fWt^7WnT7W¥iI} ŒUVRES COMPLETES FRANÇOIS ARAGO T()M[<: SEPTIÈME La propi'iéli'' litlrraire des divers ouvrages de François Arago étant soumise à des délais légaux différents, selon qu'ils sont ou non des œuvres iiostbumes, l'éditeur a publié chaque ouvrage séparément. Ce titre colleclir n'est donné ici que pour indiquer au relieur le meilleur classement à adopter. Par la même raison, la réserve du droit de traduction est faite au titre et au verso du faux -titre de chaque ouvrage séparé. — IMCi "E»if iiE I. i:iAre, «te -»INT- tE:o- DE LA SCINTILLATION CHAPITRE PREMIER AVANT-PROPOS Les phénomènes du ciel étoile qui ne sont pas suscep- tibles de mesures rigoureuses excitent à peine aujourd'hui Tattention des astronomes. Il 'n'en était pas de même jadis; témoin le rendez- vous que Kepler assignait à Simon Marins, dans la ville de Francfort, pour une conférence sur la scintillation. Il est peu de phénomènes qui se reproduisent plus sou- vent que celui de la scintillation; on peut ajouter qu'il n'en est pas dont on connaisse moins la cause. J'ai essayé de la découvrir, sans me laisser décourager par les ten- tatives infructueuses de mes prédécesseurs. J'avais d'abord eu le projet de restreindre , dans cette notice, ma contribution personnelle à la théorie nouvelle que j'ai cru pouvoir donner de la scintillation , et d'em- prunter aux ouvrages spéciaux la description et l'histoire de ce phénomène compliqué ; mais j'ai été forcé, malgré VIL —IV. 1 2 nn LA SCINTILLATION. moi, de changer mon plan. \.''IIisloire de l'astroîiomie tle Bailly ne renferme, sur la scintillation, qu'une vingtaine (It^ lignes (tome ii, p. o7). Lo mot ne figure même pas dans la table détaillée des matières contenue dans le troi- sième volume. On ne trouve pas davantage ce mot dans les tables des quatre gros volumes de Montucla. Lalande a consacré au phénomène de la scintillation une page et demie environ de son Traité d'astronomie en trois volumes in-â", mais sans en donner une définition nette et précise. D'autres ouvrages ne sont ni plus exacts ni plus dé- veloppés. Ces circonstances m'ont déterminé à réunir et à coor- donner les notes que j'avais anciennement recueillies dans mes lectures. En les publiant, j'épargnerai aux savants qui voudront écrire sur la matière, des recherches minu- tieuses et une fatigue qu'un auteur s'impose alors seule- ment que, traitant un sujet déterminé, il veut rendre une complète justice à ceux qui l'ont précédé dans la carrière. CHAPITRE lï EN QUOI CONSISTE LA SCINTILLATION Question bien posée est à mqitié résolue, dit un vieil adage. C'est pour n'avoir pas nettement défini le mot scintillalion, que tant de savants iliustres se sont complè- tement égarés dans l'explication qu'ils ont donnée du phénomène. Ne commettons pas la même faute ; disons, DE LA SCINTILLATION. 3 sans équivoque ce que c'est que la scintillation ; ensuite nous en chercherons la cause. Pour une personne regardant le ciel à l'œil nu, la scin- tillation consiste en des changements d'éclat des étoiles très -souvent renouvelés. Ces changements sont ordinai- rement, sont presque toujours accompagnés de variations de couleurs et de quelques effets secondaires, consé- quences immédiates de toute augmentation ou diminution d'intensité, tels que des altérations considérables dans le diamètre apparent des astres ou dans les longueurs des rayons divergents qui paraissent s'élancer de leur centre, suivant diverses directions. CHAPITRE III DES CHANGEMENTS INSTANTANÉS DE COULEUR DES ÉTOILES OBSERVABLES A l'OEIL NU Les changements instantanés de couleur qui ont lieu dans l'acte de la scintillation devant jouer un rôle décisif pour faire apprécier les explications diverses qu'on a données du phénomène, il devient curieux de rechercher si l'observation de ces changements est nou- velle, ou si elle n'avait pas échappé aux anciens astro- nomes. L'observation n'est pas nouvelle. Au moment où je cherchais des preuves de ce fait, M. Babinet me fit remarquer qu'un des noms donnés à Sirius par les Arabes, le nom de Barakesch, peut être traduit par Vétoile aux mille couleurs. 4 DE LA SCINTILLATION. Tyclio avait aperçu dos couleurs dans la scintillation des étoiles; il cite particulièrement la scintillation de l'étoile nouvelle de 157!2. 11 la compare aux éclats suc- cessifs que présente un diamant à facettes tournant en présence d'une lumière. Mais l'astre de 1572 était-il une étoile ordinaire *? Galilée signale les teintes particulières à Mars et à Jupiter qu'aifectait successivement l'étoile nouvelle de l()0/i dans ses scintillations. Kepler parle des couleurs variables de la même étoile. Rien de plus clair, à l'égard de la scintillation des étoiles proprement dites, que les passages suivants tirés de VAstroiïomiœ jmrs optica, de Kepler : « Les étoiles du Chien (Sirius) et Arcturus (a du Bou- vier), le Chien principalement, revêtent, tour à tour, toutes les couleurs de l'arc-en-ciel... » « Arcturus, dont la couleur principale est rougeâtre, présente, de temps à autre, dilTércnles nuances. » Je trouve dans la Micrographie de Hooke, à la p. 218 : « On peut noter que les étoiles scintillent avec diverses couleurs , en sorte que dans certains moments elles pa- raissent rouges, quelquefois jaunes et d'autres fois bleues. Cela arrive même quand les étoiles sont assez élevées au-dessus de l'horizon. » Le changement de couleur des étoiles dans l'acte de la scintillation avait aussi fixé l'attention de Michell et de Mel ville vers le milieu du siècle dei"nier. M. Forster (Pliilos. Magaz., 1824), non-seulement 1. ^oir Astronomie populaire, t. I, p. AU ù Zil3. DE LA SCINTILLATION. 5 remarquait les couleurs, mais il essayait de noter les pé- riodes de leur reproduction. « Quelquefois, dit -il, la lu- mière rouge intense se montrait après deux dilatations de l'étoile; dans d'autres circonstances, après trois seule- ment; d'autres fois, enfin, sans aucune loi régulière. » CHAPITRE IV SCINTILLATION DE MERCURE ET DE VENDS Tous les observateurs, Tycho, Kepler, etc., s'accor- dent à reconnaître que Mercure scintille fortement. Gas- sendi dit même que c'est à raison de cette forte scintillation qu'on avait donné à la planète le surnom cril^o)^ , qui indique une lumière à éclats successifs. On trouve le même accord relativement à la scintilla- tion de Vénus. Tycho, Kepler, etc., ont vu scintiller cette planète. Sclieiner ajoute que Vénus scintille moins dans ses moyennes distances qu'aux époques oia elle est apogée et périgée. Voici une observation de Kepler, consignée dans VAs- tronomiœ pars optica, oii la scintillation de Vénus est notée à la fois directement et par la projection de ses rayons sur un mur. a En 1602 , le ~ décembre, vers le soir, je voyais par une fenêtre Vénus déjà sur son déclin.... La planète scintillait avec force. Lorsque je regardais le mur blan- châtre sur lequel se projetaient les rayons de Vénus , il présentait des ondulations comme lorsque la fumée em- pêche de voir la flamme, et cela avec une grande célérité 6 DE LA SCINTILLATION. et des mouvements irréguliers J'ai remarqué que cette ondulation de lumière était en rapport avec la scintillation qu'on apercevait sur la planète. « Le - juin de l'année 1603, Vénus, et la Lune qui avait trois jours, envoyaient des rayons sur le même mur blanc Les rayons de Vénus ondulaient beaucoup; ceux de la Lune presque pas. » CHAPITRE V SCINTILLATION DE MARS Tycho place Mars au nombre des astres qui scintillent , mais faiblement. Kepler dit que des yeux exercés parviennent à distin- guer une petite scintillation dans cette planète. Simon Marins lui donne le premier rang après Mer- cure et Vénus. Voici comment s'exprime Scheiner : 0 Mars scintille beaucoup et avec force, surtout quand il est apogée. » Après toutes ces assertions catégoriques, comment expliquer que Jacques Cassini ait affirmé, dans son Astro- nomie, page /i2, que « l'on ne distingue pas de scintilla- tion dans Mars » ? Cassini s'est certainement trompé : Mars scintille quel- quefois d'une manière non équivoque. Remarquons, quant à la scintillation des planètes, qu'aucun astronome ne dit, comme pour les étoiles, qu'elle est accompagnée d'un changement de couleur. DE LA SCINTILLATION. 7 La scintillation dans ce cas serait donc un simple change- ment d'intensité. On pourrait s'étonner, après tous ces témoignages concordants sur les scintillations de Mercure, de Vénus et même de Mars, que Cléomède eût soutenu que toute lumière empruntée, que toute lumière réfléchie n'est' pas sujette au genre de mouvement de vibration qui constitue la scintillation , si nous ne savions que les anciens igno- raient la nature de la lumière des planètes. L'opinion de Cléomède adoptée par Kepler, à une certaine époque, entraînait une hypothèse devant laquelle l'auteur de V As- tronomie copernicienne était loin de reculer. 11 soutenait et disait avoir rendu vraisemblable, dans ses thèses pu- bliées en 1G02, « que les planètes ont une partie de lumière qui leur est propre et une autre partie venant du Soleil ». La seule partie de lumière propre contribuerait à la scintillation. Vénus n'aurait presque que de la lumière propre; Saturne, au contraire, que de la lumière em- pruntée. Scheiner fit une observation qui, en point de fait, réduisait au néant l'opinion de Cléomède et les théories de Kepler. Cette observation montre de plus la véritable cause, la cause géométrique de la dilférence reconnue par tous les astronomes entre les scintillations très- visibles de Mercure et les scintillations à peine sensibles de Jupiter, si on laisse de côté les considérations ima- ginaires dans lesquelles l'auteur s'est égaré. Voici l'ob- servation : « Les images du Soleil , dit Scheiner, réfléchies par les boules dorées qui surmontent les clochers, paraissent 8 DE LA SCINTILLATION. animées d'une sorte de trépidation , semblent sautiller de haut en bas. » Après avoir fait celte subtile remarque, Scheiner n'a pas l'idée si simple que la petitesse de l'angle sous lequel l'image solaire se présente alors à l'œil entre pour quel- que chose dans le phénomène observé; il s'en va étourdi- ment l'attribuer soit à l'humidité, à la rosée déposée à la surface des boules, soit à des nuages légers interposés entre la boule et l'observateur. On lit dans Ilooke [Micrographie , p. 219) : « J'ai sou- vent remarqué la scintillation de la lumière du Soleil ré- fléchie sur la vitre d'une fenêtre. » Cette observation suffit pour prouver que la scintillation peut appartenir à des rayons réfléchis; mais l'illustre au- teur ne fait pas la remarque que, dans son observation, l'image du carreau de vitre ne sous- tendait qu'un petit angle. CHAPITRE VI SCINTILLATION DE JUPITER ET DE SATURNE Simon Marins place Jupiter au nombre des astres qui scintillent. Scheiner est de la même opinion : « La scin- tillation de Jupiter, dit- il , se fait par éclairs. » Jacques Cassini assure que Jupiter ne scintille jamais. On lit dans la Météorologie de Kaemtz : « Quand la scintillation des étoiles est très- forte, les planètes scintillent aussi , comme je l'ai vu pour Jupiter, placé près de l'horizon. » Tycho dit que Saturne ne scintille pas du tout. Cette DE LA SCINTILLATION. 9 opinion est corroborée par Roger Bacon, Gassendi et Jacques Cassini ; elle est contredite par Simon Marins et Scheiner. Ces deux derniers observateurs reconnaissent toutefois que Saturne est, de toutes les planètes , celle où ie phénomène est le plus difficile à saisir ^ CHAPITRE VII SCINTILLATION DANS LES LUNETTES On croit généralement que la scintillation n'existe pas dans les lunettes. Cette opinion , quoique professée par des hommes de génie, par Newton par exemple, est erronée, ainsi qu'on va le voir. Simon Marius est le premier qui ait appliqué une lunette, et même une lunette sans oculaire, à l'observa- tion de la scintillation. Voici ses propres paroles : « Que celui qui a entre les mains une bonne lunette , en ôte le verre concave (l'oculaire), et qu'il substitue son œil au verre enlevé ; qu'il dirige ensuite la lunette vers l'étoile ou la planète dont il veut observer la scintillation. a II verra avec admiration ce que je vais dire, pourvu que le ciel soit bien clair et l'air bien tranquille. « L'étendue du corps des étoiles et des planètes devient très- considérable, et la scintillation paraît comme une fulmination, ou une ébullition de la matière des étoiles. Pendant ce temps-là, on verra, par ordre et tour à tour, 1. Scheiner ajoute : « La Lune scintille rarement. » On se de- mande alors de quel phénomène Scheiner a entendu parler. Qu'est- ce que la scintillation de la Lune? 10 DE LA SCINTILLATION. des couleurs déterminées et distinctes , en plus ou moins grand nombre, suivant les étoiles. Ainsi , pour les étoiles qu'on a jusqu'ici regardées comme étant de la nature de Mars, le rouge domine sur toutes les autres couleurs; tandis que dans le grand Chien, toutes les couleurs, le vert, le jaune, le rouge et le bleu, se succèdent dans le même ordre, avec à peu près le môme éclat et la même abondance , en sorte qu'elles inspirent à l'ob- servateur la plus profonde admiration , jointe au plus vif plaisir. «Je laisse, ajoute l'auteur, l'explication de ce phéno- mène à de plus habiles que moi. » On trouve dans Scheiner cette remarque : « Lorsqu'on regarde Sirius à travers une lentille convexe, il paraît par moment entièrement éteint et comme étouffé ; il se rallume ensuite tout à coup. » Regarder à l'œil nu à travers une lentille convexe, comme le faisait Scheiner, c'était regarder à travers une lunette après en avoir ôté l'oculaire, comme l'a fait Simon Marius. Si l'expérience n'avait pas été renouvelée avec des objectifs achromatiques, on pourrait supposer que, dans les observations de Marius et de Scheiner, le défaut de fixité de l'œil en pfésence de la série de foyers diverse- ment colorés, d'une lentille simple, entrait pour quelque chose dans les phénomènes observés. Hooke rapporte (Micrographie, page 218) qu'il a vu, au moyen d'une lunette, des petites étoiles scintiller, comme les petites étoiles visibles à l'œil nu. Dans le pas- sage cité, Hooke ne parle pas de couleurs. DE LA SCINTILLATION. 14 Venons à une observation de Nicholson, publiée en 1813. L'auteur veut prouver que les étoiles scintillent dans les lunettes. Il prend un de ces instruments (achroma- tique), le laisse complet, mais pousse l'oculaire hors du foyer; il le dirige ensuite vers une étoile brillante, dont l'image devient un disque irrégulier, approchant de la forme circulaire d'un diamètre plus ou moins grand sui- vant la position où l'on a arrêté l'oculaire. Voici la tra- duction du passage où l'auteur décrit les phénomènes qu'on observe avec l'instrument ainsi disposé. L'analogie, la presque identité de ces phénomènes, avec ce que rap- porte Simon Marins, n'échapperont pas au lecteur : a Le disque circulaire de l'étoile a un tel genre de va- cillation, qu'on croirait voir un certain nombre de disques passer successivement les uns devant les autres. Ces disques sont de couleurs différentes. L'illumination paraît venir de divers côtés. Du bleu, du bleu d'acier, du vert de pois, la teinte cuivre brillant, du rouge et du blanc, sont les couleurs les plus fréquentes. » Toute théorie de la scintillation qui ne satisfera pas aux phénomènes que je viens de décrire, devra évidem- ment être rejetée comme erronée ou comme insuffisante. Il est un second moyen, non moins instructif, d'appli- quer la lunette à l'étude de la scintillation. Je m'en étais servi dès l'année 1812; mais Nicholson l'ayant publié avant moi (en 1813), c'est à lui qu'il faut reporter exclu- sivement l'honneur de la découverte. Je dois borner mes prétentions à ce sujet à quelques conséquences que l'emploi de ce moyen perfectionné m'avait fournies. m DE I.A SCINTILLATION. Laissons d'abord parler M. Nicholson : « Après avoir dirigé sur Sirius une lunette achroma- tique de Ramsden, grossissant vingt-quatre fois, l'oculaire étant à la distance de la vision distincte, je frappai légè- rement le tube à coups redoublés, avec les doigts de la main droite. L'image de l'étoile dansait dans le champ de la vision et formait une ligne lumineuse semblable à la traînée continue que donne un charbon enflammé qui se meut rapidement dans une courbe. A chaque secousse, l'étoile décrivait une courbe rentrante, mais si irréguliè- rement contournée, que jamais deux des lignes suc- cessives ne coïncidaient entre elles. Je donnais environ dix coups par seconde. Les courbes étaient teintes des plus vives couleurs dans leurs diverses parties. Les plus remarquables de ces couleurs étaient le bleu verdâtre, le bleu d'acier, le marron ou couleur de cuivre très-intense. 11 m'a semblé que chacune d'elles pouvait occuper un tiers ou un peu moins de l'étendue totale de la courbe. La lumière de Sirius changeait donc distinctement de couleur avant d'arriver à l'œil , au moins trente fois par seconde. » Ce résultat numérique étonnera peut-être. On doutera que Nicholson ait pu , avec le doigt , im- primer dix vibrations par seconde à sa lunette ; mais le nombre de ces vibrations n'eût-il été que de six à sept, la conséquence n'en serait pas moins curieuse. 11 résulte évidemment d'une expérience qui prouve qu'une étoile ne se montre à nous généralement qu'avec une partie de sa lumière, que la scintillation a pour elfet nécessaire d'affaiblir les images des étoiles. C'est très- DE LA SCINTILLATION. 13 rarement que ces astres s'aperçoivent avec leur éclat intrinsèque. Des étoiles qu'on a rangées dans la sixième grandeur parce que de temps en temps elles sont visibles ù l'œil nu, peuvent donc disparaître habituellement. Une étoile qui aurait été classée dans la septième grandeur parce qu'elle serait ordinairement invisible, peut, quand le phénomène de la scintillation cesse tout à fait pour elle, devenir perceptible. Hooke s'est assuré que les choses se passent comme je viens de le dire, relativement à certaines étoiles de sixième et de septième grandeur. On voit quelle difficulté le phénomène de la scintilla- tion doit apporter aux mesures destinées à déterminer l'éclat comparatif des différentes étoiles qui brillent au firmament. 11 m'a semblé curieux de rechercher à quelle limite de grandeur les diverses parties d'une étoile scintillante développée en ruban cesseraient de paraître colorées. M. Goujon, qui, à ma prière, a bien voulu faire cette expérience, a trouvé qu'on voit encore des couleurs quand on opère sur une étoile de sixième grandeur, et qu'il n'en reste aucune trace lorsqu'on observe une étoile de sep- tième. Nicholson n'avait observé que Sirius. J'ai découvert un troisième moyen d'étudier la scintil- lation à l'aide des lunettes; je vais en donner la descrip- tion. Dès qu'on se servit de lunettes à petites ouvertures naturelles, ou, mieux encore, à ouvertures réduites à l'aide d'un couvercle percé d'un trou circulaire placé H DR LA SCINTILLATION. (1o\;uil robjoclif, 011 aurait pu voir, eu s'éloignant du loyer, que Timagc éixirgie des étoiles était percée dans son centre d'un trou obscur régulier. Je ne trouve dans les auteurs aucune observation de ce genre. Une remar- que relative à l'existence simultanée de plusieurs trous est consignée dans les ouvrages de Simon Marias et de Scheiner ; mais les trous dont ils parlent n'occupent pas les centres des images et ils sont irréguliers. Ces deux auteurs les attribuent aux imperfections de la matière dont l'objectif était formé. Voici, en eiïet, comment s'exprime Marius : « Les disques des étoiles fixes et des planètes parais- sent, dans chaque position de l'oculaire, percés de plu- sieur trous, ce qui tient à la nature du verre convexe. Scheiner emploie à peu près les mêmes termes. Les trous obscurs dont pa-rlent Marius et Scheiner existent aussi pour certains yeux, dans les images con- fuses des étoiles et des lumières terrestres observées sans lunettes, mais avec ce caractère particulier, que le nombre et la position de ces trous changent souvent du jour au lendemain. Ce n'est pas de cela qu'il va être question. Le phénomène dont je vais parler est constant, parfaite- ment régulier et le même pour tous les yeux. La descrip- tion ([ue je vais en donner diffère à peine de celle que je publiai dans le tome xxvi des Annales de chimie et de physique, page 431, année 1824 ^. Quand on place, devant l'objectif d'une lunette astro- nomique achromatique, un couvercle percé d'une ouver- 1. Voir l'Appendice qui termine cette JNotice. DE LA SCINTILLATION. lo ture circulaire d'un diamètre réduit, de 5 à 4 centimètres par exemple, les images des étoiles au foyer sont rondes, bien terminées et entourées d'une série d'anneaux lumi- neux et obscurs, très-déliés et très-serrés. L'éclat de ces anneaux varie incessamment sur les diverses parties de leurs contours : souvent, en quelques points, il y a dis- parition totale. Tout restant dans le même état, si l'on enfonce peu à peu l'oculaire, on verra l'image de l'étoile se dilater gra- duellement , et bientôt une tache noire, ronde, tranchée, un véritable trou obscur se formera dans le centre. La distance du foyer à laquelle on observera cette tache variera avec le diamètre de l'ouverture placée devant l'objectif. Un nouveau mouvement de l'oculaire, dans le même sons, amènera d'abord la dilatation de la tache obs- cure, et ensuite la naissance d'un petit disque lumi- neux qui en occupera le milieu. L'image de l'étoile , en allant du centre à la circonférence, sera alors ainsi com- posée : disque lumineux, large anneau obscur, large anneau lumineux. Dans une troisième position de l'ocu- laire plus voisine encore de l'objectif, le centre de l'image sera obscur ; à l'anneau large et brillant qui entourera ce centre succédera un anneau sombre, suivi à son tour d'un anneau lumineux. Tout le monde savait que, par un simple déplacement de l'oculaire d'une lunette, on peut donner à l'image con- fuse d'une étoile des dimensions de plus en plus consi- dérables; mais j'ignore si l'on avait remarqué que pen- dant ce déplacement, lorsque les dimensions de l'objectif S les lunettes Bien des personnes éprouvant un peu de difficulté à concevoir comment, ainsi que nous l'avons admis dans le chapitre précédent, une petite oscillation imprimée à une lunette transforme l'image très-concentrée d'une étoile en un long ruban de lumière, entrons, à cet égard, dans quelques détails. Une lunette bien réglée se compose de deux lentilles, l'objectif et l'oculaire, dont les axes se correspondent, dont les axes sont situés sur le prolongement l'un de l'autre. L'image d'une étoile, que, pour simplifier les idées, je supposerai iuimobile, se formera toujours dans la direc- tion de la ligne joignant cette étoile et le centre de l'ob- jectif. Si cette ligne rencontre l'objectif perpendiculairement, en d'autres termes, si elle coïncide avec son axe, l'image occupera le milieu de ce qu'on appelle le champ. Dans le cas contraire, elle sera plus ou moins excentrique, sui- vant que l'axe de l'objectif et le rayon venant de l'étoile seront plus ou moins inclinés l'un par rapport à l'autre. Supposons que les rayons qui ont concouru à la forma- Yli.— IV. 2 48 DE LA SCINTILLATION. tion de l'image, prolongés au delà, portent de la lunette et entrent dans l'œil par l'action de l'oculaire, parallèle- ment entre eux , parallèlement, en outre, ù la ligne qui joint l'image et le centre de cette môme lentille oculaire. 11 est évident que la direction de cette ligne ou du fais- ceau parallèle qui pénètre dans l'œil, détermine le point de la rétine où va définitivement se peindre l'étoile. Admettons maintenant (la lunette restant immobile, les rayons de l'étoile tombant perpendiculairement sur l'ob- jectif, l'image occupant le centre du champ), admettons qu'on fasse marcher horizontalement l'oculaire de droite à gauche ou de gauche à droite. A chaque position cor- respondra sur la rétine une image plus ou moins éloignée de l'image primitive, mais toujours placée, relativement à elle, dans la position horizontale. Supposons que le mouvement de l'oculaire dans toute sa course s'effectue dans un temps plus court qu'il ne faut pour que chaque image de l'étoile ne s'efface (en moins d'un septième de seconde, suivant l'expérience de d'Arcy), et l'étoile sera transformée en une ligne continue de lumière horizontale. Un mouvement vertical de l'oculaire aurait donné une ligne continue de lumière verticale ; un mouvement incliné, une ligne de lumière inclinée. Conséquemment, un mou- vement curviligne de l'oculaire suffisamment rapide, trans- formerait l'étoile en un ruban curviligne et continu de lumière. Les mouvements que je viens de décrire ont consisté uniquement dans le déplacement de l'oculaire relative- ment à l'image focale; or on arrivera exactement au DE LA SCINTILLATION. 49 même déplacement en dirigeant successivement la lunette à. gai?che, à droite de l'étoile ; en la pointant un peu plus haut ou un peu plus bas, etc. Ces déplacements, en effet, ont pour résultat de faire naître l'image de l'étoile à gauche, à droite, en haut , en bas, etc. , du centre de la lunette, du centre où elle existait primitivement : la posi- tion de cette image, dans l'espace, reste constante; les parois du tuyau de la lunette, au contraire, s'approchent ou s'éloignent par un côté ou par l'autre du lieu qu'elle occupe, suivant le sens du mouvement qu'on leur a im- primé ; et si l'on se rappelle que l'oculaire est supposé maintenant lié à la lunette d'une manière invariable, que son axe prolongé coïncide constamment avec l'axe du tuyau, on concevra que tout déplacement de l'image, relativement à telle ou telle partie du tuyau , est inévita- blement accompagné d'un déplacement correspondant de l'oculaire relativement à cette même image, et que ces déplacements auront le même effet que si, l'image étant fixe, l'oculaire avait marché. Lorsqu'on voudra régulariser ces mouvements, dans la vue de substituer des mesures à de simples aperçus , les constructeurs décideront si des déplacements réguliers et rapides de l'oculaire ne sont pas plus faciles à produire mécaniquement que des oscillations de la lunette. 20 DE LA SCINTILLATION. CHAPITRE IX LES ÉTOILES, QUELLE QUE SOIT LEUR GRANDEUR, SCINTILLENT- ELI.ES ÉGALEMENT QUAND ELLES SONT PLACÉES A LA MÊME HAUTEUR AU-DESSUS DE L'iIORIZON? Y A-T-IL, AU CONTHAIKE, SOUS LE RAPPORT DE LA SCINTILLATION, DES DIFFÉRENCES SPÉCIFIQUES ENTRE DES ÉTOILES DE MÊME GRANDEUR OU DE GRANDEUR DIFFÉRENTE? Roger Bacon disait que toutes les étoiles ne scintillent pas, que le phénomène est surtout apparent dans les étoiles brillantes; il ajoute : « Que de même qu'un éclat trop faible ne suflit point à la scintillation, de même un éclat trop vif confond le sens de la vue , l'absorbe tout entier, de telle sorte que la trépidation n'est plus perçue. » Scaliger place la grandeur d'un astre au nombre des causes qui favorisent sa scintillation. Kepler cite, à l'appui de cette remarque , l'étoile nou- velle de 1604 : «D'abord son éclat, dit-il, répondit h sa grandeur extrême ; elle décrut, et sa scintillation s'af- faiblit. » 11 y a dans ces passages un peu de confusion. Aucun moyen d'observation ne permit, en 160i, de mesurer la grandeur de l'étoile nouvelle. L'observation de Kepler, convenablement interprétée, se réduit à ceci : la scintil- lation de l'étoile de 1604 diminua avec son éclat. Gassendi affirme que les petites étoiles scintillent moins que les grandes. Hookc {Micrographie , page 218) parle de la scintil- lation des étoiles de sixième grandeur. «Cette scintillation, ajoute-t-il, amène de temps en temps leur disparition complète. » DE LA SCINTILLATION. 21 Kepler, dans son ouvrage sur la nouvelle étoile de 1604, dit que toutes les étoiles n'ont pas le même degré de scintillation, quoique leur grandeur et leur hauteur au-dessus de l'horizon soient les mêmes. Dans son Astronomiœ pars oplica , Kepler caractérise en ces termes les différences en question : « Sirius offre des scintillations plus marquées et à des intervalles plus éloignés que Arcturus « On observe des scintillations très-fréquentes dans le cœur du Scorpion. On n'en observe que de très -lentes dans l'œil du Taureau. La Chèvre et la Lyre ont le même éclat; cependant on ne distingue aucun changement de couleur dans la Lyre, tandis qu'ils sont très - nombreux dans la Chèvre , particulièrement la couleur pourpre. » Lalande prétend que a du Lion (Régulus) scintille plus que l'Épi de la Vierge, quoique cette dernière étoile lui paraisse un peu plus lumineuse que l'autre. M. Forster, portant particulièrement son attention sur le changement de couleur, lequel pourrait bien être iden- tique avec la scintillation , signale entre diverses étoiles les différences suivantes : « An tarés, a d'Orion et quelques autres étoiles rouges (?) présentent ces changements de couleur avec beaucoup d'intensité, surtout Antarès; tandis qu'ils sont faibles dans Sirius et d'autres étoiles brillantes et blanches. On ne les observe pas dans Procyon ; ils sont faibles dans la Chèvre, et très-considérables, au contraire, dans a de la Lyre et Arcturus. Antarès est toutefois l'étoile dans laquelle on les observe le plus aisément. » 11 y a, comme on voit, une différence manifeste entre 22 DE LA SCINTILLATION. les résultats de Koplcr et ceux de M. Forster. Le pre- mier signale la Lyre comme une étoile dans laquelle les changements de couleur sont insensibles ; le second cite cette étoile parmi celles où ces changements atteignent la plus forte intensité. Les conclusions sont également contradictoires relativement à la Chèvre. Suivant Kepler, cette étoile scintille beaucoup; suivant M. Forster, elle scintille peu , ce qui me paraît contraire aux faits. Ces discordances, ces contradictions ne disparaîtront qu'après qu'on aura inventé un scintillonûtre. Nous reviendrons sur cet objet plus loin. Je ne crois pas toutefois qu'il soit nécessaire d'at- tendre l'invention d'un scintillomètre pour se prononcer sur une assertion de Scheiner, suivant laquelle la scintil- lation aurait d'autant plus d'intensité que l'étoile serait plus boréale. Il n'est nullement besoin d'instruments pour oser affirmer que la distinction entre les étoiles boréales et australes n'a aucun fondement. CHAPITRE X INFLUENCE SUPPOSÉE DES DISTANCES DES ASTRES SUR LEUR SCINTILLATION Copernic croit à l'influence de la distance des astres sur leur scintillation ; témoin ce passage de son ouvrage, liv. I , chap. X : «Qu'il y ait une énorme distance entre Saturne, la plus éloignée des planètes, et la sphère des étoiles fixes, c'est ce que démontre la scintillation de celles-ci, car c'est ce caractère qui les distingue surtout des planètes. » DE LA SCINTILLATION. 23 Copernic n'avait évidemment observé la scintillation d'aucune planète. Mais, lorsque Tycho soutient aussi que la scintillation des astres est dépendante de leur distance ; lorsque, dans le tome i" des Progymnasmata, chapitre vi, p. 401, il dit, à l'occasion de l'étoile nouvelle de 1572 : * La belle , la brillante scintillation de cet astre démontre qu'il se trouvait dans la suprême et immense région des fixes; bien loin, par conséquent, de celle où s'opèrent les révolutions des planètes, » on se demande comment Tycho peut concilier ces paroles avec les observations qu'il a faites de la scintillation de Mercure et de Ténus. Quant à Kepler, il entend prouver que la distance n'influe pas sur la scintillation, en faisant remarquer que tandis que Mercure et Vénus , planètes voisines , scintil- lent beaucoup, Jupiter et Saturne, planètes éloignées, ne scintillent pas. Mais dans ce raisonnement Kepler oublie l'angle sous-tendu qui peut influer et qui influe réellement beaucoup. CHAPITRE XI QUELLES MODIFICATIONS LES CIRCONSTANCES ATMOSPHÉRIQUES APPORTENT-ELLES A LA SCINTILLATION? Quand l'atmosphère est humide et agitée par des vents impétueux, dit Kepler {Stella nova) , les astres ont une vive splendeur ; ils paraissent grands , et leur scin- tillation a plus d'intensité. Dans un autre endroit il s'exprime ainsi : « Il est faux que la scintillation tienne à des changements dans l'at- mosphère. » 24 DE LA SCINTILLATION. Schcinor assure avoir observé aussi que le phénomène de la scintillation est plus apparent dans un tenrips humide que dans un temps sec. Pour combattre l'idée que la scintillation dépend d'exha- laisons ou de vapeurs répandues dans l'atmosphère, Musschenbroek remarque qu'en Hollande, « lorsqu'il fait excessivement froid, lorsque la gelée est intense et que le temps est serein en hiver, toutes les étoiles scintillent très-vivement. » M. de Ilumboldt assure que , dans les régions tropi- cales, l'arrivée de la saison des pluies est annoncée plu- sieurs jours à l'avance par la scintillation des étoiles éle- vées. M. Biot dit que la scintillation s'observe principalement aux approches de la pluie, lorsqu'elle va suivre une longue sécheresse. « Le tremblement des étoiles est alors si mar- qué, ajoute- 1- il, qu'il devient un signal pour les mate- lots. » {Traité d'astronomie physique , tome i", p. 289, 3* édition.) Le Traité de météorologie de M. Kœmtz renferme l'ob- servation suivante : « La scintillation est très-marquée quand des vents vio- lents régnent dans l'atmosphère, et quand le ciel est alter- nativement serein et couvert. » Je réunirai maintenant les observations d'oii il paraît résulter que, dans certains lieux et dans certaines sai- sons, les étoiles scintillent peu ou ne scintillent pas du tout. La Condamine disait avoir constate que, dans la por- tion du Pérou où il ne pleut pas, la scintillation est DE LA SCINTILLATION. 25 moindre que dans nos climats. (Mémoires de T Académie des sciences y ilho, p. 31.) Garcin annonçait à l'Académie des sciences, en J 7/i3, qu'à Bender-Abassi , sur le golfe Persique, pendant la sécheresse extraordinaire qui règne dans ce port, au printemps, en été et en automne, les étoiles ne scintillent pas. «Leur lumière, dit-il, est pure, ferme, éclatante, sans nul étincellement. Ce n'est qu'au milieu de l'hiver que la scintillation, quoique très -faible, se fait aper- cevoir^. » Garcin ajoutait qu'au Bengale, par la latitude de Ben- der, mais dans un climat humide , il avait vu les étoiles scintiller. Au retour de son voyage dans l'Inde, Le Gentil assu- rait qu'à Pondichéry, dans les mois de janvier et de février, les étoiles n'ont aucune scintillation. {Mémoires de r Aca- démie des sciences^ 1771, page 26/i.) Beauchamp écrivait à Lalande qu'à Bagdad les étoiles ne scintillaient plus dès qu'elles étaient parvenues à /j.5 degrés de hauteur au-dessus de l'horizon. Citons maintenant les ouvrages de M. de Humboldt, ce savant illustre, à qui rien n'a échappé dans ses voyages ; nous y trouverons des faits moins absolus que ceux qui précèdent, et qui, par cela même, doivent inspirer plus de confiance. Au commencement d'avril, sur les bords de l'Orénoque, par une atmosphère très-humide, aucune scintillation ne se faisait remarquer dans les étoiles, pas même à li ou 1. Garcin dit qu'à Bender-Abassi, le printemps, Tété, l'automne se passent sans qu'il se dépose la moindre rosée. 26 DE LA SCINTILLATION. 5 degrés de hauteur au-dessus de l'horizon. ( Relation his- torique, t. II, p. ^^^0.) Dans la vallée de Tuy (Venezuela), par 10° 17' de lati- tude nord, le 9 février, maljïré une extrême sécheresse, M. de llumboldt voyait les étoiles scintiller jusqu'à 80 de- grés de hauteur. {Relation hisforiqiie, t. ii, p. /i8.) Ordinairement la scintillation n'est pas sensible à Cumana au-dessus de 25 degrés de hauteur. Cependant, les 24 et 20 octobre, le thermomètre étant descendu rapi- dement à 23 degrés centigrades, elle devint très -appa- rente jusqu'au zénith. M. de llumboldt croit, en général, que, dans cette localité particulière, le phénomène se manifeste moins sous l'influence de l'humidité qu'à cause de quelque refroidissement subit de l'atmosphère. Sa cause principale serait ainsi le mélange de courants ascendants et descendants de températures différentes. [Relation historique, t, ii, p. 317.) Ussher disait, en 1788 : «J'ai toujours remarqué que les aurores boréales rendent les étoiles singulièrement ondulantes dans les télescopes ^. » M. Necker de Saussure assure que les étoiles ne scin- tillent pas en Ecosse , à moins qu'il n'y ait une aurore boréale visible ^. Ce résultat, extrêmement singulier, mérite, à tous égards, de fixer l'attention des excellents observateurs dont l'Ecosse fourmille. Il faudra beaucoup rabattre des opinions courantes sur 1. Notice sur les aurores boréales, t. I" des Notices scientifiques, t IV des Œuvres, p. 568. 2. Ibidem, p. 69Z|. DE LA SCINTILLATION. 27 la scintillation observée au sommet des hautes montagnes, s'il faut en croire ce que rapporte Saussure de ses obser- vations sur le col du Géant : Au col du Géant, dit le célèbre naturaliste, on vit tou- jours une scintillation très -forte dans les étoiles voisines de l'horizon, dans la Chèvre, par exemple. « Le 2 juillet, à minuit, la Lyre, le Cygne, l'Aigle et leurs égales en hauteur, n'en avaient absolument aucune. Au contraire, le 6 (malheureusement l'heure n'est pas indiquée), je voyais beaucoup de scintillation à Arcturus, assez à l'Ai- gle, un peu au Cygne. La Lyre seule en était exempte. » {Voyaye au col du Géant, t. iv, p. 301.) Toutes ces observations ont besoin d'être répétées par des méthodes moins sujettes à erreur. Ce sera alors seu- lement qu'on pourra inscrire dans la science, comme des faits constants, qu'il existe des lieux, des saisons, des jours et des hauteurs où les étoiles n'éprouvent aucune scintil- lation. CHAPITRE XII MODIFICATION QDE LA HAUTEUR AU-DESSUS DE l'HORIZON APPORTE AD PHÉNOMÈNE DE LA SCINTILLATION Scheiner et la généralité des observateurs qui ont traité de la scintillation disent que les étoiles scintillent d'autant plus qu'elles sont plus voisines de l'horizon. Ceci est vrai en ce sens que le phénomène est plus facilement observable près de l'horizon qu'à certaines hauteurs. Toutefois , on trouve dans la Micrographie de Ilookc l'observation suivante, remarquable par sa finesse : 28 DE LA SCINTILLATION. « On observe que la scintillation, près de l'horizon, n'est pas ù beaucoup près aussi rapide, aussi soudaine, dans le passage d'un état de l'étoile à l'état suivant, que dans les scintillations des étoiles situées près du zénith. » CHAPITRE XIII LA SCINTILLATION D'DNE ÉTOILE EST-ELLE LA MÊME POUR DES OBSERVATEDRS DIVERSEMENT PLACÉS? Voici comment s'explique Kepler à ce sujet, Astrono- miœ pars optica : « Je me suis adjoint plusieurs personnes qui, à l'instant où elles observaient un changement dans la lumière d'une étoile, l'indiquaient par un signe. Nous avons toujours remarqué que le phénomène qui frappait l'observateur muet était à l'instant dénoncé par l'autre. » Rien de plus net, de plus catégorique que ce résultat. Cependant, lorsque je me rappelle les changements exces- sivement rapides observés dans Sirius, j'ai peine à con- cevoir la possibilité de l'expérience, certainement très- intéressante, faite par Kepler et ses collaborateurs. Cette expérience ne contribua pas peu, je suppose, à persuader à Kepler que la scintillation n'est pas un phé- nomène atmosphérique, et qu'elle dépend, en très-grande partie, de changements réels qui s"opèrent dans la sub- stance des astres. Elle mérite donc d'être répétée. Voici, ce me semble, comment on pourra s'y prendre : On se servira , non pas d'une lunette ordinaire , mais d'un héliomètre, c'est-à-dire d'une lunette à objectif par- DE LA SCINTILLATION. 29 tagé par le milieu. On aura ainsi, à volonté, deux images distinctes d'une même étoile et vues simultanément : l'image, que je suppose formée par les rayons qui tombent sur la moitié orientale de l'objectif, et l'image provenant des rayons qui tombent sur la moitié occidentale légère- ment déplacée. Cela fait, on appliquera à ces deux images le procédé que j'ai décrit (p. 12) quand nous nous occu- pions de l'image unique d'une lunette ordinaire; on les transformera en deux rubans lumineux, par une légère vibration du tuyau de l'héliomètre. Je me hasarde à pré- dire que les deux images en ruban seront dissemblables, contrairement au résultat de Kepler, et quoique dans cette expérience on ait soumis à l'épreuve comparative des rayons séparés originairement , non de plusieurs mètres, mais de quelques centimètres seulement. CHAPITRE XIV DES COULEURS COMPLÉMENTAIRES L'explication de la scintillation que je vais donner, reposant sur des propriétés de la lumière peu connues du public, je commencerai par les signaler à l'attention du lecteur le plus clairement qu'il me sera possible. Je ferai toutefois précéder cette exposition de quelques détails indispensables sur les couleurs complémentaires. Toutes les étoiles du firmament devenant vivement colorées dans l'acte de la scintillation, il y a indubitable- ment quelques-uns des rayons dont leur lumière se com- pose qui n'agissent pas alors sur l'œil, soit qu'ils aient 30 DE LA SCINTILLATION. été arrêtés au moment de leur pénétration dans l'organe, soit que leur elïet ait été détruit avant qu'ils aient atteint la rétine, ou sur la surface même de cette membrane. 11 nous sera donc utile de savoir quelle couleur prend la lumière blanche lorsqu'on en sépare quelques-uns des rayons constituants. 11 existe plusieurs moyens de résoudre ce problème; je n'en citerai qu'un seul. Qu'on superpose deux lentilles de verre d'un long foyer. Si on les expose à de la lumière blanciie, on verra autour du point de contact une série d'anneaux colorés, tant par réflexion que par transmission. Ces anneaux résultent de la décomposition que la lumière blanche a éprouvée aux épaisseurs diverses de la lame d'air com- prise entre les deux lentilles. La partie de cette lumière qui manque dans l'anneau réfléchi se trouve en entier dans l'anneau transmis , comme on le prouve en faisant arriver simultanément à l'œil les deux séries d'anneaux provenant de deux faisceaux blancs également intenses. Alors, en efl*et, toute trace d'anneaux disparaît; les anneaux transmis neutralisent, ou, si on l'aime mieux, blanchissent les anneaux réfléchis. En comparant donc les couleurs individuelles des anneaux correspondants, des anneaux de même dia- mètre, réfléchis et transmis, on connaîtra une série de teintes complémentaires, une série de teintes qui réunies forment du blanc. On trouve dans VOptique de Newton, une comparai- son de divers anneaux réfléchis et transmis correspon- dants ou de même diamètre. Voici les résultats : DE LA SCINTILLATION. 31 Anneauï réfléchis. ^°°''"ran3°'^^'' Premier anneau Rouge. Bleu. Deuxième anneau Rouge. Bleu. Troisième anneau Rouge. Bleu verdàtre. Quatrième anneau Rouge. Vert bleuâtre. Premier anneau Jaune. Violet. Deuxième anneau Jaune. Violet. Premier anneau Vert. Rouge. Deuxième anneau Vert. Rouge . 11 y a donc divers genres de rouge ; il existe des cou- leurs qui, sans cesser de porter le nom de rouge, peuvent avoir pour nuance complémentaire : du bleu, du bleu verdàtre, du vert bleuâtre, du vert. Le jaune a toujours pour couleur complémentaire le violet. En soustrayant d'un faisceau de lumière blanche une couleur élémentaire rouge, ou un ensemble de couleurs donnant à peu près la même teinte, le faisceau restant peut être ou bleu , ou vert bleuâtre , ou vert. En sous- trayant d'un faisceau blanc, du jaune ou du violet, ce qui reste est respectivement violet ou jaune. Ces notions sont tout ce dont nous aurons besoin pour arriver au but que nous avons en vue. CHAPITRE XV DES interférences; des lois qui les régissent Soient O (fig. 1, p. 32) un point d'où rayonne de la lumière homogène, du rouge par exemple; A et B deux 32 DE LA SCINTILLATION. miroirs réfléchissants* qui renvoient au même point P d'un écran les rayons également vifs OA, OB. Supposons que la figure OABP soit un losange; que la longueur de la route OAP parcourue par l'un des rayons égale le trajet OBP qu'a fait l'autre rayon pour aller aussi de 0 en P. Fig. 1 . — Expérience des interférences. Chaque rayon pris isolément éclaire le point P d'une certaine manière; les deux rayons réunis y produiront une intensité bien supérieure. Imaginons maintenant que le miroir B marche gra- duellement de gauche à droite en restant toujours paral- lèle h lui-même. Les rayons OC, OD, etc., qu'il enverra au point P, dans chacune de ses nouvelles positions, 1. La disposition des miroirs que la figure représente n'est pas celle à laquelle les physiciens ont ordinairement recours pour véri- fier les lois des interférences. Mais celle que j'ai adoptée ici me paraît plus propre à rendre les phénomènes sensibles aux personnes peu habituées aux considérations géométriques. DE LA SCINTILLATION. 33 auront parcouru des chemins OCP, ODP, etc., d'autant plus dilTérents de OBP, ou, ce qui est la même chose, de OAP, que la position actuelle du miroir sera plus éloi- gnée de la position primitive B. Revenons à cette position primitive et examinons attentivement P, pendant que le miroir B s'avance pro- gressivement vers la droite. D'abord ce point était très- éclairé, par suite de l'action simultanée des rayons OAP et OBP; ensuite son intensité diminue peu à peu et d'une manière graduelle à mesure que le miroir se déplace; bientôt enfin on arrive à une position G, pour laquelle P est d'une obscurité complète, quoique deux rayons OAP et OCP viennent s'y croiser. Dès qu'on a dépassé la position G, la lumière en P renaît; elle ac- quiert son intensité maximum quand le miroir est en D, par exemple, et disparaît une seconde fois si l'on atteint la position E. Le mouvement continué dans le même sens au delà de E donne indéfiniment lieu à des apparitions et à des disparitions successives de la lumière au point P. Pour mettre dans une entière évidence les consé- quences qui découlent inévitablement de cette expé- rience , arrêtons-nous un instant à l'une des positions G du miroir réfléchissant, pour laquelle P est complète- ment obscur, et plaçons successivement un écran opaque sur les chemins OAP et OGP; nous constaterons ainsi que chacun de ces rayons, pris isolément, éclaire parfai- tement le point P ; l'obscurité résulte de leur réunion. Deux rayons lumineux homogènes partant d'un même point peuvent donc, suivant les circonstances, s'ajouter, se détruire en partie ou s'anéantir complètement ; on VIL — IV. 3 34 DE LA SCINTILLATION. peut, quelque extraordinaire que cela puisse paraître, produire de l'obscurité en ajoutant de la lumière h de la lumière. L'action par laquelle deux rayons s'ajoutent ou se détruisent a été appelée du nom d'interfcreuce. En quoi consistent maintenant les circonstances qui font que deux rayons de même origine s'ajoutent ou se détruisent? Ces circonstances sont les différences des chemins parcourus par ces rayons depuis leur commune origine jusqu'au point de leur croisement en P sur l'écran. Les rayons s'ajoutent lorsque la différence des che- mins parcourus est nulle. Soit d la première , la moindre différence de chemins parcourus pour laquelle les rayons s'ajoutent de nou- veau, c'est-à-dire la différence correspondant au miroir réfléchissant D. Les rayons s'ajouteront pour toutes les différences de routes comprises dans la série : 0, d, 2d, 3d, U d, etc. Ils se détruiront, au contraire, complètement, pour toutes les différences de chemins parcourus, comprises dans la série : '-d, d-\-^d, 1d-\-\d, 3d+'rf, etc. Pour les différences de routes d'une valeur comprise entre les termes de ces deux séries , les rayons s'ajoute- ront ou se détruiront partiellement. Le résultat de la réunion de deux rayons sera d'autant plus près de son maximum d'éclat ou d'autant plus près DE LA SCINTILLATION. 35 d'un anéantissement absolu, que la d'ilTérence des che- mins parcourus approchera davantage d'un des termes de la série : 0, d, 2d, 3c/, etc. OU de ceux de la série : '- d, d-\-id, 2d -\-^d, etc. La quantité d qui détermine les circonstances pério- diques d'addition ou de soustraction de deux rayons, varie avec leur couleur, ce qui revient à dire , géomé- triquement parlant, que les positions G, D, E, etc. , du miroir réfléchissant mobile de droite, correspondantes, respectivement , 1" à la première destruction des rayons croisés ; 2° à leur addition ; 3° à une seconde destruc- tion, etc. , sont diiTéren tes suivant la place qu'occupent dans le spectre prismatique les rayons sur lesquels on opère. En point de fait, on trouve que la quantité d est égale à 0"^". 000^1 pour les rayons violets extrêmes; à O"''^ 00049 pour le bleu verdâtre ; à 0°^"^ 00053 pour le vert jaunâtre; à 0°^'". 000(30 pour l'orangé-rouge, et à 0°^". 00064 pour le rouge extrême. Le changement total de d, du violet extrême au rouge extrême, est donc de 0"'^^. 00023. Substituons au point rayonnant 0, d'où partait de la lumière homogène, un point rayonnant d'où émanera de la lumière blanche, et recommençons la même série d'essais en faisant marcher de nouveau le miroir B vers la droite. Dans la position initiale B, les rayons de toute cou- leur que ce miroir réfléchit , sont d'accord en P avec 36 DE LA SCINTILLATION. ceux que réfléchit le miroir A. Le point P est donc très-brillant et blanc. En marchant graduellement de B vers la droite, le miroir arrive d'abord à une position correspondante h la destruction des rayons violets. Le point P est alors blanc moins le violet, c'est-à-dire jaune. Quand le miroir arrive à une position correspondante à la destruction des rayons rouges, P sera du blanc moins le rouge, ou du bleu ; et ainsi de suite pour toutes les positions intermédiaires. Rigoureusement parlant, pour déterminer les couleurs du point P résultant de la suppression des rayons vio- lets , rouges , etc. , il faudrait tenir compte des affaiblisse- ments partiels éprouvés par les rayons qui , dans l'ordre prismatique, occupent des places voisines des rayons annulés. Le blanc résulte , en effet , de mélanges de rayons colorés qui ont besoin d'être complémentaires, non - seulement en couleur, mais encore en intensité. Mais ces détails minutieux sont inutiles quant au but que nous nous proposons. Il nous suffit d'avoir montré que deux rayons blancs de môme origine donnent, par leur superposition, du rouge, du jaune, du bleu, etc., suivant que la différence des chemins parcourus par ces deux rayons a telle ou telle valeur. Passons à d'autres considérations non moins curieuses. La différence des chemins parcourus par deux rayons n'est pas le seul élément qui détermine le mode de leur interférence. La nature, ou plutôt la réfringence des milieux traversés, joue aussi un rôle essentiel dans le phénomène. DE LA SCINTILLATION. 37 Reprenons notre premier appareil , et plaçons sur le trajet des rayons deux tubes d'une égale longueur, fermés hermétiquement par des plans de verre de même épaisseur. Supposons encore qu'il ne parte du point .rayonnant 0 que de la lumière homogène. Tout étant égal de part et d'autre, si l'air renfermé dans les deux tubes est le même, également pur, et a la même densité, les expériences réussiront exactement comme avec l'appareil primitif : l'interposition des deux plaques de verre qui ferment le tube de gauche, l'inter- position simultanée des plaques de verre toutes pareilles qui ferment le tube de droite, ne changent nullement le caractère du phénomène ; si les rayons homogènes qui, partis de O, vont se croiser au point P sont d'accord, ils y produisent une lumière très -intense. Supposons maintenant qu'on établisse une communica- tion entre le tube de gauche et une machine pneumatique, à l'aide de laquelle on puisse diminuer graduellement la densité de l'air contenue dans ce tube. En faisant fonc- tionner la machine, le point P sera successivement éclairé et obscur ; éclairé pour une certaine série de densités de l'air, obscur pour une autre série. On observera soigneusement cette circonstance impor- tante, que la série des densités qui correspond aux des- tructions ou aux additions successives des rayons est différente suivant les couleurs; qu'une densité pour la- quelle les rayons rouges sont anéantis laisse intacts les rayons bleus; en sorte que si le point 0, au lieu d'émettre des rayons homogènes , émet de la lumière blanche , le point P, pendant le mouvement graduel de la pompe, 38 DE LA SCINTILLATION. passera, à autant de reprises qu'on le voudra, par toutes les couleurs prismatiques : i)ar le rouge, quand la densité de l'air dans le tube de gauche correspondra à la destruc- tion des rayons verts; par le jaune qu;ind, h raison de cette mémo densité, ce seront les rayons violets qui se détruiront mutuellement, etc. Je dois ajouter que ces curieux phénomènes ont lieu pour des différences de densités très -minimes, même avec des tubes de très-petites longueurs, comme d'un mètre par exemple. Avec cette longueur, il suffit d'une diminution d'environ un millimètre dans la force élas- tique de l'air contenu dans le tube de gauche , la force élastique dans l'autre tube étant de 760 millimètres, pour faire passer les rayons de la période d'accord à celle de destruction. Il faudrait une différence de densité pro- portionnellement plus faible si les tubes devenaient plus longs. Tout restant dans le même état , si , à force élastique égale, on renferme dans le tube de gauche de l'air plus ou moins humide et dans le tube de droite de l'air plus ou moins sec, on observera, dans les interférences des rayons au point P, des effets exactement pareils à ceux qui étaient déterminés par des variations de densité. Les vapeurs provenant de l'alcool, des éthers, etc., agissant seules ou mêlées à l'air, conduiront à des résultats ana- logues. Dans ces diverses expériences nous sommes partis d'un état initial oii les rayons provenant de 0 se croi- saient en P, après avoir parcouru des chemins exacte- ment égaux entre eux. A cet état initial on peut en substi- DE LA SCINTILLATION. 39 tuer un autre jouissant précisément des mêmes propriétés, quoique les chemins parcourus par les deux rayons qui, partis de 0, vont se croiser en P, soient très -inégaux. Il suiïit pour cela que, si l'un des chemins, celui de droite par exemple, est plus long que le chemin de gauche, le rayon de ce dernier côté trouve sur sa route une épaisseur suffisante d'un milieu plus réfringent que celui à travers lequel le rayon de droite s'est pro- pagé. La théorie à l'aide de laquelle on détermine les réfrin- gences et les épaisseurs comparatives des milieux qui se font ainsi compensation, qui placent deux rayons dans les mêmes conditions d'interférence que s'ils avaient par- couru l'un et l'autre, avant leur croisement, des routes égales dans le même milieu, dans le vide, dans l'air, etc., doit prendre le nom de théorie des équivalents optiques *. 1. Si , au lieu d'opérer sur un rayon isolé ou plutôt sur un fais- ceau réduit à de très -faibles dimensions transversales, à l'aide d'ouvertures percées dans des diaphragmes, on laisse deux fais- ceaux divergents et homogènes, ayant une origine commune, se croiser dans l'espace, on verra simultanément des bandes lumi- neuses parallèles, résultant de l'interférence des rayons qui ont parcouru des chemins égaux ou dilTérant entre eux de 0, de c?, de 2rf, de 3d, etc., et des bandes obscures provenant de l'interfé- rence des rayons qui ont parcouru des chemins différant entre eux de ^ d, de d-\-\d. de 2 f/ -f i rf, etc. Substituons maintenant des faisceaux blancs aux faisceaux homo- gènes que nous avons d'abord employés, et des bandes colorées de toutes les nuances prismatiques viendront se placer les unes à côté des autres; et la bande centrale, celle qui résulte de l'accord de tous les rayons ayant parcouru des chemins exactement égaux , se distinguera parfaitement des autres par l'absence de toute irisation. A gauche et à droite de celle-là, le nombre de bandes visibles sera de cinq à six. On appelle, suivant leur rang , ces bandes situées à gauche ou à 40 DE LA SCINTILLATION. CHAPITRE XVI APPLICATION DE 1,A THÉORIE DES INTERFÉRENCES A l'EXPMCATION DE LA SCINTILLATION Voyons ce qui résulte de la théorie des équivalents optiques, sur la manière dont les rayons pi-ovenant d'une étoile doivent interférer dans une lunette, ou, plus sim- plement, voyons ce qui arrive au foyer d'une lentille de verre, car une lunette n'est autre chose qu'une lentille pareille, armée d'un microscope simple ou à plusieurs verres pour étudier ce qui se passe à son foyer; voyons, enfin, si les résultats de cet examen sont conformes à ceux que les observations des étoiles faites avec des lunettes nous ont dévoilés. Le rayon central EO (fig. 2), venant d'une étoile située à une distance presque infinie, a parcouru, au moment où il a atteint le foyer F, un chemin EOF plus court que le rayon latéral et parallèle E'R, qui a traversé la lentille vers son bord pour se rendre aussi en F ; mais ce rayon central a rencontré une plus grande épaisseur de verre. Or cette plus grande épaisseur de verre fait la compensa- droite de la bande centrale, les bandes du premier, du second , du troisième ordre, etc., etc. Lorsque la différence des chemins parcourus par les faisceaux interférents est un peu grande, on ne voit aucune trace de bandes ; mais on peut ramener les choses à l'état normal, rendre les bandes de nouveau visibles, en interposant sur la route d'un des faisceaux un milieu d'une réfrangibilité et d'une épaisseur convenables. C'est dans la détermination de la réfrangibilité, la longueur du chemin étant donnée, et dans la détermination de la longueur, la réfran- gibilité étant connue, que consiste la théorie des équivalents op- tiques. DE LA SCINTILLATION. 41 tion exacte de la moindre longueur de chemin parcourue dans l'air. La compensation est la même, quelle que soit la posi- tion relative des deux rayons que l'on compare ; si l'on prend, par exemple, le rayon central et le rayon E''''T. FiR. 2. • Passage de la lumière à travers une lentille. Les rayons lumineux qui tombent sur la première sur- face d'une lentille, s'y réfractent, et, après une autre réfraction à la seconde surface, vont se réunir au foyer, y sont conséquemment d'accord et s'ajoutent entre eux. 11 faut toutefois qu'ils aient satisfait à cette condition expresse, qu'à partir du point rayonnant et jusqu'à la rencontre de la première surface de la lentille, et qu'à partir de la seconde surface jusqu'au foyer, les rayons aient parcouru des milieux d'une égale réfringence. La moindre différence à cet égard peut changer complète- ment l'état relatif des rayons, comme lorsque nous opé- 4Î DF LA SCINTILLATION. rions sur deux tubes, et faire entrer dans une phase do destraction des rayons qui, sans cela, auraient été d'accord et se seraient ajoutés. Supposons que les rayons qui tombent à gauche du centre de l'objectif aient rencontré, depuis les limites supérieures de l'atmosphère, des couches qui, à cause de leur densité , de leur température ou de leur état hygro- métrique, étaient douées d'une réfringence dilTérente de celle que possédaient les couches traversées par les rayons de droite; il pourra arriver qu'à raison de cette dilférence de réfringence, les rayons rouges de droite détruisent en totalité les rayons rouges de gauche, et que le foyer passe du blanc, son état normal, au vert; que l'instant d'après, par la même cause, les rayons verts soient totalement anéantis, et que le foyer, conséquemment , devienne rouge, etc. Dans l'hypothèse d'une destruction complète des rayons rouges, verts, etc., la couleur complémentaire verte, rouge, etc., dont brille le foyer F, est très- vive. Mais, généralement, les rayons de la droite et de la gauche de l'objectif, au lieu de s'anéantir en totalité par leur inter- férence, ne se détruisent qu'en partie. Dans ce cas , on aura encore coloration du foyer, mais elle sera moins intense et elle dépendra des mêmes causes. J'ai établi, par des expériences directes, qu'il suffît que la destruction par interférence des rayons rouges, verts, etc., porte sur le vingtième d'un faisceau, pour que le foyer F, oii ce faisceau total se réunit, paraisse sensiblement coloré. 11 doit donc suffire que les couches atmosphériques affectent convenablement et par intermit- DE LA SCINTILLATION. 43 tence, à raison de leur inégalité de réfringence, un ving- tième des rayons qu'embrasse la surface d'une lentille, pour que le point focal acquière successivement différentes nuances prismatiques. Or, si l'on songe à la grande lon- gueur du trajet qu'a parcouru la lumière depuis les limites supérieures de l'atmosphère jusqu'à la lentille ; à la très- petite différence comparative de réfringence qui suffit pour faire passer deux rayons de la période d'accord à celle de destruction; à l'effet des vents amenant sans cesse, quelque modérés qu'ils soient, des couches atmosphériques nou- velles en face de la lentille , on ne s'étonnera pas qu'en observant Sirius, étoile assez basse dans nos latitudes, on ait noté jusqu'à trente changements de couleur par seconde. Il faudra plutôt chercher comment, dans cer- tains climats , le foyer de la lentille reste invariable en intensité et en couleur, si tant est que le fait soit réel. Voilà donc le résultat théorique parfaitement d'accord avec les observations; voilà le phénomène de la scintilla- tion dans une lunette rattaché d'une manière intime à la doctrine des interférences. Que l'on veuille bien remarquer maintenant que l'œil peut être assimilé à une lentille ayant à son foyer un écran nerveux nommé la rétine, et l'on reconnaîtra que tout ce que nous avons dit de la grande lentille, partie princi- pale de la lunette, est applicable à l'œil ; il sufïïra, pour que l'image d'une étoile se colore en vert, par exemple, que dans le faisceau de lumière parallèle blanche qu'em- brasse la surface de la pupille, un vingtième se trouve dans la condition de destruction des rayons rouges ; l'image de l'étoile deviendra rouge, au contraire, lorsque U DE LA SCINTILLATION. la destruction de lumière à la surface de la rétine portera sur les rayons verts, etc. Si enfin, par voie d'interférence, les rayons blancs arrivant à la pupille par la gauche deviennent rouges et les rayons de droite deviennent verts, ces deux couleurs se neutraliseront, et l'elfet défi- nitif sera un changement d'intensité. Le faisceau dont la pupille permet la libre introduction dans l'œil est à la vérité très-étroit ; les rayons qui doivent se détruire sont presque contigus ; ils ont donc traversé des régions de l'atmosphère qui se touchaient : mais ces cir- constances ne constitueront pas une difficulté si l'on se rappelle combien est long le trajet qu'ont fait les rayons dans l'atmosphère avant d'atteindre l'œil, et combien peut être légère la dilTérence d'état individuel de ces cou- ches, sous le rapport de la densité, de la température, de l'état hygrométrique, sans qu'en somme elles cessent d'être une fois favorables à la destruction de la lumière rouge, une autre fois à la destruction de la lumière verte, et ainsi de suite. Je n'ai fait intervenir la différence de chemins par- courus par les rayons, ni dans l'explication de la scintilla- tion à l'œil nu, ni dans l'explication de la scintillation qui s'opère au foyer d'une lunette. Ces différences , si elles ont lieu, devraient être prises en considération ; or il est évident que de très-légères inégalités de routes existent quelquefois. En effet, les étoiles éprouvent souvent, dans les lunettes, un très- petit déplacement vertical que les astronomes appellent une ondulation, et qui dépend évidemment d'une augmentation ou d'une diminution accidentelle dans la DE LA SCINTILLATION. 45 réfraction normale. Or, supposons qu'un rayon dont la réfraction a été troublée en plus dans un certain point de l'atmosphère éprouve plus tard, dans un autre point, une perturbation en moins qui compense la première per- turbation; ce rayon ira au foyer de la lunette rencontrer un rayon normal, un rayon qui n'aura subi aucun trouble dans sa marche, qui n'aura pas éprouvé, si l'expression m'est permise, le mouvement d'anguille d'où peut résul- ter une dilïérence de route propre à produire une inter- férence positive ou négative. La même chose peut être dite des rayons qui ont été déviés latéralement, déviation à l'aide de laquelle on explique comment l'image d'une étoile s'étale, s'épanouit parfois, subitement et pour de très-courts instants. Ce sont là des causes microscopiques, presque insaisissables, et qui cependant amènent des chan- gements d'intensité et de couleur manifestes. Dans le chapitre vu où j'ai décrit les phénomènes de la scintillation tels qu'ils se montrent dans une lunette, j'ai particulièrement insisté ('page ik) sur les effets singuliers résultant d'une diminution convenable dans l'ouverture de l'objectif, et qui s'observent en enfonçant graduelle- ment l'oculaire. J'ai fait remarquer, de plus, que, dans la succession de points lumineux et obscurs qu'on découvre ainsi graduellement dans le centre de l'image, les points obscurs doivent résulter de l'interférence des rayons directs avec d'autres rayons déviés latéralement par les bords de l'ouverture placée devant l'objectif; enfin on a vu que les points obscurs deviennent de temps en temps lumineux, et que les points lumineux, à leur tour, dispa- raissent de temps en temps. 46 DE LA SCINTILLATION. Revenons un moment sur nos pas ; voyons en quoi consistent, au fond, les observations que nous avons faites à dilTérentcs distances du foyer d'une lunette, et quelles conclusions on doit en tirer. Supposons que les rayons, à très-peu près parallèles entre eux, qui partant d'une étoile tombent sur les cir- conférences de cercles concentriques dont la surface de l'objectif d'une lunette est composée, soient réduits à des lignes sans dimension, comme l'avaient admis jusqu'ici tous les physiciens partisans du système de l'émission qui s'étaient occupés de la théorie des lunettes. Ces rayons forment, après leur réfraction, au sortir de cette lentille, des cônes concentriques dont les sommets coïn- cident au foyer. Dans ce foyer, tous les rayons se trouvent réunis et concordants ; à partir de ce point , ils sont d'autant plus écartés qu'on se rapproche davantage de l'objectif, où se trouvent les bases des cônes. Les sections circulaires faites par des plans parallèles à ces bases et de plus en plus éloignés du sommet commun, sembleront donc de moins en moins brillantes, mais avec cette cir- constance essentielle, qu'il n'y a pas un point de ces sec- tions qui ne reçoive un rayon, qui ne soit éclairé. Ce résultat paraît démenti par les observations rap- portées plus haut. En examinant avec l'oculaire, sorte de microscope, les sections circulaires faites dans les cônes lumineux, à diverses distances du foyer, nous avons trouvé une section oij le centre était entièrement obscur; une seconde section, plus voisine de l'objectif, où le centre était lumineux ; une troisième section à centre obscur, et ainsi de suite. DE LA SCINTILLATION. 47 Comment concilier des observations aussi nettes, aussi catégoriques, et desquelles il résulte que Taxe des cônes, à dillerentes distances du foyer, est successivement obscur et lumineux, avec les lois géométriques du mouvement des rayons, qui nous présentent cet axe lumineux partout? Il n'y a dans le système de l'émission qu'un moyen pour cela : c'est de supposer que des rayons déviés par les bords de l'ouverture placée devant l'objectif, ou des rayons de toute autre origine , vont croiser les premiers et les détruire en quelques points. Il faut de plus que ces destructions en un point donné n'empêchent pas les rayons de renaître au delà! Cette double conséquence peut paraître étrange, mais c'est l'expression logique et nécessaire des faits. Elle sera d'ailleurs justifiée plus loin. CHAPITRE XVII SCINTILLATION DES PLANÈTES Supposons qu'on regarde avec une lunette à ouverture réduite les planètes Jupiter et Saturne qui ne scintillent évidemment pas ou ne scintillent qu'exceptionnellement; ces planètes ne présenteront aucun des effets que nous avons décrits quand il s'agissait des étoiles. En transformant la planète en rubans lumineux, comme dans l'expérience de Nicholson , on ne voit de couleur dans aucun point. Le déplacement du foyer ne donne jamais naissance à ces images percées de trous obscurs que nous avons décrites précédemment en détail. Quand la planète a, comme Mars, un petit diamètre, on voit quelques traces de ces phé- 18 DE LA SCINTILLATION. nomènes d'interférence, mais sans une netteté suffi- sante. Une planète est une apjglomération de points lumineux; les rayons partant de chacun de ces points semblent devoir éprouver des effets analogues à ceux que nous avons décrits en nous occupant des étoiles. Il faut cepen- dant remarquer que lorsqu'il s'agissait d'un de ces der- niers astres vu à l'œil nu, des rayons parallèles interférents provenant de l'étoile n'étaient séparés au maximum , dans leur trajet à travers l'atmosphère, que d'une quan- tité égale au diamètre de la pupille, et que , dans le cas d'une observation faite avec une lunette, ce maximum de distance des rayons interférents était égal au diamètre de la portion libre de l'objectif. Les rayons qui concourent à la formation de chacun des points de l'image d'une planète, soit à l'œil nu, soit dans une lunette, sont précisément dans le même cas ; mais il y a une différence essentielle quand on compare ensemble les rayons qui ont formé l'image d'un de ces points à ceux qui ont produit l'image d'un autre point. Considérons , par exemple, le faisceau de rayons paral- lèles qui a concouru à la formation de l'une des extrémités du diamètre horizontal de Jupiter. Si ce diamètre est de 40 secondes, le faisceau de rayons parallèles qui pro- duira l'image de l'autre extrémité du diamètre fera avec le premier un angle de kO secondes. Ce dernier n'a donc pas traversé exactement les mêmes couches atmosphériques que le premier dans une grande partie de son trajet. On en pourrait dire tout autant des faisceaux qui ont formé les deux extrémités du diamètre vertical , DE LA SCINTILLATION. 49 et, sauf la quantité, de ceux qui se réunissent dans tous les points de l'image. L'agglomération d'étoiles à laquelle nous avons assi- milé le disque de la planète n'est exacte qu'à la condition de supposer que les rayons de ces différentes étoiles n'ont pas traversé des couches atmosphériques presque con- tiguës. Les scintillations, déjà si diverses dans le cas de la contiguïté, doivent être plus dissemblables encore dans le cas que nous considérons; de leur ensemble doivent résulter du blanc et une intensité à peu près constante. Encore un mot pour rendre, s'il est possible, cette explication plus claire. L'expérience de Nicholson nous a montré qu'à chaque instant l'intensité de la couleur d'une étoile est, à cause de la durée de la sensation dans l'œil, la résultante de l'intensité et de la coloration que l'étoile a reçues par l'effet des interférences pendant un dixième de seconde. Si l'on parvenait à réunir les images de deux étoiles occupant dans le ciel des positions différentes, la résul- tante varierait moins que sur chaque étoile prise isolé- ment; il en serait de même à chaque addition d'une nouvelle étoile. Enfin , lorsque le nombre de ces étoiles dont l'agglomération se composerait dépasserait une certaine limite, l'image paraîtrait blanche et d'un éclat uniforme. Or, qu'est-ce qu'une planète vue à l'œil nu, si ce n'est une pareille agglomération d'étoiles? Il semble seulement que sur les bords du disque, vu avec une lunette, chaque point devrait offrir des traces manifestes d'interférence; Vil. — IV. u 50 DE LA SCINTILLATION. or c'est co qui a lieu en elïet. J^cs ondulations que pré- sentent les planètes sur leur contour, et qu'on a l'habitude d'attribuer exclusivement à des inégalités de réfraction, dépendent, en partie, des interférences de la lumière. CHAPITRE XVUI SCINTILLOMÈTRES Les destructions intermittentes de la lumière dans un point déterminé de l'axe d'une lunette se rattachent d'une manière intime à la cause de la scintillation , et peuvent même servir à sa mesure. Nous n'avions d'abord cité ces changements qu'en point de fait. Nous pouvons maintenant faire un pas de plus, nous pouvons les rattacher, avec une très -grande probabilité, à de légères inégalités intermittentes de réfrangibilité dans les milieux traversés par les rayons interférents , ou à de très -petites dilïérences des routes parcourues et perpétuellement changeantes de ces mêmes rayons, c'est- à-dire aux vraies causes de la scintillation. Les change- ments des points obscurs en points lumineux, et des points lumineux en points obscurs, peuvent, je crois, servir, avec les précautions convenables, à donner la mesure du phénomène, à servir de base à la construction d'un scintillometre. DE LA SCINTILLATION. 51 § 1. — Premier scintilloinôtre. Supposons que l'on vise à une étoile, ou à un objet qui ne scintille pas, avec une lunette achromatique de 1"'.70 de distance focale, dont l'objectif, de 91 millimètres par exemple, ait été réduit à lil millimètres, à l'aide d'une plaque percée d'une ouverture. Nous avons déjà dit (page 15) que la forme qu'affectera l'image de cette étoile sera variable et dépendra de la position de l'ocu- laire. Partons de celle où l'étoile offre un disque planétaire entouré d'une série d'anneaux très-étroits d'une lumière vacillante. On est alors au foyer. Si, à partir de cette première position, on approche graduellement l'oculaire de l'objectif, on trouve une deuxième position, dans la- quelle le centre de l'image sera noir. Dans une troisième position, qui succédera à la précédente, le centre de' l'image sera lumineux. Le mouvement continué dans le même sens conduira à une quatrième image avec un centre obscur, et ainsi de suite. Pour déterminer la deuxième position , celle dans la- quelle l'image de l'étoile est percée d'un trou entièrement noir, on peut, au lieu de l'observation directe, fixer l'oculaire au milieu de l'intervalle qu'il occupait pour la première et la troisième forme de l'astre. Supposons que l'oculaire occupe exactement cette posi- tion intermédiaire et qu'on vise à une étoile scintillante. La scintillation se manifestera par des réapparitions accidentelles du point lumineux. Ces réapparitions auront lieu, dans un temps donné, d'autant plus fréquemment !i2 DE LA SCINTILLATION. que la scintillation sera plus forte. Je vais rapporter ici des observations de ce genre faites à ma prière par MM. Gouion et Cli. Mathieu. « Hauteur Nombre j«. /i^:!». au-dessus des apparitions des éloUes. ^^ l'horizon. en 5 minutes. IZi janvier 1851. Sirius 20° iiO Rigel 31 17 Aldebaran 57 13 La Chèvre 81 8 15 janvier 1851. Sirius 24" 23 Procyon Zi6 lU Régulus 5(1 15 gf Petit Lion TU 6 22 janvier 1851. Sirius 24" 28 Procyon 1x6 20 aOrion Zj8 15 Pollux 69 12 22 mars 1851. Sirius 18" 30 Procyon /lO 20 Pollu.x 65 9 W'éga 74 6 La Clièvre 78 5 16 octobre 1851. 1 10' 50' 30 Fomalliaut {80 31 5 ZiO 35 DE LA SCINTILLATION. 53 Noms Hauteur Nombre <1ps PtnilP<: au-dessiis des apparitions aes etoues. ^^ l'horizon. en 5 minutes. 17 ocfobî'e 1851. 1 21" 0' 25 Rigel ! 28 30 22 i 35 0 20 j 24 30 21 a Orion j 32 30 20 ( lili U5 18 !xU 0 18 Aldebaran { 50 30 16 55 30 15 1*' novembre 1851. ( 8°39' 30 Sirius j 12 û8 28 ( 17 30 26 Répétons que ces nombres ont été obtenus en comp- tant les réapparitions du point central pendant un inter- valle de temps de 5 minutes. J'avais conclu de considérations théoriques que si, au lieu de laisser l'oculaire dans la position où ont été faites les observations précédentes, on l'avait placé entre cette position et la troisième, les réapparitions du point lumi- neux devraient être plus fréquentes pour une scintillation de môme intensité. Ces prévisions ont été complètement confirmées, ainsi qu'on va le voir. 54 DE LA SCINTILLATION. au-dessus Je l'horizon. de 1 ocila.re. Deiiiième position de l'oculaire. 13 mars 1851. Sirius. . . . 21» 0' 18 60 Procyon . 67 0 12 20 Arctiirus. 50 0 12 20 Pollux... 69 0 7 15 mars 1851. 15 Sirius 17° 0' 16 30 Procyon . ZiO 0 12 20 Pollux... 58 0 6 1" novembre 1851. 12 j 9" 5' 13 5 // 65 Sirius ■; 13 5 n 37 17 53 // 33 En suivant de l'œil tous ces résultats numériques, il me paraît impossible qu'on ne voie pas, en dehors de toute considération théorique, qu'il existe une dépen- dance immédiate entre les réapparitions du point lumi- neux et la scintillation, et que ces réapparitions peuvent être, jusqu'à un certain point, la mesure du phéno- mène. Sous ce rapport, la lunette modifiée comme nous l'avons expliqué devait prendre le nom de scintillomètre. Avec cet instrument, on pourra décider quels sont les cli- mats, les saisons, les hauteurs, les circonstances atmo- sphériques où la scintillation disparaît totalement, si tant est qu'on ne se soit pas fait illusion à cet égard. DE LA SCINTILLATION. 55 Deuxième scintillomètre. On pourrait former aussi un scintillomètre en dévelop- pant une étoile en ruban suivant la méthode de Nichol- son. On a vu (page 12) que ce physicien faisait décrire à l'étoile une courbe rentrante dans l'intervalle d'un dixième de seconde; il distribuait ainsi sur le contour de cette courbe les images successives et de couleur différente qui se formaient en un point unique et se com- pensaient, quant à la couleur, dans l'intervalle d'un dixième de seconde. Mais il paraît bien difTicile de dé- nombrer exactement les couleurs ainsi distribuées dans une courbe qui, à l'œil, occupe un grand espace. Il vaudrait mieux, pour rendre le dénombrement pos- sible, faire parcourir à l'étoile une partie seulement de la courbe qu'elle paraissait décrire dans la première expé- rience, le dixième par exemple. Supposons qu'à partir d'une position de la lunette, on la déplace en un vingtième de seconde, de manière que dans ce court espace de temps l'étoile semble décrire dans le champ une ligne droite qui occupe 2 minutes. Cet espace angulaire renfermera les images diversement colorées qui auraient pris naissance dans un vingtième de seconde et se seraient superposées si la lunette était restée immobile. On peut compter le nombre de ces images de couleurs diverses, répéter l'expérience dix fois par exemple, et prendre la moyenne ; on aurait ainsi la vraie mesure de la scintillation. C'est aux artistes à choisir le meilleur 56 DE LA SCINTILLATION. moyen d'assurer le mouvement angulaire de la lunette ou de l'oculaire qui produirait un allongement de l'étoile égal à 2 minutes, et de s'assurer du temps (un ving- tième de seconde) pendant lequel le mouvement s'opé- rerait. S'il m'était permis d'émettre une opinion à ce sujet , je proposerais de placer un peu en avant du foyer de la lunette, c'est-à-dire entre l'objectif et le foyer, un petit miroir plan incliné de 45 degrés, et qui rejetterait l'image de l'étoile latéralement sur un oculaire préparé ad hoc. C'est la disposition à laquelle on a recours toutes les fois qu'on veut observer avec de petits instruments des étoiles situées près du zénith. Un mouvement de rotation imprimé à ce miroir à l'aide de quelque rouage d'horlogerie conduirait au but. Au lieu d'un miroir on pourrait se servir d'un prisme rec- tangulaire de verre, sur l'hypoténuse duquel s'opérerait la réflexion totale. Afin que l'observation portât toujours sur la même étendue de l'image allongée de l'étoile , on bornerait l'étendue du champ à 2 minutes avec deux plaques métalliques placées convenablement par rapport à l'o- culaire. § 3. — Troisième scintillomètre. Une troisième manière de mesurer la scintillation con- sisterait à observer l'image dilatée d'une étoile lorsque l'objectif n'est pas réduit, lorsqu'il conserve toute son ouverture, et à noter le nombre de fois que cette image DE LA SCINTILLATION. 57 est pour ainsi dire parcourue par des images colorées qui paraissent se mouvoir sur l'image dilatée dans un sens ou dans l'autre. J'ai donné précédemment (chap. vu, p. 9 et 11), à l'occasion des observations de Simon Marius et de Nichol- son, une description détaillée de ce phénomène. On peut, je crois, l'expliquer de cette manière : Lorsque toute la lumière tombée sur l'objectif est réu- nie au foyer, les interférences des rayons provenant du bord oriental, du bord occidental, du bord supérieur, du bord inférieur, etc., de la lunette, sont nécessairement confondues. Si l'image, au contraire, est observée hors du foyer, en d'autres termes, si elle est dilatée, les inter- férences des rayons provenant des divers points de l'ob- jectif pourront être observées séparément; et, comme les couches atmosphériques dont la densité, l'humidité, la température, déterminent la nature des interférences, ne restent pas immobiles, on doit voir les couleurs qui sont nées sur un des bords par exemple, se propager sur toute rétendue de l'image dilatée dans un temps égal à celui que les couches atmosphériques en question ont mis à se déplacer d'une quantité équivalente au diamètre de l'objectif de la lunette. Telle est en substance l'explication que je pense pou- voir donner des phénomènes observés. Quoi qu'il en soit de ce troisième scintillomètre, je dois engager de nouveau les voyageurs à recourir à l'un quelconque de ces trois moyens, surtout au premier, pour décider définitivement s'il existe des pays dans les- quels les étoiles ne scintillent pas du tout. 58 DE LA SCINTILLATION. CHAPITRE XIX EXAMEN DES EXPLICATIONS Ql [ AVAIEM ÈTt DONNÉES JL'SQC'iCI DO PHÉNOMÈNE DE LA SCINTILLATION Quand on clicrchc l'explication de phénomènes du monde physique , de phénomènes dont il serait possible qu'on put rendre un compte satisfaisant de plusieurs manières dillérentes, avoir exposé sa propre théorie ne suffit pas; il faut de plus montrer l'insuffisance des explications qui l'avaient'précédée. Tel est le but de ce chapitre. Je dois dire, une fois pour toutes, à la décharge de plusieurs auteurs dont j'ai réfuté les théories, que j'ai tiré mes objections d'observations récentes qui ne leur étaient pas, qui ne pouvaient pas leur être connues. § 1. — Explication d'Aristote. Gominus a donné, dans l'extrait suivant du second livre d'Aristote sur le ciel , les idées de ce philosophe au sujet de la scintillation. J'emprunte la traduction de Halma : «La vue, en s'étendant fort loin, vacille par suite de sa faiblesse : c'est la cause de la scintillation apparente des étoiles fixes et de ce que les planètes ne scintillent pas ; car les planètes sont proches de nous. Le tremblement de notre vue fait paraître les étoiles en mouvement ; l'effet est le même, soit que la vue soit en agitation, ou que ce soit l'objet aperçu qui s'agite. » Le passage précédent serait tout à fait inintelligible DE LA SCINTILLxVTION. 59 si nous ne rappelions ici qu'une certaine école de l'anti- quité croyait que nous voyons par des rayons, par des sortes de tentacules partant de nos yeux et allant embras- ser les objets. Dans cette hypothèse, disait-on, la vue est d'autant plus ferme , que les objets sont plus près. Les rayons, les tentacules flexibles qui. se saisissent facilement d'une planète, doivent trembler lorsqu'ils se prolongent jusqu'aux étoiles. Une pareille théorie n'a pas besoin d'être réfutée. On ne la cite même ici que pour montrer jusqu'où a pu aller l'égarement des hommes du plus grand génie, lorsqu'ils n'ont pas pris l'expérience pour guide ; on ne la rappelle que pour servir à l'histoire de l'esprit humain. § 2. — Ptoléinée. Ptolémée, d'après ce que rapporte Roger Bacon, s'était occupé de la scintillation dans sa Perspective, dont je crois qu'il ne nous est arrivé que des fragments ; mais il n'avait pris la question que par un très-petit côté. Pto- lémée voulait seulement expliquer pourquoi les étoiles scintillent davantage à l'horizon : c'est, disait-il, parce qu'elles paraissent plus éloignées; parce que l'œil fait de plus grands efforts pour les voir ; parce que de là résulte une trépidation de l'organe, et dès lors le tremblement des objets. Admettons, ainsi que le veut l'auteur de VAbnageste, que, les étoiles situées près de l'horizon paraissant plus éloignées, l'œil doive faire un plus grand effort pour les voir ; nous n'en aurons pas moins le droit de demander 60 nn LA SCINTILLATION. comment ce plu? gnind clTort amènera un changement d'intensité, et surtout un changement de couleur. Le mot Irépidadon dont se sert l'auteur, n'ajoute rien à la valeur de son exî)lication, puisqu'il ne dit pas en quoi cette tré- pidation consiste. J'ai montré d'ailleurs surabondamment que ce n'est pas un tremblement qui constitue réellement la scintillation. § 3. — Averrhoès. Averrhoès dit, dans son livre Du Ciel et du Monde, que la densité des milieux traversés par les rayons lumineux contribue à la scintillation des astres dont ils émanent; que ces milieux étant animés d'un mouvement continuel , font tomber les images en divers points de l'œil ; que l'elTort fait pour voir un objet très-éloigné met l'œil dans une position forcée et tremblante; qu'enfin, la vision intermittente résultant de la fermeture et de l'ouverture successives .des paupières est aussi une des causes de la scintillation. Cette analyse de l'explication d'Averrhoès, que j'em- prunte à Roger Bacon, est sujette à des difficultés insur- montables. Je ne parle pas de la position forcée et trem- blante de l'œil : on a vu, dans le paragraphe consacré à l'examen de l'explication de Ptolémée, ce qu'il faut en penser ; mais je m'élève contre l'idée que les ondulations de l'air contribuent à la scintillation en faisant tomber les rayons sur divers points de l'œil , car si ces points étaient très-voisins, le déplacement ne serait pas visible, et s'ils étaient éloignés, l'étoile oscillerait énormément DE LA SCINTILLATION'. 61 dans une lunette, ou s'y montrerait sous la forme d'une ligne lumineuse. La fermeture et l'ouverture successives des paupières doivent être également écartées, comme étant sans effet dans les lunettes, où la scintillation s'ob- serve cependant, et comme devant produire une égale scintillation à toutes les hauteurs et dans tous les cli- mats, ce qui est contraire aux observations. Averrhoès, d'ailleurs, ne mentionne pas les couleurs, partie si essen- tielle du phénomène. § 4. — Alhazen et Vitellion. Alhazen et son commentateur Vitellion regardaient la scintillation comme un effet de la réfraction que les rayons des étoiles éprouvent dans l'atmosphère. Cette réfraction n'étant pas toujours la même, les étoiles doivent, disaient- ils , paraître en mouvement. La preuve qu'aux yeux de ces deux observateurs la scintillation était un mouvement, se trouve dans le pas- sage où Vitellion assure que la scintillation est énorme quand on observe l'image d'une étoile réfléchie sur une jiappe d'eau un peu agitée. Un mouvement visible à l'œil nu deviendrait très- considérable dans une lunette ; or les étoiles scintillent quelquefois beaucoup sans osciller d'une manière sen- sible. Cette seule remarque suffit pour montrer le peu de fondement d'une explication dans laquelle d'ailleurs on n'essaie même pas de rendre compte des couleurs. Vitellion, imbu des idées d'Aristote, ne manquait pas de ranger l'incertitude de la vue, à la distance des 62 DE LA SCINTILLATION. étoiles, au nombre des causes qui favorisaient la scintil- lation; il rapj)elait aussi que, suivant la philosophie péri- patéticienne, il e.NJste sous le ciel une région ignée où tout est dans une agitation perpétuelle, en sorte que les rayons lumineux qui traversent cette région, les rayons des étoiles, doivent être déviés et éparpillés, tandis que les planètes, situées entre ce ciel igné et la Terre, ne peu- vent manquer de briller d'une lumière pure et tranquille. Je croirais faire injure h mes lecteurs si je m'arrêtais à réfuter en détail les deux causes de la scintillation ajoutées par Vitellion à celles d'Alhazen : l'incertitude de la vue produite par la distance, et ce ciel igné situé entre la région des étoiles et celle des planètes. § 5. — Ai:iiiIonius et Aversa. Franciscus Aguilonius attribue la scintillation à un mouvement de rotation très-rapide dans les astres où elle se manifeste ; en vertu de ce mouvement, les étoiles nous présenteraient alternativement des parties brillantes et des parties obscures. Raphaël Aversa approuve l'explication; seulement, pour rendre compte de l'existence des parties brillantes et des parties obscures des étoiles, il suppose qu'une por- tion de la lumière de ces astres naît dans leur intérieur et traverse divers obstacles avant d'atteindre leur surface. {Almageste de Riccioli. ) On peut opposer à l'explication d' Aguilonius et d' Aversa, comme à toutes celles qui font du phénomène une réalité et non une apparence, que les étoiles scintilleraient éga- DE LA SCINTILLATION. 63 lement à toutes les hauteurs au-dessus de l'horizon, ce qui est démenti par l'expérience. § 6. — Tycbo. Tycho, observateur très-habile, très-exact et très-ingé- nieux, n'a pas été, en général, heureux quand il a essayé de remonter à la cause des phénomènes. Ses conceptions sur la scintillation ne supportent pas plus l'examen que les idées dont je viens de donner l'analyse, et que la plupart de celles que je dois encore mentionner. Tycho donne pour cause principale de l'agitation de la lumière des étoiles, le mouvement de rotation dont ces astres sont animés, et qui ne saurait manquer d'amener la dispersion de leurs rayons. Les étoiles auraient, de plus, une grande quantité de facettes qui se montreraient tour à tour à nos yeux. La scintillation serait ainsi ana- logue à celle qu'on observe sur les facettes d'un diamant. Les planètes, ajoute-t-il, ne scintillent pas, parce qu'elles ne tournent pas ! Que veut dire Tycho lorsqu'il présente le mouvement de rotation d'un astre comme cause de la dispersion de sa lumière? La dispersion dont il parle est-elle un effet de la force centrifuge, analogue à ce que présentent les soleils rotatifs des feux d'artifice? Sans examiner ce qu'une telle assimilation aurait d'inexact, je me conten- terai de faire remarquer qu'une cause, quelle qu'elle soit, agissant perpétuellement et d'une manière continue, ne pourrait donner lieu à un phénomène intermittent et irrégulier. Tycho voulant expliquer par l'absence de 64 DE LA SCINTILLATION. mouvements de rotation pourquoi les planètes ne scintil- lent pas, avait apparemment oublié qu'il résultait de ses propres observations que ({uelquefois Mercure et Vénus scintillent fortement. § 7. — Cardan. Cardan admit l'opinion d'Aristote sur la scintillation. «La vue prolongée au loin, dit-il, oscille à cause de sa faiblesse. Les planètes sont rapprochées de nous , aussi notre vue les atteint avec toute sa vigueur; mais elle tremble vers les étoiles à cause de leur distance. Or ce tremblement de la vue les fait paraître en mouvement, car il importe peu que ce soit la vue qui oscille ou que ce soit l'objet qu'on regarde. » (Riccioli.) Nous n'avons pas pensé devoir nous arrêter à réfuter l'opinion d'Aristote. Cardan n'y a rien ajouté. 11 s'est même servi, à très -peu près, des propres termes de Géminus ; nous pouvons donc passer outre. § 8. — Scaliger. Scaliger attribuait la scintillation à cinq causes diffé- rentes : 1° à la grandeur de l'astre; 2° à sa clarté; 3° à son mouvement; 4° à l'air traversé par les rayons; 5° au mouvement de la lumière dans l'astre observé. Faire spéculativement l'énumcration de toutes ces causes, vraies ou imaginaires, était chose facile; indiquer la part de chacune d'elles dans la production de la scin- tillation ne l'était pas autant; aussi Scaliger n'a-t-il point DR LA SCINTILLATION. 65 réussi. La première et la deuxième cause ne sont pas justifiées. La troisième se trouve déjà dans l'explication d'Aguilonius, et nous l'avons réfutée. Quant à la cin- quième , en supposant qu'il fût établi , comme le veut Scaliger, « qu'il existe dans les corps incandescents une faculté de production intermittente de lumière, analogue à ce qui s'observe dans la déflagration de nos flammes » ; en admettant qu'il n'y eût rien de forcé et d'irrégulier dans l'assimilation d'une flamme de chandelle à des étoiles dont le volume surpasse celui du Soleil , il y aurait toujours à se demander en quoi l'hypothèse, appuyée de la double concession que nous avons faite , contribuerait à expliquer logiquement un phénomène qui varie d'in- tensité avec la hauteur des astres au-dessus de l'horizon. En venant, enfin, à l'influence de l'atmosphère, nous trouverons, quoi qu'en ait pu penser Kepler, que Scaliger donnait de la scintillation, réduite à un simple change- ment d'intensité, l'explication la plus simple, la plus vrai- semblable à laquelle on pût s'arrêter à son époque, lors- qu'il disait : Les vapeurs légères , flottantes dans l'air, arrêtent partiellement et laissent passer successivement, dans tout leur éclat, les rayons des étoiles, d'où il doit résulter des changements d'intensité continuels. § 9. — Jordano Bruno. Suivant Jordano Bruno, la scintillation appartient aux étoiles mêmes, lesquelles, d'après le sentiment de Platon, tournent autour de leur propre centre, et dont les images doivent, par conséquent, sautiller (Riccioli). VIL— IV. 5 66 OE LA SCINTILLATION. Le par consccfuent que ce passage renferme est cu- rieux. Il montre de f(uclles explications on se contentait dans le xvi'' siècle ; il ne devait être rappelé qu'à ce titre. § 10. — Galilée. « J'eslime que nous philosopherons convenablement en attribuant la scintillation des étoiles h la vibration qu'elles impriment à leur lumière propre, c'est-à-dire à une lumière qui naît dans leur substance intime. » (Gali- lée, tome V, page 17.) Si je comprends bien ce passage, la scintillation tiendrait à une variation réelle et intermittente dans l'émission de la lumière des étoiles; mais alors, comment expliquer la diminution constante que la scintillation éprouve avec la hauteur des astres au-dessus de l'hori- zon , et l'absence presque totale de scintillation dans certains climats? Il sufïit de cette remarque pour ren- verser l'hypothèse de fond en comble. § 11. — Kepler. Voici comment Kepler {Stella 7iova) termine son arti- cle sur la scintillation de la nouvelle étoile de 100/i. : 0 La nouvelle étoile a surpassé toutes les autres en clarté, en pureté, en grandeur. Elle a été vue au cou- chant, près de l'horizon, par un air très-humide; néan- moins tout cela aurait été sans effet, si le corps de cet astre n'eût fourni à sa lumière la cause de ses scintilla- tions et de ses couleurs; or cette cause est le mouvement DV. LA SCINTILLATION. 67 très-accéléré de ce corps lui-même ou une faculté interne. » AiWcnra (Astronomiœ pars optica), Kepler attribue la scintillation « ou à une altération intérieure qu'on pour- rait appeler un paroxysme, ou à la révolution extérieure d'un corps opaque. » Dans plusieurs passages , il compare les étoiles à des diamants taillés à facettes, dans lesquels le moindre mou- vement fait naître les couleurs de l'arc-en-ciel. Il ima- gine que les astres peuvent avoir des parties anguleuses, des régions inégalement lumineuses, et explique ainsi comment il n'est pas nécessaire qu'elles fassent une révo- lution totale à chaque scintillation. En analysant l'expli- cation de Scaliger, Kepler range l'action de l'air au nombre des causes secondaires et sans importance du phénomène. Tout cela, avouons-le franchement, semble peu digne du génie de Kepler. Nous avons déjà fait voir, en rappelant l'explication de Galilée, que l'hypothèse de changements réels, de paroxysmes dans l'émission de la lumière des étoiles, ne pouvait pas servir à rendre compte des phénomènes de la scintillation les plus simples, les plus élémentaires ; la même chose peut être dite de l'hypothèse que Kepler ajoute à celle de son contemporain : « Le mouvement de révolution d'un corps opaque extérieur» devrait pro- duire le même effet à toutes les hauteurs des astres et dans tous les pays, ce qui est contraire aux observations. La cause des couleurs reste dans une complète obscu- rité, malgré la comparaison empruntée à un diamant à facettes; car il y a loin de la formation d'images pris- 68 DE LA SCINTILLATION. iiiatiques par voie do rcilexion , aux phénomènes que présenterait une lumière propre aux corps, en s'échap- pant par des surfaces inclinées. § 12. — Scbeiner. Scheiner croit que la scintillation des étoiles a pour cause unique l'absence momentanée, intermittente, de la formation des images des astres au fond de l'œil, prove- nant de l'interposition de vapeurs de diverses sortes. Cette explication rentre dans la quatrième cause du phénomène indiquée par Scaliger. Nous n'avons donc pas besoin de nous y arrêter davantage. § 13. — Descartes. D'après Descartes, les tourbillons dont tous les corps célestes sont entourés, étant composés d'une matière fluide, tremblent et ondoient à leur surface. Dès lors, les étoiles qu'on voit à travers doivent paraître étincelantes et comme tremblantes; il pense même qu'il doit en résul- ter un agrandissement; ainsi, dit-il, qu'on le remarque dans l'image de la Lune réfléchie à la surface d'un lac crispée par le souffle de quelque vent (tome iv, page 323, édition de Paris). Admettons que les tourbillons fluides et ondoyants existent ; admettons que la scintillation consiste dans un tremblement de l'image des astres, l'explication de Des- cartes n'en portera pas moins à faux. Pour le prouver, il me suffira de citer de nouveau une remarque dont j'ai DE LA SCINTILLATION. 69 déjà fait un fréquent usage pour réfuter les théories des prédécesseurs de notre illustre compatriote. Les tourbil- lons produiraient nécessairement le même effet, quelle que fût la hauteur des étoiles au-dessus de Thorizon : or cela est démenti par Tobservation ; il n'est donc pas besoin de s'arrêter davantage sur le phénomène que Descartes appelle le tremblement de l'image. § 14. — Huygens. Suivant Huygens, «la scmtillation des étoiles est le résultat d'une agitation tremblante des vapeurs qui envi- ronnent notre Terre {Cosmotheoros). » Comment un homme du génie de Huygens s'est-il persuadé qu'une phrase si vague pourrait être prise pour l'explication plausible d'un phénomène aussi com- pliqué que celui de la scintillation? Cela doit d'autant plus étonner que lïuygens était à la fois géomètre et observateur. § 15. — Gassendi. Gassendi définit la scintillation, des éclairs, des ful- gurations. Elle lui paraît provenir uniquement de ce que les étoiles brillent d'une lumière propre, comme le Soleil ; de la pureté de leur éclat qui nous parvient exempt de tout mélange, en sorte que l'œil en reçoit une vive sen- sation qui le met en mouvement, en vibration. D'où vient alors que Mercure scintille, que la lumière solaire réfléchie par une boule scintille, que les étoiles, 70 DE LA SCINTILLATION. alTaiblies par les vapeurs voisines de l'iiorizon scintillent plus que les étoiles élevées, que quelquefois elles ne scin- tillent pas? Incîépcndamincnt de ces objections, Gassendi ne s'a- perçut pas qu'il substituait à une difficulté une difficulté non moins abstruse : qu'on pouvait lui demander quelle dfflérence physique existait entre une lumière propre peu intense et une lumière empruntée très-vive, pour que l'une scintillât et l'autre ne scintillât pas, pour que l'une mît l'œil en vibration et l'autre fût sans effet. Gassendi était certainement un esprit d'élite, mais il subissait l'in- fluence de son siècle. Quand on voulait tout expliquer avant le temps, il fallait bien se payer de mots. § 16. — Riccioli. Riccioli pense que la scintillation ne provient «pas seulement des vapeurs et des mouvements de notre at- mosphère, mais encore des poussières et des filaments opaques qui voltigent perpétuellement dans l'air. » C'est, ce me semble, rapetisser le phénomène, que de le réduire à un effet de poussières ou de filaments opaques voltigeant dans l'air. Est-ce qu'il n'y a point de scintilla- tion en pleine mer, au sommet des plus hautes monta- gnes? Est-ce qu'il n'y a pas de poussières dans les plai- nes de l'Arabie où les étoiles ne scintillent pas? Je reviendrai plus loin sur cette explication, qui a été repro- duite par des observateurs modernes. DE LA SCINTILLATION. 71 § 17. — Hooke. L'auteur de la Micrographie publiée en 16G7 avait fixé Il une minute de degré la force de la vision; il résultait de ses expériences qu'un objet circulaire ou carré d'une intensité modérée, est invisible lorsqu'il sous -tend un angle au-dessous d'une minute : ne semble-t-il pas décou- ler de là qu'un mouvement angulaire de moins d'une minute dans une étoile ne doit pas être perceptible à l'œil nu? Gomment concilier ce résultat avec la théorie que Hooke adopte pour expliquer la scintillation? Suivant lui, ce phénomène dépend des réfractions irrégulières subies par les rayons qui traversent notre atmosphère. Les étoiles vues dans les lunettes quand elles scintillent éprou- veraient donc des déplacements d'une minute, c'est- à-dire des déplacements supérieurs au diamètre du disque de Jupiter : ce qui est démenti par les observations. En effet, j'ai fait tailler une mince plaque de verre de ma- nière qu'elle déviait les objets d'environ une minute de degré. Lorsque ce rudiment de prisme était placé devant la pupille, chaque objet devait donc paraître à une minute de sa position réelle. En visant à une étoile et faisant passer le prisme devant la pupille à de courts intervalles, tous les cinquièmes de seconde de temps par exemple, on devait voir l'image de cet astre à la distance d'une minute de son image réelle. MM. Laugier et Goujon, à qui j'avais confié cette expérience, n'ont rien vu de pareil. Gomme il était possible qu'un déplacement d'une minute , invisible à l'œil nu, devînt sensible par un autre genre Si DE LA SCINTILLATION. de phénomènes, j'ai prié mes jeunes amis d'examiner si le mouvement rapide du prisme devant la pupille ferait naître la scintillation sur une étoile élevée. L'expérience, faite avec le plus grand soin sur a de la Lyre, a conduit à un résultat négatif. Hooke concevait, en outre, que les irrégularités dans la distribution de la chaleur peuvent donner à une por- tion limitée de l'atmosphère, comparée aux parties voi- sines, la forme d'une lentille convexe ou d'une lentille concave. Dans le premier cas, dit-il , l'image d'une étoile devrait paraître dilatée; le contraire arriverait dans le second. Je ne m'arrêterai pas à examiner, par un calcul minu- tieux, si des couches atmosphériques chaudes ou froides, ayant la forme de lentilles et distinctes des couches envi- ronnantes par une moindre ou une plus grande tempéra- ture, seraient susceptibles d'engendrer les elTets très-sen- sibles annoncés par Hooke ; je me contenterai de dire en point de fait qu'une lentille convexe ou concave, placée à une distance quelconque devant l'objectif d'une lunette, devrait raccourcir ou augmenter la distance focale, en sorte que, pendant la scintillation, il y aurait des change- ments continuels de foyer. J'ajoute que ces agrandisse- ments dont parle l'auteur devraient se produire ou par- tiellement ou en totalité sur le disque des planètes, ce qu'aucun astronome n'a jamais observé. Pour expliquer les couleurs, Hooke rappelle que les images des objets produites par une lentille ordinaire paraissent toujours colorées lorsqu'elles se forment près des bords du champ. Mais, pour réfuter cette idée ingé- DE LA SCINTILLATION. 73 nieuse , il me suflira de répéter ici que les mêmes eliets de coloration devraient inévitablement s'apercevoir sur les bords des disques des planètes lorsque la lentille aérienne viendrait se placer devant l'objectif d'une lunette f.cliromatique, et personne n'a remarqué de pareils phé- nomènes. Quelles seraient d'ailleurs, dans l'hypothèse de Hooke, les causes des apparitions successives des points lumi- neux dans les centres obscurs des images dilatées d^s étoiles? L'explication fondée sur le phénomène des interférences a pour caractère essentiel de rendre compte des change- ments d'intensité et des changements de couleur sans- avoir besoin d'admettre des variations sensibles dans la réfraction atmosphérique éprouvée par les rayons qui parviennent à l'ouverture de la pupille ou à celle de Tob- jectif de la lunette avec laquelle on fait l'observation. § 18. — Newton. Lorsqu'on est amené, sur quelque sujet que ce puisse être, à s'écarter d'une opinion professée ou admise par Newton, le respect dii à un si grand nom veut qu'on cite textuellement les passages objets de la critique. En pareil cas, les analyses ne suffisent pas. Newton s'est occupé de la scintillation dans le troi- sième livre de ses Principes malhématiques de la Philoso- phie naturelle et à la fin de la première partie du livre premier de son Optique. Voici le passage de la Philosophie naturelle : 74 DE LA SCINTILLATION. « La radiation et la scintillation des fixes doit être attri- buée aux réfractions des humeurs de nos yeux et à celles de Tair, qui a toujours un petit mouvement de trémula- tion, ce qui se prouve, parce que cette trémulation cesse lorsqu'on regarde les étoiles à travers un télescope; car la trémulation de l'air et des vapeurs qui y sont contenues est cause que les rayons sont détournés facilement et par secousses de la prunelle, qui est très-étroite; mais il n'en est plus de même de l'ouverture beaucoup plus grande du verre objectif. VoiU\ pourquoi la scintillation que nous éprouvons lorsque nous regardons les étoiles avec nos yeux seulement , cesse lorsque nous les regardons à tra- vers un télescope. » (Édition de madame du Châtelet.) Cette explication est sensiblement modifiée dans V Op- tique, ainsi qu'on le remarquera en lisant attentivement le passage suivant : « L'air, au travers duquel nous regardons les astres, est dans une agitation continuelle, ce qui se remarque au vacillement de l'ombre d'une haute tour et à la scintilla- tion des étoiles fixes. Vues au travers des lunettes de grande ouverture, ces étoiles ne scintillent point; car leurs rayons, qui passent par différents points de l'ouver- ture, oscillant chacun à part (toujours d'une manière différente et quelquefois opposée), tombent en môme temps sur différents points du fond de l'œil, où leurs oscillations deviennent trop vives et trop confuses pour être aperçues séparément. Or, tous ces points, confondus par de courtes oscillations extrêmement promptes, pro- duisent un large point lumineux, et font paraître l'étoile non-seulement plus grande qu'elle ne devrait, mais DE LA SCINTILLATION. 75 exempte de scintillation. » (Traduction publiée par Beauzée. ) Dans la première explication, celle de la Philosophie naturelle, Newton fait jouer à la trémulation de l'air un rôle qu'on a quelque peine à admettre. En effet, si cette trémulation détourne de la prunelle, dans un moment donné, des rayons qui y seraient entrés sans cela, elle doit , par compensation , y faire pénétrer des rayons voi- sins qui , dans une atmosphère tranquille, seraient tombés sur la cornée opaque. Dans V Optique, il n'est plus question des déviations latérales qui faisaient tomber de minces faisceaux lumi- neux en dehors de la prunelle vers laquelle ils se diri- geaient, mais seulement de petites déviations des rayons d'oii devraient résulter les images des étoiles dilatées et non scintillantes. Or, des observations faites ad hoc ont prouvé que les images des étoiles, dans les lunettes, sont quelquefois scintillantes, sans dilatation sensible, et que, de plus, elles passent successivement par toutes les cou- leurs prismatiques. Il ne semble donc pas nécessaire de se livrer plus longuement à l'examen d'une théorie qui ne rend pas compte d'une circonstance aussi essentielle, et qui , sur les autres points, donne des résultats démentis par l'observation. § 19. — Kern. En parcourant le Catalogue de la bibliothèque de Pou!- kova (observatoire central de la Russie), je vis que cet établissement possédait deux dissertations eœ jjrofesso 76 DE LA SCINTILLATION. sur la scintillation : l'une, imprimée à Wittenberg, en 1G86, a pour auteur Jean-Jérémie Kern; l'autre, impri- mée à Upsal, en 1799, est de Bernard Odstrô m. M. Struve voulut bien me les adresser en communication; mais je n'y ai rien trouvé qui soit digne de remarque. Kern s'arrête à l'opinion « que la scintillation se fait par les paroxysmes propres à toutes les fortes lumières, paroxysmes dont on voit des exemples dans les oscilla- tions des chandelles, des flambeaux. » Nous avons déjà réfuté cette opinion; nous sommes donc dispensés de nous en occuper de nouveau. § 20. — Jurin. Jurin entend prouver qu'en prenant à la lettre la théo- rie newtonienne des accès de facile transmission et de facile réflexion, l'image ordinaire d'un point lumineux sur la rétine doit être formée d'un petit cercle central, lumineux ou obscur, entouré d'une série d'anneaux cir- culaires très-serrés, successivement obscurs et lumineux. Et comme la longueur du chemin parcouru, qui suffit pour faire passer un rayon de l'accès de facile trans- mission à l'accès de facile réflexion, est excessivement petite, l'auteur remarque que le moindre mouvement du corps ou de l'œil de l'observateur doit suffire pour rendre lumineux ce qui était obscur dans l'image, et vice versa. Passant de ces considérations théoriques à l'explication du phénomène de la scintillation, Jurin s'exprime ainsi : « Si le milieu de l'image d'une étoile devient de lumineux obscur, et que l'anneau adjacent devienne en même DE LA SCINTILLATION. 77 temps lumineux, d'obscur qu'il était, ce qui peut arriver par le moindre mouvement de l'œil pour s'approcher ou pour s'éloigner de l'étoile, cela doit occasionner l'appa- rence que nous appelons scinlillation, ou pétillement des étoiles. » Le plus grand défaut de cette explication ne consiste pas en ce qu'elle suppose que l'image confuse sur la rétine, pour un œil observant sans le secours d'aucun instrument, est formée d'une série d'anneaux lumineux et obscurs dont personne n'a pu vérifier l'existence; mais on doit remarquer qu'elle ne satisfait pas aux circon- stances les plus simples du phénomène. La scintillation, suivant cette théorie, serait indépen- diuite de l'état de l'air. Elle aurait, au contraire, une liaison intime avec l'immobilité ou la mobilité de l'obser- vateur; en sorte, par exemple, qu'un très-léger mouve- ment de la tête en avant ou en arrière ferait scintiller un astre aussi souvent que ce mouvement se renouvelle- rait, ce qui est contraire aux observations. L'hypothèse ne rend d'ailleurs aucun compte du changement de cou- leurs ni des effets singuliers que le phénomène présente (juand on l'étudié avec une lunette dont l'oculaire n'est pas au point. § 21. — Jacques Cassini. Pour Jacques Cassini, la scintillation est « une sorte de chevelure lumineuse» dont les étoiles paraissent entourées (à l'œil nu). Les rayons composant cette chevelure ont éprouvé 78 DE LA SCINTILLATION. ilniis Tatmosphèrc des réfractions ou des réflexions extraordinaires. Les lunettes rendent cet étinccllcment moins sensible, piirce qu'elles réunissent plus parfaitement les rayons écartés et parce qu'elles interceptent même une partie de la lumière. Si j'étais certain d'avoir bien saisi l'explication de Cassini, je n'hésiterais pas à dire qu'elle renferme autant d'erreurs que de mots, et à m'écrier : La scintillation n'est pas une chevelure lumineuse ; les rayons qui composent cette chevelure n'ont pas éprouvé dans l'air des réfractions ou des réflexions extraordi- naires ; si dans les lunettes cette chevelure est moins sen- sible, ce n'est pas parce que les lunettes réunissent plus parfaitement les rayons écartés, parce qu'elles intercep- tent la lumière. La chevelure est une illusion provenant de l'œil, voilà tout. § 22. — Dr Long. L'opinion qui fait consister la scintillation en des dis- paritions momentanées des étoiles, dépendantes de l'in- terposition fortuite, entre ces astres et l'œil, de poussières voltigeant dans l'air, opinion renouvelée de Riccioli (page 70), se trouve développée dans le tome i" de V Astronomie de Robert Long, imprimé en 1742. Mais l'auteur n'a pas remarqué que, si petite que soit une étoile, sa disparition exigerait une poussière d'un dia- mètre égal à celui de la pupille. Long a du reste observé comme Hooke, son prédé- DE LA SCINTILLATION. 79 cesseur, que les rayons du Soleil réfléchis par un verre sous-tendant un petit angle, scintillent beaucoup. 11 ne parle pas des couleurs dont le phénomène est accom- pagné. § 23. — Mairan. Mairan assimile la scintillation au mouvement ondula- toire, au mouvement d'oscillation qu'on aperçoit en re- gardant l'horizon « par-dessus une vaste campagne éclai- rée du soleil », ou au mouvement que les rayons partant d'un objet éprouvent en pénétrant dans l'œil après avoir presque rasé la surface d'un poêle. [Mémoires de r Aca- démie des sciences, 1743, p. 28.) La scintillation étant tout autre chose qu'une ondula- tion, l'assimilation faite par Mairan est obsolument sans objet et sans utilité. § 24. — MicheU. Voici l'explication que Michell, ce physicien si ingé- nieux, a donnée de la scintillation. Une simple particule de lumière produit une impres- sion sensible sur l'organe de la vue. Cette impression a une certaine durée. Dès lors il suffira qu'il nous arrive un petit nombre de molécules chaque seconde, trois ou quatre, si l'on veut, pour qu'un objet soit visible. Peut- être le nombre de celles que nous recevons des plus bril- lantes étoiles, même de Sirius, ne surpasse pas 3,000 ou ^4,000 par seconde. Dans ce cas il ne serait pas extraordinaire que les inégalités qu'amènera le hasard 80 Dli LA SCINTILLATION. [chance] dans le nombre de rayons, ou rares ou con- densés, qui pénètrent dans l'œil à chaque quart ou cin- quième de seconde, soient suffisantes pour rendre compte des changements d'intensité qui constituent la scintilla- tion et se répètent si fréquemment. L'addition ou la soustraction de un sur vingt doit amener ces résultats. On n'en doutera pas si l'on remarque que l'étoile située au milieu de la queue de la Grande Ourse est seulement quinze ou vingt fois plus lumineuse que la petite étoile voisine. Suivant Michell , les rayons rouges et bleus existent dans la lumière blanche en moindre quantité que ceux des nuances intermédiaires. Dès lors l'inégalité, prove- nant from tlie common effecl of chance, sera proportion- nellement plus grande relativement au rouge et au bleu que pour les autres nuances, et un petit excès ou un petit déficit dans le nombre de ces premiers rayons don- nera naissance aux phénomènes de coloration dont la scintillation est toujours accompagnée. Qu'est-ce, dans cette explication, que le common effect of chance? Les changements d'intensité tiennent-ils à des inégalités réelles dans l'émission des rayons, ou à l'in- fluence de notre atmosphère? Dans le premier cas, les étoiles scintilleraient également à toutes les hauteurs, ce qui n'est pas. Dans le second, il faudrait définir les acci- dents atmosphériques qui auraient la propriété de pro- duire souvent le common effect of chance dans une plus grande proportion sur les rayons rouges ou bleus que sur les autres; sans cela on n'aurait rien expliqué : on aurait redit le phénomène en d'autres termes. DE LA SCINTILLATION. 81 Ne résulterait -il pas de l'explication donnée par Michell que la scintillation devrait totalement cesser dans une lunette? Comment d'ailleurs rendre compte, dans cette môme théorie, des phénomènes décrits p. 15 et qui s'observent en dehors du foyer? § 25. — Lalande. « Le diamètre d'une étoile est si petit, dit Lalande, que les moindres molécules de matière qui passent entre elle et nous, par l'agitation de l'atmosphère, suffisent pom* nous cacher l'étoile et nous la montrer alternative- ment. Si l'on conçoit que ces alternatives soient assez fréquentes et assez courtes pour qu'à peine notre œil puisse les distinguer l'une de l'autre, on comprendra cjue les étoiles doivent paraître dans une espèce de tremble- ment continuel. » (Lalande, Astronomie, t. m, p. 85.) 11 y a dans ce raisonnement une erreur manifeste que Michell avait déjà signalée en 1777. (Voyez les Tran- sactions philosophifjues . ) Il ne suffirait pas de la moindre particule de matière opaque pour faire disparaître une étoile, quelque petit que fût son diamètre apparent; il faudrait que la particule eût un diamètre au moins égal à celui de la pupille : or on ne voit rien flotter habituellement d'aussi volumineux dans notre atmosphère. Des molécules opaques pareilles existeraient , qu'il resterait à expliquer les couleurs. VII. - IV. 88 DE LA SCINTILLATION. § 26. — Miisschcnbroeck. Mussclienbi-occlv, après avoir rapporté ses observations sur la scintillation , après avoir soutenu qu'elle « ne dépend pas de l'atmosphère, ou de l'abondance des exhalaisons qui s'y élèvent, » ne trouve rien à dire sur le phénomène, si ce n'est «qu'il dépend de la vivacité de la lumière et de l'activité avec laquelle elle agit sur l'organe de notre vue!» (Tome ii, page 465; édition française.) Ceci ne fait pas faire un seul pas à la question. En eflet, on doit se demander comment la vivacité de la lumière, comment l'activité de son action sur l'organe de la vue sont capables de produire la scintillation. On remarquera que cette prétendue explication avait déjà été donnée par Gassendi (page 69). § 27. — Darwin. Le savant qui a consacré une grande partie de sa car- rière à l'étude d'un fait scientifique spécial, est involon- tairement conduit, par une tendance naturelle de l'esprit humain, à y trouver l'origine, la cause, l'explication de phénomènes qui n'ont avec ce fait aucune relation. Telle est en abrégé l'histoire de Darwin. Lorsque la rétine a été fatiguée, dans une portion limitée de sa surface, par l'action d'une lumière colorée, du rouge par exemple, si l'œil se porte sur un fond blanc, il aperçoit aussitôt une image, dont la couleur est celle qui résulte de la réunion de toutes les nuances prisma- DE LA SCINTILLATION. 83 tiques, moins le rouge. Le résultat est tout autre, mais découle des mêmes principes, lorsque le fond sur lequel l'œil fatigué se porte est lui-même coloré. Tel est le principe fort employé pour rendre compte des phénomènes de contraste, auquel Darwin a recours pour expliquer les couleurs observées par Melville pen- dant la scintillation de Sirlus. La vue, dit-il , étant fatiguée par les rayons blancs et brillants de l'étoile, si l'œil se portait sur le bleu du ciel, on devait voir une image bleue. Les objections contre cette explication sont si nom- breuses, qu'on ne sait vraiment par lesquelles com- mencer. D'abord les couleurs se montrent dans l'étoile et non à côté ; elles se voient dans la nuit la plus obscure, lorsque le bleu du ciel ne peut jouer absolument aucun rôle. On aperçoit non-seulement du bleu quand Sirius scintille, mais encore du vert, du jaune, du rouge; ces couleurs, on ne saurait en rendre compte par le spectre oculaire. Enfin, car il faut se borner, comment expliquerait-on que, dans certains climats et dans certaines saisons, les couleurs qui accompagnent la scintillation des étoiles cessassent presque tout à fait? Prétendrait - on que les propriétés physiologiques de l'œil sont alors suspendues? En vérité, on est surpris et confus lorsqu'on voit une théorie qui ne supporte pas le moindre examen , admise dans un ouvrage tel que les Transactions philosophiques, et donnée sous l'autorité d'un homme aussi distingué que l'était Darwin. 84 DE LA SCINTILLATION. § 28. — Saussure. Saussure fait de la scintillation une oscillation des rayons lumineu.x, produite par des alternatives de con- densation et de dilatation dans certaines parties de Tat- mospht^re. {Voj/age au Col du Géant , t. iv, p. 303.) Nous avons drjti trouvé cette idée de la scintillation dans Alhazen et Ilooke ; Newton la suit en partie ; Mai- ran l'adopte complètement. Nous la rencontrerons encore dans des auteurs plus modernes ; mais elle est renversée d'un seul mot : la scintillation n'est pas une oscillation des images, ainsi que cela résulte de l'expérience rap- portée à la page 71. § 29. — Odstrom. Odstrom (voir le paragraphe 19 consacré à Kern, p. 76) soutient que la scintillation est produite par l'in- terposition de corps ou de vapeurs opaques , égaux en surface ou supérieurs à la pupille, ce qui engendre la disparition des étoiles; ou par l'interposition de vapeurs ou de corps ayant moins de surface que la pupille, ce qui alors n'amène que l'affaiblissement de l'astre. Odstrom explique ainsi pourquoi les étoiles, suivant l'opinion commune (qu'il adopte), ne scintillent pas dans les lunettes et surtout dans les télescopes à grandes ou- vertures. Quant aux planètes, la rareté de leur scintillation tient à ce que les vapeurs opaques ont rarement un dia- mètre apparent égal à celui de ces astres, et à ce qu'une DE LA SCINTILLATION. 85 diminution dans une faible lumière produit moins d'effet qu'une diminution proportionnée dans une lumière bril- lante. Je renvoie, pour l'appréciation de l'explication d'Od- strom, aux paragraphes consacrés à Scheiner, à Ric- cioli, etc. (p. 68, 70, etc.). § 30. — YouDg et Nicholson. A''oici comment Young parle de la scintillation dans le tome I" de son traité de Nalural Philosophy, page 490 : « La cause de la scintillation des étoiles n'est pas par- faitement connue ; mais on rapporte ce phénomène, avec quelque probabilité, à des changements qui arrivent per- pétuellement dans l'atmosphère et en altèrent le pouvoir réfringent { its refractive densily ) . » Après avoir rapporté la curieuse expérience où l'image de Sirius, étant transformée en un ruban de lumière, conduit à la conséquence que l'image de cette étoile change de couleur trente fois au moins par seconde, Nicholson déclare n'avoir trouvé dans aucune propriété connue de la lumière l'explication de ce phénomène. Peut-être, après ces deux déclarations négatives et si formelles, trouvera-t-on étrange de me voir inscrire les noms de Young et de Nicholson parmi ceux des astro- nomes qui ont cru pouvoir expliquer la scintillation. Je dirai, pour mon excuse, qu'il m'a paru utile de con- stater que l'auteur de la doctrine des interférences, du moins en tout ce qui est relatif aux chemins parcourus ; que l'auteur de la seule expérience vraiment nouvelle 86 ni- LA SCINTILLATION. (\m ait été faite sur la scintillation depuis Tépoque d'Aristote jusque ces derniers temps, n'avaient pas hé- sité , en présence des dilTicultés du problème, à dire : nous ne savons pas ! Il y a plus de vrai mérite dans cette franchise que dans des essais d'explication avortée. § 31. — M. Biot. La scintillation, suivant M. Biot, est une sorte de trem- blement, de déplacement des étoiles, occasionnée par de fréquentes inégalités dans les réfractions que les rayons de lumière éprouvent en traversant l'atmosphère. Ces inégalités de réfraction , mon illustre confrère les attribue à la condensation plus ou moins irrégulière des vapeurs aqueuses suspendues au milieu de l'air, et aux variations locales et passagères de densité ou de tempé- rature qui en résultent. M. Biot explique, dans la même hypothèse, l'absence de scintillation des planètes en disant que les inégalités accidentelles des réfractions atmosphériques ne sont pas assez fortes pour déplacer en totalité les disques de ces astres. {Astronomie physique, tome i, pages 231 et 232, 2* édition.) Si la scintillation , ce que toute observation exacte dé- ment, était un déplacement des images des astres, cette explication pourrait être admise. Il resterait toutefois à rendre compte des variations de couleurs de ces images, ce qui ne semble pas aisé lorsqu'on se borne à ne faire jouer un rôle qu'aux inégalités de réfraction. Pour me soustraire au reproche d'avoir réfuté une DE LA SCINTILLATION. 87 théorie empruntée à la seconde édition du Traité d'as- tronomie, alors qu'elle a été modifiée dans la troisième, . je dirai que les modifications n'ont rien d'essentiel, que l'auteur attribue toujours la scintillation à une sorte de trépidation des étoiles qui serait quelquefois visible à l'œil nu, ce qui lui donnerait une valeur d'au moins une minute de degré, contrairement à tout ce qui résulte des observations les plus certaines. M. Biot, dans sa troisième édition, sent le besoin de considérer le chan- gement de couleur des étoiles dont il n'avait nullement parlé dans la seconde, et a la bonté de citer la liaison que j'ai cherché à établir entre ce phénomène et celui des interférences. Mais ce célèbre physicien ne dit rien de ce qu'on observe dans les lunettes. § 32. — M. Forster. Dans un Mémoire publié en 1824, M. Forster ^ dit qu'il avait d'abord pensé devoir attribuer les variations de couleurs d'une étoile qui scintille, « à quelque chan- gement survenu dans l'étoile elle-même, ou à un mou- vement de rotation qui aurait successivement rendu visibles de la Terre des parties de la surface de l'astre diversement colorées. Mais je crois maintenant , ajoute- t-il, que le phénomène dépend de l'atmosphère. J'ima- gine qu'il peut y avoir dans les parties supérieures de l'air, une sorte de mouvement ondulatoire, et que les couleurs alternatives résultent de leur pouvoir réfractif : 1. Voir plus loin § 3 de l'Appendice qui suit cette Aotice. 88 • DE LA SCINTILLATION. car l'atmosphère, agissant alors comme un prisme im- parfait, peut envoyer i\ l'œil différentes couleurs, suivant les inclinaisons diverses que doit prendre la surface ondu- leuse. » Comment M. Forsler n'a-t-il pas vu que, dans son liypotlièse, toute étoile scintillante se présenterait à l'œil nu, comme dans une lunette, sous la forme d'un spectre prismatique d'une certaine longueur et à couleurs très- séparées, et que la réfraction atmosphérique éprouverait, même à de grandes hauteurs, des changements inter- mittents qu'aucune observation n'a signalés? § 33. — M. Capocci. M. Capocci, directeur de l'observatoire de Naples, a inséré dans le second numéro des Comptes rendus de r Académie de Naples , pour 1842, sa théorie de la scin- tillation. M. Capocci voit dans la scintillation deux phénomènes distincts : la formation des rayons divergents qui sem- blent partir des étoiles dans tous les sens (Virrarjgia- menlo); et la scintillation proprement dite, en vertu de laquelle la couronne de rayons s'étend et se resserre sans cesse par intermittence. M. Capocci déclare d'abord que la cause des rayons divergents est dans l'œil et non dans le corps lumineux, ce que personne assurément ne contestera. Je l'avertirai même que la preuve qu'il prend la peine de donner d(i son opinion; que l'expérience, nouvelle sans doute sui- vant lui, dans laquelle il voit les rayons d'une étoile DE LA SCINTILLATION. 89 tourner et suivre exactement le mouvement de la tête, est consignée dans un Mémoire d'Hassenfratz, dont l'analyse a paru en 1809, tome xlix du Journal de Physique. M. Capocci ne trouvera pas plus de contradicteurs lorsqu'il annoncera que les rayons divergents dont les images des étoiles paraissent entourées sont d'autant plus étendus que les étoiles ont plus d'éclat. Il n'y a pas une personne qui n'ait remarqué combien les étoiles de première grandeur paraissent, à l'œil nu, occuper d'espace dans le firmament; combien les images des étoiles de quatrième et de cinquième grandeur sont, au contraire, resserrées. Ceci est en quelque sorte un axiome applicable aussi aux lumières terrestres. Mais en quo toutes ces observations surannées donnent-elles des vues nouvelles sur le phénomène qu'il s'agit d'expliquer? Une étoile change d'intensité; les rayons dont elle semble entourée changeront simultanément d'étendue, c'est convenu de toute éternité : mais quelle a été la cause du changement d'intensité? Quand on dit, avec M. Capocci, c'est le défaut de transparence homogène de l'atmosphère, on tourne la difficulté, on ne la résout pas. Que sont d'ailleurs, dans cette prétendue explica- tion, les variations de couleurs des étoiles, si manifestes même à l'œil nu , les changements singuliers obser- vables dans les lunettes, etc., etc. ? Laisser de côté ces traits saillants, ces traits caractéristiques du phénomène, lorsqu'on avoue avoir eu connaissance des efforts d'un autre astronome pour en rendre compte, c'est, j'ose le dire, plus que de la légèreté; c'est ne i)as comprendre 90 DE LA SCINTILLATION. les exigences de ce qu'on prétend décorer du nom d'explication ou de théorie. M. Capocci prétend, à tort, placer ses insignifiantes remarques sous l'autorité du grand nom de Galilée. L'il- lustre astronome de Florence voyait dans les humeurs de l'organe de la vision la cause des rayons divergents dont les étoiles paraissent entourées h l'œil nu ; quant à la scintillation, phénomène totalement dilTérent, il en plaçait la cause dans l'astre lui-même, ainsi que je l'ai rappelé (p. 60), § 3'.. — M. Kaemtz. M. Kaemtz , le célèbre physicien allemand , s'est occupé en détail de la scintillation dans son Traité de météorologie ; il regarde, en partie, ce phénomène comme une oscillation de l'étoile autour de sa position moyenne. Ceci, je l'ai déjà dit, ne me semble pas pouvoir être admis. En effet, l'oscillation devrait être considérable pour qu'on pût l'apercevoir h l'œil nu; elle se ferait sentir dans les instruments de mesure et empêcherait les observations. C'est par erreur, je le répète, qu'on a cherché à établir une connexion nécessaire entre la scin- tillation et les oscillations des étoiles. Les planètes, ajoute l'auteur allemand, ayant un dia- mètre apparent de 30 à kO secondes, il est plus difficile d'apprécier leur changement de volume apparent. Je ne ferai aucune remarque critique sur ce passage, parce que c'est peut-être par une erreur de traduction qu'il est question ici d'un changement de volume. DE LA SCINTILLATION. 91 M. Kaemtz reconnaît que, outre son prétendu mouve- ment oscillatoire, il y a dans la scintillation des varia- tions d'intensité et de coloration ; il rappelle à ce sujet que l'auteur de cette notice avait déjà très-anciennement essayé de rattacher ces deux phénomènes aux interfé- rences de la lumière. Mais, faute de s'être rappelé les lois qui régissent les additions et les destructions de lu- mière lorsque les rayons ont traversé des couches iné- galement réfringentes, ce qu'il dit à ce sujet manque de clarté et, qui plus est, de précision. Ainsi, M. Kaemtz regarde une inégalité dans les réfractions éprouvées par les rayons interférents comme la seule cause qui puisse amener successivement la destruction des rayons de diverses couleurs dont le spectre se compose; tandis qu'il résulte de ce qu'on a pu lire précédemment (chap. XV, p. 31), que des rayons au point de leur croisement s'ajoutent ou se détruisent sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir une inégalité de réfrac- tion. M. Kaemtz me paraît ne pas avoir connu les phé- nomènes de scintillation qu'on observe dans les lunettes et sur lesquels j'ai tant insisté. § 35. — M. Arago. Dès le moment où mes réflexions se portèrent sur les causes de la scintillation , il me vint à l'esprit que le changement d'intensité et le changement de couleur des étoiles pouvaient être rattachés aux phénomènes des lames minces si minutieusement analysés par Newton. D'après la théorie de cet immortel physicien, il existe 9Î DE LA SCINTILLATION. j)Our toute iialiirc de corps solide ou fluide, des épais- seurs où ces corps ne réfléchissent aucun rayon lumi- neux: des épaisseurs dilTérentos, mais également très- petites, où la lumière tombant blanche, se réfléchit rouge, jaune, verte, bleue, violette ; où la lumière transmise présente précisément les teintes complémentaires. Ceci admis, supposons qu'il existe dans l'atmosphère des couches flottantes, des couches d'eau par exemple, ayant ces difl"érentes épaisseurs; les étoiles vues au tra- vers paraîtront avec des éclats variables ; elles se mon- treront colorées tantôt en bleu, tantôt en violet, en vert, en jaune, en rouge. Toutes ces conséquences étant conformes aux obser- vations, pourquoi ne' regarderait-on pas l'hypothèse qui les a données comme parfaitement justifiée? Pourquoi chercher dans des phénomènes complexes d'interférences une explication qui se déduit si naturellement des pro- priétés des lames minces? Examinons. L'explication suppose qu'il y a dans l'air des lames flottantes assez minces pour produire, par voie de trans- mission, le rouge, le jaune, le vert, etc. De telles lames existent-elles dans notre atmosphère ? Je crois qu'on peut prouver qu'elles n'existent pas. Supposons, en effet, qu'une de ces lames vienne se placer entre l'œil de l'observateur et le Soleil, la Lune, Jupiter, Saturne ou Mars. On verra sur-le-champ, à la surface de ces astres, suivant l'épaisseur de la lame in- terposée, une tache rouge, jaune, bleue, verte ou vio- lette. On verrait même ces teintes en plein air, sur des parties circonscrites du bleu du ciel. L'absence de ces DR LA SCINTILLATION. 93 phénomènes m'autorise, je crois, à affirmer que la cause n'existe pas. Un motif non moins puissant m'a déterminé à renoncer à cette explication, c'est l'impossibilité de rendre compte par des lames minces, sans recourir du moins aux inter- férences, des disparitions et réapparitions que le centre d'une image d'étoile dilatée éprouve de temps en temps dans une lunette. CHAPITRE XX CONCLUSIONS J'ai fait, dira-t-on, bien des critiques; ni l'ancienneté, ni la célébrité des auteurs des théories n'ont trouvé grâce devant vous. Ne craignez-vous pas qu'on vous applique la peine du talion? Non, je ne crains rien de pareil ; mes réfutations ont été dictées par l'amour de la science et de la vérité. Je recevrai avec déférence tout ce qui pourrait ébranler la nouvelle explication. Pour parler sincèrement, je pense qu'en rattachant la scintillation aux interférences, qu'en faisant intervenir dans ma théorie la densité ou plutôt la réfringence des couches traversées par les rayons, j'ai envisagé le phé- nomène sous son véritable jour. Je suis loin cependant de croire qu'après avoir établi ces bases, il ne reste plus rien à faire; que l'explication, au point de vue théorique et expérimental, ne pourrait pas être perfectionnée. Par exemple, personne, à ma connaissance, n'a rattaché d'une manière entièrement satisfaisante et jusque dans leur valeur numérique les disques planétairss que les 9i DE LA SCINTILLATION. étoiles acquièrent et les anneaux dont ces disques sont entourés, à la théorie des interférences. On m'assure qu'un géomètre allemand, M. Schwerd, a réussi dans cette recherche, mais on me dit en mémo temps que, suivant les calculs de M. Schwerd appliqués d'ailleurs à des lentilles simples non achromatiques , les diamètres des planètes, quand ces astres sont observés avec un objectif réduit, devraient être augmentés comme le diamètre des étoiles; or, ce résultat est complètement démenti par les observations directes *. J'ai attribué, en termes généraux, la formation des trous noirs au centre de l'image d'une étoile dilatée, à l'interférence des rayons directs qui étaient arrivés à ce point avec les rayons infléchis sur les bords de l'ouverture circulaire placée devant l'objectif. Fresnel a déjà montré, dans son second et mémorable Mémoire sur la diffraction, que cette manière d'envisager les phénomènes, adoptée avant lui par Young, n'était pas exacte, et qu'il fallait prendre l'intégrale des ondes élémentaires partant de tous les points des ondes tronquées. On devra appliquer cette conception lorsqu'on voudra donner à. l'explication toute la rigueur mathématique. Les trous formés aux centres des images dilatées des 1. Ln jour, conversant avec M. Babinet ù la fin de 1827, je lui communiquai des expériences que j'avais faites, en vue d'une théorie de la scintillation, sur les trous obscurs et les petits disques lumineux qu'on voit successivement dans l'image dilatée d'une étoile observée en dehors du foyer. Ces phénomènes le frappèrent au plus haut degré, et le lendemain il m'adressa des calculs fondés sur la doctrine des interférences qui les expliquaient d'une manière satisfaisante. 11 est bien désirable que le puljlic ne soit pas privé plus longtemps des investigations de mon savant confrère. DE LA SCINTILLATION. 95 étoiles sembleraient devoir être successivement rouges, jaunes, verts, bleus, etc. ; mais ces trous sont tout à fait noirs. D'après un premier aperçu, les images variables qui viennent momentanément se former aux centres de ces trous sembleraient devoir offrir successivement toutes les couleurs du spectre; l'observation montre cependant que ces points lumineux intermittents sont d'une extrême blancheur lorsqu'on se sert d'un objectif achromatique. Mais aussi pourquoi s'en rapporterait-on à un premier aperçu ? Je me rappelle que l'un des commissaires chargés d'examiner le second Mémoire de Fresnel sur la diffrac- tion, fit contre la théorie de ce célèbre physicien une objection qu'il croyait insurmontable; il avait trouvé, par le calcul, que, à une certaine distance d'un écran circu- laire opaque, le centre de l'ombre de cet écran devait être parfaitement lumineux et blanc, que son éclat ne paraissait pas devoir différer sensiblement de celui de la lumière dont l'écran était extérieurement entouré. Eh bien , vérification faite, je trouvai que le résultat du cal- cul était conforme aux observations. Au reste, l'absence de couleurs dans les points lumi- neux qui viennent se former de temps en temps dans le centre obscur de l'image d'une étoile dilatée tient peut- être à l'achromatisme de l'objectif; il est du moins certain que l'on ne pourrait l'expliquer par la faiblesse de la lumière; car, en déroulant l'étoile en ruban, suivant la méthode de Nicholson , on voit le ruban correspondant à ces points lumineux teint de toutes les couleurs pris- matiques. J'ajouterai qu'en regardant un jour l'image du Soleil , 96 DE LA SCINTILLATION. réflécliic, si je ne me trompe, par la boule qui supporte la croix du domc de la Sorbonne, je la trouvai très- scintillanlc, et que le point lumineux qui paraissait au centre de cette image dilatée , comme dans l'expérience des étoiles, me sembla vivement coloré. Pour savoir quel rôle joue dans ce phénomène l'inten- sité de la lumière, j'avais fait construire des boules de verre et des boules métalliques de dilTérents diamètres et parfaitement polies; j'avais également en vue de déter- miner expérimentalement le diamètre angulaire que devait avoir l'image du Soleil pour qu'elle ne scintillât pas dans les circonstances atmosphériques les plus favorables. Je me proposais aussi d'examiner le rôle qu'on pour- rait vouloir attribuer à l'oculaire dans l'ensemble de ces phénomènes. Mais l'état de ma santé, surtout celui de mes yeux, me force de laisser à d'autres plus heureux le soin de com- pléter ce que je n'ai pu qu'ébaucher. Ils trouveront une ample moisson d'observations et de recherches intéressantes, au point de vue de l'optique générale et de la théorie des ondulations, s'ils font varier la forme de l'ouverture par laquelle la lumière pénètre dans la lunette. En substituant, suivant mon désir, un triangle équila- téral à un cercle, mes deux jeunes collaborateurs, MM. Goujon et Charles Mathieu, sont arrivés à des résul- tats très-curieux ; mais je dois leur laisser le plaisir de les communiquer eux-mêmes au monde savant. APPENDICE [La Notice sur la sciutillcition a été insérée dans r.4?î- nuaire du Bureau des Longitudes pour 1852; elle est reproduite ici avec de légères corrections. C'est la forme définitive sous laquelle M. Arago a rédigé ses idées rela- tivement à ce curieux phénomène dont il s'est occupé pendant plus de quarante années. Auparavant il avait fait connaître succinctement son explication de la scintillation dans trois occasions diflerentes : en 1814, dans une note communiquée à M. de Humboldt et insérée à la fin du livre IV du Voyage aux régions équinoxiales du nouveau continent; en 1824, dans les Annales de chimie et de phy- sique, à propos d'un Mémoire de M. Forster sur les forces réflective, réfractive et dispersive de la lumière ; en 1840, dans un Mémoire communiqué à l'Académie des sciences et dont un résumé succinct a été inséré dans le tome x des Comptes-rendus. Cet Appendice contient les trois notes publiées par l'il- lustre savant à ces trois époques, ainsi qu'une quatrième note sur un phénomène de diffraction , lue le 26 février 1816 à la classe des sciences de l'Institut.] § 1. — Explication du phénomène de la scintillation, remise à M. de Humboldt en 1814, et insérée à la fin du livre IV du Voyage aux régions équinoxiales du nouveau continent. Les physiciens et les astronomes qui se sont occupés de la scintillation des étoiles ont fait, pour la plupart, \IÎ. — IV. 7 98 DE LA SCINTILLATION. abstraction de la riiTonstancc peut-être la plus rcinar- quable de ce phénomène, je veux parler de ces change- ments brusques et fréquents de couleur dont il est toujours accompagn*'. Les progrès que la théorie physique de la lumière a faits depuis quelques années nous permettront, ce me semble, de rattacher l'explication de ce fait curieux à la loi des interférences dont on doit la découverte au docteur Young. D'après les expériences de ce célèbre physicien, deux rayons de lumière homogène et qui parviennent en un môme point de l'espace par deux routes légèrement in- égales, s'ajoutent ou se détruisent suivant que la diffé- rence des chemins parcourus a telle ou telle valeur. Les différences qui conviennent à la neutralisation des rayons de diverses nuances sont assez sensiblement in- égales pour que le résultat de l'interférence ou du mélange de deux faisceaux blancs soit toujours accom- pagné d'une coloration sensible : l'expérience a prouvé de plus (voir § 2 de cet appendice) qu'il ne suffit pas, en recherchant la place où deux faisceaux peuvent s'in- fluencer, de tenir compte de la différence des chemins parcourus , mais qu'il est de plus nécessaire d'avoir égard à l'inégale réfringence des milieux qu'ils ont tra- versés. Cela posé, il est facile de démontrer que les rayons qui, en partant d'un môme point, viennent se réunir au foyer d'une lentille peu étendue, vibrent d'ac- cord ou s'ajoutent s'ils ont tous traversé des milieux de même densité ou d'une égale réfringence ; le môme rai- sonnement montrera, au contraire, qu'une inégalité de réfringence pourra, suivant qu on la supposera plus ou APPENDICE. 99 moins grande, donner naissance, dans le môme foyer, à la neutralisation de telle ou telle classe de i-ayons colorés. En appliquant ces considérations à la scintilla- tion des étoiles on trouvera que, si tous les rayons qui parviennent aux dilTércntcs parties de la pupille traver- sent constamment des couches atmosphériques de même densité, l'image de l'astre aura toujours la même inten- sité et la même teinte, tandis que, dans le cas contraire, elle pourra changer de nuance et d'éclat à chaque instant. Pour un astre au zénith les chances de scintillation seront beaucoup moindres, sous les mêmes circonstances, que pour un astre peu élevé au-dessus de l'horizon. Dans nos climats elles seront moindres que sous les tropiques où la chaleur est plus uniformément distribuée dans les couches atmosphériques. Les changements d'intensité se verront plus facilement dans les étoiles de première grandeur, où ils seront accompagnés d'un changement de couleur plus prononcé, que dans les étoiles faibles, dans les astres blancs que dans ceux qui sont naturel- lement colorés. Toutes ces circonstances, si je ne me trompe, sont conformes aux observations. § 2. — Note sur un X'îi'''nomène remarquable qui s'observe dans la diffraction de la lumière , lue à l'Institut le 26 février ISIG. La classe nous a chargés, M. Poinsot et moi, de lui rendre compte d'un Mémoire sur la diffraction de la lumière, qui lui a été présenté par M. Fresnel , ancien élève de l'Ecole polytechnique et actuellement ingénieur des ponts et chaussées. Je me suis occupé, autant que l'état du ciel l'a permis, de la vérification des lois auxquelles 100 DE LA SCINTILLATION. cet habile physicien a M conduit, et qui nie semblent des- tinées à faire époque dans la science. Dans peu de temps ce travail sera complet, et j'en présenterai une analyse détaillée ù la classe; mais en attendant, j'ai cru devoir extraire de mes observations un tait qui me paraît nou- veau, et qui, rattaché à la théorie que M. Fresnel déve- loppe dans son ^Mémoire, semble devoir conduire à des conséquences importantes. Lorsqu'un corps opaque est placé dans un faisceau de lumière, son ombre est bordée à l'extérieur de bandes de diverses nuances et de diverses largeurs. Ces bandes ont été étudiées par Newton , dans le troisième livre de son Optique , mais ce célèbre physicien ne parle pas des bandes non moins remarquables qui se forment dans l'intérieur de l'ombre des corps déliés, quoique Grimaldi en eût déjà donné une description détaillée dans son ouvrage, et il affirme même positivement qu'aucune lumière ne pénètre dans l'ombre géométrique. L'inexac- titude de ce résultat fut suffisamment prouvée par Ma- raldi et De l'Isle, qui, du reste, n'ajoutèrent rien de sail- lant à ce que Grimaldi avait découvert longtemps avant. Tel était l'état de nos connaissances sur cette question délicate, lorsque le docteur Thomas Young fit l'expé- rience très-remarquable (jui se trouve consignée dans les Transactions philosophiques pour 1803, et d'oii il résulte que, pour faire disparaître la totalité des bandes qui se forment dans l'intérieur de l'ombre d'un corps, il suffît d'arrêter, avec un écran opaque, la portion de lumière qui vient de raser ou qui va raser un seul des deux bords, et quoique les rayons qui passent près du bord APPENDICE. 101 opposé puissent continuer leur course comme précédem- ment. L'expérience qui fait l'objet de cette note consiste en ceci : que pour faire disparaître également la totalité des bandes intérieures, on peut substituer un verre diaphane et à faces parallèles à l'écran opaque du physicien an- glais. M. Young avait montré que la production des bandes colorées intérieures nécessite le concours des deux faisceaux blancs infléchis dans l'ombre par les deux bords du corps. Ce que je viens de dire prouve, de plus, que ces faisceaux ne fournissent des bandes que lorsqu'ils se rencontrent sous certaines circonstances particulières; et ce qui semble ne laisser aucun doute sur la nature de ces circonstances, c'est qu'en employant des écrans dia- phanes de plus en plus épais , on arrive par degrés au terme de la disparition. Ainsi des lames très-minces de verre, soufflées au chalumeau, n'éteignent pas les bandes intérieures , mais les déplacent toutes de un , de deux , de trois, etc., intervalles, suivant qu'elles ont plus ou moins d'épaisseur. J'ai trouvé des lames de mica qui les transportaient sur l'espace qu'occupent les bandes exté- rieures ordinaires, et ceci conduit à penser que les verres plus épais, placés d'un seul côté du corps, ne les font disparaître qu'en les transportant dans l'espace éclairé par la lumière non infléchie. Les bandes inté- rieures sont , à toutes distances, symétriquement placées de part et d'autre du centre de l'ombre. Celles qui se forment sous l'influence de la petite lame de verre sor- tent plus ou moins de l'ombre , suivant qu'on les reçoit plus ou moins loin du corps, et se rapprochent toujours 402 DE LA SCINTILLATION. du bord auquel la lame est adaptée. Un verre, de quelque épaisseur qu'il soit, ne nuit point h la formation des l)andes intérieures s'il déborde le corps opaque des deux côtés, en sorte que les rayons infléchis en dedans aient eu la même épaisseur de verre à traverser. Deux verres inégalement épais, placés des deux côtés du corps, agissent comme une lame unique d'une épaisseur égale à leur différence. Toutes les circonstances de cette expérience s'expli- quent très-bien dans la théorie que M. Fresnel a adoptée; mais pour cela, il faudrait admettre que la lumière se meut plus lentement dans le verre que dans l'air. Telle serait alors, à la vérité, la liaison des faits, qu'on pourrait facilement évaluer la perte de vitesse pour chaque épais- seur de verre, ou de tout autre milieu quelconque, en fonction d'une ondulation aérienne prise pour unité. Je puis même ajouter que M. Fresnel devina l'effet qu'avait dû produire l'interposition d'une lame mince, lorsque je lui eus fait part seulement des phénomènes que présente un verre épais. Ce sera aussi dans la même théorie qu'il faudra sans doute chercher l'explication des bandes diffractées singulières et de diverses nuances, qui se forment dans le voisinage des petites stries qu'on re- marque sur les lames de mica et dans d'autres circon- stances analogues. APPENDICE. 103 § 3. — Quelques remarques insérées en 1824 dans le tome XXVI des Annalps de chimie et (le physique , sur un Mémoire de M. 'Thomas Forster relatif aux forces réflective, réfractive et dispersive de l'atmo- sphère, qui a été lu à la Société météorologique de Loudres en février et mars 1824. Il n'est pas dans le monde, dit-on, de pays où l'on imprime autant d'ouvrages de science ciu'eii Angleterre. Je n'ai ni le désir ni les moyens de contester cette asser- tion, mais si je voulais soutenir que, sauf d'honorables exceptions, les savants anglais ne se donnent point la peine de lire les livres qu'on leur fournit en si grande abondance, je crois vraiment que les recueils périodi- ques de Londres offriraient d'assez bons arguments pour appuyer cette thèse, quelque paradoxale qu'elle puisse paraître. Ces réflexions m'ont été suggérées par le Mémoire de M. Thomas Forster. Ce physicien a découvert que les étoiles, quand on les observe près de l'horizon, présen- tent « de rapides altérations de couleur et d'éclat ». Le fait est exact et très-curieux ; mais est-ce bien M. Forster qui l'a reconnu le premier? On n'ose presque pas le révoquer en doute depuis qu'on a vu une académie en corps accorder à M. Forster une autorisation toute spé- ciale pour que son écrit, qui ne devait paraître que dans le recueil des Mémoires qu'elle' a l'intention de publier, vînt plus promptement à la connaissance des observateurs. Il est cependant bien certain que les chan- gements de couleur qui accompagnent la scintillation ont été signalés par Kepler, par Galilée, par Descartes, etc. Je me hâte d'ajouter, sans cela ma réclamation ne serait 404 DE LA SCINTILLATION. peut-être pas admise, que plusieurs auteurs anglais, Ilooke [Micrograplnj], Miclicll [Philosophical Transac- tions, t. i.vii), Melville, Priestley (/i/s/., 497), etc., en ont aussi longuement parlé. Voici les propres paroles de Ilooke : « Il est remarquable que les étoiles près de l'ho- rizon changent fréquemment de couleur, de manière qu'on les voit tantôt rouges , tantôt jaunâtres , quelque- fois bleues, et cela alors même qu'elles sont parvenues à d'assez grandes hauteurs. » {Micrography, p. 218.) Si M. Forster n'a pas découvert ce phénomène, c'est à lui, sans doute, que doit appartenir la découverte du moyen qu'il indique de le rendre sensible quand on observe les étoiles avec des télescopes! Je poussai, dit-il, l'oculaire de ma lunette de manière que les rayons le rencontrassent avant de se réunir au foyer. » Sur l'image dilatée qu'on obtenait ainsi , les changements de couleur s'apercevaient plus commodé- ment. Voici maintenant ce que je trouve dans le journal de Nicholson, 1813, tome xxxiv, p. 116 : Quand on a dépassé le foyer d'une lunette, «l'image élargie d'une étoile a un tel degré de vacillation qu'on croirait voir un certain nombre de disques passer succes- sivement les uns devant les autres. Ces disques sont de couleurs différentes, et l'illumination paraît venir de divers côtés. Du bleu, du bleu d'acier, du vert, la teinte du cuivre brillant, du rouge et du blanc sont les cou- leurs les plus fréquentes. » Ces couleurs se superposent et doivent conséquemment s'alTaiblir ; M. Forster recommande, pour éviter cet effet, APPENDICE. 105 de donnei" à la lunette un petit mouvement de vibration ; rétoile devient alors une longue ligne lumineuse dont les diverses parties présentent des couleurs variées et très-vives. Je suis presque tenté de laisser croire que M. Forstcr est ici sur son propre terrain. Si je transcris quelques lignes de plus, on n'admettra probablement point le repro- clie que je faisais à certains auteurs anglais de ne pas se donner la peine de lire les ouvrages de leurs devanciers, et Ton trouvera peut-être plus naturel d'admettre qu'ils ont horreur des citations. Toute réflexion faite, je me résigne à cet inconvénient, et j'emprunte encore le pas- sage suivant au tome xxxiv (année 1813) du journal de Nicholson : « Après avoir dirigé une petite lunette sur Sirius, dit M. Nicholson, l'oculaire étant à la distance de la vision distincte, je fi'appai légèrement et à coups redoublés le tube avec les doigts de la main droite ; l'image de l'étoile dansait dans le champ de la vision, et produisait ainsi une ligne lumineuse semblable à la traînée continue que donne un charbon enflammé qui se meut rapidement dans une courbe. A chaque secousse l'étoile décrivait une courbe rentrante, mais si irrégulièrement contournée que jamais deux de ces lignes successives ne coïncidaient entre elles. Je donnais environ dix coups par seconde ; les courbes étaient teintes des plus vives couleurs dans leurs diverses parties : les plus remarquables de ces cou- leurs étaient le bleu verdàtre, le bleu d'acier, le marron ou couleur de cuivre très-intense ; et il m'a semblé que, terme moyen, chacune d'elles pouvait occuper un tiers 406 DE LA SCINTILLATION. OU un peu moins de retendue totale de la courbe. La lumière de Sirius changeait donc distinctement de cou- leur, avant d'arriver à l'œil, au moins trente fois par seconde. » M. Niclîolson disait, dans son Mémoire, qu'il n'avait trouvé dans aucune propriété connue de l'atmosphère les moyens d'expliquer ces phénomènes; M. Forster «ima- gine qu'il peut y avoir dans les parties supérieures de l'air une sorte de mouvement ondulatoire, et que les cou- leurs alternatives résultent de leur pouvoir réfractif ; car l'atmosphère, agissant alors comme un prisme imparfait, peut envoyer à l'œil différentes couleurs, suivant les incli- naisons diverses que doit prendre la surface onduleuse. » Nos deux auteurs, même sur ce dernier point, sont plus d'accord qu'on ne le penserait au premier coup d'œil et leur contradiction n'est qu'apparente; car si, d'une part, M. Nicholson avoue ingénument que les changements de couleur des étoiles lui paraissent inex- plicables, M. Forster fait plus encore, puisqu'il donne une explication complètement inadmissible et qui ne satisfait à aucune des circonstances du phénomène. Qui ne voit, pour me borner à une seule objection, que si l'atmosphère pouvait, par un effet prismatique, amener successivement et séparément à l'œil les rayons de diverses couleurs dont se compose la lumière blanche des étoiles, on aperce- vrait ces astres dans le champ des lunettes, sous la forme de spectres extrêmement allongés et non pas avec un disque à peu près rond? Je n'ose espérer, après le peu d'attention que M. Fors- ter a donné aux travaux de ses propres compatriotes, APPENDICE. 107 qu'il consentira à jeter les yeux sur le Mémoire d'un étranger; je l'engagerai toutefois à examiner, dans les nouvelles dissertations qu'il promet, si, comme je l'ai avancé depuis plusieurs années, la scintillation, avec, tous les changements d'intensité et de couleur qu'on y a ' remarqués, ne serait pas simplement im effet de l'in- terférence des rayons lumineux. Si, enfin, les remarques qui précèdent ne le déterminaient pas à abandonner l'explication qu'il a adoptée, je l'inviterais à essayer de rendre compte, par ses petits prismes atmosphériques, des phénomènes que voici : Quand on place devant l'objectif d'une lunette astro- nomique une ouverture circulaire d'un certain diamètre, 27 millimètres, par exemple, les images des étoiles au foyer sont rondes, bien terminées et entourées d'une série d'anneaux lumineux, très-minces et très-serrés. L'éclat de ces anneaux varie incessamment sur les diverses par- ties de leurs contours ; souvent, en quelques points, il y a disparition totale. Tout restant dans le même état, si l'on enfonce peu à peu l'oculaire, on verra l'image de l'étoile se dilater gra- duellement , et bientôt une tache noire, ronde, tranchée, un véritable trou obscur se formera dans le centre. La distance du foyer à laquelle on observera cette tache variera avec l'ouverture du diaphragme. Un nouveau mouvement de l'oculaire dans le même sens, amènera d'abord la dilatation de la tache obscure et ensuite la naissance d'un petit disque lumineux qui en occupera le miheu. L'étoile alors, en allant du centre vers la circonférence, sera ainsi composée : disque lumineux, 108 lU' LA SCINTII.I.ATION. large anneau obscur, large nniKNui lumineux. Dans une troisième position de roculairc, plus voisine encore de robjcclif, le centre de l'image sera obscur ; h l'anneau large et brillant qui entourera ce centre succédera un anneau sombre, suivi h son tour d'un anneau lumi- neux, etc. Tout le monde savait que par un simple déplacement de l'oculaire d'une lunette, on pout donner à l'image confuse d'une étoile des dimensions de plus en plus consi- dérables; mais j'ignore si Ton avait remarqué que pen- dant ce déplacement le centre de l'image devient pério- diquement un disque obscur et lumineux, circulaire et bien terminé. Voici la circonstance par laquelle ce phénomène non- seulement se rattache à celui de la scintillation, mais pourrait même en fournir une espèce de mesure. Supposons, pour un moment, que l'oculaire de la lunette soit dans une de ces positions où le centre de l'image de l'étoile, encore tout à fait obscur, est près de devenir lumineux. Si l'étoile ne scintille point, la forme de son image reste constante ; quand l'étoile scintille légèrement , un petit point lumineux apparaît de temps en temps au milieu de la tache noire, comme si, dans cet instant, on avait légèrement enfoncé l'oculaire. Lorsque la scintillation est fréquente, les changements de celte espèce sont continuels. Toutes ces circonstances découlent très-simplement de l'explication du phénomène que j'ai donnée; il devient alors inutile d'admettre des séparations prismatiques de couleurs ; il suffît de supposer qu'il y a des différences APPENDICE. 109 extrèinement léo;ères entre les densités ou les tempéra- tures des diverses couches atmosphériques traversées pnr les rayons qui parviennent à Fœil : or, il faudrait n'avoir jamais réfléchi sur les eiïets des courants ascen- dants pour refuser de reconnaître que de telles dilTérences doivent presque toujours exister, surtout à peu de hauteur au-dessus dé l'horizon. Je n'ajoute plus qu'un mot pour terminer : j'ai indiqué le mouvement de l'oculaire vers l'objectif comme un moyen de faire naître successivement au centre de l'image d'une étoile des taches obscures et lumineuses; en éloi- gnant l'oculaire de l'objectif, on observe des phénomènes analogues; mais ils ont moins de netteté et sont compli- qués de quelques elTets de coloration. M. Brewster avait annoncé, dans son Trailé sur les instruments astrono- miques, que les images circulaires des étoiles ou les sec- tions faites dans les cônes de rayons qui se réunissent au foyer d'une lunette, ne sont jamais aussi distinctes ni aussi bien définies au delà de ce foyer qu'avant le croi- sement de la lumière ; je rappelle les observations du physicien écossais pour faire remarquer qu'elles n'ont aucun rapport avec celles qui précèdent : il parle , en eiïet, du contour de l'image, et j'ai seulement voulu porter l'attention du lecteur sur les modifications qu'é- prouve son centre. § i. — Résumé d'un Mémoire sur la scintillation des étoiles, inséré dans le C'o))ip(e-ix'ndu de la séance de l'Académie du 20 janvier 1840. Afin d'avoir le droit, suivant les règlements acadé- miques, d'insérer dans le volume de Mémoires actuelle- no ni: la scintillation. ment sous presse le résultat final de ses longues recher- ches sur le phcnornônc de la scintillation, M. Arago a soumis aujourd'hui ce résultat à l'appréciation de l'Aca- déniie. Dans l'impossibilité d'en donner ici une idée suiïisamment complète sans sortir des bornes qui nous sont prescrites, nous nous contenterons de dire que le Mémoire* se compose de quatre sections distinctes. Dans la première l'auteur s'attache à prouver que la scintil- lation des étoiles n'est autre chose qu'un changement apparent d'intensité et de couleur très -fréquent, très- rapide, qui a sa cause dans notre atmosphère. Appuyé sur cette définition M. Arago montre, dans la seconde section , que les explications du phénomène données par Aristote, par Galilée, Scaliger, Kepler, Descartes, Hooke, Huygens, Newton, Michell et par les astro- nomes modernes, ne sauraient être admises. Cette longue série de noms célèbres olî're une classe à part : celle des observateurs qui déclarèrent avec franchise que la scintillation leur semblait inexplicable. Les noms compris dans cette classe sont ceux de Mel- ville, deNicholson, et le nom de l'illustre Thomas Young, auteur des premières lois des interférences. La troisième section du Mémoire est consacrée à l'exposition des expériences de cabinet à l'aide desquelles on établit celles des lois des interférences qui doivent servir à l'explication de la scintillation, soit que ces lois se rattachent à la ditTérence des chemins parcourus par 1. Ce Mémoire a été mis postérieurement par M. Arago sous la forme de Notice scientifique; c'est cette Notice qui est insérée dans le présent volume. APPENDICE. ^^i les rayons lumineux, soit que l'on considère seulement l'inégale réfringence des milieux que ces mêmes rayons ont traversés. De ces lois résulte la conséquence que les rayons partant d'une étoile qui, après avoir traversé une atmosphère où il existe des couches inégalement chaudes, inégalement denses, inégalement humides, vont se réunir au foyer d'une lentille, doivent y former des images d'intensités et de couleurs perpétuellement changeantes, c'est-à-dire des images telles que la scintillation nous les présente. Après avoir montré ainsi la possibilité de rattacher la scintillation aux interférences lumineuses , après avoir donné une explication plausible du phénomène, M. Arago a réuni dans la quatrième et dernière section de son Mé- moire , des observations variées sur la scintillation des étoiles hors du foyer des lunettes , sur la scintillation du Soleil, réduit, par sa réflexion à la surface extérieure de miroirs très - courbes , à ne sous -tendre qu'un petit angle, etc. Ces faits paraissent donner à la nouvelle théorie tous les caractères d'une véritable démonstration. CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL ET DES ÉTOILES Notice sur les observations qui cnt fait connaître la constitution phy- sique du Soleil et celle de diverses étoiles. — Examen des conjectures des anciens pliiloso[ihes et des données positives des astronomes modernes sur la place que doit piendie le Soleil parmi le nombre prodigieux d'étoiles dont le firmament est parsemé '. Vers le milieu du mois de juillet dernier, des astro- nomes appartenant aux principaux observatoires de l'Eu- rope se rendirent en Norvège, en Suède, en Allemagne, en Russie, et s'établirent dans des villes oii l'éclipsé de Soleil du 28 du même mois devait être totale. Ils espé- raient que ce phénomène , étudié avec des instruments puissants, conduirait à des explications plausibles de diverses apparences signalées dans les éclipses anté- rieures, et sur lesquelles personne n'avait osé se prononcer d\iuo. manière définitive. Comment! se sont écriés des esprits chagrins, peu au fait, je dois le supposer, de l'histoire de l'Astronomie; comment! la science qu'on dit la plus parfaite trouve encore des problèmes à ré- 1. La santé de M. Arago ne lui ayant pas permis d'assister à la séance des cinq académies de l'Institut du 25 octobre 1851, M. Lau- gier a bien voulu se charger de donner lecture de cette Notice. M. Arago prie son jeune confrère d'agréer l'expression de sa vive gratitude. Constitution du soleil et des i^:toiles. 11.3 sondrc, môme en ce qui concerne l'astre autour duquel tous les mouvements planétaires s'exécutent? est -il vrai qu'à beaucoup d'égards, nous ne soyons pas plus avancés que les philosophes de la Grèce antique? On a cru que ces questions devaient être prises au sérieux. Je me suis chargé de rédiger la réponse, sans me dissimuler tout ce qu'elle aura d'aride, et sans ou- blier que des détails devenus aujourd'hui élémentaires viendront forcément se placer sous ma plume; mais j'ai pensé que votre indulgence ne saurait manquer à celui qui remplit un devoir. Un coup d'œil général sur les travaux des philosophes anciens et des observateurs modernes, nous prouvera d'abord que si l'on a étudié le Soleil depuis deux mille ans, le point de vue a souvent changé, et que, dans cet intervalle, la science a fait d'immenses pas en avant. Anaxagore prétendait que le Soleil n'était guère plus grand que le Péloponèse. Eudoxe, qui jouit dans l'antiquité d'une si grande es- time, donnait au môme astre un diamètre neuf fois plus grand que celui de la Lune. C'était un grand progrès si l'on compare cette évaluation à celle d' Anaxagore. Mais le nombre donné par le philosophe de Cnide s'éloignait encore énormément de la vérité. Cléomède, qui écrivait sous le règne d'Auguste, dit que les épicuriens, ses contemporains, s'en rapportant aux apparences, soutenaient que le diamètre réel du Solr-il ne surpassait pas un pied. Mettons en regard de ces évaluations arbitraires la détermination qui se déduit des travaux des astronomes VIL — IV. 8 4U CONSTITUTION rilVSIQUE modernes, exécutés avec les soins les plus minutieux, et à Taide d'instruments d'une délicatesse extrême. Le Soleil a 357,000 lieues (de d kilomclrcs) de diamètre; il y a loin, comme on voit, de ce nombre ù celui qu'adop- taient les épicuriens. En supposant le Soleil sphérique, son volume est égal à quatorze cent mille fois celui de la Terre. Des nom- bres aussi énormes n'étant pas fréquemment employés dans la vie usuelle, et ne nous donnant pas une idée pré- cise des grandeurs qu'ils impliquent, je rappellerai ici une remarque qui fera mieux sentir l'immensité du vo- lume solaire. Imaginons que le centre du Soleil coïncide avec celui de la Terre , sa surface non-seulement attein- dra la région dans laquelle la Lune circule, mais ira pres- que une fois au delà. Ces résultats, si remarquables par leur immensité, ont la certitude des principes de géométrie élémentaire qui leur ont servi de base. La carrière que j'ai à parcourir étant assez étendue, je n'établirai pas en détail la comparaison entre les résul- tats vraiment absurdes par leur ))etitesse, auxquels les anciens s'étaient arrêtés sur la distance du Soleil à la Terre , et ceux qu'on a déduits des observations mo- dernes. Je me bornerai même à dire ici qu'il est démon- 'tré, et ce n'est pas sans raison que je me sers d'un terme aussi positif, qu'il est démontré, depuis le passage de Vénus observé en 17G9, que la distance moyenne du Soleil à la Terre est de 38 millions de lieues, et qu'entre l'hiver et l'été, l'astre s'éloigne de nous de plus d'un million de lieues : telle est la distance du globe immense DU SOLEIL ET DES ÉTOILES. 415 dont les astronomes modernes sont parvenus à déter- miner la constitution physique. Nous ne trouvons rien à ce sujet dans les anciens philosophes, qui mérite de nous occuper un instant. Leurs disputes sur la question de savoir si le Soleil est un feu pur ou grossier, un feu éternel ou susceptible de s'éteindre , n'étant appuyées sur aucune observation , laissaient dans la plus profonde obscurité le problème que les modernes ont essayé de résoudre. Les progrès qu'on a faits dans cette voie datent de 1611. A cette époque peu éloignée de celle de l'invention des lunettes, un astronome hollandais, Fabricius, vit distinctement des taches noires se montrer sur le bord oriental du Soleil, s'avancer graduellement vers le centre, le dépasser, atteindre le bord occidental^ puis disparaître pendant un certain nombre de jours. De ces observations souvent répétées depuis, on a pu déduire la conséquence que le Soleil est un globe sphé- rique doué sur son centre d'un mouvement de rota- tion dont la durée est égale à vingt-cinq jours et demi environ. Ces taches noires, irrégulières et variables, mais bien définies sur leur contour, ont quelquefois des dimensions considérables ; on en a vu dont la largeur était plus de cinq fois celle de la Terre : elles sont généralement en- tourées d'une auréole sensiblement moins lumineuse que le reste de l'astre et qu'on a appelée pénombre. Cette pénombre, primitivement remarquée par Galilée, et obser- vée avec soin, dans les changements qu'elle éprouve, par les astronomes ses successeurs, a conduit, sur la consti- ne CONSTITI'TION PHYSIQUE tution physique du Soleil, ù une supposition qui, de prime abord, doit paraître bien singulière. Cet astre serait un corps obscur entouré, à une cer- taine distance , d'une atmosphère qui pourrait être com- parée à l'atmosphère terrestre, lorsque celle-ci est le siège d'une couche continue de nuages opaques et réflé- chissants. A cette première atmosphère en succéderait une seconde, lumineuse par elle-même, qu'on a appelée la photosphère. Cette photosphère, plus ou moins éloignée de l'atmosphère nuageuse intérieure, déterminerait par son contour les limites visibles de l'astre. Suivant cette hypothèse, il y aurait des taches sur le Soleil toutes les fois qu'il se formerait , dans les deux atmosphères con- centriques, des éclaircies correspondantes qui permet- traient de voir à nu le corps obscur central. Les personnes qui ont étudié les phénomènes avec des lunettes puissantes, les astronomes de profession, les juges compétents, reconnaissent que l'hypothèse dont je viens de parler sur la constitution physique du Soleil rend un compte très-satisfaisant des faits. Cependant elle n'est pas généralement adoptée : des ouvrages qui font auto- rité représentaient naguère les taches comme des scories flottant à la surface liquide de l'astre et sorties de volcans solaires, dont nous ne trouverions qu'une faible image dans les volcans terrestres. 11 était donc désirable qu'on parvînt à déterminer par clés observations directes la nature de la matière incan- descente du Soleil. Mais lorsqu'on songe que nous sommes séparés de cet astre par un intervalle de 38 millions de lieues , et que i DU SOLEIL ET DES ÉTOILES. 117 nous ne pouvons nous mettre en communication avec sa surface visible qu'à l'aide des rayons lumineux qui en émanent, se proposer ce problème semblait être une témé- rité injustifiable. Les progrès récents de l'optique ont fourni cependant les moyens de le résoudre complètement. Quelques dé- tails, qu'on me pardonnera, rendront cette solution évidente. Personne n'ignore aujourd'hui que les physiciens sont parvenus à distinguer deux espèces de lumière : la lu- mière naturelle et la lumière polarisée. Un rayon de la première de ces deux lumières jouit des mêmes propriétés sur tous les points de son contour; il n'en est pas ainsi de la lumière polarisée. Les diiTérents côtés de ses rayons n'ont pas les mêmes propriétés : ces dissemblances se manifestent dans une foule de phénomènes que je ne puis mentionner ici. Avant d'aller plus loin , remarquons ce qu'il y a d'étrange dans des expériences qui ont amené légitime- ment les physiciens à parler des divers côtés d'un rayon de lumière, à distinguer ces côtés les uns des autres; le mot étrange, dont je viens de me servir, paraîtra cer- tainement naturel à ceux qui songeront que des milliards de milliards de ces rayons peuvent passer simultanément dans le trou d'une aiguille sans se troubler. La lumière polarisée a permis d'enrichir les moyens d'investigation des astronomes de quelques instruments curieux dont ils ont déjà tiré un parti avantageux, entre autres de celui qu'on appelle lunette polariscope ^. 1. Voir Astronomie populaire, t. II, p. 101. H8 CONSTITUTION PHYSIQUE Si VOUS regardez directement le Soleil avec une de ces lunettes, vous verrez deux images de même intensité et de même nuance, deux images blanches. Supposons maintenant qu'on vise à l'image réfléchie de cet astre sur de l'eau ou sur un miroir de verre. Dans l'acte de la réflexion, les rayons se polarisent ; la lunette ne donne plus alors deux images semblables et blanches, elles sont teintes au contraire des plus vives couleurs sans que les formes aient éprouvé aucune altération. Si l'une est rouge, l'autre sera verte; si la première est jaune, la seconde olTrira la teinte violette, et ainsi de suite, les deux teintes étant toujours ce qu'on appelle complémen- taires ou susceptibles par leur mélange de former du blanc. Quel que soit le procédé à l'aide duquel on ait polarisé la lumière naturelle, les couleurs se montrent dans les deux images de la lunette polariscope comme lorsqu'on a visé aux rayons réfléchis par l'eau ou le verre. La lunette polariscope fournit donc un moyen très- simple de distinguer la lumière naturelle de la lumière polarisée. On a cru pendant longtemps que la lumière, émanant de tout corps incandescent, arrive à l'œil à l'état do lumière naturelle, lorsque dans le trajet elle n'a été ni partiellement réfléchie ni fortement réfractée. Cette proposition manquait d'exactitude à certains égards. Un membre de l'Académie^ est parvenu à recon- naître que la lumière qui émane, sous un angle suffi- samment petit, de la surface d'un corps solide ou d'un 1. M. Araso. DU SOLEIL ET DES ÉTOILES. 119 corps liquide incandescent, lors même qu'elle n'est pas polie, offre des marques évidentes de polarisation; en sorte qu'en pénétrant dans la lunette polariscope elle se décompose en deux faisceaux colorés. La lumière qui émane d'une substance gazeuse en- flammée, d'une substance semblable à celle qui éclaire aujourd'hui nos rues, nos magasins, est toujours, au contraire, à l'état naturel, quel qu'ait été son angle d'émission. Le procédé mis en usage pour décider si la substance qui rend le Soleil visible est solide, liquide ou gazeuse, ne sera plus qu'une application très-simple des remar- ques qui précèdent, malgré les difficultés qui paraissaient découler de l'immense distance de l'astre. Les rayons qui nous font voir les bords du disque sont évidemment sortis de la surface incandescente sous un très-petit angle. Les bords des deux images vus direc- tement que fournit la lunette polariscope paraissent-ils colorés, la lumière de ces bords provient d'un corps liquide ; car toute supposition qui ferait de la surface extérieure du Soleil un corps solide est écartée définiti- vement par l'observation du rapide changement de forme des taches. Les bords ont-ils conservé dans la lunette leur blancheur naturelle, ils sont nécessairement gazeux*. 1 . Les corps incandescents dont on avait étudié, avec un polaris» rope , la lumière émise sous différents angles sont les suivants : solides, le fer forgé et le platine ; liquides, la fonte de fer et le verre en fusion. D'après ces expériences, vous avez le droit d'affirmer, dira-t-on, que le Soleil n'est ni de la fonte de fer fondue, ni du verre en fusion ; mais qui vous autorise ù généraliser ? Voici ma réponse : Suivant les deux seules explications qu"on ait données de 420 CONSTITUTlOiN PHYSIQUE Les observations laites en regardant directement le Soleil un jour (]uelconque de l'année, à l'aide de grandes lunettes polariscopes, ne laissent apercevoir aucune trace de coloration. Donc la substance enflammée qui dessine le contour du Soleil est gazeuse. Nous pouvons généra- liser la conclusion, puisque les divers points de la surlace du Soleil, par TelTet du mouvement de rotation, vien- nent chacun à leur tour se placer sur le bord. Cette expérience fait sortir du domaine des simples hypothèses la théorie que nous avons indiquée précé- demment sur la constitution de la photosphère solaire. On ne trouve, bien entendu, ni dans les conceptions arbitraires, fruits de l'imygination brillante des anciens la polarisation anormale que présentent les rayons émis sous des anjrles aigus, tout doit se passer de même, sauf la quantité, quel que soit le liquide, pourvu que la surface d'émergence ait un pouvoir réflécliissant sensiijle. Il n'y aurait que le cas dans lequel le corps incandescent serait, quant à sa densité, analogue à un gaz, comme par exemple le liquide, d'une rareté presque idéale, que plusieurs géomètres ont été amenés à placer hypothétiquement aux dernières limites de notre atmosphère où les phénomènes de polarisation et de coloration disparaîtraient peut-être. Je n'ignore pas ce que j'ajouterais de valeur à l'expérience rapportée dans le texte en la discutant au point de vue pliotométrique. Je possède tous les élé- ments d'un pareil examen , mais ce n'est pas ici le lieu de les dé- velopper. J'irai cependant au-devant d'une difficulté; je dois faire remar- quer que les lumières provenant de deux substances liquides peu- vent, suivant la nature spéciale de ces substances, ne pas être identi(|ues sous le rapport du nomijre et de la position des bandes obscures de Frauenhofer, que leurs spectres prismatiques otTrent aux yeux du physicien. Ces dissemblances sont de nature à être considérablement aug- mentées par les atmosphères diversement constituées que les rayons ont traversées avant d'arriver à l'observateur. (Cette iNute n'a pas été lue daus la séance publique du 25 octobre.) DU SOLEIL ET DES ÉTOILES. 121 philosophes de la Grèce, ni dans ce qui nous est resté des travaux des plus célèbres astronomes de l'école d'Alexandrie, rien qui puisse, même par une assimilation forcée, être comparé aux résultats que je viens d'énon- cer : ces résultats, proclamons-le hautement, sont entiè- rement dus aux efforts réunis des observateurs du xvii' et du xviii' siècle, et aussi, pour une certaine part, à ceux des astronomes nos contemporains. Consignons ici une remarque dont nous aurons bientôt l'occasion de faire l'application, lorsque nous cherche- rons à déterminer la constitution physique des étoiles. Si la matière de la photosphère solaire était liqu.'de, si les rayons émanés de son bord étaient polarisés, on verrait non-seulement des couleurs sur chacune des deux images fournies par la lunette polariscope, mais elles seraient dilTérentes dans les divers points du contour. Le point le plus élevé sur l'une des images est-il rouge, le point diamétralement opposé sur cette même image sera rouge aussi. Mais les deux extrémités du diamètre hori- zontal offriront l'une et l'autre une teinte verte, etc. Si donc on parvenait à réunir en un point unique les rayons émanés de toutes les parties du limbe du Soleil, même après leur décomposition dans la lunette polaris- cope, le mélange serait blanc. La constitution du Soleil, telle que je viens de l'établir, peut également servir à expliquer comment il exisîe à la surface de l'astre des taches non pas noires, mais lumi- neuses. Les unes furent appelées facules; Gahlée les observa le premier; les autres, beaucoup moins éten- dues, rondes pour la plupart, aperçues par Scheincr, 122 CONSTITUTION PHYSIQUE et qu'il nomma des lurulcs, font ({uc la surlacc de Taslre paraît poinlilléc. Je pourrais, chose singulière, faire remonter la dé- couverte d'une des principales causes des facules et des lucules à une visite administrative dans un magasin de nouveautés, situé sur nos l)oulevards. «J'ai à me plaindre de la compagnie du gaz, disait le propriétaire de l'établissement; elle devrait diriger sur mes marchandises la partie la plus large de cette flamme h papillon, et souvent, par la négligence de ses employés, c'est par la tranche qu'on les éclaire. — Etcs-vous bien sûr, répondit un des assistants ^, que dans cette position la llamme éclaire moins que dans la première? » Le doute ayant paru mal fondé, je dirai même, ayant paru absurde, on se livra à des expériences exactes, et il fut constaté qu'une flamme verse sur un objet une égale quantité de lumière quand elle l'cclaire par la tranche et lorsqu'elle se présente à lui par sa plus large surface. De là résultait la conséquence qu'une surface gazeuse incandescente et d'une étendue déterminée, est plus lu- mineuse si on la voit obliquement que sous l'incidence perpendiculaire. Par conséquent, si la surface solaire offre des ondulations comme notre atmosphère lorsqu'elle se couvre de nuages pommelés, elle doit paraître compa- rativement faible dans les parties de ces ondulations qui se présentent perpendiculairement à l'observateur, et plus brillante dans les portions inclinées; toute cavité conique doit nous sembler une lucule. Il n'est donc plus néces- 1. M. Arago. nu SOLEIL ET DES ETOILES. 123 saire, pour rendre compte des apparences, de supposer qu'il existe sur le Soleil des milliers de foyers plus in- candescents que le reste du disque, ou des milliers de points se distinguant des régions voisines par une plus grande accumulation de la matière lumineuse. Après avoir constaté que le Soleil se compose d'un corps obscur central, d'une atmosphère nuageuse réfléchissante et d'une photosphère, nous devons naturellement nous demander s'il n'y a rien au delà, si la photosphère finit brusquement et sans être entourée d'une atmosphère ga- zeuse peu lumineuse par elle-même, ou faiblement réflé- chissante. Cette troisième atmosphère disparaîtrait ordi- nairement dans l'océan de lumière dont le Soleil paraît toujours entouré , et qui provient de la réflexion de ses propres rayons sur les particules dont se compose l'atmo- sphère terrestre. Un moyen se présentait de lever ce doute , c'était de choisir le moment où , dans une éclipse totale, la Lune couvre complètement le Soleil. Presque à l'instant où les derniers rayons partis des bords de l'astre radieux disparaissent sous l'écran opa- que formé par la Lune, notre atmosphère , dans la ré- gion qui se projette sur les deux astres, et les parties environnantes cessent d'être éclairées. On sait maintenant quel fut l'objet principal que se proposèrent les astronomes qui , en 18^2, se rendirent dans le midi de la France, en Italie, en Allemagne, en Russie, où l'éclipsé de Soleil du 8 juillet devait être totale. Dans tous les genres de recherches, la part de l'im- prévu est toujours immense ; aussi les observateurs furent 424 CONSTITUTION" PHYSIQUE tHrangcmcnl surpris lorsque, après la disparition des derniers rayons directs du Soleil derrière le bord de la lAine, et celle de la lumière réfléchie par l'atmosphère terrestre environnante, ils virent quelques protubérances rosacées de 2 à 3 minutes de hauteur, s'élancer pour ainsi dire du contour de notre satellite. Chaque astronome, suivant la pente ordinaire de ses idées, s'arrêta à une opinion particulière sur la cause de ces apparitions. Les uns les attribuèrent h des montagnes de la Lune; cette hypothèse ne supportait pas une mi- nute d'examen. D'autres y voulurent voir des efïets de dilTraction ou de réfraction. Mais le calcul est la pierre de touche de toutes les théories, et le vague le plus indéfini accompagnait, quant à leurs applications aux phénomènes signalés, celles dont je viens de parler. Des explications qui ne rendent un compte précis, ni de la hauteur, ni de la forme, ni de la couleur, ni de la fixité d'un phénomène, ne doivent pas prendre place dans la science. Venons à l'idée, fort préconisée un moment, que les protubérances de 18/i2 étaient des montagnes solaires dont les sommités dépassaient la photosphère couverte par la Lune au moment de l'observation. D'après les évaluations les plus modérées, la hauteur d'un de ces sommets au-dessus du disque solaire aurait été de 19,000 lieues. Je sais très-bien qu'aucun argu- ment basé sur l'énormité de cette hauteur ne devait con- duire à rejeter l'hypothèse. Mais on pouvait l'ébranler fortement en faisant remarquer que ces prétendues mon- tagnes olTraient des parties considérables en surplomb, DU SOLEIL ET DES ÉTOILES. 125 et qui conséquemment, en vertu do Tattraction solaire, auraient dû s'ébouler. Jetons un coup d'œil rapide sur une quatrième hypo- thèse, celle suivant laquelle les protubérances seraient assimilées à des nuages solaires nageant dans une atmo- sphère gazeuse. Nous ne trouverions alors aucun principe de physique qui pût nous empocher d'admettre l'existence de masses nuageuses de 25,000 à 30,000 lieues de long, à contours arrêtés et affectant les formes les plus tourmentées. Seu- lement, en suivant plus loin l'hypothèse, on aurait le droit de s'étonner qu'aucun nuage solaire n'eût été jamais aperçu entièrement séparé du contour de la Lune. C'est vers cette constatation, le cas échéant, que de- vaient être dirigées les recherches des astronomes. Une montagne ne pouvant se soutenir sans une base, il devait suffire de l'observation fortuite d'une protubé- rance séparée en appnrence du bord de la Lune, et, par conséquent, du bord réel de la photosphère solaire, pour renverser de fond en comble l'hypothèse des montagnes solaires. Mais, qu'on le remarque bien, il n'en est pas des re- cherches astronomiques comme de celles des chimistes et des physiciens; ces derniers font varier à volonté les conditions dans lesquelles ils opèrent, et qui peuvent changer la nature des résultats. Les astronomes n'exer- cent aucune influence sur les phénomènes qu'ils étudient; ils sont obligés d'attendre quelquefois pendant des siècles, que les astres s'offrent à eux dans les positions favorables à la solution d'une difficulté. 426 CONSTITUTION PHYSIQUE Cette fois, les doutes soulevés par les observations de d842 ont déjà pu être soumis h un nouvel examen expé- rimental l'année dernière. Une éclipse de Soleil était annoncée pour le 8 août 1850 ; elle devait être totale aux îles Sandwich. Le capitaine de vaisseau Bonnard, commandant notre station d'Otahiti, eut l'heureuse pensée d'envoyer le con- ducteur des ponts et chaussées, M. Kutczycki, de File de Taïti à Honolulu, capitale de l'archipel des îles Sandwich. La relation que nous avons reçue de cet observateur * habile renferme la phrase suivante : « Le trait délié et rougeâtre qui se trouvait près de la protubérance nord, a paru complètement détaché du bord de la Lune. » Postérieurement, dans l'éclipsc du 28 juillet 185:1, MM. Mauvais et Goujon, établis à Danzig, et des astro- nomes étrangers très-célèbres, qui s'étaient transportés en divers points de la Norvège, de la Suède et du nord de l'Allemagne, virent, les uns et les autres, dans toutes les stations, une tache également rougeâtre qui se trou- vait séparée du limbe de la Lune. L'observation de M. Kutczycki, et les observations con- cordantes de 1851 , mettent fin sans retour aux explica- tions des protubérances fondées sur la supposition qu'il existerait dans le Soleil des montagnes dont les sommets dépasseraient considérablement la photosphère. Lorsqu'il sera prouvé rigoureusement que ces phéno- mènes lumineux ne sauraient être l'effet des inflexions que les rayons solaires éprouveraient en passant près des 1. Voir pluï loin la Notice sur les éclipses. DU SOLEIL ET DES f-TOlLES. 127 aspérités qui bordent le contour de hi Lune; lorsqu'il sera démontré que ces teintes rosacées ne peuvent être assimilées à de simples apparences optiques, et ont une existence réelle, qu'elles sont de véritables nuages so- laires, il y aura une nouvelle atmosphère à ajouter aux deux dont nous avons déjà parlé, car des nuages ne pour- raient se soutenir dans le vide^. Chacun sait maintenant ce qui reste d'incertain sur un point très-particulier de la constitution physique du Soleil. Si Ton songe que les phénomènes qui pou\ aient 1. Pour que ces nuages se soutinssent dans le vide , il faudrait que la force centrifuge résultant de leur mouvement circulatoire fût à chaque instant égale à la pesanteur qui tendrait à les faire tomber vers le Soleil. Il faudrait les transformer en de véritables planètes faisant leur révolution autour de cet astre avec une extrême rapidité. Telle est, en substance, l'explication que M. Babinet a donnée des protubérances de 18/i2, dans la séance de l'Académie des sciences du IG février 18^6. Le lecteur verra, dans le Mémoire du savant académicien, les considérations ingénieuses sur lesquelles s'appuie cette théorie, et comment elle peut se rattacher au système cosmogonique de Laplace. Je crois, maintenant que le phénomène a été minutieusement ob- servé, que M. Babinet trouvera plus d'une difficulté à concilier l'immense vitesse qu'il est forcé d'attribuer à la matière des protu- bérances avec l'immobilité relative de celles qui ont été observées en 1851, et le changement de hauteur qu'elles ont offert. Ces diffi- cultés disparaissent lorsque les taches sont assimilées à des nuages flottant dans une atmosphère solaire douée d'un mouvement de rotation peu rapide. Je ferai , au reste, remarquer que l'existence de cette troisième atmosphère est établie par des phénomènes d'une tout autre na- ture, par les intensités comparatives du bord et du centre du Soleil, et aussi à quelques égards par la lumière zodiacale, si visible dans nos climats aux époques des équinoxes. Mais la question envisagée de ce point de vue exigerait des détails que je suis forcé de m'in- terdire. i:s CONSTITUTION PHYSIQUE servir à Iranclicr tous les doutes sont habituellement invi- sibles; qu'ils ne peuvent être aperçus que pendant les éclipses totales de Soleil; que les éclipses totales de Soleil sont peu nombreuses; que, depuis l'invention des lunettes, les astronomes d'Europe et d'Amérique n'avaient guère eu l'cccasion d'en observer convenablement que six ; personne n'aura plus le droit de s'élonner qu'au milieu du xix* siècle, la question soulevée par les flammes rougeàtres mystérieuses dont on a tant parlé soit encore h l'étude. Après ces éclaircissements, dont vous excuserez la lon- gueur, indiquons en peu de mots par quelle série de mesures et de déductions la science est parvenue à fixer la véritable place du Soleil dans l'ensemble de l'univers. Archélaûs, qui vivait en 4^8 avant Jésus-Christ, fut le dernier philosophe de la secte ionienne ; il disait du Soleil : C'est une étoile , seulement cette étoile surpasse en grandeur toutes les autres. La conjecture, car ce qui ne repose sur aucune mesure, sur aucune expérience, ne mérite pas une autre qualification, était certainement très-hardie et très-belle. Franchissons un intervalle de plus de deux mille ans, et nous trouverons les rapports du Soleil et des étoiles établis par les travaux des modernes, sur des bases qui défient toute critique. Depuis près d'un siècle et demi, les astronomes cher- chaient à déterminer la distance des étoiles à la Terre ; les insuccès répétés semblaient prouver que le problème était insoluble. Mais quels sont les obstacles dont le géni( uni à la persévérance ne parvienne à triompher ! Nous connaissons depuis très-peu d'années la distance qui nous DU SOLEIL ET DES ÉTOILES. 129 sépare des étoiles les plus voisines. Cette distance est d'environ 206,000 fois la distance du Soleil à la Terre, plus de 200,000 fois 38 inillions de lieues. Le produit de 206,000 par 38 millions serait trop en dehors des noni- bres que nous avons l'habitude de considérer pour qu'il soit utile de l'énoncer. Ce produit frappera davantage l'imagination si je le rapporte à la vitesse de la lumière. Alpha de la constel- lation du Centaure est l'étoile la plus voisine de la Terre, si toutefois il est permis de parler de voisinage lorsqu'il s'agit des distances que je vais rapporter. La lumière d'alpha du Centaure emploie plus de trois ans à nous parvenir, en sorte que si l'étoile venait à être anéantie, nous la verrions encore trois ans après sa des- truction. Qu'on se rappelle que la lumière parcourt 77,000 lieues (308,000 kilomètres) par seconde, que le jour se compose de 86,/jOO secondes, l'année de 365 jours, et l'on restera comme atterré devant l'immensité de ces nombres. Munis de ces données, transportons le Soleil à la distance de cette étoile la plus voisine de toutes, et ce disque circulaire si vaste , qui le matin s'élève peu à peu et majestueusement au-dessus de l'horizon , qui le soir emploie un temps considérable à descendre tout entier au-dessous de ce même plan, n'aura plus que des dimensions insensibles, même dans les plus fortes lu- nettes, et son éclat le rangera parmi les étoiles de troi- sième grandeur. Vous voyez, messieurs, ce qu'est devenue la conjecture d'Archélaûs. On se sentira peut-être humilié d'un résultat qui réduit à si peu de chose notre place dans le monde matériel ; VIL— IV. 9 <30 CONSTITUTION PHYSIQUE mais qu'on y songe, T homme y est parvenu en tirant tout de son propre fonds; par là il s'est élevé au rang le plus éminent dans le monde des idées. Les investigations as- tronomiques seraient donc très-propres à faire excuser de notre part un peu de vanité. Que ne m'est-il permis de suivre les astronomes mo- dernes dans leur pérégrination immortelle à travers la multitude de soleils qui brillent au firmament! Nous les verrions d'abord fixer, à l'aide de leurs in- struments, les positions relatives de ces astres, en cata- loguer une centaine de mille ; on sait que Pline l'ancien s'étonnait qu'Hipparque eût essayé d'en observer 1,026 et qu'il comparait ce travail à celui d'un dieu. Nous remarquerions dans des ouvrages récents des recensements complets qui nous montreraient que le nombre des étoiles visibles à l'œil nu dans un seul hé- misphère, l'hémisphère boréal, est inférieur à 3,000, Résultat certain et qui cependant frappera d'étonnement par sa petitesse, les personnes qui ont examiné vague- ment le ciel dans de belles nuits d'hiver. Cet étonnement changerait de nature si nous passions aux étoiles télescopiques. En faisant cette fois porter le dénombrement jusqu'aux étoiles de quatorzième gran- deur, les dernières qu'on aperçoive dans nos plus puis- santes lunettes, nous trouverions, par une évaluation qui ne fournirait qu'une limite en moins, un nombre supé- rieur à liO millions [dO millions de soleils!), et la dis- tance des plus éloignées d'entre elles serait telle, que la lumière aurait besoin de trois à quatre mille ans pour la parcourir. * DU SOLEIL ET DES ÉTOILES. 131 Nous serions donc ampl(3ment autorisés à dire que les rayons lumineux, ces courriers si rapides, nous apportent, s'il est permis de s'exprimer ainsi, l'histoire très-ancienne de ces mondes éloignés. Une expérience photométrique dont les premières in- dications existent dans le Cosmotheoros de Huygens , [ expérience reprise par Wollaston peu de temps avant sa mort, nous apprendrait qu'il faudrait réunir 20,000 mil- lions d'étoiles semblables à Sirius , la plus brillante du firmament, pour que leur agglomération répandît sur notre globe une lumière égale à celle du Soleil. Guidé par le génie perçant de William Herschel, nous examinerions les étoiles qui se touchent presque, et le grand astronome nous prouverait que ces astres, en quel- que sorte accouplés, ne paraissent pas voisins les uns des autres, seulement par un effet de perspective, mais qu'ils sont dans une dépendance mutuelle et circulent autour de leur centre commun de gravité dans des temps d'assez courte durée , qui déjà ont pu être déterminés dans cer- tains cas. En observant que ces étoiles doubles sont de couleurs très-dissemblables , nos pensées se porteraient naturelle- ment sur les habitants des corps planétaires obscurs et tournant sur eux-mêmes, qui, suivant toute apparence, circulent autour de ces soleils, et nous remarquerions, non sans une anxiété réelle pour les œuvres des peintres de ces mondes éloignés, qu'à un jour éclairé d'une lu- mière rouge succède, non pas la nuit, mais un jour éga- lement éclatant, éclairé seulement par une lumière verte. La comparaison des positions des étoiles déterminées 132 CONSTITUTION PHYSIQUE à différentes époques nous prouverait qu'elles sont très- improprement appelées des fixes, qu'elles se meuvent dans l'espace en divers sens, de manière qu'à la longue, la forme des constellations actuelles sera complètement changée, que les vitesses absolues de ces astres sont iné- gales, qu'une de celles qu'on a pu obtenir, avec une entière certitude, est de 20 lieues par seconde;, que le Soleil, semblable en cela à toutes les autres étoiles, n'est pas immobile et entraîne avec lui le cortège de planètes dont il est entouré. Nous serions frappés de l'inégale répartition des étoi- les dans la sphère céleste. Là, nous en verrions plus de 20,000 dans un espace superficiel égal à la dixième par- tie de la surface apparente de la Lune ; ici, dans une surface de même étendue, pas un seul point lumineux ne serait perceptible, même avec les meilleures lunettes. Après avoir jeté un coup d'œil attentif sur la matière lumineuse disséminée dans des espaces immenses, et qui, par son agglomération continuée pendant des siècles, semble devoir donner naissance à des étoiles nouvelles, nous discuterions les idées grandioses de Wright, de Kant, de Lambert et de William Ilerschel, sur la con- stitution de la Voie lactée, sur ses dimensions. Enfin, quelques pas de plus dans l'astronomie conjecturale , c'est-à-dire dans cette branche de la science fondée seu- lement sur d'imposantes probabilités et des généralisa- tions naturelles, nous dévoileraient des phénomènes qui, par leur nature, ou l'énormité des nombres qui les mesu- rent, jetteraient les esprits les plus fermes dans une sorte de vertige. DU SOLEIL ET DES ÉTOILES. 133 Mais abandonnons ces spéculations, si dignes d'admi- ration qu'elles soient, pour rentrer dans la question prin- cipale que je me suis proposé de traiter dans cette Notice, pour essayer, si cela est possible, d'établir quelque con- nexité entre la nature physique des étoiles et celle de notre Soleil. Nous avons réussi, à l'aide de la lunette polariscope, h déterminer la nature de la substance dont se compose la photosphère solaire, parce que, à raison du grand dia- mètre apparent de l'astre, il a été possible d'observer sé- parément les divers points de son contour. Si le Soleil s'éloignait de nous jusqu'à la distance où son diamètre apparent serait inappréciable comme l'est celui des étoi- les, la méthode deviendrait inapplicable. Les rayons co- lorés, provenant des divers points du contour, se trou- veraient alors intimement mêlés, et nous avons déjà dit plus haut que leur ensemble produirait du blanc. 11 paraît donc qu'il faut renoncer à appliquer à des astres sans dimensions sensibles le procédé qui nous a si bien conduits au but quand il s'agissait du Soleil ; il est cependant quelques-uns de ces astres qui se prêtent à ces moyens d'investigation, je veux parler des étoiles chan- geantes. Les astronomes ont remarqué des étoiles dont l'éclat varie considérablement ; il en est qui passent, dans un très-petit nombre d'heures, de la deuxième à la quatrième grandeur; il en est d'autres chez lesquelles le change- ment d'intensité est beaucoup plus tranché. Ces étoiles, très-apparentes à certaines époques, disparaissent ensuite totalement pour reparaître de nouveau dans des périodes 434 CONSTITUTION PHYSIQUE plus OU moins longues et sujettes à quelques légères irré- gularités. Deux explications de ces curieux phénomènes se pré- sentent à l'esprit : l'une consiste h supposer que l'astre n'est pas également lumineux dans tous les points de sa surface, et qu'il éprouve un mouvement de rotation sur lui-même; alors il est brillant quand sa partie lumineuse est tournée du côté de la Terre, et sombre lorsque la partie obscure arrive à la même position. Dans l'autre hypothèse, un satellite opaque et non lumineux par lui-même, circulant autour de l'étoile, l'éclipserait périodiquement. En raisonnant suivant l'une ou l'autre de ces deux sup- positions, la lumière qui nous éclaire quelque temps avant la disparition ou avant la réapparition de l'astre, n'est pas partie de tous les points du contour ; il ne peut donc plus être question de la neutralisation complète des teintes dont nous parlions tout à l'heure. Si une étoile changeante, examinée avec la lunette polariscope, reste parfaitement blanche dans toutes ses phases, on peut assurer que sa lumière émane d'une sub- stance analogue à nos nuages ou à nos gaz enflammés. Or, tel est le résultat du petit nombre d'observations qu'on a pu faire jusqu'ici, et qu'il sera très-utile de com- pléter. Ce même moyen d'investigation exige plus de soin, mais réussit également lorsqu'on l'applique aux étoiles qui n'éprouvent qu'une variation partielle dans leur éclat. La conséquence à laquelle ces observations nous con- duisent, et que nous pouvons, je crois, généraliser sans DU SOLEIL ET DES ÉTOILES. 135 scrupule, peut être énoncée en ces termes : Notre Soleil iCst une étoile, et sa constitution physique est identique avec celle des millions de soleils dont le firmament est parsemé. Je me suis elTorcé, dans le cadre qui m'était assigné d'avance, de tracer l'esquisse de tout ce que nous savons aujourd'hui relativement au volume, à la distance et à la constitution physique du globe immense qui nous éclaire. Cette esquisse, dans ses bornes circonscrites, suffira pour détromper les personnes qui avaient cru devoir mettre en question l'importance et la certitude des résultats obtenus par les observateurs modernes. Elles reconnaîtront, si elles étaient de bonne foi, que, dans l'histoire du progrès de nos connaissances, progrès qui sera sans doute indéfini , les travaux des astronomes du XIX* siècle ne passeront pas inaperçus. Quant à des cri- tiques qui n'auraient point été inspirées par l'amour de la vérité , elles ne mériteraient pas de fixer un instant l'attention de cette assemblée, et je pense que je pourrais moi-même les dédaigner. NOTICE SUR LES ÉCLIPSES ET PARTICULlÉREMEiNT SUR L'ECLIPSE TOTALE^ DE SOLEIL DU 8 JUILLET 1842 CHAPITRE PREMIER AVANT-PROPOS Quelque temps avant l'éclipsé totale de Soleil du 8 juillet 1842, je publiai dans le Compte rendu des séances de U Aca- démie des sciences, V Annuaire du Bureau des longitudes, et les Annales de chimie et de physique^ une Notice dans laquelle je signalais les circonstances de cette future con- jonction du Soleil et de la Lune, qui, selon moi, devaient plus particulièrement fixer l'attention des astronomes. J'énumérai aussi les principaux problèmes de physique céleste dont la solution est liée aux observations et aux mesures qui peuvent être faites seulement pendant les éclipses solaires. Plus tard, en 1846, je mis en regard de chacun des articles du programme que j'avais tracé , les éclaircissements que les observations avaient fournis. Je donnai en outre l'énoncé de diverses questions impré- vues que l'admirable phénomène de 1842 avait soule- vées. Dans le monde intellectuel, comme dans le mode physique, on ne saurait faire un pas sans découvrir un nouvel horizon. L'éclipsé totale du 28 juillet 1851 donna NOTICE SUR LES ÉCLirSES. 137 lieu à de nouvelles observations qui ont étendu nos con- naissances sur la constitution de l'astre radieux, foyer des mouvements de notre système planétaire. J'ai résumé l'ensemble des faits acquis à la science dans le livre de mon Astronomie populaire consacré aux éclipses et aux occultations'^. Je vais placer ici tous les détails qui ne pouvaient prendre place dans un traité didactique. J'ai conservé ma rédaction primitive ; les seuls passages que, dans mes anciennes Notices, j'avais empruntés à divers chapitres de V Astronomie populaire^ ayant été remis à leur place, ne seront pas reproduits dans la Notice actuelle. CHAPITRE II DÉFINITIONS Les éclipses de Soleil n'arrivent que le jour de la nou- velle Lune. C'est ce jour seulement que notre satellite peut s'interposer entre la Terre et le Soleil , et nous cacher des portions plus ou moins considérables de ce globe immense et radieux. Quand, au plus fort d'une éclipse, la Lune ne semble empiéter que sur une portion limitée du disque solaire, on dit que V éclipse est partielle; Quand, au plus fort d'une éclipse, la Lune nous dérobe la vue de la totalité du Soleil, V éclipse est totale; Enfin, lorsque pendant la durée d'une éclipse il arrive un moment où la Lune se projette en entier sur le Soleil 1. Livre XXII, t. m , p. 537 à 62i. 138 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. sans le couvrir; où elle nous cache la portion centrale et laisse à découvert les régions voisines du limbe; où elle apparaît comme un disque noir entouré d'un anneau lumineux, V éclipse est atmulaire^. La Lune et le Soleil n'étant pas à une égale distance de la Terre, des observateurs diversement placés ne pro- jettent pas les disques des deux astres sur les mêmes points du ciel. Voilà comment il arrive qu'une éclipse est totale en certains lieux, et seulement partielle dans d'autres; voilà comment Paris, par exemple, n'a vu quelquefois aucune trace de telle éclipse partielle de Soleil qui a été apparente à Toulouse, et réciproquement. Pour qu'une éclipse puisse être totale, il faut qu'au moment du phénomène les lignes visuelles menées aux deux extrémités d'un diamètre de la ]^une comprennent un angle plus grand que les deux lignes visuelles menées aux deux extrémités d'un diamètre du Soleil; il faut (en prenant les expressions techniques) que le diamètre an- gulaire de la Lune l'emporte sur le diamètre angulaire du Soleil. Or, ni le diamètre angulaire de la Lune, ni le diamètre angulaire du Soleil ne sont constants, car ils dépendent des distances, et les distances des deux astres à la Terre varient beaucoup. Ces diamètres angulaires 1. 11 est bon d'observer qu'en certaines occasions très-rares, une éclipse peut être totale dans un lieu et annulaire dans un autre. Cela arrive lorsque les diamètres apparents du Soleil et de la Lune sont presque égaux. La Lune ne se trouvant pas à la même distance de tous les points de la surface terrestre , et les différences étant dans des rapports appréciables avec la distance absolue , les uns voient la Lune plus grande que le Soleil et les autres plus petite. Le même effet peut résulter d'un rapide mouvement de la Lune vers l'apogée ou le périgée. NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 139 se surpassent même alternativement l'un l'autre. Si le moment où la Lune devient nouvelle coïncide avec le moment où son diamètre angulaire est au minimum , ce qui met l'astre à son apogée , aucune circonstance de projection ne pourra donner lieu qu'à une éclipse de Soleil annulaire. Si, au contraire, dans le moment de la con- jonction , le diamètre angulaire de la Lune est au maxi- mum (ceci revient à dire que l'astre est alors à son périgée ou à sa moindre distance à la Terre), des circon- stances favorables de projection amèneront une éclipse totale. Ces notions composent tout ce que j'avais besoin de rappeler pour qu'on ne demande pas pourquoi une éclipse est totale, tandis que, au maximum, une autre éclipse est annulaire; pourquoi une éclipse est totale dans le midi de la France, par exemple, et seulement partielle à Paris. A l'aide des tables du Soleil et de la Lune on peut déterminer d'avance avec précision combien il y aura d'éclipsés durant une certaine année et quels seront leurs caractères. C'est ainsi qu'avant l'écIipse de 1842 , je pus publier le tableau des principales circonstances numéri- ques de l'éclipsé que l'on attendait alors, tel que l'avait dressé mon confrère M. Largeteau, et la figure repré- sentant la trace de l'ombre portée par la Lune sur la Terre. Afin de montrer quelle est l'approximation que nos tables permettent d'apporter maintenant à ces sortes de calculs, je reproduis ici et ce tableau et cette figure (fig. 3). 140 NOTICE SUR LES ECLIPSES. NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. HH On peut répondre aujourd'hui de fractions de minutes dans la prédiction de ces phénomènes. Il n'en était pas de même dans les premières années du xviir siècle. Alors on voyait, en efTet, le commencement ou la fin d'une éclipse différer, en temps, de dix à douze minutes du résultat calculé sur les tables de La Hire. 'Prédiction des principales circonstances de l'éclipsé totale de Soleil visible dans le midi de la France, dans la matinée du 8 juillet 181x2. Lever du Soleil. Commen- cement de l'éclipsé. Commen- cement de l'éclipsé totale. Fin de réclipse totale. Fin de l'éclipsé. Plus courte distance des centres. h. m. h. m. s. h. m. s. h. m. s. h. m. s. Perpignan. . h 31 h 53 21 5 Zi6 IZt 5 Zi8 28 6 Zi5 lil 1".8 Montpellier. U 28 à 57 53 5 51 20 5 53 12 6 51 6 21 .5 Marseille. . . à 29 5 3/1 5 56 50 5 58 50 6 57 12 18 .5 Digne à 26 5 7 12 6 18 6 3 28 7 2 3 1 .Il Les dates ci -dessus sont exprimées en temps moyen compté de minuit et à partir du méridien inférieur de chacune des villes correspondantes. Si l'on voulait expri- mer ces mêmes dates en temps vrai , il faudrait retran- cher II"' 3Zi' des époques contenues dans le précédent tableau. La première impression du disque lunaire était indi- quée comme devant avoir lieu à l'occident et à 41° de l'extrémité supérieure du diamètre vertical du Soleil. U2 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. CHAPITRE Iir DE LA CO^RON^E LUMINEUSE DONT LA LUNE EST ENTOURÉE PENDANT UNE ÉCLIPSE TOTALE DE SOLEIL Il n'existe pas de relation moderne quelque peu détaillée d'une éclipse totale, dans laquelle il ne soit fait mention d'une couronne lumineuse dont la Lune paraissait en- tourée après la disparition entière du Soleil , et qui con- tribuait à tempérer l'obscurité. Je ne sais si cette couronne ne fut pas la cause de la clarté crépusculaire que signalent les relations de l'éclipsé totale de 98. Plutarque disait : « La Lune laisse déborder autour d'elle, dans les éclipses, une partie du Soleil , ce qui diminue l'obscurité. » Ces derniers mots portent à penser qu'il parlait alors plutôt des éclipses totales que des éclipses annulaires, pendant lesquelles il n'y a réelle- ment qu'un affaiblissement de lumière. Des observateurs inhabiles avaient classé l'éclipsé de 1567 parmi les éclipses annulaires, par la raison que la Lune, au plus fort du phénomène, parut entourée d'un anneau lumineux. Kepler en fit une éclipse totale. L'an- neau lumineux, suivant l'illustre astronome, pouvait s'ex- pliquer de deux manières : ou en admettant que l'éther était enflammé dans le voisinage du Soleil, ou en suppo- sant que certains rayons partis des bords du grand globe, arrivaient à la Terre après avoir subi une réfraction dans l'air de la Lune. Kepler développa ces idées à l'occasion de l'auréole remarquée à Torgau pendant l'éclipsé totale de 1598 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. U3 L'éclipsé de KiOo fut certainement totale à Naples pendant quelques instants. La Lune s'y montra, toutefois, comme un nuage noir entouré d'une auréole resplendis- sante qui occupait une grande partie du ciel. Jusqu'à présent nous n'avons découvert dans les anciens ouvrages, que des relations imparfaites et sans précision de l'auréole lunaire. Les éclipses de 1706, 1715, 172/j., 1778, 1800, 18/i2, 1851 ont fourni des observations plus exactes que j'ai résumées dans V Astronomie populaire. Je donnerai plus loin en détail les résultats complets con- statés en 1842, et le lecteur verra combien il reste encore à faire aux observateurs futurs. CHAPITRE IV DE CERTAI?JES IRRÉGULARITÉS QUI SE MANIFESTENT AU MOMENT OU LES BORDS DE LA LUNE SE TROUVENT INTÉRIEUREMENT A DE PETITES DISTANCES DES BORDS DU SOLEIL Au moment où le bord occidental de la Lune com- mence à se détacher intérieurement du bord occidental du Soleil, il paraît dentelé comme une scie. Les dents augmentent incontinent de grandeur et d'espacement, et leur nombre diminue. Bientôt les deux limbes ne parais- sent plus réunis que par quelques traits rectilignes (8 à 10), larges, parallèles, complètement noirs et parfaite- ment définis. Tous ces traits, enfin, disparaissent subi- tement. Les choses se passent comme s'il existait entre les limbes des deux astres une matière glutineuse noirâ- tre, adhérente à certains points du Soleil, et que le mou- 444 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. vement de la Lune étirerait jusqu'à la rupture instan- tanée des ligaments. Pendant le mouvement du bord oriental de la Lune vers le bord oriental du Soleil, les phénomènes se repro- duisent en sens inverse : les lignes noires et parallèles naissent les premières et subitement ; la forme de grande scie succède à ces lignes; enfin, avant l'entière occulta- tion du Soleil, le limbe de la Lune est comme un chapelet composé de grains irréguliers, noirs et lumineux. Ces diverses irrégularités noirâtres avaient été aper- çues plus ou moins distinctement par d'anciens astrono- mes. M. Baily les a nettement observées en Ecosse pen- dant l'éclipsé annulaire du 15 mai 1836, et il en a donné une description détaillée et intéressante dans le tome x des Mémoires de la Société aslronomique de Londres. Comme si ces phénomènes n'étaient pas déjà assez extraordinaires, un observateur américain a annoncé que la dentelure, que les traits rectilignes et parallèles qui joignent les deux limbes, ne se voient pas quand on t'ait usage de verres verts , et qu'ils sont, au contraire, très-apparents à travers des verres rouges. L'auteur ano- nyme cite plusieurs circonstances et plusieurs villes oii , suivant lui, le fait aurait été constaté. CHAPITRE V DES LUEURS OBSERVÉES SUR LA SURFACE DE LA LUNE PENDANT CERTAINES ÉCLIPSES TOTALES DE SOLEIL Louville rapporte que pendant la durée de l'obscurité totale, en 1715, il vit, à Londres, sur la surface de la NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. U5 Lune, des fulminations semblables à celles qui résulte- , raient de l'inflammation d'une traînée de poudre. Ces fulminations étaient instantanées et serpentantes, comme les éclairs terrestres ; elles se montraient tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre, mais surtout vers le bord oriental. Halley remarqua aussi des lueurs, des éclairs dans tous les sens, mais particulièrement vers le bord occiden- tal, et quelque temps avant l'émersion. Un autre astronome, dont le nom m'est inconnu, adressa à la Société royale de Londres une représentation gra- phique de l'éclipsé de 1715, dans laquelle les éclairs se prolongeaient jusqu'au centre de la Lune. En 172/i, les astronomes de Paris, parfaitement avertis par les Mémoires de Louville et de Halley, ne parvinrent cependant à découvrir à la surface de notre satellite au- cune sorte de lumière. En 1778, Ulloa, Aranda et Wintuisen virent sur la Lune, dans la région du nord-ouest, une minute et un quart avant la réapparition du Soleil, un point lumineux qui brilla successivement comme les éloiles de quatrième, de troisième et de seconde grandeur. Enfin, en 1806, Ferrer n'aperçut aucune lumière à la surface de la Lune. Le télescope, dans un certain mo- ment, lui montra seulement une colonne déliée de fumée qui sortait de la région occidentale de l'astre. VIL — IV. 10 446 NOTICE SUR LKS ÉCLIPSES. CHAPITRE VI ni-FI.F.XÎONS r.T r.F.rOMMANDATIONS SOl'MISES AUX OBSERVATEDRS DES FUïUKES IvCLII'SES La couronne luminou^^c annulaire doit par-dessus tout fixer Pattenlion des observateurs. Cette couronne est-elle centrée sur la Lune ou siu* le Soleil ? A cet égard , les relations sont contradictoires. Halley, Louvillc, trouvèrent que le centre de la couronne coïncidait avec celui de la Lune. Suivant Maraldi et Fer- rer, au contraire, le centre de la couronne serait toujours celui du Soleil. Si la première de ces opinions est exacte , le cercle lumineux qui déborde le corps obscur de la Lune ne sera plus l'atmosphère solaire, et il faudra chercher des preuves de l'existence de cette atmosphère dans d'autres phénomènes. Établissons la vérité de l'assertion, afin de montrer combien la question est capitale. Si l'atmosphère du Soleil existe, il est probable qu'elle a la même largeur en tout sens. Il est particulièrement indubitable que dans les régions solaires équatoriales, à l'est et à l'ouest par exemple du disque apparent, cette atmosphère s'étendra de quantités égales au-dessus des parties condensées et vivement lumineuses de l'astre. Ceci convenu, donnons à la Lune un diamètre angu- laire supérieur à celui du Soleil (ce qui est de vérité nécessaire le jour d'une éclipse totale), et voyons-la se mouvoir dans l'espace, de l'occident à l'orient. Le bord oriental de notre satellite atteint extérieure- NUriCE SuR LES ECLIPSES. 117 ment le bord occidental du Soleil ; Téclipse proprement dite commence. Après un temps assez long, le même bord oriental de la Lune atteint intérieurement, c'est-à- dire par sa portion concave, le bord oriental du Soleil : c'est le commencement de l'éclipsé totale. A ce moment le bord occidental de la Lune déborde le bord occidental du Soleil d'une quantité égale à la différence des diamè- tres apparents des deux astres. Ainsi , à l'instant même oij l'éclipsé totale commence, la Lune nous dérobe à l'oc- cident la vue d'une portion de l'atmosphère solaire, tandis qu'elle ne nous cache absolument rien à l'orient. Le contraire a lieu quand l'éclipsé totale finit. Il faudra donc, au commencement et à la fin de l'obscurité totale, me- surer, à l'orient et à l'occident, et aussi dans les autres directions, la largeur de la couronne lumineuse. Ces mesures pourront se faire avec des instruments à réflexion ; avec des lunettes prismatiques de Rochon ; avec des lunettes de grossissements modérés, portant au foyer un certain nombre de fils fixes, espacés de minute en mi- nute. Chacun de ces moyens d'observation pourra avoir ses avantages, suivant l'éclat de la couronne, suivant la netteté de son contour extérieur. Est-il vrai, comme le dit Ulloa, que la couronne se montre cinq ou six secondes seulement après le commen- cement de réclipse totale, et qu'elle disparaisse quatre ou cinq secondes avant la fin de l'obscurité? Cette double assertion exige d'autant plus d'être vérifiée, que Halley déclare avoir aperçu le phénomène avant l'entière dispa- rition du Soleil. Est-il vrai, comme Halley l'a reconnu en 1715, qu'en U8 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. plt>iii nir l'auréole lumineuse lunaire ne forme pas d'ombre? La couronne a oflert des couleurs à llalley, à Louville, ù l lloa. Cela doit faire supposer qu'elle est un phéno- mène de dilTraction. 11 sera donc important de caracté- riser nettement toute la série de couleurs visibles, et d'en déterminer l'étendue angulaire. Ces mesures, comparées à celles qu'on obtiendra en faisant naître, comme De risle, de l'Académie des sciences, une couronne artifi- cielle autour d'un globe opaque se projetant sur le Soleil et le débordant un peu, deviendront la pierre de touche qui dissipera tous les doutes. La couronne offre-t-elle des interruptions, des rayons divergents qui la fassent ressembler aux gloires des saints? Il sera très-utile de noter si le phénomène est régulier. Dans le cas contraire, et c'est le plus probable, il faudra voir où les rayons aboutissent sur le limbe de la Lune ; il faudra rechercher, autant que possible, si les points de départ de ces rayons correspondent h des vallées ou à des montagnes lunaires. La lumière de la couronne lumineuse lunaire offre-t- elle des traces de polarisation? Il sera bon de s'assurer du fait à l'aide d'un polariscope. Après les observations destinées à décider si la cou- ronne lumineuse lunaire est ou n'est pas centrée sur le Soleil, rien ne sera plus utile que d'étudier le mode d'ap- parition de la dentelure qu'offre la Lune aux époques des attouchements intérieurs des deux disques; la manière dont les dents se confondent, changent de grandeur, de forme, et s'évanouissent. Aujourd'hui on ne sait rien de précis sur le nombre de secondes qui sépare la naissance NOTICE SUR LES ECLIPSES. U9 du chapelet de la disparition des traits noirs parallèles. Ces données de l'expérience ne suivront peut-être pas pour faire découvrir la cause physique de phénomènes aussi singuliers; mais il est évident que cette cause, lût-elle trouvée, serait tenue pour incertaine tant qu'elle n'aurait pas subi l'épreuve des vérifications numériques dont je demande qu'on recueille soigneusement les élé- ments. Les lumières serpentantes observées à la surface de la Lune, en 1715, par Louville et Halley; ces lumières que l'académicien de Paris considérait comme des éclairs provenant de plusieurs orages qui éclataient au momiOnt de l'éclipsé en divers points de l'atmosphère de notre satel- lite, pourraient, ce me semble, être expliquées autrement. Le Soleil est plus gros que la Lune, et il en éclaire toujours plus de la moitié. Au moment même de l'éclipsé centrale, des rayons solaires pénètrent donc dans l'hémi- sphère tourné vers la Terre. Ne serait-il pas possible que ces rayons arrivassent jusqu'à la portion de la Lune que nous apercevons, nous fussent renvoyés après des ré- flexions plus ou moins multiples opérées sur des flancs de montagnes volcaniques lunaires, et donnassent ainsi à la lumière une apparence trompeuse de mobilité? Voilà pour les éclairs voisins des bords. Les éclairs du centre tiennent peut-être à une cause dilîérente. Les rayons so- laires se réfléchissent à peu près régulièrement sur les nappes liquides terrestres. Si en dehors de la région plongée dans l'ombre de l'éclipsé, une de ces nappes, d'une étendue bornée, est disposée de manière que les rayons qu'elle réfléchit atteignent la Lune, ces rayons y 150 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. opéreront luî éclairement partiel; ils tomberont succes- sivement sur divers points, h cause du mouvement de rotation de la Terre. N'est-ce pas là le caractère essentiel du phénomène? Je ne sais s'il ne serait pas possible de soutenir également que les éclairs de Ilalley, de Louville, étaient dans l'atmosphère terrestre. S'emparer, pendant ces apparitions lumineuses, des circonstances qui pour- raient permettre de choisir entre ces trois hypothèses, tel doit être le but principal des observateurs. 11 est évident, par exemple, que la troisième de ces explications serait à jamais éliminée, si dans des lieux de la Terre un peu éloignés l'un de l'autre, tels que Perpignan et Digne, on avait vu les lueurs apparaître vers les mêmes régions. Il faudra jeter un coup d'œil attentif sur la partie nord- ouest de la Lune. Ulloa la croyait percée d'outre en outre. Il imaginait que le point lumineux observé en 1778 était une très-petite portion du Soleil vue à travers une étroite ouverture. Lalande calcula que pour satisfaire à toutes les circonstances de l'observation de l'amiral espagnol, l'ouverture devait se trouver à quinze lieues de la tangente au bord de la Lune passant par la Terre, résultat d'oii il concluait ensuite qu'elle avait cent neuf lieues de lon- gueur. Ce ne serait donc que par un concours de circon- stances extrêmement rares, que par des mouvements de libration très-particuliers, qu'un si long trou serait, un certain jour, dirigé exactement vers un lieu donné. Le peu de probabilité d'une pareille rencontre ne devra pas empêcher, je le répète, de regarder un instant avec atten- tion le bord nord-ouest de notre satellite. Il va sans dire qu'en chaque lieu on cherchera à déter- KOTICE SUR LES ÉCLIPSES. ''5< miner le nombre et la grandeur des étoiles qui deviendront visibles à l'œil nu pendant l'obscurité totale. L'impossibilité, jusqu'ici parfaitement constatée, d'a- percevoir les taches de la Lune à l'aide de la lumière que la Terre leur envoie pendant les éclipses totales de Soleil, est une sorte de définition intrinsèque de la clarté répan- due dans notre atmosphère aux moments les plus sombres de ces éclipses. Cette définition n'est pas à dédaigner. Il ne sera pas difficile, en efî'et, d'y appliquer des nombres. Chercher à entrevoir les taches avec les lunettes qui les montrent ordinairement le mieux dans la lumière cendrée, je veux dire avec les lunettes de nuit , ne sera pas une recherche sans utilité. Si la très-courte durée de l'obscurité totale n'y mettait obstacle, on trouverait certainement des résultats curieux en dirigeant successivement un polarimètre sur toutes les régions atmosphériques voisines du cône d'ombre. Mais tant d'observations ne sauraient être faites en 2 à 3 mi- nutes ; il faudra se borner aux plus importantes. La légère coloration que l'atmosphère et les objets ter- restres éprouvent au moment oi^i une grande partie du Soleil est cachée, semble impliquer qu'alors il nous arrive, avec une quantité de lumière blanche, quelques rayons élémentaires (rouges, orangés et jaunes), isolés, séparés des autres. Cette décomposition de la lumière blanche peut s'opérer par voie de diffraction sur le bord de la Lune, et, dans ce cas, le limbe de l'astre observé direc- tement doit paraître irisé. Ces iris existent-ils toujours? ne commencent-ils à être sensibles et à produire une co- loration appréciable sur la Terre qu'au moment où leur V62 NOTICE SUR LF.S ÉCLIPSES. largeur est dans un certain rapport avec celle du segment du Soleil resté visible et blanc? C'est ce qu'il faudra dé- cider. L'emploi de verres colorés devra donc être totale- ment proscrit dans les observations d'éclipsés totales. 11 sera indispensable que les astronomes aient recours aux combinaisons de verres qui laissent au Soleil toute sa blancheur naturelle. Si, absorbés par d'autres soins, les astronomes aban- donnent à des amateurs l'observation de la coloration des ol^jets terrestres et de l'atmosphère, ils devront les tenir en garde contre les eflets des contrastes. Il sera néces- saire qu'on soit bien averti que la présence de quelque lumière artificielle pourrait communiquer aux objets éclai- rés directement par l'auréole luminaire, et secondaire- ment par l'atmosphère, des colorations sans réalité. A une époque oia l'on semble prendre à tâche d'oublier qu'un objet blanc peut paraître coloré, par opposition; devenir vert, par exemple, à raison du voisinage d'une lumière rouge intense, de pareilles recommandations ne sauraient être inutiles. Pendant une éclipse, la Lune se projette en noir sur le Soleil et dans sa vraie forme. La région du Soleil restée visible est donc toujours limitée par deux portions de cir- conférence de cercle. Dans les points oia ils se rencon- trent, ces deux arcs, l'un obscur, l'autre lumineux, for- ment des angles curvilignes qu'on appelle les cornes. A certains moments, les cornes peuvent devenir très-aiguës, très-efTilées. Les rayons lumineux, provenant du Soleil, qui dessi- nent en clair le sommet même des cornes et les parties NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 153 environnantes, ont rasé la surface de la Lune pour ariivcr à la Terre. Si la Lune est entourée d'une atmosphère sensible, ces rayons auront été déviés; la forme circulciirc du Soleil s'en trouvera altérée ; les cornes offriront des inflexions, des irrégularités locales sur lesquelles il sera très-utile que les observateurs portent leur attention. Ce n'est pas seulement par l'observation des cornes qu'on peut espérer d'arriver à quelques notions plus ou moins précises touchant l'atmosphère de la Lune. Les gaz , les vapeurs arrêtent toujours une portion de la lumière qui les traverse. Si notre satellite a une atmo- sphère, la grande tache noire qu'il forme en se proje- tant sur le Soleil doit être entourée parallèlement d'une sorte de pénombre, je veux dire d'une zone étroite cor- respondant à cette atmosphère. Dans toute l'étendue de la zone en question, la lumière solaire sera un peu affai- blie. On n'a pas assez profité, pour constater cet affai- blissement, des facules allongées dont la surface du Soleil est parsemée. Les facules allongées ont ordinaire- ment un éclat uniforme dans toute leur étendue. Le bord de la Lune se promène-t-il transversalement le long d'une d'entre elles, rien ne sera plus facile que de décider si la partie voisine du disque noir a la même intensité que le reste. La moindre distorsion provenant d'une réfrac- tion dans l'atmosphère de la Lune deviendrait également visible de cette manière. En un mot, l'observation de cer- taines facules me semble devoir être recommandée de préférence à celle des noyaux des grandes taches, quoi- qu'en général les astronomes s'en soient peu occupés. Halley rapporte qu'en 1715 le segment oriental du 454 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. Soleil qui resta le dernier visible, pouvait être impuné- ment regardé dans la lunette sans verre coloré, et qu'il n'en fut pas ainsi, à la lin de l'éclipsé, du segment occi- dental qui reparut le premier. Pour expliquer ce phénomène, le grand observateur se montra disposé, comme de raison, à faire jouer à l'œil le principal rôle. Ainsi il reconnaissait qu'à la fin de l'é- clipse, la pupille, plus dilatée qu'au commencement, devait donner passage à plus de lumière; mais une se- conde cause lui semblait avoir dû influer, o La partie orientale de la Lune, disait-il, venant d'être échauflce pen- dant une période égale à près de quinze de nos jours, ne pouvait manquer d'avoir eu son atmosphère remplie des vapeurs qu'une si longue action solaire avait dû élever. D'après les conditions physiques de cette atmosphère orientale, elle devait donc affaiblir sensiblement l'éclat des rayons solaires qui la traversaient. Le bord occi- dental venait, au contraire, d'éprouver une nuit de même durée (d'une quinzaine de jours), pendant laquelle les vapeurs soulevées dans la période précédente s'étaient précipitées. Les rayons qui traversaient cette seconde région atmosphérique plus pure, plus transparente, de- vaient être très-vifs. » Ceux qui croiraient encore ces conjectures dignes de vérification, trouveraient aisément, ce me semble, le? moyens de sortir de l'incertitude qu'éprouvait Halley, Pour mettre de côté toute influence de l'ouverture de k pupille, ils n'auraient qu'à adapter à leur lunette un grossissement tellement puissant que la largeur du fais- ceau parallèle sortant de l'oculaire, fût inférieure au dia- NOTICE SUR LES ÉCLIPSES, 155 mètre que conserve la pupille dans ses plus fortes réduc- tions. Les effets de l'éblouissement, de la fatigue, seraient éliminés à leur tour, en consacrant à l'observation de l'im- mersion et de l'émersion du Soleil , l'œil constamment couvert qui n'aurait pas servi à l'étude des autres phases. 11 résulte, en effet, si j'ai bonne mémoire, de diverses expériences de Du Fay, que l'éblouissement d'un œil ne se communique pas à l'autre. Supposons le Soleil entouré d'une atmosphère. Les rayons qui nous viendront des bords de l'astre auront tra- versé cette atmosphère dans une plus grande épaisseur que les rayons émanant du centre. Il n'est donc pas cer- tain que les deux espèces de rayons soient parfaitement identiques. Par exemple, les bandes de Frauenhofer pour- raient y démontrer des dissemblances provenant des ab- sorptions inégales que les faisceaux lumineux auraient subies en traversant des épaisseurs diverses de l'atmo- sphère solaire. L'expérience a été faite avec un résultat négatif pendant l'éclipsé annulaire de 1836. Je ne pro- pose pas de la renouveler. 11 est inutile de consacrer la très-courte durée d'une éclipse h des observations qui peuvent être faites tous les jours de l'année. On a souvent espéré pouvoir décider, d'après la mar- che du thermomètre pendant la durée d'une éclipse, si toutes les parties du Soleil sont également lumineuses. Ce genre d'observation ne doit pas toujours prendre le temps des astronomes : le Soleil peut être trop bas en France pour qu'on puisse espérer que la marche du thermomètre ait une grande régularité. D'ailleurs les intensités com- paratives, thermoméiriques ou photométriques, des di- 156 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. vers points du disque solaire peuvent être établies direc- tement. Pendant l'éciipse du 15 mai 1836, on a suivi à Paris la marche de deux thermomètres, l'un blanc, l'autre noir, et qui avaient été exposés au Soleil dans deux globes vides d'air. On n'a pu en tirer aucune conclusion cer- taine sur les elTets calorifiques comparatifs des rayons qui partent des bords et du centre du Soleil. Des vapeurs et même des nuages ont été, pendant la durée de l'éclipsé, une source de perturbation évidente et dont il serait impossible de faire la part exacte. Sénèquc nous apprend que Posidonius vit une comète au moment d'une éclipse totale de Soleil. On a rapporté l'observation à l'année 662 avant notre ère. Cette année il y eut, en elTet, ù Athènes, une éclipse totale. L'an 418 après J.-C, du temps de l'empereur Théo- dose, on aperçut aussi, dit-on, une comète pendant une éclipse totale de Soleil. Je ferai donc une chose toute naturelle en recomman- dant aux observateurs des futures éclipses, de s'entourer de personnes qui, pendant la durée de l'obscurité totale, chercheront si quelque comète ne serait pas sur l'horizon. CHAPITRE VII HEURES DD COMMENCEMENT ET DE LA FIN DE l'ÉCLIPSE ; HECRIIS DU COMMENCEMENT ET DE LA FIN DE l'OBSCURITÉ TOTALE Les annonces insérées dans les Éphémérides , les an- nonces qui fixaient , ainsi que nous l'avons vu (chapi- tre II, p. 141), en heures, minutes et secondes, le com- NOTICE SUR LES ECLIPSES. 157 rnencemeiit et la fin de l'éclipsé du 8 juillet 1842, le commencement de Tobscurité totale, la durée de cette obscurité, ne se sont guère accordées avec l'observation que dans les limites d'une trentaine à une quarantaine de secondes. Ces diiïérences ont indiqué une correction à faire aux Tables de la Lune, au demi -diamètre de cet astre et à celui du Soleil. Partout, en efTet, la discordance s'est manifestée dans le même sens ; je me trompe, on pourrait, à toute rigueur, citer une exception : elle serait t^ournie par les observations de Narbonne. Les amateurs zélés qui s'étaient réunis dans cette ville ont imprimé que le disque de la Lune échancra celui du Soleil à l'instant prévu, et confirma ainsi l'infaillible exac- titude des prédictions astronomiques. Rien de plus catégorique que ces paroles; mais on aurait dû nous apprendre à qui avait été empruntée, pour la station de Narbonne, la prédiction du commen- cement de l'éclipsé, car cette ville ne figure pas dans le tableau de M. Largeteau. Il n'eût pas été moins néces- saire d'indiquer les méthodes à l'aide desquelles les chro- nomètres de Narbonne furent réglés la veille et le jour du phénomène. Des télescopes, des lunettes, des polaris- copes (ce sont les seuls instruments mentionnés dans le Mémoire que j'ai sous les yeux), ne peuvent pas servir à déterminer l'heure. L'anomalie offerte par les observa- îions de Narbonne ne saurait donc infirmer les résultats a'ouvés partout ailleurs. Les observations de Perpignan ont été faites à la cita- delle, sur la terrasse du commandant , en un point de la courtine bornant extérieurement cette terrasse, dont la Io8 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. latitude, déterminée ;\ l'aide d'un tliéodolite-répétiteur de M. Gambey, est de 62" ki' li^. La longitude de ce même point, d'après une opération géodésique aboutissant à la tour Saint-Jacques, une des stations de la grande triangulation de lu France, est, par rapport au méridien de Paris, de 0''2'"16.'.3 à l'orient. La marche des chronomètres avait été déduite de hau- tem's absolues de plusieurs étoiles et du Soleil , observées à l'aide d'un théodolite-répétiteur de M. Gambey. La lunette de M. Laugier avait 93 millimètres d'ou- verture ; le grossissement était de cinquante-cinq fois. La lunette de M. Mauvais avait 150 millimètres d'ou- verture ; le grossissement était de cent vingt fois. Celle dont je me servais avait 91 millimètres d'ouver- ture ; le grossissement était de cinquante-six fois. Voici nos résultats : Commencement de l'éclipsé. Temps moyeu de Perpignan. Arago W" 5/1"' 8* Laugier k 5/i 9 Mauvais 4 54 8 Commencement de l'éclipsé totale. Arago 5" /ie" 51^ .4 Laugier 46 51 .4 Mauvais 46 51 .9 Fin de l'obsctirité totale. Mauvais 5" 49"' 2' .5 NOTICE sua LES ÉCLIPSES. 459 Fin de l'éctipse. Arago 6" liG'" 16' .6 Laugier U6 15 .6 Mauvais Zt6 15 .G J'ai réuni , dans le tableau suivant , les résultats des observations faites dans les principales stations de l'Eu- rope, exprimés en temps moyen du lieu, compté de minuit. Commen- Commen- cement "^f^""^ , ,.V" ■,- Fin j„ de de 1 obscurité ^„i'-,i- „„ récïpse. l'/fr totale. ^ ZiO"' (38'" après le moment de l'obscurité totale, et 23"' avant la fin de l'éclipsé), j'ai vu presque entière- ment le disque de la Lune, comme lorsqu'on aperçoit la lumière cendrée ; mais le bord qui se détachait du Soleil était toujours plus lumineux. » M. Flaugcrgues se servait, à Toulon, d'un télescope (c'est-à-dire d'un instrument à réflexion) de 60 centimè- tres de long. Malgré la petitesse de cet instrument, M. Flaugergues vit parfaitement le contour de la Lune en dehors du Soleil, Voici le passage dans lequel M. le professeur de l'École de l'artillerie de marine rend compte de son observation : « Vers le milieu de l'éclipsé croissante, le disque de la Lune a été visible sur un arc de 25 degrés environ au delà de chacun des deux points d'intersection des circon- 1. La lunette de M. Mauvais avait beaucoup plus d'ouverture que celle dont je me servais ; les surfaces des objectifs de nos deux lunettes étaient entre elles dans le rapport de 26 à 10. NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 215 férences. Lorsque l'éclipsé arriva à 11 doigts ( aux 11 /12" du diamètre), tout le disque de la Lune s'est trouvé visible, la lueur s'étant étendue sans devenir plus vive. » Je crois pouvoir assimiler aux observations qui précè- dent, la remarque suivante, extraite d'un article du doc- teur Magrini, que je trouve dans la Gazette privilégiée de Milan : «La lumière appelée cendrée semblait plus claire vers le disque du Soleil, tant avant l'immersion qu'après l'émersion. » La visibilité de la partie de la Lune qui se projetait en dehors du Soleil et à une grande distance du bord de cet astre radieux , aurait pu donner lieu à des expériences intéressantes. Il me vint tout de suite à la pensée de placer le Soleil hors du champ de la lunette, et d'exami- ner le contour de notre satellite sans verre coloré ; mais la crainte d'un de ces éblouissements connus des astro- nomes, dont la persistance va quelquefois à des jours, à des semaines , à des mois , et qui m'aurait empêché de suivre avec précision les autres phases de l'éclipsé, me fit abandonner mon projet. Je crus d'ailleurs me rappeler que M. Baily, dans un de ses Mémoires, citait Van Swinden et M. Bessel , comme ayant aperçu le bord de la Lune hors du Soleil, pendant les éclipses annulaires de 1820 et de 1836. Dans cette idée, je me persuadai que nous venions simplement de confirmer une ancienne re- marque. De retour à Paris, le désir de rendre une complète justice à ceux qui nous avaient devancés, me conduisit à consulter les Mémoires originaux de Van Swinden et de 216 NOTICE SUR LKS ECLIPSES. M. Bcssel. Je reconnus alors que les observations de ces doux célèbres astronomes étaient totalement différentes de notre observation de Perpignan. Les premières, en effet, avaient trait aux régions très-voisines du Soleil, aux régions où s'engendrent les flammes qui paraissent surgir du disque de la Lune, aux régions où ce disque déborde à peine celui de Tastre qu'il éclipse; nous les citerons dans le dernier chapitre de cette Notice : à Perpignan, à Digne, à Toulon, il s'agissait du contour de la Lune, visible sur le ciel, à une très-grande distance du bord du Soleil. Avant de discuter et d'expliquer autant que possible l'observation de Perpignan, recherchons si d'anciens astronomes n'auraient pas noté quelque chose d'analo- gue. Le lecteur se rappellera qu'il est question d'un astre non lumineux par lui-même, placé entre le Soleil et la Terre, éclairé conséquemment sur la face que nous ne pouvons apercevoir, et qui néanmoins est visible en se projetant sur des régions du ciel voisines de celles où se trouve le Soleil. Voici une observation qui remonte à 1736 : Dans le passage de Mercure du 11 novembre de cette année, M. Plantade, de Montpellier, vit la planète à une époque où elle ne se projetait plus sur le Soleil. Cette apparition extérieure, si l'expression m'est permise, ne dura que 6 à 7 secondes. Pendant que Mercure se projetait sur le Soleil, son disque noir parut à M. Plantade entouré d'un anneau lumineux. Cet anneau est précisément ce que l'astronome de Montpellier crut voir persister hors du disque appa- NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 217 rent du Soleil pendant 6 à 7 secondes {Mémoires de VA- cadémie, 1736, p. UdO). Un objet regardé longtemps avec beaucoup d'atten- tion laisse sur la rétine une impression de quelque durée. Ne serait-il pas possible que le Mercure vu en dehors du Soleil par M. Plantade n'eût été qu'une de ces images parasites ? L'astronome De l'Isle, de l'Académie des sciences, très-frappé de la remarque de M. Plantade, invita publi- quement les observateurs à essayer, pendant les éclipses, de voir la portion de la Lune qui se projetterait en dehors du disque du Soleil. Short répondit à cet appel. Yoici en quels termes il parle de sa recherche, dans un Mémoire relatif à l'éclipsé annulaire de l'année 17/|8. Short faisait usage d'un télescope de /j. pieds anglais Cl". 22) de foyer, portant un grossissement de 120 fois. «Je cherchai, avec toute l'attention possible, à voir le disque de la Lune avant qu'il atteignît le Soleil, et après son entière émersion , mais je ne pus rien décou- vrir. » Et comme s'il était honteux d'avoir fait une pareille tentative, Short ajoute : « Je mentionne ceci pour la satis- faction de M. De l'Isle, qui avait recommandé publique- ment la recherche aux astronomes. » D'après ce qu'on vient de lire, le célèbre opticien anglais ne paraîtrait avoir essayé de découvrir la partie du limbe de la Lune qui se projetait hors du Soleil, qu'a- vant le commencement de l'éclipsé et après la fin. Les chances de réussite eussent été beaucoup plus grandes, s'il avait fait ses essais lorsque la portion visible du Soleil se trouvait réduite à la moitié, au tiers, etc., etc. 918 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. Short n'est pas le seul qui ait cherché si le contour de la Lune ne pourrait point, pendant les éclipses, être aperçu on dehors et à quelque distance du Soleil. M. Besscl rapporte que 10 secondes après le moment où réclipsc de 1836 fut presque annulaire ù Kœnigsberg, que 10 secondes après le moment où il aperçut autour de la Lune la zone lumineuse dont je parlerai tout h l'heure, la zone que j'ai considérée comme la région où s'agglomère la matière des protubérances lumineuses, « aucune trace du limbe de la Lune n'était visible » hors du Soleil. Dans le Mémoire où le docteur Robinson rendit compte de l'observation faite à Armagh, de la môme éclipse, presque annulaire, du 15 mai 1836, je lis : « On ne voyait aucune trace de la circonférence de la Lune en dehors du Soleil. » Il résulte de cet aperçu historique qu'aucun astro- nome ne découvrit jamais le contour de la Lune dans la position, dans les circonstances où il nous a été donné de le voir le 8 juillet 1842. En se reportant aux détails de l'observation, on trou- vera qu'elle soulève cette série de questions : Quelle était la cause physique qui rendit la Lune visi- ble, si près du Soleil, le 8 juillet 18û2? Pourquoi cette visibilité diminuait-elle à mesure qu'on s'éloignait de la périphérie du Soleil? Pourquoi la visibilité n'était-elle pas la même des deux côtés du croissant solaire? Comment arriva-t-il qu'entre trois lunettes ayant à peu près la même force, une seule rendait le limbe de la NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 219 Lune visible? Comment, avec des yeux déjà fatigués, me fut-il donné, à l'aide de Tinstrument privilégié, de voir ce qui échappait aux investigations de deux collabora- teurs jeunes, très-exercés et avertis, mais se servant de deux autres lunettes? Je passe aux considérations qui me paraissent conduire à une solution plausible de toutes ces difficultés : L'expérience a montré que pour le commun des hom- mes, deux espaces éclairés et contigus ne se distinguent pas l'un do l'autre, à moins que leurs intensités compara- tives ne présentent, au minimum, une différence de l/ô/i". Ce point de fait ^ sera la clef de toutes nos explications. Quand une lunette est tournée vers le firmament, son champ (j'emploie l'expression des opticiens) semble uni- formément éclairé : c'est qu'alors il existe, dans un plan passant par le foyer et perpendiculaire à l'axe de l'objec- tif, une image indéfinie de la région atmosphérique vers laquelle la lunette est dirigée. Supposons qu'un astre, c'est-à-dire un objet situé bien au delà de l'atmosphère, se trouve dans la direction de la lunette : son image ne sera visible qu'autant qu'elle augmentera de i/Qd" au moins l'intensité de la portion de l'image focale indéfinie de l'atmosphère sur laquelle sa propre image limitée ira se placer. Sans cela, le champ visuel continuera à paraître partout de la même intensité. Ces prémisses convenues, passons au cas spécial de la Lune. Le 8 juillet 1842, au moment de la conjonction des 1. Astronomie populaire, liv. V, chap. IV, t. I,p. 192. 220 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. deux astres, l'hémisphère de la Lune qui faisait face à nos instruments ne recevait aucun rayon direct du Soleil; il n'était éclairé que par la Terre; il ne pouvait nous envoyer que la lueur qui a été appelée cendrée à cause de son extrême faiblesse. Or, l'intensité de l'image cendrée de la Lune n'était certainement pas égale, 40 minutes seulement après le commencement de l'éclipsé, à la soixante - quatrième partie de l'intensité que la lumière atmosphérique possédait, dans la région voisine du Soleil sur laquelle la Lune se projetait. Ce n'est donc pas dans la lumière cendrée qu'il faut chercher la cause qui rendit la Lune visible le 8 juil- let 18/i2; malgré cette lumière, la portion du champ de la lunette où l'image de notre satellite se peignait, devait se confondre avec la portion environnante, avec la por- tion où existait seulement l'image de l'atmosphère ^. Portons maintenant nos regards plus loin. L'i Lune, à cause de son opacité, doit arrêter les rayons lumineux, émanant d'objets plus éloignés qu'elle, qui la rencontrent dans leur trajet vers la Terre. D'où ces rayons pourraient-ils provenir? D'une nébuleuse, de quelque 1. Pour ne laisser aucun doute sur cette conséquence; pour montrer que la lumière cendrée n'a pu être, en aucune manière, la cause de la visibilité de la Lune, dans un moment où l'éclipsé du 8 juillet 18/!i2 était encore peu avancée, je dirai : Qu'en me servant de la lunette, du grossissement et du verre coloré dont je faisais usage à Perpignan, je n'ai réussi qu'avec une peine extrême, qu'après un temps très- long, à découvrir, de nuit, une très- faible trace de la pleine I^une. Or, la lumière cendrée est plusieurs mil- liers de fois plus faible que la lumière de la pleine Lune; or, à Perpignan , il faisait encore très-grand jour quand nous voyions le bord de cet astre. NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 221 région de la Voie lactée, de la tête ou de la queue d'une comète, de la lumière zodiacale, ou de toute autre partie de Tatmosphère solaire. Considérons spécialement le cas oii la Lune se pro- jette en partie sur l'atmosphère du Soleil. Dans la por- tion du champ de la lunette oij, mathématiquement par- lant, l'image de la Lune se forme, il n'y a, il ne peut y avoir, que la lumière provenant de l'atmosphère terres- tre : la Lune ne fournit rien de sensible, et, semblable à un écran, elle arrête tout ce qui provient de plus loin et lui correspond. En dehors de cette image, et précisément à partir de son bord, le champ est éclairé à la fois par la lumière de l'atmosphère terrestre et par la lumière de l'atmosphère solaire. Supposons que ces deux lumières réunies forment un total plus fort de l/6/i* que la lumière atmosphérique terrestre, et, dès ce moment, le bord de la Lune sera visible. Le genre de vision dont il vient d'être question peut prendre le nom de vision négative : c'est, en effet, par une moindre intensité de la portion du champ de la lunette où existe l'image de la Lune, que le contour de cette image est aperçu. Si l'image était plus intense que le reste du champ, la vision serait positive. Pour le dire en passant, c'est par la vision négative que nous apercevons à l'horizon les montagnes terrestres obscures ou boisées; c'est, au contraire, par la vision positive qu'on distingue 'ordinairement les sommités couvertes de neige. La région lumineuse, qui, par le mode d'action dont il vient d'être parlé, rendit le bord de la Lune visible à Perpignan, à Digne, à Toulon, est suivant moi, celle de 222 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. l'auréole lunaire. 11 iniportc peu, quant au rôle que je veux ici faire jouer à cette auréole, qu'elle soit un jeu d'optique, ou qu'il faille la considérer comme une des enveloppes matérielles du Soleil, comme une partie de son atmosphère. Ai-je trouvé la véritable cause du phénomène? Le bord de la Lune a dû se montrer d'autant mieux qu'il se pro- jetait sur une région plus intense de l'auréole. Qu'a dit l'observation? Toutes les relations sont d'accord à ce sujet : l'auréole, pendant l'éclipsé totale, était très-brillante et d'une inten- sité uniforme dans une largeur d'environ 2 à 3 minutes; ensuite elle s'alfaiblissait rapidement vers l'extérieur. Eh bien, le bord de la Lune se présentait avec des circon- stances analogues lorsque nous l'observions sur le ciel, 40 minutes après le commencement de l'éclipsé : il était très-visible, dans une certaine étendue, près du Soleil; plus loin on l'apercevait difficilement. L'auréole, pendant l'éclipsé totale, parut traversée en quelques points par des jets lumineux et des jets compa- rativement obscurs, semblables aux gloires des saints. Là où, dans le temps assez court que nous donnâmes à la recherche du bord de la Lune, ce bord se projeta sur un des jets obscurs, il dut être moins visible. Enfin, la visibilité dépendait de la bonté de la lunette; non pas de la bonté considérée à la manière ordinaire, mais d'une qualité spéciale, cachée, dont il importe de chercher les caractères. Voici les considérations théori- ques auxquelles j'ai cru pouvoir m'arrêter. Quand la Lune est visible, son image télescopique est NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 223 de l/ô/j." au moins plus faible que l'image télescopique de la portion d'atmosphère qui l'entoure. Plaçons devant l'objectif de la lunette un diaphragme qui en diminue l'ou- verture. Ce diaphragme fera varier dans le même rap- port la lumière atmosphérique correspondant à l'image de la Lune, et la lumière qui se réunit autour de cette image. L'une de ces lumières, comme tout à l'heure, surpassera l'autre de ijQli'; le contour de l'astre se verra donc après la réduction de la surface de l'objectif par le diaphragme, comme il se voyait avant cette réduction. Les choses auraient été tout autres, si, au lieu de réduire l'ouverture de la lunette à l'aide d'un corps opaque, on avait placé devant la même portion de l'ob- jectif un verre dépoli. Ce verre, frappé par les rayons solaires, en eût dispersé uniformément une grande partie dans toute l'étendue du champ de la lunette, c'est-à-dire sur la région occupée par l'image de la Lune, aussi bien que sur celle où se formait seulement l'image de l'atmo- sphère. Remarquons maintenant qu'en ajoutant une même quantité à deux nombres, on change leur rapport géométrique, et nous arriverons au but. Primitivement, l'éclat de l'atmosphère étant 65, et celui de la Lune 6!i, la différence des deux nombres s'élevait à 1/64% comme cela était nécessaire pour la visi- bilité; mais, lorsque, sous l'influence du verre dépoli, chacune de ces intensités se serait trouvée accrue de 10 unités par exemple, l'intensité de l'atmosphère étant devenue 75, et celle de la Lune Ik, la différence des deux, réduite à 1/74% n'aurait plus suffi pour rendre le contour de la Lune visible. 224 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. Cet effet crun verre dépoli, ou, plus généralement, d'un écran dispersant la lumière, une fois bien compris, pour expliquer comment les lunettes de MM. Laugier et Mauvais ne faisaient point voir ce qui était si apparent dans la mienne, il suffira de supposer que les deux len- tilles de l'objectif de celle-ci étaient plus propres, mieux nettoyées à leurs surfaces extérieures et intérieures, que les quatre surfaces correspondantes de chacun des objec- tifs des deux autres lunettes. La faculté dispersante de la poussière, soit à l'état sec, soit amenée à l'état pâteux par son mélange avec un peu d'humidité, doit être, en effet, connue de tous les physiciens. La nature plus ou moins opaline, plus ou moins bulleuse des lentilles, pour- rait aussi être prise en considération ; mais j'abandonne ces détails à la sagacité des lecteurs. Quoi qu'il en soit de mon explication , le fait restera incontestable : la Lune peut être aperçue dans des posi- tions où depuis cent ans on n'avait pas même essayé de la découvrir. Les astronomes qui voudront savoir si les Tables de cet astre sont aussi exactes le jour de la con- jonction que dans les quartiers, les octants, les pleines Lunes, etc., ne seront pas réduits désormais aux seules observations des -Iclipses. En résumé, pendant l'éclipsé de 1842, au moment oii la moitié du disque solaire était couverte par la Lune, la portion de ce dernier astre qui ne se projetait pas sur le Soleil devint visible. J'ai cru pouvoir assimiler ce phé- nomène à ceux que les opticiens ont rangés sous le nom de vision négative, et qui nous fait voir les montagnes très-éloignées se projetant en noir sur l'atmosphère un NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 225 peu plus resplendissante. Ici, la région du ciel , entourant le corps obscur de la Lune, prédominerait sur la lumière atmosphérique correspondante à cet astre, et sur la lu- mière cendrée, à raison de la lumière de l'auréole, quoi- qu'elle ne soit pas alors visible séparément. M. Kutczycki, qui n'avait pas sous les yeux la discus- sion à laquelle je m'étais livré des résultats obtenus dans j'éclipse de 1842, n'a pas fait à Honolulu en 1850 une observation analogue à celle qui fut recueillie à Perpi- gnan. Nous recommanderons aux astronomes qui auront l'oc- casion de la répéter, de noter, soit pour justifier, soit pour infirmer l'explication que j'en ai donnée, si la Lune se projette en noir ou en clair sur l'atmosphère dont le Soleil est entouré. CHAPITRE XVIII SUR DN MOUVEMENT ONDCLATOIRE QDI SE MAMFESTE PEU DE TEMPS AVANT ET PEU DE TEMPS APRÈS l'ÉCLIPSE TOTALE, C'EST-A-DIRE LORSQUE LE SEGME?JT SOLAIRE VISIBLE A TRÈS-PEU DE LARGEUR En examinant attentivement des écrans sur lesquels le Soleil donnait en plein, j'avais souvent remarqué sur leur surface, tantôt ici, et tantôt là, des variations d'intensité brusques, momentanées, sans régularité, mais très-mani- festes. Ces variations étaient évidemment l'effet de mou- vements particuliers dans les couches atmosphériques traversées par les rayons solaires ; elles provenaient d'une certaine action exercée par des courants doués de tempé- ratures, de densités, de réfrangibilités diverses. Toile est, VII. —IV. 15 226 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. dans sa plus grande généralité, la cause du phénomène; telle est rexplication vue en gros. Reste l'étude des détails, reste l'épreuve à laquelle les théories physiques erronées ne résistent jamais. Ici des difficultés surgissent de toutes parts; un phénomène en apparence si simple, semble se rattacher, du moins en partie, aux propriétés les plus subtiles de la lumière. Ce lien, vrai ou supposé, entraînait à mes yeux une conséquence importante : les effets devaient être d'autant plus fréquents, d'autant plus caractérisés, que le segment visible du Soleil aurait un moindre diamètre apparent. Cette conséquence me revint à l'esprit lorsque, déjà arrivé à Perpignan, je songeais à mettre à profit la bonne volonté , les offres de concours de plusieurs de mes compatriotes. Pour éviter que l'ob- servation du mouvement ondulatoire dont il vient d'être question, et sur lequel je voulais diriger l'attention de mes collaborateurs , ne fût influencée par des idées pré- conçues, je crus ne devoir rien divulguer d'avance, tou- chant les résultats auxquels je m'attendais. Je me con- tentai de dire : Portez vos regards sur un mur exposé à la lumière du Soleil, quelques instants avant la dispari- tion de l'astre, quelques instants après sa réapparition, et tenez une note exacte de ce que vous apercevrez. Voici un passage de la lettre que M. Fauvelle m'écrivit le 9 juillet, le lendemain de l'éclipsé : « Au moment oii l'éclipsé allait devenir totale, je vis les derniers rayons du Soleil onduler fortement et avec vitesse sur la muraille blanche d'un des établissements militaires du rempart Saint-Dominique. L'effet peut être comparé à ce qu'on observe lorsque la lumière solaire NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 227 tombe sur un mur ou sur un plafond, après avoir été réfléchie à la surface d'une nappe d'eau agitée. « Le même phénomène se reproduisit au moment de l'émcrsion du Soleil. Les ondulations, fortes d'abord, s'alTaiblirent graduellement et disparurent tout à fait au bout de 5 à 6 secondes. < L'observation a été faite en trois points différents par plus de vingt personnes qui le certifieraient au besoin. » A la citadelle de Perpignan, nous n'apercevions guère que des murs en briques assez éloignés, peu propres à faire ressortir des mouvements de bandes obscures et lumineuses. La façade de la grande tour elle-même, à cause des nuances variées des pierres qui en forment le revêtement, à cause aussi de sa distance, était peu favo- rable. Toutefois, pendant les 8 ou 10 secondes que nous pûmes donner personnellement à ce genre d'observa- tions, la façade en question nous parut éclairée, quoique le ciel fût très-pur, par une lumière singulièrement vacil- lante. Je trouve, dans le Mémoire que M. Eugène Bouvard me remit en revenant de Digne, la note ci-après de M. Savournin, ecclésiastique fort instruit, demeurant à Seyne. «On a vu ici des ombres et des taches lumineuses courir les unes après les autres, comme paraissent le faire les ombres produites par de petits nuages qui pas- sent successivement sur le Soleil. Ces taches n'étaient pas de la même couleur : il y en avait de rouges, de jaunes, de bleues, de blanches. Les enfants les poursuivaient et essayaient de mettrf la main dessus. Î28 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. « Ce phénomène extraordinaire fut remarqué quelques instants seulement avant la disparition complète du Soleil. » M. Auguste Attenoux , de Salon , m'écrivit le jour même de l'éclipsé, une lettre que je vais reproduire tex- tuellement : «... Je m'étais transporté, pour mieux observer l'é- clipse, sur une petite élévation qui domine la ville; le ciel était serein, et un petit vent nord-ouest (le mistral), assez frais pour la saison, se faisait sentir, lorsque quel- ques secondes avant la disparition du dernier rayon solaire, je vis très-distinctement, ainsi que la seule per- sonne qui était auprès de moi, une légère ondulation dans l'air qui suivait, autour de nous, la direction du vent. Ce mouvement n'était nullement semblable à celui que produit l'émission de la chaleur sur un corps métallique fortement chauffé, ou pendant une grande journée d'été h midi, celui que nous voyons à quelques centimètres au-dessus du sol de la Crau. C'était un mou- vement ondulatoire bien distinct, bien apparent, et que je puis comparer à celui qu'aurait eu l'eau exposée au même vent dans un grand bassin, en formant quelques vagues assez allongées, se succédant ra[)idement les unes aux autres. Ce phénomène s'est reproduit après l'apparition subite du Soleil et n'a duré que quelques secondes. «Plusieurs personnes à qui je viens de faire part de ce fait s'en sont aperçues comme moi, et nous pouvons dire avec hardiesse maintenant que nous avons vu passer le vent. » NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 229 Je n'hésite pas à assimiler le phénomène décrit par M. Attenoux à ceux de Perpignan et de Seyne. 11 me paraît évident, en effet , quoique la lettre ne soit pas explicite à cet égard, que l'observation a dû être faite en .fixant les regards vers le sol ou sur un mur. S'il était vrai que M. Attenoux eût vu les ondulations dont il parle en regardant en l'air, le phénomène, sans changer de caractère, mériterait une discussion à part. M. d'Hombres-Firmas a publié une relation des obser- vations faites à Alais. On y lit que dans cette ville l'éclipsé ne fut pas totale; qu'une portion du Soleil, large d'en- viron un cinquième de doigt, resta toujours visible ; que les personnes qui étaient sur la terrasse du fort, sur la place de la Maréchale, ou sur la grande route, et celles qui se trouvaient près de façades hautes et larges, aper- çurent un phénomène curieux. Des bandes alternative- ment claires et ombrées, très-allongées, parallèles, dirigées de l'ouest à l'est, se dessinèrent sur le terrain ou sur les bâtiments, comme les plis d'un immense rideau; elles semblèrent onduler et rouler. .. ; elles furent d'autant plus apparentes, que le segment solaire visible' était plus étroit. » Pour qu'il n'y eût pas d'équivoque possible sur la signification des expressions bandes alternatwement claires et ombrées, M. d'Hombres-Firmas explique qu'il a entendu parler de lignes ou de traînées de lumière sur un fond ombré. La petite brochure que M. J. Guérin, ancien directeur du Musée d'Avignon, a fait paraître, renferme, sous le titre de Phénomène singulier, un chapitre dont je ne puis me dispenser de citer quelques lignes : 230 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. « Plusieurs personnes remarquèrent avec une extrême surprise, sous un ciel calme et sans nuages, pendant les quelques secondes qui suivirent la réapparition du Soleil, des ombres légères se succéder rapidement, poussées du nord au sud avec une apparence de vacillation. On les remarqua principalement dans les lieux unis et découverts. «.... Ces ombres avaient quelques rapports avec les vagues très -superficielles d'un lac, poussées parallèle- ment et avec rapidité. » Le Mémoire de M. Lenthéric, de Montpellier ; celui de MM. Pinaud et Boisgiraud, de Toulouse, nous fourni- ront deux citations intéressantes relatives au même phé- nomène : « Un peu avant le commencement de l'éclipsé totale, dit M. Lenthéric, on voyait par terre et sur les murs, des ombres onduleuses composées d'une suite d'arcs de 3 à li décimètres de longueur, sur une largeur beaucoup moindre, paraissant tourner sur eux-mêmes. L'effet pro- duit était analogue à ces ombres mobiles qu'on voit sur le fond d'un bassin peu profond plein d'une eau limpide, lorsque la surface, légèrement agitée, est éclairée par les rayons solaires. » Voici, textuellement, les remarques de MM. Pinaud et Boisgiraud : «Quelques minutes avant l'éclipsé totale, des ombres vagues et mouvantes, semblables à celles que produit un nuage de fumée passant devant le Soleil , se sont dessi- nées sur le mur de la tourelle gothique (de la cathédrale de Narbpnne). Elles marchaient avec assez de vitesse et dans une direction différente de celle du vent. Ces ombres NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 231 ont aussi été remarquées en d'autres lieux par les per- sonnes de la ville. Elles n'ont commencé à être visibles que lorsque la lumière qui les engendrait a été suffisam- ment affaiblie. Il faut les attribuer sans doute à ces cou- rants de vapeur qui ont donné naissance aux mouvements ondulatoires dont nous avons signalé l'existence sur les contours de la partie visible du Soleil ^. » Le lecteur s'étonnera avec raison que mon énumé- ration se termine ici, avec les observations faites en France. Il est, en effet, assez étrange qu'un phénomène observé avec tant d'évidence à Perpignan, à Narbonne, à Montpellier, à Salon, à Toulon, à Seyne, à Alais, à Visan , n'ait pas été aperçu dans les nombreuses villes d'Italie, d'Allemagne et de Russie, où tant de personnes habiles s'étaient transportées. 11 ne faut pas moins s'éton- ner du silence des anciens astronomes touchant des acci- dents de lumière qui, en \S!i2, furent tellement mani- festes, que des enfantsy trouvèrent un objet d'amusement. En parcourant page à page les collections académiques, dans le dessein de rendre ce chapitre le moins incomplet possible, je n'ai découvert qu'une seule observation ana- logue à celles de l'éclipsé de 18/i2; encore aurai-je le regret de ne pouvoir pas la citer en détail , la feuille volante sur laquelle je l'avais consignée s'étant égarée. Le trait caractéristique du phénomène sur lequel je viens d'appeler l'attention des astronomes , a été indiqué 1. Kepler vit une fois la planète Vénus projeter sur le mur d'une chambre une lumière qui paraissait éprouver des mouvements extraordinaires. Cette observation pourra être utilement rapprochée de celles que je viens de citer. 232 NOTICE SUR LES ECLIPSES. sur le titre même de ce chapitre : les lumières mobiles deviennent très-apparentes, alors seulement que la por- tion visible du Soleil, alors que la portion éclairante a des dimensions angulaires très-petites. Par cette circonstance, le phénomène, quant à sa cause intime, se rattache à celui de la scintillation; on doit l'attribuer à des elïets d'interférences. Il en est de même de la coloration signalée à Seyne. Les change- ments d'intensité que j'ai observés sur les écrans, en plein soleil , je veux dire lorsque aucune partie de cet astre n'était cachée, sembleraient se rapporter plus direc- tement aux circonstances physiques qui donnent nais- sance au mirage. Quoi qu'il en soit, on ne pourrait au- jourd'hui entreprendre l'explication minutieuse de ces phénomènes que d'une manière conjecturale. 11 est né- cessaire de faire une série méthodique d'observations sur des fractions variables du Soleil. 11 sera bon, dans les observations d'éclipsés totales, de noter l'intervalle qui s'écoulera entre le moment de l'immersion totale ou celui de l'émersion, et le moment oia ces apparitions étranges cesseront d'être aperçues. CHAPITRE XIX POLARISATION DE LA LUMIÈRE DE LA COURONNE LUNAIRE PENDANT LES ÉCLIPSES Lorsque je publiai, quelque temps avant l'éclipsé de 18/|.2, des instructions sur les principaux phénomènes qui me semblaient devoir appeler surtout l'attention des astronomes, je m'exprimai en ces termes: NOTICE SUR LES ECLIPSES. 233 «Il n'est pas probable que la lumière de la couronne lunaire doive offrir des traces de polarisation ; il sera bon, cependant, de s'assurer du fait, à l'aide du pola- riscope. » Ce passage n'était pas assez développé. En annonçant d'avance un résultat négatif, j'ai peut-être, à mon grand regret, détourné bien des observateurs de se livrer à la recherche que je leur signalais. Quoi qu'il en soit, voici l'exposé fidèle de nos très-courtes expériences de Perpi- gnan : Absorbé dans la contemplation du magnifique spec- tacle qui venait de se dérouler devant nous, et dont la durée devait être, au maximum, de deux minutes et un quart, je ne pensais plus à la polarisation de la lumière. Enfin ce phénomène me revint à la mémoire. Quelques secondes seulement nous séparaient alors de la fin de l'éclipsé totale : il n'y avait pas de temps à perdre. Je saisis sur-le-champ un polariscope à lunules placé à côté de moi ; je remis à M. Victor Mauvais un polariscope à bandes colorées, et je me rais à explorer avec mon instrument les environs de l'auréole lumineuse, l'auréole elle-même, et jusqu'à la région atmosphérique qui se pro- jetait sur le disque de la Lune. Partout je vis les deux lunules teintes de ces couleurs complémentaires qui indi- quent d'une manière infaillible la présence de rayons polarisés dans tout faisceau soumis à l'analyse délicate de l'instrument. Je n'eus pas le temps de pousser les observations plus loin. Il me fut impossible d'évaluer numériquement l'intensité de la polarisation dans la lumière provenant de la couronne, et cette même inten- 234 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. site dans la lumière correspondant aux deux régions, comparativement obscures, entre lesquelles la couronne brillait. En l'absence de ces déterminations numériques, je n'ai aucun moyen de décider, d'après mes observations, si la lumière de la couronne était polarisée par elle-même. Quant à la polarisation apparente, elle pouvait être la conséquence du mélange de la lumière atmosphérique, provenant de réflexions multiples, avec la lumière directe de la couronne. Si le rôle que jouent ces réflexions mul- tiples dans la distribution et la polarisation de la lumière atmosphérique, ne résultait pas déjà, d'une manière évi- dente, de mes anciennes recherches, on pourrait appré- cier toute son importance par les observations dont il vient d'être question. Durant l'éclipsé totale nous avons vu en effet les réflexions multiples ou secondaires porter de la lumière polarisée jusque dans la direction des lignes visuelles qui , sans l'interposition de la Lune , auraient abouti au Soleil. Voici maintenant les observations de M. Mauvais : «Pendant l'éclipsé totale j'ai dirigé sur la Lune et sur la couronne le polariscope dit de Savart, et j'ai vu les bandes irisées. Le maximum d'intensité correspondait à la position horizontale de ces bndes ; elles étaient très- vives sur la couronne et au delà; elles paraissaient moins prononcées sur la Lune même. Cependant on les voyait distinctement. » Supposons qu'aucune illusion d'optique n'ait pu se mêler à ces appréciations de mon confrère; supposons que les bandes aient été réellement plus vives dans la direction de la couronne que dans celle de la Lune, et, NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 235 contre mes prévisions, la lumière de cette couronne aura dû être polarisée par elle-même ! Je sais très-bien que cette polarisation se concilierait difficilement, dans l'état actuel de nos connaissances, avec l'explication de la cou- ronne que les astronomes compétents paraissent le plus enclins à adopter ; mais n'ai-je pas constaté, pendant la dernière éclipse totale de Lune, dans la lumière secon- daire rougeâtre qui éclairait cet astre, une polarisation très-sensible, dont il n'est pas moins difficile de rendre compte, quand on veut pousser l'explication jusqu'aux appréciations numériques? Le Mémoire de MM. Pinaud et Boisgiraud renferme ces quatre lignes : « Nous n'avons trouvé aucune trace de polarisation dans la lumière de l'auréole qui environnait le limbe de la Lune pendant l'éclipsé totale. Le polariscope dirigé vers cette auréole et dans les régions voisines, n'a donné aucune coloration sensible. » Que puis-je dire après avoir rapporté ce passage, si ce n'est qu'à Perpignan deux personnes munies d'in- struments entièrement différents ont vu, parfaitement vu les couleurs dont les observateurs de Narbonne déclarent n'avoir aperçu aucune trace. Dans les nombreuses relations que j'ai dû examiner avec l'attention la plus scrupuleuse, je n'en trouve plus qu'une où le mot de polarisation figure : c'est la relation publiée par M. Majocchi. J'y lis que M. Alberto Gabba, professeur de mathématiques à Milan, pourvu de tous les appareils nécessaires de polarisation, constata que la lumière de la couronne « était susceptible de se pola- -23G NOTICE SUR LES ECLIPSES. riser» (la liicc delT aiicllo d'argento è suscettibile d'es- sere polarizzata). Si c'est mon programme de 18/i2 qui a donné l'idée de l'expérience faite par M. Gabba, j'aurai à m' excuser de n'avoir pas été plus clair, plus explicite. 11 s'agissait, en effet, de décider si la lumière de la cou- ronne était polarisée en arrivant sans aucun intermé- diaire à l'œil de l'observateur, et nullement de recher- cher si les moyens ordinaires de polarisation , qui réussissent sur toutes les lumières connues, célestes ou terrestres, seraient également efficaces quand on les appliquerait à la lumière de la couronne. J'ose affirmer que ce dernier côté de la question n'était un objet de doute pour aucun physicien. La polarisation de la lumière des protubérances remar- quée par M. Kutczycki, pendant l'observation qu'il a faite à Honolulu de l'éclipsé de 1850, ne peut, dans le vague qui accompagne l'observation, conduire à un résultat certain. Il est possible en etfet que cette polarisation n'ait été que fictive et la conséquence de la polarisation réelle ou apparente de la lumière de l'auréole sur laquelle les protubérances se projetaient. Les observations faites par MM. Dunkin, Carrington, d'Abbadie, pendant l'éclipsé de 1851 ^, sont également insuffisantes pour résoudre le problème si important que j'ai posé. Une étude systéma- tique des phénomènes de polarisation semble devoir être recommandée expressément aux futurs observateurs des éclipses totales. J'ai cru pouvoir attribuer la polarisation observée en 1. astronomie populaire, t. 111 , p. 609. i NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 237 1862 dans la lumière de l'auréole et dans celle qui se projetait sur le corps obscur de la Lune, à la polarisa- tion de la lumière atmosphérique ramenée dans la région de notre satellite par des réflexions multiples. Il est vrai que cette explication ne s'accorde pas avec l'appréciation faite par M. Mauvais, suivant laquelle la polarisation était à son maximum sur la couronne et semblait moins pro- noncée sur la Lune même. En se servant de mon polarimètre on lèvera à cet égard tous les doutes. 11 faudra : 1" s'assurer si la polarisation existe dans des plans parallèles sur tous les points du con- tour de la couronne, auquel cas les lunules du polari- mètre seront colorées des mêmes teintes, quel que soit le point où le tube soit dirigé, pourvu que dans les diverses observations on ne l'ait pas fait tourner sur lui-même; 2° il faudra déterminer, en visant successivement sur la lumière de la couronne et sur la lumière interposée entre la Lune et l'observateur, l'angle sous lequel la pile de plaques du polarimètre fait disparaître les couleurs des lunules. Tl est clair que si l'inclinaison de la pile (comptée à partir de la perpendiculaire) à l'aide de laquelle on obtient ce résultat (la neutralisation) est plus grande lorsqu'on vise à la lumière de l'auréole que lorsque le tube est dirigé sur la Lune , on pourra en conclure que la lumière de la couronne est polarisée par elle-même , et que sa polarisation apparente n'est pas la conséquence de son mélange avec la lumière partiellement polarisée de l'atmosphère. Ce résultat serait capital, mais il ne saurait être établi que par le système d'observation que je viens d'indiquer. 238 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. Je rappellerai à ce sujet que pendant l'éclipsé totale de Lune du 31 mai iSlid, je vis des traces manifestes de polarisation dans la lumière rougeâtre qui était répandue sur le disque lunaire au moment même de la conjonction. Les observations de polarisation, je le répète, me parais- sent occuper le premier rang parmi celles qu'on doit re- commander aux observateurs des futures éclipses totales. Peut-être serait-il convenable, lorsque plusieurs astro- nomes seront réunis sur le même point, qu'ils se parta- geassent la besogne. En tous cas, ce n'est pas trop du temps de courte durée pendant lequel a lieu l'obscurité totale, pour faire, avec exactitude et d'une manière défi^ nitive, les observations de polarisation que je viens d'in- diquer. CHAPITRE XX SUR LES PROÉMINENCES ROUGEATRES QUI SE MONTRÈRENT EN DIVERS POINTS DC CONTOUR DE LA LUNE, PENDANT TOUTE LA DURÉE DE l'ÉCLIPSE TOTALE DU 8 JUILLET 18^2 *. Je demandais, naguère, au directeur de l'observatoire de Greenwich, ce qu'il pensait des flammes rougeâtres qui jaillirent de divers points du contour de la Lune pen- dant l'éclipsé de Soleil du 8 juillet 1842. « A vous parler franchement, me répondit l'illustre astronome, je ne crois pas que personne en ait donné une explication satisfai- sante. » 1. Les lumières rougeâtres dont il va être question dans ce cha- pitre ont été appelées : proéminences, protubérances, flammes, nuages , montagnes. Nous ferons usage indistinctement de toutes ces dénominations, sauf à examiner plus tard la nature réelle du phénomène. NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 239 Un phénomène dont l'esprit inventif de M. Airy n'a pas triomphé, mérite d'être décrit dans les plus grands détails. J'accomplirai d'ailleurs un devoir, en épargnant aux astronomes la peine que j'ai eue à me procurer les documents nombreux et variés qui se trouvent réunis dans ce chapitre. Toutes les fois que la matière m'a paru l'exiger, j'ai rapporté les paroles mêmes ou la traduction fidèle des paroles des observateurs. § 1. — Observations faites en France. Perpignan. — Lorsqu'on regardant dans ma lunette, de 91 millimètres d'ouverture et d'un grossissement de 56 fois, sans l'intermédiaire de verres colorés, je com- mençai à voir les deux protubérances lumineuses qui semblaient s'élancer de la région la plus basse du disque lunaire (la lunette renversait les objets), ces protubé- rances formaient déjà une forte saillie dont la grandeur ne me parut pas varier. Leur teinte était rosacée dans l'ensemble, et d'un bleu verdàtre en quelques points, peut-être par un elTet de contraste. Les contours de ces protubérances étaient parfaitement tranchés. Je remarquai dans la plus grande, vers la gau- che, une région qui se terminait par une courbe forte- ment concave en dehors. Il me parut que ni l'une ni l'autre n'avait une direction normale à la périphérie de la Lune : on aurait dit des montagnes qui devaient iné- vitablement s'ébouler. J'estimai que la plus considérable, prise dans le sens de sa longueur, sous-tendait environ 1 minute. 240 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. Les remarques de M. Laugier concordent de tout point avec celles qu'on vient de lire. Seulement, mon appré- ciation angulaire de la principale protubérance serait un peu trop petite. M. Victor Mauvais ayant accidentellement examiné le bord de la Lune plus tôt que nous ne le fîmes nous-mêmes, aperçut les protubérances quand elles commençaient à naître. Je rapporterai ici textuellement la partie du journal manuscrit de M. Mauvais qui est relative au mystérieux phénomène : «Quelques secondes après le commencement de l'é- clipse totale, comme je cherchais à mesurer la largeur de la couronne lumineuse, je vis apparaître au bord inférieur de la Lune un point rougeâtre qui ne paraissait pas encore former une saillie sensible. « 56 secondes après Téclipse totale, le point rougeâtre dont je viens de parler se transforma en deux saillies semblables à deux montagnes contiguës, d'un rouge vio- lacé, parfaitement bien terminées dans leur contour. Elles n'étaient pas d'une coloration uniforme. On voyait sur leurs flancs des traits plus foncés. Je ne puis donner une idée plus exacte de leur aspect, qu'en les comparant aux pics des Alpes, éclairés par le soleil couchant et vus de très-loin. 1 minute 10 secondes après l'éclipsé totale on vit une troisième montagne à gauche des deux premières; elle offrait le même aspect pour la coloration. Elle était flanquée de quelques pitons plus petits, mais tous parfai- tement définis. 0 Pendant la sortie de cette troisième montagne, les deux premières ne cessèrent pas de croître. Elles attei- NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 211 gnirent une hauteur qui, d'après mon estime, sous-tendait environ 2 minutes. « L'intervalle compris entre les deux groupes me parut embrasser sur la Lune un arc d'environ 25 degrés. Le groupe le plus considérable, le plus occidental en appa- rence, me semblait être de quelques degrés à gauche du point le plus bas du disque lunaire. » M. Mayette, capitaine du génie, observa l'écIipse à Perpignan avec une lunette grossissant vingt- sept fois. Dans la Note manuscrite que cet officier m'a remise, je lis : «La partie supérieure du disque lunaire (la lunette ne renversait pas) paraissait surmontée de belles gerbes de flammes rouges, immobiles, à contours très-distincts et très-tranchés. La gerbe septentrionale était inclinée sur le contour de la Lune... Je continuai à voir la gerbe du nord, quelques instants après l'émersion du Soleil. » A Perpignan, plusieurs personnes virent les protubé- rances à l'œil nu. Le fait n'est pas douteux. Montpellier. — Mon ami M. Petit, directeur de l'Ob- servatoire de Toulouse, avait bien voulu, à ma prière, se rendre à Montpellier. Il fit usage d'une lunette achroma- tique de Cauchoix de 95 millimètres d'ouverture, armée d'un grossissement de vingt-quatre fois. Voici en quels termes il me rendit compte de l'apparition des protubé- rances lumineuses : « Les deux points rouges inférieurs se sont montrés les premiers ; le plus occidental (en apparence) avant l'autre. Ils ont grandi graduellement, mais avec rapidité, comme l'auraient fait des objets parfaitement terminés, émer- VIL — IV. 16 242 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. géant de derrière le disque de la Lune. Le point situé à droite, vers l'extrémité du diamètre horizontal , s'est dé- veloppé un peu plus tard, et aussi très-rapidement. On pouvait comparer les formes de ces saillies à celles de pics élevés, vus à travers un verre rouge, et ofTrant dans leurs flancs des vallées verticales. L'un des monticules surtout était en effet sillonné de traits rouges plus foncés que le reste de l'image. » En s'aidant d'un réticule à fils fixes placé au foyer commun de l'objectif et de l'oculaire de la lunette, M. Petit trouva 1 minute 45 secondes pour la dimension angulaire de la plus haute des trois protubérances. La détermination de M. Petit me paraît devoir être considérée comme le résultat d'une véritable mesure. On ne saurait, en tous cas, la confondre avec les évaluations, si incertaines, obtenues, par voie d'estime, dans d'autres lieux. Très-peu d'instants avant la réapparition du Soleil, M. Petit vit une nouvelle flamme surgir vers le point du disque lunaire où l'émersion allait avoir lieu : celle-ci était blanche. Narbo?ine. — Les observateurs de Narbonne, MM. Pi- naud et Boisgiraud, ont rendu compte de l'apparition des proéminences rougeâtres, dans les termes suivants : «Sur le bord supérieur (réel) du disque lunaire, à partir du diamètre vertical, et s'étendant vers l'ouest, ont apparu comme des montagnes de feu, taillées à pic du côté gauche et s'abaissant par pointes aiguës et es- carpées du côté opposé. Il y en avait dans cette région trois bien distinctes, dont la première, qui était la plus NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 2i3 élevée, avait une hauteur égale environ au douzième du diamètre apparent de la Lune. Un peu plus loin, à droite, on voyait ramper sur la circonférence du disque lunaire, mais toujours en dehors, plusieurs élévations onduleuses, moins prononcées que les premières, mais également brillantes. Deux pics semblables , moins élevés que ceux de la partie supérieure, et dont les escarpements avaient la même direction, brillaient en même temps, l'un à droite, un peu au-dessous du diamètre horizontal, l'autre à gauche, un peu au-dessus de ce même diamètre. Celui de gauche a été signalé avant tous les autres. Les expres- sions manquent pour donner une idée exacte de ces mon- tagnes ignées. C'étaient comme des rochers de cristal incandescents, d'une couleur rose tendre, doués d'une sorte de transparence, et brillant d'une lumière calme et sans scintillation ; leurs contours étaient bien accusés , leurs arêtes vives et nettement tranchées. Ils ont con- stamment conservé les mêmes formes, les mêmes posi- tions et une immobilité complète. Seulement les pics de la partie supérieure ont paru grandir un peu à mesure que l'éclipsé totale approchait de sa fm; et ils grandis- saient , non comme un corps qui s'allonge et se déforme, mais comme des rochers élevés dont on n'apercevait d'abord que les sommets et la partie moyenne, et dont la base devenait visible à mesure que le voile qui la couvrait s'abaissait avec lenteur. Ce magnifique spec- tacle a persisté jusqu'à la fin de l'éclipsé totale. Lorsque le Soleil s'est dégagé de dessous le disque obscur de notre satellite, l'apparition du premier rayon de lumière a été signalée par un éclair très-vif, bien plus intense que le 244 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. dernier rayon qui avait brillé avant l'occultation totale. A ce moment, et seulement alors, l'auréole lumineuse qui environnait la Lune, et les pics incandescents qui héris- saient une partie de sa circonférence, se sont subitement éteints dans les feux de l'astre du jour. » Toulon. — L'observation de Toulon a un intérêt par- ticulier, cette ville n'étant pas très-éloignée de la limite méridionale de la zone terrestre le long de laquelle l'éclipsé devait être totale. M. Bérard , capitaine de vais- seau et correspondant de l'Institut, m'en transmit les détails. Ce qui suit est extrait de la Lettre de ce savant officier : « Pendant tout le temps de l'éclipsé totale, on vit au delà du bord de la Lune, près de la région oij le Soleil émergea, une bande rouge très -mince, dentelée irrégu- lièrement, ou comme sillonnée çà et là de crevasses. » M. Bérard se servait d'une lunette qui grossissait très- peu. Il me semble évident que la bande rouge dont M. le capitaine Bérard fait mention est précisément le phéno- mène qui, à Perpignan, à Narbonne, à Montpellier, à Turin, à Milan, etc., se présenta avec des proéminences considérables. Cette assimilation est-elle fondée? Tous les auteurs de relations d'éclipsés totales de Soleil ou d'éclipsés annulaires, dans lesquelles on parle d'arcs rouges bordant le disque de la Lune, se trouvent avoir vu un diminutif du phénomène qui, en 18/i2, a si vive- 1 ment frappé les astronomes. Il n'est pas besoin d'insister sur l'importance qu'aurait cette conclusion. Pour l'ap- puyer sur une base solide, je me suis attaché à poser des NOTICE SUR LES ECLIPSES. 245 questions nettes et précises, aux observateurs qui^e trou- vaient situés, comme M. Bérard, près de la limite méri- dionale de la zone où l'éclipsé fut totale. Je transcrirai ici une partie de la réponse qui m'a été adressée par M. Flaugergues , professeur de sciences appliquées à l'École d'artillerie navale de Toulon. M. Flaugergues s'était établi au fort Lamalgue. « Peu après l'immersion du Soleil, fatigué d'une observation longue et attentive, je quittai le télescope. Je promenai quelques instants un avide regard sur le spec- tacle étrange que présentait alors la nature; mais mon attention et mes yeux furent bientôt ramenés vers les deux astres, par la prévision de ce qui allait se passer à l'émersion. Je n'avais point encore repris le télescope, lorsque je fus surpris par l'apparition d'un point lumi- neux rouge; puis d'un second point semblable. A ce moment je ressaisis le télescope , et puis je vis émerger un troisième point lumineux. Mon télescope était armé d'un verre coloré; ce verre laissait passer les rayons rouges. » Le nombre des points lumineux aperçus par M. Flau- gergues, leur couleur, la région où ils se montrèrent frapperont le lecteur; tout, dans cette observation, con- court à faire penser que le phénomène du fort Lamalgue, comme celui qui s'offrit à M. Bérard sous la forme d'un arc rouge dentelé , était, avec quelques différences d'as- pect dues en partie au grossissement employé, le phéno- mène des grandes protubérances observé en tant d'autres lieux. Visan. — M. Guérin, d'Avignon, a fait ses observa- 246 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. lions il Visan, par (ili° 19' de latitude nord et 2" S5' de longitude orientale. Il s'est servi d'une lunette de Dol- lond, parfaitement achromatique, ayant 1 mètre envi- ron de distance focale, 81 millimètres d'ouverture et grossissant 90 fois. Visan, situe à 5 lieues au nord d'Orange, n'était pas très- éloigné de la limite septen- trionale de la zone correspondant à l'éclipsé totale, comme on peut le voir dans la carte qui représente la trace de l'ombre de la Lune sur la surface de la Terre (fig. 3, p. iliO). Cette circonstance donne un nouveau degré d'intérêt aux remarques de M. Guérin. Immédiatement après le moment de l'immersion totale du Soleil, « cet observateur vit quelques points crénelés bien apparents, distincts, qu'on aurait pu prendre au premier coup d'œil pour 7 à 8 étoiles de différentes gran- deurs, rangées sur le bord du disque où venaient de disparaître les derniers rayons d'une vive lumière. « Les deux plus grands de ces points, ajoute M. Guérin ( leur ensemble occupait, à des cloignements inégaux, une sixième partie de la circonférence du disque), les deux points très-sensiblement crénelés avaient à peine une grandeur égale à la deux-centième partie du diamètre de la Lune (c'est-à-dire 10'^). Ils persistèrent, ainsi que les plus petits, tout le temps que l'éclipsé fut totale, et dis- parurent subitement dès que le Soleil se montra... Si la circonférence du disque lunaire avait été bordée en entier de ces points lumineux, elle eût offert l'apparence d'une boîte d'ébène entourée de rubis... Les points étaient plus rouges, mais moins brillants que Mars. » Diyne. — L'observation des protubérances que M. Eu- I NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 247 gène Bouvard m'a communiquée , diffère par des circon- stances essentielles de celles qui ont été faites partout ailleurs. Je vais laisser parler le jeune astronome : «Pendant que je prenais la mesure de l'auréole, je remarquai dans la partie inférieure apparente du disque de la Lune deux faisceaux lumineux fort curieux. L'un (celui de droite) était d'un tiers au moins plus large que l'autre ; ils étaient tous les deux formés de rayons d'un beau rouge , entremêlés de quelques rayons de couleur orange. Us allaient en s' élargissant et en s' affaiblissant à mesure qu'ils s'éloignaient du bord de la Lune. «Ces faisceaux ont été visibles même à la simple vue. Us ont été aperçus longtemps après la fin de l'éclipsé totale. » Marseille. — On s'étonnerait, à juste titre, de ne pas trouver ici une mention détaillée des observations faites à Marseille par M. Yalz, si je ne rappelais que, d'après les Notes qui me sont parvenues, je n'avais pas le droit de considérer comme des protubérances les points lumi- neux vus par l'habile astronome, et que dès lors j'ai dû analyser son travail dans le chapitre relatif aux lumières intérieures (chap. xv, p. 205). § 2. — Observations faites hors de France. La Superga, près de Turin. — Voici en quels termes M. Airy a rendu compte de l'apparition des protubérances lumineuses : «Pendant que j'examinais la Lune (après la dispari- tion totale du Soleil), j'aperçus, à ma très-grande sur- 248 x\OTICE SUR LES ÉCLIPSl-S. prise, de petites flammes rouges au Ijord inférieur appa- rent de cet astre. (Ce bord inférieur était le bord supé- rieur pour qui regardait à l'œil nu. ) Ces flammes étaient au nombre de trois, comme ma mémoire me le rappelle, comme d'ailleurs cela résulte de la représentation que j'en fis sur mon agenda peu de minutes après leur appa- rition. Elles avaient la forme et la position des dents d'une scie circulaire, destinée à agir dans le sens où tour- nent les aiguilles d'une montre. Leur hauteur ne surpas- sait certainement pas le quart de la largeur de l'anneau lumineux, ou environ une minute. La distance entre la première et la troisième de ces flammes embrassait peut-être kO degrés, ou davantage, sur le contour de la Lune. » Madame Airy aperçut les flammes à l'œil nu. Pavie. — Je traduis le passage qui, dans le Mémoire de M. Baily, est relatif aux protubérances rougeâtres : «La circonstance la plus remarquable de ce phéno- mène fut l'apparition de trois grandes protubérances, qui formaient évidemment une portion de la couronne, quoiqu'elles parussent émaner de la circonférence de la Lune. Elles avaient l'aspect de montagnes d'une prodi- gieuse hauteur; elles étaient d'une couleur rouge, mêlée à du lilas ou à du pourpre; peut-être serait-on plus près de la vérité, en prenant pour terme de comparaison la couleur de la fleur de pêcher. Ces protubérances me paraissaient quelquefois pareilles aux sommités neigeuses des Alpes, éclairées par les rayons du Soleil levant ou du Soleil couchant. La ressemblance des protubérances avec les sommités alpines avait lieu sous cet autre point NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 249 de vue, que leur lumière était parfaitement tranquille, qu'elle n'oilVait rien des vacillations, des étincellements qui se montraient si bien dans les autres parties de la cou- ronne. « Les trois protubérances étaient d'une môme couleur rosacée, tranchant également sur la lumière blanche et vive de la couronne, mais elles différaient en grandeur... La plus grande était bifurquée jusqu'à sa base, en telle sorte qu'on aurait été autorisé à y voir deux objets dis- tincts se projetant l'un sur l'autre. » M. Baily se servait d'une lunette achromatique de DoUond de 1".07 de distance focale. Le grossissement était d'environ 40. Lombardie, Lodi, Milan. — Dans la discussion que les proéminences lumineuses doivent soulever, les astro- nomes auraient été heureux de se prévaloir des obser- vations faites à Milan parle savant directeur de l'Obser- vatoire de Bréra ; mais le ^Mémoire publié par M. Carlini ne contient pas un seul mot qui soit relatif à ces phéno- mènes. Ce que nous connaissons touchant les observa- tions faites en Lombardie, nous le devons à un Rapport intéressant, mais très-abrégé, lu à l'Institut milanais, par M. Piola, à un article de la GazefAe privilégiée de Milan et à un Mémoire de M. Majocchi. On trouve, dans le Rapport, que M. Piola qui s'était transporté à Lodi près de la ligne centrale, vit trois proé- minences; M. Piola les appelle des radiations triangu- laires, mais il leur donne des côtés curvilignes, convexes vers l'intérieur. Ces triangles, suivant l'auteur de la rela- tion, ne paraissaient lumineux que sur les bords ; le milieu 250 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. était sombre. M. Piola n'établit pas de distinction de grandeur entre les flammes. Par estime, il porte à 10 degrés du contour de la Lune l'amplitude de la base de chacune d'elles, et au quart du rayon du disque lunaire leur hauteur. Cette hauteur aurait donc été de 4 minutes environ. Les flammes furent aperçues à Milan, à Brescia, à Novare; mais, dans leurs publications, les observateurs situés dans ces diverses villes parlèrent de deux flammes seulement, et non pas de trois. M. le professeur Majocchi les décrivait en ces termes : « On remarqua, dans la partie supérieure de la Lune, deux points resplendissants, sem- blables à deux charbons allumés. » A Milan, MM. le capitaine comte Huyn et le lieutenant Kuhn, de l' état-major autrichien, aperçurent les flammes en se servant d'une lunette et d'un télescope appartenant au cabinet de physique du Licro di Porta Nova. M. Luigi Magrini rendit compte des observations de ces deux offi- ciers, dans la Gazzetta privilegiata di Milano^ du 9 juil- let 1842. Voici le passage du Rapport du savant professeur, relatif au phénomène en question : Pendant l'obscurité totale, l'attention des deux obser- vateurs fut attirée par deux proéminences énormes, de forme triangulaire, qui se montrèrent à la partie supé- rieure de la périphérie de la Lune. Elles avaient un doigt de haut, et un doigt de base (un doigt signifie la dou- zième partie du diamètre de la Lune). L'intervalle qui séparait les bases était de trois doigts. Des irradiations lumineuses partaient incessamment des bords des deux \ NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 25< triangles. Telle est surtout la circonstance qui rendait le phénomène imposant. » Dans cette relation, il n'est question, comme on voit, que de deux proéminences. Padoue. — A Padoue, Téclipse fut observée par trois astronomes distingués : MM. Santini, Conti et Biela. M. Santini ayant ôté le verre coloré dont il s'était servi jusque-là pour observer les phases, aperçut deux pyra- mides de feu très-élevées : la première près de 20 degrés à l'ouest du point le plus haut de la périphérie de la Lune ; l'autre à /lO degrés de ce même point, toujours vers l'ouest. M. Santini compare ces lumières à celles qui proviennent de l'incendie d'une meule de blé ou d'un monceau de roseaux ; il leur donne une couleur purpurine violacée. Le savant directeur de l'observatoire de Padoue attribue aux flammes purpurines une hauteur de plus d'une minute. Il rapporte que plusieurs personnes les virent à l'œil nu, M. Santini se servait d'une lunette de Frauenhofer, de 1"'.3 de long, armée d'un grossissement de 85 fois et d'un verre obscurcissant vert jaunâtre. M. Conti fit usage d'une lunette achromatique de Sutt- lewort, d'un verre rouge et d'un grossissement de llO fois. « A peine, dit cet astronome, le Soleil avait-il disparu, que j'enlevai mon verre obscurcissant. J'aperçus alors, à 50 degrés vers la droite du point le plus haut de la Lune, un trait lumineux qui s'élevait sous une forme py- ramidale et prenait une teinte rouge violacée. Une seconde 253 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. pyramide, moins considérable, fit ensuite son apparition à 15 degrés vers la droite de ce même point le plus haut. » On lit dans la relation de M. Conti ces paroles dignes de toute attention : « Les deux pyramides lumineuses res- tèrent visibles pendant longtemps (per lungo tempo), après la réapparition du Soleil ! » M. Biela s'exprime en ces termes (je traduis) : « Tout à coup on vit surgir de la Lune, vers sa partie inférieure (la lunette renversait), trois pyramides d'un rouge obs- cur, semblables presque par la teinte à des charbons allumés; la couleur était, plus exactement, purpurine. Deux de ces pyramides, celles de droite, paraissaient voisines Tune de l'autre; la troisième, plus grande, se montrait à la gauche des deux précédentes et à la droite du point d'où les premiers rayons du Soleil sortirent. a Les premiers rayons du Soleil se montrèrent en divers points séparés. Bientôt ces points se réunirent et formè- rent une lunule très-déliée. Quelques secondes après la formation de cette lunule, les pyramides rougeâtres ces- sèrent de se voir. » Vicence. — M. le professeur Casari, de Vicence, rap- porte qu'il a vu jusqu'à douze cônes rougeâtres distribués le long d'un arc d'environ 60 degrés sur la partie supé- rieure du contour de la Lune. Les uns étaient isolés, les autres réunis en groupes. On peut constater, sur le dessin de M. Casari , que les deux cônes les plus considérables, à en juger du moins d'après leur position, étaient ceux-là môme qui furent observés partout ailleurs. I NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 253 Mais M. Casari aperçut très -clairement, très -nette- ment, à ce qu'il rapporte, des choses dont personne autre n'eut le moindre soupçon ailleurs : il vit sur les sommets et les flancs des principaux cônes, des colonnes de vapeur rouge qui, dans leur marche ascensionnelle, se croisaient et paraissaient éprouver une agitation violente , conti- nuelle. « Ces phénomènes, dit M. Casari, me firent penser à un groupe de cônes incandescents, à des volcans qui émettraient des vapeurs rougeâtres par leurs sommités et leurs côtés. » Venise. — Avant de passer outre, remarquons que Venise, comme Toulon, touchait presque à la limite méri- dionale de la zone terrestre le long de laquelle l'éclipsé totale devait avoir lieu. J'ai reçu de M. l'abbé François Zantedeschi une rela- tion détaillée des observations faites à Venise le 8 juillet 1842. Dans cette relation, comprenant vingt pages d'im- pression d'un caractère très-petit et fort serré, il n'y a pas une allusion, même éloignée, au phénomène des langues de feu, pour me servir de l'expression d'un auteur italien. Vienne. — M. Schumacher s'était rendu à Vienne pour l'observation de l'éclipsé. Il fit usage d'une lunette de Frauenhofer de 2"'. G de foyer et de 162 millimètres d'ouverture. Les verres obscurcissants de l'oculaire con- servaient au Soleil sa teinte blanche. Nous laisserons maintenant parler le savant directeur de l'Observatoire d'Altona : « Lorsque, après avoir enregistré l'heure de la pen- dule et le détail de mon observation, je me remis à la lunette, je vis la Lune entourée d'un anneau de lumière 234 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. incolore qui se fondait peu à peu dans le gris du ciel ; mais aussitôt mon attention fut attirée par une appari- tion inattendue. Au premier coup d'œil, je crus voir jaillir des flammes rouges en trois endroits différents du bord de la Lune. Je reconnus pourtant, après quelques moments d'une attention plus calme, que ces flammes apparentes n'étaient point en mouvement. Elles ressem- blaient plutôt à des cimes de glacier, brillant d'une lumière vive d'un rouge rosé; ces cimes s'élevaient de 1 à 2 minutes au-dessus du bord de la Lune. Quant au croquis que j'essayai d'en faire immédiatement après l'éclipsc, il ne faut pas y chercher une exacte représen- tation des détails et des dimensions, mais seulement une vue générale de cette belle apparition. Le court inter- valle de temps dont il était possible de disposer pour l'examen du phénomène, eût été insuffisant pour en obtenir des mesures exactes et détaillées. « Je n'ai point remarqué de changement dans la forme ni dans la hauteur de ces montagnes, que je nomme ainsi pour abréger le discours, sans vouloir rien préjuger par là sur leur existence réelle. Je dois ajouter que ma lunette était excellente, et que le verre obscurcissant dont je me servais me laissait voir les détails avec une grande netteté. Malheureusement, le temps que je pus consacrer à un examen bien calme du pliénomène fut très-court. Comptons 10 secondes pour la lecture à la pendule et l'écriture des observations; 10 secondes encore pour la période d'étonnement où me plongea cette apparition inattendue, et pendant laquelle je doutais si je voyais bien nettement ; 20 autres secondes pour le temps que je I NOTICE SUR LES ECLIPSES. 255 dus employer à me préparer à la réapparition du pre- mier rayon du Soleil ; il reste évidemment, si l'on retran- che de la durée totale de l'éclipsé ces 40 secondes, 1 mi- nute et 1/4 seulement pour le temps où je suis en droit de dire que je n'ai point remarqué de changement dans ces apparences. « Peu de temps avant la fin de l'éclipsé totale, il s'éleva vers cette partie du disque lunaire d'où devait jaillir le premier rayon de lumière, une étroite couche d'un rouge rosé qui s'étendait peut-être sur un espace de 70 à 80 degrés le long du bord de la Lune, et qui disparut, ainsi que l'anneau lumineux et les montagnes rouges, aussitôt que le premier rayon du Soleil jaillit. » M. Littrow, directeur de l'Observatoire de Vienne, a eu la bonté de m'écrire plusieurs fois au sujet des protu- bérances rougeâtres. Ce qu'on va lire est extrait des lettres de l'astronome autrichien : « Peu de temps après la formation de l'anneau lunaire, des taches lumineuses se montrèrent en plusieurs points du contour de notre satellite. Trois de ces taches furent particulièrement remarquables. Leur teinte était rouge et bleuâtre. Elles ressemblaient beaucoup aux sommités des glaciers dorées par les rayons du soleil levant ou du soleil couchant. Seulement elles ne se terminaient pas en pointe. La plus considérable de ces taches avait, à peu près, cinq minutes, en arc, de hauteur, et deux minutes à sa base. « Les taches allèrent du blanc au rose et au violet, et repassèrent, en rétrogradant, par les mêmes nuances. Les couleurs présentèrent le maximum d'intensité quand 256 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. l'éclipso totale fut au milieu de sa durée. Les couleurs diverses observables sur une même tache, étaient sépa- rées les unes des autres par des lignes droites. Je ne me servais pas de verre coloré. «... Je réponds à votre demande en vous assurant qu'il n'y avait pas d'erreur dans mon évaluation des dimen- sions angulaires des jets lumineux. Le plus grand débor- dait le contour de la Lune d'à peu près 5 minutes. Sa base était de 2. M. Schaub, assistant de l'Observatoire, a trouvé à peu près les mêmes quantités à la maison de campagne de M. le ministre Rolowrat. Nous avons, l'un et l'autre, pris pour terme de comparaison le champ de la vision des lunettes de Frauenhofer dont nous faisions usage. « Je dois ajouter deux circonstances importantes à ce que je vous ai déjà transmis : « Les jets étaient visibles avant qu'ils se colorassent. Ils continuèrent à être visibles après que leur couleur s'était dissipée. La forme des jets resta invariable. » Bussie. — M. d'Ouvarof, ministre de l'instruction pu- blique en Russie, avait libéralement fourni à dix obser- vateurs exercés les moyens de se rendre sur cinq points convenablement situés le long de la bande où l'éclipsé devait être totale. Le temps ne favorisa que les observa- teurs de Lipesk, MM. Otto Struve et Schidlofsky. M. Schidlofsky se servait d'une lunette de 0'".57 de distance focale, de 29 millimètres d'ouverture et d'un grossissement de trente-sept fois. Ce qu'on va lire est traduit du Rapport de M. Otto Struve : I NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. - 257 « M. Schidiofsky observa à la lunette pendant toute la durée de l'éclipsé. Peu de temps avant la réapparition du Soleil, un singulier phénomène se présenta à lui. Il vit à plusieurs endroits du disque de la Lune, des flammes rosées qui parurent jaillir subitement; mais pendant le court intervalle de temps que dura l'observation , elles conservèrent la même forme. Ces flammes ressemblaient à des montagnes dont, par estime, la hauteur parut être de 2 minutes; une partie fort grande du disque lu- naire paraissait garnie d'une semblable bordure rosée. Au reste, M. Schidiofsky ne put examiner le contour entier de la Lune, car aussitôt après cette apparition le Soleil émergea. «Si M. Schidiofsky ne remarqua pas ce phénomène, longtemps avant la fin de Téclipse'totale, ainsi que l'ont fait d'autres observateurs, particulièrement ceux de Vienne, cela s'explique facilement par la circonstance qu'il avait, dès le commencement , dévissé et enlevé son verre noir, en sorte qu'il fut ébloui par l'éclat de la couronne bril- lante dont la Lune était entourée. « Au reste , je puis citer une observation qui indique que le phénomène se produisit pour nous aussi , dès le commencement de l'éclipsé : je crois avoir vu, un instant avant la disparition du dernier rayon solaire, une couche rouge au bord de la Lune, à 45 degrés environ du point où le Soleil disparaissait. » YIL — IV. 17 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. CHAPITRE XXI OBSEnVATIONS DES PROTUBÉRANCES PENDANT L'ÉCLIPSE TOTALE DE SOLEIL DU 8 AOUT 1850 Les protubérances colorées, aperçues sur le bord de la Lune pendant Téclipse totale de Soleil de 18/|2, pro- duisirent dans le monde savant une surprise bien légitime. J'ai réuni dans le chapitre précédent toutes les obser- vations de ce phénomène qui m'avaient été transmises. Cette même apparition de protubérances, de flammes débordant considérablement le bord de la Lune, a signalé réclipse totale d'IIonolulu du 8 août 1850. Laissons parler à ce sujet M. Kutczycki lui-même : « Je vais rendre compte maintenant du phénomène le plus curieux et le plus frappant de l'éclipsé totale de Soleil : ce sont les protubérances roses violacées obser- vées pour la première fois en 18/i2. Je ne m'explique pas comment les anciens observateurs n'en font point mention. 11 faut, ou qu'elles n'aient existé dans au- cune des anciennes éclipses, ce qui est peu probable, puisque les voilà observées pour la seconde fois ; ou qu'on n'y ait pas fait attention , ce que leur aspect frappant et la facilité avec laquelle on les voit à l'aide des lunettes ordinaires ne me permettent pas d'admettre non plus. La première chose qui m'a frappé, quand j'ai appliqué l'œil à l'oculaire de la lunette dégagé du verre coloré pour examiner le contour de la Lune, c'était la singulière net- teté avec laquelle on y voyait les objets. Le bord de la Lune était parfaitement tranchant en noir sans la moindre NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 259 ondulation sur la lumière douce de l'auréole; les traits sombres de cette auréole étaient d'une netteté admirable, tandis qu'à d'autres égards la lunette laissait beaucoup à désirer. Sur le champ blanc de perle de l'auréole se détachait au point presque exactement est du disque de la Lune, une protubérance d'une couleur et d'une netteté admirables. Il y en avait une autre plus large parallèle- ment au bord de la Lune, près de laquelle se trouvait un trait rose très-délié et considérablement plus long. Une troisième moins saillante, mais plus épanouie, se trouvait vers la partie ouest du disque tirant un peu sur le nord. La partie sud et le bas du limbe étaient complètement exempts de tout appendice ; c'était cependant là que le disque de la Lune dépassait le moins celui du Soleil. «La protubérance orientale, la plus remarquable de toutes, avait la forme de la moitié d'une ellipse appliquée par son petit axe contre le limbe de la Lune. Le grand axe normal à ce limbe paraissait être deux fois aussi long que le petit. «La couleur rose très-légèrement violacée de cette protubérance était plus foncée sur les bords, se dégradait ensuite vers le centre en se perdant, de manière à ne former qu'une ceinture de largeur uniforme qui n'était pas de plus d'un tiers de la base. Le milieu, bleuâtre sur l'axe, se fondait ensuite en blanc, avec l'entourage rose. Le tout imitait parfaitement la flamme d'une bougie, mais paraissait très-fixe et immobile. Aucune aspérité n'exis- tait sur le limbe de la Lune à l'endroit où ce singulier appendice s'en détachait. J'ai tenté de mesurer au micro- mètre de Rochon la saillie de cette protubérance; j'ai 260 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. obtenu la dimension énorme de 3' 58". Cette mesure est plus que douteuse; et je me fie plus à l'estime du rapport de sa longueur avec le champ de la lunette qui me per- met de fixer à 1' ou T. 5 tout au plus celte dimension. t Une circonstance que j'ai remarquée pendant que je m'clTorrais d'obtenir la mesure micrométrique, c'est que l'une des deux images de la protubérance changeait considérablement d'intensité, sans changer de couleur, ni disparaître complètement, quand on tournait la lunette prismatique : sa lumière est donc au moins en partie po- larisée. La lumière de l'auréole ne me paraissait pas par- ticiper à cet edet. J'avoue que, préoccupé de la mesure avant tout, je ne donnai pas à ce changement d'intensité toute l'attention qu'il méritait; l'existence du fait est cependant parfaitement certaine. « Les deux autres protubérances avaient le môme ca- ractère que celle que je viens de décrire ; elles étaient seulement bien moins saillantes et plus épanouies. Au lieu de se terminer en pointe arrondie, elles étaient toutes deux bifurquées, ce qui leur donnait une apparence de flammes. Le trait rose paraissait d'une couleur unifoi'me sans rien de bleuâtre dans son centre; son épaisseur d'ailleurs ne dépassait pas le sixième de la ceinture rose des autres appendices; sa longueur était plus grande que celle de la protubérance orientale. « Au second examen, je me suis aperçu incontestable- ment que la grande protubérance avait diminué et que les autres avaient augmenté de dimension. Je suivis ces changements avec soin et je crois pouvoir affirmer posi- tivement que ces émanations ou appendices provien- NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 261 nent du Soleil. Plus tard (au troisième examen), quand l'émersion approchait, les appendices du nord et de l'ouest ont grandi considérablement, et le trait délié, qui se trouvait près de celui du nord, a paru complètement détaché du bord de la Lune ; il s'était lui-même divisé en deux portions séparées par un petit intervalle. Les extré- mités tournées vers cet intervalle étaient un peu épa- nouies, ce qui lui donnait l'aspect de deux petites flèches se présentant les pointes , celle du dehors étant deux fois aussi longue que celle du dedans. Un instant avant l'ap- parition du Soleil , les deux protubérances nord et ouest ayant encore grandi considérablement, sans cependant atteindre la dimension primitive de celle de l'est, et le trait se trouvant comme je l'ai décrit ci-dessus, il a ap- paru sur le bord de la Lune, se projetant sur la portion très-lumineuse de la couronne, une multitude de petits points très-rapprochés, de la même couleur rose , et évi- demment de la même nature que les appendices plus considérables. Le tout faisait l'effet d'une très -mince ceinture de flammes occupant au moins 60 degrés, dont les sommets roses formaient un cercle rouge vif sur le bord de la Lune avant l'émersion. « Ce serait peut-être le même cercle rouge vif dont l'apparence a été citée par Louville dans la relation de l'éclipsé de 1715. Ce cercle présente avec la colonne très- déliée de fumée que Ferrer a vue pendant l'éclipsé totale de 1806, la seule circonstance citée dans les anciennes observations qui se rattache probablement au phénomène curieux dont je fais la description *. 1. Pour ùter toute incertitude au lecteur, je crois devoir faire 262 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. « Ces appendices sont-ils invariablement fixés sur di- verses parties de la surface du Soleil? Sont-ils mobiles comme les taches et facules solaires? Voilà deux suppo- sitions à choisir?. Si la première était vraie, il faudrait, pour la vérifier et retrouver les appendices à la même place, un concours de circonstances qui ne pourraient se présen- ter que très-rarement, môme dans une multitude d'obser- vations. La seconde supposition me paraît plus probable, parce que d'abord elle est plus d'accord avec la consti- tution physique connue de la photosphère solaire ; ensuite je trouve dans l'observation même de Honolulu, une cir- constance qui l'appuie , et qui peut-être même pourra la prouver positivement. Cette circonstance, la voici : La protubérance orientale était située de manière que l'em- placement qu'elle occupait devait être amené sur le disque quelques jours après l'éclipsé par l'effet de la rotation so- laire. Je me suis donc attaché à examiner le disque du Soleil dans la région orientale pendant plusieurs jours consécutifs après l'éclipsé. Eh bien, le 9 août dans la ma- tinée , j'ai cru apercevoir dans cette région orientale et aussi exactement qu'il est possible d'en juger à l'œil, à la place correspondante à la protubérance, une large facule. L'imperfection de la lunette, qui ne laissait voir que très- indistinctement les facules, jette quelques doutes sur cett^ assertion, mais elle pourra très-probablement être vérifiéit, par les observations plus précises qui auront été faites suf les taches et facules dans les observatoires de l'Europe. observer que toutes les apparences, tant pour la couronne que pour les protubérances, se rapportent à la position réelle des deux astres, non à la position modifiée par la lunette. t NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 263 J'ai revu la même facule avançant vers le centre du Soleil, le 10 et le 11 août, mais jamais assez distinctement pour me donner une conviction positive. Cela étant, voici non l'explication de ces curieux appendices , mais une suppo- sition très-probable qui se rattache à leur théorie. Les grandes protubérances seraient produites par les émana- tions des grandes facules et lucules , et varieraient dans leur forme et dimension depuis celle de la moitié d'une ellipse jusqu'à un trait délié, d'après la forme ou la position de la facule ou lucule. De plus, toute la surface du Soleil exhalerait une émanation semblable, produisant une infinité de protubérances excessivement petites, d'où ressort cette bordure de flammes roses que l'on voit un instant avant l'émersion de son limbe. Cette supposition approchera bien de la certitude, si des observations plus exactes que les miennes constatent qu'entre le 7 et le 15 août 1850, il a apparu une facule considérable dans la région est du Soleil. Quant à la petite bordure, je suis désolé de ne pas pouvoir affirmer l'avoir vue dans la région sud-ouest du Soleil après le commencement de l'éclipsé totale, mais j'ai l'espoir que son existence con- tinue sera constatée dans les éclipses totales à venir. » CHAPITRE XXII DES PROTDBÉRAMCES PENDANT l'ÉCLIPSE TOTALE DU 28 JUILLET 1851 J'ai rapporté dans V Asttonomie populaire'^, les obser- vations faites sur les côtes de la Suède et de la Norvège, 1. Liv. XXU, chap. XIV. t. UI, p. 613. 26i NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. en Prusse et en Pologne pendant l'éclipsé totale de Soleil du :28 juillet 1851. Je me contenterai de rappeler ici ce fait très-important pour la théorie qu'on vit une protubé- rance située à l'occident du Soleil et de la Lune, qui semblait formée par les deux côtés d'un angle à peu près droit, et ayant, sur le prolongement d'un de ses côtés, un ballon presque circulaire complètement détaché du bord de la Lune et de celui du Soleil. Les particularités de ce phénomène ont été observées spécialement par M. Hind à Ravelsberg, par M. Wolfers à Frauenburg, par M. Otto Struve à Lomsa , par MM. Mauvais et Goujon à Danzig. 11 n'est donc pas possible de mettre en doute que les pro- tubérances rougeàtres qui apparaissent vers divers points du contour de la Lune pendant les éclipses totales de Soleil, sont quelquefois complètement détachées des bords des deux astres. CHAPITRE XXIII SUR LES CAUSES DES PROTUBÉRANCES. — ANCIENNETÉ DE L'OD- SERVATION DE CES PHÉNOMÈNES. — LES PROTUBÉRANCES SONT- ELLES DES MONTAGNES DE LA LDNE, DES MONTAGNES DU SO- LEIL, DES NUAGES DE l'ATMOSPHÈRE DE CE DERNIER ASTRE OD DES ILLUSIONS D'OPTIQUE? — SERA -T- IL TOUJOURS INDISPEN- SABLE d'attendre POUR LES OBSERVER , LE MOMENT D'uNE ÉCLIPSE TOTALE OD ANNULAIRE? Je vais examiner dans ce chapitre les diverses causes qui sembleraient pouvoir conduire à des explications plausibles du mystérieux phénomène dont le lecteur con- naît maintenant les principaux caractères. Où existaient les flammes rougeàtres , à contours par- faitement définis, qui dépassaient considérablement le NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 265 contour du disque de la Lune pendant toute la durée de l'éclipsé totale du 8 juillet 1842 et pendant les éclipses de 1850 et de 1851 ? Ces flammes étaient : ou dans le Soleil, ou dans la Lune, ou dans notre atmosphère; à moins, toutefois, que leur refusant une existence réelle, que les assimilant, sous certains rapports, aux arcs-en-ciel, aux halos, aux par- hélies , etc. , on ne veuille les considérer comme des jeux de lumière, comme des effets de diffraction par exemple^. Quelle que doive être la place que la discussion assi- gnera aux protubérances rougeâtres, on se trouvera en face de cette question : Pourquoi le phénomène n'a-t-il été aperçu qu'en 1842? Pourquoi n'en a-t-on pas fait mention dans les descriptions des éclipses totales anté- rieures? Ma réponse à la question sera tout autre qu'on ne le 1. J'ai appris, non sans quelque étonnement, que certains obser- vateurs croyaient avoir fait une véritable découverte, pour avoir dit, sans preuves d'aucune sorte, que les proéminences lumineuses étaient des montagnes ou des nuages solaires. Je mettrai fin , en deux mots, aux discussions de priorité dont on a entretenu le public : Il me suffira de montrer que s'il y avait découverte, elle appartiendrait, par la date de la publication, à M. l'abbé Peytal, un des collaborateurs de M. Petit, à Montpellier. Je trouve, en effet, dans le journal de cette ville du samedi 16 juillet 18/i2, un article du savant ecclésiastique , où les idées en question sont présentées avec beaucoup de netteté. Voici les propres expressions de M. l'abbé Peytal : « Jusqu'ici on ne connaissait dans le Soleil que son noyau obscur et ses deux enveloppes, dont la plus extérieure est son disque. On vient d'apprendre aujourd'hui qu'une matière lumineuse d'un rose vif s'élève au-dessus, s'amasse en montagnes d'une prodigimise hauteur, à peu près comme les nuages de notre atmosphère qui s'amoncellent à notre horizon. » 266 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. suppose sans doute : je vais établir que des proéminences lumineuses plus ou moins nombreuses, plus ou moins contiguës, formant des arcs plus ou moins déchiquetés, ont été aperçues en 1700, en 1733, en 1737, en 1748, en 180G, en 18i>0 et en 1836, avant l'émersion du Soleil, avant du moins l'émersion de la photosphère qui, ordi- nairement détermine le contour visible de l'astre. Voici d'abord l'extrait que Flamsteed a publié, dans le xxv' volume des Transactions philosophiques, d'une lettre du capitaine Stannyan, datée de Berne le 12 mai 1706, jour d'une éclipse totale de Soleil : « L'émersion du Soleil de dessous le disque lunaire fut précédée, sur le bord de gauche, pendant l'intervalle de 6 à 7 secondes de temps, de l'apparition d'une bande rouge couleur de sang. » Passons aux observations plus détaillées faites pendant l'éclipsé de 1733. Voici l'extrait d'un Mémoire de Bigerus Vassenius, professeur de mathématiques au collège royal de Gothe- bourg , sur l'éclipsé totale observée dans cette ville , le 2 mai 1733, style julien. « Pendant toute la durée de l'éclipsé totale, j'ai vu, etc., etc.; mais ce qui doit exciter non-seulement l'admiration, mais encore toute l'attention de la Société royale, ce sont plusieurs taches rougeâtres, au nombre de trois ou quatre, observées en dehors de la périphérie du disque lunaire. Une d'entre elles était plus grande que les autres, et située, autant qu'il me fut permis d'en juger, à égale distance des points du disque tournés vers le midi et l'occident. Elle était composée, pour ainsi dire, NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 267 de trois parties ou de trois nuages plus petits, parallèles, et d'inégales longueurs , ayant une certaine obliquité sur la circonférence lunaire. Je fis admirer ce phénomène à mon compagnon, qui avait des yeux de lynx. D'ailleurs, il était si peu habitué à la lunette, qu'il ne pouvait trouver le corps lunaire. Moi-même je revis avec joie, pendant UO secondes et plus, et occupant toujours la même place dans l'atmosphère^, près de la circonférence lunaire, cette même tache , ou , si vous préférez , ce nuage immobile. Je ne puis soupçonner aucune erreur provenant de l'œil ou du télescope. Enfin un rayon solaire, parti comme un éclair du limbe boréal de la Lune, mit fin trop tôt à ce spectacle très-agréable, pendant que je cherchais à voir Mercure qui était près de son périgée. » [Transactions j)hilosophiques, 1733-1734, t. xxxviii, p. 13/i.) Vassenius se servait d'une lunette de 21 pieds suédois (6"\23) de distance focale. La relation que Maclaurin a donnée de l'éclipsé annu- laire du 18 février (1" mars) 1737, renferme ce passage : «Lord Aberdour (il se servait d'un télescope à réflexion, et non d'une lunette) aperçut, le long du bord de la Lune, une bande étroite d'un rouge sombre , immédiatement avant que l'anneau se formât et immédiatement après. » Les deux moments indiqués sont évidemment ceux où le bord de la Lune était presque tangent au bord du Soleil. Quiconque comparera les lignes précédentes à ce que M. le capitaine Bérard m'a écrit sur l'apparition des flammes en 18/|.2, ne s'étonnera pas que je place lord 1 Vassenius veut parler de l'auréole blanchâtre qu'il prenait pour l'atmosphère de la Lune. 268 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. Abcrdour parmi ceux qui, anciennement, furent témoins de ce curieux phénomène. Short observa i'cchpsc du lli juillet 1748 , au château d'Aberdour, prèsd'Édinburgh. 11 se servit d'un télescope à réflexion de li pieds anglais (l'".22) de foyer et d'un grossissement de 120 fois. Je trouve dans le Mémoire qu'il publia à ce sujet le passage dont voici la traduction : «L'éclipsé fut si près d'être annulaire, qu'à l'instant du maximum d'approche, il ne s'en fallait que d'un arc égal au septième de la circonférence de la Lune, pour que les deux cornes se joignissent. A cette époque, nous vîmes nettement, milord Morton et moi, une lumière brune qui bordait (extérieurement) le contour de la Lune, depuis la pointe de chaque corne jusqu'au tiers de la distance qui les séparait, en telle sorte que sur un tiers de cette dis- tance totale, le contour de la Lune n'avait pas de bor- dure lumineuse. Cette apparence nous tint quelque temps en suspens sur la question de savoir si nous aurions ou si nous n'aurions pas une éclipse annulaire à Aberdour. J'observai à l'extrémité de celui de ces deux arcs lumineux qui venait de la corne occidentale, une plus grande quantité de lumière que partout ailleurs , ce qui d'abord me surprit. » Short explique qu'en y réfléchissant ensuite, il imagina que cette plus grande quantité de lumière pouvait pro- venir d'une vallée de la Lune. Si l'on met de côté l'explication , venue après coup , de la grande quantité de lumière dont parle Short, l'ex- plication qui devait arracher l'habile et savant artiste à un vif sentiment de surprise, personne ne refusera d'assi- NOTICI- SUR I.i:S ÉCLIPSES. 269 milcr le phénomène observé en 17/j8, à celui de l'année iSli'l, qui fait l'objet de ce long examen. 11 faut remar- quer que Short, observant à travers un verre coloré, n'a pas dû parler de la teinte rosacée que pouvait avoir sa grande lumière et la bordure d'où elle jaillissait. Pour établir que les protubérances lumineuses se mon- trèrent, en Amérique, pendant l'éclipsé totale de 180G, il me sufllra, je pense, de transcrire ce passage d'un Mémoire de Texcellent astronome don Joaquin Ferrer ; « Un peu avant (la fin de l'éclipsé totale) il apparut (sur le bord de la Lune) une zone offrant l'aspect de nuages éclairés par le Soleil. » Tout commentaire serait ici superflu. L'ordre des dates m'amène à faire une citation, tout aussi intéressante au moins que celle dont le lecteur vient de prendre connaissance. Les faits qu'elle relate furent observés par Yan Svvinden ; c'est dire que leur exactitude ne saurait être révoquée en doute. L'éclipsé de Soleil du 7 septembre 1820 fut annulaire à Amsterdam, Peu d'instants avant la formation de l'an- neau, à une époque où le disque de la Lune débordait encore quelque peu, dans une certaine région, le disque du Soleil, Van Swinden aperçut un arc lumineux qui allait d'une corne à l'autre, sans élre tangent au limbe de la Lune. L'espace compris entre ce limbe et l'arc ne paraissait pas éclairé [illuminaled) . L'arc, mince et rou- geàtre, pouvait être comparé, sous le rapport de la cou- leur et de l'aspect, à l'extrémité de la flamme d'une lampe d'Argand, qui dépasse le sommet de la cheminée en verre. 270 NOTICE SUH LES tCLlPSES. Je termine celte énumération par la traduction d'un passage emprunté au Mémoire dans lequel M. Bcssel a rendu compte de l'éclipsé du 15 mai 183G, éclipse qui fut presque annulaire à Kœnigsberg. Voici ce passage : t25 secondes environ avant le plus grand rapproche- ment des centre.*?, j'aperçus, près de l'extrémité de la corne supérieure, un point lumineux qui, sans avoir l'éclat du Soleil , était bien visible avec la puissante lunette de l'héliomètre. Comme les cornes marchaient alors l'une vers l'autre, j'espérais que l'anneau allait se former; mais cela n'arriva pas. Quant au point dont j'ai déjà parle, il devint plus lumineux. D'autres points analogues se montrèrent; ils s'unirent bientôt entre eux et rendirent visible toute la portion du limbe de la Lune qui était com- prise entre les extrémités des deux cornes. » L'illustre astronome de Kœnigsberg ne parle pas de couleurs : il faisait son observation à travers un verre obscur qui peut-être colorait tout en rouge. Voilà enfin une difficulté entièrement levée : les pro- éminences lumineuses n'ont pas été un caractère spécial, exclusif, de l'éclipsé totale de 1842; on avait déjà aperçu antérieurement des phénomènes semblables. Reprenons maintenant en détail les diverses explica- tions qui, dans l'état actuel de nos connaissances, sem- bleraient de prime abord satisfaire aux principales cir- constances de l'apparition des flammes. Les proéminences lumineuses étaient- elles des mon- tagnes de la Lune? La question a semblé vraiment trop facile aux obser- vateurs qui ont cru la résoudre à l'aide de cette simple NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 274 remarque : Les faces des montagnes lunaires qui étaient tournées vers la Terre au moment de l'éclipsé , devaient paraître sombres; les faces opposées des mêmes mon- tagnes recevaient seules alors la lumière du Soleil. Au lieu de supposer les faces des montagnes lunaires qui étaient situées sur le bord de l'astre, perpendiculaires aux rayons venant du Soleil, donnons-leur une grande obliquité ; concevons, par exemple, deux montagnes dont les faces 'AB, CD se regarderaient comme la figure ci- contre (fig. d) le représente, S étant le Soleil et 0 l'œil de l'observateur. Les rayons du Soleil S éclaireraient directement la face AB, laquelle, à son tour, illuminerait la face CD, visible de la Terre. Dans notre hypothèse, des montagnes placées sur le bord de la Lune seraient donc, mathématiquement parlant, éclairées, à l'aide de doubles réflexions, sur celles de leurs faces que nous apercevrions au moment même d'une éclipse totale. Maintenant, des faces CD de mon- tagnes pourraient-elles jamais arriver ainsi à l'intensité des flammes rougeâtres de 1842? Ceci est tout autre chose. Je n'hésite même pas à répondre négativement. Cependant il était nécessaire, je crois, de montrer que le problème proposé conduisait inévitablement à une ques- tion de quantité, à une question photométrique. La moindre dimension angulaire que les astronomes situés vers la région centrale de l'ombre aient donnée aux flammes, est une minute. Le jour de l'éclipsé totale de 1842, le diamètre de la Lune sous-tendait un angle de 32' M'^; ce diamètre est de 840 lieues de 4 kilomètres; une minute correspondait donc à environ 26 lieues et 272 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. demie, à 106,000 mètres; or, d'après des mesures di- rectes, il n'y a sur notre satellite aucune montagne dont la hauteur dépasse 7,700 mètres^. Transformer les flam- mes en montagnes lunaires, ce serait nier les résultats les plus certains de la science. o fig. 4. — Visibilité des montagnes lunaiios par double réflexion. Les flammes n'étaient pas des montagnes, mais, à cer- tains égards, elles en avaient l'apparence. 11 reste à re- chercher si cette apparence ne pouvait pas être l'effet de 1. Astronomie populaire, liv. XXI,chap XX, t. III, p. 446. NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 273 déviations particulières que les rayons solaires auraient éprouvées dans les anfractuosités si nombreuses, si di- verses, que le bord de la Lune présente toujours à l'ob- servateur situé sur la Terre. Il est nécessaire que j'entre ici dans quelques explica- tions; sans cela on serait surpris, non sans raison, qu'a- vant de rechercher comment les flammes pouvaient être de simples illusions d'optique, je n'eusse pas examiné si, en 1842, on les vit en tout lieu avec les mêmes carac- tères; de manière, par exemple, à pouvoir affirmer que les flammes qu'on aperçut à Perpignan, étaient préci- sément les flammes observées à Milan, à Vienne, etc. Je déclare donc que je n'avais pas négligé cet examen. Je l'ai abandonné (du moins pour le moment) , après avoir reconnu l'impossibilité de concilier toutes les observa- tions, de les faire concourir à une conclusion unique et certaine. Admettons un moment que les flammes étaient des parties intégrantes du Soleil, implantées, en quelque sorte, dans la périphérie de cet astre. 11 put bien arriver que, en vertu de la parallaxe de la Lune, une flamme visible à Perpignan ne se montrât point à l'observateur situé à Marseille, à Visan, etc., etc.; mais il n'est pas moins certain que deux quelconques de ces flammes ayant été visibles dans deux stations différentes, à Montpellier et à Turin par exemple, ne purent manquer de s'y pré- senter dans les mêmes positions relatives et avec des formes identiques. Or, les relations ne s'accordent pas toutes avec ce principe. Je m'empresse d'ajouter que la brièveté du temps dont les astronomes purent disposer Vil. — IV. 18 S7i NOTICE SUR LES KCI.IPSES. pour mesurer les protubérances, pour déterminei- leur assiette, et, par-dessus tout, que la surprise que chacun éprouva, en 18/i'2, au moment d'une apparition si inat- tendue, durent beaucoup nuire à l'exactitude des obser- vations. La lumière peut être déviée de sa marche rectiligne de trois manières difierentes : par réflexion, par réfraction , par diffraction. La réflexion , nous l'avons déjà établi , ne saurait donner naissance à des proéminences rougeâtres, suflisamment saillantes et suffisamment intenses ; la ré- fraction semble aussi devoir être exclue de l'explication, à cause de l'excessive rareté de l'atmosphère lunaire. Il faut remarquer toutefois que, si cette rareté extrême re- pose sur des observations démonstratives en ce qui con- cerne les régions tangentes aux sommités des montagnes lunaires, rien ne prouve que les vallées ne renferment pas dans leurs profondeurs, des atmosphères de très-peu de hauteur, des atmosphères limitées capables de réfracter sensiblement les rayons lumineux. La question, prise de ce point de vue, méritera une discussion minutieuse; tou- tefois, je l'annonce sans hésiter, le résultat sera négatif. Quant à la dilTraction, en d'autres termes, quant à l'ac- tion particulière, découverte par Grimaldi , en vertu de laquelle les rayons lumineux paraissent éprouver une forte déviation , de dehors en dedans et de dedans en dehors , au moment où ils rasent les arêtes terminales des corps, on s'est assez généralement accordé à lui faire jouer un certain rôle dans les phénomènes généraux des éclipses. Parviendra-t-on jamais à rattacher à la diffi'action les pro- éminences lumineuses de 18/i2? Cela paraît douteux ; NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 275 mais la question ne saurait être tranciiée sans retour, à l'aide des seules expériences que la science possède au- jourd'hui. Jusqu'ici on s'est borné à opérer sur des écrans à formes très-simples, sur des écrans terminés par des lignes droites ; il sera maintenant utile d'étudier les phé- nomènes engendrés par des écrans triangulaires pleins et creux, par des écrans curvilignes plus ou moins parsemés d'aspérités; de rechercher enfin, quant à l'intensité et à la coloration, l'influence des distances énormes qui, au moment d'une éclipse, séparent le corps éclairant (le Soleil) de l'écran opaque (la Lune), et cet écran de l'ob- servateur situé sur la Terre. Il ne faudra rien moins que ce travail minutieux pour que la diffraction, s'il y a lieu, soit à tout jamais écartée de l'explication des flammes rougeâtres. Venons aux hypothèses d'après lesquelles chaque pro- éminence serait une partie intégrante du Soleil. En toutes choses, les nombres sont les bases de dis- cussion les plus solides. Cherchons donc à apprécier en nombres les hauteurs des proéminences lumineuses. De toutes les valeurs angulaires qu'on leur a assignées, la plus certaine me paraît être celle de M. Petit. Les autres, pour la plupart, sont de simples évaluations, en- tachées des incertitudes qui devaient résulter de l'emploi de grossissements mal connus ou rarement en usage dans les observations astronomiques. Suivant M. Petit, la principale proéminence sous-ten- dait un angle de 1' 45'^ L'astronomie nous apprend que le diamètre équatorial de la Terre (3,188 lieues de 4 kilomètres), transporté à la surface du Soleil, serait vu 276 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. SOUS un angle d'environ 17". 2. Prenons un moment les proéminences pour des montagnes solaires ; la plus con- sidérable de ces montagnes aurait, d'après la mesure de l'astronome de Toulouse, 19,000 lieues de hauteur. Mon évaluation, la moindre de toutes, donnerait encore 11,000 lieues. En adoptant enfin les appréciations dont M. Littrow a maintenu la vérité, malgré les doutes formels de M. Schu- macher, qui, lui aussi, obser\ ait à Vienne, on trouverait, pour la plus haute montagne solaire, visible le 8 juillet 1842, une hauteur de 56,000 lieues. C'est au lecteur à voir s'il peut admettre qu'il existe sur notre Soleil des montagnes s'élevant à ces prodi- gieuses hauteurs; des montagnes où, d'ailleurs, se mon- treraient des régions en surplomb; des montagnes qui, d'après ce que nous savons des propriétés des corps pesants, n'auraient pas pu se soutenir d'elles-mêmes. Les observations des éclipses de 1850 et de 1851 ne permettent plus du reste de supposer que les protubé- rances lumineuses étaient des montagnes du Soleil et à plus forte raison de la Lune. Les montagnes doivent, en effet, avoir une base, et l'on a vu , en 1850, dans la partie boréale du Soleil , deux traits lumineux et colorés, séparés du bord des deux astres par un intervalle vide ; en 1851 on a vu une sorte d'immense ballon lumineux qui n'avait aucun lien apparent avec la proéminence recourbée voisine. Je vais recourir de nouveau à des considérations nu- mériques. En discutant encore, de ce point de vue, les observations qui ont été faites en divers lieux, sur la hau- NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 277 teur variable des protubérances lumineuses de l'cclipse de 1842, nous arriverons à une conséquence importante. Imaginons une figure (fig. 5) qui représente les posi- tions relatives du Soleil et de la Lune, pour le moment même où commença l'éclipsé totale, dans les points de la Terre oia cette éclipse devait être centrale. Le cercle plein est le Soleil, S son centre ; le cercle ponctué est la Lune, L son centre. Orient. ^_=^?=s^^^^o^^>' M Occident. Fig. 5. — Fosilions relatives du buleil et de la Lmie au moment de l'écIipse totale. Personne ne l'ignore, le mouvement propre de la Lune s'opère principalement de l'occident à l'orient. Au mo- ment où, en vertu de ce mouvement, le bord oriental de la Lune atteignit, le 8 juillet 18/12, le bord oriental du Soleil, l'éclipsé fut totale; au même moment, le bord oc- cidental de la Lune débordait, vers l'occident, le bord occidental du Soleil, d'une quantité OM qui, exprimée en minutes et en secondes, se montait précisément à la différence des diamètres apparents des deux astres. Cette différence, le 8 juillet 1842, au moment de l'éclipsé to- tale, était à Perpignan, que je suppose situé dans la région de l'éclipsé centrale, de 1' 16'^ 6, et à Montpellier de i' il" . Pour qu'une montagne solaire M atteignît au même moment le bord occidental de la Lune, et que son 278 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. sommet fût visible, il fallait donc iiécossairement que, vue de Perpignan, sa hauteur OM sous-tondît un angle de 1' 16".(), et que le même angle pour Montpellier s'élevât à 1' 17". II n'est pas moins évident, qu'entre le commencement et la fin de Téclipse totale, la montagne OM ne put varier en hauteur angulaire que de la valeur angulaire de OM, c'est-à-dire que d'une quantité égale à celle dont le dia- mètre de l'astre éclipsant surpassait le diamètre de l'astre éclipsé. Ce principe posé, venons aux applications : A. Perpignan et à Montpellier, les observateurs virent les points lumineux M émerger du bord de la Lune ; ces points n'avaient pas alors des hauteurs mesurables. Quel- que temps après (deux minutes), au moment où les deux astres allaient être tangents en 0, mon confrère M. Mau- vais estima que la protubérance OM avait passé graduel- lement, d'une hauteur insensible à une hauteur de 2 minutes de degré; M. Petit ne porta l'augmentation de hauteur qu'à 1' /i.5". Ni l'un ni l'autre de ces nombres ne peut se concilier avec la véritable valeur de OM, laquelle, comme nous l'avons vu, était de 1' i&\6 à Perpignan et de i' il" à Montpellier. Si l'on admettait, comme parfaitement constaté, que dans un certain moment on ne voyait que le sommet M, et qu'ensuite OM sous-tendait un angle de i' h^ ou de 2', toute explication du phénomène des protubérances, fon- dée sur l'hypothèse que OM était une montagne solaire, ou même seulement un nuage doué de quelque perma- nence, serait définitivement écartée. On se verrait ainsi amené à cette alternative : NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 279 Les protubérances lumineuses du 8 juillet 18/i!2, sem- blables sous ce rapport à l'arc-en-ciel, aux halos, aux parhélies, etc., n'étaient pas des objets matériels; ou bien il y avait au-dessus de la photosphère du Soleil, nu- dessus de la surface incandescente oij se termine ordinai- rement le contour visible de l'astre, une matière, soit lumineuse par elle-même, soit seulement réfléchissante, qui, en deux minutes de temps, changea considérable- ment de hauteur, qui, en deux minutes de temps, s'al- longea perpendiculairement à la périphérie du Soleil, de plus de 5,000 lieues! Si nous examinions de plus près l'explication d'après laquelle les protubérances seraient assimilées à des nuages, nous ne trouverions aucun principe de physique qui nous empêchât d'admettre que des masses nuageuses de 25,000 à 30,000 lieues de long flottent dans l'atmosphère du Soleil ; que ces masses, comme certains nuages de l'atmo- sphère terrestre, ont des contours arrêtés ; qu'elles affec- tent çà et là des formes très -tourmentées, même des formes en surplomb, des aspects de masses sans point d'appui; que la lumière solaire les colore en rouge. Nous aurions môme, au besoin, dans les observations de M. le , capitaine Peytier, un terme de comparaison qui nous montrerait, toute proportion gardée, comment les nuages changent rapidement d'épaisseur dans telle ou telle par- tie; nous nous rappellerions que, durant son séjour sur les sommités des Pyrénées, cet officier voyait souvent se détacher tout à coup de la couche horizontale de nuages située au-dessous de sa station, des colonnes déliées de vapeur, qui montaient verticalement comme des fusées, 280 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. et avec une extrême rapidité. Seulement, en suivant plus loin l'hypothèse que nous examinons, on avait peut-être le droit, en i8/i2, de s'étonner qu'aucun nuage solaire n'eut été jamais aperçu entièrement en dehors du contour de la Lune. Il est vrai qu'une semblable observation de- vait trancher définitivement la question ; qu'il ne deve- nait plus possible d'avoir recours à des montagnes pour expliquer les phénomènes ; que la dénomination de nuage était la seule qui pût être donnée à une masse rougeàtre, isolée, sans base, ne s'appuyant par aucun côté, ni sur la Lune, ni sur la matière radieuse qui détermine le con- tour ordinairement visible du disque solaire. Eh bien, cette observation décisive existait, même avant l'éclipsé de 1851. Je l'ai déjà rapportée précé- demment, page 2G6; c'est l'observation de Bigerus Vas- senius. « Moi-même, dit l'astronome suédois, je revis avec joie, pendant 40 secondes et plus, occupant toujours la même place dans l'atmosphère lunaire, près de la périphérie de la Lune, cette même tache, ou, si vous le préférez, ce nuage immobile. » Les expressions du Mémoire original , prope ad peri- pheriam Lunœ, semblent écarter toute idée de contact apparent entre la tache rougeàtre et le limbe de la Lune. J'ai néanmoins cherché à découvrir comment elles avaient été comprises du temps de Vassenius; or, un célèbre académicien suédois, Celsius, qui probablement avait des relations personnelles avec l'observateur de Gothebourg, a écrit une histoire détaillée de l'éclipsé de 1733, dans laquelle on lit : « Vassenius vit, dans l'anneau NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 281 même, dans la couronne, trois ou quatre petites taches brillantes, de diverses formes, de diverses grandeurs, très-près de la périphérie de la Lune, mais non en con- tact avec elle. » Après ce passage, il semble vraiment difficile de con- server quelque doute sur ce fait capital, que les taches de 1733 ne touchaient ni à la périphérie de la Lune, ni à la périphérie du Soleil; dès lors, elles ne pouvaient être des montagnes. J'ajoute que l'observateur était exercé, qu'il se servait d'une puissante lunette, et qu'il parut sentir tout le prix de sa remarque. J'en étais à ce point de la discussion, lorsque j'ai eu connaissance d'une observation, faite très-légèrement peut-être, et qui n'en jette pas moins quelque louche sur l'assertion de Vassenius. Celsius apprit de M. Brag, que le pasteur de Marstrom déclarait avoir vu, à l'aide d'une excellente lunette anglaise, lès taches en contact avec le bord de la Lune. Il fallait donc définitivement en appeler à de nou- velles observations; elles ont été faites en 1851. Les observations dont il vient d'être question ne sont pas un simple objet de curiosité. Il est possible qu'elles conduisent à de très-utiles conséquences. D'après l'état actuel des connaissances astronomiques, le Soleil se compose : 1° d'un globe central à peu près obscur ; 2" d'une immense couche de nuages qui est sus- pendue à une certaine distance de ce globe, et l'enve- loppe de toutes parts; 3° d'une photosphère, en d'autres termes, d'une sphère resplendissante qui enveloppe la couche nuageuse, comme celle-ci, à son tour, enveloppe 282 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. le noyau obscur. Les éclipses de 1842, 1850 et 1851, ainsi que je l'ai fait voir dans une autre Notice *, nous ont mis sur la trace d'une troisième enveloppe située au- dessus de la photosphère , et formée de nuages obscurs ou faiblement Juminoux. La première enveloppe nuageuse, et la photosphère dont elle est recouverte, éprouvent quelquefois des déchi- rements nombreux qui se correspondent, et permettent de voir à nu le corps obscur central : le disque du Soleil paraît alors parsemé de taches noires. La photosphère, examinée avec attention , semble pointillée ; elle ne présente pas un éclat uniforme; souvent des traînées d'une intensité extraordinaire, des facules, sillonnent en divers sens les régions de l'astre voisines de son équateur. On n'a pas trouvé jusqu'ici que les taches, que les facules solaires, exercent, à raison de leur nombre ou de leur grandeur, une action bien notable sur les tem- pératures terrestres. En serait-il de même des nuages de la troisième enveloppe, de ces nuages imparfaitement diaphanes, peut-être, qui s'interposeraient entre la pho- tosphère et nous ; qui arrêteraient une proportion sen- sible de la lumière et de la chaleur solaires; qui, en tout cas, pourraient être l'indice d'un état particulier de la photosphère, d'un état particulier de la région d'où la chaleur et la lumière émanent principalement? Il est permis d'en douter. Si cette troisième enveloppe existe, elle donnera peut-être la clef de quelques-unes des 1. Sur la constitution plij'sique du Soleil et des étoiles, p. 125 de ce volume. NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 283 grandes et déplorables anomalies que Ton remarque dans le cours des saisons ^. Je vais, sans plus tarder, au-devant d'une observation qu'on ne manquerait pas de faire : A quoi bon soulever aujourd'hui des questions qui ne seront peut-être pas résolues dans un siècle? Si les nuages de la troisième enveloppe solaire ne deviennent visibles qu'au moment des éclipses totales, il faudra, attendu la rareté de ces phénomènes, des milliers d'années pour vérifier toutes ces conjectures ; l'observation des nuages solaires ne deviendra jamais un moyen usuel de prévoir quelque temps à l'avance, des augmentations ou des diminutions de température. La valeur de cette argumentation repose tout entière sur l'hypothèse que les nuages solaires ne seront visi- bles dans l'avenir, comme ils ne l'ont été par le passé, que pendant des éclipses totales ou presque totales. Or 1. Dans la nombreuse catégorie des taches du Soleil , quelle est la place qu'occuperaient les nuages de la troisième enveloppe? Peut- être ces nuages produisent-ils les pénombres isolées, les pénombres sans noyau. Les taches de ce genre ne sont pas très-communes; jamais leur étendue totale n'est une partie aliquote considérable de la surface solaire. Dans cette hypothèse, ce serait donc comme symptôme d'un état particulier de la photosphère, que l'observa- tion régulière des nuages aurait de l'importance. Il faudra aussi examiner quel devrait être l'aspect du disque du Soleil , si la pho- tosphère de cet astre était hérissée, çà et là, de parties saillantes cylindriques, coniques ou pyramidales, d'une hauteur considé- rable (le seizième, par exemple, du diamètre du Soleil), et si la matière de ces parties était identique avec celle de la photosphère. Des suppositions très-admissibles conduiraient à trouver, dans cette constitution de l'astre, l'origine de certaines facules. On arriverait aussi à des facules pour résultat, si l'on faisait les nuages lumineux par eux-mêmes et diaphanes. 284 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. je crois pouvoir établir avec quelque probabilité que dans certains lieux, si Ton s'entoure de toutes les pré- cautions convenables, l'observation de ces nuages pourra se faire, par un ciel serein, tous les jours de l'année. Pourquoi ne voyons-nous pas les étoiles et les planètes à l'œil nu, le jour comme la nuit? Parce que, le jour, l'atmosphère à travers laquelle nous parviennent les rayons des étoiles et des planètes est éclairée ; parce que la lumière solaire, réfléchie alors vers l'observateur par l'atmosphère, efface les lumières débiles qui se joignent à elle. Pourquoi les étoiles et les planètes sont-elles d'autant plus difficiles à apercevoir que leur place dans le ciel approche davantage de la région occupée par le Soleil ? Parce que la lumière atmosphérique est beaucoup plus intense près du Soleil que loin du Soleil. Tout ce qui affaiblira la lumière atmosphérique favori- sera donc l'observation des étoiles et des planètes. On concevra maintenant sans difficulté comment les proéminences rougeàtres (montagnes ou nuages) , qui dépassent la périphérie de la Lune, sont totalement invi- sibles en plein jour, et très-aisément visibles, au con- traire, pendant la durée d'une éclipse totale. Dans le pre- mier cas, leurs images au fond de l'œil se projettent sur la rétine vivement éclairée ; dans le second cas, elles n'ont à prédominer, pour être aperçues, que sur la faible lumière de la couronne blanchâtre dont la Lune est entourée. Pendant les éclipses partielles, ce qui reste visible est tantôt la moitié, tantôt le tiers, tantôt le quart,..., NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 285 tantôt le dixième, etc. , de la surface totale du Soleil. Les autres circonstances étant égales, l'éclat de l'atmo- sphère en tous ses points varie suivant les mêmes rap- ports, du moins pour ce qui provient d'une seule réflexion; ainsi l'intensité de la lumière atmosphérique, dans la zone étroite qui entoure le limbe circulaire du Soleil, dans la zone étroite sur le prolongement de laquelle existent les proéminences rougeâtres, doit se réduire, suivant les cas, à la moitié, au tiers, au quart,..., au dixième de l'inten- sité ordinaire. Or ces réductions peuvent être suffisantes pour rendre visible ce qui d'abord ne l'était pas. Il faut donc espérer que les éclipses partielles fourniront aux astronomes l'occasion d'acquérir des notions nombreuses et précises sur les nuages solaires. Il suffira de deux mots pour détromper ceux qui , sans un examen suffisant, déclareraient mes espérances mal fondées : je rappellerai que lord Aberdour, Short et Van Swinden aperçurent des proéminences rougeâtres pen- dant les éclipses, seulement annulaires, de 1717, de 1748, de 1820, et qu'en 1842, M. Mayette à Perpignan, MM. Conti et Biela à Bologne , continuèrent à les voir après l'émersion du Soleil, malgré l'éblouissement auquel personne n'échappe en passant brusquement des ténèbres à la lumière. Faisons un pas de plus : Tout ce qui afl'aiblira sensiblement l'intensité éclairante de la portion d'atmosphère terrestre qui paraît entourer et toucher le contour circulaire du Soleil , pourra contri- buer à rendre les proéminences rougeâtres visibles, La théorie, d'accord en cela avec les observations des voya- 286 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. geurs, nous apprend que l'atmosphère, vue du sommet d'une haute niontiignc, d'une montagne isolée surtout, doit paraître extrêmement sombre : on a parlé de ciel eflVayant, de ciel noir comme un four, de ciel qui per- mettait de voir, en plein midi, les principales étoiles; mais, dans la matinée du 8 juillet 1842, le ciel ne fut jamais plus sombre que celui dont on nous fait de pareilles descriptions ; le 8 juillet 1842 , au moment de l'obscu- rité totale, les yeux les plus pénétrants aperçurent cinq ou six étoiles au maximum ! Il est donc permis d'espérer qu'un astronome exercé, établi au sommet d'une très-haute montagne, pourrait y observer régulièrement, tous les jours, les nuages de la troisième enveloppe solaire, situés, en apparence, sur le contour de l'astre ou un peu en dehors; déterminer ce qu'ils ont de permanent et de va- riable; noter les périodes de disparition et de réappari- tion ; recueillir enfin des données qui peut-être jetteront un grand jour sur les questions les plus obscures de la météorologie. Pendant le temps où les astronomes observèrent com- modément les flammes en 1842, le Soleil était entière- ment caché par la Lune ; mais rien n'empêcherait de placer au foyer d'une lunette un écran métallique circu- laire qui produirait exactement le môme eilet. Une mon- ture parallatique, une horloge entraînant la lunette suivant le mouvement diurne, compléterait l'appareil. Les nuages solaires se montreraient au delà du bord de la plaque, comme ils se montrèrent, en 1842 et 1851, au delà du bord de la Lune ; les facilités d'observation qui pouvaient dépendre directement de l'absence de l'image solaire, NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 2S7 seraient, par relfet de l'interposition de la plaque, ce qu'elles étaient en 1842 et en 1851, à cause de l'inter- position de notre satellite. Je m'exposerais à voir mes projets d'observation taxés de pures chimères, si je ne relevais pas quelques-unes des erreurs singulières qu'on a commises en essayant d'expli- quer la non-visibilité habituelle des proéminences solaires. Voici ce que je trouve dans une brochure, fort répandue, de deux professeurs de physique : «Les montagnes du Soleil, si elles existent, n'étant qu'une petite fraction de la masse entière de l'astre, n'en- voient à la Terre qu'une lumière incomparablement moindre que celle du globe entier de cet astre ; par con- séquent, elles doivent disparaître dans la vive lumière qui nous vient de son disque, surtout lorsqu'on en éteint l'éclat par l'interposition de verres noirs. » Supposons ce raisonnement juste, et le système d'ob- servations que je proposais pour observer la constitution du Soleil sera complètement renversé : il n'est, en eflet, au pouvoir de personne, de faire que les proéminences ne soient pas une petite fraction de la masse entière du Soleil. Heureusement, sans entrer dans aucune discussion technique, je puis faire remarquer que les facules, que les pénombres, que les parties contiguës, lumineuses et som- bres du pointillé, se voient parfaitement, s'observent sans difficulté, quoique le pointillé, les pénombres et les facules soient une petite fraction de la masse (lisez sur- face) entière du Soleil. Il m'en coûterait de faire ressortir, sans une nécessité absolue, l'erreur étrange que j'aperçois dans le passage 288 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. du Mciiioire des deux professeurs qui est relatif à l'inter- position de veri'es noirs. Je me contenterai, pour le mo- ment, d'opposer un fait patent h une assertion contraire aux principes les plus évidents de la science : A Vienne, M. Schumacher aperçut et étudia les pro- éminences rougeàtres, à travers le verre coloré qui lui avait servi à observer les phases de l'éclipsé. J'ai indiqué ailleurs ^ les artifices particuliers à l'aide desquels un astronome exercé, se débarrassant d'une multitude de fausses lumières, sait assombrir considé- rablement le champ d'une lunette dirigée vers le Soleil, ou seulement vers les régions qui entourent l'astre. J'ajouterai ici qu'après avoir mis ces artifices en usage, on est arrivé à voir des étoiles et des planètes très-près du Soleil. Le 19 mai 1821, le capitaine Kater aperçut Vénus près de sa conjonction supérieure, lorsque la planète n'était éloignée du centre du Soleil que de 65' 50''', et, con- séquemment, lorsque la distance au bord atteignait à peine 50'. Le i2G mai 1821, Wollaston vit le même astre à 53' 15''' du centre du Soleil, et à 37' du bord. 11 se servait d'une lunette qui avait seulement 7 pouces anglais de long (0"'.18), et moins de 1 pouce (0"'.025) d'ouverture. Enfin, le 30 mai 1805, Vidal., de Toulouse, avait aperçu Vénus à 46 minutes du centre du Soleil et à 30 minutes du bord. Que parlez-vous de Vénus? dira-t-on ; il s'agit des proéminences, et non de cette resplendis- 1. astronomie populaire, liv. XIV, chap, XI, t. II, p. 121 ù 126. NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. 289 santé planète. Voici ma réponse : Je n'ai pas trouvé que pendant les éclipses totales , anciennes ou récentes , les planètes voisines du Soleil aient été fréquemment, aient été facilement observées; je n'ai pas remarqué, par exem- ple, qu'à l'occasion de l'éclipsé de 18/i2, on ait beaucoup fait mention de Mars qui alors n'était pas très-loin de sa conjonction. Or, pendant cette même éclipse, beaucoup de personnes ont vu à l'œil nu les proéminences rou- geâtres se dessiner nettement sur l'auréole nacrée et très- brillante dont la Lune était entourée. Ce simple rappro- chement justifie, si je ne me trompe, toute assimilation qu'on aurait besoin de faire, quant à l'éclat, entre les proéminences et les planètes. Après s'être étendu sur les discussions savantes qui avaient surgi à l'occasion de l'auréole observée autour de la Lune pendant l'éclipsé totale de 1715, et aussi à l'occasion de certaines lueurs serpentantes, remarquées sur diverses parties du disque, etc., Fontenelle disait : « Si l'on ne s'était mis en peine, dans cette éclipse, que de ce qu'il y avait de purement astronomique, on en aurait été quitte, pour ainsi dire, à bon marché. Mais on s'est attaché aussi au physique, et il a produit à son ordinaire beaucoup de difficultés et d'incertitudes. » En 1842 et en 1851, les difficultés, les incertitudes n'ont pas été moindres qu'en 1715; seulement, le cadre de l'astronomie s'étant élargi, personne ne dirait aujour- d'hui qu'en cherchant dans les phénomènes quelques notions nouvelles sur la constitution physique du Soleil et de la Lune, on s'est jeté dans le physique. La manière dont les sciences se développent est trop bien appréciée, VIL— IV. 19 290 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES. pour qu un esprit droit pût, à notre époque, s'affliger en voyant des difficultés sortir de l'examen approfondi d'une question : des difficultés bien définies, des diffi- cultés nettement caractérisées sont des demi-découvertes. En tous cas, les études auxquelles je viens de me livrer montreront que je ne me résigne pas aisément à renvoyer la solution des problèmes astronomiques à des époques indéfiniment éloignées. NOTICE LA POLARISATION DE LA LUMIÈRE CHAPITRE PREMIER INTRODUCTION [La Notice sur la polarisation de la lumière a été écrite en 1824 pour V Encyclopédie britannique; la traduction en anglais en a été faite par le docteur Thomas Young et elle est insérée dans le tome xviii de ce grand ouvrage. Voici sur les circonstances dans lesquelles cette Notice a été faite une lettre adressée de Metz par M. Arago au docteur Thomas Young, et dont Fillustre auteur a laissé la minute annexée à son manuscrit. « Mon cher confrère , « J'aurais bien de la peine à vous exprimer combien je fus contrarié en revenant de Calais à Paris d'apprendre que vous en étiez parti ; je ne le suis pas moins mainte- nant, puisque madame Arago m'annonce que vous êtes fâché au vif contre moi. Le fait paraît certain ; reste à savoir quels sont les motifs. On dit que je n'ai pas daigné 292 NOTICE SUR LA POLARISATION répondre à votre dernière lettre. Ce mot daigné m'avait paru, je l'avoue, singulier sous votre plume, surtout en songeant qu'il s'adressait à une personne qui a publique- ment, sans réserve, en toutes circonstances, professé l'admiration la plus franche pour vos travaux et pour votre caractère. Aussi m'étais-je flatté qu'il était la tra- duction inexacte d'un mot anglais qu'on avait mal en- tendu ; mais cette ressource même m'est enlevée : la lettre où ce mot se trouve est écrite en français. Il me reste donc à me résigner et à essayer de prouver que je ne suis pas aussi coupable qu'on l'imagine. « Je vous ai déjà fait une histoire détaillée de mes rela- tions avec M. Napier au sujet de cet article Polarisation dont je désirerais bien maintenant n'avoir jamais entendu parler. J'ai constamment réclamé un temps suffisant ; on a toujours répondu à mes demandes en m'assignant de si courts intervalles qu'ils n'auraient seulement pas suffi à la lecture des nombreux Mémoires qui ont été publiés sur cette branche de la physique. Je sollicite enfin comme dernière faveur d'être autorisé à exposer les phénomènes de la polarisation dans l'article Réfraction [double)-, on ne répond ni oui ni non, mais seulement que je ne gagne- rais rien à ce changement, attendu que les syllabes com- prises entre PO et RE sont très-pauvres. « Je voulais renoncer; des motifs d'amour -propre puisés, je l'avouerai franchement, dans vos flatteuses sol- licitations, m'engagèrent à essayer de remplir vos vues. Je m'occupai donc sans relâche à recueillir les matériaux, mais je n'avais encore fait que fort peu de progrès quand les ordres du ministre de la guerre m'envoyèrent à Metz DE LA LUMIÈRE. 293 OÙ je suis encore maintenant, occupé du matin au soir à examiner des officiers. « Vous me demanderez ce que je veux conclure de tout cela. Le voici. Premièrement : que je ne pouvais pas ré- pondre catégoriquement à votre lettre avant d'avoir essayé si j'aurais un temps suffisant pour répondre à vos vues, et que je n'ai point mérité que vous employassiez le mot daigner ; deuxièmement, qu'il ne serait pas possible de rédiger l'article, comme je le conçois du moins, dans le peu de temps qu'on paraît disposé à m'accorder. Pour vous prouver toutefois ma bonne volonté, je vais vous pro- poser un arrangement contre lequel il serait bien difficile, ce me semble, d'élever quelque objection. Je m'engage, malgré toute la répugnance que cette condition m'avait anciennement inspirée, à rédiger l'article dans les limites que vous m'assignerez; dès lors, je n'arrêterai pas l'ou- vrage; M. Napier pourra me réserver l'espace convenu, continuer l'impression et le tirage des articles suivants. Gomment serez-vous sûr, me dira-t-on peut-être, de don- ner à votre article les limites convenues à une ligne près, quand on songe surtout qu'il devra être traduit? Je ré- ponds que vous serez parfaitement le maître de suppri- mer ce qu'il vous plaira, et mieux encore, que l'article devant être terminé par des tables, on pourra toujours, en leur donnant plus ou moins d'étendue, remplie' l'espace à un mot près. Examinez, je vous prie, ma proposition, jugez-la et daigniez me faire connaître votre opinion et celle de M. Napier. Si vous l'adoptez, je me mettrai à l'ouvrage tout de suite; dans le cas contraire, je ne pour- rais pas me charger du mot Pularisation de la lumière. 294 NOTICE SUR LA POLARISATION Faire une histoire parfaitement impartiale de In polarisa- tion, élaguer toutes les supcrfétations, n'est pas l'œuvre d'un jour, et malheureusement Frcsnel, sur lequel vous comptiez pour m'aider, ne pourrait m'être d'aucun se- cours, puisqu'il ne lit pas les langues étrangères. » M. Arago avait fait recopier son manuscrit en 1852 et il avait l'intention de mettre son travail au courant des dernières recherches faites dans cette partie de l'optique. Sa mort prématurée ne lui a pas permis de réaliser ce projet. La Notice sur la polarisation est donc exactement conforme au manuscrit de 1824. Quelques tableaux de chilTres restés en blanc et quelques calculs inachevés sur le manuscrit ont été remplis ou exécutés conformément au texte anglais de V Encyclopédie britannique. ] CHAPITRE II DÉFINITION d'un RAYON POLARISÉ Jusqu'à ces dernières années la plupart des physiciens, la presque totalité des géomètres, s'étaient accordés à regarder les rayons de lumière comme composés de molé- cules extrêmement petites que les corps lumineux lançaient dans toutes les directions avec de très -grandes vitesses. Quant à la forme de ces molécules , elle était restée in- déterminée. Cependant comme il résultait d'une ancienne observation que certains rayons ne jouissent pas des mêmes propriétés sur tous les points de leur contour, il DE LA LUMIERE. 2;.5 fallut assimiler leurs parties élémentaires à de petits aimants, les supposer douées de pôles. Dès lors on appela rayon polarisé tout rayon modifié de manière que les propriétés polaires des molécules y fussent manifestes. Nous commencerons cette Notice en décrivant les divers moyens qu'on a découverts pour polariser les rayons. CHAPITRE III DE LA DODBLE RÉFRACTIOIV CONSIDÉRÉE COMME MOYEN DE POLARISER LA LUMIÈRE Supposons qu'un pinceau de lumière naturelle, c'est- à-dire venant directement d'un corps lumineux sans avoir éprouvé ni réfraction ni réflexion, tombe sur un cristal de carbonate de chaux , perpendiculairement à une face naturelle ou artificielle. Ce faisceau éprouvera, en géné- ral , une bifurcation en pénétrant dans le cristal : une moitié de la lumière incidente continuera sa route en ligne droite, conformément aux lois ordinaires de la ré- fraction ; l'autre moitié présentera le phénomène le plus étrange : elle se mouvra dans le cristal suivant une direc- tion oblique à sa surface, quoiqu'elle provienne d'un rayon qui lui était perpendiculaire. La première moitié s'appelle faisceau ou rayon ordinaire; la seconde, faisceau ou rayo7i extraordinaire. Le plan qui passe par ces deux faisceaux est évidemment perpendiculaire à la face du cristal ; il joue un grand rôle dans les phénomènes de la polarisation; on le désigne par le nom de section principale. On voit, d'après cette définition, qu'à chaque rayon lumineux, qu'à chaque point d'incidence sur un cristal 296 NOTICE SUR LA POLARISATION donné, correspondra une section principale; il importe sciilement de remarquer que toutes ces sections seront parallèles entre elles. Dans un rhomboïde de spath d'Is- lande la section principale coupe les faces naturelles suivant une ligne parallèle à la diagonale menée par les angles obtus du parallélogramme et divisant celui-ci en deux parties égales. Les rayons ordinaires et extraordinaires acquièrent dans le cristal des propriétés nouvelles que ne possède pas la lumière directe. Pour le démontrer, il suffira de décrire ce que chacun de ces rayons éprouve quand il rencontre un second cristal doué de la double réfraction. Occupons-nous d'abord du rayon ordinaire, de celui qui a pénétré dans le cristal, en ligne droite, sans se réfracter. Si la section principale du nouveau cristal est parallèle à la section principale de celui que le rayon ordinaire a d'abord traversé, ce rayon n'y éprouvera pas la double réfraction ; il suivra uniquement, sans se diviser, la route ordinaire. Si les sections principales des deux cristaux sont rectangulaires , le rayon qui était ordinaire dans le premier, deviendra extraordinaire dans le second, c'est- à-dire qu'il s'y réfractera, quoiqu'il tombe perpendicu- lairement sur ses faces. Enfin quand les sections prin- cipales ne seront ni perpendiculaires ni parallèles, ce môme rayon ordinaire éprouvera toujours la double réfraction dans le second cristal ; mais les deux rayons auxquels il donnera naissance auront des intensités in- égales, excepté dans le seul cas où les sections formeront entre elles un angle de d^ degrés. Le faisceau extraordinaire offre des phénomènes ana- DE LA LUMIERE. 297 logues. Il reste faisceau extraordinaire dans tout cristal dont la section principale est parallèle à celle du cristal d'oii il provient; il devient rayon ordinaire quand ces sections principales sont perpendiculaires; il se partage en deux faisceaux également vifs, si les deux sections principales font entre elles un angle de 45°, et dans toute autre position il donne toujours deux faisceaux, mais d'intensités dissemblables. La vérification expérimentale de ces résultats est très- aisée. On tend horizontalement sur une table une feuille de papier noir, on y trace suivant des directions rectan- gulaires deux lignes droites très-fines et au point de leur intersection on forme une tache blanche d'une certaine dimension. On pose sur le papier un rhomboïde de spath calcaire; alors plaçant l'œil verticalement au-dessus de la tache, on aperçoit deux images qui sont situées sur une ligne droite parallèle à la petite diagonale de la face supérieure du rhomboïde. L'une de ces images se voit dans le lieu même oii le point blanc existe, comme on le reconnaît facilement par les deux lignes droites rectangu- laires qui y aboutissent et dont les prolongements dépas- sent le cristal ; les rayons qui la forment n'ont pas dû se réfracter, c'est donc l'image ordinaire. Les autres rayons s' étant brisés, puisque prolongés ils ne passent pas par le point blanc , déterminent l'image extraordinaire. Sur ce premier cristal placez-en un second de ma- nière que les petites diagonales des faces en contact soient parallèles, vous n'observerez encore que deux images du point blanc ; mais elles seront plus écartées. L'une se \ erra dans la direction même où le point existe; 208 NOTICE SUR f.A POLARISATION d'où il résulte que les rayons qui la forment ne se réfractent pas plus dans le second cristal qu'ils ne l'avaient fait dans le premier, ou qu'ils sont toujours restés rayons ordinaires. Quant à la seconde image, puisqu'elle est plus écartée de la place réelle du point lorsqu'on l'observe à travers les deux cristaux superposés, c'est une preuve que les rayons déjà réfractés extraordinairement dans le rhomboïde inférieur, ont éprouvé le même genre de ré- fraction en traversant l'autre cristal. Si l'on fait tourner lentement le rhomboïde supérieur autour de la verticale, de manière à écarter sa section principale de celle de l'autre cristal, chacune des précé- dentes images se partagera en deux autres. Les deux nouvelles images seront d'abord très-faibles; leur inten- sité augmentera graduellement aux dépens de celle des images primitives, à mesure que l'angle des deux sections principales deviendra plus grand ; enfin quand cet angle sera de 90°, les images primitives auront tout à fait dis- paru et il ne restera plus que les images nouvelles. L'une de celles-ci paraîtra éloignée du point blanc matériel, dans la direction de la courte diagonale du rhomboïde supé- rieur, d'une quantité à peu près égale à la valeur de la double réfraction de ce rhomboïde, c'est-à-dire tout autant que si le second cristal n'existait point. Cette image est donc évidemment formée par des rayons réfractés ordinairement dans le premier cristal et extraordinaire- ment dans le second. On verra tout aussi aisément que l'autre image provient, au contraire, de rayons réfractés d'abord extraordinairement et ensuite ordinairement dans les deux rhomboïdes superposés. DE LA LUMIÈRE. 299 Comme il est difficile de se procurer des rhomboïdes épais de carbonate de chaux bien diaphanes, on peut répéter les mêmes expériences à l'aide de deux prismes taillés dans des cristaux doués de la double réfraction et qu'on achromatise en les combinant avec des prismes de verre ordinaire placés en sens contraire; à travers ces deux prismes achromatiques superposés , l'image d'une bougie paraît cjuadruple ou double, suivant les positions relatives des sections principales. On reconnaît alors bien nettement que les images qui disparaissent ne se confon- dent pas avec les deux autres, car on les voit s'affaiblir graduellement pendant que les autres augmentent d'in- tensité par les mêmes degrés. En résumé : 1° La lumière directe se partage toujours en deux fais- ceaux dans son passage au travers d'un cristal de carbo- nate de chaux ; au contraire, la lumière dont l'un quel- conque de ces deux faisceaux se compose, soumise à l'action d'un semblable cristal, dans quelques positions particulières de la section principale, ne se partage pas, ne donne qu'un faisceau unique; 2° Les deux images fournies par la lumière directe ont toujours des intensités égales ; la lumière des fais- ceaux ordinaire ou extraordinaire, quand elle éprouve la double réfraction, donne presque constamment des images d'intensités dissemblables. L'acte de la double réfraction a donc imprimé à cette dernière espèce de lumière de nouvelles propriétés par lesquelles on peut toujours la distinguer de la lumière naturelle. Ces propriétés, au demeurant, sont -elles de 300 NOTICE SUR LA POLARISATION nature à ne pouvoir s'expliquer qu'en admettant que les molécules élémentaires des rayons ont des pôles? C'est ce que nous allons examiner. Nous supposerons qu'un rhomboïde de carbonate de chaux soit placé horizontalement, que la lumière inci- dente rencontre sa face supérieure perpendiculairement, et que la section principale, qui sera verticale, soit dirigée du nord au sud, qu'elle coïncide, en un mot, avec le plan méridien. On voudra bien remarquer que nous ne pre- nons des positions aussi particulières du rayon et du cristal que pour fixer les idées. Le faisceau ordinaire provenant de ce cristal, soumis à l'action d'un nouveau rhomboïde semblablement placé, c'est-à-dire dont la section principale soit aussi verticale et située dans le plan du méridien, le traverse, comme on a vu, sans se réfracter ; il continue sa route en ligne droite, il reste rayon ordinaire. Mais quand la section principale, toujours verticale, du second cristal, sera dirigée de l'est à l'ouest, le rayon ordinaire provenant du premier rhomboïde s'y réfractera, quoique tombant perpendiculairement sur sa surface ; il y deviendra rayon extraordinaire. Dans le premier cas, la section principale du second rhomboïde coupait le rayon, ou si l'on veut, les molécules lumineuses qui le composent, du nord au sud ; dans le second, ces molécules étaient coupées de l'est à l'ouest. On remarquera, du reste, qu'il n'y avait que cela de changé de l'une à l'autre expérience, puisque le rayon analysé rencontrait toujours le même point matériel du second cristal et sous la même inclinaison. 11 faut consé- DE LA LUMIÈRE. 301 queramcnt que dans ce rayon ou dans les éléments dont il est formé; les côtés nord et sud n'aient pas les mêmes propriétés que les côtés est et ouest. Quand c'est le faisceau extraordinaire qu'on analyse avec le second cristal, si la section principale coupe ce faisceau du nord au sud, il éprouve la réfraction extra- ordinaire; il suit, au contraire, la route ordinaire lorsque ce même plan le coupe de l'est à l'ouest. C'est précisé- ment tout le contraire que nous avions trouvé en analysant le faisceau ordinaire. Les côtés nord et sud de ce faisceau ont donc les propriétés des côtés est et ouest du faisceau extraordinaire et réciproquement; ces deux faisceaux ne diffèrent qu'en cela; les côtés doués de propriétés ana- logues sont seulement diversement orientés; en sorte que si l'on faisait faire au rayon extraordinaire, provenant d'un cristal quelconque, un quart de révolution sur lui- même, il serait impossible de le distinguer du faisceau ordinaire. Quand les physiciens disent d'un aimant, naturel ou artificiel , qu'il a des pôles, ils entendent seulement par cette expression , que certains points du contour de l'ai- mant sont doués de propriétés particulières que ne pos- sèdent pas du tout, ou que ne possèdent pas du moins au même degré, les autres points du contour. On a donc pu, avec autant de raison , dire des rayons ordinaires et extraordinaires provenant du dédoublement de la lumière naturelle dans le cristal de carbonate de chaux, qu'ils avaient des pôles , qu'ils étaient polarisés. Il faudra seu- lement remarquer, pour qu'on n'étende pas au delà des bornes légitimes l'analogie du rayon polarisé et d'un 302 NOTICE SUR LA TOLARISATION aimant , que sur chaque éléiiieiit de ce rayon , les côtés ou pôles diamétralement opposés (les pôles nord et sud du rayon ordinaire, par exemple, dans la position parti- culière que nous donnions au rhomboïde) paraissent avoir l'un et l'autre exactement les mômes propriétés. C'est à 90° de ces deux points, sur une droite perpendi- culaire à la ligne qui les joint, qu'on trouvera sur le même rayon des pôles doués de propriétés différentes. Mais si l'on compare ensemble les deux faisceaux prove- nant d'un cristal donné, les pôles doués des mêmes pro- priétés y seront placés dans deux directions rectangulaires. Considérons encore une dernière fois les deux rayons provenant d'un cristal dont la section principale, pour fixer les idées, coïnciderait avec le plan du méridien ; il n'y a aucune raison plausible d'assigner de préférence la dénomination de pôles aux côtés nord et sud du rayon ordinaire plutôt qu'aux côtés est et ouest. Cependant, comme il fallait faire un choix, on s'est généralement ac- cordé à appliquer le nom de pôles aux côtés nord et sud. Dès lors on a dit que le rayon ordinaire est polarisé dans le plan de la section principale, ce qui exprime que les divers éléments de ce rayon ont les faces que nous avons appelées des pôles situées dans ce plan. Quant au rayon extraordinaire , il est polarisé perpendiculairement à la section principale; c'est, en effet, perpendiculairement à cette section que les pôles du rayon extraordinaire sont situés, puisqu'il devient parfaitement semblable au rayon ordinaire, si on lui fait faire un quart de révolution sur lui-même. Parvenu à ce point, on se demandera sans doute s'il DE LA LUMIÈRE. 303 faut admettre que le dédoublement de la lumière dans le cristal a donné des pôles aux molécules, ou si l'on doit supposer que des pôles préexistants ont seulement été tournés vers les mêmes régions de l'espace ? Cette ques- tion est trcs-diflicile à résoudre; on trouvera plus loin, sinon une démonstration de la seconde hypothèse, du moins des motifs plausibles pour l'adopter. Ici nous nous contenterons de faire remarquer que la modification éprouvée par les rayons est entièrement indépendante de la nature du cristal, pourvu qu'il double les images, et que tous les phénomènes que présentent deux rhomboïdes de spath calcaire superposés se reproduiraient dans leurs plus petits détails, si l'on combinait, par exemple, un de ces rhomboïdes avec un cristal de carbonate de plomb; si le premier cristal était de soufre et le second de quartz, de sulfate de baryte, etc., etc. Au reste, ce n'est pas seulement dans les phénomènes de la double réfraction que se manifestent les propriétés particulières des rayons polarisés. La réflexion de ces espèces de rayons sur des miroirs diaphanes donne aussi les moyens de les distinguer des rayons ordinaires. Quand un faisceau de lumière naturelle rencontre un miroir diaphane sous une inclinaison quelconque, il se partage en deux parties : l'une traverse le miroir, l'autre se réfléchit. Cette dernière est toujours contenue dans un plan passant par la direction du faisceau primitif et par la normale au point d'incidence. Ce plan s'appelle plan de réflexion. Il importe de le bien distinguer du plan sur lequel la réflexion s'opère et qu'on doit nommer plan réfléchissant. 304 NOTICE SUR LA POLARISATION Cela posé, plaçons verticalement la section principale d'un cristal doué de la double réfraction ; faisons-le tra- verser perpendiculairement à ses faces par un faisceau de lumière ordinaire ; recevons les deux faisceaux émer- gents qui en résulteront sur une nappe d'eau horizontale, et supposons que le faisceau ordinaire fasse avec la sur- face du liquide un angle de 37" 15'. Ce faisceau éprouvera une réflexion partielle comme l'eût fait la lumière directe, tandis que le faisceau extraordinaire, quand son angle d'incidence sera aussi de 37° 15', pénétrera tout entier dans le liquide sans qu'aucune de ses molécules se réflé- chisse, caractère qui distingue bien nettement ce dernier faisceau de la lumière naturelle. Toutes les circonstances de l'expérience restant les mêmes, faisons faire un quart de révolution au cristal autour des rayons qui le traversent. Ce mouvement amè- nera la section principale dans un plan perpendiculaire à sa position primitive. Alors, sous l'inclinaison de 37° 15', ce sera le seul faisceau ordinaire qui traversera le liquide en totalité. L'autre éprouvera une réflexion partielle exactement égale à celle que nous avions pre- mièrement trouvée dans le rayon ordinaire : nouvelle preuve que ces deux rayons ne diffèrent que par la ma- nière dont sont orientés ceux de leurs côtés qui jouissent de propriétés semblables. Dans toutes les positions de la section principale inter- médiaires entre ces deux positions extrêmes, les deux faisceaux éprouveront l'un et l'autre une réflexion par- tielle d'autant plus forte pour le faisceau ordinaire que la section principale sera plus près de coïncider avec le DE LA LUMIÈRE. 305 plan de réflexion, et pour le rayon extraordinaire, que ces deux plans feront entre eux un angle plus voisin de 90°. Nous terminerons ce chapitre en rapportant la loi mathématique qui paraît lier les intensités comparatives des faisceaux ordinaire et extraordinaire en lesquels la lumière polarisée se décompose quand on l'analyse avec xn cristal doué de la double réfraction. Soient F„ l'intensité du faisceau ordinaire provenant d'un cristal quelconque, F^o et Foe les intensités des fais- ceaux ordinaire et extraordinaire auxquels le premier faisceau ordinaire donnera naissance en traversant un second cristal. Soit i l'angle des deux sections principales, on a alors : Foo — Fo cos-i, Foe = Fo sin^i. Voyons ce que ces formules deviennent dans quelques cas particuliers. Si î = 0, on a cos-0 = 1, sin^o = 0 , et par conséquent on a Foo = F et Foe est nul ; Si i = 90", on a cos^OO = 0, sin-90 = 1, et par conséquent Foo est nul , et on a Foe = Fo ; Si 2 = /|5", on a cos^ZiS = sin-à5 = i , et par conséquent Foo = 7 Fo, et on a Foe = i F„. Ces trois conséquences des formules sont, comme on a vu , conformes aux observations ; on ne sera toutefois en droit d'affirmer que ces formules sont mathématique- ment exactes qu'après qu'on les aura aussi vérifiées pour quelques valeurs de i intermédiaires entre les limites 0, 45" et 90". Les formules correspondantes au rayon extraordinaire VIL— IV. 20 306 NOTICE SUR LA POLARISATION sont tout aussi simples que les précédentes. Fe étant l'in- tensité de ce rayon; Feo et Fee les intensités des deux faisceaux ordinaire et extraordinaire en lesquels il se décompose dans un cristal, i conservant sa première signification, on aura : Fco = Fe sinH et Feo = Fe cos*/. Si on a i = 0, il vient Feo = 0 , et Fee = Fe. Et en ellet il n'y a pas alors de rayon ordinaire, tout suit la route extraordinaire. Si on suppose i = 90°, il vient Feo = Fe, Fee = 0. Ce que l'observation confirme encore, puisque le rayon extraordinaire venant d'un certain cristal ne suit que la route ordinaire en en traversant un autre dont la section principale est perpendiculaire à celle du premier. On trouvera le même accord entre le calcul et l'expérience quand i est ii5°; ce qui n'empêche pas que, pour les valeurs intermédiaires de cet angle, les formules, comme celles du rayon ordinaire, n'aient encore besoin d'être vérifiées par des expériences directes. CHAPITRE IV DE LA RÉFLEXION CONSIDÉRÉE COMME MOYEN DE POLARISER LA LUMIÈRE La réflexion sur des miroirs diaphanes fournit, comme nous venons de voir, un critérium propre à faire dis- tinguer les rayons polarisés des rayons ordinaires. Nous DE LA LUMIÈRE. 307 devons ajouter qu'elle est aussi un moyen de polariser la lumière. Faites tomber, par exemple, un pinceau de rayons naturels sur un miroir de verre ordinaire et horizontal , de manière que l'inclinaison comptée à partir de la sur- face du miroir soit de 35° environ. Une partie du pin- ceau traversera le verre; l'autre se réfléchira. La portion réfléchie est polarisée comme le serait le faisceau ordi- naire sortant d'un cristal dont la section principale coïn- ciderait avec le plan de réflexion. En effet, si l'on analyse cette lumière partiellement réfléchie, à l'aide d'un cristal dont la section principale coïncide avec le plan de réflexion, elle ne s'y bifurque pas, on n'obtient qu'une image ordinaire. Ce même faisceau réfléchi ne se divise pas davantage en traversant le cristal quand la section principale est perpendiculaire au plan de réflexion ; seulement il donne alors une image extraordinaire. Dans toute autre position on a à la fois image extraordinaire et image ordinaire. L'intensité de celle-ci est exprimée par la formule Fcos-?' dans laquelle F est l'intensité totale du faisceau sur lequel on opère et i l'angle que la section principale du cristal forme avec le plan de réflexion. Cette formule, comme on voit, coïncide avec celle que nous avons donnée pour le faisceau ordi- naire dans le cas de deux cristaux superposés. Le plan de réflexion fait ici l'oflice de la section principale du premier cristal ; c'est donc dans ce plan que le rayon s'est polarisé en se réfléchissant. Avant d'afiirmer toutefois qu'il y a identité entre l'es- pèce de polarisation que la réflexion partielle opérée sous 308 NOTICE SUR LA POLAFIISATION certains angles à la surface des corps diaphanes imprime à la lumière, et celle qui résulte de la double réfraction, il faut soumettre le rayon polarise par une première ré- flexion à l'épreuve de réflexions nouvelles. Ces secondes réflexions rejetteront évidemment la lumière de haut en bas, si le miroir est au-dessus du rayon; de bas en haut, s'il est au-dessous; de droite à gauche, si le miroir se présente au rayon par sa face de droite; en sens contraire, s'il se présente par la face de gauche. Quand le second miroir est au-dessus ou au-dessous du rayon , de manière que le nouveau plan de réflexion coïncide avec l'ancien, il y a réflexion partielle sous toutes les incidences. Quand, au contraire, ce miroir se présente au rayon par sa droite ou par sa gauche et de telle sorte que le nouveau plan de réflexion soit perpen- diculaire au premier, toute réflexion cesse dès que l'in- clinaison est de 35° environ. Dans les positions intermé- diaires du miroir et sous l'inclinaison constante de 35° à peu prè.= . l'intensité de la réflexion varie proportionnel- lement au carré du cosinus de l'angle que l'ancien et le nouveau plan de réflexion fprment entre eux. La moindre attention montrera combien cette expé- rience a de rapports avec l'une de celles que nous avons exécutées à l'aide d'un rhomboïde. Pour voir alors si le rayon ordinaire avait les mêmes propriétés sur tous les points de son contour, nous donnions au cristal un mou- vement de rotation autour du rayon, de manière à placer successivement la section principale, et conséquemment les pôles qu'elle renferme, de haut en bas, de droite à DE LA LUMIÈRE. 309 gauche, etc.; c'est dans ces diverses positions que nous faisions tomber le rayon sur un miroir diaphane. Ici, nous avons laissé le premier plan réfléchissant immobile, et c'est le second qui a tourné autour du rayon, qui a été présenté à ses divers côtés. Cette épreuve est évidemment analogue à la précédente, et le résultat est identique. Nous pouvons donc affirmer maintenant que le rayon qui se réfléchit à la surface supérieure d'un miroir de verre sous l'angle de 35° environ jouit à tous égards des mêmes propriétés que le rayon qui proviendrait d'un cristal dont la section principale coïnciderait avec le plan de réflexion. Nous avons employé, dans cette expérience, un miroir diaphane; mais nous devons ajouter qu'il existe des corps opaques, tels que le marbre noir, l'ébène, des vernis, etc., qui sont également doués de la propriété de polariser les rayons qui se réfléchissent sur leur sur- face. Ces corps en tournant autour d'un rayon polarisé se comportent dans les phénomènes de réflexion comme s'ils étaient diaphanes. CHAPITRE V DES RAYONS PARTIELLEMENT POLARISÉS On appelle rayons partiellement polarisés des rayons qui jouissent de propriétés pour ainsi dire intermédiaires entre les propriétés de la lumière ordinaire et celles de la lumière complètement polarisée. Ces rayons se distin- guent de la lumière polarisée, en ce qu'ils donnent tou- 310 NOTICE SUR LA POLARISATION jours deux faisceaux dans leur passage au travers d'un cristal doue de la double réfraction ; ils diffèrent de la lumière naturelle en ce que ces deux faisceaux n'ont pas toujours l'un et l'autre la même intensité dans toutes les positions de la section principale de ce même cristal. Voyons si un faisceau partiellement polarisé ne pourrait pas être censé formé d'une portion A de lumière pola- risée et d'une portion B de lumière naturelle. Celle-ci se partagerait toujours par parties égales entre le faisceau ordinaire et le faisceau extraordinaire, dans son passage à travers un cristal doué de la double réfraction ; l'autre passerait quelquefois tout entière soit au premier, soit au second faisceau. Dans une certaine position de la section principale les intensités comparatives des deux faisceaux ordinaire et extraordinaire seraient donc ^ B -f- A et ^ B. Après avoir fait faire un quart de révolution au cristal on ne trouverait que | B de lumière dans l'image ordi- naire tandis que l'autre en renfermerait i B -|- A. Dans toutes les positions de la section principale autres que les précédentes , A se distribuerait entre les deux images. La portion de A contenue dans l'image ordinaire serait toujours donnée par la formule Acos^i, i étant l'angle compris entre le plan de polarisation de la lumière et la section principale du cristal. Quand ^ égalerait US", les deux images auraient la même intensité. Toutes ces conséquences de l'hypothèse dont nous sommes partis sont conformes à l'expérience. 11 est donc DE LA LUMIÈRE. 3H permis de supposer qu'un rayon partiellement polarisé se compose de deux portions de lumière distinctes. Tune B naturelle, l'autre A totalement polarisée. Dans tout faisceau réfléchi perpendiculairement sur un miroir diaphane, et alors seulement, la portion A est nulle. Ensuite cette portion acquiert des valeurs de plus en plus considérables à mesure que l'angle compris entre le rayon incident et la normale s'agrandit. Sous l'incli- naison que nous avons appelée celle de la polarisation complète, B est égal à 0, A compose la totalité du fais- ceau réfléchi. Aussitôt que l'inclinaison devient plus forte, il existe de nouveau dans ce faisceau de la lumière natu- relle B et de la lumière polarisée A. Enfin quand les rayons incident et réfléchi rasent, pour ainsi dire, la sur- face du miroir, A se trouve une seconde fois très- faible relativement à B. Sous aucune inclinaison, les miroirs métalliques ne polarisent complètement les rayons qu'ils réfléchissent. Comme pour les miroirs diaphanes on a A=0 dans l'inci- dence perpendiculaire. Dans tout autre angle , A devient sensible, c'est-à-dire que la lumière est partiellement pola- risée. On appelle angle de polarisation d'un métal celui dans lequel le quotient - devient un maximum. 11 existe aussi des corps diaphanes tels que le diamant, le soufre, etc., qui n'impriment jamais de polarisation complète à la lumière par la réflexion sur leur surface, mais le rapport | y acquiert du moins de beaucoup plus grandes valeurs que pour les métaux. On n'a pas encore découvert de loi mathématique qui lie l'intensité de A à l'angle d'incidence et à la force 3«2 NOTICE SUR LA POLARISATION réfringente du miroir. On sait seulement qu'à égales dis- tances angulaires au-dessus et au-dessous de l'angle de la polarisation complète le rapport de A à A-j-B est presque le même , quoique les valeurs absolues de A et de B puissent avoir beaucoup changé. Ainsi , sur le verre de Saint-Gobain , par exemple, où la polarisation complète a lieu quand l'inclinaison du rayon comptée à partir de la surface est d'environ 35°, on trouve que les faisceaux réfléchis renferment la même proportion de lumière dans les angles suivants : 65° /i2' 63" 5a' 60° 18' et 7 12 et 7 55 et 11 liO Moyenne... 36° 27' 35" 55' 35° 59' Sur l'eau , le rapport de A.à A-(- B est à peu près le même dans les angles 3° 29' et 73° 48' ; la moyenne des deux 38" 36' ne surpasse guère que d'un degré et un quart la véritable inclinaison de la polarisation complète, quoi- qu'elle soit déduite d'angles qui en diffèrent de plus de 30 degrés. De même que les astronomes déterminent l'instant du passage d'un astre au méridien par des hauteurs corres- pondantes observées avant et après ce passage, on pour- rait donc obtenir avec assez de précision l'angle de polarisation complète par la demi-somme des inclinaisons correspondantes à des polarisations partielles équiva- lentes , surtout en ayant soin de ne pas trop s'éloigner de l'angle cherché. Ce procédé n'est pas sans utilité quand on opère sur des corps qui sous aucune incidence ne polarisent complètement les rayons. DE LA LUMIERE. 313 CHAPITRE VI DES LOIS QUI RELIENT LES POUVOIRS RÉFRINGENTS DES COUPS AUX ANGLES DE POLARISATION Il suffit de jeter un coup d'œil sur les tables que les physiciens ont publiées des angles où la polarisation du rayon réfléchi est complète pour des corps de diverse nature, pour voir que ces angles comptés à partir de la verticale, approchent d'autant plus de l'angle droit, que la puissance réfractive de ces corps est plus forte ; mais il n'était pas si aisé de reconnaître la liaison remarquable qui existe entre ces deux éléments et que je vais exposer. Quand un rayon de lumière 10 (fig. 6) passe du vide Fig. 6. — Théorème de la détermination de l'angle de polarisation complète. dans un certain milieu SS', il se brise au point d'incidence 0 ; au lieu de suivre les directions 01' prolongement de 10, il s'approche de la perpendiculaire PQ et suit, par exemple, la direction OR; les angles POI et QOR sont 344 NOTICE SUR LA POLARISATION pour chaque milieu liés entre eux par cette proportion : sin POI : sinQOR :: ?n : 1, dans laquelle m conserve toujours une valeur constante, quels que soient les angles POI et QOR. Cette quantité m, toujours plus grande que l'unrté, s'appelle Vimlice de réfraction du milieu. 11 im- porte de ne pas la confondre avec le pouvoir réfringent, expression numérique fonction de m et de la densité du corps, qui est déduite de considérations particulières à la théorie de l'émission. Cela posé, si 10 est la direction que doit avoir le rayon incident pour que le rayon réfléchi OF soit complète- ment polarisé, la tangente trigonométrique de l'angle d'incidence sera égale à l'indice de réfraction. Voici une table oii se trouvent placés en regard les angles de polarisation déterminés par l'expérience et ceux qui résultent du théorème général que je viens d'énoncer. Les discordances ne sont pas au-dessus des erreurs inséparables de ce genre d'observations. Angles Noms des corps. de polarisation totale observés. Air Û5°à ïxT Eau 52" ko' Spath fluor 5i 50 Obsidienne 56 3 Sulfate de chaux 56 28 Cristal de roche 57 22 Topaze 58 ZiO Cristal d'Islande 58 23 Rubis spinelle 60 16 Zircon 63 8 Verre d'antimoine 6i û5 Soufre 64 10 Diamant 68 2 Chromate de plomb... 67 1x1 68 3 —0 21 Angles calculés. Différences 65" 1" 0' 53 11' — 0 26 55 9 — 0 19 56 6 — 0 3 56 Ù5 — 0 17 58 58 + 0 24 68 34 + 06 58 51 — 0 28 60 25 — 0 9 63 0 + 08 64 30 + 0 15 63 45 + 0 25 68 1 + 01 DE LA LUMIÈRE. 315 Le principe que j'ai rapporté est susceptible de deux autres énoncés curieux. J'ai dit que sous tous les an- gles sinPOI : sinQOR :: ?n : 1; on a donc toujours sin POI = 7?i sin QOR ; mais dans l'angle de la polari- sation complète, tangP0I = 7?j, or sinPOI donc, dans le cas de la polarisation complète, on a sin POI cosPOI ■ m et sinPOI = 7«cos POI, équation qui ne peut se concilier avec la valeur générale de sin POT = m sinQOR qu'en faisant sinQOR = cosPOl, c'est-à-dire qu'en supposant QOR-j- POI =90°. Donc si la polarisation est complète, les angles d'' inci- dence et de réfraction sont complémentaires Vun de Vautre, ou , en d'autres termes , les rayons incident ou réfléchi sont inclinés relativement à la surface du milieu comme le rayon réfracté Vest par rapport à la normale. Mais si FOS', égal à lOS, est égal à ROQ, on aura S'OR + ROQ = 90° == S'OR + FOS' , donc FO est perpendiculaire à OR; donc, sous V angle de la polari- sation complète, le rayon réfléchi est perpendiculaire au rayon réfracté. Il importe d'examiner ici quelques objections qu'on a faites contre l'exactitude de la loi que je viens de présen- ter sous trois formes différentes. Si cette exactitude était mathématique , a-t-on dit , les rayons de différentes couleurs ne se polariseraient pas tous sous le même angle, puisqu'ils traversent le milieu 346 NOTICE SUR LA POLARISATION dans des directions dilïerentes. 11 semblerait donc qu'en cherchant l'angle de la polarisation complète, comme on le fait ordinairement, en analysant la lumière réfléchie à l'aide d'mi cristal doué de la double réfraction, on ne devrait, dans aucun cas, voir une des images s'évanouir; que parvenu, par exemple, à l'inclinaison où toute la lumière rouge du faisceau blanc incident étant polarisée passe en entier au faisceau ordinaire, l'observateur devrait apercevoir une image extraordinaire formée de blanc moins du rouge, ou verte, et ainsi de même pour toutes les autres couleurs. Cependant, ajoute-t-on, dans le plus grand nombre des cas, le cristal étant bien disposé, l'une des images s'aifaiblit peu à peu quand on s'approche de l'inclinaison convenable et disparaît enfin tout à fait sans avoir présenté de traces sensibles de coloration. Je répondrai en premier lieu qu'il existe des corps sur lesquels cette coloration est manifeste et qui, dès lors, comme le veut la loi de la tangente, ne polarisent pas sous le môme angle des rayons de différentes nuances; je citerai, entre autres, le fer spéculaire sur lequel le phénomène est très -frappant; l'huile de cassia, dont la grande force dispersive le rend aussi très- apparent, etc. J'ajouterai ensuite qu'on a tout lieu d'espérer que des observations exactes faites en employant isolément les divers rayons homogènes dont le spectre solaire se compose; que des mesures précises des quantités de lumière qui échappent à la polarisation , dans des incli- naisons peu différentes de celles où tout est polarisé, feront totalement disparaître le léger désaccord qu'on a cru remarquer entre l'expérience et une loi trop rap- DE LA LUMIERE. 3i7 prochée de l'ensemble des phénomènes pour qu'il ne soit pas naturel de la regarder comme tout à fait rigou- reuse. La table rapportée plus haut renferme les noms de plusieurs milieux tels que le diamant, le soufre, qui ne polarisent pas complètement la lumière. La loi de la tan- gente qu'on en a déduite semble donc applicable à de tels milieux , pourvu qu'on entende alors par angle de polarisation , celui dans lequel le faisceau réfléchi contient la plus grande proportion de lumière polarisée. En ce sens, l'observation de cet angle, pour les métaux, serait d'autant plus importante qu'on n'a trouvé jusqu'ici aucun moyen de déterminer leur puissance réfractive. Ces angles de plus forte polarisation, comptés à partir de la normale, paraissent être : Sur le mercure 76" 1/2 Sur l'acier 71" environ. Ils donneraient respectivement pour les indices de réfrac- tion du mercure et de l'acier : 4.16 et 2.85. Nous n'avons parlé jusqu'ici que de la polarisation opérée à la première surface des corps ; les secondes faces jouissent de propriétés analogues. L'angle, compté à partir de la normale, sous lequel la lumière se polarise quand elle tend à passer du vide dans un milieu, est plus grand que celui dans lequel on observe le même phénomène, lorsque la lumière venant du milieu tend à passer dans le vide. Toutes les expériences mon- trent que le smus du premier de ces angles est au sinus du second comme V indice de réfraction est à r unité. Ce serait 318 NOTICE SUR LA POLARISATION une seconde manière d'énoncer le mênnie fait que de dire qu'à la seconde comme à la première surface des corps, le rayon complètement polarisé par réflexion est perpen- diculaire au rayon réfracté. On déduit encore de cette loi que si un milieu est ter- miné par des plans parallèles et si l'on fait tomber un pinceau de rayons sur sa première face, sous l'angle de la polarisation complète, la portion transmise de ce pinceau rencontrera la seconde face sous l'angle où elle recevra aussi une polarisation totale. En effet, soient MN, TS (fig. 7) les faces parallèles. Flg. 7. — Polarisation totale à la surface d'un milieu à faces parallèles. OR le rayon incident, n l'indice de réfraction, OV le rayon réfracté. L'angle de réfraction YOp sera toujours égal à l'angle OVZ formé par ce rayon réfracté OV et la per- pendiculaire VZ à la seconde face. Or, d'après la loi citée, quand POR est l'angle de la polarisation complète sur la première face, on a : DE LA LUMIÈRE. 319 sinPOR : sin angle de polarisation à la seconde face :: n : 1; d'où sin POR=n sin angle de polarisation à la seconde face. Mais, d'après la loi des sinus, on a alors comme toujours : sinPOR : sin VOp :: n : 1; donc sin FOR = n sin \0p = n sin ZYO, équation qui, combinée avec la précédente, donne : angle de polarisation complète à la seconde face = ZVO. Il résulte de là que si le rayon incident, préalablement polarisé, est tel qu'il échappe à la réflexion partielle en traversant la face d'entrée d'un miroir terminé par des plans parallèles , il échappera de même à toute réflexion en traversant la face de sortie. Si ROP a une valeur convenable, OF est totalement polarisé. VK l'est également; la réfraction subséquente KL en K n'y changera rien. Quand on voudra se procurer par la réflexion sur un miroir de la lumière polarisée, on pourra donc se dispenser de noircir la seconde face si elle est parallèle à la première : on obtiendra une polari- sation tout aussi complète et l'on y gagnera que l'intensité du pinceau réfléchi sera plus grande ; seulement il faudra placer derrière le miroir un corps noir, du velours, par exemple, qui empêche les rayons des objets placés au- dessous d'arriver à l'œil par transmission. La règle d'où je viens de tirer ces conséquences n'est du reste qu'un cas particulier d'une loi plus générale qu'on peut énoncer ainsi : Le sinus de l'angle sous lequel un faisceau doit se 320 NOTICE SUR LA POLARISATION réfléchir à la première surface irun corys pour qu'il contienne mie certaine proportion de lumière polarisée, est au si?ivs de V angle sous lequel la seule réflexion à la seconde face communiquerait au môme faisceau une pola- risation équivalenlCy comme le sinus d'incidence est au sinus de réfraction. On a trouvé, par expérience, que le sinus de l'angle sous lequel une certaine proportion d'un faisceau naturel est réfléchie à la première surface d'un corps, est au sinus de l'angle sous lequel une proportion égale de ce faisceau serait réfléchie à la seconde face, s'il y arrivait immédiatement, comme le sinus d'incidence est au sinus de réfraction. Cette règle de photométrie, combinée avec la précédente, conduit à cet énoncé très-simple : La première et la seconde surface d'un corps polarisent également la lumière dans les angles sous lesquels ces mêmes surfaces la réfléchissent également. Je viens de montrer comment la lumière se polarise, soit en passant du vide dans une substance donnée, soit en revenant de cette substance dans le vide. Il me reste maintenant à donner les lois de la polarisation qui s'opère à la surface de séparation de deux milieux doués de pouvoirs réfringents inégaux. Soient m et m' les indices de réfraction de ces deux milieux ; supposons que m soit plus grand que m'. L'expé- rience montre que la tangente de l'angle sous lequel la lumière se polarise complètement à la surface de sépa- ration de ces deux corps est égale à J. On déduit de là, par des raisonnements analogues à ceux que nous avons déjà employés : premièrement , DE LA LUxMIÈRE. 321 qu'ici, comme dans le cas où le corps et le vide étaient contigus, la somme des angles d'incidence et de réfrac- tion estmi angle droit; secondement, que le rayon réflé- chi, quand la polarisation est complète ou au maximum, est perpendiculaire au rayon réfracté. CHAPITRE VII DE LA RÉFRACTION CONSIDÉRÉE COMME MOYEN DE POLARISER LA LUMIÈRE On a cru pendant quelque temps que les rayons lumi- neux ne se polarisaient, à la rencontre des corps dia- phanes, que dans l'acte de la réflexion, et que le faisceau réfracté conservait toujours les propriétés de la lumière ordinaire; mais on s'était trompé. Il est bien vrai que la simple transmission à travers une ou même deux surfaces de tous les corps connus ne suffit pas pour polariser com- plètement un faisceau de lumière; mais sous certaines incidences, il en résulte du moins une polarisation par- tielle, car en examinant, avec un cristal doué de la double réfraction, les rayons transmis obliquement par un verre à faces parallèles, on trouve que les deux images diffèrent sensiblement d'intensité. Soient A' la partie du faisceau transmis qui est polarisée; B' la portion du même faisceau qui n'a pas reçu cette modification ; A et B les portions analogues du faisceau réfléchi sous la même incidence. Nous avons déjà dit que A est polarisé comme le serait le rayon ordinaire provenant d'un cristal dont la VIL— IV. 21 322 NOTICE SUR LA POLARISATION section principale coïnciderait avec le plan de réflexion ; les pôles de A' au contraire seront placés comme ceux du rayon extraordinaire du même cristal. Si on analyse avec un rhomboïde la lumière réfléchie sur une lame de veiTe, on trouve, par exemple, que, dans une certaine orientation de la section principale, l'image de droite est la plus brillante; les positions relatives du cristal, de la lame et de l'œil, n'ayant pas varié, ce sera l'image opposée, celle de gauche, qui aura le plus d'éclat quand on examinera la lumière transmise. Tous ces résultats sont renfermés dans cet énoncé : Le plan qui contient les pôles de la lumière réfractée est perpendiculaire au plan qui contient les pôles de la lumière réfléchie. Ces deux espèces de lumière sont donc polarisées à angles droits. Si l'on soumet de la lumière réfléchie à -|- B à l'action d'un cristal de carbonate de chaux dont la section prin- cipale coïncide avec le plan de réflexion, les deux faisceaux ordinaire et extraordinaire auront respective- ment pour intensités : A + i B et î B. Dans la môme position du miroir et du cristal, les intensités des images fournies par le faisceau transmis seront : i B' et A' + ; B'. A sera donc la quantité dont l'image ordinaire donnée par le faisceau réfléchi surpasse l'image extraordinaire ; A', au contraire, quand on examinera le faisceau transmis. DE LA LUMIÈRE. 323 exprimera la quantité dont l'image ordinaire sera sur- passée par l'image extraordinaire. Je vais maintenant rapporter une expérience qui con- duit à un résultat remarquable, savoir : que sous toutes les inclinaisons A = A', ou, en d'autres termes, que les intensités des deux images données par le cristal diffèrent de la même quantité, soit que l'on regarde le faisceau réfléchi ou le faisceau transmis. Supposons qu'une lame de verre ED soit placée dans la position que la figure 8 représente , devant un milieu A B Fig. 8. — Comparaison de la liimière réfléchie et de la lumière transmise. AB d'une nuance uniforme, devant une feuille de beau papier par exemple; l'œil en 0 recevra simultanément le rayon 10 réfléchi en I et le rayon BIO transmis au même point. Placez en mn un diaphragme opaque et noirci percé d'une petite ouverture S. Enfin armez l'œil 0 d'un cristal G doué de la double réfraction et qui donnera deux images de l'ouverture S. Si avec un petit écran placé entre B et I on arrête le rayon BI qui aurait été transmis, le cristal G, convena- blement disposé, donnera : 324 NOTICE SUR LA POLARISATION Une image ordinaire A + ^ B, Une image extraordinaire ^ B. Si l'écran interposé entre A et I avait empêché le rayon Al d'atteindre le miroir, on aurait vu deux images de l'ouverture, et leurs intensités eussent été : Image ordinaire 5 B', Image extraordinaire A' -f- -^ B'. Conséquemment, si en ôtant tout écran on laisse arriver simultanément à l'œil le rayon réfléchi ATO et le rayon transmis BIO, on aura : Image ordinaire A + ^ B + ^ B', Image extraordinaire ^ B -f- A' + 7 B'. L'expérience montre alors que ces deux images sont parfaitement égales, quel que soit l'angle formé par le rayon AI avec la lame de verre, ce qui ne peut être évidemment qu'autant que A est toujours égal à A'; donc : La fjuanlité de lumière polarisée renfermée dans le faisceau que transmet un plan diaphane est exactement égale à la quantité de lumière polarisée à angles droits qui se trouve dans le faisceau réfléchi par le même plan. Il résulte de là que, sous l'angle où la réflexion polarise complètement la lumière, les deux images du faisceau transmis données par un cristal convenablement placé, différeront d'intensité d'une quantité égale à la totalité du faisceau réfléchi, et que si jamais on découvre un corps qui, dans cet angle, réfléchisse la moitié de la lumière incidente, le faisceau transmis sous la même inclinaison sera aussi complètement polarisé. DE LA LUiMIÈRE. 325 Pour simplifier, j'ai supposé, dans tout ce qui précède, qu'il n'y avait en ED qu'une seule surface vitreuse. Je m'écarterais trop de mon sujet, si je montrais ici de quelle manière on peut réaliser cette abstraction ; aussi me bornerai-je à dire que les expériences rapportées réussissent également quand on place en ED un miroir de verre à faces parallèles, ce qui entraîne la consé- quence que la seconde surface polarise aussi des quantités égales de lumière par réflexion et par réfraction. J'ajou- terai enfin, pour dissiper tous les doutes sur l'exactitude de ces résultats, qu'ayant fait tomber simultanément, et sur deux espaces contigus d'un miroir de verre à une ou deux faces réfléchissantes de la lumière naturelle et de la lumière qui, ayant traversé un rhomboïde de carbonate de chaux, était formée de deux faisceaux également intenses polarisés à angles droits, on a trouvé dans les deux cas que la lumière réfléchie contenait la même quantité de rayons polarisés. Or, le miroir réfléchissant n'exerce aucune action particulière sur les deux faisceaux dont se compose la lumière venant du rhomboïde ; seu- lement elle les tamise inégalement. Si le faisceau réfléchi renferme un excès de rayons polarisés dans un sens, il se trouvera un excès précisément égal de rayons polarisés à angles droits dans le faisceau transmis. Dans ce cas, la loi énoncée est de vérité nécessaire. Pour être autorisé à l'étendre ensuite à la lumière naturelle, il suffit de s'être assuré, ainsi que nous l'avons fait, que celle-ci se comporte dans l'acte de la réflexion et dans celui de la réfraction, comme la réunion de deux faisceaux de même intensité polarisés à angles droits. 326 NOTICE SUR LA POLARISATION Un des meilleurs moyens de vérifier l'exactitude des lois physiques est de rechercher ce qu'elles deviennent dans des cas extrêmes. La loi précédente, en la supposant générale, conduit, par exemple, à cette conséquence que là où il n'y a pas de transmission de lumière, il ne peut point y avoir de polarisation : faites tomber, en effet, un pinceau lumineux sur la face intérieure d'un prisme, dans l'angle de la réflexion complète, et vous ne trouverez aucune trace de polarisation dans le faisceau réfléchi, quoique, sous des incidences peu éloignées de celle-là, une partie notable de la lumière et même sa totalité fussent polarisées. Représentons par A la partie du faisceau I qui se polarise par réflexion dans l'angle de 35° sur les deux faces d'un miroir de verre parallèle. Le faisceau transmis sera I — A; or, dans cette quantité de lumière, d'après la loi énoncée précédemment, il se trouve A rayons dont le plan de polarisation est perpendiculaire à celui des layons réfléchis. La quantité I — A peut donc se décom- poser en I — 2 A de lumière naturelle et en -|-A de rayons polarisés par réfraction. Faisons I — 2A=F. Si le pinceau 1'-}- A tombe sur un second miroir, paral- lèle au premier, et conséquemraent sous l'angle de 35°, A échappera tout entier à la réflexion partielle et, abs- traction faite de l'absorption , se trouvera en totalité dans le faisceau transmis par ce second miroir; I' sera tamisé comme I l'avait été d'abord ; un portion A' de F se polarisera par réflexion ; la portion restante transmise 1' — A', contiendra une quantité A' de rayons polarisés par réfraction, de sorte qu'au total, à la sortie du second DE LA LUMIÈRE. 327 miroir, on aura 1' — 2 A' de lumière naturelle, et A + A' de rayons polarisés par réfraction. Faisons F — 2A'==r'; cette lumière T' + A + A' fournira dans son passage au travers d'un troisième miroir parallèle aux précédents, une nouvelle quantité A" de lumière polarisée par re- fraction, qui s'ajoutera à A + A', et ainsi de suite. Les pinceaux I, F, F', etc., étant de la lumière natu- relle, se polariseront par proportions égales à la rencontre du premier, du second, du troisième miroir, etc. Les rapports y, f , p, etc., auront constamment les mêmes valeurs; si par exemple ^ du faisceau I se polarise par réflexion à la rencontre du premier miroir, ^ de F se polarisera sur le second, ~ de l" sur le troisième et ainsi de suite, et les faisceaux transmis par ces mêmes miroirs renfermeront respectivement, en lumière naturelle ou jouissant des mêmes propriétés, ^ de I , ^ de F , ^ de F' , etc. Donc, quel que soit le nombre des plaques superposées, le faisceau définitivement transmis contiendra, mathé- matiquement parlant, une certaine quantité de lumière naturelle; mais cette quantité s'afTaiblira rapidement et finira par être tout à fait insensible. On peut dire, en ce sens, .qu'une pile de plaques parallèles polarise la lumière qui la traverse perpendicu- lairement au plan dans lequel les rayons se seraient polarisés par réflexion sur les mêmes plaques. J'ai supposé dans ce qui précède que la lumière inci- dente rencontrait la plaque de verre sous l'angle où elle se polarise complètement par réflexion ; mais on obtient le même résultat quefle que soit l'inclinaison ; seulement il faut composer la pile d'un nombre d'éléments d'autant 328 NOTICE SUR LA POLARISATION plus grand que les rayons la traversent dans une direction plus voisine de la perpendiculaire à ses faces. Sous une inclinaison déterminée le nombre des plaques nécessaires pour produire par transmission une polarisa- tion à peu près complète d'une lumière donnée, dépend aussi de leur force réfléchissante : j'ai déjà fait remarquer, par exemple, qu'une lame qui, sous l'angle de la polari- sation, réfléchirait la moitié de la lumière incidente, composerait une pile à elle seule. Certains corps naturels, l'agate, par exemple, modifient la lumière qui les tra- verse, précisément comme le ferait une pile de plaques. Si l'on taille une lame d'agate suffisamment épaisse, perpendiculairement aux couches dont elle est formée, la lumière, en la traversant , se polarise dans le sens de ces lames. Une semblable propriété existe aussi dans la tourmaline, et ici elle est d'autant plus singulière, qu'on ne découvre dans ce minéral , quand il est pur, aucune apparence de couches superposées. Si l'on polit les deux côtés opposés d'une aiguille de tourmaline, de manière à en former une lame à faces parallèles d'environ un milli- mètre d'épaisseur, la lumière transmise à travers ces faces, quelle que soit son incidence, sera polarisée dans un plan perpendiculaire à l'axe de l'aiguille. Avant de terminer ce chapitre, je dois encore faire connaître les phénomènes que les piles présentent quand on les expose à des rayons préalablement polarisés. J'admettrai que la pile est formée de lames de verre parallèles, et en outre, pour rendre le phénomène manifeste, que l'angle d'incidence sur la première lame, compté à partir de sa surface, est d'environ 35°. DE LA LUMIERE. 329 Si le plan primitif de polarisation du rayon incident coïncide avec le plan mené par ce rayon et la perpendi- culaire à la première lame au point d'incidence, une partie de ce rayon, plus considérable que si l'on employait de la lumière naturelle, sera réfléchie; à la rencontre de la seconde lame, le faisceau lumineux que la première avait laissé passer éprouvera une réflexion proportion- nellement égale à la précédente ; le même effet aura lieu sur la troisième lame, et ainsi de suite. Le rayon transmis, quelque intense qu'il puisse être primitivement, s'affaiblis- sant de cette manière en progression géométrique, finit bientôt par ne plus être sensible; la pile, examinée par l'extrémité opposée à celle d'où vient la lumière, paraît être un corps opaque ; aucun rayon ne la traverse. Tout restant dans le même état, faisons seulement tourner la pile autour du rayon d'un angle de 90° : le nouveau plan de réflexion sera perpendiculaire à l'ancien, et la lame aura atteint cette position dont nous avons précédemment parlé et dans laquelle toute vertu réfléchis- sante se trouve éteinte ; la totalité de la lumière la tra- versera. Mais la seconde, la troisième, la quatrième, etc. , lames, parallèles à la première, se trouvent toutes dans les mêmes circonstances, jouissent des mêmes propriétés, et elles ne réfléchiront pas davantage les rayons. Abstraction faite de l'absorption, l'appareil transmet actuellement la lumière incidente sans s'affaiblir. La pile de plaques jouit donc, à l'égard de la lumière polarisée, de la singulière propriété d'être ou complètement opaque ou tout à fait diaphane, suivant qu'elle se présente à cette lumière par l'un ou par l'autre de ses côtés, et quoique dans les deux 330 NOTICE SUR LA POLARISATION épreuves, l'angle d'incidence, sur le premier élément de la pile, soit toujours de 35°. Dans les positions intermé- diaires, la quantité de lumière transmise augmente gra- duellement en allant de la position où rien ne passe h celle où tout l'aflaiblissement de cette lumière provient de l'absorption. Les tourmalines et les agates, qui semblent être de vé- ritables piles, doivent produire des phénomènes ana- logues; et, en effet, une lame taillée parallèlement à l'axe d'une aiguille de tourmaline, par exemple, transmet les rayons qui sont polarisés dans un plan perpendiculaire à cet axe, et arrête au contraire en totalité les rayons dont le plan primitif de polarisation est parallèle au même axe. Quand on place une telle lame entre l'œil et un iTiiroir réfléchissant d'eau, de verre, etc., situé en plein air, et qu'on regarde le miroir sous l'angle de la polari- sation complète, il paraît très- éclairé, tout à fait obscur, ou dans des états intermédiaires suivant la position de la lame dans son propre plan. Une circonstance qui ajoute ici à la singularité de l'expérience, c'est qu'elle réussit parfaitement, quoique l'incidence sur la lame soit per- pendiculaire, tandis qu'en employant une pile proprement dite, h moins de la composer d'un nombre prodigieux d'éléments, il était nécessaire que l'angle d'incidence compté à partir de la normale eût une valeur très- sensible. Quoi qu'il en soit de l'explication qu'on veuille donner de ces phénomènes, il résulte évidemment de ce qui précède que deux lames de tourmaline superposées de manière que leurs axes soient croisés à angles droits, DE LA LUMIÈRE. 331 forment un système complètement opaque relativement à toute espèce de lumière. On voit, par exemple, que si cette lumière est naturelle, la première plaque polarisera la portion qu'elle transmettra dans le sens de l'axe, et la seconde, située dans une direction rectangulaire, l'arrêtera dès lors en totalité. CHAPITRE VIII DE LA DKPOLARISATION D£ LA LDMIÈRE Après avoir examiné comment la lumière ordinaire se transforme en lumière polarisée, nous devons étudier les modifications que celle-ci peut recevoir à son tour quand on lui fait éprouver des réflexions ou des réfractions sur des miroirs de différentes natures et diversement placés relativement à ses pôles. Lorsqu'un pinceau polarisé tombe sur la première face d'un miroir bien poli, de manière que son plan de polarisation coïncide avec le plan de réflexion ou lui soit perpendiculaire, la lumière, régulièrement réfléchie par cette face, est complètement polarisée comme le faisceau incident, parallèlement ou perpendiculairement au plan de réflexion, et cela quelle que soit la nature du miroir. Mais toutes les fois que le plan primitif de polarisation du faisceau incident ne coïncidera pas avec le plan de réflexion ou ne lui sera pas perpendiculaire, on reconnaîtra que le faisceau réfléchi a été modifié et que la modifica- tion dépend de la nature du miroir. Quand on emploiera, dans ces expériences, un miroir 332 NOTICE SUR LA POLARISATION diaphane ou opaque, susceptible de polariser complète- ment la lumière naturelle, les rayons préalablement pola- risés qui tomberont sur la surface seront encore com- plètement polarisés après leur réflexion, mais non pas dans le plan de leur polarisation primitive. Cette déviation du plan de polarisation d'un faisceau lumineux produite par sa réflexion à la première surface d'un miroir dia- phane, dépend à la fois de l'angle d'incidence et de la direction du plan de réflexion relativement aux pôles du rayon. Pour une incidence donnée, la déviation est d'autant plus considérable que le plan de réflexion fait, avec le plan de polarisation primitive, un angle plus voisin de 45°. Supposons d'abord, pour fixer les idées , que le miroir réfléchissant soit horizontal , que l'œil de l'observateur et le rhomboïde qui doit fournir le faisceau polarisé demeu- rent constamment situés l'un au nord l'autre au sud du miroir, cas dans lequel le plan de réflexion coïncidera toujours avec le méridien ; qu'enfin la section principale du cristal, plan dans lequel sont contenus les pôles du faisceau ordinaire, fasse un angle de 45° avec le méridien. Quand ce faisceau ordinaire tombera perpendiculaire- ment sur le miroir, il se réfléchira sans que son plan de polarisation se soit dévié. Ainsi ce plan formait d'abord, par hypothèse, un angle de 45° avec celui du méridien; l'inclinaison de ces deux plans sera encore de 45° après la réflexion. Si l'on s'écarte graduellement de l'incidence perpendi- culaire, on remarquera d'abord que le plan de polarisation des rayons réfléchis se rapproche peu à peu du plan de DE LA LUMIÈRE. 333 réflexion et qu'il coïncide exactennent avec lui lorsqu'on a atteint l'angle de la polarisation complète; qu'ensuite le rayon réfléchi est polarisé dans un plan qui s'éloigne d'au- tant plus du plan de réflexion , qu'il forme un plus petit angle avec la surface du miroir; qu'enfin, quand le rayon est à peu près parallèle à cette surface, son plan de pola- risation coïncide avec celui de la lumière incidente, comme lorsqu'il venait frapper perpendiculairement le miroir. Représentons par i l'angle d'incidence compté à partir de la normale, par i' l'angle correspondant de réfraction pour la substance dont le miroir réfléchissant est formé. La tangente de l'angle que le plan de polarisation de la lumière réfléchie fait avec le plan de réflexion est exprimée par la formule cos [i + ^') cos ( i — i' ) Vérifions cette formule d'abord dans des cas parti- culiers. Quand ?==:0, i' étant aussi nul , ^^^i^^t^ = 1 ; mais ^ ' cos (l — t') ' l'angle dont la tangente égale l'unité est l'angle de Zi5°; donc , dans l'incidence perpendiculaire, si la formule est exacte , le plan de polarisation du rayon réfléchi doit coïncider avec le plan primitif de polarisation de la lumière qu'on emploie; ce qui est conforme aux obser- vations. ^°' '._* ' est encore égal à l'unité et correspond à un angle de 45% lorsque î = 90% c'est-à-dire quand les rayons sont parallèles à la surface du miroir, puisque alors cos(t-[-î') = — cos?', et cos(! — f )==-]- cosT. La 33i NOTICE SUR LA POLARISATION lumière conserve donc encore la polarisation prinfiitive, comme rexpérience nous l'avait appris. Si / -|- i' =90% l'angle i, d'après la loi que nous avons discutée plus haut (cliap. vi, p. 315), est celui de la pola- risation complète; on a cos [i-\-i') = 0, et ||^'^^'^'. est aussi égal à zéro. Le plan de polarisation du rayon réflé- chi coïncide donc avec le plan de réflexion : l'expérience avait déjà conduit à ce résultat. Le tableau suivant montrera enfin que pour les inci- dences intermédiaires , l'accord du calcul et de l'obser- vation est aussi satisfaisant qu'il était permis de l'espérer. Incidences, comptées Déviation observée Déviation à partir du plan calculée Différences, de la normale. de polarisation. Sur le verre. 24» 38° 55' 37" 54' + 1° 1' 39 24 35 24 38 — 0 3 49 11 45 10 52 +0 53 56 î 0 0 0 0 0 0 60 5 15 5 29 — 0 14 70 19 52 20 24 — 0 32 80 32 45 33 25 — 0 40 85 38 55 39 19 — 0 24 87 40 55 41 36 — 0 41 88 41 15 42 44 — 1 29 89 44 35 43 52 -i- \) 43 Sur l'eau. 53° 0° 0' 0° 0' 0° 0' 60 10 20 10 51 — 0 31 70 25 20 24 48 — 0 32 80 36 20 35 49 +0 31 85 40 50 40 32 +0 18 La formule dont nous venons de comparer les résultats à ceux que fournit l'expérience suppose que le plan pri- DE LA LUMIERE. 335 mitif de polarisation de la lumière qu'on emploie fait un angle de /i5° avec le plan de réflexion ; mais il suflit d'une légère addition pour la rendre applicable à tous les cas. Représentons par a l'angle qui tout à l'heure avait la valeur particulière de 6.5% c'est-à-dire l'angle du plan de réflexion et de la section principale du cristal ; i et i' conservant les premières significations, la tangente de l'angle exprimant la déviation qu'aura éprouvée le plan de polarisation du faisceau incident après qu'il se sera réfléchi sur un miroir, aura pour expression générale : cos ( i + i' ) - - . tangff. cos {t — i) Dans les cas principaux, cette formule, comme il est facile de le voir, représente fidèlement les faits. Mais il reste à désirer néanmoins une démonstration expérimentale qui embrasse un grand nombre de valeurs de a et de i. Les déviations dans les plans de polarisation suivent la même marche quand la réflexion s'opère à la seconde surface des miroirs diaphanes, depuis l'incidence per- pendiculaire jusqu'à celle où commence la réflexion to- tale. Mais au delà de cette inclinaison, le phénomène prend un tout autre caractère : il n'y a plus alors un simple changement d'orientation dans les pôles primitifs du rayon; et à moins que le plan qui contenait ces pôles ne coïncide avec le plan de réflexion ou ne lui soit perpen- diculaire , le rayon éprouve une dépolarisation véritable ; en sorte que, de quelque manière qu'on place le rhom- boïde à travers lequel on le fait passer, il donne toujours deux images. 11 en est de même quand le miroir réflé- 336 NOTICE SUR LA POLARISATION chissant est métallique. Nous parlerons tout à l'heure des modifications particulières et fort remarquables que la lumière reçoit dans ces deux cas particuliers. CHAPITRE IX DES PHÉNOMÈNES d'iNTERFÉRENCE EN TANT QD'iLS SONT MODIFIÉS PAR UNE POLARISATION PRÉALABLE DE LA LUMIÈRE On sait depuis longtemps que si, après avoir pratiqué dans une feuille mince de métal, deux fentes très-fines et peu distantes l'une de l'autre, on les éclaire à l'aide de la lumière d'un seul point rayonnant, il se forme derrière la feuille des franges irisées résultant de l'action qu'exer- cent les rayons éparpillés par la fente de droite, sur les rayons éparpillés parla fente de gauche, dans les points 011 les deux faisceaux se mêlent. Cette expérience , étudiée dans tous ses détails , a conduit aux lois très-simples dont voici l'énoncé : Deux rayons de lumière homogène émanant d'une même source, qui parviennent en un certain point de l'espace par des routes différentes et légèrement inégales, s'ajoutent l'un à l'autre ou se détruisent; ils forment, sur l'écran qui les reçoit, un point clair ou obscur, suivant que cette dilTérence de routes a telle ou telle autre valeur. Deux rayons s'ajoutent constamment quand ils se ren- contrent après avoir parcouru des chemins égaux, si la plus petite différence de routes pour laquelle ils s'ajou- teront de nouveau est d; ils s'ajouteront encore pour toutes les différences comprises dans la série 2d, M, DE LA LUMIÈRE. 337 !ld, etc. Les valeurs intermédiaires O-f-ic?, d -]- \ d, '2d-\-jdf etc., indiquent les cas dans lesquels deux rayons en se superposant produisent de l'obscurité; la grandeur de la quantité d varie avec l'espèce des rayons et avec la nature des milieux qu'ils traversent. Si deux rayons se détruisent après avoir parcouru l'un et l'autre dans l'atmosphère, par exemple, des chemins différents de la quantité d\ ils se détruiront encore après qu'on leur aura fait traverser perpendiculairement ou sous la même obliquité deux plaques de même nature et de même épaisseur. Une différence d'épaisseur ou de réfringence dans les deux plaques interposées peut produire l'effet d'une iné- galité dans les routes parcourues; cette différence don- nera donc naissance, dans quelques cas, à un simple déplacement des franges ; mais dans d'autres elle les fera entièrement évanouir. Ces lois sont relatives aux rayons de lumière natu- relle ; en employant de la lumière polarisée on arrive à des résultats qui, indépendamment des nombreuses ap- plications dont ils sont susceptibles, méritent par leur bizarrerie, de fixer l'attention des observateurs. Supposons d'abord qu'au lieu d'éclairer les deux fentes de la lame métallique avec des rayons naturels on emploie de la lumière polarisée, les franges se formeront tout aussi bien que dans le premier cas. Essayons ensuite de polariser, dans un certain sens, la lumière qui passe par l'une des fentes, et dans un sens perpendiculaire au premier celle qui atteint la fente voi- sine. On placera pour cela deux piles de plaques de VII. - IV. 22 338 NOTICE SUR LA POLARISATION manière que la lumière, venant du point rayonnant à la première fente, ne traverse que l'une d'elles, et que l'autre pile se trouve uniquement sur la route des rayons qui doivent éclairer la seconde fente. Ces piles étant suffisamment inclinées polariseront complètement, comme on a vu , la lumière qui les traverse. Si on a le soin , de plus, que les plans suivant lesquels on les incline soient perpendiculaires entre eux, les faisceaux émergents seront polarisés à angles droits. ■Quand cette dernière condition est satisfaite, on n'a- perçoit aucune trace de franges derrière la lame. Nous avons' dit qu'une différence notable d'épaisseur dans les milieux que les deux rayons traversent, est suffisante pour anéantir les effets qui résultent en gé- néral de leur interférence. L'expérience que nous venons de rapporter n'aurait donc aucune importance si, par des essais préalables, on ne s'était pas assuré que les deux piles , que je suppose formées de la même nature de verre, ont aussi exactement la même épaisseur. Le meilleur moyen de vérification est évidemment de rendre les plans de polarisation parallèles : si , dans ce cas, on aperçoit des franges, et si ensuite, après avoir fait faire un quart de révolution à l'une des piles autour des rayons qui la traversent, on n'en voit plus, ce sera évidemment au sens de la polarisation du rayon transmis qu'il faudra exclusivement attribuer cette disparition. L'expérience que je viens de décrire serait très-difficile à faire si les piles avaient une grande épaisseur ; mais on peut en former de très-minces avec des lames de mica ou des fragments de verre soufflés à la lampe ; en les cou- DE LA LUMIERE. 339 pant ensuite par le milieu on se procure des couples de piles d'épaisseur parfaitement égales. Rien n'empêche d'ailleurs qu'en faisant varier graduellement l'inclinaison d'une des piles on ne compense F effet d'une légère diffé- rence d'épaisseur, si une telle différence existe. Voici un moyen d'observation encore plus commode. On prend une aiguille de tourmaline, taillée parallèle- ment à son axe, de manière à former une lame à faces parallèles; on la coupe en deux. On applique ces deux fragments, l'un sur la fente de droite, l'autre sur la fente de gauche de l'écran métallique; et l'on trouve alors qu'il se produit des franges quand les deux axes des fragments sont parallèles; qu'il n'en reste pas de traces s'ils sont perpendiculaires, et que dans le passage de la première à la seconde position, leur intensité s'affaibht graduellement. Donnons aux deux piles adaptées aux fentes parallèles cette position rectangulaire où toute frange a disparu. Plaçons devant l'œil de l'observateur une troisième pile qui soit inclinée dans un plan formant un angle de /i5° avec les plans d'incidence des deux précédentes. Cette dernière ramènera à une polarisation semblable les rayons venant des deux fentes qui, avant de la rencontrer, étaient polarisés à angles droits. Il semble donc qu'à partir de ce moment il n'y a plus de raison pour que les rayons n'interfèrent pas; et cependant, quelque soin qu'on ap- porte dans l'expérience, on ne découvrira aucune trace de franges. Je n'ai pas besoin de faire remarquer qu'on peut sub- stituer une tourmaline quelconque à la troisième pile, 340 NOTICE SUR LA POLARISATION comme tout à rheure nous avions remplacé les premières par les deux moitiés d'une tourmaline à faces parallèles. Le résultat sera précisément le même. Imaginons enfin, pour épuiser toutes les combinaisons, qu'on éclaire l'écran métallique avec de la lumière po- larisée; que deux piles ou deux tourmalines convenable- ment placées transforment les rayons polarisés dans le même sens, qui traverseront les deux fentes, en rayons polarisés à angles droits; que de plus, avant d'essayer de faire interférer ces rayons, on les ramène à une pola- risation semblable, soit à l'aide d'une troisième pile, soit à l'aide d'une tourmaline, comme dans l'expérience pré- cédente; l'observateur trouvera alors et sans doute à sa grande surprise , que les rayons sont susceptibles d'in- terférer ou qu'en se mêlant ils donnent naissance à un groupe très-apparent de franges irisées. La série d'expériences que nous venons de rapporter conduit aux conclusions suivantes : 1° Deux faisceaux que l'on fait passer directement de l'état de lumière naturelle à celui de lumières polarisées dans le même sens conservent, après avoir reçu cette dernière modification, la propriété d'interférer. 2° Deux faisceaux que l'on fait passer directement de l'état de lumière naturelle à celui de lumières polarisées dans deux sens rectangulaires ne sont plus susceptibles d'interférer, ni tant qu'ils restent dans cet état, ni après qu'on les a ramenés à être polarisés dans le même sens. 3° Deux faisceaux polarisés en sens contraire n'inter- fèrent pas, quelles que soient les modifications qu'ils DE LA LUxMIÈRE. 344 aient éprouvées avant d'arriver à cet état en partant de celui de lumière naturelle; ramenés ensuite à des pola- risations semblables, ils deviennent susceptibles d'inter- férer, pourvu que dans le passage de l'état naturel à l'état polarisé, les premiers plans de polarisation des deux faisceaux aient été parallèles. Ainsi, dans ces phénomènes, le mode d'action des rayons ne dépend pas seulement de ce qu'ils sont quand ils se rencontrent, mais aussi de ce qu'ils ont été. CHAPITRE X DE l'espèce de polarisation qdi se manifeste par des phé- nomènes DE couleurs, et QC'ON A APPELÉE A CAUSE DE CELA LA POLARISATION COLORÉE Examinons d'abord nettement en quoi cette nouvelle modification de la lumière consiste ; nous rechercherons ensuite les divers moyens de la produire. Polarisons un rayon de lumière directe par l'une quelconque des méthodes que j'ai précédemment décrites. Faisons-le passer ensuite au travers d'une lame de cristal de roche à faces parallèles, taillée perpendiculairement aux arêtes du prisme hexaèdre; supposons que cette lame ait environ 6 millimètres d'épaisseur, et que le rayon polarisé qui la traverse rencontre les deux faces sous l'angle de 90°. En sortant de cette lame, de quelque manière qu'elle ait été placée dans son propre plan, le rayon ne possédera plus les propriétés de la lumière pola- risée ordinaire et cependant il n'aura pas repris les pro- priétés de la lumière directe. Pour le prouver, soumettons 342 NOTICE SUR LA POLARISATION ce rayon à Taction d'un rhomboïde de carbonate de chaux. Un rayon de lumière polarisée ne donnerait qu'une seule image en traversant le cristal dans deux positions particulières de la section principale , que j'ai déjà fait connaître (chap. iv, p. 307). Or le rayon sortant de la lame se divise constamment en deux faisceaux ; ce der- nier rayon n'est donc point de la lumière polarisée or- dinaire. J'ajouterai qu'il n'est pas davantage de la lumière naturelle. En effet, un faisceau blanc de cette dernière espèce de lumière se partage toujours , dans un cristal doué de la double réfraction, en deux rayons blancs de même intensité; le faisceau blanc, sortant de la lame de quartz, donne aussi, il est vrai, constamment deux images, mais elles brillent des plus vives couleurs. Si l'image ordi- naire est rouge , l'image extraordinaire est verte ; quand l'image ordinaire devient verte , l'image extraordinaire se colore en rouge. 11 en est de même de toutes les autres nuances prismatiques : toujours celle du faisceau ordinaire est complémentaire de la nuance du faisceau extraordinaire , et elles varient l'une et l'autre avec la position de la section principale du rhomboïde qui opère la bifurcation. La lunette prismatique de Rochon est un appareil approprié à ces expériences, et qui mérite, je pense, d'être indiqué ici, d'abord, parce qu'en l'employant on obtient des teintes très-vives; secondement, à cause qu'elle donne le moyen de s'assurer que lj3s images auxquelles on vise ne perdent rien de leur netteté par l'interposition de la lame, et que ce n'est point en épar- DE LA LUMIÈRE. 343 pillant irrégulièrement les couleurs qu'elle agit; troisiè- mement enfin, à raison de la facilité qu'elle offre pour prouver que les teintes des deux faisceaux sont complé- mentaires. Cet instrument n'est autre chose qu'une lunette ordi- naire dans laquelle on a placé, entre l'objectif et l'ocu- laire un prisme achromatisé de cristal de roche ou de carbonate de chaux. Comme le prisme est mobile à volonté le long de l'axe de la lunette, l'observateur peut séparer plus ou moins les deux images de l'objet auquel il vise. Placez devant l'objectif de cette lunette la plaque de quartz en question, et adaptez de plus, à l'oculaire, un verre verdâtre d'une nature particulière, qui est fort em- ployé par les astronomes à cause de la propriété dont il jouit d'absorber beaucoup de lumière, sans cependant colorer sensiblement le faisceau transmis. Si vous observez alors directement le Soleil avec cet instrument, vous verrez deux images de l'astre, blan- ches l'une et l'autre et de la même intensité; d'où il résulte que la plaque n'imprime aucune propriété parti- culière à la lumière naturelle. Si, au contraire, vous visez à l'image réfléchie par un miroir de verre non étamé, vous apercevrez encore deux soleils, mais ils seront colorés, et pendant une demi-révolution de la lunette sur elle-même, chacun d'eux parcourra la série presque tout entière des couleurs prismatiques. Ainsi, le soleil rouge deviendra successivement orangé, jaune, jaune verdâtre, vert bleuâtre et violacé; à ce point, la lunette aura fait un demi-tour. Son mouvement, continué dans le même 3i4 NOTICE SUR LA POLARISATION sens, fera passer l'image violacée d'abord au rouge, ensuite à l'orangé, etc., etc. Le second soleil présentera toujours la couleur complémentaire , car si au lieu de séparer entièrement les deux images, on les laisse en partie superposées, la portion commune aux deux disques restera constamment blanche , tandis que les lunules excédantes seront teintes des plus vives couleurs. La réflexion sur des miroirs diaphanes est également propre à faire ressortir les propriétés distinctives de l'espèce de lumière que transmet la lame de quartz. Si l'on fait tourner un miroir de verre autour d'un faisceau de lumière naturelle, formant avec sa surface un angle d'environ 35° 1/2, le faisceau réfléchi se diri- gera successivement vers tous les points de l'horizon, mais il conservera constamment la môme intensité. Si le faisceau incident est polarisé, on trouvera, au contraire, deux positions diamétralement opposées du miroir, dans lesquelles il ne réfléchira pas une seule molécule lumineuse. En faisant, enfin, la même expérience avec la lumière sortant de la lame de cristal de roche, on verra qu'elle se réfléchit colorée, quoiqu'elle tombe blanche sur la surface du miroir, et que la nature de la couleur dépend du côté par lequel le plan réfléchissant se présente au rayon. Ajoutons que ces couleurs réfléchies se succèdent pendant le mouvement de révolution du miroir suivant le même ordre que dans le spectre solaire; qu'on les observe aussi dans le faisceau transmis, mais que ces dernières, dans toutes les positions, sont complémentaires des couleurs réfléchies. DE LA LUMIÈRE. 345 Si les propriétés des rayons polarisés dépendent, comme le supposent les partisans du système de l'émis- sion, des arrangements particuliers que prennent les molécules dont ils sont formés, il sera facile d'assigner la composition intime du rayon polarisé ordinaire et celle de ce môme rayon à sa sortie de la lame de cristal de roche. Dans le premier rayon, en effet, les axes de toutes les molécules, quelles que soient leurs couleurs, seront parallèles; dans le second, les molécules de nuances différentes auront leurs pôles tournés vers diverses ré- gions de l'espace. Nous devons maintenant examiner suivant quelle loi s'opère la déviation de ces pôles, soit à raison de la teinte particulière de chaque molécule lumineuse, soit à cause des épaisseurs plus ou moins considérables de cristal qu'elles peuvent avoir traversées. En employant de la lumière homogène polarisée, on reconnaît aisément que, si une plaque de quartz transporte les pôles d'un certain rayon à 20° de leur direction primitive, une plaque deux fois plus épaisse, tirée de la même aiguille, produit une déviation double, ou de liO°; une plaque d'épaisseur triple donne une déviation triple, ou 60% et ainsi de suite indéfiniment. Quant aux rayons simples de différentes couleurs, en traversant une plaque donnée, ils éprouvent des dévia- tions d'autant plus fortes qu'ils sont plus réfrangibles, et cela dans le rapport inverse des nombres que Newton appelle les longueurs d'accès, ou, ce qui revient au même, dans le rapport inverse des quantités que nous avons précédemment désignées par la lettre d. 346 NOTICE SUR LA POLARISATION Connaissant donc la déviation pour une plaque, on peut, à l'aide d'une simple partie proportionnelle, trouver celle que produirait une autre plaque de môme nature plus ou moins épaisse. Voici le tableau des déviations qu'éprouvent les plans de polarisation de divers rayons simples en traversant une lame de cristal de roche d'un millimètre d'épaisseur et perpendiculaire à l'axe de l'aiguille hexaédrale : Rouge extrême 17° .50 Limite du rouge et de roran;2;(; 20 .68 — de l'orangé et du jaune 22 .31 — du jaune et du vert 25.68 — du vert et du bleu 30 .05 — du bleu et de l'indigo 34.57 — de l'indigo et du violet 37 .68 — du violet extrême Zi/i .08 11 n'y a aucune raison de supposer que les déviations angulaires auront d'autres valeurs quand toutes les molé- cules traverseront simultanément le cristal. Dans le fais- ceau blanc transmis par une lame de un millimètre, les axes des rayons rouges élémentaires formeront consé- quemment un angle de 3° avec les axes des premiers rayons orangés, d'environ 5° avec ceux des premiers rayons jaunes , etc. , et enfin de 26° 5' avec les axes des rayons violets extrêmes. Si l'on analyse ce faisceau blanc à l'aide d'un rhomboïde, les divers rayons colorés dont il se compose ne se partageront pas dans les mêmes pro- portions entre les deux images, et dès lors il y aura nécessairement coloration. On voit, par exemple, qu'en plaçant le rhomboïde de manière que sa section princi- pale contienne les pôles du rayon rouge, ce rayon passera DE LA LUMIÈRE, 3i7 tout entier dans le faisceau ordinaire et que la teinte rouge manquera totalement dans l'image extraordinaire. On acquerra une notion exacte du genre de modification qu'une plaque de quartz imprime à un faisceau blanc de lumière polarisée, en concevant qu'on réunisse ensemble les molécules rouges polarisées par réflexion sur un cer- tain miroir diaphane; les molécules orangées polarisées par un miroir formant un certain angle avec le premier ; les molécules jaunes que polariserait un troisième miroir diflerent des deux précédents, et ainsi de suite. Le mélange intime de toutes ces espèces de molécules dans chaque filet de lumière blanche et quelques autres obstacles ne permettraient de réaliser cette fiction qu'à l'aide d'appareils très -compliqués. Une simple lame de quartz suffit, au contraire, pour donner aux ditïérentes parties constituantes du rayon blanc ces polarisations individuelles dirigées dans divers azimuts. Les phénomènes que je viens de décrire sont produits, comme nous l'avons dit, par des plaques de quartz à faces parallèles taillées perpendiculairement à l'axe de l'aiguille hexaèdre. Dans une direction perpendiculaire à ces faces, le quartz n'a point la double réfraction; les forces qui, dans ce cas- ci , dévient les plans de polarisa- tion des molécules lumineuses diffèrent donc des forces auxquelles, suivant d'autres coupes du cristal, on doit la bifurcation des rayons. Aussi a-t-on trouvé les propriétés des lames en question dans des corps sans cristallisation régulière, comme le flint-glass, ou même parfaitement fluides, tels que les huiles essentielles de térébenthine, de citron , ou les dissolutions de camphre dans l'alcool , le 348 NOTICE SUR LA POLARISATION sirop de sucre, etc., etc. 11 n'y a de dilïérence que dans la valeur absolue des épaisseurs qui donnent les mêmes teintes *, les autres lois restent les mêmes. On a vu que la lame de quartz, de un millimètre d'épais- seur, fait tourner les pôles des molécules rouges de 17°. 5. Supposons que ce mouvement se soit effectué de droite à gauche : toute autre plaque, quelle qu'en soit l'épaisseur, tirée de l'aiguille hexaèdre qui a fourni la première, déviera les pôles dans le même sens, c'est-à- dire de droite à gauche; quant aux plaques extraites d'un prisme différent, elles pourront _, au contraire, les dévier de gauche à droite. Ce phénomène, au premier aperçu, doit paraître fort singulier ; mais si l'on réfléchit que les rayons traversent les plaques dans un sens où toute force de double réfrac- tion a disparu, on comprendra qu'une déviation des pôles constamment dirigée du même côté pour tous les échan- tillons de cristal ne serait pas moins étonnante. On n'a pas découvert jusqu'ici des signes extérieurs qui puissent faire prévoir dans quel sens les plaques qu'on extraira d'un cristal donné dévieront les pôles, si ce n'est dans un cas particulier fort remarquable. Sur certaines variétés de quartz , les angles solides situés à la base de la pyra- mide dont l'aiguille prismatique est surmontée sont rem- placés par autant de facettes placées de biais relativement aux arêtes. Or, le sens de la déviation que ces cristaux, 1. Une plaque de térébenthine produit le même efîet qu'une plaque de cristal de roche quand elle est 69 fois plus épaisse qu'elle. L'action de l'huile essentielle de citron est à celle de l'huile de térébenthine comme 17 est à 10. DE LA LUMIÈRE. 349 qu'on api^eWe plagiedres , impriment aux pôles des molé- cules lumineuses , est constamment celui de l'obliquité des petites facettes. Quand un rayon polarisé traverse successivement deux plaques à rotations contraires, la déviation définitive des pôles est la différence des effets que chaque plaque eût produits isolément. Ce rayon donne exactement les mêmes teintes que s'il eût traversé une plaque unique d'une épaisseur égale à la différence des deux plaques combinées. Si ces plaques combinées ont des épaisseurs égales, le faisceau transmis, tourné d'abord dans un sens et retourné ensuite dans le sens contraire, semble n'avoir point changé de polarisation. L'essence de térébenthine dévie les axes des molécules du rayon polarisé qui la traverse de la droite à la gauche de l'observateur qui reçoit ce rayon. L'huile essentielle de citron les dévie de gauche à droite. Ces fluides ne perdent rien de leur action propre quand on les mêle, en sorte que si leurs proportions, dans le mélange, sont in- verses de leurs forces rotatoires, le rayon qui l'a traversé sort avec sa polarisation primitive. CHAPITRE XI SUR LES PHÉNOMÈNES DE DÉPOLARISATION ET DE COULEURS PRODUITS PAR LES LAMES CRISTALLISÉES Cherchons comment un rayon blanc polarisé dans un seul sens est modifié en traversant une lame cristalline douée de la double réfraction. Dirigeons pour cela la section principale d'un rhom- 350 NOTICE SUR LA POLARISATION boïde de spath calcaire dans le plan de polarisation d'un rayon blanc; ce rayon subira tout entier la réfraction ordinaire. Plaçons ensuite la lame en avant du rhomboïde de manière que les rayons la traversent perpendiculaire- ment. Si la section principale de cette lu me est parallèle à celle du rhomboïde, on ne verra encore qu'une seule image blanche. 11 en sera de même si les sections princi- pales sont perpendiculaires; dans toute autre position de la lame le rhomboïde fournira deux faisceaux et ils seront colorés de teintes complémentaires. Le mouvement de la lame dans son propre plan n'altère pas la nature des teintes; leur vivacité seulement est d'autant plus grande que les sections principales font entre elles un angle plus voisin de 45°. Ces teintes varient avec l'épaisseur de la lame au point de dégénérer en une blancheur parfaite quand l'épaisseur est suffisante. Dans le sulfate de chaux l'épaisseur à la- quelle cessent les phénomènes de coloration est d'environ un demi-millimètre. Appelons 0 la teinte du faisceau ordinaire , E celle dont se colore le faisceau extraordinaire. L'expérience montre que la teinte E est à peu près celle d'un des anneaux colorés réfléchis entre deux objectifs superposés, comme dans les célèbres expériences de Newton , et que la teinte 0 est celle de l'anneau transmis correspondant. Cette règle, toutefois, n'est pas générale. Dans beaucoup de cristaux les teintes E ne ressemblent en aucune manière à celles des anneaux. Quand la règle précédente se vérifie, les épaisseurs successives d'un même cristal auxquelles se forment les DE LA LUMIÈRE. 351 diverses teintes E sont proportionnelles à celles que Newton a données pour les substances non cristallisées. On trouve seulement qu'à égalité de densité les valeurs absolues de ces épaisseurs surpassent beaucoup les épaisseurs indi- quées par les tables de Newton. Il existe entre la teinte E, l'épaisseur de la lame et les éléments de sa double réfraction, une autre relation remarquable qu'il importe de signaler. L'image E n'apparaît que lorsque la section principale de la lame n'est ni parallèle ni perpendiculaire au plan primitif de polarisation du rayon qui la traverse. Ne donnons à cette lame que les propriétés ordinaires de la double réfraction; le rayon s'y partagera généralement en deux faisceaux dont l'un suivra la route ordinaire, l'autre la route extraordinaire. Deux faisceaux de même origine qui se croisent après avoir parcouru des routes inégales interfèrent. Pour une certaine inégalité de ces routes , ce sont les rayons rouges qui se détruisent ; pour une autre, ce seront les rayons jaunes, verts, bleus, etc. Si l'on détermine, d'après ces principes, la teinte ré- sultante des interférences des divers rayons, en tenant compte de l'épaisseur et de l'intensité de double réfrac- tion de la lame , on trouvera toujours un accord très- satisfaisant entre le calcul et l'observation. Le mode de déviation singulier que les lames minces produisent en apparence dans les pôles des molécules de diverses couleurs dont se compose un rayon blanc était très-difficile à découvrir ; rien ne le prouve mieux que l'assentiment presque unanime qu'ont donné les physiciens aux lois sur lesquelles se fonde ce qu'on a appelé la théorie 352 NOTICE SUR LA POLARISATION de la polarisation mobile. Je n'atteindrais pas ici le but que je dois avoir en vue, si je me contentais d'exposer les véritables principes de ces phénomènes. La critique d'une théorie erronée fait une partie essentielle de ma tâche, surtout quand cette théorie est spécieuse, et qu'elle est produite avec assurance dans les ouvrages les plus ré- cents, malgré les objections, à mon avis, décisives, dont elle a été l'objet. Voici le théorème fondamental de la polarisation mo- bile : « Lorsqu'un rayon de lumière simple , polarisé suivant une direction, traverse perpendiculairement une lame cristallisée parallèle à l'axe de double réfraction, les molécules lumineuses commencent par pénétrer jusqu'à une certaine profondeur sans perdre leur polarisation primitive ; après quoi leur mouvement de translation con- tinue toujours ; elles se mettent à osciller périodiquement sur elles-mêmes , de manière que leur axe de polarisation se transporte alternativement de part et d'autre de la section principale du cristal ou de la ligne qui lui est perpendiculaire dans des amplitudes égales, comme un pendule autour de la verticale dont on l'a écarté. Chacune de ces oscillations s'exécute dans une épaisseur 2 e, double de celle que la molécule avait parcourue avant d'entrer en oscillation Ainsi, depuis l'épaisseur zéro jusqu'à une certaine épaisseur fondamentale e, les molécules homogènes dont se compose le rayon qui traverse un cris- tal se comportent , après leur émergence, comme si elles n'avaient pas quitté leur polarisation primitive ; depuis e jusqu'à 2 e elles se comportent comme si elles l'avaient DE LA LUMIÈRE. 3S3 quittée pour en prendre une nouvelle dans l'azimut 2ï, i étant l'angle que forme la section principale de la lame avec le plan originaire de leur polarisation ; et enfin elles paraissent alternativement polarisées dans l'azimut an- cien ou dans l'azimut 2i. » Toutes les fois que la lumière qui émerge d'un cristal à un axe, mince ou épais, est composée de deux faisceaux distincts , on reconnaît que ces deux faisceaux sont pola- risés dans des directions perpendiculaires, soit que la lumière incidente fût elle-même naturelle ou polarisée; aucune exception n'a jusqu'ici contredit cette règle. 11 est difficile de deviner, dans le système dont je viens de rap- porter les principes, comment se ferait le passage de la polarisation mobile à la polarisation dans deux sens rec- tangulaires que, par opposition, on a appelée fixe. Venons à une objection plus directe : Plaçons une lame de sulfate de chaux de manière que sa section principale fasse un angle de 45° avec le plan primitif de polarisation de la lumière homogène qui doit la traverser. 2 i étant alors égal à 90°, le faisceau transmis, d'après les prin- cipes de la polarisation mobile, serait polarisé en entier ou dans le plan primitif ou dans le plan perpendiculaire ; analysé avec un rhomboïde, il ne donnerait, dans deux positions de sa section principale, qu'une seule image. Or, loin de là , si la lame a l'épaisseur convenable , ce faisceau se partagera constamment en deux images de même intensité dans le rhomboïde, quelle que soit l'orien- tation de la section principale de ce cristal. Quand deux faisceaux de même origine et doués d'une même vitesse viennent à se croiser sous un très -petit VIL— IV. 23 3!i4 NOTICE SUR LA POLARISATION angle, après avoir parcouru dos chemins dissemblables et de longueurs légèrement inégales, ils peuvent s' entre- détruire complètement, comme nous l'avons déjà dit. Cette destruction pourrait également avoir lieu pour deux faisceaux qui suivraient la même route s'ils avaient des vitesses inégales. Soit d la dilTérence de chemins qui détermine, dans le premier cas, la suite périodi- que de points de l'espace où deux rayons d'une certaine lumière homogène donnent lieu, par leur interférence, à une obscurité entière; cette môme lettre cl repré- sentera, dans le second cas, la quantité dont l'un des rayons devra, en vertu de son excès de vitesse, s'être plus avancé que l'autre pour qu'il y ait aussi destruction. Lorsque dans une lame cristallisée la différence des chemins parcourus par les rayons ordinaire et extraordi- naire de cette espèce de lumière, ou bien l'effet de la différence de vitesse, sera 0, nd, ou {n-\-j)d, n étant un nombre entier, un faisceau préalablement polarisé transmis par cette lame paraîtra polarisé tout entier dans le plan primitif ou dans l'azimut 2i, comme les principes de la polarisation mobile l'indiquent. Quand la lame aura une épaisseur telle que la différence des chemins parcourus par les deux faisceaux ordinaire et extraordinaire sera renfermée dans la formule générale {n-{-j)d, n étant encore un nombre entier, la lumière transmise paraîtra être devenue de la lumière ordinaire, si la section principale de la lame fait un angle de 45° avec le plan de polarisation primitif du faisceau incident. Ceci ne s'accorde point du tout, comme on a déjà vu, avec les principes de la polarisation mobile. DE LA LUMIERE. 355 Enfin, dans le cas où répaisseur de la lame employée n'est comprise dans aucune des formules précédentes, les rayons complètement polarisés c{ui la traversent en sortent avec les caractères d'une polarisation partielle. Ce résultat n'est pas moins contraire que les précédents aux lois de la polarisation mobile, puisque, d'après ces lois, le rayon incident polarisé sortirait toujours com- plètement polarisé, avec un simple changement d'azimut dans les pôles. Nous venons de démontrer qu'il n'est point générale- ment vrai qu'un faisceau de lumière homogène polarisée qui traverse des lames minces cristallisées , ou conserve en entier sa polarisation primitive, ou dirige tous ses pôles dans l'azimut 2i. Avec cela tombe tout l'échafaudage des mouvements oscillatoires attribués aux molécules lumi- neuses. Quant à l'objection que nous faisions plus haut contre la théorie de la polarisation mobile, relativement à la liaison à établir entre les phénomènes des lames minces et ceux des cristaux épais, elle paraît avoir encore toute sa force, puisque nous n'avons pas trouvé nous- même que les rayons des lames minces soient polarisés dans deux sens rectangulaires. Supposons cependant, pour un moment, qu'il en soit ainsi, et qu'un faisceau lumineux traversant une lame mince de sulfate de chaux s'y partage en deux rayons , l'un ordinaire, l'autre extraordinaire , polarisés à angles droits, et voyons ce qui devra en résulter. Mathématique- ment parlant , ces deux rayons suivent , en général , dans le cristal , des routes différentes ; mais il n'est pas possible de les séparer physiquement , parce que l'imperfection 356 NOTICE SUR LA POLARISATION de no? organes nous force de viser à des objets d'une certaine largeur. Les partisans de la polarisation niobile examineront en masse cette lumière émergente ; ils trou- veront, dans certains cas, qu'elle paraît avoir conservé sa polarisation primitive; dans d'autres, qu'elle semble polarisée dans l'azimut 2i; et ils concluront de là que les lames minces agissent tout autrement qu'un cristal épais. Cette conclusion, toutefois, peut être contestée. Quand on se sert d'un cristal épais, les deux images ordinaire et extraordinaire sont séparées ; on étudie les propriétés de chacune d'elles isolément. Dans le cas de la lame mince, l'observateur opère sur de la lumière complexe mélangée. Or, qui pourrait affirmer, sans l'avoir essayé, que deux rayons, réellement polarisés à angles droits, ne sembleront point, dans des cas d'interférence, avoir perdu chacun leur polarisation primitive, et ne donneront pas lieu à une polarisation résultante intermédiaire, dont les autres seraient comme les composantes. Le lecteur a maintenant deviné lui-même que pour éclaircir ces mystérieux phénomènes, nous aurons à prouver : 1 ° qu'il se forme deux faisceaux dans les lames minces, comme dans les cristaux épais, polarisés à angles droits; 2° que ces faisceaux, quand ils sont mêlés, peuvent offrir les apparences d'une polarisation inter- médiaire entre celles de chacun d'eux. Tel est, en effet, l'objet des expériences très-délicates que je vais rapporter. Après avoir réuni un faisceau de lumière solaire ho- mogène dans un espace très-resserré, à l'aide d'une len- tille d'un court foyer appliquée au volet d'une chambre obscure, recevons le faisceau de rayons divergents sur DE LA LUMIÈRE. 337 deux miroirs de verre légèrement inclinés l'un par rap- port à l'autre. Si nous supposons que l'angle d'incidence Isoit d'environ 35% les faisceaux réfléchis par l'un et par 'l'autre miroir seront complètement polarisés et, en se croisant dans l'espace, formeront par leur interférence des bandes obscures et brillantes. Pour toutes les positions des miroirs réfléchisants ces bandes seront polarisées dans le même azimut que les deux faisceaux qui concourent à leur production. Prenons, maintenant, une lame de sulfate de chaux très-limpide et coupons-la par le milieu, afin d'avoir deux lames de même épaisseur. Fixons l'une des moitiés de cette lame en avant des miroirs, de telle sorte qu'elle ne soit traversée que par le faisceau réfléchi sur la surface du premier; admettons, de plus, que sa section principale fasse un angle de /lô" avec le plan primitif de polarisation. Plaçons ensuite l'autre moitié de la lame sur la route des rayons polarisés que le second miroir réfléchit, mais de manière que sa section principale, étant perpendicu- laire à celle de la première, fasse comme elle avec le plan primitif de polarisation un angle de Z|.5°. Si ces lames agissent comme des cristaux épais, elles doivent l'une et l'autre, quelle que soit d'ailleurs la petitesse de leur double réfraction, diviser les rayons réfléchis qui les traversent en deux faisceaux de même intensité et polarisés à angles droits. Seulement, dans les positions particulières qu'on leur a données , il arrivera évidemment que le plan de polarisation du faisceau or- dinaire provenant de la lame de droite, par exemple, sera parallèle au plan de polarisation du faisceau extra- 358 NOTICE SUR LA POLARISATION ordinaire de la lame de gauche; le faisceau ordinaire provenant de cette dernière lame et le faisceau extra- ordinaire de la lame opposée seront aussi semblablement polarisés. Ceci une fois admis , il est facile de prévoir ce qui arri- vera dans les points oi^i les deux faisceaux viendront à se croiser. Les rayons ordinaires provenant de la lame de droite pourront d'abord interférer avec les rayons extra- ordinaires que donne la lame de gauche, puisqu'ils sont polarisés dans le même sens, et ils formeront un pre- mier groupe de franges obscures et brillantes. Un second groupe résultera de l'action des rayons extraordinaires de droite, sur les rayons ordinaires de la lame de gauche. Ces deux groupes de franges seront d'autant plus séparés que les lames auront plus d'épaisseur et que le genre de cristal auquel elles appartiendront jouira d'une plus forte double réfraction. Dans l'espace inter- médiaire se trouvent les rayons de môme nom fournis par les deux lames ; mais, comme ils sont ici polarisés en sens opposés, ils se croisent sans donner naissance à aucun phénomène d'interférence , et l'œil n'y aperçoit qu'une lumière uniforme. Une chose qui n'est pas moins évidente que l'existence de deux systèmes de franges, c'est qu'en employant du sulfate de chaux, ces systèmes seront l'un et l'autre com- plètement polarisés, dans un plan perpendiculaire à la section principale de la lame la plus voisine. Or, il n'est aucune de ces conséquences de l'hypothèse dont nous sommes partis , savoir que chaque lame par- tage la lumière polarisée qui la traverse en deux fais- DE LA LUMIERE. 3^9 ceaux polarisés à angles droits, dont l'expérience ne donne une confirmation complète. La vérité de l'hypo- thèse est ainsi démontrée, car tout autre mode de sépa- ration ou de polarisation des rayons, celui qui se déduit des principes de la polarisation mobile, par exemple, donnerait lieu à des phénomènes entièrement différents de ceux que je viens de décrire. Pour peu qu'on ait étudié le chapitre ix (p. 330 à 341) dans lequel j'ai montré les circonstances où des rayons polarisés peuvent donner lieu à des effets appré- ciables d'interférence, on comprendra que les deux sys- tèmes de franges qui ont fait l'objet des expériences précédentes, ne peuvent résulter, comme je l'ai admis, que de la rencontre des rayons ordinaires d'une lame avec les rayons extraordinaires de la lame opposée. Si, toutefois, on avait quelques doutes à ce sujet, voici com- ment je les lèverais. Je substituerais aux deux lames minces qui nous avaient d'abord servi, deux cristaux épais (deux rhomboïdes de carbonate de chaux, si l'on veut) dans lesquels la double réfraction serait manifeste. Comme on pourrait suivre alors séparément la marche de chaque faisceau, et les arrêter tour à tour avec des écrans , on prouverait, par le fait même, que pour la formation d'un des groupes de franges, il faut et il suffit que le faisceau ordinaire d'un des cristaux rencontre le faisceau extraordinaire de l'autre, et réciproquement. Le sens de la polarisation de ces franges, déterminé à l'aide d'un rhomboïde, serait d'ailleurs exactement le même que dans le cas oij nous employons des lames minces. Il n'y aurait de différence 360 NOTICE SUR LA POLARISATION notable entre les deux expériences qu'à l'égard de Técar- tcment des deux groupes de franges. Cette distance dépendant de la dilTérence des chemins parcourus par les rayons ordinaire et extraordinaire, serait plus grande avec les cristaux qu'avec les lames. 11 pourrait même arriver, si les cristaux étaient très-épais, que pour amener les franges dans le champ de la vision, il fallût compenser une partie de la différence de route ou de vitesse, à l'aide d'un verre plan, placé sur le chemin parcouru par l'un des faisceaux; mais, en tout cas, les conséquences de l'observation se présenteraient avec la même netteté. Nous ajouterons enfin une dernière circonstance qui à elle seule lèverait toute espèce de difficulté qu'on pourrait faire sur la véritable cause de la formation des deux sys- tèmes de franges dans le cas des lames minces : ce sera que l'intervalle qui sépare ces deux systèmes est tellement lié h la double réfraction des lames, qu'on peut toujours en déduire une valeur numériquement exacte de cette double réfraction, comme il a été facile de le reconnaître en la mesurant ensuite par les méthodes ordinaires sur des cristaux épais de même nature. Voyons maintenant comment il est possible de conci- lier l'expérience que nous venons de rapporter et d'où il résulte que toute lame mince ou épaisse partage la lumière en deux faisceaux polarisés à angles droits, avec cet autre fait, en apparence si opposé, que si la lame a une épaisseur convenable, le groupe entier des rayons polarisés qui la traversent pourra ne sembler polarisé que dans le plan primitif, ou dans l'azimut 2/. On forme, dans une chambre obscure, un point rayon- DE LA LUMIÈRE. 361 nant très-petit de lumière homogène, par le moyen d'une loupe, comme nous l'avons déjà indiqué. On reçoit le faisceau divergent qui part de ce point sur un miroir de verre, dont la seconde face est recouverte d'un mastic noir absorbant. Pour fixer les idées, nous donne- rons à ce miroir une position verticale ; nous supposerons, de plus, que le faisceau divergent est à peu près hori- zontal et qu'il rencontre la face réfléchissante sous un angle peu éloigné de celui de la polarisation complète. Ces premières dispositions achevées , on place sur la route que suivent les rayons réfléchis par le miroir, un rhomboïde de spath calcaire dont la section principale fasse, avec le plan horizontal auquel par h^^oothèse celui de réflexion est parallèle, un angle de 45°. Dans cette position du rhomboïde, la lumière qui le traverse se divise en deux faisceaux, l'un ordinaire, l'autre extra- ordinaire, polarisés à angles droits et de même inten- sité. A leur sortie de ce premier rhomboïde les deux rayons en rencontrent un autre de même épaisseur, mais dont la section principale est perpendiculaire à celle du précédent. Le faisceau ordinaire y éprouvera donc la réfraction extraordinaire, tandis que le faisceau qui était extraordinaire dans le premier cristal deviendra ordinaire en traversant le second. Ces deux derniers faisceaux , ordinaire et extraordinaire, en passant dans l'air, seront polarisés, l'un dans le plan de la section principale du second cristal, l'autre dans le plan perpendiculaire. Suivons ces faisceaux par la pensée : il est d'abord évident que, à cause de leur commune divergence, ils se croiseront dans une étendue d'autant plus grande qu'on 362 NOTICE SUR LA POLARISATION s'éloignera davantage du rhomboïde. Leurs points de départ étant distincts et sensiblement séparés, l'observa- teur pourra arrêter tour à tour avec un écran le faisceau ordinaire ou le faisceau extraordinaire et éclairer à vo- lonté certains points de l'espace, soit avec l'un, soit avec l'autre de ces faisceaux pris séparément, soit, enfin, avec tous les deux à la fois. Parvenus b ce point de l'expérience délicate et assez compliquée qui nous occupe, plaçons un verre légèrement dépoli dans une partie du champ commun aux deux faisceaux, marquons par une ouverture très-fme pra- tiquée dans une lame opaque et adaptée à ce verre, le lieu précis vers lequel notre attention va se porter, et servons-nous comme d'habitude d'un cristal doublement réfringent pour analyser les diverses espèces de lumière qui , après avoir traversé la fente du diaphragme, vien- dront se peindre au fond de l'œil. Nous reconnaîtrons d'abord aisément que le rayon ordinaire, quand il arrive seul à l'ouverture, en quelque lieu qu'elle soit placée, n'éprouve aucune modification et qu'il reste polarisé comme il l'était auparavant. Il en est de môme du rayon extraordinaire. Mais si ces deux rayons, après s'être croises dans la fente, pénètrent simultanément dans l'œil à travers le cristal dont il est armé, le phénomène n'est plus aussi simple et change même de nature suivant la place que la fente occupe. En faisant mouvoir cette fente graduellement, à l'aide d'une vis, on trouve bientôt le point où la lumière com- posée de deux faisceaux qui la traversent, semble en masse polarisée comme l'était le faisceau primitivement réfléchi DE LA LUMIÈRE. 363 par le miroir de verre noirci. Plus loin, le plan de pola- risation semblera perpendiculaire au précédent, ce qui correspond précisément à l'azimut 2?, puisque i^= 45°. Dans une position de la fente intermédiaire entre les deux précédentes, les rayons auxquels elle donne passage ne présenteront aucune trace appréciable de polarisation. Cette expérience nous offre donc le singulier phéno- mène de deux faisceaux polarisés à angles droits, qui, après s'être croisés sur le verre dépoli , se réunissent au fond de l'œil et forment, en somme, comme l'épreuve par le rhomboïde le démontre, un faisceau tantôt pola- risé complètement dans un sens, tantôt complètement polarisé dans un sens différent, tantôt, enfin, sans trace de polarisation sensible, suivant que l'inégalité des routes parcourues par les deux faisceaux a telle ou telle autre valeur. C'est seulement pour fixer les idées que j'ai supposé qu'un verre dépoli couvrait le diaphragme, dont, au reste, on peut aussi se passer. Une loupe servira, si l'on veut, à observer les franges aériennes formées par l'interfé- rence des faisceaux lumineux. Si l'on se contentait , cependant, de se placer avec cette loupe en face des deux rhomboïdes croisés, l'œil ne recevrait qu'une lumière uniforme et continue; mais aussitôt qu'un cristal don- nant deux images sera convenablement interposé entre la loupe et ces rhomboïdes ou entre la loupe et l'œil, on apercevra deux systèmes de franges obscures et bril- lantes; les franges claires d'une des images correspon- dront toujours aux franges obscures de l'autre. La frange du milieu, par exemple, sera brillante dans l'image 364 NOTICE SUR LA POLARISATION ordinaire si la section principale du cristal interposé est parallèle au plan primitif de polarisation des rayons sur le verre noirci; alors, au contraire, cette frange centrale sera obscure dans l'image extraordinaire. Le point de l'espace qu'occupe l'image centrale semble donc envoyer à l'œil, à travers le cristal dont il est armé, de la lumière encore polarisée dans le plan primitif, puis- qu'elle ne donne qu'une image ordinaire. Ceci prouve de plus que les effets d'interférence dans l'image extra- ordinaire ne doivent être calculés qu'en ajoutant |d à la différence des chemins parcourus. Quand la section principale du cristal interposé est perpendiculaire au plan originaire de polarisation, les rôles se trouvent changés : c'est alors la frange centrale de l'image extraordinaire qui est brillante, tandis que dans l'image ordinaire, cette même frange est complète- ment obscure, comme si la différence de routes entre les rayons qui la forment était |. d. J'ai supposé jusqu'ici que le faisceau éclairant ne ren- fermait que de la lumière homogène ; c'est pour cela qu'il n'a donné naissance qu'à des franges obscures ou bril- lantes. Quand on se sert de lumière blanche, ces franges sont colorées, parce que d n'a pas des valeurs égales pour les rayons de différentes nuances, et les teintes qu'on y remarque sont précisément les mêmes que la lumière polarisée développe dans les lames cristaUisées de toutes les épaisseurs possibles. Peu de mots doivent maintenant suffire pour montrer le mode d'action de ces lames dans les phénomènes de coloration que j'ai d'abord décrits. DE LA LUMIÈRE. 365 Un rayon polarisé qui traverse une lame cristallisée douée de la double réfraction, s'y partage, mathématique- ment parlant, en deux faisceaux polarisés à angles droits, mais deux faisceaux de cette espèce n'interfèrent pas. La lame ne donnera donc pas de couleurs à l'œil nu, quelle que soit son épaisseur, lors même qu'elle ne sera éclairée que par de la lumière polarisée. L'expérience confirme déjà ce résultat. Chacun des faisceaux, ordinaire ou extraordinaire, provenant de cette lame se partagera encore en deux quand il traversera un prisme de cristal achromatisé ou un rhomboïde. De ces quatre faisceaux émergents, les deux qui suivront la route ordinaire ne seront pas plus séparés qu'ils ne l'étaient au sortir de la lame. Ceci s'ap- plique également aux deux rayons extraordinaires, en sorte qu'en définitive l'œil n'apercevra que deux images distinctes. Des deux faisceaux qui concourront ainsi à la forma- tion de l'image ordinaire, l'un était ordinaire en traver- sant la lame et s'est conservé ordinaire dans le rhomboïde placé près de l'œil; tandis que c'est par l'action de ce cristal que l'autre faisceau, qui était extraordinaire dans la lame , a passé à l'image ordinaire. Les rayons de noms différents ont, dans les cristaux doués de la double réfraction, des vitesses dissemblables. Une inégalité de vitesse, comme nous l'avons déjà vu, donne tout aussi bien lieu à des phénomènes d'interfé- rence qu'une différence de route. Si donc, dans la lame employée, la différence entre les vitesses des rayons ordinaire et extraordinaire correspond, soit à raison de 366 NOTICE SUR LA POLARISATION répaisseur de cette lame ou de l'intensité de sa double réfraction, à une certaine quantité d ou k ses multiples, Tespôcc de rayons dont la dilTérenco de route nJ, n étant un nombre entier, détermine les destructions, manquera dans l'image ordinaire que donne le rhomboïde. Cet elTet , je le répète, tient à l'interférence des deux rayons dont cette image est réellement formée et qui dans la lame avaient des vitesses inégales. Si l'expérience des deux rhomboïdes croisés ne nous avait pas prouvé que pour calculer les actions mutuelles des rayons lumineux qui, en traversant des cristaux doués de la double réfraction, changent plusieurs fois de plan de polarisation, il ne suffit pas des règles ordinaires des interférences, nous serions ici arrêtés par une grande difficulté. La dilTérence de vitesse étant la même pour les deux rayons dont l'image extraordinaire donnée par le rhomboïde est formée et pour ceux qui concourent à la production de l'image ordinaire, il semblerait que les rayons de même couleur devraient se détruire dans les deux images, ce qui revient à dire qu'elles devraient avoir la même teinte; mais si l'on se rappelle qu'après avoir calculé pour une des images l'effet de l'interférence correspondant à une différence des routes c?, on est obligé, en passant à l'image de nom différent, si l'on veut ob- tenir des résultats conformes à l'expérience, d'ajouter ^(^ à la différence des chemins ou à l'effet de la différence des vitesses, la difficulté disparaîtra. Quand d dans l'image ordinaire occasionnera la destruction des rayons rouges, d^\d correspondra, au contraire, à leur plus parfait accord dans l'image extraordinaire, et ces deux images DE LA LUMIÈRE. 367 auront des teintes rigoureusement complémentaires , ce que l'expérience confirme. Les couleurs que développe la lumière polarisée en traversant des lames cristallisées n'étant à la rigueur que des franges très -larges produites par interférence, nous devrons retrouver ici , en variant les épaisseurs de ces lames, les mômes déviations apparentes des plans de polarisation que nous avons reconnues dans l'expérience 011 nous produisions des franges étroites à l'aide des rayons transmis par deux lames de sulfate de chaux dont les sections principales étaient perpendiculaires. Nous avons déjà dit que l'expérience a prononcé affirmative- ment sur cette analogie. Je me tromperais fort si l'explication que je viens de donner n'obtenait pas l'assentiment des physiciens qui l'examineront avec toute l'attention convenable. Je termi- nerai ce chapitre en rapportant les formules qui donnent les intensités des images ordinaire et extraordinaire, pour le cas où le rayon polarisé a traversé une ou deux lames cristallisées, sous l'incidence perpendiculaire, leurs sec- lions principales étant d'ailleurs dirigées comme on vou- dra. Commençons par le cas d'une seule lame. L'unité représente l'intensité du faisceau primitif ho- mogène ; i l'angle que la section principale de la lame fait avec le plan primitif de polarisation ; s l'angle de ce môme plan avec la section principale du rhomboïde ou du prisme achromatisé, au moyen duquel on analyse la lumière émergente; 0 — e la différence de marche entre le faisceau ordi- 368 NOTICE SUR LA POLARISATION naire et le faisceau extraordinaire au sortir de la lame cristallisée ; rf a la signification que nous avons déjà donnée à cette lettre précédemment ; -K est le rapport du diamètre à la circonférence du cercle. Cela posé, on a : o — e l'image ordinaire = cos*s — sin 2i sin 2(t — 5) sin' w l'image extraordinaire = sin*s + sin 2 j sin 2(i — s) sin* tt d ' o — e d Quand le faisceau polarisé a traversé deux lames, il doit y avoir dans la formule un élément de plus, savoir l'angle que forme la section principale de cette seconde lame avec le plan primitif de polarisation. Appelons cet angle a, toutes les autres lettres conservant les mêmes significations et o' — e' étant la différence de marche produite par la seconde lame : l'intensité de l'image ordinaire donnée par un faisceau de lumière homogène sera : o — e cos'^i + sin25c sin 2î cos2 (a+ i — s) sin* tt — sin2acos2tsin2 (a+i — s) sin^-rr d 0' — e' cos' a sin 2« sin 2 ( a + ^ — s) sin* 7; d 0 — e + o' — e' d. . 0 — e — (o' — e') -f sm* a sin 2/ sin 2 (a4- i — s) sin*-:^ . L'image extraordinaire s'obtient en retranchant cette formule de l'unité. En calculant séparément d'après ces formules, les DE LA LUMIÈRE. 369 intensités des rayons de diverses nuances qui composent la lumière blanche, on obtient la teinte du faisceau or- dinaire ou celle du faisceau extraordinaire, soit que cette lumière préalablement polarisée ait traversé une ou deux lames cristallisées. Si dans le calcul on emploie, pour 0 — e et pour o' — e', les valeurs correspondantes aux doubles réfractions individuelles qu'éprouvent les diffé- rentes espèces de rayons, on trouvera entre les formules et l'expérience le plus parfait accord, même pour ces cristaux oiiJes teintes dépolarisées paraissaient n'avoir aucune ressemblance avec celles des anneaux de Newton. Les phénomènes des lames minces où l'on avait cru voir une démonstration inattaquable du système de l'émission, qui semblaient nécessiter les mouvements d'oscillations les plus singuliers, qui avaient amené à distinguer, dans les molécules lumineuses, un axe de rotation, des pôles, un équateur, voire même une pré- cession des équinoxes ; ces phénomènes, dis-je, ne sont, comme on vient de le voir, que des conséquences hnmé- diates des lois si fécondes des interférences. CHAPITRE XII SDR LA POLARISATION CIRCULAIRE Le genre de polarisation dont il sera question dans ce chapitre est essentiellement différent de ceux qui nous ont occupés jusqu'ici. Supposons que, après avoir polarisé un faisceau de lumière , on lui fasse éprouver, sous l'angle de 54% une VIL— IV. 2/1 370 NOTICE SUR LA POLARISATION double réflexion totale dans un parallélipipède de verre, comme la figure 9 le représente; supposons, de plus, que les nouveaux plans de réflexion soient inclinés de 45° au plan de polarisation primitive. Le faisceau émergent aura alors acquis des propriétés toutes particulières fort remarquables. Fig. 9. — Nature d'un rayon polarisé après dfinx réflexion? totales. Quand on analyse ce faisceau émergent avec un rhom- boïde, il se décompose constamment en deux rayons de même intensité, quelle que soit la direction de la section principale. D'après ce seul caractère on pourrait donc croire qu'il est redevenu de la lumière naturelle, mais DE LA LUMIÈRE. 37-1 si on le fait passer au travers d'une lame cristallisée avant de le soumettre à l'action du rhomboïde , on dé- couvre bientôt qu'il n'en est pas ainsi. La lumière natu- relle donnerait en efîet, dans ce dernier cas, deux images blanches et de même intensité , tandis que la lumière provenant du parallélipipède se décompose en deux fais- ceaux fortement colorés l'un et l'autre. Voici d'autres caractères de cette nouvelle espèce de rayons : Une ou plusieurs réflexions totales ne changent rien , comme je l'ai déjà remarqué (chap. vu, p. 326), aux propriétés apparentes de la lumière ordinaire ; mais elles modifient au contraire notablement le faisceau sorti du parallélipipède. Ce faisceau reprend, en effet, tous les caractères de la lumière polarisée quand on lui fait éprouver deux nouvelles réflexions totales pareilles aux premières, quel que soit d'ailleurs l'azimut des nouveaux plans de réflexion relativement aux anciens. Je disais tout à l'heure que l'espèce de lumière dont il est ici question se décompose en deux images colorées, quand on ne l'analyse avec un rhomboïde qu'après lui avoir fait préalablement traverser une lame cristallisée. Mais il faut remarquer que la couleur de chacune de ces deux images sur le cercle chromatique de Newton est à un quart de circonférence de la place qu'y occupe la couleur que la même image aurait présentée si l'on s'était servi de lumière polarisée ordinaire. Ajoutons enfin, comme dernier caractère distinctif, que la lumière polarisée ordinaire ne donne lieu à aucun phénomène de coloration après qu'on lui a fait traverser 372 NOTICE SUR LA POLARISATION des lames de cristal de roche perpendiculaires à l'axe, ou des colonnes d'essence de térébenthine, etc. Un rayon polarisé, modifié par deux réflexions com- plètes , a donc des caractères tout particuliers et qui le distinguent également d'un rayon direct et d'un rayon polarisé ordinaire. Comme ces caractères ne se rappor- tent pas aux divers côtés du rayon, on a appelé la modi- fication qu'il a reçue du nom de polarisation circulaire. J'avertirai ceux qui ne trouveraient pas cette dénomina- tion suffisamment justifiée par les phénomènes précé- dents , qu'elle a été en partie puisée dans des considéra- tions théoriques. Je viens de montrer par quelles combinaisons de réflexions totales on passe de la polarisation ordinaire à la polarisation circulaire ; il me reste à indiquer un autre moyen extrêmement remarquable d'obtenir immédiate- ment ce dernier genre de polarisation. On taille, dans une aiguille de cristal de roche, un prisme très-obtus dont les deux faces formant entre elles un angle de 150°, par exemple, soient également incli- nées sur l'axe de l'aiguille, et on l'achromatise ensuite le mieux possible avec des prismes de verre collés sur les faces d'entrée et de sortie*. Ce petit appareil jouit de la double réfraction; mais les deux faisceaux auxquels il 1. Cet achromatisme est toujours très-imparfait quand on se sert de prismes de verre. L'expérience est beaucoup plus nette si l'on adosse au prisme de 150° deux autres prismes de cristal de roche; mais il faut avoir l'attention de les prendre dans un cristal jouissant de propriétés inverses (voyez plus haut, p. 3^9, le passage relatif aux aiguilles plagièdres). Cette disposition présente de plus l'avan- tage de doubler l'écartement des images. DE LA LUMIÈRE. 373 donne naissance, soit qu'il ait été traversé par de la lumière polarisée ou par de la lumière ordinaire dans une direction bien parallèle à l'axe du cristal, ne reçoivent pas la modification que le spath d'Islande, par exemple, leur imprimerait ; ils sont l'un et l'autre polarisés circu- lairement. En effet, si on les analyse avec un rhomboïde, ils se partagent constamment l'un et l'autre en deux fais- ceaux de même intensité; et quand on leur a fait éprouver deux réflexions totales dans un parallélipipède de verre sous l'incidence intérieure de 54% ils se trouvent complè- tement polarisés suivant des plans inclinés de /i5° au plan de réflexion, le plan de polarisation d'un des fais- ceaux étant à droite et celui de l'autre à gauche. Il existe donc un genre particulier de double réfrac- tion qui communique aux rayons lumineux la polarisa- tion circulaire, comme la double réfraction du cristal d'Islande leur donnait la polarisation ordinaire. Il résulte, au demeurant, de tous les phénomènes et des lois générales des interférences, qu'un faisceau pola- risé circulairement peut être considéré comme composé de deux faisceaux ordinaires polarisés à angles droits, mais dont l'un aurait été retardé dans sa marche relative- ment à l'autre du quart de la quantité que nous avons précédemment appelée d. Les propriétés des rayons polarisés circulairement donnent un moyen très-curieux de reproduire exactement tous les phénomènes de coloration que nous ont offerts les lames de cristal de roche perpendiculaires à l'axe ou certains liquides. On place, pour cela , une lame mince cristallisée entre ■Mi NOTICE SUR LA POLARISATION deux parallélipipèdes de verre ordinaire croisés à angles droits et semblables à celui dont nous avons donné plus haut la figure (p. 370). Un faisceau qui pénètre perpen- diculairement dans le premier parallélipipède éprouve dans son intérieur une double réflexion totale sous l'angle de 5/i"; en sortant, il traverse la lame cristallisée; plus loin il pénètre dans le second parallélipipède et s'y réflé- chit encore deux fois, mais dans un plan perpendiculaire à celui des deux premières réflexions; enfin le rayon rentre dans l'air perpendiculairement à la dernière face du second parallélipipède. Or on pourra toujours faire que ce rayon émergent présente les apparences d'un rayon polarisé qui a traversé une lame de cristal de roche perpendiculaire à l'axe, ou une couche d'essence de térébenthine ; il suffira pour cela que le faisceau incident sur le premier parallé- lipipède soit polarisé et que l'axe de la lame cristalline intermédiaire fasse un angle de /i5° avec les deux plans de double réflexion totale. CHAPITRE XIII DÉTAILS HISTORIQUES SDR LA DÉCODVERTE DES DIVERSES PRO- PRIÉTÉS DE LA LUMIÈRE QUI SONT RELATIVES A DES PHÉNO- MÈNES DE POLARISATION Je vais maintenant citer les physiciens à qui l'on est redevable des découvertes dont j'ai essayé plus haut de faire apprécier l'importance. Je suivrai, pour plus de clarté, dans cet historique, l'ordre des chapitres, en con- sacrant à chacun d'eux un paragraphe particulier. DE LA LUMIERE. 37S § 1. — Découverte de la polarisation par Huygens dans les rayons pro- venant de la double réfraction. — Découverte par Malus des effets de la réflexion sur les rayons polarisés. Huygens est, je crois, le premier qui ait reconnu que les deux rayons en lesquels un faisceau se partage dans l'acte de la double réfraction jouissent (chap. m, p. 295 à 302), en sortant du cristal, de propriétés toutes particu- lières que n'avait pas la lumière incidente. « Il semble, dit-il, qu'on est obligé de conclure que les ondes de lumière, pour avoir traversé le premier cristal de spath d'Islande, acquièrent certaine forme ou disposition, par laquelle en rencontrant le tissu d'un second cristal , dans certaine position , elles puissent émouvoir les deux diffé- rentes matières qui servent aux deux espèces de réfrac- tion ; et , en rencontrant ce second cristal dans une autre position, elles ne puissent émouvoir que l'une de ces matières. » Ainsi, suivant ce grand physicien, dans l'acte de la double réfraction, l'onde, ou si l'on veut le rayon, change de forme, perd sa symétrie, de manière à donner lieu à la distinction de ses divers côtés, ou, en changeant seulement les termes , de ses divers pôles. Huygens est donc le premier qui ait aperçu un phéno- mène de polarisation. Cette découverte est de l'année 1678, mais elle n'a été publiée qu'en 1690. Depuis Huygens et jusqu'en 1809, aucun observateur, si l'on en excepte l'immortel auteur du traité d'Optique, ne s'était occupé de la double réfraction sous ce point de vue. Nous devons même reconnaître que, sous le rapport 376 NOTICE SUR LA POLARISATION des faits, Newton n'ajouta rien de nouveau à ce qu'avait découvert le savant hollandais. Il insista seulement beau- coup plus sur la nécessité d'admettre des pôles dans chacun des rayons provenant de la bifurcation qu'éprouve la lumière en traversant le cristal d'Islande. C'est à Malus qu'appartient l'honneur d'avoir ramené l'attention des physiciens sur les curieuses propriétés de la lumière qui ont fait l'objet de cette Notice. C'est lui qui a signalé les singuliers phénomènes que les rayons ordinaires et extraordinaires présentent quand ils rencon- trent des miroirs diaphanes sous certaines inclinaisons (chap. III, p. 303 à 306). C'est encore à lui qu'on est redevable de la loi mathématique qui paraît lier les inten- sités des divers faisceaux en lesquels la lumière se par- tage lorsqu'elle traverse deux rhomboïdes superposés. (Voir les Mémoires d'Arcueil, 1809, tome ii. ) § 2. — Découverte par Malus de la polarisation dans les rayons réflécliis. Ce qu'on a rapporté dans quelques notices sur l'heu- reuse circonstance qui fit découvrir à Malus que les rayons se polarisent en se réfléchissant sur des corps diaphanes est exact. Ce physicien, qu'une mort prématurée a si tôt enlevé aux sciences dont il était l'espoir et à ses nombreux amis, m'a souvent raconté que ce fut en décomposant, par hasard, vers la fin de l'année 1808, à l'aide d'un rhomboïde de carbonate de chaux, la lumière du soleil couchant, réfléchie sur les vitres des fenêtres du Luxem- bourg, qu'il reconnut pour la première fois la différence DE LA LUMIERE. 377 d'intensité des deux images^. Une semblable dilTérence d'intensité avait dû se présenter aux yeux des minéra- logistes toutes les fois qu'en essayant de découvrir la double réfraction des cristaux, l'aiguille déliée dont ils se servent comme point de mire, se projetait sur un ciel serein, c'est-à-dire sur un rideau de lumière polarisée; mais le fait ne les avait point frappés. Malus s'en saisit, aperçut toute son importance, le compléta , l'analysa sous toutes ses faces avec la plus rare sagacité, et devint ainsi le créateur d'une nouvelle branche de l'optique. Toutes les expériences consignées dans le chapitre iv (p. 306 à 309) sont dues à ce célèbre physicien. § 3. — Observation des rayons partiellement polarisés par M. Arago. Les mesures rapportées dans le chapitre v (p. 309 à 312) et d'où il paraît résulter qu'à égales distances angu- laires au-dessus et au-dessous de l'angle de la polarisation complète, les rayons réfléchis contiennent des propor- tions presque égales de lumière polarisée , ont été prises par moi. § 4. — Découverte par M. Brewster de la loi qui lie l'angle de polari- sation complète au pouvoir réfringent des corps. — Règle de Malus et théorème de M. Arago. La loi remarquable, consignée dans le chapitre vi (p. 313 et31û-), qui lie l'angle de la polarisation com- plète au pouvoir réfringent des corps, a été découverte 1. On s'est trompé en annonçant qu'il avait vu ainsi une des images disparaître : la polarisation sur les vitres, au moment de l'expérience, n'était que partielle. 378 NOTICE SUR LA POLARISATION par M. Brewster, et présentée à la Société royale le 16 mars 1815 [Tratis. philos, de cette môme année). La règle (chap. vi , p. 319) qui enseigne à calculer l'angle de polarisation complète à la seconde surface des milieux diaphanes d'après l'angle de polarisation com- plète à la première est due à Malus {Mémoires d'Arcueil, 1809, tome ii). La même relation doit être étendue aux angles de la première et de la seconde surface sous les- quels la lumière se polarise en proportions égales. La règle donnée par Malus n'est donc qu'un cas particulier d'un théorème général (p. 320) que j'ai déduit d'une longue suite d'expériences^. § 5. — Découverte par Malus de la polarisation par la réfractioji simple. — Découverte par M. Aragu de l'égalité des quantités de lumière pola- risée des faisceaux réfléchis et transmis. — Découverte des propriétés des piles de plaques par Malus. — Assimilatiou de certains corps naturels aux piles par M. Brewster. C'est encore Malus qui a découvert (chap. vu, p. 321 et 322) que le faisceau transmis par un miroir diaphane 1. M. Arago a pris date de la découverte de ce théorème général par une communication faite à TAcadémie des sciences le 13 février 1815, et dont le manuscrit, visé par Delambre, alors secrétaire perpétuel, est ainsi conçu : « Le sinus de l'angle sous lequel un faisceau de lumière se pola- rise partiellement en tombant sur la première surface d'un miroir, est au sinus de l'angle sous lequel il reçoit une polarisation partielle équivalente en se réfléchissant sur la seconde surface, comme le sinus d'incidence est au sinus de réfraction ; en sorte que la loi que Malus a donnée, pour la polarisation complète, n'est qu'un cas parti- culier du principe général que je viens de rapporter; on voit en un mot par là que la proportion de lumière naturelle qui se polarise lorsqu'un rayon se réfléchit sur la première surface d'un corps est égale à la proportion qui se polariserait si ce rayon, à l'état natu- rel , revenait sur ses pas du dedans au dehors. » DE LA LUMIERE. 379 est partiellement polarisé dans un plan formant un angle droit avec le plan de polarisation du faisceau refléchi. (Communiqué à l'Institut, le 11 mars 1811, imprimé le lendemain dans le Moniteur. Voyez aussi les Mémoires de la classe des sciences mathématiques et physiques de l'Institut pour l'année 1810.) Les expériences photométriques que j'ai exécutées ont établi entre ces deux genres de polarisation une liaison qui avait échappé à Malus; elle est renfermée dans cet énoncé très-simple (chap. VII, p. 32/i) : la quantité de lumière polarisée contenue dans le faisceau que transmet un plan diaphane, est exactement égale à la quantité de lumière polarisée à angle droit qui se trouve dans le faisceau réfléchi par le même plan. Ces expériences sont de 1812; mais elles n'ont été publiées qu'en IMk par M. Biot, à qui je les avais communiquées. (Voyez Recherches expérimentales et ma- thématiques sur les mouvements des molécules de lumière. 1814, page L^.) La règle précédente conduit, comme cas particulier, 1. M. Biot s'exprime ainsi : « Quand un rayon lumineux direct tombe sur une glace polie sous l'incidence de 35" 25' qui produit par réflexion la polarisation complète, la quantité de lumière réflé- chie qui est ainsi polarisée est égale à la portion de lumière trans- mise qui est polarisée par réfraction perpendiculairement au plan d'incidence. Le reste du rayon transmis est formé par la portion de chaque faisceau qui passe directement sans perdre sa polarisation primitive. Ce résultat est conforme à l'expérience, car M. Arago l'avait observé par des moyens fort exacts et avait bien voulu me le communiquer avant que je l'eusse tiré de la théorie. M. Arago a de plus observé que cette égalité avait également lieu sous toutes les incidences, en comparant seulement les quantités de lumière pola- risée qui se forment dans les rayons réfléchis et transmis. » 380 NOTICE SUR LA POLARISATION à cette conséquence que j'avais aussi indiquée, que sous Tanglc de la réflexion totale et sous tous les angles plus petits, la lumière ne se polarise pas. Les phénomènes présentés par des piles de plaques (chap. VI, p. 325 à 330) furent analysés par Malus, immédiatement après sa découverte de la polarisation par réfraction. L'observation que certains corps naturels (p. 330), les agates, par exemple, agissent sur la lumière comme de véritables piles, est due au D' Brewster. [Trealise on new philosophical instruments, 1813.) § 6. — Lois mathématiques de Fresnel reliant les divers plans de pola- risation de faisceaux diversement réfléchis et réfractés. Les lois, les formules et les expériences renfermées dans le chapitre viii (p. 331 à 335) appartiennent à Fresnel. Malus avait déjà essayé de trouver comment les plans de polarisation se dévient ; mais ceux de ses résul- tats qui ont été publiés {Mémoires de l'Institut^ 1810) manquent, à plusieurs égards, d'exactitude. Les formules de Fresnel sont une des plus précieuses acquisitions que l'optique ait faites dans ces derniers temps. La description des déviations qu'éprouve, en se réflé- chissant, le plan de polarisation d'un faisceau préalable- ment polarisé, se trouve dans deux Mémoires présentés par Fresnel à l'Académie des sciences, le 24 novembre 1817 et au commencement de janvier 1818. Mais les lois mathématiques n'ont été découvertes et publiées qu'en 1821. ( Voyez les Annales de chimie et de physiquey tome XVII.) DE LA LUMIÈRE. 381 § 7. — Découverte par MM. Arago et Fresnel des modifications apportées daus les phénomèues d'interférence par la polarisation. Fresnel et moi nous sommes jusqu'ici les seuls phy- siciens qui se soient occupés de la polarisation en tant qu'elle modifie les phénomènes d'interférence ( chap. ix , p. 336 à 341 ). Le Mémoire où nous avons, pour la pre- mière fois , consigné les résultats que j'ai reproduits ici , a paru en 1819, dans les Annales de chimie et de plnj- sique , tome x ^. § 8. — Découverte par M. Arago de la polarisation colorée. J'ai montré le premier (chap. x, p. 3/il à 344) qu'en traversant des lames cristallines, les rayons polarisés ordinaires perdent leurs propriétés primitives et en acquiè- rent de nouvelles ; celle, par exemple, de se décomposer dans le spath calcaire en deux faisceaux colorés et de se réfléchir sur les miroirs diaphanes, avec des teintes dont la nuance dépend du côté par lequel le miroir se présente au rayon. (Mémoire lu à l'Institut, le 11 août 1811, et imprimé dans les Mémoires pour la même année. ) M. Brewster a publié, en 1813, des observations ana- logues dans son Treatise on new philosophical instru- ments. Il annonce que ses observations furent faites a avant qu'il eût vu le travail de M. Arago , comme aussi avant qu'aucun de ses compatriotes eût eu quelque connais- 1. Ce Mémoire ainsi que toutes notes ou autres Mémoires dus à M. Arago et cités dans cet historique sont insérés dans le tome 1" des Mémoires scienlijîques, tome X des Œuvres. 382 NOTICE SUR LA POLARISATION sance de ce qui avait été fait en France {before any of his countrymcn had any knoidedge of what had been done in France. Edinburgh, EncycL, Optics , p. 587). » A regard du premier point, un liomme du mérite de M, Brewstcr doit être cru sur parole; mais ne me sera- t-il pns permis de faire remarquer que le Mémoire de M. Arago ayant été inséré par extrait dans le Moniteur du 31 août 1811^, le savant secrétaire de la Société 1. On trouvera le Mémoire de M. Arago dans le tome 1" des Mémoires scientifiques, i. X des OEuvres. L'article du Moniteur du 31 août 1811 est ainsi conçu : « La trop grande étendue du Mémoire de M. Arago ne nous per- mettant pas de l'insérer en entier dans ce journal, nous allons du moins en extraire les principaux résultats et y joignant une des- cription succincte de quelques-unes des expériences qui ont servi à les établir. « Si l'on examine un objet quelcon(iue, la flamme d'une bougie, par exemple, au travers d'un rhomboïde de spath calcaire, les deux images qu'on apercevra seront à très-peu prés de la même intensité et sans aucune couleur, soit que les rayons tombent immédiatement sur le cristal ou qu'ils aient préalablement traversé une lame de mica. Si l'on vise à la flamme déjà réfléchie par un miroir de verre, il y aura entre les deux images, pour certaines positions du rhom- boïde, une dilTérence d'intensité d'autant plus considérable que l'angle de réflexion approchera davantage de 35 degrés ; à cette limite, comme on sait, une des images disparaît complètement; si l'on interpose maintenant la lame de mica de manière que les rayons réfléchis la traversent avant de tomber sur le rhomboïde , cette image reparaîtra, mais avec une couleur dépendante quant à sa vivacité et à sa nature , de l'épaisseur de la lame interposée et de l'angle plus ou moins considérable que les rayons lumineux feront avec sa surface ; quelle que soit, au reste, cette inclinaison, les deux images seront toujours teintes de couleurs complémentaires, en sorte que si, en faisant varier la position de la plaque, Tune d'entre elles parcourt successivement et à plusieurs reprises toute la série des couleurs prismatiques, la seconde éprouvera des chan- gements correspondants et tels qu'aux mêmes instants l'ensemble des couleurs des deux images formera toujours du blanc. Si on laisse DE LA LUMIERE. 383 d'Edinburgh aurait probablement quelque peine à prou- ver sa seconde assertion. Les phénomènes que présentent les lames perpendicu- la lame de mica immobile et qu'on fasse au contraire tourner le prisme, les deux images changeront successivement de couleur et passeront par le blanc à chaque quart de révolution, du moins sous des incidences déterminées ; enfin si l'on fait décrire une circonfé- rence entière à la lame de mica sans altérer l'angle qu'elle forme avec les raj'ons réfléchis, la même image disparaîtra quatre fois. « Il résulte de là, comme on voit, que les plaques de mica, vul- gairement connues sous le nom de talc de Moscovie, ont, comme les autres substances douées de la double réfraction , la proi)riétô de dépolariser les rayons qu'une première réflexion avait déjà mo- difiés , mais avec cette circonstance extrêmement remarquable , qu'elles ne semblent pas agir de la même manière sur les molécules de diverses couleurs, puisque la seconde image, dans l'instant de sa réapparition, n'est pas blanche. Si les propriétés des rayons pola- risés dépendent, comme on l'a supposé, de la disposition particu- lière des axes des molécules dont ils sont formés, on voit qu'il faudra admettre que, dans un rajon polarisé par l'influence d'un prisme de spath d'Islande, les axes des molécules des diverses couleurs sont parallèles, tandis que, lorsque ce même rayon aura traversé une lame de mica, les molécules de diverses teintes auront leurs axes situés de différentes manières. « M. Malus a trouvé le premier que les deux faisceaux de rayons qu'un rhomboïde de carbonate de chaux a polarisés en sens con- traire, se comportent différemment en tombant sur les corps qui les réfléchissent ; en combinant ces expériences avec celles que nous venons de rapporter, M. Arago énonce le résultat précédent sous un autre point de vue, (|ui sert à donner des idées plus claires de la modification singulière qu'éprouvent les rayons dans leur passage à travers le mica. « Qu'on dispose horizontalement, par exemple, une lame de mica et qu'ensuite on fasse tomber sur sa surface des rayons lumineux réfléchis de haut en bas par un plan de verre et sous un angle égal à 35 degrés environ , il est facile de voir que les rayons de toutes les couleurs la pénétreront. Qu'on place ensuite en-dessous de la même lame un miroir de verre non étaraé formant avec la verticale, mais en sens contraire, un angle égal à celui que le premier miroir fait avec cette ligne, il semble au premier aspect que ce deuxième 384 NOTICE SUR LA POLARISATION laires fi Taxe ont aussi été décrits dans mon Mémoire de 1811 dont je viens de parler. La règle suivant laquelle (p. 3/i5) s'opère la déviation miroir n'étant éclairé que par la lumière blanclie qui a traversé le mica, devrait paraître sans couleur ; cependant si l'on examine la lumière qu'il réfléchit, on la trouvera très-fortement colorée. On reconnaît de plus que si l'on fait tourner le miroir inférieur sans altérer l'angle qu'il forme avec l'horizon , quoique la lumière inci- dente se rencontre toujours sous la même inclinaison, il ne paraîtra pas constamment de la même teinte, mais qu'après chaque quart de révolution, à partir d'une portion quelconque, il réfléchira la couleur complémentaire de celle qu'il réfléchissait d'abord. « M. Arago s'est assuré que la nature des couleurs qu'une lame de mica dépolarise dépend de l'épaisseur de la lame, car il a dé- coupé dans la même feuille un plan qui dépolarisait les rayons bleus ; la partie qui succédait à celle-ci produisait de nouveau une image bleue, et ainsi de suite. « On conçoit d'après cela que si l'épaisseur de la lame varie fort rapidement et avec régularité, les points où elle dépolarisera telle ou telle autre classe de couleurs seront fort rapprochés les uns des au- tres et à peu près également espacés ; aussi, dans cette circonstance, aperçoit-on des bandes colorées entièrement analogues ù celles que Newton a décrites dans son Optique, mais dont la cause est différente. « L'auteur rapporte ensuite les expériences qu'il a faites pour étudier les modifications que le changement d'inclinaison de la plaque aux rayons qui la traversent occasionne dans la production des couleurs. Il en résulte entre autres consé()uences, qu'on peut à l'aide d'une simple lame très-mince de mica séparer successivement de la lumière blanche les divers rayons colorés dont elle se com- pose, et que cette méthode a sur toutes celles dans lesquelles on emploie des prismes, l'avantage que les images des objets ne sont point déformées. « Toutes choses d'ailleurs égales, la faculté dont jouissent les lames de mica, de dépolariser diversement les rayons différemment colorés, s'affaiblit quand l'épaisseur de la lame diminue; et M. Arago s'est assuré qu'on peut les amener à un tel degré de ténuité que non- seulement elles ne font paraître aucunes couleurs, mais que même elles ne dépolarisent aucun rayon de lumière blanche lorsque leur plan est perpendiculaire à celui qui contient les rayons polarisés. « Les lames de sulfate (Je chaux jouissent des mêmes propriétés DE LA LUMIÈRE. 385 des pôles, soit à raison de la teinte particulière de chaque molécule lumineuse, soit à cause des épaisseurs plus ou moins considérables des plaques que ces molécules ont que celles de mica ; mais comme les couleurs sont beaucoup plus vives avec les premières, M. Arago s'en est servi pour étudier la nature de celles qu'on y aperçoit quand on les éclaire avec des rayons non polarisés. Les bornes dans lesquelles nous sommes forcés de nous renfermer dans cet extrait, ne nous permettent pas d'indi- quer les détails des expériences; nous nous contenterons de dire qu'il en résulte incontestablement , par exemple , que ce n'est pas uniquement dans les variations d'épaisseur de ces lames qu'il faut chercher la cause des couleurs comme ou l'avait fait jusqu'ici, puis- qu'en les faisant tourner sur elles-mêmes sans changer l'angle des rayons avec leur surface, elles passent par le blanc à chaque quart de révolution, et que dans les positions intermédiaires elles acquiè- rent différentes teintes. « La propriété de dépolariser diversement les rayons différem- ment colorés n'appartient pas exclusivement aux corps minces lamelleux; car M. Arago rapporte dans son Mémoire une série d'expériences qu'il a faites avec des plaques de cristal déroche, bien polies, de plus de six millimètres d'épaisseur, et qui ont donné naissance à des phénomènes entièrement analogues aux précédents. « On s'assure d'abord qu'une plaque de cristal bien régulièrement tra\ aillée ne modifie en aucune manière les rayons directs, en la plaçant devant l'objectif d'une lunette prismatique ; car les deux images sont blanches, de la même intensité, et tout aussi bien ter- minées que lorsque le cristal n'y était point. Si l'on dirige ensuite la lunette vers une image réfléchie par un plan de verre non étamé, vers l'image du Soleil, par exemple, on trouve bientôt que lorsque l'axe fait un angle de 35 degrés environ avec la surface du miroir, on n'aperçoit qu'un des disques dans certaines positions du prisme intérieur; en plaçant immédiatement après le cristal de roche de- vant l'objectif, on voit la seconde image reparaître, mais teinte du rouge le plus vif. Dans l'instant môme de cette réapparition , la première image , qui d'abord était blanche , se trouve teinte de la couleur complémentaire du rouge; du reste, les bords des deux soleils sont tout aussi bien terminés que lorsqu'on las observait directement. Si on laisse la plaque de cristal dans la même position et qu'on fasse tourner la lunette, on reconnaît qu'à chaque demi- révolution l'une et l'autre image parcourent toute la série des cou- V.I. -IV. ii-3 386 NOTICE. SUR LA POLARISATION traversées, est due à M. Biot. Son Mémoire a été lu à l'Insti- tut, en septembre 1818, et imprimé peu de temps après. leurs prismatiques ; en sorte que le soleil rouge devient successive- ment orangé, jaune, jaune verdàtre, vert bleufitre, bleu et violacr : aloi*s la lunette a déjà fait une demi-révolution ; en continuant le même mouvement dans le même sens, l'image violacée passe au rouge, à l'orangé, et ainsi de suite, pendant que la seconde image parcourt de son côté les couleurs complémentaires de celles-là. Lorsqu'on laisse la lunette fixe, le mouvement du cristal dans son plan n'apporte aucun changement aux couleurs dont les deux images sont teintes ; si l'on faisait l'expérience avec une lame de mica ou de sulfate de chaux, on verrait au contraire la même image s'évanouir à chaque quart de révolution. On obtient, au reste, des résultats entièrement analogues aux précédents, lorsque, au lieu d'employer des rayons polarisés par leur réflexion sur un miroir de \orre, on se sort de ceux qui ont été modifiés par l'action d'un rhomboïde de spath d'Islande, ce qui est une nouvelle preuve de leur parfaite identité ; mais avec la lunette prismatique on a d'abord l'avantage de se procurer des couleurs plus vives : les deux images étant bien terminées, il est prouvé que, dans leur dépolarisation , les rayons ne sont pas inégalement dispersés, comme on aurait pu le soupçonner sans cela ; comme les rayons ne tombent sur le prisme intérieur qu'après avoir traversé les verres des diverses courbures dont se compose l'objectif, il en résulte encore que ces rayons ont éprouvé dans le cristal une modification permanente : enfin, cette méthode fournit le moyen de prouver que les couleurs des deux images sont bien exactement complémentaires. Il sufl^it pour cela de n'écarter les soleils qu'à moitié, car alors la partie commune aux deux disques reste parfaitement blanche pendant une révolu- tion complète de la lunette , tandis que les deux segments qui dé- bordent sont successivement teints, et à deux reprises différentes, de toutes les couleurs prismatiques. M. Arago indique dans son Mémoire le parti qu'on peut tirer de cette observation pour com- parer entre elles les intensités des différentes parties du discjue solaire. « La plaque de cristal de roche n'agit de différentes manières sur les molécules de diverses couleurs que lorsque les rayons la tra- versent sous des incidences peu éloignées de la perpendiculaire, car si son plan restant toujours perpendiculaire à celui qui contient les rayons réfléchis, on l'incline peu à peu, on trouve bientôt une posi- I DE LA LU.Mli-RE. 387 M. Herschel fils est l'auteur de la curieuse observation (p. 368) consignée dans le chapitre x sur les cristaux tion pour laquelle on n'aperçoit qu'une seule ima^e ; il est même possible de placer le cristal de telle sorte qu'il dépolarisc entière- ment la lumière, en agissant de la même manière sur les molécules de diverses natures dont se compose un rayon blanc. « Quoique ces dernières expériences montrassent que les phéno- mènes que présente le cristal de roche ne dépendent pas de la posi- tion qu'il a dans son propre plan, comme dans le mica et le sulfate de chaux, la position de leurs sections principales avait une influence très-marquée sur l'apparition de la deuxième image; il devenait intéressant de chercher à reconnaître si les seules substances cris- tallisées jouissent de la propriété de dépolariser diversement les rayons de différentes couleurs. Or, M. Arago annonce dans son Mémoire qu'il a trouvé des corps non cristallisés qui ont cette pro- priété à des degrés plus ou moins saillants. Les expériences qu'il rapporte ont été faites avec une plaque de flint-glass, un peu pris- matique et de O^.OSo de côté, qui dans tous ses points dépolarise les rayons. Pour s'en assurer, voici la méthode qu'il indique. « Lorsqu'on examine un objet quelconque à travers deux prismes jouissant de la double réfraction, on aperçoit, comme on sait, quatre Images, excepté dans le cas où leurs sections principales sont paral- lèles ou perpendiculaires, soit que les rayons entrent immédiate- ment du premier prisme dans le second, ou qu'ils traversent, entre les deux, un nombre quelconque de milieux diaphanes non doués de la double réfraction : cependant si l'on interpose la plaque de flint-glass dont nous venons de parler, on s'aperçoit que cette règle n'est pas générale , car on voit aussitôt quatre images : dans quel- ques points elles sont respectivement teintes de couleurs complé- mentaires ; dans d'autres parties, et ce cas est le plus fréquent, les images sont parfaitement blanches. Toujours, au reste, la plaque se comporte comme si elle était cristallisée, puisque les deux nou- velles images disparaissent à chaque quart de révolution de la plaque, pourvu cependant qu'on ait le soin de faire toujours passer les rayons par les mêmes points, car il n'est pas rare de trouver deux parties contiguës dont les axes ne semblent pas dirigés dans le même sens. « On voit par là que cette réapparition des images, qui semblait devoir fournir un moyen commode pour reconnaître à la fois l'exis- tence de la double réfraction dans les substances cristallisées et la 38S NOTICR SUU LA TOLARISATION plagiùdrcs. {Transaclions of Ihc pliilosopliical Socicly of Cambridge, tome V. ) direction des axes, n'est pas un oaractrre assez certain, puisqu'un morceau de Ilint-glass qui ne double pas les images satisfait aux mêmes conditions. « M. Araso, qui , dans le mois de février dernier, avait présenté à la classe un Mémoire relatif aux anneaux colorés ordinaires, décrit dans la dernière section de celui dont nous faisons aujourd'hui l'analyse, un nouveau genre de bandes lumineuses, qu'à l'aide de certaines circonstances on rend très -sensibles sur des plaques même fort épaisses de quelques corps cristallisés. « Les couleurs dont nous avons parlé précédemment , en nous occupant du cristal de roche , ne paraissent pas sur toutes les pla- ques de cette substance , parce qu'elles seml)lent nécessiter une •disposition particulière dans les couches dont le cristal est formé; les bandes dont il s'agit ici s'aperçoivent distinctement dans tous les fragments de cristal de roche qu'on éclaire avec de la lumière l)olarisée, pourvu que leur épaisseur ne soit pas constante; dans une lentille, elles sont circulaires ; dans un prisme on les voit ran- gées parallèlement à l'arête où se joignent ses deux faces, en sorte que leur forme dépend toujours de celle du milieu; pour certaines courbures des lentilles les anneaux sont très-apparents, même à la simple vue; dans d'autres cas, il est indispensable pour les voir de s'aider d'un prisme bien dispersif; le meilleur moyen, au reste, de les rendre saillants, c'est de regarder la plaque à l'aide d'un prisme de carbonate de chaux ; car alors on voit chaque image bordée d'une belle série de bandes colorées et complémentaires l'une de l'autre ; cette seule circonstance montrerait que ces an- neaux proviennent des dépolarisations successives des rayons aux dififérentes épaisseurs de la plaque. Mais ce qui le démontre mieux encore, c'est que de quelque manière qu'on examine ces anneaux, ils disparaissent dans quatre positions respectivement rectangu- laires du milieu sur lequel ils se forment. « Les bornes dans lesquelles nous sommes forcés de nous ren- fermer nous obligent à supprimer plusieurs autres observations que l'auteur donne avec détail, et qui sont particulièrement relatives à cette dernière question ; mais, afin de présenter ces résultats sous un même point de vue, nous terminerons cet extrait par le résumé que M. Arago a placé à la fin de son Mémoire. « Un rayon de lumière directe se partage toujours en deux fais- DE LA LUMIERE. 389 L'extension des propriétés des lames perpendiculaires à l'axe, aux couches de certains liquides (p. 3/i9) , a été faite par M. Biot en 1815. ceaux blancs et de même intensité, dans son passage à travers un rhomboïde de carbonate de chaux. « Si l'on soumet la lumière dont se compose un quelconque de ces faisceaux à l'action d'un second rhomboïde, on reconnaîtra qu'elle ne ressemble plus à la lumière directe, puisque dans cer- taines positions de la section principale de ce deuxième cristal, elle n'éprouve plus la double réfraction. La découverte de cette belle propriété est due à Huygens. « M. Malus a trouvé depuis que, dans la réflexion sur les corps diaphanes, la lumière est modifiée d'une manière analogue, en sorte qu'un rayon réfléchi sous un certain angle ressemble parfaitement à celui qui aurait traversé un rhomboïde de carbonate de chaux. « On voit enfin , d'après les expériences que nous avons rappor- tées, qu'on peut en outre donner au rayon une telle modification , qu'il ne ressemble plus ni à un rayon de lumière directe ni à un rayon de lumière polarisée : ce nouveau rayon se distinguera de la lumière polarisée en ce qu'il donnera constamment deux images, et de la lumière directe, par la propriété qu'il a de se partager tou- jours en deux faisceaux complémentaires et dont les couleurs indi- viduelles dépendent de la position du corps au travers duquel le rayon est passé. « Un rayon de lumière directe, en tombant sur un corps dia- phane, abandonne à la réflexion partielle une partie de ses molé- cules; un rayon de lumière polarisée est transmis en totalité (abs- traction faite de l'absorption ) lorsque le corps diaphane est situé d'une certaine manière par rapport aux côtés des rayons. Les di- verses molécules dont se compose un rayon blanc qui a éprouvé la modification particulière dont il s'agit ici , ne se réfléchissent que successivement et les unes après les autres, dans l'ordre de leurs couleurs, pendant que le corps diaphane tourne autour du rayon en faisant toujours avec lui le même angle. « Par conséquent, si un faisceau de lumière directe tombe sur un miroir de verre sous un angle de 35 degrés environ, et que, sans altérer cette inclinaison, on fasse tourner ce miroir autour du fais- ceau, on reconnaîtra que la quantité de lumière qui se réfléchit ou celle qui se réfracte est toujours la même; mais si le faisceau de rayons a été préalablement polarisé, on trouvera deux positions où 390 NOTICE SUn LA POLARISATION § 9. — Découvcite des lois de la dépoliri^ation par les lames cristallines parallèles à l'axe. — Ilecliorclies et expériences de Fresnel, de M. Arago, de M. Biot, de M. Ilerschel et du docteur Thomas Young. Les lois de la dépolarisation (chap. xi, p. 3/i9) qu'opè- rent les lames crislallines parallèles à Taxe, se réduisent aux trois suivantes : 1° Le mouvement de la lame dans son plan n'altère pas les teintes des images fournies par un rhomboïde. Ce résultat est implicitement compris dans mon pre- mier Mémoire, puisqu'on décrivant tous les mouvements qui font varier les teintes, celui de la lame dans son plan ne s'y trouve pas indiqué. 2° Les teintes des deux images sont celles des anneaux colorés de Newton, réfléchis et transmis. le corps paraîtra entièrement diaphane : si Ton suppose enfin que, les circonstances restant les mêmes, le miroir de verre soit éclairé par des rayons modifiés par une plaque de cristal de roche, il sera successivement teint , à chaque demi-révolution, de toute la série des couleurs prismatiques, tant par réflexion que par réfraction, avec cette particularité qu'au même instant ces deux classes de couleurs seront complémentaires. « Les expériences que nous avons rapportées prouvent encore qu'il se forme sur les substances cristallisées des anneaux colorés dont l'apparition ne dépend pas uniquement des changements d'é- paisseur, comme les anneaux colorés décrits par Newton ; ces der- niers, en effet, se montrent surtout corps très-mince qui varie d'épaisseur par des degrés insensibles, quelle que soit d'ailleurs la nature de la lumière incidente; les autres ne paraissent sur les pla- ques un peu épaisses de cristal de roche que lorsqu'elles sont éclai- rées par de la lumière déjà polarisée. Aussi disparaissent-ils quatre fois pendant une révolution complète de chaque plaque. « Puisque la plaque de flint-glass, dont nous avons parlé plus haut, ne double pas les images, on voit enfin qu'il existe des corps qui , n'ayant pas la double réfraction , se comportent par rapport aux rayons polarisés, comme s'ils étaient doués de cette propriété. » DE LA LUMIÈRE. 391 Cette loi avait été donnée par M. Biot. M. Herschel a montré qu'elle n'est pas générale ; elle n'a donc plus aucune importance. 3° Dans un cristal d'épaisseur variable , les mêmes phénomènes de dépolarisation se reproduisent à des épais- seurs qui se suivent comme celles des anneaux colorés de Newton. Quand on examine avec un rhomboïde un cristal taillé convenablement, dont les deux faces forment un angle et qui se projette sur un fond de lumière polarisée, chaque image paraît bordée de stries régulières parallèles à l'arête du prisme et également espacées. En décrivant ce phénomène, je le présentai comme une preuve suffisante de la troisième loi. L'Académie des sciences et'Laplace, en particulier, n'admirent pas la démonstration. On de- manda des mesures directes des épaisseurs; M. de Rum- ford, qui était présent à la séance, offrit un instrument dont il s'était servi pour d'autres usages et qui semblait promettre une précision suffisante. On indiqua aussi le comparateur ordinaire. D'après ces invitations , je m'en- gageai à faire de nouvelles expériences ; mais M. Biot me gagna de vitesse. C'est donc à ce dernier physicien qu'appartient la démonstration de la loi des épaisseurs. d" Les teintes dont brille chaque image peuvent ('tre calculées d'après les lois des interférences, en tenant compte de la différence des chemins parcourus par les rayons ordinaire et extraordinaire. Cette importante remarque est due au D' Thomas Young, qui l'a publiée dans le Quaterly Review, année 181^, tome XI, pages [{"Ih h9. zn NOTICE sur» la polarisation Elle a donné la vcrilable clef de ces phénomènes. 11 est juste, toutefois, de remarquer que le célèbre physicien anglais n'avait expliqué ni dans quelles cir- constances l'interférence des rayons peut avoir lieu, ni pourquoi on ne voit de couleurs qu'en éclairant les lames cristallines avec de la lumière polarisée, etc. Les nouvelles propriétés qu'il fallait combiner avec les lois ordinaires des interférences pour obtenir une explication complète des faits ont été découvertes par MM. Arago et Fresnel , comme on l'a vu au paragraphe 7 (p. 380). Les Mé- moires dans lesquels Fresnel a donné cette explication, déduite ainsi d'une cause unique, sont de 181G et 1818. Les ingénieuses et délicates expériences dont j'ai fait usage (chap. xi, p. 351 à 367) dans la critique détaillée de la théorie de la polarisation mobile, sont dues à mon illustre ami Fresnel, l'un des physiciens de notre âge qui réunissent au plus haut degré l'esprit d'invention et Tha- bileté de l'expérimentateur. Les formules qu'on trouve à la fm du chapitre xi sont également de Fresnel. § 10. — Découverte par Fr .-ael de la polarisation circulaire. Les phénomènes de la polarisation circulaire (ch. xii, p. 3G9 à 37/i) onl été découverts par Fresnel, qui les a décrits et analysés dans un Mémoire lu à l'Académie des sciences en novembre 1817 et dans un supplément présenté en janvier 1818. Les dernières recherches de l'auteur sur cette matière ont été insérées dans le Bul- letin de la Société philomalique , livraison de décembre 1822 et livraison de février 1823. DE LA LUMIÈRE. 393 CHAPITRE XIV^ OBSERVATIONS DÉTACHÉES — INSTRUMENTS NOUVEAUX FONDÉS SUR LES PROPRIÉTÉS DES RAYONS POLARISÉS § 1. — De la polarisation produite par les lames très-miuces. Nous avons vu précédemment que les deux parties d'un faisceau lumineux, transmises et réfléchies par un miroir de verre, sont polarisées l'une et l'autre, mais dans deux sens rectangulaires. 11 n'en est pas ainsi de la lumière qui se décompose entre deux objectifs poui' y former les anneaux colorés dont Newton s'est tant occupé. En analysant, à l'aide d'un rhomboïde, la lumière des anneaux transmis, on la trouve polarisée dans le même sens que celle des anneaux réfléchis. Quelle que soit l'incidence , si la lumière directe ne tra- verse qu'une seule lame de verre, elle ne reçoit qu'une polarisation partielle, tandis que sous l'angle de 35° en- viron, la lumière des anneaux transmis est complètement polarisée. Ces phénomènes seraient très -difficiles à concilier dans le système de l'émission; ils sont, au contraire, une conséquence nécessaire de l'hypothèse qu'une onde deux fois réfléchie dans la lame mince, concourt à la foruiation des anneaux transmis ; ils semblent môme pouvoir être considérés comme une preuve démonsti'ative de la doc- trine des interférences : c'est particulièrement sous ce 1. Ce chapitre ne figure pas dans la traduction anglaise de Tar- ticle Polarisation insérée dans V Encyclopédie britannique ; les pa- ragraphes 1, 2, 7 et 8 ont été écrits en 182/i; les autres ont été ajoutés postérieurement à des époques difl'érentes. 394 NOTICR SUR LA POLARISATION point de vue que j'ai pensé devoir leur consacrer ce paragraphe. § 2. — De la polarisation de la lumière dans l'atmosiihcre *. La lumière atmosphérique, celle qui forme la teinte appelée l'azur du ciel, est partiellement polarisée. Près du Soleil cette polarisation est à peine sensible. Elle augmente graduellement à mesure qu'on s'éloigne de l'astre, et atteint son maximum quand la distance an- gulaire est de 90°. Quand un rayon réfléchi forme un angle de 90° avec le rayon direct, ce dernier rayon a dû rencontrer le miroir réfléchissant sous un angle demi -droit. /i5° est donc, sur l'atmosphère, l'inclinaison qui correspond à la polarisation maximum. Ce résultat a été présenté comme une preuve h l'appui de la loi que nous avons rapportée dans le chapitre vi , page 315; mais il aurait fallu remarquer, d'une part, qu'il n'y a dans l'atmosphère que polarisation parlielle, tandis que la loi en question est relative aux polarisations complètes, et de l'autre , que la réflexion qui amène les rayons du Soleil à l'œil, dans une direction formant un angle de 90" avec les rayons directs, a dû s'opérer sur les moliécules et non pas sur les couches atmosphériques; dans l'ignorance où nous sommes sur la densité de ces molécules, le phénomène de la polarisation atmosphé- rique ne se rattache point à ceux que présentent les miroirs diaphanes et conserve un caractère spécial. 1. Voir l'Appendice pour l'époque de la découverte de quelques- uns dijs phénoini'.'nes dont il est question dans ce paragraphe. I DE LA LUMIERE. 395 Voici , du reste , quelques particularités nouvelles qui me semblent bien dignes de remarque. Imaginons que , sur le soir, on étudie la polarisation de la lumière atmosphérique dans toute l'étendue d'un plan vertical passant par le Soleil. Comme nous l'avons déjà dit, l'intensité de la polarisation ira graduellement en augmentant quand le point de mire s'éloignera do l'astre de l'occident à l'orient; le maximum sera à 90"; plus loin la polarisation deviendra de moins en moii;.^- apparente; bientôt, enfin, on atteindra un point où l'on n'apercevra aucune trace de polarisation sensible. Au delà de ce point neutre, la lumière est de nouveau pola- risée, mais négativement, ou, en d'autres termes, à angle croit avec le sens de la polarisation antérieure. Si l'image ordinaire fournie par un rhomboïde était la plus intense depuis le Soleil jusqu'au point neutre, ce sera , au delà de ce point , l'image extraordinaire qui jouira de la même propriété. Tous ces phénomènes sont visibles même après le cou- cher du Soleil. A mesure que l'astre descend sous l'hori- zon, le point neutre s'élève au-dessus de ce plan et avec une telle régularité qu'en déterminant sa position, on peut en déduire assez bien celle du Soleil lui-même. C'est, il me semble, un résultat digne d'attention. § 3. — Horloge polaire. L'horloge polaire est un instrument d'optique destiné à indiquer l'heure par l'observation du plan de polarisa- tion de la lumière du ciel bleu dans la direction du pôle. 396 NOTICE Sun I-.\ POLARISATION Elle repose sur ce principe que j'ai découvert, que la lumière, en un point quelconque du ciel bleu, est pola- risée dans le plan qui passe par l'œil de l'observateur et du Soleil ; d'où il l'ésulte que, si l'observateur vise tou- jours au pôle nord, le plan de polarisation coïncidera à chaque instant avec le cercle horaire du lieu de l'obser- vation. L'idée de faire servir les changements de couleur dos lunules du polariscope, pointé dans une direction donnée sur un ciel serein à la détermination de l'heure, l'idée de faire un cadran chromatique remonte à 1816. A cette époque, je m'en entretins plusieurs fois avec M. do Humboldt ; mais n'ayant, je crois, rien publié à ce sujet, l'honneur de la construction de l'horloge polaire, je le reconnais avec empressement et sans réserve, revient exclusivement à M. Wheatstone qui a présenté en 18Û9, à l'Académie des sciences de Paris, une horloge polaire exécutée par M. Soleil. Au reste, la méthode, indé- pendamment des incertitudes inhérentes à l'observation des couleurs, est sujette à des difficultés très -graves, provenant de la manière dont les réflexions multiples modifient les lois simples de la polarisation atmosphé- rique, quand le ciel est partiellement couvert. A cette occasion je rappellerai un cas de changement de couleur très-curieux, très-étrange, en ce sens ([u'il s'observe sur certains corps, par un ciel serein, à l'œil nu, sans l'intermédiaire d'aucun cristal. Placez un de ces corps (j'ai donné le moyen de les préparer) de manière qu'au coucher du Soleil, par exemple, il soit placé entre le Soleil et le couchant. Ce DE LA LUMIl-RE. 397 corps sera, je suppose, vert. Il paraîtra vert également, si, sans rien changer aux positions relatives de l'œil et (lu corps, on se tourne vers le levant. Si , au même mo- ment, tout restant dans le même état quant à la position et à l'inclinaison du rayon visuel , on regarde le corps dans la direction du sud ou dans celle du nord, il paraîtra d'un rouge vif. Dans les directions intermédiaires, les couleurs du corps sont des mélanges de rouge et de vert dans lesquels ces deux espèces de rayons prédominent chacune à leur tour. § i. — Des modifications que la polarisation apporte aux phénomènes d'absorption. La lumière éprouve en traversant tous les corps dia- phanes connus une absorption plus ou moins considérable que les physiciens ont essayé de mesurer, mais dont ils n'ont donné jusqu'ici aucune théorie satisfaisante. Dans l'état actuel de nos connaissances, l'absorption est peut- être le fait le moins bien expliqué de toute l'optique. Personne n'ignore que la lumière blanche se colore fortement en traversant un grand nombre de milieux so- lides ou liquides. Il est clair, en ce cas, qu'une partie des rayons dont cette lumière était primitivement composée a dû être arrêtée dans son trajet à travers les molécules du corps. Si les rayons qui manquent dans le faisceau transmis se trouvaient dans la lumière réfléchie, le phé- nomène pourrait aisément se rattacher à celui des an- neaux colorés; mais malheureusement il n'en est pas ainsi et il suffît pour s'en convaincre de remarquer que les milieux colorés sont souvent de la même teinte par 398 NOTICE SUR LA rOLARIS ATION réllexion et par transmission. 11 y a donc de la lumière perdue, mais comment? Dire quelle a été absorbée, c'est substituer un mot à un autre mot! La lumière perdue, suivant quelques auteurs, est celle qui a choque les molécules matérielles du corps; l'autre portion a passé dans les interstices ; mais qu'on explique, dans ce système, comment il arrive, par exemple, que certains verres bleus absorbent simultanément des rayons qui dans le spectre occupent le milieu du rouge, l'orangé, la plus grande partie du jaune, le milieu du bleu, l'in- digo, tandis que toutes les nuances intermédiaires passent librement. Par quelle chance bizarre les points matériels auraient -ils obstrué la route d'un certain rayon rouge et nullement celle des rayons de même nuance, mais plus ou moins avancés seulement dans l'ordre de réfrangi- bilité? On ne rencontre pas de moindres difficultés lorsqu'on suppose, avec plusieurs physiciens distingués, que l'ab- sorption est un phénomène chimique, dépendant comme tous les autres phénomènes de ce genre , de l'action plus ou moins forte que la matière du corps exercera sur les molécules de diverses espèces dont la lumière blanche est composée; et, en elTet, il existe des substances cristal- lines qui présentent telle couleur particulière quand les rayons la traversent dans une certaine direction et une couleur toute différente si le sens de la transmission est changé. Dans ce nombre, je citerai particulièrement le sel remarquable découvert par WoUaston en 1804 et qui est du chlorure double de potassium et de palladium ; il oITre le long de Taxe du prisme à quatre faces dans 1(3- DE LA LUMIÈRE. 399 quel il cristallise, un rouge intense, et dans une direction transversale un vert d'une grande vivacité. Je citerai aussi la dichroïte ou iolite, silicate triple d'alumine, de magnésie et de protoxyde de fer, qui est d'un beau bleu dans la direction de l'axe, et d'un gris jaunâtre dans une direc- tion perpendiculaire à cette ligne. Les phénomènes dont je vais parler sont encore plus singuliers, et ils ne feront que compliquer davantage, s'il est possible, la question de l'absorption. Ici, en effet, la teinte du faisceau transmis changera quoique le corps se présente aux rayons incidents par les mêmes faces et sous les mêmes inclinaisons. Pour amener ce résultat , il nous suffira de changer l'orientation de la face d'entrée, de la faire tourner dans son propre plan, d'amener à droite l'arête qui était à gauche, etc. On a découvert que dans quelques échantillons de cris- taux doués de la double réfraction, l'absorption est nota- blement modifiée et par l'espèce de polarisation qu'a pu recevoir le faisceau incident et par la position de l'axe du cristal. Ce sont ces curieux phénomènes que je vais décrire ici aussi succinctement qu'il me sera possible. Certains échantillons de sulfate de baryte ont une teinte violacée assez apparente. Taillons un de ces échantillons dans un certain sens et de manière que les faces opposées soient parallèles. Supposons maintenant qu'un faisceau blanc polarisé traverse le cristal dans une direction per- pendiculaire aux deux faces artificielles. Le faisceau était blanc en entrant, il sortira peut-être avec une teinte violette ; jusqu'ici l'expérience ne présente rien de re- marquable : tout verre violet aurait produit le même 400 NOTICE SUR LA POLARISATION clïï't. Mais si ce verre tournait dans son plan, il n'en résulterait aucun changement ni dans la nature de la teinte transmise ni dans sa vivacité; tandis qu'un mou- vement analogue du cristal, les faces d'entrée et de sortie demeurant toujours perpendiculaires au faisceau inci- dent, pourra amener un changement total dans la couleur du faisceau transmis. Ainsi ce faisceau qui, par hypo- thèse, était d'abord violet, deviendra jaune verdàtre, quand le cristal aura tourné sur lui-même de 90". On sentira toute la singularité de ce phénomène si l'on veut bien remarquer que, dans les deux positions rectan- gulaires du cristal , le faisceau lumineux en passant de la première à la seconde face, a rencontré les mêmes molé- cules matérielles; que l'orientation de ces molécules, relativement au plan primitif de polarisation, ayant seule varié, a dû seule aussi occasionner le changement de couleur du faisceau transmis. 11 résulte de ces expériences qu'un faisceau de lumière directe auquel on a fait traverser certains cristaux de sulfate de baryte, ne doit plus se décomposer dans un rhomboïde de carbonate de chaux en deux images sem- blables et de même intensité; et, en effet, l'une des images est violacée et l'autre jaune verdâlre. j Puisque dans une position déterminée du sulfate de j baryte, les rayons qui le traversent, s'ils sont polarisés îi dans divers plans, n'éprouvent pas des absorptions pa- reilles, les deux faisceaux ordinaire et extraordinaire en ,, lesquels la lumière directe se divise à l'instant oia elle pénè're dans le cristal, doivent quand ils en sortent avoir des intensités et des nuances dissemblables. Il n'est DK LA LU M 1ER K. 401 donc plus permis maintenant de dire que tout cristal doué de la double réfraction partage la lumière naturelle en deux images d'égale intensité. Comme il n'y a que les cristaux colorés et doués de la double réfraction qui jouissent des propriétés singu- lières dont je viens de parler, il était naturel de penser qu'à travers des plans perpendiculaires à l'axe, on n'ob- serverait rien de pareil : l'expérience a confirmé cette conjecture. On ne sait pas encore bien suivant quelles lois les teintes varient cjuand on passe graduellement des coupes parallèles à l'axe aux coupes perpendiculaires. §0. — Polarisation par réfraction de la lumière qui fait voir les corps. — Couleur propre des corps. — Cyanométrie. Peu de temps après la découverte de la polarisation cliromatique , je reconnus que les rayons qui font voir les corps viennent de leur intérieur, car ils sont polarisés par réfraction ; ce fait a été, quelque vingtaine d'années après, publié comme une découverte par des physiciens allemands. Je n'ai pas réclamé, soit parce que je n'ai pas eu une connaissance suffisante de leurs Mémoires, soit, quoique mes observations fussent connues et profes- sées dans tous les cours de physique de Paris, parce que je croyais que par négligence j'avais oublié de pu- blier mon observation ; mais j'ai trouvé que la notoriété provenant d'une publication ne me manquait pas. Rn effet, dans les Annales de chimie^ année 1817, tome iv, page 98, j'ai écrit ce passage^ : 1. La Note du tome IV de la 2° série des Annales de ciiiviie cl de physique est insérée ci-après à l'Appendice. VII. — IV. 26 402 NOTICE SUR LA POLAIUSATION « I>cs rayons qui rorniont la roiileur propre des corps émanent de leur intérieur. Ce qui paraît surtout le prou- ver, c'est (ju'ils sont polarisés sous toutes les inclinaisons, connne de la lumière transmise, ainsi que je l'ai reconnu même pour la couleur des métaux. » Dans cette même jNote des Ànnalrs do chimie et de phy.'ii(j>t(', j'employai comme procédé cyanométrique la lumière réfléchie au lieu de la lumière transmise à travers une pile de plaques, comme je l'ni fait depuis. J'insiste sur l'observation qu(! j"avais faite que les l'ayons qui forment la couleur propre des corps, même celles des métaux, émanent de leur intérieur, puisque ces rayons sont polarisés par réfraction. Tout cela est antérieur au Mémoire de M. Bénédict Pré- vost, dans lequel il soutient, mais sans le prouver, que la lumière qui fait voir les corps colorés \ient de l'intérieur. Dans cette même Note se trouve indiqué le moyen de rendre les observations de dispersion de diverses sub- stances exactement comparables. Ce moyen consiste à viser avec un verre bleu aux bandes obscures que pré- sente alors le spectre prismatique. Les procès-verbaux des séances du Bureau des longi- tudes constatent que le 20 janvier 1839, j'ai cité une expérience que j'avais faite au sujet de la lumière par laquelle on voit une plaque de porcelaine. La quantité de lumière polarisée est la même, quand on regarde en dehors de la direction du rayon réfléchi régulièrement, qu'on ait éclairé le corps soit par de la lumière neutre , soit par de la lumière polarisée dans un sens ou dans un autre. DE LA LU MI EUE. 403 J'en ui coDcIii que la lumière par laquelle on voit les corps s'est formée sous l'influence de la lumière incidente. C'est une sorte de phosphorescence instantanée qui dis- paraît avec la cause qui l'a fait naître. Telle était l'opinion d'Euler, qui n'avait pas donné de preuves à l'appui. Je crois devoir prémunir les physiciens qui voudraient répéter mes expériences sur la lumière propre des corps, contre une canse particulière d'erreur qui me donnerait trop raison. Les verres opalins fabriqués dans nos verre- ries ont presque tous des axes de réfraction très-pronon- cés. Ils se comportent, relativement aux rayons polarisés qui les traversent, comme les lames douées de la double réfraction, et les dépolarisent dans les mêmes circon- stances. Seulement, la dépolarisation, dans les positions les plus favorables de ces verres , ne paraît pas aller, comme avec les cristaux ordinaires, jusqu'à donner deux images d'intensités parfaitement égales dans le cristal analysateur primitif. § G. — Sur la lumière des corps inciiudescents. — Applicatiun à la recherche de la constitutioa physique du Soleil. Le 1/t juin 182/i j'ai rendu compte à l'Académie des sciences des expériences que j'avais faites, il y avait déjà longtemps, sur la lumière des corps incandescents. J'ai recomiu ([uc cette lumière, si les coips sont solides ou gazeux, est partiellement polarisée par réfraction (|iiaii(l les rayons observés forment avec la surface de sortie un angle d'un petit nombre de degrés. Quant à la lumière des gaz enflammés, elle ne présente sous aucune incli- 40i NOTICE SUR LA POLAIUSATION liaison des traces do polarisation sensibles, .l'ai tiré de ces expériences la conséquence qu'une portion notable de la lumière qui nous fait voir les corps incandescents, se forme dans leur intérieur et jusqu'à des profondeurs non encore complètement déterminées. Le même moyen d'observation peut être appliqué à l'étude de la constitu- tion pinsique du Soleil : les résultats que j'ai obtenus dans cette recherche confirment les conjectures de Bode, de Schrœter, d'Herschel. Ce paragraphe est extrait textuellement dutomexxvii, p. 89, des Annales Je chimie et de physique. § 7. — Des anneaux colorés qui se forment à l'aide de la lumière polarisée, autour (les axes optiques des cristaux. — Gi'istaux à un seul axe. Concevons qu'une plaque cristalline à un seul axe op- tique, comprise entre deux plans parallèles perpendicu- laires à cet axe, soit traversée rectangulairement par un faisceau polarisé ; si l'on analyse la lumière émergente, soit par réflexion, à l'aide d'un miroir de verre, disposé de manière à se laisser traverser librement par les rayons qui conserveraient leur polarisation primitive, soit avec une lame de tourmaline dont l'orientation , au contraire, soit telle qu'elle doive arrêter ces mêmes rayons, on n'aperçoit qu'une seule nuance sensible et uniforme dans tous les points de la plaque, pourvu qu'à raison de sa petite étendue ou de sa distance à l'œil , les rayons polarisés qui la traversent puissent être considérés comme parallèles : mais il n'en est plus de même toutes les fois que les rayons menés de la pupille aux divers points de la plaque HE LA LUMIÈRE. 403 sont sensiblement inclinés à sa surface ; or, cela arrive nécessairement, quelle que soit l'étendue de la plaque, quand on l'observe de très-près. Alors celui de ses points que le rayon perpendiculaire rencontre paraît entouré d'un grand nombre d'anneaux colorés circulaires, séparés en quatre parties égales par une belle croix obscure dont les branches s'élargissent beaucoup à mesure qu'on s'é- loigne du centre (fig. 10). Les anneaux s'arrêtent à la Fifî. 10. — Anneaux formés par de la lumière polarisée ayant traversé un cristal à un seul aie. croix , ils n'en traversent pas les branches ; ils vont tous seulement s'y perdre par une dégradation d'intensité fort rapide. Si l'on emploie pour faire cette expérience de la lu- mière polarisée homogène, on voit encore une nombreuse série d'anneaux lumineux, mais alors ils n'offrent qu'une seule nuance, et ils sont séparés par une série intermé- diaire d'anneaux obscurs. Pour chaque espèce de lumière homogène et pour chaque nature de substance, les carrés des diamètres 406 NOTICR SUR LA POI.AHISATION des anneaux de même rang dans des plaques d'épais- seurs différentes, sont en raison inverse des racines car- rées de ces épaisseurs. D'habiles pliysiciens ont longtemps soutenu que les annraux des lames cristallisées perpendiculaires à l'axe, (juand ils sont produits avec de la lumière blanche, pré- sentent le même- ordre et la même dégradation de nuan- ces que les anneaux ordinaires dont le point de contact de deux lentilles de verre superposées est entouré ; mais on trouve des exceptions h cette règle beaucoup trop frap- pantes pour (]u'il ne faille pas en conclure que jamais elle n'est rigoureusement exacte, et qu'alors môme qu'elle semble applicable, il suffirait, pour trouver des anomalies, de substituer à la simple inspection de la bande colorée un moyen d'observation moins imparfait. Le cristal connu sous le nom d'apophyllitc (silicate double hydraté de chaux et de potasse) est celui (jiii montre peut-être au plus haut degi'é à quel point il faut se garder d'ad- mettre l'assimilation proposée. Dans ce cristal, en effet, les anneaux (jue la polarisation développe, au lieu de pré- senter les teintes vives et dégagées de ceux que Newton a décrits avec tant de détails, sont alternativement blancs et d'un violet très-sombre, presque noir. Aussi, comme il fallait s'y attendre, quand on fait l'expérience avec de la lumière homogène, trouve-t-on que les diamètres des amieaux sont à peu près les mêmes dans toutes les cou- leurs; ajoutons que les très-petites différences qu'on y remarque ne suivent pas, en tous cas, l'ordre des réfran- gibilités; les diamètres des anneaux rouges, par exemple, sont exactement égaux à ceux de la lumière placée aux DE LA LUMIF.HI-. U)1 confins du bleu et de Tindigo ; les diamètres des anneaux verts un tant soit peu plus petits, et ceux des anneaux violets légèrement plus grands. Dans certaines variétés assez rares d'apophyllite, les anneaux ne sont pas égaux, mais au lieu de diminuer quand on passe des rayons rouges aux rayons les plus réfrangibles, ils augmentent, au contraire, très-rapidement et de telle sorte que les an- neaux correspondants aux rayons d'une moyenne réfran- gibilité ont des diamètres infinis. Plus près de l'autre extrémité du spectre, les diamètres deviennent de nou- veau finis, mais ceux des rayons violets surpassent tou- jours beaucoup les diamètres des anneaux rouges. Il résulte de là qu'en employant de la lumière blanche on devait trouver dans les anneaux composés de ces variétés d'apophyllite, un ordre de couleurs précisément inverse de celui que présentent les anneaux de Newton, conmie l'expérience l'a montré. Ceux que ce genre de recherches pourrait intéresser trouveront dans l'hyposulfate de chaux un cristal qui donne aussi naissance à des anneaux dont les teintes ne sauraient être assimilées à celles des anneaux newto- niens. Le carbonate de chaux, le béryl, la tourmaline et même la glace (eau congelée) leur olTriront, au contraire, une distribution des nuances prismaticiues peu dilFérente de celle des anneaux ordinaires. A l'œil nu, la lame cristalline paraît tout à fait blanche; la tourmaline ou le miroir réfléchissant dont nous nous sommes servis pour analyser le faisceau transmis ne nous ont fait apercevoir des couleurs qu'en tamisant diver- sement deux séries d'anneaux de même diamètre dont les 408 N01ICI-: SUR LA POLAIUSATION teintes étaient complémentaires et qui s'étaient jusque-là neutralisées. Les deux séries étant polarisées dans deux plans rec- tan2;iilaires, quand l'une traversait librement le miroir ou la tourmaline, l'autre devait se réllécliir. Pour voir les deux séries simultanément, il faut examiner la plaque à l'aide d'un cristal doué de la double réfraction; alors si l'une des suites forme l'image ordinaire, l'autre passe tout entière à l'image extraordinaire ; alors si la pre- mièi'c olîre une croix noire, la seconde présentera une croix blanche de mêmes dimensions, etc., etc. J'ai supposé jusqu'ici que la lame en expérience avait ses faces rigoureusement perpendiculaires à l'axe du cristal et qu'elle était rencontrée rectangulairement par le faisceau polarisé ; c'est là ce qui donnait aux anneaux de toutes les nuances une figure exactement circulaire ; mais lorsqu'une de ces conditions ou toutes les deux à a fois cessent d'être satisfaites, les anneaux deviennent elliptiques. Les phénomènes de coloration dont je viens de rendre compte, et qui se manifestent par une formation d'an- neaux, n'apprennent rien de neuf concernant les modifi- cations que la lumière polarisée éprouve en traversant les lames cristallisées; ils montrent seulement d'un coup d'œil les elïéts qui résultent des inclinaisons différentes sous lesquelles les rayons transmis se présentent à l'axe de la lame, ce qui peut être commode dans quelques circon- stances; car lorsque le cristal était coloré d'une seule nuance, à cause du parallélisme approché du faisceau éclairant, pour étudier l'onlre de succession des couleurs DE LA LUMIÈRE. 409 prismatiques il fallait faire une expérience particulière à chaque inclinaison. La croix noire elle-même exige à peine une remarque spéciale : qui n'a vu, en effet, qu'elle n'est pas autre chose que la série de points du cristal dont la situation par rapport à l'œil se trouve telle que les rayons qui les traversent conservent leur pijlari- sation primitive ? § 8. — Cristaux à deux axes. Les cristaux à un seul axe ne donnent jamais qu'une série d'anneaux ; deux séries distinctes existent dans les cristaux à deux axes, mais on ne peut pas toujours les voir simultanément. Pour apercevoir les anneaux des cristaux dont nous venons de nous occuper, il suffit que, dans le faisceau polarisé transmis par la lame, un rayon ait suivi la di- rection de l'axe et qu'il soit au nombre de ceux qui entrent dans l'œil. Il faut précisément la même condition dans les cristaux à deux axes. Si parmi le faisceau de rayons transmis par la lame compris dans le champ de la vision, deux se sont mus dans la direction des deux axes, un système d'an- neaux s'apercevra autour de chacun de ces rayons. Quand on voudra comparer d'un coup d'œil les deux séries d'anneaux, il faudra donc, pour se soustraire à l'obligation de regarder très-obliquement dans l'appareil, choisir des cristaux dont les deux axes ne fassent pas entre eux de trop grands angles. Ceux de nitre, par exemple, sont dans ce cas. 410 NOriCK SUR LA POLARISATION Ce sel cristallise sous la l'oniic d'un prisme hexaèdre régulier et il a deux axes optiques contenus dans un plan parallèle à l'axe géométrique du prisme. Coupons un cristal prismatique de nitre par deux plans perpendicu- laires à son axe géométrique et éloignés l'un de l'autre de li à 0 millimètres. Plaçons la lame (jui en résultera soit entre les deux miroirs réfléchissants, soit entre les deux tourmalines dont nous nous servions tout à l'heure, et à l'instant nous \^V-v Fi^'. II. — Anneaux formés par de la lumière polarihéc ayant, traversé un cristal à ileiix aies. apercevrons deux séries d'anneaux de la plus grande beauté, autour des deux points de la plaque qu'on a ap- pelés du nom de pâles et qui sont les points dans les- quels elle est rencontrée par les rayons visuels situés sur les prolongements des axes optiques. En examinant le phénomène avec attention , on verra d'abord autour de chaque pôle un certain nombre d'anneaux isolés; ensuite on découvrira un anneau de la première série qui croisera sur son contour un anneau de la série voisine, de manière à former par leur réunion une espèce de 8 ; plus loin, un seul et même anneau entourera les deux pôles ; mais il DE LA LUMn:F{E. 411 olFrira, vers le milieu de la ligne cjui les sépare, une in- flexion très-sensible. Dans les anneaux suivants, la flexion paraîtra de moins en moins visible; enfin, bientôt, les anneaux n'auront qu'une seule courbure. La figure ci -jointe (fig. Il) rendra de plus amples explications inutiles. Quand on fait tourner la lame de nitre dans son plan, les anneaux tournent uniformément ; ils conservent exac- tement la même forme et la même situation à l'égard des pôles ou des molécules du cristal : on n'observe de variation cjue sous le rapport de l'intensité. 11 n'en est pas de même des bandes noires. Les anneaux provenant des cristaux à deux axes lors même qu'on n'en voit qu'une seule série, peuvent, au premier coup d'œil, être distingués des anneaux auxquels les cristaux à un seul axe donnent naissance. Ceux-ci, en effet, sont toujours coupés par les quatre branches rectangulaires d'une croix noire ayant pour origine commune le centre des anneaux ; tandis que les autres sont traversés seulement dans leurs pôles par une bande obscure qui est droite ou courbe suivant la position du cristal. § 9. — Des anneaux colorés. Le Mémoire que j'avais écrit au sujet des anneaux colorés en 18i'l n'a été imprimé en partie que dans le iir volume des Mémoires (VArciieil, en 1817 ^ Yoici les faits principaux qu'il renferme : 1. Il est inséré au tomo I" des Mémoires scientifiques, t. X des OEuvres. 11-2 NOTICE SU II LA POLARISATION Les rayons qui forment les anneaux colorés par ré- flexion, entre deux lentilles de verre commun, sont pola- risés sous les mêmes inclinaisons que la lumière ordinaire; il n'en est pas ainsi des rayons dont se composent les anneaux transmis. Ces rayons, examinés sous une incli- naison convenable, paraissent aussi polarisés, mais dans le même sens que les rayons des anneaux réfléchis, tandis que la lumière ordinaire éprouve dans les mêmes circon- stances une polarisation par réfraction ou perpendiculaire à celle du rayon réiléchi. Sous l'angle de 35° des rayons polarisés perpendicu- lairement au plan de réflexion ne forment point d'an- neaux. Si donc on voulait persistera admettre l'explication de Newton, on serait inévitablement amené à supposer que les rayons lumineux, dans certaines circonstances, perdent la propriété des accès. Les anneaux produits autour du point de contact d'une lentille de verre com- mun et d'un miroir métallique sont polarisés sous l'angle de 35% comme s'ils s'étaient formés autour du point de contact de deux lentilles de verre; mais au-dessous de l'angle de polarisation les deux images visibles avec un cristal doublement réfringent sont dissemblables. Toutes les observations faites à ce point de vue montrent, en opposition complète avec les opinions newtoniennes, que les pouvoirs réfringents des corps entre lesquels la lame mince est contenue, exercent une grande influence sur le phénomène des anneaux. J'avais établi la conformité de mes observations avec la théorie des anneaux de Young , fondée sur la doctrine des interférences, particulièrement en ce qui se rapporte DE LA LUMIKRH. 4<3 aux angles de polarisation ; mais la partie de mon Mémoire dans laquelle mes arguments étaient développés a servi aux Cosaques logés à l'imprimerie de Peronneau à allu- mer leurs pipes. J.e Mémoire en question renferme la démonstr;ition mathématique de ce fait, de vérité nécessaire, dans le système de l'émission, mais moins facile à concevoir dans le système des ondes, que les anneaux transmis et réflé- chis, quand ils se forment entre deux lentilles de verre commun, ont exactement la même intensité. Cette égalité peut servir de critérium pour juger de l'égale intensité des deux faisceaux de lumière blanche qui éclairent le système des deux lentilles. Ce Mémoire, qui ajoute incon- testablement des faits nouveaux et curieux à ceux que Hooke et Newton avaient découverts, n'a pas été cité autant, je crois, qu'il aurait pu l'être. Il est vrai que je dois sans doute regarder comme une citation la reproduc- tion textuelle de mes expériences par des auteurs célèbres (M. Airy, par exemple), qui n'ont pas jugé à propos de faire mention de la publication ancienne du m'' volume des Mémoires cV Arcueil. Depuis l'impression de mon Mémoire, en 1817. je n'ai presque rien ajouté d'essentiel ;i ukîs premiers résultats. Seulement, Thomas Young ayant montré que loi-sque le liquide contenu entre deux lentilles de verre a une réfrin- gence intermédiaire entre celle des deux lentilles, la tache centrale nevvtonienne devient blanche ; j'ai prouvé, en me servant de l'huile de cassia, que cette tache centrale rede- vient noire lorsque le milieu interposé a une réfringence supérieure à celle des deux lentilles. ili NOTlCIî SUR LA POLARISATION § 10. — La liinnôre des lialos est polarisée par réfraction. Dans la séance du 11 avril J8'25, j'ai annoncé à l'Aca- démie des sciences, et cette Note est consignée dans le tome x\i\ des Annales de ehimie et de physique, qu'en examinant avec un instrument de mon invention, un halo qui entourait le Soleil vers les onze heures du matin , j'avais reconnu, dans la lumière dont ce halo était formé, des traces non équivoques de polarisation par réfraction. Cette expérience exclut toute explication du phénomène qui serait fondée sur l'hypothèse d'une réflexion. J'ai ajouté que j'espérais pouvoir reconnaître, par les mêmes moyens d'observation, quand un nuage est gelé. Pour faire cette observation je me suis servi de mon polariscope ordinaire décrit dans XAstronomie populaire ^t. 11, p. 99 à 101). § U. — liistrumeut propre à l'aire voir les écueils. Après tous les détails contenus dans cette Notice, le lecteur n'aura aucune difTiculté à comprendre comment agit l'instrument que j'ai présenté au Bureau des longi- tudes le 2 décembre 1835 et qui est compo.sé d'un tube et d'une tourmaline. Cette dernière élimine la liunière réfléchie à la surface de l'eau et permet de voir consé- qucmment le> objets situés au fond. J'ai indiqué ailleurs rein])loi (ju'on peut faire de cet instrument (Instmciions, Itdjjporls et Notices sur les questions à résoudre pendant les voyages scientifiques, t. ix des Œuvres, p. 79 et 552). DE LA LUMIÈIM'. il.i ^ 1-2. — Emploi du polarimètrc pour 1 "étude de Toptique atmosphérique dans les ascensions aérostatiques. Los ascensions aérostatiqiies peuvent servir à résoudre les plus importants problèmes d'optique atmosphérique. Jusqu'ici, dans les ascensions faites ou projetées, on n'avait guère songé qu'aux variations thermométriques, hygrométriques, électriques, magnétiques, eudiométri- ques; avec des ballons captifs on aura le moyen d'étudier, en outre, les lois de la distribution de la lumière dans l'atmosphère, soit à l'état neutre, soit à l'état de polari- sation. La proportion de lumière polarisée contenue dans un faisceau quelconque peut se déterminer à l'aide d'un in- strument très- simple, très- maniable, très-portatif, que j'ai fait construire et que je nomme un polarimètre ; cet instrument est le polariscope que j'ai proposé en 18M, auquel est adapté un appareil particulier. Le polariscope devient polarimètre par la seule addition d'une ou plu- sieurs lames de verre à faces parallèles placées en avant de l'ancien instrument. Ces lames sont mobiles, l.^n cercle gradué fait connaître sous quelle inclinaison la lumière les a traversées avant de pénétrer dans le polariscope proprement dit. Ln proportion do lumière polarisée con- tenue dans le faisceau étudié se déduit de l'angle auquel il faut arrêter les plaques de verre pour qu'on n'aperçoive plus aucune trace de couleur à travers l'appareil total. La disposition dont il vient d'être parlé est la plus convenable pour les polarimètres portatifs que les voya- geurs devront tenir à la main. L'instrument prendra, si 446 NOTICE SUR LA POLARISATION l'on veut , une autre forme, lorsque destiné ù servir dans un observatoire, dans un cabinet de physique, on pourra l'adapter à un pied solide et fixe. Alors la lame ou les lames de verre situées devant le polariscope conserveront une inclinaison constante relativement à la ligne visuelle ; seulement il y aura, en avant de ces lames, une plaque cristalline à faces parallèles, par exemple une plaque de cristal de roclie avec sa section principale convenable- ment placée. En donnant à tout cet appareil un moii- vement de rotation autour de l'axe du polariscope, on amènera la disparition des couleurs; la quantité de ce mouvement de rotation, comme l'inclinaison des lames dans l'instrument portatif, sera liée à la proportion de lumière polarisée contenue dans le faisceau analysé. Afin de montrer, par exemple, quels problèmes sin- guliers il sera possible de résoudre à l'aide du polari- mètre et de diverses tables photométriques, je ferai remarquer que dans les temps dits nuageux, un observa- teur muni de l'instrument arrivera, sans se déplacer, à déterminer la longucMU* de la couche d'air qui le sépare d'un nuage, ou, dans le cas le plus défavorable, à une limite que cette longueur ne saurait atteindre. Les élé- ments de la détermination sont : 1° le nombre qu'on obtient en divisant l'intensité de la lumière venant de l'atmosphère sereine indéfinie, dans une direction peu éloignée du bord du nuage, par l'intensité de la lumière provenant de ce même nuage et de la portion limitée d'atmosphère comprise entre sa surface inférieure et l'œil de l'observateur; 2° le nombre indiquant la proportion de rayons polarisés contenus dans la première de ces DE LA LUMIÈRE. 417 deux lumières (dans la lumière atmosphérique indéfinie); 3" le nombre indiquant la proportion de rayons polarisés contenue dans la seconde (dans l'ensemble de la lumière du nuage et de la lumière de la couche d'air qui le sépare de la terre). Ces deux derniers nombres sont donnés par le polarimètre ; on déterminera le rapport des intensités à l'aide d'un photomètre. J'ai d'ailleurs reconnu que la lumière qui fait voir les nuages n'est pas sensiblement polarisée ; j'ai communiqué ce fait au Bureau des longi- tudes le 1" août 1838; il a été complètement vérifié en 1850 par M. Birral dans les ascensions aérostatiques qu'il a faites avec M. Bixio ^. Les procédés que j'indique sont totalement indépen- dants de mesures de bases et de parallaxes ; ils pourront être appliqués à la détermination de la distance des mon- tagnes, alors même que ces montagnes seront couvertes de neige. Néanmoins, avant de les mettre utilement en pratique , il faudra remplir de grandes lacunes dans la photométrie atmosphérique. C'est à cela surtout que ser- N iront les ascensions de ballons captifs noirs et mes nou- veaux instruments. Les ballons noirs, dans le plus grand nombre de ces expériences, n'auront pas besoin de porter des observateurs, puisqu'ils seront seulement destinés à faire office d'écrans, lesquels, placés successivement à différentes hauteurs , intercepteraient la vue de portions plus ou moins considérables de l'atmosphère totale. Les aéronautes ne deviendront indispensables que pour vé- rifier si les observations sur la lumière non polarisée 1. Voir tome L\ des Œuvres, p. 511 et 516. VIL -IV. 27 418 NOTICI- SUR LA rOLAIUSATlON transmise par des nuages artificiels sont applicables de tout point aux nuages naturels; si, dans la lumière d'une almosphère sereine, la proportion de rayons polarises est la nit'me quelles que soient les hauteurs, et en tout cas comment cette proportion varie. § 13. — Sur les interféreuces de la lumière cousidérées comme moyen de résoudre diverses questions très-délicates de fihysique et comme servant de base à la construction de nouveaux instruments de météo- rologie •. Si deux faisceaux de lumière blanche, sortis d'une source commune, se sont propages dans un môme milieu homogène et ont parcouru des chemins à peu près égaux, ils forment partout où ils se croisent sous de petits angles un système composé de quelques franges obscures et brillantes parfaitement visibles. La frange centrale est la moins irisée de toutes, et ce caractère suffit pour la faire reconnaître. Dans la place qu'elle occupe, les rayons in- terférents ont parcouru des chemins exactement égaux. Tout est pareil de forme, d'intensité et de coloration de part et d"autre de cette frange centrale. J'ai reconnu, il y a déjà bien des années, que les con- ditions de chemins parcourus ne déterminent pas seules la place des franges formées ainsi à l'aide de l'interfé- rence de deux faisceaux de lumière. En plaçant dans l'air une lame de verre excessivement mince sur le trajet d'un des faisceaux, je vis les bandes marcher du côté de la lame. Cette expérience, répétée un grand nombre de fois avec toute sorte de milieux, solides, liquides, gazeux, 1. Note comaïunlquée à rAcadéinie des sciences le 25 mai 18ZiO. DE LA LUMIÈRE. 419 conduisit à une loi qui lie d'une manière très-simple le déplacement que les franges éprouvent à la puissance réfringente et à l'épaisseur du corps diaphane qui est traversé ainsi par un seul des deux faisceaux. Dès que j'eus découvert ce moyen, entièrement nou- veau, de mesurer la puissance réfractive des corps dia- phanes, je songeai à l'appliquer à l'étude de cette puis- sance dans l'air humide. 11 y avait, en effet, un grand intérêt à savoir définitivement si l'hygromètre devait figurer dans le calcul des réfractions astronomiques. C'était une question déjà traitée par deux membres de l'Académie : d'abord par Laplace, à l'aide de la suppo- sition générale que les vapeurs et les liquides dont elles proviennent ont le même pouvoir réfringent, supposition très-plausible dans le système de l'émission , mais que des recherches postérieures n'ont point confirmée; en- suite par M. Biot d'après dos expériences tout aussi exactes que la méthode employée pouvait le comporter. Fresnel se joignit à moi pour exécuter l'expérience que j'avais projetée. Yoici comment elle fut réalisée : Deux tubes en verre mince , d'environ un mètre de long, furent soudés l'un à l'autre comme les deux canons d'un fusil à deux coups. A chaque extrémité, ces deux tubes étaient fermés par une seule et môme plaque de verre à faces parallèles. Des robinets donnaient passage aux substances dont on voulait étudier les effets. Quand les deux tubes renfermaient de l'air de même densité, de môme température et de même degré d'humidité, le faisceau qui traversait le tube de droite produisait, en se mêlant à sa sortie au faisceau provenant du tube de 420 NOTICE SUR LA POLARISATION gauche, des franges irisées dont la place coïncidait pres- que exactement avec celle des franges qui résultaient de l'action de ces mômes faisceaux se propageant à Tair libre. Si , la force élastique étant toujours égaie dans les deux tubes, l'un renfermait du chlorure de calcium et l'autre de l'eau; si, dès lors, le premier tube était rempli d'air complètement sec , et le second d'air saturé d'hu- midité, les bandes formées par l'interférence du faisceau qui, dans sa course, traversait un mètre d'air humide, et du faisceau qui traversait un mètre d'air sec, n'occu- paient plus la place des franges engendrées à l'air libre; rinterposition des tubes produisait un déplacement no- table : un déplacement d'une frange et demie. Ce dépla- cement se faisait toujours du côté de l'air sec. Le sens du déplacement des franges prouvait d'abord, d'une manière incontestable, Cjue l'air sec avait plus de puissance réfringente que l'air humide. Restait à assigner la différence. De la loi dont il a été question plus haut, ou bien d'expéiiences faites sur l'affaiblissement de pression que l'air devait subir dans l'un des tubes, pour que les franges se déplaçassent d'une frange et demie du coté opposé, on concluait directement la différence des pouvoirs réfractifs des deux airs; mais il était possible qu'une légère couche d'humidité se fût précipitée à la surface intérieure des deux verres, dans les portions correspondant au tube à air humide; or une pareille couche, quelque mince qu'on la supposât, jouerait dans le phénomène un rôle impor- tant : elle masquerait la plus grande partie de l'effet cherché. Telle est la difficulté qui détourna Fresnel de DE LA LUMIÈRE. 421 donner aucun chilTre à l'appui de la conclusion que nous tirânies de notre expérience commune. Cette difficulté je l'ai depuis complètement levée en t répétant l'ancienne expérience à 1 aide de deux autre.^ tubes, l'un sec et l'autre humide, fermés à leurs deux extrémités par les deux mêmes verres dont nous nous étions d'abord servis ; mais cette fois les tubes , au lieu d'un mètre, n'avaient plus qu'un centimètre de long. L'influence de la différence de puissance réfringente des deux airs se trouvant ainsi à peu près éliminée, il ne devait plus guère rester que l'effet de la couche d'hu- midité précipitée à la surface intérieure des deux plaques de verre, du côté du tube humide; cet elTet fut constam- ment inappréciable. Le mouvement d'une frange et demie, observé avec les tubes d'un mètre de long, dé- pendait donc exclusivement des propriétés réfringentes comparatives de l'air sec et de l'air saturé d'humidité. La différence était telle, à -f 27° centigrades , que si , pour l'air sec, on prenait comme rapport du sinus d'in- cidence au sinus de réfraction, pour le passage de la lumière du vide dans l'air, le nombre 1.00029Z|5, ce rapport devenait pour le passage du vide dans l'air humide : 1.0002936. Chose singulière! une différence sur la sixième dé- cimale des indices de réfraction se trouva ainsi constatée à Taide d'expériences dans lesquelles aucun rayon ne 42-2 NOTICE SUR LA POLARISATION s'était réfracte. Ajoutons que Texactitude de la méthode étant proportionnelle à la longueur des tubes employés, rien n'aurait empêché d'aller beaucoup plus loin. Cette expérience doit avoir un complément. Il s'agit de savoir si la chaleur exerce sur la réfraction de l'air une influence qui puisse, qui doive être distinguée de sa propriété dilatante. Le doute mérite d'autant plus d'être levé, que le verre chaud réfracte plus que le verre froid. 11 faudra encore, pour ne rien laisser dans le vague sur la question si importante et si délicate des réfractions astronomiques, élu Jier l'influence de l'électricité en repos et de l'électricité en mouvement. Tout cela est aujour- d'hui accessible et peut être promptement éclairci. Nous allons maintenant indiquer brièvement quelques autres applications dont la méthode est susceptible. Concevons un seul tube d'une certaine longueur, vide d'air, bouché à ses deux extrémités par des plaques de verre et hermétiquement fermé. En choisissant convena- blement ces deux premières plaques de verre et une troisième plaque mobile destinée à être placée à côté du tube, sur la route du faisceau extérieur, on peut faire en sorte que, par un effet de compensation , des franges se forment par l'interférence des rayons propagés à travers le vide et de ceux qui ont traversé l'air extérieur, tout comme si les uns et les autres s'étaient mus dans un milieu homogène. Seulement, si l'atmosphère extérieure ^change de puissance réfractive, les franges se déplace- ront. Leur mouvement se fera vers le tube vide quand le pouvoir réfractif diminuera, et en sens inverse quand le pouvoir réfractif augmentera. Un pareil instrument DE LA LUMIÈRE. 423 pourrait donc, dans les observatoires, être employé au lieu du baromètre et du thermomètre, à la détermination de la force réfractive de l'atmosphère. L'observation s'exécuterait à la hauteur de Tobjectif de l'instrument astronomique, et ainsi finiraient d'interminables disputes SU]' la convenance de faire usage, dans le calcul des réfractions, du thermomètre extérieur ou du thermomètre intérieur. La réfraction de l'air est fonction de sa pression et de sa température. La pression restant constante, si la tem- pérature varie d'un seul degré centigrade, les franges, dans un instrument de onze décimètres de long, se dé- placent de plus de deux franges entières. Ce mouvement, . on le mesure à la précision d'un dixième de frange. L'in- strument dont il vient d'être question , combiné avec le baromètre, peut donc servir à déterminer la température de l'air à 1/20'' de degré près. Cette extrême sensibilité pourrait être accrue indéfini- ment en augmentant la longueur du tube vide, et cepen- dant c'est là un des moindres avantages de la méthode. Un thermomètre étant influencé par le rayonnement du ciel, par le rayonnement du sol, par le rayonnement de tous les autres objets qui l'entourent, ne donne jamais la température de l'air. Au contraire, le résultat déduit d'une propriété de l'atmosphère fonction de sa tempé- rature est complètement à l'abri de toutes ces causes d'erreurs. Dans les voyages, si l'on voulait se contenter des tem- pératures atmosphériques, telles qu'on les détermine au- jourd'hui avec le thermomètre, le tube vide pourrait lU NOTICE SUR LA POLARISATION servir de baronuMre. Une longueur de tube d'un mètre permettrait d'apprécier des variations de pression de un à deux dixièmes de millimètre. Un baromètre sans li- quide semblerait assurément une chose assez curieuse ; mais les voyageurs remarqueraient surtout son peu de fragilité. Ma méthode pour déterminer les réfractions pourra servir à saisir l'état des atmosphères à toutes les dis- tances des corps échauffés ou non échauffés ; à poursuivre les intéressantes expériences de M. Faraday sur les atmo- sphères limitées de mercure et sur leur diminution de densité à mesure qu'on s'éloigne de ce liquide ; peut-être même à rendre sensible avec des tubes suffisamment longs, l'influence des odeurs. L'instantanéité de l'observation permet encore de con- cevoir l'espérance qu'en orientant le tube vide d'une manière convenable par rapport à un fort centre d'ébran- lement, on rendra sensibles à l'œil plusieurs propriétés des ondes sonores. Quant aux liquides , il résulte d'expériences déjà faites que par l'observation des franges on peut saisir, môme près du maximum de densité, les changements de réfrac- tion de l'eau correspondant à 1/40* de degré centigrade. Qui ne voit là un moyen nouveau et d'une précision extrême d'étudier la propagation de la chaleur dans cette nature de corps, sans qu'il faille désormais briser leur continuité en introduisant dans la masse la boule et la tige d'un thermomètre? La même remarque s'applique à l'étude de la propagation de la chaleur à travers les corps solides diaphanes. DE LA LUMIERE. i2o 11 n'est pas, enfin, jusqu'aux augmentations du pouvoir réfractif de l'eau et du verre, résultant de la compressi- bilité de ces substances, qui ne puissent être aperçues à l'aide des nouveaux instruments. Avec un tube d'un mètre de long, la compressibilité de l'eau sera visible pour chaque deux -centième d'atmosphère. Sur un tube de verre de même longueur, 1/10* d'atmosphère deviendra sensible. Le baromètre, thermomètre ou réfracteur optique, a déjà toute la commodité désirable quand il doit être em- ployé dans une chambre obscure. Comme instrument usuel et de voyage, il recevra encore, sans doute, diverses améliorations. Au verre compensateur, mobile autour du centre d'un cercle gradué, dont je faisais usage dès mes premières expériences d'interférences, on substituera peut- être avec avantage une sorte de verre à faces parallèles et à épaisseur variable, imaginé par M. Babinet. Ce verre se composera de deux prismes de même angle placés en sens contraires; les rayons lumineux le traver- seront toujours perpendiculairement et son épaisseur to- tale ira graduellement en diminuant, à mesure que, par un mouvement rectiligne, les deux prismes ajustés d'a- bord de manière que l'angle de l'un répondît à la base de l'autre, se rapprocheront de la position où les angles eux-mêmes se correspondraient. Il reste aussi à trouver une méthode simple dont les artistes constructeurs puis- sent faire usage sans de trop longs tâtonnements pour amener à des conditions d'interférences utiles, des rayons lumineux qui , avant d'atteindre la loupe au foyer de la- quelle les franges se forment , étaient séparés les uns des 426 NOTICE SUR L.V POLARISATION autres de plusieurs centimètres. Quant au moyen d'opérer sur los liquides, les tubes destinés à les contenir, doivent d'après leur construction conserver les mêmes longueurs à toutes les températures. Ajoutons, enfin, que la pos- sibilité de substituer la lumière dilVusc atmosphérique h la lumière solaire ou à des lumières artificielles, pour la production des franges, était déjà constatée par les nombreux appareils de dilTraction qu'un habile construc- teur, M. Soleil , fournit depuis longtemps aux cabinets de physique. Je me suis abstenu de rattacher par aucun point la théorie des nouveaux instruments au système des ondes ; mais je dois dire que les expériences d'interférences faites avec mes appareils, sont en contradiction manifeste avec la théorie de l'émission et la renversent de fond en comble. § 14. — Sur l'action que les rayons de lumière polarisés exercent les uns sur les autres. En 1819, Fresnel et moi, nous avons publié dans les Annales de chimie et de physique un Mémoire sur cette question très-importante. Il résulte des expériences rap- portées dans ce Mémoire, qui a été déjà cité précédem- ment (p. 380), les conséquences suivantes : 1" Les rayons de lumière polarisés dans un seul sens agissent l'un sur l'autre comme les rayons naturels : en sorte que, dans ces deux espèces de lumières, les phé- nomènes d'interférence sont absolument les mêmes; 2° Dans les mêmes circonstances oii deux rayons de lumière ordinaire paraissent mutuellement se détruire. DE LA LUMIERE. 427 deux rayons polarises en sens contraires n'exercent l'un sur Tautre aucune action appréciable ; 3° Deux rayons primitivement polarisés en sens con- traires peuvent ensuite être ramenés à un même plan de polarisation, sans néanmoins acquérir par là la faculté de s'influencer ; [i° Deux rayons polarisés en sens contraires, et ramenés ensuite à des polarisations analogues, s'influencent comme les rayons naturels s'ils proviennent d'un faisceau primi- tivement polarisé dans un seul sens ; 5° Dans les phénomènes d'interférence produits par des rayons qui ont éprouvé la double réfraction, la place des franges n'est pas déterminée uniquement par la différence des chemins et par celle des vitesses, et dans quelques circonstances, il faut tenir compte, de plus, d'une différence égale à une demi-ondulation. On voit donc par cette suite de conséquences que, pour savoir si deux rayons lumineux polarisés dans le même sens sont susceptibles d'interférer, il ne suffit pas de considérer leur état actuel, mais il faut connaître par quelle série de transformations et dans quel ordre ils sont arrivés à cet état. Les propriétés de la lumière mentionnées ici sont indis- pensables pour expliquer les couleurs qui se développent dans les lames cristallines douées de la double réfrac- tion. Elles conduisent aussi directement à la solution de cette question : comment les ondulations de la lumière s'effectuent-elles? Est-ce dans le sens de la ligne suivant laquelle les rayons se propagent, ou perpendiculairement à cette ligne? Ce dernier mode de propagation semble 4Î8 NOTICE SUR LA POLARISATION. résulter de nos expériences ; cependant il me paraissait si difllcile à admettre que je pris le parti de laisser à mon collaborateur seul la hardiesse de cette déduction. En lisant le Mémoire, on remarquera que nous avons fait avec le plus grand soin, Fresnel et moi, la part de chacun de nous dans ce travail commun. APPENDICE QUELQUES RÉSULTATS RELATIFS A LA POLARISATION DE LA LUMIÈRE ' § 1. — Polarisation colorée produite par divers oxydes métalliques. Les rayons de différentes couleurs semblent se polariser sous le même angle lorsqu'ils sont réfléchis par des miroirs de verre et par la plupart des corps peu réfringents; muis sur les oxydes métalliques on aperçoit des traces non équivoques d'une polarisation colorée. C'est ainsi , par exemple, que sous l'angle de la polarisation sur du fer spé- culaire, c'est-à-dire sous une inclinaison de 20 degrés environ, la plus faible des images qu'on aperçoit avec un rhomboïde convenablement disposé est verte ( légèrement bleuâtre) et que, passé ce point, et sous des angles plus aigus, cette même image se colore presque subitement en rouge. Cette expérience pourrait laisser quelques doutes à cause de la teinte bleuâtre du fer lui-même; mais, pour montrer que la couleur de la faible image n'est pas liée à celle du corps sur lequel la lumière s'est ré- lléchie, je citerai le chromatede plomb qui, quoique rouge, 1. Ces Kotes ont été communiquées ù. l'Académie des sciences le 22 novembre 1813; chaque feuillet du manuscrit a été visé à cette date par Delambrc. 430 NOTICI- SUR LA POLARISATION. présente le même phénomène que le fer spéculaire; il est vrai que ces deux substances sont lamelleuses ; mais le foie d'antimoine fondu (le crocus des pharmaciens), l'oxyde de fer rouge également fondu (hématite ou per- oxyde de fer) donnent aussi sous rincidcncc de la pola- risation une image verte, quoique l'intérieur de ces corps ne présente pas de lames. § 2. — Polarisation par la porcelaine. Sous des angles aigus, U lumière qui rend un morceau de porcelaine visible présente d^s traces non équivoques d'une polarisation par réfraction. (Même résultat avec du marbre blanc, plusieurs émaux, etc., etc.) § 3. — Pularisation de ratiuosijhère. Lorsque le Soleil se couche, la lumière que nous réflé- chit l'atmosphère, dans le point de l'horizon diamétrale- ment opposé, contient un bon nombre de rayons polarisés par réfraction : à une certaine hauteur, dans le même azimut , les rayons jouissent des mêmes propriétés que la lumière ordinaire ; passé ce point et en se rapprochant du Soleil, la lumière est polarisée par réflexion. § 4. — Dépolarisation de la lumière. Lorsqu'on dépolarise la lumière en la faisant passer au travers d'un miroir convenablement placé, il semblei'ait, par la théorie, que le rayon transmis devrait contenir un nombre de rayons dépolarisés d'autant i)lus considérable APPENDICE. 431 que Tangle d'incidence serait plus rapproché de 35" 1/12; mais Tcxpérience paraît indiquer que la deuxième image à laquelle Tinterposition du miroir donne naissance est d'autant p!us vive que le miroir est traversé par le fais- ceau polarisé sous un angle plus aigu. 11 existe des lames de mica qui ne dépolarisent la lumière, ni sous l'incidence perpendiculaire, quelle que soit leur position dans leur propre plan, ni dans les inci- dences obliques pour lesquelles leur plan est perpendi- culaire à celui dans lequel les rayons se sont polarisés ; mais la lame placée dans ces situations où un miroir de verre ordinaire dépolariscrait les rayons blancs donnera naissance à deux images colorées. § 5. — Polarisation des images diffractées. Des lignes fines très- rapprochées et tracées, soit sur un miroir de verre, soit sur un miroir métallique, four- nissent le moyen peut-être le plus puissant de décomposer la lumière; c'est ainsi, par exemple, que la première des images prismatiques diffractées qu'on aperçoit à droite ou à gauche de l'image principale indécomposée d'une chan- delle est plus dispersée que si elle avait traversé un prisme ÛG flint-glass de 60°, lorsque les traits entre lesquels le faisceau a passé sont à un six-centième de ligne (l/oOO'^ de millimètre) l'un de l'autre. La dispersion des images dilïractées semble être abso- lument la même, soit que les lignes soient tracées sur le verre ou sur un miroir métallique. (Les traits dont je me suis servi dans ces expériences avaient été faits par Richcr 432 NOTICH SUR LA POLARISATION. sur un miroir de crown-gl.iss et sur un miroir métalli- que.) (Il est clair que dans ce résultat comparatif, il s'agit de traits également espacés.) Les images dillractées par réflexion sont polarisées sous rincidence convenable lors même que les divisions ont été tracées sur un cristal doué de la double réfraction, comme le carbonate de chaux ou le cristal de roche. § 6. — Sur les Couleurs des divers corps. J'ai parlé plus haut des couleurs qu'on aperçoit par la polarisation lorsque la lumière est réfléchie sur un oxyde métallique; sur un bouton bronzé (acier recuit) la suc- cession des teintes est plus étendue et les couleurs sont plus vives. 11 se pourrait, d'ailleurs, que ces phénomènes fussent essentiellement différents; que le dernier, par exemple, tînt seulement à la légère couche d'oxyde dont le boulon est recouvert. II REMARQUES SLR l'k\FLL"ENCE MUTUELLE DE DEUX FAISCEAUX LUMl-NEUX QUI SE CROISEM SOUS UN TRÈS-PETIT ANGLE 1 L'idée que deux faisceaux lumineux peuvent s'in- fluencer en se pénétrant s'est présentée de bonne heure à l'esprit des physiciens; car on en trouve déjà des traces dans l'ouvrage de Grimaldi. La Micrographie de Hooke, qui remonte à la même époque (1665), renferme une explication détaillée du phénomène des anneaux colorés, i. Nute iiiséréu eu 181G dans le tome T' des Annales de chimie et de p/t>j!>iqa(. APPENDICE. 433 entièrement basée sur cette supposition ; et ce qui semble digne de remarque, c'est qu'elle entraînait comme con- séquence nécessaire que les épaisseurs diverses d'un certain corps doivent réfléchir une môme teinte, lors- qu'elles se succèdent comme la série des nombres impairs 1, 3, 5, 7, etc.; vérité que Newton a démontrée par expérience longtemps après. Cette recherche a depuis excité peu d'intérêt, ce qui a tenu, d'une part, à ce que, dans le système généralement admis de l'émission, elle était pour ainsi dire sans objet, et de l'autre, à ce que les circonstances dans lesquelles l'influence réciproque de deux faisceaux qui se pénètrent produit des elTets sen- sibles et observables sont rares et difliciles à réunir. On doit au docteur Thomas Young d'avoir ramené l'attention des physiciens vers cette nouvelle branche de l'optique, comme aussi d'avoir démontré le premier, par l'expé- rience des bandes intérieures diffractées que j'ai rapportée précédemment *, que deux rayons homogènes de même origine et qui parviennent en un point par deux routes diflerentes et un peu inégales, peuvent s'entre-détruire , ou du moins s'affaiblir beaucoup. Une autre expérience du même savant (Voyez l'explication des planches de son Treatise ofnaturalphilosophy, tome i", page 787) prouve d'autant plus clairement cette influence réciproque de deux rayons qui se croisent, que, pour produire des franges absolument semblables à celles qui se forment dans l'intérieur de l'ombre d'un corps opaque, il suffit d'introduire la lumière solaire dans une chambre obscure, 1. Voir l'Appendice de la Notice sur la scintillation, p. 99 de ce volume. Vil.— IV. 28 434 NOTICE SUR LA POLARISATION. par deux trous peu éloignés, et sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir les forces auxquelles les physiciens ont coutume d'attribuer les effets de la diffraction. M. Fresnel est aussi parvenu de son côté à produire des bandes du même genre par le croisement de deux fais- ceaux provenant d'un même point radieux et réfléchis par deux miroirs légèrement inclinés l'un sur l'autre : ces bandes, comme il l'a remarqué, sont toujours perpendi- culaires à la ligne qui joint les deux images du point et n'ont aucune liaison avec la situation des bords des miroirs ; leur largeur est , dans tous les cas , en raison inverse de l'intervalle qui sépare les foyers virtuels d'où les deux faisceaux paraissent diverger. J'ajouterai que j'ai reconnu ici , comme dans le phénomène ordinaire de la diffraction, qu'il suffit, pour anéantir complètement la totalité des bandes, de faire passer un seul des deux faisceaux qui concourent à leur production , soit avant , soit après sa réflexion sur l'un des miroirs, au travers d'un verre d'une certaine épaisseur. Les expériences que nous avons faites en commun, M. Fresnel et moi , sur le déplacement que les bandes diffractées intérieures éprouvent par l'interposition de lames plus ou moins épaisses de différentes matières, nous ont montré que ce déplacement peut servir à mesurer de très-petites différences de réfraction; la méthode a déjà été éprouvée pour l'eau et l'esprit-de-vin , l'eau et l'éther, etc.; un appareil très- simple servira à mesurer les différences de réfraction d'un même liquide à deux températures données ; nous avons reconnu, par exemple, que la différence entre les réfractions de l'eau à 4° et de APPENDICE. 435 Teau à zéro pourrait être déterminée, à moins d'un cen- tième près, à l'aide de deux cases égales et longues de 2 décimètres; mais c'est surtout pour la réfraction des gaz que ce nouveau moyen d'observation sera pré- cieux ; car en donnant aux tuyaux qui les renfermeront une longueur suffisante, on poussera l'exactitude des mesures aussi loin qu'on voudra. III SUR LA POLARISATION DE LA LDMIÈRE ATMOSPHÉRIQUE ET DE LA LUMIÈRE DE LA LUNE Plusieurs faits relatifs à la polarisation, que j'ai com- muniqués à diverses époques à l'Académie des sciences, ayant été niés par MM. Chevalier et Airy, de la Société philosophique de Cambridge, j'ai cru de mon devoir de revenir, en 183/i, sur ces faits et de répéter devant l'Académie qu'ils sont parfaitement exacts : i" La lumière bleue du ciel, qui est due à la réflexion rayonnante moléculaire et non à la réflexion spéculaire ou par couches, est polarisée partiellement, et le maxi- mum de polarisation a lieu vers 90° du Soleil ; c'est un fait qui n'est pas contesté. 2° La lumière qui a traversé un nuage n'est pas pola- risée quand l'observateur se trouve dans le nuage; mais quand il est hors du nuage et qu'ainsi la lumière a traversé entre le nuage et lui une certaine couche d'air serein, elle est sensiblement polarisée; non-seulement on peut constater facilement le fait de la polarisation, mais on peut encore trouver la proportion de lumière 436 NOTICE ?UR LA POLARISATION. polarisée quelle contient. Une expérience directe prouve qu'une épaisseur d'air atmosphérique d'une cinquantaine de mètres suffît pour produire une polarisation sensible. 3° La lumière de la ]^unc contient une assez grande proportion de lumière polarisée; on s'en assure facih- ment en faisant l'observation dans le premier quartier on voit alors qu'une partie notable de la lumière que nous recevons par ce satellite nous vient par réflexion spéculaire. [l° Quand on observe la polarisation de la lumière atmosphérique dans le plan vertical qui contient le Soleil, on trouve que la polarisation croît jusque vers 90°; si l'on va plus loin, la polarisation diminue graduellement, disparaît ensuite tout à fait et enfin change de signe. Ce fait est parfaitement exact, de telle sorte qu'un observateur tournant le dos au Soleil et cherchant le point de nulle polarisation, pourrait assez bien indiquer l'azimut et la hauteur du Soleil. Si les physiciens anglais n'ont pu aper- cevoir le renversement du sens de polarisation, il ne faut pas en être surpris : ils l'ont cherché dans le voisinage du Soleil tandis qu'il faut le chercher à l'opposite. Tou- tefois, le lieu de nulle polarisation ne dépend pas seule- ment du lieu du Soleil, mais encore de l'état du ciel, et la présence de quelques nuages suffît pour le déplacer notablement. Le renversement de la polarisation paraît dépendre de réflexions multiples de la lumière par l'air, mais le calcul est nécessaire pour pousser l'explication plus loin. APPENDICE. 437 IV CONSTRUCTION d'UN COLORIGRADE — CYANOMÉTRIE* L'instrument auquel M. Biot a donné le nom de colo- rigrade a réalise et fixe, suivant lui, d'une manière inva- riablement constante et comparable , toutes les nuances de couleurs que les corps naturels peuvent présenter. « Pour concevoir le principe de cet instrument, ajoute- t-il, il faut se rappeler que, d'après les principes de New- ton, toutes les couleurs réfléchies par les corps naturels sont et doivent être nécessairement une de celles que présente la série des anneaux colorés formés par réflexion dans les lames minces des corps : cette identité n'est pas fondée, comme on l'a cru longtemps, sur une assimilation hypothétique, mais sur une analyse fidèle et rigoureuse des propriétés physiques de la lumière et des conditions qui déterminent sa transmission et sa réflexion. Aussi l'expérience confirme-t-elle avec la plus minutieuse pré- cision, toutes les conséquences qui découlent de cette analogie relativement aux modifications que les couleurs des corps doivent subir, soit par la plus ou moins grande obliquité des rayons incidents sur leur surface, soit par le changement lent et graduel des dimensions ou de la composition chimique des molécules qui les compo- sent, etc. » Si l'on fait passer un faisceau blanc polarisé au travers 1. Note insérée en 1817 dans le tome IV des Annales de chimie et de physique. 438 NOTICE SUR LA POLARISATION. d'une lame cristallisée, et qu'on l'analyse ensuite avec un prisme doué de la double réfraction , on remarquera que la teinte qui a perdu sa polarisation primitive en traversant la plaque est celle d'un des anneaux réfléchis, et que l'autre est celle de l'anneau transmis correspon- dant. Certaines plaques peuvent, d'ailleurs, par une inclinaison graduellement variable, produire toute la série des anneaux : ceci posé, on peut comprendre tout le mécanisme du colorigrade. Cet instrument « est composé d'abord d'un verre noir placé au-devant du tuyau d'une lunette, et qui, par le moyen d'une vis, s'incline de manière que les rayons réfléchis par sa surface soient polarisés dans le tuyau. On s'aperçoit que cette condition est remplie lorsqu'en analysant le faisceau réfléchi à l'aide d'un prisme de spath d'Islande achromatisé qui tient lieu d'oculaire, on trouve quatre positions du prisme où le rayon ne se divise plus, mais se réfracte tout entier en un seul sens. Cela fait, pour produire les couleurs, il y a entre le verre noir et le prisme une plaque cristallisée taillée perpendiculairement à l'axe, et qu'un mouvement rotatoire permet d'incliner sous divers angles, mais toujours dans un plan d'incidence qui forme un angle de k^" avec le plan de réflexion sur le verre noir. Alors les couleurs des anneaux paraissent et varient à mesure que la plaque s'incline. » Pour avoir des variations lentes des teintes, il faut employer des plaques peu épaisses et prises dans des cris- taux dont les forces polarisantes soient faibles. Le cristal de roche est très-convenable pour cet objet; mais il est indispensable que ces plaques soient partout d'une égale APPENDICE. 439 épaisseur; car, sans cela, au lieu d'un disque de couleur homogène, on apercevrait dans le champ de la vision une variation de nuances voisines qui nuiraient à la netteté des déterminations. Comme la condition du paral- lélisme est difficile à remplir, M. Biot a imaginé de sub- stituer aux plaques de cristal de roche deux lames de mica superposées qui produisent les mêmes effets; on choisit pour cela une feuille de mica bien diaphane et uniformément épaisse; ce qui se découvre par l'unifor- mité des teintes dans lesquelles elle sépare les rayons polarisés qui la traversent dans ses divers points : on en découpe une portion sous la forme d'un rectangle « dont le long côté soit double du petit ; puis on divise le rec- tangle en deux carrés égaux que l'on superpose l'un sur l'autre, en ayant soin que les limites de leur commune section soient tournées à angle droit. » Un peu d'huile de térébenthine épaissie les fixe d'une manière invariable et prévient la perte de lumière qui s'opérerait entre elles par la réflexion. « Sous l'incidence perpendiculaire, et même jusqu'à une obliquité de quelques degrés, ce système n'enlève aucune des molécules à leur polarisation pre- mière. En s'inclinant davantage, il commence enfin à donner un faisceau extraordinaire d'un bleu léger et blan- châtre, tel qu'est celui du premier ordre des anneaux ; ce bleu, blanchissant de plus en plus, de manière que le système tourne, passe au blanc du premier ordre, de là, au jaune pâle, à l'orangé, au rouge sombre, et ainsi de suite, en parcourant toute la série des teintes désignées dans la table de Newton. » M. Biot pense qu'avec cet appareil on pourra définir liO NOTICE SUR LA POLARISATION. rigoureusement les couleurs des corps « en énonçant la teinte de Newton à laquelle elles se rapportent, et carac- térisant la nuance de cette teinte par celle de l'anneau transmis qui sera simultanément donné. Enfin, si Ton aspirait à une précision encore plus rigoureuse, il n'y aurait qu'à énoncer l'incidence précise où paraît la teinte dont il s'agit, en ayant soin d'indiquer aussi celles oia se montrent le plus nettement quelques teintes distinctes de la table de Newton ; car, au moyen de ces données , on pourrait calculer exactement l'incidence qui reproduirait la même teinte précise dans tout autre appareil ; ce qui rend ce mode d'observation comparable en toute rigueur. Enfin, ajoute M. Biot , à l'aide d'une modification extrêmement simple, le colorigrade peut se transformer en un cyano- mètre très-sensible et pareillement comparable dans ses indications. Pour cela , on tourne le bouton qui porte le système des lames de mica jusqu'à ce qu'elles cessent de s'interposer dans le rayon polarisé ; ensuite on interpose à leur place une plaque de cristal de roche taillée perpen- diculairement à l'axe et épaisse d'environ 3 millimètres. » A ce degré d'épaisseur, l'effet des forces polarisantes donne naissance à un rayon extraordinaire blanc, lorsque le faisceau réfléchi par le miroir a traversé « le prisme cristallisé au moyen duquel on l'analyse. En tournant ce prisme de droite à gauche ou de gauche à droite, selon la nature de la force, dans la plaque dont on fait usage, l'image blanche perd graduellement ses rayons les moins réfrangibles, et passe ainsi du blanc bleuâtre à diverses nuances de bleu , d'indigo et presque de violet. Une divi- sion circulaire adaptée autour du tuyau du colorigrade APPENDICE. 4i1 sert à mesurer le nombre de degrés qu'il faut parcourir pour arriver à ce dernier terme, et tous les degrés inter- médiaires servent à fixer autant de nuances de bleu plus ou moins sombre, lesquelles se reproduiraient précisé- ment dans un autre appareil au même degré de rotation si l'arc total parcouru jusqu'au violet était le même, ou à des nombres de degrés proportionnels si l'arc total était différent. Pour donner une idée de la sensibilité dont ce mode d'indication est susceptible, il me suffira de dire qu'avec la plaque adaptée en ce moment au colorigrade qui est sous les yeux de l'Académie, l'amplitude totale d'arc occupée par les diverses nuances de l'eau s'étend depuis 0" jusqu'à 75°. » Qu'il me soit permis de joindre à l'extrait qu'on vient de lire du Mémoire de M. Biot quelques remarques qui me feraient douter, si elles restaient sans réponse, de la grande généralité que cet habile physicien paraît accorder à son nouvel instrument. J'admettrai d'abord, comme un fait d'expérience, que l'action convenablement dirigée des lames cristallisées peut servir à produire toute la série des nuances qui se manifestent, tant par réflexion que par réfraction, sur des lames d'air ou de tout autre corps extrêmement minces ; je supposerai encore que Uassimi- lation, à mon avis un peu hypothétique, que Newton a établie entre les couleurs des lames et celles des corps naturels, soit fondée en général; et néanmoins j'aurai quelque difficulté à voir dans le colorigrade un moyen de réaliser toutes les nuances de couleurs que ces corps peu- vent présenter. En effet, aucun rayon ne se perd quand un faisceau 4i2 NOTICE SUR LA POLARISATION, de lumière blanche tombe sur une lame mince et y forme des anneaux : la couleur transmise, ajoutée à la couleur réfléchie, produit toujours du blanc. Dans les corps im- parfaitement diaphanes, ces deux espèces de teintes sont rarement complémentaires sous le rapport de la nuance, peut-être ne le sont-elles jamais sous celui de l'intensité. De là résulte, et tous les physiciens l'ont bien senti, la nécessité d'admettre qu'une portion plus ou moins consi- dérable de la lumière incidente est amortie, éteinte, absorbée dans son passage au travers des corps. Quoique les lois de cette absorption nous soient inconnues, on n'ignore pas qu'elles diffèrent essentiellement de celles qui règlent la décomposition des faisceaux blancs à la seconde surface des pellicules minces. Sans l'absorption, les teintes transmises par tous les milieux colorés rentre- raient dans la classe de celles que le colorigrade peut réaliser. Après l'absorption, à laquelle les nuances de l'instrument ne participent pas, il n'y a plus parité entre les deux phénomènes. Je ne crois pas, par exemple, que dans toute la série de bleus que fera naître le mouvement des lames de mica, il y en ait un qui puisse être assimilé à ce bleu transmis par certains verres colorés , et qui , décomposé par le prisme, donne, suivant la remarque curieuse du D' Thomas Young, un spectre formé de sept portions distinctes, et séparées par des intervalles obscurs, savoir : deux rouges, une jaune verdàtre, une quatrième verte, une cinquième bleue, une sixième bleu violacé, et une septième et dernière violette *. Ces teintes , lorsque 1. Les physiciens se sont accordés à ranger l'observation de la dispersion que la lumière éprouve en traversant des milieux d'une APPENDICE. 4i3 le verre augmente d'épaisseur, ne s'affaiblissent pas pro- portionnellement ; le second rouge, par exemple , a déjà complètement disparu, que le premier est encore très- brillant ; la couleur transmise à travers une certaine épaisseur du verre pourrait donc trouver son analogue dans celles des anneaux sans que celle qui correspondrait à une autre épaisseur fût dans ce cas. Ces remarques, que je soumets à la sagacité de M. Biot, ne prouvent- elles pas déjà que le nouveau colorigrade n'est point susceptible de représenter les couleurs transmises? Mais, si je ne me trompe, les mêmes difficultés s'ap- pliquent aux teintes réfléchies. Les rayons qui forment la couleur propre des corps émanent de leur intérieur : ce qui paraît surtout le prouver, c'çst qu'ils sont polarisés sous toutes les inclinaisons, comme de la lumière trans- mise , ainsi que je l'ai reconnu même pour la couleur des métaux. Si le corps est opaque, il ne se laissera péné- trer qu'à une petite profondeur ; mais ce court trajet pourra être accompagné d'une absorption très-sensible. Une extinction du même genre aura lieu relativement réfringence considérable au nombre des plus difficiles de l'optique. Les deux extrémités d'un spectre prismatique, et surtout l'extré- mité violette, sont mal terminées; les nuances intermédiaires se fondent, pour ainsi dire, l'une dans l'autre; en sorte qu'il est im- possible, par exemple, de marquer avec quelque exactitude la ligne de séparation du jaune et du vert. Le verre bleu dont il est ques- tion dans le texte peut être alors d'un très-grand secours, comme je m'en suis assuré. En le plaçant devant l'oculaire de la lunette, le prisme étant sur l'objectif, on aperçoit un spectre interrompu; on dirige le fil du micromètre au milieu des intervalles noirs, ce qui détermine la réfraction des rayons que le verre absorbe : les me- sures deviennent ainsi exactes et comparables, quelle que soit la nature du prisme, si l'on se sert toujours du même verre. iii NOTICE SUR LA POLARISATION. aux rayons qui, ayant traversé une plus grande épais- seur d'un corps à demi diaphane, reviennent à l'œil après s'être réfléchis dans son intérieur. Avant l'absorption, les teintes vues par réflexion aumient trouvé leurs analogues dans celles des anneaux ou du colorigrade. En scra-t-il de même lorsqu'elles auront été modifiées par la soustrac- tion de quelques-uns des rayons qui les composaient? Autant il me paraît certain que le nouvel instrument de M. Biot donne les moyens d'obtenir à volonté , dans tous les temps et dans tous les climats, les mômes espèces de teintes, ce qui est une propriété très-curieuse , autant il me paraît douteux qu'on puisse réaliser par là toutes celles que les corps naturels peuvent présenter. Le nouveau cyanomètre de M. Biot semble devoir aussi donner lieu à quelques difficultés. Les diverses parties dont cet instrument est composé fournissent les moyens de passer graduellement du blanc bleuâtre à diverses nuances de bleu, d'indigo et presque de violet. Mais est-- ce bien ainsi que varie la teinte de l'atmosphère? Les nuances qu'elle présente à différentes élévations, depuis l'horizon jusqu'au zénith, dans les plaines ou sur les mon- tagnes , près du pôle ou à l'équateur, en hiver ou en été, etc., ne sont -elles pas des mélanges d'une teinte unique avec des quantités plus ou moins considérables de lumière blanche? C'est du moins d'après cette idée que Saussure avait construit son cyanomètre, et qu'il avait gradué le ton de diverses bandes bleues dont cet instru- ment se compose, et qui passent, comme on sait, par des dégradations plus ou moins rapides du noir au blanc. Le bleu propre à l'atmosphère se trouve, à ce qu'il APPENDICK. 445 m'a paru, dans la série des teintes qu'on obtient lorsqu'on décompose un faisceau blanc polarisé auquel on a fait préalablement traverser une lame de cristal de roche perpendiculaire à l'axe et épaisse de 5 millimètres, avec un cristal doué de la double réfraction. Ce bleu, sans changer de nuance, se blanchit, pour ainsi dire, graduel- lement à mesure que le faisceau analysé contient des quantités plus considérables de lumière non polarisée. Si les rayons qui viennent traverser la plaque de cristal ont été d'abord réfléchis par un verre sous l'inclinaison de 35° ou environ, on observera un bleu très-intense que n'égale ou que ne surpasse peut-être jamais le bleu de l'atmosphère. Si la réflexion s'est opérée perpendiculai- rement, le champ de la vision sera tout à fait blanc. Entre ces deux limites se manifesteront des bleus plus ou moins affadis, et dans lesquels l'observateur pourra déterminer celui qui correspond à un état de l'air donné. Pour être sur de retrouver, dans tous les temps, la même teinte, il suffira de remarquer quelle a été l'inclinaison du miroir réfléchissant : on aura ainsi une échelle de 55° pour toutes les nuances que l'atmosphère peut présenter. Tels sont les principes sur lesquels j'avais construit, il y a deux ans, le cyanomètre dont M. Biot a bien voulu insérer l'annonce dans le Bulletin de la Société philoma- tliirjiie pour janvier 1817. Un tube de cuivre d'un centi- mètre de rayon et d'un décimètre de longueur, terminé, d'un côté, par une plaque de cristal de roche perpendi- culaire à l'axe et épaisse de 5 millimètres, de l'autre, par un prisme achromatisé et doué de la double réfrac- tion ; une pièce semblable aux réflecteurs qu'on place 446 NOTICE SUR LA POLARISATION. devant les objectifs des lunettes pour éclairer la nuit le fil du micromètre, et destinée à supporter une lame de verre noircie sur sa seconde face, composent tout l'instru- ment. J'ai dit plus haut comment on fait les observations; mais, pour obtenir ainsi des indications comparables , ne faudrait-il pas que le faisceau que le verre réfléchissant renvoie dans le tube fût toujours blanc? Est-il permis de supposer, d'une pari, que la lumière atmosphérique est sans couleur, lorsque, d'une autre, c'est l'intensité de sa nuance qu'on veut déterminer ? D'où vient qu'il faut avoir recours à un appareil de polarisation pour colorer en bleu le faisceau réfléchi, puisqu'il est parti d'un point du ciel qui a déjà cette même teinte? On peut, il est vrai , n'éclairer la lame de verre réfléchissante, et par consé- quent le champ de la vision , qu'avec la lumière qu'émet une feuille de beau papier; mais cet artifice a le double inconvénient de compliquer un peu l'instrument et d'affai- blir la vivacité des teintes d(''polarisées. Je me félicite, au reste, d'avoir à faire remarquer que ces diflicultés, si toutefois elles méritent ce nom, s'appliquent aussi à l'ap- pareil de M, Biot, puisque c'est une raison d'espérer qu'elles seront bientôt éclaircies, et qu'alors tout nous autorisera à compter sur les résultats que peut fournir le nouveau cyanomètre. SUR L'IMPULSION DES RAYONS SOLAIRES Dans une des explications que Kepler a données de la queue des comètes, il suppose que cette apparence est due à une matière que les rayons du Soleil détachent, par leur impulsion, du corps de Tastre ; mais il ne paraît pas que ce grand astronome ait jamais cherché à rendre cette impulsion sensible par des expériences directes. A défaut de telles expériences , Hartsœcker rapporte, dans ses Principes de physique, quelques phénomènes naturels qui lui semblent des preuves manifestes de la réalité de cette impulsion ; ainsi , suivant lui , le Danube est moins rapide le matin lorsque le courant est opposé au Soleil , que le soir quand il se meut dans la direction des rayons de cet astre. La même cause, dit-il, servirait à expliquer un courant qu'on observe le long des côtes, dans le golfe de Lyon ; le refoulement de la fumée des cheminées dans l'intérieur des appartements, etc., etc. D'après ce petit échantillon , nos lecteurs nous dispenseront sûrement de rapporter les autres preuves par lesquelles Hartsœcker cherche à étayer son système. Homberg, à qui l'Académie des sciences eut le tort de confier plusieurs fois la vérification d'expériences déli- cates, regarda à son tour quelques mouvements qu'il avait 448 SUR L'IMPULSION DFS RAYONS SOLAIRES. remarqués dans des filets d'amiante placés au foyer d'une lentille, comme des effets de l'impulsion des rayons lumi- neux. Il ajoute « qu'ayant poussé, par secousses réitérées, contre le bout libre d'un ressort, le foyer d'une lentille de douze à treize pouces (0"'.35) de diamètre, il vit que le ressort faisait des oscillations très-sensibles, comme si on l'avait poussé avec un bâton. » Ces expériences furent bientôt discutées, dans le sein même de l'Académie, par Mairan et Dufay. « Nous con- struisîmes, dit Mairan, M. Dufay et moi, une espèce de moulinet de cuivre bien mobile ; nous y fîmes tomber le foyer d'une loupe de sept à huit pouces (0"'.1G à 0"M8) de diamètre, et il n'en résulta que des trémoussements équivoques. Je me suis procuré depuis une machine plus légère et plus artistement suspendue : c'est une roue horizontale de fer, d'environ trois pouces (0"'.08) de diamètre, ayant six rayons, à l'extrémité de chacun des- quels est une petite aile oblique, et dont l'axe, qui est aussi de fer, ne tient, par sa partie supérieure, qu'au bout d'une baguette de fer aimantée. La roue et son axe ne pèsent en tout que 30 grains (1 gramme et demi). Rien n'est plus mobile que cette roue; mais, en môme temps, rien n'est moins certain que l'induction qu'on voudrait en tirer en faveur de l'impulsion des rayons. La machine tourne tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, suivant qu'on approche plus ou moins une de ses ailes du foyer en deçà ou au delà, etc. » [Traité de l'aurore boréale, p. 371.) Ces expériences, toutes concluantes qu'elles doivent paraître, n'empêchèrent pas des savants, d'ailleurs très- habiles, de présenter, par la suite, les mouvements qu'on SUR L'IMPULSION DI-S RAYONS SOLAIRES. 419 observe dans un globule d'or ou de tout autre métal fondu au foyer d'une large loupe, comme des elîets de l'im- pulsion des rayons solaires. (Voyez Macquer, Diction- naire de chimie.) Tel est l'état où M. Flaugergues a cru trouver cette question en 1816; il a imaginé pour la résoudre une expérience qui ne nous paraît pas avoir été faite dans des circonstances favorables. Voici, en effet, par quels moyens il pense avoir levé tous les doutes. Il a fixé verticalement un tuyau de fer-blanc de 3'". 25 de longueur, et bouché aux deux bouts, sur le mur méri- dional de son observatoire. Un fil d'argent attaché à la partie supérieure pendait librement le long du tuyau, et supportait une boule noircie de cuivre jaune, d'environ 6 millimètres de diamètre. Un second tuyau implanté latéralement dans le premier était fermé, à son extrémité, par une lentille double convexe de 0"'.10 de diamètre. Le foyer de cette lentille coïncidait exactement avec la boule de métal que supportait le fil. En laissant entrer subitement les rayons solaires, à midi, par le tuyau laté- ral , ils devaient pousser la boule et le fil vers le nord si , comme on Ta supposé, ces rayons exercent une force impulsive sensible : il était facile de reconnaître si le fil s'écartait de la situation verticale , puisque avant de laisser pénétrer la lumière dans le tuyau on avait le soin, dans chaque expérience, de s'assurer que son image pas- sait par la croisée des fils du micromètre adapté à un Excellent microscope. Or jamais, dit M. Flaugergues, l'action brusque des rayons réfractés par la lentille n'a déplacé la boule; jamais le fil d'argent n'a été dérangé VIL — IV. 20 4oO SL'U L'IMPULSION I)lî6 RAYONS SOLAlllES. de la situation verticale. Quelquefois seulement a on re- marquait un léger trémoussement; mais cela ne din-ail que quelques instants, et ce fil reprenait bien vite son inniiobililé primitive. » Ceux qui connaissent Tluibileté de M. Flaugergues s'é- tonneront sans doute avec nous qu'il ait espéré apprécier l'impulsion des rayons solaires, en l'opposant à une force aussi considérable que celle qui est nécessaire pour en- traîner hors de la verticale un fil chargé d'une boule de cuivre de 6 millimètres de diamètre : un levier horizon- tal , comme celui de Mairan et de Dufay, aurait été incomparablement plus sensible, surtout si on l'avait suspendu à un fil sans torsion. Ce moyen, dont on connaît toute l'exactitude par les expériences de Coulomb, a été appliqué depuis un grand nombre d'années h la recherche qui nous occupe. On trouve, par exemple, dans YHistoire de rOpti(jue de Priestley (page 387) la description de l'appareil dont s'est servi Michell à qui Cavendish a emprunté la méthode qu'il a suivie dans la détermination de la moyenne densité de la Terre. Une lame de cuivre de 7 centimètres carrés, extrêmement mince, fut fixée au bout d'un fil de clavecin délié et d'environ 0"'.27 de longueur. Une chape d'agate, semblable à celle des aiguilles de boussole, reposait sur une pointe très-aiguë et supportait le fil. Le poids total de l'appareil ne sur- |)assait pas six dixièmes de gramme ; une boîte vitrée mettait toutes les parties à l'abri des agitations de l'air extérieur. En projetant la lumière solaire sur la petite plaque de cuivre, à l'aide d'un miroir concave réfléchis- sant, de 60 centimètres de diamètre, Michell vit , à plu- SUR L'IMPULSION DES KAYONS SOLAIRES. 451 sieurs reprises, le levier se mouvoir avec une vitesse d'en- viron 0"*.0"27 par seconde : ce léger mouvement lui parut devoir être attribué à l'impulsion des rayons solaires *. Mais n'est -il pas plus naturel de le considérer comme l'ellet des courants d'air qui devaient nécessairement s'é- tablir dans l'intérieur de la boîte? Michell nous apprend, en effet , que la température considérable qu'éprouva la petite plaque de cuivre durant ses expériences, altéra bientôt sa forme et sa position, au point de la faire dévier sensiblement de la situation verticale qu'on lui avait don- née à l'origine, et qu'alors, en agissant sous l'influence du courant ascendant comme une aile de moulin à vent, au lieu de reculer toujours devant le rayon lumineux , elle 1. En admettant que le mouvement de O^.OS? en une seconde, observé dans l'extrémité du levier, est reflet de Timpulsion des raj'ons solaires, Michell calcule la masse du faisceau total de lumière qui frappait en une seconde la petite plaque de cuivre; mais son calcul est inexact. Voici comment , en employant ses pro- pres données, on pourrait le rectifier. Nous supposons que la lu- mière est perpendiculaire au levier pendant toute la durée de la première seconde, et que son impulsion ne s'étend que sur une petite portion de la plaque qui le termine ; que le levier est de plus soutenu par son centre de gravité. Cela posé, si l'on désigne par r la longueur de l'arc décrit par l'extrémité du levier en 1 seconde de temps, par h l'espace que parcourt la lumière dans le même intervalle, par p la masse de la lumière qui tombe sur le levier en une seconde , et par m la masse du levier, on a : 2 r . Michell trouve, pour le rapport de r à h, celui de 1 à 12,000,000,000: m était 600 milligrammes; la masse/) serait donc les g de j^» t)Qo'"ôoi'rooo ou la trente-millionième partie d'un milligramme. L'étendue superficielle du miroir de Michell était d'environ 32 décimètres carrés; et comme un métal ne réfléchit guère que la moitié de la lumière incidente, c'est comme si la surface du miroir 4,^2 SUR L'IMPULSION DI-S HAYONS SOLAIRES. avait quelquefois un mouvement contraire et marchait, pour ainsi dire, à leur rencontre. Au reste, lors môme qu'on voudrait admettre que la plaque de cuivre était à l'origine parfaitement verticale, et qu'il ne se produisait pas de courants d'air dans la boîte, on expliquerait en- core d'une manière fort naturelle le mouvement dont parle Michell, en remarquant, comme l'a déjà fait le docteur Thomas Young, que l'air étant plus échauffé sur la face où tombait la lumière que sur la face opposée, cet excès de température devait produire, du même côté, un excès de pression, et, par suite, un mouvement rétrograde dans le levier. Les expériences de Bennet, dont il nous reste encore à parler, lèveraient d'ailleurs tous les doutes qu'on pourrait conservera cet égard, puis- était seulement de 16 décimètres carrés; on aurait donc ^^ ^^^ ^^^^ de railligramine pour la masse de la lumière qui tombe, en une seconde de temps, sur une surface de 16 décimètres carrés, et ^- pour celle qui correspond à un décimètre carré. Si l'on 4'• Après avoir combattu par d'excellents arguments les opi- nions de ceux qui se sont imaginé que la photographie nuirait à nos artistes et surtout à nos habiles graveurs, M. Dclaroche termine sa note par cette réflexion : « En résumé, l'admirable découverte de M. Daguerre est un immense service rendu aux arts. » Nous ne commettrons pas la faute de rien ajouter à un pareil témoignage. CHAPITRE XI SUR LA GRANDE VULGARISATION DE l'aRT PHOTOGRAPHIQUE L'expérience n'a pas tardé à démontrer que les mé- thodes photographiques étaient d'une exécution assez facile , assez économique , pour devenir rapidement usuelles. Mais à l'époque où je cherchais à faire acquérir par l'État la découverte de MM. Niepce et Daguerre pour en faire jouir le domaine public, la question n'était pas oiseuse. Voici dans quels termes j'exposai alors ma pensée : « Sans divulguer ce qui est , ce qui doit rester secret jusqu'à l'adoption, jusqu'à la promulgation de la loi, nous pouvons dire que les tableaux sur lesquels la lumière engendre les admirables dessins de M. Daguerre, sont des tables de plaqué, c'est-à-dire des planches de cuivre LE DAGUERRÉOTYPE. -195 recouvertes d'une mince feuille d'argent. 11 eût été sans doute préférable pour la commodité des voyageurs, et aussi sous le point de vue économique, qu'on pût se servir de papier. Le papier imprégné de chlorure ou de nitrate d'argent, fut, en effet, la première substance dont M. Daguerre fit choix ; mais le manque de sensibilité, la confusion des images, le peu de certitude des résultats, les accidents qui résultaient souvent de l'opération des- tinée à transformer les clairs en noirs et les noirs en clairs, ne pouvaient manquer de décourager un si habile artiste. S'il eût persisté dans cette première voie, ses dessins pho- tographiques figureraient peut-être dans les collections, à titre de produits d'une expérience de physique curieuse; mais, assurément, la Chambre n'aurait pas à s'en oc- cuper. Au reste, si trois ou quatre francs, prix de chacune des plaques dont M. Daguerre fait usage, paraissent un prix élevé, il est juste de dire que la même plaque peut recevoir successivement cent dessins différents. a Le succès inouï de la méthode actuelle de M. Da- guerre tient en partie à ce qu'il opère sur une couche de matière d'une minceur extrême, sur une véritable pelli- cule. Nous n'avons donc pas à nous occuper du prix des ingrédients qui la composent. Ce prix, par sa modicité, ne serait vraiment pas assignable. « Le daguerréotype ne comporte pas une seule mani- pulation qui ne soit à la portée de tout le monde. 11 ne suppose aucune connaissance du dessin, il n'exige aucune dextérité manuelle. En se conformant, de point en point, à certaines prescriptions très-simples et très-peu nom- breuses, il n'est personne qui ne doive réussir aussi 496 LE DAGUliRREOTYPE. certainement et aussi bien que M. Daguerre lui-même. « La promptitude de la méthode est peut-être ce qui a le plus étonné le public. En elTet, dix à douze minutes sont à peine nécessaires dans les temps sombres de l'hiver, pour prendre la vue d'un monument, d'un quartier de ville, d'un site. « En été, par un beau soleil, ce temps peut être réduit de moitié. Dans les climats du midi, deux à trois minutes suffiront certainement. Mais, il importe de le remarque)-, ces dix à douze minutes d'hiver, ces cinq à six minutes d'été, ces deux à trois minutes des régions méridionales, expriment seulement le temps pendant lequel la lame de plaqué a besoin de recevoir l'image lenticulaire. A cela , il faut ajouter le temps du déballage et de l'arrangement de la chambre noire, le temps de la préparation de la plaque, le temps que dure la petite opération destinée à rendre le tableau, une fois créé, insensible à l'action lumineuse. Toutes ces opérations réunies pourront s'élever à trente minutes ou h trois quarts d'heure. Ils se faisaient donc illusion, ceux qui naguère, au moment d'entre- prendre un voyage, déclaraient vouloir profiter de tous les moments où la diligence gravirait lentement des mon- tées, pour prendre des vues du pays. On ne s'est pas moins trompé lorsque, frappé des curieux résultats ob- tenus par des reports de pages, de gravures des plus anciens ouvrages, on a rêvé la reproduction, la multipli- cation des dessins photographiques par des reports litho- graphiques. Ce n'est pas seulement dans le monde moral qu'on a les défauts de ses qualités : la maxime trouve souvent son application dans les arts. C'est au poli parfait, LE DAGUERRÉOTYPE. 497 à l'incalculable minceur de la couche sur laquelle M. Da- guerre opère, que sont dus le fini, le velouté, l'harmonie des dessins photographiques. En frottant, en tamponnant de pareils dessins, en les soumettant à l'action de la presse ou du rouleau , on les détruirait sans retour. Mais aussi, personne imagina-t-il jamais de tirailler fortement un ruban de dentelles, ou de brosser les ailes d'un pa- pillon ?» La nécessité de préserver de tout contact les dessins obtenus à l'aide du daguerréotype m'avait paru devoir être un obstacle sérieux à la propagation de la méthode. Aussi, pendant la discussion des Chambres, demandais-je à cor et à cri d'essayer quels seraient sur ces dessins les effets d'un vernis. M. Daguerre étant peu enclin à rien adopter qui nuise, même légèrement, aux propriétés artistiques de ses productions, j'ai adressé ma prière à M. Dumas. Ce célèbre chimiste a trouvé que les dessins provenant du daguerréotype peuvent être vernis. Il suffît de verser sur la plaque métallique une dissolution bouil- lante d'une partie de dextrine dans cinq parties d'eau. Si l'on trouve que ce vernis n'agit pas à la longue sur les composés mercuriels dont l'image est formée, un impor- tant problème sera résolu. En effet, le vernis disparais- sant quand on plonge la plaque au milieu d'une masse d'eau bouillante, on sera toujours le maître de replacer toutes choses comme M. Daguerre le veut, et, d'autre part, pendant un voyage on n'aura pas couru le risque de gâter ses collections. M. Dumas n'a pas trouvé, au reste, que son vernis nuisît sensiblement à l'harmonie des images. vn.— IV. 32 498 LR DAGUERRÉOTYPE. . CHAPITRE XII CTILITÉ SCIENTIKIQUE DE L*INV£NTION DE M. DAGUERRE L'académicien qui connaissait déjà depuis quelques mois les préparations sur lesquelles naissent les beaux dessins obtenus par la fixation des images de la chambre obscure , n'a pas cru devoir tirer parti alors du secret qu'il tenait de rhonoroble confiance de M. Daguerre. Il a pensé qu'avant d'entrer dans la large carrière de re- cherches que les procédés photographiques viennent d'ou- vrir aux physiciens, il était de sa délicatesse d'attendre qu'une rémunération nationale eût mis les mêmes moyens d'investigation aux mains de tous les observateurs. En parlant de l'utilité scientifique de l'invention de notre compatriote, il ne" pouvait guère en 1839 procéder que par voie de conjectures. Les faits, au reste, sont clairs, palpables, et il avait peu à craindre que l'avenir le démentît. On va en juger, car nous reproduisons textuel- lement ici les remarques que nous avons présentées dans notre Rapport à la Chambre des députés. « La préparation sur laquelle M. Daguerre opère est un réactif beaucoup plus sensible à l'action de la lumière que tous ceux dont on s'était servi jusqu'ici. Jamais les rayons de la Lune, nous ne disons pas à l'état naturel, mais condensés au foyer de la plus grande lentille, au foyer du plus large miroir réfléchissant, n'avaient produit d'effet physique perceptible. Les lames de plaqué pré- parées par M. Daguerre, blanchissent au contraire à tel LE DAGUERRÉOTYPE. 499 point SOUS l'action de ces mêmes rayons et des opérations qui lui succèdent, qu'il est permis d'espérer qu'on pourra faire des cartes photographiques de notre satellite. C'est dire qu'en quelques minutes on exécutera un des travaux les plus longs, les plus minutieux, les plus délicats de l'astronomie. « Une branche importante des sciences d'observation et de calcul, celle qui traite de l'intensité de la lumière, la photométrie, a fait jusqu'ici peu de progrès. Le physi- cien arrive assez bien à déterminer les intensités compa- ratives de deux lumières voisines l'une de l'autre et qu'il aperçoit simultanément; mais on n'a que des moyens imparfaits d'effectuer cette comparaison, quand la con- dition de simultanéité n'existe pas; quand il faut opérer sur une lumière visible à présent et une lumière qui ne sera visible qu'après et lorsque la première aura dis- paru. « Les lumières artificielles de comparaison auxquelles, dans les cas dont nous venons de parler, l'observateur est réduit à avoir recours, sont rarement douées de la permanence, de la fixité désirables; rarement, et surtout quand il s'agit des astres, nos lumières artificielles ont la blancheur nécessaire. C'est pour cela qu'il y a de fort grandes différences entre les déterminations des intensités comparatives du Soleil et de la Lune, du Soleil et des étoiles, données par des savants également habiles ; c'est pour cela que les conséquences sublimes qui résultent de ces dernières comparaisons, relativement à l'humble place que notre Soleil doit occuper parmi les milliards de soleils dont le firmament est parsemé, sont encore 800 LE DAGUERRÉOTYPE. entourées d'une certaine réserve, môme dans les ouvrages des auteurs les moins timides. « N'hésitons pas à le dire, les réactifs découverts par M. Dagucrre hâteront les progrès d'une des sciences qui honorent le plus l'esprit humain. Avec leur secours, le physicien pourra procéder désormais par voie d'inten- sités absolues : il comparera les lumières par leurs effets. S'il y trouve de l'utilité, le môme tableau lui donnera des empreintes des rayons éblouissants du Soleil, des rayons trois cent mille fois plus faibles de la Lune, des rayons des étoiles. Ces empreintes, il les égalisera, soit en affai- blissant les plus fortes lumières , à l'aide de moyens excellents, résultat des découvertes récentes, mais dont l'indication serait ici déplacée, soit en ne laissant agir les rayons les plus brillants que pendant une seconde, par exemple, et continuant au besoin l'action des autres jusqu'à une demi-heure. Au reste, quand des observateurs appliquent un nouvel instrument à l'étude de la nature, ce qu'ils en ont espéré est toujours peu de chose relati- vement à la succession de découvertes dont l'instrument devient l'origine. En ce genre, c'est sur l'imprévu qu'on doit particuUèrement compter^. Cette pensée semble-t-elle paradoxale? Quelques citations en montreront la justesse. 1. Voici une application dont le daguerréotype sera susceptible et qui me semble très-digne d'intérêt. L'observation a montré que le spectre solaire n'est pas continu , qu'il y existe des solutions de continuité transversales, des raies en- tièrement noires. Y a-t-il des solutions de continuité pareilles dans les rayons obscurs qui paraissent produire les effets photogéniques? S'il y en a, correspondent-elles aux raies noires du spectre lumi- neux ? Puisque plusieurs des raies transversales du spectre sont visibles LE DAGUERRÉOTYPE. 501 « Des enfants attachent fortuitement deux verres lenti- culaires de différents foyers aux deux bouts d'un tube. Ils créent ainsi un instrument qui grossit les objets éloi- gnés, qui les représente comme s'ils s'étaient rapprochés. Les observateurs s'en emparent avec la seule, avec la modeste espérance de voir un peu mieux des astres connus de toute antiquité mais qu'on n'avait pu étudier jusque-là que d'une manière imparfaite. A peine, cepen- dant, est-il tourné vers le firmament, qu'on découvre des myriades de nouveaux mondes; que, pénétrant dans la constitution des six planètes des anciens, on la trouve analogue à celle de la Terre , par des montagnes dont on mesure les hauteurs, par des atmosphères dont on suit les bouleversements, par des phénomènes de for- mation et de fusion de glaces polaires, analogues à ceux des pôles terrestres; par des mouvements rotatifs sem- blables à celui qui produit ici -bas l'intermittence des jours et des nuits. Dirigé sur Saturne, le tube des enfants du lunetier de Middlebourg y dessine un phénomène dont l'étrangeté dépasse tout ce que les imaginations les plus ardentes avaient pu rêver. Nous voulons parler de cet anneau, ou, si on l'aime mieux, de ce pont sans piles, de 71,000 lieues de diamètre, de 12,000 lieues de lar- geur, qui entoure de tout côté le globe de la planète, à Tceil nu, ou quand elles se peignent sur la rétine sans amplifica- tion aucune, le problème que je viens de poser sera aisément ré- solu. On fera une sorte d'oeil artificiel en plaçant une lentille entre le prisme et l'écran où tombera le spectre, et l'on cherchera en- suite, fût-ce même à l'aide d'une loupe, la place des raies noires de l'image photogénique par rapport aux raies noires du spectre lumineux. 502 LE DAGUERRÉOTYPE. sans en approcher nulle part à moins de 9,000 lieues. Quelqu'un avait- il prévu qu'appliquée à l'observation des quatre lunes de Jupiter, la lunette y ferait voir que les rayons lumineux se meuvent avec une vitesse de 77,000 lieues à la seconde ; qu'attachée aux instruments gradués, elle servirait à démontrer qu'il n'existe point d'étoiles dont la lumière nous parvienne en moins de trois ans; qu'en suivant enfin, à son aide, certaines obser- vations, certaines analogies, on irait jusqu'à conclure avec une immense probabilité, que le rayon par lequel, dans un instant donné, nous apercevons certaines nébu- leuses, en était parti depuis plusieurs millions d'années; en d'autres termes, que ces nébuleuses, à cause de la propagation successive de la lumière, seraient visibles de la Terre plusieurs millions d'années après leur anéan- tissement complet, « La lunette des objets voisins, le microscope, donnerait lieu à des remarques analogues, car la nature n'est pas moins admirable, n'est pas moins variée dans sa petitesse que dans son immensité. Appliqué d'abord à l'obser- vation de quelques insectes dont les naturalistes dési- raient seulement amplifier la forme afin de la mieux reproduire par la gravure, le microscope a dévoilé ensuite et inopinément dans l'air, dans l'eau, dans tous les liquides, ces animalcules, ces infusoires, ces étranges productions où l'on peut espérer de trouver un jour les premiers germes d'une explication rationnelle des phénomènes de la vie. Dirigé récemment sur des frag- ments menus de diverses pierres comprises parmi les plus dures, les plus compactes dont l'écorce de notre LE DAGUERRÉOTYPE. 503 globe se compose, le microscope a montré aux yeux étonnés des observateurs que ces pierres ont vécu, qu'elles sont une pâte formée de milliards de milliards d'animal- cules microscopiques soudés entre eux. a On se rappellera que cette digression était destinée à détromper les personnes qui voudraient, à tort, renfermer les applications scientifiques des procédés de M. Daguerre dans le cadre actuellement prévu dont nous avons tracé le contour; eh bien, les faits justifient déjà nos espé- rances. Nous pourrions, par exemple, parler de quelques idées qu'on a eues sur les moyens rapides d'investi- gation que le topographe pourra emprunter à la photo- graphie; mais nous irons plus droit à notre but en con- signant ici une observation singulière dont M. Daguerre nous entretenait hier : suivant lui, les heures du matin et les heures du soir également éloignées du midi et correspondant dès lors à de semblables hauteurs du Soleil au-dessus de l'horizon, ne sont pas cependant également favorables à la production des images photo- graphiques. Ainsi, dans toutes les saisons de l'année, et par des circonstances atmosphériques en apparence exac- tement semblables, l'image se forme un peu plus promp- tement à sept heures du matin, par exemple, qu'à cinq heures de l'après-midi, à huit heures qu'à quatre heures, à neuf heures qu'à trois heures. Supposons ce résultat vérifié, et le météorologiste aura un élément de plus à consigner dans ses tableaux, et aux observations an- ciennes de l'état du thermomètre, du baromètre, de l'hygromètre et de la diaphanéité de l'air, il devra ajouter un élément que les premiers instruments n'accusent pas. 604 LE DAGUERRÉOTYPE et il faudra tenir compte d'une absorption particulière, qui peut ne pas être sans influence sur beaucoup d'autres phénomènes, sur ceux même qui sont du ressort de la physiologie et de la médecine *. » 1. La remarque de M. Daguerre sur la dissemblance comparative et constante des effets de la lumière solaire à des lieures de la jour- née où l'astre est également élevé au-dessus de l'horizon , semble , il faut l'avouer, devoir apporter des difRcultés de plus d'un genre dans les recherches pliotométriques qu'on voudra entreprendre avec le daguerréotype. Eu général , à l'origine de la divulgation des procédés de M. Da- guerre, on s'est montré peu disposé à admettre que le même instru- ment puisse servir jamais à faire des portraits. Le problème ren- fermait, on effet, deux conditions en apparence inconciliables. Pour que l'image naquît rapidement, c'est-à-dire pendant les quatre ou cinq minutes d'immobilité qu'on devait exiger et attendre d'une personne vivante, il fallait que la figure fût en plein soleil ; mais en plein soleil une vive lumière force la personne la plus impassible à un clignotement continuel; elle grimace; toute l'habitude faciale se trouve changée. M. Daguerre a reconnu, quant ù l'iodure d'argent dont les pla- ques sont recouvertes, que les rayons qui traversent certains verres bleus y produisent la presque totalité des effets photogéni- ques. En plaçant un de ces verres entre la personne qui pose et le Soleil, on pouvait donc avoir une image photogénique presque aussi vite que si le verre n'existait pas, et cependant la lumière éclairante étant alors très-douce, il n'y avait plus lieu à grimace ou à clignotements trop répétés On n'a pas tardé, du reste, à trouver des matières plus sensibles à l'action de la lumière que l'iodure d'argent seul ; après avoir ioduré une plaque argentée , on la soumet pendant quelques instants à l'action du chlore et de la vapeur de brome ; il suffit ensuite de moins d'une minute, de 30 à /lO secondes , pour que l'image de la chambre obscure s'imprime sur la couche sensible. LE DAGUERRÉOTYPE. 505 CHAPITRE XllI SUR LA REPRODUCTION DES COULEURS On s'est demandé si, après avoir obtenu, avec le daguerréotype, les admirables dégradations des teintes, on n'arrivera pas à lui faire produire les couleurs, à substituer, en un mot, les tableaux aux sortes de gra- vures à l'aqua-tinta qu'on engendre maintenant. Ce problème sera résolu le jour où l'on aura découvert une seule et même substance que les rayons rouges colo- reront en rouge, les rayons jaunes en jaune, les rayons bleus en bleu, etc. M. Niepce signalait déjà des effets de cette nature où, suivant moi, le phénomène des anneaux colorés jouait quelque rôle. Peut-être en était-il de môme du rouge et du violet que Seebeck obtenait simultanément sur le chlorure d'argent, aux deux extrémités opposées du spectre. M. Quetelet m'a communiqué une lettre dans laquelle sir John Herschel annonce que son papier sen- sible ayant été exposé à un spectre solaire très -vif, offrait ensuite toutes les couleurs prismatiques, le rouge excepté. Enfin M. Edmond Becquerel est parvenu à pré- parer les plaques daguerriennes de manière à obtenir des images dont les couleurs rappellent celles des objets, mais sans pouvoir empêcher les images de blanchir o:: de s'effacer sous l'influence de la lumière diffuse. En présence de ces faits, il serait certainement basai Je d'affirmer que les couleurs naturelles des objets ne seruiil jamais reproduites dans les images photogéniques. 506 LE DAGUERRÉOTYPE. M. Da guerre, pendant ses premières exp(?riences de phosphorescence, ayant découvert une poudre qui émet- tait une lueur rouge après que la lumière rouge l'avait frappée, une autre poudre à laquelle le bleu communi- quait une phosphorescence bleue, une troisième poudre qui, dans les mêmes circonstances, devenait lumineuse en vert par l'action de la lumière verte, mêla ces poudres mécaniquement, et obtint ainsi un composé unique qui devenait rouge dans le rouge, vert dans le vert et bleu dans le bleu. Peut-être, en opérant de même, en mêlant diverses résines, arrivera-t-on à engendrer un vernis où chaque lumière imprimera, non plus phosphoriquement, mais photogéniquement sa couleur. CHAPITRE XIV SDR LA GRAVURE PHOTOGRAPHIQUE Peu de temps après la divulgation des procédés de M. Dagucrre, plusieurs personnes songèrent à graver les images photogéniques et à les reproduire par l'impres- sion. Je dus faire remarquer alors que M. Niepce père avait, lui aussi, transformé, à l'aide d'un mordant, les images photogénées en planches propres à donner des épreuves. Quant à M. Daguerre, quoiqu'il eût essayé depuis longtemps l'action de certains acides à l'état de liquide et à l'état de vapeur sur les images au mercure, il n'en avait rien publié, parce que les résultats lui sem- blaient être et devaient rester infructueux. Voici les explications que M. Daguerre m'a adressées LE DAGUERRÉOTYPE. 507 à ce sujet, et que j'ai communiquées à l'Académie des sciences le 30 septembre 1839 : « On sait que dans le procédé de M. Niepce père, avec lequel je m'étais associé, on emploie un vernis de bitume de Judée appliqué sur une planche métallique, et que, par l'effet d'un dissolvant qu'il indique, le métal est entiè- rement mis à nu dans les endroits où la lumière n'a pas frappé. Comme M. Niepce se servait principalement de son procédé pour la copie de gravures mises en contact avec la couche sensible , il n'est pas étonnant qu'il ait pensé à attaquer sa plaque au moyen d'un acide, puis- qu'elle se trouvait découverte dans les endroits bruns, et tout à fait couverte dans les endroits clairs , conditions entièrement semblables à celles qu'exige la gravure. D'un autre côté, le travail était, aussi, convenablement dessiné pour être gravé, puisqu'il consistait dans la reproduction d'une gravure. Cependant, comme il n'était pas possible de mordre à différentes reprises sans faire intervenir l'art du graveur , et que par conséquent les tailles avaient toutes la même profondeur, le résultat n'était que très- défectueux , comme vous en pourrez juger d'après la planche que je vous soumets et l'épreuve qui en a été tirée. (Cette épreuve m'avait été donnée par M. Niepce avant notre association. ) On conçoit que cette applica- tion du procédé de M. Niepce à la gravure ne pouvait pas avoir lieu pour les images obtenues dans la chambre noire, parce que dans ces dernières le vernis n'est entiè- rement enlevé que dans les grandes vigueurs, et que les demi-teintes n'étant produites que par le plus ou le moins d'épaisseur du vernis, il est impossible que l'acide agisse 508 LE DAGUKRIÎ^'OI VPE. dans le même rapport, ce que j'ai ûéjh dit dans une Note (\uo j'ai ajoutée au procédé de M. Niepce. Cet inconvé- nient n'existe plus depuis les modifications que j'ai appor- tées au procédé, car j'ai substitué au bitume le résidu de rhuile essentielle de lavande, et ce résidu, dissous dans l'alcool et étendu sur une plaque de métal ou de verre, ne produit pas une couche continue, mais présente sur toute la surface une suite de petites splirrules de résine qui laissent entre elles le métal à découvert. C'est pourquoi on peut ainsi mordre la plaque au moyen d'un acide, et c'est ce que j'ai fait sur une épreuve sur verre, obtenue dans la chambre noire, au moyen de l'acide fluo- rique, et, pour en voir le résultat, j'ai chargé de noir les parties du verre attaquées par l'acide. « Mais cette image était très-défectueuse, parce que l'acide ayant agi partout également, il n'y avait pas assez de dégradation dans les teintes, inconvénient qu'il est impossible d'éviter en attaquant, par une seule morsure, une planche dont le travail n'a pas été disposé pour cela. Ces détails suffisent déjà pour prouver que je me suis occupé de la gravure des images, et si je n'en ai pas parlé dans la description des modifications que j'ai appor- tées au procédé de M. Niepce, c'est que j'en ai jugé les résultats ti-op imparfaits. « 11 est bien prouvé, par la correspondance de M. Niepce, que j'ai découvert, dans le mois de mai 1831, les propriétés de la lumière sur l'iode mis en con- tact avec l'argent. Je n'ai découvert l'application du mercure qu'en 1835. On peut penser que , dans ces quatre années d'intervalle entre les deux découvertes, j'ai LE DAGUERRÉOTYPE. 509 du faire un grand nombre d'expériences, et qu'employant toujours, pour ces expériences, des planches métalliques, il a dû souvent me venir à l'idée de fixer l'image par la gra\ure. « A cette époque, je ne savais pas que l'image existe sur l'iode avant d'être apparente, et j'attendais qu'elle se fût manifestée par la coloration de l'iode. Cette image était fugace, puisqu'elle se colorait indéfiniment, et d'ail- leurs les clairs et les ombres y étaient transposés. Cepen- dant , dans cet état , les acides agissaient différemment sur les parties de l'iode non colorées par la lumière et sur celles qui étaient colorées, et j'obtenais, par leur application, une gravure extrêmement faible. a Une expérience, faite sur une plaque sortant de la chambre noire et sur laquelle l'image était devenue appa- rente par la coloration de l'iode par la lumière, m'avait démontré que le gaz acide carbonique , en contact avec la plaque légèrement mouillée , avait produit , par sa combinaison avec les parties de l'iode frappées par la lumière, un composé très-blanc, et avait ainsi remis les clairs et les ombres dans leur état naturel ; mais la dégra- dation des teintes était imparfaite. Cette expérience m'a donné plusieurs fois le même résultat. « J'avais remarqué qu'en mettant dans une capsule du chlorate de potasse, et qu'en le chauffant avec une lampe dans un appareil à peu près semblable à celui qu'on emploie aujourd'hui pour le mercure, l'image produite, comme il est dit ci-dessus, par la coloration de l'iode par la lumière , apparaissait en clair , absolument comme l'engendre aujourd'hui la vapeur mercurielle. SIO LE DAGUERRÉOTYPE. « Après être arrivé à la connaissance de la propriété du mercure , Timage était loin d'être aussi complète qu'elle l'est maintenant. Je voyais avec peine sa fragilité, c'est-à-dire la facilité avec laquelle le frottement en enle- vait le mercure, et je voulais parvenir à lui donner plus de fixité. Pour tâcher d'atteindre ce but, je commençai une série d'expériences à l'aide des acides. Je savais qu'il était dilTicile de trouver un acide qui agît sur l'ar- gent sans affecter le mercure. Mais l'idée me vint que, dans le temps nécessaire pour que l'action de l'acide se manifestât sur l'argent dans les parties oii il est à décou- vert, le mercure le préserverait dans celles qu'il recou- vre, jusqu'à ce qu'il cédât lui-même à l'action de l'acide. J'ai effectivement obtenu ainsi plusieurs résultats avec différents acides, entre autres avec un mélange d'acide clilorhydrique et d'acide nitrique étendus d'eau , ainsi qu'avec plusieurs vapeurs acides. Mais ces résultats étaient défectueux , et toujours par la cause que j'ai signalée plus haut, c'est-à-dire par impossibilité de mordre à plusieurs reprises sans faire intervenir le talent du graveur. Je savais, du reste, que l'argent est trop tendre pour en espérer un tirage même d'un très-petit nombre d'épreuves. « Je dois le dire ici , le but que je me proposais dans ces expériences n'était pas d'arriver à tirer des épreuves, mais bien, en remplissant de noir les parties du métal attaquées par l'acide, de donner de la vigueur aux images. « Aujourd'hui que le procédé est arrivé à une plus grande perfection et qu'il donne une finesse de détails qui soutient l'épreuve de la loupe , je suis plus que LE DAGUERRÉOTYPE. 511 jamais convaincu de l'impossibilité d'arriver par la gra- vure sur la plaque même, à tirer des épreuves qui appro- chent le moins du monde de la perfection d'une image présentant le maximum d'effet que donne le procédé; car dans une épreuve obtenue dans ces conditions où la perspective aérienne est reproduite avec toute sa dégra- dation de teintes, les plus grandes vigueurs de l'image doivent être complètement nettes de mercure, ce qui rend impossible de reproduire ces vigueurs par la morsure, puisque cette morsure agit également et produit de larges creux qui ne peuvent retenir le noir d'impression; en gravure on évite cet inconvénient en ne produisant que des creux assez étroits pour qu'ils retiennent le noir. Pour vaincre cette difficulté, qui est évidente, il faudrait exposer longtemps au mercure l'épreuve qu'on veut graver, afin qu'il s'y attachât partout, même dans les grandes vigueurs; par ce moyen, on obtiendrait un grain sur toute la surface de la plaque ; mais aussi cette épreuve ne serait pas dans les conditions voulues, car elle n'of- frirait plus ni perspective aérienne, ni finesse de détails. « Je termine en disant que je regarde comme impos- sible d'arriver par la gravure sur la plaque même, à un résultat semblable à celui que présente une épreuve exé- cutée dans toutes les conditions du procédé ; mais je ne pense pas de même d'un transport du mercure sur un autre corps, ce que je regarde comme possible. Un per- fectionnement qui pourrait être considéré comme tel , serait le moyen de noircir l'argent dans les vigueurs sans attaquer le mercure ; on détruirait ainsi le miroitage de la plaque. Une autre amélioration non moins importante, 512 LE DAGUERIIÈOTYPE. consistera à empêcher que le mercure, qui s'attache aux parties de l'image qui ont été trop longtemps exposées à la lumière, ne perde de son éclat; je verrai avec le plus grand plaisir les recherches se diriger de ce côté. Quant à la conservation de l'image, cela ne présente aucune difficulté puisqu'on peut toujours placer les épreuves sous verre et les border de papier collé pour les garantir du contact des vapeurs, qui peuvent seules nuire surtout à Targent. » La planche et l'épreuve dont il est question dans la lettre de M. Da guerre ont été placées sous les yeux de l'Académie. On a fait circuler aussi les deux lettres ori- ginales de M. Niepce père à M. Daguerre, en date de février et juin 1827, relatives à la gravure sur des épreuves photogénées. JNous les reproduisons ici : « Chalon-sur-Saône, février 1827. « I\lonsieur, a J'ai reçu hier votre réponse à ma lettre du 25 janvier 1826. Depuis quatre mois je ne travaille plus, la mau- vaise saison s'y oppose absolument. J'ai perfectionné d'une manière sensible mes procédés pour la gravure sur métal; mais les résultats que j'ai obtenus ne m'ayant point encore fourni d'épreuves assez correctes, je ne puis satisfaire le désir que vous me témoignez. Je dois sans doute le regretter plus pour moi que pour vous. Monsieur, puisque le mode d'application auquel vous vous livrez est tout différent, et vous promet un degré de supériorité que ne comporterait pas celui de la gravure, ce qui ne LE DAGUERRÉOTYPE. 513 m'empêche pas de vous souhaiter tout le succès que vous pouvez ambitionner. « J'ai l'honneur, eic. » « Chalon-sur-Saône, le U juin 1827. « Monsieur, « Vous recevrez, presque en même temps que ma lettre, une caisse contenant une planche d'étain, gravée d'après mes procédés héliographiques, et une épreuve de cette même planche très -défectueuse et beaucoup trop faible. Vous jugerez par là que j'ai besoin de toute votre indul- gence, et que, si je me suis enfin décidé à vous adresser cet envoi, c'est uniquement pour répondre au désir que vous avez bien voulu me témoigner. Je crois, malgré cela , que ce genre d'application n'est point à dédaigner, puisque j'ai pu, quoique entièrement étranger à l'art du dessin et de la gravure, obtenir un semblable résultat. Je vous prie, Monsieur, de me dire ce que vous en pensez. Ce résultat n'est même point récent, il date du printemps dernier ; depuis lors j'ai été détourné de mes recherches par d'autres occupations. Je vais les reprendre aujour- d'hui que la campagne est dans tout l'éclat de sa parure , et me livrer exclusivement à la copie des points de vue d'après nature. C'est, sans doute, ce que cet objet peut offrir de plus intéressant ; mais je ne me dissimule point non plus les difficultés qu'il présente quant au travail de la gravure. L'entreprise est donc bien au-dessus de mes forces ; aussi toute mon ambition se borne-t-elle à pouvoir démontrer, par des résultats plus ou moins satisfaisants, la possibilité d'une réussite complète, si une main habile VII. —IV. 33 BU LE DAGUERRÉOTYPE. et exercée aux procédés de Wuma-tinla, coopérait par la suite à ce travail. Vous me demanderez probablement, Monsieur, pourquoi je grave sur étain au lieu de graver' sur cuivre. Je me suis bien servi également de ce dernier métal ; mais pour mes premiers essais j'ai dû préférer l'étain dont je m'étais d'ailleurs procuré quelques plan- ches destinées à mes expériences dans la chambre noire : la blancheur éclatante de ce métal le rendant bien plus propre à réfléchir l'image des objets représentés. « Je pense, Monsieur, que vous aurez donné suite à vos premiers essais : vous étiez en trop beau chemin pour en rester là. Nous occupant du môme objet, nous devons trouver un égal intérêt dans la réciprocité de nos efforts pour atteindre le but. J'apprendrai donc avec bien de la satisfaction que la nouvelle expérience C|ue vous avez pu faire à l'aide de votre chambre obscure perfectionnée a eu un succès conforme à votre attente. Dans ce cas, Monsieur, et s'il n'y a pas d'indiscrétion de ma part, je serais aussi désireux d'en connaître le résultat que je serais flatté de pouvoir vous ofTrir celui des recherches du même genre qui vont m' occuper. « Agréez , je vous prie, etc. » Ces diverses pièces, malgré leur authenticité et leur date certaine, seraient sans valeur dans une discussion de priorité, contre la personne qui, n'en ayant pas eu connaissance, aurait la première entretenu le public de la combinaison des méthodes photogéniques et des pro- cédés de la gravure. Sur ce point, la priorité de M. Niepce résulte d'une citation détaillée de l'article 8 du traité, LE DAGUERRÉOTYPE. 515 citation faite dans la séance de FAcadémie où les mé- thodes photogéniques furent dévoilées. Dans cette citation, dont cinquante personnes se ressouviennent, j'ai averti que M. Niepce avait trouvé de l'avantage à ajouter un peu de cire à son vernis, quand il faisait une image avec l'intention de la transformer en planche à graver. J'ai dit aussi que M. Lemaître était le graveur que MM. Niepce et Daguerrc s'étaient associé , pour perfectionner les planches ébauchées. L'article suivant du traité provisoire, passé le 14 dé- cembre 1829 entre MM. Niepce et Daguerre, prouve qu'alors encore les deux associés espéraient tirer parti des planches gravées sur des dessins photogénés : Art. 8. « Lorsque les associés jugeront convenable de faire l'application de ladite découverte aux procédés de la gravure, c'est-à-dire de constater les avantages qui résulteraient, pour un graveur, de l'application desdits procédés qui lui procureraient par là une ébauche avan- cée, MM. Niepce et Daguerre s'engagent à ne choisir aucune autre personne que M. Lemaître pour faire ladite application. » Au reste, dans le rapport que j'ai fait à la Chambre des députés le 8 juillet 1839 et qui a été imprimé trois jours après, il est question (voir plus haut, p. 470) de « la formation (par M. Niepce) à l'usage des graveurs, de planches à l'état d'ébauches avancées. « On trouve enfin ce passage de M. Niepce dans la brochure publiée par M. Daguerre : «Le vernis employé pouvant s'appliquer indiflerem- ment sur pierre, sur métal et sur verre, sans rien changer 516 LE DAGUERREOTYPE. à la manipulation , je ne m'arrêterai qu'au mode de ma- nipulation sur argent plaqué et sur verre, en faisant toute- fois remarquer, quant à la gravure sur cuivre, que l'on peut sans inconvénient ajouter à la composition du vernis une petite quantité de cire dissoute dans l'huile essentielle de lavande. » M. Niepce de Saint-Victor, qui s'occupe avec succès d'ajouter de nouveaux perfectionnements au grand art à la découverte duquel son oncle, M. Niepce, a pris une si forte part, est parvenu à obtenir des gravures assez remarquables, en reportant sur acier des images photo- graphiques et en soumettant ensuite la planche à l'action d'agents corrosifs. Ces essais permettent d'espérer que le problème de la gravure héliographique sera un jour complètement résolu. CHAPITRE XV CONCLUSION Je me suis attaché, dans cette Notice, à démontrer que la photographie est une invention complètement fran- çaise ; je suis heureux en terminant d'ajouter que, sans nier la part considérable que M. Talbot doit revendiquer ■dans l'invention des procédés qui servent à donner les images sur papier, on peut cependant affirmer que les principaux perfectionnements, qu'a reçus successivement Tart découvert par MM. Niepce et Daguerre, sont dus à des Français : à M. Claudet, qui a trouvé le moyen de réduire à quelques secondes la durée d'exposition dans LE DAGUERRÉOTYPE. Ml la chambre obscure; à M. Fizeau, qui a découvert un agent précieux pour donner plus de ton et de fixité aux images; à M. Blanquart-Évrard, qui a su rendre rapides et simples les procédés de photographie sur papier; à| M. Niepce de Saint- Victor, qui a inventé la photographie sur le verre albuminé ; à M. Legray, qui a substitué le collodion à l'albumine dans cette dernière branche très- importante de l'art nouveau, etc., etc. Grâce à tant d'efforts couronnés de succès , la photographie a atteint, en peu d'années, une perfection inattendue; cet art s'est répandu dans toutes les parties du monde avec une rapi- dité que je n'aurais pas osé espérer à l'époque où il prenait naissance et où , selon certaines personnes, je lui prédisais cependant un trop brillant avenir. SUR LA PHOSPHORESCENCE La phosphorescence est la propriété que possèdent certains corps d'être lumineux dans Tobscurité, lorsqu'ils ont été placés dans certaines circonstances. Benvenuto Gellini paraît avoir fait mention le premier de la phosphorescence des minéraux; il rapporte, dans son ouvrage, Due traltali deW Ori/îceria, publié au commen- cement du XVI' siècle, avoir vu une escarboucle briller dans Tobscurité, et il ajoute qu'une pierre colorée de la même espèce fut trouvée dans un vignoble , aux environs de Rome, sa présence ayant été trahie par la lumière qu'elle répandait durant la nuit. Boyle observa, en 1603, qu'un diamant qui a été soumis à l'influence de la cha- leur, du frottement, ou à une simple pression, émet ensuite une quantité de lumière égale à celle qui émane d'un ver luisant. Homberg, Beccari , Dufay et quelques autres physi- ciens s'occupèrent aussi des matières phosphorescentes sans beaucoup ajouter aux notions assez vagues que l'on posséda jusqu'à la fm du xviir siècle sur ces singuliers phénomènes. Dans une Note de Pallas, qui a été insérée, en 1783, dans le tome i" des Mémoires de Pétersbourg, on lit que le spath-fluor de Catherinenbourg devient lumineux à la simple chaleur de la main lorsqu'on l'y tient renfermé SUR LA PIIOSPIIORESCRNCE. 519 une demi-minute seulement. La lueur que le cristal répand alors est blanchâtre et pâle; à la chaleur de l'eau bouil- lante, cette lueur verdit; par une température plus élevée, la lumière phosphorescente passe d'un vert céladon au plus beau bleu de turquoise; phénomènes que les fluors communs n'offrent pas. La couleur générale du filon est un violet pâle; on voit par-ci par-là des parties plus foncées; ailleurs on remarque des couches d'une transparence blanchâtre, tirant parfois sur le vert. Ce sont les veines verdâtres qui jouissent au plus haut degré de la vertu phospho- rique, et qui passent par la chaleur au bleu le plus vif. Dans les fluors qu'on trouve à la montagne d'Ouboûkoûn, près du Selenga, et dans ceux du Breitenbrunn en Saxe, qui sont veinés de vert sur un fond violet, les veines vertes deviennent lumineuses par une chaleur médiocre, tandis que le reste n'émet aucune lueur sensible, et quelquefois n'est point phosphorique du tout. Wedgwood, en 1792 {Transaclions philosophiques , t. Lxxxii, p. 28-270), et l'abbé Ilaûy, en 1801 {Traité de minéralogie), recherchèrent la propriété phosphores- cente dans un certain nombre de minéraux ; ils mettaient cette propriété en évidence au moyen d'un fer chaud sur lequel ils jetaient le minéral après l'avoir réduit en poudre. Outre le bois pourri et quelques matières miné- rales, on compta, après ces recherches, une douzaine de corps phosphorescents. La question a été soumise à une nouvelle étude, en 1819, par M. Brewster. «Dans mes expériences, dit cet illustre physicien , je ne réduisais jamais le corps en 520 SUR LA PHOSPHORESCENCE. poudre, mais j'en prenais un fragment que je jetais sur une masse épaisse de fer chaud, après l'avoir portée dans une chambre obscure. Quand la manifestation de la phosphorescence ne résultait pas immédiatement de l'emploi de cette méthode, je prenais un canon de pis- tolet, et après en avoir bouché la lumière, j'introduisais le minéral dans la culasse, que je plaçais ensuite sur le feu. Avant la production de la chaleur rouge, j'aperce- vais aisément la phosphorescence en regardant dans le canon; ce que je faisais quelquefois au travers d'une plaque de verre qui servait à garantir mon œil de l'air chaud, quelquefois au travers d'un petit télescope ajusté de manière à rendre distincte la vision des objets situés au fond du canon. D'autres fois, je n'introduisais le minéral dans le canon qu'après l'avoir tiré du feu, et lorsque la chaleur rouge était entièrement passée. » De cette manière, M. Brewster a obtenu les résultats suivants : Table des minéraux phosphorescents. Noms des minéraux. ^^"'«"'■. "? *^P^<=' Coyû^nr intensité, aspect i^umi. uco uviaii* ^^^ Hiineraiix. de leur lumière. Spath fluor rose verte. Id pourpre bleuâtre. Id î)lanc bleuâtre. . . bleue. Fluor compacte jaunâtre d'un beau vert. 5 Fluor arénacé blanc étincelle blanchâtre. Spath calcaire jaune jaune. Id transparent jaunâtre. Pierre à chaux du Nord. » » Id. de l'Irlande. » rouge jaunâtre. Phosphate de chaux rose jaune. 10 Arraf,'onite blanc sale jaune rougeàtre. Carbonate de baryte. . . blanchâtre blanc pâle. Harmotome incolore jaune rougeàtre. Dipyre blanche des points lumineux. SUR LA PHOSPHORESCENCE. 521 « , .„, „:„x.. . Couleur on aspect Couleur, intensité, aspect Noms des minéraux. ^^^ minéraui. de leur lumière. Giammatite de Glentilt jaune. 15 Id. de Cornouailles bleuâtre. Topaze d'Aberdeenshire. bleue bleuâtre. Id. du Brésil jaune jaunâtre, lumière faible. Id. de la Nouvelle- Hollande — blancbe bleuâtre. Rubellite rougeâtre écarlate. 20 Sulfate de chaux jaunâtre lumière faible Id. de baryte jaune lumière pâle. Id ardoise lumière pâle. Sulfate de strontiane... bleuâtre un fragment a brillé d'un éclat assez vif. Id. de plomb transparent lumière faible et intermit- tente. 25 Anhydrite rougeâtre lumière faible. Sodalite d'un vert obscur, assez brillante. Spath magnésien jaunâtre blanche, faible. Mine d'argent rouge — rouge assez brillante, mais fugitive. Barystrontianite blanche faible. 30 Arséniate de plomti. . . . jaunâtre d'un blanc éclatant. Sphène jaune d'un blanc éclatant. Trémolite blanchâtre jaune rougeâtre. Mica verdàtre blanchâtre. Id. de Waygatz noire des taches blanches. 35 Id brune lumière assez vive. Sable de titane noire de faibles taches. Pierre de corne grise jaunâtre. Spath tabulaire de Do- gnatski blanchâtre jaunâtre. Lapis-lazuli bleue lumière faible. 40 Spodumène verdàtre lumière faible. Titanite rougeâtre extrêmement faible. Cyanite blanc jaauâtre. . . bleuâtre. Calamine brune lumière faible. Augite verte assez brillante. 45 Pétalite teinte rougeâtre. bleue, très-vive. Asbeste rigide assez vive. Datholite transparente .... brillante. Corindon brune brillante. Anastase ' obscure jaune rougeâtre. 1. La phosphorescence de Tanastase est entièrement différente de celle des autres minéraux ; elle apparaît subitement comme une flamme et s'évanouit en peu d'instants. Ii-22 SUR LA PHOSPHORESCENCE. Noms des mincraiii. ^"'i^^" 9". '"'^r®^' CouVnr, intensité aspoct des mineraiii. de leur lumière. 50 Tungstate de cliaux. . . . blanc jaunâtre, comme un charbon ardent. Quartz \ / très-faible. Amétliyste j (La ['hospho- I faible. Obsii-iienne l rcsceuce de ces I assez vive, d'un bleu sale. Mésotype d'Auvergne.. I neuf minéraux I très-faible. Actiuote vitreux ) fut observée / de petites taches. Argent rouge 1 dans le canon j plutôt vive que faible. Muriate d'argent I de pistolet.) I bleue. Carbonate de cuivre — ] f très-faibl'. Télésic verte / ^ bleu pàlo, assez vive. De ses recherches, M. Brewster tire, en outre, les conséquences suivantes : « 1° La propriété d'émettre la lumière phosphorique à une certaine température est commune à un grand nombre de substances minérales ; «2" Les minéraux qui jouissent de cette propriété sont en général colorés, ou imparfaitement transparents ; « 3° La couleur de la lumière phosphorique n'a pas de rapport fixe avec la couleur du minéral ; ignc une réfraction particulière; mais je me suis assuré que ce dernier résultat, dont on ne saurait admettre l'exactitude, tient à ce que, dans l'observation des étoiles, l'astronome romain visait au centre de la lumière jaune, tandis que pour le Soleil, dont il était forcé d'observer le bord, il pointait, au contraire, à une des couleurs extrêmes du spectre : il me suffirait d'ailleurs, pour justifier, indé- pendamment de ces considérations, le résultat auquel j'étais parvenu, de remarcjuer que M. Calandreli trouve, ainsi que moi, que les taches de la Lune, que nous n'aper- cevons que par la lumière du Soleil rcfiéchie, sont préci- sément déviées de la même quantité que les étoiles. On voit, au reste, que la certitude des conclusions qu'on tire à l'égard de la vitesse de la lumière, des obser- vations faites à l'aide des prismes, repose sur celle de la supposition qu'une inégalité de vitesse produit une iné- galité de déviation, ce qui résulte immédiatement de 5o4 VITESSE DE LA LUMIÈRE. rexplication que Newton donne de la réfraction ; les expériences que j'ai citées m'avaient fait entrevoir la possibilité de démontrer ce principe, mais les travaux relatifs à la méridienne me firent abandonner cette re- cherche, que j'ai reprise depuis mon retour, et dont je vais aujourd'hui communiquer les résultats à la Classe. Mes expériences étaient à peu près achevées, lorsque la lecture d'un de ses beaux Mémoires que le docteur Young a inséré dans les Transactions philosophiques m'apprit que M. Robisson , professeur de physique à Edinburgh , avait considéré théoriquement cette question de la vitesse de la lumière; j'ai depuis trouvé, dans divers ouvrages, qu'elle avait été examinée sous différents points de vue par Boscowich, Michell , Wilson ei Blair. x4.vant de parler de mes observations, je crois devoir indiquer les projets qu'avaient publiés à cet égard les physiciens que je viens de citer. L'idée de chercher à s'assurer, par des expériences directes, de l'accroissement de vitesse qu'acquièrent les rayons lumineux en passant d'un milieu rare dans un milieu dense, a dû naturellement se présenter à un très- grand nombre de personnes; mais Boscowich est, à ma connaissance, le premier qui ait publié à cet égard un projet d'expériences raisonné. Ce physicien avait cru qu'en observant les étoiles à travers une lunette remplie d'eau, on devait trouver, à cause de l'augmentation do vitesse qu'acquièrent les rayons en pénétrant dans ce liquide, une aberration différente de celle qu'on observe lorsque l'espace qui sépare l'objectif de l'oculaire est rempli d'air. Cette même circonstance devait apporter VITESSE DE LA LUMIÈRE. 335 des changements très-sensibles dans la position des objets terrestres, qui auraient été ainsi assujettis à une aberration diurne. Il trouvait, par exemple, qu'une mire située au ^ud , au solstice d'hiver, aurait décrit , en vingt-quatre heures, un cercle d'un rayon égal à 5'', et dont le centre correspondrait à la position moyenne de l'objet; mais le raisonnement de Boscowich est défectueux en ce qu'il a oublié de tenir compte de la réfraction et, par consé- quent, du changement de direction que doivent éprouver les rayons en pénétrant obliquement du verre dans le liquide. Aussi, M. Wilson, professeur d'astronomie à Glasgow, qui a publié dans les Transactions philosophiques pour l'année 1782 un Mémoire où il propose également la lunette remplie d'eau , comme un moyen de s'as- surer de la théorie newtonienne, arrive-t-il à des conclu- sions totalement opposées à celles de Boscowich ; car il a prouvé que l'aberration dans une semblable lunette ne sera égale à celle qu'on trouve avec un instrument ordi- naire que dans le cas où les vitesses des rayons dans les milieux rares et diaphanes sont entre elles dans le rapport assigné par Newton. On peut d'ailleurs remarquer que la nécessité d'appliquer de forts grossissements aux in- struments qui sont destinés à découvrir de petites quan- tités , rendait la lunette de Boscowich inutile, puisque la lumière d'une étoile serait, sinon totalement éteinte, du moins considérablement affaiblie, lorsqu'elle aurait tra- versé une épaisseur de liquide de 3 à 4 pieds (1"' à 1°\30). La difficulté que présente, sous le rapport qui nous occupe, la vérification de la théorie newtonienne, résulte 556 VITESSE DE LA LUMIÈRE. de ce pj'incipc qui en est une conséquence, savoir que la vitesse de la lumière, dans un milieu diaphane quelconque, doit être la même, quels que soient la nature et le nombre de milieux qu'elle a précédemment traversés. On peut cependant remarquer que, lorsque les corps réfringents sont en mouvement, la réfraction qu'éprouve un rayon ne doit plus se calculer avec sa vitesse absolue, mais bien avec cette môme vitesse, augmentée ou diminuée de celle du corps, c'est-à-dire avec la vitesse relative du rayon; les mouvements que nous pouvons imprimer aux corps sur la Terre étant beaucoup trop petits pour influer sen- siblement sur la réfraction de la lumière, il faut chercher dans les mouvements beaucoup plus rapides des planètes des circonstances plus propres à rendre sensibles ces iné- galités de réfraction. Wilson, que nous avons déjà cité, avait ])roposé d'employer ce mode d'expériences à la recherche du mouvement de translation du système so- laire. Le docteur Blair, à qui l'on doit un travail très- intéressant sur la force dispersive des liquides, croyait que l'observation devait rendre sensible l'inégalité de vitesse avec laquelle sont réfléchis les rayons lumineux qui arrivent à nous des deux bords de Jupiter, à cause du mouvement de rotation de la planète sur elle-même; et M. Robisson, dans un IMémoire particulier oij il exa- mine en détail cette question de la vitesse de la lumière, indique également les observations des deux bords de l'anneau de Saturne. Tels étaient les moyens que ces savants distingués avaient proposés pour résoudre un problème qui intéresse à la fois les progrès de la physique et de l'astronomie; VITESSE DE LA LUMIERE. 557 il résulte en outre du précis historique que nous venons de donner, qu'ils s'étaient plutôt attachés à tracer la route qu'il fallait suivre pour arriver à un résultat décisif, qu'à entreprendre des observations dont ils prévoyaient sans doute la grande difficulté. J'ai cru qu'il serait im- portant d'employer les moyens qu'olfre l'état actuel de nos connaissances et la grande précision de nos instru- ments, à l'examen d'une question dont le résultat semblait devoir offrir quelques données sur la véritable nature de la lumière. Je me suis attaché, dans mes expériences, à rendre sensibles les différences qui doivent résulter du mouve- ment de translation de la Terre, parce que celui de notre système pouvait, en se combinant avec ce premier, donner naissance à d'assez grandes inégalités. Il est d'ailleurs naturel de supposer que, de môme qu'il y a dans le ciel des étoiles de divers éclats, il y en a aussi de diverses gran- deurs; et cette circonstance, comme l'a, je crois, montré le premier M. Michell , doit occasionner des différences de vitesse très-sensibles dans les rayons qui émanent de ces divers corps. Ce genre d'expériences me permettait , en outre, d'observer avec une lunette à court foyer, tandis qu'il serait indispensable d'employer un fort gros- sissement pour reconnaître les inégalités des diamètres planétaires. Cette méthode exigerait de plus que les prismes fussent très-parfaits, puisque les défauts d'achro- matisme sont en raison directe du grossissement. Quelques essais que j'en ai déjà faits, à l'aide de l'excellent micro- mètre prismatique de M. Rochon, m'ont donné cependant l'espérance de réussir; je vais, en attendant, communi- 5S8 VITESSE DE LA LUMIERE. quer à la Classe les résultats de la première méthode, (|ui d'ailleurs, sous tous les rapports, me paraît préfé- rable. Lorsqu'on regarde un objet au travers d'un prisme, les inégalités de déviation auxquelles peuvent donner naissance des changements dans la vitesse des rayons lumineux doivent être d'autant plus considérables que l'angle du prisme sera lui-môme plus grand ; mais lorsqu'on se sert de prismes simples ou formés d'une seule substance, il est à cet égard une limite qu'on ne peut dépasser; car, pour peu que l'angle du prisme surpasse 4 ou 5 degrés, les bords du spectre sont diffus; et, comme le passage d'une couleur prismatique à la voisine se fait par une dégradation insensible, on ne peut avoir la certitude de pointer, à chaque observation, à des parties des spectres correspondantes. Les prismes achromatiques, dont on peut augmenter l'angle à volonté, remplissaient beaucoup mieux l'objet que j'avais en vue. Celui qui a servi à mes premières expériences était formé d'un prisme de crown-glass et d'un prisme de flint- glass , adossés ; la différence de leurs angles , ou l'angle du prisme total , était à peu près égale à 2/i degrés. Afin de diminuer, autant que possible, les réflexions partielles qu'éprouve toujours la lumière à la surface de séparation des milieux dont les densités sont très-diffé- rentes, j'avais fait coller mes deux prismes avec le mastic dont les opticiens font usage pour atténuer les défauts de poli des surfaces intérieures des objectifs. Le prisme total était arrêté, d'une manière inébranlable, dans une boîte dont les tourillons latéraux pouvaient tourner dans VITESSE DE Lx\ LUMIÈRE. 539 des collets, ce qui permettait de donner à la face exté- rieure l'inclinaison qui rendait Timage la plus nette. Afin d'être sûr d'observer dans le plan de l'angle réfringent, on s'était également ménagé un mouvement latéral , par un mécanisme qui serait trop long à décrire ; il me suffira de dire que l'appareil total pouvait se fixer, à l'aide de fortes vis, au couvercle extérieur de la lunette du mural. Les choses étant ainsi disposées, j'ai mesuré dans la même nuit, et à différentes époques, les distances au zénith d'un grand nombre d'étoiles; ces distances, com- parées à celles qu'on aurait observées à travers l'air, donnent la quantité de la déviation que le prisme fait éprouver aux rayons lumineux; c'est ainsi qu'ont été formés les tableaux suivants : Le 19 mars 1810 (mural). Noms des étoiles. Déviations. Rigel 10" W 2Zi".16 a d'Orion 25 .5 Castor 2Zi .6 Procyon 24 .9 Pollux 29 .3 a de rilydre 22 .6 Régulus 25 .2 Épi de la Vierge 21 .4 a de la Couronne 22 .8 a. du Serpent 22 .3 Antarès 22 .5 Ç d'Ophiuchus 2Zi .0 Le 27 mars 1810 {mural). Noms des étoiles. Déviations. a d'Orion 10" W 33". 28 Castor 27 .93 Procyon 32 .31 560 VITESSE DE LA LU.MIÈUE. . Noms des étoiles. Déviations. PolluK 10" W 32".78 a de THydre 28 .32 P du Lion 30 .21 Épi de La Viei-ge 26 .29 Arcturus 28 .05 a de la (Couronne 31 .39 Antarès 28 .19 j; d'Ophiuciius 29 .64 7 de la Vierge 27 .80 ^de la Vierge 27 .34 e de la Vierge 31 .42 8 du Lion 34 .02 J'ai ensuite collé ensemble deux prismes achromati- ques, semblables h celui qui avait servi à mes premières expériences; mais, afin de me rendre indépendant, dans ces nouveaux essais, de la connaissance de la déclinaison des étoiles, de celle de l'erreur de collimation qui peut varier dans nos instruments avec la hauteur de la lunette et de la réfraction, j'ai suivi dans l'observation une mé- thode différente de la première. Le nouveau prisme dont je viens de parler était fixé à la lunette d'un cercle répétiteur, de manière cependant que la moitié de l'objectif fût découverte; je pouvais, par cette disposition, observer tantôt à travers l'air et tantôt à travers le prisme. La différence des deux hau- teurs, corrigée du mouvement de l'étoile dans l'intervalle des deux observations, me donnait ainsi la déviation sans qu'il fût nécessaire de connaître exactement la position absolue de l'astre observé. Je pouvais, d'ailleurs, en com- mençant ces observations quelques minutes avant le pas- sage des astres au méridien , les répéter un assez grand nombre de fois pour atténuer en même temp? et les erreurs VITESSE DE LA LUMIÈRE. 504 de pointé et celles de division ; telle est la méthode qui a servi à former le dernier tableau : Au cercle répétiteur, 8 octobre 1810. a de l'Aigle, déviation 22" 25' 9" Tache de la Lune 22 25 9 a du Verseau 22 25 2 a de la Baleine 22 25 3 Aldebaran 22 25 0 Rigel 22 1h 59 a d'Orion 22 25 2 Sirius 22 25 8 Je vais maintenant passer aux conséquences qui dé- coulent de tous ces nombres. On voit d'abord que les inégalités de déviations sont en général fort petites et du même ordre que celles que présentent les observations faites sans prisme. On peut , par cette raison , les attribuer aux erreurs d'observation ; mais supposons-les réelles, pour un instant , et cherchons à quelles inégalités de vitesses elles correspondent. Je prends pour cela la formule analytique qui exprime la déviation des rayons lumineux , en fonction des angles des prismes et de leurs forces réfringentes ; je la diffé- rentie par rapport à la vitesse de la lumière qui entre dans l'expression du rapport du sinus d'incidence au sinus de réfraction, et j'obtiens ainsi la variation de la déviation en fonction de celle de la vitesse. On trouve, par ce calcul, dont je ne puis lire les détails, que -^^ de variation dans la vitesse de la lumière devait produire, dans mon pre- mier prisme, un changement de déviation égal à 6''; cette variation s'élève à près de ï!:^' dans le prisme VIL — IV. 36 362 VITESSE DE LA LU^IIÈRE. achromatique quadruple que j'ai applique à la lumière du cercle répétiteur. Telles seraient donc les inégalités de déviation que je devrais trouver, si les rayons émis par les diverses étoiles que j'ai observées avaient des vitesses qui différassent entre elles de j^^. Or, la vitesse de translation de la Terre est précisément égale à ce nombre; on sait, d'ailleurs, que son mouvement est dirigé vers les étoiles qui passent au méridien à 6 heures du matin et vers celles qui passent à 6 heures du soir, de telle sorte cependant qu'elle s'approche des premières et qu'elle s'éloigne au contraire des autres. La déviation , dans le premier cas , doit donc correspondre à la vitesse d'émission augmentée de sa ^y^^ partie, et, dans le second , à cette même vitesse diminuée de ^^^^ ; en sorte que les rayons d'une étoile qui passe au méri- dien à G heures du matin doivent être moins fortement déviés que ceux d'une étoile qui y passe à 6 heures du soir, d'une quantité égale à celle qu'occasionne j-^ de changement dans la vitesse totale, c'est-à-dire de 12''' clans les observations faites au mural, et de 28'^ dans celles du cercle répétiteur; les déviations. des étoiles qui passent à minuit devraient d'ailleurs être les moyennes de ces deux-là. Or, en examinant attentivement les tableaux précédents, on trouve que les rayons de toutes les étoiles sont sujets aux mêmes déviations, sans que les légères différences qu'on y remarque suivent aucune loi. Ce résultat semble être, au premier aspect, en contra- diction manifeste avec la théorie newtonienne de la réfrac- VITESSE DE LA LUMIÈRE. b63 tion, puisqu'une inégalité réelle dans la vitesse des rayons n'occasionne cependant aucune inégalité dans les dévia- tions qu'ils éprouvent. Il semble même qu'on ne peut en rendre raison qu'en supposant que les corps lumineux émettent des rayons avec toutes sortes de vitesses, pourvu qu'on admette également que ces rayons ne sont visibles que lorsque leurs vitesses sont comprises entre des limites déterminées. Dans cette hypothèse, en effet, la visibilité des rayons dépendra de leurs vitesses relatives, et, comme ces mômes vitesses déterminent la quantité de la ré- fraction , les rayons visibles seront toujours également réfractés. Quoique les expériences précédentes soient suffisantes pour motiver la supposition que je viens de faire, puisque sans elle on ne pourrait les expliquer, il ne sera peut-être pas inutile de montrer que plusieurs autres phénomènes semblent la rendre également nécessaire. J'observerai d'abord que dans l'évaluation des diffé- rences auxquelles doivent donner lieu les inégalités de vitesse, je n'ai tenu compte que du mouvement de trans- lation de la Terre, et que celui de notre système doit, en se combinant avec ce premier, être la source de nou- velles inégalités. Quelques étoiles doivent d'ailleurs se mouvoir dans l'espace avec des vitesses très -considé- rables, puisc[ue, malgré la petitesse de leurs parallaxes, elles sont annuellement assujetties à des déplacements très-sensibles; la vitesse des rayons qu'elles nous envoient doit donc être la résultante de leur vitesse primitive d'émission combinée avec celle de l'étoile elle-même, et varier, par conséquent, avec la grandeur et la direction 564 yiTESSK DE LA LUMIÈRE. du mouvement des astres; mais Tune des plus puissantes causes de changements dans la vitesse de la lumière paraît devoir être cependant l'inégale grandeur des dia- mètres des étoiles. On trouve, en effet, par le calcul, qu'une étoile de même densité que le Soleil, et dont le diamètre serait un petit nombre de centaines de fois plus considérable que celui de cet astre, anéantirait totalement par son attrac- tion la vitesse de ses rayons, qui n'arriveraient par con- séquent pas jusqu'à nous; une étoile vingt fois plus grande que le Soleil , sans détruire complètement la vitesse des rayons qu'elle aurait émis, l'affaiblirait assez sensiblement pour qu'on dût trouver une assez grande différence entre leur réfraction et celle des rayons so- laires ; il suffirait même de supposer que le diamètre d'un astre fût une fois et demie plus grand que celui du Soleil, pour que la vitesse de sa lumière, à la distance qui nous en sépare, fût diminuée de sa — -^ partie, et donnât, par conséquent, naissance à des inégalités de déviation qui, dans le second de mes prismes, s'élèveraient à i^. Or il paraît peu naturel de supposer que Sirius , la Lyre, Arc- turus et quelques autres étoiles qui brillent d'un vif éclat malgré leur prodigieuse distance, ne sont pas égales au Soleil. Quoi qu'il en soit, on voit qu'à moins d'admettre comme je l'ai fait, que dans l'infinité des rayons de toutes les vitesses qui émanent d'un corps lumineux, il n'y a que ceux d'une vitesse déterminée qui soient visibles, on ne pourrait expliquer mes expériences qu'en diminuant outre mesure la densité des étoiles ou leurs diamètres; on arriverait, par exemple, à ce résultat singulier, que VITESSE DE LA LUMIÈRE. 565 dans le nombre infini d'étoiles dont la voûte céleste est parsemée, il n'y en a pas une seule de même densité que la Terre, et dont le volume égale en môme temps celui du Soleil. 11 ne sera peut-être pas inutile de noter que les obser- vations dont je viens de rendre compte et la supposition qui les explique se lient d'une manière très-remarquable aux expériences de Herschel, Wollaston et Ritter. Le pre- mier a trouvé, comme on sait, qu'il y a en dehors du spectre prismatique et du côté du rouge, des rayons invi- sibles, mais qui possèdent à un plus haut degré que les rayons lumineux la propriété d'échauffer; les deux autres physiciens ont reconnu, à peu près dans le même temps, que du côté du violet il y a des rayons invisibles et sans chaleur, mais dont l'action chimique sur le muriate d'ar- gent et sur plusieurs autres substances est très- sensible. Ces derniers rayons ne forment-ils pas la classe de ceux auxquels il ne manque qu'une petite augmentation de vitesse pour devenir visibles, et les rayons calorifiques ne seraient-ils pas ceux qu'une trop grande vitesse a déjà privés de la propriété d'éclairer? Cette supposition, quelque probable qu elle puisse d'abord paraître, n'est pas rigoureusement établie par mes expériences, dont il est seulement permis de conclure que les rayons invisibles par excès et par défaut de vitesse, occupent respectivement sur le spectre la même place que les rayons calorifiques et chimiques. Il est, d'ailleurs, très- remarquable qu'on eût pu ainsi , et par des observations purement astronomiques , arriver à la connaissance des rayons invisibles et extérieurs au spectre, dont les célèbres 566 VITESSE DE LA LUMIÈRE. physiciens que nous avons cités n'ont reconnu l'existence qu'à l'aide d'expériences délicates faites à l'aide de ther- momètres très-sensibles et de substances dont la couleur est altérée par l'action de la lumière. Je n'ai pas comparé, dans ce qui précède, mes expé- riences au système des ondulations, parce que l'explica- tion qu'on donne de la rérraclion repose dans ce système sur une simple hypothèse qu'il est très-difficile de sou- mettre au calcul, et qu'il m'était, par suite, impossible de déterminer d'une manière précise si la vitesse du corps réfringent doit avoir quelque influence sur la réfrac- tion, et, dans ce cas, quels changements elle doit y apporter. Je me suis uniquement attaché à montrer qu'en sup- posant que les rayons lumineux ne sont visibles que lors- que leurs vitesses sont comprises entre des limites déter- minées, mes expériences peuvent se concilier parfaitement avec la théorie newtonienne. Mais si les limites qui déter- minent la visibilité des rayons sont, comme il est probable, les mômes pour divers individus, l'inégale densité des humeurs vitrées doit faire apercevoir des rayons inéga- lement rapides; il résulterait de là que deux personnes, regardant une même étoile dans le môme prisme et dans des circonstances analogues, pourraient la voir inégalement déviée. Le résultat de cette expérience, quel qu'il puisse être, paraît devoir fournir quelques données sur le genre de sensation qui nous fait apercevoir les objets. Il m'a semblé que le seul moyen de rendre ces essais bien dé- cisifs était d'y employer des prismes croisés, car les observations peuvent se faire alors avec beaucoup de pré- VITESSE DE LA LUMIERE. 567 cision, quelle que soit la grandeur de l'angle réfringent. J'attendrai donc pour communiquer à la Classe les expé- riences que j'ai faites sous ce rapport, que le temps m'ait permis d'ajouter les résultats de cette méthode à ceux que j'ai déjà obtenus à l'aide des prismes achromatiques; pour le moment , je me contenterai de remarquer que j.e puis tirer de ce qui précède plusieurs conséquences astro- nomiques assez importantes. On voit : 1° que les aberrations de tous les corps cé- lestes, soit qu'ils nous envoient une lumière propre ou une lumière réfléchie, doivent se calculer avec la même con- stante, sans qu'il y ait, à cet égard, la plus légère diffé- rence, ainsi que je l'avais déduit de mes premières expé- riences ; 2" Que les phénomènes, qu'on a expliqués par une inégalité dans la vitesse de la lumière, tels que l'ap- parence des étoiles sur le disque de la Lune quelques secondes avant l'instant de l'immersion, les déplace- ments dans les petites étoiles qui sont très-voisines des grandes, etc. , ne peuvent dépendre de cette cause ; 3° Que l'hypothèse à l'aide de laquelle Piazzî a cherché à expliquer les différences qu'on trouve entre l'obliquité de l'écliptique déduite des observations faites aux deux solstices, est totalement contraire aux expériences, puis- qu'elle revient à supposer que la lumière solaire ne se réfracte pas comme celle des étoiles ; !i° Enfin que le pouvoir réfringent de l'air que nous avons déduit, M. Biot et moi, de l'observation d'un objet terrestre, doit être absolument égal à celui qu'on aurait trouvé si , dans nos expériences , il avait été possible de 508 VITESSE DE LA LUMIÈKE. viser à une étoile. Il était d'autant plus important de faire disparaître le doute qu'on aurait pu élever h cet égard, que ce pouvoir réfringent est, comme on sait, l'élément principal de la table des réfractions. SUR LES THÉORIES DE L'ÉMISSION ET DES O^DES CHAPITRE PREMIER A V A N T - l' R 0 P 0 s Je me propose de montrer dans cette Notice comment il est possible de décider, sans équivoque, si la lumière se compose de petites particules émanant des corps rayonnants, ainsi que le voulait Newton, ainsi que l'ont admis la plupart des géomètres modernes ; ou bien si elle est simplement le résultat des ondulations d'un milieu très-rare et très- élastique, que les physiciens sont con- venus d'appeler éther. Le système d'expériences que je vais décrire ne permettra plus , ce me semble, d'hésiter entre les deux théories rivales. Il tranchera mathémati- quement (j'emploie à dessein cette expression), il tran- chera mathématiquement une des questions les plus grandes et les plus débattues de la philosophie naturelle. Au reste, cette Notice est l'accomplissement d'une sorte d'engagement que je pris envers l'Académie des sciences dans un des comités secrets de 18â8, où l'on discutait les titres des candidats présentés par la section de physique 570 SUR LES THÉORIES DE L'ÉMISSION pour remplir une place de correspondant vacante dans son sein. Je venais d'exposer l'admirable méthode à l'aide de laquelle M. Wheatstone a abordé le problème de la vitesse de l'électricité dans les conducteurs métalliques ; je ter- minais à peine l'énumération des importants résultats que cet ingénieux physicien a obtenus , lorsque plusieurs de nos confrères , dont le nom peut faire autorité en pareille matière, prétendirent que mon rapport était beaucoup trop approbatif. En la supposant bien constatée, la limite inférieure assignée par M. Wheatstone à la vitesse de l'électricité n'aurait, disait-on, aucune influence notable sur les progrès des sciences; d'ailleurs, des limites de même ordre et même plus étendues pourraient être dé- duites indirectement de divers phénomènes électriques ou magnétiques. Quant à la méthode des miroirs rotatifs, elle ne semblait susceptible d'être appliquée qu'aux seules questions déjà étudiées par l'inventeur. J'essayai de ré- futer cette dernière opinion. Je crois, moi, que le nouvel instrument, convenablement modifié, conduirait à des résultats dont M. Wheatstone ne s'était pas avisé ; j'avais déjà entrevu Cjue , même en le supposant renfermé dans les bornes étroites d'un petit appartement, il pourrait servir à mesurer les vitesses comparatives de la lumière se mouvant à travers l'air ou à travers un liquide. Je ne tardai pas à apprendre, sans que j'eusse presque le droit de m'en étonner ou de m'en plaindre, que mon assertion n'avait rencontré que des incrédules. Je l'ai, je pense, jus- tifiée dans toutes ses parties dans cette Notice, que je re- produis ici textuellement en y ajoutant seulement quelques ET DES ONDES. 571 autres communications faites postérieurement à l'Aca- démie des sciences sur le même sujet. CHAPITRE lï PRINCIPE DE LA MÉTHODE EXPÉRIMENTALE QUI DOIT DÉCIDER ENTRE LA THÉORIE DE L'ÉMISSION ET CELLE DES ONDES Faisons tomber un rayon lumineux sur un miroir plan poli ; il se réfléchira , comme tout le monde sait , en for- mant avec la surface du miroir un angle de réflexion exactement égal à l'angle d'incidence. Imaginons maintenant que le miroir vienne à tourner de la quantité a autour du point de sa surface où la ré- flexion s'est opérée; si ce mouvement, par exemple, aug- mente de la quantité a l'ancien angle d'incidence, il dimi- nuera d'autant l'ancien angle de réflexion. Celui-ci, après le déplacement du miroir, sera donc plus petit que le premier de la quantité 2 a; ainsi, il faudra l'augmenter de 2 a pour le rendre égal au nouvel angle d'incidence ; ainsi , cet angle augmenté de 2 a donnera la direction du rayon réfléchi dans la seconde position du miroir ; ainsi , le rayon incident restant le même,, un mouvement angu- laire a du miroir occasionne un mouvement angulaire double dans le rayon réfléchi. Ce mode de raisonnement s'appliquerait tout aussi bien au cas où le mouvement du miroir, s'étant opéré en sens contraire, aurait diminué le premier angle d'incidence. Le principe est donc général ; c'est, au reste, celui de tous les instruments nautiques à réflexion. 572 SUR LES TllÉORIRS DR LK.MISSION La réflexion sur des miroirs plans peut servir h jeter des rayons lumineux donnés dans toutes les régions de l'espace, sans cependant altérer leurs positions relatives : deux rayons qui étaient parallèles entre eux avant de se réfléchir sont encore parallèles après leur réflexion ; ceux qui primitivement étaient inclinés l'un sur l'autre de 1', de 10', de 20', etc., etc., forment précisément les mêmes angles après que la réflexion les a déviés. Au lieu d'un seul rayon prenons-en maintenant deux horizontaux partant de deux points voisins situés dans la même verticale. Admettons que leur direction les amène sur deux points de la ligne médiane (également verticale) d'un miroir plan vertical ; supposons que ce miroir tourne sur lui-même, uniformément et d'une manière continue, autour d'un axe vertical dont le prolongement coïncide avec la ligne médiane qui vient d'être mentionnée. La direction suivant laquelle les deux rayons horizon- taux se réfléchiront, dépendra évidemment du moment oii ils atteindront le miroir, puisque nous avons supposé qu'il tourne. Si les deux rayons sont partis simultanément des deux points rayonnants contigus, ils arriveront aussi simultanément au miroir; leur réflexion s'opérera au même instant, conséquemment comme si cette surface quant à eux était immobile : leur parallélisme primitif ne s'en trouvera donc pas altéré. Pour que les rayons, qui primitivement étaient paral- lèles, divergeassent après leur réflexion, il faudrait que l'un d'eux arrivât au miroir plus tôt que l'autre; il fau- drait que, dans son trajet du point rayonnant à la surface réfléchissante et tournante, la marche de ce rayon fût ET DES ONDES. 573 accélérée, ou bien, car le résultat serait précisément le même, il faudrait, la vitesse du premier rayon restant constante, que celle du second éprouvât une diminution ; il faudrait enfin que les deux rayons vinssent se réfléchir l'un après l'autre, et dès lors sur deux positions distinctes du miroir, formant entre elles un angle sensible. Suivant la théorie de l'émission, la lumière se meut dans l'eau notablement plus vite que dans l'air. Suivant la théorie des ondes, c'est précisément le contraire : la lumière marche plus vite dans l'air que dans l'eau. Fai- sons en sorte qu'avant d'arriver au miroir, un des deux rayons, le rayon supérieur, par exemple, ait à traverser un tube rempli d'eau. Si la théorie de l'émission est vraie, ce rayon supérieur sera accéléré dans sa marche; il arrivera au miroir le premier, il se réfléchira avant le rayon inférieur, il formera avec lui un certain angle, et le sens de la déviation sera tel que le rayon inférieur paraîtra plus avancé que l'autre, qu'il semblera avoir été entraîné plus vite par le miroir tournant. Tout restant égal, admettons un moment la vérité du système des ondes. Le tube d'eau retardera alors la marche du rayon supérieur; ce rayon arrivera au miroir réfléchissant après le rayon inférieur; il se réfléchira, non plus le premier, comme tout à l'heure, mais le se- cond ; mais sur une position de la face polie réfléchis- sante plus avancée que celle d'où le rayon inférieur s'était réfléchi un instant plus tôt; ces deux rayons for- meront entre eux le même angle que dans l'autre hypo- thèse ; seulement, et l'on doit bien le remarquer, la déviation aura lieu précisément en sens inverse; le rayon 57i SUR LES THKOUIES DE L'ÉMISSION supéi'icur sera maintenant le plus avancé, toujours dans le sens de la rotation du miroir. En résumé, deux points rayonnants placés l'un près de l'autre et sur la même verticale, brillent instanta- nément ^ en face d'un miroir tournant. Les rayons du point supérieur ne peuvent arriver à ce miroir qu'en tra- versant un tube rempli d'eau; les rayons du second point atteignent la surface réfléchissante sans avoir rencontré dans leur course aucun autre milieu que l'air. Pour fixer les idées, nous supposerons que le miroir, vu de la place 1. Une instantanéité presque mathématique de la lumière qui doit être placée en face du miroir tournant fût-elle nécessaire, comme on a paru le croire, à la réussite de l'expérience projetée, que cette expérience pourrait encore s'exécuter. M. "Wlieatstone a prouvé, en effet, que la lumière de Tétincelle électrique qui s'élance d'un conducteur fortement chargé ne dure pas un millionième de seconde. Au surplus, d'aussi courtes apparitions ne seront nulle- ment indispensables. Pourvu que la lumière n'ait pas une durée égale au temps que le miroir emploie à faire un tour sur lui-même; en d'autres termes, pourvu que les images aperçues sur le miroir tournant soient simples ; pourvu qu'elles ne résultent pas, à raison de la durée de la sensation oculaire, d'une sorte de superposition de plusieurs images successives, l'observation des déviations rela- tives des rayons supérieur et inférieur sera facile ; or personne ne doutera de la possibilité de produire avec des diaphragmes tour- nants des lignes lumineuses ou de simples points rayonnants qui , vus du miroir réfléchissant, dureront moins d'un millième de seconde. On ne s'est pas moins trompé en supposant que l'objet lumineux observé doit avoir ses dimensions transversales presque infiniment petites. Admettons , si l'on veut , que cet objet soit terminé par deux vives arêtes verticales ; malgré l'élargissement du diamètre horizontal de l'image, qui est inévitablement lié à la durée de l'ap- parition de l'objet, l'une de ces lignes terminales sera nette et offrira pour la mesure des déviations un terme de comparaison, un repère tout aussi exact que si elle était isolée. ET DES ONDES. 573 que l'observateur occupe, tourne de droite à gauche. Eh bien, si la théorie de l'émission est vraie, si la lumière est une matière, le point le plus élevé semblera à gauche du point inférieur. Il paraîtra à la droite de ce point inférieur, au contraire, si la lumière résulte des vibra- tions d'un milieu éthôré. Au lieu de deux seuls points rayonnants isolés, sup- posons qu'on présente instantanément au miroir une ligne lumineuse verticale. L'image de la partie supé- rieure de cette ligne se formera par des rayons qui auront traversé l'eau; l'image de la partie inférieure résultera de rayons dont toute la course se sera opérée dans l'air. Sur le miroir tournant, l'image de la ligne unique semblera brisée ; elle se composera de deux lignes lumineuses verticales, de deux lignes qui ne seront pas sur le prolongement l'une de l'autre. L'image rectiligne supérieure est-elle moins avancée que celle d'en bas; paraît-elle à sa gauche, — la lumière est un corps. Le contraire a-t-il lieu; l'image supérieure se mon- tre-t-elle à droite, — la lumière est une ondulation. Tout ce qui précède est théoriquement, ou plutôt spéculativement, exact. Maintenant, et c'est ici le point délicat, il reste à prouver que, malgré la prodigieuse rapidité de la lumière, que malgré une vitesse de 77,000 lieues par seconde, que malgré la petite longueur que nous serons forcés de donner aux tubes remplis de liquide, que malgré les vitesses de rotation bornées qu'auront les miroirs, les déviations comparatives des deux images (vers la droite ou vers la gauche) dont b76 SUR LES TllKORIl-S DE I/ÉMIS^ION j'ai dcnioiitré rexistence, deviendront perceptibles dans nos instruments. CHAPITRE 111 QUELLE VITESSE DE ROTATION PEL'T-O.N DONNER A UN MIROIR? J'admettrai que le miroir fait sur lui -môme 1,000 tours par seconde. 1 ,000 tours par seconde pourront paraître un nombre considérable; mais il n'y a pas à disputer là-dessus: cette vitesse a été réalisée et dépassée. Le miroir dont se servait M. Wheatstone faisait déjà 800 tours par seconde. S'il y a des limites aux vitesses de rotation dont peut être animé un très-petit miroir, un miroir de 3 à /i centimètres de large, c'est à cause de réchauffement des tourillons et de leur prompte détérioration. Notre ingénieux confrère, !\1. Gambey, à qui je soumettais le problème, m'a d'un seul mot montré qu'il serait possible de vaincre toutes les difficultés; cju'on pourrait aller bien au delà des vitesses qui jusqu'ici n'ont pas été dépassées; qu'on arriverait à les doubler, à les tripler, à les quadrupler môme, si c'était nécessaire, sans avoir rien à craindre de réchauffement ou de la détérioration des axes. Pour obtenir une vitesse double, une vitesse de "2,000 tours par seconde, il suffu-ait de faire reposer l'ap- pareil rotatif actuel sur un tourillon doué lui-môme d'une vitesse de 1,000 tours. En superposant dans les mômes conditions trois ou quatre axes tournant dans une direc- ! \n DES ONDES. 577 tion commune, on arriverait à des vitesses de rotation absolues de 3,000 et de /i,000 tours par seconde, sans que les vitesses relatives des pièces en contact surpassas- sent celle de 1,000 tours, à l'action de laquelle, comme l'expérience l'a montré , des axes peuvent résister. J'entre, au surplus, bien surabondamment dans ces explications sur la possibilité de réaliser les vitesses de 3,000 à /i,000 tours par seconde, car je n'en aurai pas besoin, car j'arriverai au but avec les seules vitesses de 1,000 tours, car j'ai avisé à un autre moyen d'accroître les déviations angulaires qu'il s'agit d'apprécier. Ce moyen est la multiplication des miroirs. Je l'ai déjà expliqué, si deux rayons parallèles arrivent l'un après l'autre sur un miroir rotatif, ils forment entre eux, après leur réflexion, un certain angle que j'appelle- rai a; mais rien n'est changé dans leurs premières rela- tions de distance; entre le plus avancé de ces deux rayons réfléchis et le suivant, il y aura exactement le même intervalle qu'entre les rayons directs : s'ils tombent donc sur un second miroir, tournant dans un sens convenable avec la vitesse du premier, une nouvelle quantité a s'ajou- tera à la précédente déviation; l'angle des deux rayons aura doublé; à l'aide d'un troisième, d'un quatrième miroir, etc. , etc. , cet angle pourra être porté à 3 a, à /la, etc., etc. La réflexion sur des faces planes devient ainsi un moyen d'amplification angulaire, ce qui, par parenthèse, peut au premier coup d'œil sembler assez paradoxal. VIL — IV. 37 578 SUR LES THÉORIES DE L ÉMISSION CHAPITRE IV DE LA VISlBILITh^ DP.S IMAGES DONT LES POSITIONS RELATIVES DOIVENT CONDUIRE A LA SOLUTION DE LA QUESTION PROPOSÉE Des images formées par voie de réllcxion, sur des miroirs tournant avec d'excessives vitesses, dureront na- turellement très- peu. Or, ne pourrait-il pas se faire qu'au-dessous d'une certaine durée d'apparition notre œil fût insensible h l'action de la lumière même la plus intense? Ce doute ne saurait être résolu à priori; mais lieureusement, dans ses recherches électriques, M. Wheat- stone a vu nettement les images d'étincelles, reflétées par le miroir tournant, et qui duraient moins d'un millionième de seconde. Je n'emploierais pas, si c'était nécessaire, de plus grandes vitesses de miroirs que le physicien anglais; sur ce point-là encore, la possibilité de mon expérience se trouve complètement établie, dût-on, à la rigueur, n'o- pérer qu'avec des lumières électriques; car j'ai prouvé, il y a un grand nombre d'années, que les rayons de toute origine, ceux du Soleil et ceux d'un ver luisant, les rayons d'une étoile et ceux du bois pourri, etc., se réfrac- tent exactement de la même quantité et doivent, dès lors, avoir des vitesses égales. ET DES ONDES. 579 CHAPITRE V VERRA-T-ON LA LUMIÈRE A TRAVERS LES ÉPAISSEURS DE LIQUIDE QUE l'expérience PROJETÉE NÉCESSITERA? Bouguer expérimenta sur la lumière d'une faible flamme qui traversait un canal en bois rempli d'eau, d'environ 3 mètres de long. Ce canal était en outre bouché par deux plans de verre d'une médiocre qualité. Pendant son trajet à travers les deux plans de verre et les 3 mètres d'eau, la lumière s'affaiblissait dans le rapport de l/i à 5. Elle conservait donc à sa sortie plus du tiers de son intensité primitive. L'eau (de mer) prise au milieu du port du Croisic n'avait pas été filtrée avec tout le soin convenable. Bou- guer estime qu'en s'entourant de toutes les précautions possibles, la lumière, après avoir traversé 3 mètres d'eau, conservait les - et même les ^ de son intensité originaire. Si 3 mètres d'eau laissent à la lumière les - de son éclat primitif = j^, g i 6 mètres correspondront ù — =y^ 9 — — à TF = A lio 4.6 -2 _ .^ Il =^_L .- . 243 1 ^^ ~ — ^ ITï^ — îU , 729 1 '^ 1b025 "^ Tl 21 - - à ± 36 n - - à JL Bouguer rapporte au surplus que, dans la zone torridc, 5S0 SUR LES THÉORIES DE L'ÉMISSION il a vu quelquefois le fond de la mer, quand il était de sable blanc, jusqu'à des profondeurs de 30 à 36 mètres. CHAPITRE VI DÉTAILS NUMÉRIQDES DESTINÉS A PROUVER QUE SANS DÉPASSER LES LIMITES DE VITESSE ET DE LONGUEUR DE TUYAU LIQUIDE PRÉCÉDEMMENT FIXÉES, ON POURRA RENDRE SENSIBLES LES DIF- FÉRENCES DES DÉVIATIONS ANGULAIRES QU'ÉPROUVERONT DEUX SYSTÈMES DE RAYONS, PRIMITIVEMENT PARALLÈLES, EN ARRIVANT AD MIROIR TOURNANT, LES UNS A TRAVERS l'aIR, LES AUTRES AU TRAVERS d'uN LIQUIDE Afin d'éviter, dès le début, toute contestation, je sup- poserai qu'on vise au miroir avec une bonne lunette, et je porterai jusqu'à l'énorme quantité d'une minute de degré l'angle dont les deux images devront être respec- tivement écartées l'une de l'autre, pour que l'observateur soit certain qu'il y ait eu déviation. Une déviation d'une minute de degré résultera de ré- flexions opérées sur deux positions du miroir inclinées l'une à l'autre d'une demi-minute. Ainsi, voyons d'abord combien de temps un miroir qui fait 1,000 tours par seconde emploie à décrire une demi-minute. Dans mille circonférences il y a 360,000 degrés. En multipliant 360,000 par 60, on aura le nombre des jni- nutes contenues dans mille circonférences. Le produit est "21 ,600,000. Ainsi, dans une seconde de temps, le miroir parcourt 21,600,000 minutes de degré. Donc, une minute de degré est décrite en ^^ ^^^^ ^^^ de seconde de temps et une demi-minute dans une durée moitié moindre, ou en — ! — de seconde. 43,200,000 vy*.v*v^. ET DES ONDES. • 581 Deux rayons qui tomberont parallèlement sur le miroir tournant formeront donc entre eux, après leur réflexion , un angle d'une minute de degré, si l'un des deux est arrivé au miroir ^^ J^ ^^^ de seconde plus tôt que l'autre. Au temps substituons des longueurs. Cherchons de combien de mètres le premier rayon doit devancer le second pour qu'il s'écoule ^3 ^^^ ^^^ de seconde entre les moments de leur arrivée à la surface réfléchissante. La lumière vient du Soleil à la Terre en 8"' 13* ou en Zl9o secondes de temps. Du Soleil à la Terre il y a 24,000 rayons terrestres, ou 2/1,000 fois 0,366,000 mètres. T? Js 1 I ••> i J 24,000X6,366,000 ,. Ln V la lumière parcourt donc — — —^ — - — mètres = /l8 X 6,366,000 mètres. De là résulte encore qu'en ^^ ^^^ ^^^ de seconde, ou pen- dant le temps que le miroir emploie à tourner sur lui- même d'une demi-minute de degré, la lumière parcourt ~l3§ooi^r~ ^""^ètres. Cette fraction vaut 7". 07 ; en nombre rond 7 mètres. Ainsi , il faut et il suffît pour que deux rayons de lumière parallèles, après s'être réfléchis à la surface d'un miroir tournant sur le pied de 1 ,000 tours en une seconde, fassent entre eux un angle d'une minute, que l'un précède l'autre de 7 mètres. Jusqu'ici nous avons été dans les préliminaires de l'ex- périence projetée. Munis de toutes ces données, entrons maintenant dans l'examen des deux théories de la lumière. Suivant la théorie de l'émission, la lumière, inévitable- ment, se meut plus vite en traversant un liquide qu'en 582 SUR LES THÉORIES DE L'ÉMISSION traversant l'air, et cela dans le rapport du sinus d'inci- dence au sinus de réfraction. Si la lumière est une ondu- lation, elle doit, au contraire, se mouvoir moins vite dans le liquide que dans l'air et suivant le rapport inverse des mêmes sinus. Des liquides ou d'autres milieux réfringents fournissent donc les moyens de hâter la marche de la lumière, de porter des rayons à la surface d'un miroir plus vite qu'ils n'y seraient arrivés, pourvu que la théorie de l'émission soit vraie. Leur interposition produira tout l'opposé, elle amoindrira la vitesse des rayons , elle les fera arriver à la surface réfléchissante plus tard que s'ils avaient continué à se mouvoir dans l'air, en admettant que la lumière soit le résultat d'une ondulation. Un faisceau de rayons à peu près parallèles partis simul- tanément d'un point éloigné, ou rendus artificiellement parallèles à l'aide d'une lentille, se dirige vers le miroir tournant. Un tuyau parallèle à ces rayons et rempli d'eau se trouve placé sur leur trajet. Le rapport du sinus d'in- cidence au sinus de réfraction, pour le passage de la lumière de l'air dans l'eau , ou, ce qui revient au même, suivant la théorie de l'émission, le rapport de la vitesse de la lumière dans l'eau à la vitesse de la lumière dans l'air, est celui de 1.33G à 1.000, sensiblement égal au rapport de 4 à 3. Les espaces parcourus étant directement comme les vitesses, pendant que la lumière franchit toute la lon- gueur du tube rempli d'eau, elle ne parcourt dans l'air que les - de cette môme longueur. Ce sera la différence de ces deux quantités , c'est-à-dire - de la longueur du tuyau d'eau, qui devra être égale à 7 mètres si l'on veut ET DES ONDES. 533 que les deux rayons se réfléchissent sous l'angle d'une minute. La longueur totale du tuyau sera donc égale à 28 mètres ^. Une vive lumière se verrait certainement à travers 28 mètres d'eau; mais, enfin, si l'image semblait trop faible, on recourrait à deux miroirs rotatifs conjugués, et alors Ç ou id mètres d'eau correspondraient à la même déviation angulaire d'une minute. Avec trois miroirs, 9"'. 3 conduiraient au résultat, xi l'aide de quatre, il suffirait de 7 mètres. Dans les mômes hypothèses, si l'on admettait que la déviation d'une demi-minute sera sensible, les longueurs des tuyaux d'eau nécessaires deviendraient : Pour un seul miroir rotatif à 1,000 tours li°'.0 Pour deux miroirs 7.0 Pour trois Zi .7 Pour quatre 3.5 Chacun de ces nombres pourra encore être réduit à moi- tié si, comme cela est probable, la lunette permet d'aper- cevoir des séparations angulaires d'un quart de minute. Choisissons un milieu plus réfringent que l'eau, par exemple le carbure de soufre, à l'égard duquel le rapport des vitesses dans l'air et dans le liquide est celui de 1.000 à 1.G78. Le même calcul donnera (pour une rotation de 1,000 tours d'un seul miroir et une déviation d'une mi- nute) une longueur de tuyau égale à 17"'. /i ~. 1. Un calcul semblable fait dans le système des ondes ne donne- rait que 21 mètres pour la longueur du tuj^au d'eau qui correspon- drait à une même déviation d'une minute. 2. Dans la théorie des ondes, la longueur du tuyau de carbure do soufre nécessaire à la même déviation ne serait pas de 11 mètres. 58i SUR LES THÉORIES DE L'ÉMISSION Avec 2,000 tours ou deux miroirs on a S".? Avec 3,000 tours ou trois miroirs 5.8 Avec 6,000 tours ou quatre miroirs ti .h Ces longueurs de tuyau seront réduites respectivement à 8'".7; à /i'"./i ; à 2"'.9 et à 2".2, en ne cherchant que des déviations angulaires d'une demi- minute. Si enfin, comme on doit le penser, on discerne bien des déviations d'un quart de minute, ces mêmes longueurs, en employant un, deux, trois et quatre miroirs rotatifs à 1,000 tours, se réduiront respectivement à [V".k\ à 2"'.2; à 1"\5; à l"'.l. CHAPITRE VII moyen de résoudre le problème par l'observation d'dne selle image Toute la série des nombres précédents établit la pos- sibilité de l'expérience projetée; tous montrent que des phénomènes de déviation deviendront un moyen décisif de choisir en connaissance de cause entre la théorie de l'émission et celle des ondes. Peut-être ne sera-t-on pas fâché de voir que le même résultat pourrait être obtenu à l'aide de l'observation d'une seule image. De nombreuses observations d'étoiles changeantes m'on prouvé que dans les espaces célestes et aussi , à fort peu près, dans l'atmosphère, les rayons de différentes couleurs se meuvent avec la même rapidité. De là , en admettant le système de l'émission , résulte nécessairement la con- séquence qu'en traversant un liquide, les rayons rouges marchent moins vite que les rayons violets et précisément ET DES ONDES. 585 dans le rapport inverse des sinus de réfraction respectifs correspondant à une incidence commune. Le système des ondes exige aussi qu'il existe une différence de vitesse entre les rayons extrêmes du spectre ; seulement elle doit avoir lieu en sens contraire : ce sont alors les rayons rouges qui marchent le plus vite. Cela posé, dirigeons un faisceau de lumière blanche sur le miroir rotatif, au travers d'un long tube rempli de carbure de soufre, liquide éminemment dispersif. Les rayons rouges, les rayons violets, tout comme les rayons intermédiaires, orangés, jaunes, verts, bleus, n'arri- veront pas au miroir en même temps; ainsi ils seront inégalement déviés ; ainsi ils formeront après leur ré- flexion, une de ces bandes irisées que les physiciens ont coutume d'appeler des spectres. Jusqu'ici tout est commun entre les deux théories de la lumière ; mais la différence commencera dès qu'on portera son attention sur l'ordre dans lequel les couleurs se succéderont : cet ordre doit être inverse dans les deux systèmes. Pour savoir si la lumière est un corps ou une onde, on n'aura donc ici qu'à examiner dans quel sens le spectre réfléchi se trouve posé; il suffira de rechercher si l'extrémité rouge esta droite ou à gauche, et cela, bien entendu, suivant le sens de la rotation du miroir. Soit que dans les expériences que je me propose de faire on se serve d'étincelles électriques ou de lumières succes- sivement cachées et découvertes à l'aide d'écrans rotatifs, comme leurs éclats ne sauraient être réglés à des mil- lièmes de seconde , il arrivera qu'un observateur visant au miroir dans une direction donnée et avec une lunette 586 suri L1£S TIIÎ'OHIES DE L'ÉMISSION d'un champ borné, n'apercevra la lumière que fortuite- ment. Ilàlons-nous d'ajouter qu'en renouvelant très-sou- vent les apparitions lumineuses, toutes les secondes par exemple; ({u en faisant tourner, au lieu du miroir unique, un prisme vertical à huit ou douze facettes ; qu'avec le concours de plusieurs observateurs, placés dans des posi- tions différentes et armés chacun de sa lunette, on ne pourra manquer d'avoir des apparitions nombreuses et décisives des rayons réfléchis. CHAPITRE VIII mSTORIQl'E DE LA QUESTION — RÉALISATION DE MES PROJETS PAR PLUSIEURS PHYSICIENS On vient de lire le compte-rendu que je fis en 1838 à l'Académie du projet d'expérience que j'avais ima- giné pour résoudre directement et définitivement cette question toujours débattue entre les physiciens : la lu- mière est-elle une matière émise par les corps rayon- nants ou le résultat de la vibration d'un milieu très-rare et très-élastique qu'on est convenu d'appeler Vélherl Les circonstances m'ont amené en 1850 à traiter la question au point de vue historique. Voici dans quels termes je m'exprimai : M. Wheatstonc était parvenu très-ingénieusement, à l'aide d'un appareil dans lequel figurait pour la première fois un miroir rotatif, à déterminer la vitesse de propagation de l'électricité. Celte belle méthode m'avait semblé un titre plus que suffisant pour que ET DES ONDES. 587 M. Wheatstone occupât un rang distingué dans la liste de candidats à une place de correspondant vacante dans la section de physique. Les membres de la section avec lesquels je me trouvais en désaccord à ce sujet préten- daient c[ue la méthode que j'exaltais, disaient -ils, outre mesure ne pourrait pas s'appliquer à d'autres recherches que celles dont M. Wheatstone avait déjà présenté les résultats. Je m'engageai à prouver, contrairement à l'opinion de mes confrères, que le miroir rotatif du physicien anglais servirait à la détermination des vitesses compa- ratives de la lumière dans les liquides et dans l'air, c'est-à-dire à la solution d'une des plus difficiles ques- tions de la philosophie naturelle. Tel fut l'objet de la Note imprimée dans le compte- rendu de la séance du 3 décembre 1838. Cette Note établissait que, dans des hypothèses fort admissibles sur les déviations angulaires susceptibles d'être observées avec une lunette ordinaire, il ne serait pas impossible de déterminer la vitesse comparative de la lumière dans le carbure de soufre et dans l'air, sans recourir à une longueur de tube exagérée et à un miroir faisant plus de 1,000 tours par seconde. Or le miroir dont s'était servi M. Wheatstone faisait déjà 800 tours dans le même intervalle de temps. Il était évident que, dans ce système d'observation et pour un écartement angulaire donné, la longueur du tube renfermant le liquide devait être d'autant plus courte que le mouvement de rotation du miroir serait plus rapide. C'est pour cela que je m'étais attaché à 588 SUR LES THÉORIES DE L'ÉMISSION suppléer à ce mouvement de rotation , qui ne peut pra- tiquement dépasser certaines limites, en combinant plu- sieurs miroirs rotatifs. Les deux rayons, tombant l'un à travers le liquide, l'autre à travers l'air sur un premier miroir rotatif, forment un certain angle ; cet angle est doublé lorsque ces rayons tombent sur un second miroir tournant dans un sens convenable avec la même vitesse; l'angle est triplé si ces rayons tombent sur un troisième miroir tournant, et ainsi de suite. On peut ainsi, par la multi- plication des miroirs rotatifs, arriver au même résultat que si un miroir unique tournait avec une vitesse double, triple,... de celle qu'il est possible d'obtenir avec sûreté sans détruire la denture des roues et sans détremper les axes. Mon ami M. Breguet fils se chargea de réaliser cette conception, par un mécanisme dans lequel toutes les communications de mouvement s'effectuaient à l'aide d'engrenages. Il mit en œuvre une disposition particu- lière de la denture dont la première idée appartient à White. On a pu voir le système des trois mouvements déjà exécuté à l'une des anciennes expositions des pro- duits de l'industrie. En visant à l'image réfléchie par le miroir qu'en- traînait le troisième rouage, les effets observés devaient être identiques avec ceux qu'aurait fournis un miroir rotatif unique faisant 3,000 tours par seconde. Dès ce moment, le succès de l'expérience projetée était mis hors de doute; on pouvait regretter seulement que, par trois réflexions successives sur trois miroirs différents, la ET DES ONDES. 589 lumière dût éprouver un affaiblissement notable. Il était donc à désirer qu'on arrivât au résultat par une seule réflexion ; c'est à quoi les expériences dont je vais rendre compte parurent conduire. Dans ses recherches sur les causes qui empêchaient de faire tourner un miroir avec plus de 1,000 tours par seconde, M. Breguet s'avisa de décharger le dernier axe du poids du miroir qu'il supportait ; de faire tourner l'axe tout seul, et il réussit, non sans étonnement, à faire faire à cet axe 8,000 tours par seconde. L'obstacle qui empêchait de faire tourner le même axe, lorsqu'il portait le miroir, avec une vitesse de plus de 1,000 tours par seconde parut évident : c'était, devait- on penser, la résistance de l'air. Je crus moi-même à l'exis- tence de cette cause, et toutes nos pensées se portèrent sur les moyens de faire tourner le miroir dans le vide. On construisit aussitôt un récipient en métal destiné à contenir l'appareil rotatif. Ce récipient était percé de plusieurs ouvertures, dont l'une devait donner entrée aux rayons de lumière ayant traversé les deux colonnes d'air et de liquide. En face des autres auraient été les objectifs des lunetlfs destinées à observer les deux rayons réfléchis par le miroir rotatif. Des communica- tions convenables étaient établies, par l'intermédiaire de boîtes à étoupes, entre l'appareil et le poids moteur. L'n tube particulier mettait l'intérieur du récipient en communication avec une machine pneumatique. Tout cela était disposé, établi sur une colonne en pierre dans la salle de la méridienne de l'Observatoire. 11 ne restait plus qu'à faire l'observation... Le miroir, o90 SUR LES THÉORIES DE L'ÉMISSION démentant toutes nos prévisions , n'a presque pas tourné plus vile dans le vide que dans Tair. Cette circonstance a montré, une fois de plus, la vérité du proverbe: «le mieux est l'ennemi du bien. « 11 a fallu songer à revenir à l'appareil primitif composé de trois rouages et de trois miroirs séparés, appareil auquel je n'avais renoncé que pour conserver aux faisceaux réfléchis une forte intensité. La nécessité de recourir à ce premier moyen d'expé- rience s'est fait sentir au moment où ma vue affaiblie ne me permettait plus de prendre part à de telles recher- ches. Mes prétentions doivent donc se borner à avoir posé le problème et à avoir indiqué les moyens certains de le résoudre. Ces moyens peuvent, dans l'exécution, éprouver des modifications qui les rendront applicables, avec plus ou moins de facilité, sans changer leur carac- tère essentiel. Je donnerai ici quelques détails sur les observations et les propositions qui m'ont été faites tou- chant ces expériences. L'ingénieux M. Wheatstone, comme nous l'avons dit, s'était contenté, dans son beau Mémoire imprimé dans les Transactions philosophiques, de parler de l'application du miroir rotatif à la détermination de la vitesse de l'élec- tricité. Après la publication de ma Note, il m'écrivit une lettre dont je vais citer divers passages : 1" juin 1839. «... J'ai lu avec un grand plaisir votre Notice insérée dans le Compte-rendu du 3 décembre 1838 sur un sys- tème d'expériences à l'aide duquel la théorie de l'émis- sion et celle des ondes seront soumises à des épreuves ET DES ONDES. 391 décisives, projet qui réunit tant d'idées ingénieuses et de grande valeur. Les conséquences auxquelles vous avez montré que conduisent mes expériences n'avaient pas échappé antérieurement à ma propre attention. L'appli- cation du principe en question , 1° à la mesure de la vitesse de la lumière dans l'atmosphère terrestre ; 2" à la comparaison de cette vitesse dans deux différents milieux, comme moyen de décider entre les deux théories rivales de la lumière, s'était présentée de bonne heure à mon esprit, quoique je n'aie rien publié à cet égard. ft En 1833, avant le départ de sir John Herschel pour l'hémisphère du sud, j'eus quelques conversations avec lui sur ce sujet, et je reçus une lettre du cap de Bonne- Espérance, en date du 5 septembre 1835, dans laquelle il me suggéra une disposition particulière à adopter pour la dernière expérience. Je reproduis, avec sa permission, un passage de cette lettre. J'ai eu aussi, dans les der- nières quatre années, plusieurs entretiens avec le colonel Colby, le directeur du levé trigonométrique de la Grande- Bretagne, touchant la possibilité de résoudre le premier problème, en profitant des mesures faites pour la carte. Il parut n'y avoir aucune objection insurmontable au plan que je proposais. Les principaux obstacles à son accom- plissement sont la difficulté et la dépense pour préparer, avec l'exactitude requise, des instruments de mesure d'une construction aussi inusitée. >- Voici maintenant un extrait de la lettre de sir John Herschel à M. Wheatstone, datée de Feldhausen, cap de Bonne-Espérance, 8 septembre 1835 : « Votre principe pour déterminer la vitesse de l'clec- 592 SLU LES THÉORIES DE L'ÉMISSION tricitc étant également applicable à la vitesse de la lumière, je voudrais vous rappeler une expérience que je vous suggérai, ainsi que vous pouvez vous en souvenir, comme digne d'être essayée, quand j'eus le plaisir de vous voir à Slough. La voici : Pour déterminer par des expériences directes quelle est la vitesse de la lumière, non-seulement dans l'air, mais aussi dans l'eau, et par là trancher une fois pour toutes la question entre la théorie de l'émission et celle des ondes, il n'est pas nécessaire que votre miroir tourne dans l'eau. 11 suffit que la lumière, soit qu'elle provienne du Soleil ou d'une décharge élec- trique, après avoir subi la subdivision requise ( comme par exemple, par une réflexion partielle sur une surface transparente), arrive à l'œil, une portion directement à travers l'air, l'autre après la transmission à travers un mille d'eau (un tiers de lieue). La grande difficulté serait d'avoir un mille d'eau bien claire et d'une égale tempéra- turc; pour cet objet, un tube sous la terre serait indispen- sable, et alors s'élève la question de savoir si l'on pour- rait trouver une lumière assez intense pour affecter l'œil après avoir subi l'absorption d'un mille d'eau. Bref, il y a des difficultés et probablement la dépense serait grande... Peut-être l'alcool aurait plus de transparence que l'eau, sans colorer la lumière; peut-être aussi des moyens pourraient être trouvés pour envoyer la lumière en avant et en arrière, ou tout autour d'un carré, par des réflexions totales à l'intérieur de prismes, à travers la même portion de liquide dans un tube d'une longueur modérée. » Ces extraits des lettres de MM. Wheatstone et Hers- ET DES ONDES. 593 chel donnent lieu à des réflexions qui doivent trouver place ici. M. Wiieatstone avait sans conteste, puisqu'il le déclare, songé à déterminer, à l'aide de son miroir rotatif, la vitesse comparative de la lumière dans l'air et dans l'eau ; mais comme cette pensée n'avait reçu aucune publicité, elle était pour tout le monde comme non avenue : la pu- blication est le seul moyen d'établir en ce genre la prio- rité. M. Wheatstone remarquera que je me suis appliqué naguère ce principe à mon détriment, à l'égard d'une de ses plus ingénieuses inventions, celle de son horloge chro- matique ou polaire ^. Je ne veux, pour montrer l'inconvénient qu'il y aurait à prendre pour guide, dans des questions de priorité, des souvenirs vagues de quelques anciennes conversations, que la différence que l'on remarque entre les termes de la lettre de M. Wheatstone et ceux de la lettre de M. Herschel. Le premier dit, en effet : « J'avais songé à déterminer la différence de vitesse en question » ; le se- cond écrit : « Je vous suggérai l'expérience, ainsi que vous pouvez vous en souvenir ». Une chose qui résulte, au reste, avec une entière évi- dence, des extraits qu'on vient de lire, c'est que les deux célèbres physiciens anglais n'avaient nullement conçu des moyens d'expérience réalisables à l'époque de leur conversation. Transmettre la lumière à travers un tiers de lieue de liquide, soit directement, soit par des ré- flexions multiples, est un moyen purement théorique et idéal. 1. Voir page 396 de ce volume, VII.— IV. 88 594 SUR LES THÉORIES DE L'ÉMISSION Je n'ajoute plus qu'un seul mot : la publicité donnée à mon système d'observation a dû être considérée par ^]. Wheatstone lui-même comme une raison de s'abs- tenir. En effet, il n'a pas fait l'expérience, quoiqu'il eût les appareils nécessaires pour cela. Il est vrai qu'en général on recule devant les difficultés, lorsqu'il s'agit de tenter une épreuve indiquée par un autre et qu'on ignore la part que le public consentirait à attribuer à cha- cun dans le succès. Quant à moi, si j'ai apporté de longs retards à la réalisation de ce que j'avais annoncé, cela a tenu, en grande partie, aux obligations que M, Breguet, mon collaborateur, avait contractées avec le gouverne- ment pour la fourniture de télégraphes électriques et au désir que j'avais d'opérer, ainsi que je l'ai dit, avec un miroir faisant 8,000 tours par seconde. Peut-être aussi me reposais-je avec confiance sur la pensée que personne n'exécuterait , sans y être autorisé par moi, une expérience fondée sur des principes et des moyens d'exécution auxquels j'avais initié le public dans les plus grands détails. M. Bessel, après ma publication dans le Comple- rendu, m'annonça qu'il avait songé à une modification de mon appareil composé de trois rouages successifs surmontés chacun d'un miroir : il recevait, lui, les rayons réfléchis par le premier miroir rotatif, non plus sur un second miroir tournant, mais sur un miroir fixe qui le renvoyait au premier miroir ; après cette seconde réflexion, les rayons tombaient encore sur le miroir fixe, d'où ils se réfléchissaient, une troisième fois, sur le miroir mobile, etc. C'est après la dernière réflexion sur ET DES ONDES. 595 le miroir mobile unique que M. Bessel voulait observer l'écartement angulaire du rayon. Cette méthode, plus simple que celle que j'avais proposée, en ce sens qu'elle n'exigeait qu'un rouage, avait l'inconvénient très-grave d'affaiblir beaucoup plus la lumière, puisqu'il y avait de plus que dans l'autre méthode la réflexion sur les miroirs fixes. En me communiquant son système, l'illustre astronome de Kœnigsberg ajoutait ces mots : « Quoique mon procédé me paraisse plus simple, comme il n'est qu'une modification du vôtre, je ne l'essaierai pas : l'idée de l'expérience vous appartient; vous avez démontré la possibilité de sa réalisation ; aussi le résultat, quel qu'il soit, vous appartiendra.» M. Silbermann, sans avoir connaissance de la com- munication antérieure de M. Bessel, me fit une propo- sition analogue à celle de l'illustre observateur de Kœnigsberg. Enfin, un professeur dont j'ai oublié le nom, n'ayant malheureusement conservé dans mes papiers qu'un fragment de sa lettre, m'indiqua aussi quelques modi- fications à apporter à mon projet d'expériences pour en rendre l'exécution plus facile. Les choses étaient dans cet état, lorsque M. Fizeau détermina , par une expérience si ingénieuse , la vitesse de la lumière dans l'atmosphère. Cette expérience n'était pas indiquée dans mon Mémoire, l'auteur avait donc le droit de la faire sans s'exposer au plus léger reproche d'indélicatesse. Quant à l'expérience de la vitesse comparative de la lumière dans un liquide et dans l'air, l'auteur m'écrivait : 596 SUR LES THÉORIES DE L'ÉMISSION « Je n'ai fait encore aucun essai dans ce sens, et je ne m'en occuperai que sur votre invitation formelle. » Cette réserve loyale ne pouvait qu'ajouter à l'estime que le caractère et les travaux de M. Fizeau m'ont inspirés, et je me suis empressé d'autoriser M. Breguet à lui prêter un ou plusieurs de mes miroirs rotatifs. M, Foucault, dont l'Académie connaît l'esprit inventif, est venu lui-même me faire part du désir qu'il avait de soumettre à l'épreuve de l'expérience une modification qu'il voulait apporter à mes appareils. Je ne puis, dans l'état actuel de ma vue, qu'accom- pagner de mes vœux les expérimentateurs qui veulent suivre mes idées et ajouter une nouvelle preuve en faveur du système des ondes, à celle que j'ai déduite d'un phénomène d'interférence trop bien connu des physiciens pour que j'aie besoin de le rappeler ici ^. CHAPITRE IX DIRECTION DES MOUVEMENTS MOLÉCULAIRES DE l'ÉTHER Les expériences de polarisation ont conduit graduel- lement les physiciens, partisans du système des ondes, à admettre que les mouvements moléculaires de l'éther s'opèrent perpendiculairement à l'axe de tout rayon lumineux, perpendiculairement à la ligne droite suivant laquelle tout rayon se propage. L'hypothèse n'a pas été accueillie d'emblée. Il n'a fallu rien moins pour 1. Voir pages 100 et Z|26 de ce volume. ET DES ONDES. 597 vaincre de nombreuses hésitations, que les étranges phénomènes d'interférences offerts par les rayons pola- risés. Cependant j'ai trouvé qu'à une époque déjà ancienne, que dans l'année 1672, un savant illustre, le docteur Robert Hooke, constituait déjà les ondes lumineuses, comme il vient d'être dit, et cela sans y être forcé par aucun fait expérimental, sans la moindre idée anticipée de la polarisation et du rôle qu'elle joue aujourd'hui dans les interférences lumineuses. Le pas- sage du célèbre auteur de la Micrographie existe à la page 12 du tome m de VHistoire de la Société royale lie Londres, par Bircli. Ce passage le voici : «The motion of light in an uniform médium, in which it is generated, is propagated by simple and uniform puises or waves , which are at right angles with the Une of direction. » (Le mouvement de la lumière dans un miUeu uniforme où elle est engendrée est propagé par des pulsations ou des ondes qui sont à angles droits avec la direction que suit la lumière.) CHAPITRE X SLR LA VITESSE DES DIVERSES LUMIÈRES En terminant cette Notice je dois me féliciter d'avoir vu l'illustre doyen de l'Académie, M. Biot , donner son assentiment aux suppositions à l'aide desquelles je suis par- venu, au commencement du siècle, à concilier certaines mesures de la déviation prismatique de la lumière des étoiles avec le système de l'émission. Dans ces expériences 598 SUR LES THÉORIES DE L'ÉMISSION j'avais trouvé exactement la môme déviation en observant, à travers un prisme, les étoiles vers lesquelles la Terre marchait et les étoiles situées à l'opposite, quoique, d'après le calcul, la différence relative de la vitesse des rayons des deux étoiles étant de -î- (le double de la vitesse de 5,000 ^ la Terre) eût dû donner une différence de déviation de près de 30 secondes ^. Cette même supposition que les coips lumineux émet- tent des rayons avec toutes les vitesses possibles et que dans l'ensemble de ces vitesses une seule produit la sen- sation de la lumière, rend compte aussi de l'égalité de vitesse apparente des rayons de toutes les étoiles. Une pareille égalité avait d'autant plus besoin d'être expliquée qu'en supposant la lumière matérielle, les molécules après s'être élancées sont soumises à l'attraction du corps d'où elles émanent, et que, sans donner à quelques étoiles des dimensions improbables, la vitesse de leurs rayons pour- rait être non-seulement affaiblie d'une manière sensible, mais encore réduite à zéro. J'ai prouvé aussi qu'une portion très-notable de la lumière qui émane des corps solides incandescents (d'une masse de platine rouge blanc, par exemple) vient de l'in- térieur du corps. Tout ce qu'il y aurait d'extraordinaire dans l'égalité de la vitesse de deux rayons dont l'un est né au sein de la matière du platine et l'autre à sa surface, disparaît à l'aide de l'hypothèse en question. Alors, aussi, personne n'a plus le droit de s'étonner que les lumières terrestres, que celle d'un ver luisant, par exemple, sq 1. Voir page 562 de ce volume. i ET DES ONDES. 599 réfractent précisément comme la lumière solaire ou celle des étoiles. Je n'ajouterai plus que quelques mots pour rectifier une erreur qui a été commise sous le point de vue histo- rique : on a imprimé que mes observations, à travers un large prisme achromatique, d'étoiles situées dans la direc- tion du mouvement de translation de la Terre, et dans la direction opposée, avaient été faites à la suggestion de M. Laplace; l'illustre géomètre a bien voulu seulement donner son approbation à mes recherches après avoir entendu la lecture de mon Mémoire, FIS DU TOME QUATRIÈME DES NOTICES SCIENTIFIQUES TABLE DES FIGURES Fig. Papps. l Expérience des interférences 32 '2 Passage de la lumière à travers une lentille Zil 3 Trace de l'ombre de la Lune sur la surface de la Terre pendant l'éclipsé totale de Soleil du 8 juillet 18^2 lûO U Visibilité des montagnes lunaires par double réflexion 272 5 Positions relatives du Soleil et de la Lune au moment de l'éclipsé totale 277 6 Théorème de la détermination de l'angle de polarisation complète 313 7 Polarisation totale à la surface d'un milieu à faces paral- lèles 318 8 Comparaison de la lumière réfléchie et de la lumière trans- mise 323 9 Nature d'un rayon polarisé après deux réflexions totales. , 370 10 Anneaux formés par de la lumière polarisée ayant traversé un cristal à un seul axe Ii05 11 Anneaux formés par de la lumière polarisée ayant traversé un cristal à deux axes /ilO FIN DE LA TABLE DES FIGIT.LS TABLE DES MATIERES DU TOME SEPTIÈME TOME QUATRIÈME DES NOTICES SCIENTIFIQUES DE LA SCINTILLATION l'ages. CHAPITRE PREMIER. — Avant-propos 1 CHAPITRE IL — En quoi consiste la scintillation 2 CHAPITRE III. — Des changements instantanés de couleur des étoiles observables à l'œil nu 3 CHAPITRE IV. — Scintillation de Mercure et de Vénus 5 CHAPITRE V. — Scintillation de Mars 6 CHAPITRE VI. — Scintillation de Jupiter et de Saturne 8 CHAPITRE VU. — Scintillation dans les lunettes 9 CHAPITRE VIII.— De l'influence des oscillations sur les images produites dans les lunettes 17 CHAPITRE IX.— Les étoiles, quelle que soit leur grandeur, scin- tillent-elles également quand elles sont placées à la même hauteur au-dessus de l'horizon? Y a-t-il, au contraire, sous le rapport de la scintillation , des dift"érences spécifiques entre des étoiles de même grandeur ou de grandeur dif- férente? 20 CHAPITRE X. — Influence supposée des distances des astres sur leur scintillation 22 CHAPITRE XL — Quelles modifications les circonstances atmo- sphériques apportent-elles à la scintillation? 23 CHAPITRE XIL — Modification que la hauteur au-dessus de l'horizon apporte au phénomène de la scintillation 27 CHAPITRE XIU.— La scintillation d'une étoile est-elle la même pour des observateurs diversement placés? 2S 602 TABLE DES MATIÈRES. Pages. CHAPITRE XIV. — Des couleurs complémentaires 29 CHAPITRE XV. — Des interférences ; des lois qui les régissent. 31 CHAI'ITRE XVI. — Application de la théorie des interférences à Texplication de la scintillation ZiO CHAPITRE XVII. — Scintillation des planètes /i7 CHAPITRE XVIII. — Scintillomètres 50 § 1. — Premier scintillomètre 51 § 2. — Deuxième scintillomètre 55 § 3. — Troisième scintillomètre 5G CHAPITRE XIX. — Examen des explications qui avaient été données jusqu'ici du phénomène de la scintillation 58 § 1. — Explication d'Aristote 58 § 2. — Ptolémée 59 § 3. — Averrhoès 60 % à. — Alhazen et Vitellion 61 § 5. — Aguilonius et Aversa 62 § 6. — Tycho 63 § 7. — Cardan 64 § 8. — Scaliger 6Zi § 9. — Jordano Bruno 65 § 10. — Galilée 66 § 11. — Kepler 66 § 12. — Scheiner 68 § 13. — Descartes 68 § iti. — Huygens 69 § 15. — Gassendi 69 § 16. — Riccioli 70 § 17. — Hooke 71 § 18. — Newton 73 § 19. — Kern 75 § 20. — Jurin 7G § 21. — Jacques Gassiui 77 § 22. — D^ Long. 78 § 23. — Mairan 79 § 24. — Jlichell 70 TABLE DES MATIÈRES. 603 Pages. § 25. — Lalande 81 § 26. — Musschenbroeck 82 § 27. — Darwin 82 § 28. — Saussure SU § 29. — Odstrora 84 § 30. — Young et JN'icholson 85 § 31. — M. Biot 86 § 32. — M. Forster 87 § 33. — M. Capocci 88 § 34. — M. Kaemtz 90 § 35. — M. Arago 91 CHAPITRE XX. — Conclusions 90 APPENDICE § 1. — Explication du phénomène de la scintillation, remise à M. de Humboldt eu 181^, et insérée à la fin du livre IV du Foyage aux régions équinoxiales du nou- veau continent 97 § 2. — Note sur un phénomène remarquable qui s'observe dans la diffraction de la lumière, lue à l'Institut le 26 février 1816 99 § 3. — Quelques remarques insérées en 182i dans le tome XXVI des Annales de chimie et de physique, sur un Mémoire de M. Thomas Forster, relatif aux forces réflective, réfractive et disporsive de l'atmosphère, qui a été lu à la Société météorologique de Londres en février et mars 1824 103 §4. — Résumé d'un Mémoire sur la scintillation des étoiles, inséré dans le compte-rendu de la séance de l'Académie du 20 janvier 1840 109 CONSTITUTION PHYSIQUE DD SOLEIL ET DES ÉTOILES Notice sur les observations qui ont fait connaître la con- stitution physique du Soleil et celle de diverses étoiles. 604 TABLE DES .MATIl^RES. Pages. — Exainoii des conjectures des anciens philosophes et des données positives des astronomes modernes sur la place que doit prendre le Soleil parmi le nombre pro- digieux d'étoiles dont le firmament est parsemé 1112 NOTICE SUR LES ÉCLIPSES ET PARTICDLIÈREMENT SUR l/ÉCLIPSE TOTALE DE SOLEIL DU 8 JUILLET 18/|2 CHAPITRE PREMIER. — Avant-propos 13G CHAPITRE IL — Définitions 137 CHAPITRE IIL — De la couronne lumineuse dont la Lune est entourée pendant une éclipse totale de Soleil 162 CHAPITRE IV. — De certaines irrégularités qui se manifestent au moment où les bords de la Lune se trouvent intérieu- rement à de petites distances des bords du Soleil 1/|3 CHAPITRE V. — Des lueurs observées sur la surface de la Lune pendant certaines éclipses totales de Soleil ikU CHAPITRE VL — Réflexions et recommandations soumises aux observateurs des futures éclipses lZi6 CHAPITRE VIL — Heures du commencement et de la fin de réclipse; heures du commencement et de la fin de l'obs- curité totale 156 CHAPITRE VIIL — Intensité de la lumière atmosphérique 164 CHAPITRE IX. — De la lumière cendrée pendant les éclipses totales de Soleil 168 CHAPITRE X. — Marche du thermomètre pendant les éclipses. 169 CHAPITRE XI. — Couleur apparente du ciel, aspect des objets, dans les moments qui précédèrent et dans ceux qui suivi- rent le moment de l'éclipsé totale de 18/i2 171 CHAPITRE XII. — Sur la couronne lumineuse dont la Lune parut entourée pendant toute la durée de l'éclipsé totale de 1862 176 § 1. — Forme générale de cette couronne 176 g 2. — De la situation des rayons divergents de la cou- ronne 180 § 3. — Quelle était la largeur angulaire de chacune des TABLE DES MATIÈRES. 60:i Pages. parties de la couronne? La couronne était-elle centrée sur la Lune ou sur le Soleil? 182 § ù. — Nature de la lumière de la couronne 185 § 5. — Intensité de la lumière de la couronne 187 CHAPITRE XIIL — Couronne lumineuse de Téclipse totale de Soleil observée le 8 août 1850 à Honolulu ( île Sandwich). . 19Zi CHAPITRE XIV. — Y a-t-il une atmosphère autour de la Lune? 198 CHAPITRE XV. — Y a-t-il quelquefois sur la Lune des espaces, grands ou petits, lumineux par eux-mêmes? Y a-t-il à la surface de notre satellite des volcans en ignition ? L'atmo- sphère de la Lune (si cette atmosphère existe) est-elle sillonnée par des orages? 202 CHAPITRE XVI. — Sur les traits rectilignes et noirs qu'on s'attendait à observer entre le bord convexe de la Lune et le bord concave voisin du Soleil 210 CHAPITRE XVII. — Visibilité de la partie du contour de la Lune qui ne se projette pas sur le Soleil 21o CHAPITRE XVIII. — Sur un mouvement ondulatoire qui se manifeste peu de temps avant et peu de temps après l'éclipsé totale, c'est-à-dire lorsque le segment solaire visible a très-peu de largeur 225 CHAPITRE XIX. — Polarisation de la lumière de la couronne lunaire pendant les éclipses 232 CHAPITRE XX. — Sur les proéminences rougeàtres qui se montrèrent en divers points du contour de la Lune, pen- dant toute la durée de Péclipse totale du 8 juillet 18û2. . 238 § 1. — Observations faites en France 239 § 2. — Observ ations faites hors de France 2/i7 CHAPITRE XXT. — Observations des protubérances pendant l'éclipse totale de Soleil du 8 août 1850 258 CHAPITRE XXII. — Des protubérances pendant l'éclipse totale du 28 juillet 1851 263 CHAPITRE XXIH. — Sur les causes des protubérances. — An- cienneté de l'observation de ces phénomènes. — Les pro- tubérances sont-elles des montagnes de la Lune, des mon- tagnes du Soleil, des nuages de l'atmosphère de ce dernier astre ou des illusions d'optique? — Sera-t-il toujours indispensable d'attendre, pour les observer, le moment d'une éclipse totale ou annulaire? 264 €06 TABLE DES MATIERES NOTICE SUR LA POLARISATIOK DE LA LUMIÈRE Pages. CHAPITRE PREMIER. — Introduction 291 CHAPITRE II. — Définition d'un rayon polarisé 29/i CHAIM'iRE III. — Do la double réfraction considérée comme moyen de polariser la lumière 295 CHAPITRE IV. — De la réflexion considérée comme moyen de polariser la lumière 306 CHAPITRE V. — Des rayons partiellement polarisés 309 CHAPITRE VI. — Des lois qui relient les pouvoirs réfringents des corps aux angles de polarisation 313 CHAPITRE VII. — De la réfraction considérée comme moyen de polariser la lumière 321 CHAPITRE VIII. — De la dépolarisation de la lumière 331 CHAPITRE IX. — Des phénomènes d'interférence en tant qu'ils sont modifiés par une polarisation préalable de la lumière. 336 CHAPITRE X. — De l'espèce de polarisation qui se manifeste par des phénomènes de couleur, et qu'on a appelée à cause de cela la polarisation colorée 3Ztl CHAPITRE XI. — Sur les phénomènes de dépolarisation et de couleurs produits par les lames cristallisées 3Zi9 CHAPITRE XII. — Sur la polarisation circulaire 369 CHAPITRE XIII. — Détails historiques sur la découverte des diverses propriétés de la lumière qui sont relatives à des phénomènes de polarisation 374 § 1. — Découverte de la polarisation par Huygens dans les rayons provenant de la double réfraction. — Dé- couverte par Malus des effets de la réflexion sur les rayons polarisés 375 § 2. — Découverte par Malus de la polarisation dans les rayons réfléchis 376 § 3. — Observation des rayons partiellement polarisés par M. Arago 377 § û. — Découverte par M. Brewster de la loi qui lie l'angle de polarisation complète au pouvoir réfringent des corps. — Règle de Malus et théorème de M. Arago. ... 377 TABLE DES MATIÈRES. 607 Pages. § 5. — Découverte par Malus de la polarisation par la réfraction simple. — Découverte par M. Arago de l'égalité des quantités de lumière polarisée des fais- ceaux réfléchis et transmis. — Découverte des pro- priétés des piles de plaques par Malus. — Assimilation de certains corps naturels aux piles par M. Brewster. 378 § 6. — Lois mathématiques de Fresnel reliant les divers plans de polarisation des faisceaux diversement réflé- chis et réfractés 380 § 7. — Découverte par MM. Arago et Fresnel des modifi- cations apportées dans les phénomènes d'interférence par la polarisation 381 § 8. — Découverte par M. Arago de la polarisation colorée. 381 § 9. — Découverte des lois de la dépolarisation par les lames cristallines parallèles à l'axe. — Recherches et expériences de Fresnel, de M. Arago, de M. Biot, de M. Herschel et du docteur Thomas Young 390 § 10. — Découverte par Fresnel de la polarisation cir- culaire 392 CHAPITRE XIV. — Observations détachées. — Instruments nouveaux fondés sur les propriétés des rayons polarisés. 393 § 1. — De la polarisation produite par les lames très- minces 393 § 2. — De la polarisation de la lumière dans l'atmosphère. 394 § 3. — Horloge polaire 395 § û. — Des modifications que la polarisation apporte aux phénomènes d'absorption 397 § 5. — Polarisation par réfraction de la lumière qui fait voir les corps. — Couleur propre des corps. — Cyano- métrie /lOl § 6. — Sur la lumière des corps incandescents. — Appli- cation à la recherche de la constitution physique du Soleil /iOo § 7. — Des anneaux colorés qui se forment à l'aide de la lumière polarisée autour des axes opti(iu§|^.des cris- taux. — Cristaux à un seul axe ZiOi § 8. — Cristaux à deux axes /4O9 § 9. — Des anneaux colorés fiil § 10. — La lumière des halos est polarisée par réfraction. Zjl4 C08 TABLE DES MATIÈRES. Pages. >5 11. — Instrument propre à faire voir les écueils UiU ^ V2. — Emploi du polarimètre pour l'étude de l'optique atmosphérique dans les ascensions aérostatiques Ui5 ^ 13. — Sur les interférences de la lumière considérées comme moyen de résoudre diverses questions très- délicates de physique et comme servant de base à la construction de nouveaux instruments de météoro- logie il8 § l!i. — Sur l'action que les rayons de lumière polarisés exercent les uns sur les autres Zi26 APPENDICE I. — Quelques résultats relatifs à la polarisation de la lumière. /i29 ^1. — Polarisation colorée produite par divers oxydes métalliques Zi29 ^5 2. — Polarisation par la porcelaine Z|30 § 3. — Polarisation de l'atmosphère Zi30 § i. — Dépolarisation de la lumière Zi30 vj 5. — Polarisation des images diffractées ZiSl j5 6. — Sur les couleurs des divers corps ^32 H. — r.emarques sur riiifluonce mutuelle de deux faisceaux lumineux qui se croisent sous un très-petit angle 432 III. — Sur la polarisation de la lumière atmosphérique et de la lumière de la Lune /i35 IV. — Construction d'un colorigrade. — Cyanométrie U'ol SLR L'IMPLLSION DES RAYONS SOLAIRES M7 LE DAGUERREOTYPE CHAPITRE PREMIER. — Introduction 455 CHAPITRE IL — De la chambre obscure 464 CHAPITRE III. — Tentatives des anciens pour fixer les images de la chambre obscure 466 CHAPITRE IV. — Association de MM. Niepce et Daguerre 469 CHAPITRE V. — Procédé de M. Niepce 471 TABLE DRS MATlf^RES. 609 CHAPITRE VI. — Modifications apportées par M. Da^uerro à la méthode de M. -Mepce lû'i CHAPITRE VU. — Procédé de M. Daguon-e !il() CHAPITRE Mil.— Examen de quelques réclamations do prioi-ité. /i80 CHAPITRE IX. — Procédé de M. Talbot /iHO CHAPITRE X. — Des avantages de la pliotograpiiie /i92 CHAPITRE Xf. — Sur la grande vulgarisation de Fart plioto- graphique 49Zi CHAPITRE XII. — Utilité scientifique de Tinveution de M. Da- guerre 698 CHAPITRE XIH. — Sur la reproduction des couleurs 505 CHAPITRE XIV. — Sur la gravure photograpliiqup 506 CHAPITRE XV. — Conclusion 510 SLR LA PHOSPHORESCENCE 518 SUR L'ACTION CALORIFIQUE ET L'ACTIOX CHIMIOUE DE LA LUMIÈRE CHAPITRE PREMIER. — De la chaleur qui accompagne les lumières terrestres 5?>0 CHAPITRE II. — Action cliimique des lumières artificielles. . . 5:'i2 CHAPITRE III. — Séparation de la propriété éclairante, de la propriété calorifique et de la propriété cliimique d'un rayon de lumière 5;!(j CHAPITRE IV. — De la puissance photogénique des rayons lumineux 538 VITESSE DE [-A LLMikUE 5^8 SUR LES THÉORIES DE L'ÉMISSION ET DES ONDES CHAPITRE PRI-MIKR. - Avant-propos 500 CHAPITPiE H. — Principe de la méthode expérimentale qui doit décider entre la théorie de rémission et celle des oudi's 571 VI!.— IV. ?-9 «10 TAiîi.R nr:s matikres. P.IÎOS. C.liMM'rRK III. — O'ioilo vitesse de rotation peut-on donner à un miroir? 576 CHAlMTRE IV. — De la visibilité des images dont les posi- tions relatives doivent conduire à la solution de la ques- tion proposée 578 CHAPl TUK V. — Verra-t-on la lumit'^reà travers les épaisseurs de liquide que rexpérience projetée nécessitera? 579 CHAPITRE VI. — Détails numériques destinés à prouver que sans dépasser les limites de vitesse et de longueur de tuyau liquide précédemment fixées, on pourra rendre sen- sibles les différences des déviations angulaires qu'éprou- veront deux systèmes de rayons, primitivement paral- lèles, en arrivant au miroir tournant, les mis à travers l'air, les autres au travers d'un liquide 580 CHAPITRE VII. — Moyen de résoudre le jiroblèmo par l'obser- vation d'une seiUe image 58/i CHAPITRE VIII. — Historique de la question. — Réalisation de mes projets par plusieurs physiciens 5Sfi CHAPITRE IX. — Direction des mouvements moléculaires de l'éther. 59(» CHAPITRE X. — Sur la vitesse des diverses lumières 597 FIN DF. f.A TABLE DFS MATIÈRES DU TOME SFPTIKME TÛMF, ulATlIIÈNE DES NOTICES SClENTlFlglES m 113 A7 185/. -.7 Ara^o, Doirdn.iqu.e Françoi; Jean Oeuvres coiiDleoes PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY