^=^^ïvN^ iA^^ Y^bj^^jlNt^-) i -^^ OEUVRES C O M P L E T F. S DE BUFFON TOME yiii. ««««««.»»&« MINERAUX. V. TAïus. — nîrniMERiE r. at). MOESSAur», bue db furste.mri:rg , ^"' S lus. OEUYRES COMPLETES DE BUFFOIS AUGMENTEES PAR M. F. CUVIER, ' MEMBRE DE l' INSTITUT, ( Académie des Sciences ) DE DEUX VOLUMES OFFRANT LA DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES ET DES OISEAUX LES PLUS REMARQUABLES DÉCOUVERTS JUSQU'a CE JOUR, KT ACCOMPiONKKS d'un beau portrait UE BUFFON, et de 260 GKAVUUES EN TAIT,LE-DOlICE. EXÉCUTÉES TOUR CETTE ÉOITIOIH PAR LES MEILLEURS ARTISTES. A PARIS, CHEZ F. D. PILLOT, ÉDITEUR, RUE DE SEINE-SAINT-GERMAIN, K° ^Q ; SALMON, LIBRAIRE, QUAI DES AUGUSTIN?, N" I9. ,829. 2a a. o HISTOIRE DES MINÉRAUX. a: Fi ON, Viiî. /V\\X «XX V\ VV'lA /< \VV VVV\ \ \ \ v.'X'VXA'VA'i \'VVV\'\ V V\.8<:<»i»8<>e<>aw»o3«>g'?»»«'»S<»»»»g«»a8-<.>»»(W'»»»;haux niclalliques. DU MERCURE. 77 dant elle est beaucoup plus forte et plus profonde : car en mettant le cinabre en vaisseaux clos, comme la chaux de mercure, le cinabre ne se décompose pas; il se sublime sans changer de nature et sans que le mercure se sépare, au lieu que , par le même procédé, sa chaux se décompose et le mercure quitte l'air. Le foie de soufre paroît être la matière avec la- quelle le mercure a le plus de tendance à s'unir, puisque, dans le sein de la terre, le mercure ne se présente que sous la forme de cinabre. Le soufre seul, et sans mélange de matières alcalines, n'agit pas aussi puissamment sur le mercure : i! s'y mêle à peu près comme les graisses lorsqu'on les triture ensemble ; et ce mélange, où le mercure disparoît, n'est qu'une poudre pesante et noire à laquelle les chimistes ont donné le nom d'ét/iiops 7ninéraL Mais, malgré ce chan- gement de couleur, et malgré l'apparence d'une union assez intime entre le mercure et le soufre dans ce mélange, il est encore vrai que ce n'est qu'une union de contact et très superficielle ; car il est aisé d'en re- tirer sans perte et précisément la môme quantité de mercure sans la moindre altération; et comme nous avons vu qu'il en est de même lorsqu'on revivifie le mercure du cinabre, il paroît démontré que le sou- fre, qui altère la plupart des métaux, ne cause au- cun changement intérieur dans la substance du mer- cure. Au reste, lorsque le mercure, par le moyen du feu et par l'addition de l'air, prend la forme d'une chaux ou d'une terre en poudre, cette poudre est d'abord noire, et devient ensuite d'un beau rouge en conti- •JO MINERAUX. nuant le feu; elle oflre même quelquefois de petits cristaux transparents et d'un rouge de rubis. Comme la densité du mercure est très grande, et qu'en même temps ses parties constituantes sont pres- que infiniment petites, ilpeuts'appliquer mieux qu'au- cun autre liquide aux surfaces de tous les corps polis. La force de son union par simple contact avec une glace (le miroir a été mesurée par un de nos plus sa- vants physiciens, et s'est trouvée beaucoup plus forte qu'on ne pourroit l'imaginer. Cette expérience prouve encore, comme je l'ai dit à l'article de Tétain, qu'il y a entre la feuille d'étain et la glace une couche de mercure pur, vif, et sans mélange d'aucune partie d'étain , et que cette couche de mercure coulant n'est adhérente à la glace que par simple contact. Le mercure ne s'unit donc pas plus avec le verre qu'avec aucune autre matière terreuse ; mais il s'a- malgame avec la plupart des substances métalliques. Cette union par amalgame est une humectation qui se fait souvent à froid et sans produire de chaleur ni d'eifervescence , comme cela arrive dans les dissolu- tions : c'est une opération moyenne entre l'alliage et la dissolution; car la première suppose que les deux matières soient liquéfiées par le eu, et la seconde ne se fait que par la fusion ou la calcination du métal par le feu contenu dans le dissolvant, ce qui produit toujours de la chaleur : mais dans les amalgames il n'y a qu'humectation, et point de fusion ni de dissolu- tion; et même un de nos plus habiles chimistes ^ a observé que non seulement les amalgames se font sans j . M Demachv. DU MEIîCir»E. 79 produire de chaleur, mais qu'au contraire ils pro- duisent un froid sensible qu'on peut mesurer en y plongeant un thermomètre. On objectera peut-être qu'il se produit du froid pendant l'union de l'alcali minéral avec l'acide ni- treux, du sel ammoniac avec l'eau, dç la neige avec l'eau, et que toutes ces unions sont bien de vraies dissolutions rmais cela même prouve qu'il ne se pro- duit du froid que quand la dissolution commence par l'humectation ; car la vraie cause de ce froid est l'évaporation de la chaleur de l'eau, ou des liqueurs en général, qui ne peuvent mouiller sans s'évaporer en partie. L'or s'amalgame avec le mercure parle simple con- tact; il le reçoit à sa surface, le retient dans ses po- res, et ne peut en être séparé que par le moyen du feu. Le mercure colore en entier les molécules de l'or; leur couleur jaune disparoît : l'amalgame est d'un gris tirant sur le brun si le mercure est saturé. Tous ces effets proviennent de l'attraction de l'or , qui est plus forte que celle des parties du mercure entre elles, et qui par conséquent les sépare les unes des autres, et les divise assez pour qu'elles puissent entrer dans les pores et humecter la substance de l'or; car en je- tant une pièce de ce métal dans du mercure, il en pénétrera toute la masse avec le temps, et perdra précisément en quantité ce que l'or aura gagné, c'est- à-dire ce qu'il aura saisi par l'amalgame. L'or est donc de tous les métaux celui qui a la plus grande affinité avec le mercure, et on a employé très uti- lement le moyen de l'amalgame pour séparer ce métal précieux de toutes les matières étrangères avec les- 80 ÎIINÉRAUX. quelles il se trouve mêlé dans ses mines. Au reste , pour amalgamer promptement l'or ou d'autres mé- taux, il faut les réduire en feuilles minces ou en poudre, et les mêler avec le mercure par la tritura- tion. L'argent s'unit aussi avec le mercure par le simple contact; mais il ne le retient pas aussi puissamment que l'or, leur union est moins intime; et comme la couleur de l'argent est à peu près la môme que celle du mercure, sa surface devient seulement plus bril- lante lorsqu'elle en est humectée : c'est ce beau blanc brillant qui a fait donner au mercure le nom de vif- argent. Cette grande affinité du mercure avec l'or et l'ar- gent sembleroit indiquer qu'il doit se trouver dans le sein de la terre des amalgames naturels de ces métaux; cependant, depuis qu'on recherche et recueille des minéraux, à peine a-t-on un exemple d'or natif amal- gamé, et l'on ne connoît en argent que queiques morceaux tirés des mines d'Allemagne, qui contien- nentune quantité assez considérable de mercure pour être regardés comme de vrais amalgames. 11 est aisé de concevoir que cette rareté des amalgames naturels vient de la rareté même du mercure dans son état coulant; etce n'est pour ainsi dire qu'entre nos mains qu'il est dans cet état, au lieu que dans celles de la nature il est en masse solide de cinabre , et dans des endroits particuliers très différents, très éloignés de ceux où se trouvent l'or et l'argent primitifs, puisque ce n'est que dans les fentes du quartz et dans les mon- tagnes produites par le feu que gisent ces métaux de première formation, tandis que c'est dans les couches DU MERCURE. 8l formées par le dépôt des eaux que se trouve le mer- cure. ' L'or et Targent sont les seules matières qurs'amal- gament à froid avec le mercure : il ne peut pénétrer les autres substances métalliques qu'au moyen de leur fusion par le feu ; il s'amalgame aussi très bien par ^e même moyen avec lor et l'argent. L'ordre de la faci- lité de ces amalgames est l'or, l'argent, l'étain, le plomb, le bismutli, le zinc, et l'arsenic : mais il re- fuse de s'unir et de s'amalgamer avec le fer, ainsi qu'a- vec les régules d'antimoine et de cobalt. Dans ces amalgames, qui ne se font que par la fusion, il faut cbaufler le mercure jusqu'au degré où il commence à s'élever en vapeurs, et en même temps faire rougir au feu la poudre des métaux qu'on veut amalgamer pour la tritiuer avec le mercure cbaud. Les métaux qui, comme l'étain et le plomb, se fondent avant de rougir, s'amalgament plus aisément et plus promptement que les autres; car ils se mêlent avec le mercure qu'on projette dans leur fonte, et il ne faut que la remuer légèrement pour que le mercure s'attache à toutes leurs parties métalliques. Quant à l'or, l'argent, et le cuivre, ce n'est qu'avec leurs poudres rougies au feu que l'on peut amalgamer le mercure; car si l'on en versoit sur ces métaux fondus, leur chaleur trop forte dans cet état de fusion non seulement le sublimeroit en vapeurs, mais produiroit des explosions dange- reuses. Autant l'amalgame de l'or et de l'argent se fait aisé- ment, soit à chaud, soit à froid, autant l'amalgame du cuivre est difficile et lent : la manière la plus sûre et la moins longue de faire cet amalgame est de trem- 82 :\iK>iÉKArx. per des lames de cuivre dans la dissolution du mer- cure par l'acide nitreux; le mercure dissous s'attache au cuivre et en blanchit les lames. Cette union du mercure et du cuivre ne se fait donc que par le moyen de l'acide, comme celle du mercure et du soufre se fait par le moyen de l'alcali. On peut verser du mercure dans du plomb fondu sans qu'il y ait explosion, parce que la chaleur qui lient le plomb en fusion est fort au dessous »<9'e*e*«Ke'e DU BISMUTH, OU ÉTAIN DE GLACE. Dans le règne minéral, rien ne se ressemble plus que le régule d'antimoine et le bismuth par la struc- ture de leur substance ; ils sont intérievuement com- posés de lames minces d'une texture et d'une figure semblables, et appliquées de même les unes contre lo6 MINÉRAUX. Jes au Ires : néanmoins le régule d'antimoine n'est qu'un produit de l'art, et le bismuth est une produc- tion de la nature. Tous deux, lorsqu'on les fond avec le soufre, perdent leur structure en lames minces, et prennent la forme d'aiguilles appliquées les unes sur les autres : mais il est vrai que le cinabre du mercure et la plupart des autres substances dans lesquelles le soufre se combine, prennent également cette forme aiguillée , parce que c'est la forme propre du soufre , qui se cristallise toujours en aiguilles. Le bismuth se trouve presque toujours pur dans le sein de la terre : il n'est pas d'un blanc aussi écla- tant que le blanc du régule d'antimoine ; il est un peu jaunâtre , et il prend une teinte rougeâtre et des nuan- ces irisées par l'impression de l'air. Ce demi-7nétal est plus pesant que le cuivre, lefer, et l'étain^; et, malgré sa grande densité, le bismuth est sans ductilité : il a môme moins de ténacité que le plomb, ou plutôt il n'en a point du tout; car il est très cassant et presque aussi friable qu'une matière qui ne seroit pas métallique. De tous les métaux et demi-métaux, le bismuth est le plus fusible; il lui faut. moins de chaleur cju'à l'é- tain, et il communique de la fusibilité à tous les mé- taux avec lesquels on veut l'unir par la fusion. L'al- liage le plus fusible que l'on connoisse est, suivant M. Darcet,dehuit parties debismuth , cinqde plomb, et trois d'étain ; et l'on a observé que ce mélange se 1. La pesanteur spécifique du bismuth natif est de 90202 ; celle du régule de bismuth, de 98227; taudis que la pesanteur spécifique du cuivre passé à la filière, c'est-à-dire du cuivre le plus comprimé, n'est (w.c »ft»««'e«*«-»»e4>»»»ê>*.»9-a>»e44>«»»»«^>j«>«-e;â«ù>4i(»94 DU ZliNG*. Le zinc ne se trouve pas, comme le bismuth , dan.^ un état natif de minéral pur, ni même, comme l'an- timoine, dans une seule espèce de mine; car on le tire également de la calamine ou pierre calaminaire et de la blende, qui sont deux matières différentes par leur composition et leur formation, et qui n'ont de commun que de renfermer du zinc. La calamine se présente en veines continues comme les autres miné- raux ; la blende se trouve, au contraire, dispersée et en masses séparées dans presque toutes les mines mé- talliques. La calamine est principalement composée de zinc et de fer ^ ; la blende contient ordinairement d'autres minéraux avec le zinc^. La calamine est d'une couleur jaune ou rougeâtre, et assez aisée à distinguer 1 . Paracelse est le preaiier qui ait employé le nom c\e zinc. Agricola le nomme contre-feyn ; on l'a appel«î stannum indicum, parce qu'il a été apporté (les Indes en assez grande quantité dans le siècle dernier : les auteurs arabes n'en fqnt aucune mention , quoique l'art de tirer le zinc de sa mine existe depuis long-temps aux Indes orientales. 2. M. Bergman a soumis à l'analyse la calamine de Hongrie, et il a Irouvé qu'elle tenoit au quintal quatre-vingt-quatre livres de chaux de zinc, trois livres de chaux de fer, douze de silex , el une d'argile ; sur quoi j'observerai que^la matière de l'argile et celle du silex ne sont qu'une seule et même substance , puisque le silex se réduit en argile en se décomposant par les éléments humides. ."ï. M. Bergman a trouvé que la blende noire de Danemora tenoit au quintal quarante-cinq livres de zinc, neuf de fer, six de plomb, une de régule d'arsenic , vingt-neuf de soufre , quatre de silex , et six d'eau. 1 1 4 M 1 IN É R A L X. des autres minéraux; la bleude , au contraire, tire son nom de son apparence trompeuse et de sa forme équivoque * : il y a des blendes qui ressemblent à la galène de plomb ; d'autres qui ont l'apparence de la corne, et que les mineurs allemands appellent horn- blende ; d'autres qui sont noires et luisantes comme la poix, auxquelles ils donnent le nom de pltcli-biende; et d'autres encore qui sont de différentes couleurs, grises, jaunes, brunes, rougeatres, quelquefois cris- tallisées et même transparentes, mais plus souvent opaques et sans ligure régulière. Les blendes noires, grises, et jaunâtres, sont mêlées d'arsenic; les rou- geatres doivent cette couleur au fer; celles qui sont transparentes et cristallisées sont chargées de soufre et d'arsenic ; enfin toutes contiennent une plus ou moins grande quantité de zinc. INon seulement ce demi-métal se trouve dans la pierre calaminaire et dans les blendes, mais il existe aussi en assez grande quantité dans plusieurs mines de fer concrètes ou en grains, et de dernière forma- tion; ce qui prouve que le zinc est disséminé pres- que partout en molécules insensibles qui se sont réu- nies avec le fer dans la pierre calaminaire et dans les mines secondaires de ce métal, et qui se sont aussi mêlées dans les blendes avec d'autres minéraux et avec des matières pyriteuses. Ce demi-métal ne peut donc être que d'une formation postérieure à celle des métaux, et même postérieure à leur décomposition, 1. Ce mot blende signifie, dans le langage des mineurs allemands, une substance trompeuse , parce qu'il y en a qui ressemble l\ la galène de plomb. {Dictionnaire d'Histoire naturelle, jiar M. de Bomarc, ar- ticle Blende {blind, éblouir, tromper les yeux ). I DU ZINC. 1 i;3 puisque c'est presque toujours avec le fer décomposé qu'on le trouve réuni. D'ailleurs, comme il est très volatil, il n'a pu se former qu'après les métaux et mi- néraux plus fixes, dans le même temps à peu près que l'antimoine, le mercure, et l'arsenic : ils étoient tous relégués dans l'atmosphère avec les eaux et les autres substances volatiles pendant l'incandescence du globe, et ils n'en sont descendus qu'avec ces mô- mes substances : aussi le zinc ne se trouve dans au- cune mine primordiale des métaux, mais seulement dans les mines secondaires produites par la décom- position des premières. Pour tirer le zinc de la calamine ou des blendes, il suffit de les exposer au feu de calcination ; ce demi- métal se sublime en vapeurs, qui, par leur condensa- lion , forment de petits llocons blancs et légers aux- quels on a donné le nom de fleurs de zinc. Dans la calamine ou pierre calaminaire, le zinc est sous la forme de chaux: en faisant griller celte pierre, elle perd près d'un tiers de son poids; elle s'eîïleurit à l'air, et se présente ordinairement en masses irrégu- lières, et quelquefois cristallisées; elle est presque toujours accompagnée ou voisine des terres ahuni- neuses : mais quoique la substance du zinc soit dis- séminée partout, ce n'est qu'en quelques endroits qu'on trouve de la pierre calaminaire. Nous citerons tout à l'heure les mines les plus fameuses de ce mi- néral en Europe ; et nous savons d'ailleurs que le ton- tenague qu'on nous apporte des Indes orientales est un zinc, même plus pur que celui d'Allemagne : ainsi l'on ne peut douter qu'il n'y ait des mines de pierres calaminaires dans plusieurs endroits des régions orien- Il6 MIKÉr. AUX. taies, puisque ce n'est que de cette pierre qu'on peut tirer du zinc d'une "grande pureté. La minière la plus fameuse de pierre calaminaire est celle de Calmsberg, près d'Aix-la-Chapelle; elle est mêlée avec une mine de fer en ocre : il y en a une autre qui est mêlée de mine de plomb au dessous de Namur. On prétend que le mot de calamine est le nom d'un territoire d'assez grande étendue, près des con- fins du duché de Limbourg, qui est plein de ce mi- néral. « Tout le terrain, dit Lémery, à plus de vingt lieues à la ronde, est si rempli de pierres calamiiiai- res , que les grosses pierres dont on se sert pour pa- ver, étant exposées au soleil, laissent voir une grande quantité de parcelles métalliques et brillantes. » M. de Gensanne en a reconnu une minière de plus de qua- tre toises de largeur au dessous du château de Mon- talet, diocèse d'Uzès ; on y trouve des pierres cala- minaires ferrugineuses comme à Aix-la-Chapelle, et d'autres mêlées de mine de plomb comme à Namur, et l'on y voit aussi des terres alumineuses : on en trouve encore dans le Berri près de Bourges, et dans l'Anjou et le territoire de Saumur, qui sont égale- ment mêlées de parties ferrugineuses. En Angleterre, on exploite quelques mines de pierre calaminaire dans le comté de Sommerset. La pierre de cette mine est rougeâtre à sa surface, et d'un jaune verdâtre à l'intérieur; elle est très pesante, quoique trouée et comme cellulaire ; elle est aussi très dure, et donne des étincelles lorsqu'on la cho- que contre l'acier : elle est soluble dans les acides. Celle du comté de INottingham en diiTère en ce qu'elle n'est pas soluble et qu'elle ne fait point Ïqu contre DU ZINC. 11^ l'acier, quoiqu'elle soit compacte, opaque, et cellu- laire, comme celle de Sommerset ; elle en diffère en- core par la couleur, qui est ordinairement blanche, et quelquefois d'un vert clair cristallisé. Ces différen- ces indiquent assez que la calamine en général est une pierre composée de différents minéraux, et que sa nature varie suivant la quantité ou la qualité des matières qui en constituent la substance. Le zinc est la seule matière qui soit commune à toutes les espèces de calamine : celle qui en contient le plus est ordi- nairement jaune ; mais on peut se servir de toutes pour jaunir le cuivre rouge : c'est pour cet usage qu'on les recherche et qu'on les travaille, plutôt que pour en faire du zinc, qui ne s'emploie que rarement pur , et qui même n'est pas aussi propre à faire du cuivre jaune que la pierre calaminaire ; d'ailleurs on ne peut en tirer le zinc que dans des vaisseaux clos, parce que non seulement il est très volatil , mais en- core parce qu'il s'enflamme à l'air libre ; et c'est par la cémentation du cuivre rouge avec la calamine que la vapeur du zinc contenu dans cette pierre entre dans le cuivre, lui donne la couleur jaune, et le convertit en laiton. La calamine est souvent parsemée de petites veines ou filets de mines de plomb ; elle se trouve même fré- quemment mêlée dans les mines de ce métal comme dans celles de fer de dernière formation : et lors- qu'elle y est très abondante, comme dans la mine de Rammelsberg, près Goslar, on en tire le zinc en même temps que le plomb , en faisant placer dans le fourneau de fusion un vaisseau presque clos à l'en- droit où l'ardeur du feu n'est pas assez forte pour en- BUFFOIV. VIII. 3 Il8 MINÉRAUX. flammer le zinc, et on le reçoit en substance coulante ; mais quelque précaution que l'on prenne en le tra- vaillant, même dans des vaisseaux bien clos, le zinc n'acquiert jamais une pureté entière, ni même telle qu'il doit l'avoir pour faire d'aussi bon laiton qu'on en fait avec la pierre calaminaire, dont la vapeur fournit les parties les plus pures du zinc ; et le laiton fait avec cette pierre est ductile, au lieu que celui qu'on fait avec le zinc est toujours aigre et cassant. Il çn est de même de la blende ; elle donne comme la calamine, par la cémentation, du plus beau et du meilleur laiton qu'on ne peut en obtenir par le mé- lange immédiat du zinc avec le cuivre; toutes deux même n'ont guère d'autre usage, et ne sont recher- chées et travaillées que pour faire du cuivre jaune : mais, comme je l'ai déjà dit , ce ne sont pas les deux seules matières qui contiennent du zinc ; car il est très généralement répandu et en assez grande quantité dans plusieurs mines de fer : on le trouve aussi quel- quefois sous la forme d'un sel ou vitriol blanc : et dans la blende il est toujours combiné avec le fer et le soufre. Il se forme assez souvent, dans les grands four- neaux, des concrétions qui ont paru à nos chimistes ^ toutes semblables aux blendes naturelles; cependant il y a toute raison de croire que les moyens de leur 1. «Il y a des blendes artiOcielles qui imitent parfaitement les blendes naturelles dans leur tissu, leur couleur et leur phosphorescence J'en ai vu un morceau d'un noir luisant et feuilleté provenant des fon- deries de Saint-Bel Un autre morceau venant du même lieu don- noit , outre Todeur du foie de soufre , des étincelles lorsqu'on le grat- toit avec un couleau, et nen donnoit point avec la plume et un DU ZINC. J iQ formation sont bien difTérents : ces blendes artificiel- les, produites par l'action du feu de nos fourneaux, doivent différer de celles qui se trouvent dans le sein de la terre, à moins qu'on ne suppose que celles-ci ont été formées par le feu des volcans ; et cependant il y a toute raison de penser que la plupart au moins n'ont été produites que par l'intermède de l'eau ^, et que le foie de soufre, c'est-à-dire l'alcali mêlé aux principes du soufre, a grande part à leur formation. Comme le zinc est non seulement très volatil, mais fort inflammable, il se brûle dans les fourneaux où l'on fond les mines de fer, de plomb, etc., qui en sont mêlées ; cette fumée du zinc à demi briilé se condense sous une forme concrète contre les parois des fourneaux et cheminées des fonderies et affine- ries : dans cet état on lui donne le nom de cadmie des fourneaux ; c'est une concrétion de fleurs de zinc qui troisième morceau venant des fonderies de Saxe, et qui est de couleur jaunâtre, étoit si phosphorique , qu'en le frottant de la plume on en tiroit des étiacelles comme de la blende rouge de Schasffenberg. » {Lettres du docteur Demeste , tome II, pages 179 et 180. ) Je dois ob- server qu'on trouvoit en effet de ces blendes artificielles dans les lai- tiers des fonderies , mais que jusqu'ici l'on ne savoit pas les produire à volonté , et que même on ne pouvoit expliquer comment elles s'é- toient formées; on pensoit au contraire que l'art ne pouvoit imiter la nature dans la combinaison du zinc avec le soufre. M. de Morveau est le premier qui ait donné, cette année 1780, un procédé pour faire à volonté l'union directe du zinc et du soufre; il suffît pour cela de priver ce demi-métal de sa volatilité en le calcinant , et de le fondre ensuite avec le soufre ; il en résulte une vraie pyrite de zinc qui a , comme toutes les autres pyrites , une sorte de brillant métallique. 1. M. Bergman croit comme moi que les blendes naturelles ont été formées par l'eau , et il se fonde sur ce qu'elles contiennent réellement de l'eau; il dit aussi qu'on peut les imiter en unissant par la fusion le zinc , le fer, et le soufre. 120 MINÉRAUX. s'accumulent souvent au point de former un enduit épais contre les parois de ces cheminées. La substance de cet enduit est dure ; elle jette des étincelles lors- qu'on la frotte rapidement ou qu'on la choque contre l'acier. Les parties de cette cadmie qui se sont les plus élevées, et qui sont attachées au haut de la chemi- née, sont les plus pures et les meilleures pour faire du laiton ^, parce que la cadmie qui s'est sublimée et élevée si haut y est moins mêlée de fer, de plomb, ou de tout autre minéral moins volatil que le zinc. Au reste , on peut aisément la recueillir : elle se lève par écailles dures, et il ne faut que la pulvériser pour la mêler et la faire fondre avec le cuivre rouge : et c'est peut-être la manière la moins coûteuse de faire du laiton. Le zinc, tel qu'on l'obtient par la fusion, est d'un blanc un peu bleuâtre et assez brillant : mais quoi- qu'il se ternisse à l'air moins vite que le plomb, il 1. On counoissoit très bien , dès Je temps de Pline , la cadmie des fourneaux , et on avoit déjà remarqué qu'elle étoit de qualité et de bonté diflférentes , suivant qu'elle se trouvoil sublimée plus haut ou plus bas dans les cheminées des fonderies : « Est ipse lapis ex quo fit » aes , cadmia vocatur Hic rursus in fornacibus existit , aliamque » nominis sui originem recipit : fit autem egesta flammis atque flatu n tenuissima parte materiœ , et cameris lateribusve fornacum pro » quantitate levitatis applicata. Tenuissima est in ipso fornacum ore » qua flammae eructantur, appellata capnitis, exusta , et uimia levi- » tate similis favillae : interior optima , cameris dependens , et ab eo » argument© botryitis cognorainata Tertia est in lateribus forna- » cura , quae propter gravitatem ad caméras pervenire non potuit ; haec » dicitur placitid Fluunt et ex ea duo alia gênera ; onychitis, extra » pêne cœrulea , intus onychitae maculis similis; ostracitis, tota nigra, » et caeterarum sordidissima Omni» autem cadmia in Gypri forna- » cibus optima. »(Plin., lib. XXXIV, cap. lo. ) DU ZINC. 121 prend cependant en assez peu de temps une couleur terne et d'un jaune verdâtre ; et les nuances différentes de sa couleur dëpenelent beaucoup de son degré de pureté ; car en le traitant par les procédés ordinaires, il conserve toujours quelques petites parties des ma- tières avec lesquelles il étoit mêlé dans sa mine : ce n'est que très récemment qu'on a trouvé le moyen de le rendre plus pur. Pour obtenir le zinc dans sa plus grande pureté il faut précipiter par le zinc même son vitriol blanc; ce vitriol, décomposé ensuite par l'alcali, donne une chaux qu'il suffit de réduire pour avoir un zinc pur et sans aucun mélange. La substance du zinc est dure et n'est point cas- sante; on ne peut la réduire en poudre qu'en la fai- sant fondre et la mettant en grenailles : aussi acquiert- elle quelque ductilité par l'addition des matières inflammables en la fondant en vaisseaux clos. Sa den- sité est un peu plus grande que celle du régule d'an- timoine, et un peu moindre que celle de l'étain^. Indépendamment de ce rapport assez prochain de densité, le zinc en a plusieurs autres avec l'étain : il rend, lorsqu'on le plie, un petit cri comme l'étain; il résiste de môme aux impressions des éléments hu- mides, et ne se convertit point en rouille : quelques minéralogistes l'ont même regardé comme une es- pèce d'étain, et il est vrai qu'il a plusieurs propriétés 1. La pesanteur spécifique du régule de zinc est de 71908 ; celle du régule d'antimoine , de 67021 ; et celle de l'étain pur de Coruouailles, de 72914 ' la pesanteur spécifique de la blende n'est que de 4i665, il y a donc à peu près la même proportion dans les densités relatives de la blende avec le zinc , de rantimoine cru avec le régule d'anti- Mîoine, et du cinabre avec le mercure coulant. Ï'J'2 MINÉRAUX. communes avec ce métal ; car on peut étamer le fer et le cuivre avec le zinc comme avec l'étain, et l'un de nos chimistes^ a prétendu que cet étamage avec le zinc , qui est moins fusible que l'étain , et par con- séquent plus durable , est en même temps moins dangereux que l'étamage ordinaire, dans lequel les chaudronniers mêlent toujours du plomb. Onconnoît les qualités funestes du plomb; on sait aussi que l'é- tain contient toujours une petite quantité d'arsenic, et il faut convenir que le zinc en contient aussi; car lorsqu'on le fait fuser sur les charbons ardents, il ré- pand une odeur arsenicale qu'il faut éviter de respi- rer; et, tout considéré, l'étamage avec du bon étain doit être préféré à celui qu'on feroit avec le zinc^, que le vinaigre dissout et attaque même à froid. Si ces rapports semblent rapprocher le zinc de l'é- tain , il s'en éloigne par plusieurs propriétés : il est beaucoup moins fusible ; il faut qu'il soit chauffé pres- que au rouge avant qu'il puisse entrer en fusion. Dans cet état de fonte , sa surface se calcine sans augmen- ter le feu , et se convertit en chaux grise , qui diffère de celle de l'étain en ce qu'elle est bien plus aisément réductible, et que, quand on les pousse à un feu violent, celle de l'étain ne fait que blanchir davan- tage, et enfin se convertit en verre, au lieu que celle du zinc s'enflamme d'elle-même et sans addition de 1. M. Malûuin. de l'Académie des Sciences, et médecin de la Faculté de Paris. 2. Cet étamage avec le zinc a été approuvé par la Faculté de méde- cine de Paris , mais condamné par l'Académie des Sciences et par la Société royale de médecine ; et il a aussi été démontré nuisible par les expériences faites à l'Académie de Dijon en 1779. DU ZINC. IJÔ matière combustible. On peut même dire qu'aucune autre matière, aucune substance végétale ou animale qui cependant semblent être les vraies matières com- bustibles, ne donnent une flamme aussi vive que le zinc. Cette flamme est sans fumée et dans une par- faite incandescence; elle est accompagnée d'une si grande quantité de lumière blanche, que les yeux peuvent à peine en supporter l'éclat éblouissant : c'est au mélange de la limaille du fér avec du zinc que sont dus les plus beaux efl'ets de nos feux d'artifice. Et non seulement le zinc est par lui-même très combustible, mais il est encore pliosphorique ; sa chaux paroît lumineuse en la triturant; et ses fleurs, recueillies au moment qu'elles s'élèvent, et placées dans un lieu obscur, jettent de la lumière pendant un petit temps ^. Au reste , le zinc n'est pas le seul des minéraux qui s'enflamme lorsqu'on le fait rougir : l'arsenic, le cuivre, et même l'antimoine, éprouvent le même ef- fet; le fer jette aussi de la flamme lorsque l'incan- descence est poussée jusqu'au blanc , et il ne faut pas attribuer, avec quelques uns de nos chimistes, cette flamme au zinc qu'il contient, ni croire, comme ils 1. M. de Lassone, procédaat uu jour à la déflagration d'une assez grande quantité de zinc , en recueilloit les fleurs et les metloit à mesure dans un large vaisseau ; il fut surpris de les voir encore lumineuses quelques minutes après ; et remuant ensuite ces fleurs avec une spa- tule, ayant obscurci davantage le laboratoire, il vit qu'elles étoient entièrement pénétrées de celte lumière phosphorique et diffuse , qui peu à peus'alfoiblit, s'éteignit, après avoir subsisté plus d'une heure. On peut voir dans son Mémoire tous les rapports qu'il indique entre le zinc et le phosphore. {Mémoires de V Académie des Sciences, an- née 1772 , pages 38o et suivantes. ) 124 3IINÉRAUX. le disent, que c'est le zinc qui rend la fonte aigre et cassante ; car il y a beaucoup de mines de fer qui ne contiennent point de zinc , et dont néanmoins le fer donne une flamme aussi vive que les autres fers qui en contiennent : je m'en suis assuré par plusieurs es- sais ; et d'ailleurs on peut toujours reconnoître, par la simple observation , si la mine que l'on traite con- tient du zinc, puisque alors ce demi-métal, en se su- blimant, forme de la cadmie au dessus du fourneau et dans les cheminées des affineries. Toutes les fois donc que cette sublimation n'aura pas lieu , on peut être assuré que le fer ne contient point de zinc, du moins en quantité sensible, et néanmoins le fer en gueuse n'en est pas moins aigre et cassant; et cette aigreur, comme nous l'avons dit, vient des matières vitreuses avec lesquelles la substance du fer est mê- lée, et ce verre se manifeste bien évidemment par les laitiers et les scories qui s'en séparent, tant au fourneau de fusion qu'à l'alïinerie. Enfin, cette fonte de fer qui ne contient point de zinc ne laisse pas de jeter de la flamme lorsqu'elle est chauffée à blanc ; et dès lors ce n'est point au zinc qu'on doit attribuer cette flamme, mais au fer même, qui est en eflet com- bustible lorsqu'il éprouve la violente action du feu. La chaux du zinc, chauffée presque jusqu'au rouge, s'enflamme tout à coup et avec une sorte d'explosion , et en même temps les parties les plus fixes sont, comme nous l'avons dit , emportées en fleurs ou flo- cons blancs t leur augmentation de volume n'est pas proportionnelle à leur légèreté apparente , car il n'y a, dit-on, qu'un dixième de différence entre la pe- santeur spécifique du zinc et celle de ses fleurs; mais DU ZINC. 125 lorsqu'on la calcine très lentement et qu'on l'empêche de se sublimer en l'agitant continuellement avec une spatule de fer, l'augmentation du volume de cette chaux est de près d'un sixième. Au reste , comme la chaux du zinc est très volatile , on ne peut la vitrifier seule; mais en y ajoutant du verre blanc réduit en poudre et du salin ^ on la convertit en un verre cou- leur d'aigae-marlne. Plusieurs chimistes ont écrit que, comme le soufre ne peut contracter aucune union avec le zinc , il pou- voit servir de moyen pour le purifier; mais ce moyen ne peut être employé généralement pour séparer du zinc tous les métaux, puisque le soufre s'unit au zinc par l'intermède du fer. Le zinc en fusion et sous sa forme propre s'allie avec tous les métaux et minéraux métalliques, à l'excep^ lion du bismuth et du nickel. Quoiqu'il se trouve très souvent uni avec la mine de fer, il ne s'allie que très difficilement par la fusion avec ce métal : il rend tous les métaux aigres et cassants. Il augmente la densité du cuivre et du plomb; mais il diminue celle de l'é- tain, du fer, et du régule d'antimoine. L'arsenic et le zinc, traités ensemble au feu de sublimation, for- ment une masse noire qui présente dans sa cassure une apparence plutôt vitreuse que métallique. Il s'a- malgame très bien avec le mercure. « Si l'on verse, dit M. de Morveau, le zinc fondu sur le mercure, il se fait un bruit pareil à celui que fait l'immersion su- bite d'un corps froid dans de l'huile bouillante; l'a- mali^ame paroît d'abord solide; mais il redevient fluide par la trituration, l^a cristallisation de cet amal- game laisse apercevoir ses éléments mêmes à la partie 126 MINÉRAUX. supérieure qui n'est pas en contact avec le mercure ; ce qui est différent des autres amalgames.... une once de zinc retient deux onces de mercure. » J'observe- rai que cette solidité que prend d'abord cet amalgame ne dépend pas de la nature du zinc, puisque le mer- cure seul, versé dans l'huile bouillante, prend une solidité même plus durable que celle de cet amal- game de zinc. Les affinités du zinc avec les métaux sont, selon M. Gellert, dans l'ordre suivant : le cuivre, le fer. l'argent, l'or, l'étain, et le plomb. Autant la chaux de plomb est facile à réduire, au- tant la chaux ou les fleurs de zinc sont de difficile ré- duction : de là vient que la céruse , ou blanc de plomb, devient noire par la seule vapeur des matières putri- des, tandis que la chaux de zinc conserve sa blan- cheur. C'est d'après cette propriété éprouvée par la vapeur du foie de soufre, que M. de Morveau a pro- posé le blanc de zinc comme préférable , dans la pein- ture , au blanc de plomb : les expériences comparées ont été faites cette année 1781 , dans la séance pu- blique de l'Académie de Dijon ; elles démontrent qu'il suffit d'ajouter à la chaux du zinc un peu de terre d'alun et de craie, pour lui donner du corps et en faire une bonne couleur blanche , bien plus fixe et bien moins altérable à l'air que la céruse ou blanc de plomb, qu'on emploie ordinairement dans la pein- ture à l'huile. Le zinc est attaqué par tous les acides, et même la plupart le dissolvent assez facilement : l'acide vitrio- lique n'a pas besoin d'être aidé pour cela par la cha- leur, et le zinc paroît avoir plus d'affmité qu'aucune DU ZINC. 1^7 autre substance métallique avec cet acide; il faut geu- lement , pour que la dissolution s'opère promptement, lui présenter le zinc en petites grenailles ou en lames minces, et mêler l'acide avec un peu d'eau, afin que le sel qui se forme n'arrête pas la dissolution par le dépôt qui s'en fait à la surface. Cette dissolution laisse , après l'évaporation, des cristaux blancs; ce vitriol de zinc est connu sous le nom de couperose blanche,, comme ceux de cuivre et de fer sous les noms de couperose bleue et de couperose verte. Et l'on doit observer que les fleurs de zinc, quoiqu'en état de chaux, offrent les mêmes phénomènes avec cet acide que le zinc même; ce qui ne s'accorde poiat avec la théorie de nos chimistes, qui veulent qu'en général les chaux métalliques ne puissent être attaquées par les acides. Ce vitriol de zinc , ou vitriol blanc , se trouve dans le sein de la terre, rarement en cristaux réguliers, mais plutôt en stalactites, et quelquefois en filets blancs; il se couvre d'une efïlorescence bleuâtre s'il contient du cuivre. L'acide nitreux dissout le zinc avec autant de rapi- dité que de puissance ; car il peut en dissoudre promp- tement une quantité égale à la moitié de son poids : la dissolution saturée n'est pas limpide comme l'eau, mais UQ peu obscure comme de l'huile; et si le zinc est mêlé de quelques parties de fer, ce métal s'en sé- pare en se précipitant , ce qui fournit un autre moyen que celui du soufre pour purifier le zinc. L'on doit encore observer que la chaux et les fleurs de zinc se dissolvent dans cet acide et dans l'acide vitriolique, et que par conséquent cela fait une grande exception à la prétendue règle, que les acides ne doivent pas dissoudre les chaux ou terres métalliques. 128 MI^EKÂLX. L'acide marin dissout aussi le zinc très facilement, moins pleinement que l'acide nitreux, car il ne peut en prendre que la huitième partie de son poids; il ne se forme pas de cristaux après l'évaporation de cette dissolution, mais seulement un sel en gelée blanche et très déliquescent , dont la qualité est fort corro- sive. Le zinc, et même les fleurs de zinc, se dissolvent aussi dans l'acide du vinaigre , et il en résulte des cris- taux ; il en est de même de l'acide du tartre : ainsi tous les acides minéraux ou végétaux, et jusqu'aux acer- bes, tels que la noix de gaile , agissent .sur le zinc. -Les alcalis, et surtout l'alcali volatil, le dissolvent aussi, et cette dernière dissolution donne après l'éva- poration , un sel blanc et brillant, qui attire l'humi- dité de lair et tombe en déliquescence. Yoilà le précis de ce que nous savons sur le zinc : on voit qu'étant très volatil, il doit être disséminé par- tout ; qu'étant susceptible d'altération et de dissolution par tous les acides et par les alcalis , il peut se trouver en état de chaux ou de précipité dans le sein de la terre : d'ailleurs les matières qui le contiennent en plus grande quantité , telles que la pierre calaminaire et les blendes, sont composées des détriments du fer €t d'autres minéraux; l'on ne pent donc pas douter que ce demi-métal ne soit d'une formation bien pos- térieure à celle des métaux. DE L^. PLATIiNE. 1 29 DE LA PLATINE. Il n'y a pas un demi-siècle qu'on connoît la platine en Europe , et jamais on n'en a trouvé dans aucune région de l'ancien continent : deux petits endroits dans le Nouveau-Monde, l'un dans les mines d'or de Santa-Fé à la nouvelle Grenade, l'autre dans celle de CfiocOj, province du Pérou, sont jusqu'ici les seuls lieux d'où l'on ait tiré cette matière métallique, que nous ne connoissons qu'en grenailles mêlées de sa- blon magnétique, de paillettes d'or, et souvent de petits cristaux de quartz, de topaze, de rubis, et quel- quefois de petites gouttes de mercure. J'ai vu et exa- miné de très près cinq ou six sortes de platine que je m'étois procurées par diverses personnes et en diffé- rents temps; toutes ces sortes étoient mêlées de sa- blon magnétique et de paillettes d'or : dans quelques unes il y avoit de petits cristaux de quartz, de to- paze, etc. , en plus ou moins grande quantité; mais je n'ai vu de petites gouttes de mercure que dans l'une de ces sortes de platine ^. Il se pourroit donc que cet état de grenaille, sous lequel nous connoissons la pla- tine, ne fût point son état naturel, et l'on pourroit croire qu'elle a été concassée dans les moulins où l'on broie les minerais d'or et d'argent, et que les gout- 1. M. Lewis et M. le comte de Milly out tous deux reconnu des glo- bules de mercure dans la platine qu'ils ont examinée. M. Bergman dit de même qu'il n'a point traité de platine dans laquelle il n'en ait trouvé. 100 MINÉIIALX. telettes de mercure qui s'y trouvent quelquefois ne viennent que de l'amalgame qu'on emploie au traite- ment de ces mines : nous ne sommes donc pas certains que cette forme de grenaille soit sa forme native , d'autant qu'il paroît , parle témoignage de quelques voyageurs, qu'ils indiquent la platine comme une pierre métallique très dure, intraitable, dont néan- moins les naturels du pays avoient , avant les Espa- gnols, fait des haches et autres instruments tranchants ; ce qui suppose nécessairement qu'ils la trouvoient en grandes masses ou qu'ils avoient l'art de la fondre sans doute avec l'addition de quelque autre métal; car par elle-même la platine est encore moins fusible que la mine de fer, qu'ils n'avoient pas pu fondre. Les Espa- gnols ont aussi fait différents petits ouvrages avec la platine alliée avec d'autres métaux. Personne en Eu- rope ne la connoît donc dans son état de nature, et j'ai attendu vainement pendant nombre d'années quel- ques morceaux de platine en masse, que j'avois de- mandés à tous mes correspondants en Amérique. M. Bowles, auquel le gouvernement d'Espagne paroît avoir donné sa confiance au sujet de ce minéral, n'en a pas abusé ; car tout ce qu'il en dit ne nous apprend que ce que nous savions déjà. Nous ne savons donc rien, ou du moins rien au juste, de ce que l'histoire naturelle pourroit nous ap- prendre au sujet de la platine , sinon qu'elle se trouve en deux endroits de l'Amérique méridionale, dans des mines d'or, et jusqu'ici nulle part ailleurs : ce seul fait, quoique dénué de toutes ses circonstances, suf- fit, à mon avis, pour démontrer que la platine est une matière accidentelle plutôt que naturelle; car DE LA PLATINE. l3l toute substance produite par les voies ordinaires de la nature est généralement répandue, au moins dans les climats qui jouissent de la même température : les animaux, les végétaux, les minéraux, sont également soumis à cette règle universelle. Cette seule considé- ration auroit dû suspendre l'empressement des chi- mistes, qui , sur le simple examen de cette grenaille, peut-être artificielle, et certainement accidentelle , n'ont pas hésité d'en faire un nouveau métal , et de placer cette matière nouvelle non seulement au rang des anciens métaux, mais de la vanter comme un troi- sième métal aussi parfait que l'or et l'argent, sans faire réflexion que les métaux se trouvent répandus dans toutes les parties du globe ; que la platine , si c'étoit un métal, se seroit répandue de même; que dès lors on ne devoit la regarder que comme une pro- duction accidentelle entièrement dépendante des cir- constances locales des deux endroits où elle se trouve. Cette considération, quoique majeure, n'est pas la seule qui me fasse nier que la platine soit un vrai mé- tal. J'ai démontré par des observations exactes^ qu'elle est toujours attirable à l'aimant; la chimie a fait de vains efforts pour en séparer le fer dont sa substance est intimement pénétrée : la platine n'est donc pas un métal simple et parfait, comme l'or et l'argent, puisqu'elle est toujours alliée de fer. De plus, tous les métaux, et surtout ceux qu'on appelle parfaits^ sont très ductiles; tous les alliages, au contraire, sont ai- gres : or la platine est plus aigre que la plupart des alliages, et même, après plusieurs fontes et dissolu- 1. Voyez le mémoire qui a pour titre Observations sur la platine, tome III, page 549- l52 iAIIlNl'iRAlX. tions, elle n'acquiert jamais autant de ductilité que le zinc ou le bismuth , qui cependant ne sont que des demi-métaux, tous plus aigres que les métaux. Mais cet alliage où le fer nous est démontré par l'action de l'aimant, étant d'une densité approchante de celle de l'or, j'ai cru être fondé à présumer que la platine n'est qu'un mélange accidentel de ces deux métaux très intimement unis : les essais qu'on a faits depuis ce temps pour tâcher de séparer le fer de la platine et de détruire son magnétisme ne m'ont pas fait changer d'opinion. La platine la p!us pure, celle entre autres qui a été si bien travaillée par M. le ba- ron de Sickengen^, et qui ne donne aucun signe de magnétisme, devient néanmoins attirable à l'aimant dès qu'elle est comminuée et réduite en très petites parties; la présence du fer est donc constante dans ce minéral, et la présence d'une matière aussi dense que l'or y est également et évidemment aussi constante : et quelle peut être cette matière dense, si ce n'est pas de l'or? Il est vrai que jusqu'ici l'on n'a pu tirer de la platine , par aucun moyen, l'or, ni même le fer c[u'elle contient, et que pour qu'il y eût sur l'essence 1 . La plaline , même la plus épurée , contient toujours du fer. M. le comle de Milly, par une lettre datée du 18 novembre 1781, me mar- que « qu'ayant oublié pendant trois à quatre ans un morceau de pla- tine puriflée par M. le baron de Sickengen, et qu'il avoit laissé dans de l'eau- forte la plus pure peûdan.t tout ce temps, il s'y éloit rouillé , et que l'ayant retiré, il avoit étendu la liqueur qui restoit dans le vase dans un peu d'eau distillée, et qu'y ayant ajouté de l'alcali phlogis- tique, il avoit obtenu sur-le-champ un précipité très abondant; ce qui prouve indubitablement que la platine la plus pure , et que M. de Sickengen assure être dépouillée de tout fer, en contient encore , et que par conséquent le fer entre dans sa composition. DE LA PLATINE. 1,).) de ce minéral démonslration complète, il faudroit en avoir tiré et séparé le l'er et l'or, comme on sépare ces métaux après les avoir alliés; mais ne devons-nous pas considérer, et ne l'ai-jepas dit, que le fer n'étant point ici dans son état ordinaire, et ne s'étant uni à l'or qu'a- près avoir perdu presque toutes ses propriétés, à l'ex- ception de sa densité et de son magnétisme, il se pour- roit que l'or s'y trouvât de même dénué de sa ductilité, et qu'il n'eût conservé, comme le fer, que sa seule densité? et dès lors ces deux métaux qui composent la platine sont tous deux dans un état inaccessible à notre art , qui ne peut agir sur eux, ni même nous les. faire reconnoître en nous les présentant dans leur état ordinaire. Et n'est-ce pas par cette raison que nous ne pouvons tirer ni le fer ni l'or de la platine , ni par conséquent séparer ces métaux, quoiqu'elle soit com- posée de tous deux? Le fer, en effet, n'y est pas dans son état ordinaire, mais tel qu'on le voit dans le sa- blon ferrugineux qui accompagne toujours la platine : ce sablon , quoique très magnétique, est infusible, inattaquable à la rouille, insoluble dans les acides; il a perdu toutes les propriétés par lesquelles nous pouvions l'attaquer; il ne lui est resté que sa densité et son magnétisme , propriétés par lesquelles nous ne pouvons néanmoins le méconnoître. Pourquoi l'or, que nous ne pouvons de même tirer de la platine, mais que nous y reconnoissons aussi évidemment par sa densité, n'auroit-il pas éprouvé, comme le fer, un changement qui lui auroit ôté sa ductilité et sa fusi- bilité? l'un est possible comme l'autre; et ces produc- tions d'accidents, quoique rares, ne peuvent-elles pas se trouver dans la nature? Le fer en état de parfaite BUFFON. \IJI. g I 34 il I N É U AUX. ductilité est presque infusil^le, et ce pourioit être cette propriété du fer qui rend Tor dans la platine très réfractaire. Nous pouvons aussi légitimement supposer que le feu violent d'un volcan ayant converti une mine de fer en mâchefer et en saLlon ferrugineux magnéti- que, et tel qu'il se trouve avec la platine, ce feu aura en même temps, et par le même excès de force, dé~ truit dans l'or toute ductilité : car cette qualité n'est pas essentielle ni même inhérente à ce métal, puis- que la plus petite quantité d'étain ou d'arsenic la lui enlève. Et d'ailleurs sait-on ce que pourroit produire sur ce métal un feu plus violent qu'aucun de nos feux connus? Pouvons-nous dire si dans ce feu de volcan, qui n'a laissé au fer que son magnétisme et à l'or sa densité, il n'y aura pas eu des fumées arsenicales qui auront blanchi l'or et lui auront ôté toute sa ductilité , et si cet alliage du fer et de l'or, imbus de la vapeur d'arsenic, ne s'est pas fait par un feu supérieur à ce- lui de notre art? Devons-nous donc être surpris de ne pouvoir rompre leur union ? et doit-on faire un métal nouveau, propre, et particulier, une substance sim- ple, d'une matière qui est évidemment mixte, d'un composé formé par accident en deux seuls lieux de la terre, d'un composé qui présente à la fois la densité de l'or et le magnétisme du fer, d'une substance, en un mot, qui a tous les caractères d'un alliage, et au- cun de ceux d'un métal pur? Mais comme les alliages faits par la nature sont en- core du ressort de l'histoire naturelle, nous croyons devoir, comme nous l'avons fait pour les métaux, donner ici les principales propriétés de la platine : quoique très dense , elle est très peu ductile , presque Di: LA PLATINE. 155 infiisible sans addition , si fixe au feu qti'elle n'y perd rien ou presque rien de son poids, inaltérable et ré- sistant à l'actioQ des éléments humides, indissoluble comme l'or dans tous les acides simples^, et se lais- 1. M. Tillet . l'un de nos plus savants académiciens, et très exact ob- servateur, a reconnu f[ue , quoique la jjlatine soit indissoluble en eile- mcrne par les acides simples, elle se dissout néanmoins par l'acide nilreux pur, lorsqu'elle est alliée avec de l'argent et de For. Voici la note quil a bien voulu me communiquer à ce sujet : «J'ai annoncé dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, année 1779, que la plaline, soit brute, soit rendue ductile parles procédés connus , est dissoluble dans l'acide nitreux pur, lorsqu'elle est alliée avec une cer- taine quantité d'or et d'argent. Afin que cet alliage soit complet, il faut le l'aire par ie moyen de la coupelle , et en employant une quan - tité convenable de plomb. On traite alors par la voie du départ le bou- ton composé des trois métaux, comme un mélange simple d'or et d'ar- gent ; la dissolution de l'argent et dr la platine est complète , la liqueur est trans|iarente, et il ne reste que l'or au fond du matras , soit dans vm élat de division si on a mis beaucoup d'argent, soit en forme de cornet bien conservé si on n'a mis que trois ou quatre parties d'ar- gent égaies à celle de l'or. Il est vrai que si on emploie trop de plaline dans celle opération, l'or mêlé avec elle la défend un peu des attaques de l'acide nitreux, et il en conserve quelques parties. Il faut un mé- lange }>arrait des trois njétaux pour que l'opération réussisse complè- tement : s'il se trouve quelques parties dans l'alliage où il n'y ait pas assez d'argent pour que la dissolution ajt lieu, la platine résiste, comme l'or, à l'acide, et reste avec lui dans le précipité: mais si on ne met dans l'alliage qu'un douzième de plaline, ou encore mieux un vingt-qua- trième de l'or qu'on emploie , alors on parvient à dissoudre le total de la platine, et l'or mis en expérience ne conserve exactement que son poids. Il n'en est pas ainsi d'un alliage dans lequel il n'entre cjue de l'argent et de la platine : la dissolution n'en est proprement une que pour l'argent ; la liqueur reste trouble et noirâtre , malgré une longue et forte él)ullition; il se fait un précipité noir et abondant au fond du matras, qui n'est que de la platine réduite en poudre et subdivisée en une infinité de particules , comme elle l'étoit dans l'argent avant qu'il fut dissous. Cependant si on laisse reposer la liqueur pendant quel- ques jours, elle s'éclaircit et devient d'une couleur brune qu'elle doit 1 36 MINERA U X. sant dissoudre comme lui par la double puissance des acides nitreux et marin réunis. Lor mêlé avec le plomb le rend aigre, la platine produit le même effet; mais on a prétendu qu'elle ne se séparoit pas en entier du plomb comnîe l'or, dans la coupelle, au plus grand feu de nos fourneaux : dès lors le plomb adhère plus fortement à la platine que l'or, dont il se sépare en entier, ou presque en en- tier^. On peut même reconnoître par l'augmentation de son poids la quantité de plomb qu'elle a saisie, et qu'elle retient si puissamment que l'opération de la coupelle ne peut l'en séparer : cette quantité, selon M. Schœffer, est de deux ou trois pour cent; cet ha- bile chimiste, qui le premier a travaillé la platine, dit avec raison qu'au miroir ardent, c'est-à-dire à un feu supérieur à celui de nos fo^irneaux, on vient à bout d'en séparer tout le plomb et de la rendre pure : elle ne diffère donc ici de l'or qu'en ce qu'étant pins difficile à fondre, elle se coupelle aussi plus difficile- ment. sans cloute à quelques parties de la j^aliue qu'elle a dissoutes, ou c|u'elle tient en suspension. Il paroit donc que dans celte opération, c'est à la présence seule de l'or qu'est due la dissolution réelle et assez prompte de la platine par l'acide nitreux pur; que l'argent ne con- tribue qu'indirectement à cette dissolution ; qu'il la facilite, à la vérité, mais que sans l'or il ne sert qu'à procurer une division mécanique de la platine; et encore celte division n'a-t elle lieu que parce que l'argent dissous lui-même ne peut plus conserver la platine subdivisée avec la- quelle il faisoit corps. 1 . « L'or le plus pur ne se sépare jamais parfaitement du pionib dans la coupelle : si vous faites passer un gros d'or lin à la coupelle dans une c|uautité quelconque de plomb , le boutou d'or, quelque brillaut qu'il soit , pèsera toujours un peu plus d'un gros. » ( Remarque comrnu- nujaée par M. TiUet. ) DE LA PLATINE. IO7 En mêlant parties égales de platine et de cuivre, on les fond presque aussi facilement que le cuivre seul , et cet alliage est à peu près aussi fusible que celui de l'or et du cuivre. Elle se fond un peu moins facilement avec l'argent : il en faut trois parties sur une de platine, et l'alliage qui résulte de cette fonte est aigre et dur. On peut en retirer l'argent par l'acide nitreux, et avoir ainsi la platine sans mélange, mais néanmoins avec quelque perte. Elle peut de même se fondre avec les autres métaux; et ce qui est très remarquable c'est que le mélange d'une très petite quantité d'arsenic , comme d'une vingtième ou d'une vingt-quatrième partie, suffitpour la faire fondre pres- que aussi aisément que nous fondons le cuivre : il n'est pas même nécessaire d'ajouter des fondants à l'arsenic , comme lorsqu'on le fond avec le fer ou le cuivre; il suffit seul pour opérer très promptement la fusion de la platine, qui cependant n'en devient que plus aigre et plus cassante. Enfin , lorsqu'on la mêle avec l'or, il n'y a pas moyen de les séparer sans inter- mède, parce que la platine et l'or sont également fixes au feu ; et ceci prouve encore que la nature de la pla- tine tient de très près à celle de l'or. Ils se fondent ensemble assez aisément; leiu- union est toujours in- time et constante; et de même qu'on remarque des surfaces dorées dans la platine qui nous vient en gre- nailles, on voit aussi des filets ou petites veines d'or dans la platine fondue. Quelques chimistes prétendent même que l'or est un dissolvant de la platine, parce qu'en effet si l'on ajoute de l'or à l'eau régale, la dis- solution de la platine se fait beaucoup plus prompte- ment et plus complètement; et ceci, joint à ce que l58 MINÉRAUX. nous avons dit de sa dissolution par l'acide nitreux , est encore une preuve et un efl'et de la grande affinité de la platine avec l'or. On a trouvé néanmoins le moyen de séparer l'or de la platine, en mêlant cet alliage avec l'argent^; et ce moyen est assez sûr pour qu'on ne doive plus craindre de voir le titre de l'or altéré par le mélange de la platine. L'or est précipité de sa dissolution par le vitriol de fer, et la platine ne l'est pas : ceci fournit un moyen de séparer l'or de la platine, s'il s'y trouvoit artificiel- 1. « Lorsqu'on a mêlé de l'or avec de la platine, il y a un moyen sûr de les séparer, celui du départ, en ajoutant au mélange trois l'ois autant d'argent , ou environ , qu'il y a d'or ; lacide nitreux dissout l'ar- gent et la platine , et l'or tout entier en est séparé; on verse ensuite de l'acide marin sur la liqueur chargée de l'argent et de la platine , sur- le-champ on a un précipité de l'argent seul ; et comme on a formé par là une eau régale, la platine n'eu est que mieux maintenue dans la li- queur qui surnage l'argent précipité. Pour ol^lenir ensuite la platine, on fait évaporer sur un bain de sahle la liqueur qui la contient, et on traite le résidu par le flux noir, en y ajoutant de la -chaux de cr.ivre propre à rassembler ces particules de platine; on lamine après cela le bouton de cuivre qu'on a retiré de l'opération , et on le fait dissoudre à froid dans de l'esprit de nitre affoibli ; la platine se précipite au fond du matras , et, après un recuit , elle s'annonce avec ses caraclères mé- talliques, mais avec un déchet de moitié ou environ sur la quantité de platine qu'on a employée. Voilà le procédé que j'ai suivi , et par leque 1 on voit que je n'ai rien pu perdre par un défaut de soin ; après de s opérations réitérées on parvient à j'éduire la plaline à peu de grains , et enfin à la perdre totalement. Ces expériences annoncent que la pla- tine se décompose et n'est pas un métal simple; la matière noire et ferrugineuse se monire à chaque opération , et se trouve mêlée avec celle qui a conservé l'état métallique : celte matière noirâtre qui n'a pu reprendre ses caraclères métalliques , est fort légère et ne se pré- cipite qu'avec peine ; on ne croiroit jamais qu'elle eut appartenu à u n métal aussi pesant que la platine ; quatre ou cinq grains de cette ma- tière ^îécompcséc o!it le volume d'une noisette. ( Note de M. Tillct. ) DE LA PLATINE. 1 09 lement allié; mais cet intermède ne peut rien sur leur alliage nafurel. Le mercure, qui s'amalgame si puis- samment avec l'or, ne s'unit point avec la platine : ceci fournit un second moyen de reconnoître l'or fal- sifié par le mélange de la platine ; il ne faut que ré- duire l'alliage en poudre et la présenter. au mercure, qui s'emparera de toutes les particules d'or, et ne s'attachera point à celles de la platine. Ces différences entre l'or et la platine sont peu con- sidérables en comparaison des rapports de nature que ces deux substances ont l'une avec l'autre. La platine ne s'est trouvée que dans les mines d'or, et seulement dans deux endroits particuliers, et, quoique tirée de la même mine, sa substance n'est pas toujours la même; car en essayant sous le marteau plusieurs grains de pla- tine, telle qu'on nous l'envoie, j'ai reconnu que quel- ques uns de ces grains s'étendoient assez facilement, tandis que d'autres se brisoient sous une percussion égale : cela seul suffu^oit pour faire voir que ce n'est point un métal natif et d'une nature univoque, mais un mélange équivoque qui se trouve plus ou moins aigre, selon la quantité et la qualité des matières al- liées. Quoique la platine soit blanche à peu près comme l'argent, sa dissolution est jaune, et même plus jaune que celle de l'or; cette couleur augmente encore à mesure que la dissolution se sature, et devient à la hn tout-à-fait rouge. Cette dernière couleur ne pro- vient-elle pas du fer toujours uni à la platine.^ En faisant évaporer lentement cette dissolution, on ob- tient un sel cristallisé semblable au sel d'or : la disso- lution noircit de même la peau, et laisse aussi préci- ll^O MINÉRAUX. piter la platine, comme l'or, par l'éther et par les autres huiles éthérëes; enfin son sel reprend, comme celui de l'or, son état métallique, sans addition ni secours. Le produit de la dissolution de la platine paroît dif- férer de l'or dissous, en ce que le précipité de platine, fait par l'alcali volatil , ne devient pas fulminant comme Tor; mais aussi peut-être que, si l'on joignoit une pe- tite quantité de fer à la dissolution d'or, le précipité ne seroitpas fulminant. Je présume de même que c'est par une cause semblable que le précipité de la pla- tine par l'étain ne se colore pas de pourpre comme celui de l'or; et, dans le vrai, ces différences sont si légères en comparaison des grands et vrais rapports que la platine a constamment avec l'or, qu'elles ne suffisent pas, à beaucoup près, pour faire un métal à part et indépendant, d'une matière qui n'est très vrai- semblablement qu'altérée par le mélange du fer et de quelques vapeurs arsenicales : car, quoique notre art ne puisse rendre à ces deux métaux altérés leur pre- mière essence, il ne faut pas conclure de son impuis- sance à l'impossibilité; ce seroit prétendre que la na- ture n'a pu faire ce que nous ne pouvons défaire, et nous devrions plutôt nous attacher à l'imiter qu'à la contredire. Aucun acide simple, ni même le sublimé corrosif ni le soufre , n'agissent pas plus sur la platine que sur l'or; mais le foie de soufre les dissout également : toutes les substances métalliques la précipitent comme l'or, et son précipité conserve de même sa couleur et son brillant métallique; elle s'allie comme l'or avec tous les métaux et les demi-métaux. DE LA PLATINE. l \} La différence la plus sensible qu'il y ait entre les propriétés secondaires de l'or et de la platine, c'est la facilité avec laquelle il s'amalgame avec le mercure, et la résistance que la platine oppose à cette union. Il me semble que c'est par le fer et par l'arsenic dont la platine est intimement pénétrée , que l'or aura perdu son attraction avec le mercure, qui, comme l'on sait, ne peut s'amalgamer avec le fer, et encore moins avec l'arsenic. Je suis donc persuadé qu'on pourra tou- jours donner la raison de toutes ces différences en convenant avec moi que la platine est un or déna- turé par le mélange intime du fer et d'une vapeur d'arsenic. La platine mêlée en parties égales avec l'or exige un feu violent pour se fondre; l'alliage est blanchâtre, dur, aigre, et cassant; néanmoins, en le faisant re- cuire, il s'étend un peu sous le marteau. Si on met quatre parties d'or sur une de platine, il ne faut pas un si grand degré de feu pour les fondre : l'alliage conserve à peu près la couleur de l'or; et l'on a ob- servé qu'en général l'argent blanchit l'or beaucoup plus que la platine. Cet alliage de quatre parties d'or sur une de platine peut s'étendre en lames minces sous le marteau. Pour fondre la platine et l'argent mêlés en parties égales, il faut un feu très violent, et cet alliage est moins brillant et plus dur que l'argent pur : il n'a que peu de ductilité; sa substance est grenue, les grains en sont assez gros et paroissent mal liés; et lors même que l'on met sept ou huit parties d'argent sur une de platine, le grain de l'alliage est toujours grossier : on peut, par ce mélange, faire cristalliser 1.(2 MINERAUX. très aisément iargent en fusion ^ ; ce qui dt^montre le peu d'aOinite de ce métal avec la platine, puisqu'il ne contracte avec elle cju'une union imparfaite. Il n'en est pas de môme du mélange de la platine avec le cuivre; c'est de tous les métaux celui avec lequel elle se fond îe plus facilement : meîés à parties égales, l'alliage en est dur et cassant; mais si l'on ne met qu'une huitième ou neuvième partie de platine, l'alliage est d'une plus belle couleur que celle du cui- vre ; il est aussi plus pur, et peut recevoir un plus beau poli; il résiste beaucoup mieux à l'impression des éléments humides; il ne donne que peu ou point de vert-de-gris, et il est assez ductile pour être tra- vaillé à peu près comme le cuivre ordinaire. On pour- roit donc, en alliant le cuivre et la platine dans celte proportion, essayer d'en faire des vases de cuisine qui pourroient se pa ser d'étamage, et qui n'auroient aucune des mauvaises qualités du cuivre, de l'étain, et du plomb. La platine mêlée avec quatre ou cinq fois autant de fonte de fer, donne un alliage plus pur que cette fonte, et encore moins sujet à la rouille : il prend un beau poli; mais il est trop aigre pour pouvoir être mis en œuvre comme l'alliage de cuivre. M. Lewis, 1. « I>es cristallisations constantes de l'argent où il est entré de la pla- tine semblent indiquer réellement le peu d'afîGnilé qui! y a enire ces deux métaux ; il paroît que Taigent tend à se séparer de la platine. Ou a inlailliblemeut des cristallisations d'argent bien prononcées en fon- dant liuit parties d'argent pur avec une partie de platine et en les pas- sant à la coupelle. J'ai remis, pour le Cabinet du Iloi, des boutons de deux gros ainsi cristallisés à leur surface ; la loupe la moins forte d'un microscope fait distinguer nettement les petites pj^ramides de l'argent. « [licmarqne communiquée par M. Tillet. ) DE LA r LATINE. 1 4^ auquel on doit ces observations, dit aussi que la pla- tine se fond avec l'étain en toutes proportions, depuis parties égales jusqu'à vingt-quatre parties d etain sur une de platine, et que ces alliages sont d'autant plus durs et plus aigres que la platine est en plus grande quantité, en sorte qu'il ne paroît pas qu'on puisse les travailler. Il en est de même des alliages avec le plomb, qui môme exige un feu plus violent que ceux avec l'étain. Cet habile chimiste a encore observé que le plomb et l'argent ont tant de peine à s'unir avec la platine, qu'il tombe toujours une bonne partie de la platine au fond du creuset dans sa fusion avec ces deux métaux , qui de tous ont par conséquent le moins d'affinité avec ce minéral. Le bismuth, comme le plomb, ne s'allie qu'impar- faitement avec la platine, et l'alliage qui en résulte est cassant au point d'être friable : mais de la même manière que, dans les métaux, le cuivre est celui avec lequel la platine s'unit le plus facilement, il se trouve que , des demi-métaux , c'est le zinc avec lequelle elle s'unit aussi le plus parfaitement. Cet alliage de la pla- tine et du zinc ne change point de couleur, et res- semble au zinc pur; il est seulement plus ou moins bleuâtre, selon la proportion plus ou moins grande de !a platine dans le mélange : il ne se ternit point à l'air; mais il est plus aigre que le zinc, qui, comme l'on sait, s'étend sous le marteau. Ainsi cet alliage de la platine et du zinc , quoique facile, n'offre encore aucun objet d'utilité. Mais si l'on mêle quatre parties de laiton ou cuivre jaune avec une partie de platine, l'union paroît s'en faire d'une manière intime : la sub- stance de l'alliage est compacte et fort dure; le giain l44 MINÉRAUX. en est très Qn et très serre, et il prend un poli vif qui ne se ternit point à l'air. Sans être bien ductile, cet alliage peut néanmoins s'étendre assez sous le marteau pour pouvoir s'en servir à faire des miroirs de télescope et d'autres petits ouvrages dont le poli doit résister aux impressions de l'air. J'ai cru pouvoir avancer, il y a quelques années ^, et je crois pouvoir soutenir encore aujourd'hui, que la platine n'est point un métal pur, mais seulement un alliage d'or et de fer, produit accidentellement et par des circonstances locales. Comme tous nos chimistes, d'après MM. Schœffer et Lewis, avoient sur cela pris leur parti, qu'ils en avoient parlé comme d'un nou- veau métal parfait, ils ont cherché des raisons contre mon opinion ; et ces raisons m'ont paru se réduire à une seule objection que je tacherai de ne pas laisser sans réponse. « Si la platine, dit un de nos plus ha- biles chimistes 2, étoit un alliage d'or et de fer, elle devroit reprendre les propriétés de l'or à proportion qu'on détruiroit et qu'on lui enlèveroit une plus grande quantité de son fer: et il arrive précisément le con- traire; loin d'acquérir la couleur jaune, elle n'en de- vient que plus blanche , et les propriétés par lesquelles elle diffère de l'or n'en sont que plus marquées. » Il est très vrai que si on môle de l'or avec du fer dans leur état ordinaire, on pourra toujours les séparer, en quelque dose qu'ils soient alliés , et qu'à mesure qu'on détruira et enlèvera le fer, l'alliage reprendra la couleur de l'or, et que ce dernier métal reprendra lui-même toutes ses propriétés dès que le fer en sera 1. Voyez le mémoire sur la Platine. 2. M. Macc[upr. DE LA PLATINE. l/JS séparé ; mais ii'ai-je pas dit et répété que le fer qui se trouve si intimement uni à la platine n'est pas du fer dans son état ordinaire de métal, qu'il est au con- traire comme le sablon ferrugineux qui se trouve mêlé avec la platine, presque entièrement dépouillé de ses propriétés métalliques, puisqu'il est presque infusible, qu'il résiste à la rouille, aux acides, et qu'il ne lui reste que la propriété d'être attirable à l'ai- mant? Dès lors l'objection tombe, puisque le feu ne peut rien sur cette sorte de fer; tous les ingrédients , toutes les combinaisons cliimiques ne peuvent ni l'al- térer ni le cbanger, ni lui ôter sa qualité magnétique, ni même le séparer en entier de la platine, avec la- quelle il reste constamment et intimement uni; et quoique la platine conserve sa blancbeur et ne prenne point la couleur de l'or après toutes les épreuves qu'on lui a fait subir, cela n'en prouve que mieux que l'art ne peut altérer sa nature. Sa substance est blanche et doit l'être en effet, en lasupposant, comme je le fais, composée d'or dénaturé par l'arsenic, qui lui donne cette couleur blanche, et qui, quoique très volatil, peut néanmoins y être très fixement uni, et môme plus intimement qu'il ne l'est dans le cuivre, dont on sait qu'il est très difficile de le séparer. Plus j'ai combiné les observations générales et les faits particuliers sur la nature de la platine, plus je me suis persuadé que ce n'est qu'un mélange acciden- tel d'or imbu de vapeurs arsenicales et d'un fer brûlé autant qu'il est possible, auquel le feu a par consé- quent enlevé toutes ses propriétés métalliques, à l'ex- ception de son magnétisme ; je crois même que les physiciens qui réfléchiront sans préjugé sur tous les l!\6 MINÉKAIjX. faits que je viens d'exposer seront de mon avis, et que les chimisles ne s'obstineront pas à regarder comme un métal pur et parfait une matière qui est évidemment aliiée avec d'autres substances métalliques. Cependant voyons encore de plus près les raisons sur lesquelles ils voudroient fonder leur opinion. En recherchant les différences de Tor et de la pla- tine jusque dans leur décomposition, on a observé. 1° que la dissolution de la plaline dans l'eau régale ne teint pas la peau, les os, les marbres et pierres calcaires, en couleur pourpre, comme le fait la dis- solution de l'or, et que la platine ne se précipite pas en poudre couleur de pourpre comme l'or précipité par l'étain : Uiais ceci doit-il nous surprendre, puis- ([ue la platine est blanche et quel'or est jaune? s^L'es- prit-de-vin et les autres huiles essentielles, ainsi que le vitriol de fer, précipitent l'or et ne précipitent pas la platine; mais il me semble que cela doit arriver, puisque la platine est mêlée de fer, avec lequel le vitriol martial et les huiles essentielles ont plus d'affi- nité qu'avec l'eau régale, et qu'en ayant moins avec l'or, elles le laissent se dégager de sa dissolution. j^Le précipité de la platine par l'aicali volatil ne devient pas fulminant comme celui de l'or : cela ne doit pas encore nous étonner; car cette précipitation produite par l'alcali est plus qu'imparfaite, attendu que la dis- solution reste toujours colorée et chargée de platine, qui, dans le vrai, est plutôt calcinée que dissoute dans l'eau régale; elle ne peut donc pas, comme l'or dissous et précipité, saisir l'air que fournit l'alcali volatil, ni par conséquent devenir fulminante. 4" La platine traitée à la coupelle, soit par le plomb, le DE LA PLATINE. 1 47 bismuth , ou l'antimoine, ne fait point Véclair comme l'ôr, et semble retenir une portion de ces matières; niais cela ne doit-il pas nécessairement arriver, puis- que sa fusion n'est pas parfaite, et qu'un mélange avec une matière déjà mélangée ne peut produire une substance pure, telle que celle de l'or quand il fait l'éclair? xiinsi toutes ces dififérences, loin de prouver que laplarine est un métal simple et différent de Tor, semblent démontrer, au contraire, que c'est un or dénaturé par l'alliage intime d'une matière ferrugi- neuse également dénaturée; et si notre art ne peut rendre à ces métaux leur première forme, il ne faut pas en conclure que la substance de la platine ne soit pas composée d'or et de fer, puisque la présence du fer y est démontrée par l'aimant, et celle de l'or par la balance. Avant que la platine fut connue en Europe , les Es- pagnols, et même les Américains, l'avoient fondue en la mêlant avec des métaux, et particulièrement avec le cuivre et l'arsenic; ils en avoient fait différents pe- tits ouvrages qu'ils donnoient à plus bas prix que de pareils ouvrages en argent : mais avec quelque métal qu'on puisse allier la platine, elle en détruit, ou du moins diminue toujours la ductilité ; elle les rend tous aigres et cassants; ce qui semble prouver qu'elle con- tient une petite quantité d'arsenic, dont on sait qu'il ne faut qu'un grain pour produire cet effet sur une masse considérable de métal. D'ailleurs il paroît que, dans ces alliages delà platine avec les métaux, la com- binaison des substances ne se fait pas d'une manière in- time ,c'estplutôt une agrégation qu'une union parfaite; ll\S MINÉRALX. et cela seul sufTit pour produire laigreur Je ces alliages. M. de Morveau, aussi savant physicien qu'habi!e chimiste, dit avec raison que la densité de la platine ^ n'est pas constante; qu'elle varie même suivant les difierents procédés qu'on emploie pour la fondre , quoiqu'elle n'y prenne certainement aucun alliage. Ce fait ne démontre-t-il pas deux choses? la première, que la densité est ici d'autant moindre que la fusion est plus imparfaite , et qu'elle seroit peut-être égale à celle de l'or, si l'onpouvoit réduire la platine en fonte parfaite ; c'est ce que nous avons tâché de faire en en faisant passer quelques livres à travers les charbons dans un fourneau d'aspiration ^ : la seconde, c'est 1. Selon M. Brisson , la plaline en grenaille ne pèse que 1092 livres 2 onces le pied cube , tandis que la plaline fondue et écroule pèse 1425 livres 9 onces; ce qui surpasse la densité de l'or battu et écroui, qui ne pèse que i355 livres 5 onces. Si cette détermination est exacte , on doit en inférer que la platine fondue est susceptible d'une plus grande compression que l'or. 2. « 11 est impossible de foudre la platine ou or blanc dans un creu- set sans addition. Il résiste à un feu aussi vif et même plus fort que celui qui fond les meilleurs creusets Il fondroit beaucoup plus aisémeut sur les charbons, sans creuset ; mais on ne peut le traiter ainsi , quand ou n'en a pas une livre, et j'élois dans ce cas. Le phlogislique des charbons ne contribue en aucune manière à la fusion de ce métal ; mais leur chaleur animée par le souftlet de forge est beaucoup plus forte que celle du creuset. » { Descriptioii de l'Or blanc, etc., par M. Schœffer, Journal étrojiger, mois de novembre 1767, ) J'ai pensé sur cela comme JNI. Schœffer, et j'ai cru que je viendrois à bout de fondre parfaitement la {ilatine en la faisant passer à travers les char- bons ardents, et eu assez grande (juantité pour pouvoir la recueillir en foute ; M. de Morveau a bien voulu conduire cette opération en ma présence : pour cela nous avons fait construire, au mois d'août dernier 1781, une espèce de haut fourneau de treize pieds huit pouces DE LA PLATINE. l49 que cet alliage de fer et d'or, produit par un accident de nature, n'est pas. comme les métaux, d'une den- sité constante, mais d'une densité variable et réelle - de hauteur totale, divisé en quatre parties égales; savoir, la partie inférieure de forme cylindrique, de vingt pouces de haut sur vingt pouces de diamètre, formée de trois dalles de pierre calcaire posées sur une pierre de même nature creusée légèrement en fond de chau- dière : ce cylindre étoit percé, vers le bas, de trois ouvertures dis- posées aux sommets d'un triangle é([uilatéral inscrit; chacune de ces ouvertures étoit de huit pouces de longueur sur dix de hauteur, et dé- fendue à l'extérieur par des murs eu brique , à la manière des gardes- tirans des fours à porcelaine. La seconde partie du fourneau, formée de dalles de même pierre, étoit en cône de douze pouces de hauteur, ayant au bas vingt pouces de diamètre et neuf pouces au dessus ; les dalles de ces deux parties étoieut entretenues par des cercles de fer. La troisième partie, formant uu tuyau de neuf pouces de diamètre et de cinq pieds de long , fut construite en brique. Un tuyau de tôle de neuf pouces de diamètre et six pieds de hauteur, placé sur le tuyau de brique, formoit la quatrième et dernière partie du fourneau. On avoit pratiqué une porte vers le bas pour la commo- dité du chargement. Ce fourneau ainsi construit , on mit le feu vers les quatre heures du soir : il tira d'abord assez bien; mais ayant été chargé de charbon jusqu'aux deux tiers du tuyau de brique , le feu s'éteignit , et on eut assez de peine à le rallumer et à faire descendre les charbons qui s'en- gorgeoient. L'humidité eut sans doute aussi quelque part à cet effet. Ce ne fut qu'à minuit que le tirage se rétablit; ou l'entretint jusqu'à huit heures du matin en chargeant de charbon à la hauteur de cinq pieds seulement , et bouchant alternativement un des tisarts pour augmenter l'activité des deux autres. Alors on jeta dans ce fourneau treize onces de platine mêlée avec quatre livres de verre de bouteille pulvérisé et tamisé, et on continua de charger de charbon à la même hauteur de cinq pieds au dessus du fond. Deux heures après ou ajouta même quantité de platine et de verre pilé. On aperçut vers le midi quelques scories à l'ouverture des tisarts : dles éloient d'un verre grossier, tenace, pâteux , et préseutoient à leur liUFPOÎV. Vill. 10 IDO MINÉRAUX. ment différente suivant les circonstances, en sorte que telle platine est plus ou moins pesante que telle autre , tandis que , dans tout vrai métal , la densité est égale dans toutes les parties de sa substance. surface des grains de platine non attaqués : on fît rejeter dans le four- neau toutes celles que l'on put tirer. On essaya de boucher à la fois deux tisarts , et l'élévalion de la flamme fit voir que le tirage en étoit réellement augmenté; mais les cendres qui s'amonceloient au fond arrêtant le tirage, on prit le parti de faire jouer un très gros soufflet en introduisant la buse dans un des tisarts, les autres bouchés, et pour lors on enleva le tuyau de tôle qui deve- noit inutile. On reconnut vers les cinq heures du soir que les cendres étoient diminuées; les scories mieux fondues contenoient une infinité de pe- tits globules de platine : mais il ne fut pas possible d'obtenir un laitier assez fluide pour j^eruietlre la réunion des petits culots métalliques ; on arrêta le feu a minuit. Le fourneau ayant été ouvert après deux jours de refroidissement, on trouva sur le fond une masse de scories grossières, formées des cen- dres vitrifiées et de quelques matières étrangères portées avec le char- bon ; la platine y étoit disséminée en globules de différentes grosseurs, quelques uns du poids de vingt-cinq à trente grains, tous très alti- rables à l'aimant : on observa dans quelques parties des scories une espèce de cristallisation en rayons divergents, comme l'asbeste ou l'hématite striée. La chaleur avoit été si violente, que, dans tout le pourtour intérieur, la pierre du fourneau étoit complètement calcinée de trois pouces et demi d'épaisseur, et même entamée en quelques endroits par la vitrification. Les scories pulvérisées furent débarrassées, par un lavage en giande eau, de toutes les parties de chaux et même d'une portion de ia terre. On mit toute la matière restante dans un très grand creuset de plomb noir, avec une addition de six livres d'alcali extetnporané : ce creuset fut placé devant les soufflets d'une chaulferie, en njoins de six heures le creuset fut percé du côté tlu vent; et il fallut arrêter le feu, parce que la matière qui en sortoit couloit au devant des soufflets. On reconnut le lendemain, à l'ouverture du creuset, que la masse vitreuse ()ui avoit coulé, et qui étoit encore attachée au creuset, tenoit une ([uaulilé de petits culols de platine du poids de soixante à quatre- DE LA PLATINE. l5l M. de Morveau a reconnu, comme moi et avec moi, que la platine est en elle-même magnéticpe , indépen- damment du sablon ferrugineux dont elle est exté- rieurement mêlée et quelquefois environnée. Comme cette observation a été contredite , et que Scbœffer a prétendu qu'en faisant seulement rougir la platine elle cessoit d'être attirable à l'aimant; que d'autres chimistes en grand nombre ont dit qu'après la fonte elle étoit absolument insensible à l'action magnéti- que, nous ne pouvons nous dispenser de présenter ici le résultat des expériences et les faits relatifs à ces as- sertions. MM. Macquer et Baume assurent avoir reconnu « qu'en poussant à un très grand feu pendant cinquante heures la coupellalion de la platine, elle avoit perdu de son poids; ce qui prouve que tout le plomb avoit passé à la coupelle avec quelque matière qu'il avoit en- levée, d'autant ({ue cette platine passée à cette forte épreuve de coupelle étoit devenue assez ductîle pour ■vingts graius chacun, et qui étoient formés de globules refondus; ces culots étoient de même très magnétiques, et plusieurs présentoient à leur surface des éléments de cristallisation. Le reste de 1 . platine étoit à peine agglutiné. Ou pulvérisa grossièrement toute la masse ; et eu y promenant le barreau aimanté, ou en retira près de onze onces de platine, tant en globules qu eu poussière métallique. Cette expérience fut faite aux forges de BulTon , et en même teuijis nous répétâmes dans mon labo- ratoire de Montbard l'expérience de la platine malléable : on fit dis- soudre un globule de platine dans ieau régale; on précipita la disso- lution par le sel ammoniac ; le précipité, mis dans un creuset au feu d'une petite forge, fut promptement revivifié, quoique sans fusion complète. Il s'étendit très bien sous le marteau, et les parcelles atté- nuées et divisées dans le mortier d'agate se trouvèrent encore sensibles à l'aimant. l52 MINERAUX. s'étendre sous le marteau. » Mais s'il étoit bien con- stant que la platine perdît de son poids à la coupella- tion , et qu'elle en perdît d'autant plus que le feu est plus violent et plus long-temps continué, cette cou- pellation de cinquante heures n'étoit encore qu'im- parfaile, et n'a pas réduit la platine à son état de pureté. « On n'étoit pas encore parvenu , dit avec raison M. de Morveau , à achever la coupellation de la platine, lorsque nous avons fait voir qu'il étoit pos- sible de la rendre complète au moyen d'un feu de la dernière violence. M. de BufTon a donné le détail de ces expériences qui ont fourni un bouton de platine pure , et absolument privé de plomb et de tout ce qu'il auroit pu scorifier; et il faut observer que cette pla- tine manifesta encore un peu de sensibilité à l'action du barreau aimanté lorsqu'elle fut réduite en poudre; ce qui annonce que cette propriété lui est essentielle, puisqu'elle ne peut dépendre ici de l'alliage d'un fer étranger. » On ne doit donc pas regarder la platine comme un métal pur, simple, et parfait, puisqu'en la purifiant autant qu'il est possible, elle contient tou- jours des parties de fer qui la rendent sensible à l'ai- mant. M. de Morveau a fondu la platine, sans addi- tion d'aucune matière métallique, par un fondant composé de huit parties de verre pulvérisé, d'une partie de borax calciné, et d'une demi-partie de pous- sière de charbon. Ce fondant vitreux et salin fond également les mines de fer et celles de tous les autres métaux; et après cette fusion, où il n'entre ni fer ni aucun autre métal, la platine broyée dans un mortier d'agate étoit encore attirable à l'aimant. Ce même ha- bile chimiste est le premier qui soit venu à bout d'al- DE LA PLATINE. l55 lier la platine avec le fer forge , au moyen du fondant que nous venons d'inditjuer : cet alliage du fer forgé avec la platine est d'une extrême dureté ; il reçoit un très beau poli qui ne se ternit point à l'air, et ce seroit la manière la plus propre de toutes à faire des miroirs de télescope. Je pourrois rapporter ici les autres expériences par lesquelles M. de Morveau s'est assuré que le fer existe toujours dans la platine la plus purifiée; on les lira avec satisfaction dans son excellent ouvrage^ : on y trouvera, entre autres choses utiles, l'indication d'un moyen sûr et facile de reconnoître si l'or a été falsifié par le mélange de la platine ; il suffit pour cela de faire dissoudre dans l'eau régale une portion de cet or sus- pect, et d'y jeter quelques gouttes d'une dissolution de sel ammoniac; il n'y aura aucun précipité si l'or est pur, et au contraire il se fera un précipité d'un beau jaune s'il est mêlé de platine : on doit seulement avoir attention de ne pas étendre la dissolution dans beaucoup d'eau. C'est en traitant le précipité de la platine par une dissolution concentrée de sel ammo- niac, et en lui faisant subir un feu de la dernière vio- lence, qu'on peut la rendre assez ductile pour s'éten- dre sous le marteau ; mais dans cet état de plus grande pureté, lorsqu'on la réduit en poudre, elle est encore attirable à l'aimant. La platine est donc toujours mê- lée de fer, et dès lors on ne doit pas la regarder comme un métal simple : cette vérité, déjà bien constatée, se confirmera encore par toutes les expériences qu'on voudra tenter pour s'en assurer. M. Margraff a préci- 1 . Elémeïits de Chimie. I 54 :\I I N É R A L X. pité la platine par plusieurs substances métalliques; aucune de ces précipitations ne lui a donné la platine en état de métal, mais toujours sous la forme d'une poudre brune : ce fait n'est pas le moins important de tous les faits qui meltent ce minéral hors de la classe des métaux simples. M. Lewis assure que l'arsenic dissout aisément la platine : M. de Morveau, plus exact dans ses expé- riences, a reconnu que celte dissolution n'étoit qu'im- parfaite, et que l'arsenic corrodoit plutôt qu'il ne dis- solvoit la platine; et, de tous les essais qu'il a faits sur ces deux minéraux joints ensemble, il conclut qu'il y a entre eux une très grande affinité : « ce qui ajoute, dit-il, aux faits qui établissent déjà tant de rapports entre la platine et le fer. » Mais ce dernier fait ajoute aussi un degré de probabilité à mon idée sur l'existence d'une petite quantité d'arsenic dans cette substance composée de fer et d'or. A tous ces faits qui me semblent démontrer que la platine n'est point un métal pur et simple, mais un mélange de fer et d'or tous deux altérés, dans lequel ces deux métaux sont intimement unis, je dois ajou- ter une observation qui ne peut que les confirmer : il y a des mines de fer, tenant or et argent, qu'il est impossible , même avec seize parties de plomb , de ré- duire en scories fluides; elles sont toujours pâteuses et filantes, et par conséquent l'or et l'argent qu'elles contiennent ne peuvent s'e^ séparer pour se joindre au plomb. On trouve, en une infinité d'endroits, des sables ferrugineux tenant de l'or : mais jusqu'à pré- sent on n'a pu , par la fonte en grand, en séparer assez d'or pour payer les frais ; le fer qui se ressuscite retient DE LA PLATINE. 1 55 lor, OU bien l'or reste dans les scories^. Cette union intime de l'or avec le 1er dans ces sablons ferrui^i- neux,qui tous sont très magnétiques et semblables au sablon de la platine, indique que cette même union peut bien être encore plus forte dans la platine où l'or a souftert, par quelques vapeurs arsenicales, une altération qui l'a privé de sa ductilité; et cette uru'on est d'autant plus difficile à rompre, que ni l'un ni l'au- tre de ces métaux n'existent dans la platine en leur état de nature , puisque tous deux y sont dénués de la plupart de leurs propriétés métalliques. « Toutes les expériences que j'ai faites sur la pla- tine, m'écrit M. Tillet, me conduisent à croire qu'elle n'est point un métal simple, que le fer y domine, mais quelle ne contient point d'or. » Quelque confiance que j'aie aux lumières de ce savant académicien, je ne puis me persuader que la partie dense de la platine ne soit pas essentiellement de l'or, mais de l'or altéré, et auquel notre art n'a pu jusqu'à présent rendre sa première forme. Neseroit-il pas plus qu'étonnant qu'il existât en deux seuls endroits du monde une matière aussi pesante que l'or, qui ne seroit pas de l'or, et que cette matière si dense qu'on voudroit supposer diffé- rente de l'orne se trouvât néanmoins que dans des mi- 1. Traité de la Fonte des mines da Sciiutller, lom. I, pag. i85 et 184. On doit néanmoins observer que le procédé indiqué par M. llellot , d'après SchluUer, n'est peut-être pas ic meilleur qu'on puisse em- ployer pour tirer l'or et l'argent du fer. M. de Grignon dit qu'il faut scorilier par le soufre, rafraîchir par le plomb, et coupeller ensuite; il assure que le sieur Valrin a tiré de l'or du fer avec quelque bénéfice, et qu'il en a traité dans un an quarante milliers qui venoieot des forges de M. de La Blouze en Nivernois et Berri , d'une veine de mine de fer qui a cessé de fournir de ce minéral aurifère. l56 MINÉRAUX. nés d'or? Je le répète, si la platine se trouvoit, comme les autres métaux, dans toutes les parties du monde , si elle se trouvoit en mines particulières et dans d'au- tres mines que celles d'or, je pourrois penser alors , avec M. Tillet, qu'elle ne contient point d'or, et qu'il existe en effet une autre matière à peu près aussi dense que l'or, dont elle seroit composée avec un mélange de fer; et, dans ce cas, on pourroit la regarder comme un septième métal, surtout si l'on pouvoit parvenir à en séparer le fer : mais , jusqu'à ce jour, tout me semble démontrer ce que j'ai osé avancer le premier, que ce minéral n'est point un métal simple, mais seu~ lement un alliage de fer et d'or ; il me paroît même qu'on peut prouver, par un seul fait, que celle sub- stance dense de la platine n'est pas une matière par- ticulière essentiellement différente de l'or, puisque le soufre, ou sa vapeur, agit sur tous lés métaux, à l'ex- ception de l'or, et que n'agissant point du tout sur la platine, on doit en conclure que la substance dense de ce minéral est de même essence que celle de l'or; et l'on ne peut pas objecter que , par la même raison, la platine ne contienne pas du fer, sur lequel l'on sait que le soufre agit avec grande énergie, parce qu'il faut toujours se souvenir que le fer contenu dans la platine n'est point dans son état métallique, mais ré- duit en sablon magnétique, et que, dans cet état, le soufre ne l'attaque pas plus qu'il n'attaque l'or. M. le baron de Sickengen , homme aussi recomman- dable par ses qualités personnelles et ses dignités que par ses grandes connoissances en chimie , a commu- niqué à l'Académie des Sciences, en 1778, les obser- vations et les expériences qu'il avoit faites sur la pla~ DE LA PLATINE. iBy tine, et je fais ici volontiers 1 éloge de son travail, quoique je ne sois pas d'accord avec lui sur quelques points que nousavons probablement vus d'une manière différente : par exemple, il annonce, par son expé- rience 21, que le nitre en fusion n'altère pas la pla- tine ; je ne puis m'empecher de lui faire observer que les expériences des autres chimistes, et en particulier celles de M. de Morveau , prouvent le contraire , puis- que la platine, ainsi traitée, se laisse attaquer par l'acide vitriolique et par l'eau-forte. L'expérience 22 de M. le baron de Sickengen paroît confirmer le soupçon que j'ai toujours eu , que la platine ne nous arrive pas telle qu'elle sort de la mine, mais seulement après avoir passé sous la meule, et très probablement après avoir été soumise à l'amal- game; les globules de mercure que M. Scbœffer et M. le comte de Milly ont remarqués dans celle qu'ils traitoientviennentà l'appui de cette présomption, que je crois fondée. J'observerai, au sujet de l'expérience 55 de M. le baron de Sickengen, qu'elle avoit été faite aupara- vant, et publiée dans une lettre qui m'a été adressée par M. de Morveau, et qui est insérée dans le Jour- nal de physique j, tomeYI, page 195. Ce que M. de Sickengen a fait de plus que M. de Morveau, c'est qu'ayant opéré sur une plus grande quantité de pla- tine, il a pu former un barreau d'un culot plus gros que celui que M. de Morveau n'a pu étendre qu'en une petite lame. Je ne peux me dispenser de remarquer aussi que le principe posé pour servir de base aux conséquen- ces de l'expérience 56 ne me paroît pas juste : car un l58 MINÉRAUX. alliage, même fait par notre art, peut avoir on acqué- rir des propriétés différentes dans les substances al- liées, et par conséquent la platine pourroit s'allier au mercure sans qu'on piit en conclure qu'elle ne con- tient pas de fer; et même celte expérience 56 est peut-être tout ce qu'il y a de plus fort pour prouver au moins l'impossibilité de priver la platine de tout fer, puisque cette platine revivifiée que l'on nous donne pour la plus pure, et qui éprouve une sorte de décomposition par le mercure, produit une poudre noire martiale attirable à l'aimant, et avec laquelle on peut faire le bleu de Prusse. Or, pour conclure, comme le fait l'illustre auteur (expérience 69) , que l'analyse n'a point de prise sur la platine, il auroit fallu répé- ter ^ur le produit de l'expérience Sg les épreuves sur le produit de l'expérience 56, et démontrer qu'il ne donnoit plus ni poudie noire, ni atomes magnéti- ques, ni bleu de Prusse; sans cela, le procédé qui fait l'amalgame à chaud n'est plus qu'un procédé ap- proprié, qui ne décide de rien. J'observe encore que l'expérience 64 donne un ré- sultat qui est plus d'accord avec mon opinion qu'a- vec celle de l'auteur; car, par l'addition du mercure, le fer,, comme la platine, se sépare en poudre noire, et cela seul suffit pour infirmer les conséquences qu'on voudroit tirer de cette expérience. Enfin, si nous rapprochons les aveux de cet habile chimiste, qui ne laisse pas de convenir « que la platine ne peut jamais être privée de tout fer... qu'il n'est pas prouvé qu'elle soit homogène. .. qu'elle contient cinq treiziè- mes de fer qu'on peut retirer progressivement par des procédés très compliqués... qu'enfin il faut, avant de DE LA PLATINE. 1 59 rien décider, répéter sur la' platine réduite toutes les expériences qu'il a faites sur la platine brute » il nous paroît qu'il ne devoit pas prononcer contre ses propres présomptions, en assurant, comme il le fait , que la platine n'est pas un alliage, mais un métal simple. M. Eowles, dans son Histoire naturelle de l'Es- pagne,, a inséré les expériences et les observations qu'il étoit plus à portée que personne \le faire sur cette matière, puisque le gouverncDient lui avoit fait remettre une grande quantité de platine pour l'éprou- ver; néanmoins il nous apprend peu de chose, et il attaque mon opinion par de petites raisons. En 1755, dit-il , le ministre me fit livrer une quantité suffisante de platine, avec ordre de soumettre cette matière à mes expériences, et de donner mon avis sur le bon et le mauvais usage qu'on pourroit en faire. Cette pla- tine qu'on me remit étoit accompagnée de la note suivante : « Dans l'évêché de Popayan, sulTragant de » Lima, il y a beaucoup de mines^d'or, et une entre » autres nommée Clwco; dans une partie de la mon- » tagne se trouve en grande quantité une espèce de » sable que ceux du pays ^^\)e\\ex\y platine ou or blanoy En examinant cette matière, je trouvai qu'elle étoit fort pesante et mêlée de quelques grains d'or couleur de suie Après avoir séparé les ^grains d'or, j'ai trouvé que la platine étoit plus pesante que l'or à 20 karats; en ayant fait battre quelques grains sous le marteau , je vis qu'ils s'étendoient^de cinq ou six fois leur diamètre , et qu'ils restoient blancs comme l'ar- gent : mais les ayant envoyés à un batteur d'or, ils se brisèrent sous les pilons... Je voulus fondre cette iGo MINÉRAUX. platine à un feu très violent; maïs les grains ne firent que s'agglutiner J'essayai de la dissoudre par les acides; le vitriolique et le nilreux ne l'attaquèrent point : mais l'acide marin parut l'entamer; et ayant versé une bonne dose de sel ammoniac sur cet acide, je vis toute la platine se précipiter en une matière couleur de brique : enfin, après un grand nombre d'expériences raisonnées, je suis parvenu à faire avec la platine du véritable bleu de Prusse. Ayant reconnu par ces mêmes expériences que la platine contenoit' un peu de fer, et m'étant souvenu que , dans mes pre- mières opérations, les grains de platine exposés à un feu violent avoient contracté entre eux une adhé- rence très superficielle , puisqu'il ne falloit qu'un coup assez léger pour les séparer, je conclus que cette adhé- rence étodt l'efTet de la fusion d'une couche déliée de fer qui les recouvroit, et que la substance métallique intérieure n'y avoit aucune part et ne contenoit point de fer. » Nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire de nous arrêter ici pour faire sentir le foible de ce rai- sonnement et le faux de la conséquence qu'en tire M. Bowles. Cependant il insiste; et, se munissant de l'autorité des chimistes qui ont regardé la platine comme un nouveau métal simple et parfait, il argu- mente assez longuement contre moi. « Si la platine, dit-il, étoit un composé d'or et de fer, comme le dit M. de BufTon , elle devroit conserver toutes les pro- priétés qui résultent de cette composition, et cepen- dant une foule d'expériences prouvent le contraire. » Cet habile naturaliste n'a pas fait attention que j'ai dit expressément que le fer et l'or de la platine n'étoient pas dans leur état ordinaire, comme dans un alliage DE LA PLATINE. l6l artificiel; et s'il eût considéré sans préjugé ses propres expériences, il eût reconnu que toutes prouvent la présence et l'union intime du sablon ferrugineux et magnétique avec la platine, et qu'aucune ne peut dé- montrer le contraire. Au reste, comme les expérien- ces de M. Bowles sont presque toutes les mêmes que celles des autres chimistes, et que je les ai exposées et discutées ci-devant, je ne le suivrai plus loin que pour observer que, malgré ses objections contre mon opinion, il avoue néanmoins « que quoiqu'il soit per- suadé que la platine est un métal stil generisy et non pas un simple mélange d'or et de fer, il n'ose, malgré cela, prononcer affirmativement ni l'un ni l'autre, et que, quoique la platine ait des propriétés différentes de celles de tous les autres métaux connus, il sait trop combien nous sommes éloignés de connoître sa vé- ritable nature. » Au reste, M. Bowles termine ce chapitre sur la platine par quelques observations intéressantes. « La platine, dit-il , que je dois au célèbre don Antonio de Ulloa, est une matière qui se rencontre dans des mi- nes qui contiennent de l'or; elle est unie si étroite- ment avec ce métal qu'elle lui sert comme de ma- trice, et que ce n'est qu'avec beaucoup d'efforts et à grands coups qu'on parvient à les séparer; en sorte que si la platine abonde à un certain point dans une mine, on est forcé de l'abandonner, parce que les frais et les travaux nécessaires pour faire la séparation des deux métaux absorberoient le profit. /- » Les seules mines d'où l'on tire la platine sont ceU les de la Nouvelle-Grenade; et en particulier celles de Choco et de Barbacoa sont les plus riches. // est l62 MINÉRAUX. remarquable que cette matière ne se trouve dans aucune autre mme^soit du Pérou^ soit du Chili _, soit du Mexi- que, Au reste, la platine se trouve dans les susdites mines, no7i seulement en niasse^ mais aussi en grains sépares comme des grains de sable. Enfin il faut être réservé à tirer des conséquences trop générales des expériences qu'on auroit faites sur une pareille quan» tité de platine tirée d'un seul endroit de la mine; ex- périences qui pourroient être démenties par d'aulres expériences faites sur celle d'un aulre endroit des mê- mes mines... Remarquant, continue M. Bowles, que la platine contenoit du fer, et que le cobalt en con- tient aussi, qu'on trouve beaucoup de grains d'or de couleur de suie mêlés avec la platine, que cette es- pèce nouvelle de sable métallique est unique dans le monde , qu'elle se trouve en abondance dans une mon- tagne aux environs d'une mine d'or, et qu'il y a beau- coup de volcans dans ce pays, je me suis persuadé que la montagne renferme du cobalt, comme celle de la vallée de Gistan , dans les Pyrénées d'Aragon ; que le feu d'un volcan aura fait évaporer l'arsenic et aura formé quelque chose de semblable au régule de co- balt; que ce régule se fond et se mêle avec l'or, quoi- qu'il contienne du fer, et que le feu appliqué pendant nn grand nombre de siècles, privant la matière de sa fusibilité, aura formé ce sable métallique ;.... que les grains d'or de forme irrégulière et de couleur de suie sont aussi Teflet du feu d'un volcan lorsqu'il s'éteint; que les grains de platine qui contractent adhérence à cause de la couche légère de fer étendue à leur sur- face sont le résultat de la décomposition du fer dans le grand nombre de siècles qui se sont écoulés depuis DE LA PLATINE. 1 65 que le volcan s'est éteint, et que ceux qui n'ont point cette couche ferrugineuse n'ont pas eu assez de temps depuis l'extinction du volcan pour l'acquérir. Cela pa- roîtra un songe à plusieurs ; mais je suis le grand ar- gument de M. de Buflbn. » M. Bowles a raison de dire qu'il suit mon grand argument : cet argument con- siste en effet en ce que la plaline n'est point, comme les métaux, un produit primitif de la nature, mais une simple production accidentelle qui ne se trouve qu'en deux endroits dans le monde entier; que cet accident, comme je l'ai dit, a été produit par le feu des volcans, et seulement sur des mines d'or mêlées de fer, tous deux dénaturés par l'action continuée d'un feu très violent; qu'à ce mélange de fer et d'or il se sera joint quelques vapeurs arsenicales qui auront fait perdre à l'or sa ductilité , et que de ces combinai- sons très naturelles et cependant accidentelles, aura résulté la formation de la platine. Ces dernières ob- servations de M. Eowles, loin d'infirmer mon opi- nion , semblent au contraire la confirmer pleinement : car elles indiquent dans la platine non seulement le mélange du fer, mais la présence de l'arsenic; elles annoncent que la plaline d'un endroit n'est pas de môme qualité que celle d'un autre endroit ; elles prou- vent qu'elle se trouve en masse dans deux seules mi- nes d'or, ou en grains et grenailles dans des montagnes toutes composées du sablon ferrugineux, et toujours près des mines d'or et dans des contrées volcanisées. La vérité de mon opinion me paroît donc plus démon- trée que jamais , et je suis convaincu que plus on fera de recherches sur l'histoire naturelle de la platine, et d'expériences sur sa substance , plus on reconnoîlra lG4 MINÉRAUX. qu'elle n'est point un métal simple ni d'une essence pure, mais un alliage de fer et d'or dénaturés, tant par la violence et la continuité d'un feu volcanique que par le mélange des vapeurs sulfureuses et arseni- cales, qui auront ôté à ces métaux la couleur et leur ductilité. DU COBALT. De tous les minéraux métalliques, le cobalt est peut-être celui dont la nature est la plus masquée, les caractères les plus ambigus, et l'essence la moins pure. Les mines de cobalt, très différentes entre elles, n'offrent d'abord aucun caractère commun, et ce n'est qu'en les travaillant au feu qu'on peut les reconnoître par un effet très remarquable, unique, et qui con- siste à donner aux émaux une belle couleur bleue. Ce n'est aussi que pour obtenir ce beau bleu que l'on recherche le cobalt; il n'a aucune autre propriété dont on puisse faire un usage utile, si ce n'est peut- être en l'alliant avec d'autres minéraux métalliques *. Ses mines sont assez rares et toujours chargées d'une grande quantité de matières étrangères; la plupart contiennent plus d'arsenic que de cobalt; et dans tou- tes le fer est si intimement lié au cobalt, qu'on ne peut 1. M. Baunié dit , dans sa Chimie expérimentale, avoir fait entrer le cobalt dans un alliage pour les robinets de fontaine; que cet alliage pouvoit se mouler parfaitement, et uetoit sujet à aucune espèce de rouille. DU COBALT. l65 l'en séparer. Le bismuth se trouve aussi assez souvent interposé dans la substance de ces mines; on y a re- connu de For, de l'argent, du cuivre; et quelquefois toutes ces matières et d'autres encore s'y trouvent mêlées ensemble, sans compter les pyrites qui sont aussi souvent intimement unies à la substance du co- balt. Le nombre de ces variétés est donc si grand, non seulement dans les différentes mines de cobalt, mais aussi dans une seule et même mine, que les nomen- clateurs en minéralogie ont cru devoir en faire plu- sieurs espèces , et même en séparer absolument un autre minéral qui n'étoit pas connu avant le travail des mines de cobalt; ils ont donné le nom de nickel^ h cette substance, qui diffère en effet du cobalt, quoi- qu'elle ne se trouve qu'avec lui. Tous deux peuvent se réduire en un régule dont les propriétés sont as- sez différentes pour qu'on puisse les regarder comme deux différentes sortes de minéraux métalliques. Le régule de cobalt n'affecte guère de figure régu- lière 2, et n'a pas de forme déterminée : ce régule est très pesant, d'une couleur grise assez brillante, d'un tissu serré, d'une substance compacte et d'un grain fin; sa surface prend en peu de temps, par l'impression de l'air, une teinte rosacée ou couleur de fleurs de pê- cher; il est assez dur, et n'est point du tout ductile : sa densité est néanmoins plus grande que celle de 1. Cronsledt a donné le nom de racket a cette substance, parce qu'elle se trouve dans les mines de cobalt, que les Allemands uom- jnent k up fer -nickel , M. Bergman observe que quoiqu'on trouve fré- quemment du cobalt natif, il est toujours uni au fer, à l'arsenic, et au nickel. 2. M. l'abbé Mongez assure néanmoins avoir obtenu un régule de cobalt en cristaux composés de faisceaux réguliers, BurroN. VIII. Il ]66 MiNÏ:n,\Lx. 1 elain, du fer, et du cuivre; elle est à très peu près égale à la densité de l'acier^. Ce régule du cobalt et celui du nickel sont, après le bismuth, les plus pesan- tes des matières auxquelles on a donné le nom de demi-métaux; et l'on auroit certainement mis le bis- muth , le cobalt, et le nickel au rang des métaux, s'ils avoient eu de la ductilité : ce n'est qu'à cause de sa grande densité que l'on a placé le mercure avec les mé- taux, et parce qu'on a en même temps supposé que sa fluidité pouvoit être considérée comme l'extrême de la ductilité. Les minières de cobalt s'annoncent par des elïlores- cences à la surface du terrain ; ces efflorescences sont ordinairement rougeâtres, et assez souvent disposées en étoiles ou en rayons divergents, qui quelquefois se croisent. Nous donnerons ici l'indication du petit nombre de ces mines que nos observateurs ont re- connues en France et dans les Pyrénées aux confins de l'Espagne : mais c'est dans la Saxe et dans quelques autres provinces de l'Allemagne qu'on a commencé à travailler et que l'on travaille encore avec succès et profit les mines de cobalt; et ce sont les minéralogis- tes allemands qui nous ont donné le plus de lumières sur les propriétés de ce minéral et sur la manière dont on doit le traiter. Le premier et le plus sûr des indices extérieurs qui peuvent annoncer une mine prochaine de cobalt est donc une efïlorescence minérale, couleur de rose, de structure radiée, à laquelle on a donné le nom de \. La pesanteur spécifique du régule de cobalt est de 781 19: celle du régule de nickel . de 78070; et la pesanteur spécifique de l'acier écroui et trempé est de 78180 : celle du fer forgé n'est que de 77880. DU COBALT, 167 fleurs de cobalt; quelquefois cette matière n'est point en forme de fleurs rouges, mais en poudre et d'une couleur plus pâle. Mais le signe le plus certain et par lequel on pourra reconnoître le véritable cobalt est la terre bleue qui l'accompagne quelquefois; et au défaut de cet indice , ce sera la coule'ur bleue qu'il donne lorsqu'il est réduit en verre; car, si la mine qui paroît être de cobalt se convertit en verre noir, ce ne sera que de la pyrite ; si le verre est d'une couleur rousse, ce sera de la mine de cuivre, au lieu que la mine de cobalt donnera toujours un verre bleu de sa- phir : c'est probablement par cette ressemblance à la couleur du saphir , qu'on a donné à ce verre bleu de cobalt le nom de saplire ou safre. Au reste , on a aussi appelé safre la chaux de cobalt qui est en poudre rougeâtre et qui ne provient que de la calcination de la mine de cobalt; le safre qui est dans le commerce est toujours mêlé de sable quartzeux qu'on ajoute en fraude pour en augmenter la quantité , et ce safre ou chaux rougeâtre de cobalt donne aussi par la fusion le même bleu que le verre de cobalt, pt c'est à ce verre bleu de safre que Ion donne le nom de smalt. Pour obtenir ce verre avec sa belle couleur, on fait griller la mine de cobalt dans un fourneau où la flamme est réverbérée sur la matière minérale réduite en pou- dre , ou du moins concassée : ce fourneau doit être surmonté de cheminées tortueuses dans lesquelles les vapeurs qui s'élèvent puissent être retenues en s'attachant à leurs parois; ces vapeurs s'y condensent en effet, et s'y accumulent en grande quantité sous la forme d'une poudre blanchâtre, que l'on détache l68 MINÉRAUX. en la raclant : cette poiidre est de l'arsenic , dont les mines de cobalt sont toujours mêlées; elles en four- nissent en si grande quantité par la simple torréfac- tion, que tout l'arsenic blanc qui est dans le com- merce vient des fourneaux où l'on grille des mines de cobalt , et c'est le premier produit qu'on en tire. La matière calcinée qui reste dans le fourneau après l'entière sublimation des vapeurs arsenicales est une chaux trop réfractaire pour être fondue seule; il faut Y ajouter du sable vitrescible, ou du quartz, qu'on aura fait auparavant torréfier pour les pulvériser; sur une partie de chaux de cobalt, on met ordinairement deux ou trois parties de cette poudre vitreuse, à la- quelle on ajoute une partie de salin pour accélérer la fusion ; ce mélange se met dans de grands creusets placés dans le fourneau , et , pendant les dix ou douze heures de feu qui sont nécessaires pour la vitrifica- tion , on remue souvent la matière pour en rendre le mélange plus égal et plus intime; et lorsqu'elle est entièrement et parfaitement fondue , on la prend tout ardente et liquide avec des cuillers de fer, et on la jette dans un cuvier plein d'eau, où se refroidissant subitement elle n'acquiert pas autant de durée qu'à l'air, et devient plus aisée à pulvériser : elle forme néanmoins des masses solides qu'il faut broyer sous les pilons d'un bocard, et faire ensuite passer sous une meule pour la réduire enfin en poudre très fine et bien lavée , qui est alors du plus beau bleu d'azur, et toute préparée pour entrer dans les émaux. Comme les mines de cobalt sont fort mélangées et très différentes les unes des autres, et que l'on 13 U COBALT. 169 donne vulgairement le nom de cobalt à toute mine mêlée de matières nuisibles^, et surtout d'arsenic, on est forcé de les essayer pour les reconnoître et s'assurer si elles contiennent en effet le vrai cobalt qui donne au verre le beau bleu. Il faut dans ces es- sais rendre les scories fort fluides et très nettes , pour juger de l'intensité de la couleur bleue que fournit la mine convertie d'abord en chaux et ensuite en verre; on doit donc commencer par la griller et cal- ciner, pour la mettre dans l'état de chaux. 11 se trouve, à la vérité, quelques morceaux de minerai où le co- balt est assez pur pour n'avoir pas besoin d'être grillé, et qui donnent leur bleu sans cette préparation ; mais ces morceaux sont très rares, et communément le minerai de cobalt se trouve mêlé d'une plus ou moins grande quantité d'arsenic qu'il faut enlever par la su- blimation. Cette opération , quoique très simple , de- mande cependant quelques attentions; car il arrive assez souvent que, par un feu de grillade trop fort, le minerai de cobalt perd quelques nuances de sa belle couleur bleue; et de même il arrive que ce mi- nerai ne peut acquérir cette couleur, s'il n'a pas été assez grillé pour l'exalter; et ce point précis est diffi- cile à saisir. Les unes de ces mines exigent beaucoup plus de temps et de feu que les autres : ce ne peut donc être que par des essais réitérés et faits avec soin 1. La langue allemande a môme attaché au mot de cobalt ou cohuit l'idée d'un esprit souterrain, malfaisant, et malin, qui se plaît à ef- frayer et à tourmenter les mineurs ; et comme le minerai de cobalt, à raison de l'arsenic qu'il contient, ronge les pieds et les maijis des ou- vriers qui le travaillent , on a appelé en général cohalto les mines dont l'arsenic fait la partie dominante. ( Mémoire sur le cobalt , par M. Saur, dans ceux des Savants étrangers, tome I. ) l^O xAIINÉllALX. que l'on peut s'assurer à peu près de la manière dont on doit traiter en grand telle ou telle mine parti- culière. Dans quelques unes on trouve une assez forte quan- tité d'argent, et même d'or, pour mériter un travail particulier, par lequel on en extrait ces métaux. Il faut pour cela ne calciner d'abord la mine de cobalt qu'à un feu modéré; s'il étoit violent, l'arsenic qui s'en dégageroit brusquement emporteroit avec lui une partie de l'argent et de l'or, lequel ne s'y trouve qu'allié avec l'argent. Mais ces mines de cobalt qui contiennent une assez grande quantité de cet argent mêlé d'or pour mériter d'être ainsi travaillées sont très rares en comparaison de celles qui ne sont mêlées que d'arsenic , de fer, et de bismuth; et avant de faire des essais qui ne lais- sent pas d'être coiàteux, il faut tâcher de reconnoître les vraies mines de cobalt, et de les distinguer de celles qui ne sont que des minerais d'arsenic , de fer, etc. ; et si l'on ne peut s'en fier à cette connois- sance d'inspection, il ne faut faire que des essais en petit, sur lesquels néanmoins on ne peut pas absolu- ment compter; car, dans la môme mine de cobalt, certaines parties du minéral sont souvent très diffé- rentes les unes des autres, et ne contiennent quel- quefois qu'une si petite quantité de cobalt, qu'on ne peut en faire usage ^. La substance du cobalt est plus fixe au feu que celle 1. Une manière courte d'éprouver si une mine de cobalt fournira de beau bleu, c'est de la fondre dans un creuset avec deux ou trois fois son poids de borax, qui deviendra d'un beau bleu si le cobalt est de bonne qualité. Voyez Y Encyclopédie , article Cobalt. ou COBALT. l*;;! des demi-mctaux, môme que celle du fer et des au- tres métaux imparfaits : aussi vient-on à bout de les séparer du cobalt en les sublimant et en les volatili- sant par des feux de grillage réitérés. La fixité de cette substance approche de la fixité de l'or et de l'argent ; car le régule de cobalt n'entre pas dans les pores de la coupelle, en sorte que si l'on expose à l'action du feu sur une coupelle un mélange de plomb et de co- balt , le plomb seul pénètre les pores de la coupelle en se vitrifiant, tandis que le cobalt réduit en scories reste sur la coupelle , ou est rejeté sur ses bords : ces sco- ries de cobalt étant ensuite fondues avec des matières vitreuses donnent le bleu qu'on nomme safre; et lors- qu'on les mêle à parties égales avec l'alcali et le sable vitrescible, elles donnent l'émail bleu qu'on appelle smalt. Le régule de cobalt peut s'allier avec la plupart des substances métalliques; il s'unit intimement avec l'or et le cuivre , qu'il rend aigres et cassants : on ne l'allie que difficilement avec l'argent, le plomb, et même avec l'arsenic, quoique ce sel métallique se trouve toujours mêlé par sa nature dans la mine de cobalt. Il en est de même du bismuth , qui se refuse à tpute union avec le régule de cobalt; et quoiqu'on trouve sou- vent le bismuth mêlé dans les mines de cobalt, il ne lui est point uni d'une manière intime, mais simplement interposé dans la mine de cobalt sans la pénétrer; et au contraire lorsque le cobalt est une fois joint au soufre par l'intermède des alcalis, son union avec le bismuth est si intime, qu'on ne peut les séparer que par les acides , tandis qu'en même temps le cobalt ne contracte avec le soufre qu'une très légère union , et 1^2 xMINÉRAUX. qu'on peut toujours les séparer l'un de l'autre par un simple feu de torréfaction , qui enlève le soufre et le réduit en vapeurs. Le mercure , qui mouille si bien l'or et l'argent, ne peut s'attacher au cobalt, ni s'y mêler par la tritura- tion aidée même de la chaleur : ainsi la fixité du ré- gule de cobalt, qui est presque égale à celle de ces métaux, n'influe point sur son attraction mutuelle avec le mercure. Tous les acides minéraux attaquent ou dissolvent le cobalt à l'aide de la chaleur, et ils produisent ensemble différents sels, dont quelques uns sont en cristaux transparents. L'alcali volatil dissout aussi la chaux du cobalt, et cette dissolution est d'un rouge pourpre : mais, en général, les couleurs, dans toutes les dissolutions du cobalt ^ varient non seulement se- lon la différence des dissolvants, mais encore suivant le plus ou le tnoins de pureté du cobalt, qui n'est presque jamais exempt de minéraux étrangers, et sur- tout de fer et d'arsenic, dont on sait qu'il ne faut qu'une très petite portion pour altérer ou même chan- ger absolument la couleur de la dissolution. En France , on a reconnu plusieurs indices de mine de cobalt, et on n'auroit pas dû négliger ces miniè- res : par exemple, les mines d'argent d'Almont en Dauphiné contiennent beaucoup de mines de cobalt qu'on pourroit séparer de l'argent, M. de Grignon assure qu'on a jeté dans les décombres de ces mines peut-être plus de cobalt qu'il n'en faudroit pour four- nir toute l'Europe de safre. Le cobalt se trouve mêlé de môme avec la mine d'argent rouge à Sainte-Marie- aux-Mines en Lorraine, et il y en a aussi dans une DU COBALT. I7J mine de cuivre azuré au village d'Ossenback dans les Vosges : on n'a fait aucun usage de ces mines de co- balt. M. de Gensanne dit à ce sujet que comme ce minéral devient rare, même en Allemagne, il seroit avantageux pour nous de mettre en valeur une mine considérable qui se trouve entre la Minera et Notre- Dame de Coral en Roussillon. Il y en a une autre très abondante et de bonne qualité, que les Espagnols ont fait exploiter avec quelque succès; elle est située dans la vallée de Gistan. M. Bowles dit que cette mine n'a été découverte qu'au commencement de ce siècle, et qu'elle n'a encore été travaillée qu'à une petite profondeur; qu'on en a tiré annuellement cinq à six cents quintaux : il ajoute qu'en examinant cette mine de Gistan, il a reconnu différents morceaux d'un co- balt qui avoit le grain plus fin et la couleur d'un gris bleu plus clair que celui de Saxe; que la plupart de ces morceaux étoient contigus à une sorte d'ardoise dure et luisante avec des taches de couleur de rose sèche, et qu'il n'y avoit point de taches semblables sur les morceaux de cobalt. C'est de la Saxe qu'on a jusqu'ici tiré la plus grande partie du safre qui se consomme en Europe, pour les émaux, pour la porcelaine, les faïences, et aussi pour peindre à froid, et relever par l'empois la blancheur des toiles. La principale mine est celle de Schneberg ; elle est très abondante et peu profonde : on assure que le produit annuel de cette mine est fort considé- rable : il n'est pas permis d'exporter le cobalt en na- ture; et c'est après l'avoir réduit en safre qu'on le vend à un prix d'autant plus haut, qu'il y a moins de concurrence dans le comuierce de cette sorte de den- 174 3IINÎ< RAÎ X. rëe, dont l'Allemagne a pour ainsi dire le privilège exclusif^. Cependant il se trouve des mines de cobalt en An- gleterre, dans le comté de Sommerset. En Suède, la mine de Tannaberg est d'un cobalt blanc , qui , se- lon M. Demeste , rend par quintal trente-cinq livres de cobalt, deux livres de fer, cinquante livres d'ar- senic , et huit livres de soufre. INous sommes aussi presque assures que le cobalt se trouve en Asie, et sans doute dans toutes les par- lies du monde, comme les autres matières produites par la nakire; car le très beau bleu des porcelaines du Japon et de la Chine démontre que très ancienne- ment on y a connu et travaillé ce minéral ^. Dans les morceaux de mine de cobalt que l'on ras- semble dans les cabinets, il s'en trouve de toutes couleurs et de tout mélange, et l'on ne connoît au- cun cobalt pur dans sa mine ; il est souvent mêlé de bismuth, et toujours la mine contient du fer quel- quefois mélangé de zinc, de cuivre, et môme d'ar- gent tenant or, et presque toujours encore la mine est combinée avec des pyrites et beaucoup d'arsenic. De toutes ces matières la plus difficile à séparer du cobalt est celle du fer : leur union est si intime, qu'on est obligé de volatiliser le fer en le faisant sublimer plusieurs fois par le sel ammoniac, qui l'enlève plus 1. On trouve beaucoup de cobalt en Misnie , en Bohême, dans la vallée de Joachim-Siahl; il y en a dans le duché de Wirtenaberg , dans le Hartz, et dans plusieurs endroits de l'Allemagne. 2. Quelques personnes prétendent que c'est par un mélange du la- pîs-lazuli que les Chinois donnent à leurs porcelaines la belle couleur bleue. j\I. de Bomare est dans cette opinion. Mais je ne la crois pas fondée; car le lapis, en se vitrifiant, ne conserve pas sa couleur. DU COBALT. lyi) facilement que le cobalt; mais ce travail ne peut se faire en grand. On voit des morceaux de minerai dans lesquels le cobalt est décompose en une sorte de céruse ou de chaux. On trouve aussi quelquefois de l'argent pur en petits filets ou en poudre palpable dans la mine de co- balt; mais le plus souvent ce métal n'y est point ap- parent, et d'ailleurs n'y est qu'en trop petite quantité pour qu'on puisse l'extraire avec profit. On connoît aussi une mine noire vitreuse de cobalt dans laquelle ce minéral est en céruse ou en chaux, qui paroîtetre minéralisée par l'action du foie de soufre, dans lequel le cobalt se dissout aisément. DU NICKEL. Il se trouve assez souvent dans les mines de cobalt un minéral qui ne ressemble à aucun autre, et qui n'a été reconnu que dans ce dernier temps : c'est le nickel. M. Demeste dit « que quand le cuivre et l'ar- senic se trouvent joints au fer dans la mine de co-, balt, il en résulte un minéral singulier, qui, dans sa fracture, est d'un gris rougeatre, et qui a pour ainsi dire son régule propre, parce que dans ce régule le cobalt adhère tellement aux substances métalliques étrangères dont il est mêlé, qu'on n'a pas hésité d'en faire sous le nom de nickel un demi-métal particulier.» Mais cette définition du nickel n'est point exacte; car lo cuivre n'entre pas comme partie essentielle dans sa 176 MIJNÉRAUX. composition, et même il ne s'y trouve que très ra- rement. M. Bergman est de tous les chimistes celui qui a répandu le plus de lumières sur la nature de ce minéral , qu'il a soumis à des épreuves aussi variées que multipliées. Voici les principaux résultats de ses recherches et de ses expériences. Hierne, dit-il, est le premier qui ait parlé du kup- fer-nickelj dans un ouvrage sur les minéraux, publié en suédois en 169/]. Henckel l'a regardé comme une espèce de cobalt ou d'arsenic mêlé de cuivre. ( PytltoL, chapitres vu et VIII.) Cramer a aussi placé le kup fer-nickel dans les mines de cuivre ( Docimast,, paragr. 371 et 4i8), et néan- moins on n'en a jamais tiré un atonie de cuivre. Je dois cependant observer que M. Bergman dit ensuite que le nickel est quelquefois uni au cuivre. Cronstedt est le premier qui en ait tiré un régule nouveau en 1751. [Actes de Stockholm. ) M. Sage le regarde comme du cobalt mêlé de fer, d'arsenic, et de cuivre. ( Mémoires de Chiînie^ ^11^-) M. Monnet pense aussi que c'est du cobalt impur. ( Traité de la Dissolution des métaux. ) Le kupfer-nickel perd à la calcination près d'un tiers et quelquefois moitié de son poids, par la dissi- pation de l'arsenic et du soufre : ce minéral devient d'autant plus vert qu'il est plus riche. Si on le pulvé- rise, et qu'on le pousse à la fusion dans un creuset avec trois parties de flux noir, on trouve sous les sco- ries noirâtres et quelquefois bleues un culot métal- lique du poids du dixième, du cinquième, ou même près de moilié de la mine crue. Ce régule n'est pas DU NICKEL. l'-J'J pur; il tient encore un peu de soufre et une plus grande quantité d'arsenic, de cobalt, et eiicore plus de fer magnétique. L'arsenic adhère tellement à ce régule, que M. Berg- man l'ayant successivement calciné et réduit cinq fois, il donnoit encore l'odeur d'ail à une sixième calcina- tion, quand on y ajoutoit de la poussière de charbon pour favoriser l'évaporation de l'arsenic. A chaque réduction, il passa un peu de fer dans les scories; à la sixième, le régule avoit une demi- ductilité, et étoit toujours sensible à l'aimant. Dans les différentes opérations faites par M. Berg- man, pour parvenir à purifier le nickel, soit par les calcinations, soit en le traitant avec le soufre, il a ob- tenu des régules dont la densité varioit depuis 70828 jusqu'à 88761 ^. Ces régules étoient quelquefois très cassants, quelquefois assez ductiles pour qu'un grain d'une ligne de diamètre formât une plaque de trois lignes sur l'enclume : ils étoient plus ou moins fusi- bles, et souvent aussi réfractaires que le fer forgé ; et tous étoient non seulement attirables à l'aimant, mais même il a observé qu'un de ces régules attiroit toute sorte de fer, et que ces parties s'attiroient récipro- quement : ce même régule donne par l'alcali volatil une dissolution de couleur bleue. M. Bergman a aussi essayé de purifier le nickel par le foie de soufre, qui a une plus grande affinité avec le cobalt qu'avec le nickel , et il est parvenu à sépa- rer ainsi la plus grande partie de ce dernier. Le ré- 1. La pesanteur spécifique du régule de nickel , suivant M. Brisson , est de 78070; ce qui est un terme moyen entre les pesanteurs spécifi- ques 708*28 et 88761, données par M. Bergman. 1^8 MINÉUAUX. gule de nickel obtenu après cette dissolution par Je foie de soufre ne conserve guère son magnétisme ; mais on le lui rend en séparant les matières hétéro- gènes qui, dans cet état, couvrent le fer. Il a de même traité le nickel avec le nitre, le sel ammoniac, l'alcali volatil ; et par la dissolution dans l'acide nitreux, et la calcination par le nitre, il l'a privé de presque tout son cobalt : le sel ammoniac en a séparé un peu de fer ; mais le nickel retient tou- jours une certaine quantité de ce métal ; et M. Berg- man avoue avoir épuisé tous les moyens de l'art sans pouvoir le séparer entièrement du fer. Le régule de nickel contient quelquefois du bis- muth ; mais on le sépare aisément en faisant dissoudre ce régule dans l'acide nitreux , et précipitant le bis- muth par l'eau. M. Bergman a encore observé que le nickel donne au verre la couleur d'hyacinthe ; et il conclut de ses expériences : 1° Qu'il est possible de séparer tout l'arsenic du nickel ; 2*" Que quoiqu'il tienne quelquefois du cuivre, il est également facile de le purifier de ce mélange, et que quoiqu'il donne la couleur bleue avec l'alcali vo- latil, cette propriété ne prouve pas plus l'identité du cuivre et du nickel que la couleur jaune des dissolu- tions d'or et de fer dans l'eau régale ne prouve l'iden- tité de ces métaux ; 5"* Que le cobalt n'est pas plus essentiel au nickel , puisqu'on parvient à l'en séparer, et môme que le co- balt précipite le nickel de sa dissolution par le foie de soufre ; DU NICKEL. 1-9 4" Qu'il n'est pas possible de le priver de tout son fer, et que plus on multiplie les opérations pour l'en dépouiller, plus il devient magnétique et difficile à fondre ; ce qui le porte à penser qu'il n'est, comme le cobalt et la manganèse, qu'une modification parti- culière du fer. Voici ses termes : « Solum itaque jam ferrum restât, et sane variae » eaedemque non exigui momenti rationes suadent » niccolum et cobaltum et magnesiam forsan non ali- » ter ac diversissimas ferri modificationes esse con- » siderandas. » On voit par ce dernier passage que ce grand chimiste a trouvé par l'analyse ce que j'avois présumé par les analogies, et qu'en effet le cobalt, le nickel, et la maganèse, ne sont pas des demi-métaux purs, mais des alliages de différents minéraux mélan- gés, et si intimement unis au fer, qu'on ne peut les en séparer. Le cobalt, le nickel, et la maganèse, ne pouvant être dépouillés de leur fer, restent donc tous trois attirables à l'aimant : ainsi, de la même manière qu'a- près les six métaux il se présente une matière nou- vellement découverte à laquelle on donne le nom de platine ^ et qui ne paroît être qu'un alliage d'or ou d'une matière aussi pesante que l'or, avec le fer dans l'état magnétique, il se trouve de même après les trois substances demi-métalliques, de l'antimoine, du bis- muth , et du zinc, il se trouve, dis-je, trois substan- ces minérales qui, comme la platine, sont toujours attirables à l'aimant, et qui dès lors doivent être con- sidérées comme des alliages naturels du fer avec d'au- tres minéraux ; et il me semble que, par cette raison. l80 MINÉRAUX. il seroit à propos de séparer le cobalt^, le nickel, et la manganèse, des demi-métaux simples, comme la pla- tine doit l'être des métaux purs , puisque ces quatre minéraux ne sont pas des substances simples , mais des composés ou alliages qui ne peuvent être mis au nombre des métaux ou des demi-métaux dont l'es- sence , comme celle de toute autre matière pure , con- siste dans l'unité de substance. Le nickel peut s'unir avec tous les métaux et demi- métaux; cependant le régule non purifié ne s'allie point avec l'argent : mais le régule pur s'unit à parties éga- les avec ce métal, et n'altère ni sa couleur ni sa duc- tilité. Le nickel s'unit aisément avec l'or, plus diffici- lement avec le cuivre ; et le composé qui résulte de ces alliages est moins ductile que ces métaux, parce qu'ils sont devenus aigres par le fer, qui dans le nic- kel est toujours attirable à l'aimant. Il s'allie facile- ment avec l'étain, et lui donne aussi de l'aigreur; il s'unit plus difficilement avec le plomb; il rend le zinc presque fragile. Le fer forgé devient au contraire plus ductile lorsqu'on l'allie avec le nickel : si on le fond avec le soufre, il se cristallise en aiguilles. Enfin le nickel ne s'amalgame pas plus que le cobalt et le fer avec le mercure, même par le secours de la chaleur et de la trituration. Au reste , le minerai du nickel difïère de celui dn cobalt, en ce qu'étant exposé à l'air, il se couvre d'une efflorescence verte, au lieu que celle du co- balt est d'un rouge rosacé. Le nickel se dissout dans 1. M. Brandt, cliimisle suédois, est ic premier qui ail placé ic cobalt au rang des demi-métaux; auparavant on ne le regardoil que comme une lerrc minérale plus ou moins friable. DU NICKEL. l8l tous les acides minéraux et végétaux ; toutes ses dis- solutions sont vertes, et il donne avec le vinaigre des cristaux d'un beau vert. Le régule du nickel est un peu Jaunâtre à l'exté- rieur ; mais, dans l'intérieur, sa substance est d'un beau blanc : elle est composée de lames minces comme celles du bismuth. La dissolution de ce ré- gule par l'acide nitreux ou par l'acide marin est verte comme les cristaux de son minerai, et ces deux aci- des sont les seuls qui puissent dissoudre ce régule ; car l'acide vitriolique, non plus que les acides végé- taux, n'ont aucune action sur lui. Mais, comme nous l'avons dit, ce régule n'est pas un minéral pur ; il est toujours mêlé de fer; et comme ses efïlorçscences sont vertes, et que les cristaux de sa dissolution conservent cette même couleur, on y a supposé du cuivre qu'on n'y a pas trouvé, tandis que le fer paroît être une substance toujours inhé- rente dans sa composition. Au reste, ce régule, lors- qu'il est pur, c'est-à-dire purgé de toute autre matière étrangère, résiste au plus grand feu de calcination, et il prend seulement une couleur noire, sans se convertir en verre. 9«^^'»0«>œ>0'9'a^0««^^'»»»O:»9^^9'»»»»o^^i'9>0'9«9«^'O'»o»«»«'9^tfa DE LA MANGANESE. La manganèse est encore une matière minérale composée , et qui, comme le cobalt et le nickel, con- tient toujours du fer, mais qui de plus est mélangée BUFFON. VIII. 12 l82 MINÉRAUX. avec une assez grande quantité de terre calcaire , et souvent avec un peu de cuivre ^. C'est de la réunion de ces substances que s'est formée dans le sein de la terre la manganèse, qui mérite encore moins que le nickel et le cobalt d'être mise au rang des demi-mé- taux ; car on seroit forcé dès lors de regarder comme tels tous les mélanges métalliques ou alliages natu- rels quand même ils seroient composés de trois, de quatre, ou d'un nombre encore plus grand de matiè- res différentes, et il n'y auroit plus de ligne de sépa- ration entre les minéraux métalliques simples et les minéraux composés. J'entends par minéraux simples ceux qui le sont par nature , ou qu'on peut rendre tels par l'art : les six métaux, les trois demi-métaux, et le mercure, sont des minéraux métalliques sim- ples ; la platine , le cobalt , le- nickel , et la manganèse , sont des minéraux composés ; et sans doute qu'en ob- servant la nature de plus près, on en trouvera d'au- 1. La manganèse... se trouve en diverses contrées de l'Allemagne, aussi bien qu'en Angleterre , dans le Piémont , et dans plusieurs autres endroits, tantôt dans des montagnes calcaires, tantôt dans des mines de fer. On s'en sert pour rendre le verre transparent et net, ainsi que pour composer le vernis des potiers, tant noir que rougeâtre. Par différentes expériences, M. Margraff a reconnu que la raaaga- nèse du comté de Hohenstein près à'Ilepa contenoit une terre calcaire et un peu de cuivre... 11 tira aussi d'une manganèse du Piémont, au moyen de l'acide du vitriol , un sel lougeâtre qui , ayant été dissous dans l'eau , déposa sur une lame d'acier quelques particules de cuivre , quoiqu'en moindre quantité que la manganèse de Hoiienstein. « On retire, continue M. Margraff, également du cuivre, tant de la man- ganèse d'Allemagne que de celle de Piémont , en la mêlant avec par- ties égales de soufre pulvérisé , en calcinant ce mélange pendant quel- ques heures à un feu doux que l'on augmente ensuite, eu le lessivani et en le faisant cristalliser. » I DE LA MANGANÈSE. 1 83 très peut-être encore plus mélangés, puisqu'il ne faut que le hasard des rencontres pour produire des mé- langes et des unions en tous genres. La manganèse , étant en partie composée de fer et de matière calcaire , se trouve dans les mines de fer spatbiques mêlées de substances calcaires, soit que ces mines se présentent en stalactites, en écailles, en masses grenues, ou en poudre : mais, indépendam- ment de ces mines de fer spatliique qui contiennent de la manganèse, on la trouve dans des minières par- ticulières, où elle se présente ordinairement en chaux noire, et quelquefois en morceaux solides, et même cristallisés ; souvent elle est mêlée avec d'autres pier- res. M. de La Peyrouse, qui a fait de très bonnes ob- servations sur ce minéral , remarque , avec raison , que toutes les fois qu'on verra une pierre légèrement teinte de violet, on peut présumer avec fondement qu'elle contient de la manganèse ; il ajoute qu'il n'y a peut-être pas de mines de fer spathiques blanches, grises, ou jaunâtres, qui n'en contiennent plus ou moins. «J'en ai, dit-il, constamment retiré de toutes celles que j'ai essayées, une portion plus ou moins grande , selon l'état de la mine ; car plus les mines de fer approchent de la couleur brune, moins il y a de manganèse, et celles qui sont noires n'en contien- nent point du tout. » La manganèse paroît souvent cristallisée dans sa mine, à peu près comme la pierre calaminaire, et c'est ce qui a fait croire à quelques chimistes qu'elle contenoit du zinc : mais d'autres chimistes, et parti- culièrement M. Bergman, ont démontré par l'ana- lyse qu'il n'entre point de zinc dans sa composition. l84 MINÉRAUX, D'ailleurs cette forme des cristallisations de la manga- nèse varie beaucoup ; il y a des mines de manganèse cristallisées en aiguilles, qui ressemblent par leur tex- ture à certaines mines d'antimoine, et qui n'en diffè- rent à l'œil que par leur couleur grise foncée et moins brillante que celle de l'antimoine ; et ce qu'il y a €le remarquable et de singulier dans la forme aiguillée de la manganèse, c'est qu'il semble que cette forme provient de sa propre substance, et non pas de celle du soufre ; car la manganèse n'est point du tout mê- lée d'antimoine, et elle n'exhale aucune odeur sulfu- reuse sur les charbons ardents. Au reste, le plus grand nombre des manganèses ne sont pas cristallisées ; il s'en trouve beaucoup plus en masses dures et infor- mes , que l'on a prises long-temps , et avec quelque fondement, pour des mines de fer. On doit aussi rap- porter à la manganèse ce que plusieurs auteurs ont écrit de cette substance sous le nom à'Iiématites noi- res ^ mamelonnées j veloutées ^ etc. On trouve des mines spathiques de fer, et par con- séquent de la manganèse, dans plusieurs provinces de France, en Dauphiné, en Roussillon ; d'autres à Baigory et dans le comté de Foix. Il y en a aussi une mine très abondante en Bourgogne, près de la ville de Mâcon ; cette mine est même en pleine exploita- tion , et l'on en elébite la manganèse pour les verre- ries et faïenceries. On trouve dans cette mine plu- sieurs sortes de manganèses ; savoir, la manganèse en chaux noire , la manganèse en masses solides et noi- res, et la manganèse cristallisée en rayons divergents. La mine de manganèse ne se réduit que difficile- ment en régule, parce qu'elle est très difficile à fon- DE LA manganl;sk. 1 85 dre et en même temps très disposée à passer à l'étut de verre. Ce régule est au moins aussi dur que le fer ; sa surface est noirâtre, et dans l'intérieur il est d'un blanc brillant, qui bientôt se ternit à l'air; sa cassure présente des grains assez grossiers et irréguliers. En le pulvérisant, il devient sensiblement attirable à l'ai- mant : un premier degré de calcination le convertit en une chaux blanche, qui se noircit par une plus forte chaleur, et son volume augmente d'un cinquième environ. Si l'on met ce régule dans un vaisseau bien clos, il se convertit par l'action du feu en un verre jaune obscur, et le fer qu'il contient se sépare en par- tie, et forme un petit bouton ou globule métallique. Le régule de manganèse se dissout par les trois aci- des minéraux, et ses dissolutions sont blanches : la chaux noire de manganèse se dissout dans l'alcali fixe du tartre, et lui communique sur-le-champ une belle couleur bleue. Ce régule refuse de s'unir au soufre, et ne s'allie que très difficilement avec le zinc ; mais il se mêle avec tous les autres minéraux métalliques : lorsqu'on l'allie dans une certaine proportion avec le cuivre , il lui ôte sa couleur rouge sans lui faire perdre sa duc- tilité. iVu reste, ce régule contient toujours du fer, et il est, comme celui du nickel, celui du cobalt, et comme la plaline, si intimement uni avec ce métal, qu'on ne peut jamais l'en séparer totalement. Ce sont des alliages faits par la nature, que l'art ne peut dé- truire, et dont la substance, quoique composée, est aussi fixe que celle des métaux simples. La manganèse est d'un grand usage dans les manu- factures des glaces et des verres blancs : en la fondant l86 MINÉRAUX. avec le verre , elle lui donne une couleur violette , dont l'intensité est toujours proportionnelle à sa quantité, en sorte que l'on peut diminuer cette cou- leur violette jusqu'à la rendre presque inaperceva- ble ; et en même temps la manganèse a la propriété de chasser les autres couleurs obscures du verre, et de le rendre plus blanc lorsqu'elle n'est employée qu'à la très petite dose convenable à cet effet. C'est dans la fritte du verre qu'il faut mêler cette petite quantité de manganèse; sa couleur violette, en s'é- vanoaissant, fait d.sparoître les autres couleurs ; et il y a toute apparence que cette couleur violette, qu'on ne peut apercevoir lorsque la manganèse est en très petite quantité, ne laisse pas d'exister dans la sub- stance du verre qu'elle a blanchi; car M. Macquer dit avoir vu un morceau de verre très blanc qui n'avoit besoin que d'être chauffé jusqu'à un certain point pour devenir d'un très beau bleu violet ^. Il faut également calciner toutes les manganèses pour leur enlever les minéraux volatils qu'elles peuvent contenir : il faut les fondre souvent à plusieurs reprises avec du nitre purifié ; car ce sel a la propriété de développer et d'exalter la couleur violette de la manganèse. Après cette première préparation, il faut encore la faire re- fondre, toujours avec un peu de nitre, en la mêlant avec la fritte du verre auquel on veut donner la belle couleur violette : il est néanmoins très difficile d'ob- tenir cette couleur dans toute sa beauté, si l'on n'a pas appris par l'expérience la manière de conduire le 1. M. de La Peyrouse dit aussi qu'on peut l'aire disparoître et repa- loître à la flamme d'une bougie la belle couleur violette que la manga- nèse donne au verre de borax. DE LA MANGANÈSE. 187 fen de vitrification ; car cette couleur violette se change eu brun , et même en noir, ou s'évanouit lors- qu'on n'atteint pas ou que l'on passe le degré de feu convenable , et que l'usage seul peut apprendre à saisir. DE L'ARSENIC. Dans Tordre des minéraux , c'est ici que finissent les substances métalliques, et que commencent les matières salines. La nature nous présente d'abord deux métaux, l'or et l'argent, qu'on a nommés par- faits j, parce que leurs substances sont pures, ou tou- tes deux alliées l'une avec l'autre, et que toutes deux sont également fixes, également inaltérables, indes- tructibles par l'action des éléments; ensuite elle nous offre quatre autres métaux, le cuivre, le fer, l'étain, et le plomb, qu'on a eu raison de regarder comme métaux imparfaits ^ parce que leur substance ne ré- siste pas à l'action des éléments, qu'elle se brûle par le feu, et qu'elle s'altère et même se décompose par l'impression des acides et de l'eau. Après ces six mé- taux, tous plus ou moins durs et solides, on trouve tout à coup une matière fluide, le mercure , qui , par sa densité et par quelques autres qualités, paroît s'approcher de la nature des métaux parfaits , tandis que , par sa volatilité et par sa liquidité , il se rappro- che encore plus de la nature de l'eau. Ensuite se pré- sentent trois matières métalliques auxquelles on a l88 MINER A.UX. donné îe nom de demi-mctaux^ parce qu'à l'exception de la ductilité, ils ressemblent aux métaux iniparfaits; ces demi-métaux sont Tantimoine, le bismuth , et le zinc, auxquels on a voulu joindre le cobalt, le nickel, et la manganèse ; et de même que dans les métaux il y a des différences très marquées entre les parfaits et les imparfaits , il se trouve aussi des différences très sensibles entre les demi-métaux. Ce nom, ou plutôt cette dénomination, convient assez à ceux qui, comme l'antimoine, le bismuth, et le zinc, ne sont point mixtes, ou peuvent être rendus purs par notre art i mais il me semble que ceux qui , comme le co- balt ,1e nickel , et la manganèse , ne sont jamais purs , et sont toujours mêlés de fer ou d'autres substances différentes de la leur propre, ne doivent pas être mis au nombre des demi-métaux, si Ion veut que l'ordre des dénominations suive celui des qualités réelles; car, en appelant demi-métaux les matières qui ne sont que d'une seule substance, on doit imposer un autre nom à celles qui sont mêlées de plusieurs substances. Dans cette suite de métaux, demi-métaux, et au- tres matières métalliques , on ne voit que \e& degrés successifs que la nature met dans toutes les classes de ses productions : mais l'arsenic, qui paroît être la dernière nuance de cette classe des matières métalli- ques, forme en mêuie temps un degré , une ligne de séparation qui remplit le grand intervalle entre les substances métalliques et les matières salines. Et de même qu'après les métaux on trouve la platine, qui n'est point un métal pur, et qui , par son magnétisme constant, paroît être un alliage de fer, et d'une ma- tière aussi pesante que l'or, on trouve aussi après les DE l'arsenic. 189 demi-métaux le cobalt, le nickel, et la manganèse, qui, étant toujours attirables à l'aimant, sont j3ar con- séquent alliés de fer uni à leur propre substance : Ton doit donc, en rigueur, les séparer tous trois des demi-métaux, comme on doit de même séparer la platine des métaux, puisque ce ne sont pas des sub- stances pures, mais mixtes et toutes alliées de fer, quoiqu'elles donnent leur régule sans aucun mélange que celui des parties métalliques qu'elles recèlent; et quoique l'arsenic donne de même son régule, on doit encore le séparer de ces trois dernières matières, parce que son essence est autant saline que métal- lique. En effet, l'arsenic, qui, dans le sein de la terre, se présente en masses pesantes et dures comme les autres substances métalliques, offre en même temps toutes les propriétés des matières salines ; comme les sels, il se dissout dans l'eau; mêlé comme les salins avec les matières terreuses , il en facilite la vitrifica- tion ; il s'unit, par le moyen du feu, avec les autres sels qui ne s'unissent pas plus que lui avec les mé- taux; comme les sels, il décrépite et se volatilise au feu , et jette de même des étincelles dans l'obscurité ; il fuse aussi comme les sels, et coule en liquide épais sans brillant métallique : il a donc toutes les proprié- tés des sels; mais, d'autre part, son régule a les pro- priétés des matières métalliques. L'arsenic, dans son état naturel, peut donc être considéré comme un sel métallique; et comme ce sel, par ses qualités, diffère des acides et des alcalis, il me semble qu'on doit compter trois sels simples dans la nature, l'acide, l'alcali, et l'arsenic, qui répon- IQO MINÉRAUX. dent aux Irois idées que nous nous sommes formées de leurs effets, et quon peut désigner par les dénomi- nations de sel acide ., sel causticfue^ et corrosif; et il me paroît encore que ce dernier sel, l'arsenic, a tout autant et peut-être plus d'influence que les deux au- tres sur les matières que la nature travaille. L'examen que nous allons faire des autres propriétés de ce mi- néral métallique et salin , loin de faire tomber cette idée, la justifiera pleinement, et même la confirmera dans toute son étendue. On ne doit donc pas regarder l'arsenic naturel coitime un métal ou demi-métal , quoiqu'on le trouve communément dans les mines métalliques, puisqu'il n'y existe qu'accidentellement et indépendamment des métaux ou demi-métaux avec lesquels il est mêlé : on ne doit pas regarder de même comme une chaux purement métallique l'arsenic blanc qui se sublime dans la fonte de différents minéraux , puisqu'il n'a pas les propriétés de ces chaux, et qu'il en offre de con- traires; car cet arsenic qui s'est volatilisé reste con- stamment volatil , au lieu que les chaux des métaux et des demi-métaux sont toutes constamment fixes : de plus, cette chaux, ou plutôt cette fleur d'arsenic est soluble dans tous les acides, et même dans l'eau pure comme les sels, tandis qu'aucune chaux métallique ne se dissout dans l'eau et n'est même guère attaquée par les acides. Cet arsenic, comme les sels, se dissout et se cristallise, au moyen de l'ébullition, en cristaux jaunes et transparents : il répand , lorsqu'on le chauffe, une très forte odeur d'ail; mais sur la langue, sa sa- veur est très acre, il y fait une corrosion ; et pris in- térieurement. il donne la mort en corrodant l'esto- DE LARSENIC. IQl mac et les intestins. Toutes les cbaiix métalliques, au contraire, sont presque sans odeur et sans saveur. Cet arsenic blanc n'est donc pas une vraie chaux mé- tallique, mais plutôt un sel particulier plus actif, plus acre , et plus corrosif que l'acide et l'alcali. Enfin cet arsenic est toujours très fusible, au lieu que les chaux métalHques sont toutes plus difficiles à fondre que le métal même : elles ne contractent aucune union avec les matières terreuses, et l'arsenic , au contraire, s'y réunit au point de soutenir avec elles le feu de la vitrification; il entre, comme les autres sels, dans la composition des verres; il leur donne une blancheur qui se ternit bientôt à l'air, parce que l'humidité agit sur lui comme sur les autres sels. Toutes les chaux métalliques donnent au verre de la couleur; l'arsenic ne leur en donne aucune, et ressemble encore par cet effet aux salins qu'on mêle avec le verre. Ces seuls faits sont , ce me semble , plus que suffisants pour dé- montrer que cet arsenic blanc n'est point une chaux métallique, ni demi-métallique, mais un vrai sel dont la substance active est d'une nature particulière et dif- férente de celle de l'acide et de l'alcali. Cet arsenic blanc qui s'élève par sublimation dans la fonte des mines n'étoit guère connu des anciens^; et nous ne devons pas nous féliciter de cette décou- verte , car elle a faitphis de mal que de bien : on au- roit même dix proscrire la recherche, l'usage, et le commerce de cette matière funeste, dont les lâches 1. La seule indication précise que l'on ait sur l'arsenic se trouve dans un passage d'Avicennc, (jui vivoit dans le onzième siècle. M. Bergman cite ce passage , par lequel il paroit qu'on ne conuoissoit pas alors l'ar- senic blanc sublimé. 19^ MINERAUX. scélérats n'ont que trop de facilité d'abuser. N'accu- sons pas la nature de nous avoir préparé des poisons et des moyens de destruction : c'est à nous-mêmes, c'est à notre art ingénieux pour le mal , qu'on doit la poudre à canon, le sublimé corrosif, l'arsenïc blanc tout aussi corrosif. Dans le sein de la terre , on trouve du soufre et du salpêtre; mais la nature ne les avoit pas combinés , comme l'homme , pour en faire le plus grand, le plus puissant instrument de la mort : elle n'a pas sublimé l'acide marin avec le mercure pour en faire un poison; elle ne nous présente l'arsenic que dans un état où ses qualités funestes ne sont pas déve- loppées : elle a rejeté , recelé ces combinaisons nui- sibles, en même temps qu'elle ne cesse de faire des rapprochements utiles et des unions prolifiques : elle garantit, elle défend , elle conserve , elle renouvelle , et tend toujours beaucoup plus à la vie qu'à la mort. L'arsenic, dans son état de nature , n'est donc pas un poison comme notre arsenic factice. Il s'en trouve de plusieurs sortes, et de différentes formes, et de couleurs diverses, dans les mines métalliques. Il s'en trouve aussi dans les terrains volcanisés sous une foruie différente de toutes les autres , et qui provient de son union avec le soufre : on a donné à cet arsenic le nom à' orpiment lorsqu'il est jaune, et celui de réai^ar quand il est rouge. Au reste , la plupart des mines d'arsenic noires et grises sont des mines de cobalt mêlées d'ar- senic; cependant M. Bergman assure qu'il se trouve de l'arsenic vierge en Bohème, en Hongrie, en Saxe, etc. , et que cet arsenic vierge contient toujours du fer. M. Monnet dit aussi qu'il s'en trouve en France, à Sainte-Marie-aux-Mines, et que cet arsenic vierge est DE LARSENIC. 1 Q^ une substance des plus pesantes et des plus dures que nous connoissions, qui ne se brise que difficilement, et qui présente dans sa fracture fraîche un grain brillant semblable à celui de Tacier ; qu'il prend le poli et le bril- lant métallique du fer; que son éclat se ternit bien vite à l'air ; qu'il se dissout dans les acides, etc. Si j'avois moins de confiance aux lumières de M, Monnet, je croirois, à cette description, que son arsenic vierge n'est qu'une espèce de marcassite ou pyrite arsenicale : mais ne les ayant pas comparés, je ne dois tout au plus que douter, d'antant que le savant M. de Mor- veau dit aussi « qu'on trouve de l'arsenic vierge en juasse informe , grenue , en écailles , et friable ; de l'ar- senic noir mêlé de bitume, de l'arsenic gris testacé, de l'arsenic blanc cristallisé en gros cubes. » Mais tou- tes ces formes pourroient être des décompositions d'arsenic ou des mélanges avec du cobalt et du fer. D'ailleurs la mine d'arsenic en écailles, ni même le régule d'arsenic, qui doit être encore plus pur et plus dense que l'arsenic vierge, ne sont pas aussi pesants que le suppose M. Monnet; car la pesanteurspécifique de la mine écailleuse d'arsenic n'est que de 572/19, et celle du régule d'arsenic de 07655, tandis que la pesanteurspécifique du régule de cobalt estde78i 19, et celle du régule de nickel de 78070. Il est donc certain que l'arsenic vierge n'est pas, à beaucoup près, aussi pesant que ces régules de cobalt et de nikel. Quoi qu'il en soit, l'arsenic se rencontre dans pres- que toutes les mines métalliques, et surtout dans les mines d'étain ; c'est même ce qui a fait donner à l'ar- senic, comme au soufre, le nom de imnéraUsateur. Or, si l'on veut avoir une idée nette de ce que signifie î 94 MINÉRAUX. le mot de minéraUsallonj, on ne peut l'interpréter que par celui de l'altération que certaines substances acti- ves produisent sur lesiuinéraux métalliques; la pyrite, ou , si l'on veut, le soufre minéral, agit comme un sel par l'acide qu'il contient; le foie de soufre agit encore plus généralement par son alcali; et l'arsenic, qui est un autre sel souvent uni avec la matière du feu dans la pyrite, agit avec une double puissance; et c'est de l'action de ces trois acides, alcalis et arsenicaux, que dépend l'altération ou minéralisation de toutes les sub- stances métalliques , parce que tous les autres sels peu- vent se réduire à ceux-ci. L'arsenic a fait impression sur toutes les mines mé- talliques, dans lesquelles il s'est établi dès le temps de la première formation des sels après la chute des eaux et des autres matières volatiles; il semble avoir altéré les métaux, à l'exception de l'or : il a produit avec le soufre pyriteux et le foie de soufre les mines d'argent rouges, blanches, et vitreuses; il est entré dans la plupart des mines de cuivre , et il adhère très fortement à ce métal ; il a produit la cristallisation des mines d'étain et de celles de plomb qui se présentent en cristaux blancs et verts; enfin il se trouve uni au fer dans plusieurs pyrites, et pa;rticulièrement dans la pyrite blanche que les Allemands appellent mispickel^ qui n'est qu'un composé de mine de fer et d'une grande quantité d'arsenic. Les mines d'antimoine, de bismuth, de zinc, et surtout celles de cobalt, con- tiennent aussi de l'arsenic; presque toutes les matiè- res minérales en sont imprégnées ; il y a même des terres qui sont sensiblement arsenicales : aucune ma- tière n'est donc plus universellement répandue. La DE L ARSENIC. 1 Qb grande et constante volatilité de l'ai-senic, jointe à la fluidité qu'il acquiert en se dissolvant dans l'eau , lui donne la faculté de se transporter en vapeurs et de se déposer partout, soit en liqueur, soit en masses concrètes; il s'attache à toutes les substances qu'il peut pénétrer, et les corrompt presque toutes par l'a- cide corrosif de son sel. L'arsenic est donc l'une des substances les plus ac- tives du règne minéral : les matières métalliques et terreuses ou pierreuses ne sont en elles-mêmes que des substances passives; les sels seuls ont des qualités actives, et le soufre doit être considéré comme un sel, puisqu'il contient de l'acide qui est l'un des premiers principes salins. Sous ce point de vue, les puissances actives sur les minéraux en général semblent être re- présentées par trois agents principaux, le soufre pyriteux , le foie de soufre et l'arsenic, c'est-à-dire par les sels acides, alcalins, et arsenicaux; et le foie de soufre qui contient l'alcali uni aux principes du soufre agit par une double puissance, et altère non seulement les substances métalliques, mais aussi les matières terreuses. Mais quelle cause peut produire cette puissance des sels, quel élément peut les rendre actifs, si ce n'est celui du feu c|ui est fixé dans ces sels? car toute action qui , dans la nature , ne tend qu'à rapprocher, à réu- nir les corps, dépend de la force générale de l'attrac- tion , tandis que toute action contraire qui ne s'exerce que pour séparer, diviser, et pénétrer les parties con- stituantes des corps, provient de cet élément, qui, par sa force expansive , agit toujours en sens contraire de la puissance attractive, et seul peut séparer ce 196 MINÉRAUX. qu'elle a réuni , résoudre ce qu'elle a combiné, liqué- fier ce qu'elle a rendu solide, volatiliser ce qu'elle tenoit fixe , rompre , en un mot , tous les liens par les- quels l'attraction universelle tiendroit la nature en- chaînée et plus qu'engourdie, si l'élément de la cha- leur et du feu qui pénètre jusque dans ses entrailles n'y entre tenoit le mouvement nécessaire à tout déve- loppement, toute production, et toute génération. Mais, pour ne parler ici que du règne minéral, le grand altérateur, le seul minéralisateur primitif est donc le feu; le soufre, le foie de soufre, l'arsenic, et tous les sels, ne sont que ses instruments; toute mi- néralisation n'est qu'une altération par division, dis- solution, volatilisation, précipitation, etc. Ainsi les minéraux ont pu être altérés de toutes manières, tant par le mélange des matières passives dont ils sont composés que par la combinaison de ces puissances animées par le feu, qui les ont plus ou moins travail- lés, et quelquefois au point de les avoir presque dé- naturés. Mais pourquoi, me dira-t-on, cette minéralisation, qui, selon vous, n'est qu'une altération, se porte-t- elle plus généralement sur les matières métalliques que sur les matières terreuses.'^ De quelle cause, en un mot, ferez-vous dépendre ce rapport si marqué entre le minéralisateur et le métal .^ Je répondrai que, comme le feu primitif a exercé toute sa puissance sur les matières qu'il a vitrifiées, il les a dès lors mises hors d'atteinte aux petites actions particulières que le feu peut exercer encore par le moyen des sels sur les matières qui ne se sont pas trouvées assez fixes pour subir la vitrification ; que toutes les substances DE L ARSENIC. IQ^ métalliques, sans même en excepter celle de l'or, étant susceptibles d'être sublimées par l'action du feu, elles se sont séparées de la masse des matières fixes qui se vitrifioient; que ces vapeurs métalliques, relé- guées dans l'atmosphère tant qu'a duré l'excessive chaleur du globe, en sont ensuite descendues, et ont rempli les fentes du quartz et autres cavités de la ro- che vitreuse, et que par conséquent ces matières mé- talliques ayant évité par leur fuite et leur sublimation la plus grande action du feu, il n'est pas étonnant qu'elles ne puissent éprouver aucune altération par l'action secondaire de la petite portion particulière du feu contenue dans les sels; tandis que les substances calcaires n'ayant été produites que les dernières, et n'ayant pas subi l'action du feu primitif, sont, par cette raison, très susceptibles d'altération par l'action de nos feux, et par le foie de soufre, dans lequel la substance du feu est réunie avec l'alcali. Mais c'est assez nous arrêter sur cet objet général de la minéralisation, qui s'est présenté avec l'arsenic parce que ce sel acre et corrosif est l'un des plus puis- sants minéralisateurs par l'action qu'il exerce sur les mé- taux : non seulement il les altère et les minéralisé dans le sein de la terre, mais il en corrompt la substance ; il s'insinue et se répand en poison destructeur dans les minéraux comme dans les corps organisés; allié avec l'or et l'argent en très petite quantité, il leur enlève l'attribut essentiel à tout métal en leur ôtant toute ductilité, toute malléabilité; il produit le même effet sur le cuivre; il blanchit le fer plus que le cuivre , sans cependant le rendre aussi cassant; il donne de même beaucoup d'aigreur à l'étain et au plomb, et il ne fait BUFFON. VIII. }C)S MI NÉ K AUX. qu'augmenter celle de tous les demi-métaux; il en di- vise donc encore les parties lorsqu'il n'a plus la puis- sance de les corroder ou détruire. Quelque épreuve qu'on lui fasse subir, en quelque état qu'on puisse le réduire, l'arsenic ne perd jamais ses qualités perni cieuses; en régule, en fleurs, en chaux, en verre, il est toujours poison ; sa vapeur seule reçue dans les poumons suffit pour donner la mort; et l'on ne peut s'empêcher de gémir en voyant le nombre des victi- mes immolées, quoique volontairement, dans les tra- vaux des mines qui contiennent de l'arsenic. Ces mal- heureux mineurs périssent presque tous au bout de quelques années, et les plus vigoureux sont bientôt languissants : la vapeur, l'odeur seule de l'arsenic leur altère la poitrine , et cependant ils ne prennent pas, pour éviter ce mal, toutes les précautions nécessaires. D'abord il s'élève assez souvent des vapeurs arsenica- les dans les souterrains des mines dès qu'on y fait du feu; et, de plus, c'est en faisant, au marteau, des tranchées dans la roche du minéral, pour le séparer et l'enlever en morceaux, qu'ils respirent cette pous- sière arsenicale qui les lue comme poison, et les in- commode comme poussière , car nos tailleurs de pierre de grès sont très souvent malades du poumon, quoi- que cette poussière de grès n'ait pas d'autre mauvaise qualité que sa très grande ténuité : mais dans tous les usages, dans toutes les circonstances où l'appât du gain commande, on voit avec plus de peine que de surprise la santé des hommes comptée pour rien, et leur vie pour peu de chose. L'arsenic, qui malheureusement se trouve si sou- vent et si abondamment dans la plupart des mines J)E L ARSENIC. 1 gt) inétalliques, y est presque toujours en sel cristallin ou en poudre blanche : il ne se trouve guère que dans les volcans agissants ou éteints sous la forme d'orpi- ment ou de réalgar; on assure néanmoins qu'il y en a dans les mines de Hongrie , à Kremnitz , à Newsol , etc. La substance de ces arsenics mêlés de soufre est dis- posée par lames minces ou feuillets; et, par ce carac- tère, on peut toujours distinguer l'orpiment naturel de l'artificiel, dont le tissu est plus confus. Le réal- gar est aussi disposé par feuillets, et ne diffère de l'orpiment jaune que par sa couleur rouge; il est encore plus rare que l'orpiment ; et ces deux formes sous lesquelles se présente l'arsenic ne sont pas com- munes, parce qu'elles ne proviennent que de l'action du feu, et l'orpiment et le réalgar n'ont été formés que par celui des volcans ou par des incendies de fo- rêts, au lieu que l'arsenic se trouve en grande quan- tité sous d'autres formes dans presque toutes les mi- nes, et surtout dans celles de cobalt. Pour recueillir l'arsenic, et en éviter en même temps les vapeurs furtestes, on construit des cheminées in- clinées et longues de vingt à trente toises au dessus des fourneaux où l'on travaille la mine de cobalt; et l'on a observé que l'arsenic qui s'élève le plus haut est aussi le plus pur et le plus corrosif. Pour ramasser sans danger cette poudre pernicieuse, il faut se c*ou- vrir la bouche et le nez, et ne respirer l'air qu'à tra- vers une toile ; et comme cette poudre arsenicale se dissout dans les graisses et les huiles aussi bien que dans l'eau , et qu'une très petite quantité suffit pour causer les plus funestes effets, la fabrication devroit en être défendue et le commerce proscrit. i200 MIISERAUX. Les chimistes, malgré le danger, n'ont pas laissé de soumettre cette poudre arsenicale à un grand nombre d épreuves pour la purifier et la convertir en cristaux; ils la mettent dans des vaisseaux de fer exac- tement fermés, où elle se sublime de nouveau sur le feu. Les vapeurs s'attachent au haut du vaisseau en cris- taux blancs et transparents comme du verre; et lors- qu'ils veulent faire de l'arsenic jaune ou rouge sem- blable au réalgar et à l'orpiment, ils mêlent cette poudre d'arsenic avec une certaine quantité de soufre pour les sublimer ensemble ; la matière sublimée de- vient jaune comme l'orpiment, ou rouge comme le réalgar, selon la plus ou moins grande quantité de soufre qu'on y aura mêlée. Enfin , si l'on fond de nou- veau ce réalgar artificiel, il deviendra transparent et d'un rouge de rubis : le réalgar naturel n'est qu'à demi transparent; souvent môme il est opaque, et ressem- ble beaucoup au cinabre. Ces arsenics jaunes et rou- ges sont , comme l'on voit , d'une formation bien pos- térieure à celle des mines arsenicales, puisque le soufre est entré dans leur composition, et qu'ils ont été sublimés ensemble par les feux souterrains. On assure qu'à la Chine l'orpiment et le réalgar se trou- vent en si grandes masses, qu'on en a fait des vases et des pagodes : ce fait démontre l'existence présente ou passée des volcans dans cette partie de l'Asie. Pour réduire l'arsenic en régule, on en mêle la pou- dre blanche sublimée avec du savon noir, et même avec de l'huile : on fait sécher cette pâte humide à petit feu dans un matras, et on augmente le degré de feu jusqu'à rougir le fond de ce vaisseau. M. Berg- DE LÂRSENIC. 5301 mail donne la pesanteur spécifique de ce régule dans le rapport de 85 lo à looo ; ce qui, à soixante-douze livres le pied cube d'eau, donne cinq cent qualre- vingt-dix-huit livres trente-quatre centièmes pour le poids d'un pied cube de régule d'arsenic. Ainsi la den- sité de ce régule est un peu plus grande que celle du fer, et à peu près égale à la densité de l'acier. Ce ré- gule d'arsenic a, comme nous l'avons dit, plusieurs propriétés communes avec les demi-métaux; il ne s'u- nit point aux terres ; il ne se dissout point dans l'eau ; il s'allie aux métaux sans leur ôter l'éclat métallique, et dans cet état de régule l'arsenic est plutôt un demi- inétal qu'un sel. On a donné le nom de verre d' arsenic aux cristaux qui se forment par la poudre sublimée en vaisseaux c!os : mais ces cristaux transparents ne sont pas du verre, puisqu'ils sont solubles dans l'eau, et ce qui le démontre encore c'est que cette môme poudre blan- che d'arsenic prend cet état de prétendu verre par la voie humide et à la simple chaleur de l'eau bouil- lante. Lorsqu'on veut purger les métaux de l'arsenic qu'ils contiennent, on commence par le volatiliser autant qu'il est possible; mais comme il adhère quelquefois très fortement au métal , et surtout au cuivre, et que par le feu de fusion on ne l'en dégage pas en entier, on ne vient à bout de le séparer de la matte que par l'intermède du fer, qui, ayant plus d'affinité que le cuivre avec l'arsenic, s'en saisit et en débarrasse le cuivre. On doit faire la même opération, et par le même moyen, en raffinant l'argent qui se lire des mines arsenicales. 202 MI NE ï? AUX. DES CIMENTS DE NATURE, On a vu, par l'exposé des articles précédents, que toutes les matières solides du globe terrestre , produi- tes d'abord par le feu primitif, ou formées ensuite par l'intermède de l'eau, peuvent être comprises dans quatre classes générales. La première contient les verres primitifs et les ma- tières qui en sont composées , telles que les porphy- res, les granités, et tous leurs détriments, comme les grès, les argiles, schistes, ardoises, etc. La seconde classe est celle des matières calcinables, et contient les craies, les marnes, les pierres calcai- res, les albâtres, les marbres et les plâtres. La troisième contient les métaux, les demi-métaux, et les alliages métalliques formés par la nature, ainsi que les pyrites et tous les minerais pyriteux. Et la quatrième est celle des résidus et détriments de toutes les substances végétales et animales, telles que le terreau, la terre végétale, le limon, les bols, les tourbes, les charbons de terre, les bitumes, elc. A ces quatre grandes classes de matières dont le globe terrestre est presque entièrement composé, nous devons en ajouter une cinquième, qui contien- dra les sels et toutes les matières salines. Enfin nous pouvons encore faire une sixième classe DES CIMENTS DE NATURE. 203 (les substances produites ou travaillées par le feu des volcans, tels que les basaltes, les laves, les pierres ponces, les pouzzolanes, les soufres, etc. Toutes les matières dures et solides doivent leur première consistance à la force générale et récipro- que d'une attraction mutuelle qui en a réuni les par- ties constituantes ; mais ces matières, pour la plupart , n'ont acquis leur entière dureté et leur pleine solidité que par l'interposition successive d'un ou de plusieurs ciments que j'appelle ciments de nature_, parce qu'ils sont différents de nos ciments artificiels, tant par leur essence que par leurs effets. Presque tous nos ciments ne sont pas de la même nature que les matières qu'ils réunissent; la substance de la colle est très diflérente de celle du bois, dont elle ne réunit que les surfaces; il en est de même du mastic qui joint le verre aux au- tres matières contiguës : ces ciments artificiels ne pé- nètrent que peu ou point du tout dans l'intérieur des matières qu'ils unissent; leur effet se borne à une simple adhésion aux surfaces. Les ciments de nature sont au contraire ou de la même essence, ou d'une essence analogue aux matières qu'ils unissent ; ils pé- nètrent ces matières dans leur intérieur, et s'y trou- vent toujours intimement unis ; ils en augmentent la dejisité en même temps qu'ils établissent la conti- nuité du volume : or il me semble que les six classes sous lesquelles nous venons de comprendre toutes les matières terrestres ont chacune leur ciment propre et particulier, que la nature emploie dans les opéra- tions qui sont relatives aux différentes substances sur lesquelles elle opère. i204 MIINÉRAUX. Le premier de ces ciments de nature est le suc cristallin qui transsude et sort des grandes masses quartzeuses, pures ou mêlées de feld-spath, de schorl, de jaspe, et de mica ; il forme la substance de toutes les stalactites vitreuses , opaques ou transparentes. Le suc quartzeux, lorsqu'il est pur, produit le cristal de roche, les nouveaux quartz, l'émail du grès, etc. ; ce- lui du feld-spath produit les pierres chatoyantes ; et nous verrons que le schorl, le mica, et le jaspe, ont aussi leurs stalactites propres et particulières. Ces sta- lactites des cinq verres primitifs se trouvent en plus ou moins grande quantité dans toutes les substances vitreuses de seconde et de troisième formation. Le second ciment, tout aussi naturel et peut-être plus abondant à proportion que le premier, est le suc spathique qui pénètre, consolide, et réunit toutes les parties des substances calcaires. Ces deux ciments vitreux et calcaire sont de la même essence que les matières sur lesquelles ils opèrent; ils en tirent aussi chacun leur origine, soit par l'infdtration de l'eau, soit par l'émanation des vapeurs qui s'élèvent de l'in- térieur des grandes masses vitreuses ou calcaires : ces ciments ne sont, en un mot, que les particules de ces mêmes matières atténuées et enlevées par les vapeurs qui s'élèvent du sein de la terre ou bien détachées et entraînées par une lente stillation des eaux ; et ces ciments s'insinuent dans tous les vides et jusque dans les pores des masses qu'ils remplissent. Dans les ciments calcaires, je comprends le suc gypseux, plus foible et moins solide que le suc spathi- que, qui l'est aussi beaucoup moins que le ciment DES CIMENTS DE IN AT U RE. 20J vitreux; mais ce suc gypseux est souvent plus abon- dant dans la pierre à plâtre que le spath ne l'est dans les pierres calcaires. Le troisième ciment de nature est celui qui pro- vient des matières métalliques, et c'est peut-être le plus fort de tous. Celui que fournit le fer est le plus universellement répandu, parce que la quantité du fer est bien plus grande que celle de tous les autres minéraux métalliques, et que le fer étant plus sus- ceptible d'altération qu'aucun autre métal par l'hu- midité de l'air et par tous les sels de la terre, il se décompose très aisément, et se combine avec la plu- part des autres matières, dont il remplit les vides et réunit les parties constituantes. On connoît la téna- cité et la solidité du ciment fait artificiellement avec la limaille de fer; ce ciment néanmoins ne réunit que les surfaces, et ne pénètre que peu ou point du tout dans l'intérieur des substances, dont il n'établit que la contiguité : mais lorsque le ciment ferrugineux est employé par la nature, il augmente de beaucoup la densité et la dureté des matières qu'il pénètre ou réunit. Or cette matière ferrugineuse est entrée, soit en masses, soit en vapeurs, dans les jaspes, les por- phyres, les granités, les grenats, les cristaux colorés, et dans toutes les pierres vitreuses, simples ou com- posées , qui présentent des teintes de rouge , de jaune, de brun, etc. On reconnoît aussi les indices de cette matière ferrugineuse dans plusieurs pierres calcaires, et surtout dans les marbres , les albâtres, et les plâtres colorés. Ce ciment ferrugineux, comme les deux au- tres premiers ciments, a pu être porté de deux façons différi'ntes : la première, par sublimation en vapeurs, 206 MINÉRAUX. et c'est ainsi qu'il est entre dans les jaspes, porphyres et autres matières primitives; la seconde, par l'iafil- tration des eaux dans les matières de formation posté- rieure, telles que les schistes, les ardoises, les mar- bres, et les albâtres : l'eau aura détaché ces particules ferrugineuses des grandes roches de fer produites par le feu primitif dès le commencement de la consoli- dation du globe ; elle les aura réduites en rouille, et aura transporté cette rouille ferrugineuse sur la sur- face entière du globe ; dès lors cette chaux de fer se sera mêlée avec les terres, les sables, et toutes les au- tres matières qui ont été remuées et travaillées par les eaux. INous avons ci-devant démontré que les premiè- res mines de fer ont été formées par l'action du feu primitif, et que ce n'est que des débris de ces pre- mières mines, ou de leurs détriments décomposés par l'intermède de l'eau, que les mines de fer de seconde et de troisième formation ont été produites. On doit réunir au ciment ferrugineux le ciment py- riteux, qui se trouve non seulement dans les minerais métalliques , mais aussi dans la plupart des schistes et dans quelques pierres calcaires. Ce ciment pyriteux augmente la dureté des matières qui ne sont point exposées à l'humidité, et contribue au contraire à leur décomposition dès qu'elles sont humectées. On peut aussi regarder le bitume comme un qua- trième ciment de nature ; il se trouve dans toutes les terres végétales, ainsi que dans les argiles et les schis- tes mêlés de terre limoneuse. Ces schistes limoneux contiennent quelquefois une si grande quantité de bitume, qu'ils en sont inflammables; et comme tou- tes les huiles et graisses végétales ou animales se con- DES CIMENTS DE NATtRE. 207 vertisserit eiFbitumes par le mélange de l'acide, ou ne doit pas être étonné que cette substance bitumineuse se trouve dans les matières transportées et déposées par les eaux, telles que les argiles, les ardoises, les schistes, et même certaines pierres calcaires. Il n'y a que les substances vitreuses produites par le feu pri- mitif, dans lesquelles le bitume ne peut être mêlé, parce que la formation des matières brutes et vitreu- ses a précédé la production des substances organisées et calcaires. Une autre sorte de ciment qu'on peut ajouter aux précédents est produit par l'action des sels, ou par leur mélange avec les principes du soufre. Ce ciment salin et sulfureux existe dans la plupart des matières terreuses ; on le reconnoît à la mauvaise odeur que ces matières répandent lorsqu'on les entame ou les frotte : il y en a même, comme la pierre de porc ^, qui ont une très forte odeur de foie de soufre, et d'autres qui, dès qu'on les frotte, répandent l'odeur du bitume. Enfin le sixième ciment de nature est encore moins simple que le cinquième, et souvent aussi il est de 1. « Ce n'est qu'en Norwège et en Suède, dit Pontoppidan, que Ton trouve la pierre du cochon; ainsi appelée, parce qu'elle guérit luie cer- taine maladie du cocliou. Cette pierre, autrement nommée lapis feti- dus, rend une puanteur alTrcuse quand ou la frotte. Elle est brune , luisante, et paroît être une espèce de vitrification dans la composition de laquelle il entre beaucoup de soufre. » {Journal étranger, mois de septembre 1765, page 21 3.) Nous ne pouvons nous dispenser de relever ici la contradiction qui est entre ces mots, vitrification qui contient du soufre, puisque le sou- fre se seroit dissipé pir la combustion long-temps avant que le feu se fût porté au degré-nécessaire à la vitrification. 2o8 MINÉRAUX. qualités très différentes, selon les matières diverses sur lesquelles le feu des volcans a travaillé avec plus ou moins de force ou de continuité, et suivant que ces matières se sont trouvées plus ou moins pures ou mélangées de substances différentes. Ce ciment, dans les matières volcaniques, est souvent composé des autres ciments et particulièrement du ciment ferru- gineux ; car tous les basaltes et presque toutes les la- ves des volcans contiennent une grande quantité de fer, puisqu'elles sont attirables à l'aimant ; et plusieurs matières volcanisées contiennent des soufres et des sels. Dans les matières vitreuses les plus simples, telles que le quartz de seconde formation et les grès, on ne trouve que le ciment cristallin et vitreux ; mais dans les matières vitreuses composées, telles que les porphyres, granités et cailloux, il est souvent réuni avec les ciments ferrugineux ou pyriteux : de même dans les matières calcaires simples et blanches il n'y a que le ciment spathique ; mais dans celles qui sont composées et colorées, et surtout dans les marbres, ou trouve ce ciment spathique souvent mêlé du ci- jnent ferrugineux, et quelquefois du bitumineux. Les deux premiers ciments, c'est-à-dire le vitreux et le spathique, dès qu'ils sont abondants, se manifestent parla cristallisation; le bilume même se cristallise lorsqu'il est pur, et les ciments ferrugineux ou pyri- teux prennent aussi fort souvent une forme régulière. Les ciments sulfureux et salin se cristallisent non seu- lement par l'intermède de l'eau, mais aussi par l'ac- tion du feu : néanmoins ils paroissent assez rarement sous cette forme cristallisée dans les matières qu'ils DES CIMENTS DE NATURE. 209 pénètrent; et en général tous ces ciments sont ordi- nairement dispersés et intimement mêlés dans la sub- stance même des matières dont ils lient les parties; souvent on ne peut les reconnoître qu'à la couleur ou à l'odeur qu'ils donnent à ces mêmes matières. Le suc cristallin paroît être ce qu'il y a de plus pur dans les matières vitreuses, comme le suc spathique est aussi ce qu'il y a de plus pur dans les substances calcaires. Le ciment ferrugineux pourroit bien être aussi l'extrait du ter le plus décomposé par l'eau, ou du fer sublimé par le feu; mais les ciments bitumi- neux, sulfureux et salin, ne peuvent guère être con- sidérés que comme des colles ou glutens j qui réunis- sent par interposition les parties de toute matière, sans néanmoins en pénétrer la substance intime, au lieu que les ciments cristallin, spathique et ferrugi- neux, ont donné la densité, la dureté et les couleurs, à loutes les matières dans lesquelles ils se sont incor- porés. Le feu et l'eau peuvent également réduire toutes les matières à l'homogéiiéilé ; le feu en dévorant ce qu'el- les ont d'impur, et l'eau en séparant ce qu'elles ont d'hétérogène, en les divisant jusqu'au dernier degré de ténuité. Tous les métaux, et le fer en particulier, se cristallisent par le moyen du feu plus aisément que par l'interniède de l'eau. Mais pour ne parler ici que des cristallisations opérées par ce dernier élément, parce qu'elles ont plus de rapport que les autres avec les ciments de nature, nous devons observer que les formes de cristallisation ne sont ni générales ni con- stantes, et qu'elles varient autant dans le genre cal- caire que dans le genre vitreux; chaque contrée, cha- iilO MINER Alix. que colline, et pour ainsi dire chaque banc de pierre, soit vitreuse ou calcaire, oflre des cristallisations de formes différentes : or cette variété de forme dans les extraits, tant de la matière vitreuse que de la matière calcaire, démontre que ces extraits renferment quel- ques éléments différents entre eux, qui font varier leur forme de cristallisation; sans cela, tous les cris- taux, soit vitreux, soit calcaires, auroient chacun une forme constante et déterminée, et ne diffèreroient que par le volume et non par la figure. C'est peut- être au mélange de quelque matière, telle que nos ciments de nature, qu'on doit attribuer toutes les va- riétés de figure qui se trouvent dans les cristallisa- tions ; car une petite quantité de matière étrangère, qui se mêlera dans une stalactite au moment de sa formation, suffit pour en changer la couleur et en mo- difier la forme. Dès lors on ne doit pas être étonné de trouver presque autant de différentes formes de cristallisation qu'il y a de pierres différentes. La terre limoneuse produit aussi des cristallisations déformes différentes, et en assez grand nombre. INous verrons que les j)ierres précieuses, les spaths pesants, et la plupart des pyrites ne sont que des stalactites de la terre végétale réduite en limon , et cette terre est ordinairement mêlée de parties ferrugineuses qui donnent la couleur à ces matières. Des différents mélanges et des combinaisons variées de la matière métallique avec les extraits des sub- stances vitreuses, calcaires et limoneuses, il résulte non seulement des formes différentes dans la cristal- lisation, mais des diversités de pesanteur spécifique, de dureté, de couleur, et de transparence dans la DES CIMENTS DE NATURE. 211 substance des stalactites de ces trois sortes de ma- tières. Il faut que la matière vitreuse, calcaire ou limo- neuse, soit réduite à sa plus grande ténuité pour qu'elle puisse se cristalliser; il faut aussi que le métal soit à ce même point de ténuité, et même réduit en vapeurs, et que le mélange en soit intime, pour don- ner la couleur aux substances cristallisées sans en al- térer la transparence : car pour peu que la substance vitreuse, calcaire ou limoneuse, soit impure et mêlée de parties grossières, ou que le métal ne soit pas as- sez dissous, il en résulte des stalactites opaques et des concrétions mixtes qui participent de la qualité de chacune de ces matières. Nous avons démontré la formation des stalactites opaques dans les pierres cal- caires, et celle de la mine de fer en grains dans la terre limoneuse ^; on peut reconnoître le même pro- cédé de la nature pour la formation des concrétions vitreuses, opaques ou demi-transparentes, qui ne dif- fèrent du cristal de roche que comme les stalactites calcaires opaques diffèrent du spath transparent, et nous trouverons tous les degrés intermédiaires entre la pleine opacité et la parfaite transparence dans tous les extraits et dans tous les produits des décomposi- tions des matières terrestres, de quelque essence que puissent être les substances dont ces cristallisations ou concrétions tirent leur origine, et de quelque ma- nière qu'elles aient été formées, soit par exsudation ou par stillation. 1. Voyez dans le tome VI l'article de V Albâtre et celnJ de la Terre végétale. '2\'A MINERAUX. «8>>*»8-8««s»g»»gy»?»^»!»8'a»g»^^ ft»»»»»e'»e<»9<8'-i»9<»g»8'9ia«»a!a»ot-9<» DES CRISTALLISATIONS. Lorsque les matières vitreuses, calcaires, et liino- iieiises, sont réduites à l'homogénéité par leur disso- lution dans l'eau , les parties similaires se rapprochent par leur afEnité , et foraient un corps solide ordinai- rement transparent, lequel, en se solidifiant par le dessèchement, ressemble plus ou moins au cristal; et comme ces cristallisations prennent des formes an- guleuses et quelquefois assez régulières, tous les mi- néralogistes ont cru qu'il étoit nécessaire de désigner ces formes différentes par des dénominations géomé- triques et des mesures précises; ils en ont môme fait le caractère spécifique de chacune de ces substances. JNous croyons que, pour juger de la justesse de ces dénominations, il est nécessaire de considérer d'a- bord les solides les plus simples, afin de se former ensuite une idée claire de ceux dont la figure est plus composée. La manière la plus générale de concevoir la géné- ration de toutes les formes différentes des solides est de commencer par la figure plane la plus simple, qui est le triangle. En établissant donc une base triangu- laire équilatérale , et trois triangles pareils sur les trois cotés de cette base, on formera un tétraèdre régulier dont les quatre faces triangulaires sont égales; et en DES CRISTALLISATIONS. 24 3 allongeant et raccourcissant les trois triangles qui por- tent sur les trois côtés de cette base, on aura des té- traèdres aigus ou obtus, mais toujours à trois faces semblables sur une base ou quatrième face triangu- laire équilatérale; et si l'on rend cette base triangu- laire inégale par ses côtés, on aura tous les tétraèdres possibles, c'est-à-dire tous les solides à quatre faces, réguliers et irréguliers. En joignant ce tétraèdre base à base avec un autre tétraèdre semblable, on aura un hexaèdre à six faces triangulaires, et par conséquent tous les hexaèdres possibles à pointe triangulaire comme les tétraèdres. Maintenant, si nous établissons un carré pour base, et que nous élevions sur chaque face un triangle , nous aurons un pentaèdre, ou solide à cinq faces, en forme de pyramide , dont la base est carrée , et les quatre au- tres faces triangulaires : deux pentaèdres de cette es- pèce , joints base à base , forment un octaèdre régulier. Si la base n'est pas un carré, mais un losange, et qu'on élève de même des triangles sur les quatre cô- tés de cette base en losange , on aura aussi un pen- taèdre , mais dont les faces seront inclinées sur la base ; et en joignant base à base ces deux pentaèdres, l'on aura un octaèdre à faces triangulaires et obliques relativement à la base. Si la base est pentagone, et qu'on élève des trian- gles sur chacun des côtés de cette base, il en résul- tera une pyramide à cinq fixées à base pentagone , ce qui fait un hexaèdre qui, joint base à base avec un pareil hexaèdre, produit un décaèdre régulier dont les dix faces sont triangulaires; et selon que ces trian- gles seront plus ou moins allongés ou raccourcis, et BUFFON. VIII. l4 2l4 MINÉRAUX. selon aussi que la base pentagone sera composée de côtés plus ou moins inégaux, les pentaèdres et décaè- dres qui en résulteront seront plus ou moins réguliers. Si l'on prend une base hexagone , et qu'on élève sur les côtés de cette base six triangles, on formera un heptaèdre ou solide à sept faces , dont la base sera un hexagone, et les six autres faces formeront une pyramide plus ou moins allongée ou accourcie, selon que les triangles seront plus ou moins aigus; et en joi- gnant base à base ces deux heptaèdres, ils formeront un dodécaèdre , ou solide à douze faces triangulaires. En suivant ainsi toutes les figures polygones de sept, de huit, de neuf, etc. , côtés, et en établissant, sur ces côtés de la base, des triangles, et les joignant ensuite base contre base, on aura des solides dont le nombre des faces sera toujours double de celui des triangles élevés sur cette base; et, par ce progrès, on aura la suite entière de tous les solides possibles qui se terminent en pyramides simples ou doubles. Maintenant, si nous élevons trois parallélogrammes sur les trois côtés de la base triangulaire , et que nous supposions une pareille face triangulaire au dessus, nous aurons un pentaèdre composé d^ troi,s faces rec- tangulaires et de deux faces triangulaires. Et de même , si sur les côtés d'une base carrée nous établissons des carrés au lieu de triangles, et que nous supposions une base carrée au dessus égale et sembla- ble à celle du dessous, l'on aura un cube ou hexaè- dre à six faces carrées et égales ; et si la base est en losange on aura un hexaèdre rhomboïdal dont les qua- tre faces sont inclinées relativement à leurs bases. Et si l'on joint plusieurs cubes ensemble, et de même DES CRISTALLISATIONS. 2l5 plusieurs hexaèdres rhouiboïdaux par leurs bases, on formera des hexaèdres plus ou moins allongés, dont les quatre faces latérales seront plus ou moins longues, et les faces supérieure et inférieure toujours égales. De même , si l'on élève des carrés sur une base pentagone, et qu'on les couvre d'un pareil pentagane, on aura un heptaèdre dont les cinq faces latérales se- ront carrées, et les faces supérieure et inférieure pen- tagones; et si l'on allonge ou raccourcit les carrés, l'heptaèdre qui en résultera sera toujours composé de cinq faces rectangulaires plus ou moins liaules. Sur une base hexagone on fera de même un octaè- dre , c'est-à-dire un solide à huit faces , dont les faces supérieure et inférieure seront hexagones, et les six faces latérales seront des carrés ou des rectangles plus ou moins longs. On peut continuer cette génération de solides par des carrés posés sur les côtés d'une base, d'un nom- bre quelconque de côtés, soit sur des polygones régu- liers, soit sur des polygones irréguliers. Et ces deux générations de solides, tant par des triangles que par des carrés posés sur des bases d'une figure quelconque, donneront les formes de tous les solides possibles, réguliers et irréguliers; à l'exception de ceux dont la superficie n'est pas composée de faces planes et rectilignes, tels que les solides sphériques, elliptiques, et autres, dont la surface est convexe ou concave au lieu d'être anguleuse ou à faces planes. Or pour composer tous ces solides anguleux, de quelque figure qu'ils puissent être , il ne faut qu'une agrégation de lames triangulaires, puisque avec des triangles on peut faire le carré, le pentagone, i'hexa- '2l6 MINÉRAUX. gone, et toutes les figures rectilignes possibles; et l'on doit supposer que ces lames triangulaires, pre- miers éléments du solide cristallisé, sont très petites et presque infminlent minces. Les expériences nous démontrent que si l'on met sur l'eau des lames minces en formes d'aiguilles ou de triangles allongés , elles s'at- tirent et se joignent en faisant l'une contre l'autre des oscillations jusqu'à ce qu'elles se fixent et demeurent en repos au point du centre de gravité , qui est le môme que le centre d'attraction, en sorte que le se- cond triangle ne s'attachera pas à la base du premier, mais à un tiers de sa hauteur perpendiculaire, et ce point correspond à celui du centre de gravité; par conséquent tous les solides possibles peuvent être pro- duits par la simple agrégation des lames triangulaires, dirigées par la seule force de leur attraction mutuelle et respective dès qu'elles sont mises en liberté. Comme ce mécanisme est le même et s'exécute par la même loi entre toutes les matières homogènes qui se trouvent en liberté dans un fluide, on ne doit pas être étonné de voir des matières très différentes se cristalliser sous la même forme. On jugera de cette similitude de cristallisation dans des substances très différentes par la table suivante ^, qu'on pourroit sans 1. TABLE DE LA. FORMATION DES CRISTALLISATIONS. 1. Tétraèdre y^guLier, et qui forme un solide qui n'a que quatre fa- ces, toutes quatre triangulaires et équilatérales.. Spath calcaire. iMarcassite. Mine d'argent grise. 2. Tétraèdre irrégutier. Spath calcaire. Marcassite. Miue d'argent grise. 3. Tétraèdre dont les bords sont tronqués. IMarcassite. Miue d'argent grise. DES CRISTALLISATIONS. 217 doute étendre encore plus loin, mais qui suftit pour démontrer que la forme de cristallisation ne dépend 4. Tétraèdre dont les bords sont, de part et d'autre, en biseau. Marcassi'.e. Mine d'argent grise. 5. Tétraèdre dont les bords et les angles sont tronqués. Marcassite. Mine d'argent grise. 6. Prisme dont la base est en lo- sange, oa plutôt hexaédre-rhom- boïdal. Spath calcaire. Feld-spatlî ou spath étince- lant. Spath fusible. Grès cristallisé. Marcassite. Pyrite arsenicale. Galène. 7. Solide pyramidal à deux poin- tes , composées de deux faces tri- angulaires isocèles; ce qni forme deux pyramides à six faces jointes base à base. Cristal. 8. Prisme à six faces rectangles et barlongues , terminées par deux pyramides d six faces. Cristal de roche. Mine de plomb verte. c). Prisme d neuf pans inégaux ter- minés par deux pyramides à trois faces inégales. Schorl. Tourmaline. 10. Prisme octaèdre, à pans in-\ égaux, terminés par deux pyra- mides hexaèdres tronquées. Topaze de Saxe. 1 1 , Cube ou hexaèdre régulier. Spath fusible. Sel marin. Marcassite cubique. Galène tcssulaire. Mine de fer cubique. Mine d'argent vitreuse. Mine d'argent cornée. 12. Cube dont les angles sont un peu tronqués; ce qui fait un so- lide à quatorze faces, dont six octogones et huit triangulaires. Spath fusible. Sel marin^ Marcassite. Mine de fer. Galène. — Blende. Mine d'argent vitreuse. i5. Cube tronqué , dont les angles sont tronqués jusqu'à la moitié de la face, et qui a, comme le précédent, quatorze faces, dont six sont carrées et huit hexago- nes irréguliers , dans lesquels tl y a trois longues faces et trois courtes. Spath fusible violet. Marcassite. Galène. Mine de cobalt grise. 14. Cube dont les angles sont tota- lement tronqués; ce qui fait un solide à quatorze faces , dont six 2l8 MINÉRAUX. pas de l'essence de chaque matière , puisqu'on volt le spath calcaire, par exemple, se cristalliser sous la même forme que la marcassite , la mine d'argent grise , le feld-spath , le spath fusible, le grès , la pyrite arseni- cale , la galène , et qu'onvoit même le cristal de roche, dont la forme de cristallisation paroît être la moins commune et la plus constante, se cristalliser néan- moins sous la même forme que la mine de plomb verte. La figure des cristaux, ou, si l'on veut, la forme de carrées et huit triangulaires équi- iatérales. Spath fusible violet. Marcassite. Galène. Mine de cobalt grise. 5. Cube tronqué à vingt-six faces, dont six octogones, huit hexago- nes, et douze rectangles. Galène. 6. Octaèdre régulier, ou double tétraèdre, dont les huit côtés sont égaux. Diamant. Rubis spinelle. Marcassite. Fer octaèdre. Cuivre octaèdre. Galène octaèdre. Élain blanc. Argent. Or. 17. Octaèdre à pyramides égales tronquées au sommet , et qui fait deux pyramides à quatre faces, jointes base à base et tronquées par leur sommet. Topaze d'Orient. Spath fusible. Soufre natif. Marcassite. Galène tessulaire. Etain blanc. 18. Octaèdre dont les ancrles et les o bords sont tronqués, huit hexa- gones, six petits octogones, et douze rectangles. Galène tessulaire. 19. Octaèdre dont les six angles so- lides sont tronqués. Spath fusible. Alun. Galène, •io. Dodécaèdre dont les faces sont en losange. Grenat. 21. Pyramides doubles octaèdres, réunies par les bases tronquées, et terminées par quatre faces en losange. Grenat. 22. Solide à trente-six faces. Grenat. DES CRISTALLISATIONS. 219 cristalIisatioQ, n'indique donc ni la densité, ni Ja du- reté, ni la fusibilité, ni l'homogénéité, ni par consé- quent aucune des propriétés essentielles de la sub- stance des corps, dès que cette forme appartient également à des matières très différentes et qui n'ont rien autre chose de commun. Ainsi c'est gratuitement et sans réflexion qu'on a voulu faire de la forme de cristallisation un caractère spécifique et distinctif de chaque substance, puisque ce caractère est commun à plusieurs matières, et que môme, dans chaque sub- stance particulière, cette forme n'est pas constante. Tout le travail des cristaUograplies ne servira qu'à dé- montrer qu'il n'y a que de la variété partout où ils supposent de l'uniformité : leurs observations multi- pliées auroient dû les en convaincre, et les rappeler à cette métaphysique si simple qui nous démonîre que, dans la nature, il n'y a rien d'absolu, rien de parfaitement régulier. C'est par abstraction que nous avons formé les figures géométriques et régulières, et pai- conséquent nous ne devons pas les appliquer comme des propriétés réelles aux productions de la naturel dont l'essence peut être la même sous mille formes différentes. Nous verrons dans la suite qu'à l'exception des pierres précieuses, qui sont en très petit nombre, toutes les autres matières transparentes ne sont pas d'une seule et même essence, que leur substance n'est pas homogène, mais toujours composée de couches alternatives de différente densité, et que c'est par le plus ou le moins de force dans l'attraction de chacune de ces matières de différente densité que s'opère la cristallisation en angles plus ou moins obliques; en 220 MINERAUX. sorte qu'à commencer par le cristal de roche, les amé- thystes et les autres pierres vitreuses, jusqu'au spath appelé cristal d'Islande j et au gypse, toutes ces sta- lactites transparentes, vitreuses, calcaires, et gypseu- ses, sont composées de couches alternatives de diffé- rente densité ; ce qui, dans toutes ces pierres, produit le phénomène de la double réfraction , tandis que dans le diamant et les pierres précieuses, dont toutes les couches sont d'une égale densité, il n'y a qu'une simple réfraction. «■•■«^■e-iyt»»* ©<&f^9>5^e DES STALACTITES VITREUSES. Chaque matière peut fournir son extrait , soit en va- peurs, soit par exsudation ou stillation ; chaque masse solide peut donc produire des incrustations sur sa propre substance, ou des stalactites, qui d'abord sont attachées à sa surface et peuvent ensuite s'en séparer: il doit par conséquent se former autant de stalactites différentes qu'il y a de substances diverses; et comme nous avons divisé toutes les matières du globe en qua- tre grandes classes, nous suivrons la même division pour les extraits de ces matières , et nous présenterons d'abord les stalactites vitreuses, dont nous n'avons donné que de légères indications en traitant des verres primitifs et des substances produites par leur décom- position; nous exposerons ensuite les stalactites cal- DES STALACTITES VITREUSES. 221 caires, qui sont moins dures et moins nombreuses que _celles des matières vitreuses , et desquelles nous avons donné quelques notions en parlant de l'albâtre; nous offrirons en troisième ordre les stalactites de la terre limoneuse, dont les extraits nous paroissent tenir le premier raug dans la nature par leur dureté , leur den- sité , et leur homogénéité : après quoi nous rappelle- rons en abrégé ce que nous avons dit au sujet des stalactites métalliques, lesquelles ne sont pas des ex- traits du métal même , mais de ses détriments ou de ses minerais, et qui sont toujours mélangées de par- ties vitreuses, calcaires ou limoneuses; enfin nous jet- terons un coup d'œil sur les produits des volcans et des matières volcanisées, telles que les laves, les ba- saltes, etc. Mais , pour mettre de l'ordre dans les détails de ces divisions, et répandre plus de lumière sur chacun des objets qu'elles renferment, il faut considérer de nou- veau et de plus près les propriétés des matières sim- ples dont toutes les autres ne sont que des mélanges ou des compositions différemment combinées : par exemple, dans la classe des matières vitreuses, les cinq verres primitifs sont les substances les plus sim- ples ; et comme chacun de ces verres peut fournir son extrait, il faut d'abord les comparerpar leurs pro- priétés essentielles, qui ne peuvent manquer de se trouver dans leurs agrégats et même dans leurs ex- traits : ces mêmes propriétés nous serviront dès lors à reconnoître la nature de ces extraits, et à les distin- guer les uns des autres. La première des propriétés essentielles de toute matière est, sans contredit, la densité ; et si nous en 22 2 MINÉRAUX. comparons les rapports, on verra qu'elle ne laisse pas d'être sensiblement différente dans chacun des cinq verres primitifs : car La pesanteur spécifique du quartz est d'environ 26500, relativement au poids supposé 10000 de l'eau distillée ; La pesanteur spécifique des jaspes de couleur uni- forme est d'environ 27000; Celle du mica blanc est aussi d'environ 27000, et celle du mica noir est de 29000 ; Celle du feld-spath blanc , qui est un peu plus pe- sant que le rouge, est de 26466; Et enfin la pesanteur spécifique du schorl est la plus grande de toutes, car le schorl cristallisé pèse 55 ou 54000. En comparant ces rapports, on voit que le quartz et le feld-spath ont à peu près la môme densité , qu'en- suite les jaspes et les micas sont un peu plus denses et à peu près dans la même proportion relativement aux deux premiers, et que le schorl, qui est le der- nier des cinq verres primitifs, est le plus pesant de tous; la différence est même si considérable, que le mélange d'une petite quantité de schorl avec les autres yerres peut produire une assez forte augmentation de poids, qui doit se retrouver et se retrouve en effet dans les extraits ou stalactites des matières vitreuses mêlées de ce cinquième verre de nature. La seconde propriété essentielle à la matière solide est la dureté : elle est à peu près la même dans le quartz, le feld-spath, et le schorl; elle est un peu moindre dans le jaspe, et assez petite dans le mica, dont les parties n'ont que peu de cohésion, et dont les DES STALACTITES VITREUSES. '29.J concrétions ou les agrégats sont, pour la plupart, assez tendres et quelquefois friables. La troisième propriété, qu'on peut regarder comme essentielle à la substance de chacun des verres primi- tifs, est la plus ou moins grande fusibilité. Le scliorl et le feld-spath sont très fusibles; le mica et le jaspe ne le sont qu'aux feux les plus violents, et le quartz est le plus réfractaire de tous. Enfin une quatrième propriété, tout aussi essen- tielle qne les trois premières, est l'hoinogénéité, qui se marque par la simple réfraction dans les corps transparents. Le quartz et le feld-spath sont plus sim- ples que le jaspe et le mica, et le moins simple de tous est le schorl. Ces propriétés , et surtout la densité plus ou moins grande, la fusibilité plus ou moins facile , et la simple ou double réfraction , doivent se conserver en tout ou en partie dans les agrégats simples et les extraits trans- parents, et même se retrouver dans les décomposi- tions de toute matière primitive : aussi ces mêmes propriétés, tirées de la nature même de chaque sub- stance, nous fourniront des moyens qu'on n'a pas employés jusqu'ici , pour reconnoître l'essence de leurs extraits, en comparant ces extraits avec les matières primitives qui les ont produits. Les extraits qui transsudent des matières vitreuses sont plus ou moins purs, selon qu'elles sont elles- mêmes plus simples et plus homogènes; et en géné- ral ces extraits sont plus purs que la matière dont ils proviennent, parce qu'ils ne sont formés que de sa substance propre, dont ils nous présentent l'essence. Le spath n'est que de la pierre calcaire épurée; le 224 MINÉRAUX. cristal de roche n'est proprement et essentiellement que du quartz dissous par l'eau et cristallisé après son évaporation. Les substances pures produisent donc des extraits tout aussi purs; mais souvent d'une ma- tière qui paroît très impure il sort un extrait en sta- lactites transparentes et pures : dans ce cas, il se fait une sécrétion des parties similaires d'une seule sorte de matière, qui se rassemblent et présentent alors une substance qui paroît dififérente des matières im- pures dont elle sort; et c'est ce qui arrive dans les cailloux, les marbres, la terre limoneuse, et dans les matières volcaniques : comme elles sont elles-mêmes composées d'un grand nombre de substances diverses et mélangées , elles peuvent produire des stalactites très difîerentes, et qui proviennent de chaque sub- stance diverse contenue dans ces matières. On peut donc distinguer les extraits ou stalactites de toute matière par les rapports de densité, de fusi- bilité , d'homogénéité ; et l'on doit aussi comparer les degrés de dureté, de transparence ou d'opacité. Nous trouverons entre les termes extrêmes de ces proprié- tés les degrés et nuances intermédiaires que la nature nous oiTre en tout et partout ; car ces productions ne doivent jamais être regardées comme des ouvrages isolés : mais il faut les considérer comme des suites d'ouvrages dans lesquels on doit saisir les opérations successives de son travail, en partantet marchant avec ^lle du plus simple au plus composé. STAL. CRIST. DU QUARTZ, CRIST. DE ROCHE. 2,2J STALACTITES CRISTALLISÉES DU QUARTZ, CRISTAL DE ROCHE. Le cristal de roche paroît être l'extrait le plus sim- ple et la stalactite la plus transparente des matières vi- treuses. En le comparant avec le quartz, on reconnoît aisément qu'il est de la même essence ; tous deux ont la même densité ^ , et sont à peu près de la même dureté ; ils résistent également à l'action du feu et à celle des acides : ils ont donc les mêmes propriétés essentielles, quoique leur formation soit très diffé- rente ; car le quartz a tous les caractères du verre fondu par le feu , et le cristal présente évidemment ceux d'une stalactite du même verre atténué par les vapeurs humides ou par l'action de l'eau : ses molécu- les très ténues se trouvant en liberté dans le fluide qui les a dissoutes se rassemblent par leur affmité à mesure que l'humidité s'évapore; et comme elles sont 1. Le poids du quartz transparent est à celui de l'eau distillée comme 26546, et celui du cristal de roche d'Europe comme 26648, sont à 10000 : on peut donc assurer que leur densité est la même. Voyez, la Table des pesanteurs spécifiques que M. Brisson , savant physicien, de l'Académie des Sciences , s'est donné la peine de faire en pesant à la balance hydrostatique toutes les matières terreuses et métalliques. 2 26 MINÉRAUX. simples et similaires, leurs agrégats prennent de la transparence et une figure déterminée. La forme de cristallisation dans cet extrait du qiiartz paroît être non seulement régulière, mais plus con- stante que dans la plupart des autres substances cris- tallisées. Ces cristaux se présentent en prisme à six faces parallélogrammes, surmontées aux deux extré- mités par des pyramides à six faces triangulaires. Le cristal de roche, lorsqu'il se forme en toute liberté, prend cette figure prismatique surmontée aux deux extrémités par des pyramides; mais il faut pour cela (|ue le suc cristallin qui découle du quartz trouve un lit horizontal qui permette au prisme de s'étendre dans ce même sens, et aux deux pyramides de se former à l'une et à l'autre extrémité ^. Lorsqu'au contraire le suintement de l'extrait du quartz se fait verticalement ou obliquement contre les voûtes et les parois du quartz ou dans les fentes des rochers, le cristal, alors attaché par sa base, n'a de libre qu'une de ses extré- mités, qui prend toujours la forme de pyramide; et comme cette seconde position est infiniment plus fré- quente que la première, on ne trouve que rarement des cristaux à deux pointes, et très communément des cristaux en pyramide simple ou en prismes surmontés de cette seule pyramide , parce que la première pyra- mide ou le prisme , toujours attachés au rocher, n'ont pas permis à la seconde pyramide de se former à cette extrémité qui sert de base au cristal. i . On trouve de petits cristaux à deux pointes dans quelques cailloux creux : ils ne sont point attachés par leur base, comme les autres, à la surface intérieure du caillou; ils en sont séparés, et ou les entend même ballotter dans celte cavité en secouant le caillou. STAL. CniST. DL QUARTZ, CUIST. DE ROCHE. 227 On peut môme dire que la l'orme primitive du cris- tal de roche n'est réellement composée que des deux pyramides opposées par leur base, et que le prisme à six faces qui les sépare est plutôt accidentel qu'essen- tiel à cette forme de cristallisation; car il y a des cris- taux qui ne sont composés que de deux pyramides opposées et sans prisme intermédiaire , en sorte que le cristal n'est alors qu'un solide dodécaèdre : d'ail- leurs la hauteur des pyramides est constante , tandis que la longueur du prisme est très variable. Ce n'est pas qu'il n'y ait aussi beaucoup de variétés dans les faces des pyramides comme dans celles du prisme, et qu'elles ne soient plus étroites ou plus larges, et plus ou moins inclinées, suivant la dimension transversale de la base hexagone , qui paroît être la surface d'ap- pui sur laquelle se forment les pointes pyramidales. (]ette figuration irrégulière et déformée, cette inéga- lité entre l'étendue et l'inclinaison respective des faces du cristal, ne doit être attribuée qu'aux obsta- cles environnants qui souvent l'empêchent de se for- mer en toute liberté dans un espace assez étendu et assez libre pour qu'il y prenne sa forme naturelle. Les cristaux grands et petits sont ordinairement tous figurés de même , et rien ne démontre mieux que leur forme essentielle est celle d'une ou de\ix pyra- mides à six faces, que les aiguilles du cristal naissant dans les cailloux creux; elles sont d'abord si petites, qu'on ne les aperçoit qu'à la loupe; et dans cet état de primeur , elles n'offrent que leur pointe pyrami- dale, qui se conserve en grandissant toujours dans les mêmes proportions. Néanmoins l'accroissement de cette matière brute ne se fait que par juxtaposition et 2'2S MINÉRAUX. nonparintussusception, ou par nutrition comme dans les êtres organises : car la première pyramide n'est point un germe qui puisse se développer et s'étendre proportionnellement dans toutes ses dimensions ex- térieures et intérieures par la nutrition; c'est seule- ment une base figurée sur laquelle s'appliquent de tous côtés les parties similaires, sans en pénétrer ni développer la masse; et ces parties constituantes du cristal étant des lames presque infiniment minces et de figure triangulaire, leur agrégat conserve cette même figure triangulaire dans la portion pyramidale : or quatre de ces lames triangulaires, en s'unissant par la tranche, forment un carré, et six formeront un hexagone; ainsi la portion prismatique à six faces de la base de cristal est composée de lames triangulaires comme la partie pyramidale. Quoique la substance du cristal paroisse continue et assez semblable à celle du beau verre blanc , et quoiqu'on ne puisse distinguer à l'œil la forme de ses parties constituantes, il est néanmoins certain que le cristal est composé de petites lames qui sont à la vé- rité bien moins apparentes que dans d'autres pierres , mais qui nous sont également démontrées par le fil, c'est-à-dire par le sens dans lequel on doit attaquer les pierres pour les tailler : or le fil et le contre-fil se reconnoissent dans le cristal de roche , non seulement par la plus ou moins grande facilité de l'entamer, mais encore par la double réfraction qui s'exerce constam- ment dans le sens du fil, et qui n'a pas lieu dans le sens du contre-fil. Ce dernier sens est celui dans le- quel les lames forment continuité et ne peuvent se séparer, tandis que le premier sens est celui dans le- STAL. CRIST., DU QUARTZ, GRIST. DE ROCHE. 2^9 quel ces mêmes lames se séparent le plus facilement; elles sont donc réunies de si près dans le sens du contre-fil , qu'elles forment une substance homogène et continue, tandis que, dans le sens du fil, elles laissent entre elles un intervalle rempli d'une matière de densité différente qui produit la seconde réfraction. Et ce qui prouve que cet intervalle entre les lames n'est pas vide, et qu'il est rempli d'une substance un peu moins dense que celle des lames , c'est que les images produites par les deux réfractions ne diffèrent que peu par leur grandeur et leur intensité de cou- leurs. La longueur du spectre solaire est 19 dans la première réfraction, et 18 dans la seconde ; et il en est de même de la largeur de l'image, et il en est en- core de même de l'intensité des couleurs, qui se trou- vent affoiblies dans la môme proportion. Quelque pure que nous paroisse donc la substance du cristal, elle n'est pas absolument homogène ni d'égale densité dans toutes ses parties : la lumière , différemment réfractée , semble le démontrer, d'autant que nous verrons, en traitant des spaths calcaires, qu'ils ont non seulement une double, mais une triple, quadruple , etc. , réfrac- tion, selon qu'ils sont plus ou moins mélangés de sub- stances de densité différente. Un autre fait par lequel on peut encore prouver que le cristal est composé de deux matières de diffé- rente densité, c'est que ses surfaces polies avec le plus grand soin ne laissent pas de présenter des sillons, c'est-à-dire des éminences et des profondeurs alter- natives dans toute l'étendue de leur superficie : or la partie creuse de ces sillons est certainement com- posée d'une matière moins dure que la partie haute, BUFFON. VIII. l5 55o MINERAUX. puisqu'elle a moins résisté au frottement ^ ; il y a donc dans le cristal de roche alternativement des couches contigiiës de différente dureté, dont l'une a été moins usée que l'autre par le même frottement, puisqu 'al- ternativement les unes de ces couches sont plus élevées et les autres plus basses sur la même surface polie. Mais de quelle nature est cette matière moins dense et moins dure des tranches alternatives du cristal? Comme il n'est guère possible de la recueillir séparé- ment, l'un de nos savants académiciens , M. l'abbé de Piochon , m'a dit qu'ayant réduit du cristal de roche en poudre très fine par le seul frottement d'un mor- ceau de cristal contre un autre morceau, cette pou- dre s'est trouvée contenir une portion assez considé- rable de fer attirable à l'aimant. Ce fait m'a paru singulier, et demande au moins d'être confirmé et vérifié sur plusieurs cristaux; car il se pourroit que ceux qui se forment dans les cailloux et autres ma- tières où le quartz est mêlé avec des substances fer- rugineuses, ou même avec des matières vitreuses co- lorées par le fer, en continssent une petite quantité : mais je doute que les cristaux qui sortent du quartz pur en soient mêlés, ni même imprégnés, ou bien le quartz même contiendroit aussi une certaine quan- 1. M. l'abbé de Rochon a démontré cette inégalité de dureté dans les tranches du cristal de roclie, en mettant sur la surface polie de ce cristal un verre objectif d'un long foyer. Si la surface du cristal étoit parfaitement plane et sans sillons, les anneaux colorés produits par ce moyen seroienl réguliers, comme ils le sont quand ou met un ob- jectif sur un autre verre plan et |io]i : mais les anneaux colorés sont toujours irrégnliers sur le cristal le mieux poli , ce qui ne peut prove- nir que des inégalités de sa surface. STAL. CRIST. DU QUARTZ, CRIST. DE ROCHE. 201 tité de fer; ce que j'ai bien de la peine à croire, quoique la chose ne soit pas impossible, puisque le fer a été formé presque en même teiups que les verres primitifs, et qu'il s'est mêlé avec les jaspes, les feld-spaths, lesschorls, el même avec les quartz, dont quelques uns sont colorés de jaune ou de rougeâtre. Quoi qu'il en soit, la lumière, qui pénètre tous les corps transparents et en sort apiès avoir subi des ré- fractions et des dispersions, est l'inslrument le plus délié, le scalpel le plus fin par lequel nous puissions scruter l'intérieur des substances qui la reçoivent et la transmettent; et comme cet instrument ne s'appli- que point aux matières opaques, nous pouvons mieux juger de la composition intérieure des substances transparentes que de la texture confuse des matières opaques, où tout est mélangé, confondu, sans appa- rence d'ordre ni de régularité, soit dans la position , soit dans la figure de parties inlégrantes, qui sont souvent différentes ou diûéremment posées, sans qu'on puisse le reconnoître autrement que par leurs différents extraits lorsqu'ils prennent de la transpa- rence, c'est-à-dire de l'ordre dans la position de leurs parties similaires, et de l'homogénéité par leur réunion sans mélange. C'est dans les cavités et les fentes de tous les quartz purs ou mélangés que le cristal se forme, soit par l'exsudation de leur vapeur humide, soit par le suin- tement de l'eau qui les a pénétrés. Les granités, les quartz mixtes, les cailloux , et toutes les matières vi- treuses de seconde foimation , produisent des cris- taux de couleurs différentes : il y en a de rouges, de jaunes, et de bleus, auxquels on a donné les noms 202 M IN LU AUX. de rubis ^ de topaze _, et de saphir _, aussi improprement que l'on applique le nom de diamant aux cristaux blancs qui se trouvent à Alençon, à Bristol, et dans d'autres lieux où ces cristaux blancs ont été déposés après avoir été roulés et entraînés par les eaux. Les améthystes violettes et pourprées qu'on met au nom- bre des pierres précieuses ne sont néanmoins que des cristaux teints de ces belles couleurs ; on trouve les premiers en Auvergne, en Bohème, etc., et les se- conds en Catalogne. Les topazes dites occidentales _, et que l'on trouve en Bohême, en Suisse , et dans d'autres contrées de l'Europe, ne sont de même que des cristaux jaunes; l'hyacinthe dite de Compostetle est un cristal d'un jaune plus rougeâtre. Les pierres auxquelles on donne le nom à' aigues-marines occiden- taleSj, et qui se trouvent en plusieurs endroits de l'Europe, et même en France , ne sont de même que des cristaux teints d'un vert bleuâtre ou d'un bleu verdâtre. On rencontre aussi des cristaux verts en Dauphiné , et d'autres bruns et même noirs. Ces der- niers sont entièrement obscurs; et toutes ces cou- leurs proviennent des parties métalliques dont ces cristaux sont imprégnés, particulièrement de celles du fer contenu dans les granités et les quartz mixtes ou colorés dont ces stalactites quartzeuses tirent leur orii^ine. De tous les cristaux blancs, celui de Madagascar est le plus beau et le plus également transparent dans toutes ses parties; il est un peu plus dur que nos cris- taux d'Europe , dans lesquels néanmoins on remarque aussi quelque différence pour la dureté : mais nous ne connoissons ce très beau cristal de Madagascar STÂL. GRIST. DU QUARTZ, CRIST. DE ROCHE. 255 qu'en masses arrondies et de plusieurs pouces de dia- mètre ; celui qui nous est venu du même pays, et qui est en prisme à double pointe, n'est pas aussi beau, et ressemble plus à nos cristaux d'Europe , dans les- quels la transparence n'est pas aussi limpide, et qui souvent sont nuageux et présentent tous les degrés de la transparence plus ou moins nette dans les cris- taux blancs, jusqu'à la pleine opacité dans les cris- taux bruns et noirs. Lorsque l'on compare les petites aiguilles naissan- tes du cristal , qu'on aperçoit à peine dans les cailloux creux, avec les grosses quilles qui se forment dans les cavités des rochers quartzeux et graniteux'^, on ne peut s'empêcher d'admirer dans cette cristallisa- tion la constance et la régularité du travail de la na- ture, qui néanmoins n'agit ici qu'en opérant à la sur- face, c'est-à-dire dans deux dimensions. La plus grande quille ou aiguille de cristal est de la même forme que la plus petite : la réunion des lames pres- que infiniment minces dont il est composé se fai- sant par la même loi , la forme demeure toujours la même, si rien ne trouble l'arrangement de leur agré- gation. Cette méthode de travail est même la seule que la nature emploie pour augmenter le volume des corps bruts : c'est par juxtaposition , et en ajoutant , pour ainsi dire, surfaces à surfaces, qu'elle place les lames très minces dont est composée toute agréga- 1. M. Berlrand rapporle, dans son Dictionnaire universel des Fos- siles, qu'on a U'ouvé près de Yisbach , dans le haut Valais , à neuf ou dix lieues de Sion , une quille de cristal du poids de douze quintaux : elle avoit sept pieds de circoulerence et deux pieds et demi de hau- icur. 534 MINÉRAUX. tion régulière. Elle ne travaille donc que dans deux dimensions, au lieu que , dans le développement des êtres organisés , elle agit dans les trois dimensions à la fois, puisque le volume et la masse augmentent tous deux , et conservent la même forme et les mêmes proportions, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. L'ai- guille naissante d'un cristal ne peut grandir et grossir que par des additions superlicielles et par la superpo- sition de nouvelles lames minces, semblables à celles dont la première aiguille est composée, et qui s'ar- rangent dans le même ordre ; en sorte que cette petite aiguille réside dans la plus grosse sans avoir pris la moindre extension , tandis que le germe d'un corps organisé s'étend en tous sens par la nutrition, et prend de l'augmentation dans toutes ses dimensions et dans sa masse comme dans son volume. Il est certain que le cristal ne se forme que par Tintermède de l'eau, et l'on peut en donner des preuves évidentes. 11 y a des cristaux qui contiennent de l'eau; d'autres renferment du mica, du schori , des particules métalliques, etc. D'ailleurs le cristal se forme comme le spath calcaire et comme toutes les autres stalactites; il n'en diffère que par sa nature vitreuse et par sa figuration : il présente souvent des apparences de mousses et de végétations, dont la plu- part néanmoins ne sont pas des substances réelles, mais de simples fentes ou cavités vides de toute autre matière^; souvent on trouve des cristaux encroûtés, c'est-à-dire dont les surfaces sont chargées de matiè- res étrangères, et surtout de terre ferrugineuse : mais 1. Voyez le Mémoire lu par M. Daubenlou, de l'Académie desScieii' ces, en avril 1782. STAL. GRIST. DU QUARTZ, CRIST. DE ROCHE. '20^ initérieur de ces cristaux n'ea est point altéré, et il n'y a vraiment de cristal ferrugineux que celui qui est coloré, et dans lequel il est entré des vapeurs ou des molécules de fer lorsqu'il s'est formé. La grosseur du prisme ou canon de cristal est assez égale dans toute sa longueur; les dimensions sont beaucoup moins constantes dans les parties pyrami- dales, et l'on ne trouve que très rarement des cris- taux dont les faces triangulaires des pyramides soient égales ou proportionnelles entre elles : et cette gros- seur du prisme semble dépendre des dimensions de la base de la pyramide ; car la pointe sort du rocher la première, et la pyramide y est attachée par sa base, qui s'en éloigne ensuite à mesure que le prisme se forme et pousse la pointe au dehors. La densité du cristal de roche n'est pas, à beau- coup près, aussi grande que celle du diamant et des autres pierres précieuses. On peut voir, dans la note ci-après, les rapports de pesanteur des différents cris- taux que M. Brisson a soumis à l'épreuve de la balance hydrostatique. Cette pesanteur spécifique n'est pas sensiblement augmentée dans les cristaux colorés. Cette table ^ nous démontre aussi que les améthystes, 1. PIEDS CUBES. liT. un. H- g'- i85 1 1 2 64 i85 lO 7 21 i85 i5 5 1 i85 7 5 22 i85 12 4 53 i85 1 1 o i4 CRISTAUX ET QUARTZ, Cristal de roche do Madagas car , — de roche du Brésil ■ — de roche d'Europe — de roche irisé , — jaune ou topaze de Bohême. — roux brun , ou topaze enfu- mée , PESANTEUR. Pouces cubes. 2G55o 26626 2 6548 26497 26541 26554 54 54 55 53 55 54 236 MINÉRAUX. la topaze occidentale, la chrysolithe, et l'aigue-ma- rine, ne sont que des cristaux violets, jaunes, et ver- dâtres. M. Brisson donne ensuite la pesanteur respec- tive des diffél-ents quartz, et leurs poids spécifiques se trouvent encore être les mêmes que ceux des cris- taux de roche; en sorte qu'on ne peut douter que leur substance ne soit de la même essence. Toutes les matières cristallisées sont composées de petites lames presque infiniment minces, et qui se réunissent par la seule force de leur attraction réci- proque, dès qu'elles se trouvent en liberté ; et ces la- mes si minces, dont on ne doit considérer que la sur- face plane, peuvent avoir différentes figures, dont le triangle est la plus simple. i\I. Bourguet avoit observé avant nous que les prismes hexagones ainsi que les pyramides triangulaires du cristal de roche sont éga- lement composés de petites lames triangulaires qu'on peut apercevoir à la loupe à l'extrémité des pyrami- des, et qui, par leur réunion, forment les grands trian- gles pyramidaux, et même les hexagones prismatiques PIEDS CUBES. liv. on. i85 12 i85 11 i85 i85 i85 i85 i85 3 lO 5 i3 g- g"-. o i8 o 24 i85 11 7 26 i85 i5 6 52 CRISTAUX ET QUARTZ. Cristal noir — bleu , ou saphir d'eau. . . . — violet, ou améthyste. . . . — violet pourpré, ou améthyste de vigne ou de Gartha- gène — blanc violet, ou améthyste blanche Quartz cristallisé — laiteux — gras. , — IVagile. PESANTEUR. Pouces cubes. liv. on. g. gr. 2 6556 1 5 55 265x3 1 5 58 26555 1 5 55 265i3 26546 26519 2 6458 26404 1 5 56 54 53 54 52 5o STAL. CRIST. DU QUARTZ, CRIST. DE ROCHE. 20"^ du cristal ; car ces lames triangulaires ne se joignent jamais que par la tranche, et six de ces triangles ainsi réunis forment un hexagone^. Si l'on observe ces triangles au microscope , ils paroissent évidem- ment composés d'autres triangles plus petits, et l'on ne peut douter que les parties élémentaires du cristal ne soient des lames triangulaires fort petites, et dont la surface plane est néanmoins beaucoup plus étendue que celle de la tranche, qui est infiniment mince. Quelques naturalistes récents, et entre autres Lin- naeus et ses écoliers, ont avancé mal à propos que les cristaux pierreux doivent leur figure aux sels : nous ne nous arrêterons pas à réfuter des opinions si peu fondées. Cependant tous les physiciens instruits, et notamment le savant minéralogiste Cronstedt, avoient nié avec raison que les sels eussent aucune part à la formation non plus qu'à la figure de ces cristaux; il suffit, dit-il, qu'il y ait des corps métallique^ qui se cristallisent par la fusion , pour démontrer que la forme des cristaux n'est point dépendante des sels. Cela est très certain; les sels et les cristaux pierreux n'ont rien de commun que la faculté de se cristalli- ser, faculté plus que commune, puisqu'elle appartient à toute matière non seulement saline, mais pierreuse, ou même métallique, dès que ces matières sont ame- nées à l'état fluide, soit par l'eau, soit par le feu, parce que dans cet état de liquidité les parties simi- laires peuvent s'approcher et se réunir par la seule force de l'attraction , et former par leur agrégation des cristaux dont la forme dépend de la figure primi- 1. Voyez Tarliclc delà Crislallisation. 238 MIINÉRALX. live de leurs parties constituantes, et de l'arrange- ment que prennent entre elles ces lames minces en vertu de leur affinité mutuelle et réciproque. Le cristal de roche se trouve et croît en grosses quilles dans les cavités des rochers quartzeux et gra- niteux : ces cavités s'annoncent quelquefois à l'ex- térieur par des éminences ou boursouflures dont on reconnoît le vide en frappant le rocher; l'on juge par le son que l'intérieur en est creux. Il se trouve en Dauphiné plusieurs de ces rochers creux dont les cavités sont garnies de cristaux; on donne à ces cavités le nom de cristaUièreSj, lorsqu'el- les en contiennent une grande quantité. C'est toujours près du sommet des montagnes quartzeuses et grani- teuses que gisent ces grandes cristallières ou mines de cristal. Plusieurs naturalistes, et entre autres MM. Alt- man et Cappeller, ont décrit celles des montagnes de la Suisse : elles sont fréquentes dans le mont Grimsel , entre le canton de Berne et le Valais, dans le mont Saint-Gothard et autres montagnes voisines ; et c'est toujours dans les cavités du quartz ou dans les fentes des rochers quartzeux que se forme le cris- tal, et jamais dans les cavités ou fentes des rochers calcaires. Le cristal se produit aussi dans les pierres mixtes, comme on le voit dans presque tous les cail- loux creux, dont la substance est souvent mêlée de différentes matières vitreuses, métalliques, calcaires, et limoneuses : mais il faut toujours que le quartz y soit contenu en plus ou moins grande quantité; sans cela, le cristal ne pourroit se produire, puisque sa substance est un vrai quartz, sans mélange d'aucune autre matière, et que quand on y trouve des corps STAL. CRIST. DU QUARTZ, CPJST. DE ROCHi:. '2jg étrangers, ils n'y sont que renfermés, enveloppés par accident, et non intimement et réellement mêlés. M. Achard, très habile chimiste, de l'Académie de Berlin, ayant fait l'analyse chimique du rubis et d'au- tres pierres précieuses, et en ayant tiré de la terre alcaline, a pensé que le cristal de roche en contenoit aussi ; el , dans cette idée, il a imaginé un appareil très ingénieux pour former du cristal en faisant passer l'air fixe de la craie à travers du sable quarlzeux et des diaphragmes d'argile cuite. M. le prince Galitzin, qui aime les sciences et les cultive avec grand suc- cès, eut la bonté de m'envoyer, au mois de septem- bre 1777, iHi extrait de la lettre que lui avoit écrile M. Achard, avec le dessin de son appareil pour faire du cristal. M. Magellan, savant physicien, de la So- ciété royale de Londres, me fit voir, quelque temps après, un petit morceau de cristal qu'il me dit avoir été produit par l'appareil de M. Achard, et ensuite il présenta ce même cristal à l'Académie des Sciences. Les commissaires de cette compagnie firent exécuter l'appareil, et essayèrent de vérifier l'expérience de M. Achard; j'engageai M. le duc deChaulnes et d'au- tres habiles physiciens à prendre tout le temps et tous les soins nécessaires au succès de cette expérience, et néanmoins aucun n'a réussi : et j'avoue que je n'en fus pas surpris; car, d'après les procédés de M. Achard, il me paroît qu'on viendroit plutôt à bout de faire un rubis qu'un cristal de roche : j'en dirai les raisons lorsque je traiterai des pierres précieuses, dont la substance, la formation, et l'origine, sont, selon moi, très différentes de celles du cristal de roche. En atten- 2f\0 MINÉRAUX. dant, je ne puis qu'applaudir aux efforts de M. Achard , dont la théorie me paroît saine et peut s'appliquer à la cristallisation des pierres précieuses, mais leur sub- stance diffère de celle des cristaux , tant par la den- sité que par la dureté et l'homogénéité , et nous ver- rons que c'est de la terre limoneuse ou végétale, et non de la matière vitreuse, que le diamant et les pier- res précieuses tirent leur origine. Tout cristal, soit en petites aiguilles dans les cail- loux creux, soit en grosses et grandes quilles dans les cavités des rochers quartzeux, est donc également un extrait, une stalactite du quartz. Les cristaux plus ou moins arrondis que l'on trouve dans le sable des rivières ou dans les mines de seconde formation, et auxquels on donne les noms impropres de diamants de CornQuallles ou d'Alencon^ ne sont que des mor- ceaux de cristal de roche détachés des rochers et en- traînés par le mouvement des eaux courantes ; ils sont de la môme essence, de la même pesanteur spécifi- que, et de la même transparence; ils ont de même une double réfraction, et ne diffèrent du cristal des montagnes qu'en ce qu'ils ont été plus ou moins ar- rondis par les frottements qu'ils ont subis. 11 se trouve une grande quantité de ces cristaux arrondis dans les vallées des hautes montagnes et dans tous les torrents et les fleuves qui en découlent : ils ne perdent ni n'acquièrent rien par leur long séjour dans l'eau; l'intérieur de leur masse n'est point altéré : leur surface est seulement recouverte d'une enveloppe fer- rugineuse ou terreuse, qui n'est même pas fort adhé- rente; et lorsque cette croûte est enlevée, les cris^ STAL. CRIST. nu QUARTZ, CRIST. DE ROCHE. 2>^\t taux qu'elle recouvroit présentent le même poli et la même transparence que le cristal tiré de la roche où il se forme. Parmi les cristaux, même les plus purs et les plus solides, il s'en trouve qui contiennent de l'eau et des bulles d'air; preuve évidente qu'ils ont été formés par le suintement ou la stillation de l'eau. ïavernier dit avoir vu dans le cabinet du prince de Monaco un mor- ceau de cristal qui conlenoit prés d'un verre d'eau. Ce fait me paroît exagéré ou mal vu ; car les pierres qui renferment une grande quantité d'eau ne sont pas de vrais cristaux, mais des espèces de cailloux plus ou moins opaques. On connoît sous le nom à'enliydres ceux qui sont à demi transparents et qui contiennent beaucoup d'eau ; on en trouve souvent dans les ma- tières rejetées par les volcans : mais j'ai vu plusieurs cristaux de roche bien transparents, et régulièrement cristallisés, dans lesquelson apercevoit aisément une goutte d'eau surmontée d'une bulle d'air qui la ren- doit sensible par son mouvement, en s'élevant tou- jours au dessus de la goutte d'eau lorsqu'on changeoit la position verticale du morceau de cristal ; et non seulement il se trouve quelquefois des gouttes d'eau renfermées dans le cristal de roche , mais on en voit encore plus souvent dans les agates et autres pierres vitreuses qui n'ont qu'une demi transparence. M. Fou- geroux de Bondaroy, de l'Académie des Sciences, a trouvé de l'eau en quantité très sensible dans plusieurs agates qu'il a fait casser. Il est donc certain que les cristaux, les agates, et autres stalactites quartzeuses, ont tous été produits par l'intermède de l'eau. Comme les montagnes primitives du globe ne sont 2[\2 MINÉRAUX. composées que de quartz, de granité, et d'autres ma- tières vitreuses, on trouve partout, dans l'intérieur et au'pied de ces montagnes, du cristal de roche, soit en petits morceaux roulés , soit en prismes et en aio;uilles altachées aux rochers. Leshaules montaones d'Asie en sont aussi fournies que les Alpes d'Europe. Les voyageurs parlent du cristal de la Chine, dont on fait de beaux vases et des magols; des cristaux de Siam , de Camboye, des Moluques, et particuliéie- ment de cekii de Ceylan, où ils disent qu'il est fort commun. En Afrique, le pays de Congo tire son nom du cris- tal qui s'y trouve en très grande abondance ; il y en a aussi en quantité dans le pays de Galam : mais l'île de Madagascar est peut-être, de toute la contrée, la plus riche en cristaux; il yen a déplus et de moins trans- parents. Le premier est limpide comme l'eau, et se présente, pour ainsi dire, en masses dont nous avons vu des blocs arrondis de près d'un pied de diamètre en tous sens : cependant, quoiqu'il soit plus net et plus diaphane que le cristal d'Europe, il est un peu moins dense ^, et souvent il est plus mêlé de schorl et d'autres parties hétérogènes. Le second cristal de Madagascar ressemble à celui d'Europe. M. l'abbé de Ilochoh a rapporté de cette île une grosse et belle ai- guille à deux pointes de ce cristal : on peut la voir au Cabinet du Roi. Dans le nouveau continent, le cristal de roche est 1. Dans la Table de M. Biisson, la pesanteur spécifique du cristal de Madagascar est de 2653o, et celle du cristal d'Europe de 26648. relatlTcment à l'eau supposée 10000. Ainsi le cristal d'Europe est un peu plus dense que celui de Madagascar. STAL. CRIST. DU QUARTZ, CRIST. DE ROCHE. 2/j 5 tout aussi commun que dans l'ancien ; on en a trouvé à Saint-Domingue, en Virginie , au Mexique et au Pé- rou , où M. d'UUoa dit en avoir vu des morceaux fort grands et très nets ; ce savant naturaliste marque même sa surprise de ce qu'on ne Je recherche pas, et que c'est le hasard seul qui en fait quelquefois trouver de grosses masses. Enfin il y a du cristal dans les pays les pkis froids comme dans les climats tempérés et chauds; on a recueilli en Laponie et au Canada des cristaux roulés tout semblahles à ceux de Bristol, et l'on y a vu d'autres cristaux en aiguilles et en grosses quilles. Ainsi dans tous les pays du monde il se produit du cristal, soit dans les cavités des rochers quartzeux, soit dans les fentes perpendiculaires qui les divisent; et celui qui se présenle dans les cailloux creux et dans les pierres graniteuses provient aussi du quartz, qui fait partie de la substance de ces cailloux et pier- res mixtes. L'extrait le plus pur du quartz est donc le cristal blanc; et quoique les cristaux colorés en tirent éga- lement leur origine, ils n'en ont pas tiré leurs cou- leurs; elles leur sont accidentelles, et ils les ont em- pruntées des terres métalliques qui étoient interpo- sées dans la masse du quartz , ou qui se sont trouvées dans le lieu de la formation des cristaux : mais cela n'empêche pas qu'on ne doive mettre au nombre des extraits ou stalactites du quartz tous ces cristaux co- lorés; la quantité des molécules métalliques dont ils sont imprégnés, et qui leur ont donné des couleurs, ne faitque peu ou point d'augmentation à leur masse; car tous les cristaux, de quelque couleur qu'ils soient, ont à très peu près la môme densité que le cristal ^44 MINÉRAUX. blanc. Et comme les améthystes, la topaze de Bohême, lachrysolite, et Taigue-marine, ont la même densité, la même dureté , la même double réfraction, et qu'elles sont également résistantes à l'action du feu, on peut, sans hésiter, les regarder comme de vrais cristaux; et l'on ne doit pas les élever au rang des pierres pré- cieuses, qui n'ont qu'une simple réfraction, et dont la densité, la dureté, et l'origine, sont très différentes de celles des cristaux vitreux. ►*««4*8«««««*«*e-« AMETHYSTE. Toutes les améthystes ne sont que des cristaux de roche teints de violet ou de pourpre; elles ont la même densité^, la même dureté, la même double réfraction, que le cristal : elles sont aussi également réfractaires au feu. Les améthystes violettes sont les plus communes, et, dans la plupart, cette couleur n'a pas la même intensité partout; souvent même une partie de la pierre est violette , et le reste est blanc. Il semble que, dans la formation de ce cristal, la teinture métallique qui a coloré la pyramide ait man- qué pour teindre le prisme ; aussi cette teinture s'af- foiblit par nuance du violet au blanc dans le plus grand nombre de ces pierres : on le voit évidemment en tranchant horizontalement une table de cristaux 1. La pesanteur spécifique de l'améthyste est de 26555; celle du crisîal de roche d'Europe, de 26548; et celle du cristal de roche de Madagascar, de 265ao. AMÉTHYSTE. ^45 d'améthyste; toutes les pointes sont plus ou moins co- lorées, etlesbasessont souvent toutes blanches comme le cristal. On sait que le violet et le pourpre sont les couleurs intermédiaires entre le rouge et l'indigo ou bleu foncé ; le cristal de roche n'a donc pu devenir améthyste que quand le quartz qui l'a produit s'est trouvé imprégné de particules de cette même couleur violette ou pour- prée : mais comme il n'y a aucun métal, ni même au- cun minéral métallique, qui produise cette couleur par la voie humide, et que la inanganèse ne la donne au verre que par le moyen du feu, il faut avoir recours au mélange du rouge et du bleu pour la composition des améthystes; or ces deux couleurs du rouge et du bleu peuvent être fournies par le fer seul , ou par le fer mêlé de cuivre : ainsi les améthystes ne doivent se trouver que dans les quartz de seconde formation et qui sont voisins de ces mines métalliques en décom- position. On trouve en Auvergne, à quatre lieues au nord de Brioude, une minière d'améthystes violettes, dont M. Le Monnier, premier médecin ordinaire du roi, et l'un de nos savants naturalistes de l'Académie, a donné une bonne description. On trouve de semblables améthystes dans les mi- nes de Schemnitz en Hongrie; on en a rencontré en Sibérie, et jusqu'à Kamtschatka; il s'en trouve aussi en plusieurs autres régions, et particulièrement en Espa- gne; celles de Catalogne ont une couleur pourprée, et ce sont les plus estimées : mais aucune de ces pierres n'a la dureté, la densité, ni l'éclat des pierres précieuses; et toutes les améthystes perdent leur cou- BDFFON. VIII. 16 a/fO MINÉRAUX. leur violette ou pourprée lorsqu'on les expose à l'ac- tion du feu. Enfin elles présentent tous les caractères et toutes les propriétés du cristal de roche : Ton ne peut donc douter qu'elles ne soient de la même es- sence, et que leur substance, à la couleur près, ne soit absolument la même. Les anciens ont compté cinq espèces d'améthystes, qu'ils distinguoient par les différents tons ou degrés de couleurs : mais cette diversité ne consiste qu'en une suite de nuances qui rentrent les unes dans les autres ; ce qui ne peut établir entre ces pierres une différence essentielle. La distinction qu'en font les joailliers, en orientales et occidentales ^ ne me paroît pas bien fondée ; car aucune améthyste n'offre les ca- ractères des pierres précieuses orientales; savoir, la dureté, la densité, et la simple réfraction. Ce n'est pas qu'entre les vraies pierres précieuses il ne puisse s'en trouver quelques unes de couleur violette ou pourprée ; et même quelques amateurs se flattent d'en posséder , et leur donnent le nom d'améthyste orientale. Ces pierres sont au moins très rares, et nous ne les regardons pas comme des améthystes, mais comme des rubis dont en effet quelques uns semblent offrir des teintes d'un rouge mêlé de pourpre. CRISTAUX-TOPAZES. On a mal à propos donné le nom de topazes à ces pierres qui se trouvent en Bohême, en Auvergne, et CRISTAUX-TOPAZES. 247 dans plusieurs autres provinces de TEuropc, et qui ne sont que des cristaux de roche colorés d un jaune plus ou moins foncé et souvent enfumé. Comme leur forme de cristallisation, leur dureté, leur densité, sont les mêmes que celles du cristal, et qu'elles ont aussi une double réfraction, il n'est pas douteux que ces sortes de topaze ne soient, ainsi que les amé- thystes, des cristaux colorés. Ces cristaux- topazes n'ont de rapport que par le nom et la couleur avec la vraie topaze , qui est une pierre précieuse et rare qu'on ne trouve que dans les climats chauds des ré- gions méridionales, au lieu que ces cristaux-topazes ont peu de prix, et se trouvent aussi communément dans les contrées du nord que dans celles du midi ; et quoiqu'on donne l'épithéte d'occidentale h. la topaze de Saxe et à celle du Brésil, comme elles sont d'une pesanteur spécifique bien plus grande que celle des cristaux colorés, et presque égale à la densité du dia- mant, leur cristallisation étant d'ailleurs toute diffé- rente de celle des cristaux de roche , on doit les re- garder comme des pierres qui, quoique inférieures à la topaze orientale, sont néanmoins supérieures à nos cristaux-topazes par toutes leurs propriétés essen- tielles. Ces cristaux-topazes se trouvent en Bohême, en Misnie, en Auvergne, et se rencontrent aussi dans presque tous les lieux du monde où le cristal de ro- che est voisin des mines de fer; l'on a souvent ob- servé que la partie par laquelle ils sont attachés au rocher quartzeux qui les produit est environnée d'une croûte ferrugineuse plus ou moins jaune. Ainsi cette teinture provient de la dissolution du fer, et non de 2/|8 MINÉRAUX. celle du plomb, comme le dit M. Dutens, puisque le plomb ne peut donner la couleur jaune aux matiè- res vitreuses que lorsqu'elles sont fondues par le feu; et l'on objecteroit vainement que le spath fluor qui accompagne souvent les filons des galènes de plomb est teint en jaune, comme les cristaux-topazes; car cela prouve seulement que ce spath fluor a été coloré par le plomb lorsqu'il étoit en état de chaux ou de calcination par le feu primitif. La pesanteur spécifique des cristaux -topazes est précisément la même que celle du cristal déroche^ : ainsi la petite quantité de fer qui leur a donné de la couleur n'a point augmenté sensiblement leur den- sité ; ils ont aussi à pçu près le même degré de du- reté , et ne prennent guère plus d'éclat que le cristal de roche : leur couleur jaune n'est pas nette, elle est souvent mêlée de brun; et lorsqu'on les fait chaufifer, ils perdent leur couleur et deviennent blancs comme le cristal. On ne peut donc pas douter que ces pré- tendues topazes ne soient de vrais cristaux de roche, oolorés de jaune par le fer en dissolution qui s'est mêlé à l'extrait du quartz lorsque ces cristaux se sont formés. 1. La pesanteur spéciOque de la topaze de Bohême est de 2654 1, et celle du cristal de roche d'Europe de 26648. (Table de M. Brisson. ) CURYSOmilE. * ^^49 GHRYSOLITHE. Les pierres auxquelles on donne aujourd'hui le nom de clirysoiitlie ne sont que des cristaux-topazes dont le jaune est mêlé dun peu de vert ; leur pesanteur spécifique est à peu près la même ^; elles résistent également à l'action du feu , et leur forme de cristal- lisation n'est pas fort différente. M. le docteur De- meste a raison de dire qu'il y a très peu de différence entre cette pierre chrysolithe et la topaze de Bohême; elle n'en diffère en effet que par la nuance de vert qui teint foiblement le jaune sans l'effacer 2. C'est par le plus ou moins de vert répandu dans le jaune qu'on peut distinguer au premier coup d'œil la chrysolithe du péridot, dans lequel au contraire la couleur verte domine au point d'effacer le jaune presque entière- ment : mais nous verrons que le péridot diffère en- core de notre chrysolithe par des caractères bien plus essentiels que ceux de la couleur. La chysolithe des anciens étoit la pierre précieuse 1. La pesanteur spécifique de la chrysolithe du Brésil est de 26923, et celle du cristal de roche de 26648. M. Brisson donne aussi 27821 pour pesanteur spécifique d'une autre chrysolithe, sans indiquer le lieu où elle se trouve ; mais celte différence de densité n'est pas assez considérable pour faire rejeter cette chrysolithe du nombre des cris- taux colorés. 2. Robert de Berquen définit très bien la chrysolithe en disant que sa couleur est un \ert naissant tirant sur le jaune , ou un vert jaune brillant d'un lustre doré. sSo MINÉRAUX. que nous nommons aujourd'hui topaze orientale ^ et à laquelle le nom de chrysolithe ou pierre d'or convenoit en effet beaucoup *. « La chrysolithe dans sa beauté , dit Pline, fait pâlir l'or lui-même : aussi a-t-on cou- tume de la monter en transparent, et sans la dou- bler d'une feuille brillante qui n'auroit rien à ajouter à son éclat. » L'Ethiopie et l'Inde, c'est-à-dire en gé- néral l'Orient, fournissoient ces pierres précieuses aux Romains; et leur luxe, encore plus somptueux que le nôtre, leur faisoit rechercher toutes les pierres qui avoient de l'éclat. Ils distinguoient dans les chry- solithes plusieurs variétés : la clirysélectre^ à laquelle, dit Pline, il falloit la lumière claire du matin pour briller dans tout son éclat; la leucoc/iryse_, d'un jaune blanc brillant; la inéléchrise_, qui, suivant la force du mot, avec un éclat doré, offre la teinte rougeâtre du miel. Toutes ces belles pierres sont, comme l'on voit, très différentes de notre chrysolithe moderne, qui n'est qu'un cristal de roche coloré de jaune verdâtre. Les chrysolithes que l'on a trouvées dans les ter- rains volcanisés sont de la même nature que les chry- solithes ordinaires; on en rencontre assez souvent dans les laves et dans certains basaltes. Elles se pré- sentent ordinairement en grains irréguliers ou en pe- tits fragments qui ont la couleur, la dureté et les au- tres caractères de la véritable chrysolithe : nous en ferons la comparaison lorsque nous parlerons des ma^ tières rejetées par les volcans. 1. Crusos lithos. x\IGllE-MAUI_NE. â5 t3«>e«9'&9a«s>««« 4 AIGUE-MARINE. Les aigues-marines ne sont encore que des cristaux quartzeux teints de bleuâtre ou de verdâtre : ces deux couleurs sont toujours mêlées, et à différentes doses, dans ces pierres, en sorte que le vert domine sur le bleu dans les unes, et le bleu sur le vert dans les autres. Leur densité ^ et leur dureté sont les mêmes que celles des améthystes, des cristaux- topazes et des chrysolithes, qui toutes ne sont guère plus dures que le cristal de roche; elles résistent également à l'action du feu. Ces trois caractères essentiels suffisent pour qu'on soit bien fondé à mettre l'aigue-marine au nombre des cristaux colorés. La ressemblance de couleur a fait penser que le béryl des anciens étoit notre aigue-marine : mais ce béryl, auquel les lapidaires donnent la dénomination à! aigue-marine orientale^ est une pierre dont la den- sité est égale à celle du diamant ; et dès lors on ne peut la confondre avec notre aigue-marine, ni la pla- cer avec les cristaux quartzeux. On trouve les aigues-marines dans plusieurs con- trées de l'Europe, et particulièrement en Allemagne; elles n'ont ni la densité , ni la dureté , ni l'éclat du béryl et des autres pierres qui ne se trouvent que dans les climats méridionaux ; et ce qui prouve en- 1. Cristal d'Europe, 26548; aigue-marine, '27229; clirysolilhe , 27821; chrysolilhe du Brésil, 26920. Voyez la Table de M. Brisson, 2D2 3riNERAUX. core que nos aigues-marines ne sont que des cristaux de roche teints, c'est quelles se présentent quelque- fois en morceaux assez grands pour en faire des vases. Au reste, il se trouve entre l'aigue-marine et le bé- ryl la même différence en pesanteur spécifique ^ qu'en- tre les cristaux-topazes et la topaze du Brésil, ce qui seul suffit pour démontrer que ce sont deux pierres d'essence différente , et nous verrons que le béryl provient du schorl, tandis que l'aigue-marine est un cristal quartzeux. »»»8a»»»»»»»a.ft»»»»»se STALACTITES CRISTALLISEES DU FELD-SPATH. Le feld-spath, dont la densité et la dureté sont à peu près les mêmes que celles du quartz, en diffère néanmoins par des caractères essentiels, la fusibilité et la figuration en cristaux ; et cette cristallisation primitive du feld-spath, ayant été produite par le feu, a précédé celle de tous les cristaux quartzeux, qui ne s'opère que par l'intermède de l'eau. Je dis que la cristallisation du feld-spath a été pro- duite par le feu primitif; et, pour le démontrer, nous pourrions rappeler ici toutes les preuves sur lesquel- les nous avons établi que les granités, dont le feld- spath l'ait toujours partie constituante, appartiennent 1 . La pesanteur spécifique du béryl ou aiguc-marine orientale est de 35489, et celle de l'aigue-marine occidentale n'est que de 27229. STALACTITES CiaSTALUSÉES DU FELD-SPATII. 2b. ^ au temps de rincandescence du globe, puisque ces mêmes granités, ainsi que les verres primitifs dont ils sont composés, ne portent aucune empreinte ni ves- tige de l'impression de l'eau, et que même ils ne con- tiennent pas l'air fixe qui se dégage de toutes les sub- stances postérieurement formées par l'intermède de l'eau, c'est-à-dire de toutes les matières calcaires. On doit donc rapporter la cristallisation du feld-spatli dans les granités à cette époque où le feu, et le feu seul, pénétroit et travailloit le globe avant que les élé- ments de l'air et de l'eau volatilisés, et encore relé- gués loin de sa surface, n'eussent pu s'y établir. Il en est de même du schôrl , dont la cristallisation primitive a été opérée par le même feu, puisqu'en prenant les schoris en général, il en existe autant et plus en forme cristallisée dans les granités que dans les masses secondaires qui en tiji-ent leur origine. On reconnoît aisément le feld-spatli et les matières qui en proviennent, au jeu de la lumière qu'elles ré- fléchissent en chatoyant, et nous verrons que les extraits de ce verre primitif sont en assez grand nom- bre; mais ils ne se présentent nulle part en aussi gros volume que les cristaux quartzeux. Les extraits ou stalactites du feld-spath sont toujours en assez petits morceaux isolés, parce qu'il ne se trouve lui-même que très rarement en masses un peu considérables. Dans cette recherche sur l'origine et la formation deis pierres transparentes, je fais donc entrer les ca- ractères de la densité, duî-eté, homogénéité, et fusi- bilité, que je regarde comme essentiels et très distinc- tifs, sans rejeter celui de la forme de cristallisation quoique plus équivoque : mais on ne doit regarder la 254 MINÉRAUX. couleur que comme une apparence accidentelle qui n'influe point du tout sur l'essence de ces pierres, la quantité de la matière métallique qui les colore étant presque infiniment petite, puisque les cristaux teints de violet, de pourpre, de jaune, de vert, ou du mé- lange de ces couleurs, ne pèsent pas plus que le cris- tal blanc ; et que les diamants couleur de rose, ou jaunes, ou verts, sont aussi de la même densité que les diamants blancs. Et comme nous ne traitons ici que des stalactites transparentes, et que nous venons de présenter celles du quartz, nous continuerons cette exposition par les stalactites du feld-spath, et ensuite par celles du schorl. Ces trois verres primitifs produisent des sta- lactites transparentes ; les deux autres, savoir le jaspe et le mica, ne donnent guère que des concrétions opaques, ou tout au plus à demi transparentes, dont nous traiterons après celles du quartz, du feld-spath, et du schorl. SAPHIR D'EAU. Le saphir d'eau est une pierre transparente légère- ment chatoyante , et teinte d'un bleu pâle ; sa den- sité approche de celle du feld-spath et du cristal' de roche ^ : il a souvent des glaces et reflets blancs , et i. La pesanteur spécifique du saphir d'eau est de 258i3; celle du cristal de roche est de 26648; la pesanteur spécifique du feld-spath blanc est de 264G6, et celle du feld-spath rougeâtre est de 24578 : en SAPHIK D EAU. 25d souvent aussi la couleur bleue manque tout à coup ou s'affoiblit par nuances, comme la couleur violette se perd et s'affoiblit dans l'améthyste. Il paroît seu- lement, par la différence de la pesanteur spécifique qui se trouve entre ces deux pierres^, que le saphir d'eau n'est pas tout-à-fait aussi dense que l'améthyste et le cristal de roche , et qu'il l'est plus que le feld- spath en cristaux rougeâtres. Je suis donc porté à croire qu'il est de la même essence que le feld-spath, ou du moins que les parties quartzeuses dont il est composé sont mélangées de feld-spath. On pourra confirmer ou faire tomber cette conjecture, en éprou- vant au feu la fusibilité du saphir d'eau ; car s'il ré- siste moins que le cristal de roche ou le quartz à l'ac- tion d'un feu violent, on prononcera, sans hésiter, qu'il est mêlé de feld-spath. Au reste, on ne doit pas confondre ce saphir d'eau, qui n'est qu'une pierre vitreuse foiblement colorée de bleu, avec le vrai saphir ou saphir d'Orient, qui ne diffère par moins de celui-ci par l'intensité, la beauté, et le brillant de sa couleur, que par sa densité, sa du- reté, et par tous les autres caractères de nature qui le mettent au rang des vraies pierres précieuses. sorte que la pesanteur spécifique du saphir d'eau étant de 268 13, elle fait le terme moyen entre celle de ces deux feld-spalhs ; et c'est ce qui me fait présumer que la substance du saphir d'eau est plutôt composée de feld-spath que de quartz. 1. La pesanteur spécifique du saphir d'eau est de 258i3 , et celle de l'améthyste de 26535. 206 MINÉRAUX. ^â>»««>e FELD-SPATH DE RUSSIE. Cette substance vitreuse assez récemment connue, et jusqu'ici dénommée pierre de Labrador'^, parce que les premiers échantillons en ont été ramassés sur cette terre sauvage du nord de l'Amérique, doit à plus juste titre prendre sa dénomination de la Russie, où l'on vient de trouver, non loin de Pétersbourg, ce feld-spath en grande quantité. L'auguste impératrice des Russies a daigné elle-même me le faire savoir, et c'est avec empressement que je saisis cette légère oc- casion de présenter à cette grande souveraine l'hom- mage universel que les sciences doivent à son génie qui les éclaire autant que sa faveur les protège, et l'hommage particulier que je mets à ses pieds pour les hautes bontés dont elle m'honore. Ce beau feld-spath s'est trouvé produit et répandu dans des blocs de rocher que l'on a attaqués pour pa- ver la route de Pétersbourg à Péterauf. La masse de cette roche est une concrétion vitreuse dans laquelle le schorl domine, et où l'on voit le feld-spath formé ien petites tables obliquement inclinées, ou en rhom- bes cristallisés d'une manière plus ou moins distincte. On le reconnoît au jeu de ses couleurs chatoyantes, 1. Feld-spath à couleurs changeantes, connu sous le nom de pierre de Labrador. On le trouve en effet en morceaux roulés, quelquefois chargés de glands de mer, sur les côtes de cette contrée septentrionale de rAmériquc. FELD-SPATH DE RUSSIE. 267 dont les reflets bleus et verts deviennent plus vifs et sont très agréables à l'œil, lorsque cette pierre est taillée et polie. Elle a plus de densité que le feld-spath blanc ou rouge ^ : ce feld-spath vert a donc pris ce surplus de densité par le mélange du schorl , et pro- bablement du schorl vert, qui est le plus pesant de tous les schorls ^, Au reste, cette belle pierre chatoyante, qui étoit très rare, le deviendra moins d'après la découverte que l'on vient d'en faire en Russie ; et peut-être est- elle la même que ce feld-spath verdâtre dont parle Wallerius, et qu'il dit se trouver dans les mines d'or de Hongrie et dans quelques endroits de la Suède. *M. Pallas confirme par de très bonnes observa- tions ce que j'ai dit au sujet du feld-spath, qui se trouve presque toujours incorporé dans les granités, et très rarement isolé. Il ajoute que ces feld-spaths isolés se rencontrent dans les filons de certaines mi- nes, et que ce n'est presque qu'en Suède et en Saxe qu'on en a des exemples. «Le feld-spath, qui est la même chose que le pé- tun-sé j àonl on se sert pour faire la porcelaine, est, dit ce savant naturaliste, ordinairement d'une couleur plus ou moins grise dans les granités communs : mais il s'en trouve quelquefois en Finlande du rouge ou rougeâtre dans un granité, qui dès lors est égal en beauté au granité rouge antique. Lorsque le feld- 1. La pesanteur spécifique du feld-spath de Russie, ou pierre de Labrador, est de 26926 ; celle du feldspath blanc , de 24378 ; et celle du feld-spath en cristaux rouges, de 26466. (Table de M. Brisson. ) 2. La pesanteur spécifique du schorl olivâtre ou vert est de 35419. ( Même Table. ) 258 MINÉRAUX. spath se trouve mêlé , comme c'est le plus ordinaire , dans nos granités avec le quartz et le mica, on le voit quelquefois former des masses de plusieurs pouces cubes ; mais plus souvent il n'est qu'en grains, et re- présente fréquemment de vrais granitelles. C'est une espèce de granitelle, coupée de grosses veines de quartz demi-transparent, qui fournit, aux environs de Catherinebourg, la pierre connue sous le nom d'alliance j dont on ne connoît presque pas d'autres exemples. » Il est très rare dans l'empire de Russie de trouver de ces granités simples, c'est-à-dire uniquement com- posés de quartz et de feld-spatli ; il est encore plus rare de trouver des roches presque purement compo- sées de feld-spathen cristallisations plus ou moins con- fuses : cependant je connois un exemple d'un tel gra- nité sur le Selingha, près de la ville de Selinghinsk, où il y a des montagnes en partie purement composées de feld-spath gris, qui se décompose en gravier et en sable. » Un second exemple d'une roche de feld-spath presque pure est cette pierre chatoyante, analogue à la pierre de Labrador, qu'on a découverte aux environs de Pétersbourg. La couleur obscure, le chatoiement et la pâte de cette pierre la rendent si semblable à celle que les frères Moraves ont découverte sur la côte des Eskimaux, et débitée sous le nom de Labrador j, qu'à l'aspect des premiers échantillons que j'en vis, je fus tenté de les déclarer étrangères et véritables pierres de Labrador : mais, par une comparaison plus attentive, l'on trouve bientôt que le feld-spath cha- toyant de Russie est , FELD-SPATH DE RUSSIE. sSq » r Plus dur, moins facile à entamer par la lime, et à se diviser en éclats ; » 2° Qu'il montre constamment une cristallisation plus ou moins confuse, en petits losanges ou paralléli- pipèdes allongés , qui n'ont ordinairement que quel- ques lignes d'épaisseur, tandis que la pierre de Labra- dor offre quelquefois des cristaux de plusieurs pouces , et par cette raison des plans chatoyants d'une plus grande étendue ; » 5" Que le feld-spath de Russie se trouve en blocs considérables, qui semblent avoir été détachés des ro- chers entiers , tandis qu'on n'a trouvé la pierre de La- brador qu'en cailloux roulés, depuis la grosseur d'une noisette jusqu'à celle d'un petit melon, qui semblent avoir appartenu à un filon , et offrent souvent des tra- ces de mines de fer. » Les blocs de feld-spath qui ont été trouvés entre Pétersbourg et Péterauf ne sont certainement pas là dans leur sol natal, mais ont été charriés de loin, et déposés par quelque inondation violente, aussi bien que ces innombrables blocs de granités et d'autres ro- ches qu'on trouve semés sur les plaines de la Fin- lande, et jusqu'aux montagnes de Yaldaï — Je crois qu'il faudra chercher la véritable patrie de cette pierre chatoyante parmi les montagnes granitiques qui bor- dent la mer Blanche depuis Soroka jusqu'à Umba. » La couleur obscure et la qualité chatoyante du feld-spath en question me semblent dépendre d'un même principe colorant, et ce principe est le fer, dont les dissolutions par l'acide aérien, si générale- ment répandues dans la nature , produisent, par diffé- rentes modifications î les plus vives couleurs dans les s6o MINÉRAUX. fêlures les moins perceptibles des minéraux et des pierres qu'elles pénètrent. Le feld-spath étant d'une texture lamelleuse, doit admettre entre ses feuillets ces solutions colorantes, et produire des reflets, lors- que, par une coupe un peu oblique, les bords, quoi- que peu transparents, des lames colorées se présen- tent à la lumière. C'est en conséquence de cela que les couleurs de la pierre chatoyante brillent ordinai- rement par lignes ou raies qui répondent aux lames ou feuillets de la pierre ; et des raies obscures dans un sens deviennent brillantes dans une autre exposition , et quelquefois présentent une couleur différente par des reflets changés. » ŒIL-DE-GHAT. Les pierres auxquelles on a donné ce nom sont toutes chatoyantes, et varient non seulement par le jeu de la lumière et par les couleurs, mais aussi par le dessin plus ou moins réguher des cercles ou an- neaux qu'elles présentent. Les plus belles sont celles qui ont des teintes d'un jaune vif ou mordoré avec des cercles bien distincts ; elles sont très rares et fort estimées des Orientaux : celles qui n'ont point de cercles et qui sont grises ou brunes n'ont que peu d'é- clat et de valeur; on trouve celles-ci en Egypte, en Arabie, etc., et les premières à Ceylan. Pline paroît désigner le plus bel œil-de-chat sous le nom de leu- eophtalmoSj, «lequel, dit-il, avec la figure du globe OEIL-DE-CHAT. 261 blanc et de la prunelle noire d'un" œil , brille d'ail- leurs d'une lumière enflanniiée. » Et dans une autre notice, où cette môme pierre est également recon- noissable , il nous a conservé quelques traces de la grande estime qu'on en faisoit en Orient dès la plus haule antiquité. «Les Assyriens lui donnoient, dit-il, le beau nom d'œil de Bekis^ et l'avoient consacrée à ce dieu. » Toutes ces pierres sont chatoyantes, et ont à très peu près la même densité que le feld-spath^, auquel on doit par conséquent les rapporter par ces deux ca- ractères; mais il y a une autre pierre, à laquelle on a donné le nom d' œil- de ~ chat noir ou noirâtre^ dont la densité est bien plus grande, et que par cette rai- son nous rapporterons au schorb OEIL-DE-POISSON. Il me paroît que l'on doit encore regarder comme un produit du feld-spath la pierre chatoyante à la- quelle on a donné le nom à' œil- de- poisson j, parce qu'elle est à peu près de la môme pesanteur spéci- fique que ce verre primitif^. 1. Ija pesanteur spéciGque du feldspath blauc est de 26466; celle de l'œil-de-chat mordoré est de, 26667; de l'œil-de-chat jaune , 26570 , et de l'œildecliat gris, 25675. 2. La pesanteur spécifique de la pierre œil-dc-poisson est de 26782 ; ce qui est à peu près le terme moyen entre la pesanteur spécifique 26466 du feld-spath blanc, et 24578 pesanteur spécifique du feld- spath rougcàtre. liUFfOA. TllI. 17 262 MINERAUX. Dans cette pierre œil-de-poisson ^ la lumière est blan- che et roule d'une manière uniforme ; le reflet en est d'un blanc éclatant et vif lorsqu'elle est taillée en forme arrondie, et polie avec soin. « La plupart des pierres chatoyantes , dit très bien M. Demeste , ne sont cjue des feld-spalhs d'un tissu extrêmement fin , que l'on taille en goutte de suif ou en cabochon _, pour don- ner à la pierre tout le jeu dont elle est susceptible. » Cette pierre œi(-de-poisso?ij quoique assez rare , n'est pas d'un grand prix , parce qu'elle n'a que peu de du- reté, et qu'elle est sans couleur. Elle paroit laiteuse et bleuâtre lorsqu'on la regarde obliquement; mais au reflet direct de la lumière, elle est d'un blanc écla- tant et très intense. A ce caractère, et en se fondant sur le sens étymologique , il me paroît que l'on pour- roit prendre Vargyrodamas de Pline pour notre œil- de-poisson ; car il n'est aucune pierre qui Joigne à un beau blanc d'argent plus d'éclat et de reflet, et qui par conséquent puisse à plus juste titre , quoique toujours improprement , recevoir le nom de diamant d'argent : et cela étant, la pierre gallaïgue du même naturaliste seroit une variété de notre pierre œit-de- poisson^ puisqu'il la rapporte lui-même à son argiro-^ damas. Au reste, cette pierre œil-de-poisson est ainsi noïnmée parce qu'elle ressemble par sa couleur au cristallin de l'œil d'un poisson. 9't><04^.»i«-»"»^>a4«.9«9«4$« )-»o<»0'eo'0q'»y fl»e■e^»0'C'^»?'C'e'9'&a'^8^»fre^<>8«»?^■»8«|g' ■■{' e**» AVENTURINE. Le feld-spath et toutes les pierres transparentes qui en tirent leur origine ont des reflets chatoyants ; mais il y a encore d'autres pierres qui réunissent , à la lumière flottante et variée du chatoiement, des cou- leurs fixes, vives et intenses, telles que nous les pré- sentent les aventurines et les opales. La pesanteur spécifique des aventurines est à très peu près la même que celle du feld-spath^ : la plupart de ces pierres , encore plus brillantes que chatoyantes, paroissent être semées de petites paillettes rouges, jaunes, et bleues, sur un fond de couleur plus ou moins rouge ; les plus belles aventurines ne sont néan- moins qu'à demi transparentes ; les autres sont plus ou moins opaques, et je ne les rapporte au feld-spath qu'à cause de leurs reflets légèrement chatoyants, et de leur densité, qui est à très peu près la même; car les unes et les autres pourroient bien participer de la nature du mica, dont les paillettes brillantes conte- nues dans ces pierres paroissent être des parcelles co- lorées. 1. y eld-spalli , '2G466; aveutuiiiie demi-traiisparenle, 26667; aveu- lurint' opaque, 26426. (Table de M. Brisson.) ret9>o«««s<»a*e«»-C e OPALE. 265 OPALE. De toutes les pierres chatoyantes l'opale est la plus belle : cepenJant elle n'a ni la dureté ni l'éclat des vraies pierres précieuses; mais la lumière qui la pé- nètre s'anime des plus agréables couleurs, et semble se promener en reflets ondoyants; et l'œil est encore moins ébloui que flatté de l'effet suave de ses beautés. Pline s'arrête avec complaisance aies peindre. «C'est, dit-il, le feu de l'escarboucle, le pourpre de l'amé- thyste, le vert éclatant de i'émeraude , brillant ensem- ble, et tantôt séparés, tantôt unis par le plus admi- rable mélange. » Ce n'est pas tout encore : le bleu et l'orangé viennent sous certains aspects se joindre à ces couleurs, et toutesprennent plus de fraîcheur du fond blanc et luisant sur lequel elles jouent, et dont elles ne semblent sortir que pour y rentrer et jouer de nouveau. Ces reOets colorés sont produits par le brisement des rayons de lumière mille fois réfléchis, rompus, et renvoyés de tous les petits pians des lames dont l'o- pale est composée ; ils sont en même temps réfractés au sortir de la pierre, sous des angles divers et rela- tifs à la position des lames qui les renvoient; et ce qui prouve que ces couleurs mobiles et fugitives, qui suivent l'œil et dépendent de l'angle qu'il fait avec la lumière, ne sont que des i?^iSj, ou spectres colorés, c'est qu'en cassant la pierre, elle n'offre plus dans sa 266 MINÉRAUX. fracture ces mêmes couleurs dont le jeu varié tient à sa structure intérieure, et s'accroît par la forme ar- rondie qu'on lui donne à l'extérieur : l'opale est donc une pierre irisée dans toutes ses parties. Elle est en même temps la plus légère des pierres chatoyantes, et de près d'un cinquième moins dense que le feld- spath, qui, de tous les verres primitifs, est le moins pesant^ ; elle n'a aussi que peu de dureté : il faut donc que les petites lames dont Fopale est composée soient peu adhérentes, et assez séparées les unes des autres, pour que sa densité et sa dureté en soient diminuées dans cette proportion de phis d'un cinquième relati- vement aux autres matières vitreuses. Une opale d'un grand volume, dans toutes les par- ties de laquelle les couleurs hrillent et jouent avec autant de feu que de variété, est une production si rare, qu'elle n'a plus qu'un prix d'estime qu'on peut porter très haut. Pline nous dit qu'Antoine proscri- vit un sénateur auquel appartenoit une très belle opale qu'il avait refusé de lui céder; sur quoi le natu- raliste romain s'écrie avec une éloquente indignation : « De quoi s'étonner ici davantage, de la cupidité fa- rouche du tyran qui proscrit pour une bague, ou de l'inconcevable passion de l'homme qui tient plus à sa bague qu'à sa vie? » On peut encore juger de l'estime que faisoient les anciens de l'opale, par la scrupuleuse attention avec laquelle ils en ont remarqué les défauts, et par le soin qu'ils ont pris d'en caractériser les belles variétés. L'opale en offre beaucoup, non seulement par les dif- i. La pesanteur spécifique de l'opale est de 2ii4o; t'I celle du leld- spath le plus léger, de Q4378. (Table de M. Brisson.) OPALE. 267 férences du jeu de la luiuieie, mais encore par le nombre des nuances et la diversité des couleurs qu'elle réllécîiit : il y a des opales à reflets foiblement colo- rés, où sur un fond laiteux flottent à peine quelques légères nuances de bleu. Dans ces pierres nuageuses, laiteuses, et presque opaques, la pâte opaline semble s'épaissir et se rapprocher de celle de la calcédoine ; au contraire, cette même pâte s'éclaircit quelquefois de manière à n'oftVir plus que l'apparence vitreuse et les teintes claires et lumineuses d'un feld -spath cha- toyant et coloré ; et ces nuances, comme l'a très bien observé Eoèce, se trouvent souvent réunies et fon- dues dans un seul et même morceau d'opale brute. Le même auteur parle des opales noires comme des plus rares et des plus superbes par l'éclat du feu qui jaillit de leur fond sombre. On trouve des opales en Hongrie, en Misnie ^, et dans quelques îles de la Méditerranée. Leis anciens ti- roient cette pierre de l'Orient, d'où il en vient en- core au'jourd'hui ; et nos lapidaires distinguent les opales, ainsi que plusieurs autres pierres, en orienta- les et en occidentales : mais cette distinction n'est pas bien énoncée ; ce n'est que sur le plus ou le moins de beauté de ces pierres que portent les dénominations d'orientales et à' occidentales j, et non sur le climat où elles se trouvent, puisque dans nos opales d'Europe il s'en rencontre de belles parmi les communes, de même qu'à Ceylan et dans les autres contrées de l'Inde on trouve beaucoup d'opales communes parmi les plus belles. Ainsi cette. dislincl ion de dénomina- 1. A Freyberg. 268 MINÉRAUX. lions, adoplce par les lapidaires, doit être rejetée par les naturalistes, puisqu'on pourroit la croire fondée sur une différence essentielle de climat, tandis qu'elle ne l'est que sur la différence accidentelle de l'éclat ou de la beauté. Au reste, l'opale est certainement une pierre vi- treuse de seconde formation, et qui a été produite par l'intermède de l'eau : sa gangue est une terre jau- nâtre qui ne fait point d'effervescence avec les aci- des ; les opales renferment souvent des gouttes d'eau, M. Fougeroux de Bondaroy, l'un de nos savants aca- démiciens, a sacrifié à son instruction quelques opales, et les a fait casser pour recueillir l'eau qu'elles renfer- moient ; cette eau s'est trouvée pure et limpide comme dans les cailloux creux et les enhydres. Il se trouve quelqu(?fois des opales dans les pouzzolanes et -dans les terres jetées par les volcans. M. Ferber en a ob- servé, comme M. de Bondaroy, dans les terrains vol- canisés du Yicentin. Ces faits suffisent pour nous dé- montrer que les opales sont des pierres de seconde formation, et leurs reflets chatoyants nous indiquent que c'est aux stalactites du feld-spath qu'on doit les rapporter. Quoique plusieurs auteurs aient regardé le girasol comme une sorte d'opale , nous nous croyons fondés à le séparer non seulement de l'opale , mais même de toutes les autres pierres vitreuses : c'est en effet une pierre précieuse dont la dureté et la densité sont presque doubles de celles de l'opale, et égales à celles des vraies pierres précieuses ^. 1. Voyez, ci-après l'article du Girasol. PIERRES TRI SE ES. 26() Wdâ'»««'»^>a.»»3>«««« 2.S«^>e«^>9«.3>«&e««'3'Ji$«4«'&^»^e.s^2>:M.Ble4J.^^I)l PIERRES IRISEES. Après ces pierres chatoyantes dont les couleurs sont flottantes, et dans lesquelles les reflets de lu- mière paroissent uniformes, il s'en trouve plusieurs autres dont les couleurs variées ne dépendent ni de la réflexion extérieure de la lumière ni de sa réfrac- tion dans l'intérieur de ces pierres, mais des couleurs irisées que produisent tous les corps lorsqu'ils sont ré- duits en lames extrêmement minces : les pierres qui présentent ces couleurs sont toutes défectueuses; on peut en juger par le cristal de roche irisé,, qui n'est qu'un cristal fêlé. Il çn est de même du feld-spalh irisé : les couleurs qu'ils ofî'rent à l'œil ne viennent que du reflet de la luinière sur les lames minces de leurs parties constituantes, lorsqu'elles ont été séparées les unes des autres par la percussion ou par quelque au- tre cause. Ces pierres irisées sont étotinées, c'est-à- dire fêlées dans leur intérieur ; elles n'ont que peu ou point de valeur, et on les distingue aisément des vraies pierres chatoyantes par le foible éclat et le peu d'intensiié des couleurs qu'elles renvoient à l'œil : le plus souvent même, la fêlure ou séparation des lames est sensible à la tranche, et visible jusque dans l'inté- rieur du morceau. Au reste, il y a aussi du cristal irisé seulement à sa superficie, et cette iris superfi- cielle s'y pioduit par l'exfoliation des petites lames de sa surface, de même qu'on le voit dans notre verre p. 7^ MINERAUX. factice long --temps exposé aux impressions de lair. Au reste, la pierre iris de Pline, qui sembleroit de- voir être spécialement notre cristal irisé, n'est pour- tant que le cristal dans lequel les anciens avoient observé la réfraction de la lumière, la divi>ion des couleurs, en un mot, tous les effets du prisme ^ sans avoir su en déduire la théorie. STALACTITES CRISTALLISÉES DU SCHORL. Le schorl diffère du quartz, et ressemble au feld- spath par sa fusibilité, et il surpasse de beaucoup en densité les quatre autres verres primitifs ; nous rap- porterons donc au schorl les pierres transparentes qui ont ces mêmes propriétés : ainsi nous reconnoitrons les produits du schorl par leur densité et par leur fu- sibilité , et nous verrons que toutes les matières vi- treuses qui sont spécifiquement plus pesantes que le quvartz, les jaspes, le mica, et le feld-spatli , pro- viennent du schorl en toutou en partie. C'eU sur ce fondement que je rapporte au schorl plutôt qu'au feld-spath les émeraudes, les péridots, le saphir du Brésil, etc. J'ai déjà dit que les couleurs dont les pie'res trans- i . Il est singulier que Pliue, pour nous décrire cet eiljt , ait rccoura à uu cristal de la mer Rouge, tandis que la première aguille du cris- tal des Alpes pouvoit également le lui ofFrir. STALACTITES CRISTALLISEES DU SCHORL. 27Î parentes sont teintes n'influent pas sensiblement sur leur pesanteur spécifique : ainsi Ton auroit tort de prétendre que c'est au mélange des matières métalli- ques qui sont entrées dans la composition des péri- dots, des émeraudes, et du saphir du Brésil, qu'on doit attribuer leur densité plus grande que celle du cristal ; et dès lors nous sommes bien fondés à rap- porter ce surplus de densité au mélange du scliorl, qui est le plus pesant de tous les verres primitifs. Les extraits ou stalactites du schorl sont donc tou- jours reconnoissables par leur densité et leur fusibi- lité ; ce qui les distingue des autres cristaux vitreux, avec lesquels ils ont néanmoins le caractère commun de la double réfraction. •vi «e#â.»e.3««e.@«.9«««<»e««<»e:&«<&9««««.ga:^»e«s<»e««««« EMERAUDE. L'ÉMERAUDE, qui, par son brillant éclat et sa cou- leur suave, a toujours été regardée comme une pierre précieuse, doit néanmoins être mise au nombre des cristaux du quartz mêlé de schorl , l '^ parce que sa densité est moindre d'un tiers que celle des vraies pierres précieuses, et qu'en même temps elle est un peu plus grande* que celle du cristal de roche ^ : 2° parce que sa dureté n'est pas comparable à celle du rubis, de la topaze, et du saphir d'Orient, puis- que l'émeraude n'est guère plus dure que le cristal : 1. La pesanteur spécifique du l'éaieraude du Pérou est de 27755, et celle du cristal de roche de 26548. ( Tahie de M. Brisson. ) ^72 MI?vERALX. vV parce que cette pierre, mise au foyer du miroir ardent, se fond et se convertit en une masse vitreuse ; ce qui prouve que sa substance quartzeuse est mêlée de feld-spatb ou de scliorl , qui l'ont rendue fusible; mais la densité du feld-spath étant moindre que celle du cristal, et celle de l'émeraude étant plus grande, on ne peut attribuer qu'au mélange du scborl cette fusibilité de l'émeraude : 4° parce que les émeraudes croissent, comme tons les cristaux, dans les fentes des rochers vitreux : enfin parce que l'émeraude a, comme tous ces cristaux, une double réfraction : elle leur ressemble donc par les caractères essentiels de la densité, de la dureté, de la double réfraction; et comme l'on doit ajouter à ces propriétés celle de la fusibilité, nous nous croyons bien fondés à séparer l'émeraude des vraies pierres précieuses et à la mettre au nombre des produits du quartz mêlé de scborl. Les émeraudes, comme les autres cristaux, sont fort sujettes à être glaceuses ou nuageuses ; il est rare d'en trouver d'un certain volume qui soient totale- ment exemptes de ces défauts : mais quand cette pierre est parfaite, rien n'est plus agréable que le jeu de sa lumière , comme rien n'est plus gai que sa cou- leur, plus amie de l'œil qu'aucune autre', i^a vue se repose, se délasse, se récrée dans ce beau vert qui semble offrir la miniature des prairies au printenqjs. La lumière qu'elle lance en rayons aussi vifs que doux, 1. Une belle émrraude se moule swr noiv coaime les tlhwuanfs Maues; elle est la seule pierre de couleur qui jouisse de cette prérogative, parce que le noir, bien loin d'altérer sa couleur, la reud plus riche et pius veloutée, au lieu que le contraii'c arrive avec toute autre pierre de couleur. ( JSote communiquée par M. Iloppé. ) émeraudp:. 27,) semble, dit Pline , briilanter l'air qui l'environne, et teindre par son irradiation l'eau dans laquelle on la plonge ^; toujours belle, toujours éclatante, soit qu'elle pétille sous le soleil, soit qu'elle luise dans l'ombre, ou qu'elle brille dans la nuit aux lumières, qui ne lui font riea perdre des agréments de sa cou- leur, dont le vert est toujours pur. Aussi les anciens, au rapport de Tliéophraste, se plaisoient-ils à porter l'émeraude en bague , afin de s'égayer la vue par son éclat et sa couleur suave ; ils la tailloient, soit en cabochon pour faire flotter la lu- mière, soit en table pour la réfléchir comme un mi- roir, soit en creux régulier dans lequel, sur un fond ami de l'œil, venoient se peindre les objets en rac- courci. C'est ainsi que l'on peut entendre ce que dit Pline d'un empereur qui voyoit dans une és3ieraude les combats des gladiateurs : réservant l'émeraude à ces usages, ajoute le naturaliste romain, et respec- tant ses beautés naturelles, on sembloit être convenu de ne point l'entamer par le burin. Cependant il re- connoît lui-même ailleurs que les Grecs avoient quel- quefois gravé sur cette pierre 2, dont la dureté n'est 1. Gest la remarque de Théoplirasle {îjapi.d. et Gemni. , n" 44); sur (juoi les conuiieiitateurs sont toiïiî)és dans une foule de. doutes et de îuéprises, cherehanl mal à propos eommeul réuieraude pouvoit dou- iier à l'eau une teinture verte, tandis que ïhéophrasle n'entend parier que du reflet de la lumière tju'elle y répand. '2. Livre XXXVII , n° 5. Il parle de deux émeraudes sur eliaeuue desquelles étoit ^rnvée Amymone , l'une des Danaïdes; et dans le inèiue livre de sou Histoire naturelle, n" l\ , il rapporte la gravure des éme- raudes à une époque qui répond, eu Grèce, au dernier des Tarqnins. - — Selon (élément Alexandrin , le fameux cacliet de Polycrate éloit une éiueraude gravée par 'i'héodore de Saïuos. — ijorscjue Lucullus, 274 MINÉRAUX, en effet qu'à peu près égale à celle des belles agates ou du cristal de roche. Les anciens altribuoient aussi quelques propriétés imaginaires à l'émeraude ; ils croyoient que sa cou- leur gaie la reudoit propre à chasser la tristesse, et faisoit disparoître les fantômes mélancoliques, appe- lés mauvais esprits par le vulgaire. Us donnoient de plus à l'émeraude toutes les prétendues vertus des autres pierres précieuses contre les poisons et diffé- rentes maladies; séduits par l'éclat de ces pierres brillantes, ils s'étoient plu à leur imaginer autant de vertus que de beauté ; mais, au physique comme au moral, les qualités extérieures les plus brillantes ne sont pas toujours l'indice du mérite le plus réel. Les émeraudes réduites en poudre et prises intérieure- ment ne peuvent agir autrement que comme des pou- dres vitreuses , action sans doute peu curative , et même peu salutaire ; et c'est avec raison que l'on a rejeté du nombre de nos remèdes d'usage cette pou- dre d'émeraude et les cinq fragments précieux, autre- fois si fameux dans la médecine galénique. Je ne me suis fort étendu sur les propriétés réelles et imaginaires de l'émeraude que pour mieux démon- trer qu'elle étoit bien connue des anciens; et je ne conçois pas comment on a pu de nos jours révoquer en doute l'existence de cette pierre dans l'ancien con- tinent, et nier que l'antiquité en eût jamais eu con- noissance; c'est cependant l'assertion d'un auteur ré- ce Romain si célèbre par ses ricliesses et par sou luxe , aborde à Alexandrie, Ptolémée , occupé du soin de lui plaire, ne trouve rien de plus précieux à lui offrir qu'une énnîiaude sur laquelle éîoit gravée le portrait du monarque égyptien. EMERAUDE. 276 cent^, qui prétend que les anciens n'avoient pas coQiiu lemeraude, sous prétexte que, dans le nom- bre des pierres auxquelles ils ont donné le nom de siiuu^agduSj, plusieurs ne sont pas des émeraudes : mais il n'a pas pensé que ce mot smaragdiis étoit une dénomination générique pour toutes les pierres vertes, puisque Pline comprend, sous ce nom des pierres opaques qui semblent n'être que des prases ou même des jaspes verts ; mais cela n'empêche pas que la véritable émeraude ne soit du nombre de ces smaragdes des anciens : il est même assez étonnant que cet auteur, d'ailleurs très estimable et fort in- struit, n'ait pas reconnu la véritable émeraude aux traits vifs et brillants et aux caractères très distinctifs sous lesquels Pline a su la dépeindre. Et pourquoi chercher à atténuer la force des témoignages en ne les rapportant pas exactement? Par exemple, l'auteur cite Théophraste comme ayant parlé d'une émeraude de quatre coudées de longueur, et d'un obélisque d'émeraude de quarante coudées : mais il n'ajoute pas que le naturaliste grec témoigne sur ces faits un doute très marqué, ce qui prouve qu'il connoissoit assez la véritable émeraude pour être bien persuadé qu'on n'en avoit jamais vu de cette grandeur. En effet, Théophraste dit en propres termes que t émeraude est rare et ne se trouve jamais en grand volume ^ « à moins, ajoute-t-il , qu'on ne croie aux mémoires égyp- tiens , qui parlent d'énieraudes de quatre et de qua- rante coudées; » mais ce sont choses , continue-t-il , qu'il faut laisser sur leur bonne foi : et à l'égard de la 1. M. Diileiis. 2'j6 MINÉRAUX. colonne tronquée ou du cippe d'éoieraude du temple d'Hercule à Tyr, dont Hérodote iait aussi mention, il dit que c'est sans doute une fausse émeraude. INous conviendrons, avec M. Dutens, que, des dix ou douze sortes* de smaragdes dont Pline fait 1 enumération, la plupart ne sont en effet que de fausses émeraudes; mais il a dû voir, comme nous, que Pline en distingue trois comme supérieures à toutes les autres^. H est donc évident que, dans ce grand nombre de pierres auxquelles les anciens donnoient le nom générique de smaragdes^ ils avoient néanmoins très bien su dis- tinguer et connoître l'émeraude véritable, qu'ils ca- ractérisent, à ne pas s'y méprendre, par sa couleur, sa transparence, et son éclat. L'on doit en effet la sé- parer et la placer à une grande distance de toutes les autres pierres vertes, telles que les prases, les fluors verts, les malachites, et les autres pierres vertes opa- ques de la classe du jaspe, auxquelles les anciens ap- 1 . La première est l'émeraude nommée par les anciens pievre de Scy- thie, et qu'ils on dit être la plus belle de toutes; la seconde, qui nous paroît êlre aussi une émeraude véritable, est la bacfrianc, à laquelle Pline attribue la même dureté et le même éclat (ju'à Témeraude scy- ihique , mais qui , ajoute-t-il, est toujours fort pelile; la troisième , qu'il nomme émeraude de Coptos, et ([u'il dit être en morceaux assez gros, mais c|ui est moins pai faite , moins transparente, et n'ayant pas le Tif éclat des deux premières; les neuf autres sortes étoient celles de Chypre, d'Ethiopie, cVHerniinie, de Perse, de Médie, de VAttique , de Lucédémone , de Carthage , et celle d'Aral)ie . nommée tAo/ms l^a plupart de celles-ci , disent les anciens eux-mêmes , ne u)éritoient pas le nom d'émeraudes, etu'étoient , suivant l'expression de Tbéopliraste, que de fausses émeraudes [pseudosmarogdi) , n"* ^5 et 4G. Ou les Irou- voit communément dans les environs des mines de cuivre: circonstance Cjui peut nous les faire regarder comme des fluors veris, ou pent-êlve même des malachites. KMERx\DDE. ^i^in pliquoient improprement et génériquemeat le nom de smaragdes. Ce ii'étoit donc pas d'émeraude, mais de quelques uns de ces taux et grands smaragdes^ qu etoient faites les colonnes et les statues prétendues d'émeraude dont parle l'antiquité^, de même que les très grands vases ou morceaux d'émeraude que l'on montre en- core aujourd'hui dans quelques endroits, tels que la grande jatte du trésor de Gênes ^, la pierre verte pe- sant vingt-neuf livres, donnée par Charlemagne au couvent de Reichenau^, ne sont que des prismes ou 1. Telle éloit encore la statue de Minerve, faite d'émeraude, ou- vrage fameux de Dipœnus et Scyllis. 2. M. de [ja Gondaniinc , qui s'est trouvé à Gênes avec MM. les princes Corslni, petits- neveux du pape Clément XII , a eu par leur moyen occasion d'examiner attentivement ce vase à la lueur d'un flam- beau. La couleur lui en a paru dun vert très foncé : il n'y aperçut pas la moindre trace de ces glaces, pailles, nuages, et autres défauts de transparence si communs dans les émeraudes et dans toutes les pierres précieuses un peu grosses , même dans le cristal de roche ; mais il y distingua très bien plusieurs petits vides semblables à des bulles d'air de forme ronde ou oblongue, telles qu'il s'en trouve com- munément dans les cristaux ou verres fondus, soit blancs, soit co- lorés Le doute de M. de La Gondamine sur ce vase soi-disant d'émeraude n'est pas nouveau. « Il est , dit-il , clairement indiqué par les expres- sions qu'employoit Guillaume, archevêque de ïyr, ily a quatre siècles, en disant qu'à la prise de Césarée ce vase échut pour une grande somme d'argent aux Génois, (/ai le crurent d'émeraude , et qui le montrent en- core comme tel et comme m.iraculeux aux voyageurs. Au reste, continue l'auteur, il ne lient qu'à ceux à qui ces soupçons peuvent déplaire de les détrurre s'ils ne sont pas fondés. » 5. « On me montra (à l'abbaye de Reirhenau près de Gonstance) une prétendue émeraude d'une prodigieuse grandeur : elle a quatre côtés inégaux , dont le plus petit n'a pas moins de iieuf pouces, et dont le plus long a près de deux pieds; son épaisseur est d'un pouce, et son Bl'FFO?.. VJII. iS 2'^S MI-\ÉRAUX. des prases, ou même des verres factices : or, comme ces émeraudes supposées ne prouvent rien aujour- d'hui contre l'existence de la véritable éuieraude, ces mêmes erreurs dans l'antiquité ne prouvent pas da- vantage. D'après tous ces faits, comment peut-on douter de l'existence de l'émeraude en Italie, en Grèce , et dans les autres parties de l'ancien continent avant la dé- couverte du nouveau? Gommeut d'ailleurs se prêter à la supposition forcée que la nature ait réservé exclu- sivement à l'Amérique cette production qui peut se trouver dans tous les lieux où elle a formé des cris- taux? et ne devons-nous pas être circonspects, lors- qu'il s'agit d'admettre des faits extraordinaires et iso- lés comme le seroit celui-ci? Mais, indépendamment de la multitude des témoignages anciens, qui prou- vent que les émeraudes étoient connues et communes dans l'ancien continent avant la découverte du nou- veau , on sait par des observations récentes qu'il se trouve aujourd'hui des émeraudes en Allemagne^, en Angleterre, en Italie; et il seroit bien étrange, quoi qu'en disent quelques voyageurs, qu'il n'y en eût point en Asie. Tavernier et Chardin ont écrit que les terres d'Orient ne produisoient point d'émeraudes , j^oicis de vingt neuf livres. Le supérieur du couvent l'estime cinquante mille florins; mais ce prix se réduiroit à bien peu , si . conjme je le présume, celte émeraude nétoit autre chose qu'un spath fluor Irans- parent d'un assez beau verl. » ( Lettres de M. William Coxe swr l'état de là Suisse j page tii.) 1. Il est parlé, dans quelques relations, d'une tasse d'émeraude, de la grandeur d'une tasse ordinaire, qui est conservée à Vienne dans le cabinet de l'empereur, et que des morceaux qu'on a ménagés en creu- sant celte tasse on a lait une garniture complète jiour l'impératrice. EMERAUDE. 2^g et néanmoins Chardin, relateur véridique, convient qu'avant la découverte du Nouveau-Monde , les Per- sans tiroient des émeraudes de l'Egypte , et que leurs anciens poètes en ont fait niention ; que de son temps on connoissoit en Perse trois sortes de ces pierres, savoir : l'émeraude d'Egypte, qui est la plus belle, ensuite les émeraudes vieilles^, et les émeraudes îiou- velles : il dit môme avoir vu plusieurs de ces pierres ; mais il n'en indique pas les différences , et il se con- tente d'ajouter que, quoiqu'elles soient d'une très belle couleur et d'un poli vif, il croit en avoir vu d'aussi belles qui venoient des Indes occidentales. Ceci prouveroit ce que l'on doit présumer avec rai-^ son : c'est que l'émeraude se trouve dans l'ancien continent aussi bien que dans le nouveau, et qu'elle est de môme nature en tous lieux ; mais comuje l'on n'en connoît plus les mines en Egypte ni dans l'Inde , et que néanmoins il y avoit beaucoup d'émeraudes en Orient avant la découverte du JNouveau-Monde, ces voyageurs ont imaginé que ces anciennes éme- raudes avoient été apportées du Pérou aux Philippi- nes, et de là aux Indes orientales et en Egypte. Se- lon Tavernier, les anciens Péruviens en faisoient com- merce avec les habitants des îles orientales de l'Asie ; et Chardin , en adoptant cette opinion, dit que les émeraudes qui de son temps se trouvoient aux Indes orientales, en Perse, et en Egypte, venoient proba- blement de ce commerce avec les Péruviens , qui avoient traversé la mer du Sud long-temps avant que les Espagnols eussent fait la conquête de leur pays. Mais étoit-il nécessaire de recourir à une supposition aussi peu fondée pour expliquer pourquoi l'on a cru SSO iHNÉRALX. ne voir aux Indes orientales , en Egypte , et en Perse , que des émeraudes des Indes occidentales? La raison en est bien simple ; c'est que les émeraudes sont les mêmes partout, et que, comme les anciens Péruviens en avoient ramassé une très grande quantité, les Es- pagnols en ont tant apporté aux Indes orientales , qu'elles ont fait disparoître le nom et l'origine de celles qui s'y trouvoient auparavant, et que, par leur entière et parfaite ressemblance , ces émeraudes de l'Asie ont été et sont encore aujourd'liui confondues avec les émeraudes de l'Amérique. Cette opinion, que nous réfutons, paroît n'être que le produit d'une erreur de nomenclatui^e : les na- turalistes récents ont donné, avec les joailliers, la dé- nomination de pierres orientales à celles qui ont une belle transparence, et qui en même temps sont assez dures pour recevoir un poli vif; et ils appellent pierres occidentales ^ celles qu'ils croient être du même genre , et qui ont moins d'éclat et de dureté. Et comme l'é- meraude n'est pas plus dure en Orient qu'en Occi- dent, ils ont conclu qu'il n'y avoit point d'émeraudes orientales, tandis qu'ils auroient dû penser que cette pierre étant partout la même, comme le cristal, l'a- méthyste, etc., elle ne pouvoit pas être reconnue ni dénommée par la différence de son éclat et de sa dureté. 1. Ijoèce paroît être Tauteur de la distinction des émeraudes e» orientales et occidentales. Il caractérise les premières par leur grand brillant, leur pureté, et leur excès fie dureté. îl se trompe quant à ce dernier point, et de Laët s'est de même trompé d'après lui ; car on ne trouve pas entre les émeraudes cette différence de dureté, et touteià n'ont à peu près que la dureté du cristal de roche. ÉMERAUDE. 'j8l Les émeraudes ëtoient seulement plus rares et plus chères avaut la découverte de l'Amérique; mais leur valeur a diminué en môme raison que leur quantité s'est augmentée. « Les lieux, dit Joseph Acosta , où l'on a trouvé beaucoup d'émeraudes ( ' t où l'on en trouvoit encoï'e de son temps en plus grande quan- tité) sont au nouveau royaume de Grenade et au Pé- rou ; proche de Mania et de Porto- p leil , i! y a un terrain qu'on appelle terre des cmeraudes; mais on n'a point encore fait la conquête de cette terre. Les éme- raudes naissent des pierres en forme de cristaux j'en ai vu quelques unes qui étoient moitié blanches et moitié vertes j, et d'autres toutes blanckes... En l'an- née 15S7, ajoute cet historien , l'on apporta des Indes occidentales en Espagne deux canons d'émeraude , dont chacun pesoit pour le moins quatre arrobes. » Mais je soupçonne avec raison que ce dernier fait est exagéré; car Garcilasso dit que la plus grosse pierre de cette espèce , que les Péruviens adoroient comme Ja déesse-jnère des émeraudes, n'étoit que de la gros- seur d'un œuf d'autruche, c'est-à-dire d'environ six pouces sur son grand diamètre; et cette pierre-mère des émeraudes n'étoit peut-être elle-même qu'une prime d'émeraude, qui, comme la prime d'améthyste, n'est qu'une concrétion plus ou moins confuse de di- vers petits canons ou cristaux de ces pierres. Au reste, les primes d'émeraude sont communément fort nua- geuses, et leur couleur n'est pas d'un vert pur, mais mélangé de nuances jaunâtres: quelquefois néanmoins cette couleur verte est aussi franche dans quelques endroits de ces primes que dans l'émeraude même, et Boèce remarque fort bien q^ie, dans un morceau '202 MINERAUX. de prime nébuleux ei sans éclaJ , il se trouve souvent quelque pai lie brillanle qui, étant enlevée et taillée, donne une vraie et belle émeraude. Il seroit assez naturel de penser que !a belle cou- leur verte de lemeraude lui a été donnée par le cuivre; cependant M. Demeste dit que « cette pierre paroît devoir sa couleur verte au cobalt, parce qu'en fon- dant des émeraudes du Pérou avec deux parties de verre de borax, on obtient un émail bleu. » Si ce fait se trouve constant et général pour toutes les émerau- des, on lui sera redevable de l'avoir observé le pre- mier; et, dans ce cas, on devroit chercher et on pourroit trouver des émeraudes dans le voisinage des mines de cobalt. Cependant cet émail bleu que donne l'émeraude fondue avec le borax ne provient pas de l'émeraude seule; car les émeraudes qu'on a exposées au miroir ardent ou au feu violent de nos fourneaux commen- cent par y perdre leur couleur verte : elles deviennent friables, et finissent par se fondre sans prendre une couleur bleue. Ainsi l'émail bleu produit par la fusion de l'émeraude au moyen du borax provient peut-être moins de cette pierre que du borax même, qui , comme je l'ai dit, contient une base métallique; et ce que cette fu-ibilité de l'émeraude nous indique de plus réel, c'est que sa substance quartzeuse est mêl e d'une certaine quantité de schorl , qui la rend plus fusible que celle du cristal de roche pur. La pierre à laquelle on a donné le nom à'émeraude du Brésil présente beaucoup plus de rapports que l'é- meraude ordinaire avec les schorls; elle leur ressem- ble par la forme , et se rapproche de la tourmaline É MER AUDE. 285 par ses propriétés électriques : elle est plus pesante et d'un vert plus obscur que l'émeraude du Pérou ^; sa couleur est à peu prés la même que celle de notre verre à bouteilles : ses cristaux sont fortement striés ou cannelés dans leur longueur, et ils ont encore un autre rapport avec les cristaux du schorl par la pyra- mide à trois faces qui les termine; ils croissent, comme tous les autres cristaux , contre les parois et dans les fentes des rochers vitreux. On ne peut donc pas dou- ter que cette émerauile du Brésil ne soit, comme les autres émeraudes, une stalactite vitreuse, teinte d'une substance métallique, et mêlée d'une grande quan- tité de schorl qui aura considérablement augmenté sa pesanteur; car la densité du schorl vert est plus grandr (pie celle de cette émeraudii -. Ainsi c'est au mélange de ce schorl vert qu'elle doit sa couleur, son poids, et sa forme. L'émeraude du Pérou, qui est l'émeraude de tout pays, n'est qu'un cristal teint et mêlé d'une petite quantité de schorl qui suffit pour la rendre moins ré- fractaire que le cristal de roche à nos feux. Il faudroit essayer si l'émeraude du Brésil, qui contient une plus grande quantité de schorl, et qui en a pris son plus grand poids et emprunté sa figuration , ne se fou- droit pas encore plus facilement que l'émeraude com- mune. Les émeraudes, ainsi que les améthystes violettes ou pourprées, les cristaux -topazes, les chrysolithes 1. [.a pesanteur spécifique de l'émeraude du Brésil est de 3i555, et celle de l'émeraude du Pérou n'est que de 27765. 2. La pesanteur spécifique du schorl vert est de 34629, et celle de l'émeraude du Brésil de 5i555. !2$4 MINÉRAUX. dont le Jatine est mêlé d'un peu de vert, les aigues- marines verdâtres ou bleuâtres, le saphir d'eau légè- rement teint de bleu , le feld-spatlî de Russie, et toutes les autres pierres transparentes que nous avons ci-de- vant indiquées, ne sont donc que des cristaux vitreux, teints de ces diverses couleurs par les vapeurs métal- liques qui se sont rencontrées dans le lieu de leur formation, et qui se sont mêlées avec le suc vitreux qui fait le fonds de leur essence : ce ne sont que des cristaux colorés dont la substance, à l'exception de la couleur, est la même que celle du cristal de roche pur, ou de ce cristal mêlé de feld-spath et de schorl. On ne doit donc pas mettre les émeraudes au rang des pierres précieuses, qui , par la densité, la dureté . et l'homogénéité ^ sont d'un ordre supérieur , et dont nous prouverons que l'origine est toute différente de celle des émeraudes et de toutes les autres pierres transparentes, vitreuses, ou calcaires. PÉRIDOT. Il en est du péridot comme de l'émeraude du Bré- sil ; il tire également son origine du schorl, et la même différence de densité qui se trouve entre l'émeraude du Brésil et les autres émeraudes se trouve aussi entre la chrysolithe et le péridot : cependant on n'avoit jusqu'ici distingué ces deux dernières pierres que par les nuances des couleurs Jaune et verte dont elles sont toujours teintes. Le jaune domine sur le vert dans rÉRIDOT. 285 les chrysolithes, et le vert domine sur le jaune dans les péridots ; et. ces deux pierres offrent toutes les nuances des couleurs entre les topazes, qui sont tou- jours purement jaunes, et les émeraudes , qui sont purement vertes. Mais les chrysolithes diffèrent des péridots par le caractère essentiel de la densité : le péridot pèse spécifiquement beaucoup plus ^ ; et il paroît, parle rapport des pesanteurs respectives, que la chrysolithe, comme nous l'avons dit, est un extrait du quartz, un cristal coloré, et que les péridots, dont la pesanteur spécifique est bien plus grande ^, ne peu- vent provenir que des schorls également denses. On doit donc croire que les péridots sont des extraits du schorl , tandis ([ue les chrysolithes sont des cristaux du quartz. • Nous connoissons deux sortes de péridots , l'un qu'on nomme oriental^ et dont la densité est considé- rablement plus grande que celle du péridot occiden- tal : mais nous connoissons aussi des schorls dont les densités sont dans le même rapport. Le schorl cris- tallisé correspond au péridot occidental, et le schorl spathique au péridot oriental ; et même cette densité du péridot oriental n'est pas encore aussi grande que celle du schorl vort^; et ce qui confirme ici mon opi- 1. La pesanteur spécifique de la clnysolillie du Brésil est de 26920, et celle de la clirysolitlie de l'aucieu continent est de 27821 ; ce qui ne s'éloigne pas beaucoup de la pesanteur 265/|8 du cristal, et de celle de la topaze de Bohême , qui est de 26641. (Table de !;]. Brisson. ) 2. La pesanteur spécifique du péridot occidental est de 00989, *t celle du schorl cristallisé est de 50926. (Table de 1\L Brisson.) 5. La pesanteur spécifique du péridot oi'iental est de 55548 , celle du schorl spathique est de 55852 , et celle du schorl olivâtre ou vert tst de 54729. (T;,i)k' de M. Brisson. ) 286 M[NÉUAUX. niori, c'est que les péridots se cristalliseiil en prismes striés comme la plupart des scborls : j'ignore , à la vé- rité, si ces pierres sont fusibles comme les schorls; mais je crois pouvoir le présumer, et j'invite les chi- mistes à nous l'apprendre. M. l'abbé de Rochon, qui a fait un grand nombre d'expériences sur la réfraction des pierres transpa- rentes, m'a assuré que le péridot donne une double réfraction beaucoup plus forte que celle du cristal de roche et moindre que celle du cristal d'Islande : de plus, le péridot a, comme le cristal de roche , un sens dans lequel il n'y a point de double réfraction ; et puisqu'il y a une difterence encore plus grande dans les deux réfractions du péridot que dans celles du cristal , on doit en conclure que sar substance est com- posée de couches alternatives d'une densité plus dif- férente qu'elle ne l'est dans celles qui composent le cristal de roche. SAPHIR DU BRESIL. Une autre pierre transparente, qui, comme le pé- ridot et l'émeraude du Brésil, nous paroît pt-ovenir du sclior! , est celle qu'on a nommée sapliir du Brésil^ et qui ne diffère que par sa couleur bleue de l'éme- raude au même climat; car leur dureté et leur den- sité sont à très peu près égales^, et on les rencontre 1. La pesîiiileur spécifique du sapiiir du Brésil est de 5 1007, et celle de réincraudo du Brésil est de 01 555. ( Table de M. Brisson.) SATHIU DU BIIÉSIL. 287 dans les mêmes lieux. Ce saphir du Brésil a plus de couleur et un peu plus d'éclat que notre saphir d'eau, et leur densité respective est en même raison que celle du schori au quartz : ces deux saphirs sont des extraits ou stalactites de ces verres primitifs, et ne peuvent ni ne doivent être comparés au vrai saphir, dont la den- sité est d'un quart plus grande, et dont l'origine est aussi très différente. OEIL-DE-CHAT NOIR OU NOIRATRE. Nous avons rapporté au feld-spath l'œil -de-chat gris, l'œil -de-chat jaune, et l'œil-de-chat mordoré, parce que leur densité est à très peu près la môme que ceiîe de ce verre primitif; mais la pierre à laquelle on a donné le nom à'œll-de-cliat noirâtre est beaucoup plus dense que les trois autres : sa pesanteur spécifi- que approche de celle du schori violet du Dauphiné ^. Toutes les pierres vitreuses et transparentes dont les pesanteurs spécifiques se trouvent entre 25, et 28 mille sont des stalactites du quartz et du leld-spath, desquels les densités sont aussi comprises dans les mêmes limites; et toutes les pierres vitreuses et trans- parentes dont les pesanteurs spécifiques sont entre 5o et 35 mille doivent se rapporter aux schoris, des- 1 . La pesanteur spécifique du sclioii violet du Daupliiné est de 52966, celle de l'œildc-cliat noirâtre de 32593. ( Table de M. Lrisson. ) 288 Mli\ÉR,\UX. quels les densilés sont aussi comprises entre 5o et 55 mille, rela.tiveaient au poids de l'eau supposé lo ■ mille ^. Cette manière de juger de la nature des stalactites cristallisées, et de les classer par le rapport de leur densité avec celle des matières primitives dont elles tirent leur origine, me paroît, sans comparaison, la plus distincte et la plus certaine de toutes les métho- des, et je m'étonne que jusqu'ici elle n'ait pas été saisie par les naturalistes ; car la densité est le carac- tère le plus intime, et pour ainsi dire le plus su])slan- tiel, que puisse offrir la matière : c'est celui qui tient de plus près à son essence, et duquel dérivent le plus inifuédiatement la plupart de ses propriélés secon- daires. Ce caractère distinctif de la densité ou pesan- teur spécifique est si bien établi dans les métaux, qu'il sert à reconnoitre les proportions de leur mé- lange jusque dans l'alliage le plus intime : or ce prin- cipe, si sûr à l'égard des métaux parce que nous avons rendu par notre art leur substance homogène , peut s'appliquer de même aux pierres cristallisées , qui sont les extraits les plus purs et les plus homogènes des Diatières primitives produites par la nature. ï. Les pesanU'urs spécinquep des schovls sont : scliorl cristallisé. 30926 ; sclioil violet du Daupliiué , SayûG; schorl spalhic[ue, 55852; schorl vert ou olivâtre , 54529. ( Table de I\\. Brisson. ) BÉRYL. :289 BERYL. La couleur du péridot est un vert mêlé de jaune : celle du béryl est un vert mêlé de bleu, et la nature de ces deux pierres nous paroît être la même. Les la- pidaires ont donné au béryl le nom à' aiguë -marine orientaie j, et cette pierre nous a été assez bien indi- quée par les anciens : « Le béryl , disent-ils , vient de rinde , et on le trouve rarement ailleurs : on le taille en hexaèdre et à plusieurs faces, pour donner par la réflexion de la lumière plus de vivacité à sa couleur, et un plus grand jeu à son éclat, qui sans cela est foible. » On distingue plusieurs sortes de béryls : les plus estimés sont ceux dont la couleur est d'un vert de mer pur; ensuite ceux qu'on ,i^^ç\\e chryso béryls _, qui sont d'un vert un peu plus pâle avec une nuance de jaune doré Les défauts ordinaires à ces pierres sont les fdets et les taches : la plupart ont aussi peu d'éclat; les Indiens néanmoins en font grand cas à cause de leur grandeur ^. » Il n'est pas rare en efl'et de trouver d'assez grandes pierres de cette espèce , et on les dis- tin«;uera toujours de l'aigue-marine, qui ne leur res- semble que par la couleur, et qui en diffère beaucoup, tant par la dureté que par la densité^. Le béryl ^ 1. Pline, liv. XXXVII, chap. 5. 2. La pesanteur spécifique du béryl ou aiguë -marine orientale est de 55489 , tandis que celle de l'aigue-marine occidentale n'est que de 27229. (Ta])ie de M. Brisson.) 290 MINERAUX. comme le péridot, tire son origine des schoils, et raigiie- marine provient du quartz; c'est ce qui met cette grande différence entre leurs densités : et quoi- que le béryl ne soit pas d'une grande dureté, il est cependant plus dur que l'aiguë -marine, et il a par conséquent plus d'éclat et de jeu , surtout à la lumière du jour; car ces deux pierres font fort peu d'effet aux lumières. ^e««.S««e »««:e««9«@«'S« s TOPAZE ET RUBIS DU BRESIL. Il se trouve au Brésil des pierres transparentes d'un rouge clair, et d'autres d'un jaune très foncé, aux- quelles on a donné les noms de rubis et topazes^, quoi- qu'elles ne ressemblent que par la couleur aux rubis et topazes d'Orient; car leur nature et leur origine sont toutes différentes : ces pierres du Brésil sont des cristaux vitreux provenant du schori , auquel ils res- semblent par leur forme de cristallisation^; elles se cassent transversalement comme les antres schorls , leur texture est semblable, et l'on ne peut douter qu'elles ne tirent leur origine de ce verre primitif, puisqu'elles se trouvent, comme les autres cristaux. 1 . La lopaze du Brésil est en prismes striés ou cannelés à Texléneur, comme ceux de l'émeraude du même pays; et ces prismes sont ordi- nairement surmontés d'une pyramide à l'extrémité, qui pointe en avant au sortir du rocher auquel leur base est adhéreute : cette structure est constante; mais le nombre de leurs faces ialéral^'S varie presque au- tant que celles des autres schorls. TOPAZE ET RUBIS DU BRESIL. '^-9^ implaatées dans les rochers vitreux. Ces topazes et rubis du Brésil diffèrent essentiellement des vraies to- pazes et des vrais rubis, non seulement par ce carac- tère extérieur de la forme , mais encore par toutes les propriétés essentielles, la densité, la dwreté, l'homo- généité, et la fusibilité. La pesanteur spécifique de ces pierres du Brésil ^ est fort au dessous de ces pier- res d'Orient : leur dureté, quoiqu'un peu plus grande que celle du cristal de roche , n'approche pas de celle de ces pierres précieuses; celles-ci n'ont, comme je l'ai dit, qu'une simple et forte réfraction, au lieu que ces pierres du Brésil donnent une double et plus foible réfraction. Enfin elles sont fusibles à un feu violent, tandis que le diamant et les vraies pierres pré- cieuses sont combustibles, et ne se réduisent point en verre. La couleur des topazes du Brésil est d'un jaune foncé mêlé d'un peu de rouge ; ces topazes n'ont ni l'éclat ni la belle couleur d'or de la vraie topaze orien- tale ; elles en diffèrent aussi beaucoup par toutes les propriétés essentielles, et se rapprochent en tout du péridot, à l'exception de la couleur, car elles n'ont pas la moindre nuance de vert. Elles sont exactement de la môme pesanteur spécifique que les pierres aux- quelles on adonné le nom de rubis du Brésil'^ : aussi la plupart de ces prétendus rubis ne sont-ils que des to- 1. La pesanteur spécifique du rubis d'Orient est de 42858, et celle »du rubis du Brésil n'est que de ô5oii. La pesanteur spécifique de la topaze d'Orient est de 4oio6, et celle de la topa7,e du Brésil n'est que de 55365. (Table de M. Brisson.) 'X. La pesanteur spécilique du rubis du Bsésil esl de 555 1 1, et celle J<> !a lopa/x' du Brésil est de 55565. (Table de M. Brisson.) ^Ç)2 MINÉRAUX. pazes chauffées; il ne faut, pour leur donner la couleur du rubis-balais, que les exposer à un feu assez fort pour les faire rougir par degrés; elles y deviennent couleur de rose, et même pourprées : mais il est très aisé de distinguer les rubis naturels et factices du Bré- sil des vrais rubis, tant par leur moindre poids que parleur fausse couleur, leur double réfraction, et la foiblesse de leur éclat. Ge changement de jaune en rouge est une exalta- tion de couleur que le feu produit dans presque tou- tes les pierres teintes d'un jaune foncé. Nous avons dit, à l'article des marbres, qu'en les chauffant forte- ment, lorsqu'on les polit, on fait changer toutes leurs taches jaunes en un rouge plus ou moins clair : la to- paze du Brésil offre ce môme changement du jaune en rouge, et M. de Fontanieu, l'un de nos académi- ciens, observe qu'on connoit en Bohême un verre fu- sible d'un jaune à peu près semblable à celui de la topaze du Brésil , qui , lorsqu'on le fait chauffer, prend une couleur rouge plus ou moins foncée , selon le de- gré de feu qu'on lui fait subir. Au reste, la topaze du Brésil, soit qu'elle ait conservé sa couleur jaune na- turelle, ou qu'elle soit devenue rouge par l'action du feu, se distingue toujours aisément de la vraie topaze et du rubis-balais par les caractères que nous venons d'indiquer : nous sommes donc bien fondés à les sé- parer des vraies pierres précieuses, et à les mettre au nombre des stalactites du schorl, d'autant que leur densité les en rapproche plus que d'aucun autre verre primitif^. 1. La posflntour spécifique tlu sciiorl veri ou olivâU'e est clo 5452f). el celle du rubis du Brésil de 555 1 j . TOPAZE ET RUBIS DU BRÉSIL. 2^5 Je présume , avec l'un de nos plus savants chimis- tes, M. Sage, que le rubis sur lequel on a fait à Flo- rence des expériences au miroir ardent n'étoit qu'un rubis du Brésil, puisqu'il est entré en fusion, et s'est ramolli au point de recevoir à sa surface l'impression d'un cachet, et qu'en même temps sa substance fon- due adhéroit aux parois du creuset : cette fusibilité provient du schorl, qui constitue l'essence de toutes ces pierres du Brésil ^ ; je dis toutes ces pierres, parce qu'indépendamment des émeraudes, saphirs, rubis, et topazes, dont nous venons de parler, il se trouve encore au Brésil des pierres blanches transparentes 1. C'est aussi le sentiment d'un de nos meilleurs observateurs (M. Rome de Lisle, dont l'ouvrage vient de me tomber entre les mains). « Les topazes brutes, dit-il, qui nous arrivent du Brésil ne conservent ordinairement qu'une seule de leurs pyramides : l'autre extrémité est ordinairement terminée par une surface plane rhomboîdale, qui est l'endroit de la cassure qui se fait aisément et transversalement. On y distingue facilement le tissu lamelleux de ces cristaux. La position de leurs lames est perpendiculaire à l'axe du prisme , et conséquemment dans une direction contraire aux stries de la surface , qui sont toujours parallèles à l'axe de ce même prisme. Souvent les deux pyramides man- quent, mais c'est toujours par des ruptures accidentelles. L'extérieur de ces cristaux présente des cannelures parallèles à l'axe. » La topaze, le rubis, et le saphir du Brésil, ont beaucoup de rap* port avec les schorls et les tourmalines par leur contexture, leur can- nelure, et par la variation dans les plans du prisme et des pyramides, qui rend souvent leur cristallisation indéterminée. » La topaze du Brésil a rarement la belle couleur jonquille de la topaze d'Orient; mais elle est souvent d'un jaune pâle, et même en- tièrement blanche. » Celle dont la couleur très foncée tire sur l'hyacinthe est la plus propre à convertir par le feu en rubis du Brésil ; mais il y a aussi dos rubis du Brésil naturels , souvent avec une légère teinte de jaune , que les Portugais appellent topazes rouges. >i Les plus beaux sont d'un rouge clair, ou delà teinte que l'on dési- BUFror*. vjn. 19 294 MINERAUX. qui sont de la même essence que les rouges, les jau- nes , les bleues , et les vertes. TOPAZE DE SAXE. La topaze de Saxe est encore , comme celle du Bré- sil, une pierre vitreuse que l'on doit rapporter au schorl, parce qu'elle est d'une densité beaucoup plus grande que la topaze de Bohême * et autres cristaux quartzeux avec lesquels il ne faut pas la confondre. La topaze de Saxe et celle du Brésil sont à très peu près de la même pesanteur spécifique 2, et ne diffèrent que par la teinte de leur couleur jaune, qui est bien plus légère, plus nette, et plus claire dans la topaze de Saxe; mais dans toutes deux la densité excède de plus d'un quart celle du cristal de roche et du cristal jaune ou topaze de Bohême : ainsi, par cette première pro- priété, on doit les rapporter au schorl, qui des cinq gne par le nom de balais. Ceux qu'on fait en exposant au feu la to- paze du Brésil enfumée sont d'un rouge violet plus ou moins foncé. » Quant aux saphirs du Brésil, il s'en trouve depuis le bleu foncé de l'indîgo jusqu'au blanc bleuâtre. » Le tissu feuilleté de cc^ gemmes fait qu'on les taille aussi quelquefois de manière à produire celle réfraction de la lumière qui caractérise les pierres chatoyantes. De là le rubis chatoyant, le saphir œil-de-chat , et les chatoyantes jaunes, vertes, brunes, etc., du Brésil et autres lieux. » [Cristaiiograplùe, par M. Rome de Lisle, tome II, pages 234 et sui- vantes. ) T . La pesanteur spécifique de la topaze de Saxe est de 5564o, tandis que celle de la topaze de Bohême n'est que de 2654 1. 2. La pesanteur spécifiqTie de la topaze du Brésil est de 55565- TOPAZE DK SAXE. SgS verres primitifs est le plus dense. D'ailleurs la topaze de Saxe se trouve, comme celle du Brésil, implantée dans les rochers vitreux, et toutes deux sont fusibles, comme les scliorls, à un feu violent. Les topazes de Saxe , quoique d'une couleur moins foncée que celles du Brésil, ont néanmoins différen- tes teintes de jaune. Les plus belles sont celles d'un jaune d'or pur, et qui ressemblent, par cette appa- rence, à la topaze orientale; mais elles en diffèrent beaucoup par la densité et par la dureté^. D'ailleurs la lumière, en traversant ces topazes de Saxe, se di- vise et soufire une double réfraction, au lieu que cette réfraction est simple dans la vraie topaze, qui, étant et plus dense et plus pure, a aussi beaucoup plus d'é- clat que ces topazes de Saxe, dont le poli n'est jamais aussi vif ni la réfraction aussi forte que dans la topaze d'Orient. La texture de la topaze de Saxe est laraelleuse : cette pierre est composée de lames très minces et très ser- rées; sa forme de cristallisation est différente de celle du cristal de roche, et se rapproche d-e celle des schorls : ainsi tout nous démontre que cette pierre ne doit point être confondue avec la topaze de Bo- hême et les autres cristaux quartzeux plus ou moins colorés de jaune. Et comme la densité de cette topaze de Saxe est à très peu près la même que la densité de la topaze du Brésil, on pourroit croire qu'en faisant chauffer avec précaution cette topaze de Saxe , elle prendroit , comme la topaze du Brésil, une couleur rougeâtre de i. La pesanteur spécifique de la topaze orientale est de 4oio6, tau- dis que celle de la topaze de Saxe n'est que de 3564o. 2g6 MIINÉRALX. rubis-balais : mais l'expérience a démenti cette pré- somption, la topaze de Saxe perd sa couleur au feu, et devient tout-à-fait blanche; ce qui vient sans doute de ce qu'elle n'est teinte que d'un jaune très léger en comparaison du jaune foncé et rougeâtre de la topaze du Brésil. «6!y&a'©<'*«e<5<8''^X' « GRENAT. Quoique la pesanteur spécifique du grenat excède celle du diamant, et soit à peu près la même que celle du rubis et de la topaze d'Orient^, on ne doit cependant pas le mettre au rang de ces pierres pré- cieuses; s'il leur ressemble par la densité, il en diffère par la dureté, par l'éclat, et par d'autres propriétés encore plus essentielles. D'ailleurs l'origine, la for- mation, et la composition des grenats, sont très dif- férentes de celles des vraies pierres précieuses : la sub- stance de celle-ci est homogène et pure ; elles n'ont qu'une simple réfraction, au lieu que la substance du grenat est impure, composée de parties métalliques et vitreuses, dont le mélange se manifeste par la dou- ble réfraction et par une densité plus grande que celle des cristaux et même des diamants. Le grenat n'est réellement qu'une pierre vitreuse mêlée de métal; c'est du schorl et du fer, sa couleur rouge et sa fusibilité 1. Pesanteur spéeifique du grenat, 4i888; du grenat syrien, /|Oooo: du rubis d'Orient, 42808; de la topnze d'Orient, l[oio6. (Table de M. Erisson. ) GRENAT. 297 îc démontrent ; il faut, à la vérité, un feu violent pour le fondre. M. Pott est le premier qui Tait fondu sans intermède et sans addition : il se réduit en un émail brun et noirâtre. Le grenat a d'ailleurs beaucoup de propriétés com- munes avec les scliorls de seconde formation : il res- semble par sa composition aux émeraudes et saphirs du Brésil; il est, comme le scliorl, fusible sans addi- tion; le grenat et la plupart des schorls de seconde formation sont mêlés de fer, et tous les grenats en contiennent une plus grande quantité que les schorls; plusieurs même agissent sur l'aiguille aimantée : ce fer contenu dans les grenats est donc dans son état métallique, comme le sable ferrugineux qui a con- servé son magnétisme, et l'on ne peut douter que leur grande pesanteur ne provienne et ne dépende de la quantité considérable de fer qui est entrée dans la composition de leur substance. Les différentes nuances de leur couleur plus ou moins rouge, et de leur opacité plus ou moins grande, en dépendent aussi; car leur transparence est d'autant plus grande qu'ils contiennent moins de fer, et que les particules de ce métal sont plus atténuées : le grenat syrien , qui est le plus transparent de tous, est en même temps le moins pesant, et néanmoins la quantité de fer qu'il contient est encore assez grande pour qu'il agisse sur l'aiguille aimantée. Les grenats ont tant de rapport avec les schorls, qu'ils paroissent avoir été produits ensemble et dans les, mêmes lieux; car on y trouve également des mas- ses de schorl parsemées de grenats, et des masses de grenat parsemées de schorls : leur origine et leur for- SgS MINÉRAUX. matîon paroissent être coïitemporaines et analogues; ils se trouvent dans les fentes des rochers graniteux, schisteux, micacés et ferrugineux, en sorte que le grenat pourroit être mis au nombre des vrais schorls, s'il ne contenoit pas une plus grande quantité de fer qui augmente sa densité de plus d'un sixième; car la pesanteur spécifique du schorl vert, le plus pesant de tous les schorls, n'est que de 34529, tandis que celle du grenat syrien, le moins pesant et le plus pur des grenats, est de 40000. Les grenats les plus opa- ques contiennent Jusqu'à vingt-cinq et trente livres de fer par quintal, et les plus transparents en contien- nent huit ou dix, c'est-à-dire toujours plus que les schorls les plus opaques et les plus pesants : cepen- dant il y a des grenats qui ne sont que très peu ou point sensibles à l'action de l'aimant; ce qui prouve que le fer dont ils sont mélangés étoit réduit en rouille, et avoit perdu son magnétisme lorsqu'il est entré dans leur composition. Ainsi le fer donne non seulement la couleur, mais la pesanteur, aux grenats; on pourroit donc les re- garder comme des stalactites de ce métal, et nous ne les rapportons ici à celles du schorl qu'à cause des autres propriétés qui leur sont communes, et des circonstances de leur formation qui semblent être les mêmes. La forme des grenats varie presque autant que celle des schorls de seconde formation; leur sub- stance vitreuse est toujours mêlée d'une certaine quan- tité de particules ferrugineuses, et les uns et les au- tres sont attirables à l'aimant, lorsque ces particules de fer sont dans leur état de magnétisme. Les grenats , comme les schorls de seconde forma-- GRENAT. 299 tion , se présentent quelquefois en assez gros groupes , mais pius souvent en cristaux isolés et logés dans les lentes et cavités des rochers vitreux, dans les schistes micacés, et dans les autres concrétions du quartz, du feld-spath, et du mica; et comme ils sont disséminés en grand nombre dans les premières couches de la terre, on les retrouve dans les laves et dans les déjections volcaniques. La chaleur de la lave en fusion change leur couleur de rouge en blanc, mais n'est pas assez forte pour les fondre; ils y conservent leur forme, et perdent seulement avec leur couleur une grande partie de leur poids ^ : ils sont aussi bien plus réfrac- taires au feu. La grande chaleur qu'ils éprouvent lors- qu'ils sont saisis parla lave en fusion suffit pour brûler le fer qu'ils contenoient, et réduire par conséquent leur densité à celle des autres matières vitreuses : car on ne peut douter que le fonds de la substance du grenat ne soit vitreux; il étincelle sous le bri- quet, il résiste aux acides, il a la cassure vitreuse, il est aussi dur que le cristal; et s'il n'étoit pas chargé de fer, il auroit toutes les qualités de nos verres pri- mitifs. Si le fer n'entroit qu'en vapeurs dans les grenats pour leur donner la couleur, leur pesanteur spécifi- que n'en seroit que très peu ou point augmentée : !e fer y réside donc en parties massives , et c'est de ce mélange que provient cette grande densité. En les exposant à un feu violent et long-temps soutenu, le fer se brûle et se dissipe, la couleur rouge disparoîtj 1 . La pesanteur spécifique du grenat volcanieé n'esl; que de 24684 au lieu que celle du grenat ordinaire est de 4i<^88. (Table de M. Bris„ son. ) 3oO MINÉRAUX. et lorsqu'on leur fait subir une plus longue et plus vio- lente action du feu, ils se fondent et se convertissent en une sorte d'émail ^. Quoique les lapidaires distinguent les grenats en orientaux et occidentaux, il n'en est pas moins vrai que dans tout pays ils sont de même nature, et que cette distinction ne porte que sur la différence d'é- clat et de dureté. Les grenats les plus purs et les plus transparents, lorsqu'ils sont polis, sont plus brillants et plus durs, et ont par conséquent plus d'éclat et de jeu, que les autres, et ce sont ceux que les lapidai- res appellent grenats orientaux : mais il s'en trouve de pareils dans les régions de l'occident comme dans celles de l'orient; les grenats de Bohême en particu- lier sont môme souvent plus purs, plus transparents et moins défectueux que ceux qu'on apporte des Indes orientales. Il faut néanmoins en excepter le grenat dont le rouge est teint de violet, qui nous vient de l'Orient , et se trouve particulièrement à Surian, dans le royaume de Pégu, et auquel on a donné le nom de 1 . Ce n'est en effet qu'à un feu libre et très violent ou très long-temps soutenu que le grenat peid sa couleur; car on peut émailler sur cette pierre sans qu'elle se décolore et sans qu'elle perde son poli ; et je me suis assuré qu'il falloit un feu violent pour diminuer la densité du gre- nat et brûler le fer qu'il contient. J'ai prié M. Fourcroy, l'un de nos plus habiles chimistes, d'en faire l'expérience. Il a exposé, dans une coupelle pesant trois gros vingt-cinq grains , douze grains de grenat en poudre. Après trois heures d'un feu très fort , pendant lequel on n'a apei'çu ni vapeur, ni flamme , ni décrépitation, ni fusion sensible dans la matière, le grenat a commencé à se ramollir et à se boursou- fler légèrement. Le feu ayant été continué pendant huit heures en tout , le gienat n'a pas éprouvé une fusion plvis forte , et il est resté constam- ment dans l'état de ramollissement déjà indiqué. L'appareil refroidi a présenté une matière rougcâlrc , agglutinée, adhérente à la coupelle. GRENAT. ÔOI grenat syrien ^ ; mais ces grenats les plus transparents et les plus purs ne le sont cependant pas plus que le cristal , et ils ont , de même que toutes les autres pier- res vitreuses, une double réfraction. Quoique dans tous les grenats le fond de la couleur soit rouge , il s'en trouve , comme l'on voit, d'un rouge pourpré ; d'autres sont mêlés de jaune et ressemblent aux hyacinthes : ils viennent aussi des Indes orien- tales 2. Ces grenats teints de violet ou de jaune sont les plus estimés, parce qu'ils sont bien plus rares que les autres, dont le rouge plus clair ou plus foncé est la seule couleur. Les grenats d'Espagne sont commu- nément d'un rouge semblable à celui des pépins de la grenade bien mûrs, et c'est peut-être de cette res- semblance de couleur qu'on a tiré le nom de grenat. Ceux de Bohême sont d'un rouge plus intense ^, et 1. Il paroît que le mot syrien \ïeni de S urian , ville capitale du royaume de Pégu. — Les Italiens ont donné à ces grenats le nom de riibint dirocca; et cette dénomination n'est pas mal appliquée, parce que les grenats se trouvent en effet dans les roches vitreuses , tandis que les rubis tirent leur origine de la terre limoneuse , et se trouvent isolés dans les terres et les sables. 2. Le grenat syrien est d'un rouge plus ou moins pourpré, ou chargé de violet, et cette couleur n'est jamais claire. Il y en a de presque vio- lets ; mais ils sont rares , et n'ont guère cette couleur que lorsque la pierre a un certain volume. Quoique le grenat syrien soit assez commun, on en rencontre dif- ficilement de fort gros, purs, et parfaits; en général, la couleur en est rarement franche et décidée ; elle est très souvent sourde et en- fumée. C'est le grenat syrien , lorsqu'il est vif et bien pourpré, que les fri- pons et les ignorants font quelquefois passer pour améthyste orientale; ce qui fait croire à des gens peu instruits que cette dernière n'est pas si .rare qu'on le dit. {Note communiquée par M. Hoppé. ) 3. Le grenat de Bohême (appelé vermeil en France ) est d'un rougc^ «302 2HIISÉRALX. il y en a aussi de verdâtres, de bruns, et de noirâ- tres '^ : ces derniers sont les plus opaques et les plus pesants, parce qu'ils contiennent plus de fer que les autres. La pierre à laquelle les anciens ont donné le nom de carbujicidusj que nous avons traduit par le mot escarboucle^ est vraisemblablement un grenat d'un beau rouge et d une belle transparence ; car cette pierre brille d'un feu très vif, lorsqu'on l'expose aux rayons du soleil; elle conserve même assez de temps la lumière dont elle s'imbibe, pour briller ensuite poneeau foncé, mais pur et velouté. La grande intensité de sa couleur ne permet pas de le tailler à facelles dessus et dessous, comme les au- tres pierres, car il paroîtroit presque noir; mais on le cabochonue eu dessus et on le chève en dessous : cette opération l'amincit assez pour qu'on puisse jouir de sa riche et superbe couleur , et lui donne un jeu grand et large qui eucliaute l'œil d'un amateur. Un grenat de Bohème , parfait , d'une certaine grandeur , est une chose extraordinairement rare ; rien de plus commun en très petit vo- lume. Les défauts ordinaires des grenats de Bohême sont d'être remplis de points noirs et de petites bulles d'air, comme une composition ; ces petites bulles d'air se rencontrent encore dans d'autres grenats , sur- tout dans ceux où il entre du jaune. Ce que Ton appelle grenat de Bohême en France est une pierre très différente de celle dont on vient de parler; elle est plus claire et d'un rouge vinaigre ou lie devin légèrement bleuâtre et très rarement agréa- ble. ( Note communiquée par M. Happé. ) 1. Le grenat varie par sa couleur : quelquefois il est du plus beau rouge tirant sur le pourpre, c'est le vrai grenat ; d'autres fois il est d'un rouge jaunâtre et tire sur l'hyacinthe : ceux de Bohême sont d'un rouge très foncé. On en trouve en Saxe et dans le Tyrol qui sont verdâtres, peu ou point transparents, souvent même entièrement opaques. Leur gangue ordinaire est le quartz ou le feldspath , et surtout le mica ; j'en ai vu d'une grosseur extraordinairc,.d'un rouge foncé, qui étoient ainsi recouverts de mica. { Noie communiquée par M. Iloppé. ] GRENAT. 5o5 dans robscurité et luire encore pendant ia nuit ^. Cependant le diamant et les autres pierres précieuses jouissent plus ou moins de cette même propriété de conserver pendant quelque temps la lumière du so- leil, et même celle du jour, qui les pénètre et s'y fixe pour quelques heures : mais comme le mot latin carbunculas indique une substance couleur de feu, on ne peut l'appliquer qu'au rubis ou au grenat; et les rubis étant plus rares et en bien plus petit volume que les grenats, nous nous croyons bien fondés à croire que 1 escarboucle des anciens étoit un vrai grenat d'un grand volume , et tel qu'ils ont décrit leur carbunculas. La grandeur des grenats varie presque autant que celle des cristaux de roche : il y en a de si petits, qu'on ne peut les distinguer qu'à la loupe, et d'autres ont plusieurs pouces et jusqu'à un pied de diamètre ; ils se trouvent également dans les fentes des rochers vitreux, les petits en cristallisation régulière, et les plus gros en forme indéterminée ou bien en cristalli- sation confuse. En général, ils n'affectent spécialement aucune forme particulière : les uns sont rhomboidaux ; d'autres sont octaèdres, dodécaèdres; d'autres ont quatorze, vingt-quatre, et trente-six faces : ainsi la 1. Je ne sais cependant si l'on doit accorder une entière confiance à ce que je vais rapporter ici. « Dans une des salles du palais du roi de la Chine il y a une infinité de pierreries sans prix , et un siège ou trône précieux où le roi s'assied en majesté. Il est fait d'un beau marbre dans lequel il y a tant d'escarboucles et d'autres pierreries des plus rares, ouvragées et enchâssées, que durant la plus obscure nuit elles éclai- rent autant la salle que s'il y avoit un grand nombre de chandelles allumées. » ( Recueil des voyages qui ont servi à l'établissement de la com- pagnie des Indes; Amslçrdani , 1702 ; tome ÏII , page 44o- ) 5o4 MINÉRAUX. forme de cristallisation ne peut servir à les faire recon- noître et distinguer des autres cristaux. Il y a des grenats si transparents et d'une si belle couleur, qu'on les prendroit pour des rubis : mais sans être connoisseur on pourra toujours les distin- guer aisément; le grenat n'est pas si dur à beaucoup près, on peut l'entamer avec la lime, et d'ailleurs il a, comme toutes les autres pierres vitreuses, une double réfraction, tandis que le rubis et les vraies pierres précieuses, dont la substance est homogène, n'ont qu'une seule réfraction beaucoup plus forte que celle du grenat. Et ce qui prouve encore que le grenat est de la même nature que les autres pierres vitreuses, c'est qu'il se dé- compose de même par l'action des éléments humides. On trouve des grenats dans presque toutes les par- ties du monde. Nous connoissons en Europe ceux de Bohême , de Silésie, de Misnie, de Hongrie, de Sty- rie; il s'en trouve aussi dans le Tyrol, en Suisse, en Espagne, en Italie, et en France, surtout dans les terrains volcanisés : ceux de Bohême sont les pi us purs, les plus transparents, et les mieux colorés. Quelques voyageurs assurent en avoir trouvé de très beaux en Groenland et dans la Laponie. En Asie, les provinces de Pégu, de Camboye, de Calicut, de Cananor, sont abondantes en grenats ; il s'en trouve aussi à Golconde et au Thibet. Les anciens ont parlé des grenats d'Ethiopie , et l'on connoît aujourd'hui ceux de Madagascar; il doit s'en trouver dans plusieurs autres contrées de l'Afrique : au reste , ces grenats apportés de Madagascar sont de la même nature que ceux de Bohême. GRENAT. 3o5 Enfin, quoique les voyageurs ne fassent pas men- liondes grenats d'Amérique, on ne peut guère douter qu'il n'y en ait dans plusieurs régions de ce vaste con- tinent, comme il s'en trouve dans toutes les autres parties du monde. HYAGINTHK Après le grenat se présente l'hyacinthe, qui appro- che de sa nature, et qu'on doit aussi regarder comme un produit du schorl mêlé de substances métalliques. L'hyacinthe se trouve dans les mêmes lieux que le grenat, elle donne de même une double réfraction; ces deux pierres cristallisées se rencontrent souvent ensemble dans les mêmes masses de rochers : on doit donc la rapporter aux cristaux vitreux, et c'est après le grenat la pierre vitreuse la plus dense ^. Sa couleur n'est pas franche, elle est d'un rouge plus ou moins mêlé de jaune; celles dont cette couleur orangée ap- proche le plus du rouge sont les plus rares et les plus estimées : toutes perdent leur couleur au feu et y de- viennent blanches, sans néanmoins perdre Leur trans- parence, et elles exigent pour se fondre un plus grand degré de feu que le grenat. On voit des hyacinthes en très grande quantité dans les masses de roches vi- treuses et autres matières rejetées par le Vésuve, et ces pierres se trouvent non seulement en Italie dans 1. La pesanteur spécifique de l'hyacinthe est de 36873, et celle du grenat svrien de 40000. 3ô6 MINÉRAUX. les terrains volcanisës, mais aussi en Allemagne, en Pologne, en Espagne, en France, et particulièrement dans le Vivarais et l'Auvergne : il y en a de toutes les teintes, de rouge mêlé de jaune, ou de jaune mêlé de brun ; il y en a même de blanches qu'on connoît sous le nom de jargons. Il s'en trouve aussi d'un jaune assez rouge pour qu'on s'y trompe en les prenant pour des grenats; mais la plupart sont d'un jaune enfumé , et mômes brunes ou noirâtres. Elles se trouvent quel- quefois en groupes, et souvent en cristaux isolés; mais les unes et les autres ont été détachées du ro- cher où elles ont pris naissance comme les autres cris- taux vitreux. M. Rome de Lisle dit, avec raison, que « l'on donne quelquefois le nom àliyaclntlies orien- tales à des rubis d'Orient de couleur orangée , ou à des jargons de Ceylan dont la teinte jaune est mêJée de rouge, de même qu'on donne aussi quelquefois aux topazes orangées du Brésil le nom d' hyacinthes occidentales ou de Portugal; mais l'hyacinthe vraie ou proprement dite est une pierre qui diffère de toutes les précédentes, moins par sa couleur, qui est très variable, que par sa forme, sa dureté, et sa gravité spécifique. » Et en effet, quoiqu'il n'y ait, à vrai dire, qu'une seule et même essence dans les pierres précieuses, et que communément elles soient teintes de rouge, de jaune, ou de bleu , ce qui nous les fait distinguer par les noms de rubis j, topazes^ et saphirs^, on ne peut guère douter qu'il ne se trouve aussi dans dans les cli- mats chauds des pierres de même essence , teintes de jaune mêlé d'un peu de rouge, auxquelles on aura donné la dénominntion d'hyacinthes orientales; d'au- HYACINTHE. 5o7 ires teintes de violet, et même d'autres de vert, qu'on aura de même dénommées améthystes et émeraudes orientales : mais ces pierres précieuses, de quelque couleur qu'elles soient, seront toujours très aisées à distinguer de toutes les autres par leur dureté, leur densité, et surtout par l'homogénéité de leur sub- stance qui n'admet qu'une seule réfraction, tandis que toutes les pierres vitreuses dont nous venons de faire l'énumération sont moins dures, moins denses, et en même temps sujettes à la double réfraction. TOURMALINE*. Cette pierre étoit peu connue avant la publication fl'une lettre que M. le duc de Noya-Caraflfa m'a fait l'honneur de m'écrire de Naples, et qu'il a fait ensuite imprimer à Paris en 1 769. Il expose dans cette lettre les observations et les expériences qu'il a faites sur deux de ces pierres qu'il avoit reçues de Ceylan : leur principale propriété est de devenir électriques sans frottement et par la simple chaleur ^; cette électricité 1. Tourmaline, ou tire -cendre. Cette pierre est ainsi dénommée parce qu'elle a la propriété d'attirer les cendres et autres corps légers sans être frottée , mais seulement chauffée. Sa forme est la même que celle de certains scliorls, tels que les péridots et les émeraudes du Bré- sil : elle ne diffère en effet des scliorls que par son électricité , qui est plus forte et plus constante que dans toutes les autres pierres de ce même genre. 2. Pline parle (liv. XXXVII, n° 99) d'une pierre violette ou brune [ionia) qui, échauffée par le frottement entre les doigts, ou simple- 5o8 MINÉRAUX. que le feu leur communique se manifeste par attrac- tion sur l'une des faces de cette pierre, et par répul- sion sur la face opposée comme dans les corps élec- triques par le frottement, dont l'électricité s'exerce en plus et en moins, et agit positivement et négati- vement sur différentes faces. Mais cette faculté de devenir électrique sans frottement et par la simple chaleur, qu'on a regardée comme une propriété sin- gulière et même unique, parce qu'elle n'a encore été distinctement observée que sur la tourmaline, doit se trouver plus ou moins dans toutes les pierres qui ont la même origine ; et d'ailleurs la chaleur ne produit- elle pas un frottement extérieur et même intérieur dans les corps qu'elle pénètre, et réciproquement toute friction ne produit-elle pas de la chaleur? Il n'y a donc rien de merveilleux ni de surprenant dans cette communication de l'électricité par l'action du feu. Toutes les pierres transparentes sont susceptibles de devenir électriques ; elles perdent leur électricité avec leur transparence , et la tourmaline elle-même subit le même changement, et perd aussi son élec- tricité lorsqu'elle est trop chauffée. Comme la tourmaline est de la même essence que les schorls, je suis persuadé qu'en faisant chauffer di- vers schorls, il s'en trouvera qui s'éîectriseront par ce moyen. Il faut un assez grand degré de chaleur pour que la tourmaline reçoive toute la force électrique qu'elle peut comporter, et l'on ne risque rien en la tenant pour quelques instants sur les charbons ar- ment chauffée aux rayons du soleil , acquiert la propriété d'attirer les corps légers. IN'est-ce point là la tourmaline? TOURMALINE. SoQ dents; mais lorsqu'on lui donne un feu trop violent, elle se fond comme le scliorl, auquel elle ressemble aussi par sa forme de cristallisation. Enfin elle est de même densité et d'une égale dureté ^. L'on ne peut guère douter, d'après tous ces caractères communs, qu'elle ne soit un produit de ce verre primitif. M. le docteur Demeste le présumoit avec raison, et je crois qu'il est le premier qui ait rangé cette pierre parmi les schorls. Toutes les tourmalines sont à demi transparentes ; les jaunes et les rougeâtres le sont plus que les brunes et les noires : toutes reçoivent un assez beau poli. Leur substance, leur cassure vitreuse, et leur texture lamelleuse comme celle du scliorl , achèvent de prou- ver qu'elles sont de la nature de ce verre primitif. L'île de Ceylan, d'où sont venues les premières tourmalines, n'est pas la seule région qui les pro- duise : on en a trouvé au Brésil, et même en Europe, particulièrement dans le comté de Tyrol ; les tourma- lines du Brésil sont communément vertes ou bleuâ- très. M. Gerhard, leur ayant fait subir différentes épreuves, a reconnu qu'elles résistoient, comme les autres tourmalines, à l'action de tous les acides, et qu'elles conservoient la vertu électrique après la cal- cination par le feu : en quoi , dit-il , cette pierre dif- fère des autres tourmalines qui perdent leur électri- cité par l'action du feu. Mais je ne puis être de l'avis de cet habile chimiste sur l'origine des tourmalines, qu'il range avec les basaltes, et qu'il regarde comme î . La pesanteur spécifique de la tourmaline de Ceylan est de 3o54 1 ; celle de la tourmaline du Brésil , de oo863; et celle du schorl cristal- lisé, de 30926. BUFFON. VIII. 20 ^lO MINERAUX. des produits volcaniques ; celte idée n'est fondée que sur quelques ressemblances accidentelles entre ces pierres et les basaltes : mais leur essence et leur for- mation sont très différentes, et toutes les propriétés de ces pierres nous démontrent qu'elles proviennent du schorl, ou qu'elles sont elles-mêmes des schorls. Il paroît que M. Wilkes est le premier qui ait dé- couvert des tourmalines dans les montagnes du Ty- rol. M. Muller nous en a donné, peu de temps après, une description particulière : ces tourmalines du Ty- rol paroissent être de vrais schorls, tant par leur pe- santeur spécifique et leur fusibilité que par leur forme de cristallisation ; elles acquièrent la vertu électrique sans frottement et par la simple chaleur; elles ressem- blent en tout à la tourmaline de Ceylan, et diffèrent, selon M. Muller, de celle du Brésil ; il dit « qu'on doit rapporter à la classe des zéolithes les tourmalines du Tyrol comme celles de Ceylan, et que la tourmaline du Brésil semble approcher du genre des schorls, parce qu'étant mise en fusion à l'aide du chalumeau , cette tourmaline du Brésil ne produit pas les mêmes effets que celle du Tyrol , qui d'ailleurs est de cou- leur enfumée comme la vraie tourmaline, au lieu que celle du Brésil n'est pas de la même couleur. » Mais le traducteur de cette lettre de M. Muller observe, avec raison, qu'il y a des schorls électriques qui ne jettent pas, comme la tourmahne , un éclat phospho- rique lorsqu'ils entrent en fusion : il me paroît donc que ces différences indiquées par M. Muller ne suffi- sent pas pour séparer la tourmaline du Brésil des deux autres, et que toutes trois doivent être regardées comme des produits de différents schorls, qui peu- TOURMALINE. 3ll vent varier et varient en effet beaucoup par les cou- leurs, la densité, la fusibilité, ainsi que parla forme de cristallisation. Et ce qui démontre encore que ces tourmalines ont plus de rapport avec les schorls cristallisés en prismes qu'avec les zéolithes, c'est que M. Muller ne dit pas avoir trouvé des zéolithes dans le lieu d'où il a tiré ses tourmalines, et que M. Jaskevisch y a trouvé du schorl vert. / PIERRES-DE-CROIX. On observe dans quelques uns des faisceaux ou groupes cristallisés 4^3 schorls une disposition dans leurs aiguilles à se barrer et se croiser les unes les autres en tous sens, en toute direction, et sous toutes sortes d'angles. Cette disposition a son plein effet dans la pierre-dc-croLx _, qui n'est qu'un groupe formé de deux ou quatre colonnes de schorl , opposées et croi- sées les unes sur les autres. Mais ici, comme dans toute autre forme , la nature n'est point asservie à la régularité géométrique ; les axes des branches croi- sées de cette pierre-de-croix ne se répondent presque jamais exactement ; ses angles sont quelquefois droits, mais plus souvent obliques ; il y a même plusieurs de ces pierres en losanges, en croix de saint André. Ainsi cette forme ou disposition des colonnes dont cette cristallisation du schorl est composée n'est point 5l2 MI.NÉPvAUX. un phénomène particulier, mais rentre dans le fait gé- néral de l 'incidence oblique ou directe des rayons du schorl les uns sur les autres. Les prismes dont les branches de la pierre-de-croix sont formées sont qua- drangul aires, rhomboidaux, et souvent deux de leurs bords sont tronqués. On trouve communément ces pierres dans le schiste micacé, et la plupart parois- sent incrustées de mica : peut-être même ce mica est-il entré dans leur composition, et en a-t-il déter- miné la forme ; car cette pierre-de-croix est certaine- ment un schorl de formation secondaire. Mais il ne faut pas confondre ce schorl pierre-de- croix avec la macle_, à laquelle on a donné quelque- fois ce même nom, et que plusieurs naturalistes re- gardent comme un schorl , car nous croyons qu'elle appartient plutôt aux pétrifications des corps orga- nisés. ï»ê^'«««w<&e9«'?««<9'e«ie®0(tie*e««*e«> STALACTITES VITREUSES NON CRISTALLISÉES. Les cinq verres primitifs sont les matières premiè- res desquelles seules toutes les substances vitreuses tirent leur origine ; et de ces cinq verres de nature il y en a trois, le quartz, le feld-spath, et le schorl, dont les extraits sont transparents et se présentent en formes cristallisées : les deux autres , savoir, le mica STAL/VCTITES VITREUSES NON CRISTALLISÉES. 5l3 et le jaspe, ne produisent que des concrétions plus au moins opaques ; et même lorsque les extraits du quartz, du feld-spath, et du scliorl , se trouvent mê- lés à ceux du jaspe et du mica, ils perdent plus ou moins de leur transparence, et souvent ils prennent une entière opacité. Le même effet arrive lorsque les extraits transparents de ces premiers verres se trou- vent mêlés de matières métalliques , qui , par leur es- sence , sont opaques : les stalactites transparentes du quartz, du feld-spath, et du scliorl, peuvent donc devenir plus ou moins obscures et tout-à-fait opaques, suivant la grande ou petite quantité de matières étran- gères qui s'y seront mêlées ; et comme les combinai- sons de ces mélanges hétérogènes sont en nombre infini, nous ne pouvons saisir, dans cette immense variété, que les principales différences de leurs ré- sultats, et en présenter ici les degrés les plus appa- rents entre lesquels on pourra supposer toutes les nuances intermédiaires et successives. En examinant les matières pierreuses sous ce point de vue, nous remarquerons d'abord que leurs extraits peuvent se produire de deux manières différentes : la première, par une exsudation lente des parties at- ténuées au point de la dissolution ; et la seconde, par une stillation abondante et plus prompte de leurs par- ties moins atténuées et non dissoutes : toutes se rap- prochent,.se réunissent, et prennent de la solidité à mesure que leur humidité s'évapore. Mais on doit en- core observer que toutes ces particules pierreuses peuvent se déposer dans des espaces vides, ou dans des cavités remplies d'eau : si l'espace est vide, le suc 3l4 MINÉllAUX. pierreux n'y formera que des incrustations ou concré- tions en couches horizontales ou inclinées, suivant les plans sur lesquels il se dépose ; mais lorsque ce suc tombe sur des cavités remplies d'eau, où les mo- lécules qu'il tient en dissolution peuvent se soutenir et nager en liberté , elles forment alors des cristalli- sations qui , quoique de la même essence , sont plus transparentes et plus pures que les matières dont elles sont extraites. Toutes les pierres vitreuses que nous avons ci-de- vant indiquées doivent être regardées comme des stalactites cristallisées du quartz , du feld-spath et du schorl purs, ou seulement mêlés les uns avec les autres, et souvent teints de couleurs métalliques : ces stalactites sont toujours transparentes lorsque les sucs vitreux ont toute leur pureté ; mais pour peu qu'il y ait mélange de matière étrangère, elles perdent enanême temps partie de leur transparence et partie de leur tendance à se cristalliser, en sorte que la nature passe par degrés insensibles de la cristallisation distincte à la concrétion confuse, ainsi que de la parfaite diapha- néité à la demi-transparence et à la pleine opacité. 11 y a donc une gradation marquée dans la succession de toutes ces nuances, et bien prononcée dans les termes extrêmes : les stalactites transparentes sont presque toutes cristallisées, et au contraire la plupart des stalactites opaques n'ont aucune forme de cristal- lisation; et Ton en trouve la raison dans la loi géné- rale de la cristallisation, combinée avec les effets par- ticuliers des différents mélanges qui la font varier ; car la forme de toute cristallisation est le produit d'une STALACTITES VITREUSES NON CRISTALLISÉES. 3l5 attraction régulière et uniforme entre des raolécuies homogènes et similaires; et ce qui produit l'opacité dans les extraits des sucs pierreux n'est que le mé- lange de quelque substance hétérogène, et spéciale- ment de la matière métallique, non simplement éten- due en teinture comme dans les pierres transparentes et colorées, mais incorporée et mêlée en substance massive avec la matière pierreuse : or la puissance at- tractive de ces molécules métalliques suit une autre loi que celle sous laquelle les molécules pierreuses s'atti- rent et tendent à se joindre ; il ne peut donc résulter de ce mélange qu'une attraction confuse dont les tendan- ces diverses se font réciproquement obstacle, et ne per- mettent pas aux molécules de prendre entre elles aucune ordonnance régulière; et il en est de même du mélange des autres matières minérales ou terreuses, trop hétérogènes pour que les rapports d'attraction puissent être les mêmes, ou se combiner ensemble dans la même direction, sans se croiser et nuire à l'effet général de la cristallisation et de la transparence. Afin que la cristallisation s'opère, il faut donc qu'il y ait assez d'homogénéité entre les molécules pour qu'elles concourent à s'unir sous une loi d'aiïinité commune , et en même temps on doit leur supposer assez de liberté pour qu'obéissant à cette loi elles puissent se chercher, se réunir, et se disposer entre elles dans le rapport combiné de leur figure propre avec leur puissance attractive : or, pour que les mo-» lécules aient cette pleine liberté, il leur faut non seu- lement l'espace, le temps, et le repos nécessaires, mais il leur faut encore le secours ou plutôt le soutien 3l6 MINÉRAUX. d'un véhicule fluide dans lequel elles puissent se mou- voir sans trop de résistance, et exercer avec facilité leurs forces d'attraction réciproques : tous les liqui- des, et même l'air et le feu, comme fluides, peuvent servir de soutien aux molécules de la matière atténuée au point de la dissolution. Le feu primitif fut le fluide dans lequel s'opéra la cristallisation du feld-spatli et du scborl; la cristallisation des régules métalliques s'opère de même à nos feux, par le rapprochement libre des molécules du métal en fusion par le fluide igné. De semblables effets doivent se produire dans le sein des volcans; mais ces cristallisations produites par le feu sont en très petit nombre en comparaison de celles qui sont formées par l'intermède de l'eau : c'est en eff*et cet élément qui, dans l'état actuel de la nature, est le grand instrument et le véhicule propre de la plupart des cristallisations. Ce n'est pas que l'air et les vapeurs aqueuses ne soient aussi, pour les sub- stances susceptibles de sublimation , des véhicules éga- lement propres, et des fluides très libres où leur cris- tallisation peut s'opérer avec toute facilité ; et il paroît qu'il se fait réellement ainsi un grand nombre de cristallisations des minéraux renfermés et sublimés dans les cavités de la terre : mais l'eau en produit in- finiment plus encore , et même l'on peut assurer que cet élément seul forme actuellement presque toutes les cristallisations des substances pierreuses, vitreu- ses, ou calcaires. Mais une seconde circonstance essentielle, à la- quelle il paroît.qu'on n'a pas fait attention , c'est qu'au- cune cristallisation ne peut se faire que dans un bain STALACTITES VITREUSES NON CRISTALLISEES. :> 1 ^ jliiide toujours égal et constamment tranquille, dans lequel les molécules dissoutes nagent en liberté ; et pour que l'eau puisse former ce bain , il est nécessaire qu'elle soit contenue en assez grande quantité et en repos dans des cavités qui en soient entièrement ou presque entièrement remplies. Cette circonstance d'une quantité d'eau qui puisse faire un bain est si né- cessaire à la cristallisation, qu'il ne seroit pas possible, sans cela, d'avoir une idée nette des effets généraux et particuliers de cette opération de la nature : car la cristallisation , comme on vient de le voir, dépend en général de l'accession pleinement libre des molé- cules les unes vers les autres, et de leur transport dans un équilibre assez parfait pour qu'elles puissent s'ordonner sous la loi de leur puissance attractive; ce qui ne peut s'opérer que dans un fluide abondant et tranquille : et de même il ne seroit pas possible de rendre raison de certains effets particuliers de la cris- tallisation, tels, par exemple, que le jet en tous sens des aiguilles dans un groupe de cristal de roche , sans supposer un bain ou masse d'eau dans laquelle puisse se former ce jet de cristallisation en tous sens; car si l'eau tombe de la voûte , ou coule le long des parois d'une cavité vide, elle ne produira que des concré- tions ou garlis nécessairement étendus et dirigés dans le seul sens de l'écoulement de l'eau , qui se fait tou- jours de haut en bas. Ainsi cet effet particulier du jet des cristaux en tous sens, aussi bien que l'effet général et combiné de la réunion des molécules qui forment la cristallisation, ne peuvent clone avoir lieu que dans un volume d'eau qui remplisse presque en- 3l8 MI NÉ I\ ALIX. tièreraent pendant un long temps la capacité du lieu où se produisent les cristaux. Les anciens avoient re- marqué, avant nous, que les grandes mines de cris- tal ne se trouvent que vers les hauts sommets des montagnes, près des neiges et des glaces, dont la fonte, qui se fait continuellement en dessous par la chaleur propre de la terre, entretient un perpétuel écoulement dans les fentes et les cavités des rochers; et on trouve même encore aujourd'hui, en ouvrant ces cavités auxquelles On donne le nom de cristalliè- reSj, des restes de l'eau dans laquelle s'est opérée la cristallisation : ce travail n*a cessé que quand cette eau s'est écoulée, et que les cavités sont demeurées vides. Les spaths cristallisés dans les fentes et cavités des bancs calcaires se sont formés de la même manière que les cristaux dans les rochers vitreux : la figura- tion de ces spaths en rhombes, leur position en tous sens , ainsi que le mécanisme par lequel leurs lames se sont successivement appliquées les unes aux au- tres , n'exigent pas moins la fluctuation libre des mo- lécules calcaires dans un fluide qui leur permette de s'appliquer dans tous les sens, suivant les lois de leur attraction respective. Ainsi toute cristaUisation , soit dans les matières vitreuses, soit dans les substances cal- caires, suppose nécessairement un fluide ambiant et tranquille, dans lequel les molécules dissoutes soient soutenues et puissent se rapprocher en liberté. Dans les Heux vides, au contraire, où les eaux stil- lantes tombent goutte à goutte des parois et des voû- tes, les sucs vitreux el calcaires ne forment ni cristaux STALACTITES VITREUSES NON CRISTALLISÉES. SlQ ni spaths réguliers, mais seulement des concrétions ou congélations, lesquelles n'offrent qu'une ébauche et des rudiments de cristallisation : la forme de ces congélations est en général arrondie , tubulée , et ne présente ni faces planes ni angles réguliers, parce que, les particules dont elles sont composées ne nageant pas librement dans le fluide qui les charrie, elles n'ont pu dès lors se joindre uniformément, et n'ont produit que des agrégats confus sous mille formes in- déterminées. Après cet exposé, que j'ai cru nécessaire pour don- ner une idée nette de la manière dont s'opère la cris- tallisation , et faire sentir en même temps la différence essentielle qui se trouve entre la formation des con- crétions et des cristallisations, nous concevrons aisé- ment pourquoi la plupart des stalactites dont nous allons donner la description rie sont pas des cristalli- sations, mais des concrétions demi-transparentes ou opaques, qui tirent également leur origine du quartz, du feld-spath , et du schorl. («'8«0<8«<»0«O««<8«*O«^8««««««««««««O««««««««««««<8»^S AGATES. Parmi les pierres demi-transparentes, les agates, les cornahnes, et les sardoines, tiennent le premier rang; ce sont, comme les cristaux, des stalactites quartzeuses, mais dans lesquelles le suc vitreux n'a pas été assez pur ou assez libre pour se cristalliser et prendre une entière transparence. La densité de%es 020 MINÉRAUX. pierres^, leur dureté, leur résistance au feu et à Tac- tion des acides, sont à peu près les mêmes que celles du quartz et du cristal de roche; la très petite diffé- rence qui se trouve en moins dans leur pesanteur spé- cifique, relativement à celle du cristal, peut provenir de ce que leurs parties constituantes, n'étant pas aussi pures, n'ont pu se rapprocher d'aussi près : mais le fonds de leur substance est de la même essence que celle du quartz; ces pierres en ont toutes les proprié- lés, et même la demi- transparence, en sorte qu'elles ne diffèrent des quartz de seconde formation que par les couleurs dont elles sont imprégnées; et qui pro- viennent de la dissolution de quelque matière métal- lique qui s'est mêlée avec le suc quartzeux : mais, loin d'en augmenter la masse par un mélange intime, cette matière étrangère ne fait qu'en étendre le vo- lume en empêchant les partiesquartzeusesde se rappro- cher autant qu'elles se rapprochent dans les cristaux. 1 . Pesanteur spécifique du quartz 2644^' — du cristal de roche d'Eu- rope 26548. — de l'agate orientale. . . 26901. — de l'agate nuée 26255. — de l'agate ponctuée. . . 26070. — de l'agate tachée. . . . 26324- — de l'agate veinée. . . . 26667. — de l'agate onyx 26075. — de l'agate herborisée. . aôSgi. — de l'agate mousseuse. — de l'agate jaspée. . . — de la cornaline. . . . — de la cornaline paie. — delà cornai, ponctué ^ojfz la Tal'ie de 5J[. Biissoi 25991. 26356. 26107. 263oi. 26120. Pesanteur spécifique de là cornaline veinée. . 26234. — de la cornaline onyx. . 26227. — de la cornaline herbo- risée 26133. — de la cornaline en sta- lactite 25977. — de la sardoine. .... 26025. — de la sardoine pâle. . . 26060. — de la sardoine ponctuée. 26215. — de la sardoine veinée. . 25961. — de la sardoine onyx.. . 25949- — de la sardoine herbori- sée 25988. — do la sardoine noirâ- tre 26284. AGATES. 321 Les agates n'affectent pas autant que les cailloux la forme globuleuse ; elles se trouvent ordinairement en petits lits horizontaux ou inclinés, toujours assez peu épais et diversement colorés : et Ton ne peut dou- ter que ces lits ne soient formés par la stillation des eaux, car on a observé dans plusieurs agates des gout- tes d'eau très sensibles; d'ailleurs elles ont les mêmes caractères que tous les autres sédiments de la stilla- lation des eaux. On donne le nom d'onyx à celles qui présentent différentes couleurs en couches ou zones bien distinctes : dans les autres, les couches sont moins apparentes et les couleurs sont plus brouillées, même dans chaque couche, et il n'y a aucune agate, si ce n'est en petit volume , dont la couleur soit uniforme et la même dans toute son épaisseur; ce qui prouve que la matière dont les agates sont formées n'est pas simple, et que le quartz qui domine dans leur com- position est mêlé de parties terreuses ou métalliques qui s'opposent à la cristallisation , et donnent à c^s pierres les diverses couleurs et les teintes variées qu'elles nous présentent àla surface et dans l'intérieur de leur masse. Lorsque le suc vitreux qui forme les agates se trouve en liberté dans un espace vide , il tombe sur le sol ou s'attache aux parois de cette cavité , et y forme quelquefois des masses d'un assez grand volume : il prend les mêmes formes que prennent toutes les au- » très concrétions ou stalactites; maïs lorsqu'il rencon- tre des corps figurés et poreux, comme des os, des coquilles, ou des morceaux de bois dont il peut pé- nétrer la substance, ce suc vitreux produit, comme le suc calcaire , des pétrifications qui conservent et Ô22 MINERAUX. prosentent, tant à l'extcrieiir qu'à l'intérieur, la forme de l'os , de îa coquille , et du bois. Quoique les lapidaires, et d'après eux nos natura- listes, aient avancé qu'on doit distinguer les agates en orientales et occidentales ^ il est néanmoins très cer- tain qu'on trouve dans l'Occident, et notamment en Allemagne, d'aussi belles agates que celles qu'on dit venir de l'Orient; et de même il est très sûr qu'en Orient la plupart des agates sont entièrement sem- blables à nos agates d'Europe : on peut même dire qu'on trouve de ces pierres dans toutes les parties du monde, et dans tous les terrains où le quartz et le granité dominent, au nouveau continent comme dans l'ancien, et dans les contrées du nord comme dans celles du midi. Ainsi la distinction à' orientale et à' oc- cidentale ne porte pas sur la différence du climat, mais seulement sur celle de la netteté et de l'éclat de certaines agates plus belles que les autres; néanmoins l'essence de ces belles agates est la même que celle des agates communes : car leur pesanteur spécifique et leur dureté sont aussi à peu près les mêmes ''^. L'agate, suivant Théophraste , prit son nom du fleuve Achates en Sicile, où furent trouvées les pre- mières agates : mais l'on ne tarda pas à en découvrir en diverses autres contrées ; et il paroît que les an- ciens connurent les plus belles variétés de ces pierres, puisqu'ils les avoient toutes dénommées^, et que même dans ce nombre il en est quelques unes qui 1. Voyez ci-dessus la table des pesanteurs «pécifiques des diverses agates. 2. Phassacates, cerachaics, sardacliatcs , hœmac haies , leucachatcs , dendrac hâtes f corallachates , etc. AGATES. 323 semblent ne se plus trouver aujourd'hiii^. Quant aux prétendues agates odorantes dont parlent ces mêmes anciens^, ne doit-on pas les regarder comme des bi- tumes concrets de la nature du jayet, auquel on a quelquefois donné, quoique très improprement, le nom à' agate noire? Ce n'est pas néanmoins que ces sucs bitumineux ne puissent s'être insinués comme substance étrangère , ou même être entrés comme parties colorantes, dans la pâte vitreuse des agates lors de leur concrétion. M. Dutens assure à ce sujet que si l'on racle, dans les agates herborisées, les li- néaments qui en forment l'herborisation, et qu'on en jette la poudre sur des charbons ardents , elle donne de la fumée avec une odeur bitumineuse. Et à l'égard de ftes accidents ou jeux d'herborisations qui rendent quelquefois les agates singulières et précieuses , on p^ut voir ce que nous en dirons ci-après à l'article des cailloux. 1 . Entre autres , celle qui , selon Pline , étoit parsemée de points d'or (à moins que ce ne soit l'aventurine) , comme le lapis ( Pline dit le sa- phir; mais nous verrons ci-après que son saphir est notre lapis ), « et se trouvoit abondamment dans l'île de Crète ; celles de Lesbos et de Messène , ainsi qu'au mont OEta et au mont Parnasse , qui , par l'é- clatante variété de leurs couleurs, sembloient le disputer à l'émail des fleurs champêtres ; celle d'Arabie , qui . excepté sa dureté , avoit toute l'apparence de l'ivoire et en offroit toute la blancheur. » (Pline, liv. XXXVII, n° 54.) 2. « Aromatites et ipsa in Arabia traditur gigni , sed et in /Egypto » circa Pyras , ubique lapidosa et myrrhae coloris et odoris, ob hoc » reginis frequentata. » (Plin. loco cit.) Et auparavant il avoit dit, autachates, ciim uritur, myrrham redolens. 524 MINÉRAUX. ft>a.»o4»@««««>9.ô«^«4^.S«'&»&»0«3di:>.»9<6«dOc&»3«®a^ CORNALINE. Comme les agates d'une seule couleur sont plus ra- res que les autres, on a cru devoir leur donner des noms particuliers. On appelle cor?ialmes celles qui sont d'un rouge pur; sardoines^ celles 'dont la couleur est jaune ou d'un rouge mêle de jaune ; praseSj les agates vertes; et calcédoines ^ les agates blanches ou d'un blanc bleuâtre. Quoique le nom de cornaline _, que l'on ecrivoit autrefois canicolCj, paroisse désigner une pierre cf>u- leur de chair, et qu'en effet il se trouve beaucoup de ces agates couleur de chair ou rougeâtres, on recon- - noît néanmoins la vraie cornaline à sa teinte d'un | rouge pur, et à la transparence qui ajoute à son éclat. Les plus belles cornalines sont celles dont la pâte est la plus diaphane, et dont le rouge a le plus d'inten- » site; et, de ce rouge intense jusqu'au rouge clair et " couleur de chair, on trouve toutes les nuances inter- médiaires dans ces pierres. La cornaline n'est donc qu'une belle agate plus ou moins rouge ; et la matière métallique qui lui donne cette couleur n'augmente pas sa densité et ne lui ôte pas sa transparence : c'est ce qui la distingue des cailloux rouges opaques , qui sont en général de même essence que les agates, mais dont la substance est moins pure et a reçu sa teinture par des parties métal- liques plus grossières et moins atténuées. Ce sont les CORNALINE. Ô'2J rouilles ou chaux de fer, de cuivre, eLc. , plus ou moins dissoutes, qui donnent la couleur à ces pierres; et l'on trouve toutes les nuances de couleur, et même toutes les couleurs différentes, dans les cailloux aussi bien que dans les agates. Il y a même plusieurs agates- onyx dont les différents lits présentent successive- ment de l'agate blanche ou noire, de la calcédoine, de la cornaline, etc. On recherche ces onyx pour en faire des camées; les plus beaux sont ceux dont les reliefs sont de cornaline sur un fond blanc. Il en est des belles cornalines comme des belles agates; elles sont aussi rares que les autres sont com- munes. On trouve souvent des stalactites de cornali- nes en mamelons acciMnulés, et en assez grand vo- lume; mais ces cornalines sont ordinairement impures, peu transparentes, et d'un, rouge faux ou terne. On connoît aussi des agates qui sont ponctuées, et comme semées de particules de cornaline formant de petits mamelons rouges dans la substance de l'agate; et cer- taines cornalines sont elles-mêmes semées de points d'un rouge plus vif que celui de leur pâte : mais la na- ture de toutes ces pierres est absolument la même ; et l'on trouve des cornalines dans la plupart des lieux d'où l'on tire les agates, soit en Asie , soit en Europe, et dans les autres parties du monde. BIIFOIV. VIlî. 91 026 MlN'iiilAnX. ■ ^ SA RD 01 NÉ. La sardoine ne diffère de la cornaline que par sa couleur, qui n'est pas d'un rouge pur, mais d'un rouge orangé, et plus ou moins mêlé de jaune; néanmoins cette couleur orangée de la sardoine , quoique moins vive, est plus suave , plus agréable à l'œil que le rouge dur et sec de la cornaline : mais comme ces pierres sont de la même essence, on passe par nuances de l'orangé le plus foible au rouge le plus intense, c'est- à-dire de la sardoine la moins jaune à la cornaline la plus rouge; et l'on ne distingue pas l'une de l'autre dans les teintes intermédiaires entre l'orangé et le rouge : car ces deux pierres ont la même transpa- rence, et leur densité, leur dureté, et toutes leurs autres propriétés, sont les mêmes; enfin toutes deux ne sont que de belles agates teintes par le fer en dis- solution. La sardoine est très anciennement connue; Mithri- date avoit, dit-on, ramassé quatre mille échantillons de cette pierre, dont le nom, suivant certains auteurs, vient de celui de l'île de Sardaigne , où il s'en trouvoit en assez grande quantité. Il paroît que cette pierre étoit en grande estime chez les anciens; elle est en effet plus rare que la cornaline, et se trouve rarement en aussi grand volume. PHASE. 027 PRASE. Cette pierre a été aussi célébrée par les anciens; c'est une agate verte ou verdâtre, souvent tachée de blanc, de jaunâtre, de brun, et qui est quelquefois aussi transparente que les belles agates, dont elle ne diffère que par le noi'ta. Les prases ne sont pas fort communes; cependant on en trouve non seulement en Asie , mais en Europe , et particulièrement en Si- lésie. M. Lehman a donné l'histoire et la description de celte prase de Silésie , ainsi que de la chrysoprase du môme pays, qui n'est qu'une prase dont la cou- leur verte est mêlée de jaune. Ce savant minéralogiste dit qu'on trouve les prases et les chrysoprases dans une terre argileuse verte , et souvent mêlée d'opales, de calcédoines, etd'asbeste; et comme elles sont à très peu près de la même pesanteur spécifique ^, et qu'elles ont la même dureté et prennent le même poli que les asates, on doit les mettre au nombre des aojates co- lorées : la cornaline l'est de rouge, la sardoine de jaune ortmgé, et la prase l'est de vert. M. Demeste pense que cette couleur verte de la prase provient du mélange du cobalt , parce que cette pierre étant fondue avec deux parties de borax produit un beau verre bleu; mais peut-être cette couleur bleue provient du borax, 1. lia pesanteur spécifique de l'agate orientale est de 2.5091, et celle do la prase est de 258o5. 020 MINERAUX. qui, comme je l'ai dit^, contient des parties métal- liques. On pourroit s'assurer du fait en fondant la prase sans borax; car si elle donnoit également un verre bleu , l'opinion de M. Demeste seroit pleinement confirmée : mais il est à croire que la prase seroit, comme l'agate, très réfractaire au feu, et qu'on ne pourroit la fondre sans addition , soit du borax ou d'un autre fondant; et dans ce cas il faudroit employer un fondant purement salin qui ne contînt pas, comme le borax , des parties métalliques. Au reste , quelques naturalistes ont donné le nom de prase à la prime d'émeraude, qui n'est point une agate, mais un cristal vert , défectueux, inégalement coloré, et dont certaines parties plus parfaites que les autres sont de véritables et belles émeraudes : le nom de prase a donc été maf appliqué à cette substance , qui n'est qu'une émeraude imparfaite, assez bien dé- signée par la dénomination de prime ou matrice d'é- meraude. ONYX. Le nom à'onyx -, qu'on a donné de préférence aux agates dont les lits sont de couleurs différentes, pour- -• . Voyez Tarticle du Borax. '2. Onyx, en grec , signifie ongle; et l'imaginalion des Grecs n'étoit })as resiée en défaut sur cette dénomination pour lui former une ori- gine élégante et mythologique. « Un jour, disoient-ils, l'Amour trou- ONYX. J29 roit s'appliquer assez généralement à toutes les pierres dont les couches superposées sont de diverses sub- stances ou de couleurs difterentes. Théophraste a ca- ractérisé l'onyx en disant qu'il est varié alternative- ment de blanc et de brun : mais il faut observer que quelquefois les anciens ont donné improprement le nom d'onyx à l'albâtre ; et c'est faute de l'avoir remar- qué que plusieurs modernes se sont perdus dans leurs conjectures au sujet de l'onyx des anciens, ne pou« vaut concilier des caractères qui en effet appartien- nent à des substances très différentes. De quelque couleur que soient les couches ou zones dont^ont composés les onyx, pourvu que ces mêmes couches aient une certaine régularité, la pierre n'en est pas moins de la classe des onyx, à moins cepen- dant qu'elles ne soient rouges; car alors la pierre prend le nom de sardonyXj, ou sardoine-onyx : ainsi la disposition des couleurs en couches ou zones fait le principal caractère des onyx, et les distingue des agates simples, qui sont bien de la même nature et peuvent offrir les mêmes couleurs, mais confuses, nuées, ou disposées par taches et par veines irrégu- lières. Il y a des jaspes , des cailloux opaques , et même des pierres à fusil, dans lesquels on voit des lits ou des veines de couleurs différentes, et qu'on peut mettre au nombre des onyx. Ordinairement les agates-onyx, vant Vénus endormie ; lui coupa les ongles avec le fer d'une de ses flèches et s'envola : les rognures tombèrent sur le sable du rivage de rinde; et comme tout ce qui provient dun corps céleste ne peut pas périr, les Parques les ramassèrent soigneusement , et les changèrent en cette sorte de pierre qu'on appelle onyx. » 35o 3IINÉKAUX. qui de toutes les pierres onyx sont les plus belles 5 n'ont néanmoins que peu de transparence, parce que les couches brunes, noires, ou blanches et bleuâtres de ces agates, sont presque opaques, et ne laissent pas apercevoir la transparence du fond de la pierre sur laquelle ces couches sont superposées parallèle- ment ouconcentriquement, et presque toujours avec une épaisseur égale dans toute l'étendue de ces cou- ches. Il y a aussi des onyx que l'on appelle agates œll- lées^ et que les anciens avoient distingués par des dé- nominations propres : ils nommoient trioplitlialmos et lycoplitlialmos ceux qui présentoient la forme de trois ou quatre petits yeux rouges, et donnoient le nom à' horminodes à une agate qui présentoit un cercle de couleur d'or, au centre duquel étoit une tache verte. Les Grecs ^, qui ont excellé dans tous les beaux- arts, avoient porté à un haut point de perfection la gravure en creux et en relief sur les pierres : ils re- cherchoient les belles agates -onyx pour en faire des camées; il nous reste plusieurs de ces pierres gravées dont nos connoisseurs ne peuvent se lasser d'admirer la beauté du travail, la correction du dessin , la net- teté et la finesse du trait dans le relief, qui se détache si parfaitement du fond de la pierre qu'on le croiroit fait à part et ensuite collé sur cette même pierre : ils choisissoient pour ces beaux camées les onyx blancs et 1 . Plusieurs artistes grecs s'immortalisèrent par la gravure sur pierres fines. Pline nomme Apoîionide, Cronias, Dioscoride qui grava la tête d'Auguste, laquelle servit de sceau aux Césars : mais le premier de ces artistes, ajoijte-t-il , fut Pyrgotèle; et Alexandre, par le même édlt où il défendoit à tout autre qu'à Apelle de le peindre , et à tout autre qu'à Lysippe de modeler sa statue , n'accordoit qu'au seul Pyrgotèle l'hon- neur de graver son effigie. \ oyez l^lint-, livre XXXVII, n° 4 O.NYX. 55 1 rouges, ou de deux autres couleurs qui tranchoient forteuient Tune sur l'autre. Il y a plusieurs agates qui n'ont que deux couches ou lits de couleurs diflereutes : mais on en connoît d'autres qui ont trois et même quatre lits bien distincts, du brun profond et noir, du blanc mat, du bleu noir, et du jaune rougeâtre; ces onyx de trois et quatre couleurs sont plus rares, et sont en plus petit volume que ceux de deux cou- leurs, qui se trouvent communément avec les autres agates. Les anciens tiroient de l'Egypte les plus beaux onyx, et aujourd'hui l'on en trouve dans plusieurs provinces de l'Orient, et particulièrement en Asie. i»«'»ai»>>40<»8»o»«-»~>8«'g»»»0««'»«o8i8i»os<»»8'>»o-»a»»0» 8 CALCEDOINE. La calcédoine est encore une agate, mais moins belle que la cornaline, la sardoine, et la prase; elle est aussi moins transparente, et sa couleur est indé- cise, laiteuse, et bleuâtre : cette pierre est donc fort au dessous non seulement des cornalines et des sar- doines, mais même des agates qui ne sont point lai- teuses, et dont la demi-transparence est nette; aussi donne-t-on le nom de calcédoine à toute agate dont la pâte est nuageuse et blanchâtre. Les calcédoines en petites masses, grosses comme des lentilles ou &es pois, sont très communes et se trouvent en immense quantité : j'en ai vu par milliers dans des mines de fer en grains; elles y étoient elles- mêmes en petits grains arrondis, qui paroissoient avoir ô3'2 MINERAUX. été usés par le frottement dans leur transport par le mouvement des eaux : la plupart n'étoient donc que des débris de masses plus grandes; car on trouve com- munément les calcédoines en stalactites d'un assez irrand volume, tantôt mamelonnées et tantôt en la- mes aplaties? elles forment souvent la base des onyx , dans lesquels on voit le lit de calcédoine surmonté d'un lit de cornaline ou de sardoine. Les calcédoines sont aussi quelquefois ondées et ponctuées de rouge ou d'orangé, et se rapprochent par là des cornalines et des sardoines; mais les onyx les plus estiuiés, et dont on fait les plus beaux camées , sont ceux qui , sur un Ut d'agate purement blanche, portent un ou plu- sieurs lits de couleur rouge, orangée, bleue, brune ou noire, de couleurs, en un mot, dont les couches différentes tranchent vivement et nettement l'épais- seur de la pierre. Ordinairement la calcédoine est lai- teuse, blanche ou bleuâtre, dans toute sa substance. On en trouve de cette sorte de très gros et grands morceaux, qui paroissent avoir fait partie de couches épaisses et assez étendues : les plus beaux échantillons que nous en connoissions ont été trouvés aux îles de Féroé , et l'on peut en voir un de six à sept pouces d'épaisseur au Cabinet du Roi. On distingue dans ce morceau des couches d'un blanc aussi mat et aussi opaque que de l'émail blanc, et d'autres qui prennent une demi-transparence bleuâtre. Dans d'autres mor- ceaux, cette pâte bleuâtre offre des reflets et un cha- toiement qui font ressembler ces calcédoines à des gi- rasols, et les rapprochent de l'opale, laquelle semble participer en effet de la nature de la calcédoine, ainsi que nous l'avons dit à son article. CALCÉDOINE. 5^5 Au reste, les calcédoines mélangées de pâte d'agate commune, ou les agates mêlées de calcédoine, sont beaucoup plus communes que les calcédoines pures; de môme que les agates, sardoines, et cornalines pu- res, sont infiniment plus rares que les agates mêlées et brouillées de ces diverses pâtes colorées; car la sub^ stance vitreuse étant la même dans toutes les agates, et les parties métalliques ou terreuses colorantes ayant pu s'y mélanger de mille et mille manières, il n'est point étonnant que la nature ait produit avec tant de variétés les agates mêlées de diverses couleurs, tandis que les agates d'une seule couleur pure sans mélange, et d'une belle transparence, sont assez rares et tou- jours en très petit volume. PIERRE HYDROPHANE. Cette pierre^, se trouvant ordinairement autour de la calcédoine, doit être placée immédiatement après elle; toutes deux font corps ensemble dans le même bloc; et cependant diffèrent l'une de l'autre par des caractères essentiels : les naturalistes modernes ont nommé cette pierre ocidus mwidl^ et ils me parois- sent s'être mépris lorsqu'ils l'ont mise au nombre des agates ou calcédoines; car cette pierre hydropbane n'a point de transparence, elle est opaque et moins dure que l'agate, et elle en diffère par la propriété particulière de devenir transparente, et mênie dia- pbane, lorsqu'on la laisse" tremper pendant quelque 53 j MINÉUALX. temps dans l'eau : nous lui donnons, par cette raison, le nom de pierre kydropliane. Cette propriété , qui suppose l'imbibition intime et prompte de l'eau dans | la substance de la pierre, prouve en même temps que cette substance est d'une autre texture que ceile des agates, dont aucune 'ne s'imbibe d'eau. Enfin ce qui démontre plus évidemment combien la structure ou la composition de cette pierre liydrophane difl'ère de celle des agates ou calcédoines, c'est la grande diffé- rence qui se trouve dans le rapport de leurs densités^ : celle de l'hydrophane n'est que d'environ 20000, tan- dis que celle des agates et calcédoines est de 26 à ' 27000. Il est vrai que la substance de toutes deux est quartzeuse; mais la texture de l'hydrophane est po- | reuse comme une éponge, et celle des agates et cal- cédoines est solide et pleine : on ne doit donc regar- der cette pierre hydropharie et poreuse que comme un agrégat de particules ou grains quartzeuxqui ne se touchent que par des points, et laissent entre eux des interstices continus qui font la fonction de tuyaux Ca- pillaires, et attirent l'eau jusque dans*l'intérieur et au centre de la pierre ; car sa transparence s'étend et augmente à mesure qu'on la laisse plus long-temps plongée dans l'eau : elle ne devient même entière- ment diaphane qu'après un assez long séjour soit dans l'eau pure, soit dans toute autre liqueur; car le vin, le vinaigre, l'esprit-de-vin , et même les acides miné- raux, produisent sur cetle pierre le même effet que l'eau ; ils la rendent transparente sans la dissoudre ni 1. La pesanteur spécifique de l'agate est de 25901, ol celle de la pierre ocuius mundi ou liydrophane n'est que de «2950. f Table do M. Brisson. ) i PIERRE HYDROPHA.^L. 555 lentamer; ils n'en dérangent pas la texture, et ne font qu'en remplir les pores, dont ensuite ils s'exha- lent par le seul dessèchement; elle acquiert donc ou perd du poids à mesure que le liquide la pénètre ou l'abandonne en s'exhalant, et l'on a observé que les liquides aidés de la chaleur la pénètrent plus tôt que les liquides froids. Cette pierre, qui n'étoit pas connue des anciens, n'avoit pas encore de nom dans le siècle dernier : il est dit dans les Éphémérides d' Allemagne j, année 1672, qu'un lapidaire qui avoit trois de ces pierres en fit présent d'une au consul de Marienbourg, et la lui donna comme une pierre précieuse qui n'avoit point de nom; l'une de ces pierres, ajoute le relateur, étoit encore dans sa gangue de quartz : celle qui fut donnée au consul de Marienbourg n'étoit que de la grosseur d'un pois et d'une couleur de cendre; elle étoit opa- que; et lorsqu'elle fut plongée dans l'eau, elle com- mença, au bout de six minutes, à paroître diaphane par les bords; elle devint d'un jaune d'ambre; elle passa ensuite du jaune à la couleur d'améthyste, au noir, au blanc, et enfin elle prit une couleur obscure, nébuleuse, et comme enfumée; tirée de l'eau, elle revint à son premier état d'opacité, après s'être co- lorée successivement, et dans un ordre inverse, des mêmes teintes qu'elle avoit prises auparavant dans l'eau. Je dois remarquer qu'on n'a pas vu cette succes- sion de couleurs sur les pierres qui ont été observées depuis; elles ne prennent qu'une couleur et la con- servent tant qu'elles sont imbibées d'eau. M. Gerhard, savant académicien de Berlin , a fait beaucoup d'observations sur cette pierre hydrophane; 336 MliNÉUAUX. il dit avec raison qu'elle forme l'écorce qui environne les opales et les calcédoines d'Islande et de Féroé, et qu'on la trouve également en Silésie , où elle con- stitue l'écorce brunâtre et jaunâtre de la e/irysoprase. D'après les expériences chimiques que M. Gerhard a faites sur cette pierre, il croit qu'elle est composée de deux tiers d'alun sur un tiers de terre vitrifiable et de matière grasse. Mais ce savant auteur ne nous dit pas quelle est cette matière grasse : on peut lui de- mander si c'est de la graisse , de l'huile , ou de l'eau- mère de sel ; et ces deux tiers d'alun sont-ils de l'alun pur, ou seulement de la terre alumineuse? Quoi qu'il en soit, il nous apprenti qu'il a fait la découverte d'une pierre en Silésie, qui présente les mêmes phénomè- nes que celle-ci. « Cette pierre, dit-il, est foiblement transparente : mais plongée dans l'eau elle le devient complètement; il lui faut seulement plus de temps pour acquérir toute sa transparence. » De plus, par les recherches particulières que M. Gerhard a faites de ces pierres hydrop lianes ^ il assure en avoir vu qui avoient jusqu'à deux pouces un quart de longueur sur un pouce un huitième de largeur , et plus d'un pouce d'épaisseur par un bout, et il dit qu'on les trouve dans la matière int-ercalée entre les couches des calcé- doines de l'île de Féroé. Il est vrai que toutes ces pierres hydrophanes ne sont pas également susceptibles de prendre, à volume égal , le même degré de transparence : les unes de- viennent bien plus diaphanes , ou le deviennent en bien moins de temps que les autres; il y en a qui chan- gent de couleur, et qui de grises deviennent jaunes par l'imbibition de l'eau : mais nous avons vu plusieurs PIERRE II YDROPIIANE. 337 de ces pierr<\s dont les luies étoieiit grises, les autres rougeâtres, d'autres verdâtres, et qui ne charigeoient pas sensiblement de conlenr dans l'eau, où elles pre- noient une assez belle transparence. M. le docteur Titius, savant naturaliste, et directeur du Cabinet d'histoire naturelle à Dresde, m'a fait voir quelques unes de ces pierres, et m'a confirmé le fait avancé par M. Gerhard, que Vliy drop liane grise est une matière qui se trouve intercalée entre les coucbes de la calcé- doine; M. Daubenton , de l'Académie des Sciences, a vérifié ce fait en réduisant à une petite épaisseur quelques unes des couches opaques grises ou blanches qui se trouvent souvent entre les couches des calcé- doines. 11 y a aussi toute apparence que cette même matière sert quelquefois d'enveloppe , et recouvre la couche extérieure des calcédoines; car on a vu des hydrophanes grises qui avoient trop d'épaisseur pour qu'on puisse les regarder comme des couches de la- mes intercalées dans la petite masse des calcédoines. On peut aussi présumer qu'en recherchant sur les cornalines, sardoines, et agates colorées, les couches opaques qui les enveloppent ou les traversent, on trouvera des hydrophanes de diverses couleurs, rou- geâtres, jaunâtres , verdâtres, semblables à celles que m'a montrées M. Titius; et je pense que cette ma- tière qui fait la substance des hydrophanes n'est que la portion la plus grossière du suc vitreux qui forme les agates : comme les parties de cette matière ne sont pas atténuées, elles ne peuvent se réunir d'assez près pour prendre la demi- transparence et la dureté de l'agate; elles forment une substance opaque, poreuse, 37)^ MINÉRAL V. et friable, à peu près comme le grès. Ce sont en effet de petits grains qiiartzeux réunis plutôt que dissous, qui laissent entre eux des vides continus et tortueux en tous sens, et dans lesquels la lumière s'éteint et ne peut passer que quand ils sont remplis d'eau : la transparence n'appartient donc pas à la pierre hydro- phane, et ne provient uniquement que de l'eau qui fait alors une partie majeure de sa masse; efc je suis persuadé qu'en faisant la même épreuve sur des grès amincis, on les rendroit hydrophanes par leur imLi- bition dans l'eau. Il n'est donc pas nécessaire de re- courir, avec M. Gerhard, à la supposition d'une terre mêlée de matière grasse, pour rendre raison de la transparence «[ue ces pierres acquièrent par leur im- mersion et leur séjour dans l'eau ou dans tout autre liquide transparent. ^©i^^©!9o««*'^-f e«e'&«&«*©***»*e PETRO-SILEX. Le premier caractère apparent du pétro- silex est une demi-transparence grasse, qu'on peut comparera celle du miel ou de l'huile figée; il me semble que ce caractère n'éloigne pas le pétro-silex du quartz gras : mais considérant toutes ses autres propriétés, je crois qu'on peut le regarder comme un quartz de seconde formation mêlé d'une certaine quantité de feld-spath; car la densité du pétro-silex est presque exactement la même que celle du quartz gras et du feld-spath PÉTRO- SILEX. 539 blanc ^. Sa diirelé est aussi la même que celle de ces deux verres primitifs ; et comme, selon M. Darcet, le pétro-silexest fusible à un feu violent, cette propriété semble indiquer que sa substance n'est pas de quartz pur, et qu'elle est mêlée d'une certaine quantité de feld-spatli qui, sans rien changer à sa densité, lui donne cette fusibilité. Le pétro-silex se trouve en petits et gros blocs, et même en assez grandes masses, dans les montagnes quartzeuses et graniteuses : sa demi -transparence le distingue des jaspes , avec lesquels il se rencontre quel- quefois, et auxquels il ressemble souvent par les cou- leurs ; car il y a des pétro-siîex comme des jaspes de toutes teintes : elles sont seulement moins intenses et moins nettes dans le pétro-silex; et son poli, sans être gras comme sa transparence, n'est néanmoins pas aussi vif que celui des beaux jaspes. Cette pierre est de seconde formation; elle se trouve dans les fentes et cavités des rochers vitreux : c'est une concrétion du quartz mêlé de feld-spath; et comme ces deux verres primitifs sont unis dans la substance des granités , le pétro-silex doit se trouver communément dans les montagnes graniteuses, telles que les Vosges en Lorraine et les montagnes de Suède, où Wallerius dit qu'il y en a de blancs, de gris, de bruns, de rougeâtres, de verdâtres, et de noirâtres ; d'autreis qui sont ondes alternativement de veines brunes et jaunes, ou grises et noirâtres; d'au- tres irréguhèrement tachés de ces différentes cou- leurs , etc. 1. La j)esaiileur spécifique du quartz gras est de 26458, celle du reld-spath blanc est de 26466 , et celle du pétro-silex blanc est de 26527. 5/fO MINÉRAUX. »8(>«'a^*»8 vg^>»<»»M JASPES. Le jaspe étant un quartz pénétré d'une teinture métallique assez forte pour lui avoir ôté toute trans- parence , n'a pu produire que des stalactites opaques : aussi tous les jaspes, soit de première, soit de seconde formation, de quelque couleur qu'ils soient, n'ont aucune transparence s'ils sont purs, et ce n'est que quand les autres substances vitreuses s'y trouvent in- terposées qu'ils laissent passer de la lumière; ceux qu'on appelle j^.s7?(?s agates ne sont, comme les agates jaspées, que des agrégations de petites parties d'agate et de jaspe , dont les premières sont à demi transpa- rentes, et les dernières sont opaques. Les jaspes primitifs n'ont ordinairement qu'une ,seule couleur, verte ou rougeâtre, et l'on peut regar- der tous ceux qui sont décolorés, ou teints de cou- leurs diverses ou variées^ comme des stalactites des premiers; et quoique ces jaspes de seconde formation soient en très grand nombre , et qu'ils paroissent fort diflerents les uns des autres, tous ont à peu près la même densité^, et tous sont entièrement opaques. 1. Pesanteur spécifique tlu jaspe vert foncé. . . 26^58. — jaspe vert-brun 26814. — jaspe rouge 26612. — jaspe rouge île san- guine 26189. Pesanteur spécifique du jaspe brun 2691 1 — jaspe violet 27111. — jaspe jaune 2710J. — jaspe gris-blanc. . . . 976/10. — jaspe noiràirc!. .^. . . 26719. JASPES. 34 1 Si lori compare la table de la pesanteur spécifique des jaspes avec celle des pesanteurs spécifiques des quartz blancs ou colorés, on verra que les jaspes, de quelque couleur qu'ils soient, même les jaspes décolorés ou blanchâtres, sont généralement un peu plus denses que les quartz; ce qu'on ne peut guère attribuer qu'au mélange des parties métalliques qui sont entrées dans la composition des jaspes. De tous les métaux, le fer est le seul qui ait teint et pénétré les jaspes de première formation, parce qu'il s'est éta- bli le premier avant tous les autres métaux sur le globe encore ardent, et qu'il étoit le seul métal capa- ble d'en supporter la très grande chaleur lorsque la roche quartzeuse commençoit à se consolider; car, quoique certains minéralogistes aient attribué au cui- vre la couleur des jaspes verts, on ne peut guère dou- ter que cette couleur verte ne soit due au fer, puisque le jaspe primitif, et qui se trouve en très grandes masses, est d'un assez beau vert : il paroît même que tous les jaspes secondaires, variés ou non variés de couleur, ont été teints par le fer; seulement il est à remarquer que ce métal , qui s'est mêlé en très grande quantité dans les schorls pour former les grenats, Pesanteur spécifique du j Pesanteur spécifique du jaspe nué 27054. jaspe fleuri rouge, -^-* jaspe sanguin 26277. — jaspe héliotrope. . . . 2653g. — jaspe veiné 26955. — jaspe fleuri rouge et blanc 26228. — jaspe fleuri rouge et jaune 27500. — jaspe fleuri vert et jaune. 26809. ( Voyez les Tabli's de M, Brissnti. ) nUfFON. VIII. 22 vert, et gris 27325 jaspe fleuri rouge , vert, et jaune. . ..... 2 7492 ^ jaspe universel 2563o. jaspe agalé 26608. jaspe grossier, ou sino- ple 26913, 5l\'2 MINÉRAUX. n'est entré qu'en très petite proportion dans les jas- pes, puisque la pesanteur spécifique du plus pesant des jaspes est d'un tiers moindre que celle du grenat. La matière du jaspe est, comme nous l'avons dit^, la base de la substance des porphyres et des ophites, ou serpentins, qu'il ne faut pas confondre avec la ser- pentine, dans laquelle il n'entre point de jaspe, et qui n'est qu'une concrétion micacée^. Lorsque le suc cristallin du quartz est mêlé de par- ties ferrugineuses, ou qu'il tombe sur des matières qui contiennent du fer, la stalactite ou le produit qui en résulte est de la nature du jaspe. On le reconnoît dans plusieurs cailloux, dans les bois pétrifiés, dans le sinople et autres jaspes grossiers qui sont de se- conde formation; toute matière quartzeuse mêlée de fer en vapeur ou dissous perd plus ou moins de trans- parence; et l'on reconnoît les jaspes à leur opacité, à la cassure terreuse, et à leur poli, qui n'est pas aussi vif que celui des agates et autres pierres vi- treuses dans lesquelles le fer n'est entré qu'en si pe- tite quantité, qu'il ne leur a donné que de la cou- leur, et ne leur a point ôté la transparence; au lieu que, par son mélange en plus grande quantité ou en parties plus grossières, il a rendu les quartz entière- ment opaques, et a formé des jaspes plus ou moins fins et de couleurs diverses, selon que le fer saisi par le suc quartzeux s'est trouvé dans différents états de décomposition ou de dissolution. Les jaspes fins se distinguent aisément des autres par leur beau poli , 1. Voyez c];ms le sixième voîumc de celte iiistoire les arJjrles du Jaspe, page 45, et du Porphyre, page 69. 2. Voyez plus loin , page 568 . l'ariicle de la Serpentine. .tASPES. 545 qui cependant n est jamais aussi vif que celui des aga- tes, cornalines , sardoines, et autres pierres quartzeu - ses transparentes ou demi-traosparentes, lesquelles sont aussi plus dures que les jaspes. Les jaspes d'une seule couleur sont les plus purs et les plus fins; ceux qui sont taches, nuancés, on- des, ou veinés, peuvent être regardés comme des jaspes impurs, et sont quelquefois mêlés de substan- ces différentes : si ces taches ou veines sont transpa- rentes, elles présentent le quartz dans son état de nature, ou dans son état d'agate; et s'il arrive que le feld-spath ou le schorl aient part à la composition de ces jaspes mixtes, ils deviennent fusibles^ comme toutes les matières vitreuses qui sont mélangées de ces deux verres primitifs. Le plus beau de tous les jaspes est le sanguin, qui, sur un vert plus ou moins bleuâtre , présente des points ou quelques petites taches d'un rouge vif de sang, et qui reçoit dans toutes ses dimensions un poli luisant et plus sec que celui des autres jaspes. Quelques uns de nos nomenclateurs, qui cependant ne craignent pas de multiplier les espèces et les sor- tes, n'en ont fait qu'une du jaspe sanguin et du jaspe héliotrope, quoique Boèce de Boot les eût avertis d'avance que le jaspe sanguin ne prend le nom d'/ié- liotrope que quand il est à demi transparent ; ce qui suppose un jaspe mixte, dans lequel le suc cristallin du feld-spath est entré , et produit des reflets cha- toyants, au lieu que le jaspe sanguin n'offre ni trans- 1. C'est cette fusibilité de certains jaspes qui a fait croire mal à pro- pos à quelques uns de nos minéralogistes que lés jaspes en général éloient fusibles et mêlés de chaux. 344 MINÉRAUX. parence ni chatoiement dans aucune de ses parties. Les jaspes , et surtout ceux de seconde formation , ressemblent aux cailloux par leur opacité et par leur poli : mais ils en diiTèrent par la forme , qui est rare- ment globuleuse comme celle des cailloux, et on les distinguera toujours en examinant leur cassure; la fracture des jaspes paroît être terreuse et semblable à celle d'une argile desséchée , tandis que la fracture des cailloux est luisante comme celle du verre. Les beaux jaspes héliotrope et sanguin nous vien- nent du Levant; les Romains les tiroient de l'Egypte : mais les anciens comprenoient sous ce nom de jaspes plusieurs autr-es pierres qui ne leur ressembloient que par la couleur verte, telle que les primes d'éme- raude, les prases ou agates verdâtres, etc. Les voyageurs nous apprennent qu'on trouve de très beaux jaspes à la Chine, au Japon, dans les ter- res du Catay et de plusieurs autres provinces de l'Asie. Ils en ont aussi vu au Mexique. En Europe, l'Allemagne est le pays où les jaspes se trouvent en plus grande quantité. « La Bohême, dit Boèce de Boot, produit de très beaux jaspes rou- ges, sanguins, pourprés, blancs, et mélangés de tou- tes sortes de couleurs. » On trouve cette pierre en masses assez considérables pour en faire des statues. On connoît aussi les jaspes d'Italie, de Sicile, d'Es- pagne; et il s'en trouve dans quelques provinces de France, comme en Dauphiné , en Provence , en Bre- tagne, et dans le-pays d'Aunis : c'est peut-être au zi- nopel ou sinople que l'on doit rapporter ces jaspes grossiers et rougeâtres du pays d'Aunis. CAILLOUX. 345 .*e3«o*os CAILLOUX. Toutes les stalactites ou concrétions vitreuses demi- transparentes sont comprises dans l'énumération que nous avons faites des agates^, cornalines, sardoines, prases, calcédoines, pierres hydrophanes, et pétro- silex, entre lesquelles on trouve sans doute plusieurs nuances intermédiaires, c'est-à-dire des pierres qui participent de la nature des unes et des autres, mais dont nous ne pouvons embrasser le nombre que par la vue de l'esprit, fondée sur ce que, dans toutes ses productions, la nature ])asse par des degrés insensi- bles, et des nuances dont il ne nous est possible de saisir que les points saillants et les extrêmes : nous l'avons suivie de la transparence à la demi-transpa- rence dans les matières qui proviennent du quartz , du feld-spath , et du schorl ; nous venons de présenter les jaspes qui sont entièrement opaques, et il ne nous reste à parler que des cailloux qui sont souvent com- posés de toutes ces matières mêlées et réunies. Nous devons observer d'abord que l'on a donné le nom de cailloux à toutes les pierres, soit du genre vi- treux, soit du genre calcaire, qui se présentent sous une forme globuleuse, et qui souvent ne sont que des morceaux ou fragments rompus, roulés, et arrondis par le frottement, dans les eaux qui les ont entraî- 1. Voyez les pages 5 19, on.\, 026, 827, 55 1 , 553, 358. 5^6 MINERAUX, nés: mais cette dénomination, prise uniquement delà forme extérieure, n'indique rien sur la nature de ces pierres; car ce sont tantôt des fragments de marbres ou d'autres pierres calcaires, tantôt des morceaux de schiste, de granité, de jaspe, et autres roches vitreu- ses, plus ou moins usés et polis par les frottements qu'ils ont essuyés dans les sables des eaux qui îesoat entraînés. Ces pierres s'amoncellent au bord des ri- vières ou sont rejetées par la mer sur les grèves et les basses-côtes, et on leur donne le nom de galets lors- qu'elles sont aplaties. Mais les cailloux proprement dits, les vrais cailloux , sont des concrétions formées, comme les agates, par exsudation ou stillation du suc vitreux, avec cette différence que, dans les agates et autres pierres Unes, le suc vitreux plus pur forme des concrétions demi- transparentes, au lieu qu'étant plus mélangé de ma- tières terreuses ou métalliques il produit des concré- tions opaques. Le caillou prend la forme de la cavité dans laquelle il est produit, ou plutôt dans laquelle il se moule, et souvent il offre encore la figure des corps organisés, tels que les bois, les coquilles, les oursins, les pois- sons, etc. , dans lesquels le suc vitreux s'est infiltré en remplissant les vides que laissoit la destruction de ces substances; lorsque le fond de la cavité est un plan horizontal, le caillou ne peut prendre que la forme d'une plaque ou d'une table sur le sol ou contre les parois de cette cavité : mais la forme globuleuse et la disposition par couches concentriques est celle que les cailloux afïectent le plus souvent; et tous en géné- ral sont composés de couches additionnelles, dont CAILLOUX. 547 les intérieures sont toujours plus denses et plus dures que les extérieures. La cause du mécanisme de cette formation se présente assez naturellement ; car la ma- tière qui suinte des parois de la cavité dans laquelle se forme le caillou ne peut qu'en suivre les contours, et produire dans cette concavité une première cou- che qu'on doit regarder comme le moule extérieur et l'enveloppe des autres couches qui se forment en- suite et successivement au dedans de cette première incrustation , à mesure que le suc vitreux la pénètre et suinte au dedans par ses pores : ainsi les couches se multiplient en dedans, et les unes au dessous des autres, tant que le suc vitreux peut les pénétrer et suinter à travers leurs pores. Mais lorsqu'après avoir pris une forte épaisseur et plus de densité ces mômes couches ne permettent plus à ce suc de passer Jus- qu'au dedans de la cavité, alors l'accroissement inté- rieur du caillou cesse et ne se manifeste plus que par la transmission de parties phi s atténuées et de sucs plus épurés, qui produisent de petits cristaux. L'eau passant dans l'intérieur du caillou, chargée de ces sucs, en remplit d'abord la cavité; et c est alors que s'opère la formation des cristaux qui tapissent l'inté- rieur des cailloux creux. On trouve quelquefois les cailloux encore remplis de cette eau , et tout observa- teur sans préjugé conviendra que c'est de cette ma- nière qu'opère la nature; car si l'on examine avec quelque attention l'intérieur d'un caillou creux ou d'une géode, telle que la belle géode d'améthyste qui est au Cabinet du Roi , on verra que les pointes de cristal dont son intérieur est tapissé partent de la cir- confépence et se dirigent vers le centre, qui est vide : 348 MirsÉRAUX. la couche extérieure de la géode est le point d'appui où sont attachées toutes ces pointes de cristal par leur base; ce qui ne pourroit être si la cristallisation des géodes commençoit à se faire par les couches les plus voisines du centre, puisque dans ce dernier cas ces pointes de cristal , au lieu de se diriger de la circon- férence vers le centre, tendroient au contraire du centre h la circonférence, en sorte que l'intérieur, qui est vide, devroit être plein, et hérissé de pointes de cristal à sa surface. Aussi m'a-t-il toujours paru que l'on devoit rejeter l'opinion vulgaire de nos naturalistes, qui n'est fon- dée que sur une analogie mal entendue, « Les cailloux creux, disent-ils, se forment autour d'un noyau; la couche intérieure est la première produite, et la cou- che extérieure se forme la dernière. » Cela pour- roit être s'il y avoit en effet un noyau au centre, et que le caillou fût absolument plein; et c'est tout le contraire, car on n'y voit qu'une cavité vide et point de noyau. « Mais ce noyau, disent-ils. étoit d'une substance qui s'est détruite à mesure que le caillou s'est formé. » Or je demande si ce n'est pas ajouter une seconde supposition à la première, et cela sans fondement et sans succès, puisqu'on ne voit aucun débris, aucun vestige de cette prétendue matière du noyau ; d'ailleurs ce noyau, qui n'existe que par sup- position , auroit du être aussi grand que Test la cavité ; et comme dans la plupart des cailloux creux cette ca- vité est très considérable, doit-on raisonnablement supposer qu'un aussi gros noyau se fût non seulement détruit, mais anéanti, sans laisser aucune trace de son existence? El!e n'est en effet fondée que sur la. fausse CAILLOUX. 5/|9 idée delà formation de ces pierres par couches addi- tionnelles autour d'un point qui leur sert de centre, tandis qu'elles se forment sur la surface concave de la cavité, qui seule existe réellement. Je puis encore appuyer la vérité de mon opinion sur un fait certain : c'est que la substance des cailloux est toujours plus pure, plus dure , et même moins opa- que , à mesure que l'on approche de leur cavité ; preuve évidente que le suc vitreux s'atténue et s'é- pure de plus en plus en passant à travers les couches qui se forment successivement de la circonférence au centre, puisque les couches extérieures sont toujours moins compactes que les intérieures. Quoique le caillou prenne toutes les figures des moules dans lesquels il se forme , la figure globuleuse est celle qu'il paroît aiTecter le plus souvent; et c'est en effet cette forme de cavité qui s'offre le plus fré- quemment au dépôt de la stillation des eaux, soit dans les boursouflures des verres primitifs, soit dans les vides laissés dans les couches des schistes et des glai- ses par la destruction des oursins, des pyrites globu- leuses, etc. : mais ce. qui prouve que le caillou pro- prement dit, et surtout le caillou creux, n'a pas reçu cette figure globuleuse par les frottements extérieurs, comme les pierres auxquelles on donne le nom de cailloux roulés j c'est que celles-ci sont ordinairement pleines, et que leur surface est lisse et polie, au lieu que celle des cailloux creux est le plus souvent brute et raboteuse. Ce n'est pas qu'il ne se trouve aussi de ces cailloux creux qui, comme les autres pierres, ont été roulés par les eaux, et dont la surface s'est plus ou moins usée par le frottement; mais ce second effet 550 MINÉRAUX. est purement accidentel, et leur Ibrmatiou primitive en est totalement indépendante. En rappelant donc ici la suite progressive des pro- cédés de la nature dans la production des stalactites du genre vitreux, nous voyons que le suc qui forme la substance des agates et autres pierres demi-trans- parentes est moins pur dans ces pierres que dans les cristaux, et plus impur dans les cailloux que dans ces pierres demi-transparentes. Ce sont là les degrés de transparence et de pureté par lesquels passent les ex- traits des verres primitifs ; ils se réunissent ou se mê- lent avec des substances terreuses pour former les cailloux, qui le plus souvent sont mélangés et toujours teints d'une matière ferrugineuse : ce mélange et cette teinture sont les causes de leur opacité. Mais ce qui démontre qu'ils tirent leur origine des matières vi- treuses primitives, et qu'ils sont de la même essence que les agates et les cristaux, c'est l'égale densité des cailloux et des agates ^ : ils sont aussi à très peu près de la même dureté, et reçoivent également un poli vif et brillant; quelques uns deviennent même à demi transparents lorsqu'ils sont amincis; ils ont tous la cassure vitreuse, ils font également feu contre l'acier, ils résistent de même à l'action des acides, en un mot, ils présentent toutes les propriétés essentielles aux substances vitreuses. Mais comme chacun des verres primitifs a pu four- nir son extrait, et que ces différents extraits se sont souvent mêlés pour former les cailloux, soit dans les 1 . J^esanlcur spécifique du caillou olivâtre , 26067 ; de Tagate orien- taîe, aByoi ; du caillou veiné, 261 22 ; et de l'agate onyx, 2607.5 : du caillou onvx. 26644* (Table de M. Brispon. ) CAILLOUX. 001 rochers quartzeux et graniteux, soit dans les terres schisteuses ou argileuses, et que ces mélanges se sont faits à différentes doses, il s'est formé des cailloux de qualités diverses : la substance des uns contient beau- coup de quartz, et ils sont, par cette raison, très ré- fractaires au feu; d'autres mêlés de feld-spath ou de schorl sont fusibles; enfin d'autres également fusibles sont mêlés de matières calcaires : on pourra toujours les distinguer les uns des autres, en comparant avec attention leurs propriétés relatives; mais tous ont la même origine, et tous sont de seconde formation. Il y a des blocs de pierre qui ne sont formés que par l'agrégation de plusieurs petits cailloux réunis sous une enveloppe commune. Ces blocs sont presque toujours en plus grandes masses que les simples cail- loux; et comme le ciment qui réunit les petits cail- loux dont ils sont composés est souvent moins dur et moins dense que leur propre substance, ces blocs de pierre ne sont pas de vrais cailloux dans toute l'éten- due de leur volume, mais des agrégats, souvent im- parfaits, de plusieurs petits cailloux réunis sous une enveloppe commune : aussi leur a-t-on donné le nom l^arllcuVier de poudlngues j pour les distinguer des vrais cailloux. Mais la plupart de ces poudingues ne sont formés que de galets ou cailloux roulés, c'est-à-dire de fragments de toutes sortes de pierres, arrondis et polis par les eaux; et nous ne traitons ici que des cailloux simples, qui, comme les autres stalactites, ont été produits par la concrétion du suc vitreux, soit dans les cavités ou les fentes des rochers ou des terres , soit dans les coquilles, les os, ou ]es bois sur lesquels ce suc vitreux tomboit et qu'il pouvoit pénétrer. 00 2 !^ÎINEUAUX. On doit, comme nous l'avons dit , séparer des vrais caillouxles morceaux de quartz, de jaspe, deporphyre, de granité , etc. , qui ayant été roulés ont pris une fi- gure globuleuse : ces débris des matières vitreuses sont en immense quantité; mais ce ne sont que des débris et non pas des extraits de ces mêmes matières, comme on le reconnoît aisément à leur texture qui est uniforme et qui ne présente point de couches concentriques posées les unes sur les autres, ce qui €St le véritable caractère par lequel on doit distin- guer les cailloux de toutes les autres pierres vitreuses ; et souvent ces couches qui composent le caillou sont de couleur différente. Il se trouve des cailloux dans toutes les parties du monde; on en distingue quelques uns, comme ceux d'Egypte, par leurs zones alternatives de jaune et de brun, et par la singularité de leurs herborisations. Les cailloux d'Oldenbourg sont aussi très remarquables : on leur a donné le nom de cailloux œilléSj parce qu'ils présentent des taches en forme d'œil. On a prétendu que les agates, ainsi que les cail- loux, renfermoient souvent des plantes, des mous- ses, etc.; et l'on a même donné le nom d'herbori- sations à ces accidents, et le nom de dendrites aux pierres qui présentent des tiges et des ramifications d'arbrisseaux : cependant cette idée n'est fondée que sur une apparence trompeuse , et ces noms ne portent que sur la ressemblance grossière et très dispropor- tionnée de ces prétendues herborisations avec les her- bes réelles auxquelles on voudroit les comparer; et dans le vrai ce ne sont ni des végétations ni des vé- gétaux renfermés dans la pierre , mais de simples in- CAILLOLX. ODO filtrations d une matière terreuse ou métallique dans les délits ou petites fentes de sa masse : l'observation et rexpérience en fournissent également des preuves que M. Mongez a nouvellement rassemblées et mises dans un grand jour. Ainsi les agates et les cailloux her- borises ne sont que tîes agates et des cailloux moins so- lides, plus fêlés que les autres; ce seroient des pierres irisées si la substance du caillou étoit transparente, et si d'ailleurs ces petites fentes ii'étoient pas remplies d'une matière opaque qui intercepte la lumière. Cette matière est moins compacte que la substance de la pierre; car la pesanteur spécifique des agates et des cailloux herborises n'est pas tout-à-fait aussi grande que celle de ces mêmes pierres qui ne présentent point d'herborisations ^. On trouve ces prétendues représentations de plan- tes et d'arbres encore plus fréquemment dans les pier- res calcaires que dans les matières vitreuses; on voit de semblables figures aussi finement dessinées, mais plus en grand, sur plusieurs pierres communes et cal- cinables de l'espèce de celles qui se délitent facilement et que la gelée fait éclater : ce sont les fentes et les gerçures de ces pierres qui donnent lien à ces sortes de paysages; chaque fente ou délit produit un tableau différent, et dont les objets sont ordinairement répé- tés sur les deux faces contiguës de la pierre. « La ma- tière colorante des dendrites, dit M. Salerne, n'est 1. La pesanteur spécifique de l'agate orientale est de 26901 ; de l'a- gate irisée, 25555 ; de ïagate lierborlsée, 25981 : la pesanteur spécifique du caillou olivâtre . 26067 » ^^ caillou taché , 25867 » ^^ caillou veiné , 26122; du caillou onyx, 26644? ^t du caillou herborisé d'Egypte , 25648. (Tal)le de M. Brisson. ) 554 MINÉRAUX. que superficielie, ou du moins ne pénètre pas pro- fondément dans la pierre : aussi, lorsqu'elles ont été exposées pendant un certain temps aux injures de l'air, le coloris des images s'affoiblit insensiblement, et leurs traits s'effacent à la fin. Un degré de chaleur assez modéré fait aussi disparoître promptement les herborisations de ces dendrites; mais elles résistent sans altération à l'eau de savon, à l'huile de tartre par défaillance, à l'esprit volatil de sel ammoniac, à l'es- prit-de-vin : si au contraire on fait tremper pendant quelque temps une dendrite dans du vinaigre distillé, les figures s'effacent en partie, quoique leurs traces y restent encore d'une manière assez apparente ; mais l'esprit de vitriol décolore sur-le-champ ces dendri- tes ; et lorsqu'ell(^s ont séjourné pendant vingt-quatre heures dans cette liqueur, le paysage disparoît entiè- rement. » Néanmoins ces accidents n'agissent pas im- médiatement sur les herborisations, et ne les effacent qu'en dissolvant la substance même de la pierre sur laquelle elles sont tracées ; car cette pierre dont parle M. Salerne étoit calcaire , et de nature à être dissoute par les acides. On peut imiter les herborisations, et il est assez difficile de distinguer les fausses dendrites des véri- tables. « Il est bien vrai, dit l'historien de l'Académie^ que pour faire perdre à des agates ces ramifications d'arbrisseaux ou de buissons qui leur ont été données par art, ou, ce qui est la même chose, effacer les couleurs de ces figures, il ne faut que tremper les pierres dans de l'eau forte, et les laisser ainsi à l'om- bre dans un lieu humide pendant dix ou douze heu- res; mais il n'est pas vrai que ce soit là. comme on le CAILLOUX. 555 croit, un moyen sûr de reconnoître les dentrites ar- tificielles d'avec les naturelles. M. de La Condaniine" fit cette épreuve sur deux dendrites, moins pour la faire que pour s'assurer encore qu'il n'en arriveroit rien; car les deux agates étoient hors de soupçon, surtout par l'extrême finesse de leurs rameaux, qui est ce que l'art ne peut attraper. Effectivement, pen- dant trois ou quatre jours, il n'y eut aucun change- ment : mais par bonheur les dendrites mises en expé- rience ayant été oubliées sur une fenêtre pendant quinze jours d'un temps humide et pluvieux, M. de La Condamine les retrouva fort changées; il s'étoit mêlé un peu d'eau de pkiie avec ce qui restoit d'eau- forte dans le vase : l'agate où la couleur des arbris- seaux étoit la plus foible l'avoit entièrement perdue, hors dans un seul petit endroit ; l'autre étoit partagée en deux parties ; celle qui trempoit dans la liqueur étoit effacée ; celle qui demeuroit à sec avoit conservé toute sa netteté et la force des traits de ses arbris- seaux. 11 a fallu, pour cette expérience, de l'oubli, au lieu de soin et d'attention. » Il paroît donc que l'acide aérien , ainsi que les au- tres acides, pénètrent à la longue dans les mêmes pe- tites fêlures qui ont donné passage à la matière des herborisations, et qu'ils doivent les faire disparoître lorsque cette matière est de nature à pouvoir être dis- soute par l'action de ces mêmes acides : aussi avons- nous démontré que c'est cet acide aérien qui peu à peu décompose la surface des cailloux exposés aux impressions de l'air, et qui convertit avec le temps toutes les pierres vitreuses en terre argileuse. v5ô(i JllNÉRAllX. POUDINGUES. Les cailloux composés d'autres petits cailloux réu- nis sous une même enveloppe par un ciment de même essence sont encore des cailloux qui ne diffèrent des autres qu'eu ce qu'ils sont des agrégats de cailloux précédemment formés, et qui, se trouvant environ- nés par des matières vitreuses, forment une masse dont la texture est différente de celle des cailloux produits immédiatement par le suc vitreux, et com- posés de couches additionnelles et concentriques. Quelque grossier que soit le ciment vitreux qui réu- nit ces petits cailloux, leurs agrégats ne laissent pas d'être mis au nombre des poudingues ; et même ce nom se prend daus une acception bien plus étendue, car on nomme poudingues toutes les pierres com- posées de morceaux d'autres pierres plus anciennes, unis ensemble par un ciment pierreux quelconque, quoique souvent ces petits cailloux des poudingues ne soient pas de vrais cailloux formés par le suinte- ment des eaux , mais simplement des fragments de quartz , de jaspe , et d'autres matières vitreuses, dont les morceaux long-temps roulés dans les sables, et ar- rondis par le frottement, se sont ensuite agglutinés et réunis les uns aux autres dans ces mêmes sables par l'accession d'un suc ou ciment vitreux plus ou moins pur, ou même d'un suc calcaire. Il V a donc des poudingues dont les pierres consti- rOL DINGUES. ÔÔ'J tuantes et le ciment vitreux qui les lie sont de même essence, presque également compactes, et ces pou- dingues ont la dureté , la densité, et toutes les autres propriétés du caillou : dans d'autres poudingues, éga- lement vitreux et en beaucoup plus grand nombre, les fragments, soit de cailloux proprement dits, soit simplement de pierres roulées, n'étant réunis que par un ciment plus foible ou plus impur, la masse qui en résulte n'est pas également dure et dense dans toutes ses parties, et par conséquent ces poudingues ne re- çoivent un poli vif que sur les petits cailloux dont ils .sont composés, et leur ciment, quoique vitreux, n'a pas assez de dureté pour prendre le môme éclat que le caillou qu'il enveloppe ; enfui il y a d'autres pou- dingues composés de cailloux réunis par un ciment calcaire , et d'autres qui sont purement calcaires, n'é- tant composés que de morceaux de pierre dure ou de marbre, réunis par un ciment spathique ou terreux, comme sont les marbres-brèches *. Nous avons parlé des brèches à l'article des mar- bres : ainsi nous ne ferons ici mention que des pou- dingues vitreux, tels que ceux qu'on a nommés cail- loux d'Ecosse ou d'Angleterre^ et nous observerons qu'il s'en trouve d'aussi beaux en France. JNous avons déjà cité les cailloux de Rennes ^, et l'on peut y join- dre les poudingues de Lorraine , et ceux de quelques 1. M. Guettard donne le nom de poudingues à toutes les pierres qui sont formées de cailloux vitreux ou pierres calcaires réunies ensemble par un ciment quelconque : il croit par conséquent que Ion peut ran- ger les marbres-brèches avec les poudingues. 2. Les cailloux de Rennes sont des poudingues qui, par la variété de leurs couleurs , par leur dureté et l'éclat du poli , peuvent être com- pares aux cailloux d'Angleterre. BDFFON. VIII. 20 558 MINÉRAUX. antres de nos provinces. « Avant d'arriver à Remire- mont, dit M. de Grignon. l'on rencontre des poiidin- gues rouges , gris , et jaunes ; ils sont d'une très grande dureté, et susceptibles d'un poli éclatant. » Mais, en général, il y a peu de poudingues dont toutes les par- ties se polissent également, le ciment vitreux étant presque toujours plus tendre que les cailloux qu'il réunit; car ce ciment n'est ordinairement composé que de petits grains de quartz ou de grès, qui ne sont pour ainsi dire qu'agglutinés ensemble : plus ces grains sont gros, plus le ciment est imparfait et fria- ble , en sorte qu'il y a des poudingues qu'on peut di- viser ou casser sans effort; ceux dont les grains du ciment sont plus fins ou plus rapprochés ont aussi plus de cohérence ; mais il n'y a que ceux dans les- quels les grains du ciment sont très atténués, ou dis- sous, qui aient assez de dureté pour recevoir un beau poli. On peut donc dire que la plupart des poudin- gues vitreux ne sont que des grès plus ou moins com- pactes, dans lesquels sont renfermés de petits cailloux de toutes couleurs, et toujours plus durs que leur ci- ment. La plus grande partie des cailloux qui composent les poudingues sont, comme nous l'avons dit, des fragments roulés ; on peut en effet observer que ces fragments vitreux sont rarement anguleux , mais ordi- nairement arrondis, et plus ou moins usés et polis sur toute leur surface. Les poudingues nous offrent en pe- tit ce que nous présentent en grand les bancs vitreux ou calcaires, qui sont composés des débris roulés de pierres plus anciennes. Ce sont également des agré- gats de débris plus ou moins .gros de' diverses pierres. pot DINGUES. 559 et surtout des roches primitives, qui ont été transpor- tés, roulés, et déposés par les eaux, et qui ont formé des masses plus ou moins dures, selon qu'ils se sont trouvés dans des sables plus ou moins fins et plus ou moins analogues à leur propre substance. La beauté des poudingues dépend non seulement de la dureté de leur ciment, mais aussi de la vivacité et de la variété de leurs couleurs. Après les cailloux de Rennes , les poudingues de France les plus remar- quables et les plus variées par leurs nuances sont ceux qu'on rencontre sur le chemin de Pontoise à Gisors, et ceux du gué de Lorrey; les cailloux que renfer- ment ces poudingues sont assez gros, et leur ciment est blanc ou brun. Au reste, tous les poudingues sont opaques ainsi que les cailloux, et ce sont avec les grès les dernières con- crétions quartzeuses. Nous avons présenté successive- ment , et à peu près dans l'ordre de leur formation , les extraits cristallisés du quartz, du feld-spath et du schorl, ensuite leurs stalactites demi-transparentes, et enfin les jaspes et les concrétions opaques de tou- tes ces matières vitreuses : nous ne pouvons pas suivre la même marche pour les concrétions du mica, parce qu'à l'exception du talc , qui est transparent , et dont nous avons déjà parlé ^, les concrétions de ce cin- quième verre primitif sont presque toutes sans trans- parence. 1 . Voyez tome VI , page 59 , article du Mica et du Talc. 56o MINERAUX. >>î<&ei&*&e:&«<8«ie«os«^e«& 3 -8 STALACTITES ET CONCRETIONS DU MICA. La première et la plus pure de ces concrétions est le talc, qui n'est formé que par de petites parcelles de mica à demi dissoutes, ou du moins assez atténuées pour faire corps ensemble et se réunir en lames min- ces par leur affinité. Les micas blancs et colorés pro- duisent, par leur agrégation , des talcs qui présentent les mêmes couleurs, et qui ne diffèrent des micas qu'en ce qu'ils sont en lames plus étendues et plus douces au toucher. Le talc est donc la plus simple de toutes les concrétions de ce verre primitif : mais il y a un grand nombre d'autres substances micacées dont l'origine est la même, et dont les différences ne pro- viennent que du mélange de quelques autres matières qui leur ont donné plus de solidité que n'en ont les micas et les talcs purs, telles sont les pierres aux- quelles on a donné le nom de stéatites ^ parce qu'elles ont quelque ressemblance avec le suif par leur poli gras et comme onctueux au toucher. La poudre de ces pierres stéatites, comme celle du talc, s'attache à la peau et paroît l'enduire d'une sorte de graisse : cet indice, ou plutôt ce caractère particulier, démon- tre évidemment que le talc domine dans la composi- tion de toutes les stéatites, dont les principales varié- tés sont les jades, les serpentines , les pierres ollaires , STALACTITES ET CONCRÉTIONS DU MICA. 36l la craie d'Espagne, la pierre -de-lard de la Chine, et le crayon noir ou la molybdène, auxquelles on doit encore ajouter l'asbeste, l'amiante, ainsi que le cuir et le liége de montagne. Toutes ces substances, quoi- qu'en apparence très diflférentes entre elles, tirent également leur origine de la décomposition et de l'a- grégation du mica : ce ne sont que des modifications de ce verre primitif plus ou moins dissous, et souvent mélangé d'autres matières vitreuses qui, dans plu- sieurs de ces pierres, ont réuni les particules mica- cées de plus près qu'elles ne le sont dans les talcs, et leur ont donné plus de consistance et de dureté ; car toutes ces stéatites, sans même en excepter le jade dans son état de nature, sont plus tendres que les pierres qui tirent leur origine du quartz , du jaspe, du feld-spath et du schorl , parce que des cinq verres primitifs le mica est celui qui par son essence a le moins de solidité, et que même il diminue celles des substances dans lesquelles il se trouve incorporé, ou plutôt disséminé. Toutes les stéatites sont plus ou moins douces au toucher; ce qui prouve qu'elles contiennent beau- coup de parties talqucuses : mais le talc n'est, comme nous l'avons dit, que du mica atténué par l'impression des éléments humides ; aussi, lorsqu'on fait calciner du talc ou de la poudre de ces pierres stéatites, le fe u leur enlève également cette propriété onctueuse ; ils deviennent moins doux au toucher, couime l'étoit le mica avant d'avoir été atténué par l'eau. Comme les micas ont été disséminés partout dès les premiers temps de la consolidation du globe, les p roduits secondaires de ces concrétions et agréga- 362 MINÉRAUX. tions sont presque aussi nombreux que ceux de tous les autres verres primitifs; les micas en dissolution paroissenl s'être mêlés dans les quartz gras, les pëtro- silex et les jades, dont le poli ou la transparence grais- seuse provient des molécules talqueuses qui y sont intimement unies. On les reconnoît dans les serpen- tines et dans les pierres ollaires, qui, comme les ja- des, acquièrent plus de dureté par l'action du feu; on les reconnoît de même dans la pierre-de-lard de la Chine et dans la molybdène. Toutes ces stéatites ou pierres micacées sont opaques et en masses uni- formément compactes ; mais les parties talqueuses sont encore plus évidentes dans les stéatites dont la masse n'est pas aussi compacte , et qui sont compo- sées découches ou de lames distinctes, telles que la craie de Briançon. Enfin on peut suivre la décompo- sition des micas et des talcs jusqu'aux amiantes, as- bestes, cuir et liège de montagne, qui ne sont que des filets très déliés ou des feuillets minces et conglo- mérés d'une substance talqueuse ou micacée, les- quels ne se sont pas réunis en larges lames, comme ils le sont dans les talcs. »-S^a.S'i>8^»9-e'9>a'£kg;O®«^'S'»»$«'8^'8'a»a«i0»C4t<.i&«i'aa^^ JADE. Le jade est une pierre talqueuse qui néanmoins, dans l'état où nous la connoissons, est plus dense^ 1. La pesanteur spécitique du jade blanc est de 29502; celle du jade vert, de 29660; et du jade olivâtre, de 29829; tandis que celle JADE. 5G5 et plus dure^ que le quartz et je jaspe, mais qui me paroît n'avoir acquis cette densité et cette grande du- reté que par le moyen du feu. Comme le jade est demi -transparent lorsqu'il est aminci, ce caractère l'éloigné moins des quartz que des jaspes , qui tous sont pleinement opaques, et l'on ne doit pas attribuer l'excès de sa densité sur celle du quartz aux parties métalliques dont on pourroit supposer qu'il seroit imprégné; car le jade blanc, auquel le mélange du métal n'a pas donné de couleur, pèse autant que les jades colorés dé vert et d'olivâtre , et tous pèsent spé- cifiquement plus que le quartz; il n'y a donc que le mélange du scborl qui auroit pu produire cette aug- mentation de densité : mais, dans cette supposition, le jade auroit acquis par ce mélange du scborl un cer- tain degré de fusibilité; et cependant M. Darcet, qui a fait l'analyse cbimique du jade, n'a pas observé cette fusibilité ; il dit seulement que le jade contient du quartz, qu'il prend au feu encore plus de dureté qu'il n'en avoit auparavant, qu'il y cbange de couleur, et que de vert ou verdâtre il devient jaune ou jaunâtre : mais M. Demeste assure que le jade se boursoufle à un feu violent, et qu'il se vitrifie sans aucun inter- mède. Ces faits paroissent opposés, et néanmoins peuvent se concilier : il est certain que le jade, quoi- dii quartz le plus pesant n'est que de 26546, et celle de tous les jaspes n'est que de 26 ou 27000. Voyez la Table de M. Brisson. 1. M. l^olt, dans sa Lit/iogéognosie, tome II, dit expressément que le jade ne fait point feu contre C acier ; mais je puis assurer qu'ayant lait cette épreuve sur du jade vert et du jade blanc, il m'a paru que ces pierres étinceloient autant qu'aucune autre pierre vitreuse : il est vrai que , connoissant leur grande dure,té , je me suis servi de limes au lieu d'acier pour les choquer et en tirer des étincelles. 364 MINÉRAUX. que très dur, se durcit encore au feu ; et cette pro- priété Je rapproche déjà des serpentines et autres pierres talqueuses, qui deviennent d'autant plus du- res qu'elles sont plus violemment chauffées ; et comme il y a des ardoises et des schistes dont la densité ap-^ proche assez de celle du jade^, on pourroit imaginer que le fonds de la substance de cette pierre est un schiste qui, ayant été pénétré d'une forte quantité de suc quartzeux, a acquis cette demi-transparence, et pris autant et plus de dureté que le quartz même ; et si le jade se fond et se vitrifie sans intermède, comme le dit M. Demeste, on pourroit croire aussi qu'il est entré du schorl dans sa composition, et que c'est par ce mélange qu'il a acquis sa densité et sa fu- sibilité. Néanmoins le poli terne, gras, et savonneux de tous les jades, ainsi que leur endurcissement au feu , indiquent évidemment que leur substance n'est com- posée que d'une matière talqueuse, dont ces deux qualités sont les principaux caractères; et les deux autres propriétés par lesquelles on seroit en droit de juger de la nature du jade , c'est-à-dire sa dureté et sa densité, pourroient bien ne lui avoir pas été données par la nature, mais imprimées par le secours de l'art, et principalement par l'action du feu, d'autant que jusqu'ici l'on n'a pas vu des jades dans leurs carriè- res ni même en masses brutes, et qu'on ne les con- noît qu'en morceaux travaillés. D'ailleurs le jade n'est pas , comme les autres produits de la nature , univer- sellement répandu ; je ne sache pas qu'il yen aitenEu- 1. La pesanteur spécifique du schiste qui couvre les bancs dardoise est de 28276. JADE. 365 rope ; le jade blanc vient de la Chine , le vert de lln- dostan, et Tolivâlre de l'Amérique méridionale : nous ne connoissons que ces trois sortes de jades, qui, quoique produits ou travaillés dans des régions si éloi- gnées les unes des autres, ne diffèrent néanmoins que par les couleurs. Il s'en trouve de même dans quel- ques autres contrées des deux Indes ^, mais toujours en morceaux isolés et travaillés. Cela seul suffiroit pour nous faire soupçonner que cette matière, telle que nous la connoissons, n'est pas un produit immédiat de. la nature; et je me persuade que ce n'est qu'après l'avoir travaillée qu'on lui a donné, par le moyen du feu , sa très grande dureté ; car de toutes les pierres vi- treuses le jade est la plus dure, les meilleures limes ne l'entament pas, et l'on prétend qu'on ne peut le tra- vailler qu'avec la poudre de diamant : néanmoins les anciens Américains en avoient fait des haches , et sans doute ils ne s'étoient pas servis de poudre de diamant pour donner au jade cette forme tranchante et régu- lière. J'ai vu plusieurs de ces haches de jade olivâtre de différente grandeur; j'en ai vu d'autres morceaux travaillés en forme de cylindre et percés d'un bout à l'autre, ce qui suppose l'action d'un instrument plus dur que la pierre : or les Américains n'avoient aucun outil de fer, et ceux de notre acier ne peuvent percer le jade dans l'état où nous le connoissons; on doit donc penser qu'au sortir de la terre le jade est moins dur que quand il aperdu toute son humidité par le des- 1. On nous assure qu'il y a du jade vert à Sumatra, et M. de La Condamine dit qu'on trouve du jade olivâtre sur les côtes de la mer du Sud au Pérou , aussi bien que suf les terres voisines de la rivière des AmazonCvS. 366 MIJNÉUAUX. sèchement à l'air, et que cestdans cet état humide que les sauvages de TAmërique l'ont travaillé. On fait dans rindostan des tasses et d'autres vases de Jade vert; à la Chine on sculpte en magots le jade blanc, l'on en fait aussi des manches de sabre; et partout ces pierres ouvragées sont à bas prix : il est donc certain qu'on a trouvé les moyens de creuser, figurer et graver le Jade avec peu de travail, et sans se servir de poudre de dia- mant. Le jade vert n a pas plus de valeur réelle que le Jade blanc, et il n'est estimé que par des propriétés ima- ginaires, comme de préserver ou guérir de la pierre, de la gravelle, etc.; ce qui lui a fait donner le nom de pierre néphrétique. Il seroit difficile de deviner sur quel fondement les Orientaux et les Américains se sont éga- lement , et sans communication , infatués de l'idée des vertus médicinales de cette pierre : ce préjugé s'est étendu en Europe , et subsiste encore dans la tête de plusieurs personnes; car on m'a demandé souvent à emprunter quelques unes de ces pierres vertes pour les appliquer, comme amulettes, sur l'estomac et sur les reins ; on les taille môme en petites plaques un peu courbées, pour les rendre plus propres à cet usage. Les plus grands morceaux de Jade que J'aie vus n'a- voient que neuf ou dix pouces de longueur ; et tous, grands et petits, ont été taillés et figurés. Au reste, nous n'avons aucune connoissance précise sur les ma- tières dont îe Jade est environné dans le sein de la terre, et nous ignorons quelle peut être la forme qu'il affecte de préférence. INous ne pouvons donc qu'ex- horter les voyageurs éclairés à observer cette pierre dans le lieu de sa formation : ces observations nous I JxVDE. 56-7 fourniroient plus de lumières que l'analyse chiiiiique sur son origine et sa composition. En attendant ce supplément à nos connoissances, je crois qu'on peut présumer avec fondement que le jade, tel que nous le connoissons, est autant un pro- duit de l'art que de la nature; que quand les sauvages l'ont travaillé , percé et figuré , c'étoit une matière tendre, qui n'a acquis sa grande dureté et sa pleine densité que par l'action du feu auquel ils ont exposé leurs haches et les autres morceaux qu'ils avoient per- cés ou gravés dans leur état de mollesse ou de moindre dureté. J'appuie cette présomption sur plusieurs rai- sons et sur quelques faits. i° J'ai vu une petite hache de jade olivâtre, d'environ quatre pouces de longueur sur deux pouces et demi de largeur, et un pouce d'é- paisseur à la base , venant des terres voisines de la rivière des Amazones, et celte hache n'avoit pas à beaucoup près la dureté des autres haches de jade; on pouvoit l'entamer au couteau, et, dans cet état, elle n'auroit pu servir à l'usage auquel sa forme de hache démontroit qu'elle étoit destinée : je suis per- suadé qu'il ne lui manquoit que d'avoir été chauffée^ et que par la seule action du feu elle seroit devenue aussi dure que les autres morceaux de jade qui ont la même forme ; les expériences de M. Darcet confir- ment cette présomption, puisqu'il a reconnu qu'on augmente encore la dureté du jade en le chauffant. 2° Le poli gras et savonneux du jade indique que sa substance est imprégnée de molécules talqueuses qui lui donnent cette douceur au toucher, et ceci se confirme par un second rapport entre le jade et les pierres talqueuses, telles que les serpentines et pier- 568 MliXÉllAUX. res ollaiies, qui toutes sont molles dans leurs carriè- res, et qui prennent à l'air, et surtout au feu, un grand degré de dureté. 3° Comme le jade se fond, suivant M. Demeste, à un feu violent, et que les micas et le talc peuvent s'y fondre de même et sans interm^ède , je serois porté à croire que cette pierre pourroit n'être composée que de quartz mêlé d'une assez grande quantité de mica ou de talc pour devenir fusible, ou que, si le seul mélange du talc ne peut produire cette fusibilité du jade, on doit encore y supposer une certaine quantité de schorl qui auroit augmenté sa densité et sa fusi- bilité. Enfin nous nous rapprocherons de l'ordre de la nature, autant qu'il est possible, en regardant le jade comme une matière mixte, et formant la nuance en- tre les pierres quartzeuses et les pierres micacées ou lalqueuses dont nous allons traiter. SERPENTINES. Ce nom de serpentine vient de la variété des petites taches que ces pierres présentent lorsqu'elles sont polies, et qui sont assez semblables aux taches de la peau d'un serpent : la plupart de ces pierres sont plei- nement opaques; mais il s'en trouve aussi qui ont naturellement une demi -transparence, ou qui la prennent lorsqu'elles sont amincies. Ces serpentines demi-transparentes ont plus de dureté que les autres, SEKPENTINES. ,169 et ce sont celles qui approchent ie plus du jade par ces deux caractères de derai-transparence et de du- reté; d'ailleurs elles diffèrent des autres serpentines, et ressemblent encore au jade olivâtre par leur cou- leur verdâtre, uniforme, sans taches, et sans mélange d'autres couleurs , tandis qu'il y a des taches en grand nombre et des couleurs diverses dans toutes le^ ser- pentines opaques. Celles qui sont demi-transparentes, étant plus dures que les autres , reçoivent un beau poli , mais toujours un peu gras comme celui du jade ; elles sont assez rares, et les naturalistes qui ont eu occasion de les observer en distinguent deux sortes , toutes deux à demi transparentes lorsqu'elles sont ré- duites à une petite épaisseur : l'une paroît composée de filaments réunis les uns contre les autres, et pré- sente une cassure fibreuse ; on l'a trouvée en Saxe près de Zobiltz, où elle a été nommée pierre néphré- tique^ à cause de sa grande ressemblance avec le jade verdâtre qui porte aussi ce nom : l'autre se trouve en Suède, et ne présente pas de fibres, mais des grains dans sa cassure. Les serpentines opaques et tachées sont bien plus communes que ces serpentines demi -transparentes, de couleur uniforme; presque toutes sont au con- traire marquetées ou veinées, et variées de couleurs différentes; elles ont des taches de blanc, de gris, de noir, de brun , de vert, et de rougeâtre : quoique plus tendres que les premières, et même moins dures que le marbre , elles se polissent assez bien ; et comme elles ne font aucune effervescence avec les acides, on les distingue aisément des beaux marbres, avec lesquels on pourroit les confondre par la ressemblance des 370 MINÉRALX. couleurs et par leur poli. D'ailleurs, loin de se calci- ner au feu comme le marbre, toutes les serpentines s'y durcissent et y résistent même plus qu'aucune au- tre pierre vitreuse ou calcaire ; on peut en faire des creusets comme l'on en fait avec la molybdène, qui, quoique moins dure que les serpentines , est , au fond , de la. même essence, ainsi que toutes les autres «téa- tites. « A deux lieues de la ville de Grenade, dit M. Bowles, se trouve la fameuse carrière de serpentine de laquelle on a tire les belles colonnes pour les salons de Madrid , et plusieurs autres morceaux qui ornent le palais du roi. Cette serpentine prend un très beau poli. » Nous ne connoissons point de semblables carrières en France; cependant M. Guettard a observé que les rivières de Cervières et de Guil en Daupbiné entraî- noient d'assez gros morceaux de serpentine , et qu'il s'en trouve même dans la vallée de Souliers, ainsi que dans plusieurs autres endroits de cette province : on en voit de petites colonnes dans l'église des Carméli- tes à Lyon. En Italie , les plus grands morceaux de serpentine que l'on connoisse sont deux colonnes dans l'église de Saint-Laurent à Rome. La pierre appelée gabro psir les Florentins est une sorte de serpentine. « Il y a , dit M. Faujasde Saint-Fond, des gabros verdâtres ou jau- nâtres avec des taches d'un vert plus ou moins foncé; d'autres sont chargées de tachesrougeâtres demi-trans- parentes, sur un fond verdâtre : on remarque dans plusieurs gabros des micas de difl'érentes couleurs... J'ai dans ma collection un très beau gabro d'Italie , d'une consistance dure , d'un poli gras , mais très écla- SERPENTINES. 37 1 tant, môle de diverses nuances, d'un rouge très vif sur un fond noir-verdâtre , dans lequel on voit de pe- tites lames de mica traverser le vert. « Cette pierre est si commune aux environs de Florence, que l'on s'en sert pour paver les rues , comme pour orner les maisons et les églises ; il y en a de très beaux morceaux dans celle des Chartreux, à trois milles de Florence. En comparant les densités du talc avec celles des micas et des serpentines, nous verrons, i° qu'il n'y a que les micas noirs et la serpentine fibreuse dont la pesanteur spécifique soit plus grande que celle du talc^; 2** que tous les autres micas sont un peu moins den- ses que le talc^ ; 5" que toutes les serpentines, à l'ex- ception de la fibreuse, sont moins denses que le talc et les micas ^. On pourroit donc en inférer que, dans la serpentine fibreuse et dans le mica noir, les parties micacées sont plus rapprochées et plus intimement unies que dans les autres serpentines et micas, ou plutôt on doit penser qu'il est entré dans leur compo- sition une certaine quantité de parties de schorl ou de fer qui leur auroit donné ce surplus de densité : je dis de fer, parce que la partie verte de ces serpentines, étant réduite en poudre, est attirable à l'aimant; ce 1 . Pesanteur spécifique du taie de Moscovie , 27917 ; du mica noir, 29004; de la serpentine demi-transparente fibreuse, 29960. (Table de M. Brisson. ) 2. l^esanteur spécifique du talc de Moscovie, 27917 ; du mica blanc, 27044 *» clu mica jaune , 26646. ( Ibidem. ) 3. Pesanteur spécifique de la serpentine d'Italie , ou gabro des l^^lo- rentins, 24396 ; de la serpentine opaque tachée de noir et de blanc , 25767 ; de la serpentine opaque tachée de noir et de gris, 22646; de la serpentine opaque veinée de noir et d'olivâtre, 26939; de la sur pentine demi-transparente , 268o3. ( Ibidem. ) .:>72 MINERAUX. fer y est donc dans ic même état que le sablon ma- gnétique de la platine , et non pas en état de chaux. PIERRES OLLAIRES. Cette dénomination est ancienne, et paroît bien appliquée à ces pierres, dont on peut faire des mar- mites et d'autres vases de cuisine; elles ne donnent aucun goût aux comestibles que l'on y fait cuire; elles ne sont mêlées d'aucun autre métal que de fer, qui, comme l'on sait, n'est pas nuisible à la santé : elles étoient bien connues et employées aux mêmes usages dés le temps de Pline; on peut les reconnoî- tre, par sa description, pour les mêmes, ou du moins pour semblables , à celles que l'on tire aujour4'hui du pays des Grisons , et qui portent le nom de pierres de Côinej parce qu'on les travaille et qu'on en fait commerce dans cette petite ville de l'Italie. La cas- sure de cette pierre de Côme n'est pas vitreuse, mais écailleuse. Sa substance est semée de particules bril- lantes de mica ; elle n'a que peu de dureté et se coupe aisément; on la travaille au ciseau et au tour; elle est douce au toucher, et sa surface polie est d'un gris mêlé de noir. Cette pierre se trouve en petits bancs sous des rochers vitreux beaucoup plus durs, en sorte qu'on en exploite les carrières sous terre en suivant ce lit de pierre tendre, comme l'on suivroit une veine de charbon de terre. On tranche à la scie les blocs que l'on en tire, et Ton en fait ensuite de la vaisselle PIERRES OLLAIRES. 3n3 de toutes formes; elJe ne casse point au feu, et les bons économes la préfèrent à la faïence et à la pote- rie. Comme toutes les autres pierres ou terres, elle s'échauffe et se refroidit plus vite que le cuivre ou le fer; et lorsqu'on lui fait subir l'action d'un feu violent, elle blanchit et se durcit au point de faire feu contre l'acier. Toutes les autres pierres ollaires ont à peu près les mêmes propriétés, et ne diffèrent de la pierre de Corne que par la variété de leurs couleurs : il y en a dans lesquelles on distingue à la fois' du blanc , du noir, du gris, du vert, et du Jaune; d'autres dans lesquelles les paillettes de mica et les petites lames talqueuses sont plus nombreuses et plus brillantes : mais toutes sont opaques, 'tendres, et douces au toucher, toutes se durcissent à l'air, et encore plus au feu ; toutes parti- cipent de la nature du talc et de l'argile ; elles en réunissent les propriétés, et peuvent être regardées comuie l'une des nuances par lesquelles la nature passe du dernier degré de la décompositioa des micas au premier degré de la composition des argiles et des schistes. La densité de la pierre de Côme et des autres pier- res ollaires est considérablement plus grande que celle de la plupart des serpentines, et encore plus grande que celle du talc ^; ce qui me fait présumer qu'il est entré des parties métalliques, et particuhè- rement du fer, dans leur composition, ainsi que dans 1. La pesanteur spécifique de la pierre de Côme est de 28729 ; celle de la pierre ollaire feuilletée de Suède est de 2853i ; celle du talc de Moscovie n'est que de 27917; celle de la plupart des serpentines est entre 22 et 26000. BUFFOiN. VIII. 24 374 MINÉRAUX. la serpentine fibreuse et dans le mica noir, qui sont beaucoup plus pesants que les autres : on en a môme acquis la preuve ; car, après avoir pulvérisé des pier- res ollaires, M. Pott et d'autres observateurs en ont tiré du fer par le moyen de l'aimant : ce fer étoit donc dans son état magnétique lorsqu'il s'est mêlé avec la matière de ces pierres, et ce fait nous démontre en- core que toutes ces pierres serpentines et ollaires ne sont que de seconde et même de troisième forma- tion, et qu'elles n'ont été produites que par les dé- triments et les exfoliations des talcs et des micas mê- lés de particules de fer. Ces pierres talqueuses se trouvent non seulement dans le pays des Grisons, mais dans plusieurs autres endroits de la Suisse ; il est à présumer qu'on en trou- veroit dans le voisinage de la plupart des grandes mon- tagnes vitreuses de l'un et de l'autre continent : on en a trouvé non seulement en Italie et en Suisse, mais en France, dans les montagnes de l'Auvergne ; il y en a aussi dans quelques provinces de l'Allemagne ^, et les relaleurs nous assurent qu'on en a rencontré en Norwége et en Groenland. Ces pierres sont aussi très communes dans quelques îles de l'Archipel, où il pa- roît qu'on les emploie depuis long-temps à faire des vases et de la vaisselle. On pourroit se persuader qu'il est nécessaire d'em- ployer de l'huile pour donner aux pierres ollaires de la dureté et plus de solidité, d'autant que Théophraste et Pline ont assuré ce fait comme une vérité ; mais 1. Mylius fait nienlion d'une sciublal)lc pierre ollaire que l'on trouve en Saxe, clans ia l'orôt de SclituicJ-fcld auprès de Sulil, qui d'abord est molle , mais qui étant mise au feu prend la dureté du verre. PIERRES OLLAIRES. J-J^ M. Pott a démontré , le premier , que cet endurcisse- ment des pierres oilaires se faisoit également sans huile et par la seule action du feu. Cet habile chi- miste a fait une longue et savante dissertation sur ces pierres oilaires et sur les stéatites en général; il dit avec raison qu'elles offrent un grand nombre de va- riétés : il indique les principaux endroits où on les trouve, et il observe que c'est pour l'ordinaire vers la surface de la terre qu'on rencontre cette matière , et qu'elle ne se trouve guère à une grande profon- deur. En effet, elle n'est pas de première, mais de se- conde , et peut-être de troisième formation ; car la composition des serpentines et des pierres oilaires exige d'abord l'atténuation du mica en lames ou en filets talqueux , et ensuite leur formation suppose le mélange et la réunion de ces parties talqueuses avec un ciment ferrugineux, qui a donné la consistance et les couleurs à ces pierres. M. Pott , après avoir examiné les propriétés de ces pierres, en conclut qu'on doit les rapporter aux ar- giles, parce qu'elles se durcissent au feu; ce qui, se- lon lui, n'arrive qu'aux seules argiles. Il avoue que ces pierres ne se délaient pas dans l'eau comme l'ar- gile, mais que néanmoins, en les pulvérisant et les la- vant, « elles se laissent en quelque sorte travailler à la roue à potier, et que, réduite en pâte avec de l'eau, cette pâte se durcit au feu. » Nous observerons néan- moins que ce n'est pas de l'argile, mais du mica, que ces pierres tirent leur origine et leurs principales pro* priétés, et que si elles contiennent de l'argile, ce n'est qu'en petite quantité, et toujours beaucoup moins qu'elles ne contiennent de mica ou de talc ; 376 MINÉRAUX. seulement on peut passer par degrés des stéatites à l'ardoise, qui contient au contraire beaucoup plus d'argile que de mica, et qui a plusieurs propriétés communes avec elle. Il est vrai que les ardoises et même les argiles molles qui sont mêlées de talc ou de mica sont, comme les stéatites, douces et savonneuses au toucher, qu'elles se durcissent au feu, et que leurs poutlres ne prennent jamais autant de consistance que ces matières en avoient auparavant : mais cela prouve seulement le passage de la matière talqueuse à l'ar- gile, comme nous l'avons démontré pour le quartz et le grès ; et il en est de même des autres verres pri- mitifs et des matières qui en sont composés, car tou- tes les substances vitreuses peuvent se réduire avec le temps en terre argileuse. MOLYBDENE. La molybdène est une concrétion talqueuse plus légère que les serpentines et pierres ollaires, mais qui, comme elles, prend au feu plus de dureté, et même de densité ^. Sa couleur est noirâtre, et sem- blable à celle du plomb exposé à l'air ; ce qui lui a fait donner les noms de plombagine et de mine de flomb : cependant elle n'a rien de commun que la couleur avec ce métal, dont elle ne contient pas un 1. La pesanteur spécifique de la molybdène du duché de Cumber- land est de 20891 ; et lorsqu'elle a subi l'action du feu, sa pesanteur est de 23oo6. MOLYBDÈNE. 3ny atome ; le fonds de sa substance n'est que du mica at- ténué ou du talc très fin, dont les parties rapprochées par l'intermède de l'eau ne se sont pas réunies d'assez près pour former une matière aussi compacte et aussi dure que celle des serpentines, mais qui du reste est de la même essence, et nous présente tous les carac- tères d'une concrétion talqueuse. Les chimistes récents ont voulu séparer la plomba- gine de la molybdène, et les distinguer en ce que la molybdène ne contient point de soufre, et que la plombagine au contraire en fournit une quantité sen- sible. Il est bien vrai que la molybdène ne contient point de soufre : mais quand même on trouveroit dans }§ seiïi de la terre de la molybdène mêlée de soufre, ce ne seroit pas une raison de lui ôter son nom pour lui donner celui de plombagine; car cette dernière dénomination n'est fondée que sur un rapport super- ficiel et qui peut induire en erreur, puisque cette plombagine n'a rien de commun que la couleur avec le plomb. J'ai fait venir de gros et beaux morceaux de molybdène du duché de Cumberland ; et l'ayant comparée avec la molybdène d'Allemagne, j'ai re- connu que celle d'Angleterre étoit plus pure , plus légère, et plus douce au toucher^ ; le prix en est aussi très différent, celle de Cumberland est dix fois plus chère à volume égal : cependant ni l'une ni l'autre de ces molybdènes, réduites en poudre et mises sur les charbons ardents, ne répandoient l'odeur de sou- fre ; mais ayant mis à la même épreuve les crayons qui sont dans le commerce, et qui me paroissent être 1. La pesanteur spécifique de la molybdène d'Allemagne est de 22456 , tandis que celle de Cumberland n'est que de 20891. 378 MINÉRAUX. de la même substance, ils ont tous exhale une assez forte odeur sulfureuse; et j'ai été informé que, pour épargner la matière de la molybdène , les Anglois en mêloient la poudre avec du soufre avant de lui don- ner la forme de crayon : on a donc pu prendre cette molybdène artificielle et mêlée de soufre pour une matière différente de la vraie molybdène, et lui donner en conséquence le nom de plombagine. M. Scheele , qui a fait un grand nombre d'expériences sur cette ma- tière, convient que la plombagine pure ne contient point de soufre , et dès lors cette plombagine pure est la même que notre molybdène ; il dit avec raison qu'elle résiste aux acides, mais que par la sublima- tion avec le sel ammoniac elle donne des fleurs mar- tiales. Cela me semble indiquer que le fer entre dans sa composition, et que c'est à ce métal qu'elle doit sa couleur noirâtre. Au reste, je ne nie pas qu'il ne se trouve des mo- lybdènes mêlées de pyrites, et qui dès lors exhalent au feu une odeur sulfureuse; mais, malgré la con- fiance que j'ai aux lumières de mon savant ami M. de Morveau, je ne vois pas ici de raison suffisante pour être de son avis, et regarder la plombagine comme une matière toute différente de la molybdène. Je donne ici copie de la lettre qu'il m'a écrite à ce su- jet^, dans laquelle j'avoue que je ne comprends pas i . Je ne doute pas qu'on ne fasse des mélanges avec du soufre pour des crayons, et que ce que l'on m'avoit auti^efois vendu en masse pour de la molybdène ne fût un de ces mélanges ; mais je ne puis plus dou- ter maintenant de ce que j'ai vu dans mes propres expériences sur des morceaux qui tenoient à la roche quartzeuse , comme celui que vous avez tenu venant de Suède, et qui par conséquent ne peuvent être des compositions artificielles. Or de sept échantillons . tous tenant MOLYBDÈNE. Z'JQ pourquoi cet habile chimiste dit que la molybdène est mêlée de soufre, tandis que M. Scheele assure le contraire, et qu'en effet elle n'en répand pas l'odeur sur des charbons ardents. Je persiste donc à penser que la molybdène pure n'est composée que de particules talqueuses mêlées avec une argile savonneuse et teintes par une dissolu- lion ferrugineuse : cette matière est tendre, et donne sa couleur plombée et luisante à toutes les matières sur lesquelles on la frotte, elle résiste plus qu'aucune autre à la violente action du feu : elle s'y durcit, et l'on en fait de grands creusets pour l'usage des mon- noies. J'ai moi-môme fait usage de plusieurs de ces creusets, qui résistent très long-temps à l'action du plus grand feu. au rocher, que j'ai éprouvés , et qui se trouvent ici dans les cabinets de M. de Ghamblanc et M. de Saint-Mesmin, quatre se sont trouvés être de la molybdène, et trois de la plombagine. 11 est facile de les con- fondre à la vue ; mais il est tout aussi facile de les distinguer par leurs principes constituants, car il n'y a rien de si différent. La mol.jbdéne est composée de soufre et d'un acide particulier ; la plombagine est un composé de gaz mépliitique et de feu fixe, ou phlogistique, avec un cinq cent soixante-seizième de fer. J'ai fait en dernier lieu le foie de soufre avec les quatre molybdènes dont je vous ai parlé ; et pour la plomba- gine , j'avois déjà répété , au cours de l'année dernière , toutes les ex- périences de M. Scheele, que je m'étois fait traduire, et dont la tra- duction a été imprimée uans le Journal de Physique de février dernier. Ce qui me persuade que cette distinction entre la plombagine et la mo- lybdène est présentement aussi connue des Anglois que des Suédois et des Allemands, c'est que M. Kirwan , de la Société royale de Lon- dres, m'écrivit, peu de temps après, que j'avois rendu un vrai service aux chimistes françois eu publiant ce morceau dans leur langue , parce qu'ils ne paroissoient pas au courant des travaux des étrangers. {Lettre de M. de Morveau à M. de Buffon , datée de Dijon, ^ décembre 178-2. ) 380 MINÉRAUX. On trouve de la molybdène plus ou moins pure en Angleterre, en Allemagne, en Espagne; et je suis persuadé qu'en faisant des recherches en France, dans les contrées de granité et de grès, on en pourroit ren- contrer, comme l'on y trouve en effet d'autres con- crétions du talc et du mica : cette matière, au prix que la vendent les Anglois, est assez chère pour en faire la recherche , d'autant que l'exportation en est prohibée avant qu'elle ne soit réduite en crayons fins et grossiers, qu'ils ont soin de toujours mélanger d'une plus ou moins grande quantité de soufre. PIERRE-DE-LARD ET CRAIE D'ESPAGNE. On a donné ces noms impropres aux pierres dont il est ici question parce que ordinairement elles sont blanches comme la craie, et qu'elles ont un poJi grais- seux qui leur donne de la ressemblance avec le lard. Nous en coniioissons de deux sortes, qui ne nous of- frent que de très légères différences : la première est celle qui porte le nom de pierre~de-lard ^ et dont on fait des magots à la Chine; et la seconde est celle à laquelle on a donné la dénomination de craie d'Es- pagne ^ mais très improprement, puisqu'elle n'a au- cun autre rapport avec la craie que la couleur et l'u- sage qu'on en fait en la taillant de même en crayons pour tracer des lignes blanches ; car cette craie d'Es- PIERRE-DE-LARD ET CRAIE d'eSPAGNE. 58! pagne et la pierre-de-lard de la Chine sont toutes deux des stéatites ou pierres talqueuses dont la substance est compacte et pleine, sans apparence de couches, de lames ou de feuillets : elles sont blanches, sans ta- ches et sans couleurs variées ; elles n'ont pas autant de dureté qu'en ont les serpentines et les pierres ol- laires, quoique leur densité soit plus grande que celle de ces pierres ^. Cette pierre craie d'Espagne est d'autant plus mal nommée, qu'on la trouve en plusieurs autres con- trées^; on l'appelle en Italie pietra dl sartorij pierre des tailleurs d'habits, parce que ces ouvriers s'en ser- vent pour rayer leurs étoffes. Ordinairement elle est blanche : cependant il y en a de la grise, de la rouge, de la marbrée ; de couleur jaunâtre et verdâtre, dans quelques contrées. Cette pierre n'a de rapport avec la craie que par sa mollesse : on peut l'entamer avec l'ongle dans son état naturel ; mais elle se durcit au feu comme toutes les autres pierres talqueuses : elle est de même douce au toucher et ne prend qu'un poli gras. La pierre-de-lard, dont les Chinois font un si grand nombre de magots, est de la même essence que cette pierre craie d'Espagne : communément elle est blan- che ; cependant il s'en trouve aussi d'autres couleurs, et particulièrement de couleur rose, ce qui donne à 1. La pesanteur spécifique de la craie d'Espagne est de 97902, c'est- à-dire presque égale à celle du talc. La pesanteur spécifique de la pierre- de-lard de la Chine est de 25854, c'est-à-dire à peu près égale à celle de la serpentine opaque veinée de noir et d'olivâtre, mais considéra- blement moindre que celle de la plupart des autres serpentines et pierres oUaires. 2. En Allemagne , dans \e margraviat de Bareith ; en Suisse, etc. 582 MINÉRAUX. ces figures l'apparence de la chair. Ces pierres-de- lard, soit de la Chine, soit d'Espagne ou des autres contrées de l'Europe , sont moins dures que les ser- pentines et les pierres ollaires, et néanmoins on peut les employer aux mêmes usages, et en faire des vases et de la vaisselle de cuisine qui résiste au feu, s'y dur- cit, et ne s'imbibe pas d'eau ; elles ne diffèrent, en un mot, des pierres ollaires que parce qu'elles sont plus tendres et moins colorées. M. Pott , qui a com- paré cette pierre-de-lard de la Chine avec la craie d'Espagne, les pierres ollaires, et les serpentines, dit avec raison que « toutes ces pierres sont de la même essence. On y aperçoit souvent, quand on les rompt, des particules brillantes de talc ; l'air n'y cause d'au- tre changement que de les durcir un peu davantage : si on les jette dans l'eau, il s'y en imbibe un peu avec sifflement; mais elles ne s'y dissolvent pas comme l'ar- gile... La poudre de ces pierres forme avec l'eau une pâte qu'on peut pétrir aisément. Suivant les diffé- rents degrés du feu auquel on les expose, elles se durcissent jusqu'au point d'étinceler abondamment lorsqu'on les frappe contre l'acier, et elles prennent alors un beau poli : elles blanchissent pour l'ordinaire à un feu découvert, et c'est par cette blancheur que la terre de la Chine l'emporte si fort sur les autres es- pèces ; mais un feu renfermé la jaunit. L'espèce jaune de cette terre rougit au contraire, son rouge devient même vif; il en sort des étincelles, et son poli égale presque celui du jaspe : cela me fait soupçonner que ces têtes excellemment gravées, ces statues et ces au- tres monuments des anciens ouvriers, dont l'art, la durée et la dureté font aujourd'hui l'admiration des pierre-de-lai\d et craie d'espagne. 587) nôtres, ne sont autre chose que des ouvrages faits avec des terres stéatiques sur lesquelles on a pu tra- vailler à souhait, et qui , ayant acquis au feu la dureté des pierres, ont finalement été embellies de la polis- sure qui y subsiste encore. » En sculptant exactement cette terre crue, on en peut faire les plus, excellents ouvrages des statuaires, qui reçoivent ensuite au feu une parfaite dureté, qui sont susceptibles du plus beau poli, et qui résistent à toutes les causes de destruction. » Mais surtout les chimistes peuvent s'en servir pour faire les fourneaux et les creusets les plus soli- des, et qui résistent admirablement au feu et à la vi- trification. » Tout ce que dit ici M. Pott s'accorde parfaitement avec ce que j'ai pensé sur la nature et la dureté du jade, qui, par son poli gras et par l'endurcissement qu'il prend au feu, doit être mis au nombre des pier- res talqueuses ; les sauvages de l'Amérique n'auroient pu percer ni graver le jade s'il eût eu la dureté que nous lui connoissons, et sans doute ils la lui ont don- née par le moyen du feu. CRAIE DE BRIANÇON. Cette pierre n'est pas plus craie que la craie d'Es- pagne ; c'est également une pierre talqueuse , et près- que même un véritable talc : elle n'en diffère qu'eu 384 MINÉRAUX. ce que les lames dont elle est composée sont moins solides que celles du talc , et se divisent plus aisément en parcelles micacées qui sont un peu plus aigres au toucher que les particules du talc. Cette pierre n'est donc qu'un talc imparfait, c'est-à-dire un agrégat de particules d'un mica qui n*a pas encore subi tous les degrés de l'atténuation nécessaire pour devenir talc ; mais le fonds de sa substance est le même : sa dureté , sa densité, sont aussi à très peu près les mêmes ^, et ses autres propriétés n'en diffèrent que du moins au plus; car, après le talc, c'est de toutes les stéatites la plus tendre et la plus douce au toucher. On la trouve plus fréquemment et en plus grandes masses que les talcs ; elle s'offre aussi en différents états dans ses car- rières, et on la distingue par la qualité de ses parties constituantes, qui sont plus ou moins unes ou gros- sières. La plus fine est presque aussi transparente que le talc lorsqu'elle est réduite à une petite épaisseur, et ne paroît différer du vrai talc qu'en ce que les la- mes qui la composent ne sont pas lisses, et qu'elles ont à leur surface des stries et des tubercules ; en sorte que quand on veut séparer ces lames, elles ne se dé- tachent pas les unes des autres comme dans les talcs, mais qu'elles se brisent en petites écailles : cette craie est donc un talc qui n'a pas acquis toute saperfection. Celui qu'on appelle talc de Venise ou de Naples est absolument de la même nalure , et on se sert égale- 1. La pesanteur spécifique du talc de Moscovie est de 27917 ; celle de la craie de Briauçoii grossière , c'est-à-dire qui se délite en feuillets comme le talc , est de 27274 ; ^t celle de la craie de Briançon Bue es* de 26G89, à peu près égale à celle du mica jaune. CRAIE DE BUIANÇON. 585 ment de leur poudre pour faire le fard blanc et la base du rouge dont nos femmes font un usage agréable aux yeux, mais déplaisant au toucher. AMIANTE ET ASBESTE. L'amiante et l'asbeste sont encore des substances talqueuses qui ne diffèrent lune de l'autre que par le degré d'atténuation de leurs parties constituantes; toutes deux sont composées de filaments séparés lon- gitudinalement , on réunis assez régulièrenient en di- rections obliques et convergentes : mais dans l'amiante ces filaments sont plus longs, pins flexibles, et plus doux au toucher que dans l'asbeste ; et comme cette même différence se trouve entre les talcs et les micas, on peut en conclure que l'amiante est composé de parties talqueuses, et l'asbeste de parties micacées, qui n'ont pas encore été assez atténuées pour prendre la douceur et la flexibilité du talc. II y a des amiantes en filaments longs de plus d'un pied, et des amiantes en filaments qui n'ont que quelques lignes de lon- gueur; mais ils sont également flexibles et doux au toucher. Ces filaments ont le lustre et la finesse de la soie : ils sont unis parallèlement dans leur longueur; on peut même les séparer les uns des autres sans les rompre. Les amiantes longs, qui se trouvent dans les Alpes piémontoises, sont d'un assez beau blanc; et les amiantes courts, qu'on trouve aux Pyrénées, sont d'un blanc verdâtre. Nous verrons tout à l'heure que les 586 MINÉRAUX. Alpes elles Pyrénées ne sont pas les seuls lieux qui produisent cette substance , et qu'on la rencontre dans toutes les parties du monde, au pied ou sur les flancs des montagnes vitreuses. L'asbeste, qui n'est que de l'amiante imparfait et moins doux au toucher, se présente en filets sembla- bles à ceux de l'alun de plume , ou bien en groupes et en épis dont les filaments sont adhérents les uns aux autres : nos nomenclateurs, auxquels les dénomina- tions même impropres ne coûtent rien, ont appelé asbeste mûr le premier, et asbeste no7i mûr le dernier, comme s'ils différoient par la maturité de leur sub- stance, tandis qu'elle est la môme dans l'un et l'au- tre, et qu'il n'y a de différence que dans la position parallèle ou divergente des filaments dont ils sont com- posés. L'asbeste et l'amiante ne se brûlent ni ne se calci- nent au feu; les anciens ont donné le nom de lin m- combiist'ible à l'amiante en longs filaments, et ils en faisoient des toiles qu'on je toit au feu, au lieu de les laver , pour les nettoyer : cependant les amiantes longs ou courts, et les asbestes mûrs ou non mûrs, se vitri- fient comme le talc à un feu violent, et donnent de même une scorie cellulaire et poreuse; quelques uns de nos habiles chimistes , ayant observé qu'il se trouve quelquefois du schorl dans l'amiante, ont pensé qu'il pouvoit être formé par la décomposition du schorl, et qu'on devoit les regarder l'un et l'autre comme des produits basaltiques. Mais ni le schorl ni l'amiante ne sont des matières volcaniques : le schorl est un verre de nature produit par le feu primitif, et l'amiante ainsi que l'asbeste ont été formés par la décomposi- AMIANTE ET ASBESTE. 38; tion du mica , qui , ayant été atténué par rintermède des éléments humides, leur adonné naissance, ainsi qu'au talc et à toutes les autres substances talqueuses. L'amiante se trouve souvent mêlé et comme incor- poré dans les serpentines et pierres ollaires en si grande quantité, que quelques observateurs ont pensé que ces pierres tiroient leur origine de l'amiante ; mais nous dirons avec plus de vérité que leur origine est commune, c'est-à-dire que ces pierres et l'amiante proviennent également de l'agrégation des parties du talc et du mica plus ou moins purs et plus ou moins dé- composés. Quelques autres observateurs, ayant trouvé de l'aoïiante dans des terres argileuses, ont cru que c'étoit un produit de l'argile; ils ont attribué la môme origine au mica, parce qu'on en rencontre souvent dans les terres argileuses, et qu'ils ont reconnu que le mica ainsi que l'asbeste se convertissoient en argile : ilsau- roient dû en conclure, au contraire, que l'ai gile pouvoit être produite par le mica , comme elle peut l'être et l'a en effet été par la décomposition du quartz, du feld-spath, et de toutes les autres matières vitreuses primitives. Enfm je ne crois pas qu'il soit nécessaire de discuter l'opinion de ceux qui ont cru que l'amiante et l'asbeste étoient formés par les sels de la terre : cette idée neleur est venue qu'à cause de leur ressemblance avec l'alun de plume, dont néanmoins l'amiante et l'asbeste diffèrent par leur essence et par toutes leurs propriétés; car l'alun de plume est soluble dans l'eau, fusible dans le feu , et il a une saveur très astringente : l'amiante et l'asbeste au contraire n'ont aucune pro- priété des sels; ils sont insipides, ne se dissolvent pas dans l'eau, résistent 1res long-temps à l'ardeur du feu, 388 MINÉRAUX. et ne se vitrifient que par un feu du dernier degré ; leur substance n'est composée que d'un mica plus ou moins atténué, que les stillations de l'eau ont charrié et disposé par filaments entre les coucîies de certaines matières. « Les particules qui sont appliquées à un corps solide par l'intermède d'un fluide peuvent pren- dre la forme de fibrilles, dit Stenon, soit en passant dans des pores ouverts comme dans des espèces de fi- lières, soit en s'engageant, poussées par le fluide, dans les interstices des fibres déjà formées. » Mais il n'est pas nécessaire de supposer, avec Ste- non, des filières pour expliquer la formation des fila- ments de l'amiante, puisqu'on trouve cette même forme dans les talcs, dans les gypses, et jusque dans les sels; c'est môme l'une des formes que la nature donne le plus souvent à toutes les matières visqueuses , ou atténuées au point d'être grasses et douces au toucher. Il ne paroîtpas douteux que l'amiante ou l'asbeste des Grecs, le Un vif doni parle Pline, et la salaman- dre de quelques auteurs, ne soient une même chose, de sorte que ces diverses dénominations nous indi- quent déjà une des principales propriétés de cette matière, qui résiste en effet à l'action du feu jusqu'à un certaia point, mais qui néanmoins n'y est-pas inal- térable comme on l'a prétendu. Quoique l'amiante fût autrefois beaucoup plus rare qu'il ne l'est aujourd'hui, et que , selon le témoignage de Pline, son prix égalât celui des perles, il paroît cependant que les anciens connoissoient mieux que nous l'art de le préparer et d'en faire usage. Dans ce temps on tiroit l'amiante de l'Inde, de l'Egypte, et AMIANTE ET ASBESTE. 089 particulièrement de Garyste , ville de TEubée , aujour- d'hui jNégrepont, d'où Pausanias l'a dénommé linum carystium. Pour tirer la matière fibreuse et incombustible dont l'amiante est formé, on en brise la masse; on secoue ensuite l'espèce de filasse qui en provient,^ afin d'en séparer la terre; on la peigne, on la file, et on en fait une sorte de toile qui ne se consume que peu dans nos feux ordinaires : l'amiante ainsi préparé peut aussi servir à faire des mèches très durables pour les lampes, et on en feroit également avec du talc, qui a de même la propriété de résister au feu. « Il y a une sorte de lin qu'on nomme lin vif, Ununi vivum^ parce qu'il est incombustible, dont j'ai vu, dit Pline, des nappes qu'on jetoit après le repas dans le feu lors- qu'elles étoient sales, et qu'on en retiroit beaucoup plus blanches que si elles eussent été lavées ; on en- veloppe les corps des rois, après leur mort, avec une toile faite de ce lin, lorsqu'on veut les brûler, afin que les cendres du corps ne se mêlent point avec celles du bûcher Ce lin est très rare, difficile à travailler, parce qu'il est très court : il perd dans le feu la cou- leur rousse qu'il avoit d'abord, et il devient d'un blanc éclatant. » Le P. Kircher dit qu'il avoit, entre autres ouvrages faits des filaments de cette pierre , une feuille de papier sur laquelle ou pouvoit écrire, et qu'on jetoit ensuite au feu pour effacer l'écriture, d'où on la retiroit aussi blanche qu'avant qu'on s'en fût servi , de sorte qu'une seule feuille de ce papier auroit pu suffire au commerce de lettres de deux amis; il dit aussi qu'il avoit un voile de femme pa- reillement fait de fil d'amiante, qui lui avoit été DUFFON. Vljir. 25 Ô^O MINERAUX. donné par le cardinal de Lugo, qu'il ne blanchissoit jamais autrement qu'en le jetant au feu , et qu'il avoit une mèche de cette même matière qui lui avoit servi pendant deux ans dans sa lampe, sans qu'elle se fût consumée. Mais quelque avantageusement que les anciens aient parlé des ouvrages faits de fd d'amiante, il est constant qu'à considérer la nature de cette ma- tière, il y a lieu de juger que ces ouvrages n'ont ja- mais pu être d'un bon service, et que lorsqu'on a fait quelque usage de cette espèce de fdasse miné- rale, la curiosité y a eu plus de part que l'utilité. D'ailleurs cette matière a toujours été assez rare et fort difficile à employer; et si l'art de la préparer est du nombre des secrets qu'on a perdus, il n'est pas fort regrettable. Quelques auteurs modernes ont écrit sur la ma- nière de faire de la toile avec l'amiante. M. Mabu- del , de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, a donné le détail de cette manipulation , par laquelle on obtient en effet une toile ou plutôt un tissu d'a- miante mêlé de chanvre ou de lin : mais ces sub- stances végétales se brûlent dès la première fois qu'on jette au feu cette toile, et il ne reste alors qu'un mauvais canevas percé de mille trous , et dans lequel les cendres des matières enveloppées dans cette toile ne pourroient se conserver, comme on l'a prétendu des corps qu'on faisoit brûler dans cette toile pour en obtenir la cendre pure et sans mélange. La chose est peut-être possible en multipliant les en- veloppes de cette toile autour d'un corps dont ou voudroit conserver la cendre ; ces toiles pourroient alors la retenir sans la laisser échapper : mais ce qui AMIANTE ET ASBESTE. J9 1 prouve que cette pratique n'a jamais été d'un usage commun, c'est qu'à peine y a-t-il un exemple d'a- miante trouvé dans les anciens tombeaux^; cepen- dant on lit dans Plutarque que les Grecs faisoient des toiles avec l'amiante , et qu'on voyoit encore de son temps des essuie-mains, des filets, des bonnets, et des habits de ce fil qu'on jetoit clans le feu quand ils étoient sales , et qui ne s'y consumoient pas , mais y reprenoient leur premier lustre. On cite aussi les ser- viettes de l'empereur Charles-Quint, et l'on assure que l'on a fait de ces toiles à Venise, à Louvain, et dans quelques provinces de l'Europe Les voyageurs attestent encore que les Chinois savent fabriquer ces toiles; une telle manufacture me paroît néanmoins d'une exécution assez difficile , et Pline avoit raison de dire : Asbestos inventa raruniy textii dlfficlUlmum. Cependant il paroît, par le témoignage de quelques auteurs italiens, qu'on a porté dans le dernier siècle l'art de filer l'amiante et d'en faire des étoffes à un tel degré, qu'elles étoient souples, maniables, et fort approchantes, pour le lustre, de la peau d'agneau préparée , qui est alors fort blanche ; ils disent même qu'on pouvoit rendre ces étoffes épaisses et minces 1 M. Mahudel cite le suaire d'amiante qui est à la bibliothèque tlu Vatican , et qui renferme des cendres et des ossements à demi brûlés avec lesquels il a été trouvé dans un ancien tombeau. Ce suaire a neuf palmes romains de longueur sur sept de largeur., Cet auteur pense qu'en supposant que ce suaire soit antique , il peut avoir servi pour quelque prince, mais que l'on n'en doit tirer aucune conséquence pour un usage général, puisqu'il est le seul que l'on ait vu de ccUo espèce dans le nombre infini de tombeaux que l'on a ouverts, ni môme dans ceux des empereurs. 392 MINÉRAUX. à volonté, et que par conséquent on en faisoit une sorte de drap assez épais et un papier blanc assez mince. Mais je ne sache pas qu'il y ait aujourd'hui en Europe aucune manufacture d'étoffe , de drap , de toile, ou de papier d'amiante; on fait seulement, dans quelques villages autour des Pyrénées, des cor- dons, des bourses, et des jarretières d'un tissu gros- sier, de l'amiante jaunâtre qui se trouve dans ces mon- tagnes. Le talc et l'amiante sont également des produits du mica atténué par l'eau; et l'amiante, quoique assez rare, lest moins que le talc, dont la composition suppose une infinité de filaments réunis de très près; au lieu que dans l'amiante ces filets ou filaments sont séparés, et ne pourroient former du talc que par une seconde opération qui les réuniroit : aussi le talc ne se trouve qu'en quelques endroits particuliers, et l'amiante se présente dans plusieurs contrées et sur- tout dans les montagnes graniteuses, où le mica est abondamment répandu; il y a même d'assez grandes masses d'amiante dans quelques unes de ces mon- tagnes. On trouve de l'amiante en Suisse, en Savoie, et dans plusieurs autres contrées de l'Europe; il s'en trouve dans les îles de l'Archipel et dans plusieurs régions du continent de l'Asie, en Perse, en Tartarie, en Sibérie, et même en Groenland; enfin, quoique les voyageurs ne nous parlent pas des amiantes de l'Afrique et de l'Amérique, on ne peut pas douter qu'il ne s'en trouve dans la plupart des montagnes graniteuses de ces deux parties du monde , et l'on AMIANTE ET ASBESTli. SqS doit croire que les voyageurs n'ont fait mention que des lieux où l'on a fait quelque usage de cette ma- tière, qui, par elle-même, n'a que peu de valeur réelle et ne mérite guère d'être recherchée. CUIR ET LIEGE DE MONTAGNE. Dans l'amiante et l'asbeste, les parties constituan- tes sont disposées en filaments souvent parallèles, quelquefois divergents ou mêlés confusément; dans le cuir de montagne , ces mêmes parties talqueuses ou micacées qui en composent la substance sont dis- posées par couches et en feuillets minces et légers, plus ou moins souples, et dans lesquels on n'aperçoit aucun filament, aucune fibre; ce sont des paillettes ou petites lames de talc ou de mica réunies et su- perposées horizontaleuicnt, plus ou moins adhéren- tes entre elles, et qui forment une masse mince comme du papier, ou épaisse comme un cuir, et tou- jours légères, parce que ces petites couches ne sont pas réunies dans tous les points de leur surface, et qu'elles laissent entre elles tant de vide, que cette substance acquiert presque le double de son poids par son imbibition dans l'eau ^. Le liège de montagne, quoique en apparence en- core plus poreux, et même troué et caverneux, est 1. La pesanteur spécifique du cuir fossile ou de montagne est de 6806 , et celle de ce même cuir pénétré d'eau est de 13492. (Voyez les Tables de M. Brisson. ) 394 MINÉRAUX. cependant plus dur et d'une substance plus dense que le cuir de montagne, et il tire beaucoup moins d'eau par l'imbibition^. Les parties constituantes de ce liège de montagne ne sont pas disposées par cou- ches ou par feuillets appliqués horizontalement les uns sur les autres, comme dans le cuir de montagne, mais elles sont contournées en forme de petits cor- nets qui laissent d'assez grands intervalles entre eux, et la substance de ce liége est plus compacte et plus dure que celle du cuir auquel nous le comparons; mais l'essence de l'un et de l'autre est la même, et ils tirent également leur origine et leur formation de l'assemblage et de la réunion des particules du mica, moins atténuées que dans les talcs ou les amiantes. Ce cuir et ce liége sont ordinairement blancs, et quelquefois jaunâtres; on en a trouvé de ces deux cou- leurs en Suède , à Sahlberg, et à Danemora. M. Mon- tet a donné une bonne description du liége qu'il a découvert le long du chemin de Mandagout à Yigan , diocèse d'Alais. Cet habile minéralogiste dit avec rai- son « que cette substance est fort analogue à l'amiante, et que les mines en sont très rares en France. » Celle qu'il décrit se présentoit à la surface du terrain, et étoit en couches continues à quatre pieds de profon- deur : elle gisoit dans une terre ocreuse. qui donnoit une couleur jaune à ce liége; mais il devenoit d'un blanc mat en le lavant, « Ce liége, dit M. Montet, se 1. La pesanteur spécifique du liége de montagne est de ggSS, c'est- à-dire de près d'un tiers plus grande que celle du cuir de montagne ; et lorsqu'il est péuélré d'eau, sa pesanteur spécifique n'est que de 12492, c'est-à-dire moindre que celle du cuir imbibé d'eau, (Voyez les Tables de M. Brisson. ) CUIR ET LIÈGE DE MONTAGNE. 595 présente sous différentes formes, et toutes peu régu- lières : il y a de ces lièges qui sont tout-à-lait plats, et qui n'ont, en certains endroits, pas plus de deux ou trois lignes d'épaisseur; ils ressemblent à certains fimgus qui viennent sur les châtaigniers , ou à de la bourre desséchée : d'autres sont fort épais et de figure oblongue; il y en a aussi en petits morceaux détachés, irréguliers comme sont les cailloux, etc. : la plupart sont raboteux, ayant beaucoup de petites éminences; on n'en voit point d'unis sur aucune de leurs surfa- ces Lorsque ce liège de montagne est bien net- toyé de la terre qui l'enduit, et que dans cet état de netteté on le ramollit en le pressant et frottant en- Ire les doigts, il ressemble parfaitement à du papier mâché. » Les gros morceaux de ce liège et ceux qui sont fort épais sont ordinairement fort pesants, eu égard aux autres qui sont peu pénétrés par la terre et par les sucs pétrifiants : ceux-ci ont la légèreté et la mol- lesse du liège ordinaire; voilà sans doute ce qui a fait donner à cette substance le nom de liège de monta- gne. On pourroit donner encore à ceux qui sont bien blancs et minces le nom de papier de montagne; les fibres qui les composent sont d'un tissu très lâche, tandis que la plupart des autres ont presque la pesan- teur des pierres : on peut rendre à ces derniers la légèreté qui leur est propre, en les coupant en petits morceaux minces, et leur ôtant toute la partie ter^ reuse ou pétrifiante » J'ai trouvé quelques morceaux de cette substance, qui, partagée en deux, ne pouvoit se séparer qu'en laissant apercevoir des filets soyeux parallèles, couchés 396 MINÉRAUX. en grande partie perpendiculairement les uns contre les autres, ne se séparant que par filaments, et se te- nant d'un bout jusqu'à Tautre comme les fibres d'un muscle : il me semble que ceux-ci doivent être une espèce d'amiante ; ils sont aussi fort légers. J'en ai mis quelques morceaux dans des creusets que j'ai exposés à un feu fort ardent pendant deux heures : je les ai tirés sans aucune apparence de vitrification ; seulement ils avoient perdu de leur poids , mais ils étoient tou- jours inattaquables aux acides. » On voit sur le sol du terrain où se trouve ce liège de montagne, i°une espèce d'ardoise grossière; 2° beau- coup de quartz en assez petits morceaux détachés , isolés, à la surface de la terre, et dont plusieurs sont pénétrés par leurs côtés de cette pierre talqueuse, qui est la pierre dominante de ce terrain. » Il me paroît qu'on doit conclure de ces faits réunis et comparés, que le cuir et le liège de montagne sont formés des parcelles micacées qui se trouvent en grande quantité dans ce terrain; que ces particules s'y réu- nissent sous la forme d'amiante, de cuir, et de liège, suivant le degré de leur atténuation, et qu'enfin elles forment des talcs lorsqu'elles sont encore plus atté- nuées; en sorte que les talcs, les amiantes, et toutes les concrétions talqueuses dont nous venons de pré- senter les principales variétés, tirent également leur origine du mica primitif, qui lui-même a été produit, comme nous l'avons dit, par les exfoliations du quartz et des trois autres verres de nature. PIERRES ET CONCRETIONS VITREUSES. O97 ^Mler&^s«<»c«««■8«o««■8■p^^)'^>^*6■&««o'1^«<8^ PIERRES ET CONCRETIONS VITREUSES MÉLANGÉES D'ARGILES. Indépendamment des ardoises et des schistes, qui ne sont que des argiles desséchées, durcies, et phis ou moins mélangées de mica et de bitume, il se forme dans les glaises plusieurs concrétions argileuses dont les unes sont mêlées de parties ferrugineuses ou py- riteuses, et les autres de poudre de grès et du détri- ment des autres matières vitreuses. J'ai avancé , dès l'année 1749^, que les grès et les autres pierres vi- treuses se convertissoient en terre argileuse parla lon- gue impression des éléments humides. Cette vérité, qu'on m'a long -temps contestée , vient enfin d'être adoptée par quelques uns de nos plus habiles miné- ralogistes. M. le docteur Demeste dit expressément que « la plus grande partie des couches argileuses ré- sulte de la décomposition des granités ou du quartz, puisqu'on voit tous les jours ces substances passer à l'état d'argile, et qu'elles sont composées des mêmes parties constituantes que cette dernière substance. » Rien n'est plus vrai, et M. Demeste remarque encore 1 . Voyez les preuves de la TliOorie de la terre ; tome I *, et tome ITI , article des Argiles ci de? Glaises 3gS MINÉRAUX. avec raison que largiîe qui résulte de la décomposi- tion du quartz est différente de celle qui provient du feld-spath. Mais ce savant chimiste est-il aussi fondé à dire « que l'argile qui résulte de la décomposition des molécules quartzeuses a de l'onctuosité et de la ténacité , tandis que celle qui est produite par la dé- composition du feld-spath, et que l'on nomme kaolin à la Chine, tout onctueuse et douce au toucher qu'elle puisse être, n'a presque aucune ténacité, et qu'elle contient une très grande quantité de terre absorbante invltrlfiable qui la rend très propre à entrer dans la composition de la porcelaine?» Il me semble que de tous les verres primitifs, et même de toutes les ma- tières vitreuses qui en proviennent, le mica et le talc sont celles qui ont le plus d'onctuosité; que d'ailleurs le feld-spath se fondant aisément, l'argile qui résulte de sa décomposition doit être moins vitrifiable que celle qui provient de la décomposition du quartz, et même de celle du mica. Quoi qu'il en soit , comme nous avons traité ci-de- vant des argiles et des glaises, ainsi que des schistes et des ardoises, qui sont les grandes masses primitives produites par la décomposition des matières vitreu- ses, il nous reste à parler des concrétions secondaires qui se forment par sécrétion dans ces grandes masses de schiste ou d'argile. ^^ iyj<6*>S-8*8***»*«5«i« A3IPELITE. 099 S^S*««««O««i-ê=0-&«««*9-S**«**3«*»&«>«^««*'*S»S-8>3*â*3«< AMPELITE. La première de ces concrétions est l'ampélite, crayon noir ou pierre noire dont se servent les ouvriers pour tracer des lignes sur les bois et les pierres qu'ils tra- vaillent : son nom n'a nul rapport à cet usage, mais il vient de celui qu'en faisoient les anciens contre les insectes et les vers qui rougeoient les feuilles et fruits naissants des vignes; ils la pulvérisoient , la môloient avec de l'huile, et en frottoient la tige et les bour- geons des vignes qu'ils vouloient préserver : ils en faisoient aussi une pommade dont ils se servoient pour noircir les sourcils et les cheveux. Le fonds de cette pierre est une argile noire ou un schiste plus ou moins dur : mais elle est toujours mé- langée d'une assez grande quantité de parties pyri- teuses, car elle s'efQeurit à l'air; elle contient aussi une certaine quantité de bitume, puisqu'on en sent l'odeur lorsqu'on jette la poudre de cette pierre sur les charbons ardents. Quelques uns de nos minéralogistes récents ont pré- tendu que l'ampélite étoit mêlée de sable quartzeux : mais ce qui prouve que ce sable , toujours aigre et rude au toucher, n'entre pas en quantité sensible dans cette pierre, c'est qu'elle est douce au toucher, qu'elle ne présente pas des grains dans sa cassure, et qu'elle tache de noir les doigts sans les offenser; on peut même s'en servir sur le papier, comme on se sert de 400 MINÉRAUX. la sanguine ou crayon rouge. L'ampélite fait un peu d'eflfervescence avec les acides, et elle contient cer- tainement plus de fer que de quartz : c'est de la dé- composition des parties ferrugineuses que provient sa couleur noire ; on peut faire de l'encre avec cette pierre, car elle noircit profondément la décoction de noix de galle. Au reste, l'ampélite ne se trouve pas dans tous les schistes ou argiles desséchées ; elleparoît, comme l'ar- doise, affecter des lieux particuliers. Il y en a des mi- nières en France près d'Alençon, d'autres en Cham- pagne, dans le Maine, etc. : mais les ampélites de ces provinces, dont on ne laisse pas de faire usage, ne sont pas aussi bonnes que celles qui nous viennent de l'Italie et du Portugal. Cependant on en a décou- vert depuis peu une belle minière près du bourg d'Oi- sans en Dauphiné , dans laquelle il se trouve des vei- nes d'ampélite de la même qualité que celle d'Italie , sous le nom de laquelle on la fait souvent passer dans le commerce. SMECTIS, ou ARGILE A FOULON. Il ne faut pas confondre cette argile à foulon avec une sorte de marne qui est encore plus propre à cet usage , et qui porte aussi le nom de marne à foulon. Le smectis est une argile fine, douce au toucher, et SMECTIS. OU AUGILE A FOULON. /pi comme savonneuse ; elle ne fait que très peu ou point d effervescence avec les acides ; elle est moins pétris- sable que les autres argiles, et même, lorsqu'elle est sèche, ses parties constituantes n'ont presque plus de cohérence , et c'est par cette grande sécheresse qu'elle attire les huiles et graisses des étoffes auxquelles on l'applique. Il y en a de plusieurs couleurs et de dif- férentes sortes. M. de Eomare me paroît les avoir in- diquées dans sa Minéralogie. Cependant il ne fait pas une mention particulière de la sorte de terre à fouloii dont on se sert en Angleterre pour détacher et môme lustrer les draps; il est défendu d'en exporter, et cette terre est en effet d'une qualité supérieure à toutes celles que l'on emploie en France, où je suis persuadé néanmoins qu'on pourroit en trouver de semblable» Quelques personnes, qui en ont vu des échantillons à Londres, m'ont dit qu'elle étoit d'une couleur rou- geâtre , et très douce au toucher. ©!(h5^« »®a<8««>e5<0«««««<ê«»»»S<>fr«'S<>8<'aa'9»>8^i»>»ai»»S PIERRES A AIGUISER. Les anciens donnoient le nom de cos à toutes les pierres propres à aiguiser le fer. La substance de ces pierres est composée des détriments du quartz , sou- vent mêlés de quelque autre matière vitreuse ou cal- caire. On peut aiguiser les instruments de fer et des autres métaux avec tous ces grès ; mais il y en a quel- ques uns de bien plus propres que les autres à cet usage : par exemple, on trouve dans les mines de charbon, à Newcastle en Angleterre, une sorte de grès dont on fait de petites meules et d'excellentes pierres à aiguiser. L'un de nos plus savants naturalis- tes , M. Guettard , a observé et décrit plusieurs sortes de ces mêmes pierres qui se trouvent aux environs de Paris, le long des bords de la Seine, et il les croit aussi propres à cet usage que celles qu'on tire d'An- gleterre , et dont les carrières sont situées à deux ou trois milles au sud de Newcastle, sur la rivière de Durliam, M. Jars dit que, quoiqu'on emploie beau- coup de ces pierres dans le pays, on en exporte une très grande quantité. Il se trouve aussi en Allemagne, en Suède, et particulièrement dans la province de Dalécarlie, des cos de plusieurs sortes et de différentes couleurs : on assure que quelques unes de ces pierres sont d'un assez beau blanc, et d'un grain assez fin pour en faire des vases luisants et polis. La pierre à aiguiser que Ton connoît sous le nom 4o4 3IINÉRAUX. de grès de Turquie est d'un grain fin et presque aussi serré que celui de la pierre à fusil ; cependant elle n'est pas dure, surtout au sortir de la carrière : l'huile dont on l'humecte semble lui donner plus de dureté. Il y a toute apparence que ce grès qui se trouve en Turquie se rencontre aussi dans quelques unes des îles de l'Archipel , car l'île de Candie fournissoit au- trefois et probablement fournit encore de très bonnes pierres à aiguiser : en général , on trouve des cos ou pierres à aiguiser dans presque toutes les parties du monde, et jusqu'en Groenland. FIN DU HUITIEME VOLUME. TABLE DES ARTICLES CO J« TEn US DANS LE HUITIÈME VOLUME SUITE DE L'HISTOIRE DES MIi^ÉRAUX. De l'Élaîn Page 7 Du Plomb 5i Du Mercure 67 De rAnlimoine 9G Du Bismuth, ou Étain de glace io5 Du Zinc 110 De la Platiue 129 Du Cobalt 164 Du Nickel 175 De la Manganèse 181 De l'Arsenic 187 Des Ciments de nature 202 Des Cristallisations ai 2 Des Stalactites vitreuses , 220 Stalactites cristallisées du Quarti , Cristal de roche 825 iVméthyste , 244 Cristaux-Topazes.^ 24G Chrysolithe 249 Aigue-Marine 261 Stalactites cristallisées du Feld-Spath 262 Saphir d'eau 264 Eeld-Spath de Russie 266 Œil-de-Chat -260 BUFFON. VIII. 26 4o6 TABLE. OEil-de-poisson . . Page 261 Œii-de-loup 2(33 Aventurine 264 Opale. 265 Pierres irisées 269 Stalactites cristallisées du Schorl 270 • Émeraude 271 Péridot 284 Saphir du Brésil.. 286 Œil-de-Ghat noir ou noirâtre 287 Béryl 289 Topaze et Rubis du Brésil. 290 Topaze de Saxe 294 Grenat • 296 Hyacinthe 3o5 Tourmaline 007 Pierre- de-Croix 3ii Stalactites vitreuses non cristallisées 3i2 Agates 319 Cornaline 324 Sardoine 32B Prase 027 Onyx 328 Calcédoine 33 1 Pierre hydrophane. . . 333 Pétro-Silex • 338 Jaspes 340 Cailloux 345 Poudingues 356 Stalactites et concrétions du Mica 36o Jade 562 Serpentines 368 Pierres ollaires 372 Molybdène , ..#...... 376 Pierre -de-Lard et Craie d'Espagne 080 Craie de Briançon. 383 Amiante et Asbeste 585 Cuir et Liège de montagne 393 Pierres et concrétions vitreuses mélangées d'argiles 397 TABLE. 4^7 Ampélite Page 5yi) Srnectis, ou Argile à foulon 4oo Pierre à rasoir \oi JMerres à aiguiser ^o3 FIN DE LA TABLE. mnniym û J ^^/ ■^i ^f^i n \H .(^- AB^f^^'