,M^ ^^^W. ŒUVRES c; o r.i V I- h r i . s DE BUFFON. TOME VII. MINÉRAUX. IV. rAI.lS. liliniîMERIE DAT). MOESSAIU) . P.UE OE Fi;RSTEMCJ:r.G , A" S BIS. OEUVRES COMPLETES DE BUFFON AUGMEÎVTÉES PAR i\i. F. CUVIER, MEMBRE DE l'iNSTITUT, (AcKU'miç des Sciences) DE DEUX VOLUMES suppfcmcntairc^ OFFRANT LA DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES ET DES OISEAUX LES PLUS REMARQUARLES DÉCOUVERTS JUSQu'a CE JOUR, ET A C r. li MP A G N K l;> i)"u> BEAU PORTRAIT DE BUFFON, ET DE qGo GRAVUK rs V. S TA IL LE -POUCE, EXÉCUTÉES POUR CETTE ÉdITIOA PAl! LES MEILLEUnS AUTISTES. A PARIS, CHEZ F. D. PILLOT, EDITEUR KUE DE SEI]\E-SA.I,\T-GEUMAIN, n" 49 • SALMON, LIBRAIRE. QUAI DES aî:gustii\s, n° iq. 1829. ^X]f HISTOIRE DES MINÉRAUX. IV. ÎUil'l'ON. Yir. ri\\\\\VAa\vv/v\\^v\v\v\\\a\v%'\v>\iv\v\'\'vvv(vvv\.'\'V'Vvx\\\/\\vv\vv\A\\\'vvvv'vv'V\'vv\\v\vx*\\\A\\\ HISTOIRE DES MINÉRAUX. DES MATIERES VOLCANIQUES. &OUS le nom de matières volcaniques j, je n'entends pas comprendre tontes les matières rejetées par l'ex- plosion des volcans, mais seulement celles qni ont été produites ou dénaturées par l'action de leurs feux. Un volcan, dans une grande éruption annoncée par les mouvements convulsifs de la terre, soulève, détache, et lance au loin les rochers, les sables, les terres, toutes les masses, en un mot , qui s'opposent à l'exer- cice de ses forces : rien ne peut résister à l'élément terrible dont il est animé. L'océan de feu qui lui sert de base agite et fait trembler la terre avant de len- tr'ouvrir : les résistances qu'on croiroit invincibles sont forcées de livrer passage à ses flots enflammés; ils enlèvent avec eux les bancs entiers ou en débris des pierres les plus dures, les plus pesantes, comme les couches de terre les plus légères ; et , projetant le tout sans ordre et sans distinction , chaque volcan forme au dessus et autour de sa montagne, des collines de décombres de ces mêmes matières, qui faisoicnt au- 8 MINÉRAUX. paravant la partie la plus solide et le raassil" de sa base. On retrouve dans ces amas immenses de pierres projetées les mêmes sortes de pierres vitreuses ou cal- caires, les mêmes sables et terres, dont les unes, n'ayant été que déplacées et lancées, sont demeurées intactes, et n'ont reçu aucune atteinte de l'action du feu ; d'autres qui en ont été sensiblement altérées, et d'autres enfui qui ont subi une si forte impression du feu, et souffert un si grand changement , qu'elles ont pour ainsi dire été transformées, et semblent avoir pris une nature nouvelle et différente de celle de tou- tes les matières qui existoient auparavant. Aussi avons-nous cru devoir distinguer dans la ma- tière purementbrute deux états différents, et en faire dcuxclasses séparées^ ; la première composée des pro- duits immédiats du feu primitif, et la seconde des produits secondaires de ces foyers particuliers de la nature dans lesquels elle travaille en petit comme elle opéroit en grand dans le foyer général de la vitrifica- tion du globe; et même ses travaux s'exercent sur un plus grand nombre de substances et sont plus variés dans les volcans qu'ils ne pouvoient l'être dans le feu primitif, parce que toutes les matières de seconde formation n'existoient pas encore, les argiles, lapiernî calcaire, la terre végétale, n'ayant été produites que postérieurement par l'intermède de l'eau ; au lieu que le feu des volcans agit sur toutes les substances an- ciennes ou nouvelles, pures ou mélangées, sur celles qui ont été produites par le feu primitif comme sur 1. Voyez le prcnnei article de ccfte histoire des minéraux. DES MATIÈRES VOLCANIQUES. f) celles qui ont été formées par les eaux, sur les sub- stances organisées et sur les masses brutes ; en sorte que les matières volcaniques se présentent sous des formes bien plus diversifiées que celles des matières primitives. Nous avons recueilli et rassemblé pour le Cabinet duRoi une grande quantité de ces productions de vol- cans; nous avons profité des recherches et des ob- servations de plusieurs physiciens qui , dans ces der- niers temps, ont soigneusement examiné les volcans actuellement agissants et les volcans éteints : mais, avec ces lumières acquises et réunies, je ne me flatte pas de donner ici la liste entière de toutes les matières produites par leurs feux, et encore moins de pouvoir présenter le tableau fidèle des opérations qui s'exécu- tent dans ces fournaises souterraines, tant pour la destruction des substances anciennes que pour la pro- duction ou la composition des matières nouvelles. Je crois avoir bien compris, et j'ai tâché de faire entendre , comment se fait la vitrification des laves dans les monceaux immenses de terres brûlées, de cendres, et d'autres matières ardentes, projetées pai' explosion dans les éruptions du volcan ; comment la lave jaillit en s'ouvrant des issues au bas de ces monceaux; com- ment elle roule en torrents, ou se répand comme un déluge de feu, portant partout la dévastation et la mort ; comment cette même lave , gonflée par son feu intérieur, éclate à sa surface , et jaillit de nouveau pour former des éminences élevées au dessus de son niveau; comment enfin, précipitant son cours du haut des côtes dans la mer, elle forme ces colonnes de basalte qui, par leur renflement et leur effet réciproque. ÎO MINÉRAUX. prennent une figure prismatique, à plus ou moins de pans, suivant les différentes résistances, etc. Ces phé- nomènes généraux me paroissent clairement expli- qués; et quoique la plupart des effets plus particuliers en dépendent, combien n'y a-t-il pas encore de cho- ses importantes à observer sur la différente qualité de ces mêmes laves et basaltes, sur la nature des matiè- res dont ils sont composés , sur les propriétés de celles qui résultent de leur décomposition ! Ces recherches supposent des études pénibles et suivies; à peine sont- elles commencées : c'est pour ainsi dire une carrière nouvelle, trop vaste pour qu'un seul homme puisse la parcourir tout entière, mais dans laquelle on jugera que nous avons fait quelques pas, si l'on réunit ce que j'en ai dit précédemment à ce que je vais y ajouter ^. Il étoit déjà difficile de reconnoître dans les pre- mières matières celles qui ont été produites par le feu primitif, et celles qui n'ont été formées que par l'in- termède de l'eau ; à plus forte raison aurons-nous peine à distinguer celles qui, étant également des produits du feu, ne diffèrent les unes des autres qu'en ce que les premières n'ont été qu'une fois liquéfiées ou su- blimées, et que les dernières ont subi une seconde et peut-être une troisième action du feu. En prenant donc en général toutes les matières rejetées parles volcans, il se trouvera dans leur quantité un certain nombre de substances qui n'ont pas changé de nature : le quartz, les jaspes, et les micas doivent se rencon- trer, dans les laves, sous leur forme propre ou peu altérée ; le feld-spath, le schorl , les porphyres et gra- 1. Voyez l'arliclo entier des Volcans , tome II , p. 535, et les Epoques, de La TSature, tome V. DES MATIÈRES VOLCANIQUES. 11 nites, peuvent s'y trouver aussi, mais avec de plus grandes altérations, parce qu'ils sont plus fusibles ; les grès et les argiles s'y présenteront convertis en pou- dres et en verres; on y verra les matières calcaires cal- cinées ; le fer et les autres métaux sublimés en safran , en litharge; les acides et alcalis devenus des sels con- crets ; les pyrites converties en soufres vifs ; les sub- stances organisées, végétales ou animales, réduites en cendres. Et toutes ces matières mélangées à diffé- rentes doses ont donné des substances nouvelles, et qui paroissent d'autant plus éloignées de leur première origine, qu'elles ont perdu plus de traits de leur an- cienne forme. Et si nous ajoutons à ces effets de la force du feu , qui par lui-même consume, disperse, et dénature, ceux de la puissance de l'eau, qui conserve, rappro- che , et rétablit , nous trouverons encore dans les ma- tières volcanisées des produits de ce second élément : les bancs de basalte ou de laves auront leurs stalactites comme les bancs calcaires ou les masses de granités; on y trouvera de même des concrétions, des incrusta- tions, des cristaux, des spaths, etc. Un volcan esta cet égard un petit univers; il nous présentera plus de variétés dans le règne minéral que n'en offre le reste de la terre, dont les parties solides n'ayant souffert que l'action du premier feu , et ensuite le travail des eaux, ont conservé plus de simplicité. Les caractères imprimés par ces deux éléments, quoique difficiles à démêler, se présentent néanmoins avec des traits mieux prononcés ; au lieu que , dans les matières volcaniques , lasubstance, laforme, la consistance, tout, jusqu'aux premiers linéaments de la figure, est enveloppé, ou 12 MINERAUX. mêlé, ou détruit; et de là vient l'obscurité profonde où se trouve jusqu'à ce jour la minéralogie des volcans. Pour en éclaircir les points principaux, il nous pa- roît nécessaire de rechercher d'abord quelles sont les matières qui peuvent produire et entretenir ce feu, tantôt violent, tantôt calme, et toujours si grand, si constant, si durable, qu'il semble que toutes les sub- stances combustibles de la surface de la terre ne suf- firoient pas pour alimenter pendant des siècles une seule de ces fournaises dévorantes : mais si nous nous rappelons ici que tous les végétaux produits pendant plusieurs milliers d'années ont été entraînés par les eaux ou enfouis dans les profondeurs de la terre , où leurs huiles converties en bitume les ont conservés ;^ que toutes les pyrites formées en même temps à la surface de la terre ont suivi le même cours, et ont été déposées dans les profondeurs où les eaux ont en- traîné la terre végétale ; qu'enfin la couche entière de cette terre, qui couvroit dans les premiers temps les sommets des montagnes , est descendue avec ces ma- tières combustibles pour remplir les cavernes qui ser- vent de voûtes aux éminences du globe, on ne sera plus étonné de la quantité et du volume ni de la force et de la durée de ces feux souterrains. Les pyrites hu- mectées par l'eau s'enflamment d'elles-mêmes; les charbons de terre, dont la quantité est encore plus grande que celle des pyrites, les limons bitumineux qui les avoisinent, toutes les terres végétales ancien- nement enfouies , sont autant de dépôts inépuisables de substances combustibles, dont les feux une fois allumés peuvent durer des siècles de siècles, puisque nous avons des exemples de veines de charbon de terre DES MATIÈRES VOLCVNIQUES. 1.) dont les vapeurs, s'étant enflammées, ont communi- qué leur feu à la mine entière de ces charbons qui brûlent depuis plusieurs centaines d'années, sans in- terruption et sans une diminution sensible de leur masse. Et Ton ne peut guère douter que les anciens vé- gétaux et toutes les productions résultantes de leur décomposition n'aient été transportés et déposés par les eaux de la mer à des profondeurs aussi grandes que celles où se trouvent les foyers des volcans , puis- que nous avons des exemples de veines de charbon de terre exploitées à deux mille pieds de profon- deur^, et qu'il est plus que probable qu'on trouveroit des charbons de terre et des pyrites enfouis encore plus profondément. Or chacune de ces matières qui servent d'aliment au feu des volcans doit laisser après la combustion différents résidus, et quelquefois produire des sub- stances nouvelles : les bitumes en brûlant donneront un résidu charbonneux, et formeront cette épaisse fumée qui ne paroît enflammée que dans l'obscurité. Cette fumée enveloppe constamment la tête du vol- can , et se répand sur ses flancs en brouillard téné- breux ; et lorsque les bitumes souterrains sont en trop grande abondance , ils sont projetés au dehors avant d'être brûlés. Nous avons donné des exemples de ces torrents de bitume vomis par les volcans, quel- quefois purs, et souvent mêlés d'eau. Les pyrites, dé- gagées de leurs parties fixes et terreuses, se sublime- ront sous la forme de soufre, substance nouvelle qui i. Voyez rarticle du Charbon de terre, lome VI , page 002, l4 MINÉRAUX. ne se trouve ni dans les produits du feu primitif ni dans les matières formées par les eaux ; car le soufre, qu'on dit être formé par la voie humide, ne se pro- duit qu'au moyen d'une forte effervescence, dont la grande chaleur équivaut à l'action du feu. Le soufre ne pouvoit en effet exister avant la décomposition des êtres organisés et la conversion de leurs détriments en pyrites, puisque sa substance ne contient que l'a- cide et le feu qui s'étoient fixés dans les végétaux ou animaux, et qu'elle se forme par la combustion de ces mêmes pyrites, déjà remplies du feu fixe qu'elles ont tiré des corps organisés. Le sel ammoniac se for- mera et se sublimera de même par le feu du volcan; les matières végétales ou animales contenues dans la terre limoneuse, et particulièrement dans les ter- reaux, les charbons de terre, les bois fossiles, et les tourbes, fourniront cette cendre qui sert de fondant pour la vitrification des laves; les matières calcaires, d'abord calcinées et réduites en poussière de chaux, sortiront en tourbillons encore plus épais , et paroî- tront comme des nuages massifs en se répandant au loin; enfin la terre limoneuse se fondra, les argiles se cuiront, les grès se coaguleront, le fer et les autres métaux couleront , les granités se liquéfieront ; et des unes ou des autres de ces matières, ou du mélange de toutes, résultera la composition des laves, qui dès lors doivent être aussi différentes entre elles que le sont les matières dont elles sont composées. Et non seulement ces laves contiendront les ma- tières liquéfiées, fondues, agglutinées et calcinées par le feu, mais aussi les fragments de toutes les au- tres matières qu'elles auront saisies et ramassées en DES MATIÈRES VOLCANIQUES. l5 coulant sur la terre, et qui ne seront que peu ou point altérées par le feu; enfin elles renfermeront encore dans leurs interstices et cavités les nouvelles substances que l'infiltration et la stillation de l'eau auront produites avec le temps en les décomposant, comme elle décompose toutes les autres matières. La cristallisation, qu'on croyoit vive le caractère le plus sûr de la formation d'une substance par l'inter- mède de l'eau , n'est plus qu'un indice équivoque de- puis qu'on sait qu'elle s'opère par le moyen du feu comme par celui de l'eau. Toute matière liquéfiée par la fusion donnera, comme les autres liquides, des cristallisations; il ne leur faut pour cela que du temps, de l'espace, et du repos : les matières volcani- ques pourront donc contenir des cristaux, les uns formés par l'action du feu, et les autres par l'infiltra- tion des eaux ; les premiers dans le temps que ces ma- tières étoient encore en fusion, et les seconds long- temps après qu'elles ont été refroidies. Le feld-spath est un exemple de la cristallisation par le feu primitif, puisqu'on le trouve cristallisé dans les granités qui sont de première formation. Le fer se trouve souvent cristallisé dans les mines primordiales, qui ne sont que des rocbers de pierres ferrugineuses attirables à l'aimant, et qui ont été formées, comme les autres grandes masses vitreuses, par le feu primitif: ce même ier se cristallise sous nos yeux par un feu lent et tran- quille. Il en est de même des autres métaux et de tous les régules métalliques. Les matières volcaniques pourront donc renfermer ou présenter au dehors tou- tes ces substances cristallisées par le feu : ainsi je ne \6 MINÉRAUX. vois rien dans la nature, de tout ce qui a clé forme par le feu ou par l'eau, qui ne puisse se trouver dans le produit des volcans; et je vois en même temps que leurs feux ayant combiné beaucoup plus de substan- ces que le feu primitif, ils ont donné naissance au soufre et à quelques autres minéraux qui n'existent qu'en vertu de cette seconde action du feu. Les vol- cans ont formé des verres de toutes couleurs , dont quelques uns sont d'un beau bleu céleste, et ressem- blent aune scorie ferrugineuse; d'autres verres aussi fusibles que le feld-spath; des basaltes ressemblants aux porphyres; des laves vitreuses presque aussi dures que l'agate, et auxquelles on a donné, quoique très improprement, le nom d'agates noires d'Islande^; d'autres laves qui renferment des grenats blancs, des schorls, et des chrysolithes, etc. On trouve donc un grand nombre de substances anciennes et nouvelles , pures ou dénaturées , dans les basaltes , dans les laves, et même dans la pouzzolane et dans les cendres des volcans. « Le Monte-Berico^ près de Yicence , dit M. Ferber, est une colline entièrement formée de cendres de volcans d'un brun noirâtre , dans lesquelles se trouve une très grande quantité de cailloux de cal- cédoine ou opaie ; les uns formant des druses dont les parois peuvent avoir l'épaisseur d'un brin de paille; les autres ayant la figure de petits cailloux elliptiques, creux intérieurement , et quelquefois remplis d eau : la grandeur de ce dernier varie depuis le diamètre d'un petit pois jusqu'à un demi-pouce.... Ces cailloux ressemblent assez aux calcédoines et aux opales. Les boules de calcédoine et de zéolithc de Féroé et d'Is- DES MATIERES VOLCANIQUES. I7 lande se trouvent nichées dans une terre d'un brun noirâtre, de la même manière que les cailloux dont il est ici question. » Mais quoiqu'on trouve dans les produits ou dans les éjections des volcans presque toutes les matières brutes ou minérales du globe, il ne faut pas s'imaginer que le feu volcanique les ait toutes produites à beau- coup près , et je crois qu'il est toujours possible de distinguer, soit par un examen exact, soit parle rap- port des circonstances, une matière produite par le feu secondaire des volcans, de toutes les autres qui ont été précédemment formées par l'action du feu pri- mitif ou par l'intermède de l'eau. De la même manière que nous pouvons imiter dans nos fourneaux toutes les pierres, précieuses , que nous faisons des verres de toutes couleurs, et même aussi blancs que le crislal de roclie''^, et presque aussi brillants que le diamant^; que, dans ces mêmes fourneaux, nous voyons se for- mer des cristallisations sur les matières fondues lors- qu'elles sont en repos, et que le feu est long-temps sou- tenu ; nous ne pouvons douter que la nature n'opère les mêmes eifets avec bien plus de puissance dans ses foyers immenses, allumés depuis nombre de siècles, entretenus sans interruption, et fournis, suivant les circonstances, de toutes les matières dont nous nous servons pour nos compositions. Il faut donc, en exa- minant les matières volcaniques, que le naturaliste fasse comme le lapidaire, qui rejette au premier coup d'œil et sépare les stras ^ et autres verres de composi- tion, des vrais diamants et des pierres précieuses : 1. Le verre ou cristal de Bohême , le flintglass , etc. 2. FiCs verres brillants connus vulgairement âous le nom ue stras. l8 MINÉRAUX. mais le naturaliste a ici deux grands désavantages; le premier est d'ignorer ce que peut faire et produire un feu dont la véhémence et la continuité ne peuvent être comparées avec celles de nos feux; le second est l'embarras où il se trouve pour distinguer dans ces mê- mes matières volcaniques celles qui, étant vraies sub- stances de nature, ont néanmoins été plus ou moins altérées, déformées, ou fondues par l'action du feu, sans cependant être entièrement transformées en verre ou en matières nouvelles. Cependant, au moyen d'une inspection attentive, d'une comparaison exacte, et de quelques expériences faciles sur la nature de cha- cune de ces matières, on peut espérer de les reconnoître assez pour les rapporter aux substances naturelles, ou pour les en séparer et les joindre aux compositions artificielles produites par le feu de nos fourneaux. Quelques observateurs, émerveillés des prodigieux effets produits par ces feux souterrains, ayant sous leurs yeux les gouffres et les montagnes formés par leurs éruptions, trouvant dans les matières projetées des substances de toute espèce, ont trop accordé de puis- sance et d'effet aux volcans : ne voyant dans les ter- rains volcanisés que confusion et bouleversement, ils ont transporté cette idée sur le globe entier, et ont imaginé que toutes les montagnes s'étoient élevées par la violente action et la force de ces feux intérieurs dont ils ont voulu remplir la terre jusqu'au centre. On a même attribué à un feu central réellement existant la température ou chaleur actuelle de l'intérieur du globe. Je crois avoir suffisamment démontré la faus- seté de ces idées. Quels seroient les aliments d'une telle masse de feu ? pourroit-il subsister, exislcr sans DES MATIÈIIES VOLCANIQUES. I9 air? et sa force expansive n'aiiroit-elle pas fait éclater le globe en mille pièces? Et ce fea une fois échappé après cette explosion pourroit-il reelescendre et se trouver encore au centre de la terre? Son existence n'est donc qu'une supposition qui ne porte que sur des impossibilités, et dont, en l'admettant, il ne ré- sulteroit que des effets contraires aux phénomènes connus et constatés. Les volcans ont, à la vérité, rompu, bouleversé les premières couches de la terre en plusieurs endroits; ils en ont couvert et brûlé la surface parleurs éjections enflammées : mais ces ter- rains volcanisés, tant anciens que nouveaux, ne sont pour ainsi dire que des points sur la surface du globe ; et en comptant avec moi dans le passé cent fois plus de volcans qu'il n'y en a d'actuellement agissants, ce n'est encore rien en comparaison de l'étendue de la terre solide et des mers. Tachons donc de n'attribuer à ces feux souterrains que ce qui leur appartient; ne regardons les volcans que comme des instruments, ou, si l'on veut, comme des causes secondaires, et conservons au feu primitif et à l'eau, comme causes premières , le grand établissement et la disposition primordiale de la masse entière de la terre. Pour achever de se faire des idées fixes et nettes sur ces grands objets, il faut se rappeler ce que nous avons dit au sujet des montagnes primitives, et les distinguer en plusieurs ordres : les plus anciennes , dont les noyaux et les sommets sont de quartz et de jaspe, ainsi que celles des granités et porphyres , qui sont presque contemporaines, ont toutes été for- mées par les boursouflures du globe dans le temps de sa consolidation ; les secondes dans l'ordre de for- 20 MINERAUX. malion sonl les montagnes de schiste ou d'argile qui enveloppent souvent les noyaux des montagnes de quartz ou de granités, et qui n'ont été formées que par les premiers dépôts des eaux après la conversion des sables vitreux en argile; les troisièmes sont les montagnes calcaires, qui généralement surmontent les schistes ou les argiles, et quelquefois les quartz et les granités, et dont l'établissement est, couimc l'on voit, encore postérieur à celui des montagnes argileuses. Ainsi les petites ou grandes éminences formées par le soulèvement ou l'effort des feux sou- terrains, et les collines produites par les éjections des volcans, ne doivent être considérées que comme des tas de décombres provenant de ces matières pre- mières projetées et accumulées confusément. On se tromperoit donc beaucoup si l'on vouloit at- tribuer aux volcans les plus grands bouleversements qui sont arrivés sur le globe : l'eau a plus influé que le feu sur les changements qu'il a subis depuis l'éta- blissement des montagnes primitives ; c'est l'eau qui a rabaissé, diminué ces premières éminences, ou qui les a enveloppées et couvertes de nouvelles matières; c'est l'eau qui a miné , percé les voi^ites des cavités souterraines qu'elle a fait écrouler, et ce n'est qu'à i'afl'aissement de ces cavernes qu'on doit attribuer ra- baissement des mers et l'inclinaison des couches de la terre , telle qu'on la voit dans plusieurs montagnes , qui, sans avoir éprouvé les violentes secousses du feu, sans s'être entr'ouvertes pour lui livrer passage, se sont néanmoins affaissées, rompues, et ont penché, v\i tout ou en partie , par une cause plus simple et bien plus générale, c'est-à-dire par l'affaissement des DES MATIERES VOLCANIQUES. 21 cavernes dont les voûtes leur servoient de base ; car lorsque ces voûtes se sont enfoncées , les terres supé- rieures ont été forcées de s'affaisser, et c'est alors que leur continuité s'est rompue, que leurs couches hori- zontales se sont inclinées , etc. C'est donc à la rupture et à la chute des cavernes ou boursouflures du globe qu'il faut rapporter tous les grands changements qui se sont faits dans la succession des temps. Les volcans n'ont produit qu'en petit quelques effets semblables, et seulement dans les portions de terre où se sont trou- vées ramassées les pyrites et autres matières inflam- mables et combustibles qui peuvent servir d'aliment à leur feu ; matières qui n'ont été produites que long- temps après les premières, puisque toutes proviennent des substances organisées. Nous avon déjà dit que les minéralogistes sem- blent avoir oublié , dans leur énumération des matiè- res minérales, tout ce qui a rapport à la terre végétale ; ils ne font pas même mention de sa conversion en terre limoneuse, ni d'aucune de ses productions minérales: cependant cette terre est à nos pieds , sous nos yeux; et ses anciennes couches sont enfouies dans le sein de la terre, à toutes les profondeurs où se trouvent aujourd'hui les foyers des volcans, avec toutes les au- tres matières qui entretiennent leur feu , c'est-à-dire les amas de pyrites , les veines de charbon de terre , les dépôts de bitume et de toutes les substances combus- tibles. Quelques uns de ces observateurs ont bien re- marqué que la plupart des volcans sembloient avoir leur foyer dans les schistes, et que leur feu s'étoit ou- vert une issue non seulement dans les couches de ces schistes, mais encore dans les bancs et les rochers liLiFFOK. Vir. 2 2 MINERAUX. calcaires qui d'ordinaire les surmontent ; mais ils n'ont pas pensé que ces schistes et ces pierres calcaires avoient pour base commune des voûtes de cavernes dont la cavité étoit , en tout ou en partie , remplie de terre végétale, de pyrites, de bitume, de cbarbon, et de toutes les substances nécessaires à l'entretien du feu; que par conséquent ces foyers de volcan ne peu- vent pas être à de plus grandes profondeurs que celle où les eaux de la mer ont entraîné et déposé les ma- tières végétales des premiers âges, et que par la même conséquence les schistes et les pierres calcaires qui surmontent le foyer du volcan n'ont d'autre rapport avec son feu 'que de lui servir de cheminée ; que de même la plupart des substances , telles que les sou- fres, les bitumes, et nombre d'autres minéraux subli- més ou projetés par le feu du volcan, ne doivent leur origine qu'aux matières végétales et aux pyrites qui lui servent d'aliment; qu'enfin la terre végétale étant la vraie matrice de la plupart des minéraux figurés qui se trouvent à la surface et dans les premières couches du globe , elle est aussi la base de presque tous les produits immédiats de ce feu des volcans. Suivons ces produits en détail d'après le meilleur de nos observateurs , et donnons des exemples de leur mélange avec les matières anciennes. On voit au Monte- Ronca et en plusieurs autres endroits du Vicentin des couches entières d'un mélange de laves et de marbre, ou de pierre calcaire , réunies en une sorte de brèche, à laquelle on peut donner le nom de brèche volcani- que. On trouve un autre marbre-lave dans une grande fente perpendiculaire d'un rocher calcaire, laquelle descend jusqu'à VÂsticOj, torrent impétueux ; et ce mar- / DES MATIÈRES VOLC A.NIQ UES. '23 bre, qui ressemble à la brèche africaine j, est composé de lave noire et de morceaux dé marbre blanc dont le grain est très fin , et qui prend parfaitement le poli. Cette lave en brocatelle ou en brèche n'est point rare : on en trouve de semblables dans la vallée d'Erio-' fredo, au dessus de Tonnesaj, et dans nombre d'autres endroits des terrains volcanisés de cette contrée. Ces marbres-laves varient tant par les couleurs de la lave que par les matières calcaires qui sont entrées dans leur composition. Les laves du pays de Tresto sont noires et i-emplies, comme presque toutes les laves, de cristallisations blanches à beaucoup de facettes, de la nature du schorl , auxquelles on pourroit donner le nom de gre- 7îats blancs : ces petits cristaux de grenats ou schorls blancs ne peuvent avoir été saisis que par la lave en fusion, et n'ont pas été produits dans cette lave même par cristallisation , comme semble l'insinuer M. Fer- ber en disant « qu'ils sont d'une nature et d'une fi- gure qui ne s'est vue jusqu'ici dans aucun terrain de notre globe, sinon dans la lave, et que leur nombre y est prodigieux. On trouve, ajoute-t-il, au milieu de la lave, différentes espèces de cailloux qui font feu avec l'acier, telles que des pierres à fusil, des jaspes, des agates rouges, noires, blanches, verdâtres, et de plusieurs autres couleurs; des hyacintes, des chryso- lites, des cailloux de la nature des calcédoines, et des opales qui contiennent de l'eau. » Ces derniers faits confirment ce que nous venons de dire au sujet des cristaux de schorl qui, comme les pierres précéden- tes, ont été enveloppés dans la lave. Toutes les laves sont plus ou moins mêlées de par- ^4 MINERAUX. ticules de fer ; mais il est rare d'y voir d'autres métaux , et aucun métal ne s'y trouve en filons réguliers et qui aient de la suite : cependant le plomb et le mercure en cinabre, le cuivre, et même l'argent, se rencon- trent quelquefois en petite quantité dans certaines la- ves; il y en a aussi qui renferment des pyrites, de la manganèse , de la blende, et de longues et brillantes aiguilles d'antimoine. Les matières fondues par le feu des volcans ont donc enveloppé des substances solides et des miné- raux de toutes sortes ; les poudres calcinées qui s'é- lèvent de ces gouffres embrasés se durcissent avec le temps et se convertissent en une espèce de tuffeau assez solide pour servir à bâtir. Près du Vésuve ces cendres terreuses rejetées se sont tellement unies et endurcies par le laps de temps, qu'elles forment aujourd'hui une pierre ferme et compacte dont ces collines volca- niques sont entièrement composées^. 1. M. le baron de Dietricli remarque avec raison que la vraie pouz- zolane n'est pas précisément de la cendre endurcie et Iriable, comme le dit M. Ferber, mais plutôt de la pierre ponce réduite en très petits fragments; et je puis observer que la bonne pouzzolane, c'est-à-dire celle qui, mêlée avec la chaux, fait les mortiers les plus durables et les plus impénétrables à l'eau, n'est ni la cendre fine ou grossière pure, ni les graviers de ponce blanclie, et qu'il n'y a que la pouzzo- lane mélangée de beaucoup de parties ferrugineuses qui soit supé- rieure aux mortiers ordinaires : c'est, comme nous le dirons à l'article des ciments de la nature, le ciment ferrugineux qui donne la dureté à presque toutes les terres, et même à plusieurs pierres. Au reste, la meilleure pouzzolane, qui vient des environs de Pouzzol , est grise; celle des provinces de l'État ecclésiastique est jaune, et il y en a de noire sur le Vésuve. M. le baron de Dietrich ajoute que la meilleure pouzzolane des environs de Home se tire d'une colline qui est à la droite de la Via-Appia hors de la porte Saint-Sébastien, et que les grains do cette pouzzolane sont rougeâtres. DES MATIÈRES VOLCANIQUES. 25: On trouve aussi dans les laves différentes cristallisa- tions qui peuvent provenir de leur propre substance, et s'être formées pendant la condensation et le refroi- dissement qui a suivi la fusion des laves ; alors, comme le pense M. Ferber, les molécules de matières homb- gènes se sont séparées du reste du mélange, et se sont réunies en petites masses; et quand il s'en est trouvé une plus grande quantité, il en a résulté des cristaux plus grands. Ce naturaliste dit avec raison qu'en gé- nérai les minéraux sont disposés à adopter des figures déterminées dans la fluidité de fusion par le feu , comme dans la fluidité humide; et nous ne devons pas être étonné qu'il se forme des cristaux dans les laves, tandis qu'il ne s'en voit aucun dans nos verres factices; car la lave coulant lentement, et formant de grandes masses très épaisses, conserve à l'intérieur son état de fusion assez long-temps pour que la cristalli- sation s'opère. Il ne faut dans le verre, dans le fer, et dans toute autre matière fondue, que du repos et du temps pour qu'elle se cristallise ; et je suis per- suadé qu'en tenant long-temps en fonte celle de nos verres factices il pou rroit s'y former des cristaux fort semblables à ceux qui peuvent se trouver dans les laves des volcans. Les laves, comme les autres matières vitreuses ou calcaires, doivent avoir leurs stalactites propres et pro- duites par l'intermède de l'eau : mais il ne faut pas confondre ces stalactites avec les cristaux que le feu peut avoir formés; il en est de même de la Lave noire scarl forme qui se trouve dans la bouche du Vésuve en * grappes branchues comme des coraux, et que M. Fer- ber dit être une stalactite de lave, puisqu'il convient 26 MINÉRAUX. lui-même que ces prétendues stalactites sont des por- tions de la même matière qui ont souftert un feu plus violent ou plus long que le reste de la lave. Et quant aux véritables stalactites produites dans les laves par l'infiltration de l'eau, le même M. Ferber nous en fournit des exemples dans ces cristallisations en ai- guilles qu'il a vues attachées à la surface intérieure des cavités de la lave, et qui s'y forment comme les cristaux de roche dans les cailloux creux. La grande dureté de ces cristallisations concourt encore à prou- ver qu'elles ont été produites par l'eau ; car les cristaux du genre vitreux, tels que le cristal de roche, qui sont formés par la voie des éléments humides, sont plus durs que ceux qui sont produits par le feu. Dans l'éuumération détaillée et très nombreuse que cet habile minéralogiste fait de toutes les laves du Vé- suve, il observe que les micas qui se trouvent dans quelques laves pourroient bien n'être que les exfolia- tions des schorls contenus dans ces laves. Cette idée semble être d'autant plus juste que c'est de cette ma- nière et par exfoliation que se forment tous les micas des verres artificiels et naturels, et les premiers mi- cas ne sont, comme nous l'avons dit, que les exfo- liations en lames minces qui se sont séparées de la surface des verres primitifs. 11 peut donc exister des micas volcaniques comme des micas de nature, parce qu'en effet le feu des volcans a fait des verres comme le feu primitif. Dès lors on doit trouver parmi les la- ves des masses mêlées de mica : aussi M. Ferber fait mention d'une lave grise compacte avec quantité de lames de mica et de schorl en petits points dispersés, qui ressemble si fort à quelques espèces de granités DES MATIÈRES VOLCANIQUES. 27 gris à petits grains, qu'à la vue ii seroit très facile de les confondre. Le soufre se sublime en flocons, et s'attache en grande quantité aux cavités et aux faîtes de la bouche des volcans, La plus grande partie du soufre du Vé- suve est en forme irrégulière et en petits grains. On voit aussi de l'arsenic mêlé de soufre dans les ouver- tures intérieures de ce volcan ; mais l'arsenic se dis- perse irrégulièrement sur la lave en petite quantité. 11 y a de même dans les crevasses et cavités de cer- taines laves une plus ou moins grande quantité de sel ammoniac blanc : ce sel se sublime quelque temps après l'écoulement de la lave, et l'on en voit beaucoup dans le cratère de la plupart des volcans. Dans quel- ques morceaux de lave de l'Etna il se trouve quantité de matière charbonneuse végétale mêlée d'une sub- stance saline; ce qui prouve que c'est un véritable natroHy une espèce de soude formée par les feux vol- caniques, et que c'est à la combustion des végétaux que cette substance saline est due ; et à l'égard du vitriol , de l'alun , et des autres sels qu'on rencontre aussi dans les matières volcaniques, nous ne les re- garderons pas comme des produits immédiats du feu, parce que leur production varie suivant les circon- stances, et que leur formation dépend plus de l'eau que du feu. Mais, avant de terminer cette énumération des ma- tières produites par le feu des volcans, il faut rappor- ter, comme nous l'avons promis, les observations qui prouvent qu'il se forme par les feux volcaniques des substances assez semblables au granité et au porphyre, d'où résulte une nouvelle preuve de la formation des 28 31INERAUX. granités et porphyres de nature par le feu primitif : il faut seulement nous défier des noms , qui font ici , comme partout ailleurs, plus d'embarras que les cho- ses. M. Ferber a raison de dire « qu'en général il y a très peu de différence essentielle entre le schorl , le spath dur (feld-spath), le quartz, et les grenats des laves. ') Cela est vrai pour le schorl et le feld-spath ; et je suis comme persuadé qu'originairement ces deux matières n'en font qu'une, à laquelle on pourroit en- core réunir, sans se méprendre, les cristaux volcani- ques en forme de grenats : mais le quartz diffère de tous trois par son infusibilité et par ses autres qualités primordiales, tandis que le feld-spath, le schorl, soit en feuilles , soit en grains ou en grenats , sont des verres également fusibles, et qui peuvent aussi avoir été produits également par le feu primitif et par celui des volcans. Les exemples suivants confirmeront cette idée , que je crois bien fondée. Les schorls noirs en petits rayons que l'on aperçoit quelquefois dans le porphyre rouge et presque tou- jours dans les porphyres verts sont de la même nature que le feld-spath , à la couleur près. Une lave noire de la Toscane, dans laquelle le schorl est en grandes taches blanches et parallélipipèdes, a quelque ressemblance avec le porphyre appelé ser- pentine noire antique : le verre de la lave remplace ici la matière du jaspe, et le schorl celle du feld-spath. La lave rouge des montagnes de Bergame, conte- nant des petits grenats blancs, ressemble au vrai por- phyre rouge. Les granités gris à petits grains, et qu'on appelle granitelli ^ contiennent moins de feld-spath que les DES MATIÈRES VOLCANIQUES. 29 granités rouges; et ce feld-spath, au lieu d'y être eu gros cristaux rhoQiboïdaux, n'y paroît ordinairement qu'en petites molécules sans forme déterminée. Néan- moins on connoît une espèce de granité gris à grandes taches blanches parallélipipèdes; et la matière de ces taches, dit M. Ferber, tient le milieu entre le schorl et le spath dur (feld-spath). 11 y a aussi des granités gris qui renferment au lieu de mica ordinaire, du mica de schorl. INous devons observer ici que le granité noir et blanc qui n'a que peu ou point de particules de feld- spath, mais de grandes taches noires oblongues de la nature du schorl, ne seroit pas un véritable granité, si le feld-spath y manque, et si, comme le croit M. Ferber, ces taches de schorl noir remplacent le mica; d'autant que les rayons de schorl noir « y sont, dit-il, en telle abondance, si grands, si serrés qu'ils paroissent faire le fond de la pierre. » Et à l'é- gard du granité vert de M. Ferber, dont le fond est blanc verdâtre avec de grandes taches noires oblon- gues, et qu'il dit être de la même nature du schorl, et des prétendus porphyres à fond vert de la nature du trapp^ dont nous avons parlé d'après lui, nous pré- sumons qu'on doit plutôt les regarder comme des productions volcaniques que comme de vrais granités ou de vrais porphyres de nature. Les basaltes qu'on appelle fmtic/ueSj, et les basaltes modernes, ont également été produits par le feu des volcans, puisqu'on trouve dans les basaltes égyptiens les mêmes cristaux de schorl en grenats blancs et de schorl noir en rayons et feuillets que dans les laves ou basaltes modernes et récents; que, de plus, le ba- 30 MINÉRAUX. salte noir, qu'on nomme mal à propos basalte oriental^ est mêlé de petites écailles blanches de la nature du schorl , et que sa fracture est absolument pareille à celle de la lave du Monte-Albano; qu'un autre basalte noir antique , dont on a des statues, est rempli de pe- tits cristaux en forme de grenats, et présente quel- ques feuilles brillantes du schorl noir; qu'un autre basalte noir antique est mêlé de petites parties de quartz, de feld-spath, et de mica, et seroit par con- séquent un vrai granité si ces trois substances y étoient réunies, comme dans le granité de nature, et non pas nichées séparément comme elles le sont dans ce basalte; qu'enfin on trouve dans un autre basalte an- tique, brun ou noirâtre, des bandes ou larges raies de granité rouge à petits grains. Ainsi le vrai basalte antique n'est point une pierre particulière, ni diffé- rente des autres basaltes, et tous ont été produits, comme les laves, par le feu des volcans. Et à l'égard des bandes de granité observées dans le dernier ba- salte, comme elles paroissent être de vrai granité, on doit présumer qu'elles ont été enveloppées par la lave en fusion, et incrustées dans son épaisseur. Puisque le feu primitif a formé une si grande quan- tité de granités, on ne doit pas être étonné que le feu des volcans produise quelquefois des matières qui leur ressemblent : mais comme au contraire il me paroît certain que c'est par la voie humide que les cristaux de roche et toutes les pierres précieuses ont été for- mées, je pense qu'on doit regarder comme des corps étrangers, toutes les chrysolithes, hyacinthes, topa- zes, calcédoines, opales, etc., qui se trouvent dans les différentes matières fondues par le feu des volcans, DES MATIÈRES VOLCANIQUES, Jl et que toutes ces pierres ou cristaux ont été saisis ou enveloppés parles laves et basaltes lorsqu'ils couloient en fusion sur la surface des rochers vitreux , dont ces cristaux ne sont que des stalactites que l'ardeur du feu n'a pas dénaturées. Et quant aux autres cristalli- sations qui se trouvent formées dans les cavités des laves, elles ont été produites par l'infiltration de l'eau, après le refroidissement de ces mêmes laves. Aux observations de M. Ferber et de M. le baron de Dietricb , sur les matières volcaniques et volcani- sées, nous ajouterons celles de MM. Desmaret, Faujas de Saint-Fond, et de Gensanne, qui ont examiné les volcans éteints de l'Auvergne, du Vélay, duYivarais, et du Languedoc; et quoique j'aie déjà fait mention de la plupart de ces volcans éteints, il est bon de re- cueillir et de présenter ici les différentes substances que ces observateurs ont reconnues aux environs de ces mêmes volcans, et qu'ils ont jugé avoir été pro- duites par leurs anciennes éruptions. M. de Gensanne parle d'un volcan dont la bouche se trouve au soinmet de la montagne qui est entre Lunas et Lodève, et qui a dû être considérable, à en juger par la quantité des laves qu'on peut observer dans tout le terrain circonvoisin. Il a reconnu trois volcans dans le voisinage du fort Brescou, sur l'un desquels M. l'évêque d'Agde (Saint-Simon-Sandri- court) a fait, en prélat citoyen, des défrichements et de grandes cultures en vignes qui produisent de bons vins. Ce vieux volcan , stérile jusqu'alors, est couvert d'une si grande épaisseur de laves , que le fond du puits que M. l'évêque d'Agde a fait faire dans sa vigne est à cent quatre pieds de profondeur, et entièrement 02 MINÉRAUX. taillé dans ce banc de laves, sans qu'on ait pu en trou- ver la dernière couche, quoique le fond du puits soit à trois pieds au dessous du niveau de la mer. M. de Gensanne ajoute qu'il a compté dans le seul bas Lan- guedoc dix volcans éteints, dont les bouches sont en- core très visibles. M. Desmarest prétend distinguer deux sortes de basaltes : il dit avoir comparé le basalte noir dont on voit plusieurs monuments antiques à Rome avec ce qu'il appelle le basalte noir des environs de Tulle en Limosin; il assure avoir vu dans cette pierre des en- virons de Tulle les mêmes lames, les mêmes taches et bandes de quartz ou de feld-spath et de zéolithe que dans le basalte noir antique : néanmoins ce pré^ tendu basalte de Tulle n'en est point un; c'est une pierre argileuse , mêlée de mica noir et de schorl , qui n'a pas, à beaucoup près, la dureté de la lave compacte ou du basalte, et qui ne porte d'ailleurs aucun caractère ni aucun indice d'un produit de vol- can ; au contraire, les basaltes gris, noirs, et verdâtres des anciens, sont, de l'aveu même de cet académi- cien, composés de petits grains assez semblables à ceux d'une lave compacte et d'un tissu serré, et ces basaltes ressemblent entièrement au basalte d'Antrim en Irlande et à celui d'Auvergne ^. o 1 . « Ou disliugue trois substances qui sont renfermées clans les laves : les points cjuartzeux, et même les granités entiers : le schorl ou gabbro; les matières calcaires, celles qui sont de la nature de la zéolithe, ou de la base de l'alnii : ces deux dernières substances présentent dans les laves toutes les matières du U'avail de l'eau, depuis la stalactite simple jusqu'à l'agate et la calcédoine. Ces substances étrangères existoient auparavant dans le terrain où la lave a coulé, elles les a entraînées et enveloppées; car j'ai observé que dans certains cantons couverts de DES MATIERES VOLCANIQUES. J.> M. Faujas de Saiut-Foiid a très bien observé toutes les matières produites par les volcans; ses recherches assidues et suivies pendant pkisieurs années, et pour lesquelles il n'a épargné ni soins ni dépenses, l'ont mis en état de publier un grand et bel ouvrage sur les volcans éteints, dans lequel nous puiserons le reste des faits que nous avons à rapporter, en les comparant avec les précédents. laves compactes, ou d'autres productions du feu, ou n'y trouve pas un seul vestige de ces cristaux de gabbro , si les substances qui com- posent l'ancien sol n'en contiennent point elles-mêmes. » Mais nous devons observer qu'indépendamment de ces matières vi- treuses ou calcaires saisies dans leur état de nature , et qui sont plus ou moins altérées par le feu , on trouve aussi dans les laves des ma- tières qui , comme nous l'avons dit, s'y sont introduites depuis par le travail successif des eaux. « Elles sont, comme le dit M. Desmarest, le résultat de l'infdtration lente d'un fluide chargé de ces matières épurées, et qui a même souvent pénétré des masses d'un tissu assez serré ; elles ne s'y trouvent alors que dans un état cristallin et spa- thique Elles ont pris la forme de stalactites en gouttes rondes ou allongées, en filets déliés, en tuyaux creux; et toutes ces formes se retrouvent au milieu des laves compactes comme dans les vides des terres cuites. » A ce fait, qui ne m'a jamais paru douteux, M. Desmarest en ajoute d'autres qui méritoroient une plus ample explication. « Les matériaux, dit-il , que le feu a fondus pour produire le basalte , sont les granités.» Les granités ne sont pas les seules matériaux qui entrent dans la com- position des basaltes, puisqu'ils contiennent peut-êlre plus de fer, ou d'autres substances, que de matières graniteuses. « Les granités, con- tinue cet académicien , ont éprouvé par le feu différents degrés d'al- tération qui se terminent au basalte; on y voit le spath fusible (feld- spath ), qui dans quelques uns est grisâtre, et qui dans d'autres forme un fond noir d'un grain serré; et, au milieu de ces échantillons, on démêle aisément le quarU, qui reste en cristaux ou intacts, ou éclatés par lames, ou réduits à une couleur d'un blanc terne, comme le quartz blanc rougi au feu et refroidi subitement. » Le quart/ n'est [)oint en cristaux dans les granités de nature, c'est le feldspath qui 54 MINÉRALX. Il a découvert dans les volcans éteints du Vivarais les mêmes pouzzolanes grises, jaunes, brunes, et rous- sâtres, qui se trouvent au Vésuve et dans les autres terrains volcanisés de l'Italie : les expériences faites dans les bassins du jardin des Tuileries, et vérifiées publiquement, ont coafirmé l'identité de nature de ces pouzzolanes de France et d'Italie, et on peut pré- sumer qu'il en est de même des pouzzolanes de tous les autres volcans. Cet habile naturaliste a remarqué dans une lave grise, pesante, et très dure, des cristaux assez gros, mais confus, lesquels, réduits en poudre, nefaisoient aucune effervescence avec l'acide nitreux, mais se con- vertissoient, au bout de quelques heures, en Une ge^ lée épaisse; ce qui annonce, dit-il, que cette matière est une espèce de zéolithe : mais je dois observer que ce caractère par lequel on a voulu désigner la zéolithe est équivoque; car toute autre matière mélangée de vitreux et de calcaire se réduira de même en gelée : et d'ailleurs cette réduction en gelée n'est pas un in- dice certain, puisqu'en augûieiitant la quantité de l'acide on parvient aisément à dissoudre la matière en entier. Le même M. de Saint-Fond a observé que le fer est très abondant dans toutes les laves, et que souvent il s'y présente dans l'état de rouille, d'ocre, ou de chaux. On voit en effet des laves dont les surfaces sont revêtues'd'une couche ocreuse produite par la décom- position du fer qu'elles contenoient, et où d'autres couches ocreuses, encore plus décomposées, se con- s€ul y est en cristaux rliomboïdaux : ainsi le quartz ne peut pas rester en cristaux intacts, etc., dans les basaltes. DES MATIÈRES VOLCANIQUES. ÔJ vertissent ultérieurement en une terre argileuse qui happe à la langue ^. Ce même naturaliste rapporte, d'après M. Pazumot , qu'on a d'abord trouvé des zéolithes dans les laves d'Islande, qu'ensuite on en a reconnu dans différents basaltes en Auvergne, dans ceux du Vieux-Brisach en Alsace , dans les laves envoyées des îles de France et de Bourbon, et dans celles de l'île de Féroé. M. Pa- zumot est en effet le premier qui ait écrit sur la zéo- lithe trouvée dans les laves, et son opinion est que cette substance n'est pas un produit immédiat du feu, wiais une reproduction formée par l'intermède de l'eau et par la décomposition de la terre volcanisée. C'est aussi le sentiment de M. de Saint-Fond : cependant il avoue qu'il a trouvé de la zéolitbe dans l'intérieur du basalte le plus compacte et le plus dur. Il n'est donc guère possible de supposer que la zéolithe se 1. Il m'a remis, pour le Cabinet du Roi, uae très belle collection eu ce genre, clans laquelle ou peut voir tous les passages du basalte noir le plus dur à l'état argileux. Les différents morceaux de cette collec- tion présentent toutes les nuances de la décotaposition : l'on y recon- noU , de la manière la plus évidente , non seulement toutes les modifi- cations du fer, qui en se décomposant a produit les teintes les plus variées; mais l'on y voit jusqu'à des prismes bien conformés , entière- ment convertis en substance argileuse, de manière à pouvoir être coupés avec un couteau aussi facilement que la terre à foulon, tandis que le schorl noir, renfermé dans les prismes, n'a éprouvé aucune altération. Un fait digne de la plus grande attention, c'est que, dans certaines circonstances, les eaux s'infiltrant à travers ces laves à demi décom- posées ont entraîné leurs molécules ferrugineuses, et les ont déposées et réunies sous la forme d'hématites dans les cavités adjacentes; alors les laves terreuses , dépouillées de leur fer, ont perdu leur couleur, et ne se présentent plus que comme une terre argileuse efe blanche , suf laquelle l'aimant n'a plu» d'action. ,"")() MINÉRAUX. soit formée dans ces basaltes par la décomposition de leur propre substance, et M. de Saint-Fond pense cpie ces dernières zéolithes étoient formées auparavant, et qu'elles ont seulement été saisies et enveloppées par la lave lorsqu'elle étoit en fusion. Mais alors com- ment est-il possible que la violence du feu ne les ait pas dénaturées, puisqu'elles sont enfermées dans la plus grande épaisseur de la lave où la chaleur étoit la plus forte? Aussi notre observateur convient-il qu'il y a des circonstances où le feu et l'eau ont pu pro- duire des zéolithes , et il en donne des raisons assez plausibles. Il dit, après l'avoir éprouvé par comparaison, que le basalte noir du Vivarais est plus dur que le basalte antique ou égyptien ^. Il a trouvé sur le plus haut som- met de la montagne du Mézine en Vélay un basalte gris blanc un peu verdâtre, dur et sonore, qui se rap- proche , par la couleur et par le grain , du basalte gris verdâtre d'Egypte, et dans lequel on remarque quel- 1. 11 observe r|uelques différences dans la pâte de ce basalte égyp- tien, d'après les belles statues de cette matière que M. le duc de Chaulnes a rapportées de son voyage dEgypte; elles présentent les variétés suivantes : i" un basalte noir, dur, et compacte, dont la pâte offre un grain serré , mais sec et âpre au toucher dans les cassures , et néanmoins susceptible d'un beau poli ; 2° un basalte d'un grain sem- blable, mais d'une teinte verdâtre ; 5° un basalte d'un gris lavé tirant au vert. Au reste , AI. Faujas de Saint-Fond ne regarde pas comme un basalte , ni même comme un produit des volcans , la matière de quel- ques statues égyptiennes, qui, quoique d'une belle couleur noire, n'est qu'une pierre argileuse mêlée de mica et de scliorl noir en très petits grains ; et celte pierre est bien moins dure que le basalte. Notre obser- vateur recommande enfin de ne pas confondre avec le basalte la ma- tière de quelques statues égyptiennes d'un gris noirâtre, qui n'est f[u'un granité à grain fin ou une sorte de granitello. DES MATIÈRES VOLCANIQUES. Sy qiies lames d'un feld-spath blanc vitreux, qui a le coup d'œil et le brillant d'une eau glacée. Ces lames sont souvent formées en parallélogrammes, et il y a des morceaux où le feld-spatb renferme lui-même de pe- tites aiguilles de scborl noir. Enfin il remarque aussi très bien que les dendrites qu'on voit à la superficie de quelques basaltes sont produites par le fer que l'eau dissout et dépose en forme de ramifications. A l'égard de la figure prismatique que prennent les basaltes, notre observateur m'en a remis, pour le Ca- binet du Roi, des triangulaires, c'est-à-dire à trois pans, qu'il dit être les plus rares, des quadrangulai- res, des pentagones, des hexagones, des heptagones, et des octogones, tous en prismes bien formés; et, après une infinité de recherches, il avoue n'avoir ja- mais trouvé de basalte à neuf pans, quoique Molineux dise en avoir vu dans le comté d'Antrim. Dans certaines laves que M. de Saint-Fond appelle basaltes irréguliers ^ il a reconnu de la zéolithe en noyau , avec du schorl noir. Dans un autre basalte du Yivarais, il a vu un gros noyau de feld-spath blanc à demi transparent , luisant , et ressemblant à du spath calcaire; et ce feld-spath renfermoit lui-même une belle aiguille prismatique de schorl noir. « Il y a de ces basaltes, dit-il, qui contiennent des noyaux de pierre calcaire et de pierre vitrifiable de la nature de la pierre à rasoir, et d'autres noyaux qui ressemblent à du tripoli. » Il a vu dans d'autres blocs de la chry- solithe verdâtre ; dans d'autres , du spath calcaire blanc, cristallisé et à demi transparent : d'autres mor- ceaux sont entremêlés de couches de basaltes et de BUFFON. VII, 5 7)S :^nNÉu AUX. petites couches de pierre calcaire; dautres renferment des fragments de granité blanc, mêlés de sehorl noir: il y en a même dont le granité est en plaques si inti- mement jointes et liées au basalte, que, malgré le poli, la ligne de jonction nest pas sensible; enfin dans la cavité d'un autre morceau de basalte, il a re- connu un dépôt ferrugineux sous la forme d'hématite, qui en tapisse tout l'intérieur, et qui est de couleur gorge de pigeon, très chatoyante. On voit sur cette hématite quelques gros grains d'une espèce de calcé- doine blanche et demi-transparente ; une des faces de ce même morceau est recouverte de dendrites ferru- gineuses : et parmi les laves proprement dites, il en a remarqué plusieurs qui sont tendres, friables, et pren- nent peu à peu la nature d'une terre argileuse. Il remarque avec raison que la pierre de gaUinace^ qu'on a nommée agate noire d'Islande^ n'a aucun rap- port avec les agates, et que ce n'est qu'un verre demi- transparent, une sorle d'émail , qui se forme dans les volcans, et que nous pouvons même imiter en tenant de la lave à un feu violent et long- temps continué. On trouve de cette pierre de gallinace non seulement en Islande, mais dans les montagnes volcaniques du Pérou. Les anciens Péruviens la travailloient pour en faire des miroirs qu'on a trouvés dans leurs tombeaux. Mais il ne faut pas confondre cette pierre de gallinace avec la pierre d'incaSj, qui est une marcassite dont ils faisoient aussi des miroirs. On rencontre de même sur l'Etna et sur le Vésuve quelques morceaux de galli- nace, mais en petite quantité, et M. de Saint-Fond n'en a trouvé qu'en un seul endroit du Vivarais, dans les environs de Rochemaure. Ce morceau est tout-à- DES MATIÈRES VOLC A IN IQ U ES. 5g fait semblable à la gallinace dislande; il est de même très noir et d'une substance dure donnant des étin- celles avec l'acier : mais on y voit des bulles de la grosseur de la tète d'une épingle, toutes d'une ron- deur exacte; ce qui paroît être une démonstration de plus de sa formation par le feu. Indépendamment de toutes les variétés dont nous venons de faire mention , il se trouve très fréquem- ment dans les terrains volcanisés des brèches et des poudingues que M. de Saint-Fond distingue avec rai- son ^ par la différence des matières dont ils sont com- posés. La pouzzolane n'est que le détriment des matières volcaniques; vue à la loupe, elle présente une mul- titude de grains irréguliers : on y voit aussi des points de schorl noir détachés, et très souvent de petites portions de basalte pur ou altéré. On trouve de la pouzzolane dans presque tous les cantons volcanisés, particulièrement dans les environs des cratères; il y en a plusieurs espèces et de différentes couleurs dans le Vivarais, et en plus grande abondance dans le Vélay, Et je crois qu'on pourroit mettre encore au nombre 1. Ces brèches se trouvent souvent en très grandes masses; l'église cathédrale et la plupart des maisons de la ville du Puy en Vélay sont construites d'une brèche volcanique dont il y a de très grands rochers à la montagne de Danis : cette brèche est quelquefois en masses irré- gulières : mais pour l'ordinaire elle est posée par couches fort épaisses qui ont été produites par les éruptions de l'ancien volcan de Danis. Il y a près du château de Rochemaure des masses énormes d'une autre brèche volcanique formée par une multitude de très petits éclats irré- guliers de basalte noir, dur et sain , de quelques grains de schorl noir vitreux , le tout confondu et mêlé de fragments d'une pierre blanchâtre, et tirant un peu sur la couleur de rose tendre. 40 MINÉRAUX. des pouzzolanes celle matière d'an rouge ferrugineux qui se trouve souvent entre les couches des basaltes, quoiqu'elle se présente comme une terre bolaire qui happe à la langue et qui est grasse au toucher. En la regardant attentivement, on y voit beaucoup de pail- lettes de schorl noir, et souvent même des portions de lave qui n'ont pas encore été dénaturées, et qui conservent tous les caractères de la lave ; mais ce qui prouve sa conformité de nature avec la pouzzolane, c'est qu'en prenant dans cette matière rouge celle qui est la plus liante, la plus pâteuse, on en fait un ci- ment avec de la chaux vive, et que, dans ce ciment , le liant de la terre s'évanouit , et qu'il prend consis- tance dans l'eau comme la plus excellente pouzzo- lane. Les pouzzolanes ne sont donc pas des cendres, comme quelques auteurs l'ont écrit, mais de vrais détriments des laves et des autres matières volcani- sées. Au reste, il me paroît que notre savant obser- vateur assure trop généralement qu'// n'y a point de véritables cendres dans les volca7iSj et qu'il n'y existe absolument que la matière de la lave cuite , recuite , calcinée, réduite ou en scories graveleuses ou en pou- dre fine. D'abord il me semble que , dans tout le cours de son ouvrage, l'auteur est dans l'idée que la lave se forme dans le gouffre ou foyer même du vol- can, et qu'elle est projetée hors du cratère sous sa forme liquide et coulante, tandis qu'au contraire la lave ne se forme que dans les éminences ou monceaux de matières ardentes rejetées et accumulées, soit au dessus du cratère, comme dans le Vésuve, soit à quel- que distance des bouches d'éruptioo , comme dans DES MATIÈRES VOLCANIQUES. 4* l'Etna. La lave ne se ferme donc que par une vitrifi- cation postérieure à l'éjection, et cette vitrification ne se fait que dans les monceaux de matières reje- tées; elle ne sort que du pied de ces érainences ou monceaux, et dès lors cette matière vitrifiée ne con- tient en effet point de cendres ; mais les monceaux eux-mêmes en contenoient en très grande quantité, et ce sont ces cendres qui ont servi de fondant pour former le verre de toutes les laves. Ces cendres sont lancées hors du gouffre des volcans, et proviennent des substances combustibles qui servent d'aliment à leurs feux; les pyrites, les bitumes, et les charbons de terre, tous les résidus des végétaux et animaux, étant les seules matières qui puissent entretenir le feu, il est de toute nécessité qu'elles se réduisent en cen- dres dans le foyer même du volcan, et qu'elles sui- vent le torrent de ses projections : aussi plusieurs observateurs, témoins oculaires des éruptions des vol- cans, ont très bien reconnu les cendres projetées, et quelquefois emportées fort loin par les vents ; et si , comme le dit M. de Saint-Fond, l'on ne trouve pas de cendres autour des anciens volcans éteints, c'est uniquement parce qu'elles on changé de nature par le laps de temps et par l'action des éléments humides. Nous ajouterons encore ici quelques observations de M. de Saint-Fond, au sujet de la formation des pouzzolanes. Les laves poreuses se réduisent en sable et en poussière ; les matières qui ont subi une forte calcination sans se fondre deviennent friables, et for- ment une excellente pouzzolane : la couleur en est jaunâtre, grise, noire ou rougeâtre, en raison des dif- férentes altérations qu'a éprouvées la matière ferru- ^2 MINÉRAUX. gineuse qu'elles contiennent; et il ajoute que c'est uniquement à la quantité du fer contenu dans les laves et basaltes qu'on doit attribuer leur fusibilité. Cette dernière assertion me paroît trop exclusive : ce n'est pas en effet au fer, du moins au fer seul, qu'on doit attribuer la fusibilité des laves : c'est au salin contenu dans les cendres rejetées par le volcan qu'elles ont dii leur première vitrification , et c'est au mélange des matières vitreuses, calcaires et salines, autant et plus qu'aux parties ferrugineuses, qu'elles doivent la facilité de se fondre une seconde fois. Les laves se fondent comme nos verres factices et comme toute autre matière vitreuse mélangée de parties calcaires ou salines : et en général tout mélange et^ toute composition produit la fusibilité ; car l'on sait que plus les matières sont pures, et plus elles sont ré- fractaires au feu : le quartz, le jaspe, l'argile et la craie pures y résistent également, tandis que toutes les ma- tières mixtes s'y fondent aisément; et cette épreuve seroit le meilleur moyen de distinguer les substances simples des matières composées, si la fusibilité ne dé- pendoit pas encore plus de la force du feu que du mélange des matières; car, selon moi, les substances les plus simples et les plus réfractaires ne résisteroient pas à cette action du feu si l'on pouvoit l'augmenter à un degré convenable. En comparant toutes les observations que je viens de rapporter, et donnant même aux difiérentes opi- nions des observateurs toute la valeur qu'elles peu- vent avoir, il me paroît que le feu des volcans peut produire des matières assez semblables aux porphyres et granités, et dans lesquelles le feld-spath, le mica DES MATIÈRES VOLCANIQUES. 4^ et le schorl se reconnoissent sous leur forme propre ; et ce fait seul une fois constaté suffiroit pour qu'on dût regarder comme plus que vraisemblable la forma- tion du porphyre et du granité par le feu primitif, et à plus forte raison celle des matières premières dont ils sont composes. Mais, dira-t-on, quelque sensibles que soient ces rapports, quelque plausibles que paroissent les consé- quences que vous en tirez , n'avez-vous pas annoncé que la figuration de tous les minéraux n'est due qu'au travail des molécules organiques, qui ne pouvant en pénétrer le fond, par la trop grande résistance de leur substance dure, ont seulement tracé sur la super- ficie les premiers linéaments de l'organisation , c'est- à-dire les traits de la figuration? Or il n'y avoit point de corps organisés dans ce premier temps où le feu primitif a réduit le globe en verre; et même est-il croyable que dans ces feux de nos fourneaux ardents, où nous voyons se former des cristaux, il y ait des molécules organiques qui concourent à la forme ré- gulière qu'ils prennent? ne suffit-il pas d'admettre la puissance de l'attraction et l'exercice de sa force pa • les lois de l'affinité, pour concevoir que toutes les parties homogènes se réunissant, elles doivent pren- dre en conséquence des figures réguh'ères, et se pré- senter sous diflerentes formes relatives à leur diffé- rente nature, telles que nous les voyons dans ces cristallisations? Ma réponse à cette importante question est que, pour produire une forme régulière dans un solide, la puissance de l'attraction seule ne suffit pas, et que l'affinité n'étant que la môme puissance d'attraction. 44 MINER A V X. ses lois ne peuvent varier que par la diversité de figure des particules sur lesquelles elle agit pour les réunir^; sans cela toute matière réduite à l'homogé- néité prendroit la forme spliérique , comme la pren- nent les gouttes d'eau, de mercure, et de tout autre liquide, dans le temps de leur liquéfaction. Il faut donc nécessairement que tous les corps qui ont des formes régulières avec des faces et des angles reçoi- vent cette impression de ligure de quelque autre cause que de l'affinité ; il faut que chaque atome soit déjà figuré avant d'être attiré et réuni par l'affinité; et comme la figuration est le premier trait de l'orga- nisation, et qu'après l'attraction il n'y a d'autre puis- sance active dans la nature que celle de la chaleur et des molécules organiques qu'elle produit, il me sem- ble qu'on ne peut attribuer qu'à ces mêmes éléments actifs le travail de la figuration. L'existence des molécules organiques a précédé celle des êtres organisés ; elles sont aussi anciennes que l'élément du feu ; un atome de lumière ou de chaleur est par lui-même une molécule active, qui de- vient organique dès qu'elle a pénétré un autre atome de matière. Ces molécules organiques une fois for- mées ne peuvent être détruites; le feu le plus violent ne fait que les disperser sans les anéantir : nous avons prouvé que leuï* essence étoit inaltérable, leur exis- tence perpétuelle, leur nombre infini, et qu'étant aussi universellement répandues que les atomes de la lumière, tout concourt à démontrer qu'elles servent également à l'organisation des animaux, des végétaux, 1. Voyez, dans l'Lisloire naturelle des quadrupèdes, l'arlicle qui a j^our titre de la Nature, seconde vue. DES MATIÈRES VOLCANIQUES. /|5 et à la figuration des minéraux, puisqu'après avoir pi^is à la surface de la terre leur organisme tout en- tier dans l'animal et le végétal, retombant ensuite dans la masse minérale, elles réunissent tous les êtres sous la même loi, et ne font qu'un seul empire de tous les règnes de la nature. DU SOUFRE. La nature, indépendamment de ses hautes puissan- ces auxquelles nous ne pouvons atteindre , et qui se déploient par des effets universels, a de plus les fa- cultés de nos arts, qu'elle manifeste par des efl'ets par- ticuliers : comme nous elle sait fondre et sublimer les métaux, cristalliser les sels, tirer le vitriol et le soufre des pyrites, etc. Son mouvement plus que per- pétuel, aidé de l'éternité du temps, produit, en- traîne, amène toutes les révolutions, toutes les com- binaisons possibles. Pour obéir aux lois établies par le souverain Être, elle n'a besoin ni d'instruments, ni d'adminicules, ni d'une main dirigée par l'intelligence humaine ; tout s'opère parce qu'à force de temps tout se rencontre, et que dans la libre étendue des espa- ces et dans la succession continue du mouvement toute matière est remuée, toute forme donnée, toute figure imprimée. Ainsi tout se rapproche ou s'éloigne, tout s'unit ou se fuit, tout se combine ou s'oppose, tout se produit ou se détruit par des forces relatives 46 M 1 N É 11 A L X. OU contraires, qui seules sont constantes, et, se ba- lançant sans se nuire, animent l'univers et en font un théâtre de scènes toujours nouvelles et d'objets sans cesse renaissants. Mais en ne considérant la nature que^dans ses pro- ductions secondaires, qui sont les seules auxquelles nous puissions comparer les produits de notre art , nous la verrons encore bien au dessus de nous ; et pour ne parler que du sujet particulier dont je vais traiter dans cet article, le soufre qu'elle produit au feu de ses volcans est bien plus pur, bien mieux cris- tallisé, que celui dont nos plus grands chimistes ont ingénieusement trouvé la composition. C'est bien la même substance ; ce soufré artificiel et celui de la nature ne sont également que la matière du feu ren- due fixe par l'acide; et la démonstration de cette vé- rité, qui ne porte que sur l'imitation par noire art d'un procédé secondaire de la nature, est néanmoins le triomphe de la chimie, et le plus beau trophée qu'elle puisse placer au haut du monument de toutes ses découvertes. L'élément du feu, qui, dans son état de liberté, ne tend qu'à fuir, et divise toute matière à laquelle on l'applique, trouve sa prison et des liens dans cet acide qui lui-même est formé par l'intermède des autres éléments ; c'est par la combinaison de l'air et du feu que l'acide primitif a été produit ; et dans les acides secondaires les éléments de la terre et de l'eau sont tellement combinés, qu'aucune autre substance sim- ple ou composée n'a autant d'affinité avec le feu : aussi cet élément se saisit de l'acide dès qu'il se trouve dans son élat de pureté naturelle et sans eau superflue ; il DU SOUFRE. 4? forme avec lui un nouvel être qui est le soufre, uni- quement composé de l'acide et du feu. Pour voir clairement ces rapports importants, con- sidérons d'abord le soufre tel que la nature nous l'of- fre au sommet de ses volcans ; il se sublime, s'attache et se cristallise contre les parois des cavernes qui sur- montent tous les feux souterrains : ces chapiteaux des fournaises embrasées par le feu des pyrites sont les grands récipients de cette matière sublimée ; elle ne se trouve nulle part en aussi grande abondance, parce que nulle piàrt l'acide et le feu ne se rencontrent en aussi grand volume et n'agissent avec autant de puissance. Après la chute des eaux et la production de l'acide, la nature a d'abord renfermé une partie de la matière du feu dans les pyrites, c'est-à-dire dans les petites masses ferrugineuses et minérales où l'acide vitrioli- que , se trouvant en quantité, a saisi cet élément du feu, et le retiendroit à perpétuité si l'action des élé- ments humides ^ ne survenoit pour le dégager et lui rendre sa liberté ; l'humidité, en agissant sur la ma- tière terreuse et s'unissant en môme temps à l'acide , diminue sa force, relâche peu à peu les nœuds de son union avec le feu , qui reprend sa liberté dès que ses liens sont brisés : dans cet incendie, le feu, devenu hbre, emporte avec sa flamme une portion de l'acide auquel il étoit uni dans la pyrite; et cet acide pur et 1. L'eau seule ne décompose pas les pyrites : le long des falaises âeê côtes de Normandie , les bords de la mer sont jonchés de pyrites , que les pêcheurs ramassent pour en faire du vitriol. La rivière de Marne , dans la partie de la Champagne crayeuse qu elle arrose , est jonchée de pyrites martiales qui restent intactes tant qu elles sont dans l'eau . mais qui s'eflleurissent dès qu'elles sont exposées à l'air. 46 Mii\E?»ALX. séparé de la terre, qui reste fixe, forme, avec la sub- stance de la flamme, une nouvelle matière unique- ment composée de feu fixé par Facide, sans mélange de terre ni de fer, ni d'aucune autre matière. Il y a donc une différence essentielle entre le sou- fre et la pyrite, quoique tous deux contiennent égale- ment la substance du feu saisie par l'acide, puisque le soufre n'est composé que de ces deux substances pures et simples , tandis qu'elles sont incorporées dans la pyrite avec une terre fixe de fer ou d'autres miné- raux. Le mot de soufre minéral ^ dont on a tant abusé, devroit être banni de la physique, parce qu'il fait équivoque et présente une fausse idée; car ce soufre minéral n'est pas du soufre, mais de la pyrite : et de même toutes les substances métalliques, qu'on dit être minéralisées par le soufre, ne sont que des py- rites qui contiennent, à la vérité, les principes du soufre, mais dans lesquelles il n'est pas formé. Les py- rites martiales et cuivreuses , la galène de plomb , etc. , sont autant de pyrites dans lesquelles la substance du feu et celle de l'acide se trouvent plus ou moins in- timement unies aux parties fixes de ces métaux : ainsi les pyrites ont été formées par une grande opération de la nature, après la production de l'acide et des ma- tières combustibles, remplies de la substance du feu ; et le soufre ne s'est formé que par une opération se- condaire, accidentelle, et particulière, en se subli- mant avec l'acide par l'action des feux souterrains. Les charbons de terre et les bitumes, qui , comme les pyrites, contiennent de l'acide, doivent par leur com- bustion produire de même une grande quantité de soufre : aussi toutes les matières qui servent d'aliment DU SOUFRE. /|9 au feu des volcans et à la chaleur des eaux thermales donnent également du soufre dès que, par les cir- constances locales, l'acide et le feu qui l'accompagne et l'enlève peuvent être arrêtes et condensés par le refroidissement. On abuse donc du nom de soufre _, lorsqu'on dit que les métaux sont minéralisés par le soufre; et comme les abus vont toujours en augmentant, on a aussi donné le même nom de soufre à tout ce qui peut brû- ler. Ces applications équivoques ou fausses viennent de ce qu'il n'y avoit dans aucune langue une expres- sion qui pût désigner le feu dans son état fixe ; le sou- fre des anciens chimistes représentoit cette idée ^, le pldoglstique la représente dans la chimie récente : et l'on n'a rien gagné à cette substitution de termes; elle n'a même fait qu'augmenter la confusion des idées, parce qu'on ne s'est pas borné à ne donner au phlo- gistique que les propriétés du feu fixe. Ainsi le mot ancien de soufre ^ ou le mot nouveau de phloglstlque^ dans la langue des sciences, n'auroientpas fait de mal s'ils n'eussent exprimé que l'idée nette et claire du feu dans son état fixe : cependant feu fixe est aussi court, 1. Le soufre des philosophes hermétiques étoit un tout autre être que le soufre eomiimn : ils le regardoient comme le principe de la lu- mière , comme celui du développement des germes et de la nutrition des corps organisés ; et sous ces rapports il paroît qu'ils considéroient particulièrement dans le soufre son feu fixe , indépendamment de l'a- cide dans lequel il se trouve engagé. Dans ce point de vue, ce n'est plus du soufre qu'il s'agit , mais du feu même , en tant que fixé dans les différents corps de la nature ; il en fait l'activité , le développement, et la vie : et , en ce sens , le soufre des alchimistes peut en effet être regardé comme le principe des phénomènes de la chaleur, de la lu- mière, du développement, et de la nutrition des corps organisés. ( Observation covimaniquée par M. l'abbé Bexon. ) 50 MINÉRAUX. aussi aisé à prononcer, que pliloglstique; et feu fixe rappelle l'idée principale de l'élément du feu , et le représente tel qu'il existe dans les corps combusti- bles, au lieu que pldogistique^ qu'on n'a jamais bien défini, qu'on a souvent mal appliqué, n'a fait que brouiller les idées, et rendre obscures les explications des choses les plus claires. La réduction des chaux métalliques en est un exemple frappant; car elle s'ex- plique, s'entend aussi clairement que la précipitation, sans qu'il soit nécessaire d'avoir recours, avec nos chimistes, à l'absence ou à la présence du phlogistique. Dans la nature, et surtout dans la matière brute, il n'y a d'êtres réels et primitifs que les quatre élé- ments ; chacun de ces éléments peut se trouver en un état différent de mouvement ou de repos, de li- berté ou de contrainte, d'action ou de résistance , etc. : il y auroit donc tout autant de raison de faire un nou- veau mot pour l'air fixe; mais heureusement on s'en est abstenu jusqu'ici. Ne vaut-il pas mieux en effet désigner par une épithète l'état d'un élément, que de faire un être nouveau de cet état en lui donnant un nom particulier? Rien n'a plus retardé le progrès des sciences que la logomachie _, et cette création de mots nouveaux à demi techniques, à demi métaphysiques^ et qui dès lors ne représentent nettement ni l'effet ni la cause : j'ai niêrae admiré la justesse de discernement des anciens; ils ont appelé pyrites les matières miné- rales qui contiennent en abondance la substance du feu : avons-nous eu raison de substituer à ce nom ce- lui de soufre^ puisque les minerais ne sont en effet que des pyrites? Et de même les anciens chimistes ont entendu par le mot de sot//r^ la matière du feu con- DU sou F KE. 5» tenue clans les huiles, les résines, les esprits ardents, et dans tous les corps des animaux et des végétaux, ainsi que dans la substance des minéraux : avons-nous aujourd'hui raison de lui substituer celui de p/ilo gis ti- que? Le mieux eût été de n'adopter ni l'un ni l'autre : aussi n'ai-je employé dans le cours de cet ouvrage que l'expression de feu fixe auVieu de phlogistu/uej, comme je n'emploie ici que celle de pyrite au lieu de soufre miner a L Au reste, si l'on veut distinguer l'idée du feu fixe de celle du phlogistique, il faudra, comme je l'ai dit, appeler p Ida gis tique le feu qui , d'abord étant fixé dans les corps, est en même temps animé par l'air et peut en être séparé, et laisser le nom de feu fixe à la ma- tière propre du feu fixé dans ces mêmes corps , et qui , sans l'adminicule de l'air auquel il se réunit, ne pour- roi t s'en dégager. Le feu fixe est toujours combiné avec l'air fixe, et tous deux sont les principes inflammables de toutes les substances combustibles: c'est en raison de la quan- tité de cet air et feu fixes qu'elles sont plus ou moins inflammables. Le soufre, qui n'est composé que d'a- cide pur et de feu fixe , brûle en entier et ne laisse aucun résidu après son inflammation; les autres sub- stances, qui sont mêlées de terres ou de parties fixes, laissent toutes des cendres ou des résidus charbon- neux après leur combustion; et en général toute in- flammation, toute combustion n'est que la mise en liberté, par le concours de l'air, du feu fixe contenu dans les corps; et c'est alors que ce feu animé par l'air devient phlogistique : or le feu libre , l'air et l'eau , peuvent également rendre la liberté au feu fixe con- 02 MI^ÉRA^X. tenu dans les pyrites; et comme, au moment qu'il est libre, le feu reprend sa volatilité, il emporte aveclui l'acide auquel il est uni, et forme du soufre par la seule condensation de cette vapeur. On peut faire du soufre par la fusion ou par la su- blimation : il faut pour cela choisir les pyrites qu'on a nommées sulfureuses j, et qui contiennent la plus grande quantité de feu fixe et d'acide , avec la moindre quan- tité de fer, cuivre, ou de toute autre matière fixe; et selon qu'on veut extraire une grande ou petite quan- tité de soufre, on emploie diÛérents moyens, qui néanmoins se réduisent tous à donner du soufre par fusion ou par sublimation. Cette substance tirée des pyrites par notre art est absolument semblable à celle du soufre que la nature produit par l'action de ses feux souterrains; sa cou- leur est d'un jaune citrin ; son odeur est désagréable, et plus forte lorsqu'il est frotté ou échauffé; il est électrique comme l'ambre ou la résine ; sa saveur n'est insipide que parce que le principe aqueux de son acide y étant absorbé par l'excès du feu, il n'a aucune affi- nité avec la salive, et qu'en général il n'a pas plus d'ac- tion sur les matières aqueuses qu'elles n'en ont sur lui; sa densité est à peu près égale à celle de la pierre calcaire ^ ; il est cassant, presque friable, et se pulvé- rise aisément; il ne s'altère pas par l'impression des éléments humides, et même l'action du feu ne le dé- compose pas lorsqu'il est en vaisseaux clos, et privé de l'air nécessaire à toute inflammation. Il se sublime sous sa même forme, au haut du vaisseau clos, en 1. Le soufre volatil pèse environ cent quarante-deux livres le pied cube , et le soufre en canon cent trente-neuf à cent quarante livres. DO SOUFRE. 53 petits cristaux auxquels on a donné le nom de flem^s de soufre; celui qu'on obtient par la fusion se cristal- lise de môme en le laissant refroidir très lentement : ces cristaux sont ordinairement en aiguilles; et cette forme aiguillée, propre au soufre, se voit dans les py- rites et dans presque tous les minéraux où le feu fixe et l'apide se trouvent combinés en grande quantité avec le méial : il se cristallise aussi en octaèdre dans les grands soupiraux des volcans. Le degré de chaleur nécessaire pour fondre le sou- fre ne suffit pas pour l'enflammer : il faut, pour qu'il s'allume , porter de la flamme à sa surface ; et dès qu'il aura reçu l'inflammation , il continuera de brûler. Sa flamme est légère et bleuâtre, etne peut même com- muniquer l'inflammation aux autres matières combus- tibles que quand on donne plus d'activité à la com- bustion du soufre en augmentant le degré du feu ; alors sa flamme devient plus lumineuse, plus intense , et peut enflammer les matières sèches et combustibles. Celte flamme du soufre, quelque intense qu'elle puisse être, n'en est pas moins pure; elle est ardente dans toute sa substance; elle n'est accompagnée d'aucune fumée, etne produit point de suie : mais elle répand une vapeur suiTocante qui n'est que celle de l'acide encore combiné avec le feu fixe, et à laquelle on a donné le nom d\iclde sulfureux. Au reste, plus lente- ment on fait brûler le soufre , plus la vapeur est suffo- cante, et plus l'acide qu'elle contient devient péné- trant : c'est, comme l'on sait, avec cet acide sulfureux qu'on blanchit les étoffes, les plumes, et les autres substances animales. L'acide que le feu libre emporte ne s'élève avec lui BUl-FOK. VII. 54 MINERAUX. qu'à une certaine hauteur; car dès qu'il est frappé par rhumidité de l'air, qui se combine avec l'acide, le feu est forcé de fuir; il quitte l'acide et s'exhale tout seul : cet acide dégagé dans la combustion du soufre est du pur acide vitriolique. « Si l'on veut le recueillir au moment que le feu l'abandonne , il ne faut que placer un chapiteau au dessus du vase , avec la précaution de le tenir assez éloigné pour permettre l'action de l'air, qui doit entretenir la combustion, et de porter dans l'intérieur du chapiteau une certaine humidité par la vapeur de l'eau chaude ; on trouvera ' dans le récipient ajusté au bec du chapiteau l'acide vitriolique connu sous le nom d'esprit de vitriol ^ c'est- à-dire un acide peu concentré , et considérablement affoibli par l'eau. » On concentre cet acide et on le rend pur en le distillant, c L'eau, comme plus vola- tile, s'élève la première et emporte un peu d'acide; plus on réitère la distillation, plus il y a de déchet, mais aussi plus l'acide qui reste se concentre ; et ce n'est que par ce moyen qu'on peut lui donner toute sa\force et le rendre tout-à-fait pur ^. » Au reste, on a imaginé depuis peu le moyen d'effectuer dans des vaisseaux clos la combustion du soufre; il suffit pour cela d'y joindre un peu de nitre, qui fournit l'air né- cessaire à cette combustion; et d'après ce principe on a construit des appareils de vaisseaux clos , pour tirer l'esprit de vitriol en grand , sans danger et sans perte : c'est ainsi qu'on y procède actuellement dansplusieurs manufactures ^, et spécialement dans la belle fabri- 1. Éléments de Chimie , par M. do Morveau, tome II , page 22. 2. C'est à lîouen que l'on a commencé à faire de l'huile de vilrioî eu grand par le soufre; il s'en fait annuellement dans cette ville et DU SOUFRE. 55 que de sels minéraux établie à Javelle sous le nom et les auspices de monseigneur le comte d'Artois. L'eau ne dissout point le soufre et ne fait même aucune impression à sa surface ; cependant si l'on verse du soufre en fusion dans de l'eau, elle se mêle avec lui, et il reste mou tant qu'on ne le fait pas sé- cher à l'air : il reprend sa solidité et toute sa séche- resse dès que l'eau dont il s'est humecté par force, et avec laquelle il n'a que peu ou point d'adhérence, est enlevée par l'évaporation. Voilà sur la composition de la substance du soufre et sur ses principales propriétés ce que nos plus ha- biles chimistes ont reconnu et nous représentent comme choses incontestables et certaines; cependant elles ont besoin d'être modifiées, et surtout de n'être pas prise dans un sens absolu, si l'on veut s'approcher de la vérité en se rapprochant des faits réels de la na- ture. Le soufre, quoique entièrement composé de feu fixe et d'acide, n'en contient pas moins les quatre élé- ments, puisque l'eau, la terre, et l'air, se trouvent unis dans l'acide vitrioHque , et que le feu même ne se fixe que par l'intermède de l'air. Le phlogistique n'est pas, comme on l'assure, une substance simple, identique, et toujours la même dans tous les corps, puisque la matière du feu y est toujours unie à celle de l'air, et que, sans le concours de ce second élément, le feu fixe ne pourroit ni se dégager ni s'enflammer. On sait que l'air fixe prend souvent la place du feu fixe en s'emparant des ma- tières que celui-ci quitte, que l'air est même le seul dans les environs qualorze cent milliers : on en fait à Lyon sans in- termède du salpêtre. {ISotc communiquée par M. de Grignon. ) 56 MIxNÉRAUX. intermède j3ar lequel on puisse dégager le feu fixe, qui alors devient le phlogistique : ainsi le soufre, in- dépendamment de l'air fixe qui est entré dans sa com- position , se charge encore de nouvel air dans son état de fusion ; cet air fixe s'unit à l'acide ; la vapeur même du soufre fixe l'air et l'absorbe; et enfin le soufre, quoique contenant le feu fixe en plus grande quantité que toutes les autres substances combustibles , ne peut s'enflammer comme elles et continuer à brûler que par le concours de l'air. .En comparant la combustion du soufre à celle du phosphore, on voit que, dans le soufre, l'air fixe prend la place du feu à mesure qu'il se dégage et s'exhale en flamme, et que, dans le phosphore, c'est l'air fixe qui se dégage le premier, et laisse le feu fixe repren- dre sa li!)erté : cet efl'et s'opère sans le secours exté- rieur du feu libre et par le seul contact de l'air; et dans toute matière où il se trouve des acides, l'air s'unit avec eux , et se fixe encore plus aisément que le feu même dans les substances les plus combustibles. Dans les explicatioRS chimiques on attribue tous les effets au phlogistique, c'est-à-dire au feu fixe seul, tandis qu'il n'est jamais seul, et que l'air fixe est très souvent la cause immédiate ou médiate de l'effet. Heurensement que, dans ces dernières années, d'ha- biles physiciens, ayant suivi les traces du docteur Haies, ont fait entrer cet élément dans l'explication de plusieurs phénomènes, et ont démontré que l'air se fîxoit en s'unissant à tous les acides; en sorte qu'il contribue, presque aussi essentiellement que le feu, non seulement à toute combustion, mais même à toute calcination, soit à chaud, soit à froid. DU SOUFRE. 57 J'ai démontré que la combustion et la calcinai ion sont deux effets du même ordre, deux produits des mêmes causes; et lorsque la calcination se l'ait à froid, comme celle de la céruse par l'acide de l'air, c'est -que cet acide contient lui-même une assez grande <[uantité de feu fixe pour produire une petite com- bustion intérieure, qui s'annonce par la calcination. vocantur Leucogœi. Ibi è cuniculis effossum perficitur igni. Gênera » quatuor : vivinn , quod Graeci apyron vocant, nascilur solidum , hoc » est gk'ba... vivuni elTodilur, translncctque , et viret. Alteruin genus » appellant g/t'6am, fullouuui tanlua» offieitiis fauiiliare... égala voca- » iur hoc genus. Ouarîo autem ad cllyclmia maxime conficienda.» 64 MINÉRAL X. dans les mers occideiitales cehii du Pic-de-Ténériffe , de Saint-Domingue, etc., sont également connus des voyageurs. Il se trouve aussi beaucoup de soufre au Chili, et encore plus dans les montagnes du Pérou, comme dans presque toutes les montagnes à volcan. Le soufre de Quito et celui de la Guadeloupe passent pour être les plus purs, et l'on en voit des morceaux si beaux et si transparents qu'on les prendroit, au pre- mier coup d'œil , pour de bel ambre jaune. Celui qui se recueille sur le Vésuve et sur l'Etna est rarement pur. Il en est de même du soufre que certaines eaux thermales, comme celles d'Aix-la-Chapelle et de plu- sieurs sources en Pologne, déposent en assez grande quantité : il faut purifier tous ces soufres, qui sont mé- langés de parties hétérogènes, en les faisant fondre et sublimer pour les séparer de tout ce qu'ils ont d'impur. Presque tout le soufre qui est dans le commerce vient des volcans, des solfatares, et autres cavernes et grottes qui se trouvent ou se sont trouvées au des- sus des feux souterrains; et ce n'est guère que dans ces lieux que le soufre se présente en abondance et tout formé : mais ses principes existent en bien d'au- tres endroits; et l'on peut même dire qu'ils sont uni- versellement répandus dans la nature, et produits par- tout où l'acide vitriolique , rencontrant les débris des substances organisées, s'est saisi et surchargé de leur feu fixe, et n'attend qu'une dernière action de cet élé- ment pour se dégager des masses terreuses ou métal- liques dans lesquelles il se trouve comme enseveli et emprisonné. C'est ainsi que les principes du soufre existent dans les pyrites, et que le soufre se forme par leur combustion ; et partout où il y a des pyrites DU SOLFKE. 65 on peut former du soufre : mais ce n'est que dans les contrées où les matières combustibles, bois ou char- bons de terre , sont abondantes qu'on trouve quelque bénéfice à tirer le soufre des pyrites. On ne fait ce travail en grand que dans quelques endroits de l'Alle- magiie et de la Suède, où les mines de cuivre se pré- sentent sous la forme de pyrites; on est forcé de les griller plusieurs fois pour en faire exhaler le soufre que l'on recueille comme le premier produit de ces mines. Le point essentiel de cette partie de l'exploi- tation des mines de cuivre est d'empêcher rinflamma- tion du soufre en même temps qu'on détermine son écoulement dans les bassins pour l'y recueillir; ce- pendant il est encore alors impur et mélangé, et ce n'est que du soufre brut qu'il faut purifier en le sé- parant des parties terreuses ou métalliques qui lui restent unies. On procède à cette purification en fai- sant fondre ce soufre brut dans de grands vases à un feu modéré ; les parties terreuses se précipitent , et le soufre pur surnage : alors on le verse dans des moules ou lingotières, dans lesquelles il prend la forme de canons ou de pains, sous laquelle on le connoît dans le commerce; mais ce soufre, quoique déjà séparé de la plus grande partie de ses impuretés, n'est ni transparent ni aussi pur que celui qui se trouve formé en cristaux sur la plupart des volcans. Ce soufre cris- tallisé doit sa transparence et sa grande pureté à la sublimation qui s'en est faite dans ces volcans ; et, par la même raison, le soufre artificiel le plus pur, ou ce que l'on appelle fleur de soufre, n'est autre chose que du soufre sublimé en vaisseaux clos , et qui se pré- sente en poudre ou fleur très pure, qui est un amas 66 MINÉRAUX. de petits cristaux aiguillés et très fms, que l'œil, aidé de la loupe, y distingue. DES SELS. Les matières salines sont celles qui ont de la sa- veur. Mais d'où leur vient cette propriété qui nous est si sensible, et qui aflecte les sens du goût, de l'o- dorat, et même celui du toucher? quel est ce prin- cipe salin? comment et quand a-t-il été formé? Il étoit certainement contenu et relégué dans l'atmosphère, avec toutes les autres matières volatiles, dans le temps de l'incandescence du globe : mais, après la chute des eaux et la dépuration de l'atmosphère , la première combinaison qui s'est faite dans cette sphère encore ardente a été celle de l'union de l'air et du feu; cette union a produit l'acide primitif : toutes les matières aqueuses, terreuses, ou métalliques, avec lesquelles cet acide a pu se combiner, sont devenues des sub- stances salines ; et comme cet acide s'est formé par la seule union de l'air avec le feu , il me paroît que ce premier acide, le plus simple et le plus pur de tous, est l'acide aérien, auquel les chimistes récents ont donné le nom d'acide ntépliltiqae^ qui n'est que de l'air fixe , c'est-à-dire de l'air fixé par le feu. Cet acide primitif est le premier principe salin ; il a produit tous les autres acides et alcalis : il n'a pu se combiner d'abord qu'avec les verres primitifs, puis- que les autres matières n'existoient pas encore ; par son DES SJiLfî. 67 union avec cette terre vitrifiée il a pris plus de masse et acquis plus de puissance, et il est devenu acide vi- triolic/uej qui, étant plus fixe et plus fort, s'est incor- poré avec toutes les substances qu'il a pu pénétrer. L'acide aérien , plus volatil , se trouve universellement répandu , et l'acide vitriolique réside principalement dans les argiles et autres détriments des verres primi- tifs ; il s'y manifeste sous la forme d'alun : ce second acide a aussi saisi dans quelques lieux les substances calcaires, et a formé les gypses; il a saisi la plupart des minéraux métalliques, et leur a causé de grandes altérations ; il en a pour ainsi dire converti quelques uns dans sa propre substance, en leur donnant la forme du vitriol. En second lieu , l'acide primitif, que je désignerai dorénavant par le nom d'acide aérien :, s'est uni avec les matières métalliques qui , comme les plus pesan- tes, sont tombées les premières sur le globe vitrifié ; et en agissant sur ces minerais métalliques, il a formé l'acide arsenical ou l'arsenic, qui, ayant encore plus de masse que le vitriolique, a aussi plus de force , et de tous est le plus corrosif : il se présente dans la plu- part des mines dont il a minéralisé et corrompu les substances. Ensuite, mais plusieurs siècles après, cet acide pri- mitif, en s'unissant à la matière calcaire, a formé Vacide marin^, (\n\ est moins fixe et plus léger que l'acide vi- triolique, et qui, par cette raison, s'est plus univer- sellement répandu, et se présente sous la forme de sel gemme dans le sein de la terre , et sous celle de sel marin dans l'eau de toutes les mers : cet acide marin n'a pu se former qu'après la naissance des coquillages, 6S MIxNERAUX. puisque la matière caicaire n'existoit pas auparavant. Peu de temps après, ce même acide aérien et pri- mitif est entre dans la composition de tous les corps organisés; et se combinant avec leurs principes, il a formé, par la fermentation, les acides animaux et vé- gétaux, et Vaclde nitreux par la putréfaction de leurs détriments : car il est certain que cet acide aérien existe dans toutes les substances animales ou vé^rétales, puisqu'il s'y manifeste sous sa forme primitive d'air fixe; et comme on peut le retirer sous cette même forme tant de l'acide nitreux que des acides vitrioli- que et marin, et même de l'arsenic, on ne peut dou- ter qu'il ne fasse partie constituante de tous ces aci- des, qui ne sont que secondaires, et qui, comme l'on voit, ne sont pas simples, mais composés de ce"t acide primitif différemment combiné, tant avec la ma- tière brute qu'avec les substances organisées. Cet acide primitif réside dans l'atmosphère et y réside en grande quantité sous sa forme active ; il est le principe et la cause de toute les impressions qu'on attribue aux éléments humides ; il produit la rouille du fer, le vert-de-gris du cuivre, la céruse du plomb, etc., par l'action qu'il donne à l'humidité de l'air : mêlé avec les eaux pures, il les rend acides ou acidulés, il aigrit les liqueurs fermentées; avec le vin il forme le vinaigre : enfin il me paroît être le seul et vrai principe non seulement de tous les acides, mais de tous les alcalis, tant minéraux que végétaux et animaux. On peut le retirer du natroUj ou alcali qu'on ap- pelle minéral j, ainsi que de l'alcali fixe végétal , et en- core plus abondamment de l'alcali volatil, en sorte qu'on doit réduire tous les acides et tous les alcalis à DES SELS. 69 un seul principe salin ; et ce principe est l'acide aérien, qui a été le premier formé, et qui est le plus simple, le plus pur de tous , et le plus universellement ré- pandu : cela me paroît d'autant plus vrai que nous pouvons, par notre art, rappeler à cet acide tous les autres acides, ou du moins les rapprocher de sa na- ture, en les dépouillant, par des opérations appro- priées, de toutes les matières étrangères avec les- quelles ils se trouvent combinés dans ces sels; et que de même il n'est pas impossible de ramener les alca- lis à l'état d'acide en les séparant des substances ani- males et végétales, avec les€|oelîes tout alcali se trouve toujours uni; car quoique la chimie ne soit pas en- core parvenue à faire cette conversion ou ces réduc- tions, elle en a assez fait pour qu'on puisse juger par analogie de leur possibilité. Le plus ingénieux des chimistes, le célèbre Stahl, a regardé l'acide vitrioli- que comme l'acide universel, et comme le seul prin- cipe salin ; c'est la première idée d'après laquelle il a voulu établir sa théorie des sels : il a jugé que quoi- que la chimie n'ait pu jusqu'à ce jour ramener dé- monstrativement les alcalis à l'acide, c'est-à-dire ré- soudre ce que la nature a combiné, il ne falloit s'en prendre qu'à l'impuissance de nos moyens. Rien n'est mieux vu ; ce grand chimiste a ici consulté la simpli- cité de la nature : il a senti qu'il n'y avoit qu'un prin- cipe salin ; et comme l'acide vitriolique est le plus puissant des acides, il s'est cru fondé à le regarder comme l'acide primitif. C'étoit ce qu'il pouvoit pen- ser de mieux dans un temps où l'on n'avoit que des idées confuses de l'acide aérien, qui est non seule- ment plus simple, mais plus universel que l'acide vi- lit'FFON. TII. 5 -JO ^IINKR Al; X. trioliqiie ; mais lorsque cet habile homme a prétendu que son acide universel et primitif n'est composé que de terre et d'eaUj il n'a fait que mettre en avant une supposition dénuée de preuves et contraire à tous les phénomènes, puisque de fait l'air et le feu entrent peut-être plus que la terre et l'eau dans la substance de tout acide, et que ces deux éléments constituent seuls l'essence de l'acide primitif. Des quatre éléments qui sont les vrais principes de tous les corps, le feu est seul actif; et lorsque l'air, la terre, et l'eau, exercent quelque impression, ils n'a- gissent que par le feu qu'ils renferment, et qui seul peut leur donner une puissance active : l'air, sur- tout , dont l'essence est plus voisine de celle du feu que celle des deux derniers éléments, est aussi plus actif. L'atmosphère est le réceptacle général de tou- tes les matières volatiles; c'est aussi le grand magasin de l'acide primitif; et d'ailleurs tout acide considéré en lui-même, surtout lorsqu'il est concentré, c'est-à- dire séparé, autant qu'il est possible, de l'eau et de la terre, nous présente les propriétés du feu animé par l'air : la corrosion par les acides minéraux n'est- elle pas une espèce de brûlure? la saveur acide, amère, ou acre de tous les sels, n'est-elle pas un indice cer- tain de la présence et de l'action d'un feu qui se dé- veloppe dès qu'il peut, avec l'air, se dégager de la base aqueuse ou terreuse à laquelle il est uni? et cette saveur, qui n'est que la mise en liberté de l'air et du feu, ne s'opère-t-elle que par le contact de l'eau et de toute matière aqueuse, telle que la salive, et même par l'humidité de la peau? Le sels ne sont donc cor- rosifs et même snpides que par le feu et l'air qu'ils DES SELS, 7 l contiennent. Cette vérité peut se démontrer encore par la grande chaleur que produisent tous les acides minéraux dans leur mélange avec l'eau, ainsi que par leur résistance à l'action de la forte gelée. La pré- sence du feu et de l'air dans le principe salin me pa- roît donc très évidemment démontrée par les effels, quand môme on regarderoit avec Stahl l'acide vitrio- lique comme l'acide primitif et le premier principe salin ; car l'air s'en dégage en même temps que le feu par l'intermède de l'eau, comme dans la pyrite, et cette action de l'humidité produit non seulement de la chaleur, mais une espèce de flamme intérieure et de feu réellement actif, qui briile en corrodant tou- tes les substances auxquelles l'acide peut s'unir; et ce n'est que par le moyen de l'air que le feu contracte cette union avec l'eau. L'acide aérien altère aussi tous les sucs extraits des végétaux; il produit le vinaigre et le tartre; il forme dans les animaux l'acide auquel on a donné le nom à' acide plwspliorique. Ces acides des végétaux et des animaux, ainsi que tous ceux qu'on pourroit regar- der comme intermédiaires, tels que l'acide des ci- trons, des grenades, de l'oseille, et ceux des fourmis, de la moutarde , etc. , tirent également leur origine de l'acide aérien modifié dans chacune de ces sub- stances par la fermentation, ou par le mélange d'une plus ou moins grande quantité d'huile; et même les substances dont la saveur est douce, telles que le su- cre, le miel, le lait, etc., ne diffèrent de celles qui sont aigres et piquantes, comme les citrons, le vinai- gre, etc., que par la quantité et la qualité du muci- lage et de l'huile qui enveloppe l'acide ; car leur prin- 12 iMINEPiAUX. cipe salin est le inêQie; et toutes leurs saveurs, quoique si dillerentes, doivent se rapporter à l'acide primitif, et à son union avec l'eau, l'huile, et la terre mucila- gineuse des substances animales et végétales. On adoucit tous les acides, et même l'acide vitrio- lique, en les mêlant aux substances huileuses, et par- ticulièrement à l'esprit-de-vin ; et c'est dans cet état liuileux, muciiagineux, et doux, que l'acide aérien se trouve dans plusieurs substances végétales, et dans les fruits dont l'acidité ou la saveur plus douce ne dé- pend que de la quantité d'eau, d'huile et de terre atténuée et mucilagineuse dans lesquelles cet acide se trouve combiné. L'acide animal appartient aux vé- gétaux comme aux animaux; car on le tire de la mou- tarde et de plusieurs autres plantes, aussi bien que des insectes et autres animaux : on doit donc en in- férer que les acides animaux et les acides végétaux sont les mêmes, et qu'ils ne diffèrent que par la quan- tité ou la qualité des matières avec lesquelles ils sont mêlés; et, en les examinant en particulier, on verra bien que le vinaigre, par exemple, et le tartre étant tous deux des produits du vin, leurs acides ne peu- vent différer essentiellement ; la fermentation a seu- lement plus développé celui du vinaigre, et l'a même rendu volatil et presque spiritueux. Ainsi tous les aci- des des animaux ou des végétaux, et même les acer- bes, qui ne sont que des acides mêlés d'une huile amère, tirent leur première origine de l'acide aérien. Les acides minéraux sont beaucoup plus forts que les acides animaux et végétaux. « Ces derniers acides, dit M. Macquer, retiennent toujours de l'huile, au lieu que les acidea minéraux n'en contiennent point du DES SELS. 70 tout. « Il nie semble ('ise celte dernière assertion doit être interprétée ; car il tant reconnoître qne si les acides minéranx, dans leur état de pnreté. ne con- tiennent aucune huile, il peuvent, en passant à l'état de sel, par leur union avec diverses terres, se char- ger en même temps de parties huileuses; et en effet la matière grasse des sels dans les eaux-mères paroît être une substance huileuse, puisqu'elle se réduit à l'état charbonneux par la combustion. Les sels miné- raux contiennent donc une huile qui paroît leur être essentielle ; et celle qui se trouve de plus dans les acides tirés des animaux et des végétaux ne leur est qu'accessoire. C'est probablement par l'affmité de cette matière grasse avec les huiles végétales et les graisses animales, que l'acide minéral peut se com- biner dans les végétaux et dans les animaux. Les acides et les alcalis sont des principes salins, mais ne sont pas fies sels : on ne les trouve nulle part dans leur état pur et simple, et ce n'est que quand ils sont unis à quelque matière qui puisse leur servir de base, qu'ils prennent la forme de sel , et qu'ils doi- vent en porter le nom ; cependant les chimistes les ont appelés sels simples ^ et ils ont nommé sels neutres les vrais sels. Je n'ai pas cru devoir employer cette dénomination, parce qu'elle n'est ni nécessaire ni précise; car si l'on appelle sel neutre tout sel dont la base est une et simple, il faudra donner le nom àlié- par aux sels dont la base n'est pas simple, mais com- posée de deux aiatières différentes, et donner un troi- sième . quatrième, cinquième nom, etc., à ceux dont hi base est composée de deux, trois, quatre, etc., matières différentes. C'est là le défaut de tontes les 74 MINÉRAUX. noiiiericialiires méthodiques; elles sont forcées de dis- paroître dès que l'on veut les appliquer v.ux objets réels de la nature. Nous donnerons donc le nom de sel à toutes les matières dans lesquelles le principe salin est entré, et qui ont une saveur sensible; et nous ne présenterons d'abord que les sels qui sont formés par la nature, soit en masses solides dans le sein de la terre, soit en dissolution dans l'air et dans l'eau. On peut appeler sels fossiles ceux qu'on tire de la terre : les vitriols, l'alun, la sélénite , le natron , l'alcali fixe végétal, le sel marin, le nitre, le sel ammoniac, le borax, et même le soufre et l'arsenic, sont tous des sels formés parla nature. Nous tâcherons de reconnoître leur ori- gine et d'expliquer leur formation, en nous aidant des lumières que la chimie a répandues sur cet objet plus que sur aucun autre, et les réunissant aux faits de l'histoire naturelle qu'on ne doit jamais en séparer. La nature nous offre en stalactites les vitriols du fer, du cuivre, et du zinc; l'alun en filets cristallisés ; la sélénite en gypse aussi cristallisé ; le natron en masse solide et pure, ou simplement mêlé de terre; le sel marin en cristaux cubiques et en masses immen- ses; le nitre en efïlorescences cristallisées; le sel am- moniac en poudre sublimée par les feux souterrains ; le borax en eau gélatineuse, et l'arsenic en terre mé- talhque. Elle a d'abord formé l'acide aérien par la seule et simple combinaison de l'air et du feu : cet acide primitif s'étant ensuite combiné avec toutes les matières terreuses et métalliques a produit l'acide vi- triolique avec la terre vitrifiable, l'arsenic avec les ma- li'ères méfalliques. l'acide marin avec les subslances DES SULi'. --5 calcaires, l'acide iiitreux avec les détritnenls putrérsés des corps organisés ; il a de même produit les alcalis par la végétation, l'acide du tartre et du vinaigre par la iermentation ; enfio il est entré sous sa propre l'orme dans tous les corps organisés. L'air fixe que l'on tire des matières calcaires, celui qui s'élève par la pre- mière fermentation de tous les végétaux, ou qui se forme par la respiration des animaux, n'est que ce même acide aérien qui se manifeste aussi par sa saveur dans les eaux acidulés, dans les fruits, les légumes, et les herbes : il a donc produit toutes les substances sa- lines ; il s'est étendu sur tous les règnes de la nature ; il est le premier principe de toute saveur, et, relati- vement à nous, il est pour l'organe du goût ce que la lumière et les couleurs sont pour le sens de la vue. Et les odeurs, qui ne sont que des saveurs plus fines, et qui agissent sur l'odorat, qui n'est qu'un sens de goût plus délicat, proviennent aussi de ce premier principe salin, qui s'exhale en parfums agréables dans la plupart des végétaux, et en mauvaise odeur dans certaines plantes et dans presque tous les animaux : il s'y combine avec leurs huiles grossières ou volati- les; il s'unit à leur graisse, à leurs mucilages; il s'éla- bore avec leur sève et leur sang; il se transforme en acides aigres, acerbes ou doux, en alcalis fixes ou vo- latils, par le travail de l'organisation auquel il a grantle part ; car c'est, après le feu, le seul agent de la na- ture, puisque c'est par ce principe salin que tous les corps acquièrent leurs propriétés actives, non seule- ment sur nos sens vivants du goût et de l'odorat, mais encore sur les matières brutes et mortes, qui ne peu- vent être attaquées et dissoutes que par le feu ou par ^6 MINÉRAUX. ce principe salin. C'est le ministre secondaire de ce grand et premier agent qui, par sa puissance sans bornes, brdle , fond ou vitrifie toutes les substances passives, que le principe salin, plus foible et moins puissant , ne peut qu'attaquer, entamer, et dissoudre, et cela parce que le feu y est tempéré par l'air auquel il est uni, et que quand il produit de la chaleur ou d'autres effets semblables à ceux du feu, c'est qu'on sépare cet élément de la base passive dans laquelle il étoit renfermé. Tous les sels dissous dans l'eau se cristallisent en forme assez régulière, par une évaporation lente et tranquille; mais lorsque l'évaporation de l'eau se fait trop promptement, ou qu'elle est troublée par quel- que mouvement extérieur, les cristaux salins ne sé^ forment qu'imparfaitement et se groupent confusé- ment. Les différents sels donnent des cristaux de figures différentes : ils se produisent principalement à la surface du liquide, à mesure qu'il s'évapore; ce qui prouve que l'air contribue à leur formation, et qu'elle ne dépend pas uniquement du rapprochement des parties salines qui s'unissent à la vérité par leur attraction mutuelle, mais qui ont besoin pour cela d'être mises en hberté parfaite : or elles n'obtiennent cette liberté entière qu'à la surface du liquide, parce que sa résistance augmente avec sa densité par l'éva- poration, en sorte que les parties salines se trouvent à la vérité plus voisines par la diminution du volume du liquide, mais elles ont en même temps plus de peine à vaincre sa résistance, qui augmente dans la même proportion que ce volume diminue : et c'est par cette raison que toutes les cristallisations des sels T>ES SELS, 77 s'opèrent plus elTicacemenl; et plus abondamment à la surface qu'à l'intérieur du liquide en évapôration. Lorsque l'on a tiré par ce moyen tout le sel en cris- taux que le licjuide chargé de sel peut fournir, il en reste encore dans Veau-mère ; mais ce sel y est si fort engagé avec la matière grasse, qu'il n'est plus suscep- tible de rapprochement de cristallisation ; et même si cette matière grasse est en très grande quantité, l'eau ne peut plus en dissoudre le sel : cela prouve que la solubilité dans l'eau n'est pas une propriété in- hérente et essentielle aux substances salines. Il en est du caractère de la cristallisation comme de celui de la solubilité : la propriété de se cristalli- ser n'est pas plus essentielle aux sels que celle de se dissoudre dans l'eau; et l'un de nos plus judicieux physiciens, M. de Morveau, a eu raison de dire « que la saveur est le seul caractère distinctif des sels, et que les autres propriétés qu'on a voulu ajouter à celle-ci, pour perfectionner leur détinition, n'ont servi qu'à rendre plus incertaines les limites que l'on vouloit fixer..., la solubilité par l'eau ne convenant pas phis aux sels qu'à la gomme et à d'autres matières. Il en est de môme de la cristallisation, puisque tous les corps sont susceptibles de se cristalliser en passant de l'état liquide à l'état solide; il en est encore de même, ajoute-t-iî, de la qualité cju'on suppose aux sels de n'être point combustibles par eux-mêmes; car dans ce cas le nitre ammoniacal ne seroit plus un sel. » Nos déhnitions, qui pèchent si souvent par dé- faut, pèchent aussi, comme l'on voit, quelquefois par excès ; l'un nuit au complément, et l'autre à la préci- sion de l'idée qui représente la chose; et les énumé- 78 .^JIMh'.AUX. râlions qu'on se permet de faire en consé(]uence de cette extension des définitions nuisent encore plus à la nelteté de nos vues, et s'opposent au libre exercice de l'esprit, en le surchargeant de petites idées particu- lières, souvent précaires, en lui présentant des mé- thodes arbitraires qui Téloignent de l'ordre réel des choses , et enfin en l'empêchant de s'élever au point de pouvoir généraliser les rapports que l'on doit en tirer. Quoiqu'on puisse donc réduire tous les sels de la na- ture à un seul principe salin, et que ce principe primi- tif soit, selon moi, l'acide aérien, la nombreuse énu- mération qu'on a faite des sels sous différents noms ne pouvoient manquer de s'opposer à cette vue générale : on a cru jusqu'au temps de Stahl , et plusieurs chimis- tes croient encore, que les principes salins dans l'a- cide nitreux et dans l'acide marin sont très différents de l'acide vitriolique, et que ces mômes principes sont non seulement différents, mais opposés et contrciires dans les acides et dans les alcalis; or n'est-ce pas ad- mettre autant de causes qu'il y a d'effets dans un même ordre de choses? c'est donner la nomenclature pour la science, et substituer la méthode au génie. De la même manière qu'on a fait et compté trois sortes d'acides relativement aux trois règnes, les aci- des minéraux, végétaux, et animaux, on compte aussi trois sortes d'alcalis, le minéral, le végétal, et l'ani- mal; et néanmoins ces trois alcalis doivent se réduire a un seul, et même l'alcali peut aussi se ramener à l'acide, quoiqu'ils paroissent opposés, et qu'ils agis- sent violemment l'un contre l'autre. iSous ne suivrons donc pas, en traitant des sels, l'é* numération très nombreuse qu'on en a faite en chimie. DES SKLS. -JC) d'autant que chaque jour ce iioiiibre peul auguien- 1er, et que les combinaisons qui n'ont pas encore été tentées pourroient donner de nouveaux résultats sa- lins dont la formation , comme celle de la plupart des autres sels, ne seroit due qu'à notre art; nous nous contenterons de présenter les divisions générales, en nous attachant particulièrement aux sels que nous offre la nature, soit dans le sein et à la surface de la terre, soit au sommet de ses volcans ^. 1. Si l'on veut se satisfaire à cet égard , on peut consulter la table ci-jointe, que mon illustre ami, M. de Morvean, vient de publier. Cette nomenclature , quoique très ahvt'gée , paroîtra néanmoins encore assez nombreuse. Tableau de nomenclature chimique , contenant les principales dénomina- tions analogiques, et des exemples de formation des noms composés. REGNES. Minéral. Vî-Gii Ammal. ACIDES. Méphitique, ou air fixe. . . . \'ilriolique INilreux Murialiquc, ou du sol marin, RégalJn , . Arsenical Boracin, ou sel sédalii". . . , Fluorique, ou du spatli (luor. Acétenx, ou vinaigre Tartareux, ou du tartre. . . Oxalin , ou de l'oseille. . . , Saccliarin, ou du sucre. . . , Gilrin , ou du cilron V Lignique , ou du bois. ... Pliospborique Formicin , ou des fourmi* Sébacé, ou du suif. . . . ^ Galactique, ou du lait, . NOMS GÉISÉRIQUI des sels. Méphites. Viiriols. Ni très. Muriates. llégaltes. Arseniales. Borax. Fluors. A ce tes. Tarlres. Oxaltes. Saccliartes. Citrates. Figniles. Plios])lialei Formiates. Sébates. Galactes. 8o MINEÎÎ AI X. Nous venons de voir cjue IcJ première division des acides et des aicalis en minéraux, vé5;étaux, et ani- BASES OU substa:\ces EXEMPLES EXEMPLES. qui s'unissent aux acides. pour la classe des vilriuls pris de diverses classes. Phlogistique. Soufre vitriolique , soufre commun. ou Soufre mépliitiqne, ou plombagine. Alumine, ou terre de Vitriol alumineux , ou jNitrc alumineux. l'argile. alun. Calce, ou terre cal- Vitriol calcaire , ou sé- Vluriale calcaire. Caire. lénite. Magnésie. Vitriol magnésien , sel d'Epsoin. ou Acète de magnésie. Barote , ou terre de Vitriol barotique , ou Tartre barotique. spath pesant. spath pesant. Potasse, ou alcali fixe Vitriol de potasse , ou Arseniate de jiotasse. végétal. tartre vitiiolé. Soude , ou alcali fixe Vilriol de soude , ou sel Borax de soude , ou^ minéral. de Glauber. borax commun. Ammoniac , ou a Icali Vitriol ammoniacal Fluor ammoniacal. volatil. Or. Vitriol d'or. Bégalte d'or. Argent. Vitriol d'argent. Oxalte d'argent. Platine. Vitriol de platine. Saccharle de platine. Mercure. Vitriol de mercure. Citrate de mercure. Cuivre. Vitriol de cuivre, ou vi- Lignite de cuivre. triol de Chypre. Plomb. Viti'iol de plomb. Phosphate de plomb. Étain. Vitriol d'étain. Formiate d'étain. Fer. Vitriol de fer, ou cou- Sébaste martial. perose verte. Antimoine (au lieu de Vitriol antimonial. M u ri ate antimonial. régule d'). ou beurre d'anti- moine. Bismuth. Vilriol de bismuth. G al acte de bismuth. Zinc. Vitriol de zinc, ou cou- Borax de zinc. perose blanche. Arsenic. Vitriol d'arsenic. Mûri a te d'arsenic. Cobalt. . Vitriol de cobalt. Saccharle de cobalt. INickcl. Vitriol de nickel. Formiate de nickel. Manganèse. Vitriol de manganèse. Oxalte de manganèse. Esprit-de viu. Éther vitriolique. Éther liguique , ou éther de Goellling, etc., etc. Les dix-huit acides, les vingt-quatre ba.ses, et les produits de leur DES SELS. 8l maux, est plutôt une partition nominale qu'une divi- sion réelle, puisque tous ne sont au fond que la même suljstance saline qui, seule et sans secours, entre dans les végétaux et les animaux, et qui attaque aussi la plupart des matières vitrifiables, calcaires, et métalliques ; ce n'est que relativement à ce dernier effet qu'on lui a donné le nom à\iclde minéral; et comme cette division en acides minéraux, végétaux, et animaux, a été universellement adoptée , je ne sais pourquoi l'on n'a pas rappelé l'acide nitreux à l'acide végéta! et animal, puisqu'il n'est produit que par la putréfaction des corps organisés : cependant on le compte parmi les acides minéraux, parce qu'il est le plus puissant après l'acide vitriolique ; mais cette puis- sance môme et ses autres propriétés me semblent dé- montrer que c'est toujours le même acide, c'est-à- dire l'acide aérien , qui a passé par les végétaux et par les animaux dans lesquels il s'est exalté avec la ma- tière du feu par la fermentation putride de leurs corps, et que c'est par ces combinaisons multipliées qu'il a pris tous les caractères particuliers qui le dis- tinguent des autres acides. Dans les végétaux, lorsque l'acide aérien se trouve mêlé d'huile douce, ou enveloppé de mucilage, sa saveur est agréable et sucrée : l'acide des fruits, du raisin , par exemple , ne prend de l'aigreur que par la fermentation, et néanmoins tous les sels tirés des vé- gétaux contiennent de l'acide, et ils ne diflerent en- union, forment ainsi quatre cent soixante-quatorze dénominations claires et méthodiques, indépendamment des Ae/jars, ou composés à trois parties, dont les noms viennent encore dans ce système , comme hépar de soude, liépar ammoniacal , pyrite d'argent , etc., etc. 8â }jii\ÉnALx. tre eux que par les qualités qu'ils acquièrent en fer- mentant et qu'ils empruntent de l'air en se joignant à l'acide qu'il contient ; et de même que tous les acides végétaux aigres ou doux, acerbes ou sucrés, ne pren- nent ces saveurs différentes que par les premiers ef- fets de la fermentation, l'acide nitreux n'acquiert ses qualités caustiques et corrosives que par cette mèaie fermentation portée au dernier degré, c'est-à-dire à la putréfaction : seulement nous devons observer que l'acine animal entre peut-être autant et plus que le végétal dans le nitre ; car comme cet acide subit en- core de nou vielles modifications en passant du végétal à l'animal, et que tous deux se trouvent réunis dans les matières putréfiées, ils s'y rassemblent, s'exaltent ensemble, et, se combinant avec l'alcali fixe végétal, ils forment le nitre dont l'acide, malgré toutes ces transformations, n'en est pas moins essentiellement le même que l'acide aérien. Tous les acides tirent donc leur première origine de l'acide aérien , et il me semble qu'on ne pourra guère en douter si l'on pèse toutes les raisons que je viens d'exposer, et auxquelles je n'ajouterai qu'une considération qui est encore de quelque poids. On conserve tous les acides, même les plus forts et les plus concentrés, dans des flacons ou vaisseaux de verre; ils entameroient toute autre matière ; or, dans les premiers temps, le globe entier n'étoit qu'une masse de verre sur laquelle les acides minéraux, s'ils eussent existé, n'auroient pu faire aucune impression, puis- qu'ils n'en font aucune sur notre verre : l'acide aérien , au contraire, agit sur le verre et peu à peu l'entame, l'exfolie, le décompose, et le réduit en terre; par DES SELS. 85 conséquent cet acide est le premier et le seul qui ait agi sur la masse vitreuse du globe; et comme il étoit alors aidé d'une forte chaleur, son action en étoit d'autant plus prompte et plus pénétraiiie ; il a donc ])u , en se mêlant intimement avec la terre vitrifiée, produire l'acide vitriolique qui n'a plus d'action sur cette môme terre, parce qu'il en contient et qu'elle lui sert de base : dès lors cet acide, le plus fort et le plus puissant tle tous, n'est néanmoins ni le plus sim- ple de tous ni le premier formé ; il est le second dans l'ordre de formation, l'arsenic est le troisième, l'acide marin le quatrième, etc., parce que l'acide primitif aérien n'a d'abord pu saisir que la terre vitrifiée, en- suite la terre métallique^, puis la terre calcaire, etc., à mesure et dans le même ordre que ces matières se sont établies sur la masse du globe vitrifié : je dis à mesure et dans le même ordre, parce que les matières métalliques sont tombées les premières de l'atmo- sphère où elles étoient reléguées et étendues en va- peurs ; elles ont rempli les interstices et les fentes du quartz et des autres verres primitifs, où l'acide aérien les ayant saisies a produit l'acide arsenical; ensuite, après la production et la multiplication des coquilla- ges , les matières calcaires formées de leurs débris se sont établies, et l'acide aérien les ayant pénétrées a produit l'acide marin , et successivement les autres acides et les alcalis après la naissance des animaux et des végétaux; enfin la production des acides et des alcalis a nécessairement précédé la formation des sels, qui tous supposent la combinaison de ces mêmes aci- i. Les mines spalhiqueï; et les malacliites conlieiinent notamme-nl une 1res grande (juantité d'acide aérien. 4 mi.m:hal:x. des ou alcalis avec une matière terreuse ou métalli- que, laquelle leur sert de base et contient toujours une cerlaine quantité d'eau qui entre dans la cristal- lisation de tous les sels; en sorte qu'ils sont beaucoup moins simples que les acides ou alcalis, qui seuls sont les principes de leur essence saline. Ceci éloit écrit, ainsi que la suite de cette histoire naturelle des sels, et j'étois sur le point de livrer cette partie de mon ouvrage à l'impression , lorsque j'ai reçu (au mois de juillet de cette année 1-^82), de la part de M. le chevalier MarslUo Lajuhiani^ de Milan, le troisième volume de ses opuscules pkys'ico - cliimi qiieSj dans lequel j'ai vu, avec toute satisfaction, que cet illustre et savant physicien a pensé comme moi sur l'acide primitif : il dit expressément « que l'acide uni- versel, élémentaire, primitif, dans lequel peuvent se résoudre tous les acides connus jusqu'à ce jour, est l'acide méphitique _, cet acide cjui étant combiné avec' la chaux vive l'adoucit et la neutralise_, qui mêlé avec les eaux les rend acidulés et pétillantes; c'est ïair fixe de Black, le gaz mépliitique de Macquer, Vacide atmo- sphérique de Bergman. »> M. le chevalier Landriani prouve son assertion par des expériences ingénieuses; il a pensé avec notre sa- vant académicien, 31. Lavoisier, que l'air fixe, ou l'acide méphitique, se forme par la combinaison de l'air et du feu, et il conclut par dire : « Il me paroît hors de doute, 1" que l'air déph'ogistic[ué , au moment qu'il s'élève des corps capables de le produire, se change en air fixe , s'il est surpris par le phlogistique dans le moment de sa formation; » 2" Que comme il ré ulte des expériences que les DES SELS. 85 acides nitreax, vitriolique, maria, phosphorique, ar- senical, uais à certaines terres, peuvent se changer en air déphlogistiqué , lequel de son côté peut aisé- ment se convertir en air fixe ; et comme d'autre part l'acide du sucre, celui de la crème de tartre, celui du vinaigre, celui des fourmis, etc., peuvent aussi aisément se convertir en air fixe par le moyen de la chaleur, il est assez démontré que tous les acides peu- vent être convertis en air fixe, et que cet air fixe est peut-être l'acide universel , comme étant le plus com- mun et se rencontrant le plus fréquemment dans Ips diverses productions de la nature. >> Je suis sur tout cela du même avis que M. le cheva- lier Landriani , et je n'ai d'autre mérite ici que d'avoir reconnu, d'après mon système général sur la forma- tion du globe , que le plus pur et le plus simple des acides avoit dû se former le premier par la combinai- son de l'air et du feu, et que par conséquent on de- voit le regarder comme l'acide primitif dont tous les autres ont tiré leur origine : mais je n'étois pas en état de démontrer par les faits, comme ce savant phy- sicien vient de le faire, que tous les acides, de quel- que espèce qu'ils §oient5 peuvent être convertis en cet acide primitif, ce qui confirme victorieusement mon opinion; car cette conversion des acides doit être réciproque et commune, en sorte que tous les acides ont pu être formés par l'acide aérien, puisque tous peuvent être ramenés à la nature de cet acide. Il me paroît donc plus certain que jamais, tant par ma théorie que par les expériences de M. Landriani, que l'acide aérien , c'est-à-dire l'air fixe ou fixé par le feu , est vraiment l'acide primitif, et le premier BliFFON. VII. 6 86 MINÉRAUX. principe salin dont tous les autres acides et alcalis ti- rent leur origine; et cet acide, uniquement composé d'air et de feu, n'a pu former les autres substances salines qu'en se combinant avec la terre et l'eau : aussi tous les autres acides contiennent de la terre et de l'eau ; et la quantité de ces deux éléments est plus grande dans tous les sels que celle de l'air et du feu ; ils prennent différentes formes selon les doses respec- tives des quatre éléments, et selon la nature de la terre qui leur sert de base ; et comme la proportion de la quantité des quatre éléments dans les principes salins, et la qualité différente de la terre qui sert de base à chaque sel , peuvent toutes se combiner les unes avec les autres, le nombre des substances salines est si grand, qu'il ne seroit guère possible d'en faire une exacte énumération ; d'ailleurs toutes les combi- naisons salines faites par l'art de la chimie ne doivent pas être mises sur le compte de la nature ; nos pre- mières considérations doivent donc tomber sur les sels qui se forment naturellement soit à la surface , soit à l'intérieur de la terre : nous les examinerons séparément , et les présenterons successivement en commençant par les sels vitrioliques. ACIDE VIÏIIIOLIQUE ET VITRIOLS. 87 ACIDE VÏTRIOLIQUE ET VITRIOLS. Cet acide est absolument sans odeur et sans cou- leur; il ressemble à cet égard parfaitement à Feau : néanmoins sa substance n'est pas aussi simple , ni même, comme le dit Stlial , uniquement composée des seuls éléments de la terre et de Teau ; il a été formé par l'acide aérien, il en contient une grande quantité, et sa substance est réellement composée d'air et de feu unis à la terre vitrifiable , et à une très petite quan- tité d'eau qu'on lui enlève aisément par la concentra- tion ; car il perd peu à peu sa liquidité par la grande chaleur, et peut prendre une forme concrète^ par la longue application d'un feu violent : mais, dès qu'il est concentré , il attire puissamment l'humidité de 1. Quelques chimistes ont donné le nom dliuile de vitriol glaciale à cet acide concentré au point d'être sous forme concrète. A mesure qu'on le concentre, il perd de sa fluidité , il file et paroît gras au tou- cher comme l'huile : on l'a, par cette raison, nommé huile de vitriol^ mais très improprement ; car il n'a aucun caractère spécifique des huiles, ni Finllammahilité. Le toucher gras de ce liquide semble pro- venir, comme celui du mercure , du grand rapprochement de ses par- ties ; et c'est en effet, après le mercure, le liquide le plus dense qui nous soit connu : aussi, lorsqu'il est soumis à la violente action du feu, il prend une chaleur beaucoup plus grande que l'eau et que lout autre liquide ; et comme il est peu volatil et point inflammable , il a l'apparence d'un corps solide pénétré de feu et presque en incandes- cence. 88 MINÉRAUX. l'air, et par l'addition de cette eau il acquiert plus de volume ; il perd en même temps quelque chose de son activité saline : ainsi l'eau ne réside dans cet acide épuré qu'en très petite quantité , et il n'y a de terre qu'autant qu'il en faut pour servir de base à l'air et au feu qui sont fortement et intimement unis à cette matière vitrifiable. Au reste, cet acide et les autres acides minéraux ne se trouvent pas dans la nature seuls et dégagés, et on ne peut les obtenir qu'en les tirant des substances avec lesquelles ils se sont combinés, et des corps qui les contiennent. C'est en décomposant les pyrites, les vitriols, le soufre, l'alun, et les bitumes, qu'on ob- tient l'acide vitriolique ^ : toutes ces matières en sont plus ou moins imprégnées; toutes peuvent aussi lui servir de base ; et il forme avec elles autant de diffé- rents sels, desquels on le retire toujours sous la même forme et sans altération, On a donné le nom de vitriol à trois sels métalliques formés par l'union de l'acide vitriolique avec le fer, le cuivre, et le zinc; mais on pourroit, sans abuser du nom , l'étendre à toutes les substances dans lesquelles la présence de l'acide vitriolique se manifeste d'une manière sensible. Le vitriol du fer est vert, celui du 1. Ce n'est pas que la nature ne puisse faire dans ses laboratoires tout ce qui §'opère dans les nôtres; si la vapeur du soufre en com- bustion se trouve renfermée sous des voûtes de cavernes , l'acide sul- fureux s'y condensera en acide vitriolique. M. Joseph Baldassari nous offre même à ce sujet une très belle observation. Ce savant a trouvé dans une grotte du territoire de Sienne, au milieu d'une masse d'in- crustation déposée par les eaux thermales des bains de Saint-Philippe, « un véritable acide vitriolique pur, naturellement concret, et sans au- cun mélange de substances élrajigères » ACIDE VITIIIOLIQUE ET VITRIOLS. 89 cuivre est bleu, et celui du zinc est blanc : tous trois se trouvent dans le sein de la terre, mais en petite quantité, et il paroît que ce sont les seules matières métalliques que la nature ait combinées avec cet acide; et quand même on seroit parvenu par notre art à faire d'autres vitriols métalliques, nous ne devons pas les mettre au nombre des substances naturelles, puisqu'on n'a jamais trouvé de vitriol dor, d^argent, de plomb, d'étain, ni d'antimoine, de bismuth, de cobalt, etc., dans aucun lieu, soit à la surface, soit à l'intérieur de la terre. Le vitriol vert ou le vitriol ferï'ugineux, appelé vul- gairement couperose j se présente dans toutes les mines de fer où l'eau chargée d'acide vitriolique a pu péné- trer. C'est sous les glaises ou les plâtres que gisent or- dinairement ces mines de vitriol , parce que les terres argileuses et plâtreuses sont imprégnées de cet acide, qui, se mêlant avec l'eau des sources souterraines, ou même avec l'eau des pluies, descend par slillation sur la matière ferrugineuse, et, se combinant avec elle, forme ce vitriol vert qui se trouve tantôt en mas- ses assez informes, auxquelles on donne le nom de pierres atramentaires^ , et tantôt en stalactites plus ou moins opaques, et quelquefois cristallisées. La forme de ces cristaux vitrioliques est rhomboïdale , et assez semblable à celle des cristaux du spath calcaire. C'est donc dans les mines de fer de seconde et de troisième 1. Parce qu'elles servent, comme le vitriol lui-même, à composer les diverses sortes de teintures noires ou d'encre, atramentum. C'est rélymologic que Pline nous en donne lui-même. Diluendo, dit-il en parlant du vitriol, fit atramentum iiiigeiidis coriis, undc atramenti suto- r'ù nomen. go MINÉRAUX. formation, abreuvées par les eaux qui découlent des matières argileuses et plâtreuses, qu'on rencontre ce vitriol natif dont la formation suppose non seulement la décomposition de la matière ferrugineuse, mais encore le mélange de l'acide en assez grande quan- tité. Toute matière ferrugineuse imprégnée de cet acide donnera du vitriol : aussi le tire-t-on des pyrites martiales en les décomposant par la calcination ou par l'humidité. Cette pyrite, qui n'a aucune saveur dans son état naturel, se décompose, lorsqu'elle est exposée long- temps à l'humidité de l'air, en une poudre saline, acerbe , et styptique ; en lessivant cette poudre pyri- teuse, on en retire du vitriol par l'évaporation et le refroidissement. Lorsqu'on veut en obtenir une grande quantité, on entasse ces pyrites les unes sur les autres à deux ou trois pieds d'épaisseur; on les laisse expo- sées aux impressions de l'air pendant trois ou quatre ans, et jusqu'à ce qu'elles soient réduites en poudre; on les remue deux fois par an pour accélérer cette décomposition ; on recueille l'eau de la pluie qui les lessive pendant ce temps, et on la conduit dans des chaudières où l'on place des ferrailles qui s'y dissol- vent en partie par l'excès de l'acide ; ensuite on fait évaporer cette eau , et le vitriol se présente en cris- taux K On peut aussi tirer le vitriol des pyrites par le moyen du feu, qui dégage, sous la forme de soufre, une par- tie de l'acide et du feu fixe qu'elles contiennent; on 1. Dans le grand nombre de fabriques de vitriol de fer, celle de New<;astle en Angleterre est remarquable par la gi'ande pureté du vi- triol qui s'y produil ACIDE VÏTRIOLIQUE ET VÏTUIOLS. Ç)l lessîve ensuite Ja matière qui reste après cette extrac- tion du soufre ; et , pour charger d'acide Teau de ce résidu , on la fait passer successivement sur d'autres résidus également dessoufrés j, après quoi on l'évaporé dans des chaudières de plomb. La matière pyriteuse n'est pas épuisée de vitriol par cette première opéra- tion; on la reprend pour l'étendre à l'air, et au bout de dix- huit mois ou deux ans elle fournit, par une semblable lessive, de nouveau vitriol. Il y a, dans quelques endroits, des terres qui sont assez mêlées de pyrites décomposées pour donner du vitriol par une seule lessive. Au reste, on ne se sert que de chaudières de plomb pour la fabrication du vitriol , parce que l'acide rongeroit le fer et le cuivre. Pour reconnoître si la lessive vitriolique est assez char- gée, il faut se servir d'un pèse- liqueur; dès que cet instrument indiquera que la lessive contient vingt- huit onces de vitriol , on pourra la faire évaporer pour obtenir ce sel en cristaux. Il faut environ quinze Jours pour opérer cette cristallisation, et l'on a observé qu'elle réussit beaucoup mieux pendant l'hiver qu'en été. * Nous avons en France quelques mines de vitriol na- turel. « On en exploite, dit M. de Gensanne, une au lieu de La Fonds près Saint-Julien de Valgogne; le travail y est conduit avec la plus grande intelligence : le minéral y est riche et en grande abondance, et le vitriol qu'on y fabrique est certainement de la pre- mière qualité. » Il doit se trouver de semblables mi- nes dans tous les endroits où la terre limoneuse et ferrugineuse se trouve mêlée d'une grande quantité de pyrites décomposées. 9^ MINÉRAUX. 11 se produit aussi du vitriol par les eaux sulfureuses qui découlent des volcans ou des solfatares. « La for- mation de ce vitriol , dit M. Tabbé Mazéas, s'opère de trois façons. La première, par les vapeurs qui s'élè- vent des solfatares et des ruisseaux sulfureux : ces va- peurs, en retombant sur les terres ferrugineuses, les recouvrerit peu à peu d'une efïlorescence de vitriol... La seconde se fait par la filtration des vapeurs à tra- vers les terres : ces sortes de mines fournissent beau- coup plus de vitriol que les premières; elles se trouvent communément sur le penchant des montagnes qui contiennent des mines de fer, et qui ont des sources d'eau sulfureuses. La troisième manière est lorsque la terre ferrugineuse contient beaucoup de soufre : on s'aperçoit, dès qu'il a plu, d'une chaleur sur la surface de la terre , causée par une fermentation in- testine Il se forme du vitriol en plus ou moins grande quantité dans ces terres. » Le vitriol bleu, dont la base est le cuivre, se forme comme le vitriol de fer; on ne le trouve que dans les mines secondaires où le cuivre est déjà décomposé, et dont les terres sont abreuvées d'une eau chargée d'acide vitriolique. Ce vitriol cuivreux se présente aussi en masses ou en stalactites, mais rarement cris- tallisées, et les cristaux sont plus souvent dodécaèdres qu'hexaèdres ou rhomboïdaux. On peut tirer ce vitriol des pyrites cuivreuses et des autres minerais de ce mé- tal , qui sont presque tous dans l'état pyriteux. On peut aussi employer des débris ou rognures de cuivre avec l'alun pour faire ce vitriol. On commence par jeter sur ces morceaux de cuivre du soufre pul- vérisé ; on les met ensemble dans un four, et on les ACIDE VITRTOLIQUE ET VITRIOLS. QO plonge ensuite dans une eau où Ton a fait dissoudre de l'alun : lacide de l'alun ronge et détruit les mor- ceaux de cuivre ; on transvase cette eau dans des ba- quets de plomb lorsqu'elle est suffisamment chargée, et en la faisant évaporer on obtient le vitriol qui se forme en beaux cristaux bleus ^. C'est de cette appa- rence cristalline ou vitreuse que le nom même de vi- triol est dérivé -. Le vitriol de zinc est blanc , et se trouve aussi en masses et en stalactites dans les minières de pierre ca- laminaire ou dans les blendes^ il ne se présente que très rarement en cristaux à facettes : sa cristallisation la plus ordinaire dans le sein de la terre est en filets soyeux et blancs. On peut ajouter à ces trois vitriols métalliques, qui tous trois se trouvent dans l'intérieur de la terre, une substance grasse à laquelle on a donné le nom de beurre fossile ^ et qui suinte des schistes alumineux t c'est une vraie stalactite vitriolique ferrugineuse, qui contient plus d'acide qu'aucun des autres vitriols mé- talliques; et, par cette raison, M. le baron de Dietrich a cru pouvoir avancer que ce beurre fossile n'est qiië 1. Pline a parfaitement connu cette formation des cristaux du vi- triol , et même il en décrit le procédé mécanique avec autant d'élé- gance que de clarté. «Fit in Hispania) puteis, dit-il, id genus aquae » habentibus Decoquitur et in piscinas ligneas funditur. Immo- » bilibus super lias transtris dépendent restes ; quibus adhaerescens >> limus , vitreis acinis imaginem quamdam uvae reddit. Color est cœ- » ruleus perquam spectabili nitore , vitrumque esse creditur. » 2. Les Grecs, qui apparemment connoissoient mieux le vitriol de cuivre que celui de fer, avoient donné à ce sel un nom qui désignoit son affinité avec ce premier métal ; c'est la remarque de Pline : Grœcï cognationcni œvis nomine fccerant.,.. AppcUant enim chalcanium. 94 MINÉRAUX. de l'acide vitrioliqiie concret. Mais si Ton fait attention que cet acide ne prend une forme concrète qu'après une très forte concentration et par la continuité d'un feu violent, et qu'au contraire ce beurre vitriolique se forme, comme les autres stalactites, par l'inter- mède de l'eau , il me semble qu'on ne doit pas hésiter à le rapporter aux vitriols que la nature produit par la voie humide. Après ces vitriols à base métallique, on doit placer les vitriols à base terreuse , qui , pris généralement , peuvent se réduire à deux : le premier est l'alun, dont la terre est argileuse ou vitreuse ; et le second est le gypse, que les chimistes ont appelé séiénite^ et dont la base est une terre calcaire. Toutes les argiles sont imprégnées d'acide vitriolique, et les terres qu'on appelle alumineuses ne diffèrent des argiles commu- nes qu'en ce qu'elles contiennent une plus grande quantité de cet acide : l'alun y est toujours en parti- cules éparses, et c'est très rarement qu'il se présente en filets cristallisés; on le retire aisécient de toutes les terres et pierres argileuses en les faisant calciner et ensuite lessiver à l'eau. Le gypse, qu'on peut regarder comme un vitriol calcaire, se présente en stalactites et en grands mor- ceaux cristallisés dans toutes les carrières de plâtre. Mais lorsque la quantité de terre contenue dans l'argile et dans le plâtre est très grande en comparai- son de celle de l'acide, il perd en quelque sorte sa propriété la plus distinctive ; il n'est plus corrosif, il n'est pas même sapide : car l'argile et le plâtre n'af- fectent pas plus nos organes que toute autre matière ; et, sous ce point de vue, on doit rejeter du nombre ACIDE vrnilOLIQUE ET VITRIOLS. 95 des substances salines ces deux matières, quoiqu'elles contiennent de l'acide. Nous devons, par la môme raison, ne pas compter au nombre des vitriols ou substances vraiment salines toutes les matières où l'acide en petite quantité se trouve non seulement mêlé avec l'une ou l'autre terre argileuse ou calcaire, mais avec toutes deux, comme dans les iiiarnes et dans quelques autres terres et pier- res mélangées départies vitreuses, calcaires, limo- neuses, et métalliques : ces sels à double base for- ment un second ordre de matières salines auxquelles on peut donner le nom d'hépar. Mais toute matière simple, mixte, ou composée de plusieurs substances différentes, dans laquelle l'acide est engagé ou saturé de manière à n'être pas senti ni reconnu par la saveur , ne doit ni ne peut être comptée parmi les sels sans abuser du nom ; car alors presque toutes les matières du globe seroient des sels, puisque presque toutes contiennent une certaine quantité d'acide aérien. Nous devons ici fixer nos idées par notre sensation : toutes les matières insipides ne sont pas des sels ; toutes celles, au contraire, dont la saveur offense, irrite, ou flatte le sens du gorit, seront des sels, de quelque nature que soit leur base, et en quelque nombre ou quan- tité qu'elles puissent être mélangées. Cette propriété est générale, essentielle, et même la seule qui puisse caractériser les substances salines, et les séparer de toutes les autres matières. Je dis le seul caractère distinctif des sels ; car l'autre propriété par laquelle on a voulu les distinguer, c'est-à-dire la solubilité dans l'eau , ne leur appartient pas exclusivement ni généralement, puisque les gommes et même les ter= 96 MINÉRAUX. res se dissolvent également dans toutes liqueurs aqueu- ses, et que d'ailleurs on connoît des sels que l'eau ne dissout point, tels que le soufre, qui est vraiment sa- lin, puisqu'il contient l'acide vitriolique en grande quantité. Suivons donc l'ordre des matières dans lesquelles la saveur saline est sensible; et, ne considérant d'a- bord que les composés de l'acide vitriolique , nous au- rons, dans les minéraux, les vitriols de fer, de cuivre, et de zinc, auxquels on doit ajouter l'alun , parce que tous sont non seulement sapides, mais même cor- rosifs. L'acide vitriolique, qui par lui-même est fixe, de- vient volatil en s'unissant à la matière du feu libre , sur laquelle il a une action très marquée, puisqu'il la saisit pour former le soufre, et qu'il devient volatil avec lui dans sa combustion. Cet acide sulfui^ux vo- latil ne diffère de l'acide vitriolique fixe que par son union avec la vapeur sulfureuse dont il répand l'o- deur; et le mélange de cette vapeur à l'acide vitrio- lique, au lieu d'augmenter sa force, la diminue beau- coup : car cet acide, devenu volatil et sulfureux, a beaucoup moins de puissance pour dissoudre ; son affinité avec les autres substances est plus foible; tous les autres acides ne peuvent le décomposer, et de lui-même il se décompose par la seule évaporation. La fixité n'est donc point une qualité essentielle à l'a- cide vitriolique; il peut se convertir en acide aérien, puisqu'il devient volatil et se laisse emporter en va- peurs sulfureuses. L'acide sulfureux fait seulement plus d'eflet que l'acide vitriolique sur les couleurs tirées des végétaux ACIDE VITRIOLÏQUE ET VITRIOLS. 97 et des animaux; il les altère et même les fait dispa- roître avec le temps, au lieu que l'acide vitriolique fait reparoître quelques unes de ces mêmes couleurs, et en particulier celle des roses. L'acide sulfureux les détruit toutes; et c'est d'après cet effet qu'on l'em- ploie pour donner aux étoffes la plus grande blancheur et le plus beau lustre. L'acide sulfureux me paroît être Tune des nuances que la nature a mises entre l'acide vitriolique et l'a- cide nitreux; car toutes les propriétés de cet acide sulfureux le rapprochent évidemment de l'acide ni- treux, et tous deux ne sont au fond que le même acide aérien, qui , ayant passé par l'état d'acide vitriolique, est devenu volatil dans l'acide sulfureux, et a subi encore plus d'altération avant d'être devenu acide ni- treux par la putréfaction des corps organisés. Ce qui fait la principale différence de l'acide sulfureux et de l'acide nitreux, c'est que le premier est beaucoup plus chargé d*eau que le second, et que par conséquent il n'estpas aussi fortement uni avec la matière du feu. Après les vitriols métalliques, nous devons consi- dérer les sels que l'acide vitriolique a formés avec les matières terreuses , et particulièrement avec la terre argileuse qui sert de base à l'alun ; nous verrons que cette terre est la même que celle du quartz , et nous en tirerons une nouvelle démonstration de la conver- sion réelle du verre primitif en argile. 98 MINÉRAUX. g>»8c«gi»»o&0'»a®oi8»a>aS4>^^ LIQUEUR DES CAILLOUX. J'ai dit et répété plus d'une fois dans le cours de mes ouvrages que l'argile tiroit son origine de la dé- composition des grès et des autres débris du quartz réduits en poudre, et atténués par l'action des acides et l'impression de l'eau; je l'ai même démontré par des expériences faciles à répéter, et par lesquelles on peut convertir en assez peu de temps la poudre de grès en argile, par la simple action de l'acide aérien et de l'eau : j'ai rapporté de semblables épreuves sur le verre pulvérisé ; j'ai cité les observations réitérées et constantes qui nous ont également prouvé que les laves les plus solides des volcans se convertissent en terre argileuse, en sorte qu'indépendamment des re- cherches chimiques et des preuves qu'elles peuvent fournir, la conversion des sables vitreux en argile m'étoit bien démontrée. Mais une vérité tirée des ana- logies générales fait peu d'effet sur les esprits accou- tumés à ne juger que parles résultats de leur méthode particulière : aussi la plupart des chimistes doutent encore de cette conversion; et néanmoins les résul- tats bien entendus de leur propre méthode me sem- blent confirmer cette même vérité aussi pleinement qu'ils peuvent le désirer; car, après avoir séparé dans l'argile l'acide de sa base terreuse, ils ont reconnu que cette base étoit une terre vitriûable ; ils ont ensuite LIQUEUR DES CAILLOUX. 99 combiné , par le moyen du feu , le quartz pulvérisé avec l'alcali dissous dans l'eau , et ils ont vu que cette matière précipitée devient soluble comme la terre de l'alun par l'acide vitriolique ; enfin ils en ont formé un composé fluide qu'ils ont nommé iiqiieur des cail- loux. « Une demi-partie d'alcali et une partie de quartz pulvérisé, fondues ensemble, dit M. de Morveau, for- ment un beau verre transparent, qui conserve sa so- lidité. Si on change les proportions , et que l'on mette, par exemple, quatre parties d'alcali pour une partie de terre quartzeuse, la masse fondue participera d'au- tant plus des propriétés salines; elle sera soluble par l'eau, ou même se résoudra spontanément en liqueur par l'humidité de l'air : c'est ce que l'on nomme li- queur des cailloux. Le quartz y est tenu en dissolution par l'alcaK , au point de passer par le filtre. » Tous les acides, et même l'eau chargée d'air fixe, précipitent cette liqueur des cailloux, parce qu'en s'unissant à l'alcali ils le forcent d'abandonner la terre. Quand les deux liqueurs sont concentrées, il se fait une espèce de miracle chimique, c'est-à-dire que le mélange devient solide On peut conclure de tou- tes les expériences faites à ce sujet, i" que la terre quartzeuse éprouve, pendant sa combinaison avec l'alcali, par lafusion, une altération qui la rapproche de l'état de l'argile , et la rend susceptible de former de l'alun avec l'acide vitriolique ; 2** que la terre argileuse et la terre quartzeuse, altérées par la vitrification, ont une affinité marquée, même par la voie humide, avec l'alcali privé d'air, etc.... Aussi l'argile et l'alun sont bien réellement des sels vitrioliques à base de terre vitrifiable... 100 MI^ERALX. » L'argile est un sel avec excès de terre. . . et il est cer- tain qu'elle contient de l'acide vitriolique, puisqu'elle décompose le nitre et le sel marin à la distillation. On démontre que sa base est alumiueuse en saturant d'a- cide vitriolique l'argile dissoute dans l'eau , et formant ainsi un véritable alun ; on fait passer enfin l'alun à l'état d'argile , en lui faisant prendre une nouvelle portion de terre alumineuse précipitée et édulcorée. Il faut l'employer tandis qu'elle est encore en bouillie, car elle devient beaucoup moins soluble en séchant; et cette circonstance établit une nouvelle analogie entre elle et la terre précipitée de la liqueur des cailloux. » Cette terre qui sert de base à l'alun est argileuse : elle prend au feu, comme l'argile, toutes sortes de couleurs; elle y devient rougeâtre, jaune, brune, grise, verdâtre, bleuâtre, et même noire; et si l'on préci- pite la terre vitrifiable de la liqueur des cailloux, cette terre précipitée a toutes les propriétés de la terre de l'alun : car en l'unissant à l'acide vitriolique on en fait de l'alun ; ce qui prouve que l'argile est de la même essence que la terre vitrifiable ou quartzeuse. Ainsi les recherches chimiques, bien loin de s'op- poser au fait réel de la conversion des verres primitifs en argile, le démontrent encore par leurs résultats, et il est certain que l'argile ne diffère du quartz ou du grès réduits en poudre que par l'atténuation des molécules de cette poudre quartzeuse sur laquelle l'acide aérien, combiné avec l'eau, agit assez long- temps pour les pénétrer, et enfin les réduire en terre. L'acide vitriolique ne produit pas cet effet, car il n'a point d'action sur le quartz ni sur les autres matières LIQUEUR DES CAILLOUX. 101 vitreuses; c'est donc à l'acide aérien qu'on doit l'attri- buer : son union d'une part avec l'eau, et d'autre part le mélange des poussières alcalines avec les pou- dres vitreuses, lui donnent prise sur cette même ma- tière quartzeuse. Ceci me paroit assez clair, même en rigoureuse chimie , pour espérer qu'on ne doutera plus de cette conversion des verres primitifs en argile , puisque toutes les argiles sont mélangées des débris de coquilles et d'autres productions du même genre, qui toutes peuvent fournir à l'acide aérien l'intermède alcalin nécessaire à sa prompte action sur la matière vitrifiable. D'ailleurs l'acide aérien, seul et sans mé- lange d'alcali, attaque avec le temps toutes les matières vitreuses; car le quartz, le cristal de roche, et tous les autres verres produits par la nature, se ternissent, s'irisent, et se décomposent à la surface par la seule impression de l'air humide , et par conséquent la con- version du quartz en argile a pu s'opérer par la seule combinaison de l'acide aérien et de l'eau. Ainsi les expériences chimiques prouvent ce que les observa- tions en histoire naturelle m'avoient indiqué; savoir, que l'argile est de la même essence que le quartz , et qu'elle n'en diffère que par l'atténuation de ses mo- lécules réduites en terre par l'impression de l'acide primitif et de l'eau. Et ce même acide aérien, en agissant dès les pre- miers temps sur la matière quartzeuse , y a pris une base qui l'a fixé et en a fait l'acide le plus puissant de tous, l'acide vitriolique, qui, dans le fond, ne diffère de l'acide primitif que par sa fixité , et par la masse et la force que lui donne la substance vitrifiable qui lui sert de base; mai?; l'acide aérien étant répandu dans BUFFON. YII. 10^ MINERAUX. toute 1 étendue de l'air, de la terre, et des eaux, et le globe entier n'étant dans le premier temps qu'une masse vitrifiée, cet acide primitif a pénétré toutes les poudres vitreuses, et les ayant atténuées, ramollies, et humectées par son union avec l'eau, les a peu à peu décomposées, et enfin converties en terres ar- gileuses. a»a»a 9»e'»&<»»eiS>»e'e»»t&et8'e»e^&»e»e»e^e»e<»e;8g»e«êe»9t»t>»elirent ensuite et coulèrent dans les fentes perpendiculaires de cette roche déjà consolidée; ils remplirent les interstices que le quartz décrépité leur oflroit de toutes parts, et c'est par cette raison qu'on trouve l'or et l'argent vierge en petits filets dans la roche quartzeuse. Le plomb et l'étain, auxquels il ne faut qu'une bien moindre chaleur pour se liquéfier, coulèrent long- temps après ou se convertirent en chaux, et se pla- cèrent de même dans les fentes perpendiculaires. En- fin tous ces métaux, souvent mêlés et réunis ensemble, DU FER. igT) y l'oraièrent les tilons primitifs des mines primordiales, qui toutes sont mélangées de plusieurs minéraux mé- talliques. Et le mercure, qu'une médiocre chaleur volatilise, ne put s'établir que peu de temps avant la chute des eaux et des autres matières également volatiles. Quoique ces dépôts des différents métaux se soient formés successivement et à mesure que la violence du feu diminuoit, comme ils se sont faits dans les mêmes lieux, et que les fentes perpendiculaires ont été le réceptacle commun de toutes les matières mé- talliques fondues ou sublimées par la chaieur inté- rieure du globe, toutes les mines sont mêlées de diffé- rents métaux et minéraux métalliques. En effet, il y a presque toujours plusieurs métaux dans la même mine : on trouve le fer avec le cuivre , le plomb avec l'argent, l'or avec le fer, et quelquefois tous ensem- ble; car i! ne faut pas croire , comme bien des gens se le figurent j qu'une mine d'or ou d'argent ne contienne que l'une ou l'autre de ces matières : il suffit, pour qu'on lui donne cette dénomination, que la mine soit mêlée d'une assez grande quantité de l'un ou de l'au- tre de ces métaux, pour être travaillée avec profit; mais souvent et presque toujours le métal précieux y est en moindre quantité que les autres matières mi- nérales ou métalliques. Quoique les faits subsistants s'accordent parfaite- ment avec les causes et les effets que je suppose, on ne manquera pas de contester cette théorie de l'éta- blissement local des mines métalliques : on dira qu'on peut se tromper en estimant par comparaison et ju- geant par analogie les procédés de la nature; que la 1 9-^1 M I ^ É li A U X. vitrification de la terre et la sublimation des métaux parle feu primitif n'étant pas des faits démontrés, mais de simples conjectures, les conséquences que j'en tire ne peuvent qu'être précaires et purement hypothéti- ques : enfin l'on renouvellera sans doute l'objection triviale si souvent répétée contre les hypothèses , en s'écriant qu'en bonne physique il ne faut ni comparai- sons ni systèmes. Cependant il est aisé de sentir que nous ne connois- sons rien que par comparaison , et que nous ne pou- vons juger des choses et de leurs rapports qu'après avoir fait une ordûnOv) nos forges; et quoiqu'ils paroissent assez simples , ils demandent de rintelligence, et supposent de l'habi- tude et môme des attentions suivies. L'on ne doit pas traiter autrement les mines pauvres qui ne donnent que trente ou même quarante livres de fonte par quintal : mais avec des mines riches en métal, c'est-à-dire avec celles qui donnent soixante-dix, soixante, ou même cinquante-cinq pour cent, on peut obtenir du fer, et même de l'acier, sans faire passer ces mines par l'état d'une fonte liquide et sans les couler en lingots; au lieu des hauts fourneaux entretenus en feu sans inter- ruption pendant plusieurs mois, il ne faut pour ces mines riches que de petits fourneaux, qu'on charge et vide plus d'une fois par jour. On leur a donné le nom de fourneaux à la catalane : ils n'ont que trois ou quatre pieds de hauteur; ceux de Styrie en ont dix ou douze; et quoique la construction de ces four- neaux à la catalane et de ceux de Styrie soit diffé- rente , leur effet est à peu près le même ; au lieu de gueuses ou lingots d'une fonte coulée, on obtient dans ces petits fourneaux des massets ou loupes formées par coagulation, et qui sont assez épurées pour qu'on puisse les porter sous le marteau au sortir de ces fourneaux de liquation : ainsi la matière de ces mas- sets est bien plus pure que celle des gueuses, qu'il faut travailler et purifier au feu de l'affmerie avant de les Uiettre sur l'enclume. Ces massets contiennent sou- vent de l'acier, qu'on a soin d'en séparer, et le reste est du bon fer ou du fer mêlé d'acier. Yoilà donc de l'acier et du fer, tous deux produits par le seul régime du feu, et sans que l'ouvrier en ait pétri la matière pour la dépurer; et de même, lorsque dans les hauts 2o6 MINÉRAUX. fourneaux on laisse quelqu<3s parties de fonte se re- cuire au feu pendant plusieurs semaines, cette fonte d'abord mêlée d'un tiers ou d'un quart de substances étrangères, s'épure au point de devenir un vrai régule de fer qui commence à prendre de la ductilité. Ainsi la nature a pu et peut encore , par le feu des volcans, produire des fontes et des régules de fer semblables à ceux que nous obtenons dans ces fourneaux de li- quation sans le secours du marteau ; et c'est à cette cause qu'on doit rapporter la formation de ces mor- ceaux de fer ou d'acier qu'on a regardés comme na- tifs, et qui, quoique très rares, ont sufE pour faire croire que c'étoit là le vrai fer de la nature, tandis que dans la réalité elle n'a formé, par son travail primitif, que des roches ferrugineuses , toutes plus impures que les fontes de notre art. Nous donnerons dans la suite les procédés par les- quels on peut obtenir des fontes, des aciers, et des fers de toutes qualités : l'on verra pourquoi les mines de fer riches peuvent être traitées différemment des mines pauvres; pourquoi la méthode catalane, celle de Styrie, et d'autres, ne peuvent être avantageuse- ment employées à la fusion de nos mines en grains; pourquoi, dans tous les cas, nous nous servons du marteau pour achever de consolider le fer, etc. 11 nous suffit ici d'avoir démontré par les faits que le feu pri- mitif n'a point produit de fer pur semblable à notre fer forgé , mais que la quantité tout entière de la matière de fer s'est mêlée, dans le temps de la con- solidation du globe , avec les substances vitreuses , et que c'est de ce mélange que sont composées les ro- ches primordiales de fer et d'aimant; qu'enfin si l'on / DU FER. 207 tire quelquefois du sein de la terre des morceaux de fer, leur formation , bien postérieure, n'est due qu'à la main de l'homme, ou à la rencontre fortuite d'une mine de fer dans le gouffre d'un volcan. Reprenant donc l'ordre des premiers temps, nous jugerons aisément que les roches ferrugineuses se sont consolidées presque en même temps que les rochers graniteux se sont formés, c'est-à-dire après la conso- lidation et la réduction en débris du quartz et des au- tres premiers verres. Ces roches sont composées de molécules ferrugineuses, intimement unies avec la matière vitreuse ; elles ont d'abord été fondues ensem- ble; elles se sont ensuite consolidées par le refroidis- sement, sous la forme d'une pierre dure et pesante; elles ont conservé cette forme primitive dans tous les lieux où elles n'ont pas été exposées à l'action des élé- ments humides : mais les parties extérieures de ces roches ferrugineuses s'étant trouvées, dès le temps de la première chute des eaux, exposées aux impressions des éléments humides, elles se sont converties en rouille et en ocre; cette rouille, détachée de leurs masses, aura bientôt été transportée, comme les sa- bles vitreux, par le mouvement des eaux, et déposée sur le fond de cette première mer, lequel, dans la suite, est devenu la surface de tous nos continents. Par cette décomposition des premières roches fer- rugineuses, la matière du fer s'est trouvée répandue sur toutes les parties de la surface du globe, et par conséquent cette matière est entrée, avec les autres éléments de la terre, dans la composition des végétaux et des animaux, dont les détriments s'étant ensuite accumulés, ont formé la terre végétale, dans laquelle 208 MINÉRAUX. la raine de fer en grains s'est produite par la réunion de ces mêmes particules ferrugineuses disséminées et contenues dans cette terre, qui, comme nous l'avons dit^, est la vraie matrice de la plupart des minéraux figurés, et en particulier des mines de fer en grains, La grande quantité de rouille détachée de la sur- face des roches primitives de fer, et transportée par les eaux, aura dû former aussi des dépôts particuliers en plusieurs endroits : chacune de nos mines d ocre est un de ces anciens dépôts, car l'ocre ne diffère de la rouille de fer que par le plus ou moins de terre qui s'y trouve mêlée. Et lorsque la décomposition de ces roches primordiales s'est opérée plus lente- ment, et qu'au lieu de se convertir eu rouille gros- sière, la matière ferrugineuse a été atténuée et comme dissoute par une action plus lente des élé- ments humides, lesparties les plus fines de cette ma- tière ayant été saisies et entraînées par l'eau, ont formé par stillation des concrétions ou stalactites fer- rugineuses, dont la plupart sont plus riches en métal que les mines en grains et en rouille. On peut réduire toutes les mines de fer de seconde formation à ces trois états, de mines en grains, de mines en ocre ou en rouille, et de mines en concré- tions. Elles ont également été produites par l'action et l'intermède de l'eau; toutes tirent leur origine de la composition des roches primitives de fer, de la même manière que les grès, les argiles, et les schis- tes proviennent de la décomposition des premières matières vitreuses. 1. Voyez daus le volume précédent l'aiHicle de la Tet^rc végétale. i DU FER. 209 J'ai démontré , dans l'article de la Terre végétale, comment se sont formés les grains de la mine de fer :^ nous les voyons pour ainsi dire se produire sous nos yeux , par la réunion des particules ferrugineuses dis- séminées dans cette terre végétale, et ces grains de mine contiennent quelquefois une plus grande quan- tité de fer que les roches de fer les plus riches; mais comme ces grains sont presque toujours très petits, et qu'il n'est jamais possible de les tirer un à un, ni de les séparer en entier des terres avec lesquelles ils sont mêlées, surtout lorsqu'il s'agit de travail en grand,, ces mines en grains ne rendent ordinairement par quintal que de trente-cinq à quarante-cinq livres de fonte, et souvent moins, tandis que plusieurs mines en roche donnent depuis cinquante jusqu'à soixante et au delà : mais je me suis assuré , par quelques es- sais en petit, qu'on auroit au moins un aussi grand produit en ne faisant fondre que le grain net de ces mines de seconde formation. Elles peuvent être plus ou moins riches en métal, selon que chaque grain aura reçu dans sa composition une plus ou moins forte quantité de substance métalhque, sans mélange de matières hétérogènes; car de la môme manière que nous voyons se former des stalactites plus ou moins pures dans toutes les matières terrestres , ces grains de mines de fer, qui sont de vraies stalactites de la terre végétale imprégnée de fer, peuvent être aussi plus ou moins purs, c'est-à-dire plus ou moins chargés de parties métalliques; et par conséquent ces mines peuvent être plus riches en métal que le minéral en roche, qui, ayant été formé parle feu primitif, con- tient toujours une quantité considérable de matière 2 10 MINERAUX. vitreuse. Je dois même ajouter que les mines en sta- lactites et en masses concrètes en fournissent un exem- ple sensible : elles sont, comme les mines en grains, formées par l'intermède de l'eau ; et quoiqu'elles soient toujours mêlées de matières hétérogènes, elles don- nent assez ordinairement une plus grande quantité de fer que la plupart des mines de première formation. Ainsi toute mine de fer, soit qu'elle ait été pro- duite par le feu primitif, ou travaillée par l'eau, est toujours mélangée d'une plus ou moins grande quan- tité de substances hétérogènes; seulement on doit observer que , dans les mines produites par le feu , le fer est toujours mélangé avec une matière vitreuse, tandis que dans celles qui ont été formées par l'inter- mède de l'eau , le mélange est plus souvent de matière calcaire^. Ces dernières mines, qu'on nomme spathi- {jues^ à cause de ce mélange de spath ou de parties calcaires, ne sont point attirables à l'aimant, parce qu'elles n'ont pas été produites par le feu, et qu'elles ont été, comme les mines en grains ou en rouille, toutes formées du détriment des premières roches ferrugineuses, qui ont perdu leur magnétisme par 1. « Les mines de fer de Rougé en Bretagne sont en masses de ro- cher de trois quarts de lieue d'étendue, sur quinze à dix-huit pieds d'épaisseur, disposées en bancs horizontaux ; elles sont de seconde for- mation , et sont en même temps mêlées de matières silicées. » Je ne cite cet exemple que pour faire voir que les mines de seconde forma- tion se trouvent quelquefois mêlées de matières vitreuses ; mais, dans ce cas, ces matières vitreuses sont elles-mêmes de seconde formation. Ce fait m'a été fourni par M. de Grignon , qui a observé ces mines eu Bretagne. 2. 11 y a néanmoins quelques unes de ces mines attirables à l'aimant, dans le Dauphiné et dans les Pyrénées. DU FER. '2 1 1 cette décomposition : néanmoins, lorsque ces mines secondaires , formées par l'intermède de l'eau , se trou- vent mêlées de sablons ferrugineux qui ont passé par le feu, elles sont alors attirables à l'aimant, parce que ces sablons qui ne sont pas susceptibles de rouille , ne perdent jamais cette propriété d'être attirables à l'aimant. La fameuse montagne d'Eisenhartz en Styrie , haute de quatre cent quatre-vingts toises, est presque toute composée de minéraux ferrugineux de différentes qua- lités ; on en tire , de temps immémorial , tout le fer et l'acier qui se fabriquent dans cette contrée; et l'on a observé que le minéral propre à faire de l'acier étoit différent de celui qui est propre à faire du bon fer. Le minéral le plus riche en acier, que l'on appelle plilint_, est blanc, fort dur, et difficile à fonelre : mais il devient rouge ou noir, et moins dur, en s'effleuris- sant dans la mine même. Celui qui est le plus propre à donner du fer doux est le plus tendre ; il est aussi plus fusible , et quelquefois environné de rouille ou d'ocre. Le noyau et la masse principale de cette montagne sont sans doute de fer primordial produit par le feu pri- mitif, duquel les autres minéraux ferrugineux ne sont que des exsudations, des concrétions, des stalactites plus ou moins mélangées de matière calcaire , de py- rites , et d'autres substances dissoutes ou délayées par l'eau, et qui sont entrées dans la composition de ces masses secondaires lorsqu'elles se sont formées. De quelque qualité que soient les mines de fer en roches sohdes, on est obligé de les concasser et de les réduire en morceaux gros comme des noisettes, avant de les jeter au fourneau : mais pour briser plus aisément 212 MINÉRAUX. les blocs de ce minéral, ordinairement très dur, on est dans l'usage de les faire griller au feu ; on établit une couche de bois sec, sur laquelle on met ces gros morceaux de minéral, que l'on couvre d'une autre couche de bois; puis un second lit de minéral, et ainsi alteruativement jusqu'à cinq ou six pieds de hau- teur ; et après avoir allumé le feu , on le laisse consu- mer tout ce qui est combustible et s'éteindre de lui- même. Cette première action du feu rend le minéral plus tendre; on le concasse plus aisément, et il se trouve plus disposé à la fusion qu'il doit subir au four- neau. Toutes les roches de fer qui ne sont mélangées que de substances vitreuses exigent qu'on y joigne une certaine quantité de matière calcaire pour en faciliter . la fonte ; celles au contraire qui ne contiennent que peu ou point de matière vitreuse, et qui sont mélan- gées de substances calcaires, demandent l'addition de quelque matière vitrescible, telle que la terre li- moneuse, qui, se fondant aisément, aide à la fusion de ces mines de fer, et s'empare des parties calcaires dont elles sont mélangées. Les mines qui ont été produites par le feu primitif sont, comme nous l'avons dit, toutes attirables à l'ai- mant 5 à moins que l'eau ne les ait décomposées et ré- duites en rouille, en ocre, en grains, ou en concré- tions; car elles perdent dès lors cette propriété magnétique : cependant les mines primitives ne sont pas les seules qui soient attirables à l'aimant; toutes celles de seconde formation qui auront subi l'action du feu, soit dans les volcans, soit par les incendies des forêts, sont également et souvent aussi suscepti- bles de cette attraction; en sorte que si l'on s'en te- DU FER. 2 1^ îioit à cette seule propriété, elle ne suffiroit pas pour distinguer les mines ferrugineuses de première forma- lion de toutes les autres qui, quoique de formation bien postérieure, sont également attirables à l'ai- mant; mais il y a d'autres indices assez certains par lesquels on peut les reconnoître. Les matières ferru- gineuses primitives sont toutes en très grandes masses, et toujours intimement mêlées de matière vitreuse; celles qui ont été produites postérieurement par les volcans, ou par d'autres incendies, ne se trouvent qu'en petits morceaux, et le plus souvent en paillet- tes et en sablons, et ces sablons ferrugineux et très attirables à l'aimant sont ordinairement bien plus ré- fractaires au feu que la roche de fer la plus dure. Ces sablons ont apparemment essuyé une si forte action du feu, qu'ils ont pour ainsi dire changé de nature et perdu toutes leurs propriétés métalliques; car il ne leur est resté que la seule qualité d'être attirables à l'aimant, qualité communiquée par le feu, et qui, comme l'on voit, n'est pas essentielle à toute matière ferrugineuse, puisque les mines qui ont été formées par l'intermède de l'eau en sont dépourvues ou dé- pouillées, et qu'elles ne reprennent ou n'acquièrent cette propriété magnétique qu'après avoir passé par le feu. Toute la quantité, quoique immense, du fer dis- séminé sur le globe provient donc originairement des débris et détriments des grandes masses primitives, dans lesquelles la substance ferrugineuse est mêlée avec la matière vitreuse, et s'est consolidée avec elle : mais ce fer disséminé sur la terre se trouve dans des états très différents, suivant les impressions plus ou lurroA'. VII. 2l4 MINÉRAUX. moins fortes qu'il a subies par l'action des autres élé- ments et par le mélange de différentes matières. La décomposition la plus simple du fer primordial est sa conversion en rouille : les faces des roches ferruuineu- ses exposées à l'action de l'acide aérien se sont couver- tes de rouille; et cette rouille de fer, en perdant sa propriété magnétique, a néanmoins conservé ses au- tres qualités, et peut môme se convertir en métal plus aisément que la roche dont elle tire son origine. Ce fer réduit en rouille, et transporté dans cet état par les eaux sur toute la surface du globe , s'est plus ou moins mêlé avec la terre végétale; il s'y est uni et atténué au point d'entrer avec la sève dans la composition de la substance des végétaux, et, par une suite nécessaire, dans celle des animaux : les uns et les autres rendent ensuite ce fer à la terre par la destruction de leur corps. Lorsque cette destruction s'opère par la pourriture, les particules de fer provenant des êtres organisés nen sont pas plus magnétiques, et ne forment toujours qu'une espèce de rouille plus fine et plus ténue que la rouille grossière dont elles ont tiré leur origine : mais si la destruction des corps se fait par le moyen du feu, alors toutes les molécules ferrugineuses qu'ils contenoieiit reprennent, par l'action de cet élément, la propriété d'eire attirables à l'aimant, que l'impres- sion des éléments humides leur avoit ôtée; et comme il y a eu, dans plusieurs lieux de la terre, de grands incendies de forets, et presque partout des feux par- ticuliers, et des feux encore plus grands dans les ter- rains volcanisés, on ne doit pas être surpris de trouver à la surface et dans l'intérieur des premières couches de la terre des particules de fer attirables à l'aimant, DU FER. 2l5 d'autant que les détriments de tout le fer fabriqué par la main de l'homme, toutes les poussières de fer produites par le frottement et par l'usure, conservent cette propriété tant qu'elles ne sont pas réduites en rouille. C'est par cette raison que dans une mine dont les particules en rouille, ou les grains, ne sont point attirables à l'aimant, il se trouve souvent des paillet- tes ou sablons magnétiques, qui, pour la plupart, sont noirs, et quelquefois brillants comme du mica. Ces sa- blons, quoique ferrugineux, ne sont ni susceptibles de rouille , ni dissolubles par les acides , ni fusibles au feu ; ce sont des particules d'un fer qui a été brûlé autant qu'il peut l'être, et qui a perdu, par une trop longue ou trop violente action du feu , toutes ses qualités, à l'exception de la propriété d'être attiré par l'aimant, qu'il a conservée ou plutôt acquise par l'impression de cet élément. Il se trouve donc dans le sein de la terre beaucoup de fer en rouille, et une certaine quantité de fer eu paillettes attirables à l'aimant. On doit rechercher le premier pour le fondre , et rejeter le second , qui est presque infusible. Il y a, dans quelques endroits, d'assez grands amas de ces sablons ferrugineux que des artistes peu expérimentés ont pris pour de bonnes mines de fer, et qu'ils ont fait porter à leur fourneau, sans se clouter que cette matière ne pouvoit s'y fon- dre. Ce sont^ ces mômes sablons ferrugineux qui se trouvent toujours mêlés avec la platine, et qui font même partie de la substance de ce minéral. Yoilà donc déjà deux états sous lesquels se présente le fer disséminé sur la terre ; celui d'une rouille qui n'est point attirable à l'aimant et qui se fîuid aisément 2 1 8 M i N £ Il A L X, qu'elles ont besoin d'être grillées pendant plusieurs jours avant d'être concassées et Jetées au fourneau de fusion. Nous devons ajouter à cet état du fer en grains ce- lui du fer en stalactites ou concrétions continues, qui se sont formées soit par l'agrégation des grains, soit par la dissolution et le flux de la matière dont ils sont composés, soit par des dépôts de toule autre matière ferrugineuse entraînée par la stillatioii des eaux. Ces concrétions ou stalactites ferrugineuses sont quelque- fois très riches en métal, et souvent aussi elles sont mêlées de substances étrangères, et surtout de matiè- res calcaires, qui facilitent leur fusion, et rendent ces mines précieuses par le peu de dépense qu'elles exigent, et le bon produit qu'elles donnent. On trouve aussi des mines de fer mêlées de bitume et de charbon de terre ; mais il est rare qu'on puisse en faire usage, parce qu'elles sont presque aussi com- bustibles que ce charbon , et que souvent la matière ferrugineuse y est réduite en pyrite, et s'y trouve en trop petite quantité pour qu'on puisse l'extraire avec profit. Enfin le fer disséminé sur la terre se trouve encore dans un état très différent des trois états précédents; cet état est celui de pyrite, minéral ferrugineux dont le fonds n'est que du fer décomposé et intimement lié avec la substance du feu fixe, qui a été saisie par l'a- cide. La quantité de ces pyrites ferrugineuses est peut- être aussi grande que celle des mines de fer en grains et en rouille : ainsi, lorsque les détriments du fer pri- mordial n'ont été attaqués que par l'humidité de l'air ou l'impression de l'eau, ils se sont convertis en DU I^ER. 219 rouille, en ocre, ou formés en stalactites et en grains; et quand ces mêmes détriments on subi une violente actiou du feu, soit dans les volcans, soit par d'autres incendies, ils ont été brûlés autant qu'ils pouvoient l'être, et se sont transformés en mâchefer, en sablons et paillettes attirables à l'aimant : mais lorsque ces mêmes détriments, au lieu d'être travaillés par les élé- ments humides ou par le feu, ont été saisis par l'a- cide chargé de la substance du feu fixe , ils ont pour ainsi dire perdu leur nature de fer, et ils ont pris la forme de pyrites, que l'on ne doit pas compter au nombre des vraies mines de fer, quoiqu'elles con- tiennent une grande quantité de matière ferrugi- neuse , parce que le fer y étant dans un élat de des- truction et intimement uni ou combiné avec l'acide et le feu fixe, c'est-à-dire avec le soufre, qui est le destructeur du fer, on ne peut ni séparer ce métal ni le rétablir par les procédés ordhiaires ; il se su- blime et brûle au lieu de fondre, et même une assez petite quantité de pyrites jetées dans un fourneau avec la mine de fer suffit pour en gâter la fonte. On doit donc éviter avec soin l'emploi des mines mêlées de parties pyriteuses, qui ne peuvent donner que de fort mauvaise fonte et du fer très cassant. Mais ces mêmes pyrites, dont on ne peut guère tirer les parties ferrugineuses par le moyen du feu , reproduisent du fer en se décomposant par l'humi- dité ; exposées à l'air, elles commencent par s'effleu- rir à la surface, et bientôt elles se réduisent en pou- dre : leurs parties ferrugineuses reprennent alors la forme de rouille , et dès lors on doit compter ces py- rites décomposées au nombre des autres mines de fer 2 20 MINERAUX. OU des rouilles disséminées dont se forment les mines en grains^ et en concrétions. Ces concrétions se trou- vent quelquefois mélangées avec delà terre limoneuse, et même avec de petits cailloux ou du sable vitreux; et lorsqu'elles sont mêlées de matières calcaires, elles prennent des formes send3lables à celle du spath, et on les a dénommées 7ni?i€s spathu/ues. Ces mines sont ordinairement très fusibles, et souvent fort riches en métal; quelques unes, comme celle de Conflans en Lorraine, sont en assez grandes masses et en gros blocs, d'un grain serré et d'une couleur tannée. Ce minerai est rempli de cristallisations de spath, de bélemnites, de cornes d'ammon, etc. : il est très ri- che, et donne du fer de bonne qualité. Il en est de même des mines de fer cristallisées auxquelles on a donné le nom d'hcmatlteSj, parce qu'il s'en trouve souvent qui sont d'un rouge couleur de sans. Ces hématites cristallisées doivent être consi- dérées comme des stalactites des mines de fer sous lesquelles elles se trouvent : elles sont quelquefois étendues en lits horizontaux d'une assez grande épais- seur, sous des couches beaucoup plus épaisses de 1 . Quelques minéralogistes ont même pré^enclu que toutes les mines de l'er en grains et en concrétions doivent leur origine à la décom- position des pyrites. Je dois observer que celte opinion seroit trop exclusive; la destruction des pyrites martiales n'est pas la seule cause de la production des mines en concrétions ou en grains, puisque tous les détriments des matières ferrugineuses doivent les produire égale- ment, et que d'ailleurs la décomposition et la dissémination univer- selles delà matière ferrugineuse par l'eau ont précédé nécessairement la formation des pyrites , qui ne sont en effet produites que dans les lieux où la matière ferrugineuse, l'acide, et le feu fixe des détriment& des végétaux et des animaux se sont trouvés réunis. DU FRR. 221 mine en rouille ou en ocre^; et Ion voit évidemment que ces hématites sont produites par la stillation d une eau chargée de molécules ferrugineuses qu'elle a détachées en passant à travers cette grande épais- seur d'ocre ou de rouille. Au reste, toutes les héma- tites ne sont pas rouges ; il y en a de brunes et même de couleur plus foncée : mais lorsqu'on les réduit en poudre, elles prennent toutes une couleur d'un rouge plus ou moins vif, et Ton peut les considérer en gé- néral comme l'un des derniers produits de la décom- position du fer par l'intermède de l'eau. Les hématites, les mines spathiques et autres con- crétions ferrugineuses, de quelques substances qu'elles 1 . Je crois qu'on doit rapporter à ces couches d'hématites en grandes masses la mine de fer qui se tire à Rouez dans le Maine , et de la- quelle M. de Burbure m'a envoyé la description suivante : « Cette mine , située à cinq quarts de lieue de Sillé-le-Guillaume , est très riche ; elle est dans une terre ocreuse qui a plus de trente pieds d'épaisseur ; il part de la partie inférieure de cette mine plusieurs filons qui, en s'enfonçant, vont al)outir à de gros blocs isolés de mine de fer; ces blocs se rencontrent à vingt ou vingt-six pieds de profondeur, et sont composés de particules ferrugineuses qui paroissent être sans mé- lange ; i]s ont aussi des ramifications qui, en se prohjugeant, vont se joindre à d'autres masses de mine de fer moins pures que ces premiers blocs, parce qu'elles renferment dans l'intérieur de petites pierres qui y sont incorporées et intimement unies : néanmoins les forgerons leur trouvent une sorte de mérite qui les fait préférer aux antres masses ferrugineuses plus homogènes ; car, si elles renferment moins de fer, elles ont l'avantage de se fondre plus aisément à cause des pierres qu'elles renferment , et qui en facilitent la lusion. » G'e^l à cette même sorte de mine que l'on peut rapporter celles auxquelles on donne le nom de miiies tapées ^ qui sont des mines de concrétions en masses et couches, et qui gisent souvent sous les mines en ocre ou en rouille , et qui, quoiqu'en grands morceaux, sont ordinairement plus riches en métal ; la plupart sont spathiques ou mélangées do matières cal- caires. ( Noie commun'uiuce par M. de Grignon. ) 222 MINERAUX. soient mêlées, ne doivent pas être confondues avec les mines du fer primordial; elles ne sont que de se- conde ou de troisième formation. Les premières ro- ches de fer ont été produites par le feu primitif, et sont toutes intimement mélangées de matières vitreu- ses. Les détriments de ces premières roches ont formé les rouilles et les ocres que le mouvement des eaux a transportées sur toutes les parties du glohe; les par- ticules plus ténues de ces rouilles ferrugineuses ont été pompées par les végétaux, et sont rentrées dans leur composition et dans celle des animaux, qui les ont ensuite rendues à la terre par la pourriture et la destruction de leur corps. Ces mêmes molécules fer- rugineuses, ayant passé parle corps des êtres organi- sés, ont conservé une partie des éléments du feu dont elles étoient animées pendant qu'ils étoient vivants; et c'est de la réunion de ces molécules de fer animées de feu que se sont formées les pyrites, qui ne con- tiennent en eflet que du fer, du feu fixe, et de l'acide, et qui d'ailleurs, se présentant toujours sous une forme régulière , n'ont pu la recevoir que par l'impression des molécules organiques encore actives dans les der- niers résidus des corps organisés; et comme les végé- taux produits et détruits dans les premiers âges de la nature étoient en nombre immense, la quantité des pyrites produites par leurs résidus est de même si considérable, qu'elle surpasse en quelques endroits celle des mines de fer en rouille et en grains, et les pyrites se trouvent souvent enfouies à de plus grandes profondeurs que les unes et les autres. C'est de la décomposition successive de ces pyrites et de tous les autres détriments du fer primordial ou DU FER. ^i^> secondaire que se sont ensuite formées les concrétions spathiques et les mines en masses ou en grains, qui toutes sont de seconde et de troisième formation, car indépendamment des mines en rouille ou en grains qui ont autrefois été transportées, lavées, et dépo- sées par les eaux de la mer ; indépendamment de celles qui ont été produites par la destruction des pyrites et par celle de tout le fer dont nous faisons usage, on ne peut douter qu'il ne se forme encore tous les jours de la mine de fer en grains dans la terre végétale, et des pyrites dans toutes les terres imprégnées d'acide, et que par conséquent les mines secondaires de fer ne puissent se reproduire plusieurs fois de la même manière qu'elles ont d'abord été produites, c'est-à- dire avec les mêmes molécules ferrugineuses prove- nant originairement des détriments des roches pri- mordiales de fer, qui se sont mêlées dans toutes les matières brutes et dans tous les corps organisés, et qui ont successivement pris toutes les formes sous lesquelles nous venons de les présenter. Ainsi ces différentes transformations du fer n'em- pêchent pifs que ce métal ne soit un dans la nature, comme tous les autres métaux ; ses mines, à la vérité, sont plus sujettes avarier que toutes les autres mines métalliques; et comme elles sont en même temps les plus difficiles à traiter, et que les expériences, sur- tout en grand, sout longues et très coûteuses, et que les procédés, ainsi que les résultats des routines ou méthodes ordinaires. sont très différents les uns des autres, bien des gens se sont persuadés que la nature, qui produit partout le même or, le même argent, le môme cuivre, le même plomb, le même étain, s'é- 22l\ minéraux. toit prêtée à une exception pour le fer, et qu'elle en avoit formé de qualités très différentes, non seule- ment dans les divers pays, mais dans les mêmes lieux. Cependant cette idée n'est point du tout fondée ; l'ex- périence m'a démontré que l'essence du fer est tou- jours et partout la même, en sorte que l'on peut, avec les plus mauvaises mines, venir à bout de faire des fers d'aussi bonne qualité qu'avec les meilleures : il ne faut pour cela que purifier ces mines en les pur- geant de la trop grande quantité des matières étran- gères qui s'y trouvent ; le fer qu'on en tirera sera dès lors aussi bon qu'aucun autre. Mais, pour arriver à ce point de perfection , il faut un traitement différent, suivant la nature de la mine; il faut l'essayer en petit, et la bien connoître avant d'en faire usage en grand; et nous ne pouvons don- ner sur cela que des conseils généraux, qui trouve- ront néanmoins leur application particulière dans un très grand nombre de cas. Toute rocbe primordiale de fer, ou mine en roche mélangée de matière vi- treuse, doit être grillée pendant plusieurs jours, et ensuite concassée en très petits morceaux avant d'être mise au fourneau ; sans cette première préparation, qui rend le minéral moins dur, on ne viendroit que très difficilement à bout de le briser, et il refuseroit même d'entrer en fusion au feu du fourneau , ou n'y entre- roit qu'avec beaucoup plus de temps : il faut toujours y mêler une bonne quantité de castine ou matière calcaire. Le traitement de ces mines exige donc une plus grande dépense que celui des mines en grains, par la consommation plus grande des combustibles employés à leur réduction; et à moins qu'elles ne DU FER. 225 soient, comme celles de Suède, très riches en métal, ou que les combustibles ne soient à très bas prix, le produit ne suffit pas pour payer les frais du travail. Il n'en est pas de même des raines en concrétions et en masses spathiques ou mélangées de matières calcaires; il est rarement nécessaire de les griller^ : on les casse aisément au sortir de leur minière, et elles se fondent avec une grande facilité et sans addi- tion, sinon d'un peu de terre limoneuse ou d'autre matière vitrifiable lorsqu'elles se trouvent trop char- gées de substance calcaire. Ces mines sont donc celles qui donnent le plus de produit relativement à la dé- pense. Pour qu'on puisse se former une idée du gisement et de la qualité fies mines primordiales ou roches de fer, nous croyons devoir rapporter ici les observa- tions que M. Jars, de l'Académie des Sciences, a faites dans ses voyages. « En Suède, dit-il, la mine de Nord- marckj à trois lieues au nord de PliUipstadt^ est en filons perpendiculaires, dans une montagne peu éle- vée au milieu d'un très large vallon; les filons suivent la direction de la montagne, qui est du nord au sud, et ils sont presque tous à très peu près parallèles : ils ont en quelques endroits sept ou huit toises de lar- geur. Les montagnes de ce district, et même de toute cette province, sont de granité; mais les filons de 1. Il y a cepondant, dans les Pyiéuées et dans le Daupliîné, des mines spathiques où la matière calcaire est si intimement unie et en si grande quantité avec la substance ferrugineuse, qu'il est nécessaire de les ç^rilier, alin de réduire en chaux cette matière calcaire que Ton eu sépare ensuite par le lavage; mais ces sortes de raines ne font qu'une légère exception à ce qui vient d'être dit. 226 MINÉRAUX. mine de fer se trouvent aux environs, dans une espèce de terre bleuâtre et brunâtre : celte pierre est unie aux filons de fer comme le quartz l'est au plomb, au cuivre, etc. Lorsque le granité s'approche du filon, il le dérange et l'oblitère; ainsi les fiions de fer ne se trouvent point dans le granité : le meilleur indice est le mica blanc et noir à grandes facettes; on est pres- que toujours sur de trouver au dessous du minéral riche. H y a aussi de la pierre calcaire aux environs des granités : mais le fer ne s'y trouve qu'en rognons, et non pas en filons, ce qui prouve qu'il est de se- conde formation dans ces pierres calcaires. Le miné- ral est attirable à l'aimant; il est très dur, très com- pacte et fort pesant : il donne plus de cinquante pour cent de bonne fonte. Ces mines sont en masses, et on les travaille comme nous exploitons nos carrières les plus dures, avec de la poudre. » Les mines de Presberg, à deux lieues à l'orient de Philipstadt, sont de même en filons et dans des rochers assez semblables à ceux de INordmarck; ces filons sont quelquefois accompagnés de grenats, de schorl, et d'une pierre micacée assez semblable à la craie de Briançon : ils sont situés dans une presqu'île environnée d'un très grand lac; ils sont parallèles et vont, comme la presqu'île, du nord au sud. » On dédaigne d'exploiter les filons qui n'ont pas au moins une toise d'épaisseur : le minéral rend en géné- ral cinquante pour cent de fonte. Les filons sont pres- que perpendiculaires, et les diff'érentes mines ont depuis douze jusqu'à quarante toises de profondeur. » On fait griller le minéral avant de le jeter dans les hauts fourneaux, qui ont environ vingt-cinq pieds DU FER. 227 de hauteur; on le fond à l'aide d'une castine calcaire. » Les mines de Danemora, dans la province d'U- pland, à une lieue d'Upsal, sont les meilleures de toute la Suède. Le minéral est communément uni avec une matière fusible ^ , en sorte qu'il se fond seul et sans addition de matière calcaire. Ces mines de Danemora sont au bord d'un grand lac; les fdons en sont presque perpendiculaires et parallèles dans une direction commune du nord-est au sud-ouest : quoi- que tous les rochers soient de granité, les filons de fer sont toujours, comme ceux des mines précéden- tes, dans une pierre bleuâtre 2. H y a actuellement dix mines en exploitation sur trois fdons bien dis- tincts : la plus profonde de ces mines est exploitée jusqu'à quatre-vingts toises de profondeur; elle est, connne toutes les autres, fort incommodée par les eaux : on les exploite comme des carrières de pierres 1. J'observei'ai que .si celte mine est de première formation, la ma- tière dont le minéral est mélangé , et qui lui est intimement unie, m» doit pas Ôtre calcaire , mais que ce pourvoit être du feld-spath ou du scliorl , qui non seulement sont très fusibles par eux-mêmes, mais qui commnnic[uent de la fusibilité aux substances dans lesquelles ils se trouvent incorpores. ■2. M. Jars ne dit pas si cette pierre bleue est vitreuse ou calcaire ; sa couleur bleue provient certainement du fer qui fait partie de sa sub- stance, et je présume que sa fusibilité peut provenir du feld-spath et du scliorl qui s'y trouvent mêlés , et qu'elle ne contient point de sul)- stance calcaire à laquelle on pourroit attribuer sa fusibilité; ma pré- somption est fondée sur ce que cette mine descend jusqu'à quatre- vingts toises dans un terrain qui n'est environné que de granité, et où M. Jars ne dit pas avoir observé des bancs de pierre calcaire : il me paroît donc que celte mine de Danemora est de première forma- tion , comme celles de Presberg et de Nordmarck , et que , quoiqu'elle soit plus fusible , elle ne contient que de la matière vitreuse, comme toutes les autres mines de fer primitives. 228 3IINÉRAL'X. dures, en faisa4it au jour de très grandes ouvertures. Le minéral est très altirable à l'aimant; on lui donne sur tous les autres la préférence pour être converti en acier : on y trouve quelquefois de l'asbeste. On ex- ploite ces mines tant avec la poudre à canon qu'avec de grands feux de bois allumés, et l'on jette ce bois depuis le dessus de la grande ouverture. Après l'ex- traction de ces pierres de fer en quartiers plus ou moins gros, on en impose de deux pieds de hauteur sur une couche de bois de sapin de deux pieds d'é- paisseur, et l'on couvre le minéral d'un pied et demi de poudre de charbon, et ensuite on met le feu au bois : le minéral, attendri par ce grillage, est broyé sous un marteau ou bocard, après quoi on le jette au fourneau seul et sans adtlition de castine. » Dans plusieurs endroits, les mines de fer en roche sont assez magnétiques pour qu'on puisse les trouver à la boussole; cet indice est l'un des plus certains pour disthiguer les mines de première formation par le feu, de celles qui n'ont ensuite été formées que par l'intermède de l'eau : mais de quelque manière et par quelque agent qu'elles aient été travaillées, l'élément du fer est toujours le même, et l'on peut, en y mettant tous les soins nécessaires, faire du bon fer avec les plus mauvaises mines; tout dépend du traitement de la mine et du régime du feu, tant au fourneau de fusion qu'à l'affinerie. Comme l'on sait maintenant fabriquer le fer dans presque toutes les parties du monde, nous pouvons donner l'énumération des mines de fer qui se travail- hmt actuellement chez tous les peuples policés. On connoît en France celles d'Allevard en Dauphiné , qui r>U FER. 2 20 sont en masses concrètes, et qui donnent de très bon fer et d'assez bon acier par la fonte, que l'on appelle acier de rive. « J'ai vu , dit M. de Grignon , environ vingt fdons de mines spatliiques dans les montagnes d'Allevard; il y en a qui ont six pieds et plus de lar- geur sur une hauteur incommensurable : ils marchent régulièrement et sont presque tous perpendiculaires. On donne le nom de mailiat à ceux des fdons dont le minerai fond aisément et donne du fer doux, et l'on appelle rive les fdons dont le minerai est bien moins fusible et produit du fer dur. C'est avec le mélange d'un tiers de mailiat sur deux tiers de rive qu'on fait fondre la mine de fer dont on fait ensuite de bon acier connu sous le nom à' acier de rive. » Les mines du Berri, de la Champagne, de la Bouv gogne , delà Franche-Comté, du INivernois, du Lan- guedoc , et de quelques autres provinces de France , sont, pour la plupart, en rouille et en grains, et four- nissent la plus grande partie des fers qui se consom- ment dans le royaume. En général , on peut dire qu'il y a en France des mines de fer de presque toutes les sortes : celles qui sont en masses solides se trouvent non seulement enDauphiné, mais aussi dans le Rous- sillon, le comté de Foix, la Bretagne, et la Lorraine; et celles qui sont en grains ou en rouille se présentent en grand nombre dans presque toutes les autres pro- vinces de ce royaume. L'Espagne a aussi ses mines de fer, dont quelques unes sont en masses concrètes qui se sont formées de la dissolution et du détriment des masses primitives; d'autres qui fournissent beaucoup de vitriol ferrugi- neux, et qui paroissent être produites par l'intermède BtJFFON. VII. 23o MINÉKAUX. de l'eau chargée d'acide : il y en a d'autres en ocre et en grains dans plusieurs endroits de la Catalogne, de l'Aragon , etc. En Italie, les mines de fer les plus célèbres sont celles de l'île d'Elbe ; on en a fait récemment de lon- gues descriptions, qui néanmoins sont assez peu exactes. Ces mines sont ouvertes depuis plusieurs siècles, et fournissent du fer à toutes les provinces méridionales de l'Italie. Dans la Grande-Bretagne, il se trouve beaucoup de jtninesde fer; la disette de bois fait que depuis long- temps on se sert de charbon de terre pour les fondre : il faut que ce charbon soit épuré lorsqu'on veut s'en servir, surtout àl'affinerie; sans cette préparation, il - rendroit le fer très cassant. Les principales mines de fer de l'Ecosse sont près de la bourgade de Carron; celles de l'Angleterre se trouvent dans le duché de Cumberland et dans quelques autres provinces. Dans le pays de Liège , les mines de fer sont pres- que toutes mêlées d'argile, et dans le comté de ]\a- mur, elles sont au contraire mélangées de matière calcaire. La plupart des mines d'Alsace et de Suisse gisent aussi sur des pierres calcaires î toute la partie du mont Jura, qui commence aux confins du terri- toire de SchafThouse et qui s'étend jusqu'au comté de Neufchâtel, offre en plusieurs endroits des indices certains de mines de fer. Toutes les provinces d'Allemagne ont de même leurs mines de fer, soit en roche, en grains, en ocre , en rouille, ou en concrétions : celles de Styrie et de Carinthie, dont nous avons parlé, sont les plus fa- meusesj; mais il y en a aussi de très riches dans le Ty- DU FEU. 25 l roi, la Bohême, la Saxe, le comté de Nassau-Siegen, le pays d'Hanovre, etc. M. Guettard fait mention des mines de fer de la Pologne, et il en a observé quelques unes : elles sont pour la plupart en rouille , et se tirent presque tou- tes dans les marais ou dans les lieux bas; d'autres sont, dit-il, en petits morceaux ferrugineux, et celles qui se trouvent dans les collines sont aussi à peu près de la même nature. Les pays du nord sont les plus abondants en mines de fer i les voyageurs assurent que la plus grande par- tie des terres de la Laponie sont ferrugineuses. On a trouvé des mines de fer en Islande et en Groenland. En Moscovie, dans les Russies, et en Sibérie, les mines de fer sont très communes et font aujourd'hui l'objet d'un commerce important; car on en trans- porte le fer en grande quantité dans plusieurs provin- ces de l'Asie et de l'Europe, et même jusque dans nos ports de France. En Asie, le fer n'est pas aussi commun dans les par- ties méridionales que dans les contrées septentriona- les. Les voyageurs disent qu'il y a très peu de mines de fer au Japon, et que ce métal y est presque aussi cher que le cuivre : cependant à la Chine , le fer est à bien plus bas prix; ce qui prouve que les mines de ce dernier métal y sont en plus grande abondance» On en trouve dans les contrées de l'Inde, à Siamj à Golconde, et dans l'île de Ceylan. L'on connbît de même les fers de Perse, d'Arabie, et surtout les aciers fameux connus sous le nom de damas j, que ces peu- ples savoient travailler avant même que nous eussions, en Europe, trouvé l'art de faire de bon acier. .'^v)2 M 1 NE K AUX. En Afrique, les fers de Barl^arie et ceux de Mada- gascar sont cités par les voyageurs; il se trouve aussi des mines de fer dans plusieurs autres contrées de cette partie du monde, à Bambouc, à Congo, et jus- que chez les Hottentots. Mais tous ces peuples, à l'ex- ception des Barbaresques , ne savent travailler le fer que très grossièrement; et il n'y a ni forges ni four- neaux considérables dans toute l'étendue de l'Afri- que : du moins les relateurs ne font mention que des fourneaux nouvellement établis par le roi de Maroc , pour fondre des canons de cuivre et de fonte de fer. Il y a peut-être autant de mines de fer dans le vaste continent de l'Amérique que dans les autres parties du monde ; et il paroît qu'elles sont aussi plus abon- dantes dans les contrées du nord que dans celles du midi : nous avons même formé, dès le siècle précé- dent, des établissements considérables de fourneaux et de forges dans le Canada, où l'on fabriquoit de très bon fer. Il se trouve de même des mines de fer en Virginie, où les Anglois ont établi depuis peu des for- ges; et comme ces mines sont très abondantes et se tirent aisément, et presque à la surface de la terre, dans toutes ces provinces qui sont actuellement sous leur domination, et que d'ailleurs le bois y est très commun, ils peuvent fabriquer le fer à peu de frais; et ils ne désespèrent pas , dit-on , de fournir ce fer de l'Amérique au Portugal, à la Turquie, à l'Afrique, aux Indes orientales, et à tous les pays où s'étend leur commerce. Suivant les voyageurs, on a aussi trouvé des mines de fer dans les climats plus méridionaux de ce nouveau continent , comme à Saint-Domingue , au Mexique , au Pérou , an (^hili , à la Guianc , et au Bré- 1)L FEU. 2.)0 sil ; et cependant les Mexicains et les Péruviens, qui étoient les peuples les plus policés de ce continent, ne faisoient aucun usage du fer, quoiqu'ils eussent trouvé l'art de fondre les autres métaux; ce qui ne doit pas étonner, puisque, dans l'ancien continent, il existoit des peuples bien plus anciennement civili- sés que ne pouvoient l'être les Américains, et que néanmoins il n'y a pas trois mille cinq cents ans que les Grecs ont, les premiers, trouvé les moyens de fondre la mine de fer, et de fabriquer ce métal dans l'île de Crète. La matière du fer ne manque donc en aucun lieu du monde : mais l'art de la travailler est si difficile, qu'il n'est pas encore universellement répandu , parce qu'il ne peut être avantageusement pratiqué que chez les nations les plus policées, et où le gouvernement concourt à favoriser l'industrie ; car quoiqu'il soit physiquement très possible de faire partout du fer de la meilleure qualité , comme je m'ensuis assuré ])ar ma propre expérience, il y a tant d'obstacles physi- ques et moraux qui s'opposent à cette perfection de l'art, que dans l'état présent des choses on ne peut guère l'espérer. Pour en donner un exemple, supposons un homme qui , dans sa propre terre , ait des mines de fer et des charbons de terre , ou des bois en plus grande quan- tité que les habitants de son pays ne peuvent en con- sommer : il lui viendra tout naturellement dans l'es- prit l'idée d'établir des forges pour consumer ces combustibles, et tirer avantage de ses mines. Cet éta- blissement, qui exige toujours une grosse mise de fonds, et qui demande autant d'économie dans la dé- 234 MINÉRAUX. pense que d'intelligence dans les constructions, pour- roit rapporter à ce propriétaire environ dix pour cent, si la manutention en étoit administrée par lui-même. La peine et les soins qu'exige la conduite d'une telle entreprise, à laquelle il faut se livrer tout entier et pour long- temps, le forceront bientôt à donner à ferme ses mines, ses bois, et ses forges; ce qu'il ne pourra faire qu'en cédant moitié du produit : l'inté- rêt de sa mise se réduira dès lors à cinq au lieu de dix pour cent. Mais le très pesant impôt dont la fonte de fer est grevée au sortir du fourneau diminue si consi- dérablement le bénéfice, que souvent le propriétaire de la forge ne tire pas trois pour cent de sa mise ; à moins que des circonstances particulières et très rares ne lui permettent de fabriquer ses fers à bon marché et de les vendre cher^. Un autre obstacle moral tout aussi opposé, quoique indirectement, à la bonne fa- brication de nos fers, c'est le peu de préférence qu'on donne aux bonnes manufactures, et le peu d'atten- 1. J'ai établi dans ma terre de Buffoii un haut fourneau avec deux forges ; l'une a deux feux et deux marteaux, et l'autre a un feu et un marteau : j'y ai joint une fenderic ^ une double batterie, deux marti- nets, deux brocards , etc. Toutes c^s constructions faites sur mon pro- pre terrain , et à mes frais, m'ont coûté plus de trois cent mille livres ; j'ai ensuite conduit pendant douze ans toute la manutention de ces usines : je n'ai jamais pu tirer les intérêts de ma mise au denier vingt ; et , après douze ans d'expériences, j'ai donné à ferme toutes ces usines pour six mille cinq cents livres : ainsi je n'ai pas deux et demi pour cent de mes fonds, tandis que l'impôt en produit h très peu près au- tant et sans mise de fonds à la caisse du domaine. Je ne cite ces faits que pour mettre en garde contre des spéculations illusoires les gens qui pensent à faire de semblables établissements , et pour faire voir eu même temps que le gouvernement , qui eu tire le prolit le plus net, leur doit protection. DU FER. î^35 tiou pour cette^ branche de comiBerce qui pourroit devenir l'une des plus importantes du royaume, et qui languit par la liberté de l'entrée des fers étran- gers. Le mauvais fer se fait à bien meilleur compte que le bon, et cette différence est au moins du cin- quième de son prix : nous ne ferons donc jamais que du fer d'une qualité médiocre, tant que le bon et le mauvais fer seront également grevés d'impôts et que les étrangers nous appporteront, sans un impôt pro- portionnel, la quantité de bons fers dont on ne peut se passer pour certains ouvrages. D'ailleurs les architectes et autres gens chargés de régler les mémoires des ouvriers qui emploient le fer dans les bâtiments et dans la construction des vais- seaux ne font pas assez d'attention à la différente qua- lité des fers; ils ont un tarif général et commun sur lequel ils règlent indistinctement le prix du fer, en sorte que les ouvriers qui l'emploient pour leur compte dédaignent le bon , et ne prennent que le plus mau- vais et le moins cher : à Paris, surtout , cette inatten- tion fait que dans les bâtiments on n'emploie que de mauvais fers; ce qui en cause ou précipite la ruine. On sentira toute l'étendue de ce préjudice, si l'on veut se rappeler ce que j'ai prouvé par des expériences^; c'est qu'une barre de bon fer a non seulement plus de du- rée pour un long avenir, mais encore quatre ou cinq fois plus de force et de résistance actuelle qu'une pa- reille barre de mauvais ter. Je pourrois m'étendre bien davantage sur lesobsta- 1. Voyez, partie expérimentale, Mémoire sur la ténacité du fer tome m , page 385. 2ô6 MliNÉllALX. des qui, par des règlements mal entendus, s'opposent à la perfection de l'art des forges en France : mais, dans l'histoire naturelle du fer, nous devons nous bor- ner à le considérer dans ses rapports physiques, en exposant non seulement les différentes formes sous lesquelles il nous est présenté par la nature, mais en- core toutes les différentes manières de traiter les mi- nes et les fontes de fer pour eu obtenir du bon métal. Ce point de vue physique , aujourd'hui contrarié par les obstacles moraux dont nous venons de parler, est néanmoins la base réelle sur laquelle on doit se fon- der pour la conduite des travaux de cet art, ou pour changer ou modifier les règlements qui s'opposent à nos succès en ce genre. iNous n'avons en France que peu de ces roches pri- mordiales de fer, si communes dans les provinces du nord, et dans lesquelles l'élément du fer est toujours mêlé et intimement uni avec une matière vitreuse. La plupart de nos mines sont en petits grains ou en rouille, et elles se trouvent ordinairement à la profondeur de quelques pieds : elles sont souvent dilatées sur un assez grand espace de terrain, où elles ont été dépo- sées par les anciennes alluvions des eaux avant qu'elles eussent abandonné la surface de nos continents. Si ces mines ne sont mêlées que de sables calcaires, un seul lavage ou deux suffiront pour les en séparer et les rendre propres à être mises au fourneau : la portion de sable calcaire que l'eau n'aura pas emportée ser- vira de castine ; il n'en faudra point ajouter, et la fu- sion de la mine sera facile et prompte : on observera seulement que quand la mine reste trop chargée de ce sable calcaire, et qu'on n'a pu l'en séparer assez DU FER. 20'] en la lavant ou la criblant, il faut iilors y ajouter au fourneau une petite quantité de terre limoneuse, qui, se convertissant en verre, fait fondre en même temps cette matière calcaire superflue, et ne laisse à la mine que la quantité nécessaire à sa fusion; ce qui fait la bonne qualité de la fonte. Si ces mines en grains se trouvent au contraire mê- lées d argile fortement attachée à leurs grains, et qu'on a peine d'en séparer par le lavage, il faut le réitérer plusieurs fois, et donner à cette mine au fourneau une assez grande quantité de càstine : cette matière calcaire facilitera la fusion de la mine en s'emparant de l'argile qui enveloppe le grain , et qui se fondra par ce mélange. 11 en sera de môme si la mine se trouve mêlée de petits cailloux; la matière calcaire accélérera leur fusion : seulement on doit laver, cri- bler, et vanner ces mines, afin d'en séparer, autant qu'il est possible, les petits cailloux qui souvent y sont en trop grande quantité. J'ai suivi l'extraction et le traitement de ces trois sortes de mines : les deux premières étoient en nappeSj, c'est-à-dire dilatées dans une assez grande étendue de terrain; la dernière, mêlée de petits cailloux, étoit au contraire en nids ou en sacs, dans les fentes perpendiculaires des bancs de pierre calcaire. Sur une vingtaine de ces rriines ensachées dans les rochers cal- caires, j'ai constamiiient observé qu'elles n'étoient mêlées que de petits cailloux quartzeux, de calcédoi- nes, et de sables vitreux, mais point du tout de gra- viers ou de sables calcaires, quoique ces mines fus- sent environnées de toUs côtés de bancs solides de pierres calcaires dont elles remplissoient les inter- 238 jMIiNÉRAUX. valles ou fentes perpendiculaires à d'assez grandes pro- fondeurs, comme de cent, cent cinquante, et jusqu'à deux cents pieds : ces fentes, toujours plus larges vers la superficie du terrain , vont toutes en se rétrécissant à mesure qu'on descend , et se terminent par la réu- nion des rochers calcaires dont les bancs deviennent continus au dessous. Ainsi, quand ce sac de mine étoit vidé, on pouvoit examiner du haut en bas et de tous côtés les parois de la fente qui la contenoit; elles étoient de pierre purement calcaire, sans aucun mé- lange de raine de fer ni de petits cailloux : les bancs étoient horizontaux, et l'on voyoit évidemment que la fente perpendiculaire n'étoit qu'une disruption de ces bancs, produite par la retraite et le dessèchement de la matière molle dont ils étoient d'abord compo- sés ; car la suite de chaque banc se trouvoit à la même hauteur de l'autre côté de la fente , et tous étoient de même parfaitement correspondants du haut jusqu'en bas de la fente. j'ai de plus observé que toutes les parois de ces fentes étoient lisses et comme usées par le frottement des eaux , en sorte qu'on ne peut guère douter qu'a- près l'établissement de la matière des bancs calcaires par lits horizontaux les fentes perpendiculaires ne se soient d'abord formées par la retraite de cette ma- tière sur elle-même en se durcissant ; après quoi ces mêmes fentes sont demeurées vides, et leur intérieur, d'abord battu par les eaux , n'a reçu que dans des temps postérieurs les mines de fer qui les remplissent. Ces transports paroissent être les derniers ouvrages de la mer sur nos continents : elle a commencé par étend rci les argiles et les sables vitreux sur la roche DU FER. tiôÇ) du globe et sur toutes les matières solides et vitrifiées par le feu primitif; les schistes se sont formés par le dessèchement des argiles, et les grès par la réunion des sablons quartzeux; ensuite les poudres calcaires, produites par les débris des premiers coquillages, ont formé les bancs de pierre, qui sont presque toujours posés au dessus des schistes et des argiles, et en même temps les détriments des végétaux descendus des par- ties les plus élevées du globe ont formé les veines de charbons et de bitumes; enfui les derniers mouve- ments de la mer, peu de temps avant d'abandonner la surface de nos collines, ont amené dans les fentes perpendiculaires tles bancs calcaires ces mines de fer en grains qu'elle a lavés et séparés de la terre végé- tale, où ils s'étoient formés, comme nous l'avons ex- pliqué ^. INous observerons encore que ces mines, qui se trouvent ensachées,, dans les rochers calcaires sont com- munément en grains plus gros que celles qui sont di- latées par couches sur une grande étendue de terrain ^ : elles n'ont plus aucune suite, aucune autre corres- pondance entre elles que la direction de ces mêmes fentes, qui, dans les masses calcaires, ne suivent pas la direction générale de la colline , du moins aussi ré- gulièrement que dans les montagnes vitreuses; en sorte que quand on a épuisé un de ces sacs de mine, l'on n'a souvent nul indice pour en trouver un autre. La 1. Voyez , dans le volume précédent , i'aiiicle qui a pour titre de la Terre végétale. 2. Ce n'est qu'en quelques endroits que l'on trouve de ces mines dilatées en gros grains sur une grande étendue de terrain. M. de Gri- guon en aicconuu quel((ues unes <]e telles en l'^ranchc-Gomté. 240 MINÉRAUX. boussole ne peut servir ici ; car ces mines en grains ne font aucun eÛ'et sur l'aiguille aimantée , et la direc- tion de la fente n'est qu'un guide incertain : car, dans la même colline , on trouve des fentes dont la plus grande dimension horizontale s'éten'd dans des direc- tions très différentes et quelquefois opposées; ce qui rend la recherche de ces mines très équivoque et leur produit si peu assuré , si contingent, qu'il seroit fort imprudent d'établir un fourneau dans un lieu où l'on n'auroit que de ces mines en sacs, parce que ces sacs élant une fois épuisés, on ne seroit nullement assuré d'en trouver d'autres : les plus considérables de ceux dont j'ai fait l'extraction ne contenoient que deux ou trois mille muids de mine, quantité qui suffit à peine à la consommation du fourneau pendant huit ou dix mois. Plusieurs de ces sacs ne contenoient que quatre ou cinq cents muids, et l'on est toujours dans la crainte de n'en pas trouver d'autres après les avoir épuisés; il faut donc s'assurer s'il n'y a pas à proxi- mité, c'est-à-dire à deux ou trois lieues de distance du lieu où l'on veut établir un fourneau, d'autres mines en couches assez étendues pour pouvoir être moralement sûr qu'une extraction continuée pendant un siècle ne les épuisera pas : sans cette prévoyance, la matière métallique venant à manquer, tout le tra- vail cesseroit au bout d'un temps, la forge périroit faute d'aliment, et l'on seroit obligé de détruire tout ce que l'on au roi t édifié. Au reste , quoique le fer se reproduise en grains sous nos yeux dans la terre végétale, c'est en trop pe- tite quantité pour que nous puissions en faire usage; car toutes les minières dont nous faisons l'extraction DU FER. 2/| 1 ont été amenées, lavées, et déposées par les eaux de la mer lorsqu'elle couvroit encore nos continents. Quelque grande que soit la consommation qu'on a faite et qu'on fait tous les jours de ces mines, il paroît néanmoins que ces anciens dépôts ne sont pas, à beau- coup près, épuisés, et que nous eri avons eu France pour un grand nombre de siècles , quand môme la con- sommation doubleroit par les encouragements qu'on devroit donner à nos fabrications de fer : ce sera plu- tôt la matière combustible qui manquera, si l'on ne donne pas un peu plus d'attention à l'épargne des bois , en favorisant l'exploitation des mines de char- bon de terre. Presque toutes nos forges et fourneaux ne sont en- tretenus que par du charbon de bois^; et comme il faut dix-huit à vingt ans d'âge au bois pour être con- verti en bon charbon , on doit compter qu'avec deux cent cinquante arpents de bois bien économisés l'on peut faire annuellement six cents ou six cent cin- quante milliers de fer : il faut donc, pour l'entretien d'un pareil établissement, qu'il y ait au moins dix- 1 . Les charbons de chêne , charme . hêtre , et autres bois durs, sont meilleurs pour le fourneau de fusion ; et ceux de tremble , bouleau , et autres bois mous , sont préférables pour l'afïînerie ; mais il faut laisser reposer pendant quelques mois les charbons de bois durs. Le charbon de chêne employé à l'affinerie rend le fer cassant; mais au fourneau de fusion, c'est de tous les charbons celui qui porte le plus démine : ensuite c'est le charbon de hêtre, celui de sapin, et celui de châtaignier, qui de tous en porte le moins , et doit être réservé , avec les bois blancs, pour Taffincrie. On doit tenir sèchement et à cou- vert tous les charbons ; ceux de bois blancs surtout s'allèrent à l'air et à la pluie dans très peu de temps; le charbon des jeunes chênes, de- puis dix-huit jusqu'î! trente ans d'âge, est celui qui brûle avec le plus d'ardeur. 2l\2 MINÉRAUX. huit fois deux cent cinquante ou quatre mille cinq cents arpents à portée , c'est-à-dire à deux ou trois lieues de distance , Indépendamment d'une quantité égale ou plus grande pour la consommation du pays. Dans toute autre position , l'on ne pourra faire que trois ou quatre cents milliers de fer par la rareté des bois; et toute forge qui ne produiroit pas trois cents milliers de fer par an ne vaudroit pas la peine d'èlre établie ni maintenue : or c'est le cas d'un grand nom- bre de ces établissements faits dans le temps où le bois étoit plus commun , où on ne le tiroit pas par le flottage des provinces éloignées de Paris, où enfm la population étant moins grande, la consommation du bois, comme de toutes les autres denrées, étoit moin- dre ; mais maintenant que toutes ces causes et notre plus grand luxe ont concouru à la disette du bois , on sera forcé de s'attacher à la recherche de ces ancien- nes forêts enfouies dans le sein de la terre, et qui, sous une forme de matière minérale, ont retenu tous les principes de la combustibilité des végétaux, et peuvent les suppléer non seulement pour l'entretien des feux et des fourneaux nécessaires aux arts , mais encore pour l'usage des cheminées et des poêles de nos maisons; pourvu qu'on donne à ce charbon mi- néral les préparations convenables. Les mines en rouille ou en ocre, celles en grains, et les mines spathiques ou en concrétions, sont les seules qu'on puisse encore traiter avantageusement dans la plupart de nos provinces de France, où le bois n'est pas fort abondant; car quand même on y décou- vriroit des mines de fer primitif, c'est-à-dire de ces roches primordiales, telles que celles des contrées du DU FER. 24v3 nord, dans lesquelles la substance ferrugineuse est intimement mêlée avec la matière vitreuse, cette dé- couverte nous seroit peu utile, attendu que le traite- ment de ces mines exige près du double de consom- mation de matière combustible, puisqu'on est obligé de les faire griller au feu pendant quinze jours ou trois semaines, avant de pouvoir les concasser et les jeter au fourneau; d'ailleurs ces mines en roche, qui sont en masses très dures, et qu'il faut souvent tirer d'une grande profondeur, ne peuvent être exploitées qu'a- vec de la poudre et de grands feux, qui les ramollis- sent ou les font éclater : nous aurions donc un grand avantage sur nos concurrents étrangers, si nous avions autant de matières combustibles ; car avec la même quantité nous ferions le double de ce qu'ils peuvent faire, puisque l'opération du grillage consomme pres- que autant de combustible que celle de la fusion ; et, comme je l'ai souvent dit, il ne tient qu'à nous d'avoir d'aussi bon fer que celui de Suède, dès qu'on ne sera pas forcé, comme on l'est aujourd'hui, de trop épar- gner le bois , ou que nous pourrons y suppléer par l'usage du charbon de terre épuré. La bonne qualité du fer provient principalement du traitement de la mine avant et après sa mise au fourneau. Si l'on obtient une très bonne fonte, on sera déjà bien avancé pour faire d'excellent fer. Je vais indiquer, le plus sommairement qu'il me sera possi- ble, les moyens d'y parvenir, et par lesquels j'y suis parvenu moi-même , quoique je n'eusse sous ma main que des mines d'une très médiocre qualité. Il faut s'attacher, dans l'extraction des mines ^n grains , aux endroits où elles sont les plus pures ; si 244 MINÉRAUX. elles ne sont mêlées que d'un quart ou d'un tiers de matière étrangère, on doit encore les regarder comme bonnes : mais si ce mélange hétérogène est de deux tiers ou de trois quarts, il ne sera guère possible de les traiter avantageusement, et l'on fera mieux de les négliger et de chercher ailleurs ; car il arrive toujours que, dans la même minière, dilatée sur une étendue de quelques lieues de terrain, il se trouve des en- droits où la mine est beaucoup plus pure que dans d'autres, et, de plus, la portion inférieure de la mi- nière est communément la meilleure : au contraire, dans les minières qui sont en sacs perpendiculaires, la partie supérieure est toujours la plus pure, et on trouve la mine plus mélangée à mesure que l'on des- cend. Il faut donc choisir, et dans les unes et dans les autres, ce qu'elles auront de mieux, et abandon- ner le reste si l'on peut s'en passer. Cette mine , extraite avec choix , sera conduite au lavoir pour en séparer toutes les matières terreuses que l'eau peut délayer, et qui entraînera aussi la plus grande partie des sables plus menus ou plus légers que les grains de la mine ; seulement il faut être at- tentif à ne pas continuer le lavage dès qu'on s'aperçoit qu'il passe beaucoup de mine avec le sable ^, ou bien 1. Ce seroit entrer dans un trop grand détail que de donner ici les proportions et les formes des différents lavoirs qu'on a imaginés pour nettoyer les mines de fer en grains, et les purger des matières étran- gères qui quelquefois sont tellement unies aux grains , qu'on a grande peine à les en détacher. Le lavoir foncé c!c fer et percé de petits trous , inventé par M. Robert, sera très utile pour les mines ainsi mêlées de terre grasse et attachante ; mais pour toutes les autres mines qui ne sont mélangées que de sable calcaire ou de petits cailloux vitreux , les lavoirs les plus simples suffisent, et même doivent être préférés. il faut recevoir ce sable mMé de mine dans un dépôt d'où l'on puisse ensuite le tirer pour le cribler ouïe van- ner, afin de rendre la mine assez nette pour pouvoir la mêler avec l'autre. On doit de même cribler toute mine lavée qui reste encore chargée d'une trop grande quantité de sable ou de petits cailloux. En général, plus on épurera la mine par les lotions ou par le crible, et moins on consommera de combus- tibles pour la fondre, et l'on sera plus que dédom- magé d.3 la dépense qu'on aura faite pour cette prépa- ration de la mine par son produit au fourneau^. La mine épurée à ce point peut être confiée au fourneau avec certitude d'un bon produit en quantité et en qualité ; une livre et demie de charbon de bois suffira pour produire une livre de fonte, tandis qu'il faut une livre trois quarts et quelquefois jusqu'à deux livres de charbon lorsque la mine est restée trop im- pure : si elle n'est mêlée que de petits cailloux ou de sables vitreux, on fera bien d'y ajouter une cer- taine quantité de matière calcaire, comme d'un sixième ou d'un huitième par chaque charge, pour en faciliter la fusion ; si au contraire elle est trop mê- lée de matière calcaire, on ajoutera une petite quan- tité, comme d'un quinzième ou d'un vingtième, de 1. Les cribles cylindriques, longs de quatre à cinq pieds sur dix-huit ou vingt pouces de diamètre , montés en fil de fer sur un axe à rayons , sontlesplus expèditifs et les meilleurs; j'en ai fait construire plusieurs, et je m'en suis servi avec avantage : un enfant de dix ans suffit pour tourner ce crible, dans lequel le minerai coule par une trémie; le sablon le plus fin tombe au dessous de la tête du crible, les grains de mine tombent dans le milieu, et les plus gros sables et petits cailloux vont au delà par l'effet de la force centrifuge : c'est de tous les moyens le plus sûr pour rendre la mine aussi nette qu'il est possible. EUFFD>f. VU. 16 ^4^ MIIV'ÉRALX. terre limoneuse, ce qui suffira pour en accélérer la fusion. Il y a beaucoup de forges où l'on est dans l'usage de mêler les mines de différentes qualités avant de les jeter au fourneau : cependant on doit observer que cette pratique ne peut être utile que dans des cas par- ticuliers : il ne faut jamais mélanger une mine très fusible avec une mine réfractaire, non plus qu'une mine en gros morceaux avec une mine en très petits grains, parce que, l'une se fondant en moins de lemps que l'autre, il arrive qu'au moment de la coulée la mine réfractaire ou celle qui est en gros morceaux n'est qu'à demi fondue; ce qui donne une mauvaise fonte dont les parties sont mal liées : il vaut donc mieux fondre seules les mines, de quelque nature qu'elles soient, que de les mêler avec d'autres c[ui seroient de qualités très différentes. Mais comme les mines en grains sont à peu près de la même nature, la plus ou moins grande fusibilité de ces mines ne vient pas de la différente qualité des grains, et ne provient que de la nature des terres et des sables qui y sont mêlés. Si ce sable est calcaire, la fonte sera facile ; s'il est vitreux ou argileux, elle sera plus diffi- cile : on doit corriger l'un par l'autre lorsque l'on veut mélanger ces niines au fourneau; quelques es- sais suffisent pour i-econnoître la quantité qu'il faut ajouter de l'une pour rendre l'aulre plus fusible. En général, le mélange de la matière calcaire à la ma- tière vitreuse les rend bien plus fusibles qu'elles ne le seroient séparément. Dans les mines en roche ou en masse, ces essais sont plus faciles ; il ne s'agit que de trouver celles qui DU FER. 24; peuvent servir de fondant aux autres. Il faut briser cette mine massive en morceaux d'autant plus petits qu'elle est plus réfractaire. Au reste, les mines de fer qui contiennent du cuivre doivent être rejetées, car elles ne donneroient que du fer très cassant. La conduite du fourneau demande tout autant et peut-être encore plus d'attention que la préparation de la mine. Après avoir laissé le fourneau s'échauffer lentement pendant trois ou quatre jours, en imposant successivement sur le charbon une petite quantité de mine ( environ cent livres pesant ), on met en jeu les soufflets en ne leur donnant d'abord qu'un mouvement assez lent ( de quatre ou cinq coulées par minute ) : on commence alors à augmenter la quantité de la mine, et l'on en met, pendant les deux premiers jours, deux ou trois mesures ( d'environ soixante li- vres chacune ) sur six mesures de charbon ( d'envi- ron quarante livres pesant ) , à chaque charge que l'on impose au fourneau ; ce qui ne se fait que quand les charbons enflammés dont il est plein ont baissé d'environ trois pieds et demi. Cette quantité de char- bon qu'on impose à chaque charge étant toujours la même, on augmentera graduellement celle de la mine d'une demi-mesure le troisième jour, et d'autant cha- que jour suivant, en sorte qu'au bout de huit ou neuf jours on imposera la charge complète de six mesures de mine sur six mesures de charbon : mais il vaut mieux, dans le commencement, se tenir au dessous de cette proportion que de se mettre au dessus. On doit avoir l'attention d'accélérer la vitesse des soufflets en même proportion à peu près qu'on aug- mente la quantité de mine, et l'on pourra porter cette ^/^$ MINÉRAUX. vitesse jusqu'à dix coups par minute, en leur suppo- sant trente pouces de coulée, et jusqu'à douze coups si la coulée n'est que de vingt-quatre ou vingt-cinq pouces. Le régime du feu dépend de la conduite du vent, et de tous deux dépendent la célérité du travail et la fusion plus ou moins parfaite de la mine : aussi dans un fourneau bien construit tout doit-il être en juste proportion ; la grandeur des soufflets, la largeur de l'orifice de leurs buses ^ doivent être réglées sur la capacité du fourneau : une trop petite quantité d'air feroit languir le feu, une trop grande le rendroit trop vif et dévorant ; la fusion de la mine ne se feroit, dans le premier cas, que très lentement et imparfaitement, et, dans le second, la mine n'auroit pas le temps de se liquéfier; elle brûleroit en partie, au lieu de se fondre en entier. On jugera du résultat de tous ces effets combinés par la qualité de la mat te ou fonte de fer que l'on ob- tiendra. On peut couler toutes les neuf à dix heures; mais on fera mieux de mettre deux ou trois heures de plus entre chaque coulée : la mine en fusion tombe comme une pluie de feu dans le creuset, où elle se tient en bain , et se purifie d'autant plus qu'elle y sé- journe plus de temps ; les scories vitrifiées des matiè- res étrangères dont elle étoit mêlée surnagent le mé- tal fondu , et le défendent en même temps de la trop vive action du feu, qui ne manqueroit pas d'en cal- ciner la surface. Mais comme la quantité de ces sco- ries est toujours très considérable, et que leur volume boursouflé s'éleveroit à trop de hauteur dans le creu- set , ou a soin de laisser couler et même de tirer cette rnatière superflue, qui n'est que du verre impur au- 1)L PER. 249 quel on a donné le nom de laitier j et qui ne contient aucune partie de métal lorsque la fusion de la mine se fait hien : on peut en juger par la nature même de ce laitier; car s'il est fort rouge, s'il coule difficile- ment , s'il est poisseux ou mêlé de mine mal fondue , il indiquera le mauvais travail du fourneau : il faut que ce laitier soit coulant et d'un rouge léger en sor- tant du fourneau; ce rouge que le feu lui donne s'é- vanouit au moment qu'il se refroidit, et il prend dif- férentes couleurs suivant les matières étrangères qui dominoient dans le mélange de la mine. On pourra donc toutes les douze heures obtenir une gueuse ou lingot d'environ deux milliers; et si la fonte est bien liquide et d'une belle couleur de feu, sans être trop élincelanle, on peut bien augurer de sa qualité : maison en jugera mieux on l'examinant après l'avoir couverte de poussière de charbon , et l'a- voir laissée refroidir au moule pendant six ou sept heures; si le lingot est très sonore , s'il se casse aisé- ment sous la mass.e, si la matière en est blanche et composée de lames brillantes et de gros grains à fa- cettes, on prononcera sans hésiter que cette fonte est de mauvaise ou du moins de très médiocre qualité, et' que, pour la convertir en bon fer, le travail ordinaire (!e raffinerie ne seroit pas suffisant. Il faudra doiîc tâ- cher de corriger d'avance cette mauvaise qualité de la fonte par le traitement au fourneau : pour cela, on diminuera d'un huitième ou même d'un sixième la quantité de mine que l'on impose à chaque charge sur la même quantité de charbon, ce qui seul suffira pour changer la qualité de la fonte ; car alors on ob- tiendra des lingots moins sonores, dont la matière. 25o MINÉRAUX. au lieu d*^etre blanche et à gros grains, sera grise et à petits grains serrés ; et si l'on compare la pesanteur spécifique de ces deux fontes, celle-ci pèsera» plus de cinq cents livres le pied cube , tandis que la première n'en pèsera guère que quatre cent soixante-dix ou quatre cent soixante-quinze; et cette fonte grise à grains serrés donnera de bon fer au travail ordinaire de Taffuierie , où elle demandera seulement un peu plus de temps et de feu pour se liquéfier. 11 en coûte donc plus au fourneau et plus à raffine- rie pour obtenir de bon fer que pour en faire de mau- vais, et j'estime qu'avec la même mine la différence peut aller à un quart en sus. Si la fabrication du mau- vais fer coûte cent francs par millier, celle du bon fer coûtera cent vingt-cinq livres; et malheureusement dans le commerce on ne paie guère que i o livres de plus le bon fer, et souvent même on le néglige pour n'a- cheter que le mauvais. Cette différence seroit encore plus grande si l'on ne regagnoit pas quelque chose dans la conversion de la bonne fonte en fer; il n'en faut qu'environ quatorze cents pesant, tandis qu'il faut au moins quinze et souvent seize cents d'une mauvaise fonte pour faire un millier de fer. Tout le monde pourroit donc faire de bonne fonte et fabri- quer de bon fer : mais l'impôt dont il est grevé force la plupart de nos maîtres de forges à négliger leur art, et à ne rechercher que ce qui peut diminuer la dépense et augmenter la quantité; ce qui ne peut se faire qu'en altérant la qualité. Quelques uns d'entre eux , pour épargner la mine , s'étoient avisés de faire broyer les crasses ou scories qui sortent du foyer de raffinerie, et rnii contipnnent une certaine quantité f DU FER. 20 1 de fer intimement melc avec des matières vitrifiées; par cette addition , ils trouvèrent d'abord im bénéfice coiisidéraljle en apparence : îe fourneau rendoit beau- coup plus de fonte ; mais elîe étoit si mauvaise, qu'elle perdoit à l'affinerie ce qu'elle avoit gagné au four- neau, et qu'après cette perte, qui compensoit le bé- néfice , ou plutôt le réduisoit à rien , il y avoit encore tout h perdre sur la qualité du fer, qui participoit de tous les vices de cette mauvaise fonte ; ce fer étoit si cendreux, si cassant, qu'il ne pouvoit être admis dans le commerce. Au reste , le produit en fer que peut donner la fonte dépend aussi beaucoup de la manière de la traiter au feu de l'affinerie. « J'ai vu , dit iM. de Grignon , dans des forges du bas Limousin, faire avec la même fonte deux sortes de fer : le premier, doux, d'excellente qualité et fort supérieur à celui du Berri ; on y em- ploie quatorze cents livres de fonte : le second est une combinaison de fer et d'acier pour les outils aratoires^ et l'on n'emploie que douze cents livres de fonte pour obtenir un millier de fer; mais on consomme un sixième de plus de charbon que pour le premier. Cette diû*é- rence ne provient que de la manière de poser la tuyère, et de préserver le fer du contact imuiédiat du vent. » Je pense qu'en eff'et, si l'on pouvoit, en aifinant la fonte, la tenir toujours hors de la ligne du vent, et environnée de manière qu'elle ne fut point exposée à l'action de l'air, il s'en brûleroit beaucoup moins, et qu'avec douze cents ou tout au plus treize cents livres de fonte on obtiendroit un millier de fer. La mine la plus pure, celle môme dont on a tiré les grains un à un, est souvent intimement mêlée de 'jS2 miné u aux. particules d'autres métaux ou de mi -me tau x , et par- ticulièrement de cuivre et de zinc. Ce premier métal, qui est fixe, reste dans la fonte, et le zinc, qui est volatil, se sublime ou se brCde. L^ fonte blanche, sonore, et cassante, que je ré- prouve pour la fabrique du bon fer, n'est guère plus propre à être moulée; elle se boursoufle au lieu de se condenser par la retraite , et se casse au moindre choc : mais la fonte blanchâtre et qui commence à tirer au i^ris, quoique très dure et encore assez aigre, est très propre à faire des colliers d'ar])res de roues, des en- clumes, et d'autres grosses masses qui doivent résister au frottement ou à la percussion. On en fait aussi des boulets et des bombes: elle se moule aisément et ne prend que peu de retraite dans le moule. On peut d'ailleurs se procurer à moindres frais cette espèce de fonte au moyen de simples fourneaux à réverbère ^, sans soufflets, et dans lesquels on emploie le charbon de terre plus ou moins épuré. Comme ce combustible 1. C'est la pratique commune en plusieurs provinces de la Grande- Bretagne, où Ton fond et coule de celle manière les plus belles fontes moulées , et des masses de plusieurs milliers en gros cylindres et au- tres formes. Nous pourrions de même faire usage de ces fourneauv dans les lieux où le charbon de terre est à portée. M. le marquis de Lucliet m'a écrit qu'il avoit fait essai de cette méthode daus les pro- vinces du comté de Nassau. « J'ai mis, dit-il, dans un fourneau con- struit selon la méthode angloise cinq quintaux de mine de fer. et au bout de huit heures la mine étoit fondue. » Je suis convaincu de la vérité de ce fait , que M. de Luchet opposoit à uu fait également vrai , et que j'ai rapporté , c'est que la mine de fer ne se fond point dans nos fourneaux de réverbère , même les plus puissants , tels que ceux de nos verreries et glaceries ; la différence vient de ce qu'on la chauffe avec du bois, dont la chaleur n'est pas, à beaucoup près, aussi forte que celle du charbon de t»'rre. DU FER. '2^5 dorme une chaleur beaucoup plus forte que celle du cliarbon de bois , la mine se fond et coule dans ces fourneaux aussi proraptemenl et en plus grande cjuan- tité que dans nos liants fourneaux, et on a l'avantage de pouvoir placer ces fourneaux partout, au lieu qu'on ne peut établir que sur des courants d'eau nos grands fourneaux à soufflets : mais cette fonte faite au char- bon de terre dans ces fourneaux de réverbère ne donne pas de bon fer, et les Anglois, tout industrieux €[u'ils sont, n'ont pu ju.squ'ici parvenir à fabriquer des fers de qualité même médiocre avec ces fontes, qui vraisemblablement ne s'épurent pas assez dans ces fourneaux; et cependant j'ai vu et éprouvé moi-même qu'il étoit possible, quoique assez difficile, de faire de bon fer avec de la fonte fondue au charbon de terre dans nos hauts fourneaux à soufflets, parce qu'elle s'y épTire davantage que dans ceux de réverbère. Cette fonte faite dans des fourneaux de réverbère peut utilement être employée aux ouvrages ujoulés : mais comme elle n'est pas assez épurée, on ne doit pas s'en servir pour les canons d'artillerie; il faut, au contraire, la fonte la plus pure, et j'ai dit ailleurs ^ qu'avec des précautions et une bonne conduite au fourneau on pouvoit épurer la fonte au point que les pièces de canon, au lieu de crever en éclats meur- triers, ne feroient que se fendre par l'effet d'une troj) forte charge, et dès lors résisteroient sans peine et sans altération à la force de la poudre aux charges oi'dinaires. Cet objet, étant de grande importance, mérite une 1. Voyf'7. U' dixièmo Mémoiio , lonu^ IV, pages 209 cl siiivanfes. 2 54 MINERAUX. attention particulière. Il faut d'abord bannir le pré- jugé où l'oQ étoit, qu'il n'est pas possible de tenir la fonte de fer en fusion pendant phis de quinze ou vingt heures, qu'en la gardant plus long-temps elle se brûle , qu'elle peut aussi faire explosion , qu'on ne peut don- ner au creuset du fourneau une assez grande capacité pour contenir dix ou douze milliers de fonte, que ces trop grandes dimensions du creuset et de la cuve du fourneau en altèreroient ou même en empêcheroient le travail, etc.; toutes ces idées, quoique très peu fondées, et pour la plupart fausses, ont été adoptées : on a cru qu'il falloit deux et même trois hauts four- neaux pour pouvoir couler une pièce de trente-six et même de vingt-quatre, afin de partager en deux ou môme en trois creusets la quantité de fonte néces- saire, et de ne la tenir en fusion que dix-huit ou vingt heures. Mais, indépendamment des mauvais effets de cette méthode dispendieuse et mal conçue , je puis assurer que. j'ai tenu pendant quarante-huit heures sept milliers de fonte en fusion dans mon fourneau', sans qu'il soit arrivé le moindre inconvénient, sans qu'elle ait bouillonné pi us qu'à l'ordinaire , sans qu'elle se soit brûlée , etc. ^ , et que j'ai vu clairement que si 1. Ayant fait part de mes observations à M. le vicomte de Moro- gues, et lui ayant deraancié le résultat des expériences faites à la fon- derie de Ruelle en Angoumois , voici l'extrait des réponses qu'il eut la bonté de me faire. « On a fondu à Ruelle des canons de vingt-quatre à un seul four- neau; le creuset devoit contenir sept mille cinq cents ou buit mille de matière : la fusion de la fonte ne peut pas être égale dans deux fourneaux différents, et c'est ce qui doit déterminer à ne couler qu'à un seul fourneau. » On emploie environ quarante huit heuriîs pour la fusion do sept DU FEK. 2*55 la capacité du creuset, qui s'étoit fort augmentée par un feu de six mois, eût été plus grande, j'aurois pu y mille cinq cents ou huit mille de matière pour un canon de vingt- quatre; et Ion emploie vingt-trois à vingt-quatre lienres pour la fusion de trois mille cinq cents pour un canon de huit : ainsi la fonte du gros canon ayant été le double du temps dans le creuset, il est évident qu'elle a du se purifier davantage. » 11 n'est pas à craindre que la fonte se brûle lorsqu'elle est une fois en bain dans le creuset. A la vérité , lorsqu'il y a trop de charbon, et par conséquent trop de feu et trop peu de mine dans le fourneau, elle se brûle en partie au lieu de fondre en entier; la fonte qui en ré- sulte est brune, poreuse, et bourrue, et n'a pas la consistance ni la dureté d'une bonrbe fonte : seulement il faut avoir attention que la fonte dans le bain soit toujours couverte d'une certaine quantité de laitier. Celte fonte bourrue dont nons venons de parler est douce et se forme aisément; mais, comme elle a peu de densité et par consé- quent de résistance, elle n'est pas bonne pour les canons. » La fonte grise à petits grains doit ctie jMéférée à la fonte trop brune qui est trop tendre, et à la fonte blanche à gros grains qui est trop dure et trop impure. » Il faut laisser le canon refroidir lentement dons son moule, pour éviter la sorte de trempe qui ne [îcul que donner de l'aigreur à la ma- tière du canon : bien des gens cioicnt néanmoins que celle surfact; extérieure, qui est la plus dure, donne beaucoup de force an canon. » Il n'y a pas long-temps que l'on tourne les pièces de canon, et qu'on les coule pleines pour les forer ensuite. L'avantage, en les cou- lant pleines, est d'éviter les chambres qui se forment dans tous les canons coulés à noyau. L'avantage de les tourner consiste en ce qu'elles seront parfaitement concentrées et d'une épaisseur égale dans toutes les parties correspondantes : le seul inconvénient du tour est que les pièces sont plus sujettes à la rouille que celles dont on n'a pas entamé la surface. » La plus grande difficulté est d'empêcher le canon de s'arquer dans le moule; or le tour remédie à ce défaut et a tous ceux qui provien- nent des petites imperfections du moule. » La première couche qui se durcit dans la fonte d'un canon est la plus extérieure ; l'humidité et la fraîcheur du moule lui donnent une trempe qui pénètre à une ligne ou une ligne et demie dans les pièces de gros calibre, et davantage dans ceux de petit calibre, parce que 256 MINÉRAUX. amasser encore autant de milliers de matière en fusion, qui n'aiiroit rien soufl'ert en la laissant tonjours sur- montée du laitier nécessaire pour la défendre de la trop grande action du feu et du contact de l'air : cette fonte, au contraire, tenue pendant quarante- liiiit heures dans le creuset, n'en étoit que meilleure et plus épurée ; elle pesoit cinq cent douze livres le pied cube, tandis que les fontes grises ordinaires qu'on travailloit alors à mes forges ne pesoient que quatre cent quatre-vingt-quinze livres, et que les fontes blanches ne pesoient que quatre cent soixante-douze livres le pied cube ^. Il peut donc y avoir une diffé- leur surface esl proportionnellement plus grande relativen)enl à leur masse : or celle envelopj)e trempée est plus cassante; quoique plus dure que le reste de la matière, elle ne lui esl pas aussi bien intime- ment unie , et semble ("aire un cercle concentricjue assez dislinct du reele de la pièce; elle ne doit donc pas augmenter la résistance de la pièce. Mais si Ton craint encore de diminuer la résistance du canon en enlevant Fécorce par le tour, il n'y aura qu'à conq^enser cette di- minution en donnant deux ou trois lignes de plus d'épaisseur au canon. » On a observé que la matière est meilleure dans la culasse des pièces que dans les volées, et cette matière de la culasse est celle qui a coulé la première et qui est sortie du fond du creuset , et qui , par consé- quent, a été tenue le plus long-temps en fusion ; au contraire, la mas- selotie du canon , qui est la matière qui coule la dernière , est dune mauvaise qualité, et remplie de scories. » On doit observer que si l'on veut fondre du canon de vingt-quatre à un seul fourneau , il seroit mieux de commencer par ne donner au creuset que les dimensions nécessaires pour couler du dix -huit, et laisser agrandir le creuset par l'aclion du feu avant de couler du vingt- quatre; et par la même raison on fera l'ouvrage pour couler du vingt- quatre, qu'on laissera ensuite agrandir pour couler du trente-six. 1. J'ai fait ces épreuves à une très bonne et grande balance hydrosta- tique sur des morceaux cubiques de fonte de quatre pouces , c'est-à- dire de soixante-quatre pouces cubes, tous également tirés i\u milieu des gueuses, et ensuite ajustés par la mine à ces dimensions. M. Bris- DU FEU. 267 rence de plus de trente-cinq livres par pied cube , c'est-à-dire d'un douzième environ, sur la pesanteur spécifique de la fonte de fer; et comme sa résistance est tout au moins proportionnelle à sa densité, il s'en- suit que les pièces de canon de cette fonte dense ré- sisteront à la charge de douze Jivres de poudre, tan- dis que celles de fonte blanche et légère éclateront par î'elfort d'une charge de dix à onze livres. Il en est de môme de la pureté de la fonte : elle est, comme sa résistance, plus que proporlionnelle à sa densité ; car, ayant comparé le produit en fer de ces fontes, j'ai vu qu'il failoit quinze cent cinquante des premiè- res, et seulement treize cent vingt de la fonte épurée qui pesoit cinq cent douze livres le pied cube, pour faire un millier de fer. Quelque grande que soit cette différence, je suis persuadé qu'elle pourroit l'être encore plus, et qu'a- vec un fourneau construit exprès pour couler du gros canon, dans lequel on ne verseroit que la mine bien préparée, et à laquelle on donneroit en effet qua- rante-huit heures de séjour dans le creuset avec un feu toujours égal, on obtiendroit de la fonte encore plus dense, plus résistante, et qu'on pourroit parve- nir au point de la rendre assez métallique pour que les pièces, au lieu de crever en éclats, ne fissent que se fendre, comme les canons de bronze , par une trop forte charge. Car la fonte n'est dans le vrai qu'une malte de fer soa , dans sa table dos pesanteurs spécifiques, donne cinq cent ((iialic livres sept cînces six gros de poids à un pied cube de fonte, cjikj cent quarante-cinq livres deux onces quatre gros au fer forgé , et cinq cent qnaranlo-sept livres quatre onces à l'acier. ^58 MINÉRAUX. plus OU moins mélangée de matières vitreuses : il ne s'agiroit donc que de purger cette matte de toutes les parties hétérogènes, et l'on auroit du fer pur; mais comme cette séparation des parties hétérogènes ne peut se faire complètement par le feu du fourneau , et qu'elle exige de plus le travail de l'homme et la percussion du marteau, tout ce que l'on peut obtenir parle réginae du feu le mieux conduit, le plus long- teuips soutenu, est une fonte en régule encore plus épurée que celle dont je viens de parler. Il faut pour cela briser en morceaux cette première fonte, et la faire refondre. Le produit de cette seconde fusion sera du régule, qui est une matière mitoyenne entre la fonte et !e fer. Ce régule approche de l'état de métal- lisation : il est un peu ductile, ou du moins il n'est ni cassant, ni aigre, ni poreux, comme la fonte ordi- naire; il est au contraire très dense, très compacte , très résistant , et par conséquent très propre à faire de bons canons. C'est aussi le parti que l'on vient de prendre pour les canons de notre marine. On casse en morceaux les vieux canons ou les gueuses de fonte, on les refond dans des fourneaux d'aspiration à réverbère : la fonte s'épure et se convertit en régule par cette seconde fu- sion. On a confié la direction de ce travail à M. Wil- kinson, habile arliste anglois, qui a très bien réussi. Quelques autres artistes françois ont suivi la môme méthode avec succès , et je suis persuadé qu'on aura dorénavant d'excellents canons, pourvu qu'on ne s'obs- tine pas à les tourner; car je ne puis être de l'avis de M. le vicomte de Morogues ^, dont néanmoins je res- 1 . Vovc/. la iiolo précc'deule. DU FER. 269 pecte les lumières, et je pense qu'en enlevant par le tour l'écorce du canon, on lui ôte sa cuirasse, c'est- à-dire la partie la plus dure et la plus résistante de toute sa niasse ^. Cette fonte refondue, ou ce régule de fer, pèse 1. Voici ce que ma écrit à ce sujet M. de La Bclouze , couseiller au parlement de Paris, qui a fait des expériences et des travaux très utiles daus ses forges du JNivernois : « Vous regardez, monsieur, comme fait certain , que la fonte la plus dense est la meilleure pour faire des ca- nons ; j'ai hésité long-temps sur cette vérité, et j'avois pensé d'al)ord que la fonte première, comme étant plus légère, et conséqucmment plus élastique, cédant plus facilement h l'impulsion de la poudre, de- vroit être moins sujette à casser que la fonte seconde, c'est-à-dire la fonte refondue qui est beaucoup plus pesante. » Je n'ai décidé le sieur Frérot à les (aire de fonte refondue, que parce c[u"en Angleterre on ne les fait que de cette façon ; cependant en France on ne les fond que de fonte première La fonte refondue est beaucoup plus pesante ; car elle pèse cinq cent vingt à cinq cent trente livres, au lieu que l'autre ne pèse que cinq cents livres le pied cube » Vous avez grande raison , monsieur, de dire qu'il ne faut j;as tour- ner les canons La partie extérieure des canons, c'est-à-dire l'en- veloppe, est toujours la plus dure, et ne se fond jamais au fourneau de réverbère; et sans le ringard on retireroit presque les pièces figurées comme elles étoient lorsqu'on les a mises au fourneau. Cette enveloppe se convertit presque toute en fer à l'affinerie ; car avec onze cjents ou onze cent cinqunnte livres de fonte on fait un millier de très bon fer... tandis qu'il faut (piatorze cents ou quinze cents livres de notre fonte pi'emière pour avoir un millier de fer » Vous désireriez, monsieur, qu'on pût couler les canons avec la fonte d'un seul fourneau; mais le poids en est trop considérable, et je ne crois pas que le sieur VViikinson les coule à Indret avec le jet d'un seul fourneau, surtout pour les canons de vingt-quatre. Le sieur Frérot ne coule que des canons de dix huit avec le jet de deux four- neaux de pareille grjmdeur et dans la même exposition ; il coule avec un seul fourneau les canons de douze : mais il a toujours uu fourneau près de la fonte, duquel il |)eut se servir pour achever le canon , et le surplus de la fonte du second fourneau s'emploie à couler de petits 260 MINÉRAUX. plus de cinq cent trente livres Je pied cube ; et comme le fer forgé pèse cinq cent quarante-cinq ou cinq cent quarante-six livres, et que la meilleure fonte ne pèse que cinq cent douze, on voit que le régule est dans l'état intermédiaire et moyen entre la fonte et le fer. On peut donc être assuré que les canons faits avec ce régule non seulement résisteront à l'effort des charges ordinaires, mais qu'ayant en même temps un peu de ductilité , ils se fendront au lieu d'éclater à de trop fortes charges. On doit préférer ces nouveaux fourneaux d'aspira- tion à nos fourneaux ordinaires, parce qu'il ne seroit pas possible de refondre la fonte en gros morceaux dans ces derniers, et qu'il y a un grand avantage à se servir des premiers, que l'on peut placer où l'on veut, et sur des plans élevés, où l'on a la facilité de creusei- des fosses profondes pour établir le moule du canon sans craindre l'humidité ; d'ailleurs il est plus court et plus facile de réduire la fonte en régule par une se- conde fusion que par un très long séjour dans le creu- set des hauts fourneaux : ainsi l'on a très bien fait d'adopter cette méthode pour fondre les pièces d'ar- tillerie de notre marine ^. La fonte épurée autant qu'elle peut l'être dans un creuset, ou refondue une seconde fois, devient donc un régule qui fait la nuance ou l'état mitoyen entre la canons; on ne fait pour cela que détourner le jet lorsque le plus gros canon est coulé. » 1. La fonderie royale que le ministre de la marine vient de faire établir près de Nantes eu Bretagne démontre la supériorité de cette méthode sur toutes celles qui étoienl eu usage auparavant, et qui cloicnt sujett( 6 aux inconvénients dont nous venons de faire mention. DU FER. 261 fonte et le fer : ce régule, dans sa première fusion, coule à peu près comme la fonte ordinaire; mais lors- qu'il est une fois refroidi, il devient presque aussi in- fusible que le fer. Le feu des volcans a quelquefois formé de ces régules de fer, et c'est ce que les miné- ralogistes ont appelé mal à propos fer natif; car, comme nous l'avons dit, le fer de nature est toujours mêlé de matières vitreuses, et n'existe que dans les roches ferrugineuses produites par le feu primitif. La fonte de fer tenue très long-temps dans le creu- set, sans être agitée et remuée de temps en temps, forme quelquefois des boursouflures ou cavités dans son intérieur, où la matière se cristallise^. M. de Gri- gQOn est le premier qui ait observé ces cristallisations du régule de fer, et l'on a reconnu depuis que tous 1. J'ai fait un essai sur la cristallisation de la Tonte de fer, que je crois devoir rapporter ici. Cet essai a été fait, dans un très grand creuset de molybdène, sur une masse d'environ deux cent cinquante livres de fotite : on avoit pratiqué vers le bas de ce creuset un trou de huit à neuf lignes de diamètre, que l'on avoit ensuite bouché avec de la terre de coupelle : ce creuset fut placé sur une grille et entouré au bas de charbons ardents , tandis que la partie supérieure étoit défen- due de la chaleur par une table circulaire de briques ; on remplit en- suite le creuset de fonte liquide; et quand la surface supérieure de cette fonte, qui étoit exposée à l'air, eut pris de la consistance, on ouvrit promptement le bas du creuset : il coula d'un seul jet plus de moitié de la fonte encore rouge, et qui laissa une grande cavité dans l'intérieur de toute la masse. Celte cavité se trouva hérissée de très petits cristaux dans lesquels on distinguoit, à la loupe, des faces dis- posées en octaèdies; mais la plupart étoient comme des trémies creu- ses, puisqu'avec une barbe de plume elles se détachoient et tomboient en petits feuillets comme les mines de fer micacées; ce qui néanmoins est éloigné des belles cristallisations de M. de Grignou , et annonce que, dans cette opération , le refroidissement fut encore trop prompt ; car, il est bon de le répéter, ce n'est que par un refroidissement très lent que la fonte en fusion peut prendre une forme cristallisée. BUFFON. vu. ly 26s MINÉRAUX. les métaux et les régules des demi-métaux se cristal- lisoient de même à un feu bien dirigé et assez long- temps soutenu , en sorte qu'on ne peut plus douter que la cristallisation , prise généralement, ne puisse s'opérer par l'élément du feu comme par celui de l'eau. Le fer est, de tous les métaux, celui dont l'état va- rie le plus ; tous les fluides , à l'exception du mercure , l'attaquent et le rongent; l'air sec produit à sa sur- face une rouille légère, qui, en se durcissant, fait l'effet d'un vernis impénétrable et assez ressemblant au vernis des bronzes antiques; l'air humide forme une rouille plus forte et plus profonde, de couleur d'ocre; l'eau produit avec le temps, sur le fer qu'on - y laisse plongé, une rouille noire et légère. Toutes les substances salines font de grandes impressions sur ce métal, et le convertissent en rouille : le soufre fait fondre en un instant le fer rouge de feu , et le change en pyrite. Enfin l'action du feu détruit le fer, ou du moins l'altère, dès qu'il a pris sa parfaite métallisa- tion : un feu très véhément le vitrifie; un feu moins violent, mais long-temps continué, le réduit en col- cotar pulvérulent; et lorsque le feu est à un moindre degré, il ne laisse pas d'attaquer à la longue la sub- stance du fer, et en réduit la surface en lames minces et en écailles. La fonte de fer est également susceptible de destruction par les mêmes éléments; cependant l'eau n'a pas autant d'action sur la fonte que sur le fer , et les plus mauvaises fontes, c'est-à-dire celles qui contiennent le plus de parties vitreuses, sont celles sur lesquelles l'air humide et l'eau font le moins d'im- pression. DU FER. 265 Après avoir exposé les différentes qualités de la fonte de fer, et les différentes altérations que la seule action du feu peut lui faire subir jusqu'à sa destruc- tion , il faut reprendre celte fonte au poiat où notre art la convertit en une nouvelle matière que la nature ne nous offre nulle part sous cette forme, c'est-à-dire en fer et en acier, qui, de toutes les substances mé- talliques, sont les plus difficiles à traiter, et doivent pour ainsi dire toutes leurs qualités à la main et au tra- vail de l'homme : mais ce sont aussi les matières qui, comme par dédommagement, lui sont plus utiles et plus nécessaires que tous les autres métaux, dont les plus précieux n'ont de valeur que par nos conven- tions, puisque les hommes qui ignorent cette valeur de convention donnent volontiers un morceau d'or pour un clou. En effet , si l'on estime les matières par leur utilité physique, le sauvage a raison; et si nous les estimons parle travail qu'elles coûtent, nous trouve- rons encore qu'il n'a pas moins raison. Que de diffi- cultés à vaincre! que de problèmes à résoudre ! com- bien d'arts accumulés les uns sur les autres ne laut-il pas pour faire ce clou ou cette épingle dont nous fai- sons si peu de cas! D'abord, de toutes les substances métalliques, la mine de fer est la plus difficile à fon- dre ^ : il s'est passé bien des siècles avant qu'on en 1. il y a quelques mines de cuivre pyriteuses qui sont encore plus longues à traiter que la mine de fer; il faut neuf ou dix grillages pré- paratoires à CCS mines de cuivre pyriteuses, avant de les réduire eu mattes, et faire subira cette matte l'action successive de trois, quatre, et cinq feux avant d'obtenir du cuivre noir; enfin il faut encore fondre et purifier ce cuivre noir, avant qu'il devienne cuivre rouge, et Ici qu'on puisse le verser dans le commerce : ainsi certaines mines de cuivre exigent encore plus de travail (|ue les mines de fer pour être ré- 264 MINÉRAUX. ait trouvé les moyens. On sait que les Péruviens et les Mexicains n'avoient en ouvrages travaillés que de l'or, de l'argent, du cuivre , et point de fer; on sait que les armes des anciens peuples de l'Asie n'étoient que de cuivre, et tous les auteurs s'accordent à donner l'im- portante découverte de la fusion de la mine de fer aux habitants de l'île de Crète, qui , les premiers, parvin- rent aussi à forger le fer dans les cavernes du mont Ida, quatorze cents ans environ avant l'ère chrétienne. Il faut en effet un feu violent et en grand volume pour fondre la mine de fer et la faire couler en Hngots, et il faut un second feu tout aussi violent pour ramollir cette fonte; il faut en même temps la travailler avec des ringards de fer avant de la porter sous le marteau pour la forger et en faire du fer; en sorte qu'on n'ima- gine pas trop comment ces Cretois, premiers inven- teurs du fer forgé, ont pu travailler leurs fontes, puis- qu'ils n'avoient pas encore d'outils de fer. Il est à croire qu'après avoir ramolli les fontes au feu , ils les ont de suite portées sous le marteau , où elles n'auront d'abord donné qu'un fer très impur, dont ils auront fabriqué leurs premiers instruments ou ringards, et qu'ayant ensuite travaillé la fonte avec ces instruments, ils seront parvenus peu à peu au point de fabriquer du vrai fer : je dis peu à peu; car, lorsque après ces difficultés vaincues on a forgé cette barre de fer, ne faut-il pas ensuite la ramollir encore au feu pour la couper sons des tranchants d'acier et la séparer en petites verges? ce qui suppose d'autres machines, d'autres fourneaux; puis enhn un art particulier pour duilcs en métal ; mais ensuite le cuivre s^jP jirête bien plus aisément que le fer à toutes les formes qu'on veut lui clouner. •DU FER. 205 réduire ces verges 'en clous, et un plus grand art si l'on veut en faire des épingles. Que de temps, que de travaux successifs ce petit exposé ne nous offre-t-il pas! Le cuivre, qui, de tous les métaux après le fer , est le plus difficile à traiter, n'exige pas à beaucoup près autant de travaux et de machines combinées : comme plus ductile et plus souple, il se prête à toutes les formes qu'on veut lui donner; mais on sera tou- jours étonné que dune terre métallique, dont on ne peut faire avec le feu le plus violent qu'une fonte ai- gre et cassante, on soit parvenu , à force d'autres feux et de machines appropriées, à tirer et réduire en fils déliés cette matière revèche, qui ne devient métal et ne prend de la ductilité que sous les eO'orts de nos mains. Parcourons, sans trop nous arrêter, la suite des opé- rations qu'exigent ces travaux. Nous avons indiqué ceux de la fusion des mines : on coule la fonte en gros lingots ou gueuses dans un sillon de quinze à vingt pieds de longueur sur sept à huit pouces de profon- deur, et ordinairement on les laisse se coaguler et se refroidir dans cette espèce de moule, qu'on a soin d'hu- mecter auparavant avec de l'eau ; les surfaces inférieu- res du lingot prennent une trempe par cette humidité, et sa surface supérieure se trempe aussi par l'impres- sion de l'air. La matière en fusion demeure donc en- core liquide dans l'intérieur du lingot, tandis que ses faces extérieures ont déjà pris de la solidité par le refroidissement : l'effort de cette chaleur, beaucoup plus forte en dedans et au centre qu'à la circonférence du lingot, le force à se courber, surtout s'il est de fonte blanche ; et cette courbure se fait dans le sens où il y '2Q6 - MINÉRAUX, a le moins de résistance, c'est-à-dire en haut, parce que la résistimce est moindre qu'en bas et vers les cô- tés. On peut voir dans mes mémoires^ combien de temps la matière reste liquide à l'intérieur après que les surfaces se sont consolidées. D'ordinaire on laisse la gueuse ou lingot se refroidir au moule pendant six ou sept heures, après quoi on l'enlève, et on est obligé de le faire peser pour payer un droit très onéreux d'environ six livres quinze sous par millier de fonte ; ce qui fait plus de dix livres par chaque millier de fer : c'est le double du salaire de l'ouvrier, auquel on ne donne que cinq livres pour la façon d'un millier de fer ; et d'ailleurs ce droit que l'on perçoit sur les fontes cause encore une perte réelle et une grande gêne par la nécessité où l'on est de laisser refroidir le lingot pour le peser, ce que l'on ne peut faire tant qu'il est rouge de feu; au lieu qu'en le ti- rant du moule au moment qu'il est consolidé, en le mettant sur des rouleaux de pierre pour entrer en- core rouge au Feu de l'affinerie , on épargneroit tout le charbon que l'on consomme pour le réchauffer à ce point lorsqu'il est refroidi. Or un impôt qui non seu- lement grève une propriété d'industrie qui devroitêtre libre, telle que celle d'un fourneau, mais qui gêne encore le progrès de l'art, et force en môme temps à consommer plus de matière combustible qu'il ne se- roit nécessaire; cet impôt, dis-je , a-t-il été bien assis, et doit-il subsister sous une administration éclairée? Après avoir tiré du moule le lingot refroidi , on le fait entrer, par une de ses extrémités, dans le feu de l'affmerie , où il se ramollit peu à peu, et tombe en- j. Voyez le neuvième Mémoire, tom. IV. pag. î68. DU FER. 267 suite par morceaux, que le forgeron rénuit et pétrit avec des ringards, pour en faire une Joupe de soixante à quatre-vingts livres de poids : dans ce travail la ma- tière s'épure et laisse couler des scories par le fond du foyer. Enfin, lorsqu'elle est assez pétrie, assez maniée, et chauffée jusqu'au blanc , on la tire du feu de raffinerie avec de grandes tenailles , et on la jette sur le sol pour la frapper de quelques coups de masse , et en séparer, par cette première percussion, les sco- ries qui souvent s'attachent à sa surface, et en même temps pour en rapprocher toutes les parties inférieu- res, et les préparer à recevoir la percussion plus forte du gros marteau , sans se détacher ni se séparer; après quoi on porte avec les mêmes tenailles cette loupe sous un marteau de sept à huit cents livres pesant, et qui peut fraj3per jusqu'à cent dix et cent vingt coups par minute, mais dont on ménage le mouve- ment pour cette première fois, où il ne faut que com- primer la masse de la loupe par des coups assez lents : car, dès qu'elle a perdu son feu vif et blanc, on la reporte au foyer de l'adinerie pour lui donner une se- conde chaude ; elle s'y épure encore, et laisse couler de nouveau quelques scories; et lorsqu'elle est une seconde fois chauffée à blanc, on la porte de même du foyer sur l'enclume, et on donne au marteau un mouvement de plus en plus accéléré, pour étendre cette pièce de fer en une barre ou bande, qu'on ne peut achever que par une troisième, quatrième , et quelquefois une cinquième chaude. Cette percussion du marteau purifie la fonte en faisant sortir au dehors les matières étrangères dont elle étoit encore mêlée, et elle rapproche en même temps, par une forie com- ^68 MINÉRAUX. pression, toutes les parties du métal, qui, quand il est pur et bien traité, se présente en fibres nerveuses toutes dirigées dans le sens de la longueur de la barre , mais qui n'offre au contraire que de gros grains ou des lames à facettes , lorsqu'il n'a pas été assez épuré , soit au fourneau de fusion , soit au foyer de l'affine- rie; et c'est par ces caractères très, simples que l'on peut toujours distinguer les bons fers des mauvais en les faisant-casser; ceux-ci se brisent au premier coup de masse, tandis qu'il en faut plus de cent pour cas- ser une pareille bande de fer nerveux, et que souvent même il faut l'entamer avec un ciseau d'acier pour la rompre. Le fer une fois forgé devient d'autant plus difficile à refondre qu'il est plus pur et en plus gros volume ; car on peut aisément faire fondre les vieilles ferrailles réduites en plaques nainces ou en petits morceaux. Il en est de même de la limaille ou des écailles de fer ; on peut en faire d'excellent fer, soit pour le tirer en fil d'archal , soit pour en faire des canons de fusil , ainsi qu'on le pratique depuis long- temps en Es- pagne. Comme c'est nn des emplois du fer qui de- mande le plus de précaution, et que l'on n'est pas d'accord sur la qualité des fers qu'il faut préférer pour faire de bons canons de fusil , j'ai tâché de prendre sur cela des connoissances exactes, et j'ai prié M. de Montbeillard, lieutenant-colonel d'artillerie, et ins- pecteur des armes à Charleville et Maubeuge, de me communiquer ce que sa longue expérience lui avoit appris à ce sujet. On verra dans la note ci-dessous^ 1. Le fer qui passe pour le plus exccUeul, c'est-à-dire d'une belle couleur blanche tirant sur le gris , entièrement composé de nerfs ou DU FER. 269 que les canons de fusil ne doivent pas être faits, comme on pourroit l'imaginer, avec du fer qui auroit de couches horizontales, sans mélange de grains, est de tous les fers celui qui convient le moins : observons d'abord qu'on chauffe la barre h blanc pour en faire la macquetle, qui est chauffée à son tour pour faire la lame à canon; cette lame est ensuite roulée dans sa longueur, et chauffée blanche à chaque pouce et demi deux ou trois fois, et sou- vent plus, pour souder le canon : que peut-il résulter de toutes ces chaudes ainsi multipliées sur chaque point, et qui sont indispensa- bles? Nous avons supposé le fer parfait et tout de nerf; s'il est parfait, il n'a plus rien à gagner, et l'action d'un feu aussi violent ne peut que lui faire perdre de sa qualité, qu'il ne reprend jamais en entier, mal- gré le recuit qu'on lui donne. Je conçois donc que le feu , dirigé par le vent des soufflets, coupe les nerfs en travers, qui deviennent des grains d'une espèce d'autant plus mauvaise que le fer a été chauffé blanc plus souvent, et par conséquent plus desséché : j'ai fait quel- ques expériences qui confirment bien cette opinion. Ayant fait tirer plusieurs lames à canon du carré provenu de la loupe à l'affinerie, et les ayant cassées à froid, je les trouvai toutes de nerf et de la plus belle couleur : je fis faire un morceau de barre à la suite du même lopin , duquel je fis faire des lames à canon qui, cassées à froid , se trouvèrent mi-parties de nerfs et de grains; ayant fait tirer une barre du reste du carré , je la pliai à un bout et la corroyai ; et en ayant fait faire des macquettes et ensuite des lames, elles ne présentèrent plus que des grains à leur fracture et d'une qualité médiocre Étant aux forges de Mouzon , je fis faire une macquette et une lame au bout d'une barre de fer, presque toute d'un bon grain avec très peu de nerf : l'extrémité de la lame cassée à froid a paru mêlée de beau- coup de nerf, et le canon qui en a été fabriqué a plié comme de la baleine ; on ne l'a cassé qu'à l'aide du ciselet et avec la plus grande difficulté : la fracture étoit toute de nerf. Ayant vu un canon qui cassa comme du verre en le frappant sur une enclume, et qui montroit en tolalité de très gros et vilains grains sans aucune partie de nerf, on m'a présenté la barre avec laquelle la macquette et la lame qui avoient produit ce canon avoient été faites, laquelle étoit entièrement de très beau nerf; on a tiré une macquette au bout de cette barre sans la plier et corroyer, laquelle s'est trouvée de nerf avec un peu de grain ; ayant plié et corroyé le reste de celte havre dout on fit une macquette , elle a montré moins de nerf et plus 270 MINEKAUX. acquis toute sa perfection , mais seulement avec du fer qui puisse encore en acquérir par le feu qu'il doit subir pour prendre la forme d'un canon de fusil. Mais revenons au fer qui vient d'être forgé , et qu'on veut préparer pour d'autres usages encore plus com- muns : si on le destine à être fendu dans sa longueur pour en faire des doux et autres menus ouvrages, il faut que les bandes n'aient que de cinq à huit lignes de grains que celle qui n'avoit pas été corroyée. Suivons cette opé- ration : la barre étoit toute de nerf; la macquetle tirée au bout sans la doubler avoit déjà un peu de grains; celle tkée de la même barre pliée et corroyée avoit encore plus de grains, et enfin un canon pro- venant de cette barre pliée et corroyée étoit tout de grains larges et brillants comme le mauvais fer, et elle a cassé comme du verre. INéan- moins je ne prétends pas conclure de ce que je viens d'avancer, qu'on doit préférer pour la fabrication des canons de fusil le fer aigre et cas- sant; je suis bien loin de le penser : mais je crois pouvoir assurer, d'après un usage journalier et constant, que le fer le plus propre à cette fabrication est celui qui présente, en le cassant à froid , le tiers ou la moitié de nerf, et les deux autres tiers ou la moitié de grains d'une bonne espèce, petits, sans ressembler à ceux de Tacier, et blancs en tirant sur le gris ; la partie nerveuse se détruit ou s'altère aux différents feux successifs que le fer essuie sur chaque point, et la partie de grain devient nerveuse en s'étendant sous le marteau , et remplace l'autre. Les axes du fer qui supportent nos meules de grès, pesant sept à huit milliers, étant faits de différentes mises rapportées et soudées les unes d'après les autres , on a grand soin de mélanger, pour les fabri- quer, des fers de grains et de nerf : si on n'employoit que celui de nerf, il n'y a point d'axe qui ne cassât. Le canon de fusil qui résulte du fer ainsi mi-partie de grains et de nerf est exceilent, et résistera à de très vives épreuves Si on a des ouvrages à faire avec du fer préparé en échantillon , de manière que quelques chaudes douces suffisent pour fabriquer la pièce , le fer de nerf doit être préféré à tous les autres, parce qu'on ne risque pas de l'altérer par des chaudes vives et répétées qui sont nécessaires pour souder. {Note communiquée par M. de Monibeillard, Ueuienant-coionel d'artillerie, ) DU FER. 271 d'épaisseur sur vingt-cinq à trente de largeur; on met ces bandes de fer dans un fourneau de réverbère qu'on chauffe au feu de bois; et lorsqu'elles ont acquis un rouge vif de feu, on les tire du fourneau et on les fait passer, les unes après les autres, sous les espatards ou cylindres pour les aplatir, et ensuite sous des tail- lants d'acier, pour les fendre en longues verges car- rées de trois, cinq, et six lignes de grosseur. Il se fait une prodigieuse consommation de ce fer en verge, et il y a plusieurs forges en France où l'on en fait an- nuellement quelques centaines de milliers. On pré- fère pour le feu de ce fourneau ou four de fenderie les bois blancs et mous aux bois de chêne et autres bois durs, parce que la flamme en est plus douce, et que le bois de chêne contient de l'acide qui ne laisse pas d'altérer un peu la quahté du fer: c'est par cette raison qu'on doit, autant qu'on le peut, n'employer le charbon de chêne qu'au fourneau de fusion, et gar- der les charbons de bois blanc pour les aiïïneries et pour les fours de fenderie et de batterie ; car la cuis- son du bois de chêne en charbon ne lui enlève pas l'acide dont il est chargé; et en général le feu du bois radoucit l'aigreur du fer, et lui donne plus de souplesse et un peu plus de ductilité qu'il n'en avoit au sortir de l'alFinerie dont le feu n'est entretenu que par du char- bon. L'on peut faire passer à la fenderie des fers de toute qualité : ceux qui sont les plus aigres servent à faire de petits clous à latte qui ne plient pas, et qui doivent être plutôt cassants que souples; les verges de fer doux sont pour les clous des maréchaux, et peuvent être passées par la iilière pour faire du gros fd de fer, des anses de chaudière, etc. 572 mî?;erat]x. Si l'on destine les bandes de fer forgé à faire de la tôle, on les fait de même passer au feu de la fende- rie; et au lieu de les fendre sur leur longueur on les coupe en travers dès qu'elles sont ramollies par le feu; ensuite on porte ces morceaux coupés sous le martinet pour les élargir; après quoi on les met dans le fourneau de la batterie , qui est aussi de réverbère, mais qui est plus large et moins long que celui de la fenderie, et que l'on chauffe de môme avec du bois blanc; on y laisse cbauffEUiU;x. mauvaise qualité du fer par l'effet de la cémentation; (3n sait que le fer le plus pur est aussi le plus dense, et que le bon acier l'est encore plus que le meilleur fer : ainsi l'acier doit être regardé comme du fer en- core plus pur que le meilleur fer; l'un et l'autre ne sont que le même métal dans deux états différents, et l'acier est pour ainsi dire un fer plus métallique que le simple fer : il est certainement plus pesant, plus magnétique , d'une couleur plus foncée , d'un grain beaucoup plus fin et plus serré, et il devient à la trempe bien plus dur que le fer trempé ; il prend aussi le poli le plus vif et le plus beau : cependant, malgré toutes ces différences, on peut ramener l'acier à son premier état de fer par des céments dont on s'est servi pour le convertir en acier, c'est-à-dire en se servant de matières absorbantes, telles que les sub- stances calcaires, au lieu de matières inflammables, telles que la poudre de charbon dont on s'est servi pour le cémenter. Mais dans cette conversion du fer en acier, quels sont les éléments qui causent ce changement, et quel- les sont les substances qui peuvent le subir? Indépen- damment des matières vitreuses, qui sans doute res- tent dans le fer en petite quantité, ne contient-il pas aussi des particules de zinc et d'autres matières hété- rogènes? Le feu doit détruire ces molécules de zinc, ainsi que celles des matières vitieuses , pendant la cémentation, et par conséquent elle doit achever de purifier le fer. Mais il y a quelque chose de plus; car, si le fer, dans cette opération qui change sa qualité, ne faisoit que perdre sans rien acquérir, s'il se déli- vroit en effet de toutes ses impuretés sans remplace- ment , sans acquisition d'autre matière, il deviendroit nécessairement plus léger : or je me suis assuré que ces bandes de fer, devenues acier par la cémentation , loin d'être plus légères, sont spécifiquement plus pe- santes, et que par conséquent elles acquièrent plus de matière qu'elles n'en perdent; dès lors quelle peut donc être cette matière , si ce n'est la substance même du feu*qui se fixe dans l'intérieur du fer, et qui contribue encore plus que la bonne qualité ou la pureté du fer à l'essence de l'acier? La trempe produit dans le fer et l'acier des cban- o^ements qui n'ont pas encore été assez observés: et quoiqu'on puisse ôter à tous deux l'impression de la trempe en les recuisant au feu, et les rendre à peu près tels qu'ils étoient avant d'avoir été trempés, il est pourtant vrai qu'en les trempant et les chauffant plu- sieurs fois de suite, on altère leur qualité. La trempe à Teau froide rend le fer cassant; l'action du froid pé- nètre à l'intérieur, rompt et hache le nerf, et le con- vertit en grains. J'ai vu dans mes forges que les ouvriers 5 accoutumés à tremper dans l'eau la partie de la barre qu'il viennent de forger, afin de la refroi- dir plus promptement, ayant, dans un temps de forte ojelée, suivi leur habitude et trempé toutes leurs bar- res dans l'eau presque glacée, elles se trouvèrent cassantes au point d'être rebutées des marchands : la moitié de la barre qui n'avoit point été trempée étoit de bon fer nerveux, tandis que l'autre moitié, qui avoit été trempée à la glace, n'avoit plus de nerf et ne présentoit qu'un mauvais grain. Cette expérience est très certaine , et ne fut que trop répétée chez moi ; car il y eut plus de deux cents barres do^l la seconde 2 88 MliXÉRAlX. moitié éloit la seule bonne, et Ton fut obligé de cas- ser toutes ces barres par le milieu , et de reforger toutes les parties qui avoient été trempées, afin de leur rendre le nerf qu'elles avoient perdu. A l'égard des effets de la trempe sur l'acier, per- sonne ne les a mieux observés que M. Perret; et voici les faits, ou plutôt les effets essentiels que cet habile artiste a reconnus. «La trempe change la forme des pièces minces d'acier; elle les voile et les courbe en différents sens; elle y produit des cassures et des ger- çures : ces derniers effets sont très communs, et néan- moins très préjudiciables. Ces défauts proviennent de ce que l'acier n'est pas forgé avec assez de régularité; ce qui fait que, passant rapidement du chaud au froid , toutes les parties ne reçoivent pas avec égalité l'im- pression du froid. Il en est de même si l'acier n'est pas bien pur, ou contient quelques corps étrangers; ils produiront nécessairement des cassures... Le bon acier ne casse à la première trempe que quand il est trop écrouiparle marteau ; celui qu'on n'écrouit point du tout, et qu'on ne forge que chaud, ne casse point à la première trempe; et l'on doit remarquer que l'a- cier prend du gonflement à chaque fois qu'on le chauffe Plus on donne de trempe à l'acier, et plus il s'y forme de cassures; car la matière de l'acier ne cesse de travailler à chaque trempe. L'acier fondu d'Angleterre se gerce de plusieurs cassures, et celui de Styrie non seulement se casse, mais se crible par des trempes réitérées... Pour prévenir l'effet des cas- .eures, il faut chauffer couleur de cerise la pièce d'a- cier, et la tremper dans du suif, en l'y laissant jusqu'à ce qu'elle ai^ perdu son rouge. On peut, au lieu de nu FER. 5^89 suif, employer toute autre graisse; elle produira le même effet, et préservera l'acier des cassures que la trempe à l'eau ne manque pas de produire. On don- nera, si l'on veut, ensuite une trempe à l'ordinaire à la pièce d'acier, ou l'on s'en tiendra à la seule trempe du guif. L'artiste doit tâcher de conduire son travail de manière qu'il ne soit obligé de tremper qu'une fois; car chaque trempe altère de plus en plus la ma- tière de l'acier. Au reste , la trempe au suif ne durcit pas l'acier, et par conséquent ne suffit pas pour les in- struments tranchants, qui doivent être très durs: ainsi il faudra les tremper à l'eau après les avoir trempés an suif. On a observé que la trempe à l'huile végétale donne pkis de dureté que la trempe au suif ou à toute autre graisse animale; et c'est sans doute parce que l'huile contient plus d'eau que la graisse. » ^ L'écrouissement que l'on donne aux métaux les rend plus durs, et occasione en particulier les cas- sures qui se font dans le fer et l'acier. La trempe aug- mente ces cassures, et ne manque jamais d'en pro- duire dans les parties qui ont été les plus récrouieSj et qui sont par conséquent devenues les plus dures. L or, l'argent , le cuivre , battus à froid, s'écrouissent, et deviennent plus durs et plus élastiques sous les coups réitérés du marteau. 11 n'en est pas de même del'étainetdu plomb, qui, quoique battus fortement et long- temps, ne prennent point de dureté ni d'é- lasticité ; on peut même faire fondre l'étain en le fai- sant frapper sous un martinet prompt; et on rend le plomb si mou et si chaud, qu'il paroît aussi prêt à se fondre. Mais je ne crois pas, avec M. Perret, qu'il existe une matière particulière que la percussion fait 290 M!.\ERALX. entrer dans le fer, i'or, l'argent, et le cuivre, et que 1 etain ni le plomb ne peuvent recevoir : ne suffit-il pas que la substance de ces preuiiers métaux soit par elle-même plus dure que celle du plomb et de Tétaiu , pour qu'elle le devienne encore plus par le rappro- chement de ses parties? La percussion du marteau ne peut produire que ce rapprochement; et lorsque les parties intégrantes d'un métal sont elles-mêmes assez dures pour ne se point écraser, mais seulement se rapprocher par la percussion, le métal écroui de- viendra plus dur et même élastique, tandis que les métaux , comme le plomb et l'étain , dont la substance est molle jusque dans ses plus petits atomes, ne pren- dront ni dureté ni ressort, parce que les parties inté- grantes étant écrasées par la percussion, n'en seront que plus molles, ou plutôt ne changeront pas de na- ture ni de propriété, puisqu'elles s'étendront au lieu de se resserrer et de se rapprocher. Le mar*^eau ne fait donc que comprimer le métal en détruisant les pores ou interstices qui étoient entre ses parties in- tégrantes; et c'est par cette raison qu'en remettant le métal écroui dans le feu, dont le premier effet est de dilater toute substance, les interstices se rétablissent entre les parties du métal, et l'effet de l'écrouisse- ment ne subsiste plus. Mais pour en revenir à la trempe, il est certain qu'elle fait un effet prodigieux sur le fer et l'acier. La trempe dans l'eau très froide rend , comme nous venons de le dire , le meilleur fer tout-à-fait cassant; et quoique cet effet soit beaucoup moins sensible lorsque l'eau est à la température ordinaire , il est cependant très vrai qu'elle influe sur la qualité du fer, et qu'on doit DU FER. 291 empêcher le forgeron de tremper sa pièce encore rouge de feu pour la refroidir ; et même il ne faut pas qu'il jette une trop grande quantité d'eau dessus en la forgeant, tant qu'elle est dans l'état d'incandes- cence. Il en est de même de l'acier, et Ton fera bien de ne le tremper qu'une seule fois dans l'eau à la tem- pérature ordinaire. Dans certaines contrées où le travail du fer est en- core inconnu, les Nègres, quoique les moins ingé- nieux de tous les hommes, ont néanmoins imaginé de tremper le bois dans l'huile ou dans des graisses dont ils le laissent s'imbiber; ensuite ils l'envelop- pent avec de grandes feuilles, comme celles de ba- nanier, et mettent sous la cendre chaude les instru- ments de bois qu'ils veulent rendre tranchants : la chaleur fait ouvrir les pores du bois, qui s'imbibe encore plus de cette graisse ; et lorsqu'il est refroidi, il paroît lisse, sec, luisant, et il est 'devenu si dur, qu'il tranche et perce comme une arme de fer : des zagaies de bois dur et trempé de cette façon, lan- cées contre des arbres à la distance de quarante pieds, y entrent de trois ou quatre pouces, et poùrroient traverser le corps d'un homme ; leurs haches de bois trempées de même tranchent tous les autres bois. On sait d'ailleurs qu'on fait durcir le bois en le passant au feu, qui lui enlève l'humidité qui cause en partie sa mollesse. Ainsi, dans cette trempe à la graisse ou à l'huile sous la cendre chaude, on ne (ait que substi- tuer aux parties aqueuses du bois une substance qui lui est plus analogue, et qui en rapproche les fibres de plus près. L'acier trempé très dur , c'est-à-dire à l'eau froide , 292 MINERAUX. est en même temps très cassant; on ne s'en sert que pour certains ouvrages, et en particulier pour faire des outils qu'on appelle brunissoirs ^ qui, étant d'un acier plus dur que tous les autres aciers, servent à lui donner le dernier poli ^. Au reste, on ne peut donner le poli vif, brillant, et noir, qu'à l'espèce d'acier qu'on appelle acier fondu, et que nous tirons d'Angleterre. Nos artistes ne con- noissent pas les moyens de faire cet excellent acier. Ce n'est pas qu'en général il ne soit assez facile de fondre l'acier; j'en ai fait couler à mes fourneaux d'as- piration plus de vingt livres en fusion très parfaite : mais la difficulté consiste à traiter et à forger cet acier fondu ; cela demande les plus grandes précautions ; car ordinairement il s'éparpille en étincelles au seul 1. On sait que c'est a\'ec de la potée ou chaux d'étain délayée dans de l'esprit-de-vin que l'on polit l'acier ; mais les Anglois emploient un autre procédé pouv lui donner le poli noir et brillant dont ils font un secret. M. Perret, dont nous venons de parler, paroit avoir décou- vert ce secret; du moins il est venu à bout de polir l'acier à ç>eu près aussi bien qu'on le polit en Angleterre. Il faut pour cela broyer la potée sur une plaque de fonte de fer bien unie et polie : on se sert d'un brunissoir de bois de noyer sur lequel on colle un morceau de peau de bufiQe ou'on a précédemment lissé avec la pierre ponce, et qu'on im- prègne de potée délayée à l'eau-de-vie. Ce polissoir doit être monté sur une roue de cinq à six pieds de diamètre, pour donner un mouve- ment plus vif. La matière que M. Perret a trouvé la meilleure pour polir parfaitement l'acier est l'acier lui-même fondu avec du soufre , et ensuite réduit en poudre. M. de Grignon assure que le colcotar re- tiré du vitriol après la distillation de l'eau-forte est la matière qui donne le plus beau poli noir à l'acier : il faut laver ce colcotar encore chaud plusieurs fois, et le réduire &u dernier degré de finesse par la décan- tation ; il faut aussi qu'il soit entièrement dépouillé de ses parties sa- lines, qui formeroient des taches bleuâtres sur le poli. Il paroît que M. Langlois est de nos artistes celui qui a le mieux réussi à donner ce beau poli noir à l'acier. DU FER. 293 contact de l'air, et se réduit en poudre sous le marteau. Dans les fderies, on fait les filières, qui doivent être de la plus grande dureté, avec une sorte d'acier qu'on appelle acier sauvage : on le fait fondre, et, au mo- ment qu'il se coagule, on le frappe légèrement avec un marteau à main ; jt à mesure qu'il prend du corps, on le chauffe et on le forge en augmentant graduel- lement la force et la vitesse de !a percussion, et on l'achève en le iorgeant au martinet. On prétend que c'est par ce procédé que les Anglois forgent leur acier fondu; et on assure que les Asiatiques travaillent de même leur acier en pain, qui est aussi d'excellente qualité. La fragihté de cet acier fondu est presque égale à celle du verre ; c'est pourquoi il n'est bon que pour certains outils, tels que les rasoirs, les lancet- tes, etc., qui doivent être très tranchants, et prendre le plus de dureté et le plus beau poli : mais il ne peut servir aux ouvrages qui, comme les lames d'épée, doivent avoir du ressort ; et c'est par cette raison que dans le Levant comme en Europe les lames de sabre et d'épée se font avec un acier mélangé d'un peu d'é- toffe de fer, qui lui donne de la souplesse et de l'é- îasticité. Les Orientaux ont mieux que nous le petit art de damasquiner l'acier; cela ne se fait pas en y introdui- sant de l'or ou de l'argent, comme on le croit vulgai- rement, mais par le seul effet d'une percussion souvent réitérée. M. Gau a fait sur cela plusieurs expériences, dont il a eu la bonté de me communiquer le résul- tat ^. Cet habile artiste, qui a porté notre manufac- 1. Monsieur, tie retour à Klingenthal, j'ai fait, comme j'ai eu l'hon- iieur de vous le promettre à Moatbard, plusieurs épreuves sur lacier JlLlio^'. vu. ijj i294 MINERAUX. tiire des armes blanches à un grand point de perfec- tion , s'est convaincu avec moi que ce n'est que par le travail du marteau et par la réunion de différents aciers mêlés d'un peu d'étoffe de fer que l'on vient à pour en fabriquer des lames de sabre et de couteau de chasse de même étoffe et de même qualité que celles de Turquie connues sous le nom de damas; les résultais de ces différentes épreuves ont toujours été les mêmes , et je profile de la permission que vous m'avez donnée de vous en rendre compte. Après avoir fait travailler et préparer une cerlaine quantité d'acier propre à en faire du damas, j'en ai destiné un tiers à recevoir le dou- ble de l'argent que j'y emploie ordinairement ; dans le second tiers , j'y ai mis la dose ordinaire , et point d'argent du tout dans le dernier tiers. J'ai eu l'honneur de vous dire, monsieur, de quelle façon je fais ce mélange de l'argent avec l'acier; j'ai augmenté de précautions pour mieux enfermer l'argent ; et comme j'ai commencé mes épreuves par les petites barres ou plaques qui en tenoient le double, en donnant à celles du dessus et du dessous le double d'épaisseur des autres, je les ai fait chauffer au blanc bouillant , et ce n'a été qu'avec une peine infinie que l'ouvrier est venu à bout de les souder ensemble ; elles pa- roissoient à l'intérieur l'être parfaitement, et on ne voyoit point sui l'enclume qu'il en fût sorti de l'argent : la réunion de ces plaques m*a donné un lingot de neuf pouces de long sur un pouce d'épaisseur et autant de largeur. J'ai ensuite fait remettre au feu ce lingot pour en former une lame de couteau de chasse : c'est dans cette opération , en aplatissant et en allongeant ce lingot , que les défauts de soudure qui éloient dans l'in- térieur se sont découverts ; et quelque soin que l'ouvrier y ait donné , il n'a pu forger cette lame sans beaucoup de pailles. J'ai fait recommencer cette opération par quatre fois différentes, et toutes les lames ont été pailleuses sans qu'on ait pu y remédier; ce qui me persuade qu'il y est entré beaucoup d'argent. Les barres dans lesquelles je n'ai mis que la dose ordinaire d'argent, et dont les plaques du dessus et du dessous n'avoicnt pas plus d'épais- seur que les autres, ont toutes bien soudé , et ont donné des lames sans pailles ; il s'est trouvé sur l'enclume beaucoup d'argent fondu , qui s'y éloit attaché. A l'égard des barres forgées sans argent, elles ont été soudées sans DU FElî. 295 bout de damasquiner les lames de sabre, et de leur donner en même temps le tranchant, rélasticitë, et la ténacité nécessaires ; il a reconnu comme moi que ni l'or ni l'argent ne peuvent produire cet effet. aucune difficullc comme de l'acier ordinaire, et elles ont donné de très belles lames. Pour connoître si ces lames sans argent avoient les mêmes qualités, pour le tranchant et la solidité , que celles fabriquées avec de l'argent , j'ai essayé le tranchant de touN s mes forces sur des nœuds de bois de chêne qu'elles ont coupés sans s'ébrécher ; j'en ai ensuite mis une à plat entre deux barres de fer sur mon escalier, comme vous l'avez vu faire sur le vôtre , et ce n'a été qu'après l'avoir long- temps tourmentée dans tous les sens que je suis parvenu à la dé- chirer. J'ai donc trouvé à ces lames le même tranchant et la même ténacité. Il sembleroil , d'après ces épreuves : 1" Que s'il reste de l'argent dans l'acier, il est impossible de le sou- der dans les endroits où il se trouve. 2" Que lorsqu'on réussit à souder parfaitement des barres où il y a de l'argent , il faut que cet argent , qui est en fusion lorsque lacier est rouge-blanc, s'en soit échappé aux premiers coups de marteau, soit par les jointures des barres posées les unes sur les autres, soit par les pores alors couverts de l'acier : lorsque les plaques sont plus épaisses , l'argent fondu se répand en partie sur l'enclume , et il est impossible de souder les endroits où il en reste. 3° L'argent ne communique aucune vertu à l'acier, soit pour le tranchant, soit pour la solidité ; et l'opinion du public, qui avoit dé- cidé mes recherches , et qui attribue au mélange de l'acier et de l'ar- gent la bonté des lames de Damas eu Turquie , est sans fondement , puisqu'en décomposant un morceau vous-même, monsieur, vous n'y avez pas trouvé plus d'argent que dans la lame de même étoffe faite ici , dans laquelle il en étoit cependant entré. 4" Le tranchant étonnant de ces lames et leur solidité ne provien- nent, ainsi que les dessins qu'elles présentent, que du mélange des différents acieis qu'on y emploie , et de la façon qu'on les travaille en- semble. Pour que vous puissiez , monsieur, en juger par vous-même , et rec- tifier mes idées à ce sujet , j'envoie à mon dépôt de l'Arsenal de Paris, pour vous être remises à leur arrivée : 1" Une des lames forgées avec les lingots où il y avoit le double d'argent , dans huiuelle je crois qu'il y en a encore, parce qu'elh- n"a •2()G MINÉRAUX. Il me resleroit encore beaucoup de choses à dire sur le travail et sur l'emploi du fer; je me suis con- tenté d'en indiquer les principaux objets ; chacun demanderoit un traité particulier ; et l'on pourroit compter plus de cent arts ou métiers tous relatifs au travail de ce métal, en le prenant depuis ses mines jusqu'à sa conversion en acier et sa fabrication en ca- nons de fusil, lames d'épée, ressorts de. montre, etc. Je n'ai pu donner ici que la filiation de ces arts, et suivant les rapports naturels qui les font dépendre les uns des autres; le reste appartient moins à l'his- toire de la nature qu'à celle des progrès de notre in- dustrie. Mais nous ne devons pas oublier de faire mention des principales propriétés du fer et de l'acier, relati- vement à celles des autres métaux. Le fer, quoique très dur, n'est pas fort dense ; c'est, après l'étain, le plus léger de tous. Le fer commun, pesé dans l'eau, ne perd guère qu'un huitième de son poids, et ne pèse que cinq cent quarante- cinq ou cinq cent qua- rante-six livres le pied cube ^, L'acier pèse cinq cent pu êlro bien souciée, et que vous voudrez bien faire décomposer après avoir fait éprouver son tranchant et sa solidité ; 2° [Jne laine forgée d'un linp;ot où j'avois mis moitié d'argent , bien soudée, et sur laquelle j'ai fait graver vos armoiries ; 3" Une lame fabriquée d'une barre d'acier travaillé pour damas , dans laquelle il n'est point entré d'argent : vous voudrez bien faire mettre cette lame aux plus fortes épreuves , tant pour le tranchant sur du bois (px'en essayant sa résistance en la forçant entre deux barres de fer. 1. On a écrit et répété partout que le pied cube de fer pèse cinq cent quatre-vingts livres; mais cette estimation est de beaucoup trop forte. M. Brisson s'est assuré , par des épreuves à la balance hy qui toujours lui sert de gangue : l'or s'y trouve dans son état de nature, et sans autre caractère que celui d'un métal fondu ; ensuite il s'est sublimé par la con- tinuité de cetîe première chaleur du globe, et il s'est répandu sur la superficie de la terre en atomes im- palpables et presque imperceptibles. Les premiers dépôts ou mines primitives de cette matière précieuse ont donc du perdre de leur masse et diminuer de quantité, tant que le globe a conservé assez de chaleur pour en opérer la sublimation ; et cette perte continuelle, pendant les premiers siècles de la grande chaleur du globe, a peut-être contribué, plus qu'aucune autre cause, à la rareté de ce métal, et à sa dissémination universelle en atomes infiniment petits : je dis universelle , parce qu'il y a peu de ma- tières à la surface de la terre qui n'en contiennent une petite quantité ; les chimistes en ont trouvé dans la terre végétale, et dans toutes les autres, terres qu'ils ont mises à l'épreuve ^. Au reste, ce métal, le plus dense de tous, est en même temps celui que la nature a produit en plus petite quantité. Tout ce qui est extrême est rare , par la raison même qu'il est extrême : l'or pour la den- sité, le diamant pour la dureté, le mercure pour la volatilité, étant extrêmes en qualité, sont rares en quantité. Mais pour ne parler ici que de l'or, nous observerons d'abord que quoique la nature paroisse 1. L'or trouvé par nos chimistes récents dans la terre végétale est une preuve de la dissémination universelle de ce métal , et ce fait pa- roît avoir été connu précédemment; car Boerhaave parle d'un pro- gramme présenté aux élats-généraux sous ce titre : De artc extraliendi iVirum à qualibet terra arvensi. 5o4 MINÉRAUX. nous le présenter sous différentes formes, toutes néan- moins ne diffèrent les unes des autres que par la €[uan- lité, et jamais par la qualité, parce que ni le feu, ni l'eau, ni l'air, ni môme tous ces éléments combinés, n'altèrent pas son essence, et que les acides simples, qui détruisent les autres métaux, ne peuvent l'enta- mer ^. En général, on trouve l'or dans quatre états diffé- rents, tous relatifs à sa seule divisibilité; savoir, en poudre, en paillettes, en grains, et en filets séparés ou conglomérés. Les mines primordiales de ce métal sont dans les hautes montagnes, et forment des fdons dans le quartz jusqu'à d'assez grandes profondeurs ; elles se sont établies dans les fentes perpendiculaires de cette roche quartzeuse , et l'or y est toujours allié 1. M. Tillct, savant physicien de l'Académie des Sciences, s'est as- suré que l'acide nitreux, rectifié autant qu'il est possible, ne dissout pas un seul atome de l'or qu'on lui présente. A la vérité , l'eau-forte ordinaire semble attaquer un peu les feuilles d'or par une opération forcée, en faisant bouillir, par exemple, quatre ou cinq onces de cet acide sur un demi-gros d'or pur réduit en une lame très mince, jus- qu'à ce que toute la liqueur soit réduite au poids de quelques gros : alors la petite quantité d'acide qui reste se trouve chargée de quel- ques particules d'or ; mais ie métal y est dans Tétat de suspension , et non pas véritablement dissous, puisqu'au bout de quelque temps il se précipite au fond du flacoQ, quoique bien bouché, ou bien il sur- nage à la surface de la liqueur avec son brillant métallique , au lieu que, dans une véritable dissolution, telle qu'on l'opère par l'eau ré- gale , la combinaison du métal est si parfaite avec les deux acides réu- nis, qu'il ne les quitte jamais de lui-même. D'après ce rapport de M. Tillet , il est aisé de concevoir que l'acide nitreux, forcé d'agir par la chaleur, n'agit ici que comme un corps qui en frotteroit un autre , et en détacheroit par conséquent quelques particules , et dès lors on peut assurer que cet acide ne peut ni dissoudre ni même attaquer l'or par ses propres forces. DE L OR. JOJ d'une plus ou moins grande quantité d'argent : ces deux métaux y sont simplement mélangés et font masse commune; ils sont ordinairement incrustés en filets ou en lames dans la pierre vitreuse , et quelque- fois ils s'y trouvent en masses et en faisceaux conglo- mérés. C'est à quelque distance de ces mines primor- diales que se trouve l'or en petites masses, en grains, en pépites , etc. ; et c'est dans les ravines des mon- tagnes qui en recèlent les mines qu'on le recueille en plus grande quantité : on le trouve aussi en paillettes et en poudre dans les sables que roulent les torrents et les rivières qui descendent de ces mômes montagnes, et souvent cette poudre d'or est dispersée et dissémi- née sur les bords de ces ruisseaux et dans les terres adjacentes^. Mais soit en poudre, en paillettes, eu grains, en fdets ou en masses, l'or de chaque lieu est toujours de la même essence , et ne diffère que par le degré de pureté : plus il est divisé , plus il est pur ; en sorte que s'il est à vingt karats dans sa mine en monta- gne , les poudres et les paillettes qui en proviennent sont souvent à vingt-deux et vingt-trois karats, parce que, en se divisant, ce métal s'est épuré et purgé d'une partie de son alliage naturel. Au reste , ces paillettes et ces grains, qui ne sont que des débris des mines pri- mordiales, et qui ont subi tant de mouvements, de cliocs et de rencontres d'autres matières, n'en ont rien souffert qu'une plus grande division; elles ne sont jamais intérieurement altérées, quoique souvent recouvertes à l'extérieur de matières étrangères. L'or le plus fin , c'est-à-dire le plus épuré par notre 1. Wallerius compte douze sortes dor dans les sables; mais ces douxe sorlcs doiveiil se réduire à uue seule , ^jarcc qu'elles ne dillè- 5o6 MINÉRAUX. art, est, comme l'on sait, à vingt-quatre karats : mais l'on n'a jamais trouvé d'or à ce titre dans le sein de la terre , et dans plusieurs mines il n'est qu'à vingt et même à seize et quatorze karats, en sorte qu'il con- tient souvent un quart et même un tiers de mélange ; et cette matière étrangère qui se trouve originaire- ment alliée avec l'or est une portion d'argent, lequel, quoique beaucoup moins dense et par conséquent moins divisible que l'or, se réduit néanmoins en mo- lécules très ténues. L'argent est, comme l'or , inalté- rable, inaccessible aux efforts des éléments humides, dont l'action détruit tous les autres métaux; et c'est par cette prérogative de l'or et de l'argent qu'on les a toujours regardés comme des métaux parfaits, et que le cuivre, le plomb, l'étain, et le fer, qui sont tous sujets à plus ou moins d'altération par l'impres- sion des agents extérieurs, sont des métaux impar- faits en comparaison des deux premiers. L'or se trouve donc allié d'argent, même dans sa mine la plus riche et sur sa gangue quartzeuse ; ces deux métaux, pres- que aussi parfaits, aussi purs l'un que l'autre, n'en sont que plus intimement unis : le haut ou bas aloi de l'or natif dépend donc principalement de la petite ou grande quantité d'argent qu'il contient. Ce n'est pas que l'or ne soit aussi quelquefois mêlé de cuivre et d'autres substances métalliques^ : mais ces mélan- ges ne sont, pour ainsi dire, qu'extérieurs; et, à l'ex- icnt les unes des autres que pnr la couleur, la grosseur, ou la figure, el qu'au fond c'est toujours le même or. 1. Par exemple, l'or de Guinée , de Sofala , de Maiaca , contient du rnivre et très peu d'argent, et le cuivre des mines de Goquimbo au Pérou contient, à ce qu'on dit, de l'or sans aucun mélange d'argent. DE L OR. 007 ceptîon de l'argent, Tor n'est point allié, mais seule- ment contenu et disséminé dans toutes les autres matières métalliques ou terreuses. On seroit porté à croire , vu l'affinité apparente de l'or avec le mercure et leur forte attraction mutuelle, qu'ils devroient se trouver assez souvent amalgamés ensemble; cependant rien n'est plus rare, et à peine y a-t-il un exemple d'une mine où l'on ait trouvé l'or pénétré de ce minéral fluide. Il me semble qu'on peut en donner la raison d'après ma théorie; car, quelque affinité qu'il y ait entre l'or et le mercure, il est certain que la fixité de l'un et la grande vola- tilité de l'autre ne leur ont guère permis de s'établir en même temps ni dans les'uiêmes lieux, et que ce n'est que par des hasards postérieurs à leur établisse- ment primitif, et par des circonstances très particu- lières, qu'ils ont pu se trouver mélangés. L'or répandu dans les sables, soit en poudre, en paillettes ou en grains plus ou moins gros, et qui pro- vient du débris des mines primitives, loin d'avoir rien perdu de son essence, a donc encore acquis de la pureté. Les sels acides, alcalins et arsenicaux, qui rongent toutes les substances métalliques, ne peu- vent entamer celle de l'or. Ainsi, dès que les eaux ont commencé de détacher et d'entraîner les mine- rais des différents métaux, tous auront été altérés, dissous, détruits par l'action de ces sels; l'or seul a conservé son essence intacte , et il a même défendu celle de l'argent, lorsqu'il s'y est trouvé mêlé en suffi- sante quantité. L'argent, quoique aussi parfait que l'or à plusieurs égards, ne se trouve pas aussi communément en pou- 5o8 MINÉRAUX. dj e ou en paillettes dans les sables et les terres. D'où peut provenir cette diffërence, à laquelle il me sem- ble qu'on n'a pas fait assez d'attention? Pourquoi les terrains au pied des montagnes à mines sont-ils semës de poudre d'or? pourquoi les torrents qui s'en écou- lent roulent-ils des paillettes et des grains de ce mé- tal, et que l'on trouve si peu de poudre, de paillettes ou de grains d'argent dans ces mêmes sables, quoi- que les mines d'où découlent ces eaux contiennent souvent beaucoup plus d'argent que d'or? A 'est-ce pas une preuve que l'argent a été détruit avant de pouvoir se réduire en paillettes, et que les sels de l'air, de la terre , et des eaux, l'ont saisi, dissous, dès qu'il s'est trouvé réduit en petites parcelles, au lieu que ces mêmes sels ne pouvant attaquer l'or, sa sub- stance est demeurée intacte lors même qu'il s'est ré- duit en poudre ou en atomes impalpables? En considérant les propriétés générales et particu- lières de l'or, on a d'abord vu qu'il étoit le plus pesant et par conséquent le plus dense des métaux ^, qui 1 . La deusilé de l'or a été bien déterminée par M. Brisson , de l'Acn- démie des Scit'nces. L'eau dislillée étant supposée peser looo livres, il a AU que Tor à 24 karats, fondu et non battu , pèse 192581 livres 12 on- ces 5 gros 62 grains, et que par conséquent un pied cube de cet or pur pèseroit 1048 livres 1 once o gros 61 grains; et que ce même or à 24 ka- rats, fondu et ballu, pèse reiativemenl à l'eau 190617 livres 12 onces 4 gros 28 grains, en sorte que !e pied cube de cet or pèseroit i555 livres 5 onces o gros 60 grains. L'or des ducats de Hollande approche de très près ce degré de pureté ; car la pesanteur spécifique de ces ducats est de 195519 livres 12 onces 4 g'os 25 grains, ce qui donne i564 livres 10 onces 1 gros 2 grains pour le j>oids d'un pied cube de cet or. J'ob- serverai que pour avoir au juste les pesanteurs spécifiques de toutes les matières, il faut non seulement se servir d'eau distillée, mais que pour ccnnoître exactement le poids de cette eau , il faudroit en faire I DE l'or. SoC) sont eux-mêmes les substances les plus pesantes de toutes les matières terrestres. Rien ne peut altérer ou distiller uue assez grande quantité, par exemple, assez pour remplir un vaisseau cubique d'un pied de capacité, peser ensuite le tout, et dé- duire la tare du vaisseau; cela seroit plus juste que si l'on n'employoit qu'un vaisseau de quelques pouces cubiques de capacité : il faudroit aussi que le métal fut absolument pur, ce qui n'est peut-être pas pos- sible, mais au moins le plus pur qu'il se pourra. Je me suis beaucoup servi d'un globe d'or raffiné avec soin , d'un pouce de diamètre, pour mes exj)ériences sur le progrès de la chaleur dans les corps; et en le pesant dans l'eau commune , j'ai vu qu'il ne perdoit pas Y^g de son poids : mais probablement cette eau étoit bien plus pesante que l'eau distillée. Je suis donc très satisfait qu'un de nos habiles physiciens ait déterminé plus précisément celle densité de l'or à 24 ka}ats, qui, comme l'on voit , augmente de poids par la percussion : mais étoit-il bien assuré que cet or fût absolument pur? il est presque impossible d'en séparer* en entier l'argent que la nature y a mêlé ; et d'ailleurs la pesanteur de l'eau même distillée varie avec la température de l'atmo- sphère, et cela laisse encore quelque incertitude sur la mesure exacte de la densilé de ce métal précieux. Ayant sur cela communiqué mes doutes à M. de Morveau , il a pris la peine de s'assurer qu'un pied cube d'eau distillée pèse 7 1 livres 7 onces 5 gros 8 grains et '^/^^ de grain , l'air étant à la température de 12 degrés. L'eau, comme l'on sait, pèse plus ou moins , suivant qu'il fait plus froid ou plus chaud , et les dif- férences qu'on a trouvées dans la densilé dos différentes matières sou- mises à l'épreuve de la balance hydrostatique viennent non seulement du poids absolu do l'eau à laquelle on les compare, mais encore du degré de la chaleur actuelle de ce liquide : et c'est par cette raison qu'il faut un degré fixe, tel que la température de 12 degrés , pour que le résultat de la comparaison soit juste. Un pied cube d'eau distillée pesant donc toujours à la température de 12 degrés 71 livres 7 onces 5 gros 8 y24 grains, il est certain que si l'or perd dans l'eau y^g de son poids, le pied cube de ce métal pèse i358 livres 1 once \ gros 8 ^Ygg grains, et je crois cette estimation trop forte; car, comme je viens de le dire, le globe d'or très fin, d'un pouce de diamètre, dont je me suis servi , ne perdoit pas Y^g de son poids dans de l'eau qui n'étoit pas dislilloe, et par conséquent il se pourroit que dans l'eau distiiice il n'eût perdu que ^/^g Y^ , et dans ce cas ( Yis Y4) ^^ V^^*^ cube d'or ne pèseroit réellement que i54o livres 9 onces 2 gros 25 grains : il me BUFi ON. VII. 20 5lO MINERAUX. changer dans l'or cette qualité prééminente. On peut dire qu'en général la densité constitue l'essence réelle de toute matière brute, et que cette première pro- priété fixe en même temps nos idées sur la proportion de la quantité de l'espace à celle de la matière sous un volume donné. L'or est le terme extrême de cette proportion , toute autre substance occupant plus d'es- pace ; il est donc la matière par excellence , c'est-à- dire la substance qui de toutes est la plus matière ; et néanmoins ce corps si dense et si compacte, cette matière dont les parties sont si rapprochées, si ser- réeSj contient peut-être encore plus de vide que de plein, et par conséquent nous démontre qu'il n'y a point de matière sans pores, que le contact des ato- mes matériels n'est jamais absolu ni complet, qu'en- fin il n'existe aucune substance qui soit pleinement matérielle, et dans laquelle le vide ou l'espace ne soit interposé , et n'occupe autant et plus de place que la matière même. Mais, dans toute matière solide, ces atomes maté- riels sont assez voisins pour se trouver dans la sphère de leur attraction mutuelle, et c'est en quoi consiste la ténacité de toute matière solide; les atomes de même nature sont ceux qui se réunissent déplus près : ainsi la ténacité dépend en partie de l'homogénéité. Cette vérité peut se démontrer par l'expérience; car tout paroît donc qu'où a exagéré la densité de For en assurant qu'il perd dan^ l'eau plus de Y^g de son poids , et que c'est tout au plus s'il perd Yjg, auquel cas le pied cube pèseroit io58 livres. Ceux qui assurent qu'il n'«'u pèse que 1048 , et qui disent en même temps qu'il perd dans l'eau entre y^g et Yjo de son poids, ne se sont pas aperçus que ces deux résultats sont démentis l'un par l'autre. DE L OR. Oi i alliage diminue ou détruit la ténacité des métaux : celle de l'or estsi forte, qu'un fil de ce métal, d'un dixième de pouce de diamètre, peut porter, avant de se rom- pre, cinq cents livres de poids; aucune autre matière métallique ou terreuse ne peut en supporter autant. La divisibilité et la ductilité ne sont que des qua- lités secondaires qui dépendent en partie de la densité et en partie de la ténacité ou de la liaison des parties constituantes. L'or, qui, sous un même volume, con- tient plus du double de matière que le cuivre , sera par cela seul une fois plus divisible; et comme les parties in- tégrantes de l'or sont plus voisines les unes des autres que dans toute autre substance, sa ductilité est aussi la plus grande , et surpasse celle des autres métaux dans une proportion bien plus grande que celle de la densité ou de la ténacité, parce que la ductilité, qui est le produit de ces deux causes , n'est pas en rapport sim- ple à l'une ou à l'autre de ces qualités, mais en raison composée des deux. La ductilité sera donc relative à la densité multipliée par la ténacité ; et c'est ce qui, dans l'or, rend cette ductilité encore plus grande à proportion que dans tout autre métal. Cependant la forte ténacité de l'or, et sa ductilité encore plus grande, ne sont pas des propriétés aussi essentielles que sa densité; elles en dérivent et ont leur plein effet tant que rien n'intercepte la liaison des parties constituantes , tant que l'homogénéité subsiste, et qu'aucune force ou matière étrangère ne change la position de ces mômes parties : mais ces deux quali- tés, qu'on croiroit essentielles à l'or, se perdent dès que sa substance subit quelque dérangement dans son intérieur; un 2;rain d'arsenic ou d'étain jeté sur un marc d'or en fonte , ou même leur vapeur, suffit pour altérer toute cette quantité d'or, et le rend aussi fra- gile qu'il étoit auparavant tenace et ductile. Quelques chimistes ont prétendu qu'i! perd de même sa ducti- lité par les matières inflammables, par exemple lors- que, étant en fusion, il est immédiatement exposé à la vapeur du charbon ; mais je ne crois pas que cette opinion soit fondée. L'or perd aussi sa ductilité par la percussion ; il s'é- crouit, devient cassant, sans addition ni mélange d'au- cune matière ni vapeur, mais par le seul dérangement de ses parties intégrantes : ainsi ce métal , qui de tous est le plus ductile, n'en perd pas moins aisément sa ductilité; ce qui prouve que ce n'est point une pro- ' priété essentielle et constante à la matière métallique, mais seulement une qualité relative aux différents états où elle se trouve , puisqu'on peut lui ôter par l'écrouis- sement et lui rendre par le recuit au feu cette qualité ductile alternativement, et autant de fois qu'on le juge à propos. Au reste, M. Brisson, de l'Académie des Scien- ces, a reconnu, par des expériences très bien faites, qu'en même temps que l'écrouissement diminue la ductilité des métaux, il augmente leur densité, qu'ils deviennent par conséquent d'une plus grande pesan- teur spécifique, et que cet excédant de densité s'éva- nouit par le recuit. La fixité au feu, qu'on regarde encore comme une des propriétés essentielles de l'or, n'est pas aussi ab- solue ni même aussi grande qu'on le croit vulgaire- ment, d'après les expériences de Boyle et de Runckel; ils ont, disent-ils, tenu pendant quelques semaines de l'or en fusion sans aucune perle sur son poids : DE l'or. 3i3 cependant je suis assuré , par des expériences faites dès l'année i ^4? ^ ? ^ mon miroir de réflexion , que l'or fume et se sublime en vapeurs, même avant de se fondre; on sait d'ailleurs qu'au moment que ce mé- tal devient rouge, et qu'il est sur le point d'entrer en fusion, il s'élève à sa surface une petite flamme d'un vert léger : et M. Macquer, notre savant professeur de chimie , a suivi les progrès de l'or en fonte au foyer d'un miroir réfringent, et a reconnu de même qu'il continuoit de fumer et de s'exhaler en vapeur; il a démontré que cette vapeur étoit métallique, qu'elle saisissoit et doroit l'argent ou les autres matières qu'on tenoit au dessus de cet or fumant. 11 n'est donc pas douteux que l'or ne se sublime en vapeurs métalli- ques, non seulement après, mais même avant sa fonte au foyer des miroirs ardents : ainsi ce n'est pas la très grande violence de ce feu du soleil qui produit cet effet, puisque la sublimation s'opère à un degré de chaleur assez médiocre, et avant que ce métal entre en fusion : dès lors, si les expériences de Boyleet de Kunckel sont exactes, ^on sera forcé de convenir que l'efl^et de notre feu sur l'or n'est pas le même que ce- lui du feu solaire, et que s'il ne perd rien au premier, il peut perdre beaucoup et peut-être tout au second. Mais je ne puis m 'empêcher de douter de la réalité de cette diflérence d'effet du feu solaire et de nos feux, et je présume que ces expériences de Boyle et de ivunckel n'ont pas été suivies avec assez de précision pour en conclure que l'or est absolument fixe au feu de nos foui-neaux. 1 . Voyez les Méiuoiies sur ies Miroirs ardents. 3l4 MINÉRAUX. L'opacité est encore une de ces qualités qu'on donne à l'or par excellence au dessus de toute autre matière; elle dépend, dit-on, de la grande densité de ce métal : lafeuiile d'or [a plus mince ne laisse passer de la lumière que par les gerçures accidentelles qui s j trou- jpent. Si cela étoit, les matières les plus denses se- roient toujours les plus opaques; mais souvent on ob- serve le contraire, et l'on connoît des matières très légères qui sont entièrement opaques, et des matiè- res pesantes qui sont transparentes. D'ailleurs les feuilles de l'or battu laissent non seulement passer de la lumière par leurs gerçures accidentelles, mais à tra- vers leurs pores; et Boyle a, ce me semble, observé le premier que cette lumière qui traverse l'or est bleue : or les rayons bleus sont les plus petits atomes de la lumière solaire ; ceux des rayons rouges et jau- nes sont les plus gros ; et c'est peut-être par cette raison que les bleus peuvent passer à travers l'or ré- duit en feuilles, tandis que les autres, qui sont plus gros, ne sont point admis ou sont tous réfléchis; et cette lumière bleue étant uniformément apparente sur toute l'étendue de la feuille, on ne peut douter qu'elle n'ait passé par ses pores et non par les gerçu- res. Ceci n'a rapport qu'à l'effet; mais pour la cause, si l'opacité, qui est le contraire de la transparence, ne dépendoit que de la densité, l'or seroit certaine- ment le corps le plus opaque, comme l'air est le plus transparent : mais combien n'y a-t-il pas d'exemples du contraire.^ Le cristal de roche, si transparent, n'est-il pas plus dense que la plupart des terres ou pierres opaques? et si l'on attribue la transparence à l'homogénéité, Vor. dont les parties paroissent être DE L ou. Oit) homogènes, ne devroit-il pas être très transparent? Il me semble donc que l'opacité ne dépend ni de la densité de la matière ni de riiomogénéitè de ses par- ties, et que la première cause de la transparence est la disposition régulière des parties constituantes et des pores; que quand ces mêmes parties se trouvent disposées en formes régulières, et posées de manière à laisser entre elles des vides situés dans la même di- rection , alors la matière doit être transparente , et qu'elle est au contraire nécessairementopaque dès que les pores ne sont pas situés dans des directions cor- respondantes. Et cette disposition qui fait la transparence s'oppose à la ténacité : aussi les corps transparents sont en gé- néral plus friables que les corps opaques; et l'or, dont les parties sont fort homogènes et la ténacité très grande, n'a pas ses parties ainsi disposées : on voit en le rompant qu'elles sont pour ainsi dire en- grenées les unes dans les autres; elles présentent au microscope de petits angles prismatiques, saillants et rentrants. C'est donc de cette disposition de ses par- ties constituantes que l'or tient sa grande opacité, qui du reste ne paroît en effet si grande que parce que sa densité pennet d'étendre en une surface im- mense une très petite masse, et que la feuille d'or, quelque mince qu'elle soit, esttoujours plus dense que toute autre matière. Cependant cette disposition des vides ou pores dans les corps n'est pas la seule cause qui puisse produire la transparence; le corps transpa- rent n'est, dans ce premier cas, qu'un crible par le- quel peut passer la lumière : mais lorsque les vides sont très petits, la lumière est quelquefois repoussée 5l6 MINÉRAUX. au lieu d'être aduiise; il faut qu'il y ait attraction en- tre les parties de la matière et les atomes de la lu- mière pour qu'ils la pénètrent, car l'on ne doit pas considérer ici les pores comme des gerçures ou des trous, mais comme des interstices d'autant plus petits et plus serrés que ia matière est plus dense ; or si les rayons de lumière n'ont point d'affinité avec le corps sur lequel ils tombent, ils seront réfléchis etne le pénétreront pas. L'huile dont on humecte le papier pour le rendre transparent en remplit et bouche en même temps les pores : elle ne produit donc la trans- parence que parce qu'elle donne au papier plus d'af- finité qu'il n'en avait avec la lumière, et l'on pourroit démontrer par plusieurs autres exemples l'effet de cette attraction de transmission de la lumière, ou des autres fluides , dans les corps solides ; et peut-être l'or, dont la feuille mince laisse passer les rayons bleus de la lumière à l'exclusion de tous les autres rayons, a-t- ii plus d'affmité avec ces rayons bleus, qui dès lors sont admis, tandis que les autres sont tous repoussés. Toutes les restrictions que nous venons de faire sur la fixité, la ductilité, et l'opacité de l'or, qu'on a re- gardées comme des propriétés trop absolues, n'em- pêchent pas qu'il n'ait au plus haut degré toutes les qualités qui caractérisent la noble substance du plus parfait métal; car il faut encore ajouter à sa préémi- nence en densité et en ténacité celle d'une essence indestructible et d'une durée presque éternelle. Il est inaltérable, ou du moins plus durable, plus impassi- ble qu'aucune autre substance; il oppose une résistance invincible à l'action des éléments humides, à celle du soufre et des acides les plus puissants, et des sels les î) E L O R. 017 plus corrosifs : néanmoins nous avons trouvé par no- tre art non seulement les moyens de le dissoudre, mais encore ceux de le dépouiller de la plupart de ses qualités; et si la nature n'en a pas fait autant, c'est que la main de l'homme, conduite par l'esprit, a souvent plus fait qu'elle : et sans sortir de notre sujet, nous verrons que l'or dissous, l'or précipité, l'or fulminant, etc. , ne se trouvant pas dans la na- ture, ce sont autant de combinaisons nouvelles, toutes résultant de notre intelligence. Ce n'est pas qu'il soit physiquement impossible qu'il y ait dans le sein de la terre de l'or dissous, précipité, etminéralisé , puisque nous pouvons le dissoudre et le précipiter de sa dissolution, et puisque dans cet état de précipité il peut être saisi par les acides simples comme les au- tres métaux, et se montrer par conséquent sous une forme minéralisée; mais comme cette dissolution sup- pose la réunion de deux acides, et que ce précipité ne peut s'opérer que par une troisième combinaison, il n'est pas étonnant qu'on ne trouve que peu ou point d'or minéralisé dans le sein de la terre '^ , tandis que tous les autres métaux se présentent presque toujours sous cette forme, qu'ils reçoivent d'autant plus aisé- ment qu'ils sont plus susceptibles d'être attaqués par les sels de la terre et par les impressions des éléments humides. On n'a jamais trouvé de précipités d'or , ni d'or ful- minant, dans le sein de la terre : la raison en devien- * 1. L'or est minéralisé, dit-on, clans la mine de Na/ac; on prétend aussi que le zinopei ou sinople provient de la décomposition de l'or laite par la natui'e , sous la l'orme d'une terre ou chaux couleur de pourpre : mais je doute ([ue ces faits soient bien constatés. 3)8 MINERAUX. dra sensible si l'on considère en particulier chacune des combinaisons nécessaires pour produire ces pré- cipités : d'abord on ne peut dissoudre l'or que par deux puissances réunies et combinées, l'acide nitreux avec l'acide marin , ou le soufre avec l'alcali ; et la réu- nion de ces deux substances actives doit être très rare dans la nature, puisque les acides et les alcalis, tels que nous les employons, sont eux-mêmes des pro- duits de notre art, et que le soufre natif n'est aussi qu'un produit des volcans. Ces raisons sont les mê- mes et encore plus fortes pour les précipités d'or ; car il faut une troisième combinaison pour le tirer de sa dissolution, au moyen du mélange de quelque autre matière avec laquelle le dissolvant ait plus d'aiïinité qu'avec l'or; et ensuite, pour que ce précipité puisse acquérir la propriété fulminante, il faut encore choi- sir une matière entre toutes les autres qui peuvent également précipiter l'or de sa dissolution : cette ma- tière est l'alcali volatil, sans lequel il ne peut devenir fulminant; cet alcali volatil est le seul intermède qui dégage subitement l'air et cause la fulmination; car s'il n'est point entré d'alcali volatil dans la dissolu- tion de l'or, et qu'on le précipite avec l'alcali fixe ou toute autre matière, il ne sera pas fulminant : enfin il faut encore communiquer une assez forte cha- leur pour qu'il exerce cette action fulminante : or toutes ces conditions réunies ne peuvent se rencon- trer dans le sein de la terre, et dès lors il est sûr qu'on n'y trouvera jamais de l'or fulminant. On sait que l'explosion de cet or fulminant est beaucoup plus vio- lente que celle de la poudre à canon, et qu'elle pour- roit produire des effets encore plus terribles . et même DE L OR, 019 s'exercer d'une manière plus insidieuse, parce qu'il ne faut ni feu ni même une étincelle , et que la chaleur seule, produite par un frottement assez léger, suffit pour causer une explosion su!)ite et foudroyaate. On a , ce me semble, vainenieni tenté l'explication de ce phénomène prodigieux; cependant, en faisant attention à toutes les circonstances, et en comparant leurs rapports, il me semble qu'on peut au moins en tirer des raisons satisfaisantes et très plausibles sur la cause de cet effet : si dans l'eau régale , dont on se sert pour la dissolution de l'or, il n'est point entré d'alcali volatil, soit sous sa forme propre, soit sous celle du sel ammoniac , de quelque manière et avec quelque intermède qu'on précipite ce métal, il ne sera ni ne deviendra fulminant, à moins qu'on ne se serve de l'alcali volatil pour cette précipitation ; lorsqu'au con- traire la dissolution sera faite avec le sel ammoniac, qui toujours contient de l'alcali volatil, de quelque manière et avec quelque intermède que l'on fasse la précipitation , l'or deviendra toujours fulminant. Il est donc assez clair que cette qualité fulminante ne lui vient que de l'action ou du mélange de l'alcali volatil, et l'on ne doit pas être incertain sur ce'point, puisque ce précipité fulminant pèse un quart de plus que l'or dont il est le produit; dès lors ce quart en sus de ma- tière étrangère qui s'est alliée avec l'or dans ce préci- pité n'est autre chose, du moins en grande partie, que de l'alcali volatil : mais cet alcali contient, indé- pendamment de son sel, une grande quantité d'air inflammable, c'est-à-dire d'air élastique, mêlé de feu ; dès lors il n'est pas surprenant que ce feu ou cet air inflammable contenu dans l'alcali volatil , qui se trouve 520 MINERAUX. pour un quart incorporé avec l'or , ne s'enflamme en effet par la chaleur, et ne produise une explosion d'autant plus violente que les molécules de l'or dans lesquelles il est engagé sont plus massives et plus ré- sistantes à l'action de cet élément incoercible, et dont les effets sont d'autant plus violents que les résistances sont plus grandes. C'est par cette même raison de l'air inflammable contenu dans l'or fulminant, que cette qualité fulminante est détruite par le soufre mêlé avec ce précipité ; car le soufre , qui n'est que la matière du feu fixée par l'acide, a la plus grande aflinité avec cette même matière du feu contenu dans l'alcali vo- latil : il doit donc lui enlever ce feu , et dès lors la cause de l'explosion est ou diminuée ou même anéan- tie par ce mélange du soufre avec l'or fulminant. Au reste, l'or fulmine, avant d'être cliauffé jusqu'au rouge, dans les vaisseaux clos comme en plein air : mais, quoique cette chaleur nécessaire pour produire la fulmination ne soit pas très grande, il est certain qu'il n'y a nulle part, dans le sein de la terre, un tel degré de chaleur, à l'exception des lieux voisins des feux souterrains, et que par conséquent il ne peut se trouver d'or fulminant que dans les volcans, dont il est possible qu'il ait quelquefois augmenté les terri- bles effets; mais, par son explosion même, cet or ful- minant se trouve tout à coup anéanti, ou du moins perdu et dispersé en atomes infiniment petits^. Il n'est 1. M. Macquer, après avoir cité quelques exemples funestes des ac- cidents arrivés par la fulmination de l'or à des chimistes peu attentifs ou trop courageux, dit qu'ayant fait fulminer dans une grande cloche de verre une quantité de ce précipité assez petite pour n'en avoir rien à craindre , on a trouvé, après la détonation, sur les parois de la clo- DE L OR. Ô2 1 donc pas étonnant qu'on n'ait jamais trouvé d'or ful- minant dans la nature , puisque , d'une part , Je feu ou la chaleur le détruit en le faisant fulminer, et que, d'autre part, il ne pourroit exercer cette action fulmi- nante dans l'intérieur de la terre, au degré de sa tem- pérature actuelle. Au reste, on ne doit pas oublier qu'en général les précipités d'or, lorsqu'ils sont ré- duits, sont, à la vérité, toujours de l'or; mais que dans leur état de précipité, et avant la réduction , ils ne sont pas, comme l'or môme, inaltérables, indestruc- tibles, etc. Leur essence n'est donc plus la môme que celle de l'or de nature : tous les acides minéraux ou végétaux, et môme les simples acerbes, tels que la noix de galle, agissent sur ces précipités et peuvent les dissoudre, tandis que l'or en métal n'en éprouve aucune altération; les précipités de l'or ressemblent donc, à cet égard, aux métaux imparfaits, et peuvent par conséquent ôtre altérés de môme et minéralisés. Mais nous venons de prouver que les combinaisons nécessaires pour faire des précipités d'or n'ont guère pu se trouver dans la nature, et c'est sans doute par cette raison qu'il n'existe réellçment que peu ou point d'or minéralisé dans le sein de la terre ; et s'il en exis- toit, cet or minéralisé seroit en effet très différent de l'autre : on pourroit le dissoudre avec tous les acides, clie, l'or en nature que ceUe dclonalion n'avoit point altéré. Comme cela pourroit induire en erreur, je crois devoir observer que celte ma- tière qui avoit frappé contre les parois du vaisseau et s'y étoit attachée n'étoit pas, comme il le dit, de Cor en nature, mais de l'or précipité; ce qui est fort différent , puisque celui-ci a perdu la principale pro- priété de sa nature, qui est d'être inaltérable, indissoluble parles acides simples, et que tous les acides peuvent au contraire altérer et mcme dissoudi'e ce précipité. 322 MINERAUX. puisqu'ils dissolvent les précipités dont seseroit formé cet or minéralisé. 11 ne faut qu'une petite quantité d'acide marin mêlée à l'acide nitreux pour dissoudre l'or ; mais la meilleure proportion est de quatre parties d'acid'" nitreux et une partie de sel ammoniac. Celte disso- lution est d'une belle couleur jaune; et lorsque ces dissolvants sont pleinement saturés, elle devient claire et transparente; dans tout état elle teint en violet plus ou moins foncé toutes les substances animales : si on la fait évaporer, elle donne, en se refroidissant, des cristaux d'un beau jaune transparent; et si l'on pousse plus loin l'évaporation au moyen de la chaleur, les cristaux disparoissent, et il ne reste qu'une poudre jaune et très fuie qui n'a pas le brillant métallique. Qu'on puisse précipiter l'or dissous dans l'eau ré- gale avec tous les autres métaux, avec les alcalis, les terres calcaires, etc., c'est l'alcali volatil qui, de tou- tes les matières connues, est la plus propre à cet effet, il réduit l'or plus promptement que les alcalis fixes ou les métaux : ceux-ci changent la couleur du précipité; par exemple , l'étain lui donne labelle couleur pourpre qu'on emploie sur nos porcelaines. L'or pur a peu d'éclat et sa couleur jaune est assez mate; le mélange de l'argent le blanchit, celui du cuivre le rougit; le fer lui communique sa couleur, une partie d'acier fondue avec cinq parties d'or pur lui donne la couleur du fer poli. Les bijoutiers se ser- vent avec avantage de ces mélanges pour les ouvrages où ils ont ])esoin d'or de différentes couleurs. L'on connoît en chimie des procédés par lesquels on peut donner aux précipités de l'or les plus belles couleurs , DE l'or. 023 pourpre , rouge , verte , etc. : ces couleurs sont fixes et peuvent s'employer dans les émaux ; le borax blan- chit l'or plus que tout autre mélange, et le nitre lui rend la couleur jaune que le borax avoit fait dispa- roître. Quoique l'or soit le plus compacte et le plus tenace des métaux, il n'est néanmoins que peu élastique et peu sonore : il est très flexible, et plus mou que l'ar- gent, le cuivre, et le fer, qui de tous est le plus dur; il n'y a que le plomb et l'élain qui aient plus de mol- lesse que l'or, et qui soient moins élastiques; mais quelque flexible qu'il soit, on a beaucoup de peine à le rompre. Les voyageurs disent que l'or de Malaca, qu'on croit venir de Madagascar, et qui est presqe tout blanc, se fond aussi promptement que du plomb. On assure aussi qu'on trouve dans les sables de quelques rivières de ces contrées des grains d'or que l'on peut couper au couteau , et que même cet or est si mou qu'il peut recevoir aisément l'empreinte d'un cacbet; il se fond à peu près comme du plomb, et l'on prétend que cet or est le plus pur de tous : ce qu'il y a de certain, c'est que plus ce métal est pur et moins il est dur; il n'a dans cet état de pureté ni odeur ni saveur sensible, même après avoir été forte- ment frotté ou chauffé. Malgré sa mollesse , il est ce- pendant susceptible d'un assez grand degré de dureté par l'écrouissement, c'est-à-dire par la percussion souvent réitérée du marteau , ou par la compression successive et forcée de la filière ; il perd même alors une grande partie de sa ductilité, et devient assez cas- sant. Tous les métaux acquièrent de même un excès de dureté par l'écrouissement : mais on peut toujours 524 MINÉRAUX. détruire cet effet en les faisant recuire au feu, et l'or, qui est le plus doux, le plus ductile de tous , ne laisse pas de perdre sa ductilité par une forte et longue per- cussion ; il devient non seuleuient plus dur, plus élas- tique, plus sonore , mais même il se gerce sur ses bords lorsqu'on lui fait subir une extension forcée sous les rouleaux du laminoir : néanmoins il perd par le recuit ce fort écrouissement plus aisément qu'aucun autre métal ; il ne faut pour cela que le chauffer, pas même jusqu'au rouge , au lieu que le cuivre et le fer doivent être pénétrés de feu pour perdre leur écrouissement. Après avoir exposé les principales propriétés de l'or, nous devons indiquer aussi les moyens dont on se sert pour le séparer des autres métaux ou des matières hétérogènes avec lesquelles il se trouve souvent mêlé. Dans les travaux en grand on ne se sert que du plomb, qui, par la fusion, sépare de l'or toutes ces matières étrangères en les scorifiant; on emploie aussi le mer- cure, qui, par amalgame, en fait pour ainsi dire l'ex- trait, en s'y attachant de préférence. Dans les travaux chimiques, on fait plus souvent usage des acides. {( Pour séparer l'or de toute autre matière métallique, on le traite, dit mon savant ami M. de Morveau, soit avec des sels qui attaquent les métaux imparfaits à l'aide d'une chaleur violente, et qui s'approprient même l'argent qui pourroit lui être allié, tels que le vitriol, le nitre, et le sel marin; soit par le soufre ou par l'antimoine, qui en contient abondamment; soit enfin par la coupellation, qui consiste à mêler l'or avec le double de son poids environ de plomb, qui, en se vitrifiant, entraîne avec lui et scorifie tous les autres métaux ioiparfaits; de sorte que le l>outon de DE L OR. 020 lin reste seul sur la coupelle, qui absorbe dans ses po- res la litharge de plomb et les autres matières qu'elle a scorifiées. » La coupeîlation laisse donc l'or encore allié d'argent : mais on peut les séparer par le moyen des acides qui n'attaquent que l'un ou l'autre de ces métaux ; et comme l'or ne se laisse dissoudre par au- cun acide simple ni par le soufre, et que tous peuvent dissoudre l'argent, on a^ comme l'on voit, plusieurs moyens pour faire la séparation ou le départ de ces deux métaux. On emploie ordinairement l'acide ni- treux; il faut qu'il soit pur, mais non pas trop fort ou concentré : c'est de tous les acides celui qui dissout l'argent avec plus d'énergie et sans aide de la chaleur, ou tout au plus avec une petite chaleur pour com- mencer la dissolution* En général, pour que toute dissolution s'opère, il faut non seulement qu'il y ait une grande affinité entre le dissolvant et la matière à dissoudre, mais encore que l'une de ces deux matières soit fluide pour pou- voir pénétrer l'autre, en remplir tous les pores, et détruire par la force d'affinité celle de la cohérence des parties de la matière solide. Le mercure , par sa fluidité et par sa très grande affinité avec l'or, doit être regardé comme l'un de ses dissolvants; car il le pénètre et semble le diviser dans toutes ses parties : cependant ce n'est qu'une union, une espèce d'alliage, et non pas une dissolution ; et l'on a eu raison de donner à cet alliage le nom d'amalgamej parce que l'amalgame se détruit par la seule évaporation du mer- cure, et que d'ailleurs tous les vrais alliages ne peu- vent se faire que par le feu, tandis que Talmalgame peut se faire à froid, et qu'il ne produit qu'une union BUlFOiV. VU. 526 MINÉRAUX. particulière, qui est moins intime que celle des al- liages naturels ou faits par la fusion : et en effet , cet amalgame ne prend jamais d'autre solidité que celle d'une pâte assez molle, toujours participant de la flui- dité du mercure, avec quelque métal qu'on puisse l'unir ou le mêler. Cependant l'amalgame se fait en- core mieux à chaud qu'à froid : le mercure, quoique du nombre des liquides, n'a pas la propriété de mouil- ler les matières terreuses, ni même les chaux métal- liques; il ne contracte d'union qu'avec les métaux qui sont sous leur forme de métal ; une assez petite quan- tité de mercure suffit pour les rendre friables , en sorte qu'on peut dans cet état les réduire en poudre par une simple trituration, et avec une plus grande quantité de mercure on en fait une pâte , mais qui n'a ni cohérence ni ductilité : c'est de cette manière très simple qu'on peut amalgamer l'or, qui, de tous les métaux, a la plus grande affinité avec le mercure; elle est si puissante, qu'on la prendroit pour une es- pèce de magnétisme. L'or blanchit dès qu'il est tou- ché par le mercure , pour peu même qu'il en reçoive les émanations ; mais dans les métaux qui ne s'unis- sent avec lui que difficilement, il faut, pour le succès de l'amalgame, employer le secours du feu, en ré- duisant d'abord le métal en poudre très fme , et fai- sant ensuite chaufïer le mercure à peu près au point où il commence à se volatiliser : on fait en même temps et séparément rougir la poudre du métal , et tout de suite on la triture avec le mercure chaud. C'est de cette manière qu'on l'amalgame avec le cui- vre; mais l'on ne connoît aucun moyen de lui faire contracter union avec le fer. DE L OR. 5^7 Le vrai dissolvant de l'or est, comme nous l'avons dit, l'eau régale composée de deux acides, le nitreux et le marin ; et comme s'il falioit toujours deux puis- sances réunies pour dompter ce métal, on peut en- core le dissoudre par le foie de soufre, qui est un composé de soufre et d'alcali fixe. Cependant cette dernière dissolution a besoin d'être aidée, et ne se fait que par le moyen du feu. On met l'or en poudre très fine ou en feuilles brisées dans un creuset, avec du foie de soufre ; on les fait fondre ensemble , et l'or disparoît dans le produit de cette fusion : mais en faisant dissoudre dans l'eau ce môme produit, l'or y reste en parfaite dissolution, et il est aisé de le tirer par précipitation. Les alliages de l'or avec l'argent et le cuivre sont fort en usage pour les monnoies et pour les ouvrages d'orfèvrerie ; on peut de même l'allier avec tous les autres métaux : mais tout alliage lui fait perdre plus ou moins de sa ductilité ; et la plus petite quantité d'étain, ou même la seule vapeur de ce métal, suffit pour le rendre aigre et cassant : l'argent est celui de tous qui diminue le moins sa trop grande ductilité. L'or naturel et natif est presque toujours allié d'ar- gent en plus ou moins grande proportion ; cet alliage lui donne de la fermeté et pâlit sa couleur : mais le mélange de cuivre l'exalte, la rend d'un jaune plus rouge, et donne à l'or un assez grand degré de du- reté; c'est par cette dernière raison que, quoique cet alliage du cuivre avec l'or en diminue la densité au delà des proportions du mélange , il est néanmoins fort en usage pour les monnoies, qui ne doivent ni se plier, ni s'effacer, ni s'étendre, et qui auroient JSS MINÉRAUX. tous ces inconvénients si elles étoient fabriquées d'or pur. Suivant M. Geliert, l'aHiage de l'or avec le plomb devient spécifiquement plus pesant , et il y a pénétra- tion entre ces deux métaux; tandis que le contraire arrive dans l'alliage de l'or et de l'étain, dont la pesan- teur spécifique est moindre : l'alliage de l'or avec le fer devient aussi spécifiquement plus léger; il n'y a donc nulle pénétration entre ces deux métaux, mais une simple union de leurs parties, qui augmente le volume de la masse , au lieu de le diminuer , comme le fait la pénétration. Cependant ces deux métaux, dont les parties constituantes ne paroissent pas se réunir d'assez près dans la fusion , ne laissent pas d'a- voir ensemble une grande affinité ; car l'or se trouve souvent, dans la nature, mêlé avec le fer, et de plus il facilite au feu la fusion de ce métal. INos habiles ar- tistes devroient donc mettre à profit cette propriété de l'or, et le préférer au cuivre, pour souder les pe- tits ouvrages d'acier qui demandent le plus grand soin et la plus grande solidité ; et ce qui semble prou- ver encore la grande affinité de l'or avec le fer, c'est que, quand ces deux métaux se trouvent alliés, on ne peut les séparer en entier par le moyen du plomb; et il en est de même de l'argent allié au fer, on est obligé d'y ajouter du bismuth pour achever de les pu- rifier. L'alliage de l'or avec le zinc produit un composé dont la masse est spécifiquement plus pesante que la somme des pesanteurs spécifiques de ces deux ma- tières composantes; il y a donc pénétration dans le mélange de ce métal avec ce demi-métal, puisque le DE L OR. .529 volume en devient plus petit : on a observe la mèjne chose dans l'alliage de l'or et du bismuth. Au reste, on a fait un nombre prodigieux d'essais du mélange de l'or avec toutes les autres matières métalliques, \ VII. 558 MINÉRAUX. ces d'argent et vingt-deux* grains d'or et demi. Mais il y a apparence cpi'il a été mal informé sur la nature et le produit de cette mine ; car si elle ne tenoit en effet que vingt-deux grains d'or et demi sur trente onces d'argent par quintal , ce qui ne feroit pas six grains d'or par marc d'argent, on n'en feroit pas le départ à la Monnoie de Mexico, puisqu'il est réglé par les ordonnances qu'on ne séparera que l'argent tenant par marc vingt-sept grains d'or et au dessus, et qu'autrefois il falloit trente grains pour qu'on en fît le départ; ce qui est, comme l'on voit, une très petite quantité d'or en comparaison de celle de l'ar- gent; et cet argent du Mexique, restant toujours mêlé d'un peu d'or, môme après^les opérations du dé- part, est plus estimé que celui du Pérou , surtout plus que celui des mines de Sainte-Pécaque , que l'on trans- porte à Compostelle. Les relateurs s'accordent à dire que la province de Cartliagène fournissoit autrefois beaucoup d'or, et l'on y voit encore des fouilles et des travaux très an- ciens ; mais ils sont actuellement abandonnés. C'est au Pérou que le travail de ces mines est aujourd'hui en pleine exploitation. Frézier remarque seulement que les mines d'or sont assez rares dans la partie méridio- nale de ce royaume, mais que la province de Popayan en est remplie, et que l'ardeur pour les exploiter sem- ble être toujours la même. M. d'Ulloa dit que chaque jour on y découvre de nouvelles mines qu'on s'em- presse de mettre en valeur, et nous ne pouvons mieux faire que de rapporter ici ce que ce savant naturaliste péruvien a écrit sur les mines de son pays. « Les par- tidos ou districts de 6V//^ de Buga^ à'Aimaguerj et DE l'or. 359 de BarbocoaSy sont, dit-il, les plus abondants en mé- tal, avec l'avantage que l'or y est 1res pur, et qu'on n'a pas besoin d'y employer le mercure pour le sé- parer des parties étrangères. Les mineurs appellent mi- nas de Caxa celles où le minéral est renfermé entre des pierres. Celles de Popayan ne sont pas dans cet ordre ; car l'or s'y trouve répandu dans les terres et les sables Dans le bailliage de CliocOj, outre les mines qui se traitent au lavoir, il s'en trouve quelques unes où le minerai est enveloppé d'autres matières métalli- ques et de sucs bitumineux dont on ne peut le sépa- rer qu'au moyen du mercure. La platine est un autre obstacle qui oblige quelquefois d'abandonner les mi- nes : on donne ce nom à une pierre si dure, que, ne pouvant la briser sur une enclume d'acier ni la réduire par la calcination, on ne peut tirer le mi- nerai qu'elle renferme qu'avec un travail et des frais extraordinaires. Entre toutes ces mines, il y en a plu- sieurs où l'or est mêlé d'un tombac aussi fin que celui de l'Orient, avec la propriété singulière de ne jamais engendrer de vert-de-gris et de résister aux acides. » Dans le bailliage de Zaruma au Pérou, l'or des mines est de si bas aloi, qu'il n'est quelquefois qu'à dix-buit et même à seize karats; mais cette mauvaise qualité est réparée par l'abondance.... Le gouverne- ment de Jacn de Bracamoros a des mines de la môme espèce, qui rendoient beaucoup il y a un siècle Autrefois il y avoit quantité de mines d'or ouvertes dans la province de Quito, et plus encore de mines d'argent On a recueilli des grains d'or dans les ruisseaux qui tirent leur source de la montagne de Pifchi.nrba ; mais rien ne marque qu'on y ait ouvert 36o MINÉRAUX. des mines Le pays de Pattactanga^ dans la juri- diction de Piiobamba^ est si rempli de mines, qu'en 174^ un habitant de cette ville avoit fait enregistrer pour son seul compte dix-huit veines d or et d'argent toutes richeset de bon aloi. L'une de ces mines d'argent rendoit quatre-vingts marcs par cinquante quintaux de minerai , tandis qu'elles passent pour riches quanti e!fes en donnent huit à dix marcs H J a aussi des mines d'or et d'argent dans les montagnes de la juri- diction de Cuença^ mais qui rendent peu. Les gou- vernements de Qidxos et de Macas sont riches en mi- nes; ceux de Marinas et à'Atainès en ont aussi d'une grande valeur... Les terres arrosées par quelques ri- vières qui tombent dans le Maragnon, et par les riviè- res de San-Jago et de Mira, sont remplies de veines d'or. » Les anciens historiens du iNouveau-Monde, et entre autres le P. Acosta, nous ont laissé quelques rensei- gnements sur la manière dont la nature a disposé l'or dans ces riches contrées; 011 le trouve sous trois for- mes différentes : i** en grains ou pépites j, qui sont des morceaux massifs et sans mélange d'autre métal; s^^eo poudre; 5° dans des pierres. « J'ai vu, dit cet histo- rien, quelques unes de ces pépites qui pesoient plu- sieurs livres. L'or, dit-il , a par excellence sur les autres métaux de se trouverpur et sans mélange; cependant, ajoute-t-il ^on trouve quelquefois des pépites d'argent tout-à-fait pures : mais l'or en pépites est rare en com- paraison de celui qu'on trouve en poudre. L'or en pierre est une veine d'or infiltrée dans la pierre, comme je l'ai vu à Carumaj dans le gouvernement des salines. . . Les anciens ont célébré les ileuves qui rouloient de DE l'or. 36i ior ; savoir, le Tage en Espagne, le Pactole en Asie, et le Gange aux Indes orientales. Il y a de même dans les rivières des îles de Barlovento, de Cuba, Porto- Rico, et Saial-Domingue, de l'or mêlé dans leurs sa- bles— 11 s'en trouve aussi dans les torrents au Chili, à Quito, et au nouveau royaume de Grenade. Lor qui a le plus de réputation est celui de Caranava au Pérou, et celui de Vcddivia au Chili, parce qu'il est très pur et de vingt-trois karats et demi. L'on fait aussi état de l'or de Vcragua^ qui est très fin : celui de la Chine et des Philippines, qu'on apporte en Améri- que, n'est pas, à beaucoup près, aussi pur. » Le voyageur Waler raconte qu'on trouve de même une grande quantité d'or dans les sables de la rivière de Coquimbo au Pérou , et que le terrain voisin de la baie où se décharge cette rivière dans la mer est comme poudré de poussière d'or, au point ^à\i-v\ , que quand nous y marchions j, nos habits en étaient couverts; mais cette poudre était si menue^ que cent été un ou- vrage infini de vouloir la ramasser. « La même chose BOUS arriva, continue-t-il , dans quelques autres lieux de cette même côte , où les rivières amènent de cette poudre avec le sable ; mais l'or se trouve en paillettes et en grains plus gros à mesure que l'on remonte ces rivières aurifères vers leurs sources. » Au reste , il paroît que les grains d'or que l'on trouve dans les rivières ou dans les terres adjacentes n'ont pas toujours leur brillant jaune et métallique; ils sont souvent teints d'autres couleurs, brunes, grises, etc. : par exemple, on tire des ruisseaux du pays d'^^r^- caja de l'or en forme de dragées de plomb, et qui ressemblent à ce métal par leur couleur grise; on 7)62 MIKÉIIAUX. trouve aussi de cet or gris dans les torrents de Coroyeo : celui que les eaux roulent dans le pays d'Arecaja vient probablement des mines de la provine de Carabaja j, qui en est voisine ; et c'est l'une des contrées du Pérou qui est la plus abondante en or fin , qu'Alpbonse Barba dit être de vingt-trois karats trois grains, ce qui seroit à très peu près aussi pur que notre or le mieux raffiné. Les terres du Chili sont presque aussi riches en or que celles du Mexique et du Pétou. On a trouvé à douze lieues vers l'est de la viîle de la Conception des pépites d'or, dont quelques unes étoient du poids de huit ou dix marcs, et de très haut aloi. On tiroit autrefois beaucoup d'or vers Angol, à dix ou douze lieues plus loin, et l'on pourroit en recueillir en mille autres endroits; car tout cet or est dans une terre qu'il suffit de laver. Frézier, dont nous tirons cette indication, en a donné plusieurs autres, avec un égal discernement, sur les mines des diverses provinces du Chili. On trouve encore de l'or dans les terres qu'arrosent le Maragnon , l'Orénoque, etc.; il y en a aussi dans quelques endroits de la Guiane. Enfin les Portugais ont découvert et fait travailler depuis près d'un siècle les mines du Brésil et du Para- guay, qui se sont trouvées, dit-on, encore plus ri- ches que celles du Mexique et du Pérou. Les mines les plus prochaines de Rio-Janeiro , où l'on apporte ce métal, sont à une assez grande distance de celte ville. M. Cook dit qu'on ne sait pas au juste où elles sont situées, et que les étrangers ne peuvent les visi- ter, parce qu'il y a une garde continuelle sur les che- mins qui conduisent à ces mines : on sait seulement qu'on en tire beaucoup d'or, et que les travaux en DE l'or. 365 sont difficiles et périlleux ; car on achète annuelle- ment, pour le compte du roi, quarante mille Nègres qui ne sont employés qu'à les exploiter. Selon l'amiral Anson, ce n'est qu'au commence- ment de ce siècle qu'on a trouvé de l'or au Brésil. On remarqua que les naturels du pays se servoient d'hameçons d'or pour la pêche, et on apprit d'eux qu'ils recueilloient cet or dans les sables et graviers que les pluies et les torrents détachoient des monta- gnes. « Il y a , dit ce voyageur, de l'or disséminé dans les terres basses, mais qui paie à peine les frais de la recherche, et les montagnes offrent des veines d'or engagées dans les rochers; mais le moyen le plus fa- cile de se procurer de l'or, c'est de le prendre dans le limon des torrents qui en charrient. Les esclaves employés à cet ouvrage doivent fournira leurs maîtres un huitième d'once par jour; le surplus est pour eux, et ce surplus les a souvent mis en état d'acheter leur liberté. Le roi a droit de quint sur tout l'or que l'on extrait des mines, ce qui va à trois cent mille livres sterling par an; et par conséquent la totalité de l'or extrait des mines chaque année est d'un million cinq cent mille livres sterling, sans compter l'or que l'on exporte en contrebande, et qui monte peut-être au tiers de cette somme. » jNous n'avons aucun autre indice sur ces mines d'or si bien gardées par les ordres du roi de Portugal ; quelques voyageurs nous disent seulement qu'au nord du fleuve Jujambi il y a des montagnes qui s'é- tendent de trente à quarante lieues de l'est à l'ouest sur dix à quinze lieues de largeur ; qu'elles renfer- ment plusieurs mines d'or; qu'on y trouve aussi ce 564 MINÉRAUX. métal en grains et en pondre, et que son aîoi est communément de vingt-deux karats : ils ajoutent qu'on y rencontre quelquefois des grains ou pépites qui pèsent deux ou trois onces. 11 résulte, de ces indications, qu'en Amérique comme en Afrique , et partout ailleurs où la terre n'a pas encore été épuisée par les recherches de l'homme, l'or le plus pur se trouve pour ainsi dire à la surface du terrain, en poudre, en paillettes, ou en grains, et quelquefois en pépites, qui ne sont que des grains plus gros et souvent aussi purs que des lingots fon- dus ; ces pépites et ces grains, ainsi que les paillettes et les poudres, ne sont que les débris plus ou moins brisés et atténués par le frottement de plus gros mor- ceaux d'or arrachés par les torrents et détachés des veines métalliques de première formation : ils sont descendus en roulant du haut des montagnes dans les vallées. Le quartz et les autres gangues de l'or, entraînés en même temps par le mouvement des eaux, se sont brisés, et ont, par leur frottement, divisé, comminué ces morceaux de métal, qui dès lors se sont trouvés isolés, et se sont arrondis en grains ou atténués en paillettes par la continuité du frottement dans l'eau ; et enim ces mêmes paillettes, encore plus divisées, ont formé les poudres plus ou moins fines de ce métal. On voit aussi des agrégats assez grossiers de parcelles d'or qui paroissent s'être réunies par la stil- iation et l'intermède de leau, et qui sont plus ou moins mélangées de sables ou de matières terreuses rassemblées et déposées dans quelque cavité, où ces parcelles métalliques n'ont que peu d'adhésion avec la terre et le sable dont elles sont mélangées; mais DE l'or. 5G5 toutes ces petites masses d'or, ainsi que les grains , les paillettes et les poudres de ce métal , tirent égale- ment leur origine des mines primordiales, et leur pu- reté dépend en parrlie de la grande division que ces grains métalJiques ont subie en s'exibliant et se commi- Duant par les frottements qu'ils n'ont cessé d'essuyer depuis leur séparation de Ja mine jusqu'aux lieux où iis ont été entraîiiés : car cet or arraché de ses mines et roulé dans le sable des torrents a été choqué et divisé par tous les corps durs qui se sont rencontrés sur sa route; et plus ces particules d'or auront été atténuées, plus elles auront acquis de pureté en se séparant de tout alliage par cette division mécanique, qui, dans l'or, va pour ainsi dire à l'iafini : il est d'autant plus pur qu'il est plus divisé ; et cette différence se remar- que en comparant ce métal en paillettes ou en poudre avec l'or des mines ; car il n'est qu'à vingt-deux ka- rats dans les meilleures mines en montagnes, souvent à dix-^neuf ou vingt, et quelquefois à seize et même à quatorze, tandis que communément l'or en pail- lettes est à vingt-trois karats, et rarement au dessous de vin^t. Comme ce métal est toujours plus ou moins allié d'argent dans ses mines primordiales, et quel- quefois d'argent mêlé d'autres matières métalliques, la très gralide division qu'il éprouve par les frotte- ments, lorsqu'il est détaché de sa mine, le sépare de ces alliages naturels, et le rend d'autant plus pur qu'il est réduit en atomes plus petits; en sorte qu'au lieu du bas aloi que l'or avoit dans sa mine il prend un plus haut titre à mesure qu'il s'en éloigne , et cela par la séparation, et, pour ainsi dire, par le départ nié-- canique de toute matière étrangère. 566 iMINÉRAUX. Il y a donc double avantage à ne recueillir l'or qu'au pied des montagnes et dans les eaux courantes qui ont entraîné les parties détachées des mines pri- mitives : ces parties détachées peuvent former par leur accumulation des mines secondaires en quelques endroits. L'extraction du métal, qui, dans ces sortes de mines, ne sera mêlé que de sable ou de terre, sera bien plus facile que dans les mines primordiales, où l'or se trouve toujours engagé dans le quartz et le roc le plus dur. D'autre côté, l'or de ces mines de se- conde formation sera toujours plus pur que le pre- mier ; et vu la quantité de ce métal dont nous som- mes actuellement surchargés, on devroit au moins se borner à ne ramasser que cet or déjà purifié par la nature, et réduit en poudre, en paillettes, ou en grains, et seulement dans les lieux où le produit de ce travail seroit évidemment au dessus de sa dépense. DE L'ARGENT. INoLS avons dit que, dans la nature primitive, l'ar- gent et l'or n'ont fait généralement qifune masse commune , toujours composée de l'un et l'autre de ces métaux, qui même ne sont jamais complètement séparés, mais seulement atténués, divisés par les agents extérieurs, et réduits en atomes si petits, que l'or s'est trouvé d'un côté, et a laissé de l'autre la plus grande partie de l'argent; mais, malgré cette sépara- tion d'autant plus naturelle qu'elle est plus mécani- DE l'argent. 56; que , nulle part on n'a trouvé de l'or exempt d'argent, ni d'argent qui ne contînt un peu d'or. Pour la na- ture, ces deux métaux sont du même ordre, et elle les a doués de plusieurs attributs communs ; car quoi- que leur densité soit très différente ^, leurs autres propriétés essentielles sont les mêmes : ils sont éga- lement inaltérables, et presque indestructibles; Tun et l'autre peuvent subir l'action de tous les éléments sans en être altérés ; tous deux se fondent et se subli- ment à peu près au même degré de feu^; ils n'y per- dent guère plus l'un que l'autre ^; ils résistent à toute 1 « Un pied cube d'argent pèse 720 livres: un pied cube d'or, 1048 livres. Le premier ne perd dans l'eau rpi'un on/ièuic de son poids, et l'autre entre un dix-neuvième et un vingtième. » ( Dictionnaire de Chi- mie, articles de Vor et deVar<:[ent. ) J'observerai que ces pro[iorlions ne sont pas exactes ; car en supposant que l'or perde un dix-neuvième et demi de son poids, et que l'argent ne perde qu'un oïizième, si le pied cube d'or pèse i548 bvres, le pied cube d'argent doit peser 760 livres seize trentièmes. M. de lîomare, dans son Dictionnaire d'histoire naturelle, dit que le pouce cube d'argent pèse six onces 5 gros 2G grains, ce qui ne leroit qu'un peu plus de 7^8 livres le pied cube, tandis que dans sa Minéralooie , lomc II, page 210 , il dit que le pied cube d'ar- gent pèse 1 1525 onces, ce qui f^t 720 livres 5 onces poiir le pied cube. Les estimations données par M. Brisson sont plus justes : le pied cube d'or à 24 karats, fondu et non battu, pèse, selon lui, i348livres 1 once 4i grains, et le pied cube d'or à 24 karals, fondu et battu, pèse io55 livres 5 onces 60 grains; le pied cube d'argent à i2 deniers, fondu et non battu, pèse 703 livres 5 onces 1 gros 62 grains, et le pied cube du même argent à 12 deniers, c'est-à-dire aussi pur qu'il est possi- ble, pèse, lorsqu'il est forgé ou battu, 735 livres 11 onces 7 gros 43 grains. 2. On est assuré de cette sublimation de l'or et de l'argent non seu- lement par mes expériences au miroir ardent, mais aussi par la quan- tité que l'on en recueille dans les suies des fourneaux d'afïinage des uionnoies. 3. Kunckel ajaul tenu de lor cl de largcnt pendant (juelques se- 368 MINÉRAUX. sa violence sans se convertir en chaux ^ ; tous deux OQt aussi plus de ductilité que tous les autres métaux : seulement l'argent, plus foible en densité et moins compacte que l'or, ne peut prendre autant d'exten- sion 2 ; et de même, quoiqu'il ne soit pas susceptible d'une véritable rouille par les impressions de l'air et de l'eau, il oppose moins de résistance à l'action des mailles ea fusion , assure que l'or ii'avoit rieii perdu tle son poids ; mais il avoue que l'argent avoit perdu quelques grains. Il a mai à propos oublié de dire sur quelle quantité. 1 . L'argent tenu au foyer d'un miroir ardent se couvre , comme l'or, d'une pellicule vitreuse ; mais M. Macquer, qui a fait cette expérience , avoue qu'on n'est pas encore assuré si celle vilriiication provient des métaux ou' de la poussière de l'air. {Dictionnaire de Chimie , article argent. ) 2. « Un fil d'argent d'un dixième de pouce de diamètre ne soutient , avant de rompre, qu'un poids de 270 livres, au lieu qu'un pareil lil d'or soutient 5go livres.... On peut réduire un grain d'argent en une lame de trois aunes, c'est-à-dire de 126 pouces de longueur s«r 2 ponces de largeur, ce qui fait une étendue de 262 pouces carrés; et dès lors avec une once d'argent, c'est-à-dire 676 grains, on pourroit couvrir un espace de 5o4 pieds carrés. » ( Expériences de Muschen- broek. ) Il y a certainement ici une faute d'impression qui tombe sur les mots deux pouces de largeur : ce fil d'argent'n'avoit en effet que 2 lignes, et non pas 2 pouces, et par conséquent 26 pouces carrés d'étendue, au lieu de 126 ; d'après quoi l'on voit que 676 grains ou 1 once d'argent ne peuvent eu effet s'étendre que sur io4 et non pas sur 5o4 pieds carrés, et c'est encore beaucoup plus que la deusilé de ce métal ne paroît l'indiquer, puisqu'une once d'or ne s'étend que sur 106 pieds carrés : dès lors , en prenant ces deux faits pour vrais, la ductilité de l'argent est presque aussi grande que celle de l'or, quoique sa densité et sa ténacité soient beaucoup moindres. Il y a aussi toute apparence qu'Alphonse Barba se trompe beaucoup en disant que l'or est cinq fois plus ductile que l'argent : il assure qu'une once d'argent s'étend en un fil de 2400 aunes de longueur; que cette longueur peut être couverte par 6 grains et demi dor ; et qu'on peut dilater l'or au point qu'une once de ce métal couvrira plus de dix arpents de terre. DE l'akgent. ô6g acides, et. n'exige pas, comme lor, la réunion de deux puissances actives pour entrer en dissolution ; le foie de soufre le noircit et le rend aigre et cassant : l'ar- gent peut donc être attaque dans le sein de la terre plus fortement et bien plus fréquemment que l'or, et c'est par cette raison que l'on trouve assez com- munément de l'argent minéralisé, tandis qu'il est extrêmement rare de trouver l'or dans cet état d'alté- ration ou de minéralisation. L'argent, quoiqu'un peu plus fusible que l'or, est cependant un peu plus dur et plus sonore : le blanc éclatant de sa surface se ternit, et même se noircit, dés qu'elle est exposée aux vapeurs des matières in- ilammables, telles que celles du soufre, du charbon, et à la fumée des substances animales ; si même il su- bit long-temps l'impression de ces vapeurs sulfureu- ses, il se minéralisé, et devient semblable à lamine que l'on connoît sous le nom d'argent vitré. Les trois propriétés communes à l'or et à l'argent, qu'on a toujours regardés comme les seuls métaux parfaits, sont la ductilité, la fixité au feu, et l'inalté- rabilité à l'air et dans l'eau. Par toutes les autres qua- lités l'argent dill'ère de l'or, et peut souffrir des chan- gements et des altérations auxquels ce premier métal n'est pas sujet. On trouve à la vérité de l'argent qui, comme l'or, n'est point minéralisé, mais c'est pro- portionnellement en bien moindre quantité; car, dans ses mines primordiales, l'argent, toujours allié d'un peu d'or, est très souvent mélangé d'autres ma- tières métalliques, et particulièrement de plomb et de cuivre : on regarde môme comme des mines d'ar- gent toutes celles de plomb ou de cuivre qui coîi- O-JO MINERAUX. tiennent une certaine quantité de ce métal ; et dans les mines secondaires produites par la stillalion et le dépôt des eaux, l'argent se trouve souvent attaqué par les sels de la terre, et se présente dans l'état de minéralisation sous différentes formes ; on peut voir par les listes des noraenclateurs en minéralogie, et particulièrement par celle que donne Wallérius, combien ces formes sont variées, puisqu'il en compte dix sortes principales, et quarante-neuf variétés dans ces dix sortes : je dois cependant observer qu'ici, comme dans tout autre travail des nomenclateurs, il V a toujours beaucoup plus de noms que de choses. Dans la plupart des mines secondaires l'argent se présente en forme de minerai pyriteux, c'est-à-dire mêlé etpéuétré des principes du soufre, ou bien al- téré par le foie de soufre, et quelquefois par l'arse- nic ^. L'acide nitreux dissout l'argent plus puissamment qu'aucun autre ; l'acide vitriolique le précipite de cette dissolution , et forme avec lui de très petits cris- taux qu'on pourroit appeler du vitriol d'argent; l'a- cide marin qui le dissout aussi, en fait des cristaux 1. «La mine d'argent rouge est minéralisée par l'arsenic et le soufre ; elle est d'un rouge plus ou moins vif, taulôt transparente comme un rubis, tantôt opaque et plus ou moins obscure : elle est cristallisée de plusieurs manières; la plus ordinaire est en prismes hexaèdres, ter- minés par des pyramides obtuses. {Lettre de M. Demeste , tome il, page 407.) J'observei'ai que c'est à cette mine qu'il faut rapporter la seconde va- riété que M. Demeste a rapportée à la mine d aigent vitreux, puis- qu'il dit lui-même que ce n'est qu'une modificatiou delà mine d'argent rouge, et que cette mine vitreuse contient enoorc un peu d'arsenic ; qu'elle s'égrène sous le couteau, loin de s'y couper. Voyez ulem. DE l'argent. 571 plus gros, dont la masse réunie parla fusion se nomme argent cornê^ parce qu'il est à demi transparent comme de la corne. La nature a produit, en quelques endroits, de l'ar- gent sous cette forme ; on en trouve en Hongrie, en Bohême, et en Saxe, où il y a des mines qui offrent à la fois l'argent natif, l'argent rouge, l'argent vitré, et l'argent corné. Lorsque cette dernière mine n'est point altérée, c!le est demi-fransparente et d'un gris jaunâtre ; mais si elle a été attaquée par des vapeurs sulfureuses, ou par le foie de soufre, elle devient opaque et d'une couleur brune. L'argent minéralisé par l'acide marin se coupe presque aussi facilement que la cire : dans cet état il est 1res fusible; une par- tie se volatilise à un certain degré de feu, ainsi que l'argent corné fait artificiellement, et l'autre partie qui ne s'est point volatilisée se revivifie très prompte- inent. Le soufre dissout l'argent par la fusion, et le ré- duit en une masse de couleur grise ; et cette masse ressemble beaucoup à la mine d'argent vitré, qui, comme celle de l'argent corné, est moins dure que ce métal, et peut se couper au couteau. L'or ne subit aucun de ces changements : on ne doit donc pas être étonné qu'on le trouve si rarement sous une forme minéralisée, et qu'au contraire dans toutes les mines de seconde formation, où les eaux et les sels de ia terre ont exercé leur action , l'argent se présente dans différents états de minéralisation et sous des formes plus ou moins altérées ; il doit môme être souvent mêlé de plusieurs matières étrangères métalliques ou terreuses, tandis que dans son état primordial il n'est ^72 MINERAUX. allié qu'avec l'or, ou mêlé de cuivre et de plomb. Ces trois métaux sont ceux avec lesquels l'argent pa- roît avoir le plus d'affinité ; ce sont du moins ceux avec lesquels il se trouve plus souvent uni dans son état de minerai. Il est bien plus rare de trouver l'ar- gent uni avec le mercure, quoiqu'il ait aussi avec ce fluide métallique une affinité très marquée. Suivant M. Gellert, qui a fait un grand travail sur l'alliage des minéraux et des demi-métaux, celui de l'or avec l'argent n'augmente que très peu en pesan- teur spécifique : il n'y a donc que peu ou point de pénétration entre ces deux métaux fondus ensemble : mais dans l'alliage de l'argent avec le cuivre, qu'on peut faire de même en toute proportion, le composé de ces deux métaux devient spécifiquement plus pe- sant, tandis que l'alliage du cuivre avec l'or l'est sen- siblement moins. Ainsi, dans l'alliage de l'argent et du cuivre, le volume diminue et la masse se resserre, au lieu que le volume augmente par l'extension de la masse dans celui de l'or et du cuivre. Au reste, le mélange du cuivre rend également l'argent et l'or plus sonores et plus durs, sans diminuer de beaucoup leur ductilité; on prétend même qu'il peut la leur conserver, lorsqu'on ne le mêle qu'en petife quan- tité, et qu'il défend ces métaux contre les vapeurs du cliarbon, qui, selon nos chimistes, en attaquent et diminuent la qualité ductile : cependant, comme nous l'avons déjà remarqué à l'article de l'or, on ne s'aperçoit guère de cet le diminution de ductilité cau- sée par la vapeur du charbon ; car il est d'usage, dans les monnoies, lorsque les creusets de fer, qui con- tiennent jusqu'à deux mille cinq cents marcs d'argent. DE L ARGENT. 3^3 sont presque pleins de Ja matière en fusion ; il est, dis-je , d'usage d'enlever les couvercles de ces creu- sets pour achever de les remplir de charbon, et d'en- tretenir la chaleur par de nouveau charbon dont le métal est toujours recouvert, sans qtie Ton remarque aucune diminution de ductilité dans les lames qui ré- sultent de cette fonte. L'argent allié avec le plomb ainsi qu'avec l'étain devient spécifiquement plus pesant; mais l'étain en- lève à l'argent comme à l'or sa ductilité : le plomb entraîne l'argent dans la fusion, et le sépare du cui- vre ; il a donc plus d'affinité avec l'argent qu'avec le cuivre. M. GeJlert, et îa plupart des chimistes après lui, ont dit que le fer s'allioit aussi très bien à l'argent Ce fait m'ayant paru douteux, j'ai prié M. de Morveau de le vérifier : il s'est assuré, par l'expérience, qu'il ne se fait aucune union intime, aucun alliage entre le fer et l'argent; et j'ai vu moi-même, en voulant faire de l'acier damassé , que ces deux métaux ne peuvent contracter aucune union. On sait que tous les métaux imparfaits peuvent se calciner et se convertir en une sorte de chaux, en les tenant long-temps en fusion, et les agitant de manière que toutes leurs parties fondues se présentent succes- sivement à l'air ; on sait de plus que tous augmentent de volume et de poids en prenant cet état de chaux. INous avons dit et répété ^ que cette augmentation de quantité provenoit uniquement des particules d'air fixées par le feu, et réunies à la substance du métal qu'elles ne font que masquer, puisqu'on peut tou- 1. Voyez le discours qui serl criutrotluction à V Histoire des miné- raux. lUIrI'()^'. VII. 24 5^4 JIIMÎRALX. jours lui rendre son premier état en présentant à cet air fixé quelques matières inflammables avec lesquel- les il ait pins d'alBnité qu'avec le métal : dans la com- bustion, cette matière inflammable dégage l'air fixé, l'enlève, et laisse par conséquent le métal sous sa pre- mière forme. Tous les métaux imparfaits et les demi- métaux peuvent ainsi se convertir en chaux : mais l'or et l'argent se sont toujours refusés à cette es- pèce de conversion, parce que apparemment ils ont moins d'affinité que les autres avec l'air, et que , mal- gré la fusion qui tient leurs parties divisées, ces mê- mes parties ont néanmoins entre elles encore trop d'adhérence pour que l'air puisse les séparer et s'y incorporer; et cette résistance de l'or et de l'argent à toute action de l'air donne le moyen de purifier ces deux métaux par la seule force du feu ; car il ne faut, pour les dépouiller de toute autre matière, qu'en agi- ter la fonte, afin de présenter à sa surface toutes les parties des autres matières qui y sont contenues, et qui bientôt, par leur calcination ou leur combustion . laisseront l'or ou l'argent seuls en fusion et sous leur forme métallique. Cette manière de purifier l'or et l'argent étoit anciennement en usage : mais on a trouvé une façon plus expéditive en employant le plomb, qui, dans la fonte de ces métaux, détruit, ou plutôt sépare, et réduit en scories toutes les autres matières métalliques ^ dont ils peuvent être mêlés et le plomb lui-même, se scorifiant avec les autres mé- taux dont il s'est saisi, il les sépare de l'or et de l'ar- 1 , Il n y a que lo fer qui , comme nous l'avons dit à Tarticle de l'or, ne se sépare pas en entier par le moyeu du plomb ; il faut, suivant M. Pœraer, y ajouter du bismuth pour achever de scorifier le fer. DE LAKGENT. J-J',) gent, les entraîne, ou plutôt les emporte, et s'élève avec eux à la surface de la fonte, où ils se calcinent et se scorifient tous ensemble par le contact de l'air, à mesure qu'on remue la matière en fusion, et qu'on en découvre successivement la surface qui ne se sco- rifieroit ni ne se calcineroit si elle n'étoit incessam- ment exposée à l'action de l'air libre ; il faut donc en- lever ou faire écouler ces scories à mesure qu'elles se forment; ce qui se fait aisément, parce qu'elles sur- nagent et surmontent toujours l'or et l'argent en fu- sion. Cependant on a encore trouvé une manière plus facile de se débarrasser de ces scories, en se servant de vaisseaux plats et évasés qu'on appelle coupelles^ et qui, étant faits d'une matière sèche, poreuse et ré- sistante au feu, absorbent dans leurs pores les scories, tant du plomb que des autres minéraux métalliques, à mesure qu'elles se forment; en sorte que les coupel- les ne retiennent et ne conservent dans leur capacité extérieure que le métal d'or ou d'argent, qui, par la forte attraction de leurs parties constituantes, se forme et se présente toujours en une masse globuleuse ap- pelée bouton de fin. Il faut une plus forte chaleur pour tenir ce métal fm en fusion que lorsqu'il étoit encore mêlé de plomb; car le bouton de fin se consolide presque subitement au moinetit que l'or et l'argent qu'il contient sont entièrement purifiés : on le voit donc tout à coup briller de l'éclat métallique; et ce coup de lumière s'appelle coruscation dans l'art de l'af- fineur, dont nous abrégeons ici les procédés, comme ne tenant pas directement à notre objet. On a regardé comme argent natif tout celui qu'on trouve dans le sein de la terre sous sa forme de métal ; 5^6 MINÉRACX. mais dans ce sens il faut en distinguer de deux sortes , comme nous l'avons fait pour l'or : la première sorte d'argent natif est celle qui provient de la fusion par le feu primitif, et qui se trouve quelquefois en grands morceaux, mais bien plus souvent en filets ou en pe- tites masses feuilletées et ramifiées dans le quartz et autres matières vitreuses ; la seconde sorte d'argent natif est en grains , en paillettes ou en poudre , c'est- à-dire en débris qui proviennent de ces mines primor- diales, et qui ont été détachés par les agents exté- rieurs, et entraînés au loin par le mouvement des eaux. Ce sont ces mêmes débris rassemblés qui , dans certains lieux, ont formé des mines secondaires d'ar- gent, où souvent il a changé de forme en se minéra- lisant. L'argent de première formation est ordinairement incrusté dans le quartz; souvent il est accompagné d'autres métaux et de matières étrangères en quantité si considérable, que les premières fontes, même avec le secours du plomb , ne suffisent pas pour le purifier. Après les mines d'argent natif, les plus riches sont celles d'argent corné et d'argent vitré : ces mines sont brunes, noirâtres ou grises; elles sont flexibles, et même celle d'argent corné est extensible sous le mar- teau , à peu près comme le plomb : les mines d'argent rouge, au contraire, ne sont pas extensibles, mais cassantes ; ces dernières mines sont, comme les pre- mières, fort riches en métal. JNous allons suivre le même ordre que dans l'article de l'or, pour l'indication des lieux où se. trouvent les principales mines d'où l'on tire l'argent. En France, on connoissoit assez anciennement celles des monta- DE L ARGENT. Sy^ gues des Vosges, ouvertes dès le dixième siècle, et d'autres dans plusieurs provinces, comme en Langue- doc, en Gevaudan et en Rouergue, clans le Maine et dans l'Angoumois; et nouvellement on en a trouve en Dauplîiné qui ont présenté d'abord d'assez grandes richesses; M. de Gensanne en a reconnu quelques autres dans le Languedoc : mais le produit de la plu- part de ces mines ne paieroit pas la dépense de leur travail; et dans un pays comme la France, où l'on peut employer les hommes à des travaux vraiment utiles, on feroit un bien réel en défendant ceux de la fouille des mines d'or et d'argent, qui ne peuvent produire qu'une richesse fictive et toujours décrois- sante. En Espagne , la mine de Guadalcanal dans la Slerra- Morendj, ou montagne noire, est l'une des plus fa- meuses; elle a été travaillée dès le temps des Romains, ensuite abandonnée, puis reprise et abandonnée de nouveau, et enfin encore attaquée dans ces derniers temps. On assure qu'au Irefois elle a fourni de très grandes richesses, et qu'elle n'est pas à beaucoup près épuisée : cependant les dernières tentatives n'ont point eu de succès, et peut-être sera-t-on forcé de re- noncer aux espérances que donnoit son ancienne et grande célébrité. « Les sommets des montagnes au- tour de Guadalcanal , dit M. Bowles, sont tous arron- tlis, et partout à peu près de la même hauteur; les pierres en sont fort dures et ressemblent au grès de Turquie {cos turclca) — H y a deux filons du levant au couchant, qui se rendent à la grande veine dont la direction est du nord au sud; on peut la suivre de l'œil dans un espace de plus de deux cents pas à la or 8 MlNÉnAUX. superficie. A une lieue et demie au couchant de Gua- dalcanal, il y a une autre mine dans un roc élevé : la veine est renversée, c'est-à-dire qu'elle est plus riche à la superficie qu'au fond; elle peut avoir seize pieds d'épaisseur, et elle est, comme les précédentes, com- posée de quartz et de spath. A deux lieues au levant de la même ville, il y a une autre mine dont la veine est élevée de deux pieds hors de terre , et qui n'a que deux pfeds d'épaisseur. Au reste, ces mines, qui se présentent avec de si helles apparences, sont ordinai- rement trompeuses : elles donnent d'abord de l'ar- gent; mais en descendant plus bas, on ne trouve plus, que du plomb. » Ce naturaliste parle aussi d'une mine d'argent sans plomb, située au midi et à quelques lieues de distance de Zalarnea. Il y a une mine d'ar- gent dans la montagne qui est au nord de Logrono^ et plusieurs autres dans les Pyrénées , qui ont été tra- vaillées par les anciens, et qui maintenant sont aban- données^. Il y en a aussi dans les Alpes et en plusieurs endroits de la Suisse. MM. Scheuchzer, Cappeler, et Guettard, en ont fait mention ; et ce sont sans doute i. L'avarice a été souvent trompée par le succès des exploitations faites par les Phéniciens, les Cartliaginois , et les Romains. Les pre- miers, au rapport de Diodore de Sicile, trouvèrent tant d'or et d'ar- gent dans les Pyrénées, qu'ils en mirent aux ancres de leivs vaisseaux ; on tiroit en trois jours un talent euboïque en argent , ce qui montoit à huit cents ducats. Enûammé par ce récit, des particuliers ont tenté des recherches dans la parlie septentrionale des Pyrénées ; ils semblent avoir ignoré que le côté méridional a toujours été regardé comme le plus riche en métaux. Tite-Live parle de lor et de l'argent que les mines de Huesca fournissoient aux Romains. Les monts qui s'allongent vers le nord jusqu'à Pampelune sont fameux , suivant Alphonse Barba, par la quantité d'argent qu'on en a tirée ; ils s'étendent aussi vers l'Ebre, dont la richesse est vantée par Aristote et j^ar C-laudieii. DE L ARGENT. ^79 ces hautes montagaes des Pyrénées et des Alpes qui renferment les mines primordiales d'or et d'argent, dont on trouve les débris en paillettes dans les eaux (|ui en découlent. Toutes les mines de seconde for- mation sont dans les lieux inférieurs au pied de ces montagnes, et dans les collines formées originaire- ment par le mouvement et le dépôt des eaux du vieil Océan. Les mines d'argent qui nous sont les mieux connues en Europe sont celles de l'Allemagne ; il y en a plu- sieurs que l'on exploite depuis très long-temps, et l'on en découvre assez fréquemment de nouvelles. M. de Justi, savant minéralogiste, dit en avoir trouvé six en lySi , dont deux sont fort riches, et sont si- tuées sur les frontières de la Styrie. Selon lui, ces mi- nes sont mêlées de substances calcaires en grande quantité, et cependant il assure qu'elles ne perdent rien de leur poids lorsqu'elles sont grillées par le feu , et qu'il ne s'en élève pas la moindre fumée ou vapeur pendant la calcination. Ces assertions sont difficiles à concilier; car il est certain que toute substance cal- caire perd beaucoup de son poids lorsqu'elle est cal- cinée , et que par conséquent celte mine d'Anna- berg, dont parle M. de Justi , doit perdre en poids à proportion de ce qu'elle contient de substance cal- caire. Ce savant minéralogiste assure qu'il existe un très grand nombre de mines d'argent minéralisé par l'alcali : mais cette opinion doit être interprétée; car l'alcali seul ne pourroit opérer cet effet, tandis que le foie de soufre , c'est-à-dire les principes du soufre réu- nis à l'alcali, peuvent le produire; et comme M. de Justi ne parle pas du foie de soufre , mais de l'alcali v'SSo MINÉRAUX. simple , ses expériences ne me paroissent pas con- cluantes : car l'alcali minéral seul n'a aucune action sur l'argent en masse ; et nous pouvons très bien en- tendre la formation de la mine blanche de Schemnitz par l'intermède du foie de soufre. La nature ne paroît donc pas avoir fait cette opération de la manière dont le prétend M. de Justi ; car quoiqu'il n'ait point re- connu de soufre dans cette mine , le foie de soufre qui est , pour ainsi dire , répandu partout , doit y exis- ter, comme il existe non seulement dans les matières terreuses, mais dans les substances calcaires, et au- tres matières qui accompagnent les mines de seconde formation. En Bohême , les principales mines d'argent sont celles de Saint-Joachim ; les filons en sont assez min- ces, et la matière en est très dure, mais elle est abon- dante en métal : les mines deKuttemberg sont mêlées d'argent et de cuivre; elles ne sont pas si riches que celles de Saint-Joachim. On peut voir dans les ouvra- ges des minéralogistes allemands, la description des mines de plusieurs autres provinces, et notamment de celles de Transylvanie, de la Hesse, et de Hongrie. Celles de Schemnitz contiennent depuis deux jusqu'à cinq gros d'argent et depuis cinq jusqu'à sept deniers d'or par marc , non compris une once et un gros de cuivre qu'on peut en tirer aussi. Mais il n'y a peut-être pas une mine en Europe où l'on ait fait d'aussi grands travaux que dans celle de Salbergen Suède, si la description qu'en donne Re- gnard n'est point exagérée : il la décrit comme une ville souterraine, dans laquelle il y a des maisons, des écuries, et de vastes emplacements. DE LAIIGENT. 38l » En Pologne, dit M. Guettard, les forets de Lei- bitz sont riches en veines de métanx , indiquées par les travaux qu'on y a faits anciennement. Il y a au pied de ces montagnes une mine d'argent découverte du temps de Charles XII. » Le Danemarck, la Norwége, et presque toutes les contrées du nord, ont aussi des mines d'argent dont quelques unes 'sont fort riches; et nous avons au Ca- binet de Sa Majesté de très beaux morceaux de mine d'argent, que le roi de Danemarck actuellement ré- gnant a eu la bonté de nous envoyer. Il s'en trouve aussi aux îles de Féroé et en Islande. Dans les parties septentrionales de l'Asie les mines d'argent ne sont peut-être pas plus rares ni moins ri- ches que dans celles du nord de l'Europe. On a nou- vellement publié à Pélersbourg un tableau des mines de Sibérie, par lequel il paroît qu'en cinquante-huit années on a tiré d'une seule mine d'argent douze cent seize mille Hvres de ce métal , qui tenoit environ une quatre-vingtième partie d'or. Il y a aussi une autre mine dont l'exploitation n'a commencé qu'en 174^? et qui, depuis cette époque jusqu'en 1771, adonné quatre cent mille livres d'argent , dont on a tiré douze mille sept cents livres d'or. MM. Gmeiin et Muller font mention , dans leurs Voyages, des mines d'argent qu'ils ont vues à Argunsk, à quelque distance de la rivière Argum. Ils disent qu'elles sont dans une terre molle et à une petite profondeur; que la plupart se trouvent situées dans des plaines environnées de montagnes, et qu'on rencontre ordinairement au dessus du mine- rai d'argent une espèce de chaux de plomb composée de plus de plomb que d'argent. 382 MINÉRAUX. Il y a aussi plusieurs mines d'argent à la Chine, sur- tout dans les provinces de Junnan et de Sechuen : on en trouve de mêDie à la Cochinchine, et celles du Japon paroissent être les plus abondantes de toutes. On connoît aussi quelques mines d'argent dans l'inté- rieur du continent de l'Asie. Chardin dit qu'il n'y a pas beaucoup de vraies mines d'argent en Perse , mais beaucoup de mines de plomb qui contiennent de l'ar- gent : il ajoute que celle de Pienan , à quatre lieues d'Ispahan , et celles de Ivirman et de Mazanderan , n'ont été négligées qu'à cause de la disette du bois, qui , dans toute la Perse , rend trop dispendieux le travail des mines. Nous ne connoissons guère les mines d'argent *de l'Afrique : les voyageurs, qui se sont fort étendus sur les mines d'or de cette partie du monde, paroissent avoir négligé de faire mention de celles d'argent; ils nous disent seulement qu'on en trouve au cap Vert, au Congo, au Bambouc , et jusque dans le pays des Hottentots. Mais c'est en Amérique où nous trouverons un très grand nombre de mines d'argent plus étendues, plus abondantes, et travaillées plus en grand qu'en aucune autre partie du monde. La plus fameuse de toutes est celle de Potosi au Pérou. « Le minerai , dit M. Bowles, en est noir, et formé dans la même sorte de pierre que celle de Freybergen Saxe. » Ce naturaliste ajoute que «la mine appelée Rosicle^ dans le Pérou, est de la même nature que celles de Rotligulden-erz et d'An- dreasberg dans le Hartz , et de Sainte-Marie-aux-Mines dans les Vosges. » Les mines de Potosi furent découverl es en i545. et DE l'argent. 585 l'on n'a pas cessé d'j^lravailler depuis ce temps, quoi- qu'il y ait quantité d'autres mines dans cette même contrée du Pérou. Frézier assure que de son te;^ups les mines d'argent les plus riches étoient celles d'O- riero, à quatre-vingts lieues d'Arica; et il dit qu'en 1712 on en découvrit une auprès de Cusco, qui d'a- bord a donné près de vingt pour cent de métal , mais qui a depuis beaucoup diminué, ainsi que celle de Potosi. Du temps d'Acosta, c'est-à-dii-e au commen- cement de l'autre siècle, cette mine de Potosi étoit, sans comparaison , la plus riche de toutes celles du Pérou : elle est située presque au sommet des mon- tagnes dans la province de Charcas, et il y fait très froid en toute saison. Le sol de la montagne est sec et stérile; elle est en forme de Cvône, et surpasse en hauteur toutes les montagnes voisines; elle peut avoir une lieue de circonférence à la base, et son sommet est arrondi et convexe. Sa hauteur au dessus des au- tres montagnes qui lui servent de base est d'environ un quart de lieue. Au dessous de cette plus haute montagne, il y en a une plus petite où Ion trouvoit de l'argent en morceaux épars; mais, dans la pre- mière , la mine est dans une pierre extrêmement dure : on a creusé de deux cents stades j, ou hauteur d'homme, dans cette montagne, sans qu'on ait été incommodé des eaux ; mais ces mines étoient bien plus riches dans les parties supérieures, et elles se sont appauvries, au lieu de s'ennoblir, en descendant. Parmi les autres mines d'argent du Pérou , celle deTurco, dans le cor- régiment de Cavanga, est très remarquable, parce que le métal forme un tissu avec la pierre très appa- rent à l'œil. D'autres mines d'argent clans cette même 584 MINÉRAUX. contrée ne sont ni dans la pierwB ni dans les monta- gnes, mais dans le sable, où il suffit de faire une fouille poiy- trouver des morceaux de ce métal sans autre mé- lange qu'un peu de sable qui s'y est attaché. Frézier, voyageur très intelligent, a donné une assez bonne description de la manière dont on procède au Pérou pour exploiter ces mines et en extraire le métal. On commence par concasser le minerai, c'est-à-dire les pierres qui contiennent le métal ; on les broie en- suite dans un moulin fait exprès; on crible cette pou- dre, et l'on remet sous la meule les gros grains de minerai qui restent sur le crible; et lorsque le mine- rai se trouve mêlé de certains minéraux trop durs qui rempèchent de se pulvériser, on le fait calciner pour le piler de nouveau ; on 1.'^ moud avec de l'eau, et on recueille dans un réservoir cette boue liquide qu'on laisse sécher; et pendant qu'elie est encore molle, on en fait des caxons^ c'est-à-dire de grandes tables d'un pied d'épaisseur et de vingt-cinq quintaux de pesan- teur; on jette sur chacune deux cents livres de sel marin , qu'on laisse s'incorporer pendant deux oh trois jours avec la terre; ensuite on l'arrose de mercure, qu'on fait tomber par petites gouttes; il en faut une quantité d'autant plus grande que le minerai est plus riche; dix, quinze, et quelquefois vingt livres pour chaque table. Ce mercure ramasse toutes les parti-^ cules de l'argent. On pétrit chaque table huit fois par jour pour que le mercure les pénètre en entier, et afin d'échauffer le mélange; car un peu de chaleur est nécessaire pour que le mercure se saisisse de l'ar- gent, et c'est ce qui fait qu'on est quelquefois obligé d'ajouter de la chaux pour augmenter la chaleur de DE l'a R<. EN T. 585 cette mixtion : mais il ne faut user de ce secours qu'a- vec grande précaution ; car si la chaux produit trop de chaleur, le mercure se volatilise, et emporte avec lui une partie de l'argent. Dans les montagnes froides, comme à Lipez et à Potosi, on est quelquefois obligé de pétrir le minerai pendant deux mois de suite, au lieu qu'il ne faut que huit ou dix jours dans les contrées plus tempérées : on est même forcé de se servir de fourneaux pour échauffer le mélange et presser l'amal- game du mercure, dans ces contrées où le froid est trop grand ou trop constant. Pour reconnoître si le mercure a fait tout son effet, on prend une petite portion de la grande table ou caxon , on la délaie et lave dans un bassin de bois; la couleur du mercure qui reste au fond indique son effet : s'il est noirâtre, ou juge que le mélange est trop chaud , et on ajoute du sel au caxon pour le refroidir; mais si le mercure est blanchâtre ou blanc, on peut présemer que l'amalgame est fait en entier : alors on transporte la matière du caxon dans des lavoirs où tombe une eau courante : on la lave jusqu'à ce qu'il ne reste que le métal sur le fond des lavoirs, qui sont garnis de cuir. Cet amalgame d'argent et de mercure, que l'on nomme pelldj doit être mis dans des chausses de laine pour laisser égoutler le mercure; on serre ces chaus- ses, et on les presse même avec des pièces de bois, pour l'en faire sortir autant qu'il est possible; après quoi , comme il reste encore beaucoup de mercure mêlé a l'argent, on verse cet amalgame dans un moule de bois en forme de pyramide tronquée à huit pans, et dont le fond est une plaque de cuivre percée de plu- sieurs petits trous. On foule et presse cette matière "^86 MINÉRAUX. pelta dans ces moules pour en faire des masses qu'(5ii appelle pignes. On lève ensuit^ le moule, et l'on met la pigne avec sa base de cuivre sur un grand vase de terre rempli d'eau, et sous un chapiteau de même terre sur lequel on fait un feu de charbon qui fait sor- tir en vapeur le mercure contenu dans la pigne; cette vapeur tombe dans l'eau, et y reprend la forme de mercure coulant : après cela, la pigne n'est plus qu'une masse poreuse, friable, et composée de grains d'ar- gent contigus qu'on porte à la Monnoie pour la fondre. Frézier ajoute à cette description dont je viens de donner l'extrait quelques autres faits intéressants sur la différence des mines ou minerais d'ar2;ent : cekii qui est blanc et gris, mêlé de taches rousses ou bleuâ- tres, est le phis commun dans les minières de Lipez ; on y distingue à l'œil simple des grains d'argent, quel- quefois disposés dans la pierre en forme de petites palmes. Mais il y a d'autres minerais où l'argent ne paroît point, entre autres un minerai noir, dans le- quel on n'aperçoit l'argent qu'en raclant ou entamant sa surface : ce minerai, qui a si peu d'apparence, et qui souvent est njêlé de plomb, ne laisse pas d'être souvent plus riche, et coûte moins à travailler que le minerai blanc; car, comme il contient du plomb qui enlève à la fonte toutes les impuretés, l'on n'est pas obligé d'en faire l'amalgame avec le mercure. C'étoit de ces minières d'argent noir que les anciens Péru- viens tiroient leur argent. Il y a d'autres minerais d'ar- gent de couleurs différentes : un qui est noir, mais devient rouge en le mouillant ou le grattant avec du fer; il est riche, et l'argent qu'on en tire est d'un haut aloi : un autre brille comme du talc , mais il donne DE l'argent. 387 peu de métal : un autre qui n'en contient guère plus est d'un rouge jaunâtre; on le tire aisément de sa mine en petits morceaux friables et mous : il Y a aussi du minerai vert qui n'est guère plus dur, et qui pa- r'oît être mêlé de cuivre. Enfin on trouve de l'argent pur en plusieurs endroits; mais ce n'est que dans la seule mine de Cotamito, assez voisine de celle de Po- tosi , où l'on voit des fils d'argent pur, entortillés comme ceux du galon brûlé. Il en est donc de l'argent comme de l'or et du fer : leurs mines primordiales sont toutes dans le roc vi- treux, et ces métaux y sont incorporés en plus ou moins grande quanlité, dès le temps de leur première fusion ou sublimation par le feu primitif; et les mines secondaires , qui se trouvent dans le» matières calcaires ou scbisteuses, tirent évidemment leur origine des premières* Ces mines de seconde et de troisième for- mation, qu'on a quelquefois vues s'augmenter sensi- blement par l'addition du minerai charrié par les eaux, ont fait croire que les métaux se produisoie'nt de nou- veau dans le sein de la terre, tandis que cqjii'est au contraire que de leur décomposition et de la réunion de leurs détriments que toutes ces mines nouvelles ont pu et peuvent encore être formées; et sans nous éloigner de nos mines d'argent du Pérou , il s'en trouve de cette espèce au pied des montagnes et dans les ex- cavations des mines même abandonnées depuis long- temps. Les mines d'argent du Mexique ne sont guère moins fameuses que celles du Pérou. M. Bowlesdit que dans celle appelée V alladora ^ le minerai le plus riche don- noit cinquante livres d'argent par quintal , le moven 588 MINÉRAUX. vingt-cinq livres, et le plus pauvre huit livres, et que souvent on trouvoit clans cette mine des morceaux d'ar- gent vierge. On estime même que tout l'argent qui se tire du canton de Saintc-Pëcaque est plus fin que celui du Pérou. Suivant Gemelli Carreri, la mine de Santa- Cruz avoit, en 1697, P^"^ ^^ '*'^P'^ cents pieds de pro- fondeur, celle de Navaro plus de six cents; et l'on peut compter, dit-il, plus de mille ouvertures de mi- nes dans un espace de six lieues autour de Santa-Cruz. Celles de la Trinité ont été fouillées jusqu'à huit cents pieds de profondeur : les gens du pays assurèrent à- ce voyageur qu'en dix ou onze années, depuis 1687 jusqu'en 1697, ^^^ ^^^ avoit tiré quarante millions de marcs d'argent. 11 cite aussi la mine de Saint-Matthieu, qui n'est qu'à peu de dislance de la Trinité, et qui , n'ayant été ouverte qu'en 1689, étoit fouillée à quatre cents pieds en 1697 • ^^ ^^^ ^P^ ^^^ pierres métalliques en sont de la plus grande dureté ; qu'il faut d'abord les pétarder et les briser à coups de marteau ; que l'on distingue et sépare les morceaux qu'on peut faire fon- dre toul^e suite, de ceux qu'on doit auparavant amal- gamer avec le mercure. On bioie ces pierres métal- liques, propres à la fonte, dans un mortier de fer; et après avoir séparé par des lavages la poudre de pierre autant qu'il est possible, on mêle le minerai avec une certaine quantité de plomb, et on les fait fondre en- semble ; on enlève les scories avec un croc de fer, tandis que par le bas on laisse couler l'argent en lin- gots, que l'on porte dans un autre fourneau pour les refondre et achever d'en séparer le plomb. Chaque lingot d'argent est d'environ quatre-vingts ou cent marcs; et s'ils ne se trouvent pas au titre prescrit , on DE l'argent. 58c) les fait refondre une seconde fois avec le plomb pour les affiner. On fait aussi l'essai de la quantité d'or que chaque lingot d'argent peut contenir, et on l'indique par une marque particulière; s'il s'y trouve plus de quarante grains d'or par marc d'argent, on en fait le départ ; et pour les autres parties du minerai que l'on veut traiter par l'amalgame, après les avoir réduites en poudre très fine, on y mêle le mercure, et l'on procède comme nous l'avons dit en parlant du traite- ment des mines de Potosi. Le mercure qu'on y em- ploie vient d'Espagne ou du Pérou : il en faut un quin- tal pour séparer mille marcs d'argent. Tout le produit des mines du Mexique et de la Nouvelle-Espagne doit être porté à Mexico; et l'on assure qu'à la fin du der- nier siècle ce produit étoit de deux millions de marcs par an , sans compter ce qui passoit par des voies in- directes. Il y a aussi plusieurs mines d'argent au Chili , sur- tout dans le voisinage de Coquimbo, et au Brésil, à quelque distance dans les terres voisines de la baie de Tous-les-Saints; l'on en trouve encore dans plusieurs autres endroits du continent de l'Amérique ^ et même dans les îles. Les anciens voyageurs citent en particu- lier celle de Saint-Domingue; mais la culture et le produit du sucre et des autres denrées de consomma- tion que l'on tire de cette île sont des trésors bien plus réels que ceux de ses mines. Après avoir ci -devant exposé les principales pro- priétés de l'argent , et avoir ensuite parcouru les dif- ierentes contrées où ce métal se trouve en plus grande quantité, il ne nous reste plus qu'à faire mention des principaux faits et des observations particulières BCFl-Oi\. Ml. .)90 MINERAUX. que les physiciens et les chimistes ont recueillis en tra- vaillant l'argent et en le soumettant à un nombre in- fini d'épreuves. Je commencerai par un fait que j'ai reconnu le premier. On étoit dans l'opinion que ni l'or ni l'argent mis au feu , et même tenus en fusion , ne perdoient rien de leur substance ; cependant il est certain que tous deux se réduisent en vapeurs et se subliment au feu du soleil à un degré de chaleur même assez foible. Je l'ai observé lorsqu'en 1747 j'ai fait usage du miroir que j'avois inventé pour brûler à de grandes distances; j'exposai à quarante, cin- quante, et jusqu'à soixante pieds de distance, des plaques et des assiettes d'argent : je les ai vues fumer long-temps avant de se fondre, et cette fumée étoit assez épaisse pour faire une ombre très sensible qui se marquoit sur le terrain. On s'est depuis pleinement convaincu que cette fumée étoit vraiment une vapeur métallique; elle s'attachoit aux corps qu'on lui pré- sentoit, et en argentoit la surface; et puisque cette sublimation se fait à une chaleur médiocre par le feu du soleil, il y a toute raison de croire qu'elle se fait aussi et en bien plus grande quantité par la forte cha- leur du feu de nos fourneaux, lorsque non seulement on y fond ce métal, mais qu'on le tient en fusion pendant un mois, comme l'a fait kunckel. J'ai déjà dit que je doutois beaucoup de l'exactilude de son expérience, et je suis persuadé que l'argent perd par le feu une quantité sensible de sa substance, et qu'il en perd d'autant plus que le feu est plus violent et ap- pliqué plus long-temps. L'argent offre dans ses dissolutions différents phé- nomènes dont il est bon de faire ici mention, l^ors- DE L ARGENT. JQ l qu'il est dissous par l'acide nitreux, on observe que si l'argent est à peu près pur, la couleur de cette dis- solution, qui d'abord est un peu verdâtre, devient ensuite très blanche, et quand il est mêlé d'une pe- tite quantité de cuivre, elle est constamment verte. Les dissolutions des métaux sont en général plus corrosives que l'acide même dans lequel ils ont été dissous : mais celle de l'argent par l'acide nitreux l'est au plus haut degré ; car elle produit des cristaux si caustiques, qu'on a donné à leur masse réunie par la fusion le nom de pierre infernale. Pour obtenir ces cristaux il faut que l'argent et l'acide nitreux aient été employés purs. Ces cristaux se forment dans la dissolution par le seul refroidissement; ils n'ont que peu de consistance , et sont blancs et aplatis en forme de paillettes : ils se fondent très aisément au feu, et long-temps avant d'y rougir; et c'est cette masse fon^ due et de couleur noirâtre qui est la pierre infernale. 11 y a plusieurs moyens de retirer l'argent de sa dissolution dans l'acide nitreux; la seule action du feu, long-temps continuée , suffit pour enlever cet acide : on peut aussi précipiter le métal par les autres acides, vitriolique ou marin, par les alcalis, et par les métaux qui , comme le cuivre, ont plus d'afPmité que l'argent avec l'acide nitreux. L'argent, tant qu'il est dans l'état de métal, n'a point d'affinité avec l'acide marin : mais, dès qu'il est dissous, il se combine aisément et même fortement avec cet acide, car la mine d'argent corné paroît être formée par l'action de l'acide marin. Cette mine se fond très aisément, et même se volatilise à un fei^ violent. 592 MINÉRAUX. L'acide vitriolique attaque l'argent en masse au moyen de Ja chaleur; il le dissout même complète- ment; et en faisant distiller cette dissolution, l'acide passe dans le récipient , et forme un sel qu'on peut appeler vitriol d'argent. Les acides animaux et végétaux, comme l'acide des fourmis Ou celui du vinaigre, n'attaquent point l'ar- gent dans son état de métal ; mais ils dissolvent très bien ses précipités. Les alcalis n'ont aucune action sur l'argent ni même sur ses précipités ; mais lorsqu'ils sont unis aux préci- pités du soufre , comme dans le foie de soufre , ils agis- sent puissamment sur la substance de ce métal, qu'ils noircissent et rendent aigre et cassant. Le soufre, qui facilite la fusion de l'argent, doit par conséquent en altérer la substance; cependant il ne l'attaque pas comme celle du fer et du cuivre, qu'il transforme en pyrite. L'argent fondu avec le soufre peut en être séparé dans un instant par l'addition du nitre, qui, après la détonation, laisse l'argent sans perte sensible ni diminution de poids ; le nitre réduit au contraire le fer et le cuivre en chaux, parce qu'il a une action directe sur ces métaux, et qu'il n'en a point sur l'argent. La surface de l'argent ne se convertit point en rouille par l'impression des éléments humides; mais elle est sujette à se ternir, se noircir, et se colorer : on peut même lui donner l'apparence et la couleur de l'or en l'exposant à certaines fumigations, dont on a eu raison de proscrire l'usage pour éviter la fraude. On emploie utilement l'argent battu en feuilles min- ces pour en couvrir les autres métaux, tels que le cui- DE l'argent. 390 vre et le fer; il suflit. pour cela de bien nettoyer la surface de ces métaux et de les faire chauffer : les feuilles d'argent qu'on y applique s'y attachent et y adhèrent fortement. Mais comme les métaux ne s'u- nissent qu'aux métaux, et qu'ils n'adhèrent à aucune autre substance, il faut, lorsqu'on veut argenter le bois ou toute autre matière qui n'est pas métallique , se servir d'une colle faite dégomme ou d'huile, dont on enduit le bois par plusieurs couches qu'on laisse sécher avant d'appliquer la feuille d''argent sur la der- nière : l'argent n'est en effet que collé sur l'enduit du bois, et ne lui est uni que par cet intermède, dont on peut toujours le séparer sans le secours de la fu- sion , et en faisant seulement brûler la colle à laquelle il étoit attaché. Quoique le mercure s'attache promptement et assez fortement à la surface de l'argent, il n'en pénètre pas la masse à l'intérieur; il faut le triturer avec ce métal pour en faire l'amalgame. Il nous reste encore à dire un mot du fameux arbre de Diane, dont les charlatans ont si fort abusé en faisant croire qu'ils avoient le secret de donner à l'or et à l'argent la faculté de croître et de végéter comme les plantes : néanmoins cet arbre métallique n'est qu'un assemblage ou accumulation des cristaux pro- duitspar le travail de l'acide nitreux sur l'amalgame du mercure et de l'argent. Ces cristaux se groupent suc- cessivement les uns sur les autres; et s'accumulant par superposition , ils représentent grossièrement la figure extérieure d'une végétation. ^94 MINÉRAUX. DU CUIVRE. i De la même manière et dans Je même temps que les roches primordiales de fer se sont réduites en rouille par l'impression des éléments humides, les masses de cuivre primitif se sont décomposées en vert-de-gris, qui est la rouille de ce métal , et qui , comme celle du fer, a été transportée par les eaux et disséminée sur la terre, ou accumulée en quelques endroits où elle a formé des mines qui se sont de même déposées par alluvion, et ont ensuite produit les minerais cuivreux de seconde et troisième formation ; mais le cuivre na- tif ou de première origine a été formé, comme l'or et l'argent, dans les fentes perpeftdiculaires des monta- gnes quartzeuses, et il se trouve soit en morceaux de métal massif, soit en veines ou fdons mélangés d'au- tres métaux : il a été liquéfié ou sublimé par le feu; et il ne faut pas confondre ce cuivre natif de première formation avec le cuivre en stalactites, en grappes ou filets, que nos chimistes ont également appelés cuivres natifs j, parce qu'ils se trouvent purs dans le sein de la terre. Ces derniers cuivres sont au contraire de troisième et peut-être de quatrième formation ; la plu- part proviennent d'une cémentation naturelle qui s'est faite par l'intermède du fer, auquel le cuivre décom- posé s'est attaché après avoir été dissous par les sels de la terre. Ce cuivre rétabli dans son état de métal par la cémentation, aussi bien que le cuivre primitif DU CUIVRE. 095 qui subsiste encore en masses siiétallîques, s'est ofiert ie premier à la recherche des hommes; et comme ce métaJ est moins difficile à fondre que le fer, il a été employé long-temps auparavant pour fabriquer les ar- mes et les instruments d'agriculture. JNos premiers pè- res ont donc usé , consommé les premiers cuivres de Tancienne nature : c'est, ce me semble, par cette raison que nous ne trouvons presque plus de ce cuivre pri- mitif dans notre Europe, non plus qu'en Asie ; il a été consommé par l'usage qu'en ont fait les habitants de ces deux parties du monde très anciennement peu- plées et policées, au lieu qu'en Afrique, et surtout dans le continent de l'Amérique, où les hommes sont plus nouveaux et n'ont jamais été bien civilisés, on trouve encore aujourd'hui des blocs énormes de cui- vre en masse qui n'a besoin que d'une première fu- sion pour donner un métal pur, tandis que tout le cuivre minéralisé et qui se présente sous la forme de pyrites demande de grands travaux, plusieurs feux de grillage, et même plusieurs fontes, avant qu'on puisse le réduire en bon métal, dépendant ce cuivre miné- ralisé est presque le seul que l'on trouve aujourd'hui en Europe : le cuivre primitif a été épuisé; et s'il en reste encore , ce n'est que dans l'intérieur des mon- tagnes où nous n'avons pu fouiller, tandis qu'en Amé- rique il se présente à nu , non seulement sur les mon- tagnes , mais jusque dans les plaines et les lacs, comme on le verra dans l'énumération que nous ferons des mines de ce métal, et de leur état actuel dans les dif- férentes parties du monde. Le cuivre primitif étoit donc du métal presque pur, incrusté comme l'or et l'argent dans les fentes du 096 M 1 JN É R A U X. quartz, ou nièlé comme le fer primitif dans les masses vitreuses; et ce métal a été déposé par fusion ou par sublimation dans les fentes perpendiculaires du globe, dès le temps de sa consolidation; l'action de ce pre- mier feu en a fondu et sublimé la matière, et l'a in- corporée dans les rochers vitreux : tous les autres états dans lesquels se présente le cuivre sont postérieurs à ce premier état, et les minerais mêlés de pyrites n'ont été produits, comme les pyrites elles-mêmes, que par l'intermède des éléments humides. Le cuivre primitif attaqué par l'eau, par les acides, les sels, et même par les huiles des végétaux décomposés, a changé de forme; il a été altéré, minéralisé, détérioré, et il a subi un si grand nombre de transformations, qu'à peine pourrons-nous le suivre dans toutes ses dégra- dations et décompositions. La première et la plus simple de toutes les décom- positions du cuivre est sa conversion en vert-de-gris ou verdet ; l'humidité de l'air, ou le plus léger acide, suffisent pour produire cette rouille verte. Ainsi, dès les premiers temps après la chute des eaux, toutes les surfaces des blocs du cuivre primitif, ou des roches vitreuses dans lesquelles il étoit incorporé et fondu, auront plus ou moins subi cette altération; la rouille verte aura coulé avec les eaux, et se sera disséminée sur la terre, ou déposée dans les fentes et cavités où nous trouvons le cuivre sous cette forme de verdet. L'eau, en s'infdtrant dans les mines de cuivre, en dé- tache des parties métalliques; elle les divise en parti- cules si ténues que souvent elles sont invisibles, et qu'on ne les peut reconnoître qu'au mauvais goût et aux effets encore plus mauvais de ces eauxcuivreuses, DU CUIVKE. J97 qui toutes découlent des endroits où gisent les mines de ce métal , et communément elles sont d'autant plus chargées de parties métalliques qu'elles en sont plus voisines : ce cuivre dissous par les sels de la terre et des eaux pénètre les matières qu'il rencontre ; il se réunit au fer par cémentation , il se combine avec tous les sels acides et alcalins; et se mêlant aussi avec les autres substances métalliques, il se présente sons mille formes différentes , dont nous ne pourrons indiquer que les variétés les plus constantes. Dans ses mines primordiales le cuivre est donc sous sa forme propre de métal natif, comme l'or et l'argent vierge; néanmoins il n'est jamais aussi pur dans son état de nature qu'il le devient après avoir été rafFmé par notre art. Dans cet état primitif il contient ordi- nairement ime petite quantité de ces deux premiers métaux ; ils paroissent tous trois avoir été fondus en- semble ou sublimés presque en même temps dans les fentes de la roche du globe ; mais, de plus, le cuivre a été incorporé et mêlé, comme le fer primitif, avec la matière vitreuse : or l'on sait que le cuivre exige plus de feu que l'or et l'argent pour entrer en fusion, et que le fer en exige encore plus que le cuivre; ainsi ce métal tient, entre les trois autres, le milieu dans l'ordre de la fusion primitive, puisqu'il se présente d'abord, comme l'or et l'argent, sous la forme de mé- tal fondu, et encore, comme le fer, sous la forme d'iuie pierre métallique. Ces pierres cuivreuse^ sont communément teintes ou tachées de vert ou de bleu ; la seule humidité de l'air ou de la terre donne aux particules cuivreuses cette couleur verdâtre, et la plus petite quantité d'alcali vohjti! la change en bleu : ainsi 3gS MINERAUX. ces masses cuivreuses, qui sont teintes ou taclïées de vert ou de bleu, ont déjà été attaquées par les élé- ments humides ou par les vapeurs alcalines. Les mines de cuivre tenant argent sont bien plus communes que celles qui contiennent de l'or; et comme le cuivre est plus léger que l'argent, on a observé que dans les mines mêlées de ces deux mé- taux la quantité d'argent augmente à mesure que l'on descend; en sorte que le fond du filon donne plus d'argent que de cuivre, et quelquefois même ne donne que de l'argent, tandis que, dans sa partie supé- rieure, il n'avoit offert que du cuivre. En général, les mines primordiales de cuivre sont assez souvent voisines de celles d'or et d'argent, et toutes sont situées dans les montagnes vitreuses pro- duites par le feu primitif : mais les mines cuivreuses de seconde formation, et qui proviennent du détri- ment des premières, gisent dans les montagnes schis- teuses, formées, comme les autres montagnes à cou- ches, par le mouvement et le dépôt des eaux. Ces mines secondaires ne sont pas aussi riches ques les premières ; elles sont toujours mélangées de pyrites et d'une grande quantité d'autres matières hétérogènes. Les mines de troisième formation gisent, comme les secondes, dans les montagnes à couches, et se trouvent non seulement dans les schistes, ardoises, et argiles, mais aussi dans les matières calcaires : elles proviennent du détriment des mines de première et de seconde formation , réduites en poudre ou dis- soutes et incorporées avec de nouvelles matières. Les minéralogistes leur ont donné autant de noms qu'elles leur ont présenté de différences: la chrysocolle j, ou DU CUIVRE. 099 vert de montagne, qui n'est que du vert-de-gris très atténué; la chrysocolle bleue, qui ne diffère de la verte que par la couleur que les alcalis volatils ont fait changer en bleu : on l'appelle aussi âf^t^r^ lorsqu'il est bien intense, et il perd cette belle couleur quand il est exposé à l'air et reprend peu à peu sa couleur verte , à mesure que l'alcali volatil s'en dégage; il re- paroît alors, comme dans son premier état, sous la forme de chrysocolle verte, ou sous celle de mala- chite. Il forme aussi des cristaux verts et bleus, sui- vant les circonstances, et l'on prétend même qu'il en produit quelquefois d'aussi rouges et d'aussi transpa- rents que ceux de la mine d'argent rouge: nos chi- mistes récents en donnent pour exemple les cristaux rouges qu'on a trouvés dans les cavités d'un morceau de métal enfoui depuis plusieurs siècles dans le sein de la terre. Ce morceau est une })artie de la jambe d'un cheval de bronze, trouvée à Lyon en 1771. Mon savant ami M. de Morveau m'a écrit qu'en examinant au microscope les cavités de ce morceau, il y a vu non seulement des cristaux d'im rouge rubi^ mais aussi d'autres cristaux d'un beau vert d'émeraude et transparents dont on n'a pas parlé ; et il me demande qu'est-ce qui a pu produire ces cristaux. M. Demeste dit à ce sujet que l'azur et le vert du cuivre, ainsi que la malachite et les cristaux rouges qui se trouvent dans le bloc de métal anciennement enfoui, sont au- tant de produits des différentes modifications que le cuivre en état métallique a subies dans le sein de la terre : mais cet habile chimiste me paroît se trom- per en attribuant au cuivre seul l'origine de ces petits cristaux y qui sont ^ dit-il , très éclatants ^ et d'une mine 4oO MINÉRAUX. rouge de cuivre transparente ^ comme la plus belle mine d'argent rouge; car ce morceau de métal n etoit pas 5 il bout et diminue de poids s'il est exposé à l'air; car sa surface se brûle et se calcine dès qu'elle n'est pas recouverte, et qu'on néglige de faire à ce métal un bain de matières vitreuses; et même avec cette pré- caution il diminue de masse et souffre du déchet à chaque fois qu'on le fait rougir au feu. La fumée qu'il répand est en partie métallique, et rend verdâtre ou bleue la flamme des charbons ; et toutes les matières qui contiennent du cuivre donnent à la flamme ces mêmes couleurs vertes ou bleues : néanmoins sa sub- stance est assez Gxe; car il résiste plus long-temps que le fer, le plomb , et l'étain, à la violence du feu avant de se calciner. Lorsqu'il est exposé à l'air libre et qu'il n'est pas recouvert, il se forme d'abord à sa sur- face de petites écailles qui surnagent la masse en fu- sion : ce cuivre à demi b^ûlé a déjà perdu sa ductilité et son brillant métallique ; et se calcinant ensuite de plus en plus, il se change en une chaux noirâtre qui, comme les chaux du plomb et des autres métaux , aug- mente très considérablement en volume et en poids, par la quantité de l'air qui se fixe en se réunissant à leur substance. Cette chaux est bien plus diflicile à fondre que le cuivre en métal ; et lorsqu'elle subit l'ac- tion d'un feu violent , elle se vitrifie et produit un émail d'un brun chatoyant, qui donne au verre blanc une très belle couleur verte : mais si l'on veut fondre cette chaux de cuivre seule en la poussant à un feu encore plus violent, elle se brCde en partie , et laisse un résidu qui n'est qu'une espèce de scorie vitreuse ou noirâtre, dont on ne peut ensuite retirer qu'une très petite quantité de métal. En laissant refroidir très lentement et dans un feu 4l6 MINÉRAUX. gradué le cuivre fondu , on peut Je faire cristalliser en cristaux proéminents à sa surface, et qui pénètrent dans son intérieur : il en est de môme de l'or, de l'ar- gent, et de tous les autres métaux et minéraux métalli- ques. Ainsi la cristallisation peut s'opérer également par le moyen du feu comme par celui de l'eau ; et , dans toute matière liquide ou liquéfiée, il ne faut que de l'espace , du repos , et du temps, pour qu'il se forme des cristallisations par l'attraction mutuelle des parties homogènes et sioailaires. Quoique tous les acides puissent dissoudre le cui- vre, il faut néanmoins que l'acide marin et surtout l'acide vitriolique soient aidés de la chaleur, sans quoi la dissolution seroit excessivement longue. L'acide ni- treux le dissout au contraire trèspromptement, même à froid : cet acide a plus d'affinité avec le cuivre qu'a- vec l'argent; car l'on dégage parfaitement l'argent de sa dissolution, et on le précipite en entier et sous sa forme métallique par l'intermède du cuivre. Comme cette dissolution du cuivre par l'eau-forte se fait avec grand mouvement et forte effervescence, elle ne pro- duit point de cristaux, mais seulement un sel déli- quescent, au lieu que les dissolutions du cuivre par l'acide vitriolique ou par l'acide marin , se faisant lente- ment et sans ébuUition, donnent de gros cristaux d'un beau bleu qu'on appelle vitriol de Chypre ou vitriol bleUj ou des cristaux enpetitesaiguillesd'un beau vert. Tous les acides végétaux attaquent aussi le cuivre : c'est avec l'acide du marc des raisins qu'on fait le vert-de-gris dont se servent les peintres : le cuivre avec l'acide du vinaigre donne des cristaux que les chimistes ont nouimés cristaux de Vénus. Les huiles, DU CUIVRE. 41 7 le suif, et les graisses, attaquent aussi ce m de tombac fort abondante dans la province de Hu- Quang. On fait de très beaux ouvrages avec ce tom- bac, et en général on ne consomme nulle part plus de cuivre qu'à la Chine, pour les canons, les cloches, les instruments, les monnoies, etc. Cependant le cui- vre est encore plus commun au Japon qu a la Chine : les mines les plus riches et qui donnent le métal le plus fin et le plus ductile sont dans la province de Rijnok et de Surunga, et cette dernière doit être re- gardée comme une mine de tombac; car elle tient une bonne quantité d'or. Les Japonois tirent de leurs mines une si grande quantité de cuivre, que les Eu- ropéens , et particulièrement les Hollandois, en achè- tent pour le transporter et en faire commerce; mais autant le cuivre rouge est commun dans ces îles du Japon, autant le cuivre jaune ou laiton y est rare, parce qu'on n'y trouve point de mine de zinc, et qu'on est obligé de tirer du Tunquin ou d'encore plus loin la calamine ou le zinc nécessaire à cet alliage. Enfin, pour achever l'énumération des principales mines de cuivre de l'Asie, nous indiquerons celles de l'île Formose, qui sont si abondantes, au rapport des voyageurs, qu'une seule de ces mines pourroit sufïire à tous les besoins et usages de ces insulaires. La plus riche est celle de Peorko; le minéral est du cuivre rouge, et paroît être de première formation. Nous ne ferons que citer celles de Macassar dans excellente que le cuivre commun , mais dont les veines étoient déjà depuis long-temps épuisées : « lu Cypro prima aeris iuvcnlio ; mox » vilitas, reperto in aliis terris praestanliore. maxime auriclialco, quod » prœcipuam boiiilatem admiralionemque diu obtinuit : nec reperitur » loiigo jam tempore , clTœla tellure. » (Lib. XXXIV, cap. ii, ) 436 MINÉRAUX. les îles Célébes, celles de l'île de Timor, et enfin cel- les de Bornéo , dont quelques unes sont mêlées d'or et donnent du tombac, comme celles de la province de Surunga au Japon, et de Hu-Quang à la Chine. En Afrique, il y a beaucoup de cuivre , et même du cuivre primitif. Marmol parle d'une mine riche qui étoit, il y a près de deux siècles , en pleine exploita- tion dans la province de Suz au royaume de Maroc, et il dit qu'on en tiroit beaucoup de cuivre et de laiton qu'on transportoiten Europe; il fait aussi mention des mines du mont Atlas dans la province de Sahara, où Ton fabriquoit des vases de cuivre et de laiton. Ces mines de la Barbarie et du royaume de Maroc four- nissent encore aujourd'hui une très grande quantité de ce métal , que les Africains ne se donnent pas la peine de raffiner, et qu'ils nous vendent en cuivre brut. Les montagnes des îles du cap Vert contiennent aussi des mines de cuivre ; car il en découle plusieurs sour- ces dont les eaux sont chargées d'une grande quan- tité de parties cuivreuses qu'il est aisé de iixer et de recueillir par la cémentation. Dans la province de Bam- bouc, si abondante en or, on trouve aussi beaucoup de cuivre, et particulièrement dans les montagnes de Radschinkadhar, qui sont d'une prodigieuse hauteur. Il y a aussi des mines de cuivre dans plusieurs endroits du Congo et à Benguela ; l'une des plus riches de ces contrées est celle de la baie des Vaches^ dont le cui- vre est très fin : on trouve de même des mines de ce métal en Guinée, au pays des Insijesses, et enfin dans les terres des Hottentots. Kolbe fait mention d'une mine de cuivre qui n'est qu'à une lieue de distance du cap, dans une très haute montagne, dont il dit que DU CUIVRE. /P7 le minéral est pur et très abondant. Cette mine, située dans une si haute montagne, est sans doute de pre- mière formation comme celle deBambouc, et comme la plupart des autres mines de cuivre de l'Afrique; car quoique les Maures, les iNègres, et surtout les Abyssins, aient eu de temps immémorial des instru- ments de ce métal, leur art ne s'étend guère qu'à fondre le cuivre natif ou celui de troisième formation , et ils n'ont pas tenté de tirer ce métal des mines py- riteuses de seconde formation, qui exigent de grands travaux pour être réduites en métal. Mais c'est surtout dans le continent du N ou veau - Monde , et particulièrement dans les contrées de tout temps inhabitées, que se trouvent en grand nombre les mines de cuivre de première formation. jNous avons déjà cité quelques lieux de l'Amérique septen- trionale où l'on a rencontré de gros blocs de cuivre natif et presque pur : on en trouvera beaucoup plus à mesure que les hommes peupleront ces déserts; car, depuis que les Espagnols se sont habitués au Pérou et au Chili, on en a tiré une immense quantité de cuivre : partout on a commencé par les mines de pre- mière formation, qui sont les plus aisées à fondre. Frézier, témoin judicieux, rapporte « que dans une montagne qui est à douze lieues de Pampas du Para- guay, et à cent lieues de la Conception, l'on a décou- vert des mines de cuivre si singulières, qu'on en a vu des blocs ou pépites de plus décent quintaux; que ce cuivre est si pur, que d'un seul morceau de quarante i[ u intaux on a fait six canons de campagne de six li- vres de balle chacun , pendant qu'il étoit à la Concep- îion ; qu'au reste il y a dans cette même mon tagne du 458 MINÉRAUX. cuivre pur et du cuivre imparfait, et en pierres uic- Ices de cuivre. » C'est aux environs de Cocpimbo que les mines de cuivre sont en plus grand nombre, et elles sont en même temps si abondantes, qu'une seule, quoique travaillée depuis long-temps, fournit encore aujour- d'hui tout le cuivre qui se consomme à la côte du Chili et du Pérou. Il y a aussi plusieurs autres mines de cuivre à Carabaïaet dans le corrégiment de Copiapo. Ces mines de cuivre du Pérou sont presque toujours mêlées d'argent, en sorte que souvent on leur donne le nom de mines d'argent; et l'on a observé qu'en général toutes les mines d'argent du Pérou sont mê- lées de cuivre, et que toutes celles de cuivre le sont d'argent. Mais ces mines de cuivre du Pérou sont en assez petit nombre, et beaucoup moins riches que celles du Chili; car M. Bowles les compare à celles qu'on travaille actuellement en Espagne. Dansle Mexi- que, au canton de Koliraa, il se trouve des mines de deux sortes de cuivre : l'une si molle et si ductile, que les habitants en font de très beaux vases; l'autre si dure, qu'ils l'emploient au lieu de fer pour les instru- ments d'agriculture. Enfin l'on trouve des mines de cuivre à Saint-Domingue, et du cuivre en métal et de première formation au Canada et dans les parties plus septentrionales de l'Amérique, comme chez les Mi- chillimakinacs, et aux environs de la rivière Danoise, à la baie d'Iïudson. Il y a d'autres mines de cui.vre de seconde formation aux Illinois et aux Sioux; et quoique les voyageurs ne disent pas qu'il se trouve en Amérique des mines de tombac comme en Asie et en Afrique, cependant les habitants de l'Amériqiîe DU CUIVRE. 4^^9 méridionale ont des anneaux, des bracelets et d'au- tres ornements d'une matière métallique qu'ils nom- ment caracoli^ et que les voyageurs ont regardée comme im mélange de cuivre, d'argent et d'or, pro- duit par la nature. Il est vrai que ce caracoti ne se rouille ni ne se ternit jamais; mais il est aigre, grenu, et cassant : on est obligé de le mêler avec de l'or pour le rendre plus doux et plus traitable. Il est donc entré de l'arsenic ou de l'élain dans cet alliage ; et si le caracoll n'est pas de la platine, ce ne peut être que du tombac altéré par quelque minéral , d'au- tant que le relateur ajoute « que les Européens ont voulu imiter ce métal en mêlant six parties d'argent, trois de cuivre, et une d'or; mais que cet alliage n'ap ■ proche pas encore de la beauté du caracoll des In- diens, qui paroît comme de l'argent surdoré légère- ment avec quelque chose d'éclatant, comme s'il étoit un peu enflammé. » Cette couleur rouge et brillante n'est point du tout celle de la platine; et c'est ce qui me fait présumer que ce caracoll des Américains est une sorte de tombac, un mélange d'or, d'argent et de cuivre, dont la couleur s'est peut-être exaltée par l'arsenic. Les régions d'où l'on tire actuellement la plus grande quantité de cuivre sont le Chili, le Mexique et le Canada en Amérique, le royaume de Maroc et les autres provinces de Earbarie en Afrique, le Japon et la Chine en Asie, et la Suède en Europe. Partout on doit employer, pour extraire ce métal, des moyens différents, suivant la différence des mines : celles du cuivre primitif ou de première formation par le feu, on celles de décomposition par 1 eau , et qui toutes 440 MINÉRAUX. sont dans letat métallique, n'ont besoin que d'être fondues une seule fois pour être réduites en très bon métal; elles donnent par conséquent un grand pro- duit à peu de frais. Après les mines primordiales, qui coûtent le moins à traiter, on doit donc s'attacher à celles où le cuivre se trouve très atténué, très divisé , et où néanmoins il conserve son état métallique : telles sont les eaux chargées de parties cuivreuses , qui découlent de la plupart de ces mines. Le cuivre charrié par l'eau y est dissous par l'acide vitriolique; et cet acide s'attachant au fer qu'on plonge dans cette eau, et le détruisant peu à peu , quitte en même temps le cuivre, et le laisse à la place du fer. On peut donc facilement tirer le cuivre de ces eaux qui en sont chargées, en y plongeant des lames de fer, sur les- quelles il s'attache en atomes métalliques, qui for- ment bientôt des incrustations massives. Ce cuivre de cémentation donne , dès la première fonte , un métal aussi pur que celui du cuivre primitif. Ainsi l'on peut assurer que de toutes les mines de cuivre, celles de première et celles de dernière formation sont les plus aisées à traiter et aux moindres frais. Lorsqu'il se trouve dans le courant de ces eaux cuivreuses des matières ferrugineuses aimantées ou attirables à l'aimant, et qui par conséquent sont dans l'état métallique ou presque métallique, il se forme à la surface de ces masses ferrugineuses une couche plus ou moins épaisse de cuivre. Cette cémentation faite par la nature donne un produit semblable à ce- lui de la cémentation artificielle; c'est du cuivre pres- que pur, et que nos minéralogistes ont aussi appelé ctdvrc naiif\ quoique ce nom ne doive s'appliquer DU CUIVRE. 44l qu'au cuivre de première formation produit par le feu primitif. Au reste , comme il n'existe dans le sein de la terre que très peu de fer en état métallique , ce cuivre produit par cette cémentation naturelle n'est aussi qu'en petite quantité, et ne doit pas être compté au nombre des mines de ce métal. Après la recherche des mines primitives de cuivre et des eaux cuivreuses qui méritent préférence par la facilité d'en tirer le métal, on doit s'attacher aux mi- nes de troisième formation, dans lesquelles le cuivre décomposé par les éléments humides estplus ou moins séparé des parties pyriteuses, c'est-à-dire du soufre et du fer, dont il est surchargé dans tous ses minerais de seconde formation. Les mines de cuirve vitreuses et soyeuses, celles d'azur et de malachites, celles de bleu et de vert de montagne, etc., sont toutes de cette troisième formation ; elles ont perdu la forme pyriteuse, et en même temps une partie du soufre et du fer qui est la base de toute pyrite. La nature a fait ici, par la voie humide et à l'aide du temps, cette séparation que nous ne faisons que par le moyen du feu ; et comme la plupart de ces mines de troisième formation ne contiennent qu'en petite quantité des parties pyriteuses, c'est-à-dire des principes du sou- fre, elles ne demandent aussi qu'un ou deux feux de grillage et se réduisent ensuite en métal dès la pre- mière fonte. Enfin les plus rebelles de toutes les mines de cui- vre, les plus difficiles à extraire, les plus dispendieuses à traiter, sont les mines de seconde formation, dans lesquelles le minerai est toujours dans un état plus BlIFFON. VU. 44^ MINÉRAUX. OU Dîoiris pyriteiix ; toutes contiennent une certaine quantité de fer; et plus elles en contiennent, plus elles sont réfractaires; et malheureusement ces mines sont dans notre climat les plus communes, les plus étendues, et souvent les seules qui se présentent à nos recherches : il faut, comme nous l'avons dit, plu- sieurs torréfactions avant de les jeter au fourneau de fusion, et souvent encore plusieurs autres feux pour en griller les mattes avant que, par la fonte, elles se réduisent en cuivre noir, qu'il faut encore traiter au feu pour achever d'en faire du cuivre rouge. Dans ces travaux il se fait une immense consommation de matières combustibles; les soins multipliés, les dé- penses excessives, ont souvent fait abandonner ces mines : ce n'est que dans les endroits où les combus- tibles, bois ou charbon de terre, abondent, ou bien dans ceux ou le minerai de cuivre est mêlé d'or ou d'argent, qu'on peut exploiter ces raines pyriteuses avec profit; et comme l'on cherche, avec raison, tous les moyens qui peuvent diminuer la dépense, on a tenté de réunir les pratiques de la cémentation et de la lessive à celle de la torréfaction. Nous ne donnerons point ici le détail des opéra- tions du rafPmage de ce métal, ce seroit trop s'éloi- gner de notre objet, et nous nous contenterons seu- lement d'observer que le déchet au raffinage est d'au- tant moindre que la quantité qu'on raffine à la fois est plus grande; et cela par une raison générale et très simple; c'est qu'un grand vohuiie offrant à pro- portion moins de surface qu'un petit, l'action des- tructive de l'air et du feu qui porte immédiatement DU CUIVRE. j/jT) sur la surface du métal emporte, calcine, ou bràle moins de parties de la masse en grand qu'en petit volume. Au reste , nous n'avons point encore en France d'assez grands fourneaux de fonderie pour raffiner le cuivre avec profit. Les Anglois ont non seulement établi plusieurs de ces fourneaux ^, mais ils ont en même temps construit des machines pour laminer le cuivre afin d'en revêtir leurs navires. Au moyen de ces grands fourneaux de raffinage, ils tirent bon parti des cuivres bruts qu'ils achètent au Chili, au Mexi- que, en Barbarie, et à Mogador : ils en font un com- merce très avantageux ; car c'est d'Angleterre que nous tirons nous-mêmes la plus grande partie des cuivres dont on se sert en France et dans nos colonies. Nous éviterons donc cette perte, nous gagnerons même beaucoup, si l'on continue de protéger rétal)lisse- ment que M. de Limare ^, l'un de nos plus habiles • 1. On raffine aujourd'hui le cuivre Jans de grands fourneaux de ré- verbère , à l'aide du vent d'un soufflet ([u'une roue hydraulique fait mouvoir : on n'y emploie que du charbon de terre naturel. Chaque; raffinage est de quatre-vingts quintaux et dure quinze à seize heures. On fait oi'dinairement trois raffinages de suite dans le même fourneau par semaine ; on le laisse refroidir et on le répare pour la semaine sui- vante. Quand les opérations sont considérables, il faut avoir trois de ces fourneaux, dont un est toujours en réjiaration lorsque les autres sont en feu. En se bornant à mille quintaux de fabrication par mois, il suffît d'un de ces fourneaux à réverbère. ( Mémoire sur Célahlisse- ment d'une fonderie et d'un laminoir de cuivre , communiqué à M. de Buffon par M. de Limare. ) *2. Les ordres du ministre pour doubler les vaisseaux en cuivre, dit M. de Limare, font prendre le parti d'établir des fourneaux de fon- derie et des laminoirs à Nantes, où l'on feroit amener de Cadix les cuivres bruts du Chili et de toute l'Amérique , ainsi que ceux de Moga- dor et de la Barbarie ; on pourroit même tirer ceux du Levant qui 444 MINÉRAUX. métallurgistes, vient d'entreprendre sous les auspices du gouvernement. viennent à Marseille : car Nantes est le port da royaume qui expédie et qui reçoit le plus de navires de Cadix , de la Russie , et de l'Amé- rique septentrionale ; il est aussi le plus à portée des mines de cliarbon de terre et des débouchés d'Orléans et de Paris , ainsi que des arsenaux de Rocliefort , de Lorieut , et de Brest. La consommation du cuivre ne peut qu'accroître avant le temps par la quantité de nitrièrcs qu'on établit dans le royaume : par le doublage des navires que l'on commence à faire en cuivre, etc. ; par les expé- ditions que Ton pourra faire dans l'Inde , de planches de cuivre coulé ; par la fourniture des arsenaux d'Espagne pour le doublement de leurs vaisseaux, en paiement de laquelle on prendroit des cuivres bruts du Mexique, dont le roi d'Espagne s'est réservé la possession , et qui ne perdent que six à sept pour cent dans l'opéraLion du raffinage Les cuivres bruts de Barbarie ne coûteront pas davantage, soit qu'on les tire directement de Mogador et de Larache parles navires hollan- dois , soit que l'on prenne la voie de Cadix par les vaisseaux mômes de Nantes , qui font souvent le cabotage en attendant leur chargement en retour pour la France. D'ailleurs ces cuivres de Barbarie ne don- nent que cinq à six pour cent de déchet au raffinage. On pourra aussi se procurer des cuivres bruis de la Russie, delà Hongrie, et surtout de l'Amérique septentrionale, qui a fourni jus- qu'à ce jour la majeure parlie des raffineries angloises. {Mémoire com- muniqué par M. de Limare à M. de Buffon en novembre 1780. ) FIN DU SEPTIEME VOLUME. TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS LE SEPTIÈME VOLUME. SUITE DE L'HISTOIRE DES MINÉRAUX. Des Matières volcaniques Page 7 Du Soufre ^5 Des Sels 66 Acide vitriolique et Vitriols 87 Liqueur des cailloux g8 Alun 102 Autres combinaisons de l'Acide vitriolique 1 1 1 Acides des végétaux et des animaux 120 Alcalis et leurs combinaisons i5o Sel marin et Sel gemme 13^ Du jNitre 162 Sel ammoniac 1,^5 Borax * i85 Du Fer 191 I^e rOr 5oo De l'Argent 5g6 Du Cuivre 3^^^ FIN DE LA TABLE. r\ r\