^M ^ ŒUVRES COMPLBTr.S DE BUFFON. TOME IX. MINÉRAUX. VI. PAHIS. -- UJl-UÎMEKIt' I.'aD, MOESS.WIH h AiL'K 1>P- FIJUSTÊ.MBKRG , ?}" S lîl.^ OEUVRES COMPLETES DE BUFFON AUGMENTEE! PAR M. F. CUVIER, MEMBRE DE l'iNSTITUT, ( Acad^niie des Scifncf s ) DE DEUX VOLUMES OFFRANT LA DESCRIPTION DES MAMMIFERES ET DES OISEAUX LES PLUS REMARQUABLES DÉCOUVERTS JUSQU'a CE JOUR, K T i C. C O M P i G X É F. s l)\lA BEAU PORTRAIT DE BUFFON. ET DE '2 6 O G K AV U K E S EN TAJM.E-DOUCE. EXÉCUTÉES POUR CETTE ÉDITION PAR LES MEILLEURS ARTISTES. % * • A PARIS CHEZ F. D. PILLOT, EDITEIJU RUE DE SEINE-SAINT-GERMAIIV, i\" Jj 9 ; SALMON, LIBRAIRE, RUE CDRISTIAE, n" 5, PRES CELLE DAUP1II>E. i85o. 32^/ HISTOIRE DES MINÉRAUX VI. BUFrON. IX. n.VX'MV'X VAW'AA'VVS V-WV \ VV\fV\'V\'V\A'\'VW\iVVV\/VVV\.'VVV\V\'V\'V\V\'VW\*W\ VVV\V\4A/WV\)WV\'VVV\ ^vw\ HISTOIRE DES MINÉRAUX. STALACTITES CALCAIRES. l^Esslalactites des substances calcaires, coinoie celles des matières vitreuses, se présentent en concrétions opaques ou transparentes : les albâtres et les marbres de seconde formation sont les plus grandes masses de ces concrétions opaques; les spaths, qui, comme les pierres calcaires, peuvent se réduire en chaux par l'action du feu , en sont les stalactites transparentes. La substance de ces spaths est composée, comme celle des cristaux vitreux, de lames triangulaires pres- que infiniment minces : mais la figure de ces lames triangulaires du spath diffère néanmoins de celle des lames triangulaires du cristal; ce sont des triangles dont les côtés sont obliques, en sorte que ces lames triangulaires, qui ne s'unissent que par la tranche, for- ment des losanges et des rhombes; au lieu que quand ce sont des triangles rectangles, elles forment des car- rés et des solides à angles droits. Cette obliquité dans la situation des lames se trouve constamment et géné- ralement dans tous les spaths, et dépend, ce me sem- 8 MINÉRAL X. ble, de la nature même des matières calcaires, qui ne sont jamais simples ni parfaitement homogènes, mais toujours composées de coucîies ou lames de dif- férente densité; en sorte qu'entre chaque lame il se trouve une couche moins dense dont la puissance d'attraction, se combinant avec celle de la lame plus dense, produit un mouvement composé qui suit la diagonale, et rend oblique la position de toutes les lames et couches alternatives et successives, en sorte que tous les spaths calcaires, au lieu d'être cubiques ou parallélipipèdes rectangles, sont rhomboïdaux ou parallélipipèdes obliquangles, dans lesquels les faces parallèles et les angles opposés sont égaux : il est même nécessaire pour produire cette obliquité de position que les lames et les couches intermédiaires soient d'une densité fort différente, et l'on peut juger de cette différence par le rapport des deux réfractions. Toutes les matières transparentes qui, comme le dia- mant ou le verre, sont parfaitement homogènes^ n'o- pèrent sur la lumière qu'une simple réfraction, tan- dis que toutes les matières transparentes qui sont composées de couches alternatives de différente den- sité produisent une double réfraction ; et lorsqu'il n'y a que peu de différence dans la densité de ces couches, les deux réfractions ne diffèrent que peu , comme dans le cristal de roche, dont les réfractions ne s'éloignent (pie d'un dix-neuvième, et dont par conséquent la densité des couches alternatives ne diffère que très peu, tandis que dans le spath appelé cristal d'Iskwdc les deux réfractions, qui diffèrent entre elles de plus d'un tiers, nous démontrent que la différence de la densité respective des couches alternatives de ce spath STALiVCTITES CALCAIRES. 9 est six fois plus grande que dans les couches alterna- tives du cristal de roche. Il en est de môme du gypse transparent, qui n'est qu'un spath calcaire imprégné d'acide vitriolique; sa double réfraction est, à la vé- rité , moindre que celle du cristal d'Islande, mais ce- pendant plus forte que celle du cristal de roche, et l'on ne peut douter qu'il ne soit également compose de couches alternatives de différente densité : or ces couches, dont les densités ne sont pas fort différen- tes, et dont les réfractions, comme dans le cristal de roche, ne diffèrent que d'un dix-neuvième, ont aussi à très peu près la même puissance d'attraction , et dès lors le mouvement qui les unit est presque sim- ple, ou si peu composé que les couches se superpo- sent sans obliquité sensible les unes sur les autres; au lieu que quand les couches alternatives sont de densité très différente, et que leurs réfractions, comme dans le cristal d'Islande, diffèrent de plus d'un tiers, leur puissance d'attraction diffère en même raison ; et ces deux attractions agissant à la fois , il en ré- sulte un mouvement composé qui^ s'exerçant dans la diagonale, produit l'obliquité des couches, et par conséquent celle des faces et des angles, dans ce cristal d'Islande ainsi que dans tous les autres spaths calcaires. Et comme cette différence de densité se trouve plus ou moins grande dans les différents spaths calcaires , leur forme de cristallisation, quoique toujours obli- que, ne laisse pas d'être sujette à des variétés qui ont été bien observées par M. le docteur Demeste : je me dispenserai de les rapporter ici parce que ces variétés ne me paroissent être que des formes accidentelles lO MINERAUX. dont on ne peut tirer aucun caractère réel et général; il nous suffira, pour juger de tous les spaths calcaires, d'examiner le spath d'Islande , dont la forme et les propriétés se retrouvent plus ou moins dans tous les autres spaths calcaires. <*-»*e^9 DU SPATH APPELÉ CRISTAL D'ISLANDE. Ce cristal n'est qu'un spath calcaire, qui fait effer- vescence avec les acides, et que le feu réduit en une chaux qui s'échauffe et bouillonne avec l'eau comme toutes les chaux des malières calcaires; on lui a donné le nom de cr istal d' I s la nde_, parce qu'il y en a des mor- ceaux qui, quand ils sont polis, ont autant de trans- parence que le cristal de roche, et que c'est en Is- lande qu'il s'en est trouvé en plus grande quantité : mais on en trouve aussi en France , en Suisse , en Al- lemagne, à la Chine, et dans plusieurs autres contrées. Ce spath plus ou moins pur, et plus ou moins trans- parent, affecte toujours une forme rhomboïdale dont les angles opposés sont égaux et les faces parallèles; il est composé de lames minces, toutes appliquées les unes contre les autres, sous ujie même inclinaison, en sorte qu'il se fend facilement, suivant chacune de ces dimensions, et il se casse toujours oblitfuement et parallèlement à quelqu'une de ses faces; ses frag- mefits sont semblables pour la forme, et ne diffèrent SPÂTII APPELE CRISTAL DISLANDE. 11 que par la grandeur : ce spath est ordinairement blanc, et quelquefois coloré de jaune, d'orangé, de rouge , et d'autres couleurs. C'est sur ce spath transparent qu'Érasme Bartholin a observé, le premier, la double réfraction de la lu- mière ; et peu de temps après, Huygens a reconnu le même effet dans le cristal de roche, d^ont la double réfraction est beaucoup moins apparente que celle du cristal d'Islande. ISous avertirons en passant qu'aucun de ces cristaux à double réfraction ne peut servir pour les lunettes d'approche ni pour les microscopes, parce qu'ils doublent tous les objets, et diminuent plus ou moins l'intensité de leur couleur. La lumière se par- tage en traversant ces cristaux, de manière qu'un peu plus de la moitié passe selon la loi ordinaire , et pro- duit la première réfraction, et le reste de cette jueme lumière passe dans une autre direction , et produit la seconde réfraction , dans laquelle l'image de l'objet est moins colorée que dans l'image de la première^. Cela m'a fait penser que le rapport des sinus d'incidence et de réfraction ne devoit pas être le même dans les 1. Lorsqu'on reçoit les rayons du soleil sur un prisme de cristal de roche placé horizontalement, il se forme deux spectres situés perpen- diculairement, dont le second anticipe sur le premier, en sorte que si le carton sur lequel on reçoit les spectres est . par exemple , à sept pieds et demi de distance, les couleurs paroissent dans Tordre sui- vant : d'abord le rouge, l'orangé, le jaune, le vert, ensuite un bleu foible, puis un beau cramoisi surmonté d'une petite bande blanchâ- tre , ensuite du vert , et enfin du bleu qui occupoit le haut de l'image, de sorte que la partie inférieure du spectre supérieur se trouve mêlée avec la partie supérieure du spectre inférieur; on peut môme, malgré ce mélange, reconnoitre l'étendue de chacun de ces spectres, et la cpianlité dont l'un anticipe sur l'autre, jai fait celle observation en 1742- ï'2 MINERAUX. deux réfractions, et j'ai reconnu par quelques expé- riences faites en 1742? avec un prisme de cristal d'Is- lande , que le rapport est, à la vérité, comme l'ont dit Bartholin et Huygens, de 5 à 5 pour la première ré- fraction, mais que ce rapport qu'ils n'ont pas déter- miné pour la seconde réfraction, et qu'ils croyoient égal au premier, en diffère d'un septième , et n'est que de 5 à 5 ^/g 3 ou de 10 à 7, au lieu de 5 à 5 ou de 10 à 6, en sorte que cette seconde réfraction est d'un septième plus foible que la première. Dans quelque sens que Ton regarde les objets à tra- vers le cristal d'Islande, ils paroîtront toujours dou- bles, et les images de ces objets sont d'autant plus éloi- gnées l'une de l'autre que l'épaisseur du cristal est plus grande. Ce dernier effet est le même dans le cristal de roche; mais le premier effet est différent, car il y a un sens dans le cristal de roche où la lumière passe sans se partager et ne subit pas une double ré- fraction^, au lieu que dans le cristal d'Islande la dou- ble réfraction a lieu dans tous les sens. La cause de cette différence consiste en ce que les lames qui com- posent le cristal d'Islande se croisent verticalement, au lieu que les lames du cristal de roche sont toutes posées dans le même sens; et ce qu'on voit encore avec quelque surprise , c'est que cette séparation de la lumière qui ne se fait que dans un sens en traversant i. La double réfraction du cristal de roche se fait dans le plan de sa base naturelle, dont les angles sont de soixante degrés : cette réfrac- tion est plus ou moins forte, suivant la différente ouverture des an- gles, pourvu qu'il soit toujours dans le même sens fie ses côtés na- turels, et ce sens est celui suivant lequel ses faces sont inclinées Tune à l'autre: mais dans le sens opposé il n'y a ffu'une seule rélraction. SPATH APPELÉ CRISTAL D ISLANDE. 1 J le cristal de roche, et qui s'opère dans tous les sens en traversant le cristal d'Islande , ne se borne pas dans ce spath , non plus que dans les autres spaths calcai- res, et même dans les gypses, à une double réfrac- tion, et que souvent, au lieu de deux réfractions, il y en a trois, quatre, et même un nombre encore plus grand, selon que ces pierres transparentes sont plus ou moins composées de couches de densité dif- férente ; car tous les liquides transparents et tous les solides qui, comme le verre ou le diamant, sont d'une substance simple , homogène , et également dense , ne donnent qu'une seule réfraction ordinairement pro- portionnelle à leur densité, et qui n'est plus grande que dans les substances inflammables ou combusti- bles, telles que le diamant, l'esprit-de-vin, les huiles transparentes, etc. Quoique j'aie fait plusieurs expériences sur les pro- priétés de ce spath d'Islande, je n'ai pu m'assurer du nombre de ses réfractions; elles m'ont quelquefois paru triples, quadruples, et même sextuples; et M. l'abbé de Rochon, savant physicien, de l'Acadé- mie, qui s'est occupé de cet objet, m'a assuré que certains cristaux d'Islande formoient non seulement deux, trois, ou quatre spectres à la lumière solaire, mais quelquefois huit, dix, et même jusqu'à vingt et au delà : ces cristaux ou spaths calcaires sont elonc composés d'autant de couches de densité différente qu'il y a d'images produites par les diverses réfrac- tions. Et ce qui prouve encore que le spath d'Islande est composé de couches ou lames d'une densité très diflé- rente, c'est la grande force de séparation ou d'écar- l4 MINÉRAUX. tement de la lumière, dont on peut juger par l'éten- due des images; l'un des spectres solaires de ce spath a trois pieds de longueur, tandis que l'autre n'en a que deux; cette différence d'un tiers est bien consi- dérable en comparaison de celle qui se trouve entre les images produites par les deux réfractions du cristal de roche, dont la longueur des spectres ne diffère que d'un dix-neuvième : on doit donc croire, comme nous l'avons déjà dit , que le cristal de roche est com- posé de couches ou lames alternatives dont la densité n'est pas fort différente , puisque leur puissance réfrac- tive ne diffère que d'un dix-neuvième , et l'on voit au contraire que le spath d'Islande est composé de cou- ches d'une densité très diflérente, puisque leur puis- sance réfractive diffère de près d'un tiers. Les affections et modifications que la lumière prend et subit en pénétrant les corps transparents sont les plus sûrs indices que nous puissions avoir de la struc- ture intérieure de ces corps, de l'homogénéité plus ou moins grande de leur substance , ainsi que des mélan- ges dont souvent ils sont composés, et qui, quoique très réels, ne sont nullement apparents, et ne pour- roient même se découvrir par aucun autre moyen. Y a-t-il en apparence rien de plus net, de plus unifor- mément composé, de plus régulièrement continu, que le crislal de roche? Cependant sa double réfrac- tion nous démontre qu'il est composé de deux matiè- res de différente densité, et nous avons déjà dit qu'en examinant son poli, l'on pouvoit remarquer que cette matière moins dense est en même temps moins dure que l'autre : cependant on ne doit pas regarder ces matières différentes comme entièrement hétérogènes SPATH APPELK CRISTAL DISLANDE. l5 OU d'une autre essence , car il ne faut qu'une légère différence dans la densité de ces matières pour pro- duire une double réfraction dans la lumière qui les traverse; par exemple, je conçois que dans la for- mation du spath d'Islande, dont les réfractions diffè- rent d'un tiers, l'eau qui suinte par stiliation détache d'abord de la pierre calcaire les molécules les plus ténues, et en forme une lame transparente qui pro- duit la première réfraction ; après quoi, l'eau chargée de particules plus grossières ou moins dissoutes de cette môme pierre calcaire, forme une seconde lame qui s'applique sur la première ; et comme la substance de cette seconde lame est moins compacte que celle de la première, elle produit une seconde réfraction dont les images sont d'aiilant plus foibles et plus éloi- gnées de celles de la première, que la différence de densité est plus grande dans la matière des deux la- mes, qui, quoique toutes deux formées par une sub- stance calcaire, difl'èrent néanmoins par la densité, c'est-à-dire par la ténuité ou la grossièreté de leurs parties constituantes. Il se forme donc, par les rési- dus successifs de la stiliation de l'eau, des lames ou couches alternatives de matière plus ou moins dense ; l'une des couches est pour ainsi dire le dépôt de ce que l'autre contient de plus grossier, et la masse to- tale du corps transparent est entièrement composée de ces diverses couches posées alternativement les unes auprès des autres. Et comme ces couches de lames alternatives se re- connoissent au moyen de la double réfraction , non seulement dans les spaths calcaires et gypseux, mais aussi dans tous les cristaux vitreux, il paroît que le l6 MINÉRAUX. procédé le plus généml de la nature , pour la com- position de ces pierres par la stillation des eaux, est de former des couches alternatives dont l'une paroît être le dépôt de ce que l'autre a de plus grossier, en sorte que la densité et la dureté de la première cou- che sont plus grandes que celles de la seconde; toutes les pierres transparentes calcaires ou vitreuses soat ainsi composées de couches alternatives de différente densité, et il n'y a que le diamant et les pierres précieuses qui, quoique formées comme les autres par l'intermède de l'eau, ne sont pas composées de lames ou couches alternatives de différente densité , et sont par conséquent homogènes dans toutes leurs parties. Lorsqu'on fait calciner au feu les spaths et les au- tres matières calcaires, elles laissent exhaler l'air et l'eau qu'elles contiennent, et perdent plus d'un tiers de leur poids en se convertissant en chaux; lorsqu'on les fait distiller en vaisseaux clos, elles donnent une grande quantité d'ean : cet élément entre donc et ré- side comme partie constituante élans toutes les sub- stances calcaires et dans la formation secondaire des spaths. Les eaux de stillation, selon qu'elles sont plus ou moins chargées de molécules calcaires, forment des couches plus ou moins denses, dont la force de réfraction est plus ou moins grande; mais comme il n'y a, dans les cristaux vitreux, qu'une très petite quantité d'eau en comparaison de celle qui réside dans les spaths calcaires, la différence entre leurs réfrac- tions est très petite, et celle des spaths est très grande. Pour teruiiner ce que nous avons à dire sur le spath ou cristal d'Islande, nous devons observer que^ dans SPATH APPELlî CRISTAL d'jsLANDE. I^ les lieux où il se trouve, la surface exposée à l'action de l'air est toujours plus ou moins altérée, et qu'elle est communément brune ou noirâtre : mais cette dé- composition ne pénètre pas dans l'intérieur de la pierre ; on enlève aisément, et même avec l'ongle, la première couche noire au dessous de laquelle ce spath est d'un blanc transparent. INous remarquerons aussi que ce cristal devient électrique par le frottement, comme le cristal de roche et comme toutes les autres pierres transparentes; ce qui démontre que la vertu électrique peut se donner également à toutes les ma- tières transparentes, vitreuses, ou calcaires. PERLES. On peut regarder les perles comme le produit le plus imuiédiat de la substance coquilleuse, c'est-à- dire de la matière calcaire dans son état primitif; car, cette matière calcaire ayant été formée originairement par le fdtre organisé des animaux à coquille, on peut mettre les perles au rangdes concrétions calcaires, puis- qu'elles sont également produites par une sécrétion particulière d'une substance dont l'essence est la même que celle de la coquille , et qui n'en diflère en effet que par la texture et l'arrangement des parties constituan- tes. Les perles, comme les coquilles, se dissolvent dans lesacides; elles peuvent également se réduire en chaux qui bouillonne avec l'eau ; elles ont à très peu près la même densité, la même dureté, le même orient , 1(S Ml NE 11 AUX. que la nacre intérieure el polie des coquilles, à la- quelle elles adhèrent souvent. Leur production paroît être accidentelle : la plupart sont composées de cou- ches concentriques autour d'un très petit noyau qui leur sert de centre, et qui souvent est d'une substance différente de celles des couches; cependant il s'en faut bien qu'elles prennent toutes une forme régulière : les plus parfaites sont sphériques; mais le plus grand nombre, surtout quand elles sont un peu grosses, se présentent en forme un peu aplatie d'un côté et plus convexe de l'autre, ou en ovale assez irrégulier; il y a même des perles longues; et leur formation, qui dépend en général de l'extravasation du suc coquil- leux, dépend souvent d'une cause extérieure que ^î. Faujas de Saint-Fond a très bien observée, et que l'on peut dé Qi outrer aux yeux dans plusieurs coquil- les du genre des huîtres. Voici la note que ce savant naturaliste a bien voulu me communiquer sur ce sujet. «Deux sortes d'ennemis attaquent les coquilles à perles. L'un est un ver à tarière, d'une très petite espèce, qui pénètre dans la coquille par les bords, en ouvrant une petite tranchée longitudinale entre les diverses couches ou lames qui composent la co- quille; et cette tranchée, après s'être prolongée à un pouce et cjuelquefois jusqu'à dix-huit lignes de lon- gueur, se replie sur elle-même et forme une seconde ligne parallèle qui n'est séparée de la première que par une cloison très mince de matière coquilieuse. Celte cloison sépare les deux tranchées dans lesquelles le ver a fait sa route en allant et revenaat, et on en voit l'entrée et la sortie au bord de la coquille. On peu! insinuer de longues épingles dans chacrm de ces PERLES. iC) orifices, et la position parallèle de ces épingles dé- montre que les deux tranchées faites par le ver sont également parallèles ; il y a seulement au bout de ces tranchées une petite portion circulaire qui forme le pli dans lequel le ver a commencé à changer de route pour retourner vers les bords de la coquille. Comme ces petits chemins couverts sont pratiqués dans la partie la plus voisine du têt intérieur, il se forme bien- tôt un épanchement du suc nacré, qui produit une protubérance dans cette partie : cette espèce de saillie peut être regardée comme une perle longitudinale ad- hérente à la nacre ; et lorsque plusieurs de ces vers travaillent à côté les uns des autres, et qu'ils se réu- nissent à peu près au même endroit, il en résulte une espèce de loupe nacrée avec des protubérances irré- gulières. Il existe au Cabinet du Roi une de ces loupes de perle : on y distingue plusieurs issues qui ont servi de passage à ces vers. )> Un autre animal beaucoup plus gros, et qui est de la classe des coquillages multivalves, attaque avec beaucoup plus de dommage les coquilles à perles : ce- lui-ci est une pholade de l'espèce des dattes de mer. Je possède dans mon cabinet une huître de la côte de Guinée, percée par ces pholades qui existent encore en nature dans le talon de la coquille : ces pholades ont leur charnière formée en bec croisé. » La pholade perçant quelquefois la coquille en en- tier, la matière de la nacre s'épanche dans l'ouverture, et y forme un noyau plus ou moins arrondi, qui sert à boucher le trou : quelquefois le noyau est adhé- rent, d'autres fois il est détaché. » J'ai fait pêcher moi-même, au mois d'octobre '20 MINERAUX. 1 3-84, dans le lac Tay, situé à l'extrémité de l'Ecosse, un grand nombre de moules d'eau douce , dans les- quelles on trouve souvent de belles perles ; et en ouvrant toutes celles qui avoient la coquille percée , je ne les ai jamais trouvées sans perles, tandis que celles qui étoient saines n'en avoient aucune : mais je n'ai jamais pu trouver des restes de l'animal qui atta- que les moules du lac ïay, pour pouvoir déterminer à quelle classe il appartient. )) Cette observation, qui a été faite probablement par d'autres que par moi , a donné peut-être l'idée à quelques personnes qui s'occupent de la pêche des perles, de percer les coquilles pour y produire des perles ; car j'ai vu au Muséum de Londres des coquilles avec des perles, percées par un petit fd de laiton rivé à l'extérieur, qui pénétroit jusqu'à la nacre dans des parties sur lesquelles il s'est formé des perles. » On voit par cette observation de M. Faujas de Saint- Fond, et par une note que M. Broussonnet, profes- seur à l'École vétérinaire, a bien voulu me donner à ce sujet ^, qu'il doit se former des perles dans les co^ quilles nacrées lorsqu'elles sont percées par des vers 1. On voit à Londres des coquilles Iluviatiles apportées de la Chine, sur lesquelles on voit des perles de différentes grosseurs; elles sont formées sur un morceau de fil de cuivre avec lequel on a percé la coquille , et (jui est rivé en dehors. On ne trouve ordinairement qu'un seul morceau de fil de cuivre dans une coquille ; on en voit rarement deux dans la même. On racle une petite place de la face interne des coquilles iluviatiles vivantes, en ayant le soin de les ouvrir avec la plus grande attention, pour ne point endommager l'animal : on place sur l'endroit de la nacre qu'on a raclé un très petit morceau sphérique de nacre : cette petite boule, grosse comme du plomb à tirer, sert de noyau à la perle. On croit qu'on a fait des expériences à ce sujet en Finlande; et il paroit qu'elles ont été répétées avec succès eu Angle- PERLES. 21 OU coquillages à tarière; et il se peut qu'en général la production des perles tienne autant à cette cause extérieure qu'à la surabondance et l'extravasation du suc coquilleux, qui sans doute est fort rare dans le corps du coquillage, en sorte que la comparaison des perles aux bézoards des animaux n'a peut-être de rap- port qu'à la texture de ces deux substances, et point du tout à la cause de leur formation. La couleur des perles varie autant que leur figure ; et dans les perles blanches , qui sont les plus belles de toutes, le reflet apparent qu'on appelle Veau ou Va- rient de la perle est plus ou moins brillant, et ne luit pas également sur leur surface entière. Et cette belle production, qu'on pourroit prendre pour un écart de la nature, est non seulement acci- dentelle , mais très particulière ; car, dans la multitude d'espèces d'animaux à coquille , on n'en connoît que quatre, les huîtres, les moules, les patelles, et les oreilles de mer, qui produisent des perles , et encore n'y a-t-il ordinairement que les grands individus qui dans ces espèces nous offrent cette production : on doit même distinguer deux sortes de perles en histoire naturelle, comme on lésa séparées dans le commerce, où les perles de moules n'ont aucune valeur en com- paraison des perles d'huîtres; celles des moules sont communément plus grosses, mais presque toujours défectueuses, sans orient, brunes ou rougeâtres et de couleurs ternes ou brouillées. Ces moules habitent les eaux douces, et produisent des perles dans les étangs et les rivières, sous tous les climats, chauds, tenipé- lerre. ( Note communiquée par M. Broussonnei à M. de Bujfon , 20 avril i785.) BUFFON. IX. 2 22 MINERAUX. rés OU froids. Les huîtres, les patelles, et les oreilles de mer, au contraire, ne produisent des perles que dans les climats les plus chauds ; car dans la Méditer- ranée, qui nourrit de très grandes huîtres, non plus que dans les autres mers tempérées et froides, ces coquillages ne forment point de perles. La production des perles a donc besoin d'une dose de chaleur de plus : elles se trouvent très abondamment dans les mers chaudes du Japon, où certaines patelles produisent de très belles perles. Les oreilles de mer, qui ne se trouvent que dans les mers des climats méridionaux, en fournissent aussi : mais les huîtres sont l'espèce qui en fournit le plus. On en trouve aux îles Philippines, à celle de Cey- lan , et surtout dans les îles du golfe Persique. La mer qui baigne les côtes de l'Arabie du côté de Moka en fournit aussi ; et la baie du cap Gomorin , dans la pres- qu'île occidentale de l'Inde, est l'endroit de la terre le plus fameux pour la recherche et l'abondance des bellesperles. Les Orientaux, et les commerçants d'Eu- rope, ont établi en plusieurs endroits de l'Inde des troupes de pécheurs, ou , pour mieux dire , de petites compagnies de plongeurs, qui, chargés d'une grosse pierre, se laissent aller au fond de la mer pour en déta- cher les coquillages au hasard, et les rapportera ceux qui les paient assez pour leur faire courir le risque de leur vie. Les perles que l'on tire des mers chaudes de l'Asie méridionale sont les plus belles et les plus pré- cieuses, et probablement les espèces de coquillages qui les produisent ne se trouvent que dans ces mers ; ou s'ils se trouvent ailleurs, dans des climats moins chauds, ils n'ont pas la même faculté, cl n'y produi- PERLES. 23 sent rien de semblable , et c'est peut-être parce que les vers à tarière qui percent ces coquilles n'existent pas dans les mers froides ou tempérées. On trouve aussi d'assez belles perles dans les mers qui baignent les terres les plus chaudes de l'Améri- que méridionale, et surtout près des côtes de Califor- nie, du Pérou, et de Panama : mais elles sont moins parfaites et moins estimées que les perles orientales. Enfin on en a rencontré autour des îles de la mer du Sud ; et ce qui a paru digne de remarque , c'est qu'en général les vraies et belles perles ne sont produites que dans les climats chauds, autour des îles et près des continents, et toujours à une médiocre profon- deur; ce qui sembleroit indiquer qu'indépendamment de la chaleur du globe, celle du soleil seroit néces- saire à cette production, comme à celle de toutes les autres pierres précieuses : mais peut-être ne doit-on l'attribuer qu'à l'existence des vers qui percent les coquilles , dont les espèces ne se trouvent probable- ment que dans les mers chaudes, et point du tout dans ies régions froides et tempérées; il faudroit donc un plus grand nombre d'observations pour prononcer sur les causes de cette belle production , qui peuvent dé- pendre de plusieurs accidents dont les ejQfets n'ont pas été assez soigneusement observés. 24 MIXFRAUX. TURQUOISES. Le nom de ces pierres vient probablement de ce que les premières qu'on a vues en France ont été ap- portées de Turquie : cependant ce n'est point en Tur- quie, mais en Perse, qu'elles se trouvent abondam- ment, et en deux endroits distants de quelques lieues l'un de l'autre, mais dans lesquels les turquoises ne sont pas de la même qualité. On a nommé turquoises de vieille roche les premières, qui sont d'une belle couleur bleue et plus dures que celles de la nouvelle roche, dont le bleu est pâle ou verdâtre. Il s'en trouve de même dans quelques autres contrées de l'Asie, où elles sont connues depuis plusieurs siècles ; et l'on doit croire que l'Asie n'est pas la seule partie du monde où peuvent se rencontrer ces pierres dans un état plus ou moins parfait. Quelques voyageurs ont parlé des turquoises de la Nouvelle-Espagne , et nos observateurs en ont reconnu dans les mines de Hon- grie. Boèce de Boot dit aussi qu'il y en a en Bohême et en Silésie. J'ai cru devoir citer tous ces lieux où les turquoises se trouvent colorées par la nature, afin de les distinguer de celles qui ne prennent de la couleur que par l'action du feu : celles-ci sont beaucoup plus communes , et se trouvent même en France; mais elles n'ont ni n'acquièrent jamais la belle couleur des pre- mières. Le bleu ([u'elles prennent au feu devient vert ou verdâtre avec le teuq)s : ce sont pour ainsi dire des TURQUOISES. 25 pierres artificielles, au lieu que les turquoises natu- relles et qui ont reçu leurs couleurs dans le sein de la terre les conservent à jamais, ou du moins très long- temps, et méritent detre mises au rang des belles pierres opaques. Leur origine est bien connue : ce sont les os, les défenses, les dents des animaux terrestres et marins, qui se convertissent en turquoises lorsqu'ils se trou- vent à portée de recevoir, avec le suc pétrifiant, la teinture métallique qui leur donne la couleur; et comme le fonds de la substance des os est une ma- tière calcaire , on doit les mettre , comme les perles, au nombre des produits de cette même matière. Le premier auteur qui ait donné quelques indices sur l'origine des turquoises est Gui de La Brosse, mon premier et plus ancien prédécesseur au Jardin du Pioi. Il écrivoit en 1 628 ; et en parlant de la licorne minérale , il la nomme la mère des turquoises. Cette licorne est sans doute la longue défense osseuse et dure du narval. Ces défenses, ainsi que les dents et les os de plusieurs autres animaux marins remarqua- bles par leur forme, se trouvent en Languedoc, et ont été soumises dès ce temps à l'action du. feu pour leur donner la couleur bleue ; car, dans le sein de la terre, elles sont blanches ou jaunâtres, comme la pierre calcaire qui les environne et qui paroît les avoir pétrifiées. On peut voir dans les Mémoires de l' Académie des Sciences^ année 1715, les observations que M. de Réaumur a faites sur ces turquoises du Languedoc. MM. de l'Académie de Bordeaux ont vérifié, en 1719, les observations de Gui de la Brosse et de Réaumur; 26 MINÉRAUX. et, plusieurs années après, M. Hill en a parlé dans son Commentaire sur Théophraste , prétendant que les observations de cet auteur grec ont précédé celles des naturalistes françois. Il est vrai que Théophraste , après avoir parlé des pierres les plus précieuses , ajoute qu'il y en a encore quelques autres, telles que Tivoire fossile, qui paroît marbré de noir et de blanc, et de saphir foncé : c'est là évidemment, dit M. Hill , les points noirs et bleuâtres qui forment la couleur des turquoises. Mais Théophraste ne dit pas qu'il faut chauffer cet ivoire fossile , pour que cette cou- leur noire et bleue se répande, et d'ailleurs il ne fait aucune mention des vraies turquoises, qui ne doi- vent leurs belles couleurs qu'à la nature. On peut croire que le cuivre en dissolution, se mê- lant au suc pétrifiant, donne aux os une couleur verte; et si l'alcali s'y trouve combiné, comme il l'est en effet dans la terre calcaire , le vert deviendra bleu : mais le fer dissous par l'acide vitriolique peut aussi donner ces mêmes couleurs. M. Mortimer, à l'occa- sion du Commentaire de M. Hill sur Théophraste, dit « qu'il ne nie pas que quelques morceaux d'os ou d'ivoire fossile, comme les appeloit, il y a deux mille ans, Théophraste, ne puissent répondre aux caractè- res qu'on assigne aux turquoises de la nouvelle roche; mais il croit que celles de la vieille sont de véritables pierres, ou des mines de cuivre dont la pureté siu- passe celle des autres, et qui, plus constantes dans leur couleur, résistent à un feu qui réduiroit les os en chaux. C'est ce que prouve encore, selon lui , une grande turquoise de douze pouces de long, de cinq de large , et de deux d'épaisseur, qui a élé moiiirée à TURQUOISES. 21 la Société royale ele Londres : l'un des côtés paroît raboteux et inégal , comme s'il avoit été détaché d'un rocher; l'autre est parsemé d'élevures et de tubercu- les qui , de même que celles de l'hématite botryoïde , donnent à cette pierre la forme d'une grappe, et prouvent que le feu en a fondu la substance. » Je crois, avec M. Mortimer, que le fer a pu colorer les turquoises : mais ce métal ne fait pas le fonds de leur substance, comme celle des hématites; et les tur- quoises de la vieille et de la nouvelle roche, les tur- quoises colorées par la nature, ou par notre art, ou par le feu des volcans , sont également plus ou moins imprégnées et pénétrées d'une teinture métallique. Et comme dans les substances osseuses, il s'en trouve de différentes textures et d'une plus ou moins grande dureté, que, par exemple, l'ivoire des défenses de l'éléphant, du morse, de l'hippopotame, et même dji narval, sont beaucoup plus dures que les autres os, il doit se trouver et il se trouve en effet des tur- quoises beaucoup plus dures les unes que \qs autres. Le degré de pétrification qu'auront reçu ces os doit aussi contribuer à leur plus ou moins grande dureté. La teinture colorante sera même d'autant plus fixe dans ces os, qu'ils seront plus ou moins massifs et moins poreux : aussi les plus belles turquoises sont celles qui, par leur dureté , reçoivent un poli vif, et dont la couleur ne s'altère ni ne change avec le temps. Les turquoises artiticielles, c'est-à-dire celles aux- quelles on donne la couleur par le moyen du feu , sont sujettes à perdre leur beau bleu ; elles deviennent vertes à mesure que l'alcali s'exhale; et quelquefois 28 MINÉRAUX. même elles perdent encore cette couleur verte , et deviennent blanches ou jaunâtres comme elles Té- toient avant d'avoir été chauffées. Au reste , on doit présumer qu'il peut se former des turquoises dans tous les lieux où des os plus ou moins pétrifiés auront reçu la teinture métallique du fer ou du cuivre. Nous avons au Cabinet du Roi une main bien conservée, et qui paroît être celle d'une femme , dont les os sont convertis en turquoise. Cette main a été trouvée à Clamecy en INivernois , et n'a point subi l'action du feu ; elle est même recouverte de la peau, à l'exception de la dernière phalange des doigts, des deux phalanges du pouce , des cinq os du jnétacarpe , et de l'os unciforme, qui sont décou- verts. Toutes ces parties osseuses sont d'une couleur bleue mêlée d'un vert plus ou moins foncé ^. i»«<»o@>»S>»»»S«>&o^ CORAIL. Le corail est, comme l'on sait, de la même nature que les coquilles; il est produit, ainsi que tous les autres madrépores, astroïtes, cerveaux de mer, etc., par le suintement du corps d'une multitude de petits animaux auxquels il sert de loge, et c'est dans ce genre la seule matière qui ait une certaine valeur. On le trouve en assez grande abondance autour des îles et le long des côtes, dans presque toutes les par- 1. Voyez la description de celle raain par M. Daubanton , dans le- ditiou iii-4° de celte Histoire naturelle, tome XIV, page iSyS. COUAIL. 29 lies du monde. L'île de Corse, qui appartient actuel- lement à la France, est environnée de rochers et de bas-fonds qui pourroient en fournir une très grande quantité, et le gouvernement feroit bien de ne pas négliger cette petite partie de commerce, qui devien- droit très utile pour cette île. Je crois donc devoir publier ici l'extrait d'un Mémoire qui me fut adressé par le ministre en 1776 : ce Mémoire, qui contient de bonnes observations, est de M. Fraticelli, vice- consul de Naples en Sardaigne. « Il y a environ douze ans, dit M. Fraticelli, que les pêcheurs ne fréquentent point ou fort peu les mers de Corse pour y faire cette pêche ; ils ne pou- voient point aller à la côte avec sûreté pendant la guerre des Corses, de sorte qu'ils l'avoient presque entièrement abandonnée : c'est seulement en 1771 qu'environ quarante Napolitains ou Génois la firent; et, attendu les mauvais temps qui régnèrent cette an- née, leur pêche ne fut pas abondante; et quoique par cette raison elle ait été médiocre , ils trouvèrent cependant les rochers fort riches en corail : ils au- roient repris leur pêche en 1772, sans la crainte des bandits qui infestoient l'île. Ils passèrent donc en Sar- daigne , où depuis quelques siècles ils font la pêche ainsi que plusieurs autres nations ; mais ils y ont fait jusqu'à présent une pêche médiocre, quoiqu'ils y trouvent toujours autant de corail qu'ils en trouvoient il y a vingt ans, parce que si on le pêche d'un côté, il naît d'un autre : au surplus, il est à présumer qu'il faut bien du temps avant que les filets qu'on jette une fois rencontrent de nouveau le même endroit, quoi- qu'on pêche sur le même rocher. D'après les infor- OO MINERAUX. mations que j'ai prises, et les observai ions que j'ar toujours faites, je suis d'avis que le corail croît en peu d'années, et qu'en vieillissant il se gâte et devient piqué, et que sa tige même tombe, attendu que dans la pêche on prend plus de celui appelé rlcaduto^ c'est-à-dire tombé de la tige, et terragliOj, c'est-à-dire ramassé par terre et presque pourri, que de toute au- tre espèce. Comme il y a plusieurs qualités de corail, le plus estimé est celui qui est le plus gros et de plus belle couleur; il faut recevoir pour passable celui qui, quoique gros, commence à être rongé par la vieil- lesse, et qui par conséquent a déjà perdu de sa cou- leur : si un pêcheur, pendant toute la saisoa de la pêche, prend une cinquantaine de livres de corail de cette première qualité, on peut dire qu'il a fait une bonne pêche, attendu qu'on le vend depuis sept jusqu'à neuf piastres la livre, c'est-à-dire depuis trente jusqu'à quarante francs. De la seconde qualité est ce- lui qui, quoiqu'il ne soit pas bien gros, est cepen- dant entier et de belle couleur, sans être rongé ; on en pêche peu de cette qualité, et on le vend huit à dix francs la livre. De la troisième quahté est tout ce- lui qui est tombé de sa tige , et qui ayant perdu sa couleur est appelé sbiancliito ^ blanchi : cette espèce est toujours très rongée ; et c'est de cette qualité que les pêcheurs prennent communément un quintal, payé, par les marchands de Livourne, de six francs à deux livres. La quatrième qualité est de celui appelé terra gUoj tombé de sa tige depuis très long-temps et presque pourri, que l'on donne à très bas prix. D'a- près ce détail, on voit que le corail se perd en vieil- lissant, et dépérit dans la mer sans aucun profit. CORAIL. 5l » Depuis la mer de Bonifacio jusqu'au golfe de Ya- limo, il y a plusieurs rochers riches en corail et assez peu éloignés de terre, mais aussi de peu d'étendue; le plus considérable est celui appelé la secca di Tiz- zano^ écueil de Tizzano, éloigné de terre d'environ trois lieues : d'après ce que les pécheurs en disent, il en a environ huit de circonférence. Ce rocher est fort riche en corail, dont la plus grande partie se trouve de la dernière qualité : on est d'avis que cela provient de la trop grande étendue du rocher, qui fait qu'il s'écoule plusieurs années avant que l'on ren- contre le môme endroit où l'on a péché les années précédentes; en sorte que le corail, qui est fort vieux, se gâte et devient, pour la plus grande partie, terra- gliOj et qu'il en reste peu de la première qualité. Il y a aussi un autre rocher qui est appelé la Secca- Grande^ qui se trouve entre la Senara, petite île entre la Sardaigne et la Corse : on prétend qu'il a onze lieues de circonférence, et qu'il est beaucoup plus riche en corail que celui de Tizzano; mais il est moins fréquenté, attendu son graud éloignement de l'île. Son corail est aussi beaucoup inférieur à celui du pre- mier rocher : des milliers de pêcheurs pourroient faire leur pêche sur ces deux grands fochers sous- marins, et il s'écouleroit bien des siècles avant de n'y plus trouver de corail. » Les avantages que lesdits pêcheurs procuroient, avant l'interdiction de la pêche, à la ville de Bonifa- cio et à toute l'île étoient d'u.ie très grande considé- ration ; car, quoiqu'ils vivent misérablement, ils s'y pourvoient de toutes les denrées nécessaires , chacun en profite, et le plus grand avantage est pour le do- 52 MINERAUX. maine royal, attendu les droits qu'on en retire pour l'importation des denrées de l'étranger. » Comme on fait toujours une pèche médiocre en Sardaigne, quoique les pêcheurs y trouvent les den- rées à très bon marché , si on venoit à ouvrir la pêche en Corse, et que le droit domanial, au moins pour les premières années, ne fût point augmenté, ils y viendroient tous, ce qui formeroit un objet de trois cents pêcheurs environ ; et par ce commerce on ver- roit s'enrichir une très grande partie de l'île, d'autant qu'à présent les denrées y sont en si grande abon- dance, que le gouvernement a été obligé de permet- tre l'exportation des grains : alors tout resteroit dans l'île, et lui procureroit les plus grands avantages. ») Le corail est aussi fort abondant dans certains en- droits autour de la Sicile. M. Brydone décrit la ma- nière dont on le pêche, dans les termes suivants. « La pêche du corail, dit-il, se fait surtout à Trapani : on y a inventé une machine qui est très propre à cet ob- jet ; ce n'est qu'une grande croix de bois, au centre de laquelle on attache une pierre dure et très pesante, capable de la faire descendre et maintenir au fond; on place des morceaux de petit filet à chaque membre de la croix, qu'on tien^t horizontalement en équilibre au moyen d'une corde, et qu'on laisse tomber dans l'eau; dès que les pêcheurs sentent qu'elle touche le fond, ils lient la corde aux bateaux, ils rament en- suite sur les couches de corail, la grosse pierre dé- tache le corail des rochers, et il tombe sur-le-champ dans les filets. Depuis cette invention la pêche du corail est devenue une branche importante de com- merce pour l'île de Sicile. » PETRIFICATIONS ET FOSSILES. JJ .»0 5»-e« W *»««e«®« S«*08««^ 8««« 8««« 3««^8'»W »©«« 8» («««■&« 8««««««« 3« 8« «>«« 3»î««-W PETRIFICATIONS ET FOSSILES. Tous les corps organisés, surtout ceux qui sont so- lides, tels que les bois et les os, peuvent se pétrifier en recevant dans leurs pores les sucs calcaires ou vi- treux ; souvent même, à mesure que la substance ani- male ou végétale se détruit, la matière pierreuse en prend la place ; en sorte que, sans changer de forme, ces bois et ces os se trouvent convertis en pierres cal- caires, en marbres, en cailloux, en agates, etc. L'on reconnoît évidemment dans la plupart de ces pétrifi- cations tous les traits de leur ancienne organisation, quoiqu'elles ne conservent aucune partie de leur pre- mière substance ; la matière en a été détruite et rem- placée successivement par le suc pétrifiant auquel leur texture, tant intérieure qu'extérieure, a servi de moule, en sorte que la forme domine ici sur la ma- tière au point d'exister après elle. Cette opération de la nature est le grand moyen dont elle s'est servie, et dont el!e se sert encore, pour conserver à jamais les empreintes des êtres périssables : c'est en effet par ces pétrifications que nous reconnoissons ses plus an- ciennes productions, et que nous avons une idée de ces espèces, maintenant anéanties, dont l'existence a précédé celle de tous les êtres actuellement vivants ou végétants ; ce sont les seuls monuments des pre- 5/j. MINERAUX. miers âges du monde : leur forme est une inscription authentique qu'il est aisé de lire en la comparant avec les formes des corps organisés du même genre ; et comme on ne leur trouve point d'individus analogues dans la nature vivante, on est forcé de rapporter l'existence de ces espèces actuellement perdues aux temps où la chaleur du globe étoit plus grande, et sans doute nécessaire à la vie et à la propagation de ces animaux et vt'gétaux qui ne subsistent plus. C'est surtout dans les coquillages et les poissons, premiers habitants du globe, que Ion peut compter un plus grand nombre d'espèces qui ne subsistent plus ; nous n'entreprendrons pas d'en donner ici l'é- numération, qui, quoique longue, seroit encore in- complète : ce travail sur la vieille nature exigeroit seul plus de temps qu'il ne m'en reste à vivre, et je ne puis que le recommander à la postérité ; elle doit recher- cher ces anciens titres de noblesse de la nature, avec d'autant plus de soin qu'on sera plus éloigné du temps de son origine. En les rassemblant et les comparant attentivement, on la verra plus grande et plus forte dans son printemps qu'elle ne l'a été dans les âges subséquents : en suivant ses dégradations, on recon- noîtra les pertes qu'elle a faites, et l'on pourra déter- miner encore quelques époques dans la succession des existences qui nous ont précédés. Les pétrifications sont les monuments les mieux conservés, quoique les plus anciens de ces premiers âges : ceux que l'on connoît sous le nom de fossiles appartiennent à des temps subséquents; ce sont les parties les plus solides, les plus dures, et particuliè- rement les di^nts des nnimnux, qui se sont conservéej^ PÉTRIFICATIONS ET FOSSILES. 55 intactes ou peu altérées dans le sein ele la terre. Les dents de requin que l'on connoît sous le nom de glos- ,sûpct?rs_f celles d'hippopotame, les défenses d'élé- phant, et autres ossements fossiles, sont rarement pétrifiés; leur état est plutôt celui d'une décomposi- tion plus ou moins avancée : l'ivoire de l'éléphant, du morse, de l'hippopotame, du narval, et tous les os dont en général le fonds de la substance est une terre calcaire, reprennent d'abord leur première nature, et se convertissent en une sorte de craie; ce n'est qu'avec le temps, et souvent par des circonstances locales et particulières, qu'ils se pétrifient et reçoivent plus de dureté qu'ils nen avoient naturellement. Les turquoises sont le plus bel exemple que nous puis- sions donner de ces pétrifications osseuses, qui néan- moins sont incomplètes; caria substance de l'os n'y est pas entièrement détruite, et pleinement rempla- cée par le suc vitreux ou calcaire. Aussi trouve-t-onles turquoises, ainsi que les autres os et les dents fossiles des animaux, dans les pre- mières couches de la terre à une petite profondeur, tandis que les coquilles pétrifiées font souvent partie des derniers bancs au dessous de nos collines, et que ce n'est de même qu'à de grandes profondeurs que l'on voit, dans les schistes et les ardoises, des em- preintes de poissons, de crustacés, et de végétaux, qui semblent nous indiquer que leur existence a pré- cédé, même de fort loin, celle des animaux terres- tres : néanmoins leurs ossements conservés dans le sein de la terre, quoique beaucoup moins anciens que les pétrifications des coquilles et des poissons, ne laissent pas de nous présenter des espèces d'animaux 56 MINÉRAUX. quadrupèdes qui ne subsistent plus ; il ne faut, pour s en convaincre, que comparer les énormes dents à pointes mousses dont j'ai donné la description et la figure ^5 avec celle de nos plus grands animaux actuel- lement existants : on sera bientôt forcé d'avouer que l'animal d'une grandeur prodigieuse auquel ces dents appartenoient étoit d'une espèce colossale bien au dessus de celle de l'éléphant ; que de même les très grosses dents carrées que j'ai cru pouvoir comparer à celles de l'hippopotame sont encore des débris de corps démesurément gigantesques, dont nous n'avons ni le modèle exact, ni n'aurions pas même l'idée sans ces témoins aussi authentiques qu'irréprochables : ils nous démontrent non seulement l'existence passée d'espèces colossales, difTérenles de toutes les espèces actuellement subsistantes, mais encore la grandeur gigantesque des premiers pères de nos espèces actuel- les; les défenses d'éléphant de huit à dix pieds de lon- gueur, et les grosses dents d'hippopotame dont nous avons parlé, prouvent assez que ces espèces majeu- res étoient anciennement trois ou quatre fois plus grandes, et que probablement leur force et leurs au- tres facultés étoient en proportion de leur volume. Il en est des poissons et coquillages comme des ani- maux terrestres; leurs débris nous démontrent l'excès de leur grandeur : existe-t-il en effet aucune espèce comparable à ces grandes volutes pétrifiées dont le diamètre est de plusieurs pieds, et le poids de plu- sieurs centaines de livres? Ces coquillages d'une gran- deur démesurée n'existent plus que dans le sein de la 1. Voyez le loino 111 de eellc IHsloire, p;ige 225. PETRIFICATIONS ET FOSSILES. J-J terre, et encore n'y existent-ils qu en représentation ; la substance de l'animal a été détruite, et la forme de la coquille s'est conservée au moyen de la pétrifi- cation. Ces exemples suffisent pour nous donner une idée des forces de la jeune nature ; animée d'un feu plus vif que celui de notre température actuelle, ses productions avoientplus de vie, leur développement étoit plus rapide, et leur extension plus grande: mais, à mesure que la terre s'est refroidie, la nature vivante s'est raccourcie dans ses dimensions; et non seule- ment les individus des espèces subsistantes se sont rapetisses, mais les premières espèces que la grande chaleur avoit produites, ne pouvant plus se mainte- nir , ont péri pour jamais. Et combien n'en périra-t-il pas d'autres dans la succession des temps, à mesure que ces trésors de feu diminueront parla déperdition de cette chaleur du globe qui sert de base à notre chaleur vitale, et sans laquelle tout être vivant devient cailavre, et toute substance organisée se réduit en ma- tière brute ! Si nous considérons en particulier cette matière brute qui provient du détriment des corps organisés, l'imagination se trouve écrasée par le poids de son vo- lume immense, et l'esprit plus qu'épouvanté par le temps prodigieux qu'on est forcé de supposer pour la succession des innombrables générations qui nous sont attestées par leurs débris et leur destruction. Les pétrifications qui ont conservé la forme des produc- tions du vieil Océan ne font pas des unités sur de^ millions de ces mêmes corps marins qui ont été ré- duits en poudre, et dont les détriments accumulés par le mouvement des eaux ont formé la masse entière BlîFFON. IX. 58 MI INÉGAUX. (le nos collines calcaires, sans oonipter encore toutes les petites niasses pétrifiées ou minéralisées qui se trouvent dans les glaises et dans la terre limoneuse : sera-t-il jamais possible de reconnoître la durée du temps employé à ces grandes constructions, et de celui qui s'est écoulé depuis ia pétrification de ces échantillons de l'ancienne nature? on ne peut qu'en assigner des limites assez indéterminées entre l'épo- que de l'occupation des eaux et celle de leur retraite ; époques dont j'ai sans doute trop resserré la durée pour pouvoir y placer la suite de tous les événements qui paroissent exiger un plus grand emprunt de temps, et qui me sollicitoient d'admettre plusieurs milliers d'années de plus entre les limites de ces deux époques. L'un de ces plus grands événements est l'abaisse- ment des mers, qui, du sommet de nos montagnes, se sont peu à peu déprimées au niveau de nos plus basses terres. L'une des principales causes de cette dépression des eaux est, comme nous l'avons dit, l'af- faissement successif des boursouflures caverneuses formées par le feu primitif dans les premières couches du globe, dont l'eau aura percé les voûtes et occupé le vide ; mais une seconde cause peut-être plus effi- cace, quoique moins apparente, et que je dois rappe- ler ici comme dépendante de la formation des corps marins, c'est la consommation réelle de l'immense quantité d'eau qui est entrée et qui chaque jour en- tre encore dans la composition de ces corps pierreux. On peut démontrer cette présence de l'eau dans tou- les les matières calcaires; elle y réside en si grande ([uanlité qu'elle en constitue souvent plus d'un quart TET RIFI CATIONS ET FOSSILES. JQ de ja masse; et cette eau, incessamment absorbée par les îj^énérations successives des coquillages et autres animaux du même genre, s'est conservée dans leurs dépouilles, en sorte que toutes nos montagnes et collines calcaires sont réellement composées de plus d'un quart d'eau. Ainsi le volume apparent de cet élé- ment, c'est-à-dire la hauteur des eaux, a diminué en proportion du quart de la masse de toutes les monta- gnes calcaires, puisque la quantité réelle de l'eau a soufl'ert ce déchet par son incorporation dans toute matière coquilleuse au moment de sa formation; et plus les coquillages et autres corps marins du même genre se multiplieront, plus la quantité de l'eau di- minuera, et plus les mers s'abaisseront. Ces corps de substance coquilleuse et calcaire sont en effet l'inter- mède et le grand moyen que la nature emploie pour convertir le liquide en solide : l'air et l'eau que ces corps ont absorbés dans leur formation et leur accrois- sement y sont incarcérés et résidants à jamais ; le feu seul peut les dégager en réduisant la pierre en chaux, de sorte que, pour rendre à la mer toute l'eau qu'elle a perdue parla production des substances coquilieu- ses, il faudroit supposer un incendie général, un se- cond état d'incandescence du globe, dans lequel toute la matière calcaire laisseroit exhaler cet air fixe et cette eau qui font une si grande partie de sa sub- stance. La quantité réelle de l'eau des mers a donc dimi- nué à mesure que les animaux à coquilles se sont multipliés; et son volume apparent, déjà réduit par cette première cause , a dû nécessairement se dépri- mer aussi par l'affaissement des cavernes, qui rece- 4o MINÉRAUX. vaut les eaux dans leur profondeur en ont successi- vement diminué la hauteur; et cette dépression des mers augmentera de siècle en siècle, tant que la terre éprouvera des secousses et des affaissements inté- rieurs, et à mesure aussi qu'il se formera de nouvelle matière calcaire par la multiplication de ces animaux marins revêtus de matière coquilleuse : leur mombre est si grand, leur pullulation si prompte, si abon- dante, et leurs dépouilles si volumineuses, qu'elles nous préparent au fond de la mer de nouveaux con- tinents, surmontés de collines calcaires, que les eaux laisseront à découvert pour la postérité, comme elles nous ont laissé ceux que nous habitons. Toute la matière calcaire ayant été primitivement formée dans l'eau , il n'est pas surprenant qu'elle en contienne une grande quantité : toutes les matières vitreuses au contraire, qui ont été produites par le feu, n'en contiennent point du tout; et néanmoins c'est par l'intermède de l'eau que s'opèrent également les concrétions secondaires et les pétrifications vitreu- ses et calcaires : les coquilles, les oursins, les bois, convertis en cailloux, en agates, ne doivent ce chan- gement qu'à l'infiltration d'une eau chargée du suc vitreux, lequel prend la place de leur première sub- stance à mesure qu'elle se détruit. Ces pétrifications vitreuses, quoique assez communes, le sont cepen- dant beaucoup moins que les pétrifications calcaires ; mais souvent elles sont plus parfaites, et présentent encore plus exactement la forme tant extérieure qu'in- térieure des corps, telle qu'elle étoit avant la pétrifi- cation : cette matière vitreuse , plus dure que la cal- caire, résiste mieux aux chocs, aux frottements des PÉTRIFICATIONS ET FOSSILES. /( 1 autres corps, ainsi qu'à l'action des sels de la terre, et à toutes les causes qui peuvent altérer, briser, et ré- duire en poudre les pétrifications calcaires. Une troisième sorte de pétrification qui se fait de même par le moyen de l'eau , et qu'on peut regarder comme une minéralisation, se présente assez souvent dans les bois devenus pyriteux, et sur les coquilles recouvertes et quelquefois pénétrées de l'eau chargée des parties ferrugineuses que contenoient les pyrites : ces particules métalliques prennent peu à peu la place de la substance du bois qui se détruit ; et, sans en al- térer la forme, elles le changent en mines de fer ou de cuivre. Les poissons dans les ardoises, les coquil- les , et particulièrement les cornes d'ammon, dans les glaises, sont souvent recouverts d'un enduit pyriteux qui présente les plus belles couleurs; c'est à la dé- composition des pyrites contenues dans les argiles et les schistes qu'on doit rapporter cette sorte de miné- ralisation, qui s'opère de la même manière et par les mômes moyens que la pétrification calcaire ou vitreuse. Lorsque l'eau chargée de ces particules calcaires, vitreuses, ou métalliques, ne les a pas réduites en molécules assez ténues pour pénétrer dans l'intérieur des corps organisés , elles ne peuvent que s'attacher à leur surface, et les envelopper d'une incrustation plus ou înoins épaisse : les eaux qui découlent des montagnes et collines calcaires forment, pour la plu- part, des incrustations dans leurs tuyaux tle conduite, et autour des racines d'arbres et autres corps qui ré- sident sans mouvement dans l'étendue de leur cours ; et souvent ces corps incrustés ne sont pas pétrifiés : il faut, pour opérer la pétrification, non seuloiment !^'2 MINKKAUX. plus de temps, mais plus d'atténuation dans la ma- tière, dont {es molécules ne peuvent entrer dans l'in- térieur des corps, et se substituer à leur première substance, que quand elles sont dissoutes et réduites à la plus grande ténuité. Par exemple, ces belles pierres nouvellement découvertes, et auxquelles on a donné le nom impropre de marbres opalins,, sont plutôt des incrustations ou des concrétions que des pétrifications, puisqu'on y voit des fragments de bnr- gaifs et de moules de Magellan avec leurs couleurs : ces coquilles n'étoient donc pas dissoutes lorsqu'elles sont entrées dans ces marbres; elles n'étoient que brisées en petites parcelles qui se sont mêlées avec la poudre calcaire dont ils sont composés. Le suc vitreux, c'est-à-dire l'eau chargée de par- ticules vitreuses, forme rarement des incrustations, même sur les matières qui lui sont analogues; l'émail quartzeux qui revêt certains blocs de grès est un exem- ple de ces incrustations : mais d'ordinaire les molécu- les du suc vitreux sont assez atténuées, assez dissoutes, pour pénétrer l'intérieur des corps et prendre la place de leur substance à mesure qu'elle se détruit; c'est Jà le vrai caractère qui distingue la pétrification, tant de l'incrustation, qui n'est qu'un revêtement, que de la concrétion, qui n'est qu'une agrégation départies plus ou moins fines ou grossières. Les matières cal- caires et métalliques forment au contraire beaucoup plus de concrétions et d'incrustations que de pétrifi- cations ou minéralisations, parce que l'eau les déta- che en moins de temps etles transporte en plus grosses parties que celles de la matière vitreuse, qu'elle ne peut attaquer et dissoudre que par une action lente PÉTRIFICATIONS ET FOSSILES. 4^ et constante, attendu que cette matière, par sa du- reté, lui résiste plus que les substances calcaires ou métalliques. Il y a peu d'eaux qui soient absolument pures ; la plupart sont chargées d'une certaine quantité de par- ties calcaires, gypseuses, vitreuses, ou métalliques; et quand ces particules ne sont encore que réduites en poudre palpable, elles tombent en sédiment au fond de l'eau, et ne peuvent former que des concré- tions ou des incrustations grossières; elles ne pénè- trent les autres corps qu'autant qu'elles sont assez atténuées pour être reçues dans leurs pores, et, en cet état d'atténuation, elles n'altèrent ni la limpidité ni môme la légèreté de l'eau qui les contient et qui ne leur sert que de véhicule : néanmoins ce sont sou- vent ces eaux si pures en apparence dans lesquelles se forment en moins de temps les pétrifications les plus solides; on a exemple de crabes et d'autres corps pétrifiés en moins de quelques mois dans certaines eaux, et particulièrement en Sicile, près des côtes de Messine ; on cite aussi les bois convertis en cail- loux dans certaines rivières, et je suis persuadé qu'on pourroit, par notre art, imiter la nature, et pétrifier les corr3S avec de l'eau convenablement chari^ée d rp matière pierreuse : et cet art, s'il étoit porté à sa per- fection, seroit plus précieux pour la postérité que l'art des embaumements. Mais c'est plutôt dans le sein de la terre que dans la mer, et surtout dans les couches de matière cal- caire, que s'opère la pétrification de ces crabes et autres crustacés, dont quelques uns, et notamment les oursins, se trouvent souvejit pétrifiés en cailloux , 44 MINERAUX. OU plutôt en pierres à fusil placées entre les l)ancs de pierre tendre et de craie. On trouve aussi des pois- sons pétrifiés dans les matières calcaires : uous eu avons deux au Cabinet du Roi , dont le premier paroît être un sauuîon d'environ deux pieds et demi de lon- gueur, et le second une truite de quinze à seize pou- ces, très bien conservés; les écailles. les arêtes, et toutes les parties solides de leurs corps, sont pleine- ment pétrifiées en matière calcaire. Mais c'est surtout dans les schistes, et particulièrement dans les ardoi- ses, que l'on trouve des poissons bien conservés; ils y sont plutôt minéralisés que pétrifiés; et, en géné- ral, ces poissons dont la nature a conservé les corps sont plus souvent dans un état de dessèchement que de pétrification. Ces espèces de reliques des animaux de la terre sont bien plus rares que celles des habitants de la mer, et il n'y a d'ailleurs que les parties solides de leur corps, telles que les os et les cornes , ou plutôt les bois de cerf, de renne, etc., qui se trouvent quelquefois dans un état imparfait de pétrification commencée : souvent même, la forme de ces ossements ne con- serve pas ses vraies dimensions; ils sont gonflés par l'interposition de la substance étrangère qui s'est in- sinuée dans leur texture, sans que l'ancienne sub- stance fût détruite ; c'est plutôt une incrustation inté- rieure qu'une véritable pétrification. L'on peut voir et reconnoître aisément ce nonilement de volume dans les fémurs et autres os fossiles d'éléphant qui sont au Cabinet du lloi : leur dimejision en longueur n'est pas proportionnelle à celles de la largeur et de l'épaisseur. PÉTRIFICATIONS ET FOSSILES. 4'^ Je le répète , c'est à regret que je quitte ces objets intéressants, ces précieux monuments de Ja vieille nature , que ma propre vieillesse ne me laisse pas le temps d'examiner assez pour en tirer les conséquences que j'entrevois, mais qui , n'étant fondées que sur des aperçus, ne doivent pas trouver place dans cet ou- vrage, où Je me suis fait une loi de ne présenter que des vérités appuyées sur des faits. D'autres viendront après moi , qui pourront supputer le temps nécessaire au plus grand abaissement des mers et à la diminution des eaux par la multiplication des coquillages, des madrépores, et de tous les corps pierreux qu'elles ne cessent de produire; ils balanceront les pertes et les gains de ce globe dont la chaleur propre s'exhale in- cessamment, mais qui reçoit en compensation tout le feu qui réside dans les détriments des corps orga- nisés ; ils en concluront que si la chaleur du globe étoit toujours la même, et les générations d'animaux et de végétaux toujours aussi nombreuses, aussi promptes, la quantité de l'élément du feu augmenteroit sans cesse , et qu'enfin , au lieu de finir par le froid et la glace, le globe pourroit périr par le feu. Ils compa- reront le temps qu'il a fallu pour que les détriments combustibles des animaux et végétaux aient été accu- mulés dans les premiers âges, au point d'entretenir pendant des siècles le feu des volcans; ils compare- ront, dis-je, ce temps avec celui qui seroit nécessaire pour qu'à force de multiplications des corps organisés les premières couches de la terre fussent entièrement compojsées de substances combustibles; ce qui dès lors pourroit produire un nouvel incendie général, ou du moins un très srand nombre de nouveaux volcans : 46 3IINÉnAL'X. mais iKs verront en même temps que la clialeur du iilobe diminuant sans cesse, cette fin n'est point à crain- dre, et que la diminution des eaux, jointe à la mul- tiplication des corps organisés, ne pourra que retar- der de quelques milliers d'années l'envahissement du globe entier par lei> glaces, et la mort de la nature par le froid. PIERRES VITREUSES MÉLANGÉES DE MATIÈRES CALCAIRES. Apuès les stalactites et concrétions purement cal- caires, nous devons présenter celles qui sont mélan- iiées de matières vitreuses et de substances calcaires, et nous observerons d'abord que la plupart des ma- tières vitreuses de seconde formation ne sont pas absolument pures : les unes, et c'est le plus grand nombre, doivent leur couleur à des vapeurs métalli- ques; dans plusieurs autres, le métal, et le fer en particulier, est entré comme partie massive et con- stituante, et leui- a donné non seulement la couleur, mais une densité plus grande que celle d'aucun verre primitif, et qu'on ne peut attribuer qu'au métal : en- fin d'autres sont mélangées de parties calcajres en ])lus ou moins grande quantité. La zéolite, le lapis- lazuli, les pierres à iusil . la pierre meulière, et même ZÉOLITE. 4? les spaths fluors, sont tous mélangés en plus ou moins grande quantité de substances calcaires et de matière- vitreuse, souvent chargée de parties métalliques; et chacune de ces pierres a des propriétés particuliè- res, par lesquelles on doit les distinguer les unes des autres. e<9-9ee**ê«^o^e«««ftis«>o ZEOLITE. Les anciens n'ont fait aucune mention de cette pierre, et les naturalistes modernes l'ont confondue avec les spaths, auxquels la zéolite ressemble en effet par quelques caractères apparents. M. Cronstedt est le premier qui l'en ait distinguée, et qui nous ait fait connoître quelques unes de ses propriétés particuliè- res. MM. Swab, Bucquet, Bergman, et quelques au- tres, ont ensuite essayé d'en faire l'analyse par la chimie : mais, de tous les naturalistes et chimistes récents, M. Pelletier est celui qui a travaillé sur cet objet avec le plus de succès. Cette pierre se trouve en grande quantité dans l'île de Féroé, et c'est de là qu'elle s'est d'abord répandue en Allemagne et en France : c'est cette même zéolite de Féroé que M. Pelletier a chosie de préférence pour faire ses expériences, après l'avoir distinguée d'une autre pierre à laquelle on a donné le nom de zéolite vebatcej et qui n'est pas une zéolite , mais une pierre calaminaire. M. Pelletier a reconnu que la substance de la vraie 48 MINÉRAUX. zéolito est un composé de matière vitreuse ou argileuse et de substance calcaire : et comme la quantité de la matière vitreuse y est plus grande que celle de la sub- stance calcaire, cette pierre ne fait pas d'abord effer- vescence avec les acides; mais elle ne leur oppose qu'une foible résistance, car les acides vitriolique et nitreux l'entament et la dissolvent en assez peu de temps. La dissolution se présente en consistance de gelée, et ce caractère qu'on avoit donné comme spé- cial et particulier à la zéolite est néanmoins commun à toutes les pierres qui sont mélangées de parties vi- treuses et calcaires; car leur dissolution est toujours plus ou moins gélatineuse , et celle de la zéolite est presque solide et tremblotante, comme la gelée de corne de cerf. La zéolite de Féroé entre d'elle-même en fusion , comme toutes les autres matières mélangées de par- ties vitreuses et calcaires, et le verre qui en résulte est transparent et d'un beau blanc; ce qui prouve qu'elle ne contient point de parties métalliques, qui ne man- queroient pas de donner de la couleur à ce verre, dont la transparence démontre aussi que la matière vi- treuse est dans cette zéolite en bien plus grande quan- tité que la substance calcaire ; car le verre seroit nua- geux ou même opaque, si cette substance calcaire y étoit en quantité égale ou plus grande que la matière vitreuse. La zéolite d'Islande contient, selon M. Berg- man , quarante-huit centièmes de silex, vingt-deux d'argile, et douze à quatorze de matière calcaire. L'ar- gile et le silex de M. Bergman étant des matières vi- treuses, il y auroit dans cette zéolite d'Lslande beau- coup moins de parties calcaires et plus de parties ZEOLITE. 49 vitreuses que dans ia zéolite de Feroé. Ce chimiste ajoute que ces nombres quarante-buit, vingt -deux, et quatorze, additionnés ensemble, et ajoutés à ce qu'il y a d'eau , donnent un total qui excède le nom- bre de cent. Cet excédant, dit-il , provient de ce que la chaux entre dans les zéoiites sans air fixe, dont elle s'imprègne ensuite par la précipitation. D'autres zéoiites contiennent les mêmes matières, mais dans des proportions différentes. Nous devons observer, au reste , que ce n'est qu'avec la zéolite la plus blanche et la plus pure, telle que celle de Féroé, que l'on peut obtenir un verre blanc et transparent : toutes les autres zéoiites donnent un émail coloré spongieux et friable, qui ne devient consistant et dur ei8»?i?e<««5*^<8q<^»»9«lal»»<8<»al3e»e^1 STALACTITES DE LA TERRE VÉGÉTALE. La terre végétale , presque entièrement composée des détriments et du résidu des corps organisés, re- tient et conserve une grande partie des éléments ac- tifs dont ils étoient animés; les molécules organiques qui constituoient la vie des animaux et des végétaux s'y trouvent en liberté , et prêts à être saisies ou pom- pées pour former de nouveaux êtres : le feu, cet élé- ment sacré qui n'a été départi qu'à la nature vivante dont il anime les res.sorts, ce feu qui maintenoit l'é- quilibre et la force de toute organisation, se retrouve encore dans les débris des êtres' désorganisés, dont la mort ne détruit que la forme et laisse subsister la matière, contre laquelle se brisent ses efforts; car cette même matière organique réduite en poudre n'en est que plus propre à prendre d'autres formes , à se prêter à des combinaisons nouvelles, et à rentrer dans l'ordre vivant des êtres organisés. Et toute matière combustible provenant originai- rement de ces mêmes corps organisés, la terre végé- tale et limoneuse est le magasin général de tout ce qui peut s'enflammer ou brûler : mais, dans le nombre de ces matières combustibles, il y en a quelques unes. 74 MINÉRAUX. telles que les pyrites, où le feu s*accumule et se fixe en si grande quaalilé, qu'on peut les regarder comme des corps ignés dont la chaleur et le ien se manifes- tent dès qu'ils se décomposent. Ces pyrites ou pier- res de feu sont de vraies sLalactites de la terre limo- neuse; et, fjuoicjiie mclces de fer, le fonds de leur substance est le feu fixé par l'intermède de l'acide relies sont en immense qnaiililé, et lonles ptoduitespar la terre végétale dès qu'elle est imprégnée de sefs vitrio- liques; on les voit pour ainsi diie se former dans les délits et les fentes de l'argile, où la terre limoneuse amenée et déposée par la slillation des eaux, et en môme temps atrosée par l'acide de l'argile, produit ces stalactites pyrilcuses dans lesquelles le feu, l'acide, et le fer, conlenus dans celte terre limoneuse, se réunissent par une si forte altraclioa, que ces pyii- tes prennent plus de durelé que toutes les antres ma- tières terrestres, à l'exception du diamant et de quel- ques pierres précieuses qui sont encore plus dures que ces pyrites. INous verrons bientôt que le diamant et les pierres précieuses sont, comme les pyrites, des produits de cette terre végétale, dont la substance en général est plus ignée que terreuse. En comparant les diamants aux pyrites, nous leur trouverons des rapports auxquels on n'a pas fait at- tention : le diamant, comme la pyrite, renferme une grande quantité de feu; il est combustible, et dès lors il ne peut provenir que d'une matière d'essence combustible; et comme la terre végétale est le maga- sin général qui seul contient toutes les matières in- flammables ou combustibles, on doit penser qu'il en tire son origine et même sa substance. STALACTITES DE LA TERRE VÉGÉTALE. 76 Le diamant ne laisse aucun résidu sensible après sa combustion; c'est donc, comme le soufre, uq corps encore plus igné que la pyrite , mais dans lequel nous verrons que la matière du feu est fixée par un inter- mède plus puissant que tous les acides. La force d'affinité qui réunit les parties constituan- tes de tous les corps solides est bien plus grande dans ]e diamant que dans la pyrite, puisqu'il est beaucoup plus dur; mais, dans l'un et dans l'aulre, cette force d'attraction a pour ainsi dire sa sphère particulière, et s'exerce avec tant de puissance, qu'elle ne produit que des masses isolées qui ne tiennent point aux ma- tières environnées, et qui toutes sont régulièrement figurées. Les diamants, comme les pyrites, se trou- vent dans la terre limoneuse; ils y sont toujours en très petit volume, et ordinairement sans adhérence des uns aux autres, tandis que les matières unique- ment formées par l'intermède de l'eau ne se présen- tent guère en masses isolées: et en effet, il n'appartient qu'au feu de se former une sphère particulière d'at- traction dans laquelle il n'admet les autres éléments qu'autant qu'ils lui conviennent; le diamant et la pyrite sont des corps de feu dans lesquels l'air, la terre , et l'eau , ne sont entrés qu'en quantité suffisante pour retenir et fixer ce premier élément. Il se trouve des diamants noirs presque opaques, qui n'ont aucune valeur, et qu'on prendroit, au pre- mier coup d'œil, pour des pyrites martiales octaèdres ou cubiques; et ces diamants noirs forment peut-être la nuance entre les pyrites et les pierres précieuses, qui sont également des produits de la terre limoneuse : aucune de ces pierres précieuses n'est attachée aux :^6 MINÉRAUX. rochers, tandis que les cristaux vitreux ou calcaires, formés par Tintermède de l'eau , sont implantés dans les masses qui les produisent, parce que cet élément , qui n'est que passif, ne peut se former, comme le feu , des sphères particulières d'attraction. L'eau ne sert en effet que de véhicule aux parties vitreuses ou cal- caires, qui se rassemblent par leur affinité , et ne for- ment un corps solide que quand cette même eau en est séparée et enlevée par le dessèchement; et la preuve que les pyrites n'ont admis que très peu ou point du tout d'eau dans leur composition , c'est qu'el- les en sont avides au point que l'humidité les décom- pose, et rompt les liens du feu fixe qu'elles renfer- ment. Au reste , il est à croire que dans ces pyrites qui s'effleurissent à l'air, la quantité de l'acide étant proportionnellement trop grande, l'humidité de l'air est assez puissamment attirée par cet acide pour atta- quer et pénétrer la substance de la pyrite , tandis que dans les marcassites ou pyrites arsenicales, qui con- tiennent moins d'acide et sans doute plus de feu que les autres pyrites, l'humidité de l'air ne fait aucun effet sensible : elle en fait encore moins sur le dia- mant, que rien ne peut dissoudre, décomposer, ou ternir, et que le feu seul peut détruire en mettant en liberté celui que sa substance contient en si grande quantité, qu'elle brûle en entier sans laisser de ré- sidu. L'origine des vraies pierres précieuses, c'est-à-dire des rubis, topazes, et saphirs d'Orient, est la même que celle des diamants : ces pierres se forment et se trouvent de même dans la terre limoneuse; elles y sont également en petites masses isolées; le feu STALACTITES DE LA TERRE VEGETALE. 77 qu'elles renferment est seulement en moindre quan- tité ; car elles sont moins dures et en même temps moins combustibles que le diamant, et leur puissance réfractive est aussi de moitié moins grande : ces trois caractères, ainsi que leur grande densité, démontrent assez qu'elles sont d'une essence différente des cris- taux vitreux ou calcaires, et qu'elles proviennent, comme le diamant, des extraits les plus purs de la terre végétale. Dans le foufre et les pyrites, la substance du feu est fixée par l'acide vitriolique ; on pourroit donc pen- ser que, dans les pierres précieuses, le feu se trouve fixé de même par cet acide le plus puissant de tous : mais M. Achard a, comme nous l'avons dit^, tiré de la terre alcaline un produit semblable à celui des ru- bis qu'il avoit soumis à l'analyse chimique, et cette expérience prouve que la terre alcaline peut produire des corps assez semblables à cette pierre précieuse ; or l'on sait que la terre végétale et limoneuse est plus alcaline qu'aucune autre terre, puisqu'elle n'est prin- cipalement composée que des débris des animaux et des végétaux. Je pense donc que c'est par l'alcali que le feu se fixe dans le diamant et le rubis, comme c'est par l'acide qu'il se fixe daiîs la pyrite ; et même l'al- cali , étant plus analogue que l'acide à la substance du feu, doit le saisir avec plus de force, le retenir en plus grande quantité , et s'accumuler en petites masses sous un moindre volume; ce qui, dans la formation de ces pierres, produit la densité , la dureté, la trans- parence, l'homogénéité, et la combustibilité. 1. Voyez Tarticle du Cristal de roche dans le huitième volume de cette Histoire , page 226. 7^ MINÉRAUX. Mais avant de nous occuper Je ces brillants pro- duits de la terre végélale, et qui n'en sont que les extraits ultérieurs, nous devons considérer les con- crétions plus grossières et moins épurées de cette même terre réduite en limon , duquel les bois et plu- sieurs aulres substances terreuses ou pierreuses ti- rent leur origine et leur essence. BOLS. On pourra toujours distinguer aisément les bols et terres bolaires des argiles pures, et même des terres glaiseuses, par des propriétés évidentes : les bols et terres bol aires se gonflent très sensiblement dans l'eau, tandis que les argiles s'imbibent sans gonflement ap- parent; ils se boursouflent et augmentent de volume au feu : l'argile , au contraire, fait retraite et diminue dans toutes ses dimensions; les bols enfin se fondent et se convertissent en verre au même degré de feu qui ne fait que cuire et durcir les argiles. Ce sont là les différences essentielles qui distinguent les terres limoneusesdes terres argileuses rieurs au très caractères pourroient être équivoques; car les bols se pétrissent dans l'eau comme les argiles , ils sont de même com- posés de molécules spongieuses; leur cassure et leur grain, lorsqu'ils sont desséchés, sont aussi les mê- mes; leur ductilité est à peu près égale; et tout ceci doit s'entendre des bols comparés aux argiles pures et fines : les glaises ou argiles grossières ne peuvent BOLS. 79 être confondues avec les bols, dont le grain est tou- jours très fin. Mais ces ressemblances des argiles avec les bols n'empêchent pas que leur origine et leur na- ture ne soient réellement et essentiellement différen- tes; les argiles, les glaises, les schistes, les ardoises, ne sont que les détriments des matières vitreuses dé- composées, et plus ou moins humides ou desséchées, au lieu que les bols sont les produits ullérieurs de la destruction des animaux et des végétaux, dont la sub- stance désorganisée fait le fonds de la terre végétale, qui peu à peu se convertit en limon, dont les parties lesplus atténuées et les plus ducliles forment les bols. Comme cette terre végétale et limoneuse couvre la surface entière du globe, les bols sont assez communs dans toutes les parties du monde; ils sont tous de la môme essence, et ne diffèrent que par les couleurs ou la finesse du grain. Le bol blanc paroît être le plus pur de tous; on peut mettre an nombre de ces bols blancs la terre de Palna^ dont on fait au Mogol des vases très minces et très légers : il y a même en Eu- rope de ces bols blancs assez chargés de particules or- ganiques et nutritives pour en faire du pain en les mêlant avec de la farine; enfin l'on peut mettre au nombre de ces bols blancs plusieurs sortes de terres qui nous sont indiquées sous différents noms, la plu- part anciens, et que souvent on confond les unes avec les autres. Le bol rouge tire sa couleur du fer en rouille dont il est plus ou moins mélangé ; c'est avec ce bol qu'on prépare la terre sigillée, si fameuse chez les anciens, et de laquelle on faisoit grand usage dans la médecine. Cette terre sigillée nous vient aujourd'hui des pays. 8o MINER A. UX. orientaux, en pastilles ou en pains convexes d'un côté et aplatis de l'autre, avec l'empreinte d'un cachet que chaque souverain du lieu où il se trouve aujourd'hui de ces sortes de terres y fait apposer moyennant un tribut; ce qui leur a fait donner le nom de terres scel- lées ou sigillées : on leur a aussi donné les noms de terre de LemnoSj terre bénite de Saint-Paul^ terre de Malte j terre de Constantinople. On peut voir dans les anciens historiens avec quelles cérémonies supersti- tieuses on tiroit ces bols de leurs minières du temps d'Homère, d'Hérodote, de Dioscoride, et de Galien; on peut voir dans les observations de Belon les diffé- rences de ces terres sigillées, et ce qui se pratiquoit de son temps pour les extraire et les travailler. La terre de Guatimala, dont on fait des vases en Amérique, est aussi un bol rougeâtre ; il est assez commun dans plusieurs contrées de ce continent, dont les anciens habitants avoient fait des poteries de toutes sortes : les Espagnols ont donné à cette terre cuite le nom de boucaro. H en est de même du bol d'Arménie et de la terre étrusque, dont on a fait an- ciennement de beaux ouvrages en Italie. On trouve aussi de ces bols plus ou moins colorés de rouge en Allemagne ; il y en a même en France , qu'on pourroit peut-être également travailler. Ces bols blancs, rouges, et jaunes, sont les plus communs : mais il y a aussi des bols verdâtres, tels que la terre de Vérone , qui paroissent avoir reçu du cuivre cette teinture verte ; il s'en trouve de cette même couleur en Allemagne, dans le margraviat de Bareith , et les voyageurs en ont rencontré de toutes couleurs en Perse et en Turquie. BOLS. 81 La terre de Lemnos, si célèbre chez les anciens peu- ples du Levant par ses propriétés et vertus médicina- les, n'étoit, comme nous venons de l'indiquer, qu'un bol d'un rouge assez foncé et d'un grain très fin , et l'on peut croire qu'ils l'épuroient encore, et le travailloient avant d'en faire usage : le bol qu'on nous envoie sous la dénomination de bot d' Arménie ressemble assez à cette terre de Lemnos. Il se trouve aussi en Perse des bols blancs et gris, et l'on en fait des vases pour ra- fraîchir les liqueurs qu'ils contiennent. Enfin les voya- geurs ont aussi reconnu des bols de différentes cou- leurs à Madagascar, et je suis persuadé que partout où la terre limoneuse se trouve accumulée et en repos pendant plusieurs siècles ses parties les plus fines for- ment, en se rassemblant, des bols dont les couleurs ne sont dues qu'au fer dissous dans cette terre; et c'est, à mon avis, de la concrétion endurcie de ces bols que se forment les matières pierreuses dont nous allons parler. SPATHS PESANTS. Les pyrites, les spaths pesants, les diamants, et les pierres précieuses, sont tous des corps ignés qui ti- rent leur origine de la terre végétale et limoneuse, c'est-à-dire du détriment des corps organisés, lesquels seuls contiennent la substance du feu en assez grande quantité pour être combustibles ou phosphoriques. L'ordre de densité ou de pesanteur spécifique dans les 82 MINÉRAL X. matières terrestres commence par les métaux, et des- cend immédiatement aux pyrites qui sont encore métalliques, et des pyrites passe aux spaths pesants et aux pierres précieuses ^. Dans les marcassites et py- rites, lasubslaoce du feu est unie aux acides, et a pour base une (erre métallique; dans les spaths pesants, cette substance du feu est en même temps unie à l'a- cide et à l'alcali, et a pour base une terre bolaire ou limoneuse. La présence de l'alcali combiné avec les principes du soufre se manifeste par l'odeur qu'exha- lent ces spaths pesants lorsqu'on les soumet à l'action du feu; enfin le diamant et les pierres précieuses sont les extraits les plus purs de la terre limoneuse, qui leur sert de base, et de laquelle ces pierres tirent leur phosphorescence et leur combustibilité. Il ne me paroît pas nécessaire de supposer, comme l'ont fait nos chimistes récents, une terre particulière plus pesante que les autres terres, pour déûnir la na- ture des spaths pesants : ce n'est point expliquer leur essence et leur formation, c'est les supposer données et toutes faites; c'est dire simplement et fort inutile- 1. L'étain, qui est le plus léger des m«*laux, pèse spé( Ifiquement 72914; 1« mispickel , ou pj-rile arsenicale, (jui esl la plus pesanle des pyrlies, pèse 65225; la pyrite ou maccassite de Daupliiné, dout ou fait des bijoux , des colliers, etc., pèse 49509; la niarcassile cubique , 47016; la pyrite globnleubc martiale de Picardie pèse 4ioo6 ; et la pyrjle martiale cubique de Bourgogne ne pèse que 09000. La pierre de Bologne, qui est le plus dense des spatlis pesants, pèse 444t>9'' ^*^ spalh pesant blanc, 44ooo ; et le spatb pesant trouvé en Bourgogne à Tbôles près Semur ne pèse que 426S7. Le rubis d'Orient , la plus dense des pierres précieuses, pèse 42858; et le diamant, quoique la plus dure, est eu même temps la plus lé- gère de toutes les pierres précieuses, et ne pèse que 002 12. (Voyez les Tables de M. Brisson. ) SPATHS PESANTS. 85 ment que ces spaths sont plus pesants que les autres spaths, parce que leur terre est plus pesante que les autres terres; c'est éluder et reculer la question au lieu de la résoudre ; car ne doit-on pas demander pour- quoi cette terre est plus pesanle, puisque, de l'aveu de ces chimistes, elle ne contient point de parties mé- talliques? ils seront donc loujours obligés de recher- cher avec nous quelles peuvent cire les combinaisons des éléments qui rendent ces spaths plus pesants que toutes les autres pierres. Or, pour se bien conduire dans une recherche de cette espèce et arriver à un résultat conséquent et plausible, il faut d'abord examiner les j^ropriétés ab- solues et relatives de cette matière pierreuse plus pe sanle qu'aucune aulre pierre; il faut tacher de recon- ijoilre si celte maiière est simple ou composée ; car, en la supposant mêlée de parties métalliques, sa pe- santeur ne seroit qu'un efl'et nécessaire de ce mélange : mais, de quelque manière qu'on ait traité ces spaths pesants, on n'en a pas tiré un seul atome de métal; dès lors leur grande densité ne provient pas de la mixtion d'aucune matière métallique : on a seulement reconnu que les spaths pesants ne sont ni vitreux, ni calcaires, ni gypseux; et comme, après les matières vitreuses, calcaires, et métalliques, il n-'existe dans la nature qu'une quatrième matière, qui est la terre limoneuse, on peut déjà présumer que la substance de ces spaths pesants est formée de cette dernière terre , puisqu'ils diflerent trop des autres terres et pier- res pour en provenir ni leur appartenir. Les spaths pesants, quoique fusibles à un feu vio- lent , ne doivent pas êlre confondus avec le feld-spath , 84 MINÉRAUX. non plus qu'avec les spaths auxquels on a donné les dénominations impropres de spaths vitreux ou fusibles^ c'est-à-dire avec les spaths fluors qui se trouvent assez souvent dans les mines métalliques ; les spaths pesants et les fluors n'étincellent pas sous le briquet, comme le feld-spath; mais ils diffèrent entre eux, tant par la dureté que par la densité : la pesanteur spécifique de ces spaths fluors n'est que de 3o à 5i mille, tandis que celle des spaths pesants est de 44 ^ 4^ mille. La substance des spaths pesants est une terre alca- line ; et comme elle n'est pas calcaire, elle ne peut être que limoneuse et bolaire : de plus , cette sub- stance pesante a autant et peut-être plus d'affinité que l'alcali même avec l'acide vitriolique; car les seules matières inflammables ont plus d'affinité que cette terre avec cet acide. On trouve assez souvent ces spaths pesants sous une forme cristallisée; on reconnoît alors aisément que leur texture est lamelleuse : mais ils se présentent aussi en cristallisation confuse, et même en masses in- formes. Ils ne font point partie des roches vitreu- ses et calcaires , ils n'en tirent pas leur origine ; on les trouve toujours à la superficie de la terre végétale, ou à une assez petite profondeur, souvent en petits morceaux isolés, et quelquefois en petites veines comme les pyrites. En faisant calciner ces spaths pesants, on n'obtient ni de la chaux ni du plâtre ; ils acquièrent seulement la propriété de luire dans les ténèbres, et pendant la calcination ils exhalent une forte odeur de foie de sou- fre, preuve évidente que leur substance contient de l'alcali uni au feu fixe du soufre : ils diffèrent en cela SPATHS PESANTS. 85 des pyrites , dans lesquelles le feu fixe n'est point uni à l'alcaii, mais à l'acide. L'essence des spaths pesants est donc une terre alcaline très fortement chargée de la substance du feu; et comme la terre formée du dé- triment des animaux et végétaux est celle qui contient l'alcali et la substance du feu en plus grande quan- tité , on doit encore en inférer que ces spaths tirent leur origine de la terre limoneuse ou bolaire, dont les plus fines, entraînées par la sliliation des eaux, au- ront formé cette sorte de stalactite qui aura pris de la consistance et de la densité par la réunion de ces mê- mes parties rapprochées de plus prés que dans les sta- lactites vitreuses ou calcaires. La texture des spaths pesants est lameîleuse comme celle des pierres précieuses; ils ne font de mênie au- cune effervescence avec les acides : ils se présentent rarement en cristallisations isolées; ce sont ordinai- rement des groupes de cristaux 1res étroitement unis, et assez irrégulièrement, les uns avec les autres. Le spath auquel on a donné la dénomination de spath perléj, parce qu'il est luisant et d'un blanc de perle, a été mis mal à propos au nombre des spaths pesants par quelques naturalistes récents ; car ce n'ost qu'un spath calcaire qui diffère des spaths pesants par toutes ses propriétés : il fait effervescence avec les aci- des; la densité de ce spath perlé est à peu près égale à celle des autres spaths calcaires^, et d'un tiers au 1. La pesanteur spécifique du spath calcaire rliomboïdal, dit cvislcd d'Islande, est de 2715 i ; celle da spalîi perlé, de 28578; taudis que la pesautcur spécifique du spath pesant octaèdre est de 44712 ; et celle" du spatU pesant, d'il pierre de Bologne, est de 44709- (Voyez les Table» de i\l. Brisson. ) BUFFON. JX. 6 86 MINERAUX. dessous de celle des spaths pesants ; de plus, sa forme de cristallisation est semblable à celle du spath cal- caire; il se convertit de même en chaux : il n'est donc pas douteux que ce spath perlé ne doive être séparé des spaths pesants et réuni aux autres spaths calcaires. Les spaths pesants sont plus souvent opaques que transparents ; et comme je soupçonnois, par leurs au- tres rapports avec les pierres précieuses, qu'ils ne dé- voient otYrir qu'une simple réfraction, j'ai prié M. l'abbé Rochon d'en faire l'expérience, et il a en effet re- connu que ces spaths n'ont point de double réfrac- tion ; leur essence est donc homogène et simple comme celle du diamant et des pierres précieuses, qui n'of- frent aussi qu'une simple réfraction : les spaths pe- sants leur ressemblent par cette propriété, qui leur est commune et qui n'appartient à aucune autre pierre transparente; ils en approchent aussi par leur densité, qui néanmoins est encore un peu plus grande que celle du rubis: mais, avec cette homogénéité et cette grande densité, les spaths pesants n'ont |>as à beaucoup prés autant de dureté que les pierres précieuses. Les spaths pesants opaques ou transparents sont ordinairement d'un blanc mat; cependant il s'en trouve quelques uns qui ont des teintes d'un rouge ou d'un jaune léger, et d'autres qui sont verdâtres ou bleuâtres : ces tliÛerentes couleurs proviennent, comme dans les autres pierres colorées, des vapeurs ou dissolutions métalliques qui, dans de certains lieux, ont pénétré la terre limoneuse et teint les stalactites qu'elle produit. Le spath pesant le plus anciennement connu est la pierre de Bologne; elle se présente souvent en forme SPATHS PESANTS. 87 globuleuse , et quelquefois aplatie ou allongée couame un cyliudre ; son tissu lamelleux la rend chatoyante à sa surface ; dans cet état on ne peut guère la distin- guer des autres pierres feuilletées que par sa forte pesanteur. Le comte Marsigli et Mentzelius ont fait sur cette pierre de bonnes observations, et ils ont indiqué les premiers la manière de la préparer pour en faire des phosphores qui conservent la lumière et la rendent au dehors pendant plusieurs heures. Tous les spaths pesants ont la môme propriété, et cette phosphorescence les rapproche encore des dia- mants et des pierres précieuses, qui reçoivent, con- servent, et rendent dans les ténèbres la lumière du soleil , et même celle du jour, dont une partie paroît se fixer pour un petit temps dans leur substance, et les rend phosphoriques pendant plusieurs heures. Les pierres précieuses et les spaths pesants ont donc tant de rapports et de propriétés communes, qu'on ne peut guère douter que le fonds de leur es- sence ne soit de la même nature; la densité, la simple réfraction ou l'homogénéité , la phosphorescence, leur formation et leur gisement dans la terre limoneuse, sont des caractères et des circonstances qui semblent démontrer leur origine commune, et les séparer en même temps de toutes les matières vitreuses, calcai- res, et métalliques. 8S MINÉRAUX. »^»-e-»>*9<»»*«<8>e*o*e*o*e*î**e«*»*»<&*>^ "«*<>>»**♦ »'ï*«-^~vft.Mh-0^-frMI-»«>V» PIERRES PRECIEUSES. Les caractères par lesquels on doit distinguer les vraies pierres précieuses de toutes les autres pierres transparentes sont la densité , la dureté, l'infusibilité, l'homogénéité , et la combustibilité ; elles n'ont qu'une simple réfraction, tandis que toutes les autres, sans aucune exception, ont au moins une double réfrac- tion, et quelquefois une triple, quadruple, etc. Ces pierres précieuses sont en très petit nombre; elles sont spécifiquement plus pesantes, plus liomogènes et beaucoup plus dures que tous les cristaux et les spaths; leur réfraction simple démontre qu'elles ne sont composées que d'une seule substance d'égale densité dans toutes ses parties, au lieu que les cris- taux et tous les autres extraits des verres primitifs et des matières calcaires, pures ou mélangées, ayant une double réfraction, sont évidemment composés de lames ou couches alternatives de diflérente densité : nous avons donc exclu du nombre des pierres pré- cieuses les améthystes, les topazes de Saxe et du Bré- sil, les émeraudes et péridots, qu'on a jusqu'ici re- gardés comme tels parce que l'on ignoroitla dillérence de leur origine et de leurs propriétés. Nous avons démontré que toutes ces pierres ne sont que des cristaux et des produits des verres primitifs, dont elles conservent les propriétés essentielles : les vraies PIERRES PRÉCIELSES. 89 pierres précieuses, telles que le diamant, le rubis, la topaze, et le saphir d'Orient , n'ayant qu'une seule réfraction, sont évidemment homogènes dans toutes leurs parties, et en même temps elles sont beaucoup plus dures et plus denses que toutes ces pierres qui tirent leur origine des matières vitreuses. On savoit que le diamant est de toutes les matières transparentes celle dont la réfraction est la plus forte, et M. l'abbé Rochon, que j'ai déjà eu occasion de ci- ter avec éloge, a observé qu'il en est de même des rubis, de la topaze, et du saphir d'Orient; ces pier- res, quoique plus denses que le diamant , sont néan- moins également homogènes, puisqu'elles ne donnent qu'une simple réfraction. D'après ces caractères, qu'on n'avoit pas saisis, quoique très essentiels, et mettant pour un moment le diamant à part, nous nous croyons fondés à réduire les vraies pierres précieuses aux va- riétés suivantes, savoir : le rtibis proprement dit, le rubis balaisj le rubis spinellej la vermeille^ la topaze ^ le saphir j et le girasol; ces pierres sont les seules qui n'offrent qu'une simple réfraction. Le balais n'est qu'un rubis d'un rouge plus clair, et le spinelle un rubis d'un rouge plus foncé; la vermeille n'est aussi qu'un ru!>is dont le rouge est mêlé d'orangé, et le gi- rasol un saphir dont la transparence est nébuleuse et la couleur bleue teinte d'une nuance de rouge : ainsi les rubis, topazes, et saphirs, n'ayant qu'une simple réfraction, et étant en même temps d'une densité beaucoup plus grande que les extraits des verres pri- mitifs, on doit les séparer des matières transparentes vitreuses, et leur donner une tout autre origine. Et quoique le grenat et l'hyacinthe approchent des go MINERAUX. pierres précieuses parleur densité, nous n'avons pas cru devoir les admettre dans leur nombre , parce que ces pierres sont fusibles, et qu'elles ont une double réfraction assez sensible pour démontrer que leur sub- stance n'est point homogène, et qu'elles sont compo- sées de deux matières d'une densité différente; leur substance paroît aussi être mêléede partiesméta! Jiques. On pourra me dire que les rubis, topazes, saphirs, et même les diamants colorés, ne sont teints, comme le grenat et l'hyacinthe, que par les parties métalli- ques qui sont entrées dans leur composition ; mais nous avons déjà démontré que ces molécules métalli- ques qui colorent les cristaux et autres pierres trans- parentes sont en si petite quantité, que la densité de ces pierres n'en est point augmentée, lien est de même des diamants de couleur , leur densité est la même que celle des diamants blancs ; et ce qui prouve que , dans les hyacinthes et les grenats, les parties hétérogè- nes et métalliques sont en bien plus grande quantité que dans ces pierres précieuses, c'est qu'ils donnent une double réfraction : ces pierres sont donc réelle- ment composées de deux matières de densité diffé- rente, et elles auront reçu non seulement leur tein- ture connue les autres pierres de couleur, mais aussi leur densité et leur double réfraction par le mélange d'une grande quantité de particules métalliques. Nos pierres précieuses blanches ou colorées n'ont , au con- traire, qu'une seule réfraction : preuve évidente que la couleur n'altère pas sensiblement la simplicité de leur essence. La substance de ces pierres est homo- gène dans toutes ses parties; elle n'est pas composée de couches alternatives de matière plus ou moins PIERRES PRECIEUSES. 91 dense, comme celle des autres pierres transparentes, qui toutes donnent une double réfraclion. La densité de l'hyacinthe, quoique moindre que celle du grenat, surpasse encore la densité du dia- mant; on pourroit donc mettre l'hyacinthe au rang des pierres précieuses, si sa réfraction étoit simple et aussi forte que celle de ces pierres; mais elle est dou- ble et foi!. le, et d'ailleurs sa couleur n'est pas franche : ainsi ces imperfections indiquent assez que son es- sence n'est pas pure. On doit observer aussi que l'hya- cinthe ne brille qu'à sa surface et par la réflexion de la lumière, tandis que les vraies pierres précieuses brillent encore plus par la réfraction intérieure que par le reflet extérieur de la lumière?. En général , dès que les pierres sont nuageuses et même chatoyantes, leurs reflets de couleurs ne sont pas purs, et l'inten- sité de leur lumière réfléchie ou réfractée est tou- jours foihie, parce qu'elle est plutôt dispersée que rassemblée. On peut donc assurer que le premier caractère des vraies pierres précieuses est la simplicité de leur es- sence ou l'homogénéité de leur substance, qui se dé- montre par leur réfraction toujours simple , et que les deux autres caractères qu'on doit réunir au premier sont leur densité et leur dureté beaucoup plus gran- des que celles d'aucun des verres ou matières vitreuses produites par la nature : on ne peut donc pas soutenir que ces pierres précieuses tirent leur origine, comme les cristaux, de la décomposition de ces verres primi- tifs , ni qu'elles en soient des extraits ; et certainement elles proviennent encore moins de la décomposition des spaths calcaires, dont la densité est à peu près la gCi MlNÉHxVUX. même que celle des verres primitii's'^ , et qui d'ailleurs se réduisent en chaux au Heu de se londre ou de brû- ler. Ces pierres précieuses ne peuvent de même pro- venir de la décomposition des spaths fluors, dont la pesanteur spécifique est à peu près égale à ceiie des schorls ^, et je ne vois dans la nature que les spaths pesants dont la densité puisse se comparer à celle des ])ierres précieuses : la plus dense de toutes est le ru- bis d'Orient , dont la pesanteur spécifique est de 42855; et celle du spath pesant appelé pierre de Bo- logne est de 444^9 î celle du spath pesant octaèdre est de 447^2 • ^" ^^^^^ donc croire que les pierres précieuses ont quelque rapport d'origine avec ces spaths pesants, d'autant mieux qu'elles s'imbibent de lumière et qu'elles la conservent pendant quelque temps comme les spaths pesants. Mais ce qui démon- tre invinciblement que ni les verres prijuitifs, ni les substances calcaires, ni les spa.ths fluors, ni même les spaths pesants, n'ont produit les pierres précieuses, c'est que toutes ces matières se trouvent à peu près également dans toutes les régions du globe, tandis que les diamants et les pierres précieuses ne se ren- contrent que dans les climats les plus chauds : preuve certaine que, de quelque matière qu'elles tirent leur 1. Les pesanteurs spécifiques du quartz sont de 26646; du feld- spath, 26466; du mica blanc, 27044 ; et la pesanteur spécifique du spath calcaire (cristal d'Islande) est de 2715 1 ; et celle du spath perlé, de 28578. ( Tables de M. Brisson. ) 2. La pesanteur spécifique du spath phosphorique cubique blanc est de 3i555 ; celle du spalh phosphorique cubique violet , de 01757 ; du spath phosjîhorique d'Auvergne , de 5094^ ; et la pesanteur spéci- fique du schorl cristallisé est de 00926 ; du schorl violet deDauphinc , do 52956. ( Tables de M. Brisson. ) PIER1\ES PRECIEUSES. 9.) origine, cet excès de chaleur est nécessaire à leur production. Mais la chaleur réelle de chaque climat est compo- sée de la chaleur propre du globe et de l'accession de la chaleur envoyée par le soleil; l'une et l'autre sont plus grandes entre les tropiques que dans les zones tempérées et froides : la chaleur propre du globe y est plus forte, parce que le globe étant plus épais à l'équateur qu'aux pôles, cette partie de la terre a con- servé plus de chaleur, puisque la déperdition de cette chaleur propre du globe s'est faite, comme celle de tous les autres corps chauds, en raison iaverse de leur épaisseur. D'autre part, la chaleur qui arrive du soleil avec la lumière est, comme l'on sait, considé- rablement plus grande sous cette zone torride que dans les autres climats, et c'est de la somme de ces deux chaleurs toujours réunies qu'est composée la chaleur locale de chaque région. Les terres sous l'é- quateur jusqu'aux deux tropiques souffrent, par ces deux causes, un excès de chaleur qui influe non seu- lement sur la nature des animaux, des végétaux, et de tous les êtres organisés, mais agit même sur les matières brutes, particulièrement sur la terre végé- tale, qui est la couche la plus extérieure du globe : aussi les diamants, rubis, topazes, et saphirs, ne se trouvent qu'à la surface ou à de très petites profon- deurs dans le terrain de ces climats très chauds; il ne s'en rencoQtre dans aucune autre région de la terre. Le ^e^l exemple contraire à cette exclusion générale est le saphir du Puy en Yélay, qui est spécifiquement aussi et même un peu plus pesant que le saphir d'O- 94 MI NE 11 A IX. rient ^ , et qui prend, dit-on, un aussi beau poli; mais j'ignore s'il n'a de même qu'une simple réfrac- tion, et par conséquent si l'on doit l'admettre au rang des vraies pierres précieuses, dont la plus brillante propriété est de réfracter puissamment la lumière et d'en offrir les couleurs dans toute leur intensité : la double réfraction décolore les objets, et diminue par conséquent plus ou moins cette intensité dans les couleurs, et dès lors toutes les matières transparentes qui donnent une double réfraction ne peuvent avoir autant d'éclat que les pierres précieuses dont la sub- stance ainsi que la réfraction sont simples. Car il faut distinguer, dans la lumière réfractée par les corps transparents, deux effets différents, celui de la réfraction et celui de la dispersion de cette même lumière : ces deux effets ne suivent pas la même loi, et paroissent même être en raison inverse l'un à l'au- tre ; car la plus petite réfraction se trouve accompa- gnée de la plus grande dispersion , tandis que la plus grande réfraction ne donne que la plus petite disper- sion. Le jeu des couleurs qui provient de cette dis- persion de la lumière est plus varié dans les stras ^ verres de plomb ou d'antimoine, que dans le diamant ; mais ces couleurs des strasnor\l que très peu d'inten- sité en comparaison de celles qui sont produites par la réfraction du diamant. La puissance réfractive est beaucoup plus grande dans le diamant que dans aucun autre corps transpa- 1. La pesanteur spécifique du saphir d'Orient bleu est de 39941 ; du saphir d'Orient blanc, de 0991 1 ; et la pesanteur spécifique du saphir du Puv est de ^0769. ( Tables de M. Brissoii. ) PIERRES PRECIEUSES. QO rent : avec des prismes dont l'angle est de 20 degrés, la réfraction du verre blanc est d'environ 10 ^-J^ ; celle du flint-glass, de 11 V2Î celle du cristal de roche n'est tout au plus que de 10 V2 5 celle du spath d'Islande d'environ 1 1 ^9 ; celle du péridot de 1 1 ; tandis que la réfraction du saphir d'Orient est entre )4 et i5, et que celle du diamant est an moins de 3o. M. l'abbé Rochon, qui a fait ces observations, présume que la réfraction du rubis et de la topaze d'Orient est aussi entre il\. et i5, comme celle du saphir; mais il me semble que ces deux premières pierres ayant plus d'é- clat que la dernière , on peut penser qu'elles ont aussi une réfraction plus forte et un peu moins éloignée de celle du diamant : cette grande force de réfraction produit la vivacité, ou, pour mieux dire, la forte in- tensité des couleurs dans le spectre du diamant, et c'est précisément parce que ses couleurs conservent toute leur intensité que leur dispersion est moindre. Le fait confirme ici la théorie, car il est aisé de s'as- surer que la dispersion de la lumière est bien plus pe- tite dans le diamant que dans aucune autre matière transparente. Le diamant, les pierres précieuses, et toutes les sub- stances inflammables, ont plus de puissance réfrac- tive ciue les autres corps transparents, parce qu'elles ont plus d'afEnité avec la lumière; et par la même raison il y a moins de dispersion dans leur réfraction , puisque leur plus grande affmité avec la lumière doit en réunir les rayons de plus près. Le verre d'anti- moine peut ici nous servir d'exemple ; sa réfraction n'est que d'environ 11 ^2' t^ï^clis que sa dispersion est encore plus grande que celle du stras ou d'aucune 96 MINÉRAUX. antre matière connue, en sorte qu'on pourroit égaler et peut-être surpasser le diamant pour le jeu des cou- leurs avec le verre d'antimoine : mais ces couleurs ne seroient que des bluettes encore plus foibles que cel- les du stras ou verre de plomb ; et d'ailleurs ce verre d'antiuioine est trop tendre pour pouvoir conserver long-temps son poli. Cette homogénéité dans la substance du diamant et des pierres précieuses, qui nous est démontrée par leur réfraction toujours simple, cette grande densité que nous leur connoissons par la comparaison de leurs poids spécifiques, enfin leur très grande dureté qui nous est également démontrée par leur résistance au frottement de la lime, sont des propriétés essen- tielles qui nous présentent des caractères tirés de la nature, et qui sont bien plus certains que tous ceux par lesquels on a voulu désigner et distinguer ces pierres : ils nous indiquent leur essence, et nous dé- montrent en même temps qu'elles ne peuvent prove- nir des matières vitreuses, calcaires, ou métalliques, et qu'il ne reste que la terre végétale ou limoneuse dont le diamant et les vraies pierres précieuses aient pu tirer leur origine. (]ette présomption très bien fon- dée acquerra le titre de vérité lorsqu'on réfléchira sur deux faits généraux également certains : le premier, que ces pierres ne se trouvent que dans les climats les plus chauds, et que cet excès de chaleur est par conséquent nécessaire à leur formation; le second, qu'on ne les rencontre qu'à la surface ou dans la pre- mière couche de îa terre et dans le sable des rivières, où elles ne sont qu'en petites masses isolées, et sou- vent recouvertes d'une terre limoneuse ou bolaire, PIE un ES l'UECIEUSES. 9^ mais jamais attachées aux rochers, comme le sont les cristaux des autres pierres vitreuses ou calcaires. D'autres faits particuliers viendront à l'appui de ces faits généraux, et l'on ne pourra guère se refuser à croire que les diamants et autres pierres précieuses ne soient en effet des produits de la terre limoneuse, qui, conservant plus qu'aucune autre matière la sub- stance du feu des corps organisés dont elle recueille les détriments, doit produire et produit réellement partout des concrétions combustibles et phosphori- ques, telles que les pyrites, les spaths pesants, et peut par conséquent former des diamants également phos- phoriques et combustibles dans les lieux oii le feu fixe contenu dans cette terre est encore aidé par la grande chaleur du globe et du soleil. Pour répondre d'avance aux objections qu'on pour- roit faire contre cette opinion, nous conviendrons vo- lontiers que ces saphirs trouvés au Puy en Yélay, dont la densité est égale à celle du saphir d'Orient, sem- blent prouver qu'il se rencoutre au moins quelqu'une des pierres que j'appelle précieuses daos les climats tempérés; mais ne devons-nous pas en mèfne temps observer que , quand il y a eu des volcans dans cette région tempérée, le terrain peut en être pendant long-temps aussi chaud que celui des régions du midi? Le Yélay en particulier est un terrain volca- nisé, et je ne suis pas éloigné de penser qu'il peut se former dans ces terrains, par leur excès de chaleur, des pierres précieuses de la même qualité que celles qui se forment par le même excès de chaleur dans les climats voisins de l'équateur, pourvu néanmoins que cet excès de chaleur dans les terrains volcanisés 98 MINÉKALX. Noit constant, ou du moins assez durable et assez uni- formément soutenu pour donner le temps nécessaire à la formation de ces pierres. En général, leur dureté nous indique que leur formation exige beaucoup de temps; et les terres volcanisées ne conservant pas leur excès de chaleur pendant plusieurs siècles, il ne doit pas s'y former de diamants, qui de toutes les pierres sont les pins dures, tandis qu'il peut s'y for- mer des pierres transparentes moins dures. Ce n'est donc que dans le cas très particulier où la terre vé- gétale conserveroit cet excès de chaleur pendant une longue suite de temps qu'elle pourroit produire ces stalactites précieuses dans un climat tempéré ou froid, et ce cas est infiniment rare et ne s'est jusqu'ici pré- senté qu'avec le saphir du Puy. On pourra me faire une autre objection : D'après votre système, me dira-t-on, toutes les parties du globe ont joui de la même chaleur dont jouissent au- jourd'hui les régions voisines de l'équaieur ; il a donc dû se former des diamants et autres pierres précieu- ses dans toutes les régions de la terre, et l'on devroit y trouver quelques unes de ces anciennes pierres qui par leur essence résistent aux injures de tous les élé- ments : néanmoins on n'a nulle part, de temps im- mémorial, ni vu ni rencontré un seul diamant dans aucune des contrées froides ou tempérées. Je réponds en convenant qu'il a dû se former en effet des dia- mants dans toutes les régions du globe lorsqu'elles jouissoient de la chaleur nécessaire à cette produc- tion ; mais comme ils ne se trouvent que dans la pre- mière couche de la terre, et jamais à de grandes pro- fondeurs, il est plus que probable que les diamants PIERRES PRECIEUSES. 99 et ies autres pierres précieuses oatété successivement recueillis par les hommes, de la môme manière qu'ils ont recueilli les pépites d'or et d argent, et mêmes les blocs de cuivre primitif, lesquels ne se trouvent plus dans les pays habités, parce que toutes ces ma- tières brillantes ou utiles ont été recherchées ou con- sommées par les anciens habitants de ces mêmes con- trées. Mais ces objections et les doutes qu'elles pourroient faire naître doivent également disparoître à la vue des faits et des raisons qui démontrent que les diamants, les rubis, topazes|,^et saphirs, ne se trouvent qu'entre les tropiques, dans la première et la plus chaude cou- che de la terre, et que, ces mêmes pierres étant d'une densité plus grande et d'une essence plus simple que toutes les 'autres pierres transparentes vitreuserj ou calcaires, on ne peut leur donner d'autre origine, d'autre matrice, que la terre limoneuse, qui, rassem- blant les débris des autres matières, et n'étant prin- cipalement composée que du détriment des êtres or ganisés, a pu seule former des corps pleins de feu, tels que les pyrites, les spaths pesants, les diamants, et autres concrétions phosphoriques, brillantes, et précieuses; et ce qui vient victorieusement à l'appui de cette vérité, c'est le fait bien avéré du phospho- risme et de la combustion du diamant. Toute matière combustible ne provient que des corps organisés ou de leurs détriments; et dès lors le diamant, qui s'im- bibe de lumière, et qu'on a été forcé de mettre au nombre des substances combustibles, ne peut prove- nir que de la terre végétale, qui seule contient les dé- bris combustibles des corps organisés. 100 MINÉÎIAIX. J'avoue que la terre végétale et limoneuse est en- core plus impure et moins simple que les matières vitreuses, calcaires, et métalliques; j'avoue qu'elle est le réceptacle général et commun des poussières de l'air, de l'égout des eaux , et de tous les détriments des métaux et des autres matières dont nous faisons usage : mais le fonds principal qui constitue son es- sence n'est ni métallique, ni vitreux, ni calcaire; il est plutôt igné ; c'est le résidu, ce sont les détriments des animaux et des végétaux dont sa substance est spécialement composée : elle contient donc plus de feu fixe qu'aucune autre matière. Les bitumes, les huiles, les graisses, toutes les parties des animaux et des végétaux qui se sont converties en tourbe, en charbon , en limon, sont combustibles, parce qu'elles proviennent des corps organisés. Le diamant, qui de même est conjbustible, ne peut donc j^rovenir que de cette même terre végétale, d'abord animée de son propre feu , et ensuite aidée d'un surplus de chaleur qui n'existe actuellement que dans les terres de la zone torride. Les diamants, les rubis, la topaze, et le saphir, sont les seules vraies pierres précieuses, puisque leur substance est parfaitement homogène, et qu'elles sont en même temps pUis dures et plus denses que toutes les autres pierres transparentes; elles seules, par toutes ces qualités réunies, méritent cette déno- mination. Elles ne peuvent provenir des matières vi- treuses, et encore moins des substances calcaires ou métalliques ; d'où l'on doit conclure par exclusion , et indépendamment de toutes nos preuves positives, qu'elles ne doivent leur origine qu'à la terre limo- VIERRES PRECIEUSES. 101 neuse , puisque toutes les autres matières n'ont pu les produire. DIAMANT. J'ai cru pouvoir avancer et même assurer, quelque temps avant qu'on en eût fait l'épreuve ^, que le dia- mant étoit une substance combustible : ma proposi- tion étoit fondée sur ce qu'il n'y a que les matières inflammables qui donnent une réfraction plus forte que les autres, relativement à leur densité respective. La réfraction de l'eau, du verre, et des autres matiè- res transparentes solides ou liquides, est toujours, et dans toutes, proportionnelle à leur densité; tandis que dans le diamant, les huiles, l'esprit-de-vin, et les autres substances solides ou liquides qui sont in- flammables ou combustibles, la réfraction est tou- jours beaucoup plus grande relativement à leur den- sité. Mon opinion au sujet de la nature du diamant, quoique fondée sur une analogie aussi démonstrative, a été contredite jusqu'à ce que Ton ait vu le diamant brûler et se consumer en entier au foyer du miroir ar- dent, La main n'a donc fait ici que confirmer ce que la vue de l'esprit avoit aperçu ; et ceux qui ne croient que ce qu'ils voient seront dorénavant convaincus qu'on peut deviner les faits par l'analogie, et que le diamant, comme toutes les autres pierres transparen- 1. Tome in., page ya : .' ' : L i:iiiérj, dj te Chaleur, et du Fc-. BUFFON. IX. 7 102 MINERAUX. tes solides ou liquides dont la réfraction est, relali- vement à leur densité, plus grande qu'elle ne doit être, sont réellement des substances inflammables ou combustibles. En considérant ces rapporls de la réfraction et de la densité, nous verrons que la réfraction de l'air, qui de toutes est la moindre, ne laisse pas que d'être trop grande relativement à la densilé de cet élément; et cet excès ne peut provenir que de la quantité de ma- tière combustible qui s'y trouve mêlée, et à laquelle on a donné dansées derniers temps la dénomination d'air inflammable : c'est en effet celte portion de sub- stance inflammable mêlée dans l'air de l'atmosphère, qui lui donne cette réfraction plus forte relativement a sa densité. C'est aussi cet air inflammal^le qui pro- duit souvent dans l'atmosphère des pbénomènes de feu. On peut employer cet air inflammable pour rendre nos feux plus actifs ; et quoiqu'il ne réside qu'en très petite quantité dans l'air atmosphérique, cette petite quantité suffit pour que la réfraction en soit plus grande qu'elle ne le seroit si l'atmosphère étoit privée de cette portion de matière combustible. On a d'abord cru que le diamant exposé à l'action d'un feu violent se dissipoit et se volatilisoit sans souf- frir une combustion réelle : mais des expériences bien faites et très multipliées ont démontré que ce n'est pfiS en se dispersant ou se volatilisant, mais en brû- lant comme toute autre matière inflammable, que le diamant se détruit au feu libre et animé par le con- tact de l'air ^. 1. jai compose on 1770 le premier volume de mes suppîcmeuls. Comme je no m'occupoîs pas alors de riilstoire naturelle des pierres. DIAMANT. 10.') On n'a pas fait sur le rubis, la topaze, el le saphir, autant d'épreuves que sur les diamants. Ces pierres doivent être moins combustibles, puisque leur ré- fraction est moins forte que celle du diauiant, quoi- que relativement à leur densité cette réfraction soit plus grande, comme dans les autres corps inOamma- bles ou combustibles : et en efl'et, on a brûlé le rubis au foyer du miroir ardent; on ne peut guère douter que !a topaze et le saphir, qui sont de la môme es- sence, ne soient également combustibles. Ces pierres précieuses sont, coinme les diamants, des produits de la terre limoneuse, puisqu'elles ne se trouvent, xomme le diamant, que dans les clioials chauds, et qu'attendu leur grande densité et leur durelé elles ne peuvent provenir des matières vitreuses, calcaires, et métalliques; que de plus elles n'ont de même qu'une simple réfraction trop forte relativement à leur den- sité, et qu'il faut seulement leur appliquer un feu encore plus violent qu'au diamant pour opérer leur et que jo ii'avois pas fait de recherches historiques sur cet objet, j'igno- rois que dès le temps de Boyle on avoit fait en Ai)g!etei-re des expé- rieuces sur la combustion du diamant, et qu'ensuite on les avoit ré- pétées avec succès en Italie et en Allemagne : mais MM. Macquer, Darcet, et quelques autres savants chimistes , qui douloient encore du fait, s'en sont convaincus. MM. de Lavoisier, Cadet, etMiiouard, ont lionne sur ce sujet un très bon Mémoire en 1772 , daîis lecjuel on verra que des diamants de toutes couleurs, mis dans un vaisseau parfaite- ment clos, ne souffrent aucune perte ni diminution de poids, ni par consécjuent aucun effet de la combustion , quoique le vaisseau qui les renfeinie fût exposé à l'action du feu le plus violent *. Ainsi le diamant ne se décomj)ose ni ne se volatilise en vaisseaux clos , et il faut l'action de l'air libre pour opérer sa combustion. * ili'mùrf do MM. Lavoisiecei Ca'lel, Aradénin des Srienres , amu-t' 1772. lo4 MINÉRAUX. combustion ; car leur force réfractive n'étant que de i5, tandis que celle du diamant est de 5o, et leur densité étant plus grande d'environ un septième que celle du diamant, elles doivent contenir proportion- nellement moins de parties combustibles, et résister plus long-temps et plus puissamment à l'action du feu, et brûler moins complètement que le diamant, qui ne laisse aucun résidu après sa combustion. On sentira la justesse de ces raisonnements en se souvenant que la puissance réfractive des corps trans- parents devient d'autant plus grande qu'ils ont plus d'affinité avec la lumière; et l'on ne doit pas douter que ces corps ne contractent cette plus forte affinité par la plus grande quantité de feu qu'ils contiennent; car le feu fixe agit sur le feu libre de la lumière, et rend la réfraction des substances combustibles d'au- tant plus forte qu'il réside en plus grande quantité dans ces mêmes substances. On trouve les diamants dans les contrées les plus chaudes de l'un et l'autre continent ; ils sont égale- ment combustibles. Les uns et les autres n'offrent qu'une simple et très forte réfraction : cependant la densité et la dureté flu diamant d'Orient surpassent un peu celles du diamant d'Amérique *. Sa réfraction 1. La pesanteur spécifique du diamant blanc orientaroctaèdre est de 502 12 ; celle du diamant oriental couleur de rose , de 555 lo ; et la pesanteur spécifique du diamant dodécaèdre du Brésil n'est que de 54/1 44- ( Tables de M. Brisson. ) Cette estimation ne s'accorde pas avec celle que M. Ellicot a donnée dans les Transactions philosophiques, année 1745, n° 176. La pesan- teur spécifique du diamant d'Orient est , selon lui, de 55i7 ; et celle du diamant du Brésil, de 55 10 ; dilTérence si petite qu'on pou\oit la rc-rardcr comme nulle : mais connoissant l'exactitude de M. Brisgon , DIAMANT. lOD paroît aussi plus forte et son éclat plus vii ; il se cris- tallise en octaèdre, et celui du Brésil en dodécaèdre : ces différences doivent en produire dans leur éclat ; et je suis persuadé qu'un œil bien exercé pourroit les distinguer. M. Dufay, savant physicien, de l'Académie des Sciences, et mon très digne prédécesseur au Jardin du Roi, ayant fait un grand nombre d'expériences sur des diamants de toutes couleurs, a reconnu que tous n'avoient qu'une simple réfraction à peu près égale ; il a vu que leurs couleurs, quoique produites par une matière métallique, n'étoient pas fixes, mais volati- les, parce que ces couleurs disparoissent en faisant chauffer fortement ces diamants colorés dans une pâte de porcelaine. 11 s'est aussi assuré , sur un grand nom- bre de diamants, que les uns conservoient plus long- temps et rendoient plus vivement que les autres la lumière dont ils s'imbibent, lorsqu'on les expose aux rayons du soleil ou même à la lumière du jour. Ces faits sont certains : mais je me rappelle que, m'ayant communiqué ses observations, il m'assura positive- ment que les diamants naturels qu'on appelle pointes naïves ou natives _, et qui n'ont pas été taillés, sont tous cristallisés en cubes. Je n'imagine pas comment il a pu se tromper sur cela, car personne n'a peut- être manié autant de diamants taillés ou bruts; il avoit et la précision avec laquelle il fait ses expériences , je crois que nous devons nous en tenir à sa détermination. Cependant on doit croire qu'il y a, tant en Orient qu'au Brésil, des diamants spécifiquement plus pesants les uns que les autres, et que probablement M. Ellicot aura comparé le poids spécifique d'un des plus pesants du Brésil avec nn des moins pesants d'Orient. lo6 MJiNÉUALX. emprunté les diamants de la couronne et ceux de nos princes pour ses expériences; et, d'après cette asser- tion de M. Dufay, je doute encore que les diamants de l'ancien continent soient tous octaèdres, et ceux du Brésil tous dodécaèdres. Cette diflérence de forme n'est probablement pas la seule, et semble nous indi- quer assez qu'il peut se trouver dans les diamants d'autres formes de cristallisation, dont M. DufiiV assu- roit que la cubique étoit la plus commune. M. Dau- benton, de l'Académie des Sciences, et garde du Cabinet du Pioi , a bien voulu me communiquer les recbercbes ingénieuses qu'il a faites sur la structure du diamant; il a reconnu que les buit faces triangu- laires du diamant octaèdre brut sont partagées par des arêtes, en sorte que ces faces triangulaires sont con- vexes à leur surface ^. Ce savant naturaliste a aussi ob- 1. Ou ajicrçoil. env chaciiîie âcs liuil faces du diamant brut , trois lignes qui sont renflées comme de petites veines, et qui s'élendeut chacune depuis lun des angles du triangle jusqu'au milieu des côtés opposés, ce qui forme six petits triangles dans le grand, eu sorte qu'il y a quarante-huit comparliments sur la surface entière du dia- mant brut, que l'on peut réduire à vingt-quatre, parce que les com- partiments c|ui sont de chaque côté des arêtes du diamant biut ne sont pas séparés lun de l'autre par une pareille arèle, mais simple- ment par une veine : ces veines sont les jointures de lexirémité des lames dont le diamant est composé. Le di.ima.it est en effet formé de lames qui se séparent et s'exfolient par raction du feu. Le fil du diamant est le sens dans lequel il faut le frotter pour le polii' : si on le fiottoit à contre-sens, les lan)es qui sont superposées les unes sur les autres, comme les feuillets d'un livre, se replieroieut ou s'égrèneroieut, parce qu'elles ne seroitnt pas frottées dans le sens qu'elles sont couchées les unes sur les autres. Pour polir le diantanl, il ne suffit pas de suivre le sens des lames superposées les unes sur les autres en les fi'ollant du haut en bas ; mais U faut encore suivre la direction des fibres dont ces mêmes lanus ton*. DiAMANT. 107 serve que la précision géométrique de la (igure ne se trouve pas plus dans l'octaèdre du diamant que dans les autres cristallisations, et qu'il y a plus de diamants irréguliers que de régulièrement octaèdres, et que non seulement la figure extérieure de la plupart des diamants est sujette à varier, mais qu'il y a aussi des diamants dont la structure intérieure est irrégulière ''^. Les caractères que l'on voudroit tirer des formes dt la cristallisation seront donc toujours équivoques, fautifs, et nous devons nous en tenir à ceux de la den- sité , de la dureté, de l'homogénéité, de la fusibilité, et de la combusiibilité, qui sont non seulement les vrais caractères, mais même les propriétés essentielles de toute substance, sans négliger néanmoins les qua- lités accidentelles, comme celles de se cristalliser plus ordinairement sous telle ou telle forme, de s'imbiber composées : la d'irecliou de ces fibres est parallèle à la base de chaque lilangle; en sorle que lorsqu'on veut polir à la fois deux IrJangles des quaianle-huit doJit nous avons parlé, et suivre en même temps le fil du diamant, il faol diriger le IVotlement en deux sens conlraircs, et toujours parallèlcuient à la base de chaque triangle. Chaque lame est pliée en deuxparlies égales pour former une arctc de l'octaèdre: et par leur superposition des unes sur les autres, ces lames ne peuvent lecevoir le [)o!i que dans le sens où le frottement se fait de haut en bas du triangle , c'est-à-dire en passant successivement d'une lame plus courte à une lame plus longue. ( Noie communiquée par M. Danbenton. ) 1 . Lorsque cette irrégularité est grande, les diamantaires ne peuvent suivre aucune règle pour les polir, et c'est ce qu'ils appellent diamanis de nature, qu'ils ne font qu'user et échauffer sans les polir, parce que les lames étant irrégulièrement superposées les unes sur les autres , elles ne présentent aucun sens continu dans lequel on puisse les frot- ter. — On ne peut juger les diamants que lorsque leurs surfaces sont naturellement brillantes, ou lorsqu'on les a polis par Fart. {Suite de la note communiquée par M. Danbenton.) io8 MiNÉuArx. de Jumière, de perdre ou d'acquérir la couleur par l'action du leu, etc. Le diamant, quoique moins dense que le rubis, la topaze et le saphir^, est néanmoins plus dur; il agit aussi plus puissamment sur la lumière, qu'il reçoit, réfracte et réfléchit beaucoup plus fortement : exposé à la lumière du soleil ou du jour, il s'imbibe de cette lumière et la conserve pendant quelque temps ; il de- vient aussi lumineux lorsqu'on le chauffe ou qu'on le frotte contre toute autre matière; il acquiert plus Je vertu électrique par le froltement que les autres pierres transparentes : mais chacune de ces proprié- tés ou qualités varie du plus au moins dans les dia- mants comme dans toutes les autres productzbns de la nature, dont aucune qualité particulière n'est ab- solue. Il y a des diamants, des rubis, etc., plus durs les uns que les autres ; il s'en trouve de plu? ou moins phosphoriques, de plus ou moins électriques ; et quoi- que le diamant soit la pierre la plus parfaite de toutes, il ne laisse pas d'être sujet, comme les autres, à un grand .nombre d'imperfections et même de défauts. La première de ces imperfections est la couleur; car , quoique à cause de la rareté on fasse cas des dia- mants colorés, ils ont tous moins de feu, de dureté, et devroient être d'un moindre prix que les blancs , dont l'eau est pure et vive 2. Ceux néanmoins qui ont 1. La pesanteur spécifique du rubis d'Orient est de 42833 ; celle de la vermeille est de 4*^299 ; celle de la topaze d'Orient , de 4oio6 ; celle du saphir d'Orient bleu, de 39941 ; du saphir blanc , de 3991 1 ; el la pesanteur spécifique du diamant oriental n'est que de 352 12. 2. Les diamants de conlenr sont tin peu moins durs que les blancs. ( Note êommiiniquèc par M . lloppc. DIAMANT. 109 une couleur décidée de rose, d'orangé, de jaune, de vert et de I^leu , réfléchissent ces couleurs avec plus de vivacité que n'en ont les rubis balais, vermeilles, topazes, et saphirs, et sont toujours d'un plus grand prix que ces pierres^ : mais ceux dont les couleurs sont brouillées, brunes ou noirâtres, n'ont que peu de valeur. Ces diamants de couleur obscure sont, sans comparaison, plus communs que les autres; il y en a même de noirs ^, et presque opaques, qui ressem- blent, au premier coup d'œil, à la pyrite martiale. 1. Les diainanls s'itnprùg tient de toutes les couleurs qui brillent dans les autres pieries p 'écieuses ( excepté la violette ou la pourpre) : mais ces couleurs sont toujours très claires, c'est-à-dire quun diamant rouge est couleur de rose, etc. ; il n'y a que le jaune dont les diamants se chargent assez fortement pour égaler quelquefois et même surpas- ser une topaze d'Orient. C'est la couleur bleue dont le diamant se charge le plus après le jaune. En général, les diamants colorés purement sont extrêmement rares; la couleur qu'ils prennent le plus communément est un jaune sale, enfumé ou roussâtre , et alors ils diminuent beaucoup de leur ■valeur; mais lorsque les couleurs sont franches et nettes, leur prix augmente du double, du triple, et souvent même du quadruple. Le bleu pur est la couleur la plus rare à rencontrer dans un dia- mant , car les diamants bleus ont presque toujours un ton d'acier : le roi en possède un de cette couleur d'un volume très considérable. Cette pierre est regardée par les amateurs comme une des produc- tions les plus étonnantes et les plus parfaites de la nature. Les diamants rouges, ou plutôt roses^, ont rai'ement de la vivacité et du jeu ; ils ont ordinairement un ton savonneux. Les verts sont les plus recherchés des diamants de couleur, parce qu'ils joignent à la ra- reté et au mérite de la couleur la vivacité et le jeu , que n'ont pas tou- jours les autres diamants colorés. Il y a des diamants très blancs et très purs qui n'ont cependant pas plus de jeu qu'un cristal de roche : ceux-là viennent ordinairement du Brésil. ( Note communiquée par M. Hoppé.) 2. M. Dutens dit avoir vu un diamant noir dans la collection du prince de Lichtenstein , à Vienne. i lO MINERAUX. Tous ces diamants n'ont de valeur que par la singu- larité. Des défauts encore très communs dans les diamants blancs et colorés sont les glaces et les points rougea- tres, bruns, et noirs : les glaces proviennent d'un, manque de continuité et d'un vide entre les lames dont le diamant est composé; et les points, de quel- que couleur qu'ils soient, sonl des particules de ma- tière hétérogène qui sont mêlées dans sa substance. Il est difficile de juger des défauts et encore moins de la beauté des diamants bruLs, même après les avoir décroûtés. Les Orientaux les examinent à la lumière d'une lampe, et prétendent qu'on en juge mieux qu'à celle du jour. La belle eau des diamants consiste dans la netteté de leur transparence , et dans la vivacité de la lumière blancbe qu'ils renvoient à l'œil ; et dans les diamants bruts on ne peut connoître cette eau et ce reflet que sur ceux dont les faces extérieures ont été polies par la nature; et comme ces diamants à faces polies sont fort rares, il faut en général avoir recours à l'art et les polir pour pouvoir en juger, j^orsque leur eau et leur reflet ne sont pas d'un blanc éclatant et pur, et qu'on y aperçoit une nuance de gris ou de bleuâtre, c'est une imperfection, qui seule diminue profligieusement la valeur du diamant , quand même il n'auroit pas d'autres défauts. Les Orientaux préten- dent encore que ce n'est qu'à l'ombre d'un arbre touffu qu'on peut juger de l'eau des diamants. Enfin ce n'est pas toujours par le volume ou le poids qu'on doit esti- mer les diamants : il est vrai que les gros sont, sans comparaison , plus rares et bien plus précieux que les petits; mais dans tous la proportion des dimensions DIAMANT. 1 ] î fait plus que le volume , et ils sout d'autant plus cliers qu'ils ont plus de hauteur, de fond ou d'épaisseur, relativement à leurs autres dimensions. Pline nous apprend que le diamant étoit si rare au- trefois, que son prix excessif ne permetloit qu'aux rois les plus puissanls d'en avoir : il dit que les anciens se persuadoient qu'il ne s'en trouvoit qu'en Ethiopie, mais que de son temps l'on en tiroit de l'Inde, de l'Arabie, de la Macédoine, et de l'ile de Chypre; néanmoins je dois observer que les habitants de l'île de Chypre, de la Macédoine, de l'Arabie, et même de l'Elhiopie, ne les trouvoient pas dans leur pays, et que ce rapport de Pline ne doit s'entendre que du commerce que ces peuples faisoient dans les îndes orientales, d'où ils tiroient les diamants que l'on por- toit cnsuile en Italie. On doit aussi modifier et môme se refuser à croire ce que le naturaliste romain nous dit des vertus sympathiques et antipathiques des dia- mants, de leur dissolution dans le sang de bouc, et de la propriété qu'ils ont de détruire l'action de l'ai- mant sur le fei". On employoit autrefois les diamants bruts et tels qu'ils sorloient de la terre : ce n'est que dans le quiii- ziéme siècle qu'on a trouvé en Europe l'art de les tailler; et l'on ne connoissoit encore alors que ceux qui nous venoient des Indes orienlales. « En 1678, dit un illustre voyageur, il y avoit dans le royaume de Golconde vingt mines de diamants ouvertes, etquinze dans celui de Visapour. Ils sont très abondants dans ces deux royaumes : mais les princes qui y régnent ne permettent d'ouvrir qu'un certain nombre de mines, et se réservent îous les diamants d'un certain poids; 1 1 2 MI.\E]IAUX. c'est pour ceia qu'ils sont rares, et qu'on en voit très peu de gros. Il y a aussi des diamants dans beaucoup d'autres lieux de l'Inde, et particulièrement dans le royaume de Pégu; mais ie roi se contente des autres pierres précieuses et de diverses productions utiles que fournit son pays , et ne souffre pas qu'on fasse au- cune recherche pour y trouver de nouveaux trésors, dans la crainte d'exciter la cupidité de quelque puis- sance voisine. Dans les royaumes de Golconde et de Yisapour , les diamants se trouvent ordinairement épars dans la terre, à une médiocre profondeur, au pied des hautes montagnes, formées en partie par différents lits de roc vif, blanc, et très dur : mais ce- pendant, daas certaines mines qui dépendent de Gol- conde, on est obligé de creuser en quelques lieux à la profondeur de quarante ou cinquante brasses, au travers du rocher, et d'une sorte de pierre minérale assez semblable à certaines mines de fer, jusqu'à ce qu'on soit parvenu à une couche de terre dans la- quelle se trouvent les diamants. Cette terre est rouge, comme celle de la plupart des autres mines de dia- mants; il y en a cependant quelques unes dont la terre est jaune ou orangée, et celle de la seule minedeWor- thor est noire. » Ce sont là les principaux faits que l'on peut recueillir du Mémoire qui fut présenté , sur la fin du siècle dernier, à la Société royale de Londres, par le grand-maréchal d'Angleterre, touchant les mines de diamants de l'Inde, qu'il dit avoir vues et exa- minées. De tous les autres voyageurs, Tavernier est pres- que le seul qui nous ait indiqué d'une manière un peu précise les différents lieux où se trouvent les diamants DIAMANT. 1 1.) dans l'ancien continent; il donne aussi le nom de mi- nes de diamants aux endroits dont on les tire; et tous ceux qui ont écrit après lui ont adopté cette expres- sion , tandis que, par leurs propres descriptions, il est évident que non seulement les diamants ne se trouvent pas en mines comme les métaux, mais que même ils ne sont jamais attachés aux rochers comme le sont les cristaux. On en trouve, à la vérité, dans les fentes plus ou moins étroites de quelques rochers, et quelquefois à d'assez grandes profondeurs, lorsque ces fentes sont remplies de terre limoneuse, dans la- quelle le diamant se trouve isolé, et n'a pas d'autre matrice que cette môme terre. Ceux que l'on trouve à cinq journées de Golconde, et à huit ou neuf de Visapour, sont dans des veines de cette terre entre les rochers; et comme ces veines sont souvent obliques ou tortueuses, les ouvriers sont obligés de casser le rocher , afin de suivre la veine dont ils tirent la terre avec un instrument crochu, et c'est en délayant à l'eau cette terre qu'ils en séparent les diamants. On en trouve aussi dans la première couche de la terre de ces mêmes lieux, à très peu de profondeur, et c'est même dans cette couche de terre limoneuse qu'on rencontre les diamants les plus nets et les plus blancs; ceux que l'on tire des fentes des rochers ont souvent des glaces qui ne sont pas des défauts de nature , mais des fêlures qui proviennent des chocs que les ouvriers, avec leurs outils de fer, donnent aux diamants en les recherchant dans ces fentes de rocher. Tavernier cite quelques autres endroits où l'on trouve des diamants : « L'un est situé à sept journées de Golconde, en tirant droit au levant, dans une il.j MINEUAIX. plaine voisine des montagnes, et près d'un gros boui*g, sur la rivière qui en découle. On rencontre d'autant plus de diamants qu'on approche cle plus près de la montagne, et néanmoins on n'y en trouve plus aucun dès qu'on monte tiop haut. Les diamants se trouvent en ce lieu presque à la surface de la terre. » Il dit aussi que le lieu où l'on a le plus anciennement trouvé des diamants est au royaume de Bengale , auprès du bourg de Soonelpour, situé sur la rivière de Gouil , et que c'est dans le limon et les sables de cette rivière que l'on recueille ces pierres précieuses; on ne fouille ce sable qu'à la profondeur de deux pieds; et néan- moins c'est de cette rivière que viennent les diamants de la plus belle eau : ils sont assez petits, et il est rare qu'on y en trouve d'un grand vohuue. Il a observé qu'en général les diamants colorés tirent leur tein- ture du sol qui les produit. Dans un autre lieu du royaume de Golconde on a trouvé des diamants en grande quantité; mais comme ils étoient tous roux, brons, ou noirs, la recherche en a été négligée et même défendue. On trouve en- core de beaux diamants dans le limon d'une rivière de l'île de Bornéo; ils ont le même éclat que ceux de la rivière de Gouil, ou des autres qu'on tire de la terre au Bengale et à Golconde. On comptoit en 1678 vingt-trois mines, c'est-à-dire vinîzt-trois lieux différents, d'où l'on tire des diamants au seul royaume de Golconde; et , dans tous, la terre où ils se trouvent est jaunâtre ou rougeâtre comme notre terre limoneuse : les diamants y sont isolés, et très rarement groupés deux ou trois ensemble; ils ji'ont point de gangue ou matrice particulière, et sont DIAMANT. IIJ seulement environnés de cette terre. Il en est de même dans tous les autres lieux où l'on tire des diamants, au Malabar, à Yisapour, au Bengale, etc. : c'est toujours dans les sables des rivières ou dans la première cou- che du terrain, ainsi que dans les fentes des rochers remplies de terre limoneuse, que gisent les diamants, tous isolés, et jamais attachés, comme les cristaux, à la s-urface du rocher; quelquefois ces veines de terre limoneuse qui remplissent les fentes des rochers des- cendent à une profondeur de plusieurs toises, comme nous le voyons dans nos rochers calcaires ou même dans ceux de grès, et dans les glaises dont la surface extérieure est couverte de terre végétale. On suit donc ces veines perpendiculaires de terre limoneuse qui pro- duisent des diamants jusqu'à celte profondeur; et l'on a observé que dès qu'on trouve l'eau, il n'y a plus de diamants, parce que la veine de terre limoneuse se termine à cette profondeur. On ne connoîssoit, jusqu'au commencement de ce siècle, que les diamants qui nous venoient des pres- qu'îles ou des îles de l'Inde orientéile; Goiconde, Yi- sapour, Beugale, Pégu, Siam , Malabar, Ceyian, et Bornéo, étoient les seules contrées qui les fournis- soient : mais, en 1728, on en a trouvé dans le sable de deux rivières au Brésil; ils y sont en si grande quan- tité , que le gouvernement de Portugal fait garder soi- gneusement les avenues de ces lieux, pour qu'on ne puisse y recueillir des diamants qu'autant que le com- merce peut en faire débiter sans diminution de prix. 11 est plus que probable que si l'on faisoit des re- cherches dans les climats les plus chauds de l'Afrique, 1 l6 .MINÉRAUX. on y trouveroit des diamants comme il s'en trouve dans les climats les plus chauds de l'Asie et de l'Amé- rique : quelques relateurs assurent qu'il s'en trouve en Arabie, et même à la Chine; mais ces faits me semblent très douteux, et n'ont été confirmés par au- cun de nos voyageurs récents. Les diamants bruts, quoique bien lavés, n'ont que très peu d'éclat , et ils n'en prennent que par le poli, qu'on ne peut leur donner qu'en employant une ma- tière aussi dure, c'est-à-dire de la poudre de diamant; toute autre substance ne fait sur ces pierres aucune impression sensible , et l'art de les tailler est aussi moderne qu'il étoit difficile : il y a même des diamants qui , quoique de la même essence que les autres, ne peuvent être polis et taillés que très difficilement ; on leur donne le nom de diamants de nature; leur texture par lames courbes faits qu'ils ne présentent aucun sens dans lequel on puisse les entamer régulièrement. RUBIS ET VERMEILLE. Quoique la densité du rubis soit de près d'un sixième plus grande que celle du diamant, et qu'il résiste plus fortement et plus long-temps à l'action du feu , sa du- reté et son homogénéité ne sont pas, à beaucoup près, égales à celles de cette pierre unique en son genre et la plus parfaite de toutes. Le rubis contient moins de feu fixe que le diamant; il est moins coni- nUBIS ET VKKMEILm. 117 j bustible; et sa substance, quoique simple, puisqu'il ne donne qu'une seule réfraction, est néanmoins tis- sue de parties plus terreuses et moins innées que celles du diamant. INous avons dit que les couleurs étoient une sorte d'imperfection dans l'essence des pierres transparentes, et môme dans celle des dia- mants : le rubis, dont le rouge est très intense, a donc cette imperfection au plus baut degré; et l'on pourroit croire que les parties métalliques qui se sont unifoi:^nément distribuées dans sa substance lui ont donné non seulement cette forte couleur, mais en- core ce grand excès de densité sur celle du diamant, et que ces parties métalliques n'étant point iniîam- mabies ni parfaitement bomogènes avec la matière transparente qui fait le fonds de la substance du ru- bis, elles l'ont rendu plus pesant, et en même temps moins combustible et moins dur que le diamant. Mais l'analyse cbimique a démontré que le rubis ne con- tient point de parties métalliques fixes en quantité sensible; elles ne pourroient en effet manquer de se présenter en particules massives si elfes produisoient cet excès de densité : il me semble donc que ce n'est point au mélange des parties métalliques qu'on doit attribuer cette forte densité du rubis, et qu'elle peut provenir, comme celle des spaths pesants, de la seule réunion plus intime des molécules de la terre bolaire ou limoneuse. L'ordre de dureté, dans les pierres précieuses, ne suit pas celui de densité; le diamant, quoique moins dense, est beaucoup plus dur que le rubis, la topaze, et le saphir, dont la dureté paroît être à très peu près la même. La forme de cristallisation de ces trois pier- mi'i'o.N. IX. 1 1 8 MINÉRAUX. res est aussi la même; mais la densité du rubis sur- passe encore celle de la topaze et du saphir *. Je ne parle ici que du vrai rubis; car il y a deux autres pierres transparentes, l'une d'un rouge foncé, et l'autre d'un rouge clair, auxquelles on a donné les noms de rubis spinelle et de rubis balais, mais dont la densité , la dureté , et la forme de cristallisation , sont difïerentes de celles du vrai rubis. Voici ce que m'écrit à ce sujet M. Brisson , de l'Académie des Scien- ces, auquel nous sommes redevables de la coiinois- sance des pesanteurs spécifiques de tous les minéraux : « Le rubis balais paroît n'être autre chose qu'une va- riété du rubis spinelle. Les pesanteurs de ces deux pierres sont à peu près semblables; celle du rubis balais est un peu moindre que celle du spinelle, sans doute parce que sa couleur est moins foncée : de plus, ces deux pierres cristallisent précisément de la même manière; leurs cristaux sont des octaèdres ré- guliers, composés de deux pyramides à quatre faces triangulaires équilatérales, opposées l'une à l'autre par leur base. Le rubis d'Orient diffère beaucoup de ces pierres, non seulement par sa pesanteur, mais en- core par sa forme; ses cristaux sont formés de deux pyramides hexaèdres fort allongées, opposées l'une à l'autre par leur base , et dont les six faces de chacune sont des triangles isocèles. Voici les pesanteurs spéci- fiques de ces trois pierres : rubis d'Orient, 4^833; rubis spinelle, 37600; rubis balais, 36458.» C'est aussi le sentiment d'un de nos plus grands connois- 1. La pesauleur spécifique du rubis d'Orient est de 42 853 ; celle de la topaze d'Orieut, de 4oio6; celle du saphir d'Orient, de 39941. ( Tables de M. Brisson. ) RUBIS KT VERMEILLE. llQ seurs en pierres précieuses^. L'essence du rubis spî- nelle et du rubis balais paroît donc êlre la même, à la couleur près; leur texture est semblable; et quoi- que je les aie compris dans ma table méthodique comme des variétés du rubis d'Orient, on doit les regarder comme des pierres dont la texture est difle- rente. Le rouge du rubis d'Orient est très intense et d'un feu très vif; l'incarnat, le ponceau, et le pourpre, y sont souvent mêlés, et le rouge foncé s'y trouve quel- quefois teint par nuances de ces deux ou trois cou- leurs; et lorsque le rouge est mêlé d'orangé, on lui donne le nom de vermeille. Dans les observations que M. Hoppé a eu la bonté de me communiquer, il re- garde la vermeille et le rubis balais comme des variétés du rubis spinelle. Cependant la vermeille dont je parle étant à très peu près de la même pesanteur spécifique que le rubis d'Orient, on ne peut guère douter qu'elle ne soit de la môme essence ^. Le diamant, le rubis, la vermeille, la topaze, le 1. Voici ce que M. Hoppé m'a fait l'honneur de m'écrire à ce sujet. «Je prendrai, monsieur le comte, la liberté de vous observer que le rubis spinelle est d'une nature entièrement différente du rubis d'Orient ; ils sont, comme vous le savez , cristallisés différemment , et le premier est infiniment moins dur que le second. Dans le rubis d'Orient, comme dans le saphir et la topaze de la même contrée , la couleur est étrangère et infiltrée, au lieu qu'elle est partie conslituante de la matière dans le rubis spinelle. Le rubis spinelle , loin d'être d'un rouge pourpre, c'est-à-dire mêlé de bleu, est au contraire d'un rouge très chargé de jaune ou écarlate, couleur que n'a jamais le rubis d'O- rient, dont le rouge n'approche que très rarement du ponceau, mais qui , d'un autre côté , prend assez fortement le bleu pour devenir en- tièrement violet , ce qui forme alors Vaméthyste d'Orient. » li. Ayant communiqué celle réflexion à M. Hoppé, voici ce qu'il a 120 MINÉllAlX. saphir, et le girasol , sont les seules pierres précieuses du premier rang; on peut y ajouter les rubis spinelle et balais, qui en diffèrent par la texture et par la den- sité. Toutes ces pierres, et ces pierres seules avec les spaths pesants, n'ont qu'unie seule réfraction; toutes les autres substances transparentes, de quelque na- ture qu'elles soient, sont certainement moins homo- gènes, puisque toutes donnent de doubles réfrac- tions. Mais on pourroit réduire dans le réel ces huit espèces nominales à trois, savoir : le diamant, la pierre d'O- rient, et le rubis spinelle; car nous verrons que l'es- eu la bonté de me répondre à ce sujet par sa lellre du 6 décembre de cette année 1786. « Je suis enchanté de voir que mes sentiments sur la nature de la pierre d'Orient et du rubis spinelle aient obtenu votre approbation; et si votre avis diffère du miim au sujet de la vermeille, c'est faute de m'ètre expliqué assez exactement dans ma lettre du 2 mai 1780, et d'avoir su que c'est au rubis d'Orient ponceau que vous donnez le nom de fe»'mef7/e. Je n'entends sous celte dénomination que \q grenat pon- ceau de Bohême (qui est, selon les amateurs, la vermeille par excel- lence), et le rubis spinelle écarlalc taillé en cabochon, que l'on qualifie alors, faussement à la vérité, de vermeille d' Orient. De cette manière, monsieur le comte, j'ai la satisfaction de vous trouver pour le fond entièrement d'accord avec moi, et cela doit nécessairement flatter mon amour propre. » J'aurai l'honneur de vous observer encore que la plupart des joail- liers s'obstinent aussi à appeler vermeille \e grenat rouge jaune de Cej- lan, et le hiacinto-guarnacino deslid^iiens, lorsqu'ils sont pareillement taillés en cabochon, mais ces deux pierres ne peuvent point entrer en comparaison pour la beauté avec la vermeille d'Orient. » Je n'ajouterai cfu'un mot à cette note instructive de M. Hoppé ; c'est qu'il sera toujours aisé de distinguer la véritable vermeille d'Orient de toutes ces autres pierres auxquelles on donne son nom , par sa plus grande pesanteur spécifique, qui est presque égale à celle du rubis. d'Orient. RUBIS ET VERMEILLE. 121 seiice du rubis d'Orient, de la vermeille, de la to- paze , du saphir, et du girasol , est la même , et que ces pierres ne diffèrent que par des qualités extérieures. Ces pierres précieuses ne se trouvent que dans les régions les plus chaudes des deux continents; en Asie, dans les îles et presqu'îles des Indes orientales; en Afrique, à Madagascar; et en Amérique, dans les terres du Brésil. Les voyageurs conviennent unanimement que les rubis d'un volume considérable, et particulièrement les rubis balais, se trouvent dans les terres et les ri- vières du royaume de Pégu, de Camboye, de Yisa- pour, de Golconde, de Siam, de Laos, ainsi que dans quelques autres contrées des Indes méridionales; et quoiqu'ils ne citent en Afrique que les pierres pré- cieuses de Madagascar, il est plus que probable qu'il en existe, ainsi que des diamants, dans le continent de cette partie du monde , puisqu'on a trouvé des dia- mants en Amérique, au Brésil , où la terre est moins chaude que dans les parties équatoriales de l'Afrique. Au reste, les pierres connues sous le nom de rubis au Brésil ne sont, comme nous l'avons dit, que des cristaux vitreux produits par le schorl; il en est de même des tojjazes, émeraudes , et saphirs de cette contrée : nous devons encore observer que les Asiati- ques donnent le même nom aux rubis, aux topazes, et aux saphirs d'Orient, qu'ils appellent rubis rougeSj, rubis jaunes j, et rubis bleus^ sans les distinguer par au- cune autre dénomination particulière; ce qui vient à l'appui de ce que nous avons dit au sujet de l'essence de ces trois pierres, qui est en effet la même. Ces pierres, ainsi que les diamants, sont produites 122 MINERAUX. par la terre limoneuse dans les seuls climats chauds, et je regarde comme plus que suspect le fait rapporté par Tavernier, sur des rubis trouvés en Bohême dans l'intérieur des cailloux creux : ces rubis n'étoient sans doute que des grenats ou des cristaux de schorl , teints d'un rouge assez vif pour ressembler par leur couleur aux rubis; il en est probablement de ces pré- tendus rubis trouvés en Bohême comme de ceux de Perse, qui ne sont aussi que des cristaux tendres et très différents des vrais rubis. Au reste, ce n'est pas sans raisons suffisantes que nous avons mis la vermeille au nombre des vrais ru- bis, puisqu'elle n'en diffère que par la teinte orangée de son rouge, que sa dureté et sa densité sont les mêmes que celles du rubis d'Orient^, et qu'elle n'a aussi qu'une seule réfraction : cependant plusieurs na- turalistes ont mis ensemble la vermeille avec l'hvacin- the et le grenat; mais nous croyons être fondés à la séparer de ces deux pierres vitreuses, non seulement par sa densité et par sa dureté plus grandes, mais encore parce qu'elle résiste au feu comme le rubis, au lieu que l'hyacinthe et le grenat s'y fondent. Le rubis spinelle et le rubis balais doivent aussi être mis au nombre des pierres précieuses, quoique leur densité soit moindre que celle du vrai rubis; on les trouve les uns et les autres dans les mêmes lieux, toujours isolés, et jamais attachés aux rochers : ainsi l'on ne peut regarder ces pierres comme de.s cristaux vitreux, d'autant qu'elles n'ont, comme le diamant et le vrai rubis, qu'une simple réfraction; elles ont 1. La pesanlcur spécifique de la vermeille est de [\1'1q<^; celle du rubis d'Orient , de 42838. ( Table: de l,\. Biisson ; I\LBIS ET VERMEILLE. 123 seulement moins de densité et ressemblent à cet égard au diamant, dont la pesanteur spécifique est moindre que celle de ces cinq pierres précieuses du premier rang, et même au dessous de celle du rubis spinelle et du rubis balais. Le diamant et les pierres précieuses que nous venons d'indiquer sont composés de lames très minces, appliquées les unes sur les autres plus ou moins régulièrement, et c'est encore un caractère qui distingue ces pierres des cristaux, dont la texture n'est jamais lamelleuse. Nous avons déjà observé que des trois couleurs rouge, jaune, et bleue, dont sont teintes les pierres précieuses, le rouge est la plus fixe : aussi le rubis spi- nelle, qui est d'un rouge profond, ne perd pas plus sa couleur au feu que le vrai rubis, tandis qu'un moindre degré de chaleur fait disparoître le jaune des topazes, et surtout le bleu des saphirs. Les rubis balais se trouvent quelquefois en assez gros volume; j'en ai vu trois en \'jl\2 dans le garde- meuble du roi, qui étoient d'une forme quadrangu- laire, et qui avoient près d'un pouce en carié sur sept à huit lignes d'épaisseur. Robert de Berquen en cite un qui étoit encore plus gros. Ces rubis, quoique très transparents, n'ont point de figure déterminée : ce- pendant leur cristallisation est assez régulière ; ils sont , comme le diamant , cristallisés en octaèdre : mais, soit qu'ils se présentent en gros ou en petit vo- lume, il est aisé de reconnoître qu'ils ont été frottés fortement et long-temps dans les sables des torrents et des rivières où on les trouve , car ils sont presque toujours en masses assez irrégulières , avec les angles émoussés et les arêtes arrondies. ^4 MINÉ UAL X. TOPAZE, SAPHIR, ET GIRASOL. Je mets ensemble ces trois pierres, que j'aurois même pu réunir au rubis et à la vermeille; leur es- sence, comme je l'ai dit, étant la même, et parce qu'elles ne diffèrent entre elles que par les couleurs : celles-ci , comme le diamant, le rubis, et la vermeille, n'offrent qu'une simple réfraction ; leur substance est donc également homogène, leur dureté et leur den- sité sont presque égales^; d'ailleurs il s'en trouve qui sont moitié topaze et moitié saphir, et d'autres qui sont tout-à-fait blanches, en sorte que la couleur jaune ou bleue n'est qu'une teinture accidentelle qui ne produit aucun changement dans leur essence 2. Ces parties colorantes, jaunes et bleues, sont si té- nues, si volatiles, qu'on peut les faire disparoître en chauffant les topazes et les saphirs, dont ces couleurs n'augmentent pas sensiblement la densité : car le sa- phir blanc pèse spécifiquement à très peu près autant i. La pesanteur spécifique de la topaze orientale est de 4oio6 : celle du saphir orientai , de 59941 ; et celle du girasol , de 4oooo. ( Tables de M. Brisson. ) 2. Ou prétend même qu'en choisissant dans les saphirs ceux qui n'ont qu'une teinte assez légère de bleu , et en les faisant chauffer assez, pour l'aire évanouir celte couleur, ils prennent un éclat plus vif en de- venant parfaitement blancs , et que dans cet élat ce sont les pierres qui approèhcnt le j)lus du diamant : cej>endant il est toujours aisé de les tlislinguer par leur force de réfraction , qui n'approche pas de celle du diamant. TOPAZE, SAPHIR, ET GIRASOL. i:i;> nue le sapîiir bleu ; le rubis est , à la vérité , d'enviroa uii vingtième plus dense que la topaze^, le saphir, et le girasol. La force de réfraction du rubis est aussi un peu plus grande que celle de ces trois pierres 2, et l'on croit assez généralement qiî'il est aussi plus dur : cependant un amateur très attentif et très in- struit, que nous avons déjà eu occasion de citer, et qui a bien voulu me communiquer ses observations, croit être fondé à penser que, dans ces pierres, la différence de dureté ne vient que de l'intensité plus ou moins ";rande de leur couleur^; moins elles sont 1. La pesanteur spécifique du saphir blaac oriental est de 59911 ; celle du rubis, de 42 283. {Tables de M. Brisson.) 2. M. Tabbé Rochon a reconnu que la réfraction du ru^tf d'Orient est 208; celle de la topaze d'Orient, 199; celle du saphW, 198; et celle du girasol, 197. 3. Les rubis, le saphir, la topaze , etc., ne sont que la même matière diiréiemment colorée. L'on croit assez généralement que le rubis est plus dur que le saphir, et que ce dernier l'est plus que la topaze ; mais c'est une erreur : ces trois pierres ont à peu près la même dureté, qui n'est modifiée que par le plus ou moins d'intensité de la couleur, et ce sont toujours les pierres les moins imprégnées de matière colo- rante qui sont les plus dures, de manière qu'une topaze claire a plus de dureté qu'un rubis foncé; cela a été constamment observé par les bons lapidaires, et ils ont trouvé très rarement des exceptions à cette règle. Il arrive quelquefois que la pierre est absolument privée de couleur, étant entièrement blanche , et c'est alors qu'elle a le plus grand degré de dureté ; ce qui s'accorde parfaiieraent avec ce que je viens de dire. Cette pieire incolorée s'appelle saphir blanc : mais cette dénomination n'est pas exacte ; car elle n'est pas plus saphir blanc que rubis blanc ou topaze blanche. Je crois que celte fausse dénomination ne vient que de la propriété qu'a le saphir légèrement teint de perdre entièrement sa couleur au feu, et que l'on confond les pierres naturellement blan- ches avec celles qui ne le deviennent qu'arlificiellement. C'est de la conleur bîcue que la matière de ces pierres se charge le 1^6 ÔIINÉRAUX. colorées, plus elles sont dures, en sorte que celles qui sont tout-à-fait blanches sont les plus dures de toutes : Je dis tout-à-fait blanches; car indépendam- ment du diamant, dont il n'est point ici question, il se trouve en effet des rubis, topazes, et saphirs, en- tièrement blancs , et d'autres en partie blancs , tandis que le reste est coloré de rouge , de jaune ou de bleu. Comme ces pierres, ainsi que le diamant, ne sont formées que des parties les plus pures et les plus fi- nes de la terre limoneuse, il est à présumer que leurs couleurs ne proviennent que du fer que cette terre contient en dissolution , et sous autant de formes qu'elles offrent de couleurs différentes , dont la rouge est la uÉiis fixe au feu ; car la topaze et le saphir s'y décolorent, tandis que le rubis conserve sa couleur rouge , ou ne la perd qu'à un feu assez violent pour le brijler. Ces pierres précieuses rouges, jaunes, bleues, et même blanches, ou mêlées de ces couleurs, sont donc de la même essence, et ne diffèrent que par cette apparence extérieure : on en a vu qui, dans un assez petit morceau, présentoient distinctement le rouge du rubis, le Jaune de la topaze, et le bleu du saphir. Mais au reste ces pierres n'oflVent leur cou- leur dans toute sa beauté que par petits espaces ou dans une partie de leur étendue, et cette couleur est souvent très inégale ou brouillée dans le reste de leur masse : c'est ce qui fait la rareté et le très haut prix des rubis, topazes, et saphirs, d'une certaine gros- ])lus foilcjnenl ; il y a des sapliirs si foncés , qu'il? en paroisseut pres- que uoirs. ( Note communiquée par M. Hoppc. ) TOPAZE, SAPHIR, ET GIKASOL. I27 seiir lorsqu'ils sont parfaits, c'est-à-dire d'une belle couleur veloutée , uniforme, d'une transpareucenette, d'un éclat également vif partout, et sans aucun dé- faut, aucune imperfection dans leur texture; car ces pierres, ainsi que toutes les autres substances trans- parentes et cristallisées, sont sujettes aux glaces, aux points, aux vergettes ou filets, et à tous les défauts qui peuvent résulter du manque d'uniformité dans leur structure, et de la dissolution imparfaite ou du mélange mal assorti des parties .métalliques qui les colorent^. La topaze d'Orient est d'un Jaune vif couleur d'or, ou d'un jaune plus pâle et citrin : dans quelques unes, et ce sont les plus belles, cette couleur vive et nette est en même temps moelleuse et comme satinée, ce qui donne encore plus de lustre à la pierre. Celles qui manquent de couleur et qui sont entièrement blanches ne laissent pas de briller d'un éclat assez vif : cependant on ne peut guère les confondre avec les diamants, car elles n'en ont ni la dureté, ni Ja force de réfraction, ni le beau feu. Il en est de même des 1. Les pierres d'Orient sont singulièrement sujettes à être caicédoi- neuses, glaceuses , et inégales de couleur. Ce sont particulièrement ces trois grands défauts qui rendent les pierres orientales d'une rareté si désespérante pour les amateurs. Le rouge , le bleu , et le jaune , sont les trois couleurs les plus domi- nantes et les plus universellement connues dans ces pierres : ce sont justement les trois couleurs mères, c'est-à-dire celles dont les dilïé- reutes combinaisons entre elles produisent toutes les autres. Excepté le bleu et le jaune, toutes les autres couleurs et nuances n'offrent la pierre d'Orient que sous un très petit volume. En général , toute pierre d'Orient quelconque, rigoureusement parfaite, du poids de 56 à 4o grains, est une chose irès extraordinaire. {Note communùiuée par M- Hoppé. ) i'jS minéraux. saphirs blancs; et lorsqu'à cet égard on veut imiter la uature, on fait aisément, au moyen du feu, éva- nouir le jaune des topazes, et encore plus aisément le bleu des saphirs, parce que des trois couleurs rouge , jaune, et bleue, cette dernière est la plus volatile : aussi la plupart des saphirs blancs répandus dans le commerce ne sont originairement que des saphirs d'un bleu très pâle, que l'on a fait chauffer pour leur enlever cette foible couleur. Les contrées de l'Inde où les topazes et les saphirs se trouvent en plus grande quantité sont l'iîe de Cey- lan et les royaumes de Pégu, de Siam, et de Gol- conde; les voyageurs en ont aussi rencontré à Mada- gascar; et je ne doute pas, comme je l'ai dit, qu'on n'en trouvât de même dans les terres du continent de l'Afrique, qui sont celles de l'univers où la chaleur est la plus grande et la plus constante. On en a aussi rencontré dans les sables de quelques rivières de l'A- mérique méridionale. Ijes Jopazes d'Orient ne sont jamais d'un jaune foncé ; mais il y a des saphirs de toutes les teintes de bleu, depuis l'indigo jusqu'au bleu pCde : les saphirs d'un bieu céleste sont plus estimés que ceux dont le bleu est plus foncé ou plus clair; et lorsque ce bleu se trouve mêlé de violet ou de pourpre, ce qui est assez rare, les lapidaires donnent à ce saphir le nom (ïamétliyste orientale. Ton ter, ces pierres bleues ont une couleur suave , et sont plus ou moins resplendis- santes au grand jour; mais elles perd nit cette splen- deur et paroissent assez obscures aux lumières. J'ai déjà dit et je crois devoir répéter que les rubis,, topazes, et saphirs, ne sont pas, comme les cristaux, TOPAZE, SAPIIÎR, ET GIRASOL. l ug allacbés aux parois des fentes des rochers vitreux : c'est dans les sables des rivières et dans les terrains adjacents qu'on les rencontre sous ia forme de petits cailloux; et ce n'est que dans les régions les plus chaudes de l'Asie, de l'Afrique, et de l'Amérique, qu'ils peuvent se former et se forment en effet. Il n'y a que les saphirs trouvés dans le Vélay qui fassent ex- ception à ce fait général , en supposant qu'ils n'aient , comme les vrais saphirs, qu'une simple réfraction: ce qu'il faudroit vérifier; car du reste il paroît, par leur densité et leur dureté, qu'ils sont de la même nature que le saphir d'Orient. Un défaut très commun dans les saphirs est le nuage ou l'apparence laiteuse qui ternit leur couleur et diminue leur transparence ; ce sont ces saphirs lai- teux auxquels on a donné le nom de girasolsj, lorsque le bleu est teint d'un peu de rouge : mais quoique les couleurs ne soient pas franches dans le girasol , et que sa transparence ne soit pas nette, il a néanmoins de très beaux reflets, surtout à la lumière du soleil, et il n'a, comme le saphir, qu'une simple réfraction. Le girasol n'est pas une pierre vitreuse, mais une pierre supérieure à tous les extraits du quartz et du schorl : il est en effet spécifiquement aussi pesant que le saphir et la topaze. Ainsi l'on se tromperoit si l'on prenoit le girasol pour une sorte de calcédoine, à cause de la ressemblance de ces deux pierres par leur transparence laiteuse et leur couleur bleulitre ; ce sont certainement tleux substances très diflerentes : la calcédoine n'est qu'une sorte d'agate, et le girasol est un sapliir, ou plutôt une pierre qui fait la nuance entre le saphir et le rubis; son origine et son essence lOO MINEÎIAUX. sont absolument différentes de celles de la calcé- doine. Je crois devoir insister sur ce point , parce que la plupart des naturalistes ont réuni le girasol et la calcédoine sur la seule ressemblance de leur couleur bleuâtre et de leur transparence nuageuse. Au reste, les Italiens ont donné à celte pierre le nom de gira- sol^, parce qu'à mesure qu'on la tourne, surtout à l'aspect du soleil, elle en réfléchit fortement la lu- mière; et comme eile présente à l'œil des reflets rou- geâtres et bleus, nous sommes fondés à croire que sa substance participe de celle du saphir et du rubis, d'autant qu'elle est de la même dureté et à peu près de la même densité que ces deux pierres précieuses. Si le bleu qui colore le saphir se trouvoit mêlé en juste proportion avec le jaune de la topaze, il pour- roit en résulter un vert d'émeraude : mais il faut que cette combinaison soit très rare dans la nature, car on ne connoît point d'émeraudes qui soient de la même dureté et de la même essence que les rubis, topazes, saphirs, etgirasols d'Orient; et, s'il en existe, on ne peut pas les confondre avec aucune des éme- raudes dont nous avons parlé, qui toutes sont beau- coup moins denses et moins dures que ces pierres d'Orient, et qui de plus donnent toutes une double réfraction. On n'avoit jusqu'ici regardé les diamants, rubis, topazes, et saphirs, que comme des cristaux plus parfaits que le cristal de roche; on leur donnoit la même origine : mais leur combustibilité, leur grande dureté, leur forte densité, et leur réfraction simple, 1. Girasol é , tournesol, ou soloil qui tourne. TOPAZE, SAPHIR, ET GIRASOL. l5i démontrent que leur essence est absolument difl'é- rente de celle de tous les cristaux vitreux K)u caîcai- res; et toutes les analogies nous indiquent que ces pierres précieuses, ainsi que les pyrites et les spaths pesants, ont été produites par la terre limoneuse : c'est par la grande quantité du feu contenu dans les détriments des corps organisas dont cette terre est composée que se forment toutes ces pierres , qu'on doit regarder comme des corps ignés qui n'ont pu tirer leur feu ou les principes de leur combustibilité que du magasin général des substances combustibles, c'est-à-dire de la terre produite par les détriments de tous les animaux et de tous les véiJ^étaux, dont le feu qui les animoit réside encore en partie dans leurs dé- bris. «ie««**&«««««*o<8«««iê«<8«") J si l'on dit qu'elle a été minéralisée par tous deux, c'est parce que l'arsenic et le soufre ont tous deux agi sur le métal. Un seul des deux suffit souvent pour la mi- néralisation des métaux imparfaits, et même pour celle de l'argent : il n'y a que l'or qui exige la réunion de l'alcali et du soufre, ou de l'acide nitreux et de l'acide marin, pour se dissoudre; et cette dissolution de l'or n'est pas encore une minéralisation, mais une simple division de ses parties en atomes si petits, qu'ils se tiennent suspendus dans ces dissolvants, et sans que leur essence en soit altérée, puisque l'or reparoît sous sa forme de métal pur, dès qu'on le fait précipiter. Il me paroît donc que toutes les matières métalli- ques qui se présentent sous une forme minéralisée sont de seconde formation , puisqu'elles ont été alté- rées par l'action des sels et des éléments humides; le feu , qui a le premier agi sur leur substance , n'a pu que les sublimer, les fondre^ ou les calciner; et même il faut, pour leur calcination ou réduction en chaux, le concours de l'air : l'or, qu'aucun sel ne peut minéraliser, et que le feu ne peut calciner, se pré- sente toujours dans son état métallique, parce que ne pouvant être réduit en chaux, ni la fusion ni la su- blimation n'altèrent sa substance ; elle demeure pure, ou simplement alliée des substances métalliques qui se sont fondues ou sublimées avec ce métal : or des six métaux il y en a trois, l'or, l'argent, et le cuivre, qui se présentent assez souvent dans leur état métallique ; et les trois autres, le plomb, l'étain, et le fer, ne se trouvent nulle part dans cet état; ils sont toujours calcinés ou minéralisés. liuri-OA. ]x. 9 10/4 MINERAUX. On doit soigneusement distinguer la minéralisation du mélange simple : le mélange n'est qu'une interpo- sition des parties hétérogènes, et passives, et dont le seul effet est d'augmenter le volume ou la masse, au lieu que la minéralisation est non seulement une in- terposition de parties hétérogènes, mais de substances actives capables d'opérer une altération de la matière métallique. Par exemple, l'or se trouve mêlé avec tous les autres métaux^ sans être minéralisé , et les métaux en général peuvent se trouver mêlés avec des matières vitreuses ou calcaires sans être altérés. Le mélange n'est qu'une mixtion, au lieu que la minéra- lisation est une altération, une décomposition, en un mot, un changement de forme dans la substance même du métal; et ce changement ne peut s'opérer que par des substances actives; c'est-à-dire par les sels et le soufre, qu'on ne doit pas séparer des sels, puisque l'acide vitriolique fait le fonds de sa substance. Comme nous nous sommes suffisamment expliqué, dans les articles où il est question des métaux, sur l'origine et la formation des pyrites et des minerais métalliques, il ne nous reste à examiner que les con- crétions qui proviennent du mélange ou de la décom- position de ces minerais : les unes de ces concrétions, et c'est le plus grand nombre, sont produites par l'in- termède de l'eau, et quelques autres par l'action du feu des volcans. ISouslesprésenterons successivement, en commençant par les concrétions ferrugineuses, afin de suivre l'ordre dans lequel nous avons pré- senté les métaux. CONCRETIONS DU FEÎU CONCRETIONS DU FER ROUILLE DE FER ET OCRE. La rouille de fer et l'ocre sont les plus simples et les premières décompositions du fer par l'impression des éléments humides; les eaux, chargées de parties ferrugineuses réduites en rouille, laissent déposer cette matière en sédiment dans les cavités de la terre, où elle prend plus ou moins de consistance, sans jamais acquérir un grand degré de dureté : elle y conserve aussi sa couleur plus ou moins jaune , qui ne s'altère ni ne change que par une seconde décomposition, soit par l'impression des éléments humides ou par celle du feu. Les ocres brunes auxquelles on donne le nom de terre d'ombrej, et l'ocre légère et noire dont on se sert à la Chine pour écrire et dessiner, sont des décompositions ultérieures de la rouille du fer très atténuées, et dénuées de presque toutes ses qualités métalliques. On peut néanmoins leur rendre la vertu magnétique en leur faisant subir l'action du feu. Toutes les ocres brunes, noires, jaunes ou rouges, fines ou grossières, légères ou pesantes, et plus ou moins concrètes , sont aisées à diviser et à réduire en poudre. On en connoît plusieurs espèces, tant pour l36 MINERAUX. la couleur que pour la consistance ; M. Rome de l'isle les a toutes observées et très bien indiquées. Au reste, nous ne séparons pas des ocres les mines de fer limo- neuses ou terreuses qni ne sont pas en grains; car ces mines ne sont en effet que des ocres ou rouilles de fer plus ou moins mêlées de terre limoneuse, et je dois me dispenser de parler ici des mines de fer en grains, dont j'ai expliqué la formation à l'article de la terre végétale et du fer. »<»o<»a»&ao»a»»»0!&»9i»»e»e(ê!oget»a>»&»g«.«< PYRITES ET MARCASSITES. i\' eus avons déjà parlé de la formation des pyrites martiales^, mais nous n'avons pas indiqué les diffé- rentes et nombreuses concrétions qui proviennent de leur décomposition. Ces pyrites contiennent une plus ou moins grande quantité de fer, et qui fait souvent un quart, un tiers, et quelquefois près d'une moitié de leur masse : le surplus de leur substance est, comme nous l'avons dit 2, la matière du feu fixé par l'acide vitriolique; et plus elles contiennent de fer, plus elles sont dures et plus elles résistent à l'action des éléments qui peuvent les décomposer. INos obser- vateurs en minéralogie prétendent s'être assurés que quand la décomposition de ces pyrites s'opère par la voie humide, c'est-à-dire par l'action de l'air et de l'eau, cette altération commence par le centre de la masse pyriteuse, au lieu que si c'est par le feu qu'elles se décomposent, les parties extérieures de la pyrite sont les premières altérées, et celles du centre les dernières. Quoi qu'il en soit, les pyrites exposées à Tair perdent bientôt leur dureté et même leur con- sistance : elles ne sont point attirables à l'aimant dans leur état primitif, non plus que dans celui de décom- position; preuve évidente que, dès leur première for- i. 'J'oiiie \[. uri'iclo Pyrite martiale, page l\Sh. 2. Ihldcm. VYUIïES ET MARC ASSITES. l/j! matiorij le fer qui leur sert de base étoit lui-même décomposé, et dans un état de rouille ou de chaux produite par l'impression des éléments humides. Les pyrites martiales doivent donc être regardées comme les premières et les plus anciennes concrétions solides du fer, formées par l'intermède de leau. Les pyrites qui se présentent sous une forme cu- bique et à faces planes contiennent plus de fer, et résistent plus à l'action des éléments humides que les pyrites globuleuses, parce que ces dernières sont composées de moins de fer et des principes du soufre en plus grande quantité que les premières. Toutes ces pyrites, en se décomposant, donnent naissance à plu- sieurs mines de fer de dernière formation, et produi- sent les enduits brillants etpyriteux des coquilles des poissons et des bois enfouis tlaas la terre. Lorsque les pyrites martiales sont mêlées d'arse- nic en quantité sensible, on leur donne le nom de îuarcassites. En général, les marcassites, comme les pyrites, ne contiennent le fer que dans son état de rouille ou de décomposition par l'humidité qui a dé- truit sa propriété magnétique : souvent ces pyrites arsenicales sont mêlées de différents métaux; et parmi ces marcassites mélangées de différents métaux, on remarque celles qui sont couleur d'or, que l'on trouve en Italie et au cap Vert. Dans les marcassites qui contiennent autant et plus de cuivre que de fer, on peut distinguer la marcassite vitrée de Cramer, qui, quoique assez abondante en cuivre, est néanmoins très difficile à fondre ; et à l'égard des marcassites plus arsenicales que ferrugineuses 3, l42 MINÉRAUX. nous renvoyons à ce que nous en avons dit à l'article de l'arsenic '^. MINE DE FER PYRÎTIFORME. Cette concrétion ferrugineuse est indiquée par nos nomenclateurs sous la dénomination de mine brune hépatiguej parce que ordinairement elle est d'un brun rougeâtre ou couleur de foie; mais ce caractère étant purement accidentel, équivoque, et commun à d'au- tres mines de fer, il m'a paru qu'on devoit désigner celle-ci par une dénomination qui la distingue de toutes les autres : je l'appelle mine de fer pyritiformej, parce qu'elle se présente toujours sous la forme de pyrite, et que sa substance n'est en effet qu'une pyrite qui s'est décomposée sans changer de figure. Ces mines se présentent toutes en petites masses plus ou moins concrètes, et qui conservent encore la forme des pyrites qui néanmoins ont perdu leur solidité , leur dureté , leur pesanteur, et qui se sont pour ainsi dire désorganisées et réduites en terre ferrugineuse. Dans ces mines pyritiformes, comme dans les mi- nes spathiques , la concrétion ferrugineuse se présente sous les formes primitives des pyrites et du spath cal- caire; cependant la formation de ces deux mines est très différente : la dernière s'opère par une infiltra- tion du fer dissous, qui peu à peu prend la place du 1. Voyez tome VI[I, page 187. MINE DE FER PYRITIFORME. 1 4^ spath, au lieu que la mine pyritiforme ne reçoit aucune nouvelle matière, et conserve seulement Ja même quantité de fer qu'elle contenoit dans son état de pyrite ; aussi ces mines pyritiformes sont-elles en général bien moins riches en métal que les mines spathiques. La forme la plus ordinaire de ces concrétions pyri- tiformes est en cubes isolés ou groupés, c'est-à dire la même que celle des pyrites qui ont subi ce chan- gement par la déperdition de l'acide et du feu fixe qu'elles contenoient. Les pyrites arrondies ou aplaties, étant aussi sujettes à cette déperdition par l'impres- sion des éléments humides , peuvent former de même des concrétions ferrugineuses qu'on doit mettre au nombre de ces mines pyritiformes : ni les unes ni les autres ne sont attirables à l'aimant, et aucune n'est assez dure pour faire feu contre l'acier. MINE DE FER SPATHIQUE. Cette matière ferrugineuse qui se trouve souvent en grandes masses, et qui est très riche en métal, n'est encore qu'une combinaison du fer décomposé par l'eau; car cette mine spatliique n'est point attira- ble à l'aimant. Le fonds primitif de sa substance étoit un spath calcaire que le fer dissous a pénétré sans en changer la forme ni même la texture apparente. Cette matière, appelée mine de fer spatliique parce quelle conserve la forme dn spath calcaire, se pré- l44 MINÉRAUX. sente, comme ce spath, en cristaux de forme rhom- boïdale; elle est ordinairement blanche ou grisâtre, un peu luisante, assez douce au toucher, et ses cris- taux paroissent composés de petites lames toutes sem- blables à celles du spath calcaire : elle n'a guère plus de dureté que ce même spath; on peut également les rayer ou les entamer au couteau, et ils n'étincel- lent ni l'un ni l'autre sous le choc de l'acier. Le fer, dissous par l'eau en une rouille très fine, s'est d'abord insinué dans la matière calcaire, et peu à peu a pris sa place en s'y substituant sans changer la figure des espaces , de la même manière que l'on voit les parties dissoutes du fer, du cuivre, des pyrites, etc. , s'insi- nuer dans le bois et le convertir en substance métalli- que sans déranger la forme de son organisation. Ces mines de fer spathiques exposées au feu de- viennent noires, et elles décrépitent lorsqu'elles sont réduites en poudre : exposées à l'air, elles conservent leur couleur blanche si elles sont pures et sans autre mélange que la matière calcaire; car celles qui sont mêlées de pyrites perdent peu à peu leur blancheur, et deviennent jaunes ou brunes par l'impression des éléments humides; et comme le fonds de leur essence est une rouille de fer, elles reprennent peu à peu cette forme primitive, et se changent en ocres avec le temps. La plupart de ces mines spathiques sont en masses informes, et ne présentent la cristallisation spathique qu'à la surface ou à leur cassure : les unes sont aussi compactes que la pierre calcaire , d'autres sont cellu- laires; et toutes ont conservé dans leur intérieur la forme rhomboidale des spaths calcaires : mais , comme MINE DE FER SPATHIQUE. 1 Zp quelques uns de ces spaths afTectent une figure len- ticulaire, on a aussi trouvé des mines spathiques sous cette forme; et M. Rome de l'isle observe avec raison que la mine de fer en crête de coq qui se rencontre dans les minières de Baigory a pour hase le spath lenticulaire appelé spatli perlé j, dont elle a pris la forme orhiculaire en cristaux groupés par la hase, et séparés les uns des autres en écailles plus ou moins inclinées. 8-0<8>5*0»&e<8î(5<©«<8>5-&0<8r«:8«3<&«*«5'e^?*«*o<8«<©«#P-9'ei9 HEMATITE. On a donné ce nom à certaines concrétions ferru- gineuses dont la couleur est d'un rouge de sang plus ou moins foncé; elles proviennent de la décomposi- tion des mines ç;pathiques et pyritiformes, et aussi de toutes les autres mines de for décomposées par l'im- pression des éléments humides : les particules forrugi- neuses de ces mines, dissoutes et entraînées par la stillation des eaux, se déposent en forme de stalactites dans les fontes et cavités des terres au dessus desquelles gisent les mines de for en rouille ou en grains. Ces hématites sont de vraies stalactites forrugineuses, qui, comme les autres stalactites, se présentent sous tou- tes sortes de formes; elles n'ont que peu de dureté, et ne sont point attirahles à l'aimant. Après les concrétions forrugineuses produites par l'intermède de l'eau, et qui ne sont point attirahles à l'aimant, nous exposerons celles qui ont conservé l/|6 MINÉRAUX. cette propriété magnétique , qu elles possédoient ori- ginairement, ou qu'elles ont acquise de nouveau par le feu après l'avoir perdue par l'impression des élé- ments humides. MINE DE FER SPÉCULAIRE. Cette matière contient du sablon magnétique ; car quoiqu'elle soit formée par l'intermède de l'eau, et qu'elle n'ait pas été produite par le feu primitif, elle ne laisse pas d'être attirable à l'aimant. Sa couleur est grise, et les lames dont elle est composée sont quel- quefois aussi luisantes que l'acier poli : elle est en même temps très fragile , et se rapproche , par cette propriété, des mines de fer mêlées de mica, qui sont aussi très friables, et dont les lames sont seulement plus minces et plus petites que celles de cette mine spéculaire. MINES DE FER CRISTALLISÉES PAR LE FEU. Tous les métaux tenus long-temps en fusion et en repos forment à leur surface des cristaux opaques : la fonte de fer retenue dans le creuset, sous la flamme MINES DE FER CRISTALLISEES PAR LE FEU. l ]'J du fourneau, en produit déplus ou moins apparents, dont la grandeur et la forme ont été très bien indi- quées par M. de Grignoii^; il est même le premier qui ait fait cette remarque importaute : les chimistes ont ensuite recherché si les autres métaux pouvoient, comme le fer, se cristalliser par la longue action du feu; leurs tentatives ont eu tout le succès qu'on pouvoit en attendre; ils ont reconnu que non seulement tous les métaux, mais même les demi-métaux et les autres substances métalliques qui donnent des régules 2, for- ment également des cristaux, lorsqu'on leur applique convenablement le degré de feu constant et continu qui est nécessaire à cette opération. Les cristaux de la fonte de fer produits par le feu agissent très puissamment sur l'aiguille aimantée, comme toute autre matière ferrugineuse qui a subi l'action du feu; les mines primordiales de fer qui ont été formées dès le temps de l'incandescence du globe par le feu primitif sont non seulement attirables à l'ai- 1. Mémoires de Physique, pages 71 el 89. 2. Le bismuth est des demi-métaux celui qui se cristallise le plus aisément au feu. « Eu répétant les expériences de M. l'abbé Mongez, m'écrit M. de Morveau , j'ai vu quelque chose qu'il n'a pas dit , et qui me paroit fait pour donner les idées les plus lumineuses sur la for- mation des cristaux métalliques; c'est en traitant le bismuth, qui donne de grandes facilités par sa grande fusibilité. Que l'on verse tout uniment du bismuth en fusion sur une assiette de terre , on voit insensiblement paroître des carrés à la surface; quand il y en a un certain nombre, qu'on incline le vaisseau pour faire couler ce qui reste fluide, on a de beaux cubes isolés. C'est ainsi que j'ai obtenu ceux que je joins ici. J'ai pensé que vous ne seriez pas fâché d'en voir un échantillon : il n'y a pas de description qui puisse en dire autant qu'un coup d'oeil sur l'objet même. » ( Note communiquée par M. de Morveau, en octobre 1789. ) IL\S MINIÎRAUX. niant, mais souvent parsemées de ce« cristaux que la nature a produits avant notre art^ et auxquels on n'a- voit pas fait assez d'attention pour reconnoître que c'étoit une production du feu : mais on a vu depuis ces cristaux dans la plupart des mines de première forma- tion , et même dans quelques autres de formation plus récente, et dans la composition desquelles sont entrés les fragments, et par conséquent les cristaux, des mi- nes primitives. > g<^ia»c-»t>e'av&<;<&o.S»c^i»6«?^«.e^>8« ■&«.&c»&^»a&e<'»»^&»4^»o>8»»«^>o<).«-aodK>«^i^^ CONCRETIONS DE L'OR. L'or n'esl pas susceptible d'altération dans le sein de la terre et ne peut être minéralisé que quand , par Je concours de circonstances très rares, il a été dis- sous et ensuite précipité : on ne doit donc pas être surpris que l'or se présente toujours sous sa forme métallique, soit dans ses mines primordiales, soit dans celles qui sont de formation secondaire; seulement nous devons observer que, dans les premières, il se montre assez souvent en cristaux, comme ayant subi pendant long-temps et dans un parfait repos l'action du feu primitif qui le tenoit en fusion, au lieu que, dans ses mines de seconde formation, il n'a nulle forme régulière; ce sont des paillettes, des filets con- tournés et souventcapillaires, des grains plus ou moins arrondis, des pépites plus ou moins pures, dans les- quelles le caractère de la cristallisation primitive est entièrement effacé, parce que toutes ne sont compo- sées que des déiriments de l'or pi'imordial sublimé, fondu, et quelquefois cristallisé par le (eu primitif, et que ces masses'primordiales et ces cristaux ayant été frottés, roulés, et entraînés par les eaux, n'ont pu conserver leur première figure : ce ne sont en eftet que^desj:> articules d'or détachées des mines primiti- ves, et qui se sont réunies par leur aflinité sous la forme CONCRETIONS DE L 0 R. IDl que leur présentoient les petites cavités où l'eau les déposoit. Aussi ne Irouve-t-on l'or cristallisé et l'or de première formation que dans les fentes du quartz et des autres roches vitreuses, tandis que l'or en pépi- tes, en grains, en paillettes, et en filets, se présente dans les montagnes à couches schisteuses, argileuses, ou calcaires, et même dans les terres limoneuses. On peut donc dire qu'il n'y a point d'autres concrétions de l'or que ces mines de seconde formation , dans les- quelles il n'est ni minéralisé ni même altéré, et je doute que nos minéralogistes soient bien fondés à re- garder comme minéralisé l'or qui se trouve dans les pyrites; car il n'y est qu'interposé ou disséminé en poudre impalpable, sans être altéré. Le foie de sou- fre, à la vérité, peut minéraliser les précipités d'or : il faudroit donc supposer, i** du foie de soufre dans ces pyriles; 2** de l'or d'abord dissous dans le sein de la terre; 5" ce même or précipité de sa dissolution; trois circonstances dont la réunion est si rare, qu'on ne doit pas la coirpter dans le nombre des effets or- dinaires delà nature ; et la preuve que l'or n'est qu'in- terposé, et non minéralisé, dans ces substances aux- quelles on a donné le nom de pyrites aurifères ^ c'est que sa substance n'est point altérée, puisqu'en broyant ces pyrites aurifères on retire, par le lavage ou par la fonte, cetordf.'is son état métallique. Tous les métaux qui peuvent se réduire en chaux par l'action du feu ont été calcinés par le feu primitif: î'or et l'argent sont les seuls qui ont résisté à cette action ; et, dans les mines primordiales de ces deux mé- taux, on n'a jamais rencontré de chaux d'or ni d'ar- iioiîl. C'est par cette raison que les concrélioîissecon- l53 MINÉRAUX. daires et les minéralisations de ces deux métaux sont aussi rares que celles des autres sont fréquentes : et l'or dans ses mines primordiales étant toujours plus ou moins allié d'argent, sa cristallisation est aussi plus ou moins parfaite, selon son degré de pureté, de sorte que l'or le moins allié d'argent par la nature doit s'être cristallisé le plus régulièrement; et cette cristallisa- tion de l'or primitif est en forme octaèdre régulière , et absolument pareille à celle que prend l'or épuré par notre art en se cristallisant, lorsqu'on le tient as- sez long-temps en fusion pour le laisser se solidifier lentement et se cristalliser à sa surface. »e<»eci?«»e»o»^j&Si&aoa'»e«»?»a^<»»e'» CONCRETIONS DE L'ARGENT. L'argent étant moins inaltérable que l'or, et pou- vant être attaqué par certains sels dans le sein de la terre, se présente assez souvent sous des formes mi- néralisées : l'argent de première formation a été fondu ou sublimé, et même cristallisé comme l'or, par le feu primitif. Ces cristaux de l'or et de l'argent primor- dial sont également opaques, purement métalliques, et presque toujours groupés les uns sur les autres; ceux de l'argent s'étendent en ramifications sous la forme de feuilles , ou se surmontent comme des végé- tations et prennent la figure d'arbrisseaux : on les trouve incorporés dans le quartz, ou interposés dans CONCRÉTIONS DE l'aRGENT. 1 55 les fentes et cavités de la roche quartzeuse; et c'est des débris et des détriments de ces premières mines que sont formées toutes celles où ce métal se montre pur ou minéralisé. Il se trouve pur dans les mines de seconde formation lorsque, ayant été divisé et déta- ché par le frottement des eaux, les particules métal- liques entraînées par leur mouvement se déposent et se réunissent en paillettes, en filets, ou en petites masses informes, toutes produites par l'agrégation de ces particules réunies par la force de leur affinité : on rencontre même de l'argent cristallisé dans quel- ques unes de ces dernières mines , ce qui doit arriver toutes les fois que l'eau n'aura pas divisé les cristaux primitifs, et les aura seulement déplacés et transportés des roches primordiales formées par le feu , et les aura déposés dans les couches de terre produites par le sé- diment des eaux. Ainsi l'argent vierge ou pur, formé par le feu dans les mines primitives, se retrouve en- core pur dans celles de dernière formation, toutes les fois que, dans son transport, ce métal n'a pas été saisi par les sels de la terre qui peuvent l'altérer; et môme il arrive souvent que ces dernières mines, dont la plupart ne sont formées que du métal réduit en poudre très fine , sont d'un argent plus pur qu'il ne l'étoit dans ses premières ujines, parce que l'eau, en le divisant et le réduisant en très petites particules, en a séjDaré les parties de plorah, de cuivre , ou d'au- tres matières hétérogènes dont il pouvoit être mêlé. Les pépites et concrétions de l'argent dans cet état ne sont donc que du métal pur, ou presque pur, et qui n'a sul>i d'autre altération que celle de la division et du transport par les eaux. l,)\ MliNliRAlX. Mais lorsque ces particules d'argent pur rencontrent dans le sein de la terre les principes des sels et les va- peurs du soufre, elles s'allèient et subissent des chan- gements divers et très apparents. Le premier de ces changements d état , et qui tient de plus près à l'argent en état métallique, se présente dans la mine vitrée qui est de couleur grise , dans laquelle le métal a perdu sa rigidité, sa dureté, et qui peut se plier et se cou- per comme le plomb : dans cette mine, la substance métallique s'est altérée et amollie sans perdre sa forme extérieure ; car elle offre les mêmes cristaux, aussi ré- gulièrement figurés, que ceux des mines primordiales; et même l'on voit souvent, dans celte mine grise et tendre, des cristaux de l'argent primitif qui sont en partie durs et intacts, et en partie tendres et minérali- sés, et cela démontre l'origine immédiate de cette sorte de mine, qui, de toutes celles de seconde for- mation, est la plus voisine des mines primitives. L'on ne peut donc guère douter que cette mine vitrée ne provienne le plus souvent d'un argent primitif qui aura été pénétré par des vapeurs sulfureuses : mais elle peut aussi être produite par l'argent pur de dernière for- mation lorsqu'il reçoit l'impression de ces mêmes va- peurs qui s'exhalent des feux souterrains; et généra- lement tout argent vierge de première ou de dernière formation doit subir les mômes altéjations, parce que, dans le premier comme dans le dernier état, le métal est à peu près du même degré de pureté. Une seconde forme de minéralisation , aussi connue que la première , est la mine d'argent cornée , qui res- semble par sa demi-transparence, sa mollesse, et sa fusibilité, à la hnie cornée que nos chimistes obtien- CONCRÉTIONS DE l'aRGENT. i55 iient de l'argent dissous par l'acide marin ; ce qui leur a fait présumer, pe«U-être avec fondement, que cette mine cornée provenoit d'un argent nalif pénétré des vapeurs de cet acide : mais comme cette mine cornée accompagne assez souvent l'argent primordial dans la roche quartzeuse et dans son état primitif, lequel a précédé l'action et même la formation de l'acide ma- rin, il me semble que l'acide aérien, qui seul existoit alors, a du produire cette altération dans les premiè- res mines, et que ce ne peut être que sur celles de dernière formation que l'acide marin a pu opérer le même effet. Quoi qu'il en soit, cette mine d'argent cornée se rapproche de la mine vitrée par plusieurs rapports, et toutes deux tirent immédiatement leur origine de l'argent pur et natif de première et de der- nière formation^. C'est à cette mine cornée que l'on a rapporté la matière molle, légère, blanche ou grise, cpie M. Schrei- berg a trouvée aux mines de Sainte-Marie, dont parle M. Monnet, et qui étoit fort riche en argent : mais cette matière ne contient point de soufre comme la mine d'argent cornée; et celte différence suffit pour qu'on doive les distinguer l'une de l'autre. La troisième et la plus belle minéralisation de l'ar- gent est la mine »n cristaux transparents et d'un rouge de rubis. Ces beaux cristaux ont quelquefois plusieurs lignes de longueur, et tous ne sont pas également trans- parents; il y en a même qui sont presque opaques et d'un rouge obscur; ils sont ordinairement groupés les 1. Voyez ce que jai dit de ces deux mines d'argent vitrée et cornée dans le septième volume de cette Histoire, page 565. l56 ÎIINÉKAIÎX. uns sur les autres, et souvent ils sont mêlés de cris- taux gris qui sont entièrement opaques. De la décomposition de cette mine et des deux pré- cédentes se forment d'autres mines, dont l'une des plus remarquables est la mine d'argent noire. M. Leh- mann a observé que cette mine d'argent noire parois- sent devoir sa formation à la décomposition de mines d'argent plus riclies, telles que la mine d'argent rouge ou la mine d'argent vitrée. Il ajoute « que cette mine noire est assez commune au Hartz, en Hongrie, en Saxe, etc., et qu'à Freyberg on la trouvoit jointe à la mine d'argent vitrée. » Et nous pouvons ajouter qu'elle est très commime au Pérou et au Mexique, où les Espagnols lui donnent le nom de negrlllo. Cette mine noire est de dernière formation, puisqu'elle provient de la décomposition des autres*: aussi se trouve-t-elle encore souvent accompagnée d'argent en filets, qui n'est formé lui-même que de l'agrégation des petites particules détachées des mines primitives de ce métal par le mouvement et la stillation des eaux. Au reste, les concrétions les plus communes de l'argent sont celles où ce métal, réduit en poudre, se trouve interposé et comme incorporé dans différen- tes terres et pierres calcaires ou vitreuses. Ces concré- tions se présentent souvent en masses très considéra- bles et plus ou moins pesantes dans le rapport de la quantité de l'argent en poudre qu'elles contiennent; et quelquefois cette quantité fait plus de moitié de leur masse; elles sont formées par l'intermède de l'eau qui a charrié et déposé ces particules d'argent avec des terres calcaires ou vitreuses qui , s'étant ensuite CONCllÉTIOiNS DE l'aUGENT. 1 67 resserrées, consolidées, et durcies par Je dessèche- ment , ont formé ces concrétions aussi riches que fa- ciles à réduire en métal. Et au sujet de la réduction de l'argent minéralisé en métal pur, nous croyons devoir ajouter à ce que nous en avons dit^ l'extrait d'une lettre de M. Polony, médecin du roi au cap François, qui , pendant un assez long séjour au Mexique, a suivi les opérations de ce travail. Ce savant observateur y rend compte des pro- cédés actuellement en usage au Mexique. « On réduit, dit-il , en poudre impalpable le minerai d'argent , dont on forme une pâte liquide en l'humectant successi- vement jusqu'à ce que toute la masse soit de la môme consistance : on y ajoute alors une certaine composi- tion appelée magistral^ et on repasse toute la pâte au moulin, afin d'y incorporer uniformément ce ma- gistral qui doit opérer la déminéralisation. On fait en- suite avec cette pâte différentes pyramides d'environ dix-huit à vingt quintaux chacune; on les laisse fer- menter trois jours sans y toucher : au bout de ce temps, un homme enfonce la main dans la pâte, et juge par le degré de chaleur si la déminéralisation s'est opérée; s'il juge le contraire, on étend la pâte, on l'humecte de nouveau, on y ajoute du magistral , et on la réduit encore en pyramides , qu'on laisse de nouveau fermenter pendant trois jours : après cela on étend la pâte sur des glacis à rebords; on y jette une pluie de mercure qu'on y incorpore intimement en pétrissant la pâte, on lé remet en tas, et trois ou quatre jours après , à l'aide de différentes lotions, on ramasse I. ^ ovez lomc \ II , Vi\v[\c\e Àr^f-ent , page 566- !00 MINERAUX. le mercure qui se trouve chargé de tout l'argent qui s'est déminéralisé pendant l'opération. » ]M. Polony se piopose de publier la composition de ce magistral, qui n'est pas encore bien connue. Ce- pendant je soupçonne que ce composé n'est que du sel marin auquel on ajoute quelquefois de la chaux ou de la terre calcaire, comme nous l'avons dit à l'ar- ticle de V Argent ; et dans ce cas le procédé décrit par M. Polony, et qui est actuellement en usage au Mexi- que, ne dififère de celui qu'on emploie depuis long- temps au Pérou que pour le temps où l'on fait tom- ber le mercure sur le minerai d'argent. CONCRÉTIONS DU CUIVRE. Le cuivre de première formation, fondu par le feu primitif, et le cuivre de dernière formation, cémenté sur le fer par l'intermède de l'eau, se présentent éga- lement dans leur état métallique : mais la plupart des mines de cuivre sont d'une formation intermédiaire entre la première et la dernière. Ce cuivi-e de seconde formation est un minerai pyriteux ou plutôt une vraie pyrite, dans laquelle ce métal est intimement uni aux principes du soufre et à une plus ou moins grande quantité de fer. Cette mine de cuivre en pyrite jaune, est, comme nous l'avons dit^, très difficile à réduire 1. Voyez tome VU , l'article Cuivre, page 394. CONCRÉTIONS DU CUIVRE. 1 Bc) en métal; et néanmoins c'est sous cette forme que le cuivre se présente le plus communément. Ces pyrites ou minerais cuivreux sont d'autant moins durs qu'ils contiennent plus de cuivre et moins de fer; et lorsque ce dernier métal s'y trouve en grande quantité, ce mi- nerai ne peut alors se traiter avec profit, et doit être rejeté dans les travaux en grand. Ces minerais cuivreux n'affectent aucune figure ré- gulière, et se trouvent en masses infor?nes dans des filons souvent très étendus et fort profonds; et l'on observe que, dans les parttes de ces filons qui sont à l'abri de toute humidité, ces minerais pyriteux con- servent leur couleur qui est ordinairement d'un jaune verdâtre : mais on remarque aussi que, pour peu qu'ils subissent l'impression de l'air humide, leur surface s'irise de couleurs variées, rouges, bleues, vertes, etc. Ces légères efflorescences indiquent le premier de- gré de la décomposilion de ces mines de cuivre. Quelques uns de ces minerais pyriteux contiennent non seulement du cuivre et du fer, mais encore de l'arsenic et une petite quantité d'argent. L'arsenic change alors leur couleur jaune en gris, et on leur donne le nom de mines d'argent grises : mais ce ne sont au vrai que des pyrites cuivreuses teintes et im- prégnées d'arsenic, et mêlées d'une si petite quan- tité d'argent qu'elles ne méritent pas de porter ce nom. C'est de la décomposition du cuivre en état métal- lique ou dans cet état pyriteux que proviennent toutes les autres minéralisations et concrétions de ce métal dont nous avons déjà donné quelques indices^. LcvS i. Voyez lomc VU , l'arlicle Cuivre, page 094. l6o MINIÎRALX. mines de cuivre vitreuses proviennent de la décom- position des pyrites cuivreuses ou du cuivre, qui de l'état métallique a passé à l'état de chaux. Ces mines sont ordinairement grises, et quelquefois blanches, et même rouges, lorsqu'elles sont produites par la mine grise qui contient de l'arsenic; et la décomposi- tion de ce minerai cuivreux et arsenical produit en- core la mine à laquelle on a donné le nom de mine de cuivre liépaticiae^ parce qu'elle est souvent d'un rouge brun couleur de foie ; elle est quelquefois mê- lée de bleu , et chatoyante à sa superficie; elle se pré- sente ordinairement en masses informes dont la surface est lisse et luisante, ou hérissée de cristaux bleus qui ressemblent aux cristaux d'azur qu'obtiennent nos chimistes ; ils sont seulement plus petits et groupés plus confusément. Mais la plus belle de toutes les minéralisations ou concrétions du cuivre est celle que tous les naturalis- tes connoissoient sous le nom de malackite'^ ; nous en avons expliqué l'origine et la formation ^, et nous avons peu de chose à ajouter à ce que nous en avons dit. On pourra voir au Cabinet du Roi les superbes mor- ceaux de malachites soyeuses, cristallisées, et mame- lonnées, dont l'auguste impératrice des Russies a eu la bonté de me faire don : on peut reconnoître dans ces malachites toutes les variétés de cette concrétion métallique; on pourroit en faire des bijoux et de très bellesboîtes, si le cuivre, quoique dénaturé par le fer^ 1. La malachite est une pierre opaque, dua vert loncé , semblable à celui de la mauve, d'où elle a lire son nom. Celte pierre eï«t très pro- pre à faire des eacLels. (Plin. liv. XXXVll, chap. viii.) j. ^oye^ tome VII, l'ai-ticle du Cuivre, page 094. CONCRÉTIONS DU CUIVRE. l6l n'y conservoit pas encore quelques unes de ses qua- lités malfaisantes. i>?f^«^(>î*?-&«t8«<8'9'>*«««?*e^"-9'9*e-^»-9> PIERRE ARMENIENNE. Je mets la pierre arménienne au nombre des con- crétions du cuivre , et je la sépare du lapis-lazali^ au- quel elle ne ressemble que par la couleur : on l'a nom- mée piéride arménienne parce qu'elle nous venoit autrefois d'Arménie; mais on en a trouvé en Allema- gne et dans plusieurs autres contrées de l'Europe. Elle n'est pas aussi dure que le lapis, et sa couleur bleue est mêlée de verdâtre, et quelquefois tachée de rouge. La pierre arménienne se trcuve dans les mines de cuivre*, et a reçu sa teinture par ce métal, tandis que le lapis-lazuli a été teint par le fer. La pierre arménienne diffère encore du lapis-lazuli en ce qu'elle est d'une couleur bleue moins intense , moins décidée, et moins fixe; car cette couleur s'é- vanouit au feu, tandis que celle du lapis n'en souffre aucune altération : aussi c'est avec le lapis qu'on fait le beau bleu d'outremer qui entre dans les émaux; et c'est de la pierre arménienne qu'où fait l'azur or- dinaire des peintres, qui perd peu à peu sa couleur et devient vert en assez peu de temps. Dans la pierre arménienne le grain n'est pas à beau- \ 1. M. Hill se trompe sur la nature du vrai lapis, qu'il regarde ainsi que la pierre arménienne, comme des mines de cuivre, et il paroît même les confondre dans la description qu'il eu donne. l62 JIINÉKALX. coup près aussi fin que dans le lapis, et elle ne peut recevoir un aussi beau poli ; elle entre en fusion sans intermède, et résiste beaucoup moins que le lapis à l'action du feu; elle y perd sa couleur, même avant de se fondre; enfin on peut en tirer une certaine quantité de cuivre. Ainsi cette pierre arménienne doit être mise au nombre des mines de ce métal, et même on trouve quelquefois de la malachite et de la pierre arménienne dans le même morceau. Cette pierre n'est donc pas de la nature du jaspe, comme l'a dit un de nos savanls chimistes, puisqu'elle est beaucoup moins dure qu'aucun jaspe, et même moins que le lapis-lazuli ; et comme elle entre en fusion d'elle-même , je crois qu'on doit la mettre au nombre des concrétions de cuivre mêlées de parties vitreuses et de parties calcaires, et formées par l'intermède de l'eau. Au reste, les concrétions les plus riches du cuivre se présentent quelquefois, comme celles de fargent, en ramifications, en végétations, et en filets déliés et de métal pur ; mais, comme le cuivre est plus suscep- tible d'altération que l'argent, ces mines en filets et en cheveux sont bien plus rares que celles de l'ar- gent: elles ont la même forme. CONCRÉTIONS DE L'ÉTAIN. Les mines primordiales de l'étain se trouvent dans une roche quartzeusc très dure, où ce métal s'est in» CONCRÉTIONS DE l'ÉTAIN. 1 65 corporé après avoir été réduit en chaux par le feu primitif; les cristaux d'étain sont des mines secon- daires produites par la décomposition des premières : l'eau, en agissant sur ces mines formées par le feu, en a détaché, divisé les parties métalliques, qui se sont ensuite réunies en assez grand volume, et ont pris, par leur affinité, des formes régulières comme les autres cristaux produits par l'intermède de l'eau. Ces cristaux, uniquement formés de la chaux d'étain primitive plus ou moins pure, ne recèlent aucun autre métal, et sont seulement imprégnées d'arsenic, qui s'y trouve presque toujours intimement mêlé, sans néanmoins en avoir altéré la substance. Ainsi cette chaux d'étain, cristallisée ou non, n'est point miné- ralisée, et l'on ne connoît aucune minéralisation ou concrétion secondaire de l'étain, que quelques sta- lactites qui se forment de la décomposition des cris- taux, et qui se déposent en masses informes dans les petites cavités de ces mines : ces stalactites d'étain sont souvent mêlées de fer, et ressemblent assez aux hématites; et il me semble qu'on ne doit regarder que comme une décomposition plus parfaitement achevée l'étain natif dont parle M. Rome de l'isle ; car on ne peut attribuer sa formation qu'à l'action de l'eau, qui aura pu donner un peu de ductilité à cette chaux d'étain plus épurée qu'elle ne l'étoit dans les cristaux dont elle provient. l64 MINÉ HA UX, t«»a.»o»6»»a^»c»9»«»g*c.8«t8<:9«&o<8»a»&»o»a<>^«»8<>»9t8'»»!><^^ CONCRETIONS DU PLOMB. Le plomb n'existe pas plus que l'étaia en état nié- talllcjue dans le sein de la terre; tous deux, parce qu'il ne faut qu'une médiocre chaleur pour les fon- dre, ont été réduits en chaux par la violence du feu primitif, en sorte que les mines primordiales du plomb sont des pyrites que l'on nomme galènes j, et dont la substance n'estque la chaux de ce métal unie aux prin- cipes du soufre : ces galènes aflectent de préférence la forme cubique ; on les trouve quelquefois isolées , et plus souvent groupées dans dans la roche quartzeuse; leur surface est ordinairement lisse, et leur texture est composée de lames ou de petits grains très serrés. Le premier degré de décomposition dans ces ga- lènes ou pyrites de plomb s'annonce, comme dans les pyrites cuivreuses, par les couleurs d'iris qu'elles prennent à leur superficie ; et lorsque leur décompo- sition est plus avancée, elles perdent ces belles cou- leurs avec leur dureté, et prennent les différentes formes sous lesquelles se présentent les mines de plomb de seconde formation, telles que la mine de plomb blanche, qui est sujette à de grandes variétés de forme et de couleur; car les vapeurs souterraines, et surtout celle du foie de soufre, changent le blanc de cette mine en brun et (^n noir. CONCRÉTIONS DU PLOMB. 1 65 La mine de plomb verte est aussi de seconde for- mation ; elle seroit môme toute semblable à la mine blanche, si elle n'étoit pas teinte par un cuivre dis- sous qui lui donne sa couleur verte. Enfin la mine de plomb rouge est encore de formation secondaire. Cette belle mine n'étoit pas connue avant M. Leh- mann, qui m'en adressa, en 1766, la description im- primée : elle a été trouvée en Sibérie, à quelque distance de Catherinebourg ; elle se présente en cris- tallisations bien distinctes, et paroît être colorée par le fer. Au reste, les galènes ou mines primordiales du plomb sont souvent mêlées d'une certaine quantité d'argent; et lorsque cette quantité est assez considérable pour qu'on puisse l'extraire avec profit, on donne à ces mines de plomb le beau nom de mines d'argent. Les galènes se trouvent aussi très souvent en masses in- formes et mêlées d'autres matières minérales et ter- reuses, qui servent aux minéralisations secondaires de ces mines en aidant à leur décomposition. *^«(OJ3.4«!9iS«®0'»«*e*o 8«.@ CONCRETIONS DU MERCURE. Le cinabre est la mine primordiale du mercure, et l'on peut regarderie vif-argent coulant comme le pre- mier produit de la décomposition du cinabre : il se réduit vu pondre lorsqu'il se trouve mêlé de parties BUFFON. IX. 1 1 \66 ?.1!NÉRAUX. pyriteuses; mais celte pondre, composée de cinabre et du fer des pyrites, ne prend point de solidité, et l'on ne connoît d'antres concrétions du mercure que celles dont M. Piomé de l'Isle fait mention sous le titre de mercure en mine secondaire ^ mine de mercure cornée volatile j, ou mercure doux natif, « Cette mine secondaire de mercure, dit cet habile minéralogiste, a été découverte depuis peu parmi les mines de mer- cure en cinabre du duché de Deux-Ponts ; c'est du îuercure solidifié et minéralisé par l'acide marin, avec lequel il paroît s'être sublimé dans les cavités et sur les parois de certaines mines de fer brunes ou hépati- ques, de même que le mercure coulant dont cette mine est souvent accompagnée. » J'ai dit, d'après le témoignage des voyageurs, qu'on ne connoissoit en Amérique qu'une seule mine de mercure à Guancavelica; mais M. Dombey, qui a exa- miné avec soin les terrains à mine du Pérou et du Chili, a trouvé des terres imprégnées de cinabre aux envi- rons de Coc/uimbo j, et il m'a remis pour le Cabinet du Roi quelques échantillons de ces terres, qui sont de vraies mines de mercure. Les Espagnols les ont au- trefois exploitées ; mais celles de Guancavelica s'étant trouvées plus riches, celles de Cocjuimbo ont été aban- données jusqu'à ce jour, ou les éboulements produits par des tremblements de terre dans ces mines de Guancavelica ont obligé le gouvernement espagnol de revenir aux anciennes mines de Coquinibo avec plus d'avantage qu'auparavant, par la découverte qu'a faite l\l. Dombey, de l'étendue de ces mines dans plusieurs terrains voisins qui n'avoient pas été fouillés. D'ail- leurs ce savant naturaliste m'assure qu'indépendam- CONCRÉTIONS DU MERCURE. 1 G7 ment de ces mines de cinabre à Coqaîmbo ^ il s'en trouve d'autres aux environs de Lima, dans les pro- vinces de Cacatambo et GuanucOj, que le gouverne- ment espagnol n'a pas fait exploiter, et dont cepen- dant il pourroit tirer avantage : il y a môme toute apparence qu'il s'en trouve au Mexique ; car M. Po- lony, médecin du roi au Cap à Saint-Domingue, fait mention d'une mine de mercure dont il m'envoie des échantillons avec plusieurs autres mines d'or et d'ar- gent de cette contrée du Mexique ^. l-e<&i5cê«'&o<&«»8'e?e-e*o*»ê-ekè»*e«-e«? a CONCRETIONS DE L'ANTIMOINE. On ne connoît point de régule d'antimoine natif, et ce demi-métal est toujours minéralisé dans le sein de la terre. Il se présente en minerai blanc lorsqu'il est imprégné d'arsenic, qui lui est si intimement uni , qu'on ne peut les séparer parfaitement. L'antimoine se trouve aussi en mine grise, qui forme assez sou- vent des stalactites ou concrétions dont quelques unes ressemblent à la galène de plomb. Cette mine grise d'antimoine est quelquefois mêlée d'une quantité considérable d'argent, et, par sa décomposition, elle produit une autre mine à laquelle on donne le nom de mine d'argent en plumes j, quoiqu'elle contienne i. LcUre de M. Polony à i\i h; comte de Bidfuii , daléc du Cap à Sainl-Domiague. 20 octobre 17S5. l68 MINÉRAUX. huit ou dix fois plus (i*antimoine que d'argent. Celles qui ne contiennent que très peu ou point d'argent s'appellent mines d'antimoine en plumes ^ et provien- nent également de la décomposition des premières. Je n'ajouterai rien de plus à ce que j'ai dit au sujet de la formation des mines primitives et secondaires de ce demi-métal ^. >0g«J»W>8'>»»»»fr»8i?»9<8'»1 CONCRETIONS DU BISMUTH. Les concrétions de ce demi-métal sont encore plus rares que celles de l'antimoine, parce que le bismuth se présente plus souvent dans son état métallique que sous une forme minéralisée ; cependant il est quel- quefois, comme l'antimoine, altéré par l'arsenic , et mêlé de cobalt, sans néanmoins être entièrement mi- néralisé. Sa surface paroît alors irisée et chatoyante, ou chargée d'une efflorescence semblable aux fleurs de cobalt ; et c'est sans doute de la décomposition de cette mine que se forme celle dont M. Rome de l'Isle donne la description, et qui n'étoit pas connue des naturalistes avant lui. i. VoycE tome VIII, page 96 , V article Antimoine. CONCRÉTIONS DU ZINC. 1 69 Si*<&«<êio*«8«.S-a*a*ô*e<&»>6«>&s»SJC«8'OiSïO'4>)9*Ê<©«'8«>*o-â-i;'« PRODUITS VOLCANIQUES. 'Nous avons parlé , en plusieurs endroits de cet ou- vrage , des basaltes et des difl'érentes laves produites par le feu des volcans ; mais nous n'avons pas fait men^ tion des différentes substances qu'on est assez surpris de trouver dans l'intérieur de ces masses vitrifiées par la violence du feu; ce sont des cailloux, des agates^ des byacintbes, des chrysolites, des grenats, etc., qui tous ont conservé leur forme, et souvent leur couleur. Quelques observateurs ont pensé que ces pierres renfermées dans les laves, même les plus du- 178 MINER Ali X. res, ne pouvoient être que des stalactites de ces mô- mes laves, qui s'étoient formées dans leurs petites cavités intérieures long-temps après leur refroidisse- ment, en sorte qu'elles en tiroient immédiatement leur origine et leur substance : mais ces pierres , bien examinées et comparées , ont été reconnues pour de vrais cailloux, cristaux, agates, hyacinthes, chryso- lites, et grenats^ qui tous étoient formés précédem- ment , et qui ont seulement été saisis par la lave en fusion lorsqu'elle rouloit sur la surface de la terre, ou qu'elle couîoit dans les fentes des rochers hérissés de ces cristaux; elle les a, pour ainsi dire, ramassés en passant, et ils se sont trouvés enveloppés plutôt qu'interposés dans la substance de ces laves dès le temps qu'elles étoient en fusion. M. Faujas de Saint-Fond nous a donné une bonne description très détaillée des clirysolites qu'il a trou- vées dans les basaltes et laves des anciens volcans du Vivarais. II ne s'est pas trompé sur leur nature, et les a reconnues pour de vraies chrysolites, dont les unes, dit-il , « sont d'un vert clair tirant sur le jaune , cou- leur de la véritable chrysolite , quelques unes d'un jaune de topaze, certaines d'une couleur noire lui- sante comme le schorl , de sorte que dans l'instant on croit y reconnoître cette substance ; mais en prenant au soleil le vrai jour de ces grains noirs , et en les exa- minant dans tous les sens, on s'aperçoit que cette couleur n'est qu'un vert noirâtre qui produit cette teinte sombre et foncée. » En effet, cette substance vitreuse n'est point du schorl , mais du cristal de ro- che teint comme tous les autres cristaux et chrysoli- tes vertes ou jauriâtres , lesquelles, étant très réfrac- PRODUITS VOLCANIQUES. 1 79 taires au feu, n ont point été altérées par la chaleur Je la lave en fusion , tandis que les grenats et les schorls , qui sont fusibles , ont souvent été dénaturés par cette même chaleur. Ces schorls ont perdu , par l'aclion du feu volcanique , non seulement leur cou- leur, mais une portion considérable de leur sub- stance ; les grenats en particulier qui ont été volcanisés sont blancs , et ne pèsent spécifiquement que â4^S4> tandis que le grenat dans son état naturel pèse 41 888. Le feu des laves en fusion peut donc altérer et peut- être fondre les schorls, les grenats, et les feld-spaths ; mais les cristaux quartzeux, de quelque couleur qu'ils soient, résistent à ce degré de feu , et ce sont ces cristaux colorés et trouvés dans les basaltes et les la- ves auxquels on a donné les noms de c/irysolitcsj, de topazes j, et d'hyacinthes des volcans. DES BASALTES, DES LAVES, ET DES LAITIERS VOLCANIQUES. Comme M. Faujas de Saint-Fond est, de tous les naturalistes, celui qui a observé avec le plus d'atten- tion et de discernement les différents produits volca- niques, nous ne pouvons mieux faire que de donner ici par extrait les principaux résultats de ses observa- tions. « Le basalte, dit-il, se présente sous la forme l80 MINÉliAUX. d'une pierre plus ou moins noire , dure , compacte , pesante ,^attirable à l'aimant, susceptible de recevoir le poli, fusible par elle-même sans addition, donnant plus ou moins d'étincelles avec le briquet, et ne fai- sant aucune'effervescence avec les acides. » Il y a des basaltes de forme régulière en prismes, depuis le triangle jusqu'à l'octogone, qui forment des colonnes articulées ou non articulées , et il y en a d'autres en forme irrégulière; on en voit de grandes masses en tables, en murs plus ou moins inclinés, en rochers plus ou moins pointus et quelquefois iso- lés, en remparts escarpés, et en blocs ou fragments raboteux et irréguliers. Les basaltes à cinq, six, et sept faces , se trouvent plus communément que ceux à trois, quatre , ou huit faces : ils sont tous de forme prismatique , et la grandeur de ces prismes varie pro- digieusement ; car il y en a qui n'ont que quatre à cinq lignes de diamètre sur un pouce et demi ou deux pouces de longueur, tandis que d'autres ont plusieurs pouces de diamètre sur une longueur de plusieurs pieds. )) La couleur des basaltes est communément noire ; mais il y en a d'un noir d'ébène , d'autres d'un noir bleuâtre, et d'autres plutôt gris que noirs; d'autres verdâtres, d'autres rougeâtres ou d'un jaune d'ocre. Les différents degrés d'altération de la matière ferru- gineuse qu'ils contiennent leur donnent ces différen- tes couleurs ; mais en général , lorsqu'ils sont décom- posés, leur poudre est d'un gris blanchâtre. » Il y a de grandes masses de basalte en tables ou lits horizontaux. Ces tables sont de différentes épais- seurs : les unes ont plusieurs pieds, et d'autres seule- BASALTES, LAVES, ET LAITIERS VOLCANIQUES. l8l raent quelques pouces d'épais; il y en a même d'assez minces pour qu'on puisse s'en servir à couvrir les mai- sons. C'est des tables les plus épaisses que les Egyp- tiens, et, après eux, les Romains, ont fait des sta- tues dans lesquelles on remarque particulièrement celles du basalte verdâtre. » Les laves diffèrent des basaltes par plusieurs ca- ractères, et particulièrement en ce qu'elles n'ont pas la forme prismatique; et on doit les distinguer en la- ves compactes et en laves pareuses. La plupart con- tiennent des matières élrangères , telles que des quartz , des cristaux de feld-spatb , de scliorl , de mica , ainsi que des zéolites , des granités, dos cliry- solites, dont quelques unes sont, comme les basaltes, susceptibles de poli. Elles contiennent aussi du grès, du tripoli , des pierres à rasoir, des marbres, et autres matières calcaires. » Le granité qui se trouve dans les laves poreuses a subi quelquefois une si violente action du feu, qu'il se trouve converti en un émail blanc. » Il y a des basaltes et des laves qui sont évidem- ment changés en terre argileuse, dans laquelle il se trouve quelquefois des chrysolites qui ont perdu leur brillant et leur dureté, et qui commencent elles-mê- mes à se convertir en argile. » On trouve de même dans les laves des grenats décolorés et qui commencent à se décomposer, quoi- qu'ils aient encore la cassure vitreuse , et qu'ils aient conservé leur forme; d'autres sont très friables et approchent de l'argile blanche. » Les hyacinthes accompagnent souvent les grenats dans ces mêmes laves, et quelquefois on y rencontre BlFFOiV. IX. l82 Mir^ÉRALX. des géodes de calcédoine qui contiennent de l'eau, et d'autres agates ou calcédoines sans eau, des silex ou pierres à fusil, et des jaspes de diverses couleurs : enfin on a rencontré dans les laves d'Expailly, près du Puy en Yélay, des saphirs qui semblent être de la même nature que les saphirs d'Orient. On trouve aussi dans les laves du fer cristallisé en octaèdre, du fer en mine spéculaire, en hématite, etc. » Il y a des laves poreuses qui sont si légères, qu'elles se soutiennelit sur l'eau; et d'autres qui, quoique poreuses, sont fort pesantes : la lave plus légère que l'eau est assez rare. » Après les basaltes et les laves, se présentent les lai- tiers des volcans : ce sont des verres ou des espèces d'émaux qui peuvent être imités par l'art ; car, en tenant les laves à un feu capable de les fondre on en obtient bientôt un verre noir, luisant, et tranchant dans sa cassure : on vient même, dit M. Faujas, de tirer parti en France du basalle, en le convertissant en verre. L'on a établi, dans les environs de Mont- pellier, une verrerie où l'on fait avec ce basalte fondu de très bonnes bouteilles. Nous avons déjà dit qu'on appelle pierre de galli- nace , au Pérou, le laitier noir des volcans; ce nom est tiré de celui de l'oiseau gaUinazo , dont le plu- mage est d'un beau noir : on trouve de ce laitier ou verre noir non seulement dans les volcans des Cor- dillières en Amérique, mais en Europe dans ceux de Lipari, de Yolcano, de même qu'au Vésuve et en Is- lande, où il est en grande abondance. Le laitier blanc des volcans est bien phis rare que le noir. M. Faujas en a seulement trouvé quelques BASALTES, LAVES, ET LAITIERS VOLCANIQUES. 1 83 morceaux dans le volcan éteint du Couerou en Yiva- rais, et en dernier lieu à Staffa, l'une des îles Hébri- des; et d'autres observateurs en ont rencontré dans les matières volcaniques en Allemagne près de Saxen- hausen, aussi bien qu'en Islande , et dans les îles Fé- roé. Ce verre blanc est transparent, et le noir le de- vient lorsqu'il est réduit à une petite épaisseur; et quand les éléments humides ont agi pendant long- temps sur ces verres, ils s'irisent comme nos verres factices, ce qui les rend chatoyants. M. de Troil dit qu'indépendamment du verre noir (fausse agate d'Islande) , on trouve aussi en Islande des verres blancs et transparents , et d'autres d'un as- sez beau bleu, qui sont les plus rares de tous. Il ajoute qu'il y en a qui ressemblent, par leur couleur verdâtre et par leur pùte grossière , à notre verre à bouteilles. Ces laitiers des volcans, et surtout le laitier noir, sont compactes, homogènes , et assez durs pour don- ner des étincelles avec l'acier : on peut les tailler et leur donner un beau poli , et l'on en fait d'excellentes pierres de touche en les dégrossissant, sans leur don- ner le dernier poli^. Lorsque les laves et les basaltes sont réduits en dé- bris et remaniés par le feu du volcan, ils forment, avec les nouvelles laves , des blocs qu'on peut appeler pcudlngaes volcaniques : il y en a de plus ou moins durs; et si les fragments qui composent ces poudin- gues sont de forme irrégulière, on peut les appeler 1. Celte matière a été indiquée par Pline sous le nom de lapis Ijdius. l84 MINÉRAUX. des brèches volcaniques. M. Faujas a observé que l'é- glise cathédrale du Puy en Vélay a été construite d'une pierre dont le fonds est une brèche volcanique noire dans un ciment jaunâtre. Les unes de ces brèches volcaniques ont été for- mées par la setiie action du feu sur les anciennes laves; d'autres ont été produites par l'intermède de l'eau, et dans des éruptions que M. Faujas appelle des éruptions boueuses on aqueuses : elles sont souvent mélangées de plusieurs matières très différentes, de jaspe rouge, de schorl noir, de granité rose et gris, de pierre à fusil, de spath et pierre calcaire, et même de substan- ces végétales réduites en une sorte de charbon. Toutes ces matières volcaniques, basaltes, laves, et laitiers, étant en grande partie d'une essence vi- treuse , se décomposent par l'impression des éléments humides , et même par la seule action de l'acide aérien. Les matières autrefois volcaniques, maintenant argi- leuses, dit M. Ferber, molles comme de la cire, ou endurcies et pierreuses , sont blanches pour la plupart ; maison en trouve aussi de rouges, de grises-cendrées, de bleuâtres, et de noires : on rencontre des laves argileuses dans presque tous les volcans agissants et éteints, et cette altération des laves peut s'opérer de plusieurs manières. Il y a de ces laves, altérées par l'acide sulfureux du feu des volcans, qui sont presque aussi rouges que le minium; il y en a d'autres d'un rouge pâle, d'un rouge pourpre, de jaunes, de brunes, de grises, de verdâtres, etc. M. Faujas divise les produits volcaniques altérés : En laves compactes ou poreuses qui ont perdu sim- BASALTES, LAVES, ET LAITIERS VOLCANIQUES. l85 plemeiit leur dureté en conservant leurs parties con- stituantes, à l'exception du phlogistique du fer qui a disparu ; Et en laves amollies et décolorées par les acides, qui ont formé, en se combinant avec les diverses ma- tières qui constituent ces mêmes laves, différents pro- duits salins ou minéraux dont l'origine nous seroit in- connue si nous n'avions pas la facilité de suivre la nature dans cette opération. 11 en décrit plusieurs variétés de l'une et de l'autre sorte : il présente, dans la première de ces deux divi- sions, des basaltes et des laves qui, ayant conservé leur forme, leur nature, et leur dureté sur une de leurs faces, sont entièrement décomposés sur l'autre, et convertis en une substance terreuse, molle, au point de se laisser aisément entamer, et l'on peut sui- vre cette décomposition jusqu'à l'entière conversion du basalte en terre argileuse. Il y a des basaltes devenus argileux qui sont d'un gris plus ou moins foncé; d'autres d'une teinte jaunâ- tre, et comme rouilles; d'autres dont la surface est convertie en argile blanche, grise, jaunâtre, violette, rouge. Plusieurs de ces basaltes décomposés contien- nent des prismes de scliorl qui ne sont point altérés; ce qui prouve que les scliorls résistent bien plus que les basaltes les plus durs aux causes qui produisent leur décomposition. ^ Ce savant naturaliste a aussi reconnu des laves dé- composées en une argile verte, savonneuse, et qui exlialoit une forte odeur terreuse; et enfin il a vu de ces laves qui renfermoient de la chrysolite et du schorl qui n'étoit pas décomposé, tandis que la chrysolite î86 MliNÉHAUX. étoit, comme la lave, récluite en argile, ce qui semble prouver que le quartz résiste moins que le schorl à la décomposition. Dans la seconde division, c'est-à-dire dans les laves amollies et décolorées par les acides, qui ont formé diflerents produits salins ou minéraux, M. Faujas pré- sente aussi plusieurs variétés dans lesquelles il se trouve du sel alumineux, lorsque l'acide vilriolique s'unit à la terre argileuse; ce même acide produit le gypse avec la terre calcaire, le vitriol vert avec la chaux de fer, et le soufre avec la matière du feu. Les variétés de cette sorte, citées par M. Faujas, sont : 1° Un basalte d'un rouge violet, ayant la cassure de la pierre calcaire la plus dure , quoique ce basalte soit une véritable lave et d'une nature très différente de toute matière calcaire; 2° Une lave d'un blanc nuancé de rouge; 5° Une lave dont une partie est changée en une pierre blanche tendre, tand*îs que l'autre partie , qui est dure et d'un rouge foncé, a conservé toute sa chaux ferru- gineuse changée en colcoïar; 4** Une lave décomposée, comme la précédente, avec une enveloppe de gypse blanc et demi-transpa- rent; 5° Une lave poreuse d'un blanc jaunâtre avec des grains de séiénite. La terre argileuse qui forme cette lave se trouve convertie en véritable alun natif; l'acide vitriolique uni à la terre argileuse produit, comme nous venons de le dire, le sel alumineux et le vérita- ble alun natif; lorsqu'il s'unit à la base du fer, il forme le vitriol vert : en s'unissant donc dans de certaines BASALTES, LAVES, ET LAITIERS VOLCANIQUES. 1 87 circonstances à la terre ferrugineuse des laves, il pourra produire ce vitriol, pourvu qu'il soit affoibli par les vapeurs aqueuses; et cette combinaison est as- sez rare, et ne se trouve que dans les lieux où il y a des sources bouillantes. On en voit sur les parois de la grotte de l'Ile de Yoîcano, où il y a une mare d'eau bouillante, sulfureuse et salée. On trouve aussi du sel marin en grumeaux adhé- rents à de la lave altérée ou à du sable vomi par les volcans : ce sel marin ne se présente pas sous forme cubique, parce qu'il n'a pas eu le temps de se cristal- liser dans l'eau marine rejetée par les volcans. Il se trouve de même de l'alcali fixe blanc dans les cavités de quelques laves nouvelles ; et comme on trouve en- core du sel ammoniac dans les volcans, cela prouve que l'alcali volalil s'y trouve aussi, sans parler du sou- fre , qui, comme l'on sait, est le premier des produits volcaniques, et qui n'est que la matière du feu saisie par l'acide vitriolique. Quelquefois le soufre s'unit dans les volcans à la malière arsenicale, et alors de jaune il devient d'un rouge vif et brillant : maks, comme nous l'avons dit ^ , le soufre se produit aussi parla voie humide; on en a plusieurs preuves, et les beaux cristaux qu'on a trou- vés dans la soufrière de Conilla, à quatre lieues de Cadix, et qui étoient renfermés dans des géodes de spath calcaire, ne laissent aucun doule à ce sujet. Il en existe d'ailleurs de pareils dans diversxautres lieux , tantôt unis à la sélénite gypseuse, tantôt à l'argile, ou renfermés dans des cailloux; nous savons même qu'on 1. Voyez rartick' du Soufre, lome VU, page 45- l88 MlNÉRx\UX. a trouvé, il y a six ou sept ans, du soufre bien cris- tallisé et formé par la voie humide dans l'ancien égout du faubourg Saint-Antoine : ces cristaux de soufre étoient adhérents à des matières végétales et anima- les, telles que des cordages et des cuirs. PIERRE DE TOUCHE. La pierre de touche, sur laquelle on frotte les mé- taux pour les reconnoître à la couleur de la trace qu'ils laissent à sa surface, «est un basalte plus dur que l'or, l'argent, le cuivre, et dont la superficie, quoi- que lisse en apparence . est néanuioins hérissée et as- sez rude pour les entamer et retenir les particules métalliques que le frottement a détachées. Le quartz et le jaspe, quoique plus durs que ce basalte, et par conséquent beaucoup phis durs que ces métaux, ne nous offrent pas le môme effet, parce que la surface de ces verres primitifs, étant plus lisse que celle du basalte, laisse glisser le métal sans l'entauier et sans en recevoir la trace. Les acides peuvent enlever cette im- pression métallique, parce que le basalte ou pierre de touche sur lesquels on frotte le métal sont d'une sub- stance vitreuse qui résiste à l'action des acides, aux- quels les métaux ne résistent pas. Il paroît que le basalte dont on se sert comme pierre de touche estla pien^e de Lydie des anciens : les Égyp- tiens et les autres peuples du Levant connoissoient assez ces basaltes pour les employer a plusieurs ouvra- PIERRE DE TOtCIIE. 1 89 ges, et l'on trouve encore aujourd'hui des figures et des morceaux de ce basalte, pierre de Lydie, dont la texture est feuilletée et la couleur brune ou noire. Au reste , il ne faut pas confondre ce basalte , vraie pierre de touche, avec la pierre décrite par M. Pott, à la- quelle il donne ce même nom; car cette pierre de M. Pott n'est pas un basalte, mais un schiste dur, mé- langé d'un sable fin de grès : seulement on doit dire qu'il y a plus d'une sorte de pierre dont on se sert pour toucher les métaux; et en eflet, il suffit, pour l'usage qu'on en fait , que ces pierres soient plus dures que le métal, et que leur surface ne soit pas assez po- lie pour le laisser glisser sans l'entamer. 8 8» OTj«ti'aqiiO)»«4iJog'a;iio.8<-e'«-8'o.»a-»>*ué à la formation de leur enveloppe pier- reuse, en est devenue partie constituante, et s'est in- corporée avec cette matière coquilleuse au point d'y résider à jamais. Toute matière coquilleuse ou cal- caire est réellement coiuposre de plus d'un quart d'eau, sans y comprendre l'air fixe qui s'est incarcéré dans leur substance en môme teiîips que l'eau. Les eaux rassemblées dans les vastes bassins qui leur servoicnt de réceptacle, et couvrant dans les premiers temps toutes les parties du globe, à l'excep- tion des montagnes élevées, ont dès lors éprouvé h* mouvement du (lux et reQux, et tous les autres mou- GÉNÉSIE DES MINERAUX. 20^ vements qui les agitoient par les vents et les orages ; et dès lors elles ont transporté, brisé, et accmniilé les dépouilles et débris des coquillages et de toutes les productions pierreuses des animaux marins, dont les enveloppes sont de la même nature que la sub- stance des coquilles; elles ont déposé tous ces détri- ments plus ou moins brisés et réduits en poudre sur les argiles, les glaises, et les schistes, par lits hori- zontaux, ou inclinés comme Tétoit le sol sur lequel ils tomboient en forme de sédiment. Ce sont ces mê- mes sédiments de coquilles et autres substances de même nature, réduites en poudre et en débris, qui ont formé les craies, les pierres calcaires, les mar- bres, et même les plâtres, lesquels ne diffèrent des autres matières calcaires qu'en ce qu'ils ont été forte- ment imprégnés de l'acide vitriolique contenu dans les argiles et les glaises. Toutes ces grandes masses de matières calcaires et argileuses une fois établies et solidiliées par le dessè- chement, après l'abaissement ou la retraite des eaux, se sont trouvées exposées à l'action de l'air et à toutes les impressions de l'atmosphère et de l'acide aérien qu'il contient : ce premier acide a exercé son action sur toutes les substances vitreuses, calcaires, métal- liques, et limoneuses. Les eaux pluviales ont d'abord pénétré la surface des terrains découverts ; elles ont coulé par les fentes perpendiculaires ou inclinées, au bas desquelles les lits d'argile les ont reçues et retenues pour les laisser ensuite paroître en forme de sources, de fontaines, q ui toutes doivent leur origine et leur entretien aux O' 2o8 GÉNÉSIE DES MINERAUX. vapeurs aqueuses transportées par les vents de la sur- face des mers sur celle des continents terrestres. Ces eaux pluviales, et même leurs vapeurs humi- des, agissant sur la surface ou pénétrant la substance des matières vitreuses et calcaires, en ont détaché des particules pierreuses dont elles se sont chargées et qui ont formé de nouveaux corps pierreux. Ces mo- lécules détachées par l'eau se sont réunies, et leur agrégation a produit des stalactites transparentes et opaques, selon que ces mêmes particules pierreuses étoient réduites à une plus ou moins grande ténuité, et qu'elles ont pu se rassembler de plus près par leur homogénéité. C'est ainsi que le quartz, pénétré et dissous par l'eau, a produit, par exsudation , les cristaux de roche blancs et les cristaux colorés, tels quofles améthystes, cristaux -topazes, chrysolithes, et aiguës - marines, lorsqu'il s'est trouvé des matières métalliques, et par- ticulièrement du fer, dans le voisinage ou dans la route de l'eau chargée de ces molécules quartzeuses. C'est ainsi que le feld-spath seul , ou le feld-spath mêlé de quartz, a produit tous les cristaux cha- toyants, tels que le saphir d'eau, la pierre de Labra- dor ou de Russie, les yeux-de-chat, l'œil de poisson, l'œil-de-loup, l'avenlurine et l'opale, qui nous dé- montrent, par leur chatoiement et par leur fusibilité, qu'ils tirent leur origine et une partie de leur essence de feld-spath pur ou mélangé de quartz. C'est par les mêmes opérations de nature que le schorl seul, ou le schorl mêlé de quartz, a produit les émeraudes, les topazes-rubis-saphirs du Brésil, la r, i: Mi s 1 1 : d e s a 1 1 ?> e ii a i; x . 209 topaze de Saxe , le béril , les péiidots, les grenats, les hyacinthes et la tourmaline, qui nous démontrent, par leur pesanteur spécifique et par leur fusibilité, qu'ils ne tirent pas leur origine du quartz ni du feld- spath seuls, mais du schori, ou schorl mêlé de l'un ou de l'autre. Toutes ces stalactites vitreuses, formées par l'agré- «^aiion des particules homogènes de ces trois verres primitifs, sont transparents; leur substance est entiè- rement vitreuse, et néanmoins elle est disposée par couches alternatives de différente densité , qui nous sont démontrées par la double réfraction que souffre la lumière en traversant ces pierres. Seulement il est à remarquer que dans toutes, comme dans le cristal de roche, il y a un sens où la lumière ne se partage pas, au lieu (fue dans les spaths et cristaux calcaires, tels que celui d'Islande, la lumière se partage, dans quehjue sens que ces matières transparentes lui soient présentées. Le quartz , le feld-spath et le schorl , seuls ou mêlés ensemble, ont produit d'autres stalactites moins pu- res et à demi transparentes, toutes les fois que leurs particules ont été moins dissoutes, moins atténuées par l'eau, et qu'elles n'ont pu se cristalliser par défaut d'homogénéité ou de ténuité. Ces stalactites demi- transparentes sont les agates, cornalines, sardoines, prases et onyx, qui toutes participent beaucoup plus de l'essence du quartz que de celle du feld-spath et du schorl; il y en a môme plusieurs d'entre elles qu'on ne doit rapporter qu'à la décomposition du quartz seul, le leld-spath n'étant point entré dans celles qui n'ont aucun chatoiement, et le schorl ne s'étant mêlé que aïO GKNESIE DES MUNERAUX. dans celles dont la pesanteur spécifique est considéra- blement plus grande que celle du quartz ou du feld- spath. D'ailleurs celles de ces pierres qui sont très ré- fractaires au feu sont purement quartzeuses; car elles seroient fusibles si le feld-spatli ou le schorl étoient entrés dans la composition de leur substance. Le jaspe primitif, étant opaque par sa nature, n'a produit que des stalactites opaques qui nous sont re- présentées par tous les jaspes de seconde formation : les uns et les autres n'étant que des quartz ou des ex- traits du quartz imprégnés de vapeurs métalliques sont également réfractaîres au feu; et d'ailleurs leur pesanteur spécifique , qui a'est pas fort différente de celle des quartz, démontre qu'ils ne contiennent point de schorl; et leur poli sans chatoiement démontre aussi qu'il n'est point entré de feld-spath dans leur composition. Enfin le mica, qui n'a été produit que par les pou- dres et les exfolia lions des quatre autres verres pri- mitifs, a communément une transparence ou demi- transparence, selon qu'il est plus ou moins atténué. Ce dernier verre de nature a formé, de même que les premiers, par l'intermède de l'eau, des stalactites demi-transparentes, telles c[ue les talcs, la craie de Briançon, les amiantes, et d'autres stalactites ou con- crétions opa(]ues, telles que les jades, serpentines, pieries ollaires, pierres-de-lard, et qui toutes nous démontrent, par leur poli onctueux au toucher, par leur transparence graisseuse, aussi bien ([ue par l'en- durcissement qu'elles prennent au feu, et leur résis- tance à s'y fondre, qu'elles ne tirent leur origine im- médiate ni du quartz, ni du feld-spath , ni du schorl. GENESIK DES MINIIRAIX. 211 et qu'elles ne sont que des produits ou stalactites du mica plus ou moins alténué par l'impression des élé- inents humides. Lorsquû l'eau, chargée des molécules de ces verres primitifs, s'est trouvée en même temps imprégnée ou plutôt mélangée de parties terreuses ou ferrugineuses, elle a de même formé, par stillation, les cailloux opa- ques, qui ne diffèrent des autres produits quartzeux que par leur entière opacité; et lorsque ces cailloux ont été saisis et réunis par un ciment pierreux, leur agrégation a formé des pierres auxquelles on a donné le nom de poudlngueSj, qui sont les produits ultérieurs et les moins purs de toutes les matières vitreuses; car le ciment qui lie les cailloux dont ils sont composés est souvent impur, et toujours moins dur que la sub- stance des cailloux. Les verres primitifs ont formé, dès les premiers temps, et par la seule action du feu , les porphyres et les granités; ce sont les piemiers détriments et les ex- foliations en petites laines et en grains plus ou moins gros du cjuartz, du jaspe, du feld-spath, du schorl, et du mica. L'eau ne paroît avoir eu aucune part à leur formation, et les masses immenses de granité qui se trouvent par montagnes dans presque toutes les ré- gions du globe nous démontrent que l'agrégation de ces particules vitreuses s'est faite par le feu primitif; elles nageoient à la surtace du globe liquéfié en forme de scories, elles se sont dès lors réunies par la seule force de leur affniité. Le jaspe n'est entré que dans la composition des porphyres; les quatre autres verres primitifs sont entrés dans la composition des granités. Les matières provenant de la décomposition de ces 212 r. ÉNESIE DES MENERAI X. verres pi imilifs et de leurs agrégats par l'action et l'in- termède de l'ean , telles crue les grès, les argiles et les schistes, ont produit d'autres stalactites opaques mê- lées de parties vitreuses et argileuses, telles que les cos, les pierres à rasoir, qui ne diffèrent des cailloux cju'en ce que leurs parties constituantes étoient pour la plupart converties en argile lorsqu'elles se sont réu- nies ; mais le fond de leur essence est le menie , et ces pierres tirent également leur origine de la décompo- sition des verres primitifs par l'intermède de l'eau. La matière calcaire n'a été formée c[ue postérieu- rement à la matière vitreuse ; l'eau a eu la plus grande part à sa composition , et fait même partie de sa sub- stance, qui, lorsc[u'elle est réduite à l'iiomogénéité , devient transparente : aussi cette matière calcaire pro- duit des stalactites transparentes, telles que le cristal d'Islande et tous les spaths et gypses blancs ou colo- rés; et quand elle n'a été divisée par l'eau qu'en parti- cules plus grossières, elle a foriné les grandes masses des albâtres, des marbres de seconde formation, et des plâtres, qui ne sont que des agrégats opaques des débris et détriments des substances coquilleuses ou des premières pierres calcaires, dont les particules ou les grains, transportés par les eaux, se sont réunis et ont formé les plus anciens bancs des marbres et au- tres pierres calcaires. Et lorsque ce suc calcaire ou gypseux s'est mêlé avec le suc vitreux, leur mélange a produit des con- crétions qui participent de la nature des deux, telles que les marnes, les grès impurs, qui se présentent en grandes masses, et aussi les masses plus petites des lapis-lazuli , des zéolites, des pierres à fusil , des pierres GÉNÉSIE Di:S MINÉRAUX. 2l5 meulières, et de toutes les autres dans lesquelles on peut reconnoître la mixtion de la substance calcaire à la matière vitreuse. Ces pierres mélangées de matières vitreuses et de substances calcaires sont en très grand nombre, et on les distingue des pierres purement vitreuses ou calcai- res en leur faisant subir l'action des acides. Ils ne font d'abord aucune effervescence avec ces matières, et cependant elles se convertissent à la longue en une sorte de gelée. La terre végétale, limoneuse, et boîaire, dont la substance est principalement composée des détriments des végétaux et des animaux, et qui a retenu une por- tion du feu contenu dans tous les êtres organisés, a produit des corps ignés et des stalactites phosphores- centes, opaques, et transparentes ; et c'est moins par l'intermède de l'eau que par l'action du feu contenu dans cette terre qu'ont été produites ks pyrites et au- tres stalactites ignées, qui se sont toutes formées sé- parément par la seule puissance du feu contenu dans le résidu des corps organisés. Ce feu s'est formé des sphères particulières dans lesquelles la terre, l'air, et l'eau, ne sont entrés qu'en ])etite quantité ; et ce même feu s'étant fixé avec les acides a produit les pyrites, et avec les alcalis il a formé les diamants et les pierres précieuses, qui toutes contiennent plus de feu que toute autre matière. Et comme cette terre végétale et limoneuse est tou- jours mêlée de parties de fer, les pyrites en contien- nent une grande quantité, tandis que les spaths pe- sants, quoique formés par cette même terre, et quoique très denses, n'en contiennent point du tout. Ces spaths UUFFON. IX. l4 2l4 GÉNÉSIE DES MINERAUX. pesants sont tous phosphorescents, et ils ont plusieurs autres rapports avec les pyrites et les pierres précieu- ses ; ils sont même plus pesants que le rubis, qui de toutes ces pierres est le plus dense. Ils conservent aussi plus long-temps la lumière, et pourroient bien être la matrice de ces brillants produits de la nature. Ces spaths pesants sont homogènes dans toute leur substance, car ceux qui sont transparents et ceux qu'on réduit à une petite épaisseur ne donnent qu'une simple réfraction comme le diamant et les autres pierres pré- cieuses, dont la substance est également homogène dans toutes ses parties. Les pyrites, formées en assez peu de temps, rendent aisément le feu qu'elles contiennent; l'humidité seule suffit pour le faire exhaler: mais le diamant et les pier- res précieuses, dont la tiureté et la texture nous indi- quent que leur formation exige un très grand temps, conservent à jamais le feu qu'elles contiennent, ou ne le rendent que par la combustion. Les principes salins, qu'on peut réduire à trois, savoir : l'acide, l'alcali, et l'arsenic, produisent, par leur mélange avec les matières terreuses ou métalli- ques, des concrétions opaques ou transparentes, et forment toutes les substances salines et toutes les mi- néralisations métalliques. Les métaux et leurs minerais de première formation, en subissant l'action de l'acide aérien et des sels de la terre, produisent les mines secondaires, dont la plupart se présentent en concrétions opaques, et quel- ques unes en stalactites transparentes. Le feu agit sur les métaux comme l'eau sur les sels; mais les cristaux métalliques produits par le moyen du feu sont opa- GÉNÉSIK DES MINERAUX. IM 5 ques , au Jieu que les cristaux salins sont diaphanes ou demi-transparents. Enfin toutes les matières vitreuses, calcaires, gyp- seuses, limoneuses ou végétales, salines et métalliques, en subissant la violente action du feu dans les volcans, prennent de nouvelles formes : les unes se subliment en soufre et en sel ammoniac; les autres s'exhalent en vapeur'S et en cendres; les plus fixes forment les ba- saltes et les laves, dont les détriments produisent les tripolis, les pouzzolanes, et se changent en argile, comme toutes les autres malières vitreuses produites par le feu primitif. Cette récapitulation présente en raccourci la géné- sie ou filiation des minéraux, c'est-à-dire la marche de la nature dans l'ordre successif de ses productions daas le règne minéral. Il sera donc facile de s'en re- présenter l'ensemble et les détails, et de les arranger dorénavant d'une manière moins arbitraire et moins confuse qu'on ne l'a fait jusqu'à présent. VV\VV\VVVVVV\\VVVVVVVVVVVVVVV\VVVVVVV\VWVY\X-VVVVVMA*VVVVVVVVVVVVVvVVV\VVV'»\V\\\^\AVVVV\r TRAITÉ DE UAIMANT ET DE SES USAGES. ARTICLE PREMIER. Des forces de la nature en général ^ et en particulier de l^ électricité et du magnétisme. Il n'y a dans la nature qu'une seule force primitive, c'est l'attraction réciproque entre toutes les parties de la matière. Cette force est une puissance émanée de la puissance divine , et seule elle a suffi pour produire le mouvement et toutes les autres forces qui animent l'univers; car, comme son action peut s'exercer en deux sens opposés, eh vertu du ressort qui appartient à toute matière , et dont cette même puissance d'at- traction est la cause, elle repousse autant qu'elle at- tire. On doit donc admettre deux effets généraux, c'est-à-dire l'attraction et l'impulsion, qui n'est que la répulsion : la première, également répartie et tou- jours subsistante dans la matière; et la seconde, va- riable, occasionelle, et dépendante de la première. Autant l'attraction maintient la cohérence et la dureté des corps, autant l'impulsion tend à les désunir et à 2.l3 TRAITÉ DE l'aIMANT les séparer. Ainsi, toutes les fois que les corps ne sont pas brisés par le choc, et qu'ils sont seulement com- primés, l'attraction, qui fait le lien de la cohérence, rétablit les parties dans leur première situation en agissant en sens contraire, par répulsion, avec autant de force que l'impulsion avoit agi en sens direct : c'est ici, comme en tout, une réaction égale à l'action. On ne peut donc pas rapporter à l'impulsion les effets de l'attraction universelle ; mais c'est au contraire cette attraction générale qui produit , comme première cause, tous les phénomènes de l'impulsion. En effet, doit-on jamais perdre de vue les bornes de la faculté que nous avons de communiquer avec la nature? doit-on se persuader que ce qui ne tombe pas sous nos sens puisse se rapporter 'à ce que nous voyons ou palpons? L'on necotinoît les forces qui ani- ment l'univers que par le mouvement et par ses effets; ce mot même de force ne signifie rien de matériel , et n'indique rien de ce qui peut affecter nos organes, qui cependant sont nos seuls moyens de communica- tion avec la nature. Ne devons-nous pas renoncer dès lors à vouloir mettre au nombre des substances ma- térielles ces forces générales de l'attraction et de l'im- pulsion primitive, en les transformant, pour aider notre imagination , en matières subtiles, en fluides élastiques, en substances réellement existantes, et qui, comme la lumière , la chaleur, le son , et les odeurs , devroient affecter nos organes? car ces rapports avec nous sont les seuls attributs de la matière que nous puissions sai- sir, les seuls que l'on doive regarder comme des agents mécaniques : et ces agents eux-mêmes, ainsi que leurs effets, ne dépendent-ils pas plus 04j moins, et toujours, ET DE SES USAGES. 2ig de la force primitive, dont l'origine et l'essence nous seront à jamais inconnues, parce que cette force en effet n'est pas une substance , mais une puissance qui anime la matière? Tout ce que nous pouvons concevoir de cette puis- sance primitive d'attraction, et de l'impulsion ou ré- pulsion qu'elle produit , c'est que la matière n'a jamais existe sans mouvement; car l'attraction étant essen- tielle à tout atome makèriel , cette force a nécessaire- ment produit du mouvement toutes les fois que les parties de la matière se sont trouvées séparées ou éloignées les unes des autres : elles ont dès lors été forcées de se mouvoir et de parcourir l'espace inter- médiaire pour s'approcher et se réunir. Le mouvement est donc aussi ancien que la matière, et l'impulsion ou répulsion est contemporaine de l'attraction; mais, agissant en sens contraire, elle tend à éloigner tout ce que l'attraction a rapproché. Le choc , et toute violente attrition entre les corps, produit du feu en divisant et repoussant les parties de la matière : et c'est de l'impulsion primitive que cet élément a tiré son origine; élément lequel seul est actif et sert de base et de ministre à toute force im- pulsive, générale, et. particulière, dont les effets sont toujours opposés et contraires à ceux de l'attraction universelle. Le feu se manifeste dans toutes les par- ties de l'univers, soit par la lumière, soit par la cha- leur; il brille dans le soleil et dans les astres fixes; il tient encore en incandescence les grosses planètes ; il échauffe plus ou moins les autres planètes et les co- mètes ; il a aussi pénétré, fondu , enflammé la matière de notre globe, lequel, ayant subi l'action de ce feu 220 TRAITÉ DE L AIMANT primitif, est encore chaud; et quoique cette chaleur s'évapore et se dissipe sans cesse , elle est néanmoins très active el subsiste en grande quantité , puisque la température de l'intérieur de la terre, à une médio- cre profondeur, est de phis de dix degrés. C'est de ce feu intérieur ou de cette chaleur propre du globe que provient le feu particulier de l'électri- cité. Nous avons déjà dit dans notre Introduction à l'Histoire des MinérauXj, et tout nous le persuade , que l'électricité tire son origine de cette chaleur intérieure du globe. Les émanations continuelles de cette cha- leur intérieure s'élèventperpendiculairement à chaque point de la surface de la terre : elles sont bien plus abondantes à l'équatëur que dans toutes les autres parties du globe ; assez nombreuses dans les zones tempérées, eiles deviennent nulles ou presque nulles aux régions polaires, qui sont couvertes par la glace ou resserrées par la gelée. Le fluide électrique, ainsi que les émanations qui le produisent, ne peuvent donc jamais être en équilibre autour du globe ; ces émana- tions doivent nécessairement partir de l'équatëur où elles abondent, et se porter vers les pôles où elles manquent. • Ces courants électriques qui partent de l'équatëur et des régions adjacentes se compriment et se resser- rent en se dirigeant à chaque pôle terrestre, à peu près comme les méridiens se rapprochent les uns des autres : dès lors la chaleur obscure qui émane de la terre et forme ces courants électriques peut devenir lumineuse en se condensant dans un moindre espace, de la même manière que la chaleur obscure de nos fourneaux devient lumineuse lorsqu'on la condense ET DE SES USAGESo 221 en la tenant enfermée ; et c'est là la vraie cause de ces feux qu'on regardoit autrefois comme des incen- dies célestes, et qui ne sont néanmoins que des effets électriques auxquels on a donné le nom d'aurores po- laires. Elles sont plus fréquentes dans les saisons de l'automne et de l'hiver, parce que c'est le temps où les émanations de la chaleur de la terre sont le plus complètement supprimées dans les zones froides , tan- dis qu'elles sont toujours presque également abon- dantes dans la zone torride; elles doivent donc se porter alors avec plus de rapidité de l'équateur aux pôles, et devenir lumineuses par leur accumulation et leur resserrement dans un plus petit espace ^. Mais ce n'est pas seulement dans l'atmosphère et à la surface du globe que ce fluide électrique produit de grands effets ; il agit également, et même avec beau- coup plus de force , à l'intérieur du globe , et surtout dans les cavités qui se trouvent en grand nombre au dessous des couches extérieures de la terre ; il fait Jail- lir, dans tous ces espaces vides, des foudres plus ou moins puissantes; et en recherchant les diverses ma- nières dont peuvent se former ces foudres souterrai- nes, nous trouverons que les quartz, les jaspes, les i. M. le comte de Lacépèdo a publié , dans le Journal de Physù/iic de 1778, un mémoire dans lequel il suit les mêmes vues, relatives à l'éleclricité, que nous avons données dans noire Introduction à l'His- toire des Minéraux, et rapporte l'origine des aurores boréales à l'accu- mulation du feu électrique qui part de l'équateur, et va se ramasser au dessus des contrées polaires. En 1779 ou a lu, dans une des séances publiques de l'Académie des Sciences, un mémoire de M. Franklin, dans lequel ce savant physicien attribue aussi la formation des aurores boréales au fluide électrique qui se porte et se condense au dessus des glaces des deux pôles. 222 TRAITÉ DE L AIMANT feld-spaths, les schorîs, les granités, et autres matiè- res vitreuses, sont électrisables par frottement comme nos verres factices, dont on se sert pour produire la force électrique et pour isoler les corps auxquels on veut la communiquer. Ces substances vitreuses doivent donc isoler les amas d'eau qui peuvent se trouver dans ces cavités, ainsi que les débris des corps organisés, les terres humides, les matières calcaires, et les divers fdons métalliques. Ces amas d'eau, ces matières métalliques, calcaires, végétales, et humides, sont au contraire les plus puis sants conducteurs du fluide électrique. Lors donc qu'elles sont isolées par les matières vitreuses, elles peuvent être chargées d'un excès plus ou moins con- sidérable de ce Ouide, de môme qu'en sont chargées les nuées environnées d'un air sec qui les isole. Des courants d'eau produits par des pluies plus ou moins abondantes ou d'autres causes locales et acci- dentelles peuvent faire communiquer des matières conductrices, isolées, et chargées de fluide électrique, avec d'autres substances de même nature, également isolées, mais dans lesquelles ce fluide n'aura pas été accumulé : alors ce fluide de feu doit s'élancer du pre- mier amas d'eau vers le second, et dès lors il produit la foudre souterraine dans l'espace qu'il parcourt; les matières coîubustibles s'allument; les explosions se multiplient; elles soulèvent et ébranlent des portions de terre d'une grande étendue, et des blocs de ro- cher en très grande masse et en bancs continus. Les vents souterrains , produits par ces grandes agitations, soufflent et s'élancent dès lors avec violence contre des substances conductrices de l'électricité , isolées ET DE SES USAGES. 2'2Ô par des matières vitreuses : ils peuvent donc aussi ëlectriser ces substances de la même manière que nous èlectrisons, par le moyen de l'air fortement agité, des conducteurs isolés, humides ou métalliques. La foudre allumée par ces diverses causes, et met- tant le feu aux matières combustibles renfermées dans Je sein de la terre, peut produire des volcans et d'autres incendies durables. Lesmatièresenflamméesdans leurs foyers doivent, en échaufï'ant les schistes et les autres matières vitreuses de seconde formation qui les con- tiennent et les isolent, augmenter l'affinité de ces der- nières substances avec le feu électrique; elles doivent alors leur communiquer une partie de celui qu'elles possèdent, et par conséquent devenir électrisées en moins. Et c'est par cette raison que lorsque ces matières fondues, et rejetées par les volcans, coulent à la sur- face de la terre, ou qu'elles s'élèvent en colonnes ar- dentes au tiessus des cratères, elles attirent le fluide électrique des divers corps qu'elles rencontrent, et même des nuages suspendus au dessus; car l'on voit alors jaillir de tous côtés des foudres aériennes qui s'élancent vers les matières enflammées vomies par les volcans; et comme les eaux de la mer parviennent aussi dans les foyers des volcans, et que la flamme est, comme l'eau, conductrice de l'électricité^, elles 1. Il y a environ vingt ans que le nommé Auberl , faïencier à la Tour-d'Aigues. étant occupé à cuire une fournée de faïence, vit avec le plus grand étonnement le feu s'éteindre dans Tinstant même, et passer d'un feu de cerise à l'obscurité totale. Le four étoit allumé de- puis plus de vingt heures , et la vitrification de l'émail des j)ièces étoit déjà avancée. Il fit tous ses efforts pour rallumer le feu , et achever sa cuite, mais inutilement. 11 fut obligé de l'abandonner. Je fus tout de suite averti de cet accident; je me transportai à sa :224 TRAITÉ DE l'aIMANT communiquent une grande quantité de fluide électri- que aux matières enflammées et électrisées en moins; fabrique, où je vis ce four, effectivement obscur, conservant encore toute sa chaleur. Il y avoit eu ce jour là, vers les trois heures après midi , un orage duquel partit le coup de tonnerre qui avoit produit l'effet dont je viens de parler. L'on avoit vu du dehors la foudre : le faïencier avoit entendu un coup qui n'avoit rien d'extraordinaire, sans apercevoir l'éclair ni la moindre clarté. Rien n'étoit dérangé dans la chambre du four ni au toit. Le coup de tonnerre étoit entré par la gueule de loup faite pour laisser échapper la fumée , et placée perpendiculairement sur le four avec une ouverture de plus de dix pieds carrés. Curieux de voir ce qui s'étoit passé dans l'intérieur du four, j'as- sistai à sou ouverture deux jours après. Il n'y avoit rien de cassé , ni même de dérangé; mais l'émail appliqué sur toutes les pièces étoit entièrement enfumé et tacheté partout de points blancs et jaunes, sans doute dus aux parties métalliques qui n'avoient point eu le temps d'entrer en fusion. Il est à croire que la foudre avoit passé à portée du feu , qui l'avoit attirée et absorbée sans qu'elle eût eu le temps ni le pouvoir d'éclater. Mais pour counoitre la force de cet effet, il est nécessaire d'être instruit de la forme des fours en usage dans nos provinces, lesquels font une masse de feu bien plus considérable que ceux des autres pays, parce qu'étant obligé d'y cuire avec les fagots ou branches de pins ou de chênes verts , qui donnent un feii extrêmement ardent, on est forcé d'écarter le foyer du dépôt de la marchandise. La flamme parcourt dans ces fours plus de six toises de longueur. Ils sont partagés en trois pièces : le corps du four, relevé sur le ter- rain , y est construit entre deux voûtes ; le dessous est à moitié enterré pour mieux conserver la chaleur, et il est précédé d'une voûte qui s'étend jusqu'à la porte par laquelle l'on jette les fagots au nombre de trois ou quatre à la fois. On a l'attention de laisser brûler ces fa- gots sans en fournir de nouveaux jusqu'à ce que la flamme, après avoir circulé dans tout le corps et s'être élevée plus dun pied au sommet du four, soit absolument tombée. Le four dans lequel tomba le tonnerre est de huit pieds de largeur en carré sur environ dix pieds de hauteur. Le dessous du four a les mêmes dimensions, mais il est élevé seulement de six pieds. On l'em- j)loie à cuire des biscuits et le massicot pour le blanc de la fournée ET DE SES USAGES. 2 2:;) ce qui produit de nouvelles foudres, et cause d'autres secousses et des explosions qui bouleversent et en- tr'ouvent la surface de la terre. De plus, les substances vitreuses qui forment les parois des cavités des volcans, et qui ont reçu une quantité de fluide électrique proportionnée à la cha- leur qui les a pénétrées, s'en trouvent surchargées à mesure qu'elles se refroidissent; elles lancent de nou- velles foudres contre les matières enflammées, et pro- duisent de nouvelles secousses qui se propagent à des distances plus ou moins grandes, suivant la disposition des matières conductrices. Et comme le fluide élec- trique peut parcourir en un instant l'espace le plus vaste , en ébranlant tout ce qui se trouve sur son pas- sage, c'est à cette cause que l'on doit rapporter les commotions et les tremblements de terre qui se font sentir, presque dans le même instant, à de très gran- des distances; car, si l'on veut juger de la force pro- digieuse des foudres qui produisent les tremblements de terre les plus étendus , que l'on compare l'espace immense et d'un très grand nombre de lieues que les substances conductrices occupent quelquefois dans le sein de la terre , avec les petites dimensions des nua- ges qui lancent la foudre des airs, dont la force suflit cependant pour renverser les édifices les plus solides. On a vu le tonnerre renverser des blocs de rocher suivante. Quant à la goige du four, elle est aussi de six pieds de haut , mais de largeur inégale , puisque le four n'a pas quatre pieds de lar- geur à son ouverture. Il est donc aisé de conclure que la force qui put en un seul instant anéantir une pareille masse ignée dut être d'une puissance étonnante. Extrait d'une lettre de M. de la Tour-d' Algues , président à mortier au parlement de Provence, écrite à M. Daubenton , garde du Cabinet du Roi, de C Académie des Sciences. 226 TRAITÉ DE l'aIMANT de plus de vingt-cinq toises cubes. Les conducteurs souterrains peuvent être au moins cinquante mille fois plus volumineux que les nuages orageux : si leur force étoit en proportion , la foudre qu'ils produisent pour- roit donc renverser plus de douze cent mille toises cubes; et comme la chaleur intérieure de la terre est beaucoup plus grande que celle de l'atmosphère à la hauteur des nuages, la foudre de ces conducteurs électriques doit être augmentée dans cette propor- tion , et dès lors on peut dire que cette force est assez puissante pour bouleverser et même projeter plusieurs millions de toises cubes. Maintenant si nous considérons le grand nombre des volcans actuellement agissants, et le nombre infiniment plus grand des anciens volcans éteints , nous reconnoî- trons qu'ils forment de larges bandes dans plusieurs di- rections qui s'étendent autour du globe, et occupent des espaces d'une très longue étendue, dans lesquels la terre a été bouleversée, et s'est souvent affaissée au dessous ou élevée au dessus de son niveau. C'estsurtout dans les régions de la zone torrîde que se sont faits les plus grands changements. On peut suivre la ruine des continents terrestres et leur abaissement sous les eaux , en parcourant les îles de la mer du Sud. On peut voir, au contraire, l'élévation des terres par l'inspec- tion des montagnes de l'Amérique méridionale, dont quelques unes sont encore des volcans agissants. On retrouve les mêmes volcans dans les îles de la mer Atlantique, dans celles de l'Océan indien, et jusque dans les régions polaires, comme en Islande, en Eu- rope , et à la ïerre-de-Feu à l'extrémité de l'Améri- que. La zone tempérée offre de môme dans les deux ET DE SES LSAGES. 227 liéiiiisplières une infinité d'indices de volcans éteints; et l'on ne peut douter que ces énormes explosions, auxquelles l'électricité souterraine a ia plus grande part, n'aient très anciennement bouleversé les terres à la surface du globe, à une assez grande profondeur, dans une étendue de plusieurs centaines de lieues en différents sens. M. Faujas de Saint-Fond, l'un de nos plus savants naturalistes, a entrepris de donner la carte de tous les terrains volcanisés qui se voient à la surface du globe, et dont on peut suivre le cours sous les eaux de la mer, par l'inspection des îles, des écueils, et autres fonds volcanisés. Cet infatigable et bon observateur a par- couru tous les terrains qui offrent en Europe des indi- ces du feu volcanique; et il a extrait des voyageurs les renseignements sur cet objet , dans toutes les parties du monde : il a bien voulu me fournir des notes en grand nombre, sur tous les volcans de l'Europe qu'il a lui- même observés; j'ai cru devoir en présenter ici l'ex- trait, qui ne pourra que confirmer tout ce que nous avons dit sur les causes et les effets de ces feux souter- rains. En prenant le volcan brûlant du mont Hécla en Islande pour point de départ, on peut suivre, sans interruption, une assez large zone entièrement volca- nisée , où l'observateur ne perd jamais de vue , un seul instant , les laves de toute espèce. Après avoir parcouru cette île, qui n'est qu'un amas de volcans éteints, adossés contre la montagne principale, dont les flancs sont encore embrasés, supposons qu'il s'em- barque à la pointe de l'île qui porte le nom de Long- Nez. Il trouvera sur sa route Westerborn, Portland, 228 TRAITÉ DE l'aïMANT et plusieurs antres îles volcaniques; il visitera celle de Stroma, remarquable par ses grandes chaussées de basalte, et ensuite les îles de Féroé, où les laves et les basaltes se trouvent mêlés de zéolites. Depuis Fé- roé, il se portera sur les îles de Shetland, qui sont toutes volcanisées ; et de là aux îles Orcades , lesquel- les paroissent s'être élevées en entier d'une mer de feu. Les Orcades sont comme adhérentes aux îles Hé- brides. C'est dans cet archipel que se trouvent celies de Saint-Rilda, Sky, lona , Lyri , Ilikenkil;la vaste et singulière caverne basaltique de StafTa , connue sous le nom de grotte de Fmgal; l'île de Mull, qui n'est qu'un composé de basalte , pétri , pour ainsi dire, avec de la zéolite. De l'île de Mull , on peut aller en Ecosse par celle de Kereyru, également volcanisée , et arriver à Dun- Staffugé , ou à Dunkeld , sur les laves et les basaltes , que l'on peut suivre sans interruption par le duché d'Inverary, par celui de Perth, par Glascow, jusqu'à Edimbourg. Ici les volcans semblent avoir trouvé des bornes qui les ont empêchés d'entrer dans l'Angle- terre proprement dite; mais ils se sont repliés sur eux-mêmes : on les suit sans interruption et sur une assez large zone qui s'étend depuis Dunbar, Cowper, Stirling, jusqu'au bord de la mer, vers Port-Patrick. L'Irlande est en face, etTon trouve à une petite dis- tance les écueils du canal Saint-George , qui sont aussi volcanisés; l'on touche bientôt à cette immense colonnade connue sous le nom de Chaussée des GéautSj, et formant une ceinture de basalte prismati- que , qui rend l'abord de l'Irlande presque inaccessi- ble de ce côté. ET DE SES USAGES. tZ2g En France, on peut reconnoître des volcans éteints en Bretagne, entre Royan et Tréguier, et les suivre dans une partie du Limousin, et en Auvergne , où se sont faits de très grands mouvements, et de fortes éruptions de volcans actuellement éteints; car les montagnes , les pics , les collines de basalte et de lave y sont si rapprochés, si accumulés, qu'ils offrent un système bizarre et disparate , très différent de la dis- position et de l'arrangement de toutes les autres montagnes. Le Mont-d'Or et le Puy-de-Dôme peu- vent être regardés comme autant de volcans princi- paux qui dominoient sur tous les autres. Les villes de Clermont, de Riom, d'Issoire , ne sont bâties qu'avec des laves, et ne reposent que sur des laves. Le cours de ces terrains volcanisés s'étend jusqu'au delà de l'Allier, et on en voit des indices dans une partie du Bourbonnois, et jusque dans la Bour- gogne, auprès de Mont-Génis, où l'on a reconnu le pic conique de Drevin, formé par un faisceau de ba- salte , qui s'élève en pointe à trois cents pieds de hau- teur, et forme une grande borne qu'on peut regarder comme la limite du terrain volcanisé. Ces mômes volcans d'Auvergne s'étendent, d'un côté, par Saint- Flour et Aurillac, jusqu'en R.ouergue, et, de l'autre, dans le Vélay ; et en remontant la Loire jusqu'à sa source , parmi les laves, nous arriverons au mont Me- zin, qui est un grand volcan éteint, dont la base a plus de douze lieues de circonférence, et dont la hauteur s'élève au dessus de neuf cents toises. Le Yi- varais est attenant au Vélay, et l'on y voit un très grand nombre de cratères de volcans éteints , et des chaussées de basalte que l'on peut suis^re dans leur BL'rroN. i\. 250 TRAITE DE L AIMANT largeur jusqu'à Rocbeinaure, au bord du Rhône , en face de Montéliinart : mais leur développement en longueur s'étend par Cassan, Saint-Tibéri , jusqu'à Agde, où la montagne volcanique de Saint-Loup offre des escarpements de lave d'une grande épaisseur et d'une hauteur très considérable. Il paroît qu'auprès d'Agde les laves s'enfoncent sous la mer ; mais on ne tarde pas à les voir reparoître entre Marseille et Toulon, où l'on connoît le volcan d'Olioulles et celui des environs de Tourves. De grands dépôts calcaires ont recouvert postérieure- ment plusieurs de ces volcans : mais on en voit dont les sommités paroissent sortir du milieu de ces anti- ques dépouilles de la mer; ceux des environs de Fré- jus et d'Antibes sont de ce nombre. Ici les Alpes maritimes ont servi de barrière aux feux souterrains de la Provence, et les ont, pour ainsi due, empêchés de se joindre à ceux de l'Italie par la voie la plus courte ; car derrière ces mêmes Al- pes il se trouve des volcans qui, en ligne droite, ne sontéîoignésquedetrentelieuesdeceuxde Provence. La zone incendiée a donc pris une autre route ; on peut même dire qu'elle a une double direction en partant d'Antibes. La première arrive, par une com- munication sous-marine , en Sardaigne; elle coupe le cap Carbonara, traverse les montagnes de cette île, se replonge sous les eaux pour reparoître à Cartha- sène, et se ioindre à la chaîne volcanisée du Portu- gai, jusqu'à Lisbonne, pour traverser ensuite une partie de l'Espagne, où M. Bowles a reconnu plu- sieurs volcans éteints. Telle est la première ligne de jonction des volcans de France. ET DE SES LSATxES. 2Ô\ La seconde se dirige également par la mer, et va joindre l'Italie entre Gènes et Florence. On entre ici dans un des plus vastes domaines du feu : l'incendie a été presque universel dans toute l'Italie et la Sicile, où il existe encore deux volcans brûlants, le Vésuve et l'Etna, des terrains embrasés, tels que la Solfatara, des îles incendiées, dont une, celle de Stromboli, vomit sans relâche , et dans tous les temps, des laves , des pierres ponces, et jette des flammes qui éclai- rent la mer au loin. Le Vésuve nous offre un foyer en activité , cou- ronné et recouvert de toutes ''parts des produits les plus remarquables du feu, et jusqu'à des villes ense- velies à dix-huit cents pieds de profondeur, sous les matières projetées par le volcan. D'un côté, la mer nous montre les îles volcanisées d'Ischia, de Procida, de Caprée. etc. , et de l'autre le continent nous offre la pointe de Misène, Baies, Pouzzoî, le Pausilippe, Portici , la côte de Sorento, le cap de Minerve. Le lac Agnano, Castrani, le Monte-Nuovo, le Monte-Earbaro, la Solfatara, sont autant de cratères qui ont vomi, pendant plusieurs siècles, des mon- ceaux immenses de matières volcaniques. Mais une chose digne de remarque, c'est que les volcans des environs de Naples et de la terre de La- bour, comme les autres volcans dont nous venons de parler, semlîlent toujours éviter les montagnes primi- tives , tjuartzeuses et granitiques, et c'est par cette raison qu'ils n'ont point pris leur direction par la Ca- labre pour aller gagner la Sicile. Les grands courants de laves se sont frayé une route sous les eaux de la mer, et arrivent du golfe de Naples , le loii!^- de la côte i»02 TRAITE i)K L AIMANT de Sorenle, paroissant à découvert sur le rivage, et formant de^ ccueils de matières volcaniques, qu'on voit de distance en distance, depuis le promontoire de Minerve jusqu'aux î!es de Lipari. Les îles de Bazi- luzzo, les Cabianca, les Canera, Panaria, etc., sont sur cette ligne. Tiennent ensuite Tîle des Salines, cel- les de Lipari, Yolcanello et Yolcano, autre volcan brûlant où les feux souterrains fabriquent en grand de grosses masses de véritables pierres ponces. En Si- cile, les monts Neptuniens , comme les Alpes en Pro- vence, ont forcé les feux souterrains à suivre leurs contours, et à prendre leur direction par le val De- mona. Dans cette île, l'Etna élève fièiemenl sa tête au dessus de tous les volcans de l'Europe; les éjec- tions qu'a produites ce foyer immense coupent le val de Noto, et arrivent à l'extrémité de la Sicile par le cap Passaro. Les matières volcaniques disparoissent encore ici sous les eaux de la mer; mais les écueils de basalte, qu'on voit de distance en distance, sont des signaux évidents qui tracent la route de l'embrasement : on peut arriver, sans s'en écarter, jusqu'à l'Archipel , où l'on trouve Santorini, et les autres volcans qu'un ob- servateur célèbre a fait connoître dans son Voyage pittoresque de la Grhce^. De l'Archipel , on peut suivre par la Dalmalie les volcans éteints décrits par M. Fortis , jusqu'en Hon- grie, où l'on trouve ceux qu'a fait connoître M. Born dans ses Lettres sur la minéralogie de ce royaume. De la Hongrie, la chaîne volcanisée se prolonge tou- 1. M. le comte de Glioiscul-Gouffîer. KT DE SKS USAGES. 235 jours, sans interruption , par l'Allemagne, et va join- dre les volcans éteints rl'Hanovre , décrits par Raspe : ceux-ci se dirigent sur Cassel , ville bâtie sur un va'^te plateau de basalte. Les feux souterrains qui ont élevé toutes les collines volcaniques des environs de Cassel ont porté leur direction par le grand cordon des hau- tes montagnes volcanisées de l'Habichoual , qui vont joindre le Rhin par Andernach, où les HoUandois font leur approvisionnement de Iras ^ pour le conver- tir en pouzzolane. Les bords du Rhin, depuis An- dernach jusqu'au vieux Brisaeh , forment la conti- nuité de la zone volcanisée, qui traverse le Brisgaw et se rapproche par là de la France , du côté de Stras- bourg. D'après ce grand tableau des ravages du feu dans la partie tlu monde qui nous est la mieux connue, pour- roit-on se persuader ou même imaginer qu'il ait pu exister d'assez grands amas de matières combustibles pour avoir alimenté pendant des siècles de siècles des volcans multipliés en aussi grand nombre? Cela seul suffiroit pour nous indiquer que la plupart des vol- cans actuellement éteints n'ont été produits que par les foudres de Télectricité souterraine. JNous venons de voir en effet que les Pyrénées, les Alpes, l'Apen- nin, les monts Neptuniensen Sicile, le mont Granby en Angleterre, et les autres montagnes primitives, quartzeuses et granitiques, ont arrêté le cours des feux souterrains, comme étant, par leur nature vi- treuse, imperméables au fluide électrique, dont ils ne peuvent propager l'action ni communiquer les fou- 1. Le iras est un vrai l)as;iltf compacte ou j-joreux , facile à broyer,. el dont les HoUanclois fout de la pouzzolane. ^54 TRAITE DE LAIMANT lires, et qu'au contraire tous ies volcans produits par les feux ou les tonnerres souterrains ne se trouvent qu'aux environs de ces montagnes primitives, et n'ont exercé leur action que sur les schistes, les argiles, les substances calcaires et métailiques, et les autres ma- tières de seconde formation et conductrices de l'élec- tricité ; et comme l'eau est un des plus puissants con- ducteurs du fluide électrique, ces volcans ont agi avec d'autant plus de force, qu'ils se sont trouvés pins près de la mer, dont les eaux, en pénétrant dans leurs cavités, ont prodigieusement augmenté la masse des substances conductrices et l'action de l'électricilé. Mais jetons encore un coup d'oeil sur les autres diffé- rences remarquables qu'on peut observer dans la con- tinuité des terrains volcanisés. L'une des premières choses qui s'offrent à nos con- sidérations, c'est cette immense continuité de basal- tes et de laves, lesquels s'étendent tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des terrains volcanisés. Ces basaltes et ces laves, contenant une très grande quantité de matières ferrugineuses, doivent être regardés comme autant de conducteurs de l'électricité ; ce sont pour ainsi dire des barres métalliques, c'est-à-dire des con- ducteurs à plusieurs centaines de lieues du fluide élec- trique , et qui peuvent le transmettre en un instant de l'une à l'autre de leurs extrémités, tant à l'inté- rieur de la terre qu'à sa surface. L'on doit donc rap- porter à cette cause les commotions et tremblements de terre qui se font sentir presque en même temps à des distances très éloignées. Une seconde considération très importante, c'est que tous les volcans, et surtout ceux qui sont encore Eï DE SES USAGES. 235 actuellement agissants, portent sur des cavités dont îa capacité est au moins égale au volume de leurs pro- jections. Le Monte-Nuovo, voisin du Yésuve, s est élevé presque subitement, c'est-à-dire en deux ou trois jours, dans l'année i558, à la hauteur de plus de mille pieds sur une circonférence de plus d'une lieue à la base ; et cette énorme masse sortie des en- trailles de la terre, dans un terrain qui n'étoit qu'une plaine, a nécessairement laissé des cavités au moins égales à son volume : de même il v a toute raison de croire que l'Etna, dont la hauteur est de plus de dix- huit cents toises, et la circonférence à la base de près de cinquante lieues, ne i'est élevé que par la force des foudres souterraines, et que par conséquent cette très énorme masse de matière projetée porte sur plu- sieurs cavités dont le vide est au moins égal au vo- lume soulevé. On peut encore citer les îles de Santo- rin, qui, depuis l'année 2ùj avant notre ère, se sont abîmées dans la mer et élevées au dessus à plusieurs reprises, et dont les dernières catastrophes sont arri- vées en 1707. « Tout l'espace, dit M. le comte de Choiseul-GoulTier, actuellement rempli par la mer, et contenu entre Santorin et Thérasia, aujourd'hui Aspro-.^isi5 faisoit partie de la grande île, ainsi que Thérasia elle-même. Un immense volcan s'est allumé et a dévoré toutes les parties intermédiaires. Je re- trouve dans toute la côte de ce golfe, composée de rochers escarpés et calcinés, les bords de ce même foyer, et, si j'ose le dire, les parois internes du creu- set où cette destruction s'est opérée ; mais ce qu'il faut surtout remarquer, c'est l'immense profondeur 2ù6 ÏUAITÉ DE l'aimant de cet abîme, dont on n'a jamais pu réussir à trou- ver le fond. » Enfin nous devons encore observer en général que le Yésuve, l'Etna, et les autres volcans, tant agissants qu'éteints, sont entourés de collines volcaniques, projetées par les feux souterrains, et qui ont dû lais- ser à leur place des cavités égales à leur volume. Ces collines, composées de laves et de matières fondues ou projetées, sont connues en Italie sous le nom de monticolllj et elles sont si multipliées dans le royaume de Naples, que leurs bases se touchent en beaucoup d'endroits. Ainsi le nombre des cavités ou boursou- flures du globe, formées par le feu primitif, a dû di- minuer par les affaissements successifs des cavernes, dont les eaux auront percé les voûtes, tandis que les feux souterrains ont produit d'autres cavités dont nous pouvons estimer la capacité par le volume des matières projetées et par l'élévation des montagnes volcaniques. Je serois même tenté de croire que les montagnes volcaniques des Cordiîlières, telles que Chimboraço, Cotopaxi, Pichincha, Sangai, etc., dont les feux sont actuellement agissants, et qui s'élèvent à plus de trois mille toises, ont été soulevées à cette énorme hau- teur par la force de ces feux, puisque l'Etna nous offre un exemple d'un pareil soulèvement jusqu'à la hauteur de dix-huit cents toises; et dès lors ces mon- tagnes volcaniques des Cordiîlières ne doivent point être regardées comme des boursouflures primitives du globe , pui qu'elles ne sont composées ni de quartz, ni de granité, ni d'autres matières vitreuses qui au- ET DE SES USAGES. 23'-] roient arrêté Teffet des foudres souterraines, de môme qu'en Europe nous voyons les Alpes et les Pyrénées avoir arrêté et rompu tous les efforts de cette électri- cité. Il en doit être de môme des montagnes volcani- ques du Mexique et des autres parties du monde où l'on trouve des volcans encore a^i,issanls. A l'égard des volcans éteints, quoiqu'ils aient tous les caractères des volcans actuellement brûlants, nous remarquerons que les uns, tels que le Puy-de-Dôme, qui a plus de huit cents toises d'élévation, le Cantal en Auvergne, qui en a près de mille, et le mont Mezin en Vivarais, dont la hauteur est à peu près égale à celle du Cantal, doivent avoir des cavités au dessous de leurs bases, et que d'autres se sont en par- tie éboulés depuis qu'ils ont cessé d'agir; cette diffé- rence se remarque par celle de la forme de leurs bou- ches ou cratères. Le mont Mezin, le Cantal, le collet d'Aisa, la coupe de Sausac, la Gravène de Montpe- zat, présentent tous des cratères d'une entière con- servation, tandis que d'autres n'offrent qu'une partie de leurs bouches en entonnoir qui subsiste encore, et dont le reste s'est afl'aissé dans des cavités souter- raines. Mais le principal et le plus grand résultat que nous puissions tirer de tous ces faits, c'est que l'action des foudres et des feux souterrains ayant été assez vio- lente pour élever dans nos zones tempérées des mon- tagnes telles que l'Etna jusqu'à dix-huit cents toises de liauteur, nous devons cesser d'ôtre étonnés de l'é- lévation des montagnes volcaniques des Cordillières jusqu'à trois mille toises. Deux fortes raisons me per- suadent de la vérité de cette présomption. La pre- 258 TRAITÉ DE l'aIMANT mière c'est que !e globe, étant pkis élevé Sous l'équa- teur, a dû, dès les premiers temps de sa consolidation, former des boursouflures et des cavités beaucoup plus grandes dans les parties équatoriales que dans les au- tres zones, et que par conséquent les foudres souter- raines auront exercé leur action avec plus de liberté et de puissance dans cette région, dont nous voyons en effet que les affaissements sous les eaux et les élé- vations au dessus de la terre sont plus grandes que partout ailleurs, parce que, indépendamment de l'é- tendi.e plus considérable des cavités, la chaleur in- térieure du globe et celle du soleil ont du augmenter encore la puissance des foudres et des feux souter- rains. La seconde raison , plus décisive encore que la pre- mière, c'est que ces volcans, dans les Cordillières, nous démontrent qu'elles ne sont pas de première for- mation, c'est-à-dire entièrement composées de ma- tières vitreuses, quartzeuses ou granitiques, puisque nous sommes assurés, par la continuité des terrains volcaniques dans l'Europe entière, que jamais les fou- dres souterraines n'ont agi contre ces matières pri- mitives, et qu'elles en ont partout suivi les contours sans les entamer, parce que ces matières vitreuses n'étant point conductrices de l'électricité n'ont pu en subir ni propager l'action. Il est donc à présumer que toutes les montagnes volcaniques, soit dans les Cordillières, soit dans les autres parties du monde, ne sont pas de première formation, mais ont été proje- tées ou soulevées par la force des foudres et des feux souterrains, tandis que les autres montagnes, dans lesquelles, comme aux Alpes et aux Pyrénées, etc.. ET DE SES USAGES. 20C) Ton ne voit aucun indice de volcan, sont en effet les montagnes primitives, composées de matières vitreu- ses, qui se refusent à toute action de l'électricité. Nous ne pouvons donc pas douter que la force de lelectricité n'ait agi en toute liberté et n'ait fait de vio- lentes explosions dans les cavités ou boursouflures oc- casionées par l'action du feu primitif; en sorte qu'on doit présumée, avec fondement, qu'il a existé des volcans dès ces premiers temps, et que ces volcans n'ont pas eu d'autre cause que l'action des foudres souterraines. Ces premiers et plus anciens volcans n'ont été pour ainsi dire que des explosions momen- tanées, et dont le feu n'étant pas nourri par les ma- tières combustibles, n'a pu se manifester par des ef- fets durables; ils se sont pour ainsi dire éteints après leur explosion, qui néanmoins a dû projeter toutes les matières que la foudre avoit frappées et déplacées. Mais lorsque, dans la suite, les eaux, les substances métalliques, et autres matières volatiles sublimées par le feu, et reléguées dans l'atmosphère, sont tombées et se sont établies sur le globe, ces substances, toutes conductrices de l'électricité, ont pu s'accumuler dans les cavernes souterraines. Les végétaux s'étant dès lors multipliés sur les hautem^s de la terre, et les co- quillages s'étant en même temps propagés et ayant pullulé au point de former par leurs dépouilles de grands amas de matières calcaires, toutes ces matiè- res conductrices se sont de même rassemblées dans ces cavités intérieures, et dès lors l'action des foudres électriques a dû produire des incendies durables, et d'autant plus violents que ces volcans se sont trouvés plus voisins des mers, dont les eaux, parleur conflit '2[\0 TRAITÉ DE l'aIMANT avec le feu, ont encore augmenté la force et la durée des explosions, et c'est par celte raison que le pied de tous les volcans encore actuellement agissants se trouve voisin des mers, et qu'il n'en existe pas dans l'intérieur des continents terrestres. On doit donc distinguer deux sortes de volcans : les premiers, sans aliment, et uniquement produits par la force de l'électricité souterrainç ; les seconds, alimentés par les substances combustibles. Les pre- miers de tous les volcans n'ont été que des explosions momentanées dans le temps de la consolidation du globe. Ces explosions peuvent nous être représentées en petit par les étincelles que lance un boulet de fer rougi à blanc, en se refroidissant. Elles sont devenues plus violentes et plus fréquentes par la cbute des eaux, dont le conflit avec le feu a du produire de plus for- tes secousses et des ébranlements plus étendus. Ces premiers et plus anciens volcans ont laissé des bou- cbes ou cratères autour desquels se trouvent des laves et autres matières fondues par les foudres, de la même uianière que la force électrique mise en jeu par nos foibles instruments fond ou calcine toutes le matières sur lesquelles elle est dirigée. Il y a donc toute apparence que , dans le nombre infini de volcans éteints qui se trouvent à la surface de la terre, la plupart doivent être rapportés aux pre- mières époques des révolutions du globe après sa con- solidation, pendant lesquelles ils n'ont agi que par moments et par l'effet subit des foudres souterraines, dont la violence a soulevé les montagnes et entr'ou- vert les premières coucbes de la terre, avant que la nature n'eût produit assez de végétaux, de pyrites, et ET DE SES USAGES. '2/\l d'autres substances combustibles, pour servir d'ali- ment aux volcans durables, tels que ceux qui sont en- core actuellement agissants. Ce sont aussi ces foudres électriques souterraines qui causent la plupart des tremblements de terre : je dis la plupart, car la chute et l'aiTaissement subit des cavernes intérieures du globe produisent aussi des mouvements cjui ne se font sentir qu'à de petites dis- lances : ce sont plutôt des trépidations que de vrais tremblements, dont les plus fréquents et les plus vio- lents doivent se rapporter aux commotions produites par les foudres électriques, puisque ces tremblements se font souvent sentir, presque au même moment, à pi us de cent lieues de distance et dans tout l'espace intermédiaire; c'est le coup électrique qui se propage subitement et aussi loin que s'étendent les corps qui peuvent lui servir de conducteurs. Les secousses oc- casionées par ces tonnerres souterrains sont quelque- fois assez violentes pour bouleverser les terres en les élevant ou les abaissant, et changer en même temps la position des sources et la direction du cours des eaux. Lorsque cette force de l'électricité agit à la surface du globe , elle ne se manii'este pas uniquement par des foudres, [)ar des commotions, et par les autres effets que nous venons d'exposer; elle paroît chan- ger de nature, et produit de nouveaux phénomènes. En elfet, elle se modiiie pour donner naissance à une nouvelle force à laquelle on a donné le nom de ma- gnclisme; mais le magnétisme, bien moins général que l'électricité, n'agit que sur les matières ferrugi- neuses, et ne se montre que par les effets de l'airnant 2j2 TRAITÉ DE L AIMANT et du fer, lesquels seuls peuvent Qéchir et attirer une portion du courant universel et électrique qui se porte directement, et en sens contraire, de l'équateur aux deux pôles. Telle est donc l'origine des diverses forces, tant gé- nérales que particulières, dont nous venons de par- ler. L'attraction, en agissant en sens contraire de sa direction, a produit l'impulsion dès l'origine de la ma- tière : cette impulsion a fait naître l'élément du feu , qui a produit l'électricité ; et nous allons voir que le magnétisme n'est qu'une modification particulière de cette électricité générale, qui se fléchit dans son cours vers les matières ferrugineuses. Nous ne connoissons toutes ces forces que par leurs effets : les uns sont constants et généraux, les autres paroissent être variables et particuliers. La force d'at- traction est universellement répandue ; elle réside dans tout atome de matière, et s'étend dans le sys- tème entier de l'univers, tandis que celle qui produit l'électricité agit à l'intérieur et s'étend à la surface du globe terrestre, mais n'affecte pas tous les corps de Ja même manière. Néanmoins cette force électrique est encore plus générale que la force magnétique, et qui n'appartient à aucune substance qu'à l'aimant et au fer. Ces deux forces particulières ont des propriétés com- munes avec celle de l'attraclion universelle. Toutes trois agissent à j)lus ou moins de distance, et les effets du magnétisme et de ré]e(;triciîé sont toujours com- binés avec l'effet général de l'attraction qui appartient à toute matière, et qui par conséquent influe néces- sairement sur l'action de ces deux forces, dont les ET DE SES USAGES. 245 effets, comparés eatreeux, peuvent être semblables ou différents, variables ou constants, fugitifs ou per- manents, et souvent paroitre opposés ou contraires à l'action de la force universelle; car, quoique cette force d'attraction s'exerce sans cesse en tout et par- tout, elle est vaincue par celles de l'électricité et du magnétisme toutes les fois que ces forces agissent avec assez d'énergie pour surmoiiter l'effet de l'attraction, qui n'est jamais que proportionnel à la masse des corps. Les effets de l'électricité et du magnétisme sont produits par des forces impulsives particulières, qu'on ne doit point assimiler à l'impulsion ou répulsion pri- mitive : celle-ci s'exerce dans l'espace vide, et n'a d'autre cause que l'attraction qui force toute matière à se rapprocher pour se réunir; l'électricité et le ma- gnétisme supposent au contraire des impulsions par- ticulières causées par un fluide actif qui environne les corps électriques et magnétiques, et qui doit les af- fecter différemment, suivant leur différente nature. Mais quel est ou peut être l'agent ou le moyen em- ployé parla nature pour déterminer et fléchir l'élec- tricité du globe en magnétisme vers le fer, de préfé- rence à toute autre masse minérale ou métallique? Si les conjectures ou même desimpies vues sont permi- ses sur un objet qui , par sa profondeur et son ancien- neté contemporaine des premières révolutions de la terre, semble devo!?^ échapper à nos regards et même à l'œil de l'imagination, nous dirons que la matière ferrugineuse, plus difficile à fondre qu'aucune autre, s'est établie sur le globe avant toute autre substance métallique, et que dès lors elle fat frappée la pie- 2/|4 TRAITÉ DE l'aimant luière, eL avec plus de force et de durée, par les flam- mes du feu primitif: elle dut donc en contracter la plus grande affinité avec l'élément du feu; affinité qui se manifeste par la combustibilité du fer et par la pro- digieuse quantité d'air inflammable ou feu fixe qu'il rend dans ses dissolutions; et par conséquent de tou- tes les matières que l'électricité du globe peut affec- ter, le fer, comme ayant spécialement plus d'affinité avec ce fluide de feu et avec les forces dont il est l'âme, en ressent et marque mieux tous les mouve- ments, tant de direction que d'inflexion particulière, dont néanmoins les effets sont tous subordonnés à la grande action et à la direction générale du fluide élec- trique de l'équateur vers les pôles. Car il est certain que s'il n'y avoit point de fer sur la terre il n'y aiiroit ni aimant ni magnétisme, et que la force électrique n'en existeroit ni ne subsisteroit pas moins, avec sa direction constante et générale de l'équateur aux pôles ; il est tout aussi certain que le cours de ce fluide se fait en deux sens opposés, c'est-à-dire de l'équateur aux deux pôles terrestres, en se resserrant et s'inclinant comme les méridiens se resserrent et s'inclinent sur le globe ; et l'on voit seulement que la direction magnétique, quoique sou- mise à cette grande loi, reçoit des inflexions dépen- dantes de la position des grandes masses de matières ferrugineuses, et de leur gisement dans les différents continents. En comparant les effets de l'action d'une petite masse d'aimant avec ceux que produit la masse en- tière du globe terrestre, il paioît que ce globe pos- sède en grand toutes les propriétés dont les aimants Eï Dli SES USAGES. ^45 nie jouissent qu'en petit. Cependant la masse du globe entier n'est pas, comme les petites masses de l'ai- mant, composée de matières ferrugineuses; maison peut dire que sa surface entière est mêlée d'une grande quantité de fer magnétique, puisque toutes les mines primitives sont atlirables à l'aimant, et que de même les basaltes, les laves, et toutes les mines secondaires revivifiées par le feu et par les coups de la foudre sou- terraine , sont également magnétiques. C'est cette continuité de matière ferrugineuse magnétique sur la surface de la terre qui a produit le magnétisme géné- ral du globe, dont les effets sont semblables à ceux du magnétisme particulier d'une pierre d'aimant; et c'est de l'électricité générale du globe que provient l'électricité particulière ou magnétisme de l'aimant. D'ailleurs la force magnétique n'ayant d'action que sur la matière ferrugineuse, ce seroit méconnoître la simplicité des lois de la nature que de la charger d'un petit procédé solitaire, et d'une force isolée qui ne s'exerceroit que sur le fer. Il me paroît donc démon tré que le magnétisme, qu'on regardoit comme une force particulière et isolée, dépend de l'électricité, dont il n'est qu'une modification occasionée par le rapport unique de son action avec la nature du fer. Et môme, quoique le magnétisme n'appartienne fju'àla matière ferrugineuse, on ne doit pas le regarde! comme une des propriétés essentielles de cette ma- tière ; car ce n'est qu'une simple qualité accidentelle que le fer acquiert ou qu'il perd, sans aucun chan- gement et sans augmentation ni déperdition de sa substance. Toute matière ferrugineuse qui aura subi l'action du feu prendra du magnétisme par le frotte- Ei rro.x. IX. 16 '2f\6 TRAITÉ DE l'aIMANT ment, par la percussion, par tout choc, toute action violente de la part des autres corps : encore n'est-il pas nécessaire d'avoir recours à une force extérieure pour donner au fer cette vertu magnétique; car il la prend aussi de lui-même, sans être ni frappé, ni mu , ni frotté : il la prend dans l'état du plus parfait repos, lorsqu'il reste constamment dans une certaine situa- tion, exposé à l'action du magnétisme général; car dès lors il devient aimant en assez peu de temps. Cette force magnétique peut donc agir sur le fer sans être aidée d'aucune autre force motrice ; et, dans tous les cas, elle s'en saisit sans en étendre le volume, et sans en au2:menter ni diminuer la masse. INous avons parlé de laimant, comme des autres matières ferrugineuses , dans notre histoire des miné- raux, à l'article du fer; mais nous nous sommes ré- servé d'examiner de plus près ce minéral magnétique, qui, quoique aussi brut qu'aucun autre, semble te- nir à la nature active et sensible des êtres organisés : l'attraction, la répulsion de l'aimant, sa direction vers les pôles du monde, son action sur les corps animés, et la faculté qu'il a de communiquer toutes ses pro- priétés sans en perdre aucune, sans que ses forces s'é- puisent, et même sans qu'elles subissent le moindre affoiblissement ; toutes ces qualités, réunies ou sépa- rées, paroissent être autant de vertus magiques, et sont au moins des attributs uniques, des singularités de nature d'autant plus étonnantes qu'elles semblent être sans exemple, et que, n'ayant été jusqu'ici que mal connues et peu comparées, on a vainement tenté d'en deviner les causes. Les philosophes anciens, plu.«i sages, quoique moins ET DE SES USAGES. 2!\'J instruits que les modernes, n'ont pas eu la vaine pré- tention de vouloir expliquer par des causes mécani- ques tous les effets de la nature ; et lorsqu'ils ont dit que l'aimant avoit des affections d'amour et de haine , ils iiîdiquoient seulement, par ces expressions, que la cause de ces affections de i'aimantdevoit avoir quel- que rapport avec la cause qui produit de semblal)les affections dans les êtres sensibles : et peut-être se trompoient-ils moins que les physiciens récents, qui ont voulu rapporter les phénomènes magnétiques aux lois de notre mécanique grossière; aussi tous leurs efforts, tous leurs raisonnements, appuyés sur des suppositions précaires, n'ont abouti qu'à démontrer l'erreur de leurs vues dans le principe, et l'insuffisance de leurs moyens d'explication. Mais, pour mieux con- noître la nature du magnétisme et sa dépendance de l'électricité, comparons les principaux eflets de ces deux forces , en présentant d'abord tous les faits sem- blables ou analogues, et sans dissimuler ceux qui pa- roissent différents ou contraires. L'action du magnétisme et celle de l'électricité sont également variables, tantôt en plus, tantôt en moins, et leurs variations particulières dépendent en grande partie de l'état de l'atmosphère. Les phéno- mènes électriques que nous pouvons produire aug- mentent en effet ou diminuent de force, et même sont quelquefois totalement supprimés, suivant qu'il y a plus ou moins d'humidité dans l'air, que le fluide électrique s'est plus ou moins répandu dans l'atmo- sphère, et que les nuages orageux y sont plus ou moins accumulés. De même, les barres de fer que l'on veut aimanter par la seule exposition aux impressions du ^48 TK A ITÉ DE l'a F \[ A A T magnétisme général acquièrent plus ou moins promp- tement la vertu magnétique, suivant que le fluide électrique est plus ou moins abondant dans l'atmo- sphère; et les aiguilles des boussoles éprouvent des variations, tant périodiques qu'irrégidières, qui ne pa- roissent dépendre que du plus ou du moins de force de l'électricité de l'air. L'aimant primordial n'est qu'une matière ferrugi- neuse qui, ayant d'abord subi l'action du feu primi- tifj s'est ensuite aimantée par l'impression du magné- tisme du globe; et en général la force magnétique n'agit que sur le fer ou sur les matières qui en con- tiennent : de même la force électrique ne se produit que dans certaines matières, telles que l'ambre, les résines, les verres, et les autres substances qu'on ap- pelle électriques par elles-mêmes ., quoiqu'elle puisse se communiquer à tous les corps. Les aimants ou fers aimantés s'attirent mutuelle- ment dans un sens, et se repoussent réciproquement dans le sens opposé ; cette répulsion et cette attrac- tion sont plus sensibles lorsqu'on approche l'un de l'autre leurs pôles de même nom ou de différent nouj. Les verres, les résines, et les autres corps électriques par eux-mêmes, ont aussi, dans plusieurs circon- stances, des parties polaires, des portions élecl risées en plus, et d autres en moins, dans lesquelles l'attrac- tion et la répulsion se manifestent par des effets con- stants et bien distincts. Les forces électrique et magnétique s'exercent éga- lement en sens opposé et en sens direct; et leur réac- tion est égale h. leur action. On peut, en armant les aimants d'un fer qui les ET DE SES USAGES. ^ ^9 embrasse, diriger ou acciiiiiuler sur un ou plusieurs points la force magnétique ; on peut de même , par le moyeu des verres et des résines, ainsi qu'en isolant les substances conductrices de l'électricité , diriger et condenser la force électrique ; et ces deux forces électrique et magnétique peuvent être également dis- persées , cbangées, ou supprimées, à volonté. La force de l'électricité et celle du magnétisme peuvent de même se communiquer aux matières que l'on ap- procbe des corps dans lesquels on a excité ces forces. Souvent, pendant l'orage, l'électricité «^es nuées a troublé la direction de l'aiguille de la boussole^; et même l'action de la foudre aérienne a influé quelque- fois sur le magnétisme au point de détruire et de changer tout à coup d'un pôle à l'autre la direction de l'aimant. Une forte étincelle électrique et l'action du ton- nerre paroissent également donner la vertu magnéti- que aux corps ferrugineux, et la vertu électrique aux substances que la nature a rendues propres à recevoir immédiatement l'électricité, telles que les verres et les résines. M. le chevalier de Rozbères, capitaine au corps royal du génie , est parvenu à aimanter des bar- res d'acier, en tirant des étincelles par le bout opposé à celui qui recevoit l'électricité, sans employer les commotions plus ou moins fortes des grandes batte- ries électriques, et même sans en tirer des étincelles, et seulement en les électrisant pendant plusieurs heu- res de suite 2. Des bâtons de soufre ou de résine qu'on laisse 1. Voyez la relation de Carteret dans le premier Voyage de Cook. 2. Celle dernière manière n'a été trouvée que nouvelieuient par aSo TRAITÉ DE l'aIMANT tomber, à plusieurs reprises, sur un corps dur, ac- ({iiièreiit la vertu électrique, de même que les barres de fer qu'on laisse tomber plusieurs fois de suite d'une certaine hauteur prennent du magnétisme par l'effet de leurs chutes réitérées. On peut imprimer la vertu magnétique à une barre de fer, de telle sorte qu'elle présente une suite de pôles alternativement opposés. On peut également électriser une lame ou un tube de verre, de manière qu'on y remarque une suite de pôles alternativement opposés^. Lorsqu'une barre de fer s'aimante par sa seule proximité avec l'aimant, l'extrémité de cette barre qui en est la plus voisine acquiert un pôle opposé à celui que l'aimant lui présente. De même une barre de fer isolée peut recevoir deux électricités opposées par le voisinage d'un corps électrisé; le bout qui est le plus proche de ce corps jouit, comme dans l'ai- mant, d'une force opposée à celle dont il subit l'ac- tion. Les matières ferrugineuses réduites en rouille, en ocre, et toutes les dissolutions du fer par l'acide aé- rien ou par les autres acides, ne peuvent recevoir la vertu magnétique; et de même ces matières ferrugi- neuses ne peuvent, dans cet état de dissolution, ac- quérir la vertu électrique. M, lo chevalier deRozièics, qui nous en a Idil part par sa lettre du 3o avril 1787. 1. Voyez à ce sujet les expériences de M. Épinus, dans la disserla- tion que ce physicien a publiée à la lête i!e son ouvrage sur le magïié- tisine ; et celles de M. le comte de Lacépède dans son Essai sur l'Elec- tricité, tome 1. ET DE SES USAGES. 25l Si l'on suspend une lame de verre garnie à ses deux bouts de petites plaques de métal, dont l'une sera électrisée en plus, l'autre en moins, et si cette lame ainsi préparée peut se mouvoir librement lorsqu'on en approchera un corps électrique qui jouit aussi des deux électricités, la lame de verre présentera les mêmes phénomènes que l'aiguille aimantée présente auprès d'un aimant. Les fortes étincelles électriques revivifient les chaux de fer, et leur rendent la propriété d'être attirées par Taimant. Les foudres souterraines et aériennes revi- vifient de même , à l'intérieur et à la surface de la terre, une prodigieuse quantité de matières ferrugi- neuses, réduites en chaux par les éléments humides. La plupart des schorls, et particulièrement la tour- maline, présentent des phénomènes électriques qui ont la phis grande analogie avec ceux de l'aimant. Lorsque ces matières ont été chauflees ou frottées, elles ont, pour ainsi dire, des parties polaires, dont les unes sont éiectrisées en plus et les au très en moins, et qui attirent ou repoussent les corps électrisés. Les aurores polaires, qui, comme nous l'avons dit, ne sont que des lumières électriques, influent, plus qu'aucune autre affection de l'atmosphère , sur les va- riations de l'aiguille aimantée. Les observations de MM. Yan-Swinden et de Cassini ne permettent plus de douter de ce fait. Les personnes dont les nerfs sont délicats, et sur lesquelles l'électricité agit d'une manière si marquée, reçoivent aussi du magnétisme des impressions assez sensibles ; car l'aimant peut, en certaines circonstan- ces, suspendre et calmer les irritations nerveuses, et 202 TRAITE DE L AIMANT apaiser les douleurs aiguës. L'action de l'aimant, qui, dans ce cas, est calmante et môme engourdissante, semble arrêter le cours et fixer pour un temps le mouvement trop rapide ou déréglé des torrents de ce fluide électrique qui, quand il est sans frein ou se trouve sans mesure dans le corps animal, en irrite les organes et l'agite par des mouvements convulsifs. Il existe des animaux dans lesquels, indépendam- ment de l'électricité vitale qui appartient à tout être vivant , la nature a établi un organe particulier d'élec- tricité, et, pour ainsi dire, un sens électrique et ma- gnétique. La torpille^, l'anguille électrique de Suri- nam , le trembleur du ÎNiger^, semblent réunir et concentrer dans une même faculté la force de l'élec- tricité et celle du magnétisme. Ces poissons électri- ques et magnétiques engourdissent les corps vivants qui les touchent; et, suivant M. Schilling et quelques autres observateurs, ils perdent cette propriété lors- qu'on les touche eux-mêmes avec l'aimant. Il leur ôte la faculté d'engourdir, et on leur rend cette vertu en les touchant avec du fer, auquel se transporte le magnétisme qu'ils avoient reçu de l'aimant. Ces mê- mes poissons électriques et magnétiques agissent sur 1. Dans rancienne médecine, on s'est servi delà torpille pour en- gourdir et calmer : Galicn compare sa vertu à celle de l'opium pour calmer et assoupir les douleurs. 2. Il est bon d'observer que les espèces de poissons électriques dif- fèrent trop les unes des autres pour qu'on puisse rapporter leurs phé- nomènes à la conformité de leur organisation. On ne peut donc les attribuer qu'aux effets de l'électricité. Voyez un très bon mémoire de M. Broussonet , de l'Académie des Sciences , sur le trembleur et les autres poissons électriques, dans le Journal de P/iysii/ug du mois d'août 1785. ET DE SES USAGES. 2'ôJ l'aimant, et font varier l'aiguille de la boussole. Mais ce qui prouve évideniment la présence de l'électricité dans ces animaux, c'est qu'on voit paroître des étin- celles électriques dans les intervalles que laissent les conducteurs métalliques avec lesquels on les touche. M. Walsh a fait cette expérience devant la Société rovale de Londres, sur l'ano^uille de Surinam . dont la force électrique paroît être plus grande que celle de la torpille, dans laquelle cette action est peut-être trop foible pour produire des étincelles. Et ce qui dé- montre encore que la commotion produite par ces poissons n'est point un effet mécanique, comme l'ont pensé quelques physiciens, lîiais un phénomène élec- trique, c'est qu'elle se propage au travers des fluides, et se communique, par le moyen de l'eau, à plu- sieurs personnes à la fois. Or ces éiincelles , et cette commotion plus ou moins violente que font éprouver ces poissons, sont vrai- ment des effets de l'électricité, que l'on ne peut at- tribuer en aucune manière au simple magnétisme, puisque aucun aimant, tant naturel qu'artificiel, n'a fait éprouver de secousses sensibles, ni produit au- cune étincelle. D'un autre coté, les commotions que donnent los torpilles, Tanguille éleclrique de Suri- nam, et le trembleur du INiger, étant très fortes, lors- que ces poissons sont dans l'eau des mers ou des grands fleuves, on peut d'autant moins îa considérer comme un phénomène purement électrique, que les effets de l'électricité s'affoib lissent avec l'humidité de l'air qui la dissipe , et ne peuvent jamais être excités lorsqu'on mouille les machines qui la produisent. Les vases de verre électrisés, que l'on a appelés bouteilles 254 TRAITÉ DE l'aIMANT de Lejde_, et par le mo3^en desquels on reçoit les se- cousses les plus fortes, se déchargent et perdent leur vertu dès le moment qu'ils sont entièrement plongés dans l'eau : cette eau, en faisant communiquer en- semble les deux surfaces intérieure et extérieure, ré- tablit l'équilibre, dont la rupture est la seule cause du mouvement, et par conséquent de la force du fluide électrique. Si l'on remarque donc des effets électriques dans les torpilles, l'on doit supposer, d'a- près les modifications de ces effets, que l'électricité n'y existe pas seule, et qu'elle y est réunie avec le magnétisme, de manière à y subir une combinaison qui augmente, diminue ou altère sa puissance; et il paroît que ces deux forces électrique et magnétique , qui, lorsqu'elles sont séparées l'une de l'autre, sont plus ou moins actives, ou presque nulles , suivant l'é- tat de l'atmosphère, le sont également lorsqu'elles sont combinées dans ces poissons ; mais peut-être aussi la diversité des saisons, ainsi que les différents états de ces animaux, influent-ils sur l'action de leurs forces électrique et magnétique. Plusieurs personnes ont en effet manié des torpilles sans en recevoir au- cune secousse. M, le comte de Lacépède étant à La Rochelle, en octobre 1777, voulut éprouver la vertu de quelques torpilles que MM. de l'Académie de La Rochelle avoient fait pêcher; elles étoient bien vi- vantes, et paroissoient tiès vigoureuses : cependant, de quelque manière qu'on les touchât, soit immédia- tement avec la main , soit avec des barreaux de fer ou d'autres matières, et sur quelque partie de leur corps qu'on portât l'attouchement, dans l'eau ou hors de l'eeiu. aucun des assistants à l'expérience ne ressentit ET DE SES USAGES. 2,55 la moindre commotion. Il paroît donc que ces pois- sons ne sont pas électriques dans tous les temps, et que cette propriété, qui n'est pas constante, dépend des circonstances, et peut-être de la saison ou du temps auxquels ces animaux doivent répandre leurs œufs et leur frai; et nous ne pouvons rien dire de la cause de ces alternatives d'action et d'inaction, faute d'observations assez suivies sur ces poissons singuliers. Cette combinaison des deux forces électrique et magnétique, que la nature paroît avoir faite dans quelques êtres vivants, doit faire espérer que nous pourrons les réunir par l'art, et peut-être en tirer des secours efficaces dans cerlaines maladies, et particu- lièrement dans les affections nerveuses. Les deux forces électrique et magnétique ont en effet été employées séparément, avec succès, pour la guérison ou le sou!agementde plusieurs mauxdoulou- reux. Quelques physiciens^ , particulièrement M. Mau- duit, de la Société royale de médecine, ont guéri des maladies par le moyen de l'électricité; et M. l'abbé Le INoble, €[ui s'occupe avec succès, depuis long- temps, des effets du magnétisme sur le corps hu- main, et qui est parvenu à construire des aimants artificiels beaucoup plus forts que tous ceux déjà con- nus, a employé très heureusement l'application de ces mêmes aimants pour le soulagement de plusieurs maux. Nous croyons devoir placer dans la note ci- après un extrait du Rapport fait par MM. les commis- saires de la Société royale de médecine au sujet des travaux utiles de ce physicien, qui les continue avec 1. On peut voir à ce sujet l'ouvrage de M. l'abbé Berlholou, inti- lulé : De rétectricité du corps humain. 2^6 TRAITÉ DE l'aIMANT zèle, et d'une manière d'autant plus louable qu'il les consacre gratuitement au soulagement des malbeu- 1. Dans un compte rendu à la Société royale de médecine sur les effets de l'aimant, et au sujet des travaux de M. Le JVoble , les com- missaires s'expriment en ces termes. « Les affections nerveuses nous ont jiaru céder et se dissiper d'une manière constante pendant l'usage de l'aimant , et au contraire les affections humorales n'ont éprouvé aucun changement par la plus forte et la plus longue application de i'aimant. Dans toutes les affec- tions nerveuses, quelle que fût la nature des accidents dont elles étoient acrompagnées , soit qu'elles consistassent en des affections purement douloureuses, soit qu'elles parussent plus particulièrement spasmodiques et convulsives ; quel que fût aussi leur siège et leur ca- ractère , de quelque manière eniin que nous eussions employé l'ai- mant , soit en armure habituelle et constante , soit parla méthode des simples applications , toutes ces affections ont subi des changements ])lus ou moins marqués , quoique presque toujours le soulagement n'ait guère été qu'une simple palliation de la maladie. Ces affections nous ont paru céder et s'affoiblir d'une manière plus ou moins mar- quée pendant le traitement. Plusieurs malades, que le soulagement dont ils jouissoient depuis quelque temps avoit engagés à quitter leurs garnitures, ayant vu se renouveler ensuite leurs accidents, qu'une nouvelle application de l'aimant a toujours suffi pour faire disparoî- tre, nous sommes restés convaincus que c'étoit à l'usage des aimants qu'on devoit attribuer le soulagement obtenu Nous nous sommes scrupuleusement abstenus d'employer aucun autre remède pendant le traitement. De tous les secours qu'on peut désirer de voir joindre à l'usage de laimant , cest de l'électricité surtout dont il semble qu'on ait lieu de plus attendre Le magnétisme intéresse le bien public ; il nous paroît devoir mériter toute l'atlenlion de la société. Qu'on nous permette à ce sujet une réflexion. De tous les objets sur lesquels l'en- lhousiasm<> peut s'exciter, et dont le charlatanisme peut par cette raison abuser avec plus de confiance , le magnétisme paroît être celui qui offre à l'avidité plus de facilités et plus de ressources. L'histoire seule de cet art suffiroit pour en convaincre, quand des essais qui le multiplient sous nos yeux n'autoriseroient pas celte présomption. C'est surtout sur de pareils objets, devenus pour le public un sujet de curiosité , qu'il est à désirer que les compagnies savantes portent toute KT DE SK5 L SAGES. 267 ÎNous avons cru devoir y placer aussi quelques dé- lails relatifs aux divers succès que M. l'abbé Le Noble a leur allention , pour arracher à Terreur une confiance qu'elle ne mau- qucroit pas de gagner si l'on ne dissipoit aux yeux des gens crédules les prestiges du charlatanisme, par des essais faits avec exactitude et iniparlialilé. De pareils projets, pour cire remplis d'une manière utile, ont besoin de l'appui du gouvernement ; mais où les secours peuvent- ils mieux être appliqués qu'aux objets qui touchent aux progrès deç sciences et au bien de l'humanilé? » En désirant que le gouvernement autorise la Société à annoncer sous ses auspices un traitement gratuit et public par le magnétisme, nous croyons encore utile que la comfvagnie invile ceux de ses asso- ciés et correspondants à qui ces sortes dessais peuvent être agréa- bles, à concourir avec elle au succès de ses recherches. La Société sait , par l'exemple de rélectricité, combien elle peut retirer d'avan- tages de cette réunion de travaux. Le magnétisme oflre encore plus de facilités pour répéter ou multiplier les essais ({ue fou jugeroit néces- saires. iMais pour rendre ce concours de recherches plus Iructueux , on sent qu'il est nécessaire cpi'il soit dirigé sur un plan uniforme. Le rapport que nous soumettons ici à l'examen de la compagnie rempli- roit celte vue , et nous lui proposons de le Faire iuiprimer et distribuer par la voie de sa correspondance oixlinairc. » La Société , pour se livrer elle-même à ses travaux, devant s'atta- cher un physicien exercé dans la préparation des aimants, et versé dans tous les genres de connoissances relatives à leur administration, nous pensons que le choix de la compagnie doit tomber sur M. l'abbé Le ]\oble. Plusieurs raisons nous paroissent devoir lui mériter la pi'é- féicnce. On doit le regarder connue un des premiers physiciens qui , depuis le renouvellement des expériences de Tainuint, se soient occu- pés de cet objet. En 1760 , c'est-à-dire deux ans à peu près avant M. Klarich, (jue fou regarde comme le principal rénovateur de ces essais , et dont les observations ont fait attribuer à l'Angleterre la gloire de celle découverte, les aimants de M. l'abbé Le iXoble pour les diuits paroissent avoir été connus dans la capitale et recherchés des pbysi- ciens. Au mois de juin 176G , dans le même temps que M. Darquicr, qu'on regarde comme le premier qui ait répété en France les essais de M. Ivlarich dans les maux de dents , M. l'abbé Le Noble publia en ce genre plusieurs observations. Deux ans avant que le P. lîell, à Vienne , fît adooter généralement la méthode des armures magnétiques, il avoit 258 TRAITÉ DE i/aIMANT obtenus depuis la publication du Rapport de MM. de la Société royale, et qu'il nous a communiqués lui-même. annoncé plusieurs espèces de plaques aimantées préparées pour être portées habiluelleraent sur différentes parties du corps. Depuis ces dif- férentes épo([ues, M. l'abbé Le Noble n'a cessé de s'occuper de l'usage de i" aimant dans plusieurs espèces d'affeclious nerveuses. Les résullats qu'il avoit obtenus de ces essais sont consignés dans un mémoire qu'il lut au mois de septembre 1777 dans une des séances de la Société. Enfin, pour compléter l'histoire de ses travaux , on doit y joindre les différents essais auxquels ont donné lieu nos propres observations , et dont nous reconnoissons qu'il doit, s'il en résulte quelque utilité, partager avec nous le mérite. A ce sujet, nous devons rendre compte à la compagnie du zèle avec lequel M. l'abbé Le Noble s'est porté à nous seconder dans nos reclierclies. Quoique la durée de ses essais, et sa résidence ordinaire en province, aient exigé de lui de fréquents voyages et de longs séjours à Paris, quoique la multiplicité des ma- lades qui ont eu recours à l'aimant, le peu daisance du plus grand nombre, la durée du long traitement pendant lequel les armures ont du être souvent renouvelées, aient été autant de charges, d'incom- modités et de sujets de dépense pour M. l'abbé Le Noble , nous de- vons annoncer qu'il n'arien épargné , ni soins , ni peines, ni sacriGces, pour concourir, autant qu'il éloit en lui. au succès de nos épreuves et au soulagement des malheureux. M. l'abbé Le Noble se montre en- core animé des mêmes dispositions , et prêt à les mettre en œuvre, si les circonstances réjiondoient à ses désirs. Mais, attaché par la nature de ses devoirs à la place qu'il remplit en province , il ne pourroit con- courir d'une matière utile aux expériences que nous proposons, s'il n'éloit fixé à Paris. C'est au gouvernement seul qu'il appartient de lever cet obstacle , et nous pensons que la compagnie doit renouveler en sa faveur les mêmes instances qu'elle a déjà laites en 1778, pour lui obtenir une résidence fixe dans la capitale. » Des raisons particulières et personnelles à M. Le Noble nous pa- roissent devoir lui mériter cette faveur du gouvernement. C'est sur- tout en employant de forts aimants, portés au plus haut degré de force , et préparés de manière à former une machine semblable à celle de l'électricité , qu'on doit attendre de nouveaux avantages du niagné- iisn)e. M. l'abbé Le Noble {)Ossède en ce genre des procédés très su- périeurs à tous ceux qui nous ont été connus, et employés jusqu'ici par les physiciens. Nous apportons en preuve de ce que nous avan- ET DE SES USAGES. 23Çf Les preQiiers physiciens qui ont voulu rechercher les rapports analogues des forces magnétique et élec- çous ici un certificat de rAcadéniIo royale des Sciences, à laquelle M. Tabbé Le Noble a présenté des aimants capables de soutenir des poids de plus de deux cents livres . et qui lui ont mérité les éloges et l'approbation de celle compagnie. C'est avec des aimants de ce genre qu'on a lieu de se flatter doblenir du magnélisme des effets extraor- dinaires et inconnus. » M. Tabbé Le jXoble nous a communiqué les détails suivants , relatifs aux diverses applications qu'il a faites de laimant dans les maladies, depuis la publication du Rapport de la Société royale de médecine. Eu 1786, le 24 mai. à cinq heures du soir, une plaque d'aimant envoyée par M. labljé Le INoble fut appliquée sur l'estomac à une ma- lade âgée de cinf|uanle-un aus , et qui, depuis làge de vingt-deux , éprouvoil de tem[)s en temps des attaques de nerfs plus ou moins fré- (jueutes, qui éloient venues à la suite d'aae suppression, et étoient accompagnées de convulsions très fortes et d'autres symptômes ef- frayants. Ces attaques avoient disparu quelquefois près d'un an ; elles avoient été aussi suspendues par différents remèdes. Pendant les divers intervalles qui avoient séparé le temps où les attaques étoient plus ou mains fréquentes, la personne qui les avoit éprouvées avoit joui d'uufî bou'ie santé; mais depuis quinze mois elle éloit retombée dans son premier état. Sur la fin même , les accidents arrivoient plus de dix ou douze fois par jour, etfjuelqncfois duroient plusieuis minutes. Depuis- dix-liuit mois les évacuations périodiques étoient dérangées, et n'a- voient lieu que de deux mois en deux mois. L'effet de l'aimant fut très prompt : la malade n'eut plus de con- vulsions, quoique dans la matinée et dans l'aprèsdinée elle eii eût éprouvé plus de vingt fois. Le 16 juin les convulsions n'étoient point encore revenues: la malade se porloit mieux; elle senloit ses forces et son appétit augmenter de jour en jour; elle dormoit un peu mieux pendant la nuit, et soccupoit continuellement, pendant le jour, des travaux pénibles de la campagne sans en être incommodée : elle sen- toit cependant toujours un petit tiraillement dans l'intérieur du front. Elle rendoit quebjuelois des vents comme auparavant; sa respiration étoit un peu gênée lorsqu'ils s'écliappoieut. mais n'avoit jamais été suspendue depuis lapplicatiou de l'aimant , ainsi que cela arrivoil très souvent auparavant. Ces faits ont été attestés par le curé du lieu; et il est à croire que le 5>60 TIIAITÉ DE LAIMÂNT trique essayèrent de rapporter l'électricité, qu'on venoit, en quelque sorte, de découvrir, au magné- bien-être s'est soutenu , puisque la niaîade n'a point demandé de nou- veaux secours. Une dame qui soufTroit beaucoup des nerfs, presque dans tout le corps, et dont la santé étoit si dérangée qu'elle n osoit point tenter les remèdes intérieurs, s'est Irouvée soulagée par le moyen d'un collier iraimant et l'application d'un aimant sur le creux de l'estomac, ainsi qu'elle Ta écrit elle-même à M. l'abbé Le Noble. Une malade soufïroit depuis six mois des maux de nerfs qui lui don- noientdes maux de gorge et d'estomac au point que très souvent l'œso- phage se fermolt presque entièrement, et la mettoit dans une impossi- bilité presque absolue d'avaler même les liquides pendant à peu près la moitié de la journée ; une fièvre épidémique séloit jointe aux acci- dents nerveux. On lui appliqua un collier et une ceinture d'aimant, suivant la méthode de Ai. labbé Le Aoble. Huit ou dix heures après, la malade se trouva comme guérie, et se porta passablement bien pen- dant trois mois , au bout desquels le médecin qui Tavoit traitée certifia à M. labbé Le Noble la maladie et la guérison. Ce même médecin pen- soit que les nerfs de cette dame avoient été agacés par une humeur. Une jeune demoiselle ayant eu pendant plus de trois ans des atta- ques d'épilepsie qui avoient commencé à l'époque où les évacuations ont lieu, et ayant fait inutilement plusieurs remèdes conseillés par un membre de la Société royale de iNlédecine , eut recours aux aimants de M. l'abbé Le Noble, d'après l'avis du même médecin : les attarpies cessèrent bientôt , et , dix mois après leur cessation , sa mère écrivit au médecin qui lui avoit conseillé les aimants de M. l'abbé Le Noble , pour lui annoncer la guérison de sa fille. Une dame soufFroit depuis plus de huit ans des maux de nerfs qui avoient été souvent accompagnés d accidents graves et fâcheux, de lassitudes, d'insomnies, de douleurs vives , de convulsions, d'évanouis- sements, et surtout d'un accablement général et d'une grande tris- tesse. Les aimants de M. l'abbé Le Noble l'ont guérie, et elle l'a attesté elle-même , un mois ou environ après, à M. l'abbé Le Noble. Sa. gué- rison s'étoit loujou)s soutenue. Une dame qui étoit malade d'une épilepsie survenue à la suite d'une frayeur qu'elle avoit eue dans un temps critique a certifié que, de- puis quatre ans c[u'elle porte des aimants de M. Le Noble, elle a tou- jours été soulagée ; que si divers événements lui ont donné quelquefois ET DE SES USAGES. 261 tisme, dont on connoissoit depuis long-temps les des crises , elles ont été passagères , et bien moins violentes que celles qu'elle avoit éprouvées, etqu elle jouit habituellement d'un bien-être très marqué. Trois femmes et un homme ont été guéris, par l'application de l'ai- mant , de maux de nerfs accompagnés de convulsions fortes , etc. Trois ans se sont écoulés depuis la guérison d'une de ces femmes , et elle se porte encore très bien. M. Picot, médecin de la maison du roi de Sardaigae , a certifié à M. l'abbé Le jNoble qu'il s'éloit servi de ses aimants avec le plus grand succès pour procurer à une femme très délicate, et dune très grande; sensibilit<î, des évacuations périodiques dérangées ou supprimées eu partie depuis plus de deux ans. Le même médecin atteste avoir été guéri lui-même d'une migraine qui avoit résisté , pendant plus de huit ans, à tous les secours de l'art. Il demande en conséquence à M. Le Noble qu'il établisse un dépôt de ses aimants dans la ville de Turin. Depuis plus de dix-huit mois une dame ne pouvoit prendre {a plus légère nourriture sans que son estomac fut extrêmement fatigué. Elle ressenloit des douleurs presque continuelles, tantôt dans le côté droit, tantôt entre les deux éi^aules, et souvent dans la poitrine ; elle éprou- voit tous les soirs, sur la fin de sa digestion, un étouffement subit, une tension générale, une inquiétude qui la forçoit à cesser toute oc- cupation, à marcher , à aller à Tair, quelque froid qu'il fit, et à relâ- cher tous les cordons de son habit. Quinze jours après avoir employé les aimants de M. l'abbé Le Noble elle fut entièrement guérie, et au- cune douleur ni aucun accident n'étoient revenus six semaines après qu'elle eut commencé à les porter, ainsi qu'elle l'attesta elle-même à M. l'abbé Le Noble. Une dame a certifié elle-même qu'elle avoit souffert , pendant six jours , des douleurs très vives occasionées par un rhumatisme au bras gauche , dont elle avoit entièrement perdu l'usage ; qu'elle avoit em- ployé sans succès les remèdes ordinaires; qu'elle avoit eu recours aux plaques aimantées de M. l'abbé Le Noble, et que quatre jours après elle avoit été entièrement guérie. Un homme très digne de foi a aussi certifié à M. l'abbé Le Noble qu'il avoit été guéri par l'application de ses aimants d'un rhunjalisme très douloureux , dont il souffroit depuis plusieurs années , et dont lo siège étoit au bas de i'épine du dos. Près d'un an après, cet homme porloit toujours sur le bas du dos la plaque aimantée; les douleurs r.iiro^. IX. 17 262 TKAITÉ DE l'àIxMANT grands phénomènes^. Des physiciens récents ont, avoienl disparu, et il ne seutoit plus que quelqaelois un peu d'engourdis- sement lorsqu'il avoit été sédentaire pendant trop long-temps : mais il dissipoit cet engourdissement en faisant quelques pas dans sa chambre. Un homme malade dune paralysie incomplète , souffrant dans tou- tes les parties du corps, et ayant tenté inutilement tous les remèdes connus, fut adressé, dans le mois de septembre 1786. h M. l'abbé Le IN oble par uu membre delà Société de Médecine; on lui appliqua les aimants, et au mois de janvier 1786 il s'est très bien porté. Une dame qui souffroit depuis vingt ans des douleurs rhumatismales qui l'empêchoient de dormir et de marcher étoit presque entièrement guérie au mois de février 1787. Le nommé Boissel, garçon menuisier, âgé de cinquante ans, a eu recours à M. Tabbé Le Noble le 9 novembre 1786. Il y avoit dix mois qu'il éprouvoit de grandes douleurs dans les deux bras ; le gauche étoit très enflé et enflammé , il lui étoit impossible de l'étendre , et la dou- leur se communiquoit à la poitrine , à l'estomac et aux côtés, et même jusqu'aux jambes , dont il ne pouvoit faire usage qu'à l'aide d'une bé- quille*, ou étoit obligé de le porter dans son lit, où il ressentoit encore les mêmes douleurs. Il avoit été trois mois à l'Ilôtel-Dieu , et il y en avoit deux qu'il en étoit sorti sans y avoir éprouvé le plus léger soula- gement. Mais après l'application des aimants de M. l'abbé Le Noble, le 9 novembre, les mouvements dans les jambes, ainsi que dans les bras, sont devenus libres; le 19 dudit mois il se promenoit dans sa chambre, et, voyant la facilité avec laquelle il marchoit, il crutqu'il pourroit sortir sans aucun risque. En efl"et, il a été ce jour là à quelque distance de son domicile, et le lendemain 20 il est venu de la rue Neuve-Saint-Martin, où il de- meure, à la rue Saint-Thomas-du-Louvre. Les douleurs éloient encore vives dans les jambes, quoique les mouvements fussent libres; mais elles se sont dissipées par degrés, et ont cessé le i5 février. Il s'est établi sous les aimants, à la cheville des pieds et sous les jarretières , des espèces de petits cautères qui rendoient une humeur épaisse et gluante. Les jambes, qui étoient considérablement enflées, sont main^ tenant, au mois de mars 1787 , dans l'état naturel ; il marche très bien et jouit d'une bonne santé. 1. Le P. Bérault, jésuite, auteur d'une dissertation couronnée par TAcadémie de Bordeaux , a soupçonné le premier que les forces ma- gnétique et électrique pouvoicnt être ideuti([ues. ET DE SES USAGES. 260 avec plus de fondement, attribué ce même magné- tisme à l'électricité, qu'ils connoissoient mieux; mais ni les uns ni les autres n'ont fait assez d'attenlion aux différences de l'action de ces deux forces, dont nous venons d'exposer les relations analogues . et qui néanmoins diffèrent par plusieurs rapports, et notam- ment par les directions particulières que ces forces suivent, ou qu'elles prennent d'elles-mêmes : car la direction du magnétisme se combine avec le gisement des continents, et se détermine par la position par- ticulière des mines de fer et d'aimant, des chaîjies de laves, de basaltes, et de toutes les matières ferrugi- neuses qui ont subi l'action du feu; et c'est par cette raison que la force magnétique a autant de diiférentes directions qu'il y a de pôles magnétiques sur le globe, au lieu que la direction de l'électricité ne varie point, et se porte constamment de l'équateur aux deux pôles terrestres. Les glaces, qui recouvrent les régions po- laires des deux hémisphères du globe, doivent dé- terminer puissamment le fluide électrique vers ces régions polaires, où il manque, et vers lesquelles il doit se porter, pour obéir aux lois générales de l'é- quilibre des fluides, au lieu que la glace n'influe pas sur le magnétisme , qui ne reçoit d'inflexions que par son rapport particulier avec les masses de l'aimant et du fer. De plus, il n'y a des rapports semblables et bien marqués qu'entre les aimants et les corps électriques par eux-mêmes, et l'on ne connoît point de substances sur lesquelles le magnétisme produise desefl'ets pareils à ceux que l'électricité produit sur les substances qui ne peuvent être électrisées que par communication. 264 TRAITÉ DE l'aIMANT D'ailleurs le magaétisme ne se communique pas de la même manière que l'électricité dans beaucoup de cir- constances ^ puisque la communication du magné- tisme ne diminue pas la force des aimants , tandis que la communication de l'électricité détruit la vertu des corps qui la produisent. On peut donc dire que tous les effets magnétiques ont leurs analogues dans les phénomènes de l'élec- tricité : maison doit convenir, en même temps, que tous les phénomènes électriques n'ont pas de même tous leurs analogues dans les effets magnétiques. Ainsi nous ne pouvons plusdouter que la force particulière du magnétisme ne dépende de la force générale de l'électricité, et que tous les effets de l'aimant ne soient des modifications de cette force électrique ^. Et ne pouvons-nous pas considérer l'aimant comme un corps perpétuellement électrique, quoiqu'il ne possède l'é- lectricité que d'une manière particulière, à laquelle on a donné le nom de magnétisme? La nature des ma- tières ferrugineuses, par son affmité avec la substance du feu, est assez puissante pour fléchir la direction du cours de l'électricité générale, et même pour en ra- lentir le mouvement, en le déterminant vers la sur- face de l'aimant. La lenteur de l'action magnétique, en comparaison de la violente rapidité des chocs élec- 1. IN'otre opinion est confirmée par les preuves répandues dans une dissertation de M. Epinus, lue à l'Académie de Saint-Pélersb(jurg : ce physicien y a fait voir que les effets de l'électricité et du magnétisme non seulement ont du rapport dans quelques points, mais qu'ils sont encore semblables dans un très grand nombre de circonstances des plus essentielles; en sorte, dit-il, qu'il n'est presque pas à douter que la nature n'emploie à peu près les mêmes moyens pour produire l'une et l'autre force. ET DE SES rsAGES. ^65 triques, nous représente en effet un fluide qui, tout actif qu'il est, semble néanmoins être ralenti, sus- pendu, et pour ainsi dire assoupi dans son cours. Ainsi, je le répète, les principaux effets du magné- tisme se rapprochent, par une analogie marquée, de ceux de l'électricité , et le grand rapport de la direc- tion générale et commune des forces électrique et magnétique, de l'équateur aux deux pôles , les réunit encore de plus près, et semble même les identifier ^. Si la vertu magnétique étoit une force résidante dans le fer ou dans l'aimant, et qui leur fût inhérente et propre , on ne pourroit la trouver ou la prendre que dans l'aimant même, ou dans le fer actuellement ai- manté ; et il ne seroit pas possible de l'exciter ou de la produire par un autre moyen : mais la percussion , le frottement, et même la seule exposition aux impres- sions de l'atmosphère, suffisent pour donner au fer 1 . M. le comle blables, et situées depuis un très long-teaips dans le sens de ce méridien, ne présentent aucun signe de la plus foible aimantation*. Ce dernier fait, qui est im- portant, démontre le rapport immédiat du magné- tisme et de l'électricité, et prouve en même temps que le fluide électrique est non seulement la cause de la plupart des tremblements de terre, mais qu'il produit aussi i'aimantalion de toutes les matières fer- rugineuses sur lesquelles il exerce son action. Rassemblant donc tous les rapports entre les phé- nomènes, toulesles convenances entre les principaux effets du magnétisme et de l'électricité, il me semble qu'on ne peut pas se refuser à croire qu'ils sont pro- duits par une seule et même cause, et je suis persuadé que, si on réfléchit sur la théorie que je viens d'ex- poser, on en reconnoîtra clairement l'identité. Sim- plifier les causes, et générahser les effets, doit être le but du physicien; et c'est aussi tout ce que peut 1 . Ces faits on été mis hors de cloute par des expériences qui ont été iailes p^r M. de Rozièrcs , capitaine au cor[is roj'il du génie. KT DE SES USAGES. 12^5 le génie aidé de rexpérience et guidé par les obser- vations. Or nous sommes aujourd'hui bien assurés que le globe terrestre a une chaleur qui lui est propre, et qui s'exhale incessamment par des émanations per- pendiculaires à sa surface; nous savons que ces éma- nations sont constantes, très abondantes dans les ré- gions voisines de l'équateur, et presque nulles dans les climats froids. iNe doivent-elles pas dès lors se porter de l'équateur aux deux pôles par des courants opposés? et comme l'hémisphère austral est plus re- froidi que le boréal , qu'il présente à sa surface une plus grande étendue de plages glacées, et qu'il est exposé pendant quelques jours de moins à l'action du soleil ^, les émanations de la chaleur qui forment les courants électrique et magnétique doivent s'y porter en plus grande quantité que dans l'hémisphère boréal. Les pôles magnétiques boréaux du globe sont dès lors moins puissants que les pôles magnétiques austraux. C'est l'opposé de ce qu'on observe dans les aimants, tant naturels qu'artificiels, dont le pôle boréal est plus fort que le pôle austral , ainsi que nous le prouve- rons dans les articles suivants; etcomme c'est un effet constant du magnétisme, que les pôles semblables se repoussent et que les pôles différents s'attirent, il n'est point surprenant que , dans quelque hémisphère qu'on transporte l'aiguille aimantée, son pôle nord se dirige vers le pôle boréal du globe , dont il diffère par la quantité de sa force, quoiqu'il porte le même nom , et qu'également son pôle sud se tourne tou- i. Voji/. los Epjtiucs tic la Nature. 2 74 TIUITÉ DE l'aIMATNT jours vers le pôle austral de la terre, dont la force diffère aussi, par sa quantité, de celle du pôle austral de l'aiguille aimantée. L'on verra donc aisément corn- ment, par une suite de l'inégalité des deux courants électriques, l'aiguille aimantée qui marque les décli- naisons se tourne toujours vers le pôle nord du globe, dans quelque hémisphère qu'elle soit placée, tandis qu'au contraire l'aiguille qui marque rinclinaison de l'aimant s'incline vers le nord dans l'hémisphère bo- réal, et vers le pôle sud dans l'hémisphère austral, pour obéir à la force générale, qui va de l'équateur aux deux pôles terrestres en suivant la courbure du globe, de même que les particules de limaille de fer répandues sur un aimant s'inclinent vers l'un ou l'au- tre des deux pôles de cet aimant, suivant qu'elles en sont plus voisines, ou que l'un des pôles a plus de supériorité sur l'autre. Ces phénomènes, dont l'ex- plication a toujours paru difficile, sont de nouvelles preuves de notre théorie, et montrent sa liaison avec les 2;rands faits de l'hisiolre du ^lobe. Yoilà donc les deux phénomènes de la direction aux pôles et de l'inclinaison à l'horizon rauienés à une cause simple, dont les effets seroient toujours les mêmes si tous les êtres organisés et toutes les matières brutes recevoient également les influences de cette force: mais, dans les êtres vivants, la quantité de l'électricité qu'ils possèdent, ou qu'ils peuvent rece- voir, est relative à leur organisation, et il s'en trouve qui, comme la torpille, non seulement la reçoivent, mais semblent l'attirer, au point de former une sphère particulière d'électricité combinée avec la vertu ma- gnétique, comme aussi, dans les matières brutes, le £T Dli SES USAGES. 275 fer se fait une sphère particulière d'électricité, à la- quelle on a doQué le nom de magnétisme ; et enfin s'il existoit des corps aussi électriques que la torpille, et en assez grande quantité pour former de grandes masses, aussi considérables que celles des mines de fer en différents endroits du globe, n'est-il pas plus que probable que le cours de l'électricité générale se fléchiroit vers ces masses électriques comme elle se (lé- chit vers les grandes masses ferrugineuses qui sont à la surface du globe, et qu'elles produiroientles inflexions de cette force électrique ou magnétique en la déter- minant à se porter vers ces sphères particulières d'at- traction comme vers autant de pôles électriques plus ou moins éloignés des pôles terrestres, selon le gise- ment des continents et la situation de ces masses élec- triques? Et comme la situation des pôles magnétiques peut changer et change réellement, tant par les travaux de l'homme, lesquels peuvent enfouir ou découvrir les matières ferrugineuses, que par les grands mouvements de la nature dans les tremblements de terre et dans la production des basaltes et des laves, qui tous sont ma- gnétiques, on ne doit pas être si fort émerveillé du mou- vement de l'aiguille aimantée vers l'ouest ou vers l'est; car sa direction doit varier et changer selon qu'il se forme de nouvelles chaînes de basaltes et de laves, et qu'il se découvre de nouvelles mines dont l'action favorise ou contrarie celle des mines plus anciennes. Par exemple, la déclinaison de l'aiguille à Paris éloit, en i58o, de onze degrés à l'est. Le pôle magné- tique , c'est-à-dire les masses ferrugineuses et magnéti- ques qui le formoient étoient donc situées dans le â^b TRAITE DE L AIMANT nord de l'Europe, et peut-être en Sibérie : mais comme depuis cette année i58o Ton a commencé à défricher quelques terrains dans l'Amérique septentrionale, et qu'on a découvert et travaillé des mines de fer en Ca- nada et dans plusieurs autres parties de cette région de l'Amérique, l'aiguille s'est peu à peu portée vers l'ouest, par l'attraction de ces mines nouvelles, plus puissante que celle des anciennes; et ce mouvement progressif de l'aiguille pourroit devenir rétrograde s'il se découvroit dans le nord de l'Europe et de l'Asie d'autres grandes masses ferrugineuses qui, par leur exploitation à l'air et leur aimantation , deviendroient bientôt des pôles magnétiques aussi et peut-être plus puissants que celui qui détermine aujourd'hui la dé- clinaison de l'aiguille vers le nord de l'Amérique, et dont l'existence est prouvée par les observations. Parmi ces causes, toutes accidentelles, qui doivent faire changer la direction de l'aimant, l'on doit comp- ter comme l'une des plus puissantes l'éruption des volcans, et les torrents de laves et de basaltes, dont la substance est toujours mêlée de beaucoup de fer. Ces laves et ces basaltes occupent souvent de très gran- des étendues à la surface de la terre, et doivent par conséquent influer sur la direction de l'aimant; en sorte qu'un volcan, qui, par ses éjections, produit souvent de longues chaînes de collines composées de laves et de basaltes, forme pour ainsi dire de nouvel- les mines de fer dont l'action doit seconder ou con- trarier l'effet des autres mines sur la direction de l'ai- mant. Nous pouvons même assurer que ces basaltes peuvent former non seulement de nouvelles mines de ET DE SES USAGES. 2"]'] fer, niais aussi de véritables masses d'aimant; car leurs colonnes ont souvent des pôles bien décidés d'attrac- tion et de répulsion. Par exemple, les colonnades de basalte des bords de la Volane, près de Val en Yiva- rais, ainsi que celles de la montagne de Chenavari , près de Rochemaure , qui ont plus de douze pieds de hauteur, présentent plusieurs colonnes douées de cette vertri înagnétique, laquelle peut leur avoir été communiquée par les foudres électriques ou par le magnétisme général du globe ^^ Il en est de même des tremblements de terre et des bouleversements que produisent leurs mouve- ments subits et désastreux : ce sont les foudres de l'électricité souterraine, dont les coups frappent et -soulèvent par secousses de grandes portions de terre, et dès lors toute la matière ferrugineuse qui se trouve dans cette grande étendue devient magnétique par l'action de cette foudre électrique; ce qui produit encore de nouvelles mines attirables à l'aimant, dans les lieux où il n'existoit auparavant que. du fer en rouille, en ocre, et qui, dans cet état, n'étoit point magnétique. Les grands incendies des forets produisent aussi une quantité considérable de matière ferrugineuse et magnétique. La plus grande partie des terres du Nou- veau-Monde étoient non seulement couvertes, mais encore encombrées de bois morts ou vivants, auxquels on a mis le feu pour donner du jour et rendre la terre susceptible de culture. Et c'est surtout dans l'Améri- que septentrionale que l'on a brûlé et que l'on brûle 1. Note c(-mmunmiiéo par M. Faujas de Saînl-Fou''. ^2^8 TRAITÉ DE l'aIMANT encore ces immenses forêts dans une vaste étendue ; et cette cause particulière peut avoir influé sur la dé- clinaison vers l'ouest de l'aimant en Europe. On ne doit donc regarder la déclinaison de l'aimant que comme un effet purement accidentel, et le ma- gnétisme comme un produit particulier de l'électri- cité du globe. JNous allons exposer en détail tous les faits qui ont rapport aux phénomènes de l'aimant, et l'on verra qu'aucun ne démentira la vérité de cette assertion. ARTICLE IL De la nature et de la formation de l'aimant. L'aimant n'est qu'un minéral ferrugineux qui a subi l'action du feu, et ensuite a reçu, par l'électricité gé- nérale du globe terrestre , son magnétisme particulier. L'aimant primordial est une mine de fer en rocbe vi- treuse , qui ne diffère des autres mines de fer produi- tes par le feu primitif qu'en ce qu'elle attire puissam- ment les autres matières ferrugineuses qui ont de même subi l'action du feu. Ces mines de l'aimant pri- mordial sont moins fusibles que les autres mines primitives de fer; elles approchent de la nature du régule de ce métal, et c'est par cette raison qu'elles sont plus difficiles à fondre. L'aimant primordial a donc souffert une plus violente ou plus longue impression du feu primitif que les autres mines de fer ; et il a en même temps acquis la vertu magnétique par l'action de la force qui, dès le commencement, a produit l'é- lectricité du globe. ET DE SES L' SAGES. 2^g Cet aimant de première formation a communiqué sa vertu aux matières ferrugineuses qui i'environ- noient; il a même formé de nouveaux aimants parle mélange de ses débris avec d'autres matières; et ces aimants de seconde formation ne sont aussi que des mi- néraux ferrugineux, provenant des détriments du fer en état métallique, et qui sont devenus magnétiques par la seule exposition à l'action de l'électricité géné- rale. Et comme le fer qui demeure long-temps dans la môme situation acquiert toutes les propriétés du vé- ritable aimant, on peut dire que l'aimant et le fer ne sont au fond que la même substance, qui peut égale- ment prendre du magnétisme à l'exclusion de toutes les autres matières minérales, puisque cette même propriété magnétique ne se trouve dans aucun autre métal, ni dans aucune autre matière vitreuse ou cal- caire. L'aimant de première formation est une fonte ou régule de fer mêlé d'une matière vitreuse , pareille à celle des autres mines primordiales de fer : mais, dans les aimants de seconde formation, il s'en trouve dont la matière pierreuse est calcaire ou mélan- gée d'autres substances hétérogènes. Ces aimants secondaires varient plus que les premiers par la couleur, la pesanteur, et par la quantité de force ma- gnétique. Mais cette matière vitreuse ou calcaire des diffé- rentes pierres d'aimant n'est nullement susceptible de magnétisme, et ce n'est qu'aux parties ferrugineuses contenues dans ces pierres qu'on doit attribuer cette propriété; et dans toute pierre d'aimant, vitreuse ou calcaire, la force magnétique est d'autant plus grande que la pierre contient plus de parties ferrugineuses 2 80 TRAITÉ DE l'aIMANT SOUS le même volume, en sorte que les meilleurs ai- mants sont ceux qui sont les plus pesants. C'est par cette raison qu'on peut donner au fer, et mieux en- core à l'acier, comme plus pesant que le fer, une force magnétique encore plus grande que celle de la pierre d'aimant, parce que l'acier ne contient que peu ou point de particules terrestres, et qu'il est presque uni- quement composé de parties ferrugineuses réunies ensemble sous le plus petit volume , c'est-à-dire d'aussi près qu'il est possible. Ce qui démontre l'affinité générale entre le magné- tisme et toutes les mines de fer qui ont subi l'action du feu primitif, c'est que toutes ces mines sont atti- rables à l'aimant, que réciproquement elles attirent, au lieu que les mines de fer en rouille, en ocre, et en grains, formées postérieurement par l'intermède de l'eau , ont perdu cette propriété magnétique , et ne la reprennent qu'après avoir subi de nouveau l'ac- tion du feu. Il en est de même de tous nos fers et de nos aciers; c'est parce qu'ils ont, comme les mines primitives, subi l'action d'un feu violent, qu'ils sont attirables à l'aimant. Ils ont donc, comme les mines primordiales de fer, un magnétisme passif que Ton peut rendre actif, soit par le contact de l'aimant, soit par la simple exposition à l'impression de l'électricité générale. Pour bien entendre comment s'est opérée la for- mation des premiers aimants, ils suffit de considérer que toute matière ferrugineuse qui a subi l'action du feu, et qui demeure quelque temps exposée à l'air dans la même situation , acquiert le magnétisme et de- vient un véritable aimant : ainsi, dès les premiers ET DE SES USAGES. ^8l temps de l'établissement des mines priniordiales de fer, toutes les parties extérieures de ces masses, qui étoient exposées à l'air et qui sont demeurées dans la même situation , auront reçu la vertu magnétique par la cause générale qui produit le magnétisme du globe, tandis que toutes les parties de ces mêmes miùes qui n'étoient pas exposées à l'action de l'atmosphère n'ont point acquis cette vertu magnétique; il s'est donc formé dès lors, et il peut encore se former, des aimants sur les sommets et les faces découvertes des mines de fer, et dans toutes les parties de ces mines qui sont exposées à l'action de l'atmosphère. Ainsi les mines d'aimant ne sont que des mines de fer qui se sont aimantées par l'action de l'électricité gé- nérale; elles ne sont pas, à beaucoup près, en aussi grandes masses que celles de fer, parce qu'il n'y a que les parties découvertes de ces mines qui aient pu re- cevoir la vertu magnétique : les mines d'aimant ne doivent donc se trouver et ne se trouvent en effet que dans les parties les plus extérieures de ces mines pri- moj'diales de fer, et jamais à de grandes profondeurs , à moins que ces mines n'aient été excavées, ou qu'elles ne soient voisines de quelques cavernes, dans les- quelles les influences de l'atmosphère auroientpu pro- duire le même effet que sur les sommets ou sur les faces découvertes de ces mines primitives. Maintenant on ne peut douter que le magnétisme général du globe ne forme deux courants, dont l'un se porte de l'équateur au nord, et l'autre, en sens contraire , de l'équateur au sud : la direction de ces courants est sujette à variation, tant pour les lieux que pour le temps; et ces variations proviennent des 2^2 TRAITÉ DE l'AIMANT inflexions du courant de la force magnétique, qui suit le gisement des matières ferrugineuses , et qui change à mesure qu elles se découvrent à l'air ou qu'el- les s'enfouissent par l'afiTaissement des cavernes, par l'effet des volcans, des tremblements de terre, ou de quelque autre cause qui change leur exposition : elles acquièrent donc ou perdent la vertu magnétique par ce changement de position, et dès lors la direction de cette force doit varier, et tendre vers ces mines ferru- gineuses nouvellement découvertes, en s'éloignant de celles qui se sont enfoncées. Les variations dans la direction de l'aimant démon- trent que les pôles magnétiques ne sont pas les mê- mes que les pôles du globe , quoiqu'on général la di- rection de la force qui produit le magnétisme tende de l'équateur aux deux pôles terrestres. Les matières ferrugineuses, qui seules peuvent recevoir du courant de cette force les propriétés de l'aimant, forment des pôles particuliers selon le gisement local et la quantité plus ou moins grande des mines d'aimant et de fer. L'aimant primordial n'a pas acquis au même instant son attraction et sa direction; car le fer reçoit d'abord la force attractive et ne prend des pôles qu'en plus ou moins de temps, suivant sa position et selon la pro- portion de ses dimensions. Il paroît donc que, dès le temps de l'établissement et de la formation des pre- mières mines de fer par le feu primitif, les parties exposées «^ l'action de l'atmosphère ont reçu d'abord la force attractive, et ont pris ensuite des pôles fixes, et acquis la puissance de se diriger vers les parties po- laires du globe. Ces premiers aimants ont certaine- ET DE SES USAGES. 265 ment conservé ces forces attractives et directives, quoiqu'elles agissent sans cesse au dehors, ce qui sembleroit devoir les épuiser; mais au contraire elles se communiquent de l'aimant au fer sans souffrir au- cune perte ni diminution. Plusieurs physiciens qui ont traité de la nature de Taimant se sont persuadé qu'il circuloit dans l'aimant une matière qui en sortoit incessamment après y être entrée et en avoir pénétré la substance. Le célèbre géomètre Euler, et plusieurs autres^, voulant expli- quer mécaniquement les phénomènes magnétiques, ont adopté l'hypothèse de Descartes, qui suppose dans la substance de l'aimant des conduits et des po- res si étroits, qu'ils ne sont perméables qu'à cette matière magnétique, selon eux, plus subtile que toute autre matière subtile; et, selon eux encore, ces pores de l'aimant et du fer sont garnis de petites sou- papes, de fdets ou de poils mobiles, qui tantôt obéis- sent et tantôt s'opposent au courant de cette matière si subtile. Ils se sont efforcés de faire cadrer les phé- nomènes du magnétisme avec ces suppositions peu na- turelles et plus que précaires, sans faire attention que leur opinion n'est fondée que sur la fausse idée qu'il est possible d'expliquer mécaniquement tous les effets des forces de la nature. Euler a même cru 1. Je voudrois excepter de ce nombre Daniel Bernouilli, liomme d'un esprit excellent. « Je me sens , dit-il , de la répugnance à croire que la nature ait formé cette matière cannelée , et ces conduits ma- gnétiques qui ont été imaginés par quelques physiciens, uniquement pour nous donner le spectacle des différents jeux de l'aimant. » Néan- moins ce grand matliémaiicien rapporte, comme les autres, à des causes mécaniques les effets de l'aimant : ses hypothèses sont seulement plu» générales et moins multipiiées. 204 TRAITE DE L AIMANT , pouvoir démontrer la cause de l'attraction universelle par l'action du menie fluide qui, selon lui, produit le maguikisme. Cette prétention, quoique vaine et lual conçue, n'a pas laissé de prévaloir dans l'esprit de quelques physiciens; et cependant, si l'on consi- dère sans préjugé la nature et ses effets, et si l'on ré- fléchit sur les forces d'attraction et d'impulsion qui l'animent, on reconnoîtra que leurs causes ne peuvent ni s'expliquer ni môme se concevoir par cette méca- nique matérielle qui n'admet que ce qui tombe sous nos sens, et rejette, en quelque sorte, ce qui n'est aperçu que par l'esprit; et de fait l'action de la pesan- teur ou de l'attraction peut -elle se rapporter à des effets mécaniques et s'expliquer par des causes secon- daires , puisque cette attraction est une force géné- rale, une propriété primitive, et un attribut essentiel de toute malière? l\e suffit-il pas de savoir que toute matière s'attire, et que cette force s'exerce non seu- lement dans toutes les parties de la masse du globe terrestre , mais s'étend même depuis le soleil jusqu'aux corps les plus éloignés dans notre univers, pour être convaincu que la cause de cette attr ction ne peut nous être connue, puisque son effet étant universel , et s'exerçant généralement dans toute matière, cette cause ne nous offre aucune différence, aucun point de comparaison, ni par conséquent aucun indice de connoissance, aucun moyen d'explication? En se sou- venant donc que nous ne pouvons rien juger que par comparaison, nous verrons clairement qu'il est non seulement vain , mais absurde , de vouloir rechercher et expliquer la cause d'un effet général et commun à toute matière , tel que l'attraction universelle, et qu'on ET DE SES USAGES. 285 doit se borner à regarder cet effet généra! comme une vraie cause à laquelle on doit rapporter les autres for- ces, en comparant leurs différents effets; et si nous comparons l'attraction magnétique à l'attraction uni- verselle, nous verrons qu'elles diffèrent très essentiel- lement. L'aimant est, comme toute autre matière, sujet aux lois de l'attraction générale, et en même temps il semble posséder une force attractive parti- culière, et qui ne s'exerce que sur le fer ou un autre aimant : or nous avons démontré que cette force, qui nous paroît attractive, n'est dans le réel qu'une force impulsive, dont la cause et les effets sont tout différents de ceux de l'attraction universelle. Dans le système adopté par la plupart des physi- ciens, on suppose un grand tourbillon de matière ma- gnétique circulant autour du globe terrestre, et de petits tourbillons de cette même matière, qui non seulement circule d'un pôle à l'autre de chaque ai- mant , mais entre dans leur substance , et en sort pour y rentrer. Dans la physique de Descartes, tout étoit tourbillon, tout s'expliquoit par des mouvements cir- culaires et des impulsions tourbillonnantes : mais ces tourbillons, qui remplissoient l'univers, ont disparu; il ne reste que ceux de la matière magnétique dans la tête de ces physiciens. Cependant l'existence de ces tourbillons magnétiques est aussi peu fondée que celle des tourbillons planétaires; et ou peut démontrer, par plusieurs faits , que la force magnétique ne se meut pas en tourbillon autour du globe terrestre, non plus qu'autour de l'aimant. Ln vertu magnétique, que l'aimant possède émi- iien^ment, peut de n)ême appartenir au fer, puisque 286 TRAITÉ DE l'aIMANT l'aimant la lui communique par le simple contact, et que même le fer l'acquiert sans ce secours, lorsqu'il est exposé aux impiessions de l'atmosphère : le fer devient alors un vérilahle aimant, s'il reste long-temps dans la même situation; de plus, il s'aimante assez fortement par la percussion , par le frottement de la lime, ou seulement en le pliant et repliant plusieurs fois : mais ces derniers moyens ne donnent au fer qu'un magnétisme passager, et ce métal ne conserve la vertu magnétique que quand il l'a empruntée de l'aimant, ou bien acquise par une exposition à l'action de l'électricité générale pendant un temps assez long pour prendre des pôles fixes dans une direction dé- terminée. Lorsque le fer, tenu long-temps dans la même si- tuation, acquiert de lui-même la vertu magnétique, qu'il la conserve, et qu'il peut même la communi- quer à d'autres fers, comme le fait l'aimant, doit-on se refuser à croire que, dans les mines primitives, les parties qui se sont trouvées exposées à ces mêmes impressions de l'atmosphère ne soient pas celles qui ont acquis la vertu magnétique, et que par consé- quent toutes les pierres d'aimant, qui ne forment que de petits blocs en comparaison des montagnes et des autres masses des mines primordiales de fer, étoient aussi les seules parties exposées à cette action exté- rieure qui leur a donné les propriétés magnétiques? E.ien ne s'oppose à cette vue, ou plutôt à ce fait ; car la pierre d'aimant est certainement une matière ferru- gineuse moins fusible , à la vérité, que la plupart des autres mines de fer ; et cette dernière propriété in- dique seulement qu'ii a fallu peut-être le concours ET DE SES USAGES. 287 de deux circonstances pour la production de ces ai- mants primitifs, dont la première a été la situation et l'exposition constante à l'impression du magnétisme général ; et la seconde, une qualité diflérente dans la matière ferrugineuse qui compose la substance de l'aimant : car la mine d'aimant n'est plus difîlcile à fondre que les autres mines de fer en roche que par cette différence de qualité. L'aimant primordial ap- proche, comme nous l'avons dit, de la nature du ré- gule de fer, qui est bien moins fusible que sa mine. Ainsi cet aimant primitif est une mine de fer qui , ayant subi une plus forte action du feu que les autres mines, est devenue moins fusible ; et en effet, les mi- nes d'aimant ne se trouvent pas, comme les autres mines de fer, par grandes masses continues, mais par petits blocs placés à la surface de ces mêmes mines, où le feu primitif, animé par l'air, étoit plus actif que dans leur intérieur. Ces blocs d'aimant sont plus ou moins gros, et com- munément séparés les uns des autres; chacun a sa sphère particulière d'attraction et ses pôles; et puis- que le fer peut acquérir de lui-même toutes ces pro- priétés dans les mêmes circonstances, ne doit-on pas en conclure que , dans les mines primordiales de fer, les parties qui étoient exposées au feu plus vif que l'air excitoit à la surface du globe en incandescence auront subi une plus violente action de ce feu, et se seront en même temps divisées, fendues, séparées, et qu'elles auront acquis d'elles-mêmes cette puis- sance magnétique qui ne diminue ni ne s'épuise, et demeure toujours la même, parce qu'elle dépend 288 TRMTÉ DE l'aIMANT d'une cause extérieure, toujours subsistante et tou- jours agissante? La formation des premiers aimants me paroît donc bien démontrée; mais la cause première du magné- tisme, en général, n'en étoit pas mieux connue. Pour deviner ou même soupçonner quelles peuvent être la cause ou les causes d'un effet particulier de la nature, tel que le magnétisme, il falloit auparavant considé- rer les phénomènes, en exposant tous les faits acquis par l'expérience et l'observation. Il falloit les compa- rer entre eux, et avec d'autres feits analogues, afm de pouvoir tirer du résultat de ces comparaisons les bjmières qui dévoient nous guider dans la recherche des causes inconnues et cachées : c'est la seule route que ion doive prendre et suivre, puisque ce n'est que sur des faits bien avérés, bien entendus, qu'on peut établir des raisonnements solides; et plus ces faits seront multipliés, plus il deviendra possible d'en tirer des inductions plausibles, et de les réunir pour en faire la base d'une théorie bien fondée, telle que nous paroît être celle que j'ai présentée dans le pre- mier chapitre de ce traité. Mais, comme les faits particuliers qu'il nous reste à exposer sont aussi nombreux que singuliers, qu'ils paroissent quelquefois opposés ou contraires, nous commencerons par les phénomènes qui ont rapport à l'attraction ou à la répulsion de l'aimant, et ensuite nous exposerons ceux qui nous indiquent sa direction avec ses variations, tant en déclinaison qu'en inclinai- son. Chacune de ces grandes propriétés de l'aimant doit être considérée en particulier, et d'autant plus KT I)K SKS USAGES. 289 attentivement, qu'elles paroissent moins dépendantes les unes des autres, et qu'en ne les jugeant que par les apparences, leurs effets sembleroient provenir de causes différentes. Au reste, si nous recherchons le temps où l'aimant et ses propriétés ont commencé d'être connus, ainsi que les lieux où ce minéral se trouvoit anciennement, nous verrons, par le témoignage de Théophraste, que l'aimant étoit rare chez les Grecs, qui ne lui connois- soient d'autre propriété que celle d'attirer le fer : mais du temps de Pline, c'est-à-dire trois siècles après, l'aimant étoit devenu plus commun ; et aujourd'hui il s'en trouve plusieurs mines dans les terres voisines de la Grèce, ainsi qu'en Italie, et particulièrement à l'île d'Elbe. On doit donc présumer que la plupart des mines de ces contrées ont acquis, depuis le temps de Théophraste, leur vertu magnétique, à mesure qu'el- les ont été découvertes, soit par des effels de la nature , soit par le travail des hommes ou par le feu des vol- cans. On trouve de même des raines d'aimant dans pres- que toutes les parties du monde, et surtout dans les pays du nord, où il y a beaucoup plus de mines pri- mordiales de fer que dans les autres régions de la terre. jNous avons donné ci-devant la description des mines aimantées de Sibérie, et l'on sait que l'aimant est si commun en Suède et en Norwège, qu'on en fait un commerce assez considérable. Les voyageurs nous assurent qu'en Asie il y a de bons aimants au Bengale, à Siam, à la Chine, et aux îles Philippines; ils font aussi mention de et ux de l'A- frique et de l'Amérique. 2C)0 TRAITE DE L AIMANT ARTICLE III. De l'attraction et de la répulsion de l'aimant. Le mouvement du magnétisme semble être com- posé de deux forces, l'une attractive et l'autre direc- tive. Un aimant, de quelque figure qu'il soit, attire le fer de tous cotés et dans tous les points de sa surface; et plus les pierres d'aimant sont grosses, moins elles ont de force attractive, relativement à leur vo- lume; elles en ont d'autant plus qu'elles sont plus pe- santes, et toutes ont beaucoup moins de puissance d'attraction quand elles sont nues que quand elles sont armées de fer ou d'acier. La force directive, au contraire, se marque mieux, et avec plus d'énergie, sur les aimants nus que sur ceux qui sont armés. Quelques savants physiciens, et, entre autres, Tay- lor et Musschenbroeck, ont essayé de déterminer par des expériences l'étendue de la sphère d'attraction de l'aimant, et l'intensité de cette action à diû'érentes distances; ils ont observé qu'avec de bons aimants cette force attractive étoit sensible jusqu'à treize ou quatorze pieds de distance; et, sans doute, elle s'é- tend encore plus loin. Ils ont aussi reconnu que rien ne pouvoit intercepter l'action de celte force, en sorte qu'un aimant renfermé dans une boîte agit toujours à la même distance. Ces faits suillsent pour qu'on puisse concevoir qu'en plaçant et cachant des aimants et du fer en différents endroits, même assez éloignés, on peut produire des effets qui paroissent merveilleux, parce qu'ils s'opèrent à quelque distance, sans action ET DE SES USAGES. 291 appareate d'aucune matière intermédiaire, ni d'aucun mou vement co m mu nique. Les anciens n'ont connu que cette première pro- priété de l'aimant ; ils savoient que le fer, de quelque côté qu'on le présente, est toujours attiré par l'ai- mant; ils n'ignoroient pas que deux aimants présentés l'un à l'autre s'attirent ou se repoussent. Les physi- ciens modernes ont démontré que cette attraction et cette répulsion entre deux aimants sont égales, et que la plus forte attraction se fait lorsqu'on présente directement les polc: de différents noms, c'est-à-dire le pôle austral d'un aimant au pôle boréal d'un autre aimant ; et que de même la répulsion est la plus forte quand on présente l'un à l'autre les pôles de même nom. Ensuite ils ont cherché la loi de cette attraction et de cette répulsion; ils ont reconnu qu'au lieu d'ê- tre, comme la loi de l'attraction universelle, en rai- son inverse du carré de la distance, cette attraction et cette répulsion magnétiques ne décroissent pas même autant ([ue la distance augmente : mais lors- qu'ils ont voulu graduer l'échelle de cette loi, ils y ont trouvé tant d'inconstance et de si grandes varia- tions, qu'ils n'ont pu déterminer aucun rapport fixe, aucune proportion suivie, entre les degrés de puis- sance de cette force attractive et les effets qu'elle pro- duit à différentes distances ; tout ce qu'ils ont pu con- clure d'un nombre infini d'expériences, c'est que la force actractive de l'aimant décroît proportionnelle- ment plus dans les grandes que dans les petites dis- tances. iNous venons de dire que les aimants ne sont pas tous d'égale force, à beaucoup près; que plus les pier- 9.^2 TRAITE DE L AIMANT res d'aimant sont grosses , moins elles ont de force at- tractive relativement à leur volîjme, et qu'elles en ont d'autant plus qu'elles sont plus pesantes, à volume écçal : mais nous devons ajouter que les aimants les plus puissants ne sont pas toujours les plus généreux, en sorte que quelquefois ces aimants plus puissants ne communiquent pas au fer autant de leur vertu at- tractive que des aimants plus foibîes et moins riches, mais en même temps moins avares de leur propriété. La sphère d'activité des aimants foibles est moins étendue que celle des aimants forts; et, comme nous l'avons dit, la force attractive des uns et des autres décroît beaucoup plus dans les grandes que dans les petites distances: mais, dans le point de contact, cette force, dont l'action est très inégale à toutes les dis- tances dans les différents aimants, produit alors un effet moins inégal dans l'aimant foible et dans l'aimant fort, de sorte qu'il faut employer des poids moins in- égaux pour séparer les aimants forts et les aimants foi- bles, lorsqu'ils sont unis au fer ou à l'aimant par un contact immédiat. Le fer attire l'aimant autant qu'il en est attiré : tous deux, lorsqu'ils sont en liberté, font la moitié du che- min pour s'approcher ou se joindre. L'action et la réaction sont ici parfaitement égales : mais un aimant attire le fer de quelque côté qu'on le présente , au lieu qu'il n'attire un autre aimant que dans un sens, et qu'il le repousse dans le sens opposé. La limaille de fer est attirée plus puissamment par l'aimant que la poudre même de la pierre d'aimant, parce qu'il y a plus de parties ferrugineuses dans le fer forgé que dans celte pierre, qui néanmoins agit ET DE SES USAGES. aC);) de plus loin sur le fer aimanté qu'elle ne peut agir sur du fer non aimanté ; car le fer n'a par lui- même aucune force attractive : deux blocs de ce mé- tal, mis l'un auprès de l'autre y ne s'attirent pas plus que deux masses de toute autre matière; mais dès que l'un ou l'autre, ou tous deux, ont reçu la vertu magnétique, ils produisent les mêmes effets, et pré- sentent les mêmes phénomènes que la pierre d'ai- mant, qui n'est en effet qu'une masse ferrugineuse aimantée par la cause générale du magnétisme. Le fer ne prend aucune augmentation de poids par l'impré- gnation de la vertu magnétique; la plus grosse masse de fer ne pèse pas un grain de plus, quelque forte- ment qu'elle soit aimantée : le fer ne reçoit donc au- cune matière réelle par cette communication, puisque toute matière est pesante, sans même en excepter celle du feu. Cependant le feu violent agit sur l'ai- mant et sur le fer aimanté ; il diminue beaucoup, ou plutôt il suspend leur force magnétique lorsqu'ils sont échauffés jusqu'à l'incandescence, et ils ne reprennent cette vertu qu'à mesure qu'ils se refroidissent. Une clialeur égale à celle du plomb fondu ne suffit pas pour produire cet effet : et d'ailleurs le feu, quelque violent qu'il soit, laisse toujours à l'aimant et au fer aimanté quelque portion de leurs forces; car, dans l'état de la plus grande incandescence , ils donnent encore des signes sensibles, quoique foibles, de leur magnétisme. M. Epinus a même éprouvé que des ai- mants naturels portés à l'état d'incandescence, re- froidis ensuite, et placés entre deux grandes barres d'acier fortement aimantées, acquéroient un magné- tisme plus fort; et. par la comparaison de ses expé- BUFFOIV. IX. KJ ijgi TRAITÉ DE l'aimant riences, il paroît que plus un aimant est vigoureux par sa nature, mieux il reçoit et conserve ce surcroît de force. L'action du feu ne fait donc que diminuer ou sus- pendre la vertu magnétique, et concourt même quel- quefois à l'augmenter: cependant la percussion, qui produit toujours de la chaleur lorsqu'elle est réitérée,^ semble détruire cette force en entier; car si l'on frappe fortement, et par plusieurs coups successifs, une lame de fer aimantée, elle perdra sa vertu magnétique, tan- dis qu'en frappant de même une semblable lame non aimantée, celle-ci acquerra, par celte percussion, d'autant plus de force magnétique que les coups se- ront plus forts et plus réitérés : mais il faut remarquer que la percussion, ainsi que l'action du feu, qui sem- ble détruire la vertu magnétique, ne font que la chan- ger ou la chasser, pour en substituer une autre, puis- qu'elles suffisent pour aimanter le fer qui ne l'est pas; elles ôtent donc au fer aimanté la force communiquée par l'aimant, et en même temps y portent et lui sub- stituent une nouvelle force magnétique, qui devient très sensible lorsque la percussion est continuée ; le fer perd la première, et acquiert la seconde, qui est souvent plus foible et moins durable : il arrive ici le même effet à peu près que quand on passe sur un ai- mant foible du fer aimanté par un aimant fort ; ce fer perd la grande force magnétique qui lui avoit été communiquée par l'aimant fort, et il acquiert en même temps la petite force que peut lui donner l'ai- mant foible. Si l'on met dans un vase de la limaille de fer et qu'on la comprime assez pour en faire une masse ET DK SES USAGES. 296 compacte, à laquelle on donnera la vertu magnétique en l'appliquant ou la frottant contre l'aimant, elle la recevra comme toute autre matière ferrugineuse ; mais cette même limaille de fer comprimée, qui a reçu la vertu magnétique, perdra cette vertu dès qu'elle ne fera plus masse, et qu'elle sera réduite au même état pulvérulent où elle étoit avant d'avoir été comprimée. 11 suffit donc de changer la situation res- pective des parties constituantes de la masse, pour faire évanouir la vertu magnétique ; chacune des par- ticules de limaille doit être considérée comme une petite aiguille aimantée, qui dès lors a sa direction et ses pôles. En changeant donc la situation respective des particules, leurs forces attractives et directives se- ront changées et détruites les unes par les autres. Ceci doit s'appliquer à l'effet de la percussion, qui, pro- duisant un changement de situation dans les parties du fer aimanté, fait évanouir sa force magnétique. Cela nous démontre aussi la cause d'un phénomène qui a paru singulier, et assez difficile à expliquer. Si l'on met une pierre d'aimant au dessus d'une quantité de limaille de fer que l'on agitera sur un car- ton, cette limaille s'arangera en formant plusieurs courbes séparées les unes des autres, et qui laissent deux vides aux endroits qui correspondent aux pôles de la pierre : on croiroit que ces vides sont occasio™ nés par une répulsion qui ne se fait que dans ces deux endroits, tandis que l'attraction s'exerce sur la limaille dans tous les autres points; mais lorsqu'on présente l'aimant sur la limaille de fer sans la secouer, ce sont, au contraire, les pôles de la pierre qui toujours s'en chargent le plus. Ces deux effets opposés semble- 2^6 TRAITÉ DE l'aIMANT roient, au premier coup d'oeil, indiquer que la force magnétique est tantôt très active et tantôt absolu- ment inactive aux pôles de l'aimant : cependant il est très certain, et même nécessaire, que ces deux effets, qui semblent être contraires, proviennent de la même cause ; et comme rien ne trouble l'effet de cette cause dans l'un des cas et qu'elle est troublée dans l'autre par les secousses qu'on donne à la limaille, on doit en inférer que la différence ne dépend que du mou- vement donné à chaque particule de la limaille. En général, ces particules étant autant de petites aiguilles qui ont reçu de l'aimant les forces attractive et directive presque en même temps et dans le même sens, elles doivent perdre ces forces, et changer de direction dès que, par le mouvement qu'on leur im- prime, leur situation est changée. La limaille sera par conséquent attirée et s'amoncèlera lorsque les pôles austraux de ces petites aiguilles seront disposés dans le sens du pôle boréal de l'aimant, et cete même li- maille formera des vides lorsque les pôles boréaux des particules seront dans le sens du pôle boréal de l'aimant, parce que, dans tout aimant ou fer aimanté, les pôles de différents noms s'attirent, et ceux de même nom se repoussent. Il peut arriver cependant quelquefois, lorsqu'on présente un aimant vigoureux à un aimant foible, que les pôles de même nom s'attirent au lieu de se repousser : mais ils ont cessé d'être semblable lors- qu'ils tendent l'un vers l'autre ; l'aimant fort détruit par sa puissance la vertu magnétique de l'aimant foi- ble, et lui en communique une nouvelle qui change ses pôles. On peut expliquer par cette même raison ET DE SES USAGES. 297 plusieurs phénomènes analogues à cet eflet, et parti- culièrement celui que M. Lpinus a observé le pre- mier, et que nous citons, par extrait, dans la note ci- dessous ^. 1. Que l'on tîeiiue verticalemeiil un aimant au dessus d'une table sur laquelle on aura placé une petite aiguille d'acier à une certaine distance du point au dessus duquel l'aimant sera suspendu, l'aiguille tendra vers l'aimant , et son extrémité la plus voisine de l'aimant s'élè- vera au dessus de la surface de la table : si l'on frappe légèrement la table par dessous , l'aiguille se soulèvera en entier ; et lorsqu'elle sera retombée, elle se trouvera plus près du point correspondant au des- sous de l'aimant ; son extrémité, s'élevant davantage, formera avec la table un angle moins aigu, et, à force de petits coups réitérés, elle parviendra précisément au dessous de l'aimant, et se tiendra perpen- diculaire. Si , au contraire, on place l'aimant au dessous de la table , ce sera l'extrémité de l'aiguille la plus éloignée de l'aimant qui s'élè- vera ; l'aiguille , mise en mouvement par de légères secousses , se trou- vera toujours, après être retombée, à une plus grande distance du point correspondant au dessus de l'aimant ; son extrémité s'élèvera moins au dessus de la table , et formera un angle plus aigu. L'aiguille acquiert la vertu magnétique par la proximité de l'aimant. L'extrémité de l'aiguille opposée à cet aimant prend un pôle contraire au pôle de l'aimant dont elle est voisine; elle doit donc être attirée pendant que l'autre extré- mité sera repoussée. Ainsi l'aiguille prendra successivement une posi tion où l'une de ses extrémités sera le plus près, et l'autre le plus loin possible de l'aimant; elle doit donc tendre à se diriger parallèlement à une ligne droite que l'on pourroit tirer de son centre de gravité à l'aimant. Lorsque l'aiguilie s'élève pour obéir à la petite secousse, la tendance que nous venons de reconnoître lui donne , pendant qu'elle est en l'air , une nouvelle position relativement à l'aimant; et s'il est suspendu au dessus de la table, cette nouvelle position est telle, que l'aiguille en retombant se trouve plus près du point correspondant au dessous de l'aimant : si , au contraire, l'aimant est au dessous de la table , la nouvelle position donnée à l'aiguille pendant qu'elle est en- t'ore en l'air fait nécessairement qu'après être tombée elle se trouve plus éloignée du point au dessous duquel l'aimant a été placé. Il est inutile de dire que si l'on remplace la petite aiguille par de la limaille de fer, l on voit les mêmeê effets produits dans toutes les particules qui composent la limaille. ^9^ TRAITÉ DE l'aimant Nous devons ajouter à ces faits un autre fait qui dé- montre également que la résidence fixe ainsi que la direction décidée de la force magnétique ne dépen- dent, dans le fer et l'aimant, que de la situation constante de leurs parties dans le sens où elles ont reçu cette force : le fer n'acquiert de lui-même la vertu magnétique, et l'aimant ne la communique au fer, que dans une seule et même direction; car si l'on aimante un fil de fer selon sa longueur, et qu'en- suite on le plie de manière qu'il forme des angles et crochets, il perd dès lors sa force magnétique, parce que la direction n'est pas la même, et que la situa- tion des parties a été changée dans les plis qui forment ces crochets; les pôles des diverses parties du fer se trouvent alors situés, les uns relativement aux autres, de manière à diminuer ou détruire mutuellement leur vertu, au lieu de la conserver ou de l'accroître : et non seulement la force magnétique se perd dans ces par- ties angulaires, mais même elle ne subsiste plus dans les autres parties du fil de fer qui n'ont point été pliées; car le déplacement des pôles et le change- ment de direction occasionéspar les plis suffisent pour faire perdre cette force au fil de fer dans toute son étendue. Mais si l'on passe un fil de fer par la filière, dans le même sens qu'il a été aimanté, il conservera sa vertu magnétique, quoique les parties constituantes aient changé de position en s'éloignant les unes des autres, et que toutes aient concouru , plus ou moins, à l'allongement de ce fil de fer par leur déplacement; preuve évidente que la force magnétique subsiste ou s'évanouit selon que la direction se conserve la même ET DE SES USAGES. 299 lorsque le déplacement se fait dans le même sens, ou que cette direction devient différente lorsque le dé- placement se fait dans un sens opposé. On peut considérer un morceau de fer ou d'acier comme une masse de limaijle dont les particules sont seulement plus rapprochées et réunies de plus près que dans le bloc de limaille comprimée : aussi faut-il un violent mouvement, tel que celui d'une flexion forcée, ou d'une forte percussion, pour détruire la force magnétique dans le fer ou l'acier par le chan- gement de la situation respective de leurs parties; au lieu qu'en donnant un coup assez léger sur la masse de la limaille comprimée, on fait évanouir à l'instant la force magnétique, parce que ce coup suffit pour changer la situation respective de toutes les particules de la limaille. Si l'on ne passe qu'une seule fois une lame de fer ou d'acier sur l'aimant, elle ne reçoit que très peu de force magnétique par ce premier frottement; mais en le réitérant quinze ou vingt fois, toujours dans le même sens, le fer ou l'acier prendront presque toute la force magnétique qu'ils peuvent comporter, et on ne leur en donneroit pas davantage en continuant plus long-temps les mômes frottements : mais si , après avoir aimanté une pièce de fer ou d'acier dans un sens, on la passe sur l'aimant dans un sens opposé, elle perd la plus grande partie de la vertu qu'elle avoit acquise, et peut même la perdre tout- à-fait en réi- térant les frottements dans ce sens contraire. Ce sont ces phénomènes qui ont fait imaginer à quelques physiciens que la force magnétique rend mobiles les particules dont le fer est composé. Au reste , si l'on OOO TRAITE DE L AIMANT ne fait que poser }e fer ou l'acier sur l'aimant, sans les presser l'un contre l'autre , ou les appliquer fortement, en les passant dans le même sens, ils ne reçoivent que peu de vertu magnétique, et ce ne sera qu'en les tenant réunis plusieurs heures de suite qu'ils en ac- querront davantage , et cependant toujours moins qu'en les frottant dans le même sens, lentement et fortement, un grand nombre de fois sur l'aimant. Le feu, la percussion, et la flexion, suspendent ou détruisent également la force magnétique , parce que ces trois causes changent également la situation res- pective des parties constituantes du fer et de l'aimant. Ce n'est même que par ce seul changement de la si- tuation respective de leurs parties que le feu peut agir sur la force magnétique ; car on s'est assuré que cette force passe de l'aimant au fer, à travers la flamme, sans diminution ni changement de direction : ainsi ce n'est pas sur la force même que se porte l'action du feu, mais sur les parties intégrantes de l'aimant ou du fer, dont le feu change la position; et lorsque , par le refroidissement, cette position des parties se rétablit telle qu'elle étoit avant l'incandescence, la force ma- gnétique reparoît, et devient quelquefois plus puis- sante qu'elle ne l'étoit auparavant. Un aimant artificiel et homogène , tel qu'un barreau d'acier fortement aimanté, exerce sa force attractive dans tous les points de sa surface , mais fort inégale- ment : car si l'on projette de la limaille de fer sur cet aimant, il n'y aura presque aucun point de sa super- ficie qui ne retienne quelques particules de cette li- maille , surtout si elle est réduite en poudre très fine ; les pôles et les angles de ce barreau seront Jes parties ET DE SES USAGES. 3o 1 qui s'en chargeront le plus, et les faces n'en retien- dront qu'une bien moindre quantité. La position des particules de limaille sera aussi fort différente ; on les verra perpendiculaires sur les parties polaires de l'ai- mant , et elles seront inclinées plus ou moins vers ces mêmes pôles dans toutes les autres parties de sa sur- face. Rien n'arrête la vertu magnétique : un aimant placé dans l'air ou dans le vide, plongé dans l'eau, dans l'huile, dans le mercure, ou dans tout autre fluide, agit toujours également ; renfermé dans une boîte de bois, de pierre , de plomb, de cuivre, ou de tout au- tre métal , à l'exception du fer, son action est encore la même : l'interposition des corps les plus solides ne lui porte aucune atteinte, et ne fait pas obstacle à la transmission de sa force; elle n'est affoiblie que par le fer interposé, qui, acquérant par cette position la vertu magnétique, peut augmenter, contre-baîancer, ou détruire celle qui existoit déjà , suivant que les di- rections de ces deux forces particulières coïncident ou divergent. Mais, quoique les corps interposés ne diminuent pas l'étendue de la sphère active de l'aimant sur le fer, ils ne laissent pas de diminuer beaucoup l'inten- sité de la force attractive, lorsqu'ils empêchent leur contact. Si l'on interpose entre le fer qu'on veut unir à l'aimant un corps aussi mince que l'on voudra, seu- lement une feuille de papier, l'aimant ne pourra sou- tenir qu'une très petite masse de fer en comparaison de celle qu'il auroit soutenue si le fer lui avoit été immédiatement appHqué : cette différence d'effet pro- vient de ce que l'intensité de la force est, sanscompa- J02 TRAITE DE L AIMANT raison , beaucoup plus grande au point de contact , et fju'en mettant obstacle à l'union immédiate du fer avec l'aimant, par un corps intermédiaire, on lui ôte la plus grande partie de sa force, en ne lui laissant que celle qu'il exerçoit au delà de son point de con- tact. Mais cet effet, qui est si sensible à ce point, de- vient nul, ou du moins insensible, à toute autre dis- tance ; car les corps interposés à un pied, à un pouce, et même aune ligne de l'aimant, ne paroissent faire aucun obstacle à l'exercice de son attraction. Le fer réduit en rouille cesse d'être attirable à l'ai- mant; la rouille est une dissolution du fer par l'humi- dité de l'air, ou, pour mieux dire , par l'action de l'a- cide aérien, qui, comme nous l'avons dit, a produit tous les autres acides : aussi a"issent-iîs tous sur le fer, et à peu près de la même manière ; car tous le dissolvent, lui ôtent la propriété d'être attiré par l'ai- mant : mais il reprend cette même propriété lors- qu'on fait exhaler ces acides par le moyen du feu. Cette propriété n'est donc pas détruite en entier dans la rouille, et dans les autres dissolutions du fer, puis- qu'elle se rétablit dès que le dissolvant en est séparé. L'action du feu produit dans le fer un effet tout contraire à celui de l'impression des acides ou de l'hu- midité de l'air ; le feu le rend d'autant plus attirable à l'aimant qu'il a été plus violemment chauffé. Ce sa- blon ferrugineux dont nous avons parlé, et qui est toujours mêlé avec la platine , est plus attirable à l'ai- mant que la limaîile de fer, parce qu'il a suLi une plus forte action du feu, et la limaille de fer chauffée jusqu'au blanc devient aussi plus attirable qu'elle ne rétoit auparavant; on peut même dire qu'elle devient ET DE SES USAGES. v:)o3 tout-à-fait magnétique en certaines circonstances, puisque les petites écailles de fer qui se séparent de la loupe eu incandescence frappée parie marteau pré- sentent les mêmes phénomènes que l'aimant : elles s'attirent, se repoussent et se dirigent comme le font les aiguilles aimantées. On obtient le même effet en faisant sublimer le fer par le moyen du feu^; et les volcans donnent par sublimation des matières ferru- gineuses qui ont du magnétisme et des pôles comme les fers sublimés et chauffés. On augmente prodigieusement la forme altractive de l'aimant en la réunissant avec la force directive , au moyen d'une armure de fer ou d'acier; car cette ar- mure fait converger les directions, en sorte qu'il ne reste à l'aimant armé qu'une portion des forces direc- tives qu'il avoit étant nu , et que ce même aimant nu , qui, par ses parties polaiies, ne pouvoit soutenir qu'un certain poids de fer, en soutiendra dix, quinze, ou vingt fois davantage, s'il est bien armé; et plus le poids qu'il soutiendra étant nu sera petit, plus l'aug- mentation du poids qu'il pourra porter étant armé sera i^rande. Les forces directives de l'aimant se réu- nissent donc avec sa force attractive; et toutes se por- tant sur l'armure, y produisent une intensité de force bien plus grande , sans que l'aimant en soit plus épuisé. Cela seul prouveroit que la force magnétique ne ré- side pas dans l'aimant, mais qu'elle est déterminée vers le fer et l'aimant par une cause extérieure dont l'effet peut augmenter ou diminuer, selon que les ma- tières ferrugineuses lui sont présentées d'une manière 1. Expériences faites par ]\1M. de l'Arbre et Quinquet, et commu- niquées à M. le comte de Buffon on 1786. 5o4 TRAITÉ DE l'aIMANT plus OU moins avantageuse : la force attractive n'aug- mente ici que par sa réunion avec la force directive, et l'armure ne fait que réunir ces deux forces pour leur donner plus d'extension; car, quoique l'attrac- tion, dans l'aimant armé, agisse beaucoup plus puis- samment sur le fèr, qu'elle retient plus fortement, elle ne s'étend pas plus loin que celle de l'aimant nu. Cette plus forte attraction, produite par la réunion des forces attractive et directive de l'aimant, paroît s'exercer en raison des surfaces : par exemple , si la surface plane du pied de l'armure contre laquelle on applique le fer est de 56 lignes carrées, la force d'at- traction sera quatre fois plus grande que sur une sur- face de 9 lignes carrées ; autre preuve que la cause de l'attraction magnétique est extérieure, et ne pénètre pas la masse de l'aimant, puisqu'elle n'agit qu'en rai- son des surfaces , au lieu que celle de l'attraction uni- verselle, agissant toujours en raison des masses, est T;ne force qui réside dans toute matière. D'ailleurs, toute force dont les directions sont différentes, et qui ne tend pas directement du centre à la circonfé- rence, ne peut pas être regardée comme une force intérieure proportionnelle à la masse, et n'est en effet qu'une action extérieure qui ne peut se mesurer que par sa proportion avec la surface^. Les deux pôles d'un aimant se nuisant réciproque- ment par leur action contraire, lorsqu'ils sont trop voisins l'un de l'autre, la position de l'armure et la fi- gure de l'aimant doivent également influer sur sa 1. M. Daniel Bernouilli a trouvé par plusieurs expériences que la force allractive des aimants artificiels de figure cubique croissoit comme la surface , et non pas comme la masse, de ces aimanls. ET DE SES USzVGES. 00.^ force, et c'est par cette raisoQ c[ue des aiiuanls foibles gagaent quelquefois davantage à être armés que des aimants plus forts. Cette action contraire de deux pô- les trop rapprochés sert à expliquer pourquoi deux barres aimantées qui se touchent n'attirent pas un morceau de fer avec autant de force que lorsqu'elles sont à une certaine distance l'une de l'autre. Les pieds de l'armure doivent être placés sur les pôles de la pierre pour réunir le plus de force : ces pôles ne sont pas des points mathématiques, ils ont une certaine étendue, et l'on reconnoît aisément les parties polaires d'un aimant en ce qu'elles retiennent le fer avec une grande énergie, et l'attirent avec plus de puissance que toutes les autres parties de la sur- face de ce même aimant ne peuvent le retenir ou l'at- tirer. Les meilleurs aimants sont ceux dont les pôles sont les plus décidés, c'est-à-dire ceux dans lesquels cette inégalité de force est la plus grande. Les plus mauvais aimants sont ceux dont les pôles sont les plus indécis, c'est-à-dire ceux qui ont plusieurs pôles et qui attirent le fer à peu près également dans tous les points de leur surface ; et le défaut de ces aimants vient de ce qu'ils sont composés de plusieurs pièces mal situées relativement les unes aux autres; car, en les divisant en plusieurs parties, chacun de ces frag- ments n'aura que deux pôles bien décidés et fort actifs. Nous avons dit que si l'on aimante un lil de fer en le frottant longitudiiialemeiit dans le même sens, il perdra la vertu magnétique en le pliant en crochet , ou le courbant et le contournant en anneau , et cela 5o6 TRAITÉ DE l'aIMANT parce qvie la foixe magnétique ne s'étant déterminée vers ce fil de fer que par un frottement dans le sens longiludinal , elle cesse de se diriger vers ce même fer dès que ce sens est changé ou interrompu ; et lors- qu'il devient directement opposé , cette force produit nécessairement un effet contraire au premier : elle repousse, au lieu d'attirer, et se dirige vers l'autre pôle. La répulsion dans l'aimant n'est donc que l'effet d'une attraction en sens contraire, et qu'on oppose à elle-même; toutes deux ne partent pas du corps de l'aimant, mais proviennent et sont des effets d'une force extérieure qui agit sur l'aimant en deux sens op- posés; et dans tout aimant, comme dans le globe terrestre, la force magnétique forme deux courants en sens contraire, qui partent tous deux de l'équa- teur en se dirigeant aux deux p(5]es. Mais on doit observer qu'il y a une inégalité de force entre les deux courants magnétiques du globe, dont l'hémisphère boréal offrant à sa surface beau- coup plus de terre que d'eau , et étant par conséquent moins froid que l'hémisphère austral, ne doit pas déterminer ce courant avec autant de puissance, en sorte que ce courant magnétique boréal a moins d'in- tensité de force que le courant de l'hémisphère aus- tral, dans lequel la quantité des eaux et des glaces étant beaucoup plus grande que dans le boréal, la condensation des émanations terrestres provenant des régions de l'équateur doit être aussi plus rapide et plus grande; cette même inégalité se reconnoît dans les aimants. M. de Bruno a fait à ce sujet quelques ET DE SES USA(;ES. OO7 expériences, dont nous citons !a plus décisive dans la note ci-dessous^. Descartes avoit dit auparavant que le côté de l'aimant qui tend vers le nord peut soutenir plus de fer dans nos régions septentrionales que le côté opposé , et ce fait a été confirmé par Ro- hault, et aujourd'hui par les expériences de M. de Bruno. Le pôle boréal est donc le plus fort dans les aimants, tandis que c'est au contraire le pôle le plus foible sur le globe terrestre; et c'est précisément ce qui détermine les pôles boréaux des aimants à se por- ter vers le nord, comme vers un pôle dont la quan- tité de force est différente de celle qu'ils ont reçue. Lorsqu'on présente deux aimants l'un à l'autre, et que Ton oppose les pôles de même nom , il est néces- saire qu'ils se repoussent , parce que la force magné- tique, qui se porte de l'équateur du premier aimant à son pôle, agit dans une direction contraire et dia- métralement opposée à la force magnétique, qui se porte en sens contraire dans le second aiîiiant. Ces deux forces sont de même nature, ieur quantité est égale, et par conséquent ces deux forces égales et op- posées doivent produire une répulsion, tandis qu'elles n'offrent qu'une attraction si les deux aimants sont présentés l'un à l'autre par les pôles de différents noms, puisqu'alors les deux forces magnétiques, au lieu d'être égales, diffèrent par leur nature et par leurs 1. Je posai un grand barreau magnétique sur une table de marbre blanc; je plaçai une aiguille aimantée en équilibre sur un pivot, au point qui séparoit le grand barreau en deux parties égales. Le pôle austral s'inclina vers le pôle boréal du grand barreau. J'approchai in- sensiblement cette aiguille vers le pôle austral du grand barreau , jus- qu'à ce qu'enfin je m'aperçus que la petite aiguille étoit dans une situation parfaitement borizontalo. 5o8 TRAITÉ DE l'aIMANT quantités. Ceci seul suffiroit pour démontrer que la force magnétique ne circule pas en tourbillon autour de l'aimant, mais se porte seulement de son équateur à ses pôles en deux sens opposés. Cette répulsion, qu'exercent l'un contre l'autre les pôles de même nom, sert à rendre raison d'un phé- nomène qui d'abord a surpris les yeux de quelques physiciens. Si l'on soutient deux aiguilles aimantées l'une au dessus de l'autre, et si on leur communique le plus léger mouvement, elles ne se fixent point dans la direction du méridien magnétique , mais elles s'en éloignent également des deux côtés , l'une à droite et l'autre à gauche de la ligne de leur direction na- turelle. Or cet écartement provient de l'action répulsive de leurs pôles; et ce qui le prouve, c'est qu'à mesure qu'on fait descendre l'aiguille supérieure pour l'ap- procher de l'inférieure, l'angle de leur écartement devient plus grand, tandis qu'au contraire il devient plus petit à mesure qu'on fait remonter cette même aiguille supérieure au dessus de l'iniérieure; et lors- que les aiguilles sont assez éloignées l'une de l'autre pour n'être plus soumises à leur influence mutuelle, elles reprennent alors leur vraie direction, et n'obéis- sent plus qu'à la force du magnétisme général. Cet effet, dont la cause est assez évidente, n'a pas laissé d'induire en erreur ceux qui l'ont observé les pre- miers; ils ont imaginé qu'on pourroit par ce moyen construire des boussoles dont l'une des aii^fuilles indi- queroit le pôle terrestre, tandis que l'autre se diri- geroit vers le pôle magnétique, en sorte que la pre- mière marqueroit le vrai nord, et la seconde la ET DE SES USAGES. OOQ déclinaison de l'aimant : mais le peu de fondement de cette prétention est suffisamment démontré par l'angle que forment les deux aiguilles, et qui aug- mente ou diminue par l'influence mutuelle de leurs pôles, en les rapprochant ou les éloignant l'un de l'autre. On déterminera plus puissamment, plus prompte- ment, cette force extérieure du magnétisme général vers le fer en le tenant dans la direction du méridien magnétique de chaque lieu, et l'on a observé qu'en mettant dans cette situation des verges de fer, les unes en incandescence et les autres froides, les premières reçoivent la vertu magnétique bien plus tôt et en bien plus grande mesure ^ que les dernières. Ce fait ajoute encore aux preuves que j'ai données de la formation des mines d'aimant par le feu primitif. Il faut une certaine proportion dans les dimensions du fer pour qu'il puisse s'aimanter promptement de lui-même, et par la seule action du magnétisme gé- néral; cependant tous les fers étant posés dans une situation perpendiculaire à l'horizon prendront dans nos climats quelque portion de vertu magnétique. M. le chevalier de Lamanon, ayant examiné les fers employés dans tous les vaisseaux qu'il a vus dans le port de Brest en 1785, a trouvé que tous ceux qui étoient placés verticalement avoient acquis la vertu magnétique. Il faut seulement un assez long temps 1. Nous devons cependant observer que le fer prend- à la vérité, plus de force magnétique dans l'état d'incandescence , mais qu'il ne la conserve pas en même quantité après sou refroidissement. Vu fer, tant qu'il est rouge , attire l'aiguille aimantée plus fortement et la faiî mouvoir de plus loin que quand il est refroidi. BiiFFo>. IX. 20 ÔYx) TRAITÉ DE L AIMANT pour que cet effet se manifeste dans les fers qui sont gros et courts, moins de temps pour ceux qui sont épais et longs, et beaucoup moins pour ceux qui sont longs et menus. Ces derniers s'aimantent en quelques minutes, et il faut des mois et des années pour les autres. De quelque manière même que le fer ait reçu la vertu magnétique, il paroît que jusqu'à un certain point, et toutes choses égales, la force qu'il acquiert est en raison de sa longueur; les barreaux de fer qui sont aux fenêtres des anciens édifices ont souvent acquis, avec le temps, une assez grande force magné- tique pour pouvoir, comme de véritables aimants, attirer et repousser d'une manière sensible l'aiguille aimantée à plusieurs pieds de distance. Mais cette communication du magnétisme au fer s'opère très inégalement suivant les différents climats; on s'est assuré, par l'observation, que dans toutes les contrées des zones tempérées et froides le fer tenu verticalement acquiert plus promptement et en plus grande mesure la vertu magnétique que dans les ré- gions qui sont sous la zone torride , dans lesquelles même il ne prend souvent que peu ou point de vertu magnétique dans cette position verticale. Nous avons dit que les aimants ont proportionnelle- ment d'autant plus de force qu'ils sont en plus petit volume. Une pierre d'aimant dont le volume excède vingt-sept ou trente pouces cubiques peut à peine porter un poids égal à celui de sa masse, tandis que dans les petites pierres d'aimant , d'un ou deux pouces cubiques, il s'en trouve qui portent vingt, trente, et même cinquante fois leur poids. Mais , pour faire des comparaisons exactes, il faut que le fer soit de la ET DE SES USAGES. 5ll même qualité , et que les dimensions et la figure de chaque morceau soient semblables et égales; car un aimant qui soutiendroit un cube de fer du poids d'une livre ne pourra soutenir un fil de fer long d'un pied, qui ne pèseroit pas un gros; et si les masses à soute- nir ne sont pas entièrement de fer, quoique de même forme; si par exemple on applique à l'aimant deux iuasses d'égal poids et de figure semblable, dont l'une seroit entièrement de fer et dont l'autre ne seroit de fer que dans la partie supérieure, et de cuivre ou d'autre matière dans la partie inférieure, cette masse composée de deux matières ne sera pas attirée ni sou- tenue avec la même force que la masse de fer continu, et elle tiendra d'autant moins à l'aimant que la por- tion de fer sera plus petite, et que celle de l'autre matière sera plus grande. Lorsqu'on divise un gros aimant en plusieurs par- ties, chaque fragment, quelque petit qu'il soit , aura toujours des pôles. La vertu magnétique augmentera au lieu de diminuer par cette division ; ces fragments, pris séparément, porteront beaucoup plus de poids que quand ils éloient réunis en un seul bloc. Cepen- dant les gros aimants, même les plus foibles, répan- dent en proportion leur force à de plus grandes dis- tances que les petits aimants les plus forts; et si l'on joint ensemble plusieurs petits aimants pour n'en faire qu'une masse, la vertu de cette masse s'étendra beau- coup plus loin que celle d'aucun des morceaux dont ce bloc est composé. Dans tous les cas cette force agit de plus loin sur un autre aimant, ou sur le fer aimanté , que sur le fer qui ne l'est pas. On peut reconnoître assez précisément les effets de 512 TRAITE DE L AIMANT l'attraction de l'aimant sur le fer , et sur le fer aimanté , par le moyen des boussoles, dont l'aiguille nous oflVe aussi par son mouvement les autres phénomènes du masnétisme 2;énéral. La direction de l'aifiruille vers les parties polaires du globe terrestre, sa déclinaison et son inclinaison dans les différents lieux du globe, sont les eÛ'ets de ce jnagnétisme dont nous avons tiré le grand moyen de parcourir les mers et les terres in- connues, sans autre guide que cette aiguille , qui seule peut nous conduire lorsque l'aspect du ciel nous manque , et que tous les astres sont voilés par les nua- ges, les brouillards, et les brumes. Ces aiguilles une fois bien aimantées sont de véri- tables aimants ; elles nous en présentent tous les phé- nomènes, et même les démontrent d'une manière plus précise qu'on ne pourroit les reconnoître dans les aimants mêmes : carl'aimant et le fer bien aimanté produisentles mêmes effets; et lorsqu'une petite barre d'acier a été aimantée au point de prendre toute la vertu magnétique dont elle est susceptible, c'est dès lors un aimant qui, comme le véritable aimant, peut communiquer sa force, sans en rien perdre, à tous les fers et à tous les aciers qu'on lui présentera. Mais ni l'aimant naturel ni ces aimants artificiels ne communiquent pas d'abord autant de force qu'ils en ont ; une lame de fer ou d'acier passée sur l'aimant en reçoit une certaine mesure de vertu magnétique, ([u'on estime par le poids que cette lame peut sou- tenir; si l'on passe une seconde lame sur la première , cette seconde lauie ne recevra de même qu'une partie de la force de la première, et ne pourra soutenir qu'un moindre poids; une troisième lame passée sur ETDESES USAGES. ÔlO la seconde ne prendra de uiènie qu'une portion de !a force de cette seconde lame; et enfin dans une qua- trième lame passée sur la troisième, la vertu commu- niquée sera presque insensible ou même nulle. Chacune de ces lames conserve néanmoins toute la vertu qu'elle a reçue, sans perte ni diminution, quoi- qu'elles paroissent en faire largesse en la communi- quant; car l'aimant ou le fer aimanté ne font aucune dépense réelle de cette force : elle ne leur appartient donc pas en propre , et ne fait pas partie de leur sub- stance ; ils ne font que la déterminer plus ou moins vers le fer qui ne l'a pas encore reçue. Ainsi, je le répète, cette force ne réside pas en quantité réelle et matérielle dans l'aimant , puisqu'elle passe sans diminution de l'aimant au fer et du fer au fer, qu'elle se multiplie au lieu de s'évanouir, et qu'elle augmente au lieu de diminuer par cette communica- tion; car chaque lame de fer en acquiert sans que les autres en perdent, et la force reste évidemment la même dans chacune, après mille et mille communi- cations. Cette force est donc extérieure, et, de plus, elle est pour ainsi dire infinie relativement aux petites masses de l'aimant et du fer qui ne font que la déter- miner vers leur propre substance : elle existe à part, et n'en existeroit pas moins quand il n'y auroit point de fer ni d'aimant dans le monde; mais il est vrai qu'elle ne produiroitpas les mêmes effets, qui tous dépendent du rapport particulier que la matière ferrugineuse se trouve avoir avec l'action de cette force. Ôlà TRAITE DE L AIMANT ARTICLE IV. Divers procédés pour produire et compléter r aimantation du fer. Plusieurs circonstances concourent à rendre plus ou moins complète ia communication de la force ma- gnétique de l'aimant au fer. Premièrement, tous les aimants ne donnent pas au même fer une égale force attractive : les plus forls lui communiquent ordinaire- ment plus de vertu que les aimants plus foibles. Se-/ condement, la qualité du fer influe beaucoup sur la quantité de vertu magnétique qu'il peut recevoir du même aimant ; plus le fer est pur, et plus il peut s'ai- manter fortement ; l'acier, qui est le fer le plus épuré , reçoit plus de force magnétique et la conserve plus long-temps que le fer ordinaire. Troisièmement, il faut une certaine proportion dans les dimensions du fer ou de l'acier que l'on veut aimanter, pour qu'ils reçoivent la plus grande force magnétique qu'ils peu- vent comporter. La longueur, la largeur , et l'épais- seur de ces fers ou aciers, ont leurs proportions et leurs limites : ces dimensions respectives ne doivent être ni trop grandes ni trop petites, et ce n'est qu'a- près une infinité de tâtonnements qu'on a pu déter- miner à peu près leurs proportions relatives dans les masses de fer ou d'acier que l'on veut aimanter au plus haut degré. Lorsqu'on présente à un aimant puissant du fer doux et du fer dur, les deux fers acquièrent la vertu ma- gnétique, et en reçoivent autant qu'ils peuvent en ET DE SES LSAGES. 3l5 comporter; et le fer dur qui en comporte le plus, peut en recevoir davantage : mais si l'aimant n'est pas assez puissant pour communiquer aux deux fers toute la force qu'ils peuvent recevoir, on trouvera que le fer tendre, qui reçoit avec plus de facilite la vertu magnétique, aura, dans le même temps, acquis plus de force que le fer dur. Il peut aussi arriver que l'ac- tion de l'aimant sur les fers soit telle, que le fer ten- dre sera pleinement imprégné, tandis que le fer dur n'aura pas été exposé à cette action pendant assez de temps pour recevoir toute la force magnétique qu'il peut comporter, de sorte que tous deux peuvent pré- senter, dans ces deux cas, des forces magnétiques éga- les; ce qui explique les contradictions des artistes sur la qualité du fer qu'on doit préférer pour faire des aimants artiticiels. Une verge de fer, longue et menue , rougie au feu , et ensuite plongée perpendiculairement dans l'eau , acquiert en un moment la vertu magnétique. L'on pourroit donc aimanter promptement des aiguilles de boussole sans aimant : il sufliroit, après les avoir fa- briquées, de les faire rougir au feu et de les tremper ensuite dans l'eau froide ^. Mais ce qui paroît singu- lier, quoique naturel , c'est-à-dire dépendant des mê- mes causes, c'est que le fer en incandescence, comme l'on voit, s'aimante très promptement, en le plon- geant verticalement dans l'eau pour le refroidir, au lieu que le fer aimanté perd sa vertu magnétique par 1. Nous devons cependant observer que ces aiguilles ne sont pas aussi actives ni aussi précises que celles qu'on a aimantées en les pas- sant vingt ou trente fois dans 1« même sens sur le pôle d'un aimant bien armé. 3 10 TJSAiTE DE L AIMA NT 1^ feu , et ne la reprend pas étant de même plongé dans l'eau : et c'est parce qu'il conserve un peu de cette vertu, que le feu ne lui enlève pas tout entière; car cette portion qu'il conserve de son ancien magnétisme l'empêche d'en recevoir un nouveau. On peut faire avec l'acier des aimants aussi puis- sants, aussi durables que les meilleurs aimants natu- rels; on a môme observé qu'un aimantbien armé donne à l'acier plus de vertu magnétique qu'il n'en a lui- même. Ces aimants artificiels demandent seulement quelques attentions dans la fabrication, et de justes proportions dans leurs dimensions. Plusieurs physi- ciens, et quelques artistes habiles, ont, dans ces der- niers temps, si bien réussi, tant en France^ qu'en Angleterre, qu'on pourroit, au moyen d'un de ces aimants artificiels, se passer à l'avenir des aimants de nature. Il y a plus; on peut sans aimant ni fer aimanté, et par un procédé aussi remarquable qu'il est simple , exciter dans le fer la vertu magnétique à un très haut degré. Ce procédé consiste à poser sur la surface po- lie d'une forte pièce de fer, telle qu'une enclume, des barreaux d'acier, et à les frotter ensuite un grand nombre de fois , en les retournant sur leurs différentes faces, toujours dans le même sens, au moyen d'une grosse barre de fer tenue verticalement, et dont l'ex- 1. M. Le Noble, chanoine de Saint-Louis du Louvre, s'est surtout distingué dans cet art : il a composé des aimants artificiels de plusieurs lames d'acier réunies; il a trouvé le moyen de les aimanter plus foite- ment, et de leur donner les figures et les dimensions convenables pour produire les plus grands effets ; et , comparaison laite des aimants de M. Le Noble avec ceux d'Angleterre, ils m'ont paru an moins égaux, ttt même supérieurs. ET DE SES USAGES. 01 7 trémité inférieure, pour le plus grand eO'et , doit être aciérée et polie. Les barreaux d'acier se trouvent, après ces frottements, fortement aimantés, sans que l'enclume ni la barre, qui semblent leurcommuniquer la vertu magnétique , la possèdent ou la prennent sen- siblement elles-mêmes; et rien ne semble plus propre à démontrer l'affinité réelle et le rapport intime du fer avec la force magnétique , lors même qu'elle ne s'y manifeste pas sensiblement, et qu'elle n'est pas for- mellement établie, puisque, ne la possédant pas, il la communique en déterminant son cours, et ne lui servant que de conducteur. MM. Michel et Canton , au lieu de se servir d'une seule barre de fer pour produire des aimants artificiels, ont employé avec succès deux barres déjà magnéti- ques; leur méthode a été appelée méthode du double contact j à cause du double moyen qu'ils ont préféré. Elle a été perfectionnée par M. Épinus , qui a cher- ché et trouvé la manière la plus avantageuse de placer les forces dans les aimants artificiels, afin que celles qui attirent et celles qui repoussent se servent le plus et se nuisent le moins possible. Voici son procédé, qui est l'un des meilleurs auxquels on puisse avoir re- cours pour cet effet; et nous pensons qu'on doit le préférer pour aimanter les aiguilles des boussoles. M. Épinus suppose que l'on veuille augmenter jusqu'au degré de saturation la vertu de quatre barres déjà douées de quelque magnétisme : il en met deux ho- rizontalement, parallèlement, et à une certaine dis- tance l'une de l'autre, entre deux parallélipipèdes de fer ; il place sur une de ces barres horizontales les deux autres barres qui lui restent; il les incline, l'une 5l8 TRAITE DE L AIMANT à droite , l'autre à gauche, de manière qu'elles forment un angle de quinze à vingt degrés avec la barre hori- zontale , et que leurs extrémités inférieures ne soient séparées que par un espace de quelques lignes; il les conduit ensuite d'un bout de la barre à l'autre, aîterna- tivemeutdans les deux sens, et en les tenant toujours à la même distance l'une de l'autre. Après que ia pre- mière barre horizontale a été ainsi frottée sur ses deux surlaces, il répète l'opération sur la seconde barre; il remplace alors la première paire de barres par la seconde, qu'il place de même entre les deux parallé- lipipèdes,et qu'il frotte de ia même manière que nous venons de le dire avec la première paire; il recom- mence ensuite l'opération sur cette première paire, et il continue de frotter alternativement une paire sur l'autre, jusqu'à ce que les barres ne puissent plus ac- quérir de magnétisme. M. Epinus emploie le même procédé avec trois barres, ou avec un plus grand nom- bre : mais, selon lui, la manière la plus courte et la plus sûre est d'aimanter quatre barres. On peut cou- cher entièrement les aimants sur la barre que l'on frotte , au lieu de leur faire former un angle de quinze ou vingt degrés, si la barre est assez courte pour que ses extrémités ne se trouvent pas trop voisines des pôles extérieurs des aimants, qui jouissent de forces opposées à celles de ces extrémités. Lorsque la barre à aimanter est très longue , il peut se faire que l'ingénieux procédé de M, Epinus, ainsi que celui de M. Canton , produise une suite de pôles alternativement contraires, surtout si le fer est mou, et par conséquent susceptible de recevoir plus promp- tement le magnétisn^e. ET DE SES L SAGES. 01 9 M. Épinus s'est servi du procédé du double contact de deux manières : i** avec quatre barres d'un fer mé- diocrement dur, longues de deux pieds, larges d'un pouce et demi, épaisses d'un demi-ponce, et douze lames d'acier de six pouces de long, de quatre lignes de large, et d'une demi-ligtie d'éj)ais. Les quatre pre- mières étoient d'un acier mou ; qualre autres avoient la dureté de l'acier ordinaire avec lequel on fait les ressorts; et les quatre autres barres étoient d'un acier dur jusqu'au plus haut degré de fragilité. Il a tenu verti- calement une des grandes barres, et l'a frappée for- te inent, environ deux cents fois, à l'aide d'un gros marteau. Elle a acquis, par cette percussion, une vertu magnétique assez forte pour soutenir un petit clou de fer : l'extrémité inférieure a reçu la vertu du pôle boréal; et l'extrémité supérieure, la vertu du pôle austral. Il a aimanté de même les autres trois glandes barres. 11 a ensuite placé l'une des petites la- mes d'acier mou sur une table entre deux des grandes barres, comme dans le procédé du double contact, et l'a frottée , suivant le même procédé, avec les deux autres crandes barres; il l'a ainsi magnétisée. Il l'a successivement remplacée par trois autres lames d'a- cier mou, et a porté la force magnétique de ces qua- tre lames au degré de saturation. Il a placé, après cela , deux des lames qui avoient la dureté des ressorts, entre deux paraîlélipipèdes de fer mou , les a frottées avec deux faisceaux formés des qualre grandes barres.» a fait la même opération sur les deux autres, a rem- placé les quatre grandes barres par les quatre petites lames d'acier mou , et a porté ainsi jusqu'à la satura- tion la force magnétique des quatre lames ayant la J20 TRAITE DE LAI31ANT dureté des ressorts : il a terminé son procédé par ré- péter la même opération; et pour ai m au ter jusqu'à saturation les lames qui présentoient le plus de du- reté, il les a subtituées à celles qui n'avoient que la dureté du ressort, et il a mis celles-ci à la place des grandes barres. La seconde manière que M. Epinus a employée ne diffère de la première qu'en ce qu'il a fait faire les qua- tre grandes barres d'un fer très mou , et qu'il a mis la petite lame molle à aimanter, ainsi que les deux grandes barres placées à son extrémité , dans la direc- tion de l'inclinaison de l'aiguille aimantée. Il a ensuite frotté la petite lame d'acier avec les deux autres gran- des barres, en les tenant parallèlement à la petite lame, ou en ne leur faisant former qu'un angle très aigu. Si l'on approche d'un aimant une longue barre de fer, la portion la plus voisine de l'aimant acquiert à, cette extrémité, comme nous l'avons dit, un pôle op- posé à celui qu'elle touche ; une seconde portion de cette même barre offre un pôle contraire à celui de la portion contiguë à l'aimant; une troisième présente le même pôle que la première; une quatrième, que la seconde ; et ainsi de suite. Les pôles alternativement opposés de ces quatre parties de la barre sont d'autant plus foibles qu'ils s'éloignent davantage de l'aimant; et leur nombre, toutes choses égales, est propor- tionné à la longueur de la barre. Si on applique le pôle d'un aimant sur le milieu d'une lame, elle acquiert dans ce point un pôle con- traire, et dans les deux extrémités deux pôles sem- blables à celui qui la touche. Si le fer est épais, la ET DE SES USAGES. 02 î surface opposée à l'aimant acquiert aussi un pôle sem- blable à celui qui est appliqué contre le fer; et si la barre est un peu longue, les deux extrémités présen- tent la suite des pôles alternativement contraires, et dont nous venons de parler. La facilité avec laquelle le fer reçoit la vertu ma- gnétique par le contact et le voisinage d'un aimant, l'attraction mutuelle des pôles opposés, et la répul- sion des pôles semblables, sont confirmées par les phénomènes suivants. Lorsqu'on donne à un morceau de fer la forme d'une fourche, et qu'on applique une des branches à un aimant, le fer devient magnétique, et son extré- mité inférieure peut soutenir une petite masse de fer : mais si on approche de la seconde branche de la four- che un aimant dont le pôle soit opposé à celui du premier aimant, le morceau de fer soumis à deux for- ces qui tendent à se détruire, recevant deux vertus contraires, ou , pour mieux dire, n'en recevant aucune, perd son magnétisme , et laisse échapper le poids qu'il soutenoit. Si l'on suspend un petit fil de fer mou , long de quel- ques pouces, et qu'on approche un aimant de son extré- mité inférieure, en présentant aussi à celte extrémité un morceau de fer, ce morceau acquerra une vertu opposée à celle du pôle voisin de l'aimant; il repous- sera l'extrémité inférieure du 111 de fer qui aura ob- tenu une force semblable à celle qu'il possédera, et attirera l'extrémité supérieure qui jouira d'une vertu contraire. j.orsqu'on suspend un poids à une lame d'acier 022 TRAITE DE L AIMANT mince, aimantée, et horizontale, et que l'on place au dessus de cette îame une seconde lame aimantée, de môme force , d'égale grandeur, couchée sur la pre- mière, la recouvrant en entier, et présentant un pôle opposé au pôie qui soutient le poids, ce poids n'est plus retenu. Si la îame supérieure jouit d'une plus grande force que l'inférieure, le poids tombera avant qu'elle ne touche la seconde lame : mais en conti- nuant de l'approcher, elle agira par son excès de force sur les nouveaux poids qu'on lui présentera, et les soutiendra, malgré l'action contraire de la lame infé- rieure. Lorsqu'on suspend un poids à un aimant, et que l'on approche un second aimant au dessus de ce poids, la force du premier aimant est augmentée dans le cas où les pôles contraires sont opposés, et se trouve di-- minué quand les pôles semblables sont les plus voi- sins. Les mêmes effets arriveront, et le poids sera éga- lement soumis à deux forces agissant dans la même direction, si l'on remplace le second aimant par un morceau de fer auquel la proximité du premier ai- mant communiquera une vertu magnétique opposée à celle du pôle le plus voisin. Ceci avoit été observé précédemment par M. de Réaumur, qui a reconnu qu'un aimant enlevoit une masse de fer placée sur une enclume de fer avec plus de facilité que lorsqu'elle étoit placée sur une autre matière. Les faits que nous venons de rapporter nous dé- montrent pourquoi un aimant acquiert une nouvelle vertu en soutenant du fer qu'il aimante par son voisi- nage, et pourquoi , si on lui enlève des poids qu'on ET DE SES L SAGES. ' J2Ô étoit parvenu à lui faire porter en le chargeant gra- duellement, il refuse de les soutenir lorsqu'on les lui rend tous à la fois. L'expérience nous apprend, dit M. Epinus, que le fer exposé à un froid très âpre devient beaucoup plus dur et plus cassant : ainsi, lorsqu'on aimante une barre de fer, le degré de la force qu'elle acquiert dépend, selon lui, en grande partie, du degré de froid auquel elle est exposée, en sorte que la môme barre aimantée de la même manière n'acquiert pas dans l'été la même vertu que dans l'hiver, surtout pendant un froid très rigoureux. Néanmoins ce savant physicien convient qu'il faudroit confirmer ce fait par des expériences exactes et réitérées. Au reste , on peut assurer qu'en général la grande chaleur et le grand froid diminuent la vertu magnétique des ai- mants et des fers aimantés, en modifiant leur état, et en les rendant par là plus ou moins susceptibles de l'action de l'électricité générale^. On peut voir, dans VEssai sur le fluide électrique de feu ]\I. le comte de Tressan, une expérience du doc- teur Knight, que j'ai cru devoir rapporter ici, parce qu'elle est relative à l'aimantation du fer, et d'ailleurs parce qu'elle peut servir à rendre raison de phisieurs autres expériences surprenantes en apparence, et dont la cause a été pendant long-temps cachée aux physiciens^. Au reste, elle s'explique très aisément par la répulsion des pôles semblables et l'attraction des pôles de différent nom. 1. M. de Rozières, que nous avons déjà cité, l'a prouvé par plu- sieurs expériences. 2. L'expérience, dit M. de Tressan, la plus singulière à faire sur les 52/4 TRAITÉ DE l'aIMANT ARTICLE V. De la direction de l'aimant ^ et de sa déclinaison. Après avoir considéré les effets de la force attrac- tive de l'aimant, considérons les phénomènes de ses aimants artificiels du docteur Knight est celle dont il m'envoya les dé- tails de Londres en 1748, avec l'appareil nécessaire pour la répéter. Non seulement M. Knight avoit déjà trouvé alors le secret de donner un magnétisme puissant à des barres de quinze pouces de longueur faites d'un acier parfaitement dur, telles que celles qui sont aujour- d'hui connues, mais il avoit inventé une composition, dont il s'est ré- servé le secret, avec laquelle il forme de petites pierres d'une matière noire (en apparence pierreuse et métallique). Celles qu'il m'a envoyées ont un pouce de long, huit lignes de large, et deux bonnes lignes d'é- paisseur : il y a joint plusieurs petites balles de la même composition ; les petites balles que j'ai ont , l'une cinq , l'autre quatre, et les autres trois lignes de diamètre. Il nomme ces petites sphères tervella. Je fus moins surpris de trouver un fort magnétisme dans les petits carres longs, que je ne le fus de le trouver égal dans les petites ier- rella, dont les pôles sont bien décidés et bien fixes, ces petites sphères s'attirant et se repoussant vivement , selon les pôles qu'elles se présen- tent. Je préparai donc ( selon rinstruction que j'avois reçue de M. Knight) une glace bien polie et posée bien horizontalement; je disposai en rond cinq de ces t erre lia , et je plaçai au milieu un de ces aimants factices de la même matière, lequel je pouvois tourner facilement sur son cen- tre; je vis sur-le-champ toutes les terreUa s'agiter et se retourner pour présenter à l'aimant factice la polarité correspondante à la sienne : \c?> plus légères furent plusieurs fois attirées jusqu'au contact , et ce ne fut qu'avec peine que je parvins à les placer à la distance proportion- nelle, en raison composée de leurs sphères d'activité respective. Alors, en tournant doucement l'aimant factice sur so>n centre, j'eus la satis- faction devoir toutes ces ierrella ioxamcv sur elles-mêmes par une ro- tation correspondanle à celle de cet aimant; et cette rotation étoit pa- reille à celle qu'éprouve une roue de rencontre lorsqu'elle est mue par ET DE SES USAGES. T)'>^^ forces directives. Un aimant, ou, ce qui revient au même, une aiguille aimantée, se dirige toujours vers les pôles du globe, soit directement, soit oblique- ment, en déclinant à l'est ou à l'ouest, selon les temps et les lieux ; car ce n'est que pendant un assez petit intervalle de temps, comme de quelques années, que dans un même lieu, la direction de l'aimant paroît être constante; et en tout temps il n'y a que quelques endroits sur la terre où l'aiguille se dirige droit aux pôles du glo!)e , tandis que partout ailleurs elle dé- cline de plus ou moins de degrés à l'est ou à l'ouest, suivant les différentes positions de ces mômes lieux. Les grandes ou petites aiguilles aimantées sur un aimant fort ou foible , contre les pôles ou contre les auties parties de la surface de ces aimants, prennent toutes la même direction, en marquant également la môme déclinaison dans chaque lieu particulier. Les François sont, de l'aveu môme des étrangers, les premiers en Europe qui aient fait usage de cette connoissance de la direction de l'aimant pour se con- duire dans leurs navigations^. Dès le commencement une autre roue à dents; de sorte que lorsque je retournois mon ai- mant do la droite à la gauche, la rotation des terretia étoît de la gau- che à la droite; et l'inverse arrivoit toujours lorsque je tournois num aimant de l'autre sens. 1. Par le témoignage des auteurs chinois, dont MM. Le Roux et de Guignes ont fait l'evtrait, il paroît certain que la propriété qu'a le Ter aimanté de se diriger vers les pôles a été tr^s anciennement connue des Chinois. La lornie de ces premières boussoles étoit une figure d'homme qui tournoit sur un pivot, et dont le bras droit montroit toujours le midi. Le temps de cette invention , suivant certaines chro- niques de la Chine, est de iii5 ans avant l'ère chrétienne, et «700 sehin d'autres. Voyez YExtrait des annales de la Chine, par MM. Le lloux et de Guignes. Mais, malgré l'ancienneté de cette découverte , il r.i îi()\. i>:. •_> I 7)'j6 traité de l'aimant du douzième siècle , ils naviguoient sur la Mèditen a-- née, guidés par l'aiguille aimautée, qu'ils appeloient la mariiiette; et il est à présumer que , dans ce temps , la direction de l'aimant étoit constante; car cette ai- guille n'auroit pu guider des navigateurs qui ne con- noissoient pas ses variations; et ce n'est que dans les siècles suivants qu'on a observé sa déclinaison dans les différents lieux de la terre, et même aujourd'hui l'art nécessaire à la précision de ces observations n'est pas encore à sa perfection. Lamarinette n'étoit qu'une boussole imparfaite; et notre compas de mer, qui est la boussole perfectionnée, n'est pas encore un guide aussi fidèle qu'il seroit à désirer : nous ne pouvons même guère espérer de le rendre plus sûr, malgré les observations très multipliées des navigateurs dans toutes les parties du monde, parce que la déclinaison de l'aimant change selon les lieux et les temps. Il faut donc chercher à reconnoître ces changements de di- rection en différents temps, pendant un aussi grand nombre d'années que les observations peuvent nous l'indiquer, et ensuite les comparer aux changements de cette déclinaison dans un même temps en difîc- rents lieux. En recueillant le petit nombre d'observations faites à Paris dans les seizième et dix-septième siècles, il pa- roît qu'en l'année i58o l'aiguille aimantée décîinoit de onze degrés trente minutes vers Test, qu'en 1618 elle décîinoit de huit degrés, et qu'en l'année i665 elle se dirigeoit droit au pôle. L'aiguille aimantée s'est donc successivement approchée du pôle de onze de- ne paroit pas que les Chinois en aient jamais tiré l'avanlage de faire tic 1oiîq;s YO>'ap;cs. ET DE SES USAGES. T)')."^ grés Ireiite minutes pendant cette suite de quatre- vingt-trois ans : mais elle n'est demeurée qu'un an ou deux stationnaire dans cette direction, où la décli- naison est nulle; après quoi l'aiguilie s'est de plus en plus éloignée de la direction au pôle^, toujours en dé- clinant vers l'ouest : de sorte qu'en i 785, le 5o mai , la déclinaison étoit à Paris de vin";t-deux dei^rés. De môme on peut voir, par les observations faites à Lon- dres, qu'avant l'année 1657 l'aiguille déclinoit à l'est; et après cette année 1 657, où sa direction tendoit droit au pôle, elle a décliné successivement vers l'ouest^. \. Dans l'année 1670 la déclinaison éloit de t degré 5o minutes vers l'ouest, et laiguille a continué de décliner dans les années suivantes, toujours vers l'ouest ; en 1G80 elle déclinoit de 2 deg. /[O min. ; en iGS i , do 2 deg. 5o min.-, en i6S5, de 3 deg. 5o min.; en 1684, de 4 dcg, 10 min.; en i685, de 4 deg. 10 min.; en 1686, de 4 tieg. 5o min.; en 1692, de 5 deg. 5o min.; en iGgS, de G dcg. 20 min.; en 1695, de G deg. 4^ min.; en iG<)G, deydeg. 8 min.; en kG98, de 7 deg. 4o min.; en 1G99, de 8 deg. 10 min.; en 1700, de 8 deg. 12 min.; en 1701, de 8 deg. 25 min.; en 1702, de 8 deg. 48 min.; en 1703, de 9 deg. 6 min.; en 1704, de 9 deg. 'lo min.; en 1705, do 9 deg. 35 min.; en 170G. de 9 deg. 48 min.; en 1707, de lo deg. 10 min.; en 1708, de 10 deg. i5 min.; en 1709, de 1 i deg. i5 min.; eu 1714» de 11 deg. 3o min.; en 1717, de 12 deg. 20 min.; en 1719, de 12 deg. 3o min.: en 1720, 1721, 1722, 1725, et 1724, de 10 deg.; en 1725, de i5 deg. i5 min.; en 1727 et 1728, de i/^de^vés. {Mw^scAieabroecli., Dissertatiodemagnetc, p. i52.) En 1729, de i4 deg. 10 min.; en 1700, de i4 deg. 25 min.; en 1731, de i4 deg. 45 min.; eu 1732 et 1753, de i5 deg. i5 min.; en 1734 et 1740, de i5 deg. 45 min.; en 1744» ^745, i74^> . ^747, et 1749, de lô deg. DO min. ( Ehcyclopédle , article Aiguille aimanice. ) Vax 1755 , de 17 deg. 3o min.; en i75G, de 17 deg. 45 min.; en T757 et 1758, de 18 deg.; en 1759, de 18 deg. 10 min.; en 1760 , de i8 deg. 20 min.; en 17G5, de 18 deg. 55 min. 20 sec; eu 17G7, de 19 deg. 16 min.; en 1708, de 19 deg. 25 min. {C nimissance des l'emps, air.iées 17G9, 177a, 1771, et 1772. ) 'J.. Laiguilit* aiinanlée n'avait auruîie d '^cîin lisou à Vl-Mine en Au- 7) '2 8 J R A J i- É D 1" LAI M A N T La déclinaison s'est donc trouvée nulle à Londres six ans plus tôt qu'à Paris, et Londres est plus occi- dental que Paris de deux degrés vingt-cinq minutes. Le méridien magnétique coincidoit avec le méridien de Londres en 165;, et avec le méridien de Paris en i665. Il a donc subi, pendant ce temps, un change- ment d'occident en orient, par un mouvement de deux degrés vingt six minuies en six ans, et l'on pour- roit croire que ce mouvement seroit relatif à l'inter- valle des méridiens terrestres, si d'autres observations ne s'opposoient pas à cette supposition. Le méridien magnétique de la ligne sans déclinaison passoit par Vienne en Autriche dès l'année i658 : cette ligne au- roit donc du arriver à Paris plus tôt qu'à Londres, et cependant c'est à Londres qu'elle est arrivée six ans plus tôt qu'à Paris. Cela nous démontre que le mou- vement de cette ligne n'est point du tout relatif aux intervalles des méridiens terrestres. I! ne me paroît donc pas possible de déterminer la marche de ce mouvement de déclinaison, parce que sa progression est plus qu 'irrégulière, et n'est point du tout proportionnelle au temps, non plus qu'à l'espace : elle est tantôt plus prompte, tantôt triche dans l'année i658 ; elle n'en avoit de même aucune en 1600 au cap des Aiguilles en Afrique; et, avant ces époques, la déclinaison étoit vers l'est dans tous les lieux de l'Europe et de l'Afrique. — Ceci semble prouver que la marche de la ligne sans déclinaison ne se fait pas par un mouvement régulier qui ramcneroit successivement la décli- naison de l'est à l'ouest; car Vienne étant à quatorze degrés deux mi- nutes trente secondes à l'est de Paris, cette ligne sans déclinaison au- roit du arriver à Paris plus tôt q l'à Londres , qui est à l'ouest de Paris ; et l'on voit que c'est tcut le coB^raire, puisqu'elle est arrivée six ans plu? tôt à Londres qu* h Pjnîs. ET DE SES USAGES. J2{) plus lente, et quelquefois nulle, l'aiguille deuieuraut statiounaire, et même devenant rétrograde pendant quelques années, et reprenant ensuite un mouve- ment de déclinaison dans le même sens progressif. M. Cassini, l'un de nos plus savants astronomes, a été informé qu'à Québec la déclinaison n'a varié que de trente minutes pendant trente-sept ans consécutifs : c'est peut-être le seul exemple d'une station aussi longue. Mais on a observé plusieurs stations moins longues en différents lieux : par exemple , à Paris l'aiguille a marqué la même déclinaison pendant cinq années, depuis 1720 jusqu'en 1724, et aujour- d'hui ce mouvement progressif est fort ralenti; car, pendant seize années, la déclinaison n'a augmenté que de deux degrés, ce qui ne fait que sept minutes et de;nie par an, puisqu'en 17691a déclinaison étoit de vingt degrés, et qu'en 1785 elle s'est trouvée de vingt-deux^. Je ne crois donc pas que l'on puisse, par des observations ultérieures, et mêmes très mul- tipliées, déterminer quelque chose de précis sur le mouvement progressif ou rétrograde de l'aiguille ai- mantée, parce que ce mouvement n'est point l'eflet d'une cause constante, ou d'une loi de la nature, mais dépend de circonstances accidentelles, particu- lières à certains lieux, et variables selon les temps. Je crois pouvoir assurer, comme je l'ai dit, que le défrichement des terres, et la découverte ou l'enfouis- sement des mines de fer, soit par les tremblements de terre, les effets des foudres souterraines et de l'é- 1. Ce fait est confirmé par les observations de M. Cotte , qui prou- vent que la déclinaison moyenne de l'aiguille aimantée , en 1 786 , n'a été à Laon que de 2 1 degrés 5i minutes. 35o TRAITE DE L AIMANT luption des volcans, soit par l'incendie des forêts, et même par le travail des hommes, doivent changer la position des pôles magnétiques sur le globe, et fléchir en même temps la direction^de l'aimant. En 1785, la déclinaison de l'aiguille aimantée étoit de vingt-deux degrés; en 1784, elle n'a été que de vingt-un degrés vingt-une minutes ; en 1 785 , de vingt- un degrés onze minutes; en 1782, de vingt-un degrés trente -six minutes. Et en consultant les observations qui ont été faites par l'un de nos plus habiles physiciens, M. Cotte, nous voyons qu'en prenant le terme moyen entre les résultats des observations faites à Montmorency près Paris, tous les jours de l'année, le matin, à midi, et le soir, c'est-à-dire le terme moyen de 1096 obser- vations, la déclinaison en l'année 1781 a été de vingt degrés seize minutes cinquante-huit secondes; et les différences entre les observations ont été si petites, que M. Cotte a cru pouvoir les regarder comme nulles. En 1780, cette même déclinaison moyenne a été de dix-neuf degrés cinquante-cinq minutes vingt-sept secondes ; en 1779, de dix-neuf degrés quarante-une minutes huit secondes; en 1778, de dix-neuf degrés tente-deuxminutescinquante-cinq secondes; en 1777, de dix-neuf degrés trente-cinq minutes cinquante- cinq secondes; en 1776, de dix-neuf degrés trente- trois minutes trente-une secondes; en 1775, de dix- neuf degrés quarante -une jninutes quarante- une seondes ^. 1. En 1780, la décUnaison moyenne, prise d'après 6022 obserTa- tions, a été de 19 degrés 55 minutes 27 sec. Mais les variations de cette- déclinaison ont élu bien plus considérables qu'en 1781 : car la plus F,T DE SES USAGES. v^,,)l Ces observatioas sont les plus exactes qui aient ja- Hiais été faites; celles des années précédentes, quoi- que bonnes, n'offrent pas le même degré d'exactitude; graade déclinaison s'est trouvée de 20 degrés i5 minutes le 99 juillet: et la moindre, de 18 degrés [\o minutes le même jour. La différence a donc été de 1 degré 35 minutes ; et cette variation , qui s'est faite le même jour, c'est-à-dire en douze ou quinze heures, est plus considé- ral)le que le progrès de la déclinaison pendant quinze ans, puisqu'on 17G4 la déclinaison étoit de 18 degrés 55 minutes !2o secondes, c'est- à-dire de i5 min. 20 secondes plus grande que celle du 29 juillet, à l'heure qu'elle s'est trouvée de 18 degrés 4o minutes En 1779, la déclinaison moyenne pendant l'année a été de 19 degrés 4i minutes 8 secondes. La plus grande déclinaison s'est trouvée de 20 degrés le 6 décembre, à la stiite d'une aurore boréale, et la plus petite de 19 degrés i5 minutes en janvier et lévrier; la différence a donc été de 45 minutes. L'observateur remarque que l'augmentation moyenne a augmenlé de 8 à 9 minutes depuis l'année précédente, et que la va- riation diurne s'est soutenue avec beaucoup de régularité, excepté dans certains jours où elle a été troublée, le plus souvent à l'approche ou à la suite d'une aurore boréale. Au reste, ajoute t-il, l'aiguille ai- jnantée tend à se rapprocher du nord, cha(|ue jour, depuis trois ou quatre heures du soir jusqu'à cinq ou six heures du matin, (telle tend à s'en éloigner depuis cinq ou six heures du matin jusqu'à trois ou quatre heures du soir En 1778, la déclinaison moy«;nne, pendant l'année, a été de 19 degrés 02 minutes 55 secondes. La plus grande déclinaison a été de 20 degrés le 29 juin; on avoit observé une aurore boréale la veille à onze heures du soir : la plus petite déclinaison a été de 18 de- grés 54 min. le 26 janvier; ainsi la différence a été de i degré 6 mi- nutes. En 1777, la déclinaison moyenne, pendant Tannée, a été de 19 degrés 35 minutes. La plus grande déclinaison s'est trouvée de 19 degrés 58 minutes le 19 juin, et la plus petite de 18 degrés 4^ mi- nutes au mois de décembre : ainsi la différence a été de 1 degré i3 minutes En 1776, la déclinaison moyenne , pendant l'année, a été de 19 degrés 53 minutes 3i secondes. La plus grande déclinaison s'est trouvée de 20 degrés en mars, avril, et mai ; la plus petite déclinaison en janvier et lévrier, de 19 degrés : ainsi la différence a été de i de- gré En 1775, la déclinaison moyenne, pendant l'année, a été de 19 degrés ![i minutes .\i secondes; la plus grande déclinaison s'est trouvée de 20 degrés 10 minutes le i5 avril, et la plus petite de 19 7)?)'J TRAITE DE L AIMANT et à mesure qu'on remonte dans le passé , les obser- vations deviennent plus rares et moins précises, parce qu'elles n'ont été faites qu'une fois ou deux par mois, et même par année. Comparant donc ces observations entre elles, on voit que, pendant les onze années depuis 1775 jus- qu'en 1785, l'augmentation de la déclinaison vers l'ouest n'a été que de deux degrés dix-huit minutes dix-neuf secondes ; ce qui n'excède pas de beaucoup la variation de l'aiguille dans un seul jour, qui quel- quefois est de plus d'un degré et demi. On ne peut donc pas en conclure affirmativement que la progres- sion actuelle de l'aiguille vers l'ouest soit considéra- ble. Il se pourroit, au contraire, que l'aiguille fût presque stationnaire depuis quelques années, d'au- tant qu'en 1 774 la déclinaison moyenne a été de dix- neuf degrés cinquante-cinq minutes trente-cinq se- condes; en 1770, de vingt degrés une minute quinze secondes ; en 1772, de dix-neuf degrés cinquante-cinq minutes vingt-cinq secondes : et cette augmentation de la déclinaison vers l'ouest a été encore plus petite dans les années précédentes, puisqu'en 1771 cette déclinaison a été de dix-neuf degrés cinquante-cinq minutes, comme en 1772; qu'en 1770 elle a été de dix-neuf degrés cinquante-cinq minutes, et en 1769 de vingt degrés. Le mouvement en déclinaison vers l'ouest paroît donc s'être très ralenti depuis près de vingt ans. Cela semble indiquer que ce mouvement pourra, dans quelque temps, devenir rétrograde, ou du moins que (îi'gr<^s !»• i5 décembre : oinsi la tliflV'rcnce a élé de i drgré lo im~ nuU's ET DE SES USAGES. Ovlvl sa progression ne s'étendra qu'a quelques degrés de plus; car je ne pense pas qu'on puisse supposer ici une révolution entière, c'est-à-dire de trois cent soixante degrés dans le même sens. Il n'y a aucun fondement à cette supposition, quoique plusieurs physiciens l'aient admise, et que même ils en aient calculé la durée d'après les observations qu'ils avoient pu recueillir; et si nous voulions supposer et calculer de même, d'après les observations rapportées ci-des- sus, nous trouverions que la durée de cette révolu- tion seroit de 1996 ans et quelques mois, puisqu'en 122 années, c'est-à-dire depuis i665 à 1786, la pro- gression a été de vin^t-deux deu;rés : mais ne seroit-il pas nécessaire de supposer encore que le mouvement de cette progression fût assez uniforme pour faire dans l'avenir à peu près autant de chemin que dans le passé? ce qui est plus qu'incertain, et même peu vraisemblable par plusieurs raisons , toutes mieux fon- dées que ces fausses suppositions. Car si nous remontons au delà de l'année i665, et que nous prenions pour premier terme de la progres- sion de ce mouvement l'année i58o, dans laquelle la déclinaison étoit de onze degrés trente minutes vers l'est, le progrès de ce mouvement en deux cent cinq ans, c'est-à-dire depuis i58o jusqu'à l'année iy85 comprise, a été en totalité de trente degrés trente minutes; ce qui donneroit environ 2201 ans pour la révolution totale de trois cent soixante degrés. Mais ce mouvement n'est pas, à beaucoup près, uniforme, puisque depuis i58o jusqu'en i663, c'est-à-dire en quatre-vingt-trois ans, l'aiguille a parcouru onze de- grés treîTte minutes par son mouvement de l'est au .:>ÔL[ TRAITE DE LAI M A X T lîord. tandis que dans les cinquante -deux année*; suivantes, c'est-à-dire depuis i665 jusqu'en l'jib, elle a parcouru du nord à l'ouest un espace égal de onze degrés trente minutes , et que dans les cinquante années suivantes, c'est-à-dire depuis 1715 jusqu'en 1^65, le progrès de cette déclinaison n'a été que d'en- viron sept degrés et demi; car. dans cette année 176D, l'aiguille aimantée déclinoit à Paris de dix-huit degrés cinquante-cinq minutes vingt secondes; et nous voyons que depuis cette année 1763 jusqu'en 1783, c'est-à- dire en vingt ans, la déclinaison n'a augmenté que de deux degrés; différence si petite, en comparaison des précédentes, qu'on peut présumer avec fondement que le mouvement total de cette déclinaison à l'ouest est borné, quant à présent, à un arc de vingt-deux ou vingt-trois degrés^. La supposition que le mouvement suit la même marche de l'est au nord que du nord à l'ouest n'est nullement appuyée par les faits; car si l'on consulte les observations faites à Paris depuis l'année 1610 jus- qu'en i665 , c'est-à-dire dans les cinquante- trois ans qui ont précédé l'année où la déclinaison étoit nulle , l'aiguille n'a parcouru que huit degrés de l'est au nord, tandis que dans un espace de temps presque égal , c'est-à-dire dans les cinquante-neuf années suivantes, depuis 1 665 jusqu'en 1 7 1 2 , elle a parcouru treize de- 1. Dans le Supplément aux. Voyages de Thévenot, publié en 1681, page ûo , il est dit que la déclinaison de l'aiguille aimantée avoit été observée de cinq degrés vers l'est en 1669. Si l'on connoissoit le lieu où cette oî)servalion a été faite, elle pourroit démontrer que la dé- clinaison est quelquefois rétrograde , et par conséquent que son mou- Aemeni ne produit pas une révolution entière. ET DE SES USAGES. ÙOJ grés vers l'ouest. On ne peut donc pas supposer que le mouvement de la déclinaison suive la même marche CM s'approchant qu'en s'éloignant du nord, puisque ces observations démontrent le contraire. Tout cela prouve seulement que ce mouvement ne SLilt aucune règle, et qu'il n'est pas l'effet d'une cause constante. Il paroît donc certain que cette variation ne dépend que de causes accidentelles ou locales, et spécialement de la découverte ou de renCouissement des mines et grandes masses ferrugineuses, et de leur aimantation plus ou moins prompte et plus ou moins étendue , selon qu'elles sont plus ou moins découvertes et exposées à l'action du magnétisme général. Ces changements, comme nous l'avons dit, peuvent être produits par les tremblements de terre , l'éruption des volcans, ou les coups des foudres souterraines, l'in- cen('.ie des forêts, et même par le travail des hommes sur les mines de fer. Li doit dès lors se former de nou- veaux pôles magnétiques, plus foibles ou plus puis- sants que les anciens, dont on peut aussi supposer l'anéantissement parles mêmes causes. Ce mouvement ne peut donc pas êlre considéré comme un grand ba- lancement qui se feroit par des oscillations régulières, mais comme un mouvement qui s'opère par secousses plus ou moins sensibles, selon le changement plus ou moins prompt des pôles magnétiques; changement qui ne peut provenir que de la découverte et de l'ai- mantation des mines ferrugineuses, lesquelles seules peuvent former des pôles. Si nous considérons les mouvements particuliers de l'aiguille aimantée , nous verrons qu'elle est pres- que continuellement agitée par de petites vibrations, 556 TRAITÉ DE l'aimant dont l'étendue est au moins aussi variable que la durée. M. Graham en Angleterre, et M. Cotte à Paris, ont donné , dans leurs tables d'observations , toutes les alternatives, toutes les vicissitudes de ce mouvement de trépidation , chaque mois, chaque jour, et chaque heure. Mais nous devons remarquer que les résultats de ces observations doivent être modifiés. Ces physi- ciens ne se sont servis que de boussoles dans lesquel- les l'aiguille portoit sur un pivot , dont le frotteuient influoit plus que toute autre cause sur la variation; car M. Coulomb, capitaine au corps royal du génie, de l'Académie des Sciences, ayant imaginé une sus- pension dans laquelle l'aiguille est sans frottement, M. le comte de Cassini, de l'Académie des Sciences, et arrière-petit-fds du grand astronome Cassini, a re- connu, par une suite d'expériences, que cette va- riation diurne ne s'étendoit tout au pius qu'à quinze ou seize minutes, et souvent beaucoup moins, tandis qu'avec les boussoles à pivot cette variation diurne est quelquefois de plus d'un degré et de-ni : mais comme jusqu'à présent les navigateurs ne se sont servis que de boussoles à pivot, on ne peut compter qu'à un degré et demi , et même à deux degrés près, sur la certitude de leurs observations. En consultant les observations faites par les voya- geurs récents, on voit qu'il y a plusieurs points sur le globe où la déclinaison est actuellement nulle ou moindre d'un degré, soit à l'est, soit à l'ouest, tant dans l'hémisphère boréal que dans l'hémisphère aus- tral ; et la suite de ces points où la déclinaison est nulle, ou presque nulle, forme des lignes et môme des bandes qui se prolongent dans les deux hémi- ET DE SES USAGES. 537 sphères. Ces mêmes observations nous indiquent aussi que les endroits où la déclinaison est la plus grande, daiis l'un et l'autre hémisphère, se trouvent aux plus hautes latitudes, et beaucoup plus près des pôles que de l'équateur. Les causes qui font varier la déclinaison , et la transportent pour ainsi dire avec le temps, de l'est à l'ouest, ou de l'ouest à l'est du méridien terrestre, ne dépendent donc que de circonstances accidentelles et locales, sur lesquelles néanmoins nous pouvons asseoir un jugement en rapprochant les différents faits ci-de- vant indiqués. Nous avons dit c[u'en l'année i58o l'aiguille décli- noit à Paris de onze degrés trente minutes vers l'est î or nous remarquerons que c'est depuis cette année i58o que la déclinaison paroît avoir commencé de ([uilter cette direction vers l'est, pour se porter vers le nord et ensuite vers l'ouest; car en l'année 1610 l'aiguille, ainsi que nous l'avons déjà remarqué, ne déclinoit plus que de huit degrés vers l'est, en i64o elle ne déclinoit plus que de trois degrés, et en i665 elle se dirigeoit droit au pôle. Enfin , depuis cette époque, elle n'a pas cessé de se porter vers l'ouest. J'observerai donc que la période de ce progrès dans l'ouest, auquel il faut joindre encore la période du retour ou du rappel de la déclinaison de l'est au nord , puisque ce mouvement s'est opéré dans le même sens , j'observerai, dis-je, que ces périodes de temps sem- blent correspondre à l'époque du défrichement et de ladénudation de la terre dans l'Amérique septentrio- nale , et aux progrès de l'établissement des colonies dans cette partie du Nouveau-Monde. En effet, l'on- 558 TRAITÉ DE l'a{>IAXT verture du sein de cette nouvelle terre par la culture . les incendies des forêts dans de vastes étendues , et l'exploitation des mines de fer par les Européens dans ce continent, dontîeshabitantssaiiva«i;esn'avoient jamais connu ni recherché ce métal, n'ont -elles pas dû produire un nouveau pôle magnétique, et déter- miner vers cette partie occidentale du globe la di- rection de l'aimant, qui précédemment n'éprouvoit pas cette attraction, et, au lieu d'obéir à deux forces, étoit uniquement déterminée par le courant éleclri- que qui va de l'éqnateur aux pôles de la terre? J'ai remarqué ci-devant que la déclinaison s'est trouvée constante à Québec duiant une période de trente-sept ans ; ce qui semble prouver l'action con- stante d'un nouveau pôle magnétique dans les ré- gions septentrionales de l'Amérique. Enfin le ralen- tissement actuel du progrès de la déclinaison dans l'ouest offre encore un rapport suivi avec l'état de cette terre du Nouveau-Monde, où le principal pro- duit de la dénudation du sol et de l'exploitation des mines de fer pnroit actuellement être à peu prés aussi complet que dans les régions septentrionales de l'ancien continent. On peut donc assurer que cette déclinaison de l'aimant , dans divers lieux et selon les différents temps, ne dépend que du giseuient des grandes masses ferrugineuses dans chaque région , et de l'ai- mantation plus ou moins prompte de ces mêmes masses par des causes accidentel les ou des circon- stances locales , telles que le travail de l'homme , l'incendie des forêts , l'éruption des volcans , et mêiue les C(>iq)S cnie iVjippe l'élects-icilé ;oulcrra;rie ET DE SES USAGES. 0.)() sur de grands espaces , causes qui peuvent toutes donner également le magnétisme aux matières fer- rugineuses; et ce qui en complète les preuves c'est qu'après les tremblements de terre on a vu souvent l'aio^uille aimantée soumise à de «rrandes irrégularités dans ses variations. Au reste , quelque irrégulière que soit la varia- tion de l'aiguiile aimantée dans sa direction, il me parojt néanmoins que l'on peut en fixer les limites, et même placer entre elles un grand nombre de points intermédiaires qui , comme cesliuiites mêmes, seront constants et presque fixes pour un certain nombre d'années , parce que , le progrès de ce mou- vement de déclinaison ne se faisant actuellement que très lentement, on peut le regarder comme constant pour le prochain avenir d'un petit nombre d'années; et c'est pour arriver à cette détermination, ou du moins pour en approcher autant qu'il est possible, que j'ai réuni toutes les observations que j'ai pu re- cueillir dans les voyages et navigations faits depuis viuiJtans, et dont je placerai d'avance les principaux résultats dans l'article suivant. ARTICLE VI. De r uiciinalson de l'aimant. La direction de l'aimant, ou de l'aiguille aiman- tée, n'est pas l 'elle t d'un mouvement simple, mais d'un mouvement composé qui suit la courbure du globe de l'équateur aux pôles. Si l'on pose un ai- . ):| O T n A J T E DE L A î M A N T et sons le méridien magnétique du lien , il s'incli- nera de manière que le pôle austral de cet aimant s'élèvera au dessus, et que le pôle boréal s'abaissera au dessous de la ligne horizontale dans notre hé- misphère boréal; et le contraire arrive dans l'hémi- sphère austral. Cet effet est encore plus aisé à mesu- rer au moyen d'une aiguille aimanlée placée dans un plan vertical : la boussole horizontale indique la di- rection avec ses déclinaisons, et la boussole verticale démontre l'inclinaison de l'aiguille. Cette inclinaison change souvent plus que la déclinaison , suivant les lieux; mais elle est plus constante pour les temps; et l'on a même observé que la différence de hauteur, comme du sommet d'une montagne à sa vallée, ne chanîj;e rien à cette inclinaison. M. le chevalier de Lamanon m'écrit qu'étant sur le Pic-de-Ténérifl'e , à i.qoo toises au dessus du niveau de la mer, il avoit observé que l'inclinaison de l'aiguille étoit la même qu'à Sainte-Croix; ce qui semble prouver que les émanations du globe qui produisent l'électricité et le mngnétisJTie s'élèvent à une très grande hauteur dans les climats chauds. Au reste, l'inclinaison et la décli- naison sont sujettes à des trépidations presque con- tinuelles de jour en jour, d'heure en heure, et pour ainsi dire de moment en moment. Les aiguilles des boussoles verticales doivent être faites et placées de manière que leur centre de gra- vité coïncide avec leur centre de mouvement, au lieu que dans les boussoleshorizonlales le centre du mou- vement de l'aiguille est un peu plus élevé que son centre de gravité. Lorsqu'on commence a metlre en mouvement ET DE SES USAGES. 34 1 cette aiguille placée verticalement, elle se meut par des oscillations qu'on a voulu comparer à celle du pendule de la gravitation : mais les effets qu'ils pré- sentent sont très différents; car la direction de cette aiguille , dans son inclinaison , varie selon les diffé- rents lieux, au lieu que celle du pendule est con- stante dans tous les lieux de la terre , puisqu'elle est toujours perpendiculaire à la surface du globe. Nous avons dit que les particules de la limaille de fer sont autant de petites aiguilles qui prennent des pôles par le contact de l'aimant ; ces aiguilles se dressent perpendiculairement sur les deux pôles de l'aimant ; mais la position de ces particules aimantées devient d'autant plus oblique qu'elles sont plus éloi- gnées de ces mêmes pôles , et jusqu'à l'équateur de l'aimant , où il ne leur reste qu'une attraction sans inclinaison. Cet équateurest le point départage entre les deux directions et inclinaisons en sens contraire; et nous devons observer que cette ligne de sépara- tion des deux courants magnétiques ne se trouve pas précisément à la même distance des deux pôles dans les aimants non plus que dans le globe terres- tre , et qu'elle est toujours à une moindre distance du pôle le plus foible. Les particules de limaille s'atta- chent horizontalement sur cette partie de l'équateur des aimants, et leur inclinaison ne se manifeste bien sensiblement qu'à quelque distance de cette partie équatoriale ; la limaille commence alors à s'incliner sensiblement vers l'un et l'autre pôle en deçà et au delà de cet équateur : son inclinaison vers le pôle austral est donc un contre-sens de la première, qui tend au pôle boréal de l'aimant, et cette limaille se lUlFIOX. IX. 3^9. T r. A 1 1 É DE L A I M A N i dresse de même perpendicuiairement sur le pôle austral comme sur îc pôle boréal. Ces phénomènes sont constants dans tous les aimants, ou fers aiman- tés; et comme le globe terrestre possède en grand les mêmes puissances que l'aimant nous présente en petit , l'aiguille doit être perpendiculaire par une in- clinaison de 90 degrés sur les pôles magnétiques du clobe : ainsi les lieux où l'inclinaison de l'aiguille sera de 90 degrés seront en effet les vrais pôles magnéti- ques sur la terre. Nous n'avons rien négligé pour nous procurer tou- tes les observations qui ont été faites jusqu'ici sur la déclinaison et l'inclinaison de l'aiguille aimantée ^. Nous croyons que personne avant nous n'en avoit recueilli un aussi grand nombre : nous les avons com- parées avec soin , et nous avons reconnu que c'est aux environs de l'équateur que l'inclinaison est pres- que toujours nulle ; que l'équateur magnétique est au dessus de l'équateur terrestre dans la partie de la merdes Indes située versle quatre-vingt-dix-septième degré de longitude^, et qu'il paroît , au contraire, au dessous de la ligne dans la portion de la mer Pacifi- que qui correspond au cent quatre-vingt-dix-septième degré : on peut donc conjecturer que le pôle magné- tique est éloigné vers l'est du pôle de la terre, re- lativement aux mers des Indes et Pacifique, et par 1. De Ions no? voyageurs, M. Ekeberg et r\I. Le Gentil, savant as- tronome de l'Académie des Sciences , sont ceux qui ont donné le plus d'attention à l'inclinaison de laimant dans les régions qu'ils ont par- courues. 2. Nous devons remarquer que, dans les articles de la déclinaison et de rinciinaison de l'aimant, nous avons toujours compté les Ion- ffiludes à l'est du méiidion de Paris. ÏT DE SES USAGES. 543 conséquent il doit être situé dans les terres les plus 'Septentrionales de l'Amérique, ainsi que nous l'a- vons déjà dit. Dans la mer Atlantique, Tespace où l'aiguille a été observée sans déclinaison^ se prolonge jusqu'au cin- quante-huitième degré de latitude austral ; et à l'é- gard de son étendue vers le nord, on le peut suivre jusqu'au trente-cinquième degré, ou environ, de la- îitude, ce qui lui donneroit en tout quatre-vingt- treize degrés de longueur, si l'on avoit fait jusqu'à présent assez d'observations pour que nous fussions assurés qu'il n'est interrompu par aucun endroit où l'aiguille décline de plus de deux degrés vers l'est ou vers l'ouest. Cet espace ou cette bande sans déclinai- son peut surtout être interrompue dans le voisinage des continents et des îles : car on ne peut douter que la proximité des terres n'influe beaucoup sur la direc- tion de l'aiguille. Cette déviation dépend des masses ferrugineuses qui peuvent se trouver à la surface de ces terres, et qui, agissa'nt sur le magnétisme géné- ral, comme autant de pôles magnétiques particu.iers, doivent fléchir son cours, et en changer plus ou moins la direction : et si le voisinage de certaines côtes a paru, au contraire, repousser l'aiguille aimantée, la nouvelle direction de l'aiguille n'a point été , dans ces cas particuliers, l'eff^et d'une répulsion qui n'a été qu'apparente ; mais elle a été produite par le magné- i. Je dois observer ici que j'ai regardé comme nulles toutes les dé- clinaisons qui ne s'étendoienl pas à deux degrés au dessous de zéro, parce que les variations diurnes , et surtout les accidents des aurores boréales et des tempêles, font souvent changer la diredion de l'ai^ guilli; i\c plus de xleux degrés. 344 TRAITÉ DE l'aimant tisme général, ou par l'attraction particulière de quel- ques autres terres plus ou moins éloignées, et dont l'action aura cessé d'être troublée dans le voisinage de certaines côtes dépourvues de mines de fer ou d'aimant. Lors donc qu'à Rapproche des terres l'ai- guille aimantée éprouve constamment des change- ments très marqués dans sa déclinaison , on peut en conclure l'existence ou le défaut de mines de fer ou d'aimant dans ces mêmes terres, suivant qu'elles at- tirent ou repoussent l'aiguille aimantée. En général, les bandes sans déclinaison se trouvent toujours plus près des côtes orientales des grands continents que des côtes occidentales : celle qui a été observée dans la mer Atlantique est, dans tous ses points, beaucoup plus voisine des côtes orientales de l'Amérique que des côtes occidentales de l'Afrique et de l'Europe; et celle qui traverse la mer de l'Inde et la grande mer Pacifique est placée à une assez petite distance à l'est des côtes de l'Asie. La bande sans déclinaison de la mer des Indes , et qui se prolonge dans la mer Pacifique boréale, pa- roît s'étendre depuis environ le cinquante-neuvième degré de latitude sud jusqu'au quarantième degré de latitude nord. 11 est important d'observer que sous la latitude bo- réale de dix-neuf degrés, ainsi que sous la latitude australe de cinquante-trois degrés, la bande sans dé- clinaison de la mer Atlantique , et celle de la mer des Indes, sont éloignées l'une de l'autre d'environ cent cinquante-sept degrés, c'est-à-dire de près de la moi- tié de la circonférence du globe. Il est également re- marquable qu'à parti ! de quelques degrés de l'équa- ET DE SES l^SAGES. 345 teur, on n'a observe, dans la mer Pacifique boréale, aucune déclinaison vers l'ouest qu'on ne puisse rap- porter aux variations instantanées et irrégulières de l'aiguille : ceci joint à toutes les directions des décli- naisons, tant de la mer Atlantique que de la mer des Indes, confirme l'existence d'un pôle magnétique très puissant dans le nord des terres de l'Amérique ; et ce qui confirme encore cette vérité, c'est que la plus grande déclinaison orientale dans la mer Pacifique boréale a été observée, par le capitaine Cook, de trente-six degrés dix-neuf minutes aux environs de soixante-dix degrés de latitude nord et du cent qua- tre-vingt-quinzième de longitude, c'est-à-dire à deux degrés, ou à peu près, au nord des terres de l'Améri- que les plus voisines de l'Asie. D'un autre côté, M. le chevalier de Langle a trouvé une déclinaison vers l'ouest de quarante-cinq degrés, dans un point de la mer Atlantique situé très près des côtes orientales et boréales de l'Amérique. C'est donc dans ces terres septentrionales du nouveau continent que toutes les directions des déclinaisons se réunissent et coïnci- dent au pôle magnétique , dont l'existence nous pa- roit démontrée par tous les phénomènes. La déclinaison n'éprouve que de petites vicissitudes dans les basses latitudes, surtout dans la grande mer de l'Inde, où l'on n'observe jamais qu'un petit nom- bre de degrés de déclinaisons dans le voisinage de l'équateur, tandis que, dans les plus hautes latitudes de l'hémisphère austral, il paroît que la déclinaison de l'aiguille varie beaucoup de l'est à l'ouest, ou de l'ouest à l'est, dans un très petit espace. 546 TRAITÉ DE l'aI3IANT La ligne sans déclinaison qui passe entre Malaca, Bornéo, le détroit de la Sonde, se replie vers l'est, et son inflexion semble être produite par les terres de la iNouvelie-HoUande. Il y a dans la mer Pacifique une troisième bande sans déclinaison , qui paroît s'étendre depuis le sep- tième degré de latitude nord jusqu'au cinquante-cin- quième degré de latitude sud. Cette bande traverse l'équateur vers le deux cent trente- deuxième degré de longitude : mais , à vingt-quatre degrés de latitude australe, elle paroît fléchir vers les côtes occidentales de l'Amérique méridionale; ce qui paroît être l'efiet des masses ferrugineuses que l'on doit trouver dans ces contrées si souvent brûlées par les feux des vol- cans, et agitées par les coups de la foudre souter- raine. La déclinaison la plus considérable qui ait été trou- vée dans l'hémisphère austral est celle de quarante- trois degrés six minutes, observée par Cook en février 1775, sous le soixantième degré de latitude et le qua- tre-vingt-douzième degré trente-cinq minutes de lon- gitude, loin de toute terre connue; et la plus forte déclinaison qu'on ait trouvée dans l'hémisphère bo- réal, et, en même temps, la plus grande de toutes celles qui ont été remarquées dans les derniers temps, est celle de quarante-cinq degrés, dont nous avons déjà parlé, et qui a été observée par M. le chevalier de Langle vers le soixante-deuxième degré de latitude et le deux cent quatre-vingt-dix-sept ou deux cent quatre-vingt-dix-huitième de longitude, entre le Groenland et la terre de Labrador; elles sont toutes ET DE SES L SAGES. 7).]-^ les deux vers l'ouest, et toutes les deux ont eu liea dans des endroits éloignés de l'équateur d'environ soixante degrés. Tels sont les principaux faits, tant pour la délinai- son que pour l'inclinaison, qu'offre ce qu'on a re- connu de Tétat actuel des forces magnétiques, qui s'étendent de l'équateur aux pôles; et si nous voulons tirer quelques résultats du petit nombre d'observa- tions plus anciennes, nous trouverons que, depuis i-joo, l'inclinaison de l'aiguille aimantée a varié en différents endroits : mais tout ce que l'on peut con- clure de ces observations, qui sont en petit nombre , c'est que les changements de h déclinaison et de l'in- clinaison ont été inégaux et irréguliers dans les divers points des deux hémisphères. Et, pour ne considérer d'abord que les variations de la déclinaison, laplus grande irrégularité des chan- gements qu'elle a éprouvés sur les différents points du globe suffit pour empêcher d'admettre l'hypothèse de Halley, qui supposoit dans l'intérieur de la terre un grand noyau magnétique doué d'une sorte de mou- vement de rotation, indépendant de celui du globe, et qui, par sa déclinaison, produiroit celle des ai- mants placés à la surface de la terre. M. Epinus, qui d'abord paroissoit tenté d'adopter l'opinion de Halley, a vu lui-même qu'elle ne pouvoit pas s'accorder avec l'irrégularité des changements de la déclinaison ma- gnétique : au lieu du mouvement régulier d'une sorte de grand aimant imaginé par Halley, il a proposé d'ad- metti^ des changements irréguliers et locaux dans le noyau de la terre. Mais, indépendamment de l'im- possibilité d'assigner les causes de ces changeDients 34^ TRAITÉ DE l'aimant intérieurs, ils ne pourroient agir sur la déclinaison des aiguilles qu'autant que les portions du noyau ga- gneroient ou perdroient la vertu magnétique ; et nous avons vu que les masses ferrugineuses ne pouvoient s'aimanter naturellement que très près de la surface du globe , et par les influences de l'atmosphère. Depuis i58o, la déclinaison de l'aiguille avarié dans les divers endroits de la surface du globe, d'une ma- nière très inégale : elle s'est portée vers l'est avec des vitesses très différentes, non seulement selon les temps, mais encore selon les lieux; et ceci est d'au- tant plus important à observer, que ses mouvements ont toujours été très irréguîiers, et que nous ne fai- sonsici aucune attention aux petites causes locales qui ont pu la déranger. Ces causes, dont les effets ne sont pas constants, mais passagers, peuvent être de même nature que les causes plus générales du changement de déclinaison d'un grand nombre de degrés, jusqu'à la faire aller en diminuant lorsqu'elle devroit s'accroî- tre , et peuvent même tout à coup la faire changer de l'est à l'ouest, ou de l'ouest à l'est. Par exemple, dans l'année 1618, la déclinaison étoit orientale de quinze degrés dans l'île de Candie, tandis qu'elle étoit nulle à Malte et dans le détroit de Gibraltar, et qu'elle étoit de six degrés vers l'ouest à Palerme et à Alexandrie; ce que l'on ne peut attribuer qu'à des causes parti- culières, et à ces effets passagers que nous venons d'indiquer. La bande sans déclinaison qui se trouve actuelle- ment dans la mer Atlantique gisoit auparavant dans notre continent : en 1 Sg/f, elle passoit à Narva en Fin- lande; elle étoit en même temps bien plus avancée ET DE SES USAGES. 049 du côlé de l'est dans les régions plus voisines de î'é- quateur, et, par cooséquenl:, il y a près de deux cenls ans qu'elle étoit inclinée du cpté^de l'ouest, relative- ment à réquateur terrestre, puisqu'elle n'a passé qu'en 1600 à Constanlinople , qui est à peu près sous le même méridien que Narva. Cette bande sans décli- naison est parvenue, en s'avançant vers l'ouest, jus- qu'au deux cent quatre-vingt-deuxième degré de lon- gitude, et à la latitude de trente-cinq degrés, où elle se trouve actuellement. En 1616, la déclinaison fut trouvée de cinquante- sept degrés à soixante-dix-huit degrés de latitude boréale, et deux cent cjuatre-vingts de longitude. C'est la plus grande déclinaison qu'on ait observée; elle étoit vers l'ouest, ainsi que les deux fortes déclinai- sons dont nous devons la connoissance à M. le cheva- lier de Langle et au capitaine Cook; elle a eu égale- ment lieu sous une très haute latitude, et elle a été reconnue dans un endroit peu éloigné de celui où M. de Langle a trouvé la déclinaison de quarante-cinq degrés, la plus grande de toutes celles qui ont été ob- servées dans les derniers temps. INéanmoins,, dans la même année 1616, la bande sans déclinaison qui tra- versoit l'Europe, et qui s'avançoit toujours vers l'oc- cident, n'étoit pas encore parvenue au vingt-unièîue degré de longitude ; et dans des points situés à l'ouest de cette bande, comme, par exemple, à Paris, à Rome , etc. , l'aiguille déclinoit vers l'est; et cela pro- vient de ce que les régions septentrionales de l'Amé- rique n'avoient pas encore éprouvé toutes les révolu- tions qui y ont établi le pôle magnétique que l'on doit y supposer à présent. 55o TRAITÉ DE l'aIMANT Quoiqu'il en soit, nous ne pouvons pas douter qu'il n'y ait actuellement un pôle magnétique dans cette région du nord de l'Amérique, puisque la déclinaison vers l'ouest est plus grande en Angleterre qu'en France, plus grande en France qu'en Allemagne, et toujours moindre à mesure qu'on s'éloigne de l'Amérique, en s'avançant vers l'orient. Dans l'hémisphère austral l'aignille d'inclinaison, au rapport du voyageur INoël, se tenoit perpendicu- laire au trente-cinquième ou trente-sixième degré de latitude, et cette perpendiculaire de l'aiguille se sou- tenoit dans une longue étendue sous différentes lon- gitudes, depuis la mer de la Nouvelle-Hollande jus- qu'à sept ou huit cents milles du cap de Bonne-Espé- rance^. Cette observation s'accorde avec le fait rapporté par Abel Tasman , dans son voyage, en 1642 : ce voyageur dit avoir observé que l'aiguille de ses bous- soles horizontales ne se dirigeoit plus vers aucun point fixe dans la partie de la mer voisine , à l'occident , de la. terre de Diémen ; et cela doit arriver en effet lors- qu'on se trouve sur un pôle magnétique. En comptant donc sur cette observation du voyageur Noël, on est en droit d'en conclure qu'un des pôles magnétiques de l'iîémisphère austral étoit situé, dans ce temps, sous la latitude de trente-cinq ou trente-six degrés, 1. Le capilaino Cook dit que rinolinaison de l'iôguille fut de 64 de- grés 36 minutes les trois différeutes fois qu'il relâcha à la iNomelle- Zélande, dans une baie située par ^i degrés 5 minutes 56 secondes de latitude, et 172 degrés o minute 7 secondes de longitude. Il me paroît que l'on peut compter sur celle observation de Cook, avec d'au- tant plus de raison qu'elle a été répétée, comme l'on voit pr.r son ré- cit, jusqu'à trois fois différentes dans le même lieu, en différentes années. ET DE SES USAGES. OLM et que, quoiqu'il y eût une assez grande étendue en longitude où l'aiguille n'avoit point de direction con- stante, on doit supposer sur cette ligne un espace qui servoit de centre à ce pôle, et dans lequel, comme sur les parties polaires de lu pierre d'aimant , la force magnétique étoit la plus concentrée; et ce centre étoit probablement l'endroit où ïasman a vu que l'ai- guille de ses boussoles horizontales ne pouvoit se fixer. Le p(Me magnétique qui se trouve dans le nord de l'Amérique n'est pas le seul qui soit dans notre hémi- sphère; la savant et ingénieux Halley en comptoit quatre sur le globe entier, et en plaçoit deux dans l'hémisphère boréal et deux dans l'hémisphère aus- tral. Nous croyons devoir en compter également deux dans chaque hémisphère, ainsi que nous l'avons déjà dit; puisqu'on y a reconnu trois lignes ou bandes sur lesquelles l'aiguille se dirige droit au pôle terrestre, sans aucune déviation. De la même manière que les pôles d'un aimant ne sont pas des points mathématiques, et qu'ils occu- pent quelques lignes d'étendue superficielle, les pôles magnétiques du globe terrestre occupent un assez grand espace ; et en comptant sur le globe quatre pô- les magnétiques, il doit se trouver un certain nombre de régions dans lesquelles l'inclinaison de l'aiguille sera très grande, et de plus de quatre-vingts degrés. Quoique le globe terrestre ait en grand les mêmes propriétés que l'aimant nous offre en petit, ces pro- priétés ne se présentent pas aussi évidemment ni par des effets aussi constants et aussi réguliers sur le globe que sur la pierre d'aimant. Cette diflerence entre les effets du magnétisme général du globe . et du magné- 5b2 TRAITÉ DE l'aI.MANT tisrae particulier de l'aimant, peut provenir de plus d'une cause. Premièrement, de la figure sphéroïde de la terre : on a éprouvé, en aimantant de petits glo- bes de fer, qu'il est difficile de leur donner des pôles bien déterminés; et c'est probableiient en raison de sa sphéricité que les pôles magnétiques ne sont pas aussi distincts sur le globe terrestre qu'ils le sont sur des aimants non sphériques. Secondement , la posi- tion de ces pôles magnétiques, qui sont plus ou moins voisins des vrais pôles de la terre, et plus ou moins éloignés de l'équateur, doit influer puissamment sur la déclinaison dans chaque lieu particulier, suivant sa situation plus ou moins distante de ces mêmes pô- les magnétiques, dont la position n'est point encore assez déterminée. Le magnétisme du slobe , dont les effets viennent de nous paroître si variés, et même si singuliers, n'est donc pas le produit d'une force particulière, mais une modification d'une force générale, qui est celle de l'électricité, dont la cause doit être attribuée aux émanations de la chaleur propre du globe, lesquelles, partant de l'équateur et des régions adjacentes, se portent , en se courbant et se plongeant sur les régions polaires où elles tombent, dans desdirections d'autant plus approchantes de la perpendiculaire, que la cha- leur est moindre, et que ces émanations se trouvent, dans les régions froides, plus complètement éteintes ou supprimées. Or cette augmentation d'inclinaison, à mesure que l'on s'avance vers les pôles de la terre, représente parfaitement l'incidence de plus en plus approchante de la perpendiculaire des rayons ou fais- ceaux d'un fluide animé par les émanations de la cha- ET DE SES USAGES. 555 leur du globe, lesquelles, par les lois de l'équilibre, doivent se porter en convergeant et s'abaissant de l'é- quateur vers les deux pôles. La force particulière des pôles magnétiques, dans l'action qu'ils exercent sur l'inclinaison, est assez d'ac- cord avec la force générale qui détermine cette incli- naison vers les pôles terrestres , puisque l'une et l'au- tre de ces forces agissent presque également dans une direction qui tend plus ou moins à la perpendiculaire. Dans la déclinaison, au contraire, l'action des pôles magnétiques se croise, et forme un angle avec la di- rection générale et commune de tout le système du magnétisme vers les pôles de la terre. Les éléments de l'inclinaison sont donc plus simples que ceux de la déclinaison , puisque celle-ci résulte de la combi- naison de deux forces agissantes dans les deux direc- tions différentes, tandis que l'inclinaison dépend prin- cipalement d'une cause simple, dans une direction inclinée et relative à la courbure du globe. C'est par cette raison que l'inclinaison paroît être et est en effet plus régulière, plus suivie et plus constante que la déclinaison dans toutes les parties de la terre. On peut donc espérer, comme je l'ai dit, qu'en mul- tipliant les observations sur l'inclinaison, et détermi- nant par ce moyen la position des lieux , soit sur terre, soit sur mer, l'art de la navigation tirera du recueil de ces observations autant et plus d'utilité que de tous les moyens astronomiques ou mécaniques employés, jusqu'à ce jour, à la recherche des longitudes. www» VV\XV»'\\\ V\VVV\\V\\\VV-VVVV\VVV\\XVt\V-\\\V\\VVW\VV\\'V\'V\VV\VV\V'VVWVX\'V\VW\VVWg ARRANGEMENT DES MINÉRAUX EN TABLE MÉTHODIQUE, REDIGEE D APRES LA COISNOISSANCE DE LEURS PROPRIETES NATURELLES. Cette table présente les minéraux , non seulement avec leurs vrais caractères, qui sont leurs propriétés naturelles, mais encore avec l'ordre successif de leur génésie ou filiation, selon qu'ils ont été produits par l'action du feu . de l'air, et de l'eau, sur l'élément de la terre. Ces propriétés naturelles sont : i" La densité ou pesanteur spécifique de chaque substance, qu'on peut toujours reconnoître avec pré- cision par la balance hydrostatique ; 2° La dureté, dont la connoissance n'est pas aussi précise, parce que l'eflet du choc ou du frottement ne peut se mesurer aussi exactement que celui de la pesanteur par la balance, mais qu'on peut néanmoins estimer et comparer par des essais assez faciles; v)" L'homogénéité ou simplicité de substance dans chaque matière , qui se reconnoît avec toute précision dans les corps transparents, par la simple ou double réfraction que h lumière souffre en les traversant , et 556 ARRANGEMENT MÉTHODIQUE DES MINERAUX. que l'on peut connoître, quoique moins exactement , dans les corps opaques, en les soumettant à l'action des acides ou du feu ; 4** La fusibilité et la résistance plus ou moins grande des difl'érentes matières à l'action du feu avant de se calciner, se fondre ou se vitrifier; 5° La combustibilité ou destruction des différentes substances par l'action du feu libre , c'est-à-dire par la combinaison de l'air et du feu. Ces cinq propriétés sont les plus essentielles de toute matière, et leur connoissance doit être la base de tout système minéralogique et de tout arrangement méthodique : aussi cette connoissance , autant que j'ai pu l'acquérir, m'a servi de guide dans la compo- sition de cet ouvrage sur les minéraux ; et c'est d'après ces mêmes propriétés, qui constituent la nature de chaque substance, que j'ai rédigé la table suivante. TABLE MÉTHODIQUE DES MINÉRAUX. PREMIER ORDRE. MATIÈRES VITREUSES. PREMIÈRE CLASSE. Matières vitreuses produites par le feu primitif. MATIERES. . Quartz. — Feldspath. Verres primitifs. . | — Schorl. — Jaspe. ( —Mica. VARIETES. Roches de 1, 2, o, et A /t,. , , 1 , -, J Pierre de Lapoiii,'. substances vitreuses. ( » Substances com- posées. r. I /rouffe. ) Porpiijre 1 brun j '°"^'ie"''P<'n<''"é'^dei Granité : blanc. rouge. — gris. — à gros grains. — à petits grains. DEUXIÈME CLASSE. Matières vitreuses extraites des premières, et produites par l'intermède de l'eau. PREMIÈRE DIVISION. Produits du quartz. Vitreuses produi-/ tes parrintermè-i Quartz de seconde r blanchâtre. — rougeâtre. — dedeFeau, demi-i formation. ( gras. — feuilleté. — grenu. transparentes. \^ / blanc. — nuageux. — rou- ) geâlre. — bleuâtre. — jau- i ne. — vert. — brun. noir. — ■ \ opaque. — irisé. I violetle. — pourprée. |d'un jaune plus ou moins ( loacé et enfumé. (d'un jaune mêlé de plus ou ( moins de vert. ^ ,. . (d'un vert bleuâtre , c'« cruu y rtigue-marine. • • ■ • i ■ i.. \ " \ bleu verdatre. Transparentes. Cristal de roche. . Améthyste Cristal-topaze. . . . Chrysolite liUrtOiV. IX. 558 TABLE METHODIQUE SECONDE DIVISION, Produits du feldspath seul, et du quartz mêlé de feldspath. MATIÈRES. SORTES. VARIÉTÉS. Demi-transnaren- tes. Saphir d'eau. . . i Pierre de Russie \ de Labrador. . Œil-de-chat. . . ŒEil-de-poisson. . Toutes chatoyan- tes. Opaques plus ou moins bleuâtre et à ■ ( demi chatoyant. ou ( chatoyante , avec reflets ver- . ( dàtrcs et bleuâtres. . I gris. — jaune. — mordoré. ( blanc intense. — blanc bleuâ- ' ( tre. OEil-de-loup (brun rougeâtre. -brun ver- ' datre. (à fond blanc. — à fond bleuâ- tre. — à fond noir. ■ — sans ^( paillettes. — semée de pail- i lettes brillantes rouges , f bleues , et d'autres cou- ; leurs. , rouge, plus ou moins semée I Aventurine ) de paillettes brillantes de ( différentes couleurs. TROISIEME DIVISION. Produit du schorl seul, et du quartz et feld-spath mêlés de schorL .duPérou. — vert pur plus ou /Émeraude | moins clair. — du Brésil. — ,plus ph V iai Transparentes. vert plus ou moins foncé, bleu. — blanc, vert bleuâtre. — bleu verdâ- tre. plus ou moins dense. — vert us ou moins mêlé de jaune. OEil-de-chat noir ou | noirâtre. Rubis et Topazes du r plus ou moins rougeâtres. — ( plusoumoins jaune foncé. ( j aune doré. — j aune clair. — ( blanche, rouge violet , syrien. rouge couleur de feu, escar- Grenat ■{ boucle. rouge brun demi-transpa- rent ou opaque, jaune mêlé de plus ou moins r roua;e- Saphir du Brésil. Béryl Péridot Brésil. I Topaze de Saxe. llyacmllic | ^ _. DES MINÉRAUX. 359 MATIERES. VARIÉTÉS. Demi-transparcn- (rr. i- ( , • .^ . ' Mourmaline | orangée. — noirâtre. Opaques | Pierre-de-croix. . . . j brune. — -noirâtre. QUATRIÈME DIVISION. Stalactites vitreuses non cristallisées , produites par le mélange du quartz et des autres verres primitifs. I ( blanche. — laiteuse. — vei- / Agate ] née. — ponctuée. — herbo- risée. rouge pur plus ou moins in- 1 Cornaline { tense. — veinée. — ■ ponc- Demi-transparen-y \ tuée. tes. \ c. , . rorangée. — veinée. — herbo- Sardoine \ . ," I K risee. Prase ! vert plus ou moins foncé. ' blancheâtre. — bleuâtre. — Calcédoine | rougeâlre. — ■ toujours lai- !" teuse. bleuâtre. — rougeâ- Tiansparentesim- r r,. , , , »' grise. £., ,^ p i Pierre hydrophane. . { °^ biheesde.iu ' : \ ( tre. Demi-trarisparen- / . blanc. — rougeâtre. — de tes aux parties! Pétrosilex \ toutes couleurs. — veiné. minces. ^ — taché. composée de lits, ou cou- / Onyx ) ches de différentes cou- \ ' leurs. \^ .i, i veinés. — œillés. — herbori- I Cailloux l Opaques. ipoudingucs !^"P/"^ gros ou plus petits f ^ { cailloux. Jaspes do seconde (sanguin. — liéliotrope. — \ formation. * fleuri.— universel. ■ CINQUIEME DIVISIOIN. Produits et agrégats du mica et du talc /.ladc , , ' ' tre. ( blanchâtre. — vert. — olivâ- i tachée de toutes couleurs. ^ . 1 • 1 Serpentine. . . . . .| — verte sans tache. — vei- Opaques et demi- ' f i , n / ' ^ \ née. — nbreusc. — grenue. transparentes. \ ii i.. 1°, ^ à i blanchâtre. — verdatre. — f T»« Il • ' — semée de points tat- I l'ievre ollaire * . f r -i \ I queux. — vemee. ■ — leuil- '. letéc. 56o TABLE METHODIQUE MATIERES. VARIETES. ipure. — noirâtre. — plom- bée.— mêlée de soul're. — plombagine. ^ 1 . , Pierre-de-lard ['blanche. — rougeâtre. Opaques et demi- ) ^^^.^ d'Espagne. . . | blanche. - grise. transparentes. ] (blanche. — plus ou moins Craie de Briançon. . J ^^^ ^ , |blanc. — verdâtre. — jaunâ- , ( tre. — rougeâtre. / .en filets plus ou moinslongs, ( ^ . . (et plus ou moins fins. — \ Amiante blanchâtre.- jaunâtre. - Demi-transparcn-' ^ verdâtre. *^^' 1 / en épis. — en filets plus ou ( Asbeste | moins courts. — gris. — \ ^jaunâtre. — blanchâtre. (. plus ou moins poreux et lé- ^ . , ^ ( ser. — blanc. — iaunâtre. Cuir de montagne. .' ^ , , . ^ i- -i ^ à — en lames plates, ou leuil- ^ lets superposés. Upaques <^ / jaunâtre. — blanchâtre. — ^., , ^ ) en cornets, ou feuillets con- Liége de montagne, .i ^ ' i ^ ° I tournes. — plus ou moins caverneux et léger. TROISIEME GLxlSSE. Détriments des matières vitreuses. Opaques. Granités de seconde formation. /Porphyres de secon-rvert taché de blanc. — de de formation. ( couleurs variées. rougeâtre à gros grains , et grandes lames talqueuses. — rougeâtre à petits grains; granitelte. pur. — mêlé de mica. — à grains plus ou moins fins. — de substance plus ou Grès <^ moins compacte. — blanc. — jaunâtre. — rougeâtre. ■ — brun. — grès poreux. — grès à filtrer. / blanche et pure. — bleuâtre. Argiles \ — verdâtre. — rougeâtre. ^ — jaunâtre. — noirâtre. DES MINERAUX. 56 MATIÈRES. SORTES. VARIÉTÉS. Opaques Schiste et ardoise. . .- grisâtre, —bleuâtre. — noi- râtre.— plus ou moins dur, et en grains plus ou moins ^ fins. QUATRIEME CLASSE. Concrétions vitreuses et argileuses formées par l'intermède de l'eau. / . ,,., (plus ou moins noire. — a ^ ,.. . (Ampéhle \ ' i • c Concrétions argi-i ^ ( grain plus ou moins fin. leuses. I SmectJs , ou argile à rblanc. — cendré. œrdâ- foulc / Grès mêlés d'ar- gile. Pierre à rasoir. Cos , ou pierres guiser. ( tre. — noirâtre. / composée de couches alter- .] natives do gris-blanc ou ^ jaunâlre, etd'uii gris-brun. plus ou moins dures. — ai-^ blanches, brunes. — bleuâ- treSv — jaunes. — rougeâ- tres. — grès de Turquie. DEUXIEME ORDRE. MATIERES CALCAIRES TOUTES PRODUITES PAR L INTERMEDE DE L EAU. PREMIÈRE CLASSE. Matières calcaires primitives avec leurs détriments et agrégats. l Coquilles -es S^ rins Substances calcai-| Madrépores., rcs primitives. | Polypiers de lers sortes. Craie. Détriments des matières calcai- res primitives en grandes masses. I Pierres calcaires. Marbres. '( Les variétés de ces corps ma- ' '! rins à substance coquil- le leuse sont innombrables. ( plus ou moins blanche et ( plus ou moins dure, /de première formation; /lier- res coquilleuses. de seconde formation. plus ou moins dures. à grain plus ou moins fin. blanches ou teintes de diffé- rentes couleurs. de première formation. marbres coquilleux. — brè ches. moudingues calcaires. f de seconde formation. — ^ blancs. 362 TABLE METHODIQUE MATIERES. VARIETES. lyiarbres H^ *°^**^^ couleurs unifor^ ( mes ou variées. Détriments desl / veiné. — onde. — bianchâ- matières calcai-J aii *♦ j tre. — jaune. — rougeâtre. res primitives en j ) — mêlé de gris , de brun, grandes masses./ et de noir. — herborisé. Plâtre . . fblanc — grisâtre.— rougeâ- ( tre. — veiné. DEUXIEME CLASSE. Stalactites et concrétions calcaires. Produifs des ma-^ tières calcaires | Spath calcaire, transparents. \ Demi-transparen-| tes. ( Opaques mêlés de substance osseu- Perles. Turqv r cristal d'Islande. — spath ( blanc. — jaune rougeâtre. / blanches ; perles d'huîtres. ) — j aunâtres. — brunâtres ; i perles de patelles et de moii- ^ les. ^de vieille roche, i de nouvelle roche. -, d'un bleu plus ou moins pur f et plus ou moins foncé. ^ — V verdâtres. /Tous les corps orga- ; iiisés incrustés , ou I pétrifiés par la sub- Incrustations et] '^''''?^, ""^^^.'i^.^' ' " pétrifications cal- <,^,^^,^^^^'' pelnfiees. . ^ . ,„ 1 Madrépores et autres caires. i * . . I corps marins incrus- f tés et pétrifiés. . . . \ Bois et végétaux in- \ crustés et pétrifiés. . TROISIÈME CLASSE. Matières vitreuses mêlées d'une petite quantité de substances calcaires. ru •. ,, , v^ (blanche. — rougeâtre. — Plus vitreuses que i Zeolite 1 11 .^ ° 1 . ^ ^ ( bleuâtre, calcaires et opa-, , , x i « i 1 1 ^ f T • 1 1- « bleu. — taché de blanc. — ques. ' Lapis-iazuli ,' .i , , ^ ^ ( mêle de veines pyrileuses. Demi-transparen- |p. _ , ^ .. ^grise. — -jaunâtre. — rougeâ tes, »paqi 'e à fusil I '^. ( tre.- Pierie meulière. . noirâtre. ( plus ou moins dure et plus^ ■ > ou moins Uouée. DES MINERAUX. 365 MATIERES. SORTES. Transparentes. . .< Spath fluor VARIÉTÉS. / rouge ; faux rubis. — jauue; i fausse topaze. — vert; faus- i se étneraude. — bleu ; faux saphir. TROISIEME ORDRE. MATIÈRES PROVENANT DES DÉBRIS ET DU DÉTRIMENT DES ANIMAUX ET DES VÉGÉTAUX. PREMIERE CL Produits en grandes masses de / Terreau Provenant des vé-l eétauxetdesani-i rp r i„ o 1 ) Terre tranche. . . . maux , plus ouj moins mélangées \ de parties hétéro-| Terre limoneuse. . . gènes opaques. I \ Bol ASSE. la terre v /Te bi-^ Mélangées de turae. — Opa- ques. Il Charbon de terre. . i terre de j ardin plus ou moins décomposée et plus ou moins mélangée. / terreau décomposé, dont IcsS ] parties sont plus ou moins ^ atténuées. (terreau dont les parties sont i encore plus décomposées, /terre végétale entièrement I décomposée. — blanc. — V rouge. — gris. — vert. { terreau plus ou moins bitu- ( mineux. /matière végétale plus ou moins bitumineuse, plus ou moins pyriteuse. plus ou moins mélangée de matière calcahe, schisteu- se , etc. DEUXIÈME CLASSE. Concrétions et produits de la terre limoneuse. Produites par la / terre limoneuse, i phosphorescen- 1 Spath pesant, tes et combusti-» blés. Opaques et com- bustibles. pierre de Bologne. — spath pesant octaèdre. — blanc. — cristallisé. — mat. — de couleurs différentes. / cubique lisse. — cubique Pyrite j strié à la surface. — globu- \ leux et elliptique. 564 TABLE METHODIQUE MATIERES. Opaques et com- bustibles. Liquides et con- crètes, transpa- rentes , demi- transparentes , opaques et coni- bustibies. Produites par la terre limoneuse, transparentes et homogènes. Combustibles. . VAR lETES. Pyrite Soufre minéral. marcassite. — pbis ou moins dure. — recevant le poli, et non efflorescente. plus ou moins décomposé. naphte. — pétrole. — asplial- Bitumes { te. — succin. — ambre gris. poix de montagne. — jayet. blanc. — octaèdre. — dodé- ^. ^ , caèdre. — iaune. — couleur ^^^^^'^^ ^ derose.-vert.-bleuâtre. — noirâtre. rouge de feu. — rouge pour- ... . prc\spineUe. — rouge clair; ^'■"^^ ''"•''' ^ 6fl/fl/s. — rouge orangé; vermeille. ,, . .iaune vif. — iaune d'or ve- Vraie topaze J J j^^^ , bleu. — bleu céleste. — bleu „ . , . , foible. — blanc. — bieufon- Vrai saphn- ^ girasol. QUATRIEME ORDRE. MATIEBES SALIMES. PREMIÈRE CLASSE. Sels simples. Acide, Alcali, et Arsenic. / /alun de roche. — alun de [ l plume. — vitriol. — vitriol Produits de l'acide aérien sur les ma- tières vitreuses ■i Acide et sels vitrioli ques. \ Produits de l'aci- de aérien sur les substances ani- males et végéta- les. Alcali I en masses. — vitriol ensta- j lactites. — vitriol vert; vi- \ iriol ferrugineux. — vitriol I bleu ; vitriol cuivreux. — [ vitriol h\anc;vdriol de zinc. \ ■ — beurre fossile. [ nalron. — soude, — alcali mi- 1 néral. — alcali fixe végétal. — alcali volatil. — alcali caustique. — alcali fluor» DES MINERAUX. 56: MATIERES. Autresproduitsde l'acide aérien sur les substances animales etvéjçé- tales. Produits de l'acide aérien sur les ma- tières calcaires et alcalines. Produits de l'acide aérien sur les ma- tières alcalines , <( Arsenic animales, végéta les, et minérales Sel mêlé de par- Acide des végétaux etj des animaux. j Acide phospliorique. Acide marin | VARIETES. Nitre. ,• ,. i). * "' N,' Borax, lies métalliques, i — acerbe. — acide des four- mis , etc. mêlé d'alcali. — sel gemme. — sel marin. salpêtre de houssage. mêlé de parties métalli- ques , en fleurs blanches. — cristallisé. — mêlé de soufre. — orpiment. — réal- gar. tinckal ou borax brut. d'une consistance molle et rougeâtre. d'une consistance ferme , grise , ou verdàtre. — sel . sédatif. DEUXIÈME CLASSE. Sels sublimés par le feu. Substance du feu/ <. .^ . ^ , ,, • i i o r i souire vit. — cnstaJ saisie par l acide] Souire \ vitriolique. Produits sublimés de l'acide marin et de l'alcali vo- latil. Sel ammoniac. Composées de l'a- cide vitriolique) Acide sulfureux et de la malièrei latil. du feu libre. ^ en grains. ''composé de Talcali volatil et de l'acide marin. Ide l'alcali volaîil et cide vitriolique. de l'alcali volatil et cide vitreux. de ]'a de l'a- Composée de sou- fre et d'alcali. Composées de la cide vitrioliqu et d'alcali miné ■{ TROISIEME CLASSE. Is composés par V intermède de l'eau. Foie de soufre. . . Sel de Glaubei'. . . 366 TABLE METHODIQUE MATIERES. Composées de l'a- / cide vitrioliquej Sel d'Epsom. et de la magnésie. ^ VARIETES. CINQUIÈME ORDRE MATIERES METALLIQUES. PREMIERE CLASSE. Matières métaUu/ues produites par le feu primitif , ou métalliques simples et dans leur état de nature. Métaux. Or primitif en état de métal. en filets. — en lames. — eii grains. — en masses. — en pépites. — en végétations, — jaune. — rougeâtre. — blanchâtre. — cristallisé en 1 octaèdre par le feu. f toujours allié d'argent par \ la nature. /en ramifications. — en fcuil- [ les. — en grains. . ^ . ...f 1 toujours allié d'or et quel- Argent primilit en ; r • r . i , ? , r / quefois d autres substan- ' « ces métalliques. f cristallisé en octaèdre par s le feu. ICuivre primitif enr ii i I ,. . j^ .. ^ I ea blocs plus ou moins gros, état de métal. ( Plomb en état de (mélangé dans les roches vi- chaux. l treuses. Étaiu en état de (mélangé dans les roches vi- chaux. l treuses. / mélangé dans les roches vi- -., tj^ j. j f L ) treuses. — aimant. — éme- ter en état de fonte, i .i ^ \ c ii I ni. — macneler. — sablon magnétique. DEUXIEME CLASSE. Matières métalliques formées par l' intermède de l'eau , ou concrétions et mines des métaux dans leur état d'agrégation et de minéralisation. Métaux. i ^ i en paillettes. — pyrite * ( * î leres. DES MINERAUX. 367 MATIERES. Argent. Cuivre. Métaux. VAniETES. en paillettes. — pyrites ar- gentifères.— mine d'argent vitrée, brune, noirâtre, ou grise. — mine d'argent cor- née, jaunâtre, àdemi trans- parente et opaque. — mine d'argent rouge. minerais pjriteux du cui- vre, ou pyrites cuivreuses. — mine de cuivre vitreuse. — mine de cuivre cornée. — mine de cuivre soyeuse. — malachite. — mine cris- tallisée. — mine veloutée. — mine fibreuse. — mine mamelonnée. — pierre ar- ménienne azur bleu de montagne. — vert de mon- antimoniale. / galène. — mine de plomb iPlomb f'^'^'T '^ ^^-^^t.^^^^^^'^- - j blanche. • — noirâtre. — \ rouge. — verte. — jaune, mine d'étain en filons. — en couches. — en rognons. — Étain. . . ' J en grenailles. — en cris- taux.— noirs. — blancs. — jaunâtres. — rouges, /mine spathique.- — spéculai- i re. — en grains. — en géo- Fer < de. — en ocre. — en rouille / plus ou moins décompo- \ \ sée. — hématite. TROISIÈME CLASSE. Matières semi-métalliques , ou demi-métaux dans leur état de nature. T- -. Il- ( lit r en cinabre. — en état cou - Eau métallique. . ? Mercure | 1 ^en minerais blancs et gris. mine d'antimoine en aiguil- les. mines d'antimoine en plu- mes , souvent mêlée d'ar- \ gcnt. Demi-métaux. Antimoine. 568 TABLE METHOD IQLE MA TIERES. VARIETES. Bismuth. Demi-métaux. . . Zinc. en état métallique. — mêlé de cobalt. — jaunâtre. — rougeâtre. en pierre calaminaire. — en blende. — noire. — grise.' — jaunâtre. — rougeâtre, etc. — cristallisée. — transpa- rente. — opaque. — en vi- triol blanc. QUATRIEME CLASSE. Alliages métalliques faits par la nature. / en grenaille toujours mêlée , . ) de sablon magnétique , et ^^'''''"^ I alliée de fer dans sa sub- stance. Îlouj ours plus ou moins mêlé de fer par un alliage in- time ques tous mêlés^ ^ .^ . ^^ f^^, ^^ j^ ^^^^^^ ^^^, ^ ^^* 'Nickel ' un alliage intime. — grenu. V — lamelleux. / grise. — noirâtre. — cristalîi- ,_ , ) sée. — non cristallisée. — Manganèse.. . . . .| toujours mêlée de fer par un alliage intime. SIXIÈME ET DERINIER ORDRE. PRODUITS VOLCAISIQUES. Matières fondues par le feu des< volcans. Laves. 'Basalte. plus ou moins compactes. plus ou moins trouées. noirâtres, brunes et rougeâ- tres. plus ou moins mêlé de fer, ainsi que les laves, et de différentes figures , depuis trois jusqu'à neuf faces I dans sa longueur, articulé ou non dans son épaisseur. ■ — noirâtre. — grisâtre. — V verdâtre. DES MINERAUX. \6g [ATIERES. VARIETES. ,, .,, p 1 ( Pierre (le touche. P«latieres tondues » par le feu desJ volcans. i Pierre variolite. . Terre cuite parler ^ ,• y feu des volcans. ( ^ Délriments des / matières volca- 1 Pouzzolane. . . . niques. ^ à grain plus ou moins fin. ( — noire. — brune. — grise. / à grains plus ou moins proé- I minents et plus ou moins ^ rougeâtres. ( blanc. — jaunâtre. — noirâ- ( tre. / plus ou moins sèche et rude ] au toucher. — grise. — rou- ^ ge. — blanchâtre, etc. FIN DU NEUVIEME VOLUME ET DE l'histoire DES MINERAUX. TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS LE NEUVIÈME VOLUME. SUITE DE L'HISTOIRE DES MINÉRAUX. Stalactites calcaires Page 7 Du Spath appelé Cristal dislande 10 Perles. . 17 Turquoises 24 Corail , 28 Pétrifications et Fossiles 33 Pierres vitreuses mélangées de matières calcaires 46 Zéolite 47 Lapis-Lazuli 5i Pierres à fusil . 64 Pierre meulière 6i Spaths fluors 66 Stalactites de la terre végétale 75 Bols 78 Spaths pesants 8i Pierres précieuses 88 Diamant. 101 Rubis et Vermeille 116 Topaze, Saphir, et Girasol 124 Concrétions métalliques 101 Concrétions du Fer. — Rouille de fer en Ocre i35 Terre d'Ombre i36 Éméril i37 Volfran iSg ^7 2 TABLE. Pyrites et Marcassites Page i4o Mine de Fer pyriti forme ^ 142 Mine de Fer spathique i43 Hématite i45 Mines de fer spécuîaire \/\6 Mines de Fer cristallisées par le feu ibid. Sablon magnétique i4^ Concrétions de l'Or i5o Concrétions de l'Argent i5-2 Concrétions du Cuivre 158 Pierre arménienne 161 Concrétions de l'Étain 162 Concrétions du Plomb. . , 164 Concrétions du Mercure i65 Concrétions de l' Antimoine 167 Concrétions du Bismuth 1G8 Concrétions du Zinc 169 Concrétions de la Platine lyo Produits volcaniques ijj Des Basaltes, des Laves, et des Laitiers volcaniques lyg Pierre de touche 188 Pierre variolite 1 89 Tripoli 102 Pierre ponce 194 Pouzzolane 198 Génésie des Minéraux 201 Traité DE l'Aimant ET DE SES usages 217 Art. L Des forces de la nature en général , et en particulier de l'électricité et du magnétisme ibid. Art. il De la nature et de la formation de l'Aimant. . . . 278 Art. III. De Tattraction et de la répulsion de l'Aimant. . . 29c Art. IV. Divers procédés pour produire et compléter l'ai- mantation du fer 3i4 Art. V. De la direction de l'Aimant, et de sa déclinaison.. 024 Art. VI. De l'inclinaison de l'Aimant 359 FIN DE LA TABLE. a 2?