^ ^ • -r -$• v^^-J W «^Çt <^%. h .-;*'• ¥ ŒUVRES \ COMPLETES D E M. LE CJ^ DE BUFFON, Intendant du Jardin du Roi , de l' Académie Franc ci fe , de celle des Sciences, è^c. Tome Deuxième. Histoire des Animaux quadrupèdes,- A PARIS, DE L'IMPRIMERIE ROYALE, M. D C C L X X V, -j TABLE De ce qui eft contenu dans ce Volume. J-^ES Animaux fduvûges . . page t Le Cerf 13 Le Daim , 65 Le Chevreuil 7J Le Lièvre ^6 Le Lapin 121 Les Animaux carnafiers . . • • 133' Le Loup 185 Le Renard. 205 Le Blaireau. ••.•.•.•••• 1220 La Loutre , . 220 La Fouine z-y^ La Marte • . , 2^2 Le Putois •••.•••••...• 2^7 TABLE. Le Furet , 252 La Belette 2 5 p V Hermine ou le Rofelet »... 165 L'Écureuil, ..•••..,.... 26^ Le Rat. . 27e La Souris ..•,.. 285 Le Mulot 289 Le Rat -d'eau 2C)8 Le Campagnol 301 Le Cochon d'Inde 305 Le Henffon 310 La A4ufaraigne ^ij La Mufaraigne d'eau 321 La Taupe 322 La Chauve -Jouris 330 Le Loir 341 Le Lérot 352 Le Muf Cardin 355 HISTOIRE HISTOIRE NATURELLE. Les Animaux fauvages. DANS les animaux domeftiques,, & dans riiomme , nous n'avons vu k Nature que contrainte , raremeiit per- fedionnée , fouvent altérée , défigurée, 3c toujours environnée d'entraves ou chargée d'ornemens étrangers : 4Ttarnte- nant elle va paroître nue , parée de fa feule (implicite , mais plus piquante par fa beauté naïve , fa démarche légère , fon air libre , & par les autres attributs de ia noblelTe & de Tindépendance. Nous ia verrons , parcourant en fouveraine la furface de la terre , partager fon domaine entre les animaux , afîîgner à chacun fon élément, fon climat, fa fub(iftance2 Tome II, Quadrupèdes^ A z HlJIoire Naturelle nous la verrons dans îes forêts , dans les eaux , dans les plaines , didant Tes loix fi m pies , mais immuables , imprimant fur chaque efpèce fes caradkères inaltérables , &: difpenfant avec équité fes dons , com- penfer le bien & le mal s donner aux uns la force 8c le courage , accompagnés du befoin 8c de la voracité -, aux autres , la douceur, la tempérance, la légèreté du corps , avec la crainte , l'inquiétude Se la timidité -, à tous la liberté avec des mœurs confiantes -, à tous des defirs 8c de Tamour toujours aifésà fatisfaire, 8c toujours [uivis d'une heureufe fécondité. Amour 8c liberté , quels bienfaits î Ces animaux que nous appelons fauvages , parce qu'ils ne nous font pas fournis , ont - ils be foin de plus pour être heureux? ils ont encore l'égalité , ils ne font ni les efclaves , ni les tyrans de leurs femblables , l'individu n'a pas a craindre , comme î'homme , tout le refte de fon efpèce ; ils ont entr'eux la paix , Se la guerre ne leur vient que des étrangers ou de nous. Ils ont donc raifon de fuir i'efpèce hu- maine , de fe dérober à notre afpe6t, de ^i'çtâblir dans les folitudes éloignées de àes Animaux fauv âge s, 3 nos habitations , de fe fervir de toutes les relfources de leur inftind: , pour fe mettre en fureté, & d'employer, pour fe fouftraire à la puilfance de l'homme, tous les moyens de liberté que la Nature ieur a fournis en même temps qu'elle leur a donné le de(ir de Tindépendance. Les uns , & ce font les plus doux , les plus innocens , les plus tranquilles , fe contentent de s'éloigner , & paflent leur vie dans nos campagnes *, ceux qur font plus défians , plus farouches , s'en- foncent dans les bois ^ d'autres , comme s'ils favoient qu'il n'y a nulle fureté fur la furface de la terre, fe creufent ét% demeures fouterraines , fe réfugient dans des cavernes , ou gagnent les fommets des inontagnes les plus inaccelTibles -, enfin les plus féroces , ou plutôt les plus fiers , n'habitent que les déferts , & régnent en fouverains dans ces climats brùians , où l'homme aufli fauvage qu'eux ne peut ieur difputer l'empire. Et comme tout eft foumis aux loir phyfiques, que les êtres mêmes les plus libres y font aflujettis, & que les ani- iïiaux éprouvent , comme l'homme , le* Aij 4 ïlijlolre Naturelle influences du ciel & de la terre -, il feinble que les mêmes caufes qui ont adouci , civilifé refpèce humaine dans nos climats , ont produit de pareils effets iiir toutes les autres efpèces : le loup , qui dans cette zone tempérée eft peut-être de tous ïes animaux le plus féroce , n'eft pas à beaucoup près auffi terrible , aulîî cruel que le tigre , la panthère , le lion de la zone torride , ou Tours blanc , le ioup^ cervier, l'hyène de la zone glacée. Et non - feulement cette différence ie trouve en général , comme (i la Nature , pour mettre plus de rapport & d'harmonie dans fes productions, eût fait le climat pour les efpèces , ou les efpèces pour le climat , mais même on trouve dans chaque efpèce en particulier , le climat fait pour les mœurs , & les mœurs pour le climat. A ' ^, En Amérique , où les chaleurs font r^**'**'*^^^^[noindres , où l'air & la terre font plus doux qu'en Afrique , quoique fous la même ligne 5 le tigre, le lion, la panthère n'ont rien de redoutable que le nom \ ce ne font plus ces tyrans des forêts , ct% ennemis de l'homme ;aufE fiers qu'intrci? des Animaux fauv âge s, f pîdes, ces monftres altérés de fang & de carnage j ce font des animaux qui fuient d'ordinaire devant les hommes , qui loin de les attaquer de front , loin même de faire la guerre à force ouverte aux autres Lêtes fauvages , n'emploient le plus fou- vent que Tartifice & la rufe pour tâcher de les furprendre -, ce font des animaux qu on peut dompter comme les autres , & prefque apprivoifer. Ils ont donc dégénéré , fi leur nature étoit la férocitç jointe à la cruauté , ou plutôt ils n ont qu'éprouvé ImHuence du climat : fous un ciel plus doux , leur naturel s'ell; adouci , ce qu'ils avpient d'exceiïîf s'eft tempéré , Se par les changemens qu'ils ont fubis ils font feulement devenus plus conformes à la terre qu'ils ont habitée. Les végétaux qui couvrent cette terre, & qui y font encore attachés de plus près que l'animal qui broute, participent aufîî plus que lui à la nature du climat ^ chaque pays 5 chaque degré de température a fes plantes particulières -, on trouve au pied des Alpes celles de France & d'Italie , on trouve à leur fommet celles des pays du Nord j on retrouve ces mêmes plantes Aiij ^ Hijloire Naturelle du Nord Tur les cimes glacées des moR-^ tagnes d'Afrique. Sur les monts qui ré- parent l'empire du Mogoi du royaume de Cachemire, on voit du côté du midi toutes les plantes des Indes , & Ton eft furpris de ne voir de l'autre coté que des plantes d'Europe. Cefl: auiïi des climats exceffifs que l'on tire les drogues, les parfums, les poifons , & toutes les plantes dont les qualités font excefïives : le climac tempéré ne produit au contraire que des chofes tempérées j les herbes les plus douces , les légumes les plus fains , les fruits les plus fuaves , les animaux les plus tranquilles , les hommes les plus polis font Tapanage de cet heureux climat. Ainfi , la terre fait les plantes , la terre 8c les plantes font les animaux , la terre , les plantes & les animaux font l'homme : car les qualités des végétaux viennent immédiatement de i'a terre & de l'air *, le tempérament 8c les autres qualités relatives des animaux qui paiifent l'herbe , tiennent de près à celles des plantes dont ils fe nourrirent -, enfin les qualités phyfiques de l'homme & des animaux qui vivent fur les autres animaux autant que fur les plantes, dépendent 5 des Animaux fauv âge s, J quoique de plus loin , de ces mêmes caufes , dont Tinfluence s'étend jufqus fur leur naturel & fur leurs mœurs. Et ce qui prouve encore mieux que tout fe tempère dans un climat tempéré, & que tout eft excès dans un climat exceffif , c'eft que la grandeur & la forme , qui paroilîent être des qualités abfolues, fixes & déterminées , dépendent cependant * comme les qualités relatives , de Tinfluence du climat : la taille de nos animaux qua- drupèdes n approche pas de celle de Télé- phant 3 du rhinocéros , de l'hippopotame \ nos plus gros oifeaux font fort petits , fi on les compare à Tautruche , au condor , au cafoar -, & quelle comparaifon des poiifons 5 des lézards , des ferpens de nos climats , avec les baleines , les cachalots , les narvals qui peuplent les mers du Nord , & avec les crocodiles , les grands lézards & les couleuvres énormes qui infectent les terres & les eaux du midi ? Et iî Ton confidère encore chaque efpèce dans différens climats , on y trouvera * des variétés fenfibles pour la grandeur & pour * Voyez l'Hiftoire du cheval , de la chèvre , du cochon, du chien, dans le volume précédent. A iii] 8 Hijloire Naturelle la. forme -, toutes prennent une teinture plus ou moins forte du climat. Ces chan- gemens ne fefont que lentement, imper- ceptiblement -, le grand ouvrier de ia Nature eft le Temps : comme il marche toujours d'un pas égal, uniforme & réglé , il ne fait rien par fauts , mais par degrés ; par , nuances 5 par fuccefîîonj il fait tout, & ces changemens , d'abord impercep- tibles, deviennent peu à peu fenfibles. Se fe marquent enfin par des réfultats aux- quels on ne peut fe méprendre. Cependant les animaux fauvages & libres font peut-être , fans même en ex- cepter l'homme , de tous les êtres vivans les moins fujets aux altérations , aux chan^ gemens , aux variations de tout genre : comme ils font abfolument les maîtres de choiiir leur nourriture & leur climat, & qu'ils ne fe contraignent pas plus qu'on ies contraint , leur nature varie moins que celle des animaux domefliques , que l'on aiïervit, que l'on tranfporte, que l'on maltraite , & qu'on nourrit fans confuiter leur goût. Les animaux fauvages vivent conftamment de ia même façon -, on ne les Voit pas err^r de climats en climats *, des 'Animaux fauv âge s, 9 Le bois où ils font nés eft une patrie à laquelle ils font fidèlement attachés > ils s'en éloignent rarement , & ne ia quittent jamais, que lorfqa'ils Tentent qu'ils ne peu- vent y vivre en fureté. Et ce font moins leurs ennemis qu'ils fuient , que fa préfence de l'homme ^ la Nature leur a donné dts moyensâc des reilources contre les autres animaux , ils font de pair avec eux, ils connoiiTenf leur force & leur adrelTe , ils jugent leurs delTeins , leurs démarches , & s'ils ne peuvent; les .éviter, au moiiis ils.fc défendent corps à corps*, ce font , en un mot, des efpèces de. leur genre. Mais que peuvent -ils contre des êtres qui favent les trouver fans les voir , & les abattre fans les approcher ? . ^C'eft donc l'homme qui les inquiète , qui ' les écarte., .qui les difperfe, & qui les tend mille fois plus fauvages qu'ils . ne le leroient; en eiiet .: car la .plppart ne de— mandent que la tranquillité , la p^ix,,-& l'uf^ge auffi, modéré qu'innocent, de l'air & de la terre V ils. font même portés par la Nature à demeurer enfemble , à ie réuniic. en familles., à former des efpè^ces de f^étçs. On- y oit eiicote des veftiges de ■ Av " " ' lo Hijîoire Naturelle ces fociétés dans les pays dont Thomme ne s'eft pas totalement emparé : on y voit même des ouvrages faits en commun > des efpèces de projets , qui , fans être raifonnés , paroiltent être fondés fur des convenances raifonnables , dont l'exécu- tion fuppofe au moins Taccord , TunioiT & le concours de ceux qui s'en occupent v & ce n'eft point par force ou par néceffité phyfîque , comme les fourmis , lés abeilles , &c. que les caftors travaillent & bâtiiïent v car ils ne font contraints , ni par Tefpace , ni par le temps , ni par le nombre , c'eft par choix qu'ils fe réunifient , ceux qui ie conviennent demeurent enfemble , ceux qui ne fe conviennent pas s'éloignent , & Ton en voit quelques-uns qui , toujours rebutés par les autres , font obligés de vivre folitaires; Ce n'eft auiïi que dans les pays reculés , éloignés y 8c oiï ils crai- gnent peu la rencontre des hommes , qu'ils cherchent à s'établir & à rendre leur demeure plus fixe & plus commode , eiï y conftruifant des habitations , des efpèces de bourgades 5 qui repréfentent afifez bien les foibies travaux &ies premiers eftbrts d'une république naiiïânte. Dans les pays' des Animaux fauvages, 1 1 âu contraire où les hommes fe font répan- dus, la terreur femble habiter avec eux, il ny a plus de fociété parmi les animaux , toute induftrie cefTe , tout art efl; étouffé , ils ne fongent plus à bâtir , ils négligent toute commodité -, toujours prefles par îa crainte & la nécefîîté, ils ne cherchent qu'à vivre, ils ne font occupés qu'à fuir & fe cacher -, & fi , comme on doit le fuppofer 5 i'efpèce humaine continue dans la fuite des temps à peupler également toute la furface de la terre , on pourra dans quelques fiècles regarder comme une fable Tliiftoire de nos caftors. On peut donc dire que les animaux ^ loin d^'aller en augmentant , vont au con-- traire en diminuant de facultés & de talens -, le temps même travaille contre eux : plus Tefpèce humaine fe multiplie , fe perfedionne , plus ils fentent le poids d'un empire aulîi terrible qu'abfolu , qui leur laiffant à peine leur exiftence indi- viduelle , leur ôte tout moyen de liberté » toute idée de fociété, & détruit Jufqu'au germe de leur intelligence. Ce qu ils font devenus , ce qu'ils deviendront encore :, A v) 1 1 ITiJloire Naturelle , .&c. n indique peut-être pas aiTez cequilsjonc été , ui ce qu'ils pourroient être. Qui fait 5 fi refpèce humaine étoit anéantie , auquel d'enti eiix appartiendroit lefceptre de la terre ? f --jivJ 15 i „..„., , „ LE CERF ('). V, oiGi Tun de ces animaux innoceHS, doux Se tranquilles, qui ne femLIentêtre faits que pour embellir , animer la folitude des forêts , & occuper loin de nous les retraites paifibles de ces jardins de la Na- ture. Sa forme élégante & légère, fa taille auiïi fvelte que bien prife, fes membres ("aj Le Cerf; en Grec , E*'xrt<^ûî ; en Latin , Cervus ; en Italien , Cervo ; en Efpagnol , Ciervo ; en Portugais, Veado ; en Allemand , Hirfch; c» Anglois , Red - Deer ; en Danois , Hiort ; en Suédois , Kion- Hiort ; en Hûllandois , Herr ; enPolonois,' Jelijenii. Cervus , Gefner. Icon. animal, quadr.p. ^j —44. Cervus, Aidrov. Quadr. bifulc. p. pyz —^^7^. Cervus, Jonfton , Hijf. Nat. quadr. pag. 5^, tabl. xxxr ,fig. i. Cei-vus , Charleton. De differ. animal, p. §, Cervus , Ray. Synop. animal, quadr. p. 84.. Cervus cornibus ramq/is , teretibus , incuiTatis.L'miio Syjî. nat. Cervus nobilis , ramis teretibus , omnibhS notas» Klein. Quadr. Eijî. Nat. p. sj. 1 4 Hijloire Naturelle flexibles & nerveux , fa tête parée pîutôff qu'armée d'un bois vivant, & qui, comme la cime des arbres , tous les ans fe renou- velle, fa grandeur, fa légèreté, fa force, le diftinguent aflez des autres habitans des bois-, & comme il eft ïe plus noble d'entre eux , il ne fert aufîi qu'aux plaidrs des plus nobles des hommes ; il a dans tous les temps occupé le loifir des héros : l'exer- cice de la chafTe doit fuccéder aux travaux de la guerre , il doit même les précéder : favoir manier les chevaux & les armes , font des talens communs au chaifeur , au guerrier : l'habitude au mouvement , à la fatigue , l'adreffe , la légèreté du corps y fi néceiïàires pour foutenir , & même pour féconder le courage, fe prennent à la chafTe , & fe portent à la guerre v c'eft l'école agréable d'un art nécelTaire ; c'efl: encore le feul amufement qui faiTe diverfion entière aux affaires , le feul dé- îafïement fans molleffe , le feul qui donne vm plaifir vif fans langueur , fans mélange & fans fatiété. Que peuvent faire de mieux les hommes qui, par état, font fans celle fatigués de ia préfence des autres hommes ! Toujours du Cerf. îj environnés, obfédés & gênés, pour ainfi dire, par le nombre, toujours en butte à leurs demandes > à leur emprefTement y forcés de s'occuper de foins étrangers & d'affaires, agités par de grands intérêts » & d'autant plus contraints qu'ils font plus élevés , les Grands ne fentiroient que le poids de la grandeur , & n exifteroienr que pour les autres , s'ils ne fe déroboient par inftans à la foule même des flatteurs. Pour jouir de foi -même, pour rappeler dans l'ame les affe(5tions perfonndles , les defirs feerets, ces fentimens intimes mille fois plus précieux que les idées de la grandeur , ils ont befoin de folitude -, & quelle folitude plus variée , plus animée que celle de la chaffe? quel exercice plus fain pour le corps ? quel repos plus agréable pour Tefprit ? Il fer oit auffi pénible de toujours repréfenter , que de toujours méditer*. L^homme n'eft pas fait par la Nature pour la contemplation des chofes ab- ftraites ', & de même que s'occuper fans- relâche d'études difficiles, d^affaires épi- neufes, mener une viefédentaire, & faire de fon cabinet le centre de fon exiftence » i6 Hijloire Naturelle cfl un état peu naturel 5 il femble que celui d'une vie tumultueufe , agitée,* entraînée, pour ainfi dire j par le mou- vement des autres hommes, & où l'on eft obligé de s'obferver , de fe contraindre > & de repréfenter continuellement à leurs yeux , eft une fituation encore plus forcée. Quelque idée que nous voulions avoir de nous-mêmes, il eft aifé de fentir que repréfenter n'eft pas être , Se aufli que nous fommes moins faits pour penfer que pour agir , pour raifonner que pour jouir : nos vrais plaiiirs confiftent d'an& le libre ufage de nous-mêmes-, nos vrais biens font ceux de la Nature , c'eft le ciel , c'eft la terre , ce font ces cam-r pagnes , ces plaines , ces forêts dont elle nous oiire la jouiiTance utile , inépui^^ fable. Auffi le goût de la chafTe , de la pêche, des jardins, de ragriculture , eïl un goût naturel à tous les hommes-, .&? dans lés fociétés plus fimples que la notre j il n'y a guère que deux ordres , tous deux relatifs à ce genre de vie *, les nobles ^3^ dont le métier eft la chalTe & les armes ^ & les hommes en fous- ordre , qui ne ion|; occupés qu'à la Ci4ture de h<^1^^Ç*L.Jit^ii du Cerf, I 7 Et comme dans les fociétés policées ©n agrandit , on perfedionne tout \ pour rendre le plaifir de la chafTe plus vif & plus piquant , pour ennoblir encore ces exercice le plus noble de tous , on en a fait un art. La chaiTe du cerf demande des connoiiTances qu'on ne peut acquérir que par l'expérience : elle fuppofe ub appareil royal, des hommes^ des chevaux, des chiens, tous exercés, frylés, drefTés , qui par leurs mouvemens , leurs recher- ches & leur intelligence , doivent aufïï concourir au même but. Le veneur doit Juger l'âge & le fexe -, il doit favoir diftin* guer Screconnoîtreprécifément, li le cerf qu'il a détourné (b) avec Ton limier ( c) eil: un daguet ( d) ^ un jeune ctii ( e) , un fbj Détourner le cerf, c'eft tourner tout autour de rtndroit ou un cerf eft entré , Se s'affurer qu'a n'en eft pas forti. (^cj Liini.er , chien que l'on choifit ordinairement parmi les chiens - courans , & que l'on drcfTe pour dcrourner le cerf, le chevreuil , le fanglier, Sec. f^ dj Daguet, c'eft un jeune cerf , portant les dagues , & les dagues font la première tête ou le premier bois du cerf, qui lui vient au commence- ment de la féconde année. f ej Jeune cerf, cerf qui eft dans la troiiième , quatrième ou cinquième année de fa vie. i I 8 Hijîoire Naturelle cerf de dix cors jeunement (^fj, un cerf de dix cors fgj , ou un vieux cerf ( h) ; Se les principaux indices qui peuvent don- ner cette connoiffance, font le pied (i) Bc les fumées (^kj. Le pied du cerf eil mieux fait que celui de la biche -, fa jambe eft flj plus groflè & plus près du talon, fes voies (^/t?^ font mieux tournées, & fes allures f nj plus grandes -, il marche plus régulièrement 5 il porte le pied de derrière dans celui de devant , au lieu que la biche a le pied plus mal fait > les allures plus courtes , Se ne pofe pas régulièrement le pied de derrière dans la trace de celui de devant. Dès que le (^fj Cerf de dix cors jeunement ^ cerf qui eft daiu fa lixième année de fa vie, CgJ Cerf de dix cors, cerf qui eft dans la fepti^me année de fa vie. ChJ Vieux cerf , cerf qui eft dans la huiiièmc* neuvième, dixième, &c. année de fa vie. CiJ Pied, empreinte du pied du cerf fur la terre. ('kj Fumée, fiente du cerf. flj On appelle jambe , les deux os qui font an bas à la partie poftérieure , Ôc qui font trace fur 1» terre avec le pied. fmj Voies, ce font les pas du cerf. {'nJ Allures du cerf, diftancc de fes pas. du Cerf. 1 9 cerf eft à Ç^ quatrième tête (o) , il eft alTez reconnoiiïable pour ne s'y pas mé- prendre , mais il faut de Thabitude pour diftingiier le pied du jeune cerf de celui de la biche -, & pour être fur , on doit y regarder de près & en revoir (p ) fouvent. Les cerfs de dix cors jeunement , de dix cors , «S:c. font encore plus aifés à reconnoître ^ ils ont le pied de devant beaucoup plus gros que celui de der- rière , & plus ils font vieux , plus les côtés des pieds font gros & ufés ( q) : ce qui fe juge aifément par les allures, qui iont aufîî plus régulières que celles des jeunes cerfs, le pied de derrière pofant toujours aiTez exaélement fur le pied de devant , à moins qu'ils n aient mis bas leurs têtes , car alors les vieux cerfs fe foj Tête , bois ou cornes du cerf. fpj En revoir , c'eft avoir des indices du cerf paï le pied. CqJ Nota, que comme le pied du cerf s'ufe plus ou moins fuivant la nature des terreins qu'il habite , il ne faut entendre ceci que de la comparailo» entre cerfs du même pays , & que par conféquent il faut avoir d'autres connoilTances , parce que dans le temps du rut on court fouvent des cerfs venus de lain. 2 0 Hijloire Naturelle méjugent (r) prefque autant que les Jeu* nés , mais d'une manière différente , & avec une forte de régularité que n'ont ni ies jeunes cerfs ni les biches *, ils pofent ie pied de derrière à côté de celui de devant, 8c jamais au-delà ni en deçà, Lorfque le veneur, dans les fécher elles de Tété , ne peut juger par le pied, il eft: obligé de fuivre ie contre -pied (f) de la bête pour tâcher de trouver les fumées , & de la reconnoître par cet indice , qui demande autant & peut-être plus d'ha- bitude que la connoilTance du pied j fans cela , il ne lui feroit pas pofîible de faire un rapport jufte à ralfemblée des chafleurs. Et lorfque fur ce rapport Ton aura conduit les chiens à fes hvAè^s(t)y il doit encore favoir animer fon limier > & le faire appuyer fur les voies jufqu'à ce que le cerf foit lancé : dans cet inftant frj Se méjuger , c'eft , pour le c«rf , mettre îe pied de derrière hors de la trace de celui da devant. Cf) Suivre le contre -pied , c*eft fuivre les trace» à rebours. ftj Brifées , endroit oïi le cerf eft entré , Se ou l'on a roinpu des branches pour le remarquer» du Cerf. 2 I celui qtîi laifTe cour:TÇ:(u) , Tonne pour faire découpler les chiens (x ) , 8c dès qu'ils le font , il doit les appuyer de la voix & de ia trompe-, il doit auiîî être connoiiTeur, & bien remarquer le pied de Ton cerf, afin de le reconnoître dans le change fyj ou dans le cas qu'il foit accompagné. Il arrive fouvent alors que les chiens fe réparent , & font deux chalTes : les pi- queurs (^^) doivent fe féparer auiïi & rompre les chiens (^aj qui fe font four- voyés ('hj, pour les ramener Se les rallier à ceux qui chaflent le cerf de meute. Le piqueur doit Lien accompagner fes chiens j toujours piquer à coté d'eux, toujours le^ f^uj Laijfer courre un ctrf , c'eft Ic lanccr avec Ifi limier , c'eft - à - dire , le faire partir. (x) Découpler les chiens , c'eft détacher les chiejB^ l'un d'avec l'autre pour les faire chalTer. CyJ Change , c'eft lorfque le cerf en va chercher un autre pour le fubftituer à fa place. ^^^ Les piqiieurs , font ceux qui courent à cheval après les chiens , & qui les accompagnent pour le? faire chafler. (^aj Rompre les chiens , c'eft les rapelcr & leuf faire quitter ce qu'ils chafTent. ^bj Se fourvoyer , c'eft s'écarter de la voie & «Tiâffer quclqu' autre ceif que celui de la meute. 21 Hijloire Naturelle animer fans trop les prefTer , les aider fur le change , fur un retour , & pour ne fe pas méprendre 5 tâcher de revoir du cerf auffi fouvent qu il eft poflîble -, car il ne manque jamais de faire des rufes , il pafle & repafle fouvenc deux ou trois fois fur fa voi^, ii cherche à fe faire accornpagner d*autres bêtes pour donner ie change , & alors il perce & s'éloigne tout de fuite , ou bien il fe jette à Técart, fe cache, & reftc fur le ventre. Dans ce cas , lorfqu on eft en défaut (c)^ on prend les devans , oit retourne fur les derrières -, les piqueurs & les chiens travaillent de concert : ii Ton ne retrouve pas la voie du cerf, on juge qu'il eft reflé dans Tenceinte dont on vient de faire le tour, on la foule de nouveau *, & lorfque le cerf ne s'y trouve pas, il ne refte d'autre moyen que d'ima- giner la refuitc qu'il peut avoir faite, vu le pays où l'on eA, & d'aller l'y chercher* Dès qu'on fera retombé fur les voies , & que les chiens auront relevé le défaut (dj , CcJ Etre en défaut , c'eft lorfque les chiens ont perdu la voie du cerf. fdj Relever le défaut , ceû retrouver! cs voies d.a cerf ,& k lancer ttSie fecQjidèfois. • "^ du Cerf. 25 ils dliafleront avec plus d'avantage , parce qu'ils fentent bien que le cerf eft déjà fatigué, leur ardeur augmente à mefure qu'il s'affoiblit , & leur fentiment ell d'autant plus diftind & plus vif, que le cerf eft plus échauffé -, auffi redoublent- ils & de jambes Se de voix , & quoiqu'il falTe alors plus de rufes que jamais , comme il ne peut plus courir auffi vite, nt par conféquent s'éloigner beaucoup des chiens , Tes rufes êc fes détours font inutiles 3 il n'a d'autre refifource que de fuir la terre qui le trahit , 8c de (e jeter à l'eau pour dérober Ton fentiment aux chiens. Les piqueurs traverfent ces eaux , ou bien ils tournent autour , & remettent enfuite les chiens fur la voie du cerf > qui ne peut aller loin dès qu'il a battu l'eau (e) , & qui bientôt eft aux abois (^fj, on il tâche encore de défendre fa vie , & blelTe fouvent de coups d'andouiiîers les chiens 8c même les chevaux des chaileurs fej Battre l'eau , battre les eaux , c'efl traverfer après avoir été long -temps chafie , ur^e rivière ou Un étang. CfJ Abois , c'efl lorfque le cerf €ft à rextréiûité ^ tout- à -fait epuifé de forces» 2 4 ' HiJIolre Naturelle trop ardens , jufqu'à ce que Tun cTentrç eux lui coupe le jarret pour îe faire tom- ber , & Tachève enfuite en lui donnant un coup de couteau au défaut de Tépaule, On célèbre en même temps la mort du cet f par des fanfares , on le laiiTe fouler aux chiens , Se on les fait jouir pleine- ment de leur victoire en leur faifant curée (^gj. Toutes les faîfons, tous les temps ne font pas également bons pour courre îe cfd (h) : au printemps, lorfque les feuilles n aillantes commencent à parer les forêts, que la terre fe couvre d'herbes nouvelles , éc s'émaille de fleurs , leur parfum rend moins fur le fentiment des chiens *, & comme le cerf eft alors dans fa plus grande vigueur , pour peu qu il ait d'a- vance 5 ils ont beaucoup de peine à le joindre. Aufîî les chaflfeurs conviennent-' ils que la faifon où les biches font prêtes à mettre bas, eft celle de toutes où la chafTe eft la plus difficile , & que dans ce fgj Faire curée , donner la curée, c'eft faire manger aux chiens le cerf ou la bête qu'ils ont prife. (JiJ Courre te cerf, chftlTei le cerf avçc des chiens» «ouraiis. temps du Cerf, 25 temps les chiens quittent fouvent un cerf mal mené , pour tourner à une brche qui bondit devant eux-, & de même au com- mencement de Tautomne , lorfque le cerf eften rut ( i) j les limiers quêtent fans ar- deur-, l'odeur forte du rut leur rend peut- être la voie plus indiiiérente -, peut-être aulîi tous les cerfs ont -ils dans ce temps à peu près la même odeur. En hiver , .pendant la neige, on ne peut pas courre le cerf , les limiers n ont point de ienti- ment, & lemblent fuivre les voies plutôt ■à l'œil qu'à l'odorat. Dans cette faifon , :Comme les cerfs ne trouvent pis à vian- -der ( k ) dans les forts , ils en fortent , vont & viennent dans les pays plus découverts , ,dans les petits taillis , & même dans les terres eniemencées -, ils fe mettent en bardes YO <^ès le mois de décembre, & pendant les grands froids ils cherchent à fe mettre à l'abri des côtes , ou dans des endroits bien fourrés où ils fe tien- nent ferrés les uns contre les autres , & fij Rut, chaleur, ardeur d'amour. fkj Viander , brouter , manger. flJ Hardi , troupe de cerfs. Tome IL Quadrupèdes. B l6 Hijîolre Naturelle fe réchauffent de -îeiir Meinè. -A îâ fin de l'hiver, ils gagnent le hord desfôr-ers , Se fortent dans les blés. Au printemps ils mettent tas fm ) ^ la tête fe détacha d'elle-même, ou par un petit eflbrt qu^is font en s'accrochant à quelque branche : il efi: rare que les deirx côtés tombent précifément en même temps , & fouvent il y a un jour ou deux d'intervalle entre la cliute de chacun des côtés de la tête. Les vieux cerfs font ceux qui mettent bas îes premiers , vers là fin de février , dû au commencement de mars -, les cerfs de dix cors ne mettent bas que vers le miiieii ou la fin de mars -, ceux de dix cors }eu- nement dans le mois d'avril *, les jeunes cerfs au commencement , & les daguets vers le milieu & la fin de mai \ mais il y ^ fur tout cela beaucoup de variétés , ôc Ton voit quelquefois de vieux cerfs mettre bas plus tard que d'autres -qui font plus jeunes. Au refte , la mue de la tête des cerfs avance lorfque Thiiver eft doux^, Se retarde lorfqu il eft rude Se de longue durée. fmj Msttri bas , c'eft lorfque le bois des çcifs toljibe» du Cerf. ly Dès que les cerfs ont mis bas , ils fe réparent les uns des autres , 8c il n y a plus que les jeunes qui demeurent en- femble -, ils ne fe tiennent pas dans les forts, mais ils gagnent les beaux pays , les buifTons , les taillis clairs , où ils de- meurent tout rété pour y refaire leur tête j & dans cette faifon ils marchent la tête balFe , crainte de la froifler contre îes blanches , car elle eft fenfible tant qu elle n a pas pris fon entier accroiiFe- ment. La tête des plus vieux cerfs n'ejft encore qu'à moitié refaite vers le milieu du mois de mai , & li'eft tout- à-fart ^longée & endurcie que vers la fin de juillet : celle des plus jeunes cerfs tom- bant plus tard , repouiTe & fe refait aufïi plus tard *, mais dès qu elle eft entière- ment alongée , & qu'elle a pris de la folidité 5 les cerfs la frottent contre- les arbres pour la dépouiller de la peau dont elle eft revêtue : & comme ils coi^.tinuent à la frotter pendant plufieurs jours de fuite 5 on prétend (n) qu'elle fe teint de îa couleur de la sève du bois auquel ib fn) Voyez le nouveau Traité de la Vénerieà Bi] -2 8 Hijîoire Naturelle touchent 5 qu'elle devient roulTe contre les hêtres Se les bouleaux , brune contre les chênes, & noirâtre contre les charmes j8c les trembles. On dit aufïï que les têtes des jeunes cerfs , qui font liiTes & peu 'perlées , ne fe teignent pas à beaucoup près autant que celles des vieux cerfs , dont les perlures lont fort près les unes .des autres , parce que ce font ces per- iures qui retiennent la sève qui colore îe bois -, mais je ne puis me perfuader que ce fojt là la vraie caufe de cet effet , ^yant eu des cerfs privés & enfermés dans des enclos .où il n'y avoir aucun arbre , ôc où par conféquent ils n'avoient pu toucher au bois , defquels cependant ia tête étoit colorée comme celle des autres. Peu de temps après que les cerfs ont bruni leur tête, ils commencent à reffen- tir les iinprelîîons du rut -, les vieux font les plus avancés : dès la fin d'août Se le commencement de feptembre , ils quittent îes builTons , reviennent dans les forts , Se commencent à chercher les bêtes (oj ; ^ { o) Les bêtes , en terme de chafTc , fignifient Us biches. du Cerf. 29 Hs raient (p ) d'une voix forte , le cou & îa gorge leur enflent, ils fe tourmentent, ils traverfent en plein jour les guerêts & les plaines 5 ils donnent de la tête contre les arbres & les fepées , enfin ils paroifTent tranfportés , furieux , & courent de pays en pays jufqu'à ce qu'ils aient trouvé des bêtes , qu'il ne fufîit pas de rencontrer , mais qu'il faut encore pourfuivre , con- traindre 5 adi-ijettir , car elles les évitent d'abord , elles fuient & ne les attendent qu'après avoir été long -temps fatiguées de leur pourfuite. C'eft auiîi par les plus vieilles que commence le rut , les jeunes biches n'entrent en chaleur que plus tard , & lorfque deux cerfs fe trouvent' auprès de la même , il faut encore combattre avant que de jouir : s'ils font d'égale force , ils fe menacent , ils grattent îa terre , ils raient d'un cri terrible , & fe précipitant l'un fur l'autre , ils fe battent à outrance , & fe donnent des coups de tête & d'andouillers (q ) fi forts, que fou- vent ils fe bleiîent à mort. Le combat ne finit que par la défaite ou la fuite de l'un fpj Raire , crier. fqj AndoiiilUrs , cornichon du bois de cerf. Biij jo HiJIoire Naturelle des deux, & alors le vainqueur ne perd pas un inftant pour jouir de (a victoire & de Tes defirs , à moins qu'un autre ne furvienne encore , auquel cas il part pour l'attaquer & le faire fuir comme le premier. Les plus vieux cerfs font tou- jours les maîtres , parce qu'ils font plus fiers 8c plus hardis que les jeunes qui n ofent approcher d'cny: ni de la bérc , ôc qui font obligés d'attendre qu'ils l'aient quittée pour l'avoir à leur tour : quelque- fois cependant ils fautent fur la biche pendant que les vieux combattent , Se après avoir joui fort à la hâte , ils fuient promptement. Les biches préfèrent les vieux cerfs , non pas parce qu'ils font plus courageux , mais parce qu'ils font beaucoup plus ardens & plus chauds que les jeunes', ils font aufîî plus inconftans , ils ont fouvent plufieurs bêtes à la fois , 6c lorfqu'ils n'en ont qu'une , ils ne s'y attachent pas , ils ne la gardent que quel- ques jours 5 après quoi ils s'en féparent Se vont en chercher une autre auprès de laquelle ils demeurent encore moins , & paiTent ainfi fucceffivement à plufieurs jufqu'à ce qu'ils foient touc-à-fait épuifés. du Cerf. jî Cette fiireur amoureufe ne dure que trois femaines , pendant ce temps ils ne mangent que très- peu, ne dorment ni ne repofent -, nuit & jouir , ils font fur pied 5 & ne font que marcher , courir , combattre & jouir-, auffi fortent-ils de -là fi défaits , fi fatigués , fi maigres , qu'il leur faut du temps pour fe remettre & reprendre des forces : ils fe retirent ordi- nairement alors fur le bord des forêts, le long des meilleurs gagnages , où ils peuvent trouver une nourriture abon- dante, & ils Y demeurent jufqu'à ce qu ils foient rétablis. Le rut , pour les vieux cerfs , commence au premier de feptembre & finit vers le 20 j pour les cerfs de àbi cors 3 5c de dix cors jeunement , il com- mence vers le i o de feptembre , & fiiifr dans les premiers jours d'odtobre ^ pour les jeunes cerfs , c'eft depuis le 20 fep- tembre jufqu au 1 5 oâ:obre -, & fur la fin de ce même mois , il n 7 a plus que les daguets qui font en rut , parce qu ils y font entrés les derniers de tous-, les plus jeunes biches font de même les dernières en chaleur. Le rut eft donc entièrement iîni au commencement de novembre 5 & B iiij 3 2 Hijloire Naturelle îes cerfs , dans ce temps de foiblefTe , font faciles à forcer. Dans les années abondantes en gland , ils fe rétabiilTent en peu de temps , par la bonne nour- riture 5 & Ton remarque fou vent un kconà rut à la fin d'odobre , mais qui dure beaucoup moins que le premier. Dans les climats plus chauds que celui de la France, comme les faifons font plus avancées , le rut efl: aufîî plus précoce. En Grèce (r) , par exemple , il paroît par ce qu'en dit Ariftote , qu'il commence dans les premiers jours d'août & qu'il finit à la fin de feprembre. Les biches portent huit mois & qTielques jours *, elles ne produifent ordinairement qu'un faon (fj, très- rarement deux -, elles mettent bas au mois de mai & au commencement de juin 5 elles ont grand foin de dérober ieur faon à la pourfuite des chiens , elles fe préfentent & fe font chaffer elles- inêmes pour les éloigner , après quoi elles viennent le rejoindre. Toutes les biches ne font pas fécondes -, il y en a frj AriJIot. Eijî. animal, lib. VI, cap. a^. ffj Faon,ç\ii le petit cerf qui vient de naître. du Cerf. 3 3 qu'on appelle brehalgnes j qui ne portent jamais -, ces biches font plus grofifes & prennent beaucoup plus de venaifon que les autres , auiïi font - elles les premières en chaleur : on prétend aufîi qu il fe trouve quelquefois des biches qui ont un bois comme le cerf, & cela n'efi: pas iibfolument contre toute vraifemblance. Le faon ne porte ce nom que jufqu'à fîx mois environ , alors les boifes com- mencent à paroître, & il prend le nom de hère jufqu'à ce que ces bolTes alongées en dagues lui falïent prendre le nom de daguet. Il ne quitte pas fa mère dans les premiers temps , quoiqu'il prenne un aiTez prompt accroilTement -, il la fuit pendant tout l'été. En hiver, les biches, les hères, les daguets & les jeunes cerfs fe raOfemblent en hardes , & forment des troupes d'autant plus nombreufes que la faifon eft plus rigoureufe. Au printemps ils fe divifent , les biches fe recèlent pour mettre bas , & dans ce temps il n'y a guère que les daguets & les jeunes cerfs qui aillent enfemble. En général , les cerfs font portés à demeurer les uns avec les autres , à marcher de compagnie , & Bv 34 Hljloirc Naturelle ce ii'efl que la crainte ou îa néceiïïté qui les driperfe ©u les fépare. Le cerf efl: en état d'engendrer à Tâge de dix-huit mois , car on voit des daguets , c'eft-à-dire des cerfs nés au printemps de l'année précédente , couvrir des biches en automne , & l'on doit préfumer que ces accouplemens font prolifiques. Ce qui pourroit peut-être en faire douter, c'efi: qu'ils n'ont encore pris alors qu'en- viron la moitié ou les deux tiers de leur accroilïement ^ que les cerfs croiiïènc & groflilTent jufqu'à l'âge de huit ans , & que leur tête va toujours en augmen- tant tous les ans jiifqu'au même âge : mais il faut obferver que le faon qui vient de naître fe fortifie en peu de temps *, que Ton accroiiTement eft prompt dans îa première année, & ne fe rallentit pas dans la féconde -, qu'il y a même déjà furabondance de nourriture , puifqu'il pouife des dagues, & c'eft-là le ligne le" plus certain de îa puilTance d'engendrer. Il eil vrai que les animaux en général ne font en état d'engendrer que lorfqu'ils ont pris la plus grande partie de leur ac- çroiirement j mais ceux qui ont un tenip^ du Cerf. 5 5 marqué pour le rut, ou pour le frai, femblent faire une exception à cette loi. Les poiffons fraient Se produifent avant que d'avoir pris le quart , ou même la huitième partie de leur accroilTement ♦, Se dans les animaux quadrupèdes , ceux qui , comme le cerf , Télan , le daim , le renne , le chevreuil , &c. ont un rue bien marqué , engendrent auHi plus toc que les autres animaux. Il y a tant de rapports entre la nutri- tion 5 la production du bois , le rut & la génération dans ces animaux , qu'il efl néceilaire , pour en bien concevoir lea eftets particuliers , de fe rappeller ici ce que nous avons établi de plus général & de plus certain au fujet de la géné- ration (t ) : elle dépend en entier de la furabondance de la nourriture. Tant que l'animal croît ( & c'eft toujours dans le premier âge que l'accroiiiement eft le plus prompt), la nourriture eft entière- ment employée à l'extenfion , au déve- ftj Voyei les chapitres II , III &c IV du troifième volume de cet Ouvrage , dans krquels il eft qucA tion de la reprodufl;ion , de la nutrition ôc de la générations Bvj 3<5 HtJIolre Naturelle îoppement du corps -, il n y a donc nulie furabondance, par conféquent nulie pro- d-idion 5 nulle fécrérion de liqueur fé- mînale , Se c'eft par cette raifon que les Jeunes animaux ne font pas en état d'en- gendrer -, mais lorfqu ils ont pris la plus grande partie de leur accroiflement , la furabondance commence à fe manifefter p-ir des nouvelles produ^ions. Dans Thomme , la barbe , le poil , le gonfle- ment des mamelles , répanouilïement des parties de la génération , précèdent la puberté. Dans les animaux en général , & dans le cerf en particulier , la furabon- dance fe marque par des eflets encore plus feniibles -, elle produit la tête , le gonflement des daintiers(^^^^, Tenflure du cou & de la gorge, la venaifon fxjylevuty Sec, Et comme le cerf croît fort vite dans le premier âge , il ne fe pafTc qu'un an depuis fa naiffance jufqu'au temps ou cette furabondance commence à fe mar- quer au dehors par la production du {'nj r.e5 daintUrs dit cerf font fes tefticules, f xj Venaifon , c'eft la graifï'e cîu cerf qui augmente pendant l'été , & dont il ert furcharj^e au commen* cernent de raLUomne , dans le temps du im. du Cerf. J7 bois: sil eft né au mois de mai, on verra paroitre dans le même mois de Tannée iliivante , les nailTances du bois qui com- mence à pouller fur ie têt (y). Ce font deux dagues qui croiHent, s'aiongent & s'en- durcillent à mefure que ranimai, prend de la nourriture *, elles ont déjà vers la fin d'août pris leur entier accroilTement , & aflez de Tolidité pour qu'il cherche à les dépouiller de leur peau en les frottant contre les arbres : & dans le même temps il achève de fe cliarger de venaifon , qui eft une grailTe abondante produite aulîi par le fuperflu de la nourriture , qui dès- lors commence à Te déterminer vers les parties de la génération , & à exciter le cerf à cette ardeur du rut qui le rend fu- rieux. Et ce qui prouve évidemment que la production du bois & celle de la li- queur iéiiiinale > dépendeiit de la même caufe 5 c'eft que Ci vous détruifez la fource de la liqueur féminale en fuppri- mant par la caftration les organes nécef- faires pour cette fécrétion , vous fuppri- mez en même temps la production du (y J Le ftf, eft la partie de l'os frontal fur lag^uelle appuie le bois du cerf. 38 Hifioire Naturelle bois -, car fi Ton fait cette opération dans' le temps qu'il a mis bas la tête, il ne s'en forme pas une nouvelle -, & iî on n€ la fart au contraire que dans le temps qu'il a refait fa tête , elle ne tombe plus, Ra- nimai en un mot , refte pour toute la vie dans rétat où il étoit îorfqu'il a fubi la^ caftration -, & comme il n'éprouve plus les ardeurs du- rut , îes lignes qui l'ac- compagnent difparoilTent aufli , il n'y a plus de venaifon , plus d^enflure au cou ni à la gorge , & il devient d'un naturel plus doux & plus tranquille. Ces parties que l'on a retranchées étoient donc né- celTaires , non- feulement pour faire là fécrétion de la nourriture furaboiidante ,, mais elles fervoient encore à l'animer , à la pouffer au dehors dans toutes les parties du corps fous la forme de la ve- naifon 5 & en particulier au fommet de' la tète , où elle fe manifefte plus que par- tout ailleurs par la produdlion du bois. Il eft vrai que les cerfs coupés ne laiflTenc pas de devenir gras, mais ils ne produi- fent plus de bois , jamais la gorge ni le^ cou ne. leur enflent , & leur graiiîe ne §'exalte ni ne s'échauffe pas comme k; du Cerf. 3 9 veiiairon des cerfs entiers qui , îorfquils font en rut , ont une odeur iî forte , qu eile infede de loin -, leur chair même en eft (i fort imbue & pénétrée , qu'on ne peut ni la manger , ni la fentir , & qu eile fe corrompt en peu de temps , au lieu que celle du cerf coupé fe con- ferve fraîche , & peut fe manger dans tous les temps. Une autre preuve que la produdion du bois vient uniquement de la furabondance de la nourriture , c'eft la différence qui fe trouve entre les têtes des cerfs de même âge , dont les unes font très-grofïes , très -fournies , & les autres grêles & menues , ce qui dépend abfolument de la quantité de la nourri- ture 5 car un cerf qui habite un pays abondant , où il viande à ion aile, où il n eft troublé ni par les chiens , ni par les hommes , où après avoir repu tranquil- lement 5 il peut enfuite ruminer en repos , aura toujours la tête belle , haute bien ouverte, Tempaumure ('^) large & bien flj Empaumiire , c'eft le haut de la tête du cerf_,- qui s'élargit comme une main , & ou H y a plu- fleurs andouUIeis rangés inégalement comme des doigts, 4Ô Hijloire Naturelle garnie , le mérain fa) gros & bien perlé ,"" avec grand nombre d'andouillers forts & îongs -, au lieu que celui qui fe trouve dans un pays où il n a ni repos , ni nour- riture Tuffifante , n aura qu'une tête mai nourrie, dont Tempaumure fera ferrée, le mérain grêle , & les andouillers menus & en petit nombre -, en forte qu'il eft toujours aifé de juger par la tête d'un cerf, s'il habite un pays abondant & tranquille , &: s'il a été bien ou mal nourri. Ceux qui fe portent mal , qui ont été blelïés ou feu- lement qui ont été inquiétés 8c courus , prennent rarement une belle tête & une bonne venaifon , ils n'entrent en rut que plus tard, il leur a fallu plus de temps pour refaire leur tête , & ils ne la mettent bas qu'après les autres -, ainfi, tout concourt à faire voir que ce bois n'eft , comme la liqueur féminale , que le fuperflu , rendu fenfible , de la nourriture organique qui ne peut être employée toute entière au développement , à l'accroilTement ou à l'entretien du corps de l'animal. La difette retarde donc l'accroilTement: (aj Mérain , c'efl: Ic tronc , h tige du bois de cerf. au Cerf. 41 du bois, Se en diminue le volume très- confidérablement -, peut-être même ne feroit-il pas impoiïible , en retranchant beaucoup la nourriture , de fupprimer en entier cette produélion , fans avoir recours à la caftration : ce (fu'il y a de fur , c eft que les cerfs coupés mangent moins que les autres -, & ce qui fait que dans cette efpèce , aufïi - bien que dans celle du daim , du chevreuil & de l'élan , les femelles n'ont point de bois , c'eft qu'elles mangent moins que les mâles , & que quand même il y auroit de la furabondance , il arrive que dans le temps où elle pourroit fe manifefter au dehors, elles deviennent pleines, par conféquent le fuperflu de la nourriture étant employé à nourrir le fœtus & enfuite à allaiter le faon 5 il n'y a Jam.ais rien de furabondant. Et l'exception que peut faire ici la fe- melle du renne, qui porte un bois comme ie mâle , efl plus favorable que contraire à cette explication ♦, car de tous les animaux qui portent uh bois , le renne eft celui , qui , proportionnellement à fa taille , l'a d'un plus gros & d'un plus grand volume, puifqu'il s'étend en avanc 42 Hijloire Naturelle & en- a trière , fou vent tout le long de Çom corps : G efb aufîl de tous celui qui {&. charge le plus abondamment ( bj de ve^ naifon , & d'ailleurs le bois que portent les femelles eft fort petit en comparaifori de celui des mâles. Cet exemple prouve donc feulement que quand la furabon-* dance eu; fi grande qu'elle ne peut êtte épuifée dans la geflation par l'accroilTe- ment du fœtus , elle fe répand au dehors , & forme dans la femelle , comme dans. îe mâle , une production fembkble , \xm bois qui eft d'un plus petit volume > parce que cette furabondance eft aufîî en moindre quantité. Ce que je dis ici de la nourriture ne doit pas s'entendre de la mafte ni du volume des alimens , mais uniquement de la quantité des molécules organiques que contiennent ces alimens : c'eft cette fb) Le rangier f e'efi le renne ) , eft une bête femblable au cerf, & a la tête diverfe, plus grande tk. chevillée ; il porta bien quatre - vingts cors , aucune fois moins , fa tête lui couvre le corp^ $ il a plus grande venaifon que n'a un cerf en fa faifon. Voyei la chaiTe du roi Phoebus , imprimée à la fuite de la Vénexk de du Fcuilloux. Rouen, tf où raccroillement fe fait par l'extrémité fupérieure , comme dans les herbes , les plantes , les arbrqs , le bois du cerf & tous les autres végétaux*, la féconde , où i'accroiifement fe fait au contraire par l'extrémité inférieure , comme dans les cornes , les ongles , ies ergots , le poil > du Cerf. ^^ îes cheveux , ies plumes , les écailies ^ Iqs défenfes , les dents & les autres par- ties extérieures du corps des animaux; îa troiiîème eft celle où Taccroiirement fe fait à la fois par les deux extrémités , comme dans les os, les cartilages , iesi mufcles , les tendons & les autres par- ties intérieures du corps des animaux , toutes trois n ont pour caufe matérielle que la furabondance de la nourriture organique , & pour effet que Tauimi- lation de cette nourriture au moule qui la reçoit. Ain fi, Tanimal croît plus ou moins vite à proportion de la quantité de cette nourriture , & lorfqu'ii a pris la plus grande partie de Ton accroilfe- ment , elle fe détermine vers les réfer- voirs féminaux , & cherche à fe répandre au dehors, & à produire , au moyen de la copulation , d'autres êtres organifés. La différence qui fe trouve entre les animaux qui , comme le cerf , ont un temps marqué pour le rut , & les autres animaux qui peuvent engendrer en tout temps 5 ne vient encore que de la manière dont ils fe nourrirent. L'homme & les animaux domeftiques , qui tous les jours Ciij .j4 Hijloire Naturelle prennent à peu près une égale quantité de nourriture , fouvent même trop abon- dante 5 peuvent engendrer en tout temps : ïe cerf au contraire, & la plupart des autres animaux fauvages , qui fouffrent pendant l'hiver une grande difette , n'ont rien alors de Turabondant, & ne font en état d'engendrer qu'après s'être refaits pendant 1 été *, & c'eft aufîî immédiate- ment après cette faifon que commence 3e rut 5 pendant lequel le cerf s'épuife fi fort 5 qu'il refle pendant tout l'hiver dans un état de langueur -, fa chair eft même alors fi dénuée de bonne fubf- tance , & fon fang eft iî fort appauvri , qu'il s'engendre des vers fous fa peau , lefquels augmentent encore fa mifère , & ne tombent quau printemps lorfqu'il a repris , pour ainfi dire , une nouvelle vie par la nourriture adlive que lui four- nifTent les produ(5lions nouvelles de la terre. Toute fa vie fe pafTe donc dans dQ$ alternatives de plénitude & d'inanition ^ d'embonpoint & de maigreur , de fanré , pour ainf] dire , & de maladie , fans que ces oppofitÎQiis. fi marquées , & cet étac du Cerf. ;j toujours exceffif , altèrent fa conftitution % ï\ vit auffi long -temps que les autres animaux qui ne font pas fujets à ces vicîfîîmdes. Comme il eO; cinq ou fix ans à croître , il vit auffi fept fois cinq ou lix ans, c'e(l-à-dire, trente- cinq ou quarante ans ( g )> Ce que Ton a débité fur îa longue vie des cerfs , n'eft appuyé fur aucun fondemeîit *, ce n eil: qu'un pré- jugé populaire, qui régnoit dès le temps d'Arrftote : & ce philofophe dit avec raifon ( k ) ^ que cela ne lui paroît pas vrai- fembkble , attendu que le temps de la geitation & celui de Taccroifrement du jeune cerf n'indiquent rien moins qu'une très -longue vie. Cependant, malgré cette autorité, qui feule auroit dûfufîire pour détruire ce préjugé , il s'eft re- nouvelé dans des fiècles d'ignorance par une hiftoire ou une fable que Ton a faite fgj Pour moi , fans entrer dans aucune difculîîon à ce fui et , mon fentiment eft que les cerfs ne peuvent vivre plus de quarante ans. Nouveau Traité de la Vénerie y page i/fi. fhj Vitâejfeperquamlongâ koc animal fertiir , fed nihil certiex lis quce narranturvidemus : nec gejlatio aut incrementum hinnuli ita evenitquajîvitaejfetpreelonga, Arift, Hift. animal, lib. YI. cap. 29. Ciiij j 6 Hijloïre Naturelle 1 d'un cerf qui fut pris par Charles VI , I dans la forêt de Senlis , & qui portoit un collier fur lequel étoit écrit , C&far hoc me donavit ; & l'on a mieux aimé fup- pofer mille ans de vie à cet animal , & faire donner ce collier par un Empereur Romain, que de convenir que ce cerf pouvoir venir d'Allemagne , oii les Em- pereurs ont dans tous les temps pris ie nom de Céfar. La tête des cerfs va tous les ans en augmentant en grolTeur & en hauteur , depuis la féconde année de leur vie juf- qu'à la huitième-, elle fe foutient toujours belle & à peu près la même, pendant toute la vigueur de l'âge *, mais ïorfqu ils deviennent vieux , leur tête décline auffi ■^. Il eH: rare que nos cerfs portent plus de vingt ou vingt -deux andouillers > lors même que leur tête eft la plus belle , & ce nombre neft rien moins que conRant -, car il arrive fouvent que le même cerf aura dans une année un certain nombre d'andouillers , & que Tannée fuivante il en aura plus ou moins, * Voyez la defcription delà tête du cerf dans Ici différens âges, tom. XI de l'édition tn trentc^un volumes. du Cerf. j7 feion qu H aura eu plus ou moins de nourriture & de repos : & de même que la grandeur de la tête ou du bois du cerf dépend de la quantité de la nour- riture 5 la qualité de ce même bois dépend aufîi de la différente qualité des nourri- tures -, il eft comme le bois des forêts , grand, tendre & aflfez léger dans les pays humides & fertiles *, il eft au contraire court , dur & pefant dans les pays (ces ôc ftériles. Il en eft de même encore de la gran- deur Se de la taille de ces animaux , elle eft fort différente , félon les lieux qu'ils habitent : les cerfs de plaines , de vallées ou de collines abondantes en grains , ont le corps beaucoup plus grand 8c les jambes plus hautes que les cerfs des montagnes sèches, arides 8c pierreufes ; ceux- ci ont le corps bas , court & trapu -y ils ne peuvent courir auiîi vite , mais ils vont plus long -temps que les premiers*, ils font plus méchans , ils ont le poil plus long fur le maftacre *, leur tête eft ordi- nairement baffe 8c noire , à peu près comme un arbre rabougri , dont Técorce eft rembrunie , au lieu que la tête des Cv 58. TJiJlolre Naturelle cerfs de plaines eft haute & d\ine couîeiir claire & rougeârre comme le bois & récorce des arbres qui croiiTenc en bon terrein. Ces petits cerfs trapus n habitent guère les futaies, & fe tiennent prefque toujours dans les taillis , où ils peuvent fe fouftraire plus aifément à la pourfuite des chiens : leur venaifon eft plus fine > & leur chair eft de meilleur goût que celle des cerfs de plaine. Le cerf de Corfe (i) paroît être le plus petit de tous ces cerfs de montagne , il n'a guère que la moitié de la hauteur des cerfs ordi- naires, c'eft, pour ainfî dire , un baftec parmi les cerfs j il a le pelage brun (k)y îe corps trapu , les jambes courtes. Et ce qui m'a convaincu que la grandeur & la taille des cerfs en général dépendoit abfolument de la quantité & de la qualité de la nourriture , c'eft qu'en ayant fait élever un chez moi , & l'ayant nourri largement pendant quatre ans , il étoit à cet âge beaucoup plus haut , plus gros ,. plus étoflé que les plus vieux cerfs de fij Voyez la planche du Cerf de Corfe. (kj Filage , c;eft la couleur du poil du cerf, d.tç du Cerf. 59 nieâ boîs , qui cependant font de ïa belle taille. Le pelage le plus ordinaire pour le cerf eft le fauve-, cependant il fe trouve ,. même en affez grand nombre, des cerfs bruns , & d'autres qui font roux -, les cerfs blancs font bien plus rares , &: femblenc être des cerfs devenus domeftiques , mais très-anciennemeni., car Ariftote & Pline parlent des cerfs blancs , & il paroît qu'ils- n'étoient pas alors plus communs qu'ils ne le font aujourd'hui. La couleur du bois, comme la couleur du poil, femble dépendre en particulier de Tâge & de Idb nature de l'animal , & en général de Tim- prefîîon de l'air : les jeunes cerfs ont le bois plus blanchâtre & moins teint que les vieux. Les cerfs dont le pelage efl d'un fauve clair & délayé , ont fouvent la tête paie & mal teinte-, ceux qui font d'un, fauve vif, l'ont ordinairement rouge j 8c les bruns, fur -tout ceux qui ont du poil noir fur le cou , ont auffi la tête noire» Il eîl vrai qu'à l'intérieur le bois de tous les cerfs efl à peu près également blanc 5 mais ces bois diffèrent beaucoup les uns des autres en foiidité , & par leur texture- Ç v] (So Hijloire Naturelle plus ou moins ferrée -, il y en a qui font fort fpongieiîx, & oii même il fe trouve des cavités adez grandes : cette difîérence dans ia texture fuMit pour qu'ils puilTent fe colorer diftéremment , & il n'efl: pas néceiTaire d'avoir recours à la fève des arbres pour produire cqi effet , puifque nous voyons tous les jours Tivoire le plus blanc jaunir ou brunir à Tair , quoi- qu'il foit d'une matière bien plus corn- pa6te & moins poreufe que celle du bois du cerf. Le cerf paroît avoir l'œil bon, l'odorat exquis , & l'oreille excellente. Lorfqu'il veut écouter ^ il l^ve la tête , drelïe les oreilles , & alors il entend de fort loin : lorfqu'il fort dans un petit taillis ou dans quelqu'autre endroit à demi découvert, il s'arrête pour regarder de tous cotés , & cherche enfuite le defTous du vent pour fentir s'il n'y a pas quelqu'un qui puiife l'inquiéter. Il eft d'un naturel afïez îimple 5 & cependant il efl: curieux &: rufé : lorfqu'on le iiffle ou qu'on l'appelle de loin y il s'arrête tout court & regarde fixement & avec une efpèce d'admiration les voitures j le bétail > les hommes ^ & du Cerf. 6i s'ils n'ont ni arme , ni chiens , il continue à marcher d'alîurance (l) , & paflTe fon chemin fièrement & fans fuir ; il paroît aufîî écouter avec autant de tranquillité que de plaifîr le chalumeau ou le fla- geolet des bergers , 8c les veneurs fe fervent quelquefois de cet artifice pour ie ralTiirer. En général il craint beaucoup moins Thomme que les chiens , & ne prend de la défiance Se de la rufe qu'à mefure Se qu'autant qu'il ar.ra été in- quiété : il mange lentement , il choifît fa nourriture j Se lorfqu'il a viande, il cherche àfe repofer pour ruminer àloihr , mais il paroît que la rumination ne fe fait pas avec autant de facilité que dans le bœuf j ce n'eft, pour ainfi dire, que par fecoufles que le cerf peut faire remonter l'herbe contenue dans fon premier efto- mac. Cela vient de la longueur & de la direction du chemin qu'il faut que l'ali- ment parcoure : le bœuf a le cou court & droit 5 le cerf l'a long Se arqué ^ il faut donc beaucoup plus d'efiort pour faire remonter l'aliment , Se cet effort flj Marcher d'ajfurance , aller d'ajfiirance y c'cftloir* que le cerf vaJ Lin. Fiiuna Sueçîca. du Daim, 6 y répandus , il y en a par- tout en Europe , même en Norvège , & dans tout ie Nord 5 à l'exception peut-être de la Lapponie *, on en trouve aufïï beaucoup en Afie, fur -tout enTartarie fcj Se dans les provinces feptentrionales de la Chine. On les retrouve en Amérique , car ceux du Canada fdj ne diffèrent des nôtres que par la hauteur du bois , par le nombre & par la diredlion des andouillers fej^qui quelquefois n'eft pas droite en avant comme dans les têtes de nos cerfs, mais qui retourne en arrière par une inflexion bien marquée , en forte que la pointe de chaque andouilier regarde le mérain , & cette forme de tête n'eft pas abfolu- ment particulière aux cerfs de Canada , car on trouve une pareille tête gravée fcj Defcrîption de l'Inck , par Marc Paul, livre T^ page ^8. Lettres édifiantes, 2 6. me Recueil , pag« (à) Le cerf du Canada eft abfolument le même qu'en France. Defcription de la nouvelle France, pas le Père Charlevolx , tome III, page t2<). (e) Voyez dans les Mémoires pour fervir à l'Hif- toire des animaux , par M. Perrault , la pUnchç dii «eif de Canada. s 8 Hijloire Naturelle dans îa Vénerie de du Fouilloux (f) , & îe bois du cerf de Canada, que nous avons fait graver , a les andouillers droits -, ce qui prouve alTez que ce n'eft qu'une variété qui fe rencontre quelquefois dans les cerfs de tous les pays. H en eft de même de ces têtes qui ont au-deflfus de Tempaamure un grand nombre d'an- douillers en forme de couronne , que Ton ne trouve que très -rarement en France, & qui viennent, dit du Fouil- loux (g)^ du pays des Mofcovites & d'Allemagne*, ce neft qu'une autre va- riété qui n'empêche pas que ces cerfs ne foient de la même efpèce que les nôtres. En Canada , comme en France , la plupart des cerfs ont donc les andouil- lers droits \ mais leur bois en général eft plus grand & plus gros , parce qu'ils trouvent dans ces pays inhabités plus de nourriture & de repos que dans les pays peuplés de beaucoup d'hommes. Il y a de grands & de petits cerfs en Amérique CfJ Voyez la vénerie de Jacqvies du Fouilloux , fol. as, verfo. (gj Idem, fol. 20, verfo. du Daim, (Sj comme en Europe *, mais , queîqiie ré- pandue que foit cette efpèce , il femble cependant qu elle foit bornée aux climats froids & tempérés : les cerfs du Mexique & des autres parties de l'Amérique mié- ridionale -, ceux que Ton appelle biches des bois , & biches des palétuviers à Cayenne *, ceux que Ton appelle cerfs du GûMge , & que l'on trouve dans ies Mé- moires dredés par M. Perrault, fous le nom de biches de Sardaigne ; ceux enfin aux- quels les voyageurs donnent le nom de cerfs-, au cap de Bonne -efpérance, en Guinée & dans les autres pays chauds , ne font pas de Tefpèce de nos cerfs , com- me on le verra dans i'hiftoire particulière de chacun de ces animaux. Et comme le daim efl un animal moins fauvage , plus délicat , & , pour ainfi dire , plus domeftique que le cerf, ileft aufîi fujet à un plus grand nombre de variétés. Outre les daims communs & les daims blancs , l'on en connoît en- core plufieurs autres \ les daims d'Ef- pagne , par exemple , qui font prefque auffi grands que des cerfs, mais qui ont le cou moins gros & la couleur plus obfcure , avec la queue noirâtre , noa 70 Hijîûire Naturelle blanche par-deiTous , Se plus longue que celle des daims communs*, ies daims de Virginie qui font prefqu'auffi grands que ceux d'Èfpagne , & qui font re- marquables par la grandeur du membre génital & la groflèur des tefticuies : d'autres qui ont le front comprimé , aplati entre les yeux, les oreilles & la queue plus longues que le daim com- mun 5 & qui font marqués d'une tache blanche fur les ongles des pieds de der- rière -, d'autres qui font tachés ou rayés de blanc, de noir & de fauve -clair j & d'autres enfin qui font entièrement noirs : tous ont le bois plus veule , plus aplati , plus étendu en largeur -, & à proportion plus garnis d'andouiilers que celui du cerf j il eft aulTi plus courbé en dedans , & il fe termins par une large & longue empaumure , & quelquefois , lorfque leur tête eft forte & bien nourrie , les plus grands andouiilers fe terminent eux- mêmes par une petite empaumure. Le daim commun a la queue plus longue que le cerf, & le pelage plus clair. La tête de tous les daims mue comme celle des cerfs , mais elle tombe plus tard \ ils font à peu près ie même temps à 1^ du Daim. yi tefaire, suffi leur rur arrive quinze Jours ou trois femaines après celui du cerf : les daims raient alors alTez fréquemment , niais d'une voix baiTe & comme entre- coupée -, ils ne s'excèdent pas autant que le cerf, ni ne s'épuilent par le rut -, ils ne s'écartent pas de leur pays pour aller chercher les femelles , cependant ils fe les difputent Se fe battent à outrance -, ils font portés à demeurer enfemble , ils fe mettent en hardes , Se reftent prefque toujours les uns avec les autres. Dans les parcs , lorfqu'ils fe trouvent en grand nombre, ils forment ordinairement deux troupes qui iont bien diftindtes , bien réparées , Se qui bientôt deviennent ennemies , parce qu'ils veulent égale- ment occuper le même endroit du parc : chacune de ces troupes a fon chef qui .marche le premier , Se c'eft le plus fore Se le plus âgé -, les autres fuivent. Se tous fe difpofent à combattre pour chafTer l'autre troupe du bon pays. Ces combats font fînguliers par la dirpofition qui pa- roît y régner -, ils s'attaquent avec ordre, fe butent avec courage , fe foutiennent îes uns les autres, Se ne fe croient pas yaincus par un feui échec ? car le cgmbac 7 2 Hifioire Naturelle fe renouvelie tous les jours , jufqu'à ce que îesplus forts chaflent les piusfoiblesj & les relèguent dans le mauvais pays. Ils aiment les terreins élevés & entre- coupés de petites collines : ils ne s'é- loignent pas comme le cerf lorfqu'on les chaiTe , ils ne font que tourner , & cherchent feulement à fe dérober dts chiens par la rufe & par le change j ce- pendant lorfqu'ils font preiTés, échauftes & épuifés 5 ils fe jettent à Teau comme le cerf -, mais ils ne fe hafardent pas à la traverfer dans une auiïî grande étendue ; ainfi 5 la chaOe du daim & celle du cerf n'ont entre elles aucune diflérence efïen- tieile. Les connoiflances du daim font , en plus petit , les mêmes que celles du cerf -, les mêmes rufes leur font com- munes 5 feulement elles font plus répétées par le daim : comme il eft moins entre- prenant 5 & qu'il ne fe forlonge pas tant , il a plus fouvent befoin de s'accom- pagner 5 de revenir fur fes voies , Sec, ce qui rend en général la chaife du daim plus fujette aux inconvéniens que celle du cerf : d'ailleurs , comme il eft plus petit & plus léger , fes voies laiffent fur ia terre, & aux portées , une impreflîon moins \ du Daim, j ^ rnoîns forte Se moins durable -, ce qui fait que les chiens gardent moins le change , & qu'il eft plus difficile de rapprocher îorfqu'on a un défaut à relever. Le daim s'apprivoife très-aifément 5 ïï mange de beaucoup de chofes que le cerf refufe j aulïi conferve-t-il mieux fa venaifon, car il ne paroît pas que le rut, fuivi des hivers les plus rudes & les plus longs , le maigriflè & Taltère, il eft prefque dans le même état pendant toute Tannée ; il broute de plus près que le cerf, & c'efl: ce qui fait que le bois coupé pat la dent du daim , repoulTe beaucoup plus difficilement que celui qui ne Ta été que par le cerf : les jeunes mangent plus vite & plus avidement que les vieux ; ils ruminent , ils cherchent les femelles dès la féconde année de leur vie , ils ne s'attachent pas à la même comme le che- vreuil 5 mais ils en changent comme le cerf: la daine porte huit mois & quelques jours comme la biche , elle produit de même ordinairement un faon , quelque- fois deux, & très - rarement trois-, ils font en état d'engendrer & de produire de- puis l'âge de deux ans jufqu à quinze ou Tomç IL Quadrupèdes, D 74 Uijloire Naturelle ^ &c, feize j enfin ils reiremblent aux cerfs par prefque toutes les habitudes naturelles > &: la plus grande différence qu'il j ait entre ces animaux , c'eft dans la durée de la vie. Nous avons dit , d'après le témoignage des chalTeurs , que les cerfs vivent trente -cinq ou quarante ans, & Ton nous a afîùré que les daims né vivent qu'environ vingt ans : comme ils font plus petits , il y a apparence que leur accroidement eft encore plus prompt que celui du cerf-, car dans tous les animaux ia durée de la vie eft proportionnelle à celle de l'accroilTement , & non pas au temps de la geftation , comme on pourroit le croire , puifqu ici le temps de la geftation eft le même , 8c que dan^ d'autres efpèces , comme celle du boeuf, on trouve que quoique le temps de la geftation foit fort long , la vie n'en eft pas moins courte -, par conféquent on ne doit pas en mefurer la durée fur celle du temps de la geftation , mais uniquement fur le temps de l'accroiftement , à compter depuis la naiftance jufqu'au développe- ment prefque entier du corps de l'animal. '..n X^B DALMI. :B.dù-. 75 LE CHEVREUIL (a). JLiE cerf, comme le plus noble des habirans des bois , occupe dans les forêts les lieux ombragés par les cimes élevées des plus hautes futaies : le che- vreuil 3 comme étant d'une efpèce in- férieure 5 it contente d'habiter fous des fa) Le Chevreuil , en Grec , Ao^x-às j en Latin , Capreolus , Capriolus ; en Italien , Capriolo ; en Efpagnol , Xorlito , CabroniilLo montes ; en Portu- gais , Cabra montes ; en Allemand , Rehe ; en Anglois , Roe-Deer; en Suédois, Ra-Diur; en Danois, Raa- Diur; tniicoiîois t Roht-Buck. Dorcas , Ariftoteîis. Caprea , Pliniî. Capra , Capreolus Jïve Dorcas , Gefner, Icon. anini. quadr. pag. 6^. Capriolus , Jonfton. Hiji. animal, quadr. tab. ^^. Dorcas Scotipeperfamiliaris, Charleton. de différent» animal, pag. ^ , is. Caprea , Plinii. Capreolus vulgh , Cervulus filvcjlris feptentrionalis nojîras , Ray. Synopf animal, quadr, pag. S-t). Cervus cornibus ramojîs , teretibus , erecîis. Linn. Csrvus minimus , Capreolus , Cervulus Caprea , cor^ nibus bi evikus ramojîs^ annuatim décidais. Klein. Quadr. k HiJ}. Nat. pag. a^. i Dij 7 les taillis clairs & en mau- vais terrein , où croifTent abondamment la bourgène , la ronce , &c. Les faons reftent avec leurs père & mère huit ou neuf mois en tout , & lorf- qu'iis Te font féparés , c'efl: - à - dire , vers la fin de la première année de leur âge , leur première tête commence à paroitre fous la forme de deux dagues beau- coup plus petites que celles du cerf, mais ce qui marque encore une grande différence entre ces animaux , c eft que le cerf ne met bas fa tête qu'au prin- temps 5 & ne la refait qu'en été , au lieu que le chevreuil la met bas à la fin de l'automne , & la refait pendant l'hiver. Plulieurs caufes concourent à produire ces effets diftérens. Le cerf prend en été beaucoup de nourriture , il fe cliarge d'une abondante venaifon , enfuite il s'épuife par le rut au point qu'il lui faut tout l'hiver pour fe rétablir & pour reprendre Tes forces *, loin donc qu'il y ait alors aucune furabondance , il y a difette & défaut de fubftance , & par conléquent fa tête ne peut poufTer qu'au printemps , lorfqu'il a repris affez de Dvj s 4 Hijioire Naturelle nourriture pour qu*il y en ait de fti- perflue. Le chevreuil au contraire , qui ne s'épuife pas tant , n'a pas befoin d'autant de réparation -, Se comme il n'ell: jamais chargé de venaifon , qu'il eft toujours prefque le même , que le rut ne change rien à Ton état , il a dans tous les temps la même furabondance ; en forte qu'en hiver même, & peu de temps après le rut , il met bas fa tête , Se la refait. Ainfi , dans tous ces animaux , le fuperflu de la nourriture organique , avant de fe déterminer vers les réfervoirs féminaux , Se de former la liqueur fémi- nale , fc porte vers la tête , & fe mani- fefte à l'extérieur par la produdtion du bois 3 de la même manière que dans l'homme le poil & la barbe annoncent Se précèdent la liqueur féminale -, Se il paroit que ces produâions , qui font , pour ainfi dire , végétales, font formées d'une matière organique, furabondante , mais encore imparfaite Se mêlée de parties brutes , puifqu'elles confervent dans leur accroilTement Se dans leur fubftance , les qualités du végétal -, au lieu que la liqueur féminale 3 dont la du CTievreuïl. Sf produdion efl: plus tardive , eft une matière purement organique , entière- ment dépouillée des parties brutes , 8c parfaitement affimilée au corps de l'a- nimal. Lorfque le chevreuil a refait fa tête , il touche au bois , comme le cerf, pour îa dépouiller de la peau dont elle eft revêtue , & c'eft ordinairement dans le mois de mars , avant que les arbres commencent à poulTer *, ce n'eft donc pas la sève du bois qui teint la tête du chevreuil : cependant elle devient brune à ceux qui ont le pelage brun , Se jaune à ceux qui font roux , car il y a des chevreuils de ces deux pelages , & par conféquent cette couîeur du bois ne vient, comme je Tai dit (^e ) j que de îa nature de fanimal 8c de Timpreffion de Tair. A la féconde tête , le chevreuil porte déjà deux ou trois andouillers fur chaque coté ; à la troilième , il en a trois ou quatre *, à la quatrième , quatre ou cinq , & il eft bien rare d'en trouver qui en aient davantage : on reconnoît feulemeiit qu'ils font vieux chevreuils,, fej Vc^ez ci -devant l'hiftoire du cerf. 8 5 Hijîoire Naturelle à répaiffeur du mérain , à la iargeur de ia meule, à ia grofTeur desperlures, &c- Tant que leur tête eft molle , elle efl extrêm.ement feniible : j'ai été -témoin d'un coup de fiiiil , dont la balle coupa net Tun des côtés du refait de la tête qui commençoit à poulTer -, ie chevreuil fiit fi fort étourdi du coup , qu il tomba comme mort : le tireur qui en étoit près , fe jeta defïus & le faifit par le pied, mais le chevreuil ayant repris tout d\in coup îe fentiment & les forces , Tentraîna par terre à plus de trente pas dans le bois , quoique ce fut un homme très-vigoureux^ enfin ayant été achevé d'un coup de couteJîu , nous vimes qu'il n'avoit eu d'autre biefiTure que le refait coupé pr.r la balle. L'on fait d'ailleurs que les mouchés font' une des plus grandes in* commodités du cerf, lorfqu'il refait C^ tête -, il fe recèle alors dans le plus fort du bois où il y a le moins de mouches , parce qu'elles lui font infupportables îorfqu'eii'es s'attachent à fa tète naiilante -, ainfi , il y a une communication intime entre les parties molles de ce bois vivante &z tout le fyilème nerveux du cotpp- èc du Chevreuil. 87 TanimaL Le chevreuil , qui n'a pas à craindre les mouches , parce qu'il refait fa tête en hiver , ne fe recèle pas , mais il marche avec précaution , Se porte la tête bafTe pour ne pas toucher aux branches. Dans le cerf, le daim & le chevreuil , Tos frontal a deux apophyfes ou émi- nences , fur lefquelles porte le bois -, ces deux éminences ofTeufes commencent à pouiïer à cinq ou (ix mois , & prennent en peu de temps leur entier accroifle- ment -, & loin de continuer à s'élever davantage à mefure que Tanimal avance en âge, elles s'abaiOTent 8c diminuent de hauteur chaque année*, en forte que les meules , dans un vieux cerf ou dans un vieux chevreuil, appuient d'aiiez près fur Tos frontal , dont les apophyfes font devenues fort larges & fort courtes : c'efi: même Tindice le plus fur pour recon- noître l'âge avancé dans tous ces animaux. Il me femble que Ton peut aifément rendre raifon de cet effet , qui d'abord paroît fingulier , mais qui cei^Q de l'être iî l'on fait attention que le bois qui porte fur cette éuiinence , preife ce point d'appui pendant tout le temps de fon 8 8 Hijloire Naturelle accroifTement -, que par conféquent H le comprime avec une grande force tous les ans, pendant pluiicurs mois : & comme e«t os 5 quoique dur , ne Teft pas plus que les autres os , il ne peut manquer de céder un peu à la force qui le com- prime , en forte qu'il s'élargit , fe rabaifTe & s'aplatit toujours de plus en plus par cette même compreflion réitérée à chaque tête que forment ces animaux. Et c'eft ce qui fait que quoique les meules & le mérain grolîKTent toujours , & d'autant plus que l'animal efl: plus âgé, la hauteur de la tête & le nombre des andouiilers diminuent fi fort , qu'à la fin , lorfqu'ils parviennent à un très-grand âge, ils n'ont plus que deux grolTes dagues ou des têtes bizarres & contrefaites , dont le mérain eft fort gros , & dont les andouiilers font très - petits. Comme la chevrette ne porte que cinq mois & demi , & que l'accroiÔe- ment du jeune chevreuil eft plus prompt que celui du cerf, la durée de fa vie eft plus courte , & je ne crois pas qu'elle s'étende à plus de douze ou quinze ans tout au plus. J'en ai élevé plufieurs, mais iu Chevreuil. 8$ Je n*ai Jamais pu les garder plus de cinq ou fix aus •, ils font très -délicats fur le clioix de la nourriture *, ils ont befoin de mouvement, de beaucoup d'air, de beau- coup d'efpace, & c'eft ce qui fait qu'ils ne rélîftent que pendant les premières années de leur jeunefle aux inconvéniens de la vie domeftique : il leur f^uit une femelle, & un parc de cent arpens, pour qu'ils foient à leur aife : on peut les apprivoifer , mais iion pas les rendre obéilTans , ni même familiers -, ils retien- nent toujours quelque chofe de leur naturel fauvage j ils s'épouvantent aifé- ment , & ils fe précipitent contre les m.urailies avec tant de force, que fouvent ils fe caffent les jambes. Quelque privés qu'ils puiiTent être , il faut s'en défier j les mâles fur -tout font fujets à des ca- prices dangereux , à prendre certaines perfonnes en averfion -, & alors ils s'é- lancent & donnent des coups de tête artez forts pour renverfer urt homme , & ils le foulent encore avec les pieds lorfqu ils l'ont renverfé. Les chevreuils ne raient pas fi fréquemment , ni d'un cri auflî fort que le cerf 3 les jeunes ont 90 Hijloire Naturelle une petite voix , courte & plaintive 5 mi.... mi _, par laquelle ils marquent le befoin qu'ils ont de nourriture : ce Ton eft aifé à imiter , & la mère trompée par Tappeau arrive jufque fous le fufii du chafteur. En hiver , les chevreuils fe tiennent dans les taillis les plus fourrés , & ils vivent de ronces 5 de genêt , de bruyère & de chatons de coudrier , de marfaule y Sec. Au printemps , ils vont dans les taillis plus clairs , & broutent les boutons Se les feuilles nailïantes de prefque tous les arbres : cette nourriture chaude fer- mente dans leur eftomac , & les enivre de manière quil eft alors très -aifé de les furprendre *, ils ne fivent où ils vont, ils fortent même allez fouvent hors du bois 5 & quelquefois ils approchent du bétail Se des endroits habités. En été , ils reftent dans les taillis élevés , & n'en fortent que r.^.rement pour aller boire à quelque fontaine , dans les grandes fécherelTes -, car pour peu que la rofée foit abondante , ou que les feuilles foient mouillées de la pluie , ils fe paiïent de boire. Ils cherchent les nourritures les du Chevreuil. y i plus fines > ils ne viandent pas avide- ment comme le cerf, ils ne broutent pas indirféremment toutes les herbes , ils mangent délicatement , Se ils ne vont que rarement aux gagnages , parce qu'ils préfèrent la bourgène & la ronce aux grains Se aux légumes. La chair de ces animaux eft, comme Ton fait 5 excellente à manger , cepen- dant il y a beaucoup de choix à faire *, la qualité dépend principalement du pays qu ils habitent , & dans le meilleur pays il s'en trouve encore de bons & de mauvais , les bruns ont la chair plus fine que les roux -, tous les chevreuils mâles qui ont paffé deux ans , Se que nous appelons vieux Brocards j font durs & d'affez mauvais goût : les chevrettes , quoique du même âge , ou plus âgées , ont la chair plus tendre ', celle des faons , lodqu'ils font trop jeunes , eft: mollaflfe , mais elle eft parfaite lorfqu'ils ont un an ou dix -huit mois *, ceux des pays de plaines Se de vallées ne font pas bons j ceux des terreins humides font encore plus mauvais *, ceux qu on élève dans des 9'2 Uijloire Naturelle parcs ont peu de goût -, enfin il n^f â de bien bons chevreuils que ceux des pays fecs & élevés , entrecoupés de collines, de bois , de terres labourables , de friches , où ils ont autant d'air , d'ef- pace , de nourriture , & me me de folitude 5 qu'il leur en faut -, car ceux qui ont été fouvent inquiétés font maigres , & ceux que Ton prend après qu ils ont été cou- rus ont la chair inlipide & flétrie. Cette efpèce , qui efi: moins nom^ breufe que celle du cerf , & qui eft même fort rare dans quelques parties de TEurope , paroît être beaucoup plus abondante en Amérique. Ici nous n'en connoilîons que deux variétés, les roux qui font les plus gros , & les Bruns qui ont une tache blanche au derrière , & qui font les plus petits *, & comme ii s'en trouve dans les pays feptentrio^ naux aufîi-bien que dans les contrées méridionales de T Amérique , on doit préfumer qu'ils différent les uns des autres peut-être plus qu'ils ne diffè- rent de ceux d'Europe : par exemple , ils font extrêmement communs à la du Chevreuil. 93 Louiliane (c)^ & ils y font plus grands qu'en France *, ils fe retrouvent au Bre(il , car ianimal que Ton appelle Cujuacu^ apara ne diftère pas plus de notre che- vreuil 5 que le cerf de Canada diftere de notre cerf ^ il y a feulement quelque différence dans la forme de leur bois , comme on peut le voir dans la planche du cerf de Canada , donnée par M. Pérault , & dans h pL X XXVllj fig. I & 2 ^ y où nous avons fait repréfenter deux bois de ces chevreuils du Brefil , que nous avons aifément reconnus par la defcrip- tion & la figure qu'en a données Pifon. €f II y a , dit -il ( d)^ au Brefil des efpèces de chevreuils dont les uns n'ont point « de cornes & s'appellent Cujuacu-été ^ 8c « les autres ont des cornes & s'appellent ce ^cj On fait aiiflî beaucoup d'ufage , à la Louifiane , de la chair de chevreuil : cet animal y eft un peu plus grand qu'en Europe , &; porte des cornes fem- bîables à celles du cerf, mais il n'en a pas le poil ni la couleur ; il fert aux habitans ainfi que le moutOH ailleurs. Mém. fur la Louijïane , par M. Dûment, tome I, page 75. CdJ Pifon. Hiji, Brafil.pag. ^8 , oh l'on en voit a-uliî la figure. * Y07. l.ç tome XlXàt l'édition en trente-un volumes. 94 HiJIolre Naturelle yi Cujuacu-apara : ceux-ci y qui ont des 3> cornes , font plus petits que les autres *, » les poils font lurfans , polis , mêlés 35 de brun & de blanc , fur -tout quand x> Tanimal ell: jeune , car le blanc s'eftace y> avec Tâge. Le pied eft divifé en deux !» ongles noirs , fur chacun defquels il y> y en a un plus petit qui efl: comme » fuperpofé *, la queue courte , les yeux 33 grands & noirs, les narines ouvertes, les 35 cornes médiocres , à trois branches , & w qui tombent tous les ans y les femelles » portent cinq ou fîx mois : on peut les » apprivoifer , &c. Marcgrave ajoute que 95 YApara a des cornes à trois branches , 95 & que la branche inférieure de ces 35 cornes eft la plus longue ^ & fe àiviÇo: en deux ». L'on voit bien par ces dt^^^ criptions , que XApara n'eft qu'une va- riété de Tefpèce de nos chevreuils , & Ray foupçonne (e) que le Cujuacu - été n'eft pas d'une efpèce différente de celle du Cujuacu- ap ara :y 8c que celui-ci eft le mâle , & l'autre la femelle. Je ferois tout* à- fait de Ton avis , Ci Pifon ne diCoit pas précifément que ceux qui ont des CeJ Ray , Synopf. animal, ^uadr. pag. go^ />■ n. JPl 6'.p£Lg.p4 T/ï^ CHBVÏLRTJIL Ji.dir. .n. I.E rAOT^ T)tr CERF. FÏ'/. pp^- du Chevreuil. 95 cornes font plus petits que les autres : ii ne me paroît pas probable que les femelles foient plus grofles que les mâles , dans cette efpèce , au Brelîl , puifqu'ici elles font plus petites. Ainfi , en même temps que nous croyons que le Cujuacu" apara n'eft qu'une variété de notre che- vreuil, à laquelle on doit même rapporter le Capreolus marinus de Jonfton , nous ne déciderons rien fur ce que peut être le Cujuacu - été .^ jufqu à ce que nous en Soyons mieux informés. ^6 Hijîoire Naturelle i s LE LIÈVRE (ci). J-JES efpèces d'animaux les plus nom- breufes ne font pas les plus utiles -, rien n'ell même plus nuihble que cette mul- titude de rats , de mulots , de faute- rclles , des chenilles , & de tant d'autres infedles dont il femble que la Nature permette & fouffre , plutôt qu'elle ne l'ordonne , la trop nombreufe multipli- cation. Mais Tefpèce du lièvre & celle du lapin ont pour nous le double avan- tage du nombre & de l'utilité *, les lièvres font univerfellement & très-abondamment faj Le Lièvre ; en Grec , Anyam -, Latin , Lepus , quajï Levipes ; Italien , Leprs ; Efpagnol , Liebre ; Portugais, if ère; Allemand ,ifa/e ,• Anglois, Hare ; Suédois , Hare ; Hollandois , Hafe ; Polonois , Sajon^ ; Efclavon , Sai^ ; Ruflîen , Zaitia ; Arabe , Emab , Jîarneh , Arneph ; Turc , Taiifan ; Perfan , Kargos i au Brefil , Thabiti ; dans l'Amérique feptentrionale , Soutanda. Lepus , Ray , Synopf. animah quadr. pag. 304. Lepus caudâ abruptâ , pupillis atris. Linnîcus. Lepus vulgaris, cinereus , cujus v enatio animum exhi. îj..rat, JKlein , [quadr, hijî. nat. pag. 51. répandus du Lièvre. 97 répandus dans tous les climats de ïa terre : îes îapins , quoiqu'origrnaires de climats particuliers , multiplient fi prodigieuie- ment dans prefque tous les lieux ou Ton veut les tranfporter , qu'il n eft plus poiïîble de les détruire , & qu il faut même employer beaucoup d'art pour en diminuer la quantité, quelquefois incom- mode. Lorfqu'on réfléchit donc fur cette fécondité fans bornes donnée à chaque efpèce 3 fur le produit innombrable qui doit en réfulter , fur la prompte & pro- digieufe multiplication de certains animaux qui pullulent tout- à -coup 3 & viennent par milliers défoler les campagnes & ra- vager la terre, on eft étonné qu'ils n'en- vahiflTent pas la Nature , on craint qu'ils ne l'oppriment par le nombre , &: qu'a- près avoir dévoré fa fubftance , ils ne périffent eux-mêmes qu'avec elle. L'on voit en eHet avec effroi arriver ces nuages épais , ces phalanges ailées d'infedles affamés , qui femblent menacer îe globe entier , & qui fe rabattant fur îes plaines fécondes de l'Egypte , de ïa Pologne ou de l'Inde , détruifent en un Tome JL Quadrupèdes^ E 98 tJiJîoire Naturelle inftant les travaux , les erpérances de tout un peuple , & n épargnant ni les grains , ni les fruits , ni les herbes , ni les racines , ni les feuilles , dépouillent 3a terre de fa verdure , & changent en un défert aride les plus riches contrées. L'on voit defcendre des montagnes du Nord des rats en naultitude innombrable , qui 5 comme un déluge , ou plutôt un débordement de fubftance vivante , vien- nent inonder les plaines , fe répandent jufque dans les provinces du Midi , & après avoir détruit fur leur pafl^age tout ce qui vit ou NCghit , finiffent par in- fecter la terre & Tair de leurs cadavres. L'on voit dans les pays méridionaux fortir tout -à- coup du défert des my- riades de fourmies , lefquelles , comme un torrent dont la fource feroit inta- xifiTable , arrivent en colonnes preilées , fe fuccèdent , fe renouvellent fans celTe , s'emparent de tous les lieux habités , en chafïent les animaux & les hommes , & ne fe retirent qu'après une dévaftation générale. Et dans les temps où l'homme , encore à demi fauvage , étoit , comme îes animaux , fujet à toutes les loix , & du Lièvre. 99 même aux excès de la Nature, n'a-t-on pas vu de ces débordemens de refpcce humaine , des Normards , des Alains , des Huns , des Goths , des peuples , ou plutôt des peuplades d'animaux à faco humaine , fans domicile & fans nom , fortir tout- à -coup de leurs antres , mar- cher par troupeaux effrénés , tout oppri- mer fans autre force que le nombre , ravager les cités , renverfer les empires , & après avoir détruit les nations & dé- vafté la Terre , finir par la repeupler d'hommes auiîî nouveaux & plus bar- bares qu'eux? Ces grands évènemens , ces époques il marquées dans l'hiftoire du genre humain , ne font cependant que de légères viciiïitudes dans le cours ordi- naire de la Nature vivante -, il efl: en général toujours confiant , toujours le même; fon mouvement, toujours réglé, roule fur deux pivots inébranlables , l'un la fécondité fans bornes donnée à toutes les efpèces , l'autre les obftacles fans nombre qui réduifent le produit de cette fécondité à une mefure déterminée , & ne laiiïent en tout temps qu'à peu près la Eij ï oo Hijtoire Naturelle même quantité d'individus dans chaque efpèce. Et comme ces animaux en mul- titude innombrable , qui paroifTent tout- à-coup 5 difparoiiTent de même , & que le fonds de ces efpèces n'en efi: point augmenté , celui de refpèce humaine demeure aujGl toujours le même *, les variations en font feulement un peu plus lentes , parce que la vie de fhomme étant plus longue que c&Wt de ces petits ani- maux 5 il eft néceffaire que les alterna? tives d'augmentation & de diminution fe préparent de plus loin & ne s'achèvent qu'en plus de temps -, & ce temps même n'efl: qu'un inftant dans la durée , un moment dans la fuite des fîècles , qui nous frappe plus que les autres, parce qu'il a été accompagné d'horreur &: de deftru6lioni car, à prendre la terre entière & l'efpèce humaine en général , la quan- tité des hommes doit , comme celle des animaux 5 être en tout temps à très- peu près la même , puifqu'elle dépend de l'équilibre des caufes phyfiques -, équi- libre auquel tout efè parvenu depuis longr temps , &: que les efforts des hommes ^ îTion plus que toutes les çirçonftances du Lièvre, lOî moraîes , ne peuvent rompre , ces cir- confiances dépendant elles-mêmes de ces caufes phyfîques dont elles ne font que des effets particuliers. Quelque foin que Thomme puifTe prendre de fou efpèce 5 il ne la rendra Jamais plus abon- dante en un lieu , que pour la détruire ou la diminuer dans un autre. Lorfqu'une portion de la Terre eft furchargée d'hom- mes , ils fe dirperfent , ils fe répandent , ils fe détruifent , & il s'établit en même temps des loix & des ufages qui fouvenc ne préviennent que trop cet excès de multiplication. Dans les climats excelïï- vement féconds , comme à la Chine , en Egypte , en Guinée , on relègue , oii mutile , on vend , on noie les enfans ; ici on les condamne à un célibat per- pétuel. Ceux qui exiftent , s'arrogent aifément des droits fur ceux qui n'exiftent pas -, comme êtres néceliaires ^ ils anéan- tifTent les êtres contingens , ils fuppri- ment pour leur aifance , pour leur com- modité , les générations Ritures. Il fe fait fur les hommes , fans qu'on s'en aper- çoive 5 ce qui fe fait fur les animaux , on les foigne , on les multiplie , on les Eiij 1 c 2 Hijloire Naturelle néglige , on les détruit félon le beforn , les avantages , l'incommodité , les défagré- mens qui en réfultent *, & comme tous ces effets m^oraux dépendent eux-mêmes des caufes phyfiques , qui , depuis que la Terre a pris fa confiftance , font dans un état ^^ç: & dans un équilibre per- manent 5 il paroît que pour Thomme , comme pour les animaux , le nom.bre d'individus dans l'efpèce ne peut qu'être confiant. Au refte , cet état fixe & ce nombre confiant ne font pas des quan- tités abfolues *, toutes les caufes phyfiques ^ morales , tous les eflets qui en ré- fultent , font compris & balancent entre certaines limites plus ou moins étendues , mais jamais allez grandes pour que l'é* quilibre fe rompe. Comme tout eft en mouvement dans l'Univers, & que toutes les forces répandues dans la matière agillent les unes contre les autres & fe contrebalancent , tout fe fait par des efpèces d'ofcillations , dont les points milieux font ceux auxquels nous rap- portons le cours ordinaire de la Nature , & dont les points extrêmes en font les périodes le plus éloignées. En efter , tant du Lièvre. 105 dans les animaux que dans les végétaux , Texcès de la multiplication eft ordinai- rement luivi de la ftérilité -, l'abondance & la difette fe préfentent tour à tour , & fouvent fe fuivent de ii près , que l'on pourroit juger de la production dune année par le produit de celle qui la pré- cède. Les pommiers , les pruniers , les chênes, les hêtres & la plupart des autres arbres fruitiers & foreiliers , ne portent abondamment que de deux années Tune \ les chenilles , les hannetons , les mulots & plufieurs autres animaux , qui , dans de certaines années , fe multiplient à Texcès , ne paroiiïent qu en petit nombre Tannée fuivante. Que deviendroient en eft'et tous les biens de la Terre , que deviendroient les animaux utiles , & Thomme lui-même, fî dans ces années exceffives chacun de ces infeéles fe reproduifoit pour Tannée fuivante par une génération proportion- nelle à leur nombre î Mais non , les caufes de deftrudion , d'anéantilTement & de ftérilité fuivent immédiatement celles de la trop grande multiplication , & indépendamment de la contagion , fuite néceflkire des trop grands amas de E riij 104 Hijoire Naturelle toute matière vivante dans un même lieu 5 il y a dans chaque efpèce des caufes particulières de mort & de def^ trudtion , que nous indiquerons dans la fuite 5 & qui feules Tuffifent pour com- penfer les excès des générations pré« cédentes. Au refte , je le répète encore , ceci ne doit pas être pris dans un fens abfolu , ni même ftridl, fur -tout pour les efpèces qui ne font pas abandonnées en entier à la Nature feule : celles dont l'homme prend foin , à commencer par la iienne , font plus abondantes qu'elles ne le fe- roient fans ces foins j mars comme ces foins ont eux-mêmes des limites , Taug- mentation qui en réfulte eft aufîî limitée & ûxèe depuis long-temps par des bornes immuables -, 6c quoique dans les pays policés Tefpèce de l'homme 8c celles de tous les animaux utiles foient plus nombreufes que dans les autres climats ^ elles ne le font jamais à l'excès , parce que ïa même PuifTance qui les fait naître , les détruit dès qu'elles deviennent in* commodes. Dans les cantons cgnfervés pour le du Lièvre. lOj plailir de la chafTe , on tue quelquefois quatre ou cinq cents lièvres dans une feule battue. Ces animaux multiplient beau- coup 5 ils font en état d'engendrer en tout temps 5 & dès la première année de leur vie j les femelles ne portent que trente ou trente -un jours , elles pro- duifent trois ou quatre petits , & dis qu'elles ont mis bas , elles reçoivent le mâle -, elles le reçoivent aufîi lorfqu'elles font pleines , & par la conformation particulière de leurs parties génitales il y a fouvent fuperfétation -, car le vagin & le corps de la matrice font continus , & il n'y a point d'orifice ni de coi de matrice comme dans les autres animaux , mais les cornes de la matrice ont chacune un orifice qui déborde dans le vagin , & qui fe dilate dans l'accouchement j ainfi 5 ces deux cornes font deux matrices diftinâies , féparées & qui peuvent agir indépendamment l'une de l'autre , en forte que les femelles dans cette efpèce peuvent concevoir & accoucher en dif- férens temps par chacune de ces ma- trices -, & par conféquent les fuperféta- tions doivent être aujîî fréquentes dans E V io6 Hijîoire Naturelle ces animaux , qu elles font rares dans ceux qui n'ont pas ce double organe. Ces femelles peuvent donc être en chaleur & pleines en tout temps , Se ce qui prouve aflez qu elles font auffi laf- cives que fécondes , c'eft une autre fin- gularité dans leur conformation -, elles ont le gland du clitoris proéminent , & prefque auffi gros que le gland de la verge du mâle -, & comme la vulve n'eO: prefque pas apparente , & que d'ailleurs les mâles n'ont au dehors ni bourfes ni tefticules dans leur jeuneiïe , il eft fou- vent affez difficile de diftinguer le mâle de la femelle. Ceft aufli ce qui a fait dire que dans les lièvres il y avoit beau- coup d'hermaphrodites , que les mâles produifoient quelquefois des petits comme les femelles , qu'il y en avoit qui étoient tour à tour mâles & femelles , & qui en faifaient alternativement les fondlions , parce qu'en effet ces femelles , fouvent plus ardentes que les mâles , les couvrent avant d'en être couvertes , & que d'ail- ieurs elles leur relfembient fi fort à l'exté- rieur 5 qu'à moins d'y regarder de très- près 5 on prend la femelle pour le mâie , ou le mâle pour la femelle. du Lièvre, xoy Les petits ont les yeux ouverts en naifTant , la mère îes alaite pendant vingt jours , après quoi ils s'en féparent & trouvent eux-mêmes leur nourriture : ils ne s'écartent pas beaucoup les uns des autres , ni du lieu où ils font nés ^ cependant ils vivent folitairement , & fe forment chacun un gîte à une petite diftance , comme de foixante ou quatre- vingts pas ^ ainfi , lorfqu'on trouve un Jeune levraut dans un endroit , on eil prefque fur d'en trouver encore un ou deux autres aux environs. Ils paiffent pendant la nuit plutôt que pendant le jour 5 ils fe nourriiTent d'herbes , de racines, de feuilles, de fruits , de graines, Se préfèrent les plantes dont la fève eft laiteufe -, ils rongent même l'écorce des arbres pendant l'hiver , Se il n'y a guère que l'aune 8c le tilleul auxquels ils ne touchent pas. Lorfqu'on en élève , on les nourrie avec de la laitue Se des lé- gumes , mais la chair de ces lièvres nourris eft toujours de mauvais goût. Ils dorment ou fe repofent au gîte pendant le jour, Se ne vivent, pour ainfî dire , que la nuit j c'eft pendant la nuit £ vj io8 HiJIoire Naturelle qu'As fe promènent , qu'ils mangent Si qu'ils s'accouplent : on les voit au clair de la lune jouer enfemble , fauter Se courir les uns après les autres -, mais le moindre mouvement , le bruit d'une feuille qui tombe 5 fufïit pour les troubler -, ils fuient y 8c fuient chacun d'un coté dirférenr. Quelques auteurs ont afluré que les lièvres ruminent , cependant je ne crois pas cette opinion fondée , puifqu'ils n'ont qu'un eftomac , & que la conformation des eftomacs & des autres inteftins eft toute ditférente dans les animaux ruminans , le cœcum de ces animaux eft petit , celui du lièvre efc extrêmement ample , & fi l'on ajoute à la capacité de fon eftomac celle de ce grand cœcum , on concevra aifément que pouvant prendre un grand volume d'alimens , cet animal peut vivre d'herbes feules , comme le cheval & l'âne > qui ont aulîi un grand cœcum , qui n'ont de même qu'un eftomac , & qui par conféquent ne peuvent ruminer. Les lièvres dorment beaucoup , & dorment les yeux ouverts *, ils n'ont pas de cils aux paupières , & ils paroillent avoir les yeux mauvais y ils ont > comme du Lièvre. 109 par dédommagement , Touïe très- fine , & Toreille d'une grandeur démefurée > relativement à celle de leur corps *, ils re- muent ces longues oreilles avec une ex- trême facilité , ils s'en fervent comme de gouvernail pour fe diriger dans leuç courfe , qui eft ii rapide , qu'ils devan- cent aifément tous les autres animaux. Comme ils ont les jambes de devant beaucoup plus courtes que celles de der- rière 5 il leur eft plus commode de courir en montant qu'en defcendant -, aufîî , îorfqu'ils font purfuivis , commencent- ils toujours par gagner la montagne : leur mouvement dans leur courfe eft une efpèce de galop , une fuite de fauts très- preftes & très-preffés j ils marchent fans faire aucun bruit , parce qu'ils ont les pieds couverts & garnis de poils, même par-delTous -, ce font auiïi peut-être les feuis animaux qui aient des poils au dedans de la bouche. Les lièvres ne vivent que fept ou huit ans au plus (b).^ & la durée de la vie eft , comme dans les autres animaux, propor- fbj Voyez la Vénerie de du f ouilloux. Faris ^ tSif , fol. 6^ , redo. 1 1 o Hijîoire Naturelle tionnelle au temps de Tentier développe- ment du corps -, ils prennent prefque tout ieur accroirtement en un an , & vivent environ fept fois un an , on prétend feu- lement que les mâles vivent plus long- temps que les femelles , mais je doute que cette obfervation foit fondée. Ils palfent leur vie dans la folitude & dans le fîlence , & Fon n'entend leurs voix que quand on les faiiit avec force , qu on les tourmente & qu'on les blelïe : ce n'eft point un cri aigre , mais une voix affez forte , dont le fon eft prefque femblable à celui de la voix humaine. Ils ne font pas aufîî fauvages que leurs habitudes 8c leurs mœurs paroiiïent l'indiquer -, ils font doux & lufceptibles d'une efpèce d'éducation , on les apprivoife aifément , ils deviennent même caredans , mais ils ne s'attachent jamais affez pour pouvoir devenir animaux domeftiques j car ceux mêmes qui ont été pris tout petits & élevés dans la maifon ,' dès qu'ils en trouvent l'occafion , fe mettent en liberté & s'enfuient à la campagne. Comme ils ont l'oreille bonne , qu'ils s'alîeient vo- lontiers fur leurs pattes de derrière , Se du Lièvre . i i i qu'il fe fervent de celles de devant comme de bras, on en a vu qu'on avoir dreflés à battre du tambour , à gefticuier en cadence , &c. En générai , le lièvre ne manque pas d'indind pour fa propre confervation , ni de fagacité pour échapper à Tes enne- mis i il Te forme un gîte , il choifit en liiver les lieux expofcs au midi , & en été il fe loge au nord \ il fe cache pour n'être pa vu , entre des mottes qui iont de la couleur de fon poil , ce J'ai vu , dît du Fouilloux ( c), un lièvre fi malicieux, ce que depuis qu'il oyoit la trompe il fe ce levoit du gîte , & eût-il été à un quart ce de lieue de là , il s'en alloit nager en ce un étang, fe relaiffant au milieu d'iceîui » fur des joncs fans être aucunement ce chaflfé des chiens. J'ai vu courir un ce lièvre bien deux heures devant les ce chiens , qui , après avoir couru , venoit ce pouiîer un autre Se fe mettoit en fon ce gîte. J'en ai vu d'autres qui nageoient ce deux ou trois étangs , dont le moindre ce avoir quatre-vingts pas de large. J'en t« ai vu d'autres qui , après avoir été bien ^ { cj Fol. 64f vcrfo , ÔC 6$ rtciot ï I 2 ^ijîoire Naturelle 3î courus refpace de deux heures, entroient y> par - defTous îa porte d'un te6t à brebis 3> & fe relaiiToient parmi le bétail. J'en y> ai vu , quand les chiens les couroient , » qui s'alloient mettre parmi un troupeau 3> de brebis qui pafToit par les champs , 35 ne les voulant abandonner ne laiiTer. 3> J'en ai vu d'autres qui, quand ils Oyoient » les chiens courans , Te cachoient en » terre. J'en ai vu d'autres qui alloient » par un côté de haie & retournoient » par l'autre , en forte qu'il n'y avoit que » l'épaifTeur de la haie entre les chiens y> & le lièvre. J'en ai vu d'autres qui j » quand ils avoient couru une demi- aï heure , s'en alloient monter fur une » vieille muraille de fix pieds de haut , » & s'alloient relaiflfer en un pertuis de 33 chauffant couvert de lierre. J'en ai » vu d'autres qui nageoient une rivière » qui pouvoir avoir huit pas de large , & 33 la pafToient & repaiïoient en longueur 33 de deux cents pas , plus de vingt fois devant moi 33. Mais ce font-là fans doute les plus grands efforts de leur inftinél *, car leurs rufes ordinaires font moins fines & moins recherchées , ils fe contentent , du Lièvre. 113 ïorfqiuls font lancés & pourfuivis , de courir rapidement , & enfuite de tourner & retourner fur leurs pas -, ils ne dirigent pas leur courfe contre le vent , mais du côté oppofé -, les femelles ne s'éloignent pas tant que les mâles & tournoyent davantage. En général , tous les lièvres qui font nés dans le lieu même où on les chafTe ne s'en écartent guère , ils revien- nent au gîte, &fî on les chalïe deux jours de fuite , ils font le lendemain les mêmes tours & détours quils ont fait la veille. Lorfqu'un lièvre va droit & s'éloigne beaucoup du lieu 011 il a été lancé , ctik. une preuve qu'il eft étranger , & qu'il n'étoit en ce lieu qu'en pallant. Il vient en effet, fur -tout dans le temps le plus marqué du rut, qui eft aux mois de jan- vier , de février & de mars , des lièvres mâles 5 qui manquant de femelles en leur pays , font plufîeurs lieues pour en trouver & s'arrêtent auprès d'elles, mais dès qu'ils font lancés par les chiens, ils regagnent leur pays natal & ne revien- nent pas. Les femelles ne fortent jamais, elles font plus groffes que les mâles, & cependant elles ont moins de force & I 1 4 Hïjloire Naturelle d'agilité , & plus de timidité , car elles n'attendent pas au gîte les chiens de fi près que les mâles , & elles multiplient da- vantage leurs ru Tes & leurs détours : elles font auffi plus délicates & plus fufcep- tibles des impreflions de l'air , elles crai- gnent l'eau &■ la rofée , au lieu que parmi les mâles il s'en trouve plulieurs qu'on appelle lièvres ladres^ qui cherchent les eaux, & fe font chafïer dans les étangs , les marais & autres lieux fanj^eux. Ces lièvres ladres ont la chair de fort mauvais goût , & en général tous les lièvres qui habitent les plaines balTes ou les vallées ont la chair iniipide & blanchâtre , au lieu que dans les pays de collines élevées ou de plaines en montagne, où le fer- polet & les autres herbes fines abondent , les levrauts , & même les vieux lièvres , font excellens au goût. On remarque feulement que ceux qui habitent le fond des bois dans ces mêmes pays , ne font pas à beaucoup près aufîi bons que ceux qui en habitent les lifîères , ou qui fe tiennent dans les champs & dans les vignes, & que les femelles ont toujours h. chair plus délicv^te que les mâles. du Lièvre, i i ^ La nature du terroir influe fur ces animaux comme fur tous les autres : les lièvres de montagnes font plus grands &: plus gros que les lièvres de plaine , ils font auiïi de couleur différente ; ceux de montagnes font plus bruns fur le corps , & ont plus de blanc fous le cou que ceux de plaine , qui font prefque rouges. Dans les hautes montagnes & dans les pays du Nord 5 ils deviennent blancs pendant lliiver , & reprennent en été leur couleur ordinaire *, il n'y en a que quelques - uns , & ce font peut - être les plus vieux 3 qui reftent toujours blancs , car tous le deviennent plus ou moins en vieillilTant. Les lièvres des pays chauds , d'Italie , d'Efpagne , de Barbarie , font plus petits que ceux de France & des autres pays plus feptentrionaux : félon Ariftote , ils étoient auffi plus petits en Egypte qu'en Grèce. Ils font égale- ment répandus dans tous ces climats : il y en a beaucoup en Suède , en Dane- marck , en Pologne , en Mofcovie \ beaucoup en France , en Angleterre , en Allemagne j beaucoup en Barbarie , en Egypte , dans les îles de l'Archipel > î I 6 Hijîoire Naturelle fur-tout à Délos (d) j aujourd'hui Idiîîs; qui fut appelée par les anciens Grecs, La- gia 3 à caufe du grand nombre de lièvres qu on Y trouvoit. Enfin il y en a auffi beaucoup en Lapponie (e) _, où ils font blancs pendant dix mois de Tannée , 6c ne reprennent leur couleur fauve que pendant les deux mois les plus chauds de l'été. li paroît donc que les climats leur font à peu près égaux -, cependant ori remarque qu'il j a moins de lièvres en Orient qu'en Europe ^ & peu ou point dans l'Amérique méridionale , quoiqu'il ^ en ait en Virginie , en Canada (f) , & jufque dans les terres qui avoilinent la baie de Hudfon (g) éc le détroit de fdj Voyez la defcrîption des îles de l'Archipel j par DAvei. AmJIerdam , ly ^o , yage ^y^. fej Voyez les œuvres de Regnard. Paris , 2742 , tome I , pagi i8o. Il genio vagante. Parma , t(><)t , tome II , page c^6 . Voyages de la Martinière. Paris , t6yi , page 74. CfJ Voyez la relation de la Gafpéfîe , par le P. I« Clercq. Paris , tG()i , pages ^8S y 45*9, 491 , 452. C s) Voyez le voyage de Robert Lade. Paris , rn^^.tome II, page ^ly ; & la fuite des voyages de Dampier, tome V, page tSp. du Lièvre. 117 Magellan •, mais ces lièvres de rAmcrique feptentrionale font peut-être d'une cfpcce diftérente de celle de nos lièvres , car les voyageurs difent que non - feulement ils font beaucoup plus gros , mais que leur chair eft blanche & d un goût tout diflé- rent de celui de la chair de nos lièvres (h)^ ils ajoutent que le poil de ces lièvres du nord de l'Amérique ne tombe jamais , & qu'on en fait d'excellentes fourrures. Dans les pays excefïivement chauds , comme au Sénégal , à Gambie , en Guinée (i) _, Se fur-tout dans les cantons de Fida, d'Apam, d'Acra , & dans quel- ques autres pays fîtués fous la zone tor- ride en Afrique & en Amérique, comme dans la nouvelle Hollande & dans les terres de i'Ifthme de Panama , on trouve aufîi des animaux que les voyageurs ont pris pour des lièvres, mais qui font plu- tôt des efpèces de lapins (k) • car le lapiq fhj Voyez idem. (i) Voyez hiftoire générale des Voyages , par M. l'abbé Prevoft , tome III, pages 355 6- 396". fkj Voyez le voyage de Dampier aux Terres Auftiales , tome V, page iii ; & le Voyage dç Wafer , imprimé à la fuite de celui de Dampier ^ $omc IV, page a5f. ï I 8 Hijîoire Naturelle eft originaire des pays chauds , & ne fe trouve pas dans les climats feptenrrio- naux 5 au lieu que le lièvre eft d'autant plus fort & plus grand , qu il habite un climat plus froid. Cet animal, (i recherché pour la table en Europe , n'eft pas du goût des Orien- taux : il eft vrai que la loi de Mahomet , & plus anciennement la loi des Juifs , a interdit Tufage de la chair du lièvre comme de celle du cochon -, mais les Grecs & les Romains en faifoient autant de cas que nous : Inter quadrupèdes glorici prima Lepus j dit Martial. En effet , fa chair eft excellente , fon fang même eft très-bon à manger , 8c eft le plus doux de tous les fangs *, la graifte n a aucune part à la délicatellë de la chair , car le lièvre ne devient jamais gras tant qu'il eft à la campagne en liberté , & cependant il meurt fouvent de trop de graifte lorf- qu*on le nourrit à la maifon. La chafte du lièvre eft l'amufement 5 & fouvent la feule occupation des gens oifîfs de la campagne : comme elle fe fait fans appareil & fans dépenfe , & qu'elle èft même utile , elle convient à tout le du Lièvre, 119 inonde -, on va le matin & le foir au coin du bois attendre le lièvre à fa rentrée ou à fa fortie *, on le cherche pendant le jour dans les endroits où il fe gîte. Lorf- qu il y a de la fraîcheur dans Tair, par un foleil brillant , & que le lièvre vient de fe gîter après avoir couru , la vapeur de fon corps forme une petite fumée que les chaffeurs aperçoivent de fort loin ; fur-tout fî leurs yeux font excercés à cette efpèce d'obfervation ; j'en ai vu qui , conduits par cet indice , partoient d'une demi-lieue , pour aller tuer le lièvre au gîte. Il fe lailïe ordinairement approcher de fort près , fur -tout fi l'on ne fait pas femblant de le regarder , & fî au lieu d'aller diredtement à lui on tourne obli- quement pour l'approcher. Il craint les chiens plus que les hommes, & lorfqu il fent ou qu'il entend un chien , il part de plus loin : quoiqu'il coure plus vîte que les chiens , comme il ne fait pas une route droite , qu'il tourne & retourne autour de l'endroit où il a été lancé , les lévriers, qui le chafTent à la vue plutôt qu'à l'odorat , lui coupent le chemin , le faifilTent & le tuent. Il fe rient volonriers en été dans I 2 o Hijloire Naturelle îes champs , en automne dans les vignes , & en hiver dans les buiiTons ou dans les bois , &: l'on peut en tout temps , fans le tirer , le forcer à la courfe avec des chiens courans : on peut auiïi le faire prendre par des oifeaux de proie -, les ducs , les bufes 5 les aigles , les renards , les loups , les hommes lui font également la guerre : il a tant d'ennemis qu'il ne leur échappe que par hafard , &: il eft bien rare qu'ils le laiiîent jouir du petit nombre de jours que la Nature lui a comptés. LE LAP IN, 121 LE LAPIN (a). \ i E Lièvre & le Lapin , quoique fort femblables tant à Textérieur qu'à l'inté- rieur 5 ne Te mêlant point enfemble, font deux efpèces diftindtes & féparées : ce- pendant comme ies chaiTeurs (b) difent que les lièvres mâles, dans le temps du rut, courent les lapines & les couvrent , j'ai cherché à favoir ce qui pourroit réfulter de cette union , & pour cela j'ai faj Le lapin ; en Grec , Ast^yta-aç ; Latin , Cunicw lus ; Italien , Coniglio ; Efpagnol , Conejo ; Portugais , CoeZ/io ; Allemand , Kaninichen ; Anglois, Rabbet , Cony i Suédois, Kanin; ancien François, Cormi/i ; Connil. Lepus vel lepufculus Hijpanicus. Gefner. Icoii. ani- mal, quadr.pag, 105. Cuniculus.Kay. Synopf. quadr.pag. 30^. Lepus caudâ brevijfimâf pupillîs rubris. Linn^us. Nota , que cette plirafe de nomenclature efl mauvaife , attendu qu'il n'y a que les lapins blancs domeftiques qui aient les pupilles rouges. Lepufculus , Cuniculus terram/odicns. Klein , Quadr, Hifi. Nat. pag. 5a. ('bj Voyez la Vénerie de du Fouiiloux. Parfs , 1 G i^, folio 100 i recto. Tome II, Quadrupèdes, F 12 2 Hijloire Naturelle fait élever des lapins avec des hafes , & des lièvres avec des lapines j mais cqs eflais n'ont rien produit, & m'ont feu- lement appris que ces animaux , dont la forme eft li femblable , font cependant de nature afïez différente pour ne pas même produire des efpèces de mulets. Un levraut & une jeune lapine , à peu près du même âge , n ont pas vécu trois mois enfemble \ dès qu'ils furent un peu forts 5 ils devinrent ennemis , & la guerre continuelle qu'ils fe faifoient finit par la mort du levraut. De deux lièvres plus âgés 5 que j'avois mis chacun avec une lapine, l'un eut le même fort, & l'autre, qui étoit très- ardent & très -fort, qui ne cefToit de tourmenter la lapine en cherchant à la couvrir , la fit mourir à force de blelTures ou de carefTes trop dures. Trois ou quatre lapins de diftérens âges , que Je fis de même appareiller avec des hafes , les firent mourir en plus ou moins de temps -, ni les uns ni les autres n'ont produit : je crois cependant pou- voir aiïiirer qu'ils fe font quelquefois réellement accouplés, au moins y a-t-il eu fouvent certitude que malgré la réfifr du Lapin. 125 tance de la femelle, le mâle s'étoit fatrs- fait -, il y avoit plus de raifon d'attendre quelque produit de ces accouplemens , que des amours du lapin & de la poule dont on nous a fait î'hiftoire ( c Jy 8c dont, fuivant Tauteur , le fruit dévore être des poulets couverts de poils j ou des lapins couverts de plumes ; tandis que ce n étoit qu'un lapin vicieux ou trop ar- dent 5 qui, faute de femelle, fe fervoit de la poule de la maifon , comme il fe feroit fervi de tout autre meuLle , & qu'il eft hors de toute vraifemblance de s'at- tendre à quelque produdion entre deux animaux d'efpèces fî éloignées , puifque de l'union du lièvre & du lapin, donc les efpèces font tout- à -fait voifmes , il ne réfulte rien. La fécondité du lapin eft encore plus grande que celle du lièvre -, & fans ajou- ter foi à ce que dit Wotten , que d'une feule paire qui fut mife dans une île , il s'en trouva (Ix mille au bout d'un an , il eft fur que ces animaux multiplient fî prodrgieufement dans les pays qui leur conviennent , que la terre ne peut fournir (c) Voyez, l'art d'élever 4es poulets, Fij 12 4 HiJIoire Naturelle à leur rubfiftance -, ils détruifent les herbes ; les racines , les grains , les fruits , les légumes , & même les arbrilTeaux & les arbres -, Se li Ton n avoir pas contre eux le fecours des furets & des chiens, ils feroient déferrer les habitans de ces cam- pagnes. Non -feulement le lapin s'ac- couple plus fouvent Se produit plus fré- quemment Se en plus grand nombre que le lièvre , mais il a aufîi plus de reirources pour échapper à fes ennemis -, il fe fouf- trait aifément aux yeux de l'homme : les trous qu il fe creufe dans la terre 5 où il fe retire pendant le jour Se où il fait fes petits , le mettent à Tabri du loup , du renard Se de Toifeau de proie *, il y habite avec fa famille en pleine fécurité, il y élève Se y nourrit fes petits jufqu'à Tâge d'environ deux mois , Se il ne les fait fortir de leur retraite pour les amener au dehors > que quand ils font tout éle- vés-, il leur évite par -là tous les incon- véniens du bas âge, pendant lequel au contraire les lièvres périlTent en plus grand nombre , Se foufirent plus que dans tout le refte de la vie. Cela feul fulïit aufîî pour prouver du Lapin, 1 2 ^ qiie le lapin eft fupérieur au lièvre par la fagacité *, tous deux font conformés de même 5 & pourroient également fe creufer des retraites j tous deux font également timides à Texcès , mais Tun plus imbécilie fe contente de fe former un gîte à la furface de la terre , oii il demeure continuellement expofé , tandis que l'autre , par un inftind: plus réfléchi , fe donne la peine de fouiller la terre & de s Y pratiquer un alyle j & il eft fi vrai que c'eft par fentiment qu il travaille , que Ton ne voit pas le lapin domeR-rque faire le même ouvrage -, il fe difpenfe de fe creufer une retraite , comme les oiieaux domeftiques fe difpenfent de faire des nids , & cela parce qu ils font également à Fabri des inconvénrens aux- quels font expofés les lapins & les oifeaux fauvages. L'on a fouvent remarqué que quand on a voulu peupler une garenne avec des lapins clapiers , ces lapins & ceux qu'ils produiioient , reftoient , comme les lièvres, à la furface de la terre j & que ce n étoit qu'après avoir éprouvé bien des inconvéniens, &au bout d'un certain nombre de générations, qu'ils commen- F iij 12 6 Hijloire Naturelle çoient à creufer la terre pour fe mettre en fureté. Ces lapins clapiers, ou domeftiques, varient pour les couleurs , comme tous les autres animaux domeftiques '•^le blanc, le noir Se le gris ( d) , font cependant les feuls qui entrent ici dans le jeu de I^l Nature : les lapins noirs font les plus rares , mais il y en a beaucoup de tout blancs , beaucoup de tout gris , & beau- coup de mêlés. Tous les lapins fauvages font gris , 8c parmi les lapins domefti- ques, c'eft encore la couleur dominante, car dans toutes les portées il fe trouve toujours des lapins gris , & même en plus grand nombre , quoique le père & la mère foient tous deux blancs , ou tous deux noirs , ou l'un noir & l'autre blanc -, il eft rare qu ils en faiïent plus de deux ou trois qui leur relïemblent •, 2U lieu que les lapins gris , quoique do- meftiques, ne produifent d'ordinaire que des lapins de cette même couleur , & que ce n'eft que très- rarement & comme par fdj J'appelle gris ce mélange de couleurs fauves # noires & cendrées, qui fait la couleur ordinaire des lapins 5< des lièvres. du Lapin. 127 hafard qiuls en produifenc de blancs , de noirs & de mêlés. Ces animaux peuvent engendrer Se produire à Tâge de cinq ou fix mois : on aiïlire quils font con flans dans leurs amours , & que communément ils s*atta- chent à une feule femelle & ne la quittent pas *, elle eft prefque toujours -en chaleur , ©u du moins en état de recevoir le mâle : elle porte trente ou trente -un jours, & produit quatre 5 cinq ou fix, & quelquefois fept & huit petits : elle a , comme la femelle du lièvre , une double matrice , & peut par conféquent mettre bas en deux temps ^ cependant il paroît que les fuperfétations font moins fréquentes dans cette efpèce que dans celle du lièvre, peut -être par cette même raifon que les femelles chan-i gent moins fouvent , qu^il leur arrive moins d'aventures , & qu'il y a moins d'accouplemens hors de faifon. Quelques jours avant de mettre bas , elles fe creufent un nouveau terrier , non pas en ligne droite , mais en zig zag , au fond duquel elles pratiquent une excava- tion , après quoi elles s'arrachent fous le Fiiij 128 Hijloirc Natxirelle ventre une affez grande quantité de poHs , dont elles font une efpèce de lit pour recevoir leurs petits. Pendant les deux premiers jours elles ne les quittent pas > elles ne fortent que lorfque le befoin les prefTe , & reviennent dès qu'elles ont pris de la nourriture : dans ce temps elles mangent beaucoup & fort vite , elles foignent ainfi & allaitent leurs petits pen»- dant plus de fix femaines. Jufqu'alors le père ne les connoît point , il n'entre pas dans ce terrier qu'a pratiqué la mère -, fouvent même, quand elle en fort, & qu elle y laifTe fes petits , elle en bouche i'entrée avec de la terre détrempée de fon urine -, mais lorfqu'iîs commencent à venir au bord du trou , & à manger du féneçon & d'autres herbes que la mère leur pré- fente , le père femble les reconnoître , il les prend entre fes pattes, il leur luftrele poil , il leur lèche les yeux , & tous , les uns après les autres, ont également part à fes foins : dans ce même temps la mère lui fait beaucoup de carefTes , & (cuvent devient pleine peu de jours après. Un Gentilhomme de mes voiiins (e)y (i) M. le Chapt du Moutiei, du Lapin, ii^ qui pendant plufîeurs années s'eft amufé à élever des lapins , m'a communiqué ces remarques, te J'ai commencé, dit -il, par avoir un mâle & une femelle feulement, ce ïe mâle étoit tout blanc & la femelle ce toute grife , & dans leur poftérité , qui ce fut très-nombreufe, il y en eut beau- ce coup plus de gris que d'autres, un afïez ce bon nombre de blancs & de mêlés , ce & quelques-uns de noirs Quand es la femelle eft en chaleur , le mâle ne la ce quitte prefque point \ fon tempérament ce efl: fi chaud que je l'ai vu fe lier avec ce elle cinq ou fix fois en moins d'une ce heure .... La femelle , dans le temps ce de l'accouplement , fe couche fur le ce ventre à plate terre , les quatre pattes ce alongées , elle fait de petits cris qui «e annoncent plutôt le plaifir que la ce douleur : leur façon de s'accoupler ce relTemble aiïez à celle des chats , à ce la différence pourtant que le mâle ne ce mord que très -peu fa femelle fur le ce chignon .... La paternité chez ces «e animaux, eft très-refpedée*, j'en juge ce ainfi par la grande déférence que tous œ mes lapins ont eue pour leur premier «c Fy I 5 o Hijîoire Naturelle » père , qu il m'étoit aifé de reconnoître » à caufe de fa biancheùr , & qui eft le » feul mâle que j'aie confervé de cette » couleur : la famille avoir beau s'aug- » menter , ceux qui devenoient pères à 30 leur tour lui étoient toujours fubor- 90 donnés *, dès qu ils Te battoient , foit 3> pour des femelles , foit parce qu'ils fe » difputoient la nourriture , le grand- 33 père 5 qui entendoit du bruit , accou- 9> roit de toute fa force , & dès qu'on 00 Tappercevoit , tout rentroit dans Tordre » a> 8c s'il en attrapoit quelqu'un auxprifes^ D> il les féparoit & en faifoit fur le champ » un exemple de punition. Une autre !>:> preuve de fa domination fur toute fa 9^ poftérité 5 c'eft que les ayant accou- w tumés à rentrer tous à un coup de 3:> fifflet 5 lorfque je donnois ce lignai , S) & quelque éloignés qu'ils fulTent , je 33 voy%,ie grand père fe mettre à leur » tête y^%L quoiqu'arrivé le premier , les y> lailïer tous défiler devant lui & ne 33 rentrer que le dernier Je les 33 nourriiïbis avec du Ton de froment , 33 du foin & beaucoup de genièvre , il 73 leur en falloir plus d'une voiture par du Lapin. 131 femaine , ils en mangeorent toutes les « baies , les feuilles & Técorce , & ne « laifïoient que le gros bois : cette nour- ce riture leur donnoit du fumet, & leur « chair étoit aufli bonne que celle des œ lapins fauvagcs ». Ces animaux vivent huit ou neuf ans : comme ils pafTent la plus grande partie de leur vie dans leurs terriers , où ils font en repos & tranquilles, ils prennent un peu plus d'embonpoint que les lièvres ; leur chair eft aufîi fort différente par la couleur & par le goût*, celle des jeunes lapereaux eft très- délicate, mais celle dts vieux lapins eft toujours sèche & dure» Il font , comme je Tai dit , originaires des climats chauds : les Grecs îes^con- noiftbient (f) , & il paroît que les feuls endroits de TEurope où il y en eût anciennement, étoient la Grèce & TEf- pagne ( g) ; àc-\^ on les a tranfportés dans d&s climats plus tempérés, comme en Italie , en France, en Allemagne, où ils fe font naturalifés j mais dans les pays (f) vide Arîjlot. Hiji. animal. lib. I, cap. i. (S!j Vide Tlin, Jiijl, NaturaU lib. VIII, F V j 132 HiJIoire Naturelle^ &c. plus froids, comme en Suède (h) &dans le refte du Nord , on ne peut les élever que dans les maifons , & ils périfTent lorfqu on les abandonne à la campagne. Ils aiment , au contraire , le chaud ex- cefîif 5 car on en trouve dans les contrées •méridionales de TAfie & de l'Afrique , comme au golfe Perfîque ( i)^ à la baie de Saldana ( k ) ^ en Lybie, au Sénégal , en Guinée (^ /J 5 & on en trouve aufîi dans nos îles de l'Amérique (m ) , qui y ont été tranfportés de TEurope , & qui y ont très - bien réuffi. fh) vide Linnesi Faiin. Suec. pag. 8. fij Voyez l'hiftoire générale des voyages , pat M. l'abbé Prévôt, Tome II, page ^54. ('kj Idem, tome I , page ^^^. (ij Vid. Léon. Afric. de Afric. defcript. Lugd. Bat. 1632, Fart. II , pag. 357. Voyez auflî le voyage de Goill. Bofman. Utrecht , 2po£,page 253. fmj Voyez l'Hiftoire générale des Antilles , par le r. du Tertre. Paris , i66y , tome II , page 25*7 . C« XE Xj\.Pi:Nr SJ^UVAGE JR . Mr . TV. IL. I.E mCHE PIû.^.jS» I.E l^ASPYN D02VIESTI0TJIL n. XE LAPrsr d'ajngora. . tI^-p-^z ■JTXT I^E XAPrN D^AK&OHA. ÎIN^AIUE 131 HISTOIRE NATURELLE. Les Animaux Carnajfiers. Jusqu'ici nous n^'avons parlé que des animaux utiles -, les animaux nuiiibles font en bien plus grand nombre s & quoiqu'en tout , ce qui nuit paroifTe plus abondant que ce qui fert , cependant tout eft bien, parce que dans l'univers phyfîque, le mal concourt au bien, & que rien en effet ne nuit à la Nature. Si nuire eft détruire des êtres animés , l'homme , confidéré comme faifant partie du fyftême général de ces êtres, n'eft-il pas i'efpèce la plus nuilible de toutes ? Lui feul immole, anéantit plus d'individus vivans, que tous les animaux carnafîîers n'en dévorent. Ils ne font donc nuilîbles que parce qu'ils font rivaux de l'homme, parce ce qu'ils ont les mêmes appétits , le même goût pour la chair , & que , pour / î 3 4 Hijîoire Naturelle. fubvenir à un befoin de première né- cefîîté, lis lui dirputent quelquefois une proie qu il réfervoit à fes excès *, car nous facrifions plus encore à notre in- tempérance, que nous ne donnons à nos befoins. Deftructeurs nés des êtres qui nous font fubordonnés , nous épuiferions îa Nature fi elle n étoit inépuifable , ii par une fécondité aufli grande que notre dé- prédation , elle ne favoit fe réparer elle- même & fe renouveler. Mais il eft dans Tordre que la mort ferve à la vie , que la reprodudlion naiffe de la defl:ru6tion -, quelque grande , quelque prématurée que foit donc la dépenfe de Fhomme éc des animaux carnafîîers , le fonds , ia quantité totale de fubftance vivante n'efl: point diminuée : & s'ils précipitent les deflruclions , ils hâtent en même temps des naifTances nouvelles. Les animaux qui , par leur grandeur , figurent dans Tunivers , ne font que ia plus petite partie des fubftances vivan- tes -, la terre fourmille de petits animaux. Chaque plante , chaque graine , chaque particule de matière organique contient des milliers d'atomes animés. Les végétaux Les Animaux CarnaJJiers. 15^ paroifTent être le premier fonds de la Nature *, mais ce fonds de fubiiftance , tout abondant, tout inépuifable qu'il efl, fufîiroit à peine au nombre encore plus *^"''' abondant d'infedtes de toute efpèce. Leur pullulation , toute auffî nombreuse & fouvent plus prompte que la reproduc- tion des plantes , indique alTez combien ils font furabondans -, car les plantes ne fe reproduiient que tous les ans , il faut une faifon entière pour en former la graine , au lieu que dans les infectes , & fur -tout dans les plus petites efpèces , comme celle des pucerons , une feule faifon fuftit à plulîeurs générations. Ils multiplieroient donc plus que les plantes , s'ils n'étoient détruits par d'autres ani- maux dont ils paroififent être la pâture naturelle, comme les herbes & les graines femblent être la nourriture préparée pour eux-mêmes. Aufli parmi les infectes yen a- t-il beaucoup qui ne vivent que d'autres infedes -, il y en a même quelques efpèces qui , comme les araignées , dévorent inditféremment les autres efpèces & la leur : tous fervent de pâture aux oifeaux, & les oifeaux domeftiques & fauvages Wl vcp 1^6 Hijloire Naturelle, nourriiïent Thomme , ou deviennent la proie des animaux carnalîiers. Ainfi, la mort violente eft un ufage prefque aulîi néceffaire que la loi de la itâ^U*^, mort naturelle ^ ce font deux moyens de î deftrudtion & de renouvellement, dont Tun fert à entretenir la jeuneiTe perpé- tuelle de la Nature , & dont l'autre main- tient Tordre de Tes productions, & peut feul limiter le nombre dans les efpèces. Tous deux font des eftets dépendans des caufes générales -, chaque individu qui' naît, tombe de lui-même au bout d'un temps \ ou lorfqu'il eft prématurément détruit par les autres , c'eft qu'il étoit furabondant. Eh combien nj en a- 1- il pas de fupprimés d'avance ! que de fleurs moiflonnées au printemps ! que de races éteintes au moment de leur nailîance ! que de germes anéantis avant leur déve- loppement ! L'homme & les animaux carnafîîers ne vivent que d'individus tout formés , ou d'individus prêts à l'être j la chair , les œufs , les graines , les germes de toute efpèce font leur nourriture ordinaire -, cela feul peut borner l'exubé- rance de la Nature, Que Ton considère Les Animaux CarnaJJîers, 137 un inftant quelqu'une de ces efpèces in- férieures qui fervent de pâture aux autres, celle des harengs , par exemple , ils vien- nent par milliers s'offrir à nos pêcheurs , & après avoir nourri tous les monftres des mers du Nord, ils fournilTent encore à la fubfiftance de tous les peuples de i'Europe pendant une partie de l'année. Quelle pullulation prodigieufe parmi ces animaux ! & s'ils n'ctoient en grande partie détruits par les autres, quels feroient les effets de cette immenfe multiplication ! eux feuls couvriroient la furface entière de la mer -, mais bientôt fe nuifant par le nombre, ils fe corromproient, ils fe détruiroient eux-mêmes -, faute de nour- riture fuflifante , leur fécondité diminue- roit -, la contagion & la difette feroient ce que fait la confommation \ le nombre de ces animaux ne feroit guère augmenté , & le nombre de ceux qui s'en nourriflent feroit diminué. Et comme l'on peut dire la même chofe de toutes les autres efpèces, il eft donc néceflâire que les unes vivent fur les autres -, & dès - lors la mort violente des animaux eft un ufage légitime, inno- cent, puifqu'il eft fondé dans la Nature ^ I 3 8 Hijloire Naturelle. 8c qu ils ne naiiTent qu à cette condition- Avouons cependant que le motif pat lequel on voudroit en douter fait hon^ neur à Thunianité*, les animaux, du moins ceux qui ont des fens , de la chair & du fang 5 font des êtres fenfibles -, comme nous ils font capables de plaifir êc fujets à la douleur. Il y a donc une efpèce d'in- fenfibilité cruelle à facrifier j fans nécef^ fîté, ceux fur -tout qui nous approchent , qui vivent avec nous , 8c dont le fentiment fe réflécliit vers nous en fe marquant par les fignes de la douleur -, car ceux dont la nature eft diftérente de la nôtre , ne peuvent guère nous afïedter. La pitié naturelle eft fondée fur les rapports que nous avons avec l'objet qui fouffre , elle eft d'autant plus vive que la refïemblance , la conformité de nature eft plus grande-, on fouffre en voyant fouffrir fon fem- blable. CompaJJion ; ce mot exprime allez que c'eft une foufïrance , une pafîion qu'on partage *, cependant c'eft moins l'homme qui fouffre, que fa propre nature qui pâtit, qui fe révolte machinalement Se fe met d'elle-même à l'uniiTon de douleur. L'ame a moins de part que le Les Animaux CarnaJJîers. 135 corps à ce fentiment de pitié naturelle , & îes animaux en font fufceptibles comme Thomme *, le cri de la douleur les émeut , ils accourent pour fe fecourir , ils recu- lent à la vue d'un cadavre de leur efpèce. Ainfi , Thorreur & la pitié font moins des paflîons de lame que des afFedions na- turelles 5 qui dépendent de la fenfibilité du corps & de la fîmilitude de la confor- mation -, ce fentiment doit donc diminuer à mefure que les natures s'éloignent. Un chien qu'on frappe 5 un agneau qu'on égorge , nous font quelque pitié -, un arbre que l'on coupe , une huître qu'oo mord 5 ne nous en font aucune. Dans le réel , peut-on douter que les animaux dont l'organifation eft femblable à la nôtre , n'éprouvent des fenfations femblables ? ils font fenfibles , puifqu ils ont des fens , & ils le font d'autant plus que ces fens font plus adifs & plus parfaits : ceux au contraire dont les fens font obtus ont-ils un fentiment exquis ? & ceux aux- quels il manque quelque organe, quelque fens 5 ne manquent-ils pas de toutes les fenfations qui y font relatives ? Le mou- vement eil l'effet nécelTaire de l'exercice 140 HiJIoire Naturelle. du fentiment. Nous avons prouvé (^aj que de quelque manière qu un erre fur or* ganifé , s'il a du fentimenr , il ne peut manquer de le marquer au dehors par des mouvemens extérieurs. Ainfî les plantes , quoique bien organifées , fonr des êtres infenfibles, auflî-bien que les animaux qui, comme elles , n^ont nul mouvement apparent, Ainii , parmi les animaux , ceu:5t qui n'onr , comme la plante appelée fen- Jitivej qu'un mouvement fur eux-mêmes, & qui font privés du mouvement pro- grefîîf, n'onr encore que très -peu de ientimenr *, & enfin ceux même qui ont un mouvement progreffif , mais qui , comme des automates , ne font qu'un petit nombre de chofes , & les font tou- jours de la même façon , n'ont qu'une foible portion de fentiment , limitée à un petit nombre d'objets. Dans l'efpèce humaine , que d'automates î combien l'éducation , la communication refpec- tive des idées n'augmentent - elles pas la quantité, la vivacité du fentiment! quelle diftérence à cet égard entre l'homme (^aj Voyez le Difcours fut la nature dç« Animaux, Vol. V de cette Hiftoire Naturelle, Les Animaux CamaJJîers, 141 fauvage & Thomme policé , ïa payfanne & la femme du monde ! Et de même parmi les animaux , ceux qui vivent avec nous deviennent plus fenfibles par cette communication , tandis que ceux qui de- meurent fauvages n ont que la fenfibilité naturelle , fouvent plus fûre , mais tou- jours moindre que facquife. Au refte , en ne confidérant le fenti- ment que comme une faculté naturelle , & même indépendamment de fon réfultat apparent, c'eft- à -dire , des mouvemens qu'il produit nécelfairement dans tous les erres qui en font doués, on peut encore le juger, l'eftimer & en déterminer à peu près les différens degrés par des rapports phyfiques auxquels il me paroît qu'on n'a pas fait aifez d'attention. Pour que le fentiment foit au plus haut degré dans un corps animé , il faut que ce corps faffe un tout , lequel Coït non - feulement fenfible dans toutes fes parties , mais encore compofé de manière que toutes ces parties fenfibles aient entr' elles une correfpondance intime , en forte que Tune ne puilTe être ébranlée fans com- muniquer une partie de cet ébranlement 1^2 Hijlolre Naturelle. à chacune des autres. Il faut de plus qu'il y ait un centre principal & unique auquel puifTent aboutir ces ditrerens ébranlemens , & fur lequel , comme fur un point d'appui général & commun , Te fafTe la réadion de tous ces mouvemens, Ainfi l'homme , 8c les animaux qui par leur organifation relTemblent le plus à l'homme, feront les êtres les plus fen- fîbles -, ceux au contraire qui ne font pas un tout aufïi complet , ceux dont les parties ont une correfpondance moins intime , ceux qui ont plufieurs centres de fentiment , & qui , fous une même enveloppe , femblent moins renfermer un tour unique , un animal parfait , que contenir plusieurs centres d'exiftence réparés ou différens les uns des autres 3 feront des êtres beaucoup moins fen- fibles. Un polype que l'on coupe , & dont les parties divifées vivent féparé- ment -, une guêpe dont la tête , quoique réparée du corps , fe meut , vit , agit , & même mange comme auparavant ♦, un lézard auquel , en retranchant une partie de fon corps , on note ni le mou- vement 5 ni le fentiment *, une écrevifîè Les Animaux Camajfîers, 143 ' dont les membres amputés fe renouvel-r lenf, une tortue, dont le cœur bat long- temps après avoir été arraché *, tous ies infedes , dans lefquels les principaux wï(t eères , comme le cœur & ies poumons , ne forment pas un tout au centre de i animal , mais font diVii^ès en pluiieurs parties , s'étendent le iong du corps , & font 5 pour ainll dire , une fuite de vifcères , de cœurs & de trachées *, tous îes poilTons , dont les organes de la circulation & de la refpiration n'ont que jpeu d'adlion &: diffèrent beaucoup de ceux des quadrupèdes, & même de ceux des cétacées , enfin tous les animaux dont rorganifation s'éloigne de la nôtre , ont peu de fentiment , & d'autant moins qu'elle en diffère plus. Dans l'homme & dans les animaux qui ,lui reffemblent , le diaphragme paroît .être le centre du fentiment -, c'eft fur icette partie nerveufe que portent les imprelïîons de la douleur & du plaifir -, c'eft fur ce point d'appui que s'exer-* tcent tous les mouvemens du fyftème fenfible. Le diaphragme fépare tranf- yerfalement le corps entier de l'animal 3 1 44 Hijloire Naturelle. & le divife aflfez exadement en deux parties égales, dont la fupérieure renferme îe cœur & les poumons , & Tinférieure contient reftomac & les inteftins. Cette membrane eil; douée d'une extrême fen- fibilité -, elle eft: d'une (i grande nécefïitî pour la propagation & la communicatior du mouvement & du fentiment , que la plus légère blelTure , Toit au centni nerveux , foit à la circonférence oi même aux attaches du diaphragme , e( toujours accompagnée de convuliions êc fouvent fui\Tie d'une mort violente, L cerveau , qu on a dit être le fîége de fenfations , n'eft donc pas le centre d fentiment , puifqu'on peut au contrair le blelTer , Tentamer , fans que la moi fuive , & qu'on a l'expérience qu'aprè avoir enlevé une portion confidérabî de la cervelle , l'animal n'a pas celle d vivre , de fe mouvoir , & de fentir dar toutes fes parties. Diftinguons donc la fenfation du fer timent : la fenfation neft qu'un ébrai lement dans le fens , & le fentiment e cette même fenfation devenue agréabl ou défagréable par la propagation de c( ébranlemei Les animaux CanioiJiers. 145 ébranlement dans tout le fydème fen- fible : je dis la fenfation '-devenue agréa- ble ou défagréable , car ceft-là ce qui conftrtue Teirence du feiitiment -, Ton caradtère unique eft le plaifir ou la douleur , ôc tous les mouvemens qui tie tiennent ni de l'un ni de l'autre , quoiqu'ils fe pafTent au dedans de nous- nêmes , nous font indiflérens Se ne nous ifFedent poiiat. Ceft du fentiment que lépend tout le mouvement extérieur Se 'exercice de toutes les forces de l'ani- nal-, il n'agit qu'autant qu'il eft afFedté , i'eft-à-dire, autant qu'il fent -, & cette nême partie , que nous regardons :omme le centre du fentiment , fera aufÏÏ 2 centre des forces , ou , fi l'on veut , s point d'appui commun fur lequel elles exercent. Le diaphragme efi: dans l'a- imai ce que le collet eft dans la plante , 3us deux les divifent tranfverfalement , DUS deux fervent de point d'appui aux )rces oppofées ^ car les forces qui dans n arbre pouffent en haut les parties ui doivent former le tronc & les bran- les 5 portent Se appuient fur le collet , i(îi-bien que les forces oppofées qu^ Tome IL Quadrupèdes^ G l 1^6 Uljl^re Naturelle. joufTent en bas les parties qui forment es racines. Pour peu qu'on s'examine , on s'a- percevra aifément que toutes les affec- tions intimes , les émotions vives , les épanouiffemens de plaifir , les faifilTe- mens , les douleurs , les naufées , les défaillances , toutes les imprefîîons fortes des fenfations devenues agréables ou dé-* fagréables , fe font fentir au -dedans du corps 5 à la région même du diaphragme. Il n'y a au contraire nul indice de fen- timent dans le cerveau , &: Ton n'a dans la tête que les fenfations pures , ou plu- tôt les repréfentations de ces. mêmes fen^ Tarions fimples & dénuées des caradères du fentiment -, feulement on fe fou vient , on fe rappelle que telle ou telle fenfation nous a été agréable ou défagréable -, & fr cette opération , qui fe fait dans la tête 3. eft fuivie d'un fentiment vif & réel 5 alors on en fent l'impreffion au- dedans du corps , & toujours à la région du diaphragme. Ainfi , dans le fœtus j où cette membrane eft fans exercice , le fentiment eft nul , ou fi foible qu'il ne peut rien produire v auffi les peçi^ Les Animaux CarnaJ/iers, 147 niouvemens que le fœtus fe donne, font plutôt machinaux que dépvendans des fen- fations & de la volonté. Quelle que foit la matière qui fert de véhicule au fentiment , & qui produit ie mouvement mufcularre , il eft fur qu'elle fe propage par les nerfs , & fe communique dans un indant indivifible d'une extrémité à Tautre du fyftème fen- fible. De quelque manière que ce mou- vement s'opère , que ce foit par des vibrations comme dans des cordes élafti- ques , que ce foit par un feu fubtil , par ane matière femblable à celle de Téledri- :ité 5 laquelle non -feulement réiide dans les corps animés , comme dans tous les autres corps , mais y eft même continuel- ement régénérée par le mouvement du :œur & des poumons , par le frottement Ju fang dans les artères , 8c auffi par Tac- :ion des caufes extérieures fur les organes ies fens , il eft encore fur que les nerfs Si les membranes font les feules parties enfibles dans le corps animal. Le fang , a lymphe , toutes les autres liqueurs, les grailles , les os , les chairs , tous les autres foiides, font par eux-mêmes infeniîbles ', Gij î 4 8 Bifloire Naturelle, îa cervelle ieft aufîî , c efl une fubilancc molle & fans élaftijcité , incapable dès - lors de produire , de propager ou de rendre îe mouvement , les vibrations ou les ébranlemens du fentiment. Les méninges au contraire font très- Tenlibles , ce font îes enveloppes de tous les nerfs -, elles prennent , comme eux , leur origine dans la tête , elles fe divifent comme les branches des nerfs , & s étendent jufqu'à leurs plus petites ramifications ; ce font , pour ainfi dire , des nerfs aplatis , elles font de la même fubftance , elles ont à peu près le même degré d'élafticité , elles font partie , & partie néceilàire du fy^-^ tème fenfîble. Si Ton veut donc que le fiége des fenfations Toit dans la tête , il fera dans les méninges, &.non dans la partie médullaire du cerveau , dont Isl îubUance eft toute diftérente. Ce qui a pu donner lieu à cette opinion , que le iicge de toutes les fenfations & le centre de toute fenfibilité étoient dans le cerveau , c'eft que les nçrfs, qui font les organes du lentiment, aboutirent tous à la cervelle , qu'on a regardé dcs-lors comme la feule partie ^ Les jinimaux Carnajfiers. 1 49 commune qui pût en recevoir tous îes ébrrïnlemens , toutes les imprelîions. Cela feul a fufti pour faire du cerveau le priit- cipe du fentiment , Torgane eflentiel des fenfations , en un mot le fenforium com- mun. Cette fuppolîtîon a paru fi fimpîe & fî naturelle , ^^-l'oti n'a fait aucune attentiori à Timpombilité phylique qu elle renferme, & qui cependant eft allez évi- dente j car comment fe peut -il qu\uie partie infenfible , une fubftance molle' & inadive , telle qu'eft la cervelle , foit i'organe même du fentiment Se du mou- vement? comment fe peut -il que cette- partie m®lle & infenfible, non -feulement reçoive ces impreffions , mais les con- ferve long -temps, & en propage les ébranlemens dans toutes les parties (olides & fenllbles ? l'on dira peut-être d^'après Defcartes , ou d après M. de la Peyronie , que ce n'efl: point dans- la cervelle , mais dans la glande pinéale ou dans le corps calleux que réfide ce principe •, mais il fuffit de jeter les yeux fur la conformation du cerveau pour reconnoître que ces parties de la glande pinéale , le corps cal- leux, dans lefquelles on a voulu mettre le G iij; ïjo Hljîolre Naturelle, iiége des fenfations, ne tiennent point aux nerfs , qu elles font toutes environnées de la fubftance infenfible de la cervelle , & réparées des nerfs de manière qu elles ne peuvent en recevoir les mouvemens , & dès -lors ces fuppofitions tombent aufîî-bien que la première. Mais quel fera donc Tufage , quelles feront Its fondions de eeue partie fi noble 5 (i capitale? Le cerveau ne fe trouve-t-il pas dans tous les animaux ? n'eft-il pas dans Thomme , dans les quadrupèdes, dans les oifeaux , qui tous, ont beaucoup de fentiment, plus étendu, plus grand , plus confidérabie que dans les poiffons, les infedles & les autres ani- maux 5 qui en ont peu ? Dès qu'il eiî comprimé , tout mouvement n eft - il pas fufpendu ? toute adion ne celle -t -elle pas? Si cette partie n'eft pas le principe du mouvement , pourquoi y eft-elle Ci nécelFaire, fi eflbntielle ? pourquoi même e(l-elle proportionnelle, dans chaque ef- pèce d'animal , à la quantité de fenti- -liient dont il eft doué ? . j. Je crois pouvoir répondre d'une ma- .riière fatisfaifante à ces quellions , quelque Les Animaux Carnajfiers. i 5 1 lîifficfks qu elles paroiiTent -, mais pour cela il faut fe prêter un in fiant à ne voir avec moi le cerveau que comme de la cervelle , & n'y rien fuppofer que ce que l'on peut 7 apercevoir par une inf- pedion attentive & par un examen réflé- chi. La cervelle , auiïî-bien que la moelle alongée & la moelle épinière , qui n'en font que la prolongation, ed une efpèce de mucilage à peine organifé •, on y diÇ- tingue feulement les extrémités des petites artères qui y aboutilTent en très -grand nombre , & qui n'y portent pas. du fang, mais une lymphe blanche & nourricière : ces mêmes petites artères , ou vaifTeaux lymphatiques , paroifTent dans toute leur longueur en forme de filets très - déliés , lorfqu on défunit les parties de la cer- velle par la macération. Les nerfs au con- traire ne pénètrent point la fubftance de ia cervelle , ils n'abourilïent qu'à la fur- face j ils perdent auparavant leur folidité, leur élafticité, & les dernières extrémités des nerfs 5 c'eft-à-dire, les extrémités les plus voifînes du cerveau , font molles & prefque mucilagineufes. Par cette ex- pofition j dans laquelle û n'entre rien Giiij 1 fz Hijloire Naturelle, d'hypothétique, il paroîtque le cerveau^ qui eft nourri par les artères lympha- tiques , fournit à fon tour la nourriture aux nerfs , & que Ton doit les con(idérer comme une efpeGe de végétation qui p.irt du cerveau par troncs & par bran- ches 5 lefquelies fe diviient enfuite en une infinité de rameaux. Le cerveau efb aux nerfs ce que la terre eft aux plantes *, les dernières extrémités des nerfs font les racines qui , dans tout végétal , font plus tendres & plus molles que le tronc ou les branches -, elles contiennent une matière dudtile, propre à faire croître & à nourrir Tarbre des nerfs -, elles tirent cette matière ducbile de la fubftance même du cerveau , auquel les artères rapportent continuellement la lymphe nécelïaire pour y fuppléer. Le cerveau >. au lieu d'être le (iége des fenfations , le principe du fentiment , ne fera donc quun organe de fécrétion & de nutii- tion, mais un organe très-elTentiel , fans lequel les nerfs ne pourroient ni croître , ni s'entretenir. Cet organe eft plus grand dans Thomme,. dans les quadrupèdes , dans les oifeaux:^ Les Animaux CarnaJJiers, r yj parce que le nombre ou le volume des nerfs dans ces animaux , eil plus grand que dans les poilïons Se les infeétes, dont le fentiment eft foible par cette même raifon ;, ils n'ont quun petit cerveau proportionné à la petite quantité de nerfs qu'il nourrit. Et je ne puis me difpenfer de remarquer , à cette occa/ion , ,qi^îe Thomme n'a pas , comme on Ta prétendu y le cerveau plus grand qu'aucun des ani- maux -, car il 7 a des efpcces de finges Se de cétacées qui , proportionnellement au volume de leur corps , ont plus de cerveau que Thomme -, autre fait qui prouve que le cerveau n'efl: ni le iiége' des fenfations , ni le principe du fen- timent , puifqu'alors ces animaux auroient plus de fenfations Se plus de fentimenc- que Thomme. Si Ton confidère la manière dont fe" fait la nutrition des plantes , on obiervera' qu'elles ne tirent pas les parties grofîières: de la terre ou de l'eau -, il faut que ces parties foient réduites par la chaleur en vapeurs ténues , pour que les racines puiflent les pomper. De même 5. dans les nerfs > la nutrition ne fe fait^ qu'air G V 1 j4 HlJIolrc Naturelle. moyen des parties les plus fubtiles de rhumidité du cerveau , qui font pom- pées 5 par les extrémités ou racines des nerfs, & de-là font portées dans toutes les branches du fyftème fenfible : ce fyftème fait , comme nous Tavons dit , un tout dont les parties ont une conne- xion il ferrée , une correfpondance iî intime quon ne peut en bielTer une fans ébranler violemment toutes les au- tres 5 la bleffure , le fimple tiraillement du plus petit nerf, fuffit pour caufer une vive irritation dans tous les autres , & mettre le corps en convultion j & l'on ne peut faire cefïer la douleur & les con- vulfions qu'en coupant ce nerf au-defTus de fendroit lézé , mais dès -lors toutes les parties auxquelles le nerf aboutiflbit deviennent à jamais immobiles , infen- /ibles. Le cerveau ne doit pas être con- /îdéré comme partie du même genre , ni comme portion organique du fyflème des^'nerfs , puifqu'ii n'a pas les mêmes propriétés , ni la même fubftance , n'é- tant ni folîde , ni éiaftique , ni feniibie. J'avoue que lorfqu'on le comprime , on fait celTer fadlion du fentim.ent •, maisr Ïjcs Animaux CarnaJJiers, 1 55 cela même prouve que c'eft un corps étranger à ce fyftèmc , qui agifTant alors par Ton poids fur les extrémités des nerfs , les prefle & les engourdit , de la même manière qu'un poids appliqué fur le bras ^ la jambe , ou fur quelqu'autre partie âxi corps , en engourdit les nerfs , & en amortît le fentiment. Il eft livrai que cette ceiTation de fentiment par la comprefïîon n'eft qu'une fufpenfion , un engourdif- fement , qu'à Tinflant où le cerveau cêfle d'être comprimé , le fentiment renaît & le mouvement fe rétablit. J'avoue en- core qu'en déchirant la fubftance médul- laire 5 & en bleiTant le cerveau jufques au corps calleux , la convuliîon , la pri- vation de fentiment , & la m.ort même fuit -, mais c'efl qu'alors les nerfs font entièrement dérangés , qu'ils font , pour ainfi dire , déracinés & bieifés tous en- femble & dans leur origine. Je pourrois ajouter à toutes ces rai- fons des faits particuliers , qui prouvent également que le cerveau n'eft ni le centre du fentiment , ni le fiége d^s fenfations. On a vu des animaux , & même des enfans , naître fans tête &: fan§ G v] iy6 Hifioire Naturelle. eeryeau , qui cependant avoient fentr- ment _, mouvement Se vie. Il y a des elalFes entières d'animaux , comme les inre<5tes & les vers , dans lefquels le cer- veau ne fait point une made diftin-dle ni un volume fenfible -, iis ont ieulement une partie correfpondante à la moelle alon- gée & à la moelle épinière. Il y auroit donc plus de raifon de mettre ie fiége des fenfations & du fentiment dans îa moclîe épinière, qui ne manque à aucun animal , que dans le cerveau , qui n eft pas une partie générale & commune à tous les erres ienlibles. Le plus grand obftacle à l'avancement des Gonnoillances de l'honlme efi: moins dans les chofes mêmes , qne dans la manière dont il les con(idère ^ quelque compliquée que foit la machine de Ton corps , elle eil encore plus iimple que Tes idées. Il eft moins difficile de voir la Nature telle qu'elle eft , que de la reconnoître telle qu'on nous la préfente j elle ne porte aucun voile , nous lui donnons un mafcjue , nous la couvrons de préjugés , nous fuppofons qu'elle agit 5 quelle opère comme nous agiiTons, 'Les Animaux Carnajpers, i ^j & penfons. Cependant ces a<5tes font évr- dens, & nos penlées font obfcures-, nous portons dans fes ouvrages les abftradtrons de notre efprit , nous lui prêtons nos moyens , nous ne jugeons de Tes fins que par nos vues , & nous mêlons per- pétuellement à les opérations , qui font Gonflantes , aies faits, qui ionc toujours certains , le produit illuibire «& variable de notre imagination. Je ne parie point de ces fyflèmes purement arbitraires , de ces hypothèfes frivoles , imaginaires, dans lefqucJles on reconnoît à la première vue qu'on nous donne la chimère au lieu de la réalité : j'entends les méthodes par îefqu elles on recherche la Naure. La route expéri.- mentale elle-même a produit, moins de vérités que d'erreurs :. cette voie. -^ quoi- que la plus fiire , ne Tefl: néanmoins qu autant qu elle eft bien dirigée \ pour peu qu elle loit oblique , on arrive à des plages ftériles , où l'on ne voit obfcurément. que quelques objets épars v cependant on s'ettorce de les raifembler , en leur fuppofant des rapports entr'eux- &: des propriétés communes,, &: commç.' 1^3 Hijloire Naturelle. ron paffe & repaffe avec complaifance fur ies pas tortueux qu'on a faits , le chemin paroît frayé , & quoiqu'il nV boutifle à rien , tout le moixle le fuit > on adopte la méthode , & l'on en reçoit les conféquences comm.e principes. Je pourrais en donner la preuve en expo- fânt à nu l'origine de ce que l'on ap- pelle principes dans toutes les fciences , abftraites ou réelles : dans les premières , îa bafe générale des principes eft l'abf- tradion, c'eft- à-dire , une ou plufieurs fuppofitions (b) ; dans les autres , ies prin- cipes ne font que les conféquences , bonnes ou mauvaifes , des méthodes que l'on a fuivies. Et pour ne parler ici que de Tanatomie , le premier qui , furmon- tant la répugnance naturelle , s'avifa d'ouvrir un corps humain , ne crut -il pas qu'en le parcourant , en le diffé- quant , en le divifant dans toutes fes parties , il en connoîtroit bientôt la ftru6lure , le mécanifme & les fondions ? mais ayant trouvé la chc'fe infiniment plus compliquée qu'on ne penfoit , il (bj Voyez les preuves que j'en donne, vol, I ^ C€t Ouvrage , à la fin du premier Difcours» Les Animaux CarnaJJîers, r j 9 fallut bientôt renoncer à ces prétentions , & Ton fut obligé de faire une méthode , non pas pour connoître & j^^ger , mais feulement pour voir, & voir avec ordre. Cette méthode ne fut pas l'ouvrage d'un feul homme , puifqu'il a fallu tous les iiècles pour la perfedionner , & qu'en- core aujourd'hui elle occupe feule nos plus habiles Anatomiftes *, cependant cette méthode n'eft pas la (citncQ , ce n'eft que le chemin qui devroit 7 conduire , & qui peut-être y auroit conduit en effet , Il , au lieu de toujours marcher fur la même ligne dans un fentier étroit > on eût étendu la voie & mené de front l'anatomie de l'homme & celle des ani- maux. .Car quelle connoilTance réelle peut -on tirer d'un objet ifolé ? le fon- dement de toute fcience n'eft -il pas dans la comparaifon que l'efprit humairr fait faire des objets femblables & àiî- férens , de leurs propriétés analogues ou contraires , & de toutes leurs qualités relatives ? L'abfolu , s'il exifle , n'efl pas du relTort de nos connoifTances , nous ne jugeons & ne pouvons juger des chofes que par les rapports qu'elles ont ï 60 Uijloire Naturelle. entr'elles -, ainfî , toutes^ les fois que daiis tine iwéthode on ne s'occupe que du fujet 5 qu on le confidère feul & indé- pendamment de ce qui lui relFemble & de ce qui en- diftcre, on ne peut arriver à aucune connoidànee réelle , encore moins s'élever à aucun principe général j on ne pourra donner que des noms & faire des defcriptions de la chofc & de routes fes parties : aufïi , depuis trois mille ans que l'on difsèque des cadavres humains , Tanatomie n'eft encore qu'une nomenclature, & à peine a-t-on fait quelques pas vers Ton objet réel , qui eil: la fcience de l'économie animale. Déplus, que de défauts dans la méthode elle-même qui , cependant devroit être claire & fîmpie , puifqu'elle dépend de rinfpedion & n'aboutit qu'à des dé- nominations ! comme l'on a pris cette Gonnoiffance nominale pour la vrare ïciQncQ y on ne s'eft occupé qu'à aug- menter , à multiplier le nombre des noms, au lieu de limiter celui des chofes \ on s'eft appefanti fur les détails, en a voulu trouver des diflérences où tout étoit fenv blabk; en créant de nouveaux noms ,. Les Animaux Camafjîers. 1 6i on a cru donner des chofes nouvelles ; on a décrit avec une exactitude minu- tieufe les plus petites parties , & la dQ[» cription de quelque partie encore plus petite , oubliée ou négligée par les ana- tomiftes précédens , s'eft appelée dé- couverte : les dénominations elles-mêmes ayant fou vent été prifes d'objets qui n'avoient aucun rapport avec ceux qu'on vouloit déiigncr , nont fervi qu'à aug- menter la confufion. Ce que l'on ap- pelle Tejîes 8c Nates dans le cerveau, qu'eft-ce autre chofe , linon des parties de cervelle femblable au tout , & qui ne méritoient pas un nom ? Ces noms empruntés à l'aventure ou donnés par préjugé, ont enfuite produit eux-mêmes de nouveaux préjugés & des opinions de hafard. j d'autres noms donnés à des parties mal vues , ou qui même n'exif- :oient pas , ont été de nouvelles fources i'erreurs. Que de fondrions & d'ufages n'a- 1- on pas voulu donner à la glande pinéale, à l'efpace prétendu vide qu'on appelle la voûte dans le cerveau , tandis :jue l'un n'eft qu'une glande , & qu'il ?ft fort douteux que l'autre exifle > î62 Hijîoire Naturelle. puifque cet efpace vidQ n'eft peut-être produit que par la main de i'anatomiftc Se la méthode de diffedion fc)! Ce qu il y a de plus diiKcile dans les fciences n'eft donc pas de connoître îes chofes qui en font l'objet diredè , mais c'eft qu'il faut auparavant les dé- pouiller d'une infinité d'enveloppes dont on les a couvertes , leur ôter toutes les fauifes couleurs dont on les a mafquées, examiner le fondement & le produit de îa méthode par laquelle on les recherche, en léparer ce que Ton y a mis d'arbi- traire 5 & enfin tâcher de reconnoître les préjugés & les erreurs adoptées que ce mélange de l'arbitraire au réel a fait. naître , il faut tour cela pour retrouve!' la Nature -, mais enfuite , pour la con- noître 5 il ne faut plus que la comparer avec elle-même. Dans l'économie ani- male, elle nous paroît très-myftérieufe & très -cachée, non -feulement parce que le fujet en eft fort compliqué, & que le corps de l'homme eft de toutes fes produirons la moins fimple , mais fur- tout parce qu'on ne l'a pas comparée {^cj Voyez à ce fujet k Difcours de Sténoa. Les Animaux CarnaJJîers. i 6% avec elle-même , & qu'ayant négligé ces moyens de comparaifon , qui feuis pouvoient nous donner des lumières , on efl refté dans robfcurité du doute , ou dans la vague des hypothèfes. Nous avons des milliers de volumes fur la defcription du corps humain , & à peine a-t-on quelques mémoires commencés fur celle des animaux : dans Thomme on a reconnu, nommé, décrit les plus petites parties , tandis qge l'on ignore Ci dans les animaux l'on retrouve , non- feulement ces petites parties, mais même [es plus grandes -, on attribue certaines fondions à de certains organes , fans ître informé fi dans d'autres êtres , quoi- que privés de ces organes , les mêmes fonctions ne s'exercent pas \ en forte q;ue dans toutes ces explications qu'on voulu donner des différentes parties de économie animale , on a eu le double iéfavantage d'avoir d'abord attaqué le ujet le plus compliqué, & enfuite d'avoir raifonné fur ce même fujet fans fonde- nent de la relation, & fans le fecôurs Je Tanalogie. Nous avons fuivi par - tout ^ dans le 1(54 Hiftoire Naturelle, cours de cet ouvrage , une méthode très - différente : conTparant toujours la Nature avec elle-même , nous Tavons confidérée dans fes rapports , dans Tes oppofés 5 dans fes extrêmes -, 8c pour ne citer ici que leS parties relatives à l'économie animale, que nous avons eu cccafion detraiter, comme la génération, les fens , le mouvement , le fentiment: la nature des animaux , il fera aifé de reconnoître qu^après le travail, quelque fois long, mais toujours nécelTaire, poui écarter les faulTes idées , détruire les pré- Jugés , réparer l'arbitraire du réel de L chofe-, le feul art que nous ayons em- ployé eft la com-paraifon : fi nous avon réuffi à répandre quelque lumière fur ce fujets , il faut moins l'attribuer au génie qu'à cette méthode que nous avons fuivi( conftamment, & que nous avons rendui aufli générale , auffi étendue que nos eon noiirances nous Font permis. Et comm. tous les jours nous en acquérons d nouvelles par l'examen &: la diiïedioi des parties intérieures des animaux , é que pour bien raifonner fur réconomi» animale , il faut avoir vu de cette façoi Les Animaux Carnajjiers. i6^ u moins tous les genres d'animaux ^S- érens, nous ne nous prelTerons pas de [onner des idées générales avant d'avoir 'téfenté les réfultars particuiiers. Nous nous contenterons de rappeler ertains faits qui , quoique dépendans e la théorie du fentiment & de Fappétit , jr laquelle nous ne voulons pas , quant- -préfent , nous étendre davantage , iftiront cependant feuls pour prouver ue riiomme , dans Tétat de nature , ? s'eft jamais borné à vivre d'herbes , e graines ou de fruits , & qu'il a dans )us les temps 5 aulîi-bien que la plu- art des animaux , cherché à fe nourrir z chair. La diète Pythagorique , préconifée îr les Phdofophes anciens & nouveaux, icommandée même par quelques Mé- xins 5 n a jamais été indiquée par la ature. Dans le premier âge aux /îècles or , l'homme , innocent comme la )lQmbe , mangeoit du gland , buvoip î l'eau -, trouvant par - tout fa fubiif- nce , il étoit fans inquiétude , vivoit dépendant , toujours en paix avec i- même 5 avec les animaux ) mais dès ï66 Hijioire Naturelle. qu'oubliant fa noblelTe , il facrifia fa iiberté pour fe réunir aux autres , la guerre , l'âge de fer prirent la place de i'or & de la paix -, la cruauté , le goût de la chair & du fan g furent les premiers fniits d'une nature dépravée , que les mœurs & les ans achevèrent de cor- rompre. Voiià ce que dans tous les temps cer- tams philofophes auftères, fauvages par tempérament , ont reproché . à l'homme en fociété : rehaulîant leur orgueil in- dividuel par l'humiliation de l'efpèce entière 5 ils ont expofé ce tableau, qui ne vaut que par le contrafle , & peut- être parce qu'il eft bon de préfenter quelquefois aux hommes des chimères de bonheur. Cet état idéal d'innocence , de haute tempérance , d'abftinence entière de la chair , de tranquillité parfaite , de paix profonde, a-t-il jamais exifté? n'eft-cc pas un apologue , une fable , où l'on emploie l'homme comme un animal , pour nous donner des leçons ou des exemples ? peut - on même fuppofer qu'il y eût des vertus avant la fociété ? Les Animaux CarnaJJîers, i 6 y 3eut-on dire de bonne foi que cet état auvage mérite nos regrets , que Thom- iie animal farouche fut plus digne que 'homme citoyen civilifé ? Oui , car tous es malheurs viennent de la fociété -, & ju importe quil y eût d(^s vertus dans état de nature, s'il y avoir du bonheur, î l'homme dans cet état étoit feulement noins malheureux qu'il ne l'eft ? la li- )erté, la fanté , la force, ne font -elles tas préférables à la mollefle , à ia fen-- Lialité, à la volupté même, accompagnées .e l'efclavage ? la privation des peines aut bien Tufage des plailirs \ & pour tre heureux, que faut-il, finon de ne ien defirer ? Si cela eft , difons en même temps u'il eft plus doux de végéter que de ivre , de ne rien appéter que de fatis- lire fon appétit , de dormir d'un fom- leil apathique que d'ouvrir les yeux pour oir & pour fentir -, confentons à laiiTer otre ame dans lengourdiiTemenr , notre fprit dans les ténèbres , à ne nous jamais ervir ni de l'une ni de l'autre, à nous lettre au- de (Tous des animaux, à n'être nfin que des malTes de matière brute ttachées à la terre, î {Î8 HlJIoire Naturelle. Mais au lieu de difputer , drfcutons -, après avoir dit des raifons , donnons des faits. Nous avons fous les yeux, non letat idéal, mais Tétat réel de nature : le fauvage habitant les déferts eil-il un animal tranquille ? eft-il un homme heu- reux ? -car nous ne fuppoferons pas avec un Philofophe, l'un des plus fiers^ cen- feurs de notre humanité ( d) , qu il y a une plus grande diftance de Thomme en pure nature au fauvage, que du fauvage à nous -, que les âges qui fe font écoulés avant l'invention de l'art de la parole , ont été bien plus longs que les fiècles qu'il a fallu pour perfedionner les lignes & les langues , parce qu'il me paroît que lorfqu'on veut raifonner fur des faits , il faut éloigner les fuppoiîtions r Se fe faire une loi de n'y remonter qu a- près avoir épuifé tout ce que la Nature nous oflre. Or, nous voyons qu'on def- cend par degrés affez inienfibles des na- tions les plus éclairées, les plus polies, à des peuples moins indufhieux -, de ceux-ci à d'autres plus grofïïers , mais encore foumis à des Rois , à des loix > i^dj M. Rouffeaue ' de Les Animaux CarnaJJîers, i6^ de ces hommes groflîers aux faiivages , qui ne fe refTembient pas tous , mais chez lefquels on trouve autant de nuan- ces diiîérentes que parmi les peuples po- licés •, que les uns forment des nations allez nombreufes foumifes à des chefs ; que d'autres , en plus petite fociété , ne font foumis qu à des ufages -, qu enfin les plus folitaires , les plus indépendans , ne lailTent pas de former dts familles & d'être foumis à leurs pères. Un Empire , un Monarque , une famille , un père ^ voilà les deux extrêmes de la fociété : ces extrêmes font aufTi les limites de ia Nature-, fi elles s'étendoient au-delà, n'auroit- on pas trouvé , en parcourant toutes les folitudes du globe , des ani- maux humains privés de la parole , fourds à la voix comme aux fignes, les mâles & les femelles difperfées , les petits aban- donnés , &c ? Je dis même qu'à moins de prétendre que la conftitution du corps humain fut toute différente de ce qu'elle eft aujourd'hui , & que fon accroiiTement fût bien plus prompt, il n'eft pas poiïible de foutenir que l'homme ait jamais exifté fans former des familles , puifque les ■ Tome II, Quadrupèdes, H ï 70 Hijîoire Naturelle, enfans périroient s'ils n'étoient fecourus & foignés pendant plufieurs années *, au lieu que les animaux nouveaux- nés n'ont befoin de leur mère que pendant quel- ques mois. Cette néceflîté phyfique fuffit donc feule pour démontrer que refpèce humaine na pu durer & fe multiplier qu'à la faveur de la fociété *, que l'union des pères ëc mères aux enfans eft natu- relle , puifqu'elle eft néce (Taire. Or cette union ne peut manquer de produire un attachement refpedif & durable entre les parens & l'enfant , & cela feul fufîit encore pour qu'ils s'accoutument entre eux à des geftes , à des fignes , à des fons, en un mot à toutes les exprefîîons du fentiment & du befoin j ce qui eft âuffi prouvé par le fait , puifque les fau- vages les plus folitaires ont , comme les autres hommes, l'ufage des fignes & de la parole. Ainfî , l'état de pure nature eft un état connu *, c'eft le fauvage vivant dans le défert , mais vivant en famille , connoif- fant fes enfans , connu d'eux , ufant de la parole & fe faifant entendre. La fille fauvage ramaflee dans les bois de Cham- Les animaux CarnaJJîcrs. i 7 1 pagne , Thomme trouvé dans les forêts d'Hanovre , ne prouvent pas ie contraire \ ils avoient vécu dans une folitude abfo- lue , ils ne pouvoient donc avoir aucune idée de fociété , aucun ufage des fîgnes ou de la parole \ mais s'ils fe fulTent feu- lement rencontrés , la pente de nature les' auroit entraînés , le plaifîr les auroic réunis ; attachés Tun à l'autre , ils fe feroient bientôt entendus , ils auroient d'abord parlé la langue de l'amour entre eux 5 & enfuite celle de la tendreffe entre eux & leurs enfansj & d'ailleurs ces deux Sauvages étoient i(ïus d'hommes en fo- ciété & avoient fans doute été aban- donnés dans les bois , non pas dans le premier âge , car ils auroient péri, mais à quatre , cinq ou lix ans , à l'âge en un mot auquel ils étoient déjà alTez forts de corps pour fe procurer leur fubfif- tance , & encore trop foibles de tête pour conferver les idées qu'on leur avoir communiquées. Examinons donc cet homme en pure nature , c'eft-à-dire > ce fauvage en famille. Pour peu qu elle profpère 5 il fera bientôt le chef d'une fociété plus Hij lyi Hijloire Naturelle. ■îiombreufe , dont tous les membres auront les mêmes manières , fuivront les mêmes ufages & parleront la même langue^ à la troifième , ou tout au plus tard à la quatrième génération , il y aura de nouvelles familles qui pourront de- meurer réparées, mais qui, toujours réu- nies par les liens communs des ufages & du langage formeront une petite nation , laquelle s augmentant avec le temps , pourra , fuivant les circonftances , ou devenir un peuple , ou demeurer dans un état femblable à celui des nations fauvages que nous connoifTons. Cela dépendra fur -tout de la proximité ou de réloignement où ces hommes nou- veaux fe trouveront des hommes po- licés : fî, fous un climat doux , dans un terrein abondant , ils peuvent en fiberté occuper un efpace conlidérabie au-delà duquel ils ne rencontrent que des folitudes ou des hommes tout aufïï neufs qu'eux , ils demeureront fauvages 8c deviendront, fuivant d'autres circonf- tances , ennemis ou amis de leurs voi- jîns \ mais lorfque fous un ciel dur , «lans une terre ingrate , ils fe trouveront Les Animaux CarnaJJîers, 175 gênés entr'eux par le nombre & ferrés- par refpace , ils feront des colonies ou des irruptions , ils fe répandront , ils fe confondront avec les autres peuples dont ils feront devenus les conquérans ou les efclaves. Ainii Thomme , en tout état 5 dans toutes les fituations & fous tous les climats , tend également à îa fociété s c'eft un effet confiant d'une caufe néceifaire , puifqu'elle tient à i'ef- fence même de l'eipèce, c'eft-à-dire, à fa propagation. Voilà pour la fociété \ elle eft , comme Ton voit , fondée fur la Nature. Exami- nant de même quels font les appétits , quel eft le goilt de nos Sauvages , nous trouverons qu'aucun ne vit uniquement de fruits , d'herbes ou de graines , que tous préfèrent la chair & le poilTon aux autres alimens , que l'eau pure leur déplaît , & qu'ils cherchent les moyens de faire eux-mêmes ou de fe procurer d'ailleurs une boilTon moins inllpide. Les Sauvages du Midi boivent l'eau du pal- mier j ceux du Nord avalent à longs traits l'huile dégoûtante de la baleine , d'autres font des boiflbns fermentées , Hiij 174 HiJIoire Naturelle. ëc tous en général ont le goût îe pîiis décidé , la paffion la plus vive pour les liqueurs fortes. Leur induflrie , di6tée par les befoins de première néceflîté , excitée par leurs appétits naturels , fe réduit à faire des inftrumens pour la chafle ëc pour la pêche. Un arc , des flèches > une maffiie , des filets , un canot , voilà îe fublime de leurs arts , qui tous n'ont pour objet que les moyens de fe pro- curer une fubfiftance convenable à leur goût. Et ce qui convient à leur goût convient à la Nature , car , comme nous ; Tavons déjà dit ( e)j l'homme ne pourroitj pas fe nourrir d'herbe feule, il périroit d'inanition s'il ne prenoit des alimens! plus fubftantiels -, n'ayant qu'un eftomacj Se des inteftins courts , il ne peut pas comme le bœuf qui a quatre eftomacs & des boyaux très -longs , prendre à laj fois un grand volume de cette maign nourriture, ce qui feroit cependant ab- folument néceffaire pour compenfer qualité par la quantité. Il en eft à pei près de même des fruits & des graines ^ej Voyez le I.^'' volume de cet Ouvrage, aiticl< du Eœuf. Les Animaux Carnajpers, i 7 j elles ne lui fufHroient pas , il en faudroft encore un trop grand volume pour fournir la quantité de molécules orga- niques néceflaire à la nutrition j & quoi- que le pain foit fait de ce qu'il y a de plus pur dans le blé , & que le blé même & nos autres grains & légumes , ayant été perfectionnés par Tart foient plus fubftantiels & plus nourrifïans que les graines qui n'ont que leurs qualités naturelles , Thomme , réduit au pain & aux légumes pour toute nourriture , traîneroit à peine une vie foible & ian- guilTante. Voyez ces pieux folitaires qui s'abf- tiennent de tout ce qui a eu vie , qui par de faints motifs , renoncent aux dons du Créateur , fe privent de la parole , fuient la fociété , s'enferment dans des murs facrés contre lefquels fe brife îa Nature j confinés dans ces ailles , ou plutôt dans ces tombeaux vivans , où Ton ne refpire que la mort , le vifage morti- fié, les yeux éteints, ils ne jettent autour d'eux que des regards languifTans , leur vie femble ne fe foutenir que par efforts , ils prennent leur nourriture fans que le Hiiij 176 HlJIoire Naturelle, befoin ccfTe : quoique foutenu par îeur ferveur ( car Tétat de la tête fait à celui du corps) , ils ne réfîftent que pendant peu d'années à cette abftinence cruelle 5 ils vivent moins qu'ils ne meurent cha- que jour par une mort anticipée , & ne s'éteignent pas en finifTant de vivre, mais en achevant de mourir. Ainii,rabftin€nce de toute chair, loin de convenir à la Nature , ne peut que ia détruire : fi l'homme y étoit réduit, il nepourroît, du moins dans ces climats, ni fubfifter , ni fe multiplier. Peut-être cette diète feroit poiïible dans les pays méridionaux, où les fruits font plus cuirs, les plantes plus fubftantielles , les racines plus fucculentes , les graines plus nour- ries -, cependant les Brachmanes font plutôt une feâ:e qu'un peuple , & leur religion, quoique très -ancienne , ne s'eH: guère étendue au-delà de leurs écoles , & jamais au - delà de leur climat. Cette religion fondée fur la métaphy- fique , eft un exemple frappant du fort des opinions humaines. On ne peut pas douter , en ramafifant les débris qui nous reftent , que les fciences n'aient été très- 1 Les Animaux CamaJJîers, ijj anciennement cultivées, & perfedtionnées peut - être au - delà de ce qu elles le font aujourd'hui. On a fu avant nous que tous les êtres animés contenoient des molécules indeftrudibles , toujours vi- vantes , & qui palToient de corps en corps. Cette vérité , adoptée par les Phiiofophes , & enfuite par un grand nombre d'hommes , ne conferva fa pu- reté que pendant les iiècles de lumière ; une révolution de ténèbres ayant fuc- cédé 5 on ne fe fouvint des molécules organiques vivantes , que pour imaginer que ce qu'il y avoir de vivant dans Ta- nimal étoit apparemment un tout indef- trudible qui fe féparoit du corps après la mort. On appela ce tout idéal , une ame , qu'on regarda bientôt comme un être réellement exiftant dans tous les ani- maux^ & joignant à cet être fantaftique ridée réelle , mais défigurée , du paffage des molécules vivantes , on dit qu'après la mort cette ame paffbit fucceffivement & perpétuellement de corps en corps. On n'excepta pas l'homme ^ on joignit bientôt le moral au métaphyfique -, on ne douta pas que cet être furvivant ne Hv iy2 Hijloire Naturelle. confervât , dans fa tranfiiiigration , fes fentimens , fes afFedions , fes dcfirs : les têtes foibles frémirent ! Quelle horreur en effet pour cette ame , iorfqu'au fortir d'un domicile agréable , il falloir aller habiter le corps infedt d*un animal im- monde ? On eut d'autres frayeurs ( cha- que crainte produit fa fuperftition ) , on eut peur , en tuant un animal , d'égorger fa maîtrelle ou fon père ; on refpeda toutes les bêtes , on les regarda comme fon prochain -, on dit enfin qu'il falloit , par amour , par devoir , s'abftenir de tout ce qui avoit eu vie. Voilà l'origine & le progrès de cette religion , la plus ancienne du continent des Indes ^ origine qui indique allez que la vérité livrée à la multitude eft bientôt défigurée , qu'une opinion philofophique ne devient opi- nion populaire , qu'après avoir changé de forme *, mais qu'au moyen de cette préparation elle peut devenir une religion d'autant mieux fondée , que le préjugé fera plus général, & d'autant plus ref- pedée , qu'ayant pour bafe des vérités nîai entendues , elle fera nécelïairemcnt environnée d'obfcurités , & par confé- Les Animaux CarnaJJiers. ly^ quent paroîtra my-ftérieufe , augufte , in- conipréheiifible *, qu enfuite , la crainte fe mêlant au refped , cette religion dé- générera en fuperftitions , en pratiques ridicules, lefquelles cependant prendront racines , produiront des ufages qui feront d'abord fcrupuleurement fuivis , mais qui s'altérant peu à peu , changeront tellement avec le temps , que l'opinion même dont ils ont pris nailTance ne fe confervera plus que par de faufles tra^ dirions , par des proverbes , &: finira par des contes puériles & des abfurdités ; d'où l'on doit conclure que toute reli- gion fondée fur des opinions humaines eft fauffe & variable , & qu'il n'a jamais appartenu qu'à Dieu de nous donner la vraie religion , qui ne dépendant pas de nos opinions , eft inaltérable , conftante , & fera toujours la même. Mais revenons à notre fujet. L'abfti- nence entière de la chair ne peut qu'af- foiblir la Nature, L'homme, pour fe bien porter a, non- feulement befoin d'ufer de cette nourriture folide , mais même de la varier. S'il vent acquérir une vigueur Hvj I 8 o Hijloire Naturelle. complète , il faut qu'il choififTe ce qui iui convient le mieux*, & comme il ne peut fe maintenir dans un état adtif qu'en fe procurant des fenfations nouvelles , il faut qu il donne à Tes fens toute leur étendue , qu il fe permette la variété de mets comme celle des autres objets, & qu il prévienne le dégoût qu'occaiionne l'uniformité de nourriture j mais quil évite les excès , qui font encore plus nuilibles que Tabllinence. Les animaux qui n'ont qu'un eftomac & les inteflins courts , font forcés , comme . Thomme à fe nourrir de chair. On s'af- furera de ce rapport & de cette vérité en comparant au moyen des defcriptions , îe volume relatif du canal inteilinal dans les animaux carnaflîers & dans ceux qui ne vivent que d'herbes : on trouvera toujours que cette diftérence dans leur maaière de vivre dépend de leur con- formation 5 & qu'ils prennent une nour- riture plus ou moins folide , relativement à la capacité plus ou moins grande du magafm qui doit la recevoir. Cependant il n'en faut pas conclure Les animaux CamaJJïers. i 8 s que les animaux qui ne vivent que d'herbes , foient, par nécefîité phylique, réduits à cette feule nourriture , comme îes animaux carnaiïîers font , par cette même nécelîîté , forcés à fe nourrir de chair , nous difons feulement que ceux qui ont plufieurs eftomacs , ou des boyaux très- amples , peuvent fe paiTer de cet aliment fubftantiel & néceflaire aux autres -, mais nous ne difons pas qu'ils ne puffent en ufer , & que lî la Nature leur eût donné des armes , non- feulement pour fe défendre , mais pour attaquer & pour faifîr , ils n'en eulTent fait ufage & ne fe fuiîent bientôt ac- coutumés à la chair & au fang , puifque nous voyons que les moutons , les veaux , les chèvres , les chevaux , mangent avi- dement le lait 5 les œufs , qui font des nourritures animales , & que , fans être aidés de l'habitude , ils ne refufent pas la viande hachée & ailaifonnée de fel. On pourroit donc dire que le goik pour la chair & pour les autres nour- ritures folides eft l'appétit général de tous les animaux , qui s'exerce avec plus ou moins de véhémence ou de 1 8 2 Hijloire Naturelle. modération , feion la conformation par- ticulière de chaque animaî, puifqu'à pren- dre la Nature entière , ce même appétit fe trouve non - feulement dans l'homme & dans îes animaux quadrupèdes , mais aufîî dans ies oifeaux , dans les poifTons , dans les infedtes & dans les vers , auxquels en particulier il femble que toute chair ait été ultérieurement deftinée. La nutrition , dans tous les animaux , fe fait par les molécules organiques , qui 5 féparées du marc de la nourriture au moyen de la digeftion , fe mêlent avec le fang & s'affimilent à toutes ies parties du corps. Mais indépendamment de ce grand effet , qui paroît être le principal but de la Nature , & qui eft proportionnel à la qualité des alimens , ils en produifent un autre qui ne dépend que de leur quantité , c'eft-à-dire , de leur maflfe & de leur volume. Ueftomac & ies boyaux font des membranes fouples , qui forment au dedans du corps une capacité très - conlidérable *, ces mem- branes 5 pour fe foutenir dans leur état de tendon , & pour contre - balancer les forces des autres parties qui les avoi- Les Animaux CamaJJîers, 185 finenr, ont befoin d'être toujours remplies en partie : li , faute de prendre de ia nourriture , cette grande capacité fe trouve entièrement vide 5 les membranes n'étant plus foutenues au dedans, s'afFaifTent, fe rapprochent , fe collent Tune contre Tautre , & c'eft ce qui produit TafFaif- fement & la foiblefle , qui /ont les pre- miers fymptômes de l'extrême befoin. Les alimens , avant de fervir à la nutrition du corps 3 lui fervent donc de left , leur préfence , leur volume , eft néceflaire pour maintenir l'équilibre entre les parties intérieures qui agiflent & réagiflent toutes les unes contre les autres. Lorfqu'on meurt par la faim , c'eft donc moins parce que le corps n'eft pas nourri , que parce qu'il n eft plus lefté , aufîî les animaux , fur - tout les plus gour- mands , les plus voraces , lorfqu'ils font prefTés par le befoin, ou feulement avertis par la défaillance qu'occafionne le vide intérieur , ne cherchent qu'à le remplir , & avalent de la terre & des pierres : nous avons trouvé de la giaife dans l'eftomac d'un loup -, j'ai vu des cochons en 184 Hijloire Naturelle ^ &c. manger-, la plupart des oifeaux avaient des cailloux , &c. Et ce n'eil point par goût , mais par néceiïité , & parce que le plus prelVant neft pas de rafraîchir le fang par un chyle nouveau , mais de maintenir l'équilibre des forces dans les grandes parties de la machine animale^ I LE LOUP (a). LE Loup eft Tun de ces animaux dont Tappétit pour îa chair eft îe plus véhément -, & quoiqu'avec ce goût il ait ecu de la Nature les moyens de le fatis- ■aire , qu'elle lui ait donné des armes , le la rufe , de Tagilité , de la force , tout :e qui eft néceiTaire en un mot pour rouver, attaquer, vaincre, faifir, & dé- /orer fa proie , cependant il meurt fouvent le faim , parce que l'homme lui ayant îéclaré la guerre , l'ayant même profcrir ,^n mettant fa tête à prix, le force à fuir, i demeurer dans les bois , où il ne faj Le Loup , en Grec , Ai^xo? 5 en Latin , Lupus ; n Italien , Lupn ; en Efpagnol , Lobo ; en Allemand , Volff ; en Anglois , Wolf ; en Suédois , Ulfi en 'olono's, Wil^' Lupus i Gefner. Icon, animal, quadr. pag. 75. Lupus, Ray. Synopf. animal, quadr. p. 275. Canis caudâ redâ , corpore fcrfvzorf. Linn, edit. IV. "^anis caudâ incurva, edit. VI. Lupus vulgaris, Klein. Hijî. nat. quadr. p. 70, Canis ex grifeo fiavefcens. Lupus vulgaris. BriiTon. \eg, animal, p. 2^5. ï%6 Hijloire Naturelle trouve que quelques animaux fauvage qui iui échappent par la vîtefTe de leu courfe , & qu'il ne peut furprendre qu( par hafard ou par patience , en le attendant !ong - temps , & fouvent ei vain 5 dans les endroits où ils doiven paffer. Il efl naturellement grolîîer é poltron 5 mais il devient ingénieux pa belbin , & hardi par néce/îîte *, preffé pa îa famine, il brave le danger , vient atta quer les animaux qui font fous la gard de Thomme , ceux fur - tout qu'il pet emporter aifément , comme les agneaux les petits chiens , les chevreaux -, & lorj que cette maraude lui réulîît , il revier fouvent à la charge , jufqu'à ce qu'ayar été bleffé ou challé & maltraité par k hommes & les chiens, il fe recèle pendar îe jour dans fon fort , nen fort qu la nuit , parcourt la campagne , rôd . autour dts babîtatîons, ravit les animau i abandonnés , vient attaquer les bergeries gratte & creufe la terre fous les portes entre furieux , met tout à mort avan de choiiîr & d'emporter fa proie. Lor{ que ces courfes ne lui produifent rien il retourne au fond des bois , fe met ei du Loup. I 87 lête , cherche ," fuit à la pifte , chafTe , 311 r fuit les animaux fauvages , dans ^fpérance qu'un autre loup pourra les rêter , les faifir dans leur fuite , & l'ils en partageront la dépouille. Enfin , rfcfue le befoin efl: extrême , il s'expofe toiit , il attaque les femmes & les enfans , jette même quelquefois fur les hommes , îvient furieux par ces excès , qui lillent ordinairement par la rage & la ort. Le Loup, tant à Textérieur qu'à l'in- cieur , relfemble G fort au chien , qu'il îroit être modelé fur la même forme*, ;pendanr ii n otfre tout au plus que le •vers de t'empreinte , & ne préfente les êmes caractères que fous une face itièrement oppofée : lî la forme efl: mbiable , ce qui en réfulte eft bien )ntraire -, le naturel eft li différent ^ que )n- feulement ils font incompatibles , ais antipathiques par nature , ennemis ir inftindt. Un jeune chien friiTonne i premier afpeâ: du loup , il fuit à )deur feule , qui , quoique nouvelle , iconnue , lui répugne fî fort , qu'il :ent en tremblant ie ranger entre les I I 8 8 Hijloire Naturelle jambes de Ton maître : un mâtin qi ( connoît Tes forces fe hérifTe , s'indigne l'attaque avec courage , tâche de le mett: en fuite, & fait tous Tes eftorts pour délivrer d'une préfence qui lui eft odieuf( jamais ils ne fe rencontrent fans fe fuir ( fans combattre , & combattre à outranc jufqu'à ce que la mort fuive. Si le loi eft le plus fort , il déchire , il dévore proie \ le chien , au contraire , plus ^ néreux , fe contente de la vidloire , & i trouve pas que le corps d'un ennemi rm fente bon ^ il l'abandonne pour fervir ( pâture aux corbeaux , & même ai autres loups \ car ils s'entredévorent , îorfqu'un loup eft grièvement blefTé , 1 autres le fuivent au fang & s'attroupe pour l'achever. Le chien , même fauvage , n eft p d'un naturel farouche j il s'apprivoi iiifémenr , s'attache & demeure fidèle fon maître. Le loup pris jeune fe privt mais ne s'attache point , la nature efl pi forte que l'éducation , il reprend avi l'âge fon caradère féroce, & retourne dès qu'il le peut , à fon état fauvag Les chiens , même les plus groflîers du Loup, 189 icrchent la compagnie des autres anr- aux -, ils font naturellement portés à 5 fuivre , & à les accompagner , & c'eft r inftincfl: feul & non par éducation l'ils favent conduire & garder les trou- aux. Le loup efl: au contraire Tennemi toute fociété , il ne fait pas même mpagnie à ceux de Ton efpèce : lorf- 'on les voit plulieurs enfemble , ce îft point une fociété de paix , c'eft un roupement de guerre , qui fe fait à and bruit avec des hurlemens affreux , qui dénote un projet d'attaquer quel- e gros animal , comme un cerf, un ;uf , ou de fe défaire de quelque re- utable mâtin. Dès que leur expédition litaire eft confommée , ils fe féparent retournent en filence à leur folitude. nj a pas même une grande habitude :re le mâle & la femelle -, ils ne fe îrchent qu'une fois par an , & ne meurent que peu de temps enfemble. îft en hiver que les louves deviennent chaleur : plulieurs mâles fuivent la me femelle , & cet attroupement eft :ore plus fanguinaire que le premier -, • ils fe la difputent cruellement , ils iço Hijloire Naturelle grondent , ils frémiffent , ils fe battent ils fe déchirent , & il arrive fouvent qui mettent en pièces celui d'entr'eux qu el a préféré. Ordinairement elle fuit Ion temps , lalTe tous fes afpirans , & dérobe , pendant qu ils dorment , av ie plus alerte ou le mieux aimé. La chaleur ne dure que douze « quinze jours , & commence par les pi vieilles louves , celle des plus jeun n'arrive que plus tard. Les mâles no point de rut marqué , ils pourroie s'accoupler en tout temps -, ils paflc fucceffivement de femelles en feniel: à mefure qu elles deviennent en état les recevoir •> ils ont des vieilles à la de décembre , Se finiffent par les jeur au mois de février 8c au commencent de mars. Le temps de la geftation ^ d*environ trois mois & demi (bj^ & T trouve des louveteaux nouveaux -i depuis la fin d'avril jufquau mois juillet. Cette différence dans la durée ïa geftation entre les louves, quiport< plus de cent jours , & les chiens , ( CbJ Voyez le nouveau traité de Vénerie. Par du Loup. 191 en portent guère plus de foixante , couve que le loup & le chien , déjà fi îftérens par le naturel , le font auflî par ' tempérament & par Tun des prin- paux réfultats des fondions de Téco- Dmie animale. Auflî le loup & le chien ont jamais été pris pour le même animal je par les nomenclateurs en hiftoire iturelle , qui ne connoififant la Nature je fuperficiellement, ne la confidèrent mais pour lui donner toute fon étendue, ais feulement pour la reflerrer & la duire à leur méthode , toujours fautive , fouvent démentie par les faits. Le lien & la louve ne peuvent ni s'ac- lupler (c)jy m produire enfemble , il n'y pas de races intermédiaires entr'eux -, ils nt d'un naturel tout oppofé , d'un tem- :rament différent *, le loup vit plus long- mps que le chien , les louves ne portent l'une fois par an , les chiennes portent !ux ou trois fois. Ces différences lî arquées font plus que fufïîfantes pour :montrer que ces animaux font d'efpèces ez éloignées : d'ailleurs, en y regardant ''cj Voyez les expériences que j'ai faites à ce fujer, . I. quadr, de cet ouvrage, à l'article du chien. 19 2 Hijîoire Naturelle de près , on reconnoît aifément que même à l'extérieur, le loup diffère d chien par des caradères elTentiels & con tans. L'afped de la tête eft différent la forme des os Teft aufTi -, le loup a ] cavité de rœil obliquement pofée , Torbit inclinée , les yeux étincelans , brillar pendant la nuit j il a le hurlement s lieu de Taboiement , les mouvemei difîérens , la démarche plus égale , pli uniforme , quoique plus prompte & pli précipitée , le corps beaucoup plus fo & bien moins fouple fdjj les membr plus fermes , les mâchoires & les den plus groiles -, le poil plus rude Se pi) fourré. Mais ces animaux fe reiTemblent bea coup par la conformation des parties i térieures. Les loups s'accouplent comn îes chiens -, ils ont comme eux la ver|' ofTeufe & environnée d'un bourlet q fdj Ariftote a dit mal-à-propos que le Loup av dans le cou un feul os continu ; le loup a , comi le chien 2c comme les autres animaux quadrupède plufieurs vertèbres dans le cou , 6c il peut le fiéci & le plier de la même façon : on trouve fculerat quelquefois une des vertèbres lombaires adhérente à vertèbre voillne. du Loup. 193 fe gonfle & ies empcche de fe féparer. Lorfque les louves font prêtes à mettre bas, elles cherchent au fond du bois un fort 5 un endroit bien fourré , au milieu duquel elles applanilTent un efpace allez conlidérable en coupant , en arrachant les épines avec les dents *, elles y ap- portent enfuite une grande quantité de moulTe 5 & préparent un lit commode pour leurs petits -, elles en font ordinai- rement cinq ou lix, quelquefois fept, huit & même neuf , & jamais moins de trois -, ils nailTent les yeux fermés comme les chiens, la mère les allaite pen- dant quelques lemaines & leur apprend bientôt à manger de la chair qu'elle leur prépare en la mâchant. Quelque temps après elle leur apporte des mulots, à^s [evreaux, des perdrix, des volailles vi- vantes -, les louveteaux commencent par jouer avec elles & iiniffent par les étran- gler, la louve enfuite les déplume, les écorche, les déchire," & en donne une part à chacun. Ils ne fortent du fort, où ils ont pris nailTance , qu'au bout de (ix femaines ou deux mois s ils fui- vent alors leur mère qui les mène boire Tome IL Quadrupèdes, ] 194 Hijîoire Naturelle dans quelque tronc d'arbre ou à quel- que mare voifine -, elle les ramène au gîte , ou les oblige à fe receler ailleurs lorfqu'elle craint quelque danger. Us la fuivent ain(î pendant plufieurs mois. Quand on les attaque , elle les défend de toutes Tes forces , & même avec fu- reur : quoique dans les autres temps elle foit , comme toutes les femelles , plus timide que le mâle ', lorfqu'elle a des petits , elle devient intrépide , femble ne rien craindre pour elle , Se s'expofe à tout pour les fauver : aulîî ne l'aban- donnent-ils que quand leur éducation çft faite , quand ils fe fentent allez forts pour n'avoir plus befoin de fecours , c'eft ordinairement à dix mois ou un an, lorf- qu ils ont refait leurs premières dents , qui tombent à fix mois (^e ) , & lorfqu'ils ont acquis de la force , des armes Se des talens pour la rapine. Les mâles & les femelles font en état d'engendrer à Tâge d'environ deux ans. Il eft à croire que les femelles , comme clans prefque toutes les autres efpèces, fej Voyez la Vénerie de du Fouilloux. Paris , idi^^ gage zoo , verfo. du Loup. ipj- font à cet égard plus précoces que les mâles : ce qu il 7 a de fur, c'efl qu'elles ne deviennent en chaleur tout au plus tôt qu'au fécond hiver de leur vie , ce qui fuppofe dix -huit ou vingt mois d'âge, & qu'une louve que J'ai fait élever n'eft entrée en chaleur qu'au troiiième hiver, c'eft-à-dire, à plus de deux ans & demi. Les chadèurs (fj alTurent que dans toutes ies portées il y a plus de mâles que de femelles \ cela confirme cette obfervation qui paroît générale , du moins dans ces climats , que dans toutes les efpèces , à commencer par celle de l'homme , la Nature produit plus de mâles que de femelles. Ils drfent aûffi qu'il y a des loups qui dès le temps de la chaleur s'at- tachent à leur femelle, l'accompagnent toujours jufqu'à ce qu'elle foit fur le 1p point de mettre bas -, qu'alors elle fe dé- robe , cache foigneufement fes petits , de peur que leur père ne les dévore en nailTant -, mais que lorfqu'ils font nés , il prend de l'affedion pour eux , leur apporte à manger , & que fi ia mère CfJ Voyez le uouveau Traité de la Véneiie , ic)6 Hîfcoire Naturelle vient à manquer, il la remplace & eu prend foin comme elle. Je ne puis apu- rer ces faits , qui me paroifîent même un peu contradidloires. Ces animaux qui font deux ou trois ans à croître , vivent quinze ou vingt ans *, ce qui s'accorde encore avec ce que nous avons obfervé fur beau- coup d'autres efpèces , dans lefquelles îe temps de raccroiffement fait la fep- tième partie de la durée totale de la vie. Les loups blanchiment dans la vieillefTe , ils ont alors toutes les dents ufées. Ils dorment lorfqu ils font raffafiés ou fati.< gués 5 niais plus le jour que la nuit, & toujours d'un fommeii léger *, ils boivent fréquemment , & dans les temps de féchereiîe , lorfqu'il n'y a point d'eau dans les ornières ou dans les vieux troncs d'arbres , ils viennent plus d'une fois par jour aux mares & aux ruiffeaux. Quoique très-voraces, ils fupportent aifément la diète •, ils peuvent paiïer quatre ou cinq jours fans manger , pourvu qu'ils ne manquent pas d'eau. Le loup a beaucoup de force , fur- tout dans les parties antérieures du corps, 'dans les mufcles du cou & de la n4- du Loup. 197 choire. II porte avec fa gueule un mou- ton, fans le laifïer toucher à terre. Se court en même temps plus vite que les bergers , en forte qu'il n 7 a que îes chiens qui puiflent l'atteindre & lui faire lâcher prife. Il mord cruellement , & toujours avec d'autant plus d'acharne- ment qu'on lui ré(îll:e moms j car il prend des précautions avec les animaux qui peuvent fe défendre. Il craint pour lui, & ne fe bat que par iiéceffité, & jamais par un mouvement de courage : [orfqu'on le tire & que la balle lui calTe [fuelque membre il crie , & cependant orfqu'on l'achève à coups de bâton, il le fe plaint pas comme le chien -, il eft dIus dur, moins fenfible, plus robufte j 1 marche, courte rôde des jours entiers Se des nuits -, il efl infatigable , & c'eft 3eut-être de tous les animaux le plus iifïicile à forcer à la courfe. Le chien îft doux & courageux -, le loup , quoique •éroce , efl timide. Lorfqu'il tombe dans m piège, il eft ii fort & il long -temps épouvanté , qu'on peut ou le tuer fans qu'il e défende , ou le prendre vivant fans qu'il •élifle 3 on peut lui mettre un collier , liij 198 Hijloire Naturelle Tenchaiçer , le mufeîer, le conduire eti- fuite par- tout ou Ton veut fans qu'il ofe donner le moindre ligne de colère ou même de mécontentement. Le loup a les fens très- bons , l'œil , Toreille , & fur - tout l'odorat , il fent fouvent de plus loin qu'il ne voit : l'odeur du carnage l'attire déplus d'une lieue -, il fent aufîî de loin les ani- maux vivans , il les challe même alTez long -temps en les fuivant aux portées. Lorfqu'il veut fortir du bois, jamais il ne manque de prendre le vent -, il s'arrête fur la lifière, évente de tous côtés, & reçoit ainfi les émanations des corps morts ou vivans que le vent lui apporte de loin. Il préfère la chair vivante à la morte , & cependant il dévore les voieries les plus infectes. Il aime la chair hirmaine , & peut-être, s'il étoit le plus fort , n'en mangeroit - il pas d'autre. On a vu des loups fuivre les armées , arriver en nombre à des champs de bataille 011 Ton n'avoit enterré que négligemment les corps , les découvrir , les dévorer avec une infatiable avidité, & ces mêmes loups, accoutumés à la chair humaine , fe jeter enfuite fur les hommes , attaquer le du Loup, 199 berger plutôt que le troupeau , dévorer des femmes , emporter des enfans , &c. L'on a appelé ces mauvais loups , loups garoux (g):, c'eft-à-dire, loups dont il faut fè garer. On eft donc obligé quelquefois dar- mer tout un pays pour fe défaire d^s loups. Les Princes ont des équipages pour cette chaffe , qui n eft point défa-> gréable, qui eft utile, & même nécef- îaire. Les chafteurs diftinguent les loups ^n jeunes loups iVieux loups. Se grands vieux loups ; ils les connoiflent par les pieds , c*eft- à - dire , par les voies , les traces qu'ils iaiiïent fur la terre : plus le loup eft âgé , plus il a le pied gros j la louve Ta plus long & plus étroit , elle a aufîî le talon plus petit & les ongles plus minces. On a befoin d\m bon limier pour la quête du loup , il faut même Tanimer , Ten- courager , lorfqu'il tombe fur la voie 5 car tous les chiens ont de la répugnance pour le loup , & fe rabattent froidement. Quand le loup eft détourné, on amène les lévriers qui doivent le chafter , on les partage en deux ou trois laiiTes , on n en CpJ Voyez la chaffe du loup de Gafton Phœbus, liiij 2 00 Hijïoire Naturelle garde qu une pour le lancer > & on mène les autres en avant pour fervir de relais. On lâche donc d'abord les premiers à fa fuite 5 un homme à cheval les appuie -, on lâche les féconds à fept ou huit cents pas plus loin , lorfque le loup eft prêt à pafTer, & enfuite les troifièmes lorfque les autres chiens commencent à le joindre & à le harceler. Tous enfemble le rédui- sent bientôt aux dernières extrémités , 8c le veneur l'achève en lui donnant un coup de couteau. Les chiens n ont nulle ardeur pour le fouler , & répugnent il fort à manger de fa chair j qu'il faut la préparer & TalTaifonner lorfqu'on veut leur en faire curée. On peut auffi le chalTer avec des chiens courans -, mais comme il perce toujours droit en avant 6c qu'il court tout un jour fans être rendu , cette chaffe efl: ennuyeufe , h moins que les chiens courans ne foient foutenus par des lévriers qui le faififï'ent. le harcèlent , 8c leur donnent le temps de l'approcher. Dans les campagnes 5 on fait des bat- tues à force d'hommes 8c de mâtins, on tend des pièges, on préfenre des appâts > du Loup, 201 3n fait des fofTes , on répand des boulettes împoifonnées •, tout cela n'empêche pas jue ces animaux ne foient toujours en nême nombre , fur -tout dans les pays où l y a beaucoup de bois. Les Anglois )rétendent en avoir purgé leur île, ce- )endant ou m'a afTuré qu'il y en avoit n EcofTe. Comme il y a peu de bois lans la partie méridionale de la Grande- Bretagne 5 on a eu plus de facilité pour es détruire. La couleur & le poil de ces animaux :hangent fuivant les diiférens climats, & varient quelquefois dans le même pays. 3n trouve en France & en Allemagne , )Utre les loups ordinaires , quelques loups i poil plus épais & tirant fur le jaune. Des loups plus fauvages & moins nui- ibles que les autres, n'approchent jamais li des maifons , ni des troupeaux , 8c )Q vivent que de chafTe & non pas de apine. Dans les pays du nord , on en rouve de tout blancs & de tout noirs j :es derniers font plus grands & plus •orts que les autres. L'efpèce commune ^ très -généralement répandue, on l'a Iv 20 2 Hijloire Naturelle trouvée en A(îe (h)^ en Afrique (l) 8c en Amérique (k)commç: en Europe. Les loups du Sénégal (l) reiTemblent à ceux de France, cependant ils font un peu plus gros , &: beaucoup plus cruels -, ceux d'Egypte font plus petits que ceux de Grèce (m). En Orient, &: fur -tout eni Perfe , on fait fervir les loups à des fpec- tacles pour le peuple ( n) ; on les exerce de jeunefle à la danfe, ou plutôt à une efpèce de lutte contre un grand nombre dliommes. On achette jufqu'à cinq ; cents écus, dit Chardin , un loup bien (hj Voyez le Voyage de Pietro délia Valle. Kouett. *745 > Vol. I V, pages ^ & 5. ( i ) Voyez l'Hiftoire générale des voyages , pai M. l'abbé Prévôt , Tome V,page8£. (k) Voyez le Voyage du P. Leclercq. Varis iG^i , pages /f88 & ^^9- ( l ) ^Q-^t% l'Hiftoire générale d«s voyages pa; M. l'abbé Prévôt, Tome 111 , page sS^. Voyez aufï le voyage du fieur le Maire au.< îles Canaries, Caj verd , Sénégal, 5cc. Paris, i(>!j5,page zoo. (mj Vide Ariftor. Uijl. animal, lib. VIII , cap. zg, CnJ Voyez le Voyage de Cliardin. Londres , i€S6, jyage 29 1. Voyez auffi le voyage de Pietro délia Valle. Rouen, 77425, Vol. IV, f^g^ ^. du Loup. 20 5 drefTé àla Janfe. Ce fait prouve au moins qu'à force de temps & de contrainte ces animaux font fufceptibles de quelque efpèce d'éducation. J'en ai fait élever & nourrir quelques-uns chez moi : tant qu ils font jeunes, c*eft-à-dire, dans ia première & ia féconde année, ils font alTez dociles, ils font même careffans, & s'ils font bien nourris , ils ne fe jettent ni fur la volaille , ni fur les autres animaux *, mais à dix -huit mois ou deux ans ils re- viennent à leur naturel, oneft obligé de les enchaîner pour les empêcher de s'en- fuir & de faire du mal. J'en ai eu un qui ayant été élevé en toute liberté dans une balTe-cour avec des poules pendant dix -huit ou dix- neuf mois , ne les avoir jamais attaquées , mais pour fon coup d'effai , il les tua toutes en une nuit fans en manger aucune -, un autre qui ayant rompu fa chaîne à l'âge d'environ deux ans, s'enfuit après avoir tué un chien avec îequelil étoit familier -, une louve que j'ai gardée trois ans, & qui quoiqu'enfermée toute jeune & feule avec un mâtin de même âge dans une cour affez fpacieufe, n'a pu pendant tout ce temps s'accoutumer Iv) 2 04 Hijîoire Naturelle , &c. à vivre avec lui , ni le fouffrir , même quand elle devint en chaleur. Quoique plus foible , elle étoit la plus méchante , elle provoquoit , elle attaquoit , elie mor- doit le chien , qui d'abord ne fit que fe défendre, mais qui finit par l'étrangler. Il ny a rien de bon dans cet animal que fa peau -, on en fait des fourrures groiTières, qui font chaudes & durables. Sa chair efl il mauvaife, qu'elle répugne à tous les animaux, & il n'y a que le loup qui mange volontiers du loup. Il exhale une odeur infeéte par la gueule : comme pour afiTouvirTa faim, il avale indiftinde- ment tout ce qu'il trouve , des chairs cor- rompues , des os, du poH, des peaux à demi tannées & encore toutes couvertes de chaux, il vomit fréquemment, & fe vide encore plus fouvent qu'il ne fe remplit. Enfin , défagréable en tout , la mine bafife, i'afpeâ: fauvage , la voix effrayante, l'o- deur infupportable, le naturel pervers^ les mœurs féroces, ileft odieux, nuihbie de Ton vivant, inutile après fa mort. 205 LE RENARD (a). J_jE Renard eft fameux par Tes rufes , & mérite en partie fa réputation -, ce que le loup ne fait que par la force , il le fait par adreile , & réufîît plus fouvent. Sans chercher à combattre les chiens ni les bergers , fans attaquer les troupeaux, fans traîner les cadavres , il eft plus fur de vivre. Il emploie plus d'efprit que de mouvement , fes ref- fources femblent être en lui-même : 'e font , comme Ton fait , celles qui aianquent le moins. Fin autant que cir- confpeâ:, inginieux & prudent, mêmiC jufqu à la patience , il varie fa conduite , fa) Le Renard î en Grec , aV^tmI ; en Latin > Viilpes ; en Iralien , Volpe ; en Efpagnol , Rapofa ; en Allemand, Fitchjf ; tn An^o'is ,Fox i en Suédois, Raef-, en Polonuis , Lif^ka. 'Vulpes Gefner. Icon. animal, quadr.pag. 8S, Viilpes Ray. Synopf. animal, quadr. pag lyj . Canis caiidâ reciâ. Linnxus. Vulpes viilgaris. Klein. Hijî. Nat. quadr. pag. 7?, Cajiis fulviis , pileis cinereis intermixtis, Briffon. Regn. animal, pag. 2^^, 106 Hijîoire Naturelle H a des moyens de réferve qu'il fait n'empioyer qu'à propos. Il veille de près à fa confervation *, quoiqu'aufïi infatigable , & même plus léger que le loup 5 il ne fe fie pas entièrement à la vîtelTe de fa courfe , il fait fe mettre en fureté en fe pratiquant un afyle ou il fe retire dans les dangers prefTans 5 ou il s'établit 5 où il élève fes petits : il n'efl: point animal vagabond , mais animal domicilié. Cette différence , qui fe fait fentir même parmi les hommes , a de bien plus grands effets , & fuppofe de bien plus grandes caufes parmi les animaux. L'idée feule du domicile préfuppofe une attention Singulière fur foi- même; enfuite le choix du lieu. Fart de faire fon manoir , de le rendre commode , d'en dérober l'entrée , font autant d'in- dices d'un fentiment fupérieur. Le re- nard en eft doué, & tourne tout à fon profit \ il fe loge au bord des bois , à portée des hameaux -, il écoute le chant des coqs & le cri des volailles -, il les favoure de loin , il prend habilement fon temps , cache fon defTein & fa/ du Renard. 207 marche , fe glifTe , Te traîne , arrive , & fait rarement des tentatives inutiles. S'il peut franchir les clôtures , ou palTer par- delTous , il ne perd pas un inftant , il ra- vage la bafTe-cour, il y met tout à mort, fe retire enfuite leftement en emportant fa proie , qu'il cache fous la moulfe , ou porte à fon terrier -, il revient quelques momens après en chercher une autre, qu'il emporte & cache de même , mais dans un autre endroit , enfuite une troi- fîème 5 une quatrième , &c. jufqu'à ce que le jour ou le mouvement dans la maifon l'avertilTe qu'il faut fe retirer & ne plus revenir. Il fait la même ma- nœuvre dans les pipées & dans les boquetaux 011 l'on prend les grives & les bécaifes au lacet *, il devance le pipeur , va de très- grand matin, & fouvent plus d'une fois par jour, viiiter les lacets , les gluaux , emporte fucceiîivement les oi- feaux qui fe font empêtrés , les dépofe tous en ditiérens endroits , fur - tout au bords des chemins , dans les ornières , fous de la moufle , fous un genièvre , les y lailTe quelquefois deux ou trois jours , & fait parfaitement les retrouver au befoin. 2o8 Hijloire Naturelle Il chaiïe les jeunes levreaux en pîaîne , faifit quelquefois les lièvres au gîte , ne les manque jamais lorfqu ils font bleffés , déterre les ïapreaux dans les garennes , découvre les nids de perdrix , de cailles , prend la mère fur les œufs , & détruit une quantité prodigieufe de gibier. Le îoup nuit plus au payfan , le renard nuic plus au gentilhomme. La chaiTe du renard demande moins d'appareil que celle du loup -, elle eO; plus facile & plus amufante. Tous les chiens ont de la répugnance pour le loup 5 tous les chiens au contraire , chaf- fent le renard volontiers , & même avec plaifîr -, car quoiqu'il ait Todeur très- forte , ils le préfèrent fouvent au cerf , au chevreuil & au lièvre. On peut le chaffer avec des balTets , des chiens courans , des briquets : dès qu'il fe fent pourfuivi , il court à fon terrier j les bafïets à jambes torfes font ceux qui s'y glilTent le plus aiféraent : cette manière eft bonne pour prendre une portée en- tière de renards, la mère avec les petits*, pendant qu'elle fe défend & combat les baffets, on tâche de découvrir le terrier du Renard. 209 par-deiïus, & on la tue ou on ïa faiiTt vivante avec des pinces. Mais comme les terriers font fouvent dans des rochers , fous des troncs d'arbres , & quelquefois trop enfoncés fous terre , on ne réuiîît pas toujours. La façon la plus ordinaire, la plus agréable & la plus fûre de chafïer îe renard, eil: de commencer par bou- cher les terriers : on place les tireurs à portée y on quête alors avec les briquets *, dès qu ils font tombés fur la voie , le renard gagne fon gîte , mais en arrivant il effuie une première décharge : s'il échappe à la balle , il fuit de toute fa vîteiTe, fait un grand tour, & revient encore à fon terrier, ou on le tire une féconde fois , & où trouvant l'entrée fermée, il prend le parti de fe fauver au loin en perçant droit en avant pour ne plus revenir. C'eft alors qu'on fe fert des chiens courans , lorfqu'on veut le pourfuivre : il ne laiflera pas de les fatiguer beaucoup , parce qu'il palïe à delïein dans les endroits les plus fourrés, où les chiens ont grand peine aie fuivre, & que quand il prend la plaine il va très -loin fans s'arrêter. lîo Hijloïre Naturelle Pour détruire îes renards , il eft en«ore plus commode de rendre des pièges, où Ton met de la chair pour appât , un pigeon 5 une volaille vivante , &c. Je fis un jour fufpendre à neuf pieds de hauteur fur un arbre , les débris d'une halte de chafife , de la viande , du pain, des os j dès la première nuit les renards s'étoient ii fort exercés à fauter , que le terrein autour de Tarbre étoit battu comme une aire de grange. Le renard eft aufîî vorace que carnaiïier \ il mange de tout avec une égale avidité, des œufs, du lait 5 du fromage , des fruits , & fur- tout des raifins : lorfque les levreaux & les perdrix lui manquent , il fe rabat fur les rats, les mulots , les ferpens, les lézards, les crapauds, &c. il en détruit un grand nombre ; c'eft-là le feul bien qu il procure. Il eft très -avide de miel, il attaque les abeilles fauvages, les guêpes, îes frelons , qui d'abord tâchent de le mettre en fuite , en le perçant de mille coups d'aiguillon j il ^e retire» en eflet, Kiais c eft en fe roulant pour les écrafer , & il revient fi fouvent à la charge, quil les oblige à abandonner le guêpier -, alors du Renard. 1 1 1 l le dérerre & en mange le miel & la ire. Il prend au(îî les hérilTons , les oiile avec Tes pieds , & les force à 'étendre. Enfin , il mange du poifTon , les écrevilTes , des hannetons , des fau- erciles, &c. Cet animal relTemble beaucoup au hien , fur -tout par les parties intérieures j ependant il en diffère par la tête , qu'il . plus grolTe à proportion de fon corps \ l a aulîî les oreilles plus courtes , la [ueue beaucoup plus grande , le poil )lus long & plus touftu 5 les yeux plus nclinés -, il en diftère encore par une «nauvaife odeur très -forte qui lui efl particulière , & enfin par le caradèère ie dIus elTentiel , par le naturel *, car il ne i'apprivoife pas aifément, & jamais tout- i-fait : il languit lorfqu'il n a pas la liberté j & meurt d'ennui quand on veut le gar- der trop long -temps en domefticité. Il le s'accouple point avec la chienne ( b) ; s'ils ne font pas antipathiques , ils font au moins indifférens. Il produit en moindre nombre , & une feule fois par (bj Voyezies expériences que j'ai faites à ce fujet, jqI. I, de cet ouvrage , article du Chien. -m 2 12 Hijloire Naturelle an -, les portées font ordinairement de quatre ou cinq , rarement de fix 5 & jamais moins de trois. Lorfque la femelle eft pleine , elle fe recèle , fort raremeni de fon terrier , dans lequel elle prépare un lit à fes petits. Elle devient en chaleui en hiver , & Ton trouve déjà de petit; renards au mois d'avril : lorfqu'elle s'a perçoit que fa retraite eft (découverte : & qu'en fon abfence fes petits ont ét( inquiétés , elle les tranfporte tous les un; après les autres, & va chercher un autre domicile. Ils naiiTent les yeux fermés , iîî font, comme les chiens, dix -huit moi" ou deux ans à croître , & vivent de même treize ou quatorze ans. Le renard a les fens auffi bons que î« loup , le fentiment plus fin , & Torgane de la voix plus fouple & plus parfait. Le loup ne fe fait entendre que pai des hurlemens aftreux , le renard glapit . aboie , & pouffe un fon trifle , fembiabïe au cri du paon -, il a des tons différenî félon les fentimens difîérens dont il efi afïedé -, il a la voix de la chafTe , l'accent du defir , le fon du murmure , le ton plaintif de la triilêfTej le cri de la douleur. du Renard. 2 r 5 'uil ne fait jamais entendre qu'au ir.o- .lent où ïi reçoit un coup de feu qui À cafTe quelque membre *, car ii ne crie 'oint pour toute autre blelTure , & il i laifTe tuer à coups de bâton , comme i loup, fans fe plaindre, mais toujours n fe défendant avec courage. Il mord angereufement , opiniâtrement , & Ton fl; obligé de fe fervir d'un ferrement u d'un bâton pour le faire démordre, on glapilTement eft une efpèce d'a- oiement qui fe fait par des fons fem- lables & très ■ précipités. Ceft ordinai- ^ment à la fin du glapilTement qu'il onne un coup de voix plus fort , plus levé , & femblable au cri du paon. En iver , fur - tout pendant la neige & \ gelée 5 il ne ceffe de donner de la oix 5 & il eft au contraire prefque uiet en été. Ceft dans cette faifon que DU poil tombe & fe renouvelle s l'on lit peu de cas de la peau des jeunes enards , ou des renards pris en été. La hair du renard eft moins mauvaife que elle du loup , les chiens & mêmes les lOmmes en mangent en automne , fur- DUt iorfqu'il s'eft nourri & engrailTé a 14 HlJIoire Naturelle de raifins , & fa peau d'hiver fait d bonnes fouraires. Il a le fommeil prc fond , on Tapproche aifément fans l\ veiller : lorfqu'il dort , il fe met en ron comme les chiens *, mais lorfqu'iî ne fa que fe repofer , il étend les jambes d derrière Se demeure étendu fur le ventre c'eft dans cette pofture qu'il épie 1* oifeaux le long des haies. Ils ont poi lui une ii grande antipathie , que d qu'ils l'aperçoivent ils font un petit c d'ave rtilTem en t -, les geais , les merl fur-tout le conduifentdu haut des arbre répètent fouvent le petit cri d'avis , & fuivent quelquefois à plus de deux ( trois cents pas. J'ai fait élever quelques renards pi jeunes : comme ils ont une odeur tri forte 5 on ne peut les tenir que dans d lieux éloignés , dans des écuries , d érables , où l'on n'eft pas à portée ( les voir fouvent *, Se c'efl: peut-être p cette raifon qu'ils s'apprivoilent moi que le loup , qu'on peut garder pi près de la maifon. Dès l'âge de cii à fîx mois les jeunes renards couroie après les canards & les poules , Se il fall du Renard, 2 r 5 es enchaîner. J'en fis garder trois pendant [eux ans , une femelle & deux mâles : m tenta inutilement de les faire ac- oupler avec des chiennes -, quoiqu'ils 'eullent jamais vu des femelles de leur fpèce 5 & qu ils parurent prelTés du efoin de jouir , ils ne purent s'y dé- îrminer , ils refusèrent conftamment )utes les chiennes -, mais dès qu'on rur préfenta leur femelle légitime , ils i couvrirent quoiqu'enchaînés' , & elle l'oduifît quatre petits. Ces mêmes re- ards qui fe jetoient fur les poules lorf- u'ils étoient en liberté , n'y touchoient lus dès qu'ils avoient leur chaîne : on tachoit fouvent auprès d'eux une poule ivante , on les laiiloit paifer la nuit ifemble , on les faifoit m.ême jeûner iparavant ^ malgré le befoin & la corn- odité,ils n'oublioient pas qu'ils étoient ichaînés , & ne touchoient point à la Duie. Cette efpèce eft une des plus fujettes IX influences du climat , & l'on y cuve prefque autant de variétés que ans les efpèces d'animaux domefliques. a plupart de nos renards font roux , 21 6 Hifioire Naturelle mais il s'en trouve auffi dont le poil efi gris- argenté-, tous deux ont le bout de h queue blanc. Les derniers s'appellent er Bourgogne , renards charbonniers j para qu ils ont les pieds plus noirs que le autres. Ils paroiilent auffi avoir le corp plus court , parce que leur poil eft plu fourni. Il y en a d'autres qui ont le corp réellement plus long que les autres , ^ qui font d'un gris-fale , à peu près d la couleur des vieux loups \ mais je n puis décider fi cette différence de couler efl une vraie variété , ou ii elle ne produite que par l'âge de l'animal qi peut-être blanchit en vieilliffant. Dai les pays du nord il y en a de tout< couleurs , des noirs , des bleus , d( gris , des gris - de - fer , des gris -argentéi des blancs , des blancs à pieds fauves des blancs à tête noire , des blancs av< le bout de la queue noir , des roi avec la gorge & le ventre entièreme blancs , {ans aucun mélange de noir 5^ enfin des croifés qui ont une ligne noi le long de l'épine du dos , & une aut ligne noire fur les épaules , qui traver la première : ces derniers font plus gram du Renard, 2 i 7 que les autres , & ont ia gorge noire. Ûefpcce commune efl; plus générale- ment répandue qu aucune des autres , on [a trouve par - tout , en Europe (c) j dans l'Aiie feptentrionale (d) & tempérée s on [a trouve de même en Amérique (e) y mais elle eft fort rare^ en Afrique & dans es pays voifins de TÉquateur. Les Voya- geurs qui difent en avoir vu a Calécut ( f) k dans les autres provinces méridionales les Indes, ont pris les chacals pour des enards. Ariftote lui-même eft tombé dans me erreur femblabîe, lorfquil a ditfg) [ue les renards d'Egypte étoient plus »etits que^ ceux de Grèce , ces petits enards d'Egypte font des putois (h) „ l.om Todeur eft infupportable. Nos re- ards , originaires des climats froids, font fcj Voyez le5 Œuvres de Regnard. Paris , iy^2 , •me /, pag. 275. fdj Voyez la relation du voyage d'Adam Oléarius. aris f t6's6' , tome I, page ^68. (e) Voyez le voyage de la Hontan, tome II, pag. 42. ffj Voyez les voyages de François Pyrard. Paris , St^ , tome I f page 427. ('gj Ariftote. Hijî. Animal, lib. VIII, cap. xviii. fhj Aldtovznde. Quadrup.hiJi.i^Ag, iç)j. Tome IL Quadrupèdes. K z I 8 Hijloire Naturelle devenus naturels aux pays tempérés , & ne Te font pas étendus vers le midi au-delà de TEfpagne & du Japon ( i). Ils font originaires des pays froids, puif- qu on y trouve toutes les variétés de Tef- pèce , & qu on ne les trouve que là ; d'ailleurs ils fupportent aifément le froid le plus extrême -, il y en a du côté du pôle antardique (k) comme vers le pôle arctique (l)> La fourrure des renardj blancs n eft pas fort eftimée , parce que îe poil tombe aifément , les gris-argentc! font meilleurs , les bleus & les croifé | font recherchés à caufe de leur rareté 1 mais les noirs font les plus précieux d< j tous , c'eft après la zibeline la fourrur< la plus belle & la plus chère. On ei (i) Voyez l'Hiftoire du Japon , par Kœmpfej La Haye, 172,9, tome I , page ito. fkj Voyez le voyage de Narborough à la mer d S\xâi. Secondvolume desvoyages de CoréaUFaris, ï^a: tome II, page 184^, flj Voyez le Recueil des voyages du Nord. Rouen tyid , tomell, pages ii^ & 124. Voyez auflî i Recueil des voyages qui ont fervi à rétabliflemei de la Compagnie des Indes orientales. Amjîerdam tpo2, tomel, pages 3^ &40. du RenarJ. 2 i 9 trouve au Spitzberg fm) , en Groen- land f 72 ^ , en Lapponie , en Canada ('o ) , DÛ il Y en a auffi de croifés , & où refpèce :ommune eft moins rouffe qu'en France, k a le poil plus long & plus fourni. fm) Voyez le Recueil des voyages du Nord , &c. fnj Les renards abondent dans toute la Lapponie. 's font prefque tous blancs , quoiqu'il s'en rencontre c la couleur ordinaire. Les blancs font \ts moins ftimés ; mais il s'en trouve quelquefois de noirs , Se sux - là font les plus rares ôc les plus chers j leurs eaux font quelquefois vendues quarante ou cinquante :us , & le poil en eft fi fin ôc fî long , qu'il pend e tel côté que l'on veut , en forte que prenant la ;au par la queue , le poil tombe du côté des oreilles , :c. Œuvres dt Regnard , tome I , page ly $. (o) Voyez le voyage du pays des Hurons , par igafd Théodat. Faris, tG^:i , pagesjo^& ^o^^ Kn 2 20 Hïjloire Naturelle LE BLAIREAU (a). LE Blaireau eft un animal pareiTeux , défiant , folitaire , qui fe retire dans îes îieuxles plus écartés , dans les bois les plus fombres , & s'y creufe une demeure fou- tèrraine -, il femble fuir la fociété , même la lumière , & paffe les trois quarts de fa vie dans ce féjour ténébreux , dont il ne fort que pour chercher fa fubfiftance Comme il a le corps aiongé , les jam{)e: courtes 5 les ongles , fur -tout ceux de pieds de devant , très - longs & très - fermes faj Le Blaireau ou Taiflbn ; en Latin , MeUs Taxas i en Italien , Tajfo ; en Efpagnol , Tafugo Texon ; en Allemand , Tacks , Dachs , Dur; e Anglois , Badger , Brock , Grai , Baujfon pâte ; e Suédois , Graf-fwin; en Polonois , Jaiwicc , Borfuc Kol-diiki , Zbik. Mêles. Gcfnei , le on. animal, quadrup.pag. 8S. Taxas fivt Mêles. K^y , Synopf. animal, quadrw pag. tSs. . _ . Mêles ungiiibus anticis longijjimis. Taxas, Linnxïi Coati caudâ brevi. Taxas , Mêles. Coati grifeu Klein , de quadrup.pag. 7^. Mêles pilis exfordidè albo & nigro variegatis veflh ^apite tceniis alternathn albis & ni gris varie gato, MeU BrilTon , Regn. anima}, pag. a^j. du Èlaireau, 221 :I a plus de facilité qu un autre pour Gu- érir la terre , y fouiller , y pénétrer , & eter derrière lui les déblais de Ton exca- vation , qu'il rend tortueufé , oblique , k qu'il pouiTe quelquefois fort loin. Le leward qui n a pas la même facilité pour teufer la terre , profite de Tes travaux : le pouvant le contraindre par la force , ''. l'oblige par adreiïe à quitter fon domi- ile , en l'inquiétant , en faifant fenti- leile à l'entrée , en l'infedant même de es ordures -, enfuite il s'en empare , l'é- irgit , l'approprie , & en fait fon terrier» .e blaireau , forcé à changer de manoir, e change pas de pays \ il ne va qu'à uelque diftance travailler fur nouveaux :ais à fe pratiquer un autre gîte , dont ne fort que la nuit , dont il ne s'écarte aère , & où il revient dès qu'il fent uelque danger. Il n'a que ce moyen e fe mettre en fdreté , car il ne peut :happer par la fuite \ il a les jambes op courtes pour pouvoir bien courir, es chiens l'atteignent promptement , •rfqu'ils le furprennent à quelque ài(-< nce de fon trou : cependant il eft rare nls l'arrêtent tout- à -fait & qu'ils en Kiij 2 2 2 Uijloire -Naturelle viennent à bout , à moins qu'on ne les aide. Le blaireau a le poil très - épais , les jambes , la mâchoire & les dents très- fortes, au(îî-bien que les ongles -, il fe {ert de toute fa force , de toute fa rélif- tance & de toutes fes armes en fe cou' chant fur le dos , & il fait aux chiens de profondes bleffures. Il a d'ailleurs la vie très - dure -, il combat long - temps , fe défend courageufement , & jufqu'à L dernière extrémité. Autrefois que ces animaux étoient plu communs qu ils ne le font aujourd'hui on dreffoit des balTets pour les chaffer 6 les prendre dans leurs terriers. Il n y guère que les baffets à jambes torfes qi puiiïent y entrer aifément -, le blaireau f défend en reculant , éboule de la terre afin d'arrêter ou d'enterrer les chien On ne peut le prendre qu'en faifant oi vrir le terrier par - delTus , lorfqu'on jug que les chiens l'ont acculé jufqu'au fond on le ferre avec des tenailles , & enfuit ©nie musèle pour l'empêcher démordre on m'en a apporté plufieurs qui avoiei été pris de cette façon , & nous en avoi gardé quelques-uns long -temps L du Blaireau. 225 Jeunes s'apprivoifent aifément , jouent avec les petits chiens , & fuivent comme eux la perfonne qu ils connoiiTent & qui leur donne à manger *, mais ceux que ['on prend vieux demeurent toujours fauvages -, ils ne font ni mal-faifans, ni gourmands comme le renard & le loup , & cependant ils font animaux carnafîiers j ils mangent de tout ce qu'on leur offre , de la chair , des œufs , du fromage , du beurre, du pain, du poilTon, des fruits, des noix , des graines, des racines, &c. & ils préfèrent la viande crue à tout le \:q{\.q. Ils dorment la nuit entière & les trois quarts du jour, fans cependant être fujets à rengourdiflfement pendant fhiver, comme les marmottes ou les loirs. Ce fommeil fréquent fait qu'ils font toujours gras , quoiqu'ils ne mangent pas beau- coup -, & c'eft par la même raifon qu'ils fupportent aifément la diète , & qu'ils^ relient fouvent dans leur terrier trois ou quatre jours fans en fortir, fur -tout dans les temps de neige. Ils tiennent leur domicile propre, ils n'y font jamais leurs ordures. On trouve rarement le mâle avec la femelle : lorf- K iiij 2 24 JJiJloire Naturelle qu'elle eft prête à mettre bas , elle coupe de l'herbe , en fait une erpèce de fogot ,- qu'elle traîne entre fes jambes jurqu'aiu fond du terrier , où elle fait un lit com- mode pour elle & fes petits. C'eft en été qu'elle met bas, & la portée eft ordi- nairement de trois ou de quatre- Lors- qu'ils font un peu grands , elle leur apporte à manger-, elle ne fort que la nuit 5 va plus au loin que dans les autres temps ^ elle déterre les nids des guêpes , tn emporte le miel, perce les rabouiliières des lapins , prend les jeunes lapreaux y faiiit auffi les mulots, les lézards, les fer- pens, les fauterelles , les œufs des oifeaux , &: porte tout à fes petits , qu'elle fait fortir fouvent fjr le bord du terrier , foit pour ks aBaiter , foit pour leur domier à manger. Ces animaux font naturellement fri- leux -, ceux qu'on élève dans la maifon ne veulent pas quitter ie coin du feu , & fouvent s'en approchent de fi près qu'ils fe brûlent les pieds, & ne guérilTent pas aifément. Ils font auffi fort fujets à la galle -, les chiens qui entrent dans leurs terriers prennent le même mal 5 à moim du Blaireau. ii^ qu*on n'ait grand foin de les îaver. Le blaireau a toujours le poil gras & mal propre -, il a entre Tanus & la queue une ouverture aiTez large , mais qui ne com- munique point à l'intérieur & ne pé- nètre guère qu'à un pouce de profon- deur •, il en fuinte continuellement une iiqueur ondxieufe, d'aifez mauvaife odeur, qu'il fe plaît à fucer. Sa chair n'eft pas abfolument mauvaife à manger , & Ton fait de fa peau des fourrures grofîîères , des. colliers pour les chiens , des couver- tures pour les chevaux , &c. Nous ne connoiiTons point de va-^ riétés dans cette efpèce , & nous avons fait chercher par - tout le blaireau-cochon dont parlent les chafTears , fans pouvoir ie trouver. Du Fouilioux (h ) dit qu'il y adeuxefpèces de tejfons ou blaireaux , les porchins & les chenïns ; que les porchins font un peu plus gras , un peu plus blancs , un peu. plus gros de corps & de tête que les chenins. Ces diftérences font , comme l'on voit , affez légères , & il avoue lui-même qu'elles font peu (h) Voyez la Vénerie de du Fouilioux. Faris ; tô'i^ ,j>age ^Z vei-fo j &y^ recio. Kv zz6 Hijloire Naturelle apparentes, à moins quon ny regarde de bien près (cj. Je crois donc que cette diftinc^ion du blaireau , en blaireau-chien Se blaireau-cochon , n eft qu'un préjugé , fondé fur ce que cet animal a deux noms , en latin mêles 8c taxus^ en François blaireau 8c taijjon j 8cc. 8c que c'eft une de ces erreurs produites par la nomenclature. D'ailleurs , les efpèces, qui ont des varié- tés, font ordinairement très -abondantes , Se très- généralement répandues \ celle du blaireau efl au contraire une des moins nombreufes 8c des plus confinées. On n eft pas fur qu elle fe trouve en Amé- rique , à moins que Ton ne regarde comme une variété de refpèce , l'animal envoyé de la Nouvelle - Yorck , dont M. Brillon a donné une courte defcrrp- tion (^d) j fous le nom de blaireau blanc^ (c) Voyez la Vénerie de du Fouilloux. Paris, t6ij , page 72 verfo, & 75 recto. ^dj Mêles fuprà aléa infrà ex alboflavicans . . . Mêles alba. Il a , depuis ie bout du mufeau jufqu'à l'origine de la queue , un pied neuf pouces de long i fa queue eft longue de neuf pouces. Ses yeux font petits à proportion de la grandeur de fon corps, les oreilles courtes , fes jambes très - courtes , fes ongles blancs. Tout fon corps cft couvert de poils très-épais du Blaireau, iiy Elle n'eft point en Afrique -, car Tani- mal du cap de Bonne -efpérance décrit par Kolbe (e ) fous le nom de blaireau puante eft un animal différent *, & nous doutons que le fojfa de Madagafcar , dont parle Fiaccourt dans ^a. relation , p^g^ ij2^ôc qu'il dit refTembler au blaireau de France , foit en effet un blaireau. Les autres Voyageurs n en parlent pas : le dodeur Shaw dit même ( fj qu'A eft entièrement inconnu en Barbarie. Il pa- roît aufîi qu il ne fe trouve point en Alie -, il nétoit pas connu des Grecs , puifqu'Ariftote n'en fait aucune mention , & que le blaireau n'a pas même de nom dans la langue Grecque, Ainfi , cette blancs dans toute la partie fupérieure du corps , & d'un blanc - jaunâtre dans la partie inférieure. On le trouve dans la Nouvelle- Yorck , d'oii il a été apporté à M. de Reaamur. Briffon , Regn. animal, V<^g^ ^55- Oï\ doit ajouter à cette defcription , qu'il eft en tout plus petit, & qu'il a le nez plus court que notre blaireau i ôc d'ailleurs on ne voit pas fur la peau, qui eft empaillée , s'il y a une bourfe fous la queue. (ej Voyez, la defcription da cap de Bonne- efpé- rance , par Kolbe. Amjîerdam. , ty^t y tome III , page (^, (f) Voyez les voyages de M. Shaw. La Haye , ^7i3 f tome I, page ^20. K vj 2 2 8 Uijlolre Naturelle^ &c. efpèce originaire du climat tempéré de TEurope , ne s'eft guère répandue au- delà de TEfpagne , de la France , de Tl- talie 5 de l'Allemagne , de l'Angleterre , de la Pologne & de la Suède -, & elle eft par-tout aflez rare. Et non -feulement il nj a que peu ou point de variétés dans refpèce 5 mais même elle n'approche d'aucune autre : le blaireau a des carac- tères tranchés & fort iinguliers : les bandes alternatives qu'il a fur la tête , l'efpèce de pochie qu'il a fous la queue , n'appartiennent qu'à lui -, il a le corps prefque blanc par-defTus , 8c prefque noir par-deilous> ce qui eft tout le contraire des autres ajiimaux , dont le ventre eft toujours d'une couleur moins foncée que le dos. ^ 229 LA LOUTRE (a), LA Loutre cft un animal vorace , plus avide de poifTon que de chair , qui ne quitte guère le bord des rivières ou des iacs , Se qui dépeuple quelquefois les étangs -, elle a plus de facilité qu'un autre pour nager , plus même que le caftor 5 car il n a des membranes qu'aux pieds de derrière , & il a les doigts féparés dans les pieds de devant , tandis que la loutre a des membranes à tous les pieds , elle nage prefque auffi vite qu'elle marche, faj La Loutre , en Grec , î'vucfpiç 5 en Latin , LiitravelLytra, vel etiatn Lutris , Lutrix ; en Italien, JLodra , Lodria, Loiitra j en Efpagnol , Nutria ; tVi, Allemand, Fifchotter ; enAnglois, Oft-fr y en Suédois, Witer; en Polonoîs, Wydra ; en Savoie , Leiire, Liitra.GeCntt , Hiji.quadrup. p, 6S^. Icon. animal, quadrup. pag, 8^. Lutra. Kzy , Synopf. animal, quadrup. pag. i8y, Lutra digitis cequalibus. Linnxus. Lutra. Klein, de qnadr. pag. 9?. Lutrà cajlanei coloris ...',. Lutra, BrifTon , Kegn, animal, pag. ;i77. I %jO Hijloire Naturelle elle ne va point à k mer , comme îe caftor, mais elie parcourt les eaux douces , & remonte ou defcend les rivières à des diftances confidérables : fouvent elle nage entre deux eaux , & y demeure allez long-temps 5 elle vient enfuite à la furface, afin de refpirer. A parler exactement , elle n'eft point animal amphibie , c'eft- à -dire, animal qui peut vivre également 3c dans Tair & dans Teau -, elle n eft pas conformée pour demeurer dans ce der- nier élément, & elle a befoin de refpirer, à peu près comme tous les autres animaux terreftres : iî même il arrive qu elle s'en- gage dans une nalTe à la pourfuite d'ua. poilTon, on la trouve noyée, & Ton voit qu'elle n a pas eu le temps d'en couper tous les oHers pour en fortir. Elle a les dents comme la fouine , mais plus grolTes & plus fortes relativement au volume de fon corps. Faute de poilTon , d'écreviiTes , de grenouilles , de rats d'eau , ou d'autre nourriture, elle coupe les jeunes rameaux^ êc mange l'écorce des arbres aquatiques y elle mange auffi de l'herbe nouvelle au printemps : elle ne craint pas plus le froid que l'humidité -, elle devient en de la Loutre. 231 chaleur en hiver , & met bas au mois de mars : on m'a iouvent apporté des petits au commencement d'avril -, les portées font de trois ou quatre. Ordinairement les jeunes animaux font jolis : les jeunes loutres font plus laides que les vieilles. La tête mal faite, les oreilles placées bas, des yeux trop petits & couverts , Tair obfcur , les mouvemens gauches , toute la figure ignoble, informe , un cri qui paroit machinal , & qu'elles répètent à tout moment , fembleroient annoncer un animal ftupide -, cependant la loutre devient induftrieufe avec l'âge, au moins affez pour faire la guerre avec grand avantage auxpoifTons, qui pour Tinllindb & le ientiment font très -inférieurs aux autres animaux -, mais j'ai grand peine à croire qu'elle ait , je ne dis pas les talens du caftor , mais même les habitudes qu'on lui fuppofe , comme celle de commencer toujours par remonter les rivières , afin de revenir plus aifément & de n'avoir plus (b) qu'à fe lailler en- traîner au fil de l'eau iorfqu'elle s'eft fbj Vidt Gefner , Uijî. quad. pag. 68^ , ex Alberto, Bellonio , Scalif^cro , Glao magno , C'c. z^i HiJIoire Naturelle rafTafiée ou chargée de proie -, celle d'approprier Ton domicile & d'y faire un plancher , pour n être point incommodée de Thumidité-, celle dy faire une ample proviiion de poiffon , afin de n en pas manquer -, & enfin la docilité & la facilité de s'apprivoifer au point de pêcher pour fon maître, & d'apporter le poiironjufque dans la cuifme. Tout ce que je fais, c'eft que les loutres ne creufent point leur domicile elles-mêmes, qu'elles Te gîtent dans le premier trou qui fe préfente , fous les racines des peupliers, des faules, dans les fentes des rochers , & même dans les piles de bois à flotter -, qu'elles y font aufli leurs petits fur un lit fait de bûchettes Se d'herbes, que l'on trouve dans leur gîte des têtes & des arêtes de poiflbn-, qu'elles changent fouvent de lieu : qu'elles em- mènent ou difperfent leurs petits au bout de fix femaines ou de deux mois -, que ceux que j'ai voulu priver cherchoient à mordre , même en prenant du lait , & avant que d'être allez fort pour mâcher du poilTon-, qu'au bout de quelques jours ils devenoient plus doux , peut-être parce qu'ils étoient malades de foibles j que loin àe la Loutre. 2 3 j âe s'accoutumer aifément à la vie domef- tique , tous ceux que f ai cfïayé de faire élever font morts dans le premier âge -, qu'enfin la loutre eft , de Ton naturel , fauvage & cruelle;, que quand elle peut entrer dans un vivier , elle y fait ce que ie putois fait dans un poulailler : qu'elle tue beaucoup plus de poilTons qu'elle ne peut en manger , & qu'enfuite elle en emporte dans fa gueule. Le poil de la loutre ne mue guère , fa peau d'hiver eft cependant plus brune & fe vend plus cher que celle d'été -, elle fait une très -bonne fourrure. Sa chair fe mange en maigre , & a en eifet un mauvais goût de poiflbn , ou plutôt de marais. Sa retraite eft infectée de la mauvaife odeur des débris du poifTon qu elle y lailFe pourrir -, elle fent elle- même alTez mauvais -, les chiens la chaf- fent volontiers & Tatteignent aifément > lorfqu'elie eft éloignée de fon gîte & de l'eau *, mais quand ils la faiiiflTent , elle fe détend , les mord cruellement , & quelquefois avec tant de force & d'achar- nement 5 qu'elle leur brife les os des jambes ^ & qu'il faut la tuer pour la faire 134 Hijîoire Naturelle ^ démordre. Le caftor cependant , qui n eft pas un animal bien fort , chafTe ia ïoutre 5 & ne lui permet pas d'habiter fur les bords qu'il fréquente. Cette efpèce , fans être en très - grand nombre , eft généralement répandue en Europe, depuis la Suède jufquà Naples, Se fe retrouve dans TAmérique fepten- trionale fc ) , elle étoit bien connue des Grecs fdjy 8c fe trouve vraifemblablement dans tous les climats tempérés, fur -tout dans les lieux ou il y a beaucoup d'eau ^ car la loutre ne peut habiter ni les fables brûlans , ni les déferts arides : elle fuit également les rivières ftériles & les fleuves trop fréquentés. Je ne crois pas qu'elle fe trouve dans les pays très - chauds -, car le Jiya ou Carigueibeju (ejj qu'on a appelé fcj Voyez le voyage de la Hontan , tome II, S^g. 38. (à) Viit Arijiotdem , Jîijî. animal, lib. VI II g cap. 5. CO J^y^ ?"^ ^ Carigueibeju appellatur à Brajllien- fibus. Marcg. Hiji. Brafil. pag. aj^. Lutra JBra/î- lienjis. Ray , Synopf. animal, quadrup. pag iS^t lutra pollice digitis breviore. Linnsus , Lutra atri coloris, macula fub gutmrejlavâ. BrifTon, Regn. animal, pag. 2y8. IL. IxA LOTJTBJE VUE DE PHOIIL . :PIjJ5 .-p.zZS. I^A LOT) TBi: VII^E DE F^CE de la Loutre, 235 Loutre du Brcjîl ^ 8c qui fe trouve au/ïi à Cay enne (f) j paroît être d'une efpèce voiiîne , mais dift'érente , au lieu que Ja îoutre de l'Amérique feptentrionale ref- femble en tout à celle d'Europe, Ci ce nefl: que la fourrure efl encore plus noire & plus belle que celle de la loutre de Suède ou de Mofcovie (g), (f) Luira nigricans , caudâ deprejfâ & glabrâ, Barrère. Hiji. de la France équinoxiale ,fag. 155. t (g) Voyez le voyage de la Hontan , tome I, fage Sif. I z}6 Hijloire Naturelle LA FOUINE (a). LA plupart des Naturaliftes ont écrit que la Fouine & la Marte étoient des animaux de la même efpèce. Gefner (h) 8c Ray ont dit, diaprés Albert , quils fe mêloient enfemble. Cependant ce fait, qui n eft appuyé par aucun autre témoi- gnage 5 nous paroît au moins douteux , & nous croyons au contraire que ces ani- maux ne fe mêlant point enfemble , font fnj La Fouine ; en Latin , Martes domejlica , Foyna, Gainus , Schifiniis ; en Italien , Foina , Fouina; ejl Allemand, Huhjfmarder. Martes dormjlica. Gefner , Icon animal, quadrup. P^g .97 6- .9?. Martes , aliis Foyna. Ray, Synopf. animal, quadrup, pcg. a 00. Muf.da fulvo nigricans , gula pallida. Martes , Linnsus. Martes Saxorum nonfagorum, feu domejîicus, Klein j de quadrnp. pag. 6'/f.. Mujîelapilis in exortu alhidis , cajlaneo colore termi- natis ^ vejlita , gutture albo. Foyna, BrifTon , Regn, animal, pag. a^S. ChJ Gefner , Bijl. animal, quadrup, pag, pS, Ray, Synopf. animal, quadrup. pag. a,oo. de la Fouine, i^y deux efpèces diftindes & féparées. Je puis ajouter , aux raifons qu'en donne M, Daubenton (cj^ des exemples qui rendront la chofe plus feniible. Si la marte étoit la fouine fauvage , ou la fouine la marte domeftique , il en feroit de ces deux animaux comme du chat fauvage & du chat domeftique^ le premier conierveroit conftamment les mêmes caradères , & le fécond varieroit , comme on le voit- dans le chat fauvage , qui demeure tou- jours le même , & dans le chat domef- tique qui prend toutes fortes de couleurs. Au contraire , la fouine , ou fî Ton veut la marte domeftique , ne varie point \ elle a fes caractères propres , particuliers , & tous auiïi conftans que ceux de la marte fauvage , ce qui fuftiroit feul pour prouver que ce n eft pas une pure variété , une fimple différence produite par Tétat de domefticité : d'ailleurs, c'eft fans aucun fondement qu'on appelle la fouine marte domeftique ^ puifqu'elle n'eft pas plus domeftique que le renard , le putois , qui, comme elle , s'approchent des maifons (cj Voyez la defcription de la Marte, tomt XIV t|e rçdition en trente - un volumes. 238 IJiJloire Naturelle pour y trouver leur proie , &: qu'elle n a pas plus d'habitude , pas plus de com- munication avec l'homme , que les autres animaux que nous appelons fauvages. Elle diftere donc de la marte par le naturel & par le tempérament , puifque celle-ci fuit les lieux découverts , habite au fond des bois , demeure fur les arbres , ne fe trouve en grand nombre que dans les climats froids , au lieu que la Fouine s'approche des habitations , s'établit même dans les vieux bâtimens, dans les greniers à foin 5 dans des trous de murailles -, qu'enfin refpèce en eft généralement répandue en grand nombre dans tous les pays tempérés , & même dans les climats chauds , comme à Madagafcar (dj _, aux Maldives (e)^ & qu'elle ne fe trouve pas dans les pays du nord. La fouine a la phyfionomie très - fine , l'œil vif 5 le faut légeîr , les membres fou- pies 5 le corps flexible , tous les mouve- mens très-preftes -, elle faute & bondit fdj Voyez les voyages de Jean Struys. Rouen f i:;t9, tomel, pag. 30, ( t) Voyez les voyages de François Pyrard. Varis , rQtSi ^omt I, page z^a. de la Fouine. 239 plutôt qu'elle ne marche -, elle grimpe aifément contre les murailles qui ne font pas bien enduites , entre dans les colombiers , les poulaillers , &c. mange [es œufs , les pigeons , les poules , &c. 2n tue quelquefois un grand nombre & es porte à Tes petits , elle prend aufïî les ouris , les rats , les taupes , les oifeaux lans leurs nids. Nous en avons élevé une ^ue nous avons gardée long-temps : elle j j'apprivoife à un certain point -, mais elle I le s'attache pas , & demeure toujours , ifTez fauvage pour qu'on Toit obligé de ' a tenir enchaînée *, elle faifoit la guerre mx chats j elle fe jetoit aulîî fur les Doules dès qu'elle fe trouvoit à portée % \ die s'échappoit fpuvent , quoiqu attachée par le milieu du corps -, les premières fois îlle ne s'éloignoit guère & revenoit au \ 3out de quelques heures , mais (ans mar- quer de la joie , Tans attachement pour perfonne. Elle demandoit cependant à nanger comme le chat & le chien \ peu iprès elle fit des abfences plus longues , Se enfin ne revint plus. Elle avoit alors jn an & demi , l'âge apparemment au- quel la nature avoit pris le delTus. Elle 240 Hijloire Naturelle mangeoit de tout ce qu'on lui donnoît ; à Texception de la falade & des herbes : elle aimoit beaucoup le miel, & préféroii le chenevis à toutes les autres graines on a remarqué qu'elle buvoit fréquem- ment, qu'elle dormoit quelquefois dem jours de fuite, & qu'elle étoit auffi quel quefois deux ou trois jours fans dormir qu'avant le lommeil elle fe mettoit ei rond, cachoit fa tête & l'enveloppoit d( fa queue *, que tant qu'elle ne dormor pas elle étoit dans un mouvement con tinuel (î violent & fi incommode, qu( quand même elle ne fe feroit pas jeté( , fur les volailles , on auroit été obligé d( l'attacher pour l'empêcher de tout brifer Nous avons eu quelques autres fouine, plus âgées , que l'on avoir prifes dans de: pièges , mais celles-là demeurèrent tout- à- fait fauvages -, elles mordoient ceux qu vouloient les toucher , & ne vouloieni manger que de la chair crue. - Les fouines , dit -on , portent autani de temps que les chats. On trouve deî petits depuis le printemps jufqu'en au- tomne 5 ce qui doit faire préfumer qu'elles prodtiiient plus d'une fois par an -, les plus de la Fouine* 241 plus jeune ne font que trois ou quatre petits 5 les plus âgées en font jufqu'à fept. Elles s'établifTent pour mettre bas dans un magafîn à foin , dans un trou de murailles , où elles poufifent de la paille & des herbes -, quelquefois danâ une fente de rocher ou dans un tronc d'arbre , où elles portent de la mouiTe , & lorfqu'on les inquiette , elles démép». nagent & tranfportent ailleurs leurs petits , qui grandifTent allez vite *, car celle que nous avons élevée avoir au bout d'un aa prefqu atteint fa grandeur naturelle , & de -là on peut inférer que ces animaux lie vivent que huit ou &: ans. Ils ont une odeur de faux mufc qui n'efl pas, abfolument défagréable ♦, les martes & les fouines 5 comme beaucoup d'autres ani- maux 5 ont des véficules intérieures qui contiennent une matière odorante , fem- blable à celle que fournit la civette : leur chair a un peu de cette odeur, cepen- dant celle de la marte n efl: pas mauvaife à manger *, celle de la fouine eft plus défagréable, & fa peau eft aulli beaucoup^ moins eftimée. Tome II* Quadrupèdçs^ t 24^ Hijloire Naturelle LA MARTE (a). LA Marte , originaire du Nord , eft naturelle à ce climat & s'y trouve en fi grand nombre qu'on eft étonné de la quantité de fourrures de cette efpcce qu'on y confomme & qu'on en tire. Elle eft au contraire en petit nombre dans les climats tempérés , & ne fe trouve point dans les pays chauds ( b ) ^ nous en avons ^û^ La Marte; en Latin, Martes, Marta , Mar- ieras ; en Italien, Marta, Matura, Martaro , Marto> rello , M z tire; en Efpagnol , Marta ; en Allemand , JFeld-marder, WUd-mardcr ; en Anglois , Martin Manlet; en Suédois , Mard ; en Polonois , Kuna. Martes fylvejlris. Martis altéra fptcies nobilior. Gef- îicr, Icoîi. animal, quadrup. pag, 99. Martes Ray, Synopf. animal, quadrup. pag. :}00. Mujhla fulvo nigricans , gulâ pallida. Martes Linnxus. Mujlela , Martes. Klein , de quadrup. pag. 6^. Mujîela pilis in exortu ex cinereo albidis , cajîanet colore terniinatîs vejlita, gutturejlavo. Martes. Briflbn Kegn. animal, pag. 247. (b) Il y a toute apparence que les Martes du pay des Anzicos (voifin du royaume de Congo) dont i cil fait mention d^s l'Hiftoire générale des voyages t. V,jp. 8y , font des Fouines , & non pas des Martes. de la Marte, 243 quelques -unes dans nos bois de Bour- gogne , il s'en trouve auffî dans la forêt de Fontainebleau -, mais en général elles font aufîî rares en France que la fouine Y eft commune. Il n/ en a point du tout en Angleterre , parce qu'il r\y a pas de bois \ elle fuit également les pays habités & les lieux découverts -, elle de- meure au fond des forêts , ne fe cache point dans les rochers , mais parcourt les bois & grimpe au - deiïus des arbres ; elle vit de chafle , & détruit une quantité prodigieufe d'oifeaux , dont elle cherche les nids pour en fucer les œufs : elle prend les écureuils j les mulots , les lérots , &c. elle mange aufîî du miel comme la fouine & le putois. On ne la trouve pas en pleine campagne , dans les prairies , dans les champs , dans les vignes \ elle ne s'approche jamais des habitations , & elle diffère encore de la fouine par la manière dont elle fe fait chalï'er , dès que ïa fouine fe fent pourfuivie par un chien, elle fe fouftrait en gagnant promptement Ton grenier ou fon trou : la marte au con- traire fe fait fuivre atfez long - temps par les chiens , avant de grimper fur un Lij 2 44 HiJIoire Naturelle arbre *, elle ne fe donne pas la peine de monter jufqu'au-deirus des branches , elle Te tient fur la tige , & de - là les regarde paiTer -, la trace que la marte laifle fur la neige paroît être celle d'une grande bête , parce qu'elle ne va qu'en fautant Se qu'elle marque toujours des deux pieds à la fois *, elle eft un peu plus grolle que la fouine. Se cependant elle a ia tête (c) plus courte -, elle a les jambes ( d) plus iongues , Se court par conféquent plus aifément : elle a la gorge jaune , au lieu que la fouine l'a blanche ^ fon poil eft aufîî bien plus fin , bien plus fourni & moins fujer à tomber j elle ne préparp (c) Comparez les deux premières tables des defr- criptions de la fouine Se de la marte j & vous verrez que le corps de la fouine ayant en longueur un pied quatre pouces fix lignes, & en groffeur huit pouces quatre lignes, la longueur de la tête, depuis le bout du mufcau jufqu'à l'occiput, eft de quatre pouces j au lieu que dans la marte la longueur du corps étant d'un pied fix pouces huit lignes , & la grofleur de dix pouces quatre lignes , la longueur de la tête depuis le bout du raufeau jufqu'à l'occiput, n'eft cependant que de trois pouces dix lignes. Voyez Vol, XIV dc l'édition en trente -un volumes. (d) Comparez dans leç mêmes tables Ici longuçw» (des jambes. Idem, de ta Marte. 24 j pas , comme îa fouine , un lit à Tes petits j néanmoins elle les loge encore plus com- modément. Les écureuils font, comme l'on fait , des nids au - deflus des arbres , avec autant d'art que les oifeaux -, lorfque îa marte eft prête à mettre bas , elle grimpe au nid de Técureuil, l'en chalTe , en élargit l'ouverture , s'en empare & y fait fes petits-, elle fe fert aufîî des anciens nids de ducs & de bufes , & des trous des vieux arbres , dont elle déniche les pics -de -bois & les autres oifeaux j elle met bas au printemps , la portée n'efl: que de deux ou trois -, les petits naillent les yeux fermés , & cependant grandiiîent en peu de temps -, elle leur apporte bien- tôt des oifeaux, des œufs, & les mène, enfuite à la chafle avec elle : les oifeaux connoiiïent fi bien leurs ennemis , qu'ils Font pour la marte comme pour le renard, ie même petit cri d'avertilTement \ ôc une preuve que c'eft îa haine qui les anime ^ plutôt encore que la crainte , c'eft qu ils [es fuivent aifez loin , & qu ils font ce :ri contre tous les animaux voraces & :arna{ïîers , tels que le loup , le renard , a marte, le chat fauvage, la belette , &: Liij 2^6 HiJIoire Naturelle^ &c. jamais contre le cerf, le chevreuil, le lièvre , &c. Les martes font aufli cofiimunes dans le nord de TAmérique que dans le nord de l'Europe & de TAfie , on en apporte beaucoup du Canada j il y en a dans toute rétendue des terres feptentrionales de TAmérique , jufqu'à la baie de Hud- fon ( e)y Se en Afie jufqu'au nord du royaume de Tunquin (f) & de Tempire delà Chine ('g). Il ne faut pas la confondre avec la marte zibeline , qui efl un autre animal dont la fourrure efl bien plus pré- cieufe. La zibeline eft noire, la marte ii'eft que brune Se jaune ', la partie de la peau qui eft la plus eftimée dans la marte , eft celle qui eft la plus brune , & qui s'étend tout le long du dos jufqu'au bout de la queue. ^ej Voyez le voyage du Capitaiue Robert Lade , traduit par l'abbé Frevôt. Paris, ty44, tome II, page 337. (^fj Voyez les voyages de Tavernier. Rouen , lyt^, tome IV, page 182. Voyez aufli l'hiftoire générale des voyages par M. l'abbé Prévôt , Tome VII , page if). (g) Voyez rhiftoixe générale des voyages , tortit Vit XA roi7x:N^ï: . Tl.i^ . -p. 2,46. "^"ZT XA AIAILTE . i47 LE PUTOIS (a). LE Putois reiïemble beaucoup à îa fouine par le tempérament , par le na- turel, par les habitudes ou les mœurs, & aulîî par la forme du corps. Comme elle, H s'approche des habitations, monte fur ks toits 5 s'établit dans les greniers à foin , dans les granges -& dans les lieux peu fréquentés, d'où il ne fort que la nuit pour chercher fa proie. Il fe glifTe dans les baiïe -cours, monte aux volières, aux colombiers , où fans faire autant de ^^^ Le Putois ; en Latin , Futorius^; en Italien, Foetta , Puiolo ; en Allemand, Iltis , Ulk , Buntjîng ; en Anglois , Folecat, Fitchet ; en Polonols , Vydra, Tchor?^. Putorius. Gefner, Hijî. quadmp. pag. y6y. Icon, anim. quadrup. pag. (^^. Putorius. Ray, Synopf. animal quadrup.pag. t()^\ Mujîela flavefcente nigricans , ore albo , collari fa- refcente. Putorius. Linnseus. Muflela pilis in exortu ex cinereo alhidis , colore ni" gricante terminatis vejîita , oris circumferentiâ albtt» Putorius. Briflbn, Regn, animal, pag. a^. Lui] s 4 8 HlJIoire Naturelle bruit que la fouine, il fait plus de ciéglf, il coupe ou écrafe îa tête à toutes les vo- lailles, & enfuite il les tranfporte une à une & en fait magaiin j fi, comme il arrive fouvent, il ne peut les emporter entières , parce que le trou par où il eft entré fe trouve trop étroit , il leur mange la cervelle Se emporte les têtes. Il eft auffi fort avide de miel -, il attaque les ruches en hiver, Se force les abeilles à les aban- donner. Il ne s'éloigne guère des lieux habités-, il entre en amour au printemps-, les mâles fe battent fur les toits Se fe dif- putent la femelle , enfuite ils Taban donnent êc vont pafTer Tété à la campagne ou dans les bois -, la femelle au contraire refle dans fon grenier jufqu'à ce qu'elle ait mis bas. Se n'emmène fes petits que vers le milieu ou la fin de l'été j elle en fait trois on quatre Se quelquefois cinq , ne les allaite pas long -temps , Se les accoutume de bonne heure à fucer du fang & des œufs. A la ville ils vivent de proie , Se de chaiTe à la campagne *, ils s'établiffent pour paflTer l'été dans des terriers de lapins , dans des fentes de rochers , dans des troncs d'arbres creux , d'où ils ne du Putois. 249 fortent guère queia nuit pourfe répandre dans les champs, dans les bois-, ils cher- chent les nids des perdrix, des allouettes & des cailles -, ils grimpent fur les arbres pour prendre ceux des autres oifeaux : ils épient les rats, les taupes, les mulots, & font une guerre continuelle aux lapins ^ qui ne peuvent leur échapper , parce qu'ils entrent aifément dans leurs trous -, une feule famille de putois fufîît pour détruire une garenne. Ce feroit le moyen le plus iimple pour diminuer le nombre des lapins dans les endroits ou ils devien- nent trop abondans. Le putois eft un peu plus petit que la fouine *, il a la queue plus courte , le mufeau plus pointu , le poil plus épais & plus noir *, il a du blanc fur le front, aufli- bien qu aux côtés du nez & autour de la gueule. Il en diffère encore par la voix -, la fouine a le cri aigu & aflfez éclatant, le putois a le cri plus obfcur -, ils ont tous deux, aufîi-bien que la marte & Técu- reuil, un grognement d'un ton grave & colère , qu ils répètent fouvent lorfqu'on les irrite •, enfin le putois ne reffemble point à la fouine par Todeur , qui loin 2 j o Hijloire Naturelle d'être agréable eft au contraire fi fétide ' qu'on Ta d'abord diftingué & dénommé par-là. Ceft fur-tout lorfqu'ii eft échauffé , irrité , qu'il exhale & répand au loin une odeur infupportable. Les chiens ne veu- lent point manger de fa chair , & fa peau même, quoique bonne, eft à vil prix, parce qu'elle ne perd jamais entièrement fon odeur naturelle. Cette odeur vient de deux foLlécules ou véficules que ces animaux ont auprès de l'anus , & qui filtrent & contiennent une matière onc- tueufe dont l'odeur eft très-défagréable dans le putois, le furet, la belette, le blaireau, &:c. & qui n'eft au contraire qu'une efpèce de parfum dans la civette, la fouine, la marte , &c. Le putois paroît être un animal des pays tempérés: on n'en trouve que peu ou point dans les pays du nord , & ils font plus rares que la fouine dans les climats méridionaux. Le puant d'Amé- rique eft un animal diftérent, & i'efpèce du putois paroît être confinée en Eu- rope, depuis l'Italie jufqu'à la Pologne. Il eft fur que ces animaux craignent le froid , puisqu'ils fe retirent dans les mai- du Putois, 25 I fons pour y pafler Fhiver , & qu'on ne voit jamais de leurs traces fur la neige , dans les bois & dans les champs éloi- gnés des maifons , & peut - être aufîî craignent - ils la trop grande chaleur , puifqu'on n'en trouve point dans les pays méridionaux. Lvj 252 HiJIoire Natxirelle LE FURET (a). QUELQUES Auteurs ont douté Ci le Furet & ie Putois étoient des animaux d'eipèces différentes (h). Ce doute efl: peut-être fondé fur ce qu'il y a des furets qui reflëmblent aux putois par îa couleur du poil : cependant ie putois, naturel aux pays tempérés, eft un animal fauvage comme la fouine , & le furet , originaire àes climats chauds, ne peut fubfifter en France que comme animal domeftique. faj Le furet 5 en Latin , Viverra , Furo , Funin-^ êulus ; en Efpagnol , Huron, Fur cm ; en Allemand, Fretty Frettel , Furtttt ; en Anglois, Ftrrtt; en Polo^ iiois , Laska. Viverra , Furo , Ictis. Gefner , Jf(/î. quadriip. pag, ^é"2. Icon. animal, quadrup. pa g. lOt, Mujlela fylvejîris viverra dicta. Ray, Synopf. anî-» mal. quadrup. pag. t<)8. Mujîela viverra dicia. Klein , de quadrup. pag. 6^. Muftelapilis fubjlavis longioribus , cajîaneo colon terminatis vejiita , viverra mas. Mujîela pilis ex albo fubjlavis vejiita. . . . Viverra f ami na. BrilTon , Regn. animal, pag. 24-^. r fbj vide Linnœî, Syft. Nat. Mujîela Jlavefcents nigricans , ore albo , eollari jlavefcente putorius, . ^ Mujîtla fylvejîris viverra dicta f an diftinfta. du FureL 255 On ne fe fert point du puroîs , mais du furet , pour la chafïe du îapin, parce qu il s'apprivoife plus aifément -, car d'ail- leurs il a comme le putois , Todeur très- forte & très-défagréable-, mais ce qui prouve encore mieux que ce font des animaux diflérens , c'eft qu'ils ne fe mêlent point enfemble , & qu'ils (^i^-- rent d ailleurs par un grand nombre de caradlères eiîentieîs. Le furet a le corps plus allongé (c) & plus mince, la tête plus étroite , le mufeau plus pointu que le putois , il n'a pas le même inftinéi pour trouver fa fubfiftance -, il faut en avoir foin , le nourrir à la maifon , du moins dans ces climats *, il ne va pas s'établir à la campagne ni dans les bois •, & ceux que l'on perd dans les trous de lapins ^ & qui ne reviennent pas, ne fe font jamais multipliés dans les ^ champs ni dans les bois , ils périlTent apparemment pendant l'hiver j le furet varie aufîî par la couleur du poil , commie les autres ^cj Voyez la defcription du furet , où il eft dit qu'il a quinze côtes , au lieu que le putois , la fouine & la mar.e nVn ont que quatorze, ôc qu'il a aufîî un os de plus dans le fternum , vol. A' Fds i'editioa cji trente- un volumes. 254 JJiJloire Naturelle animaux domeftiques , & il eft auflî com- mun dans les pays chauds ( d) y que le putois y eft rare. La femelle efl: dans cette efpèce fen- lîbîement plus petite que îe mâle -, lorf- qu'elle e(l en chaleur , elle le recherche ardemment, & Ton afTure (e)ç\ue{\Q^ meurt fi elle ne trouve pas à fe fatisfaire ', aufîi a-t-on foin de ne les pas féparer. On les élève dans des tonneaux ou dans des caifTes où on leur fait un lit d'étoupesj ils dorment prefque continuellement : ce fommeil fi fréquent ne leur tient lieu de rien -, car dès qu'ils s'éveillent ils cher- chent à manger -, on les nourrit de fon , de pain , de lait > &c. ils produifent deux fois par an -, les femelles portent lîx fe- maines : quelques-unes dévorent leurs petits prefque aufîitôt qu'elles ont mis bas, & alors elles deviennent de nouveau en chaleur & font trois portées , lesquelles font ordinairement de cinq ou iix , & quelquefois de fept, huit, & même neuf. (^dj Le furet Ce trouve en Barbarie , & fe nomme Nimfe. Voyez les voyages du dofteur Shaw. Amjîer- darriy 274^ , tome I, ^age 323, (e) Vide. Gefne r, Wifi. animal, quadrup. p. 7/^J. j du Furet. 255 Cet animal eft naturellement ennemi mortel du lapin -, lorfqu'on préfente un lapin 5 même mort , à un jeune furet , qui n'en a jamais vu, il fe jette delTusSc le mord avec fureur-, s'il eft vivant, il le prend par le cou , par le nez , & lui fuce le fang -, lorfqu on le lâche dans les trous des lapins , on le mufèle , afin qu il ne les tue pas dans le fond du terrier , & qu'il les oblige feulement à fortir & à fe jeter dans le filet dont on couvre l'entrée Si on laide aller le furet fans mufelière, on court rifque de le perdre , parce qu'après avoir fucé le fang du lapin il s'endort, & la fumée qu'on fait dans le terrier n'eft pas toujours un moyen fiir pour le ramener, parce que fouvent il y a plufieurs iiTues , & qu'un terrier com- munique à d'autres , dans lefquels le furet s'engage à mefure que la fumée le gagne. Les enfuis fe fervent aufïî du furet pour dénicher les oifeaux , il entre aifément dans les trous des arbres & des murailles 3 & il les apporte au dehors. Selon le témoignage de Strabon , Je furet a été apporté d'Afrique en Efpagne , & cela ne me paroît pas fans fondement, parce que i'Efpagne eft le climat naturel I Zj6 Hi/îoins Naturelle des îapins , & le pays où ils éroîent au- trefois le plus abondans : on peut donc préfumer que pour en diminuer le nom- bre 3 devenu peut-être très -incommode, on fit venir des furets avec lefqueîs on fait une chafTe utile , au lieu qu'en multi- pliant les putois 3 on ne pourroit que détruire les lapins , mais fans aucun pro- fit 5 Se les détruire peut - être beaucoup au - delà de ce que Ton voudroit. Le furet, quoique facile à apprivoifer , Se même aflez docile, ne laifîe pas d'être fort colère *, il a une mauvaife odeur en tout temps, qui devient bien plus forte lorfqu'il s'échauffe ou qu'on l'irrite •-, il a les yeux vifs 3 le regard enflammé , tous îes mouvemens très-fouples, & il eft en même temps fî vigoureux , qu'il vient aifément à bout d'un lapin qui eft au moins quatre fois plus gros que lui. Malgré l'autorité des Interprètes & des Commentateurs , nous doutons que le furet foit Yicîis des Grecs. « L'idfcis, dit Ariftote, eft une efpèce » de belette fauvage, plus petite qu'un «petit chien de Malte, mais femblable à 3> la belette par le poil , par la forme 3 par 3> la blancheur de la partie inférieure , & du Furet, i^y suffi par Taftuce des mœurs *, il s'appri- œ voife beaucoup -, il fait grand tort aux ce ruches 5 étant avide de miel , il attaque » auiïî les oileaux , il a , comme îe chat , « le membre génital offeux. Hijl, animal, œ Ub, 7X, cap. 6 r>. Il paroît , i.*^ qu il y a une efpèce de contradiâ:ion ou de mal- entendu à dire que Tidlis eft une efpèce de belette fauvage qui s'app ri voife beau- coup , puifque la belette ordinaire , qui eft ici la moins fauvage des deux , ne s'apprivoife point, i.q Le furet, quoi- qiie plus gros que la belette , n*eft pas trop comparable au petit épagneul ou au chien bichon dont il n'approche pas pour la groffeur. 3.^ II ne paroit pas que le furet ait Tafluce des mœurs de la belette, ni même aucune rufe : enfin , il ne fait aucun tort aux ruches, ôc n eft nullement avide de miel. J'ai prié M. le Roi, Inf- pedeur des chaftes du Roi , de vérifier ce dernier fait , & voici fa réponfe : M. de Buffonpeut être ajjuré que les furets nont pas à la vérité un goût décidé pour le miel ^ mais quavec un peu de diète on leur en fait manger; nous en avons nourri pendant qua-* tre jours avec du pain trempé dans de l'eau, 2^8 Hijloire iSatureuCy uc miellée ; Us en ont mangée & même en ajje^ grande quantité les deux derniers jours ; it, ejl vrai que les plus foibles de ceux-là com^ mençoientà maigrir d'une manière fenjib le. Ce n'eftpas îa première fois que M. le Roi, qui joint à beaucoup d'efprit un grand amour pour les fciences 3 nous a donné des faits plus ou moins imporrans , & dont nous avons fait ufage. J'ai elTayé moi-même, n'ayant pas de furet fous ma main, de faire la même épreuve fur une hermine , en ne lui donnant que du miel pur à manger,. & en même temps du lait à boire, elle en efî: morte au bout de quel- ques jours -, ainiî , ni Thermine ni le furet ne font avides de miel comme l'iciis des Anciens, Scc^eft ce qui me fait croire que ce mot iciis n eft peut-être qu'un nom gé- nérique, ou que s'il déiigne une efpèce particulière , c'eft plutôt la fouine ou le putois , qui tous deux en effet ont Taftuce de la belette, entrent dans les ruches, & font très -avides de miel. 59 LA BELETTE (a), LA Belette ordinaire eftaufïï commune dans les pays tempérés & chauds (b)-, qu'elle efl rare dans les climats froids \ Thermine au contraire trcs - abondante dans le nord , n'eft qu'en petit nombre dans les régions tempérées , & ne fe trouve point vers le midi. Ces animaux forment donc deux efpèces diftincftes & féparées *, ce qui a pu donner lieu de les confondre & de les prendre pour le faj La Belette ; en Grec , Taxlft ; en Latin , Mujîela; en Italien , Donnola ^ Ballottula , Benula j cnEfpagnol, Comadreia. ; en Allemand, Wifde ; en Anglois, Weafel , Wecfel , & dans quelques en- droits d'Angleterre , Foumart. Mujîela proprie Jîc dicia. Gefner, Hijî, quadrup^ png. 752. Icon. animal, quadrup. pag. ()^. Mujîela vulgaris. Ray , Synopf. animal, quadrup, pag. Z.95. Mujîela vulgaris. Klein, de quadrup. pag. 6a. Mujîela fupra rutila , infraalba. . . . Mujîela vulga* ris, BrifTon, Regn. animal, pag. 3jg.2, (h) La Belette fe trouve en Barbarie } on la nomme Fert- el Steile. Voyez les Voyages du dofteui Shav. La Haye , trjf.^ , tome If pif-e^ 332, ï l6o HiJIoire Naturelle même animal , c eft que parmi les belettes ordinaires il y en a quelques - unes qui , comme Thermine, deviennent blanches pendant l'hiver , même dans notre climat: mais Cl ce caradère leur efl: commun , elles en ont d'autres qui font très - difté- rens *, Thermine , rouflè en été , blanche en hiver , a en tout temps le bout de la queue noire *, la belette, même celle qui blanchit en hiver, a le bout de la queue jaune , elle eft d'ailleurs fcnfiblementplus petite, &a la queue beaucoup plus courte que Thermine , elle ne demeure pas , comme elle, dans les déferts & dans les bois , elle ne s'écarte guère des habitations : nous avons eu les deux efpèces. Se il n'y a nulle apparence que ces animaux qui diâèrent par le climat , par le tempéra- ment 5 par le naturel & par la taille , Te mêlent enfemble *, il eft vrai que parmi les belettes il y en a de plus grandes & de plus petites -, mais cette diilérence ne va guère qu'à un pouce ('cj fur la fcj Voyez les defcripticns de la belette & de l'her- mine , bc comparez cnfemble les dimenfions de ces àcux animaux, voLXVdQ l'édition en trente -ua volumes. i de la Belette. iSt îongueur entière du corps -, au lieu que l'hermine eft de deux pouces plus longue que la belette la plus grande : ni Tune ni l'autre ne s'apprivoifent , elles de- meurent toujours très-fauvages dans les cages de fer oii Ton eft obligé de les garder -, ni Tune ni l'autre ne veulent manger de miel , elles n'entrent pas dans les ruches, comme le putois Se la fouine; ainfi 3 l'hermine n'eftpas la belette fauvage, Viclis d'Ariftote , puifqu'il dit qu elle de- vient fort privée , & qu'elle eft fort avide de miel j la belette & l'hermine , loin de s'apprivoifer , font iî /auvages , qu elles ne veulent pas manger lorfqu'on les regarde : elles font dans une agitation continuelle > cherchent toujours à fe cacher -, & fî Ton veut les conferver, il faut leur donner un paquet d'étoupes dans lequel elles puiiïent fe fourrer, elles y traînent tout ce qu on leur donne , ne mangent guère que la nuit , & laiiïent pendant deux ou trois jours la viande fraîche fe corrompre avant que d'y toucher -, elles paiTent les trois quarts du jour à dormir *, celles qui font en liberté attendent awiE la nuir pour chercher leur i6z Hijîoire Naturelle proie. Lorfqu une belette peut entrer dans un poulailler , elle n'attaque pas les coqs ou les vieilles poules , elle choifît les petits poufïïns , les tue par une feule blelTure qu'elle leur fait à la tête , & enfuite les emporte tous les uns après les autres: elle calTe aulîî les œufs, & les fuce avec une incroyable avidité *, en hiver , elle demeure ordinairement dans les greniers, dans les granges-, fouvent même elle y r^fte au printemps pour y faire Tes petits dans le foin ou la paille j pendant tout ce temps, elle fait la guerre avec plus de fuccès que le chat , aux rats 8c aux fouris, parce qu'ils ne peuvent lui échapper & qu'elle entre après eux dans leurs trous; elle grimpe aux co- lombiers, pr^nd les pigeons, les moi- neaux , Sec, en été elle va à quelque dif- tanee des maifons , fur - tout dans les lieux bas 5 autour des moulins , le long des ruiflTeaux , des rivières , fe cache dans les buiiïbns pour attraper des oifeaux , & fouvent s'établit dans le creux d'un vieux faule pour y faire fes petits*, elle leur prépare un lit avec de l'herbe , de la paille, des feuill»s,des étoupes -, elle met de la Belette. 2^3 Las an printemps , les portées font quel- quefois de trois , & ordinairement de quatre ou de cinq -, les petits nailTent les yeux fermés , auffi-bien que ceux du putois, de la marte, de la fouine, &c, mais en peu de temps ils prennent allez d'accroiflement & de force pour fuivre leur mère à la chafTe -, elle attaque les couleuvres , les rats d'eau , les taupes , les mulots , &c. parcourt les prairies , dévore les cailles & leurs œufs. Elle ne marche jamais d'un pas égal , elle ne va qu'en bondiflànt par petits fauts inégaux & précipités \ & lorfqu'eile veut monter fur un arbre , elle fait un bond par lequel elle s'élève tout d'un coup à plufieurs pieds de hauteur -, elle bondit de même îorfqu'elle veut attraper un oifeau. Ces animaux ont, aufîî-bien que le putois & le furet , l'odeur fi forte , qu'on ne peut les garder dans une chambre habitée *, ils fentent plus mauvais en été qu'en hiver , & lorfqu'on les pourfuit ou qu'on les irrite , ils infedent de loin. Ils marchent toujours en filence , ne donnent jamais de voix qu'on ne les frappe -, ils ont un cri aigre & enroué z64 Hijloire Naturelle ^ &c. qui exprime bien îe ton de îa colère; Comme ils Tentent eux - mêmes fort mauvais , ils ne craignent pas Tinfedion. Un payfan de ma campagne prit un jour trois belettes nouvellement nées dans la carcalTe d'un loup qu'on avoir fuf- pendu à un arbre par les pieds de derrière -, le loup étoit preiqu'entièrement pourri , & la mère belette avoit apporté des herbes, des pailles & des feuilles pour faire un lit à Tes petits dans la cavité du thorax. rHERMINM, 2(^5 L' H E R M I N E ou LE ROSELET (a). JLjA Belette à queue noire s'appelle Hermine & Rofelet , Hermine lorlqu'eile eft blanche , Rorelet lorfqu'eile eil: roufle ou jaunâtre ; quoique moins commune que ia bektte ordinaire , on ne lailTe pas d'en trouver beaucoup , fur -tout dans les anciennes forêts , & quelquefois pendant Fhiver dans les champs voifîns des bois s il eft aifé de la diftinguer en tout temps de la belette commune , parce CaJ Hermine , Rofelet; en Latin , Hermellanus , animal Ennineum; en ltz\itx\ , Annellino; en Allemand, Jîermelin ; en Anglois , Ermîne , Stoat ; en Suédois , Mermelin , Lckatt ; en Polonois , Gronojîay. Majîela alba, Gefner , H//?, quadrup. pag. ^'^^, Icon. animal, quadriip. pag. zoo. Muflda Candidajîve animal Ennineum recentiorum. "^^y fSyriop. animal, quadrup. pag. i^8. Muficla caudx apicc atro. Linna:us. Mujîda Armdlina y MujUla alba , extremâ caudâ nigrâ. Klein, de quadrup. pag. 6^. Mujîela hieme alba, atate fuprà rutila , infrà alba ; eauda apice nigro. BriflTon , Regn. animal, pag. a<^^. Tomç IL Quadru£èdest M 2.66 Hijloire Naturelle qu'elle a toujours le bout de la queiie d'un noir foncé , le bord des oreilles-^ r-extrémité -des pieds 'biancs. . . Nous avons peu de chofe à ajouter à ce que noivs -avons déjà dit de cet animal (bj ^ & à ce que M. Daubentoii en a écrit dans fa defcription (c) ; nous obferverons feulement, que comme d'or- dinaire Thermine change de couleur en hiver , il y a toute apparence que celle dont il parle, & que nous avions encore au mois d'avril 1758 , feroit devenife blanche & telle qu'elle étoit l'année pafifée îorfqu'on la prit au i." mars 1757? Ci elle fût demeurée libre-, mais comme elle a été enfermée depuis ce temps dans une cage de fer , qu'elle fe frotte continuel- lement contre les barreaux , & que d'ail- leurs elle n'a pas elFuyé toute la rigueur du froid, ayant toujours été à l'abri fous une arcade contre un mur , il n'eft pas furprenant qu'elle ait gardé fon poil d'été *, elle eft toujours extrêmement fauvage^ elle n'a rien perdu de fa mauvaîfe odeur ; fbj Vojez dans ce volume l'article delà Belette. • ^cj Voyez la defcription de l'Hermine, au tome ■STP'* ' -de l'édition en trente-un -volumes. •; i de P.Hermine ou du Rofelet. 2^7 0=cela près, ceft un joli p^trt animal , les yeux vifs 5 la phyfioncmie fine , & les tnouvemens fi prompts , qu'il n'eO: pas poffible de les fuivre de Toeil -, on la toujours nourrie avec des œufs & de la .viande , niais elle la lailTe corrompre avant -que d'y toucher ^ elle na jamais voulu manger du miel , qu'après avoir été privée pendant trois jours de toute autre nourriture 5 & elle eft morte après en avoir mangé. La peau de cet animal ell précieufe *, tout le monde connoit les fourrures xl'hermine , elles font bien plus belles & d'un blanc plus mat que celles du lapin blanc , mais elles jauniiTent avec le temps , & même les hermines de ce climat ont toujours une légère teinte de jaune. Les hermines font très-communes dans tout le nord , fur -tout en Rulîîe , en Narvège , en Lapponie fdj : elles y font 5 comme -ailleurs , roulTes en été , & Planches en hiver -, elles fe nourriffent de petits - gris , & d'une efpèce de rats dont nous parlerons dans la fuite de cet CdJ Voyez les Œuvres de Regnard. Paris , 224-2 « riJomc /, page tj8. Mij z6S HiJIoire Naturelle^ &c. ouvrage , 8c qui eft très-aboMànte en Norvège & en Lappohie -, les hermines font rares dans les pays tempérés , & ne fe trouvent point dans ies pays chauds. L'animal du cap de Bonne -efpérance , que Koibe appelle hermine (e)\ ôc duquel il dit que la chair eft faine &:- agréable au palais , n'efl: point une hermine , ni même rien d'approchant ^ les belettes de Cayenne dont parle M. Barrère ("fjjy Se les hermines grîfes de la Tartarie orientale ôc du nord de la Chine , dont il eft fait mention par quelques voyageurs ('g)j font aulïï des animaux diftérens de nos belettes 6c de nos hermines. - li"',];.! : . .'^ :-,^rr:" -.^ f^ej Defcription du Cap de Bonne-efpérance , par Kolbe. Amjîerdam, ly/^i , partie Ht , chapitre vi ^, page 54. ^fj Defcription de la France éqttinoxialc > pat M. Barrere, . _ .. ., fgj Voyez l'hiftoire générale rd^s Voyages , p«î H. i'abbé Frevôt, tome ^{-fif^^'^f^^SrÇ^^o^- ^ "€â^' c p.iT-> JI, XA laiLE T TE JPI.JI7 .f. » 6.8. jl'hsîlzviiinîl J.^. 2(Î9 L'ÉCUREUIL (a). Xj'écureuil eil un joli petit animal qui n'efl: qu'à demi fauvage , & qui , par fa semilleffe, par fa docilité, par Finno- cence même de les mœurs , menteroit d'être épargné ■•, il n'eft ni carnalîîer , ni nuiiible /• quoiqu'il faififle quelquefois des oifeaux-, fa nourriture ordinaire font des fruits, des amandes , des noifettes , de la faine & du gland -, il eft propre , lefte 5 vif, très - alerte , très - éveillé , très- fa) L'Écureuil ; en Grec & en Latin , Sciuriis ; en Italien , Schirivolo, Chirivolo, Schirato^Scliiratolo; en Efpagnol , Harda-Bfquilo ,- en Allemand , Eychorn, JEichherrnlin ; en Anglois , Squirrel ; en Suédois , Ikorn ; en Polonois , JVijervijorka ; ancien François , JSfc'urieu, Efciiriau. * Seiurus. Gefncr , Hijî. quadrup. pag. 8^§. Icon. animal, quadrup. pag. iio. Seiurus vulgaris. Ray, Synopf. animal, quadrup, \pag. a 14. Seiurus palmîs folis faliens Linnxus. Seiurus vulgaris rubieundus. Klein > ic quadrup, pag. 63- Seiurus rufus, quandoque grifeo admixto .... Sciuruâ 'Vulgaris, Briflbn , Kegn, animal, pag. 150. Uïi] 270 HiJIoire Naturelle induftrieuxj il a les yeux pleins de feu , la phy(ionomie fine , le corps nerveux, les 'membres très-difpos : fa jolie figure eft encore rehauffée , parée par une belle queue en forme de panacKe , qu ii' relève jufque defTus fa tête , & fous laquelle il fe met à Tonibre -, le delFous de fon corps eft garni d'un appareil tout auffi remarquable , & qui annoncent de grandes facultés pour l'exercice de la génération -, il eft , pour ainfi dire , moins quadrupède que les autres , il fe tient ordinairement afîîs prefque debout. Se fe fert de fes pieds de devant , comme d'une main , pour porter à fa bouche ^ au lieu de fe cacher fous terre , il efl toujours en l'air -, ii approche des oi- féaux par fa légèreté , il demeure comme: eux fur la cime des arbres, parcourt lea forêts en fautant de l'un à l'autre , y fait fon nid , cueille les graines , boit lïf rofée, 8c ne defcend à terre que quand les arbres font agités par la violence des^ vents. On ne le trouve point dans les champs, dans les lieux découverts, dans» les pays de plaine, il n^approche jamais des habitations , il ne refte point dajis les de V Écureuil. iji tîiliis, mais dans les bois de hauteur, fur les vieux arbres des plus belles futaies. Il craint Teau plus encore que la terre , & l'on afiure (b) que lorfquil faut la paffer , il fe fert d'une écorce pour vaif- îeau , & de fa queue pour voiles & pour gouvernail. Il ne s'engourdit pas comme ie Loir pendant l'hiver , il eft en tout temps très -éveillé , & pour peu que l'on touche au pied de l'arbre fur le- quel il repofe , il fort de fa petite bauge , fuit fur un autre arbre , ou fe cache à l'abri d'une branche. Il ramalTe des noi- fettes pendant l'été, en remplit les troncs, les fentes d'un vieux arbre, & a recours en hiver à fa provision , il les cherche aufîi fous la neige qu'il détourne en grattant. Il a la voix éclatante , &: plus ^bj Reiveritate nidtiir qiiod Gefnerus ex Vincentio Seluancenjî & Olaa magno refert. Sciuros , quando aquam tranjîre cupiunt lignum levijfvnum aquce im- pontre ; tique injîdentes & caudâ non tanien ut vult , erecia,fed continua mota, velif.cantet ne que fiante vento, fed tranquillo cequore tranfvehi, quodfide dignus , fiduf- que meus emijfarius ad infulas Gothlandice , plusjïmplici vice obfervavit , & cum fpoliis in littoribus ibidem col- leâis redux mirabundus mihi retulit. Diflert. de Sciuro volante. Phil. Tranf. n.° $7 , pag. 38. Klein, de quûdrup. pag. 53. M iiij ^J^ Hijloire Naturelle perçante encore que celle de la fouine 5 il a de plus un murmure à bouche fer- mée , un petit grognement de mécon- tentement qu il fait entendre toutes les fois qu'on Tirrite. Il eft trop léger pour marcher , il va ordinairement par petits fauts 8c quelquefois par bonds -, il a les ongles 11 pointus & les mouvemens fi prompts y qu'il grimpe en un inftant fur un hêtre dont l'écorce eft fort liiTe. On entend les écureuils , pendant les belles nuits d'été , crier en courant fur les arbres les uns après les autres -, ils femblent craindre l'ardeur du foîeil, ils demeurent pendant le jour à l'abri dans leur domicile, dont ils fortent le foir pour s'exercer , jouer , faire l'amour & manger , ce domicile eft propre, chaud & impénétrable à la pluie , c'eft ordi- nairement fur l'enfourchure d'un arbre qu'ils l'établrfTent -, ils commencent par tranfporter des bûchettes qu'ils mêlent , qu'ils entrelacent avec de la moulTe j ils la ferrent enfuite , ils la foulent & donnent alTez de capacité & de folidité à leur ouvrage , pour y être à l'aife & en fureté avec leurs petits j il n'y; a ¥ de F Écureuil. 273 qu'une ouverture vers le haut , jufte , étroite , & qui fufïit à peine pour paîTer y au-defTus de l'ouverture eft une efpèce de couvert en cône qui met le tout à Tabri , Se fait que la pluie s'écoule par îes côtés & ne pénètre pas. Ils pro- duifent ordinairement trois ou quatre pe- tits -, ils entrent en amour au printemps & mettent bas au mois de mai ou au commencement de juin -, ils muent au fortir de Thiver , le poil nouveau eft plus roux que celui qui tombe. Ils fe peignent , ils fe poliiTent avec les mains Se les dents -, ils font propres, ils n'ont aucune mauvaife odeur -, leur chair eft aftez bonne à manger. Le poil de la queue fert à faire des pinceaux -, mais leur peau ne fait pas une bonne four- rure. Il y a beaucoup d'efpèces voifines de celle de l'écureuil , & peu de variétés dans l'efpèce même -, il s'en trouve quelques-uns de cendrés , tous les autres font roux. Les petits -gris qui font d'une efpèce ditlérente , demeurent toujours gris. Et fans citer les écureuils volans My r 2 74 Hijloire Naturelle qui font bien difFérens dfes antres , Fécu- reuil blond de Cambaye (c), qxii eiî fort petit & qui a la queue femblable à i'écu- teuil d'Europe , celui de Madagafcar (^ dj nommé Tfufihi^ qui eft gris , & qui n'efb , dit Flaccourt , ni beau ni bon ^ apprivoifer -, l'écureuil blanc de Sram (e) ^ Fécureuii gris (f) un peu tacheté de Bengale, Técureuil-raye de Q^iViiàz ( g ) ^ f écureuil noir (h) ^ le grand éctireuTi gris de Virginie (^iy)j récureuii de laNouvelle- Efpagne à raies blanches (k) , Fécureuil (c) Voyez les voyages de tktro della "V'àife. Kouar, ty^5 , tome Vlypag i68. (à) Voyesi le voyage de Placcourt. Farî^ , i^6f , fage iG/j., ( t) Voyez le fécond voyage du P. Tachaard^ Paris, i 683 , page 3^9. Cf) Voyez le Recueil des voyages de la Gompaignie des Indes de Hollande y Amjîerdam , ty ti , tome VIL (g) Voyez les voyages de Sabard Theodat. Faris, 1633, pages 30s & 306. (h) Voyez Thiftolre naturelle de la Caroline , par Cateftjy. Londres, ly^^ , tome II, page y 3. (i) Voyez idem , tome II, page y G. (kj Vide Albert Seba , Vol. I, page y G, 7mi .IL. SPl. i3. paa-Z'74- I> ECUREUIL -5 .&-. 1 I de V Écureuil. 275 bîanc de Sibérie (IJ^ Técureuil varié ou ie mus ponticus ^ le petit écureuil d'Ame-* rique , celui du Brefii , celui de Barba- rie, ie rat palmifte , &c. forment autant d'efpèces diftindes &: féparées. {ij VideBriiron, Ktgn. animal, pag. t^t. M VJ 2 7^ Uijloire Naturelle LE RAT (a). JLJescendant par degrés du grand au petit y du fort au foible , nous trouverons que la Nature a fu tout corn- penfer : qu'uniquement attentive à ïa confervation de chaque efpèce , elle fait profutlon d'individus , & fe foutient par îe nombre dans toutes celles qu elle a réduites au petit , ou qu'elle a laitlées fans forces , fans armes & fans courage : & non-feulement elle a voulu que ces efpcces faj Le Rat ; en Grec , Muç ^ en Latin , Mus major , Rattus ; en Itaiien , Kato di ca[a ; en Ef* pagnol , Katon; en Allemand, Baq; en Anglois > Kat , Ratu ; en Suédois , Rotta y en Polonois ^ Sciurci. Mus domejîlciis major , Jîve Rattus. Gefner , Hîjî^ quadr.pag. 7j i. Icon. animal, quadr. pag. i i/f.. Mus domejlicus major , five Rattus. Ray, Synopf,. animal, quadrnp. pag. azy. Mus caudâ longâjjubnudâ, corporefufco cinerafcentt, Linnaeus. Mus, Rattus domejiicus. Klein, de quadr. pag. 57, Mus caudâ longijjiinâ, obfcure cincreus , . , , . RuttUS» BnlTon. Kes"«. animal, pag. iÇ8, du Rat 277 inférieur es fufTent en état de réfifter ou durer par le nombre j mais il femble qu'elle ait en même temps donné des fupplémens à chacune , en multipliant les efpèces voifines. Le rat, la fouris , ie mulot, le rat d'eau, le campagnol 5 ie loir, le lerot , le mufcardin, la musa- raigne , beaucoup d'autres que je ne cite point parce qu'ils lont étrangers à notre climat, forment autant d'efpèces diftincStes & réparées , mais allez peu différentes pour pouvoir en quelque forte fe fup- pléer & faire que , fi l'une d'entre elles venoit à manquer , le vide en ce genre feroit à peine fenCihle , c'eft ce grand nombre d'efpèces voifines qui a donné l'idée des genres aux Naturalises j idée que l'on ne peut employer qu'en ce fens , lorfqu'on ne voit les objets qu'en gros , mais qui s'évanouit dès qu'on Rapplique à la réalité , & qu'on vient à confidérer la Nature en détail. Les hommes ont commencé par donner différens noms aux chofes qui leur ont paru diflinctement diflérentes , 8c en même temps ils ont fait des dénomi- nations générales pour tout ce qui leur 278 Hijloire Naturelle paroiiïoit à peu pïès feiiiMable. Chez les peuples groffiers & dans toutes îes lan- gues naiiiantes, ri n'y a prefque que des noms généraux , c eft-à-dire , des expref- fions vagues & informes de chofes du même ordre & cependant très-différent es- entr'elies *, un chêne , un hêtre , tilleul , Ltn fapin j un if , un pin , n'auront d'abord eu d'autre nom que celui â^ arbre ; enfuite le chêne , le hêtre , le tilleul fe feront tous trois appelles chines lorfqu'on- les aura drftingués du fapin , du pin , de l'if 5 qui tous trois fe feront appelés fapin. Les noms particuliers ne font venus qu'à la fuite de la comparaifon & de l'examen détaillé qu'on a fait de chaque efpèce de chofes : on a augmenté le nombre de ces noms à mefure qu'on a plus étudié & mieux connu la Nature v plus on l'examinera , plus on la com- parera , plus il Y aura de noms propres & de dénominations particulières. Lorfqu'on nous la préfente donc aujourd'hui par des dénominations générales , c'eft-à-dire , par des genres , c'eft nous renvoyer à i'ABC de toute connoilfance , & rappeler les ténèbres de l'enfance des hommes : du Rat. 27^ ^Ignorance a fait les genres , la Science â fart & fera ies noms propres, & nous lie craindrons pas d'augmenter le nombre des dénominations particulières , toutes les fois que nous voudrons désigner des efpèces dittérentes. Uon a compris & confondu fous ce nom générique de Rat , pluiieurs efpèces de petits animaux -, nous ne donnerons ce nom qu'au rat commun , qui eft noirâtre & qui habite dans les maifons , chacune des autres efpèces aura fa dé- nomination parncuiicre , parce que ne fe mêlant point enfemble , chacune eil dî^renfe de toutes ies autres. Le rat eft afTez connu par l'incommodité qu'il nous eaufe \ il habite ordinairement les greniers mi Ton; entalTe îe grain , où l'on ferre îes fruits , & de-là defcend Se fe répand dans la maifon. Il efl carnafîier, & même omnivore , û femble feulement préférer îes chofes dures aux plus tendres-, il ronge la laine , les étoftes, les meubles , perce îe bois , fait des trous dans les murs 5 fe loge dans Tépaiffeur des plan- chers , dans les vides de la charpente ou de la boiferie *, il en fort poxnr chercher z8o îîijloire Naturelle ïa, rubfîflance , & fouvent il y tranfporte tout ce qu il peut traîner , il y fait même quelquefois magafin, fur-tout iorfqull a des petits. Il produit plufieurs fois par an , prefque toujours en été-, les portées ordinaires font de cinq ou iix. Il cherche les lieux chauds , & fe niche en hiver auprès des cheminées ou dans le foin , dans la paille. Malgré les chats, le poifon, les pièges , les appâts , ces animaux pul- lulent fi fort 5 qu ils caufent fouvent de grands dommages -, c efl: fur - tout dans les vieilles maifons à la campagne , ou Ton garde du blé dans les greniers, & où le voifinage des granges &. des ma- gafins à foin facilite leur retraite & leur multiplication , qu'ils font en (î grand nombre qu'on feroit obligé de démeu- bler , de déferrer , s'ils ne fe détruifoient eux-mêmes *, mais nous avons vu par expérience qu'ils fe tuent , qu'ils fe man- gent entr'eux pour peu que la faim les prelfe , en forte que quand il y a difette à caufe du trop grand nombre , les plus forts fe jettent fur les plus foibles , leur ouvrent la tête & mangent d'abord la cervelle , & enfuite le relie du cadavre | du Rat. 281 !e îendemarn îa guerre recommence, & dure ainfî jufqu'à la deftrudtion du plus grand nombre -, c'efi: par cette raifon , qu'il arrive ordinairement, qu après avoir été infefté de ces animaux pendant un temps , ils Temblent fouvent difparoître tout- à -coup, & quelquefois pour long- temps. Il en eft de même des mulots 5 dont la pullulation prodigieufe n'eft ar- rêtée que par les cruautés qu ils exercent entr'eux, dès que les vivres commencent à leur manquer. Ariftote a attribué cette deftrudion fubite à Teffet des pluies *, mais les rats ny font point expofés , & les mulots favent s'en garantir -, car les trous qu'ils habitent fous terre, ne font pas même humides. Les rats font aufïï lafcifs que voraces, ils glapillènt dans leurs amours , & crient quand ils fe battent •, ils préparent un lit â leurs petits , & leur apportent bientôt à manger *, lorfqu ils commencent à fortir de leur trou , la mère les veille , les défend , & fe bat même contre les chats pour les fauver. Un gros rat eft plus méchant, & prefquauiîî fort quun jeune chat y il a les dents de devant longues 282 Hijloire Naturelle & fortes : le chat mord mal , & comme il ne fe fert guère que de Tes griffes , il faut qu'il foit non - feulement vigoureux > mais aguerri. La belette , quoique plus petite 5 eft un ennemi pius dangereux , & que le rat redoute parce qu elle le fuit- dans fon trou : le combat dure quelque- fois long-temps , la force eft au moins égale 5 mais Temploi des armes eft diflé- rent : le rat ne peut bieller qu'à plulieurs reprifes & par les dents de devant , iefquelles font plutôt faites pour ronger que pour mordre , & qui étant pofées à l'extrémité du levier de la mâchoire ont peu de force -, tandis cjue la belette mord de toute la mâchoire avec acharnement , & qu'au lieu de démordre , elle fuce le fang de l'endroit entamé *, aufli le rat fuccombe-t-il toujours. On trouve des variétés dans cette efpèce 5 comme dans toutes celles qur font très-nombreufes en individus ^ outre les rats ordinaires qui font noirâtres, il y en a de bruns , de prefque noirs , d'autres d'un gris plus blanc ou plus roux , Se d'autres tout -à -fait blancs : ces rats blancs ont les yeux rouges commç le du Rat. zgj fepin blanc , la fouris Hanclre , & comme fous les autres animaux qui font tout- à-fait blancs. L'efpèce entière, avec Tes variétés , paraît être naturelle aux climats tempérés de notre continent , & s'eft beaucoup plus répandue dans les pays chauds que dans les pays froids. Il n y en avoir point en Amérique (b) _y 8c ceux qui y font aujourd'hui , & en très- grand nombre , y ont débarqué avec les Européens : ils multiplièrent d'abord fî prodigieufement , quils ont été pendant long - temps fe fléau des Colonies , où ils n'avoient guère d'autres ennemis que les grolTes couleuvres qui les avalent tout vivans : les navires les ont aufîl portés aux Indes orientales , & dans toutes les îles de l'Archipel indien (^cj: (h) Voye?; la defcription à^ti Antilles par le P. du Tertre. Taris , ?6'77 , tomt II , page ^joj. L'Hiftoire naturelle des îles Antilles. Rotterdam , î6s8 , page a.6i. Nouveaux voyages aux îles de l'Amérique. Paris , ï^aa , tome iH, page iGo. Voyage de Dampier. Rouen , lytS t tome IV, page 225. fcj Voyez les Lettres édifiantes > Recueil XVIIT, page ï6t. 2 8 4 JJiJloire Naturelle , &c. il s'en trouve aufîi beaucoup en Afri- que (^dj. Dans ie nord , au contraire ,. ils ne fe font guère multipliés au - delà, de îa Suède, & ce qu'on appelle des rats en Norvège , en Lapponie i Sec. font des animaux diftérens de nos rats. fdj Voyez le voyage de Guinée par Bofman.' Vtrecht f tyo^ , page 24 î. Voyez auliî Thiftoire générale des voyages > par M. i'abbç Prévôt, tome I Vf fage 238. Thfn.IL. LE ROS^LET Tl.J^.p.^6^ 1 MiiilIlIl^H^^r nlMM| ^Si ^iif:*^ ^^^3^ " "^^Sj^wl^^ I^PSu^'V^ ^^^^^^^^^^p ^^K^" ^.d^Ê^^ nui,^^^^ ^ Ji>"llllill)|||||j|jl|HH|[[j^ m&^ j^^ PPiPP^'''***'""'" .•^^^, ^^^^'^^-^^^ i^llfilfo.T: ::,.;•-■;:.,;,;■-:;. [ J-E RAT 285 LA SOURIS (a). JL celli pilis & voce, Cavia Cobaya Bra/Ilienfibus diâus , Margravii. Ray , Synopf animal, quadrup. pag. 3 2J. Hfus caudâ abrupta ; palniis utradadylis , plantis , tridacfylis. Linnxus. Cavia Cobaya Brajîlienfibus ; quibufdam mus Pha^ raonis , taiu pilofus , porcellus ^ mus îndiçus. Klein, de quadrup. pag. 4f.^. Lapin des Indes. Cuniculus ecaudatus , auritus , albus eut rufuSt aut ex utroque variegatiis Cuniculus Indicus, BrifTon; Kegn. animal, pag. îfj. 3o5 HiJIoire Naturelle quoiqu'ils multiplient prodigieufement ; ils n'y font pas en grand nombre , parce que les foins qu'ils demandent ne font pas compenfés par le profit qu'on en tire. Leur peau n'a prefqu'aucune valeur, & leur chair, quoique mangeable , n'efi: pas aiTez bonne pour être recherchée : elle feroit meilleure , fî on les élevoit dans des efpèces de garennes où ils auroient de Tair , de Fefpace Se des herbes à choifir. Ceux qu'on garde dans les maifons ont à peu près le même mauvais goût que les lapins clapiers , & ceux qui ont paflTé rété dans un jardin ont toujours un goût fade , mais moins défagréable. Ces animaux font d'un tempérament fî précoce & iî chaud, qu'ils fe recher- chent & s'accouplent cinq ou fix fem aines après leur nailTance *, ils ne prennent ce- pendant leur accroiiïement entier qu'en huit ou neuf mois , mais il eft vrai que c'eft en groiTeur apparente & en graillé qu'ils augmentent le plus , & que le dé- veloppement des parties folides eft fait avant l'âge de cinq ou fix mois. Les femelles ne portent que trois femaines , & nous en avons vu mettre bas à deux du Cochon d^Inde. 307 mois d'âge. Ces premières portées ne font pas h nombreufes que les fuivantes , elles font de quatre ou cinq , la féconde portée eft de cinq ou fix , & les autres de fept ou huit , & même de dix ou onze. La mère nallaite fes petits que pendant douze ou quinze jours, elle les chaiTe dès qu elle reprend le mâle , c'eft au plus tard trois femaines après qu elle a mis bas, «Se s'ils s'obftinent à demeurer auprès d'elle , leur père les maltraite & les tue. Ainfi , ces animaux produifent au moins tous les deux mois , & ceux qui viennent de naître produifant de même , l'on eft étonné de leur prompte & pro- digieufe multiplication. Avec une feule couple 5 on pourroit en avoir un millier dans un an-, mais ilsfe détruifent aufîi vite qu'ils pullulent , le froid & l'humidité les font mourir , ils fe laiflent manger par les chats fans fe défendre*, les mères même ne s'irritent pas contre eux : n'ayant pas le temps de s'attacher à leurs petits, elles ne font aucun eftbrt pour les fauver. Les mâles fe foucient encore moins des petits , & fe lailTent manger eux-mêmes fansréfif- tance j ils n'ont de fentiment bien diftino; joS HiJIoire Naturelle que celui de Famour , ils font alors fuC- ceptibles de colère , ils fe battent cruel- lement 5 ils fe tuent même quelquefois entr'eux lorfqu il s'agit de fe fatisfaire 8c d'avoir la femelle. Ils palTent leur vie à dormir , jouir & manger -, leur fommeiï eft court, mais fréquent -, ils mangent à toute heure du jour & de la nuit , & cherchent à jouir aufîî fouvent qu'ils mangent, ils ne boivent jam.ais & cepen- dant ils urinent à tout moment. Ils fe nourrifTent de toutes fortes d'herbes , & iur-tout de perfil -, ils le préfèrent même au fon , à la farine, au pain-, ils aiment auffi beaucoup les pommes & les autres fruits. Ils mangent précipitamment, à peu près comme les lapins , peu à la fois , mais très - fouvent. Ils ont un grognement femblable à celui d'un petit cochon de lait -, ils ont auffi une efpèce de gazouil- lement qui marque leurs plailîrs lorfqu'ils font auprès de leur femelle , & un cri fort aigu lorfqu'ils reffentent de la douleur. Ils font délicats , frileux , & l'on a de la peine à leur faire palTer l'hiver -, il faut les tenir dans un endroit- fain , fec 8c chaud. Lorfqu'ils fentent le froid, ils fe hnJI. I.E RAT D'jiATJ Tl 3o8. I/E COCSOK d'iNTDE. Tl. 22, . paj. 3ûS. >^é^ ^^^r -?=:'^>^m\??^\-^?i^^ ■rX I.E CA1^PjS.GNOL du Cochon d^ Inde, 309 taffemblent & fe ferrent les uns contre les autres , & il arrive fouvent que Tarfis par le froid ils meurent tous enfemble. Ils font naturellement doux & privés , ils ne font aucun mai , mais ils font également inca^ pables de bien , ils ne s'attachent point : doux par tempérament , dociles par foi- blefïe 5 prefque inf eniibles à tout , ils ont Tair d'automates montés pour la propa- gation, faits feulement pour figurer une efpèce. 3 I o Hijîoire Naturelle LE HÉRISSON (a). Renard fait beaucoup de chofes , le Hé- filTon n'en fait qu'une grande , difoient proverbialement les Anciens (b). Il fait Te défendre fans combattre , & bleffer fans faj Le HérlfTon ; en Grec , "E'yjvoç -, en Latin , JEchinus , Herinaceus , Erinaceus , Echinas terrejîris ; en Italien, Erinaceo , Riccio , Aino ; en Efpagnol , Eriio ; en Portugais , Ouriio , Orico cachera ; en Allemand , Igel ; en Anglois , Urchin , Heyde-hog ; en Suédois , Igelkott ; en Danois , Find Swia ; en Polonois , Jei, Ziennay ; enHoUandois , Yfcrcn Vere- ken ; en ancien François , Eurchon. Echinus terrejîris. Gefner, Hijî. quadr. pag. ^68; Herinaceus. Gefner, Icon. anim. quadriip. pag. to6. Echinus Jîve Erinaceus terrejîris. Ray, Synopf. anim. §uadrup. pag. a^ t. Erinaceus fpinofus , auriculatus , Echinus terrejîris, Linna^us. Acanthion vulgaris nojîras , Herinaceus , Echinus. Klein , de quadrup. pag. 66. Erinaceus auriculis eredis Erinaceus. BriiTony lR.egn. animal, pag. î€i. (bj Zenodotus, Plutarchus & alii ex Archilocho, du UenjTon. 3 i 1 attaquer : n'ayant que peu de force & nulle agilité pour fuir , il a reçu de la Nature une armure épineufe , avec la facilité de fe relTerrer en boule & de préfenter de tous cotés des armes défen- lives 5 poignantes , & qui rebutent fes, ennemis -, plus ils le tourmentent , plus il fe hérilïe & fe relTerre. Il fe défend encore par l'effet même de la peur , il lâche fon urine , dont l'odeur & l'humi- dité fe répandant fur tout fon corps , achèvent de les dégoûter. Auiïi la plupart des chiens fe contentent de l'aboyer & ne fe foucient pas de le faifir : cependant il y en a quelques-uns qui trouvent moyen , comme le renard , d'en venir à bout en fe piquant les pieds & fe mettant la gueule en fang -, mais il ne craint ni la fouine , ni la marte , ni le putois , ni le furet , ni la belette , ni les oifeaux de proie. La femelle & le mâle font également cou- verts d'épines depuis la tête jufqu'à Id. queue , & il n'y a que le dedbus du corps qui foit garni de poils ^ ainii, ces mêmes armes qui leur font fi utiles contre les autres , leur deviennent très- incommodes lorfqu ils veulent s'unir : i]$ 3 î 2 Hljloire Naturelle ne peuvent s'accoupler à la manière des autres quadrupèdes , il faut qu'ils foienc face à face , debouts ou couchés. Ceft au printemps qu'ils fe cherchent , 8c ils produifent au comm.encement de l'été. On m'a fouvent apporté la mère & les petits au mois de juin : il y en a ordi- nairement trois ou quatre , & quelque- fois cinq -, ils font blancs dans ce premier temps 5 & l'on voit feulement fur leur peau la naiilance des épines. J'ai voulu :en élever quelques-uns, on a mis plus d'une fois la mère & les petits dans un tonneau avec une abondante provifion ♦, mais au lieu de les allaiter, elle lésa dé- vorés les uns après les autres. Ce n'étoit pas par le befoin de nourriture , car elle niangeoit de la viande , du pain , du fon , des fruits , 8c l'on n'auroit pas imaginé .qu'un animal auffi lent , aufli pareiïeux , auquel il ne manquoit rien que- la liberté, fût de fi mauvaife humeiu: , 8c fi fâché d'être en prifon, il a même de- la malice , & de la même forte que celle du imge. Un hériffon qui s'étoit gliffé dans la cui- ,{ine découvrit une petite marmite,. en tira îa viande Se y; fit fes ordures.; J'ai -gardé des du HenJJon. 313 des mâles 8c des femelles enfemble dans une chambre , ils ont vécu , mars ils ne fe font point accouplés. J'en ai lâché plufieurs dans mes jardins , ils nly font pas grand mal, 8c à peine s'apperçoit - on qu ils Y habitent -, ils vivent de fruits tombés, ils fouillent la terre avec le nez à une petite profondeur-, ils mangent les hannetons , les fcarabées , les grillons , les vers 8c quelques racines -, ils font aufîi très -avides de viande, & la mandent cuite ou crue. A la campagne , on les trouve fréquemment dans les bois , fous les troncs des vieux arbres, 8c auiïi dans les fentes de rochers , & fur -tout dans les monceaux de pierre qu'on amaiTc dans les champs & dans les vignes. Je ne crois pas qu'ils montent fur les arbres , comme le difenr les Naturaliftes (^c ) , ni qu'ils fe fervent de leurs épines pour em- porter des fruits ou des grains de raifin , c'eft avec la gueule qu'ils prennent ce qu'ils veulent " faifir , & quoiqu'il y en ait un grand nombre dans nos forêts, (c) Arbores afcendit, poma &pyra decinit , in iJlU ftft volutat ut fpinis hareant. Sperling. Zoologi», Lipiiae , 1661 , pag. 281, Tome IL Quadrupèdes, Q 3 r 4 HiJIoire Naturelle nous n'en avons jamais vu fur les arbres j ils fe tiennenr toujours au pied dans un creux ou lous la mouiTe , ils ne bougenp pas. tant qu'il eft jour , mais ils courent , ou plutôt ils marchent pendant toute la nuit j ils approchent rarement des habi- tations-, ils préfèrent les lieux élevés 8c fecs 5 quoiqu'ils fe trouvent aufîî quel- quefois dans les prés. On les prend à la main , ils ne fuient pas , ils ne fe défendent ni des pieds ni des dents , mais ils fe mettent en boule dès qu'on les touche , & pour les faire étendre il faut les plonger dans l'eau. Ils dorment pei> dant l'hiver ^ ainfi les provifions qu'on dit qu'ils font pendant l'été leur feroient bien inutiles. Ils ne mangent pas beau- coup, & peuvent fe paÏÏer alTez long- temps de nourriture. Ils ont le fang froid à peu près comme les autres animaux qui dorment en hiver. Leur chair n'eft pas bonne à manger , & leur peau , dont on ne fait maintenant aucun ufage , fervoit autrefois de vergette & de frottoir pour ferancer le chanvre. Il en eft de deux efpèces dehérifTon, fun à groin de cochon , ôc l'autre à du Henjon. 5 r 5 ftiLifeau de chien , dont parlent qtielques' Auteurs, comme des deux efpèces de blaireau ; nous n'en connoilTons qu'une» feule , & qui n'a même aucune variété dans ces climats , elle eft alTez générale- ment répandue , on en trouve par - tout en Europe, à l'exception des pays les plus iFroids, , comme la Lapponie , la Norvège, &c. Il y a, dit Flaccourt fd)y des hérilTons à Madagafcar comme en France, & on les appelle Sera. Le hérilîon de Siam dont parle le P. Tachard (^e) , nous paroît être un autre animal , 8c le hérilTon d'Amérique (fj^ le hérilTon de Sibérie ( gj , font les efpèces les plus voifînes du hérilTon commun j enfin le CdJ Voyez le Voyage de Flaccourt. Paris, i66t , page 152. fej Voyez le fécond Voyage du P. Tachard. paris, t68c^.pag. 272. ffj Echinus Indiens albus. Ray , Synopf. animal, quadrup, pag. 2J2. Echinus Americanus albus. Al- bert Seba , vol. I, pag. yS. Acanthion echinatus, Erinaceus Americanus albus Surinamenjîs. Klein, di quadrup. pag. 66. (g) Erinaceus Sibericuf. Albert Seba , vol. I.p. 66. 5 î 6 Hijîoire Naturelle^ &c. hérifTon de Malaca ( h) ^ femble plus approcher de refpèce du Porc-épic que de celle du hériiron. fhj Porcus aculeatusfeu 'HiJlribcMalaccenJîs. AVotit Seba , vol. I, pag. St. Acanthion aculeis longijjimis, Jîijîrix genuina. Porcus aciileatiis Malaccenjîs. Klein, de quadnip. pag, 66. Hijîrix pedihus ptîitadadylis , taudâ triincatâ. Linnaeiis. Erinaceus auriculis pendu- iis. . . . Briflbn , Regn. animal, pag. i8^. U.IL. LE HeBJSSOIV. Tl.%'h paQ ?fL6 LïIERISSO:NDEPOtrCLLi: X)T: SIS PI^TI^Î^TS 317 LA MUSARAIGNE (a). LA Mufaraigne femble farre une nuance dans Tordre des petits animaux , & remplir Imtervalle qui fe trouve entre le rat & la taupe, qui Te refifemblant par leur petitefTe , diffèrent beaucoup par la forme (^aj La Mufaraigne j en Grec , Mvjax» ; en "Lznn , Mus arantus , Mus cxcus ; en Italien, Topo- ragno ; en Efpagnol , Murganho ; en Allemand , Miiger, Spignns , Zifmus ^ Spitrjnaus , Hafelmaus ; en Anglois , ShreJV , SkreW-moufe , Hardy-ShreW ; en Suédois , Nabbmus ; en Polonois , Keret ; en Silëfie , Bifem-mus ; chez les Grifons , Mufan-ing ; en Suiffe , Murer; en Savoie , Mufet , Mufette ; en ancien francois, J^iufcrain , Muieraigne, Mufet, Mafetre , Sery , Sri. Mafaraneus. Gefner , Hijî. quadrup. pag. yifj. Mus Mochias (parce qu'il fent le Mufc lorfqu'il eft defleché ). Gefner, Icon. animal, quadrup. pag. 1 16\ Mufaraneus. Kay , Synopf. animal, quadrup. pag, ^39- Sorex Mufaraneus. Linnxus. Mufaraneus , rojîro produâiore ; Mus venenofus^ Klein, de quadrup. pag. ^8. Mufaraneus fuprà exfufco , rufus , infrà albicans . ,i Mufaraneus, Briflbn, Regn. animal, pag. iy8. Oïl) '5 I 8 Hijloire Naturelle & font en tout d'efpèces très -éloignées. La mufaraigne plus petite encore que la /ouris, reiTemble à la taupe par le mu- feau 5 ayant le nez beaucoup plus alongé tjue les mâchoires *, par les yeux qui , tjuoiqu'un peu plus gros que ceux de îa taupe, font cachés de même, & font beaucoup plus petits que ceux de la fou ris -, par le nombre des doigts, donc elle a cinq à tous les pieds : par la queue, 'par les jambes, fur-tout celles de derrière qu'elle a plus courtes que la fouris v par les oreilles ( b)^ Se enfin par les dents. Ce très - petit animai a une odeur forte qui lui eft particulière, & qui répugne aux chats -, ils chaffent , ils tuent la mufa- raigne , mais ils ne la mangent pas comme la fouris. C'eft apparemment cette mauvaife odeur Se cette répugnance des chats qui a fondé Je préjugé du venin de cet animal & de fa morfure dangereufe pour le bétail , fur-tout pour les chevaux -, cependant il n eft ni veni- meux, ni même capable de mordre, car fbj Voyez la defcrlption de la Muraralgne , 8c comparez -la avec ceiie d-^ là Taupe & celle de la Soi;ris ^au tome X Fde Tedition en tïente-an volumes. de la Mufaraigne. 3 i 9 il n*a pas Touverture de la gueule afifei; grande pour pouvoir faifir ia double epaiiïeur de la peau d'un autre animal , ce qui cependant eft abfolument nécef- faire pour mordre : & la maladie des chevaux que le vulgaire attribue à la dent de la mufaraigne , eft une enflure, une efpcce d'anthrax , qui vient d'une caufe interne, & qui n'a nul rapport avec la morfure, ou, li Ton veut, la piqûre de ce petit animal. Il habite aifez com- munément, fur -tout pendant l'hiver, dans les greniers à foin , dans les écuries , dans les granges , dans les cours à fumier -, il mange du grain , des infedtes & des chairs pourries-, on le trouve auiïî fré- quemment à la campagne , dans les bois , où il vit de graines -, & il fe cache fous lamoulTe, fous les feuilles, fous les troncs, d'arbres, & quelquefois dans les trous abandonnés par les taupes , ou dans d'autres trous plus petits qu il fe pratique lui-même en fouillant avec les ongles & le mufeau. La mufaraigne produit en grand nombre, autant, dit- on, que la fouris, quoique moins fréquemment. Elle a le cri beaucoup plus aigu que la fouris, Ôiiij 5 2 0 Uiftoire Naturelle y &c. mais elle n eft pas aufîî agile à beaucoup près : on îa prend aifémenr , parce qu'elle voit & court mal. La couleur ordinaire de la mufaraigne eft d'un brun mêlé de 1 oux , mais il y en a aulîî de cendrées , de prefque noires , & toutes font plus ou moins blanchâtres fous le ventre. Elles font très- communes dans toute TEurope, mais il ne paroît pas qu'on les retrouve en Amérique. L'Animal du Brelil dont Marcgrave parle (c) fous le nom de mu- faraigne , qui a, dit -il, le mufeau très^ pointu & trois bandes noires fur le dos, eit plus gros , & paroît être d'une autre efpèce que notre mufaraigne. (c J Vide Marcgravii , Eift. BrafiL pag, ^^^. LA ^VÏUSARAIGT^E . ri.Mv-i'^ I.A IVrUSABAlGNI. T>EAU 321 LA MUSARAIGNE D'EAU (a)^ ^^OMME cet animal, quoique naturel à ce climat, nétoit connu d'auain Na- turalise , & que c'eft M. Daubenton qui îe premier en a fait la découverte, nous renvoyons entièrement ce que Ton en peut dire à la defcription très - exa(5be qu'il en donne (b). J'aurai fou vent occafion (Sqïi ufer de même dans la fuite de cet Ouvrage, attendu la diligence infinie avec laquelle il recherche les animaux, & les découvertes qu il a faites de pluiieurs efpèces aupara- vant inconnues , ou confondues avec celles que Ton connoiiloit. Tout ce que je puis aiîurer au fujet de la mufaraigne d'eau , c'eft qu'on la prend à la fource des fon- taines , au lever & au coucher du foîeil ♦, que dans le jour elle refte cachée dans des fentes de rochers ou dans des trous fous terre , îe long des petits ruilleaux-, qu'elle met bas au printemps, & qu'ordinairement elle produit neuf petits. ( a ) La Mufaraigne d'eau. Mémoires de l'Académie des Sciences , année ij '^6 , Mémoire fur la Mufaraigne , pac M. Daubenton. (è) Voyei le fom^XTi" de réditioneiureme unvglumes, Ov 3 2 2 Hijioire Naturelle LA TAUPE (a LA Taupe, fans être aveugle, a les yeux il petits, fi couverts, quelle ne peut faire grand ulage du fens de ia vue -, en dédommagement la Nature lui a donné avec magniticence Tufage du fîxicme fens , un appareil remarquable de réfer- voirs & de vaiiTeaux (h )^ une quantité (a) La Taupe j en Grec , AV-Tràxaç j en Latin , T'aida; en Italien , Talpa; en Efpagnol , Topo; en Allemand , Mulff^crf , MaulJVurf ; en Anglots,iVfo/c, Molârvard, Want ; en Suédois , Mullvad; en Polo- nois , Kret. l-Tî-LKa-l , Galeni. Talpa Gefner , Rijl. quadrup. pag. ^^i. Icotu mnimal. qnadrup.pag. tî6. Talpa. Ka-Y , Synopf. animal, quadrup. pag. 2j6". Talpa caudata. L'-nnsus. Talpa nojlras , nigra communiter. Klein, de quadrup . pag. Go. Talpa caudata, nigricans , pedihus aiiticis &poJlicis pentadadylis Talpa vulgaris. Bnlfon, Rtgn. animal, pag. ciSo. /■^ ) Tejles maximes fparajlatas ampliffinias , novnin eorpus feminale ab his diverÇum àc feparatum . . . penem etiam facile omnium, ni fallor, animalium longiJJ'mum^ ex quihns colligere ejîmaximam prx reliquis omnibus nuimalibus voluptatcvi in coitu, hoc abjecium (/ vile ani- de la Taupe, 323 prodigieiiCe de liqueur féminale, des tef" ticules énormes , le membre génital ex- ceffivement long \ tout cela fecrètement caché à Tintérieur , & par conféquent plus adlif & plus chaud. La taupe à cet égard eft de tous les animaux le plus avan- tageufement doué , le mieux pourvu d'or- ganes, &: par conféquent de fenfations qui Y font relatives : elle a de plus le tou=- cher délicat ; fon poil eft doux comme ia foie -, elle a Touïe très - fine , & de petites imains à cinq doigts, bien diilérentes de Textrémité des pieds des autres animaux , & prefque femblables aux mains de l'homme *, beaucoup de force pour le volume de fon corps , le cuir ferme , un embonpoint confiant , un attachement vif & réciproque du mâle & de la femelle, de la crainte ou du dégoût pour toute ?utre fociété , les douces habitudes du repos & de la folitude , l'art de fe mettre en fureté, de fe faire en un infliant un ^fyle , un domicile, ia facilité de l'étendre &: d'y trouver fans en fortir une abon-r malculwn percipere , ut haheant quod îpjî invideant qui in hoc fiipremas vitai face delicias collocant.Ka.y , Sv'* »opf. animal, ifiadmp, pag, 3^,9. Ovj 324 Uijloire Naturelle dante fubhftaiice. Voilà fa nature, îes mœurs & Tes talens , fans doute préfé- rables à des qualités plus brillantes & plus incompatibles avec le bonheur, que Pobf- curité la plus profonde. Elle ferme Tentrée de fa retraite , n'en fort prefque jamais qu'elle n'y foit forcée par l'abondance des pluies d'été, lorfque i'eau la remplit ou lorfque le pied du Jar- dinier en affailfe le dôme : elle fe pratique une voûte en rond dans les prairies, & allez ordinairement un boyau long dans les jardins, parce qu'il y a plus de facilité à divifer & à foulever une terre meuble Se cultivée qu'un gazon ferme & tifTu de racines -, elle ne demeure ni dans la jfànge ni dans les terreins durs , trop compares ou trop pierreux-, il lui faut une terre douce , fournie de racines efculentes , & fur -tout bien peuplée d'infedes & de vers, dont elle fait fa principale nourriture. Comme les taupes ne fortent que rarement de leur domicile fouterrain , elles ont peu d'ennemis , & échappent aiiément aux animaux carnafliers -, leur plus grand fléau eft le débordement des rivières ) on les voit dans les inondations ^ de la Taupe. 325 Fuir en nombre à la nage , & faire tous leurs efforts pour gagner les terres plus élevées -, mars la plupart périlFent auffi- bien que leurs petits qui reftent dans les trous-, fans cela, les grands talens quelles ont pour la multiplication nous devien- droient trop incommodes. Elles s'ac- couplent vers la fin de Thiver \ elles ne portent pas long -temps, car on trouve déjà beaucoup de petits au mois de mai-, il 7 en a ordinairement quatre ou cinq dans chaque portée , & il eft aifez aifé de diftinguer , parmi les mottes qu'elles élèvent, celles- fous lefquelles elles mettent bas : ces mottes font faites avec beaucoup d'art, & font ordinairement plus grolTes & plus élevées que les autres. Je crois que ces animaux produifent plus d'une fois par an , mais je ne puis pas Tadurer \ ce qu'il y a de certain , c'eft 'qu'on trouve àçiS petits depuis le mois d'avril jufqu'au mois d'août : peut - être aulîî que les unes s'accouplent plus tard que les autres. Le domicile où elles font leurs petits mériteroit une defcription particulière. Il eft fait avec une intellgence iingulièrea 3 2(5 Hijloire Naturelle elles commencent par pouffer , par élever la terre & former une voûte aiïez élevée*, elles laifTent des cloifons , des efpèces de piliers de diftance en diftance -, elles prelTent & battent laterre, la mêlent avec des racines Se des herbes , & la rendent lîdure & il folide par-delTous, queTeau ne peut pas pénétrer la voûte à caufe de fa convexité & de (^ folidité -, elles élèvent enfuiteun tertre par - delTous , au fommet duquel elles apportent de Therbe éc des feuilles pour faire un lit à leurs petits -, dans cette (ituation ils fe trouvent au-defliis du niveau du terrein -, & par conféquent à Tabri des inondations ordinaires, & en même temps à couvert de la pluie par la voûte qui recouvre le tertre fur lequel ils repofent. Ce tertre efl: percé tout autour de plulieurs trous en pente , qui dtC* cendent plus baj & s'étendent de tous côtés , comme autant de routes fouter-^ raines par oii la mère taupe peut fortir &ç aller chercher la fubfiftance nécelTaire à Tes petits -, ces fentiers fouterrains fonç fermés & battus , s'étendent à douze ou quinze pas , & partent tous du domicile comme des rayons d'un centre. On y de la Taupe. ^ly trouve, auffi-bien que fous la voûte, des débris d'oignons de colchique , qui font apparemment la première nourri- ture qu'elle donne à fes petits. Oa voit bien par cette difpofition qu'elle ne fore jamais qu'à une diftance confîdétable de Ton domicile, & que la manière la plus iîmple & la plus fùre de la prendre avec fes petits, eft de faire autour une tran- chée qui l'environne en entier & qui coupe toutes les communications -, mars comme la taupe fuit au moindre bruit, & qu'elle tâche d'emmener fes petits , il faut trois ou quatre hommes qui, tra- vaillant enfemble avec la bêche , enlèvent la motte toute entière ou faffent une tranchée prefque dans un moment , & qui enfuite les faififTent ou les attendent aux iiïiies. Quelques Auteurs (c) ont dit mal-à-pro- pos que la taupe & le blaireau dormoient fans* manger pendant l'hiver entier. Le blaireau, comme nous l'avons &(d) , fort Ce) Urfus , Mêles , Erinaceus , Talpa , Vefpertilio perhyemem dormiunt ahjiemii. Liniiîei, Fatina Suecica, Stockolmice f iy^6 , pag, 8. (à) Voyez dans ce volume rarticle du Blaireau. 328 HiJIoire Naturelle de fon trou en hiver comme en été , pouf chercher fa fubiiftance , Se il eft aifé de s'en aiïurer par les traces qu il laiife fur la neige. La taupe dort fi peu pendant tout l'hiver , qu'elle poulFe la terre comme en été 5 ôc que les gens de la campagne difent» comme par proverbe : les taupes pouffent^ le dépelnejl pas loin. Elles cherchent à la vérité les endroits les plus chauds : les Jardiniers en prennent fouvent autour de i leurs couches aux mois de décembre > ^ de janvier & de février. La taupe ne fe trouve guère que dans les pays cultivés , il n'y en a point dans les déferts arides ni dans les climats froids > où la terre eft gelée pendant la plus grande partie de Tannée. L'animal qu'on a appelé Taupe de Sibérie ( e ) , qui a le poil vert & or , eft d'une efpèce différente de nos taupes , qui ne font en abondance que depuis la Suède (f) jufqu en Barbarie (g) ; car le filence des voyageurs nous fait fej Vide AlhcnSchâ. Amfi€ladami, iy^^,vol,I, (f) VideVianxi ,Faun. Suecic. Stockolm. ty^S , fgj Voyez les voyages du D^ Shav. Amjicrdam.y 77^5 , tome If page jaa. un. m. LA TL^TIPE . Tl . 2S.p. 7>z8 T^ L.V TjVXJPE DEPOUrLI.EE DE SA PEAXJ àe la Taupe, 329 prcfumer qu'elles ne fe trouvent point dans les climats plus chauds. Celles d'A- mérique font aufîî différentes : la taupe de Virginie (h) o.^ cependant aflfez femblable à la nôtre, à l'exception de la couleur du poil , qui eft mêlée de pourpre foncé -, mais la taupe rouge d'Amérique (^ /V eft un autre animal. Il y a feulement deux ou trois variétés dans l'efpèce commune de nos taupes : on en trouve de plus ou moins brunes & de plus ou moins noires : nous en avons vu de toutes blanches , & Seba fait mention (k) 8c donne la figure d'une taupe tachée de noir & de blanc y qui fe trouve en Oft-Frife, 8c qui eft un peu plus groffe que la taupe ordinaire. {^hj Vovez Albert Seba, vo/.J^ page 5. (^ij Ibid. (k) Cette taupe a été «ouvée en Oft»Frife, dans le grand chemin j elle eft un peu plus longue qae les taupes ordinaires , dont au refte elle ne diffère que par fa peau , qui eft toute marbrée fur le dos & fous le ventre de taches blanches & noires , dans lefquelles pourtant on diftingue comme un mélange de poils gris auflî fins que de la foie. Le mufeau de cet animal eft long & hérifle d'un long poil ; les yeux font fi petits , que l'on a de la peine à découvrir l'ou-» veituiç des paupières. Albert Seba , vol. I,page 68^ 3 3 0 Hijloire Naturelle LA CHAUVE -SOURIS (a). QUOIQUE tout foit également parfait en foi, puifque tout efl: forti à^^ mains du Créateur, il efl: cependant, re- lativement à nous , des êtres accomplis , & d'autres qui femblent être imparfaits ou difformes. Les premiers font ceux dont la figure nous paroît agréable & complète , parce que toutes les parties font bien enfemble^ que le corps & les membres font proportionnés , les mouvemens affor- tis 5 toutes les fondions faciles & naturelles. (a) La Chauve -Souris ; en Grec , Nyx-rsp/c ; en Latin , Vefpertilio ; en Italien, Nottolo , Notula , Bar- hajîello, Vilpijhello , Pipijhello, SportegLiono ; en Allemand, Flaedermujf; en Anglois, Bar, Flittermoufe; en Suédois , Laderlapp ; en Polonois , Kietoperf^, Vefpertilio. Gefner , Hijl. Avi.pag. ^66. Icon.Avi, Vefpertilio. Ray , Synopf. anim. quadr. pag. s^^. Vefpertilio caudatus , are nafoquefumplici. Linnans. Vefpertilio vulgaris. Klein, de quadrup. pag. 6t. La grande Chauve -Souris de notre pavs. Vefpertilio murini coloris , pedibus omnibus pentadaclylis , aurieu- lis fimplicibus . . . Vefpertilio major. BiilTon ^ Jlf^. fiiniin.pa^. a^î-f. de la Chauve-Jouris. 331 Lés autres , qui nous paroifTent hideux , font ceux dont les qualités nous font nui- fibles , ceux dont la nature s'éloigne de la nature commune , & dont la forme efl: trop diltérente des formes ordinaires defquelles nous avons reçu les premières fenfations, & tiré les idées qui nous fervent de modèle pour juger. Une tête hu- maine fur un cou de cheval , le corps couvert de plumes, & terminé par une queue de poiffon , n oftrent un tableau d'une énorme diftbrmité que parce qu'on y réunit ce que la Nature a de plus éloi- gné. Un animal qui , comme la Chauve* fou ris 5 eft à demi- quadrupède, à demi- volatile , & qui n'eft en tout ni l'un ni l'autre , eft , pour ainfî dire , un être nionftre, en ce que réunilTant les attributs de deux genres fi diftérens , il ne relTemble à aucun des modèles que nous oftrent les grandes claiïes de la Nature. Il n'eft qu'imparfaitement quadrupède , & il eft encore plus imparfaitement oifeau. Un quadrupède doit avoir quatre pieds , un oifeau a des plumes & des ailes -, dans la chauve-fouris les pieds de devant ne font ni des pieds ni des aîles , quoiqu'eilc 3 3^ HiJIoire Naturelle s en ferve pour voler , & qu elle puifTe aufîî s'en fervir pour fe traîner : ce font en effet des extrémités difformes , dont ie» os font monftrueufement aiongés, & réunis par une membrane qui n'eït cou- verte ni de plumes , ni même de poil , comme le refte du corps : ce font des efpèces d'ailerons , ou , fî Ton veut , des pattes ailées , où l'on ne voit que Fongle d'un pouce court, & dont les quatre autres doigts très -longs ne peuvent agir qu'enfemble , & n'ont point de mouve- mens propres , ni de fondions féparées : ce font des efpèces de mains dix fois plus grandes que les pieds , & en tout quatre fois plus longues que le corps entier de l'animal : ce font , en un mot , des parties qui ont plutôt l'air d'un caprice que d'une produdlion régulière. Cette membrane couvre les bras , forme les ailes ou les mains de l'animal , fe réunit à la peau de fon corps 5 & enveloppe en même temps fes Jambes, & même fa queue qui, par cette jonction bizarre , devient , pour ainfi dire , l'un de fes doigts. Ajoutez ^ ces difparates & à ces difproportions du corps & des membres , les diftbrmités de de la Chauve-fouris. 353 ïa tête, qui fouvent font encore pins grandes -, car , dans quelques efpèces , le nez eft à peine vifible , les yeux font enfoncés tout près de la conque de To- reille, & fe confondent avec les Joues ; dans d^autres , les oreilles font auiîi lon- gues que le corps , ou bien la face efl tortillée en forme de fer-à-cheval , & le nez recouvert par une efpèce de crête. La plupart ont la tête furmontée par quatre oreillons , toutes ont les yeux petits , obfcurs & couverts , le nez , ou plutôt les nafeaux infonnes , la gueule fendue de Tune à Tautre oreille *, toutes aufîi cherchent à fe cacher , fuient la lumière , n'habitent que les lieux téné- breux, n'en Torrent que la nuit, y rentrent au point du jour pour demeurer collées contre les murs. Leur mouvement dans Tair eft moins un vol qu'une efpèce de voltigemcnt incertain , qu'elles femblent n'exécuter que par effort , & d'une ma- nière gauche -, elles s'élèvent de terre avec peine , elles ne volent jamais à une grande hauteur, elles ne peuvent qu'imparfaite- ment précipiter , ralentir , ou même diriger leur vol 5 il n'eft ni très - rapide ni bieii j 3 4 HiJIolre Naturelle dlteû: , il fe fait par des vibrations bruf- ques dans une direction oblique & tor- tueufe -, elles ne l^ilTent pas de faiiir en pafïant les nioucherqns , les coufins & fur- tout les papillons phalènes qui ne volent que la nuit -, elles les avalent , pour ainli dire , tout entiers , & Ton voit dans leurs excrémens les débris des ailes êc des autres parties sèches qui ne peuvent fe digérer. Etant un jour defcendu dans les grottes d'Arci pour en examiner les ftalaétites, je fus furpris de trouver fur un terrain tout couvert d'albâtre , Se dans un lieu iî ténébreux & fi profond , une efpèce de terre qui étoit d'une toute autre nature -, c'étoit un tas épais & large de plufieurs pieds d'une matière noirâtre , prefqu'entièrement compofée de portions d'ailes & de pattes de mouches Se de papillons , comme il ces infe6tes fe fufTent rafïemblés en nombre immenfe & réunis dans ce lieu pour y périr & pourrir en- femble. Ce n'étoit cependant autre chofe que de la fiente de chauve-fouris y amon- celée probablement pendant plufieurs années dans l'endroit de ces voûtes fouter- raines, qu elles habitoient de préférence i de la Chauve-founs. 535 car dans toute Tétendue de ces grottes, qui eft de plus d'un demi-quart de lieue , je ne vis aucun autre amas d'une pareille matière , &: je jugeai que les chauve- fouris avoient fixé dans cet endroit leur demeure commune , parce qu il y par- venoit encore une très-foible lumière par Touverture de la grotte -, & qu elles n al- loient pas plus avant pour ne pas s'enfoncer dans une obfcurité trop profonde. Les chauve- fouris font de vrais qua- drupèdes 5 elles n'ont rien de commun que le vol avec les oifeaux*, mais commiC Tadlion de voler fuppofe une très -grande force dans la partie fupérieure du corps &: dans les membres antérieurs , elles ont les mufcles peifloraux beaucoup plus forts & plus charnus qu'aucun des quadru- pèdes , & Ton peut dire que par là elles reflemblent encore aux. oifeaux -, elles en diffèrent par tout le reile de la confor- mation , tant extérieure qu'intérieure -, les poumons , le cœur , les organes de la génération , tous les autres vifcères font îemblables à ceux des quadrupèdes , à Texception de la verge qui eft pendante & détachée , ce qui ell particulier à 5 3 s Hijîoire Naturelle Thomme , aux fînges & aux chauve- fouris -, elles produifent , comme les qua- drupèdes 5 leurs petits vivans -, enfin elles ont 5 comme eux , des dents & des ma- melles : Ton aiïure qu'elles ne portent que deux petits , qu'elles les allaitent & les tranfportent même en volant. Cefi en été qu'elles s'accouplent & qu'elles mettent bas , car elles font engourdies pendant i'iiîver : les unes fe recouvrent de leurs ailes comme d'un manteau , s'ac- crochent à la voûte de leur fouterrain par les pieds de derrière , & demeurent ainiî fufpendues -, les autres fe collent contre les murs ou fe recèlent dans des trous -, elles font toujours en nombre pour fe dé- fendre du froid : toutes palTent l'hiver fans bouger , fans manger, ne fe réveillent qu'au printemps , & Te recèlent de nou- veau vers la fin de l'automne. Elles fup- portent plus aifément la diète que le froid;, elles peuvent paiTer plufieurs jours fans manger , & cependant elles font du nom- bre des animaux carnaffiers -, car lotf- qu'elles peuvent entrer dans un office, elles s'attachent aux quartiers de lard qui y font fufpçndus , & elles inangent auffi de de la Ckauve-Jbuns. 337 de la viande crue ou cuite , fraîche ou corrompue. Les Naturaliftes qui nous ont précé- dés ne connoiflfoient que deux elpèces de chauve -fouris. M. Daubenton en a trouvé cinq autres qui font , aufîi-bien que les deux premières efpcces, naturelles à notre climat -, elles y font même aufîi communes , aufîi abondantes , & il eft alTez étonnant quaucun obfervareur me les eut remarquées. Ces fept efpèces font très-diftin6les , très - différentes les unes des autres , & n'habitent même jamais enfemble dans le même lieu. La première , qui étoit connue , efl la. chauve -fouris commune ou la chauve- fouris proprement dite , dont j'ai donné ci-devant les dénominations. P^oy, l(ifig* La féconde eft la chauve - fouris à grandes oreilles , que nous nommerons Yoreillar ^ qui a aulîi été reconnue par les Naturaliftes & indiquée par les No- menclateurs (bj, L'oreiliar eft peut-être X^J Vefpertilio. Aldrovand. J4v/. pag. syt, Vef- pertilio auriculis quaternis. Jonft. Avi. pag. ^^. VeÇfertilio vulgaris , auriculis duplicibus. Klein , dt qaudrup. pag, 6i. Tome II. Quadrupèdes. P 3 3 8 HiJIoire Naturelle plus commun que la chauve-fourîs -^ il efl: bien pîus petit de corps *, il a aufli les ailes beaucoup plus courtes , le mufeau moins gros Se plus pointu , les oreilles d^une grandeur démcfurée. Foy. lafig. La troifième efpèce , que nous appel- lerons la noclule ^ du mot Italien ncéiula ^ n'étoit pas connue \ cependant elle eft très-commune en France , & on la ren- contre même plus fréquemment que les deux efpèces précédentes. On la trouve (bus les toits , fous les gouttières de plomb des châteaux , des égiifes, & aufli dans les vieux arbres creux -, elle efl prefqu aufli groffe que la chauve - fouris -, elle a les oreilles courtes 6c larges , le poil rouf- fâtre 5 la voix aigre , perçante, & afTez Semblable au fon d'un timbre de fer. Voyc^ la figure. Nous nommerons y^rori/ze la quatrième efpèce 5 qui n étoit nullement connue -, elle eft plus petite que la chauvp - fouris & que la nodule -, elle eft à peu près de La petite Chauve -fouris de notre pays. Vefper* tîlio niurini coloris, pedibus omnibus pentadaâylis , ai^- riculis duplicibus Ve/pertilio minor,BzïS, RegU* animal. pag. aa6. I de la Chauve-fouris. ^ ^^ îa grandeur de Toreillar , mais elle en diffère par îes oreilles qu'elles a courtes & pointues , & par la couleur du poil , elle a les ailes plus noires & le poil d'un brun plus foncé. F^oyc^ la figure. Nous appellerons la cinquième efpèce 5 qui n'étoit pas connue , la pîpîfirdle ^ du mot Italien pipiftrello j qui fignifie aufli chauve -fou ris. La pipiftrelle n'eft pas à beaucoup près aufli grolTe que la chauve- fouris ou la nodule , ni même que la férotine ou Toreillar : de toutes les chauve- fouris c'efl: la plus petite & la moins laide , quoiqu'elle ait la lèvre fupérieure fort renflée , les yeux très- petits , très- enfoncés , & le front très -couvert de poil. J^oye-j^ la figure. La fixième efpèce , qui n'étoit pas connue , fera nommée harbaflelle ^ du mot Italien barbafiello , qui fignihe encore chauve -fjuris. Cet animal efl à peu près de la grolTeur de l'oreiliar -, il a les oreilles aufîi larges , mais bien moins longues : îe nom de harhaftelle lui convient d'au- tant mieux qu'il paroît avoir une groiïë mouftxhe, ce qui cependant n'eft qu'une apparence occafionnée par le renflement pij 3 40 Hijloire Naturelle y &c, des joues qui forment un bourrelet au- deflus des lèvres -, il a le mufeau très- court 5 le nez fort aplati & les yeux pref- que dans les oreilles. F'oye:^ lajïgure. Enfin nous nommerons y^r-<2-c/^^v^/ une feptième efpèce qui n etoit nullement connue ', elle eft très - frappante par la ïîngulière difformité de fa face , dont le trait le plus apparent & le plus marqué cft un bourrelet en forme de fer-à-cheval autour du nez & fur la lèvre fupérieure j on la trouve très-communément en France dans les murs & dans les caveaux des vieux châteaux abandonnés. Il y en a de petites &: de groflès , mais qui font au refte fi femblables par la forme , que nous les avons jugées de la même efpèce \ feule- ment, comme nous en avons beaucoup vu fans en trouver de grandeur moyenne entre les groffes & les petites , nous ne décidons pas fi Tâge feul produit cette différence , ou fi c'eft une variété conf* tante dans la même efpèce. Foy, Idfy. TûmlL. Zeo-Aile^r étendu C(t^ > -Pi. 16.^- 34, X^ CH_A.UAE SOURIS .11, XE PETIT TEJLA CHEVAX . I>1 . 2^. p ^4^ E OllEIEEAIL '^<""^ ^i LA :NrocTxji.E . 1*1. zS.p. 34. 1.A SEROTTNE Toni.ir. L-:V BARB.^STEXLE.. Tl. 2q -p. ^o. XA PIPISTRELLE LE FER-JVL-CIiEVAI. ûm H, Sti^pciidiL par Icd" picdj-' Tl. ?>ûp.2>4o liE TER-^- CHEV.AJ:.. 341 N LE LOIR (a). ou S connoifTons trois efpèces de Loirs 5 qui , comme la marmotte , dor- ment pendant Thiver , le Loir , le Lérot & le Mufcardin -, le loir efl: le plus gros des trois , le mufcardin eft le plus petit. Pluileurs auteurs ont confondu Tune de ces efpèces avec les deux autres , quoi- qu'elles foient toutes trois très-diétindes , & par conféquent très-aifées à reconnoître & à diftinguer. Le loir eft à peu près de la grandeur de Técureuil 5 il a , comme lui , CaJ Le Loir ; en Grec , Myafoc , félon Gefner } E'xîiè; , félon les Grammairiens j en Latin , Glis ; cji Italien , Galero , Glicro , Ghiro ; en Efpagnol , Liroa; en Allemand, Scebcns-chlafer ^ félon Klein j te Grçul en quelques endroits d'Allemagne , félon Gefner i en Polonois , Sc^urek ; en SuiiTe , Rell , Kell - miifc ; en vieux François , Liron , Rat - liron , Rat-veule. Glis. Gefner, Hijl. quadr. pag. 550. Jco/i. quadr^ pag. 10^. Glis. Aldrovande , Hijî. quadr. digit. pag. ^0(). Glisfuprà obfcure cinereus , infrà ex albo cinerefcertS, Eriflbn, Regn. animal, pag, i6'o. P iij 3 4 i Hijloire Naturelle ia queue couverte de longs poils \ le l'érot n'eft pas (î gros que le rat , il a la queue couverte de poils très- courts > avec un bouquet de poils longs à Textrémité -, le mufcardin n^eft pas plus gros que la fouris , il a la queue couverte de poils plus longs que le lérot, mais plus courts que le loir, avec un gros bouquet de longs poils à Textrémité. Le lérot diftere des deux autres par les marques noires qu'il a près des yeux , & le mufcardin par la couleur blonde de Ton poil fur le dos. Tous trois font blancs ou blanchâtres fous la gorge &: le ventre -, mais le lérot eft d'un aflez beau blanc , le loir n'eft que blanchâtre , & le mufcardin ed: plutôt jaunâtre que blanc dans toutes les parties inférieures. Voye\ Cl- après les trois figures. C'eft improprement que l'on dit que ces animaux dorment pendant l'hiver -, îeur état n'eft point celui d'un fommeil naturel , c'eft une torpeur, un engour- difTement des membres & des fens , & cet engourdilTement eft produit par le refroidifîem.ent du fang. Ces animaux ont (i peu de chaleur intérieure ^ qu'elle n'ex- cède guère celle de la température deFair. du Loir. 54 5 Lorfque la chaleur de Tair eft au thermo- mètre, de àiyi degrés au-defTus de la con- gélation 5 celle de ces animaux n'efl: auiîi que de dix degrés. Nous avons plongé la boule d'un petit thermomètre dans le corps de piufieurs lérots vivans-, la chaleur de Tintérieur de leur corps étoit à peu près égale à la température de Tair -, quelquefois même le thermom.ètre plongé 5 &5 pour ainli dire , appliqué fur le cœur 3 a bailTé d'un demi -degré ou d'un degré , là température de l'air étant à onze. Or , Ton fait que la chaleur de l'homme, & de la plupart des animaux qui ont de la chair & du fang , excède en tout temps trente degrés -, il n eft donc pas étonnant que ces animaux, qui ont fî peu de chaleur en eomparaifon des autres , tombent dans l'engourdidement dès que cette petite quantité de chaleur intérieure cefTe d'être aidée par la chaleur extérieure de l'air , & cela arrive lorfque ie thermomètre n'eft plus qu'à dix ou onze degrés au-delFus de la congélation. C'eft-là la vraie caufe de l'engourdilTe- ment de ces animaux j caufe que l'on ignoroit , & qui cependant s'étend gêné- P iiij 544 Hifioïre Naturelle lalement fur tous les animaux qui dor- ment pendant Thiver -, car nous Tavons reconnue dans les loirs , dans les hérifTons ^ dans les chauve - fouris ^ & quoique nous n ayons pas eu occafion de réprouver fur la marmotte, je fuis perfuadé qu'elle a le fang froid comme les autres , puifquelle eft comme eux fujette à FengourdilTement pendant Thiven Cet engourdifTement dure autant que la caufe qui le produit , & cefTe avec le froid 5 quelques degrés de chaleur au- delTus de dix ou onze fufKrent pour ranimer ces animaux , & fi on les tient pendant Thiver dans un lieu bien chaud , ils ne s'engourdilïent point du tout ^ ils vont & viennent, ils mangent & dorment feulement de temps en temps > comm.e tous les autres animaux. Lorfqu'ils fentent le froid, ils fe ferrent & fe mettent en boule pour oUrir moins de furface àlair &• fe conferver un peu de chaleur : cQ^k ainfi qu'on les trouve en hiver dans les arbres creux, dans les trous des murs ex- pofés au midi -, ils y giflent en boule ^ & f^ns aucun mouvement , fur de la mouffe & des feuilles : on les prend , ou les tient , du Loir, 34j on les roule fans qu^ils remuent, fans qu'ils s'étendent-, rien ne peut ies faire fortir de leur engourdilTement qu'une chaleur douce & graduée -, ils meurent lorfqu on les met tout- à- coup près du feu •, il faut, pour les dégourdir , les en approcher par degrés. Quoique dans cet état ils foient fans aucun mouvement , qu'ils aient les yeux fermés & qu'ils paroiilènc privés de tout ufage des fens , ils fentem cependant la douleur lorfqu'elle efi: très-» vive *, une bleiTure, une brûlure leur fait faire un mouvement de contradion & un petit cri fourd qu'ils répètent même pluiieurs fois : la fenfibiliré intérieure fublifte donc aufïi-bien que l'adlion du cœur & des poumons. Cependant il eil à préfumer que ces mouvemens vitaux ne s'exercent pas dans cet état de torpeur avec la même force , & n'agilTent pas avec la même puiffance que dans l'état ordi- naire , la circulation ne fe fait probable- ment que dans les plus gros vaiiTeaux , la refpiration eft foible & lente , les fe- crétions font très -peu abondantes, les déjeclions nulles *, la tranfpiration eftpref- quc nulle auffi, puifqu'ils pafTent plufîeurs Pv 34^ Hijloire Naturelle mois fans manger, ce qin ne poiirroïc être 5 fi dans ce temps de diète ils per- doient de leur fubftance autant, à pro- portion , que dans les autres temps où ils la réparent en prenant de la nourriture. Ils en perdent cependant , puif^que dans les hivers trop longs ils meurent dans leurs trous: peut-être auili neil-ce pas la durée, mais la rigueur du froid qui les fait périr-, car lorfqu'on les expole à une forte gelée , ils meurent en peu de temps. Ce qui me feroit croire que ce n'eft pas la trop grande déperdition de fubflance qui les fait mourir dans les grands hivers , c'eft qu en automne ils font exceiïivement gras , 8c qu'ils le font encore lorfqu'ils fe raniment au prin- temps : cette abondance de graifTe eft une nourriture intérieure qui fuftit pour les entretenir Se pour fuppléer à ce qu ils perdent par la tranfpiration. Au refle , comme le froid ell la feule caufe de leur engourdiiTement , 8c qu ils ne tombent dans cet état que quand la température de Tair eft au-dellous de dix ou onze degrés , il arrive fouvent qu 'ils fe raniment même pendant Thiver : du Loir, 3 47 Car il y a des heures , des jours, 8c même des fuites de jours , dans cette faifon, oi\ la liqueur du thermomètre fe foutient à douze 5 treize , quatorze , Sec, degrés , & pendant ce temps doux les loirs iortent de leurs trous pour chercher à vivre , ou plutôt ils mangent les provihons qu'ils ont ramaflëes pendant l'automne , & qu'ils y ont tranfportées. Ariftote a dit ( b) ^ hc tous les Naturaliftes ont die après Ariftote, que les loirs paiTent tout Thiver fans manger, &:que dans ce temps même de diète ils deviennent extrêmement gras 5 que le fommeil feul les nourrie plus que les alimens ne nourriflent les autres animaux. Le fait non - feulement n'eft pas vrai , mais la fuppofition m.ême du fait n eft pas poflible. Le loir en- gourdi pendant quatre ou cinq mois ne pourroit s'engraifter que de Tair qu'il refpire : accordons (î l'on veut (& c'eft beaucoup trop accorder ) qu'une partie de cet air fe tourne en nourriture, en réfultera - 1 - il une augmentation fî coniidérable ? cette nourriture fi légère pourra-t-eile même fuffire à la déperdition (hj Jiijl, animal, lib, VIII, cap. xvij, Pvj 348 liijîoire iSaturelle continuelie qui fe fait par la tranfpiration. Ce qui a pu faire tomber Ariftore dans cette erreur, c'eft qu'en Grèce, où les hivers font tempérés , îes loirs ne dorment pas continuellement , & que prenant de la nourriture, peut- être abondamment , toutes les fois que la chaleur les ranime , il les aura trouvés très -gras , quoiqu'en- gourdis. Ce qu'il y a de vrai, c'efl quils font gras en tout temps, & plus gras en automne qu'en été : leur chair eft affez femblable à celle du cochon d'hide. Les loirs faifoient partie de la bonne chère chez les Romains-, ils en élevoient en quantité. Varron donne la manière de faire des garennes de loirs, & Apicius c^lle d'en faire des ragoûts : cet ufage n'a point été fuivi , foit qu'on ait eu du dégoût pour ces animaux , parce qu'ils leflemblent aux rats , foit qu'en effet leui chair ne foit pas de bien bon goût. J'ai ouï dire à des payfans qui en avoient mangé, qu'elle n'étoit guère meilleure que celle du rat d'eau. Au refte , il n'y a que le loir qui foit mangeable -, le lérot a la chair mauvaife & d'une odeur défagréable. Le loir relfemble aflez à l'écureuil par du Loir, 349 les habitudes naturelles -, il habite comme lui les forêts , il grimpe fur les arbres, faute de branche en branche , moins légèrement à la vérité que l'écureuil qui a les jambes plus longues , le ventre bien moins gros , & qui eft auili maigre que le loir eft gras : cependant ils vivent tous deux des mêmes alimens-, de la faine, des noifettes , de la châtaigne , d'autres fruits fauvages , font leur nourriture ordinaire. Le loir mange auili de petits oifeaux qu il prend dans les nids : il ne fait point de bauge au-deilus des arbres comme Técu- reuil 5 mais il fe fait un lit de moufle dans le tronc de ceux qui font creux -, il fe gîte auiïî dans les fentes des rochers élevés , & toujours dans des lieux fecs j il craint Thumidité , boit peu , & defcend rarement à terre *, il diffère encore de récureuil en ce que celui-ci s'apprivoife & que l'autre demeure toujours fauvage. Les loirs s'accouplent fur la fin du printemps , ils font leurs petits en été , les portées font ordinairement de quatre ou de cinq -, ils croifTent vite , & Ton afîiire qu'ils ne vivent que fix ans. En Italie , où Ton eil encore dans Tufage 3 j o Hijloire Naturelle de les manger, on fait des foITes dans les bois 5 que l'on tapifTe de mouJGTe , qu'on recouvre de paille , & où Ton jette de la faine -, on choiiit un lieu fec à Tabri d'un rocher expofé au midi , les loirs s'y rendent en nombre , & on les y trouve engourdis vers la fin de l'automne, c'eft le temps OLi ils font les meilleurs à manger* Ces petits animaux font courageux , & défendent leur vie jufqu'à la dernière extrémité , ils ont les dents de devant très- iongues & très - fortes, aufîî mordent -ils violemnient -, ils ne craignent ni la belette ni les petits oifeauxde proie, ils échappent au renard qui ne peut les fuivre au defTus des arbres , leurs plus grands ennemis font les chats fauvages & les martes. Cette efpèce n'eft pas extrêmement répandue , on ne la trouve point dans les climats très - froids , comme la Lapponie , la Suède , du moins les Naturaliftes du Nord n'en parlent point : l'efpèce de loir qu'ils indiquent efl: le mufcardin , la plus petite des trois. Je préfume auiîi qu'on ne les trouve pas dans les climats très- chauds , puifque les Voyageurs n'en font aucune mentiop : il n'y a que peu ou du Loir. 3^1 point de loirs dans les pays découverts , comme TAngleterre *, ii leur faut un climat tempéré & un pays couvert de bois \ on en trouve en Efpagne , en France , en Grèce , en Italie , en Aile* magne , en Suiile , où ils habitent dans les forêts > fur les collines , & non pas au-deilus des hautes montagnes comme les marmottes, qui, quoique fujettes à s'engourdir par le froid, femblent cher- cher la neige & les frimats. 3^2 Hijloire Naturelle LE LE ROT (a). 1— J E Loir demeure dans ies forêts ^ & femble fuir nos habitations \ îe Lérot au contraire habite nos jardins, & fe trouve quelquefois dans nos maifons -, refpèce en eft auiîi plus nombreufe , plus géné- (aj Le Lérot ; ce nom vient probablement d« Loiret , petit Loir. Le lérof eft en effet plus petit que ie loir. On appelle auflî le lérot Rat blanc; bc comme il eft plus commun que le loir , & que le nom de loireA plus connu que celui de lérot , on donne fou- vent le nom de loir au iirot. En Bourgogne , on appelle le lérot Voîjîeu ou Vonjîeu ; en Latin, Sortx Plinii , félon Gefner ; en Allemand , Hafelmujf ; Grauwert à Dantzic , félon Klein ; en Anglois , the Greater Dormonfe orSleeper, félon Ray j en Flamand , Slaep-Rate, félon Gefner ; enPolonois, Myfv^oriechowaf Kofiatka , félon Rzaczinski. Mus av ellanarum major. Hijî. ifuadrup. pag. 7^5. Icon. animal, çuadrup. pag. 215. Mus avellanarummajor.KâYy Synopf. animal, quadr. pag. aif). Loir , Hiftoire de l'Académie Royale des Sciences , tome III , partie m , page 40. Glis fuprà obfcurè cinereus , infrà ex alho cinerafcens macula ad oculos nigrâ. BrilTon , Regn. animaL pag. t€i. du Lerot. 35^3 ralement répandue , & il y a peu de jardins qui n'en foient infeftés. Ils fe nichent dans les trous des murailles , ils courent fur les arbres en efpalier, choi- filTent les meilleurs fruits Se les entament tous ^ans le temps qu'ils commencent à mûrir -, ils femblent aimer les pêches de préférence , & lî Ton veut en conferver , il faut avoir grand foin de détruire les lérots *, ils grimpent auffi fur les poiriers , les abricotiers , les pruniers -, & ii les fruits doux leur manquent , ils mangent des amandes , des noifettes , des noix , & inême des graines légumineufes -, ils en tranfportent en grande quantité dans leurs retraites qu'ils pratiquent en terre , fur- tout dans les jardins foignqs , car dans les anciens vergers on les trouve fouvent dans de vieux arbres creux -, ils fe font uii lit d'herbes , de moulTe & de feuilles. Le froid les engourdit , & la chaleur les ranime -, on en trouve quelquefois huit ou dix dans le même lieu , tous engourdis , tous refferrés en boule au milieu de leurs provifions de noix & de noifettes. Ils s'accouplent au printemps., pro- duifent en été , ôc font cinq ou fix petits 5 54 T^^lfloire Naturelle ^ &c. qui croiffent promptement , mais qui cependant ne produifent eux-mêmes que da.s Tannée fui vante. Leui chair n'eft pas mangeable comme celle du ioir , ils ont même la mauvaife odeur du rat domeftique, au lieu que le loir ne fent rien -, ils ne deviennent pas aiifïi gras , & manquent des feuillets grelîeux qui fe trouvent dans le loir , & qui enveloppent îa maiï'e entière des inteftins (b). On trouve des iérots dans tous les climats tempérés de l'Europe , & mêm.e en Po- logne 5 en Prufïe , mais il ne paroît pas qu'il y en ait en Suède ni dans les pays feptentrionaux. (bj Voyez les defcriptions du loir & du lérot, au tome X Fde l'édition en trente- un volumes. inJL. XE LOIR . Tl. l}i.jya(f. 'h 04 I.E XTIROT 555 LEMUSCARDIN (a). XjE Mufcardin eft le moins laid de tous les rats -, il a les yeux brillans , la queue toufîue & le poil d'une couleur diilinguée -, il eft plus blond que roux -, il n habite jamais dans les maiions, rare- ment dans les jardins , & fe trouve , comme le loir , plus fouvent dans les bois où il fe retire dans les vieux arbres creux. L'efpèce n en efl pas , à beaucoup près, au(îî nombreufe que celle du lérot: on trouve le mufcardin prefque toujours feul dans fon trou , & nous avons eu beaucoup de peine à nous en procurer quelques-uns *, cependant il paroît qu'il eft aiïez commun en Italie , que même Ca) Mufcardin > de fon nom en Ttalien Mofcardino ; on l'appelle aulfi Ratdor ou Ratdort en Bourgogne a en .A,nglois , Dormons , or SUeper. Mus avcllanarutnniinor . Aidrov. Hijî. quadrup. digit. pag. ^4-0. Mus avdlanarumminor. Ray, Synopf. animal, quadr, pag 22 0, Mus caudâ longâ , pilofâ, corpore , rufo , gulà alhU canti. l.innsus, dis fuprà riifus , infrà aJhicans, Lç Croque-nQÎa» ErilTofl ; Regn, animal, pag. tOz, 3 5^ Hifioire Naturelle il fe trouve dans ïes climats du nord , puifque M. Linnsus Ta compris dans la lifte (bj qu il a donnée des animaux de Suède 5 & en même temps il femble qu'il ne fe trouve point en Angleterre , car M. Ray (c) j qui l'avoir vu en Italie , dit que le petit rat dormeur qui fe trouve en Angleterre , n'eft pas roux fur le dos comme celui d'Italie , & qu'il pourroit bien erre d'une autre efpèce. En France , il eft le même qu'en Italie , & nous avons trouvé qu'Aldrovande (d) l'avoir bien indiqué', mais cet auteur ajoute qu'il y en a deux efpèces en Italie , l'une rare dont l'animal a l'odeur du mufc , l'autre plus commune dont l'animal n'a point d'odeur , & qu'à Bologne on les appelle tous deux mufcardins à caufe de leur ref- femblance , tant par la figure que par la groffeur. Nous ne connoiftbns que l'une de ces efpèces , & c'eft la féconde , car notre mufcardin n'a point d'odeur , ni bonne, ni mauvaife. Il manque comme le lérot 5 de feuillets graideux qui enve- loppent les inteftins dans le loir , aufîî ne (h) Vide Linmei Faun. Suce. pag. 1 1. fc) Vid. Raii Synopf. animal, quadr. pag. 220. (dj Vid, Aldrov. HiJ}. ^uadr, digit. pag. 440. du Mtifcardin. 357 vient-il pas fi gras , & quoiqu'il n'ait point de mauvaife odeur , il n eft pas bon à manger. Le mufcardin s'engourdit par îe froid & fe met en boule comme le loir & le lérot, il fe ranime comme eux dans les temps doux , & fait auiïi provifion de noifettes Se d'autres fruits fecs. Il fait Ton nid fur les arbres , comme l'écureuil , mais il le place ordinairement plus bas , entre les branches d'un noifetier, dans un builTon , Sec. Le nid eft fait d'herbes entrelacées , il a environ fix pouces de diamètre , Se n'eft ouvert que par le haut. Bien des gens de la campagne m'ont a(ruré qu'ils avoient trouvé de ces nids dans des bois taillis , dans des haies , qu'ils font environnés de feuilles & de moufle , & que dans chaque nid il y avoir trois ou quatre petits. Ils abandonnent le nid dès qu'ils font grands. Se cherchent à fe gîter dans le creux , ou fous le tronc des vieux arbres , Se c'eft-là qu'ils repo- fent , qu'ils font leur provifion , & qu'ils s'engourdiflent. F IN du fécond Volume. S?7Z IT yi3^.v.2>56. it: :vrtJS c A:ELDi2sr ■/■' ^ J^i ^#. ^/ 1^' .tW^ *^ "^ t