lies au desso'us de la ville sur la rivière
îmber : il y en a qui sont si gros qu’on
ai sert pour bâtir ; et on assure , peut-être
d à propos , que ce bois est aussi durable
d’aussi bon service que le chêne : on en
upe en petites baguettes et en longs co-
aux que l’on envoie vendre dans les villes
isines ; et les gens s’en servent pour allu-
31* leur pipe. Tous ces arbres paroissent
npus, et les troncs sont séparés de leurs
unes , comme des arbres que la violence
in ouragan ou d’une inondation auroit
>sés et emportés. Ce bois ressemble beau-
îp au sapin ; il a la même odeur lorsqu’on
brûle , et fait des charbons de la même
)èce. Dans Pile de Man on trouve dans
marais qui a six milles de long et trois
lies de large, appelé Curragh, des arbres
tterrains qui sont des sapins; et, quoi-
’ils soient à dix-huit ou vingt pieds de
jfondeur, ils sont cependant fermes sur
jrs racines T. On en trouve ordinairement
as tous les grands marais , dans les fon-
ères, et dans la plupart des endroits ma-
:ageux , dans les provinces de Somerset ,
1 Ghester, de Lancastre, de Stafford. Il y
lie certains endroits où l’on trouve des
j)res sous terre , qui ont été coupés , sciés ,
Iharris, et travaillés par les hommes : on
H même trouvé des cognées et des serpes ;
I entre Birmingham et Brumley, dans la
Irnnce de Lincoln, il y a des collines
Ivée's de sable fin et léger, que les pluies
I les vents emportent et transportent en
lisant à sec et à découvert des racines de
j|nds sapins, où l’impression de la cognée
Iroît encore aussi fraîche que si elle venoit
||tre faite. Ces collines se seront sans
Ipte formées , comme les dunes, par des
lias de sable que la mer a apportés et ac-
nulés , et sur lesquels ces sapins auront
. Voyez Rajr’s Discourses , page 232. ..'A .
pu croître ; ensuite ils auront été recouverts
par d’autres sables, qui y auront été ame-
nés , comme les premiers , par des inonda-
tions ou par des vents violens. On trouve
aussi une grande quantité de ces arbres sou-
terrains dans les terres marécageuses de
Hollande, dans la Frise , et auprès de Gro-
ningue ; et c’est de là que viennent les
tourbes qu’on brûle dans tout le pays.
On trouve dans la terre une infinité d’ar-
bres grands et pet its de toute espèce , comme
sapins, chêhes, bouleaux, hêtres, ifs, au-
bépins, saules, frênes. Dans les marais de
Lincoln , le long de la rivière d’Ouse , et
dans la province d’York en Hatfield-chace ,
ces arbres sont droits et plantés comme on
les voit dans une forêt. Les chênes sont
fort durs , et on en emploie dans les bâti-
mens , où ils durent 2 fort long-temps ; les
frênes sont tendres et tombent en poussière,
aussi bien’que les saules. On en trouve qui
ont été équarris, d’autres sciés, d’autres
lercés, avec des cognées rompues, et des
lâches dont la forme ressemble à celle des
couteaux de sacrifice. On y trouve aussi
des noisettes, des glands, et des cônes de
sapins en grande quantité. Plusieurs autres
endroits marécageux de l’Angleterre et de
l’Irlande sont remplis de troncs d’arbres,
aussi bien que les marais de France et de
Suisse, de Savoie et d’Italie.
Dans la ville de Modène et à quatre milles
aux environs, en quelque endroit qu’on
fouille lorsqu’oni est parvenu à la profon-
deur de soixante- trois pieds, et qu’on a
percé la terre à cinq pieds de profondeur
de plus avec une tarière, l’eau jaillit avec
une si grande force, que le puits se remplit
en fort peu de temps presque jusqu’au
dessus : cette eau coule continuellement et
11e diminue ni n’augmente par la pluie ou
par la sécheresse. Ce qu’il y a de remar-
quable dans ce terrain , c’est que , lorsqu’on
est parvenu à quatorze pieds de profondeur,
on trouve les décombremens et les ruines
d’une ancienne ville, des rues pavées, des
planchers de maisons, différentes pièces
de mosaïque , après quoi on trouve une
terre assez solide et qu’on croiroit n’avoir
jamais été remuée : cependant au dessous
on trouve une terre humide et mêlée de
végétaux , et , à vingt-six pieds , des arbres
2. Je doute beaucoup de la vérité de ce fait:
tous les arbres qu’on tire de la terre, au moins
tous ceux que j’ai vus , soit chênes , soit autres ,
perdent, en se desséchant, toute la solidité qu’ils
paroissent avoir d’abord, et ne doivent jamais être
employés dans les bàtiinens.
THÉORIE DE LA TERRE.
282
tout entiers, comme des noisetiers avec les
noisettes dessus , et une grande quantité de
branches et de feuilles d’arbres ; à vingt-huit
pieds on trouve une craie tendre mêlée de
beaucoup de coquillages, et ce lit a onze
pieds d’épaisseur, après quoi on retrouve
encore des végétaux, des feuilles et des
branches; et ainsi alternativement de la
craie et une terre mêlée de végétaux jusqu’à
la profondeur de soixante-trois pieds , à
laquelle profondeur est un lit de sable mêlé
de petit gravier et de coquilles semblables
à celles qu’on trouve sur les côtes de la mer
d’Italie. Ces lits successifs de terre maréca-
geuse et de craie se trouvent toujours dans
le même ordre , en quelque endroit qu’on
fouille, et quelquefois la tarière trouve de
gros troncs d’arbres qu’il faut percer ; ce
qui donne beaucoup de peine aux ouvriers :
on y trouve aussi des os, du charbon de
terre, des cailloux, et des morceaux de fer.
Ramazzini, qui rapporte ces faits, croit
que le golfe de Venise s’étendoit autrefois
jusqu’à Modène et au delà, et que par la
succession des temps les rivières, et peut-être
les inondations de la mer, ont formé suc-
cessivement ce terrain.
Je ne m’étendrai pas davantage ici sur
les variétés que présentent ces couches de
nouvelle formation : il suffit d’avoir montré
qu’elles n’ont pas d’autres causes que les
eaux courantes ou stagnantes qui sont à la
surface de la terre, et qu’elles ne sont jamais
aussi dures ni aussi solides que les couches
anciennes qui se sont formées sous les eaux
de la mer.
Sur les bois souterrains pétrifiés et char-
bonnifiés.
* « Dans les terres du duc de Saxe-Co-
bourg, qui sont sur les frontières de la
Franconie et de la Saxe, à quelques lieues
de la ville de Cobourg même, on a trouvé,
à une petite profondeur, des arbres entiers
pétrifiés à un tel point de perfection , qu’en
les travaillant on trouve que cela fait une
pierre aussi belle et aussi dure que l’agate.
Les princes de Saxe en ont donné quelques
morceaux à M. Schœpflin , qui en a envoyé
deux à M. de Buffon pour le Cabinet du
Roi : on a fait de ces bois pétrifiés des
vases et autres beaux ouvrages T. »
On trouve aussi du bois qui n’a point
changé de nature , h d’assez grandes pro-
fondeurs dans la terre. M. Du Verny, offi-
1. Lettre de M. Schœpflin ; Strasbourg, 24 sep-
tembre 1746.
cier d’artillerie , m’en a envoyé des écha
tillons avec le détail suivant. « La ville
La Fère , où je suis actuellement en gart
son, fait travailler, depuis le 1 5 du nu
d’août de cette année 1753, à chercher
l’eau par le moyen de la tarière ; lorsqu’ ;
fut parvenu à trente-neuf pieds au desso
du sol , on trouva un lit de marne , que 1 ;
a continué de percer jusqu’à cent vingt-
pieds : ainsi , à cent soixante pieds de pi
fondeur, on a trouvé, deux fois conséci
tives , la tarière remplie d’une marne mêl
d’une très-grande quantité de fragmens
bois, que tout le monde a reconnus po
être du chêne. Je vous en envoie de
échantillons. Les jours suivans’, on a trou
toujours la mêmq marne , mais moins mê)
de bois , et on en a trouvé jusqu’à la pr
fondeur de deux cent dix pieds, où l’or
cessé le travail. »
« On trouve, dit M. Justi, des morcea
de bois pétrifiés d’une prodigieuse grande t
dans le pays de Cobourg , qui appartient
une branche de la maison de Saxe ; et da;
les montagnes de Misnie, on a tiré de
terre des arbres entiers , qui étoient enlièit
ment changés en une très-belle agate.
Cabinet impérial de Tienne renferme 1
grand nombre de pétrificâtions en ce genu
Un morceau destiné pour ce même Cabir
étoit d’une circonférence qui égaloit ce
d’un gros billot de boucherie. La parti
qui avoit été bois étoit changée dans u j
très-belle agate d’un gris noir ; et au lieu
l’écorce on voyoit régner tout autour 1
tronc une bande d’une très -belle age
blanche.
« L’empereur aujourd’hui régnant.... j
souhaité qu’on découvrît quelque moy
pour fixer l’âge des pétrifications.... Il don 1
ordre à son ambassadeur à Constantinop
de demander la permission de faire retir
du Danube un des piliers dupont de Traja t
qui est à quelques milles au dessous de Bf
grade. Cette permission ayant été accordé
on retira un de ces piliers , que l’on prés |
moit devoir être pétrifié par les eaux < ;
Danube ; mais on reconnut que la pétrifie!
tion étoit très-peu avancée pour un espa
de temps si considérable. Quoiqu’il se 1
passé plus de seize siècles depuis que
pilier en question étoit dans le Danube , é
n’y avoit pénétré tout au plus qu’à l’épai i
seur de trois quarts de pouce , et même
quelque chose de moins : le reste du boi »
peu différent de l’ordinaire , ne commence i
qu’à se calciner.
« Si de ce fait seul on pomoil tirer ui !
ART. XVIII. EFFET DES PLUIES.
ite conséquence pour toutes les autres
trifications , on en concîuroil que la na-
•e a eu besoin peut-être de cinquante
lie ans pour changer en pierres des arbres
la grosseur de ceux qu’on a trouvés pé-
fiés en différens endroits; mais il peut fort
;n arriver qu’en d’autres lieux le concours
plusieurs causes opère la pétrification plus
amplement. . . .
« On a vu à Vienne une bûche pétrifiée,
i étôit venue des montagnes Carpathes en
mgrie , sur laquelle paroissoient dïstincte-
;nt les hachures qui y avoient été faites
mt sa pétrification ; et ces mêmes hachures
bient si peu altérées par le changement
’ivé au bois , qu’on y remarquoit qu’elles
fient été faites avec un tranchant qui avoit
e petite brèche....
« Au reste , il paroît que le bois pétrifié
; beaucoup moins rare dans la nature
’on ne le pense communément , et qu’en
3n des endroits il ne manque , pour le dé-
tivrir, que l’œil d’un naturaliste curieux,
ti vu auprès de Mansfeld une grande
antité de bois de chêne pétrifié , dans un
droit où beaucoup de gens passent tous
i jours sans apercevoir ce phénomène. Il
ivoit des bûches entièrement pétrifiées ,
ns lesquelles on reconnoissoit très-dis-
ctement les anneaux formés par la crois-
îce annuelle du bois , l’écorce , l’endroit
la coupe, et toutes les marques du bois
chêne. »
lM. Clozier, qui a trouvé différentes pièces
bois pétrifié sur les collines aux environs
Étampes, et particulièrement sur celle de
int-Symphorien , a jugé que ces différens
îreeaux de bois pouvoient provenir de
j.elques couches pétrifiées qui étoient dans
> montagnes : en conséquence , il a fait
re des fouilles sur la montagne de Saint-
mphorien, dans un endroit qu’on lui avoit
iiqué ; et , après avoir creusé la terre de
isieurs pieds, il vit d’abord une racine de
is pétrifiée qui le conduisit à la souche
m arbre de même nature.
Cette racine, depuis son commencement
Squ’au tronc où elle étoit attachée , avoit
i moins, dit- il, cinq pieds de longueur;
y en avoit cinq autres qui y tenoient aussi,
ais moins longues....
Les moyennes et petites racines n’ont pas
p bien pétrifiées; ou du moins leur pétri-
[ation étoit si friable , qu’elles sont restées
tus le sable où étoit la souche en une es-
:ee de poussière ou de cendre. Il y a lieu
! croire que lorsque la pétrification s’est
mmuniquée à ces racines, elles étoient
a83
presque pourries, et que les parties ligneuses
qui les composoient, étant trop désunies
par la pourriture , n’ont pu acquérir la soli-
dité requise pour une vraie pétrification
La souche porte , dans son plus gros , près
de six pieds de circonférence ; à l’égard de
sa hauteur, elle porte , dans sa partie la plus
élevée, trois pieds huit à dix pouces; son
poids est au moins de cinq à six cents livres.
La souche , ainsi que les racines , ont con-
servé toutes les apparences du bois, comme
écorce, aubier, bois dur, pourriture , trous
de petits et gros vers, excrémens de ces
mêmes vers; toutes ces différentes parties
pétrifiées, mais d’une pétrification moins
dure et moins solide que le corps ligneux ,
qui étoit bien sain lorsqu’il a été saisi par
les parties pétrifiantes. Ce corps ligneux est
changé en un vrai caillou de différentes
couleurs , rendant beaucoup de feu étant
frappé avec le fer trempé , et sentant , après
qu’il a été frappé ou frotté, une très-forte
odeur de soufre....
Ce tronç d’arbre pétrifié étoit couché
presque horizontalement Il étoit couvert
de plus de quatre pieds de terre, et la
grande racine étoit en dessus , et n’étoit en-
foncée que de deux pieds dans la terre.
M. l’abbé Mazéas, qui a découvert à un
demi-mille de Rome , au delà de la porte du
Peuple, une carrière de bois pétrifié, s’ex-
prime dans les termes suivans :
« Cette carrière de bois pétrifié , dit-il ,
forme une suite de collines en face de
Monte Mario , situé de l’autre côté du Ti-
bre.... Parmi ces morceaux de bois entassés
les uns sur les autres d’une manière irré-
gulière, les uns sont simplement sous la
forme d’une terre durcie , et ce sont ceux
qui se trouvent dans un terrain léger, sec ,
et qui ne paroît nullement propre à la nour-
riture des végétaux: les autres sont pétrifiés,
et ont la couleur, le brillant et la dureté de
l’espèce de résine cuite, connue dans nos
boutiques sous le nom de colophane; ces
bois pétrifiés se trouvent dans un terrain
de même espèce que le précédent , mais plus
humide : les uns et les autres sont parfaite-
ment bien conservés : tous se réduisent par
la calcination en une véritable terre, aucun
ne donnant de l’alun, soit en le traiiant au
feu, soit en les combinant avec l’acide
vitriolique. »
M. Dumonchau , docteur en médecine et
très-habile physicien à Douai, a bien voulu
m’envoyer, pour le Cabinet du Roi, un mor-
ceau d’un arbre pétrifié, avec le détail histo-
rique suivant :
284 THEORIE DE LA TERRE.
« La pièce de bois péirifié que j’ai l’hon-
neur de vous envoyer a été cassée à un tronc
d’arbre trouvé à plus de cent cinquante
pieds de profondeur en terre.... En creusant
l’année dernière (1754) un puits pour son-
der du charbon à Notre-Dame-au-Bois , vil-
lage situé entre Condé , Saint- Amand , Mor-
tagne et Valenciennes, on a trouvé à en-
viron six cents toises de l’Escaut , après
avoir passé trois niveaux d’eau , d’abord
sept pieds de rocher ou de pierre dure que
les charbonniers nomment en leur langage
tourtia; ensuite, étant parvenu à une terre
marécageuse , on a rencontré , comme je
viens de le dire, à cent cinquante pieds de
profondeur, un tronc d’arbre de deux pieds
de diamètre, qui traversoit le puits que l’on
creusoit, ce qui fit qu’on ne put pas en me-
surer la longueur; il étoit appuyé sur un
gros grès ; et bien des curieux , voulant avoir
de ce bois, on en détacha plusieurs mor-
ceaux du tronc. La petite pièce que j’ai
l’honneur de vous envoyer fut coupée d’un
morceau qu’on donna à M. Laurent, savant
mécanicien
« Ce bois paroît plutôt charbonnifié que
pétrifié. Comment un arbre se trouve-t-il si
avant dans la terre ? est-ce que le terrain où
on l’a trouvé a été jadis aussi bas ? Si cela
est, comment ce terrain auroil-il pu augmen-
ter ainsi de cent cinquante pieds? d’où se-
roit venue toute cette terre ?
« Les sept pieds de tourtia que M. Lau-
rent a observés, se trouvant répandus de
même dans tous les autres puits à charbon ,
de dix lieues à la ronde , sont donc une pro-
duction postérieure à ce grand amas supposé
de terre.
« Je vous laisse, monsieur, la chose à
décider ; vous vous êtes familiarisé avec la
nature pour en comprendre les mystères les
plus cachés : ainsi je ne doute pas que vous
11’expliquiez ceci aisément. »
M. Fougeroux de Bondaroy, de l’Acadé-
mie royale des Sciences, rapporte plusieurs
faits sur les bois pétrifiés dans un mémoire
cpii mérite des éloges, et dont voici l’extrait:
« Toutes les pierres fibreuses et qui ont
quelque ressemblance avec le bois ne sont
pas du bois pétrifié; mais il y en a beau-
coup d’autres qu’on auroit tort de ne pas
regarder comme telles, surtout si l’on y
remarque l’organisation propre aux végé-
taux—
« On ne manque pas d’observations qui
prouvent que le bois peut se convertir en
pierre, au moins aussi aisément que plu-
sieurs autres substances ,qui éprouvent in-
contestablement cette transmutation ; m
il n’est pas aisé d’expliquer comment elle
fait : j’espère qu’on me permettra de has
der sur cela quelques conjectures que je
cherai d’appuyer sur des observations.
«On trouve des bois qui, étant, pe
ainsi dire , à demi pétrifiés , s’éloignent j
de la pesanteur du bois ; ils se divisent ai
ment par feuillets, ou même par filamei
comme certains bois pourris : d’autres, p .
pétrifiés, ont le poids, la dureté et l’opac1
de la pierre de taille ; d’autres , dont la pél j
fication est encore plus parfaite, prenm
le même poli que le marbre, pendant qj
d’autres acquièrent celui des belles aga
orientales. J’ai un très-beau morceau qu j
été envoyé de la Martinique à M. Duham
qui est changé en une très-belle sardoin
Enfin on en trouve de convertis en ardoi,
Dans ces morceaux on en trouve qui c
tellement conservé l’organisation du boi ;
qu’on y découvre avec la loupe tout ce qu
pourroit voir dans un morceau de bois m
pétrifié.
« Nous en avons trouvé qui sont encroû) jj
par une mine de fer sableuse, et d’autriS
sont pénétrés d’une substance qui, étal
plus chargéeMe soufre et de vitriol , les ra jj
proche de l’état des pyrites : quelques-ul
sont, pour ainsi dire, lardés par une mi J
de fer très-pure; d’autres sont traversés pi
des veines d’agate très-noires. 1
« On trouve des morceaux de bois do J
une partie est convertie en pierre , et l’aut \
en agate : la partie qui n’est convertie qu’i •
pierre est tendre, tandis que l’autre a ,
dureté des pierres précieuses.
« Mais comment certains morceaux , qut j
que convertis en agate très-dure , conse
vent-ils des caractères d’organisation trè|
sensibles, les cercles concentriques , les it i
sertions, l’extrémité des tuyaux destinés j
porter la sève , la distinction de l’écorci
de l'aubier, et du bois? Si l’on imagine,
que la substance végétale fût entièremei;
détruite , ils ne devroient représenter qu’ur |
agate sans les caractères d’organisation dot j
nous parlons ; si , pour conserver cette app \
rence d’organisation , on vouloit que le bo j
subsistât , et qu’il n’y eût que les pores cp ,
fussent remplis par le suc pétrifiant , il sen ,
ble que l’on pourroit extraire de l’agate les pa j
ties végétales : cependant je n’ai pu y pat
venir en aucune manière. Je pense don j
que les morceaux dont il s’agit ne contien t
nent aucune partie qui ail conservé la natui j
du bois', et , pour rendre sensible mon idée j
je prie qu’on se rappelle que si on dislill !
ART. XVIII. EFFET DES PLUIES. . 28 5
cornue un morceau de bois , le charbon
restera après la distillation ne pèsera
un sixième du poids du morceau de
i : si on brûle le charbon , on n’en ob-
dra qu’une très-petite quantité de cen-
, qui diminuera encore quand on en
a retiré les sels lixiviels.
Cette petite quantité de cendre étant la
tie vraiment fixe , l’analyse chimique dont
iens de tracer l’idée prouve assez bien
les parties fixes d’un morceau de bois
; réellement très-peu de chose, et que
lus grande portion de matière qui con-
1e un morceau de bois est destructible,
•eut être enlevée peu à peu par l’eau,
esure que le bois se pourrit. . .
Maintenant, si l’on conçoit que la plus
ide partie du bois est détruite, que le
dette ligneux qui reste est formé par
terre légère et perméable au suc pétri-
t, sa conversion en pierre, en agate,
ardoine, ne sera pas plus difficile à cou-
rir que celle d’une terre bolaire , créta-
I ou de toute autre nature : toute la dif-
nce consistera en ce que cette terre vê-
le ayant conservé une apparence d’or-
sation, le suc pétrifiant se moulera dans
[pores, s’introduira dans ses molécules
euses , en conservant néanmoins le même
ctère »
ïoici encore quelques faits et quelques
îrvations qu’on doit ajouter aux précé-
tes. En août 1773, àMontigny-sur-Braine,
liage de Châlons, vicomté d’Auxonne,
reusant le puits de la cure, on a trouvé
înte-trois pieds de profondeur , un arbre
dié sur son flanc, dont on n’a pu dé-
jvrir l’espèce. Les terres supérieures ne
bissent avoir été touchées de main
imme, d’autant que les lits semblent
intacts: car' on trouve au dessous du
ain un lit de terre glaise de huit pieds ,
îite un lit de sable de dix pieds; après
, un lit de terre grasse d’environ six à
pieds , ensuite un autre lit de terre
se pierreuse de quatre à cinq pieds , en-
je un lit de sable noir de trois pieds;
II l’arbre éloit dans la terre grasse. La
[ère de Braine est au levant de cet en-
t , et n’en est éloignée que d’une portée
usil ; elle coule dans une prairie de qua-
[vingts pieds plus basse que l’emplacement
la cure.
il. de Grignon m’a informé que , sur les
ds de la Marne, près Saint-Dizier , l’on
tve un lit de bois pyriteux dont on re-
noit l’organisation. Ce lit de bois est
é sous un banc de grès, qui est recou-
vert d’une couche de pyrites en gâteaux, sur-
montée d’un banc de pierre calcaire, et le
lit de bois pyriteux porte sur une glaise
noirâtre.
Il a aussi trouvé, dans les fouilles qu’il
a faites pour la découverte de la ville sou-
terraine du Châtelet , des inslrumens de fer
qui avoient eu des manches de bois, et il
a observé que ce bois étoit devenu une vé-
ritable mine de fer du genre des hématites.
L’organisation du bois n’étoit pas détruite;
mais il étoit cassant et d’un tissu aussi serré
cpie celui de l’hématite dans toute son épais-
seur. Ces inslrumens de fer à manche de
bois avoient été enfouis dans la terre pen-
dant seize ou dix sept cents ans, et la con-
version du bois en hématite s’est faite par
la décomposition du fer , qui peu à peu a
rempli les pores du bois. ( Add . Buff.)
Sur V éboulement et le déplacement de
quelques terrains.
* La rupture des cavernes et l’action des
feux souterrains sont les principales causes
des grands éboulemens de la terre, mais
souvent il s’en fait aussi par de plus petites
causes; la filtration des eaux, en délayanj
les argiles sur lesquelles portent les rochers
de presque toutes les montagnes calcaires,
a souvent fait pencher ces montagnes et
causé des éboulemens assez remarquables
pour que nous devions en donner ici quel-
ques exemples.
« En 1757, dit M. Perronet, une partie
du terrain qui se trouve situé à mi-côte
avant d’arriver au château de Croix-Fon-
taine s’enlr’ouvrit en nombre d’endroits et
s’éboula successivement par parties ; le mur
de terrasse qui retenoit le pied de ces terres
fut renversé, et on fut obligé de transporter
plus loin le chemin qui étoit élabli le long
du mur. . . Ce terrain étoit porté sur une
base de terre inclinée. » Ce savant et pre-
mier ingénieur de nos ponts et chaussées
cite un autre accident de même espèce ar-
rivé, en 1733, à Pardines, près d’Issoire en
Auvergne : le terrain, sur environ quatre
cents toises de longueur et trois cents toises
de largeur , descendit sur une prairie assez
éloignée , avec les maisons , les arbres , et ce
qui étoit dessus. U ajoute que l’on voit quel-
quefois des parties considérables de terrain
emportées , soit par des réservoirs supérieurs
d’eau dont les digues viennent à se rompre,
ou par une fonte subite de neiges. En 1767 .
au village de Guet, à dix lieues de Gre
noble , sur la route de Briançon , tout le ter
THÉORIE DE LA TERRE.
28Ô
rain, lecfiiel est en pente, glissa et descen-
dit en un instant vers le Drac , qui en est
éloigné d’environ un tiers de lieue ; la terre
se fendit dans le village , et la partie qui a
glissé se trouve de six, huit, et neuf pieds
plus basse qu’elle n’étoit : ce terrain étoit
posé sur un rocher assez uni et incliné à
l’horizon d’environ 40 degrés.
Je puis ajouter à ces exemples un autre
fait dont j’ai eu tout le temps d’être témoin,
et qui m’a même occasioné une dépense as-
sez considérable. Le tertre isolé sur lequel
sont situés la ville et le vieux château de
Montbard est élevé de cent quarante pieds
au dessus de la rivière, et la côte la plus ra-
pide est celle du nord-est : ce tertre est cou-
ronné de rochers calcaires, dont les bancs
pris ensemble ont cinquante-quatre pieds
d’épaisseur; partout ils portent sur un mas-
sif de glaise, qui par conséquent a jusqu’à
la rivière soixante-six pieds d’épaisseur. Mon
jardin , environné de plusieurs terrasses , est
situé sur le sommet de ce tertre. Une par-
tie du mur , longue de vingt-cinq à vingt-
six toises, de la dernière terrasse du côté
du nord-est où la pente est la plus rapide,
a glissé tout d’une pièce en faisant refouler
le terrain inférieur, et il seroit descendu jus-
qu’au niveau du terrain voisin de la rivière
si l’on n’eût pas prévenu son mouvement
progressif, en le démolissant : ce mur avoit
sept pieds d’épaisseur, et il étoit fondé sur
la glaise. Ce mouvement se fit très- lente-
ment : je reconnus évidemment qu’il n’étoit
occasioné que par le suintement des eaux ;
toutes celles qui tombent sur la plate-forme
du sommet de ce tertre pénètrent par les
fentes des rochers jusqu’à cinquante-quatre
pieds sur le massif de glaise qui leur sert de
base : 011 en est assuré par les deux puits qui
sont sur la plate-forme, et qui ont en effet
cinquante-quatre pieds de profondeur; ils
sont pratiqués du haut en bas dans les bancs
calcaires. Toutes les eaux pluviales qui tom-
bent sur cette plate-forme et sur les terras-
ses adjacentes se rassemblent donc sur le
massif d’argile ou glaise "auquel aboutissent
les fentes perpendiculaires de ces rochers ;
elles forment de petites sources en différens
endroits qui sont encore clairement indiquées
par plusieurs puits , tous abondans , et creu-
sés au dessous de la couronne des rochers ;
et, dans tous les endroits où l’on tranche ce
massif d’argile par des fossés , on voit l’eau
suinter et venir d’en haut : il n’est donc pas
étonnant que des murs, quelque solides qu ils
soient, glissent sur le premier banc de cette
argile humide, s’ils ne sont pas fondés à
plusieurs pieds au dessous , comme je !
fait faire en les reconstruisant. Néannn j
la même chose est encore arrivée du < j
du nord-ouest de ce tertre , où la pente
plus douce et sans sources apparentes :
avoit tiré de l’argile à douze ou quinze pi
de distance d’un gros mur épais de onze pi i
sur trente-cinq de hauteur et douze to j
de longueur; ce mur est construit de ti
bons matériaux , et il subsiste depuis plu; I
neuf cents ans : cette tranchée où l’on tii
de l’argile et qui ne descendoit pas à t
de quatre à cinq pieds, a néanmoins
faire un mouvement à cet énorme mur
penche d’environ quinze pouces sur sa h !
teur perpendiculaire , et je n’ai pu le r< j
nir et prévenir sa chute que par des pili j
butans de sept à huit pieds de saillie sur
tant d’épaisseur, fondés à quatorze pieds
profondeur.
De ces faits particuliers j’ai tiré une eu
séquence générale dont aujourd’hui on ;
fera pas autant de cas que l’on en auroit
dans les siècles passés : c’est qu’il n’y a
un château ou forteresse située sur des h j
teurs qu’on ne puisse aisément faire coé>
dans la plaine ou vallée au moyen d’i!
simple tranchée de dix ou douze pieds
profondeur sur quelques toises de large» |
en pratiquant cette tranchée à une petite cj
tance des derniers murs , et choisissant pi j
l’établir le côté où la pente est la plus rapi
Cette manière dont les anciens ne se ®;i
pas doutés leur auroit épargné bien des i
liers et d’autres machines de guerre , et i I
jourd’hui même on pourroit s’en ser i
avantageusement dans plusieurs cas : je : j
suis convaincu par mes yeux , lorsque ;
murs ont glissé , que , si la tranchée qu1 i
a faite pour les reconstruire n’eût pas I
promptement remplie de forte maçonner j
les murs anciens et les deux tours qui su
sistent encore en bon état depuis neuf ce i
ans , et dont l’une a cent vingt-cinq pi< ;
de hauteur, auroient coulé dans le vall j
avec les rochers sur lesquels ces tours et 1
murs sont fondés ; et , comme toutes 1
collines composées de pierres calcaires pi i
tent généralement sur un fond d’argile d( 1
les premiers lits sont toujours plus ou moi j
humectés par les eaux qui filtrent dans l
fentes des rochers et descendent jusqu’à j
premier lit d’argile , il me paroît cert; i
qu’en éventant cette argile , c’est-à-dire »
exposant à l’air par une tranchée ces pi
miers lits imbibés des eaux , la masse entii il
des rochers et du terrain qui porte sur ce m j!
sif d’argile couleroit en glissant sur le p
ART. XVIII. EFFET DES PLUIES. 28'
|er lit, et descendroit jusque dans la tran-
Je en peu de jours , surtout dans un temps
pluie. Cette manière de démanteler une
teresse est bien plus simple que tout ce
on a pratiqué jusqu’ici, et l’expérience
1 démontré que le succès en est certain.
■ les ossemens c/ue l’on trouve quelquefois
dans l’Intérieur de la terre.
« Dans la paroisse du Haux , pays d’entre
ix mers , à demi-lieue du port de Lau-
ran , une pointe de rocher haute de onze
1s se détacha d’un coteau qui avoit au-
avant trente pieds de hauteur , et , par
ihute, elle répandit dans le vallon une
ide quantité d’ossemens ou de fragmens
isemens d’animaux , quelques-uns pétri-
. Il est indubitable qu’ils en sont ; mais
st très- difficile de déterminer à quels
riaux ils appartiennent : le plus grand
libre sont des dents , quelques - unes
It-être de bœuf ou de cheval ; mais la
rart trop grandes ou trop grosses pour
être, sans compter la différence de
re '; il y a des os de cuisses ou de jambes,
nême un fragment de bois de cerf ou
an : le tout éloit enveloppé de terre
mune, et enfermé entre deux liis de
les. Il faut nécessairement concevoir
des cadavres d’animaux ayant été jetés
s une roche creuse, et leurs chairs s’é-
pourries, il s’est formé par dessus cet
s une roche de onze pieds de haut , ce
a demandé une longue suite de siècles...
MM. de l’Académie de Bordeaux , qui
examiné toute celte matière en habiles
siciens... ont trouvé qu’un grand nom-
i de fragmens mis à un feu très-vif sont
:nus d’un beau bleu de turquoise , que
ques petites parties en ont pris la con-
nce , et que , taillées par un lapidaire ,
» en ont le poli... Il ne faut pas oublier
des os qui appartenoient visiblement à
ïrens animaux ont également bien réussi
ivenir turquoises r.
1 Le 28 janvier 1760, on trouva auprès
a ville d’Aix en Provence , dit M. Guet-
I, à cent soixante toises au dessus des
is des eaux minérales, des ossemens
ermés dans un rocher de pierre grise à
uperfîcie : cette pierre ne formoit point
lits , et n’étoit point feuilletée ; c’étoit
(masse continue et entière...
j Après avoir , par le moyen de la poudre ,
iétré à cinq pieds de profondeur dans
Histoire de l’ Académie des Sciences, année
, page 24.
l’intérieur de cette pierre, on y trouva une
grande quantité d’ossemens humains de
toutes les parties du corps, savoir, des
mâchoires et leurs dents , des os du bras ,
de la cuisse, des jambes, des côtes, des
rotules, et plusieurs autres mêlés confusé-
ment et dans le plus grand désordre. Les
crânes entiers , ou divisés en petites parties ,
semblent y dominer.
« Outre ces ossemens humains , on en a
rencontré plusieurs autres par morceaux,
qu’on 11e peut attribuer à l’homme : ils sont ,
dans certains endroits, ramassés par pelo-
tons; ils sont épars dans d’autres...
« Lorsqu’on a creusé jusqu’à la profon-
deur de quatre pieds et demi, on a ren-
contré six têtes humaines dans une situation
inclinée. De cinq de ces têtes on a conservé
l’occiput avec ses adhérences, à l’exception
des os de la face : cet occiput étoit en par-
tie incrusté dans la pierre ; son intérieur en
étoit rempli , et cette pierre en avoit pris la
forme. La sixième têle est dans son entier
du côté de la face , qui n’a reçu aucune
altération ; elle est large à proportion de sa
longueur : on y distingue la forme des joues
charnues; les yeux sont fermés, assez longs,
mais étroits : le front est un peu large ; le
nez fort aplati , mais bien formé , la ligne
du milieu un peu marquée ; la bouche bien
faite et fermée, ayant la lèvre supérieure
un peu forte relativement à l’inférieure :
le menton est bien proportionné, et les
muscles du total sont très-articulés. La cou-
leur de cette tête estnxrageâtre , et ressemble
assez bien aux têtes de tritons imaginées
par les peintres : sa substance est semblable
à celle de la pierre où elle a été trouvée ;
elle n’est , à proprement parler , que le
masque de la tête naturelle... »
La relation ci-dessus a été envoyée par
M. le- baron de Gaillard-Longjumeau à ma-
dame de Boisjourdain, qui l’a ensuite fait
parvenir à M. Gueltard avec quelques mor-
ceaux des ossemens en question. On peut
douter avec raison que ces prétendues têtes
humaines soient réellement des têtes d’hom-
mes : « car tout ce qu’on voit dans cette
carrière, dit M. de Longjumeau, annonce
qu’elle s’est formée de débris de corps qui
ont été brisés, et qui ont dû être ballottés
et roulés dans les flots de la mer dans le
temps que ces os se sont amoncelés. Ces
amas ne se faisant qu’à la longue, et n’étant
surtout recouverts de matière pierreuse que
successivement, 011 ne conçoit pas aisément
comment il pourroit s’être formé un masque
sur la face de ces têtes, les chairs n’élant
THÉORIE DE LÀ TERRE.
288
pas long-temps à se corrompre , lors surtout
que les corps sont ensevelis sous les eaux.
On peut donc très-raisonnablement croire
que ces prétendues têtes humaines n’en sont
réellement point... il y a même tout lieu de
penser que les os qu’on croit appartenir à
l’homme sont ceux des squelettes de poissons
dont on a trouvé les dents , et dont quelques
unes étoient enclavées dans les mêmes quar-
tiers de pierre qui renfermoient les os qu’on
dit être humains.
« Il paroit que les amas d’os des environs
d’Aix sont semblables à ceux que M. Borda
a fait connoilre depuis quelques années , et
qu’il a trouvés près de Dax en Gascogne.
Les dents qu’on a découvertes à Aix pa-
roissent, par la description qu’on en donne,
être semblables à celles qui ont été trouvées
à Dax, et dont une mâchoire inférieure
étoit encore garnie : on ne peut douter que
cette mâchoire ne soit celle d’un gros pois-
son... Je pense donc que les os de la carrière
d’Aix sont semblables à ceux qui ont été
découverts à Dax... , et que ces ossemens,
quels qu’ils soient , doivent être rapportés à
des squelettes de poissons plutôt qu’à des
squelettes humains...
« Une des têtes en question avoit environ
sept pouces et demi de longueur sur trois
de largeur et quelques lignes de plus; sa
forme est celle d’un globe allongé , aplati à
sa base, plus gros à l’extrémité postérieure
qu’à l’extrémité antérieure, divisé suivant
sa largeur et de haut en bas, par sept ou
huit bandes larges depuis sept jusqu’à douze
lignes : chaque bande est elle-même divisée
en deux parties égales par un léger sillon ;
elles s’étendent depuis la base jusqu’au
sommet : dans cet endroit, celles d’un côté
sont séparées de celles du côté opposé par
un autre sillon plus profond , et qui s’élargit
insensiblement depuis la partie antérieure
jusqu’à la partie postérieure.
« A cette description, on ne peut recon-
noître le noyau d’une tèle humaine : les os
de la tête de l’homme ne sont pas divisés
en bandes comme l’est le corps dont il s’a-
git ; une tète humaine est composée de
quatre os principaux, dont on ne retrouve
pas la forme dans le noyau dont on a donné
la description : elle n’a pas intérieurement
une crête qui s’étende longitudinalement
depuis sa partie antérieure jusqu’à sa partie
postérieure, qui la divise en deux parties
égales, et qui ait pu former le sillon sur la
partie supérieure du noyau pierreux.
« Ces considérations me fout penser que
le corps est plutôt celui d’un nautile que
celui d’une tête humaine. En effet, il j
des nautiles qui sont séparés en bandes j
boucliers comme ce noyau : ils ont un <
nal ou siphon qui règne dans la longue
de leur courbure , qui les sépare en cleu
et qui en aura formé le sillon pierreux, etc
Je suis très-persuadé , ainsi que M. !
baron de Longjumeau, que ces prétende
tètes n’ont jamais appartenu à des hommi
mais à des animaux du genre des phoqm
des loutres marines, et des grands lu
marins et ours marins. Ce n’est pas seu 1
ment à Aix ou à Dax que l’on trouve, i
les rochers et dans les cavernes , des tê
et des ossemens de ces animaux; S. A.
prince margrave d’Anspach, actuellemt
régnant, et qui joint au goût des bel
connoissances la plus grande affabilité,
eu la bonté de me donner, pour le Cabii
du Roi , une collection d’ossemens tirés <
cavernes de Gailenreute, dans son marg:
viat de Bareith. M. Daubenlon a eomp;;
ces os avec ceux de l’ours commun : ils
diffèrent en ce qu’ils sont beaucoup p]
grands ; la tête et les dents sont plus longijl
et plus grosses, et le museau plus alloi j
et pluS renflé que dans nos plus graj;|
ours. Il y a aussi dans cette collection, d> t'f
ce noble prince a bien voulu me gratifiai
une petite tête que ses naturalistes avoitil
désignée sous le nom de tête du petit plul
de 31. de Buffon ; mais comme l’on ne cjlt
noît pas assez la forme et la structure |
tètes de lions marins , d’ours marins , et li
tous les grands et petits phoques, i||
croyons devoir encore suspendre notre ju i|i
ment sur les animaux auxquels ces os jlo
mens fossiles ont appartenu. ( Add . Bu \ je
!,]
ARTICLE XIX. m
Des changemens de terres en mers , et |
mers en terres.
U
Il paroit par ce que nous avons dit d
les articles I, AI, VIII, et IX , qu’il
arrivé au globe terrestre de grands chat
mens qu’on peut regarder comme généra ,
et il.est certain par ce que nous avons 1
porté dans les autres articles , que la sur j
de la terre a souffert des altérations part j
lières. Quoique l’ordre , ou plutôt la suc i
sion de ces altérations ou changemens 1
ticuliers, ne soit pas bien bien connue, 1
en connoissons cependant les causes pri
pales : nous sommes même en état d’en
tinguer les différons effets ; et si nous j ;
vions rassembler tous les indices et tou j
'ART. XIX. CHANGEMENT DE TERRES EN MERS. 289
aiis que l’histoire naturelle et l’histoire ci-
lle nous fournissent au sujet des révolutions
irrivées à la surface de la terre, nous ne
loutons pas que la théorie que nous avons
lonnée n’en devînt plus plausible.
L’une des principales causes des change-
ons qui arrivent sur la terre, c’est le moll-
ement de la mer, mouvement qu’elle a
prouvé de tout temps ; car dès la création
y a eu le soleil, la lune, la terre, les
aux, l’air, etc. : dès lors le flux et le rè-
ux, le mouvement d’orient en occident,
elui des vents et des couraris, se sont fait
întir ; les eaux ont eu dès lors les mêmes
muvemens que nous remarquons aujour-
’hui dans la mer; et quand même onsup-
aseroit que l’axe du globe auroit eu une
ître inclinaison , et que les continens ter-
:stres , aussi bien que les mers , auraient
i une autre disposition , cela ne détruit
aint le mouvement du flux et du reflux,
>n plus que la cause et l’effet des vents : il
ffit que l’immense quantité d’eau qui rem-
it le vaste espace des mers se soit trouvée
ssemblée quelque part sur le globe de la
rre, pour que le flux et le reflux , et les
très mouvemens de la terre , aient été pro-
lits.
Lorsqu’une fois on a commencé à soup-
nner qu’il se pouvoit bien que notre cou-
lent eût autrefois été le fond d’une mer,
se le persuade bientôt à n’en pouvoir dou-
■ : d’un côté ces débris de la mer qu’on
iuve partout , de l’autre la situation hori-
atale des couches de la terre, et enfin
te disposition des collines et des monta-
es qui se correspondent , me paroissent
tant de preuves convaincantes; car en
isidérant les plaines, les vallées, les colli-
k , on voit clairement que la surface de
terre a été figurée par les eaux ; en exa-
nant l’intérieur des coquilles qui sont
lit (fermées dans les pierres , on reconnoît
I»' demment que ces pierres se sont for-
ci' es par le sédiment des eaux, puisque les
mt Imilles sont remplies de la matière même
ont ja pierre qui les environne ; et enfin en
as léchissant sur la forme des collines, dont
if angles saillans répondent toujours aux
la'1 ;les rentrans des collines opposées, on ne
0 lit pas douter que cette direction ne soit
mit ivrage des courans de la mer. A la vérité ,
ses] [mis que notre continent est découvert,
il forme de la surface a un peu changé,
no* montagnes ont diminué de hauteur, les
et* ines se sont élevées, les angles des colli-
sont devenus plus obtus, plusieurs ma-
les entraînées par les fleuves se sont ar-
Buffon. I,
rondies, il s’est formé des couches de tuf,
de pierre molle, de gravier, etc. : mais l’es-
sentiel est demeuré, la forme ancienne se
reconnoît encore , et je suis persuadé que
tout le monde peut se convaincre par ses
yeux de tout ce que nous avons dit à ce
sujet, et que quiconque aura bien voulu
suivre nos observations et nos preuves ne
doutera pas que la terre n’ait été autrefois
sous les eaux de la mer, et que ce ne soient
les courans de la mer qui aient donné à la
surface de la terre la forme que nous voyons.
Le mouvement principal des eaux de la
mer est, comme nous l’avons dit, d’orient
en occident ; aussi il nous paroît que la mer
a gagné sur les côtes orientales, tant de l’an-
cien que du nouveau continent, un espace
d’environ cinq cents lieues; on doit se
souvenir des preuves que nous en avons
données dans l’article XI, et nous pouvons
y ajouter que tous les détroits qui joignent
les mers spnt dirigés d’orient en occident :
le détroit1 de Magellan, les deux détroits de
Eorbisher, celui d’Hudson, le détroit de
File de Ceylan, ceux de la mer de Corée et
de Kamtschatka, ont tous cette direction,
et paroissent avoir été formés par l’irrup-
tion des eaux qui, étant poussées d’orient
en occident, se sont ouvert ces passages
dans la même direction, dans laquelle elles
éprouvent aussi un mouvement plus consi-
dérable que dans toutes les autres direc-
tions ; car il y Aclans tous ces détroits des
marées très-violentes , au lieu que dans ceux
qui sont situés sur les côtes occidentales ,
comme l’est celui de Gibraltar, celui de
Sund , etc. , le mouvement des marées est
presque insensible.
Les inégalités du fond de la mer changent
la direction du mouvement des eaux ; elles
ont été produites successivement par les sé-
dimens de l’eau et parles matières qu’elle a
transportées, soit par son mouvement de flux
et de reflux , soit par d’autres mouvemens :
car nous ne donnons pas pour cause unique
de ces inégalités le mouvement du flux et du
reflux ; nous avons seulement donné cette
cause comme la principale et la première ,
parce qu’elle est la plus constante et qu’elle
agit sans interruption : mais on doit aussi
admettre comme cause l’action des vents; ils
agissent même à la surface de l’eau avec une
toute autre violence que les marées , et l’a-
gitation qu’ils communiquent à la mer est
bien plus considérable pour les effets exté-
rieurs ; elle s’étend même à des profondeurs
considérables , comme on le voit par les
matières qui se détachent, par la tempête,
19
290
THÉORIE DE LA TERRE.
du fond des mers, et qui ne sont presque
jamais rejetées sur les rivages que dans les
temps d’orage.
Nous avons dit qu’entre les tropiques , et
même à quelques degrés au delà, il règne con-
tinuellement un vent d’est ; ce vent , qui
contribue au mouvement général de la mer
d’orient en occident, est aussi ancien que
le flux et le reflux, puisqu’il dépend du
cours du soleil et de la raréfaction de l’air
produise par la chaleur de cet astre. Voilà
donc deux causes de mouvement réunies , et
plus grandes sous l’équateur que partout
ailleurs : la première , le flux et le reflux ,
qui, comme l’on sait , est plus sensible dans
les climats méridionaux ; et la seconde , le
vent d’est, qui souffle continuellement dans
ces mêmes climats ; ces deux causes ont
concouru, depuis la formation du globe, à
produire les mêmes effets, c’est-à-dire à
faire mouvoir les eaux d’orient en occi-
dent , et à les agiter avec plus de force dans
celte partie du monde que dans toutes ies
autres; c’est pour cela que les plus grandes
inégalités de la surface du globe se trouvent
entre les tropiques. La partie de l’Afrique,
comprise entre ces deux cercles, n’est, pour
ainsi dire, qu’un groupe de montagnes,
dont les différentes chaînes s’étendent, pour
la plupart, d’orienWm occident, comme on
peut s’en assurer en considérant la direction
des grands fleuves de cette partie de l’Afri-
que : il en est de même de la partie de l’Asie
et de celle de l’Amérique qui sont comprises
entre les tropiques, et l’on doit juger de l’in-
égalité et de la surface de ces climats par
la quantité de hautes montagnes et d’iles
qu’on y trouve.
De la combinaison du mouvement général
de la mer d’orient en occident, de celui du
flux et du reflux , de celui que produisent
les courans, et encore de celui que forment
les vents, il a résulté une infinité de diffé-
rens effets tant sur le fond de la mer que sur
les côtes et les centinens. Varenius dit qu’il
est très-probable que les golfes et les détroits
ont été formés par "l’effort réitéré de l’Océan
contre les terres ; que la mer Méditerranée,
ies golfes d’Arabie , de Bengale , et de Cam-
baye, ont été formés par l’irruption des
eaux , aussi bien que les détroits entre la Si-
cile et l’Italie, entre Ceylan et l’Inde, entre
la Grèce et l’Eubée , et qu’il en est de même
du détroit des Manilles, de celui de Magel-
lan, et de celui de Danemarck; qu’une
preuve des irruptions de l’Océaü sur les
continens, qu’une preuve qu’il a abandonné
différens terrains , c’est qu’on ne trouve que
très-peu d’îles dans le milieu des grandes
mers, et jamais un grand nombre d’îles voi-
sines les unes des autres; que, dans l’es-
pace immense qu’occupe la mer Pacifique j I
à peine trouve-t-on deux ou trois petites j
îles vers le milieu ; que , dans le vaste océan
Atlantique entre l’Afrique et le Brésil, on
ne trouve que les petites îles de Sainte-Hé-
lène et de l’Ascension ; mais que toutes les I
îles sont auprès des grands continens , |
comme les îies de l’Archipel auprès du con- 1
tinent de l’Europe et de l’Asie, les Cana- {
ries auprès de l’Afrique, toutes les îles de I
la mer des Indes auprès du continent orien-î j
tal , les îles Antilles auprès de celui de l’A-
mérique, et qu il n’y a que les Açores qui J
soient fort avancées dans la mer entre l’Eu-
rope et l’Amérique.
Les habitans de Ceylan disent que leur
île a été séparée de la presqu’île de l’Inde J
par une irruption de l’Océan , et cette fra-q
dition populaire est assez vraisemblable. Oh I
croit aussi que ! île de Sumatra a été séparée 1
de Malaye; le grand nombre d’écueils et de j
bancs de sable qu’on trouve entre-deux sem-
blent le prouver. Les Malabares assurent que
les îles Maldives faisoient partie du conti-
nent de l’Inde, et en général on peut croirel
que toutes les îles orientales ont été sépa- j
rées des continens par une irruption de l’OM '
céan i.
Il paroi t qu’autrefois l’îîe de la Grande- 1 1
Bretagne faisoit partie du continent, et que
l’Angleterre tenoit à la France : les lits d(
terre et de pierre, qui sont les mêmes de: .
deux côtés du Pas-de-Calais, le peu de pro- (
fondeur de ce détroit, semblent l’indiquer H
En supposant, dit le docteur Wallis, commt 11
tout paroît l’indiquer, que l’ Angleterre r
coramuniquoit autrefois à la France par ui P
isthme au dessous de Douvres et de Calais F
les grandes mers des deux côtés battoienF
les côtes de cet isthme par un flux impé el
tueux, deux fois en vingt-quatre heures; ïr
mer d Allemagne, qui est entre l’Angleter.r J, 51
et la Hollande, frappoit cet isthme du eôcF
de lest, et la mer de France, du côté dj||CJ
l’ouest : cela suffit avec le temps pour usfj r
et détruire une langue de terre étroite , tell|Cl
que nous supposons qu’étoit autrefois cet is If3
thme. Le flux de la mer de France , agissati |j
avec une grande violence non seulemeEP
contre l’isthme, mais aussi contre les cote ; F
de France et d’Angleterre, doit nécessaire P
ment, par le mouvement des eaux, avoi ®
enlevé une grande quantité de sable, a P
i. Voyez Va renii Geograph. general., pages 2o3 j
217 et 220.
ii
Il
'ART. XIX. CHANGEMENT DE TERRES EN MERS,
[ terre, de vase, de tous les endroits contre
[lesquels la mer agissoit : mais, étant arrêtée
dans son courant par cet isthme, elle ne
doit pas avoir déposé , comme on pourrait le
croire, des sédimens contre l’isthme; niais
jelle les aura transportés dans la grande
plaine qui forme actuellement ie marécage
jde Romne, qui a quatorze milles de long
sur huit de large : car quiconque a vu cette
[plaine ne peut pas douter qu’elle n’ait été
autrefois sous les eaux delà mer, puisque,
dans les hautes marées , elle seroit encore
en partie inondée sans les digues de Dim-
church,
La mer d’Allemagne doit avoir agi de
même contre l’isthme et contre les côtes
d’Angleterre et de Flandre, et elle aura em-
porté les sédimens en Hollande et en Zé-
lande, dont le terrain, qui étoil autrefois
sous les eaux, s’est élevé de plus de quarante
pieds. De l’autre côté sur la côte d’Angle-
terre, la mer d’Allemagne devoit occuper
cette large vallée où coule actuellement la ri-
vière de Sture, à plus de vingt milles de
(distance , à commencer par Sandwich , Can-
torbéry, Chatam, Chilham, jusqu’à Ashford,
et peut être plus loin; le terrain est actuel-
lement beaucoup plus élevé qu’il ne Fétoit
autrefois, puisqu’à Chatam on a trouvé les
os d’un hippopotame enterrés à dix -sept
pieds de profondeur, des ancres de vaisseaux
et des coquilles marines.
! Or, il est très-vraisemblable que la mer
peut former de nouveaux terrains en y ap-
portant les sables, la terre, la vase, etc.;
?ar nous voyons sous nos yeux que, dans
’ile d’Orkney , qui est adjacente à la côte
[narécageuse de Romne , il y avoit un ter-
rain bas toujours en danger d’être inondé
par la rivière Rothef : mais, en moins de
soixante ans, la niera élevé ce terrain con-
sidérablement en y amenant à chaque flux
ît reflux une quantité considérable de terre
et de vase : et en même temps elle a creusé
si fort le canal par où elle entre , qu’en
îoins de cinquante ans la profondeur de ce
anal est devenue assez grande pour recevoir
Me gros vaisseaux, au lieu qu’auparavant
p’éloit un gué où les hommes pouvoieut
passer.
F La même chose est arrivée auprès de la
côte de Norfolk , et c’est de cette façon que
L’est formé le banc de sable qui s’étend obli-
quement depuis la côte de Norfolk vers la
Icôte de Zélande; ce banc est l’endroit où
| les marées de la mer d’Allemagne et de la
limer de France se rencontrent depuis que
I l’isthme a été rompu , et c’est là que se dé-
V!Ç)Î
posent les terres et les sables entraînés des
côtes : on ne peut pas dire si avec le temps
ce banc de sable ne formera pas un nouvel
isthme, etc.
Il y a grande apparence, dit Ray, que
File de la Grande-Bretagne étoit autrefois
jointe à la France , et faisoit partie du con-
tinent ; on ne sait point si c’est par un trem-
blement de terre ou par une irruption de
l’Océan , ou par le travail des hommes , à
cause de Futilité et de la commodité du pas-
sage , ou par d’autres raisons : mais ce qui
prouve que cette île faisoit partie du conti-
nent, c’est que les rochers et les côtes des
deux côtés sont de même nature et composés
des mêmes matières, à la même hauteur,
en sorte que 1 on trouve le long des côtes de
Douvres les mêmes lits de pierre et de craie
que l’on trouve entre Calais et Boulogne ; la
longueur de ces rochers le long de ces côtes
est à très-peu près la même de chaque côté,
c’est-à-dire d’environ six milles. Le peu de
largeur du canal, qui, dans cet endroit, n’a
pas plus de vingt-quatre milles anglais de
largeur, et le peu de profondeur, eu égard
à la mer voisine , font croire que l’Angle-
terre a été séparée de la Fi ance par accident.
On peut ajouter à ces preuves, qu’il y avoit
autrefois des loups et même des ours dans
celte île, et il n’est pas à présumer qu’ils
y soient venus à la nage, ni que les hommes
aient transporté ces animaux nuisibles, car
en général on trouve Les animaux nuisibles
des conlinens'dans toutes les îles qui en sont
fort voisines, et jamais dans celles qui en
sont fort éloignées , comme les Espagnols
Font observé lorsqu’ils sont arrivés en Amé-
rique.
Du temps de Henri Ier, roi d’Angleterre,
il arriva une grande inondation dans une
partie de la Flandre par une irruption de
la mer; en I44&, une pareille irruption Fit
périr plus de dix mille personnes sur le ter-
ritoire de Dordrecht, et plus de cent mille
autour de Dullart , en Frise et en Zélande,
et il y eut dans ces deux provinces plus de
deux ou trois cents villages de submergés ;
ou voit encore les sommets de leurs tours et
les pointes de leurs clochers qui s’élèvent un
peu au dessus des eaux.
Sur les côtes de France, d’Angleterre, de
Hollande, d’Allemagne, de Prusse, la mer
s’est éloignée eh beaucoup d’endroits. Hu-
bert Thomas dit, dans sa description du pays
de Liège, que la mer environnoit autrefois
les murailles de la ville de Tongres, qui
maintenant en est éloignée de trente-cinq
lieues; ce qu’il prouve par plusieurs bonnes
I9*
aoa THEORIE DE LA TERRE.
raisons ; et entre autres il dit qu’on voyoit
encore de son temps les anneaux de fer
dans les murailles, auxquelles onattachoit les
vaisseaux qui y arrivoient. On peut encore
regarder comme des terres abandonnées par
la mer, en Angleterre les grands marais de
Lincoln et l’ile d’Ély , en France la Grau
de la Provence ; et même la mer s’est éloi-
gnée assez considérablement à l’embouchure
du Rhône depuis l’année i665. En Italie, il
s’est formé de même un terrain considéra-
ble à l’embouchure del’Arno; et Raveune,
qui autrefois étoit un port de mer des exar-
ques , n’est plus une ville maritime. Toute
la Hollande paroît être un terrain nouveau ,
où la surface de la terre est presque de ni-
veau avec le fond de la mer , quoique le
pays se soit considérablement élevé et s’é-
lève tous les jours par les limons et les terres
que le Rhin , la Meuse, etc., y amènent;
car autrefois on comptoil que le terrain de
la Hollande étoit en plusieurs endroits de
cinquante pieds plus bas que le fond de la
mer.
On prétend qu’en l’année 860, la mer,
dans une tempête furieuse, amena vers la
côte une si grande quantité de sables, qu’ils
fermèrent l’embouchure du Rhin auprès de
Catt, et que ce fleuve inonda tout le pays,
renversa les arbres et les maisons, et se jeta
dans le lit de la Meuse. En 1421, il y eut
une autre inondation qui sépara la ville de
Dordrecht de la terre ferme , submergea
soixante et douze villages, plusieurs châ-
teaux , noya cent mille âmes, et fit périr une
infinité de bestiaux. La digue de l’Issel se
rompit en i638 par quantité de glaces que
le Rhin entraînoit. qui , ayant bouché le
passage de l’eau , firent une ouverture de
quelques toises à la digue, et une partie de
la province fut inondée avant qu’on eût pu
réparer la brèche. En 1682, il y eut une
pareille inondation dans la province de Zé-
lande, qui submergea plus de trente villages,
et causa la perte d’une infinité de monde et
de bestiaux qui furent surpris la nuit par les
eaux. Ce fut un bonheur pour la Hollande
que le vent de sud-est gagna sur celui qui
lui étoit opposé; car la mer étoit si enflée,
que les eaux étoient de dix-huit pieds plus
hautes que les terres les plus élevées de la
province, à la réserve des dunes1.
Dans la province de Kent en Angleterre ,
il y avoit à Hilh un port qui s’est comblé,
malgré tous les soins que l’on a pris pour
l’empêcher, et malgré la dépense qu’on a
1. Voyez les Voyages historiques de l’ Europe ,
tonie^V, page 70.
faite plusieurs fois pour le vider. On y trouve
une multitude étonnante de galets et de co-
quillages apportés par la mer dans l’étendue
de plusieurs milles, qui s’y sont amoncelés
aulrefois, et qui, de nos jours, ont été re-
couverts par de la vase et de la terre , sui
laquelle sont actuellement des pâturages.
D’autre côté, il y a des terres fermes que la
mer, avec le temps , vient à gagner et à cou-
vrir , comme les terres de Goodwin , qui ap-
partenoient à un seigneur de ce nom, et1
qui à présent ne sont plus que des sables
couverts par les eaux de la mer. Ainsi la
mer gagne en plusieurs endroits du terrain,
et en perd dans d’autres : cela dépend de la
différente situation des côtes et des endroits
où le mouvement des marées s’airêle, où
les eaux transportent d’un endroit à l’aulrt
les terres, les sables, les coquilles, etc.
Sur la montagne de Stella en Portugal,
il y a un lac dans lequel on a trouvé des dé-
bris de vaisseaux, quoique cette montagne
soit éloignée de la mer de plus de douze
lieues. Sabinius , dans ses commentaires3
sur les Métamorphoses d’Ovide , dit qu’flj
paroît par les monumens de l’hist.ire, qu’en .
l’année 1460 on trouva dans une mine des
Alpes un vaisseau avec ses ancres.
Ce n’est pas seulement en Europe que
nous trouverons des exemples de ces chan-i
gemens de mer en terre et de terre en mer:
les autres parties du monde nous en four-ï
niroiënt peut-être de plus remarquables etl
en plus grand nombre, si on les avoit bien:?
observées.
Calicut a été autrefois une ville célèbre et|
la capitale d’un royaume de même nom; cei
n’est aujourd’hui qu’une grande bourgade |f
mal bâtie et assez déserte : la mer, qui, de- |
puis un siecle, a beaucoup gagné sur cette' j
côte, a submergé la meilleure partie de l’an-i
cienne ville, avec une belle forteresse dê ,
pierre de taille qui y étoit. Les barque!
mouillent aujourd’hui sur leurs ruines, et le |a
port est rempli d un grand nombre d’écueil!
qui paroissent dans les basses marées , et ^
sur lesquels les vaisseaux font assez souvent ,
naufrage 2. J
La province de Jucatan, péninsule dansL
le golfe du Mexique, a fait autrefois partie
de la mer. Cette pièce de terre s’étend dan! |
la mer à cent lieues en longueur depuis le (f
continent, et n’a pas plus de vingt-cinq j
lieues dans sa plus grande largeur; la qualité: j,
de l’air y est tout-à-fait chaude et humide; j
quoiqu’il n’y ait ni ruisseaux ni rivières dan! I
2. Voyez Lettres édifiantes , rec. II, page 187. i
ART. XIX. CHANGEMENS DE TERRES EN MERS. a93
1 si long espace, l’eau est partout si proche,
l’on trouve, en ouvrant la terre, un si
and nombre de coquillages , qu’on est
>rté à regarder cette vaste étendue comme
i lieu qui a fait autrefois partie de la nier.
Les habitans de Malabar prétendent
^autrefois les îles Maldives étoient atta-
ées au continent des Indes, et que la vio-
îce de la mer les en a séparées. Le nom-
e de ces îles est si grand , et quelques-uns
s canaux qui les séparent sont si étroits ,
e les beauprés des vaisseaux qui y passent
it tomber les feuilles des arbres de l’un
de l’autre côté ; et en quelques endroits
homme vigoureux , se tenant à une
mche d’arbre , peut sauter dans une au-
île. Une preuve que le continent des
ldives éîoil autrefois une terre sèche, ce
t les cocotiers qui sont au fond de la
r; il s’en détache souvent des cocos qui
t rejetés sur le rivage par la tempête.: îes
iens en font grand cas , et leur attribuent
mêmes vertus qu’au bézoard.
i)n croit qu’autrefois l’île de Ceylan étoit
3 au continent et en faisoit partie, mais
les courans, qui sont extrêmement ra-
ïs en beaucoup d’endroits des Indes,
t séparée, et en ont fait une île. On
1 ;t la même chose à l’égard des îles Ram-
r iakoiel et de plusieurs autres. Ce qu’il y
1 certain c’est que l’île de Ceylan a perdu
e te ou quarante lieues de terrain du côté
61 mrd-ouest, que la mer a gagnées succes-
nent.
e' paroît que la mer a abandonné depuis
J une grande partie des terres avancées
“ es îles de l’Amérique. On vient, de voir
e I le terrain de Jucatan n’est composé
ltl de coquilles ; il en est de même des
® ;s terres de la Martinique et des autres
“ Antilles. Les habitans ont appelé le fond
ll® ur terrain la chaux, parce qu’ils font
1 a chaux avec ces coquilles, dont on
™ e les bancs immédiatement au dessous
I f terre végétale. Nous pouvons rapporter
ïe qui est dit dans les Nouveaux Voyages
'les de l’ Amérique . « La chaux que l’on
^ e par toute la grande terre de la Gua-
jrt pe, quand on fouille dans la terre, est
^al ême espèce que celle que l’on pêche à
1S, !i’ : il est difficile d’en rendre raison.
■j t-il possible que toute l’étendue du
l3“ ,n qui compose cette île ne fût , dans
^■ferles passés , qu’un haut fond rempli
tirantes de chaux qui, ayant beaucoup
II rempli les vides qui étoient entre elles
8]. lés par l’eau, ont enfin haussé le ter-
nit obligé l’eau à retirer et à laisser à
sec toute la superficie? Cette conjecture,
tout extraordinaire qu’elle paroît d’abord,
n’a pourtant rien d’impossible, et deviendra
même assez vraisemblable à ceux qui l’exa-
mineront sans prévention : car enfin, en
suivant le commencement de ma supposi-
tion, ces plantes ayant crû et rempli tout
l’espace que l’eau occupoit, se sont enfin
étouffées l’une l’autre ; les parties supé-
rieures se sont réduites en poussière et en
terre ; les oiseaux y ont laissé tomber les
graines de quelques arbres qui ont germé
et produit ceux que nous y voyons, et la
nature y en fait germer d’autres qui ne sont
pas d’une espèce commune aux autres en-
droits , comme les bois marbrés et violets.
U ne seroil pas indigne de la curiosité des
gens qui y demeurent de faire fouiller en
différons endroits pour connoîire quel en
est le sol, jusqu’à quelle profondeur on
trouve cette pierre à chaux, en quelle silua-
tion elle est répandue sous l’épaisseur de la
terre, et autres circonstances qui pourroient
ruiner ou fortifier ma conjecture. »
Il y a quelques terrains qui tantôt sont
couverts d’eau, et tantôt sont découverts,
comme plusieurs îles en Norwège , en
Écosse, aux Maldives, au golfe de Cam-
baye , etc. La mer Baltique a gagné peu à
peu une grande partie de la Poméranie; elle
a couvert et ruiné le fameux port de Yineta.
De même la mer de Nofwège a formé plu-
sieurs petites îles , et s’est avancée dans le
continent. La mer d’Allemagne s’est avancée
en Hollande auprès de Catt, en sorte que
les ruines d’une ancienne citadelle des Ro-
mains, qui étoit autrefois sur la côte, sont
actuellement fort avant dans la mer. Les
marais de l’îie d’Ély en Angleterre, la Crau
en Provence, sont, au contraire, comme
nous l’avons dit, des terrains que la mer a
abandonnés; les dunes ont été formées par
des vents de mer qui ont jeté sur le rivage
et accumulé des terres, des sables, des co-
quillages, etc. Par exemple, sur les côtes
occidentales de France, d’Espagne et d’Afri-
que, il règne des vents d’ouest durables et
violens qui poussent avec impétuosité îes
eaux vers le rivage, sur lequel il s’esi formé
des dunes dans quelques endroits. De même
les vents d'est, lorsqu’ils durent long-temps,
chassent si fort les eaux des côtes de la Syrie
et de la Phénicie , que îes chaînes de rochers
qui sont couverts d’eau pendant les vents
d’est, demeurent alors à sec. Au .reste , les
dunes ne sont pas composées de pierres et
de marbres, comme les montagnes qui se
sont formées dans le fond de la mer, parce
294
THÉORIE DE LA TERRE.
qu’elles n’ont pas été assez long-temps dans
l’eau. Nous ferons voir dans le Discours sur
les minéraux que la pétrification s’opère au
fond de la mer, et que les pierres qui se for-
ment dans la terre sont bien différentes de
celles qui se forment dans la mer.
Comme je mettois la dernière main à ce
traité de la Théorie de la terre , que j’ai
composé en 1744, j’ai reçu de la part de
M. Barrère sa Dissertation sur l’origine des
pierres figurées , et j’ai été charmé de me
trouver d’accord avec cet habile naturaliste
au sujet de la formation des dunes, et du
séjour que la mer a fai! autrefois sur la terre
que nous habitons; il rapporte plusieurs
changemens arrivés aux côtes de la mer.
Aigues-Mortes, qui est actuellement à plus
d’une lieue et demie de la mer, étoit un
port du temps de saint Louis; Psalmodi
étoit une île en 8t5, et aujourd’hui il est
dans la terre ferme, à plus de deux lieues
de la mer : il en est de même de Maguelone;
la plus grande partie du vignoble d’Agde
étoit, il y a quarante ans, couverte par les
eaux de la mer : et en Espagne la mer s’est
retirée considérablement depuis peu de
Blanes, de Badalona, vers l’embouchure de
la rivière Yobregat , vers le cap de Tortosa,
le long des côtes de Valence, etc.
La mer peut former des collines et élever
des montagnes de plusieurs façons diffé-
rentes, d’abord par des transports de terre,
de vase, de coquilles, d’un lieu à un autre,
soit par son mouvement naturel de flux et
de reflux, soit par 1 agitation des eaux causée
par les vents ; en second lieu par des sédi-
mens , des parties impalpables qu’elle aura
détachées des côtes et de son fond, et qu’elle
pourra transporter et déposer à des* distances
considérables; et enfin par des sables, des
coquilles, de la vase et des terres que les
vents de mer poussent souvent contre les
côtes; ce qui produit des dunes et des col-
lines que les eaux abandonnent peu à peu ,
et qui deviennent des parties du continent :
nous en avons un exemple dans nos dunes
de Flandre et dans celles de Hollande, qui
ne sont que des collines composées de sable
et de coquilles que des vents de mer ont
poussés vers la terre. M. Barrère en cite un
autre exemple qui m’a paru mériter de
trouver place ici. « L’eau de la mer, par son
mouvement, détache de son sein une infinité
de plantes, de coquillages, de vase, de sable,
que les ^vagues poussent continuellement
vers les bords , et que les vents impétueux
de mer aident à pousser encore. Or, tous
ces différens corps ajoutés au premier atter-
rissement y forment plusieurs nouvelles co
ches ou monceaux qui ne peuvent serv
qu’à accroître le lit de la terre , à l’éleve
à former des dunes., desxollines, par d
sables , des terres , des pierres amoncelée
en un mot , à éloigner davantage le bass
de la mer* et à former un nouveau coi
tinent.
« Il est visible que des alluvions ou d
atterrissemens successifs ont été faits par
même mécanisme depuis plusieurs sieclei
c’est-à-dire par des dépositions réitérées (
différentes matières ; atterrissemens qui 1
sont pas de pure convenance : j’en trou1
les preuves dans la nature même, c’est-à-di
dans différens lits de coquilles fossiles
d’autres productions marines qu’on rema
que dans le Roussillon auprès du village 1
Naffiac , éloigné de la mer d’environ sept 1
huit lieues. Ces lits de coquilles , qui soi
inclinés de l’ouest à l’est sous différens a
gles, sont séparés les uns des autres par c
bancs de sable et de terre, tantôt d’un pi
et demi, tantôt de deux à trois pieds d
paisseur; ils sont comme saupoudrés de
lorsque le temps est sec, et forment ense
ble des coteaux de la hauteur de plus
vingl-cinq à trente toises. Or, une lonj
chaîne de coteaux si élevés n’a pu se forr
qu’à la longue, à différentes reprises et
la succession des temps; ce qui pourroil <
aussi un effet du déluge et du boulevej
ment universel qui a dû tout confond,
mais qui cependant n’aura pas donné |
forme réglée à ces différentes couches de|,!f
quilles fossiles qui auroienl dû être ass Cf
blées sans aucun ordre.
Je pense sur cela comme M. Barrii r
seulement je ne regarde pas les atterr
mens comme la seule maniéré dont les r 1UI
tagnes ont été formées, et je crois poi: .
assurer au contraire que la plupart des a®
nences que nous voyons à la surface d Posai
terre ont été formées dans la mer mêm
cela par plusieurs raisons qui m’ont tou
paru convaincantes : premièrement.
le!
qu’elles ont entre elles cette correspond
d’angles saillans et rentrans quisuppos
cessairement la cause que nous avons
gnée, c’est-à-dire le mouvement des coi
de la mer; en second lieu , parce qu
dunes et les collines qui se forment de
tieres que la mer amène sur ses bore
sont pas composées de marbres et de p
dures comme les collines ordinaires : 1
quilles n’y sont ordinairement que foj
au lieu que dans les autres montagn
pétrification est entière; d’ailleurs les J
prniri
kïï
Hais c
Sauce
llrit
tantes.
nei,
•toi li
!%||
«
ART. XIX. CHANGEMENS DE TERRES EN MERS. 2q5
de coquilles, les couches de terre ne sont
pas aussi horizontales dans les dunes que
dans les collines composées de marbre et de
pierre dure : ces bancs y sont plus ou moins
inclinés, comme dans les collines de Naffiac,
tu lieu que dans les collines et dans les
montagnes qui se sont formées sous les eaux
:>ar les sédimens de la mer les couches sont
:oujours parallèles et très-souvent horizon-
ales; les matières y sont pétrifiées aussi
tien que les coquilles. J’espère faire voir
pie les marbres et les autres matières calei-
lables qui presque toutes sont composées
le madrépores, d’astroïtes et de coquilles,
>nt acquis au fond de la mer le degré de
lureté et de perfection que nous leur con-
îoissons : au contraire les tufs , les pierres
noiles , et, toutes les matières pierreuses ,
somme ies incrustations, les stalactites, etc. ,
pvi sont aussi calculables , et qui se sont
ormées dans la terre depuis que notre con-
inent est découvert, ne peuvent acquérir ce
legré de dureté et de pétrification des mar-
nes ou des pierres dures.
On peut voir dans X Histoire de l' Acadé-
mie , année 1707, les observations de M. Saul-
non au sujet des galets qu’on trouve dans
dusieurs endroits. Ces galets sont des
ailloux ronds et plats , et toujours fort po-
is, que la mer poussesur les côtes. A Bayeux
t à Brutel, qui est à une lieue de la mer,
n trouve du galet en creusant des caves ou
ies puits : les montagnes de Bonneuil, de
Iroie, et du Quesnoy, qui sont à environ
ix-huit lieues de la mer, sont toutes cou-
ertes de galets : il y en a aussi dans la val-
îe de Clermont en Beauvoisis. M. Saul-
non rapporte encore qu’un trou de seize
ieds de profondeur, percé directement et
orizontalement dans la falaise du Tréport,
ui est toute de moellon, a disparu en trente
11s, c’est-à-dire que la mer a miné dans la
daise cette épaisseur de seize pieds. En sup-
osant qu’elle avance toujours également,
lie mineroit mille toises ou une petite demi-
eue de moellon en douze mille ans.
Les mouvemens de la mer sont donc les
rincipales causes des changemens qui sont
rrivés et qui arrivent à la surface du globe :
tais cette cause n’est pas unique; il y en a
eaucoup d autres moins considérables qui
outribuent à ces changemens : les eaux cou-
anies, les fleuves, les ruisseaux, la fonte
es neiges, les torrens, les gelées, etc. , ont
Langé considérablement la surface delà
erre; les pluies ont diminué la hauteur des
noniagnes; les rivières et les ruisseaux ont
levé les plaines ; les fleuves ont rempli la
mer à leur embouchure ; la fonte des neiges
et les torrens ont creusé des ravines dans les
gorges et dans les vallons; les gelées ont fait
fendre les rochers et les ont détachés des
montagnes. Nous pourrions citer une infi-
nité d’exemples de différens changemens que
toutes ces causes ont occasionés. Varenius
dit que les fleuves transportent dans la mer
une grande quantité de terre qu’ils déposent
à plus ou moins de distance des côtes, en
raison de leur rapidité ; ces terres tombent
au fond de la mer, et y forment d’abord de
petits bancs , qui , s’augmentant tous les
jours, font des écueils, et enfin forment des
îles qui deviennent fertiles et habitées : c’est
ainsi que se sont formées les îles du Nil ,
celles du fleuve Saint-Laurent, l’île de Landa
située à la côte d’Afrique près de l’embou-
chure du fleuve Coanza , les îles de Norwège ,
etc. I. On peut y ajouter l’île de Tong-
ming à la Chine , qui s’est formée peu à peu
des terres que le fleuve de Nankin entraîne
et dépose à son embouchure. Cette île est
fort considérable; elle a plus de vingt lieues
de longueur sur cinq ou six de largeur.
Le Pô , le Trento , l’ Athésis , et les autres
rivières de lTtalie, amènent une grande
quantité de terres dans les lagunes de Ve-
nise, surtout dans le temps des inondations,
en sorte que peu à peu elles se remplissent :
elles sont déjà sèches en plusieurs endroits
dans le temps du reflux , et il n’y a plus que
les canaux que l’on entretient avec une grande
dépense qui aient un peu de profondeur.
A l’embouchure du Nil , à celle du Gange
et de 1 Inde, à celle de là rivière de la Plata
au Brésil, à celle de la rivière de Nankin à
la Chine, et à l’embouchure de plusieurs
autres fleuves, on trouve des terres et des
sables accumulés. La Loubère , dans son
Voyage de Siam , dit que les bancs de sable
et de terre augmentent tous les jours à l'em-
bouchure des grandes rivières de l’Asie par
les limons et les sédimens qu’elles y appor-
tent , en sorte que la navigation de ces ri-
vières devient tous les jours plus difficile,
et deviendra un jour impossible. On peut
dire la même chose des grandes rivières de
l’Europe et surtout du Wolga, qui a plus de
soixante-dix embouchures dans la mer Cas-
pienne; du Danube, qui en a sept dans la
mer Noire, etc.
Comme il pleut très-rarement en Égypte,
l’inondation régulière du Nil vient des tor-
rens qui y tombent dans l’Éthiopie; il char-
rie une très-grande quantité de limon : et ce
1. Voyez Varendi Geograp/t. general., page 2i4*
296 THEORIE DE LA TERRE.
fleuve a non seulement apporté sur le terrain
de l’Égypte plusieurs milliers de couches
annuelles, mais même il a jeté plus avant
dans la mer les fondemens d’une alluvion
qui pourra former avec le temps un nouveau
pays ; car on trouve avec la sonde , à plus
de vingt lieues de distance de la côte, le li-
mon du Nil au fond de la mer, qui aug-
mente tous les ans. La Basse-Égypte, où
est maintenant le Delta, n’étoit autrefois
qu’un golfe de la mer. Homère nous dit que
File de Pharos étoil éloignée de l’Égypte
d’un jour et d’une nuit de chemin, et l’on
sait qu’aujourd’hui elle est presque contiguë.
Le sol en Égypte n’a pas la même profon-
deur de bon terrain partout ; plus on ap-
proche de la mer, et moins il y a de pro-
fondeur : près des bords du Nil il y a
quelquefois trente pieds et davantage de pro-
fondeur de bonne terre, tandis qu’à l’extré-
mité de l’inondation il n’y a pas sept pouces.
Toutes les villes de la Basse-Égypte ont été
bâties sur des levées et sur des éminences
faites à la main. La ville de Damiette est au-
jourd’hui éloignée de la mer de plus de dix
milles ; et du temps de saint Louis , en 1243,
c’étoit un port de mer. La ville de Fooah ,
qui étoit , il y a trois cents ans , à l’embou-
chure de la branche canopique du Nil, en
est présentement à plus de sept milles de dis-
tance : depuis quarante ans la mer s’est re-
tirée d’une demi-lieuede devant Rosette, etc.
Il est aussi arrivé des changemens à l’em-
bouchure de tous les grands fleuves de l’A-
mérique et même de ceux qui ont été dé-
couverts nouvellement. Le P. Charlevoix,
en parlant du fleuve Mississipi, dit qu’à
l’embouchure de ce fleuve , au dessous de la
Nouvelle-Orléans, le terrain forme une pointe
de terre qui ne paroît pas fort ancienne,
car pour peu qu’on y creuse, on trouve de
l’eau ; et que la quantité de petites îles qu’on
a vues se former nouvellement à toutes les
embouchures de ce fleuve , ne laissent au-
cun doute que celte langue de terre ne soit
formée de la même manière. Il paroit cer-
tain, dit-il, que quand M. de La Salle des-
cendit 1 le Mississipi jusqu’à la mer, l’em-
bouchure de ce fleuve n’étoit pas telle qu’on
la voit aujourd’hui.
Plus on approche de la mer, ajoute-t-il,
plus cela devient sensible ; la barre n’à point
d’eau dans la plupart des petites issues que
le fleuve s’est ouvertes , et qui ne se sont si
fort multipliées que par le moyen des arbres
qui y sont entraînés par le courant, et dont
1. Il y a des géographes qui prétendent que
M. de La Salle n’a jamais descendu le Mississipi.
un seul arrêté par ses branches ou par se
racines dans un endroit où il y a peu di
profondeur, en arrête mille. J’en ai vu
dit-il , à deux cents lieues d’ici 2 des ama !
dont un seul auroit rempli tous les chantier I
de Paris : rien alors n’est capable de les dé
tacher ; le limon que charrie le fleuve leu
sert de ciment et les couvre peu à peu ; cha
que inondation en laisse une nouvelle cou
che, et après dix ans au plus les lianes e
les arbrisseaux commencent à y croître
c’est ainsi que se sont formées la plupart de:
pointes et des îles qui font si souvent chan
ger de cours au fleuve.
Cependant tous les changemens que le; j
fleuves occasionnent sont assez lents, et ncl
peuvent devenir considérables qu’au bou I
d’une longue suite d’années : mais il est ar l
rivé des changemens brusques et subits paii
les inondations et les tremblemens de terre»
Les anciens prêtres égyptiens, six cents aniiS
avant la naissance de Jésus-Christ, assuroient.il
au rapport de Platon dans le Timée , qu’au-ift
trefois il y avoit une grande île auprès de' ja
colonnes d’Hercule, plus grande que l’Asie*
et la Libye prises ensemble, qu’on appeloiil
Atlantide , que celte grande île fut inondée!
et abîmée sous les eaux de la mer après uni
grand tremblement de terre. « Traditunjl
« Atheniensis civitas reslitisse olim innume- rce d’impulsion leur est subordonnée ;
dépend de la première pour ses effets
culiers , et tient à la seconde pour l’ef-
général. Comme l’impulsion ne peut
jrcer qu’au moyen du ressort , et que le
irt n’agit qu’en vertu de la force qui
roche les parties éloignées, il est clair
l’impulsion a besoin , pour opérer , du
ours de l’attraction ; car si la matière
it de s’attirer, si les corps perdoient
cohérence , tout ressort ne seroit-il pas
lit , toute communication de mouve-
t interceptée, toute impulsion nulle,
jue , dans le fait 1 , le mouvement ne
ommunique et ne peut se transmettre
corps à un autre que par l’élasticité ;
îfin on peut démontrer qu’un corps
itement dur , c’est-à-dire absolument
cible , serait en même temps absolument
pbile et tout-à-fait incapable de rece-
F action d’un autre corps 2?
Pour une plus grande intelligence , je prie
ecteurs de voir la seconde partie de l’article
: ouvrage , qui a pour titre : De la nature ,
’e vue.
La communication du mouvement a toujours
gardée comme une vérité d’expérience , et les
grands mathématiciens se sont contentés d’en
ier les résultats dans les différentes circon-
^s , et nous ont donné sur cela des règles et
irmules, où ils ont employé beaucoup d’art;
Personne, ce me semble, n’a jusqu’ici consi-
. nature intime du mouvement, et n’a tâché
[représenter et de présenter aux autres la ma-
| physique dont le mouvement se transmet et
L’attraction étant un effet général , con-
stant , et permanent , l’impulsion , qui, dans
la plupart des corps , est particulière , et
n’est ni constante ni permanente , en dépend
passe d’un corps à un autre corps. On a prétendu
que les corps durs pouvoient le recevoir comme les
corps à ressort; et, sur cette hypothèse dénuée de
preuves , on a fondé des propositions et des calculs
dont on a tiré une infinité de fausses conséquences:
car les corps supposés durs et parfaitement in-
flexibles ne pourroient recevoir le mouvement. Pour
le prouver, soit un globe parfaitement dur, c’est-à-
dire inflexible dans toutes ses parties ; chacune de
ces parties ne pourra, par conséquent, être rap-
prochée ou éloignée de la partie voisine , sans quoi
cela seroit contre la supposition : donc; dans un
globe parfaitement dur, les parties ne peuvent re-
cevoir aucun déplacement, aucun changement,
aucune acUon; car si elles recevaient une action ,
elles auroient une réaction , les corps ne pouvant
réagir qu’en agissant. Puis donc que toutes les
parties prises séparément ne peuvent recevoir au-
cune action, elles ne peuvent en communiquer; la
partie postérieure, qui est frappée la première, ne
pourra pas communiquer le mouvement à la partie
antérieure, puisque cette partie postérieure, qui a
été supposée inflexible, ne peut pas changer, eu
égard aux autres parties : donc il seroit impossible
de communiquer aucun mouvement à un corps in-
flexible. Mais l’expérience nous apprend qu’on com-
munique le mouvement à tous les corps : donc tous
les corps sont à ressort ; donc il n’y a point de
corps parfaitement durs et inflexibles dans la na-
ture. Un de mes amis (M. Gueneau de Montbeillard),
homme d’un excellent esprit, m’a écrit à ce sujet
dans les termes suivans : «De la supposition de
l’immobilité absolue des corps absolument durs , il
suit qu’il ne faudroit peut être qu’un pied cube de
cette matière pour arrêter tout le mouvement de
l’univers connu : et si cette immobilité absolue étoit
prouvée , il semble que ce n’est point assez de dire
qu’il n’existe point de ces corps dans la nature ,
et qu’on peut les traiter d’impossibles , et dire que
la supposition de leur existence est absurde; car
le mouvement provenant du ressort leur ayant été
refusé, ils ne peuvent dès lors être capables du
mouvement provenant de l’attraction , qui est , par
l’hypothèse, la cause du ressort. »
3û2
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
donc comme un effet particulier dépend
d’un effet général ; car au contraire , si toute
impulsion étoit détruite, l’attraction sub-
sisteroit et n’en agiroit pas moins, tandis
cjue celle-ci venant à cesser , l’autre seroit
non seulement sans exercice , mais même
sans existence : c’est donc cette différence
essentielle qui subordonne l’impulsion à
l’attraction dans toute matière brute et pure-
ment passive.
Mais cette impulsion, qui ne peut ni
s’exercer ni se transmettre dans les corps
bruts qu’au moyen du ressort, c’est-à-dire
du secours de la force d’attraction , dépend
encore plus immédiatement , plus générale-
ment, de la force qui produit la chaleur :
car c’est principalement par le moyen de la
chaleur que l’impulsion pénètre dans les
corps organisés ; c’est par la chaleur qu’ils
se forment , croissent , et se développent.
On peut rapporter à l’attraction seule tous
les effets de la matière brute, et à cette même
force d’attraction, jointe à celle delà cha-
leur, tous les phénomènes de la matière vive.
J’entends par matière vive, non seule-
ment tous les êtres qui vivent ou végètent,
mais encore toutes les molécules organiques
vivantes, dispersées et répandues dans les
détrimens ou résidus des corps organisés :
je comprends encore dans la matière vive
celle de la lumière, du feu , de la chaleur;
en un mot, toute matière qui nousparoît être
active par elle-même. Or, celle matière vive
tend toujours du centre à la circonférence ,
au lieu que la matière brute au contraire tend
de la circonférence au centre ; c’est une force
expansive qui anime la matière vive , et c’est
une force attractive à laquelle obéit la matière
brute : quoique les directions de ces deux
forces soient diamétralement opposées , l’ac-
tion de chacune ne s’en exerce pas moins ; elles
se balancent sans jamais se détruire , et de la
combinaison de ces deux forces également
actives résultent tous les phénomènes de
l’univers.
Mais, dira-t-on, vous réduisez loutes les
puissances de la nature à deux forces , l’une
attractive et l’autre expansive, sans donner
la cause ni de l’une ni de l’autre, et vous
subordonnez à toutes deux l’impulsion, qui
est la seule force dont la cause nous soit
connue et démontrée par le rapport de nos
sens : n’est-ce pas abandonner une idée
claire, et y substituer deux hypothèses ob-
scures ?
A cela je réponds que, ne connoissant
rien que par comparaison, nous n’aurons
jamais d’idée de ce qui produit un effet gé-
néral, parce que cet effet appartenait
tout , on ne peut dès lors le comparei
rien. Demander quelle est la cause d<
force attractive , c’est exiger qu’on n
dise la raison pourquoi toute la matière |
tire: or, ne nous suffit-il pas de savoir i
ï mnlinrp e’îiHiro ni
réellement toute la matière s’attire , et n’
il pas aisé de concevoir que cet effet éj
général , nous n’avons nul moyen de le J
parer, èt par conséquent nulle espéra
d’en connoître jamais la cause ou la raist
partial
Si l’effet, au contraire, étoit particii
comme celui de l’attraction de l’annan
du fer , on doit espérer d’en trouver la (■
parce qu’on peut le comparer à d’autr
fets particuliers, ou le ramener à l’effej
néral. Ceux qui exigent qu’on leur don:
raison d’un effet général ne commisses
l’étendue de la nature ni les limites de
prit humain : demander pourquoi la mal
est étendue, pesante, impénétrable*
moins des questions que des propos!
conçus, et auxquels on ne doit aucun
ponse. Il en est de même de toute
priété particulière lorsqu’elle est esse
a la chose : demander, par exemple,
quoi le rouge est rouge, seroit une in
gation puérile, à laquelle on ne doi
répondre. Le philosophe est tout prj
l’enfant lorsqu’il fait de semblables dé
des; et autant on peut les pardonner
curiosité non réfléchie du dernier, a
le premier doit les rejeter et les exclu
ses idées.
Puis donc que la force d’attraction
force d’expansion sont deux effets gène
on ne doit pas nous en demander les ci
il suffit qu’ils soient généraux et tous n
réels, tous deux bien constatés, pourqqj
devions les prendre eux-mêmes pour <
des effets particuliers ; et l’impulsion est
ces effets qu’on ne doit pas regarder q
une cause générale connue ou démontr
le rapport de nos sens, puisque nous,
prouvé que cette force d’impulsion m
exister ni agir qu’au moyen de l'attracti
ne tombe point sous nos sens. Rien n’eî
évident, disent certains philosophes jiq
la communication du mouvement pai
pulsion; il suffit qu’un corps en chot
autre pour que cet effet suive : mais
ce sens même, la cause de l’attraction
elle pas encore plus évidente et bie
générale, puisqu’il suffit d’abandon!
corps pour qu’il tombe et prenne du ^
vement sans choc? le mouvement app ^
donc, dans tous les cas, encore plut
traction qu’à l’impulsion.
«île
k
■
DES ÉLÉMENS. PARTIE I.
Ite première réduction étant faite , il se-
jut-être possible d’en faire une seconde ,
ramener la puissance même de l’expan-
celle de l’attraction, en sorte que toutes
’ces de la matière dépendraient d’une
orce primitive : du moins cette idée me
troit bien digne de la sublime simpli-
t u plan sur lequel opère la nature. Or,
: ouvons-nous pas concevoir que cette
t dion se change en répulsion toutes les
[ue les corps s'approchent d’assez près
a éprouver un frottement ou un choc
i ns contre les autres? L’impénétrabi-
I qu’on ne doit pas regarder comme une
, mais comme une résistance essen-
à la matière, ne permettant pas que
corps puissent occuper le môme es-
que doit-il arriver lorsque deux mo-
is, qui s’attirent d’autant plus puissam-
qu’elles s’approchent de plus près ,
lent tout à coup se heurter ? cette ré-
îce invincible de l’impénétrabilité ne
nt-elle pas alors une force active, ou
[réactive, qui, dans le contact , re-
;e les corps avec autant de vitesse qu’ils
'oient acquis au moment de se todcher?
s lors la force expansive ne sera point
force particulière opposée à une force
clive, mais un effet qui en dérive, et
e manifeste toutes les fois que les corps
Loquent ou frottent les uns contre les
!§.
ivoue qu’il faut supposer dans chaque
cule de matière, dans chaque atome
jonque, un ressort parfait , pour conce-
clairement comment s’opère ce change-
: de l’attraction en répulsion; mais cela
e nous est assez indiqué par les faits :
la matière s’atténue, et plus elle prend
îssort : la terre et l’eau, qui en sont les
;ats les plus grossiers, ont moins de
rt que lair; et le feu, qui est le plus
il des élemens, est aussi celui qui a
us de force expansive. Les plus petites
icnles de la matière-, les plus petits ato-
que nous commissions sont ceux de la
ère; et l’on sait qu’ils sont parfaitement
iques, puisque l’angle sous lequel la
ère se réfléchit est toujours égal à celui
lequel elle arrive ; nous pouvons donc
îférer que toutes les parties constitutives
a matière en général sont à ressort par-
et que ce ressort produit tous les effets
i force expansive , toutes les fois que les
s se heurtent ou se frottent en se ren-
rant dans des directions opposées,
'expérience me paroît parfaitement d’ac-
avec ces idées ; nous ne connoissons
• . '
3o3
d’autres moyens de produire du feu que par
le choc ou le frottement des corps; car le
feu que nous produisons par la réunion des
rayons de la lumière, ou par l’application
du feu déjà produit à des matières combus-
tibles, n’a t-il pas néanmoins la même ori-
gine à laquelle il faudra toujours remonter,
puisqu’en supposant l’homme sans miroirs
ardens et sans feu actuel , il n’aura d’autres
moyens de produire le feu qu’en frottant
ou choquant des corps solides les uns con-
tre les autres 1 ?
La force expansive pourrait donc bien
n’être, dans le réel, que la réaction de la
force attractive, réaction qui s’opère toutes
les fois que les molécules primitives de la
matière, toujours attirées les unes parles
autres, arrivent à se toucher immédiate-
ment : car dès lors il est nécessaire qu elles
soient repoussées avec autant de vitesse
qu’elles en avoient acquis en direction con-
traire au moment du contact 2 ; et lors-
x. Le feu que produit quelquefois la fermenta-
tion des herbes entassées, celui qui se manifeste
dans les effervescences , ne sont pas une exception
qu’on puisse m’opposer, puisque cette production
du feu par la fermentation et par l’effervescence
dépend, comme tout autre, de l’action ou du choc
des parties de la matière les unes contre les autres.
2. 11 est certain , me dira-t-on, que les molécules
rejailliront après le contact , parce que leur vitesse
à ce point, et qui leur est rendue par le ressort ,
est la somme des vitesses acquises dans tous les
momens précédens par l’effet continuel de l’attrac-
tion , et par conséquent dxût-FenrpoTter sur l’effort
instantané de l’attraction dans le seul moment du
contact. Mais ne s’cra-t-elle pas continuellement re-
tardée, et enfin détruite, lorsqu’il y aura équilibre
entre la somme des efforts de l’attraction avant le
contact, et la somme dés efforts de l’attraction
après le contact? Comme cette question pourroit
faire naître des doutes ou laisser quelques nuages
sur cet objet, qui par lui-même est difficile à saisir,
je vais tâcher d’y satisfaire en m’expliquant encore
plus clairement. Je suppose deux molécules , ou ,
pour rendre l’image plus sensible, deux grosses
masses de matières, telles que la lune et la terre,
toutes deux douées d’un ressort parfait dans toutes
les parties de leur intérieur : qu’arriveroit-il à ces
deux masses isolées de toute autre matière , si tout
leur mouvement progressif étoit tout à coup arrêté,
et qu’il ne restât à chacune d'elles que leur force
d’attraction réciproque? Il est clair que, dans cette
supposition, la lune et la terre se précipiteroient
l’une vers l’autre , avec une vitesse qui augmente-
roit à chaque moment dans la même raison que
diminueroit le carré de leur distance. Les vitesses
acquises seront donc immenses au point de contact,
ou, si l’on veut, au moment de leur choc; et dès
lors ces deux corps, que nous avons supposés à
ressort parfait , et libres de tous autres empêche-
mens, c’est-à-dire entièrement isolés, rejailliront
chacun , et s’éloigneront l’un de l’autre dans la
direction opposée , et avec la même vitesse qu’ils
avoient acquise au point du contactj vitesse qui ,
quoique diminuée continuellement par leur attrac-
3o4 MINÉRAUX. INTRODUCTION.
que ces molécules sont absolument libres
de toute cohérence , et qu’èiles n’obéissent
qu’au seul mouvement produit par leur at-
traction , celte vitesse acquise est immense
dans le point du contact. La chaleur , la
lumière, le feu, qui sont les grands effets
de la force expansive, seront produits toutes
les fois qu’artificiellement ou naturellement
les corps seront divisés en parties très-
petites, et qu’ils se rencontreront dans des
directions opposées ; et la chaleur sera d’au-
tant plus sensible, la lumière d’autant plus
vive, le feu d’autant plus violent, que les
molécules se seront précipitées les unes con-
tre les autres avec plus de vitesse par leur
force d’attraction mutuelle.
De là on doit conclure que toute matière
peut devenir lumière, chaleur, feu; qu’il
suffit que les molécules d’une substance
quelconque se trouvent dans une situation
4 de liberté, c’est-à-dire dans un état de divi-
sion assez grande et de séparation telle ,
qu’elles puissent obéir sans obstacle à toute
la force qui les attire les unes vers les autres ;
car , dès qu’elles se rencontreront , elles
réagiront les unes contre les autres , et se
fuiront en s’éloignant avec autant de vitesse
qu’elles en avoient acquis au moment du
contact, qu’on doit regarder comme un
vrai choc, puisque deux molécules qui s’at-
tirent mutuellement , ne peuvent se rencon-
trer qu'en direction contraire. Ainsi la
lumière , la chaleur et le feu ne sont pas
des matières particulières , des matières
différentes de toute autre matière ; ce n’est
toujours que la même matière qui n’a subi
d’autre altération , d’autre modification ,
qu’une grande division de parties , et une
direction de mouvement en sens contraire
par l’effet du choc et de la réaction.
Ce qui prouve assez évidemment que
cette matière du feu et de la lumière n’est
pas une substance différente de toute autre
tion réciproque, ne laisseroit pas de les porter
d’abord au même lieu d’où ils sont partis , mais
encore infiniment plus loin, parce que la retarda-
tion du mouvement est ici en ord.e inverse de celui
de l’accélération, et^que la vitesse acquise au point
du choc étant immense, les efforts de l’attraction
ne pourront la réduire à zéro qu’à une distance
dont le carré seroit également immense ; en sorte
que si le contact étoit absolu , et que la distance
des deux corps qui se choquent fût absolument
nvdle , ils s’éloigneroient l’un de l’autre jusqu’à une
distance infinie : et c’est à peu près ce que nous
voyons arriver à la lumière et au feu dans ie mo-
ment de l’inflammation des matières combustibles ;
car, dans l’instant même , elles lancent leur lumière
à une très-grande distance, quoique les particules
qui se sont converties en lumière fussent aupara-
vant très-voisines les unes des autres.
matière, c’est qu’elle conserve toutes §
qualités essentielles, et même la plup;
des attributs de la matière commune. i°
lumière, quoique composée de partial
presque infiniment petites, est néanmo;
encore divisible, puisqu’avec le prisme
sépare les uns des autres les rayons, o
pour parler plus clairement, les alomés <:
féremment colorés. a° La lumière , quoiq
douée en apparence d’une qualité tout ci
posée à celle de la pesanteur, c’esl-à-d
d’une volatilité qu’on croiroit lui êlre essi 5
tielle, est néanmoins pesante comme toi 1
autre matière, puisqu’elle fléchit toutes î1
fois qu’elle passe auprès des autres corj 1
et qu’elle se trouve à portée de leur sph<
d’attraction ; je dois même dire qu’elle < 1
fort pesante, relativement à son volui J
qui est d’une petitesse extrême, puisque 1
vitesse immense avec laquelle la lumière
meut en ligne directe ne l’empêche pas d
prouver assez d’attraction près des autii
corps , pour que sa direction s’incline |
change d’une manière très-sensible à r
yeux. 3° La substance de la lumière n’n
pas plus simple que celle de toute au
matière , puisqu’elle est composée de pi
ties d’inégale pesanteur, que le rayon rou
est beaucoup plus pesant que le rayon vi
let , et qu’entre ces deux extrêmes e>
contient une infinité de rayons intern’
diaires , qui approchent plus ou moins
la pesanteur du rayon rouge ou de la légèrt
du rayon violet ; toutes ces conséquent!
dérivent nécessairement des phénomèr
de l’inflexion de la lumière et de sa réfr;
tion 1 , qui , dans le réel , n’est qu’une i J
x. L’attraction universelle agit sur la lumière
ne faut, pour s’en convaincre, qu’examiner les '
extrêmes de la réfraction : lorsqu’un rayon de f
mière passe à travers un cristal sous un cert ,
angle d’obliquité, la direction change tout à eu 11
et au lieu de continuer sa route, il rentre dans !
cristal et se réfléchit. Si la lumière passe du ve
dans le vide, toute la force de cette puissa.
s’exerce, et le rayon est contraint de rentrer
rentre dans le verre par un eftet de son attract 1
que rien ne balance; si la lumière passe du cri;
dans l’air, l’attraction du cristal, plus forte <
celle de l’air, la ramène encore, mais avec me
de force, parce que cette attraction du verre est1
partie détruite par celle de l’air qui agit en si
contraire sur le rayon de lumière; si ce rayl
passe du cristal daiis l’eau, l’effet est bien me
sensible , le rayon rentre à peine , parce que 1
traction du cristal est presque toute détruite
celle de l’eau, qui s’oppose à son action; enfin 1
la lumière passe du cristal dans le cristal, com
les deux attractions sont égales, l’effet s’évanri
et le rayon continue sa route. D’autres expériex.
démontrent que cette puissance attractive , ouc1
force réfringente, est toujours à très-peu près jj
DES ÊLÉMENS. PÀB.TÏE I.
ion qui s’opère lorsque la lumière passe
avers les corps transparens. 4° On peut
aonlrer que la lumière est massive, et
allé agit , dans quelques cas , comme
;sent tous les autres corps : car , indé-
damment de son effet ordinaire, qui
de briller à nos yeux , et de son action
pre , toujours accompagnée d’éclat et
vent de chaleur, elle agit par sa masse
qu’on la condense en la réunissant , et
agit au point de mettre en mouvement
corps assez pesans , placés au foyer d’un
miroir ardent ; elle fait tourner une
tille sur un pivot placé à son foyer ; elle
sse, déplace et chasse les feuilles d’or
d’argent qu’on lui présente avant de les
Ire , et même avant de les chauffer sen-
ement. Cette action produite par sa
se est la première et précède celle de
;haleur ; elle s’opère entre la lumière
densée et les feuilles de métal, de la
ne façon qu’elle s’opère entre deux autres
îs qui deviennent contigus , et par con-
sent la lumière a encore cette propriété
mune avec toute autre matière. 5° En-
on sera forcé de convenir que la lumière
un mixte , c’est-à-dire une matière com-
ie, comme la matière commune, non
ement de parties plus grosses et plus
tes, plus ou moins pesantes, plus ou
ns mobiles, mais encore différemment
rées. Quiconque aura réfléchi sur les
nomènes que Newton appelle les accès
iacile réflexion et de facile transmission
' a lumière, et sur les effets de la double
action du cristal de roche, et du spath
ilé cristal d'Islande , ne pourra s’em-
ter de reconnoîlre que les atomes de la
onnelle à la densité des matières transparentes,
sception des corps onctueux et sulfureux , dont
rce réfringente est plus grande, parce que la
ère a plus d’analogie, plus de rapport de na-
ayec les matières inflammables qu’avec les au-
natières.
iis s’il restoit quelque doute sur cette attrac-
de la lumière vers les corps , qu’on jette les
sur les inflexions que souffre un rayon lors-
passe fort près de la surface d’un corps : un
ide lumière ne peut entrer par un très-petit
dans une chambre obscure , sans être puis-
sent attiré vers les bords du trou ; ce petit
:au de rayons se divise , chaque rayon voisin
circonférence du trou .se plie vers celte cir-
rence , et cette inflexion produit des franges
ées, des apparences constantes, qui sont l’effet
ttraclion de la lumière vers les corps voisins.
1 est de même des rayons qui passent entre
| lames de couteaux : les uns se plient vers la
supérieure, les autres vers la lame inférieure;
f a que ceux du milieu qui, souffrant une
S attraction des deux côtés , ne sont pas dé-
és, et suivent leur direction.
Buffoit. I.
3o5
lumière ont plusieurs côtés , plusieurs faces
différentes , qui , selon qu’elles se pré-
sentent, produisent constamment des effets
différens *.
En voilà plus qu’il n’en faut pour dé-
montrer que la lumière n’est pas une ma-
tière particulière ni différente de la matière
commune ; que son essence est la même, ses
propriétés essentielles les mêmes; qu’enfm
elle n’en diffère que parce qu’elle a subi
dans le point du contact la répulsion d’où
provient sa volatilité. Et de la même ma-
nière que l’effet de la force d’attraction
s’étend à l’infini, toujours en décroissant
comme l’espace augmente, les effets de la
répulsion s’étendent et décroissent de même,
mais en ordre inverse ; en sorte que l’on
peut appliquer à la force expansive tout ce
que l’on sait de la force attractive : ce sont
pour la nature deux instrumens de même
espèce , ou plutôt ce n’est que le même
instrument qu’elle manie dans deux sens
opposés.
Toute matière deviendra lumière dès que
toute cohérence étant détruite , elle se trou-
vera divisée en molécules suffisamment pe-
tites , et que ces molécules étant en liberté,
seront déterminées par leur attraction mu-
tuelle à se précipiter les unes contre les
autres : dans l’instant du choc , la force ré-
pulsive s’exercera , les molécules se fuiront
en tous sens avec une vitesse presque infinie,
laquelle néanmoins n’est qu’égale à leur vi-
tesse acquise au moment du contact ; car la
loi de l’attraction étant d’augmenter comme
l’espace diminue , il est évident qu’au con-
tact l’espace , toujours proportionnel au
carré de la distance , devient nul, et que
par conséquent la vitesse acquise en vertu
de l’attraction doit à ce point devenir pres-
que infinie. Cette vitesse seroit même in-
finie si le contact étoit immédiat , et par
conséquent la distance entre les deux corps
absolument nulle: mais, comme nous l’a-
vons souvent répété , il n’y a rien d’absolu ,
rien de parfait dans la nature , et de même
rien d’absolument grand, rien d’absolument
petit , rien d’entièrement nul , rien de vrai-
ment infini ; et tout ce que j’ai dit de la
i. Chaque rayon de lumière a deux côtés oppo-
sés , doués originairement d’une p oprïété d’où dé-
pend la réfraction extraordinaire du cristal , et deux
autres côtés opposés, qui n’ont pas cette propriété.
( Optique de Newton, question XXVI, traduction
de Coste.) Cette propriété dont parle ici Newton
ne peut dépendre que de l'étendue ou de la figure
de chacun des côtés des rayons , c’est-à-dire des
atomes de lumière. Voyez cet article en entier dans
Newton.
20
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
3o6
petitesse infinie des atomes qui constituent
la lumière, de leur ressort parfait, de la
distance nulle dans le moment du contact ,
ne doit s’entendre - qu’avec restriction. Si
l’on pouvoit douter de cette vérité méta-
physique , il seroit possible d’en donner une
démonstration physique, sans même nous
écarter de notre sujet. Tout le monde sait
que la lumière emploie environ sept minutes
et demie de temps à venir dit soleil jusqu’à
nous. Supposant donc le soleil à trente-six
millions de lieues , la lumière parcourt cette
énorme distance en sept minutes et demie,
ou, ce qui revient au même (supposant son
mouvement uniforme) , quatre-vingt mille
lieues en une seconde. Cette vitesse, quoi-
que prodigieuse, est néanmoins bien éloi-
gnée d'être infinie, puisqu’elle est détermi-
nable par les nombres; elle cessera même de
paroître prodigieuse lorsqu’on réfléchira que
la nature séhnb'e marcher en grand presque
aussi vite qu’en petit : il ne faut pour cela
que supputer la célérité du mouvement des
comètes à leur périhélie, ou même celle des
planètes qui se meuvent le plus rapidement,
et l’on verra que la vitesse de ces masses im-
menses, quoique moindre , se peut néan-
moins comparer d’assez près avec celle de
nos atomes de lumière.
Et de même que toute matière peut se
convertir en lumière par la division et la ré-
pulsion de ses parties exclusivement divi-
sées, lorsqu’elles éprouvent un choc des
unes contre les autres , la lumière peut aussi
se convertir en toute autre matière par l’ad-
dition de ses propres parties, accumulées
par l’attraction des autres corps. Nous ver-
rons dans la suite que tous les élémens sont
convertibles; et si l’on a douté que la lu-
mière , qui paroît être l’élément le plus
simple, pût se convertir en substance solide,
c’est que , d’une part , on n’a pas fait assez
d’attention à tous les phénomènes , et que,
d’autre part, on étoit dans le préjugé qu’é-
tant essentiellement volatile, elle ne pouvoit
jamais devenir fixe. Mais n’avons-nous pas
prouvé que la fixité et la volatilité dépen-
dent de la même force attractive dans le
premier cas, devenue répulsive dans le se-
cond? et dès lors ne sommes-nous pas fondés
à croire que ce changement de la matière
fixe en lumière, et de la lumière en matière
fixe, est une des plus fréquentes opérations
de la nature?
Après avoir montré que l’impulsion dé-
pend de l’attraction, que la force expansive
est la même que la force attractive devenue
négative, que la lumière, et à plus forte
raison la chaleur et le feu, ne sont qued !
manières d’ètre de la matière commun {
qu’il n’existe , en un mot, qu’une seule for
et une seule matière toujours prête à s’at
rer ou à se repousser suivant les circo j
stances , recherchons comment , avec ce s* J
ressort et ce seul sujet , la nature peut i
rier ses œuvres à l’infini. Nous mettrons
la méthode dans cette recherche, et nous
présenterons les résultats avec plus de clar
en nous abstenant de comparer d’abord i
objets les plus éloignés , les plus opposé j
comme le feu et l’eau , l’air et la terre, :
nous conduisant au contraire par les ment i
degrés, par les mêmes nuances douces c| t
suit la nature dans toutes ses démarch.
Comparons donc les choses les plus voisil:!
et tâchons d’en saisir les différences, c’e [
à-dire les particularités, et de les présenli
avec encore plus d’évidence que leurs { |
néralités. Dans le point de vue général 1 1
lumière, la chaleur et le feu, ne font qu' l
seul objet : mais, dans le point de vue fj|î
ticulier, ce sont trois objets distincts, tr ■
choses qui, quoique se ressemblant par;|
grand nombre de propriétés, different néji
moins par un petit nombre d’autres propr g
tés assez essentielles pour qu’on puisse I
regarder comme trois choses différentes,^
qu’on doive les comparer une à une.
Quelles sont d’abord les propriétés co L
munes de la lumière et du feu ? quelles fl J
aussi leurs propriétés différentes? La J J
mière, dit -on, et le feu élémentaire 1
sont qu’une même chose,- une seule si 2
stance. Cela peut être; mais comme ntl
n’avons pas encore d’idée nette du feu é |
mentaire, abstenons-nous de prononcert|
ce premier point. La lumière et le feu , 1 jù
que nous les connoissons , ne sont-ils p; |
au contraire, deux choses différentes, de |
substances distinctes et composées différé)
ment? Le feu est, à la vérité, très-souvi,
lumineux ; mais quelquefois aussi le
existe sans aucune apparence de lumièt
le feu, soit lumineux, soit obscur, n’exi
jamais sans une grande chaleur, tandis ^
la lumière brille souvent avec éclat sans
moindre chaleur sensible. La lumière pat j
être l’ouvrage de la nature ; le feu n’est j
le produit de l’industrie de l’homme :
lumière subsiste, pour ainsi dire, parel;
même, et se trouve répandue dans les
paces immenses de l’univers entier; le :
ne peut subsister qu’avec des alimens, j (!
ne se trouve qu’en quelques points de 1 j
pace , où l’homme le conserve , et dans qi
ques endroits de la profondeur de la teri
DES ELÉMENS. PARTIE I.
ù il se trouve également entretenu par des
imcns convenables. La lumière, à la vérité,
rsqu’elle est condensée, réunie par l’art
î l’homme, peut produire du feu; mais ce
est qu’autant qu’elle tombe sur des ma-
dères combustibles. La lumière n’est donc
ut au plus , et dans ce seul cas , que le
•iucipe du feu, et non pas le feu ; cë prin-
pe même n’est pas immédiat ; il en sup-
jse un intermédiaire, et c’est celui de la
îaleur, qui paroît tenir encore de plus près
îe la lumière à l’essence du feu. Or, la
îaleur existe tout aussi souvent sans lu-
ière que la lumière existe sans chaleur :
:s deux principes ne paroissent donc pas
écessairement liés ensemble; leurs effets
sont ni simultanés, ni contemporains,
uisque dans de certaines circonstances on
nt de la chaleur long-temps avant que la
mière paroisse, et que dans d’autres cir-
mstances on voit de la lumière long-temps
rant de sentir de la chaleur, et même sans
i sentir aucune.
Dès lors la chaleur n’est-elle pas une autre
anière d’être, une modification de la ma-
re, qui diffère, à la vérité, moins que
ute autre de celle de la lumière, mais
’on peut néanmoins considérer à part, et
l’on devroit concevoir encore plus aisé-
ent? car la facilité plus ou moins grande
îe nous avons à concevoir les opérations
fférentes de la nature dépend de celle que
sus avons d’y appliquer nos sens. Lors-
un effet de la nature tombe sous deux de
}s sens, la vue et le toucher, nous croyons
avoir une pleine connoissance ; un effet
li n’affecte que l’un ou l’autre de ces deux
ns nous paroît plus difficile à connoître ,
dans ce cas, la facilité ou la difficulté
en juger dépend du degré de supériorité
îi se trouve entre nos sens. La lumière ,
îe nous n’apercevons que par le sens de la
îe (sens le plus fautif et le plus incomplet),
devroit pas nous être aussi bien connue
le la chaleur, qui frappe le toucher, et af-
cte par conséquent le plus sûr-de nos sens,
ependant il faut avouer qu’avec cet avan-
ge on a fait beaucoup moins de décou-
rles sur la nature de la chaleur que sur
lie de la lumière, soit que l’homme saisisse
ieux ce qu’il voit que ce qu’il sent , soit
le la lumière se présentant ordinairement
)mme une substance distincte eî différente
e toutes les autres., elle a paru digne d’une
msidération particulière; au lieu que la
tialeur, dont l’effet est plus obscur, se pré-
ntant comme un objet moins isolé , moins
impie, n’a pas été regardée comme une sub-
807
stance distincte, mais comme un attribut de
la lumière et du feu.
Quand même cette opinion , qui fait de la
chaleur un pur attribut, une simple qualité,
setrouveroit fondée, il seroit toujours utile
de considérer la chaleur en elle-même et
par les effets qu’elle produit toute seule ,
c’est-à-dire lorsqu elle nous paroît indépen-
dante de la lumière et du feu. La première
chose qui me frappe, et qui me paroît bien
digne de remarque ,~ c’est que le siège de la
chaleur est tout différent de celui de la lu-
mière : celle-ci occupe et parcourt les es-
paces vides de l’univers; la chaleur, au con-
traire , se trouve généralement répandue
dans toute la matière solide. Le globe de la
terre, et toutes les matières dont il est
composé, ont un degré de chaleur bien plus
considérable qu’on ne pourroit l'imaginer.
L’eau a son degré de chaleur qu’elle ne perd
qu’en changeant son état, c’est-à-dire en
perdant sa fluidité. L’air a aussi sa chaleur,
que nous appelons sa température, qui varie
beaucoup , mais qu’il ne perd jamais en en-
tier, puisque son ressort subsiste même dans
le plus grand froid. Le feu a aussi ses diffé-
rens degrés de chaleur, qui paroissent moins
dépendre de sa nature propre que de celle
des alimens qui le nourrissent. Ainsi toute
la matière connue est chaude; et des lors la
chaleur est mie affection bien plus générale
que celle de la lumière.
La chaleur pénétré tous les corps qui lui
sont exposés, et ceTeTsans aucune exception,
taudis qu’il n’y a que les corps transparais
qui laissent passer la lumière, et qu’elle est
arrêtée et en partie repoussée par tous les
corps opaques. La chaleur semble donc agir
d’une manière bien plus générale et plus
palpable que n’agit la lumière; et quoique
les molécules de la chaleur soient excessive-
ment petites, puisqu’elles pénètrent les corps
les plus compactes , il me semble néanmoins
que l’on peut démontrer qu’elles sont bien
plus grosses que celles de la lumière: car
on fait de la chaleur avec la lumière en la
réunissant en grande quantité. D’ailleurs, la
chaleur agissant sur le sens du toucher, il
est nécessaire que son action soit propor-
tionnée à la grossièreté de ce sens, comme
la délicatesse des organes de la vue paroît
l’être à l’extrême finesse des parties de la
lumière : celles-ci se meuvent avec la plus
grande vitesse, agissant dans l’instant à des
distances immenses, tandis que celles delà
chaleur n’ont qu’un mouvement progressif as-
sez lent, qui ne paroît s’étendre qu’à de petits
intervalles du corps dont elles émanent.
20.
3o8
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
Le principe de toute chaleur paroît être
l’attrition des corps : tout frottement , c’est-
à-dire tout mouvement en sens contraire
entre des matières solides, produit de la
chaleur ; et si ce même effet n’arrive pas
dans les fluides, c’est parce que leurs par-
ties ne se louchent pas d’assez près pour
pouvoir être frottées les unes contre les
autres, et qu’ayant peu d’adhérence entre
elles, leur résistance au choc des autres
corps est trop foible pour que la chaleur
puisse naître ou se manifester à un degré
sensible : mais , dans ce cas , on voit souvent
de la lumière produite par ce frottement
d’un fluide sans sentir de la chaleur. Tous
les corps , soit en petit ou en grand volume,
s’échauffent dès qu’ils se rencontrent en
sens contraire : la chaleur est donc produite
par le mouvement de toute matière palpable
et d’un volume quelconque ; au lieu que la
production de la lumière, qui se fait aussi
par le mouvement en sens contraire, sup-
pose de plus la division de la matière en
parties très-petites ; et comme celle opéra-
tion de la nature est la même pour la pro-
duction de la chaleur et celle de la lumière,
que c’est le mouvement en sens contraire ,
la rencontre des corps , qui produisent l’un
et l’autre , on doit en conclure que les
atomes de la lumière sont solides par eux-
mêmes , et qu’ils sont chauds au moment de
leur naissance : mais on ne peut pas égale-
ment assurer qu’ils conservent leur chaleur
au même degré que leur lumière , ni qu’ils
ne cessent pas d’être chauds avant de cesser
d’être lumineux. Des expériences familières
paroissent indiquer que la chaleur de la lu-
mière du soleil augmente en passant à tra-
vers une glace plane , quoique la quantité
de la lumière soit diminuée considérable-
ment par la réflexion qui se fait à la surface
extérieure de la glace, et que la matière
même du verre en retienne une certaine
quantité. D’autres expériences plus recher-
chées 1 semblent prouver que la lumière
t. Un habile physicien (M. de Saussure, citoyen
de Genève) a bien voulu me communiquer le ré-
sultat des expériences qu’il a faites dans les mon-
tagnes , sur la différente chaleur des rayons du
soleil, et je vais rapporter ici ses propres expres-
sions. «J’ai fait faire, en mars 1767, cinq caisses
rectangulaires de verre blanc de Bohême , chacune
desquelles est la moitié d’un cube coupé parallèle-
ment à sa base : la première a un pied de largeur
en tous sens, sur six pouces de hauteur ; la seconde,
dix pouces sur cinq; et ainsi de suite, jusqu’à la
cinquième, qui a deux pouces sur un. Toutes ces
caisses sont ouvertes par le bas, et s’emboîtent les
unes dans les autres sur une table fort épaisse de
bois de poirier noirci , à laquelle elles sont fixées.
augmente de chaleur à mesure qu’elle tra
verse une plus grande épaisseur de notr
atmosphère.
On sait de tout temps que la chaleur de
vient d’autant moindre, ou le froid d’autac
plus grand , qu’on s’élève plus haut dans le
montagnes. Il est vrai que la chaleur qt
provient du globe entier de la terre doit êtr
moins sensible sur ces pointes avancée
qu’elle ne l’est dans les plaines ; mais cett
cause n’est point du tout proportionnelle 1
l’effet : l’action de la chaleur qui émane d
globe terrestre ne pouvant diminuer qu’ej
raison du carré de la distance , il ne paro !
pas qu’à la hauteur d’une demi-lieue, qt
n’est que la trois-millième partie du dem
diamètre du globe , dont le centre doit êti
pris pour le foyer de la chaleur; il ne paro
J’emploie sept thermomètres à cette expérienci
l’un suspendu en l’air et parfaitement isolé à co
des boîtes , et à la même distance du sol ; un aut
posé sur la caisse extérieure en dehors de ce!
caisse, et à peu près au milieu; le suivant posé f
même sur la seconde caisse ; et ainsi des autre
jusqu’au dernier, qui est sous la cinquième caiss.
et à demi noyé dans le bois de la table.
« 11 faut observer que tous ces thermomètrt
sont de mercure , et que tous , excepté le dernit
ont la boule nue , et ne sont pas engagés , comi
les thermomètres ordinaires, dans une planche r
dans une boîte , dont le plus ou le moins d’aptitu
à prendre et à conserver la chaleur fait entièreméi
varier le résultat des expériences.
«Tout cet appareil exposé au soleil, dans ■
lieu découvert , par exemple , sur le mur de clùtu
d’une grande terrasse, je trouve que le therir
mètre suspendu à l’air libre monte le moins haï
de tous ; que celui qui est sur la caisse extérier
monte un peu plus haut; ensuite celui qui est s
la seconde caisse; et ainsi des autres, en observa
cependant que le thermomètre qui est posé sur
cinquième caisse monte plus haut que celui qui
sous elle et à demi noyé dans le bois de la tabl
j’ai vu celui-là monter à 70 degrés de Réaumur
plaçant le O à la congélation et le 80e degré à l1
bouillante). Les fruits exposés à cetie chaleur
cuisent et y rendent leur jus.
« Quand cet appareil est exposé au soleil dès
matin, on observe communément la plus grau
chaleur vers les deux heures et demie après mit
et lorsqu’on le retire des rayons du soleil, il e
ploie plusieurs heures à son entier refroidisseme
« J’ai fait porter ce même appareil sur une me
tagne élevée d’environ cinq cents toises au des!
du lieu où se faisoient ordinairement les exj
riences , et j’ai trouvé que le refroidissement cai
par l’élévation agissoit beaucoup plus sur les th
momètres suspendus à l’air libre que sur ceux <
étoient enfermés dans les caisses de verre, quoiq
j’eusse eu soin de remplir les caisses de l’air me:
de la montagne, par égard pour la fausse hypothi
de ceux qui croient que le froid des montagnes tii
de la pureté de l’air qu’on y respire. »
11 seroit à désirer que M. de Saussure, de la !
gacité duquel nous devons attendre d’excellen
choses, suivît encore plus loin ces expériences,
voulût bien en publier les résultats.
'
DES ÉLÉMENS. PARTIE I* 309
[as , dis-je , que cette différence , qui , dans
3tte supposition, n’est que d’une unité sur
euf millions , puisse produire une diminu-
on de chaleur aussi considérable , à beau-
>up près, que celle qu’on éprouve en s’é-
vant à cette hauteur : car le thermomètre
baisse dans tous les temps de l’année, jus-
j’au point de la congélation de l’eau ; la
îige ou la glace subsistent aussi sur ces
andes montagnes à peu près à cette hau-
ur dans toutes les saisons. Il n’est donc
ts probable que cette grande différence de
taleur provienne uniquement de la diffé-
nce de la chaleur de la terre : l’on en sera
einement convaincu si l’on fait attention
l’au haut des volcans , où la terre est plus
nude qu’en aucun autre endroit de la sur-
ce du globe , le froid de l’air est à très-peu
ès le même que dans les autres montagnes
la même hauteur.
| On pourroit donc penser que les atomes
\ la lumière, quoique très-chauds au mo-
ent de leur naissance et au sortir du soleil,
refroidissent beaucoup pendant les sept
inutes et demie de temps que dure leur
^versée du soleil à la terre , d’autant que
durée de la chaleur, ou, ce qui revient
même , le temps du refroidissement des
rps étant en raison de leur diamètre , il
nbleroit qu’il ne faut qu’un très-petit mo-
?nt pour le refroidissement des atomes
esque infiniment petits de la lumière ; et
aseroit en effet s’ils étoient isolés : mais
nme ils se succèdent presque immédia-
nent , et qu’ils se propagent en faisceaux
allant plus serrés qu’ils sont plus près du
u de leur origine, la chaleur que chaque
inné perd tombe sur les atomes voisins ;
bette communication réciproque de la cha-
ir qui s’évapore de chaque atome entretient
îs long-temps la chaleur générale de la
lii nière; et comme sa direction constante
toujours en rayons divergens, que leur
ignement l’un de l’autre augmente comme
ipace qu’ils ont parcouru , et qu’en même
nps la chaleur qui part de chaque atome
ùme centre diminue aussi dans la même
son , il s’ensuit que l’action de la lumière
> rayons solaires décroissant en raison in-
'se du carré de la distance , celle de leur
deur décroît en raison inverse du carré-
ré de cette même distance.
Prenant donc pour unité le demi-diamètre
1 soleil, et supposant l’action de la lumière
11 nme 1000 à la distance d’un demi-dia-
“ :tre de la surface de cet astre , elle ne sera
1 îs que comme 4000/4 à la distance de
Siîx demi-diamètres, que comme 1000/9 à
celle de trois demi-diamètres, que comme
1000/10 à la distance de quatre demi-diamè-
tres; et enfin en arrivant à nous qui sommes r
éloignés du soleil de trente-six millions de
lieues , c’est-à-dire d’environ deux cent vingt-
quatre de ses demi-diamètres , l’action de la
lumière ne sera plus que comme 1 ooo/5o625,
c’esl-à-dire plus de cinquante mille fois plus
foible qu’au sortir du soleil : et la chaleur de
chaque atome de lumière étant aussi supposée
1000 au sortir du soleil, ne sera plus que
comme 1000/16, 1000/81, 1000/2 56, à la
distance successive de 1,2, 3 demi-dia-
mètres, et en arrivant à nous , comme
1000/2562890625 , c’est-à-dire plus de deux
mille cinq cent millions de fois plus foible
qu’au sortir du soleil.
Quand même on ne voudroit pas admettre
cette diminution de la chaleur en raison du
carré-carré de la distance au soleil , quoique
cette estimation me paroisse fondée sur un
raisonnement assez clair, il sera toujours
vrai que là chaleur, dans sa propagation ,
diminue beaucoup plus que la lumière, au
moins quant à l’impression qu’elles font l’une
et l’autre sur nos sens. Qu’011 excite une
très-forte chaleur, qu’on allume un grand
feu dans un point de l’espace , on ne le sen-
tira qu’à une distance très-médiocre, au lieu
qu’on en voit la lumière à de très-grandes
distances. Qu’on approche peu à peu d’un
corps excessivement chaud , on s’apercevra ,
par la seule sensahon , que la chaleur aug-
mente beaucoup plus que l’espace ne dimi-
nue ; car on se chauffe souvent avec plaisir à
une distance qui ne diffère que de quelques
pouces de celle où l’on se brûleroit. Tout
paroit donc nous indiquer que la chaleur
diminue en plus grande raison que la lumière,
à mesure que toutes deux s’éloignent du foyer
dont elles partent.
Ainsi l’on peut croire que les atomes de
la lumière sont fort refroidis lorsqu’ils arri-
vent à la surface de notre atmosphère, mais
qu’en traversant la grande épaisseur de cette
masse transparente, ils y reprennent par le
frottement une nouvelle chaleur. La vitesse
infinie avec laquelle les particules de la lu-
mière frôlent celles de l’air , doit produire
une chaleur d’autant plus grande que le frot-
tement est plus multiplié ; et c’est probable-
ment par cette raison que la chaleur des
rayons solaires se trouve, par l’expérience ,
beaucoup plus grande dans les couches in-
férieures de l’atmosphère et que le iroid de
l’air paroît augmenter si considérablement
à mesure qu’on s’élève. Peut-être aussi que,
comme la lumière ne prend de la chaleur
3io MINÉRAUX. INTRODUCTION.
qu’en se réunissant, il faut un grand nombre
d’atomes de lumière pour constituer un seul
atome de chaleur , et que c’qst par cette
raison que la lumière foible delà lune, quoi-
que frôlée dans l’atmosphère comme celle
du soleil, ne prend aucun degré de chaleur
sensible. Si, comme le dit M. Bouguer1,
l’intensité de la lumière du soleil à la surface
de la terre est trois cent mille fois plus
grande que celle de la lumière de la lune ,
celle-ci ne peut qu’être presque absolument
insensible, même en la réunissant au foyer
des plus puissans miroirs ardens, qui ne
peuvent la condenser qu’environ deux mille
fois, dont ôtant la moitié pour la perte par
la réflexion ou la réfraction, il ne reste
qu’une trois-centième partie d’intensité au
foyer du miroir. Or y a-t-il des thermo-
mètres assez sensibles pour indiquer le degré
de chaleur contenu dans une lumière trois
cents fois plus foible que celle du soleil, et
pourra-t-on faire des miroirs assez puissans
pour la condenser davantage?
Ainsi l’on ne doit pas inférer de tout ce
que j’ai dit que la lumière puisse exister
sans aucune chaleur, mais seulement que les
degrés de cette chaleur sont tres-différens ,
selon les différentes circonstances, et tou-
jours insensibles lorsque la lumière est très-
foible2. La chaleur, au contraire, paroît
exister habituellement , et même se faire
sentir vivement sans lumière ; ce n’est or-
1. Essai d’Optique sur la gradation de la lu-
mière.
2. On'pourroit même présumer que la lumière
en elle-même est composée de parties plus ou
moins chaudes : le rayon rouge , dont les atomes
sont bien plus massifs et probablement plus gros
que ceux du rayon violet, doit en toutes circon-
stances conserver beaucoup plus de chaleur, et cette
présomption me paroit assez fondée pour qu’on
doive chercher à la constater par l’expérience; il ne
faut pour cela que recevoir au sortir du prisme une
égale quantité de rayons rouges et de rayons vio-
lets , sur deux petits miroirs concaves ou deux len-
tilles réfringentes , et voir au thermomètre le ré-
sultat de la chaleur des uns et des autres.
Je ine rappelle une autre>expérience , qui semble
démontrer que les atomes bleus de la lumière sont
plus petits que ceux des autres couleurs ; c’est
qu'en recevant sur une feuille très-mince d’or battu
la lumière du soleil, elle se réfléchit toute, à l’ex-
ception des rayons bleus qui passent, à travers la
feuille d’or, et peignent d’un beau bleu le papier
qu’on met à quelque distance derrière la feuille
d’or. Ces atomes bleus sont donc plus petits que
les autres, puisqu’ils passent où les autres ne peu-
vent passer. Mais je n’insiste pas sur les consé-
quences qu’on doit tirer de cette expérience, parce
que ce'te couleur bleue, produite en apparence par
la feuille d’or, peut tenir au phénomène des om-
bres bleues, dont je parlerai dans un des mémoires
suivans.
diuairemenl que quand elle devient exce
sive que la lumière l’accompagne. Mais (
qui mettrait encore une différence bie
essentielle entre ces deux modifications
la matière , c’est que la chaleur qui pénèti
tous les corps ne paroît se fixer dans aucun
et ne s’y arrêter que peu de temps , au lit
que la lumière s’incorpore, s’amortit,
s’éteint dans tous ceux qui ne la réfléchi
sent pas, ou qui ne la laissent pas passi
librement. Faites chauffer à tous degrés d'
corps de toule sorte : tous perdront en assi
peu de temps la chaleur acquise; tous r
viendront au degré de la température gén
raie, et n’auront par conséquent que la m
me chaleur qu’ils avoient auparavant. Rec
vez de même la lumière en plus ou moi]
grande quantité sur des corps noirs t
blancs, bruts ou polis ; vous reconnoitn
aisément que les uns l’admettent , lesautr
la repoussent , et qu’au lieu d’être affeci ^
d’une maniéré uniforme comme ils le so
par la chaleur, ils ne le sont que d’une m
nière relative à leur nature , à leur couleu
à leur poli; les noirs absorberont plus
lumière que les blancs, les bruts plus q>
les polis. Cette lumière une fois absorb
reste fixe et demeure dans les corps q<
l’ont admise ; elle n’en sort pas comme
fait la chaleur ; d’où l’on devrait conclu
que les atomes de la lumière peuvent dev
nir parties constituantes des corps en s’s
nissant à la matière qui les compose; i
lieu que la chaleur, ne se fixant pas, ser
ble empêcher, au contraire, l’union de to
tes les parties de la matière, et n’agir q
pour les tenir séparées.
lu
Cependant il y a des cas où la chaleur ; ,
fixe à demeure dans les corps , et d’auti e
cas ou la lumière qu’ils ont absorbée rej
roît et en sort comme la chaleur. Les diamai
les autres pierres transparentes qui s’im]
beat de la lumière du soleil; les pien
opaques, comme celles de Bologne, qu
par la calcination , reçoivent les particu
d’un feu brillant; tous les phosphores nal
rels rendent la lumière qu’ils ont absorbé
et cette restitution ou déperdition de !
mière se fait successivement et avec
temps , à peu près comme se fait celle
la chaleur. Et peut-être la mèrpe chose arri
dans les corps opaques , en tout pu en pi
tie. Quoi qu’il en soit, il paroîl, d’api
tout ce qui vient d’être dit, que l’on d<
reconnoitre deux sortes de chaleur ; l’u
lumineuse, dont le soleij est le foyer il
mense; et l’autre obscure, dont le gra;
de!
te i
10, Mo
fetllei
JUrie
ta J(
I Ben
réservoir est le globe terrestre. Notre corj ! llî!lw'
Woi.|
est q
Wl r|,
Poil
DES ÉLÉMENS. PARTIE I,
3ir
une faisant partie du globe , participe à
;e chaleur obscure ; et c’est par cette rai-
qu’étant obscure par elle-même, c’est-à-
; sans lumière, elle est encore obscure
r nous, parce que nous ne nous en aper-
□ns par aucun de nos sens. Il en est de
e chaleur du globe comme de son mou-
lent : nous y sommes soumis , nous y
ticipons, sans le sentir et sans nous en
ter. De là il est arrivé que les phy-
ms ont porté d’abord toutes leurs vues ,
es leurs recherches, sur la chaleur du
il, sans soupçonner qu’elle ne faisait
me très-petite partie de celle que nous
mvons réellement : mais, ayant fait des
rumens pour reconnaître la différence
chaleur immédiate des rayons du soleil
été , à celle de ces mêmes rayons en hi-
ils ont trouvé, avec étonnement, que
e chaleur solaire est en été soixante-six
plus grande qu’en hiver dans notre cli-
, et que néanmoins la plus grande cha-
de notre été ne différoit que d’un sep-
e du plus grand froid de notre hiver :
ils ont conclu, avec grande raison,
idépendamment de la chaleur que nous
vons du soleil, il en émane une autre
globe même de la terre, bien plus cou-
rable, et dont celle du soleil n’est que
amplement; en sorte qu’il est aujour-
li démontré que celte chaleur qui s’é-
ape de l’intérieur de la terre , est dans
e climat au moins vingt-neuf fois en
et quatre cents fois en hiver, plus
ide que la chaleur qui nous vient du
il : je dis au moins; car quelque exac-
te que les physiciens , et en particulier
de Mairan, aient apportée dans ces re-
[’ches, quelque précision qu’il aient pu
tre dans leurs observations et dans leur
?eHul, j’ai vu, en les examinant, que le
iltat pouvoit en être porté plus liant1.
if Les physiciens ont pris pour le degré du froid
(jlli lu 1000 degrés au dessous de ta congélation :
jBloit plutôt le supposer de 10,000 que de 1000 ;
Quoique je sois très-per$uadé qu’il n’existe rien
| soin, dans la nature, et que peut-être un froid
1 0,000 degrés n’existe que dans les espaces tes
éloignés de tout le soleil , cependant, comme
j>git ici de prendre pour unité le plus grand
jl possible, je l’a ur ois au moins supposé plus
1 , |d que celui dont nous pouvons produire la
T! lié ou les trois cinquièmes; car on a produit
pl pciellement S92 degrés de froid à Pétersbourg
pi jjauvier 1760, le froid naturel étant de 3u de»
V J au dessous de la congélation ; et si l’on eut
1 • la même expérience en Sibérie , où le froid na-
ïf 1 est quelquefois de 70 degrés , on eût produit
fil roid de plus de 1000 degnte, car on a observé
A le troid artificiel suivoit la même proportion
’ le froid naturel. Or, 3i : 59a : : 70 : i336 24/3 r .
Celte grande chaleur qui réside dans l’in-
térieur du globe , qui sans cesse en émane à
l’extérieur , doit entrer comme élément dans
la combinaison de tous les aulres élémens.
Si le soleil est le père de la nature, cette
chaleur de la terre en est la mère , et tou-
tes deux se réunissent pour produire, entre-
tenir, animer les êtres organisés, et pour
travailler, assimiler, composer les substan-
ces inanimées. Cette chaleur intérieure du
globe, qui tend toujours du centre à la cir-
conférence, et qui s’éloigne perpendiculai-
rement de la surface de la terre, est, à
mon avis , un grand agent dans la nature ;
l’on ne peut guère douter qu’elle n’ait la
principale influence sur la perpendicularité
Il seroit donc possible de produire en Sibérie un
froid de i336 degrés au dessous de la congélation;
donc le plus grand degré de froid possible doit
être supposé bien au delà de 1000 ou même de i336
pour eu faire l’unité à laquelle on rapporte les
degrés de la chaleur tant solaire que terrestre, ce
qui ne laissera pas d’en rendre la différence éncore
plus grande. — Une autre remarque que j’ai faite
en examinant la construction de la table dans la-
quelle M. de Ma ira u donne les rapports de la cha-
leur des émanations du globe terrestre à ceux de
la chaleur solaire pour tous les climats de la terré,
c’est qu’il n’a pas pensé ou qu’il a négligé d’y
faire entrer la considération de l’épaisseur du
globe, plus grande sous, l’équateur que sous les
pôles. Cela , néanmoins , devrait être en compte ,
et auroit un peu changé les rapports qu’il donne
pour chaque latitude. — Enfin une troisième re-
marque, et qui tient à la première, c’est qu’il dit
(page 160) qu’ayant fait construire une machine
qui étoit comme un extrait de mes miroirs brùlans,
et ayant fait tomber la lumière .réfléchie du soleil
sur des thermomètres, il avoit toujours, trouvé que
si uii miroir plan avoit fait monter ta liqueur, par
exemple, de 3 degrés, deux miroirs dont on réu-
nissoit la lumière , la faisaient monter de 6 degrés,
et trois miroirs de 9 degrés. Or, il est aisé de sentir
que ceci ne peut pas être généralement vrai : car
la grandeur des degrés du thermomètre n’est fondée
que sur la divisiotv en inüle parties, et sur la suppo-
sition que 1000 degrés au dessous de la congéla-
tion font le froid absolu: et comme il sfen faut
bien que ce terme soit celui du plus grand froid
possible, il est nécessaire qu’une augmentation de
chaleur double ou triple par la réunion de deux
ou trois miroirs, élève la liqueur à des hauteurs
différentes dé celle des degrés du thermomètre ,
selon que Inexpérience sera faite dans un temps
plus ou moins chaud; que celui où ces hauteurs
s’accorderont Le mieux ou différeront le moins, sera
celui des jours chauds de l’été, et que les expé-
riences ayant été faites sur la fin de mai, ce n’est
que par hasard qu’elles ont donné le résultat des
augmentations de chaleur par lus miroirs, propor-
tionnelles aux degrés, de l’échelle du thermomètre.
Mais j’abrège cette critique en renvoyant à ce que
j’ai dit prés de vingt ans avant ce mémoire de M. de
Mairan , sur la construction d’un thermomètre réel,
et sa graduation par le moyen de mes miroirs brû-
lans. Voyez les Mémoires de l’Académie des. Sciences,
année 1747»
6l2
' minéraux, introduction.
de la tige des plantes, sur les phénomènes
de l’électricité , dont la principale cause
est le frottement ou mouvement en sens
contraire , sur les effets du magnétisme , etc.
Mais, comme je ne prétends pas faire ici
un traité de physique, je me bornerai aux
effets de cette chaleur sur les autres élé-
mens. Elle suffit seule , elle est même bien
plus grande qu’il ne faut pour maintenir la
raréfaction de l’air au degré que nous res-
pirons : elle est plus que suffisante pour en-
tretenir l’eau dans son état de liquidité ; car
on a [descendu des thermomètres jusqu’à
cent vingt brasses de profondeur, et les re-
tirant promptement, on a vu que la tem-
pérature de l’eau y étoit à très-peu près la
même que dans l’intérieur de la terre à pa-
reille profondeur , c’est-à-dire de dix degrés
deux tiers ; et comme l’eau la plus chaude
monte toujours à la surface, et que le sel
l’empêche de geler, on ne doit pas être
surpris de ce qu’en général la mer ne gèle
pas, et que les eaux douces ne gèlent que
d’une certaine épaisseur, l’eau du fond res-
tant toujours liquide, lors même qu’il fait le
plus grand froid, et que les couches supé-
rieures sont en glace de dix pieds d’épais-
seur.
Mais la terre est celui de tous les élé-
mens sur lequel la chaleur intérieure a dû
produire et produit encore les plus grands
effets. On ne peut pas douter, après les
preuves que j’en ai données1, que cette
chaleur n’ait été originairement bien plus
grande qu’elle ne l’est aujourd’hui; ainsi on
doit lui rapporter, comme à la cause pre-
mière, toutes les sublimations, précipita-
tions , agrégations , séparations , en un mot,
tous les mouvemens qui se sont faits et se
font chaque jour dans l’intérieur du globe,
et surtout dans la couche extérieure où nous
avons pénétré , et dont la matière a été re-
muée par les agens de la nature , ou par les
mains de l’homme ; car , à une ou peut-être
deux lieues de profondeur, on ne peut guère
présumer qu’il y ait eu des conversions de
matière , ni qu’il s’y fasse encore des chan-
gemens réels : toute la masse du globle
ayant été fondue, liquéfiée parle feu, l’in-
térieur n’est qu’un verre ou concret ou dis-
cret , dont la substance simple ne peut re-
cevoir aucune altération par la chaleur
seule ; il n’y a donc que la couche supé-
rieure et superficielle qui, étant exposée à
l’action des causes extérieures , aura subi
i. Voyez, dans cet ouvrage, l’article de la for-
mation des planètes , et les articles des Époques de
la nature,
toutes les modifications que ces causes ré
nies à celle de la chaleur intérieure auro
pu produire par leur action combiné
c’est-à-dire toutes les modifications, tou!
les différences , toutes les formes , en i iüe
mot, des substances minérales.
Le feu , qui ne paroît être , à la premiè
vue, qu’un composé de chaleur et de 1
mière , ne seroit-il pas encore une modifit
tion de la matière qu’on doive considère]. jii
part , quoiqu’elle ne diffère pas essentiel
ment de l’une ou de l’autre , et encore moi
des deux prises ensemble? Le feu n’exi
jamais sans chaleur , mais il peut exis
sans lumière. On verra", par mes expérie
ces , que la chaleur seule et dénuée de tôt
apparence de lumière peut produire les n
mes effets que le feu le plus violent. On v
aussi que la lumière seule, lorsqu’elle
réunie, produit les mêmes effets; elle selefi
ble porter en elle-même une substance qui i k»;
pas besoin d’aliment : le feu ne peut si
sister, au contraire, qu’en absorbant
l’air , et il devient d’aulant plus viol
qu’il en absorbe davantage , tandis que
lumière concentrée et reçue dans un v
purgé d’air agit comme le feu dans l’air
que la chaleur resserrée , retenue dans s
espace clos , subsiste et même augmente a1
une très-petite quantité d’alimens. La di
rence la plus générale entre le feu , la cl
leur, et la lumière, me paroît donc con
ter dans la quantité , et peut-être dans
qualité de leurs alimens.
L’air est le premier aliment du feu ;
matières combustibles ne sont que le secoi
j’entends par premier aliment celui qui i km
toujours nécessaire et sans lequel le feu
pourroit faire aucun usage des autres. ]
expériences connues de tous les physicrt’iii]
nous démontrent qu’un petit point de fi
tel que celui d’une bougie placée dans -lues, c
vase bien fermé , absorbe en peu de ter fleniem
une grande quantité d’air, et qu’elle s’éttleclei
aussitôt que la quantité ou la qualité demis;
élément lui manque. D’autres expérien i fitrair,
bien connues des chimistes prouvent i
les matières les plus combustibles , telles i
les charbons , ne se consument pas dans
vaisseaux bien clos , quoique exposés à 1
tion du plus grand feu. L’air est don
premier, le véritable aliment du feu, et
matières 'combustibles ne peuvent lui
fournir que par le secours et la médial
de cet élément , dont il est nécessaire, aA
d’aller plus loin , que nous considérions ie(]uj
quelques propriétés.
Nous avons dit que toute fluidité
o iüd
l’aii1
ir est
princi
aient
imuiij
# qui
chalei
DES ÉLÉMENS. PARTIE I.
3i3
chaleur pour cause ; et en comparant quel-
ues fluides ensemble, nous voyons qu’il faut
eaucoup plus de chaleur pour tenir le fer
1 fusion que l’or, beaucoup plus pour y
nir l’or que l’étain , beaucoup moins pour
tenir la cire, beaucoup moins pour y te-
r l’eau , encore beaucoup moins pour y
nir l’esprit de vin, et enfin successive-
ent moins pour y tenir le mercure , puis-
’il ne perd sa fluidité qu’au cent quatre-
ngt-seplième degré au dessous de celui où
au perd la sienne. Cette matière , le mer-
re , seroit donc le plus fluide des corps ,
l’air ne l’étoit encore plus. Or, que nous
dique celle fluidité plus grande dans l’air
æ dans aucune matière? Il me semble
'elle suppose le moindre degré possible
îdhérence entre ses parties constituantes;
qu’on peut concevoir en les supposant
figure à ne pouvoir se toucher qu’en un
int. On pourroit eroire aussi qu’étant
uées de si peu d’énergie apparente, et de
peu d’attraction mutuelle des unes vers les
très , elles sont , par cette raison , moins
tssives et plus légères que celles de tous
autres corps : mais cela me paroît dé-
nti par la comparaison du mercure , le
îs fluide des corps après l’air, et dont néan-
)ins les parties constituantes paroissent
e plus massives et plus pesantes que cel-
de toutes les autres matières, à l’excep-
n de l’or. La plus ou moins grande flui-
é n’indique donc pas que les parties du
ide soient plus ou moins pesantes , mais
dement que leur adhérence est d’autant
co| dndre , leur union d’autant moins intime,
leur séparation d’autant plus aisée. S’il
'ci it mille degrés de chaleur pour entretenir
(fluidité de l’eau , il n’en faudra peut-être
un pour maintenir celle de l’air.
L’air est donc , de toutes les matières côn-
es , celle que la chaleur divise le plus fa-
ijîment , celle dont les parties lui obéissent
c le moins de résistance , celle qu’elle met
(Ji plus aisément en mouvement expansif et
i traire à celui de la force attractive. Ainsi
r est tout près de la nature du feu , dont
[us principale propriété consiste dans ce mou-
us ment expansif; et quoique l’air ne l’ait
par lui-même, la plus petite particule
chaleur ou de feu suffisant pour le lui
(nmuniquer, on doit cesser d’être étonné
ce que l’air augmente si fort l’activité du
U et de ce qu’il est si nécessaire à sa sub-
stance : car étant de toutes les substances
|le qui prend le plus aisément le mouve-
Imt expansif, ce sera celle aussi que le
s entraînera, enlèvera de préférence à
toute autre; ce sera celle qu’il s’appropriera
le plus intimement , comme étant de la na-
ture la plus voisine de la sienne; et par con-
séquent l’air doit être du feu l’adminicule
le plus puissant, l’aliment le plus convena-
ble, Y ami le plus intime et le plus néces-
saire.
Les matières combustibles, que l’on re-
garde vulgairement comme les vrais alimens
du feu , ne lui servent néanmoins , ne lui
profitent en rien , dès qu’elles sont privées
du secours de l’air : le feu le plus violent ne
les consume pas, et même ne leur cause au-
cune altération sensible, au lieu qu’avec
de l’air une seule étincelle de feu les em-
brase , et qu’à mesure qu’on fournit de l’air
en plus ou moins grande quantité , le feu
devient dans la même proportion plus vif,
plus étendu, plus dévorant; de sorte qu’on
peut mesurer la célérité ou la lenteur avec
laquelle le feu consume les matières com-
bustibles, par la quantité plus ou moins
grande de. l’air qu’on lui fournit. Ces ma-
tières ne sont donc pour le feu que des ali-
mens secondaires , qu’il ne peut s’approprier
par lui-même , et dont il ne peut faire usage
qu’autant que l’air s’y mêlant, les rapproche
de la nature du feu en les modifiant , et leur
sert d’intermède pour les y réunir.
On pourra (ce me semble) concevoir clai-
rement cette opération de la nature, en con*
sidérant que le feu ne réside pas dans les
corps d’une manière fixe, qu’il n’y fait or-
dinairement qu’un séjour instantané ; qu’é-
tant toujours en mouvement expansif, il ne
peut subsister dans cet état qu’avec les ma-
tières susceptibles de ce mouvement; que
l’air s’y prêtant avec toute facilité , la somme
de ce mouvement devient plus grande , l’ac-
tion du feu plus vive, et que dès lors les
Earlies les plus volatiles des matières com-
ustibles , telles que les molécules aériennes,
huileuses, etc. , obéissant sans effort à ce
mouvement expansif qui leur est communi-
qué , elles s’élèvent en vapeurs ; que ces va-
peurs se convertissent en flamme par le
même secours de l’air extérieur ; et qu’enfm,
tant qu’il subsiste dans les corps combusti-
bles quelques parties capables de recevoir ,
par le secours de l’air, ce mouvement d’ex-
pansion, elles ne cessent de s’en séparer
pour suivre l’air et le feu dans leur route ,
et par conséquent se consumer en s’évapo-
rant avec eux.
Il y a de certaines matières, telles que le
phosphore artificiel , le pyrophore , la pou-
dre à canon , qui paroissent à la première
vue faire une exception à ce que je viens de,
I
3i4 MINÉRAUX. INTRODUCTION.
dire; car elles n’ont pas besoin, pour s’en-
flammer et se consumer en entier , du se-
cours d’un air renouvelé : leur combustion
peut s’opérer dans les vaisseaux les mieux
fermés; mais c’est par la raison que ces ma-
tières , qu’on doit regarder comme les plus
combustibles de toutes, contiennent dans
leur substance tout l’air nécessaire à leur
combustion. Leur feu produit d’abord cet
air et le consume à l’instant; et comme il
est en très-grande quantité dans ces matières,
il suffît à leur pleine combustion , qui dès
lors n’a pas besoin , comme toutes les autres,
du secours d’un air étranger.
Cela semble nous indiquer que la diffé-
rence la plus essentielle qu’il y ait entre les
matières combustibles et celles qui ne le
sont pas , c’est que celles-ci ne contiennent
que peu ou point de ces matières légères ,
aériennes, huileuses, susceptibles du mou-
vement expansif, ou que si elles en contien-
nent , elles s’y trouvent fixées et retenues ,
en sorte que, quoique volatiles en elles- mê-
mes , elles ne peuvent exercer leur volatilité
toutes les fois que la force du feu n’est pas
assez grande pour surmonter la force d’ad-
hésiou qui les relient unies aux parties fixes
de la matière. On peut même dire que cette
induction , qui se tire immédiatement de
mes principes, se trouve confirmée par un
grand nombre d’observations bien connues
des chimistes et des physiciens : mais ce qui
paroît l’être moins , et qui cependant en est
une conséquence nécessaire , c’est que toute
matière pourra devenir volatile dès que
l’homme pourra augmenter assez la force
expansive du feu pour la rendre supérieure
à la force attractive qui tient unies les par-
ties de la matière que nous appelons fixes ;
car , d’une part , il s’eu faut bien que nous
ayons u,n feu aussi fort que nous pourrions
l’avoir par des miroirs mieux conçus que
ceux dont on s’est servi jusqu’à ce jour,
et , d’autre côté , nous sommes assurés que
la fixité n’est qu’une qualité relative, et
qu’aucune matière n’est d’une fixité absolue
ou invincible, puisque la chaleur dilate les
corps les plus fixes Or, cette dilatation n’est-
elle pas l’indice d’un commencement de sé-
paration qu’on augmente avec le degré de
chaleur jusqu’à la fusion , et qu’avec une
chaleur encore plus grande on augmenterait
jusqu’à la volatilisation?
La combustion suppose quelque chose de
plus que la volatilisation : il suffit pour
celle-ci que les parties de la matière soient
assez divisées, assez séparées les unes des
autres pour pouvoir être enlevées par celles
de la chaleur ; au lieu que , pour la combus-
tion, il faut encore qu’elles soient d’une na-
ture analogue à celle du feu; sans cela le
mercure, qui est le plus fluide après l’air,
serait aussi le plus combustible, tandis que
l’expérience nous démontre que, quoique
très-volatil, il est incombustible. Or, quelle
est donc l’analogie ou plutôt le rapport de
nature que peuvent avoir les matières com4
bustibles avec le feu? La matière, en géné-
ral , est composée de quatre substances prin-'
cipales qu’on appelle élémens la terre, l’eaf *
l’air , et le feu , entrent tous quatre en plu
ou moins grande quantité dans la composé
tion de toutes les matières particu lieras |
celles où la terre et l’eau dominent seront:
fixes, et ne pourront devenir que volatiles^
par l’action de la chaleur; celles, au coi*
traire , qui contiennent beaucoup d’air et
de feu, seront les seules vraiment combus-
tibles. La grande difficulté qu’il y ait ici,
c’est de concevoir nettement comment l’ait 't
et le feu, tous deux si volatils, peuvent mÉ
fixer et devenir parties constituantes de tout f
les corps : je dis de tous les corps; car nom
prouverons que quoiqu’il y ait une plut
grande quantité d’air et de feu fixes dani
les matières combustibles, et qu’ils y soient
combinés d’une manière différente que dani
les autres matières, toutes néanmoins cou
tiennent une quantité considérable de cet!
deux élémens , et que les matières les pli2 I
fixes et les moins combustibles sont celle
qui retiennent ces élémens fugitifs avec 1
plus de force. Le fameux phlogistique deh
chimistes (être de leur méthode plutôt qu<
de la nature) n’est pas un principe simj.
et identique, comme ils nous le présentent X ““
c’est un composé, un produit de l’alliage y
un résultat de la combinaison des deux élfL /'
mens, de l’air et du feu fixés dans les corps i
Sans nous arrêter donc sur les idées obscul f ' 1
res et incomplètes que pourrait nous foqf
nir la considération de cet être précaire , $
nons-nous-en à celle de nos quatre éléméï : ,'Sl1
réels, auxquels les chimistes., avec tous leur! ^
nouveaux principes, seront toujours fores n
de revenir ultérieurement.
Nous voyons clairement que le feu, 0] S(l
absorbant de l’air, en détruit le ressort. Or
il n’y a que deux manières de détruire ui , ' "
ii n y ci t uc ut üa uiauiu es uvu une ui i,m
J , . flfUiu
ressort ; la première , en le comprimant as jb; S||
sez pour le rompre; la seconde, en l'éteu fifortet
pour te rompr
dant assez pour qu’il soit sans effet. Ce n’es | P1^
pas de la première manière que le feu peq Fj™'
détruire le ressort de l’air, puisque le mçwti I r,
dre degré de chaleur le raréfie, que cet® jLiii;,,
raréfaction augmente avec elle , et que l’ex
DES ÉLÉMENS. PARTIE I.
3i5
ence nous apprend qu’à une très-forte
eur la raréfaction de l’air est si grande ,
occupe alors un espace treize fois plus
du que celui de son volume ordinaire :
assort dès lors eu est d’autant plus foi-
et c’est dans cet état qu’il peut devenir
et s’unir sans résistance sous cette nou-
forme avec les autres corps. On entend
que cet air transformé et fixé n’est point
out le même que celui qui se trouve
ersé , disséminé dans la plupart des ma-
s, et qui conserve dans leurs pores sa
re entière : celui-ci ne leur est que mé-
é, et non pas uni; il ne leur tient que
une très-foible adhérence, au lieu que
re leur est si étroitement attaché, si in-
iment incorporé, que souvent on ne peut
séparer.
ous voyons de même que la lumière, en
Dant sur les corps , n’est pas , à beau-
) près , entièrement réfléchie , qu’il en
; en grande quantité dans la petite
sseur de la surface qu’elle frappe ; que
conséquent elle y perd son mouvement,
:teint , s’y fixe , et devient dès lors par-
:onstituante de tout ce qu’elle pénètre,
itez à cet air , à cette lumière , trans-
lés et fixés dans les corps, et qui peu-
être en quantité variable; ajoutez-y,
e, la quantité constante du feu que
es les matières , de quelque espèce que
lit, possèdent également ; cette quantité
tante de feu ou de chaleur actuelle du
e de la terre , dont la somme est bien
grande que celle de la chaleur qui nous
t du soleil , me paroît être non seule-
t un des grands ressorts du mécanisme
i nature , mais en même temps un élé-
t dont toute la matière du globe est
:trée ; c’est le feu élémentaire , qui ,
que toujours en mouvement expansif,
, par sa longue résidence dans la ma-
, et par son choc contre ses parties
, s’unir, s’incorporer avec elles, et s’é-
Ire par parties comme le fait la lumière
nous considérons plus particulièrement
dure des matières combustibles, nous
ans que toutes proviennent originaire-
Ceçi même pourroit se prouver par une expé-
qui inériteroit d’être poussée plus loin. J’ai
i!li sur un miroir ardent par réflexion une
forte chaleur sans aucune lumière, au moyen
: plaque de tôle mise entre le brasier et le
r; une partie de la chaleur s’est réfléchie au
d.u miroir, tandis que tout le reste dé la cha-
l’a pénétré : mais je n’ai pu m’assurer si
mentation de chaleur dans la matière du mi-
l’étoit pas aussi grande que s’il n’en eût pas
;hi,
ment des végétaux, des animaux, des êtres,
en un mot , qui sont placés à la surface du
globe que le soleil éclaire , échauffe et vivi-
fie : les bois , les charbons , les tourbes , les
bitumes, les résines, les huiles, les graisses,
les suifs, qui sont les vraies matières com-
bustibles, puisque toutes les autres ne le
sont qu’autant qu’elles en contiennent , ne
proviennent-ils pas tous des corps organisés
ou de leurs détrimens? Le bois, et même
le charbon ordinaire, les graisses, les huiles
par expression, la cire et le suif, ne sont
que des substances extraites immédiatement ;
des végétaux et des animaux ; les tourbes , 1
les charbons fossiles , les succins, les bitumes
liquides ou concrets, sont des produits de
leur mélange et de leur décomposition,
dont les détrimens ultérieurs forment les
soufres et les parties combustibles du fer,
du zinc, des pyrites, et de lous les miné-
raux que l’on peut enflammer. Je sens que
cette dernière assertion ne sera pas admise ,
et pourra même être rejetée, surtout par
ceux qui n’ont étudié la nature que par la
voie de la chimie : mais je les prie de con-
sidérer que leur méthode n’est pas celle de
la nature ; qu’elle ne pourra le devenir ou
même s’en approcher qu’autant qu’elle s’ac-
cordera avec la saine physique, autant qu’on
en bannira non seulement les expressions
obscures et techniques , mais surtout les prin-
cipes précaires, les êtres fictifs auxquels on
fait jouer le plus grand rôle, sans néanmoins
le connoître. Le soufre, en chimie, n’est
que le composé de l’acide vitrioîique et du
phlogistique : quelle apparence y a-t-il donc
qu’il puisse, comme les autres matières
combustibles, tirer son origine du détri-
ment des végétaux ou des animaux? A cela
je réponds , même en admettant cette défi-
nition chimique, que l’acide vitrioîique, et
en général tous les acides , tous les alcalis ,
sont moins des substances de la nature que
des produits de l’art. La nature forme des
sels et du soufre ; elle emploie à leur com-
position , comme à celle de toutes les autres
substances , les quatre élémens ; beaucoup
de terre et d’eau , un peu d’air et de feu ,
entrent en quantité variable dans chaque
différente substance saline ; moins de terre
et d’eau, et beaucoup plus d’air et de feu,
semblent entrer dans la composition du
soufre. Les sels et les soufres doivent donc
être regardés comme des êtres de la nature
dont on extrait , par le secours de l’art et
de la chimie, et par le moyeu du feu,
les différons acides qu’ils contiennent; et
puisque nous avons employé le feu, et par
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
3i 6
conséquent de l’air et des matières com-
bustibles, pour extraire ces acides, pou-
vons-nous douter qu’ils n’aient retenu et
qu’ils ne contiennent réellement des parties
de matière combustible qui y seront entrées
pendant l’extraction ?
Le phlogistique est encore bien moins
que l’acide un être naturel ; ce ne seroit
même qu’un être de raison, si on ne le
regardoit pas comme un composé d’air et
de feu devenu fixe et inhérent aux autres
corps. Le soufre peut en effet contenir
beaucoup de ce phlogistique, beaucoup
aussi d’acidé vitriolique ; mais il a , comme
toute autre matière , et sa terre et son eau :
d’ailleurs son origine indique qu’il faut une
grande consommation de matières com-
bustibles pour sa production ; il se trouve
dans les volcans , et il semble que la nature
ne le produise que par effort et par le
moyen du plus grand feu. Tout concourt
donc à nous prouver qu’il est de la même
nature que les autres matières combustibles ,
et que par conséquent il tire , comme elles ,
sa première origine du détriment des êtres
organisés.
Mais je vais plus loin : les acides eux-
mêmes viennent en grande partie de la
décomposition des substances animales ou
végétales , et contiennent en conséquence
des principes de la combustion. Prenons
pour exemple le salpêtre : ne doit-il pas
son origine à ces matières? n’est-il pas formé
par la putréfaction des végétaux , ainsi que
des urines et des excrémens des animaux ?
Il me semble que l’expérience le démontre ,
puisqu’on ne cherche, on ne trouve le sal-
pêtre que dans les habitations où 1 homme
et les animaux ont long-temps résidé; et
puisqu’il est immédiatement formé du dé-
triment des substances animales et végétales,
ne doit-il pas contenir une prodigieuse quan-
tité d’air et de feu fixes ? Aussi en contient-il
beaucoup, et même beaucoup plus que le
soufre , le charbon , l’huile , etc. Toutes ces
matières combustibles ont besoin, comme
nous l’avons dit , du secours de l’air pour
brûler, et se consument d’autant plus vite,
qu’elles en reçoivent en plus grande quan-
tité. Le salpêtre n’en a pas besoin dès qu’il
est mêlé avec quelques-unes de ces matières
combustibles ; il semble porter en lui-même
le réservoir de tout l’air nécessaire à sa
combustion : en le faisant détonner lente-
ment , on le voit souffler son propre feu
comme le feroit un soufflet étranger ; en le
renfermant le plus étroitement , son feu ,
loin de s’éteindre, n’en prend que plus de
force , et produit les explosions terrih j pa
sur lesquelles sont fondés nos arts rnei ! ( J11
triers. Cette combustion si prompte estll ^ai
même temps si complète , qu’il ne re ) *
presque rien après l’inflammation , tan l at
que toutes les autres matières enflamm ! ®
laissent des cendres ou d’autres résidus (
démontrent que leur combustion n’est i * ^
entière , ou , ce qui revient au même , qu’el ^ai
contiennent un assez grand nombre de p, ,
lies fixes, qui ne peuvent ni se brûler, ^
même se volatiliser. On peut de même < SP01
montrer que l’acide vitriolique contilii P
aussi beaucoup d’air et de feu fixes , qui i ® ^
que en moindre quantité que l’acide nitreu j *
et dès lors il tire, comme celui-ci, son o ^
giue de la même source, et le soufre, da in
la composition duquel cet acide entre IfS
abondamment, tire des animaux et iii ^
végétaux tous les principes de sa combm
bilité. s, d
Le phosphore artificiel, qui est le pn
mier dans l’ordre des matières combustible N
et dont l’acide est différent de l’acide i V
treux et de l’acide vitriolique, ne se t: IJlsi
aussi que du règne animal, ou, si l’on vei
en partie du règne végétal élaboré dans \ “pe
animaux , c’est-à-dire des deux sources 0“ <
toute matière combustible. Le phosphc ne I
s’enflamme de lui-même , c’est-à-dire sa; nde
communication de matière ignée , sans fr< j (|ii
tement , sans autre addition que celle 1 1 mm
contact deTair : autre preuve de la néc< I qvà
sité de cet élément pour la combusti- aas
même d’une matière qui ne paroît être coi isfa.
posée que du feu. Nous démontrerons dà ans
la suite que l’air est contenu dans l’eau soi les
une forme moyenne, entre l’état d’élastic > ! 1 ag
et celui de fixité. Le feu paroit être dans opre
phosphore à peu près dans ce même été sla.
moyen ; car de même que l’air se déga Iran
de l’eau dès que l’on diminue la pressili vra
de l’atmosphère, le feu se dégage du ph( lie
phore lorsqu’on fait cesser la pression me;
l’eau, où l’on est obligé de le tenir su sb
mergé pour pouvoir le garder et empêch ïlil
son feu de s’exalter. Le phosphore semb et
contenir cet élément sous une forme obseu ®h
et condensée , et il paroît être pour le f sou!
obscur ce qu’est le miroir ardent pour j b
feu lumineux , c’est-à-dire un moyen ]
condensation. >4
Mais sans nous soutenir plus long-lem j t
à la hauteur de ces considérations gén Ht
raies , auxquelles je pourrai revenir lorsqu j 5
sera nécessaire, suivons d’une manière pl i J?
directe et plus particulière l’examen 1 i /t(]
feu ; tâchons de saisir ses effets , et de 1 ! 4
;
t sous un point de vue plus fixe
on ne l’a fait jusqu’ici,
faction du feu sur les différentes sub-
ices dépend beaucoup de la manière
t on l’applique; et le produit de son
on sur une même substance paroîtra
érent selon la façon dont il est adminis-
J’ai pensé qu’on devoit considérer le
dans trois états différons : le premier ,
tif à sa vitesse ; le second , à son volume ;
e troisième à sa masse. Sous chacun de
points de vue, cet élément si simple,
informe en apparence , paroîtra, pour
;i dire, un élément différent. On aug-
îte la vitesse du feu sans en augmenter
volume apparent , toutes les fois que ,
s un espace donné et rempli de ma-
ïs combustibles , on presse l’action et
éveloppement du feu en augmentant la
sse de l’air par des soufflets , des trom-
L des ventilateurs, des tuyaux d’aspira-
, etc., qui tous accélèrent plus ou moins
apidité de l’air dirigé sur le feu : ce qui
prend, comme l’on voit, tous les instru-
is , tous les fourneaux à vent , depuis
grands fourneaux de forges jusqu’à la
pe des émailleurs. !
>n augmente l’action du feu par son vo-
e toutes les fois qu’on accumule une
ide quantité de matières combustibles,
ju’on en fait rouler la chaleur et la
mie dans les fourneaux de réverbère :
ui comprend , comme l’on sait , les four-
lix de nos manufactures de glaces, de
jtal , de verre, de porcelaine, de poterie,
ussi ceux où l’on fond tous les métaux
es minéraux , à l’exception du fer. Le
agit ici par son volume, et n’a que sa
ire vitesse, puisqu’on n’en augmente
la rapidité par les soufflets ou d’autres
rumens qui portent l’air sur le feu. Il
vrai que la forme des tisards , c’est-à-
i des ouvertures principales par où ces
’neaux tirent l’air , contribue à l’attirer
\ puissamment qu’il ne le seroit en es-
libre ; mais celte augmentation de vi-
3 est très-peu considérable en compa-
on de la grande rapidité que lui donnent
soufflets. Par ce dernier procédé on ac-
re Faction du feu, qu’on aiguise par
■ autant qu’il est possible ; par l’autre
cédé, on l’augménte en concentrant sa
une en grand volume.
1 y a , comme l’on voit , plusieurs moyens
igmenter l’action du feu , soit qu’on
ille le faire agir par sa vitesse ou par
volume: mais il n’y en a qu’un seul par
lel on puisse augmenter sa masse ; c’est
817
de le réunir au foyer d’un miroir ardent.
Lorsqu’on reçoit sur un miroir réfringent
ou réflexif les rayons du soleil , ou môme
ceux d’un feu bien allumé , on les réu-
nit dans un espace d’autant moindre , que
le miroir est plus grand et le foyer plus
court. Par exemple , avec un miroir de
quatre pieds de diamètre et d’un pouce de
foyer , il est clair que la quantité de lumière
ou de feu qui tombe sur le miroir de quatre
pieds se trouvant réunie dans l’espace d’un
pouce , seroit deux mille trois cent quatre
lois plus dense qu’elle ne l’étoit, si toute la
matière incidente arrivoit sans perle à ce
foyer. Nous verrons ailleurs ce qui s’en perd
effectivement ; mais il nous suffit ici de faire
sentir que quand même cette perte seroit
des deux tiers ou des trois quarts , la masse
du feu concentré au foyer de ce miroir sera
toujours six ou sept* cents fois plus dense
qu’elle ne l’étoit à la surface du miroir. Ici,
comme dans tous les autres cas , la masse
accroît par la contraction du volume , et le
feu dont on augmente ainsi la densité a
toutes les propriétés d’une masse de matière ;
car indépendamment de Faction de la cha-
leur par laquelle il pénètre les corps , il les
pousse et les déplace comme le feroit un
corps solide en mouvement qui en choque-
roit un autre. On pourra donc augmenter
par ce moyen la densité ou la masse du feu
d’autant plus qu’on perfectionnera davantage
la construction des miroirs ardens.
Or , chacune de cèsArois manières d’ad-
ministrer le feu et d’en augmenter ou la vi-
tesse, ou le volume, ou la masse, produit
sur les mêmes substances des effets souvent
très-différens : on calcine par l’un de ces
moyens ce que l’on fond par l’autre; on
volatilise par le dernier ce qui paroît ré-
fractaire au premier : en sorte que la même
matière donne des résultats si peu sembla-
bles, qu’on ne peut compter sur rien, à moins
qu’on ne la travaille en même temps ou suc-
cessivement par ces trois moyens ou procé-
dés que nous venons d’indiquer; ce qui est
une route plus longue , mais la seule qui
puisse nous conduire à la connoissance
exacte de tous les rapports que les diverses
substances peuvent avoir avec l’élément du
feu. Et de la même manière que je divise en
trois procédés généraux l’administration de
cet élément, je divise de même en trois
classes toutes les matières que l’on peut
soumettre à son action. Je mets à part, pour
un moment, celles qui sont purement com-
bustibles, et qui proviennent immédiatement
des animaux et des végétaux, et je divise
DES ËLÉMENS. PARTIE I.
8 MINÉRAUX. INTRODUCTION.
toutes ies matières minérales en trois classes
relativement à l’action du feu: la première
est celle des matières que cette action long-
temps continuée rend plus légères, comme
le fer ; la seconde , celle des matières que
cette même action du feu rend plus pesantes,
comme le plomb ; et la troisième classe est
celle des matières sur lesquelles , comme sur
l’or, cette action du feu ne paroît produire
aucun effet sensible , puisqu’elle n’altère
point leur pesanteur. Toutes les matières
existantes et possibles, c’est-à-dire toutes
les substances simples et composées , seront
nécessairement comprises dans l’une de ces
trois classes. Ces expériences par les trois
procédés, qui ne sont pas difficiles à faire,
et qui ne demandent que de l’exactitude et
du temps, pourraient nous découvrir plu-
sieurs choses utiles, et seraient très-néces-
saires pour fonder sur des principes réels la
théorie de la chimie : cette belle science ,
jusqu’à nos jours, n’a porté que sur une no-
menclature précaire, et sur des mots d’au-
tant plus vagues qu’ils sont plus généraux.
Le feu étant, pour ainsi dire, le seul instru-
ment de cet art , et sa nature n’étant point
connue, non plus que ses rapports avec les
autres corps, on ne sait ni ce qu’il y met
ni ce qu’il en ôte; on travaille donc à l’a-
veugle , et l’on ne peut arriver qu’à des ré-
sultats obscurs, que l’on rend encore plus
obscurs en les érigeant en principes. Le
phlogistique, leminéralisaleur, l’acide, l’al-
cali , etc. , ne sont que des termes créés par
la méthode , dont les définitions sont adop-
tées par convention, et ne répondent à au-
cune idée claire et précise, ni même à aucun
être réel. Tant que nous ne connoîtrons pas
mieux la nature du feu, tant que nous igno-
rerons ce qu’il ôte ou donne aux matières
qu’on soumet à son action, il ne sera pas
possible de prononcer sur la nature de ces
mêmes matières d’après les opérations de la
chimie, puisque chaque matière à laquelle
le feu ôte ou donne quelque chose n’est plus
la substance simple que l’on voudrait con-
naître, mais une matière composée et mé-
langée , ou dénaturée et changée par l’ad-
dition ou la soustraction d’autres matières
que le feu en enlève ou y fait entrer.
Prenons pour exemple de cette addition
et de cette soustraction le plomb et le mar-
bre. Par la simple calcination l’on augmente
le poids du plomb de près d’un quart, et
l’on diminue celui du marbre de près de
moitié : il y a donc un quart de matière in-
connue que le feu donne au premier, et
une moitié d’autre matière également in-
connue qu’il enlève au second. Toui g
raisonnemens de la chimie ne nous onl
démontré jusqu’ici ce que c’est que <
matière donnée ou enlevée par le feu ,
est évident que lorsqu’on travaille su
plomh et sur le marbre après leur cak
tion , ce ne sont plus ces matières sim
que l’on traite , mais d’autres matières
naturées et composées par l’action du
Ne seroil-il donc pas nécessaire, avant t
de procéder d’après les vues que je v
d’indiquer, de voir d’abord sous un m jj
coup d’œil toutes les matières que le fei
change ni n’altère , ensuite celles que le
détruit ou diminue, et enfin celles i
augmente et compose en s’incorporant
elles ? 1
Mais examinons de plus près la natur
feu considéré en lui-même. Puisque ^
une substance matérielle, il doit être si j(|)
à la loi générale, à laquelle toute mat
est soumise. Il est le moins pesant de
les corps, mais cependant il pèse; et q t
que ce que nous avons dit précédemn ^
suffise pour le prouver évidemment, i ^
le démontrerons encore par des expérie ^
palpables , et que tout le monde ser.i .
état de répéter aisément. On pourrait [
bord soupçonner, par la pesanteur réci
que des astres , que le feu en grande m '
est pesant , ainsi que toute matière ; ; ^
les astres qui sont lumineux comme le sgi ^
dont toute la substance paroît êire de
n’en exercent pas moins leur force d’at! { ■
tion à l’égard des astres qui ne le sont j
mais nous démontrerons que le feu m ^
en très-petit volume est réellement pes;J ^
qu’il obéit, comme toute autre mâtièrn ^
la loi générale de la pesanteur, et que j
conséquent il doit avoir de même des j ^
ports d’affinité avec les autres corps ,j ^
avoir plus ou moins avec telle ou telle :
stance , et n en avoir que peu ou pour ^
tout avec beaucoup d’autres. Toutes c ,fi
qu’il rendra plus pesantes , comme le plo 9
seront celles avec lesquelles il aura le | ^
d’affinité; et en le supposant appliqué J.
même degré et pendant un temps égal, c«
de ces matières qui gagneront le plus '
pesanteur seront aussi celles avec lesqu i .
cette affinité sera la plus grande. Un j,1
effets de cette affinité dans chaque mat
est de retenir la substance même du fe e
de se l'incorporer; et cette incorpora
suppose que non seulement le feu per<|
chaleur et son élasticité, mais même »K-
son mouvement , puisqu’il se fixe dans jk
corps et en devient partie constituant* ‘ 8311
DES ÉLÉMENS. PARTIE î.
319
| j a donc lieu de croire qu’il en est du feu
tomme de l’air, qui se trouve sous une
forme Fixe et conerèie dans presque tous les
lorps ; et l’on peut espérer qu’à l’exemple
Jlu docteur Haïes 1 , qui a su dégager cet
ir fixé dans tous les corps et en évaluer la
[uantité, il viendra quelque jour un physi-
cien habile qui trouvera les moyens de dis-
. raire le feu de toutes les matières où il se
Vouve sous une forme fixe : mais il faut au-
’j gravant faire la table de ces matières , en
établissant par l’expérience les différens
apports entre lesquels le feu se combine
vec toutes les substances qui lui sont ana-
jgues, et se fixe en plus ou moins grande
uantité, selon que ces substances ont plus
u moins de force pour le retenir.
Car il est évident que toutes les matières
ont la pesanteur augmente par l’action du
su sont douées d’une force attractive, telle
ue son effet est supérieur à celui de la force
\pansive dont les particules du feu sonS
Animées, puisque celle-ci s'amortit et s’é-
knt , que son mouvement cesse , et que
élastiques et fugitives qu’étoient ces parti-
11 Iules ignées, elles deviennent fixes, solides,
at prennent une forme Concrète. Ainsi les
tarières qui augmentent de poids par le
u, comme l’étain, le plomb, les fleurs de
ïnc , etc. , et toutes les autres qu’on pourra
découvrir, sont des substances qui, par leur
ïfinité avec le feu, l’attirent et se l’incor-
orent. Toutes les matières, au contraire,
ui, comme le fer, le cuivre, etc. , devien-
!ent plus légères à mesure qu’on les câl-
ine , sont des substances dont la force at-
active, relativement aux particules ignées,
"tt moindre que la force expansive du feu;
t c’est ce qui fait que le feu, au lieu de se
xer dans ces matières , en enlève , au con-
fire , et en chasse les parties les moins
ées,quine peuvent résister à son impul-
ion. Enfin celles qui, comme l’or, le platine,
largent , le grès , etc. , ne perdent ni n’ac-
luièrent par l’application du feu, et qu’il
Je fait, pour ainsi dire, que traverser sans
b rien enlever et sans y rien laisser, sont
les substances qui, n’ayant aucune affinité
vec le feu , et ne pouvant se joindre avec
ii , ne peuvent par conséquent ni le retenir
i l’accompagner en se laissant enlever. Il
st évident que les matières des deux pre-
, i. Le phosphore, qui n’est, pour ainsi dire,
'vu’une matière ignée, une substance qui conserve
iljt condense le feu , seroit le premier objet des exp-
ériences qu’il faudroit faire pour traiter le feu
jomme M. Haies a traité l’air, et le premier instru-
ment qu’il faudroit employer pour ce nouvel art,
mières classes ont avec le feu un certain
degré d’affinité , puisque celles de la seconde
classe se chargent du feu qu’elles retiennent^
et que le feu se charge de celles de la pre-
mière classe et qu’il les emporte , au lieu
que les matières de la troisième classe, aux-
quelles il ne donne ni ii’ôte rien , n’ont au-
cun rapport d’affinité ou d’attraction avec
lui, et sônt, pour ainsi dire, indifférentes
à son action, qui ne peut ni les dénaturer
ni même les altérer.
Cette division de toutes les matières en
trois classes relatives à l’action du feu , n’ex-
clut pas la division plus particulière et moins
absolue de toutes les matières en deux autres
classes , qu’on a jusqu’ici regardées comme
relatives à leur propre nature qui , dit-on ,
est toujours vitrescible ou calcaire. Notre
nouvelle division n’est qu’un point de vue
plus élevé , sous lequel il faut les considérer
pour tâcher d’en déduire la connoissanee
même de l’agent qu’on emploie par les
différens rapports que le feu peut avoir
avec toutes les substances auxquelles on l’ap-
plique. Faute de comparer ou de combiner
ces rapports , ainsi que les moyens qu’on
emploie pour appliquer le feu, je vois qu’on
tombe tous les jours dans des contradictions
apparentes , et même dans des erreurs très-
préjudiciables 2.
2. Je vais en donner un exemple récent. Deux
habiles chimistes (MM. Pott èt d’Arcet) ont soumis
un grand nombre de substances à l’action du feu.
Le prëmier s’est servi d’un fourneau que je suis
étonné que le second n’ait point entendu , puisque
rien ne m’a paru si clair dans tout l’ouvrage de
M. Pott, et qu’il ne. faut qu’un coup d’œil sur la
planche gravée de ce fourneau, pour reconnoîtrô
que, par sa Construction, il peut, quoique sans
soufflets , faire à peu près autant d’effet que s’il
en étoit garni ; car au moyen de longs tuyaux qui
sont adaptés au fourneau par le haut et par le bas,
l’air y arrive et circule avec une rapidité d’autant
plus grande que les tuyaux sont mieux propor-
tionnés : ce sont des soufflets conStanS , et dont on
peut augmenter l’effet à volonté. Cette construction
est si bonne et si simple , que je ne puis concevoir
que M. d’Arcet dise « que ce fourneau est un pro-
« blême pour lui.... qu’il est persuadé que M. Pott
« a dû se servir de soufflets , etc. , u tandis cju’il est
évident que sort fourneau équivaut , par sa con-
struction , à l’action des soufflets , et que par consé-
quent il n’avoit pas besoin d’y avoir recours ; que
d’ailleurs ce fourneau est encore exempt du vice1
que M. d’Arcet reproche aux soufflets , dont il a
raison de dire «que l’action alterne, sans cesse
«renaissante et expirante, jette du trouble et de
«l’inégalité sur celle du feu;» ce qui ne peut ar-
river ici , puisque, par la construction du fourneau,
l’on voit évidemment que le renouvellement de
l’air est constant, et que son action ne renaît ni
n’expire, mais est continue et toujours uniforme.
Ainsi M. Pott a employé l’un des moyens dont on
te doit servir pour appliquer le feu? c’est-à-dire
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
*320
On pourrait donc dire , avec les natura-
listes , que tout est vitrescible dans la na-
ture, à l’exception de ce qui est calcaire ;
que les quarz , les cristaux , les pierres pré-
cieuses , les cailloux , les grès , les granités,
porphyres , agates , ardoises, gypses , argile
les pierres ponces , les laves , les amiant
avec tous les métaux et autres minéram
sont vitrifiables par le feu de nos fourneau
ou par celui des miroirs ardens , tandis qi
iii
ira
ta
F
un moyen par lequel , comme par les soufflets , on
augmente la vitesse du feu, en le pressant inces-
samment par un air toujours renouvelé; et toutes
les fusions qu’il a faites par ce moyen, et dont j’ai
répété quelques-unes , comme celles du grès , du
quarz, etc., sont tx’ès-réelles, quoique M. d’Arcet
les nie : car pourquoi les nie-t-il ? c’est que de son
côté , au lieu d’employer, comme M. Pott , le pre-
mier de nos procédés généraux , c’est-à-dire le feu
par sa vitesse accélérée autant qu’il est possible
par le mouvement rapide de l’air, moyen par le-
quel il eût obtenu les mêmes résultats , il s’est servi
du second procédé , et n’a employé que le feu en
grand volume dans un fourneau, sans soufflets ou
sans équivalent, dans lequel, par conséquent, le
feu ne devoit pas produire les mêmes effets, mais
devoit en donner d’autres , que , par la même rai-
son , le premier procédé ne pouvoit pas produire.
Ainsi les contradictions entre les résultats de ces
deux habiles chimistes ne sont qu’apparentes et
fondées sur deux erreurs évidentes : la première
consiste à croire que le feu le plus violent est celui
qui est en plus grand volume ; et la seconde , que
l'on doit obtenir du feu violent les mêmes résultats,
de quelque manière qu’on l’applique : cependant
ces deux idées sont fausses. La considération des
vérités contraires est encore une des premières
pierres qu’il faudroit poser aux fondemens de la
chimie; car ne seroit-il pas très-nécessaire avant
tout , et pour éviter de pareilles contradictions à
l’avenir, que les chimistes ne perdissent point de
vue qu’il y a trois moyens généraux , et très-diffé-
rens l’un de l’autre, d’appliquer le feu violent? Le
premier, comme je l’ai dit, par lequel on n’emploie
qu’un petit volume de feu, mais que l’on agite,
aiguise, exalte au plus haut degré par la vitesse
de l’air, soit par des soufflets, soit par un four-
neau semblable à celui de M. Pott , qui tire l’air
avec rapidité : on voit, par l’effet de la lampe d’é-
mailleur, qu’avec une quantité de feu presque infi-
niment petite , on fait de plus grands effets en petit
que le fourneau de verrerie ne peut en faire en
grand. Le second moyen est d’appliquer le feu,
non pas en petit , mais en très-grande quantité ,
comme on le fait dans les fourneaux de porcelaine
et de verrerie , où le feu n’est fort que par son vo-
lume, où son action est tranquille, et n’est pas
■exaltée par un renouvellement très-rapide de l’air.
Le troisième moyen est d’appliquer le feu en très-
petit volume, mais en augmentant sa masse et son
intensité au point de le rendre plus fort que par le
second moyen , et plus violent que par le premier ;
et ce moyen de concentrer le feu et d’en augmenter
la masse par les miroirs ardens , est encore le plus
puissant de tous.
Or, chacun de ces trois moyens doit fournir un
certain nombre de résultats différens : si , par le
premier moyen , on fond et vitrifie telles et telles
matières, il est très-possible que, par le second
moyen , on ne puisse vitrifier ces mêmes matières ,
•et qu’au contraire on en puisse fondre d’autres qui
n’ont pu l’être par le premier moyen ; et enfin il
est tout aussi possible que , par le troisième moyen,
on obtienne encore plusieurs résultats semblables
ou différens de ceux qu’ont fournis les deux pre-
miers moyens. Dès lors un chimiste qui , comi
M. Pott, n’emploie que le premier moyen, doit
borner à donner les résultats fournis par ce moyc
faire, comme il l’a fait, l’énumération des matièi
qu’il a fondues, mais ne pas prononcer sur la ne
fusibilité des autres, parce qu’elles peuvent l’êl
par le second ou le troisième moyen ; enfin ne p
dire affirmativement et exclusivement, en parh
de son fourneau, «qu’en une heure de temps,
« deux au plus, il met en fonte tout ce qui
« fusible dans la nature. » Et, par la même raiso
un autre chimiste qui, comme M. d’Arcet, ne s’i
servi que du second moyen , tombe dans l’errec
s’il se croit en contradiction avec celui qui ne s’i
servi que du premier moyen, et cela parce qi
n’a pu fondre plusieurs matières, que l’autre a f
couler, et qu’au contraire il a mis en fusion d’a
1res matières que le premier n’avoit pu fondre; c
si l’un ou l’autre se fût avisé d’employer succc
sivement les deux moyens , il auroit bien senti qij *
n’étoit point en contradiction avec lui-même, §,
que la différence des résultats ne provenoit que-
la différence des moyens employés. Que résulte-
donc de. réel de tout ceci , sinon qu'il faut ajou
à la liste des matières fondues par M. Pott, cel
de M. d’Arcet, et se souvenir seulement que, pc
fondre les premières , il faut le premier moyen ,
le second pour fondre les autres ? Il n’y a par cc
séquent aucune contradiction entre les expérienc
de M. Pott et celles de M. d’Arcet, que je cr>
également bonnes : mais tous deux , après ce
conciliation, auroient encore tort de conclure qu!
ont fondu par ces deux moyens tout ce qui est i
sible dans la nature, puisque l’on peut démont
que par le troisième moyen, c’est-à-dire par
miroirs ardens , on fond et vitrifie, on volatiîi
et même on brûle quelques matières qui leur
également paru fixes et réfractaires au feu de le
fourneaux. Je ne m’arrêterai pas sur plusiei
choses de détail , qui cependant mériteroient a
madversion, parce qu’il est toujours utile de ne j
laisser germer des idées erronées ou des faits n
vus , et dont on peut tirer de fausses conséquene
M. d’Arcet dit qu’il a remarqué constamment q
la flamme fait plus d’effet que le feu de charb<
Oui , sans doute , si ce feu n’est pas excité par
vent; mais toutes les fois que le charbon ard<
sera vitrifié par un air rapide, il y aura de
flamme qui sera plus active et produira de bi
plus grands effets que la flamme tranquille,
même , lorsqu’il dit que les fourneaux donnent
la chaleur en raison de leur épaisseur, cela ne p<
être vrai que dans le seul cas où les fournea
étant supposés égaux , le feu qu’ils contiennent
roit en même temps animé par deux courans d’;
égaux en volume et en rapidité. La violence du i
dépend presque en entier de cette rapidité du cc
rant de l’air qui l’anime ; je puis le démontrer J
ma propre expérience : j’ai vu le grès, que M. à’>
cet croit infusible, couler et se couvrir d’émail p
le moyen de deux bons soufflets, mais sans le c
cours cl’aucun fourneau et à feu ouvert. L’effet c j
fourneaux épais n’est pas d’augmenter la chalet jj
mais de la conserver ; et ils la conservent d’auta
plus long-temps qu’ils sont plus épais.
ferie
liere;
:v-.
DES ELEMENS. PARTIE I.
les marbres, les albâtres, les pierres, les
craies , les marnes , et les autres substances
qui proviennent du détriment des coquilles
et des madrépores , ne peuvent se réduire
en fusion par ces moyens. Cependant je suis
persuadé que si l’on vient à bout d’aug-
menter encore la force des fourneaux , et
surtout la puissance des miroirs ardens,
on arrivera au point de faire fondre ces ma-
tières calcaires qui paroissent être d’une
nature différente de celle des autres ; puis-
qu’il y a mille et mille raisons de croire
qu’au fond leur substance est la même , et
que le verre est la base commune de toutes
les matières terrestres.
| Par les expériences que j’ai pu faire moi-
même pour comparer la force du feu, selon
qu’on emploie , ou sa vitesse , ou son vo-
lume , ou sa masse , j’ai trouvé que le feu
Ides plus grands et des plus puissans four-
neaux de verrerie n’est qu’un feu foible en
comparaison de celui des fourneaux à souf-
flets , et que le feu produit au foyer d’un
bon miroir ardent est encore plus fort que
celui des plus grands fourneaux de forge.
IJ’ai tenu pendant trente-six heures , dans
l’endroit le plus chaud du fourneau de
(Rouelle , en Bourgogne , où l’on fait des
glaces aussi grandes et aussi belles qu’à
Saint-Gobin en Picardie , et où le feu est
aussi violent ; j’ai tenu , dis-je , pendant
trente-six heures à ce feu , de la mine de
fer, sans qu’elle se soit fondue , ni aggluti-
née, ni même altérée en aucune manière,
tandis qu’en moins de douze heures celte
piine coule en fonte dans les fourneaux de
ina forge : ainsi ce dernier feu est bien su-
périeur à l’autre. De même , j’ai fondu ou
volatilisé au miroir ardent plusieurs ma-
tières que ni le feu des fourneaux de réver-
bère , ni celui des plus puissans soufflets
n’avoient pu fondre, et je me suis convaincu
que ce dernier moyen est le plus puissant
de tous. Mais je renvoie à la partie expéri-
mentale de mon ouvrage le détail de ces ex-
périences importantes, dont je me contente
d’indiquer ici le résultat général,
i On croit vulgairement que la flamme est
la partie la plus chaude du feu : cependant
rien n’est plus mal fondé que cette opinion;
ta on peut démontrer le contraire par les
expériences les plus aisées et les plus fami-
lières. Présentez à un feu de faille ou même
à la flamme d’un fagot qu’on vient d’allu-
imer un linge pour le sécher ou le chauffer;
il vous faudra le double et le triple du temps
j^iour lui donner le degré de sécheresse ou
de chaleur que vous lui donnerez en l’ex-
Buffon. I.
posant à un brasier sans flamme, ou même
à un poêle bien chaud. La flamme a été
très-bien caractérisée par Newton , lorsqu’il
l’a définie une fumée brûlante ( flamma est
fumus candens ) , et cette fumée ou vapeur
qui brûle n’a jamais la même quantité , la
même intensité de chaleur que le corps
combustible duquel elle s’échappe ; seule-
ment , en s’élevant et s’étendant au loin, elle
a la propriété de communiquer le feu , et de
le porter plus loin que ne s’étend la chaleur
du brasier, qui seule ne suffiroit pas pour
le communiquer même de près.
Cette communication du feu mérite une
attention particulière. J’ai vu , après y avoir
réfléchi , que, .pour la bien entendre, il fal-
loit s’aider non seulement des faits qui pa-
roissent y avoir rapport, mais encore de
quelques expériences nouvelles , dont le
succès ne me paroît laisser aucun doute sur
la manière dont se fait cette opération de
la nature. Qu’on reçoive dans un moule
deux ou trois milliers de fer au sortir du
fourneau, ce métal perd en peu de temps
son incandescence , et cesse d’être rouge
après une heure ou deux, suivant l'épais-
seur plus ou moins grande du lingot. Si ,
dans le moment qu’il cesse de nous paroître
rouge , on le tire du moule , les parties in-
férieures seront encore rouges , mais per-
dront cette couleur en peu de temps. Or,
tant que le, rouge subsiste, on pourra en-
flammer, allumer les matières combustibles
qu’on appliquera sur ce lingot : mais , dès
qu’il a perdu cet état d’incandescence, il y
a des matières en grand nombre qu’il ne
peTft plus enflammer ; et cependant la cha-
leur qu’il répand est peut-être cent fois plus
grande que celle d’un feu de paille qui néan-
moins communiqueroit l’inflammalion à
toutes ces matières. Cela m’a fait penser que
la flamme étant nécessaire à la communica-
tion du feu , il y avoit de la flamme dans
toute incandescence ; la couleur rouge sem-
ble en effet nous l’indiquer : mais , 'par l’ha-
bitude où l’on est de ne regarder comme
flamme que cette matière légère qu’agite et
qu’emporte l’air, on n’a pas pensé qu’il
pouvoit y avoir de la flamme assez dense
pour ne pas obéir, comme la flamme com-
mune , à l’impulsion de l’air ; et c’est ce
que j’ai voulu vérifier par quelques expé-
riences, en approchanl, par degrés de ligne
et de demi-ligne, des matières combustibles
près de la surface du métal en incandescence
et dans l’état qui suit l’incandescence.
Je suis donc convaincu que les matières
incombustibles, et même les plus fixes, telles
21
322
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
que l’or et l’argent, sont, dans l’état d’incan-
descence, environnées d’une flamme dense
qui ne s’étend qu’à une très-petite distance,
et qui , pour ainsi dire , est attachée à leur
surface ; et je conçois aisément que quand la
flamme devient dense à un certain degré ,
elle cesse d’obéir à la fluctuation de l’air.
Cette couleur blanche ou rouge qui sort de
tous les corps en incandescence et vient frap-
per nos yeux est l’évaporation de cette
flamme dense qui environne le corps en se
renouvelant incessamment à sa surface ; et
la lumière du soleil même n’est-elle pas l’é-
vaporation de cette flamme dense dont
brille sa surface avec si grand éclat? cette
lumière ne produit-elle pas, lorsqu’on la
condense, les mêmes effets que la flamme la
plus vive ? ne communique-t-elle pas lé feu
avec autant de promptitude et d’énergie ? ne
résiste-t-elle pas, comme notre flamme dense,
à l’impulsion de l’air? ne suit-elle pas tou-
jours une route directe , que le mouvement
de l’air ne peut ni contrarier, ni changer,
puisqu’en soufflant , comme je l’ai éprouvé ,
avec un fort soufflet , sur le cône lumineux
d’un miroir ardent, on ne diminue point du
tout l’action de la lumière dont il est com-
posé , et qu’on doit la regarder comme une
vraie flamme plus pure et plus dense que
toutes les flammes de nos matières combus-
tibles?
C’est donc par la lumière que le feu se
communique , et la chaleur seule ne peut
produire le même effet que quand elle de-
vient assez forte pour être lumineuse. Les
métaux, les cailloux, les grès, les briques,
les pierres calcaires , quel que puisse *èlre
leur degré différent de chaleur , ne pourront
enflammer deux corps que quand ils seront
devenus lumineux. L’eau elle-même, cet élé-
ment destructeur du feu, et par lequel seul
nous pouvons en empêcher la communica-
tion , le communique néanmoins , lorsque ,
dans un vaisseau bien fermé , tel que celui
de la marmite de Papin 1 , on la pénètre
d’une assez grande quantité de feu pour la
rendre lumineuse, et capable de fondre le
plomb et l’étain; tandis que, quand elle
n’est que bouillante, loin de propager et de
communiquer le feu , elle l’éteint sur-le-
champ. Il est vrai que la chaleur seule suffit
pour préparer et disposer les corps combus-
tibles à l’inflammation , et les autres à l’in-
candescence; la chaleur chasse des corps
i. Dans le digesteur de Papin , la chaleur de l’eau
est portée au -point de fondre le plomb et l’étain
qu'on y a suspendus avec du fil de fer ou du
laiton.
toutes les parties humides , c’est-à-dire d
l’eau , qui , de toutes les matières , est cell
qui s’oppose le plus à l’action du feu ; et e ,
qui est remarquable , c’est que cette mêm
chaleur qui dilate tous les corps ne laisse pa
de les durcir en les séchant : je l’ai reconm
cent fois , en examinant les pierres de me
grands fourneaux , surtout les pierres cal
caires; elles prennent une augmentation d
dureté, proportionnée au temps qu’elles on
éprouvé la chaleur : celles , par exemple
des parois extérieures du fourneau , et qu
ont reçu sans interruption, pendant cinq 01
six mois de suite , quatre-vingts ou quatre
vingt-cinq degrés de chaleur constante , de
viennent si dures , qu’on a de la peine à le
entamer avec les instrumens ordinaires di
tailleur de pierres; on diroit qu’elles on
changé de qualité , quoique néanmoins elle
la conservent à tous autres égards ; car ce
mêmes pierres n’en font pas moins de |
chaux comme les autres , lorsqu’on leur ap
pîique le degré de feu nécessaire à cette opé
ration.
Ces pierres , devenues dures par la longu4
chaleur qu’elles ont éprouvée , deviennent ei
même temps, spécifiquement plus pesantes
de là , j’ai cru devoir tirer une inductioi
ht
ldi
qui prouve, et même confirme pleinemen
que la chaleur, quoique en apparence tou
jours fugitive et jamais stable dans les corp
qu’elle pénètre, et dont elle semble constam
ment s’efforcer de sortir, y dépose néan
moins d’une manière très-stable beaucoup di
parties qui s’y fixent, et remplacent, er
quantité même plus grande , les partie;
aqueuses et autres qu’elle en a chassées
Mais ce qui paroît contraire, ou du moin,
très-difficile à concilier ici, c’est que cett<
même pierre calcaire qui devient spécifique'
ment plus pesante par l’action d’une chaleur
modérée, long -temps continuée, devien
tout à coup plus légère de près d’une moitié
de son poids, dès qu’on la soumet au granc
feu nécessaire à sa calcination, et qu’ellt
perd en même temps non seulement toufi
la dureté qu’elle avoit acquise par 1’aclion
de la simple chaleur , mais même sa dureté,
naturelle, c’ést-à-dire la cohérence de ses 1"
parties constituantes; effet singulier, dont
je renvoie l’explication à l’article suivant où
je traiterai de l’air, de l’eau et de la terre ,
parce qu’il me paroît tenir encore plus à la
nature de ces trois élémens qu’à celle de l’é-
lément du feu.
Mais c’est ici le lieu de parler de la calci-
nation : prise généralement , elle est pour les
corps fixes et combustibles ce qu’est la com-
■Hli
DES ELEMENS. PARTIE I.
3a3
bustion pour les matières volatiles et inflam-
mables ; la calcination a besoin , comme la
combustion, du secours de l’air; elle s’opèi’e
d’autant plus vite qu’on }ui fournit une plus
grande quantité d’air ; sans cela, le feu le plus
violent ne peut rien calciner, rien enflam-
mer que les matières qui contiennent en elles-
mêmes , et qui fournissent, à mesure qu’elles
brûlent ou se calcinent, tout l’air nécessaire à
la combustion ou à la calcination des substan
ces avec lesquelles on les mêle. Celte néces-
sité du concours de l’air dans la calcination ,
comme dans la combustion , indique qu’il y
a plus de choses communes entre elles qu’on
ne l’a soupçonné. L’application du feu est le
principe de toutes deux ; celle de l’air en est
la cause seconde, et presque aussi néces-
saire que la première : mais ces deux causes
se combinent inégalement , selon qu’elles
agissent en plus ou moins de temps, avec
plus ou moins de force, sur des substances
différentes ; il faut, pour en raisonner jusle,
»e rappeler les effets de la calcination , et les
comparer entre eux et avec ceux de la com-
bustion.
La combustion s’opère promptement, et
[quelquefois se fait en un instant; la calcina-
ion est toujours plus lente, et quelquefois
longue , qu’on la croit impossible. A me-
ure que les matières son! plus inflammables
qu’on leur fournit plus d’air, la combus-
ion s’en fait avec plus de rapidité : et par
raison inverse, à mesure que les matières
ont plus incombustibles , la calcination
en fait avec plus de lenteur ; et lorsque les
larties constituantes d’une substance, telle
|ue l’or, sont non seulement incombustibles,
nais paroissent si fixes qu’on ne peut les
volatiliser , la calcination ne produit aucun
dfet, quelque violente qu’elle puisse être.
On doit donc considérer la calcination et la
ombuslion comme des effets du même
rdre , dont les deux extrêmes nous sont dé-
ignés par le phosphore, qui est le plus in-
lammable de tous les corps , et par l’or ,
jui , de tous , est le plus fixe et le moins
ombustible ; toutes les substances comprises
nlre ces deux extrêmes seront plus ou moins
ujeltes aux effets de la combustion ou de la
alcination, selon qu’elles s’approcheront
dus ou moins de ces deux extrêmes : de
orte que , dans les points milieux , il se
couvera des subslances qui éprouveront au
eu combustion et calcination en degré pres-
ue égal; d'où nous pouvons conclure, sans
faindre de nous tromper , que toute calci-
ation est toujours accompagnée d’un peu
Le combustion , et que de même toute com-
bustion est accompagnée d’un peu de calci-
nation. Les cendres et les autres résidus des
matières les plus combustibles ne démon-
trent-ils pas que le feu a calciné toutes les
parties qu’il n’a pas brûlées, et que , par con-
séquent, un peu de calcination se trouve ici
avec beaucoup de combustion ? La petite
flamme qui s’élève de la plupart des matières
qu’on calcine , ne démontre-t-elle pas de
même qu’il s’y fait un peu de combustion?
Ainsi , nous ne devons pas séparer ces deux
effets , si nous voulons bien saisir les résul-
tats de l’action du feu sur les différentes sub-
slances auxquelles on l’applique.
Mais , dira-t-on, la combustion détruit les
corps, ou du moins en diminue toujours le
volume ou la masse, en raison de la quan-
tité de matière qu’elle enlève ou consume ;
la calcination fait souvent le contraire , et
augmente la pesanteur d’un grand nombre
de matières : doit-on dès lors considérer ces
deux effets , dont les résultats sont si con-
traires, comme des effets du même ordre?
L’objection paroxt fondée et mérite réponse,
d’autant que c’est ici le point le plus diffi-
cile de la question. Je crois néanmoins pou-
voir y satisfaire pleinement. Considérons
pour cela une matière dans laquelle nous
supposerons moitié de parties fixes et moitié
de parties volatiles ou combustibles : il ar-
rivera, par l’application du feu, que toutes
ces parties volatiles ou combustibles seront
enlevées ou brûlées , et par conséquent sé-
parées de la masse totale; dès lors cette
masse , ou quantité de matière , se trouvera
diminuée de moitié , comme nous le voyons
dans les pierres calcaires qui perdent au feu
près de la moitié de leur poids. Mais si l’on
continue à appliquer le feu pendant un très-
long temps à cette moitié toute composée de
parties fixes , n’est-il pas facile de concevoir
que toute combustion, toute volatilisation
ayant cessé , cette matière , au lieu de conti-
nuer à perdre de sa masse, doit au contraire
en acquérir aux dépens de l’air et du feu
dont on ne cesse de la pénétrer ? et celles
qui, comme le plomb, ne perdent rien, mais
gagnent par l’application du feu , sont des
matières déjà calcinées , préparées par la na-
ture au degré où la combustion a cessé, et
susceptibles , par conséquent , d’augmenter
de pesanteur dès les premiers instans de l’ap-
plication du feu. Nous avons vu que la lu-
mière s’amortit et s’éteint à la surface de tous
les corps qui ne la réfléchissent pas ; nous
avons vu que la chaleur, par sa longue rési-
dence, se fixe en partie dans les matières
qu elle pénètre ; nous savons que l’air , pres-
21.
3fi4 MINÉRAUX. INTRODUCTION.
que aussi nécessaire à la calcination qu’à la
combustion, et toujours d’autant plus né-
cessaire à la calcination que les matières ont
plus de fixité, se fixe lui-même dans l’inté-
rieur des corps, et en devient partie cons-
tituante : dès lors , n’est-il pas très-naturel
de penser que celte augmentation de pesan-
teur ne vient que de l’addiiion des particules
de lumière, de chaleur et d’air, qui se sont
enfin fixées et unies à une matière contre
laquelle elles ont fait tant d’efforts, sans
pouvoir ni l’enlever ni la brûler? Cela est
si vrai , que quand on leur présente ensuite
une substance combustible avec laquelle elles
ont bien plus d’analogie, ou plutôt de con-
formité de nature , elles s’en saisissent avi-
dement, quittent la matière fixe à laquelle
elles n’éîoient, pour ainsi dire, attachées
que par force , reprennent par conséquent
leur mouvement naturel, leur élasticité , leur
volatilité , et partent toutes avec la matière
combustible , à laquelle elles viennent de se
joindre. Dès lors le métal ou la matière cal-
cinée à laquelle vous avez rendu ces parties
volatiles qu’elle avait perdues par sa combus-
tion, reprend sa première forme, et sa pe-
santeur se trouve diminuée de toute la quan-
tité des particules de feu et d’air qui s’é-
toient fixées , et qui viennent d’ètre enlevées
par cette nouvelle combustion. Tout cela
s’opère par la seule loi des affinités; et,
après ce qui vient d’ètre dit, il me semble
qu’il n’y a pas plus de difficulté à concevoir
comment la chaux d’un métal se réduit . que
d’entendre comment il se précipite en disso-
lution : la cause est la même , et les effets
sont pareils. Un métal dissous par un acide
se précipite lorsqu’on présente à cet acide
une autre substance avec laquelle il a plus
d’affinité qu’avec le métal; l’acide le quitte
alors et le laisse tomber. De même, ce métal
calciné , c’est-à-dire chargé départies d’air,
de chaleur et de feu, qui, s’étant fixées, le
tiennent sous la forme d’une chaux , se
précipitera, ou, si l’on veut, se réduira,
lorsqu’on présentera à ce feu et à cet air
fixés , des matières combustibles avec les-
quelles ils ont bien plus d’affinité qu’avec le
métal, qui reprendra sa première forme dès
qu’il sera débarrassé de cet air et de ce feu
superflus, et qu’il aura repris, aux dépens
des matières combustibles qu’on lui présente,
les parties volatiles qu’il avoit perdues.
Cette explication me paroit si simple et si
claire, que je ne vois pas ce qu’on peut y op-
poser. L’obscurité de la chimie vient en
'grande partie de ce qu’on en a peu généra-
lisé les principes , et qu’on ne les a pas réu-
nis à ceux de la haute physique. Les chi-
mistes ont adopté les affinités sans les com-
prendre , c’est-à-dire , sans entendre le rap-
port de la cause à l’effet , qui néanmoins
n’est autre que celui de l’attraction univer-
selle ; ils ont créé leur phlogistique sans sa-
voir ce que c’est , et cependant c’est de l’aii
et du feu fixes; ils ont formé, à mesure qu’ib
en ont eu besoin, des êtres idéaux, des mi-
ner alisateurs , des terres mercurielles, de*
noms , des termes d’autant plus vagues qu<
l’acception en estplüs générale. J’ose dirt;
que M. Macquer et M. de Morveau sont le.1
premiers de nos chimistes qui aient cormi
mencé à parler françois1. Cette science vt
donc naître, puisqu’on commence à parler!
et on parlera d’autant mieux, on l’entendrj>
plus aisément, qu’on en bannira le plus dq
mots techniques, qu’on renoncera de mefi
leure foi à tous ces petits principes secon
daires tirés de la méthode , qu’on s’occuper
davantage de les déduire des principes génel
raux de la mécanique rationnelle, qu’on cher
chera avec plus de soin à les ramener au est
lois de la nature , et qu’on sacrifiera plus vc
lontiers la comnéodité d’expliquer d’une ma
nière précaire et selon Part les phénomène
de la composition ou de la décomposition dé
substances à la difficulté de les présente
pour tels qu’ils sont, c’est-à-dire, pour dé
effets particuliers dépendans d’effets plus gé
néraux, qui sont les seules vraies causes
les seuls principes réels , auxquels on doiv
s’attacher , si l’on veut avancer la science è
la philosophie naturelle.
Je crois avoir démontré 2 que toutes I<
petites lois des affinités chimiques , qui p
roissent si variables, si différentes entji
elles, ne sont cependant pas autres que la l ;
générale de l’attraction commune à toute i
matière; que cette grande loi , toujours co jj
slante, toujours la même, ne paroit vari
que par son expression, qui ne peut pas êt
la même , lorsque la figure des corps ent
comme un élément dans leur distance. Av
celte nouvelle clef, on pourra scruter 1
secrets les plus profonds de la nature , <
pourra parvenir à connoître la figure des pt
ties primitives des différentes substances, i
signer les lois et les degrés de leurs affinit<
1. Dans le moment même qu’on imprime <
feuilles , paroit l’ouvrage de M. Baume, qui a pi
titre , Chimie expérimentale et raisonnée. L’auti
non seulement y parle une langue intelligible, m
il s’y montre partout aussi bon physicien <]
grand chimiste, et j’ai eu la satisfaction de v
que quelques-unes de ses idées générales s’accord1
avec les miennes.
2 . V oyez , De la nature , seconde vue.
DES ÉLÉMENS. PARTIE I.
déterminer les formes qu’elles prendront en
se réunissant , etc. Je crois de même avoir
fait entendre comme l’impulsion dépend de
l’attraction, et que, quoiqu’on puisse la
considérer comme une force différente , elle
n’est néanmoins qu’un effet particulier de
cette force unique et générale; j’ai présenté
la communication du mouvement comme im-
possible , autrement que par le ressort , d’où
j’ai conclu que tous les corps de la nature
sont plus ou moins élastiques, et qu’il n’y
en a aucun qui soit parfaitement dur, c’est-
à-dire entièrement privé de ressort, puisque
ii tous sont susceptibles de recevoir du mou-
vement; j’ai tâché de faire connoître com-
ment cette force unique pouvoit changer de
direction, et d’attractive devenir tout-à-coup
répulsive ; et de ces grands principes , qui
tous sont fondés sur la mécanique rationnelle,
j’ai essayé de déduire les principales opéra-
j tions de la nature , telles que la production
. delà lumière, de la chaleur, du feu, et de
j leur action sur les différentes substances : ce
[dernier objet, qui nous intéresse le plus ,
est un champ vaste , dont le défrichement
[suppose plus d’un siècle, et dont je n’ai pu
cultiver qu’un espace médiocre , en remet-
tant à des mains plus habiles ou plus labo-
I rieuses les instrumens dont je me suis servi.
| Ces instrumens sont les trois moyens d’em-
ployer le feu par sa vitesse, par son volume ,
et par sa masse , en l’appliquant concurrem-
ment aux trois classes des substances, qui
toutes , ou perdent , ou gagnent , ou ne per-
dent ni ne gagnent par l’application du feu.
Les expériences que j’ai faites sur le refroi-
| dissement des corps, sur la pesanteur réelle
|[ du feu , sur la nature de la flamme, sur le
progrès de la chaleur, sur sa communica-
ij tion , sa déperdition , sa concentration , sur
sa violente action sans flamme, etc., sont en-
I core autant d’instrumens , qui épargneront
| beaucoup de travail à ceux qui voudront s’en
I servir, et produiront une très-ample moisson
I de connoissances utiles.
SECONDE PARTIE.
De l’air , de Veau et de la terre.
Nous avons vu que l’air est l’adminicule
nécessaire et le premier aliment du feu, qui
[[ ne peut ni subsister, ni se propager, ni s’aug-
[| menter, qu’autant qu’il se l’assimile , le con-
| somme ou l’emporte , tandis que de toutes
I les substances matérielles l’air est au con-
j traire celle qui paroît exister le plus indé-
3a5
pendamment, et subsister le plus aisément ,
le plus constamment , sans le secours ou la
présence du feu; car, quoiqu’il ait habituel-
lement la même chaleur à peu près que les
autres matières à la surface de la terre, il
pourroit s’en passer, et il lui en faut infini-
ment moins qu’à toute autre pour entretenir
sa fluidité, puisque les froids les plus exces-
sifs, soit naturels, soit artificiels, ne lui font
rien perdre de sa nature ; que les conden-
sations les plus fortes ne sont pas capables de
rompre son ressort ; que le feu actif, ou plu-
tôt actuellement en exercice sur les matières
combustibles, est le seul agent qui puisse
altérer sa nature en la raréfiant, c’est-à-dire
en affoiblissant , en étendant son ressort jus-
qu’au point de le rendre sans effet, et de dé-
truire ainsi son élasticité. Dans cet état de
trop grande expansion et d’affoiblissement
extrême de son ressort, et dans toutes les
nuances qui précèdent cet état , l’air est ca-
pable de reprendre son élasticité à mesure
que les ‘vapeurs des matières combustibles
qui l’avoient aftoiblie s’évaporeront et s’en
sépareront. Mais si le ressort a été totalement
affoibli et si prodigieusement étendu , qu’il
ne puisse plus se resserrer ni se restituer,
ayant perdu toute sa puissance élastique ,
l’air, de volatile qu’il étoit auparavant , de-
vient une substance fixe qui s’incorpore avec
les autres substances , et fait dès lors partie
constituante de toutes celles auxquelles il
s’unit par le contact, ou dans lesquelles iî
pénètre à l’aide de la chaleur. Sous cette nou-
velle forme , il ne peut plus abandonner le
feu que pour s’unir comme matière fixe à
d’autres matières fixes; et s’il en -reste quel-
ques parties inséparables du feu , elles font
dès lors portion de cet élément ; elles lui ser-
vent de base, et se déposent avec lui dans les
substances qu’ils échauffent et pénètrent en-
semble. Cet effet , qui se manifeste dans
toutes les calcinations , est d’autant plus sen-
sible, que la chaleur est appliquée plus long-
temps. La combustion ne demande que peu
de temps pour se faire, même complètement,
au lieu que toute calcination suppose beau-
coup de temps ; il faut, pour l’accélérer,
amener à la surface, c’est-à-dire présenter
successivement à l’air, les matières que l’on
veut calciner ; il faut les fondre ou les divi-
ser en parties impalpables , pour qu’elles of-
frent à cet air plus de superficie; il faut
même se servir de soufflets, moins pour aug-
menter l’ardeur du feu que pour établir un
courant d’air sur la surface des matières , si
l’on veut presser leur calcination ; et , pour
la compléter avec tous ces moyens, il faut
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
3a6
souvent beaucoup de temps 1 ; d’où l’on doit
conclure qu’il faut aussi une assez longue
résidence de l’air devenu fixe dans les sub-
stances terrestres pour qu’il s’établisse à de-
meure sous cette nouvelle forme.
Mais il n’est pas nécessaire que le feu soit
violent pour faire perdre à l’air son élasti-
cité ; le plus petit feu , et même une chaleur
très-médiocre, dès qu’elle est immédiatement
et constamment appliquée sur une petite
quantité d’air, suffisent pour en détruire le
ressort : et pour que cet air sans ressort se
fixe ensuite dans les corps , il ne faut qu’un
peu plus ou un peu moins de temps , selon
le plus ou moins d’affinité qu’il peut avoir
sous cette nouvelle forme avec le» matières
auxquelles il s’unit. La chaleur du corps des
animaux , et même des végétaux , est encore
assez puissante pour produire cet effet : les
degrés de chaleur sont différens dans les clif-
férens genre d’animaux, et à commencer par
les oiseaux, qui sont les plus chauds de tous,
on passe successivement aux quadrupèdes ,
à l’homme, aux cétacés , qui le sont moins;
aux reptiles, aux poissons, aux insectes, qui
le sont beaucoup moins ; et enfin aux végé-
taux , dont1 la chaleur est si petite , qu’elle a
paru nulle aux observateurs, quoiqu’elle soit
très-réelle et qu’elle surpasse en hiver celle
de l’atmosphère. J’ai observé sur un grand
nombre de gros arbres coupés dans un temps
froid, que leur intérieur étoit très-sensible-
ment chaud, et que cette chaleur duroit pen-
dant plusieurs minutes après leur abattage.
Ce n’est pas le mouvement violent de la co-
gnée, ou le frottement brusque et réitéré de
la scie, qui produisent seuls cette chaleur#;
car en fendant ensuite ce bois avec des
coins, j’ai vu qu’il étoit chaud à deux ou
trois pieds de distance de l’endroit où l’on
avoit placé les coins, et que par conséquent
il avoit un degré de chaleur assez sensible
dans tout son intérieur. Cette chaleur n’est
que très-médiocre tant que l’arbre est jeune
et qu’il se porte bien : mais dès qu’il com-
mence à vieillir , le cœur s’échauffe par la
fermentation de la sève , qui n’y circule plus
avec la même liberté; cette partie du centre
i. Je ne sais si l’on ne calcineroit pas l’or, non
pas en le tenant , comme Boyle ou Kunckel , pen-
dant un très-long temps , dans un fourneau de ver-
rerie, où la vitesse de l’air n’est pas grande, mais
en le mettant près de la tuyère d’un bon fourneau
à vent , et le tenant en fusion dans un vaisseau ou-
vert, où l’on plongeroit une petite spatule, qu’on
ajusteroit de manière qu’elle tourneroit incessam-
ment et remueroit continuellement l’or en fusion ;
car il n’y a pas de comparaison entre la force de
ces feux, parce que l’air est ici bien plus accéléré
que dans les fourneaux de verrerie.
prend en s’échauffant une teinte rouge,
qui est le premier indice du dépérissement
de l’arbre et de la désorganisation du bois.
J’en ai manié des morceaux dans cet état, qui
étoient aussi chauds que si on les eût fait
chauffer au feu. Si les observateurs n’ont pas
trouvé qu’il y eût aucune différence entre la
température de l’air et la chaleur des végé-
taux, c’est qu’ils ont fait leurs observations
en mauvaise saison, et qu’ils n’ont pas fait
attention qu’en été le chaleur de l’air est
aussi grande et plus grande que celle de l'in-
térieur d’un arbre, tandis qu’en hiver c’est
tout le contraire; ils ne se sont pas souvenus
que les racines ont constamment au moins le
degré de chaleur de la terre qui les envi-
ronne, et que cette chaleur de l’intérieur de
la terre est, pendant tout l’hiver, considéra-
blement plus grande que celle de l’air et de
la surface de la terre refroidie par l’air : ils
ne se sont pas rappelé que les rayons du so-
leil, tombant trop vivement sur les feuilles
et sur les autres parties délicates des végé-
taux, non seulement les échauffent, mais les
brûlent; qu’ils échauffent de même à un
très-grand degré l’écorce et le bois dont ils
pénètrent la surface, dans laquelle ils s’amor-
tissent et se fixent ; ils n’ont pas pensé que
le mouvement seul de la sève , déjà chaude ,
est une cause nécessaire de chaleur , et que ce
mouvement venant à augmenter par l’action du
soleil ou d’uneautre chaleur extérieure, celle
des végétaux doit être d’autantplus grande que
le mouvement de leur sève est plus accéléré,
etc. Je n’insiste si long-temps sur ce point
qu’à cause de son importance; l’uniformité
du plan de la nature seroit violée , si , ayant
accordé à tous les animaux un degré de cha-
leur supérieur à celui des matières brutes ,
elle l’avoit refusé aux végétaux, qui, comme
les animaux, ont leur espèce de vie.
Mais ici l’air contribue encore à la cha-
leur animale et vitale, comme nous avons
vu plus haut qu’il contribuoit à l’action du
feu dans la combustion et la calcination des
matières combustibles et calcinables. Les
animaux qui ont des poumons , et qui par
conséquent respirent l’air , ont toujours plus
de chaleur que ceux qui en sont privés ;
et plus la surface intérieure des poumons
est étendue et ramifiée en plus grand nom-
bre de cellules ou bronches, plus, en un
mot , elle présente de superficie à l’air que
l’animal tire par l’inspiration , plus aussi
son sang devient chaud , et plus il commu-
nique de chaleur à toutes les parties du
corps qu’il abreuve ou nourrit, et cette
proportion a lieu dans tous les animaux con-
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I adivi
DES ÉLÉMENS. PARTIE II. 327
plus. Les oiseaux ont , relativement au vo-
lume de leur corps ; les poumons considéra-
blement plus étendus que l’homme ou les
Iquadrupèdes ; les reptiles, même ceux qui
put de la voix, comme les grenouilles,
n’ont , au lieu de poumons , qu'une simple
jrèssie ; les insectes , qui n’ont que peu ou
point de sang, ne pompent l’air que par
quelques trachées, etc. Aussi, en prenant
e degré de la température de la terre pour
erme de comparaison , j’ai vu que cette
dialeur étant supposée de 10 degrés, celle
les oiseaux étoit de près de 33 degrés ,
'elle de quelques quadrupèdes de plus de
li 1/2 degrés, celle de l’homme de 3o 1/2
>u 3i, tandis que celle des grenouilles
l’est que de 1 5 ou 1.6, celle des poissons
ît des insectes de ii ou 12, c’est-à-dire la
noindre de toutes, et à très-peu près la
nême que celle des végétaux 1 . Ainsi le
legré de chaleur dans l’homme et dans les
tnimaux dépend de la force et de l’etendue
les poumons : ce sont les soufflets de la
nachine animale ; ils en entretiennent et
pigmentent le feu selon qu’ils sont plus ou
noins puissans , et que leur mouvement est
dus ou moins prompt. La seule difficulté
;st de concevoir comment ces espèces de
ouf fiels ( dont la construction est aussi su-
jérieure à celle de nos soufflets d’usage
jue la nature est au dessus de nos arts )
leuvent porter l’air sur le feu qui nous
mime; feu dont le foyer paroît assez indéter-
niné , feu qu’on n’a pas même voulu qua-
ifier de ce nom, parce qu’il est sans flamme ,
ians fumée apparente, et que sa chaleur
l’est que très-médiocre et assez uniforme.
Üeperidant, si l’on considère que la chaleur
:t le feu sont des effets et même des élé-
nens du même ordre, si l’on se rappelle
pte la chaleur raréfie l’air , et qu’en éten-
fant son ressort elle peut l’affoibîir au point
le le rendre sans effet, on pourra penser
pie cet air tiré par nos poumons , s’y raré-
fiant beaucoup , doit perdre son ressort dans
1. Je ne sais pas s’il faut faire une exception
mur les abeilles , comme l’ont fait la plupart de
ms observateurs , qui prétendent que ces mouches
mt autant de chaleur- que les animaux qui respi-
rent, parce que leur ruche est aussi chaude que le
iorps de ces animaux : il me semble que cette cha-
leur de l’intérieur de la ruche n’est point du tout
la chaleur demhaque abeille, mais la somme totale
le la chaleur qui s’évapore des corps de neuf ou
Six mille individus réunis dans cet espace où leur
'nouvement continuel doit l’augmenter encore; et
en divisant cette somme générale de chaleur par la
Quantité particulière de chaleur qui s’évapore de
chaque individu , on trouveroit peut-être que l’a-
tltaeille n’a pas plus de chaleur qu’une autre mouche.
les bronches et dans les petites vésicules où
il ne peut pénétrer qu’en très-petit volume,
et en bulles dont le ressort , déjà très-éten-
du, sera bientôt détruit par la chaleur du
sang artériel et veineux ; car ces vaisseaux de
sang ne sont séparés des vésicules pulmonaires
qui reçoivent l’air que par dés cloisons si
minces, qu’elles laissent, aisément passer cet
air dans le sang, où il ne peut manquer de
produire le même effet que sur le feu com-
mun, parce que le degré de, chaleur de ce
sang est plus que suffisant pour détruire en
entier l’élasticité des particules d’air, les
fixer et les entraîner sous cette nouvelle
forme dans toutes les voies de la circulation.
Le feu du corps animal ne diffère du feu
commun que du moins au plus; le degré de
chaleur est moindre : dès lors il n’y a point
de flamme , parce que les vapeurs qui s’élè-
vent , et qui représentent la fumée de ce
feu , n’ont pas assez de chaleur pour s’en-
flammer ou devenir ardentes, et qu’étant
d’ailleurs mêlées de beaucoup de parties
humides qu’elles enlèvent avec elles, ces
vapeurs ou cette fumée ne peuvent ni s’allu-
mer ni brûler 2. Tous les autres effets sont
?.. J’ai fait une grande expérience au sujet de
l’inflammation de la fumée. J’ai rempli de charbon
sec et conservé à couvert depuis plus de six mois
deux de mes fourneaux, qui ont également qua-
torze pieds de hauteur, et qui ne diffèrent dans
leur construction queparTes proportions des di-
mensions en largeur, le premier contenant juste un
tiers de plus que le second. J’ai rempli l’un avec
douze cents livres de charbon , et l’autre avec huit
cents livres, et j’ai adapté au plus grand un tuyau
d’aspiration , construit avec un châssis de fer, garni
de tôle , qui avoit treize pouces en carré sur dix
pieds de hauteur ; je lui avois donné treize pouces
sur les quatre côtés , pour qu’il remplît exactement
l’ouverture supérieure du fourneau , qui étoit car-
rée, et qui avoit treize pouces et demi de toutes
faces. Avant de remplir ces fourneaux , on avoit
préparé dans le bas une petite cavité en forme de
voûte, soutenue par des bois secs, sous lesquels
on mit le feu au moment qu’on commença de char-
ger de charbon: ce feu, qui d’abord étoit vif, se
ralentit à mesure qu’on chargeoit ; cependant il
subsista toujours sans s’éteindre; et lorsque les
fourneaux furent remplis en entier, j’en examinai
le progrès et le produit , sans le remuer et sans y
rien ajouter : pendant les six premières heures , la
fumée, qui avoit commencé de s’élever au moment
qu’on avoi.t commencé de charger, étoit très-hu-
mide ; ce que je reconnoissois aisément par les
gouttes d’eau qui paroissoient sur les parties exté-
rieures du tuyau d’aspiration ; et ce tuyau n’étoi1
encore au bout de six heures que médiocrement
chaud , car je pouvois le toucher aisément. On laissa
le feu , le tuyau et les fourneaux , pendant toute
la nuit, darts cet état; la fumée, continuant tou-
jours, devint si abondante, si épaisse et si noire ,
que le lendemain, en arrivant à mes forges , je crus
qu’il y avoit un incendie. L’air étoit calme; et
comme le vent ne dissipoit pas la fumée , elle en-
323
absolument les mêmes : la respiration d’un
petit animal absorbe autant d’air que la lu-
mière d’une chandelle ; dans des vaisseaux
fermés , de capacités égales , l’animal meurt
en même temps que la chandelle s’éteint.
Rien ne peut démontrer plus évidemment
que le feu de l’animal et celui de la chan-
delle, ou de toute autre matière combusti-
ble allumée, sont des feux non seulement
du même ordre, mais d’une seule et même
nature, auxquels le secours de l’air est éga-
lement nécessaire , et qui tous deux se l’ap-
proprient de la même manière , l’absorbent
comme aliment , l’entraînent dans leur route,
et le déposent, sous une forme fixe, dans
les substances qu’ils pénètrent.
Les végétaux et la plupart des insectes
n’ont, au lieu de poumons, que des tuyaux
aspiratoires , des espèces de trachées par
lesquelles ils ne laissent pas de pomper tout
l’air qui leur est nécessaire ; on le voit pas-
ser en bulles très-sensibles dans la sève de
la vigne : il est non seulement pompé par
les racines, mais souvent même par les feuil-
les; il fait partie et partie très-essentielle
de la nounâture du végétal, qui dès lors se
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
l’assimile, le fixe et le conserve. Le petit
degré de la chaleur végétale, joint à celui
de la chaleur du soleil, suffit pour détruire
le ressort de l’air contenu dans la sève, sur-
tout lorsque cet air, qui n’a pu être admis
dans le corps de la plante et arriver à la
sève qu’après avoir passé par des tuyaux
très-serrés, se trouve divisé en particules
presque infiniment petites , que le moindre
degré de chaleur suffit pour rendre fixes.
L’expérience confirme pleinement tout ce
que je viens d’avancer : les matières animales
et végétales contiennent toutes une très-
grande quantité de cet air fixe; et c’est en
quoi consiste l’un des principes de leur in-
flammabilité. Toutes les matières combusti-
bles contiennent beaucoup d’air; tous les
animaux et les végétaux, toutes leurs parties,
tous leurs détrimens , toutes les matières qui
en proviennent, toutes les substances où ces
détrimens se trouvent mélangés, contien-i
lient plus ou moins d’air fixe, et la plupart
renferment aussi une certaine quantité d’air!
élastique. On ne peut douter de ces faits
dont la certitude est acquise par les belles
expériences du docteur Haies, et dont les
lira
qui
::
veloppoit les bâtimens et les déroboit à ma vue :
elle duroit déjà depuis vingt-six heures. J’allai à
mes fourneaux : je trouvai que le feu, qui n’étoit
allumé qu’à la partie du bas, n’avoit pas augmenté,
qu’il se soutenoit au même degré; mais la fumée ,
qui avoit donné de l’humidité dans les six pre-
mières heures, étoit devenue plus sèche, et parois-
solt néanmoins tout aussi noire. Le tuyau d’aspira-
tion ne pompoit pas davantage; il étoit seulement
un peu plus chaud, et la fumée ne formoit plus
de gouttes sur sa surface extérieure. La cavité des
fourneaux, qui avoit quatorze pieds de hauteur, se
trouva vide, au bout des vingt-six heures , d’envi-
ron trois pieds; je les fis remplir, l’un avec cin-
quante, et l’autre avec soixante-quinze livres de.
charbon, et je fis remettre tout de suite le tuyau
d’aspiration qu’on avoit été obligé d’enlever pour
charger. Cette augmentation d’aliment n’augmenta
pas le feu ni même la fumée; elle ne changea rien
à l’état précédent. J’observai le tout pendant huit
heures de suite, m’attendant à tout instant à voir
paroître la flamme, et ne concevant pas pourquoi
cette fumée d'un charbon si sec, et si sèche elle-
même, qu’elle ne déposait pas la moindre humi-
dité, ne s’enflammoit pas d’elle-même après trente-
quatre heures de feu toujours subsistant au bas
des fourneaux ; je les abandonnai donc une seconde
fois dans cet état , et donnai ordre de n’y pas tou-
cher. Le jour suivant , douze heures après les
trente-quatre, je trouvai le même brouillard épais,
la même fumée noire couvrant mes bâtimens ; et
ayant visité mes fourneaux, je vis que le feu d’en
bas étoit toujours le même , la fumee la même et
sans aucune humidité, et que la cavité des four-
neaux étoit vide de trois pieds deux pouces dans
le plus petit, et de deux pieds neuf pouces seule-
ment dans le plus grand, auquel étoit adapté le
tuyau d’aspiration : je le remplis avec soixante-six
livres de charbon , et l’autre avec cinquante-quatre,
et je résolus d’attendre aussi long-temps qu’il se-i
roit nécessaire pour savoir si celte fumée ne vien-
droit pas enfin à s’enflammer. Je passai neuf heures
à l’examiner de «temps à autre; elle. étoit très-sèche,
très - suffocante , très - sensiblement chaude , mais
toujours noire et sans flamme au bout de cinquante-^
cinq heures. Dans cet état, je la laissai pour la'
troisième fois. Le jour, suivant , treize heures après
les cinquante-cinq, je la retrouvai encore de même,
le charbon de mes fourneaux baissé de même; et,
comme je réfléchissois sur cette consommation de
charbon sans flamme , qui étoit d’environ moitié de
la consommation qui s’en fait dans le même temps
et dans les mêmes fourneaux lorsqu’il y a de la
flamme, je commençai à croire que je pourrois
bien user beaucoup de charbon sans avoir de
flamme , puisque , depuis trois jours , on avoit
chargé trois fois les fourneaux (car j’oubliois de
dire que ce jour même on venoit de remplir la ca-
vité vide du grand fourneau avec quatre-vingts
livres de charbon, et celle du petit avec soixante
livres) ; je les laissai néanmoins fumer encore plus
de cinq heures. Après avoir perdu l’espérance de
voir cette fumée s’enflammer d’elle-même , je la vis
tout d’un coup prendre feu , et faire une espèce
d’explosion dans l’instant même qu’on lui présenta
la flamme légère d’une poignée de paille; le tour-
billon entier de la fumee s’enflamma jusqu’à huit
ou dix pieds de distance et autant de hauteur ; la
flamme pénétra la masse du charbon, et descendit
dans le même moment jusqu’au bas du fourneau , et
continua de brûler à la manière ordinaire; le charbon
se consumoit une fois plus vite, quoique le feu d’en
bas ne parût guère plus animé : mais je suis con- I
vaincu que mes fourneaux auroient éternellement
fumé, si l’on n’eût pas allumé la fumée; et rien ne
me prouva mieux que la flamme n’est que de la
fumée qui brûle , et que la communication du feu
ne peut se faire que par la flamme.
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DES ÉLÉMENS. PARTIE II.
nistes ne me paraissent pas avoir senti
e la valeur : car ils auroient reconnu
uis long-temps que l’air fixe doit jouer
;rande partie le rôle de leur phlogistique;
t’auroient pas adopté ce terme nouveau,
ne répond à aucune idée précise , et ils
auroient pas fait la base de toutes leurs
ications des phénomènes chimiques ; ils
’auroient pas donné pour un être iden-
e et toujours le même, puisqu’il est
posé d’air et de feu, tantôt dans un état
et tantôt dans celui de la plus grande
tilité ; et ceux d’entre eux qui ont re-
lé le phlogistique comme le produit du
élémentaire ou de la lumière se sont
ns éloignés de la vérité, parce que le
ou la lumière produisent, par le secours
’air, tous les effets du phlogistique.
es minéraux qui, comme les soufres et
pyrites , contiennent dans leur substance
! quantité plus ou moins grande des dé-
ens ultérieurs des animaux et des végé-
, renferment dès lors des parties com-
ibles qui, comme toutes, les autres,
iennent plus ou moins d’air fixe , mais
ours beaucoup moins que les substances
îment animales ou végétales. On peut
ement leur enlever cet air fixe par la
K us lion : on peut aussi le dégager par le
en de l’effervescence ; et , dans les ma-
is animafes et végétales, on le dégage par
mpie fermentation, qui, comme la com-
ion , a toujours besoin d’air pour s’opé-
Ceci s’accorde si parfaitement avec
)érience , que je ne crois pas devoir in-
;r sur la preuve des faits : je me con-
erai d’observer que les soufres et les
tes ne sont pas les seuls minéraux qu’on
re regarder comme combustibles, qu’il
1 a beaucoup d’autres dont je ne ferai
il ici l’éniimération , parce qu’il suffit de
que leur degré de combustibilité dé-
d ordinairement de la quantité de soufre
1s contiennent. Tous les minéraux com-
ibles tirent donc originairement cette
priélé , ou du mélange des parties ani-
jes et végétales qui sont incorporées avec
, ou des particules de lumière , de cha-
■ et d’air qui, par le laps de temps , se
1 fixées dans leur intérieur. Rien , selon
, n’est combustible que ce qui a été for-
jpar une chaleur douce, c’est-à-dire par
mêmes élémens combinés dans toutes ces
stances que le soleil éclaire et vivifie *,
Voici une observation qui semble démontrer
la lumière a plus d’affinité avec les substances
bustibles qu’avec toutes les autres matières. On
que la puissance réfractive des corps transpa-
829
ou dans celles que la chaleur intérieure de
la terre fomente et réunit.
C’est cette chaleur intérieure du globe de
la terre que l’on doit regarder comme le
vrai feu élémentaire; et il faut le distinguer
de celui du soleil, qui ne nous parvient qu’a-
vec la lumière, tandis que l'autre, quoique
bien plus considérable, n’est ordinairement
que sous la forme d’une chaleur obscure , et
que ce n’est que dans quelques circonstan-
ces, comme celles de l’électricité, qu’il prend
de la lumière. Nous avons déjà dit que cette
chaleur, observée pendant un grand nombre
d’années de suite, est trois ou quatre cents
fois plus grande en hiver, et vingt-neuf fois
plus grande en été dans notre climat, que la
chaleur qui nous vient du soleii. C’est une
vérité qui peut paroître singulière , mais qui
n’en est pas moins évidemment démontrée.
Comme nous en avons parlé disertement ,
nous nous contenterons de remarquer ici
que cette chaleur constante et toujours sub-
sistante entre comme élément dans toutes les
combinaisons des autres élémens , et qu’elle
est plus que suffisante pour produire sur
l’air les mêmes effets que le feu actuel ou
la chaleur animale; que par conséquent cette
chaleur intérieure de la terre* détruira l’élas-
ticité de l’air et le fixera toutes les fois qu’é-
tant divisé en parties très-petites, il se trou-
vera saisi par cette chaleur dans le sein de
la terre; que, sous cette nouvelle forme, il
entrera , comme partie fixe , dans un grand
nombre de substances, lesquelles contien-
rens est proportionnelle à leur densité : le verre ,
plus dense que l’eau, a proportionnellement une
plus grande force réfringente; et en augmentant la
densité du verre et de l’eau, l’on augmente à me-
sure leur force de réfraction Cette proportion s’ob-
serve dans toutes les matières transparentes , et qui
sont en même temps incombustibles. Mais les ma-
tières inflammables , telles que l’esprit-de-vin, les
huiles transparentes, l’ambre, etc., ont une puis-
sance réfringente plus grande que les autres ; en
sorte que l’attraction que ces matières exercent sur
la lumière, et qui provient de leur masse ou den-
sité, est considérablement augmentée par l’affinité
particulière qu’elles ont avec la lumière. Si cela
11’étoit pas, leur force réfringente seroit, comme
celle de toutes les autres matières, proportionnelle
à leur densité; mais les matières inflammables at-
tirent plus puissamment la lumière, et ce n’est que
par cette raison qu’elles ont plus de puissance ré-
fractive que les autres. Le diamant même ne fait
pas une exception à cette loi ; on doit le mettre au
nombre des matières combustibles , on le brute au
miroir ardent. Il a avec la lumière autant d’affinité
que les matières inflammables, car sa puissance
réfringente est plus grande qu’elle ne devroit l’être
à proportion de sa densité. 11 a en même temps la
propriété de s’imbiber-de la lumière et de la con-
server assez long-temps ; les phénomènes de sa ré-
fraction doivent tenir en partie à ces propriétés.
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
33o
dront dès lors des particules d’air fixe et de
chaleur fixe, qui sont les premiers principes
de la combustibilité : mais ils se trouveront
en plus ou moins grande quantité dans les
différentes substances , selon le degré d’affi-
nité qu’ils auront avec elles; et ce degré
dépendra beaucoup de la quantité que ces
substances contiendront de parties animales
et végétales, qui paroissent être la base de
toute matière combustible. Si elles y sont
abondamment répandues ou foiblement in-
corporées, on pourra toujours les dégager
de ces substances par le moyen de la com-
bustion. La plupart des minéraux métalli-
ques , et même des métaux , contiennent
une assez grande quantité de parties com-
bustibles; le zinc, l’antimoine, le fer, le
cuivre, etc., brûlent et produisent une
flamme évidente et très-vive , tant que dure
la combustion de ces parties inflammables
qu’ils contiennent : après quoi , si on conti-
nue le feu, la combustion finie, commence
la calcination, pendant laquelle il rentre
dans ces matières de nouvelles parties d’air
et de chaleur qui s’y fixent, et qu’on ne
peut en dégager qu’en leur présentant quel-
que matière combustible avec laquelle ces
parties d’air et de chaleur fixes ont plus
d’affinité qu’avec celles du minéral, aux-
quelles en effet "elles ne sont unies que par
force , c’est-à-dire par l’effort de la calcina-
tion. U me semble que la conversion des
substances métalliques en chaux et leur ré-
duction pourront maintenant être très-clai-
rement entendues, sans qu’il soit besoin de
recourir à des principes secondaires ou à des
hypothèses arbitraires, pour leur explica-
tion. La réduction, comme je l’ai déjà insi-
nué, n’est, dans le réel , qu’une seconde
combustion, par laquelle on dégage les par-
ties d’air et de chaleur fixes que la calcina-
tion avoit forcées d’entrer dans le métal et
de s’unir à sa substance fixe , à laquelle on
rend en même temps les parties volatiles et
combustibles que la première action du feu
lui avoit enlevées.
Après avoir présenté le grand rôle que
l’air fixe joue dans les opérations les plus
secrètes de la nature, considérons-le pendant
quelques instans, lorsque, sous la forme
élastique , il réside dans les corps : ses effets
sont alors aussi variables que les degrés de
son élasticité; son action, quoique toujours
la même, semble donner des produits dif-
férens dans les substances différentes. Pour
en ramener la considération à un point de
vue général , nous le comparerons avec l’eau
et la terre , comme nous l’avons déjà com-
paré avec le feu ; les résultats de cette cc j *
paraison entre les quatre élémens s’ap ! «Cl
queront ensuite aisément à tomes les s
stances, de quelque nature qu’elles puiss H
être , puisque toutes ne sont composées :i ® I
de ces quatre principes réels. 1<
Le plus grand froid connu ne peut j don
truire le ressort de l’air , et la moindre jç 8
leur suffit pour cet effet, surtout lorsque' ®01
fluide est divisé en très-petites parties. IV d
droit et qui se comprimeroit. Donc l’aire da,
tenu dans l’eau n’y est pas simplement n
et n’y conserve pas sa forme élastique, nà s te
y est plus intimement uni dans un état *ir
son ressort ne s’exerce plus d’une manîJ »rtît, à la vérité, faire partie constitutive
’animal qu’elle couvre, puisqu’elle se
>étue par la génération , et qu’on la voit
; les petits coquillages qui viennent de
re, comme dans ceux qui ont pris tout
accroissement ; mais ce n’en est pas
ns une substance terrestre, formée par
écrélion ou l’exsudation du corps de
imal : on la voit s’agrandir, s’épaissir
anneaux et par couches à mesure qu’il
ad de la croissance ; et souvent cette ma-
e pierreuse excède cinquante ou soixante
j, la masse ou matière réelle du corps de
imal qui la produit. Qu’on se représente
r un instant le nombre des espèces de
animaux à coquilles, ou, pour les tous
iprendre, de ces animaux à transsuda-
it pierreuse ; elles sont peut-être en plus
nd nombre dans la mer que ne l’est sur
erre le nombre des espèces d’insectes :
an se représente ensuite leur prompt ac-
issement, leur prodigieuse multiplica-
1, le peu de durée de leur vie, dont
is supposerons néanmoins le terme moyen
ix ans 1 ; qu’ensuite on considère qu’il
t multiplier par cinquante ou soixante le
nbre presque immense de tous les indi-
us de ce genre, pour se faire une idée
toute la matière pierreuse produite en
ans ; qu’enfin on considère que ce bloc
a si gros de matière pierreuse doit être
puent é d’autant de pareils blocs qu’il y a
fois dix dans tous les siècles qui se sont
lulés depuis le commencement du monde,
l’on se familiarisera avec cette idée, ou
tôt cette vérité d’abord repoussante, que
îles nos collines, tous nos rochers de
|rre calcaii'e, de marbre, de craie, etc. ,
i viennent originairement que de la dé-
jjuille de ces petits animaux. On n’en
urra douter à l’inspection des matières
|mes, qui toutes contiennent encore des
Iquilles ou des délrimens de coquilles très-
Iémenl reconnoissables.
Les pierres calcaires ne sont donc en
jji. La plus longue vie des escargots, ou gros
Laçons terrestres , s’étend jusqu’à quatorze ans.
i peut présumer que les gros coquillages de mer
lent plus long-temps : mais aussi les petits , et les
fs-petits, tels que ceux qui forment le corail et
us les madrépores | vivent beaucoup moins de
mps; et c’est par cette raison que j’ai pris le
bue moyen à dix ans.
333
très-grande partie que de l’eau et de l’air
contenu dans l’eau , transformés par le filtre
animal ; les sels, les bitumes, les huiles, les
graisses de la mer, n’en t réh t que pour peu
ou pour rien dans la composition de la co-
quille : aussi la pierre calcaire ne con
tient-elle aucune de ces matières. Cette
pierre n’est que de l’eau transformée, jointe
à quelques petites portions de ferre vitri-
fiable, et à une très-grande quantité d’air
fixe qui s’en dégage par la calcination. Cette
opération produit les mêmes effets sur les
coquilles qu’on prend dans la mer que sur
les pierres qu’on tire des carrières ; elles
forment également de la chaux , dans la-
quelle on ne remarque d’autre différence
que. celle d’un peu plus ou d’un peu moins
de qualité. La chaux faite avec des écailles
d’huître ou d’autres coquilles est plus foible
que la chaux faite avec du marbre ou de la
pierre dure; mais le procédé de la nature
est le même’, les résultats de son opération
les mêmes : les coquilles et les pierres
perdent également près de moitié de leur
poids par l’action du feu dans la calcination;
l’eau qui a conservé sa nature en sort la
première; après quoi l’air fixe se dégage,
et ensuite l’eau fixe dont ces substances
pierreuses sont composées, reprend sa pre-
mière nature et s’élève en vapeurs poussées
et raréfiées par le feu ; il ne reste que les
parties les plus fixesrde cet air et de cette
eau, qui peut-être sont si fort unies entre
elles et à la petite quantité de terre fixe de
la pierre, que le feu ne peut les séparer. La
masse se trouve donc réduite de près de
moitié , et se réduiroit peut-être encore
plus si l’on donnoit un feu plus violent ; et
ce qui me semble prouver évidemment que
cette matière chassée hors de la pierre par
le feu n’est autre chose que de l’air et de
l’eau, c’est la rapidité, l’avidité avec laquelle
cette pierre calcinée reprend l’eau qu’on lui
donne , et la force avec laquelle elle la tire
de l’atmosphère lorsqu’on la lui refuse. La
chaux, par son extinction ou dans l’air ou
dans l’eau, r.epi'end en grande partie la
masse qu’elle avoit perdue par la calcina-
tion ; l’eau avec l’air qu’elle contient , vient
remplacer l’eau et l’air qu’elle contenoit
précédemment : la pierre reprend dès lors
sa première nature; car en mêlant sa chaux
avec des détrimens d’autres pierres, on fait
un mortier qui se durcit, et devient avec le
temps unfe substance solide et pierreuse ,
comme celle dont on l’a composée.
Après cette exposition, je ne crois pas
qu’on puisse douter de la traniformation de
DES ÊLÉMENS. PARTIE II.
334
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
®'ve
l’eau en terre ou en pierre par l’intermède
des coquilles. Yoilà donc, d’une part, toutes
les matières calcaires dont on doit rapporter
l’origine aux animaux, et, d’autre part,
toutes les matières combustibles qui ne pro-
\iennent que dçs substances animales ou
végétales : elles occupent ensemble un assez
grand espace à la surface de la terre ; et
l’on peut juger, par leur volume immense,
combien la nature vivante a travaillé pour
la nature morte, car ici le brut n’est que
îeTmort.
Mais les matières calcaires et les sub-
stances combustibles, quelque grand qu’en
soit le nombre , quelque immense que nous
en paroisse le volume , ne font qu’une très-
petite portion du globe de la terre , dont le
fonds principal et la majeure et très-majeure
quantité consiste eji une matière de la na-
ture du verre ; matière qu’on doit regarder
comme l’élément terrestre , à l’exclusion de
toutes les autres substances auxquelles elle
sert de base comme terre, lorsqu’elles se
forment par le moyen ou par le détriment
des animaux , des végétaux , et par la trans-
formation des autres élémens. Non seule-
ment cette matière première, qui est la
vraie terre élémentaire, sert de base à touies
les autres sublances, et en constitue les par-
ties fixes , mais elle est en même temps le
terme ultérieur auquel on peut les ramener
et les réduire toutes. Avant de présenter
les moyens que la nature et l’art peuvent
employer pour opérer cette espèce de réduc-
tion de toute substance en verre , c’est-à-dire
en terre élémentaire, il est bon de recher-
cher si les moyens que nous avons indiqués
sont les seuls par lesquels l’eau puisse se
transformer en substance solide. U me
semble que le filtre animal la convertissant
en pierre, le filtre végétal peut également
la transformer, lorsque toutes les circon-
stances se trouvent être les mêmes : la cha-
leur propre des animaux à coquille étant
un peu plus grande que celle des végétaux ,
et les organes de la vie plus puissans que
ceux de la végétation, le végétal ne pourra
produire qu’une petite quantité de pierres
qu’on trouve assez souvent dans son fruit ;
mais il peut convertir, et convertir réelle-
ment en sa substance une grande quantité
d’air, et une quantité encore plus grande
d’eau : la terre fixe qu’il s’approprie, et qui
sert de base à ces deux élémens, est en si
petite quantité, qu’on peut assurer, sans
craindre de se tromper, qu’elle ne fait pas
la centième partie de sa masse ; dès lors le
végétal n’est presque entièrement composé
«en
la te
tes
aient
ligue
Ml
ipd’a
que d’air et d’eau transformés en bois ;
stance solide qui se réduit ensuite en | «d
par la combustion ou la putréfaction, mit o
doit dire la même chose des animaux
fixent et transforment non seulement
et l’eau , mais le feu , en plus grande qi
tité que les végétaux. U me paroit ort à la distance , ne peut pas être expri-
mée par deux termes. Ce qu’il fallait dé-
no ntrer.
SECONDE DÉMONSTRATION.
La même expression ijx 2 dz'ijx 4 , si a;
devient très-grand , pourra se réduire à i/x 2 ,
et si x devient très-petit, elle se réduira à
dü i/fA? de sorte quesi î/x 2 dz i/xz,
l’exposant n doit être un nombre compris
entre 2 et 4 ; cependant ce même exposant n
doit nécessairement renfermer x, puisque la
quantité d’attraction doit , de façon ou d’au-
tre , être mesurée par la distance : cette ex-
pression prendra donc alors une forme
comme i/x adr tjx tv~ijx 4 ou — ijx-\-r;
donc une quantité, qui doit être nécessai-
rement un nombre compris entre 2 et 4,
pourrait cependant devenir infinie, ce qui
est absurde; donc l’attraction ne peut pas
être exprimée par deux termes. Ce qu’il
fa l/oit démontrer.
On voit que les démonstrations seraient
les mêmes contre toutes les expressions pos-
sibles qui seraient composées de plusieurs
termes ; donc la loi d’attraction ne peut être
exprimée que par un seul terme. {Add. Buff.)
* Je ne voulois rien ajouter à ce que j’ai dit
au sujet de la loi de l’attraction, ni faire aucune
réponse au nouvel écrit de M. Clairaut :
niais comme je crois qu’il est utile pour les
sciences d’établir d’une manière certaine la
proposition que j’ai avancée , savoir que la
loi de l’attraction , et même toute autre loi
physique, ne peut jamais être exprimée que
par un seul terme, et qu’une nouvelle vé-
rité de cette espèce peut prévenir un grand
nombre d’erreurs et de fausses applications
dans les sciences physico-mathématiques,
j’ai cherché plusieurs moyens de la montrer.
O11 a vu , dans mon mémoire , les raisons
métaphysiques par lesquelles j’établis que la
mesure d’une qualité physique et générale
dans la nature est toujours simple ; que la
loi qui représente celte mesure ne peut donc
jamais être composée; qu’elle n’est réelle-
ment que l’expression de l’effet simple d’une
qualité simple ; que l’on ne peut donc ex-
primer cette loi par deux termes , parce
qu’une qualité qui est une ne peut jamais
avoir deux mesures. Ensuite , dans l’addi-
tion à ce mémoire , j’ai prouvé démonstrati-
vement cette même vérité par la réduction
à l’absurde et par le calcul : ma démonstra-
tion est vraie; car il est certain en général
que si l’on exprime la loi de l’attraction par
une fonction de la distance, et que cette
fonction soit composée de deux ou plusieurs
termes, comme i/xtnAz i/x 1 2 dr i/#/-, etc.,
iet que l’on égale celte fonction à une quan-
tité constante A pour une certaine distance ;
344
il est certain , dis-je , qu’en résolvant celle
équation, la racine x aura des valeurs ima-
ginaires dans tous les cas, et aussi des va-
leurs réelles, différentes dans presque tous
les cas , et que ce n’est que dans quelques
cas, comme dans celui de i/Æ2-(-i/a:4r:i,
où il y aura deux racines réelles égales,
dont l’une sera positive et l’autre négative.
Cette exception particulière ne détruit donc
pas la vérité de ma démonstration, qui est
pour une fonction quelconque; car si eu gé-
néral l’expression de la loi d’attraction est
i/xx-\- mx" , l’exposant n ne peut pas être
négatif et plus grand que i , puisqu’alors la
pesanteur deviendroit infinie dans le point
de contact : l’exposant n est donc nécessai-
rement positif, et le coefficient m doit être
négatif pour faire avancer l’apogée de la
lune; par conséquent le cas particulier
i/xx-\- i/x 4 ne peut jamais représenter la
loi de la pesanteur ; et si on se permet une
fois d’exprimer cette loi par une fonc-
tion de deux termes, pourquoi le se-
cond de ces termes seroit-il nécessairement
positif? Il y a, comme l’on voit, beaucoup
de raisons pour que cela ne soit pas , et
aucune raison pour que cela soit.
Dès le temps que M. Clairaut proposa,
pour la première fois, de changer la loi de
l’attraction et d’y ajouter un terme , j’avois
senti l’absurdité qui résultoit de cette sup-
position , et j’avois fait mes efforts pour la
faire sentir aux autres : mais j’ai depuis
trouvé une nouvelle manière de la démon-
trer, qui ne laissera, à ce que j'espère, au-
cun doute sur ce sujet important. Voici mon
raisonnement, que j’ai abrégé autant qu’il
m’a été possible :
Si la loi de l’attraction, ou telle autre loi
physique que l’on voudra, pouvoit être ex-
primée par deux ou plusieurs termes, le pre-
mier terme étant , par exemple, i jxx, il
seroit nécessaire que le second terme eût
un coefficient indéterminé, et qu’il fût, par
exemple, i/mx^; et de même, si cette loi
étoit exprimée par trois termes , il y auroit
Dm
Ê
1er la
eriet
deux coefficiens indéterminés, l’un au se-
cond , et l’autre an troisième terme , etc.
Dès lors cette loi d’attraction, qui seroit ex-
primée par deux termes i/xx-\- i/mx^ ,
renfermeroit donc une quantité m qui entre-
roit nécessairement dans la mesure de la
force.
MIN E RÀU X . INTRODUCTION.
Or , je demande ce que c’est que ce coe
ficient m : il est clair qu’il ne dépend ni t
la masse, ni de la distance; que ni l’une i
l’autre ne peuvent jamais donner sa valeur
comment peut-on donc supposer qu’il y a
en effet une telle quantité physique? exist
t-il dans la nature un coefficient comme t
4 , un 5, un 6 , etc.? et n’y a-t-il pas (
l’absurdité à supposer qu’un nombre puis;
exister réellement, ou qu’un coefficient puis: 1,11 '
être une qualité essentielle à la matière!
faudroit pour cela qu’il y eût dans la naïui
des phénomènes purement numériques, i
du même genre que ce coefficient m ; sai
cela, il est impossible d’en déterminer
valeur, puisqu’une quantité quelconque i
peut jamais être mesurée que par une autitrlf
quantité de même genre. Il faut donc qi
M. Clairaut commence par nous prouvi
que les nombres sont dos êtres réels ac.tue
lement exislans dans la nature, ou que ); r‘"
coefficiens sont des qualités physiques , s
veut que nous convenions avec lui que T“"
loi d’atlraclion , ou toute autre loi physiquqP e:
puisse être exprimée par deux ou plusiemS
termes.
Si l’on veut une démonstration plus pai |
ticulière, je crois qu’ou peut en donner uni
qui sera à la portée de tout le monde; c’eJ
que la loi de la raison inverse du carré cl
la distance convient également à une sphèi I
et à toutes les particules de matière doi |
cette sphère est composée. Le globe de i j
terre exerce son attraction dans la raisol
inverse du carré de la distance; et tout<
les particules de matière dont ce globe e
composé exercent aussi leur attraction dar m
cette même raison , comme Newton l’a dé !fC0I:
montré : mais si l’on exprime cette loi d
l’attraction d’une sphère par deux termes
la loi de l’attraction des particules qui corn •?
posent cette sphère ne sera point la mêm
que celle de la sphère; par conséquent cett
loi , composée de deux termes , ne sera pi
générale , ou plutôt ne sera jamais Ja loi d
la nature.
Les raisons métaphysiques, mathémali
ques , et physiques , s’accordent donc toute
à prouver que la loi de l’attraction ne peu
être exprimée que par un seul terme, et ja
mais par deux ou plusieurs termes ; c’est 1; ^
proposition que j’ai avancée, et que j’avoi
à démontrer. ( Supp . Buff. )
L V V’fc -*/*,*5-3
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
)epuis vingt-cinq ans que j’ai jeté sur le
ier mes idées sur la théorie de la terre ,
ur la nature des matières minérales dont
lobe est principalement composé , j’ai eu
satisfaction de voir cette théorie confir-
î par le témoignage unanime des navi-
turs, et par de nouvelles observations
j’ai eu soin de recueillir. Il m’est aussi
u , dans ce long espace de temps, quel-
s pensées neuves dont j’ai cherché à con-
er la valeur et la réalité par des expé-
ices : de nouveaux faits acquis par ces
ériences , des rapports plus ou moins éloi-
js , tirés de ces mêmes faits ; des réflexions
îonséquence ; le tout lié à mon système
éral, et dirigé par une vue constante
i les grands objets de la nature; voilà ce
que je crois devoir présenter aujourd’hui à
mes lecteurs, surtout à ceux qui, m’ayant
honoré de leur suffrage , aiment assez l’his-
toire naturelle pour chercher avec moi les
moyens de l’étendre et de l’approfondir.
Je commencerai par la partie expérimen-
tale de mon travail , parce que c’est sur les
résultats de mes expériences que j’ai fondé
tous mes raisonnemens , et que les idées
même les plus conjecturales, et qui pour-
roient paroître trop hasardées, ne laissent
pas d’y tenir par des rapports qui seront
plus ou moins sensibles à des yeux plus ou
moins attentifs , plus ou moins exercés, mais
qui n’échapperont pas à l’esprit de ceux qui
savent évaluer la force des inductions , et
apprécier Ia‘ valeur des analogies.
PREMIER MÉMOIRE.
Expériences sur le progrès de la chaleur dans les corps.
’ai fait faire dix boulets de fer forgé et
u :
pouces .
remicr d’un demi -pouce de diamètre.. , . 1/2
îcond de 1 pouce 1
’oisième de 1 pouce 1/2 1 1/2
wâtrième de 2 pouces . 2
jncfuième de 2 pouces 1/2 2 i]i
xième de 3 pouces 3
eptième de 3 pouces 1/2 3 1J2
uitième de 4 pouces 4
euvième de 4 pouces 1J2 4 1/2
ixième de 5 pouces 5
e fer venoit de la forge de Cbameçon,
; Châtillon-sur-Seine ; et comme tous les
lets ont été faits du fer de cette même
e , leurs poids se sont trouvés à très-peu
> proportionnels aux volumes.
; boulet d’un demi-pouce pesoit 190 grains, ou
os 46 grains.
Jî boulet de 1 pouce pesoit i5î2 grains, ou
jces 5 gros 10 grains.
î boulet de 1 pouce 1/2 pesoit 5i36 grains, ou
ices 7 gros 24 grains.
3 boulet de 2 pouces pesoit 12,173 grains, ou
re 5 qnces 1 gros 5 grains.
i!
Le boulet de 2 pouces 1/2 pesoit 23,781 grains,
ou 2 livres g onces 2 gros 21 grains.
Le boulet de 3 pouces pesoit 4x,o85 grains, ou
4 livres 7 onces 2 gros 4& grains.
Le boulet de 3 pouces r/2 pesoit 65,254 grains,
ou 7 livres 1 once 2 gros 22 grains.
Le boulet de 4 pouces pesoit 97,388 grains , ou
xo livres 9 onces 44 grains.
Le boulet de 4 pouces 1/2 pesoit 138,179 grains,
ou 14 livres i5 onces 7 gros 11 grains.
Le boulet de 5 pouces pesoit 190,211 grains, ou
20 livres ip onces 1 gros 5g grains.
Tous ces poids ont été pris justes avec de
très-bonnes balances , en faisant limer peu à
peu ceux des boulets qui se sont trouvés un
peu trop forts.
Avant de rapporter les expériences , j’ob-
serverai :
i° Que, pendant tout le temps qu’on les
a faites, le thermomètre, exposé à l’air libre,
éloit à la congélaiion ou à quelques degrés
au dessous 1 ; mais qu’on a laissé refroidir
les boulets dans une cave où le thermomètre
étoit a peu près à dix degrés au dessus de la
x. Division de Réaumuf.
346
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
congélation , c’est-à-dire au degré de la tem-
pérature des caves de l’Observatoire; et c’est
ce degré que je prends ici pour celui de la
température actuelle de la terre.
20 J’ai cherché à saisir deux instans dans
le refroidissement : le premier où les boulets
cessoient de brûler, c’est-à-dire le moment
où on pouvoiî les toucher et les tenir avec la
main pendant une seconde, sans se brûler;
le second temps de ce refroidissement étoit
celui où les boulets se sont trouvés refroi-
dis jusqu’au point de la température actuelle,
c’est-à-dire à dix degrés au dessus de la con-
gélation. Et, pour connoître le moment de
ce refroidissement jusqu’à la température
actuelle, on s’est servi d’autres boulets de
comparaison de même matière et de mêmes
diamètres, qui n’avoient pas été chauffés ,
et que l’on touchait en même temps que ceux
qui avoient été chauffés. Par cet attouche-
ment immédiat et simultané de la main ou
des deux mains sur les deux boulets on pou-
voit juger assez bien du moment où ces bou-
lets étoient également froids : cette manière
simple est non seulement plus aisée que le
thermomètre , qu’il eût été difficile d’appli-
quer ici , mais elle est encore plus précise ,
parce qu’il ne s’agit que de juger de l’éga-
lité et non pas de la proportion de la cha-
leur, et que nos sens sont meilleurs juges
que les insîrumens de tout ce qui est abso-
lument égal ou parfaitement semblable. Au
reste , il e i plus aisé de reconnoître l’instant
où les boulets cessent de brûler, que celui
où ils se sont refroidis à la température ac-
tuelle , parce qu’une sensation vive est tou-
jours plus précise qu’une sensation tempérée,
attendu que la première nous affecte d’une
manière plus forte.
3° Comme le plus ou le moins de'poli ou
de brut sur le même corps fait beaucoup à
la sensation du toucher, et qu’un corps poli
semble èlre plus froid s’il est froid, et plus
chaud s’ii est chaud, qu’un corps brut de
même matière, quoiqu’ils le soient tous deux
également , j’ai eu soin que les boulets froids
fussent bruts et semblables à ceux qui
avoient été chauffés , dont la surface étoit
semée de petites éminences produites par
l’action du feu.
EXPÉRIENCES.
i. Le boulet d’un demi-pouce a été chauffé à blanc
en 2 minutes.
Il s’est refroidi au point de le tenir dans la
main en 12 minutes.
Refroidi au point de la température actuelle
en 39 minutes.
2. Le boulet de 1 pouce a été chauffé à blanc
5 minutes 1/2.
Il s’est refroidi au point de le tenir dans
main en 35 minutes 1/2.
Refroidi au point de la température a c1u<
en 1 heure 33 minutes.
3. Le boulet de ï pouce 1/ 2 a été chauffé à bl;
en 9 minutes.
Il s’est refroidi au point de le tenir dans
main en 58 minutes.
Refroidi au point de la température actiii
en 2 heures 25 minutes.
4- Le boulet de 2 pouces a été chauffé à blanc
i3 minutes.
Il s’est Tefroidi au point de le tenir danJ [fll
main en 1 heure 20 minutes.
Refroidi au point de la température acta
en 3 heures 16 minutes.
5. Le boulet de 2 pouces 1/2 a été cliauffé à 1^
en 16 minutes.
Il s’est refroidi au point de le tenir danjj
main en 1 heure \ % minutes.
Refroidi au point de la température acfo
en 4 heures 3o minutes.
6. Le boulet de 3 pouces a été chauffé à blanc mi
19 minutes 1/2.
Il s’est refroidi au point de le tenir dan
main en 2 heures 7 minutes.
Refroidi au point de la température acttüj
en 5 heures 8 minutes.
Le boulet de 3 pouces 1/2 a été chauffé à b
.en 23 minutes 1/2.
Il s’est refroidi au point de le tenir dan «y.
main en 2 heures 36 minutes.
Refroidi au point de la température adti)|Jy
en 5 heures 56 minutes.
Le boulet de 4 pouces a été chauffé à blam
27 minutes 1/2.
Il s’est refroidi au point de le tenir daril
main en 3 heures 2 minutes.
Refroidi au point de la température acti
en 6 heures 55 minutes.
Le boulet de 4 pouces 1/2 a été chauffé à ti
en 3i minutes.
Il s’est refroidi au point de le tenir dara
main en 3 heures 2 5 minutes.
Refroidi au point de la température acti
en 7 heures 46 minutes.
. Le boulet de 5 pouces a été chauffé 5 hlan
34 minutes.
Il s’est refroidi au point de le tenir dsffl
main en 3 heures 52 minutes.
Refroidi au point de la température acti
en 8 heures 42 minutes
Hlontl
La différence la plus constante que
puisse prendre enlre chacun des termes;
expriment le temps du refroidissement,
puis l’instant où l’on tire les boulets du
jüsqu’à celui où on peut les toucher san
brûler, se trouve être de vingt-quatre
mîtes; car en supposant chaque terme âiilwii
mente de vingt-quatre, on aura 12', i
60', 84', io3', i32', 106', 180', 204', 2
Et la suite des temps réels de ces ref
dissemens , trouvés par les expériences j
cédentes , est 12', 35' r/2, 58', 80', |
127', i56', 182', 2o5', 232'; ce qui apj
N
ara
,*u
«étér
Vérifié
on
«tauc;
PARTIE EXPERIMENTALE.
ïe ïa première aillant que l’expérience
approcher du calcul.
3 même la différence la plus cons! ante
l’on puisse prendre enire chacun des
es du refroidissement jusqu’à ia tempé-
’e actuelle , se trouve être de 54 mi-
s ; car , en supposant chaque terme aug-
é de 54, on aura 89', 9a', 147'» 201',
, 809', 363', 417', 471', 525'.
; ia suite des temps réels de ce refroidis-
nt , trouvés par les expériences précé-
es , est 39', 93', i45'j 196', 248', 3oS',
4i5', 466', 5 22'; ce qui approche aussi
coup de la première suite supposée,
ù fait une seconde et une troisième fois
aêmes expériences sur les mêmes bou-
ntais j’ai vu que je ne pouvois compter
sur les premières, parce que je me suis
eu qu’à chaque fois qu’on chauffôit les
jets , ils perdoient considérablement de
s; car
boulet d’un demi -pouce, après avoir été
’fé trois fois , avoit perdu environ la dix-hui-
partie de son poids.
I boulet de i pouce, après avoir été chauffé
fois , avoit perdu environ la seizième partie de
oids.
boulet de i pouce 1/2 , après avoir été chauffé
fois, avoit perdu la quinzième partie de son
boulet de 2 pouces , apres avoir été chauffé
fois , avoit perdu à peu près la quatorzième
e de son poids.
boulet de 2 pouces 1/2 , après avoir été chauffé
fois , voit perdu à peu près la treizième partie
n poids.
boulet de 3 pouces , après avoir été chauffé
fois , avoit perdu à peu près la treizième partie
n poids.
houlet de 3 pouces 1/2, après avoir été chauffé
fois, avoit perdu encore un peu plus de la
ème partie de son poids.
boulet de 4 pouces, après avoir été chauffé
fois , avoit perdu la douzième partie et demie
n poids.
boulet de 4 pouces 1/2 , après avoir été chauffé
fois, avoit perdu un peu plus de la douzième
e et demie de son poids.
boulet de 5 pouces , après avoir été chauffé
fois , avoit perdu à très-peu près la douzième
e de son poids ; car il pesoit , avant d’avoir été
ffé, 20 livres 10 onces 1 gros 5g grains1.
Je 11’ai pas eu occasion de faire les mêings
riences sur des boulets de fonte de fer ; mais
e Montbeillard, lieutenant-colonel du régiment
d-Artillerie , m’a communiqué la note suivante
y supplée parfaitement. On a pesé plusieurs
Pts , avant de les chauffer, qui se sont trouvés
oids de 27 livres et plus. Après l’opération,
nt été réduits à 24 livres 1/4 et 24 livres 1/2.
1 vérifié sur une grande quantité de boulets ,
plus on les a chauffés, et plus ils ont aug-
tc de volume et diminué de poids; enfin sur
ante mille boulets chauffés et âpés >our les
ire au calibre des canons, on a perdu dix mille,
347
On voit que celle perle sur chacun des
boulets est extrêmement considérable, et
qu’elle paroît aller en augmentant, à mesure
que les .boulets sont plus gros ; ce qui vient,
à ce que je présume, de ce que l’on est
obligé d’appliquer le feu violent d’autant
plus long-temps que les corps sont plus
grands; en tout, celte perte de poids non
seulement est occasionée par le dessèche-
ment des parties de la surface qui se rédui-
sent en scories, et qui tombent 'dans le feu,
mais encore par une espèce de dessèchement
ou de calcination intérieure, qui diminue la
pesanteur des parties constituantes du fer;
en sorte qu’il paroît que le feu violent
rend le fer spécifiquement plus léger à cha-
que fois qu’on le chauffe. Au reste, j’ai
trouvé, par des expériences ultérieures, que
cette diminution de pesanteur varie beau-
coup , selon ïa différente qualité du fer.
Ayant donc fait faire six nouveaux bou-
lets, depuis .un demi -pouce jusqu’à trois
pouces de diamètre , et du même poids que
les premiers , j’ai trouvé les mêmes progres-
sions tant pour l’entrée que pour la sortie
de la chaleur, et je me suis assuré que le fer
s’échauffe et se refroidit en effet comme je
viens de l’exposer.
Un passage de Newton a donné naissance
à ces expériences.
« Globus ferri candentis , digitum unurn
« latus , calorem suum omnem spatio horæ
«imius, in aère cônsistens , vix amitleret.
« Globus aiitem major calorem diutiùs con-
« servaret in ratione diametri . prôptereà
« quôd superficis (ad cujus mensuram per
« contactent aëris ambientis réfrigéra! ur) in
« ilia ratione minor est pro qüanîitate rna-
« teriæ suæ calidæ inclusse ; ideoque globus
« ferri candentis linic terræ æqualis, id est,
« pecles plus minus 40000000 latus , diebûs
« totidem et idcirco annis 5oooo , vix re-
« frigesceret. Suspicor tara en quôd duratio
« calorïsob causas latentes augeatur in minori
« ratione quant eâ diametri ; et optarimratio-
« tient veram per expérimenta mvestigari. »
Newton désiroit donc qu’on fit les expé-
riences que je viens d’exposer; et je me suis
déterminé à les tenter, non seulement parce
que j’en avois besoin pour des vues sembla-
bles aux siennes, mais encore parce que j’ai
cru m’apercevoir que ce grand homme pou-
vait s’être trompé en disant que la durée de
la chaleur devoit n augmenter, pàè l’effet des
causes cachées , qu’en moindre raison que
celle du diamètre: il m’a paru au contraire,
c’est-à-dire an quart; en sorte qu’à tous égards ,
cette pratique est mauvaise.
1
348
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
en y réfléchissant , que ces causes cachées
ne pouvoient que rendre cette raison plus
grande au lieu de la faire plus petite.
U est certain, comme dit Newton, qu’un
globe plus grand conserveroit sa chaleur plus
long-temps qu’un plus petit , en raison du
diamètre, si on supposoit ces globes com-
posés d’une matière parfaitement perméable
à la chaleur, en sorte que la sortie de la cha-
leur fût absolument libre, et que les parti-
cules ignées ne trouvassent aucun obstacle
qui pût les arrêter ni changer le cours de
leur direction. Ce n’est que dans cette sup-
position mathématique que la durée de la
chaleur seroit en effet en raison du diamè-
tre ; mais les causes cachées dont parle New-
ton, et dont les principales sont les obsta-
cles qui résultent de la perméabilité non
absolue , imparfaite et inégale de toute ma-
tière solide, au lieu de diminuer le temps
de la durée de la chaleur, doivent au con-
traire l’augmenter. Cela m’a paru si clair,
même avant d’avoir tenté mes expériences,
que je serois porté à croire que Newton, qui
voyoit clair aussi jusque dans les choses
mêmes qu’il ne faisoit que soupçonner, n’est
pas tombé dans cette erreur, et que le mot
minoi'i ratione au lieu de majori n’est qu’une
faute de sa main ou de celle d’un copiste ,
qui s’est glissée dans toutes les éditions de
son ouvrage , du moins dans toutes celles
que j’ai pu consulter. Ma conjecture est d’au-
tant mieux fondée , que Newton paroît dire
ailleurs précisément le contraire de ce qu’il
dit ici ; c’est dans la onzième question de
son Traité d’optique: « Les corps d’un grand
volume, dit-il, ne conservent- ils pas plus
long-temps (ce mot plus long-temps ne peut
signifier ici qu’en raison plus grande que
celle du diamètre) leur chaleur, parce que
leurs parties s’échauffent réciproquement?
et un corps vaste, dense et fixe, étant une
fois échauffé au delà d’un certain degré, ne
peut-il pas jeler de la lumière en telle abon-
dance, que par l’émission et la réaction de
sa lumière , par les réflexions et les réfrac-
tions de ses rayons au dedans de ses pores ,
il devienne toujours plus chaud , jusqu’à ce
qu’il parvienne à un certain degré de cha-
leur qui égale la chaleur du soleil ? et le so-
leil et les étoiles fixes , ne sont-ce pas de
vastes terres violemment échauffées, dont la
chaleur se conserve par la grosseur de ces
corps, et par l’action et la réaction récipro-
ques entre eux et la lumière qu’ils jettent,
leurs parties étant d’ailleurs empêchées de
s’évaporer en fumée , non seulement par leur
fixité, mais encore par le vaste poids et la
grande densité des atmosphères, qui, ]
sant de tous côtés , les compriment très-f
tement , et condensent les vapeurs et
exhalaisons qui s’élèvent de ces corps là
Par ce passage, on voit que Newton n
seulement est ici de mon avis sur la du;
de la chaleur, qu’il suppose en raison p
grande que celle du diamètre, mais enc< j
qu’il renchérit beaucoup sur cette augm
tation en disant qu’un grand corps, 1
cela même qu'il est grand , peut augmen
sa chaleur.
Quoi qu’il en soit, l’expérience a plei
ment confirmé ma pensée. La durée dfl
chaleur , ou , si l’on veut, le temps emp|
au refroidissement du fer , n’est point
plus petite , mais en plus grande raison <
celle du diamètre; il n’y a, pour s’en asi
rer, qu’à comparer les progressions s
vantes :
DIAMÈTRES.
i, 2, 3, 4, 5,6,7, S, 9, io dei
pouces.'
Temps du premier refroidissement,!
posés en raison du diamètre : 12', 24', 3
48', 60', 72', 84', 96', 108', 120'.
Temps réels de ce refroidissement, tri
vés par l’ expérience : i2,,i35'i/2, j
8o', io2' , 127', i56', 182', 2o5', 282'.
Temps du second refroidissement , s|
posés en raison du diamètre : 3g', 78', 11
i56' , 195', 284', 278', 3i2( , 35T, 3'
Temps réels de ce second refroidissenu
trouvés par l’expérience : 39', *93', 14
196', 248', 3oS', 356', 4i5', 466'. 5;
On voit , en comparant ces progressi
terme à terme, que dans tous les cas la
rée de la chaleur non seulement n’est
en raison plus petite que celle du diain
(comme il est écrit dans Newton), r
qu’au contraire cette durée est en rai
considérablement plus grande.
Le docteur Martine, qui a fait un
ouvrage sur les thermomètres , rapport!
passage de Newton, et il dit qu’il a’
commencé de faire quelques expériei
qu’il se proposoit de pousser plus loin ; c
croit que l’opinion de Newton est confo
à la vérité , et que les corps sembla
conservent en effet la chaleur dans la ]
portion de leurs diamètres; mais que qt
au doute que Newton forme, si , dans
grands corps, cette proportion n’est j ^
moindre que celle des diamètres, il n
croit pas suffisamment fondé. Le doc
Martine avoit raison à cet égard ; mai:
même temps il avoit tort de croire, d’a]| ^
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
349
rton , que tous les corps semblables, so-
5 ou fluides , conservent leur chaleur en
)n de leurs diamètres. Il rapporte, à la
té, des expériences faites avec de l’eau
; des vases de porcelaine, par lesquelles
ouve que les temps du refroidissement
[’eau sont presque proportionnels aux
îètres des vases qui la contiennent : mais
» venons de voir que c’est par cette rai-
mème que, dans les corps solides, la
e se passe différemment; car l’eau doit
regardée comme une matière presque
freinent perméable à la chaleur, puis-
c’est un fluide homogène , et qu’aucune
es parties ne peut faire obstacle à la cir-
lion de la chaleur. Ainsi , quoique les
iriences du docteur Martine donnent
u près la raison du diamètre pour lere-
lissement de l’eau , on ne doit en rien
:!ure pour le -refroidissement des corps
aintenant, si l’on vouloil chercher avec
ton combien il faudrait de temps à un
gros comme la terre pour se refroidir ,
ouveroit, d’après les expériences pré-
ntes, qu’au lieu de cinquante mille ans
assigne pour le temps du refroidisse-
de la terre jusqu’à la température ac-
, il faudrait déjà quarante-deux mille
cent soixante-quatre ans et deux cent
t-un jours pour la refroidir seulement
au point où elle cesserait de brûler,
îatre vingt-seize -mille six cent soixante-
ns et cent trente-deux jours pour la
ùdir à la température actuelle,
ir la suite des diamètres des globes étant
3,4, 5 N demi-pouces , celle des
ds du refroidissement, jusqu’à pouvoir
ber les globes sans se brûler, sera 12 ,
60, 84, 108 24 N — 12 min. et
amètre de la terre étant de 2865 lieues,
au degré, ou de 6037980 toises de
eds.
a faisant la lieue de 2282 toises, ou de
17580 pieds, ou de 94x461920 demi-
es, nous avons N — 941461920 demi-
[pes ; et 24 N — 12 — 22595086068
, c’est-à-dire quarante-deux mille neuf
soixante-quatre ans et deux cent vingt-
ours pour le temps nécessaire au refroi-
ment d’un globe gros comme la terre ,
uuent jusqu’au point de pouvoir le tou-
sans se brûler,
t de même la suite des temps du refroi-
;ment jusqu’à la température actuelle,
39', 93', 147', 201' , 255' 54 N
c5'.
t comme N est toujours — 94x461920
demi-pouces", nous aurons 54 ÜV — i5r=:
50888943662 minutes, c’est-à-dire quatre-
vingt-seize mille six cent soixante-dix ans et
cent trente-deux jours pour le temps néces-
saire au refroidissement d’un globe gros
comme la terre , au point de la tempéra-
ture actuelle.
Seulement on pourrait croire que celui
du refroidissement de la terre devoit encore
être considérablement augmenté , parce que
l’on imagine que le refroidissement ne s’o-
père que car le contact de l’air, et qu’il y
a une grande différence entre le temps du
refroidissement dans l’air et le temps du re-
froidissement dans le vide ; et comme l’on
doit supposer que la terre et l’air se seraient
en même temps refroidis dans le vide, on
dira qu’il faut faire état de ce surplus de
temps : mais il est aisé de faire voir que
cette différence est très-peu considérable ;
car , quoique la densité du milieu dans le-
quel un corps se refroidit , fasse quelque
chose sur la durée du refroidissement , cet
effet est bien moindre qu’on ne pourrait
l’imaginer, puisque dans le mercure, qui
est onze mille fois plus dense que l’air, il
ne faut , pour refroidir les corps qu’on y
plonge, qu’environ neuf fois autant de
temps qu’il en faut pour produire le même
refroidissement dans l’air.
La principale cause du refroidissement
n’est donc pas le contaet du milieu ambiant,
mais la force expansive qui anime les par-
ties de la chaleur et du feu, qui les chasse
hors des corps où elles résident , et les
pousse directement du centre à la circon-
férence.
En comparant, dans les expériences pré-
cédentes, les temps employés à chauffer les
globes de fer avec les temps nécessaires pour
les refroidir, on verra qu’il faut environ la
sixième partie et demie du temps pour les
chauffer à blanc de ce qu’il en faut pour les
refroidir au point de pouvoir les tenir à la
main, et environ la quinzième partie et
demie du temps qu’il faut pour les refroidir
au point de la température actuelle 1 ; en
sorte qu’il y a encore une très-grande cor-
rection à faire dans le texte de Newton , sur
l’estime qu’il fait de la chaleur que le soleil a
1. Le boulet de 1 pouce et celui d’un demi-pouce
surtout ont été chauffés en bien moins de temps ,
et ne suivent point cette proportion de i5 1/2 à 1 ,
et c’est par la raison qu’étant très-petits et placés
dans un grand feu, la chaleur les pénétroit , pour
ainsi dire, tout à coup; mais, à commencer par
les boulets de 1 pouce 1/2 de diamètre, la propor-
tion que j’établis ici se trouve assez exacte pour
qu’on puisse y compter.
35o
MINÉRAUX . INTRODUCTION ,
communiquée à îa comète, de 1680 : car
cette comèie n’ayant été exposée à la vio-
lente chaleur du soleil que pendant un petit
temps , elle n’a pu la recevoir qu’en propor-
tion de ce temps , non pas en entier , comme
Newton paroît le supposer dans le passage
que je vais rapporter.
« Est calor solis ut radiorum densitas ,
« hoc est reciprocè ut quadratum distantiæ
« locorum à sole ; ideoque , cùm distanlia co-
« metæ à centro solis december 8 , ubi in
« perihelio versabatur , esset ad distantiam
« terræ à centro solis ut 6 ad xooo circiler,
« calor solis apud cometam eo terapore erat
« ad calorem solis æstivi apud nos ut 1000000
« ad 36 , sed 28000 ad x. Sed calor aquæ
« ebullientis est quasi tripîo major quàm
« calor quem terra arida concipit ad æsti-
« vum solem, ut expertus siim, etc. Calor
« ferri candentis ( si rectè conjector ) quasi
« triplo veî quadruplé major quàm calor
« aquæ ebullientis ; ideoque calor quem
« terra arida apud cometam in perihelio
«versantem ex radiis solaribus concipere
« posset, quasi 2000 vicihus major quàm
« calor ferri candentis. Tanlo autem calore
« vapores et exhalationes , omnisque materia
« volaiilis, stalim consumi ac dissipari de-
« ps sent.
« Cometa igitur in perihelio suo calorem
« immensum ad solem concepit , et calorem
« ilium diutissimè conservare potest. »
Je remarquerai d’abord que Newton fait ici
la chaleur du fer rougi beaucoup moindre
qu’elle n’est en effet, et qu’il le dit lui-
même dans un mémoire qui a pour titre :
Échelle de la chaleur , et qu’il a publié dans
les Transactions philosophiques de 1701 ,
c’est-à-dire plusieurs années après la publi-
cation de son livre des Principes. On voit
dans ce mémoire, qui est excellent, et qui
renferme le germe de toutes les idées sur
lesquelles on a depuis construit les thermo-
mètres ; on y voit, dis je, que Newton,
après des expériences très-exactes, fait la
chaleur de l’eau bouillante trois fois plus
grande que celle du soleil d’été ; celle de
l’étain fondant, six fois plus grande; celle
du plomb fondant , huit fois plus grande ;
celle du régule fondant , douze fois plus
grande; et celle d’un feu de cheminée or-
dinaire, seize ou dix-sept fois plus grande
que celle du soleil d’été : et de là on ne peut
s’empêcher de conclure que la chaleur du
fer rougi à blanc ne soit encore bien plus
grande , puisqu’il faut un feu constamment
animé par le soufflet pour chauffer le fer à
ce point. Newton paroît lui -même le sentir,
et donner à entendre que cette chaleur t
fer rougi paroît être sept ou huit fois pli
grande que celle de l’eau bouillante. Ainsi
faut, suivant Newton lui-même , chang
trois mots au passage précédent, et lire
« Calor ferri candentis est quasi triplé (se
« tulô) veî quadruplé (octuplé) major qui
« calor aquæ ebullientis; ideoque calor api
« cometam in perihelio versantem qu;
« 2000 ( 1000) vicihus major quàm cal,
« ferri candentis. » Cela diminue de moitil L
chaleur de cette comète , comparée à ce L
du fer rougi à blanc.
Mais cette diminution , qui n’est, que i
lative, n’est rien en elle-même, ni rie*
comparaison de la diminution réelle et fe
grande qui résulte de notre première cal
déralion; il faudrait, pour que la com
eut reçu cette chaleur mille fois plus gr®
cpie celle du fer rougi, qu’elle eut séjoiii
pendant un temps très-long dans le vË
nage du soleil , au lieu qu’elle n’a fait!
passer très-rapidement , surtout à la f
petite distance, sur laquelle seule néann» S(,
Newton établit son calcul de comparar
Elle étoit , le 8 décembre 1680, à 6/hLj,
ri p ta rîïclnnr'é dp la fpvrp an rpnti’p rln tn# tu,
de la distance de la terre au centre du sol
mais la veille ou le lendemain , c’est-à-<
vingt-quatre heures avant et vingt-qia
heures après , elle étoit déjà à une distj
six fois plus grande, et où la chaleur é
par conséquent trente-six fois moindre.
Si l’on vouloit donc connoître la q|
tité de cette chaleur communiquée I
comète par le soleil, voici comment:
pourrait faire cette estimation assez ju
et en faire en même temps la compara:
avec celle du feu ardent, au moyen de eild1
expériences.
Nous supposerons comme un fait,
cette comète a employé six cent soixant
heures à descendre du point où elle
encore éloignée du soleil d’une disl.
égale à celle de la terre à cet astre, au
point la comète recevoit par conscq:
une chaleur égale à celle que la terre flj
du soleil , et que je prends ici pour l’un
nous supposerons de même que la corni
employé six cent soixante-six autres lie
à remonter du point le plus bas de son
rihéiie à cette même distance ; et, snppo Or,
aussi son mouvement uniforme, ou t1
que la comèie étant au point le plus ha
son périhélie, c’est-à-dire à 6/1000 de
tance de la terre au soleil , la chaleur qi
a reçue dans ce moment étoit vingt-
mille sept cent soixante-seize fois plus gri
que celle que reçoit la terre : en donoîi les.
pi
du
|üde c
fois
a
Icon
UUI
l3J:
PARTIE EXPÉRIMENTALE, 3$i
ornent une duree de 80 minutes , savoir,
limites en descendant et 4° minutes en
tant , on aura :
6 de distance, 27776 de chaleur pen-
80 minutes ;
7 de distance, 20408 de chaleur aussi
'ant 80 minutes ;
8 de distance, i5625 de chaleur tou-
; pendant 80 minutes ; et ainsi de suite
i’à la distance 1000, où la chaleur est r.
iommant toutes les chaleurs à chaque
nce, on trouvera 3634 10 pour le total
a chaleur que la comète a reçue du
1 tant en descendant qu’en remontant,
faut multiplier par le temps, c’est-à-dire
4 /5 d’heure; on aura donc 484547,
n divisera par 2000, qui représente la
eur totale que la. terre a reçue dans ce
1e temps de i332 heures, puisque la
mce est toujours xooo, et la chaleur
nirs 1= 1 : ainsi l’on aura 242 547/2000
■ la i chaleur que la comète a reçue de
que la terre pendant tout le temps de
périhélie, au lieu de 28000, comme
Ion le suppose, parce qu’il ne prend
le point extrême, et ne fait mille atten-
à la très-petite durée du temps.
t encore faudroit-il diminuer cette cha-
242 547/2000, parce que la comète
ïouroit, par son accélération , d’autant
de chemin dans le même temps qu’elle
t près du soleil.
lais, en négligeant cette diminution, et
idmettant que la comète a en effet reçu
chaleur à peu près deux cent quarante-
x fois plus grande que celle de notre
il d’été, et par conséquent 17 2/7 plus
ide que celle du fer ardent , suivant
ime de Newton, ou seulement dix fois
» grande, suivant !a correction qn’ii faut
e à cette estime , on doit supposer que ,
r donner une chaleur dix fois plus
ide que celle du fer rougi , il faudroit
fois plus de temps, c’est-à-dire i332o
res au lieu de i332. Par conséquent on
t comparer à la comète un globe de fer
m auro.it chauffé à un feu de forge pen-
it i332û heures pour pouvoir le rougir à
ne.
)r, on voit, par mes expériences, que
mite des temps nécessaires pour chauffer
globes dont les diamètres croissent ,
orne 1, 2, 3, 4, 5.... n demi-pouces,
, à très-peu près, 2', 5' 1/2, 9', 12' 1/2,
... 7 n — 3/2 minutes.
On aura doue 7,7 — 3/2 — 799200 mi-
tes.
D’où l’on tirera n “ 228342 demi-pouces.
Ainsi, avec le feu de forge, on ne pour-
roit chauffer à blanc en 799200 minutes ou
x3320 heures qu'un globe dont le diamètre
seroil de 228342 demi-pouces, et par con-
séquent il faudroit , pour que toute la masse
de la comète soit chauffée au point du fer
rougi à blanc pendant le peu de temps
qu’elle a été exposée aux ardeurs du soleil,
qu’elle n’eût eu que 228342 demi-pouces
de diamètre , et supposer encore qu’elle eût
été frappée de tous cotés et en même temps
par la lumière du soleil : d’où il résulte
que si ou la suppose plus grande , il faut né-
cessairement supposer plus de temps dans
la même raison de n à 7 n — 3/2 ; en sorte,
par exemple, que si l’on veut supposer la co-
mète égale cà la terre, on aura n~ 941461920
demi-pouces, et 7 n — 3/2 rrr 32951 167 x 8
minutes, c’est-à-dire qu’au lieu de i3320
heures il en faudroit 549x8612, ou, -si l’on
veut, au lieu d’un an 190 jours, il faudroit
6269 ans pour chauffer à blanc un globe
gros comme la terre ; et , par la même rai-
son , il faudroit que la comète , au lieu de
n’avoir séjourné que i.332 heures ou 55
jours 12 heures dans tout son périhélie, y
eût demeuré pendant 892 ans. Ainsi les
comètes , lorsqu’elles approchent du soleil ,
me reçoivent pas une chaleur immense, ni
. très-long-temps durable, comme le dit New-
ton, et comme on seroit porté à le croire à
la première vue : lemmséjnur est si court
dans le voisinageXîe cet astre , que leur
masse n’a pas le temps de- s’échauffer, et
qu’il n’y a guère que la partie de la surface,
exposée au soleil, qui soit brûlée par ces
instans de chaleur extrême , laquelle , en
calcinant et volatilisant la matière de cette
surface, la chasse au dehors en vapeurs et
en poussière du côté opposé au soleil ; et ce
qn’on appelle la queue cl'une comète, n’est
autre chose que la lumière même du soleil
rendue sensible, comme dans une chambre
obscure, par ces atomes que la chaleur
pousse d’autant plus loin qu’elle est plus
violente.
Mais une autre considération bien diffé-
rente de celle-ci et encore plus importante ,
c’est que , pour appliquer le résultat de nos
expériences et de notre calcul à la comète
et à la terre , il faut les supposer composées
de matières qui demanderaient autant de
temps que le fer pour se refroidir ; tandis
ne , dans le réel , les matières principales
ont le globe terrestre est composé , telles
ne les glaises , les grès , les pierres , etc. ,
oivent se refroidir en bien moins de temps
que le fer.
MINERAUX. INTRODUCTION.
(fins
Pour me satisfaire sur cet objet , j’ai fait
faire des globes de glaise et de grès ; et les
ayant fait chauffer à la même forge jusqu’à
les faire rougir à blanc , j’ai trouvé que les
boulets de glaise de deux pouces se sont re-
froidis au point de pouvoir les tenir dans la
main en trente-huit minutes, ceux de deux
pouces et demi en quarante-huit minutes, et
ceux de trois pouces en soixante minutes;
ce qui étant comparé avec le temps du, re-
froidissement des boulets de fer de ces mê-
mes diamètres de deux pouces et demi et
trois pouces, donne les rapports de 38 à 80
pour deux pouces, 48 à 102 pour deux
pouces et demi, et 60 à 127 pour trois pou-
ces, ce qui fait un peu moins de x à 2 ; en
sorte que , pour le refroidissement de la
glaise, il ne faut pas la moitié du temps
qu’il faut pour celui du fer.
J’ai trouvé de même que les globes de grès
de deux pouces se sont refroidis au point
de les tenir dans la main en quarante-cinq
minutes , ceux de deux pouces et demi en
cinquante-huit minutes, et ceux de trois
pouces en soixante-quinze minutes; ce qui
étant comparé avec le temps du refroidisse-
ment des boulets de fer de ces mêmes dia-
mètres, donne les rapports de 46 à 80 pour
deux pouces, de 58 à 102 pour deux pouces
et demi, et de 75 à 127 pour trois pouces,
ce qui fait à très-peu près la raison de 9 à
5; en sorte que, pour le refroidissement du
grès , il faut plus de la moitié du temps qu’il
faut pour celui du fer.
J’observerai , au sujet de ces expériences ,
que les globes de glaise chauffés à feu blanc
ont perdu de leur pesanteur encore plus que
les boulets de fer, et jusqu’à la neuvième
ou dixième partie de leur poids , au lieu
que le grès chauffé au même feu ne perd
presque rien du tout de son poids, quoique
toute la surface se couvre d’émail et se ré-
duise en verre. Comme ce petit fait m’a paru
singulier, j’ai répété l’expérience plusieurs
fois , en faisant même pousser le feu et le
continuer plus long-temps que pour le fer ;
et quoiqu’il ne fallût guère que le tiers du
temps pour rougir le grès, de ce qu’il en
falloit pour rougir le fer, je l’ai tenu à ce
feu le double et le triple du temps pour
voir s’il perdroit davantage, et je n’ai trouvé
que de très-légères diminutions ; car le globe
de deux pouces, chauffé pendant huit mi-
nutes , qui pesoit sept onces deux gros trente
grains avant d’être mis au feu , n’a perdu
que quarante-un grains , ce qui ne fait pas
la centième partie de son poids ; celui de
deux pouces et demi , qui pesoit quatorze
tu de
J’ait
Scoi'l
tirs 11
11 ser
îaleur
ïux 0
aient
11e fa
onces deux gros huit grains, ayant chau Ve
pendant douze minutes, n’a perdu que
cent cinquante - quatrième partie de g
poids; et celui de trois pouces, qui pes
vingt-quatre onces cinq gros treize grait
ayant été chauffé pendant dix-huit miuut
c’est-à-dire à peu près autant que le fer,i
perdu que soixante-dix-huit grains; ce<
ne fait que la cent quatre-vingt-unième-*
tie de son poids. Ces pertes sont si peu
qu’on pourroit les regarder comme mil
et assurer en général que le grès pur
perd rien de sa pesanteur au feu ; car il r
paru que ces petites diminutions que
viens de rapporter ont été oceasionéesi
les parties ferrugineuses qui se sont trouii
dans ces gr s et qui ont été en partie l
truites par le feu.
Une chose plus générale et qui méi
bien d’être remarquée , c’est que les durt
de la chaleur dans différentes matières t
posées au même feu pendant un temps é
sont toujours dans la même proportion,’!
que le degré de chaleur soit plus grand 1,3 P1
plus petit; en sorte, par exemple, qu^ »el(l
on chauffe le fer, le grès et la glaise à| "’m
feu violent, et tel qu’il faille quatre-vi®
minutes pour refroidir le fer au point
pouvoir le toucher, quarante-six mil»
pour refroidir le grès au même point!
trente-huit pour refroidir la glaise, et qh
une chaleur moindre il ne faille, par exe
pie, que dix-huit minutes pour refroidir
1er à ce même point de pouvoir le toucl
avec la main, il ne faudra proportionnel
ment qu’un peu plus de dix minutes pi)
refroidir le grès, et environ huit minutes
demie pour refroidir la glaise à ce mèi
point.
J’ai fait de semblables expériences s
des globes de marbre , de pierre , de plot
et d’étain, à une chaleur telle seulena
que l’étain commençoit à fondre, et j rr.’
trouvé que le fer se refroidissoit en di sn
huit minutes au point de pouvoir le teniiij^
la main ; le marbre se refroidit au mêr ’V
,faè
[ itle
e
I0I([1
Gon
rps;
point en douze minutes , la pierre en 0112
le plomb en neuf et l’étain en huit
mîtes. ,
Ce n’est donc pas proportionnellement
leur densité, comme on le croit vulgaiij^
ment , que les corps reçoivent et perde c
plus ou moins vile la chaleur, mais dans 1, ■ ■
rapport bien différent et qui est en raisc
inverse de leur solidité, c’est-à-dire de let
plus ou moins grande non-fluidité ; en sor
qu’avec la même chaleur il faut moins c
temps pour échauffer ou refroidir le finie
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
plus dense quil n’en faut pour échauffer
! refroidir au même degré le solide le
I oins dense. Je donnerai, dans les mémoires
J ivans, le développement entier de ce prin-
I >e, duquel dépend toute la théorie du
I ogrès de la chaleur ; mais pour que mon
I leriion ne paroisse pas vaine , voici en
■ u de mots le fondement de cette théorie :
J’ai trouvé , par la vue de l’esprit, que
corps qui s’échaufferoient en raison de
rs diamètres ne pourroient être que ceux
1 i seroient parfaitement perméables à la
J deur, et que ce seroient en même temps
ix qui s'échaufferoient ou se refroidi-,
ent en moins de temps. Dès lors j’ai pensé
e les fluides , dont toutes les parties ne se
nient que par un foibîe lien, approchaient
s de cette perméabilité parfaite que les
ides, dont les parties ont beaucoup plus de
I lésion que celles des fluides.
En conséquence, j’ai fait des expériences
| lesquelles j’ai trouvé qu’avec la même
|leur tous les fluides, quelque denses
j ils soient, s’échauffent et se refroidissent
s promptement qu’aucun solide, quelque
er qu’il soit ; en sorte , par exemple , que
nercure, comparé avec le bois , s’échauffe
uicoup plus promptement que le bois,
liqu’il soit quinze ou seize fois plus
ise.
Hela m’a fait reconnaître que le progrès
la chaleur dans les corps ne devoit en
un cas se faire relativement à leur den-
et en effet, j’ai trouvé par l’expérience
tant dans les solides que dans les flui-
, ce progrès se fait plutôt en raison de
^ fluidité , ou , si l’on veut, en raison in-
se de leur solidité.
Homme ce mot solidité a plusieurs accep-
îs , il faut voir nettement le sens dans
ici je l’emploie ici. Solide et solidité se
;nt en géométrie relativement à la gran-
I r, et se prennent pour le volume du
1 ps ; solidité se dit souvent en physique
tlvement à la densité, c’est-à-dire à la
ise contenue sous un volume donné ; so-
té se dit quelquefois encore relativement
j dureté, c’est-à-dire à la résistance que
j t les corps lorsque nous voulons les en-
er : or, ce n’est dans aucun de ces sens
I j’emploie ici ce mot , mais dans une ac-
tion qui devroit être la première , parce
die est la plus propre. J’entends unique-
ît par solidité la qualité opposée à la flui-
et je dis que c’est en raison inverse de
l e qualité que se fait le progrès de la
leur dans la plupart des corps , et qu’ils
hauffent ou se refroidissent d’autant plus
353
vite qu’ils sont plus fluides , et d’autant
plus lentement qu’ils sont plus solides ,
toutes les circonstances étant égales d’ail-
leurs.
Et , pour prouver que la solidité , prise
dans ce sens, est tout à fait indépendante
de la densité, j’ai trouvé, par expérience,
que des matières plus denses ou moins den-
ses s’échauffent et se refroidissent plus
promptement que d’autres matières plus ou
moins denses ; que , par exemple, l’or et le
plomb, qui sont beaucoup plus denses que
le fer et le cuivre, néanmoins s’échauffent
et se refroidissent beaucoup plus vite , et
que l’étain et le marbre , qui sont au con-
traire moins denses , s’échauffent et se re-
froidissent aussi beaucoup plus vile que le
fer et le cuivre , et qu’il en est de même de
plusieurs autres matières qui , quoique plus
ou moins denses , s’échauffent et se refroi-
dissent plus promptement que d’autres qui
sont beaucoup moins denses ou plus den-
ses ; en sorte que la densité n’est nullement
relative à l’échelle du progrès de la chaleur
dans les corps solides.
Et, pour prouver de même dans lès flui-
des , j’ai vu que le mercure , qui est treize
ou quatorze fois plus dense que l’eau, néan-
moins s’échauffe et se refroidit en moins de
temps que l’eau ; et que l’esprit-de -vin , qui
est moins dense que l’eau , s’échauffe et se
refroidit aussi plus vite que l’eau ; en sorte
que généialement le progrès de la chaleur
dans les corps , tant pour l’entrée que pour
la sortie , n’a aucun rapport à leur densité,
et se fait principalement en raison de leur
fluidité, en étendant la fluidité jusqu’au so-
lide , c’est-à-dire en regardant la solidité
comme une non - fluidité plus ou moins
grande. De là, j’ai cru devoir conclure que
l’on connoîtroit en effet le degré réel de flui-
dité dans les corps , en les faisant chauffer
à la même chaleur ; car leur fluidité sera
dans la même raison que celle du temps
pendant lequel ils recevront et perdront
cette chaleur : et il en sera de même des
corps solides ; ils seront d’autant plus soli-
des, c’est-à-dire d’autant plus non-fluides ,
qu’il leur faudra plus de temps pour rece-
voir cette même chaleur et la perdre ; et
cela presque généralement , à ce que je pré-
sume ; car j’ai déjà tenté ces expériences
sur un grand nombre de matières différen-
tes , et j’en ai fait une table que j’ai tâché
de rendre aussi complète et aussi exacte qu’il
m’a été possible, et qu’on trouvera dans la
mémoire suivant.
Bttffon. I.
a3
35'4
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
V\VW\\WVlî<\UU^
SECOND MEMOIRE.
Suite des expériences sur le progrès de la chaleur dans les différentes
substances minérales .
J’ai fait faire un grand nombre de globes,
tous d’un pouce de diamètre , le plus pré-
cisément qu’il a été possible , des matières
suivantes, qui peuvent représenler à peu
près le règne minéral :
onc. gros grains.
Or le plue pur, affiné par les soins
de M. Tillet , de l’Académie des
Sciences , qui a fait travailler ce
globe à uia prière, pèse
6
2
*7
Plomb, pèse
3
6
28
Argent le plus pur, travaillé de
même, pèse
3
3
22
3
3
Cuivre rouge , pèse
a
7
56
Fer, pèse
2
5
10
Etain , pèse.. ... . .
2
3
43
Antimoine fondu, et qui avoit de
petites cavités à 6a surface, pèse.
2
34
Zinc , pèse
2
I
2
Émeril , pèse
I
2
24 1/2
Marbre blanc, pèse
I
25
Grès pur, pèse
7
24
Marbre commun de Monthard, pèse.
7
20
Pierre calcaire dure et grise de
Montbard , pèse
7
20
Gypse blanc , improprement appelé
albâtre , pèse
6
36
Pierre calcaire blanche , statuaire ,
de la carrière d’Anières près de
Dijon , pèse
6
36
Cristal de roche : il étoit un peu
trop petit , et il y avoit plusieurs
défauts et quelques petites fêlures
à sa surface; je présume que,
sans cela , il auroit pesé plus d’un
gros de plus : il pèse
Verre commun , pèse
Terre glaise pure non éuite , mais
très-sèche, pèse
Ocre , pèse
Porcelaine de M. le comte de Laura-
guais, pèse
Craie blanche , pèse
Pierre ponce avec plusieurs petites
cavités à sa surface , pèse
Bois de cerisier, qui , quoique plus
léger que le chêne et la plupart
des autres bois , est celui de tous
qui s’altère le moins au feu, pèse.
55
Je dois avertir qu’il ne faut pas compter
assez sur les poids rapportés dans cette table,
pour en conclure la pesanteur spécifique
exacte de chaque matière ; car, quelque pré-
caution que j’aie prise pour rendre les gl
bes égaux , comme il a fallu employer d
ouvriers de différens métiers , les uns me 1
ont rendus trop gros et les autres trop p
tits. On a diminué ceux qui avoient pl
d’un pouce de diamètre ; mais quelques-ui
qui étoient un tant soit peu trop petit!
comme ceux de cristal de roche, de ver t®e
et de porcelaine , sont demeurés tels qu’ je
étoient : j’ai seulement rejeté ceux d’agaii |ei(
de jaspe, de porphyre et de jade, qui étoiei j>aj
sensiblement trop petits. Néanmoins ce di ^
gré de précision de grosseur, très-difficilei D1|ej
saisir, n’étoit pas absolument nécessaire ; c ia
il ne pouvoit changer que très-peu le résull
de mes expériences.
Avant d’avoir commandé tous ces glob
d’un pouce de diamètre , j’avois exposé à i
même degré de feu une masse carrée de i |
et une autre de plomb de deux pouces da |
toutes leurs dimensions , et j’avois trouvi jj I,
par des essais réitérés, que le plomb s: .Éetc
chauffoit plus vite et se refroidissoit te
beaucoup moins de temps que le fer : je fa
la même épreuve sur le cuivre rouge; il fei .
aussi plus de temps pour l’échauffer et po f ™
le refroidir qu’il n’en faut pour le plomb
moins que pour le fer : en sorte que ,
ces trois matières, le fer me parut celle ar les trois expériences présentes ; et com-
[ne ce rapport a été trouvé par les expé-
iences précédentes ( article TY) ;; 53 1/2
45, on aura, en ajoutant ces temps, 99
85 r/2 pour le rapport encore plus précis
lu premier refroidissement du fer et du
:uivre ; et pour le second , c’est-à-dire pour
je refroidissement entier, le rapport donné
>ar les présentes expériences étant ; ; 35
{— 47 H- 56 j 3 r — j— 43 — j— 5o, ou * * r38
r24, et ;; r42 ; r25 parles expériences
irécédentes (art. IY) , on aura , en ajoutant
es temps, 280 à 249 pour le rapport encore
j)lus précis du refroidissement entier du fer
t du cuivre.
20 Que le temps du refroidissement du
îr est à celui du refroidissement de l’or,
u point de pouvoir les tenir, ’ ' 4 5 1/2 ;
7, et au point de la température ;; 1 3 8 :
ï4.
3° Que le temps du refroidissement du
br est à celui du refroidissement de l’ar-
[ent, au point de pouvoir les tenir, ; ; 45 1/2
34, et au point de la température ;; i38
97-
4° Que le temps du refroidissement du
jer est à celui du refroidissement de l’étain,
u point de pouvoir les tenir, 45 1/2 ;
i par les présentes expériences , et ” 24
ir par les expériences précédentes (ar-
ide Y). Ainsi l’on aura, en ajoutant ces
emps , 69 1/2 à 32 pour le rapport encore
lus précis de leur refroidissement ; et pour
le second , le rapport donné par les expé-
riences présentes étant *; i38 l 61, et par
les expériences précédentes (art. Y) ;; i36
I 78, on aura, en ajoutant ces temps, 274
à i34 pour le rapport encore plus précis de
l’entier refroidissement du fer et de l’étain.
5° Que le temps du refroidissement du
cuivre est à celui de l’or, au point de pouvoir
les tenir, ;; 40 1/2 1 37, et;: 124 ; 114
pour leur entier refroidissement.
6° Que le temps du refroidissement du
cuivre est à celui du refroidissement de l’ar-
gent , au point de pouvoir les tenir, ; ; 40 1/2
; 34, et 124 ; 97 pour leur entier re-
froidissement.
70 Que le temps du refroidissement du
cuivre est à celui du refroidissement de l’é-
tain, au point de pouvoir les tenir, ; I4o 1/2
; 21 par les présentes expériences, et ;;
43 1/2 ; 22 1/2 par les expériences précé-
dentes (article YI). Ainsi on aura , en ajou-
tant ces temps , 84 à 43 1/2 pour le rapport
encore plus précis de leur premier refroi-
dissement ; et pour le second, le rapport
donné par les présentes expériences étant
124 ; 6iret ;; 123 ; 71 par les expé-
riences précédentes ( article YI ) , on aura ,
en ajoutant ces temps, 247 à i32 pour le
rapport encore plus précis de l’entier refroi-
dissement du cuivre et de l’étain.
8° Que le temps du refroidissement de
l’or est à celui du refroidissement de l’argent,
au point de pouvoir les tenir, ;; 37 ; 34,
et ;; r 14 ; 97 pour leur entier refroidisse-
ment.
90 Que le temps du refroidissement de
l’or est à celui du refroidissement de l’étain,
au point de pouvoir les tenir, ; ; 3 7 r 21,
et ;; 1x4 l 61 pour leur entier refroidis-
sement.
io° Que le temps du refroidissement de
l’argent est à celui du refroidissement de
l’étain , au point de pouvoir les tenir, ; ; 34
; 21, ;; 97 : 61 pour leur entier refroidis-
sement.
? XII. Ayant mis dans le même four cinq
boulets , placés de même , et séparés les uns
des autres, leur refroidissement s’est fait
dans les proportions suivantes :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Antimoine, en... 6 1/2
Bismuth, en 7
Plomb , en 8
Zinc, en io 1/2
Emeril , en 1x1/2
Refroidis
à la température .
minutes 1
En
25
En
?6
En
En
En
XIII. Ayant répété cette expérience avec
358
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
un degré de chaleur plus fort, et auquel
l’étain et le bismuth se sont fondus, les
autres boulets se sont refroidis dans la pro-
gression suivante :
Refroidis à les tenir
■pendant une demi-seconde.
minutes .
Antimoine , en.. . 7 1/2
Plomb , en 91/2
Zinc, en i4
Émeri! , en 16
Refroidis
à la température.
minutes.
28
39
5o
XIY. On a placé dans le même four et
de la même manière un autre boulet de bis-
muth , avec six autres boulets , qui se sont
refroidis dans la progression suivante :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Antimoine , en. . . 6
Bismuth, en 6
Plomb , en 7 1/2
Argent, en 9 1/2
Zinc , en 10 1/2
Or, en 11
Émeri! , en i3 1/2
Refroidis
à la température.
minutes.
23
XV. Ayant répété cette expérience avec
les sept mêmes boulets , ils se sont refroidis
dans l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Antimoine , en.. .
Bismuth , en. . . .
Plomb , en
Argent , en
Zinc , en
Or, en
Émeril , en. ... .
6 1/2
7 1/2
7 1/2
” 1/2
13 1/2
14
15
Refroidis
la température.
minutes.
23
Toutes ces expériences ont été faites avec
soin , et en présence de deux ou trois per-
sonnes , qui ont jugé comme moi par le tact ,
et en serrant dans la main pendant une demi-
seconde les différens boulets. Ainsi l’on doit
en conclure :
i° Que le temps du refroidissement de
l’émerii est à celui du refroidissement de l’or,
au point de pouvoir les tenir, y 28 1/2 ;
25, et 83 ; 73 pour leur entier refroi-
dissement.
20 Que le temps du refroidissement de
l’ émeril est à celui du refroidissement du
zinc, au point de pouvoir les toucher, ; : 56
: 48 1/2, et 171 : 144 pour leur entier
refroidissement.
3° Que le temps du refroidissement de
i’émeril est à celui du refroidissement de
l’argent , au point de pouvoir les tenir , ; ;
28 1/2 ; 21 , et 83 : 62 pour leur en-
tier refroidissement.
4° Que le temps du refroidissement de
l’émeril est à celui du refroidissement du
plomb , au point de les tenir , ; : 56 ; 32 1/2,
et 171 ; 123 pour leur entier refroidis-
sement.
5° Que le temps du refroidissement de
l’émeril est à celui du refroidissement du bis-
muth, au point de les tenir, : : 40 : 20 1/2,
et :: 12 1 : 80 pour leur entier refroidisse-
ment.
6° Que le temps du refroidissement de
l’émeril est à celui du refroidissement de
l’antimoine, au point de pouvoir les tenir
56 ; 26 1/2 , et à la température ; ; 1 7 1 ;
99-
7“ Que le temps du refroidissement de
l’or est à celui du refroidissement du zinc ,
au point de les tenir, ;; 25 : 24, et lj
73 : 70 pour leur entier refroidissement :
8° Que le temps du refroidissement de
l’or est à celui du refroidissement de l’argent,
au point de pouvoir les tenir, y i5 : 21
par les présentes expériences, et ; ; 37 ; 34
par les expériences précédentes (art. XI).
Ainsi l’on aura, en ajoutant ces temps, 62
à 55 pour le rapport plus précis de leur pre-
mier refroidissement ; et pour le second , le
rapport donné par les présentes expériences
étant .* T 73 ; 62 , et ; 114 ; 97 parles
expériences précédentes (article XI), on
aura, en ajoutant ces temps, 187 à i5g
pour le rapport plus précis de leur entier
refroidissement.
Que le temps du refroidissement de
Ëie
9
’or est à celui du refroidissement du plomb,
au point de pouvoir les tenir, ; ; 25 ; i5
et 73 : 57 pour leur entier refroidisse-
ment.
io° Que le temps du refroidissement de
l’or est à celui du refroidissement du bis-
muth, au point de pouvoir les tenir, ;; 25
; i3 1/2 , et y 73 : 56 pour leur entier
refroidissement.
ii° Que le temps du refroidissement dé
l’or est à celui du refroidissement de l’anti-
moine, au point de les tenir, y 25 ; 12 1/2,
et 1 : 73 : 46 pour leur entier refroidisse-
ment.
i2° Que le temps du refroidissement du
zinc est à celui du refroidissement de l’ar-
gent , au point de pouvoir les tenir , .*124
: 21 , et :: 70 : 62 pour leur entier refroi-
dissement.
i3° Que le temps du refroidissement du
zinc est à celui du refroidissement du plomb,
au point de pouvoir les tenir, " 48 1/2 I
32 1/2, et 144 : 123 pour leur entier
refroidissement.
ml,
tb
.
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
35$
146 Que le temps du refroidissement du
ne est à celui du refroidissement du bis-
luth, au point de pouvoir les tenir, ::
4 1/2 ; 20 1/2, et 100 : 80 pour leur
itier refroidissement.
1 5° Que le temps du refroidissement du
ne est à celui du refroidissement de Pan-
moine, au point de les tenir, y 48 1/2
26 1/2, et à la température ;; 144 : 99.
160 Que le temps du refroidissement de
irgent est à celui du refroidissement du
smuth, au point de pouvoir les tenir
r ; i3 1/2, et ;; 62 ; 56 pour leur en-
er refroidissement.
170 Que le temps du refroidissement de
irgent est à celui du refroidissement de Pau-
moine , au point de les tenir, : : 21 : 12 1/2,
; 62 ; 46 pour leur entier refroidis-
ment.
180 Que le temps du refroidissement du
j/Omb est à celui du refroidissement du
'srnutli, au point de les tenir : : 23 : 201/2,
: ; 84 : 80 pour leur entier refroidisse-
ent.
190 Que le temps du refroidissement du
omb est à celui du refroidissement de Pan-
moine, au point de les toucher, 32 1/2
26 1/2 , et à la température 123 ; 99.
20° Que le temps du refroidissement du
smuth est à celui du refroidissement de
intimoine, au point de pouvoir les tenir,
20 1/2 ; 19, et ;; 80 : 71 pour leur
itier refroidissement.
Je dois observer qu’en général , dans tou-
s ces expériences, les premiers rapports
nt bien plus justes que les derniers, parce
l’il est difficile déjuger du refroidissement
squ’à la température actuelle , et que cette
jmpéralure étant variable , les résultats doi-
nt varier aussi; au lieu que le point du
emier refroidissement peut être saisi assez
ste par la sensation que produit sur la
ême main la chaleur du boulet, lorsqu’on
ut le tenir ou le toucher pendant une demi-
conde.
XYI. Comme il n’y avoit que deux expé-
înces pour la comparaison de l’or avec l’é-
éril , le zinc, le plomb, le bismuth, et
ntimoine; que le bismuth s’étoit fondu
entier, et que le plomb et l’antimoine
oient fort endommagés, je me suis servi
autres boulets de bismuth, d’antimoine
de plomb, et j’ai fait une troisième expé-
ence eu mettant ensemble dans le même
ur bien chauffé ces deux boulets : ils se
>nt refroidis dans l’ordre suivant .
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Antimoine , en.. ,
• 7
En.
Bismuth , en.. . .
. 8
En.
Plomb , en
• 9
En.
Zinc , en
. I Z
En.
Or, en
. i3
En.
Émeril , en
. i5 1/2
En.
Refroidis
la température.
minutes.
27
29
33
37
4?.
48
D’où l’on doit conclure, ainsi que des ex-
périences XIY et XY, i° que le temps du
refroidissement de l’émeril est à celui du re-
froidissement de l’or, au point de pouvoir
les tenir, ;* 44 : 38 , et au point de la
température i3i : ii5.
20 Que le temps du refroidissement de
Pémeril est à celui du refroidissement du
zinc, au point de pouvoir les tenir, " i5 1/2
; 12. Mais le rapport trouvé par les expé-
riences précédentes (art. XY) étant :: 56
l 48 1/2, on aura, en ajoutant ces temps,
71 1/2 à 60 1/2 pour leur premier refroidis-
sement ; et pour le second , le rapport trouvé
par l’expérience présente , étant y 48 : 37,
et par les expériences précédentes (art. XY ),
; : 1 7 1 : 144 ; ainsi , en ajoutant ces temps ,
on aura 289 à 181 pour le rapport encore
plus précis de l’entier refroidissement de
l’émeril et du zinc.
3° Que le temps du refroidissement de
l’émeril est à celui du refroidissement du
plomb , au point de pouvoir les tenir , ; :
i5 1/2 : 9. Mais le rapport trouvé par les
expériences précédentes (art. XY) étant ;;
56 : 32 1/2, ainsi on aura, en ajoutant ces
temps ,711/2541 1/2 pour le rapport plus
précis de leur premier refroidissement; et
pour le second , le rapport donné par l’expé-
rience présente étant y 48 ; 33, et par
les expériences précédentes (art. XY) ::
171 : 123, on aura, en ajoutant ces temps,
239 à i56 pour le rapport encore plus pré-
cis de l’entier refroidissement de l’émeril et
du plomb.
4° Que le temps du refroidissement de
l’émeril est à celui du refroidissement du
bismuth, au point de pouvoir les tenir, ;;
i5 1/2 : 8, et par les expériences précé-
dentes (art. XY) :: 40 ; 20 1/2. Ainsi,
on aura, en ajoutant ces temps, 55 1/2 à
28 1/2 pour le rapport plus précis de leur
premier refroidissement ; et pour le second,
le rapport donné par l’expérience présente
étant :: 48 : 29, et :: 121 : 80 par les
expériences précédentes (art. XY ), on aura,
en ajoutant ces temps, 169 à 109 pour le
rapport encore plus précis de l’entier refroi-
dissement de l’émeril et du bismuth.
5° Que le temps du refroidisssement de
;
, , I
36o MINERAUX. INTRODUCTION.
l’émeril est à celui du refroidissement de
l’antimoine, au point de pouvoir les tenir,
1 5 r/2 ; 7. Mais le rapport trouvé par
les expériences précédentes (art. XY) étant
56 : 26 1/2, on aura, en ajoutant ces
temps, 71 1/2 à 33 1/2 pour le rapport en-
core plus précis de leur premier refroidis-
sement ; et pour le second , le rapport donné
par l’expérience présente étant II 48 l 27,
et : ; 1 7 1 : 99 par les expériences précé-
dentes (article XY), on aura, en ajoutant
ces temps, 219 à 126 pour le rapport en-
core plus précis de l’entier refroidissement
de l’émeril et de l’antimoine.
6° Que le temps du refroidissement de
l’or est à celui du refroidissement du zinc,
au point de pouvoir les tenir, 38 : 36,
et ;; n5 ; 107 pour leur entier refroidis-
sement.
7° Que le temps du refroidissement de
l’or est à celui du refroidissement du plomb ,
au point de les toucher, 38 : 24, et à
la température ;; n5 ; 90.
8? Que le temps du refroidissement de
l’or est à celui du refroidissement du bismuth ,
au point de pouvoir les tenir, ;; 38 : 21 1/2,
et à la température y. n5 ; 85.
90 Que le temps du refroidissement de
l’or est à celui du refroidissement de l’anti-
moine, au point de les toucher, 38 ;
19 1/2, et à la température ; : n5 ; 69.
io° Que le temps du refroidissement du
zinc est à celui du refroidissement du plomb,
au point de pouvoir les tenir, 12 : 9.
Mais le rapport trouvé par les expériences
précédentes (art. XY) étant 48 1/2 :
32 1/ 2, on aura, en ajoutant ces temps,
60 1/2 à 41 1/2 pour le rapport plus pré-
cis de leur premier refroidissement; et pour
le second, le rapport donné par l’expérience
présente étant ; : 37 : 33, et par les expé-
riences précédentes (art. xv) :: 144 : 123,
on aura, en ajoutant ces temps, 1S1 à i56
pour le rapport encore plus précis de l’en-
tier refroidissement du zinc et du plomb.
ix° Que le temps du refroidissement du
zinc est à celui du refroidissement du bis-
muth, au point de les toucher, : 12 ; 8,
par la présente expérience. Mais le rapport
trouvé par les expériences précédentes (ar-
ticle XY) étant 34 1/2 ; 20 1/2; en ajou-
tant ces temps, on aura 46 1/2 à 28 1/2
pour le rapport plus précis de leur premier
refroidissement ; et pour le second , le rap-
port donné par l’expérience présente étant
Il 37 ; 29, et par les expériences précé-
dentes (art. XV) ;; 100 : 80, on aura,
çn ajoutant ces temps 137 à 109 pour le
l’ent
Éti
' eril,
rapport encore plus précis de l’entier refroi-
dissement du zinc et du bismuth.
12° Que le temps du refroidissement di
zinc est à celui du refroidissement de l’anti-
moine , pour pouvoir les tenir, ” 12 ; 3
par la présente expérience. Mais comme h
rapport trouvé par les expériences précé
dentes ( art. XY ) est 1 1 48 1/2 : 26 1/:
on aura, en ajoutant ces temps, 60 x/2
53 1/2 pour le rapport encore plus préciii y
de leur premier refroidissement ; et pour h v
second, le rapport donné par l’expérienct
présente étant ;; 37 ; 27, et i44 I 9<
par les expériences précédentes ( art. XY )
on aura, en ajoutant ces temps, 18 r à i2<
pour le rapport plus précis de l’entier re4«f
froidissement du zinc et de l’antimoine.
i3° Que le temps du refroidissement di
plomb est à celui du refroidissement du bis-; mb
muth , au point de pouvoir les tenir , .' I c
: 8 par l’expérience présente , et : 23
20 1/2 par les expériences précédentes (an
ticle XV ). Ainsi on aura, en ajoutant cer
temps, 32 à 28 1/2 pour le rapport plus pré-
cis de leur premier refroidissement; et poiu
le second, le rapport donné par la présente ^
expérience étant : 33 : 29 , et : : 84 : 84
par les expériences précédentes ( art. XY )
on aura , en ajoutant ces temps ,1175 109
pour le rapport encore plus précis de l’en-
tier refroidissement du plomb et du bismuth
140 Que le temps du refroidissement dil ^
plomb e^t à celui du refroidissement de l’anti
moine, au point de les tenir, ; : 9 : 7 par h
présente expérience, et 32 1/2 : 26 i/s
par les expériences précédentes (art. XY),
Ainsi on aura , en ajoutant ces temps , 41 i/s
à 33 1/2 pour le rapport plus précis de leui
premier refroidissement ; et pour le second, 1(1
rapport donné par l’expérience présente étant
; ; 33 4 ‘27, et .’ : 123 : 99 par, les expérience!
précédentes (art. XV), on aura, en ajou-
tant ces temps , i56 à 126 pour le rapport
encore plus précis de l’entier refroidisse-
ment du plomb et de l’antimoine.
x5° Que le temps du refroidissement du
bismuth est à celui du refroidissement de
l’antimoine, au point de pouvoir les tenir,, ,
:: 8 : 7 par l’expérience présente, et
20 1/2 : 19 par les expériences précédentes
( article XY). Ainsi on aura, en ajoutant
ces temps , 28 1/2 à 29 pour le rapport plus
précis de leur premier refroidissement ; el
pour le second , le rapport donné par l’ex-
périence présente étant ; : 209 : 27, et l : 80
; 7 1 par les expériences présentes ( ar-
ticle XY ) , on aura , en ajoutant ces temps,
109 à 98 pour le rapport encore plus précis
lence
i|oui
|»rti
îptei
36r
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
[’entier refroidissement du bismuth et de
timoine.
LVII. Comme il n’y avoit de même que
x expériences pour la comparaison de
jent avec l’émeril , le zinc , le plomb , le
mth et l’antimoine, j'en ai fait une
dème , en mettant dans le même four ,
s’étoit un peu refroidi , les six boulets
imble; et, après les en avoir tirés tous
même temps , comme on l’a toujours
ils se sont refroidis dans l’ordre sui-
ifroidis à les tenir
mt une demi-seconde .
minutes,
noine , en. . . 6
utli , en 7
b , en. .... . 8 x/4
nt, en n 1/2
1 12 1/2
~il , en i5 iy 2
Refroidis
à la température .
Ent . , . .
minutes.
En
34
En
36
En
3g
En.. ....
n doit conclure de cette expérience et
elles des art. XIV et XV :
5 Que le temps du refroidissement de
eril est à celui du refroidissement du
au point de les tenir , par l’expérience
ente ;; 1 5 1/2 : 12 1/2, et 71 1/2 ;
/2 par les expériences précédentes ( ar-
XVI ). Ainsi on aura , en ajoutant ces
js , 87 à 73 pour le rapport plus précis
eur premier refroidissement ; et pour le
nd , le rapport donné par l’expérience
ente étant ; : 47 ; 39, et par les expé-
ces précédentes (art. XVI) \ \ 239 \ 181,
ura, en ajoutant ces temps, 286 à 220
' le rapport encore plus précis de l’en-
refroidissement de l’émeril et du zinc.
> Que le temps du refroidissement de
eril est à celui du refroidissement de
ent, ; : 44 : 32 1/2 au point de les te-
et :: i3o : 98 pour leur entier refroi-
ment.
’ Que le temps du refroidissement de l’é-
1 est à celui du refroidissement du plomb,
jint de les tenir, ;; i5i/2 ;8 1/2 par l’ex-
mce présente, et 71 1/2 : 4.1 1/2 par
^périences précédentes (art. XVI). Ainsi
ura , en ajoutant ces temps, 87 à 49 3/4
’ le rapport plus précis de leur premier
ndissement; et pour le second, le rap-
donné par l’expérience présente étant
7 ; 34, et :: 239 : i56 par les expé-
ces précédentes ( art. XVI ) , on aura ,
joutant ces temps , 286 à 190 pour le
>ort encore plus précis de l’entier refroi-
îment de l’émeril et du plomb.
Que le temps du refroidissement de
O
l’émeril est à celui du refroidissement du bis-
muth, au point de pouvoir les tenir, .’ i5
1/2:7 Par l’expérience présente, et :: 56
1/2 : 28 1/2 par les expériences précédentes
( art. XVI). Ainsi on aura, en ajoutant ces
temps, 77 à 35 1/2 pour le rapport plus
précis de leur premier refroidissement; et
pour le second , le rapport donné par l’ex-
périence présente étant :: 47 : 3i , et
169 : 109 par les expériences précéden-
tes ( article XVI ) , on aura, en ajoutant
ces temps , 216 à 140 pour le rapport en-
core plus précis de l’entier refroidissement
de l’émeril et du bismuth.
5° Que le temps du refroidissement "de
l’émeril est à celui du refroidissement de
l’antimoine , au point de les tenir, *; i5 1/2
: 6 par l’expérience présente, et 71 1/2
: 33 1/2 par les expériences précédentes
( art. XVI). Ainsi , en ajoutant ces temps,
on aura 87 à. 39 1/2 pour le rapport plus
précis de leur premier refroidissement; et
pour le second, le rapport donné par l’ex-
périence présente étant 47- 1 29, et par
les expériences précédentes ( art. XVI )
:: 219 : 126, on aura, en ajoutant ces
temps, 266 à i55 pour le rapport encore
plus précis de l’entier refroidissement de
l’émeril et de l’antimoine.
6° Que le temps du refroidissement du
zinc est à celui du refroidissement de l’ar-
gent, au point de pouvoir les tenir, ;;
36 1/2 : 32, et :: 109 : 98 pour leur entier
refroidissement.
70 Que le temps du refroidissement du
zinc est à celui du refroidissement du plomb,
au point de pouvoir les tenir, ;; 12 1/2 :
8 1/4 par l’expérience présente, et .' : .60 1/2
: 41 1/2 par les expériences précédentes
( art. XVI ). Ainsi on aura , en ajoutant ces
temps , 73 à 49 3/4 pour le rapport plus
précis de leur premier refroidissement ; et
pour le second , le rapport donné par l’expé-
rience présente étant :: 39 : 33, et par les
expériences précédentes ( art. XVI ) : : 1 8 1
; i56, on aura, en ajoutant ces temps,
220 à 189 pour le rapport encore plus pré-
cis de l’entier refroidissement du zinc et du
plomb.
8° Que le temps du refroidissement du
zinc-est à celui du refroidissement du bis-
muth , au point de pouvoir les tenir ,
12 1/2 : 7 par la présente expérience,
et :: 46 1/2 ; 28 1/2 par les expériences
précédentes (art. XVI). Ainsi on aura,
en ajoutant ces temps, 5g à 35 1/2 pour le
rapport plus précis de leur premier refroi-
dissement ; et pour le second , le rapport
36s
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
donné par l’expérience présente étant : : 3g
; 3i, et :: 137 : 109 par les expériences
précédentes ( art. XYI) , on aura, en ajou-
tant ces temps, 176 à 140 pour le rapport
encore plus précis de l’entier refroidisse-
ment du zinc et du bismuth.
90 Que le temps du refroidissement du
zinc est à celui du refroidissement de l’an-
timoine, au point de les tenir, " 12 1/2
; 6 par la présente expérience , et : 60 1/2
: 33 1/2 par les expériences précédentes
(art. XYI ). Ainsi on aura , en ajoutant ces
temps, 73 à 3g 1/2 pour le rapport plus
précis de leur premier refroidissement; et
pour le second , le rapport trouvé par l’ex-
périence présente étant : : 3 g : 29 , et ; :
18 r : 126 par les expériences précédentes
(art. XYI) , on aura , en ajoutant ces temps ,
220 à i55 pour le rapport encore plus pré-
cis de l’entier refroidissement du zinc et de
l’antimoine.
io° Que le temps du refroidissement de
l’argent est à celui du refroidissement du
plomb, au point de pouvoir les tenir,
; ; 32 1/2 : 23 1/2, et :: 98 : 90 pour leur
entier refroidissement.
ii° Que le temps du refroidissement de
l’argent est à celui du refroidissement du
bismuth, au point de pouvoir les tenir,
;; 32 1/2 : 20 1/2, et :: 98 : 87 pour leur
entier refroidissement.
i2° Que le temps du refroidissement de
l’argent est à celui du refroidissement de
l’antimoine , au point de pouvoir les tenir ,
; : 82 1/2 : 18 1/2 , et : : @8 : 75 pour leur
entier refroidissement.
i3° Que le temps du refroidissement du
plomb est à celui du refroidissement du bis-
muth, au point de les tenir, ; : 8 1/4 ; 7 par
la présente expérience , et 32 : 28 1/2
par les expériences précédentes (art. XYI).
On aura , en ajoutant ces temps , 40 1/4 à
35 1/2 pour le rapport plus précis de leur
premier refroidissement ; et pour le second ,
le rapport donné par l’expérience présente
étant :: 34 : 3x , et :: 117 : 109 par les
expériences précédentes ( art. XYI ) , on
aura, en ajoutant ces temps, 141 à 140
pour le rapport encore plus précis de l’en-
tier refroidissement du plomb et du bismuth.
140 Que le temps du refroidissement du
plomb est à celui du refroidissement de l’an-
timoine , au point de pouvoir les tenir,
; : 8 1/4 : 6 par l’expérience présente , et
par les expériences précédentes ( art. XYI )
TI 41 1/2 ; 33 1/2. Ainsi on aura, en ajou-
tant ces temps , 4g 3/4 à 3g 1/2 pour le
rapport plus précis de leur premier refroi-
dissement ; et pour le second , le rappc ;èipl
donné par la présente expérience éta
Il 34 ; 29, et y i56 : 126 par les exj:
riences précédentes ( art. XYI ) , on auri
en ajoutant ces temps , 190 à i55 pour
rapport encore plus précis de l’entier refri
dissement du plomb et de l’antimoine.
i5° Que le temps du refroidissement 1
bismuth est à celui du refroidissement
l’antimoine , au point de pouvoir les teni
l 7 ! 6 par la présente expérience , et
28 1/2 * 26 par les expériences précédenl
(article XYI). Ainsi on aura, en ajouta
ces temps ,35 1/2 à 32 pour le rapport pl poin
précis de leur premier refroidissement ;
pour le second , le rapport donné par
présente expérience étant y 3i ; 29, et
107 ; 98 par les expériences précédent 38 p
(article XYI), on aura, en ajoutant < «
temps, 140 à 127 pour le rapport enc' SPP°
plus précis de l’entier refroidissement
bismuth et de l’antimoine.
XVIII. On a mis dans le même four
boulet de verre , un nouveau boulet d
tain , un de cuivre , et un de fer , pour
faire une première comparaison, et ils
sont refroidis dans l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Étain , en 8
Verre, en 8 1/9
Cuivre , en i4
Fer, en 16
Refroidis pint
« la température. n86 |
minulii)
En *7 fcn„
En.. 22 ! y
En 42 pt&
En 5o loint
XIX. La même expérience répétée,
boulets se sont refroidis dans l’ordre s
vant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Étain , en 7 1/2
Verre , en 8
Cuivre, en 12
Fer, en i5
Refroidis
à la température, j
minu i
XX. Par une troisième expérience, Jpetd
boulets chauffés pendant un plus long terni Que
mais à une chaleur un peu moindre, jLtà<
sont refroidis dans l’ordre suivant ; joint de
Refroidis Si^L
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Étain, en 8 1/2
Verre , en 9
Cuivre, en i5
Fer, en 17
a la température.
minu pue |
El1 «fcestà
En 24
En 43
En 46
XXI. Par une quatrième expérience
pétée, les mêmes boulets, chauffés à JWam
plus ardent, se sont refroidis dans l’ordre
ant :
efroidis à les tenir
int une demi-seconde.
minutes.
en 81/2
en 9
, en 11 1/2
en i4
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
363
Refroidis
a température.
minutes.
25
25
35
43
résulte de ces expériences répétées
’e fois ,
Que le temps du refroidissement du
t à celui du refroidissement du cuivre,
oint de les tenir, II 62 ; 52 1/2 par
résentes expériences , et II 99 : 85 1/2
s expériences précédentes (article XI ).
on aura, en ajoutant ces temps, 161
pour le rapport plus précis de leur
ier refroidissement ; et pour le second ,
Ipport donné par les présentes expé-
étant II 186 ; i56, et par les
iences précédentes (article XI) ; * 280
on aura , en ajoutant ces temps ,
à 4o5 pour le rapport encore plus
de l’entier refroidissement du fer et
livre.
Que le temps du refroidissement du
t à celui du refroidissement du verre,
>int de les tenir, ;; 62 ; 34 1/2, et
56 : 97 pour leur entier refroidisse-
Que le temps du refroidissement du
t à celui du refroidissement de l’étain ,
jiint de les tenir, " 62 : 32 1/2 par
ésentes expériences , et II 69 1/2 ; 32
îs expériences précédentes (art. XI).
on aura , en ajoutant ces temps ,
Ji à 64 1/2 pour le rapport le plus
de leur premier refroidissement ; et
le second, le rapport donné par les
iences présentes étant H 186 l 92,
274 t i34 par les expériences précé-
s (article XI), on aura, en ajoutant
mps , 460 à 226 pour le rapport en-
dos précis de l’entier refroidissement
r et de l’étain.
Que le temps du refroidissement du
est à celui du refroidissement du verre,
int de les tenir, :: 5 1 1/2 : 34 1/2,
157 ; 97 pour leur entier refroidisse-
Que le temps du refroidissement du
' est à celui du refroidissement de l’é-
au point de pouvoir les tenir, "
t : 32 1/2 par les expériences pré-
, et ; : 84 ; 43 1/2 par les expériences
dentes (article XI). Ainsi on aura,
)utant ces temps, i36 1/2 à 76 pour
le rapport plus précis de leur premier re-
froidissement ; et pour le second , le rapport
donné par les expériences présentes étant
157 : 92, et par les expériences précé-
dentes (art. XI), :: 247 : 132, on aura,
en ajoutant ces temps , 3o4 à 224 pour le
rapport encore plus précis de l’entier re-
froidissement du cuivre et de l’étain.
6° Que le temps du refroidissement du
verre est. à celui du refroidissement de l’é-
tain , au point de les tenir , ; : 24 1/2
: 32 1/2, et :: 97 ; 92 pour leur entier
refroidissement.
XXII. On a fait chauffer ensemble les
boulets d’or, de verre, de porcelaine, de
gypse , et de grès ; ils se sont refroidis dans
l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Gypse , en. .... . 5
Porcelaine, en... 81/2
Verre > en. t)
Refroidis
à la température.
minutes.
En 14
En 25
En 26
Grè* , pn, , io
En t . 3 a
Or, en 14/12
En.. 45
XXIII. La même expérience répétée sur
les mêmes boulets, ils se sont refroidis dans
l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes^
Gypse , en. .... . 4
Porcelaine , en.. . 7
Verre , en 9 1/2
Grès , en 91/2
Or, en i3 1/2
Refroidis
à la température.
minutes.
En i3
En 22
En 24
En 33
En 41
? XXIY. La même expérience répétée,
les boulets se sont refroidis dans l’ordre sui-
vant :
Refroidis
à la température.
minutes.
En. .
En..
En. .
En..
En..
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Gypse , en 21/2
Porcelaine, en... 5 1/2
Verre , en 81/2
Grès, en 8 1/2
Or, en 10
Il résulte de ces trois expériences ,
i° Que le temps du refroidissement de
l’or est à celui du refroidissement du grès ,
au point de les tenir II 38 l 28, et :: 118
l 90 pour leur entier refroidissement.
20 Que le temps du refroidissement de
l’or est à celui du refroidissement du verre ,
au point de les tenir, ; : 38 : 27, et II 118
l 70 pour leur entier refroidissement.
3° Que le temps du refroidissement de
364
minéraux, introduction.
l’or est à celui du refroidissement de la por-
celaine, au point de les tenir , . . 33 . 21 ,
et 118 : 66 pour leur entier refroidisse-
ment. , ,
4° Que le temps du refroidissement de
l’or est à celui du refroidissement du gypse,
au point de les tenir, H a 8 ; 12 1/2,. et,
118 : 39 pour leur entier refroidisse-
ment.
5° Que le temps du refroidissement du
grès est à celui du refroidissement du verre,
au point de les tenir, :: 28 1/2 : 27, et
1' 9° I 7° pour leur entier refroidisse-
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Pierre cale, ten-
Q
En
Pierre cale, dure ,
èn
y
11
En
Marbre commun ,
i3
En
Marbre blanc, en
14
En
Argent, en
16
En .
Refroidis
à la température
min
XXVII. La même expérience répétée
boulets se sont refroidis dans l’ordre
vaut :
!
ment.
6° Que le temps du refroidissement du
grès est à celui du refroidissement de la
porcelaine , au point de pouvoir les tenir ,
:: 28 1/2 : 21, et :: 90 : 66 pour leur
entier refroidissement.
70 Que le temps du refroidissement du
grès est à celui du refroidissement du gypse ,
au point de les tenir, :: 28 1/2 : 12 1/2,
et : : 90 : 39 pour leur entier refroidisse-
ment.
8° Que le temps du refroidissement du
verre est à celui du refroidissement de la
porcelaine, au point de les tenir, ,'I 27
; 21 , et 1 : 70 : 66 pour leur entier refroi-
dissement.
90 Que le temps du refroidissement du
verre est à celui du refroidissement du gypse,
au point de les tenir, :: 27 ; 12 1/2, et
: : 70 : 39 pour leur entier refroidissement.
io° Que le temps du refroidissement de
la porcelaine est à celui du refroidissement
du gypse, au point de les tenir, " 21
: 12 1/2, et :: 66 : 39 pour leur entier
refroidissement.
XXY. On a fait chauffer de même les
boulets d’argent, de marbre commun, de
pierre dure, de marbre blanc, et de pierre
calcaire tendre d’Anières, près de Dijon.
Refroidis à les Unir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Ti erre calcaire ten-
f] |*ft , f>l| . T , , - - 8
Refroidis
à la température.
minutes.
En 25
Pierre dure, en. . . io
Marbre commun ,
pnT r _ . tt
En 34
En 33
Marbre blanc, en 12
Argent, en i3 i h
En.... 36
En. 4o
XXYI. La même expérience répétée , les
boulets se sont refroidis dans l’ordre sui-
vant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Pierre cale, ten-
dre, en
9
Pierre cale, dure ,
en
10 1/2
Marbre commun ,
en
12 1/2
Marbre blanc, en
i3 1/2
Argent , en
16
Refroidis
à la température
min
En 2
En 3
En 3
En 3
En 4
U résulte de ces trois expériences :
i° Que le temps du refroid issemen;
l’argent est à celui du refroidissemenl
marbre blanc, au point de les tenir
45 1/2 1 39 1/2, et : 125 ; Ii5 pour
entier refroidissement.
20 Que le temps du refroidissemen
l’argent est à celui du refroidissement !
marbre commun , au point de les tenir j
45 1/2 : 36, et 125 : n3pour leuij»
tier refroidissement.
3° Que le temps du refroidissemen
l’argent est à celui du refroidissement c
pierre dure , au point de les tenir, : : 45
: 3i 1/2, et 125 1 107 pour leur ei
refroidissement.
4° Que le temps du refroidissemen
l’argent est à celui du refroidissement d
pierre tendre, au point de les tenir, * ; 45
: 26, et :: 125 : 78 pour leur entiei»
froidissement.
5° Que le temps du refroidissemenl i
marbre blanc est à celui du refroidisser M
du marbre commun , au point de les te»
:: 39 1/2 : 36, et :: no : u3 pour a
entier refroidissement.
6° Que le temps du refroidissemenl II
marbre blanc est à celui du refroidisser»
de la pierre dure, au point de les tenir!!
391/2 ; 3i 1/2, et :: Ii5 ; 107 pour a
entier refroidissement.
70 Que le temps du refroidissement ■
marbre’ blanc est à celui du refroidisser»
de la pierre tendre , au point de
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
365
3g 1/2 : 26, et :: ii5 : 78 pour leur
lier refroidissement.
]° Que le temps du refroidissement du
jrbre commun est à celui du refroidisse-
t de la pierre dure, au point de les tenir,
1 36 : 3i 1/2, et ii3 ; 109 pour leur
er refroidissement.
0 Que le temps du refroidissement du
bre commun est à celui du refroidisse-
t de la pierre tendre , au point de les
r, ; : 36 : 26, et :: ii3 : 78 pour
j* entier refroidissement.
1 o° Que le temps du refroidissement de la
|rre dure est à celui du refroidissement de
lierre tendre , au point de les tenir, I I
k/2 : 26, et 107 ; 78 pour leur en-
refroidissement.
LXYIII. On a mis dans le même four
1 chauffé , des boulets d’or, de marbre
ne , de marbre commun , de pierre dure
e pierre tendre ; ils se sont refroidis dans
re suivant :
Refroidis à les tenir
lant une demi-seconde.
- minutes.
Ife cale, ten-
're, en 9
ibre commun ,
re dure, en. . 11 1/2
iffi libre blanc , en 1 3
1 i5 1/2
leur tXIX. La même expérience répétée à
'} moindre chaleur, les boulets se sont re-
dis dans l’ordre suivant :
Refroidis
à la température.
minutes.
l|
Refroidis à les tenir
lant une demi-seconde.
minutes
lire cale, ten
lelfta,
re dure, en
bre commun ,
9
1118 bre blanc, en 10
Refroidis
à la température.
minutes.
En ... .
En ... .
En ... .
26
En . . . .
En ... ,
iieil !■
isi ;KXX. La même expérience répétée une
5 k isième fois , les boulets chauffes à un feu
s ardent , ils se sont refroidis dans l’or-
suivant :
, Refroidis -à les tenir
it une demi-seconde.
minutes,
pre tendre , en 7
rre dure, en. . 8
,| rbre commun ,
. n . 81/2
rbre blanc, en 9
en i2
Refroidis
à la température.
minutes.
.... 20
.... 24
Il résulte de ces trois expériences:
i° Que le temps du refroidissement de
l’or est à celui du refroidissement du marbre
blanc, au point de les tenir, 39 1/2 :
32, et :: 117 : 92 pour leur entier refroi-
dissement.
20 Que le temps du refroidissement de
l’or est à celui du refroidissement du marbre
commun, au point de les tenir, I : 3g 1/2 :
291/2, et :: 117 : 87 pour leur entier re-
froidissement.
3° Que le temps du refroidissement de
l’or est à celui du refroidissement de la
pierre dure, au point de les tenir, ; ; 39 1/2
: 27 1/2, et II 117 : 86 pour leur entier
refroidissement.
4° Que le temps du refroidissement de
l’or est à celui du refroidissement de la
pierre tendre , au point de les tenir, : :
3g 1/2 : 22, et :: 117 : 68 pour leur en-
tier refroidissement.
5° Que le temps du refroidissement du
marbre blanc est à celui du refroidissement
du marbre commun , au point de les tenir,
II 32 : 29, et :: 92 ; 87 pour leur entier
refroidissement.
6° Que le temps du refroidissement du
marbre blanc est à celui du refroidissement
de la pierre dure , au point de les tenir, : :
32 ; 27 1/2, et M 92 : 84 pour leur entier
refroidissement.
70 Que le temps du refroidissement du
marbre blanc est à celui du refroidissement
de la pierre tendre , au point de les tenir,
’.l 32 : 22, et H 92: 68 pour leur entier
refroidissement.
8° Que le temps du refroidissement du
marbre commun est à celui du refroidisse-
ment de la pierre dure , au point de les te-
nir, :: 29 : 2.7 1/2, et :: 87 : 84 pour
leur entier refroidissement.
90 Que le temps du refroidissement du
marbre commun est à celui du refroidisse-
ment de la pierre tendre , au point de les
tenir, M 29 ; 22, et II 87 I 68 pour leur
entier refroidissement.
io° Que le temps du refroidissement de
la pierre dure est à celui du refroidissement
de la pierre tendre , au point de les tenir,
H 27 1/2 : 22, et II 84 : 68 pour leur
entier refroidissement.
XXXI. On a mis dans le même four les
boulets d’argent , de grès , de verre , de por-
celaine et de gypse ; ils se sont refroidis dans
l'ordre suivant :
366
Refroidis à les tenir
Gypse , en . .
Porcelaine , en
Verre , en . .
Grès , en. -. •
Argent , en. .
MINERAUX.
Refroidis
minutes.
minutes.
. 3
En .
. 61/2
En .
. 8 3/4
En .
En .
. 12 I li
En .
XXXII. La même expérience répétée et
les boulets chauffés à une chaleur moindre ,
ils se sont refroidis dans l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
3
Gypse , en.
Porcelaine ,
Yerre , en .
Grès , en. .
Argent , en.
Refroidis
à la température.
minutes.
En .
i3
En .
En .
En .
26
En .
XXXIIi. La même expérience répétée
une troisième fois , les boulets se sont re-
froidis dans l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Gypse , en.
Porcelaine ,
Verre , en .
Grès , en. .
Argent, en.
3
6
1 3/4
Refroidis
à la température.
minutes
Il résulte de ces trois expériences :
i° Que le temps du refroidissement de
l’argent est à celui du refroidissement du
grès, au point de les tenir, " 36 : 26 1/2,
et :: io3 : 80 pour leur entier refroidisse-
ment.
20 Que le temps du refroidissement de
l’argent est à celui du refroidissement du
verre , au point de les tenir, : : 36 : 25, et
io3 : 62 pour leur entier refroidisse-
ment.
3° Que le temps du refroidissement de
l’argent est à celui du refroidissement de la
porcelaine , au point de les tenir, : : 36 :
20, et :: io3 * 54 pour leur entier refroi
dissement.
4° Que le temps du refroidissement de
l’argent est à celui du refroidissement du
gypse , au point de les tenir, : : 36 : 9 , et
; ; xo3 : 3p pour leur entier refroidissement.
5° Que le temps du refroidissement du
grès est à celui du refroidissement du verre,
au point de les tenir, ;; 26 1/2 ; 25 par
les expériences présentes, et ; ; 28 1/2 ; 27
parles expériences précédentes (art. XXIY).
Ainsi on aura , en ajoutant ces temps, 55 à 52
pour le rapport encore plus précis de leur pre-
mier refroidissement ; et pour le second , le
INTRODUCTION.
rapport donné par les présentes expérie | ï(
étant :: 80 : 62 , et :: 90 : 70 par le: I Si
périences précédentes (art. XXIY), on ; |aj
en ajoutant ces temps, 170 à i32 po;
rapport encore plus précis de l’entier re
dissement du grès et du verre.
6° Que le temps du refroidissemen
grès est à celui du refroidissement de la |4
celaine, au point de pouvoir les terril™'
26 1/2 : 19 1/2 par les présentes e
riences, et 28 1/2 ; 21 par les e
riences précédentes (art. XXIY). Ains
aura, en ajoutant ces temps, 55 à 40
pour le rapport plus précis de leur pre
refroidissement ; et pour le second , le
port donné par les présentes expérie
étant : : 80 ; 54 , et : : 90 : 66 par les
cédentes expériences (art. XXIY) , on a
en ajoutant ces temps, 170 à 120 pot
rapport encore plus précis de l’entier
froidissement du grès et de la porcelair
7° Que le temps du refroidissement
grès est à celui du refroidissement du gy
au point de les tenir, : : 26 1/2 : 9 par le
périences présentes, et “ 28 1/2 ; 12 r/s
les expériences précédentes (article XX îî
Ainsi on aura , en ajoutant ces temps , If
21 1/2 pour le rapport plus précis de a
premier refroidissement; et pour le seo*
le rapport donné par la présente expéri-Ë
étant ; : 80 : 39 , et : : 90 : 39 par lesjr
périences précédentes (art. XXIY), on al
en ajoutant ces temps, 170 à 78 pour le 4
port encore plus précis de l’entier refro j»
sement du grès et du gypse.
8° Que le temps du refroidissement u
verre est à celui du refroidissement d Hà
porcelaine, au point de les tenir, o.'\{
19 parles présentes expériences, et ; \ : |a
21 par les expériences précédentes
ticle XXIY). Ainsi , en ajoutant ces tei||
on aura 5 2 à 40 1/2 pour le rapport p
précis de leur premier refroidissement Mj
pour le second , le rapport donné par
expériences présentes étant 1:62; 5 r it
; : 70 : 66 par les expériences précédé jss
(art. XXIY), on aura, en ajoutant ces lerk
ris
i32 à 1 17 pour le rapport encore plus prl
de l’entier refroidissement du verre et d B
porcelaine.
90 Que le temps du refroidissement il
verre est à celui du refroidissement du gy 1
au point de les tenir, ;; 25 : 9 par laji
sente expérience, et .*: 27 : 12 1/2 par»
expériences précédentes (art. XXIY). A ;i
en aura, en ajoutant ces temps, 5 2 à 21 a
pour le rapport encore plus précis de ljf
premier refroidissement ; et pour le secoJ g
PARTIE EXPÉRIMENTALE
rapport donné par les présentes expé-
ences étant :: 62 : 3g, et :: 70 ; 3g par
s expériences précédentes (art. XXIY), on
ira, en ajoutant ces temps, i3a à 78 pour
rapport encore plus précis de l’entier re-
’loidissement du verre et du gypse.
i| io° Que le temps du refroidissement de
16 porcelaine est à celui du refroidissement
i gypse , au point de les tenir, : : 19 1/2 :
f;li" par les présentes expériences , et : 21 :
t 1/2 par les expériences précédentes (ar-
of ;le XXIY). Ainsi on aura, en ajoutant ces
ilDi [nps, 40 1/2 à 21 1/2 pour le rapport plus
4° lécis de leur premier refroidissement ; et
Prî lur le second, le rapport donné par l’ex-
^ Irience présente étant ; : 54 ' 39, et par
tnt 5 expériences précédentes (art. XXIY) ,
M 66 : 3g , on aura, en ajoutant ces temps,
!1J :o à 78 pour le rapport encore plus précis
Fi l’entier refroidissement de la porcelaine
;|e|du gypse.
lleD| XXXIY. On a mis dans le même four les
3 6f
J®ulets d’or, de craie blanche, d’ocre et de
u'Hise; iis se sont refroidis dans l’ordre sui-
nt:
Refroidis à les tenir
ndanl une demi-seconde.
minutes.
SCCiiaie, en 6
aise , en . .
. 6
• 7
Refroidis
à la température.
minutes.
i5
16
36
XXXY. La même expérience répétée
ec les mêmes boulets et un boulet de
lomb, leur refroidissement s’est fait dans
irdre suivant :
Refroidis à les tenir
ndant une demi-seconde.
minutes.
[Me, en. .... 4
etj^re , en 5
aise , en . . . . 5 1/2
omb , en . . . . 7
r, en 9 I/2
Refroidis
la température.
minutes.
29
Z1! II résulte de ces deux expériences :
fcjl j o qu6 ]e t_enipS du refroidissement de
slfl!!)r est à celui du refroidissement du plomb,
F point de pouvoir les tenir, 1:91/2:7
^ kr l’expérience présente, et 1 : 38 : 24 par
;s expériences précédentes (art. XYI).
insi on aura, en ajoutant ces temps, 47
U5II/2 à 3i pour le rapport plus précis de leur
1 J! fremier refroidissement ; et pour le second ,
pa§ rapport donné par l’expérience présente
^ liant :: 29 : i8,et :: n5 : 90 par les
21 kpériences précédentes (art. XYI), on
lîf! |kira, en ajoutant ces temps , 144 à 108 pour
le rapport encore plus précis de l’entier re-
froidissement de l’or et du plomb.
20 Que le temps du refroidissement de
l’or est à celui du refroidissement de la glaise,
au point de les tenir, 21 1/2 : 12 1/2,
et ; : 65 ; 33 pour leur entier refroidisse-
ment.
3° Que le temps du refroidissement de l’or
est à celui du refroidissement de l’ocre , au
point de les tenir , :: 21 1/2 : nï/2,et
65 : 29 pour leur entier refroidissement.
4° Que le temps du refroidissement de
l’or est à celui du refroidissement de la craie,
au point de les tenir, :: 21 1/2 : 10, et ; ;
65 : 26 pour leur entier refroidissement.
5° Que le temps du refroidissement du
plomb est à celui du refroidissement de la
glaise, au point de pouvoir les tenir, :: 7
I 5 1/2 , et ; ; 18 : i5 pour leur entier re-
froidissement.
; 6° Que le temps du refroidissement du
plomb est à celui du refroidissement de l’o-
cre au point de pouvoir les tenir , ; : 7 : 5 ,
et 18 : 13 pour leur entier refroidisse-
ment.
7° Que le temps du refroidissement du
plomb est à celui du refroidissement de la
craie, au point de les tenir, ;; 7 : 4, et ;;
18 : 11 pour leur entier refroidissement.
8° Que le temps du refroidissement de
la glaise est à celui du l’efroidissement de
l’ocre , au point de pouvoir les tenir , ; ;
12 1/2 ; 11 1/2, et 33 : 29 pour
leur entier refroidissement.
90 Que le temps du refroidissement de la
glaise est à celui du refroidissement de la
craie, au point de pouvoir les tenir, ::
12 1/2 : 10, et 33 : 26 pour leur entier
refroidissement. (
io° Que le temps du refroidissement de
l’ocre est à celui du refroidissement de la
craie, au point de pouvoir les tenir, ::
II 1/2 : 10, et 29 : 26 pour leur en-
tier refroidissement.
XXXYI. On a mis dans le même four les
boulets de fer , d’argent , de gypse , de pierre
ponce, et de bois, mais à un degré de chaleur
moindre pour 11e point faire brûler le bois ; et
ils se sont refroidis dans l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Pierre ponce , en. 2
Bois , en 2
Gypse , en . . . . 2 1/2
Argent , en. ... 10
Fer, en. . . , . . i3
Refroidis
« la température.
minutes*
5
6
3&8
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
XXXVII. La môme expérience répétée
à une moindre chaleur, les boulets se sont
refroidis dans l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Pierre ponce , en i 1/2
Bois , en 2
Gypse , en. . . . 2 1/2
Argent , en. ... 7
Fer, en 81/2
Refroidis
à la température.
minutes.
En 4
En 5
En 9
En 24
En 3i
:: 20 : IX pour leur entier refroidissemen
90 Que le temps du refroidissement c
gypse est à celui du refroidissement de
pierre ponce, au point de pouvoir les teni
v ^ * 3.1/2’ et 20 * 9 pour leur ei
tier refroidissement.
io° Que le temps du refroidissement <
bois est à celui du refroidissement de
pierre ponce , au point de les tenir, ; ; '
! 3 1/2 , et ; ; Il : 9 pour leur entier r
froid issemeht.
Il résulte de ces expériences :
i° Que le temps du refroidissement du
fer est à celui du refroidissement de l’argent
au point de pouvoir les tenir, 21 1/2 :
1 7 par les présentes expériences, et : : .45 1/2
\ 34 par les expériences précédentes (ar-
ticle XI). Ainsi on aura, en ajoutant ces
temps , 67 à 5i pour le rapport plus précis
de leur premier refroidissement ; et pour le
second, le rapport donné par les expériences
présentes étant ;; 71 : 5g, et i3S : 97
par les expériences précédentes (art. XI),
on aura, en ajoutant ces temps, 299 à i5ô
pour le rapport encore plus précis de l’entier
refroidissement du fer et de l’argent.
20 Que le temps du refroidissement du
fer est à celui du refroidissement du gypse,
au point de pouvoir les tenir, ;; 21 1/2 : 5,
et 71 : 20 pour leur entier refroidisse-
ment.
3° Que le temps du refroidissement du
fer est à celui du refroidissement du bois ,
au point de pouvoir les tenir, y, 21 1/2
: 4, et :: 71 : Il pour leur entier refroi-
dissement.
4° Que le temps du refroidissement du
fer est à celui du refroidissement de la pierre
ponce, au point de les tenir, ; : 12 r/2 :
3 1/2, et 71 : 9 pour leur entier refroi-
dissement.
5° Que le temps du refroidissement de
l’argent est à celui du refroidissement du
gypse , au point de les tenir, ; ; 1 7 : 5 , et
; ; 5g : 3o pour leur entier refroidissement.
6° Que le temps du refroidissement de
l’argent est à celui du refroidissement du bois,
au point de pouvoir les tenir, y. 17 ; 4 ,
et :: 5g ; 11 pour leur entier refroidisse-
ment.
70 Que le temps du refroidissement de
l’argent est à celui du refroidissement de la
pierre ponce , au point de pouvoir les te-
nir, ;; 17 : i3 1/2, et 59 : 9 pour leur
entier refroidissement.
8° Que le temps du refroidissement du
gypse est à celui du refroidissement du bois,
au point de pouvoir les tenir, y 5 : 4, et
XXXVIII. Ayant fait chauffer enseml
les boulets d’or, d’argent, de pierre tendr
et de gypse, ils se sont refroidis dans l’ord
suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Gypse , en . . . . 4 1/2
Pierre tendre, en. 12
Argent , en. ... 16
Or, en ...... 18
Refroidis
à la température.
min 11'
En 14
En 27
En 42
En 47
11 résulte de cette expérience :
i° Que le temps du refroidissement
l’or est à celui du refroidissement de l’é
gent, au point de pouvoir les tenir, y
; 16 par l’expérience présente, et ;; 1
; 55 par les expériences précédentes ( «
ticleXV). Ainsi on aura , en ajoutant <
temps, 98 à 71 pour le rapport plus pré«
de leur premier refroidissement; et pour
second, le rapport donné par l’expérien
présente étant : 35 : 42 , et ;; 187
i5g par les expériences précédentes (t
ticle XV) , on aura, en ajoutant ces temp
284 à 201 pour le rapport encore plus pi
cis de l’entier refroidissement de l’or et
l’argent.
2? Que le temps du refroidissement
For est à celui du refroidissement de la pieri
tendre , au point de les tenir , : 18; 1
et : ; 391/2 : 23 par les expériences pi
cédentes (article XXX). Ainsi on aura,
ajoutant ces temps, 5 7 1/2 à 35 pour
rapport plus précis de leur premier refrc
dissement; et pour le second, le rappc
donné par l’expérience présente étant
47 ; 27, et par les expériences précéden
(article XXX) , 117 : 68, on aura,
ajoutant ces temps, 164 à g5 pour le ra
port encore plus précis de l’entier refroid
sement de For et de la pierre tendre.
3° Que le temps du refroidissement
For est à celui du refroidissement du gyps
au point de les tenir, ; : 18 : 14 1/2, et
38 : 12 1/2, par les expériences précédé
tes (art. XXIV). Ainsi on aura, en ajo
PARTIE EXPERIMENTALE.
369
tant ces temps, 56 â 17 pour le rapport plus
précis de leur premier refroidissement ; et
pour le second, le rapport donné par la
présente expérience étant *; 47 ' 14 » fit
jt: 118 ; 3p par les expériences précéden-
es (art. XXIV), on aura, en ajoutant ces
emps, i65 à 53 pour le rapport encore
lus précis de leur entier refroidissement.
4° Que le temps du refroidissement de
argent est à celui du refroidissement de la
lierre tendre, au point de les tenir, ” 16
12 par la présente expérience, et ; I 45 1 /a
26 par les expériences précédentes (ar-
ide XXVII). Ainsi on aura, en ajoutant
ps temps, 61 1/2 à 38 pour le rapport plus
récis de leur premier refroidissement; et
our le second , le rapport donné par la pré-
bnte expérience étant : : 42 ; 27, et ;;
25 : 78 par les expériences précédentes
art. XXVII) , on aura en ajoutant ces
^mps, 167 à io5 pour le rapport encore
lus précis de l’entier refroidissement de
argent et de la pierre tendre.
5° Que le temps du refroidissement de
!>a argent est à celui du refroidissement du
/pse, au point de pouvoir les tenir,
6:41/2 par la présente expérience, et : :
j7 : 5 par les expériences précédentes (ar-
[t jcle XXXVI1). Ainsi on aura, en ajoutant
r- îs temps, 33 à 9 1/2 pour le rapport plus
|jr récis de leur premier refroidissement; et
jen bur le second, le rapport donné par l’ex-
.» érience présente étant : : 42 : 14, et ::
/.a : 20 par les expériences précédentes
irt. XXXVI), on aura, en ajoutant ces
'|mps, 101 à 34 pour le rapport encore
ejjus précis de l’entier refroidissement de
jirgent et du gypse.
J 6° Qué le temps du refroidissement de la
Jjjerre tendre est à celui du refroidissement
■ji gypse, au point de les tenir, ;; 12
: 4 1/2, et :: 72 : 14 pour leur entier re-
’ ]pidissement.
ont XXXIX. Ayant fait eliauffer pendant
retongt minutes, c’est-à-dire pendant un temps
■v ip ipeu près double de celui qu’on tenoit or-
ant toairement les boulets au feu, qui étoit
yen! (mmunément de dix minutes, les boulets
uraj : fer, de cuivre, de verre, de plomb, et
le ra] étain , ils se sont refroidis dans l’ordre
.froi ivant :
1 Refroidis à les tenir Refroidis
\idanl une demi-seconde. à la température.
minutes. minutes.
Il résulte de cette expérience, qui a été
faite avec la plus grande précaution :
i° Que le temps du refroidissement du
fer est à celui du refroidissement du cuivre,
au point de pouvoir les tenir, ;; 20 1/2
: 16 1/2 par la présente expérience, et
: : x 6 1 ; 1 3 8 par les expériences précé-
dentes (article XXI). Ainsi on aura, en
ajoutant ces temps, 181 1/2 à i54 1/2 pour
le rapport plus précis de leur premier refroi-
dissement ; et pour le second , le rapport
donné par l’expérience présente étant \ : 5o
: 44 s et : 466 : 4o5 par les expériences
précédentes (art. XXI), on aura, en ajou-
tant ces temps, 5t6 à 449 pour le rapport
encore plus précis de l’entier refroidisse-
ment du fer et du cuivre.
20 Que le temps du refroidis ement du
fer est à celui du refroidissement du verre ,
au point de pouvoir les tenir, ;; 20 1/2
: 12 par l’expérience présente , et ; : 62
par les expériences précédentes
; 35 x/ 2
(article XXI). Ainsi on aura, en ajoutant-
ces temps, 82 1/2 à 46 pour le rapport en-
core plus précis de leur premier refroidisse-
ment ; et pour le second , le rapport donné
par l’expérience présente étant :: 5o : 35,
et ;; 186 : 97 par les expériences précé-
dentes (article XXI), on aura, en ajoutant
ces temps, 236 à i32 pour le rapport en-
core plus précis de l’entier refroidissement
du fer et du verre.
3° Que le temps du refroidissement du
fer est à celui du refroidissement du plomb ,
au point de pouvoir les tenir, ;; 20 1/2
I 11 par la présente expérience, et ;; 53 1/2
; 27 par les expériences précédentes (ar-
ticle IV). Ainsi on aura, en ajoutant ces
temps, 74 à 38 pour le rapport plus précis
de leur premier refroidissement ; et pour le
second, le rapport donné par la présente
expérience étant 5o : 3o, et :: 142
; 94 1/2 par les expériences précédentes
(art. IV), on aura, en ajoutant ces temps,
192 à 124 1/2 pour le rapport encore plus
précis de l’entier refroidissement du fer et
du plomb.
4° Que le temps du refroidissement du
fer est à celui du refroidissement de l’étain,
au point de pouvoir les tenir, ;; 20 1/2
I 10, et :: i3i : 64 1/2 par les expériences
précédentes (art. XXI). Ainsi on aura, en
ajoutant ces temps, i5a à 74 1/2 pour le
rapport plus précis de leur premier refroi-
dissement ; et pour le second, le rapport
donné par l’expérience présente étant ; : 5o
: 25, et 460 : 226 par les expériences
précédentes ( art, XXI ) , on aura , en ajou-
$7°
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
tant ces temps, 5io à a5i pour le rapport
encore plus précis de l’entier refroidisse-
ment du fer et de l’étain.
5° Que le temps du refroidissement du
cuivre est à celui du refroidissement du verre ,
au point de les tenir, ;; 16 i/a : ia par la
présente expérience , et :: 52 1/2 : 34 1/2
par les expériences précédentes (art. XXI).
Ainsi on aura, en ajoutant ces temps, 69 à
46 pour le rapport plus précis de leur pre-
mier refroidissement; et pour le second, le
rapport donné par la présente expérience
étant :: 44 : 35, et :: 1 57 : 97 par les
expériences précédentes (article XXI), on
aura, en ajoutant ces temps, 201 à i32
pour le rapport encore plus précis de l’en-
tier refroidissement du cuivre et du verre.
6U Que le temps du refroidissement du
cuivre est à celui du refroidissement du
plomb, au point de les tenir, ;; 16 x/2
: 11 par la présente expérience, et 45
; 27 par les expériences précédentes (art. Y).
Ainsi on aura, en ajoutant ces temps, 61 i/a
à 38 pour le rapport plus précis de leur
premier refroidissement ; et pour le second,
le rapport donné par la présente expérience
étant : : 44 : 3o , et 125 : 94 1/2 par
les expériences précédentes ( art. V ) , on
aura, en ajoutant ces temps, 169 à 124 1/2
pour le rapport encore plus précis de l’en-
tier refroidissement du cuivre et du plomb.
70 Que le temps du refroidissement du
cuivre est à celui du refroidissement de l’é-
tain, au point de les tenir, 16 1/2 : 10
par l’expérience présente, et ;; i36 1/2
: 76 par les expériences précédentes (ar-
ticle XXI). Ainsi on aura, en ajoutant ces
temps, i53 à 86 pour le rapport plus précis
de leur premier refroidissement ; et pour le
second, le rapport donné par la présente
expérience étant y. 44 l 25, et ;; 3o4
; 224 par les expériences précédentes (ar-
ticle XXI ) , on aura , en ajoutant ces temps ,
348 à 249 pour le rapport encore plus précis
de l’entier refroidissement du cuivre et de
l’étain.
8° Que le temps du refroidissement du
verre est à celui du refroidissement du
plomb , au point de pouvoir les tenir, y. 12
: 1 1 , et ; : 35 : 3o pour leur entier refroi-
dissement.
90 Que le temps du refroidissement du
verre est à celui du refroidissement de l’é-
tain, au point de les tenir, y 12 ; 10 par
la présente expérience, et y 34 1/2 32 1/2
par les expériences précédentes (art. XXI).
Ainsi on aura, en ajoutant ces temps, 46
à 42 1/2 pour le rapport plus précis de leur
premier refroidissement ; et pour le second,
le rapport donné par l’expérience présente,
étant 35 : 25, et 97 : 92 par les
expériences précédentes (art. XXI), on
aura, en ajoutant ces temps, i32 à 117 pour
le rapport encore plus précis de l’entier re-
froidissement du verre et de l’étain.
io° Que le temps du refroidissement du
plomb est à celui du refroidissement de l’é-
tain, au point de les tenir ;; 11 1 10 pai
la présente expérience, et :: 25 1/2 : 21 1/3
Sar les expériences précédentes (art. VIII)
.insi on aura, en ajoutant ces temps, 36 1/3
à 3 1 1/2 pour le rapport plus précis de leui
În emier refroidissement ; et pour le second
e rapport donné par la présente expérienci
étant .* : 3o : 25 , et ; ; 79 1/2 : 64 par le
expériences précédentes (art. VIII), 01
aura, en ajoutant ces temps, 109 1/2 à 8
pour le rapport encore plus précis de l’en
tier refroidissement du plomb et de l'étain
XL. Ayant mis chauffer ensemble lti(
boulets de cuivre, de zinc, de bismuth!
d’étain et d’antimoine, ils se sont refroid : I s
dans l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
minutes
minutei
Antimoine , en.
. 8
En ... .
Bismuth , en. .
. 8
En ... .
Étain , en . . .
. 8 1/2
En ... .
Zinc , en. . . .
En ... .
Cuivre , en. . .
. i4
En ... .
Refroidis
à la température.
XLI. La même expérience répétée , lj
boulets se sont refroidis dans, l’ordre su;
vant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Antimoine , en. . 8
Bismuth , en. . . 8
Etain , en . . . . 91/2
Zinc , en 12
Cuivre , en. . . . 14
Refroidis
à la température.
minut Ü
23
24
25
38
4o
Il résulte de ces deux expériences :
i° Que le temps du refroidissement
cuivre est à celui du refroidissement
zinc, au point de les tenir, y 28 ; 24
;; 80 l 68 pour leur entier refroidisseme
20 Que le temps du refroidissement
cuivre est à celui du refroidissement de
tain, au point de les tenir, ;; 28 : 18
les présentes expériences, et ;; i53 ‘ 86 j
les expériences précédentes (art. XXXI3
Ainsi 011 aura, en ajoutant ces temps, t
à 104 pour le rapport plus précis de 1
premier refroidissement ; et pour le secot
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
371
e rapport donné par la présente expérience
3tant ; : 80 : 47 , et par les expériences
s Précédentes (art. XXXIX) ; 348 : 249,
!m aura, en ajoutant ces temps, 428 à 296
pour le rapport plus précis de l’entier re-
'roidissemeiit du cuivre et de l étain.
13° Que le temps du refroidissement du
uivre est à celui du refroidissement de
antimoine, au point de pouvoir les tenir,
J; 28 : 16, et 80 : 47 pour leur entier
efroidissement.
! 40 Que le temps du refroidissement du
tuivre est à celui du refroidissement du
lismuth, au point de les tenir, ;; 28 ; 16,
t 80 : 47 pour leur entier refroidisse-
ment.
{ 5° Que le temps du refroidissement du
[line est à celui du refroidissement de Pé-
kin, au point de les tenir, ; : 24 : 18, et
j l 68 : 47 pour leur entier refroidissement.
I 6° Que le temps du refroidissement du
line est à celui du refroidissement de l’an-
femoine, au point de les tenir, : 24 * 16»
jar les présentes expériences, et 73
jl 39 1/2 par les expériences précédentes
art. XVII). Ainsi, en ajoutant ces temps,
in aura 97 à 55 1/2 pour le rapport plus
irécis de leur premier refroidissement ; et
jour le second, le rapporl donné par les
expériences présentes étant ; : 68 ; 47 , et
220 : i5 5 par les expéxiences précé-
dentes (art. XVII), on aura, en ajoutant
les temps, 288 à 202 pour le rapport en-
tore plus précis de l’entier refroidissement
jlu zinc et de l’antimoine,
li 70 Que le temps du refroidissement du
(fine est à celui du refroidissement du bis-
jnuth, au point de pouvoir les tenir, ; ; 24
i 16 , et : 5g : 35 1/2 par les expériences
précédentes (art. XVII). Ainsi on aura, en
([joutant ces temps, 83 à 5i 1/2 pour le rap-
port encore plus précis de leur premier re-
froidissement ; et pour le second , le rapport
1 lonué par la présente expérience étant : :
J8 : 47, et :: 176 : 140 par les expé-
riences précédentes (art. XVII), on aura,
■in ajoutant ces temps, 244 à 187 pour le
[apport encore plus précis de l’entier refroi-
dissement du zinc et du bismuth.
[ 8° Que le temps du refroidissement de
l’étain est à celui du refroidissement de l’an-
timoine, au point de les tenir, 18 : 16,
lit : : 5o ; 47 pour leur entier refroidisse-
ment.
90 Que le temps du refroidissement de
étain est à celui du refroidissement du bis-
nuth, au point de les tenir, 18 : 16, et
: 5o : 47 pour leur entier refroidissement.
io° Que le temps du refroidissement du
bismuth est à celui du refroidissement de
l’antimoine , au point de pouvoir les tenir,
16 : x6 par la présente expérience , et
.*; 35 1/2 ; 32 par les expériences précé-
dentes (art. XVII). Ainsi on aura, en ajou-
tant ces temps, 5i à 48 pour le rapport
plus précis de leur premier refroidissement ,
et pour le second , le rapport donné par
l’expérience présente étant ; : 47 : 47 , et
par les expériences précédentes (art. XVII)
140 : 127, on aura, en ajoutant ces
temps, 187 à 174 pour le rapport encore
plus précis de l’entier refroidissement du bis-
muth et de l’antimoine.
XLII. Ayant fait chauffer ensemble les
boulets d’or, d’argent, de fer, d’émeril et de
pierre dure, ils se sont refroidis dans l’ordre
suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi- seconde.
minutes.
Pierre cale, dure,
en 11 1/2
Argent , en. . . . i3
Or, en .... . . i4
Émeril , en. . . . i5 1/2
Fer, en 17
En
En
En
En
En
Refroidis
la température.
minutes.
3a
37
4°
46
5i
Il résulte de cette expérience :
i° Que le temps du refroidissement du
fer est à celui du refroidissement de l’émeril,
au point de pouvoir les tenir, ;; 17 ;
i5 1/2, et ; : 5i ; 46 pour leur entier re-
froidissement.
20 Que le temps du refroidissement du
fer esi à eelui du refroidissement de l’or, au
point de pouvoir les tenir, \\ 17 ; 14 par
la présente expérience, et ! : 45 1/2 : 37
par les expériences précédentes (article XI).
Ainsi on aura, en ajoutant ces temps ,
62 1/2 à 5i pour le rapport plus précis de
leur premier refroidissement ; et pour le se-
cond , le rapporl donné par la présente ex-
périence étant : : 5 1 : 40, et :: i38 : 114
par les expériences précédentes (article XI),
on aura, en ajoutant ces temps, 189 à i54
pour le rapport encore plus précis de l’en-
tier refroidissement du fer et de l’or.
3° Que le temps du refroidissement du fer
est à celui du refroidissement de l’argent ,
au point de les tenir, .‘I 17 ; i3 par la pré-
sente expérience, et :: 67 : 5i par les
expériences précédentes (art. XXXVII).
Ainsi on aura, en ajoutant ces temps, 84 à
64 pour le rapport plus précis de leur pre-
mier refroidissement ; et pour le second , le
rapport donné par la présente expérience
24.
372
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
étant :: 5i : 37, et :: 209 : i56 par les
expériences précédentes (art. XXXVÏI), on
aura , en ajoutant ces temps , 260 à 193
pour le rapport encore plus précis de l’entier
refroidissement du fer et de l’argent.
4° Que le temps du refroidissement du
fer est à celui du refroidissement de la pierre
dure, au point de les tenir, :: 17 : 1 1 x/4,
et :: 5i : 52 pour leur entier refroidisse-
ment.
5° Que le temps du refroidissement de
l’émeril est à celui du refroidissement de
l’or, au point de pouvoir les tenir, ;; i5 1/2
: 14 par la présente expérience, et ; : 44
: 38 par les expériences précédentes (ar-
ticle XYI). Ainsi on aura , en ajoutant ces
temps, 59 1/2 à 52 pour le rapport encore
plus précis de leur premier refroidissement;
et pour le second , le rapport donné par la
présente expérience étant ; l 46 : 40 , et
i3i ; n5 par les expériences précédentes
(art. XVI), on aura , en ajoutant ces temps,
177 à i55 pour le rapport encore plus précis
de l’entier refroidissement de l’émeril et de
l’or.
6° Que le temps du refroidissement de
l’émeril est à celui du refroidissement de l’ar-
gent au point de pouvoir les tenir, ; ; i5 1/2
: i3 parla présente expérience, et ;; 43
: 32 1/2 par les expériences précédentes
(art. XVII). Ainsi on aura, en ajoutant ces
temps, 58 1/2 à 45 1/2 pour le rapport plus
précis du premier refroidissement de l’émeril
et de l’argent ; et pour le second , le rapport
donné par la présente expérience étant ; ;
46 l 37 , et ; ; r 25 T 98 par les expériences
précédentes (art. XVII) , on aura , en ajou-
tant ces temps , 171 à i35 pour le rapport
encore plus précis de leur entier refroidisse-
ment.
70 Que le temps du refroidissement de
l’émeril est à celui du refroidissement delà
pierre dure, au point de les tenir, ;; i5 r/2
: 12, et :: 46 : 32 pour leur entier refroi-
dissement.
8° Que le temps du refroidissement de
l’or est à celui du refroidissement de l’ar-
gent, au point de les tenir, ; : 14 : r3 par
la présente expérience, et *; 80 ; 71 par
les expériences précédentes (art. XXXVIII).
Ainsi on aura, en ajoutant ces temps, 94 à
84 pour le rapport encore plus précis de
leur premier refroidissement ; et pour le se-
cond, le rapport donné parla présente ex-
périence étant :: 40 : 37, et ;; 234 :
201 par les expériences précédentes (ar-
ticle XXXVIII) , on aura , en ajoutant ces
temps, 274 à 238 pour le rapport encore
là
plus précis de l’entier refroidissement de l’<
et de l’argent.
90 Que le temps du refroidissement c
l’or est à celui du refroidissement de la pieri
dure, au point de les tenir, :: 14 : 12 pj
la présente expérience, et ; : 39 1/2
27 1/2 par les expériences précédentes (ai
ticle XXX). Ainsi on aura , en ajoutant et
temps, 53 1/2 à 3g 1/2 pour le rappoi
plus précis de leur premier refroidissement j
et pour le second, le rapport donné par 1
présente expérience étant ;; 40 : 32 , «
y. 1 17 ; 86 par les expériences précédente
(art. XXX) , on aura , en ajoutant et
temps, 157 à 118 pour le rapport encor
plus précis de l’entier refroidissement de l’c
et de la pierre dure.
io° Que le temps du refroidissement d
l’argent est à celui du refroidissement de 1
pierre dure, au point de pouvoir les tenir
i3 : 12 par la présente expérience, t
*; 45 1/ 2 : 3i 1/2 par les expériences pré
cédentes (art. XXVII). Ainsi , en ajoutau
ces temps, ou aura 58 1/2 à 43 1/2 pour 1
rapport encore plus précis de leur premiel
refroidissement ; et pour le second , le rap
port donné par l’expérience présente étanj
37 ; 32, et : 125 : 107 par les ex
périences précédentes (art. XXVIII)
aura, en ajoutant ces temps, 162 à i3tj
pour le rapport encore plus précis de l’en
tier refroidissement de l’argent et de 1
pierre dure.
XLIII. Ayant fait chauffer ensemble le
boulets de plomb, de fer, de marbre blanc
de grès, de pierre tendre, ils se sont re
froidis dans l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Pierre cale, ten-
dre , en . . . . 6 1/2
Plomb , en.
Grès , en. .
Marbre blanc
Fer, en. . .
8 V2
10 1/2
i5
Refroidis
à la température.
minutes
En ... .
En ... .
En ... .
En ... .
En ... .
.... 43
XLIV. La même expérience répétée , les *
boulets se sont refroidis dans l’ordre suivant;;
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Pierre cale, ten-
dre , en. . , , 7
Plomb , en. ... 8
Grès , en 81/2
Marbre blanc, en 10 1/2
Fer, en. ..... 16
Refroidis
à la température.
minutes,
PARTIE EXPERIMENTALE.
373
Il résulte de ces deux expériences :
i° Que le temps du refroidissement du fer
,-ist à celui du refroidissement du marbre
Piplanc, au point de les tenir, 3i : 21,
>t : : 88 ; 59 pour leur entier refroidisse-
ment.
20 Que le temps du refroidissement du fer
st à celui du refroidissement du grès , au
ioint de les tenir, y 3i : 17 par la pré-
ente expérience, et y 53 1/2 : 32 par les
expériences précédentes (art. IV). Ainsi on
ura, en ajoutant ces temps, 84 1/2 à 49
our le rapport plus précis de leur premier
efroidissement; et pour le second, le rap-
ort donné par la présente expérience étant
; 88 ; 57, et y 142 : 102 1/2 par les
xpériences précédentes (art. IV), on aura,
n ajoutant ces temps, 23o à 159 1/2 pour
rapport encore plus précis de l’entier re-
j’oidissement du fer et du grès.
1 3° Que le temps du refroidissement du
er est à celui du refroidissement du plomb,
lju point de pouvoir les tenir, y 3i : 16
Bar les expériences présentes, et y 74 :
J8 par les expér ences précédentes (arti-
le XXXIX). Ainsi on aura, en ajoutant
es temps, io5 à 54 pour le rapport encore
lus précis de leur premier refroidissement;
it pour le second , le rapport donné par les
jxpériences présentes étant ; : 88 : 5 7 , et
192 I 124 1/2 par les expériences pré-
cédentes (art. XXXIX) , on aura , en ajou-
int ces temps , 280 à 181 1/2 pour le rap-
ort encore plus précis de l’entier refroi-
I issement du fer et du plomb.
4° Que le temps du refroidissement du
fer est à celui du refroidissement de la pierre
jndre, au point de pouvoir les tenir, "
1 : i3,et ; : 88 : 41 pour leur entier refroi-
lissement.
5° Que le temps du refroidissement du
Larbre blanc est à celui du refroidissement
grès, au point de les tenir, ;; 21 ; 17,
1 TI 5 9 : 57 pour leur entier refroidisse-
îent.
6° Que le temps du refroidissement 'du
larbre blanc est à celui du refroidissement
u plomb, au point de les tenir, H 21 ",
,7 , et H 5p : 57 pour leur entier refroi-
4 issement.
’ Que le temps du refroidissement du
larbre blanc est à celui du refroidissement
e la pierre calcaire tendre , au point de les
:nir, ;; 21 : i3 1/2 par les présentes ex-
ériences , et I ; 32 23 par les expériences
récédentes (art. XXX). Ainsi, en ajoutant
îs temps, on aura 53 à 36 1/2 pour le
ipport plus précis de leur premier refroi-
dissement; et pour le second, le rapport
donné par les expériences présentes étant ; :
5g I 41 , et H 92 ; 68 par les expériences
précédentes (art. XXX), on aura, en ajou-
tant ces temps, i5i à 129 pour le rapport
encore plus précis de l’entier refroidissement
du marbre blanc et de la pierre calcaire
tendre.
8° Que le temps du refroidissement du
grès est à celui du refroidissement du plomb,
au point de les tenir, y 17 ; 16 par les
expériences présentes , et ;; 42 1/2 1
35 1/2 par les expériences précédentes (ar-
ticle VIII). Ainsi on aura, en ajoutant ces
temps, 59 r/2 à 5i 1/2 pour le rapport plus
précis de leur premier refroidissement; et
pour le second , le rapport donné par les
présentes expériences étant y 5 7 ; 57, et
H i3o : 121 1/2 par les expériences précé-
dentes (art. VIII) , on aura , en ajoutant ces
temps, 187 à 178 1/2 pour le rapport en-
core plus précis de l’entier refroidissement
du grès et du plomb.
90 Que le temps du refroidissement du
grès est à celui du refroidissement de la pierre
tendre , au point de pouvoir les tenir, 11x7
; i3 1/2, et II 57 ] 41 pour leur entier
refroidissement.
io° Que le temps du refroidissement du
plomb est à celui du refroidissement de la
pierre tendre, au point dé les tenir, y 16 :
i3 1/2 , et 1 1 57 ; 41 pour leur entier re-
froidissement.
XLV. On a fait chauffer ensemble les
boulets de gypse , d’ocre, de craie, de glaise
et de verre ; et’voici l’ordre dans lequel ils
se sont refroidis :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Gypse , en . . .
. 3
V2
En ....
Ocre , en. . . .
. 5
17.
En ... .
Craie , en. . . .
. 5
l/2
En ....
Glaise , en. . .
. G
X/2
En ....
. ... 18
Verre , en . . .
. 8
En ... .
Refroidis
à la température.
minutes.
XLVI. La même expérience répétée , les
boulets se sont refroidis dans l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Gypse , en.
Ocre , en. .
Craie , en .
Glaise , en.
Verre . en .
. 3
. 5
. 5
• 7
Refroidis
à la température.
minutes.
i4
tG
,16
Il résulte de ces deux expériences :
i° Que le temps du refroidissement du
374
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
verre est à celui du refroidissement de la
glaise, au point de les tenir, 16 1/2 :
i3 1/2 , et :: 46 : 36 pour leur entier re-
froidissement.
2° Que le temps du refroidissement du
verre est à celui du refroidissement de la
craie , au point de les tenir , : 161/2:11,
et ; : 46 : 32 pour leur entier refroidisse-
ment.
3° Que le temps du refroidissement du
verre est à celui du refroidissement de l’ocre,
au point de les tenir , * : 1 6 1/2 : 1 1 , et * *
46 : 32 pour leur entier refroidissement.
4° Que le temps du refroidissement du
verre est à celui du refroidissement du gypse,
au point de pouvoir les tenir , y. 161/2 : 7
par la présente expérience, et : : 02 : 21 1/2
par les expériences précédentes ( arti-
cle XXXTII) Ainsi on aura , en ajoutant ces
temps, 68 1/2 à 28 1/2 pour le rapport plus
précis de leur premier refroidissement; et
pour le second, le rapport donné parles expé-
riences présentes étant : : 46 : 29 , et : :
32 : 78 par les expériences précédentes (ar-
ticle XXXIII ) , on aura , en ajoutant ces
temps , 78 à 107 pour le rapport encore plus
précis de l’entier refroidissement du verre
et du gypse.
5° Que le temps du refroidissement de la
glaise est à celui du refroidissement de la
craie, au point de les tenir, :: i3 1/2 : xi
par la présente expérience, et ; : 12 1/2 : 10
par les expériences précédentes (art. XXXV).
Ainsi on aura, en ajoutant ces temps , 26 à
21 pour le rapport plus précis de leur premier
refroidissement ; et pour le second, le rapport
donné par les présentes expériences étant
36 : 32 , et :: 33 : 26 par les expérien-
ces précédentes ( art. XXXV ) , on aura ,
en ajoutant ces temps , 69 à 58 pour le
rapport encore plus précis de l’entier refroi-
dissement de la glaise et de la craie.
6“ Que le temps du refroidissement de
la glaise est à celui du refroidissement de
l’ocre , au point de les tenir, i3 1/2 ; 11
par les présentes expériences , et :: 12 1/2 :
11 1/2 par les expériences précédentes ( ar-
ticle XXXV ). Ainsi on aura , en ajoutant
ces temps, 26 à 22 1/2 pour le rapport
plus précis de leur premier refroidissement ;
et pour le second , le rapport donné par les
présentes expériences étant ;; 36 : 32, et
; 33 : 29 par les expériences précédentes
(art. XXXV), on aura, en ajoutant ces
temps, 69 à 61 pour le rapport encore plus
précis de l’entier refroidissement de la glaise
et de l’ocre.
7° Que le temps du refroidissement de la
glaise est à celui du refroidissement di! {'
gypse, au point de les tenir , :; i3 x/a ; 17
et ; : 36 : 29 pour leur entier refroidisse
ment.
8° Que le temps du refroidissement d( 1
la craie est à celui du refroidissement de
l’ocre , au point de les tenir , : : 1 1 : 1 1 pai I
les présentes expériences, et ;: io; n 1/2 pai
les expériences précédentes (art. XXXV),
Ainsi on aura, en ajoutant ces temps, 21 i
22 1/2 pour le rapport plus précis de lem
premier refroidissement ; et pour le second
le rapport donné par les expériences pré
seules étant :: 32 : 32, et :; 26 : 29 pai
les expériences précédentes (art. XXXV)
on aura, en ajoutant ces temps, 58 à 6i
pour le rapport encore plus précis de l’en
tier refroidissement de la craie et de l’ocre
90 Que le temps du refroidissement de il
craie est à celui du refroidissement du gypse
au point de les tenir , : : 1 1 : 7 , et ; ; 3:
; 29 pour leur entier refroidissement.
io° Que le temps du refroidissement d<
l’ocreest à celui du refroidissement du gypse
au point de les tenir , : 1 1 : 7, et : : 32 : 25
pour leur entier refroidissement.
XL VII. Ayant fait chauffer ensemble" le
boulets de zinc, d’étain, d’antimoine, d!l
grès , et de marbre blanc , ils se sont refroi
dis dans l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Antimoine , en. .
6
En
Étain , en . . . .
6 1/2
En
Grès , en
8
En
Marbre blanc, en.
9 1/2
En
Zinc , en
11 1/2
Eu
Refroidis
a la température.
minute!
16
20
. . 36
il’l
35
XLVIII. La même expérience répétée 1 w
les boulets se sont refroidis dans l’ordr
suivant ;
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Antimoine , en. . 5
Étain , en . . . . 6
Grès , en 7
Marbre blanc, en 8
Zinc , en 9 1/2
Refroidis
a la température. , .
minute.1' is
Il résulte de ces deux expériences ;
i° Que le temps du refroidissement d
zinc est à celui du refroidissement du mai il
bre blanc , au point de les tenir , .’ I 2
: 17 1/2, et :: 65 : 53 pour leur entier rtj
froidissement.
20 Que le temps du refroidissement d
zinc est à celui du refroidissement du grès
il
lu point de les tenir , ; : ai
| 47 pour leur entier refroidissement.
I 3° Que le temps du refroidissement du
fine est à celui du refroidissement de l’étain ,
lu point de les tenir, 21 ; 12 1/2 par les
Présentes- expériences , et 24 : 18 par les
xpériences précédentes ( art. XLI ). Ainsi ,
n ajoutant ces temps, on aura 45 à 3o 1/2
our le rapport enco r° puis précis de leur
rentier refi Oidissement ; et pour le second,
rapport donné par les expériences pré-
entes étant ; : 65 : 36 , et par les expérien-
es précédentes ( art. XLI ) 68 : 47 , on
ura, en ajoutant ces temps, i33 à 83 pour
rapport encore plus précis de l’entier re-
oidissement du zinc et de l’étain.
4° Que le temps du refroidissement du
inc est à celui du refroidissement de Fan-
moine, au point de les tenir, ; : 21 ‘ 11
Jar les présentes expériences , et ; : 73 ;
9 1/2 par les expériences précédentes ( ar-
cle XVII). Ainsi, en ajoutant ces temps,
n aura 94 à 5 o 1/2 pour le rapport plus
récis de leur premier refroidissement; et
our le second , le rapport donné par les
résentes expériences étant i; 65 ; 29, et "
20 ; i5 5 par les expériences précédentes
art. XVII), on aura, en ajoutant ces
mips, 285 à 184 pour le rapport encore
lus précis de l’entier refroidissement du
ne et de l’antimoine.
5° Que le temps du refroidissement du
brbre blanc est à celui du refroidissement
grès, au point de pouvoir les tenir,
1/2 ; 1 5 par les présentes expériences , et
21 : 17 par les expériences précédentes
art. XL1V ). Ainsi on aura , en ajoutant ces
mps, 38 1/2 à 32 pour le rapport plus
récis de leur premier refroidissement ; et
our le second , le rapport donné par les
résentes expériences étant ;; 53 ; 47, et
; 59 : 57 par les expériences précédentes
art. XLIV ) , on aura , en ajoutant ces
mps, 112 à 104 pour le rapport encore
lus précis de l’entier refroidissement du
îarbre blanc et du grès.
6° Que le temps du refroidissement du
îarbre blanc est à celui du refroidissement
e l’étain, au point de les tenir, ” 17 1/2
12 1/2 , et : : 53 : 36 pour leur entier re-
oidissement.
70 Que le temps du refroidissement du
îarbre blanc est a celui du refroidissement
el’aniimoine, au point de les tenir , y.
7 1/2 ; 11 , et :: 53 : 36 pour leur entier
efroidissement.
J Que le temps du refroidissement du
rèsest à celui du refroidissement de l’étain,
PARTIE EXPERIMENTALE.
i5, et 65 au point de les tenir, ;; i5 : 12 1/2
375
par
les présentes expériences, et :: 3o : 21 1/2
par les expériences précédentes ( art. VIII).
Ainsi on aura , en ajoutant ces temps,
45 à 34 pour le rapport plus précis de
leur premier refroidissement; et pour le
second , le rapport donné par les présentes
expériences étant : : 47 : 36, et y 84 : 64
par les expériences précédentes ( art. VIII ),
on aura, en ajoutant ces temps , i3i à 100
pour le rapport encore plus précis de l’entier
refroidissement du grès et de l’étain.
90 Que le temps du refroidissement du
grès est à celui du refroidissement de l’anti-
moine, au point de les tenir, :: i5 : 11, et
47 I 29 pour leur entier refroidissement.
io° Que le temps du refroidissement de
l’étain est à celui du refroidissement de l’an-
timoine , au point de pouvoir les tenir ,
12 1/2 : 11 par les présentes expérien-
ces, et .*;• 18 : 16 par les expériences pré-
cédentes ( art. XL ). Ainsi on aura , en ajou-
tant ces temps, 3o 1/2 à 27 pour le rapport
plus précis de leur premier refroidissement ;
et pour le second , le rapport donné par
les expériences présentes étant ; : 36 : 29 ,
et ; I 47 ; 47 par les expériences précéden-
tes (art. XL), 011 aura, en ajoutant ces
temps, 83 à 76 pour le rapport encore plus
précis de l’entier refroidissement de l’étain
et de l’antimoine.
XLIX. On a fait chauffer ensemble les
boulets de cuivre , d’émeril , de bismuth ,
de glaise, et d’ocre; et ils se sont refroidis
dans l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
Refroidis
minutes.
Ocre , en 6
minutes.
TCn. . . . . . f t8
Bismuth , en.. ... 7
Glaise , en. ..... 7
Rn. T _ , - t 23
Cuivre , en i3
Émeril , en. .... . i5 1/2
En 36
En 43
L. La même expérience répétée , les bou-
lets se sont refroidis dans l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
Refroidis
à la température.
minutes.
Ocre, en.. 5 1/2
minutes.
En i3
Bi6inuth , en .6
Glaise , en. 6
En iS
TCn. T r . tq
Émeril , en 111/2
En 38
Il résulte de ces deux expériences :
i° Que le temps du refroidissement de
minéraux, introduction.
376
l’émeril est" à celui du refroidissement du
cuivre, au point de les tenir, ;; 27 ; 23,
et :: 81 : 66 pour leur entier refroidisse-
ment.
20 Que le temps du refroidissement de
l’émeril est à celui du refroidissement de
la glaise , au point de les tenir, : : 27 : i3,
et : : 8 1 : 42 pour leur entier refroidisse-
ment.
3° Que le temps du refroidissement de
rémeril est à celui du refroidissement du
bismuth, au point de les tenir, :: 27 : i3
par les présentes expériences , et .*; 71 :
35 1/2 par les expériences précédentes (ar-
ticle XVII). Ainsi 011 aura , en ajoutant ces
temps, 98 à 48 1/2 pour le rapport encore
plus précis de leur premier refroidissement;
et pour le second , le rapport donné par les
expériences présentes étant ;; 81 ; 4° ■> et
par les expériences précédentes (art. XVII),
216 : 140, on aura, en ajoutant ces
90 Que le temps du refroidissement de b
glaise est à celui du refroidissement de
l’ocre , au point de les tenir, ;; i3 : n 1/2,
par les expériences présentes , et : : 26 ;
22 1/2 par les expériences précédentes (ar-
ticle XLVI). Ainsi on aura , en ajoutant ces
temps , 39 à 34 pour le rapport plus précii
de leur premier refroidissement ; et pour le
second , le rapport donné par les expé-1
riences présentes étant : : 41 ; 3 1 , et : :
69 ; 61 par les expériences précédente* ,
(art. XLVI) , on aura, en ajoutant ces temps
iii à 92 pour le rapport encore plus préci*
de l’entier refroidissement de la glaise et d< T,
l’ocre.
10e Que le temps du refroidissement di
bismuth est à celui du refroidissement d(
l’ocre, pour pouvoir les tenir, ;; i3 ;j ,
11 1/2, et ;; 42 ; 3i pour leur entier re!
froidissement.
temps, 297 à 180 pour le rapport encore
plus précis de l’entier refroidissement de
l’émeril et du bismuth.
4° Que le temps du refroidissement de
l’émeril est à celui du refroidissement de
l’ocre , au point de les tenir, ;; 27 : 11 1/2,
et :: 81 : 3i pour leur entier refroidisse-
ment.
5° Que le temps du refroidissement du
cuivre est à celui du refroidissement de la
glaise, au point de les tenir, H 23 ; i3 ,
et : : 66 : 42 pour leur entier refroidisse-
ment.
6° Que le temps du refroidissement du
cuivre est à celui du refroidissement du bis-
muth, au point de pouvoir les tenir, :: 23
; i3 parles présentes expériences , et ;; 28
; 16 par les expériences précédentes (ar-
ticle XLI). Ainsi on aura, en ajoutant ces
temps, 5i à 29 pour le rapport plus précis
de leur premier refroidissement ; et pour le
second , le rapport donné par les présentes
expériences étant 66 ; 4° , et ; ; 80 ; 47
par les expériences précédentes (art. XLI) ,
on aura , en ajoutant ces temps , 146 à 87
pour le rapport encore plus précis de l’en-
tier refroidissement du cuivre et du bismuth.
70 Que le temps du refroidissement du
cuivre est à celui du refroidissement de
l’ocre, au point de les tenir, .'I 33 : 11 1/2,
et : : 66 : 3 1 pour leur entier refroidisse-
ment.
8° Que le temps du refroidissement de la
glaise est à celui du refroidissement; du bis-
muth, au point de pouvoir les tenir, ;; i3
; i3 , et : : 42 ; 41 pour leur entier refroi-
dissement.
LI. Ayant fait chauffer ensemble les bou
lets de fer, de zinc, de bismuth, de glaisi
et de craie , ils se sont refroidis dans l’ordr<
suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde-
minutes.
minutes
Craie , en. . . . ,
, . . 6
V2
En. . .
T 8
Bismuth , en..
Glaise , en^.^ -
Rn to
• * • y
. . . 8
En.. .
Zinc, en
En...
Fer, en
En. . .
45
Refroidis
la température.
LU. La même expérience répétée , le
boulets se sont refroidis dans l’ordre sui
vant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Craie , pn, . f , , , . ^
Refroidis
à la température.
minutes
Bismuth , en 7 ip
Glaise , en ç
En 21
En
Zinc , en 16
En 34 l
Fer, en 21 1/2
En 53 ;
On peut conclure de ces deux expé
riences :
i° Que le temps du refroidissement dt
fer est à celui du refroidissement du zinc
au point de les tenir,#;; 40 1/2 ; 3i, et ;;
98 ; 59 pour leur entier refroidissement.
20 Que le temps du refroidissement di
fer est à celui du refroidissement du bis
muth, au point de les tenir, ;; 40 1/2 ;
14 1/2, et ;; 98 ; 40 pour leur entier re
froidissement.
3® Que le temps du refroidissement di
fer est à celui du refroidissement de li
glaise, au point de «les tenir, ;; 40 r/2 ; 17
PARTIE EXPÉRIMENTALE,
pour leur entier refroidisse-
:: 98 :
lent.
4° Que le temps du refroidissement du
jr est à celui du refroidissement de la
aie , au point de les tenir, ; : 40 1/2 :
A 1/2, et : : 98 : 38 pour leur entier re-
* bidissement.
5° Que le temps du refroidissement du
ne est à celui du refroidissement du bis-
iith, au point de les tenir, ;; 3i : 14 1/2
r les présentes expériences, et ;; 34 1/2
20 r/2 par les expériences précédentes
t. XV). Ainsi on aura, en ajoutant ces
nps , 65 1/2 à 35 pour le rapport plus
Iécis de leur premier refroidissement ; et
ur le second , le rapport donné par les
ésentes expériences étant :: 59 : 40, et
100 : 80 par les expériences précédentes
’t. XV) , on aura , en ajoutant ces temps,
9 à i2o pour le rapport encore plus précis
l’entier refroidissement du zinc et du
>muth.
6° Que le temps du refroidissement du
ic est à celui du refroidissement de la
lise, au point de les tenir, ;; 3i l 17, et
5g ; 44 pour leur entier refroidissement.
70 Que le temps du refroidissement du
lie est à celui du refroidissement de la
aie, au point de les tenir, ;; 3i l 12 1/2,
5g l 38 pour leur entier refroidisse-
nt.
°77
le rapport donné par les présentes expé-
riences étant ; : 44 : 38 , et : : 69 : 58 par
les expériences précédentes (article XLVI) ,
on aura, en ajoutant ces temps, n3 à 96
pour le rapport encore plus précis de l’entier
refroidissement de la glaise et de la craie.
LUI. Ayant fait chauffer ensemble les
boulets demeril, de verre, de pierre cal-
cai. e dure et de bois , ils se sont refroidis
dans l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Bois , en 2 1/2
Refroidis
à la température.
minutes.
F.n r
Verre , en 9 T/2
Grès , en i r
En 28
F.n 34
Pierre cale, dure,
en i ..... . 12
En 36
Émeril , en i5
En 47
LIV. La même expérience répétée , les
boulets se sont refroidis dans l’ordre sui-
vant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Bois , en 2
Verre , en 7 1/2
Grès , en 8
Pierre dure , en.. 81/2
Émeril , en 14
Refroidis
a la température.
minutes.
i3
8° Que le temps du refroidissement du
ismuth est à celui du refroidissement de la
jjtise, au point de les tenir, :: 14 r/2 : 17
r les présentes expériences , et ; ; 1 3 : 1 3
r les expériences précédentes ( art. L ).
nsi on aura, en ajoutant ces temps,
I' t/2 à 3o pour le rapport plus précis de
îr premier refroidissement ; et pour le
pond, le rapport donné par les expériences
ésentes étant : : 40 : 44 , et ; : 4r : 42
r les expériences précédentes (art. L) , on
ira , en ajoutant ces temps , 81 à 86 pour
rapport encore plus précis de l’entier re-
udissement du bismuth et de la glaise.
90 Que le temps du refroidissement du
smutli est à celui du refroidissement de la
aie, au point de les tenir, " 14 1/2 :
; r/2, et :: 40 : 38 pour leur entier re-
iiidissement.
'10° Que le temps du refroidissement de
glaise est à celui du refroidissement de la
aie, au point de les tenir, " 17 ; 1 3 1/ 2
r les expériences présentes , et II 26 r 21
r les expériences précédentes (art. XLVI).
nsi on aura , en ajoutant ces temps, 43 à
. 1/2 pour le rapport plus précis de leur
emier refroidissement; et pour le second,
Il résulte de ces deux expériences :
i° Que le temps du refroidissement de
l’émeril est à celui du refroidissement de la
pierre dure , au point de les tenir, ; : 29 :
20 1/2 par les présentes expériences, et ;;
i5 1/2 : 12 par les expériences précédentes
(art. XLII). Ainsi , en ajoutant ces temps ,
on aura 44 1/2 à 32 r/2 pour le rapport plus
précis de leur premier refroidissement; et
pour le second, le rapport donné par les
présentes expériences étant ; : 89 ; 62 , et
: ; 46 : 32 par les expériences précédentes
(art. XLII) , on aura , en ajoutant ces temps,
i35 à 94 pour le rapport encore plus précis
de l’entier refroidissement de l’émeril et de
la pierre dure.
20 Que le temps du refroidissement de
l’émeril est à celui du refroidissement du
grès, au point de les tenir, ;; 29 ; 19, et
; ; 86 : 58 pour leur entier refroidissement.
3° Que le temps du refroidissement de
l’émeril est à celui du refroidissement du
verre, au point de les tenir, 29 : 17,
et ; : 89 ; 49 pour leur entier refroidisse-
ment.
4° Que le temps du refroidissement de
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
378 MINÉRAUX. INTRODUCTION.
l’émeril est à celui du refroidissement du
bois , au point de les tenir, ; : 29 : 4 1/2 ,
et :: 89 : 28 pour leur entier refroidisse-
ment.
5° Que le temps du refroidissement de
la pierre dure est à celui du refroidissement
du grès, au point de les tenir, 20 r/2
: 19, et ; : 62 : _5 8 pour leur entier refroi-
dissement.
6° Que le temps du refroidissement de
la pierre dure est à celui du refroidissement
du verre, au point de les tenir, ; 20 r/2
: 17, et :: 62 : 49 pour leur entier refroi-
dissement.
70 Que le temps du refroidissement de
la pierre dure est à celui du refroidissement
du bois , au point de les tenir, \ \ 20 1/2 :
4 1/2 , et ; : 62 : 28 pour leur entier refroi-
dissement.
8° Que le temps du refroidissement du
grès est à celui du refroidissement du verre,
au point de les tenir, :: 19 : 17 parles
présentes expériences, et y 55 5 2 par
les expériences précédentes (art. XXXIII).
Ainsi on aura, en ajoutant ces temps , 74 à
69 pour le rapport plus précis de leur pre-
mier refroidissement ; et pour le second , le
rapport donné par les présentes expériences
étant :: 58 : 49, et :: 170 : i32 par les
expériences précédentes (art. XXXIII) , on
aura , en ajoutant ces temps, 228 à 188 pour
le rapport encore plus précis de l’entier re-
froidissement du grès et du verre.
90 Que le temps du refroidissement du
grès est à celui du refroidissement du bois,
au point de pouvoir les tenir, y i5 [ 4 1/2,
et 58 ; 28 pour leur entier refroidisse-
ment.
xo° Que le temps du refroidissement du
verre est à celui du refroidissement du bois,
au point de les tenir, :: 17 : 4 x/a, et ;; 94
: 28 pour leur entier refroidissement.
Gypse , en. . . .
minutes.
En
minute
i3
Grès , en. . . . .
... 61/2
En
Étain , en.. . .
... IO
En
Or, en
En
Énieril , en. . .
...18
En
Refroidis
à la température.
On peut conclure de ces expériences :
i° Que le temps du refroidissement d
l’émeril est à celui du refroidissement d
l’or, au point de les tenir, ;; 38 : 3i p;
les expériences présentes, et 5g 1/2
52 par les expériences précédentes (a:
ticle XLÏI ). Ainsi on aura , en ajoutant c<
temps, 97 1/2 à 83 pour le rapport pli
précis de leur premier refroidissement; 1
pour le second, le rapport donné par h
présentes expériences étant :: g5 : 81, 1
;; 166 ; i55 par les expériences préci
dentes (art XLII), on aura, en ajoutai
ces temps, 23 1 à 236 pour le rapport er
core plus précis de l’entier refroidissemei
de l’émeril et de l’or.
Que le temps du refroidissement d
l’émeril est à celui du refroidissement
l’étain, au point de les tenir, ;; 38
21 1/2, et ! : 95 : 57 pour leur entier ru
froidissement.
3° Que le temps du refroidissement d
l’émeril est à celui du refroidissement de i
craie, au point de les tenir, : : 38 : 14
et ; : 95 ; 39 pour leur entier refroidisse
ment.
4° Que le temps du refroidissement de l’<
meril est à celui du refroidissement du gypsi
au point de les tenir, y 38 : 9 , et : g
I 28 pour leur entier refroidissement.
LY. Ayant fait chauffer ensemble les bou-
lets d’or, d’étain , d’émeril , de gypse et de
craie , ils se sont refroidis dans l’ordre
suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Gypse , en 5
Craie , en 71 f
Étain , en 1 1 1/2
Gr, en 16
Énieril , en 20
Refroidis
à la température.
mioutes.
i5
LYI. La même expérience répétée, les
boulets se sont refroidis dans l’ordre suivant :
5° Que le temps du refroidissement c
l’or est à celui du refroidissement de l’étair
au point de les tenir, ;; 3i ; 22 par lt
présentes expériences , et ; : 3 7 : 21 p<
les expériences précédentes (art. XI). Ain
on aura, en ajoutant ces temps, 68 à 4
pour le rapport plus précis de leur premie
refroidissement ; et pour le second , le raj
port donné par les présentes expérience
étant 81 : 57, et :: 114 : 61 par 1<
expériences précédentes (art. XI) , on aur£
en ajoutant ces temps, ig5 à 118 pour
rapport encore plus précis de l’entigr ri
froidissement de l’or et de l’étain.
6° Que le temps du refroidissement d
l’or est à celui du refroidissement de la craii
au point de les tenir, 3i : 14 par h
présentes expériences, et ; ; 21-1/2 : 1
par les expériences précédentes (art. XXXV
Ainsi on aura, en ajoutant ces temps, 52 1/
à 24 pour le rapport plus précis de leur pr<
11-»- Mit-
PARTIE EXPERIMENTALE.
379
er refroidissement ; et pour le second , le
>port donné par les présentes expériences
tnt : : 81 : 3g, et ; : 65 : 2 6 par les
périences précédentes (art. XXXV), on
fa, en ajoutant ces temps, 146 à 65 pour
rapport encore plus précis de l’entier re-
froidissement de l’or et de la craie.
Que le temps du refroidissement de
:• est à celui du refroidissement du gypse,
point de pouvoir les tenir, 3i : 9
les présentes expériences, et * ; 56 ; 17
' les expériences précédentes ( arti-
XXXVIII). Ainsi on aura, en ajoutant
temps, 87 à 26 pour le rapport plus
;cis de leur premier refroidissement ; et
ir le second, le rapport donné par les
îsentes expériences étant ; : 81 : 28, et
i65 : 53 par les expériences précéden-
(art XXX VIII), on aura, en ajoutant
temps, 246 à 81 pour le rapport encore
s précis de l’entier refroidissement de
* et du gypse.
Que le temps du refroidissement de
ain est à celui du refroidissement de la
au point de les tenir, 22 : 14,
57 : 39 pour leur entier refroidisse-
nt.
f Que le temps du refroidissement de
ain est à celui du refroidissement du
>se, au point de les tenir, ;; 22 : 9, et
57 : 28 pour leur entier refroidissement.
io° Que le temps du refroidissement de
craie est à celui du refroidissement du
)se, au point de les tenir, :: 14 : 9 par
présentes expériences, et 11 : 7 par
expériences précédentes (art. XL VI).
isi on aura , en ajoutant ces temps , 2 5
6 pour le rapport plus précis de leur
mier refroidissement ; et pour le second,
rapport donné par les présentes expé-
nces étant y. 39 ; 28 , et y 32 ;
par les expériences précédentes (arti-
XLVI), on aura, en ajoutant ces temps,
à 57 pour le rapport encore plus précis
l’entier refroidissement de la craie et du
>se.
VTI. Ayant fait chauffer ensemble les
ilets de marbre blanc, de marbre com-
n, de glaise, d’ocre et de bois, ils se
it refroidis dans l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
dant une demi-seconde.
minutes.
. 2 1/2 En.
. 6 1/2 En.
. 7 1/2 En.
ise , en
bre commun
rbre blanc, en 12
Refroidis
à la température.
minutes.
LVIII. La même expérience répétée , les
boulets se sont refroidis dans l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Rnis j pn 3
à la température.
minutes.
K n TT
Orrfi , en. t . y
Glaise , en. ...... 81/2
Marbre commun ,
en 12 1/2
En 23
En 3a
Marbre blanc, en i3
En 36
Refroidis
On peut conclure de ces deux expériences :
i° Que le temps du refroidissement du
marbre blanc est à celui du refroidissement
du marbre commun, au point de pouvoir
les tenir, 'y. 25 ; 22 par les présentes ex-
périences, et ;; 3g 1/2 ; 36 par les expé-
riences précédentes (art. XXVII). Ainsi on
aura, en ajoutant ces temps, 64 1/2 à 58
pour le rapport plus précis de leur premier
refroidissement; et pour le second, le rap-
port donné par les présentes expériences
étant ;; 70 ; 61, et *4 11 5 ; ii3 par les
expériences précédentes (art. XXVII), on
aura, en ajoutant ces temps, i85 à 174
pour le rapport encore plus précis de l’en-
tier refroidissement du marble blanc et du
marbre commun.
2° Que le temps du refroidissement du
marble blanc est à celui du refroidissement
de la glaise, au point de pouvoir les tenir,
25 : 16, et 70 : 44 pour leur entier
refroidissement.
3° Que le temps du refroidissement du
marbre blanc est à celui du refroidissement
de l’ocre, au point de les tenir, y. 25 ;
i3 1/2 , et 70 ; 3g pour leur entier re-
froidissement.
4° Que le temps du refroidissement du
marbre blanc est à celui du refroidissement
du bois, au point de les tenir, ;; 25
5 1/2, et y 70 I 20 pour leur entier re-
froidissement.
5° Que le temps du refroidissement du
marbre commun est à celui du refroidisse-
ment de la glaise , au point de les tenir , ; l
22 : 16, et ; ; 61 I 44 pour leur entier re-
froidissement.
. 6° Que le temps du refroidissement du
marbre commun est à celui du refroidisse-
ment de l’ocre, au point de les tenir, y
22 : i3 1/2, et 61 : 39 pour leur en-
tier refroidissement.
7° Que le temps du refroidissement du
marbre commun est à celui du refroidisse-
ment du bois, au point de les tenir, " 22
: 5 1/2, et 61 : 20 pour leur entier re-
froidissement.
38o
8° Que le temps du refroidissement de
la glaise est à celui du refroidissement de
l’ocre, au point de les tenir ;; 16 : i3 1/2,
par les précédentes expériences, et : : 12 1/2
; ri 1/2 par les expériences précédentes
(art. XXXV). Ainsi on aura, en ajoulant
ces temps, 28 1/2 à 25 pour le rapport plus
précis de leur premier refroidissement ; et
pour le second , le rapport donné par les
présentes expériences étant 44 : 39, et
; : 33 : 29 par les expériences précédentes
(art. XXXY), on aura, en ajoutant ces
temps, 77 à 68 pour le rapport encore plus
précis de l’entier refroidissement de la glaise
et de l’ocre.
90 Que le temps du refroidissement de la
glaise est à celui du refroidissement du bois,
au point de les tenir, ;; 16 : 5 1/2, et
44 ; 20 pour leur entier refroidissement.
io° Que le temps du refroidissement de
l’ocre est à celui du refroidissement du bois,
au point de les tenir, II i3 1/2 1 5 1/2,
et : : 39 : 20 pour leur entier refroidisse-
ment.
MINERAUX. INTRODUCTION.
pour le second , le rapport donné par L
LIX. Ayant mis chauffer ensemble les
boulets d’argent, de verre, de glaise, d’o-
cre et de craie, ils se sont refroidis dans
l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Craie , en. .... . 5 1/2
Ocre , en 6
Glaise , en 8
Verre , en 6 1/1
Argent , en 11 i/a
Refroidis
à la température.
minutes.
i5
LX. La même expérience répétée, les bou-
lets chauffés plus iong-temps se sont refroidis
dans l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Craie , en 7
Ocre , en 8
Glaise , en 9
Verre , en..
Argent , en.
:/2
■ h
12 1/2
l6 l/2
Refroidis
à la température.
minutes.
On peut conclure de ces deux expérien-
ces :
i° Que le temps du refroidissement de
l’argent est à celui du refroidissement du
verre, au point de les tenir, ;; 29 ; 22
parles présentes expériences, et II 36 l
25 par les expériences précédentes (arti-
cle XXXIII. ). Ainsi on aura , en ajoutant
ces temps ,65 à 47 pour le rapport plus
précis de leur premier refroidissement ; et
présentes expériences étant ; : 76 : 67,
Il io3 : 62 par les expériences précédent
(art. XXXIII), on aura, en ajoutant ©
temps, 179 à 129 pour le rapport encoi
F lus précis de l’entier refroidissement t
argent et du verre.
20 Que le temps du refroidissement de l’a
gent est à celui du refroidissement de
glaise, au point de pouvoir les tenir, ;; 2
; 17 1/2, et :: 76 : 5i pour leur entii
refroidissement.
3° Que le temps du refroidissement (
l’argent est à celui du refroidissement <
l’ocre, au point de les tenir, ;; 29
14 r/2, et 76 : 43 pour leur entier ri
froidissemenl.
4° Que le temps du refroidissement :
l’argent est à celui du refroidissement de
craie , au point de pouvoir les tenir , .* I s
: 12 1/2, et 76 : 38 pour leur enti.
refroidissement.
5° Que Je temps du refroidissement c
verre est à celui du refroidissement de
glaise, au point de pouvoir les tenir,
1/2 par les expériences présente:
22
et 16 1/2 : 13 1/2 par les expérienc
précédentes (article XLVI ). Ainsi on aura b
en ajoutant ces temps, 38 1/2 à 3i pour ntt
rapport plus précis de leur premier refro
dissement; et pour le second, le rappoiiii
donné par les présentes expériences étai)^
67 : 5i, et ;; 46 : 36 par les expi
riences précédentes (art. XLYI) , on aur<
en ajoutant ces temps, ii3 à 87 pour
rapport encore plus précis de l’entier refrc s
dissement du verre et de la glaise.
6° Que le temps du refroidissement c 10(
verre est à celui du refroidissement de 1
ere , au point de pouvoir les tenir , .* I 2
; 14 1/2 par les présentes expériences, 1
Il 16 1/2 1 ir par les expériences préo
dentes (art. XLYI). Ainsi on aura, en ajoilfj
tant ces temps, 38 1/2 à 25 1/2 pour le raj < jai
port plus précis de leur premier refroidissi 1 )(I
ment ; et pour le second , le rapport donr
par les présentes expériences étant 1:67
43 , et ; ; 46 ; 32 par les expériences pr< ;
cédentes (art. XLVI), on aura, en ajoutai, B
ces temps , 1 13 à 75 pour le rapport encoi! ji;i
plus précis de l’entier refroidissement d1
verre et de l’ocre.
7° Que le temps du refroidissement d
verre est à celui du refroidissement de !
craie, au point de pouvoir les tenir, 2
l 12 1/2 par les présentes expériences, <
16 1/2 : 11 par les expériences précc
dentes (art. XLYI). Ainsi on aura, en ajoi
'
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
it ces temps, 38 1/2 à 23 1/2 pour le rap-
jk plus précis de leur premier refroidis-
< aent ; el pour le second , le rapport donné
f les présentes expériences étant ; ; 67 :
j, et : 46 : 32 par les expériences précé-
dés (art. XLVI), on aura, en ajoutant
temps, ii3 à 70 pour le rapport encore
1s précis de l’entier refroidissement du
üre et de la craie.
Que le temps du refroidissement de la
se est à celui du refroidissement de l’o-
, au point de les tenir, :: 17 1/2 ;
1/2 par les présentes expériences, et
; 22 1/2 par les expériences précédentes
t. XLVI). Ainsi on aura, en ajoutant
temps , 43 1/2 à 37 pour le rapport plus
cis de leur premier refroidissement; et
r le second , le rapport donné par l’ex-
ience présente étant 5i ; 43, et II
; 63 par les expériences précédentes
XLVI), on aura, en ajoutant ces
ps, 120 à 106 pour le rapport encore
| précis de l’entier refroidissement de la
|se et de l’ocre.
0 Que le temps du refroidissement de
laise est à celui du refroidissement de la
e, au point de pouvoir les tenir, ::
1/2 ; 12 1/2 par les présentes expérien-
, et I ; 26 ; 2 1 par les expériences pré-
entes ( art. XLVI ). Ainsi on aura , en
kant ces temps , 43 1/2 à 33 1/2 pour
apport plus précis de leur premier re-
kissement ; et pour le second , le rapport
né par les présentes expériences étant
)i ; 38, et 69 : 58 par les expériences
pédentes (art. XLVI), on aura, en
liant ces temps, 120 à 96 pour le rap-
t encore plus précis de l’entier refroi-
ement de la glaise et de la craie.
Ip<ï Que le temps du refroidissement de
re est à celui du refroidissement de la
e , au point de pouvoir les tenir , ; :
r/2 : 12 1/2 par les présentes expérien-
et I ; 11 1/2 : IO par les expériences
pédentes (art. XXXV). Ainsi on aura, en
itant ces temps, 26 à 22 1/2 pour le
>ort plus précis de leur premier refroi-
ment ; et pour le second , le rapport
né par les présentes expériences étant
.2 ; 38, et 29 l 26 par les précé-
es expériences ( art. XXXV ) , on aura ,
joutant ces temps, 72 à 64 pour le rap-
encore plus précis de l’entier refroi-
îment de l’ocre et de la craie.
XI. Ayant mis chauffer ensemble , à un
d degré de chaleur , les boulets de zinc ,
ismuth , de marbre blanc , de grès , et
38i
de gypse, le bismuth s’est fondu tout-à-
coup , et il n’est resté que les quatre autres,
qui se sont refroidis dans l’ordre suivant :
Refroidis à les tenir
pendant une* demi- seconde.
minutes.
Gypse , en 11
Grès , en 16
Marbre blanc, en. 19
Zinc , en 23
Refroidis
a la température.
minutes.
En 28
En 42
En 5o
En 57
LXII. La même expérience répétée avec
les quatre boulets ci-dessus et un boulet de
plomb à un feu moins ardent , ils se sont
refroidis dans l’ordre suivant ;
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Gypse , en 4 1/*
Plomb , en 9 1/1
Grès , en 10
Marbre blanc , en 12 1/2
Zinc , en i5
Refroidis
à la température.
minutes.
16
28
32
36
43
On peut conclure de ces deux expé-
riences :
i° Que le temps du refroidissement du
zinc est à celui du refroidissement du mar-
bre blanc, au point de pouvoir les tenir,
38 ; 3i 1/2 par les présentes expérien-
ces, et 21 : 17 1/2 parles expériences
précédentes ( art. XLVIII ). Ainsi , en ajou-
tant ces temps , on aura 59 à 49 pour le
rapport plus précis de leur premier refroi-
dissement; et pour le second, le rapport
donné par l’expérience présente étant : :
100 : 86, et II 65 : 53 par les expérien-
ces précédentes (art. XLVIII), on aura,
en ajoutant ces temps, i65 à 139 pour le
rapport encore plus précis de l’entier re-
froidissement du zinc et du marbre blanc.
20 Que le temps du refroidissement du
zinc est à celui du refroidissement du grès ,
au point de les tenir, " 38 : 26 par les
présentes expériences, et 21 : ii5 par
les expériences précédentes (art. XLVIII).
Ainsi on aura , en ajoutant ces temps , 5q à
141 pour le rapport plus précis de leur pre-
mier refroidissement ; et pour le second , le
rapport donné par les présentes expériences
étant :: 100 : 74, et :: 65 : 47 par les ex-
périences précédentes (art. XLVIII), on
aura, en ajoutant ces temps, i65 à 121
pour le rapport encore plus précis de l’en-
tier refroidissement du zinc et du grès.
3° Que le temps du refroidissement du
zinc est à celui du refroidissement du plomb ,
au point de pouvoir les tenir, :: 15:91/2 par
la présente expérience, et : 73 : 43 3/4 par
38 a
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
-les expériences précédentes (art. XYII).
Ainsi on aura, en ajoutant ces temps, 88 à
53 x/4 pour îe rapport plus précis de leur
premier refroidissement ; et pour le second,
le rapport donné par l’expérience présente
étant 4-3 ; 20, et :: 220 : 189 parles ex-
périences précédentes ( art. XYII ) , on
aura, en ajoutant ces temps, 263 à 209
pour le rapport encore plus précis de l’en-
tier refroidissement du zinc et du plomb.
4° Que le temps du refroidissement du
zinc est à celui du refroidissement du gypse,
au point de les tenir, ;; 38 : i5 1/2 , et
; : 100 : 44 pour leur entier refroidissement.
5° Que le temps du refroidissement du
marbre blanc est à celui du refroidissement
du grès, au point de les tenir, :* 3i 1/2
; 26 par les présentes expériences , et :
38 1/2 ; 32 par les expériences précédentes
( art. XLYI1I ). Ainsi on aura, en ajoutant
ces temps, 70 à 58 pour le rapport plus
précis de leur premier refroidissement; et
pour le second, le rapport donné par les
présentes expériences étant ; 86 : 74, et
112 ; 104 par les expériences précéden-
tes (art. XLYIII ) , on aura, en ajoutant
ces temps, 198 à 178 pour le rapport en-
core plus précis de l’entier refroidissement
du marbre blanc et du grès.
6° Que le temps du refroidissement du
marbre blanc est à celui du refroidissement
du plomb, au point de les tenir, ;; 12 r/2
; 9 1/2 , et r ; 36 : 20 pour leur entier re-
froidissement.
70 Que le temps du refroidissement du
marbre blanc est à celui du refroidissement
du gypse , au point de pouvoir les tenir, : :
3i : i5 1/2, et :: 86 ; 44 pour leur entier
refroidissement.
8° Que le temps du refroidissement du grès
est à celui du refroidissement du plomb, au
point de pouvoir les tenir, H ro* 9 1/2 parla
présente expérience, et ;; 5p ; 5i 1/2 par
les expériences précédentes ( art. XLIY ).
Ainsi on aura , en ajoutant ces temps ,
69 1/2 à 61 pour le rapport plus précis de
leur premier refroidissement ; et pour le
second , le rapport donné par les présentes
expériences étant 32 : 20, et :: 187 :
178 par les expériences précédentes (arti-
cle XLIY) , on aura , en ajoutant ces temps ,
219 à 198 pour le rapport encore plus
précis de l’emier refroidissement du grès et
du plomb.
90 Que le temps du refroidissement du
grès est à celui du refroidissement du gypse,
au point de pouvoir les tenir, ;* 26 : i5 1/2
par les présentes expériences, et :: 55 :
2 1 1/2 par les expériences précédentes ( ar
ele XXXIII ). Ainsi on aura , en ajouta
ces temps, 81 à 37 pour le rapport pl
précis de leur premier refroidissement ;
pour le second , le rapport donné par 1
présentes expériences étant 74 ’ 44,
;; 170 I 78 par les expériences précédent
(art. XXXIII), on aura, en ajoutant c
temps, 244 à 122 pour le rapport enco
plus précis de l’entier refroidissement <
grès et du gypse.
xo° Que le temps du refroidissement <
plomb est à celui du refroidissement <
gypse , au point de les tenir, .* : 9 1/2 ; 4 1/
et ; : 28 : 16 pour leur entier refroidissemer
LXIII. Ayant fait chauffer ensemble 1 '
boulets de cuivre , d’antimoine, de marb
commun, de pierre calcaire tendre, et
craie , ils se sont refroidis dans l’ordre si
vant :
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Craie, en 6 1/2
Antimoine, en. . . 71/2
Pierre tendre, en 7 1/2
Marbre commun ,
en ti 1/2
Cuivre , en 16
Refroidis
à la température.
minut
En 3i pt
En 1
LXIV. La même expérience répétée , ! j jf
boulets se sont refroidis dans l’ordre si
vant :
-Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Craie , en 5 1/2
Antimoine , en . . 6
Pierre tendre, en 8
Marbre commun ,
Refroidis
à la température.
minut
irbi
Cuivre , en i3 1/;
On peut conclure de ces deux «xpérienc
i° Que le temps du refroidissement
cuivre est à celui du refroidissement
marbre commun , au point de pouvoir
tenir, y 29 1/2 ; 21 1/2 par les présen
expériences, et 45 : 35 1/2 par les 1
périences précédentes (art. Y). Ainsi
aura , en ajoutant ces temps, 74 1/2 à
pour le rapport plus précis de leur prem
refroidissement ; et pour le second, le r
port donné par les présentes expérien
étant :: 87 : 60, et :: 125 : ni par
expériences précédentes ( art. V ) , on au
en ajoutant ces temps, 212 à 17 1 poui|
rapport encore plus précis de l’entier refi
dissement du cuivre et du marbre commi
20 Que le temps du refroidissement |
PARTIE EXPERIMENTALE.
383
re est à celui du refroidissement de
ierre tendre , au point de pouvoir les
r, :: 29 1/2: i5 1/2, et: : 871 49 pour
entier refroidissement.
Que le temps du refroidissement du
re est à celui du refroidissement de l’an-
ine, au point de les tenir, ;; 29 1/2
1/2 par les présentes expériences, et,
s 8 : 16 par les expériences précédentes
XLI). Ainsi on aura , en ajoutant ces
ps, 57 1/2 à 29 1/2 pour le rapport plus
ds de leur premier refroidissement; et
r le second , le rapport donné par les
ériences présentes étant ;; 87 : 5o, et
E^o : 47 par les expériences précédentes
XLI ) , on aura , en ajoutant ces temps ,
à 97 pour le rapport encore plus pré-
e l’entier refroidissement du cuivre et
~ ' antimoine.
Que le temps du refroidissement du
vre est à celui du refroidissement de la
ie, au point de pouvoir les tenir, .*:
1/2 : 12 , et :: 87 : 38 pour leur pre-
ir refroidissement.
Que le temps du refroidissement du
rbre commun est à celui du refroidisse-
nt de la pierre tendre, au point de pou-
les tenir, ;; 21 1/2 14 par les expé-
îces présentes, et :: 29 : 23 par les ex-
iences précédentes (art. XXX). Ainsi
aura, en ajoutant ces temps, 5o 1/ 2 à
pour le rapport plus précis de leur pre-
er refroidissement ; et pour le second , le
>port donné par les présentes expérien
étant : : 60 : 49 , et : : 87 ; 68 par les
îériences précédentes ( art. XXX ) , on
■a, en ajoutant ces temps, 147 à i3y
ur le rapport encore plus précis de l’en-
refroidissement du marbre commun et
a pierre tendre.
6° Que le temps du refroidissement du
trbre commun est à celui du refroidisse-
nt de l’antimoine, au point de les tenir,
21 1/ 2 ; i3 1/2, et :: 60 : 5o pour leur
lier refroidissement.
Que le temps du refroidissement du
arbre commun est à celui du refroidisse-
Jent de la craie , au point de pouvoir les
Kiir, ;; 21 1/2 ; 12, et : : 60 : 38 pour
n* entier refroidissement.
8° Que le temps du refroidissement de la
ierre tendre est à celui du refroidissement
; l’antimoine, au point de pouvoir les te-
r, ;; 14 ; 3 1/2, et 49 : 5o pour leur
ilier refroidissement.
90 Que le temps du refroidissement de la
erre tendre est à celui du refroidissement
Je la craie, au point de pouvoir les tenir,
; : 14 : 12 , et :: 49 : 38 pour leur entier
refroidissement.
io°. Que le temps du refroidissement de
l’antimoine est à celui du refroidissement
de la craie, au point de pouvoir les tenir,
;; 1 3 1/2 ; 12, et ;; 5o ; 38 pour leur en-
tier refroidissement.
LXY. Ayant fait chauffer ensemble les
boulets de p'iomb, d’étain, de verre, de
pierre calcaire dure, d’ocre et de glaise,
ils se sont refroidis dans l’ordre suivant :
Refroidis
la température.
minutes.
16
Refroidis à les tenir
pendant une demi-seconde.
minutes.
Ocre , en 5
Glaise, en 71/2
Étain , en 81/2
Plomb en 9 ï/2
Verre , en 10
Pierre dure, en. . xo 1/2
Il résulte, de cette expérience :
i° Que le temps du refroidissement de
la pierre dure est à celui du refroidissement
du verre, au point de les tenir, ;; 10. 1/2
; 10 par la présente expérience, et 20 1/2
; 1 7 par les expériences précédentes ( arti-
cle LIV ). Ainsi on aura , en ajoutant ces
temps, 3i à 27 pour le rapport plus précis
de leur premier refroidissement ; et pour le
second, le rapport donné par la présente '
expérience étant :: 29 : 27, et 62 : 49
par les expériences précédentes (art. LIY),
on aura, en ajoutant ces temps, 91 à 76
pour le rapport encore plus précis de l’entier
refroidissement de la pierre dure et du verre.
20 Que le temps du refroidissement du
verre est à celui du refroidissement du plomb,
au point de pouvoir les tenir, :: xo : 9 1/2
f)ar la présente expérience , et : : 12 : 11 par
es expériences précédentes (art. XXXIX).
Ainsi on aura , en ajoutant ces temps , 22
à 20 1/2 pour le rapport plus précis de leur
premier refroidissement ; et pour le second ,
le rapport donné par l’expérience présente
étant :: 27 : 23, et .*: 35 : 3o par les
expériences précédentes (art. XXXIX ) , on
aura, en ajoutant ces temps, 62 à 53 pour
le rapport encore plus précis de l’entier re-
froidissement du verre et du plomb.
3° Que le temps du refroidissement du
verre est à celui du refroidissemeni de l’é-
tain, au point de pouvoir les tenir, 10
; 8 1/2 par la présente expérience , et ; : 46
; 42 j/2 par les expériences précédentes
(article XXXIX). Ainsi on aura, en ajou-
tant ces temps, 56 à 5x pour le rapport
plus précis de leur premier refroidissement ;
et pour le second , le rapport donné par les
384
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
expériences présentes étant y 27 21, et par
les expériences précédentes (art. XXXIX)
;; 132 : 117, on aura, en ajoutant ces
temps, 1*59 à i38 pour le rapport encore
plus précis de l’entier refroidissement du
verre et de l’étain.
4° Que le temps du refroidissement du
verre est à celui du refroidissement de la
glaise, au point de pouvoir les tenir, 10
l 71 /1 par la présente expérience, et
y 38 1/2 ; 3i par les expériences précé-
dentes (article LX). Ainsi on aura, en
ajoutant ces temps, 48 1/2 à 38 1/2 pour
le rapport plus précis de leur premier re-
froidissement ; et pour le second , le rapport
donné par la présente expérience étant 1:27
: 20 , et : : ii3 : 87 par les expériences
précédentes (art. LX), on aura, en ajou-
tant ces temps, 140 à 107 pour le rapport
encore plus précis de l’entier refroidisse-
ment du verre et de la glaise.
5° Que le temps du refroidissement du
verre est à celui du refroidissement de l’ocre,
au point de pouvoir les tenir, y 10 : 5
par les présentes expériences, et 38 1/2
; 25 1/2 par les expériences précédentes
(art. LX.). Ainsi on aura, en ajoutant ces
temps, 48 1/2 à 3o 1/2 pour le rapport
plus précis de leur premier refroidissement ;
et pour le second, le rapport donné par la
présente expérience étant y 27 ; 16, et
par les expériences précédentes (art. LX)
;; ii3 : 75, on aura, en ajoutant ces
temps, 140 à 91 pour le rapport encore
plus précis de l’entier refroidissement du
verre et de l’ocre.
6° Que le temps du refroidissement de la
pierre dure est à celui du refroidissement
du plomb, au point de pouvoir les tenir,
:: 10 1/2 : 9 1/2, et :: 29 : 23 pour leur
entier refroidissement.
70 Que le temps du refroidissement de la
pierre dure est à celui du refroidissement
de l’étain, au point de les tenir, y. io 1/2
: 8 x/2 , et * ; 29 ; 21 pour leur entier re-
froidissement.
8° Que le temps du refroidissement de la
pierre dure est à celui du refroidissement
de la glaise, au point de les tenir, .* I 10 1/2
: 7 1/2 , et :: 29 : 20 pour leur entier re-
froidissement.
90 Que le temps du refroidissement de la
pierre dure est à celui du refroidissement
de l’ocre, au point de les tenir, 10 1/2
; 5, et :: 29 : 16 pour leur entier refroi-
dissement.
io° Que le temps du refroidissement du
plomb est à celui du refroidissement de l’é-
iîlel
af
fi
tain, au point de les tenir, * ; 91/2 ; 8
par la présente expérience, et ;; 36
: 3 1 1/2 par les expériences précéder) j
(art. XXXIX). Ainsi on aura, en ajout; 0|:
ces temps, 46 à 40 pour le rapport p
précis de leur premier refroidissement;
pour le second , le rapport donné par
présente expérience étant ;; 23 : 21,
; ; 109 : 89 par les expériences précéden
(art. XXXIX), on aura, en ajoutant i
temps, i32 à iio pour le rapport enc<
plus précis de l’entier refroidissement
plomb et de l’étain.
ii° Que le temps du refroidissement
plomb est à celui du refroidissement de
glaise, au point de pouvoir les tenir, : : 9 1
: 7 1/2 par la présente expérience, et
I 5 1/2 par les expériences précédent
(art. XXXV). Ainsi on aura, en ajoutai
ces temps, 16 1/2 à i3 pour le rapport pli
précis de leur premier refroidissement ;
pour le second , le rapport donné par
présente expérience étant 23 : 20,
:: 18 : i5 par les expériences précédent
(art, XXXV), on aura, en ajoutant <
temps, 41 à 35 pour le rapport encore pl
précis de l’entier refroidissement du pion
et de la glaise.
i2° Que le temps du refroidissement récis de l’entier refroidissement de la glaise
de l’ocre.
LXVI. Ayant fait chauffer ensemble les
mulets de zinc, d’antimoine, de pierre cal-
aire tendre , de craie , et de gypse , ils se
ont refroidis dans l’ordre suivant
Refroidis à les tenir
Refroidis
endant une demi-seconde.
à la température.
minutes.
minutes.
Sypse , en 3 1/2
En.
Iraie , en 5
Eu-
l ntiinoine , en . . 6
En.
'ierre tendre, en. 7 1/2
En.
23
.inc , en i4 1/2
En.
29
LXVII. La même expérience répétée ,
es boulets se sont refroidis dans l’ordre
uivant :
Refroidis à les tenir
endant une demi- seconde.
minutes.
ypse, en 3 1/2
raie , en 4 1/2
ntiinoine , en . . 6
lierre tendre, en 3
inc , en i3 1/2
On peut conclure de ces deux expériences:
i° Que le temps du refroidissement du
inc est à celui du refroidissement de la
ierre tendre , au point de pouvoir les tenir,
; 28 : 1 5 1/2, et :: 57 : 44 pour leur
ntier refroidissement.
20 Que le temps du refroidissement du
inc est à celui du refroidissement de l’anti-
ioine, au point de pouvoir les tenir, ;; 28
12 parles présentes expériences, et y
14 ; 52 par les expériences précédentes
irt. XLVIII). Ainsi, en ajoutant ces temps,
n aura 122 à 64 pour le rapport plus précis
e leur premier refroidissement; et pour le
îcond , le rapport donné par les présentes
xpérieuces étant : : 57 : 42, et ;; 285 :
84 par les expériences précédentes (arti-
le XLVIII), on aura, en ajoutant ces
bmps, 342 à 226 pour le rapport encore
lus précis de l’entier refroidissement du
inc et de l’antimoine.
I 3° Que le temps du refroidissement du
inc est à celui du refroidissement de la
t'aie, au point de pouvoir les tenir, .”28
Buffon. I.
PARTIE EXPERIMENTALE. 385
: 9 1/2. par les présentes expériences, et ;;
3i : 12 1/2 par les expériences précédentes
(art. LU). Ainsi on aura , en ajoutant ces
temps, 5 9 à 22 pour le rapport plus précis
de leur premier refroidissement ; et pour le
second, le rapport donné par les expériences
présentes étant y 5 7 T 3o, et ir 59 ! 38
par les expériences précédentes (art. LU) ,
on aura, en ajoutant ces temps, 116 à 68
pour le rapport encore plus précis de l’entier
refroidissement du zinc et de la craie.
4° Que le temps du refroidissement du
zinc est à celui du refroidissement du gypse;
au point de pouvoir les tenir, ;; 28 : 7 par
les présentes expériences , et y 38 I i5 ;/a
par les expériences précédentes (art. LXII).
Ainsi on aura, en ajoutant ces temps, 66
à 22 1/2 pour le rapport plus précis de leur
premier refroidissement; et pour le second,
le rapport donné par les présentes expé-
riences étant y 5 7 ; 23 , et y 100 ; 44
par les expériences précédentes (art. LXII),
on aura, en ajoutant ces temps, i5y à 67
pour le rapport encore plus précis de l’en-
tier refroidissement du zinc et du gypse.
5° Que le temps du refroidissement de
l’antimoine est à celui du refroidissement de
la pierre calcaire tendre , au point de les
tenir, y 12 : i5 1/2, et 42 ; 44 pour
leur entier refroidissement.
6° Que le temps du refroidissement de
l’antimoine est à celui du refroidissement de
la craie , au point de pouvoir les tenir, : :
12 : 91/2 par les présentes expériences, et
i: i3 1/2 : 12 par les expériences précé-
dentes (art. LXIV). Ainsi on aura, en ajou-
tant ces temps, 25 1/2 à 21 1/2 pour le
rapport plus précis de leur premier refroi-
dissement ; et pour le second, le rapport
donné par les présentes expériences étant : :
42 ! 3o, et ; l 5o I 38 par les expériences
précédentes (art. LXIV), on aura, en ajou-
tant ces temps , 92 à 68 pour le rapport en-
core plus précis de l’entier refroidissement
de l’antimoine et de la craie.
70 Que le temps du refroidissement de
l’antimoine est à celui du refroidissement
du gypse, au point de pouvoir les tenir,
12 : 7, et 42 : 23 pour leur entier re-
froidissement.
8° Que le temps du refroidissement de la
pierre tendre est à celui du refroidissement
de la craie , au point de pouvoir les tenir,
; : i5 1/2 : 9 1/2 par les présentes expé-
riences, et ;; 14 ; 12 par les expériences
précédentes (art. LXIV). Ainsi on aura , en
ajoutant ces temps ,29 1/2 à 21 1/2 pour le
rapport plus précis de leur premier refroi»
25
Refroidis
à la température.
minutes.
28
j
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
386
dissement; et pour îe second, le rapport
donné par les présentes expériences étant
44 : 3o, et : : 49 : 38 par les expé-
riences précédentes (art. LXIY) , on aura ,
en ajoutant ces temps, p3 à 68 pour le
rapport encore plus précis de l’entier re-
froidissement de la pierre tendre et de la
craie.
9° Que îe temps du refroidissement de la
pierre calcaire tendre est à celui du refroi-
dissement du gypse, au point de les tenir,
; ; i5 1/2 ; 7 par les présentes expériences,
et II 12 ; 4 1/2 par les expériences précé-
dentes (art. XXXVIII). Ainsi on aura , en
ajoutant ces temps, 27 1/2 à ri 1/2 pour le
rapport plus précis de leur premier refroi-
dissement ; et pour le second , le rapport
donné par les expériences présentes étant
:: 44 : 23, et-:: 27 ; 14 par les expé-
riences précédentes ( art. XXXVIII ) , on
aura, en ajoutant ces temps, 7 ^ à 3 7 pour
le rapport encore plus précis de l’entier re-
froidissement de la pierre tendre et du
gypse.
io° Que le temps du refroidissement de
la craie est à celui du refroidissement du
gypse , au point de les tenir, : : 9 1/2 : 7
par les présentes expériences , et II 2 5 ; 16
par les expériences précédentes (art. LVI). ;
Ainsi on aura , en ajoutant ces temps ,
34 1/2 à 23 pour le rapport plus précis dé
leur premier refroidissement; et pour le se- 1
cond, le rapport donné par les présentes ;
expériences étant II 3o l 23, et ;; 71 ;•
5 7 par les expériences précédentes (arti- 1
cle LVI), on aura, en ajoutant ces temps, !
101 à 80 pour le rapport encore plus précis |
de l’entier refroidissement de la craie et du i
gypse.
Je borne ici cette suite d’expériences \
assez longues à faire et fort ennuyeuses à *
lire; j’ai cru devoir les donner telles cpieje
les ai faites à plusieurs reprises dans l’es-
pace de six ans : si je m’étois contenté d’en
additionner les résultats, j’aurois, à la vé-
rité, fort abrégé ce mémoire, mais on n’au-
roit pas été en état de les répéter; et c’ est-
ce Ile considération qui m’a fait préférer dei
donner l’énumération et le détail des expé-
riences mêmes , au lieu d’une table abrégée
que j’aurois pu faire de leurs résultats accu-! j
mulés. Je vais néanmoins donner, par forme
de récapitulation , la table générale de ces
rapports, tous comparés à 10000, afin que, ||
d’un coup d’œil, on puisse en saisir les dif-Jj
férences.
TABLE *
DES RAPPORTS DÜ REFROIDISSEMENT DES DIFFERENTES SUBSTANCES MINERALES.
FER.
Premier
t refroidissement.
Emeril., ....... i
Cuivre. * . .
Or , ,
Zinc
Entier
refroidissement.
10000 5 91 1 7 — 9020
10000 à 85 12 — 8702
10000 à 8 160 — 8148
10000 à 7654 — 6020
6804
Argent
Marbre blanc. . . .
Marbre commun. .
Pierre cale. dure. .
« ' Grès
£ Verre
1 Plomb.
1 Étain
g Pierre cale, tendre
I Glaise
I Bismuth
! Craie
\ Bois. .
' Pierre ponce
1000057619 — 7428
10000 à 67 7 4 — 6704
10000 à 6636 — 6746
10000 à 66 16 — 6274
1000055796 — 6926
1000055576 — 58o5
10000 5 5 143 — 6482
1000054898 — 4921
1 0000 5 4.1 94 — 4659
1000054198 — 4490
10000 5 358o — 408 1
1000053086—3878
10000 5 2325 — 2817
10000 5 1860 — 1549
1000051627 — 126S
ÉMERÏL.
Premier . Entier j
refroidissement. refroidissement. j I
Cuivre.,.. ioooo585ig — 8148! '
Or 10000 5 85i3 — S56o>
Zinc ioooo583qo — 7602;
7458 ,
Argent 1000057778 — 7S93;
Pierre cale. dure. . 10000 5 7804 — 6g63 j
Grès ioooo56552 — 6517
Verre ioooo55S62 — 55oC
Plomb 1000055718 — 6643
Étain 10000 5 5658 — 600c
Glaise 10000 5 5i 85 — 5 1 85 i
Bismuth 1000054949 — 6060
Antimoine. 10000 54540 — 5827 i
Ocré 1000054259 — 3825
Craie..... 10000 5 3684 — 4io£ j
Gypse ioooo5236S — 2947 1
Bois 10000 à 1 552 — 3i4Û
PARTIE EXPERIMENTALE.
CUIVRE.
Premier Entier
refroidissement. refroidissement.
Or... iooooà9i36 — 9194
Zinc xooooà857i — 9250 _
^619 «
Argent. xoooo58395 — 7823 .S
Marbre commun. . 10000 à 7688— 8019 N
Grès iooooà7333 — 8160
"Verre 10000 à 6667 — 6567
Plomb.......... iooooà6i79 — 7867
Étain 10000 à 5746 — 6916
Pierre cale, tendre 1 0000 5 5 1 6 8 — 5633
Glaise 10000 à 5652 — -6363
Bismuth 10000 à 5686 — 5g5g
Antimoine 10000 à 5i3o — 58o8
Ocre 10000 à 5ooo — 4697
Craie.... iooooà4o68 — 4368
OR. H
a
©
'Zinc 10000 à 9474 — 93o4 g?
8422 ^
Argent 1000058986 — 8686
Marbre blanc 10000 à 8101 — 7863
Marbre commun. . 1000057342 — 7435
Pierre cale. dure.. ioooo5 7383 — 7516
Grès. 1000057868 — 7627
Verre 1000057108 — 5982
Plomb ioooo56526 — 7500
Étain ioooo 56324 — 6o5x
Pierre cale, tendre 1000056087 — 58 11
Glaise 10000 5 58 14 — 5077
ZINC.
Premier Entier
refroidissement. refroidissement.
Antimoine 10000 5 5246 — 6608
4i35
Craie * . . . . 1000053729— 586a
2618
Gypse 1000053409 — 4268
1 2298
ARGENT.
'Marbre blanc.... ioooo5868x — 9200
Marbre commun. . 1000057912 — 9040
Pierre cale. dure.. 1000057436 — 858o
Grès 1000057361 — 7767
Terre 1000057230 — 7212
Plomb 1000057154—9184
Étain 1000056176 — 6289
Pierre cale, tendre. 100005617 8 — 62 8 7
Glaise 1000056034—67x0
Bismuth 10000 563o8 — 8877
Porcelaine.. 10000 5 5556 — 5242
Antimoine 1000055692 — 7653
Ocre 10000 à 5ooo — 5658
Craie. ioooo543io — 5ooo
Gypse 1000052879 — 3366
Bois 10000 5 2353 — 1864
.Pierre ponce.. . . . ioooo'a.2o5g — i525
MARBRE BUANC.
I Bismuth
10000 5 5658 — 7043
! Marbre commun. .
10000 5 8992 — 94o5
f Porcelaine
ioooo55526 — 5593
;/
' Pierre dure
ioooo5 8594 — 9i3o
J Antimoine
1 0000 5 6395 — 6348
s
Grès
100005828 6 — 8990
1 Ocre
10000 5 5349 — 4462
§!
i Plomb
1000057604 — 5555
\ Craie
1000054571—4452
1 Étain
1000057143—6792
\ Gypse..'
1000052989 — 8293
» •
' Pierre cale, tendre
1000056792 — 7218
ZINC.
J,
j Glaise
| Antimoine
10000 à 6400 — 62S6
1000056286 — 6792
/ 4i’P,critT
1000058904 — 8990
iooi5
10000 5 83o5 — 8424
, 7A94
1000056949—7333
' Ocre
Gypse
10000 5 5400 — 557 1
1 0000 5 4920 — 5 1 1 6
10000 52200 — 2887
COMMUN.
Marbre blanc
Grès
\
VBois
MARBRE <
Plomb,
' 5838
ioooo56o5i — 7947
1 Pierre dure
10000 59483 — 9655
1 ,
. 4940
1
Grès
1000058767 — 9273
Etain
1 0000 5677 7 — 6240
1 Plomb
10000 à 7671 — 85go
5666
3 (
S 1
Étain
1000057424 — 6666
Pierre cale, tendre
xoooo55536: — 7719
2 y
' Pierre tendre
1000057327 — 7959
4425
0 \
0
1 Glaise
1000057272—7213
Glaise
1000055484 — 7453
0) 1
s-
Antimoine
1000056279 — 8333
4878
pO
JM 1
f Ocre
10000 56x3.0 — 6393
^ Bismuth., .......
ÏOOOO 55343 — 7547
S1
Craie
10000 5 558 1 — 6333
423a
\ Bois
10000 à 2500—3279
25.
P.t.et Étain et Plomb et Verre et Grès et Pierre dure et
388
MINERAUX. INTRODUCTION.
PIERRE CALCAIRE DURE.
Premier Entier
refroidissement. refroidissement.
rGrès 1000059268 — g355
Verre iooooà87io — 8352
Plomb iooooà857i — 7g3i
I Étain iooooà8oo5 — 793 1
Pierre tendre 10000 à 8000 — 8og5
Glaise 10000 à 6190 — 9897
Ocre 1000054762 — 55i7
\Bois 1000052195 — 45i6
GRÈS.
/Verre 1000059324 — 7989
1 Plomb 10000 5 856i — 8950
lÉtain 1000057667 — 7633
] Pierre tendre 1000057647 — 7193
(Porcelaine. 10000 5 7364 — 7059
j Antimoine ioooo57333 — 6170
1 Gypse ioooo5 4568 — 5ooo
\Bois. . ioooo5 2368 — 4828
VERRE.
/Plomb ioooo593x8 — 8548
[ Étain 1000059107 — 8679
I Glaise 1000057938 — 7643
J Porcelaine 1000057692 — 8863
Ocre 1000056289 — 65oo
Craie 10000 5 6x04 — 6ig5
Gypse 1000054160 — 6011
Bois 1000052647 — 55i4
PLOMB.
Étain
. . xoooo58695 — 8333
Pierre tendre. . .
. . 1000058437 — 7192
Glaise
. . 1000057878 — 8536
Bismuth
. . 1000058698 — 8750
Antimoine
. . 1000058241 — 820X
Ocre
. . 10000 5 6060 — 7073
Craie
. . 1000055714 — 6111
Gypse
. . ioooo54736 — 5714
ÉTAIN.
Glaise
. . ioooo58823 — 9524
Bismuth
. . ioooo58888 — 9400
Antimoine
. . 1000058710 — 9i56
Ocre
. . ioooo55882 — 7619
Craie
. . 10000 5 6364 — 6842
Gypse
. . 1000054090 — 4912
PIERRE CALCAIRE TENDRE.
I Antimoine 1000057742 — 9545
Craie. 1000057288 — 7312
Gypse 10000 5 4x82 — 5211
GLAISE.
o
Premier Entier
refroidissement. refroidissement.
Bismuth 1000058870 — 941g
Ocre 10000 5 8400 — 8571
Craie 1000057701 — 8ooo
Gypse 10000 5 5i 85 — 8o55
Bois 1000053427 — 45451*
BISMUTH.
« 1 Antimoine 10000 59349-
S (Ocre ioooo58846-
( Craie 10000 5 8620-
-7880
-g5oo
PORCELAINE.
Porcelaine et gypse... 10000 5 53o8 — 65oc
ANTIMOINE.
a> | Craie 10000 5843 1-
(Gypse ioooo55833-
-73gi
-547e
OCRE.
« ( Craie 10000 5 8654-
ï | Gypse 10000 5 6364-
O ( Bois 1000054074-
-833c
-906:
-5i2£
CRAIE.
Craie et gypse 1000056667-
GYPSE.
-792c
« j Bois 10000 5 8000 — 525<
çjj j Pierre ponce 1000057000 — 45o<
BOIS.
Bois et pierre ponce.. 1000058750 — 8i8tjL
Quelque attention que j’aie donnée 5 me
expériences , quelque soin que j’aie pri
pour en rendre les rapports plus exacts
j’avoue qu’il y a encore quelques imperfee
tions dans cette table qui les contient tous
mais ces défauts sont légers et n’influent pa
beaucoup sur les résultats généraux : pa
exemple, on s’apercevra aisément que le rap
port du zinc au plomb étant de 10000 ;
6o5i , celui du zinc 5 l’étain devrait èlr
moindre de 6000, tandis qu’il se trouv
dans la table de 6777. Il en est de mêm
de celui de l’argent au bismuth , qui devrai
être moindre que 63o8, et encore de celu
du plomb à la glaise, qui devrait être d
PARTIE EXPERIMENTALE. 38g
;Jus de 8000, et qui ne se trouve être daus
table que de 7878 ; mais cela provient de
jj que les boulets de plomb et de bismuth
Iont pas toujours été les mêmes : ils se sont
ndus aussi bien que ceux d’étain et d’an-
noine; ce qui n’a pu manquer de produire
s variations , dont les plus grandes sont
; trois que je viens de remarquer. Il ne
a pas été possible de faire mieux : les dif-
•ens boulets de plomb, d’étain, de bis-
ith et d’antimoine , dont je me suis suc-
jsivement servi, étoient faits, à la vérité,
r le même calibre; mais la matière de
acun pouvoit être un peu différente, se-
in la quantité d’alliage du plomb et de l’é-
| lin ; car. je n’ai eu de l’étain pur que pour
Is deux premiers boulets : d’ailleurs , il
ste assez souvent une petite cavité dans ces
oulets fondus, et ces petites causes suffisent
lour produire les petites différences qu’on
ourra remarquer dans ma table.
Il en est de même de l’étain à l’ocre , qui
evroit être de plus de 6000, et qui ne se
■ouve dans la table que de 5882 , parce que
ocre étant une matière friable qui diminue
ar le frottement , j’ai été obligé de changer
rois ou quatre fois les boulets d’ocre. J’a-
oue qu’en donnant à ces expériences le
ouble du très-long temps que j’y ai em-
loyé, j’aurois pu parvenir à un plus grand
egré de précision ; mais je me flatte qu’il
f en a suffisamment pour qu’on soit con-
aincu de la vérité des résultats que l’on peut
n tirer. Il n’y a guère que les personnes ac-
outumées à faire des expériences, qui sa-
illent combien il est difficile de constater un
eul fait de la nature par tous les moyens
ue l’art peut nous fournir : il faut joindre
i patience au génie, et cela souvent ne suf-
il pas encore; il faut quelquefois renoncer,
nalgré soi , au degré de précision que l’on
iésireroit , parce que cette précision en exi-
;eroit une tout aussi grande dans* toutes les
nains dont on se sert, et demanderoit en
nême temps une parfaite égalité dans toutes
es matières que l’on emploie : aussi tout ce
pie l’on peut faire en physique expérimen-
aie ne peut pas nous donner des résultats
■igoureusement exacts , et ne peut aboutir
luu’à des approximations plus ou moins
ferandes ; et quand l’ordre général de ces ap -
jproximations 11e se dément que par de légères
gvariations , on doit être satisfait.
1 Au reste, pour tirer de ces nombreuses
«expériences tout le fruit que l’on doit en
«attendre, il faut diviser les matières qui en
font l’objet en quatre classes ou genres dif-
Jférens ; ï® Jes rpétaux; 20 les demi-mé aux
et minéraux métalliques ; 3° les substances
vitrées et vitrescibles ; 4° les substances cal-
caires et calcinables ; comparer ensuite les
matières de chaque genre entre elles, pour
tâcher de reconnoître la cause ou les causes
de l’ordre que suit le progrès de la chaleur
dans chacune ; et enfin comparer les genres
mêmes entre eux , pour essayer d’en déduire
quelques résultats généraux.
I. L’ordre des six métaux, suivant leur
densité , est : étain , fer, cuivre , argent ,
plomb, or; tandis que l’ordre dans lequel
ces métaux reçoivent et perdent la chaleur
est : étain , plomb , argent , or, cuivre , fer,
dans lequel il n’y a que l’étain qui conserve
sa place.
Le progrès et la durée de la chaleur dans
les métaux 11e suit donc pas l’ordre de leur
densité, si ce n’est pour l’étain, qui, étant
le moins dense de tous , est en même temps
celui qui perd le plus tôt sa chaleur : mais
l’ordre des cinq autres métaux nous démon-
tre que c’est dans le rapport de leur fusibi-
lité que tous reçoivent et perdent la cha-
leur ; car le fer est plus difficile à fondre
que le cuivre, le cuivre l’est plus que l’or,
l or plus que l’argent , l’argent plus que le
plomb, et le plomb plus que l’étain : on doit
donc en conclure que ce n’est qu’un hasard
si la densité et la fusibilité de l’étain se
trouvent ici réunies pour le placer au der-
nier rang.
Cependant ce seroit trop s’avancer que de
prétendre qu’on doit tout attribuer à la fu-
sibilité, et rien du tout à la densité; la na-
ture ne se dépouille jamais d’une de ses
propriétés en faveur d’une autre, d’une ma-
nière absolue, c’est-à-dire de façon que la
première n’influe en rien sur la seconde :
ainsi la densité peut bien entrer pour quel-
que chose dans le progrès de la chaleur;
mais au moins nous pouvons prononcer af-
firmativement que, dans les six métaux, elle
n’y fait que très-peu , au lieu que la fusibi-
lité y fait presque le tout.
Cette première vérité n’étoit connue ni
des chimistes ni des physiciens : on n’auroit
pas même imaginé que l’or, qui est plus de
deux fois et demie plus dense que le fer,
perd néanmoins sa chaleur un demi-tiers
plus vite. Il en est de même du plomb , de
l’argent et du cuivre, qui tous sont plus
denses que le fer, et qui , comme l’or, s’é-
chauffent et se refroidissent plus prompte-
ment ; car, quoiqu’il ne soit question que du
refroidissement dans ce second mémoire , les
expériences du mémoire qui précède celui-
39o MINERAUX. INTRODUCTION.
ci , démontrent , à n’en pouvoir douter, qu’il
en est de l’entrée de la chaleur dans les corps
comme de sa sortie, et que ceux qui la re-
çoivent le plus vile sont en même temps
ceux qui la perdent le plus tôt.
Si l’on réfléchit sur les principes réels de
la densité et sur la cause de la fusibilité, on
sentira que la densité dépend absolument de
la quantité de matière que la nature place
dans un espace donné ; que plus elle peut y
en faire entrer, plus il y a de densité, et
que l’or est, à cet égard, la substance qui,
de toutes, contient le plus de matière rela-
tivement à son volume. C’est pour cette
raison que l’on avoit cru jusqu’ici qu’il fal-
!oit plus de temps pour échauffer ou refroi-
dir l’or que les autres métaux. Il est en effet
assez naturel de penser que, contenant sous
le même volume le double ou le triple de
matière , il faudroit le double ou le triple du
temps pour la pénétrer de chaleur; et cela
serait vrai si, dans toutes les substances, les
parties constituantes étoient de la même fi-
gure , et en conséquence toutes Arrangées de
même. Mais, dans les unes, comme dans les
plus denses , les molécules de la matière sont
probablement de figure assez régulière pour
ne pas laisser entre elles de très -grands es-
paces vides ; dans d’autres moins denses ,
leurs figures plus irrégulières laissent des
vides plus nombreux et plus grands; et
dans les plus légères, les molécules étant en
petit nombre , et probablement de figure
très-irrégulière, il se trouve mille et mille
fois plus de vide que de plein : car on peut
démontrer par d’autres expériences, que le
volume de la substance même la plus dense
contient encore beaucoup plus d’espace vide
que de matière pleine.
Or, la principale cause de la fusibilité est
la facilité que les particules de la chaleur
trouvent à séparer les unes des autres ces
molécules de la matière pleine : que la
somme des vides en soit plus ou moins
grande, ce qui fait la densité ou la légèreté,
cela est indifférent à la séparation des mo-
lécules qui constituent le plein , et la plus
ou moins grande fusibilité dépend en entier
de la force de cohérence qui tient unies ces
parties massives , et s’oppose plus ou moins
à leur séparation. La dilatation du volume
total est le premier degré de l’action de la
chaleur ; et , dans les différens métaux , elle
se fait dans le même ordre que la fusion de
la masse , qui s’opère par un plus grand
degré de chaleur ou de feu. L’étain qui, de
tous , se fond le plus promptement , est aussi
celui qui se dilate le plus vite ; et le fer,
qui est de tous le plus difficile à fondre , est
de même celui dont la dilatation est la plus
lente.
D’après ces notions générales , qui parais-
sent claires , précises et fondées sur des ex-
périences que rien ne peut démentir, on
serait porté à croire que la ductilité doit
suivre l’ordre de la fusibilité, parce que la1
plus ou moins grande ductilité semble dé-
pendre de la plus ou moins grande adhésion
des parties dans chaque métal ; cependant iij
cet ordre de la ductilité des métaux paraît |i!i
avoir autant de rapport à l'ordre de la den- lu
sité qu’à celui de leur fusibilité. Je dirais I
volontiers qu’il est en raison composée des |j
deux autres, mais ce n’est que par estime Éi
et par une présomption qui n’est peut-être [itr
pas assez fondée ; car il n’est pas aussi facile |ai:
de déterminer au juste les différens degrés |f
de la fusibilité que ceux de la densité ; etafe
comme la ductilité participe des deux , et I
qu’elle varie suivant les circonstances, no usitée
n’avons pas encore acquis les connoissances i j
nécessaires pour prononcer affirmativement m
sur ce sujet, qui est d’une assez grande im- |I
portance pour mériter des recherches parti-tL
culières. Le même métal, traité à froid ouilfu
à chaud, donne des résultats tout difféi'ens: i
la malléabilité est le premier indice de la fst
ductilité; mais elle ne nous donne néan-nL
moins qu’une notion assez imparfaite duip,
point auquel la ductilité peut s’étendre. Le jaii
plomb, le plus souple , le plus malléable des |é
métaux, ne peut se tirer à la filière en fils aussi, ie
fins que l’or, ou même que le fer, qui, de ir
tous, est le moins malléable. D’ailleurs, il mo
faut aider la ductilité des métaux par l’ad-1 i
dition du feu, sans quoi ils s’écrouissent et
deviennent cassans; le fer même, quoique j i
le plus robuste de tous, s’écrouit comme les f/
autres. Ainsi la ductilité d’un métal et l’éten- t
due de continuité qu’il peut supporter, dé- ij;
pendent non seulement de sa densité et de
sa fusibilité, mais encore de la manière dont im
on le traite , de la percussion plus lente ou ! >!1(
plus prompte , et de l’addition de chaleur ou i ai
de feu qu’on lui donne à propos. j ite
J U
II. Maintenant, si nous comparons les; 1f
substances qu’on appelle demi-métaux et j im
minéraux métalliques qui nanquent de duc- ; ,o
tilité , nous verrons que l’ordre de leur den- ; 5|
sité est . émeril , zinc, antimoine , bismuth, ; |r,
et que celui dans lequel ils reçoivent et per- j (jr
dent la chaleur est : antimoine, bismuth,) j|
zinc, émeril ; ce qui ne suit en aucune façon .j;
l’ordre de leur densité , mais plutôt celui de j :i
leur fusibilité. L’éméril, qui est un minéral ; ^
PARTIE EXPÉRIMENTALE. 39i
rrugineux, quoique une fois moins dense
îe le bismulh, conserve la chaleur une fois
us long-temps ; le zinc, plus léger que
tntimoine et le bismuth, conserve aussi la
laleur beaucoup plus long temps ; l’anti-
oine et le bismulh la reçoivent et la gar-
nit à peu près également. Il en est donc
ss demi-métaux et des minéraux méîalli-
les comme des métaux : le rapport dans
:{uel ils reçoivent et perdent la chaleur est
peu près le même que celui de leur fusi-
lité , et ne tient que très-peu ou point du
ut à celui de leur densité.
Mais en joignant ensemble les six métaux
les quatre demi-métaux ou minéraux mé-
liques que j’ai soumis à l’épreuve, on
rra que l’ordre des densités de ces dix sub-
limes minérales est:
Émeril, zinc, antimoine, étain, fer, cui-
e, bismulh, argent, plomb, or;
Et que l’ordre dans lequel ces substances
chauffent et se refroidissent est :
Antimoine, bismuth, étain, plomb, ar-
nt, zinc, or, cuivre, émeril, 1er:
Dans lequel il y a deux choses qui ne pa-
issent pas bien d’accord avec l’ordre de
fusibilité :
i° L’antimoine, qui devroit s’échauffer
se refroidir plus lentement que le plomb,
isqu’on a vu par les expériences de New-
1, citées dans le mémoire précédent, que
ntimoine demande pour se fondre dix de-
3S de la même chaleur dont il n’en faut
e huit pour fondre le plomb ; au lieu que,
r mes expériences , il se trouve que l’an-
noine s’échauffe et se refroidit plus vite
e le plomb. Mais on observera que New-
i s’est servi de régule d’antimoine , et que
n’ai employé dans mes expériences que
l’antimoine fondu : or, le régule d’anti-
)ine ou l’antimoine naturel est bien plus
fficile à fondre que l’antimoine qui a déjà
bi une première fusion ; ainsi cela ne fait
jint une exception à la règle. Au reste ,
gnore quel rapport il y auroit entre Fan-
tôme naturel ou régule d’antimoine et les
très matières que j’ai fait chauffer et re-
lidir; mais je présume, d’après l’expé-
înce de Newton, qu’il s’échaufferoit et se
Proidiroit plus lentement que le plomb.
! 2° L’on prétend que le zinc se fond bien
üs aisément que l’argent ; par conséquent
devroit se trouver avant l’argent dans l’or-
!e indiqué par mes expériences , si cet ordre
bit, dans tous les cas, relatif à celui de la
sibilité ; et j’avoue que ce demi-métal
inble , au premier coup d’œil , faire une
tceptioii à cette loi, que suivent tous les
autres : mais il faut observer, x° que la dif-
férence donnée par mes expériences entre
le zinc et l’argent est fort petite ; 2° que le
petit globe d’argent dont je me suis servi
étoit de l’argent le plus pur, sans la moindre
partie de cuivre ni d’autre alliage , et l’ar-
gent pur doit se fondre plus aisément et
s’échauffer plus vite que l’argent mêlé de
cuivre ; 3° quoique le petit globe de zinc
m’ait été donné par un de nos habiles chi-
mistes *, ce n’est peut-être pas du zinc ab-
solument pur et sans mélange de cuivre , ou
de quelque autre matière encore moins fu-
sible. Comme ce soupçon m’étoit resté après
toutes mes expériences faites, j’ai remis le
globe de zinc à M. Rouelle , qui me l’avoit
donné , en le priant de s’assurer s’il ne con-
tenoit pas du fer ou du cuivre, ou quelque
autre matière qui s’opposeroit à la fusibilité.
Les épreuves en ayant été faites , M. Piouelle
a trouvé dans ce zinc une quanlité assez
considérable de fer, ou safran de mars : j’ai
donc eu la satisfaction de voir que non seu-
lement mon soupçon étoit bien fondé, mais
encore que mes expériences ont été faites
avec assez de précision pour faire reconnoî-
tre un mélange dont il n’étoit pas aisé de se
douter. Ainsi le zinc suit aussi exactement
que les autres métaux et demi-métaux dans
le progrès de la chaleur l’ordre de la fusibi-
lité , et ne fait point une exception à la rè-
gle. On peut donc dire, en général, que le
progrès de la chaleur dans les métaux , de-
mi-métaux et minéraux métalliques, est en
même raison ou du moins en raison très-
voisine de celle de leur fusibilité 2.
m. Les matières vitrescibles et vitrées
que j’ai mises à l’épreuve, étant rangées sui-
vant l’ordre de leur densité , sont :
Pierre ponce , porcelaine , ocre , glaise ,
verre, cristal de roche, et grès ; car je dois
observer que quoique le cristal ne soit porté
dans la table des poids de chaque matière
que pour six gros vingt-deux grains, il doit
x. M. Rouelle , démonstrateur de chimie aux
écoles du Jardin du Roi.
2. Le globe de zinc sur lequel ont été faites
toutes les expériences s’étant trouvé mêlé d’une
portion de fer, j’ai été obligé de substituer dans la
table générale, aux premiers rapports, de nou-
veaux rapports que j’ai placés sous les autres : par
exemple, le rapport du fer au zinc de xoooo à
7654 n’est pas le vrai rapport , et c’est celui de
xoooo à 6804 écrit au dessous qu’il faut adopter.
Il en est de même de toutes les autres corrections
que j’ai faites d’un neuvième sur chaque nombre,,
parce que j’ai reconnu que la portion de fer con-
tenue dans ce zinc avoit diminué au moins d’uq
neuvième le progrès de la chaleur.
392 MINÉRAUX. INTRODUCTION.
être supposé plus pesant d’environ un gros,
parce qu’il étoit sensiblement trop petit ; et
c’est par cette raison que je l’ai exclu de
la table générale des rapports , ayant rejeté
toutes les expériences que j’ai faites avec ce
globe trop petit. Néanmoins le résultat gé-
néral s’accorde assez avec les autres pour
que je puisse le présenter. Voici donc l’or-
dre dans lequel ces différentes substances se
sont refroidies : pierre ponce , ocre , porce-
laine, glaise, verre, cristal, et grès, qui ,
comme l’on voit, est le même que celui de
la densité ; car l’ocre ne se trouve ici avant
la porcelaine que parce qu’étant une ma-
tière friable il s’est diminué par le frotte-
ment qu’il a subi dans les expériences ; et
d’ailleurs sa densité diffère si peu de la por-
celaine, qu’on peut les regarder comme
égales.
Ainsi la loi du progrès de la chaleur dans
les matières vitrescibles et vitrées est rela-
tive à l’ordre de leur densité , et 11’a que peu
ou point de rapport avec leur fusibilité,
par la raison qu’il faut, pour fondre toutes
ces substances, un degré presque égal du
feu le plus violent, et que les degrés parti-
culiers de leur différente fusibilité sont si
près les uns des autres, qu’on ne peut pas
en faire un ordre composé de termes dis-
tincts. Ainsi leur fusibilité presque égale ne
faisant qu’un terme, qui est l’extrême de cet
ordre de fusibilité, on ne doit pas être
étonné de ce que le progrès de la chaleur
suit ici l’ordre de la densité , et que ces
différentes substances, qui toutes sont éga-
lement difficiles à fondre, s’échauffent et se
refroidissent plus lentement et plus vite , à
proportion de la quantité de matière quelles
contiennent.
On pourra m’objecter que le verre se fond
plus aisément que la glaise , la porcelaine ,
î’ocre et la pierre ponce, qui néanmoins
s’échauffent et se refroidissent en moins de
temps que le verre; mais l’objection tom-
bera lorsqu’on réfléchira qu’il faut , pour
fondre le verre, un feu très-violent , dont le
degré est si éloigné des degrés de chaleur
que reçoit le verre dans nos expériences sur
le refroidissement, qu’il ne peut influer sur
ceux-ci. D’ailleurs, en pulvérisant la glaise,
la porcelaine, l’ocre et la pierre ponce, et
leur donnant des fondans analogues , comme
l’on en donne au sable pour le convertir en
verre , il est plus que probable qu’on feroit
fondre toutes ces matières au même degré
de feu, et que par conséquent on doit regar-
der comme égale ou presque égale leur ré-
sistance à la fusion , et c’est par cette raison
que la loi du progrès de la chaleur dans ces
matières se trouve proportionnelle à l’ordre
de leur densité.
IV. Les matières calcaires, rangées selon t
l’ordre de leur densité , sont : ^
Craie, pierre tendre, pierre dure, mar- L
bre commun, marbre blanc.
L’ordre dans lequel elles s’échauffent et se
refroidissent est : craie, pierre tendre, pierre L
dure, marbre commun et marbre blanc,
qui , comme l’on voit , est le même que celui
de leur densité. La fusibilité n’y entre pour
rien, parce qu’il faut d’abord un très- grand
degré de feu pour les calciner, et que, quoi-
que la calcination en divise les parties, on
ne doit en regarder l’effet que comme un
premier degré de fusion , et non pas comme
une fusion complète; toute la puissance des
meilleurs miroirs ardens suffit à peine pourrai
l’opérer. J’ai fondu et réduit en une espèce
de verre quelques-unes de ces matières cal-
caires au foyer d’un de mes miroirs , et je
me suis convaincu que ces matières peuvent,
comme toutes les autres , se réduire ulté-
rieurement en verre , sans y employer aucun!
fondant, et seulement par la force d’un feil
bien supérieur à celui de nos fourneaux.
Par conséquent, le terme commun de leur
fusibilité est encore plus éloigué et plus ex-
trême que celui des matières vitrées ; et c’est
par cette raison qu’elles suivent aussi plus
exactement , dans le progrès de la chaleur,'
l’ordre de la densité.
Le gypse blanc, qu’on appelle impropre-
ment albâtre, est une matière qui se calcine,! jpj
comme tous les autres plâtres, à un degré
de feu plus médiocre que celui qui est né
cessaire pour la calcination des matières L
calcaires : aussi ne suit-il pas l’ordre de laiL,
densité dans le progrès de la chaleur qu’il Lt
reçoit ou qu’il perd ; car, quoique beaucoup i ,,
plus dense que la craie, et un peu plusjy,
dense que la pierre calcaire blanche , il s’é- ilL
chauffe et se refroidit néanmoins bien plus IL
promptement que l’une et l’autre de ces
matières. Ceci nous démontre que la calci-
nation et la fusion , plus ou moins faciles ,
produisent le même effet relativement aujtite
progrès de la chaleur. Les matières gypseuses
ne demandent pas , pour se calciner, autant ^
de feu que les matières calcaires ; et c’est
par celte raison que, quoique plus denses , j jtg(
elles s’échauffent et se refroidissent plus
vite.
Ainsi on peut assurer en général que « le
« progrès de la chaleur, dans toutes les sub- ; .j:
« stances minérales , est toujours à très-peu i ai,t
" Îtos
ii
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
près en raison de leur plus ou moins
grande facilité à se calciner ou à se fondre; »
ais que quand leur calcination ou leur iu-
jn sont « également difliciles , et qu’elles
exigent un degré de chaleur extrême , »
ors « le progrès de la chaleur se fait sui-
vant l’ordre de leur densité. »
Au reste, j’ai déposé au Cabinet du Roi
393
les globes d’or, d’argent, et de toutes les
autres substances métalliques et minérales
qui ont servi aux expériences précédentes ,
afin de les rendre plus authentiques , en met-
tant à portée de les vérifier ceux qui vou-
droienl douter de la vérité de leurs résultats,
et de la conséquence générale que je viens
d’en tirer.
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TROISIEME MEMOIRE.
Observations sur la nature de la platine.
' On vient de voir que de toutes les sub-
ances minérales que j’ai mises à l’épreuve,
ne sont pas les plus denses, mais les moins
sibles , auxquelles il faut le plus de temps
>ur recevoir et perdre la chaleur : le fer
l’émeril , qui sont les matières métalli-
les les plus difficiles à fondre, sont en
ême temps celles qui s’échauffent et se re-
oidissent le plus lentement. Il n’y a dans
nature que la platine qui pourroit être en-
re moins accessible à la chaleur, et qui
conserveroit plus long-temps que le fer.
b minéral , dont on ne parle que depuis
>u , paroît être encore plus difficile à fon-
’e ; le feu des meilleurs fourneaux n’est pas
sez violent pour produire cet effet, ni
ême pour en agglutiner les petits grains ,
ai sont tous anguleux, émoussés, durs, et
sez semblables, poifr la forme, à de la
■osse limaille de fer , mais d’une couleur
i peu jaunâtre : et quoiqu’on puisse les
ire couler sans addition de fondans , et les
duire en masse au foyer d’un bon miroir
allant, la platine semble exiger plus de
îaleur que la mine et la limaille de fer,
Lie nous faisons aisément fondre à nos four-
baux de forge. D’ailleurs la densité de la
latine étant beaucoup plus grande que celle
li fer, les deux qualités de densité et de
m fusibilité se réunissent ici pour rendre
stte matière la moins accessible de toutes
1 progrès de la chaleur. Je présume donc
Lie la platine seroit à la tête de ma table,
[ avant le fer , si je l’avois mise en expé-
lence; mais il ne m’a pas été possible de
l’en procurer un globe d’un pouce de dia-
lètre : on ne la trouve qu’en grains 1 ; et
i. Un homme digne de foi m’a néanmoins as-
iré qu’on trouve quelquefois de la platftie en
Lasse, et qu’il en avoit vu un morceau de vingt
celle qui est en masse n’est pas pure, parce
qu’on y a mêlé, pour la fondre, d’autres
matières qui en ont altéré la nature. Un de
mes amis â, homme de beaucoup d’esprit,
qui a la bonté de partager souvent mes
vues, m’a mis à portée d’examiner cette sub-
stance métallique encore rare , et qu’on ne
connoît pas assez. Les chimistes qui ont tra-
vaillé sur la platine l’ont regardée comme un
métal nouveau, parfait, propre, particulier,
et différent de tous les autres métaux : ils
ont assuré que sa pesanteur spécifique étoit
à très-peu près égale à celle de l’or,
que néanmoins ce huitième métal différoit
d’ailleurs essentiellement de l’or, n’en ayant
ni la ductilité ni la fusibilité. J’avoue que
je suis dans une opinion différente , et même
tout opposée. Une matière qui n’a ni duc-
tilité ni fusibilité ne doit pas être mise au
nombre des métaux , dont les propriétés es-
sentielles et communes sont d’être fusibles
et ductiles. Et la platine, d’après l’examen
que j’en ai pu faire, ne me paroît pas être
un nouveau métal différent de tous les au-
tres, mais un mélange, un alliage de fer et
d’or formé par la nature, dans lequel la
quantité d’or semble dominer sur la quan-
tité de fer; et voici les faits sur lesquels je
crois pouvoir fonder cette opinion.
De huit onces trente-cinq grains de pla-
tine que m’a fournis M. d’Angiviller , et que
j’ai présentés à une forte pierre d’aimant,
il ne m’est resté qu’une once un gros vingt-
neuf grains ; tout le reste a été enlevé par
l’aimant , à deux gros près , qui ont été ré-
livres pesant qui n’avoit point été fondu, mais tiré
de la mine même.
2. M. le comte de La Billardrie d’Angiviller, de
l’Académie des Sciences, intendant en survivance^ u
Jardin et du Cabinet du Roi.
394 MINÉRAUX. INTRODUCTION.
duits en poudre qui s’est attachée aux feuilles
de papier , et qui les a profondément noir-
cies , comme je le dirai tout à l’heure. Cela
fait donc à très-peu près six septièmes du
total qui ont été attirés par l’aimant; ce qui
est une quantité si considérable, relativement
au tout, qu’il est impossible de se refuser à
croire que le fer ne soit contenu dans la sub-
stance intime de la platine , et qu’il n’y soit
même en assez grande quantité. U y a plus :
c’est que si je ne m’étois pas lassé de ces
expériences, qui ont duré plusieurs jours,
j’aurois encore tiré par l’aimant une grande
partie du restant de mes huit onces de pla-
tine ; car l’aimant en attiroit encore quel-
ques grains un à un, et quelquefois deux,
quand on a cessé de le présenter. Il y a donc
beaucoup de fer dans la platine; et il n’y est
pas simplement mêlé comme matière étran-
gère, mais intimement uni, et faisant partie
de sa substance : ou, si l’on veut le nier,
il faudra supposer qu’il existe dans la na-
ture une seconde matière qui , comme le
fer , est attii able par l’aimant ; mais cette
supposition gratuite tombera par les autres
faits que je vais rapporter.
Toute la platine que j’ai eu occasion
d’examiner m’a paru mélangée de deux ma-
tières différentes : l’une noire , et très-atti-
rablepar l’aimant ; l’autre en plus gros grains,
d’un blanc livide un peu jaunâtre et beau-
coup moins magnétique que la première.
Entre ces deux matières , qui sont les deux
extrêmes de celte espèce de mélange, se
trouvent toutes les nuances intermédiaires ,
soit pour le magnétisme, soit pour la cou-
leur et la grosseur des grains. Les plus ma-
gnétiques, qui sont en même temps les plus
noirs et les plus petits, se réduisent aisé-
ment en poudre par un frottement assez lé-
ger , et laissent sur le papier blanc la même
couleur que le plomb frotté. Sept feuilles
de papier dont on s’est servi successivement
pour exposer la platine à l’action de l’aimant,
ont été noircies sur toute l’étendue qu’occu-
poit la platine, les dernières feuilles moins
que les premières à mesure qu’elle se trioit,
et que les grains qui restoienl éloient moins
noirs et moins magnétiques. Les plus gros
grains , qui sont les plus colorés et les moins
magnétiques , au lieu de se réduire en pous-
sière comme les petits grains noirs, sont au
contraire très-durs et résistent à toute tritu-
ration ; néanmoins ils sont susceptibles d’ex-
tension dans un mortier d’agate 1 , sous les
i. Je n’ai pas voulu tes étendre sur le tas d’acier,
dans la crainte de leur communiquer plus de magné-
tisme qu’ils n’en ont naturellement.
coups réitérés d’un pilon de même matière,
et j’en ai aplati et étendu plusieurs grains
au double et au triple de l’étendue de leur
surface : cette partie de la platine a donc
un certain degré de malléabilité et de duc-
tilité, tandis que la partie noire ne paroît r
être ni malléable ni ductile. Les grains in- i
termédiaires participent des qualités des ei
deux extrêmes , ils sont aigres et durs ; ils «
se cassent ou s’étendent plus difficilement es
sous les coups du pilon , et donnent un peu s
de poudre noire, mais moins noire que la ?
première. si
Ayant recueilli cette poudre noire et les ni
grains les plus magnétiques que l’aimant ir
avoit attiré les premiers , j’ai reconnu que iis
le tout étoit du vrai fer , mais dans un état t'a
différent du fer ordinaire. Celui-ci, réduit es
en poudre et en limaille, se charge de l’hu-i ad
midité et se rouille aisément : à mesure que i>
la rouille le gagne , il devient moins magné- du
tigue , et finit absolument par perdre cette al
qualité magnétique lorsqu’il est entièrement! se
et intimement rouillé ; au lieu que cette pou-i m
dre de fer , ou , si l’on veut , ce sabîon fer-i ait
rugineux qui se trouve dans la platine , est,! ;s
au contraire, inaccessible à la rouille, quel-! agi
que long-temps qu’il soit exposé à l’humi-i u,
dilé ; il est aussi plus infusible et beaucoup d’
moins dissoluble que le fer ordinaire; mais sa
ce n’en est pas moins du fer, qui ne m’a «i
paru différer du fer connu que par une plus tfe
grande pureté. Ce sablon est en effet dirai
fer absolument dépouillé de toutes les par- lie,
ties combustibles, salines , et terreuses , qui sti
se trouvent dans le fer ordinaire , et même al;
dans l’acier: il paroît enduit et recouvert! lit
d’un vernis vitreux qui le défend de toute es1
altération. Et ce qu’il y a de très-remar- ms
quable, c’est que ce sablon de fer purn’ap- cc
partient pas exclusivement, à beaucoup près,i anc
à la mine de platine; j’en ai trouvé, quoi-; ce
que toujours en petite quantité , dans piu-jicd
sieurs endroits où l’on a fouillé les mines de si
fer qui se consomment à mes forges. Comme i jm
je suis dans l’usage de soumettre à plusieurs se
épreuves toutes les mines que je fais expie#
ter , avant de me déterminer à les faire tra- in
vailler en grand pour l’usage de mes four- tua
neaux,je fus assez surpris de voir que, dans Jrai
quelques-unes de ces mines, qui toutes sont; ®
en grains , et dont aucune n’est attirable par t,
l’aimant, il se trouvoit néanmoins des parti-; jfsj
cules de fer un peu arrondies et luisantes; m
comme de la limaille de fer, et tôut-à-fait
semblables au sablon ferrugineux de la pla- 4
tine ; elles sont tout aussi magnétiques , tout ^
aussi peu fusibles, tout aussi difficilement ,if
PARTIE EXPÉRIMENTALE. 3g5
solubles. Tel fut le résultat de la compa-
ison que je fis du sablon de la platiné , et
ce sablon trouvé dans deux de mes mines
ter, à trois pieds de profondeur, dans
s terrains où l’eau pénètre assez facile-
uit : j’avois peine à concevoir d’où pou-
ient provenir ces particules de fer ; cont-
int elles avoient pu se défendre de la
tille depuis des siècles qu’elles sont expo-
îs à l’humidité de la terre; enfin cont-
int ce fer très-magnétique pouvoit avoir
; produit dans des veines de mines qui ne
sont point du tout. J’ai appelé l’expérience
non secours, et je me suis assez éclairé
• tous ces points pour être satisfait. Je sa-
is , par un grand nombre d’observations ,
’aucune de nos mines de fer en grains
est altirable par l’aimant : j’étois bien per-
adé’, comme je le suis encore , que toutes
mines de fer, qui sont magnétiques,
mt acquis cette propriété que par l’action
feu; que les mines du Nord, qui sont
ez magnétiques pour qu’on les cherche
ec la boussole , doivent leur origine à l’é-
nent du feu , tandis que toutes nos mi-
s en grains , qui ne sont point du tout
ignétiqùès, n’ont jamais subi l’action du
i , et n’ont été formées que par le moyen
l’intermède de l’eau. Je pensai donc que
sablon ferrugineux et magnétique que je
mvois en petite quantité dans mes naines
fer , devoit son origine au feu ; et, ayant
'aminé le local , je me confirmai dans cette
èe. Le terrain où se trouve ce sablon ma-
étique est en bois, de temps immémo-
ii 1 ; on y a fait très-anciennement et on y
i: t tous les jours des fourneaux de charbon :
iiil est aussi plus que probable qu’il y a eu
iir jns ces bois des incendies considérables,
aj ! charbon et le bois brûlé , surtout en
; ande quantité, produisent du mâchefer,
iiij !ce mâchefer renferme la partie la plus
à h du fer que contiennent les végétaux ;
à ist ce fer fixe qui forme le sablon dont il
ut [ question , lorsque le mâchefer se décom-
ii |se par faction de l’air , du soleil et des
loi aies; car alors ces particules de fer pur,
a i ne sont point sujettes à la rouille ni à
mt jeune autre espèce d’altération, se laissent
s traîner par l’eau, et pénètrent dans la
mi rre avec elle à quelques pieds de profon-
|U |ur. On pourra vérifier ce que j’avance ici,
ili faisant broyer du mâchefer bien brûlé ;
iK j y trouvera toujours une petite quantité
lui ce fer pur , qui , ayant résisté à l’action
jili feu , résiste également à celle des dissol-
us , et ne donne point de prise à la rouille x.
i i. J’ai reconnu, dans le Cabinet d’Iiistoire na-
M’étant satisfait sur ce point, et après
avoir comparé le sablon tiré de mes mines
de fer et du mâchefer avec celui de la pla-
tine assez pour ne pouvoir douter de leur
identité, je ne fus pas long-temps à penser,
vu la pesanteur spécifique de la platine , que
si ce sablon de fer pur, provenant de la
composition du mâchefer , au lieu d’être
dans une mine de fer, se trouvoit dans le
voisinage d’une mine d’or , il auroit , en s’u-
nissant à ce dernier métal, formé un al-
liage qui seroit absolument de la même na-
ture que la platine. On sait que l’or et le
fer ont un degré d’affinité ; on sait que la plu-
part des mines de fer contiennent une pe-
tite quantité d’or ; on sait donner à l’or la
teinture, la couleur, et même l’aigre du fer,
en les faisant fondre ensemble : on emploie
cet or couleur de fer sur différens bijoux
d’or, pour en varier les couleurs ; et cet or,
mêlé de fer, est plus ou moins gris et plus
ou moins aigre , suivant la quantité de fer
qui entre dans le mélange. J’en ai vu d’une
teinte absolument semblable à la couleur
de la platine. Ayant demandé à un orfèvre
quelle étoit la proportion de l’or et du fer
dans ce mélange, qui étoit de la couleur de
la platine, il me dit que l’or de vingt-quatre
karats n’étoit plus qu’à dix huit karats, et
qu’il y entroit un quart de fer. On verra que
c’est à peu près la proportion qui se trouve
dans la platine naturelle , si l’on en juge par
la pesanteur spécifique. Cet or mêlé de fer
est plus dur , plus aigre , et spécifiquement
moins pesant que l’or pur. Toutes ces con-
venances, toutes ces qualités communes avec
la platine, m’onl persuadé que ce prétendu
métal n’est, dans le vrai, qu’un alliage d'or
et de fer , et non pas une substance particu-
lière, un métal nouveau, parfait, et diffé-
turelle , des sablons ferrugineux de même espèce
que celui de mes mines , qui m’ont été envoyés cîe
différens endroits , et qui sont également magné-
tiques. On en trouve à Quimper en Bretagne , en
Danemarck, en Sibérie, à Saint-Domingue ; et les
ayant tous comparés , j’ai vu que le sablon ferru-
gineux de Quimper étoit celui qui ressembloit le
plus au mien, et qu’il n’en différoit que par un
peu plus de pesanteur spécifique. Celui de Saint-
Domingue est plus léger, celui de Danemarck est
moins pur et plus mélangé de terre, et celui de
Sibérie est en masse et en morceaux gros comme le
pouce, solides, pesans , et que l’aimant soulève à
peu près comme si c’étoit une masse de fer pur. On
peut donc présumer que ces sablons magnétiques
provenant du mâchefer se trouvent aussi communé-
ment que le mâchefer même, mais seulement en
bien plus petite quantité. Il est rare qu’on en trouve
des amas un peu considérables , et c’est par cette
raison qu’ils ont échappé, pour la plupart, aux
recherches des minéralogistes.
3q6 MINERAUX. INTRODUCTION.
rent de tons les autres métaux, comme les
chimistes font avancé.
On peut d’ailleurs se rappeler que l’alliage
aigrit tous les métaux, et que quand il y a
pénétration , c’est-à-dire augmentation dans
la pesanteur spécifique, l’alliage en est d’au-
tant plus aigre que la pénétration est plus
grande, et le mélange devenu plus intime,
comme on le reconnoît dans l’alliage appelé
métal des cloches, quoiqu’il soit composé
de deux métaux très-ductiles. Or, rien n’est
plus aigre ni plus pesant que la platine : cela
seul auroit dû faire soupçonner que ce n’est
qu’un alliage fait par la nature , un mélange
de fer et d’or, qui doit sa pesanteur spéci-
fique en partie à ce dernier métal , et peut-
être aussi en grande partie à la pénétration
des deux matières dont il est composé.
Néanmoins cette pesanteur spécifique de
la platine n’est pas aussi grande que nos chi-
mistes l’ont publié. Comme cette matière ,
traitée seule et sans addition de fondans , est
très-difficile à réduire en masse, qu’on n’en
peut obtenir au feu du miroir brûlant que
de très-petites masses, et que les expériences
hydrostatiqués faites sur de petits volumes
sont si défectueuses qu’on n’en peut rien
conclure , il me paroît qu’on s’est trompé
sur l’estimation de la pesanteur spécifique de
ce minéral. J’ai mis de la poudre d’or dans
un petit tuyau de plume que j'ai pesé très-
exactement : j’ai mis dans le même tuyau
un égal volume de platine ; il pesoit près d’un
dixième de moins : mais cette poudre d’or
étoit beaucoup trop fine en comparaison de
la platine. M. Til'et, qui joint à une con-
noissance approfondie des métaux le talent
rare de faire des expériences avec la plus
grande précision , a bien voulu répéter, à
ma prière, celle de la pesanteur spécifique
de la platine comparée à l’or pur. Pour cela,
il s’est servi , comme moi , d’un tuyau de
plume , et il a fait couper à la cisaille de l’or
à vingt-quatre karats , réduit autant qu’il
étoit possible à la grosseur des grains de la
platine , et il a trouvé, par huit expériences,
que la pesanteur de la platine différoit de
celle de l’or pur d’un quinzième à très-peu
près ; mais nous avons observé tous deux
que les grains d’or coupés à la cisaille avoient
les angles beaucoup plus vifs que la platine.
Celle-ci, vue à la loupe, est à peu près de
la forme des galets roulés par l’eau ; tous les
angles sont émoussés, elle est même douce
au toucher, au lieu que les grains de cet or
coupés à la cisaille avoient des angles vifs et
des pointes tranchantes, en sorte qu’ils ne
pouvoient pas s’ajuster ni s’entasser les uns
sur les autres aussi aisément que ceux de 1 i ,
platine; tandis qu’au contraire la poudre d’o , L
dont je me suis servi étoit de l’or en paii î :
lettes , telle que les arpailleurs les trouver ( t
dans le sable des rivières. Ces paillettes s’a ,
justent beaucoup mieux les unes contre le L
autres. J’ai trouvé environ un dixième d
différence entre le poids spécifique de cckj
paillettes et celui de la platine : néanmoir L
ces paillettes ne sont pas ordinairement d’c §
pur, il s’en faut souvent plus de deux oh
trois karats ; ce qui en doit diminuer e ^
même rapport la pesanteur spécifique. Ains u
tout bien considéré et comparé, nous avor e
cru qu’on pouvoit maintenir le résultat d ,t
mes expériences, et assurer que la platin ^
en grains, et telle que la nature la produit jj,
est au moins d’un onzième ou d’un doin y|,
zième moins pesante que l’or. Il y a tou' L
apparence que cette erreur de fait sur la dei Cl
sité de la platine vient de ce qu’on ne l’aui ia
pas pesée dans son état de nature , mais sets ra
lement après l’avoir réduite en masse; i jei
comme cette fusion ne peut se faire quepc!lt)ll
l’addition d’autres matières et à un feu trè. ,llf
violent, ce n’est plus de la platine pure, ma aiI
un composé dans lequel sont entrées des mi j.
lières fondantes, et duquel le feu a enlev j|j
les parties les plus légères. ^
Ainsi la platine, au lieu d’être d’une deii, ]aj
sité égale ou presque égale à celle de l’or pu j
comme l’ont avancé les auteurs qui en oi
écrit , n’est que d’une densité moyenne enti ïe
celle de l’or et celle du fer, et seulemei ir
plus voisine de celle de ce premier métal qi j
de celle du dernier. Supposant donc que ! ro]
pied cube d'or pèse treize cent vingt-six 1 ^
vres, et celui du fer pur cinq cent quatre ^
vingts livres, celui de la platine en grains ! ! *
trouvera peser environ onze cent quatri ^
vingt -quatorze livres; ce qui supposero jr]
plus des trois quarts d’or sur un quart cia
fer dans cet alliage, s’il n’y a pas de pén 1M
tration: mais comme on en tire six septiem )a(
à l’aimant, on pourroit croire que le fer r]
est en quantité de plus d’un quart, d’autai r
plus qu’en s’obstinant à cette expérience,, k
suis persuadé qu’on viendrait à bout d’ei L
lever, avec un fort aimant , toute la platii ^
jusqu’au dernier grain. Néanmoins on n’|j m
doit pas conclure que le fer y soit conter
en si grande quantité ; car lorsqu’on le mê j ^
par la fonte avec l’or, la masse qui résulte t,
cet alliage est attirable par l’aimant , quoiqi t|c
le fer n’y soit qu’en petite quantité. J’ai Y ^
entre les mains de M. Baumé un bouton (, ^
cet alliage pesant soixante-six grains , dai ^
lequel il n’étoit entré que six grains , c’est-
PARTIE EXPÉRIMENTALE.’ 397
re un onzième de fer; et ce bouton se lais-
it enlever aisément par un bon aimant.
îs lors la platine pourroit bien ne contenir
’un onzième de fer sur dix onzièmes d’or,
donner néanmoins tous les mêmes phéno-
irnes , c’est-à-dire être attirée en entier par
imant , et cela s’accorderoit parfaitement
ec la pesanteur spécifique, qui est d’un
i dème ou d’un douzième moindre que celle
l’or.
Mais ce qui me fait présumer que la pla-
Le contienl plus d’un onzième de fer sur dix
zièmes d’or, c’est que l’alliage qui résulte
cette proportion est encore couleur d’or
beaucoup plus jaune que ne l’est la pla-
ie la plus colorée, et qu’il faut un quart
fer sur trois quarts d’or pour que l’alliage
précisément la couleur naturelle de la pla-
^e. Je suis donc très-porté à croire qu’il
mrroit bien y avoir cette quantité d’un
tart de fer dans la platine. Nous nous
nmes assurés, M. Tillet et moi, par plu-
urs expériences, que le sablon de ce fer
ir que contient la platine est plus pesant
e la limaille de fer ordinaire. Ainsi cette
use ajoutée à l’effet de la pénétration suf-
pour rendre raison de cette grande quan-
é de fer contenue sous le petit volume in-
qué par la pesanteur spécifique de la
atine.
Au reste, il est très-possible que je me
bmpe dans quelques-unes des conséquences
e j’ai cru devoir tirer de mes observations
r cette substance métallique : je n’ai pas
|é à portée d'en faire un examen aussi ap-
ofondi que je l’aurois voulu ; ce que j’en
s n’est que ce que j’ai vu , et pourra peut-
re servir à faire voir mieux.
Comme j’étois sur le point de livrer ces
Juilles à l’impression, le hasard fit que je
}rlai de mes idées sur la platine à M. le
mte de Milly , qui a beaucoup de connois-
pces en physique et en chimie : il me ré-
;>ndit qu’il pensait à peu près comme moi
r la nature de ce minéral. Je lui donnai
] mémoire ci-dessus pour l’examiner, et
ux jours après il eut la bonté de m’en-
yer les observations suivantes, que je crois
issi bonnes que les miennes, et qu’il m’a
jrmis de publier ensemble.
«J’ai pesé exactement trente-six grains de
atine; je l’ai étendue sur une feuille de
jtpier blanc , pour pouvoir mieux l’observer
rèc une bonne loupe : j’y ai aperçu ou j’ai
u y apercevoir très-distinctement trois sub-
tances différentes ; la première avoit le bril-
nt métallique, elle éloit la plus abondante;
seconde, vitriforme, tirant sur le noir,
ressemble assez à une matière métallique
ferrugineuse qui auroit subi un degré de feu
considérable , telle que des scories de fer ap-
pelées vulgairement mâchefer; la troisième,
moins abondante que les deux premières,
est du sable de toutes couleurs, où cependant
le jaune , couleur de topaze , domine. Cha-
que grain de sable , considéré à part , offre
à la vue des cristaux réguliers de différentes
couleurs; j’en ai remarqué de cristallisés en
aiguilles hexagones, se terminant en pyra-
mides comme le cristal de roche, et il m’a
semblé que ce sable n’étoil qu’un détritus
de cristaux de roche ou de quartz de diffé-
rentes couleurs.
« Je formai le projet de séparer, le plus
exactement possible , ces différentes sub-
stances par le moyen de l’aimant , et de
mettre à part la partie la plus attirable à
l’aimant , d’avec celle qui l’étoit moins, et
enfin de celle qui ne letoit point du tout;
ensuite d’examiner chaque substance en par-
ticulier, et de les soumettre à différentes
épreuves chimiques et mécaniques.
« Je mis à part les parties de la platine qui
furent attirées avec vivacité à la distance de
deux ou trois lignes , c’est-à-dire sans le con-
tact de l’aimant, et je me servis , pour cette
expérience , d’un bon aimant factice de
M. l’abbé....; ensuite je touchai avec ce
même aimant le métal, et j’en enlevai tout
ce qui voulut céder à l’effort magnétique,
que je mis à part : je pesai ce qui étoit
resté et qui n’étoit presque plus attirable ;
cette matière non attirable, et que je nom-
merai n°4, pesoit vingt-trois grains; n° ier,
qui étoit le plus sensible à l’aimant , pesoit
quatre grains; n° 2 pesoit de même quatre
grains , et n° 3 cinq grains.
« N° ier, examiné à la loupe, n’offroit à
la vue qu’un mélange de parties métalliques,
d’un blanc sale tirant sur le gris , aplaties
et arrondies en forme de galets et de sable
noir vitriforme, ressemblant à du mâche-
fer pilé, dans lequel on aperçoit des parties
très-rouillées , enfin telles que les scories
de fer en présentent lorsqu’elles ont été
exposées à l’humidité.
« N° 2 présentoit à -peu près la même
chose, à l’exception que les parties métal-
liques dominoient, et qu’il n’y en avoit que
très-peu de rouillées.
« N° 3 étoit la même chose : mais les par-
ties métalliques étoient plus volumineuses ;
elles ressembloient à du métal fondu , et
qui a été jeté dans l’eau pour le diviser en
grenailles ; elles sont aplaties ; elles affectent
toutes sortes de figures, mais arrondies sur
39g Minéraux, introduction.
les bords à la manière des galets qui ont été
roulés et polis par les eaux.
« N° 4 , qui n’avoit point été enlevé par
l’aimant, mais dont quelques parties don-
noient encore des marques de sensibilité au
magnétisme lorsqu’on passoit l’aimant sous
le papier où elles étoient étendues, étoit
un mélange de sable, de parties métalliques
et de vrai mâchefer friable sous les doigts,
qui noircissoit à la manière du mâchefer
ordinaire. Le sable sembloit être composé
de petits cristaux de topaze, de cornaline,
et de cristal de roche ; j’en écrasai quelques
cristaux sur un tas d’acier, et la poudre
qui en résulta étoit comme du vernis réduit
en poudre. Je fis la même chose au mâche-
fer : il s’écrasa avec la plus grande facilité ,
et il m’offrit une poudre noire ferrugineuse,
qui noircissoit le papier comme le mâchefer
ordinaire.
« Les parties métalliques de ce dernier
(n° 4) me parurent plus ductiles sous le
marteau que celles du n° ier, ce qui me fit
croire qu’elles contenoient moins de fer que
les premières ; d’où il s’ensuit que la platine
pourroit fort bien n’être qu’un mélange de
fer et d’or fait par la nature, ou peut-être
de la main des hommes , comme je le dirai
par la suite.
« Je tâcherai d’examiner, par tous les
moyens qui me seront possibles, la nature
de la platine, si je peux en avoir à ma
disposition en suffisante quantité; en atten-
dant, voici les expériences que j’ai faites.
« Pour m’assurer de la présence du fer
dans la platine par des moyens chimiques,
je pris les deux extrêmes, c’est-à-dire n° ier,
qui étoit très-attirable à l’aimant , et n° 4 ,
qui ne l’étoit pas; je les arrosai avec l’esprit
de nitre un peu fumant : j’observai avec la
loupe ce qui en résulterait ; mais je n’y
aperçus aucun mouvement d’effervescence.
J’y ajoutai de l’eau distillée, et il ne se fit
encore aucun mouvement ; mais les parties
métalliques se décapèrent, et elles prirent
lin nouveau brillant semblable à celui de
’argent. J’ai laissé ce mélange tranquille
pendant cinq ou six minutes, et ayant en-
core ajouté de l’eau , j’y laissai tomber
quelques gouttes de la liqueur alcaline sa-
turée de la matière colorante du bleu de
Prusse, et sur-le-champ le n° ier me donna
un très-beau bleu de Prusse.
« Le n° 4 ayant été traité de même , et
quoiqu’il se fût refusé à l’action de l’aimant
et à celle de l’esprit de nitre, me donna,
de même que le n° 1e1', du très-beau bleu
de Prusse.
« Il y a deux choses fort singulières à re
marquer dans ces expériences. i° Il pas&
pour constant parmi les chimistes qui on
traité de la platine, que l’eau-forte ou l’es
prit de nitre n’a aucune action sur elle
cependant, comme on vient de le voir, i
s’en dissout assez , quoique sans efferves
cence , pour donner du bleu de Pruss
lorsqu’on y ajoute de la liqueur alcalin1
phlogistiquée et saturée de la matière colo 11
rante , qui , comme on sait , précipite le fe «
en bleu de Prusse.
« 20 La platine, qui n’est pas sensible te
l’aimant , n’en contient pas moins du fer ne
puisque l’esprit de nitre en dissout assez ai
sans occasioner d’effervescence, pour for 1
mer du bleu de Prusse. Ire
« D’où il s’ensuit que cette substance qn i
les chimistes modernes , peut-être trop avide : i
du merveilleux et de vouloir donner, dï 111
nouveau , regardent comme un huitièm 'l
métal , pourroit bien n’être , comme je l’ai é
dit , qu’un mélange d’or et de fer. |ie
« Il reste sans doute bien des expérience .ni
à faire pour pouvoir déterminer commeu lu
ce mélange a pu avoir lieu; si c’est l’ou J;
vrage de la nature, et comment ; ou si c’est tii
le produit de quelque volcan, ou simplei oj
ment le produit des travaux que les Espa A
gnols ont faits dans le Nouveau-Monde pou |enc
retirer l’or des mines du Pérou : je ferai nt
mention , par la suite , de mes conjecture e
là dessus. tr
« Si l’on frotte de la platine naturelle su n’ii
un linge blanc, elle le noircit comme pour «1
roit le faire le mâchefer ordinaire; ce qu
m’a fait soupçonner que ce sont les partie 1 a
de fer réduites en mâchefer qui se trouvera id
dans la platine, qui donnent cette couleur to
et qui ne sont dans cet état que pour avoi l'e
éprouvé l’action d’un feu violent. D’ailleurs p
ayant examiné une seconde fois de la platin j «
avec ma loupe, j’y aperçus différens globule
de mercure coulant ; ce qui me fit imagine ) »)
que la platine pourroit bien être un produi oi
de la main des hommes ; et voici com te
ment. Jj id
« La platine, à ce qu’on m’a dit, se tir >
des mines les plus anciennes du Pérou, qu ni
les Espagnols ont exploitées après la con iiu
quête du Nouveau-Monde. Dans ces temp s
reculés, on ne connoissoit guère que deu: i
manières d’extraire l’or des sables qui 1 i
contenoient : i° par l’amalgame du mercure la
20 par le départ à sec : on triturait le sabl< #,
aurifère avec du mercure ; et lursqu’on ju 1
geoit qu’il s’étoit chargé de la plus grand< ,
partie de l’or, on rejeloit le sable, qu’oij f
PARTIE EXPÉRIMENTALE. Sqq
lïïimoit crasse, comme inutile et de nulle
leur,
« Le départ à sec se faisoit avec aussi
u d’intelligence. Pour y vaquer, on coin-
înçoit par minéraliser les métaux ann-
ées par le moyen du soufre, qui n’a point
iction sur l’or, dont la pesanteur spéci-
ue est plus grande que celle des autres
staux; mais pour faciliter sa précipitation,
ajoute du fer en limaille qui s’empare du
îfre surabondant, méthode qu’on suit en-
re aujourd’hui. La force du. feu vitrifie
e partie du fer ; l’autre se combine avec
e petite portion d’or, et même d’argent,
i le mêle avec les scories , d’où on ne peut
retirer que par plusieurs fontes, et sans
'e bien instruit des intermèdes conve-
bles que les docimasistes emploient. La
imie , qui s’est perfectionnée de nos jours ,
piie, à la vérité, les moyens de retirer
; or et cet argent en plus grande partie :
iis dans le temps où les Espagnols exploi-
ent les mines du Pérou , ils ignoroient
is doute l’art de traiter les mines avec le
is grand profit ; et d’ailleurs ils avoient
si grandes richesses à leur disposition ,
'ils négligeoient vraisemblablement les
>yens qui leur auroient coûté de la peine,
5 soins et du temps. Ainsi il y a appa-
ice qu’ils se contentoient d’une première
lte, et jetoient les scories comme inutiles,
Lsi que le sable qui a voit passé par le
meure ; peut-être même ne faisoient-ils
’un tas de ces deux mélanges, qu’ils re-
voient comme de nulle valeur.
« Ces scories contenoient encore de l’or,
aucoup de fer sous différens états , et cela
des proportions différentes qui nous sont
tonnues, mais qui sont telles peut-être
’elles peuvent avoir donné l’existence à
platine. Les globules de mercure que j’ai
servés, et les paillettes d’or que j’ai vues
itinctement , à l’aide d’une bonne loupe ,
os la platine que j’ai eue entre les mains,
ont fait naître les idées que je viens d'ê-
tre sur l’origine de ce métal ; mais je ne
donne que comme des conjectures hasar-
es : il faudroit, pour en acquérir quelque
ûitude, savoir au juste où sont situées les
mes de la platine, si elles ont été exploi-
ts anciennement, si on la tire d’un terrain
î«f» si ce ne sont que des décombres ;
quelle profondeur on la trouve, et enfin
la main des hommes y est exprimée ou
>n. Tout cela pourroit aider à vérifier ou à
truire les conjectures que j’ai avancées T. »
i. M. le baron de Sickingen , ministre de l’élec-
ir Palatin, a dit à M. de Milly avoir actuellement
REMARQUES.
Ces observations de M. le comte de Milly
confirment les miennes dans presque tous
les points. La nature est une , et se présente
toujours la même à ceux qui la savent ob-
server : ainsi l’on ne doit pas être surpris
que , sans aucune communication , M. de
Milly ait vu les mêmes choses que moi , et
qu’il en ait tiré la même conséquence, que
la platine n’est point un nouveau métal dif-
férent de tous les autres métaux, mais un
mélange de fer et d’or. Pour concilier en-
core de plus près ses observations avec, les
miennes, et pour éclaircir en même temps
les doutes qui restent en grand nombre sur
l’origine et sur la formation de la platine ,
j’ai cru devoir ajouter les remarques sui-
vantes :
i° M. le comte de Milly distingue dans
la platine trois espèces de matières, savoir :
deux métalliques, et la troisième non mé-
tallique, de substance et de forme quartzeuse
ou cristalline. Il a observé, comme moi , que
des deux matières métalliques , l’une est
très-attirable par l’aimant, et que l’autre
l’est très-peu ou point du tout. J’ai fait
mention de ces deux matières comme lui ;
mais je n’ai pas parlé de la troisième , qui
n’est pas métallique , parce qu’il n’y en avoit
pas ou très-peu dans la platine sur laquelle
j’ai fait mes observations. Il y a apparence
que la platine dont s’est servi M. de Milly
étoit moins pure que la mienne, que j’ai ob-
servée avec soin , et dans laquelle je n’ai vu
que quelques petits globules transparens
comme du verre blanc fondu, qui étoient
unis à des particules de platine ou de sablon
ferrugineux , et qui se laissoient enlever en-
semble par l’aimant. Ces globules transpa-
rens étoient en très-petit nombre ; et dans
huit onces de platine que j’ai bien regardée
et fait regarder à d’autres avec une loupe
très-forte, on n’a point aperçu de cristaux
réguliers. Il m’a paru, au contraire, que
toutes les particules transparentes étoient
globuleuses comme du verre fondu, et toutes
attachées à des parties métalliques, comme
le laitier s’attache au fer lorsqu’on le fond.
Néanmoins, comme je ne doutois point du
tout de la vérité de l’observation de M. de
Milly, qui avoit vu dans sa platine des par-
entre les mains deux mémoires qui lui ont été re-
mis par M. Kellner, chimiste et métallurgiste , at-
taché à M. le prince de Birckenfeld, à Manheim ,
qui offre à la cour d’Espagne de rendre à peu près
autant d’or pesant qu’on lui livrera de platine.
MINERAUX. INTRODUCTION.
ticules quartzeuses et cristallines de forme
régulière et en grand nombre , j’ai cru ne
devoir pas me borner à l’examen de la seule
platine dont j’ai parlé ci-devant : j’en ai
trouvé au Cabinel du Roi , que j’ai examinée
avec M. Daubenton , de l’Académie des
Sciences, et qui nous a paru à tous deux
bien moins pure que la première; et nous
y avons en effet remarqué un grand nombre
de petits cristaux prismatiques et transpa-
rens , les uns couleur de rubis-balais , d’au-
tres couleur de topaze , et d’autres enfin
parfaitement blancs. Ainsi M. le comte de
Milly ne s’étoit point trompé dans son ob-
servation ; mais ceci prouve seulement qu’il
y a des mines de platine bien plus pures les
unes que les autres , et que dans celles qui
le sont le plus , il ne se trouve point de ces
corps étrangers. M. Daubenton a aussi re-
marqué quelques grains aplatis par dessous
et renflés par dessus, comme seroit une
goutte de métal fondu qui se seroit refroidie
sur un plan. J’ai vu très-distinctement un
de ces grains hémisphériques, et cela pour-
roi t indiquer que la platine est une matière
qui a été fondue par le feu : mais il est bien
singulier que, dans cette matière fondue par
le feu , on trouve de petits cristaux , des to-
pazes et des rubis ; et je ne sais si l’on ne
doit pas soupçonner de la fraude de la part
de ceux qui ont fourni cette platine , et qui,
pour en augmenter la quantité, auront pu
la mêler avec ces sables cristallins ; car, je
le répète, je n’ai point trouvé de ces cristaux
dans plus d’une demi-livre de platine que
m’a donnée M. le comte d’Angiviller.
2° J’ai trouvé, comme M. de Milly, des
paillettes d’or dans la platine; elles sont
aisées à reconnoître par leur couleur, et
parce qu’elles ne sont point du tout magné-
tiques : mais j’avoue que je n’ai pas aperçu
les globules de mercure qu’a vus M.de Milly.
Je ne veux pas pour cela nier leur existence;
seulement il me semble que les paillettes
d’or se trouvant avec ces globules de mer-
cure dans la même matière , elles seroient
bientôt amalgamées , et ne conserveroient
pas la couleur jaune de l’or que j’ai remar-
quée dans toutes les paillettes d’or que j’ai
pu trouver dans une demi-livre de platine r.
D’ailleurs les globules transparens dont je
viens de parler ressemblent beaucoup à des
globules de mercure vif et brillant , en sorte
qu’au premier coup d’œil il est aisé de s’y
tromper.
t. J’ai trouvé depuis dans d’autre platine des
paillettes d’or qui n’étoient pas jaunes , mais brunes
et même noires comme le sablon ferrugineux de la
3° Il y avoit beaucoup moins de partie jte
ternes et rouillées dans ma première platim jii’
que dans celle de M. de Milly; et ce n’es i(
pas proprement de la rouille qui couvre 1* m
surface de ces particules ferrugineuses , mai lira
une substance noire , produite par le feu n
et lout-à-fait semblable à celle qui couvre 1 lié
surface du fer brûlé : mais ma seconde pla ' se
tine, c’est-à-dire celle que j’ai prise au Ca kléj
binet du Roi, avoit encore de commun ave L
celle de M. le comte de Milly, d’êire mé rei
langée de quelques parties ferrugineuses ks
qui, sous le marteau, se réduisoient eifctii
poussière jaune et avoient tous les caractère [lit
de la rouille. Ainsi cette platine du Cabine L
du Roi et celle de M. Milly se ressemblai) piis
à tous égards, il est vraisemblable qu’elle l)’a
sont venues du même endroit et par la mêm
voie; je soupçonne même que toutes dëüjjoi
ont été sophistiquées et mélangées de préfet
de moitié avec des matières étrangères , cri; fi
tallines et ferrugineuses rouillées , qui ne s|e
trouvent pas dans la platine naturelle. L
4° La production du bleu de Prusse pa U
la platine me paroît prouver évidemment i üd
présence du fer dans la partie même de 4«>
minéral qui est la moins altirable à l’aiman jn
et confirmer en même temps ce que jVfc
avancé du mélange intime du fer dans sjtd
substance. Le décapement de la platine pa jis
l’esprit de nitre prouve que, quoiqu’il nHié
ait point d’effervescence sensible, cet acid.L
ne laisse pas d’agir sur la platine d’une m&g|(
nière évidente , et que les auteurs qui oi j f
assuré le contraire ont suivi leur routine oi j
dinaire, qui consiste à regarder comme nul! ni
toute action qui ne produit pas l’efferve [f[
cence. Ces deux expériences de M. de Mil!
me paroissent très-importantes; elles s)
l’histoire naturelle de ce minéral, et notii,
ne pouvons trop exhorter ceux qui sont | ^
portée de l’examiner sur les lieux , de noi j j
faire part de leurs observations. En aller | e
dant , nous sommes forcés de nous born< j 0
à des conjectures, dont quelques-unes n ®
paroissent seulement plus vraisemblabli j (
que les autres. Par exemple , je ne cro fei
pas que la platine soit l’ouvrage des hou ! 0
mes ; les Mexicains et les Péruviens savoiei L
fondre et travailler l’or avant l’arrivée d< ,
platine , qui probablement leur ayoit donné cet l!
couleur noirâtre. ■< Iti
PARTIE EXPERIMENTALE. 4ôi
gnoîs , et ils ne connoissoient pas le fer,
auroit néanmoins fallu employer, dans
épart à sec, en grande quantité. Les
ignols eux-mêmes n’ont point établi de
neaux à fondre les mines de fer en cette
rée, dans les premiers temps qu’ils l’ont
tée. Il y a donc toute apparence qu’ils
e sont pas servis de limaille de fer pour
êpart de l’or, du moins dans les com-
cemens de leurs travaux, qui d’ailleurs
emontent pas à deux siècles et demi ,
)s beaucoup trop court pour une pro-
ion aussi abondante que celle de la
ne, qu’on ne laisse pas de trouver en
: grande quantité et dans plusieurs en-
ts.
Ailleurs , lorsqu’on mêle de l’or avec du
I en les faisant fondre ensemble , on peut
jurs , par les voies chimiques , les sépa-
!t retirer l’or en entier; au lieu que jus-
présent les chimistes n’ont pu faire
; séparation dans la platine, ni déter-
er la quantité d’or contenue dans ce
éral. Cela semble prouver que l’or y est
d’une manière plus intime que dans l’al-
; ordinaire, et que le fer y est aussi ,
me je l’ai dit , dans un état différent de
i du fer commun. La platine ne me pa-
donc pas être l’ouvrage de l’homme ,
; le produit de la nature , et je suis très-
é à croire qu’elle doit sa première ori-
au feu des volcans. Le fer brûlé , au-
qu’il est possible , intimement uni avec
par la sublimation ou par la fusion ,
it avoir produit ce minéral , qui d’abord
ît été formé par l’action du feu le plus
;nt, aura ensuite éprouvé les impres-
s de l’eau et les frottemens réitérés qui
nt donné la forme qu’ils donnent à tous
mtres corps , c’est-à-dire celle des galets
es angles émoussés. Mais il se pourroit
i que l’eau seule eût produit la platine ;
en supposant l’or et le fer tous deux
sés autant qu’ils peuvent l’être par la
i humide , leurs molécules , en se réunis-
, auront pu former les grains cjui la
posent, et qui, depuis les plus pesans
u’aux plus légers, contiennent tous de
et du fer. La proposition du chimiste
offre de rendre à peu près autant d’or
m lui fournira de platine sembleroit in-
îer qu’il n’y a en effet qu’un onzième
fer sur dix onzièmes d’or dans ce miné-
ou peut-être encore moins : mais l’à-
-près de ce chimiste est probablement
i cinquième ou d’un quart ; et ce seroit
ours beaucoup si sa promesse pouvoit
éaliser à un quart près. {A de/. Buff. )
Buffoîî. I.
* M’étant trouve à Dijon cet été 1773,
l’Académie des Sciences et Belles-Lettres de
cette ville , dont j’ai l’honneur d’être mem-
bre , me parut désirer d’entendre la lecture
de mes observations sur la platine. Je m’y
prêtai d’autant plus volontiers, que, sur
une matière aussi neuve , on ne peut trop
s’informer ni consulter assez , et que j’avois
lieu d’espérei de tirer quelques lumières
d’une compagnie qui rassemble beaucoup
de personnes instruites en tous genres. M. de
Morveau, avocat- général au parlement de
Bourgogne, aussi savant physicien que grand
jurisconsulte , prit la résolution de travailler
sur la platine. Je lui donnai une portion de
celle que j’avois attirée par l’aimant , et
une autre portion de celle qui avoit paru in-
sensible au magnétisme, en le priant d’ex-
poser ce minéral singulier au plus grand feu
qu’il lui seroit possible de faire; et, quel-
que temps après , il m’a remis les expérien-
ces suivantes , qu’il a trouvé bon de joindre
ici avec les miennes.
Expériences faites par 1\1. de Morveau , en
septembre 1773.
« M. le comte de Buffon , dans un voyage
qu’il a fait à Dijon , cet été 1773 ,
m’ayant fait remarquer , dans un demi-gros
de platine que M. Beaumé m’avoit remis en
1768, des grains en forme de boutons,
d’autres plus plats, et quelques-uns noirs
et écailleux , et ayant séparé avec l’aimant
ceux qui étoient attirables de ceux qui ne
donnoient aucun signe sensible de magné-
tisme , j’ai essayé de former le bleu de
Prusse avec les uns et les autres. J’ai versé
de l’acide nitreux fumant sur les parties non
attirables , qui pesoient deux grains et demi.
Six heures après , j’ai étendu l’acide par de
l’eau distillée , et j’y ai versé de la liqueur
alcaline, saturée de matière colorante : il n’y
a pas eu un atome de bleu; la platine avoit
seulement un coup d’œil plus brillant. J’ai pa-
reillement versé de l’acide fumant sur les
33 grains r/2 de platine restante, dont partie
étoit attirable : la liqueur étendue après le
même intervalle de temps, le même alcali
prussien en a précipité une fécule bleue ,
qui couvroit le fond d’un vase assez large.
La platine , après cette opération , étoit bien
décapée comme la première. Je l’ai lavée
et séchée , et j’ai vérifié qu’elle n’avoit
perdu qu’un quart de grain, on 1/28^.
L’ayant examinée en cet état , j’y ai aperçu,
un grain d’un beau jaune, qui s’est trouv»,
une paillette d’or.
26
402
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
« M. de Fourcy avoit nouvelle, ment pu-
blié que la dissolution d’or étoit aussi pré-
cipitée en bleu par l’alcali prussien , et avoit
consigné ce fait dans une table d’affinités.
Je fus tenté de répéter cette expérience ; je
versai en conséquence de la liqueur alcaline
phlogistiquée dans de la dissolution d’or de
départ , mais la couleur de cette dissolution
ne changea pas; ce qui me fait soupçonner
que la dissolution d’or employée par M. de
Fourcy pouvoit bien n’être pas aussi pure.
« Et , dans le même temps , M. le comte
de Buffon m’ayant donné une assez grande
quantité d’autre platine pour en faire quel-
ques essais, j’ai entrepris de la séparer de
tous les corps étrangers par une bonne fonte.
Yoici la manière dont j’ai procédé, et les
résultats que j’ai eus :
PREMIÈRE EXPÉRIENCE.
« Ayant mis un gros de platine dans une
petite Coupelle , sous la moufle du four-
neau donné par M. Macqqer dans les Mé-
moires de /’ Académie des Sciences , année
Ï758 , j’ai soutenu le feu pendant deux heu-
res; la moufle' s’est affaissée , les supports
avoient coulé : cependant la platine s’est
trouvée seulement agglutinée; elle tenoit à
la coupelle , et y avoit laissé des taches cou-
leur de rouille. La platine étoit alors terne,
même un peu noire, et n’avoit pris qu’un
quart de grain d’augmentation de poids,
quantité bien foible en comparaison de celle
que d’autres chimistes ont observée ; ce qui
me surprit d’autant plus , que ce gros de
platine, ainsi que toutes celles que j’ai em-
ployées aux autres expériences , avoit été enle-
vé successivement par l’aimant, et faisoit por-
tion des six septièmes de 8 onces dont M. de
Buffon a parié dans le mémoire ci-dessus.
DEUXIÈME EXPÉRIENCE.
« Un demi-gras de la même platine, ex-
posé au même feu dans une coupelle, s’est
aussi agglutiné; elle étoit adhérente à la
coupelle, sur laquelle elle avoit laissé des
taches de couleur de rouille. L’augmentation
de poids s’est trouvée à peu près dans la
même proportion , et la surface aussi noire.
TROISIÈME EXPÉRIENCE.
« J’ai remis ce même demi-gros dans une
nouvelle coupelle ; mais, au lieu de moufle,
j’ai renversé sur le support un creuset de
plomb noir de Passaw. J’av.ois eu l’attention
de n’employer pour support que des têts d*a
gile pure très-réfractaire; par ce moyen, i
pouvois augmenter la violence du feu etpr ™
longer sa durée, sans craindre devoir coul
les vaisseaux , ni obstruer l’argile par les so
ries. Cet appareil ainsi placé dans le fourneai
j’y ai entretenu, pendant quatre heures, i
feu de la dernière violence. Lorsque tout L
été refroidi , j’ai trouvé le creuset bien co
servé , soudé au support. Ayant brisé cgi,
soudure vitreuse , j’ai reconnu que rien n’ ’
voit pénétré dans l’intérieur du creuset , la i'
paroissoit seulement plus luisant qu’il n’ L
toit auparavant. La coupelle avoit conser
sa forme et sa position; elle étoit un pi
fendillée , mais pas assez pour se laiss
pénétrer : aussi le bouton de platine ^
étoit-il pas adhérent ; ce bouton n’étoit ej (r
coi’p mi’a^p-lniinfi mais d’une manière hit
core qu agglutiné
plus serrée que la première fois : les grai ^
étoient moins saillans; la couleur en étc
plus claire, le brillant plus métallique;
ce qu’il y eut de plus remarquable, c’est qu
s’étoit élancé de sa surface pendant l’opér a
tion, et probablement dans les premié
instans du refroidissement, trois jets IL
verre , dont l’un , plus élevé , parfaiteme L
sphérique , étoit porté sur un pédicule d’ui
ligne de hauteur , de la même matière trai
parente et vitreuse. Ce pédicule avoitàpeii
un sixième de ligne, tandis que le globu
avoit une ligne de diamètre , d’une coule
uniforme, avec une légère teinte de roug
que ne déroboit rien à sa transparence. D
deux autres jets de verre , le plus petit av(
un pédicule comme le plus gros , et le moy
n’avoit point de pédicule et étoit seuleme
attaché à la platine par sa surface extérieur
QUATRIÈME EXPÉRIENCE.
« J’ai essayé de coupeller la platine’,’
pour cela j’ai mis dans une coupelle un gr
des mêmes grains enlevés par l’aimant , ay
deux gros de plomb. Après avoir donné i
très-grand feu pendant deux heures , j
trouvé dans la coupelle un bouton adhéreu \
couvert d’une croûte jaunâtre et un pi
spongieuse, du poids de 2 gro? 12 grain
ce qui annonçoit que la platine avoit relei
1 gros 12 grains de plomb.
« J’ai remis ce bouton dans une autre co
pelle au même fourneau, observant de
retourner; il n’a perdu que 12 grains dâ ^
un feu de deux heures : sa couleur et 1
forme avoient très-peu changé.
« Je lui ai appliqué ensuite le vent <
soufflet , après l’avoir placé dans une no
PARTIE EXPERIMENTALE.
4o3
loupelle couverte d’un creuset de Pas-
lans la partie inférieure d’un fourneau
ion dont j’avois ôté la grille : le bou-
jris alors un coup d’œil plus mêlai 11-
üujours un peu terne ; et cette fois il
[u x8 grains.
même bouton ayant été remis dans
|neau de M. Macquer, toujours placé
ne coupelle couverte d’un creuset de
je soutins le feu pendant trois heu-
>rès lesquelles je fus obligé de l’arrê-
irce que les briques qui servoient de
|t avoient entièrement coulé. Le bou-
lit devenu de plus en plus métallique :
ftroit pourtant à la coupelle; il avoit
cette fois 34 grains. Je le jetai dans
[nitreux fumant, pour essayer de le
il y eut un peu d’effervescence
j’ajoutai de l’eau distillée ; le bouton
it effectivement deux grains , et j’y
fluai 'quelques petits trous, comme
îe laisse le départ.
le restoit plus que 22 grains de plomb
la platine , à en juger par l’excédant
[poids. Je commençai à espérer de
cette dernière portion de plomb ; et
lia, je mis ce bouton dans une cou-
fcuve : je disposai le tout comme dans
lème expérience; je me servis du
iourneau , en observant de dégager
lellement la grille, d’entretenir au
dans le courant d’air qu’il attiroit ,
liporation continuelle par le moyen
lapsule que je rempîissois d’eau de
In temps , et de laisser un moment la
'"îtr’ ouverte lorsqu’on venoit de rem-
>urneau de charbon. Ces précautions
Itèrent tellement l’activité du feu ,
jloit recharger de dix minutes en
lûtes. Je le soutins au même degré
quatre heures , et je le laissai re-
j'econnus le lendemain que le creuset
noir avoit résisté, que les supports
que faïencés par les cendres. Je
[dans la coupelle un bouton bien
lé, nullement adhérent, d’une cou-
Itinue et uniforme , approchant plus
juleur de l’élain que de tout autre
leulement un peu raboteux ; en un
gant un gros très-juste , rien de plus,
îoins.
annonçoit donc que celte platine
couvé une fusion parfaite, qu’elle
[failement pure ; car, pour supposer
cnoil encore du plomb, il faùdroit
aussi que ce minéral avoit juste-
rdu de sa propre substance autant
qu’il avoit retenu de matière étrangère ; et
une telle précision ne peut être l’effet d’un
pur hasard.
« Je devois passer quelques jours avec
M. le comte de Buffon, dont la société a, si
je puis le dire, le même charme que son
style , dont la conversation est aussi pleine
que ses livres; je me fis un plaisir de lui por-
ter les produits de ces essais, et je remis à
les examiner ultérieurement avec lui.
« i° Nous avons observé que le gros de
platine agglutinée de la première expérience
11’étoit pas attiré en bloc par l’aimant; que
cependant le barreau magnétique avoit une
action marquée sur les grains que l’on en
délachoit.
« 20 Le demi-gros de la troisième expé-
rience n’étoit non seulement pas attirable en
masse , mais les grains que l’on en séparoit
ne donnoient plus eux -mêmes aucun signe
de magnétisme.
« 3° Le bouton de la quatrième expérience
étoit aussi absolument insensible à l’approche
de l’aimant, ce dont nous nous assurâmes
en mettant le bouton en équilibre dans une
balance très-sensible, et lui présentant un
très-fort aimant jusqu’au contact, sans que
son approche ait le moindrement dérangé
l’équilibre.
« 4° La pesanteur spécifique de ce bouton
fut déterminée par une bonne balance hy-
drostatique , et , pour plus de sûreté , com-
parée à l’or de monnoie et au globe d’or
très-pur employé par M. de Buffon à ses
belles expériences sur le progrès de la cha-
leur; leur densité se trouva avoir les rap-
ports suivans avec l’eau dans laquelle ils
furent plongés :
«Le globe d’or xg i/34
« L’or de monnoie. ... 17 1/2
« Le bouton de platine. i4 2/S
« 5° Ce bouton fut porté sur un tas d’a-
cier pour essayer sa ductilité. Il soutint fort
bien quelques coups de marteau; sa surface
devint plane , et même un peu polie dans
les endroits frappés; mais il se fendit bientôt
après, et il s’en détacha une portion, faisant
à peu près le sixième de la totalité ; la frac-
ture présenta plusieurs cavités, dont quel-
ques-unes , d’environ une ligne de diamètre ,
avoient la blancheur et le brillant de l’ar-
gent; on remarquoit dans d’autres de petites
pointes élancées , comme les cristallisations
dans les géodes. Le sommet de l’une de ces
pointes, vu à la loupe, étoit un globule ab-
solument semblable , pour la forme , à celui
de la troisième expérience , et aussi de ma-
tière vitreuse transparente , autant que son
26
4o4 MINÉRAUX. INTRODUCTION.
extrême petitesse permettent d’en juger. Au
reste, toutes les parties du bouton étoient
compactes, bien liées, et le grain plus fin,
plus serré, que celui du meilleur acier après
la plus forte trempe, auquel il ressembloit
d’ailleurs par la couleur.
« 6° Quelques portions de ce boulon ainsi
réduites en parcelles à coups de marteau sur
le tas d’acier, nous leur avons présenté l’ai-
mant, et aucune n’a été attirée ; mais les
«ayant encore pulvérisées dans un mortier
d’agate, nous avons remarqué que le bar-
reau magnétique en enlevoit quelques-unes
des plus petites toutes les fois qu’on le posoit
immédiatement dessus.
« Cette nouvelle apparition du magné-
tisme éloit d’autant plus surprenante, que
les grains détachés de la niasse agglutinée
de la deuxième expérience nous avoient
paru avoir perdu eux-mêmes toute sensibilité
à l’approche et au contact de l’aimant. Nous
reprîmes en conséquence quelques-uns de
ces grains ; ils furent de même réduits en
poussière dans le mortier d’agate , et nous
vîmes bientôt les parties les plus petites s’at-
tacher sensiblement au barreau aimanté. U
n’est pas possible d’attribuer cet effet au
poli de la surface du barreau, ni à aucune
autre cause étrangère au magnétisme : un
morceau de fer aussi poli, appliqué de la
même manière sur les parties de cette pla-
tine, n’en a jamais pu enlever une seule.
« Par le récit exact de ces expériences et
des observations auxquelles elles ont donné
lieu, on peut juger de la difficulté de déter-
miner la nature de la platine. U est bien
certain que celle-ci contenoit quelques par-
ties vitrifiables ,. et vitrifiables même sans
addition à un grand feu ; il est bien sur que
toute platine contient du fer et des parties
aliirables : mais si l’alcali prussien ne don-
noit jamais du bleu qu’avec les grains que
l’aimant a enlevés , il semble qu’on eu pour-
roit conclure que ceux qui lui résistent ab-
solument sont de la platine pure, qui n’a
par elle-même aucune vertu magnétique, et
que le fer n’en fait pas partie essentielle.
On devoit espérer qu’une fusion aussi avan-
cée, une coupellation aussi parfaite, déci-
deroient au moins cette question; tout an-
nonçoit qu’en effet ces opérations l’avoient
dépouillée de toute vertu magnétique en la
séparant de tous corps étrangers : mais la
dernière observation prouve, d’une manière
invincible, que cette propriété magnétique
n’y étoit réellement qu’affoiblie, et peut-être
masquée ou ensevelie, puisqu'elle a reparu
lorsqu’on l’a broyée. »
REMARQUES.
De ces expériences de M. de Morvt
et des observations que nous avons ens g
faites ensemble, il résulte :
i° Qu’on peut espérer de fondre la ,-t
tine sans addition dans nos meilleurs 1 1
neaux, en lui appliquant le feu plusieurs b
de suite, parce que les meilleurs creuse jt
pourroient résister à l’action d’un feu ; ai
violent pendant tout le temps qu’exig j
l’opération complète. i r
2° Qu’en la fondant avec le plomb, j
coupellant successivement et à plusieur
prises , on vient à bout de vitrifier to
plomb, et que cette opération pourrait
fin la purger d’une partie des matières | j
gères qu’elle contient.
3° Qu’en la fondant sans addition
paraît se purger elle-même en partie de j
tières vitrescibles qu’elle renferme, pui ^
s’élance à sa surface de petit jets de ^
qui forment des masses assez considérai,,
et qu’on en peut séparer aisément api|L
refroidissement.
:lu
4° Qu’en faisant l’expérience du bli.L
Prusse avec les grains de platine qukj
roissent les plus insensibles à l’aiman r
n’est pas toujours sûr d’obtenir de ce
comme cela ne manque jamais d’a
avec les grains qui ont plus ou moii
sensibilité au magnétisme ; mais c<
M. de Morveau a fait cette expérienc
une très-petite quantité de platine , il s
pose de la répéter. «u
5° Il paroit que ni la fusion ni lejL
pellation ne peuvent détruire, dans 1 jL,
tine, tout le fer dont elle est intime Jse
pénétrée : les boulons fondus ou cou
paroissent, à la vérité, également inset
à l’action de l’aimant; mais les ayant
dans un mortier d’agate et sur un tas d
nous y avons retrouvé des parties ît
tiques d’autant plus abondantes que 1
tine étoit réduite en poudre plus fin
premier bouton, dont les grains ne s’é
qu’agglutinés, rendit, étant broyé,
coup plus de parties magnétiques que
cond et le troisième dont les grains a
subi une plus forte fusion ; mais néan
tous deux, étant broyés , fournirent d<
ties magnétiques, en sorte qu’on nt
pas douter qu’il n’y ait encore du fe
la platine après qu’elle a subi les plus i
efforts du feu et Inaction dévorante du
dans la coupelle. Ceci semble achever
montrer que ce minéral est réellenr
PARTIE EXPÉRIMENTALE. 4o5
iiéjige intime d’or et de fer, que jusqu’à
i ut l’art n’a pu séparer.
Je fis encore, avec JM. de Morveau ,
U titre observation sur cette platine fon-
1 t ensuite broyée; c’est qu’elle reprend,
1 brisant, précisément la même forme
i alets arrondis et aplatis qu’elle avoit
• d’être fondue. Tous les grains de cette
c e fondue et brisée sont semblables à
de la platine naturelle, tant pour la
; que pour la variété de grandeur ; et
: paroissent en différer que parce qu’il
n’y a que les plus petits qui se laissent en-
lever à l’aimant, et en quantité d’autant
moindre que la platine a subi plus de feu.
Cela paroît prouver aussi que, quoique le
feu ait été assez fort non seulement pour
brûler et vitrifier, mais même pour chasser
au dehors une partie du fer avec les aulres
matières vitrescibles qu’il contient, la fusion
néanmoins n’est pas aussi complète que celle
des autres métaux parfaits , puisqu’en la bri-
sant, les grains reprennent la même ligure
qu’ils avoient avant la fonte.
I^ W\'VV>\'VWVW'IVVV\WV\WWV1.WV%V» wwv\
QUATRIEME MÉMOIRE.
t Expériences sur la ténacité et sur la décoynposition du fer.
i a vu , dans le premier mémoire , que
perd de sa pesanteur à chaque fois
le chauffe à un feu violent, et que les
:ts chauffés trois fois jusqu’au blanc ont
i la douzième partie de leur poids. On
; d’abord porté à croire que cette perte
lit être attribuée qu’à la diminution du
ne du boulet , par les scories qui se dé-
nt de la surface et tombent en petites
es ; mais si l’on fait attention que les
> boulets, dont par conséquent la sur-
;st plus grande, relativement au volume,
;elle des gros, perdent moins, et que
[ros boulets perdent proportionnelle-
plus que les petits , on sentira bien
a perte totale de poids ne doit pas être
lement attribuée à la chute des écailles
e détachent de la surface , mais encore
ï altération intérieure de toutes les par-
le la masse, que le feu violent diminue
nd d’autant plus légère qu’il est appli-
)lus souvent et plus long-temps
en effet , si l’on recueille à chaque fois
cailles qui se détachent de la surface des
cts, on trouvera que, sur un boulet de
uces, qui, par exemple, aura perdu
ces par une première chaude , il n’y
pas une once de ces écailles détachées ,
Une expérience familière, et qui semble prom-
ue le fer perd de sa masse à mesure qu’on le
'fe, même à un feu très-médiocre, c’est que
rs à friser, lorsqu’on les a souvent trempés
L’eau pour les refroidir, ne conservent pas le
: degré de chaleur au bout d’un temps. 11
■lève aussi des écailles lorsqu'on les a sou-
chauffés et trempés ; ces écailles sont du véri-
fer.
et que tout le reste de la perte de poids ne
peut être attribué qu’à celte altération in-
térieure de la substance du fer, qui perd de
sa densité à chaque fois qu’on le chauffe;
en sorte que si l’on réitérait souvent cette
même opération , on réduirait le fer à n’ètre
plus qu’une matière friable et légère dont
on ne pourrait faire aucun usage : car j’ai
remarqué que les boulets, non seulement,
avoient perdu de leur poids, c’est-à-dire de
leur densité , mais qu’en même temps ils
avoient aussi beaucoup perdu de leur soli-
dité, c’est-à-dire de cette qualité dont dé-
pend la cohérence des parties ; car j’ai vu ,
en les faisant frapper, qu’on pouvoit les
casser d’autant plus aisément qu’ils avoient
été chauffés plus souvent et plus long-temps.
C’est sans doute parce que l’on ignorait
jusqu’eà quel point va cette altération du fer,
ou plutôt parce qu’on ne s’en doutoit point
du tout, que l’on imagina, il y a quelques
années, dans notre artillerie , de chauffer
les boulets dont il étoit question de dimi-
nuer le volume2. On m’a assuré que le ca-
libre des canons nouvellement fondus étant
plus étroit que celui des anciens canons , il
a fallu diminuer les boulets; que, pour y
parvenir, on a fait rougir ces boulets à blanc,
afin de les ratisser ensuite plus aisément en
les faisant tourner. On m’a ajouté que sou-
vent. on est obligé de les faire chauffer cinq,
six et même huit et neuf fois pour les ré-
duire autant qu’il est nécessaire. Or, il est
évident, par mes expériences, que cette
a. M. le marquis de Vallière ne s’occupoit point
alors clés travaux de l’artillerie.
4o6 MINERAUX. INTRODUCTION.
pratique est mauvaise ; car un boulet échauffé
à blanc neuf fois doit perdre au moins le
quart de son poids , et peut-être les trois
quarts de sa solidité. Devenu cassant et fria-
ble , il ne peut servir pour faire brèche ,
puisqu’il se brise contre les murs ; et, devenu
léger, il a aussi, pour les pièces de campagne,
le grand désavantage de ne pouvoir aller
aussi loin que les autres.
En général , si l’on veut conserver au fer
sa solidité et son nerf, c’est-à-dire sa masse
et sa force, il ne faut l’exposer au feu ni
plus souvent ni plus long-temps qu’il n’est
nécessaire; il suffira, pour la plupart des
usages , de le faire rougir sans pousser le
feu jusqu’au blanc : ce dernier degré de cha-
leur ne manque jamais de le détériorer; et,
dans les ouvrages où il importe de lui con-
server tout son nerf, comme dans les bandes
que l’on forge pour les canons de fusil , il
faudroit, s’il étoit possible, ne les chauffer
qu’une fois pour les battre, plier et souder
par une seule opération; car, quand le fer
a acquis sous le marteau toute la force dont
il est susceptible, le feu ne fait plus que la
diminuer. C’est aux artistes à voir jusqu’à
quel point ce métal doit être malléé pour
acquérir tout son nerf ; et cela ne seroit pas
impossible à déterminer par des expériences.
J’en ai fait quelques-unes que je vais rap-
porter ici.
I. Une boucle de fer de 18 lignes 2/3 de
grosseur, c’est-à-dire 348 lignes carrées pour
chaque montant de fer, ce qui fait pour le
tout 696 lignes carrées de fer, a cassé sous
le poids de 28 milliers qui tiroit perpendi-
culairement. Cette boucle de fer avoit en-
viron 16 pouces de largeur sur i3 pouces
de hauteur, et elle étoit , à très-peu près, de
la même grosseur partout. Cette boucle a
cassé presque au milieu des branches per-
pendiculaires , et non pas dans les angles.
Si l’on vouloit conclure du grand au petit
sur la force du fer par cette expérience , il
se trouveroit que chaque ligne carrée de fer,
tirée perpendiculairement, 11e pourroit por-
ter qu’ environ 40 livres.
II. Cependant, ayant mis à l’épreuve un
fil de fer d’une ligne un peu forte de dia-
mètre , ce morceau de fil de fer a porté ,
avant de se rompre, 482 livres; et un pareil
morceau de fil de fer n’a rompu que sous la
charge de 4g5 livres : en sorte qu’il est à
présumer qu’une verge carrée d’une ligne de
ce même fer auroit porié encore davantage,
puisqu’elle auroit contenu quatre segmeus
aux quatre coins du carré inscrit au cei j
de plus que le fil de fer rond , d’une 1 i
de diamètre.
Or cette disproportion dans la forc< \
fer en gros et du fer en petit est énorme
gros fer que j’avois employé venoit de la f j
d’Aisy sous Rougemont ; il étoit sans ne !
à gros grain , et j’ignore de quelle forge 1 ,
mon fil de fer : mais la différence de la
lité du fer, quelque grande qu’on vouli
supposer, ne peut pas faire celle qui se tr< :
ici dans leur résistance, qui, comme
voit, est douze fois moindre dans le J
fer que dans le petit.
-
III. J’ai fait rompre une autre boucle
fer de 18 lignes 1/2 de grosseur, du im
fer de la forge d’Aisy ; elle ne supports! s
même que 28450 livres, et rompit em
presque dans le milieu des deux montais
■
IY. J’avois fait faire en même temps n
boucle du même fer, que j’avois fait refo 11I
pour le partager en deux , en sorte qu’,i iij
trouva réduit à une barre de 9 lignes le
18 ; l’ayant mise à l’ épreuve, elle suppc le
avant de se rompre, la charge de 1730 I]
vres , tandis qu’elle n’auroit dû porter |n
au plus que 14 milliers , si elle n’eût pasall
forgée une seconde fois.
Y. Une autre boucle de fer, de it <1:
gnes 3/4 de grosseur, ce qui fait, pour 1 1 ni
que montant, à peu près 280 lignes cari : 1
c’est-à-dire 56o, a porté 24600 livres,- j
lieu qu’elle n’auroit dû porter que 22
livres , si je ne l’eusse pas fait forger une
conde fois.
YI. Un cadre de fer delà même quai
c’est-à-dire sans nerf et à gros grain , et
liant delà même forge d’Aisy, que j’a
fait établir pour empêcher l’écartement
murs du haut fourneau de mes forges, et
avoit 26 pieds d’un côté sur 22 pieds
l’autre, ayant cassé par l’effort de la t
leur du fourneau dans les deux points
lieux des deux plus longs côtés, j’ai vu qu
pouvois comparer ce cadre aux boucles 1
expériences précédentes , parce qu’il étoi;
même fer, et qu’il a cassé de la même i
nière. Or ce fer avoit 2 1 lignes de gros
qui fait 441 lignes carrées; et ayant ron
comme les boucles aux deux côtés oppos
cela fait 882 lignes carrées qui se sont sc
rées par l’effort de la chaleur : et cou
nous avons trouvé, par les expériences f
cédentes, que 696 lignes carrées du me j
PARTIE EXPERIMENTALE. 4u trois forges dont on puisse tirer ces fers
tour les fileries.
La bonne fonte est , à la vérité , la base
tout bon fer; mais il arrive souvent que,
iar de mauvaises pratiques , on gâte ce bon
’er. Une de ces mauvaises pratiques, la plus
énéralement répandue, et qui détruit le
dus le nerf et la ténacité du fer, c’est l’u-
age où sont les ouvriers de presque toutes
es forges, de tremper dans l’eau la pre-
mière portion de la pièce qu’ils viennent
de travailler , afin de pouvoir la manier et'
la reprendre plus promptement. J’ai vu avec
quelque surprise la prodigieuse différence
qu’occasionne cette trempe , surtout en hiver
et lorsque l’eau est froide; non seulement
elle rend cassant le meilleur fer, mais même
elle en change le grain et en détruit le nerf,
au point qu’on n’imagineroit pas que c’est
le même fer , si l’on n’en étoit pas convaincu
par ses yeux en faisant casser l’autre bout du
même barreau , qui, n’ayant point été trempé,
conserve son nerf et son grain ordinaire.
Cette trempe, en été, fait beaucoup moins
de mal, mais en fait toujours un peu; et si
l’on veut avoir du fer toujours de la même
bonne qualité , il faut absolument proscrire
cet usage, ne jamais tremper le fer chaud dans
l’eau, et attendre, pour le manier, qu’il se
refroidisse à l’air.
Il faut que la fonte soit bien bonne pour
produire du fer aussi nerveux , aussi tenace
que celui' qu’on peut tirer des vieilles fer-
railles refondues, non pas en les jetant au
fourneau de fusion, mais en les mettant au.
feu de l’affinerie. Tous les ans on achète
pour mes forges une assez grande quantité
de ces vieilles ferrailles, dont, avec un peu
de soin, l’on fait d’excellent fer. Mais il y a
du choix dans ces ferrailles ; celles qui pro-
viennent des rognures de la tôle ou des mor-
ceaux cassés du fil de fer, qu’on appelle des
riblous , sont les meilleures de toutes , parce
qu’elles sont d’un fer plus pur que les autres;
on les achète aussi quelque chose de plus ;
mais en général ces vieux fers, quoique de
qualité médiocre, en produisent de très-bons
lorsqu’on sait les traiter. Il ne faut jamais les
mêler avec la fonte ; si même il s’en trouve
quelques morceaux parmi les ferrailles, il
faut les séparer : il faut aussi mettre une cer-
taine quantité de crasses dans le foyer, et
le feu doit être moins poussé , moins violent
que pour le travail du fer en gueuse, sans
quoi l’on brùîeroit une grande partie de sa
ferraille, qui , lorsqu’elle est bien traitée et
de bonne qualité , ne donne qu’un cinquième
de déchet , et consomme moins de charbon
que le fer de la gueuse. Les crasses qui sor-
tent de ces vieux fers, sont en bien moin-
dre quantité, et ne conservent pas, à beau-
coup près , autant de particules de fer que
les autres. Avec des riblous qu’on renvoie
des fileries que fournissent mes forges , et
des rognures de tôle cisaillées que je fais fa-
briquer, j’ai souvent fait du fer qui étoit
tout nerf, et dont le déchet n’étoit presque
que d’un sixième, tandis que le déchet du
fer en gueuse est communément du double,
4ic MINERAUX. INTRODUCTION.
c’est-à-dire d’un tiers, et souvent de plus
d’un tiers , si l’on veut obtenir du fer d’ex-
cellente qualilé.
' M. de Montbeillard , lieutenant-colonel au
régiment royal d’artillerie , ayant été chargé,
pendant plusieurs années, de l’inspection
des manufactures d’armes à Charleville , Mau-
beuge et Saint-Étienne, a bien voulu me
communiquer un Mémoire qu’il a présenté
au ministre, et dans lequel il traite de cette
fabrication du fer avec de vieilles ferrailles.
Il dit, avec grande raison, «que les fer-
railles qui ont beaucoup de surface , et cel-
les qui proviennent des vieux fers et clous
de chevaux, ou fragmens de petits cylindres,
ou carrés tors, ou des anneaux et boucles,
toutes pièces qui supposent que le fer qu’on
a employé pour les fabriquer étoit souple,
liant et susceptible d’être plié, étendu, ou
tordu , doivent être préférées et recherchées
pour la fabrication des canons de fusil. » On
trouve , dans ce même Mémoire de M. de
Montbeillard , d’excellentes réflexions sur
les moyens de perfectionner les armes à feu,
et d’en assurer la résistance par le choix du
bon fer et par la manière de le traiter ; l’au-
teur rapporte une très-bonne expérience I,
qui prouve clairement que les vieilles fer-
railles et même les écailles ou exfoliations
qui se détachent de la surface du fer, et
que bien des gens prennent pour des sco-
ries, se soudent ensemble de la manière la
plus intime, et que par conséquent le fer
qui en provient est d’aussi bonne et peut-
être de meilleure qualité qu’aucun autre.
Mais en même temps il conviendra avec moi,
et il observe même, dans la suite de son Mé-
moire, que cet excellent fer ne doit pas être
employé seul , par la raison même qu’il est
i. Qu’on prenne une barre de fer large de deux
à trois pouces, épaisse de deux à trois lignes;
qu’on la chauffe au rouge, et qu’avec la panne du
marteau on y pratique dans sa longueur une can-
nelure ou cavité ; qu’on la plie sur elle-même pour
la doubler et corroyer, l’on remplira ensuite la
cannelure des écailles ou pailles en question; on
lui donnera une chaude douce d’abord en rabattant
les bords , pour empêcher qu’elles ne s’échappent ,
et on battra la barre comme on le pratique pour
corroyer le fer, avant de la chauffer au blanc ; on
la chauffera ensuite blanche et fondante , et la
pièce soudera à meryeille; on la cassera à froid , et
l’on n'y verra rien qui annonce que la soudure
n’ait été complète et parfaite, et que les parties du
fer ne se soient pas pénétrées réciproquement sans
laisser aucun espace vide. J’ai fait cette expérience
aisée à répéter, qui doit rassurer sur les pailles ,
soit qu’elles soient plates ou qu’elles aient la forme
d'aiguilles , puisqu’elles ne sont autre chose que du
fer, comme la barre avec laquelle on les incorpore,
où elles ne forment plus qu’une même masse avec
elle.
trop parfait. Et en effet , un fer qui , sortant
de la forge, a toute sa perfeclion, n’est ex-
cellent que pour être employé tel qu’il est,
ou pour des ouvrages qui ne demandent que
des chaudes douces ; car toute chaude vive,
toute chaleur à blanc , le dénature : j’en ai
fait des épreuves plus que réitérées sur des
morceaux de toute grosseur. Le petit fer se 1
dénature un peu moins que le gros ; mais !
tous deux perdent la plus grande partie de
leur nerf dès la première chaude à blanc ; [
une seconde chaude pareille change et achève
de détruire le nerf; elle altère même la qua-
lité du grain, qui, de fin qu’il étoit, devient I
grossier et brillant comme celui du fer le
plus commun : une troisième chaude rend | 1
ces grains encore plus gros, et laisse déjà I
voir entre leurs interstices des parties noi- 1 1
res de matière brûlée. Enfin , en continuant
de lui donner des chaudes, on arrive au !
dernier degré de sa décomposition, et on 1
le réduit en une terre morte , qui ne paroît 1
plus contenir de substance métallique, et
dont on ne peut faire aucun usage : car
cette terre morte n’a pas, comme la plupart J
des autres chaux métalliques , la propriété ^
de se revivifier par l’applicalion des matières j 1
combustibles; elle ne contient guère plus M
de fer que le mâchefer commun tiré du char- [ f
bon des végétaux , au lieu que les chaux des ! 1
autres métaux se revivifient presque en en- !
lier, ou du moins en très-grande partie ; et ! 1
cela achève de démontrer que le fer est une (
matière presque entièrement combustible. ] (
Ce fer que l’on tire, tant de cette terre f*
ou chaux de fer, que du mâchefer prove- j1 1
nant du charbon, m’a paru d’une singulière < 1
qualité ; il est très-magnétique et très-infu- \ 5
sible. J’ai trouvé dû petit sable noir aussi f
magnétique , aussi indissoluble , et presque f
infusible, dans quelques-unes des mines que i e
j’ai fait exploiter. Ce sablon ferrugineux et 11
magnétique se trouve mêlé avec les grains P
de mine qui ne le sont point du tout, et ^
provient certainement d’une cause tout au- ; e
tre. Le feu a produit ce sablon magnétique , |! ^
et l’eau, les grains de mine; et lorsque par M
hasard ils se trouvent mélangés, c’est que le £l
hasard a fait qu’on a brûlé de grands amas ijj£
de bois , ou qu’on a fait des fourneaux de j i1
charbon sur le terrain qui T'enferme les mi- ;P
nés , et que ce sablon ferrugineux, qui n’est
que le détriment du mâchefer que l’eau ne P
peut ni rouiller ni dissoudre, a pénétré, P
par la filtration des eaux, auprès des lits P
de mine en grains, qui souvent ne sont I
qu’à deux ou trois pieds de profondeur. On P1
a vu, dans le mémoire précédent, que ce U
mmAiMA
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
4n
Sablon ferrugineux qui provient du mâche-
fer des végétaux , ou si l’on veut , du fer
brûlé autant qu’il peut l’être , paroît être le
même , à tous égards , que celui qui se trouve
dans la platine.
Le fer le plus parfait est celui qui n’a pres-
que point de grain , et qui est enlièrement
d’un nerf de gris cendré. Le fer à nerf noir
est encore très-bon, et peut-être est-il pré-
férable au premier pour tous les usages où
il faut chauffer plus d’une fois ce métal avant
de l’employer. Le fer de la troisième qualité,
et qui est moitié nerf et moitié grain , est
le fer par excellence pour le commerce , parce
qu’on peut le chauffer deux ou trois fois
sans le dénaturer. Le fer sans nerf , mais à
grain fin , sert aussi pour beaucoup d’usages ;
mais les fers sans nerf et à gros grain de-
vroient être proscrits , et font le plus grand
tort dans la société, parce que malheureu-
sement ils y sont cent fois plus communs
que les autres. Il ne faut qu’un coup d’œil
à un homme bien exercé pour connoître la
bonne et la mauvaise qualité du fer ; mais
les gens qui le font employer, soit dans leurs
bâtimens, soit à leurs équipages , ne s’y con-
noissent ou n’y regardent pas , et paient sou-
vent comme très-bon du fer que le fardeau
fait rompre, ou que la rouille détruit en
peu de temps.
Autant les chaudes vives et poussées jus-
qu’au blanc détériorent le fer, autant les
chaudes douces, où l’on ne le rougit que
couleur de cerise , semblent l’améliorer.
C’est par cette raison que les fers destinés à
passer à la fenderie ou à la batterie ne de-
mandent pas à être fabriqués avec autant de
soin que ceux qu’on appelle fers marchands,
qui doivent avoir toute leur qualité. Le fer
de tirerie fait une classe à part. Il ne peut
être trop pur : s’il çôntenoit des parties hé-
térogènes, il deviendroit très-cassant aux
dernières filières. Or il n’y a d’autre moyen
de le rendre pur que de le faire bien suer ,
en le chauffant la première fois jusqu’au
blanc, et le martelant avec autant de force
que de précaution , et ensuite en le faisant
encore chauffer à blanc , afin d’achever de
le dépurer sous le martinet en l’allongeant
pour en faire de la verge crénelée. Mais les
fers destinés à être refendus pour en faire
de la verge ordinaire, des fers aplatis, des
languettes pour la tôle , tous les fers , en un
mot , qu’on doit passer sous les cylindres ,
n’exigent pas le même degré de perfection,
parce qu’ils s’améliorent au four de la fen-
derie, où l’on n’emploie que du bois, et
dans lequel tous ces fers ne prennent une
chaleur que du second degré, d’un rouge
couleur du feu , qui est suffisant pour les
amollir, et leur permet de s’aplatir et de
s’étendre sous les cylindres , et de se fendre
ensuite sous les taillans. Néanmoins, si l’on
veut avoir de la verge bien douce, comme
celle qui est nécessaire pour les clous à ma-
réchal ; si l’on veut des fers aplatis qui
aient beaucoup de nerf, comme doivent
être ceux qu’on emploie pour les roues, et
particulièrement les bandages qu’on fait
d’une seule pièce, dans lesquels il faut au
moins un tiers de nerf; les fers qu’on livre
à la fenderie doivent être de bonne qualité,
c’est-à-dire avoir au moins un tiers de nerf ;
car j’ai observé que le feu doux du four et
la forte compression des cylindres ren-
dent , à la vérité , le grain du fer un peu
plus fin , et donnent même du nerf h celui
qui n’avoit que du grain très-fin , mais ils
ne convertissent jamais en nerf le gros grain
des fers communs ; en sorte qu’avec du
mauvais fer à gros grain on pourra faire de
la verge et des fers aplatis dont le grain sera
moins gros, mais qui seront toujours trop
cassans pour être employés aux usages dont
je viens de parler.
Il en est de même de la tôle : on ne peut
pas employer de trop bonne étoffe pour la
faire, et il est bien fâcheux qu’on fasse tout
le contraire ; car presque toutes nos tôles
en France se font avec du fer commun :
elles se rompent en les pliant, et se brûlent
ou pourrissent en peu de temps ; tandis que
de la tôle faite , comme celle de Suède ou
d’Angleterre, avec du bon fer bien nerveux,
se tordra cent fois sans rompre , et durera
peut-être vingt fois plus que les autres. On
en fait à mes forges de toute grandeur et
de toute épaisseur ; on en emploie à Paris
pour les casseroles et autres pièces de cui-
sine , qu’on étame , et qu’on a raison de
préférer aux casseroles de cuivre. On a fait
avec cette même tôle grand nombre de
poêles, de chéneaux, de tuyaux, et j’ai,
depuis quatre ans, l’expérience mille fois
réitérée qu’elle peut durer, comme je viens
de le dire, soit au feu, soit à l’air, beau-
coup plus que les tôles communes : mais
comme elle est un peu plus chère, le débit
en est moindre, et l’on n’en demande que
pour certains usages particuliers , auxquels
les autres tôles ne pourroient être employées.
Lorsqu’on est au fait , comme j’y suis , du
commerce des fers, on diroit qu’en France
on a fait un pacte général de ne se servir
que de ce qu’il y a de plus mauvais en ce
genre.
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
412
Avec du fer nerveux on pourra toujours
faire d’excellente tôle, en faisant passer le
fer des languettes sous les cylindres de la
fenderie. Ceux qui aplatissent ces languettes
sous le martinet après les avoir fait chauffer
au charbon sont dans un très-mauvais usage :
le feu de charbon, poussé par les soufflets,
gâte le fer de ces languettes ; celui du four
de la fenderie ne fait que le perfectionner.
D’ailleurs il en coûte plus de moitié moins
pour faire les languettes au cylindre que
pour lès faire au martinet ; ici l’intérêt
s’accorde avec la théorie de l’art : il n’y a
donc que l’ignorance qui puisse entretenir
cette pratique, qui néanmoins est la plus
générale ; car il y a peut-être sur toutes les
tôles qui se fabriquent en France plus des
trois quarts dont les languettes ont été faites
au martinet. Cela ne peut pas être autre-
ment , me dira-t-on ; toutes les batteries
n’ont pas à côté d’elles une fenderie et des
cylindres montés. Je l’avoue, et c’est ce
dont je me plains ; on a tort de permettre
ces petits établissements particuliers qui ne
subsistent qu’en achetant dans les grosses
forges les fers au meilleur marché , c’est-à-
dire tous les plus médiocres, pour les fa-
briquer ensuite en tôle et en petits fers de
la plus mauvaise qualité.
Un autre objet fort important sont les
fers de charrue : on ne saurait croire com-
bien la mauvaise qualité du fer dont on les
fabrique fait de tort aux laboureurs ; on
leur livre inhumainement des fers qui cassent
au moindre effort, et qu’ils sont forcés de
renouveler presque aussi souvent que leurs
cultures : on leur fait payer bien cher du
mauvais acier dont on arme la pointe de
ces fers encore plus mauvais , êt le tout est
perdu pour eux au bout d’un an, et souvent
en moins de temps ; tandis qu’en employant
pour ces fers de charrue, comme pour la
tôle, le fer le meilleur et le plus nerveux,
on pourrait les garantir pour un usage de
vingt ans , et même se dispenser d’en aciérer
la pointe ; car j’ai fait faire plusieurs cen-
taines de ces fers de charrue, dont j’ai fait
essayer quelques-uns sans acier, et ils se
sont trouvés d’une étoffe assez ferme pour
résister au labour. J’ai fait la même expé-
rience sur un grand nombre de pioches :
c’est la mauvaise qualité de nos fers qui a
établi chez les taillandiers l’usage général
de mettre de l’acier à ces instrumens de
campagne, qui 11’en auraient pas besoin
s’ils étoient de bon fer fabriqué avec des
languettes passées sous les cylindres.
J’avoue qu’il y a de certains usages pour
lesquels on pourrait fabriquer du fer aigre ;
mais encore ne faut-il pas qu’il soit à trop f
gros grain ni trop cassant : les clous pour il
les petites lattes à tuile, les broquettes, et f
autres petits clous , plient lorsqu’ils sont 1
faits d’un fer trop doux ; mais à l’exception 1 1
de ce seul emploi , qu’on ne remplira tou- ; i
jours que trop, je ne vois pas qu’on doive
se servir de fer aigre. Et si, dans une bonne ! 1
manufacture, on en veut faire une certaine i !
quantité, rien n’est plus aisé; il ne faut )
qu’augmenter d’une mesure ou d’une mesure ■ s
et demie de mine au fourneau , et mettre tà j <
part les gueuses qui en proviendront ; la h
fonte en sera moins bonne et plus blanche. ■
On les fera forger à part , en ne donnant
que deux chaudes à chaque bande, et l’on | '
aura du fer aigre qui se fendra plus aisément i
que l’autre , et qui donnera de la verge * [ :
cassante.
Le meilleur fer, c’est-à-dire celui qui a le j
plus de nerf, et par conséquent le plus de
ténacité , peut éprouver cent et deux cents I
coups de masse sans se rompre ; et comme ;
il faut néanmoins le casser pour les usages j |
de la fenderie et de la batterie, et que cela j
demanderait beaucoup de temps, même en j
s’aidant du ciseau d’acier, il vaut mieux j
faire couper sous le marteau de la forge les
barres encore chaudes à moitié de leur
épaisseur : cela n’empêche pas le marteleur
de les achever, et épargne beaucoup de ■
temps au fend'e'ur et au platineur. Tout le
fer que j’ai fait casser à froid et à grands j
coups de masse s’échauffe d’autant plus :
qu’il est plus fortement et plus souvent
frappé ; non seulement il s’échauffe au point
de brûlei très-vivement , mais il s’aimante j
comme s’il eût été frappé sur un très-bon j
aimant. M’étant assuré de la constance de I
cet effet par plusieurs observations succes-
sives, je voulus voir si, sans percussion, je
pourrais de même produire dans le fer la I
vertu magnétique. Je fis prendre pour cela i
une verge de trois lignes de grosseur de
mon fer le plus liant, et que je connoissois !
pour être très-difficile à rompre ; et l’ayant
fait plier et replier, par les mains d’un !
homme fort , sept ou huit fois de suite sans I
pouvoir la rompre, je trouvai le fer très-
chaud au point où on l’avait plié, et il avoit |
en même temps toute la vertu d’un barreau 1
bien aimanté. J’aurai occasion dans la suite j
de revenir à ce phénomène , qui tient de
très-près à la théorie du magnétisme et de !
l’électricité , et que je ne rapporte ici que |
pour démontrer que plus une matière est j
tenace, c’est-à-dire plus il faut d’efforts
PARTIE EXPERIMENTALE. £i3
pour la diviser, plus elle est près de pro-
duire de la chaleur et tous les autres effets qui
en peuvent dépendre, et prouver en même
temps que la simple pression, produisant
le frottement des parties intérieures, équivaut
à l’effet de la plus violente percussion.
On soude tous les jours le fer avec lui-
même ou sur lui-même ; mais il faut la plus
grande précaution pour qu’il ne se trouve
pas un peu plus foible aux endroits des
soudures; car, pour réunir et souder les
deux bouts d’une barre, on les chauffe jus-
qu’au blanc le plus vif: le fer, dans cet
état , est tout prêt à fondre ; il n’y arrive
pas sans perdre toute sa ténacité, et par
conséquent tout son nerf. Il ne peut donc
en reprendre, dans toute cette partie qu’on
soude , que par la percussion des marteaux ,
dont deux ou trois ouvriers font succé-
der les coups le plus vite qu’il leur est
possible ; mais cette percussion est très-
foible et même lente, en comparaison de
celle du marteau de la forge, ou même de
celle du martinet. Ainsi l’endroit soudé,
quelque bonne que soit l’étoffe , n’aura que
peu de nerf , et souvent point du tout , si
l’on n’a pas bien saisi l’instant où les deux
morceaux sont également chauds, et si le
mouvement du marteau n’a pas été assez
prompt et assez fort pour les bien réunir.
Aussi , quand on a des pièces importantes à
souder, on fera bien de le faire sous les
martinets les plus prompts. La soudure ,
dans les canons des armes à feu , est une
des choses les plus importantes. M. de
Montbeillard, dans le Mémoire que j’ai cité
ci-dessus , donne de très-bonnes vues sur
cet objet, et même des expériences déci-
sives. Je crois avec lui que, comme il faut
chauffer à blanc nombre de fois la bande ou
maquette pour souder le canon dans toute
sa longueur , il ne faut pas employer du fer
qui seroit au dernier degré de sa perfection,
parce qu’il ne pourroit que se détériorer
par ces fréquentes chaudes vives; qu’il faut,
au contraire, choisir le fer qui, n’étant pas
encore aussi épuré qu’il peut l’être, gagnera
plutôt de la qualité qu’il n’en perdra par
ces nouvelles chaudes. Mais cet article seul
demanderoit un grand travail, fait et dirigé
par un homme aussi éclairé que M. de
Montbeillard ; et l’objet en est d’une si
grande importance pour la vie des hommes
et pour la gloire de l’État, qu’il mérite la
plus grande attention.
Le fer se décompose par l’humidité
comme par le feu ; il attire l’humide de
l’air , s’en pénètre et se rouille , c’est-à-dire
se convertit en une espèce de terre sans liai-
son, sans cohérence : cette conversion se
fait en assez peu de temps dans les fers qui
sont de mauvaise qualité ou mal fabriqués ;
ceux dont l’étoffe est bonne, et dont les
surfaces sont bien lisses ou polies , se dé-
fendent plus long-temps : mais tous sont su-
jets à cette espèce de mal, qui, delà super-
ficie , gagne assez promptement l’intérieur ,
et détruit avec le temps le corps entier du
fer. Dans l’eau il Se conserve beaucoup
mieux qu’à l’air ; et quoiqu’on s’aperçoive
de son altération par la couleur noire qu’il
y prend après un long séjour , il n’est point
dénaturé : il peut être forgé ; au lieu que
celui qui a été exposé à l’air pendant quel-
ques siècles, et que les ouvriers appellent
du fer luné, parce qu’ils s’imaginent que la
lune le mange , ne peut ni se forger ni ser-
vir à rien, à moins qu’on ne le revivifie comme
les rouilles et les safrans de mars , ce qui
coûte communément plus que le fer ne vaut.
C’est en ceci que consiste la différence des
deux décompositions du fer. Dans celle qui
se fait par le feu , la plus grande partie du
fer se brûle et s’exhale en vapeurs comme
les autres matières combustibles ; il ne reste
qu’un mâchefer qui contient , comme celui
du bois, une petite quantité de matière très-
attirable par l’aimant, qui est bien du vrai
fer, mais qui m’a paru d’une nature singu-
lière, et semblable, comme je l’ai dit, au
sablon ferrugineux qui se trouve en si grande
quantité dans la platine. La décomposition
par l'humidité ne diminue pas, à beaucoup
près, autant que la combustion, la masse
du fer , mais elle en altère toutes les parties
au point de leur faire perdre leur vertu ma-
gnétique, leur cohérence, et leur couleur
métallique. C’est de cette rouille ou terre de
fer que sont en grande partie composées les
mines en grains : l’eau, après avoir atténué ces
particules de rouille et les avoir réduites en
molécules sensibles , les charrie et les dépose
par filtration dans le sein de la terre, où
elles se réunissent en grains par une sorte
de cristallisation qui se fait, comme toutes
les autres, par l’attraction mutuelle des mo-
lécules analogues; et comme cette rouille
de fer étoit privée de la vertu magnétique,
il n’est pas étonnant que les mines en grains
qui en proviennent en soient également dé-
pourvues. Ceci me paroîl démontrer d’une
manière assez claire, que le magnétisme
suppose l’action précédente du feu ; que
c’est une qualité particulière que le feu
donne au fer, et que l’humidité de l’air lui
enlève en le décomposant.
4*4
MINERAUX. INTRODUCTION.
Si l’on met dans un vase une grande quan-
tité de limaille de fer pure, qui n’a pas encore
pris de rouille, et si on la couvre d’eau , on
verra, en la laissant sécher, que cette li-
maille se réunit par ce seul intermède, au
point de faire une masse de fer assez solide
pour qu’on ne puisse la casser qu’à coups
de masse. Ce n’est donc pas précisément
l’eau qui décompose le fer et qui produit la
rouille , mais plutôt les sels et les vapeurs
sulfureuses de l’air; car on sait que le fer
se dissout très-aisément par les acides et par
le soufre. En présentant une verge de fer
bien rouge à une bille de soufre, le fer coule
dans l’instant , et , en le recevant dans l’eau ,
on obtient des grenailles qui ne sont plus
du fer ni même de la fonte ; car j’ai éprouvé
qu’on ne pouvoit pas les réunir au feu pour
les foi’ger ; c’est une matière qu’on ne peut
comparer qu’à la pyrite martiale , dans la-
quelle le fer paroîl être également décom-
posé par le soufre; et je crois que c’est par
cette raison que l’on trouve presque partout
à la surface de la terre, et sous les premiers
lits de ses couches extérieures, une assez
grande quantité de ces pyrites, dont le grain
ressemble à celui du mauvais fer, mais qui
n’en contiennent qu’une très-petite quantité,
mêlée avec beaucoup d’acide vitriolique et
plus ou moins de soufre.
VWIVXWWVVW V\ WW V\ V\V%\ 1 VX\ VV\WWV\VA\%\\\-VV\V\VVVIVVVVVVV\V\WVIV t\ \V%\lV\VVWV\l'VVt
CINQUIEME MEMOIRE.
Expériences sur les effets de la chaleur obscure.
Pour reconnoître les effets de la chaleur
obscure , c’est-à-dire de la chaleur privée de
lumière , de flamme , et du feu libre , au-
tant qu’il est possible, j’ai fait quelques ex-
périences en grand , dont les résultats m’ont
paru très-intèressans.
PREMIÈRE EXPÉRIENCE.
On a commencé , sur la fin d’août 1773 ,
à mettre des braises ardentes dans le creuset
du grand fourneau qui sert à fondre la mine
de fer pour couler en gueuses ; ces braises
ont achevé de sécher les mortiers , qui
étaient faits de glaise mêlée par égale por-
tion avec du sable vitrescible. Le fourneau
avoit vingt-trois pieds de hauteur. On a jeté
par le gueulard ( c’est ainsi qu’on appelle
l’ouverture supérieure du fourneau ) les
charbons ardens que l’on tiroit des petits
fourneaux d’expériences ; on a mis successive-
ment une assez grande quantité de ces braises
pour remplir le bas du fourneau jusqu’à la
cuve ( c’est ainsi qu’on appelle l’endroit de
la plus grande capacité du fourneau ) ; ce
qui, dans celui-ci, montoit à sept pieds deux
pouces de hauteur perpendiculaire depuis
le fond du creuset. Par ce moyen , on a
commencé de donner au fourneau une cha-
leur modérée qui ne s’est pas fait sentir
dans la partie la plus élevée.
Le 10 septembre on a vidé toutes ces
braises réduites en cendres , par l’ouverture
du creuset; et lorsqu’il a été bien nettoyé, )K
on y a mis quelques charbons ardens, et |(
d’autres charbons par dessus , jusqu’à la
quantité de six cents livres pesant; ensuite
on a laissé prendre le feu ; et le lendemain ; e
ir septembre, on a achevé de remplir le
fourneau avec quatre mille huit cents livres >
de charbon. Ainsi il contient en tout cinq j
mille quatre cents livres de charbon, qui y ■
ont été portées en cent trente-cinq cor-
beilles, de quarante livres chacune, tare
faite.
On a laissé pendant ce temps l’entrée du
creuset ouverte , et celle de la tuyère bien
bouchée , pour empêcher le feu de se com-
muniquer aux soufflets. La première im-
pression de la grande chaleur produite
par le long séjour des braises ardentes et
par cette première combustion du charbon,
s’est marquée par une petite fente qui s’est
faite dans la pierre du fond à l’entrée du
creuset, et par une autre fente qui s’est
faite dans la pierre de la tympe. Le charbon
néanmoins , quoique fort allumé dans le bas,
ne l’étoit encore qu’à une très-petite hau-
teur, et le fourneau ne donnoit au gueulard
qu’assez peu de fumée, ce même jour
11 septembre, à six heures du soir; car
cette ouverture supérieure n’éloit pas bou-
chée , non plus que l’ouverture du creuset.
A neuf heures du soir du même jour, la
flamme a percé jusqu’au dessus du four-
neau ; et comme elle est devenue très-vive
ÊAÏLTIE EXPÉRIMENTALE.
4i5
peu de temps, on a bouché l’ouverture
creuset à dix heures du soir. La flamme ,
oique fort ralentie par celte suppression
courant de l’air , s’est soutenue pendant
nuit et le jour suivant ; en sorte que le
idemain i3 septembre, vers les quatre
ures du soir, le charbon avoit baissé d’un
u plus de quatre pieds. On a rempli ce vide,
:ettemême heure, avec onze corbeilles de
arbon , pesant ensemble quatre cent qua-
îte livres. Ainsi le fourneau a été chargé
tout de cinq mille huit cent quarante li-
;s de charbon.
Ensuite on a bouché l’ouverture supé-
ure du fourneau avec un large couvercle
forte tôle , garni tout autour avec du mor-
de glaise et sable mêlé de poudre de
irbon , et chargé d’un pied d’épaisseur de
te poudre de charbon mouillée. Pendant
e l’on bouchoil , on a remarqué que la
aime ne laissoit pas de retentir assez for-
ment dans l’intérieur du fourneau; mais
moins d’une minute la flamme a cessé de
entir, et l’on n’entendoit plus aucun bruit
murmure ; en sorte qu’on auroit pu pen-
que l’air n’ayant point d’accès dans la
ité du fourneau, le feu y étoit entière-
nt étouffé.
On a laissé le fourneau ainsi bouché par-
it tant au dessus qu’au dessous, depuis
3 septembre jusqu’au 28 du même mois,
st-à-dire pendant quinze jours. J’ai re-
rqué pendant ce temps que, quoiqu’il
eût point de flamme dans le fourneau ,
même de feu lumineux, la chaleur ne
soit pas d’augmenter et de se communi-
er autour de la cavité du fourneau.
Le 28 septembre, à dix heures du matin, on
lébouché l’ouverture supérieure du four-
iu avec précaution , dans la crainte d’être
foquépar la vapeur du charbon. J’ai re-
rqué, avant de l’ouvrir, que la chaleur avoit
;né jusqu’à quatre pieds et demi dans l’é-
sseur du massif qui forme la tour du four-
àu. Cette chaleur n’ étoit pas fort grande aux
virons de la bure ( c’est ainsi qu’on appelle
parlie supérieure du fourneau qui s’élève
dessus de son terre-plein ) : mais à me-
-e qu’on approchoit de la cavité, les pier-
» étoient déjà si fort échauffées , qu’il n’é-
t pas possible de les toucher un instant ;
mortiers, dans les joints des pierres,
[rient en partie brûlés , et il paroissoit que
chaleur étoit beaucoup plus grande en-
te dans le bas du fourneau ; car lespierres
» dessus de la tympe et de la tuyère étoient
essivement chaudes dans toute leur épais-
0 jusqu’à quatre ou cinq pieds.
Au moment qu’on a débouché le gueu-
lard du fourneau , il en est sorti une vapeur
suffocante dont il a fallu s’éloigner, et qui
n’a pas laissé de faire mal à la tète à la plu-
part des assistans. Lorsque cette vapeur a
été dissipée, on a mesuré de combien le
charbon enfermé et privé d’air courant pen-
dant quinze jours avoit diminué , et l’on a
trouvé qu’il avoit baissé de quatorze pieds
cinq pouces de hauteur; en sorte que le
fourneau étoit vide dans toute sa partie su-
périeure jusqu’auprès de la cuve.
Ensuite j’ai observé la surface de ce char-
bon , et j’y ai vu une petite flamme qui ve-
noit de naître ; il étoit absolument noir et
sans flamme auparavant. En moins d’une
heure cette petite flamme bleuâtre est de-
venue rouge dans le centre , et s’élevoit
alors d’environ deux pieds au dessus du
charbon.
Une heure après avoir débouché le gueu-
lard, j’ai fàit déboucher l’entrée du creuset.
La première chose qui s’est présentée à celte
ouverture n’a pas été du feu , comme ou
auroit pu le présumer, mais des scories
provenant du charbon, et qui ressembloient
à du mâchefer léger. Ce mâchefer étoit en
assez grande quantité, et remplissoit tout
l’intérieur du creuset, depuis la tympe à la
rustine; et ce qu’il y a de singulier, c’est
que, quoiqu’il ne se fût formé que par une
grande chaleur , il avoit intercepté cette
même chaleur au dessus du creuset, en sorte
que les parties de ce mâchefer qui étoient
au fond n’étoient, pour ainsi dire, que
tièdes; néanmoins elles s’éloient attachées
au fond et aux parois du creuset , et elles
en avoient réduit en chaux quelques por-
tions jusqu’à plus de trois ou quatre pouces
de profondeur.
J’ai fait tirer ce mâchefer et l’ai fait met-
tre à part pour l’examiner ; on a aussi tiré
la chaux du creuset et des environs, qui
étoit en assez grande quantité. Cette calci-
nation, qui s’est faite par ce feu sans flamme,
m’a paru provenir en partie de l’action de
ces scories du charbon. J’ai pensé que ce
feu sourd et sans flamme étoit trop sec ; et
je crois que si j’avois mêlé quelque portion
de laitier ou de terre vitrescible avec le
charbon, cette terre auroit servi d’aliment
à la chaleur, et auroit rendu des matières
fondantes qui auroient préservé de la calci-
nation la surface de l’ouvrage du fourneau.
Quoi qu’il en soit , il résulte de cette ex-
périence que la chaleur seule, c’est-à-dire
la chaleur obscure , renfermée, et privée
d’air autant qu’il est possible, produit néan-
4i6
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
moins, avec le temps, des effets sembla-
bles à ceux du feu le plus actif et le plus
lumineux. On sait qu’il doit être violent
pour calciner la pierre. Ici , c’étoit de toutes
lés pierres calcaires la moins calcinabîe,
c’est-à-dire là plus résistante au feu, que
j’avois. choisie pour faire construire l’ou-
vrage et la cheminée de mon fourneau:
toute cette pierre d’ailleurs avôit été taillée
et posée avec soin ; les plus petits quartiers
avoient un pied d’épaisseur , un pied et
demi de largeur, sur trois et quatre pieds
de longueur ; et dans ce gros volume , la
pierre est encore bien plus difficile à calci-
ner que quand elle est réduite en moellons.
Cependant cette seule chaleur a non seule-
ment calciné ces pierres à près d’un demi-
pied de profondeur dans la partie la plus
étroite et la plus froide du fourneau , mais
encore a brûlé en même temps les mortiers
faits dé glaise et de sable sans les faire fon-
dre ; ce que j’aurois mieux aimé, parce
qu’alors les joints de la bâtisse du fourneau
se sèroient conservés pleins , au lieu que la
chaleur , ayant suivi la route de ces joints,
a encore calciné les pierres sur toutes les
faces des joints. Mais, pour faire mieux en-
tendre les effets de cette chaleur obscure et
concentrée , je dois observer :
Que le massif du fourneau étant de
vingt-huit pieds d’épaisseur de deux faces,
et de vingt-quatre pieds d’épaisseur des deux
autres faces , et la cavité où étoit contenu
le charbon n’ayant que six pieds dans sa
plus grande largeur , les murs pleins qui
environnent cette cavité avoient. neuf pieds
d’épaisseur de maçonnerie à chaux et sable
aux parties les moins épaisses ; que par con-
séquent on ne peut pas supposer qu’il ait
passé de l’air à travers ees murs de neuf
pieds ; 20 que cette cavité qui contenoit le
charbon , ayant été bouchée en bas , à l’en-
droit de la coulée , avec un mortier de glaise
mêlé de sable d’un pied d’épaisseur, et à
la tuyùre qui n’a que quelques pouces d’ou-
verture , avec ce même mortier dont on se
sert pour tous les bouchages , il n’est pas à
présumer qu’il ait pu entrer de l’air par ces
deux ouvertures; 3° c[ue le gueulard du
fourneau ayant de même été fermé avec
une plaque de forte tôle hitée et recouverte
avec le même mortier , sur environ six pou-
ces d.’épaisscur , et encore environnée et sur-
montée de poussière de charbon mêlée avec
ce mortier , sur six autres pouces de hau-
teur, tout accès à l’air par celte dernière
ouverture étoit interdit. On peut donc as-
surer qu’il n’y avoit point d’air circulant
dans toute cette cavité , dont la capacité
étoit de trois cent trente pieds cubes, et j
que l’ayant remplie de cinq mille quatre f
cents livres de charbon , le feu étouffé dans
cette cavité n’a pu se nourrir que de la pe-
tite quantité d’air contenue dans les inter- j,
vallès que laissoient entre eux les morceaux
de charbon ; et comme cette matière jetée r
l’une sur l’autre laisse de très-grands vides, ’
supposons moitié ou même trois quarts , il !
n’y a donc eu dans cette cavité que cent •
soixante-cinq ou tout au plus deux cent
quarante-huit pieds cubes d’air. Or, le féti [
du fourneau excité par les soufflets, coq- a
somme cette quantité d’air en moins d’une
demi-minute, et cependant il sembleroit
qu’elle a suffi pour entretenir pendant
quinze jours la chaleur , et l'augmenter à
peu près au même point que celle du fer
libre, puisqu’elle a produit la calcination f
des pierres à quatre pouces de profondeur F
dans le bas , et à plus de deux pieds de pro- ;
fondeur dans le milieu et dans toute l’éten* t,£
due du fourneau, ainsi que nous le dirons
tout à l’Jiei
assez inconeev
ure. Comme cela me paroissoi! "
iévable , j’ai d’abord pensé qu’il ,
falloit ajouter à ces deux cent quarante-huit t
pieds cubes d’air contenus dans la cavité (
fourneau toute la vapeur de rhuniidité des ^
murs, que la chaleur concentrée n’a pu
manqué d’attirer , et de laquelle il n’est
guère possible de faire une juste estimation, j.
Ce sont là les seuls aliments , soit en air, j)f
soit en vapeurs aqueuses , que cette très- i-
grande chaleur a consommés pendant quinzt l
jours; car il ne se dégage que peu ou poiit ^
d’air du charbon dans sa combustion, quoi J(j
qu’il s’en dégage plus d’un tiers du poid: ^
total du bois de chêne bien séché. Cet ail
Fixé contenu dans le bois en est chassé: pai .
la première opération du feu qui le conver b
lit. en charbon; et s’il en reste, ce n’esj f
qu’en si petite quantité, qu’on ne peut pa: L
la regarder comme le supplément de Fan L
qui nianquoit ici à l’entretien du feu. Ains M
eette chaleur très-grande , et qui s’est aug-
m Calée au point de calciner profondément in|
les pierres , n’a été entretenue que par demi ^
cent quarante-huit pieds cubes d’air et pai |
les vapeurs de l’humidité des murs ; et quand
nous supposerions le produit successif d(
celte humidité cent fois plus considérai)!*
que le volume d’air contenu dans la cavité
du fourneau, cela ne ferait toujours qui
vingt-quatre mille huit cents pieds cubes dt
vapeurs propres à entretenir la combustion: . ^
quantité que le feu libre et animé par lè<
soufflets consommeroit en moins de tien U
PARTIE EXPERIMENTALE.
nutes , tandis que la chaleur sourde ne
consomme qu’en quinze jours.
Et ce qu’il est nécessaire d’observer en-
c’est que le même t'eu libre et animé
-oit consumé en onze ou douze heures
trois mille six cents livres de charbon
la chaleur obscure n’a consommées
’en quinze jours : elle n’a donc eu que
trentième partie de l’aliment du feu libre,
isqu’il y a eu trente fois autant de temps
ployé à la consommation de la matière
nbustible ; et en même temps il y a eu
viron sept cent vingt fois moins d’air ou
vapeurs employés à cette combustion,
anmoins les effets de cette chaleur obs-
e ont été les mêmes que ceux du feu
re ; car il auroit fallu quinze jours de ce
violent et animé pour calciner les pierres
même degré qu’elles l’ont été par la cha-
i’ seule : ce qui nous démontre , d’une
rt , l’immense déperdition de la chaleur
squ’elle s’exhale avec les vapeurs et la
mme, et d’autre part, les grands effets
on peut attendre de sa concentration,
, pour mieux dire, de sa coercition, de
détention ; car cette chaleur retenue et
acentrée ayant produit les mêmes effets
e le feu libre et violent , avec trente fois
tins de matière combustible et sept cent
igt fois moins d’air, et étant supposée en
son composée de ces deux aliments , on
il en conclure que , dans nos grands four-
aux à fondre les mines de fer, il se perd
agt-un mille fois plus de chaleur qu’il ne
n applique, soit à la mine, soit aux pa-
is du fourneau , en sorte qu’on imagine-
it que les fourneaux de réverbère , où la
aleur est plus concentrée , devroient pro-
lire le feu le plus puissant. Cependant j’ai
quis la preuve du contraire, nos mines
fer ne s’étant pas même agglutinées par
feu de réverbère de la glacerie de Rouel-
5 en Bourgogne , tandis qu’elles fondent
l moins de douze heures au feu de mes
urneaux à soufflets. Cette différence tient
i principe que j’ai donné : le feu , par sa
tesse ou par son volume , produit des ef-
ts tout différents sur certaines substances
lies que la mine de fer, tandis que, sur
autres substances telles que la pierre cal-
fire, il peut en produire de semblables,
t fusion est en général une opération
ompte, qui doit avoir plus de rapport
yec la vitesse du feu que la calcination ,
i est presque toujours lente , et qui doit
ans bien des cas avoir plus de rapport au
I olume du feu , ou à son long séjour, qu’à
I» xrîto cco vArra îtnv 1 cm.
4*7
vante , que cette même chaleur retenue et
concentrée n’a fait aucun effet sur la mine
de fer.
■^vitesse. On verra, par l’expérience sui
Buffon. T.
DEUXIÈME EXPÉRIENCE.
Dans ce même fourneau de vingt-trois
pieds de hauteur, après avoir fondu de la
mine de fer pendant environ quatre mois,
je fis couler les dernières gueuses en remplis-
sant toujours avec du charbon, mais sans
mine , afin d’en tirer toute la matière fon-
due ; et quand je me fus assuré qu’il n’en
restoit plus , je fis cesser le vent , boucher
exactement l’ouverture de la tuyère et celle
de la coulée , qu’on maçonna avec de la bri-
que et du mortier de glaise mêlé de sable.
Ensuite, je fis porter sur le charbon autant
de mine qu’il pouvoit en entrer dans le vide
qui étoit au dessus du fourneau : il y en en-
tra cette première fois vingt-sept mesures de
soixante livres , c’est-à-dire seize cent vingt
livres , pour affleurer le niveau du gueulard;
après quoi je fis boucher cette ouverture
avec la même plaque de forte tôle et du mor-
tier de glaise et de sable, et encore de la
poudre de charbon en grande quantité. On
imagine bien quelle immense chaleur je ren-
fermois ainsi dans le fourneau : tout le char-
bon en étoit allumé du haut en bas lorsque
je fis cesser le vent ; toutes les pierres des
parois étoient rouges du feu qui les péné-
troit depuis quatre mois. Toute cette cha-
leur ne pouvoit s’exhaler que par deux pe-
tites fentes qui s’étoient faites au mur du
fourneau , et que je fis remplir de bon mor-
tier, afin de lui ôter encore ces issues. Trois
jours après , je fis déboucher le gueulard ,
et je vis avec quelque surprise, que, mal-
gré celte chaleur immense renfermée dans
le fourneau, le charbon ardent , quoique com-
primé par la mine et chargé de seize cent
vingt livres, n’avoit baissé que de seize pou-
ces en trois jours ou soixante-douze heures.
Je fis sur-le-champ remplir ces seize pouces
de vide avec vingt-cinq mesures de mine,
pesant ensemble quinze cents livres. Trois
jours après , je fis déboucher cette même
ouverture du gueulard, et je trouvai le
même vide de seize pouces , et par consé-
quent la même diminution , ou, si l’on veut,
le même affaissement du charbon : je fis
remplir de même avee quinze cents livres de
mine; ainsi il y en avoit déjà quatre mille
six cent vingt livres sur le charbon , qui
étoit tout embrasé lorsqu’on avoit commencé
de fermer le fourneau. Six jours apx^ès, je fis
déboucher le gueulard pour la troisième fois,
4t$
MINÉRAUX.
et je trouvai que, pendant ces six jours, le
charbon n’avoit baissé que de vingt pouces,
en poids et d’environ un vingtième en v< L
lume, et cette dernière quantité s’étoit pe; j.
due dans les charbons. Ij,
U résulte de cette expérience, i° que i ja
plus violente chaleur et la plus conceuthjj1
pendant un très-long temps ne peut, sai ei
le secours et le renouvellement de Pair, foi l)(
dre la mine de fer, ni même le sable vitre j(j
cible, tandis qu’une chaleur de même e f]
pèce et beaucoup moindre peut calciner to Sl
tes les matières calcaires; 2° que le charbc L|
pénétré de chaleur ou de feu commence ; ^
diminuer de masse long-temps avant de d I C(
minuer de volume, et que ce qu’il perd L
premier sont les parties les plus combusl|e|
blés qu’il contient; car, en comparant cet U(
seconde expérience avec la première, coi k
ment se ponrroit-il que la même quantité <
charbon se consomme plus vite avec unech ; j
leur très-médiocre qu’à une chaleur de ]a
derniere violence, toutes deux égale me: J
privées d’air , également retenues et couce j
trées dans le même vaisseau clos? Dans j
première expérience, le charbon, qui, da
une cavité presque froide, n’avoit éprou i
que la légère impression d’un feu qu’on av(
étouffé au moment que la flamme s’ét( ;
montrée , avoit néanmoins diminué des dei
tiers en quinze jours, tandis que le mèn
charbon enflammé autant qu’il pouvoit l’êt
par le vent des soufflets , et recevant enco ;
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
419
chaleur immense des pierres rouges de
u dont il étoit environné, n’a pas dimi-
ué d’un sixième pendant vingt-deux jours.
!ela serait inexplicable si l’on ne faisoit pas
tention que, dans le premier cas, le char-
011 avoit toute sa densité et contenoit toutes
;s parties combustibles, au lieu que, dans le
îcond cas , où il étoit dans l’état de la plus forte
icandescence, toutes ses parties les plus com-
ustibles étoient déjà brûlées. Dans la pre-
îière expérience, la chaleur, d’abord très-
lédiocre, alloit toujours en augmentant, à
îesure que la combustion augmenloit et se
ommuniquoit de plus en plus à la masse
u charbon : dans la seconde expérience , la
haleur excessive alloit en diminuant à me-
ure que le charbon achevoit de brûler ; et
[ 11e pouvoit plus donner autant de chaleur,
larce que sa combustion étoit fort avancée
u moment qu’on l’avoit enfermé. C’est là
a vraie cause de cette différence d’effets,
e charbon, dans la première expérience,
ontenant toutes ses parties combustibles,
irûloit mieux et se consumoit plus vite que
:elui de la seconde expérience qui ne con-
enoit presque plus de matière combustible,
t ne pouvoit augmenter son feu ni même
entretenir au même degré que par l’em-
irunt de celui des murs du fourneau : c’est
>ar cette seule raison que la combustion al-
ait toujours en diminuant, et qu’au total elle
été beaucoup moindre et plus lente que
autre, qui alloit toujours en augmentant,
:t qui s’est faite en moins de temps. Lorsque
out accès est fermé à l’air, et que les ma-
ières renfermées n’en contiennent que peu
u point dans leur substance, elles ne se con-
umeront pas , quelque violente que soit la
îhaleur; mais s’il reste une certaine quan-
tité d’air entre les interstices de la matière
ombustible, elle se consumera d’autant plus
ite et d’autant plus qu’elle pourra fournir
Ile-même une plus grande quantité d’air.
0 II résulte encore de ces expériences , que
a chaleur la plus violente, dès qu’elle n’est
pas nourrie, produit moins d’effet que la
plus petite chaleur qui trouve de l’aliment :
la première est, pour ainsi dire, une cha-
leur morte qui ne se fait sentir que par sa
déperdition; l’autre est un feu vivant qui
s’accroît à proportion des alimens qu’il con-
sume. Pour reconnoître ce que cette chaleur
morte , c’est-à-dire cette chaleur dénuée de
tout aliment , pouvoit produire , j’ai fait l’ex-
périence suivante :
TROISIÈME EXPÉRIENCE.
Après avoir tiré du fourneau , par l’ou-
verture de la coulée , tout le charbon qui y
étoit contenu, et l’avoir entièrement vidé de
mine et de toute autre matière, je fis maçon-
ner de nouveau cette ouverture et boucher
avec le plus grand soin celle du gueulard en
haut , toutes les pierres des parois du four-
neau étant encore excessivement chaudes :
l’air ne pouvoit donc entrer dans le fourneau
pour le rafraîchir, et la chaleur ne pouvoit
en sortir qu’à travers des murs de plus de
neuf pieds d’épaisseur ; d’ailleurs il n’y avoit
dans sa cavité , qui étoit absolument vide,
aucune matière combustible, ni même aucune
autre matière. Observant donc ce qui arrive-
rait, je m’aperçus que tout l’effet de la châ-
le ur se porioit en haut, et que, quoique
celte chaleur ne fût pas du feu vivant ou
nourri par aucune matière combustible, elle
fit rougir en peu de temps la forte plaque de
tôle qui couvrait le gueulard ; que cette in-
candescence donnée par la chaleur obscure
à cette large pièce de ter se communiqua par
le contact à toute la masse de poudre de
charbon qui recouvrait les mortiers de cette
plaque , et enflamma du bois que je fis
mettre dessus. Ainsi la seule évaporation de
cette chaleur obscure et morte , qui ne pou-
voit sortir que des pierres do fourneau , pro-
duisit ici le meme effet que le feu vif et
nourri. Cetle chaleur tendant toujours en
haut et se réunissant toute à l’ouverture
du gueulard au dessous de la plaque de fer,
la rendit rouge, lumineuse et capable d’en-
flammer des matières combustibles: d’01'1 l’on
doit conclure qu’en augmentant la masse de
la chaleur obscure on peut produire de la lu-
mière, de la même manière qu’en augmen-
tant la masse de la lumière on produit de la
chaleur ; que dès lors ces deux substances
sont réciproquement convertibles de l’une en
l’autre, et toutes deux nécessaires à l’élément
du feu.
Lorsqu’on enleva cette plaque de fer qui
couvrait l’ouverture supérieure du fourneau,
et que la chaleur avoit fait rougir, il en sortit
une vapeur légère et qui parut enflammée,
mais qui se dissipa dans un instant : j’ob-
servai alors les pierres des parois du four-
neau, elles me parurent calcinées en très-
grande partie et très-profondément : et en
effet , ayant laissé refroidir le fourneau pen-
dant dix jours, elles se sont trouvées calci-
nées jusqu’à deux pieds , et même deux
pieds et demi de profondeur; ce qui ne pou-
voit provenir que de la chaleur que j’y avois
renfermée pour faire mes expériences, at-
tendu que, dans les autres fondages, le feu
animé par les soufflets n’avoit jamais calciné
a7<
4*0 MINÉRAUX. INTRODUCTION
les mêmes pierres à plus de huit pouces
d’épaisseur dans les endroits où il est le plus
vif et seulement à deux ou trois pouces dans
tout le reste ; au lieu que toutes les pierres
depuis le creuset jusqu’au terre-plein du
fourneau , ce qui fait une hauteur de vingt
pieds , étoient généralement réduites en
chaux d’un pied et demi, de deux pieds, et
même de deux pieds et demi d’épaisseur :
comme cette chaleur renfermée n’avoit pu
trouver d’issue, elle avoit pénétré les pierres
bien plus profondément que la chaleur
courante.
On pourroit tirer de cette expérience les
moyens de cuire la pierre et de faire la chaux
à moindres frais, c’est-à-dire de diminuer de
beaucoup la quantité de bois en se servant
d’un fourneau bien fermé au lieu de four-
neaux ouverts ; il ne faudrait qu’une petite
quantité de charbon pour convenir en chaux,
dans moins de quinze jours, toutes les pierres
contenues dans le fourneau , et les murs
mêmes du fourneau à plus d’un pied d’épais-
seur, s’il étoit bien exactement fermé.
Dès que le fourneau fut assez refroidi pour
permettre anx ouvriers d’y travailler, on fut
obligé d’en démolir tout l’intérieur du haut
en bas , sur une épaisseur circulaire de qua-
tre pieds; on en tira cinquante-quatre muids
de chaux, sur laquelle je fis les observations
suivantes: i° Toute cette, pierre, dont la
calcination s’étoit faite à feu lent et con-
centré, n’étoit pas devenue aussi légère que
la pierre calcinée à la manière ordinaire ;
celle-ci , comme je l’ai dit , perd à très-peu
près la moitié de son poids, et celle démon
fourneau n’en avoit perdu qn’environ trois
huitièmes. 20 Elle ne saisit pas l’eau avec la
même avidité que la chaux vive ordinaire :
lorsqu’on l’y plonge , elle ne donne d’abord
aucun signe de chaleur et d’ébullition ; mais
peu après elle se gonfle, se divise et s’élève,
en sorte qu’on n’a pas besoin de la remuer
comme on remue la chaux vive ordinaire
pour l’éteindre. 3° Cette chaux a une sa-
veur beaucoup plus âcre que la chaux com-
mune ; elle contient par conséquent beau-
coup plus d’alcali fixe. 4° Elle est infiniment
meilleure, plus liante et plus forte que l’au-
tre chaux, et tous les ouvriers n’en emploient
qu’environ les deux tiers de l’autre , et assu-
rent que le mortier est encore excellent.
5° Cette chaux ne s’éteint à l’air qu’après un
temps très-long , tandis qu’il ne faut qu’un
jour ou deux pour réduire la chaux vive
commune en poudre à l’air libre ; celle-ci
résiste à l’impression de l’air pendant un
mois ou cinq semaines» fi° Au lieu de se
réduire en farine ou en poussière sèchi \ 1
comme la chaux commune, elle conserve sot fr
volume; et lorsqu’on la divise en l’écrasant r
toute la masse paraît ductile et pénétrée d’un» F
humidité grasse et liante, qui ne peut pro ff
venir que de l’humide de l’air que la piern fl
a puissamment attiré et absorbé pendant le! a
cinq semaines de temps employées à son ex* “
tinction. Au reste , la chaux que l’on tir* 1
communément des fourneaux de forge a ir
toutes ces mêmes propriétés : ainsi la cha- e
leur obscure et lente produit encore ici les ®
mêmes effets que le feu le plus vif et le plus r0
violent. J
Il sortit de cette démolition de l’intérieui '
du fourneau deux cent trente-deux quartiers S11
de pierres de taille, tous calcinés plus ou
moins profondément ; ces quartiers avoient e
communément quatre pieds de longueur; la 11
plupart étoient en chaux jusqu’à dix-huit ! a
pouces , et les autres à deux pieds , et mêmet e
deux pieds et demi ; et cette portion calcinée 6
se séparait aisément du reste de la pierre , e
qui étoit saine et même plus dure que quand
on l’avoit posée pour bâtir le fourneau.
Celte observation m’engagea à faire les ex- £
périences suivantes :
0
QUATRIÈME EXPÉRIENCE.
Je fis peser dans l’air et dans l’eau trois
morceaux de ces pierres, qui, comme l’on
voit , avoient subi la plus grande chaleur
qu’elles pussent éprouver sans se réduire en
chaux, et j’en comparai la pesanteur spéci-
fique avec celle de trois autres morceaux à
peu près du même volume , que j’avois fait t
prendre dans d’autres quartiers de cette
même pierre qui n’avoient point été em-
ployés à la construction du fourneau , ni par
conséquent chauffés , mais qui avoient été
tirés de la même carrière neuf mois aupara- *
vant, et qui étoient restés à l’exposition du
soleil et de l’air. Je trouvai que la pesanteur
spécifique des pierres échauffées à ce grand 1
feu pendant cinq mois avoit augmenté ; 1
qu’elle étoit constamment plus grande que
celle de la même pierre non échauffée , d’un
81e sur le premier morceau, d’un 90e sur
le second et d’un 85e sur le troisième : donc
la pierre chauffée au degré voisin de celui
de sa calcination gagne au moins un 86e de
masse, au lieu qu’elle en perd trais huitiè- '
mes par la calcination , qui ne suppose qu’un
degré de chaleur de plus. Cette différence ;
ne peut venir que de ce qu’à un certain de-
gré de violente chaleur ou de feu tout l’air
et toute l’eau transformés en matière fixe ;
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
4 21
itériei
lartie;
ns la pierre reprennent leur première na-
re , leur élasticité, leur volatilité, et que
s lors ils se dégagent de la pierre et s’élè-
nt en vapeurs que le feu enlève et entraîne
ec lui : nouvelle preuve que la pierre cal-
ii ire est en très-grande partie composée
lir fixe et d’eau fixe saisis et transformés
matière solide par le filtre animal.
Après ces expériences, j’en fis d’autres
cette même pierre échauffée à un moin-
degré de chaleur, mais pendant un
nps aussi long ; je fis détacher pour cela
lepl >is morceaux des parois extérieures de la
lette de la tuyère , dans un endroit où la
aleur étoit à peu près de g5 degrés, parce
e le soufre appliqué contre la muraille s’y
jjijj'Z [hollissoit et commençoit à fondre, et que
* degré de chaleur est à très-peu près celui
quel le soufre entre en fusion. Je trouvai,
trois épreuves semblables aux précé-
ntes , que celte même pierre chauffée à ce
gré pendant cinq mois avoit augmenté en
santeur spécifique d’un 65e, c’est-à-dire
presque un quart de plus que celle qui
oit éprouvé le degré de chaleur voisin de
ui de la calcination , et je conclus , de
le différence , que l’effet de la calcination
mmençoit à se préparer dans la pierre qui
[oit subi le plus grand feu , au lieu que
lie qui n’avoit éprouvé qu’une moindre
aleur avoit conservé toutes les parties fixes
'elle y avoit déposées.
jPour me satisfaire pleinement sur ce su-
, et reconnoître si toutes les pierres cal-
res augmentent en pesanteur spécifique
r une chaleur constamment et long-temps
pliquée , je fis six nouvelles épreuves sur
ux autres espèces de pierres. Celle dont
ait construit l’intérieur de mon fourneau,
qui a servi aux expériences précédentes ,
ppelle dans le pays pierre à feu , parce
'elle résiste plus à l’action du feu que
ates les autres pierres calcaires. Sa sub-
nce est composée de petits graviers cal-
ires liés ensemble par un ciment pierreux
d n’est pas fort dur, et qui laisse quelques
terstices vides ; sa pesanteur est néanmoins
jus grande que celle des autres pierres cal-
ires d’environ un 20e. En ayant éprouvé
usieurs morceaux au feu de mes chauffe-
il a fallu pour les calciner plus du
iuble du temps que celui qu’il falloit pour
duire en chaux les autres pierres ; on peut
me être assuré que les expériences précé-
*ntes ont été faites sur la pierre calcaire la
us résistante au feu. Les pierres auxquelles
vais la comparer étoient aussi de très-
annes pierres calcaires dont 011 fait la plus
belle taille pour les bàtimens : l’une a le
grain fin et presque aussi serré que celui duf
marbre , l’autre a le grain un peu plus gros :
mais toutes deux sont compactes et pleines ;
toutes deux font de l’excellente chaux grise,
plus liante et plus forte que la chaux com-
mune , qui est plus blanche.
En pesant dans l’air et dans l’eau trois
morceaux chauffés et trois autres non chauf-
fés de cette première pierre dont le grain
étoit le plus fin , j’ai trouvé qu’elle avoit
gagné un 56e en pesanteur spécifique, par
l’application constante, pendant cinq mois,
d’une chaleur d’environ 90 degrés ; ce que
j’ai reconnu , parce qu’elle étoit voisine de
celle dont j’avois fait casser les morceaux
dans la voûte extérieure du fourneau, et que
le soufre ne fondoit plus contre ses parois :
en ayant donc fait enlever trois morceaux
encore chauds pour les peser et les comparer
avec d’autres morceaux de la même pierre
qui étoient restés exposés à l’air libre, j’ai vu
que l’un des morceaux avoit augmenté d’un
60e, le second d’un 62e, le troisième d’un
56e. Ainsi cette pierre à grain très-fin a
augmenté en pesanteur spécifique de près
d’un tiers de plus que la pierre à feu chauf-
fée au degré voisin de celui de la calcina-
tion, et aussi d’environ un 7e de plus que
cette même pierre à feu chauffée à 95 de-
grés, c’est-à-dire à une chaleur à peu près
égale.
La seconde pierre, dont le grain étoit
moins fin , formoit une assise entière de la
voûte extérieure du fourneau, et je fus
maître de choisir les morceaux dont j’avois
besoin pour l’expérience, dans un quartier
qui avoit subi pendant le même temps de
cinq mois le même degré g5 de chaleur que
la pierre à feu : en ayant donc fait casser
trois morceaux, et m’étant muni de trois
autres qui n’a voient pas été chauffés, je
trouvai que l’un de ces morceaux chauffés
avoit augmenté d’un 54e, le second d’un 63e
et le troisième d’un 66e ; ce qui donne pour
la mesure moyenne un 61e d’augmentation
en pesanteur spécifique.
Il résulte de ces expériences, i° que toute '
pierre calcaire chauffée pendant long-temps
acquiert de la masse et devient plus pesante ;
cette augmentation ne peut venir que des
particules de chaleur qui la pénètrent et s’y
unissent par leur longue résidence, et qui
dès lors en deviennent partie constituante
sous une forme fixe ; 20 que cette augmen-
tation de pesanteur spécifique, étant d’un
6 te, ou d’un 56e, ou d’un 65e, ne se trouve
varier ici que par la nature des différentes
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
pierres; que celles dont le grain est le plus
fin sont celles dont la chaleur augmente le
plus la masse , et dans lesquelles les pores
étant plus petits, elle se fixe plus aisément
et eu plus grande quantité; 3° que la quan-
tité de cli deur qui se fixe dans la pierre est
encore bien plus grande que ne le désigne
ici l’augmentation de la masse ; car la cha-
leur, avant de se fixer dans la pierre, a
commencé par en chasser toutes les parties
humides qu’elle contenoit. On sait qu’en
distillant la pierre calcaire dans une cornue
bien fermée on tire de l’eau pure jusqu’à
concurrence d’un seizième de son poids;
mais comme une chaleur de p5 degrés ,
quoique appliquée pendant cinq mois, pour-
roit néanmoins produire à cet égard de
moindres effets que le feu violent qu’on ap-
plique au vaisseau dans lequel on distille la
pierre , réduisons de moitié et même des
trois quarts cette quantité d’eau enlevée à la
pierre par la chaleur de g5 degrés ; on ne
pourra pas disconvenir que la quantité de
chaleur qui s’est fixée dans cette pierre ne
soit d’abord d'un 60e indiqué par l'augmen-
tation de la pesanteur spécifique, et encore
d’un 64e pour le quart de la quantité d’eau
qu’elle contenoit, et que cette chaleur aura
fait sortir; en sorte qu’on peut assurer, sans,
craindre de se tromper, que la chaleur qui
pénètre dans la pierre lui étant appliquée
pendant long-temps, s’y fixe en assez grande
quantité pour en augmenter la masse tout
au moins d’un 3oe, même dans la supposi-
tion qu’elle n’ait chassé pendant ce long
temps que le quart de l’eau que la pierre
contenoit.
CINQUIÈME EXPÉRIENCE.
Toutes les pierres calcaires dont la pesan-
teur spécifique augmente par la longue ap-
plication de la chaleur acquièrent , par cette
espèce de dessèchement, plus de dureté
qu’elles n’en avofent auparavant. Voulant
reconnoitre si cette dureté seroit durable, et
si elle ne perdroif pas, avec le temps, non
seulement cette qualité, mais celle de l’aug-
mentation de densité qu’elles avoient acquise
par la chaleur, je fis exposer aux injures de
l’air plusieurs parties de trois espèces de
pierres qui avoient servi aux expériences
précédentes, et qui toutes avoient été plus
ou moins chauffées pendant cinq mois. Au
bout de quinze jours, pendant lesquels il y
avoit eu des piuies , je les fis sonder et frap-
per au marteau par Je même ouvrier qui les
avoit trouvées très-dures quinze jours aupa-
ravant : il reconnut avec moi que la pierre •
à feu, qui étoit la plus poreuse, et dont le ?
grain étoit le plus gros , n’étoit déjà plus
aussi dure, et qu’elle se laissoit travailler \
plus aisément. Mais les deux autres espèces, i1
et surtout celle dont le grain étoit le plus J
fin , avoient conservé la même dureté; néaii- !
moins elles la perdirent en moins de six J
semaines ; et, les ayant fait alors éprouver
à la balance hydrostatique, je reconnus]
qu’elles avoient aussi perdu une assez grande l(
quantité de la matière fixe que la chaleur y
avoit déposée; neanmoins, au bout de plu-
sieurs mois , elles étoient toujours spécifi- f
quemerit plus pesantes d’un i5oe ou d’un î
160e que celles qui n 'avoient point étéchauf* I1
fées. La différence devenant alors trop diffi- (“
cile à saisir entre ces morceaux et ceux qui ;!t
n’avoient pas été chauffés, et qui tous étoient f
également exposés à l’air, je fus forcé Se 1"
borner là cette expérience; mais je suis per r
suadé qu’avec beaucoup de temps ces pierres r
.auraient perdu toute leur pesanteur acquise. e
Il en est de même de la dureté : après quel- ,e
ques mois d'exposition à l’air, les ouvriers r1
les ont traitées tout aussi aisément que le: ;
autres pierres de même espèce qui n’avoieni fl
point été chauffées.
U résulte de cette expérience que les par
ticules de chaleur qui se fixent dans la pierri
n’y sont, comme je l’ai dit, unies que pat*11
force; que, quoiqu’elle les conserve aprè l1
son entier refroidissement, èt pendant asse; r
long-temps , si on la préserve de toute hu es
midité , elle les perd néanmoins peu à pet 11"1
par les impressions de l’air et de la pluie r
sans doute parce que l’air et l’eau ont plu: |0li
d’affinité avec la pierre que les parties de! j\
chaleur qui s’y étoient logées. Cette chaieu ja!|
fixe n’est plus active; elle est, pour ains m
dire , morte et entièrement passive : dè F
lors, bien loin de pouvoir chasser l’hunMr
dité, celle-ci la chasse à son tour, et repreni F
toutes les places qu’elle lui avoit cédées F
Mais, dans d’autres matières qui n-onl pa ^
avec l’eau autant d’affinité que la pierre dàij fe
caire, cette chaleur une fois fixée n’y '3§p
meure-t-elle pas constamment et à toujours ^
C’est ce que j'ai cherché à constater pa F
l’expérience suivante :
f
Wen
SIXIÈME EXPÉRIENCE.
J’ai pris plusieurs morceaux de fonte dp
fer, que j’ai fait casser dans les gueuses qii i®1
avoient servi plusieurs fois à soutenir BP1
avoient servi plusieurs fois à soutenir le 1
parois de la cheminée de mon fourneau , (j
qui par conséquent avoient été chauffée 11 <
PARTIE EX PF
Ibis fois, pendant quatre ou cinq mois de
rite, au degré de chaleur qui calcine la
±rre ; car ces gueuses avoient soutenu les
;rres ou les briques de l’intérieur du
irneau , et n’étoient détendues de l’action
médiate du feu que par une pierre épaisse
trois ou quatre pouces, qui formoit le
rnier rang des étalages du fourneau. Ces
rnieres pierres , ainsi que toutes les autres
Sjnt les étalages étoient construits, s’étoient
luites en chaux à chaque fondage, et la
i cination avoit toujours pénétré de près
« huit pouces dans celles qui étoient expo-
, ;s à la plus violente action du feu. Ainsi
gueuses qui n étoient recouvertes que de
(j atre pouces par ces pierres avoient cer-
I nement subi le même degré de feu que
h, lui qui produit la parfaite calcination de
i pierre, et l’avoient, comme je l’ai dit,
i bi trois fois pendant quatre ou cinq mois
, ij suite. Les morceaux de cette fonte de
n( f, que je lis casser, ne se séparèrent du
(j >te de la gueuse qu’à coups de masse très-
itérés; au lieu que des gueuses de cette
ime fonte, mais qui n’avoient pas subi
cl ion du feu , étoient très-cassantes, et se
, paroient en morceaux aux premiers coups
masse. Je reconnus dès lors que cette
. nie , chauffée à un aussi grand feu et pen-
j nt si long-temps, avoit acquis beaucoup
. as de dureté et de ténacité qu’elle n’en
j, oit auparavant , beaucoup plus même à
oportion que; n’en avoient acquis les pier-
j s calcaires. Par ce premier indice, je jugeai
le je trouverois une différence encore plus
ande dans la pesanteur spécifique de cette
nte si long-temps échauffée. Et en effet ,
premier morceau que j’éprouvai à la ba-
nce hydrostatique pesoit dans l’air quatre
u-es quatre onces trois gros, ou cinq cent
; laranle-sept gros; le même morceau pe-
it dans l’eau trois livres onze onces deux
os et demi, c’est-à-dire quatre cent soixante-
latorze gros et demi : la différence est de
ixante-douze gros et demi. L’eau dont je
e servois pour mes expériences pesoit
Laclement soixante-dix livres le pieJ cube,
le volume d’eau déplacé par celui du
orceau de cette fonte pesoit soixante-douze
•os et demi. Ainsi soixante-douze gros et
emi, poids du volume de leau déplacée
ar le morceau de fonte, sont à soixante-dix
vres, poids du pied cube de l'eau, comme
inq cent quarante-sept gros, poids du mor-
eau de fonte, sont à cinq cent vingt-huit
vres deux onces un gros quarante-sept
rains, poids du pied cube de cette fonte;
t ce poids excède beaucoup celui de cette
RIMENT ALE. ft3
même fonte lorsqu’elle n’a pas été chauffée î
c’est une fonte blanche qui communément
est très-cassante, et dont le poids n'est que
de quatre cent quatre-vingt-quinze ou cinq
cents livres tout au plus. Ainsi la pesanteur
spécifique se trouve augmentée de vingt-huit
sur cinq cents par cette très-longue applica-
tion de la chaleur, ce qui fait environ un
dix-huitième de la masse. Je me suis assuré
de cette grande différence par cinq épreuves
successive^ pour lesquelles j’ai eu attention
de prendre toujours des morceaux pesant
chacun quatre livres au moins , et comparés
un à un avec des morceaux de meme ligure
et d’un volume à peu près égal ; car, quoi-
qu’il paroisse qu’ici la différence du volume,
quelque grau le qu elle soit , ne devroit rien
faire, et ne peut influer sur le résultat de
l’opération de la balance hydrostatique, ce-
pendant ceux qui sont exercés à la manier
se seront aperçus , comme moi , que les ré-
sultats sont toujours plus justes lorsque les
volumes dçs matières qu’on compare ne sont
pas bien plus grands l'un que l’autre. L'eau,
quelque fluide qu’elle nous paroisse , a néan-
moins un certain petit degré de ténacité qui
influe plus ou moins sur des volumes plus
ou moins grands. D’ailleurs il y a très-peu
de matières qui soient parfaitement homo-
gènes ou égales en pesanteur dans toutes les
parties extérieures du volume qu’on soumet
à l’épreuve. Ainsi, pour obtenir un résultat
sur lequel on puisse compter précisément ,
il faut toujours comparer des morceaux d’un
volume approchant, et d’une figure qui ne
soit pas bien différente ; car si , d’une part,
on pesoit un globe de fer de deux livres, ei
d’autre part, une feuille de tôle du même
poids, on trouveroit à la balance hydrosta-
tique leur pesanteur spécifique différente,
quoiqu’elle fut réellement la même.
Je crois que quiconque réfléchira sur les
expériences précédentes et sur leurs résul-
tats ne pourra disconvenir que la chaleur
très-long-temps appliquée aux différons corps
qu’elle pénètre ne dépose dans leur intérieur
une très-grande quantité de particules qui
deviennent parties constituantes de leur
masse, et qui s’y unissent et y adhèrent
d’autant plus que les matières se trouvent
avoir avec elles plus d’affinité et d’autres
rapports de nature. Aussi, me trouvant muni
de ces expériences, je n’ai pas craint d’avan-
cer, dans mon Traité des Êtêmens , que les
molécules de la chaleur se fixoient dans tous
les corps comme s’y fixent celles de la lu-
mière et celles de l’air dès qu’il est accom-
pagné de chaleur ou de feu.
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
424
SIXIEME MEMOIRE.
Expériences sur la lumière et sur la chaleur qu'elle peut produire.
ARTICLE PREMIER.
Invention de miroirs pour brûler a de
grandes distances.
L’histoire des miroirs ardens d’Archi-
mède est fameuse; il les inventa pour la dé-
fense de sa patrie, et il lança, disent les
anciens, le feu du soleil sur la flotte enne-
mie , qu’il réduisit en cendres lorsqu’elle
approcha des remparts de Syracuse. Mais
cette histoire, dont on n’a pas douté pen-
dant quinze ou seize siècles, a d’abord été
contredite, et ensuite traitée de fable dans
ces derniers temps. Descartes, né pour ju-
ger et même pour surpasser Archimède , a
prononcé contre lui d’un ton de maître : il
a nié la possibilité de l’invention, et son
opinion a prévalu sur les témoignages et sur
la croyance de toute l’antiquité : les physi-
ciens modernes, soit par respect pour leur
philosophe , soit par complaisance pour
leurs contemporains, ont été de même avis.
On n’accorde guère aux anciens que cequ’on
ne peut leur ôter ; déterminés peut-être par
ces motifs dont l’amour-propre 11e se sert
que trop souvent sans qu’on s’en aperçoive,
n’avons-nous pas naturellement trop de pen-
chant à refuser ce que nous devons à ceux
qui nous ont précédés? et si notre siècle re-
fuse plus qu’un autre, ne seroit-ce pas qu’é-
tant plus éclairé, il croit avoir plus de
droits à la gloire , plus de prétentions à la
supériorité?
Quoi qu’il en soit, cette invention étoit
dans le cas de plusieurs autres découvertes
de l’antiquité qui se sont évanouies, parce
qu’on a préféré la facilité de les nier à la
difficulté de les retrouver; et les miroirs
ardens d’Archimède étoient si décriés, qu’il
ne paroissoit pas possible d’en rétablir la
réputation; car, pour appeler du jugement
de Descartes , il falloit quelque chose de
plus fort que des raisons , et il ne restoit
qu’un moyen sur et décisif, à la vérité,
mais difficile et hardi ; c’étoit d’entreprendre
de trouver les miroirs , c’est-à-dire d’en
faire qui puissent produire les mêmes effets.
J’en avois conçu depuis long-temps l’idée,
et j’avouerai volontiers que le plus difficile f
de la chose étoit de la voir possible, puis- r
que , dans l’exécution , j’ai réussi au delà f
même de mes espérances.
J’ai donc cherché le moyen de faire des ;
miroirs pour brûler à de grandes distances,
comme de cent, de deux cents, et trois fi
cents pieds. Je savois en général qu’avec les '
miroirs par réflexion l’on n’avoit jamais f
brûlé qu’à quinze ou vingt pieds tout au
plus , et qu’avec ceux qui sont réfringensla If
distance étoit encore plus courte, et je sen-
tois bien qu’il étoit impossible, dans la pra- J
tique, de travailler un miroir de métal ou a
de verre avec assez d’exactitude pour brûler
à ces grandes distances; que pour brûler,
par exemple , à deux cents pieds, la sphère ‘
ayant dans ce cas huit cents pieds de dia- 3
mètre , on ne pouvoit rien espérer de 1a |!
méthode ordinaire de travailler les verres;
et je me persuadai bientôt que quand même J
on pourvoit en trouver une nouvelle pour 1
donner à de grandes pièces de verre ou de £
métal une courbure aussi légère , il n’eu ,(
résulteroit encore qu’un avantage très-peu
considérable, comme je le dirai dans la suite. n
Mais , pour aller par ordre , je cherchai 11
d’abord combien la lumière du soleil perdoit l
par la réflexion à différentes distances , et ,£
quelles sont les matières qui la réfléchissent a
le plus fortement. Je trouvai , première- (nl
meut, que les glaces étamées, lorsqu’elles ei
sont polies avec un peu de soin , réfléchis- !*
sent plus puissamment la lumière que les (
métaux les mieux polis, et même mieux que ’l
le métal composé dont on se sert pour faire I1
des miroirs de télescopes, et que, quoiqu’il '
y ait dans lès glaces deux réflexions, l’une os
à la surface, et l’autre à l’intérieur, elles IJ11
ne laissent pas de donner une lumière plus
vive et plus nette que le métal , qui pro- US
duit une lumière colorée.
En second lieu, en recevant la lumière f
du soleil dans un endroit obscur, et en la e
comparant avec cette même lumière du so- 11
leil réfléchie par une glace , je trouvai qu’a 111
de petites distances, comme de quatre ou n
cinq pieds , elle ne perdoit qu’environ moi- 111
tié par la réflexion; ce que je jugeai en fai- “c
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
4.2$
tomber sur la première lumière réflé-
une seconde lumière aussi réfléchie ;
vivacité de ces deux lumières réflé-
me parut égale à celle de la lumière
te.
oisièmement, ayant reçu à de grandes
nces, comme à cent, deux cents, et
cents pieds , cette même lumière réflé-
par de grandes glaces , je reconnus
le ne perdoit presque rien de sa force
épaisseur de l’air qu’elle avoit à tra-
!l\
îsuite je voulus essayer les mêmes cho-
eur la lumière des bougies; et, pour
urer plus exactement de la quantité
oiblissement que la réflexion cause à
lumière, je fis l’expérience suivante:
me mis vis-à-vis une glace de miroir
un livre à la main , dans une chambre
’obscurité de la nuit étoit entière, et
ne pouvois distinguer aucun objet ; je
Humer dans une chambre voisine, à
ante pieds de distance environ, une
; bougie , et je la fis approcher peu à
jusqu’à ce que je pusse distinguer les
i itères et lire le livre que j’avois à la
i t : la distance se trouva de vingt-quatre
s du livre à la bougie. Ensuite , ayant
îrné le livre du côté du miroir, je cher-
à lire par cette même lumière réflé-
et je fis intercepter par un paravent
irtie de la lumière directe qui ne tom-
pas sur le miroir, afin de n’avoir sur
livre que la lumière réfléchie : il fallut
ocher la bougie, ce qu’on fit peu à peu,
u’à ce que je pusse lire les mêmes ca-
dres éclairés par la lumière réfléchie ,
lors la distance du livre à la bougie, y
pris celle du livre au miroir, qui n’étoit
I d’un demi-pied , se trouva être en tout de
; ize pieds. Je répétai cela plusieurs fois ;
eus toujours les mêmes résultats à très-
près; d’où je conclus que la force ou
bantité de la lumière directe est à celle
a lumière réfléchie comme 576 à 225.
û l’effet de la lumière de cinq bougies
te par une glace plane est à peu près
à celui de la lumière directe de deux
;ies.
1 lumière des bougies perd donc plus
Ai la réflexion que la lumière du soleil ; et
*(e différence vient de ce que les rayons
l umière qui partent de la bougie comme
la centre tombent plus obliquement sur
tf ]miroir que les rayons du soleil , qui
fanent presque parallèlement. Cette expé-
niice confirma donc ce que j’avois trouvé
daord, et je tins pour siir que la lumière
du soleil ne perd qu’environ moitié par sa
réflexion sur une glace de miroir.
Ces premières connoissances dont j’avois
besoin étant acquises , je cherchai ensuite
ce que deviennent en effet les images du
soleil lorsqu’on les reçoit à de grandes di-
stances. Pour bien entendre ce que je vais
dire, il ne faut pas, comme on le fait or-
dinairement , considérer les rayons du soleil
comme parallèles, et il faut se souvenir
que le corps du soleil occupe à nos yeux
une étendue d’environ 32 minutes ; que par
conséquent les rayons qui partent du bord
supérieur du disque, venant à tomber sur
un point d’une surface réfléchissante , les
rayons qui partent du bord inférieur, ve-
nant à tomber aussi sur le même point de
cette surface , ils forment entre eux ûn angle
de 32 minutes dans l’incidence , et ensuite
dans la réflexion , et que par conséquent
l’image doit augmenter de grandeur à me-
sure qu’elle s’éloigne. Il faut de plus faire
attention à la figure de ces images : par
exemple, une glace plane carrée d’un demi-
pied, exposée aux rayons du soleil, formera
une image carrée de six pouces , lorsqu’on
recevra cette image à une petite distance
de la glace , comme de quelques pieds ; en
s’éloignant peu à peu , on voit l’image aug-
menter, ensuite se déformer, enfin s’arron-
dir et demeurer ronde, toujours en s’agran-
dissant , à mesure qu’elle s’éloigne du miroir.
Celte image est composée d’autant de dis-
ques du soleil qu’il y a de points physiques
dans la surface réfléchissante : le point, du
milieu forme une image du disque; les
points voisins en forment de semblables et
de même grandeur qui excèdent un peu le
disque du milieu ; il en est de même de
tous les autres points , et l’image est com-
posée d’une infinité de disques , qui, se sur-
montant régulièrement et anticipant circu-
lairement les uns sur les autres , forment
l’image réfléchie dont le point du milieu de
la glace est le centre.
Si l’on reçoit l’image composée de tous
ces disques à une petite distance, alors l’é-
tendue qu’ils occupent n’étant qu’un peu
plus grande que celle de la glace, cette
image est de la même figure et à peu près
de la même étendue que la glace. Si la glace
est carrée, l’image est carrée ; si la glace
est triangulaire , l’image est triangulaire :
mais lorsqu’on reçoit l’image à une grande
distance de la glace, où l’étendue qu’oc-
cupent les disques est beaucoup plus grande
que celle de la glace , l’image ne conserve
plus la figure carrée ou triangulaire de la
426 MINÉRAUX. INTRODUCTION.
glace ; elle devient nécessairement circu-
laire : et , pour trouver le point de distance
où l’image perd sa figure carrée , il n’y a
qu’à chercher à quelle distance la glace
nous paroit sous un angle égal à celui que for-
me le corps du soleil à nos yeux , c’est-à-dire
sous un angle de 32 minutes ; cette distance
sera celle où l’image perdra sa figure carrée ,
et deviendra ronde; car les disques ayant
toujours pour diamètre une ligne égale à la
corde de l’arc de cercle qui mesure un angle
de 32 minutes , on trouvera , par cette rè-
gle, qu’une glace carrée de six pouces perd
sa figure carrée à la distance d’environ
soixante pieds, et qu’une glace d’un pied
en carré ne la perd qu’à cent vingt pieds
environ, et ainsi des autres.
En réfléchissant un peu sur cette théorie,
on ne sera plus étonné de voir qu’à de très-
grandes distances une grande et une petite
glace donnent à peu près une image de la
même grandeur, et qui ne diffère que par
l’intensité de la lumière : on ne sera plus
surpris qu’une glace ronde, ou carrée, ou
longue, ou triangulaire, ou de telle autre
figure que l’on voudra 1 , donne toujours des
images rondes ; et on verra clairement que
les images ne s’agrandissent et ne s’affoi-
blissent pas par la dispersion de la lumière,
ou par la perte qu’elle fait en traversant
l’air, comme l’ont cru quelques physiciens,
et que cela n’arrive, au contraire, que par
l’augmentation des disques, qui occupent
toujours un espace de 32 minutes , à quel-
que éloignement qu’on les porte.
De même on sera convaincu , par lasim-
le exposition de cette théorie, que les cour-
es , de quelque espèce quelles soient, ne
peuvent être employées avec avantage pour
brûler de loin , parce que le diamètre du
foyer de toutes les courbes ne peut jamais
être plus petit que la corde de l’arc qui me-
sure un angle de 32 minutes, et que par
conséquent le miroir concave le plus parfait,
dont le diamètre seroit égal à celte corde,
ne feroit jamais le double de l’effet de ce
miroir plan de même surface 2 ; et si le dia-
mètre de ce miroir courbe étoit plus petit
que cette corde, il ne feroit guère plus d’ef-
fet qu’un miroir plan de même surface.
1. C’est par cette même raison que les petites
images du soleil qui passent entre les feuilles des
arbres élevés et touffus , qui toinbeni sur le sable
d’une allée, sont toutes ovales ou rondes.
2. Si l’on se donne la peine de supputer, on
trouvera que le miroir courbe le plus parfait u’a
d’avantage sur un miroir plan que dans la raison de
*7 à io , du moins à très-peu près.
Lorsque j’eus bien compris ce que je vie
d’exposer , je me persuadai bientôt , à n’i
pouvoir douter , qu’ Archimède n’avoit j
brûler de loin qu’avec des miroirs plan
car , indépendamment de l’impossibilité i
l’on étoit alors, et où l’on seroit encore a
jourd’hui , d’exécuter des miroirs conea\
d’un aussi long foyer, je sentis bien que !
réflexions que je viens de faire ne pou voit
pas avoir échappé à ce grand mathéma
cien. D’ailleurs je pensai que, selon tout
les apparences , les anciens ne savoient [
faire de grandes masses de verre, qu'
ignoroient l’art de le couler pour en fa
de grandes glaces, qu’ils n’avoient tout
lus que celui de le souffler et d’en faire <
outeilles et des vases , et je me persuat
aisément que c’étoit avec des miroirs pl{
de métal poli, et par la réflexion des rayé
du soleil, qu’Archimède avoit brûlé au loi
mais, comme j’avois reconnu que les ;m
roirs de glace réfléchissoient plus puissat
ment la lumière que les miroirs du métai
plus poli, je pensai à faire construire t j
machine pour faire coïncider au même po- 1
les images réfléchies par un grand noml j
de ces glaces planes, bien convaincu que
moyen étoit le seul par lequel il fût possi |
de réussir.
Cependant j’avois encore des doutes , |
qui me paroissoient même très-bien fond'
car voici comment je raisonnois. Suppose
que la distance à laquelle je veux brui
soit de deux cent quarante pieds : je \ j
clairement que le foyer de mon miroir i l
peut avoir moins de deux pieds dediamèJ
à cette distance ; dès lors quelle sera l’ét j
due que je serai obligé de donner à mon jj
semblage de miroirs plans pour produire j
feu dans un aussi grand foyer? Elle pouv
être si grande, que la chose eût été impj
ticable dans l’exécution : car, en compar
le diamètre du foyer au diamètre du min
dans les meilleurs miroirs par réflexion <
nous ayons, par exemple, avec le mil
de l’Académie, j’avois observé que le <
mètre de ce miroir, qui est de trois pie i
étoit cent huit fois plus grand que le c
mètre de son foyer , qui n’a qu’envij j
quatre lignes, et j’en concluois que, pij
brûler aussi vivement à deux cent quara ]
pieds, il eût été nécessaire que mon asse ;
filage de miroirs eût eu deux cent se
pieds de diamètre, puisque le foyer aui
deux pieds ; or un miroir de deux cent se ;
pieds de diamètre étoit assurément ii
chose impossible. j
A la vérité , ce miroir de trois pieds !
PARTIE EXPERIMENTALE.
427
héi ut
lit
être brûle assez vivement pour fondre
et je voulus voir combien j’avois à ga-
r en réduisant son action à n’entlammer
; du bois : pour cela , j’appliquai sur le
oir des zones circulaires de papier pour
diminuer le diamètre, et je trouvai qu’il
voit plus assez de force pour enflammer
bois sec lorsque son diamètre fut réduit
uatre pouces huit ou neuf lignes. Pre-
donc cinq pouces ou soixante lignes
îr l’étendue du diamètre nécessaire pour
II lier avec un foyer de quatre lignes , je
pouvais me dispenser de conclure que
ir brûler également à deux cent quarante
to^ds, où le foyer auroit nécessairement
ix pieds de diamètre , il me faudrait un
III roir de trente pieds de diamètre ; ce qui
paroissoit encore une chose impossible,
du moins impraticable.
A des raisons si positives , et que d’au-
s auroient regardées comme des démon-
ations de l’impossibilité du miroir, je
vois rien à opposer qu’un soupçon, mais
soupçon ancien, et sur lequel plus j’a-
|lis réfléchi , plus je m’étois persuadé qu’il
« Ifetoit pas sans fondement : c’est que les
?» iets de la chaleur pouvoient bien n’ètre
tss js proportionnels à la quantité de lumière;
| , ce qui revient au même , qu’à égale in-
a usité de lumière les grands foyers dévoient
|É ûler plus vivement que les petits,
po !En estimant la chaleur mathématique-
îht , il n’est pas douteux que la force des
1 ' !) ers de même longueur ne soit propor-
oit innelle à la surface des miroirs. Un mi-
nu jir dont la surface est double de celle d’un
l’t itre doit avoir un foyer de la même gran-
iod *ur , si la courbure est la même ; et ce
i« yer de même grandeur doit contenir le
M iuble de la quantité de lumière que con-
ni] bnt le premier foyer ; et , dans la suppo-
rt' fion que les effets sont toujours propor-
» pnnels à leurs causes, on avoit toujours
m u que la chaleur de ce second foyer devoit
nii re double de celle du premier,
t: De même, et par la même estimation ma-
)ii tématique , on a toujours cru qu’à égale
( intensité de lumière un petit foyer devoit
ri rûler autant qu’un grand , et que l'effet de
p 1 chaleur devoit être proportionnel à celte
ttensité de lumière : en sorte , disoit Des-
àrtes, qu'on peut faire des verres ou des
tiroirs extrêmement petits qui brûleront avec
ûtant de violence que les plus grands. Je
jensai d’abord , comme je l’ai dit ci-dessus,
iue cette conclusion, tirée de la théorie
aalhérnatique , pourrait bien se trouver
ausse dans la pratique , parce que la cha-
leur étant une qualité physique, de ^action
et de la propagation de laquelle nous ne
connoissons pas bien les lois , il me sera-
bloil qu’il y avoit quelque espèce de témé-
rité à ën estimer ainsi les effets par un rai-
sonnement de simple spéculation.
J’eus donc recours encore une fois à l’ex-
périenCe : je pris des miroirs de métal de
différents foyers et de différents degrés de
poliment; et, en comparant l’action des
différents foyers sur les mêmes matières fu-
sibles ou combustibles , je trouvai qu’à égale
intensité de lumière les grands foyers font
constamment beaucoup plus d’effet que les
petits , et produisent souvent l’inflammation
ou la fusion, tandis que les petits ne pro-
duisent qu’une chaleur médiocre : je trou-
vai la même chose avec les miroirs par ré-
fraction. Pour lé faire mieux sentir , pre-
nons, par exemple, un grand miroir ardent
par réfraction, tel que celui du sieur Segard,
qui a trente-deux pouces de diamètre , et
un foyer de huit lignes de largeur , à six
pieds de distance, auquel foyer le cuivre se
fond en moins d’une minute , et faisons
dans les mêmes proportions un petit verre
ardent de trente-deux lignes de diamètre,
dont le foyer sera de 8/12 ou 2/3 de ligne,
et la distance à six poncés. Puisque le grand
miroir fond le cuivre en une minute dans
l’étendue entière de son foyer, qui est de
huit lignes , le petit verre devrait , selon la
théorie, fondre dans le même temps la
même matière dans l’étendue de son foyer,
qui est de 2/3 de ligne. Ayant fait l’expé-
rience, j’ai trouvé, comme je m’y attendois
bien , que , loin de fondre le cuivre, ce pe-
tit verre ardent pouvoit à peine donner un
peu de chaleur à cette matière.
La raison de cette différence est aisée à
donner, si l’on fait attention que la chaleur
se communique de proche en proche , et se
disperse, pour ainsi dire , lors même qu’elle
est appliquée continuellement sur le même
point : par exemple , si l’on fait tomber le
foyer d’un verre ardent sur le centre d’un
écu, et que ce foyer n’ait qu’une ligne de
diamètre, la chaleur qu’il produit sur le
centre de l’écù se disperse et s’étend dans
le volume entier de l’écu , et il devient
chaud jusqu’à la circonférence ; dès lors
toute la chaleur , quoique employée d’abord
contre le centre de l’écu , ne s’y arrête pas,
et ne peut pas produire un aussi grand effet
que si elle y demeuroit tout entière. Mais
si, au lieu d’un foyer d’une ligne qui tombe
sur le milieu de l’écu , on fait tomber sur
l’écu tout entier un foyer d’égale intensité,
4 2 8
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
toutes les parties de l’écu étant également
échauffées, dans ce dernier cas, non seule-
ment il n’y a pas de perte de chaleur comme
dans le premier , mais même il y a du gain
et de l’augmentation de chaleur ; car le
point du milieu profitant de la chaleur des
autres points qui l’environnent , l’écu sera
fondu dans ce dernier cas, tandis que, dans
le premier , il ne sera que légèrement
échauffé.
Après avoir fait ces expériences et ces
réflexions, je sentis augmenter prodigieu-
sement l’espérance que j’avois de réussir à
faire des miroirs qui brûleroient au loin;
car je commençai à ne plus craindre, au-
tant que je l’avois craint d’abord, la grande
étendue des foyers : je me persuadai , au
contraire, qu’un foyer d’une largeur con-
sidérable , comme de deux pieds , et dans
lequel l’intensité de la lumière ne seroit
pas à beaucoup près aussi grande que dans
un petit foyer, comme de quatre lignes,
pourroit cependant produire avec plus de
force l’inflammation et l’embrasement , et
que par conséquent ce miroir, qui, par la
théorie mathématique, devoit avoir au moins
trente pieds de diamètre , se réduiroit sans
doute à un miroir de huit ou dix pieds tout
au plus ; ce qui est non seulement une
chose possible , mais même très -praticable.
Je pensai donc sérieusement à exécuter
mon projet : d’abord j’avais dessein de brû-
ler à deux cents ou trois cents pieds avec
des glaces circulaires ou hexagones d’un pied
carré de surface, et je voulois faire quatre
châssis de fer pour les porter, avec trois vis
à chacune pour les mouvoir en tous sens, et
un ressort pour les assujettir ; mais la dépense
trop considérable qu’exigeoit cet ajustement
me fît abandonner cette idée , et je me ra-
battis à des glaces communes de six pouces
sur huit pouces, et un ajustement en bois,
qui, à la vérité, est moins solide et moins
précis , mais dont la dépense convenoit mieux
à une tentative. M. Passemant, dont l’habi-
leté dans les mécaniques est connue même
de l’Académie, se chargea de ce détail; et je
n’en ferai pas la description, parce qu’un
coup d’œil sur le miroir en fera mieux en-
tendre la construction qu’un long discours.
Il suffira de dire qu’il a d’abord été com-
posé de cent soixante-huit glaces étamées de
six pouces sur huit pouces chacune, éloi-
gnées les unes des autres d’environ quatre
lignes ; que chacune de ces glaces se peut
mouvoir en tous sens , et indépendamment
de toutes , et que les quatre lignes d’inter-
valle qui sont entre elles servent non seule-
ment à la liberté de ce mouvement , ma i »,
aussi à laisser voir à celui qui opère l’endro jjfj
où il faut conduire ses images. Au moyen c I
cette construction , l’on peut faire tomb<
sur le même point les cent soixante-hu
images , et par conséquent brûler à plusieui
distances , comme à vingt , trente , et jusqu
cent cinquante pieds , et à toutes les distai
ces intermédiaires ; et en augmentant la grai
deur du miroir, ou en faisant d’autres m
roirs semblables au premier, on est sûr (
porter le feu à de plus grandes distances et
core , ou d’en augmenter , autant qu’on vo
dra, la force ou l’activité à ces premières di
tances.
Seulement il faut observer que le mouv
ment dont j’ai parlé n’est point trop aisé
exécuter , et que , d’ailleurs , il y a un grai j‘‘
choix à faire dans les glaces : elles ne sole e
pas toutes à beaucoup près également bonm
quoiqu’elles paroissent telles à la premièf1
inspection ; j’ai été obligé d’en prendre pl ^
de cinq cents pour avoir les cent soixanl
huit dont je me suis servi. La manière <
les essayer est de recevoir à une grande è
stance , par exemple à cent cinquante pied
l’image réfléchie du soleil contre un plan ve
tical ; il faut choisir celles qui donnent u:
image ronde et bien terminée , et rebut
toutes les autres qui sont en beaucoup pl
grand nombre , et dont les épaisseurs éta
inégales en différens endroits , ou la surfa
un peu concave ou convexe au lieu d’êt
plane , donnent des images mal terminée
doubles, triples, oblongues, chevelues, et ^
suivant les différentes défectuosités qui
trouvent dans les glaces.
Par la première expérience que j’ai fa
le 23 mars 1747, à midi, j’ai mis le feu,
soixante-six pieds de distance, à une pla
che de hêtre goudronnée, avec quai-an
glaces seulement, c’est-à-dire avec le quai
du miroir environ ; mais il faut observer qi
n’étant pas encore monté sur son pied,
étoit posé très-désavantageusement, faisa
avec le soleil un angle de près de 20 degi
de déclinaison , et un autre de plus de
degrés d’inclinaison.
Le même jour, j’ai mis le feu à une pla
che goudronnée et soufrée , à cent vinji !"
six pieds de distance , avec quatre- vin gt-di “
huit glaces, le miroir étant posé encore pl
désavantageusement. On sent bien que, po l ; f
brûler avec le plus d’avantage, il faut q
le miroir soit directement opposé au sole
aussi bien que les matières qu’on veut c
flammer; en sorte qu’en supposant un pl
perpendiculaire sur le plan du miroir, il fa
m
u
PARTIE EXPERIMENTALE.
429
•*1 passe par le soleil, et en même temps
jle milieu des matières combustibles,
p 3 avril, à quatre heures du soir, le
lir étant posé et monté sur son pied ,
i produit une légère inflammation sur une
fche couverte de laine hachée, à cent
te-huit pieds de distance, avec cent
le glaces, quoique le soleil fût foible
îe la lumière en fût fort pâle. Il faut
dre garde à soi lorsqu’on approche de
roit où sont les matières combustibles,
ne faut pas regarder le miroir; car si
eureusement les yeux se trouvoient au
on seroit aveuglé par l’éclat de la
(ere.
4 avril, à onze heures du matin, le
étant fort pâle et couvert de vapeurs
nuages légers , on n’a pas laissé de pro-
avec cent cinquante- quatre glaces, à
j cinquante pieds de distance , une cha-
[jsi considérable, qu’elle a fait, en moins
îux minutes, fumer une planche gou-
linée qui se seroit certainement enflam-
si le soleil n’avoit pas disparu tout à
ai fi
: feu
iepli
uarî
ertj
lendemain, 5 avril, à trois heures
midi , par un soleil encore plus foible
le jour précédent , on a enflammé , à
cinquante pieds de distance, des co-
de sapin soufrés et mêlés de charbon,
oins d’une minute et demie, avec cent
ante-quatre glaces. Lorsque le soleil
if, il ne faut que quelques secondes
produire l’inflammation,
ro avril, après midi, par un soleil
net , on a mis le feu à une planche de
goudronnée, à cent cinquante pieds,
cent vingt-huit glaces seulement : l’in-
mation a été très-subite , et elle s’est faite
toute l’étendue du foyer , qui avoit en-
seize pouces de diamètre à cette dis-
jour
à deux heures et demie
l'f ’ porté le feu sur une planche de hêtre
1 jronnée en partie et couverte en quel-
"j endroits de laine hachée ; l’inflamma-
s “e js’est faite très-promptement ; elle a com-
sé par les parties du bois qui étoient
ûef (uvertes, et le feu éloit si violent, qu’il
1 ïU)! lu tremper dans l’eau la planche pour
"i1 ! jndre : il y avoit cent quarante-huit gla-
orel et la distance étoit de cent cinquante
M .
ïaul ; 1 1 avril , le foyer n’étant qu’à vingt
J ot > de distance du miroir, il n’a fallu que
ui j ;e glaces pour enflammer de petites ma-
linÇi s combustibles. Avec vingt-une glaces ,
W mis le feu à une planche de hêtre qui
avoit déjà été brûlée en partie; avec qua-
rante-cinq glaces, on a fondu un gros flacon
d’étain qui pesoit environ six livres; et avec
cent dix-sept glaces , 011 a fondu des mor-
ceaux d’argent mince, et rougi une plaque
de tôle : et je suis persuadé qu’à cinquante
pieds on fondra les métaux aussi bien qu’à
vingt, en employant toutes les glaces du mi-
roir ; et comme le foyer à cette distance est
large de six à sept pouces , on pourra faire
des épreuves en grand sur les métaux 1 ; ce
qu’il n’étoit pas possible de faire avec les
miroirs ordinaires, dont le foyer est ou très-
foible ou cent fois plus petit que celui de
mon miroir. J’ai remarqué que les métaux,
et surtout l’argent, fument beaucoup avant
de se fondre : la fumée en étoit si sensible,
qu’elle faisoit ombre sur le terrain ; et c’est
là que je l’observois attentivement : car il
n’est pas possible de regarder un instant le
foyer, lorsqu’il tombe sur du métal; l’éclat
en est beaucoup plus vif que celui du soleil.
Les expériences que j’ai rapportées ci-des-
su$ , et qui ont été faites dans les premiers
temps de l’invention de ces miroirs, ont été
suivies d’un grand nombre d’aulres expé-
riences qui confirment les premières. J’ai
enflammé dubois jusqu’à deux cents et même
deux cent dix pieds avec ce même miroir,
par le soleil d’été , toutes les fois que le ciel
étoit pur; et je crois pouvoir assurer qu'avec
quatre semblables miroirs on brûleroit à
quatre cents pieds , et peut-être plus loin.
J’ai de même fondu tous les métaux et mi-
néraux métalliques à vingt-cinq , trente et
1. Par des expériences subséquentes, j'ai re-
connu que la distance la plus avantageuse pour
faire commodément avec ces miroirs des épreuves
sur les métaux étoit à quarante ou quarante-cinq
pieds. Les assiettes d’argent que j’ai fondues à cette
distance avec deux cent vingt-quatre glaces étoient
bien nettes , en sorte qu’il n’étoit pas possible d’at-
tribuer la fumée très-abondante qui en sortoit à la
graisse ou à d’autres matières dont l’argent se se-
roit imbibé, et comme se le persuadoient les gens
témoins de l’expérience. Je la répétai néanmoins
sur des plaques d’argent toutes neuves , et j’eus le
même effet. Le métal fumoit très-abondamment ,
quelquefois pendant plus de huit ou dix minutes
avant de se fondre. J’avois dessein de recueillir
cette fumée d’argent par le moyen d’un chapiteau
et d’un ajustement semblable à celui dont on se sert
dans les distillations, et j’ai toujours eu regret que
mes antres occupations m’en aient empêché ; car
cette manière de tirer l’eau du métal est peut-être
la seule qu’on puisse employer. Et si l’on prétend
que cette fumée, qui m’a paru humide, ne contient
pas de l’eau, il seroit toujours très-utile de savoir
ce que c’est, car il se peut aussi que ce ne soit
que du métal volatilisé. D’ailleurs je suis persuadé
qu’en faisant les mêmes épreuves sur l’or, on le
verra fumer comme l’argent , peut • être moins ,
peut-être plus.
43o
quarante pieds. On trouvera , dans la suite
de cet article, les usages auxquels on peut
appliquer ces miroirs, et les limites qu’on
doit assigner à leur puissance pour la calci-
nation , la combustion , la fusion , etc.
11 faut environ une demi-heure pour mon-
ter le miroir et pour faire coïncider toutes
les images au même point : mais lorsqu’il est
une fois ajusté , on peut s’en servir à toute
heure , en tirant seulement un rideau ; il met-
tra le feu aux matières combustibles très-
promptement, et on ne doit pas le déranger,
à moins qu’on ne veuille changer la distance :
par exemple , lorsqu'il est arrangé pour brû-
ler à cent pieds , il faut une demi-heure pour
l’ajustera la distance de cent cinquante pieds,
et ainsi des autres.
Ce miroir brûle en haut, en bas, et ho-
rizontalement , suivant la différente inclinai-
son qu’on lui donne. Les expériences que je
viens de rapporter ont été faites publique-
ment au Jardin du Roi, sur un terrain ho-
rizontal contre des planches posées vertica-
lement. Je crois qu’il n’est pas nécessaire
d’avertir qu’il auroit brûlé avec plus de force
en haut , et moins de force en bas , et , de
même, qu’il est plus avantageux d’incliner le
plan des matières combustibles parallèlement
au plan du miroir. Ce qui fait qu’il a cet
avantage de brûler en haut , en bas , et hori-
zontalement , sur les miroirs ordinaires de
réflexion qui ne brûlent qu’en haut, c’est
que son foyer est fort éloigné, et qu’il a si
peu de courbure qu’elle est insensible à l’œil :
il est large de sept pieds , et haut de huit
pieds, ce qui ne fait qu’environ la cent cin-
quantième partie de la circonférence de la
sphère, lorsqu’on brûle à cent cinquante
pieds.
La raison qui m’a déterminé à préférer
des glaces de six pouces de largeur sur huit
pouces de hauteur , à des glaces carrées de
six ou huit pouces , c’est qu’il est beaucoup
plus commode de faire les expériences sur
un terrain horizontal et de niveau , que de
les faire de bas en haut , et qu’avec cette fi-
gure plus haute que large , les images étoient
plus rondes , au lieu qu’avec des glaces car-
rées, elles auroient été raccourcies, surtout
pour les petites distances , dans cette situa-
tion horizontale.
Cette découverte nous fournit plusieurs
choses utiles pour la physique, et peut-être
pour les arts. On sait que cé qui rend les
miroirs ordinaires de réflexion presque inu-
tiles pour les expériences , c’est qu’ils brû-
lent toujours en haut, et qu’on est fort em-
barrassé de trouver des moyens pour sus-
MINERAUX. INTRODUCTION.
pendre ou soutenir à leur foyer les mal
qu’on veut fondre ou calciner. Au moyi
mon miroir , on fera brûler en bas le
roirs concaves , et avec un avantage si
sidérable , qu’on aura une chaleur de tt
gré qu’on voudra : par exemple , en c
sant à mon miroir un miroir concave
pied carré de surface , la chaleur que ce
nier miroir produira à son foyer , en
ployant cent cinquante-quatre glaces !
ment , sera douze fois plus grande que
qu’il produit ordinairement, et l’effet
le- même que s’il existoit douze soleils ai
d’un, ou plutôt que si le soleil avoit <
fois plus de chaleur.
Secondement, on aura, par lemoyi, ^
mon miroir, la vraie échelle de l’augmi 11
tion de la chaleur, et on fera un the ®
mètre réel, dont les divisions n’auronti ™
rien d’arbitraire, depuis la températm f
l’air jusqu’à tel degré de chaleur qu’orii
dra , en faisant tomber une à une sis ®
sivement les images du soleil les une
les autres, et en graduant les intervi'
soit au moyen d’une liqueur expansive P
au moyen d’une machine de dilatatic jcen
de là nous saurons en effet ce que c’est qiP
augmentation double, triple, quadruplelps
de chaleur 1 , et nous connoîlrons létP®
tières dont l’expansion ou les autres w
seront les plus convenables pour mesuiipi
augmentations de chaleur. lirs
Troisièmement, nous saurons aujustd 11
bien de fois il faut la chaleur du soleili téi
brûler , fondre , ou calciner différente
tières, ce qu’on ne savoit estimer jufi jusi
que d’une manière vague et fort éld
de la vérité ; et nous serons en état diifpé
des comparaisons précises de l’activi
nos feux avec celle du soleil , et d’avc
cela des rapports exacts et des mesure
et invariables.
Enfin on sera convaincu, lorsqu’orlf
examiné la théorie que j’ai donnée , et
aura vu l’effet de mon miroir, que le i
que j’ai employé étoil le seul par leq
fût possible de réussir à brûler au loir ile
indépendamment de la difficulté ph; | jt
de faire de grands miroirs concaves , fat
riques, paraboliques, ou d’une autre
bure assez régulière pour brûler à cet ire
i. Feu M. de Mairan a fait une épreuve av ! JCI
glaces seulement, et a trouvé que les augmer ) i|l{
du double et du triple de chaleur étoient cou
divisions du thermomètre de Réaumur ; mai
doit rien conclure de cette expérience , .<
donné lieu à ce résultat que par une espece
sard. Voyez sur ce sujet mon Traité des Eléi
« nte pieds , on se démontrera aisément à
même qu’ils ne produiraient qu’à peu
n te ; autant d’effet que le mien, parce que
ûlaje >yer en serait presque aussi large ; que,
unit dus, ces miroirs courbes, quand même
e rail possible de les exécuter, auraient le
ncai ivantage très-grand de ne brûler qu’à
rque seule distance, au lieu que le mien brûle
u tes les distances; et par conséquent on
ndonnera le projet de faire , par le
tdeqi 'en des courbes, des miroirs pour rûler
I U'* nui • l'P qui a occupé innlilpïtii
IJloin
oleils
avoit
inutilement un
îd nombre de mathématiciens et d’artistes
se trompoient toujours, parce qu ils
idéroient les rayons du soleil comme
allèles, au lieu qu’il faut les considérer
tels qu’ils sont, c’est-à-dire comme fai-
tin «t des angles de toute grandeur, depuis
ara p jusqu’à 32 minutes; ce qui fait qu il est
ipérai aossible, quelque courbure qu’on donne
quoi |n miroir, de rendre le diamètre du foyer
uuej s petit que la corde de l’arc qui mesure
s u® angle de 32 minutes. Ainsi, quand même
Intel pourrait faire un miroir concave pour
mm àler à une grande distance, par exemple,
il/0 eut cinquante pieds, en le travaillant dans
a it| s ses points sur une sphère de six cents
Impli ds de diamètre, et en employaut une
)I1S || sse énorme de verre ou de métal , il est
0jres ir qu’on aura à peu près autant d’avantage
mesu l’employer au contraire que de petits mi-
rs plans.
ijusti Au reste, comme tout a des limites, quoi-
solei e mon miroirsoit susceptible d’une grande
,reI1t rfection, tant pour l’ajustement que pour
>rju rsieurs autres choses, et que je compte
,l eli en en faire un autre dont les effets seront
ai J| périeurs , cependant il ne faut pas espérer
Jcti| i’on puisse jamais brûler à de très-grandes
.lances: car pour brûler, par exemple, à
;iirg le demi-lieue , il faudrait un miroir deux
ille fois plus grand que le mien ; et tout
™J qu’on pourra jamais faire est de brûler
fjihuit ou neuf cents pieds tout au plus. Le
!’|ei jyer, dont le mouvement correspond tou-
,|eij urs à celui du soleil , marche d’autan! plus
]0|i te qu'il est plus éloigné du miroir ; et à
j, îuf cents pieds de distance, il ferait un
if"s rxemin d’environ six pieds par minute.
JJ II n’est pas nécessaire d avertir qu’on peut
( ce) ire , avec de petits morceaux plats de
lace ou de métal , des miroirs dont les
Ayers seront variables, et qui brûleront à
J je petites distances avec une grande vivacité;
coi |t , en les montant à peu près comme l’on
ai mute les parasols, il ne faudrait qu’un seul
ao u veinent pour en ajuster le foyer.
Maintenant que j’ai rendu compte de ma
PARTIE EXPERIMENTALE. 43 s
découverte et du succès de mes expériences,
je dois rendre à Archimède et aux anciens
la gloire qui leur est due. Il est certain
qu’Archimede a pu faire avec des miroirs
de métal ce que je fais avec dés miroirs de
verre ; il est sûr qu’il avoit plus de lumières
qu’il n’en faut pour imaginer la théorie qui
m’a guidé et la mécanique que j’ai fait exé-
cuter, et que par conséquent on ne peut lui
refuser le titre de premier inventeur de ces
miroirs , que l’occasion où il sut les em-
ployer rendit sans doute plus célèbres que
le mérite de la chose même.
Pendant le temps que je travaillois à ces
miroirs, j’ignorois le détail de tout ce qu’en
ont dit les anciens ; mais après avoir réussi
à les faire, je fus bien aise de m’en in-
struire. Feu M. Melot, de l’Académie des
Belles- Lettres , et l’un des gardes de la Bi-
bliothèque du Roi , dont la grande érudition
et les talens étoient connus de tous les sa-
vans , eut la bonté de me communiquer une
excellente dissertation qu’il avoit faite sur ce
sujet , dans laquelle il rapporte les témoi-
gnages de tous les auteurs qui ont parlé des
miroirs ardens d’Archimede. Ceux qui en
parlent le plus clairement sont Zonaras et
Tzetzès , qui viraient tous deux dans le dou-
zième siècle. Le premier dit qu’ Archimède,
avec ses miroirs ardens, mit en cendres toute
la flotte des Romains. « Ce géomètre, dit-il,
ayant reçu les rayons du soleil sur un miroir,
à l’aide de ces rayons rassemblés et réfléchis
par l’épaisseur et le poli du miroir, il em-
brasa l’air, et alluma une grande flamme
qu’il lança tout entière sur les vaisseaux qui
mouilloient dans la sphère de son activité,
et qui furent tous réduits en cendres. » Le
même Zonaras rapporte aussi qu’au siège de
Constantinople, sous l’empire d’Anastase,
l’an 5 14 de Jésus-Christ , Proclus brûla, avec
des miroirs d’airain, la flotte de Yilalien,
qui assiégeoit Constantinople ; et il ajoute
que ces miroirs étoient une découverte an-
cienne, et que l’historien Dion en donne
l’honneur à Archimède, qui la fit, et s’en
servit contre les Romains lorsque Marcellus
fit le siège de Syracuse.
Tzetzes non seulement rapporte et assure
le fait des miroirs, mais même il en expli-
que en quelque façon la construction.
« Lorsque les vaisseaux, dit-il, furent à la
portée du trait, Archimede fit faire une es-
pece de miroir hexagone , et d autres plus
petits de vingt-quatre angles chacun, qu’il
plaça dans une distance proportionnée, et
qu’on pouvoit mouvoir à l’aide de leurs char-
nières et de certaines lames de métal : i|
43î
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
plaça le miroir hexagone de façon qu’il éloit
coupé par le milieu par le méridien d’hiver
et d’éte, en sorte que les rayons du soleil
reçus sur ce miroir, venant à se briser, allu-
mèrent un grand feu qui réduisit en cen-
dres les vaisseaux romains, quoiqu’ils fussent
éloignés de la portée d’un trait. » Ce pas-
sage me paroît assez clair : il fixe la distance
à laquelle Archimède a brûlé; la portée du
trait ne peut guère être que de cent cin-
quante ou deux cents pieds ; il donne l’idée
de la construction , et fait voir que le miroir
d’Archimède pouvoit être, comme le mien,
composé de plusieurs petits miroirs qui se
mouvoient par des mouvemens de charnières
et de ressorts ; et enfin il indique la position
du miroir, en disant que le miroir hexagone
autour duquel étoient sans doute les miroirs
plus petils , étoit coupé par le méridien , ce
qui veut dire apparemment que le miroir
doit être opposé directement au soleil :
d’ailleurs le miroir hexagone étoit probable-
ment celui dont l’image servoit de mire pour
ajuster les autres, et cette figure n’est pas
tout à-fait indifférente, non plus que celle
des vingt-quatre angles ou vingt-quatre côtés
des petits miroirs. Il est aisé de sentir qu’il
y a en effet de l'avantage à donner à ces mi-
roirs une figure polygone d’un grand nom-
bre de côtés égaux , afin que la quantité de
lumière soit moins inégalement répartie dans
l’image réfléchie; et elle sera répartie le
moins inégalement qu’il est possible lorsque
les miroirs seront circulaires. J’ai bien vu
qu’il y avoit de la perte à employer des mi-
roirs quadi'angulaires, longs de six pouces
sur huit pouces; mais j’ai préféré cette
forme, parce qu’elle est, comme je l’ai dit,
plus avantageuse pour brûler horizontale-
ment.
J’ai aussi trouvé dans la même dissertation
de M. Melol , que ie P. Kircher avoit écrit
qu’Archimède avoit pu brûlera une grande
distance avec des miroirs plans, et que l’ex-
périence lui avoit appris qu’en réunissant de
cette façon les images du soleil, on produi-
soit une chaleur considérable au point de
réunion.
Enfin , dans les Mémoires de V Académie,
annee 1726, M. du Fay, dont j’honorerai
toujours la mémoire et les talens , paroît
avoir touché à cette découverte : il dit
« qu’ayant reçu l’image du soleil sur un mi-
roir plan d’un pied carré , et l’ayant portée
jusqu’à six cents pieds sur un miroir con-
cave de dix-sept pouces de diamètre , elle
avoit encore la force de brûler des matières
combustibles au foyer de ce dernier mi-
roir ; » et à la fin de son Mémoire il dit 1
« quelques auteurs (il veut sans doute pai 1
du P. Kircher) ont proposé de former ijk
miroir d’un très-long foyer par un gn ,l(j
nombre de petits miroirs plans, que plusici Ü
personnes tiendroient à la main , et d */,
geroient de façon que les images du sc
formées par chacun de ces miroirs conco 1 La
roient en un même point , et que ce se| fil
peut-être la façon de réussir la plus sûr L|
la moins difficile à exécuter. » Un peui ssi
réflexion sur l’expérience du miroir c y
cave et sur ce projet auroit porté M. du *
à la découverte du miroir d’Archimède, <) arl
traite cependant de fable un peu plus lia lm
car il me paroît qu’il étoit tout nature]; lier
conclure de son expérience que, puisqi app
miroir concave de dix-sept pouces de < fii
mètre sur lequel l’image du soleil ne tomu jute
pas tout entière , à beaucoup près , peut h 1
pendant brûler par cette seule partie* tor
l’image du soleil réfléchie à six cents pj pii
dans un foyer que je suppose large de t ht
lignes, onze cent cinquante-six miroirs pli
semblables au premier miroir réfléchisse
doivent à plus forte raison brûler dire
ment à celte distance de six cents pieds I,
que par conséquent deux cent quatre-vii
neuf miroirs plans auroient été plus que
fisans pour brûler à trois cents pieds ,
réunissant les deux cent quatre-vingt-i
images : mais, en fait de découverte, le
nier pas, quoique souvent le plus fac
est cependant celui qu’on fait le plus r
ment.
Mon mémoire , tel qu’on vient de le
a été imprimé dans le volume de YAcadÆ
des Sciences, année 1747, sous le tit ion
Invention des miroirs pour brûler à
grande distance. Feu M. Bouguet, et ç
ques autres membres de cette savante c
pagnie, m’ayant fait plusieurs objectn
tirées principalement de la doctrine de
cartes dans son Traité de Dioptrique
crus devoir y répondre par le mémoire
vaut, qui fut lu à l’Academie la même an L
mais que je ne fis pas imprimer par m
gement pour mes adversaires en opin
Cependant , comme il contient plusi
choses utiles , et qu’il pourra servir de
servatif contre les erreurs contenues 1
quelques livres d’optique, surtout dans <
de la Dioptrique de Descartes, que d’aill |ei
il sert d’explication et de suite au mém
précédent, j’ai jugé à propos de les joii
ici et de les publier ensemble.
• ***,
lès*
Partie expérimentale.
433
ABTICLE SECOND.
flexions sur le jugement de Descartes au
tujet des miroirs d’Archimède, avec le
I développement de la théorie de ces miroirs ,
1 1’ explication de leurs principaux usages.
,jC01li La Dioptrique de Descartes, cet ouvrage
’il a donné comme le premier et le prin-
flial essai de sa méthode de raisonner dans
sciences, doit être regardée comme un
^01r Jef-d’œuvre pour son temps : mais les plus
mède,
plus,
DJtlil
les spéculations sont souvent démenties
l’expérience, et tous les jours les sû-
mes mathématiques sont obligées de se
er sous de nouveaux faits ; car , dans
Pwsi pplicalion qu’on en fait aux plus petites
rties de la physique, on doit se défier de
ates les circonstances, et ne pas se con-
aux choses qu’on croit savoir assez ,
ur prononcer affirmativement sur celles
sont inconnues. Ce défaut n’est cepen-
nt que trop ordinaire ; et j’ai cru que je
ois quelque chose d’utile pour ceux qui
nient s’occuper d’optique, que de leur
poser ce qui manquoit à Descartes pour
luvoir donner une théorie de cette science
li fût susceptible d’être réduite en pratique,
usquffl Son Traité de Dioptrique est divisé en dix
piedsj scours. Dans le premier, notre philosophe
vingt rie de la lumière; et comme il ignoroit
rte, le n mouvement progressif, qui n’a été dé-
us fi u vert que quelque temps après par Roë-
plus] er, il faut modifier tout ce qu’il dit à cet
Çard, et on ne doit adopter aucune des
de le plications qu’il donne au sujet de la na-
hi'
l’homme ne peut rien faire d’infini , mais ;
ilüi
une distance indéfinie assez considérable ;
car supposons que mon miroir , au lieu d’être
composé de deux cent vingt-quatre petites , ine
glaces, fût composé de deux mille, ce qui
est possible, il n’en faut que vingt poiu
brûler à vingt pieds ; et le foyer étanl
comme une colonne de lumière , ces vingt
glaces brûlent en même temps à dix-sept et
à vingt-trois pieds : avec vingt-cinq autre
glaces , je ferai un foyer qui brûlera depuis
vingt-trois jusqu’à trente; avec vingt-neii!
glaces, un foyer qui brûlera depuis treatt
jusqu’à quarante; avec trente-quatre glaces
un foyer qui brûlera depuis quarante jusqu’
cinquante-deux; avec quarante glaces, de
puis cinquante-deux jusqu’à soixante-quatre
avec cinquante glaces , depuis soixante-qualr |0111
jusqu’à soixante-seize ; avec soixante glaces
depuis soixante-seize jusqu’à quatre-vingt
huit; avec soixante-dix glaces, depuis quat*
vingt-huit jusqu’à cent pieds. Yoilà doij
déjà une ligne brûlante , depuis dix-sel
jusqu’à cent pieds, où je n’aurai employé
que trois cent vingt-huit glaces ; et, pour I
continuer, il n’y a qu’à faire d’abord 11 J1'81
foyer de quatre-vingts glaces , il brûlera dt
puis cent pieds jusqu’à cent seize ; et quatti Pe^
vingt-douze glaces, depuis cent seize jusqu1 “
cent trente-quatre pieds ; et cent huit glaces !el*
depuis cent trente-quatre jusqu’à cent cic
quante ; et cent vingt-quatre glaces, depu:
cent cinquante jusqu’à cent soixante-dix; i
cent cinquante-quatre glaces , depuis cei
soixante-dix jusqu’à deux cents pieds. Ain;
voilà ma ligne brûlante prolongée de cet
pieds, en sorte que depuis dix-sept piec
jusqu’à deux cents pieds, en quelque endra
de cette distance qu’on puisse mettre q
corps combustible , il sera brûlé ; et , poi
cela , il ne faut en tout que huit cent quatri
vingt-six glaces de six pouces ; et en en!
ployant le reste des deux mille glaces , J
prolongerai de même la ligne brûlante jui
qu’à trois et quatre cents pieds; et avec ijpari
plus grand nombre de glaces, par exempl plus
avec quatre mille, je la prolongerai beat fout
coup plus loin, à une distance indéfini] b lu
Or, tout ce qui, daus la pratique, est ina pffli
fini peut être regardé comme infini dans! purf
théorie : donc notre célébré philosophe! plus
eu tort de dire que cette ligne brûlante! ®ml
l’infini n’étoit qu’une rêverie. J mil
Maintenant venons à la théorie. Rie j 1,
gran
Ijuettt
PARTIE EXPERIMENTALE. 435
Ijïst plus vrai que ce que dit Descartes
I! sujet de la réunion des rayons du so-
1 , qui ne se fait pas dans un point , mais
ns un espace ou foyer dont le diamètre
'gmente à proportion de la distance : mais
grand philosophe n’a pas senti l’étendue
j ce principe , qu’il ne donne que comme
e remarque ; car, s’il y eût fait atten-
>n, il n’auroit pas considéré, dans tout le
iste de son ouvrage, les rayons du soleil
mme parallèles; il n’auroit pas établi
;mme le fondement de la théorie de sa
I nstruction des lunettes la réunion des
jyons dans un point, et il se seroit bien
jrdé de dire affirmativement1 : « Nous
mirons , par cette invention , voir des ob-
ts aussi particuliers et aussi petits dans
s astres que ceux que nous voyons com-
munément sur la terre. » Cette assertion ne
jiuvoit être vraie qu’en supposant le parallé-
>me des rayons et leur réunion en seul
lint ; et par conséquent elle est opposée à
j . propre théorie , ou plutôt il n’a pas em-
I loyé la théorie comme il le falloil : et en
j-fet , s’il n’eût pas perdu de vue Cette re-
i arque, il eût supprimé les deux derniers
ivres de sa Dioptrique ; car il auroit vu
ne , quand même les ouvriers eussent pu
ii lier les vers comme ill’exigeoit, ces verres
j’auroient pas produit les effets qu’il leur
1 1 supposés , de nous faire distinguer les plus
: jetits objets dans les astres, à moins qu’il
l ’eût en même temps supposé dans ces ob-
jets une intensité de lumière infinie, ou, ce
I ui revient au même, qu’ils eussent', malgré
leur éloignement, pu former un angle seq-
Bible à nos yeux.
j Comme ce point d’optique n’a jamais été
lien éclairci, j’entrerai dans quelques dé-
tails à cet égard. On peut démontrer que deux
î bjets également lumineux , et dont les dia-
îètres sont différais, ou bien que deux
I bjets dont les diamètres sont égaux, et
J lont l’intensité de lumière est différente ,
jjlioivent être observés avec des lunettes dif-
férentes : que , pour observer avec le plus
I jrand avantage possible, il faudroit des lu-
Jiettes différentes pour chaque planète; que,
par exemple, Vénus, qui nous paroît bien
dus petite que la lune, et dont je suppose
jiour un instant la lumière égale à celle de
a lune, doit être observée avec une lunette
l’un plus long foyer que la lune; et que la
perfection des lunettes, pour en tirer le
plus grand avantage possible, dépend d’une
(combinaison qu’il faut faire non seulement
entre les diamètres et les courbures des
I i. Page i3 j ,
verres , comme Descartes l’a fait , mais en-
core entre ces mêmes diamètres et l’inten-
sité de la lumière de l’objet qu’on observe.
Celte intensité de la lumière de chaque ob-
jet est un élément que les auteurs qui ont
écrit sur l’optique n’ont jamais employé;
et cependant il fait plus que l’augmentation
de l’angle sous lequel un objet doit nous
paroîlre , en vertu de la courbure des verres.
Il en est de même d’une chose qui semble
être un paradoxe; c’est que les miroirs ar-
dens , soit par réflexion , soit par réfraction ,
feroient un effet toujours égal, à quelque
distance qu’on les mît du soleil. Par exem-
ple , mon miroir, brûlant , à cent cinquante
pieds, dubois sur la terre, brûleroit de
même à cent cinquante pieds, et avec au-
tant de force, dubois dans Saturne, où ce-
pendant la chaleur’du soleil est environ cent
fois moindre que sur la terre. Je crois que les
bons esprits sentiront bien , sans autre dé-
monstration , la vérité de ces deux proposi-
tions, quoique toutes deux nouvelles et sin-
gulières.
Mais, pour ne pas m’écarter du sujet que
je me suis proposé , et pour démontrer que
Descartes n’ayant pas la théorie qui est né-
cessaire pour construire les miroirs d’Arehi-
mède, il n’étoit pas en état de prononcer
qu’ils étoient impossibles , je vais faire sen-
tir , autant que je le pourrai , en quoi con-
sistoit la difficulté de celte invention.
Si le soleil , au lieu d’occuper à nos yeux
un espace de 32 minutes de degré, étoit
réduit en un point , "alors il est certain que ce
point de lumière réfléchie par un point d’une
surface polie , produiroit à toutes les distan-
ces une lumière et une chaleur égales , parce
que l’interposition de l’air ne fait rien ou
presque rien ici; que par conséquent ua
miroir dont la surface seroit égale à celle
d’un autre brûleroit à dix lieues à peu près,
aussi bien que le premier brûleroit à dix
pieds , s’il étoit possible de le travailler sur
une sphère de quarante lieues, comme on
peut travailler l’autre sur une sphère de
quarante pieds ; parce que chaque point de
la surface du miroir réfléchissant le point
lumineux auquel nous avons réduit le dis-
que du soleil, on auroit, en variant la cour-
bure des miroirs, une égale lumière à tou-
tes les distances , sans changer leurs diamè-
tres. Ainsi , pour brûler à une grande dis-
tance, dans ce cas il faudroit en effet un
miroir très- exactement travaillé sur une
sphère , ou une hyperboloïde proportionnée
à la distance , ou bien un miroir brisé en
une infinité de points physiques plans , qu’il
28.
436 MINERAUX. INTRODUCTION.
faudrait faire coïncider au meme point :
niais le disque du soleil occupant un espace
de 32 minutes de degré, il est clair que le
même miroir sphérique ou hyperbolique,
ou d’une autre ligure quelconque , ne peut
jamais , en vertu de cette figure, réduire
l’image du soleil en un espace plus petit que
de 32 minutes ; que dès lors l’image aug-
mentera toujours à mesure qu’on s’éloignera ;
que, de plus, chaque point de la surface
nous donnera une image d’une même lar-
geur, par exemple, d’un demi-pied à soixante
pieds : or, comme il est nécessaire, pour
produire tout l’effet possible , que toutes
ces images coïncident dans cet espace d’un
demi-pied, alors, au lieu de briser le mi-
roir en une infinité de parties , il est évi-
dent qu’il est à peu près égal et beaucoup
plus commode de ne le briser qu’en un petit
nombre de parties planes d’un demi-pied de
diamètre chacune , parce que chaque petit
miroir plan d’un demi-pied donnera une
image d’environ un demi-pied, qui sera à
peu près aussi lumineuse qu’une pareille
surface d’un demi-pied, prise dans le miroir
sphérique ou hyperbolique.
La théorie de mon miroir ne consiste
donc pas, comme on l’a dit ici, à avoir
trouvé l’art d’inscrire aisément des plans
dans une surface sphérique, et le moyen
de changer à volonté la courbure de celte
surface sphérique ; mais elle suppose cette
remarque plus délicate , et qui n’avoit ja-
mais été faite, c’est qu’il y a presque autant
d’avantage à se servir de miroirs plans que
de miroirs de toute autre figure, dès qu’on
veut brûler à une certaine distance, et que
la grandeur du miroir plan est déterminée
par la grandeur de l’image à cette distance,
en sorte qu’à la distance de soixante pieds ,
où l’image du soleil a environ un demi-pied
de diamètre, on brûlera à peu près aussi
bien avec des miroirs plans d’un demi-pied
qu’avec des miroirs hyperboliques les mieux
travaillés , pourvu qu’ils n’aient que la même
grandeur. De même , avec des miroirs plans
d’un pouce et demi , on brûlera à quinze
pieds à peu près avec autant de force qu’a-
vec un miroir exactement travaillé dans
toutes ses parties; et, pour le dire en un
mot , un miroir à facettes plates produira à
peu près autant d’effet qu’un miroir travaillé
avec la dernière exactitude dans toutes ses
parties, pourvu que la grandeur de chaque fa-
cette soit égale à la grandeur de l’image du
soleil; et c’est par cette raison qu’il y a une
certaine proportion entre la grandeur des
miroirs plans et les distances , et que , pour
brûler plus loin , on peut employer , même
avec avantage , de plus grandes glaces dans
mon miroir que pour brûler plus près.
Car si cela n’étoit pas , on sent bien qu’en
réduisant, par exemple, mes glaces de six
pouces à trois pouces , et employant quatre
fois autant de ces glaces que des premières,
ce qui revient au même pour l’étendue de
la surface du miroir, j’aurois eu quatre fois
plus d’effet, et que plus les glaces seraient
petites, et plus le miroir produirait d’effet;
et c’est à ceci que se serait réduit l’art de quel-
qu’un qui aurait seulement tenté d’inscrire
une surface polygone dans une sphère , et
qui auroit imaginé l’ajustement dont je me
suis servi pour faire changer à volonté la
courbure de cette surface : il auroit fait les
glaces les plus petites qu’il auroit été possi-
ble; mais le fond et la théorie de la chose *
est d’avoir reconnu qu’il n’étoit pas seule-
ment question d’inscrire une surface poly-
gone dans une sphère avec exactitude , et
d’en faire varier la courbure à volonté, mais i
encore que chaque partie de cette surface
devoit avoir une certaine grandeur déteil
minée pour produire aisément un grand
effet; ce qui fait un problème fort diffé-
rent, et dont la solution m’a fait voir qu’au
lieu de travailler ou de briser un miroir
dans toutes ses parties pour faire coïncider
les images au même endroit , il suffisoit de
le briser ou de le travailler à facettes planes
en grandes portions égales à la grandeur de
l’image, et qu’il y avoit peu à gagner en le
brisant en de trop petites parties , ou , ce qui
est la même chose , en le travaillant exacte-
ment dans tous ses points. C’est pour cela
que j’ai dit dans mon mémoire que, pour
brûler à de grandes distances , il falloit ima-
giner quelque chose de nouveau et de tout-
à-fait indépendant de ce qu’on avoit pensé
et pratiqué jusqu’ici; et ayant supputé géo-
métriquement la différence , j’ai trouvé
qu’un miroir parfait , de quelque courbure
qu’il puisse être , n’aura jamais plus d’avan-
tage sur le mien que de 17 à 10, et qu’en
même temps l’exécution en serait impossi-
ble pour ne brûler même qu’à une petite
distance , comme de vingt-cinq ou trente
pieds. Mais revenons aux assertions de Des-
cartes.
U dit ensuite « qu’ayant deux verres ou
miroirs ardens, dont l’un soit beaucoup
plus grand que l’autre, de quelque façon
qu’il puisse être, pourvu que leurs figures
soient toutes pareilles , le plus grand doit
bien ramasser les rayons du soleil en un
plus grand espace et plus loin de soi que le
plus {
point
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jsiaul;
sur le
toute
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
43 ?
us pelit, mais que ces rayons ne doivent
int avoir plus de force en chaque partie
cet espace qu’en celui où le plus petit
ramasse , en sorte qu’on peut faire des
rres ou miroirs extrêmement petits , qui
nieront avec autant de violence que les
us grands. »
Ceci est absolument contraire aux expé-
uices que j’ai rapportées dans mon mé-
oire , où j’ai fait voir qu’à égale intensité
lumière un grand foyer brûle beaucoup
us qu’un petit : et c’est en partie sur cette
ïiarque , tout opposée au sentiment de Des-
rtes , que j’ai fondé la théorie de mes mi-
irs; car voici ce qui suit Je l’opinion de
philosophe. Prenons un grand miroir
dent , comme celui du sieur Segard , qui
rente-deux pouces de diamètre , et un
yer de neuf lignes de largeur à six pieds
distance , auquel foyer le cuivre se fond
une minute, et faisons dans les mêmes
reportions un petit miroir ardent de trente-
lignes de diamètre, dont le foyer
•a de 9/12 ou de 3/4 de ligne de dia-
ètre , et la distance de six pouces : puis-
ne le grand miroir fond le cuivre en une
inute dans l’étendue de son foyer, qui est
neuf lignes, le petit doit, selon Descar-
, fondre dans le même temps la même
latière dans l’étendue de son foyer , qui est
3/4 de ligne : or j’en appelle à l’expé-
ence , et on verra que , bien loin de fondre
cuivre , à peine ce petit verre brûlant
ourra-t-il lui donner un peu de chaleur.
Comme ceci est une remarque physique
qui n’a pas peu servi à augmenter mes
pérances lorsque je doutois encore si je
ourrois produire du feu à une grande dis-
nice , je crois devoir communiquer ce que
ai pensé à ce sujet.
La première chose à laquelle je fis atten-
1 , c’est que la chaleur se communique
proche eu proche et se disperse , quand
îême elle est appliquée continuellement sur
même point : par exemple, si on fait
omber le foyer d’un verre ardent sur le
entre d’un écu , et que ce foyer n’ait qu’une
gne de diamètre , la chaleur qu’il produit
le centre de l’écu se disperse et s’étend
!ans le volume entier de l’écu , et il devient
:haud jusqu’à la circonférence; dès lors
ute la chaleur , quoique employée d’abord
ontre le centre de l’écu , ne s’y arrête pas ,
t ne peut pas produire un aussi grand effet
ue si elle y demeuroit tout entière. Mais
i au lieu d’un foyer d’une ligne , qui tombe
ur le milieu de l’écu , je fais tomber sur l’écu
out entier un foyer d’égale force au premier,
toutes les parties de l’écu étant également
échauffées dans ce dernier cas , il 11’y a pas
de perte de chaleur comme dans le premier;
et le point du milieu profitant de la chaleur
des autres points autant que ces points pro-
fitent de la sienne , l’écu sera fondu par la
chaleur dans ce dernier cas , tandis que dans
le premier il n’aura été que légèrement
échauffé. De là je conclus que toutes les
fois qu’on peut faire un grand foyer , on est
sûr de produire de plus grands effets qu’a-
vec un petit foyer, quoique l’intensité de
lumière soit la même dans tous deux , et
qu’un petit miroir ardent ne peut ja-
mais faire autant d’effet qu’un grand ; et
même qu’avec une moindre intensité de lu-
mière un grand miroir doit faire plus d’effet
qu’un petit , la figure de ces deux miroirs
étant toujours supposée semblable. Ceci ,
qui , comme l’on voit , est directement op-
posé à ce que dit Descartes , s’est trouvé
confirmé par les expériences rapportées dans
mon mémoire. Mais je ne me suis pas borné
à savoir d’une manière générale que les
grands foyers agissoient avec plus de force
que les petits : j’ai déterminé à très-peu
près de combien est cette augmentation de
force, et j’ai vu qu’elle étoit très-considéra-
ble ; car j’ai trouvé que s’il faut dans un
miroir cent quarante-quatre fois la surface
d’un foyer de six lignes de diamètre pour
brûler, il faut au moins le double, c’est-à-
dire deux cent quatre-vingt-huit fois cette
surface pour brûler à un foyer de deux li-
gnes , et qu’à un foyer de six pouces il 11e
faut pas trente fois cette même surface du
foyer pour brûler ; ce qui fait , comme l’on
voit, une prodigieuse différence, sur la-
quelle j’ai compté lorsque j’ai entrepris de
faire mon miroir ; sans cela il y auroit eu
de la témérité à l’entreprendre , et il n’au-
roit pas réussi. Car supposons un instant
que je n’eusse pas eu cette connoissance de
l’avantage des grands foyers sur les petits ,
voici comme j’aurois été obligé de raison-
ner : Puisqu’il faut à un miroir deux cent
quatre-vingt-huit fois la surface du foyer
pour brûler dans un espace de deux lignes ,
il faudra de même deux cent quatre-vingt-
huit glaces ou miroirs de six pouces pour
brûler dans un espace de six pouces ; et dès
lors , pour brûler seulement à cent pieds ,
il auroit fallu un miroir composé d’environ
onze cent cinquante-deux glaces de six pou-
ces ; ce qui étoit une grandeur énorme pour
un petit effet , et cela étoit plus que suffi-
sant pour me faire abandonner mon projet :
mais connoissant l’avantage considérable des
438 MINÉRAUX. INTRODUCTION,
grands foyers sur les petits, qui, dans ce
cas, est de 288 à 3o, je sentis qu’avec cent
vingt glaces de six pouces je brûlerois très-
ifS3! ùroirs plans, dont il falloit au moins un
ombre égal au nombre de fois qu’il faut à
lumière directe du soleil pour brûler,
ette conclusion, qui eût été la vraie selon
principes, est, comme l’on voit, fort
ifférente de celle qu’il a donnée.
On est maintenant en état de juger si je
ai pas traité le célèbre Descartes avec tous
s égards que mérite son grand nom , lors-
îe j’ai dit dans mon mémoire : « Descartes,
3 pour juger et même pour surpasser Ar-
îimède , a prononcé contre lui d’un ton de
I laîlre : il a nié la possibilité de l’invention ;
ier ij t son opinion a prévalu sur les témoigna-
s es et la croyance de toute l'antiquité. »
K Jro | Ce que je viens d’exposer suffit pour jus-
sotti jfier ces termes que l’on m’a reprochés; et
ive (|i eut-être même sont-ils trop forts, car Ar-
ien himède étoit un très-grand génie; et lors-
dii ue j’ai dit que Descartes étoit né pour le
; ceti Jger, et même pour le surpasser, j’ai senti
phÿj u’il pouvoit bien y avoir un peu de com-
, Céi 'liment national dans mon expression.
>,etj J’aurois encore beaucoup de choses à dire
iixm ur cette matière ; mais comme ceci est déjà
lu Fa >ien long , quoique j’aie fait tous mes efforts
j es tour être court, je me bornerai pour le
«Desond du sujet à ce que je viens d’exposer ;
j|)i| nais je 11e puis me dispenser de parler en-
îp :ore un moment au sujet de l’historique de
aagf a chose, afin de satisfaire , par ce seul mé-
istai fioire , à toutes les objections et difficultés
pi [ju’on m’a faites.
Fay t Je ne prétends pas prononcer affirmati-
isliyemenl qu’ Archimède se soit servi de pareils
irait jniroirs au siège de Syracuse , ni même que
ençe’e soit lui qui les ait inventés; et je ne les
npf \i appelés les miroirs d' Archimède que parce
ni qu’ils étoient connus sous ce nom depuis
>1 fa plusieurs siècles. Les auteurs contemporains
ies jet ceux des temps qui suivent celui d’Archi-
entmède, et qui sont parvenus jusqu’à nous, ne
leljfont pas mention de ces miroirs : Tile-Live,
re|!à qui le merveilleux fait tant de plaisir à
so Raconter, n’en parle pas; Polybe, à l’exac-
titude de qui les grandes inventions n’au-
fen roient pas échappé, puisqu’il entre dans le
détail des plus petites, et qu’il décrit très-
soigneusement les plus légères circonstances
du siège de Syracuse, garde un silence pro-
fond au sujet de ces miroirs; Plutarque, ce
judicieux et grave auteur, qui a rassemblé
un si grand nombre de faits particuliers de
la vie d’Archimède , parle aussi peu des mi-
roirs que les deux précédens. En voilà plus
qu’il n’en faut pour se croire fondé à douter
de la vérité de cette histoire : cependant ce
ne sont ici que des témoignages négatifs ; et
quoiqu’ils ne soient pas indifférens, ils ne
peuvent jamais donner une probabilité équi-
valente à celle d’un seul témoignage positif.
Galien, qui viveit dans le second siècle,
est le premier qui en ait parlé; et après
avoir raconté l’histoire d’un homme qui en-
flamma de loin un morceau de bois résineux,
mêlé avec de la fiente de pigeon , il dit que
c’est de cette façon qu’Archimède brûla les
vaisseaux des Romains; mais, comme il ne
décrit pa$ ce moyen de brûler de loin, et
que son expression peut signifier aussi bien
un feu qu’on auroit lancé à la main ou par
quelque machine, qu’une lumière réfléchie
par un miroir , son témoignage n’est pas as-
sez clair pour qu’on puisse en rien conclure
d’affirmatif. Cependant 011 doit présumer,
et même avec une grande probabilité, qu’il
ne rapporte l’histoire de cet homme qui
brûla au loin que parce qu’il le fit d’une
manière singulière , et que , s’il n’eût brûlé
qu’en lançant le feu à la main , ou en le je-
tant par le moyen d’une machine , il n’y au-
roit eu rien d’extraordinaire dans cette fa-
çon d’enflammer, rien par conséquent qui
fût digne de remarque , et qui méritât d’être
rapporté et comparé à ce qu’avoit fait Ar-
chimède, et dès lors Galien n’en eût pas
fait mention.
On a aussi des témoignages semblables
de deux ou trois autres auteurs du troisième
siècle , qui disent seulement qu’Archimède
brûla de loin les vaisseaux des Romains ,
sans expliquer les moyens dont il se servit ;
mais les témoignages des auteurs du dou-
zième siècle ne sont point équivoques, et
surtout ceux de Zonaras et de Tzetzès que
j’ai cités; c’est-à-dire ils nous font voir clai-
rement que cette invention étoit connue des
anciens; car la description qu’en fait ce der-
nier auteur suppose nécessairement ou qu’il
eût trouvé lui-même le moyen de construire
ces miroirs, ou qu’il l’eût appris et cité d’a-
près quelque auteur qui en avoit fait une
très-exacte description, et que l’inventeur,
quel qu’il fût , entendoit à fond la théorie de
ces miroirs; ce qui résulte de ce que dit
Tzetzès de la figure de vingt-quatre angles
44o
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
ou côtés qu’avoient les petits miroirs , ce
qui est en effet la figure la plus avantageuse.
Ainsi on ne peut pas douter que ces mi-
roirs n’aient été inventés et exécutés autre-
fois, et le témoignage de Zonaras, au sujet
de Proclus , n’est pas suspect : « Proclus s’en
servit, dit-il, au siège de Constantinople,
l’an 5i4, et il brûla la flotte de Yitalien. »
Et même ce que Zonaras ajoute me paroît
une espèce de preuve qu’ Archimède étoit le
premier inventeur de ces miroirs ; car il dit
précisément que cette découverte étoit an-
cienne, et que l’iiistorien Dion en attribue
l’honneur à Archimède, qui la fit et s’en
servit contre les Romains au siège de Syra-
cuse. Les livres de Dion où il est parlé du
siège de Syracuse ne sont pas parvenus jus-
qu’à nous ; mais il y a grande apparence
qu’ils existoient encore du temps de Zona-
ras , et que , sans cela , il ne les eût pas cités
comme il l’a fait. Ainsi , toutes les probabi-
lités de part et d’autre étant évaluées , il
reste une forte présomption qu’Archimède
avoit en effet inventé ces miroh’s, et qu’il
s’en étoit servi contre les Romains. Feu
M. Melot que j’ai cité dans mon mémoire ,
et qui avoit fait des recherches particulières
et très-exactes sur ce sujet , étoit de ce sen-
timent , et il pensoit qu’Archimède avoit en
effet brûlé les vaisseaux à une distance mé-
diocre, et, comme le dit Tzetzès, à la por-
tée du trait. J’ai évalué la portée du trait à
cent cinquante pieds d’après ce que m’en
ont dit des savans très-versés dans la con-
noissance des usages anciens : ils m’ont as-
suré que toutes les fois qu’il est question,
dans les auteurs , de la portée du trait , on
doit entendre la distance à laquelle un homme
lançoit à la main un trait ou un javelot ; et,
si cela est , je crois avoir donné à celte dis-
tance toute l’étendue qu’elle peut comporter.
J’ajouterai qu’il n’est question dans au-
cun auteur ancien d’une plus grande distance,
comme de trois stades, et j’ai déjà dit que
l’auteur qu’on in’avoit cité , Diodore de Si-
cile , n’en parle pas , non plus que du siège
de Syracuse, et que ce qui nous reste de cet
auteur finit à la guerre d’Ipsus et d’Antigo-
nus , environ soixante ans avant le siège de
Syracuse. Ainsi on ne peut pas excuser Des-
cartes en supposant qu’il a cru que la dis-
tance à laquelle on a prétendu qu’Archimède
avoit brûlé étoit très-gi’ande , comme par
exemple de trois stades , puisque cela n’est
dit dans aucun auteur ancien , et qu’au con-
traire il est dit dans Tzetzès que cette dis-
tance n’étoit que de la portée du trait ; mais
je suis convaincu que c’est cette même dis-
tance que Descartes a regardée comme for i
grande, et qu’il étoit persuadé qu’il n’éloi
pas possible de faire des miroirs pour brû
1er à cent cinquante pieds; qu’enfin c’es
pour cette raison qu’il a traité ceux d’Ai
chimède de fabuleux.
Au reste , les effets du miroir que j’ai cou
struit ne doivent être regardés que comm
des essais sur lesquels, à la vérité, on peu i
statuer , toutes proportions gardées , mai *in
qu’on ne doit pas considérer comme les plu
grands effets possibles ; car je suis convainc
que si on vouloit faire un miroir semblable
avec toutes les attentions nécessaires , il prc
duiroit plus du double de l’effet. La premièr
attention seroit de prendre des glaces de fi
gure hexagone , ou même de vingt-quatr
côtés, au lieu de les prendre barlongues
comme celles que j’ai employées, et cela
afin d’avoir des figures qui pussent s’ajusteji
ensemble sans laisser de grands intervalles
et qui approchassent en même temps de 1
figure circulaire. La seconde seroit de faiiïr
polir ces glaces jusqu’au dernier degré pa
un lunetier, au lieu de les employer telle!
qu’elles sortent de la manufacture , où le po [
liment se faisant par une portion de cerch
les glaces sont toujours un peu concaves (
irrégulières. La troisième attention seroit d
choisir, parmi un grand nombre de glaces
celles qui donneraient à une grande distanc
une image plus vive et mieux terminée , c
qui est extrêmement important , et au poiri
qu’il y a dans mon miroir des glaces qi
font seules trois fois plus d’effet que d’autre
à une grande distance , quoiqu’à une petit (|
distance, comme de vingt ou vingt-cini
pieds, l’effet en paroisse absolument ! r
même. Quatrièmement , il faudrait des ghl * !
ces d’un demi-pied tout au plus de surfac
pour brûler à cent cinquante ou deux cent
pieds , et d’un pied de surface pour brûlé
à trois ou quatre cents pieds. Cinquième
ment , il faudrait les faire étamer avec phi
de soin qu’on ne le fait ordinairement. J’;
remarqué qu’en général les glaces fraîche
ment étamées réfléchissent plus de lumièr
que celles qui le sont anciennement ; l’étci
mage, en se séchant, se gerce, se divise, <
laisse de petits intervalles qu’on aperço
en y regardant de près avec une loupe ; t
ces petits intervalles donnant passage à
lumière, la glace en réfléchit d’autant moin,
On pourrait trouver le moyen de faire u
meilleur étamage , et je crois qu’on y pat
viendrait en employant de l’or et du vit-ai
gent : la lumière seroit peut-être un pe
jaune par la réflexion de cet étamage; ma
♦il'
PARTIE EXPÉRIMENTALE,
loin que cela fît un désavantage , j’i-
ne au contraire qu’il y auroit à gagner,
e que les rayons jaunes sont ceux qui
nient le plus fol lement la rétine et qui
ent le plus violemment , comme je crois
être assuré, en réunissant, au moyen
verre lenliculaire, une quantité de
ns jaunes qui m’étoient fournis par un
d prisme, et en comparant leur action
une égale quantité de rayons de toute
couleur , réunis par le même verre len-
aire , et fournis par le même prisme,
xièmement, il faudroit un châssis de fer
es vis de cuivre, et un ressort pour as-
tlir chacune des petites planches qui por-
tes glaces; tout cela conforme à un mo-
que j’ai fait exécuter par le sieur Cho-
1 , afin que la sécheresse et l’humidité ,
agissent sur le châssis et les vis en bois,
Causassent pas d’inconvénient, et que le
lorsqu’il est une fois formé, ne fût
sujet à s’élargir , et à se déranger lors-
on fait rouler le miroir sur son pivot,
’on le fait tourner autour de son axe
ir suivre le soleil : il faudroit aussi y ajou-
une alidade avec deux pinnules au mi-
de la partie inférieure du châssis , afin
’assurer de la position du miroir par
port au soleil, et une autre alidade sem-
ble, mais dans un plan vertical au plan
la première , pour suivre le soleil à ses
érentes hauteurs.
Au moyen de toutes ces attentions, je
'5 pouvoir assurer, par l’expérience que
acquise en me servant de mon miroir,
QePe? on pourroit en réduire la grandeur à moi-
et qu’au lieu d’un miroir de sept pieds
lequel j’ai brûlé du bois à cent cin-
ànte pieds, on produiroit le même effet
44 1
me les p|
îCOBvaiij
sembla!
tes, il
ipreoiii
[laces Je]
iagt-quai
larlonjuf
s, et ci
al s'ajust
Italie
®ps Je;
il Je fai
degré
jjer
où le pi
'ecercll
seroiti
ace
lejli
iJislam
îiaée,
aupoi
aces (]
iJ'aiili
njl-cu
aient ,
desgl
surfai ÎC UÎ1 m;roir de cinq pieds et demi , ce
!lK® i n’est, comme l’on voit, qu’une très-mé-
e )cre grandeur pour un très-grand effet; et,
Luiemi même , je crois pouvoir assurer qu’il ne
ecPj îdroit alors qu’un miroir de quatre pieds
n1, J j demi pour brûler à cent pieds , et qu’un
:rai® iroir de trois pieds et demi brûleroit à
um!ei ixante pieds , ce qui est une distance bien
ijeî nsidérable en comparaison du diamètre du
®i iroir.
Perf Avec un assemblage de petits miroirs plans
Pej ;xagones et d’acier poli , qui auroienl plus
e \ i solidité , plus de durée que les glaces éta-
IB01| ées , et qui ne seroient point sujets aux
lire' térations que la lumière du soleil fait su-
Pa ir à la longue à l’étamage, on pourroit pro-
ul-a aire des effets très-utiles , et qui dédom-
nPl tageroient amplement des dépenses de la
i111* pnslruction du miroir.
i° Pour toutes les opérations des eaux sâ-
lées , où l’on est obligé de consommer du
bois et du charbon , ou d’employer l’art des
bâtimens de graduation , qui coûtent beau-
coup plus que la construction de plusieurs
miroirs tels que je les propose. Il ne faudroit,
pour l’évaporation des eaux salées , qu’un
assemblage de douze miroirs plans d’un pied
carré chacun; la chaleur qu’ils réfléchiront à
leur foyer , quoique dirigée au dessous de
leur niveau, et à quinze ou seize pieds de
distance, sera encore assez grande pour faire
bouillir l’eau, et produire par conséquent
une prompte évaporation ; car la chaleur de
l’eau bouillante n’est que triple de la cha-
leur du soleil d’été; et, comme la réflexion
d’une surface plane bien polie ne diminue
la chaleur que de moitié, il ne faudroit que
six miroirs pour produire au foyer une cha-
leur égale à celle de l’eau bouillante ; mais
j’en double le nombre, afin que la chaleur
se communique plus vite, et aussi à cause
de la perte occasionée par l’obliquité sous
laquelle le faisceau de la lumière tombe sur
la surface de l’eau qu’on veut faire évaporer,
et encore parce que l’eau salée s’échauffe
plus lentement que l’eau douce. Ce miroir,
dont l’assemblage ne formerait qu’un carré
de quatre pieds de largeur sur trois de hau-
teur , serait aisé à manier et à transporter ;
et , si l’on vouloit en doubler ou tripler les
effets dans le même temps , il vaudrait mieux
faire plusieurs miroirs semblables , c’est-à-
dire doubler ou tripler le nombre de ces mê-
mes miroirs de quatre pieds sur trois que
d’en augmenter l’étendue; car l’eau ne peut
recevoir qu’un certain degré de chaleur dé-
terminée, et l’on ne gagnerait presque rien
à augmenter ce degré , et par conséquent la
grandeur du miroir; au lieu qu’en faisant
deux foyers par deux miroirs égaux , on dou-
blera l’effet de l’évaporation, et on le tri-
plera par trois miroirs dont les foyers tom-
beront séparément les uns des autres sur la
surface de l’eau qu’on veut faire évaporer.
Au reste , l’on ne peut éviter la perte causée
par l’obliquité ; et si l’on veut y remédier ,
ce ne peut être que par une autre perte en-
core plus grande, en recevant d’abord les
rayons du soleil sur une grande glace qui les
réfléchirait sur le miroir brisé ; car alors il
brûleroit en bas, au lieu de brûler en haut;
mais il perdroit moitié de la chaleur par la
première réflexion, et moitié du reste par
la seconde ; en sorte qu’au lieu de six petits
miroirs , il en faudroit douze pour obtenir
une chaleur égale à celle de l’eau bouillante.
Pour que l’évaporation se fasse avec plus
I
I
442
MINERAUX. INTRODUCTION.
de suCdès , il faudra diminuer l’épaisseur de
î’ëàü autant qu’il sera possible. Une masse
d’eau d’un pied d’épaisseur ne s’évaporera
J)as aussi vite , à beaucoup près , que la
masse înème réduite à six pouces d’épais-
Seur et augmentée du double en superficie.
D’ailleurs le fond étant plus près de la sur-
face , il s’échauffe plus promptement , et
cette chaleur que reçoit le fond du vais -
seau contribue encore à la célérité de l’éva-
poration.
20 On pourra se servir avec avantage de
ces miroirs pour calciner les plâtres et même
les pierres calcaires ; mais il les faudroit
plus grands et placer les matières en haut ,
afin de ne rien perdre par l’obliquité de la
lumière. On a vu par les expériences dé-
taillées dans le second de ces mémoires que
le gypse s’échauffe plus d’une fois plus vite
que la pierre calcaire tendre , et près de
deux fois plus vite que le marbre ou la
pierre calcaire dure ; leur calcination res-
pective doit être en même raison. J’ai
trouvé , par une expérience répétée trois
fois , qu’il faut un peu plus de chaleur pour
calciner le gypse blanc qu’on appelle albâtre
que pour fondre le plomb. Or la chaleur
nécessaire pour fondre le plomb est, suivant
les expériences de Newton, huit fois plus
grande que la chaleur du soleil d’été : il
faudroit donc au moins seize petits miroirs
pour calciner le gypse ; et à cause des pertes
occasionées tant par l’obliquité de la lumière
que par l’irrégularité du foyer, qu’on n’éloi-
gnera pas au delà de quinze pieds , je pré-
sume qu’il faudroit vingt et peut-être vingt-
quatre miroirs d’un pied carré chacun pour
calciner le gypse en peu de temps : par
conséquent il faudroit un assemblage de
quarante-huit de ces petits miroirs pour
opérer la calcination sur la pierre calcaire
la plus tendre , et soixante-douze des mêmes
miroirs d’un pied en carré pour calciner les
pierres calcaires dures. Or un miroir de
douze pieds de largeur sur six pieds de hau-
teur ne laisse pas d’être une grosse machine
embarrassante et difficile à mouvoir, à mon-
ter et à maintenir. Cependant on viendroit
à bout de ces difficultés, si le produit de la
calcination étoit assez considérable pour
équivaloir et même surpasser la dépense de
la consommation du bois : il faudroit , pour
s’en assurer, commencer par calciner le
plâtre avec un miroir de vingt-quatre pièces,
et , si cela réussissoit , faire deux autres mi-
roirs pareils , au lieu d’en faire un grand
de soixante-douze pièces ; car, en faisant
coïncider les foyers de ees trois miroirs de
P
vingt-quatre pièces , on produira une ch ; r
leur égale , et qui seroit assez forte pour c, 'J
ciner le marbre ou la pierre dure.
Mais une chose très-essentielle reste do
teuse ; c’est de savoir combien il faudroit i
temps pour calciner, par exemple , un pi.
cube de matière , surtout si ce pied eu!
n’étoit frappé de chaleur que par une façj f
je vois qu’il se passeroit du temps avant qj
la chaleur eût pénétré toute son épaissaj
je vois que , pendant tout ce temps , il sj
perdroit une assez grande partie qui soi)
roit de ce bloc de matière après y être | f
trée : je crains donc beaucoup que la piej
n’étant pas saisie par la chaleur de touJ jj^
côtés à la fois , la calcination ne fût ug
lente,, et le produit en chaux très-pii
L’expérience seule peut ici décider ; mal ,
faudroit au moins la tenter sur les matiè» f .
gypseuses, dont la calcination doit être d f,a'!,
fois plus prompte que celle des pierres! |ie
caires T. J |'Si
En concentrant cette chaleur du so| H
dans un four qui n’auroit d’autre ouverl [
que celle qui laisseroit entrer la lumie! n,(
on empêcheroit en grande partie la chah ! ‘
de s’évaporer; et en mêlant avec les pier F]
calcaires une petite quantité de brasque
poudre de charbon , qui de toutes les q
tières combustibles est la moins chère, ca
légère quantité d’aliment suffiroit pour no
rir et augmenter de beaucoup la quantité,
chaleur; ce qui produiroit une plus amj
et plus prompte calcination , et à très-]
de frais , comme on l’a vu par la seconde
périence du quatrième mémoire.
3° Ces miroirs d’Archimède peuvent s
vir en effet a mettre le feu dans des vo
de vaisseau , et même dans le bois g|
dronné , à plus de cent cinquante pieds
distance : on pourvoit s’en servir aussi con
ses ennemis en brûlant les blés et les aut
productions de la terre; cet effet, qui
roit assez prompt, seroit très-dommageal
Mais ne nous occupons pas des moyens,
faire du mal , et ne pensons qu’à ceux j
peuvent procurer quelque bien à l’I
manité.
4° Ces miroirs fournissent le seul
unique moyen qu’il y ait de mesurer exac
ment la chaleur : il est évident que de
i. Il vient de paroître un petit ouvrage reu
de grandes vues, de M, l’abbé Scipion Bexon
a pour titre : Système de la fertilisation. II prop
mes miroirs comme un moyen facile pour réd
en chaux toutes les matières : mais il leur attril
plus de puissance qu’ils n’en ont réellement
n’est qu’en les multipliant qu’on pourroit obte
les grands effets qu’il *’en promet.
|me ,
pur c
I mo’
b;
pr
ieffe
IfiClll
112 |
pile I:
î?ARïlE EXPERIMENTALE.
oirs dont les images lumineuses se réu- d’un assez petit temps
ent produisent une chaleur double dans
> les points de la surface qu’elles occu-
t ; que trois , quatre , cinq , etc., miroirs
neront de même une chaleur triple,
druple , quintuple , etc. , et que par
séquent on peut par ce moyen faire un
mo mètre dont les divisions ne seront
ît arbitraires , et les échelles différentes,
me le sont celles de tous les thermomè-
dont on s’est servi jusqu’à ce jour. La
e chose arbitraire qui entreroit dans la
truction de ce thermomètre Seroit la
losition du nombre total des parties du
cure en partant du degré de froid ab-
; mais en le prenant à 10,000 au des-
de la congélation de l’eau, au lieu de
» , comme dans nos thermomètres or-
dres , on approcher oit beaucoup de la
té , surtout en choisissant les jours de
er les plus froids pour graduer le ther-
lètre ; chaque image du soleil lui don-
)it un degré de chaleur au dessus de la
; pérature que nous supposerons à celui
la glace. Le point auquel s’élèveroit le
cure par la chaleur de la première image
soleil seroit marqué 1 ; le point où il
iveroit par la chaleur de deux images
es et réunies sera marqué 2 ; celui où
images le feront monter sera mar-
; et ainsi de suite, jusqu’à la plus
de hauteur, qu’on pourroit étendre jus-
iioyen
degré 36. On auroit à ce
nentation de chaleur trente-six fois plus
ide que celle du premier degré, dix-huit
plus grande que celle du second, douze
plus grande que celle du troisième, neuf
plus grande que celle du quatrième, etc. :
nentation 36 de chaleur au dessus
elle de la glace seroit assez grande pour
Ire le plomb , et il y a toute apparence
le mercure , qui se volatilise à une bien
n dre chaleur, feroit par sa vapeur casser
ièrmomètre. On 11e pourra donc étendre
livision que jusqu’à 12 , et peut-être
ne à 9 degrés, si l’on se sert de mercure
ces thermomètres ; et l’on n’aura par
moyen que les degrés d’une augmenta -
de chaleur jusqu’à 9. C’est une des
>ons qui avoient déterminé Newton à se
vir d’huile de lin au lieu de mercure ; et
effet, on pourra, en se servant de cette
leur, étendre la division non seulement
degrés , mais jusqu’au point de cette
ile bouillante. Je ne propose pas de rem-
ces thermomètres avec de l’esprit-de-
coloré ; il est universellement reconnu
cette liqueur se décompose au bout
; set
ereï
que.1
■afef
Bmo»
If
443
et que d’ailleurs
elle ne peut servir aux expériences d’une
chaleur un peu forte.
Lorsqu’on aura marqué sur l’échelle de
ces thermomètres remplis d’huile ou de mer-
cure les premières divisions 1, 2, 3, 4, ëte.t$
qui indiqueront le double , le triple , lé
quadruple , etc. , des augmentations dë là
chaleur, il faudra chercher les parties ali-
quotes de chaque division : par exemple ,
les points de 1 1/4,2 1/4, 3 1/4, etc., ou
de 1 1/2, 2 1/2,3 1/2, etc. , et de 1 3/4,
2 3/4 * 3 3/4, etc.; ce que l’on obtiendra
par un moyen facile qui sera de couvrir la
moitié, ou le quart, ou les trois quarts de
la superficie d’un des petits miroirs ; car
alors l’image qu’il réfléchira ne contiendra
que le quart , la moitié , ou les trois quarts
de la chaleur que contient l’image entière ;
et par conséquent les divisions des parties
aliquotes seront aussi exactes que celles des
nombres entiers.
Si l’on réussit une fois à faire ce thermo-
mètre réel, et que j’appelle ainsi parce qu’il
marqueroit réellement la proportion de la
chaleur, tous les autres thermomètres , dont
les échelles sont arbitraires et différentes
entre elles , deviendroient non seulement
superflus , mais même nuisibles , dans bien
des cas , à la précision des vérités physiques
qu’on cherche par leur moyen. On peut se
rappeler l’exemple que j’en ai donné, en
parlant de l’estimation de la chaleur qui
émane du globe de la terre, comparée à la
chaleur qui nous vient du soleil.
5° Au moyen de ces miroirs brisés , on
pourra aisément recueillir, dans leur entière
pureté , les parties volatiles de l’or et de
l’argent , et des autres métaux et minéraux ;
car en exposant au large foyer de ces mi-
rons une grande plaque de métal , comme
une assiette ou un plat d’argent , on en
verra sortir une fumee très-abondante pen-
dant un temps considérable , jusqu’au mo-
ment où le métal tombe en fusion ; et , en
ne donnant qu’une chaleur un peu moindre
que celle qu’exige la fusion , on fera éva-
porer le métal au point d’en diminuer le
poids assez considérablement. Je me suis
assuré de ce premier fait , qui peut fournir
des lumières sur la composition intime des
métaux : j’aurois bien désiré recueillir cette
vapeur abondante que le feu pur du soleil
1. Plusieurs voyageurs m’ont écrit que les ther-
momètres à l’esprit - de - vin , de Réaumur, leur
étoient devenus topt-à-fait inutiles , parce que cette
liqueur se décolore et se charge d’une espèce de
boue en assez ppu de temps.
444
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
fait sortir du métal , mais je n’avois pas les
instrumens nécessaires ; et je ne puis que
recommander aux chimistes et aux physi-
ciens de suivre cette expérience importante,
dont les résultats seroient d’autant moins
équivoques que la vapeur métallique est ici
très-pure; au lieu que , dans toute opération
semblable qu’on voudroit faire avec le feu
commun , la vapeur métallique seroit néces-
sairement mêlée d’autres vapeurs provenant
des matières combustibles qui servent d’ali-
ment à ce feu.
D’ailleurs ce moyen est peut-être le seul
que nous ayons pour volatiliser les métaux
fixes , tels que l’or et l’argent ; car je pré-
sume que cette vapeur, que j’ai vue s’élever
en si grande quantité de ces métaux échauf-
fés au large foyer de mon miroir, n’est pas
de l’eau , ni quelque autre liqueur, mais des
parties mêmes du métal que la chaleur en
détache en les volatilisant. On pourroit, en
recevant ainsi les vapeurs pures des diffé-
rons métaux , les mêler ensemble , et faire ,
par ce moyen , des alliages plus intimes et
plus purs qu’on ne l’a fait par la fusion et
par la mixtion de ces mêmes métaux fondus,
qui ne se marient jamais parfaitement , .à
cause de l’inégalité de leur pesanteur spéci-
fique, et de plusieurs autres circonstances
qui s’opposent à l’intimité et à l’égalité par-
faite du mélange. Comme les parties consti-
tuantes de ces vapeurs métalliques sont dans
un état de division bien plus grande que
dans l’état de fusion , elles se joindroient et
se réuniroient de bien plus près et plus fa-
cilement. Enfin on arriveroit peut-être , par
ce moyen, à la connoissance d’un fait gé-
néral , et que plusieurs bonnes raisons me
font soupçonner depuis long-temps : c’est
qu’il y auroit pénétration dans tous les al-
liages faits de cette manière , et que leur
pesanteur spécifique seroit toujours plus
grande que la somme des pesanteurs spéci-
fiques des matières dont ils seroient com-
posés ; car la pénétration n’est qu’un degré
plus grand d’intimité ; et l’intimité , toutes
choses égales d’ailleurs, sera d’autant plus
grande que les matières seront dans un état
de division plus parfait.
En réfléchissant sur l’appareil des vais-
seaux qu’il faudroit employer pour recevoir
et recueillir ces vapeurs métalliques , il
m’est venu une idée qui me paroît trop
utile pour ne la pas publier ; elle est aussi
trop aisée à réaliser pour que les bons chi-
mistes ne la saisissent pas : je l’ai même
communiquée à quelques-uns d’entre eux ,
qui m’en ont paru très-satisfaits. Cette idée
est de geler le mercure dans ce climat-
tfi
et avec un degré de froid beaucoup moin
que celui des expériences de Pétersbo
ou de Sibérie. U ne faut pour cela que
cevoir la vapeur du mercure, qui est le n
cure même volatilisé par une très-médic
chaleur, dans une curcubite , ou dans
vase auquel on donnera un certain degrf
froid artificiel : ce mercure en vape
c’est-à-dire extrêmement divisé, offrir^
l’action de ce froid des surfaces si grar
et des masses si petites , qu’au lieu de
degrés de froid qu’il faut pour geler le r
cure en masse , il n’en faudroit peut-
que iS ou 20 degrés, peut-être même me
pour le geler en vapeurs. Je reconnu? U
cette expérience importante à tous ceux lF
travaillent de bonne foi à l’avancement P
sciences.
Je pourrois ajouter à ces usages prr
paux du miroir d’Archimède plusieurs
très usages particuliers ; mais j’ai cru del
me borner à ceux qui m’ont paru les I
utiles et les moins difficiles à réduiroP
pratique. Néanmoins je crois devoir joi ®iei
ici quelques expériences que j’ai faites (
la transmission de la lumière à travers! f 01
corps transparens, et donner en même tel
quelques idées nouvelles sur les mol ra,
d’apercevoir de loin les objets à l’œil simlW
ou par le moyen d’un miroir semblable
celui dont les anciens ont parlé, parl’lj
duquel on apercevoit du port d’Alexat
les vaisseaux d’aussi loin que la courbui
la terre pouvoit le permettre.
Tous les physiciens savent aujourc
qu’il y a trois causes qui empêchent lè
mière de se réunir dans un point Ion
ses rayons ont traversé le verre objectif di
lunette ordinaire. La première est la c
bure sphérique de ce verre , qui répand
partie des rayons dans un espace terir
par une courbe. La seconde est l’angle
lequel nous paroît à l’œil simple l’objet
nous observons ; car la largeur du foye
l’objectif a toujours à très-peu près ]
diamètre une ligne égale à la corde de
qui mesure cet angle. La troisième eji
différente réfrangibilité de la lumière ;
les rayons les plus réfrangibles ne se ras
blent pas dans le même lieu où se ras: 1 11)11
bleui les rayons les moins réfrangibles.
On peut remédier à l’effet de la pren 1 101
cause en substituant, comme Descarte P»
proposé , des verres elliptiques ou hype
liques aux verres sphériques. On remé
l’effet de la seconde par le moyen d’uij P®|
cond verre placé au foyer de l’obje
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
445
le diamètre est à peu près égal à la
t ur de ce foyer, et dont la surface est
illée sur une sphère d’un rayon fort
. On a trouve de nos jours le moyen
ia Éernédier à la troisième en faisant des
011 ? tes qu’on appelle achromatiques, et qui
composées de deux sortes de verres qui
irsent différemment les rayons colorés ,
anière que la dispersion de l’un est cor-
par la dispersion de l’autre , sans que
fraction générale moyenne, qui consti-
a lunette , soit anéantie. Une lunette
ois pieds et demi de longueur, faite sur
rincipe , équivaut , pour l’effet , aux
e recoiiil mnes lunettes de vingt-cinq pieds de
tous cm leur.
.ancemei u reste, le remède à l’effet de la pre-
e cause est demeuré tout-à-fait inutile
Ta ce jour, parce que l’effet de la der-
étant beaucoup plus considérable ,
e si fort sur l’effet total , qu’on 11e pou-
rien gagner à substituer des verres
rboliques ou elliptiques à des verres
iques , et que cette substitution ne
oit devenir avantageuse que dans le cas
on ne pourroit trouver le moyen de
ger l’effet de la différente réfrangibilité
rayons de la lumière. Il semble donc
ertaio dj
re en
use, ofi
ces si
)u lieu d
s geler I
Irait
usages p
îplusieui
j’ai cru 1
paru les
à rédul
devoir ji
i'nifài
à (tara
rnèmet
r les
’ sembla
rlé, par;
d'Alexa
àl'ceil r ujcmrd’hui pon feroit bien de combiner
leux moyens , et de substituer, dans les
îles achromatiques , des verres ellipti-
aux sphériques,
lacourbi our rendre ceci plus sensible , supposons
l’objet qu’on observe soit un point lu-
eux sans étendue, tel qu’est une étoile
par rapport à nous; il est certain qu’avec
bjectif , par exemple, de trente pieds de
toutes les images de ce point lumi-
s’étendront en forme de courbe au
de ce verre , s’il est travaillé sur une
et qu’au contraire elles se réuniront
|e in point , si ce verre est hyperbolique :
' . si l’objet qu’on observe a une certaine
due, comme la lune, qui occupe environ
demi-degré d’espace à nos yeux , alors
âge de cet objet occupera un espace
îviron trois pouces de diamètre au foyer
’objectif de trente pieds; et l’aberration
sée par la sphéricité produisant une con-
on dans un point lumineux quelconque,
la produit de même sur tous les points
ûneux du disque de la lune , et par con-
tient la défigure en entier. Il y auroit
îc, dans tous les cas, beaucoup d’avantage
e servir de verres elliptiques ou hyperbo-
'Jj les pour de longues lunettes, puisqu’on a
uvé le moyeu de corriger en grande par-
it aujoiif
lèchent I
point lo
objectif]
e
inipM *
oace ter|j3r£
plel’obje s
irdnfoj
>u près
corde de
isièrae
luœièi|
ne scr
où se rat
ngiblesl
lelaprj
Descarg
o.ui/j
)ntrei
ven
,e l'obJI
tie le mauvais effet produit par la différente
réfrangibilité des rayons.
Il suit de ce que nous venons de dire
que , si l’on veut faire une lunette de trente
pieds pour observer la lune et la voir en
entier, le verre oculaire doit avoir au moins
trois pouces de diamètre pour recueillir
l’image entière que produit l’objectif à son
foyer, et que, si on vouloit observer cet astre
avec une lunette de soixante pieds, l’oculaire
doit avoir au moins six pouces de diamètre,
parce que la corde de l’arc qui mesure l’an-
gle sous lequel nous paroît la lune est dans
ce cas de trois pouces et de six pouces à
peu près ; aussi les astronomes ne font ja-
mais usage de lunettes qui renferment le
disque entier de la lune, parce qu’elles gros-
siroient trop peu : mais si on veut observer
Vénus avec une lunette de soixante pieds ,
comme l’angle sous lequel elle nous paroît
n’est que d’environ soixante secondes , le
verre oculaire pourra n’avoir que quatre
lignes de diamètre ; et si on se sert d’un
objectif de cent vingt pieds , un oculaire de
huit lignes de diamètre suffiroit pour réu-
nir l’image entière que l’objectif forme à
son foyer.
De là 011 voit que quand même les rayons
de lumière seroient également réfrangibles ,
on ne pourroit pas faire d’aussi fortes lu-
nettes pour voir la lune en entier que pour
voir les autres planètes , et que plus une
planète est petite à nos yeux, et plus nous
pouvons augmenter la longueur de la lunette
avec laquelle on peut la voir en entier. Dès
lors on conçoit bien que , dans cette même
supposition des rayons également réfrangi-
bles , il doit y avoir une certaine longueur
déterminée , plus avantageuse qu’aucune au-
tre pour telle ou telle planète , et que cette
longueur de la lunette dépend non seulement
de l’angle sous lequel la planète paroît à
noire œil , mais encore de la quantité de lu-
mière dont elle est éclairée.
Dans les lunettes ordinaires , les rayons de
la lumière étant différemment réfrangibles,
tout ce qu’on pourroit faire dans cette vue
pour les perfectionner ne seroit pas fort
avantageux , parce que , sous quelque angle
que paroisse à notre œil l’objet ou l’astre
que nous voulons observer, et quelque in-
tensité de lumière qu’il puisse avoir, les
rayons ne se rassembleront jamais dans le
même endroit : plus la lunette sera longue,
plus il y aura d’intervalle 1 entre le foyer des
1. Cet intervalle est d’un pied sur vingt-sept de
foyer.
446
MINÉRAUX. INTRODUCTION;
rayons rouges et celui des rayons violets , et
par conséquent plus sera confuse l’image de
l’objet observé.
On ne peut donc perfectionner les lunettes
par réfraction qu’en cherchant , comme on
l’a fait , les moyens de corriger cet effet de
la différente réfrangibilité , soit en compo-
sant la lunette de verres de différente den-
sité , soit par d’autres moyens particuliers ,
et qui seroient différens selon les différens
objets et les différentes circonstances. Sup-
posons , par exemple , une courte lunette
composée de deux verres , l’un convexe et
l’autre concave des deux côtés ; il est certain
que cette lunette peut se réduire à une autre
dont les deux verres soient plans d’un côté,
et travaillés de l’autre côté sur des sphères
dont le rayon seroit une fois plus court que
celui des sphères sur lesquelles auroient été
travaillés les verres de la première lunette.
Maintenant , pour éviter une grande partie
de l’effet de la difféi’ente réfrangibilité des
rayons , on peut faire cétte seconde lunette
d’une seule pièce de verre massif, comme
je l’ai fait exécuter avec deux morceaux de
verre blanc , l’un de deux pouces et demi
de longueur, et l’autre d’un pouce et demi :
mais alors la perte de la transparence est
un plus grand inconvénient que celui de la
différente réfrangibilité qu’on corrige par
ce moyen ; car ces deux petites lunettes mas-
sives de verre sont plus obscures qu’une
petite lunette ordinaire du même verre et
des mêmes dimensions : elles donnent, à la
vérité , moins d’iris , mais elles n’en sont
pas meilleures ; et si on les faisoit plus lon-
gues toujours en verre massif, la lumière,
après avoir traversé cette épaisseur de verre,
A adroit plus assez de force pour peindre
l’image de l’objet à notre œil. Ainsi , pour
faire des Innettes de dix ou vingt pieds , je
ne vois que l’eau qui ait assez de transpa-
rence pour laisser passer la lumière sans
l’éteindre en entier dans cette grande épais-
seur : en employant donc de l’eau pour rem-
plir l’intervalle entre l’objectif et l’oculaire,
on diminuera en partie l’effet de la diffé-
rente réfrangibilité1, parce que celle de
l’eau approche plus de celle du verrè que
t, M. de Lalande, l’un de nos plus savons astro-
nomes, après avoir lu cet article, a bien voulu me
communiquer quelques remarques qui m'ont paru
très-justes , et dont j’ai profité. Seulement je ne suis
pas d’accord avec lui sur ces lunettes remplies
d’eau ; il croit « qu’on diminueroit très-peu la dif-
ù férente réfrangibilité , parce que l’eau disperse
«les rayons colorés d’une manière différente du
« verre , et qu’il y auroit des couleurs qui provien-
« droient de l'eau , et d’autres du verre- » Mais , en
celle de l’air ; et si on pouvoit , en c
géant l’eau de différens sels , lui donni
même degré de puissance réfringente c
verre , il n’est pas douteux qu’on ne c
geât davantage , par ce moyen , l’effe
la différente réfrangibilité des rayon
s’agiroit donc d’employer une liqueur t
parente qui auroit à peu près la n
puissance réfrangible que le verre ; car
il sera sûr que les deux verres , avec
liqueur entre deux, corrigeront en j
l’effet de la différente réfrangibilité
rayons , de la même façon qu’elle est
rigée dans la petite lunette massive di
viens de parler.
Suivant les expériences de M. Bou
une ligne d’épaisseur de verre détruit 2
la lumière, et par conséquent la dimiri
s’en feroit dans la proportion suivante
Épaiss. , 1, 2, 3, 4, 5, 6 ligi
Himirmt — 1 ° * °- 2^° 12^° — 19
JJ1UU.IUU,, 7, 343 24oï l6bo7> n 7 6 49 3
en sorte que , par la somme de ces si 05
mes , on trouveroit que la lumière
passe à travers six lignes de verre ,
déjà perdu c’est-à-dire envii
- -7649 »
io/ii de sa quantité. Mais il faut co
rer que M. Bouguer s’est servi de
bien peu transparens , puisqu’il a vu ( ;
ligne d’épaisseur de ces verres détjt b
2/7 de la lumière. Par les expérience 11
j’ai faites sur différentes espèces de
blanc , il m’a paru que la lumière diflqn
beaucoup moins. Voici ces expérience [F
sont assez faciles à faire, et que tout le
est en état de répéter ;
Dans une chambre obscure dont lee 1,1
étoient noircis , qui me servoit à fair
expériences d’optique , j’ai fait allum
bougie de cinq à la livre ; la cliambr
fort vaste , et la lumière de la bougie H
la seule dont elle fût éclairée. J’ai, d
cherché à quelle distance je pouvois
caractère d’impression , tel que celui ®
gazette de Hollande, à la lumière d<
bougie , et j’ai trouvé que je lisois as:
cilement ce caractère à vingt-quatre
quatre pouces de distance de la boug ! ITj
suite, ayant placé devant la bougie, :
pouces de dislance, un morceau de
provenant d’une glace de Saint-Gobi
duite à une ligne d’épaisseur, j’ai trou
je lisois encore tout aussi facilement à
deux pieds neuf pouces ; et en subs'
à cette glace d’une ligne d’épaisse
se servant du verre le moins dense , et en a j
tant, par les sels , la densité de l’eau, on -j j
cheroit de très-peu leur puissance réfractive,
PARTIE EXPERIMENTALE.
447
e morceau de deux lignes d’épaisseur et
même verre , j’ai lu aussi facilement à
jt-un pieds de distance de la bougie.
îx de ces mêmes glaces de deux lignes
jaisseur, jointes l’une contre l’autre et
es devant la bougie, en ont diminué la
1ère au point que je n’ai pu lire avec la
me facilité qu’à dix-sept pieds et demi de
ance de la bougie. Et enfin, avec trois
tes de deux lignes d’épaisseur chacune ,
l’ai lu qu’à la dislance de quinze pieds.
la lumière de la bougie diminuant
nme le carré de la distance augmente , sa
inution àuroit été dans la progression
vante, s’il n’y avoit point eu de glaces
erposées :
H-f.
592"h
22-~.
5 I 7tt.
21.
44i.
1 7T‘
3o64-.
x5
220
ne les pertes de la lumière , par l’inter-
ition des glaces, sont dans la progression
vante, i5r, 285 7/9. 867 1/4.
D’où l’on doit conclure qu’une ligne d’é-
isseur de ce verre ne diminue la lumière
e de—- ou d’environ 1/7 ; que deux lignes
e épaisseur la diminuent de ||A, pas tout-à-
jt de 1/4 ; et trois glaces de deux lignes ,
lél fH-» c’est-à-dire moins de 2/3.
# (Comme ce résultat est très-différent de
lui de M. Bouguer, et que néanmoins je
lu âvois garde de douter de la vérité de ses
M périencês , je répétai les miennes en me
ij rvant de verre à vitre commun : je choisis
îs morceaux d’une épaisseur égale, de trois
|t liarts de ligne chacun. Ayant lu de même
j, vingt-qualre pieds quatre pouces de dis-
(nce de la bougie , l’interposition d’un de
s morceaux de verre me fit rapprocher à
ngt-un pieds et demi ; avec deux morceaux
terposés et appliqués l’un sur l’autre , je
p pouvois plus lire qu’à dix-huit pieds un
uart , et avec trois morceaux , à seize
ieds : ce qui , comme l’on vùit , se rap-
roclie de la détermination de M. Bouguer;
R la perte de la lumière , en traversant ce
îrre de trois quarts de ligne , étant ici
] e 5 921/4 — 462 1/4= i3o, le résultat
3o 65
— -, ou — , ne s éloigné pas beaucoup
P*4 296
|e 3/ r 4 , à quoi l’on doit réduire les 2/7
onnés par M. Bouguer pour une ligne
épaisseur, parce que mes verres n’avoient
ue trois quarts de ligne , car 3 : î 4 ; ; 65
3o3 i/3, terme qui ne diffère pas beau-
oup de 296.
Mais avec du verre communément appelé
'verre de Bohême, j’ai trouvé, par les mêmes
essais, que la lumière ne perdoit qu’un
huitième en traversant une épaisseur d’une
ligne, et qu’elle diminuoit dans la progres-
sion suivante :
Épaiss. , 1, 2, 3, 4, 5, 6, n.
Dimirmt - — Ai. 843 . lgé°7
Uimmui. , g. û4. 5l2. 4o96. 32768* 262164-
— o — 1 — 2 — 3 — 4 — 5 n— 1
7 7 7 7 7 7 7
ou 8. 1 8. 2 8.3 8.4 8.5 8.6 8. n
Prenant la somme de ces termes , on aura
le total de la diminution de la lumière à
travers une épaisseur de verre d’un nombre
donné de lignes; par exemple, la somme
des six premiers termes est ffffff. Donc la
lumière ne diminue que d’un peu plus de
moitié en traversant une épaisseur de six
lignes de verre de Bohême, et elle en per-
droit encore moins si , au lieu de trois mor-
ceaux de deux lignes appliqués l’un sur
l’autre, elle n’avoit à traverser qu’un seul
morceau de six lignes d’épaisseur.
Avec le verre que j’ai fait fondre en masse
épaisse , j’ai vu que la lumière ne perdoit
pas plus à travers quatre pouces et demi
d’épaisseur de ce verre qu’à travers une
glace de Saint -Gobin de deux lignes et
demie d’épaisseur ; il me semble donc qu’on
pourroit en conclure que la transparence de
ce verre étant à celle de cette glace comme
4 pouces 1/2 sont à deux lignes 1/2, ou 54
à 21/2, c’est-à-dire plus de vingt-une fois
plus grande, on pourroit faire de très-bonnes
petites lunettes massives de cinq ou six
pouces de longueur avec ce verre.
Mais pour des lunettes longues , on ne
peut employer que de l’eau , et encore est-il
à craindre que le même inconvénient ne
subsiste ; car quelle sera l’opacité qui résul-
tera de cette quantité de liqueur que je
suppose remplir l’intervalle entre les deux
verres? Plus les lunettes seront longues, et
plus on perdra de lumière ; en sorte qu’il
paroît, au premier coup d’œil, qu’on ne
peut pas se servir de ce moyen , surtout, poul-
ies lunettes un peu longues ; car, en suivant
ce que dit M. Bouguer, dans son Essai
d’ optique sur la gradation de la lumière ,
neuf pieds sept pouces d’eau de mer font
diminuer la lumière dans le rapport de 14
à 5 ; ou , ce qui revient à peu près au même,
supposons que dix pieds d’épaisseur d’eau
diminuent la lumière dans le rapport de 3
à 1 , alors vingt pieds d’épaisseur d’eau la
diminueront dans le rapport de 9 à 1 ; trente
pieds la diminueront dans celui de 27 à 1 ,
448
MINERAUX. INTRODUCTION.
etc. Il paroît donc qu’on ne pourroit se
servir de ces longues lunettes pleines d’eau
que pour observer le soleil, et que les autres
astres n’auroient pas assez de lumière pour
qu’il fût possible de les apercevoir à travers
une épaisseur de vingt à trente pieds de li-
queur intermédiaire.
Cependant , si l’on fait attention qu’en ne
donnant qu’un pouce ou un pouce et demi
d’ouverture à un objectif de trente pieds ,
on ne laisse pas d’apercevoir très-nettement
les planètes dans les lunettes ordinaires de
cette longueur, on doit penser qu’en don-
nant un plus grand diamètre à l’objectif, on
augmenterait la quantité de lumière dans la
raison du carré de ce diamètre, et par con-
séquent si un pouce d’ouverture suffit pour
voir distinctement un astre dans une lunette
ordinaire , y/ 3 pouces d’ouverture , c’est-à-
dire vingt-une lignes environ de diamètre ,
suffiront pour qu’on le voie aussi distincte-
ment à travers une épaisseur de dix pieds
d’eau ; et qu’avec un verre de trois pouces
de diamètre , on le verroit également à tra-
vers une épaisseur de vingt pieds; qu’avec
un verre de ç/ 27 ou 5 pouces 1/4 de dia-
mètre , on le verroit à travers une épaisseur
de trente pieds, et qu’il ne faudroit qu’un
verre de neuf pouces de diamètre pour une
lunette remplie de quarante pieds d’eau , et
un verre de vingt-sept pouces pour une lu-
nette de soixante pieds.
Il semble donc qu’on pourroit, avec es-
pérance de réussir, faire construire une lu-
nette sur ces principes ; car, en augmentant
le diamètre de l’objectif, on regagne en par-
tie la lumière que l’on perd par le défaut de
transparence de la liqueur.
On ne doit pas craindre que les objectifs,
quelque grands qu’ils soient, fassent une trop
grande partie de la sphère sur laquelle ils
seront travaillés , et que par cette raison les
rayons de la lumière ne puissent se réunir
exactement ; car, en supposant même ces
objectifs sept ou huit fois plus grands que
je ne les ai déterminés , ils ne feroient pas
encore à beaucoup près une assez grande
partie de leur sphère pour ne pas réunir les
rayons avec exactitude.
Mais ce qui ne me paroît pas douteux ,
c’est qu’une lunette construite de cette façon
seroit très-utile pour observer le soleil; car,
en la supposant même longue de cent pieds,
la lumière de cet astre ne seroit encore que
trop forte après avoir traversé cette épais-
seur d’eau , et on observeroit à loisir et aisé-
ment la surface de cet astre immédiatement ,
sans qu’il fût nécessaire de se servir de
verres enfumés , ou d’en recevoir l’image ;
un carton , avantage qu’aucune autre espi
de lunette ne peut avoir.
Il y auroit seulement quelque petite (
férence dans la construction de celte lune j
solaire , si l’on veut qu’elle nous présent»
face entière du soleil ; car, en la suppoaj L
longue de cent pieds , il faudra , dans 'L
cas , que le verre oculaire ait au moins ||Dt
pouces de diamètre , parce que le soleil L
cupant plus d’un demi-degré céleste, l’im jié
formée par l’objectif à son foyer à cent pi
aura au moins cette longueur de dix pou» Lj
et que, pour la réunir tout entière, il fajlL
un oculaire de cette largeur, auquel on iL
donnerait que vingt pouces de foyer pj[n»
* t. Il-i [|an
le rendre aussi fort qu’il se pourroit
droit aussi que l’objectif, ainsi que l’ocuîa
eût dix pouces de diamètre , afin que l’im
de l’astre et l’image de l’ouverture del,
lunette se trouvassent d’égale grandeur i|e
foyer.
Qtiand même cette lunette que je jj
pose ne servirait qu’à obst;rver exactem
le soleil , ce seroit déjà beaucoup : il sert «
par exemple, fort curieux de pouvoir Lj
connoitre s’il y a dans cet astre des par Jjaj)l
plus ou moins lumineuses que d’autres ; Lr
y a sur sa surface des inégalités , et de quipj
espèce elles seraient; si les taches flottij|jjr(
sur sa surface S ou si elles y sont t»Ma|,
constamment attachées, etc. La vivacité1 ^
sa lumière nous empêche de l’observe nie
l’œil simple, et la différente réfrangib; j|(
de ses rayons rend son image confuse 1» jej
qu’on la reçoit au foyer d’un objectif sun, ûnn
carton; aussi la surface du soleil nous |faj
elle moins connue que celle des autres |p
rayons ne seroit pas , à beaucoup près
lle
ès , jL
fièrement corrigée dans cette longue lun
remplie d’eau : mais si cette liqueur pouvif,
par l’addition des sels , être rendue a
dense que le verre , ce seroit alors la m»
chose que s’il n’y avoit qu’un seul vernp
traverser, et il me semble qu’il y auroit ] j
si
1. M. de Lalande m’a fait sur ceci la reniai
qui suit : « Il est constant , dit-il , qu’il n’y a
le soleil que des taches qui changent de fora
disparoissent entièrement , mais qui ne chan
point de place, si ce n’est par la rotation du so ( ^
sa surface est très-unie et homogène. » Ce sa
astronome pouvoit même ajouter que ce n’est
par le moyen de ces taches, toujours su ppc
fixes, qu’on a déterminé le temps de la révolu j j,|(
du soleil sur son axe : mais ce point d’astront
physique ne me paroît pas encore absolument
montré ; car ces taches , qui toutes changent t*
figures , pourroient bien aussi quelquefois chai t ils
de lieu.
Partie expérimentale.
44g
vantage à se servir de ces lunettes rein-
es d’eau que de lunettes ordinaires avec
verres enfumés.
Quoi qu’il en soit , il est certain qu’il faut,
ar observer le soleil, une lunette bien
férente de celles dont on doit se servir
ir les autres astres ; et il est encore très-
tain qu’il faut , pour chaque planète , une
lette particulière et proportionnée à leur
ensilé de lumière , c’est-à-dire à la quan-
î réelle de lumière dont elles nous parois-
it éclairées. Dans toutes les lunettes, il
droit donc l’objectif aussi grand et l'ocu-
’e aussi fort qu’il est possible , et en
me temps proportionner la distance du
er à l’intensité de la lumière de chaque
nète. Par exemple , Ténus et Saturne
il deux planètes dont la lumière est fort
férente; lorsqu’on les observe avec la
me lunette , on augmente également 1’an-
sous lequel on les voit : dès lors la lu-
ère totale de la planete paroît s’étendre
toute sa surface d’autant plus qu’on la
* )ssit davantage ; ainsi , à mesure qu’on
bandit son image , on la rend sombre , à
u près dans la proportion du carré de son
mètre : Saturne ne peut donc , sans de-
îir obscur, être observé avec une lunette
e[| >si forte que Ténus. Si l’intensité de lu-
fl« ère c e celle-ci permet de la grossir cent
deux cents fois avant de devenir sombre,
icil htre ne souffrira peut-être pas la moitié
le tiers de celte augmentation sans deve-
tout-à-fait obscure. Il s’agit donc de faire
e lunette pour chaque planète , propor-
îsi nuée à leur intensité de lumière ; et, pour
faire avec plus d’avantage , il me semble
il ne faut employer qu’un objectif d’au-
ît plus grand , et d’un foyer d’autant
ins long , que la planète a moins de lu-
hi ère. Pourquoi jusqu’à ce jour n’a-t-on
; fait des objectifs de deux ou trois pieds
diamètre? L’aberration des rayons, cau-
par la sphéricité des verres , en est la
.le cause ; elle produit une confusion qui
comme le carré du diamètre de l’ouver-
e : et c’est par cette raison que les verres
îériques , qui sont très-bons avec une pe-
î ouverture, ne valent plus rien quand
l’augmente ; on a plus de lumière , mais
ins de distinction et de netteté. Néan-
ins les verres sphériques larges sont irès-
*is pour faire des lunettes de nuit ; les
glois ont construit des lunettes de cette
" >èce , et ils s’en servent avec grand avan-
e pour voir de fort loin les vaisseaux
is une nuit obscure. Mais maintenant
je l’on sait corriger en grande partie les
Buffon. I.
effets de la différente réfrangibilité des
rayons , il me semble qu’il faudroit s’atta-
cher à faire des verres elliptiques ou hyper-
boliques, qui ne produiroient pas cetle
aberration causée par la sphéricité , et qui
par conséquent pourroient être trois ou
quatre fois plus larges que les verres sphé-
riques. Il n’y a que ce moyen d’augmenter
à nos yeux la quantité de lumière que nous
envoient les planètes; car nous ne pouvons pas
porter sur les planètes une lumière addition-
nelle , comme nous le faisons sur les objets
que nous observons au microscope ; mais il
faut au moins employer le plus avantageu-
sement qu’il est possible la quantité de lu-
mière dont elles sont éclairées , en la rece-
vant sur une surface aussi grande qu’il se
pourra. Cette lunette hyperbolique , qui ne
seroit composée que d’un seul grand verre
objectif et d’un oculaire proportionné, exi-
geroit une matière de la plus grande transpa-
rence ; on réuniroit , par ce moyen , tous les
avantages possibles, c’est-à-dire ceux des
lunettes achromatiques à celui des lunettes
elliptiques ou hyperboliques , et l’on met-
troit à profit toute la quantité de lumière
que chaque planète réfléchit à nos yeux. Je
puis me tromper ; mais ce que je propose me
paroît assez fondé pour en recommander
l’exécution aux personnes zélées pour l’avan-
cement des sciences.
Me laissant aller à ces espèces de rêveries,
dont quelques-unes néanmoins se réaliseront
un jour, et que je ne publie que dans cette
espérance , j’ai songé au miroir du port
d’Alexandrie, dont quelques auteurs anciens
ont parlé , et par le moyen duquel on voyoit
de très-loin les vaisseaux en pleine mer. Le
passage le plus positif qui me soit tombé
sous les yeux est celui que je vais rapporter:
« Alexandria.... in pharo vero erat specu-
« lum è ferro sinico , per quod à longé vi-
« debantur naves Græcorum advenientes ;
« sed paulô postquam islamismus invaluit ,
«-scilicet tempore califalûs Talidi , filii Ab-
« dulmelec , Christiani , fraude adhibitâ ,
« illud deîeverunt T. »
J’ai pensé, i° que ce miroir par lequel
on voyoit de loin les vaisseaux arriver, n’é-
toit pas impossible ; 20 que même , sans
miroir ni lunette , on pourvoit , par de cer-
taines dispositions , obtenir le même effet ,
et voir depuis le port des vaisseaux peut-
être d’aussi loin que la courbure de la terre
le permet. Nous avons dit que les personnes
qui ont bonne vue aperçoivent les objets
x. Abulfeda, etc., Descriptio Ægjpti.
*9
45o
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
éclairés par le soleil à plus de trois mille
quatre cents fois leur diamètre , et en même
temps nous avons remarqué que fa lumière
intermédiaire nuisoit si fort à celle des ob-
lets éloignés, qu’on aperçoit la nuit un objet
lumineux de dix , vingt et peut-être cent
jois plus de distance qu’on ne le voit pen-
pant le jour. Nous savons que du fond d’un
duits très-profond l’on voit des étoiles en
plein jour 1 : pourquoi donc ne verroit-on
pas de même les vaisseaux éclairés des
rayons du soleil , en se mettant au fond
d’une longue galerie fort obscure, et située
sur le bord de la mer, de manière , qu’elle
ne recevroit aucune lumière que celle de la
mer lointaine et des vaisseaux qui pourroient
s’y trouver? Cetie galerie n’est qu’un puits
horizontal qui feroit le même effet pour la
vue des vaisseaux que le puits vertical pour
la vue des étoiles ; et cela me paroît si sim-
ple, que je suis étonné qu’on n’y ait pas
songé. U me semble qu’en prenant, pour
faire l’observation , les heures du jour où le
soleil seroit derrière la galerie, c’est-à-dire
le temps où les vaisseaux seroient bien
éclairés , on les verroit du fond de cette
galerie obscure dix fois au moins mieux
qu’on ne peut les voir en pleine lumière.
Or, comme nous l’avons dit , on distingue
aisément un homme ou un cheval à une
lieue de distance , lorsqu’ils sont éclairés des
rayons du soleil ; et supprimant la lumière
intermédiaire qui nous environne et offus-
que nos yeux , nous les verrions au moins
dix fois plus loin , c’est-à-dire à dix lieues :
donc on verroit les vaisseaux, qui sont
beaucoup plus gros, d’aussi loin que la cour-
bure de la terre le permettroit 2, sans autre
instrument que nos yeux.
Mais un miroir concave d’un assez grand
diamètre et d’un foyer quelconque, placé
au fond d’un long tuyau noirci , feroit pen-
dant le jour à peu près le même effet que
nos grands objectifs de même diamètre et de
même foyer feraient pendant la nuit; et
1. Aristote est, je crois , le premier qui ait fait
mention de cette observation , et j’en ai cité le pas-
sage à l’article du Sens de lu vue.
2. La courbure dé la terre pour An degré, ou
vingt-cinq lieues de 2283 toises, est de 2988 pieds ;
elle croit comme le carré des distances ; ainsi, pour
cinq lieues , elle est vingt-cinq fois moindre , c’est-
à-dire d’environ cent vingt pieds. Un vaisseau qui
a plus de cent vingt pieds de mâture peut donc être
vu de cinq lieues, étant même au niveau de la mer;
mais si on s’élevoit de cent vingt pieds au dessus
du niveau de la mer, on verroit de cinq lieues le
corps entier du vaisseau jusqu’à la ligne de l’eau ,
et, en s’élevant encore davantage, on pourvoit aper-
cevoir le haut des mà;s de plus de dix lieues.
c’étoit probablement un de ces miroirs con
caves d’acier poli (è ferro sinico) qu’on avoi
établi au port d’Alexandrie 1 pour voir d
loin arriver les vaisseaux grecs. Au resté
si ce miroir d’acier ou de fer poli a réelle
ment existé , comme il y a toute apparence
on ne peut refuser aux anciens la gloire d
la première invention des télescopes; rare
miroir de métal poli ne pouvoit avoir d’effe
qu’aulant que la lumière réfléchie par 1
surface étoit recueillie par un autre miroi
concave placé à son foyer ; et c’est en cet
que consisfe l’essence du télescope et la fa
cilité de sa construction. Néanmoins cel
n’ôte rien à la gloire du grand Newton, qu
le premier a ressuscité cette invention , en
tièrement oubliée : il parait même que d
sont ses belles découvertes sur la réfrangi
bilité des rayons de la lumière qui l’or
conduit à celle du télescope. Comme le
rayons de la lumière sont , par leur nature
différemment réfrangibles , il étoit fondé ,
croire qu’il n’y avoit nul moyen de corrige
cet effet ; ou , s’il a entrevu ces moyens , i
les a jugés si difficiles , qu’il a mieux aim la’
tourner ses vues d’un autre côté , et produir foi)]
par le moyen de la réflexion des rayons le1; 1®
grands effets qu’il ne pouvoit obtenir pa if
leur réfraction. Il a donc fait construire soi ! tes
télescope , dont l’effet est réellement bieiff®
supérieur à celui des lunettes ordinaires
mais les lunettes achromatiques , inventée
de nos jours , sont aussi supérieures au té
lescope qu’il l’est aux lunet tes ordinaires. Lé
meilleur télescope est toujours sombre et
comparaison de la lunette achromatique, @1
cette obscurité dans les télescopés ne vieil
pas seulement du défaut de poli ou de li
couleur du métal des miroirs , mais de i;
nature même de la lumière , dont les rayons
différemment réfrangibles , sont aussi diffê
remment réfîexibles , quoique en degré
beaucoup moins inégaux. Il reste donc
pour perfectionner les télescopes autan
qu’ils peuvent l’être , à trouver le moyei
de compenser cëtté différente réflexibililé
comme l’on a trouvé celui de compenser 1<
différente réfrangibilité.
Après tout ce qui vient d 'être dit, je croit
qu’on sentira bien que l’on peut faire faire
une très-bonne lunette de jour sans em-
ployer ni verres ni miroirs , et simplemenl
en supprimant la lumière environnante , ai
3. De temps immémorial, les Chinois, et surtout
lesJaponois, savent travailler et polir l’acier cr
grand et petit volume ; et c’est ce qui m'a fait
penser qu’on doit interpréter è ferro sinico pai
acier poli.
WMi ji - . ^ ^
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
45r
)yen d’un tuyau de cent cinquante ou
ux cents pieds de long, et en se plaçant
ti ns un lieu obscur où aboutiroit l’une des
i trémités de ce tuyau. Plus la lumière du
i îr seroit vive , plus seroil grand l’effet de
i tte lunette si simple et si facile à exécuter,
i suis persuadé qu’on verroit distinctement
juinze et peut-être à vingt lieues les bâti-
lf ms et les arbres sur le haut des montagnes,
pa seule différence qu’il y ait entre ce long
mû yau et la galerie obscure que j’ai proposée,
in ist que le champ , c’est-à-dire l’espace vu ,
la mit bien plus petit, et précisément dans la
si son du carré de l’ouverture du tuyau à
a, lie de la galerie.
ne
ARTICLE TROISIEME.
vention d’autres miroirs pour brûler à de
moindres distances.
Miroirs (l’une seule pièce à foyer mobile.
:
J’ai remarqué que le verre fait ressort, et
l’il peut plier jusqu’à un certain point ; et
mme , pour brûler à des distances un peu
andes, il ne faut qu’une légère courbure,
-) que toute courbure régulière y est à peu
es ès également convenable , j’ai imaginé de
y endre des glaces de miroir ordinaire, d’un
lin Jed et demi , de deux pieds et trois pieds
KH | diamètre , de les faire arrondir, et de les
ol lUtenir sur un cercle de fer bien égal et
4i en tourné , après avoir fait dans le centre
ej i la glace un trou de deux ou trois lignes
,e i diamètre pour y passer une vis 1 dont les
vin is sont très- fins , et qui entre dans un petit
je jrou posé de l’autre côté de la glace. En
|f jrrant cette vis , j’ai courbé assez les glaces
J ! trois pieds pour brûler depuis cinquante
g eds jusqu’à trente , et les glaces de dix-huit
rçj luces ont brûlé à vingt-cinq pieds ; ♦mais
f ant répété plusieurs fois ces expériences ,
jjjj ù cassé les glaces de trois pieds et de deux
J ieds , et il ne m’en reste qu’une de dix-huit
llll jauces , que j’ai gardée pour modèle de ce
j |iroir2.
Ce qui fait casser ces glaces si aisément
,rU fcst le trou qui est au milieu ; elles se cour-
ir liraient beaucoup plus Sans se rompre s’il
11 Voyez les planches i , fig. 8 et io; et pl. 2 ,
iiei t, i,
i il 2. Cés glaces de trois pieds ont mis le feu â des
îatières légères jusqu’à cinquante pieds de d-
)9l| ance , et alors elles n’avoient pfié que d’une
tne 5/8 : pour brûler à quarante pieds , il falloit
T s faire plier de deux lignes; pour brûler à trente
eds, de deux lignes 3%; rt c’est en voulant les
^ ire brûler à vingt pieds qu’elles se sont cassées.
n’y avoit point de solution dè continuité , et
qu’on pût les presser également sur toute la
surface. Cela m’a conduit à imaginer de les
faire courber par le poids même de l'atmo-
sphère ; et pour cela il ne faut que metire
une glace circulaire sur une espèce de tam-
bour de fer ou de cuivre, et ajouter à ce
tambour une pompe pour en tirer de l’air:
on fera de cette manière courber la glace
plus ou moins, et par conséquent elle brûlera
à de plus et moins grandes distances.
Il y auroit encore un aulre moyen : ce
seroit d’ôter l’élamage dans le centre de la
glace , de la largeur de neuf oti dix lignes ,
façonner avec une, molette cette partie du
centre en portion de sphère , comme un
verre convexe d’un pouce de foyer, mettre
dans le tambour une petite mèche soufrée ;
il arriveroit que quand on présenterait ce
miroir au soleil , les rayons transmis à tra-
vers celte partie du centre de la glace et
réunis au foyer d’un pouce alîumeroient la
mèche soufrée dans le tambour : cette mèche,
en brûlant, absorberoit de fair, et par con-
séquent le poids de l’atmosphère feroit plier
la glace plus ou moins , Selon que la mèche
soufrée brûlerait plus ou moins de temps.
Ce miroir seroit fort singulier, parce qu’il
se courberoit de lui-même à l’aspect du so-
leil, sans qu’il fût nécessaire d’y toucher;
mais l’usage n’en seroit pas facile, et c’est
pour cette raison que je ne l’ai pas fait exé-
cuter, la seconde manière étant préférable à
tous égards.
Ces miroirs d’une seule pièce à foyer iûô-
bile peuvent servir à mesurer plus exacte-
ment que par aucun autre moyen, la diffé-
rence des effets de la chaleur du soleil reçue
dans des foyers plus ou moins grands. Nous
avons vu que les grands foyers font toujours
proportionnellement plus d’effet que les pe-
tits, quoique l’intensité de chaleur soit égale
dans les uns et les autres : on auroit ici ,
en contractant successivement lès foyers ,
toujours une égale quantité de lumière ou
de chaleur, mais dans des espaces successi-
vement plus petits ; et au moyen de cette
quantité constante , on pourroit déterminer,
par l’expérience , le minimum de l’espace du
foyer, c’est-à-dire l’étendue nécessaire pour
qu’avec la même quantité de lumière on eût
le plus grand effet : cela nous conduirait en
même temps à une estimation plus précise
de la déperdition de la chaleur dans les au-
tres substances , sous un même volume où
dans une égale étendue.
A cet usage près, il m’a paru que ces
miroirs d’une seule pièce à foyer mobile
29.
452
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
étoient plus curieux qu’utiles : celui qui agit
seul et se courbe à l’aspect du soleil , est
assez ingénieusement conçu pour avoir place
dans un cabinet de physique.
II. Miroirs d’une seule pièce pour brûler très-vivement
à des distances médiocres et à de petites distances.
J’ai cherché les moyens de courber régu-
lièrement de grandes glaces ; et , après avoir
fait construire deux fourneaux différens qui
n’ont pas réussi , je suis parvenu à en faire
un troisième », dans lequel j’ai courbé très-
régulièrement des glaces circulaires de trois,
quatre et quatre pieds et demi de diamè-
tre ; j’en ai même fait courber deux de cin-
quante-six pouces : mais quelque précaution
qu’on ait prise pour laisser refroidir lente-
ment ces grandes glaces de cinquante-six et
cinquante-quatre pouces de diamètre , et
pour les manier doucement, elles se sont
cassées en les appliquant sur les moules
sphériques que j’avois fait construire pour
leur donner la forme régulière et le poli né-
cessaire ; la même chose est arrivée à trois
autres glaces de quarante-huit et cinquante
pouces de diamètre , et je n’en ai conservé
qu’une seule de quaran.te-six pouces et deux
de trente-sept pouces. Les gens qui commis-
sent les arts n’en seront pas surpris : ils
savent que les grandes pièces de verre
exigent des précautions infinies pour ne pas
se fêler au sortir du fourneau où on les laisse
recuire et refroidir : ils savent que plus elles
sont minces et plus elles sont sujettes à se
fendre , non seulement par le premier coup
de l’air, mais encore par ses impressions
ultérieures. J’ai vu plusieurs de mes glaces
courbées se fendre toutes seules au bout de
trois , quatre et cinq mois , quoiqu’elles
eussent résisté aux premières impressions
de l’air, et qu’on les eut placées sur des
moules de plaire bien séché , sur lesquels la
surface concave de ces glaces portoit égale-
ment partout ; mais ce qui m’en a fait perdre
un grand nombre , c’est le travail qu’il falloit
faire pour leur donner une forme régulière.
Ces glaces , que j’ai achetées toutes polies à
la manufacture du faubourg Saint-Antoine,
quoique choisies parmi les plus épaisses ,
n’avoient que cinq lignes d’épaisseur : en les
courbant, le feu leur faisoit perdre en pariie
leur poli. Leur épaisseur d'ailleurs n’étoit
pas bien égale partout , et néanmoins il étoit
nécessaire, pour l’objet auquel je les desti-
nois, de rendre les deux surfaces concave
i. Voyez la planche i, fig. i, a, 3, 4» 5 et 6.
et convexe parfaitement concentriques , (
par conséquent de les travailler avec d<
molettes convexes dans des moules creux
et des molettes concaves sur des moult
convexes. De vingt-quatre glaces que j’avo
courbées, et dont j’en avois livré quinze
feu M. Passemant pour les faire travaille
par ses ouvriers , je n’en ai conservé qr
trois ; toutes les autres , dont les moindre
avoient au moins trois pieds de diamètre
se sont cassées, soit avant d’être travaillées
soit après. De ces trois glaces que j’ai sat
vées , l’une a quarante-six pouces de diami
tre , et les deux autres trente-sept pouces
elles étoient bien travaillées , leurs surfa ci
bien concentriques , et par conséquent l’é
paisseur bien égale ; il ne s’agissoit plus qu
de les étamer sur leur surface convexe, c
je fis pour cela plusieurs essais et un asse
grand nombre d’expériences qui ne me rétri
sirent point. M. de Bernières , beaucom
plus habile que moi dans cet art de l’étamagt
vint à mon secours , et me rendit en effet
deux de mes glaces étamées ; j’eus l’honneui
d’en présenter au roi la plus grande , c’est-à
dire celle de quarante-six pouces, et de fair
devant sa majesté les expériences de la fore
de ce miroir ardent qui fond aisément tou
les métaux ; on l’a déposé au château de 1
Muette, dans un cabinet qui est sous 1
direelion du P. Noël : c’est certainement 1
plus fort miroir ardent qu’il y ail en Eu
rope 2. J’ai déposé au Jardin du Roi , dam
le Cabinet d’Histoire naturelle , la glace di
trente-sept pouces de diamètre , dont li
foyer est beaucoup plus court que celui dt
miroir de quarante-six pouces. Je n’ai pa;
encore eu le temps d’essayer la force de c<
second miroir, que je crois aussi très-boni
Je fis aussi , dans le temps , quelques expé
riences au château de la Muette , sur la lu
mière de la lune reçue par le miroir d<
quarante-six pouces , et réfléchie sur ur
thermomètre très-sensible : je crus d’aborc
m’apercevoir de quelque mouvement ; mai*
cet effet ne se soutint pas , et depuis je n’ai
pas eu occasion de répéter l’expérience. Je
ne sais même si l’on obtiendroit un degré
de chaleur sensible en réunissant les foyers
de plusieurs miroirs , et les faisant tomber
ensemble sur un thermomètre aplati et
noirci ; car il se peut que la lune nous en-
voie du froid plutôt que du chaud , comme
a;i
2. On m’a dit que l’étamage de ce miroir, qui a
été fait il y a plus de vingt ans, s’étoitgàté; il 1k
faudroit le remettre entre les mains de M. de Ber- ,
nières , qui seul a le secret de cet étainage, pour le
bien réparer.
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
jijjms l’expliquerons ailleurs. Du reste , ces
tir éiiroirs sont supérieurs à tous les miroirs de
ü (jiflexion dont on avoit connoissance : ils
(■vent aussi à voir en grand les petits ta-
ï Jeaux, et à en distinguer toutes les beautés
n tous les défauts; et si on en fait étamer
vé i pareils dans leur concavité, ce qui seroit
)in( en plus aisé que sur la convexité , ils servi-
nién ient à voir les plafonds et autres peintures
ij|| > J i sont trop grandes et trop perpendicu-
n res sur la tète pour pouvoir être regardées
liai sèment.
,n f ((Mais ces miroirs ont l’inconvénient com-
irfa un à tous les miroirs de ce genre, qui est
ml ! brûler en haut ; ce qui tait qu’on ne peut
jît tvailler de suite à leur foyer, et qu’ils de-
se pnnent presque inutiles pour toutes les
as périences qui demandent une longue ac-
; m du feu et des opérations suivies. Néan-
iC0 joins , en recevant d’abord les rayons du
Ml -|leil sur une glace plane de quatre pieds et
e| uni de hauteur et d’autant de largeur qui
11|f| s réfléchit contre ces miroirs concaves , ils
, I j|nt assez puissans pour que celte perte ,
ii est de la moitié de la chaleur, ne les
c npêche pas de brûler très-vivement à leur
t0 yer, qui par ce moyen se trouve en bas
le mine celui des miroirs de réfraction, et
l5 iquel par conséquent on pourroit travailler
J i suite et avec une égale facilité ; seulement
j, seroit nécessaire que la glace plane et le
jj iroir concave fussent tous deux montés
e| irallèlement sur un même support, où ils
mrroient recevoir également les mêmes
ouvemens de direction et d’inclinaison ,
lit horizontalement , soit verticalement,
'effet que le miroir de quarante-six pouces
3 diamètre feroit en bas, n’étant que de
oilié de celui qu’il produit en haut, c’est
>mme si la surface de ce miroir étoit ré-
dite de moitié, c’est-à-dire comme s’il n’a-
)it qu’un peu plus de trente-deux pouces
ï diamètre au lieu de quarante-six ; et cette
mension de trente-deux pouces de diamè-
e pour un foyer de six pieds ne laisse pas
3 donner une chaleur plus grande que celle
3s lentilles de Tschirnaüs ou du sieur Se-
n d , dont je me suis autrefois servi , et qui
mit les meilleures que l’on commisse.
Enfin , par la réunion de ces deux mi-
)irs, on auroit aux rayons du soleil une
lialeur immense à leur .foyer commun, sur-
^ut en le recevant en haut, qui ne seroit
iminuée que de moitié en le recevant en
as, et qui par conséquent seroit beaucoup
lus grande qu’aucune autre chaleur con-
ue , et pourroit produire des effets dont
ous n’avons aucune idée.
453
III. Lentilles ou miroirs à Veau .
Au moyen des glaces courbées et travail-
lées régulièrement dans leur concavité, et
sur leur convexité, on peut faire un miroir
réfringent , en joignant par opposition deux
de ces glaces, et en remplissant d’eau tout
l’espace qu’elles contiennent.
Dans cette vue, j’ai fait courber deux
glaces de trente-sept pouces de diamètre , et
les ai fait user de huit à neuf lignes sur les
bords pour les bien joindre. Par ce moyen,
l’on n’aura pas besoin de mastic pour empê-
cher l’eau de fuir.
Au zénith du miroir, il faut pratiquer un
petit goulot , par lequel on en remplira la
capacité avec un entonnoir; et comme les
vapeurs de l’eau échauffée par le soleil pour-
roient faire casser les glaces, on laissera ce
goulot ouvert pour laisser échapper les va-
peurs; et, afin de tenir le miroir toujours
absolument plein d’eau , on ajustera dans ce
goulot une petite bouteille pleine d’eau, et
cette bouteille finira elle-même en haut par
un goulot étroit, afin que, dans les diffé-
rentes inclinaisons du miroir, l’eau qu’elle
contiendra ne puisse pas se répandre en trop
grande quantité.
Cette lentille, composée de deux glaces
de trente -sept pouces, chacune de deux
pieds et demi de foyer, brûleroit à cinq pieds,
si elle étoit de verre : mais l’eau ayant une
moindre réfraction que le verre, le foyer
sera plus éloigné; il ne laissera pas néan-
moins de brûler vivement : j’ai supputé qu’à
la distance de cinq pieds et demi cette len-
tille à l’eau produiroit au moins deux fois
autant de chaleur que la lentille du Palais-
Royal , qui est de verre solide , et dont le.
foyer est à douze pieds.
J’avois conservé une assez forte épaisseur
aux glaces, afin que le poids de l’eau qu’elles
dévoient renfermer ne pût en altérer la
courbure : on pourroit essayer de rendre
l’eau plus réfringente en y faisant fondre des
sels ; comme l’eau peut successivement fon-
dre plusieurs sels, et s’en charger en plus
grande quantité qu’elle ne se chargeroit d’un
seul sel, il faudroit en fondre de plusieurs
espèces , et on rendroit par ce moyen la ré-
fraction de l’eau plus approchante de celle
du verre.
Tel étoit mon projet : mais , après avoir
travaillé et ajusté ces glaces de trente-sept
pouces, celle du dessous s’est cassée dès la
première expérience; et comme il ne m’en
restoit qu’une, j’en ai fait le miroir concave
454
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
de trente-sept ponces , dont j’ai parlé dans
l’article précédent.
Ces loupes composées de deux glaces sphé-
riquement courbées et remplies d’eau brûle-
ront en bas, et produiront de plus grands
effets que les loupes de verre massif, parce
que l’eau laisse passer plus aisément la lu-
mière que le verre le plus transparent; mais
l’exécution ne laisse pas d’en être difficile ,
et demande des attentions infinies. L’expé-
rience m’a fait connoîlre qu’il falloit des
glaces épaisses de neuf ou huit lignes au
moins, c’est-à-dire des glaces faites exprès :
car on n’en coule point aux manufactures
d’aussi' épaisses, à beaucoup près; toutes
celles qui sont dans le commerce n’ont
qu’environ moitié de cette épaisseur. Il
faut ensuite courber ces glaces dans un
fourneau pareil à celui dont j’ai donné la
figure; avoir attention de bien sécher le
fourneau , de ne pas presser le feu et d’em-
ployer. au moins trente heures à l’opération.
La glace se ramollira et pliera par son poids
sans se dissoudre , et s’affaissera sur le moule
concave qui lui donnera sa forme. On la
laissera recuire et refroidir par degrés dans
ce fourneau , qu’on aura soin de boucher au
moment qu’on aura vu la glace bien affaissée
partout également. Deux jours après , lors-
que le fourneau aura perdu toute sa chaleur,
on en tirera la glace, qui ne sera que légè-
rement dépolie ; on examinera , avec un
grand compas courbe , si son épaisseur est à
peu près égale partout ; et si cela n’étoit
pas, et qu’il y eût dans de certaines parties
de la glace une inégalité sensible, on com-
mencera par l’atténuer avec une molette de
même sphère que la courbure cîe la glace.
On continuera de travailler de même les
deux surfaces concave et convexe, qu’il faut
rendre parfaitement concentriques , en sorte
que la glace ait partout exactement la même
épaisseur ; et pour parvenir à cette préci-
sion, qui est absolument nécessaire, il fau-
dra faire courber de plus petites glaces de
deux ou trois pieds de diamètre, en obser-
vant de faire ces petits moules sur un rayon
de quatre ou cinq lignes plus long que ceux
du foyer de la grande glace. Par ce moyen
on aura des glaces courbes dont on se ser-
vira, au lieu de molettes, pour travailler les
deux surfaces concave et convexe, ce qui
avancera beaucoup le travail : car ces petites
glaces, en frottant contre la grande, l’use-
ront et s’useront également ; et comme leur
courbure est plus forte de quatre ligues,
c’est-à-dire de moitié d’épaisseur de la grande
glace, le travail de ces petites glaces, tant
au dedans qu’au dehors, rendra concert
ques les deux surfaces de la grande g
aussi précisément qu’il a été possible, i
là le point le plus difficile ; et j’ai soin
vu que pour l’obtenir on étoit obligé d’f
la glace de plus d’une ligne et demie
chaque surface ; ce qui la rendoit trop mil
et dès lors inutile, du moins pour m
objet. Ma glace de trente-sept pouces qu
poids de l’eau , joint à la chaleur du soh
a fait casser, avoit néanmoins , toute I
vaillée, plus de trois lignes et demie <
paisseur ; et c’est pour cela que je reci
mande de les tenir encore plus épaisses.
J’ai observé que ces glaces courbées s
plus cassantes que les glaces ordinaires :
seconde fusion ou demi-fusion que le ve
éprouve pour se courber est peut-étret üf
cause de cet effet, d’autant que, pour pr ollt
dre la forme sphérique, il est nécessc
qu’il s’étende inégalement dans chacune,
ses parties , et que leur adhérence entre ecï-l
change dans des proportions inégales
même différentes pour chaque point de
courbe, relativement au plan horizontal
la glace , qui s’abaisse successivement p<
prendre la courbe sphérique.
En général , le verre a du ressort , et p< 5
plier sans se casser, d’environ un pouce ]
pied , surtout quand il est mince; je l’ai n
me éprouvé sur des glaces de deux et tr
lignes d’épaisseur, et de cinq pieds de ha !!?
teur : on peut les faire plier de plus de qi f1
Ire pouces sans les rompre, surtout en (l!
les comprimant qu’en un sens ; mais si
les courbe en deux sens à la fois, çomi
pour produire une surface sphérique, el J1’,
cassent à moins d’un demi-pouce par pi
sous cette double flexion. La glaee infériei
de ces lentilles à l’eau obéissant donc à
pression causée par le poids de l’eau, e
cassera ou prendra une plus forte courbiu 'f
à moins qu’elle ne soit fort épaisse, ou qu’e ■"
ne soit soutenue par une croix de fer;
qui fait ombre au foyer et rend désagréal
l’aspect de ce miroir. D’ailleurs le foyer
ces lentilles à l’eau n’est jamais franc,
bien terminé, ni réduit à sa plus petite etc
due ; les différentes réfractions que souff
la lumière en passant du verre clans l’eau
de l’eau dans le verre , causent une aherr
lion des rayons beaucoup plus grande quel
ne l’est par une réfraction simple dans 1
loupes de verre massif. Tous ces inconv
niens m’ont fait tourner mes vues sur 1
moyens de perfectionner les lentilles deven 1 ;
et je crois avoir enfin trouvé tout ce qu’i
peut faire de mieux en ce genre , coma
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
455
l’expliquerai dans les paragraphes sui-
.
ns.
Avant de quitter les lentilles à l’eau, je
ois devoir encore proposer un môveh de
nâtruction nouvelle qui serait sujétte à
lins d’inconvéniens , et dont l'exécution
oit assez facile. Au lieu de courber, tra-
iîler et polir de grandes glaces de quatre
cinq pieds de diamètre, il ne faudrait
S|| e de petits morcéàux carrés de deux pou-
5, qui ne coutérôiënt presque rien, et les
icéf dans un châssis de fer traversé de
rg( Ig es minces1 de ce mèmè métal, et ajustées
nime’lés vitrés ën plomb. Ce châssis et ces
rges dè fei\ auxquelles bn donnerait la
res hrburë sphérique et quatre pieds de dia-
;tre, contiendfoient chacun trois cent
àrantè-six'de ces: petits morceaux de deux
uces ; et en laisSéht quarante - six pour
quivalent de l’espace que prendraient les
rges (Je fer, i! y adroit tou jours trois cents
ques du ‘soleil qui cbiiicideroienî au même
rer, que je suppose à dix pieds; chaque
)feeau laisserait passer Un disque dé deux
Vices de diamètre , auquel, ajoutant la
jhîère des parties du carré circonscrit à
' [ cercle' de deux pouces de diamètre , le
er n’auroil à dix pieds que deux pouces
demi ou deux pouces trois quarts , si la
Jjllmture de ces petites glaces etoit réguliê-
uèîii exécutée. Or, eiï diminuant la perte
é souffre la lumière efi passant à travers
tu et les doublés verres qui la contiennent,
qui seroli ici à peu près dé moitié, oh
rbijt encore au foyer de ce miroir, tout
nposé de facettes planes , une chaleur
it cinquante fois plus grande que celle du
eil. Cette construction ne serait pas chère,
je n’y vois d’autre inconvénient que la
te de l’eau qui pourvoit percer par lés
iits des verges de fer qui soufiendroient
petits trapèzes de verre. Il faudrait pré-
lir cet inconvénient en pratiquant de pe-
ês rainures de chaque côté dans ces ver-
et enduire ces rainures de mastic or-
“ pire des vitriers, qui est impénétrable à
IV. Lentilles (le vei're solide.
ÎJ’ai vu deux de ces lentilles, celle du
jais-R oy al celle du sieur Segard; toutes
jux ont été tirées d’une masse de verre
Allemagne, qui est beaucoup plus transpa-
ru que le verre de nos glaces de miroir :
is personne ne sait en France fondre le
te en larges masses épaisses, et la com-
sition d’un verre transparent comme celui
de Bohême, n’est connue que depuis peu
d’années.
J’ai d’abord cherché les moyens de fon-
dre le verre ën massés épaisses, et j’ai fait
eh même temps différons essais pour avoir
une matière bien transparente. M. de Ro-
ihilly qui , dans ce temps, étoit l’un des di-
recteurs de là manufacture de Saint-Gobin,
m’ayant aidé de ses conseils , nous fondîmes
deux massés de verre d’environ sept pouces
de diamètre sur cinq à six pouces d’épais-
seur, dans des creusets à un fourneau où
i’bh cuisait de la faïence au faubourg Saint-
Antoine. Après avoir fait User et polir les
deux surfaces de ces morceaux de verre
pour les rendre parallèles, je trouvai qu’il
h’y en avoit qu’un des deux qui fût parfai-
tement net. Je livrai le second morceau, qui
étoit le moins parfait , à des ouvriers qui ne
laissèrent pas que d’en tirer d’assez bons
prismes de toute grosseur, cl j’ai gardé pen-
dant plusieurs années le premier morceau ,
qui avoit quatre pouces et demi d’épaisseur
et dont la transparence étoit telle, qu’en
posant ce verre de quatre pouces et demi
d’épaisseur sur un livre, on pouvoit lire à
travers très-aisément les caractères les plus
pelits et les écritures de l’encre la plus
blanche. Je comparai le degré de transpa-
rence de Cette matière avec celle des glaces
de jSaint-Gobin , prises et réduites à diffé-
rentes épaisseurs ; un morceau de la matière
de ces glaces, de deux pouces et demi d’é-
paisseur sur environ un pied de longueur et
de largeur, que M. de Romiîly me procura,
étoit vert comme du marbre vert, et l’on ne
pouvoit lire à travers : il fallut le diminuer
de plus d’un poncé pour commencer à dis-
tinguer les caractères à travers son épaisseur,
et enfin le réduire à deux lignes et demie
d’épaisseur pour que sa transparence fût
égale à celle de mon morceau de quatre pou-
ces et demi d’épaisseur; car on voyoit aussi
clairement lès caractères du livre à travers
ces quatre pouces et demi, qu’à travers la
glace qui n’avoit que deux lignes et demie.
Voici ia composition de ce verre, dont la
transparence est si grande ;
Sable blanc cristallin , une livre.
Minium, ou chaux de plomb, une livre.
Potasse , une demi-livre.
Salpêtre, une demi-once.
Le tout mêlé et mis au feu suivant l’art.
J’ai donné à M. Cassini de Thury ce mor-
ceau de verre, dont on pouvoit espère!' de
faire d’excellens verres de lunette achroma-
tique, tant à cause de sa très-grande trans-
45b
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
parence que de sa force réfringente, qui
étoit très-considérable, vu la quantité de
plomb qui étoit entrée dans sa composition ;
mais M. de Thury ayant confié ce beau mor-
ceau de verre à des ouvriers ignorans , ils
l’ont gâté au feu, où ils l’ont remis mal à
propos. Je me suis repenti de ne l’avoir pas
fait travailler moi-même ; car il ne s’agissoit
que de le trancher en lames , et la matière
en étoit encore plus transparente et plus
nette que celle fllnt-glass d’Angleterre , et
elle avoit plus de force de réfraction.
Avec six cents livres de cette même com-
position, je voulois faire une lentille de
vingt-six ou vingt-sept pouces de diamètre,
et de cinq pieds de foyer. J’espérois pouvoir
la fondre dans mon fourneau, dont à cet
effet j’avois fait changer la disposition inté-
rieure ; mais je reconnus bientôt que cela
n’étoit possible que dans les plus grands
fourneaux de verrerie. Il me falloit une masse
de trois pouces d’épaisseur sur vingt-sept ou
vingt-huit pouces de diamètre, ce qui fait
environ un pied cube de verre. Je demandai
la liberté de la faire couler à mes frais à la
manufacture de Saint-Gobin; mais les admi-
nistrateurs de cet établissement ne voulurent
pas me le permettre , et la lentille n’a pas
été faite. J’avois supputé que la chaleur de
cette lentille de vingt-sept pouces seroit à
celle de la lentille du Palais-Royal comme
19 sont à 6 ; ce qui est un très-grand effet,
attendu la petitesse du diamètre de cette
lentille, qui auroit eu onze pouces de moins
que celle du Palais-Royal.
Cette lentille, dont l’épaisseur au point
du milieu ne laisse pas d’ètre considérable,
est néanmoins ce qu’on peut faire de mieux
pour brûler à cinq pieds : on pourroit même
en augmenter le diamètre ; car je suis per-
suadé qu’on pourroit fondre et couler éga-
lement des pièces plus larges et plus épaisses
dans les fourneaux où l’on fond les grandes
glaces, soit à Saint Gobin, soit à Rouelles
en Bourgogne. J’observe seulement ici qu’on
perdroit plus par l’augmentation de l’épais-
seur qu’on ne gagneroit par celle de la sur-
face du miroir, et que c’est pour cela que,
tout compensé, je m’étois borné à vingt-six
ou vingt-sept pouces.
Newton a fait voir que quand les rayons
de lumière lomboient sur le verre sous un
angle de plus de quarante-sept ou quarante-
huit degrés, ils sont réfléchis au lieu d’ètre
réfractés. On ne peut donc pas donner à un
miroir réfrigent un diamètre plus grand que
la corde d’un arc de quarante-sept ou qua-
rante-huit degrés de la sphère sur laquelle
'fil!
il a été travaillé. Ainsi , dans le cas présen
pour brûler à cinq pieds , la sphère aya:
environ trente-deux pieds de circonférence
le miroir ne peut avoir qu’un peu plus 1
quatre pieds de diamètre : mais , dans <
cas , il auroit le double d’épaisseur de u
lentille de vingt-six pouces ; et d’ailleurs 1
rayons trop obliques ne se réunissent jama
bien.
Ces loupes de verre solide sont , de toi
les miroirs que je viens de proposer, 1
plus commodes, les plus solides, les moii
sujets à se gâter, et même les plus puissai
lorsqu’ils sont bien transparens , bien tr,
vaillés , et que leur diamètre est bien pri
portionné à la distance de leur foyer. Si l’c
veut donc se procurer une loupe de cet l ,e
espèce, il faut combiner ces différens objet/
et ne lui donner, comme je l’ai dit, qt|locl
vingt-sept pouces de diamètre pour brûleri rûjt
cinq pieds , qui est une distance commoc
pour travailler de suite et fort à l’aise c
foyer. Plus le verre sera transparent et p
sant, plus seront grands les effets ; la lumiè
passera en plus grande quantité en raist
de la transparence , et sera d’autant moit
dispersée , d’autant moins réfléchie , et j))|i
conséquent d’autant mieux saisie par
verre, et d’autant plus réfractée, qu’il se;
plus massif, c’est-à-dire spécifiquement plii
pesant. Ce sera donc un avantage que c
faire entrer dans la composition de ce verlr|
une grande quantité de plomb : et c’est p;
cette raison que j’en ai mis moitié, c’est-t-|ius j
dire autant de minium que de sable. Mai, Lo
quelque transparent que soit le verre de cirjL
lentilles, leur épaisseur dans le milieu et§à
non seulement un très-grand obstacle à
transmission de la lumière, mais encore Ui|m
empêchement aux moyens qu’on pourro
trouver pour fondre des masses aussi épai:m0)J
ses et aussi grandes qu’il le faudroit : pî SIt
exemple, pour une loupe de quatre piec ^
de diamètre, à laquelle on donneroit ut t(]j
foyer de cinq ou six pieds, qui est la distant , iD|j|
la plus commode, et à laquelle la lumière ,|ai
plongeant avec moins d’obliquité , aura pli ^
de force qu’à de grandes distances , il fai I ^
droit fondre une masse de verre de quatr
pieds sur six pouces et demi ou sept pouct
d’épaisseur, parce qu’on est obligé de 1
travailler et de l’user même dans la partie ] j |
plus épaisse. Or, il seroit très-difficile d f
fondre et couler d’un senl jet ce gros vc
lume, qui seroit , comme l’on voit , de cin
ou six pieds cubes ; car les plus amples eu (1..
vettes des manufactures de glaces ne con *
tiennent pas deux pieds cubes ; les plu
(
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
457
ides glaces de soixante pouces sur cent
1 gt , en leur supposant cinq lignes d’épais-
' *, ne font qu’un volume d’environ un
i cube trois quarts. L’on sera donc forcé
>e réduire à ce moindre volume , et de
ployer en effet qu’un pied cube et
ii , ou tout au plus un pied cube trois
rts de verre pour en former la loupe,
ncore aura-t-on bien de la peine à obte-
des maîtres de ces manufactures de faire
1er du verre à cette grande épaisseur,
ce qu’ils craignent , avec quelque raison ,
la chaleur trop grande de cette masse
isse de verre ne fasse fondre ou bour-
fler la table de cuivre sur laquelle on
ile les glaces, lesquelles n’ayant au plus
! cinq lignes d’épaisseur1, ne communi-
:nt à la table qu’une chaleur très-mé-
cre en comparaison de celle que lui
oit subir une masse de six pouces d’é-
sseur.
^1 Lentilles à échelons pour brûler avec la plus grande
vivacité possible.
rail
loi Je viens de dire que les fortes épaisseurs
'on est obligé de donner aux lentilles
squ’elles ont un grand diamètre et un
sb ter court , nuisent beaucoup à leur effet :
tpi e lentille de six pouces d’épaisseur dans
Imilieu de la matière des glaces ordinaires
brûle, pour ainsi dire, que par les bords,
ec du verre plus transparent, l’effet sera
is grand ; mais la partie du milieu reste
lai ours en pure perte, la lumière ne pou-
ce ht en pénétrer et traverser la trop grande
f aisseur. J’ai rapporté les expériences que
" : faites sur la diminution de la lumière
passe à travers différentes épaisseurs du
f| Jèrne verre ; et. l’on a vu que cette diminu-
® >n est très-considérable ; j’ai donc cherché
moyens de parer à cet inconvénient, et
trouvé une manière simple et assez aisée
diminuer réellement les épaisseurs des
||( htilles autant qu’il me plaît , sans pour
!i'8 la diminuer sensiblement leur diamèti'e et
>1“ ns allonger leur foyer.
811 Ce moyen consiste à travailler ma pièce
ili
1. On a néanmoins coulé à Sainî-Gobin, et à ma
I ière , des glaces de sept lignes, dont je me suis
rvi pour différentes expériences , il y a plus de
il ngl i .ns ; j’ai remis dernièrement une de ces glaces
trente-huit pouces en carré et de sept lignes
épaisseur, à M. de Bernières qui a entrepris de
’re des loupes à l’eau pour l’Académie des Scien-
> , et j’ai vu chez lui des glaces de dix lignes
épaisseur, qui ont été coulées de même à Saint-
ibin : cela doit faire présumer qu’on pourroit ,
ns aucun risque pour la table, en couler d’encore
us épaisses.
de verre par échelons. Supposons , pour me
faire mieux entendre , que je veuille dimi-
nuer de deux pouces l’épaisseur d'une len-
tille de verre qui a vingt-six pouces de dia-
mètre, cinq pieds de foyer et trois pouces
d’épaisseur au centre ; je divise l’arc de
cette leniille en trois parties, et je rapproche
concentriquement chacune de ces portions
d’arc, en sorte qu’il ne reste qu’un pouce
d’épaisseur au centre, et je forme de chaque
côté un échelon d’un demi-pouce, pour rap-
procher de même les parties correspon-
dantes : par ce moyen, en faisant un second
échelon, j’arrive à l’extrémité du diamèlre,
et j’ai une lentille à échelons qui est à très-
peu près du même foyer, et qui a le même
diamètre , et près de deux fois moins d’épais-
seur que la première ; ce qui est un très-
grand avantage.
Si l’on vient à bout de fondre une pièce
de verre de quatre pieds de diamètre sur
deux poucès et demi d’épaisseur, et de la
travailler par échelons sur un foyer de huit
pieds, j’ai supputé qu’en laissant même un
pouce et demi d’épaisseur au centre de cette
lentille et à la couronne intérieui’e des
échelons, la chaleur de celte lentille sera à
celle de la lentille du Palais-Royal comme
28 sont à 6 , sans compter l’effet de la diffé-
rence des épaisseurs , qui est très-considéra-
ble, et que je ne puis estimer d’avance.
Cette deinière espèce de miroir réfringent
est tout ce qu’on peut faire de plus parfait
en ce genre ; et quand même nous le rédui-
rions à trois pieds de diamètre sur quinze
lignes d’épaisseur au centre et six pieds de
foyer, ce qui en rendra l’exécution moins
difficile, on auroit toujours un degré de
chaleur quatre fois au moins plus grand que
celui des plus fortes lentilles que l’on con-
noisse. J’ose dire que ce miroir à échelons
seroit l’un des plus utiles instrumens de
physique ; je l’ai imaginé il y a plus de
vingt-cinq ans , et tous les savans auxquels
j’en ai parlé désireroient qu’il fut exécuté :
on en tireroit de grands avantages pour
l’avancement des sciences ; et , y adaptant un
héliomèlre, on pourroit faire à son foyer
toutes les opérations de la chimie aussi com-
modément qu’on le fait au feu des four-
neaux , etc.
Explication des figures qui représentent le fourneau
dans lequel j’ai fait courber des glaces pour faire des
miroirs ardens de différentes espèces.
Dans la planche 1, figure x, est le plan xlu four-
neau, au rez-de-chaussée, où l’on voit AHKB un
453
MINERAUX. INTRODUCTION.
vide qui sauve les inconvéniens du terre- plein sous
Pâtre du fourneau f ce vide est couvert d’une voûte,
comme on le verra dans l'es figures suivantes:
ER les écndriers, disposés eii sortie que l’ouver-
ture dé l’un est dans la face où se trouve le vent
de l’autre.
LL deux contre-forts qui affermissent la maçon-
nerie du fourneau.
MM dèU* autres contre forts, dont l’usage est le
même que celui de ceux ci-dessus , et qui n’en dif-
forent que parce qu’ils sonttin peu arrondis.
G. GG G plans de quatre barres de fer qui affer-
missent le fourneau ainsi qu’il sêra expliqué ci-
après.
La figure 2 est l’çîévation d’une des faces paral-
lèles à la ligne CD du plan précédent.
HK l’oùWHurè prfitî'qûée dans Pâtre du four-
neau', afin qu’il ne s'y trouve point d’humidité.
CC la bouche ou grande ouverture du fourneau.
A la petite ouverture pratiquée dans la face op-
posée , laquelle eét t’Oiité sémblnblè à celle t[ue la
même planché représente , à cètt'é différence près ,
que l’ouverture est plus petite.
Mm un des contre forts arrondis, à côté duquel
on voit le vent.
R ouverture par où Pair extérieur passe sous la
grille du foyer. ’
E le cendrier, iV le foyer, P la porte qui Je
ferme.
Ll un contre-fort carré.
GO, GO, deux dés 'barres de fer scellées en
ferre, et qui sont unies à celles qui sont pdséès à
l’aütre face parles tiens de fer DD, ainsi que Pon
verra dans une des figures suivantes.
OO deux barres de fer qui unissent ensemble Jes
deux barres GO, GO, et retiennent la •voûte de
l’ouverture 6’L’ qui est bombée.
mDBDl la voûte commune du fourneau et des
foyers , dont la figure est ellipsoïde; l’arrangement
des briques et autres matériaux qui composent le
fourneau së Coniioit àis'émeirt' pat la figure.
La figure 3 est la vue extérieure du fourneau
par une des faces parallèles à la ligne AB du plan,
figure 1 .
Ll , Mm, contre-forts.
H K extrémités de l’ouverture sous Pitre du
fourneau.
GOD, GOD, les barres de fer dont on a parlé,
qui sont unies ensemble par le lien DD.
Les liens DD Couchés sur la Voûte DRD sont
unis 'ensemble par un 'troisième lieu de fér.
Les figures précédentes font coftnoïtre l’extérieur
du fourneau. L’inférieur, plus intéressant, est re-
présenté dans les planches suivantes.
La figure 4 est une coupe horizontale du four-
neau par le milieu de lu grande bouche.
X est Pâtre que Pon a rendu concave sphérique.
EË les deux grilles qui séparent lë foyer du
cendrier, et sur lesquélles on met lé charbon : on a
supposé que la voûte était transparente , pour
mieux faire voir la direction des barreaux qui com-
posent les grilles.
A la petite ouverture, CC la grande.
DD les marges; LM, LM, les contre-forts
La figure 5 est la eoupe verticale du fourneau
suivant la ligi.*e CD du plan , ou selon lë grand axe
de l’ellipsoïde dont la voûte a la figure.
Z le vide sous Pâtre du fourneau.
GXK eavité sphérique pratiquée dans l’âtre du
fourneau, et sur laquelle la glace G K qui a
arrondie est posée, et dôût elle doit prendre exa1
ïÀèût'ta’’- figuré', après qu’elle âUfâ été 'ramollie
iê feu. '
FF les grilles ou foyer au dessous desque,
sont Jes cendriers.
DD lès marges qui empêchent les bords d(
glacé 'du côté dès foyers d’ètré trop tôt atteints’
le feu. 1 " • " ' - ■■ i
ÇBÇ la voûte, CC lunettes que l’on ouvre
ferme à volonté en les couvrant d’un carreau
terré' ctiitè , 'LM' côiitre’-foifts.'
La figure 6 représente ja coupe du fourneau j
un plan vertical-, qui passe par la ligne AB
plan.
HUI, le vide sous Pâtre du fourneau.
GXK eavifè sphérique pratiquée dans l’àtre
fournéâu, et 'sur laquelle ja glace X est déjà 1
plitjuée.
DD une des marges, P la grande ouvertu
Q Ta petite , CC lunèftès.
CRC la voûte coupée transversalement ou se
le 'petit ave dè P ellipsoïde; On jugera de la grc
deur de chaque partie (Je ce fourneau par '
échelles qui sont au bas de chaque figure, qui*
été exactement levées sur le fourneau qui Ptoît' '
Jardin royal des Plantes, par M. Goussier.
Grand miroir de réflexion , appelé siîp.oir
u’archimede.
Planche 2 , figure 1. Ce miroir est composé
trois cent soixante glaces montées sur un châssis e
fer ÇPEF ; chaque glace est mobile , pour que
images réfléchies par châèuh'ë "puissent être ri
vbyéës Tëi’S îè- mèmè point ,'ét colnéïdër dans'
même espace. ..
Le châssis , qui a deux tourillons , est porté j
une pièce de fer composée de deux montais A
LA , assemblés' à t créons et ihoïiofseS dans la cc
ché Z O ; ils sont1 asstijeftis dans eéttc situation' j
la traverse af) , et par trois .étais à ciaacun X, Q,
fixés en P dans le. corps du montant MB, et assc
blés par le bas dans une courbe jYÔ Q qui leur si
d’empâlëmént ; cés .courbés ont dès entailles q kt
fe'éôivèiît des roulettes", au ùibyéra desquelles c© «:
machiné, quoique fort pesante, peut tourner jib «e
ment sür le plancher de bois XX Y, étant assujel
au centre dé cette plate-forme par Taxe RS' jl
passé dhns les deux traverses Z O , àb ; 'ehnq
montant porte aussi à sa partie inférieure une' re
lette , en sorte que toute la machine est portée p
dix roulettes • la plate-forme de bois est recouvei-
de bandes de fér dans la rouette des roulettes sa |«tf
cette attention !a plate-forme de sèrô'rt pas de lo
gue duréè.
La plate-fonne est portée par quatre fortes re «li
lettes de bois, dont l’usage est de faciliter le 1
port de toute la machine d’un lieu à un aVitr
Pour pouvoir varier à volonlé Jes inclinaisons é A
miroir, et pouvoir l'assujettir dans la situation q
l’on juge à propos, on a adapté la crémaillère ,
qui est unie avec des cercles ; ccttc crémaillère <
menée par un pignon en. lanterne , dont la tige
traverse le montant et un des étais, et est ter min
par une manivelle K, au moyen de laquelle on 1
cline ou 00 redresse Je miroir à discrétion.
Jusqu’à présent nous n’avons expliqué que
construction générale du miroir ; reste à expliqu
par quel artifice on parvient à faire que les hnsg
différentes, réfléchies par les différens miroirs, so
jnne
PARTIE EXPERIMENTALE. 4?0
i ates renvoyées au même point, et c’est à quoi
it destinées les figurés suivantes.
i Figure 2. XZ une portion clés barres qui occu-
ht le derrière dü miroir; ceS barres sont au nom-
ordsj e v'ngt, et disposées horizontalement ,' en
Iteinl rte que leur plan est parallèle au plan du miroir;
acuiie de ces barres a dix-huit entailles TT, et le
Min :me nombre d’éminencéà VW qui ' lés séparent :
: > barres sont assujetties aux côtés verticaux du
assis du miroir par des vis , et entre elles par
fis ou quatre barres verticales , auxquelles elles
msrf >t assujetties par des vis. Vis à-vi’s de chaque en-
, ./ n lie TT il ÿ a des poupées TA , TD , qui y sont
ées par les écrous GG, qui prennent la partie
■audée de la queue de la poupée , après qu’elle
l'jM traversé l’épaisseur (Je la barre; les parties supé-
! - :ures de chaque poupée , qui sont percées , ser-
nt de collets aux tourillons de la croix dont nous
mr(i ons parler ; cette croix, représentée figures 3 et 5,
; un morceau dé cuivre ou de fér, dont la figure
„ j t conimître l’a Forme.
|a„j CD les tourillons qui entrent dans les trous pra-
, J ues à chaque poupée, en sorte qu’elle se peut
‘j )uvoir librement dans ces trous.
0jj La vis ML, après avoir traversé l’éminence V,
I s’appuyer en dessous contre l’extrémité infé-
feure B du croisillon BA; en même temps leres-
|rt K va s’appliquer contre l’autre extrémité A
111 même croisillon ; en sorte que lorsque l’on fait
uénêr la vis en montant, le ressort en se rétablis-
jnt fait que la partie B du croisillon se trouve
pi ,j Ujours appliquée sur la pointe de la vis : il résulte
ài-sit I cette Construction un mouvement de ginglyme
qjj charnière , dont l’axé est BC, figuré ?..
irJ Ce seul mouvement ne suffisant pas, on en a pra-
,y ué un autre , dont l’axe de mouvement croise à
Igle droit le premier.
)ri('l (Aux deux extrémités A et B du croisillon AB,
a adapté deux petites poupées BH, AK , fig. 5,
la| tenues, comme les précédentes , par des vis et
M s écrous.
-JL |Les trous HA , qui sont aux parties supérieures
asj ces poupées, reçoivent les tourillons Z>6’, fig. 4>
, rj une plaque de fer que nous avons appelée porte-
y ice , qui peut se mouvoir librement sur les pou-
BC| |éé, et s’incliner sur l’axé CD du premier îriou-
ment par le moyen de la vis FG, pour laquelle
jJ a réservé un bossage E dans le croisillon AB ,
ijf'j n de lui servir d’écrous dormans : celte vis s’ap-
(j, [que par E contre la partie BBC du porte-glace,
r8 force cette partie à monter lorsqu’on tourne la
,;tj L ; mais lorsqu’on vient à lâcher cette vis, le i'és-
!|:v; rt L qui s’applique contre la partie BAC du
;Si irte-glace , la force à Suivre toujours la pointé
, |j | la vis: au moyen de ces deux mouvemèns de
1 ngly'me , on peut donner à la glace qui est reçue
„ r les crochets ACB du porte-glace, telle direc-
ia: |>n que l’on souhaite, et par ce moyen faire coïn-
ler l’image du soleil réfléchie pàr uiie glacé, avec
-, lie qui est réfléchie par une autre.
:[l (j
n1 La figure 6 représente le porte-glace vu par der-
tï| Ire, ou l’on voit la vis FEG qui s’applique en G
.e >rs de l’axe de mouvement HK , et le ressort L
injj î s’applique en L de l’autre côté de l’axe de
;ii Hivernent.
? La figure 7 représente le porte-glace vu en des-
f s , et garni de la glace A'CBD ; le reste est expli-
:iiî é dans les autres figures.
Miroir de réflexion rendu concave par fa pression d’une
; Vi's appliquée du céiïtYe.
La figure 8 représente le miroir monté sur son
pied , BBC la fourchtettê qui' porté lé miroir ; cette
fourchette est 'irtobilfe dans l'axé vertical , et est
rêtenufe sur le'pîcd' à ‘ trois braiichéS FFF par
l’écrou G.' ! ‘ ’ ' :
DE lé' régulateur des inclinaisons.
A la tète de la vis placée au centre du miroir,
rendu concavé par stfn moyen.
La figure 9 représente le miroir vu par sa partie
postérieure, BC les’ tourillons qui entrent dans les
collets dé’ la fourchèttte.
F G une barre de fer fixée sur l’anneau de même
métal qui entouré l'a1 glace : cétte barre sert de
point d’appui à là vis DE qui comprimé la glace.
BHCK l’ànhèâü ou 1 eercîe dé fer sur lequel la
glace est appliquée ; ce céreïé doit être exactement
plan et parfaitement ciculaire : on couvre la partie
sur laquelle la glace s’applique, avec de la peau ,
du cuir' ou de l’étoffe , ‘ poiii* que le contact soit
plus immédiat, et que la glacé ne soit point ex-
posée à rompre.
Miroir de réflexion rendu concave par la pression de
l’atmosphère.
Figure 10. Ce miroir consiste en un tambour ou
cylindre , dont une des bases est la glace, et l’autre
une plaque de fer.
AB la glace parfaitement plane, C une lentille
taillée dans l’épaisseur même de la glace.
BM la hauteur du cylindre aux extrémités du
diamètre horizontal TL, duquel sortent deux tou-
rillons, qui entrent dans les yeux de la fourchette,
ainsi qu’il est expliqué en parlant du miroir de
réfraction. . '
MO le régulateur des inclinaisons.
iVrle collet par lequel il passe, et la vis qui sert
à l’y fixer.
RSPQ le pied qui est semblable à celui du mi-
roir de réfraction , à cétte différence près , qu’il est
de bois , èt que les pièces ont un contour moins
orné; du reste sa fonction est la même.
Figure 11 est le profil du miroir coupé par un
plan qui passe par l’axe du cylindre, et auquel on
suppose que l’œil est perpendiculaire.
AB la glace dont on voit lepaisseur.
C la lentille qui y est entaillée^ et dont le foyer
tombé sué le'point e." '
ED la base dit cylindre , qui est une plaque de
fer.
AE , BD, la hauteur et la coupe de la surface
cylindrique.
Uné mèche soufrée que l’on fait entrer dans la
catité du miroir, après avoir ôté la vis K , dont
l’écrou est un cube solidement attaché à la plaqué
dé fer qui sert de fond aü miroir.
G la même vis représentée séparément ; II une
rondelle dé cuir que l’on' inet 'entre la tète de la
vis et son écron pour fermer entièrement le passage
à l’air.
abc la courbure que la glace prend, après que
l’air que le cylindré contient a été consommé par
la flamme de la bougie à laquelle la lentille C a
mis le feu.
DEE le régulateur des inclinaisons , qui est as-
semblé à charnière au point D.
46 o
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
Autre miroir de réflexion.
Planche 3, figure i. Il consiste aussi en un cy-
lindre ou tambour de fer, dont une des bases est
une glace parfaitement plane ; la base opposée est
une plaque de fer qui est fortifiée par les règles
4
dure pas, à beaucoup près, aussi long temps
que les couleurs bleues et vertes produites
par le jaune et par le rouge.
De même, en regardant fixement et long-
temps une tache bleue sur un fond blanc ,
on voit naître autour de la tache bleue une
couronne blanchâtre un peu teinte de rouge;
et en cessant de regarder la tache bleue , et
portant l’œil sur le fond blanc, on voit une
tache d’un rouge pâle , toujours de la même
figure et de la même grandeur que la tache
bleue , et cette apparence ne dure pas plus
long-temps que l’apparence pourpre pro-
duite par la tache verte.
En regardant de même avec attention une
tache noire sur un fond blanc, on voit naître
autour de la tache noire une couronne d’un
blanc vif; et cessant de regarder la tache
noire , et portant l’œil sur un autre endroit
du fond blanc, on voit la figure de la tache
exactement dessinée et d’un blanc beau-
coup plus vif que celui du fond : ce blanc
n’est pas mal ; c’est un blanc brillant, sem-
blable au blanc du premier ordre des an-
neaux colorés décrits par Newton ; et , au
contraire , si on regarde long - temps une
tache blanche sur un fond noir, on voit la
tache blanche se décolorer; et en portant
l’œil sur un autre endroit du fond noir, on
y voit une tache d’un noir plus vif que celui
du fond.
"Voilà donc une suite de couleurs acciden-
telles, qui a des rapports avec la suite des
couleurs naturelles: le rouge naturel produit
le vert accidentel , le jaune produit le bleu ,
le vert produit le pourpre, le bleu produit le
rouge , le noir produit le blanc , et le blanc
produit le noir. Ces couleurs accidentelles
n’existent que dans l’organe fatigué, puis-
qu’un autre œil ne les aperçoit pas : elles ont
même une apparence qui les distingue des
couleurs naturelles; c’est qu’elles sont ten-
dres, brillantes, et qu’elles paroissent être à
différentes distances, selon qu’on les rap-
porte à des objets voisins ou éloignés.
Toutes ces expériences ont été faites sur
des couleurs mates avec des morceaux de
papier ou d’étoffes colorées : mais elles réus-
sissent encore mieux lorsqu’on les fait sur
des couleurs brillantes , comme avec de l’or
brillant et poli, au lieu de papier ou d’étoffe
jaune; avec de l’argent brillant, au lieu de
papier blanc; avec du lapis, au lieu de pa-
pier bleu , etc. : l’impression de ces couleurs
brillantes est plus vive et dure beaucoup
plus long-temps.
Tout le monde sait qu’après avoir regardé
le soteil , on porte quelquefois pendant long-
MlNÉRAUX. INTRODUCTION.
temps l’image colorée de cet astre sur t
les objets; la lumière trop vive du sc
produit en un instant ce que la lumière
dinaire des corps ne produit qu’au fc
d’une minute ou deux d’application fixe
l’œil sur les couleurs. Ces images coloi
du soleil , que l’œil ébloui et trop forlem
ébranlé porte partout, sont des couleurs
même genre que celles que nous venons
décrire; et l’explication de leurs apparei b
dépend de la même théorie. j;«
Je n’entreprendrai pas de donner ici if»1
idées qui me sont venues sur ce sujet ; qi p
que assuré que je sois de mes expérienc e
je ne suis pas assez certain des conséquer
qu’on en doit tirer, pour oser rien hasar
encore sur la théorie de ces couleurs,
me contenterai de rapporter d’autres ob.
vations qui confirment les expériences prit m
dentes, et qui serviront sans doute à éclait itr
cette matière.
En regardant fixement et fort long-ter
un carré d’un rouge vif sur un fond bla lit
on voit d’abord naître la petite couronne t
vert tendre dont j’ai parlé ; ensuite , en ci xe
tinuant à regarder fixement le carré rou
on voit le milieu du carré se décolorer, ai
les côtés se charger de couleur, et forr ro
comme un cadre d’un rouge plus fort' au
beaucoup plus foncé que le milieu; ensui icu
en s’éloignant un peu et continuant à roi
garder toujours fixement , on voit le ca' un
de rouge foncé se partager en deux dans ou
quatre côtés, et former une croix d’un rotiou
aussi foncé : le carré rouge paroît a|i I
comme une fenêtre traversée dans son i '
lieu par une grosse croisée et quatre p;
neaux blancs; car le cadre de cette esp re
de fenêtre est d’un rouge aussi fort que (
croisée. Continuant toujours à regarder a' p
opiniâtreté, cette apparence change enco L
et tout se réduit à un rectangle d’un roi L
si foncé, si fort, et si vif, qu’il offusqL
entièrement les yeux. Ce rectangle est de L
même hauteur que le carré ; mais il n’a j
la sixième partie de sa largeur : ce point
le dernier degré de fatigue que l’œil pe
supporter; et lorsqu’enfin on détourne i’(
de cet objet , et qu’on le porte sur un aul
endroit du fond blanc, on voit, au lieu i
carré rouge réel , l’image du rectangle rou
imaginaire, exactement dessinée et d’u
couleur verte brillante. Cette impressi
subsiste fort long-temps , ne se décolore q
peu à peu ; elle reste dans l’œil , même apr
l’avoir fermé. Ce que je viens de dire < i t(
carré rouge arrive aussi lorsqu’on regan
très-long temps un carré jaune ou noir, < *
W §-
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
465
ppan
toute autre couleur ; on voit de même le
sut Ire jaune ou noir, la croix et le rectangle;
du l’impression qui reste est un rectangle
i tu, si on a regardé le jaune; un rectangle
ai me brillant, si on a regardé un carré
0 lu ir, etc.
col J’ai fait faire les expériences que je viens
lotie rapporter, à plusieurs personnes; elles
itihi i vu, comme moi , les mêmes couleurs et
Di mêmes apparences. Un de mes amis m’a
uré, à cette occasion, qu’ayant regardé
jour une éclipse de soleil par un petit
rit u, il avoil porté, pendant plus de trois
ijet;i naines, l’image colorée de cet astre sur
lérieii is les objets; (pie quand il llxoit ses yeux
>é(|ue • du jaune brillant, comme sur une bor-
iliasa re dorée, il voyoit une tache pourpre; et
leurs, • du bleu, comme sur un toit d ardoises,
•es ol e tache verte. J'ai moi-même souvent re-
cespi -dé le soleil, et j’ai vu les mêmes eou-
àécli rs : mais je craignois de me faire mal
I x yeux en regardant cet astre, j’ai mieux
u' tel né continuer nu s expériences sur des
ni bü iffes colorées ; et j’ai trouvé qu’en effet ces
Ml Pleurs accidentelles changent en se mêlant
me ec les couleurs naturelles , et qu’elles sui-
ioi ut les mêmes règles pour les apparences :
lord r lorsque la couleur verte accidentelle ,
for] oduite par le rouge naturel , tombe sur un
s for [id rouge brillant, cette couleur verte de-
eiisu *ut jaune; si la couleur accidentelle bleue,
it à oduite par le jaune vif, tombe sur un fond
lect ine, elle devient verte : en sorte (pie les
dans uleurs qui résultent du mélange de ces
îDi’l uleurs accidentelles avec h s couleurs natu-
lit al les suivent les mêmes règles et ont les
son] ïmes apparences que les couleurs naturelles
ir p ns leur composition et dans leur mélange
; esp ec d’autres couleurs naturelles.
1 (|M Ces observations pourront être de quelque
fffi ilité pour la connoissance des ineommo-
eiaco és des yeux, qui viennent probablement
moi m grand ébranlement causé par l’impres-
iffusj >n trop vive de la lumière. Une de ces
ml de pommodités est de voir toujours de\ant ses
n’aj jux des taches colorées, des cercles blancs ,
oint des points noirs comme des mouches qui
il pi liigent. J’ai ouï bien des personnes se
■nef lindre de cette espèce d’incommodité; et
mao i lu dans quelques auteurs de médecine
lien; le la goutte sereine est toujours précédée
ei’Oil f ces points noirs. Je ne sais pas si leur
d'n intiment est fondé sur l’expérience , car
i éprouvé moi-même cette incommodité;
i vu des points noirs pendant plus de
ois mois en si grande quantité, que j’en
is fort inquiet ; j’avois apparemment fati-
■egaj ié mes yeux en faisant et en répétant trop
Büffon. I.
souvent les expériences précédentes, et en
regardant quelquefois le soleil; car les points
noirs ont paru dans ce même temps , et je
nen avois jamais mi de ma vie; mais enfin
ils m'incommodoient tellement, surtout lors-
que je regardois au grand jour des obje’s
fortement éclairés, que j’é ois contraint de
détourner les yeux ; le jaune surtout m’étoit
insupportable, et j’ai été obligé de changer
des rideaux jaunes dans la chambre que
j’habitois , et d'en mettre de veits; j'ai évité
de regarder toutes les couleurs trop furies
et tous les objets brillans. l'eu à peu le nom-
bre des points noirs a diminué, et actut Hu-
ment je n’en suis plus incommodé, ( e qui
m’a convaincu (pie ces points noirs viennent
de la trop forte impression de la lumière,
c’est qu’après avoir regardé le soleil j ai
toujours vu une image colorée que je por-
tons plus ou moins long-temps sur tous les
objets; et, suivant a\ec attention le^ diffé-
rentes nuances de ce!te image colorée, j’ai
reconnu quelle se décoloroit peu à peu, et
qu’à la fin je ne portois plus sur les objets
qu’une tache noire, d abord assez grande,
qui dimiuuoit ensuite peu à peu , et se ré-
duisoit enfin à un point noir.
Je vais rapporter à celle occasion un fait
qui est assez remarquable; c’est (pie je n’é-
lois jamais plus incommodé de ces points
noirs que quand le ciel ét> it couvert de
nuées blair hes ; ce jour me iàtiguoil beau-
coup plus que la lumière d’un ciel serein ,
et cela parce qu’eu effet la quantité de lu-
mière réfléchie par un ciel couvert de nuées
blanches est beaucoup plus grande que la
quant. lé de lumière réfléchie par l’air pur,
et qu’à l’exception des objets éclairés immé-
diatement par les rayons du soleil, tous les
autres obje’s qui sont dans l’ombre sont
beaucoup moins éclairés que ceux qui le sont
par la lumière réfléchie d’un ciel couvert de
nuées blanches.
Avant que de terminer ce mémoire , je
crois devoir encore annoncer un fait (pii pa-
roîtra peut-être extraordinaire, mais qui
n’en est pas moins certain , et que je suis
fort étonné qu’on n’ait pas observé; c’est
que les ombres des corps, qui , par leur es-
sence, doivent êtres noires, puisqu’elles ne
sont que la privation de la lumière; que les
ombres , dis-je , sont toujours colorées au
lever et au coucher du soleil. J’ai observé ,
pendant l’été de l’année 1743, plus de
trente aurores et autant de soleils couchans;
toutes les ombres qui tomboient sur du
blanc, comme sur une muraille blanche,
étoient quelquefois vertes , mais le plus sou-
3o
466 MINÉRAUX. INTRODUCTION.
vent bleues , et d’un bleu aussi vif que le
plus bel azur. J’ai fait voir ce phénomène à
plusieurs personnes qui ont été aussi sur-
prises que moi. La saison n’y fait rien ; car
il n’y a pas huit jours (i5 novembre 1743)
que j’ai vu des ombres bleues : et quiconque
voudra se donner la peine de regarder l’om-
bre de l’un de ses doigts , au lever ou au
coucher du soleil , sur un morceau de pa-
pier blanc, verra comme moi cetle ombre
bleue. Je ne sache pas qu’aucun astronome,
qu’aucun physicien , que personne , en un
mot , ait parlé de ce phénomène , et j’ai cru
qu’en faveur de la nouveauté on me per-
met I roi t de uonner le précis de celte obser-
vation.
Au mois de juillet 1743, comme j’étois
occupé de mes couleurs accidentelles , et
que je cherchois à voir le soleil , dont l’œil
soutient mieux la lumière à son coucher
qu'a toute autre ht ure du jour, pour recon-
noiire ensuite les couleurs, et les change-
nt eus de couleurs causés par cette impres-
sion, je remarquai que les ombres des
arbres qui tomboient sur une muraille
blanche ét oient vertes. J’étois dans un lieu
élevé, et le soleil se couchoit dans une
gorge de montagne , en sorte qu’il me pa-
roissoit fort abaissé au dessous de mon ho-
rizon : le ciel étoit serein , à l’exception du
couchant, qui , quoiqu’exempt de nuages,
étoit chargé d’un rideau transparent de va-
peurs d’un jaune rougeâtre, le soleil lui-
mêine fort rouge, et sa grandeur apparente
au moins quadruple de ce qu’elle est à midi.
Je vis donc très-distinctement les ombres
des arbres qui étoieut à vingt et trente pieds
de la muraille blanche colorées d’un vert
tendre tirant un peu sur le bleu ; l’ombre
d’un treillage qui étoit à trois pieds de la
muraille étoit parfaitement dessinée sur
celte muraille, comme si on l’avoit nouvel-
lement peinte de vert-de-gris. Cette appa-
rence dura près de cinq minutes, après quoi
la couleur s’affoiblit avec la lumière du so-
leil , et ne disparut entièrement qu’avec les
ombres. Le lendemain, au lever du soleil ,
j’allai regarder d’autres ombres sur une mu-
raille blanche ; mais au lieu de les trouver
vertes , comme ^e m’y attendois , je les
trouvai bleues , ou plutôt de la couleur de
l’indigo le plus vif. Le ciel étoit serein , et
il n’y avoit qu’un petit rideau de vapeurs
jaunâtres au levant : le soleil se levoit sur
une colline , en sorte qu’il me paroissoit
élevé au dessus de mon horizon. Les ombres
bleues ne durèrent que trois minutes , après
quoi elles nie parurent noires. Le même
jour , je revis , au coucher du soleil ,
ombres vertes , comme je les avois vues
veille. Six jours se passèrent ensuite sa
pouvoir observer les ombres au coucher :
soleil , parcè qu’il étoit toujours couvert
nuages. Le septième jour, je vis le soleil
son coucher ; les ombres n’étoient pl
vertes , mais d’un beau bleu d’azur : je 1
marquai que les vapeurs n’étoient pas fc
abondantes , et que le soleil , ayant avan
pendant sept jours , se couchoit derrière i
rocher qui le faisoit disparoitre avant qu
put s’abaisser au dessous de mon horizo
Depuis ce temps, j’ai très-souvent obser
les ombres, soit au lever, soit au coucher t
soleil , et je ne les ai vues que bleues , que
quefois d’un bleu fort vif, d’autres fois d’i
bleu pâle , d’un bleu foncé , mais constan
ment bleues.
Ce mémoire a été imprimé dans ceux c
l’Académie royale des Sciences, année 1 74^
Yoici ce que je crois devoir y ajouter ai
jourd’lrui (année 1773) :
Des observations plus fréquentes m’oi
fait reeonnoître que les ombres ne parois
sent jamais vertes au lever ou au couche
du soleil que quand l’horizon est chargé d
beaucoup de vapeurs rouges ; dans tout ai
tre cas , les ombres sont toujours bleues, é
d’autant plus bleues que le c-iel est pin
serein. Cette couleur bleue des ombres n’es
autre chose que la couleur même de l’air
et je 11e sais pourquoi quelques physicien
ont défini l’air un fluide invisible , inodore
insipide , puisqu’il est certain que l’azur cê
leste n’est autre chose que la couleur di
l’air ; qu’à la vérité il faut une grande épais
seur d’air pour que notre œil s’aperçoive d< |
la couleur de cet élément; mais aue néan-
moins lorsqu’on regarde de loin des objet!
sombres , on les voit toujours plus ou moirn
bleus. Cette observation , que les physiciens
n’avoient pas faite sur les ombres et sur les
objets sombres vus de loin , n’avoit pad
échappé aux habiles peintres , et elle doit
en effet servir de base a la couleur des ob-
jets lointains , qui tous auront une nuancej
bleuâtre d’autant plus sensible qu’ils seront
supposés plus éloignés du point de vue.
On pourra me demander comment cette
couleur bleue, qui n’est sensible à notre œiS f1
nnp mianrl il v a nnp trPS-Érranrlp pnaiçspulH F
que quand il y a une très-grande épaisseuî
d’air, se marque néanmoins si fortement à ;
quelques pieds de distance au lever et au ,
coucher du soleil; comment il est nnssihtüjr
que cette couleur de l’air, qui est à peine] |T
sensible à dix mille toises de distance , j|
puisse donner à l’ombre noire d’un treillage
PARTIE EXPÉRIMENTALE,
467
1 n’est éloigné de la muraille blanche que
trois pieds une couleur du plus beau
u : c’est en effet de la solution de cette
'! istion que dépend l’explication du plié-
1 nène. Il est certain que la petite épars-
r d’air qui n’est que de trois pieds entre
' jreillage et la muraille ne peut pas donner
1 t couleur noire de l’ombre une nuance
si forte de bleu : si cela étoit , on verroit
îidi et dans tous les autres temps du jour
ombres bleues comme on les voit au
IM ;r et au coucher du soleil. Ainsi cette
arence ne dépend pas uniquement , ni
ne presque point du tout , de l’épaisseur
l’air entre l’objet et l’ombre. Mais i) faut
sidérer qu’au lever et au coucher du so-
la lumière de cet astre étant affoiblie
surface de la terre , autant qu’elle peut
e par la plus grande obliquité de cet
e , les ombres sont moins denses , c’esl-
re moins noires dans la même propor-
, et qu’en même temps la terre n’étant
éclairée que par cette foible lumière du
il , qui ne fait qu’en raser la superficie ,
lasse de l’air, qui est plus élevée, et qui
conséquent reçoit encore la lumière du
u !il bien moins obliquement, nous renvoie
\ e lumière , et nous éclaire alors autant
ç >eut-être plus que le soleil. Or cet air
et bleu ne peut nous éclairer qu’en
renvoyant une grande quantité de
ei ms de sa même couleur bleue ; et lors-
ces rayons bleus , que l’air réfléchit ,
beront sur des objets privés de toute
couleur comme les ombres , ils les
’Pai dront d’une plus ou moins forte nuance
>leu , selon qu’il y aura moins de lumière
111 cte du soleil, et plus de lumière réfléchie
l’atmosphère. Je pourrois ajouter plu-
,lû rs autres choses qui viendroient à l’appui
ette explication ; mais je pense que ce
je viens de dire est suffisant pour que
ions esprits l’entendent et en soient sa-
its.
s crois devoir citer ici quelques faits ob-
és par M. l’abbé Millot , ancien grand-
ire de Lyon, qui a eu la bonté de me
communiquer par ses lettres des 1 8 août
4 et 10 février 1 7 55, doni voici l’extrait:
n’est pas seulement au lever et au cou-
i®1 • du soleil que les ombres se colorent,
îidi , le ciel étant couvert de nuages ,
pté en quelques endroits, vis-à-vis d’une
es ouvertures que laissoient entre eux
Pe# mages , j’ai fait tomber des ombres d’un
i® i beau bleu sur du papier blanc , à quel-
àl® pas d’urte fenêtre. Les nuages s’étant
'
joints , le bleu disparut, j’ajouterai , en pas-
sant , que plus d’une fois j’ai vu l’azur du
ciel se peindre comme dans un miroir, sur
une muraille où la lumière tomboii oblique-
ment. Mais voici d’autres observations plus
importantes, à mon avis; avant que d’en
faire le détail, je suis obligé de tracer la
topographie de ma chambre. Elle est à un
troisième étage ; la fenêtre près d’un angle
au couchant , la porte presque vis-à-vis.
Cette porte donne dans une galerie au bout
de laquelle , à deux pas de distance , est
une fenêtre située au midi. Les jours des
deux fenêtres se réunissent , la porte étant
ouverte, contre une des murailles; et c’est
là que j’ai vu des ombres colorées presque
à toute heure , mais principalement sur les
dix heures du matin. Les rayons du soleil,
que la fenêtre de la galerie reçoit encore
obliquement , ne tombent point , par celle
de la chambre, sur la muraille dont je viens
de parler. Je place à quelques pouces de
celte muraille des chaises de bois à dossier
percé. Les ombres en sont alors de couleurs
quelquefois très-vives. J’en ai vu qui , quoi-
que projetées du même côté , étoient l’une
d’un vert foncé, l’autre d’un bel azur.
Quand la lumière est tellement ménagée ,
que les ombres soient également sensibles
de part et d’autre, celle qui est opposée à
la fenêtre de la chambre est ou bleue ou
violette ; l’autre tantôt verte, tantôt jaunâtre.
Celle-ci est accompagnée d’une espèce de
pénombre bien colorée , qui forme comme
une double bordure bleue d’un côté , et, de
l’autre , verte ou rouge , ou jaune , selon
l’intensité de la lumière. Que je ferme les
volets de ma fenêtre , les couleurs de cette
pénombre n’en ont souvent que plus d’éclat;
elles disparoissent si je ferme la porte à
moitié. Je dois ajouter que le phénomène
n’est pas à beaucoup près si sensible en
hiver. Ma fenêtre est au couchant d’été : je
fis mes premières expériences dans cette
saison, dans un temps où les rayons du so-
leil tomboient obliquement sur la muraille
qui fait angle avec celle où les ombres se
coloroient. »
On voit par ces observations de M, l’abbé
Millot qu’il suffit que la lumière du soleil
tombe très- obliquement sur une surface
pour que l’azur du ciel, dont la lumière
tombe toujours directement, s’y peigne et
colore les ombres : mais les autres appa-
rences dont il fait mention ne dépendent que
de la position des lieux et d’autres circon
stances accessoires.
3o.
468 MINÉRAUX. INTRODUCTION.
HUITIÈME MÉMOIRE.
Expériences sur la pesanteur du feu et sur la durée de V incandescence,
■ Mi
re
Je crois devoir rappeler ici quelques-unes
des choses que j’ai dites dans l’introduction
qui précède ces mémoires, afin que ceux
qui ne les auraient pas bien présentes puis-
sent néanmoins entendre ce qui fait l’objet
de celui-ci. Le feu ne peut guère exister
sans lumière et jamais sans chaleur, tandis
que la lumière existe souvent sans chaleur
sensible , comme la chaleur existe encore
plus souvent sans lumière; l’on peut donc
considérer la lumière et la chaleur comme
deux propriétés du feu , ou plutôt comme
les deux seuls effets par lesquels nous le re-
connoissons : mais nous avons montré que
ces deux effets ou ces deux propriétés ne
sont pas toujours essentiellement liés ensem-
ble , que souvent ils ne sont ni simultanés
ni contemporains, puisque, dans de cer-
taines circonstances, on sent de la chaleur
long-temps avant que la lumière paroisse ,
et que , dans d’autres circonstances, on voit
de la lumière long temps avant de sentir de
la chaleur, et même souvent sans en sentir
aucune, et nous avons dit que, pour rai-
sonner juste sur la nature du feu, il falloit
auparavant tâcher de reconnoître celle de la
lumière et celle de la chaleur, qui sont les
principes réels dont l’élément du feu nous
paroît être composé.
Nous avons vu que la lumière est une
matière mobile, élastique et pesante, c’est-
à-dire susceptible d’attraction, comme toutes
les autres matières : on a démontré qu’elle
est mobile , et même on a déterminé le de-
gré de sa vitesse immense par le très-petit
temps qu’elle emploie à venir des satellites
de Jupiter jusqu’à nous ; on a reconnu son
élasticité, qui est presque infinie, par l’éga-
lité de l’angle de son incidence et de celui
de sa réflexion ; enfin sa pesanteur, ou , ce
qui revient au même , son attraction vers
les autres matières , est aussi démontrée par
l’inflexion qu’elle souffre toutes les fois
qu’elle passe auprès des autres corps. On ne
peut donc pas douter que la substance de la
lumière ne soit une vraie matière, laquelle,
indépendamment de ses qualités propres et
particulières, a aussi les propriétés générales
un
i. Je sais que quelques chimistes prétendent t
les métaux renlus fluides par le feu ont plus
et communes à toute autre matière. Tl en
de même de la chaleur : c’est une matii
qui ne diffère pas beaucoup de celle de
lumière ; et ce n’est peut-être que la luniij
elle-même qui , quand elle est très-forte
réunie en grande quantité, change de forn
diminue de vitesse, et, au lieu d’agir «
le sens de la vue, affecte les organes
toucher. On peut donc dire que , relatin
ment à nous, la chaleur n’est que le toucl
de la lumière, et qu’en elle-même la chalti
n’est qu’un des effets du feu sur les cor|
effet qui se modifie suivant les diffère»!
substances, et produit dans toutes une dii
tation, c’est-à-dire une séparation de 1er
parties constituantes: et lorsque, par ce
dilatation ou séparation , chaque partie
trouve assez éloignée de ses voisines pc
être hors de leur sphère d’attraction ,
matières solides, qui n’étoient d’abord q
dilatées par la chaleur, deviennent fluide!
et ne peuvent reprendre leur solidité qu’t
tant que la chaleur se dissipe, et permet a
parties désunies de se rapprocher et se jo
dre d’aussi près qu’auparavant *.
Ainsi toute fluidité a la chaleur pc
cause , et toute dilatation dans le^ corps d
être regardée comme une fluidité contint
çante; or nous avons trouvé, par l’exf
rience, que les temps du progrès de la cl
leur dans les corps, soit pour l’entrée, s
pour la sortie, sont toujours en raison
leur fluidité ou de leur fusibilité, et il d< «j
s’ensuivre que leurs dilatations respecté
la.
pesanteur spécifique que quand ils sont solidi'jP
livi len
mais j’ai de ta peine à le croire ; car il s’ensuivi
que leur état de dilatation, où cette pesanteur sj
cifique est moindre, ne seroit pas le premier dej
de leur état de fusion, ce qui néanmoins par
indubitable. L’expérience sur laquelle ils fond
leur opinion c’est que le métal en fusion suppo
le même métal solide, et qu’on le voit nager à
surface du métal fondu ; mais je pense que cet e)
ne vient que de la répulsion causée par la chale
et ne doit point être attribué à la pesanteur spe
fique plus grande du métal en fusion; je suis
contraire très -persuadé qu’elle est moindre
que le feu. Ayant donc fait construire u
balance capable de porter aisément cinquaui J
livres de chaque côté, à l’exécution de 1 *
quelle M. Le Roy, de l’Académie des Scie
ces , a bien voulu , à ma prière , donn
toute l’attention nécessaire, j’ai eu la sat ^
faction de reconnoître à peu près la pesa
teur relative du feu. Cetle balance, charg
de cinquante livres de chaque côté, penche
assez sensiblement par l’addition de ving
quatre grains ; et chargée de vingt-cinq livre
elle penchoit par l’addition de huit grai
seulement.
Pour rendre cette balance plus ou moi
sensible, M. Le Roy a fait visser sur l’aiguil
une masse de plomb, qui s’élevant et s’abai
sant , change le centre de gravité ; de sor
qu’on peut augmenter de près de moitié
sensibilité de la balance. Mais par le grai
nombre d’expériences que j’ai faites de cet
balance et de quelques autres, j’ai recom;—,
qu’en général plus une balance est sensibh ] J
et moins elle est sage : les caprices , tant a j|
hysique qu’au moral , semblent être des ai-
ributs inséparables de là grande sensibilité.
balances très sensibles sont si capri-
leuses , qu’elles ne parlent jamais de la
îême façon: aujourd’hui elles vous indi-
uent le poids à un millième près , et de-
îain elles ne le donnent qu’à une moitié ,
est-à-dire à un cinq-centième près , au lieu
un millième. Une balance moins sensible
st plus constante , plus fidèle ; et, tout con-
déré , il vaut mieux , pour l’usage froid
u’on fait d’uue balance , la choisir sage que
e la prendre ou 1a. rendre trop sensible.
Pour peser exactement des masses péné-
ées de feu, j’ai commencé par faire garnir
e tôle les bassins de cuivre et les chaînes
e la balance , afin de ne les pas endomma-
er ; et après en avoir bien établi l’équilibre
son moindre degré de sensibilité, j’ai fait
orter sur l’un des bassins une masse de
;r rougi à blanc , qui provenoit de la se-
onde chaude qu’on donne à l’affinerie
[près avoir battu au marteau la loupe qu’on
l)er"e ppelle renard .-je fais cette remarque ,
jarce que mon fer, dès cette seconde chaude,
e donne presque plus de flamme , et ne
laroît pas se consumer comme il se consume
brûle à la première chaude, et que, quoi-
u’il soit blanc de feu , il ne jette qu’un petit
ombre d’étincelles avant d’ètre mis sous le
1,11 îarteau.
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aperçq
ifclanj
çu,
aissoie
nce
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saisir
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nioitre
lus de
la pf
erçu
lilesi
ne lij
PARTIE EXPÉRIMENTALE. 47 1
une troisième chaude à celte pièce pour
achever la barre , elle ne pesoit plus que
43 livres 7 onces 7 gros ; ainsi son déchet
total . tant par l'évaporation du feu que par
la purification du fer à l’affmerie et sous le
marteau, s’est trouvé de 6 livres 1 once 1 gros
sur 49 livres 9 onces; ce qui ne va pas tout-
à fait au huitième.
Une seconde pièce de fer, prise de même
au sortir de l'affinerie à la première chaude,
et pesée rouge-blanc, s’est trouvée du poids
de 38 livres i5 onces 5 gros 36 grains; et
ensuite, pesée froide, de 38 livres 14 onces
36 grains : ainsi elle a perdu 1 once 5 gros
en se refroidissant ; ce qui fait environ du
poids total de sa masse.
Une troisième pièce de fer, prise de
même au sortir du feu de l'affinerie , après
la première chaude , et pesée rouge-blanc ,
s’est trouvée du poids de 45 livres 12 onces
6 gros, et, pesée froide, de 45 livres 1 1 onces
2 gros : ainsi elle a perdu 1 once 4 gros en se
refroidissant; ce qui fait environ ^ de son
poids total.
Une quatrième pièce de fer, prise de
même après la première chaude, et pesée
rouge-blanc , s’est trouvée du poids de 48
livres 1 1 onces 6 gros , et , pesée après son
refroidissement, de 48 livres 10 onces juste:
ainsi elle a perdu , en se refroidissant , 14
gros ; ce qui fait environ ~ du poids de la
I. Une masse de fer rougi à blanc s’est
s! If5s 'ouvée peser précisément 49 livres 9 onces ;
® I. * 111 [ayant enlevée doucement du bassin de la
llKluaj alance , et posée sur une pièce d’autre fer
(Je,‘ lù on la laissoit refroidir sans la toucher,
Ile s’est trouvée, après son refroidissement,
^ÜII11J u degré de la température de l’air, qui
I3 sail toit alors celui de la congélation , ne peser
anjue 49 livres 7 onces juste : ainsi elle a
il3fSf |erdu 2 onces pendant son refroidissement.
l U™l)n observera qu’elle ne jetoit aucune étin-
J'in8 elle, aucune vapeur assez sensible pour ne
iqltwt |e\oir pas être regardée comme la pure
ïnanation du feu. Ainsi l’on pourroit croire
, jne la quantité de feu contenue dans cette
1 111011 aasse de 49 livres 9 onces , étant de 2 onces,
'4'"'! file formoit environ ^ ou ^ du poids de
s» a masse totale. On a remis ensuite cette
jfsffllkasse refroidie au feu de raffinerie ; et
loil^f ayant fait chauffer à blanc comme la pre-
egia1tiière fois , et porter au marteau , elle s’est
ilt trouvée, après avoir été malléée et refroidie,
pfoouje peser que 47 livres 12 onces 3 gros;
insi le déchet de cette chaude, tant au feu
tanh ju’au marteau , étoit de 1 livre 10 onces
gros ; et ayant fait donner une seconde et
masse totale.
Enfin une cinquième pièce de fer, prise de
même après la première chaude , et pesée
rouge-blanc, s’est trouvée du poids de 49 li-
vres 11 onces, et, pesée après son refroidis-
sement, de 49 livres 9 onces 1 gros : ainsi
elle a perdu , en se refroidissant, i5 gros; ce
qui fait ^4 du poids total de sa masse.
En réunissant les résultats des cinq expé-
riences pour en prendre la mesure commune,
on peut assurer que le fer chauffé à blanc ,
et qui n’a reçu que deux volées de coups de
marteau, perd, en se refroidissant, —g de
sa masse.
II. Une pièce de fer qui avoit reçu quatre
volées de coups de marteau , et par consé-
quent toutes les chaudes nécessaires pour
être entièrement et parfaitement forgée , et
qui pesoit 14 livres 4 gros, ayant été chauf-
fée à blanc , ne pesoit plus que 1 3 livres
12 onces dans cet état d’incandescence, et
13 livres 11 onces 4 gros apres son entier
refroidissement ; d’où l’on peut conclure
que la quantité de feu dont cette pièce de
fer étoit pénétrée , faisoit ^ de sou poids
total.
472 MINERAUX. INTRODUCTION.
Une seconde pièce de fer entièrement for-
gée, et de même qualité que la précédente,
pesoit, froide. i3 livres 7 onces 6 gros ;
chauffée à blanc, i3 livres 6 onces 7 gros; et
refroidie, i3 livres 6 onces 3 gros; ce qui
donne à Ires-peu près dont elle a diminué
en se refroidissant.
Une troisième pièce de fer, forgée de
même que les précédentes , pesoit , froide ,
i3 livres 1 gros, et chauffée au dernier de-
gré, en sorte quelle étoit non seulement
blanche, mais bouillonnante et pétillante de
feu , s’est trouvée peser 12 livres 9 onces
7 gros dans cet état d’incandescence ; et re-
froidie à la température actuelle, qui étoit
de 16 degrés au dessus de la congélation ,
elle ne pesoit plus que 12 livres 9 onces
3 gros; ce qui donne ■— à très-peu près
pour la quantité qu’elle a perdue en se re-
froidissant.
Prenant le terme moyen des résultats de
ces trois expériences, 011 peut assurer que
le fer parfaitement forgé et de la meilleure
qualité , chauffé à blanc , perd , en se refroi-
dissant, environ ~ de sa masse.
III. Un morceau de fer en gueuse, pesé
très-rouge, environ 20 minutes apres sa
coulée, s’est trouvé du poids- de 33 livres
10 onces; et lorsqu’il a été refroidi, il ne
pesoit plus que 33 livres 9 onces: ainsi il a
perdu 1 once, c’est-à-dire de son poids ou
masse totale en se refroidissant.
Un second morceau de fonte, pris de
même très rouge, pesoit 22 livres 8 onces
3 gros; et lorsqu’il a été refroidi, il ne p soit
plus que 22 livres 7 onces 5 gros ; ce qui
donne pour la quantité qu’il a perdue en
se refroidissant.
Un troisième morceau de fonte qui pesoit
chaud 16 livres 6 onces 3 gros 1/2 11e pesoit
que 16 livres 5 onces 7 gros 1/2 lorsqu'il fut
refroidi ; ce qui donne pour la quantité
qu’il a perdue en se refroidissant.
Prenant le terme moyen des résultats de
ces trois expériences sur la fonte pesée
ciiaude couleur de cerise , on peut assurer
qu’elle perd, en se refroidissant, environ
jj-j de sa masse; ce qui fait une moindre
diminution que celle du fer forgé : mais la
raison en est que le fer forgé a été chauffé
à blanc dans toutes nos expériences, au lieu
que la fouie n’étoit que d’un rouge couleur
de cerise lorsqu'on l’a pesée, et que par
conséquent elle n’étoit pas pénétrée d’autant
de feu que le fer; car on observera qu’on
ne peut chauffer à blanc la fonte de fer sans
lenilummer et la brûler en partie, en sorte
que je me suis déterminé à la faire peseï
seulement rouge , et au moment où elli f
vient de prendre sa consistance dans 1< \
moule, au sortir du fourneau de fusion.
IV. On a pris sur la dame du fourneai
des morceaux du laitier le plus pur et qu
formoit du très-beau verre de couleur ver
dàtre.
Le premier morceau pesoit chaud 6 livre ;
14 onces 2 gros 1/2 ; et refroidi il 11e peso
que 6 livres 14 onces 1 gros ; ce qui donn ’
j pour la quantité qu’il a perdue en se ri
froidissant.
Un second morceau de laitier, semblabl :
au précédent , a pesé chaud 5 livres 8 onci :
6 gros 1/4 ; et refroidi, 5 livres 8 onci ;
5 gros ; ce qui donne ~ pour la quanti!
dont il a diminué en se refroidissant.
Un troisième morceau , pris de même sis
la dame du fourneau, mais un peu moiii
ardent que le précédent, a pesé chaud 4 ! I a
vres 7 onces 4 gros 1/2; el refroidi. 4 livri
7 onces 3 gros 1/2; ce qui donne pot
la quantité dont il a diminué en se refro
dissant. -j.
Un quatrième morceau de laitier, qi 1
éloit de verre solide et pur, et qui pesoi
froid, 2 livres 14 onces r gros, a\ant é .!
chauffé jusqu’au rouge couleur de feu , s Y Sl
trouvé peser 2 livres 14 onces r gros 2/;/ m
ensuite, après son refroidissement , il a pes f!
connue avant d’avoir été chauffé, 2 livr m
14 onces 1 gros juste; ce qui donne — — «f
DOO
pour le poids de la quantité de feu dont ,;(
étoit pénétré. ^
Prenant le terme des résultats de t ^
quatre expériences sur le verre pesé chai 4
couleur de feu , on peut assurer qu'il pe K
eu se refroidissant ; te qui me pan
être le vrai poids du feu, relativement
poids total des matières qui en sont péty m
trées : car ce verre ou laitier ne se brûle ^
ne se consume au feu ; il 11e perd rien |
son poi ls, et se trouve seulement peser 1 j|s
de plus lorsqu’il est pénétré de feu. .4
V. J’ai tenté plusieurs expériences sei ™
blables sur le grès ; mais elles n’ont pas
bien réussi. La plupart des espèces de gi ,
s’égrenant au feu, on 11e peut les chaut >
qu’a demi, et ceux qui sont assez durs
d’une assez bonne qualité pour support! j '
sans s’égrener, un feu violent, se couxrt
d’émail; il y a d’ailleurs dans près ue te j
des especes de clous noirs et ferrugine J
qui brûlent dans l’opération. Le seul f
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
473
ain que j’ai pu tirer de sept expériences
s différens morceaux de grès dur, c’est
1 ne gagne rien au feu, et qu’il n’y perd
très-peu. J’avois déjà trouvé la même
se par les expériences rapportées dans le
mier mémoire.
■ ; )e toutes ces expériences , je crois qu’on
t conclure :
161 P Que le u a, comme loute autre ma-
e, une pesanteur réelle, dont on peut
i noitre le rapport à la balance dans les
( j stances qui, comme le verre , ne peuvent
; altérées par son action , et dans les-
Dj| ;lles il ne fait , pour ainsi dire, que
.jj0! ser, sans y rien laisser et sans en rien
*
■f
0 Que la quantité de feu nécessaire pour
gir une masse quelconque, et lui donner
couleur et sa chaleur, pèse ou, si
veut, une six-cenlième partie de cette
; en sorte que si elle pèse froide 6oo
■es, elle pèsera chaude 6oi lorsqu’elle
rouge couleur de feu.
0 Que dans les matières qui , comme le
sont susceptibles d’un plus grand degré
feu, et peuvent être chauffées à blanc
se fondre , la quantité de feu dont
sont alors pénétrées, est environ d’un
ième plus grande; en sorte que sur 5oo
res de fer il se trouve une livre de feu.
uis avons même trouvé plus par les ex-
riences précédentes , puisque leur résultat
nm un donne mais il faut observer
fer, ainsi que toutes les substances
alliques , se consume un peu en se re-
dissant, et qu’il diminue toutes les fois
on y applique le leu : cette différence
[Ire j~~ et provient donc de cette di-
llj nution; le fer, qui perd une quantité
/» ps-sensible dans le feu, continue à perdre
peu tant qu’il en est pénétré , et par
nséquent sa masse totale se trouve plus
« tninuée que celle du verre , que le feu ne
ut consumer, ni brûler, ni volatiliser.
Je viens de dire qu’il en est de toutes les
i'i|bstances métalliques comme du fer, c.’est-
dire que toutes perdent quelque chose par
longue ou la violente action du feu, et
puis le prouver par des expériences in-
imteslables sur l’or et sur l’argent, qui, de
ms les métaux, sont les plus fixes et les
oins sujets à être altérés par le feu. J’ai
Ixposé au foyer du miroir ardent des pla-
ies d’argent pur, et des morceaux d or
ussi pur ; je les ai vus fumer abondamment
pendant un très-long temps : i! n’est donc
as douteux que ces métaux ne perdent
elque chose de 1e r substance par I ap-
plication du feu ; et j’ai été informé , de-
puis, que cette matière qui s’échappe de ces
métaux et s’élève en fumée n’est autre chose
que le métal même volatilisé, puisqu'on peut
dorer ou argenter à cette fumée métallique
les corps qui la reçoivent.
Le feu, surtout appliqué long-temps , vo-
latilise donc peu à peu ces métaux , qu’il
semble ne pouvoir brûler ni détruire d’au-
cune autre manière ; et en les volatilisant il
n’en change pas la nature , puisque cette
fumée qui s’en échappe est encore du métal
qui conserve toutes ses propriétés. Or il ne
faut pas un feu bien violent pour produire
celte fumée métallique; elle paroît à un de-
gré de chaleur au dessous de celui qui est
nécessaire pour la fusion de ces métaux.
C’est de cette même manière que l’or et l’ar
gent se sont sublimés dans le sein de la
terre : ils ont d’abord été fondus par la cha-
leur excessive du premier état du globe, où
tout éloii en liquéfaction ; et ensuite la cha-
leur moins forte, mais constante, de l'inté-
rieur de la terre les a volatilisés, et a poussé
ces fumées métalliques jusqu'au sommet des
plus hautes montagnes, où elles se sont ac-
cumulées en grains ou attachées en vapeurs
aux sables et aux autres matières dans les-
quelles on les trouve aujourd’hui Les pail-
lettes d’or que l’eau roule avec les sables
tirent leur origine, soit des masses d’or
fondues par le feu primitif, soit des surfaces
dorées par cetle sublimation , desquelles
l’action de l’air et de l’eau les détache et les
sépare.
Mais revenons à l’objet immédiat de nos
expériences. Il me paroît qu’elles ne laissent
aucun doute sur la pesanteur réelle du feu ,
et qu’on peut assurer en conséquence de
leurs résultats, que toute matière solide pé-
nétrée de cet élément, autant qu’elle peut
l’être par l’application que nous savons en
faire, est au moins d’une six-centième partie
plus pesante que dans l’état de la tempéra-
ture actuelle, et qu’il faut une livre de ma-
tière ignée pour donner à 6oo livres de toute
autre matière l’état d’incandescence jusqu’au
rouge couleur de feu , et environ une livre
sur 5oo pour que l’incandescence soit jus-
qu’au blanc ou jusqu’à la fusion ; en sorte
que le fer chauffé à blanc, ou le verre en
fusion , contiennent dans cet état de ma-
tière ignée dont leur propre substance est
pénétrée.
Mais cette grande vérité, qui paroitra
nouvelle aux physiciens , et de laquelle on
pourra tirer des conséquences utiles, ne
nous apprend pas encore ce qu'il seroit ce-
474
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
pendant important de savoir ; je veux dire
le rapport de la pesanteur du feu à la pesan-
teur de l’air, ou de la matière ignée à celle
des autres matières. Cette recherche suppose
de nouvelles découvertes auxquelles jp ne
suis pas parvenu , et dont je n’ai donné que
quelques indications dans mon Traité des
élémetis : car, quoique nous sachions par
mes expériences qu’il faut une cinq-centième
partie de matière ignée pour donner à toute
autre matière l’état de la plus forte incan-
descence, nous ne savons pas à quel point
cette matière ignée y est condensée , com-
primée, ni même accumulée, parce que
nous n’avons jamais pu la saisir dans un état
constant pour la peser ou la mesurer ; en
sorte que nous n’avons point d’unité à la-
quelle nous puissions rapporter la mesure
de l’état d’incandescence. Tout ce que j’ai
donc pu faire a la suite de mes expériences,
c’est de rechercher combien il falloit con-
sommer de matière combustible pour faire
entrer dans une masse de matière solide
cette quantité de matière ignée qui est la
cinq-centième partie de la masse en incan-
descence , et j’ai trouvé , par des essais réi-
térés , qu’il falloit brûler 3oo livres de char-
bon au vent de deux soufflets de dix pieds
de longueur pour chauffer à blanc une pièce
de fonte de fer de 5oo livres pesant. Mais
comment mesurer, ni même estimer à peu
près, la quantité totale de feu produite par
ces 3oo livres de matière combustible? com-
ment pouvoir comparer la quantité de feu
qui se perd dans les airs avec celle qui s’at-
tache à la pièce de fer, et qui pénètre dans
toutes les parties de sa substance? Il faudroit
pour cela bien d’autres expériences, ou plu-
tôt il faut un art nouveau dans lequel je n’ai
pu faire que les premiers pas.
VI. J’ai fait quelques expériences pour
reconnoître combien il faut de temps aux
matières qui sont en fusion pour prendre
leur consistance, et passer de l’état de fluidité
à celui de la solidité ; combien de temps il
faut pour que la surface prenne sa consis-
tance ; combien il en faut de plus pour pro-
duire cette même consistance à l’intérieur,
et savoir par conséquent combien le centre
d’un globe dont la surface seroit consistante
et même refroidie à un certain point pour-
roi t néanmoins être de temps dans l’état de
liquéfaction : voici ces expériences :
SUR LE FER.
N° i. Le 29 juillet, à 5 heures 45 mi-
lite
nutes , moment auquel la fonte de fer a ce
de couler, on a observé que la gueuse a ç
de la consistance sur sa face supérieure
3 minutes à sa tête, c’est-à-dire à la par
la plus éloignée du fourneau, et en cinq 1
mites à sa queue , c’est-à-dire à la partie*
plus voisine du fourneau : l’ayant alors
soulever du moule et casser en cinq endro
on n’a vu aucune marque de fusibilité in
rieure dans les quatre premiers morceat
seulement, dans le morceau cassé le p
près du fourneau , la matière s’est trouv
intérieurement molle, et quelques part
se sont attachées au bout d’un petit r
gard , à 5 heures 55 minutes , c’est-à-d
12 minutes après la fin de la coulée : on
conservé ce morceau numéroté ainsi que le
suivans.
N° 2. Le lendemain, 3o juillet, on j
coulé une autre gueuse à 8 heures r minutt txce
et à 8 heures 4 minutes, c’est-à-dire troi
minutes après, la surface de sa tête étoj
consolidée ; et en ayant fait casser deu
morceaux , il est sorti de leur intérieur un
petite quantité de fonte coulante; à 8 heurç
7 minutes il y avoil encore dans l’intérieï
des marques évidentes de fusion, en sort
que la surface a pris consistance en 3 miuu
tes , et l’intérieur ne l’avoit pas encore pris
en 6 minutes.
N° 3. Le 3i juillet, la gueuse a cessé d
couler à midi 35 minutes ; sa surface , dafl
la partie du milieu , avoit pris sa consistant
à 39 minutes, c’est-à-dire en 4 minutes, «
l’ayant cassée dans cet endroit à midi 44 mliioit
nutes , il s’en est écoulé une grande quantiti
de fonte encore en fusion : on avoit remai
qué que la fonte de cetle gueuse étoil plu
liquide que celle du n° précédent , et on
conservé un morceau cassé dans lequel l’é
coulement de la matière intérieure a laissj
une cavité profonde de 26 pouces dans l’in
térieur de la gueuse. Ainsi la surface ayan
pris en 4 minutes sa consistance solide, l’in
térieur étoit encore en grande liquéfactioi
après 8 miwutes 1/2.
N° 4. Le 2 août, à 4 heures 47 minutes
la gueuse qu’on a coulée s’est trouvée d’un
fonte très-épaisse, aussi sa surface dans Ij
milieu a pris sa consistance en 3 minutes
et 1 minute 1/2 après, lorsqu’on l’a cassée
toute la fonte de l’intérieur s’est écoulée
et n’a laissé qu’un tuyau de 6 lignes d’épais
seur sous la face supérieure, et d’un pouci
environ d’épaisseur aux autres faces.
N° 5. Le 3 août, dans une gueuse d^
fonte très-liquide, on a cassé trois morceau)
d’environ 2 pieds 1/2 de long, à commence]
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
47$
côté de la gueuse , c’est-à-dire dans la
tie la plus froide du moule et la plus
ignée du fourneau , et l’on a reconnu ,
îme il étoit naturel de s’y attendre, que
jartie intérieure de la gueuse étoit moins
nci« Bsistante à mesure qu’on approchoit du
lâ
aloii
iqean
ibilitéjj
rneau , et que la cavité inférieure pro-
te par l’écoulement de la fonte encore
lide , étoit à peu près en raison inverse
la distance au fourneau. Deux causes évi-
tes concourent à produire cet effet : le
nie de la gueuse formé par les sables est
tant plus échauffé qu’il est plus près du
rneau, et en second lieu, il reçoit d’au-
t plus de chaleur qu’il y passe une plus
nde quantité de fonte. Or la totalité de
onte qui constitue la gueuse passe dans
i que partie du moule où se forme sa queue ,
rès de l’ouverture de la coulée; tandis
3 la. tête de la gueuse n’est formée que de
icédant qui a parcouru le moule entier,
est déjà refroidie avant d’arriver dans
te partie la plus éloignée du fourneau , la
s froide de toutes, et qui n’est échauffée
par la seule matière qu’elle contient.
h ssi de trois morceaux pris à la tête de
te gueuse , la surface du premier, c’est-à-
e du plus éloigné du fourneau , a pris sa
isistance en i minute 1/2 ; mais tout l in-
orep ieur a coulé au bout de 3 minutes 1/2.
surface du second a de même pris sa con-
oessé tance en 1 minute 1/2 , et l’intérieur
doit de même au bout de 3 minutes 1/2.
fin la surface du troisième morceau , qui
fit le plus loin de la terre , et qui appro-
it du milieu de la gueuse , a pris sa con-
quani tance en 1 minute 1/4 , et l’intérieur cou-
rt t encore très-abondamment au bout de
ninutes.
et 01 Je dois observer que toutes ces gueuses
0 ! I tient triangulaires , et que leur face süpé-
ure , qui étoit la plus grande , avoit en-
on 6 pouces 1/2 de largeur. Cette face
aj, aérieure, qui est exposée à l’action de l’air,
consolide néanmoins plus lentement que
deux faces qui sont dans le sillon où la
itière a coulé : l'humidité des sables qui
ment cette espèce de moule refroidit et
nsolide la fonte plus promptement que
car, dans tous les morceaux que j’ai
t casser, les cavités formées par l’écoule-
fasse jbnt de la fonte encore liquide étoient bien
je us voisines de la face supérieure que des
ux autres faces.
Ayant examiné tous ces morceaux après
îr refroidissement , j’ai trouvé, i.° que les
orceaux du nQ 4 ne s’étoient consolidés
e de 6 lignes d’épaisseur sous la face su-
d’épa
1 pou
périeure ; 20 que ceux du n° 5 se sont con-
solidés de 9 lignes d’épaisseur sous cette
même face supérieure ; 3° que les morceaux
du n° 2 s’étoient consolidés d’un pouce d’é-
paisseur sous cette même face ; 4° que les
morceaux du n° 3 s’étoient consolidés d’un
pouce et demi d’épaisseur sous la même face;
et enfin que les morceaux du n° 1 s’étoient
consolidés jusqu’à 2 pouces 3 lignes sous
cette même face supérieure.
Les épaisseurs consolidées sont donc 6 ,
9 , 12 , 18,27 lignes , et les temps employés
à cette consolidation sont 1 1/2, 2 ou 2 1/2,
3,41/2, 7 minutes ; ce qui fait à très-peu
près le quart du numérique des épaisseurs.
Ainsi les temps nécessaires pour consolider
le métal fluide sont précisément en même
raison que celle de leur épaisseur : en sorte
que si nous supposons un globe isolé de
toutes parts , dont la surface aura pris s'â
consistance en Un temps donné , par exem-
ple, en 3 minutes, il faudra 1 minute 1/2
de plus pour le consolider à 6 lignes de pro-
fondeur ; 2 minutes 1/4 pour le consolider
à 9 lignes, 3 minutes pour le consolider a
12 lignes, 4 minutes pour le consolider à
18 lignes, et 7 minutes pour le consolider
à 27 ou 28 lignes de profondeur; et par
conséquent 36 minutes pour le consolider à
10 pieds de profondeur, etc.
SUR LE VERRE.
Ayant fait couler du laitier dans des mou-
les très-voisins dit fourneau, à environ 2
pieds de l’ouverture calculée, j’ai reconnu,
par plusieurs essais, que la surface de ces
morceaux de laitier prend sa consistance en
moins de temps que la fonte de fer, et que
l’intérieur se eonsolidoit aussi beaucoup plus
vite : mais je n’ai pu déterminer, comme je
l’ai fait sur le fer , les temps nécessaires
pour consolider l’intérieur du verre à diffé-
rentes épaisseurs ; je ne sais même si l’on en
viendroit à bout dans un fourneau de verre-
rie où l’on auroit le verre en masses fort
épaisses : tout ce que je puis assurer, c’est
que la consolidation du verre , tant à l’exté-
rieur qu’à l’intérieur, est à peu près une fois
plus prompte que celle de la fonte du fer.
Et en même temps que le premier coup de
l’air condense la surface du verre liquide et
lui donne une sorte de consistance solide , il
la divise et la fêle en une infinité de petites
parties , en sorte que le verre saisi par l’air
frais ne prend pas une solidité réelle, et
qu’il se brise au moindre choc ; au lieu
qu’en le laissant recuire dans un four très-
476
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
chaud il acquiert peu à peu la solidité que
nous lui connoissons. Il paroît donc bien
difficile de déterminer, par l’expérience, les
rapports du temps qu’il faut pour consolider
le verre à différentes épaisseurs au dessous
de sa surface. Je crois seulement qu’on peut,
sans se tromper, prendre le même rapport
pour la consolidation que celui du refroidis-
sement du verre au refroidissement du fer,
lequel rapport est de 1 32 à 236 par les ex-
périences du second mémoire , ci-dessus ,
page 354.
VIT. Ayant déterminé, par les expériences
précédentes, les temps nécessaires pour la
consolidation du fer en fusion, tant à sa
surface qu’aux différentes profondeurs de
son intérieur, j’ai cherché à reconnoître ,
par des observations exactes , quelle étoit la
durée de l’incandescence dans cette même
matière.
1. Un renard, c’est-à-dire une loupe dé-
tachée de la gueuse par le feu de la chauf-
ferie , et prête à être portée sous le marteau,
a été mise dans un lieu dont l’obscurité
étoit égale à celle de la nuit quand le ciel
est couvert : cette loupe, qui étoit fort en-
flammée , n’a cessé de donner de la flamme
qu’au bout de 24 minutes; d’abord la flamme
étoit blanche, ensuite rouge et bleuâtre sur
la fin : elle ne paroissoit plus alors qu’à la
partie inférieure de la loupe qui touchoit la
terre, et ne se montroit que par ondulations
ou par reprises, comme celle d’une chandelle
qui s’éteint. Ainsi la première incandes-
cence, accompagnée de flamme, a duré
24 minutes; ensuite la loupe, qui étoit en-
core bien rouge, a perdu cette couleur peu
à peu, et a cessé de paroître rouge au bout
de 74 minutes, non compris les 24 pre-
mières, ce qui fait en tout 98 minutes; mais
il n’y avoit que les surfaces supérieure et
latérales qui avoient absolument perdu leur
couleur rouge ; la surface inférieure , qui
touchoit à la terre , î’étoit encore aussi bien
que l’intérieur de la loupe. Je commençai
alors, c’est-à-dire au bout de 98 minutes,
à laisser tomber quelques grains de poudre
à tirer sur la surface supérieure ; ils s’en-
flammèrent avec explosion. On continuoit
de jeter de temps en temps de la poudre sur
la loupe, et ce ne fut qu’au bout de 42 mi-
nutes de plus qu’elle cessa de é faire explo-
sion : à 43, 44 et 45 minutes, la poudre se
fondoit et fusoit saus explosion , en donnant
seulement une petite flamme bleue. De là,
je crus devoir conclure que l’incandescence
à l’intérieur de la loupe n’a voit fini qu’alors,
c’est-à-dire 42 minutes après celle de la sur-
face, et qu’en tout elle avoit duré 140 mi-
nutes.
Cette loupe étoit de figure à peu près 1
ovale et aplatie sur deux faces parallèles;
son grand diamètre étoit de i3 pouces, et
le petit de 8 pouces : elle avoit aussi , à très-
peu près , 8 pouces d’épaisseur partout , et
elle pesoit 91 livres 4 onces après avoir été
refroidie.
2. U11 autre renard, mais plus petit que
le premier, tout aussi blanc de flamme et
pétillant de feu , au lieu d’être porté sous le
marteau, a été mis dans le même lieu obscur,
où il n’a cessé de donner de la flamme
qu’au bout de 22 minutes; ensuite il n’a
perdu sa couleur rouge qu’après 43 minutes;
ce qui fait 65 minutes pour la durée des
deux états d’incandescence à la surface, sur
laquelle ayant ensuite jeté des grains de
poudre, ils n’ont cessé de s’enflammer avec
explosion qu’au bout de 40 minutes; ce qui
fait en tout xo5 minutes pour la durée de!
l’incandescence , tant à l’extérieur qu’à l’in-
térieur.
Cette loupe étoi’ à peu près circulaire ,
sur 9 pouces de diamètre, et elle avoit en-
viron 6 pouces d’épaisseur partout; elle s’est]
trouvée du poids de 54 livres après son re-
froidissement.
J’ai observé que la flamme et la couleur
rouge suivent la même marche dans leun
dégradation; elles commencent par dispa-
roître à la surface supérieure de la loupe,
tandis qu’elles durent encore aux surfaces
latérales, et continuent de paroître asse?
long-temps autour de la surface inférieure,
qui , étant constamment appliquée sur h
terre, se refroidit plus lentement que les
autres surfaces qui sont exposées à l’air,
3. Un troisième renard, tiré du feu très-
blanc. brûlant et pétillant d’étincelles et de
flamme, ayant été porté dans cet état sous
le marteau, n’a conservé cette incandescence
enflammée que 6 minutes ; les coups préci-
pités dont il a été frappé pendant ces 6 mi
nutes, ayant comprimé la matière, en on!
en même temps réprimé la flamme , qu
auroit subsisté plus long-temps sans cette
opération , par laquelle on en a fait une
pièce de fer de 12 pouces 1/2 de longueut
sur 4 pouces en carré, qui s’est trouvée
peser 48 livres 4 onces après avoir été re-
froidie. Mais, ayant mis auparavant cette
pièce encore toute rouge dans le même lier
obscur, elle n’a cessé de paroître rouge à se
surface qu’au bout de 46 minutes, y com-
pris les 6 premières. Ayant ensuite fait l’é-
I.Ï
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
477
preuve avec la poudre à tirer, qui n’a cessé
le s’enflammer avec explosion que 26 nu-
llités après les 46 , il en résulte que l’incan-
ïescence intérieure et totale a duré 72 mi-
îutes.
En comparant ensemble ces trois expé-
riences, on peut conclure que la durée de
l’incandescence totale est comme celle de la
prise de consistance proportionnelle à l'épais-
seur de la matière : car la première loupe,
jui avoit 8 pouces d’épaisseur, a conservé
ion incandescence pendant 140 minutes;
la seconde , qui avoit 6 pouces d’épaisseur,
’a conservée pendant io5 minutes; et la
Itroisièine, qui n’avoit que 4 pouces, ne l’a
conservée que pendant 72 minutes. Or io5
140 6 : 8, et de même, 72 : 140 à
leu près ;; 4 I 8 , en sorte qu’il paroi t y
voir même rapport entre les temps qu’entre
les épaisseurs.
4. Pour m’assurer encore mieux de ce
fait important, j’ai cru devoir répéter l’ex-
périence sur une loupe prise, comme la pré-
cédente, au sortir de la chaufferie. O11 l’a
inrlée tout enflammée sous le marteau ; la
ilflamme a cessé au bout de 6 minutes , et ,
«dans ce moment , on a cessé de la battre :
ilon l’a mise tout de suite dans le même lieu
jlobscur; le rouge n’a cessé qu’au bout de
(39 minutes; ce qui donne 45 minutes pour
les deux états d’incandescence à la surface:
ensuite la poudre n’a cessé de s’enflammer
! avec explosion qu’au bout de 28 minutes;
ainsi l’incandescence intérieure et totale a
duré 73 minutes. Or, cette pièce avoit,
! comme la précédente, 4 pouces juste d’é-
paisseur sur deux laces en carré, et 10 pou-
ces 1/4 de longueur; elle pesoil 39 livres 4
onces après avoir été refroidie.
Cette dernière expérience s’accorde si
parfaitement avec celle qui la précédé et
avec les deux autres, qu’on ne peut pas
douter qu’en général la durée de l’incan-
descence ne soit à très-peu près proportion-
nelle à l’épaisseur de la masse, et que par
conséquent ce grand degré de feu ne suive
la même loi que celle de la chaleur mé-
diocre; en sorte que, dans des globes de
même matière , la chaleur ou le feu du plus
haut degré, pendant tout le temps de 1 in-
candescence , s’y conservent et y durent pré-
cisément en raison de leur diamètre. Cette
vérité, que je voulois acquérir et démontrer
par le fait , semble nous indiquer que les
causes cachées ( causœ latentes) de Newton ,
desquelles j’ai parlé dans le premier de ces
mémoires , ne s’opposent que très-peu à la
sortie du feu , puisqu’elle se fait de la même
manière que si les corps étoient entièrement
et parfaitement perméables , et cjue rien ne
s’opposât à son issue. Cependant on seroit
porté à croire que plus la matière est com-
primée, plus elle doit retenir de temps le
feu ; en sorte que la durée de l’incandescence
devoit être alors en plus grande raison que
celle des épaisseurs ou des diamètres. J’ai
donc essayé de reconnoître cette différence
par l’expérience suivante.
5. J’ai fait forger une masse cubique de
fer, de 5 pouces 9 lignes de toutes faces ;
elle a subi trois chaudes successives , et ,
l’ayant laissée refroidir, son poids s’est trouvé
de 48 livres 9 onces. Après l’avoir pesée, on
l’a mise de nouveau au feu de raffinerie , où
elle n’a été chauffée que jusqu’au rouge
couleur de feu , parce qu’alors elle commen-
çoit à donner un peu de flamme, et qu’en la
laissant au feu plus long-temps, le fer auroit
brûlé. De là on l’a transportée tout de suite
dans ie même lieu obscur, où j’ai vu qu’elle
ne donnoit aucune flamme ; néanmoins elle
n’a cessé de paraître rouge qu’au bout de
52 minutes, et la poudre 11’a cessé de s’en-
flammer à sa surface avec explosion que 43
minutes après; ainsi l’incandescence totale
a duré g5 minutes. On a pesé cette masse
une seconde fois après son entier refroidis-
sement ; elle s’est trouvée peser 48 livres
1 once : ainsi elle avoit perdu au feu 8 onces
de son poids, et elle en auroit perdu davan-
tage si 011 l’eût chauffée jusqu’au blanc.
En comparant cette expérience avec les
autres, on voit que l’épaisseur de la masse
étant de 5 pouces 3/4, 1 incandescence to-
tale a duré 95 minutes dans cette pièce de
fer, comprimée autant qu’il est possible, et
que dans les premières masses, qui n’avoient
point été comprimées par le marteau, l’épais-
seur étant de 6 pouces, l’incandescence a
duré io5 minute-, et l’épaisseur étant de 8
pouces, elle a duré 140 minutes. Or 140 :
8 ou io5 : f» : : 95 : 5 9/21 , au lieu que
l’expérience nous donne 5 3/4. Les causes
cachées, dont la principale est la compres-
sion de la matière , et les obstacles qui en
résultent pour l’issue de la chaleur, semblent
donc produire cette différence de 5 3/4 à
5 9/21 ; ce qui fait 27/84 , ou un peu plus
d’un tiers sur i5/3, c’est-à-dire d’environ
1/16 sur le tout; en sorte que le fer bien
battu, bien sué, bien comprimé, ne perd
son incandescence qu’en 17 de temps, tandis
que le même fer qui n’a point été comprimé
la perd en 16 du même temps. Et ceci paroît
se confirmer par les expériences 3 et 4 , où
les masses de ter ayant été comprimées par
478
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
une seule volée de coups de marteau n’ont
perdu leur incandescence qu’au bout de 72
et 73 minutes, aw lieu de 70 qu’a duré celle
des loupes non comprimées; ce qui fait 2 1/2
sur 70, ou 5/i4o ou 1/28 de différence pro-
duite par cette première compression. Ainsi
l’on ne doit pas être étonné que la seconde
et la troisième compression qu’a subies la
masse de fer de la cinquième expérience ,
qui a été battue par trois volées de coups
de marteau, aient pi’oduit 1/16 au lieu de
1/28 de différence dans la durée de l’incan-
descence. On peut donc assurer en général
que la plus forte compression qu’on puisse
donner à la matière pénétrée de feu autant
quelle peut l’être 11e diminue que d’une
seizième partie de la durée de son incan-
descence, et que , dans ia matière qui ne
reçoit point de compression extérieure, cette
durée est précisément en même raison que
son épaisseur.
Maintenant, pour appliquer au globe de
la terre le résultat de ces expériences , nous
considérerons qu’il n’a pu prendre sa forme
élevée sous l’équateur, et abaissée sous les
pôles, qu’en vertu de la force centrifuge
combinée avec celle de la pesanteur; que par
conséquent il a dû tourner sur son axe pen-
dant un petit temps , avant que sa surface
ait pris sa consisiance, et qu’ensuite la ma-
tière intérieure s’est consolidée dans les
mêmes rapports de temps indiqués par nos
expériences ; en sorte qu’en partant de la
supposition d’un joui' au moins pour le petit
temps nécessaire à la prise de consistance à
sa surface, et en admettant, comme nos ex-
périences l’indiquent , un temps de 3 mi-
nutes pour eu consolider la matière intérieure
à un pouce de profondeur, il se trouvera
36 minutes pour un pied, 216 minutes pour
une loise , 342 jours pour une lieue, et
490086 jours , ou environ 1842 ans, pour
qu’un globe de fonte de fer qui auroit ,
comme celui de la terre , 1432 lieues 1/2 de
diamètre , eut pris sa consistance jusqu’au
centre.
La supposition que je fais ici d’un jour de
rotation pour que le globe terrestre ait pu
s’élever régulièrement sous l’équateur, et
s’abaisser sous les pôles , avant que sa sur-
face fût consolidée, me paroît plutôt trop
foible que trop forte ; car il a peut-être fallu
un grand nombre de révolutions de vingt-
quatre heures chacune sur son axe pour que
la matière fluide se soit solidement établie ,
et l’on voit bien que , dans ce cas , le temps
nécessaire pour la prise de consistance de la |
matière au centre se trouvera plus grand.
Pour le réduire autant qu’il est possible ,
nous n’avons fait aucune attention à l’effet
de la force centrifuge qui s’oppose à celui
de la réunion des parties , c’est-à-dire à la
prise de consistance de la matière en fusion. J
Nous avons supposé encore, dans la même
vue de diminuer le temps, que l’atmosphere
de la terre, alors tout en feu , n étoil néan-
moins pas plus chaude que celle de mon
fourneau à quelques pieds de distance où se
sont faites les expériences ; et c’est en con-
séquence de ces deux suppositions trop gra-
tuites que nous ne trouvons que 1342 ans
pour le temps employé à la consolidation du
globe jusqu’au centre. Mais il me paroit cer-
tain que cette estimation du temps est dt
beaucoup trop foible , par l’observation con-
stante que j’ai faite sur la prise de consistance
des gueuses à la tête et à la queue ; car il
faut trois fois autant de temps et plus pour
que la partie de la gueuse qui est à 18 pieds
du fourneau prenne consistance, c’est-à-dire
que si la surface de la tète de la gueuse , qui
est à 18 pieds du fourneau, prend consis-
tance en 1 minute 1/2, celle de la queue,
qui n’est qu'à 2 pieds du fourneau, ne prend
consistance qu’en 4 minutes 1/2 ou 5 mi-
nutes ; en sorte que la chaleur plus grande
de l’air contribue prodigieusement au main-
tien de la fluidité; et l’on conviendra sans
peine avec moi que , dans ce premier temps
de liquéfaction du globe de la terre , la cha-
leur de l’atmosphère de vapeurs qui l’envi-
ronnoit étoit plus grande que celle de l’air
à 2 pieds de distance du feu de mon four-
neau , et que par conséquent il a fallu beau-
coup plus de temps pour consolider le globe
jusqu’au centre. Or nous avons démontré ,
par les expériences du premier mémoire ,
qu’un globe de fer, gros comme la terre,
pénétré du feu seulement jusqu’au rouge ,
seroit plus de 96670 ans à se refroidir, aux-
quels ajoutant 2 ou 3ooo ans pour le temps
de sa consolidation jusqu’au centre, il résulte
qu’en tout il faudroit environ 100,000 ans
pour refroidir au point de la température
actuelle un globe de fer gros comme la terre,
sans compter la durée du premier état de
liquéfaction ; ce qui recule encore les limites
du temps , qui semble fuir et s’étendre à
mesure que nous cherchons à le saisir. Mais
tout ceci sera plus amplement discuté et dé-
terminé plus précisément dans les mémoires
suivans.
PARTIE EXPÉRIMENTALE. 47g
NEUVIÈME MÉMOIRE.
Expériences sur la fusion des mines de fer.
Te ne pourrai guère mettre d’aulre liaison
re ces mémoires , ni d’autre ordre entre
s différentes expériences , que celui du
ips ou plutôt de la succession de mes
es. Comme je ne me trouvois pas assez
truit dans la connoissance des minéraux ,
î je n’étois pas satisfait de ce qu’on en
i dans les livres, que j’avois bien de la
ne à entendre ceux qui traitent de la
mie, où je voyois d’ailleurs des principes
;caires, toutes les expériences faites en
:it et toujours expliquées dans l’esprit
ne même méthode , j’ai voulu travailler
• moi-même ; et consultant plutôt mes
sirs que ma force , j’ai commencé par faire
blir, sous mes yeux , des forges et des
irneaux en grand, que je n’ai pas cessé
:xercer continuellement depuis sept ans.
Le petit nombre d’auteurs qui ont écrit
• les mines de fer ne donnent , pour ainsi
•e, qu’une nomenclature assez inutile, et
parlent point des différens traitemens de
acune de ces mines. Ils comprennent dans
mines de fer l’aimant , l’émeril , l’hé-
itite , etc. , qui sont en effet des minéraux
•rugineux en partie , mais qu’on ne doit
s regarder comme de vraies mines de fer,
opres à être fondues et converties en ce
étal ; nous ne parlerons ici que de celles
nt on doit faire usage, et on peut les ré-
ire à deux espèces principales.
La première est la mine en roche, c’est-
lire en masses dures, solides et compactes,
l’on ne peut tirer et séparer qu’à force de
ins, de marteaux et de masses, et qu’on
urroit appeler pierre de fer . Ces mines
roches de fer se trouvent en Suède , en
llemagne, dans les Alpes, dans les Pyré-
;es, et généralement dans la plupart des
lûtes montagnes de la terre , mais en bien
us grande quantité vers le Nord que du
lté du Midi. Celles de Suède sont de cou-
ur de fer pour la plupart, et paroissent
re du fer presque à demi préparé par la
iture : il y en a aussi de couleur brune ,
>uge ou jaunâtre ; il y en a même de toutes
(anches à Allevard en Dauphiné, ainsi que
autres couleurs ; ces dernières mines sem-
blent être composées comme du spath , et
on ne reconnoît qu’à leur pesanteur, plus
grande que celle des autres spaths , qu’elles
contiennent une grande quantité de métal.
On peut aussi s’en assurer en les mettant au
feu; car de quelque couleur qu’elles soient,
blanches , grises, jaunes, rousses, verdâtres,
bleuâtres, violettes ou rouges, toutes de-
viennent noires à une légère calcination. Les
mines de Suède, qui, comme je l’ai dit,
semblent être de la pierre de fer, sont atti-
rées par l’aimant ; il en est de même de la
plupart des autres mines en roche, et géné-
ralement de toute matière ferrugineuse qui
a subi Faction du feu. Les mines de fer en
grains, qui ne sont point du tout magné-
tiques, le deviennent lorsqu’on les fait griller
au feu ; ainsi les mines de fer en roche et en
grandes masses étant magnétiques doivent
leur origine à l’élément du feu. Celles de
Suède, qui ont été les mieux observées, sont
très-étendues et tres-profondes ; les fdons
sont perpendiculaires , toujours épais de
plusieurs pieds , et quelquefois de quelques
toises ; on les travaille comme on travailleroit
de la pierre très-dure dans une carrière. On
y trouve souvent de l’asbeste, ce qui prouve
encore que ces mines ont été formées par
le feu.
Les mines de la seconde espèce ont , au
contraire , été formées par l’eau , tant du
détriment des premières, que de toutes les
particules de fer que les végétaux et les ani-
maux rendent à la terre par la décomposition
de leur substance : ces mines formées par
l’eau sont le plus ordinairement en grains
arrondis , plus ou moins gros , mais dont
aucun n’est attirable par l’aimant avant
d’avoir subi Faction du feu , ou plutôt celle
de l’air par le moyen du feu ; car, ayant fait
griller plusieurs de ces mines dans des vais-
seaux ouverts, elles sont toutes devenues
très-attirables à l’aimant, au lieu que dans
les vaisseaux clos , quoique chauffées à un
plus grand feu et pendant plus de temps ,
elles n’avoient point du tout acquis la vertu
magnétique.
On pourroit ajouter à ces mines en grains
'1
48o MINERAUX. INTRODUCTION.
formées par l’eau une seconde espèce de
mine souvent plus pure, mais bien plus rare,
qui se forme également par l’eau : ce sont
les mines de fer cristallisées. Mais comme je
n’ai pas été à portée de traiter par moi-
même les mines de fer en roche produites
par le feu, non plus que les mines de fer
cristallisées par l’eau, je ne parlerai que de
la fusion des mines en grains, d’aulantque
ces dernières mines sont celles qu’on ex-
ploite le plus communément dans nos forges
de France.
la première chose que j’ai trouvée, et
qui me paroît être une découverte utile,
c’est qu’avec une mine qui donnoit le plus
mauvais fer de la province de Bourgogne ,
j’ai fait du fer aussi ductile, aussi nerveux ,
aussi ferme que les fers du Berri, qui sont
réputés les meilleurs de France. Voici comme
j’y suis parvenu : le chemin que j'ai tenu est
bien plus long; mais personne , avant moi ,
n’ayant frayé la route, on ne sera pas étonné
que j’aie fait du circuit.
J’ai pris le dernier jour d’un fondage ,
c’est-à-dire le jour où l’on alloit faire cesser
le feu d'un fourneau à fondre la mine de fer,
qui duroit depuis plus de quatre mois. Ce
fourneau, d’environ 20 pieds de hauteur, et
de 5 pieds 1/2 de largeur à sa cuve, étoit
bien chauffé, et n’avoit été chargé que de
cette mine, qui avoit la fausse réputation
de 11e pouvoir donner que des fontes très-
blanches, très-cassantes, et par conséquent
du fer à très-gros grain , sans nerf et sans
ductilité. Comme j’étois dans l’idée que la
trop grande violence du feu ne peut qu’ai-
grir le fer, j’employai nia méthode ordinaire,
et que j’ai suivie constamment dans toutes
mes recherches sur la nature, qui consiste à
voir les extrêmes avant de considérer les
milieux : je fis donc, non pas ralentir, mais
enlever les soufflets ; et ayant fait en même
temps découvrir le toit de la halle , je sub-
stituai aux soufflets un ventilateur simple ,
qui n’étoit qu’un cône creux , de 24 pieds
de longueur sur 4 pieds de diamètre au gros
bout, et trois pouces seulement à sa pointe,
sur laquelle on adapta une buse de fer, et
qu’on plaça dans le trou de la tuyère ; en
même temps, on continuoit à charger de
charbon et de mine , comme si l’on eût
voulu continuer à couler : les charges des-
cendoient bien plus lentement, parce que le
feu n’étoit plus animé par le vent des souf-
flets; il l’étoit seulement par un courant d’air
que le ventilateur tiroit d’en haut , et qui ,
étant plus frais et plus dense que celui du
voisinage de la tuyère, arrivoit avec assez de
vitesse pour produire un murmure constant
dans l’intérieur du fourneau. Lorsque j’euj
fait charger environ deux milliers de char f
bon , et quatre milliers de mine , je fis dis 5,1
continuer, pour ne pas trop embarrasser l< jr
fourneau ; et le ventilateur étant toujours i P”
la tuyère, je laissai baisser les charbons ef
la mine sans remplir le vide qu’Üs laissoieSr
au dessus. Au boni de quinze ou seize heures f1
il se forma de p t i tes loupes, dont on tin
quelques-unes par le trou de la tuyère , e r !
qnelques autres par l’ouverture de la coulée r1
le feu dura quatre jours de plus, axant qui F
le charbon fût entièrement consumé; et, dan f
cet intervalle de temps, on tira des loupe r
plus grosses que les premières ; et après le r1
quatre jours, on en trouva de plus grossir
encore en vidant le fourneau.
Après avoir examiné ces loupes , qui m
parurent être d’une très-bonne étoffe , É
dont la plupart portoient à leur circonféil®1
reuce un grain fin et tout semblable à celûf
de l’acier, je les fis mettre au feu de l’affif'1
nerie et porter sous le marteau : elles ej'F
soutinrent le coup sans se diviser, sans s’é'p6
parpiller en étincelles, sans donner unir
grandi1 flamme , sans laisser couler beaueomj®c
de laitier; choses qui toutes arrivent lorsifj1
qu’011 forge du mauvais fer. On les forge#5
à la manière ordinaire : les barres qui eile
provenoient n’étoient pas toutes de la mèmiP
qualité; les unes ét oient de fer, les autre 'f01
d’acier, et le plus grand nombre de fer pa |a
un bout ou par un côté, et d’acier par l’autref1»
J’en ai fait faire des poinçons et des ciseau» P
par des ouvriers qui trouvèrent cet acieide
aussi bon que celui d’Allemagne. Les barre
qui n’étoient que de fer étoient si fermes
qu’il fut impossible de les rompre avec 1
masse, et qu’il fallut employer le cisea
d’acier pour les entamer profondément dt
deux côtés avant de pouvoir les rompre; c
fer étoit tout nerf, et ne pouvoit se sépare
qu’en se déchirant par le plus grand effor
E11 le comparant au fer que donne ceti
même mine fondue en gueuse à la manièt
ordinaire , on ne pouvoit se persuader qu’
provenoit de la même mine , dont on n’avo
jamais tiré que du fer à gros grain, sans 11e]
et très-cassant.
La quantité de mine que j’avois employé
dans cette expérience auroit dû produire a
moins 1 200 livres de fonte , c’est-à-dire ei
viron 800 livres de fer, si elle eût été fondi
par la méthode ordinaire, et je n’avois ol
tenu que 280 livres, tant d’acier que de fe
de toutes les loupes que j’avois réuuies ; <
en supposant un déchet de moitié du mai
F
coibij
|i?
ieèj
je fis
rrassd
wjniij
iriiont
bi>
sehea
Ion
jin
«Mil
aiilt
is fer au bon , et de trois quarts de mau-
is fer à l'acier, je voyois que ce produit
pouvoit équivaloir qu’à 5oo livres de
a u vais fer, et que, par conséquent, il y
oit eu plus du quart de mes quatre milliers
mine qui s’étoit consumé en pure perte,
en même temps près du tiers du charbon
ülé sans produit.
Ces expériences étant donc excessivement
lères, et voulant néanmoins les suivre, je
is le parti de faire construire deux four-
aux plus petits ; tous deux cependant de
pieds de hauteur, mais dont la capacité
térieure du second étoit d’un tiers plus
'lite que celle du premier. Il falloit, pour
îarger et remplir en entier mon grand four-
^au de fusion, i35 corbeilles de charbon
; 4o livres chacune, c’est-à-dire 5400 livres
; charbon, an lieu que, dans mes petits
urneaux , il ne falloit que 900 livres de
îarbon pour remplir le premier, et 600
vres pour remplir le second ; ce qui dimi-
uoit considérablement les trop grands frais
uisjle ces expériences. Je fis adosser ces four-
, ,| eaux l’un à l’autre , afin qu’ils pussent pro-
m ter de leur chaleur mutuelle : ils étoient
(0I> ‘parés par un mur de 3 pieds, etenviron-
fj és d’un autre mur de 4 pieds d’épaisseur;
jiii| ; tout bâti en bon moellon, et de la même
y ierre calcaire dont on se sert dans le pays
J our faire les étalages des grands fourneaux.
er p .a forme de la cavité de ces petits fourneaux
y toit pyramidale sur une base carrée . s éle-
1, ant d’abord perpendiculairement à 3 pieds
afj je hauteur, et ensuite s’inclinant en dedans
y ur le reste de leur élévation, qui étoit de
J 1 pieds : de sorte que l’ouverture supé-
J ieure se trouvoit réduite à 14 pouces au
y lus grand fourneau, et 11 pouces au plus
,iil j>etit. Je ne laissai dans le bas qu’une seule
»; 1 Ouverture à chacun de mes fourneaux ; elle
y :toit surbaissée en forme de voûte ou dé
|f| unette, dont le sommet ne s’élevoit qu’à
cJ s pieds r/2 dans la partie intérieure, et à
nie j. pieds en dehors ; je faisois remplir cette
J mverture par un petit mur de briques ,
art lans lequel on laissoit un trou de quelques
ut muces en bas pour écouler le laitier, et un
lutre trou à 1 pied 1/2 de hauteur pour
oj ïomper l’air. Je ne donne point ici la figure
ü le ces fourneaux , parce qu’ils n’ont pas
et assez bien réussi pour que je prétende les
ndi ionner pour modèles , et que d’ailleurs j’y
ol ai fait et j’y fais encore des changemens es-
fe senliels à mesure que 1 expérience m’apprend
uelque chose de nouveau. D’ailleurs, ce que
e viens de dire suffit pour en donner une
lidée,et aussi pour l’intelligence de ce qui suit.
Buffon. I.
PARTIE EXPÉRIMENTALE. 481
Ces fourneaux étoient placés de manière
que leur face antérieure , dans laquelle
étoien' les ouvertures en lunette, se trou-
voit parallèle au courant d’eau qui fait mou-
voir les roues des soufflets de mon grand
fourneau et de mes affineries, en sorte que
le grand entonnoir ou ventilateur dont j’ai
parlé pouvoit être posé de maniéré qu’il
recevoil sans cesse un air frais par le mou-
vement des roues ; il portoit cet air au four-
neau auquel il aboutissoit par sa pointe, qui
étoit une buse ou tuyau de fer de forme
conique, et d’un pouce et demi de diamètre
à son extrémité. Je fis faire en même temps
deux tuyaux d’aspiration, l’un de ro pieds
de longueur sur 14 pouces de largeur pour
le plus grand de mes petits fourneaux , et
l’autre de 7 pieds de longueur et de 1 1 pou-
ces de côté pour le plus petit. Je fis ces
tuyaux d’aspiration carrés, parce que les
ouvertures du dessus des fourneaux étoient
carrées, et que c’étoit sur ces ouvertures
qu’il falloit les poser; et quoique ces tuyaux
fussent faits d’une tôle assez légère, sur un
châssis de fer mince, ils ne laissoient pas
d’être pesans , et même embarrassans par
leur volume, surtout quand ils étoient fort
échauffés : quatre hommes avoient assez de
peine pour les placer et les replacer; ce qui
cependant étoit nécessaire toutes les fois
qu’il falloit charger les fourneaux.
J’y ai fait dix-sept expériences, dont cha-
cune duroit ordinairement deux ou trois
jours et deux ou trois nuits. Je n’en don-
nerai pas le détail, non seulement parce
qu’il seroit fort ennuyeux, mais même assez
inutile , attendu que je n’ai pu parvenir à
une méthode fixe, tant pour conduire le
feu, que pour le forcer à donner toujours le
même produit. Je dois donc me borner aux
simples résultats de ces expériences qui
m’ont démontré plusieurs vérités que je
crois très-utiles.
La première, c’est qu’on peut faire de
l’acier de la meilleure qualité sans employer
du fer comme on le fait communément, mais
seulement en faisant fondre la mine à un feu
long et gradué. De mes dix-sept expériences,
il y en a eu six où j’ai eu de l’acier bon et
médiocre , sept où je n’ai eu que du fer,
tantôt très-bon, et tantôt mauvais, et quatre
où j’ai eu une petite quantité de fonte et du
fer environné d’excellent acier. On ne man-
quera pas de me dire : Donnez-nous donc
au moins le détail de celles qui vous ont
produit du bon acier. Ma réponse est aussi
simple que vraie : c’est qu’en suivant les
mêmes procédés aussi exactement qu’il m’é-
3i
!
.
48s MINÉRAUX. INTRODUCTION.
toit possible, en chargeant de la même façon,
mettant la même quantité de mine et de
charbon, ôtant et mettant le ventilateur et
les tuyaux d'aspiration pendant un temps
égal, je n’en ai pas moins eu des résultats
tout différens. La seconde expérience me
donna de l’acier par les mêmes procédés que
la première, qui ne m’avoit produit que du
fer d’une qualité assez médiocre; la troi-
sième, par les mêmes procédés, m’a donné
de très-bon fer; et quand après cela j’ai
voulu varier la suite des procédés et chan-
ger quelque chose à mes fourneaux, le pro-
duit en a peut-être moins varié par ces
grands changemens qu’il n’avoit fait par le
seul caprice du feu, dont les effets et la con-
duite sont si difficiles à suivre, qu’on ne
peut les saisir ni même les deviner qu’après
une infinité d’épreuves et de tentatives qui
ne sont pas toujours heureuses. Je dois donc
me borner à dire ce que j’ai fait, sans anti-
ciper sur ce que des artistes plus habiles
pourront faire ; car il est certain qu’on par-
viendra à une méthode sûre de tirer de
l’acier de toute mine de fer sans la faire
couler en gueuses , et sans convertir la fonte
en fer.
C’est ici la seconde vérité, aussi utile que
la première. J’ai employé trois différentes
sortes de mines dans ces expériences ; j’ai
cherché, avant de les employer, le moyen
d’en bien connoitre la nature. Ces trois es-
pèces de mines étoient, à la vérité, toutes
les trois en grains plus ou moins fins ; je
n’étois pas à portée d’en avoir d’autres,
c’est-à-dire des mines en roche , en assez
grande quantité pour faire mes expériences:
mais je suis bien convaincu, après avoir fait
les épreuves de mes trois différentes mines
en grains, et qui toutes trois m’ont donné
de l’acier sans fusion précédente, que les
mines en roche, et toutes les mines de fer
en général , pourroient donner également
de l’acier en les traitant comme j’ai traité
les mines en grains. Des lors il faut donc
bannir de nos idées le préjugé si ancienne-
ment , si universellement reçu , que la qua-
lité du fer dépend de celle de la mine. Rien
n’est plus mal fondé que cette opinion; cest
au contraire uniquement de la conduite du
feu et de la manipulation de la mine que
dépend la bonne ou la mauvaise qualité de
la fonte du fer et de l’acier. Il faut encore
bannir un autre préjugé, c’est quW ne peut
avoir de l’acier qu’eu le tirant du fer ; tandis
qu’il est très-possible au contraire d'en tirer
immédiatement de toutes sortes de mines.
On rejettera donc eu conséquence les idées
de M. Yonge et de quelques autres chimistes I
qui ont imaginé qu’il y avoit des mines qui
avoient la qualité particulière de pouvoir
donner de l’acier à l’exclusion de toutes les
autres.
Une troisième vérité que j’ai recueillie de
mes expériences, c’est que toutes nos mines
de fer en grains, telles que celles de Bour-
gogne, de Champagne, de Franche-Comté, 1
de Lorraine, du Nivernois, de l’Angou-
mois, etc., c’tst-à-dire presque toutes les
mines dont on fait nos fers en France , ne
contiennent point de soufre comme les I
mines en roche de Suède ou d’Allemagne, j
et que par conséquent elles n’ont pas besoin i
d’être grillées, ni traitées de la même ma-
nière. Le préjugé du soufre contenu en
grande quantité dans les mines de fer nous
est venu des métallurgistes du Nord , qui ,
ne connoissant que leurs mines en roche
qu’on tire de la terre à de grandes profon-
deurs, comme nous tirons des pierres d’une
carrière, ont imaginé que toutes les mines
de fer étoient de la même nature, et conte-
noient , comme elles , une grande quantité !
de soufre; et, comme les expériences sur les
mines de fer sont très-difficiles à faire, nos j
chimistes s’en sont rapportés aux métallur- j
gistes du Nord, et ont écrit, comme eux, I
qu’il y avoit beaucoup de soufre dans nos
mines de fer, tandis que toutes les mines en |
grains que je viens de citer n’en contiennent j
point du tout, ou si peu, qu’on n en sent
pas l’odeur, de quelque façon qu’on les j
brûle. Les mines en roche ou en pierre dont
j’ai fait venir des échantillons de Suède et ;
d’Allemagne, répandent au contraire une
forte odeur de soufre lorsqu’on les fait
griller, et en contiennent réellement une j
tres-grande quantité, dont il faut les dé- i
pou illcr avant de les mettre au fourneau ;
pour les fondre.
Et de là suit une quatrième vérité tout
aussi intéressante que les autres : c’est que
nos mines en grains valent mieux que ces ’
mines en roche tant vantées, et que si nous
11e faisons pas du fer aussi b >n ou meilleur ji
que celui de Suède, c’est purement notre !
faute, et point du tout celle de nos mines, jj
qui toutes nous donneroient des fers de la i!
première qualité, si nous les traitions avec !
le même soin que prennent les étrangers ;!
pour arriver à ce but; il nous est même plus j
aisé de l’atteindre, nos mines ne demandent
pas, à beaucoup près, autant de travaux j
que les leurs. Voyez dans Swedenborg le j
détail de ces travaux : la seule extraction |
de la plupart de ces mines en îoche qu il
UIDlSl
*S
fil
siiiiii
! Bon
Corn!
Angoo.
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le'lej
ça
besoi
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moi
, qui
rorh
rofon
d’un
mine
lonle
anlil
u rie
m
PARUE EXPÉRIMENTALE.
faut aller arracher du sein de la terre , à 3
ou 400 pieds de profondeur, casser à coups
de marteau, de masse et de levier, enle-
ver ensuite par des machines jusqu’à la
hauteur de terre, doit coûter beaucoup plus
que le tirage de nos mines en grains, qui se
fait, pour ainsi dire, à fleur de terrain, et
sans autres instrumens que la pioche et la
pelle. Ce premier avantage n’est pas encore
le plus grand ; car il faut reprendre ces
quartiers , ces morceaux de pierres de fer,
les por er sous les maillets d’un boeard
pour les concasser, les broyer et les réduire
au même état de division où nos mines en
grains se trouvent naturellement; et comme
cette mine concassée contient une grande
quantité de soufre, elle ne produiroit que
de très-mauvais fer si on ne prenôit pas la
précaution de lui enlever la plus grande
partie de ce soufre surabondant , avant de la
jeter au fourneau. On la répand à cet effet
sur des bûchers d’une vaste étendue, où elle
se grille pendant quelques semaines. (Jette
consommaiion très -considérable de bois,
jointe à la difficulté de l’extraction de la
mine , rendrait la chose impraticable en
France, à cause de la cherté des bois. Nos
mines heureusement 11’ont pas besoin d’ètre
grillées, et il suffit de les laver pour les sé-
ij parer de la terre avec laquelle elles sont
mêlées ; la plupart se trouvent à quelques
pieds de profondeur ; l’exploitation de nos
mines se fait donc à beaucoup moins de
frais, et cependant nous ne profitons pas de
tous ces avantages, ou du moins nous n’en
avons pas profilé jusqu’ici, puisque les étran-
gers nous apportent leurs fers qui leur coû-
tent tant de peines, et que nous les achetons
de préférence aux nôtres , sur la réputation
qu’ils ont d’ètre de meilleure qualité.
Ceci tient à une cinquième vérité , qui
est plus morale que physique : c’est qu'il est
plus aisé, plus sûr, et plus profitable de
faire, surtout en ce genre, de la mauvaise
marchandise que de la bonne. Il est bien
plus commode de suivre la routine qu’on
trouve établie dans les forges, que de cher-
cher à en perfectionner l’art. Pourquoi vou-
loir faire du bon fer? disent la plupart des
maîtres de forge ; on ne le vendra pas une
pistole au dessus du fer commun, et il nous
reviendra peut-être à trois ou quatre de
plus, sans compter les risques et les frais des
expériences et des essais, qui 11e réussissent
pas tous à beaucoup près. Malheureusement
cela n’est que trop vrai ; nous ne profiterons
jamais de l'avantage naturel de nos mines,
ni même de noire intelligence , qui vaut
bien celle des étrangers , tant que le gouver-
nement ne donnera pas à cet objet plus d’at-
tention, tant qu’on ne favorisera pas le petit
nombre des manufactures où l’on fait de bon
fer, et qu’on permettra l’entrée des fers
étrangers. Il me semble que l’on peut dé-
montrer avec la dernière évidence le tort
que cela fait aux arts et à 1 État ; mais je
m'écarterais trop de mon sujet si j’enlrois
ici dans cette discussion.
Tout ce que je puis assurer comme une
sixième vérité, c’est qu’avec toutes sortes
de mines on peut toujours obtenir du fer de
même qualité. J’ai fait brûler et fondre suc-
cessivement dans mon plus grand fourneau,
qui a 23 pieds de hauteur, sept espèces de
mines différentes, tirées à deux, trois et
quatre lieues de distance les unes des au-
tres, dans des terrains tous différens, les
unes en grains plus gros que des pois, les
autres en grains gros comme des chevro-
tines, plomb à lièvre, et les autres plus me-
nues que le plus petit piomb à tirer; et de
ces sept différentes espèces de mines dont
j’ai fait fondre plusieurs centaines de mil-
liers, j’ai toujours eu le même fer. Ce fer
est bien connu , non seulement dans la pro-
vince de Bourgogne, où sont situées mes
forges, mais même à Paris, où s’en fait le
principal débit, et il est regardé comme de
très-bonne qualité. Ou serait donc fondé à
croire que j’ai toujours employé la même
mine, qui, toujours traitée de la même façon,
m’auroil constamment donné le même pro-
duit; tandis que, dans le vrai, j ai usé de
toutes les mines que j’ai pu découvrir, et
que ce n’est qu'en vertu des précautions et
des soins que j’ai pris de les traiter diffé-
remment, que je suis parvenu à en tirer
un résultat semblable et un produit de
même qualité. Voici les observations et les
expériences que j’ai faites à ce sujet ; elles
seront utiles et même nécessaires à tous
ceux qui voudront counoître la qualité des
mines qn’ils emploient.
Nos mines de fer en grains ne se trouvent
jamais pures dans le sein de la terre; toutes
sont mélangées d’une certaine quantité de
terre qui peut se délayer dans l'eau, et d’un
sable plus ou moins fin, qui, dans de cer-
taines mines, est de nature calcaire, dans
d’autres de nature vitrifiable, et quelquefois
mêlé de l’une et de l’autre ; je n’ai pas vu
qu il y eût aucun autre mélange dans les
sept espèces de mines que j’ai traitées et
fondues avec un égal succès. Pour recon-
noitre la quantité de terre qui doit se dé-
layer dans l'eau, et que l’on peut espérer
3i.
4*4 MINÉRAUX. INTRODUCTION.
de séparer de la mine au lavage , il faut en
peser une petite quantité dans l’état même
où elle sort de la terre , la faire ensuite sé-
cher, et mettre en compte le poids de l’eau
qui se sera dissipée par le dessèchement. On
mettra cette terre séchée dans un vase que
l’on remplira d’eau, et on la remuera; dès
que l’eau sera jaune ou bourbeuse, on la
versera dans un autre vase plat pour en
faire évaporer l’eau par le moyen du feu ;
après l’évaporation, on mettra à part le
résidu terreux. On réitérera cette même
manipulation jusqu’à ce que la mine ne co-
lore plus l’eau qu’on verse dessus; ce qui
n’arrive jamais qu’après un grand nombre
de lotions. Alors on réunit ensemble tous ces
résidus terreux, et on les pese pour reconnoî-
tre leur quantité relative à celle de la mine.
Cette première partie du mélange de la
mine étant connue et son poids constaté, il
restera les grains de mine et les sables que
l’eau n’a pu délayer : si ces sables sont cal-
caires, il faudra les faire dissoudre à l’eau-
forte, et on en reconnoîtra la quantité en
les faisant précipiter après les avoir dissous;
on les pèsera , et dès lors on saura au juste
combien la mine contient de terre, de sable
calcaire et de fer en grains. Par exemple ,
la mine dont je me suis servi pour la pre-
mière expérience de ce mémoire contenoit
par once i gros 1/2 de terre délayée par
l’eau , i gros 55 grains de sable dissous par
l’eau-forte, 3 gros 66 grains de mine de fer,
et il y a eu 59 grains de perdus dans les
lotions et dissolutions. C’esl M. Daubenton,
de l’Académie des Sciences, qui a bien voulu
faire cette expérience à ma prière, et qui l’a
faite avec toute l’exactitude qu’il apporte à
tous les sujets qu'il traite.
Après cette épreuve, il faut examiner at-
tentivement la mine dont on vient de sé-
parer la terre et le sable calcaire , et tâcher
de reconnoître , à la seule inspection , s’il
ne se trouve pas encore, parmi les grains de
fer, des particules d’autres matières que
l’eau-forte n’auroit pu dissoudre , et qui par
conséquent ne seroient pas calcaires. Dans
celle dont je viens de parler, il n’y en avoit
point du tout, et dès lors j’étois assuré que
sur une quantité de 576 livres de cette mine,
il y avoit 2S2 parties de mine de fer, 127
de matière calcaire, et le reste de terre qui
peut se délayer à l’eau. Cette connoissance
une fois acquise, il sera aisé d'en tirer les
procédés qu’il faut suivre pour faire fondre
la mine avec avantage et avec certitude d'en
obtenir du bon fer, comme nous le dirons
dans la suite.
Dans les six autres espèces de mines que
j’ai employ ées, il s’en est trouvé quatre dont
le sable n’étoit point dissoluble à l’eau-forte,
et dont par conséquent la nature n’éloit pas
calcaire , mais vitrifiable ; et les deux autres,
qui étoient à plus gros grains de fer que les
cinq premières , contenoient des graviers
calcaires en assez petite quantité, et de pe-
tits cailloux arrondis, qui étoient de la na-
ture de la calcédoine, et qui ressembloient
par la forme aux chrysalides des fourmis :
les ouvriers employés à l’extraction et au
lavage des mines les appeloient œufs de
fourmis. Chacune de ces mines exige une
suite de procédés différens pour les fondre
avec avantage et pour en tirer du fer de
même qualité.
Ces procédés , quoique assez simples , ne
laissent pas d’exiger une grande attention;
comme il s’agit de travailler sur des milliers
de quintaux de mine , on est forcé de cher-
cher tous les moyens et de prendre toutes
les voies qui peuvent aller à l’économie : j’ai
acquis sur cela de l’expérience à mes dé-
pens, et je ne ferai pas mention des mé-
thodes qui, quoique plus précises et meil-
leures que celles dont je vais parler, seroient
trop dispendieuses pour pouvoir être mises
en pratique. Comme je n’ai pas eu d’autre
but dans mon travail que celui de l’utilité
publique, j’ai tâché de réduire ces procédés
à quelque chose d’assez simple pour pouvoir
être entendu et exécuté par tous les maîtres
de forges qui voudront faire du bon fer,
mais néanmoins en les prévenant d’avance
que ce bon fer leur coûtera plus que le fer
commun qu’ils ont coutume de fabriquer,
par la même raison que le pain blanc coûte
plus que le pain bis ; car il ne s’agit de
même que de cribler, tirer et séparer le
bon grain de toutes les matières hétérogènes
dont il se trouve mélangé.
Je parlerai ailleurs de la recherche et de
la découverte des mines ; mais je suppose
ici les mines toutes trouvées et tirées ; je
suppose aussi que par des épreuves sembla-
bles à celles que je viens d’indiquer on con-
noisse la nature des sables qui y sont mé-
langés. La première opération qu’il faut faire,
c’est de les transporter aux lavoirs , qui doi-
vent être d’une construction différente selon
les différentes mines ; celles qui sont en
grains plus gros que les sables qu’elles con-
tiennent doivent être lavées dans des lavoirs
foncés de 1er et percés de petits trous comme
ceux qu’a proposés M. Robert, et qui sont
très-bien imaginés; car ils servent en même
temps de lavoirs et de cribles : l’eau emmène
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
485
vec elle toute la terre qu’elle peut délayer,
et les sablons plus menus que les grains de
la mine passent en même temps par les pe-
tits trous dont le fond du lavoir est percé ;
et dans le cas où les sablons sont aussi gros,
mais moins durs que le grain de la mine , le
râble de fer les écrase, et ils tombent avec
’eau au dessous du lavoir; la mine reste
nette et assez pure pour qu’on la puisse fon-
dre avec économie. Mais ces mines , dont
les grains sont plus gros et plus durs que
ceux des sables ou petits cailloux qui y sont
mélangés , sont assez rares. Des sept espèces
de mines que j’ai eu occasion de traiter, il
ne s’en est trouvé qu’une qui fût dans le cas
d’être lavée à ce lavoir, que j’ai fait exécuter
et qui a bien réussi ; cette mine est celle qui
ne contenoit que du sable calcaire, qui com-
munément est moins dur que le grain de la
mine. J’ai néanmoins observé que les râbles
de fer, en frottant contre le fond du lavoir,
qui est aussi de fer, ne laissoient pas d’é-
craser une assez grande quantité de grains
de mine, qui, dès lors, passoienl avec le
sable et tomboient en pure perte sous le
lavoir ; et je crois cette perte inévitable dans
les lavoirs foncés de fer. D ailleurs la quan-
tité de castine que M. Robert étoit obligé
de mêler à ses mines, et qu’il dit être d’un
tiers de la mine, prouve qu’il restoit encore,
après le lavage, une portion considérable de
sablon vitrifiable, ou de terre vitrescible ,
dans ces mines ainsi lavées; car il n’auroit
eu besoin que d’un sixième ou même d’un
huitième de castine, si les mines eussent été
plus épurées, c’est-à-dire plus dépouillées
de la terre grasse ou du sable vitrifiable
qu’elles contenoient.
Au reste, il n étoit pas possible de se
servir de ce même lavoir pour les autres six
espèces de mines que j’ai eues à traiter; de
ces six il y en avoit quatre qui se sont trou-
vées mêlées d’un sablon vitrescible aussi
dur et même plus dur et en même temps
plus gros ou aussi gros que les grains de la
mine. Pour épurer ces quatre espèces de
mines, je me suis servi de lavoirs ordinaires
et foncés de bois plein, avec un courant
d’eau plus rapide qu'à l’ordinaire : on les
passoit neuf fois de suite à l’eau ; et à me-
sure que le courant vif de l’eau emportoit
la terre et le sablon le plus léger et le plus
petit , on faisoit passer la mine dans des cri-
bles de fil de fer assez serrés pour retenir
tous les petits cailloux plus gros que les
grains de la mine. En lavant ainsi neuf fois
et criblant trois fois, on parvenoit à ne
laisser dans ces mines qu’environ un cin-
quième ou un sixième de ces petits cailloux
ou sablons vitrescibles, et c’étoient ceux qui,
étant de la même grosseur que les grains de
la mine, étoient aussi de la même pesanteur,
en sorte qu’on ne pou voit les séparer ni
par le lavoir ni par le crible. Apres cette
première préparation, qui est tout ce qu’on
peut faire par le moyen du lavoir et des
cribles à l’eau, la mine étoit assez nette pour
pouvoir êlre mise au fourneau; et comme
elle étoit encore mélangée d’uu cinquième
ou d’un sixième de madères vitrescibles, on
pouvoit la fondre avec un quart de castine
ou matière calcaire , et en obtenir de très-
bon fer en ménageant les charges, c’est-à-
dire en mettant moins de mine que l’on n’en
met ordinairement : mais comme alors on
ne fond pas à profit, parce qu’on use une
grande quantité de charbon , il faut encore
tâcher d’épurer sa mine avant de la jeter au
fourneau. On ne pourra guère en venir à
boui qu’en la faisant vanner et cribler à
l’air, comme l’on vanne et crible le blé. J’ai
séparé par ces moyens encore plus d’une
moitié de matières hétérogènes qui restoient
dans mes mines; et, quoique cette dernière
opération soit longue et même assez diffi-
cile à exécuter en grand , j’ai reconnu , par
l’épargne du charbon, qu’elle étoit profitable :
il en coûtoit vingt sous pour vanner et cri-
bler quinze cents pesant de mine ; mais on
éparguoit au fourneau trente-cinq sous de
charbon pour la foudre. Je crois donc que
quand cette pratique sera connue on ne
manquera pas de l’adopter. La seule diffi-
culté qu’on y trouvera, c’est de faire sécher
assez les mines pour les faire passer au cri-
ble et les vanner avantageusement. Il y a
très-peu de matières qui retiennent l’humi-
dité aussi long-temps que les mines de fer
en grains 1 ; une seule pluie les rend humides
pour plus d’un mois. Il faut donc des han-
gars couverts pour les déposer; il faut les
étendre par petites couches de trois ou
quatre pouces d’épaisseur, les remuer, les
exposer au soleil ; en un mot , les sécher au-
tant qu’il est possible; sans cela, le van ni
le crible ne peuvent faire leur effet. Ce n’est
i. Pour reconnoître la quantité d’humidité qui
réside dans la mine de fer, j’ai fait sécher, et , pour
ainsi dire, griller dans un four très-chaud , trois
cents livres de celle qui avoit été la mieux lavée ,
et qui s’étoit déjà séchée à l’air; et ayant pesé cette
mine au sortir du four, elle ne pesoit plus que deux
cent cinquante livres : ainsi la quantité de ta ma-
tière humide ou volatile que la chaleur lui enlève
est à très-peu près d’uu sixième de sou poids total,
et je suis persuadé que si on la grilloit à un feu
plus vio teut j elle perdroit encore plus.
i
486 MINÉRAUX. INTRODUCTION.
qu’en été qu’on peut y travailler ; et quand
il s’agit de faire passer au crible quinze ou
dix-huit cents milliers de mine que l’on
brûle au fourneau dans cinq ou six mois,
on sent bien que le temps doit toujours man-
quer, et il manque en effet ; car je n'ai pu
par chaque été faire traiter ainsi qu’environ
cinq ou six cents milliers : cependant , en
augmentant l’espace des hangars, et en dou-
blant les machines et les hommes, on en
viendroit à bout ; et l’économie qu’on trouve-
roit par la moindre consommation de char-
bon dédommageroit et au delà de tous ces
frais.
On doit traiter de même les mines qui
sont mélangées de graviers calcaires et de
petits cailloux ou de sable vitrescible ; en sé-
parer le plus que l’on pourra de cette se-
conde matière, à laquelle la première sert de
fondant , et que , par cette raison , il n’est
pas nécessaire d oter, à moins qu’elle ne
fût en trop grande quantité : j’en ai tra-
vaillé deux de cette espèce; elles sont plus
fusibles que les autres, parce qu’elles con-
tiennent une bonne quantité de casliue, et
qu’il ne leur en faut ajouter que peu ou
même point du tout , dans le cas où il n’y
auroit que peu ou point de matières vitres-
cibles.
Lorsque les mines de fer ne contiennent
point de matières vitrescibles , et ne sont
mélangées que de matières calcaires, il faut
tâcher de reconnoitre la proportion du fer
et de la matière calcaire, en séparant les
grains de mine un à un sur une petite quan-
tité, ou en dissolvant à l’eau-forte les par-
ties calcaires, comme je l’ai dit ci-devant.
Lorsqu’on se sera assuré de cette propor-
tion, on saura tout ce qui est nécessaire
pour fondre ces mines avec succès. Par
exemple, la mine qui a servi à la première
expérience , et qui contenoit i gros 55
grains de sable calcaire, sur 3 gros 66 grains
de fer en grains, et dont il s’éloil perdu
5g grains dans les lotions et la dissolution,
éioil par conséquent mélangée d’en\iron un
tiers de castine ou de matière calcaire, sur
deux tiers de fer en grains. Cette mine
porte donc naturellement sa castine; et on
ne peut que gâter la fonte si on ajoute en-
core de la matière calcaire pour la fondre :
il faut , au contraire, y mêler des matières
vitrescibles, et choisir celles qui se fondent
le plus aisément. En mettant un quinzième
ou même un seizième de terre vitrescible ,
qu’on appelle aubue, j’ai fondu cette mine
avec un grand succès , et elle m’a donné
d’excellent fer, tandis qu’en la fondant avec
une addition de castine, comme c’étoit
l’usage dans le pays avant moi, elle ne pro-
duisoit qu’une mauvaise fonte qui cassoit
par son propre poids sur les rouleaux en la
conduisant à raffinerie. Ainsi , toutes les fois
qu’une mine de fer se trouve naturellement
surchargée d’une grande quantité de ma-
tières calcaires , il faut , au lieu de castine,
employer de l’aubue pour la fondre avec
avantage. On doit préférer cette terre au-
bue à toutes les autres matières vitresci-
bles , parce qu’elle fond plus aisément que
le caillou, le sable cristallin et les autres
matières du genre vitrifiable qui pourroient
faire le même effet, mais qui exigeroient
plus de charbon pour se fondre. D’ailleurs
cette lerre aubue se trouve presque partout,
et est la lerre la plus commune de nos cam-
pagnes. En se fondant elle saisit les sablons,
les pénèlre , les ramollit , et les fait couler
avec elle plus promptement que ne pour-
roit le faire le petit caillou ou le sable vi-
trescible, auxquels il faut beaucoup plus
de feu pour les fondre.
On est dans l’erreur lorsqu’on croit que
la mine de fer ne peut se fondre sans cas-
tine ; on peut la fondre non seulement sans
castine , mais même sans aubue et sans au-
cun autre fondant , lorsqu’elle est nette et
pure : mais il est vrai qu’alors il se brûle
une quantité assez considérable de mine qui
tombe en mauvais laitier, et qui diminue le
produit de la fonte. Il s agit donc , pour fon-
dre le plus avantageusement qu’il est possi-
ble , de trouver d’abord quel est le fondant
qui convient à la mine , et ensuite dans
quelle proportion il faut lui donner ce fon-
dant pour qu’elle se convertisse entièrement
en fonte de fer, et qu’elle ne brûle pas avant
d’entrer en fusion. Si la mine est mêlée d’un
tiers ou d’un quart de matières vitrescibles,
et qu’il ne s’y trouve aucune matière cal-
caire, alors un demi-tiers ou un demi-quart
de matières calcaires suffira pour la fondre ;
et si, au contraire , elle se trouve naturelle-
ment mélangée d’un tiers ou d’un quart de
sables ou de graviers calcaires, un quinzième
ou un dix-huitième d’aubue suffira pour la
faire couler et la préserver de l’action su-
bite du feu , qui ne manqueroit pas de la
brûler en partie. On pèche presque partout
par l’excès de castine qu’on met dans les
fourneaux; il y a même des maîtres de cet
art assez peu instruits pour mettre de la
castine et de l’aubue tout ensemble ou sé-
parément , suivant qu’ils imaginent que leur
mine est trop froide ou trop chaude: tandis
que , dans le réel , toutes les mines de fer.
S.-W
PARTIE EXPERIMENTALE.
487
du moins toutes les mines en grains , sont
également fusibles, et ne diffèrent les unes
des autres que par les matières dont elles
sont mélangées, et pas du tout par leurs
qualités intrinsèques , qui sont absolument
les mêmes, et qui m’ont démontré que le
fer, comme tout autre métal, est un dans la
Inature.
O11 reconnoîtra par les laitiers si la pro-
jportion de la castine ou del’aubue que l’on
jette au fourneau pèche par excès ou par
(défaut : lorsque les laitiers sont trop légers,
spongieux, et blancs, presque semblables
à la pierre ponce, c’est une preuve certaine
qu’il y a trop de maiiere calcaire; en dimi-
nuant la quantité de cette matière on verra
de laitier prendre plus de solidité, et former
lun verre ordinairement de couleur verdâtre,
qui file, s’étend, et coule lentement au
sortir du fourneau. Si au contraire le lai-
tier est trop visqueux , s’il ne coule que
très-difficilement, s’il faut l’arracher du
sommet de la dame, on peut être sût qu’il
n’y a pas assez de castine, ou peut-être
pas assez de charbon proportionnellement
à la mine; la consistance et même la cou-
leur du laitier sont les indices les plus sûrs
du bon ou du mauvais état du fourneau , et
de la bonne ou mauvaise proportion des
matières qu’on y jette : il faut que le laitier
coule seul et forme un ruisseau lent sur la
pente qui s’étend du sommet de la dame au
terrain ; il faut que sa couleur ne soit pas
d’un rouge trop vif ou trop foncé, mais
d’un rouge pâle et blanchâtre; et lorsqu’il
est refroidi , on doit trouver un verre so-
lide , transparent, et verdâtre, aussi pesant
et même plus que le verre ordinaire. Rien
ne prouve mieux le mauvais travail du four-
neau, ou la disproportion des mélanges, que
les laitiers trop légers, trop pesans , trop
obscurs ; et ceux dans lesquels on remarque
plusieurs petits trous ronds, gros comme
les grains de mine, ne sont pas des laitiers
proprement dits, mais de la mine brûlée
qui n’est pas fondue.
Il y a encore plusieurs attentions néces-
saires et quelques précautions à prendre ,
pour fondre les mines de fer avec la plus
grande économie. Je suis parvenu, après un
grand nombre d’essais réitérés, à ne con-
sommer que 1. livre 7 onces 1/2 ou tout au
plus 1 livre 8 onces de charbon pour 1 livre
de fonte; car, avec 2880 livres de charbon,
lorsque mon fourneau est pleinement ani-
mé , j’obtiens constamment des gueuses de
1875 , 1900, et 1950 livres, et je crois que
î’est le plus haut point d’économie auquel
on puisse arriver : car M. Robert, qui, de
tous les mailres de cet art, est peut-être ce-
lui qui , par le moyen de son lavoir, a le
plus épuré ses mines , consommoit néan-
moins i livre 10 onces de charbon pour
chaque livre de fonte, et je doute que la
qualité de ses fontes fût aussi parfaite que
celle des miennes ; mais cela dépend ,
comme je viens de le dire , d’un grand
nombre d’observations et de précautions
dont je vais indiquer les principales.
x° La cheminée du fourneau , depuis la
cuve jusqu’au gueulard, doit être circu-
laire, et non pas a huit pans, comme étoit
le fourneau de M. Robert, ou carrée comme
le sont les cheminées de la plupart des four-
neaux en France. Il est bien aisé de sentir
que dans un carré la chaleur se perd dans
les angles sans réagir sur la mine , et que
par conséquent on brûle plus de charbon
pour en fondre la même quantité.
20 .L’ouverture du gueulard ne doit être
que la moitié du diamètre de la largeur de
la cuve du fourneau. J’ai fait des fondages
avec de très-grands et de très-petits gueu-
lards; par exemple, de 3 pieds r/2 de dia-
mètre , la cuve n’ayant que 5 pieds de dia-
mètre , ce qui est à peu près la proportion
des fourneaux de Suede ; et j’ai vu que
chaque livre de fonte consommoit près de
2 livres de charbon. Ensuite ayant rétréci
la cheminée du fourneau, et laissant tou-
jours à la cuve un diamètre de 5 pieds, j’ai
réduit le gueulard à 2 pieds de diamètre;
et, dans ce fondage, j’ai consommé 1 livre
i3 onces de charbon pour chaque livre de
fonte. La proportion qui m’a le mieux réus-
si, et à laquelle je me suis tenu, est celle
de 2 pieds 1/2 de diamètre au gueulard, sur
5 pieds à la cuve , la cheminée formant un
cône droit, portant sur des gueuses circu-
laires depuis la cuve au gueulard, le tout
construit avec des briques capables de résis-
ter au plus grand feu. Je donnerai ailleurs
la composition de ces briques , et les détails
de la construction du fourneau , qui est
toute différente de ce qui s’est pratiqué jus-
qu’ici , surtout pour la partie qu’on appelle
l'ouvrage dans le fourneau.
3° La manière de charger le fourneau ne
laisse pas d’influer beaucoup plus qu’on ne
croit sur le produit de la fusion. Au lieu de
charger, comme c’est l’usage , toujours du
côté de la rustine, et de laisser couler la
mine en pente, de manière que ce côté de
rustine est constamment plus chargé que les
autres , il faut la placer au milieu du gueu-
lard , l’élever en cône obtus, et ne jamais
488
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
interrompre le cours de la flamme, qui doit
toujours envelopper le tas de mine tout au-
tour, et donner constamment le même degré
de feu. Par exemple , je fais charger com-
munément six paniers de charbon de 40 li-
vres chacun , sur huit mesures de mine de
55 livres chacune , et je fais couler à douze
charges; j’obtiens communément 19a 5 livres
de fonte de la meilleure qualité. On com-
mence, comme partout ailleurs, à mettre
le charbon ; j’observe seulement de ne me
servir au fourneau que de charbon de bois
de chêne, et je laisse pour les affim ries le
charbon des bois plus doux. On jette d’abord
cinq paniers de ce gros charbon de bois de
chêne , et le dernier panier, qu’on impose
sur les cinq autres, doit être d’un charbon
plus menu, que l’on entasse et brise avec un
râble, pour qu’il remplisse exactement les
vides que laissent entre eux les gros char-
bons. Cette précaution est nécessaire pour
que la mine, dont les grains sont très-menus,
ne perce pas trop vite, et n’arrive pas trop
tôt au bas du fourneau. C’est aussi par la
même raison qu’avant d’imposer la mine sur
ce dernier charbon , qui doit être non pas
à fleur du gueulard , mais à deux pouces au
dessous , il faut , suivant la nature de la
mine , répandre une portion de la casline
ou de l’aubue , nécessaire à la fusion , sur la
surface du charbon ; cette couche de ma-
tière soutient la mine et l’empêche de per-
cer. Ensuite on impose au milieu de l’ouver-
ture une mesure de mine qui doit être
mouillée, non pas assez pour tenir à la main,
mais assez pour que les grains aient entre
eux quelque adhérence et fassent quelques
petites pelotes. Sur cette première mesure
de mine on en met une seconde , et on re-
lève le tout en cône , de manière que la
flamme l’enveloppe en entier ; et s’il y a
quelques points dans cette circonférence où
la flamme ne perce pas , on enfonce un petit
ringard pour lui donner jour, afin d’en en-
tretenir l’égalité tout autour de la mine.
Quelques minutes après, lorsque le cône de
mine est affaissé de moitié ou des deux
tiers, on impose de la même façon une troi-
sième et une quatrième mesure qu’on releve
de même, et ainsi de suite jusqu’à la hui-
tième mesure. On emploie quinze ou vingt
minutes à charger successivement la mine;
cette maniéré est meilleure et bien plus pro-
fitable que la façon ordinaire qui est en
usage , par laquelle on se presse de jeter, et
toujours du même côté, la mine tout ensem-
ble en moins de 3 ou 4 minutes.
4.0 La conduite du vent contribue beau-
coup à l’augmentation du produit delà mim
et de l’épargne du charbon. Il faut, dans hi
commencement du fondage, donner le moin
dre vent qu’il est possible, c’èst-à-dire à pei
près six coups de soufflet par minute , e
augmenter peu à peu le mouvement pendan
les quinze premiers jours , au bout desquels I
on peut ailer jusqu’à onze et même jusqu’;
douze coups de soufflet par minute; mais i
faut encore que la grandeur des soufflets soit
proportionnée à la capacité du fourneau , et
que l’orifice de la tuyère soit placé d’un tiers
plus près de la rustine que delà tympe, afin
que le vent ne se porte pas trop du côté dt
l’ouverture qui donne passage au laitier.' 01
Le buses des soufflets doivent être posées à; RI
6 ou 7 pouces en dedans de la tuyère, et lét Ff
milieu du creuset doit se trouver à l’aplombl
du centre du gueulard ; de cette manière let ie
vent circule à peu près également dansi; "
toute la cavité du fourneau . et la mine des-,
cend, pour ainsi dire, à plomb, et ne s’at-t
lâche que tres-rarement et en petite quan-i
tité aux parois du fourneau ; dès lors il s’enil1'0]
brûle très-peu, et l’on évite les embarras |n
qui se forment souvent par cette mine atta-aJH
chée , et les bouillonnemens qui arrivent P
dans le creuset lorsqu’elle vient à se détacher; *
et y tomber en masse. Mais je renvoie les' Df
détails de la construction et de la conduite
des fourneaux à un autre mémoire, parcee
que ce sujet exige une très-longue discus-
sion. Je pense que j’en ai dit assez pour que
les maîtres de forges puissent m’entendre,
et changer ou perfectionner leurs méthodes
d’après la mienne. J’ajouterai seulement que
par les moyens que je viens d’indiquer, et î
en ne pressant pas le feu , en ne cherchant
point à accélérer les coulées, en n’augmen-
tant de mine qu’avec précaution , en se te-
nant toujours au dessous delà quantité qu’on ij
pourroit charger, on sera sûr d’avoir de très-
bonne fonte grise, dont on tirera d’excel-
lent fer, et qui sera toujours de même qua-
lité, de quelque mine qu’il provienne. Je
puis l’assurer de toutes les mines en grains ,
puisque j’ai sur cela l’expérience la plus
constante et les faits les plus réitérés. Mes
fers , depuis cinq ans , n’ont jamais varié
pour la qualité, et néanmoins j’ai employé
sept espèces de mines différentes : mais je
n’ai garde d’assurer de même que les mines
de fer en roche donneroient , comme celles
en grains, du fer de même qualité; car
celles qui contiennent du cuivre ne peuvent
guère produire que du fer aigre et cassant,
de quelque maniéré qu’on voulût les traiter,
parce qu’il est comme impossible de les pur-
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
4*9
r de ce métal , dont le moindre mélange
il ite beaucoup la qualité du fer. Celles qui
mtiennent des pyrites et beaucoup de
ufre demanderoient à être traitées dans
! petits fourneaux presque ouverts, ou à la
anière des forges des Pyrénées : mais
31)116 )mine toutes les mines en grains, du moins
iis(|[|' )utes celles que j’ai eu occasion d’examiner
nais i t j’en ai vu beaucoup, m’en étant procuré
■ts soi un grand nombre d’endroits) , ne contien-
■i/i, et jent ni cuivre ni soufre, on sera certain
lien "avoir du très-bon fer, et de la même qua-
, afin lé, en suivant les procédés que je viens
itéij indiquer; et comme ces mines en grains
litil >nt , pour ainsi dire, les seules que l’on
séesj^ploite en France, et qu’à l’exception des
et II rovinces du Dauphiné, de Bretagne , du
loml oussillon, du pays de Foix, etc., où l’on
re le 3 sert des mines en roche, presque toutes
dans os autres provinces n’ont que des mines
des. n grains, les procédés que je viens de don-
s’a(. er pour le traitement de ces mines en
uan- rains seront plus généralement utiles au
s'Jbyaume que les manières particulières de
M'ai ter les mines en roche , dont d’ailleurs on
i.peut s’instruire dans Swedenborg, et dans
fttt|uelques autres auteurs.
Imr |l Ces procédés , que tous les gens qui con-
Joissent les forges peuvent entendre aisé-
liJnent, se réduisent à séparer d’abord, au-
rce liant qu’il sera possible, toutes les matières
iJjîtrangères qui se trouvent mêlées avec la
|iie|nine ; si l’on pouvoil en avoir le grain pur
e |t sans aucun mélange, tous les fers, dans
jPJous pays, seroient exactement de la même
lieÉualité ; je me suis assuré, par un grand
et nombre d’essais, que toutes les mines en
Jgrains, ou plutôt que tous les grains des
Jiifférentes mines, sont à très-peu près de
, la même substance. Le fer est un dans la
n i nature , comme l’or et Jous les autres mé-
Jtaux, et, dans les mines en grains , les dif-
I tereuces qu’on y trouve ne viennent pas de
j. | la matière qui compose le grain , mais de
celles qui se trouvent mêlées avec les grains,
et que l’on n’en sépare pas avant de les faire
fondre. La seule différence que j’ai observée
entre les grains des différentes mines que
j’ai fait tirer un à un pour faire mes essais,
c’est que les plus petits sont ceux qui oui la
plus grande pesanteur spécifique, et par
conséquent ceux qui , sous le même volume,
contiennent le plus de fer ; il y a commu-
nément une petite cavité au centre de cha-
que grain ; plus ils sont gros, plus ce vide
est grand ; ils n’augmentent pas comme le
te seulement , mais en bien plus grande
| proportion ; en sorte que les plus gros grains
sont à peu près comme les geodes ou pierres
d’aigle, qui sont elles-mêmes de gros grains
de mine de fer, dont la cavité intérieure est
très-grande. Ainsi les mines en grains très-*
menus sont ordinairement les plus riches;
j’en ai tiré jusqu’à 49 et 5o par 100 de fer
en gueuse, et je suis persuadé que si je les
avois épurées en entier, j’aurois obtenu plus
de 60 par 100; car il y restoit environ un
cinquième de sable vitrescible aussi gros et
à peu près aussi pesant que le grain, et que
je n’avois pu séparer ; ce cinquième déduit
sur 100, reste 80, dont ayant tiré 5o, on
auroit par conséquent obtenu 62 1/2. On
demandera peut-être comment je pouvois
m’assurer qu’il ne restoit qu’un cinquième
de matières hétérogènes dans la mine, et
comment il faut faire en général pour re-
connoître cette quantité : cela n’est point du
tout difficile; il suffit de peser exactement
une demi-livre de la mine , la livrer ensuite
à une petite personne attentive , once par
once , et lui en faire trier tous les grains un
à un ; ils sont toujours très-reconnoissables
par leur luisant métallique; et lorsqu’on les
a tous triés, on pèse les grains d’un côté et
les sablons de l’autre , pour reconnoître la
proportion de leurs quantités.
Les métallurgistes qui ont parlé des mines
de fer en roche disent qu’il y en a quelques-
unes de si riches, qu’elles donnent 70 et
même 75 et davantage de fer en gueuse par
100 : cela semble prouver que ces mines en
roche sont en effet plus abondantes en fer
que les mines en grains. Cependant j’ai quel-
que peine à le croire ; et ayant consulté les
Mémoires de feu M. Jars, qui a fait en
Suède des observations exactes sur les mines,
j’ai vu que , selon lui , les plus riches ne
donnent que 5o pour 100 de fonte en gueuse.
J’ai fait venir des échantillons de plusieurs
mines de Suède, de celles des Pyrénées et
de celles d’Allevard en Dauphiné, que M. le
comte de Baral a bien voulu me procurer,
en m’envoyant la note ci-jointe 1 ; et les
ayant comparées à la balance hydrostatique
1. « La terre d’Allevard est composée du bourg
d’Allevard et de cinq paroisses, dans lesquelles il
peut y avoir près de 6000 personnes toutes occu-
pées , soit à l’exploitation des mines , soit à con-
vertir les bois en charbon , et aux travaux des
fourneaux , forges et martinets. La hauteur des
montagnes est pleine de rameaux de mines de fer ;
et elles y sont si abondantes, qu’elles fournissent
des mines à toute la province de Dauphiné. Les
qualités en sont si fines et si pures , qu’elles ont
toujours été absolument nécessaires pour la fabri-
que royale de canons de Saint-Gervais , d’où l’on
vient les chercher à grands frais ; ces mines sont
toutes répandues dans le cœur des roches ; où elles
4go
avec nos mines en grains
vérité, trouvées plus pesantes : mais cette
épreuve n’est pas concluante , à cause de la
cavité qui se trouve dans chaque grain de
nos mines , dont on ne peut pas estimer au
juste , ni même à peu près , le rapport avec
le volume total du grain. Et l'épreuve chi-
mique que M. Sage a faite, à ma prière,
d’un morceau de mine de fer cubique, sem-
blable à celui de Sibérie , que mes tireurs
de mine ont trouvé dans le territoire de
Montbard, semble confirmer mon opinion,
M. Sage n’en ayant tiré que 5o pour xoo 1 ;
cette mine est toute différente de nos mines
en grains, le fer y étant contenu en masses
de figure cubique, au lieu que tous nos
grains sont toujours plus ou moins arrondis,
et que, quand ils forment une masse , ils ne
sont , pour ainsi dire , qu’agglutinés par un
ciment terreux facile à diviser; au lieu que
dans cette mine cubique, ainsi que dans
toutes les autres vraies mines en roche , le
fer est intimement uni avec les autres ma-
tières qui composent leur niasse. J’aurois
bien désiré faire l’épreuve en grand de cette
mine cubique; mais on n’en a trouvé que
quelques petits morceaux dispersés çà et là
dans les fouilles des autres mines, et il m’a
été impossible d en rassembler assez pour en
faire l’essai dans mes fourneaux.
Les essais en grand des différentes mines
MINÉRAUX. INTRODUCTION,
elles se sont, à la de fer sont plus difficiles, et demanden i
forment des rameaux , et dans lesquelles elles se re-
nouvellent par une végétation continuelle.
« Le fourneau est situé dans le centre des bois
et des mines: c’est l’eau qui souffle le feu, et les
courans d’eau sont immenses. Il n’y a par consé-
quent aucun soufflet; mais t’eau tombe dans des
arbres creusés dans de grands tonneaux , y attire
une quantité d’air immense, qui va par un conduit
souffler le fourneau ; l’eau , plus pesante , s’enfuit
par d’autres conduits. »
i Cette mine est brune , fait feu avec le briquet,
et est minéralisée par l’acide marin : on remarque
dans sa fracture de petits points brillans de pyrites
martiales; dans les fentes, on trouve des cubes de
fer de deux lignes de diamètre , dont les surfaces
sont striées ; les stries sont opposées suivant les
faces. Ce caractère se remarque dans les mines de
fer de Sibérie : cette mine est absolument semblable
à celles de ce pays par la couleur, la configuration
des cristaux et les minéralisations ; elle en diffère
en ce qu’elle ne contient point d’or.
Par la distillation au fourneau de réverbère j’ai
retiré de 600 grains de cette mine vingt gouttes
d’eau insipide et très-claire ; j’avois enduit d’huile
détartré par défaillance le récipient, que j’avois
adapté à la cornus; la distillation finie, je l’ai
trouvé obscurci par des cristaux cubiques de sel
fébrifuge de Sylvins.
Le résidu de la distillation étoit d’un ronge pour-
pre et avoit diminué de 10 livres par quintal.
J’ai retiré de cette mine 52 livres de fer par
quintal ; il étoit très-ductile.
plus d’attention qu’on ne l’imagineroit. Lors !
qu’on veut fondre une nouvelle mine, e! ei !
comparer au juste le produit avec celui de
mines dont on usoit précédemment, il fait
prendre le temps où le fourneau est en plei
exercice, et s’il consomme dix mesures d1
mine par charge , ne lui en donner que sep
ou huit de la nouvelle mine : il m’est arriv
d’avoir fort embarrassé mon fourneau, faut
d’
avoir pris cette précaution, parce qu’un ‘
mine dont on n’a point encore usé pei 1
pci |
exiger plus de charbon qu’une autre, o f 0
■ ‘ s d r
fil
1)0
plus ou moins de vent, plus ou moins d
castine ; et, pour ne rien risquer, il fai
commencer par une moindre quantité
charger ainsi jusqu’à la première coulée. LI
produit de celte première coulée est uii
fonte mélangée environ par moitié de 1
mine ancienne et de la nouvelle; et ce n’es
qu’à la seconde, et quelquefois même à 1
troisième coulée , que l’on a sans mélang
la fonte produite par la nouvelle mine, £
la fusion s’en fait avec succès, cest-à-diri
sans embarrasser le fourneau , et si les chan
ges descendent promptement , on augmen
tera la quantité de mine par demi-mesure
non pas de charge en charge, mais seulei
ment de coulée en coulée, jusqu’à ce qu’o:
parvienne au point d’en mettre la plu
grande quantité qu’on puisse employer san
gâter sa fonie. C’est ici le point essentiel , e
auquel tous les gens de cet art manquen
par raison d’intérêt : comme ils 11e cher
client qu’à faire la plus grande quantité d !!!1
fonte sans trop ‘ se soucier de la qualité*
qu’ils paient même leur fondeur au millier
et qu’ils en sont d’autant plus contens qu
cet ouvrier coule plus de fonte loules le
vingl-quatre heures , ils ont coutume d
faire charger leur fourneau d’autant de min
qu’il peut en supporter sans s’obstruer; ei
par ce moyen, au lieu de 400 milliers d
bonne foule qu’ils feroient en quatre mois
ils en font, dans ce même espace de temps
5 ou 600 milliers. Cetle fonte, toujour
très-cassante et très-blanche, ne peut pro
duire que du fer très-médiocre ou mauvais
mais comme le débit en esl plus assuré qui
celui du bon fer qu’on ne peut pas donne)
au même prix, et qu’il y a beaucoup plus { 1U|
gagner, celte mauvaise pratique s’est intro-
duite dans presque toutes les forges, et riei
n’est plus rare que les fourneaux où l’oi
fait de bonnes fontes. On verra dans le mé!
moire suivant, où je rapporte les expé
riences que j’ai faites au sujet des canons di
la marine , combien les bonnes fontes son
es , puisque celle même dont on sé sert
ir les canons n’est pas, à beaucoup près ,
’eluii ne aussi bonne qualité qü’on pourroit et
l.ili
on devroil la faire.
iffiill en coule à peu près un quart de plus
.j nr faire de la bonne fonie, que pour en
re de la mauvaise : ce quart , que , dans
plupart de nos provinces, on peut éva-
r à io francs par millier, produit une dif-
ence de i5 francs sur chaque millier de
et ce bénéfice , qu’on ne fait qu’en
mpant le public , c’est-à-dire en lui don-
oju’Ihr de la mauvaise marchandise au lieu de
en fournir de la bonne , se trouve encore
;menté de près du double par la facilité
c laquelle ces mauvaises fontes coulent à
’finerie ; elles demandent beaucoup moins
charbon , et encore moins de travail pour
e converties en fer, de sorte qu’entre la
icalion du bon fer et du mauvais fer, il
trouve nécessairement, et tout au moins,
e différence de francs ; et néanmoins
îs le commerce, tel qu il est aujourd’hui
depuis plusieurs années, on ne peut es-
rer de vendre le bon fer que io francs
Mïe lit au plus au dessus du mauvais ; il n’y a
‘l( ne que les gens qui veulent bien, pour
, onneur de leur manufacture, perdre i5 fr.
' r millier de fer, c’est-à-dire environ
oo écus par an, qui fassent de bon fer
par
i‘t idre, c’est à-dire gagner moins ; car, avec
’ l’intelligence et eu se donnant beaucoup
peine, on peut encore trouver quelque
1 néfice en faisant du bon fer ; mais ce bé-
liléij
ualitf F
nillil n
fice est si médiocre, en comparaison du
qu’on fait sur le fer commun, qu’on
il être étonné qu’il y ait encore quelques
Mf nufactures qui donnent du bon fer. En
I endant qu’on réforme cet abus, suivons
ijours notre objet; si I on n’écoute pas ma
min lix aujourd’hui, quelque jour on y obéira
consultant mes écrits, et l’on sera fâché
Hoir attendu si long-temps à faire un bien
on pourroil faire dès demain, en proscri-
nt 1 entrée des fers étrangers dans le
jaunie, ou en diminuant les droits de la
arque des fers.
Si l’on veut donc avoir, je ne dis pas dé
fonte parfaite et telle qu il la faudroit
jur les canons de marine , mais seulement
la fonte assez bonne pour faire du fer
Tint, moitié nerf et moitié grain, du fer,
un mot, aussi bon et meilleur que les
rs étrangers , on y parviendra ti ès-aisé-
ut par les procédés que je viens d’indi-
er. On a vu dans le quatrième mémoire,
|SQ fi j’ai traité de la ténacité du fer, combien
1)11 ; y a de différence pour la force et pour la
PARTIE EXPÉRIMENTALE. 49 1
durée entre le bon et le mauvais fer ; mais
je me borne , dans celui-ci , à ce qui a rap-
port à la fusion des mines et à leur produit
en fonte. Pour m’assurer de leur qualité ,
et reconnoître en même temps si elle ne
varie pas, mes garde-fourneaux ne manquent
jamais de faire un petit enfoncement hori-
zontal d’environ trois pouces de profondeur
à l’extrémité antérieure du moule de la
gueuse ; on casse le petit morceau lorsqu’on
la sort du moule , et on l’enveloppe d’un
morceau de papier portant le même numéro
que celui de la gueuse. J’ai de chacun de
mes fondages deux ou trois cents de ces
morceaux numérotés, par lesquels je con-
nois non seulement le grain et la couleur de
mes fontes , mais aussi la différence de leur
pesanteur spécifique ; et par là je suis en
état de prononcer d’avance sur la qualité du
fer que chaque gueuse produira ; car, quoi-
que la mine soit la même et qu’on suive les
mêmes procédés au fourneau , le change-
ment de la température de l’air, le hausse-
ment ou le baissement des eaux, le jeu des
soufflets plus ou moins soutenu , les retar-
demens causés par les glaces ou par quelque
accident aux roues, aux harnois ou à la
tuyère et au creuset du fourneau, rendent
la fonte assez différente d’elle-même pour
qu’on soit forcé d’en faire un choix, si l’on
veut avoir du fer toujours de même qualité.
E11 général , il faut , pour qu’il soit de cette
bonne qualité, que la couleur de la fonte
soit d’un gris un peu brun , que le grain en
soit presque aussi fin que celui de l’acier
commun, que le poids spécifique soit d’en-
viron 5o4 ou 5o5 livres par pied cube , et
qu'en même temps elle soit d’une si grande
résistance qu’on ne puisse casser les gueuses
avec la masse.
Tout le monde sait que quand on com-
mence un fondage, on ne met d’abord
qu’une petite quantité de mine, un sixième,
un cinquième, et tout au plus un quart de
la quantité qu’on mettra dans la suite, et
qu’on augmente peu à peu cette première
quantité pendant les premiers jours , parce
qu il en faut au moins quinze pour que le
fond du fourneau soit échauffé. On donne
aussi assez peu de vent dans ces commen-
cemens , pour ne pas détruire le creuset et
les étalages du fourneau en leur faisant subir
une chaleur trop vive et trop subite. Il ne
faut pas compter sur la qualité des fontes
que l’on tire pendant ces premiers quinze ou
vingt jours ; comme le fourneau n’est .pas
encore réglé, le produit en varie suivant les
différentes circonstances : mais lorsque le
49*
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
fourneau a acquis le degré de chaleur suffi-
sant, il faut bien examiner la fonte, et s’en
tenir à la quantité de mine qui donne la
meilleure ; une mesure sur dix suffit sou-
vent pour en changer la qualité. Ainsi l’on
doit toujours se tenir au dessous de ce que
l’on pourroit fondre avec la même quantité
de charbon, qui ne doit jamais varier si
l’on conduit bien son fourneau. Mais je ré-
serve les détails de cette conduite du four-
neau , et tout ce qui regarde sa forme et sa
construction , pour l’article où je traiterai
du fer en particulier, dans l’histoire des mi-
néraux , et je me bornerai ici aux choses les
plus générales et les plus essentielles de la
fusion des mines.
Le fer étant, comme je l’ai dit, toujours
de même nature dans toutes les mines en
grains , on sera donc sûr, en les nettoyant
et en les traitant comme je viens de le dire ,
d’avoir toujours de la fonte d’une bonne et
même qualité; on le reconnoîtra non seule-
ment à la couleur, à la finesse du grain, à la
pesanteur spécifique, mais encore à la téna-
cité de la matière ; la mauvaise fonte est
très-cassante ; et, si l’on veut en faire des
plaques minces et des côtés de cheminée, le
seul coup de l’air les fait fendre au moment
que ces pièces commencent à se refroidir,
au lieu que la bonne fonte ne casse jamais,
quelque mince qu’elle soit. On peut même
reconnoitre au son la bonne ou la mauvaise
qualité de la fonte : celle qui sonne le mieux
est toujours la plus mauvaise ; et, lorsqu’on
veut en faire des cloches, il faut, pour
qu’elles résistent à la percussion du battant,
leur donner plus d’épaisseur qu’aux cloches
de bronze, et choisir de préférence une
mauvaise fonte , car la bonne sonneroit mal.
Au reste , la fonte de fer n’est point en-
core un métal ; ce n’est qu’une matière
mêlée de fer et de verre, qui est bonne ou
mauvaise, suivant la quantité dominante de
l’un ou de l’autre. Dans toutes les fontes
noires , brunes et grises , dont le grain est
fin et serré , il y a beaucoup plus de fer
que de verre ou d’autre matière hétérogène.
Dans toutes les fontes blanches, où l’on voit
plutôt des lames et des écailles que des
grains, le verre est peut-être plus abondant
que le fer; c’est par cette raison qu’elles
sont plus légères et très-cassantes : le
qui en provient conserve les mêmes quali
On peut , à la vérité , corriger un peu ci
mauvaise qualité de la fonte par la man
de la traiter à raffinerie ; mais l’art du n
teleur est, comme celui du fondeur, i
pauvre petit métier, dont il n’y a que
maîtres de forges ignorans qui soient duj
Jamais la mauvaise fonte ne peut prodi
d’aussi bon fer que la bonne; jamaii
marteleur ne peut réparer pleinement ce <
le fondeur a gâté.
Cette manière de fondre la mine de
et de la faire couler en gueuses , c’est-à-c
en gros lingots de fonte, quoique la j
générale, n’est peut-être pas la meilleure
la moins dispendieuse: on a vu par le
sultat des expériences que j’ai citées dansi
mémoire, qu’on peut faire d’excellent 1
et même de très-bon acier, sans les faf
passer par l’état de la fonte. Dans nos pj
vinces voisines des Pyrénées, en Espagr;
en Italie, en Styrie et dans quelques auti
endroits, on tire immédiatement le feri
la mine sans le faire couler en fonte. '
fond ou plutôt on ramollit la mine sans fcf J"
dant, c’est-à-dire sans castine, dans de j
tits fourneaux dont je parlerai dans la suin ,e
et on en tire des loupes ou des masses s “
fer déjà pur, qui n’a point passé par l’é<
de la fonte , qui s’est formé par une den
fusion, par une espèce de coagulation
toutes les parties ferrugineuses de la min
Ce fer fait par coagulation est certaineme
le meilleur de tous : on pourroit l’appet
fer à 24 karats : car , au sortir du foc
neau, il est déjà presque aussi pur que
lui de la fonte qu’on a purifiée par de
chaudes au feu de l’affinerie. Je crois do
cette pratique excellente; je suis même p(
suadé que c’est la seule manière de tiii]
immédiatement de l’acier de toutes les ni
lies , comme je l’ai fait dans mes fournea1 1
de 14 pieds de hauteur. Mais n’ayant fi5
exécuter que l’été dernier 1772 les pet
fourneaux des Pyrénées, d’après un M
moire envoyé à l’Académie des Sciences, j
ai trouvé des difficultés qui m’ont arrêté,
me forcent à renvoyer à un autre inémoi
tout ce qui a rapport à cette manière <
fondre les mines de fer.
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
i%«WVk%AJWW’WV%^vvwxv/vw%'^v^v%v%.-v%.-v^vvjv*v% \w»>tn^vw\v%ti uttwMWiw^v w-iti\
mine d$
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4g3
w(ej;||
œes qui
Upea
irlam
l’art di
foodetg
]) a qi
ioientdi
M proi
Les canons de la marine sont de fonte de
en France comme en Angleterre, en
llande et partout ailleurs. Deux motifs
pu donner également naissance à cet
ge. Le premier est celui de l’économie:
canon de fer coulé coûte beaucoup moins
un canon de fer battu, et encore beau-
ûp moins qu’un canon de bronze ; et cela
il a peut-être suffi pour les faire préférer,
uitant que le second motif vient à l’appui
premier. On prétend, et je suis très-
^rlé à le croire , que les canons de bronze,
nt quelques-uns de nos vaisseaux de pa-
de sont armés, rendent dans l’instant de
xplosion un son si violent, qu’il en résulte
ins l’oreille de tous les habitans du vaisseau
tintement assourdissant qui leur feroit
rdre en peu de temps le sens de l’ouïe,
n assure, d’autre côté, que les canons de
r battu , sur lesquels on pourroit , par l’é-
j ,1 irgne de la matière, regagner une partie
ja(|. 1 îs frais de la fabrication , ne doivent point
1 pitre employés sur les vaisseaux, par cette
2 ra!l tison même de leur légèreté qui paroîtroit
levoir les faire préférer; l’explosion les fait
,JJ, luter dans les sabords, où l’on ne peut ,
01 it-on, les retenir invinciblement, ni même
llf,f ssez pour les diriger à coup sûr. Si cet in-
11 r onvénient n’est pas réel , ou si l’on pouvoit
parer, nul doute que les canons de fer
jjUprgé ne dussent être préférés à ceux de fer
oulé : ils auroient moitié plus de légèreté
t plus du double de résistance. Le maré-
chal de Vauban en avoit fait fabriquer de
1 ,s ^ès-beaux dont il restoit encore , ces années
s peli
entières, quelques tronçons à la manufac-
ure de Charleville ’. Le travail n’en seroit
ière,d
DIXIEME MEMOIRE.
Observations et expériences faites dans la vue (T améliorer les canons
de la marine.
pas plus difficile que celui des ancres ; et
une manufacture aussi bien montée pour cet
« Ceux de 8 , io pouces ;
« Ceux de i a , i pied ;
« Ceux de 24 livres , i4 pouces;
« Ceux de 36 livres, t6 pouces i /■>.
« Ces proportions sont plutôt trop fortes que
trop foibles : peut-être pourra-t-on les réduire à
6 pouces 1/2 pour les canons de 4 ; ceux de 8 livres,
à 8 pouces 1/2 ; ceux de 12 livres, à 9 pouces i/a ;
ceux de 24, à 12 pouces ; et ceux de 36, à 14 pouces.
« Les longueurs pour les canons de 4 seront de
5 pieds 1/2 ; ceux de 8, de 7 pieds de longueur ;
ceux de 12 livres, 7 pieds 9 poüces de longueur;
ceux de 24, 8 pieds 9 pouces; ceux de 36, 9 pieds
2 pouces de longueur.
« L'on pourroit même diminuer ces proportions
de longueur assez considérablement sans que le ser-
vice en souffrît, c’est-à-dire faire les canons de 4 de
5 pieds de longueur seulement; ceux de 8 livres , de
6 pieds 8 pouces de longueur; ceux de 12 livres ,
à 7 pieds de longueur; ceux de 24 , à 7 pieds ro
pouces; et ceux de 36, à 8 pieds, et peut-être
même encore au dessous.
« Or il ne paroît pas bien difficile , i° de faire
des canons de 4 livres qui n’auroient que 5 pieds
de longueur sur 6 pouces 1/2 d’épaisseur dans leur
plus grand diamètre ; il suffiroit pour cela de
souder ensemble quatre barres de 3 pouces forts
en carré , et d’en former un cylindre massif de
6 pouces 1/2 de diamètre sur 5 pieds de longueur ;
et comme cela ne seroit pas praticable dans les
chaufferies ordinaires, ou du moins que cela de-
viendroit très-difficile , il faudroit établir des four-
neaux de réverbère , où l’on pourroit chauffer ces
barres dans toute leur longueur pour les souder
ensuite ensemble, sans être obligé de les remettre
plusieurs fois au feu. Ce cylindre une fois formé ,
il sera facile de le forer et tourner; car le fer
battu obéit bien plus aisément au foret que le fer
coulé.
« Pour les canons de 8 livres qui ont 6 pieds 8
pouces de longueur sur 8 pouces 1/2 d’épaisseur,
il faudroit souder ensemble neuf barres de 3 pouces
foibles en carré chacune, en les faisant toutes
chauffer ensemble au même fourneau de réverbère,
pour en faire un cylindre plein de 8 pouces i/a de
diamètre.
« Pour les canons de 13 livres de balles qui doi-
vent avoir 10 pouces 1/2 d’épaisseur, 011 pourra
les faire avec neuf barres de 3 pouces 1/2 carrées ,
que l’on soudera toutes ensemble par les mêmes
moyens.
« Et pour les canons de 24 , avec seize barres de
3 pouces en carré.
« Comme l’exécution de cette espèce d’ouvrage
Mi
ICH,j
N^i,1 ! 1. Une personne très-versée dans la connoissance
lemoil le l’art des forges m'a donné la note suivante :
Il me paroît que l’on peut faire des canons de
er battu, qui seroient beaucoup plus sûrs et plus
égers que les canons de fer coulé , et voici les pro-
>ortions sur lesquelles il faudroit en tenter les
xpériences :
« Les canons de fer battu, de 4 livres de balles,
fmront 7 pouces 1/2 d’épaisseur à leur plus grand
diamètre ;
494
objet que l’est celle de M. de La Chaussade
pour les ancres », pourroit être d’une tres-
grande utilité.
Quoi qu’il en soit , comme ce n’est pas
l’état actuel des choses , nos observations ne
porteront que sur les canons de fer coulé.
On s’est beaucoup plaint dans ces derniers
temps de leur peu de résistance : malgré la
rigueur des épreuves , quelques-uns ont crevé
sur nos vaisseaux ; accident terrible , et qui
n’arrive jamais sans grand dommage et perte
de plusieurs hommes. Le ministère, voulant
remédier à ce mal, ou plutôt le prévenir
pour la suite, informé que je faisois à mes
forges des expériences sur la qualité de la
fonte, me demanda mes conseils en 176S,
et m’invita à travailler sur ce sujet impor-
tant. Je m’y livrai avec zèle , et , de concert
avec M. le vicomte de Morogues, homme
très-éclairé , je donnai, dans ce temps et
dans les deux années suivantes, quelques
observations au ministre , avec les expé-
riences faites et celles qui restoient à faire
pour perfectionner les canons. J’en ignore
aujourd’hui le résultat et le succès ; le mi-
nistre de la marine ayant changé, je n’ai
plus entendu parler ni d’expériences ni de
canons. Mais cela ne doit pas m’empêcher
de donner, sans qu’on me le demande , les
choses utiles que j’ai pu trouver en m'occu-
pant pendant deux à trois ans de ce travail;
et c’est ce qui fera le sujet de ce mémoire,
qui tient de si près à celui où j’ai traité de
devient beaucoup plus difficile pour les gros canons
que pour les petits, il sera juste et nécessaire de les
payer à proportion plus cher.
« Le prix du fer battu est ordinairement de deux
tiers plus haut que celui du fer coulé. Si l’on paie
ao livres le quintal des canons de fer coulé , il fau-
dra donc payer ceux-ci 60 livres le quintal; mais
comme ils seront beaucoup plus minces que ceux
de fer coulé, je crois qu’il seroit possible de les
faire fabriquer à 4° livres le quintal, et peut-être
au dessous.
« Mais quand même ils coûteroient 4» livres , il
y auroit encore beaucoup à gagner : i° pour la
sûreté du service , car ces canons ne creveroient
pas; ou s’ils venoient à crever, ils n’éclateroient
jamais, et ne feroient que se fendre, ce qui ne
causeroit aucun malheur.
« 2° Ils résisteroient beaucoup plus à la rouille,
et dureroient pendant des siècles , ce qui est un
avantage très-considérable.
« 3° Comme on les foreroit aisément, la direction
de l’àme en seroit parfaite.
« 4° Comme la matière en est homogène partout,
il n’y auroit jamais ni cavités ni chambres.
« 5° Enfin , comme ils seroient beaucoup plus lé-
gers, ils chargeroient beaucoup moins, tant sur
mer que sur terre, et seroient plus aisés à man-
œuvrer. »
1. A Guérigny, près de Nevers.
MINÉRAUX. INTRODUCTION.
la fusion des mines de fer, qu’on peut 1
regarder comme une suile.
Les canons se fondent en situation p
pendiculaire, dans des moules de plusiei
pieds de profondeur, la culasse au fond
la bouche en haut : comme il faut plusien
milliers de matière en fusion pour faire
gros canon plein et chargé de la masse c
doit le comprimer à sa partie supérieui
on étoit dans le préjugé qu’il falloii deux
même trois fourneaux pour fondre du gi
canon. Comme les plus fortes gueuses q
l’on coule dans les plus grands fourneaux
sont que de 2Ôoo ou tout au plus 3ooo
vres , et que la matière en fusion ne séjour
jamais que douze ou quinze heures dans
creuset du fourneau , on imaginoit que
double ou le triple de cette quantité de m
tière en fusion , qu’on seroit obligé de la
ser pendant trente-six ou quarante heur
dans le creuset avant de la couler , non set te
lement pouvoit détruire le creuset, ma;
même le fourneau, par son bouillonnemeü
et son explosion; au moyen de quoi 011 avo
pris le parti qui paroissoit le plus prudent
et on couloit les gros canons, en tirant e
même temps ou successivement la foute d
deux ou trois fourneaux, placés de manièi
que les trois ruisseaux de fonte pouvoiei
arriver en même temps dans le moule.
Il ne faut pas beaucoup de réflexion potii
sentir que cette pratique est mauvaise;
est impossible que la fonte de chacun d
ces fourneaux soit au même degré de cha
leur , de pureté , de fluidité ; par conséquent
le canon se trouve composé de deux ou troi)
matières différentes , en sorte que plusieurs
de ses parties, et souvent un côté tout en
tier, se trouvent nécessairement d’une ma
tière moins bonne et plus foible que li
reste; ce qui est le plus grand de tous le
inconvéniens en fait de résistance, puisque
l’effort de la poudre agissant également de
tous côtés 11e manque jamais de se faire joui
par le plus foible. Je voulus donc essaye!
et voir en effet s’il y avoit quelque dangei
à tenir pendant plus de temps qu’on ne Ici1
fait ordinairement une plus grande quan-
tité de matière en fusion : j’attendis pour
cela que le creuset de mon fourneau, qui
avoit dix-huit pouces de largeur sur 4 pieds
de longueur et 18 pouces de hauteur, fût
encore élargi par l’action du feu , comme cela
arrive toujours vers la fin du fondage ; j’y
laissai amasser de la fonte pendant trente-six
heures; il n’y eut ni explosion ni autre
bouillonnement que ceux qui arrivent quel-
quefois quand il tombe des matières crues
Mon
au fuQ
tpliiii
u' faifl
ma®
ipérie
ns le creuset : je fis couler après les trente-
: heures, et l’on eut trois gueuses pe-
nt ensemble 4600 livres d’une très-bonne
nte.
Par une seconde expérience , j’ai gardé la
nte pendant quarante-huit heures sans au-
n inconvénient ; ce long séjour ne fait que
purifier davantage, et par conséquent en
minuerle volume en augmentant la masse :
11 toi >mme la lonle contient une grande quan-
é de parties hétérogènes, dont les unes se
ulent, et les autres se converlissent en
’rè , l’un des plus grands moyens de la
purer est de la laisser séjourner au four-
au.
M’étant donc bien assuré que le préjugé
la nécessité de deux ou trois fourneaux
fdet oit très-mal fondé, je proposai de réduire
11 un seul les fourneaux de Ruelle en An-
umois 1 , où l’on fond nos gros canons :
3 conseil fut suivi et exécuté par ordre du
m linistre; on fondit sans inconvénient et avec
Mit||)ut succès, à un seul fourneau, des canons
vingt-qualre ; et je ne sais si l’on n’a pas
udt» >ndu depuis des canons de trente-six , car
j«(|ai tout lieu de présumer qu’on réussiroit
ijalement. Ce premier point une fois ob-
Qnu, je cherchai s’il n’y avoit pas encore
autres causes qui pouvoient contribuer à
x. Voici l’extrait de cette proposition faite au
iainistre ;
Comme les canons de gros calibre, tels que ceux
trente-six et de vingt - quatre , supposent un
rand volume de fer en fusion , on se sert ordinai-
OCI ement de trois ou tout au moins de deux fourneaux
l|,j mur les couler. La mine fondue dans chacun de
■ j:es fourneaux arrive dans le moule par autant de
J uisseaux particuliers. Or cette pratique me paroît
tül ivoir les plus grands inconvéniens ; car il est cer-
g ain que chacun de ces fourneaux donne une fonte
e j le différente espèce, en sorte que leur mélange ne
■ >eut se faire d’une manière intime, ni même en ap-
ç xrocher. Pour le voir clairement, ne supposons que
(|UI pux fourneaux , et que la fonte de l’un arrive à
df |lroite , et la fonte de l’autre arrive à gauche dans
jol Ie moule du canon : il est certain que l’une de ces
peux fontes étant ou plus pesante, ou plus légère,
T pu plus chaude, ou plus froide, etc., que î’au-
]}Jtl}:re, elles ne se mêleront pas, et que par consé-
i'l( quent Lun des côtés du canon sera plus dur que
J l’autre ; que dès lors il résistera moins d'un côté
que de l’autre, et qu’ayant le défaut d’être corn-
, Posé de deux matières différentes , le ressort de ces
[|lll parties, ainsi que leur cohérence, ne sera pas égal,
ci et quo par conséquent ils résisteront moins que
fjji «eux qui seroienl faits d’une matière homogène. IL
, n’est pas moins certain que si l’on veut forer ces
1 jjcanons, le foret, trouvant plus de résistance d’un
ÎBIcôté que de l’autre, se détournera de la perpendi-
culaire du côté le plus tendre, et que la direction
de l’intérieur du canon prendra de l’obliquité, etc.
Il me paroit donc qu’il faudroit tâcher de fondre
les canons de fer coulé avec un seul fourneau, et
je crois la chose très-possible.
PARTIE EXPÉRIMENTALE. 495
la fragilité de nos canons; j*en trouvai en
effet qui y contribuent plus encore que l’in-
égalité de l’étoffe dont on les composoit
en les coulait 1 à deux ou trois fourneaux.
La première de ces causes est le mauvais
usage qui s’est établi depuis plus de vingt
ans, de faire tourner la surface extérieurê
des canons ; ce qui les rend plus agréables
à la vue. Il en est cependant du canon comme
du soldat, il vaut mieux qu’il soit robuste
qu’élégant; et ces canons tournés, polis et
guillochés , ne dévoient point en imposer
aux yeux des braves officiers de notre ma-
rine ; car il me semble qu on peut démon-
trer qu’ils sont non seulement beaucoup plus
foibles , mais aussi d’uue bien moindre du-
rée. Pour peu qu’on soit versé dans la con-
noissance de la fusion des mines de fer, on
aura remarqué en coulant des enclumes , des
boulets, et à plus forte raison des canons,
que la force centrifuge de la chaleur pousse
à la circonférence la partie la plus massive
et la plus pure de la fonte ; il ne reste au
centre que ce qu’il y a de plus mauvais , et
souvent même il s’y forme une cavité : sur
un nombre de boulets que l’on fera casser4
on en trouvera plus de moitié qui auront
une cavité dans le centre, et dans tous
les autres une matière plus poreuse que lé
reste du boulet. On remarquera de plus qu'il
y a plusieurs rayons qui tendent du centre
à la circonférence, et que la matière est
plus compacte et de meil eure qualité à me-
sure quelle est plus éloignée du centre. On
observera encore que l’écorce du boulet ,
de l’enclume, ou du canon, est beaucoup
plus dure que l’intérieur; cette dureté plys
grande provient de la trempe que l’humi-
dité du moule donne à l’extérieur de la pièce,
et elle pénètre jusqu’à trois lignes d’épais-
seur dans les petites pièces, et à une ligne
et demie dans les grosses. C'est en quoi con-
siste la plus grande force du canon : car
cette couche extérieure réunit les. extrémi-
tés de tous les rayons divergens dom je viens
de parler, qui sont les lignes par où se fera
la rupture ; elle sert de. cuirasse au canon ,
et elle en est la partie la plu pure, et, par
sa grande dureté, elle contient toutes les
parties intérieures qui sont plus molles , et
céderoient sans cela plus aisément à la force
de l’explosion. Or que fait-on lorsque l’on
tourne les canons ? on commence par enle-
ver au ciseau , poussé par le marteau , toute
celte surface extérieure que les coireaux du
tour ne pourroient entamer; on pénètre dans
l’extérieur de la pièce jusqu’au point où
elle se trou\e assez douce pour se laisser
496 MINERAUX. INTRODUCTION.
tourner, et on lui enlève en même temps,
par cette opération, peut-être un quart de
sa force.
Cette couche extérieure, que l’on a si
grand tort d’enlever, est en même temps la
cuirasse et la sauvegarde du canon; non
seulement elle lui donne toute la force de
résistance qu’il doit avoir, mais elle le dé-
fend encore de la rouille qui ronge en peu
de temps ces canons tournés : on a beau les
lustrer avec de l’huile, les peindre, ou
les polir; comme la matière de la sur-
face extérieure est aussi tendre que tout
le reste , la rouille y mord avec mille fois
plus d’avantage que sur ceux dont la surface
est garantie par la trempe. Lorsque je fus
donc convaincu, par mes propres observa-
tions, du préjudice que portoit à nos ca-
nons cette mauvaise pratique, je donnai au
ministre mon avis motivé pour qu’elle fût
proscrite; mais je ne crois pas qu'on ait
suivi cet avis, parce qu’il s’est trouvé plu-
sieurs personnes très-éclairées d ailleurs , et
nommément M. de Morogues, qui ont pensé
différemment. Leur opinion , si contraire à
la mienne, est fondée sur ce que la trempe
rend le fer plus cassant , et dès lors ils re-
gardent la couche extérieure comme la plus
foible et la moins résistante de toutes les par-
ties de la pièce , et concluent qu’on ne lui
fait pas grand tort de l’enlever ; ils ajoutent
que, si l’on veut même remédier à ce tort,
il n’y a qu’à donner aux canons quelques
lignes d’épaisseur de plus.
J’avoue que je n’ai pu me rendre à ces
raisons. Il faut distinguer dans la trempe,
comme dans toute autre chose, plusieurs
états et même plusieurs nuances. Le fer et
l’acier chauffés à blanc et trempés subite-
ment dans une eau très-froide deviennent
très-cassans ; trempés dans une eau moins
froide , ils sont beaucoup moins cassans ; et
dans de l’eau chaude, la trempe ne leur
donne aucune fragilité sensible. J’ai sur cela
des expériences qui me paroissent décisives.
Pendant l’été dernier 177a , j’ai fait tremper
dans l’eau de la rivière, qui étoit assez
chaude pour s’y baigner , toutes les barres
de fer qu’on forgeoit à un des feux de ma
forge ; et comparant ce fer avec celui qui
n’étoit pas trempé, la différence du grain
n’en étoit pas sensible, non plus que celle
de leur résistance à la masse lorsqu’on les ras-
soit. Mais ce même fer travaillé de la même
façon par les mêmes ouvriei's , et trempé cet
hiver dans l’eau de la même riviere qui étoit
presque glacée partout , est non seulement
devenu fragile, mais a perdu en même temps
tout son nerf , en sorte qu’on auroit cru qt|
ce n’étoit plus le même fer. Or la trem|
qui se fait à la surface du canon n’est a
surément pas une trempe à froid ; elle n’e
produite que par la petite humidité qui sot
du moule déjà bien séché : il ne faut don |
pas en raisonner connue d une autre tremj j (
à froid, ni en conclure qu’elle rend cet
couche extérieure beaucoup plus cassa» 1 |
qu’elle ne le seroit sans cela. Je supprin j
plusieurs autres raisons que je pourrois a, ,
léguer, parce que la chose me pareil assn pût employer pour s’assurer de leur ré-
stance. Le canon ne peut subir le trop
oient effort des épreuves qu’en y cédant ,
liant que la cohérence de la matière le
îrmet, sans se rompre; et, comme il s’en
ut bien que cettê matière de la fonte soit
ressort parfait, les parties séparées parle
fonte 'Op grand effort ne peuvent se rapprocher
couli |t se rétablir comme elles étoient d’abord,
(jette cohésion des parties intégrantes de la
If. jrnte étant donc fort diminuée par le grand
1res., jffort des épreuves, il n’est pas étonnant
ue le canon crève ensuite à la charge or-
étaj jiinàire; c’est un effet très-simple qui dérive
uire ’une cause tout aussi simple. Si le premier
m'à |pup d’épreuve écarte les parties d’une moi-
é ou d’un tiers de plus que le coup ordi-
naire , elles se rétabliront , se réuniront
de loins dans la même proportion; car, quoi-
ue leur cohérence n’ait pas été détruite ,
uisque la pièce a résisté, il n’én est pas
iiôïhs vrai que cette Cohérence n’est pas si
rande qu’elle étoit auparavant, et qu’elle a
iminué dans la même raison que diminue
à force d’un ressort imparfait ; dès lors un
econd ou un troisième coup d’épreuve fera
dater les pièces qui auront résisté au pre-
nier, et celles qui auront subi les trois
preuves sans se rompre ne sont guère plus
ûres que les autres; après avoir subi trois
ois le même mal , c’est-à-dire le trop grand
cartement de leurs parties intégrantes ,
lies en sont nécessairement devenues bien
lins foibles, ét pourront par conséquent
;éder à l’effort de la charge ordinaire.
Un moyen bien plus sûr, bien simple,
t mille fois moins coûteux , pour s’assurer
le la résistance dés canons, seroit d’en faire
aeser la fonte à la balance hydrostatique :
sn coulant le eanon , i’on mettroit à part un
morceau delà fonte; lorsqu'il seroit refroidi,
on le pèseroit dans l’air et dans l’eau ; et si
a fonte ne pesoit pas au moins 520 livres
le pied cube , on rebuter oit la pièce comme
non recevable : l’on épargnerait la poudre ,
la peine des hommes , et on banniroit la
crainte très- bien fondée de voir crever les
PARTIE EXPÉRIMENTALE. 499
pièces souvent après l’épreuve. Étant une
fois sûr de la densité de la matière , oh se-
roit également assuré de sa résistance ; et si
nos canons étoient faits avec de la fente pe-
sant 520 livres le pied cube , et qu’on ne
s’avisât pas de les tourner ni de toucher à
leur surface extérieure , j’ose assurer qu’ils
résisteroient et dureroient autant qu’on doit
se le promettre. J’avoue que, par ce moyen,
peut-être trop simple pour être adopté , on
ne peut pas savoir si la pièce est saine ,
s’il n’y a nas dans l’inlérieur de la matière
des défauts , des soufflures , des cavités ;
mais connoissant une fois a bonté de la
fonte, il suffiroit , pour s’assurer du reste, de
faire éprouver une seule fois, et à la charge
ordinaire, les canons nouvellement fondus ,
et l’on seroit beaucoup plus sûr de leur ré-
sistance que de celle de ceux qui ont subi
des épreuves violentes.
Plusieurs personnes ont donné des pro-
jets pour faire de meilleurs canons : les uns
ont proposé de les doubler de cuivre , d’au-
tres de fer battu , d’autres de souder ce fer
battu avec la fonte. Tout cela peut être bon
à certains égards ; et dans un art dont l’ob-
jet est aussi important et la pratique aussi
difficile, les efforts doivent être accueillis,
et les moindres découvertes récompensées.
Je ne ferai point ici d’observations sur les
canons de M. Feutry, qui ne laissent pas de
demander beaucoup d’art dans leur exécu-
tion ; je ne parlerai pas non plus des autres
tentatives , à l’exception de celle de M. de
Sou ville, qui m’a paru la plus ingénieuse,
et qu’il a bien voulu me communiquer par
sa lettre datée d’Angoulême le 6 avril 1771,
dont je donne ici l’extrait 1 ; mais je dirai
i, « Les canons fabriqués avec dés spira'es ont
opposé la plus grande résistance à la plus forte
charge de poudre, et à la manière la plus dange-
reuse de les charger. Il ne manque à cette mé-
thode, pour être bonne, que d’empêcher qu'il ne
se forme des chambres dans ces bouches à feu; cet
incon vénient , il est vrai , m’obligeroit à l’aban-
donner si je n'y parvenois; mais pourquoi ne pas
le tenter? Beaucoup de personnes ont proposé de
faire des canons avec des doublures ou des enve-
loppes de fer forgé ; mais ces doublures et ces en-
veloppes ont toujours été un assemblage de barres
inflexibles, que leur forme, leur position et leur
roideur rendent inutiles. La spirale n’a pas les
mêmes défauts ; elle se prête à toutes les formes
que prend la matière ; elle s’affaisse avec elle dans
le moule : son fer ne perd ni sa ductilité ni son
ressort; dans La commotion du tir, l’effort est dis-
tribué sur toute son étendue. Elle enveloppe pres-
que toute l’épaisseur du canon , et dès lors s’oppose
à sa rupture avec une résistance de près de 3o,ooo
livres de force. Si îa'onte éprouve une plus grande
dilatation que le fer elle résiste avec toute cette
force , si cette dilatation est moindre , la spirale ne
3a.
I
al
5oo MINÉRAUX. INTRODUCTION.
seulement que la soudure du cuivre avec
le fer rend celui-ci beaucoup plus aigre;
que quand on soude de la fonte avec elle-
même par le moyen du soufre , on la change
de nature, et que la ligne de jonction des
deux parties soudées n’est plus de la fonte
de fer, mais de la pyrite très-cassante ; et
qu’en général le soufre est un intermède
qu’on ne doit jamais employer lorsqu’on
veut souder du fer sans en altérer la qua-
lité : je ne donne ceci que pour avis à ceux
qui pourroient prendre cette voie comme la
plus sûre et la plus aisée pour rendre le fer
fusible et en faire de grosses pièces.
Si l’on conserve l’usage de forer les ca-
nons, et qu’on les coule de bonne fonte
dure , il faudra en revenir aux machines à
forer de M. le marquis de Montalembert ,
celles de M. Maritz n’étant bonnes que pour
le bronze ou la fonte de fer tendre. M. de
Montalembert est encore un des hommes de
France qui entend le mieux cet art de la
fonderie des canons , et j’ai toujours gémi
que son zèle, éclairé de toutes les connois-
sances nécessaires en ce genre , n’ait abouti
qu’au détriment de sa fortune. Comme je
vis éloigné de lui , j’écris ce mémoire sans
le lui communiquer : mais je serai plus
flatté de son approbation que de celle de
qui que ce soit; car je ne connois personne
qui entende mieux ce dont il est ici ques-
tion. Si l’on mettoit en masse, dans ce
royaume, les trésors de lumière que l’on
jette à l’écart, ou qu’on a l’air de dédaigner,
nous serions bientôt la nation la plus floris-
sante et le peuple le plus riche. Par exem-
ple, il est le premier qui ait conseillé de
reconnoitre la résistance de la fonte par sa
pesanteur spécifique ; il a aussi cherché à
perfectionner l’art de la moulerie en sable
des canons de fonte de fer, et cet art est
perdu depuis qu’on a imaginé de les tour-
ner. Avec les moules en terre dont on se
reçoit ,que le mouvement qui lui est communiqué.
Ainsi , dans l’un et l’autre cas , l’effet est le même.
L’assemblage des barres, au contraire, ne résiste
que par les cercles qui les contiennent. Lorsqu’on
en a revêtu l’âme des canons , on n’a pas aug-
menté la résistance de la fonte; sa tendance à se
rompre a été la même; et lorsqu’on a enveloppé
son épaisseur, les cercles n’ont pu soutenir égale-
ment l’effort qui se partage sur tout le développe-
ment de la spirale. Les barres d’ailleurs s’opposent
aux vibrations des cercles. La spirale que j’ai mise
dans un canon de six, foré et. éprouvé au calibre
de douze , ne pesoit que 83 livres ; elie avoit
2 pouces de largeur et 4 lignes d’épaisseur. La
distance d’une hélice à l’autre étoit aussi de 2
pouces ; elle étoit roulée à chaud sur un mandrin
de fer. »
servoil auparavant, la surface des canon
étoit toujours chargée d’aspérités et de ru
gosités; M. de Montalembert avoit trouv
le moyen de faire des moules en sable qu
donnoient à la surface du canon tout le liss
et même le luisant qu’on pouvoil désirer
Ceux qui connoissent les arts en grand sen
tiront bien les difficultés qu’il a fallu sur
monter pour en venir à bout , et les peine
qu’il a fallu prendre pour former des ou
vriers capables d’exécuter ces moules, aux
quels ayant substitué le mauvais usage di
tour, on a perdu un art excellent poui
adopter une pratique funeste
i. L’outil à langue de carpe perce la fonte di
fer avec une vitesse presque double de celle di
l’outil à cylindre. 11 n’est point nécessaire , avec c<
premier outil , de seringuer de l’eau dans la pièce
comme il est d’usage de le faire en employant ht
second, qui s’échauffe beaucoup par son frottemer.'i
très-considérable. L’outil à cylindre seroit détremp»
en peu de temps sans cette précaution : elle es!'
même souvent insuffisante ; dès que la fonte st
trouve plus compacte et plus dure , cet outil n«i
peut la forer. La limaille sort naturellement avec
l’outil à langue de carpe, tandis qu’avee l’outil à
cylindre il faut employer continuellement un cro-
chet pour la tirer ; ce qui ne peut se faire assez exac-
tement pour qu'il n’en reste pas entre l’outil et la j
pièce , ce qui la gêne et augmente encore son frot- j
tentent.
Il faudroit s’attacher à perfectionner la moulerie.
Cette opération est difficile, mais elle n’est pas
impossible à quelqu’un d’intelligent. Plusieurs
choses sont absolument nécessaires pour y réussir:
i° des mouleries plus étendues, pour pouvoir y
placer plus de chantiers et y faire plus de moules
à la fais , afin qu’ils pussent sécher plus lente-
ment:; 2° une grande fosse pour les recuire debout, ]e|
ainsi que cela se pratique pour les canons de cui- S
vre, afin d’éviter que le moule ne soit arqué, et j
par conséquent le canon ; 3° un petit chariot à j j(
quatre roues fort basses avec des montans assez j
élevés pour y suspendre le moule recuit , et le ■! (1
transporter de la moulerie à la cuve du fourneau , i J
comme on transporte un lustre ; 4° un juste mé- ! ]|
lange d’une terre grasse et d’une terre sableuse , j .
tel qu’il le faut pour qu’au recuit le moule ne se I '
fende pas de mille et mille fentes qui rendent le II
canon défectueux , et surtout pour que cette terre , | f
avec cette qualité de ne pas se fendre , puisse con- j :
server l’avantage de s’écaler, c’est-à-dire de se dé- L
tacher du canon quand on vient à le nettoyer. Plus j
la terre est grasse, mieux elle s’étale, et plus elle j1
se fend; plus elle est maigre ou sableuse, moins J
elle se fend, mais moins elle s’écale. Il y a des j
moules de cette terre qui se tiennent si fort attachés j
au canon, qu’on ne peut, avec le marteau et le
ciseau , en emporter que la plus grosse partie ; ces
sortes de canons restent encore plus vilains que
ceux cicatrisés par les fentes innombrables des
moules de terre grasse. Ce mélange de terre est
donc très-difficile; il demande beaucoup d’atten-
tion „ d’expérience : et , ce qu’il y a de fâcheux ,
c’est que les expériences dans ce genre, faites pour
les petits calibres , ne concluent rien pour les gros.
Il n’est jamais difficile de faire écaler de petits
canons avec un mélange sableux ; mais ce même
PARTIE EXPÉRIMENTALE»
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Une, attention très-nécessaire lorsque l’on
troj :oule du canon, c’est d’empêcher les écumes
ui surmontent la fonte de tomber avec elle
ans le moule. Plus la fonte est légère, et
jgj'l plus elle fait d’écumes ; et l’on pourroit ju-
ll)(jS( er, à l’inspection même de la coulée, si la
onte est de bonne qualité : car alors sa sur-
ace est lisse et ne porte point d’écumes,
dais , dans tous ces cas , il faut avoir soin
le comprimer la matière coulante par plu-
ieurs torches de paille placées dans les
oulées. Avec cette précaution il ne passe
[ue peu d’écumes dans le moule ; et si la
fonte étoit dense et compacte, il n’y en
i un oit point du tout. La bourre de la fonte
îe vient ordinairement que de ce qu’elle est
rop crue et trop précipitamment fondue.
D’ailleurs la matière la plus pesante sort la
ot'temerij première du fourneau; la plus légère vient
feœp a dernière : la culasse du canon est, par
:ette raison , toujours d'une meilleure ma-
ière que les parties supérieures de la pièce ;
iv« nais il n’y aura jamais de bourre dans le
D canon si, d’une part, on arrête les écumes
0 par les torches de paille , et qu’en même
temps on lui donne une forte masselotte de
natière excédante , dont il est même aussi
îécessaire qu’utile qu’il reste encore, après
a coulée , trois ou quatre quintaux en fusion
2 dans le creuset : cette fonte qui reste y en-
tretient la chaleur ; et , comme elle est en-
core mêlée d’une assez grande quantité de
aitier, elle conserve le fond du fourneau ,
t empêche la mine fondante de brûler en
'y attachant.
Il me paroît qu’en France on a souvent
fondu les canons avec des mines en roche,
“ tjui toutes contiennent une plus ou moins
grande quantité de soufre ; et comme l’on
n’est pas dans l’usage de les griller dan^ nos
provinces où le bois est cher, ainsi qu’il se
pratique dans les pays du Nord où le bois
est commun , je présume que la qualité cas-
sante de la fonte de nos canons de la ma-
rine pourroit aussi provenir de ce soufre
qu’on n’a pas soin d’enlever à la mine avant
de la jeter au fourneau de fusion. Les fon-
deries de Ruelle en Angoumois, de Saint -
Gervais en Dauphiné, et de Baigorry dans
Basse-Navarre , sont les seules dont j’aie
connoissance , avec celle de La Nouée en
Bretagne, dont j’ai parlé, et où je crois que
le travail est cessé : dans toutes quatre , je
crois qu’on ne s’est servi et qu’on ne se sert
mélange ne peut plus être employé dès que les
calibres passent celui de douze ; pour ceux de
trente-six surtout , il est très-difficile d’attraper le
point du mélange.
encore que de mines en roche , et je n’ai pas
ouï dire qu’on les grillât ailleurs qu’à Saint-
Gervais et à Baigorry. J’ai tâché de me
procurer des échantillons de chacune de ces
mines, et, au défaut d’une assez grande
quantité de ces échantillons, tous les ren-
seignemens que j’ai pu obtenir par la. voie
de quelques amis intelligens. Yoici ce que
m’a écrit M. de Morogues au sujet des mines
qu’on emploie à Ruelle :
« La première est dure , compacte , pe-
sante, faisant feu avec l’acier, de couleur
rouge brun , formée par deux couches d’in-
égale épaisseur, dont l’une est spongieuse ,
parsemée de trous ou cavités, d’un velouté
violet foncé , et quelquefois d’un bleu indigo
à sa cassure, ayant des mamelons, teignant
en rouge de sanguine ; caractères qui peu-
vent la faire ranger dans la septième classe
de l’art des forges , comme une espèce de
pierre hématite : mais elle est riche et
douce.
« La seconde ressemble assez à la précé-
dente pour la pesanteur, la dureté et la cou-
leur; mais elle est un peu salardèe ( on
appelle salard ou mine salardèe celle qui a
des grains de sable clair, et qui est mêlée
de sable gris blanc, de caillou et de fer).
Elle est riche en métal ; employée avec de
la mine très-douce , elle se fond très-facile-
ment : son tissu à sa cassure est strié et par-
semé quelquefois de cavités d’un brun noir.
Elle paroît de la sixième espèce de la mine
rougeâtre dans l’art des forges.
« La troisième, qu’on nomme dans le pays
glacieuse , parce qu’elle a ordinairement
quelques-unes de ses faces lisses et douces
au toucher, n’est ni fort pesante ni fort
riche ; elle a communément quelques petits
points noirs et luisans , d’un graiu sembla-
ble au maroquin. Sa couleur est variée ; elle
a du rouge assez vif, du brun, du jaune, un
peu de vert, et quelques cavités. Elle paroît,
à cause de ses faces unies et luisantes, avoir
quelque rapport à la mine spéculaire de la
huitième espèce.
« La quatrième, qui fournit d’excellent
fer, mais en petite quantité , est légère ,
spongieuse, assez tendre, d’une couleur
brune presque noire, ayant quelques ma-
melons, et sablonneuse : elle paroît être
une sorte de mine limoneuse de la onzième
espèce.
« La cinquième est une mine salardèe ,
faisant beaucoup de feu avec l’acier, dure ,
compacte, pesante, parsemée à la cassure
de petits points brillans, qui ne sont que du
sable de couleur de lie de vin. Cette mine
MÏNERAUX. INTRODUCTION.
5o2
est difficile à fondre : la qualité de son fer
passe pour n’ètre pas mauvaise ; mais elle
en produit peu. Les ouvriers prétendent
qu’il n’y a pas moyen de la fondre seule ,
et que l’abondance des crasses qui s’en sépa-
rent l’agglutine à l’ouvrage du fourneau.
Cette mine ne paroit pas avoir de ressem-
blance bien caractérisée avec celle dont Swe-
denborg a parlé.
« On emploie encore un grand nombre
d’autres espèces de mines ; mais elles ne
diffèrent des précédentes que par moins de
qualité, à l’exception d’une espèce d’ocre
martiale, qui peut fournir ici une sixième
classe. Cette mine est assez abondante dans
les minières : elle est aisée à tirer ; on l’en-
lève comme la terre. Elle est jaune, et
quelquefois mêlée de petites grenailles; elle
fournit peu de fer : elle est très-douce. On
peut la ranger dans la douzième espèce de
l’art des forges.
« La gangue de toutes les mines du pays
est une terre vitrifiable, rarement argileuse.
Toutes ces espèces de mines sûnt mêlées , et
le terrain dont ori les tire est presque tout
sableux.
« On appelle s chiffre en Angoumois un
caillou assez semblable aux pierres à feu,
et qui en donne beaucoup quand on le
frappe avec l’acier. Il est d’un jaune clair,
fort dur : il lient quelquefois à des matières
qui peuvent avoir du fer; mais ce n’est point
le schiste.
« La castine est une vraie pierre calcaire
assez pure, si l’on en peut juger par l’u-
liiforînité de sa cassure et de sa couleur,
qui est gris blanc; elle est pesante, assez
dure, et prend un poli fort doux au tou-
cher. »
Par ce récit de M. de Morogues, il me
semble qu’il n’y a que la sixième espèce
qui ne demande pas à être grillée, mais
seulement bien lavée avant de la jeler au
fourneau.
Au reste, quoique généralement parlant*
et comme je l’ai dit, les mines en roche,
et qui se trouvent en grandes masses, solides,
doivent leur origine à l’élément du feu ,
néanmoins il se trouve aussi plusieurs mines 1
de fer en assez grosses masses , qui se sont
formées par le mouvement et i’intermède
de l’eau. On dislinguera, par l’épreuve de
l’aimant , celles qui ont subi l’action du feu, ,,
car elles seront toujours magnétiques; au j.
lieu que celles qui ont été produites par la C
stillation des eaux ne le sont point du tout,
et ne le deviendront qu’après avoir été bien
grillées et presque liquéfiées. Ces mines en ..
roche, cpii ne sont point attirabies par l’ai- iS
niant, ne contiennent pas plus de soufre •
que nos mines en grains : l’opération de les ,
griller, qui est très-coûteuse, doit dès lors I
être supprimée , à moins qu’ elle ne soit né-
cessaire pour attendrir ces pierres de fer
assez pour qu’on puisse les concasser sous
les pilons du boeard. ,C(
J’ai tâché de présenter dans ce mémoire ejj
tout ce que j’ai cru qui pourroil être utile à 1
l’amélioration des canons de notre marine ; , f
je sens en même temps qu’il reste beaucoup ^
de choses à faire , surtout pour se procurer ,e
dans chaque fonderie une fonte pure et assez /
compacte pour avoir une résistance supé- ^
rieure à toute explosion. Cependant je ne ra
crois point du tout que cela soit impossible * “
et je pense qu’en purifiant la fonte d : fer
aulant qu’elle peut l’être, on arriveroit au
point que la pièce ne feroit que se fendre
au lieu d’éclater par une trop forte charge. ®
Si l’on obtenoit une fois ce but, il ne nous "
resteroit plus rien à craindre ni rien à dé- lC0
sirer à cet égard.
FIN DU TOME I.
il.
k
il,
kVV\WV\VVUVi\«Vm
oge de Buffon par Condorcet . . . Page
oge de Buffon par Yicq d?Azyr ....
DISCOURS ACADÉMIQUES.
i (oitj
ébiei
soufri
scours prononcé à l’Académie fran-
çoise par M. de Buffon le jour de sa
àlJlréception : /y 27
, Iresse à Messieurs de l’Académie
francoise 30
TABLE
DES ARTICLES CONTENUS BARS LE PREMIER VOLUME.
MATIÈRES
34
: BOUS
m
ojet d’une réponse à M. Coetlosquet. 31
ponse à M. Watelet le jour de sa ré-
ception à l’Académie françoise. . ... 33
ponse à M. de la Condamine le jour
de sa réception à l’Académie fran-
çoise
ponse à M. le chevalier de Chatelux
le jour de sa réception à l’Académie
françoise 35
ponse à M. le maréchal duc de Du-
ras le jour de sa réception à l’Acadé-
mie françoise. 38
HISTOIRE NATURELLE.
m xer discours. De la manière d’é-
udier et de traiter l’Histoire naturelle 43
ond discours. Histoire et Théorie
de la terre 63
REUYES DE LA THEORIE DE
LA TERRE.
t. 1. De la formation des planètes. 84
t. 2. Du système de M, Whiston . . 98
t. 3. Du système de M. Burnet. ... 102
t. 4. Du système de M. Woodward. 103
t. 5. Exposition de quelques autres
systèmes 104
t. 6. Géographie 109
t. 7. Sur la production des couches
ou lits de terre 119
[t. 8. Sur les coquilles et autres pro-
ductions de la mer qu’on trouve dans
l’intérieur de la terre 133
it. 9. Sur les inégalités de la surface
e la terre 150
GENERALES.
Art. 10. Des fleuves 162
Art. 1 1 . Des mers et des lacs 177
Art. 12. Du flux et reflux. 200
Art. 13. Des inégalités du fond de la
mer et des courans 204
Art. 1 4. Des vents réglés 211
Art. 15. Des vents irréguliers, des ou-
ragans , des trombes , et de quelques
autres phénomènes causés par l’agita-
tion de la mer et de l’air 212
Art. 16. Des volcans et tremblemens
de terre 231
Art. 17. Des îles nouvelles, des caver-
nes, des fentes perpendiculaires, etc. 205
Art. 18. De l’effet des pluies , des
marécages, des bois souterrains, des
eaux souterraines 279
Art. 19. Des changemens de terres en
mers et de mers en' terres 288
Conclusion 298
HISTOIRE DES MINÉRAUX.
des élémens. Première partie. De la
lumière, de la chaleur et du feu. . . . 301
Seconde partie. De l’air , de l’eau et de
la terre 325
Réflexions sur la loi de l’attraction. . . 339
PARTIE EXPÉRIMENTALE.
Premier mémoire. Expériences sur le
progrès de la chaleur dans les corps. 345
Second mémoire. Suite des expériences
sur le progrès de la chaleur dans les
différentes substances minérales. . . . 354
Table des rapports du refroidissement
des différentes substances minérales. 386
Fer id,
Émeril. id.
Cuivre 387
Or id.
Zinc id.
Argent id.
Marbre blanc , . id.
Marbre commun «... .id.
Pierre calcaire dure 388
Grès id.
5o4 * ÎA.BLË.
Verre 388
Plomb .. . . . id.
Étain id.
Pierre calcaire tendre. id.
Glaise. . id.
Bismuth id.
Porcelaine id.
Antimoine id.
Ocre id.
G’ raie id.
Gypse id.
Bois id.
Troisième mémoire. Observations sur
la nature de la platine 393
Quatrième mémoire. Expériences sur la
ténacité et la décomposition du fer. 405
Cinquième mémoire. Expériences sur
les effets de la chaleur obscure 414
1 re expérience id.
2e expérience 417
3e expérience 419
4e expérience 420
5e expérience 422
6 e expérience
• Sixième mémoire. Expériences sur la lu-
mière et la chaleur qu’elle peut pro-
duire
Art. 1. Invention de miroirs pour brû-
ler à de grandes distances
Art. 2. Réflexions siïr’le jugement de
Descartes au sujet des miroirs d’Ar-
chimède, avec le développement de
la théorie de ses miroirs et l’expli-
cation de leurs principaux usages.. .
Art. 3. Invention d’autres miroirs pour
brûler à de moindres distances
Septième mémoire. Observations sur les
couleurs accidentelles et sur les om-
bres colorées
Huitième mémoire. Expériences sur la
pesanteur du feu et sur la durée de
l’incandescence
Sur le fer
Sur le verre
Neuvième mémoire. Expériences sur la
fusion des mines de fer
42
42 i
ic
43 |
4 a
41 1
4
47|
«
JHt CÆT'fY CENTER
UBftARY