1 f HISTOIRE NATURELLE, GÉNÉRALE ET PARTICULIERE, Tome II. ŒUVRES COMPLÈTES D E M. LE C.TE DE BUFFON, Intendant du Jardin du Roi, de l'Académie Franc oife , de celle des Sciences, ère. ■ i ■■■■■■■ii ,rran imam »■■ hwm ' ' Tome Deuxième. Théorie de la Terre. A PARIS, DE L'IMPRIMERIE ROYALE. M. DCCLXXIV, in 7- TABLE TABLE De ce qui eft contenu dans ce Volume. Article IX. Sur les inégalités de la furface de la Terre, Page i Art. X. Des Fleuves . . 38 Art. X I. Des Mers&des Lacs. 101 Art. X 1 1. Du Flux & du Reflux. J79 Art. XIII. Des inégalités du fond de la Mer & des Courans. ... 1 y 8 Art. X I V. Des Vents réglés. 224. Art. X V. Des Vents ir réguliers, des Ouragans , des Trombes, &de quel- ques autres phéno- ineues cauféspàrTa* gitation de la mer & de l'air ..254. Art. X V I. Des Volcans & des Tremblemens de terre. Art. XVII. Des Ifles nouvelles, des Cavernes , des Fentes perpendicu- laires, &c . » 343 Art. XVIII. De l'effet des Pluies, des Marécages, des Boisfouterrains, des Eaux fouterraines. 393 Art. XIX. Des changemens de terres en mers, & de mers en terres. 4. 1 o Conclusion . v 45 5 HISTOIRE HISTOIRE NATURELLE. PREUVES DE LA THÉORIE DE LA TERRE, ARTICLE IX. Sur les inégalités de lafurface de la terre, LES inégalités qui font à la furfàce de ïa terre , qu'on pourroit regarde? comme une imperfection à la figure du globe , font en même temps une difpo- iition favorable & qui étoit nécefîaire pour conferver la végétation & la vie fur le globe terreftre: il ne faut, pour s'en aflurer, que fe prêter un inftant à concevoir ce que feroit ïa terre fi elfe étoit égale & régulière à fa furface , on Tome IL A 3t Hijîoire 'Naturelle, verra qu'au lieu de ces collines agréables d'où coulent des eaux pures qui entre- tiennent la verdure de la terre , au lieu de ces campagnes riches & fleuries où Jes plantes & ies animaux trouvent aifé- rnent leur fubfiftance , une trille mer couvrirait le globe entier , & qu'il ne refteroit à la terre de tous Tes attributs , que celui d être une planète obfcure , abandonnée, & dellinée tout au plus à l'habitation des poiflons. Mais indépendamment de la ne'ceiTïté morale, laquelle ne doit que rarement faire preuve en Philofophie, il y a une néceffité phyfique pour que la terre (bit kréguiière à fa furfàce , & cela , parce qu'en la fuppofant même parfaitement j-égulière dans (on origine , le mouve- ment des eaux , les feux fouterrains , les yents & les autres caufes extérieures au- yoient nécefîairement produit à Ja longue des irrégularités ièmblables à celles que nous voyons. Les plus grandes inégalités font les profondeurs de l'océan comparées à l'é- lévation des montagnes, cette profon- deur de l'océan eft fort différente , même Théorie de la Terre. 3 à de grandes diftances des terres ; on pré- tend qu'iJ y a des endroits qui ont jufqu'à une iieue de profondeur , mais cela efl rare , &Ies profondeurs les plus ordinaires font depuis 60 jufqu'à 1 5 o brafïês. Les golfes & les parages voifins des côtes font bien moins profonds, &ies détroits font ordnairement les endroits de la mer où l'eau a le moins de profondeur. Pour fonder les profondeurs de la mer, on fe fert ordinairement d'un mor- ceau de plomb de 3 o ou 40 livres qu'on attache à une petite corde , cette manière cil fort bonne pour les profondeurs or- dinaires ; mais lor fqu'on veut fonder de grandes profondeurs on peut tomber dans l'erreur & ne p;>s trouver de fond où cependant il y en a , parce que la corde étant fpéciftquement moins pelante que l'eau, il arrive , après qu'on en a beaucoup dévidé, que le volume de la fonde & celui de la corde ne pèfent plus qu'autant ©u moins qu'un pareil volume d'eau , dès-lors la fonde ne defeend plus , & -elle s'éloigne en ligne oblique en fè tenant toujours à la même hauteur ; ainfi pour fonder de grandes profondeurs , il A \) 4 Hijloîre Naturelle» faudrait une chaîne de fer ou d'autre matière plus pefmte que l'eau : il eft afîez probable que c'eft faute d'avoir fait cette attention, que les Navigateurs nous difent que la mer n'a pas de fond dans une fi grande quantité d'endroits. En générai , les profondeurs dans les hautes mers , augmentent ou diminuent d'une manière affez uniforme , & ordi- nairement plus on s'éloigne des côtes ? plus la profondeur eft grande ; cepen- dant cela n'eft pas fans exception , & il y a des endroits au milieu de la mer où Ton trouve des écueiis, comme aux Abrolhos dans la mer Atlantique, d'autres où il y a des bancs d'une étendue très- confidérable, comme le grand banc, ïe banc appelé le Borneur , dans notre océan r les bancs & les bas- fonds de l'océan indien , &c. De même le long des côtes , les pro- fondeurs font fort inégales; cependant on peut donner comme une règle cer- taine , que la profondeur de la mer à la côte eft toujours proportionnée à la hau- teur de cette même côte ; en forte que fi Ja côte eft fort élevée 7 la profondeur Théorie de la Terre, j fera fort grande , & au contraire û la plage eft barre & le lerrein plat , la pro- fondeur eft fort petite , comme dans les fleuves où les rivages élevés annoncent toujours beaucoup de profondeur, & où les grèves & les bords de niveau montrent ordinairement un gué , ou du moins une profondeur médiocre. Il eft encore plus ai-fé de mefurer la- hauteur des montagnes que de fonder les profondeurs des mers, feit au moyen de la géométrie-pratique , fok par le baro- ' +* mètre ; cet inllrument peut donner la hauteur d'une momagnefort exactement, fur-tout dans le pays où fa variation n'eit pas confidérable, comme au Pérou & fous les autres climats de l'équateur ; on a me- furé par l'un ou l'autre de ces moyens la hauteur de la plupart des éminences qui font à Ja furfice du globe, par exemple, on a trouvé que les plus hautes mon- tagnes de la Suiffe font élevées d'environ feize cents toifes au-detf us du niveau de ïa mer , plus que le Canigou qui eft une des plus hautes des Pyrénées. (Voye^ l'Hifl. de l'Acad. 170 8, page 2 4.) II paroît que ce font les plus hautes de tout© A ii; 6 HiJIoire Naturelle. l'Europe , puifqu'il en fort une grande quantité de fleuves qui portent leurs eaux dans différentes mers fort éloignées, comme ie Pô qui le rend dans la mer Adriatique, le Rhin qui fe perd dans les fables en Hollande, le Rhône qui tombe dans la méditerranée , & le Danube qui va jufqu'à la mer noire. Ces quatre fleuves, dont les embouchures font fi éloignées les unes des autres , tirent tous une partie de leurs eaux du mont Saint- Jrfirt *w*Godard & des montagnes voifmes, ce *ié~4.}X'0t ^ul Prouve €lue ce point eft ie plus élevé de l'Europe. Les plus hautes montagnes de TA fie font le mont Taurus , le mont Imaiis , Je Caucafe & les montagnes du Japon , toutes ces montagnes font plus élevées que celles de l'Europe; celles d'Afrique, le grand Atlas & les monts de la Lune font au moins aufîi hautes que celles de l'A fie, & les pins élevées de toutes font celles de l'Amérique méridionale, fur- tout celles du Pérou , qui ont jufqu'à 3 mille toifes de hauteur au-deiïus du niveau de la mer. En général les mon- tagnes entre les tropiques font plus élevées 1 hé crie de la Terré» 7 que celles des zones tempérés , & celks- ci plus que celles des zones froides , de forte que plus on approche de l'Equa- teur, & plus les inégalités de la furface de la terre font grandes ; ces inégalités , quoique fort confidénbics par rapport à nous, ne font rien quand on lesconiidère par rapport au globe terreftre. Trois mille toifes de différence fur trois mille lieues de diamètre, c'eit une toife fur une lieue, ou un pied lur deux mille deux cents pieds, ce qui, fur un globe de deux pieds & demi de diamètre , ne fait pas la fixième partie d'une ligne ; ainfi la terre dont la furfàce nous paroît traverfée & coupée par la hauteur énorme des mon- tagnes & par 1a profondeur affreuie des mers , n'efr. cependant, relativement à Ion volume , que très-légèrement fiilonnée d'inégalités fi peu fenfibïes, qu'elles ne peuvent caufer aucune différence à la figure du globe. Dans les continent;, les montagnes font continues & forment des chaînes; dans: les îles elles paroiffent être plus inter-* rompues & plus ifoîées , & elles s'élèvent ordinairement au-deffus de la mer ea A iiij g Hiflotre Naturelle: forme de cône ou de pyramide, & ort les appelle des pics : le pic de Ténérifle ,. dans l'île de Fer, eft une des plus hautes montagnes de la terre, elle a près d'une lieue & demie de hauteur perpendiculaire au-deiTus du niveau de la mer; le pic de Saint-George dans l'une des Açores, le pic d'Adam dans l'île de Ceylan font auilî fort élevés. Tous ces pics font coin- pofés de rochers entafîés les uns fur les autres, & ils vomiflènt à leur fommetr du feu, des cendres, du bitume, des minéraux & des pierres ; il y a même des îles qui ne lont précifément que des. pointes de montagnes , comme l'île Sainte-Hélène, l'île de i'Afcenfion, la plupart des Canaries & des Açores , & il faut remarquer que dans la plupart des Iles , des promontoires & des autres terres avancées dans la mer , la partie du milieu eft toujours la plus élevée , & qu'elles font ordinairement féparées en deux par des chaînes de montagnes qui les partagent dans leur plus grande lon- gueur, comme en EcofTe le mont Granf- Êain qui s'étend d'orient en occident & partage l'île de la Grande-Bretagne er* Théorie de la Terre. f deux parties ; il en eft de même des îles de Sumatra , de Luçon, de Bornéo , de Céiebes, de Cuba& de Saint-Domin- gue, & auffi de l'Italie qui eft traverse dans toute fa longueur par l'Apennin de la prefqu'île de Corée, de celle de Malaye, &c. Les montagnes, comme Ion voit, diffèrent beaucoup en hauteur, les collines font les plus baffes de toutes, enfuite viennent les montagnes médio- crement élevées, qui font iuivies d un troifième rang de montagnes encore plus- hautes, lefquelles, comme les précé- dentes, font ordinairement chargées- d'arbres & de plantes, mais qui, m les- unes ni les autres , ne fourninent au- cunes fources , excepté au bas ; entin les plus hautes de toutes les montagnes iont celles fur lefquelles on ne trouve que du. table, des pierres, des cailloux & des- rochers dont les pointes s'élèvent fouvenx jufqu'au-deffus des nues; c'eit préciie-- ment au pied de ces rochers qu'il y a de- petits efpaces, de petites plaines, des Lfoncemens, des efpèces de val Ions oui l'eau de la pluie, la neige & ia glae* Av. io Hiflolre Naturelle» s'arrêtent , & où elles forment des étangs? des marais, des fontaines d'où les fleuves tirent leur origine. Voyez Lettres philo* fophiques fur la formation des fe/s, &c, page i p 8. La forme des montagnes efl aulli fort différente, les unes forment des chaînes dont la hauteur efl: affez égale dans une très-longue étendue de terrein , d'autres font coupées par des vallons très-pro- fonds; les unes ont des contours allez réguliers , d'autres paroilTent au premier coup d'oeil irrégulières , autant qu'il efl pofîjble de l'être ; quelquefois on trouve au milieu d'un vallon ou d'une plaine un monticule ifolé ; & de même qu'il y a des montagnes de différentes efpèces , il y a aulli de deux fortes de plaines , les unes en pays bas, les autres en mon- tagnes: les premières font ordinairement partagées par le cours de quelque groffe rivière , les autres , quoique d'une éten- due eonfidérable, font sèches , & n'ont tout au plus que quelque petit rui fléau. Ces plaines en montagnes font fou vent fort élevées, & toujours de difficile ac- tes ; elles fonnent des pays au-deflus des Théorie de la Terre. I I tmtres pays, comme en Auvergne, en- Savoie & dans plufieurs autres pays éle- vés ; le terrein en efl: ferme & produit beaucoup d'herbe & de plantes odorifé- rantes^ ce qui rend ces de(ïus de mon- tagnes les meilleurs pâturages du monde. Le fommet des hautes montagnes efl: compofé de rochers plus ou moins éle- vés , qui refîembïent , fur - tout vus de loin, aux ondes de la mer. Voyez Lettres phïlofophïques fur la formation des fels , page 196. Cen'eft pas fur cette obfer- vation feule que l'on pourroit aflurer, comme nous l'avons fait , que les mon- tagnes ont été formées par les ondes de la mer ,.& je ne la rapporte que parce qu'elle s'accorde avec toutes les autres ; ce qui prouve évidemment que la mer a couvert & formé les montagnes, ce font les coquilles & les autres productions ma- rines qu'on trouve par-tout en (1 grande- quantité qu'il n'eit pas pofîible qu'elles aient été tram portées de la mer actuelle dans des continens auffi éloignés &■ à des profondeurs aulîî confidérables; ce qui: le prouve, ce font les couches horizon- tales & parallèles qu'on trouve par- tout^ A vj iz Hiftoire Naturelle & qui ne peuvent avoir été formées que par les eaux , c'efl la compoiition des ma- tières même les plus dures , comme de la pierre & du marbre , à laquelle on recon- noît clairement que les matières étoient réduites en poufîière avant la formation de ces pierres & de ces marbres , & qu'elles fe font précipitées au fond de l'eau en forme de fédiment ; c'efl: encore l'exac- titude avec laquelle les coquilles font moulées dans ces matières , c'efl: l'inté- rieur de ces mêmes coquilles , qui eft abfolument rempli des matières dans les- quelles elles font renfermées; & enfin ce qui le démontre inconteftablement, ce font les angles correfpondans des mon- tagnes & des collines qu'aucune autre caufe que les courans de la mer n'auroit pu former, c'efl: l'égalité de la hauteur des collines oppofées & les lits des diffé- rentes matières qu'on y trouve à la même hauteur, c'efl: la direction des montagnes, dont les chaînes s'étendent en longueur dans le même fê-ns , comme l'on voit, s'étendre les ondes de la mer. A l'égard des profondeurs qui font à là: furface de ia terre r les plus grandes Théorie de la Terre. i 3 font, fans contredit, les profondeurs de- lu mer, mais comme elies ne fe pré- (entent point à l'œil , & qu'on n'en peut juger que par la fonde , nous n'entendons parler que des profondeurs de terre ferme , telles que les profondes vallées que l'on voit entre les montagnes , les précipices qu'on trouve entre les rochers, les abymes qu'on aperçoit du haut des montagnes , comme i'abyme du mont. .Ararath, les précipices des Alpes, les- vallées des Pyrénées, ces profondeurs font une fuite naturelle de l'élévation des montagnes, elles reçoivent les eaux & ies terres qui coulent de la montagne,, ïe terrein en eil ordinairement très-fertile & fort habité. Pour les précipices qui font entre les rochers , ils fe forment par l 'affairement des rochers, dont la bafe1 cède* quelquefois plus d'un côté que de l'autre, par l'acîion de l'air & de la gelée qui les fait fendre & les fépare , & par la chute impétueufe des torrens qui s'ouvrent des routes & entraînent tout; ce qui s'oppofe à leur violence ; • mais- ces abymes, c'eft-à-dire, ces énormes & Y&û1 es précipices qu'on trouve au fomffiëfc '14 HiJIoîre Naturelle* des montagnes, & au fond defqueîs if B'eft quelquefois pas pofîible de des- cendre , quoiqu'ils aient une demi-lieue ou une iieue détour, ont été formés par le feu : ces abymes étoient autrefois les foyers des volcans , & toute la matière qui y manque, en a été rejetée par l'ac- tion & l'expiofion de ces feux , qui depuis fè font éteints faute de matière corn— buflible. L'abyme du mont Ararath r dont M. de Tournefort donne la def- cription dans fon voyage du Levant r eft environné de rochers noirs & brûlés ,, comme feront quelque jour les abymes de l'Etna , du Véfuve , & de tous les autres volcans, lorfqu'ils auront confumé toutes les matières combuftibles qu'ils renferment,. Dans i'hiftoire naturelle de la province: de Stafford en Angleterre, par Plot, il eft parlé d'une elpèce de goufre qu'on a fondé jufqu'à la profondeur de deux mille ilx cents pieds perpendiculaires, fans qu'on y ait trouvé d'eau , on n'a pu même en trouver le fond, parce que la corde n'étoit pas affez longue. Voye^ le Journal desSayans, année i 6 8 o >p#gzi- 2* Théorie de h Terre, r jf Les grandes cavités & les mines pro- fondes font ordinairenent dans les mon- , tagnes , & elles ne defcendent jamais , à beaucoup près , au niveau des plaines ; ainfi nous ne connoiflons par ces cavite's que l'intérieur de la montagne ,. & point du tout celui du globe. D'ailleurs, ces profondeurs ne font pas en effet fort confidérables ; Rajs affure que les mines les plus profondes- n'ont pas un demi-mille de profondeur. La mine de Cotteberg r qui du temps d'Agricola pafïoit pour la plus profonde de toutes les mines connues ,n'avokque 2. 500 pieds de profondeur perpendicu^ ïaire. Il eft vrai qu'il y a des trous dans certains endroits comme celui dont, nous venons de parler dans la province de Stafford , ou le Pooshole dans la province de Darby en Angleterre, dont îa profondeur eft peut-être plus grande; mais tout cela n'eft rien en comparaifon de l'épaiiTeur du globe. Si les Rois d'Egypte, au lieu d'avoir feit des pyramides , & élevé d'auili faf- tueux monumens de leurs richefTes & de leur vanité,. euiTent fait îa même dépenfa iâ Hijlolre Naturelle, pour fonder la terre & y frire une pro- fonde excavation , comme d'une lieue de profondeur, on auroit peut-être trouvé des matières qui auroient dédommagé de la peine & de la dépenfe , ou tout au moins on auroit des connoiiïances qu'on n'a pas furies matières dont le globe eft compofé à l'intérieur , ce qui feroit peut- être fort utile. Mais revenons aux montagnes; les plus élevées font dans les pays méridio- naux , & plus on approche de l'équateur, plus on trouve d'inégalités fur la furface du globe ; ceci eft aifé à prouver par une courte énumération des montagnes & des îles. En Amérique, la chaîne des Cordil- lères , les plus hautes montagnes de' la terre , eft précifément fous l'équateur & elle s'étend des deux côtés bien loin au-delà des cercles qui renferment la zone torride. En Afrique, les hautes montagnes de Ja Lune & du Monomccapa , le grand & le petit Atlas font fous l'équateur , ou n'en font pas éloignés.. En Afie, le mont Caucafe ? dont la Théorie de la Terre* 17 chaîne s'étend fous difTérens noms juf- qu'aux montagnes de la Chine, efï dans- toute cette étendue plus voifin del'équa- teur que des pôles. En Europe, les Pyrénées, ies Alpes & les montagnes de la Grèce, qui ne font que la même chaîne , font encore moins éloignées de l'équateur que des pôles. Or ces montagnes dont nous venons de faire rémunération , font toutes plus élevées, plus confidérables & plus éten- dues en longueur & en largeur que les montagnes des pays feptentrionaux. A l'égard de la direction de ces chaînes de montagnes, on verra que les Alpes prîtes dans toute leur étendue , forment une chaîne quitraverfeîe continent entier depuis i'Efpagne jufqu'à la Chine; ces montagnes commencent au bord de la mer en Galice, arrivent aux Pyrénées, traversent la France par le Vivarais & l'Auvergne , iépaient l'Italie , s'étendent en Allemagne & au-c^lTus delà Dalmatie jufqu'en Macédoine , & de-ià fe joi- gnent avec les montagnes d'Arménie, le Caucafe, le Taurus, l'Imaiis, & s'étendent 'l 8 Hïfloïre Naturelle; jufqu'à la mer de Tartane ; de même ïe mont Aîlas traverfe fe continent entier de l'Afrique d'occident en orient depuis le royaume de Fez ju (qu'au détroit de h mer rouge, les monts de la Lune ont aulTj la même direction. Mais en Amérique la direction eft toute contraire , & les chaînes des Cor- dillères & des autres montagnes s'éten- dent du nord au fud plus que d'orient en occident» Ce que nous obfervons ici fur les plus grandes éminences du globe , peut s'obferver aufîi fur les plus grandes pro- fondeurs de la mer. Les plus vafies & les plus hautes mers font plus voifmes de î'équateur que des pôles, & il ré fui te de cette obiervation que les plus grandes inégalkés du globe fe trouvent dans les climats méridionaux. Ces irrégularités qui fe trouvent à la furface du globe, font la cauie d'une infinité d'effets ordi- naires & extraordinaires ; par exemple y entre les rivières de l'Inde & du Gange il y a une large çherfbnèfe qui eft divifée dans fon milieu par une chaîne de hautes montagnes que l'on appelle le Gâte, qui Théorie de la Terre. 1$ s'étend du nord au fud depuis les extré- mités du mont Caucafe jufqu'au cap de Comorin ; de l'un des côtés efl Malabar, & de l'autre Coromandel ; du côté de Malabar, entre cette chaîne de mon- tagnes & la mer , la faifon de l'été efl de- puis le mois defeptembre jufqu'au mois d'Avril, & pendant tout ce temps le ciel efl: ferein & fans aucune pluie ; de l'autre côté de la montagne, fur la côte de Coromandel , cette même failon eft. leur hiver, & il y pleut tous les jours en abon- dance; & du mois d'avril au mois de fêptembre c'eft la faifon de l'été , tandis que c'efl celle de l'hiver en Malabar ; en forte qu'en plufieurs endroits qui ne font guère éloignés que de xo lieues de che- min , on peut en croifant la montagne , changer de faifon. On dit que la même chofe fe trouve au cap Razalgat en Ara- bie , & de même à la Jamaïque , qui eft féparée dans Ion milieu par une chaîne de montagnes dont ïa direction eft de i'efl: à i'oueft , & que les plantations qui fontau midi de ces montagnes éprouvent h chaleur de l'été , tandis que celles qui font au nord fouffrent la rigueur de 2 0 Hiftoire Naturelle. l'hiver dans ce même temps. Le Pérou qui efî. fitué fous la Ligne & qui s'étend à environ mille lieues vers le midi , eft dîvifé en trois parties longues & étroites que les habitans du Pérou appellent Lunes , Sierras & Andes; les lanos, qui font les plaines, s'étendent tout le long, de la côte de la mer du fud ; les ïlerras font des collines avec quelques vallées, & les andes font ces fameuies Cordillères y les plus hautes montagnes que l'on con- noiffe ; les lanos ont dix lieues plus ou moins de largeur; dans plufieurs endroits les ferras ont vin en lieues de largeur, & les andes autant, quelquefois plus, quelquefois moins; ia largeur efî de Tefl: à l'oued , & ia longueur , du nord au fud. Cette partie du monde a ceci de remarquable; i ,° dans les lanos , le long de toute cette côte, lèvent de fud-oueft fouffle conftamment , ce qui eft con- traire à ce qui arrive ordinairement dans la zone torride ; 2.0 il ne pleut ni ne tonne jamais dans les lanos, quoiqu'il y tombe quelquefois un peu derofée; $* il pleut prefque continuellement fur les andes ; 4.0 dans les fi erras , qui font entre Théorie de la Terre. i V les Ianos & les andes , il pleut depuis le mois de ièpiembre juiqu'au mois d'avril. On s'eit aperçu depuis long-temps, que les chaînes des plus hautes mon- ta o-nes alioient d'occident en orient, enfuite , après la découverte du nouveau monde, on a vu qu'il y enavoit de fort eonfidérables qui tournoient du nord au fud ; mais perionne n'avoit découvert, avant M . Bourguet , la furprenante régu- larité delà (truclurede ces grandes mafles; il a trouvé , après avoir paiTé trente fois les Alpes en quatorze endroits différais, deux fois l'Apennin , & fait plufieurs tours dans les environs de ces montagnes &dans le mont Jura , que toutes les mon- tagnes font formées dans leurs contours à peu près comme les ouvrages de forti- fication. Lorfque le corps d'une mon- tagne va d'occident en orient , elle forme des avances qui regardent, autant qu'il eft poiTibïe , le nord & le midi : cette régularité admirable efl fi fenfible dans les vallons , qu'il femble qu'on y marche dans un chemin couvert fort régulier ; car fr , par exemple , on voyage dans un vallon du nord au fud , on remarque 2,2 Hijloire Naturelle. que la montagne qui eft à droite forme des avances , ou des angles qui regardent i'oriem , & ceux de la montagne du côté gauche regardent l'occident , de forte que néanmoins les angles faillans de chaque côté répondent réciproquement aux angles rentrans qui leur font toujours alternativement oppoies. Les anales que les montagnes forment dans de grandes vallées , font moins aigus , parce que la pente eft moins roide & qu'ils font plus éloignes les uns des autres ; & dans les plaines ils ne font fenfibles que dans le cours des rivières qui en occupent ordinairement le milieu ; leurs coudes naturels répondent aux avances les plus marquées, ou aux angles les plus avancés des montagnes auxquelles le terrein où les rivières coulent, va aboutir. Il eft étonnant qu'on n'ait pas aperçu une chofè fi vifibïe ; &lorfque dans une vallée ïa pente de l'une des montagnes qui la borde, eft moins rapide que celle de l'autre , la rivière prend fon cours beau- coup plus près de la montagne la plus rapide , & elle ne coule pas dans le mi- lieu. Voyti Lettres philofophiqws fur la Théorie Je la Terre: % + formation dtsfels , pages i 8 1 if 2 0 0 . On peut joindre à ces obier vations d'autres obièrvatior.s particulières qui les confirment, par exemple, les montagnes de Suifle font bien plus rapides, & leur pente eft bien plus grande du côté du midi que du côté du nord, & plus grande du côté du couchant que du côté du levant ; on peut le voir dans la mon- tagne Gemmi , dans le mont Briié, & dans prefque toutes les autres montagnes. Les plus hautes de ce pays font celles qui féparent ia Vaïléfie & les Grifons de la Savoie , du Piémont & du Tiroï ; ces pays font eux-mêmes une conti- nuation de ces montagnes, dont la chaîne s'étend jufqu'à La méditerranée , & continue même afTez loin (bus les eaux de cette mer; les montagnes des Pyrénées ne font auili qu'une continuation de cette vafle montagne, qui commence dans la Vaïléfie fupérieure, & dont les branches s'étendent fort loin au couchant & au midi , en lé Soutenant toujours à une . grande hauteur , tandis qu'au contraire du côté du nord & de ï'eft , ces montagnes /abaiffent par degré jufqu'à devenir des 24 Hijîoire Naturelle, piaines ; comme on le voit par les vafks pays que le Rhin, par exemple, & le Danube arroient avant que d'arriver à leurs embouchures , au lieu que Je Rhône deicend avec rapidité vers le midi dans la mer méditerranée. La même obfervation fur le penchant plus rapide des montagnes du côté du midi & du couchant, que du côté du nord ou du levant, le trouve vraie dans les mon- tagnes d'Angleterre & dans celles de Norvège; mais la partie du monde ou cela fe voit le plus évidemment , c'eil au Pérou & au Chili ; la longue chaîne des Cordillères eft coupée très-rapidement du côté du couchant , le long de la mer pacifique , au lieu que du côté du levant elle s'abaifle par degrés dans de vaftes plaines arrofées par les plus grandes rivières du monde. Voy. Tranfacl. philof. Abrig'd. vol. VI, part. 2, page 1 j 8. M. Bourguet, à qui on doit cette belle obfervation de ïa correfpondance des angles des montagnes , l'appelle avec raifon , la clef de la théorie de la terre, cependant il me paroît que s'il en tût fenti toute l'importance , il i'auroit employé^ Théorie de la Terre. 3jj employée plus heureulement en la liant avec des faits convenables , & qu'il auroit donné une théorie de la terre plus vrai- femblable, au lieu que dans fon Mémoire, dont on a vu l'expolé , il ne préfente que le projet d'un fyftème hypothétique dont la plupart des con féquences font fauffes ou précaires. La théorie que nous avons donnée, roule fur quatre faits principaux, defqueîs on ne peut pas douter après avoir examiné les preuves qui les conftatent ; le premier e'I , que la terre c'a par- tout , & jufqifà des profondeurs confidérables , com- pbfée de couches, parallèles & de m- tières qui ont été autrefois dans un é;at de molleiTe ; le fécond , que la mer a couvert pendant quelque temps la terre que nous habitons; le troifième , que les marées & les autres mouvemens des eaux procluiient des inégalités dans le fond de la mer; & le quatrième, que ce font lescourans de la mer qui ont donné aux montagnes la forme de leurs con- tours , abondante du globe, qui efl vitri- fïable, ou plutôt qui n'efl qu'un com- pofé de fragmens de verre ; l'autre dont Bij 2 8- Hiflorre Naturelle. la qu mité elt beaucoup moindre , qui efi calcinabie &. qu'on doit regarder comme du débris ou de ia pouiïiere de pierre, & qui ne diiîère du gravier que par ia grofïeur des grains. Le labié vi- tririabie elt en gênerai poie par couches comme toutes Te., au res matières, mais ces couches font fouveiu interrompues par des malles de rochers de grès , de roc vif, de caillou, & quelquefois ces matières (ont aufh ces bancs & des lits d'une orande étendue. En examinant ce làb;e & ces matières vimfîables , o .1 n'y trouve que peu de coquilles de mer, & celles qu'on y trouve ne (ont pas placées par lits, elies n'y font que parfemées & comme jetées au halàrd ; par exemple , 'e n'en ai jamais vu dans les maès , cette pierre qui elt fort abon- dante en certains endroits, n'ed qu'un compolé de parties fablonneufes qui le font réunies , on ne îa trouve que dans ies pays où îe fable vitrirfable domine, ci. ordinairement ies carrières de près o font dans des collines pointues, dans des terres fabloniieufes., & dans des émi- nences entre-coupées ; on peut attaquée Théone de la Terre. 2p ces carrières clans tous les fens , & s'il y a des lits, ils font beaucoup plus éloi- gnés les uns des autres que dans les carrières de pierres caicinables ; ou de marbres : on coupe dans le mafLf de h. carrière de grès des biocs de toutes fones de dimenfions & dans tous les fens , Mon le beibin & la plus grande commodité; & quoique le grès (bit difficile à travailler, il n'a cependant qu'un genre de dmete , c'eil de reillter à cks coups violens fans s'éclater; car le frottement l'ufe peu à peu & le réduit aiiement en fable , à l'excep- tion de certains clous noirâtres qu'on y trouve & qui font d'une matière fi dire que les meilleures limes ne peuvent y in ordre. Le roc vif e(t vitrifiabie comme le grès & il eft de la même nature, feule- ment il eft plus dur & les parties en (ont mieux liées ; il y a aufij plufieurs clous femblables à ceux dont nous venons de parler , comme on peut le remarquer aiiement fur lesfommets des hautes mon- tagnes, qui (ont pour la plupart de cette elpèce de rocher , & fur lelquels on ne peut pas -marcher un peu de temps (ans s'apercevoir que ces clous coupent & B iij 30 fftflolre Naturelle. déchirent le cuir des fouliers. Ce roc y\i qu'on trouve au-dcllus des hautes monta- gnes , & que j e regarde comme une efpèce de granité, contient une grande quantité de paillettes talqueufes , & il a tous les genres de dureté au point de ne pouvoir être travaillé qu'avec une peine infinie. J'ai examiné de près la nature de ces clous qu'on trouve dans le grès & dans îe roc vif, & j'ai reconnu que c'efl une matière métallique fondue & calcinée à un feu très-violent, & qui reiTemble par- faitement à de certaines matières rejetées parles volcans , dont j'ai vu une grande quantité étant en Italie , où l'on me dit que les gens du pays les appeloient fchiarri: ce font des maffes noirâtres fort pefantes,fur lefquelles le feu , l'eau , ni la lime ne peuvent fiire aucune impreflion, dont la matière eft différente de celle de ïa lave ; car celle-ci eft une efpèce de verre , au lieu que l'autre paroît plus mé- tallique que vitrée. Les clous du grès & du roc vif relTemblent beaucoup à cette première matière, ce qui femble prouver encore que toutes ces matières ont été autrefois liquéfiées par le feiu Théorie Ae la Terre, 3 i On voit quelquefois en certains en- droits, au plus haut des montagnes , une prodigieufè quantité de blocs d'une gran- deur considérable de ce roc vif, mêlé de paillettes talqueufes; leur pofition eft fi irréguiière, qu'ils paroifiènt avoir été lancés & jetés au hafard , & on croiroit qu'ils font tombés de quelque hauteur voifme, fi les lieux où on les trouve, n'étoient pas élevés au-de(îusde tous les autres lieux ; mais leur fubflance vitri- fîable & leur figure anguleufe & quarrée comme celle des rochers de grès, nous découvre une origine commune entre ces matières ; ainfï dans ïes grandes cou- ches de fable vitrifiable il iè forme des blocs de grès & de roc vil , dont ia li- gure & la iituation ne fuivent pas exacte- ment la pofition horizontale de ces cou- ches ; peu à peu les pluies ont entraîné du fommet des collines & des montagnes , le ftble qui les couvroit d'abord , & eiîes ont commencé par fillonner & découper ces collines dans les intervalles qui fe font trouvés entre les noyaux de grès, comme on voit que font découpées les collines de Fontainebleau. Chaque pointe de Biiij j 2 Hïjloïre Naturelle: colline répond à un noyau qui fait une carrière de grès , & chaque intervalle a été creufé & abaiiTé par le3 eaux , qui ont fait couler le fable dans la plaine : de même les plus hautes monta cmes, dont ies fommets (ont compofés de roc vif & terminés par ces blocs anguleux dont nous venons de parler, auront autrefois été recouverts de plusieurs couches de fable vitrifiable dans lequel ces blocs le feront formés, & ies pluies ayant entraîné tout le fable qui les couvrait & qui ies environnoit , ils feront demeurés au fom- met des montagnes dans la pof iti< n où ils auront été fermés. Ces blocs préièn- tent ordinairement des pointes au-defîus & à l'extérieur, ils vont en augmentant de grèfîéuï à mefure qu'on defeend & qu'en feuille plus profondément ; lou- vent même un bloc en rejoint un autre par h\ bafé , ce iecond un troifième, de ainii de fuite en Larflant entr'eux des in- tervalles irréguliers, & comme par la fuc- celiion des temps ies pluies ont enlevé & entraîné tout le fable qui couvrait ces diffère hs noyaux, ii ne relie au-def lus des haines .montagnes que les noyaux mêmes Théorie de la Terre. J 3 qui forment des pointes plus ou moins élevées , & c'efl-là l'origine des pics ou des cornes de montagnes. Car iuppoioni, comme il eft facile de le prouver par les productions ma- rines qu'on y trouve , que la chaîne des montagnes des Alpes ait été autrefois couverte des eaux de la mer, & qu'au - d'jfîus de cette chaîne de montagnes il y eût une grande épaifieur de fable vitri- fïabîe que l'eau de la mer y avoit trans- porté & dépoté , de la même façon & par les mêmes caules qu'elle a dépofé & tranlporté dans les lieux un peu plus bas de ces montagnes une grande quantité de coquil'ages , 5c conlidérons cette couche extérieure de fable vitrifiable comme pofée d'abord de niveau & for- mant un plat pays de fable au-deiïus des montagnes des A fpes, lorfqu'eîles éteient encore couvertes des eaux de la mer ; i[ fe ièra formé dans cette épaifieur de fable âts noyaux de roc, de grès , de caillou & de toutes les matières qui prennent leur origine & leur figure dans les fables par une mécanique à peu près iem- blable à celle de la criftaliiiàtion des iei?\ B y 34 Hîjloire Natweïïe. Ces noyaux une fois formés auront fou» tenu les parties où ils fe font trouvés , & les pluies auront détaché peu à peu tout le iable intermédiaire, auffi - bien que celui qui les eiivironnok immédiatement; ïestorrens, les ruifTèaux , en fe préci- pitant du haut de ces montagnes, auront entraîné ces fables dans les vallons , dans les plaines, & en auront conduit une partie jufqu'à la mer ; de cette façon le fommet des montagnes fe fera trouvé à découvert, & les noyaux déchautfes au- ront paru dans toute leur hauteur, c'efl ce que nous appelons aujourd'hui des pics ou des cornes de montagnes,. & ce qui a formé toutes ces éminences poin- tues qu'on voit en tant d'endroits; c'eft auiîi là l'origine de ces roches élevées & ifolées qu'on trouve à la Chine & dans d'autres endroits , comme en Irlande, où on leur a donné le nom de Devil's Jones ou Pierre du diable, & dont la formation 3 auffi-bien que celle des pics des mon- tagnes , avoit toujours paru une chofe difficile à expliquer ; cependant l'expli- cation que j'en donne efi fi naturelle qu'elle s'eft préfemée d'abord à l'efprk Théorie de la Terre, 3 J de ceux qui ont vu ces roches , & je dots citer ici ce qu'en dit le Père du Tartre dans les Lettres édifiantes : « De Yan- chuin-yennous vînmes à Ho-tcheou, ce nous rencontrâmes en chemin une ce chofe aiTez particulière , ce font des ce roches d'une hauteur extraordinaire & ce de la figure d'une grofle tour quarrée ce qu'on voit plantées au milieu des plus ce vaftes plaines, on ne fait comment elles ce fe trouvent là , fi ce n'eft que ce furent ce autrefois des montagnes , & que les ce eaux du ciel ayant peu à peu fait ébou- ce 1er la terre qui environnait ces maffes ce de pierre , les aient ainfi à la longue ce efearpées de toutes parts : ce qui for- ce titre la conjecture , c'eil que nous en ce vimes quelques-unes qui vers le bas ce font encore environnées de terre juf- ce qu'à une certaine hauteur. » Voye^ L ettr* édïf. rec. 2 , tome I, page 135, &c. Le fommet des plus hautes montagnes eiï donc ordinairement compofé de ro- chers & de plu fieurs elpèces de granité ,, de roc vif, de grès & d'autres matières- dures cxvitrifiabîes, &ce!afouvent jufqu'à deux ou trois cents toiles en de fcei niant ? l\ H 36 Htfioire Naturelle. enfuite on y trouve fouvent des carrières de lîiarbre eu de pierre dure qui font remplies de coquilles , & dont la matière efl calcinabîe , comme on peut le remar- quer à la grande Chartreufè en Dau- phiné & lur le mont Cénis, où les pierres & les marbres qui contiennent des co- quilles, font à quelques centaines de toifes au-defîous des fom mets, des pointes & des pics des plus hautes montagnes , quoique ces pierres remplies de coquilles foitnt elles-mêmes h. plus de mille toiles ;m-defius du niveau de la mer. Aind les montagnes où l'on voit des pointes ou des pics, font ordinairement de roc vi- trifiable , & celles dont les lommets font plats , contiennent pour la plupart des marbres & des pierres dures remplies de productions marines. H en eft de même dei collines loriqu'elles font de grès ou de roc vif, elles font pour ia plu- part entre-coupèes de peintes, d'émi- nences, de tertres & de cavités, de pro- fondeurs & de petits vallons inter^né- diaires ; au contraire celles qui font corn - pofées de pierres calcinables font à peu près égales dans tome leur hauteur, & Théorie de la Terre, 37 elles ne font interrompues que par des gorges & des valions plus gnmds , plus réguliers , & dont (es angles îbnt correl- pondans ; enfin elîes (ont couronnées de rochers dont la pofuion efl régulière & de niveau. Quelque différence qui nous paroifie d'abord entre ces deux formes de mon- tagnes , elles viennent cependant toutes deux de la même caufe , comme nous venons de Je faire voir, feulement on doit oblerverque ces pierres calcinables n'ont éprouvé aucune altération r aucun changement depuis la formation des couches horizontales, au lieu que celles de fable vitrifïable ont pu être altérées & interrompues par la production pof- térieure des rochers & des blocs angu- leux qui fe font formés dans l'intérieur de ce (able : ces deux elpèces de mon- tagnes ont des fentes qui font prefque toujours perpendiculaires dans cel&es de pierres calcinables , & qui paroillent être un peu plus irréguiières dans celles de roc vif & de grès ; c'efl dans ces fentes qu'on trouve les métaux, les minéraux, les çriitaiix, les foufres & toutes les 38 Hijloire Naturelle, matières de la féconde chiffe , & c'efl au- deffous de ces fentes que les eaux fe raC- femblentpour pénétrer enfuite plus avant & former les veines d'eau qu'on trouve au-deiTous de la furface de la terre. PREUVES DE LA THÉORIEDE LA TERRE. ARTICLE X. Des Fleuves. N'ous avons dit que, généralement parlant , les plus grandes mon- tagnes occupent le milieu des continens, que les autres occupent le milieu des îles , des preiqu'îles & des terres avan- cées dans la mer : que dans l'ancien con- tinent les plus grandes chaînes de mon- tagnes font dirigées d'occident en orient , & que celles qui tournent vers le nord ou vers le fud , ne font que des tranches Théorie de la Terre. 35? de ces chaînes principales , on verra de même que les plus grands fleuves font diriges comme les plus grandes mon- tagnes , & qu'il y en a peu qui iuivent la direction des branches de ces mon- tagnes : pour s'en aflurer & le voir en détail , il n'y a qu'à jeter les yeux fur un globe , & parcourir l'ancien continent depuis l'Efpagne jufqu'à la Chine, on trouvera qu'à commencer parI'Eipagne? le Vigo , le Douro , le Tage & la Gua- diana vont d'orient en occident, & l'E- tre d'occident en orient, & qu'il n'y a pas une rivière remarquable dont le cours foit dirigé du fud au nord ou du nord au fud , quoique l'Efpagne foit envi- ronnée de La mer en entier du côté du midi , & prefque en entier du côté du nord. Cette obfervation fur la direction des fleuves en Efpagne , prouve non- fèulement que les montagnes de ce pays font dirigées d'occident en orient , mais encore que le terrein méridional & qui avoifine le détroit r & celui du détroit même,eft une terre plus élevée que les côtes de Portugal ; & de même du côté du nord; que les montagnes de Galice ; 4-0 / Il ' flaire Naturelle* des Afturies, &c. ne font qu'une con- tinuation des Pyrénées , & que c'eit cette élévation des terres , tant au nord qu'au iud , qui ne permet pas aux fleuves d'arriver par-là juiqu'à ïa mer. On verra aufli, en jetant les yeux fur la cane delà France, qu'il n'y a que le Rhône qui ioit dirigé du nord au midi , & encore dans près de la moitié de ion cours, depuis les momagnes juiqu'à Lyon , eil-il dirigé de l'orient vers l'oc- cident ; mais qu'au contraire tous les autres orands fleuves, comme la Loire. la Charente, la Garonne, & même la Seine, ont leur direction d'orient en occident. On verra de même qu'en Allemagne il n'y a que le Rhin qui , comme le Rhône, a la plus grande panie de Ton cours du midi au nord , mais que les autres grands fleuves, comme le Da- nube, la Drave & toutes les gra des rivières qui tombent dans ces fleuves , vont d'occident en orient le rendre dans la mer noire. On reconnoitra que cette mer noire, eue l'on doit plutôt coniidérer comme Théorie de la Terre. 41 un grand lac que comme une mer, a pretque trou, fois pus détendue d'orient en occident que du midi au nord , & que par coniequent la pofnion eit lemblab'c à là direction des fleuves en générai; qu'il en efl de même de lu mer médi- terranée , dont la longueur d'orient en occident eft environ Ùx fois plus grande que Ça largeur moyenne , priie du nord au midi. A la vérité, la mer Cafpienne, fuivant la cane qui en a été levée par ord;e du Czar Pierre I , a plus d étendue du midi au nord que d'orient en occident, au iicu que dans les anciennes canes elle etoit preique rende , ou plus large d'orient en occident que du mkli riU waïd ; mais il l'on fait attention que le lac Aral peut être regarde comme ayant fait par e la mer Cafpienne , dont i! n-éi vé que par des plaines de fable-, 1 encoie que la longueur depuis tel . À occidental de la mer Cafpieime ju kru'au Lord oriental du lac Aral, eft plus grande que la longueur depuis ie bord méri- dional jufqu'au bord ièpieiAtrienal de la même mer. 42 Hifloire Naturelle* On trouvera de même quel'Euphrate & le golfe Perii que font dirigés d'occi- dent en orient, & que pretquetous les fleuves de la Chine vont d'occident en orient ; il en eft de même de tous les fleuves de l'intérieur de l'Afrique au-delà de la Bafbarie, ils coulent tous d'orient en occident, & d'occident en orient, il n'y a que les rivières de Barbarie & le Nil qui coulent du midi au nord. A la vérité il y ade grandes rivières en A fie qui cou- lent en partie du nord au midi, comme Je Don, le Volga , &c. mais en prenant la longueur entière de leur cours , on verra qu'ils ne fe tournent du côté du midi que pour fe rendre dans la mer noire & dans ia mer Cafpienne , qui font des lacs dans l'intérieur des terres. On peut donc dire en général que dans l'Europe, l'Afie & l'Afrique les fleuves & les autres eaux méditerranées s'étendent plus d'orient en occident que du nord au fud ; ce qui vient de ce que les chaînes des montagnes font dirigées pour la plupart dans ce fens , & que d'ailleurs le continent entier de l'Europe & de l'Afie e(t pluslarge dans ce fens que Théorie de la Terre. 43 dans l'autre ; car il y a deux manières de concevoircettedireclion des fleuves: dans un continent long & étroit , comme en: celui de l'Amérique méridionale , & dans lequel il n'y a qu'une chaîne principale de montagnes qui s'étend du nord au iud, les fleuves n'étant retenus par aucune autre chaîne de montagnes, doivent couler dans le feus perpendiculaire à celui de la direction des montagnes , c'eft-à-dire , d'orient* en occident, ou d'occident en orient; c'efr. en effet dans ce fens que coulent toutes les rivières de l'A mérique, parce qu'à l'exception des Cordilières , il n'y a pas de chaînes de montagnes fort e'tendues , & qu'il n'y en a point dont les directions (oient parallèles aux Cor- dilières. Dans l'ancien continent, comme dans le nouveau, la plus grande partie des eaux ont leur plus grande étendue d'occident en orient, & le plus grand nombre des fleuves coulent dans cette direction, maisc'efl: par une autre rail on, c'efl: qu'il y a plufleurs longues chaînes de montagnes parallèles les unes aux autres , dont la direction efl d'occident en orient , & que les fleuves & les autres 44 Hifïoire Naturel le. eaux font obligés de fuivréles intervalles qui iéparent ces chaînes de montagnes; parconiéquent une leule chaîne de mon- tagnes, dirigées du nord au iud, pro- duira des rieuves dont la direction iera la même que celles des flcu es qui ibrti- roient de piufieurs chaînes de montagnes dont la direction commune ieroit d'o- rient en occident , .ou vingt lieues, ils jugeoient qu'ils étoient •fort loin delà mer ; qu'au contraire fi la rivière avoit des fmuofités & changeoit fouvent de direction dans Ton cours , ils étoient afîurés de n'être pas fort éloignés de la mer. M. Fabry a vérifié lui-même cette remarque qui lui a été fort utile dans ies voyages lorfqu'il parcourait des pays inconnus & prefque inhabités. II y a encore une remarque qui peut être utile en pareil cas , c'eft que dans les grands fleuves il y . le long des bords un remous confidérable , & d'autant plus confidé- rable qu'on eft moins éloigné de la mer, & que le lit du fleuve eft plus large , ce qui peut encore fervir d'indice pour juger fi l'on eft à de grandes ou à de petites diltances de l'embouchure ; 6c comme les fmuofités des fleuves le mul- tiplient à mefure qu'ils approchent de la mer , il n'eft pas étonnant que quelques- unes de ces fmuofités venant à s'ouvrir, forment des bouches par où une partie des eaux du fleuve arrivent à la mer , 6c c'eft une des raifons pourquoi les grands fleuves fedivifènt ordinairement en plu- fîeurs bras pour arriver à la mer. Tome IL G jo Hiflotre Naturelle. Le mouvement des eaux dans le cours des fleuves , le fait d'une manière fort differen e de celle qu'ont (uppoiee les Auteurs qui ont voulu donner des théo- ries mathématiques fur cette matière : non-ieulement fa furface d'une rivière en mouvement n'efl pas de niveau en la prenant d'un bord à l'autre , mais même, ïèlon les circonfhmces , le courant qui efl dans îe milieu e(t confîdérabiement plus élevé ou plus bas que l'eau qui e(t près des bords ; iorfqu'une rivière grofîit Subitement par la fonte des neiges , ou lorf que par quelqu'autre caufe fa rapidité augmente, fi la direction de la rivière efl droite , le milieu de l'eau , où eft le courant, s'élève , & larivière.fbrme une eipèce de courbe convexe ou d'éléva- tion très-fenfib!e , dont le plus haut point elt dans le milieu du courant; cette élévation eft quelquefois fort confidé- rable , & M. Hupeau , habile Ingénieur des ponts & chauffées , m'a dit avoir un jour mefuré cette différence de niveau de l'eau du bord de l'Aveiron & de celle du courant ou du milieu de ce fleuve , &. avoir trouvé trois pieds de différence % Théorie de la Terre. 5 t fcn forte que ïe milieu de ï'Aveiron étoit de trois pieds plus élevé que l'eau du bord. Cela doit en effet arriver toutes ies fois que l'eau aura une très-grande rapidité ; la vîtefîe avec laquelle elle eft emportée , diminuant l'action de (a pe- ianteur , l'eau qui forme le courant ne fe met pas en équilibre par tout Ion poids avec l'eau qui eft près des bords , & c'efl ce qui fait qu'elle demeure plus élevée que celle-ci. D'autre côté, Icrfque les fleuves approchent de leur embouchure, ii arrive afîèz ordinairement que l'eau qui eft près des bords eft plus élevée que celle du milieu , quoique le courant loit rapide, la rivière paroît alors former une courbe concave dont le point le plus bas eft dans le plus fort du courant : ceci arrive toutes les fois que l'action des ma- rées iefiitfentir dans un fleuve. On fait que dans les grandes rivières le mouve- ment des eaux occafionné par les marées eft fenfible à cent ou deux cents lieues de la mer , on fuit auîîi que le courant du fleuve confèrve (on mouvement au milieu des eaux de la mer jufqu'à des diitances confidérabies ; ii y a donc dans Cij 5 2 Hifloîre Naturelle. ce cas deux mouvemens contraires dm$ l'eau du fleuve , le milieu qui forme le courant, fe précipite vers la mer, & i'action de la marée forme un contre- courant , un remous - qui fait remonter l'eau qui eft voifine des bords , tandis que ceiie du milieu defcend; & comme alors toute l'eau du fleuve doit pafTer par le courant qui eft au milieu , celle des bords defcend continuellement vers le milieu , & defcend d'autant plus qu'elle eft plus élevée & refoulée avec plus de force par faction des marées. Il y a deux efpèces de remous dans les fleuves , le premier , qui eft celui dont nous venons de parler , eft produit par une force vive telle qu'eft celle de l'eau de la mer dans les marées , qui non- feulement s'oppoie comme obftacle au mouvement de l'eau du fleuve , mais comme corps en mouvement, & en mouvement contraire & oppofé à celui du courant de l'eau du fleuve; ce remous fait un contre - courant d'autant plus fenfible que la marée eft plus forte : l'aune efpèce de remous n'a pour caufe qu'une force morte, comme eft celle d'un Théorie de la Terre* 5 ? obfhcïe , d'une avance de terre , d'une île dans la rivière , &c. quoique ce remous n'occafionne pas ordinairement un contre-courant bien icnfibie , il l'en: cependant afïez pour être reconnu , c'V même pour fatiguer fes conducteurs de bateaux fur les rivières ; fi cette efpèce de remous ne fait pas toujours un contre- courant , iï produit néceiTairement ce que les gens de rivière appellent une morte , c'eit-à-dire , des eaux mortes , qui ne coulent pas comme le relie de ia rivière, mais qui tournoyent de f;çon que quand les bateaux y font entrâmes , il faut employer beaucoup de force pour ïes en faire fortir. Ces eaux mortes font fort fenfibles dans toutes les rivières ra- pides au paiïage des ponts : la vîtefle de l'eau augmente, comme l'on fait, à pro- portion que ie diamètre des canaux par où elle pafîe , diminue , ia force qui la poufïè .étant fuppofée la même; ia vîtefle d'une rivière augmente donc au pafîi ;ge d'un pont, dans la raifon inverfe de ia fomme deia largeur des arches à la iar- geur totale de la rivière, & encore faut-il augmenter cette raifon de celle de h C iij '54 Ht flaire Naturelle. longueur "des arches, ou, ce qui efl îc même , de la largeur du pont ; l'augmen- tation de la vheiîè de Peau étant donc très-confidérabie en fortant de l'arche d'un pont, celle qui efl à côté du courant bit pouïïee latéralement & décote contre ies bords de la rivière , & par cette réac- tion il le forme un mouvement de tour- noiement quelquefois très-fort. Lorl- qu'on pafle fous le pont Saint-Elprir, ies conducteurs font forcés d'avoir une grande attention à ne pas perdre le fil du courant de l'eau , même après avoir paflé le pont; car s'ils laifioient écarter le b.iteau à droite ou à gauche , on ie- roit porté contre le rivage avec danger de périr, ou tout au moins on ier'oit entraîné dans le tournoiement des eaux mortes, d'où l'on ne pourroit fortir qu'avec beaucoup de peine. Lorfque ce tournoiement caufé par le mouvement du courant & par le mouvement oppofé du remous efr. fort confidérable , cela forme une eipèce de petit goufre , «Se l'on voit fouvent dans les rivières rapides à la chute de l'eau , au-delà des arrière- becs des piles d'un pont, qu'il fe forme Théorie de la Terre, 5 5 Je ces petits goufres ou tournoiement d'eau , dont Je milieu paroît être vide & former une efpèce de cavité cylindrique autour de laquelle l'eau tournoie avec rapidité ; cette apparence de cavité cylin- drique efl produite par Faction de la force centrifuge , qui fait que l'eau tâche de s'éloigner & s'éloigne en effet du centre du tourbillon cauié par le tour- noiement. Lorfqu'il doit arriver une grande crue d'eau, les gens de rivière s'en aper- çoivent par un mouvement particulier qu'ils remarquent dans l'eau , ils difent que la rivière mouve de fond, c'eft-à-dire , que l'eau du fond de la rivière coule plus vite qu'elle ne coule ordinairement : cet e augmentation de vîteiTe dans l'eau du fond de la rivière annonce toujours , félon eux , un prompt & fubit accroiiTc- nient des eaux. Le mouvement & lepoids des eaux fupérieures qui ne font point encore arrivées, ne ïaifîent pas que d'agir fur les eaux de la partie inférieure de la rivière, & leur communiquent ce mou- vement; car il faut à certains égards, confidércr un fleuve qui ell contenu C iiij 5 6 Hïfloire Naturelle. 6 qui coule dans Ton lit, comme une colonne d'eau contenue dans un tuyau , & le fleuve entier comme un très-long canal où tous ies mouvemens doivent le communiquer d'un bout à l'autre. Or indépendamment du mouvement des eaux fupéricures, leur poids feul pourroit faire augmenter la vîieffe de la rivière, & peut-être la faire mouvoir de fond ; car on fait qu'en mettant à l'eau pluficurs bateaux à la fois, on augmente dons ce moment la vîtefîe de la partie infé- rieure de la rivière en même temps qu'on retarde la vîtefîe de la partie fupérieure. La vîtefîe des eaux courantes ne fuit pas exactement, ni même à beaucoup près , la proportion de la pente : un fleuve dont la pente feroit uniforme & double de la pente d'un autre fleuve , ne devroit , à ce qu'il paroît , couler qu'une fois plus rapidement que celui-ci, mais il coule en effet beaucoup plus vite encore : fa vîtefîe au lieu d'être double, eit ou triple, ou quadruple, &c. cette vîtefîe dépend beaucoup plus de la quantité d'eau & du poids des eaux Théorie de h Terre. 57 Supérieures que de la pente, & lorfqu'on veut creufer le lit d'un fleuve ou celui d'un égoût, &c. il ne faut pas diilribuer îa pente également fur toute la longueur, il eft: néceiïaire , pour donner plus de vîteiïe à l'eau, de faire la peme beau- coup plus forte au commencement qu'à l'embouchure, où elle doit être preique infenfible , comme nous ie voyons d ms les fleuves; Iorfqu'ils approchent de leur embouchure h pente eft: prefque nulle, & cependant ils ne iaiffent pas de con- ferver une rapidité d'autant plus grande que le fleuve a plus d'eau , en forte que dans les grandes rivières , quand même ie terrein ferait de niveau , l'eau ne laif- ieroit pas de couler & même de couler rapidement , non-feulement par la vîteiïe acquife (a) , mais encore par î'aclion & ie poids des eaux fupérieures. Pour mieux faire fentir la vérité de ce que je viens de dire, fuppofons que la partie de la Seine (a) C'efl faute d'avoir fait ces réflexions que M. Kuhn dit que la fource du Danube eft nu moins de deux milles d'Allemagne plus élevée que Ton em- bouchure; que ia mer méditerranée eft de 6 4 milles d'Allemagne plus baffe que les fources du Nil ; que C v 5 § Hiftoire Naturelle. qui eft entre le Pont-neuf & le Pont- ro y ai fui parfaitement de niveau, & que par-tout elle eût dix pieds de profon- deur ; imaginons pour un infttrnt que tout d'un coup on pût mettre à fec le lit de la rivière au-defibus du Pont-royal & au-defTus du Pont-neuf, alors i'eau qui feroit entre ces deux pon s , quoique nous l'ayons fuppolée parfaitement de niveau, coulera des deux côtés en haut & en bas, & continuera de couler juf- qu'à ce qu'elle foit épuifée; car quoi- qu'elle foit de niveau , comme elle efl chargée d'un poids de dix pieds d'é- paifîeur d'eau , elle coulera des deux côtés avec une vitefïe proportionnelle à ce poids, & cette vîteffe diminuant tou- jours à mefure que la quantité d'eau di- minuera, elle ne cédera de couler que quand elle aura baifTé jufqu'au niveau du fond: le poids de l'eau contribue donc ïa mer Atlantique eft plus baffe cPun demi-mille que ia mer méditerrmée, &c. ce qui eft absolument con- traire à la vérité : au refte , le principe (aux dont M. Kuhn tire otites ces confequen ces , n'eft pas la feule erreur qui f trouve dans cette pièce fur l'origine des fontaines, qui a rempoité le Prix de l'Académie ât Bordeaux en j 74. t , Théorie de la Terre. 59 Beaucoup à ïa vîteffe de l'eau , & c'elt pour cette raifon que la plus grande vî- tefïe du courant, n'eft ni à la iurface de i'eau , ni au fond , mais à peu près dans le milieu de la hauteur de l'eau , parce qu'elle eft produite par l'action du poids de l'eau qui eft à la furface , & par la réaction du fond. Il y a même quelque choie de plus ; c'eftquefi un fleuve avoit acquis une très-grande vîteiTe,iî pourroit non-feulement la conferver en traverfànt un terrein de niveau , mais même il feroit en état de furmonter une éminence fans fe répandre beaucoup des deux côtés , ou du moins fans cauler une grande inondation. On feroit porté à croire que les ponts, les levées & les autres obftacles qu'on établit fur les rivières, diminuent consi- dérablement la vîtefie totale du cours de l'eau , cependant cela n'y fait qu'une très- petite différence. L'eau s'élève à la ren- contre de l'avant-bec d'un pont, cette élévation fait qu'elle agit davantage par fon poids, ce qui augmente la vîtefie du courant entre les piles , d'autant plus que les piles font plus larges & les arches plus C vj 60 Hifîotre Naturelle.' étroites , en iorte que îe retardement que ces obflacles caufent à la vîtefTe totale du cours de l'eau , efl prefqu'infenfibïe. Les coudes, les fmuofités, les terres avancées, les îles ne diminuent aufîi que très -peu la vîtefTe totale du cours de l'eau: ce qui produit une diminution très- conlidérable dans cette vîtefTe , c'efl TabaifTement des eaux , comme au con- traire l'augmentation du volume d'eau augmente cette vîtefîe plus qu'aucune autre caufe. Si les fleuves e'toient toujours à peu près également pleins , le meilleur moyen de diminuer la vîtefTe de l'eau & de les contenir, feroit d'en élargir le canal; mais comme prefque tous les fleuves font lu jets à groffir & à diminuer beau- coup , il faut au contraire pour les con- tenir, rétrécir leur canal, parce que dans les balles eaux , fi le canal efl fort large , l'eau qui palTe dans le milieu , y creufe un Jit particulier , y forme des fmuofités , & iorfqu'eîle vient à grofîîr, elle fuit cette direction qu'elle- a prife dans ce lit parti- culier ; elle vient frapper avec force con- tre les bords du canal , ce qui détruit les Théorie Je la Terre. 6 î ïevees & caufede grands dommages. On pourroit prévenir en partie ces effets de la fureur de i'eau en faifant de diftance endiilancede petits golfes dans les terres , c'eft-à-dire , en enlevant le terrein de l'un des bords jufqu'à une certaine dif- tance dans les terres & pour que ces petits golfes foient avantageufement pla- cés, il faut les faire dans l'angle obtus des finuofités du fleuve ; car alors ie courant de l'eau fe détourne & tournoie dans ces petits golfes , ce qui en diminue la vîteffe. Ce moyen feroit peut-être fort bon pour prévenir la chute des ponts dans les endroits où il n'efr. pas podibie de faire des barres auprès du pont ; ces barres foutiennent l'acîion du poids de i'eau , les golfes dont nous venons de parler, en diminuent le courant^ ainfi tous deux pr'oduiroient à peu près le même effet, c'eft-à-dire , la diminution de la vîteffe. La manière dont fe font les inonda- tions mérite une attention particulière t îorfqu'une rivière giofîit , la vîteffe de l'eau augmente toujours de plus en plus juiqu'à ce que le fleuve commence à r6z Hiffoire Naturelle* déborder, dans cet inftantia vîtefTe de l'eau diminue , ce qui fait que le déborde- ment une fois commencé , il s'enfuit toujours une inondation qui dure plu- fieurs jours : car quand même il arrive- roit une moindre quantité d'eau après le débordement , qu'il n'en arrivoit aupa- ravant , l'inondation ne ïaifieroit pas de le faire , parce qu'elle dépend beaucoup plus de la diminution de la vîtefîe de l'eau que de la quantité de l'eau, qui arrive : fi cela n'étoit pas ainfi , on verroit fouvent les fleuves déborder pour une heure ou deux , & rentrer eniuite dans leur lit : ce qui n'arrive jamais , l'inon- dation dure au contraire toujours pendant quelques jours , foit que la piuie ceiTe ou qu'il arrive une moindre quantité d'eau , parce que le débordement a diminué la vîteflè , & que par conlé- quent la même quantité d'eau n'étant plus emportée dans le même temps qu'elle l'étoit auparavant, c'eft comme s'il en arrivoit une plus grande quantité* L'on peut remarquer à l'occafion de cette diminution , que s'il arrive qu'un vent Gonflant fouffie contre le courant de Théorie de la Terre. 6$ la rivière, l'inondation fera beaucoup plus grande qu'elle n'auroit été fans cette caufe accidentelle , qui diminue la vîtefîe de l'eau ; comme au contraire , û le vent fouffie dans la, même direction qui fuit îe courant de la rivière, l'inondation fera Lien moindre & diminuera plus promp- tement. Voici ce que dit M. Granger du débordement du Nil. « La crue du Nil & (on inondation a long temps occupé les Savans ; la plu- €c part n'ont trouvé que du merveilleux « dans la choie du monde la plus natu- «• relie, & qu'on voit dans tous les pays ce du monde. Ce font les pluies qui tombent dans i'AbyiTmie & dans l'E- thiopie qui font la croiflance & l'inon- dation de ce fleuve , mais on doit ce regarder le vent du nord comme caufe primitive, i .° parce qu'il chaiTe les nuages qui portent cette pluie du côté de i'Abyifinie , 2.° parce qu'étant le traverfier des deux embouchures du Islil, il en f lit refouler les eaux à con- tremont , & empêche par-là qu'elles ne fe jettent en trop grande quantité dans la mer ; on s'aflure tous les ans de £4 Pnjloire Naturelle» 3> ce fait îorfque le vent étant au nord & ?» changeant tout-à-coup au fud, le Nil » perd dans un jour ce dont il étoit crû dans quatre. x> Pages 1 3 & 1 4. Voyage de G ranger, Paris, 1 745 . Les inondations font ordinairement plus grandes dans les parties fupérieures des fleuves, que dans les parties infé- rieures & voifines de leur embouchure, parce que, toutes choies étant égales d'ailleurs, la vîtefle d'un fleuve va tou- jours en augmentant jufqu'à la mer ; & quoiqu'ordinairement la pente diminue d'autant plus qu'il eft plus près de fon embouchure , la vîteffè cependant eli fou vent plus grande par les r.iifons que nous avons rapportées. Le Père Caftelli qui a écrit fort fenfément fur cette ma^ tière , remarque très-bien que la hauteur des levées qu'on a faites pour contenir le Pô, va toujours en diminuant jufqu'à la mer, en forte qu'à Ferrare qui eft à cinquante ou fbixante milles de diftance de la mer, les levées ont près de vingt pieds de hauteur au-deiTus de la furface ordinaire du Pô; au lieu que plus bas, à dix ou douze milles de diilance de la Théorie de la Terre. 6 5 nier , ïes levées n'ont pas douze pieds, quoique îe canal du fleuve y Toit auffi étroit qu'à Ferrare. Voyei Racolta d'au- ion che trattano del moto dell'acque, vol. I, ■page 127. Au refte, la théorie du mouvement des eaux courantes eft encore fu jette à beaucoup de difficultés & d'obfcurités, & il eft très-difficile de donner des règles générales qui puiflent s'appliquer a tous les cas particuliers : l'expérience eft ici plus nécefïàire que la ipécukuion; il faut non-feulement connoïtre par expé- rience les effets ordinaires des fleuves en général , mais il faut encore connoïtre en particulier la rivière à laquelle on a affaire, û l'on veut en raifonner jufle & y faire des travaux utiles & durables. Les remarques que j'ai données ci-deffus, font nouvelles pour la plupart ; il feroit à defirer qu'on raflembiât beaucoup d'obfervations fem- bîables ,011 parviendroitpeut-êire à éclair- cir cette matière , & à donner des règles certaines pour contenir & diriger les fleuves , & prévenir la ruine des ponts , des levées & les autres dommages que caufe la violente impétuofné des eaux. 66 Hîfloire Naturelle. Les plus grands fleuves de l'Europe font le Volga, qui a environ 650 lieues de cours depuis Refchow jufqu'à Aftracan fur la mer Cafpiemie ; le Da- nube , dont le cours eft d'environ 4 5 o lieues depuis les montagnes de Suiiïe jufqu'à ia mer noire ; le Don , qui a 400 lieues de cours depuis lafource du Sofna qu'il reçoit ; jufqu'à fon embou- chure dans la mer noire ; le Niéper, dont le cours eft d'environ 350 lieues, qui fe jette aufli dans la mer noire ; la Duine , qui a environ 300 lieues de cours , & qui va fe jeter dans la mer blanche , &c. Les plus grands fleuves de l'A fie font îe Hoanho de la Chine, qui a 850 lieues de cours en prenant fa lource à Raja-Ribron, & qui tombe dans la mer de la Chine, au midi du golfe deChangi, le Jénifca de la Tartarie , qui a 800 lieues environ d'étendue , depuis le lac Sclinga jufqu'à la mer feptentrionaîe de la Tartarie ; le fleuve Oby , qui a envi- ron 600 lieues, depuis le lac Kila jufque dans ia mer du nord , au-delà du détroit de ."Waigats ; le fleuve Amour de la Tartarie Théorie de la Terre. 6 y orientale, qui a environ 575 lieues de cours, en comptant depuis la fource du fleuve Kerlon qui s'y jette , jufqu'à la mer de Kamtichatka où il a fon em- bouchure; le fleuve Menamcon, quia fon embouchure à Poulo-condor , o lieues de cours, l'Euphrate qui en a 500 , en îe prenant depuis la fource de fa rivière Irma qu'il reçoit; l'ïndus qui a environ 400 lieues de cours , & qui tombe dans la mer d'Arabie à la partie occidentale de Guzarat ; le fleuve Sirderoias, qui a une étendue de 400 lieues environ, & qui le jette dans le lac Aral. Les plus grands fleuves de l'Afrique font le Sénégal, qui a 1125 lieues environ de cours, en y comprenant le Niger, qui n'en ell: en effet qu'une continuation , & en remontant îe Niger jufqu'à la fource du Gombarou, qui fe '68 Hifloire Naturelle. jette dans le Niger; le Nil dont la Ion* gueur efl de 070 lieues,^ & qui prend fa fource dans la haute Ethiopie où il fait plufieurs contours, il y a auîïi le Zaire & le Coanza, defquels on con- noît environ 400 lieues, mais qui s'é- tendent bien plus loin dans les terres du Monoemugi; le Couama , dont on ne connoît auffi qu'environ 400 lieues, & qui vient de plus loin , des terres de la Cafrerie; fe Quilmanci, dont le cours entier efl: de 400 lieues , & qui prend fa fource dans le royaume de Gingiro. Enfin les plus grands fleuves de l'A- mérique , qui font aufFi les plus larges fleuves du monde , font la rivière des Amazones, dont le cours efl de plus de 1200 lieues, fi l'on remonte jufqu'au îac qui efl: près de Guanuco, à 3 o lieues de Lima, où le Maragnon prend fa fource ; & fi l'on remonte jufqu'à la fource de la rivière Napo, à quelque diflance de Quito, le cours delà rivière des Amazones efl: de plus de mille lieues. Voye^ le voyage de Al. de la Condamine , pages 1 5 & 1 6 . On pourroit dire que le cours du Tliéorïe de la Terre. 6<) fîeuve Saint- Laurent en Canada eft de plus de qoo lieues, depuis Ton embou- chure en remontant le lac Ontario & le lac Erié, de -là au lac Huron, eniuite au lac iupérieur, de-Ià au lac Alemi- pigo , au iac Criftinaux, & enfin au iac des A fîiniboïls , les eaux de tous ces lacs tombant les uns dans les autres, & enfin dans le fîeuve Saint- Laurent. Le fleuve MiiTiiîipi a plus de 700 lieues d'étendue depuis Ton embouchure julqu'à quelques-unes de ïesfources, qui ne font pas éloigne'es du lac des Affi- niboïls dont nous venons de parler. Le fîeuve de la Plata a plus de 800 lieues de cours , en le remontant depuis ion embouchure jufqu'à la fource de la rivière Parana qu'il reçoit. Le fleuve Oronoque a plus de 575 lieues de cours, en comptant depuis ïa fource de la rivière Caketa près de Paflo, qui fe jette en partie dans i'Oronoque, & coule auiïi en partie vers la rivière des Amazones. Voye^ la carte de Al. de la Condamine. La rivière Madera, qui fe jette dans celle des Amazones, qui a plus de 660 ou 670 lieues. jù Hïjlo)re 'Naturelle. Pour favoir à peu près la quantité d'eau que la mer reçoit par tous les fleuves qui y arrivent, fuppofons que la moitié du globe foit couverte par ïa mer, & que l'autre moitié foit terre sèche , ce qui efr. afTez jufle , fuppofons auiîi que la moyenne profondeur de la mer, en la prenant dans toute fon éten- due , foit d'un quart de mille d'Italie , c'eft-à- dire , d'environ 230 toiles, ïa furface de toute la terre étant de 1 70981 01 2 milles, la furface de la mer efl: de 85490506 milles carrés, qui étant multipliés par | , profondeur de la mer, donnent 21372626 miiles cubiques pour la quantité d'eau conte- nue dans l'océan tout entier. Maintenant pour calculer ïa quantité d'eau que l'o- céan reçoit des rivières, prenons quel- ques grands fleuves dont la vîtefle & la quantité d'eau nous foient connues, le Pô , par exemple qui paffe en Lom- bardie & arrofe un pays de 3 8 o milles de longueur, fuivant Riccioli; ft lar- geur , avant qu'il le divile en plufleurs bouches pour tomber dans la mer , efl de cent perches de Bologne , ou de mille Théorie de la Terre. Jt pîeds j & fa profondeur de dix pieds: fa vîtefie ell telle, qu'il parcourt 4 milles dans une heure , ainfï ie Pô fournit à la mer 200 miiie perches cubiques d'eau en une heure, ou 4 millions 800 mille dans un jour; mais un mille cubique con- tient 125 millions de perches cubiques, ainfï il faut vingt- fix jours pour qu'il pone à la mer un mille cubique d'eau; reile maintenant à déterminer la propor- tion qu'il y a entre la rivière du Pô & toutes les rivières de la terre priies en- iènible, ce qu'il eil iinpoihbie de faire .exactement ; maïs pour le lavoir à peu :près , fuppofons que la quantité d'eau que la mer reçoit par les grandes rivières dans tous ies pays , (bit proportionnelle à l'étendue & à la (urfice de ces pays, & que par conféquent le pays arrofe par le Pô & par les rivières qui y tombent , foit à la furfàce de toute la terre sèche en même proportion que le Pô eft à toutes ies ri- vières de la terre. Or par les cartes les plus exactes, ie Pô depuis fa fource jus- qu'à Ion embouchure , traverfe un pays de 3 80 milles de longueur, & les rivières qui y tombent de chaque côté viennent yz Hljhïre Naturelle: de fources «Se de rivières qui font à en- viron 60 milles de diftance du Pô; ainft ce fleuve & les rivières qu'il reçoit, arrofent un pays de 3 80 milles de long & de 120 milles de large, ce qui fait 45600 milles carrés: mais la furface de toute la terre sèche eft de 8 5490506 milles carrés, par conféquent la quan- tité d'eau que toutes les rivières portent à ia mer, fera 1874 fois plus grande que la quantité que le Pô lui fournit ; mais comme vingt-fix rivières comme ïe Pô fournifTent un mille cubique d'eau à fa mer par jour, il s'enfuit que dans l'efpace d'un an 1 874 rivières comme îe Pô fourniront à la mer 26308 milles cubiques d'eau , & que dans l'efpace de 8 1 2 ans toutes ces rivières fourniroient à la mer 21372626 milles cubiques d'eau , c'eft-à-dire , autant qu'il y en a dans l'océan , & que par conféquent il ne fiudroit que 8 1 2 ans pour le remplir. Voyer J. Keill, Ex animation ofBumet's Theory. London, 1734, page 1 26 Ù*, fuivantes. Il réfuïte de ce calcul, que la quan- tité d'eau que l'évaporation enlève de k furface TJièorle Je h Terre» y 3 ïurfàce de la mer, que les vents trans- portent fur la terre , & qui produit tous les ruiiïèaux & tous les fleuves , eft d'en- viron deux cents quarante- cinq lignes, ou de vingt à vingt-un pouces par an , ou d'environ les deux tiers d'une ligne par jour ; ceci eft une très-petite évapo- ration , quand même on la doubleroit ou tripleroit, afin de tenir compte de l'eau qui retombe fur la mer , & qui n'efl pas transportée fur la terre. Voye^fur ce fujet l'Ecrit de Halley dans les Tranfac- tions philofoph. num. 1 p 2, où il fait voir évidemment & par le calcul , que les va- peurs qui s'élèvent au-deiTus de la mer & que les vents tranfportent fur la terre, font fuffi Tantes pour former toutes les rivières & entretenir toutes les eaux qui font à la furface de la terre. A près le Nil , le Jourdain eft le fleuve le plus confidérabïe qui lbit dans le Le- vant, & même dans la Barbarie , il fournit à la mer morte environ fix millions de tonnes d'eau par jour , toute cette eau , & au-delà , eft enlevée parl'évaporation, car en comptant , fuivant le calcul de Haïïey, 69 14 tonnes d'eau qui fe réduit Tome IL D 74 Hijîoke Naturelle. en vapeurs fur chaque mille fuperflcîef , on trouve que la mer morte qui a 72 milles de long fur 18 milles de large, doit perdre tous les jours par l'évapo- ration près de neuf millions de tonnes d'eau, c'eft-à-dire, non-feulement toute l'eau qu'elle reçoit du Jourdain, mais encore celle des petites rivières qui y arrivent des montagnes de Moab & d'ail- leurs , par conléquent elle ne commu- nique avec aucune autre mer par des canaux fouterrains. Voye^ les voyages de Shaw, vol. II, page 7 / . Les fleuves les plus rapides de tous font le Tigre, l'Indus, le Danube , i'Yrtis en Sibérie, le Malmiftra en Ciiicie , &c. Vbye^ Varenii Geogr. page 1 7 8; mais, comme nous l'avons dit au commence- ment de cet article, la mefure de la vî- tefîe des eaux d'un fleuve dépend de deux cauies , la première eft la pente , & la fé- conde le poids & la quantité d'eau ; en examinant fur le globe quels font les fleuves qui ont le plus de pente , on trouvera que le Danube en a beaucoup moins que le Pô, le Rhin & le Rhône , puifque tirant quelques-unes de fe$ Théorie de la Terre. y y fources des mêmes montagnes , le Da- nube a un cours beaucoup plus long qu'aucun de ces trois autres fleuves, & qu'il tombe dans la mer noire qui e(l plus élevée que la méditerranée , & peut- être plus que l'océan. Tous les grands fleuves reçoivent beaucoup d'autres rivières dans toute l'étendue de leur cours; on a compté, par exemple, que le Danube reçoit plus de deux cents, tant ruiiïeaux que rivières; mais en ne comptant que les rivières affez considérables que les fleuves reçoivent, on trouvera que le Danube en reçoit trente ou trente-une, le Volga en reçoit trente- deux ou trente -trois, le Don cinq oufix, le Niéper dix-neuf ou vingt, la Duine onze ou douze ; & de même en A fie le Hoanho reçoit trente-quatre ou trente-cinq rivières, le Jénifca en reçoit plus de foixante , l'Oby tout autant, te fleuve Amour environ quarante, le Kiam ou fleuve de Nanquin en reçoit environ trente, le Gange plus de vingt, l'Eu- phrate dix ou onze , &c. En Afrique le Sénégal reçoit plus de vingt rivières , le Nil ne reçoit aucune rivière qu'à plus D i; y 6 Hifloire Naturelle, de cinq cents lieues de Ton embouchure, ïa dernière qui y tombe eft le Mcraba, & de cet endroit jufqu'à fa fource il reçoit environ douze ou treize rivières ; en Amérique le fleuve des Amazones en reçoit plus de foixante, & toutes fort confidérabïes; le fleuve Saint- Laurent environ quarante, en comptant celles qui tombent dans les lacs; le fleuve MilTiiTipi plus de quarante , le fleuve de la Plata plus de cinquante , &c. II y a fur la furface de la terre des con* trées élevées qui paroiffent être des points de partage marqués par la Nature pour la distribution des eaux. Les environs du mont Saint-Godard font un de ces points en Europe; un autre point eflle pays fitué entre les provinces de Belozera & de Vo- logda en Mofcovie , d'où defeendent des rivières dont les unes vont à la mer blan- che, d'autres à la mer noire, & d'autres à la mer Cafpienne ; en A fie le pays des Tar- tares Mogols, d'où il coule des rivières dont les unes vont fe rendre dans la mer tranquille ou mer de la nouvelle Zemble, d'autres au golfe Linchidoiin , d'autres fik nier de Corée, d'autres à celle de la Théorie Je la Terre. yj Chine, 5c de même le Petit-Thibet, dont îes eaux coulent vers la mer de la Chine , vers le golfe de Bengale, vers le golfe de Cambaïe & vers le lac Aral; en Amé- rique la province de Quito qui fournit des eaux à la mer du fud , à la mer du nord & au golfe du Mexique. II y a dans l'ancien continent environ quatre cents trente fleuves qui tombent immédiatement dans l'océan ou dans la méditerranée & la mer noire , & dans ïe nouveau continent on ne connoît guère que cent quatre-vingts fleuves qui tom- bent immédiatement dans la mer ; au relie Je n'ai compris dans ce nombre que des rivières grandes au moins comme i'eft la Somme en Picardie. Toutes ces rivières tranfportent à la mer avec leurs eaux une grande quantité de parties minérales & falines qu'elles ont enlevées des différens terreins par où elles ont pâlie. Les particules de fel qui, comme l'on fait, fe dillolvent aifé- ment , arrivent à la mer avec les eaux dc$ fleuves. Quelques Phyliciens, & entre autres Hailey, ont prétendu que la faiure *de la mer ne provenoit que des feis de la D iij 7 8 Hiflolre Naturelle. terre que ïes fleuves y tranfportent; d'au* très ont dit que la falure de la mer étoit suffi ancienne que la mer même ; & que cefeln'avoit été créé que pour l'empê- cher de le corrompre , mais on peut croire que l'eau de la mer eft préfervée de la corruption par l'agitation des vents & par celle du flux & reflux , autant que par le fel qu'elle contient; car quand on ïa garde dans un tonneau , elle fe cor- rompt au bout de quelques jours, & IBoyie rapporte qu'un Navigateur prk par un calme qui dura treize jours, trouva la mer il infectée au bout de ce temps, que fi le calme n'eût ceiïe, ïa plus grande partie de Ton équipage auroit péri. Vol. 111, page 222. L'eau de ïa mer eft aufîi mêlée d'une huile bitu- mineufe, qui lui donne un goût défa- gréable & qui la rend très-mal -laine. La quantité de Tel que l'eau de la mer con- tient , eft d'environ une quarantième partie , & la mer eft à peu près égale- ment falée par-tout , au-defîus comme au fond , également fous la Ligne & au cap de Bonne -efpérance, quoiqu'il y ait quelques endroits, comme à la côie de Théorie de la Terre. y<) Mozambique, où elle eiî plus filée qu'ailleurs, Voye^ Boy le , vol. 1 II, page 217. On prétend aufïi qu'elle eft moins fàlée dans la zone ar clique , cela peut venir de la grande quantité de neige & des grands fleuves qui tombent dans ces mers, & de ce que la chaleur du foleil n'y produit que peu d'évaporation, en eomparaifon de l'évaporation qui fe fait dans les climats chauds. Quoi qu'il en foit , je crois que les vraies caufes de la ialure de la mer font non-feulement les bancsdeïei qui ont pu fè trouver au fond de la mer & le long des côtes , mais encore les fels mêmes de îa terre que les fleuves y transportent continuellement, & que Haliey a eu quelque raifon de pré fumer qu'au com- mencement du monde la mer n'étoit que peu ou point filée, qu'elle l'efl devenue par degrés & à mefure que les fleuves y ont amené des fels ; que cette falure aug- mente peut-être tous les jours & augmen- tera toujours de plus en plus, & que par conféquent il a pu conclure qu'en fai- fmt des expériences pour reconnoître la quantité de fel dont l'eau d'un fleuve D iiij 8© Hifîoire Naturelle. eft: chargée lorfqu'elle arrive à la mer, & qu'en fupputant ia quantité d'eau que tous les fleuves y portent, on viendroit à connoître l'ancienneté du monde par le degré de la faiure de ia mer. Les plongeurs & les pêcheurs de perles aflurent , au rapport de Boyle , que plus on defcend dans la mer , plus l'eau eft froide ; que le froid eft même fi grand à une profondeur confidérabie , qu'ils ne peuvent le fouffrir, & que c'eft par cette raifbn qu'ils ne demeurent pas auïîï long- temps fous l'eau , lorfqu'ils defcendent à une profondeur un peu grande, que quand ils ne defcendent qu'à une petite profondeur. Il me paroît que le poids de l'eau pourroit en être la caufe auffi-bien que le froid , fi on defcendoit à une grande profondeur , comme trois ou quatre cents brades ; mais à la vérité les plongeurs ne defcendent jamais à plus de cent pieds ou environ. Le même auteur rapporte que dans un voyage aux Indes orientales , au-delà de la Ligne, à envi- ron 3 5 degrés de latitude fud , on laifïa tomber une fonde à quatre cents brades de profoadeur, & qu'ayant retiré cette Tliéone de la Terre. 8 t fonde qui étoit de plomb & qui pefoiç environ 30^35 livres , elle étoit deve-r nue (ï froide , qu'il fembloit toucher un morceau de glace. On faitauiîl que les voyageurs, pour rafraîchir leur vin , des- cendent les bouteilles à plufieurs brades de profondeur dans la mer, & plus on les defcend, plus le vin elt frais. Tous ces faits pourroient fiire pre fu- mer que l'eau de-la mer efî plus filée au fond qu'à la furface; cependant on a des témoignages contraires , fondés fur des expériences qu'on a faites pour tirer dans des vafes, qu'on ne débouchoit qu'à un§ certaine profondeur, de l'eau de la mer, iaquelie ne s'eft pas trouvée plus filée quç celle de la furface ; il y a même des en- droits où Feau de la furface étant falée , l'eau du fond fe trouve douce , & cela doit arriver dans tous les lieux où il y a des fontaines & des fources qui fortentau fond de la mer, comme auprès de Goa 9 à Ormuz, & même dans la mer de Naples , où il y a des fources chaudes dans le fond. Il y a d'autres endroits où Ton a rer .marqué des fourççs fejtumjneufes & dâs D y " 82 'Hifloke Naturelle. couches de bitume au fond de la mer, fus arrivé au fommet de la troifièms j »> montagne, j'obfervai que dans l'efpace »> de trois lieues que je fis enfuite jufqu'à; » cette chute d'eau, quoiqu'il faille quel* » quefois monter , il faut encore piu$ » defcendre, & c'eft: à quoi ce^ voya- » geurs paroiflent n'avoir pas fait aflez » d'attention. Comme on ne peut appro- » cher la cafcade que de côté ni la voir » que de profil, il n'eft pas aiië d'enme- » furerla hauteur avec les inftrumens; on » a voulu le fiire avec une longue corde » attachée à une longue perche, & après ;» avoir fouvent réitéré cette manière, » on n'a trouvé que cent quinze ou cent » vingt pieds de profondeur, mais il an n'eit pas poffihle de s'aiïurer fi la y> perche n'a pas été arrêtée par quelque $ rocher qui avançoit, car quoiqu'on *> l'eût toujours retirée mouillée audi- y> bien qu'un bout de la corde à quoi el(e » étoit attachée , cela ne prouve rien , :» puifque l'eau qui fe précipite de la » montagne , rejaillit fort haut en écu^ *> mant ; pour moi , après l'avoir confi-r » dérée de tous les endroiis d'où on peu* Théorie de la Terre. 89 l'examiner à fon aife , j'eftime qu'on « ne fauroit lui donner moins de cent « iquarante ou cent cinquante pieds. ^ ce Quanta fa figure, elle eft enfer-à- ce cheval, & elle a environ quatre cents ce pas de circonférence ; maisprécifément « dans fon milieu elle eft partagée en « deux par une île fort étroite & d'un « demi-quart de lieue de long, qui y ce aboutit. Il eft vrai que ces deux parties ce ne tardent pas à fe rejoindre ; celle qui ce étoit de mon côté , & qu'on ne - voyoit ce que de profil, a plufieurs pointes qui ce avancent , mais celle que je découvrois ce en face me parut fon unie. Le Baron ce de la Hontan y ajoute un torrent qui ce vient de l'oueft , il faut que dans la ce fonte des neiges les eaux fauvages ce Tiennent fe décharger là par quelque de Théorie de la Terre. yf Davis, de Forbisher , &c. Robert Lade nous allure que les montagnes de Frifland .ont entièrement couvertes de neige , & [j:outes les côtes de giace, comme d'un boulevard qui ne permet pas d'en appro- cher: ce il eft, dit-il, fort remarquable Jque dans cette mer on trouve des îles « jie o-{ace de plus d'une demi-lieue de « i:our , extrêmement élevées, & qui ont ce I700U 80 brafîes de profondeur dans ce La mer; cette giace qui eft douce , eft ce peut-être formée dans les détroits des ce j:erres voifmes, &c. Ces îles ou mon- ce <:ao-nes de glace, font fi mobiles, que ce dans des temps orageux elles luivent ce a coude d'un vahTeau comme fi elles ce étoient entraînées dans le même fil- ce jlon : il y en a de fi grofles , que leur ce |(uperficie au-deffus de l'eau furpafle ce [l'extrémité des mâts des plus gros na- ce vires, &c. » Voye^ la Traduction des voyages de Lade, par Ai. I) Abbé Prévôt , tome II , page 3 0 j & fuiv. On trou ve dans le recueil des voyao-es qui ont (ervi à l'établiilement de la Corn- pagif c des Indes de Hollande, un petit journal hiilorique au fujet des glaces de $6 Hiflolre Naturelle: la nouvelle Zemble dont voici l'extrait * ! *c Au cap de Trooft le temps fut fi em- 1 » brume, qu'il fîillut amarrer le vaifTeau *> à un banc de glace quiavoit 3 6 brafTes j » de profondeur dans Tenu , & environ *> 1 6 braffes au-defTus , û bien qu'il a voit j 35 52 brafTes d'épaifTeur. . . . >3 Le 1 o d'août les glaces s'étant fera- is) re'es, les glaçons commencèrent à flot- j 55 ter , & alors on remarqua que le gros *> banc de glace auquel le vaifTeau avoit 33 été amarré, touchoit au fond, parce 3> que tous les autres paiToient au long Se » le heurtoient (ans l'ébranler ; on crai- >3 gnit donc de demeurer pris dans les 55 glaces, & on tâcha de fortir de ce » parage , quoiqu'en paiïant on trouvât » déjà l'eau prife, le vaifTeau flufant cra- » quer la glace bien loin autour de lui ; >3 enfin on aborda un autre banc , où l'on « porta vite l'ancre de toiiei , & Ton s'y *> amarra jufq u 'au fbir. ;* Après le repas, pendant le premier » quart, les glaces commencèrent à fe » rompre avec un bruit fi terrible, qu'ii » n'efî. pas poiTible de l'exprimer. Le >» vaifTeau avoit le cap au courant qui) j» charioit: Théorie de la Terre. py charioit les glaçons, û bien qu'il fallut ce filer du cable pour ie retirer; on compta ce plus de quatre cents gros bancs déglace ce qui enfonçoient de dix brades dans ce l'eau & paroiiïoient de la hauteur de couvert de terre fur le haut , & on y 3?» trouva près de quarante œufs; la cou- 3* leur n'en étoit pas non plus comme 3? ceîle de la glace , elle étoit d'un bleu ?* céiefte. Ceux qui étoi^at là raifon- y> lièrent beaucoup fur cet objet ; les uns 3> difoient que c'étoit un effet de la glace, » & les autres ibutenoient que c'étoit » une terre gelée. Quoi Jqu'i! en fût, ce 3» banc ètoit extrêmement haut , il avoit » environ dix-huit braffes fous l'eau & dix brafïes au-defïus. » Page 46 , &c, tome I , troifieme Voyage des Hollandois par le Nord. Wafèr rapporte que près de la terre de Feu il a rencontré piu fleurs glaces flot- tantes très-élevées, qu'il prit d'abord pour des îles : Quelques-unes , dit-il , paroiffent avoir une lieue ou deux de long , & la plus groffe de toutes lui parut avoir quatre ou cinq cents pieds de haut. Voye^ le Voyage de Wafer, imprimé à la fuite de ceux de Dampier, tome IV, p. 3 04. Toutes ces glaces, comme je l'ai dit Théorie de la Terre: y 9 dans l'article VI. mc viennent des fleuves qui les traniportent dans la mer; celles de la mer de la nouvelle Zemble & du détroit de Waigats viennent de l'Oby, & peut- être du Jénifca & des autres grands fleu- ves de la Sibérie & de la Tartarie ; celles du détroit de Hudfon viennent de la baie de l'Afcenfion, où tombent plufieurs fleuves du nord de l'Amérique ; celles de la terre de Feu viennent du continent auflral , & s'il y en a moins fur les côtes de la Lapponie leptentrionaîe que fur celles de la Sibérie & au détroit de Wai- gats, quoique la Lapponie feptentrionale ioit plus près du pôle , c'elï que toutes les rivières delà Lapponie tombent dans le golfe de Bothnie, &qu'aucunene va dans la mer du Nord ; elles peuvent auiïi fe former dans les détroits où les marées s'é- lèvent beaucoup plus haut qu'en pleine mer , & où par coniéquent les glaçons qui font à la furface , peuvent s'amon- celer & former ces bancs cic glaces qui ont quelques brades de hauteur ; mais pour celles qui ont quatre ou cinq cents pieds de hauteur, il me paroît qu'elles ne peuvent fe former ailleurs que contre Eij ioo Hifloke Naturelle. des côtes élevées, & j'imagine que dans le temps de la fonte des neiges qui cou- vrent le defïus de ces côtes , il en découle des eaux qui , tombant fur des glaces , fe glacent elles-mêmes de nouveau , & aug- mentent ainfi le volume des premières jufqu'à cette hauteur de quatre ou cinq cents pieds ; qu'enfuite dans un été plus chaud, par l'action des vents & par l'agi- tation de la mer , & peut-être même par leur propre poids , ces glaces collées contre les côtes fe détachent & voyagent enfuite dans la mer au gré du vent, & qu'elles peuvent arriver julque dans les climats tempérés avant que d'être entière^ inent fondues. Et Théorie de la Terre, ioî PREUVES DE LA THÉORIE DE LA TERRE. ARTICLE XI. Des Mers ir des Lacs. L 'OCÉAN environne de tous côtés les continens, il pénètre en piufieurs endroits dans l'intérieur des terres, tantôt pir des ouvertures a(Tez larges, tantôt par de petrs détroits ; il forme des mers méditerranées, dont ies unes participent Immédiatement à Tes mouvemens de fîux & de reflux , & dont les autres femblent n'avoir rien de commun que la conti- nuité des eaux : nous allons fuivre l'océan dans tous Tes contours, & faire en même temps i'énumération de toues les mers méditerranées ; nous tâcherons de les difïinguer de celles qu'on doit appeler golfes, & auffi de celles qu'on devroit regarder comme des lacs. E iij D 102 H\ flaire Naturelle. La mer qui baigne les côtes occiden- tales de la France , fait un golfe entre les terres de l'Efpagne & celles de la Bre- tagne , ce golfe que les Navigateurs appellent le golfe de Bïfcaye , eit fort €uvert , & la pointe de ce golfe la plus avancée dans les terres eft entre Bayonne & Saint-Sébaflien : une autre partie du golfe , qui e(t aufîi fort avancée , c'efl celle qui baigne les côtes du pays d'Au- nis à ia Rochelle & à Rochefort , ce golfe commence au cap d'Ortegal & finit à Breft , où commence un détroit entre la pointe de la Bretagne & le cap Lézard ; ce détroit , qui d'abord eil affez large , fait un petit golfe dans le terrein de la Normandie , dont la pointe k plus avan- cée dans les terres eft à Avranches ; le détroit continue fur une aflez grande largeur jufqu'au pas de Calais où il efl fort étroit , enfuite il s'élargit tout-à- coup fort confidérablement, & finit entre le Texel & la côte d'Angleterre à Nor- wich ; au Texel il forme une petite mer méditerranée qu'on appelle Zuiderçée , & plufieurs autres grandes lagunes ,~" dont les eaux ont peu de profondeur, Théorie de la Terre. 103 aufîi-bien que celles de Zuider^ée. Après cela l'océan forme un grand golfe qu'on appelle la mer tf Allemagne, ôc ce golfe pris dans toute fon étendue , commence à la pointe feptcntrionale de TEcofTe, en descendant tout le long des côtes orientales de l'Ecoiîe & de l'An* gleierre jufqu'à Norwich, de-ià au Texel tout le long des côtes de Hollande & d'Allemagne , de Jutland & de la Nor- vège jufqu'au-deiïus de Berguen ; on pourroit même prendre ce gran*d golfe pour une mer méditerranée, parce que les îles Orcades ferment en partie fon ouverture , & femblent être dirigées comme fi elles étoient une continuation des montagnes de Norvège. Ce grand golfe forme un large détroit qui com- mence à la pointe méridionale de ia Nor- vège , & qui continue fur une grande largeur jufqu'à l'île de Zéiande, où il fe rétrécit tout-à-coup, & forme entre les côtes de la Suède , les îles du Dane- marck & de Jutland, quatre petits dé- troits , après quoi il s'élargit comme un petit golfe , dont la pointe la plus avancée cil à Lubec ; de-ià il continue fur une E iiij î 04 Hifloire NaUneHc, n/Tez grande largeur jufqu'à l'extrémité méridionale de la Suède, enfuite il s'é- largit toujours depius en plus, & forme la mer Baltique, qui eftune mer médi- terranee qui s'étend du midi au nord dans une étendue de près de trois cents Iieue< en y comprenant le golfe de Bothnie ! ar l'océan , & fi ce qui eft rapporté dans les Lettres* édifiantes eft vrai , & qu'en ?ffet on ait découvert une quantité d'îles qu'on a appelées les nouvelles Philippines, & que leur pofition fok réellement telle qu'elfe eft donnée par le P. Gobien , on ne pourra guère douter que les îles les plus orientales de ces nouvelles Philippines ne foient .une continuation de la chaîne de montagnes qui forme les îles des Larrons ; car ces îles orientales , I i 8 Hiftoîre Naturelle. au nombre de onze , font toutes placées les unes au-deiïus des autres dans la même direction du nord au fud, elles occu- pent en longueur uïi efpace de plus de deux cents lieues , & la plus large n'a pas fept ou huit lieues de largeur dans la direction de l'eft à I'oueft. Mais fi l'on trouve ces conjectures trop hafardées , & qu'on m'oppoie les grands intervalles qui font entre les îles - voifineç du cap A va, du Jappon & celles des Cailanos , & entre ces îles & celles des Larrons , & encore entre celles des Larrons & les nouvelles Philippines, dont en effet le premier eit d'environ cent foixante lieues, le fécond de cin- quante ou foixante, & le troifième de près de cent vingt, je répondrai que les chaînes des montagnes s'étendent fou- vent beaucoup plus loin fous les eaux de ïa mer , & que ces intervalles font petits en comparailon de l'étendue de terre que préfementces montagnes dans cette direction , qui eft de plus de onze cents lieues , en les prenant depuis l'intérieur de la prefqu'île de Kamtfchatka. Enfin (i l'on fe refufe totalement à cette idée que Théorie de la Terre, I ip je viens de propofer au iuiet des cinq cents lieues que l'océan doit avoir ga- gnées fur les côtes orientales du conti- nent , & eie cette fuite de montagnes que je fais pafler par les îles des Larrons , on ne pourra pas s'empêcher de m'accorder au moins que Kamtfchatka , Yeço , fe Japon, les îles Bongo, Tanaxima, celles de Lequeo-grande , l'île des Rois , celle de Formofa, celle de Vaif, de Bashe , de Babuyanes, la grande île de Luçon, les autres Philippines, Mindanao, Gi- lolo, &c. & enfin la nouvelle Guinée qui s'étendent jufqu'à la nouvelle Bretagne fituée fous le même méridien que Kamtf- chatka, ne fafient une continuité de terre de plus de deux mille deux cents lieues, qui n'eu: interrompue que par de petits intervalles dont le plus grand n'a peut-être pas vingt lieues , en forte que l'océan forme dans l'intérieur des terres du continent oriental un très-grand golfe qui commence à Kamtfchatka & finit à la nouvelle Bretagne ; que ce golfe eft femé d'îles , qu'il eft figuré comme ie feroit tout autre enfoncement que les eaux pourroient faire à la longue en ï i o Hifloire Naturelle. agiffant continuellement contre des xu vages & des côtes, & que par confé- quent on peut conjecturer avec quelque vraiiembiance, que l'océan, par fou mouvement confiant d'orient en occi- dent, a gagné peu à peu cette étendue fur le continent oriental , & qu'il a de plus j formé les mers méditerranécs de Kamtf- chatka, de Corée, de ïa Chine, & peut- être tout l'Archipel des Indes, car la terre Sl la mer y font mêlées de façon qu'il paroît évidemment que c'eft un pays I inondé , duquel on ne voit plus que les \ éminences & les terres élevées , & dont les terres plus bafles font cachées parles ; eaux ; auffi cette mer n'eft-elle pas pro- fonde comme les autres, & les îles in- nombrables qu'on y trouve, ne font prefque toutes que des montagnes. Si l'on examine maintenant toutes ces mers en particulier, à commencer au détroit de la mer de Corée vers celle de ia Chine, où nous en étions demeurés, on trouvera que cette mer de ïa Chine forme dans fa partie feptentrionaïe un golfe fort profond , qui commence à l'île Fungma 9 & fe termine à la frontière de la province Théorie de h Terre. rit province de Pékin, à une difhnce d'en- viron 45 ou 50 Lieues de cette capitale de l'empire Chinois ; ce golfe , dans (à partie la plus intérieure & la plus étroite , s'appelle le golfe de Chanel : il eft très- probable que ce golfe deChangi & une partie de cette mer de a Chine ont été formés par l'océan , qui a inondé tout le plat-pays de ce continent, dont il ne relie que les terres les plus élevées , qui font les îles dont nous avons parlé; dans cette partie méridionale iont les golfes de Tunquin & de Siam, auprès duquel eft la prefqu'iie de Malaie formée par une longue" chaîne de montagnes , dont la direction eit du nord au fud , & les îles Andamans , qui lont une autre chaîne de montagnes dans la même direction , & qui ne paroiflent être qu'une fuite des montagnes de Sumatra. L'océan fait eniuite un grand golfe qu'on appelle lé golfe de Bengale, dans lequel on peut remarquer que les terres de la prefqu'île de l'Inde font une cou rbe concave vers l'orient, à peu près comme le grand golfe du -continent oriental , ce qui femble auiîi avoir été Tome IL F 12 2. Hifloire Naturelle. produit par le même mouvement de Po~ eéan d orient en occident; c'eit dans cette prefqu'ïle que font les montagnes de Gates , qui ont une direction du nord au fud juiqu'au cap de Comorin , ilfemble que l'île de Ceylan en ait été (éparée & qu'elle ait fait autrefois partie de ce conti- nent. Les Maldives ne font qu'une autre chaînede montagnes, dont la direction efl: encore la même , c eii-à-dire , du nord au fud ; après cela e(l la nier d'A rabie qui eft un treb-gran^ golfe, duquel partent quatre bras qui s'étendent dans les terres , les deux pius grands du côté de l'occident, & les deux plus petits du côté de l'orient; le premier de ces bras du côté de l'orient., eit le petit golfe de Cambaie , qui n'a gi ère que 50 à ^60 lieues de profon- deur , & qui reçoit deux rivières affez ce nfidé râbles, fa voir , le fleuve Tapti & îa rivière de Baroche , que Pietro délia -V;. le appelle le Mehi ; le fécond bras vers l'orient eft cet endroit fameux par la \ îteffe & la hauteur des marées , qui y font plus grandes qu'en aucun lieu du monde , en forte que ce bras, ou ce petit golfe tout entier , p'efl qu'une terre M Théorie âe la Terre. 1 2 f tantôt couverte par ie flux , & tantôt dé- couverte par le reflux, qui s'étend à plus de cinquante lieues : il tombe dans cet endroit piuiieurs grands fleuves, tels que l'Jndus , le Padar , &c. qui ont amené une grande quantité de terre & de limon à leurs embouchures, ce quia peu à peu élevé ie terrein du goife , dont la pente efl: fi douce . que la marée s'étend à une di flan ce extrêmement grande. Le pre- mier bras du golfe Arabique vers l'occi- dent efr. le goife Perfique , qui a plus de deux cents cinquante lieues d'étendue dans les terres , & le fécond ell la mer rouge, qui en a plus de fix cents quatre- vingts en comptant depuis l'île deSoco- tora; on doit regarder ces deux bras comme deux mers mcdicerranées, en les prenant au-delà des détroits d'Ormuz Ôc de Babelmandel; & quoiqu'elles foient toutes deux fujettes à un grand flux 6c reflux, & qu'elles participent par confé- quent aux mouvemens de l'océan , c'efl parce qu'elles ne font pas éloignées de l'Equateur où le mouvement des marées ell beaucoup plus grand que dans les autres climats ? & que d'ailleurs elles font f ij î24 Hïjloïre Naturelle. toutes deux fort longues & fort étroites I le mouvement des marées eft beaucoup plus violent dans la mer rouge que dans le golfe Perfique, parce que la mer rouge qui eft près de trois fois plus longue & prefque aufîl étroite que le golfe Perfique, ne reçoit aucun fleuve dont !e mouvement puifîe s'oppofer à celui du flux , au lieu que le golfe Per- fique en reçoit de très-confidérables à fon extrémité la plus avancée dans les terres. Il paroît ici affez vifiblementque- !a mer rouge a été formée par une irrup- tion de l'océan dans les terres ; car fi on examine le giiement des terres au-defTus & au-deflous de l'ouverture qui lui fert de pafîage, on verra que ce pafTage n'en1 qu'une coupure , & que de l'un & de l'autre côté de ce pafTage les côtes fuivent une direclion droite & fur la même ligne, la côte d'Arabie depuis le cap Rozalgate juiqu'au cap Fartaque étant-dans fi même direclion que la côte? d'Afrique depuis le cap de Guardafu jufqu'au cap de Sands. A l'extrémité de la mer rouge efl cette fameufe langue de terre qu'on appelle Théorie de la Terre, \ 1 5 Xijlhw.e de Ji/q, qui fait une barrière aux eaux cle la mer rouge & empêche iâ communication des mers. On a vu dans ie difcours précédent les rai Ions qui peu*3 vent faire croire que la mer rouge eft plus élevée que la méditerranée , & que 3i l'on coupoit Iifthme de Suez il pour- roit s'enfiiivre une inondation & une "augmentation de la méditerranée, nous -ajouterons a ce que nous avons dit , que quand même on ne voudroit pas conve- nir que la mer rouge fût plus élevée que ia méditerranée , on ne pourra pas nier 'qu'il n'y ait aucun fiux & reflux dans cette partie de la méditerranée voifine des bouches du Nil, & qu'au contraire il y a dans la mer rouge un flux & reflux très-confidérabie & qui élève les eaux de plufieurs pieds, ce qui feuî fuffiroitpour faire paiTer une grande quantité d'eau 'dans .la mer méditerranée fi i'illhme étoit rompu. D 'ailleurs, n ous avons unexempïe cité à ce fujet par Varenius , qui prouve, que les mers ne font pas également élevées dans toutes leurs parties; voicf ce qu'il en dit page 100 de fa Géo- graphie : Oceanus Germanicus , qui eji i 2 6 Bïjioire 'Naturelle. Ailanticipars, inter Frijîam & Hoïïandiam Je effundens , ejficit Jinum qui , etfi parvvs Jit refpeâu cekbrium jïnuum maris , tamen & ipfe d'îchur mare , aluitqiie Hollandiœ tmporium celeberrimum, AmJlelodamum.Non procul indè abejl lacus Harlemenfis , qui etiam mare Harlemenje dicilur. Hujus al- t'itudo non ejî m'mor altitudine Jhûs illius Be/gici , que m dix /mus , & ?nittitramum ad vrbem Leidam , ubi in varias fojfa s divarl- catur. Quoniam itaquenec lacus hic , neque Jinus ille , Hollandici maris inundant adja- centes agros (de naîuraii conjlitutione loquor non ubi tcmpejlatibus urgentur , propter quas aggeres fafli finî) .palet indè quod non fini ait i ores quam agri Hollandiœ. At verb Oceanum Germanicum ejfe altiorem quam terras hafee experlifunt Leidenfes, tùm fufcepifcent,fo(jam feu alvewn ex urbe fuâ ad Oceani Germanici littora , propè Cattorum vicum perdue ère ( ' dijlantia eji duorum milliariumj ut , recepto per alveum hune mari , peffent navigationem injlituere in Oceanum Germanicum , & hinc in varias terres regiones. Veriun enimverb cura mag- nam jam alvei part cm perfeciffent , dejïffere (oaâijhnt , quoniam çum demuw per obfer* Théorie de la Terre. 127 yationem cognïlum eft Oceani Getmanid aauam efte allïorem quam agrum inter Lei- dam & l'ittus Oceani ill'ius ; unde locus Me, ubifodtre defierunt , dicïtur H et malle Gat. Oceanus itaque Germanicus eft aliquaniùm, altior quam fmus Me Hollandicus , &c. Ainfi on peut croire que la mer rouge eft plus haute que la méditerranée , comme la mer d'Allemagne eft plus haute que la mer de Hollande. Quelques anciens Au- teurs, comme Hérodote & Diodore de Sicile, parlent d'un canal de communi- cation du Nil & de la Méditerranée aveC Ja mer rouge , & en dernierlieu M. De- Jifîc a donné une carte en 1704, dans laquelle il a marqué un bout de canal qui fort du bras le plus oriental du Nil , & qu'il juge devoir être une partie de celui qui faifoit autrefois cette communication du Nil avec la mer rouge. Voye^ les J\4ém* de l'Acad. des Sciences, an. 1 7 0 4.. Dans la troifième partie du Livre qui a pour titre , Comioijfance de F ancien A'Ionde , imprimé en 1707, on trouve îe même fentiment , & il y eft dit d'après Diodore de Sicile, que ce fut Néco, roi d'Egypte qui commença ce canal; F iii; Î28 -Hlfloke Naturelle» que Darius roi de Perle ïe continua, & que Ptolomée lî l'acheva & le conduit jufqu'à la ville d'Àrfinoé ; qu'il le fàiioit ouvrir & fermer félon qu'il en a voit befoin. Sans que je prétende vouloir nier ces faits, je fuis obligé d'avouer qu'ils me paroifïent douteux , & je ne fais pas fi la violence & la hauteur des marée* dans la mer rouge ne fe feroient rr • pas nécefiairement communiquées aux eaux de ce canal , il me femble qu'au nsoins il auroit fallu de grandes précau- tions pour contenir les eaux , éviter les inondations , & beaucoup de foin pour entretenir ce canal en bon état ; auffi les Hiftoriens qui nous difent que ce canal n été entrepris & achevé , ne nous difent pas s'il a duré , & les vertiges qu'on pré- tend en reconnaître aujourd'hui font •peut-être tout ce qui en a jamais été fiit. On a donné à ce bras de l'océan le nom *k mer rouge , parce qu'elle a en effet ceue couleur dans tous les endroits où il fe trouve des madrépores fur Ion fond ; voici ce qui eft rapporté dans Y Hijioire •générale des Voyages, tome I , pages 198 & 1 p p, ce Avant que de quitter la mer Théorie de la Terre. I 2 p Touge, D. Jean examina quelles peu- ce vent avoir été les raifons qui ont fait ce donner ce nom au golfe Arabique par « les Anciens, & fi cette mereft en effet ce différente des autres par la couleur ; ii ce obferva que Pline rapporte plufieurs ce fentimens fur l'origine de ce nom , les ce uns îe font venir d'un Roi nommé ce Érythros qui régna dans ces cantons , ce & dontie nom en grec fiçrniiie rouge; ce d'autres fe font imaginé que la refîe- ce ixion du Soleil produit une couleur ce ■rougeâtre fur la iurface de l'eau , & ce d'autres que Feau du golfe a naturelle- ce ment cette couleur, [.es Portugais qui ce a voient déjà fait plufieurs voyages à ce l'entrée des détroits , affuroient que ce toute la côte d'Arabie étant fort rouge, ce îe fable & la pouiîière qui s'en déta- ce choient , & que îe vent poufîoit dans la ce mer, teignoient les eaux de la même ce couleur. ce D. Jean qui, pour vérifier ces opi- ce nions, ne ceiïa point jour & nuit de- ce puis fon départ de S ocotora, d'obfer- ce ver la nature de l'eau &ïes qualités des c< côtes jufqu'à Suez,- affure que loin « Fy i 3 o Ht flaire Naturelle. :» d'être naturellement rouge , l'eau eiji 35 de la couleur des autres mers, & que 3j ie labié ou la pouilière n'ayant rien 33 de rouge non plus , ne donnent point 35 cette teinte à l'eau du golfe. La terre, 35 fur les deux côtes, eit généralement 35 brune , & même noire en quelques 35 endroits ;, dans d'autres lieux elle eii >3 blanche : ce n'eft qu'au-delà de Sua- ^ quen, c'eft-à-dire, fur des côtes où les 35 Portugais n'av oient point encore péné- 33 tré , qu'il vit en effet trois montagnes 35 rayées de rouge , encore étoienî-elJes .>5 d'un roc fort dur , & le pays vpifin » étdit de la couleur ordinaire. 55 La vérité donc efî que cette mer , 35 depuis l'entrée jufqu'au fond du golfe , 35 eft par-tout de la même couleur , ce :>5. qu'il ell facile de fe démontrer à foi- os même en puifant de l'eau à chaque lieu ; 35 mais il faut avouer aufïi que dans quel- 35 ques endroits elle paroît rouge par 35 accident, & dans d'autres verte & blan- 35 che , voici l'explication de ce phéno- 33 mène. Depuis Suaquen jufqu'à KoiTir, 35 c'efi-à-dire pendant l'efpacc de i 3 6 >? lieues j ia mer eft remplie de bancs & Théorie de la Terre. ï 3 1 de rochers de corail ; on leur donne ce ce nom, parce que leur forme & leur cou- ce leur les rendent fi femblables au corail, ce qu'il faut une certaine habileté pour ne ce pas s'y pomper; ils croifient comme c« des arbres, & leurs branches prennent ce la forme de celles du corail; on en dii- ce tingue deux loncs , l'une blanche & ce l'autre fort rouge; ils font couverts <* en pluneurs endroits d'une eipèce de ce gomme ou de gîue verte , & dans d'au- ce très lieux , orange- foncé. Or l'eau de c< cette mer étant plus claire & plus tranf- « parente qu'aucune autre eau du monde, cè- de forte qu'à 2c hralTes de profondeur ? le teindre en rouge ; ainfi comme les. » rocs de cette couleur loin plus fré- 3? quens que les blancs & les verts, Dom y> Jean conclut qu'on a dû donner au » golfe Arabique le nom de mer rouge 33 plutôt que celui de mer verte ou blan- 33 che ; il s'applaudit de cette découverte 33 avec d'autant plus de raifon , que la 33 méthode par laquelle il s'en étoitafîuré >3 ne pouvoit lui lailfer aucun doute. II 33 fàiibit amarrer une flûte contre les rocs 33 dans les lieux qui n'avoient point aOez 33 de profondeur pour permettre aux 33 vaiifeaux d'approcher , & fou vent les 33 matelots pouvoient exécuter fes ordres 33 à leur aile, (ans avoir la mer plus haut 33 que l'eilomac à plus d'une demi-lieue .-33 des rocs; la plus grande partie des 33 pierres ou des cailloux qu'ils en ti- D3 roient, dans les lieux où l'eau paroifïoit 33 rouge, avoient auffi cette couleur; dans 33 l'eau qui paroifïoit verte, les pierres 33 étoient vertes, 6i fi l'eau paroifïoit blan- 33 che, le fond étoit d'un fable blanc, 33 où l'on n'apercevoit point d'autre mé- lange, » Théorie de la Terre. 133 Depuis l'entrée de la mer rouge au cap Guardafu jufqu'à la pointe de l'A- frique au cap de Bonne - efpérance 5 l'océan a une direction afîez égale , & il ne forme aucun golfe confidérable dans l'intérieur des terres ; il y a leulement une efpèce d'enfoncement à la côte de Mélinde, qu'on pourroitregarder comme fàifànt partie d'un grand golfe, fi l'île de Aladaaafcarétoit reunie à la terre ferme ; il efr. vrai que cette î!e , quoique féparée par le large détroit de Mozambique , pa- roît avoir appartenu autrefois au conti- nent , car il y a des fables fort hauts & d'une vafle étendue dans ce détroit, lur- tout du côté de Madagafcar ; ce qui relie de pafîage a b fol u ment libre dans ce dé- troit, n'eft. pas fort confidérable. En remontant la côte occidentale de l'Afrique depuis le cap de Bonne-efpé- rance jufqu'au cap Néoro, les terres font droites & dans la même direction ; & ii fembie que toute cette longue côte rre foit qu'une fuite de montagnes ; c'efl au moins un pays élevé qui ne produit ,.. dans une étendue déplus de 500 lieues, aucune rivière confidérable; à l'exception I j 4 Hifloire Naturelle. d'une ou deux dont on n'a reconnu que {'embouchure ; mais au-delà du cap Négro la côte fa'u une courbe dans les terres qui, dans toute l'étendue de cette courbe , paroiilentétre un pays plus bas que ie refte de l'Afrique , & qui eft arrofé de plufieurs fleuves dont les plus grands font le Coanza & ie Zaire ; on compte depuis le cap Négro jufqu'au cap Gonialvez vingt-quatre embouchures de rivières toutes confidérabies , & l'efpace contenu entre ces deux caps eil d'en- viron 420 lieues en fuivant les côtes. Ou peut croire que l'océan a un peu gagné fur ces terres b a (Tes de l'Afrique, non pas par fon mouvement naturel d'orient en occident , qui efr. dans une direction contraire à celle qu'exigeroit l'effet dont il eit queflion , mais feulement parce que ces terres étant plus balles que toutes les autres, il les aura furmomées & mi- nées prefque ians effort. Du cap Gonial- vez au cap des Trots-pointes , l'océan forme un golfe fort ouvert qui n'a rien de remarquable, finon un cap fort avancé & fîtué à peu près dans le -milieu de l'éten- due des côtes qui forment ce golfe , oa Théorie de la Terre. 135 Tappelle le cap Formofa , il y a aufïi trois îles dans la partie la plus méridionale de te golfe , qui font les îles Fernandpo , du Prince & de Saint-Thomas; ces îles paroiiïent être la continuation d'une chaîne de montagnes fituée entre Rio dei }\ey & le fleuve Jamoer. Du cap des Trois-pointes au cap Paimas, l'océan rentre un peu dans les terres , & du cap Paimas au cap Tagnn il n'y a rien de remarquable dans le giiement des terres ; mais auprès du cap Tagrm l'océan fait un très-petit golfe dans les terres de Sierra- Liona , & plus haut un autre encore plus petit où font les îles Biiagas; enfuite on trouve le cap Vert qui elt fort avancé dans la mer, & dont il parok que les îles du même nom ne (ont que la conti- nuation , ou , fi l'on veut , celle du cap Blanc qui e(l une terre élevée , encore plus confidérahle & plus avancée que celle du cap Vert. On trouve enfuite la côte montagneufe & sèche qui com- mence au cap Blanc & finit au cap Baja- dor ; les îles Canaries paroifîent être une continuation de ces montagnes: enfin entre les terres de Portugal & de l'A fnque> î 3 6 Hïfwïre Naturelle. l'océan fait un golfe fort ouvert, au milieu duquel eit le fimeux détroit de Gibraltar, par lequel l'océan coule dans îa méditerranée avec une grande rapidité; cette mer s'étend à près de ooo lieue$ dans l'intérieur des terres , & elle a plu* fieurs choies remarquables; première- ment elle ne participe pas d'une manière fenfible au mouvement de fîux & dé reflux , & il n'y a que dans le golfe de Venile où elle le rétrécit beaucoup, que ce mouvement le fait fèmir; on prétend auiîi s'être aperçu de quelque petit mou- vement à Marleille & à îa côte de Tri- poli: en fécond lieu, elle contient de I frandes îles , celle de Sicile , celles dé ardaigne , de Corfe, de Chypre, de I Majorque, &c. & l'une des plus grandes pre( qu'îles du monde , qui eit l'Italie } elle a auiîi un archipel , ou plutôt c'eit de cet archipel de notre mer méditerranée que les autres amas d'îles ont emprunté ce nom; mais cet archipel de la mécliterra-* née me paroît appartenir plutôt à la mer noire , & il femble que ce pays de la G rèce ait été en partie noyé par les eaux furabondantes de la mer noire , qui Théorie de la Terre» 137 coulent dans la mer de Marmora, & de-là dans la mer Méditerranée. Je lais bien que quelques gens ont prétendu qu'il y avoit dans le détroit de Gibraltar un double courant, l'un in- férieur qui portoit l'eau de l'océan dans îa méditerranée , & l'autre inférieur, dont l'effet, diient-iis, eft contraire; mais cette opinion eft évidemment faillie & contraire aux loix de l'Hydroftaiique: on a dit de même que dans piufieurs autres endroits il y avoit de ces courans inférieurs, dont ia direction étoit oppo- fee à celle du courant fupérieur, comme dans le Bofphore, dans le détroit du Sui roulent donc tous les deux avoir éui rongés parl'oçéan à la même' hauteur & à la même profondeur dans ïes terres, tous deux ont eniuite une vaille mer mediter- rnnee & une grande quantité d'îles qui iom encore (nuées à peu près à la même eur ; la leuîe diîitreuce eil: que ['an- cien comment étant beaucoup plus large que le nouveau, il y a dans la partie oc- cidentale de cet ancien continent une mer as meciiterranee occ;e.eiiia;e qui ne peut p le trouver dans le nouveau conf- inais il paroit que tout ce qui eil arrivé aux terres orientales de l'ancien monde, eft auili arrivé de même aux terres orien- tales du nouveau monde. & quec'eft à peu près dans leur milieu & à la même hauteur que s'eil faite (a plus grande deiln. Théorie de la Terre. 147 ctes terres, parce qu'en effet c'eft dans ce milieu &i|iaprèsde l'cquateurqu'eitle plus grand mouvement de l'océan. Les côtes delà Guiane , comprîtes en- tre l'embouchure du fleuve Orônoque & celle de la rivière des Amazones, n'olirent rien ce remarquable ; mais cette rivière, la plus large de l'Univers , forme une étendue d eau confidérable auprès de Ceropa, avant que d'arriver à la mer par deux bouches différentes qui forment l'île de Caviana. De l'embouchure de la rivière des Amazones juiqu'au cap Saint- ■Roch la côte va preique droit de i'ouefl à i'eff, du cap Saint- Roch au cap Saint- gjbuguflin elle va du nord au fud, & du cap Saint-Augufiin à la baie de tous ies Saints eiie retourne vers i'ouefl: ; en forte que cette partie du Bien! fait une avance confïderable dans la mer, qui regarde directement une pareille avance de terre que fait l'Afrique en lensoppolé. La baie de tous ies Saints efl un petit bras de l'o- céan qui a environ cinquante lieues de profondeur dans les terres , & qui eft fort fréquenté des Navigateurs, De cette baie jufqu'au cap de Saint-Thomas la ci Ci; '«48 H i foire Naturelle. droit du nord au midi , & en fuite dans une direction fud-ouefi juiqu'à l'embou- chure du fleuve de la Plaça , où la mer fait un petit bras qui remome à près de cent lieues dans les terres. De-Ià à l'ex- trémité de l'Amérique l'océan paroît faire un grand golfe terminé par les terres voi fines de la terre de Feu , comme l'île Faikland, les terres du cap de l'AiTomp- tron, L'île Beauchéne, & les terres qui forment le , détroit de la Roche, décou- vert en 1671 : on trouve au fond de ce .golfe le détroit cTe Magellan, qui en1 le p!us long de tous les détroits, & où le flux & reflux efl: extrêmement fenfible ; au-delà efl: celui de le Maire, qui efl: plus court & plus commode , & enfin le cap Horn qui efl la pointe du continent de l'Amérique méridionale. On doit remarquer au fujet de ces pointes formées par les continens , qu "elles font toutes pofées de la même façon, elles regardent toutes le midi, & la plupart font coupées par des détroits qui vont de l'orient à l'occident ; la première efl: celle de l'Amérique méri- dionale qui regarde le midi ou le pôle Théorie de In Terre. 149 auftral , & qui eft coupée par le détroit de Magellan ; la féconde eft celle du Groenland , qui regarde aufTi directement le midi , & qui eft coupée de même de l'efl à l'oueft par les détroits de For- bisher ; la troifième eft celle de l'Afrique, qui regarde aitffi le midi , & qui a au- deî.i du cap de Bonne-efpérance des bancs & des haut-fonds qui paroiiïent en avoir été féparés ; la quatrième eft la pointe de la prefqu'île del'ïnde, qui eft coupée par un détroit qui forme l'île de Ceyian , & qui regarde le midi , comme toutes les autres. Julqu'icinous ne voyons pas qu'on puiffe donner la raiion de cette /inguhrhé, & dire pourquoi les pointes de toutes les grandes prefqu'îies font toutes tournées vers le midi , & prefque toutes coupées- à leurs extrémités par des détroits. En remontant de la terre de Feu tout le long des côtes occidentales de l'Amé- rique méridionale, l'océan rentre allez considérablement dans les terres , & cette côte femble fuivre exactement la direc- tion des hautes montagnes qui traver- fent du midi au nord toute l'Amérique G iij ï 5 o HiÇmire Naturelle. méridionale depuis i'équàteur jufqurà îS terre -de Feu. Près de l'equateur l'océan fait un golfe allez eonfidérahie, qui com- mence au cap Saint- François & s'étend jufqu'à Panama, où eftle fanieux ifth'me qui, comme celui de Suez , empêche la communication des deux mers, &" fans ïefqueis il y aurok une féparation en- tière de l'ancien & du nouveau conti- nent en deux parties ; de- là il n'y a rien' de remarquable jufqu'à la Californie, qui eft une pieiqu'ue fort ion crue entr-e les terres de laquelle & celles du nouveau Mexique l'océan fait un bras qu'on ap- pelle la mer Vermeille, qui a plus de 200 lieues d'étendue en [©rigueur. Enfin on o fî les côtes occidentales de la Cali- fornie iui qu'au 4?.n!t degré , & à cette latitude, Drabe, qui le premier a fait la découverte de la terre qui efl au nord de la Californie, & qui l'a appelée nou- velle Albion, fut obligé à cauTe de la rigueur du froid ; de changer fà route , & de s'arrêter dans une petite baie qui porte ion nom, defone qu'au-delà du 43 , e ou du ±±. ms décrié les mers de ces climats n ont pas ete reconnues > non plus que Thème Je h Terre» 151 |es terres de l'Amérique (èpteirrionalij les derniers peuples qui (ont con- . nus, font les Moozoemki i'ous le 48. mc degré, & les Aiîmiboïis fous le 5 1 .RK', <3c les premiers font beaucoup plus reculés frers Toueil que les féconds. Tout ce qui cil au-delà, ici; terre, ioit mer, dans une étendue de plus de 1 00c lieues en ioncueur . & d'autant en largeur, cil inconnu , à moins que les Moicovues dans leurs dernières navigations n'aient, comme ils l'ont annoncé, reconnu une partie de ces climats en partant de Kamtf- çhatka qui cil la terre la plus voifîne du cote' de L'orient. L'océan environne donc toute la terre Kins interruption de continuité , & on peut foire le tour du globe en paflant à la pointe de l'Amérique méridionale, mais on ne (ait pas encore il l'océan en- vironne de même la partie ieptentrionale du globe , & tous les navigateurs qui ont tenté d'aller d'Europe à la Chine parle -nord-cft ou par le nord-ouell, ont égale- ment échoué dans leurs entrepr'fes. Les lacs dînèrent des mers méditerra- 4itcs en cexu-i'ils ne tirent aucune eau de G ii ij [I 5 2 Htfloire Naturelle. l'océan , & qu'au contraire s'ils ont com- munication avec les mers , ils leur fournif- fent des eaux , ainfi fa mer noire que quel- ques Géographes ont regardée comme une fuite delà mer méditerranéen & par conféquent comme un appendice de l'océan, n'eft qu'un lac , parce qu'au lieu de tirer des eaux de la méditerrnnée elle lui en fournit, & coule avec rapidité par le Bofphore dans le lac appelé mer de Marmara , & âc~\d. par le détroit des Dardanelles dans la mer de Grèce. La mer noire a environ 250 lieues de lon- gueur fur 1 00 de largeur , & elle reçoit un grand nombre de fleuves dont les plus confidérables font le Danube , le Nîéper, le Don, le Boh, le Donjec , &c. Le Don qui fe réunit avec ie Donjec, forme , avant que d'arriver à la mer noire , un lac ou un marais fort confidérable , qu'on appelle le Palus Méotide , dont l'étendue eft de plus de 1 00 lieues en longueur fur 20 ou 2 5 de largeur. La mer de M armera , qui eft au-detTous de la mer noire , efl un lac plus petit que le Palus Méotide, & il n'a qu'environ 50 lieues de longueur fur 8 ou y de largeur» Théorie de la Terre. 153 Quelques anciens, & entr'autres Dio dore de Sicile , ont écrit que le Pont- Euxin ou la mer noire , n'étoit autrefois que comme une grande rivière ou un grand lac , qui n'avoit aucune commu- nication avec la mer de Grèce ; mais que ce grand lac s'étant augmenté confidé- rabkment avec le temps par les eaux des fleuves qui y arrivent , il s'étoit enfin ouvert un pafîage , d'abord du côté des îles Cyanées , & en fuite du côté de ï'Helieipont. Cette opinion me paroît affez vraifemblable, & même il eft facile d'expliquer le fait , car en fuppofant que ïe fond de la mer noire fut autrefois plus bas qu'il ne l'efl: aujourd'hui , on voit bien que les fleuves qui y arrivent auront élevé le fond de cette mer par le limon & les fables qu'ils entraînent , & que par confequent il a pu arriver que la furface de cette mer fe foit élevée afTez pour que l'eau ait pu fe faire une ifïue ; & comme ïes fleuves continuent toujours à amener du fable & des terres, & qu'en même temps la quantité d'eau diminue dans les fleuves, à proportion que les montagnes dont ils tirent leurs fources , s'abaifTent^ G v J 54 Hiftoire Naturelle, il peut arriver par une longue fuite do fiècles que le Bofphore le remplifîejf I mais coiuine ces effets dépendent de plu- sieurs eau Tes , il n'efl guère poflibie de I donner fur cela quelque choie de plus? I que de (impies conjectures. C'eft fur ce témoignage des Anciens que M. de Tour- nefort dit dans fon voyage du Levant,. : que la mer noire recevant les eaux d'une grande partie de l'Europe & de l'A fie > \ après avoir augmenté considérablement, i s'ouvrit un chemin par le Bofphore, & en fuite forma la méditerranée ou l'aug- menta n considérablement , que d'un lac qu'elle étoit autrefois , elle devint une grande mer, qui, s'ouvrit enfuite eiie- même un chemin par le détroit de Gi- braltar, & que c'elt probablement dans ce temps que l'île Atlantique dont parle Platon, a été fubmergée. Cette opinion ' ne peut le ioutenir, dès qu'on eft afluré* que c'efl: l'océan qui coule dans la médi- terranée, & non pas la méditerranée dans î'océan ; d'ailleurs M. de Tournefort n'a pas combiné deux faits efientiels , & qu'il rapporte cependant tous deux , le pre- mier, c'eiï que la mer noire reçoit neuf Théorie de la Tare. I 5 5 ou dix fleuves, dont il n'y en a pas m> qui ne lui fournilTe plus d'eau que le Boiphore n'en laifle fortir; le fécond, c'eit que la nier médiierranee ne reçoit pas plus d'eau par les fleuves que la mer noire, cependant elle efl fept ou huit fois plus grande, & ce que le Bofphorelui fournit ne fût- pas la dixième partie de ce qui tombe dans la mer noire; com- ment veut-il que cette dixième partie de ce qui tombe dans une petite mer , ait formé non-feulement une grande mer, niais encore ait fi fort augmenté la quan- tité des eaux , qu'elles aient renverfé les, terres à l'endroit du détroit, pour aller enfuiie (ubmerger une île plus grande que l'Europe', il eiî aife de voir que cet endroit de M. de Toumefort n'eil pas afiez réfléchi. Lamerméditerranéetireau contraire au moins dix fois plus d'eau de i'octan, qu'elle nen tire de la mémoire, parce que Te Bofphorcn'a que 800 pas de largeur dans l'endroit le plus étroit , au lieu que le détroit de Gibraltar en a plus de 5000 dans l'endroit le plus ferré, & qu'en fuppofant les V-îtefles égaler dans l'un & dans l'autre détroit , celui de G y) î 5 6 Hifiolre Naturelle. Gibraltar a bien plus de profondeur. M. de Tournefort qui plaifante fur Polybe au fu jet de l'opinion que le Bof- phore fe remplira, & qui la traite de iàuiTe prédiction , n'a pas fait allez d'at- tention aux circonftances, pour pro- noncer comme il le fait, fur i'impoiTi- bilité de cet événement. Cette mer qui reçoit huit ou dix grands fleuves, dont Ja plupart entraînent beaucoup de terre , de fable & de limon , ne fe remplit-elle pas peu à peu ! les vents & le courant naturel des eaux, vers le Bofphore,ne doivent-ils pas y tranfporter une partie de ces terres amenées par ces fleuves î il efl: donc au contraire très-probable que par la fuccefîioh des temps le Bofphore le trouvera rempli , lorfque les fleuves qui arrivent dans la mer noire auront beaucoup diminué : or tous les fleuves diminuent de jour en jour, parce que tous les jours les montagnes s'abaifTent , les vapeurs qui s'arrêtent autour des montagnes étant les premières fources des rivières, leur grolTeur & leur quantité d'eau dépend de la quantité de ces va** peurs, qui ne peut manquer de diminuer Théorie de h Terre. 157 à mefure que les montagnes diminuent de hauteur. Cette mer reçoit à la vérité plus d'eau par les fleuves que la méditerranée , & voici ce qu'en dit le même auteur : « Tous le monde lait que les plus grandes eaux ce de l'Europe tombent dans la mer noire c< par le moyen du Danube, dans lequel ce ie dégorgent les rivières de Suabe, de ce Franconie, de Bavière, d'Autriche, de « Hongrie, de Moravie, de Carinthie, ce de Croatie , de Bothnie , de Servie , de ce Tranfilvanie , de Valachie : celles de la ce RuiTie noire & delà Podoîicfe rendent ce dans la même mer par le moyen du ce Nieller; celles des parties méridionales ce & orientales de la Pologne, de la Mof- ce covie feptentrionale , & du pays des ce Cofaques, y entrent par leNiéperou <* Borifthène; le Tanaïs & le Copa ar- ce rivent auiîi dans la mer noire par le ce Bofphore:Cimmérien; les rivières de la ce Mingrelie, dont Je Phafe eft la princi- ce pale, ie vident auiïi dans la mer noire , ce de même que le Calalmac, le Sangaris & ce ïes autres fleuves de l'A fie mineure qui ce ont leur cours yers le nord ; néanmoins * [I 5 8 Hîflohe Naturelle. *> le Bofphore de Thracen'efl: comparable à aucune de ces grandes rivières*. >* Voye^ Voyage du Levant , de Tourne f or t> roi. J /, page 123, Tout cela preuve que l'évaporation fuffit pour enlever une quantité d'eau très-confidérabie , & c'eft à cauie de cette grande évaporation qui fe fait fur la mc- diterranée , que l'eau de l'océan coule! continuellement pour y arriver par léj déiroit de Gibraltar. Il eft allez difficile de juger de la quantité d'eau que reçoit une mer, il fàudroit connohre la largeur, îa profondeur ck la vheiîe de tous les fleuves qui y arrivent , lavoir de coin-, bien ils augmentent & diminuent dans les diiïérentes iaiions de l'année ; & quand même tous ces faits leroient acquis , le plus important & le plus difficile relie encore , c'eli de (avoir combien cette mer perd par l'évaporation, car en la fuppofant même proportionnelle aux furftees , on voit bien que dans un climat chaud elle doit être plus confidé-- rable que dans un pays froid; d'ailleurs l'eau mêlée de fe! & de bitume s'évapore plus lentement que l'eau douce ? une mer Théone de la Terre. I 5 9 agitée, plus promptement qu'une mer (tranquille, la différence de profondeur yfaitaufîi quelque choie; en forie qu'il entre tant d'élémens dans cette théorie de l'évaporation , qu'il n'eft guère pofîlble de fi ire fur cela des eftimations qui foient exactes. L'eau de la mer noire paroît être moins claire , & elle eft beaucoup moins fàlée que celle de l'océan. On ne trouve aucune île dans toute l'étendue de cette mer, les tempêtes y fonttrès-yiolentes & plus dangereufes que fur l'océan, parce que toutes les eaux étant contenues dans im baffiri qui n'a pour ainfi dire, aucune ifTue , elles ont une efpèce de mouve- ment de tourbillon-, lorfqu'eîles font ao-itées, qui bat les vaiiieaux de tous les côtés avec une violence infupportable. Voye7v les Voyages de Chardin , page 1 42. Après la mer noire le plus grand lac de l'Univers eft la mer Cafpienne, qui s'étend du midi au nord fur une longueur d'environ 300 lieues, & qui n'a guère que 50 lieues de largeur en prenant une meiure moyenne. Ce lac reçoit l'un des jpïus grands fleuves du monde, quieitle i 6o Hifloire Naturelle. Volga, & quelques autres rivières con- fidérabïes, comme celles de Kur, de i Faie , de Gempo , mais ce qu'il y a de ! fingulier, c'eft qu'elle n'en reçoit au- j eu ne dans toute cette longueur de 300 ij lieues du côté de l'orient : le pays qui j ïavoifine de ce côté , efl: un déiert de fable que perfonne n'a voit reconnu juf- qu'à ces derniers temps ; le Czar Pierre I l.cr y ayant envoyé des Ingéniears j pour lever la carte de la mer Caipienne , I il s'efï trouvé que cette mer avoit une I figure tout -à -fait différente de celle qu'on lui donnoit dans les cartes géogra- | phiques ; on la reprélentoit ronde, elle efl fort longue & allez étroite; on ne connoif ! foit donc point du tout les côtes orientales de cette mer , non plus que le pays voifin , ! on ignoroit jufqu'à l'exiftence du lac j Aral, qui en efl éloigné vers l'orient ! d'environ 1 00 lieues , ou fi on connoif- foit quelques-unes des côtes de ce laç Aral, on croyoit que c'étoit une partie de la mer Cafpienne , en forte qu'avant les découvertes du Czar il y avoit dans ce climat un terrein de plus de 300 lieues de longueur fur 1 00 & 1 5 o de largeur Théorie de la Terre. i 6 I qui n'étoit pas encore connu. Le lac Araï eft à peu près de figure oblongue , & peut avoir po ou i oo lieues dans ù plus grande longueur, fur 50 ou 60 de lar- geur; il reçoit deux fleuves très-confi- dérables, qui font le Sirderoïas & i'Oxus, : & les eaux de ce lac n'ont aucune iiTue , ' non plus que celles de la mer Cafpienne; 1 i& de même que la mer Cafpienne ne jreçoit aucun rîeuve'du côté de l'orient, :1e ia<: Aral n'en reçoit aucun du côté : de l'occident , ce qui doit faire pré fumer : qu'autrefois ces deux lacs n'en formoient ' qu'un feul , & que les fleuves ayant di- . minué peu à peu & ayant amené une très- grande quantité de fable & de limon , tout le pays qui les fépare aura été formé de ces fables. Il y a quelques petites îles ' .'dans la mer Cafpienne, & fes eaux font beaucoup moins (liiées que celles de i'o- |céan,les tempêtes y font auiîi fortdan- Jgereufes, & les grands bâtimens n'y font jbas d'ufage pour la navigation, parce \ bu'eile eft peuprofonde & feméede bancs IR d'écueils au-delTcus de la furface de ; l'eau : Voici ce qu'en dit Pietro délia f jValie , tome III, page 235* r Les plus "î 6 2 Hiftbîre Naturelle, 33 grands vaiffeaux que l'on voit fur h 1 35 mer Caipiehne le lourdes côtes de (al 3> province de Mazande en Perle , où eil I r> bâtie la ville de Ferhahad, quoiqu'il I j> ies appellent navires, me paroifierïtl 35 plus petits que nos Tartanes; ils (ont! 35 fort hauts de bord, c-nroivjent peu dai^ 1 :» l'eau, & ont Se fond plat, ils d arment I 3> aulîi cette forme à leurs vaifîeaux, noi» I ^ feulement à eau fe que la mer Caipienraj i » n'eft pa profonde à la rade & far les I 33 côtes, mais encore parce qu'elle eil] » remplie de bancs de (abie , & que les! » eaux font balles en pïufieurs endj ?5 tellement que fi les vaifîeaux n'étoierjjl >3 fi briqués de cette fiçon , on ne pouii 35 roit pas s'en (ervir fur cette mer. Cejj i 35 tainement je m'étonnois, & avec -quel 5^ que fondement, ce me fembîe, pour-» 35 quoi is ne pê choient à Fcrh.badquè 35 des faumons qui te trouvent ài'embou-r 3? chute du fleuve, & de certains eiluw 33 geons , très-ma! conditionnés, de m ê i ne 33 que piufieurs autres fortes de poilions 3> qui ie rendent à l'eau douce , & qui 33 ne valent rien; & comme j'en attribue! 33 la caufe à fififuffifancè qu'ils ont eu Théorie de la Tare. i 63 'art clc naviper & de pêcher, ou à la <:<: Mainte qu'ils avtoreiit de ie perdre s'ils ce i en haute mer , p ^rce que je ce d'ailleurs que Ses Perians ne font ce • Boas d'habiles gens fur cet élércfent, & ce ku'ils n'entendent prefque pas la navi- u fcatien; îe Chain d'Elterabad qui fait « |à réfidence fur ie port de mer , & à qui ce [par conféquent les rai ions n'en font pas te Inconnue?, par l'expérience qu'il en a, ce n'en débita une, lavoir, que les eaux ce Ifont il baffes à 20 & 30 milles dans la ce Strier, qu'il cft impofïible d'y jeter des ce, [filets qui aillent au fcnd7 & d'y faire ce lâucune pêche qui foit de la confé- ce Iquence de celles de nos tartanes ; de ce Iforte que c'eft par cette raiion qu'ils ce ■forment à leurs vufîeaux la forme que ce fcé vous ai marquée ci-defîus , & qu'ils ce [ne les montent d'aucune pièce de ca- ce Irion ; parce qu'il fe trouve fort peu ce jde Corf aires & de Pirates qui courent ce . cette nier. ^. Struys, le P. Avril & d'autres voya- Igeurs ont prétendu qu'il y avoit dans le Ivoifinacre de Kilam deux gouffres où les eaux de la mer Caipienne étoient englou- 164 Hïflotre Naturelle. ties , pourfe rendre en fuite par des ca îiaux fouterrains dans le golfe Pérfique de Fer& d'autres Géographes ont mêirn, marqué ces gouffres fur leurs cartes, ce- pendant ces gouffres n'exiftent pas, le] gens envoyés par le Czar s'en font affu- rés. Voy. les Mém de PAcad des Sciences année i 72 / .Le fait des feuilles de faul< qu'on voit en quantité fur le golfe Pér- fique , & qu'on prétendoit venir de I mer Cafpienne, parce qu'il n'y a pas d< fàules fur le golfe Perfique, étant avance par les mêmes Auteurs , eft apparemmeni aufij peu vrai que celui des prêt en dm gouffres , & Cemelli Careri , aufil-hiec que les Mofcovites , afîure que ces gouffres font abfolument imaginaires : en effet , fi l'on compare l'étendue de la mer Cafpienne avec celle de la mer noire, on trouvera que la première eît de près d'un tiers plus petite que îa féconde, que ïa mer noire reçoit beaucoup plus d'eau que la mer Cafpienne , que par confé- quent l'évaporation (uffit dans l'une & dans l'autre pour enlever toute l'eau qui arrive dans ces deux lacs , & qu'il n'eft pas néceffaire d'imaginer des goufïres ' Théorie Je la Terre. i 6 5 hns la mer Cafpienne plutôt que dans 1 fa mer noire. Il y a des lacs qui font comme des 1 .Tiares , qui ne reçoivent aucune rivière, IfiL defquels il n'en fort aucune ; il y eu fia d'autres qui reçoivent des fleuves, & I defquels il fort d'autres fleuves, & enfin (d'autres qui feulement reçoivent des meuves. La mer Caipiennc & le lac Aral font de cette dernière efpèce, ils reçoi- Ivent les eaux de plufieurs fleuves & les [(Contiennent ; la mer morte reçoit de iljmêmeie Jourdain, & il n'en fort aucun I fleuve. Dans l'Afie mineure, il y a un «petit lac de la même efpèce , qui reçoit (lies eaux d'une rivière dont la fourCe eft {(auprès de Cogni , & qui n'a, comme les ^précédons , d'autre voie que i'évapora- Ition pour rendre les eaux qu'il reçoit : il Jy en a un beaucoup plus grand en Perle, ; ifur lequel eft iltuée la ville de Marago, ma eft de figure ovale & il a environ 1 o . ou 1 2 lieues de longueur fur 6 ou 7 de •^largeur, il reçoit la rivière de Tauris qui lln'eft pas conlidérable. Il y aauiîl un pa- [îreil petit lac en Grèce à 1 2 ou 1 5 lieues i de Lépante, ce font-là les feuls iacs de l6,6 . Hïfloire Naturelle. cette efpèce qu'on connoifle en A fie; ei Europe il n'y en a pas un (eul qui (oit m Deti confidérable. En Afrique il y en ; pîufïeurs, niais qui (ont tous allez petits comme le iac qui reçoit le fleuve Ghir celui dans lequel tombe le fleuve Zez celui qui reçoit fa rivière de 'Fougue*! doux, & celui auquel aboutit le Heuvfl Taiiiet. Ces quatre tacs (ont afTez prl les uns des autres , & lis font fitués v | dont l'un eft près d'Elvédal & l'autre de Lincopin. Dans la Sibérie & dans la Tartarie Mofcovite & indépendante , il y a un grand nombre de ces lacs , dont les prin- cipaux font le grand lac Baraba qui a plus de ioo lieues de longueur, & dont les eaux tombent dans finis, le grand lac Eiiraguel à la fource du même iieuve Irtis , plu (ieurs autres moins grand* a la fource du Jénifca , le grand lac Kita à la fource de POby, un autre grand lac à ;a fource de l'Angara, le iac Baical qui a plus de 70 lieues de longueur, & qui eft formé par le même fleuve Angara, le lac Péhu, d'où fort le fleuve Urack , &c. à la Chine & dans la Tartarie Chinoife le iac Dalai d'où fort la groiîe rivière d'Argus qui u mbe dans le fleuve Amour, le lac des Trois-montagnes d'où fort la Théorie de la Terre» 173 rivière Hélum qui tombe dans îe même fleuve Amour; les lacs de Cinhal, de Cokmor & de Sorama, defquels fartent les fources du fleuve Hoamho, deux autres grands lacs voifins du fleuve de Nankin , &c. dans le Tonquin le lac de Guadag qui eft confidérabie , dans l'Inde le lac Chiama, d'où (ortie fleuve Laquia & qui efl voifm des fources du fleuve A va, du Longenu, &c. ce lac a plus de 40 lieues de largeur fur 50 jp longueur, un autre lac à l'origine du Gange, un autre auprès de Cachemire à l'une des fources du fleuve Indus , &c. En Afrique , on a le lac Cayar & deux ou trois autres qui font voifins de l'em- bouchure du Sénégal, le lac de Guarde & celui de Sigifme, qui tous deux ne font qu'un même lac de forme preique triangulaire, qui a plus de 100 lieues de longueur fur y $ de largeur, & qui con- tient une île confidérabie ; c'efl dans ce lac que le Niger perd fon nom, & au fortir de ce lac qu'il traverfe, on l'appelle Sénégal ; dans le cours du même fleuve, en remontant vers la fource , on trouve 'm autre lac confidérabie qu'on appelle le H iij '1/4 Hiftoire Naturelle, lac Bournou , où le Niger quitte encore I ion nom, car la rivière qui y arrive,] s'appeiie Gambaru ou Gombarom En I Ethiopie, aux fources du Nil, eft ie grand lac Gambéa , qui a plus de 5 o lieues de longueur ; il y a aufîi plufieurs îacs fur ia côte de Guinée, qui paroifTent avoir été formés par ia mer, & il n'y à que peu d'autres lacs d'une grandeur lin peu . confidérable dans ie refte de l'Afrique. * L'Amérique feptentrionale eiï le pays des iacs ; ies pius grands font le iac fupér. rieur , qui a plus de 1 2 5 lieues de Ion* gueur fur 50 de largeur, le iac Huron qui a près de 1 00 lieues de longueur fur environ 40 de largeur, le lac des Illinois , qui en y comprenant la baie des ! Puants , eft tout aufli étendu que ie iac j Huron , ie lac Érié & ie lac Ontario, qui ont tous deux plus de 8 o iieues de lon- gueur fur 20 ou 2 5 de largeur; le iac ! M iftafin au nord de Québec , qui a environ 5 o lieues de longueur ; le lac Champlain au midi de Québec, qui efl: à peu près de la même étendue que le laç JVLiftafîn ; le lac Alemipigon & te lac Théorie de ta Terre. 1^5 Bi— ■ mm mu nm,m^,rn'mm^BSBH3asss3vsestavsKS!aaiuaaem PREUVES DELA THÉORIE DE LA TERRE; ARTICLE XII. Du Flux ir du Reflux. L'EAU n'a qu'un mouvement naturel qui lui vient de fa fluidité ; eile des- cend toujours des lieux les plus élevés dans les lieux ïes plus bas, îorfqii'il n'y a point de digues ou d'obftacles qui la retiennent ou qui s'oppoient à Ton mou- vement, & lorfqu'elle eil arrive'e au lieu le pïus bas, elle y refte tranquille & (ans mou- vement, à moins que quelque caufè étran- gère & violente ne l'agite & ne l'en fafTe iortir. Toutes les eaux de i'océan font raf- femblées dans les lieux les plus bas de la iuperficie de la terre ; ainfi les mouvemens de la mer viennent de caufes extérieures. Le principal mouvement e(t celui du flux & du reflux qui le fait alternat! vcmem H vj 180 Hi/loire Naturelle. en iens contraire, & duquel il refaite un mouvement continuel & générai de toutes i les mers d'orient en occident; ces deux " mouvemens ont un rapport confiant & régulier avec les mouvemens de la Lune: dans les pieines & dans les nouvelles lunes ce mouvement des eaux d'orient en occi- j dent eft plus fcnfihle, aufîi-bien que jj Celui du flux & du reflux : celui-ci le fait | fentir dans l'intervalle de iîx heures & || demie fur la plupart des rivages, en forte | que ie flux arrive toutes {es fois que fa !| lune eft au-defîus ou au-delTous du méri- I dien , & le reflux fuccède toutes les fois que la lune eft dans fon plus grand éloi- gnement du méridien , c'eft - à - dire , toute s les fois qu'elfe eft à l'horizon , foit | à fon coucher , foit à fon lever. Le mou- vement de la mer d orient en occident eft continuel & confiant , parce que tout l'océan dans le flux fe meut d'orient en occident, & poulTe vers l'occident une très-grande quantité d'eau , & que le re- flux ne paroît fe faire en iens contraire qu'à caufe de la moindre quantité d'eau qui eft alors poulTée vers l'occident ; car le fîux doit plutôt être regardé comme Théorie de la Terre. i 8 I Une intumefeence , & le reflux comme une détumefeence des eaux , laquelle au lieu de troubler le mouvement d'orient en occident, le produit & le rend conti- nuel, quoiqu'à la vérité il ioit plus fort pendant l'intumeicence , & plus foible pendant la détumefeence, par la raifon que nous venons d'expofer. Les principales circonftances de ce mouvement , font i .° qu'il eft plus fen- fibfe dans les nouvelles & pleines lunes que dans les quadratures ; dans le prin- temps & l'automne il eft aufh plus vio- lent que dans les autres temps de l'année, & il eft le plus foible dans le temps des folftices , ce qui s'explique fort natu- rellement par la combinaifon des forces de l'attraction de la lune «Se du foleil. Voye^ fur cela les démonjlrat'ions de New- ton. 2.0 Les vents changent fouvent la direction & la quantité de ce mouve- ment, fur- tout les vents qui foufflent conftamment du même côé ; il en elt de même des grands fleuves qui portent leurs eaux clans la mer , & qui y pro- duifent un mouvement de courant qui s'étend fouvent à plufieurs lieues, & ri8 2 Hijîoire Naturelle, ïorfque la direction du vent s'accorde avec le 'mouvement général, comme eft celui d'orient en occident, il en devient plus fenfible ; on en a un exemple dans h luer pacifique où le mouvement d'o- rient en occident eft confiant & très- fenfible. 3.0 On doit remarquer que ïoriqu'une partie d'un fluide le meut , toute la mafTe du fluide fe meut aufîî : or dans le mouvement des marées , il y a iule très-grande partie de l'océan qui fe meut fenfiblcment ; toute ia mafTe des mers fe meut donc en même temps , & les mers font agitées par ce mouvement dans toute leur étendue & dans toute leur profondeur. Pour bien entendre ceci , il faut faire attention à ia nature de ia force qui pro- duit le flux & ie reflux , & réfléchir fur fon action & fur fes effets. Nous avons dit que ia lune agit fur ia terre par une force que ies uns appellent atlradion ) & les autres p e fauteur , cette force d'attrac- tion ou de pefanteur pénètre ie giobe de îa terre dans toutes les parties de fa mafia , elle eft exactement proportionnelle à la quantité de matière ? &. en même temps Théorie de la Terre. i 8 ^ elle décroît comme le carré de la diftance augmente : cela pofé , examinons ce qui doit arriver en fuppofànt ia lune au méri- dien d'une plage de la mer. La furface des eaux étant immédiatement fous la lune, efl alors plus près de cet aftre que toutes les autres parties du globe , foit de la terre , foit de'la mer ; dès-lors cette partie de la mer doit s'élever vers la lune , en formant une éminence dont le fommet correfpond au centre de cet aftre ; pour que cette éminence puifîe fe former , il efl nécefîaire que les eaux , tant de la furface environnante que du fond de cette partie de la mer, y contribuent, ce qu'elles font en effet à proportion de la proximité où elles font de i'aitre qui exerce cette action dans la rai ion hiver le du carré de la dis- tance : ainfi la furface de cette partie de la mer s'élevant la première, les eaux de la furface des parties voifines s'élèveront aufîij mais à une moindre hauteur, & les eaux du fond de toutes ces parties éprouveront le même effet & s'élèveront par la même caufe, en forte que toute cette partie de la mer devenant plus haute , <3c formant une éminence , il eit néçeffaâe 184 Hiftolre Naturelle. que les eaux de ia fur face & du fond des parties éloignées & fur lefquelles cette force d'attraction n'agit pas, viennent avec précipitation pour remplacer lesj eaux qui le font élevées ; c'eft-îà ce qui produit le flux, qui eil plus ou moins ïenfible lur les différentes côtes, & qui, comme l'on voit, agite la mer non- feu- lement à (a furface , mais jufqu'aux plus grandes profondeurs. Le reflux arrive enfuite par la pente naturelle des eaux ; îorique l'art re a paiTé & qu'il n'exerce plus la force , l'eau qui s'étoit élevée par l'action de cette puifîance étrangère, re- prend Ion niveau & regagne les rivages ôl les lieux qu'elle avoit été forcée d'a- bandonner ; enfuite lorfquè la lune paffe au méridien de l'Antipode du lieu où nous avons fuppofé qu'elle a d'abord élevé les eaux , le même effet arrive ; les eaux dans cet inrtant où la lune eft abfente & la plus éloignée, s'élèvent lenfiblement , autant que dans le temps où elle ert préfente & la plus voifine de cette partie de la mer; dans le premier cas les eaux s'élèvent parce qu'elles font plus près de l'ait re que toutes les Théorie de h Terre. 1 8 5 autres parties du globe; & dans le fécond cas, c'efï par la raifon contraire, elles ne s'élèvent que parce qu'elles en font plus éloignées que toutes les autres par- ties du globe , & l'on voit bien que cela doit produire le même effet , car alors les eaux de cette partie étant moins attirées que tout le refle du globe , elles s'éloigneront nécefïairement du relie du globe & formèrent une eminence dont ie fommet répondra au point de la moindre action, c'efl-à-dire, au point du ciel directement oppofé à celui où fe trouve la lune , ou , ce qui revient au même, au point où elle étoit treize heures auparavant, lorfqu'elîe avoit élevé les eaux la première fois ; car lorfqu'elîe efl parvenue à l'horizon , le reflux étant arrivé , la mer efl: alors dans fon état naturel, & les eaux font en équilibre & de niveau ; mais quand la lune efl au méridien oppofé, cet équilibre ne peut plus fubfifler, puifque les eaux de la partie oppofée à la lune étant à la plus grande diflance où elles puifient être de cet aftre , elles font moins attirées que le jefle du globe, qui étant intermédiaire, *îB6 Hijlolre Naturelle. le trouve être plus voifm de la lune , & dès-lors leur pefanteur relative , qui les tient toujours en équilibre & de niveait les pouffe vers le point oppolé à la lune pour que cet équilibre fe confervé. Ainfï. dans les deux cas , iorfque la lune elt au méridien d'un lieu ou au méridien oppofé, les eaux doivent s'élever à très-peu près de la même quantité , & par con- îequent s'abaiffer & refluer aufîi de la même quantité Iorfque la lune eft à l'ho- rizon, à fon coucher ou à Ton lever. On Voit bien qu'un mouvement dont la caufe & l'effet font tels que nous venons de • l'expliquer , ébranle néceflairement ïa maiïe entière des mers , & la remue dans toute ion étendue & dans toute fa profondeur; & fi ce mouvement paroît infenfible dans les hautes mers & iorf- qu'on efl éloigné des terres , il n'en efl cependant pas moins réel ; le fond & fa furface font remués à peu près égale- ment, & même les eaux du fond, que îes vents ne peuvent agiter comme celles de la furface , éprouvent bien plus régu- lièrement que celles de la furface cette #&ion 9 & elles ont ua mouvement plus Théorie de la Terre. 187 réglé & qui eft toujours alternativement rdirigé de la même façon. De ce mouvement alternatif de flux |& de reflux, il réfuite, comme nous l'a- vons dit, un mouvement continuel de la mer de l'orient vers l'occident, parce que l'aflre qui produit l'intumefcence ! des eaux , va lui-même d'orient en occi- dent, & qu'agifTant fuccefîlvement dans cette direction , les eaux fui vent le mou- vement de TanVe dans la même direction. Ce mouvement de la mer d'orient en occident eu très - fenfible dans tous les détroits , par exemple au détroit de Ma- gellan le fïux élève les eaux à près de 20 pieds de hauteur, & cette intumefcence dure fix heures, au lieu que le reflux ou la détumetcence ne dure que deux heures (voye^ le Voyage de Narbrough) , & l'eau coule vers l'occident, ce qui prouve évidemment que le reflux n'en1 pas égal au flux , & que de tous deux il réfulte un mouvement vers l'occident, mais beau- coup plus fort dans le temps du flux que dans celui du reflux; & c'eft pour cette raifon que dans les hautes mers éloi- gnées de toute terre , les marées ne font 188 Hïfloire Naturelle. fenfibles que par le mouvement généra qui en refaite , c'efi-à-dire , par ce mou- vement d'orient en occident. Les marées font plus fortes & elles font haufler & bai/Ter les eaux bien plus conïldérablement dans la zone torride entre les tropiques , que dans le refte de l'océan; elles l'ont aufîi beaucoup plus fenfibles dans les iieux qui- s'étendent d'orient en occident , dans les golfes qui font longs & étroits, & furies côtes où il y a des îles & des promontoires ; fe plus grand flux qu'on connoifTe, efl, comme, nous l'avons dit dans l'article précédent, ! a l'une des embouchures du fleuve Indus, où les eaux s'élèvent de 3 o pieds ; il efl aufïï fort remarquable auprès de ! Malaye, dans le détroit de la Sonde, ' dans la mer rouge, dans la baie de Nelfon , à 5 5 degrés de latitude fep- | tentrionaïe, où il s'élève à 1 5 pieds , à l'embouchure du fleuve Saint- Laurent, fur les côtes de la Chine, fur celles du Japon , à Panama , dans le golfe de Bengale, &c. Le mouvement de la mer d'orient en. ; occident eft très-fenfible dans de certains Théorie Je la Terre. 189 ndroits, les Navigateurs l'ont fouvent Iibfervé en ailant de l'Inde à Madagafcar k en Afrique; il (e fait fentir aufli avec peaucoup de force dans la mer pacr- ique , & entre les Moluques & le Brefif ; nais les endroits où ce mouvement eft e plus violent , font les détroits qui oignent l'océan à l'océan , par exemple, es eaux de la mer font portées avec une |i grande force d'orient en occident par k détroit de Magellan , que ce mouve- ment e(t lenfihle, même à une grande piliance dans l'Océan Atlantique, & on prétend que c'ell ce qui a fût conjecturer F J^aSc n CIU ^ y avo" un détroit par equel les deux mers avoient une com- munication. Dans le détroit Jes Manilles k dans tous les canaux qui féparent les îles Maldives , la mer coule d'orient en pccident , comme aufll dans le golfe du UMexique entre Cuba & Jucatan ; dans le goife de Paria ce mouvement efl: fi vio- lent, qu'on appelle ce détroit la gutule tyu Dragon ; dans la mer de Canada ce (mouvement eft aufli très-violent, aufîi- pien que dans h mer de Tartane & dans le détroit de Waigats , par lequel l'océan îpd Hi flaire Naturelle. en coulant avec rapidité d'orient en occident , charie des malles énormes de glaces de ia mer de Tartarie dans la mer du nord de l'Europe. La mer pacifique coule de même d'orient en occident par les détroits du Japon , ia mer du Japon coule vers la Chine , l'océan Indien coule vers l'occident dans le détroit de Java & par les détroits des autres îles de l'Inde. On ne peut donc pas douter que la mer n'ait un mouvement confiant & général d'orient en occident , & l'on eft allure que l'océan Atlantique coule vers l'Amérique, & que la mer pacifique s'en éloigne , comme on le voit évident- ment au cap des courans entre Lima & Panama, Voye^ Varenii Geogr. gênerai* pag. nç. Au relie, les alternatives du flux & du reflux font régulières &. fe font de ûx heures & demie en fix heures & demie fur ï«i plupart des côtes de la mer , quoiqu'à différentes heures , fuivant le climat & la pofïtion des côtes ; ainfi les côtes de la mer font battues continuellement des vagues, qui enlèvent à chaque fois der petites parties de matières qu'elles trazik Théorie Je la Terre: 19 f sortent au loin & qui fe dépofent au on cl , & de même les vagues portent fur es plages bafies des coquilles, des labiés jui relient iur les bords, & qui s 'accu- nulant peu à peu par couches horizon- ales, forment à la fin des dunes & des îauteurs aufli élevées que des collines , k qui font en effet des collines tout-à- àit (cmbiabl.es aux autres collines, tant >ar leur forme que par leur composition ntérieure; ainfi la mer apporte beau- coup de productions marines fur les )Iages balles , & elle emporte au loin outes les matières qu'elle peut enlever les côtes élevées contre lefquelies elle igit , foit dans le temps du flux , foit ians le temps des orages & des grands r.ents. . Pour donner une idée de l'effort que ait la mer agitée contre les hautes côtes, e crois devoir rapporter un fût qui m'a hé affûté par une perfonne très-digne de oi , & que j'ai cru, d'autant plus facile- nent., que j'ai vu moi-même quelque :hofe d'approchant. Dans la principale les îles Orcades il y a des côtes coin- 3.0 fées de rochers coupés à-plomb §c ic)2 Hiftohe Naturelle. perpendiculaires à la furfàce de la mer, en forte qu'en fe plaçant au-defîus de ces rochers, on peut laifîer tomber un plomb jufqu'à la furfàce de l'eau , en mettant la corde au bout d'une perche de 9 pieds. Cette opération , que l'on peut faire dans le temps que la mer eft: tranquille, a donné la meiure de la hauteur de la côte, qui eft de 200 pieds. La marée, dans cet endroit eft: fort confidérable , comme elle i'eft ordinairement dans tous les en- droits où il y a des terres avancées & des îles; mais lorfqtie le vent eft fort, ce qui eft très-ordinaire en EcofTe , & qu'en même temps la marée monte , le mou- vement eft fi grand & l'agitation fi vio- lente, quei'eau s'élève jufqu au fommet des rochers qui bordent la côte, c'eft à- dîre, à 200 pieds de hauteur, & qu'elle y tombe en forme de pluie ; elle jette même à cette hauteur , des graviers & des pierres qu'elle détache du pied des ro- chers , & quelques-unes de ces pierres, au rapport du témoin oculaire que je cite ici , font plus larges que la main. J'ai vu moi-même dans le port de Livourne , où la mer eft beaucoup plus tranquille, Théorie de la Terre* 193 tranquille, & où il n'y a point de marée, une tempe e au mois de décembre 173 1, du l'on fut obligé de couper les mâts pie quelques vaifièaux qui étoient à la rade, dont les ancres avoient quitté; ai vu, dis-je, l'eau de la mer s'élever tu-deiïus des fortifications, qui me pa^ ureiv. avoir une élévation très-confi- Jérable au-defTus des eaux; & comme 'étois fur celles qui font les plus avan- cées, je ne pus regagner la ville fans être mouillé de l'eau de la mer beaucoup blus qu'on ne peut letre par la pluie la blus abondante. Ces exemples fuffifent pour faire en- tendre avec quelle violence la mer agit contre les côtes; cette violente agitation pétruit, ufe (b)t ronge & diminue peu à (b) Une chofe a(Tez remarquable fur les cotes de Ryrie & de Phénicie, c'eft qu'il paroît que les ro- Lhers qui font le long de cette cote , ont été ancien- nement taillés en beaucoup d endroits en forme u'auges pe deux ou trois aune" de longueur , & !arger à Kroportion , pour y recevoir l'eau de !a mtr & en [aire du Tel par l'évaporation , mais nonobftant la pureté de la pierre , ces auges font à l'heure qu'il eft brelqu'ennèrement ufées & aplanies par le bat lemenî Continuel des vagues. Vcyei les voyages de Shaw j Vol. Il, page 6g% Tome IL \ l(?4 Hifloire Naturelle. peu ie tcrrein des cotes ; la mer emporte toutes ces matières & les laiiTe tomber dès que le calme a (uccécîé à I'ao-itation. Dans ces tçmps d'orage l'eau de ia mer , qui eft ordinairement la plus claire de toutes les eaux , cil trouble & mêlée des, différentes matières que le mouvement des eaux détache des côtes & du fond; Sl la mer rejette alors iur les rivages unefc infinité de choies qu'elle apporte de loin, & qu'on ne trouve jamais qu'après les grandes tempêtes , comme de l'ambra gris iur les côtes occidentales de l'Ir-l ïande, de l'ambre jaune iur celles da Poméranie, des cocos fur les côtes des J Indes , &c, & quelquefois des pierres. J ponces & d'autres pierres fingulièies. \ Nous pouvons citer à cette occaiion un fait rapporté dans les nouveaux voyages \ aux îles de l'Amérique: « Etant à Saintil » Domingue, dit l'auteur, on me donna 25 entr'aimes choies quelques pierres lé4|| 9* gères que la mer amène à la côtç quandH 33 il a fait des grands vents de fud , il y :» en avoit une de 2 pieds & demi de 5) long fur i 8 pouces de large & envi-:, ^ von i pied d'épaifieur, .qui ne pefoifc Tfiéone de la Tare. i r> 5 pas toiu-à-fait cinq livres ; elle étoit ce blanche comme la neige, bien plus ce dure que les pierres de ponce , d'un ce grain fin , ne paroiflant point du tout ce poreufe , & cependant quand on la ce jetoit dans i'eau , elle bondiiToit comme ce un ballon qu'on jette contre terre; à ce peine enfonçoit-elle un demi-travers ce de doigt ; j'y fis faire quatre trous de ce tarrière pour y planter quatre bâtons ce & iouienir deux petites planches lé- ce gères qui renfermoient les pierres dont ce je la chargeois , j'ai eu le plaiiir de lui ce en faire porter une fois 160 livres, & ce une autre fois trois poids de fer de ce 50 livres pièce; elle fervoit de cha-~cc loupe à mon nègre qui le mettoit ce deiTus & alioit fe promener autour de cç la caye, x> tome V, page 260. Cette pierre de voit- être une pierre ponce I d'un grain très-fin & ferre, qui venoit de quelque volcan , & que la mer avoit tranfportée, comme elle tranfporte l'am- bre gris , les cocos , la pierre ponce ordinaire, les graines des plantes, les jofeaux-, &c. on peut voir fur cela les Difcours de Ray, c'eil: principalement; / 1 i] rïp6 Htftotre Naturelle. fur les côtes d'Irlande & d'Ecoiîe qu'on a fait des obfervations de cette efpèce. La mer, par fon mouvement général d'orient en occident doit porter fur les côtes de l'Amérique les productions de nos côtes , & ce n'efl peut-être que par des mouvemens irréguliers, & que nous ne connoiflons pas, qu'elle ap- porte fur nos rivages les productions des Indes orientales & occidentales , elle apporte aufli des productions du nord : il y a grande apparence que les vents entrent pour beaucoup dans les cauies de ces effets. On a vu ibuvent dans les hautes mers & dans un très-grand éioi- gnement des côtes, des plages entières couvertes de pierres ponces , on ne peut guère foupçonner qu'elles puifîent venir d'ailleurs que des volcans des îles ou de la terre ferme, & ce font apparemment les courans qui les tranfportent au milieu des mecs. Avant qu'on connût la partie méridionale de l'Afrique, & dans le temps où on croyoit que fa mer des Indes n'avoit aucune communication avec notre océan, on commença à la foupçonner par un indice de cette nature» Théorie de la Terre. 197 Le mouvement alternatif du flux & du reflux , & le mouvement confiant de la mer d'orient en occident , offrent diffé- rais phénomènes dans les difrérens cli- mats ; ces mouvemens fe modifient dif- féremment fuivant le gifement des terres & la hauteur des cônes : il y a des endroits où le mouvement générai d'orient en occident n'eff pas iènfibie, il y en a d'autres où la mer a même un mouvement contraire , comme fur la côte de Guinée , mais ces mouvemens contraires au mou- vement générai font occafionnés par les vents , par la pofirion des terres , par les eaux des grands fleuves , & par la dilpo- fhion du tond de la mer ; toutes ces caufes produilènt des courans qui altèrent & changent fouvent tout-à-fait la direction du mouvement général dans pîufieurs endroits de la mer; mais comme ce mou- vement des mers d'orient en occident eft le plus grand, le plus général & le plus confiant , il doit aufii produire les plus grands effets , & , tout pris eniembie , la mer doit avec le temps gagner du terrein. vers l'occident & en laitier vers l'orient , quoiqu'il puiffe arriver que fur les côtes Iiïj rcj'S Hijloire Naturelle, où le vent (foued (buffle pendant ïa plu* grande partie de Tannée, comme en France, en Angleterre, la mer angne du terrein vers l'orient, mais encore une fois ces exceptions particulières ne dé- tmifent pas l'effet de la caufe générale.. PREUVES DE LA THÉORIE DE LA TERRE ARTICLE XIII. Des inégalités du fond de la AîerM à?" des courans. ON peut diftinguer les côtes de la mer en trois èïpèces, i .° les cotes élevées qui iont de rochers & cle pierre» dures, coupés ordinairement à-plomb à ' une grandeur confidérabîe , & qui s'é- lèvent quelquefois à 7 ou 800 pieds ; | 2.0 les bailes-côtes , dent les unes font' unies & prefque de niveau avec la furfaçe Théorie de h Terre. *S>9 je îa mer, & dont les autres ont une élévation médiocre & font fouvent bor- dées de rochers à fleur d'eau , qui forment des brifans & rendent l'approche des terres fort difficile; 3.0 les dunes, qui font des côtes formées par lés labiés que a mer accumule , ou que les fleuves dépofent , ces dunes forment des collines 3I11S ou moins élevées. Les côtes d'Italie font bordées de marbres & de pierres de plusieurs efpèces, dont on difîingue de loin les différentes carrières; les rochers qui forment la cote, paroi/ïènt à une très-grande diilance , comme autant de piliers de marbres qui font coupés à-plomb. Les côtes de France depuis Brelt jufqu'à Bordeaux font pref- que pat-tout environnées de rochers à fleur d'eau qui forment des brifans; il en eft de même de celles d'Angleterre, d'Efp.iorie & deplufieurs autres côtes de l'océan & de la méditerranée , qui lont bordées de rochers & de pierres dures ; à l'exception de quelques endroits dont on a profité pour faire les baies , les ports & les havres. La profondeur dç l'eau le long des I iiij 2.o6 Hifloire Naturelle: côtes , efl ordinairement d'autant plus grande que ces côtes font plus élevées , & d'autant moindres qu'elles font plus ba(Tes ; l'inégalité du fond de la mer le long des côtes correspond auifi ordi- nairement à l'inégalité de la furface du terrein des côtes , je dois citer ici ce qu'en dit un célèbre Navigateur. « j'ai toujours remarqué que dans Ici -x» endroits où la côte ell défendue par des s> rochers efearpés, la mer y eft très- » profonde , & qu'il efl rare d'y pou- 35 voir ancrer, & au contraire dans les 33 lieux où la terre penche du côté de 35 la mer, queiqu'éleyée qu'elle (oit plus 35 avant dans le pays, le fond y eft bon , 35 & par conséquent l'ancrage ; à pro- 35 portion que la côte penche ou eil ef- y> carpee près de la mer , à proportion 35 trouvons - nous aullr communément 35 que îe fond pour ancrer ell plus ou 35 moins profond ou efearpé , auffi mouil- 35 lons-ncus plus près ou plus loin de la 35 terre , comme nous jugeons à p opos, 35 car il n'y a point, que je fâche, de 35 côte au monde, ou dont j'aie entendu 3? parler qui foit d'une hauteur égaie & Théorie delà Terre. 201 qui n'ait des hauts & des bas. Ce font ce ces hauts & ces bas, ces montagnes « & ces vallées qui font les inégalités des Cc côtes & des bras de mer, des petites ce baies & des havres, &c. ou l'on peut ce ancrer fûrement, parce que telle eft la ce furface de la terre, telle eft ordinaire- ce ment le fond qui eft couvert d'eau : ce ainfi Ton trouve pïufieurs bons havres ce fur les côtes où la terre borne la mer ce par des rochers efearpés , & cela parce ce qu'il y a des pentes fpacieufes entre ces ce rochers; mais dans les lieux où la pente ce d'une montagne ou d'un rocher n'eft ce pas à quelque diftance en terre d'une ce montagne à l'autre , &que, comme fur ce la côte de Chili & du Pérou, le pen- ce chant va du côté de la mer ou eft de- ce dans, que la côte eft perpendiculaire ce ou fort efearpée depuis les montagnes ce voifines , comme elle eft en ces pays-là ce depuis les montagnes d'Andes qui ce régnent le long delà côte ; la mer y eft ec profonde, & pour des havres ou bras ce de mer , il n'y en a que peu ou point, ce toute cette côte eft trop efearpée. pour ce y ancrer, & je ne connois point de <« I v J2 02 Hijloïre Naturelle. 33 cotes où il y ait (i peu de rades conv ^ modes aux vaifîèaux. Les côtes de 33 Galice, de Portugal, de Norvège,. 33 de Terre -neuve, &c. font comme h 3> côte du Pérou & de^ hautes îles de :» l'Archipélague ; mais moins dépour- 33 vues de bous havres. Là où il y a de ^ petits elpaces de terre , il y a de bonnes 33 baies aux extrémités de ces elpaces 33 dans les lieux où ils s'avancent dans h 33 mer, comme fur la côte de Caracos, >3 &c. les îles de Jean Fernando , de 33 Sainte Héler.e, &c. font des terres » hautes dont la côte eft profonde. Gèfl 33 néralement parlant , tel efi le fond qui 33 paroît au-dedus de l'eau, tel efl celui 33 que Peau couvre, & pour mouiller fû- » rement , il faut ou que le fond foit au 33 niveau, ou que fà pente foit bien peu 33 fenfible ; car s'il efl efcarpé l'ancre 33 gîifîe & le vaifîeau eft emporté. De-îà 33 vient que nous ne nous mettons jamais 33 en devoir de mouiller dans les lieux où 33 nous voyons les tenes hautes & des 33 montagnes efcarpées qui bornent îa 33 mer : auiïi étant à vue des îles des 33 États, proche la terre del Fuega> Théorie la Terre. 203 avant que d'entrer &< : e iè*s du fud, ce nous ne (bngeames leufeinérit pas à <* mouiller après que nous eûmes vu la ce côte, parce qu'il nous parut près de ce Ja merdes rochers eicarpés: cependant ce il peut y avoir de petits havres où ce des barques ou autres petits bâtifrieris ce peuvent mouiller, mai, nous ne nous ce mime* pas en peine de les chercher. se Comme les côte, hautes & eicar- ce pées ont ceci d'incommode qu'on n'y ce mouille que rarement, elles ont aufîi ce ceci de commode, qu'on les découvre ce de loin, & qu'on en peut approcher ce uns danger; aufîi ell-ce pour cela que ce nous les appelons côtes hardies , ou , ce pour parler plus naturellement, côtes ce échauffées; mais pour les terres baffes on ce ne les voit que de fort près , & il y a ce plu fieurs lieux dont on n'oie appro- ce cher de peur d'échouer avant que de ce ■ les apercevoir; d'ailleurs il y a en plu- «c fieurs des bancs qui le forment par le ce concours des groffes rivières , qui des ce terres balles fe jettent dans la mer. ce Ce que je viens de dire, qu'on c mouille d'ordinaire furement près ôqs <ç 1 vj 2 04 Hif/oke Naturelle, 3» terres baffes , peut fe confirmer pat 33 piufieurs exemples. Au midi de la baie 33 de Campèche , les terres font baffes y> pour la plupart , auffi peut-on ancrer 33 tout le long de la côte , & il y a des 33 endroits à l'orient de la ville de Cam- y> pèche , où vous avez autant de brafîes 3> d'eau que vous êtes éloigné de la terre, 33 c'eii-à-dire , depuis o. à 1 o lieues de 33 diftance, jufqu'à ce que vous en foyez 33 à 4 lieues , & de-là jufqu'à la côte , la 33 profondeur va toujours en diminuant. 33 La baie de Honduras efl encore un 33 pays bas, & continue de même tout le 33 long de-là aux côtes de Porto-beilo & :» de Cartagène , jufqu'à ce qu'on foit à 33 la hauteur de Sainte-Marthe; de-là le 33 pays eft encore bas jufque vers la côte 33 de Caracos , qui eft: haute. Les terres 39 des environs de Surinam fur la même » côte, font baffes & l'ancrage y efl bon; 33 il en eft de même de-là à la côte de 33 Guinée. Telle eft auiîi la baie de Pa- 33 nama , & les livres de pilotage or- 33 donnent aux pilotes d'avoir toujours >3 la i nde à la main & de ne pas appro- 33 cher d'une telle profondeur, foit de Théorie de la Terre. 205 jiuit, foie de jour. Sur les mêmes mers ce depuis les haute* terres de Guatimala ce en Mexique jufqu'à Californie, la plus ce grande partie de la côte eftbafie, auiTi exemples qu'on pourroit trouver; on *> dira Seulement en général , qu'il eft 35 rare que les côtes hautes ioient fans ?j eaux profondes , & au contraire les » terres balles & les mers peu creulès, (e trouvent prefque tou ours eniemble. *>t Voyage de Dampier autour du monde, tome 11 , page 4. y 6 & fuiv. On eil donc afluré qu'il y a des iné- galités dans le fond de la mer, & des montagnes très-confidérables , par les obfèrvations que les Navigateurs ont faites avec la fonde, Les plongeurs ailurent auffi qu'il y a d'autres petites inégalités fo mées par des rochers , & qu'il fait fort froid dans les vallées de la mer ; en gé- néral dans les grandes mers les profon- deurs augmentent, comme nous l'avons dit, d'une manière afîez uniforme, en s'éloignant ou en s'approchant des côtes. Parla carte que M. Buachea dreilée delà partie de l'océan comprife entre les côtes d'Afrique & d'Amérique , & par les cou- pes qu'il donne de la mer depuis le cap Tagrin jufqu'à la côte de Rio-Grande, ïl paroît qu'il y a des inégalités dans tout l'océan comme fur la terre ; que Théorie Je la Terre. 2C7 les Abrolhos où il y a des vigies & ou i'on voit quelques rochers à fleur d'eau, ne font que des fommets de très-grofies & de très-grandes montagnes , dont l'île D. uphine eft une des plus hautes pointes; que les îles du cap Vert ne font de même que des fommets de montagnes; qu'il y a un grand- nombre d'écueils dans cette mer, où i'on eit obligé de mettre des violes ; qu'enluite le terreîn tout autour de ces Abrolhos, defeen-d jufqu'à des profondeurs inconnues , & aufîi autour des îles. A l'égard de la qualité des différais terreins qui forment le fond de la mer , comme il eil impoflibïe de l'examiner de près, & qu'il faut s'en rapporter aux plongeurs & à la fonde, nous ne pou- vons rien dire de bien précis ; nous fàvons feulement qu'il y a des endroits couverts de bourbe & de vale à une grande épaifîeur, & iur lefquels les ancres n'ont point de tenue x c'eit probablement dans ces endroits que fe dépofe le limon des fleuves; dans d'autres endroits ce font des fables feniblables aux labiés que nous connoiiïons 7 & qui fe trouvent de 2o8 Hifloîre Naturelle. même de différente couleur & de diffé- rente grofleur, comme nos fables ter- reftres ; dans d'autres ce font des coquil- lages amoncelés , des madrépores , des coraux & d'autres productions animales, lefquelfes commencent à s'unir, à prendre Corps & à former des pierres; dans, d'autres , ce font des fragmens de pierre,, des graviers , & même fouvent des pierres j toutes formées & des marbres; par exemple, dans les .les Maldives on ne bâtit qu'a- vec de la pierre dure que l'on tire fous ïes eaux à quelques braiïès de profon- deur; à Marfeiile on tire du très-beau marbre du fond de la mer, j'en ai vif plufieurs échantillons, & bien loin que îa mer altère & gâte les pierres & ks ■ marbres , nous prouverons dans notre ! difcours fur les minéraux , que c'eft dans ' la mer qu'ils fe forment & qu'ils fe con-N fervent, au lieu que le foleil , la terre, ; l'air & l'eau des pluies les corrompent & j ïes détruifènt. Nous ne pouvons donc pas douter que le fond de la mer ne foit compofé comme îa terre que nous habitons , puif- qu'en effet on y trouve les mêmes Théorie âe la Terre. 209 matières, & qu'on tire de la fiîrface du fond de la mer les mêmes choies que mous tirons de la iurface delà terre; & Ide même qu'on trouve au fond de la [nier de valles endroits couverts de coquillages , de madrépores, 6k d'autres ouvrage;, de:, infectes de la mer , on trouve aufTi fur la terre une infinité de carrières & de bancs de craie & d'autres matières remplies de ces mêmes coquillages, de ces madrépores, &c. en fo.-te qu'à tous Égards les parties découvertes du globe reïfembient à celles qui font couvertes par les eaux , foit pour la compoiltioh & pour le mélange des matières, ioit par les inégalités de la iuperficie. G'eit à ces inégalités du fond de la mer qu'on doit attribuer l'origine des courans : car on lent bien que û le fond de l'océan étoit égal 6k de niveau, il n'y auroit dans la mer d'autre courant que le mouvement génér l d'orient en occident, & quelques autres mouvemens qui auroient pour eau fe l'action des vents & qui en fuivroient la direction; mais une preuve certaine que la plupart des couraas font produits par le flux & ie 2ïo Hiftoîre Naturelle, Reflux, & dirigés par les inégalités dit fond de ia mer, c'eft qu'ils fui vent ré- gulièrement les marées & qu'ils chancre! de direction à chaque flux & à chaque reflux. Voyez fur cet article ce que dit. Pietro délia Valle, au furet des courant du golfe de Çambaie , vol. VI, page j> hauts-fonds & en général tous les courans, (bit qu'ifc aient pour caufè ïe mouvement du flui & du reflux, ou I action des vents, ont chacun conftamment la mène étendue j ia me ne largeur & Ja même direct ifl dans tout leur cours, & ils font trè* Théorie de la Terre. 213 ifférens ïes uns des autres en longueur , n largeur, en rapidité & en direction, e qui ne peut venir que des inégalités jles collines , des montagnes & des val- ues qui ibnt au fond de la mer , comme ■on voit qu'entre deux îles le courant uit la direction des côtes auffi-bien i[u'entre les bancs de fable , les écueils k les hauts-fonds. On doit donc regar- ter les collines & les montagnes du pnd de la mer , comme les bords qui ontiennent & qui dirigent les courans , k dès- lors un courant efî. un fleuve, (tant la largeur efl déterminée par celle le la vallée dans laquelle il coule, dont a rapidité dépend de la force qui le produit, combinée avec le plus ou le inoins de largeur de l'intervalle par où I doit pafTer , & enfin dont la direction fft tracée par la pofition des collines Je des inégalités entre lefquelles il doit Prendre fon cours. Ceci étant entendu , nous allons don- ner une raifon palpable de ce fait fm- kiïier dont nous avons parlé , de cette torrefpondance des angles des mon- tagnes & des collines, qui fe trouve z 1 4 Hlflolre 'Naturelle. par-tout, & qu'on peut obferver dan! tous les pays du monde. On voit er jetant les yeux fur les ruiffeaux , les ril "vières & toutes les eaux courantes, qui] les bords qui ies contiennent , formenl toujours des angles alternativement opl poie's; de forte que quand un fleuve fail lui coude, l'un des bords du fleuri forme d'un côté une avance ou un angfcj rentrant dans les terres , & l'autre bore forme au contraire une pointe ou ui | angle faillant hors des terres, & qui dans toutes ies finuo fîtes de leur cours cette correfpondance des angles alter- nativement oppofes le trouve toujours I eiie eft en effet fondée fur les loix diil mouvement des eaux & ï'égaliîé de i'ac- I tron des fluides , & ii nous feroit fiçijjl de démontrer ia caufè de cet effet , mai: J il nous fuffn ici qu'il foit général ai univerfeflement reconnu, & que tout le i monde puiffe s'afTurer par fes yeux qudl toutes les fois que le bord d'une rivière fait une avance dans ies terres , «que jâl fuppoie à main gauche , l'autre bord; fait au contraire une avance hors des terres à maki droite. Tlicone de la Terre. 2 1 j T)ès-ïors les courans de la mer qu'on ioit regarder comme de grands fleuves m des eaux courantes , iujettes aux nêmes loix que les fleuves de la terre , ormeront de même dans l'étendue de eur cours , plusieurs finuofités dont les ivances ou les angles feront rentrans d'un :ôté & faiiians de l'autre côté, & comme es bords de ces courans iont ies collines k les montagnes qui fe trouvent au-def- ouj ou au- défi us de la furface des eaux , is auront donné à ces éminences cette nême forme qu'on remarque aux bords les fleuves, ainii on ne doit pas s'éton- 1er que nos collines & nos montacmes , jui ont été autrefois couvertes des eaux le la mer & qui ont été formées parle ed ment des eaux , aient pris par le Activement des courans cette ficrure éguiière, & que tous ies angles en foient iter ativement oppofés ; e les ont été es bords des courans ou des fleuves de 1 mer , elfes ont donc néceflairemcnt ris une figure & des directions fem- iables à celles des bords des fleuves de : terre, & par conféquent toutes les bis que le bord à main gauche aura 2, i 6 Hifloire Naturelle. formé un angle rentrant , le bord à main droite aura forint un angle (allant, comme nous l'obfervons dans toutes les jj collines oppoiées. Cela feul, indépendamment des autres preuves que nous avons données , fuf- firoit pour faire voir que la terre de I nos continens a été autrefois fous les I eaux de la mer ; & l'uiage que je fais de cette obfervation de la correspon- dance des angles des montagnes & la caufe que j'en afîlgne , me paroiiTent être des fources de lumière & de déj mondration dans le iujct dont il eft queftion ; car ce n'étoit point affez que d'avoir prouvé que les couches exté- rieures de la terre ont été formées par» les fédimens de la mer, que les mon- tagnes fe font élevées par lentaffement - fucceffif de ces mêmes fédimens, quelles font compofées de coquilles & d'autres productions marnes, il falloit encore rendre railbn de cette régularité de* figure des collines dont les angles font correfpondans , & en trouver la vraie caufe, que perfonne jufqu'à prélent n'a- voit même foupçonnée , & qui cependant étant Théorie de la Terre* 2 1 7 ^tant réunie avec les autres, forme un corps de preuves aufîi complet qu'on puiiîe en avoir en Phyfique, & fournit une théorie appuyée fur des faits , & indépendante de toute hypothèfè, fur un lu jet qu'on n'avoit jamais tenté par cette voie , & fur iequel il paroifîoit avoué qu'il étoit permis & même ncceiîàire , de s'aider d'une infinité de fuppofitions & d'hypothèfes gratuites , pour pouvcir dire quelque choie de conféquent & de fyflématique. Les principaux courans de l'océan font ceux qu'on a obiervés dans la mer Atlantique près de ia Guinée; ifs s'é- tendent depuis ie cap Vert jufqu'à ia baie de Fernandopo: leur mouvement eft d'occident en orient , & il eit con- traire au mouvement général de ia mer qui le fait d'orient en occident : ces courans font fort violens , en iorte que ies vaifïeaux peuvent venir en deux jours de Moura à Rio de Bénin, c'ell-à-dire, faire une route de plus de 1 5 o iieues, juillet & au commencement d'août il *> n'y a fur cette mer aucun vent fait, & *> on e'prouve de violentes tempêtes qui » viennent du feptentrion. » Ces vents iont fujets à de plus :» grandes variations en approchant des 3> terres , car ies vaiiïeaux ne peuvent :» partir de la côte de Malabar, non plus » dentale de la prefqu'ïle de l'Inde, *> pour aller en Afrique, en Arabie, en :» Perfe , &c. que depuis le mois de- » janvier jufqu'au mois d'avril ou de 3> mai; car dès la fin de mai, & pendant ?> les mois de juin , de juillet & d'août » il (e fait de fi violentes tempêtes par » les vents du nord ou du nord-eft , que » les vaiileaux ne peuvent tenir à la mer; » au contraire , de l'autre côté de cette » prefqu'ïle , c'eft-à-dire fur la mer qui :» baigne la côte de Coromandel, on ne » connoît point ces tempêtes. » On part de Java , de Ceylan & de » plufieurs endroits au mois de leptembre » pour aller aux îles Moluques , parce » que le vent d'occident commence alors » à fouffler dans ces parages ; cependant Théorie de la Terre, 249 ïor (qu'on s'éloigne de l'équateur à 1 5 c< degrés de latitude auftraie , on perd ce ce vent d'oueft: & on retrouve ie vent ce ge'néraï , qui eft dans cet endroit un ce vent de fud-eft. On psrt de même de ce Cochin pour alier à Malaca, au mois ce de mars , parce que les vents d'oueft ce commencent à fouffler dans ce temps, ce ah*fi ces vents d'occident fe font fentir ce en difïcrens temps dans la mer des ce Indes, on part, comme l'on -voit ce dans un temps pour ailer de Java zux ce Moïuques , dans un autre temps pour ee aller de Cochin à Malaca, dans un ce autre pour alier de Malaca à ïa Chine, ce & encore dans un autre pour alier de ce la Chine au Japon. ce A Banda les vents d'occident fi- de midi ie fait lentiravec violence après 3d le 2.0 d'avril, auparavant il règne dans 33 cette mer des vents de fud-oueil ou 33 de nord-ouefr. : les vents d'oued font 33 aufii très-vioîens dans la mer de la » Chine pendant les mois de juin & de 33 juillet, c'en1 aufli la iàifon ia plus con- 33 venable pour aller de la Chine au 33 Japon ; mais pour revenir du Japon 33 à la Chine, ce font les mois de février 33 & de mars qu'on préfère , parce rue » les vents d'en1 ou de nord-eit régnent 33 alors dans cette mer. 33 II y a des vents qu'on peut regarder^ 33 comme particuliers à de certaines côtes JÊb 93 par exemple, le vent de fud eil pref-i 33 que continuel fur les côtes du Chili & » du Pérou, il commence au 46, mc degré Théorie de la Terre. 251 Ou environ, de latitude fuel , & il s'é- ce tend jufqu'au-delà de Panama, ce qui ce rend ie voyage de Lima à Panama ce beaucoup plus ailé à faire & plus court ce que !e retour. Les vents d'occident ce fouillent preîque continuellement, ou ce du moins très - fréquemment lur les ce côtes de la terre Magelianique, aux ce environs du détroit de ie Maire; fur la ce côte de Malabar les vents de nord & ce de nord-oueft régnent prelque conii- ce nuellement; fur la côte de Guinée !e ce \ent de nord-oueir, e(l auffi fort fré- ce quent, & à une certaine diilance de ce cette côte en pleine mer on retrouve le ce vent de nord~eft ; les vents d'occident ce régnent iur les côtes du Japon aux mois ce de novembre & de décembre. » Les vents alternatifs ou périodiques dont nous venons de parler, font (.les vents de mer ; mais il y a auiîl des vents de terre qui font périodiques & qui reviennent ou dans une certaine laiton , ou à de certains jours, ou même à de certaines heures; par exemple, iur la côte de Malabar, depuis le mois de fep- tembie jufqu'au mois d'avril il louffle un L vj 2 5 2 Wifiove Naturelle. vent de terre qui vient du côté de l'orient; ce vent commence ordinairement à mi- nuit & finit à midi , & il n'eil plus fen- iïble dès qu'on s'éloigne à 12 ou 15 îieues de la côte, & depuis midi jufqu'à minuit il règne un vent de mer qui efl fort foi bie & qui vient de l'occident; fur la côte de la nouvelle Efpagne en Amé- rique & fur celle de Congo en Afrique, il règne des vents de terre pendant la nuit, & des vents de mer pendant le jour ; à la Jamaïque les vents foufflent de tous côtés à la fois pendant la nuit, & les vaiffeaux ne peuvent alors y arriver fùre- ment , ni en fortir avant le jour. En hiver le port de Cochin efl: inabor- dable, & il ne peut en fortir aucun vaiffeau , parce que les vents y foufflent avec une telle impétuofité, que les bâti— mens ne peuvent pas tenir à la mer, & que d'ailleurs le vent d'ouefl qui y fouffle avec fureur, amène à l'embouchure du fleuve de Cochin une fi grande quantité de fable qu'il efl impofîlble aux navires , & même aux barques, d'y entrer pen- dant fix mois de l'année ; mais les vents d'eft qui foufflent pendant les fix autres Théorie de la Terre. 253 maïs, repouiTent ces labiés dans la mer & rendent libre l'entrée de la rivière. Au i détroit de Babel-mandeï ; il y a des vents de fud-eft qui y régnent tous les ans dans la même failbn, & qui font toujours fui- vis de vents de nord-oueft. A Saint-Do- mingue , il y a deux vents différens qui I s'élèvent régulièrement prefque chaque 1 jour, l'un qui eft un vent de mer vient ! du côté de l'orient & il commence à 1 o heures du matin, l'autre qui eft un vent de terre & qui vient de l'occident , s'é- lève à 6 ou 7 heures du foir & dure toute la nuit. Il y auroit plufieurs autres faits de cette efpèce à tirer des Voyageurs , dont la connoifTance pourroit peut-être nous conduire à donner une hiftoire des vents , qui feroit un ouvrage très -utile pour la Navigation & pour la Phyfique. 254 Mflolre Naturelle. fc«TwT-> ^rixssf.v j.'~ - •■ ■ t ■'■Tir wti»v'.~-- rr ^ ri ^fT^^Br^^^^^f'^T^^iKTt^^B^W^B - - r PRE U VES DE LA THÉORIE DE LA TERRE, ARTICLE XV. Des vents irréguliers , des Ouragans, des Trombes , Ù1 de quelques autres phéno~. menés caufés par ï agitation de la mer ù* de l'air, LE S Vents font plus irréguliers fur terre que fur nier, & plus irrégu- liers dans les piys élevés que clans les pays de plaines. Les montagnes non-feu- lement changent la direction des vents , mais même elles eu produiient qui font ou conMans ou variables lui vaut les diffé- rentes eau Tes ; la fonte des neiges qui iont au-deifus des montagnes , produit ordi- nairement des vents cônftans qui durent quelquefois affez long-temps; les vapeurs qui s'arrêtent contre ies montagnes & qui s'y accumulent, produiient des Vents variables , qui font uès-fréqueus Théorie de la Terre» 255 dans tons les climats , & il y a autant de variations dans ces mouvemens de l'air , qu'il y a d'inégalités (ur la iurface de la terre. Nous ne pouvons donc donner fur j cela que des exemples , & rapporter des faits qui font avérés, & comme nous manquons d'obièrvarions fui vies fur la Variation des vens, & même fur celle des (ailbns dans ics dirférens pays , nous ne prétendons pas expliquer toutes les eau lès de ces différences, & nous nous bornerons à indiquer celle- qui nous pa- roi tront les plus naturelles & les plus probab es. Dans les détroits , fur toutes les côtes avancées , à l'extrémité & aux environs de tous les promontoires, des prefqu'iîes & des caps, & dans tous les golfes étroits les orages font fréquens; mais il y a outre cela des mers beaucoup plus ora- geuies que d'autres. L'océan indien, M mer du Japon, la mer Magellanique, celle de k côte d'Afrique au-delà des Canaries, & de l'autre côté vers la terre de Natal, la mer rouge, la mer ver- meille lont tou es fort fujettes aux tem- pêtes ; l'océan atlantique eft auffi plus 2 5 6 Hï flotte HatureHe. orageux que le grand océan , qu'on a appelé , à caufè de fa tranquillité , Mer pacifique : cependant cette mer pacifique nef! abfolument tranquille qu'entre les tropiques , & jufqu'au quart environ des zones tempérées , & plus on approche des pôles 3 plus eile eft fu jette à des vents ■variables dont le changement iubit caufe fouvent des tempêtes. Tous les continens terreftres font fujets à des vents variables qui produiient fou- vent des effets finguliers ; dans le royaume de Kachemire , qui eft environné des montagnes Su Caucafe , on éprouve à la montagne Pire-Penjale des changemens foudains ; on pafTe , pour ainfi dire , de l'été à l'hiver en moins d'une heure ; il y règne deux vents directement oppo- fésy l'un de nord, & l'autre de midi, que ielon Bernier , on fent fucceili- #ement en moins de deux cents pas de diftance. La pofition de cette montagne doit être fingulière & mériteroit d'être obfervée. Dans la prefqu'île de l'Inde qui eft traverfée du nord au fud par les montagnes de Gâte , on a l'hiver d'un côté de ces montagnes & l'été Théorie de la Terre. 2 5 J de l'autre côté dans le même temps , en forte que fur la côte de Coromandel l'air cil ferein & tranquille, & fort chaud, tandis qu'à celle de Malabar, quoique fous la même lathude , les pluies, les ©races, les tempêtes rendent l'air aufïi froid qu'il peut l'être dans ce climat, & au contraire lorfqu'on a l'été à Ma- labar, on a l'hiver à Coromandel. Cette même différence fe trouve des deux côtés du cap de Rofaîgate en Arabie; dans la partie de la mer qui efl: au nord du cap il règne une grande tranquillité , tandis que dans la partie qui efl: au fud on éprouve de violentes tempêtes. Il en eiî encore de même dans l'île de Ceylan , l'hiver & les grands vents fe font fentir dans la partie feptentrionale de l'île , tandis que dans les parties méri- dionales , il fait un très-beau temps d'été; & au contraire quand la partie fepten- trionale jouit de la douceur de l'été , la partie méridionale à fon tour efl plongée dans un air fombre, orageux & pluvieux: cela arrive non- feulement dans plufieurs endroits du continent des Indes , mais aulli dans plu/ieurs îles , par exemple f 258 Hijfolre Naturelle. à Céram , qui eft une longue île dans le voifinage d'Amboine, on a l'hiver dans la partie (èptentrionale de l'île, <5c i'été en même temps dans la partie mé- ridionale , & l'intervalle qui fépare les deux faifons n'eft pas de trois ou quatre lieues. En Egypte il règne fou vent pendant Vêlé des vents du midi qui font fi chauds qu'ils empêchent fa respiration^ ils élè- vent une fî grande quantité' de fable, qu'il iemble que le ciel eft couvert de nuages épais ; ce fable eft fr fin & il eft chàlTé avec tant de violence, qu'il pénètre par-tout, & même dans les coffres les mieux fermes ; îorfque ces vents durent plufteurs jours ils caufent des maladies epidémiques , & iouvent elles font fui vies d'une grande mortalité. Il pleut très - rarement en Egypte , cependant tous les ans , il y a quelques jours de pluie pendant les mois de décembre, janvier & février, il s'y forme aufîi des brouillards épais qui y font plus fréquens que les pluies , fur-tout aux environs du Caire, ces brouillards commencent au mois de novembre & continuent peu- Théorie Je la Terre. 259 dant l'hiver, ils s'élèvent avant ïe lever du foleil ; pendant toute l'année ii tombe lime rofée fi abondante, lorfque le ciel eft ferein, qu'on pourroit la prendre Ipour une petite pluie. Dans la Perle l'hiver commence en novembre & dure jufqu'en mars, le froid y eft allez fort pour y former de i ia glace , & il tombe beaucoup de neige I dans les montagnes & fouvent un peu J dans les plaines-, depuis le mois de mars , jufqu'au mois de mai ii s'élève des vents j qui foLifflent avec force & qui ramènent la chaleur ; du mois de mai au mois de feptembre le ciel elt ferein, & la cha- ; leur de la faifon eft modérée pendant la nuit par des vents frais qui s'élèvent tous les foirs & qui durent jufqu'au len- demain matin , & en automne il fe fait des vents qui, comme ceux du prin- temps , fouinent avec force ; cependant quoique ces vents foient affez violens, il eft rare qu'ils produifent des ouragans & des tempêtes : mais il s'élève fouvent pendant l'été le long du golfe Perfique, un vent très- dan crereux que les habitans appellent Samyel° & qui eft encore plus z6o Hiflotre Naturelle. chaud & plus terrible que celui d'E* \ 1 gypte dont nous venons de parler; ce |j vent eft fuffoquant & mortel , fon ac- 1 tion eft prefque fembiahle à ceiie d'un ! tourbillon de vapeur enflammée , & on H ne peut en éviter les effets lorl qu'on I s'y trouve malheureufement enveloppé, jj Il s'élève auiîi fur la mer rouge, en }] été & fur les terres de l'Arabie; lui vent de même efpèce qui fuffoque les hommes & les animaux & qui tranf- porte une fi grande quantité de fable , que bien des gens prétendent que cette mer fe trouvera comblée avec le temps par l'entafiement fuccefîif des fables qui y tombent. Il y a fouvent de ces nuées de fable en Arabie, qui obfcurciflent l'air & qui forment des tourbillons dan- gereux. A la Vera-Cruz lorfque le vent de nord fouffle , les maifons de la ville font prefque enterrées fous le fible qu'un vent pareil amène : il s'élève aufîi des vents chauds en été à Negapatan dans h prefqu'île de l'Inde , aulïi-bien qu'à Pétapouli & à Mafulipatan ; ces vents brûlans qui font périr les hommes, ne font heureufement pas de longue durée , Théorie Je la Terre. 2 6 Y biais ils font violens, & plus ils ont de vîtefTe & plus ils iont brûians , au lieu que tous les autres vents rafraîchi fient d'autant plus qu'ils ont plus de vîtefîè; cette différence ne vient que du degré' de chaleur de l'air , tant que la chaleur de l'air efl moindre que celle du corps des animaux, le mouvement de l'air efl rafraîchifiant, mais fi la chaleur de l'air eil plus grande que celle du corps , alors le mouvement de l'air ne peut qu'échauffer & brûler; à Goa l'hiver, ou plutôt le temps des pluies & des tem- pêtes, efr. aux mois de mai, de juin & de juillet, fans cela les chaleurs y feroient infupportables. Le cap de Bonne-Efpe'rance efl fa- meux par fes tempêtes & par le nuage Singulier qui les produit; ce nuage ne paroît d'abord que comme une petite tache ronde dans le ciel; & les matelots font appelé (EU de Bœvf, j'imagine que c'eft parce qu'il le fou lient à une très- grande hauteur qu'il paroît fi petit. De tous les Voyageurs qui ont parlé de ce nuage, Koibe me paroît être celui qui Ta examiné avec le plus d'attention, 262 Hijloire Naturelle. voici ce qu'il en dit , tome J , page 2 24. \ ér fuïv. ce Le nuage qu'on voit fur les] 33 montagnes de h Table, ou du Diable, i 33 ou du Fi?7tf, eft compofé , fi je ne me j 33 trompe , d'une infinité de petites par- j 53 ticules pouffees, premièrement contre î 33 les montagnes du cap , qui font à Tell, ( 33 par ies vents d'eft qui régnent pen- j » dant prefque toute l'année dans la zonel » torride ; ces particules ainfi pouffees i 33 font arrêtées dans leur cours par ces! 33 hautes montagnes & fe ramaflènt fur I 33 leur côté oriental ; alors elles deviennent j 33 vifibles & y forment de petits mon-l 33 ceaux ou aflem Mages de nuages, qui a 33 étant inceflamment pouffes par le venta 33 d'eir. , s'élèvent au iommet de ces mon- I 33 tagnes; ils n'y relient pas long- temps 33 tranquilles & arrêtés , contraints d'à- | 33 vancer , ils s'engouffrent entre les col- | 33 lincs qui font devant eux , où ils font I 33 ferrés & prefîés comme dans une ma- 33 nière de canal ; le vent les prefie au- 33 deffous , & les côtés oppofés de deu:ç [ 33 montagnes les retiennent à droite & 33 à p-auche; lorfqu 'en avançant toujours » ils parviennent au pied de quelque Théorie de la Terre. 263 montagne où la campagne eft un peu ce plus ouverte, ils s'étendent, fe déploient ce . & deviennent de nouveau invifibles, ce ijnais bientôt ils font cb^fles fur les «■ montagnes par les nouveaux nuages <* qui font pouffes derrière eux, & par- ce viennent ainfi avec beaucoup d'im- ce pétuofité , fur les montagnes les plus ce hautes du cap , qui font celles du Vent ce & de la Table , où règne alors un vent ce tout contraire ; là il fe fait un côrtficl ce affreux, ils font pouffes par-cie;rière toujours à peu près de même groileuri 33 parce que de nouvelles matières rem-l 5> placent par-derrière celles qui fe diilx-I 33 pent par- devant. y> Toutes ces circonflances du phéno-l 33 mène conduifent à une hypothèle quil 3> en explique il bien toutes les parties:] >3 1 .° Derrière la montagne de la Table, onl 3> remarque une efpèce de (entier ou une! >3 traînée de légers brouillards blancs , quil 33 commençant fur la defcente orientale! 33 de cette montagne, aboutit à la mer &| » occupe dans fon étendue les monta-l 33 gnes de Pierre. Je me fuis très- (bu vent I 33 occupé à contempler cette traînée qui, I 33 fuivant moi , étoit caufée par le pailàge [ 3> rapide des particules dont je parle , de- 3> puis les montagnes de Pierre jufqu'à. » celle de la Table, 35 Ces particules , que je (uppofe , doî- 3» vent être extrêmement embarrafièes . » dansj T lié on e de la Terre] 16 f -dans leur marche par les fréquens chocs c< •& contre-chocs caufés non -feulement ce ?par les montagnes , mais encore par les ce •vents de ïiid & d'efl qui régnent aux ce lieux circonvoifins du cap ; c'eft ici ma ce -féconde obièrvation: j'ai déjà parié des ce •deux montagnes qui font (nuées fur ce ïes pointes de la baie Faljo ou fauiTe ce baie, l'une s'appelle la Lèvre pendante t se & l'autre Norvège. Lorique les parti- ce • cules que je conçois font poufîées fur ce ces montagnes par les vents d'efl , elles ce •en font repoufîees par ïes vents de lud, ce ce qui les porte fur les montagnes ce voifines ; elles y font arrêtées pen- ce •dant quelque temps & y paroifîent en ce nuages, comme elles le faiioient fur ce des deux montagnes de la baie Fal^o & ce ■même un peu davantage. Ces nuages c< -font fou vent fort épais fur la Hollande ce Hottentote, fur les montagnes de Stel- ce lenbofch, de Drakenjlein & de Pierre, ce mais fur- tout fur la montagne de la ce Table & fur ce! le du Diable. ' ce Enfin ce qui confirme mon opinion , ce «ft que conftamment deux ou trois ce jours avant que les vents de fud-eft & Tome Ih M rï66 Hljloire Naturelle^ « fouillent , on aperçoit fur In Tête** 33 du-lion de petits nuages noirs qui krç 33 couvrent ; ces nuages font , fuivant 23 moi , compofés des particules dont ; 33 j'ai parlé ; fi le vent de nord-oued 33 règne encore lorlqu'elles arrivent , elles 33 font arrêtées dans leur courfe , mais ! 33 elles ne font jamais chalTées fort Ioinil 33 jufqu'à ce que le vent de fud-eftl| commence. >3 Les premiers Navigateurs qui ont j approché du cap de Bonne -efpéranceaj ipnoroient les effets de ces nuages fu neiies , qui lemblent le former lente-*., ment, tranquillement & fans aucun inou-f veinent fenfïble dans l'air, & qui tout d\m coup lancent la tempête & caufent un orage qui précipite les vaiiTeaux danâ le fond de la mer, fur-tout lorfque led-i voiles font déployées. Dans la terre dé Natal, il fe forme aufli un petit nuage fembîable à l'œil de bœuf du cap dq 13onnc efpérance, & de ce nuage il fori un vent terrible & qui produit ies mêmes effets; dans la mer qui efl entre l'Afrique & l'Amérique, fur-tout fous i'équateur ïSc dans les parties voifmes de féquateury Théorie de la 7 erre: 167 if s'élève très- Couvent de ces efpèces de tempêtes; près de ia côte de Guinée il fe fait quelque fois trois ou quatre de ces orages en un jour, ils font eau les & annoncés, comme ceux du cap de Bonne-efpérance, par de petits nuages noirs ; le relie du ciel eft ordinairement fort ferein & ia mer tranquille. Le premier coup de vent qui fort de ces tiuages efï furieux , & fèroit périr les • vaifîèaux en pleine mer , fi l'on ne pre- îioit pas auparavant la précaution de caler les voiles; cefc principalement aux mois d'avril , de mai & de juin qu'on éprouve ces tempêtes fur la mer de Guinée , parce qu'il n'y règne aucun vent réglé dans cette faifon ; & plus bas , €11 descendant à Loango , la fiilbn de ces orages fur la mer voifine des cotes de Loango, eft celle des mois de jan- vier , février , mars & avril. De l'autre côté de l'Afrique, au cap de Cuardafu , il s'élève de ces eipèces de tempêtes au *nois de mai , & les nuages qui les produi- sent font ordinairement au nord , comme ceux du cap de Bonne-efpérance. Toutes ces tempêtes font donc pro- M ij $& Hifloire Naturelle: ,duites par des vents qui fbrtent rî"uiu nuage &jqui ont une direction, foit dix .nord au iud , foit du nord -eft.au fud-j .-oueft, &c. mais il y a. d'autres efpèces ddl tempêtes que l'on appelle des ouragans ,\ qui/ont encore plus yioïentes que celles-: ci, & dans .lesquelles les vents femblent venir de tous le,s côtés, ils ont un mou-« yement de tourbillon & de tournoiement auquel rien ne peut réfifter. Le calmel précède ordinairement ces horribles tein-if .pêtes, .& la mer p.aroit alors auiTi unjei qu'une glace ; mais dans un inftant la fureur des vents élève les .vagues ju.f. qu'aux nues. Il y a des endroits dans la mer où l'on ne peut pas aborder , parce qu'alternativement il y a toujours ou des calmes ou des ouragans de cette eipèce; Jes Espagnols ont appelé ces endroits jcalmes & tornados , les plus confîdérabïes font auprès de la .Guinée à % ou 3 degrés latitude nord , ils ont environ 300 ou 350 .lieues de longueur fui autant de largeur, ce, qui fait un efpaçe .de plus de 1 00 mille lieues carrées.; le .calme ou les orages font prefque con- tinuels for cette côte .de Guinée^ fy 'Théorie de la Terre. 26^ mby a dès vaiiïeaux qui y ont été retenus' (-trois mois fans pouvoir en fonir, Lorfque les vents contraires arrivent là- la fois dans le même endroit, comme là- un centre, ils produiient ces tourbil- lon s & ces tournoiemens d'air par la con^- Itrariété de leur mouvement , comme les ■ Icourans- contraires produifent dans l'eau- Ides gouffres ou des tournoiemens; mais- iorfque ces vents trouvent en oppofuion d'autres vents qui contre-balancent delôia- .eur action, alors ils tournent autour d'un- grand efpace , dans lequel il règne un :alme perpétuel, & c'eiï ce qui forme es calmes dont nous parlons, & defquels J efl fou vent impoflible de fortir. Ces^ endroits de la mer font marqués fur les globes de Senex , auffi - bien que les directions des différens vents qui régnent • ordinairement? dans toutes les mers. A la vérité je ferais porté à croire que la con- trariété feule des vents ne pourroit pas produire cet effet, fi la direction des côtes & la forme particulière du fond1 de la mer dans ces endroits n'y contri- buoient pas ; j'imagine donc que les cou- rais caufés en effet par les vents , mais- Alii; zyo Hiflcire Naturelle, dirigés par îa forme des côtes & des în£-*-'fl gnlités du fond de la mer , viennent tous 1 aboutir dans ces endroits, & que leurs j directions oppofées & contraires forment I les tornades en queîlion dans une plaine 1 environnée de tous côtés d'une chaîne I de montagnes. Les gouffres ne paroifTent être autre; I chofe que des tournoiemens d'eau eau— j fés par l'action de deux ou de pïu fleurs. I courans oppofés ; l'Euripe fi fameux par I îa mort d'Ariflote, abiorbe & rejette alternativement les eaux lept fois en vingt- quatre heures : ce gouffre e(l près des. côtes de îa Grèce. Le Carybde qui eft près du détroit de Sicile, rejette & abiorbe les eaux trois fois en vingt-quatre heures; au refle on n'efï pas trop iûr du nombre de ces alternatives de mouve- ment dans ces gouffres. Le Docteur Placentia, dans ion traité qui a pour titre YEgeo redivivo, dit que l'Euripe a des mouvemens irréguliers pendant dix- huit ou dix-neuf jours de chaque mois , & des mouvemens réguliers pendant onze jours, qu'ordinairement il ne groffit que d'un pied & rarement de deux pieds g Théorie de la Terre, 1 y II \\ dît aufîi que les Auteurs lie s'accordent pas fur le flux & le reflux de l'Euripe , que les uns difent qu'il fe fait deux fois , d'autres fèpt , d'autres onze , d'autres douze, d'autres quatorze fois en vingt- quatre heures , mais que Loir/us l'ayant examiné de fuite pendant un jour entier, ji i'avoiî obfervé à chaque fix heures d'une manière évidente & avec un mou- vement fi violent, qu'à chaque fois il pouvoit faire tourner alternativement ïes roues d'un moulin, Le plus grand gouffre que l'on connoifTe efl celui de la mer de Nor- vège, on allure qu'il a plus de vingt îieues de circuit ; il abforbe pendant fix heures tout ce qui eft dans fon voifi- nage, l'eau, les baleines, les vaifîèaux, & rend enfuite pendant autant de temps tout ce qu'il a abforbé. Il n'en1 pas nécefïaire de fuppoierSbns le fond de la mer des trous & des ïibymes qui engloutiiTent continuelle- ment les eaux , pour rendre raifon de ces gouffres ; on fiit que quand l'eau a deux directions contraires, la com- pofaion de ces mouvemens produit uri M ni) 'zjïï Htfloirc Naturelle; tournoiement circulaire & femble former? 1 un vide dans le centre de ce mouve- 1 ment , comme on peut l'obferver dans I plu fieurs endroits auprès des piles qui Soutiennent les arches des ponts , fur- . tout dans les rivières rapides; il en eft de même des gouffres de la mer r \ ils font produits par le mouvement de deux ou de plufieurs courans con- traires, & comme le flux ou le reflux | font la principale caufe des courans , en forte que pendant le flux, ils font dirigés d'un côté , & que pendant le reflux ils vont en fens contraire , il n'eft pas étonnant que les gouffres qui réfuîtent de ces courans , attirent & engloutiffent pendant quelques heures tout ce qui les environne , & qu'ils rejettent enfuite pendant tout autant de temps tout ce qu'ils ont abforbé. Les' gouffres ne font donc que des tournoiemens d'eau qui font produits par des courans oppofés , & les oura- gans ne font que des tourbillons ou tournoiemens d'air produits par des vents contraires ; ces ouragans font communs dans la mer de la Chine. c% Théorie de la Terre. ZJ1~ Ou Japon, dans celle clés lies Antilles &■ ca plufieurs autres endroits de la mer, fur-tout auprès des terres avancées & des côtes élevées , mais ils font encore plus fréquens fur la terre, & les effets en font quelquefois prodigieux. « J ai vu, dit Beilarmin, je ne ie croirais ce pas fi je ne l'euffe pas vu , une ioiîe ce énorme creuiee par le vent, & toute ce la terre de cette foffe emportée fur un ce village, en forte que l'endroit d'où ee la terre avoit été enlevée , paroifioit ce un trou épouvantable , & que le vil- ce ïagefut entièrement enterré par cette ce terre transportée.» Bellatminus de Afienfu mentis in Deum. On peut voir dans i'Hilioire-de l'Académie des Sciences & dans les TranfacVions Philofophiques,. le détail des effets de plufieurs oura- gans qui paroiffent inconcevables, &• qu'on aurait de la peine à croire, iv les faits n'étoient attelles par un grand nombre de témoins oculaires , véndiques - & intelligens. 11 en ei> de même des trombes que les Navigateurs nf voient jamais fans ' ciainte & fans admiration * ces trombes 3 MV J274 Hifîoire Naturelle* font fort fréquentes auprès de certaines côtes de la méditerranée , fur-tout lors- que le cieï efl fort couvert & que le ■vent fouffle en même temps de pïu- fieurs côtés ; elles font plus communes près des caps de Laodicée , de Grecgo & de Carmel que dans les autres parties de la méditerranée. La plupart de ces trombes font autant de cylindres d'eau qui tombent des nues , quoiqu'il femble quelquefois , fur-tout quand on elt à quelque diilance, que l'eau de la mer s'élève en haut. Voye^ les voyages de Shaw, yol. 11 > page 5 6 . Mais il faut diftinguer deux efpèces de trombes; la première, qui efl la trombe dont nous venons de parler,, n'eft autre choie qu'une nuée épaiiTe, comprimée, reiTerrée & réduite en un petit efpace par des vents oppofés & con- traires , lefquels foufflant en même temps de piuficur., côtés , donnent à la nuée la forme d'un tourbillon cylindrique, & font que l'eau tombe tout-à-la-fois fous cette forme cylindrique; la quantité d'eau eft li grande & la c hure en eft fi précipi- tée ; que fi mal heureufe ment une de ces Théorie de h Tare: 2/5. trombes tombok &r un vaiffcan, elle le briferoit & le fubmergero.t dans un Eftant. On prétend, & cela pourro.t être fondé , qu'en tirant fur la trombe plufieurs coups de canon Marges a boulets, on la rompt, & que cette com- motion de l'air la fait ceffer allez premp- tement; cela revient à l'effet des clones qu'on fonne pour écarter les nuages qui portent le tonnerre & la gre'e- L'autre efpèce de trombe s appelle typhon, & plufieurs Auteurs ont con- fondu le typhon avec 1 ouragan, fur- tout en parlant des tempêtes de.a mer de la Chine, qui eu en effet iujcae _a tous deux , cependant ils ont des cauies bien différentes. Le typhon ne dcl-> cend pas des nuages, comme la pre- mière efpèce de trombe, il n eit pas uniquement produit par le tournoiement ces vents comme l'ouragan, il s eleve de la mer vers le ciel avec une granoe violence, & quoique ces typhons m- ' femblent aux tourbillons qui s élèvent far la terre en tournoyant , ils ont une autre orio-me. On voit fouvent , jori- c e les vents font violens & contraires , l" M v) 2 7 6 'Hijlohe 'Naturelle: ïes ouragans élever des tourbillons c!e fable , de terre , & fouvent ils enlèvent & traniportent dans ce tourbillon les maifons, les arbres, les animaux. Les typhons de mer au contraire relient dans la même place , & ils n'ont pas d'autre caufe que celle des feux fou- terreins , car la mer eft alors dans une grande ébulikion , & l'air eft fi fort rempli d'exhalaifons fulfureufcs, que le ciel paroît caché d\me croûte couleur de cuivre, quoiqu'il n'y ait aucuns nuages & qu'on puifle voir à travers ces vapeurs le foleil & les étoiles : c'efi à ces feux fouterrains qu'on peut attri- buer la tiédeur de la mer de la Chine en hiver,. où ces typhons font très- fréquens. Voye^Acla erud. Lipf. Supplem* tom. I , pag. j-o $ . .. Nous allons donner quelques exem- ples de la manière dont ils fe pro^ duifent : voici ce que dit Thévenoî dans fon voyage du Levant. « Nous ^ vîmes des trombes dans le golfe Per-- 3o fïque. entre les îles Quéfomo, La- » réca & Ormus. Je crois que peu de *s? personnes, ont .» confidéré les trombes Tfteoru c!e la Terre. ^77' avec toute l'attention que j'ai flûte , ce dans la rencontre dont je viens de ce parler, & peut-être qu'on n'a jamais ce fait les remarques que le hafard m'a ce donné lieu de faire ; je les expoferai ce avec toute la fimplicité dont je fais ce profefljon dans tout le récit de mon ce voyage, afin de rendre les choies plus ce fèniiblcs & plus ailées à comprendre, ce La première qui parut à nos yeux ce étoit du coté du nord ou tramon- ce tane , entre nous & l'île Quéfomo, à la ce portée d'un fufil du vaiileau , nous «c avions alors la. proue à grec levant ou «< nord - eft. Nous aperçûmes d'abord ce en cet endroit l'eau qui bouillonnoit ce & étoit élevée de la furface de la ce- rner d'environ un pied , elle étoit ce blanchâtre, & au - defîus paroifloit «€ comme une fumée noire un peu ce épaifie , de manière que cela reiTem- ce hloit proprement à un tas de paille ce où l'on auroit mis le feu, mais qui ce lie feroit encore que fumer; cela ce failoit un bruit lourd iemblable à celui co d'un torrent qui court avec beau- ce coup de violence dans, un profond W 'zy 3 Hifloire Naturelle; s> vallon ; mais ce bruit étoit mêlé d'urT I r> autre un peu plus clair femblable à un ! » fort fifïïement de ferpens ou d'oies; ] 33 un peu après nous vîmes comme un j » canal oblcur qui avoit allez de ref- I » femblance à une fumée qui va mon- I » tant aux nues en tournant avec beau- >5 coup de vîtefTe, & ce canal paroif- | ç foit gros comme le doigt, & le même » bruit continuoit toujours. Enfuite la I 3> lumière nous en ôta la vue, & nous » connûmes que cette trombe étoit fi- :» nie, parce que nous vimes que cette * trombe ne s'élevoit plus, & ainfi la x> durée n'avoit pas été de plus d'un » demi-quart d'heure. Celle-là finie nous » en vimes une au re du côté du midi, y> qui commença de la même manière 55 qu'avoit fait la précédente ; prefque 55 suffi -tôt ii s'en fit une femblable à 55 côté de celle-ci vers le couchant, & à> incontinent après une troifième à côté » de cette féconde; fa plus éloignée s> des trois , pouvoit être à portée du :» moulquet loin de nous, elles paroif. *> foient toutes trois comme trois tas de a? paille hauts d'un pied 6c demi ou de Théorie de la Terre. îjp deux qui fu m oient beaucoup , & fa;- ce foient même bruit que fa première, ce jEnfune nous virrrcs tout autant de ce canaux qui venoient depuis les nues « fur ces endrojis où 1 eau e'toit éie- ce vee, & chacun de ces canaux étoit ce [aro-e par le bout qui tenoit à la nue ce Icomme îe large bout d'une trom- ce pette , & faifoit la même figure (pour ce l'expliquer intelligiblement) que peut ce faire la mamelle ou la tette d'un ani- ce mal tirée perpendiculairement par quel- ce ques poids. Ces canaux paroifîoient ce blancs d'une blancheur blafarde : & ce le crois que c'étoit l'eau qui étoit ce dans ces canaux tranfparens qui les ce raifoit paroître blancs ; car apparem- ce Tient ils et oient déjà formés avant ce que de tirer l'eau , félon qu'on peut ce uger par ce qui fuit ; & lorfqu'ils ce étoient vides, ils ne paroifToient pas, ce de même qu'un canal de verre fort «* clair expofé au jour devant nos yeux ce à quelque diftance , ne paroît pas s'il ce ft'eiî. rempli de quelque liqueur teinte, ce Ces canaux n'étoient pas droits , mais ce courbés en quelques endroits , même è £<8b' Hifiouc Naturelle. ï* ils n'étoient pas perpendiculaires, atrl ^contraire depuis les nues où ils pa- I »•• roifloient entés jufqu'aux endroits où.l ^ ils tiroient l'eau, ils étoient fort incli- I 2y nés, & ce qui eft de plus particulier , I » c'eft que la nue où étoit attachée la *> féconde de ces trois ayant été chaffée I 33 du vent, ce canal la fuivit fans le | » rompre & fans quitter le lieu où il » droit l'eau, & pailant derrière le ca- »- nal de la première, ils furent quel- I » que temps croifés comme en fautoir » ou en croix de Saint-André. Au corn-! 3> mencement ils étoient tous trois gros ! » comme le doigt , fi ce n'eft auprès » de la nue , qu'ils étoient plu* gros, » comme j'ai dé à remarqué ; mais dans - 3> la fuite celui de la, première de ces » trois fe groffit confiderablement : pour 3> ce qui eit des deux autres, je n'en ai » autre chofe à dire, car la dernière » formée ne dura guère davantage qu'a- » voit duré celle que nous avions vue » du côté . du nord. La féconde du » côté du midi dura environ un quart j £> d'heure , mais la crémière de ce même » : côté dura un peu davantage; & cç Théorie 'de h Terre: tft ftu celle qui nous donna le plus de m crainte, ôl c'efï. de celle-là qu'il me ce refte encore quelque chofe à dire, ce D'abord fon canal e'toit gros comme ce ie doict, enfuite il fe fit gros comme ce le bras & après comme la jambe, ce & enfin comme un gros tronc d'ar- ce Lre , autant qu'un homme pourroit ce embrafTer. Nous voyions didinclement ce au travers de ce corps tranfparent ce ï'eau qui montoit en ferpentant un ce peu , & quelquefois il diminuoit un ce peu de groffeur, tantôt par le haut « et tantôt par bas : pour lors il ref- ce fèmbloit juftement à un boyau rempli ce de quelque matière fluide que Ton ce prelTeroit avec les doigts , ou par ce haut pour faire defeendre cette liqueur, ce ou par bas pour la faire monter, ce ôl je me perfuadai que c'étoit la ce violence du vent qui faifoit ces chan- ce; gemens , faifànt monter l'eau fort ce vite îorfqu'il prefToit le canal par le et bas , & la faifànt defeendre Iorfqu'il ce. prefToit le canal par le haut. Après ce cela il diminua tellement de grof- cc- Jfeur cju'il etoit plus menu que le « 2. S 2 Hïfîoire Naturelle. a> bras comme un boyau qu'on aîonr/ê 33 en fe tirant perpendiculairement, en- » fuite i{ retourna gros comme la cuifîe, » après il redevint fort menu, enfin je y> vis que l'eau élevée fur la fuperflcie » de la mer commençoit à s'abaiffer, | » & le bout du canal qui lui touchoit, » s'en fépara & s'étrécit , comme û on » l'eût lié, & alors la lumière qui nous *> parut par le moyen d'un nuage qui *> le détourna, m'en 6 ta la vue; je ne » iailTai pas de regarder encore quel- » que temps fi je ne le reverrois point, y> parce que j'avois remarqué que par ^ trois ou quatre fois le canal de la t» féconde de ce même côté du midi » nous avoit paru fe rompre dans le rïiî-i » lieu , & incontinent après nous le re- *> voyions entier, & ce n'étoit que îa » lumière qui nous en cachoit la moitié J *> mais j'eus beau regarder avec toute *> l'attention poffible , je ne revis plus » celui-ci, & il ne fe fit plus de » trombe , &c. » Ces trombes font fort dano-ereufês » fur mer ; car fi elles viennent fur un » vaifleau ? elles fe mettent dans les voiles. Théorie Je h Terre, 2 S $ en forte que quelquefois elles l'en- ce lèvent, & le biffant enfuite retomber 3 trombes de mer qui fe formèrent avec >3 un bruit lourd, femblable à celui que » fait l'eau en coulant dans des canaux y» fouterrains; ce bruit s'accrut peu à peu! » & refTembloit au fifïïement que font- 55 les cordages d'un vaiiTeau lorfqu'un< » vent impétueux s'y mêle. Nous remar-j t> quames d'abord l'eau qui bouillon-' 53 noit & qui s'élevoit au-deffus de la- >? furface de la mer d'environ un pied^ 53 & demi; il paroifîoit au-deffus de ce » bouillonnement un brouillard, ou plu- py- tôt une fumée épaiffe, d'une couleur- >:> pâle , & cette fumée formoit une eipèce- 5> de canal qui montoit à la nue, & Les canaux> ou manches de ces » trombes fe plioient félon que ie yens s> emportoit les nues auxquelles ils étoient; >y attachés , & malgré î'impuîfion du >> vent, non- feulement ils ne fe déta-- >> choient pas, mais encore il fembloif ?> qu'ils s'aiongeafîent pour les iuivre, s* en s'étrécifîant & le groffifîant à >* mefure que le nuage s'élevoit ou fe- p&. baiflbit. Théorie 3e h Terre, i "8 5] Ces phénomènes nous causèrent « beaucoup de frayeur, & nos matelots ce |,au lieu de s'enhardir, fomentoient leur ce .peur par les contes qu'ils débitoient. « Si ces trombes, diloient-ils } viennent ce à tomber fur notre vaifîeau , elles l'en- c< lèveront , & le Iaifiantenfuite retomber, « , elles le fubmergeront : d'autres ( & ce ceux-ci étoient les officiers ) répon- ce doient d'un ton décifif qu'elles n'en- « Ièveroient pas le vaifîeau , mais que ç< venant à le rencontrer fur leur route , « cet obfbcle romproit la communica- c< tion qu'elles avoient avec l'eau de la cç mer, & qu'étant pleines d'eau, toute c< .l'eau qu'elles renfermoient , tomberoit ce perpendiculairement fur le ûilac du ce vaifîeau, &.le briieroit. cc Pour prévenir ce malheur on amena ç< îes voiles & on chargea le canon , les ce gens de mer prétendant que le bruit ce .du canon, agitant l'air, fait crever les ce .trombes & les dilîipe ; mais nous n'eu- « jnes pns befoin de. recourir à ce remède ; « quand elles eurent couru pendant dix xx minutes autour du vaiiîeau , les unes ,c< £ un quart de lieue, les autres à une ri 286 Hifioîre Naturelle. *> moindre dîiTance , nous vîmes que le* » canaux s'étréciffoient peu à peu , qu'ifs f » fe détachèrent de la iuperficie de la ir.er, & qu'enfin ils fe diulpèrent. » tome I , page i p i * II paroi t par ia defcription que ces deux Voyageurs donnent des trombes, qu'elles font produites, au moins ea partie, par l'action d'un feu ou d'une > fumée qui s'élève du fond de la mer avec une grande violence , ■& qu'elles font fort différentes de l'autre efpèce de trombe qui eft produite par l'action des j vents contraires , & par la comprefîlon | forcée & la réiblution lubite d'un ou. de plu fieurs nuages , comme les décrit J\I. Shaw, tome II , page j 6. « Les D> trombes, dit-il, que j'ai eu occafioa.il D3 de voir, m'ont paru autant de cylindres j :» d'eau qui tomboient des nuées, quoi- :» que par la réflexion des colonnes qui s» defcendent ou par les gouttes qui fe D3 détachent de l'eau qu'elles contiennent y> & qui tombent, il femble quelquefois, :» fur-tout quand on en eft à quelque 3> diftance, que l'eau s'élève de la mer ^ en haut. Pour rendre raifon de ce Théorie de la Terre. 287 "phénomène on peut (upjx)ier que les ce nuées étant aflemblées dans un même ce endroit par des vents oppofés, ils les ce obligent , en les preiïant avec violence, ce de iè condenfer & de defeendre en ce tourbillons. « Il relie beaucoup de faits à acque'rir avant qu'on puifîe donner une expli- cation complète de ces phénomènes ; il me paro'it feulement que s'il y a fous les eaux de la mer des terreins mêlés ; de foufre , de bitume & de minéraux , comme l'on n'en peut guère douter , on peut concevoir que ces matières , venant à s'enflammer , produifent une 1 grande quantité d'air (b) comme en 1 produit de la poudre à canon ; que cette I quantité d'air nouvellement généré ôc prodigieufement raréfié , s'échappe & | monte avec rapidité , ce qui doit élever : & peut produire ces trombes qui s'élè- j vent de la mer vers le ciel ; & de même fi par l'inflammation des matières fui- J fureufes que contient un nuage , iï 1 {g forme un courant d'air qui defeende (d) Voyez l'r.naîyfe de l'Air de M. Haies, & le ■| Traite de l'Artillerie de M. Kobins, iâ8S Hijlohe Naturelle: perpendiculairement du nuage vers \t mer, toutes les parties aqueufès que; contient le nuage, peuvent fuivre ie courant d'air & former une trombe qui tombe du ciel fur la mer ; mais il faut avouer que l'explication de cette efpèce de trombe , non plus que celle que nous avons donnée par le tournoiement des vents & la comprefïion des nuages , ne fatisfait pas encore à tout, car on aura railon de nous demander pourquoi l'on ne voit pas plus fouvent fur la terre comme fur la mer de ces efpèces de, trombes qui tombent perpendiculaire- ment des nuages. L'Hiftoire de l'Académie, année i 72^ fait mention d'une trombe de terre qui parut à Capeftan près de Béziers; c'était une colonne allez noire qui defeendoit d'une nue jufqu'à terre, & diminuoit toujours de largeur en approchant de h terre où elle le terminoit en pointe; elle obéifîoit au vent qui fouffloit de l'oued au fud-oueft ; elle étoit accom- pagnée d'une efpèce de fumée fort epaiiTe & d'un bruit pareil à celui d'une aner fort agitée, arrachant quantité de rejetons Théorie de la Terre. 289 rejetonsd'oliviers , déracinant des arbres & jufqu'à un gros noyer qu'elle tranf- porta jufqu'à quarante ou cinquante pas, Sl marquant Ton chemin par une large , trace bien battue , où trois carrofTes de front auroient paiTé ; il parut une autre colonne de la même figure , mais qui fè joignit bientôt à la première , & après que le tout eut difparu , il tomba une grande quantité de grêle. Cette efpèce de trombe paroît être encore différente des deux autres ; il n'eft ! pas dit qu'elle contînt de l'eau , & il îèmbie , tant par ce que je viens d'en : rapporter , que par l'explication qu'en la donnée M. Andoque loriqu'il a fait ; pari de i'obfervation de ce phénomène à l'Académie, que cette trombe n'étoit qu'un tourbillon de vent épaifli & rendu vifibie par la poufîière & les vapeurs condenièes qu'il contenoit. Voye^ l'HiJî. | de l'Acad. on. 1 y 2 7, -page 4. & Jiiiv, Dans la même Hiilcire , année 1 741 , Il eft parlé d'une trombe vue fur le lac de Genève , c'étoit une colonne dont la partie fupérieure aboutifToit à un nuage aflèz noir, & dont la partie inférieure ? Tome IL N '2 0 0 'Hijlôïre Naturelle. cjui etoit plus étroite , fe termmoit un peu au-deiïus de l'eau. Ce météore ne dura que quelques minutes, & dans le I moment qu'il fe dilîîpa on aperçut une J vapeur épailTe qui montoit de l'endroit où il avoit paru , & là même les eaux du lac bouilionnoient & fembioient faire effort pour s'élever. L'air étoit fort calme pendant le temps que parut cette trombe, & iorfqu elle fe diffipa , il ne s'enfuivit ni vent ni pluie. « Avec tout ce que 33 nous (avons déjà, dit i'Hiltorien de » l'Académie, fur les trombes marines, *» ne feroit-ce pas une preuve de plus :» qu'elles ne fe forment point par le » feul confTiét des vents, & qu'elles :» font prefque toujours produites par | » queîqu'éruption de vapeurs -fouter- x> raines , ou même de volcans , dont ' » on fait d'ailleurs que le fond de la mer 33 n'eft pas exempt7. Les tourbillons d'air » & les ouragans qu'on croit commu- ai nément être la caufe de ces fortes de i » phénomènes , pourroient donc bien 33 n'en être que l'effet ou une fuite acci- dentelle. » Voyei l'H'iftoire de l'Acad* année ij^i» Pûge %*• Théorie de la Terre. 29TI '» .---■. ■« PRE U V E S PELA THÉORIE DE LA TERRE* A II T1CLE XVI. Des Volcans ir des Tremblement Je terre. LES montagnes ardentes qu'on appelle Volcans , renferment dans leur fein le foutre , le bitume, & les matières qui fervent d'aliment à un feu fouterrain, .dont l'effet plus violent que celui de la poudre ou du tonnerre , a de tout temps étonné, effrayé' les hommes, & déiolé la terre; un volcan efl un canon d'un volume immenfê, dont l'ouverture a fouvent plus d'une demi-lieue ; cette large bouche à feu vomit des torrens de fumée & de flammes , des fleuves de bitume , de foufre & de métal fondu, des nuées de cendres & de pierres , & quelquefois elle lance à plufieurs lieues '2 p 2 Hifloire Naturelle. de diftance des mufles de rochers énof^ mes , & que toutes les forces humaines réunies ne pourraient pas mettre en mouvement ; i'embrafement eft fi terrible , & la quantité des matières ardentes , fon- dues , calcinées , vitrifiées que la mon- tagne rejette , eft fi abondante , qu'elles enterrent les villes , les forêts , couvrent îes campagnes de cent & de deux cents pieds d'épaiiTeur, & forment quelque- fois des collines & des montagnes qui ne (ont que des monceaux de ces ma^ tières entailées.- L'action de ce feu eft ii grande , la force de i'explolion eft ft violente , qu'elle produit par fa réaction des fecoufles afiez fortes pour ébranler & faire trembler la terre , agiter la mer, renverfer les montagnes , détruire les villes & les édifices les plus folides, à des diftances même très-confidérables. Ces effets1, quoique naturels, ont été regardés comme des prodiges , & quoi- qu'on voie en petit des effets du feu afTez femblables à ceux des volcans , le grand, de quelque nature qu'il foit, a ii fort le droit de nous étonner , que je lie fuis pas furpris que quelques auteurs Théorie de la Terre. iyî «lient pris ces montagnes pour les fou* piraux d'un feu central , & le peuple pour les bouches de l'enfer. L'étonne- ment produit la crainte, & la crainte fait naître la fuperftition ; les habitans de l'île riflande croient que les mugilTe- mens de leur volcan, font les cris des damnés, & que leurs éruptions font ies effets de la fureur & du défefpoir de ces malheureux. Tout cela n'eft cependant que du bruit , du feu & de la fumée ; il fe trouve dans une montagne des veines de foufre, de bitume & d'autres ma- tières inflammables ; il s'y trouve en même temps des minéraux, des pyrites qui peuvent fermenter & qui fermen- tent en effet toutes les fois qu'elles font expofées à l'air ou à l'humidité ; il s'en trouve enfemble une très-grande quan- tité , le feu s'y met & cauiè une explo- fion proportionnée à la quantité des matières enflammées, & dont les effets font auffi plus ou moins grands dans la même proportion : voilà ce que c'en: qu'un volcan pour un Phyficien , & i{ lui eft facile d'imiter l'aclion de ces feux N iij ^94 Hiftolre Naturelle. fouterrains, en mêlant enfembîe un£ certaine quantité de foufre & de limaille de fer qu'on enterre à une certaine pro- fondeur , & de fliire ainfi un petit volcan dont les effets font les mêmes , propor- tion gardée , que ceux des grands , car il s'enflamme par la feule fermentation , il jette la terre & les pierres dont il eft couvert, & il fait de la fumée, delà flamme & des explofions. II y a en Europe trois fameux volcans : ïe mont Etna en Sicile, le montHéela en Ifl-ande , & ie mont Véfuve en Italie près de Naples. Le mont Etna brûle depuis un temps immémorial, les érup- tions font très-violentes, & les matières qu'il rejette fi abondantes, qu'on peut y creufer jufqu'à 68 pieds de profon- deur , où l'on a trouvé des pavés de marbre & des vertiges d'une ancienne ville qui a été couverte & enterrée fous cette épaifTeur de terre rejetée , de la même façon que la ville d'Héraelée a été couverte par les matières rejetées du Véfuve. Il s'eft formé de nouvelles bouches de feu dans l'Etna en 1650, 166$ & en d'autres temps : on voit les TJiéom Je la Terrt. 2951 flammes & les fumées de ce volcan depuis Malte , qui en eft à foixante lieues , il s'en élève continuellement de la fumée , & il y a des temps où cette montagne ardente vomit avec impétuofité des flam- mes & des matières de toute efpèce. En 1537, il y eut une éruption de ce volcan qui caufa im tremblement de terre dans toute la- Sicile- pendant douze jours, & qui renVcrfa un très-grand nombre de maifons & d'édifices , il ne ceffa que par l'ouverture d'une nouvelle bouche à feu qui brûla tout à cinq lieues aux environs de la montagne ; les cendres rejetées par le volcan, étoient fi abondantes & lancées avec tant de force,- qu'elles furent portées jufqu'en Italie , & des vaifleaux qui étoient éloignés de la Sicile, en furent incommodés. Farelii décrit fort au long les embrafe* mens de cette montagne , dont il dit que le pied a 100 lieues de circuit- Ce volcan a maintenant deux bouches principales, Tune eft plus étroite que l'autre ; ces deux ouvertures fument toujours, mais on n'y voit jamais de feu que dans le temps. des éruptions: on N iiij. '2 p 6 Ht flaire Naturelle. prétend qu'on a trouvé des pierres qu'il a lancées jufqu'à foixante mille pas. En 1683, il arriva un terrible trem- blement en Sicile , caufé par une vio- lente éruption de ce volcan , il détrui fit entièrement la ville de Catanéa , & fit périr plus de 60 miile peribnnes dans cette ville feule , fans compter ceux qui périrent dans les autres villes & villages voifms. L'Héda lance les feux à travers ïes glaces & les neiges d'une terre gelée; les éruptions font cependant aufîi vio- kntes que celle de l'Etna & des autres volcans des pays méridionaux. II jette beaucoup de cendres , de pierres pon- ces, & quelquefois, dit -on, de l'eau bouillante ; on ne peut pas habiter à ilx lieues de diftance de ce volcan, & toute l'île d'I (lande efl fort abondante en foufre. On peut voir l'hiftoire des vio- lentes éruptions de THécIa dans Dithmar Bleffken. Le mont Véfuve , à ce que difent ïes Hiiloriens , n'a pas toujours brûlé, & il n'a commencé que du temps du fèp- ti-ènie confulat de Titc Vefpafien & de Théorie de la Terre. 2 y y îjjavius Domitien : le fommet s 'étant ouvert , ce volcan rejeta d'abord des pierres & des rochers , & enfuite du feu & des flammes en il grande abondance , qu'elfes brûlèrent deux villes voifmes , & des fume'es fi épaiiles , qu'elles obfcur- cifloient la lumière du foleiî. Pline vou- lant confidérer cet incendie de trop près, fut étouffé par la fumée. Voye^ l'Epître de Pline le jeune à Tacite. Dion Caffius rapporte que cette irruption du Véiuve fut fi violente , qu'il jeta des cendres <5c ■des fumées fulfureufes en fi grande quan- tité & avec tant de force, qu'elles furent portées jufqu'à Rome , & même au-delà de la mer méditerranée en Afrique & en Egypte. L'une des deux villes qui furent couvertes des matières rejetées par ce premier incendie du Véiuve , e(l celle d'Héraciée , qu'on a retrouvée dans ces derniers temps à plus de 60 pieds de profondeur fous ces matières, dont la furface étoit devenue par la (uccefîlon du temps , une terre labourable & cultivée. La relation de la découverte d'Héraciée cil entre les mains de tout le monde , il fer oit feulement à defirer que quelqu'un N v 2 y S Hiflolre Naturelle» verfé dans l'Hiftoire Naturelle & h Phyfique prît la peine d'examiner Ie3 différentes matières qui compofent cette épaiffeur de terrein de 60 pieds , qu'il fît en même temps attention à la difpo- fition & à la iltuation de ces mêmes matières, aux altérations qu'elles ont produites ou foufTertes elles-mêmes , à la direction qu'elles ont fuivie , à la dureté qu'elles ont acquife , &c. Il y a apparence que Napïes eit fitué fur un terrein creux & rempli de miné- raux briilans , puifque le Véfuve & la Solfatare fèmblent avoir des communi- cations intérieures ; car quand le Véfuve brûle, la Solfatare jette des flammes, & ïorfqu'il cefTe , la Solfatare ceiïe aufl}. La ville de Napïes eft à peu près à égale diflance entre les deux. Une des dernières & des plus vio- lentes éruptions du Véfuve, a été celle de l'année 1737; la montagne vomiiToit par plufieurs bouches de gros torrens de matières métalliques fondues & ardentes , qui fe répandoient dans la campagne & s'alloient jeter dans la mer. M. de .JYionteaiègre ? qu* communiqua cette Théorie Je la Terre. 299 relation à l'Académie des Sciences, ob- ier va avec horreur un de ces fleuves de feu , & vit que Ton cours étoit de 6 ou 7 milles depuis (a fource jufqua ta mer, fa largeur de 50 ou 60 pas:, fa profondeur de 2 5 ou 3 o palmes , & dans certains fonds ou vallées, de 220; la matière qu'il rouioit étoit femblable à l'écume qui fort du fourneau dune forge, &c. Voyei l'Hift. de l'Académie, année: 1 73 7>Paëes 7 & 8 • AT , En Afie, fur-tout dans les îles de Tocéan indien, il y a un grand nombre de volcans , i'un des plus fameux eit le mont Albours auprès du- mont Taurus, à huit lieues de Hérat , fon fommet fume continuellement, & il jette fréquemment des flammes & d'autres matières en il grande abondance , que toute la cam- pagne aux environs efl couverte de cendres. Dans file deTernate il y a un volcan oui rejette beaucoup de matière femblable à la pierre ponce- Quelques voyageurs prétendent que ce volcan cft plus enflammé & plus furieux dans le temps des équinoxes que dans les autres faifons de l'année ,- parce qui! N vî 30G Hijîoire Naturelle. règne alors de certains vents qui con- tribuent à embrafer la matière qui nourrit ce feu depuis tant d'années. Voye^ les Voyages a" Argenfola , tome 1 , page 21. L'île de Ternate n'a que fept lieues de tour & n'eft qu'un fommet de mon- tagne; on monte toujours depuis le rivage jufqu'au milieu de i'îie, où ïe volcan s'élève à une hauteur très-confi- dérabïe & à laquelle il eft très- difficile de parvenir. Il coule plufieurs ruiiTeaux d'eau douce qui defcendent fur la croupe de cette même montagne , & lorfque i'air eil calme & que la faifon eft douce, ce gouffre embrafé efl dans une moindre agitation que quand il fait de grands vents & des orages. Voye^ le voyage de Schouten. Ceci confirme ce que j'ai dit dans le difcours précédent, & femble- prouver évidemment que le feu qui confume les volcans , ne vient pas de la profondeur de la montagne, mais du fommet , ou du moins d'une profon- deur affez petite, & que le foyer de i'embrafement n'eft pas éloigné du fom- met du volcan; car fi cela n'étoit pas airifi ; les grands vents ne pourraient pas Théorie cle h Terre* 3 0 ï! Contribuer à leur embrafement. II y a quelques autres volcans dans les Molu- ques. Dans l'une des îles Maurices, à 70 lieues des Moluques, il y a un volcan dont les effets font aufî] violens que ceux de la monta orne de Ternate. L'île D de Sorca , l'une des Moluques , étoit , autrefois habitée ; il y avoit au milieu de cette île un volcan , qui étoit une montagne très-éleve'e. En 165)3, ce volcan vomit du bitume & des matières enflammées en fi grande quantité , qu'il fe forma un lac ardent qui s'étendit peu à peu , & toute l'île fut abymée ôz difparut. Voye^ Phil. Tranf. Ab. vol. II, pag. 391. Au Japon il y a aufîi plu- fieurs volcans , & dans les îles voifines du Japon , les navigateurs ont remarqué pîufieurs montagnes dont les fommets jettent des flammes pendant la nuit <3c de la fumée pendant le jour. Aux îles Philippines , il y a auffi pîufieurs mon- tagnes ardentes. Un des plus fameux vol- cans des îles de l'océan indien , & en même temps un des plus nouveaux, efl: celui qui efl près de la ville de Pana- rucan dans l'île de Java, il s'eft ouvert %0ï Hijloire Naturelle;- en 1586^, on n'avoit pas mémoire qu-îl eût brûlé auparavant, & à la première);] éruption il pouffa une énorme quantité \ de (oufre, de bitume & de pierres. Laj même année Je mont Gounapi , dans À l'île de Banda , qui brûioit feulement 1 depuis dix-fept ans, s'ouvrit & vomit) avec un bruit affreux des rochers & des l matières de toute efpèce. Il y a encore I quelques autres volcans dans les Indes,! comme à Sumatra & dans le nord de l'Aile , au-delà du fleuve Jénifcéa & de j la rivière de Péflda ; mais ces deux j derniers volcans ne font pas bien re- connus. En Afrique, il y a une montagne, ou plutôt une caverne appelée Béni- 1 gua^evdl , auprès de Fez, qui jette tou- jours de la fumée, & quelquefois des!] flammes. L'une des îles, du cap Vert, || appelée Vile de Fuogue , n'eit qu'une groffe m ntagne qui brûle continuelle- ment ; ce volcan rejette , comme les I autres , beaucoup de cendres & de pierres, & les Portugais qui ont pîuueurs fois • tenté de faire des habitations dans cette- île , ont été contraints d'abandonner leur Théorie Je la Terre. 303' projet par la crainte des effets du volcan. Aux Canaries, le pic de Ténériffe, vutrement appeié la montagne de Teide , qui pafTe pour être l'une des plus hautes rnontagnes de la terre, jette du feu, des cendres & de greffes pierres ; du fommet :ouient des ruiiieaux de foufre fondu lu côté du fud à travers les neiges ; ce foufre fe coagule bic ntôt & forme des /eines dans la neige, qu'on peut diiïinguer |fie fort loin. En Amérique, il y a un très-grand îombre de volcans , & fur-tout dans les inontagnes du Pérou & du Mexique ; :elui d'Aréquipa , efr. un des plus fameux, ;I caufe fou vent des tfemblemens de terre plus communs dans le Pérou que ians aucun autre pays du monde. Le /olean de Carrapa & celui de Maîahailo font, au rapport des voyageurs, îes plus confidérabks après celui d'Aréquipa, niais il y en a beaucoup d'autres dont bn n'a pas une connoi fiance exacle. AL Bouguer, dans la relation qu'il a donnée de fou voyage au Pérou , dans le vo- ume des Mémoires de l'Académie de 'année 1744; fait mention de deux "304 Hiflohe Naturelle* volcans , l'un appelé Cotopaxi , & l'autre Pichincha ; le premier eft à quelque diftance, & l'autre eft très-voifin de la viile de Quito; il a même été témoin d'un incendie de Cotopaxi en 1742, & de l'ouverture qui le fit dans cette montagne d'une nouvelle bouche à feu; 1 cette éruption ne fit cependant d'autre ' mal que celui de fondre les neiges de ïa montagne & de produire ainfi des , torrens d'eau fi abondans , qu'en moins , de trois heures ils inondèrent un pays dt 1 8 lieues d'étendue , & renversèrent tou ce qui fe trouva fur leur pafîage. Au Mexique , il y a plufieurs volcan» dont les plus confidéraMes font Popo champèche & Popocatepec , ce fut au- près de ce dernier volcan que Corté: pafta pour aller au Mexique , & il y eu des Efpagnols qui montèrent jufqu'ai fommet où ils virent la bouche du vol can qui a environ une demi-lieue d tour. On trouve auffi de ces montagne de foufre à la Guadeloupe , à Tercère ô dans les autres îles des A ç ores ; & fi 01 vouioit mettre au nombre des volcan toutes les montagnes crû fument 01 : Théorie de la Terre'. 3 0 f 3efqueIIcs il s'élève même des flammes, Mi pourroit en compter plus de foi- rante; mais nous n'avons parlé que de :es volcans redoutables, auprès defquels :>n n'ofe habiter , & qui rejettent des terres & des matières minérales à une rrande diftance. Ces volcans qui font en fi grand nom- bre dans les Cordillères, caufent, comme e l'ai dit, des tremblemens de terre Drefque continuels , ce qui empêche im'on y bâtifîe avec de la pierre au-defîus iu premier étage , & pour ne pas rifquer d'être écrafés, les habitans de ces parties ju Pérou ne conftruifent les étages fu- périeurs de leurs maifons qu'avec des rofeaux & du bois léger. II y a auffi dans ces montagnes plufîeurs précipices Se de larges ouvertures dont les parois font noires & brûlées , comme dans le précipice du mont Ararat en Arménie, qu'on appelle YAbyme; ces abymes font les bouches des anciens volcans qui le font éteints. II y a eu dernièrement un tremblement de terre à Lima , dont les effets ont été terribles; la ville de Lima & le port de '3'o6 Hiflebe Naturelles Callao ont été preiqu'entièrement aKy-t] mes , mais le mal a encore été plus! confidérable au Caliao. La mer- a cou-T vert de les eaux tous les édifices, & par! conféquent noyé tous les habitans, i|| n'elt. reflé qu'une tour ; de vingt-cinqj vaifieaux qu'il y avoit dans ce port, i{ y en a eu quatre qui ont été portes ai une lieue dans les terres , & le refle a été! eiigïoud par la mer. À Lima , qui eftl Une très-grande ville , il n'eft refté quel vingt-iept maifbns fur pied , if y a eu uni grand nombre de personnes qui ont été I écrafées, fur-tout des Moines & des! Religieufes, parce que leurs édifices fon4| plus exhaufles, & qu'ils (ont conftruiis] de matières plus iolides que les autres | maifbns : ce malheur e(t arrivé dans le] mois d'octobre 1746 pendant la nuit^l la iecouife a duré 1 5 minutes. II y avoit autrefois près du port de 3 Pifco au Pérou une viiîe célèbre fituéel fur îe rivage de la mer , mais elle fut] prefqu'eniiè rement ruinée & défolée pail le tremblement de terre qui arriva le 1 ol octobre 1682; car la mer ayant quitté] les bornes ordinaires, engloutit cette . ville J Théorie de la Terre, 3 6% tialheureufe , qu'on a tâché de rétablir in peu plus loin à un bon quart de ieue de la mer. ! Si l'on conlulte les hiftoriens & les Kyûgeurs , on y trouvera des relations Ile plufieurs trembiemens de terre & Eruptions de volcans, dont les effets i>nt été auffi terribles que ceux que nous Kons de rapporter. Pofidonius , cité ,>ar Strabon dans (on premier livre, rapporte qu'il y avoit une ville en Phé- îicie, fituée auprès de Sidon, qui fut engloutie par un tremblement de terre , H avec elle le territoire voifm & les Jeux tiers même de la ville de Sidon, k que cet effet ne fe fit pas (licitement , M forte qu'il donna le temps à la pîu- Dart des habitans de fuir ; que ce trem- blement s'étendit prefque par toute la [Syrie & jufqu'aux îles Cyclades, & sn Eubée où les fontaines d7Arétufe tarirent tout-à-coup & ne reparurent que plufieurs jours après par de nou- velles fources éloignées des anciennes, & ce tremb'ement ne ceffa pas d'agiter file , tantôt dans un endroit , tantôt «lans un autre, jufqu'à ce que la terre '30 3 Hifloke Naturelle. fe fût ouverte dans la campagne c Lépante & qu elle eût rejeté une granc quantité de terre & de matières enflait mées. Pline, dans Ton premier livre $L 84, ^ rapporte que fous ie règne d Tibère il arriva un tremblement de terr qui renverfa douze villes d'Afie ; & dar fon fécond livre , ch. 83, il fait mentio. dans les termes fui vans d'un prodi£ caufé par un tremblement de terre Faâum eftfemel (quod ejufdem in Etrufc, difeiplinœ voluminibus invem) in gens terra rum portentum Lucio Marco. Sex. JuL Cojf. in agro Mutinenfu Namque montt duo inîer fe concurrerunt crepitu max'm adfuhantes , recedentefque,, inter eosflamm fumoque in cœlum exeunte inîerdiu, fpet tante è via sEmilia magna equitum Rome norum, famili arum que & viatorum mut titudine. Eo concurfu villa omnes elifa animalia permulta, quœ intra fuerant exanimata funt , &c. Saint- Auguftin lib. II, de Miraculis, chap. 3 , dit que pal .un très-grand tremblement de terre il eut cent viiies renverfées dans la Lybicl Du temps de Trajan la ville d'Antiochl & une grande partie du pays adjacenj Théorie de la Terre: 30 à irent abymées par un tremblement de !:rre; & du temps de Juftinieri, en '28, cette ville fut une féconde fois léiruite par la même caufe avec plus de o mille de fes habitans ; & foixante ans mes, du temps de Saint Grégoire, elle |Tuya un troifième tremblement avec erte de 60 mille de fes habitans. Du mps de Saladin , en 1 1S2 , la plupart | villes de Syrie & du royaume de érulàlem furent détruites par la même mie. Dans la Pouille & dans la Calabre eft arrivé plus de tremblemens de terre u'en aucune autre partie de l'Europe; du mps du Pape Pie II, toutes les églifes & s palais de Naples furent renverfés , il y ît près de 3 o mille perfonnes de tuées , - tous les habitans qui relièrent furent biiges de demeurer fous des tentes ifqu'à ce qu'ils euflènt rétabli leurs lailons. En 1 629 il y eut des tremble- îens déterre dans la Pouille, qui firent érir 7 mille perfonnes ; & en 1 63 8 la ille deSainte-Euphémie fut engloutie , c il n'eft reQé en là place qu'un lac e fort mauvaife odeur ; Ragufe & mvrne furent auffi prefqu'entièrçment 3 t © Hîjlotre Naturelle. détruites. Il y eut en i 602 un trem'Bljl ment de terre qui s'étendit en -Anglîj terre, en Hollande, en Flandre, < Allemagne, en France, & qui le i fentir principalement fur les côtes de I mer & auprès des grandes rivières , 1 .ébranla au moins 2600 lieues carrée] il ne dura que deux minutes, le moi) vement étoit plus confidérable dans i montagnes que dans les vallées. Voym jRû/s Difcourfes , page 272. En 1 6 8 I ie 1 o.mc de juillet, ii y eut un trembî 1 ,ment de terre à Smyrne, qui commen I .par un mouvement d'occident en orieri le château fut renverfé d'abord, il quatre murs s'étant entr'ouverts & e:l foncés de 6 pieds dans la mer, ce chl teau , qui étoit un inhme, eft à préfe 3 ,une véritable île éloignée de la ter! -d'environ 100 pas, dans l'endroit < 1 ïa langue de terre a manqué; les mi] qui étoient du couchant au levant fol tombés , ceux qui aïloient du nord fud font reliés fur pied; la ville, qui «I à 10 milles du château, fut renverra prefqu'auiTi - tôt ; on vit en pîufiei il endroits des ouvertures à la terre, ? d'eau, une île qui avoit plus d'un<| 55 lieue & demie de long & plus de 6(. toiles de haut. » Voye^ les voyages d Alandeljh. « II s'en étoit fait un autr » en 1 591 , qui commença le 26 dJ >3 juillet , & dura dans l'île de Saint 3> Michel jufqu'au 1 2 du mois iuivant 3> Tercère & Fayal furent agitées le len *> demain avec tant de violence , qu'elle :» paroiiToient tourner, mais ces affreufe 5> fecoufîes n'y recommencèrent qu | » quatre fois , au lieu qu'à Saint-MicrK 3> elles ne cessèrent point un momenl » pendant plus de quinze jours; lesinful d? laires ayant abandonné leurs maifon I » qui tomhoient d'elles-mêmes à leurl 53 yeux, pafsèrent tout ce temps expofel 35 aux injures de l'air. Une ville entier I sa nommée Villa-francaïxxx renverfée juf I 35 qu'aux fondemens; & la plupart de fè I 53 habitans écrafés fous les ruines. Dan I » plufieurs endroits les plaines s'élevèJ >3 rent en collines , & dans d'autres quel I & ques montagne&s'aplanirent ou chan I P gérer. I Théorie de la Terre. 3 1 g> gèrent de fituation ; il fortit de la terre ce une fource d'eau vive qui coula pen- ce dant quatre jours & qui parut en fuite ce fécher tout d'un coup ; l'air & la mer ce encore plus agités retentiffeient d'un ce bruit qu'on auroit pris pour le mugif- ce fèment de quantité de bêtes féroces ; ce plu fieurs perionnes mouroient d'ef- ce froi , il n'y eut point de vaiiTeaux dans c< les ports même qui ne fouffrifîent des ce atteintes dangereutes , & ceux qui ce ctoient à l'ancre ou à la voile à 20 ce lieues aux environs des îles, furent en- ce core plus maltraités. Les trembiemens ce de terre font fréquens aux A çores ; ce vingt ans auparavant il en étoit arrivé ce un dans l'île de Saint-Michel , qui ce avoit renverfé une montagne fort haute, :» Vbye^ l'H'iftoire générale des Voyages , tome 1 , page 3.2 j. ce II s'en fit un à Manille au mois de feptembre 1 627, ce qui aplanit une des deux montagnes ce qu'on appelle Carvallos dans la pro- <* vince de Cagayan ; en 1645, la troi- ce fième partie de la ville fut ruinée par un ce pareil accident, & trois cents perionnes ce *y périrent; l'année fuivante elle en <ç Tome IL O 5' 14 Hiffoke Naturelle. 5> foufïrit encore un autre: ïes \\e\\X 33 Indiens diient qu'ils étoient autrefois » plus terribles, & qu'à caufe décela on >3 ne bâtifïbit les maifons que de bpis, ce 33 que font aufîi les Espagnols, depuis 33 ie premier étage. 33 La quantité des volcans qui fe trou- *> vent dans file, confirme ce qu'on a 33 dit jufqu'à prêtent; parce qu'en cer- 33 tains temps ils vomilîent des flammes, 33 ébranlent la terre & font tous ces 33 effets que Pline attribue à ceux d'Itaiie , 33 c'eit-à-dire de faire changer de lit aux 35 rivières & retirer des mers voifînes, de 33 remplir de cendres tous les environs 33 & d'envoyer des pierres fort loin avec un bruit femblabie à celui du canon. 3;» Voye^ le Voyage de Gemelli Car en l, pag e 12p. « L'an î 64.6, h montagne de l'île de 3> Machian (e fendit avec des bruits ôc 33 un fracas épouvantables , par un ter-* 33 rible tremblement de terre , accident 33 qui eft fort ordinaire en ces pays-là , 33 il fortit tant de feux par cette fente , 3? qu'ils confumèrent plufieurs négreries & avec les habitans à, tout ce qui y e/coiî; Théorie Je la Terre. 315' m\ voyoit encore Pan i<5Sc, cette ce prodigieuie fente, & apparemment ce elle iubfïile toujours ; on {a nommoit ce Y ornière de Afackian , parce qu'elle ce defeendoit du haut au bas de la mon- ce tagne comme un chemin qui y aurait tremblemens., le ciel étant même fort 3» ferein. Le tremblement du 2. février p> 1703, qui fut le plus violent de tous, » fut accompagné , du moins à Rome , 7> d'une grande férénité du ciel & d'un ?> grand calme dans l'air ; il dura à Rome 7» une demi-minute , & à Àqulla , capi- ?7 taie de i'Abrufle, trois heures. Il ruina ?> toute la ville d'Aquiîa, enfévelit 5 mille » perfonnes fous les ruines , & fit un 3> grand ravage dans les environs. 3> Communément les balancemens }> de la terre ont été du nord au fud, ou 5> à peu près , ce qui a été remarqué & par le mouvement des lampes des 2> églifes. » II s'efl: fait dans un champ deux n ouvertures , d'où il efl foni avec vio- a> lence une grande quantité de pierres » qui l'ont entièrement couvert & rendu 73 flérile , après les pierres il s'élança de 79 ces ouvertures deux jets d'eau qui $3 furpaffoient beaucoup en hauteur les 33 arbres de cette campagne, qui durèrent p un quart d'heure , & inondèrent juf. p qu'aux campagnes voifmes ; cette eau* Théorie de la Terre. 3 1 y eft blanchâtre, fëm-blable à de l'eau M de fa von & n'a aucun goût. c< Une montagne qui eft près de ce Signio, bourg éloigné d'Aquila de ce ■vingt-deux milles , avoit fur Ton fom- c< met une plaine aiTez grande environ- ce née de rochers qui lui fervoient comme ce de murailles. Depuis le tremblement ce du 2 février, il s'eft fait à la place de ce cette plaine un gouffre de largeur iné- ce gale, dont le plus grand diamètre eft ce de 25 toiles, & le moindre de 20 : on ce n'a pu en trouver le fond, quoiqu'on ce ait été jufqu'à 300 toiles. Dans le ce temps que fe fit cette ouverture on en ce vit fortir des flammes , & enfuite une ce très-grofie fumée qui dura trois jours ce avec quelques interruptions. ce À Gènes le iv* deux pieds & demi de hauteur, tant 2> dans le baîTin que dans le fofîe. En » plu fieurs endroits de la plaine appelée 33 le Tejfine , il y avoit des fources 6c ^ des ruiiTeaux d'eau qui formoient des >j marais impraticables , tout s'eft féché. x> L'eau du iac appelé Y Enfer a diminué :» aufli de trois pieds en hauteur : à la >3 piace des anciennes iources qui ont :» tari, il en eil forti de nouvelles envi- :» ron à une lieue des premières , en lorte D3 qu'il y a apparence que ce font ies mêmes eaux qui ont changé de route, n Année 1704, page 1 0 , Le même tremblement de terre , qui en 1 5 3 8 forma le Adonte di Cenere au- près de Pouzzol , remplit en même temps le lac Lucrin de pierres, de terres <5c de cendres, de lorte qu'acluelïement ce lac eft: un terrein marécageux. Voye?^ Kay\i Difcourfes , page 12. II y a des trembîemens de terre qui fe font fentir au loin dans la mer. M. Shaw rapporte qu'en 1724, étant à bord de la Gabelle, vaiiTeau Algérien de 50 canons, on fentit trois violentes Théorie Je la Terre. 31^ Rcouffes Tune après l'autre, comme fî si chaque fois on avoir jeté d'un endroit fort élevé un poids de 20 ou 30 ton- neaux fur le îeft , cela arriva dans un endroit de la méditerrante , où il y avok plus de 200 bralTes d'eau; il rapporte aufîi que d'autres avoient fenti des trern- blemens de terre bien plus considérables en d'autres endroits , & un entr'autres à 40 lieues oued de .Lifbonne. Voye^ les Voyages de Shmv, vol. I , page 303. Schouten , en parlant d'un tremble- ment de terre qui fe fit aux îles Molu- <|ues , dit que les montagnes furent ébran- lées , & que les ' vaiffeaux qui étoient à l'ancre fur 30 & 40 braffes fe tourmen- tèrent comme s'ils fe fudent donné des culées fur le rivage , fur des rochers ou fur des bancs, ce L'expérience , continuer t-iî , nous apprend tous les jours que la ce même choie arrive en pleine mer où ce l'on ne trouve point de fond , & que ce quand la terre tremble , les vaiffeaux ce viennent tout d'un coup à fe tour- ce menter juique dans les endroits où la ce mer étoit tranquille. » Voye^ tome VI , page 1 oj. Le Gentil ; dans fbn voyage O iiij 3^0 Mtftoire Naturelle. autour du monde , parle des tremblemens de terre dont ii a été témoin , dans les termes fuivans. ce J'ai, dit-il, fait quelques » remarques fur ces tremblemens de terre ; * la première eft qu'une demi - heure » avant que la terre s'agite , tous les » animaux paroiflent faifis de frayeur, » les chevaux henniffènt, rompent leurs » licols & fuient de l'écurie , les chiens 3> aboient, les oifeaux épouvantés 6c » prefque étourdis , entrent dans les mal- » fons , les rats & les fouris for tent de » leurs trous, &e. la féconde eft que les » vaifleaux qui font à l'ancre font agités 3» fi violemment qu'il femble que toutes * les parties dont ils font compofés, *> vont fe défunir, les canons fautent fur » leurs affûts , & les mâts par cette agi- :» tation rompent leurs haubans, c'eft ce » que j'aurois eu de la peine à croire, » fi^plufieurs témoignages unanimes ne >3 m'en avoient convaincu. Je conçois » bien que le fond de la mer eft une x> continuation de la terre , que fi cette *> terre eft agitée, elle communique fou » agitation aux eaux qu'elle porte , mais fc ce que je ne conçois pas, c'eft ce Théorie de la Terre* 3 2 T mouvement irrégulier du vaifîeau dont ce tous les membres & les parties priies ce fé parement participent à cette agita- ce tion , comme fi tout le vaifîeau faifoit ce partie de la terre & qu'il ne nageât pas ce dans une matière fluide , Ton mouve- ce .ment devroit être tout au plus fem- ce biable à celui qu'il éprouveroit dans ce une tempête ; d'ailleurs , dans l'occa- ce fion où je parle, la furface de la mer ce étoit unie , & Tes flots n'étoient point ce élevés , toute l'agitation étoit inté- ce rieure , parce que le vent ne fe mêla ce point au tremblement de terre. La troi- ce ■Sème remarque efl que û la caverne ce de la terre où le feu ibuterrain efl ren- ce fermé , va du ieptentrion au midi , & cz fi la ville efl pareillement fituée dans ce fa longueur du feptentrion au midi , a* toutes les maifons font renverfées; au ce lieu que fi cette veine ou caverne fait temps que ïes volcans agiiTent , ou avant qu'ils s'ouvrent ; lorfque les matières qui for- ment les feux fouterrains , viennent à: fermenter, à s'échauffer & à s'enflam- mer , le feu fait effort de tous côtés, & s'il ne trouve pas naturellement des hTues , il foulève la terre & fe fait un paflage en la rejetant, ce qui produit un volcan dont les effets fe répètent & durent à proportion de la quantité des matières inflammables. Si la quantité des anaîières qui s'enflamment, eiïpeucor> Théorie de la Terre. 329' Fidérable , il peut arriver un fouîèvcmevit & une commotion , un tremblement de :erre , fans que pour cela il fè forme an volcan ; l'air produit & raréfié par I feu fouterrain, peut aufîi trouver de Detites ifîues, par où il s'échappera , & dans ce cas il n'y aura encore qu'un remblement fans éruption & fans vol- :an ; mais lorfque la matière enflammée îft en grande quantité , & qu'elie effc •eiTerrée par des matières folides & corn- racles , alors il y a commotion & vol- :an ; mais toutes ces commotions ne bnt que la première efpèce des trem- )Iemens de terre , & elles ne peuvent 'branler qu'un petit efpace. Une érup- ion très-violente de l'Etna caufera, ?ar exemple , un tremblement de terre lans toute l'île de Sicile, mais il ne .'étendra jamais à des diftances de 3 ou $.00 lieues. Lorfque dans le mont Vé- suve il s'efl formé quelques nouvelles Douches à feu , il s'eft fait en même temps ies trcmblemens de terre à Napïes & jans le voifinage du volcan ; mais ces rembfemens n'ont jamais ébranlé les ■pes, & ne fe font pas communiqués 3 3 0 Hifloire Naturelle: en France ou aux autres pays éloigne* du Véfuve, ainfi les tremblemens d< îerre produits par l'action des volcans font bornés à un petit efpace, c'eil pro- prement l'effet de la réaction du feu ; &\ ils ébranlent ia terre , comme l'explofior d'un magafin à poudre produit une fe- couiTè & un tremblement fenfible ; piufieurs lieues de diitance* Mais iiya une autre efpèce de trem Lîement de terre bien différente pou: îes effets & peut-être" pour les caufes ce font les tremblemens qui fe fon ièntir à âc grandes diftances , & m ébranlent une longue fuite de terreii fans qu'il paroiiTe aucun nouveau volcai ni aucune éruption. On a des exem- ples de tremblemens qui fe font fai ièntir en même temps en Angleterre en France, en Allemagne & jufqu'e] Hongrie; ces tremblemens s'étenden toujours beaucoup plus en longueu qu'en largeur , ils ébranlent une band< ou une zone de terrein avec plus oi moins de violence en différens endroits & ils font prefque toujours accompa gnés d'un bruit fourd femblabie TJiéorie de la Terres 3 3 ïl (r-eïuî d'une groffe voiture qui rouleroit Ivec rapidité. Pour bien entendre quelles peuvent itre les cauies de cette elpèce de trem- blement, il faut le fouvenir que toutes es matières inflammables & capables i'expiofions , produifènt , comme la joudre, par l'inflammation, une grande ■tantité d'air ; que cet air produit par ie feu efl dans l'état d'une très-grande ■aréfaclion , & que par l'état de com- Drefiion où il ie trouve dans le fein de la :erre , il doit produire des effets très- yiolens. Suppofons donc qu'à une pro- fondeur très - confidérab'e , comme à :ent ou deux cents toifes , il (e trouve des pyrites & d'autres matières fulfu- reufes , & que par la fermentation pro- duite par la filtration des eaux ou par d'autres caufes elles viennent à s'enflam- mer , & voyons ce qui doit arriver ; d'abord ces matières ne font pas dif- pofées régulièrement par couches ho- rizontales, comme ie font les matières anciennes qui ont été formées par ie fédiment des eaux , elles font au con- traire dans les fentes perpendiculaires « r3 3^ Hïflolre Naturelle. ■dans les cavernes au pied de ces fent* Se dans les autres endroits où les eau peuvent agir & pénétrer. Ces matièrJ •venant à s'enflammer, produiront url grande quantité d'air, dont le relTol comprimé dans un petit efpace, comml celui d'une caverne, non - (eulemerl ébranlera le terrein fupérieur , mal cherchera des routes pour s'échapper <| fè mettre en liberté. Les routes qui il prélentent , font les cavernes & les tranl chées formées par les eaux & par tel ruiiTeaux fouterrains : l'air raréfié 1 précipitera avec violence dans tous ce pafîages qui lui font ouverts, & il foi mera un vent furieux dans ces route fbuterraines , dont le bruit fe fera en tendre à la furface de la terre, & e: accompagnera l'ébranlement & les fèj couiïes ; ce vent fouterrain produit pa Je feu s'étendra tout aufli loin que lei cavités eu tranchées fouierraines , £ causera un tremblement plus ou moin grand à mefure qu'il s'éloignera du foyer & qu'il trouvera des paiTage plus ou moins étroits; ce mouvemen & fiiifant en longueur 7 l'ébranlemei: Théorie de la Terre. 3 3 y ! fera de même, & le tremblement fè :ra ientir dans une Ion grue zone de îrrein ; cet air ne produira aucune rupiion , aucun volcan , parce qu'il ira trouvé afTez d'efpace pour s'é- ndre, ou bien parce qu'il aura trouvé 25 ifîues & qu'il fera iorti en forme 2 vent & de vapeur; & quand même ;i ne voudroit pas convenir qu'il exifte 1 effet des routes fouterraines par le C- ueiles cet air & ces vapeurs fouter- ines peuvent pafTer , on conçoit bien, je dans le lieu même où fè fait fa remière explofion , le terrein étant tulevé à une hauteur confidérabïe , il ï néceiTaire que celui qui avoifine ce îu fe divife & fe fende horizontale- ient pour fuivre le mouvement du remier , ce qui iuffît pour faire des mies qui de proche en proche peuvent MTimuniquer le mouvement à une ès-grande difïance ; cette explication accorde avec tous les phénomènes. Ce efl pas dans le même infiant ni à la ême heure qu'un tremblement de terre fait Ientir en deux endroits diftans, ar exemple , de cent ou de deux cents >3 3 4 Hijloïre 'Naturelle. ïieues ; il n'y a point de feu ni d'érup tion au dehors par ces tremblemens qtl s'étendent au loin, & le bruit qui le accompagne prefque toujours, marqu) ie mouvement progreffif de ce ver fouterrain. On peut encore confirme) ce que nous venons de dire , en le liar avec d'autres faits: on fait que les mnfl exhalent des vapeurs, indépendammei des vents produits par le courant d< eaux ; on y remarque fou vent des cou rans d'un air mal-iain & de vapeui fuffoquantes ; on fait auiîi qu'il y a fi ïa tepre des trous, des abymes, des lac profonds qui produifent des vents comme le lac de Boleflaw en Bohème | dont nous avons parié. Tout ceci bien entendu, je ne vo pas trop comment on peut croire qui les tremblemens de terre ont pu pre duire des montagnes, puifque la eau même de ces tremblement font d< matières minérales & fulfureufes qui r.i iè trouvent ordinairement que dans I< fentes perpendiculaires des montaorn & dans les autres cavités de la terre dont te plus grand nombre a été produ "Théorie de h Terre. 3 3 J >ar Tes eaux ; que ces matières en s'en- Bmmant ne produifent qu'une explo- îon momentanée & des vents violens |ui fui vent les routes (outerraines des aux ; que la durée des tremblemens. l'eiï en effet que momentanée à la urface de la terre ; & que par confé- uent leur cauie n'efï qu'une explofion t non pas un incendie durable , & pçnfin ces tremblemens qui ébranlent n grand eipace , & qui s'étendent à es diftances très - considérables , bien- )in d'élever des chaînes de montagnes , e (bulèvent pas la terre d'une quantité pfible, & ne produifent pas la plus etite colline dans toute la longueur e leur cours. Les tremblemens de terre font à la érité bien plus fréquens dans les en- roits où font les volcans, qu'ailleurs, fenme en Sicile & à Napies; on fait m les obfervations faites en différens *mps, que les plus violens tremblemens ie terre arrivent dans le temps des grandes «prions des volcans; mais ces trem- •iemens ne iont pas ceux qui s'étendent plus loin ; & ils ne pourraient jamais '3 3 6 MiJIolre Naturelle, produire une chaîne de montagnes. On a quelquefois obiervé que le: matières re jetées de l'Etna, après avoi été refroidies pendant pîufieurs années ëc enfuite humeclées par l'eau des pluies fe font rallumées & ont jeté des flamme avec une explofion afTez violente, qu produifit même une efpèce de petj tremblement. En i 665), dans une furieufe éruptioi <îe l'Etna, qui commença le 1 1 mars le fommet de la monta gne baiiTa con- fidérabiement , comme tous ceux qu avoient vu cette montagne avant cett éruption , s'en aperçurent. Vbye% Trarij PhiL Abri g d, vol. II, page 387,0 qui prouve que le feu du volcan vien plutôt du fommet que de la profondeu intérieure de la montagne. Borelîi efl di même fentiment, & il dit précifémen & ne s'allume qu'à une très - petit profondeur. » Voye^ Borelli, de Incendii montis Etnœ. Le mont Véfuve a fouvent rejet dan Théorie de h Terre. 337^ <ïàns fes éruptions, une grande quan- tité d'eau bouillante ; M. Ray , dont le fentiment eft que le feu des volcans vient d'une très-grande profondeur, dit que c'eft de l'eau de ia mer qui com- munique aux cavernes intérieures du pied de cette montagne ; il en donne pour preuve îa fécherefTe & l'aridité du b:n;net du Véfuve , & le mouvement Je ia mer, qui dans le temps de ces /iolente^ éruptions , s'éloigne des côtes ? k diminue au point d'avoir famé quel- quefois à (ec le port de Naples; mais juand ces faits feroient bien certains, [s ne prouveroient pas d'une manière blide que le feu des volcans vient d'une raiide profondeur ; car l'eau qu'ils re- stent eft certainement l'eau des pluies ni pénètre par les fentes, & qui fe îmaffe dans les cavités de la montagne : n voit découler des eaux vives & des urlTeaux dufommet des volcans, comme en découle des autres montagnes éie- ées; & comme elles font creulès & u'elles ont été plus ébranlées que les utres montagnes , il n'eft pas étonnant ue les eaux fe rainaffent dans les cavernes Tome II. P ^ 3S Hlflolre Naturelle: qu'elles contiennent dans leur intérieur } & que ces eaux fpient rejetées dans le temps des éruptions avec les autres ma- tières ; à l'égard du mouvement de la mer il provient uniquement de la fecoufle communiquée aux eaux par l'expïofion , ce qui doit les faire affluer ou refluer p fuivant les différentes circonftances. Les matières que rejettent les volcans r fortent le plus fouvent fous la forme? d'un torrent de minéraux fondus, qui inonde tous les environs de ces mon- tagnes; ces fleuves de matières liqué- fiées s'étendent même à des diflances confidérables, & en fe refroidiiTant , ces matières qui font en fufion, forment des couches horizontales ou inclinées, qui pour la pofition font fembîables aux couches formées par les fédimens des. eaux; mais il eft fort aifé de diftinguej ces couches produites par l'expanfion des matières rejetées des volcans, de celles qui ont pour origine les fédimens de la mer , 1 .° parce que ces couches ne font pas d'égale épaifleur par-tout: 2.° parce qu'elles ne contiennent que 4es matières qu'on reçonaoît évident Théorie Je la Terre. 3 3 tf >nent avoir été calcinées , vitrifiées ou ■ fondues; 3.0 parce qu'elles ne s'étendent I pas à une grande diftance. Comme il y a 1 au Pérou un grand nombre de volcans , | & que le pied de la plupart des 111011- •jtagnes des Cordillères eft recouvert de I ces matières rejetées par ces volcans , il 1 n'efl: pas étonnrnt qu'on ne trouve pas ■ de coquilles marines dans ces couches de terre , elles ont été calcinées & dé- truites par Faction du feu, mais je fuis perfuadé que fi l'on creufoit dans la terre argileufe qui, félon M. Bouguer, eft la terre ordinaire de la vallée de j Quito, on y trouveroit des coquilles, comme l'on en trouve par-tout ailleurs; jen fuppofant que cette terre foit vrai- jment de l'argile, & qu'elle ne foit pas comme celle qui eft au pied des mon- jtagnes, un terrein formé par les matières rejetées des volcans. On a fouvent demandé pourquoi les volcans le trouvent tous dans les hautes (montagnes! je crois avoir fatisfait en [partie à cette queftion dans le difcours (précédent, mais comme je ne fuis pas titré dans un affez grand détail , j'ai cm 34<3 Hijloirc Naturelle: que je ne devois pas finir cet article fans développer davantage ce que j'ail dit fur ce lu jet. Les pics ou les pointes des mon-, lagnes étoient autrefois recouver: es ôc environnées de fabies & de terres que les eaux pluviales ont entraînes dans ies •vallées , il n'eft refté que les rochers &,; ies pierres qui formoient le noyau de la* montagne; ce noyau fe trouvant à dé-l couvert & déchauifé jufqu'au pied , aurafj encore été dégradé par ies injures de. l'air , la gelée en aura détaché de grofles & de petites parties qui auront rouie, au bas , en même temps elle aura fait fendre pïulieurs rochers au fommet de;' la montagne ; ceux qui forment la baie de ce fommet fe trouvant découverts, & n'étant plus appuyés par les terres qui les environnoient, auront un peu cédé , & en s'écartant les uns des autres ils auront formé de petits intervalles : cet ébranlement de rochers inférieurs n'aura pu fe faire fans communiquer* aux rochers fupérieurs un mouvement plus grand , ils fe feront fendus otfl écartés les uns des autres. II fe fera donc. Théorie de h Terre. 3 4 1 Formé dans ce noyau de montagne une infinité de petites & de grandes fentes perpendiculaires, depuis ïe ibmmet jus- qu'à la bafe des rochers inférieurs ; ks pi nies auront pénétré dans toutes ces fentes & elles auront détaché dans l'in- térieur de la montagne toutes les parties minérales & toutes les autres matières qu'elles auront pu enlever ou difloudre; elles auront fonrré des pyrites, des foufres & d'autres matières combus- tibles, & Iorfque par la fucceffion des temps ces matières (è feront accumulées en grande quantité, elles auront fer- menté ; & en s 'enflammant elles auront produit {es explofions & les autres effets des volcans. Peut-être aufîl y avoit-il dans l'intérieur de la montagne des amas de ces matières minérales déjà formées avant que les pluies puflent y pénétrer; des qu'il fe lèra fait des ouvertures & des fentes qui auront donné paifage à l'eau & à l'air, ces matières fe feront enflammées & auront formé un volcan : aucun de ces mouvemens ne pouvant (e faire dans les plaines , puifque tout eft en repos, & que riea ne peut fe déplacer, P iij r34^ Hïfloire Naturelle, il n'en1 pas furprenant qu'il n'y ait au- cun volcan dans les plaines, & qu'ifs fe trouvent tous en effet dans les hautes montagnes. Lorsqu'on a ouvert des minières de charbon de terre , que l'on trouve ordi- nairement dans l'argile à une profondeur confidérable , il elt arrivé quelquefois que le (eu s'efl: mis à ces matières , il y a même des mines de charbon en Ecofîe, en Flandre 9 &c. qui brûlent continuel- lement depuis pluiieurs années : la com- munication de l'air fuffit pour produire cet effet , mais ces feux qui fe font allu- més dans ces mines , ne produifent *que de légères explofions, 5c ils ne forment pas des volcans, parce que tout étant folide & plein dans ces endroits , le feu ne peut pas être excité , comme celui des volcans dans lefquels il y a des ca- vités & des vides où l'air pénètre , ce qui doit nécefTairement étendre Tembralè- ment , & peut augmenter l'action du feu au point où nous la voyons Iorfqu'elle produit les terribles effets dont nous avons parlé. Théorie de la terre. Jjft PREUVES DE LA THÉORIE DE LA TERRE* ARTICLE XYIL Des IJIes nouvelles, des Cavernes s des Fentes perpendiculaires, ire. LE S Ifles nouvelles fe forment de deux façons, ou fubitement par l'aclion des feux fouterrains, ou lente- ment par le dépôt du limon des eaux. Nous parlerons d'abord de celles qui doivent leur origine à la première de ces deux caufes. Les anciens Hiilonens & les Voyageurs modernes, rapportent à ce fujet des faits, de la vérité deiqueîs on ne peut guère douter. Sénèque allure que de fon temps 1 île de 1 ne- rafie (e) parut tout d'un coup a la vue des mariniers. Pline rapporte qu'autre- (e) Aujourd'hui Santorîn. m * l J P H!) 344 Hijlohe Naturelle. fois il y eut treize îles dans ïa mtt I Méditerranée qui fonirent en même I temps du fond des eaux, & que Rhodes 1 & Délos font les principales de ces I treize îîcs nouvelles; mais il paroît par I ce qu'il en dit, & parce qu'en dilènt I aufTi Ammian Marcellin, Philcn , &c. ] que ces treize îles n'ont pas été pro- | duites par un tremblement de terre, | ni par une expïofion fbuterraîne : elles étoient auparavant cachées Tous les eaux,. & la mer en s'abaiiîant a iaiiTé, diiénî- ils, ces îles à découvert; Délos avoiî même le nom de Pelag'ia, comme ayant autrefois appartenu à ïa mer. Nous ne ûvons donc peint fi l'on doit attribuer i'origine de ces treize îles nouvelles à I" aérien des feux fouterrains ou à quei- qu'autre eau le qui au r oit produit un abaifTement & une diminution des eaux dans la mer méditerranée ; mais Pline rapporte que l'île d'Hiéra près de Thé- rifie, a été formée de malles ferrugi- neufes & dé terres lancées du fond de îi mer; & .dans le chapitre 8$, il parle de plu fieurs autres îles formées de la mime façon } nous avons fur tout cela Théorie Je la Terre. 345 des faits plus certains & plus nouveaux. Le 23 mai 1 707, au lever du foieil, on vit de cette même île de Thérafie ou de Santorin , à deux ou trois milles en mer, comme un rocher flottant ; quelques gens curieux y allèrent, & trouvèrent que cet écueil , qui étoit fcrti du fond de la mer, augmentoit fous leurs pieds; & ils en rapportèrent de la pierre ponce & des huîtres que le rocher qui s'étoit élevé du fond de la mer, tenoit encore attachées à fa furface. Il y avoit eu un petit tremblement de terre à Santorin deux jours auparavant la naiflance de cet écueil ; cetie nouvelle île augmenta confidérablement jufqu'au 1 4 juin , fans accident, & elle avoit alors un demi- mille de tour, & 20 à 30 pieds de hau- teur; la terre étoit blanche, dans la Tercère & dans Saint- Michel, 33 diftantes l'une de l'autre de 28 lieues, 33 & l'île neuve fortit : on remarqua en 39 même temps que la pointe de l'île de n Pic , qui en étoit à 30 lieues & qui 33 auparavant jetoit du feu , s'étoit affaif- 33 fée & n'en jetoit plus ; mais l'île neuve 33 jetoit continuellement une grofTe fu- >3 mée , & efleclivement elle fut vue du -» vaifieau où étoit M. de Montagnac ,. y> tant qu'il en fut à portée. Le pilote a(- :» fura qu'il avoit fait dans une chaloupe » le tour de l'île, en l'approchant le plus }> qui! avoit pu. Du côté du (ud il jeta » la fonde & fila 60 brafles fans trouver 13 fond ; du côté de Touefl; il trouva les » eaux fort changées, elles étoient d'un >3 blanc bleu & vert , qui (embloit du bas- 33 fond, & qui s'étendoit à deux tiers de 33 lieue, elles paroifloient vouloir bouil- » lir ; au nord-oued , qui étoit l'endroit 33" d'où fortoit la fumée, il trouva 1 j. ?> biaiTes d'eau fond de gros fable ; il jeta Théorie tk ta Terre'. '349 •imc pierre à la mer , & il vit à l'endroit ce où eiie étoit tombée, l'eau bouillir & ce (âuter en l'air avec impétuofité ; le fond ce étoit fi chaud , qu'il fondit deux fois «« de fuite le fuif qui étoit au bout du «e plomb : le pilote obferva encore de ce ce côté-là que la fumée fortoit d'un petit, es îac borné d'une dune de fable ; l'îie eft ce à peu près ronde & aiïez haute pour ce êire aperçue de 7 à 8 lieues dans un ce temps clair. « On a appris depuis par une lettre ce de M. Adrien conful de la Nation ce françoife dans l'île de Saint- Michel, es en date du mois de mars 1722, que ce l'île neuve avoit confidérab ement di- ce minué , & qu'elle étoit prelque à fleur ce d'eau , de forte qu'il n'y avoit pas d'ap- ce parence qu'elle fubfiftât encore long- ce temps, m Page 12. On eft. donc aïïuré par ces faits & par lin grand nombre d'autres fcmblabics à ceux-ci , qu'au-defious même des eaux de la mer les matières inflammables renfer- mées dans ie fein de la terre , agiiîent & font des explofions violentes. Les lieux chi cela arrive, font des eipèeesde volcans 3 5 S Hifloire Naturelle: qu'on pourroit appeler foumarins, les- quels ne diffèrent des volcans ordinaires que par le peu de durée de leur action, & le peu de fréquence de leurs effets ; car on conçoit bien que le feu s'étant une fois ouvert un paffage , l'eau doit y pé- nétrer & l'éteindre: l'île nouvelle laifîe1 néceffairement un vide que l'eau doit remplir , & cette nouvelle terre , qui n'eft1 compofee que des matières rejetées par ïe volcan marin , doit reffembîer en tout au Ajoute dï C en ère , & aux autres émi- nences que les volcans terreftres ont formées en plufieurs endroits; or dans le temps du déplacement caufé par, la violence de l'explofion , & pendant ce mouvement ,, l'eau aura pénétré dans la i plupart des endroits vides , & elle aurai] éteint pour un temps ce feu fouterrain. C'efl: apparemment par cette raifon que ces volcans foumarins agiffent plus ra- rement que les volcans ordinaires , quoi- que les cauies de tous les deux foient les mêmes , & que les matières qui produi- I fent & nourrirent ces feux (outerrains, I puiiîent le trouver fous les terres cou- 1 vertes par la mer ? en aufîj grande quantité I Théorie ie h Terre. 3 j II jque fous les terres qui font à découvert. Ce font ces mêmes feux fouterrains ou foumarins , qui font la caufe de toutes ces ébuïlitions des eaux de la mer , que ïes voyageurs ont remarquées en plu- sieurs endroits , & des trombes dont nous avons parlé, ils produifent auflî des orages & des tremblemens qui ne ttbnt pas moins fenfibles fur la mer que Sur la terre. Ces îles qui ont été formées, par ces volcans foumarins, font ordi- nairement compofées de pierres ponces & de rochers calcinés, & ces volcans produifent , comme ceux de la terre , des tremblemens & des commotions très- iviolentes. On a aufïi vu (bu vent des feux s'éfe- ver de la furface des eaux ; Pline nous dit que le lac de Thrafimène a paru lenfïammé lur toute fa furface. Agricora I rapporte que ïbrfqu'on jette une pierre dans le iac de Denftad en Thuringe , il femble, Iorfqu'elie defcend dans l'eau , jque ce foit un trait de feu. Enfin, la quantité de pierres ponces que les voyageurs nous afîurent avoir rencontrées dans plufieurs endroits de 3 j 2 Hifloke Naturelle» l'océan & de la méditerranée , prouvé qu'il y a au fond de la mer des volcans femblables à ceux que nous connoifïons, et qui ne digèrent , ni par les matières] qu'ils rejettent , ni par la violence des| explofibns , mais feulement par la rareté êi par le peu de continuité de leurs effets ; tout jufqu'aux volcans , fe trouve au fond des mers, comme à la lurface de la terre. Si même on y fait attention , on trouvera plufieurs rapports entre les vol- cans de terre & les volcans de mer ; les uns & les autres ne fe trouvent que dans les fommets des montagnes. Le^ îles des .Açores &. celles de l'Archipel ne font que àcs pointes de montagnes , dont les B unes s'élèvent au-deffus de l'eau, & les autres font aurdefTous. On voit pnr la re- lation de fa nouvelle île des Açores, que l'endroit d'où fortoit la fumée n'étoft qu'à i 5 brades de profondeur fous l'eau, ce qui étant comparé avec les profon- deurs ordinaires de l'océan , prouve que cet endroit même efl un lommet de montagne. On en peut dire tout autant du terreia de la nouvelle île auprès ds Théorie de la Terre. 3 5 £ Santorîn, il n'étoit pas à une grande profondeur fous les eaux, puifqu'il y ïivoit des huîtres attachées aux rochers qui s'élevèrent. Il paroi t aufil que ces volcans de mer, ont quelquefois, comme ceux déterre, des communications fou- terraines, puifquele fommet du volcan du pic de Saint-George, dans l'île de Pic , s'abaifla lorfque la nouvelle île des A cotes s'éleva. On doit encore obier- ver que ces nouvelles îles ne paroiffent jamais qu'auprès des anciennes, & qu'on n'a point d'exemple qu'il s'en foit élevé de nouvelles dans les hautes mers : on doit donc regarder le terrein où elles font, comme une continuation de celui des îles voifmes , & lorfque ces îles ont des volcans, il n'ell pas étonnant que le terrein, qui en eft voifîn, con- tienne des matières propres à en former, & que ces matières viennent a s en- flammer, foit par ïa feule fermentation , foit par l'aclion des vents fouterrains. Au refte, les îles produites par l'ac- tion du feu & des trembîemcns de terre, font en petit nombre , & ces événement içnt rares ; mats il y a un nombre infini \ 3 54 Hlfiolre Naturelle: d'îles nouvelles produites par les limons j les fables & les terres que les eaux des fleuves ou de la mer entraînent & tranf- portent en différens endroits. A l'em- bouchure de toutes les rivières il fe forme des amas de terre & des bancs de fables dont l'étendue devient fou vent affez confidérable pour former des îles d'une grandeur médiocre. La mer en fe reti- rant & en s'é oignant de certaines cotes, Jaifie à découvert les parties les plus éle- vées du fond, ce qui forme autant d'îles nouvelles , & de même en s'étendant fur de certaines plages , elle en couvre les parties les plus baffes & faille pa- roître les parties les plus élevées qu'elle n'a pu furmonter, ce qui fait encore autant d'îles, & on remarque en con- féquence qu'il y a fort peu d'îles dans ïe milieu des mers , & qu'elles font pref- que toutes dans le voifinage des con- tinens où la mer Jes a formées , foit en s'éioignant, foit en approchant de ces différentes contrées. L'eau & le feu , dont ïa nature eft fe différente & même fi contraire, pro-4 duifem donc des effets fembiables, oii' Théorie de la Terre'. 355 êi\ moins qui nous paroiffent être tcîs , 1 indépendamment des productions par- ticulières de ces deux élémens , dont ■quelques-unes le refïemblent au point Ide s'y méprendre , comme le criilal <3c Ile verre, l'antimoine naturel & l'anti- Imoine fondu , les pépites naturelles des mines , & celles qu'on fait artificiellement [par la fufion , &c. II y a dans la Nature lune infinité de grands effets que l'eau l&Ie feu produifent, qui font afîez fem- Iblabfes pour qu'on ait de la peine à les diftinguer. L'eau, comme on l'a vu, a produit les montagnes & formé la pîu- Ipart des îles, le feu a élevé quelques | collines & quelques îles ; il en efi: de même des cavernes, des fentes, des ou- | vertures , des gouffres , &c. les unes I ont pour origine les feux fouterrains , & les autres les eaux, tant fouterraines que fuperficielles. ' Les cavernes le trouvent dans les jnontagnes , & peu ou point du tout dans les plaines; il y en a beaucoup dans les îles de l'Archipel & dans plu- jfieurs autres îles , & cela parce que les îks ne font en général que des deflus 3 5 6 Hifloire Naturelle. de montagnes; les cavernes le forment J"' comme les précipices , par l'afTalfiemen des rochers, ou, comme les abymes par l'action du feu ; car pour faire d'm précipice ou d'un abymc une caverne il ne faut qu'imaginer des rochers conf trebute's & faiiânt voûte p; r-de(îus , c< <]ui doit arriver très-fouvent loriqu'a viennent à être ébranles & déracinés Les cavernes peuvent être produites! par les mêmes eau les qui produifent les ouvertures, les ébranfëmens & les aflfaif- fèmens des terres, & ces eau Tes font les expiofions des volcans , l'action des va-* peurs fbuterraines & les trembiemens de terre; car ils font des houleverfemens & des éboulemens qui doivent néceflai- rement former des cavernes , des trous , des ouvertures & des anfractuofités de toute efpèce. La caverne de Saint- Patrice en Ir-J lande n'eft pas auffi confidérable qu'elle eft fameufe, il en eit de même de lai grotte du Chien en Italie, & de celle qui jette du feu dans la montagne d Beni-guazevaï au royaume de Fez Dans la province de Darby en Angleterre Théorie Je la Terfê: 3 55? [ V a une grande caverne fort conll- lérable, & beaucoup plus grande que a fameufè caverne de Beaurraan auprès Je ia forêt noire dans le pays de Bruni- ick. J'ai appris par une perfonne auiTi efpe&able par fon mérite que par fon 10m (Alylord Comte de Morton), que :ette grande caverne appelée Deveîs- oie, préfente d'abord une ouverture "ort confidér.-tb!e, comme celle d'une rès- grande porte d'églife ; que par cette ouverture il coule un gros ruifîeaû, qu'en avançant , la voûte de la caverne e rabaifie fi fort qu'en un certain en- droit on eft obligé , pour continuer a route , de fe mettre fur l'eau du uiffeau dans des baquets fort plats , 311 on fe couche pour pafler fous la voûte de la caverne, qui eft abaifTée Jans cet endroit au point que l'eau touche preique à la voûte , mais après avoir pafîé cet endroit la voûte fe re- lève, & on voyage encore fur la rivière juiqu'à ce que la voûte fe rabaiiTe de ouveau & touche à la fuperficie de l'eau, & c'eft-là le fond de la caverne & la fource du ruifleau qui en fort, 3 5 8 'Htflolre Naturelle; il grofîit confidérabiement dans de cer* tains temps , & il amène & amoncelle beaucoup de fable dans un endroit de laj caverne qui forme comme un cuï-de-fac il dont la direction eft différente de celle j de la caverne principale. Dans la Carniole il y a une caverne I auprès de Potpéchîo, qui eft fort fpa- cieufe, & dans laquelle on trouve un grand lac fouterrain. Près d'Adelfperg il y a une caverne dans laquelle oni peut faire deux milles d'Allemagne de chemin , & où l'on trouve des préci-' pices très - profonds* Voy. Aâa erud. Lipf. anno 1689, pag. jjS. Il y a auiîi de grandes cavernes & de belles grottes fous les montagnes de Mendipp en Galles , on trouve des mines de plomb auprès de ces cavernes, & des chênes enterrés à 1 5 braffes de profon- deur. Dans la province de Gîocefter il y a une très -grande caverne qu'on appelle Pen-park-lwle f au fond de laquelle on trouve de l'eau à 32 brades de pro- fondeur , on y trouve auiîi des filons de mine de plomb. On Yoit bien que la caverne de Théorie de la Terre* 3 59" jpeveî's-hole & les autres dont il fort de jgrofTes fontaines ou des ruiffeaux , ont jeté creufées & formées par les eaux qui ont apporté les fables & les ma- nières divifées qu'on trouve entre les rochers & les pierres , & on auroit tort de rapporter l'origine de ces cavernes aux éboulemens & aux tremblemens de terre. Une des plus fîngulières & des plus grandes cavernes que l'on connoiiTe , eft celle d'Amiparos dont M. de Tour^ nefort nous a donné une ample des- cription. On trouve d'abord une caverne ruitique d'environ trente pas de largeur > partagée par quelques piliers naturels ; entre les deux piliers qui font fur te droite, il y a un terrein en pente, douce , & enfuite jufqu'au fond de ïa même caverne une pente plus rude d'environ vingt pas de longueur ; c'eft le palTage pour aller à la grotte ou caverne intérieure , & ce pafTage n'eft qu'un trou fort obfcur , par lequel on ne fauroit entrer qu'en fe baillant , & au fecours des flambeaux ; on defcend d'abord dans un précipice horrible à l'aide d'un cable 360 fii/Ioke Naturelle: que 1*011 prend la précaution d'attacfsef tout à l'entrée , on le coule dans un autre bien plus effroyable dont les bords font fortgliflans, & qui répondent fur la gauche à des abymes profonds. On place fur les bords de ces gouffres une échelle, au moyen de laquelle on franchit en tremblant , un rocher tout- à-fàit coupé à-plomb, on continue à gliiîer par des endroits un peu moins dangereux ; mais dans le temps qu'on fe croit en pays praticable , le pas le plus affreux vous arrête tout court , & on s'y cafferoit la tête, fi on n'étoit' averti ou arrêté par fes guides ; pour ie franchir il faut fe couler fur le dos le long d'un gros rocher , & defeendre une échelle qu'il faut y porter exprès;, quand on eft arrivé au bas de l'échelle on fe rouie quelque temps encore fur des rochers, & enfin on arrive dans la grotte. On compte trois cents brades de profondeur depuis la furface de la terre , la grotte paroît avoir quarante braffes de hauteur , fur cinquante de large ; elle eft remplie de belles & j grandes ftalaclites de différentes formes, tant Théorie dé la Terre. 361 i tant au-defîus de ia voûte que fur fe I terrein d'en bas. Voye^ le voyage du Levant, page 1 8 S & fuiv. Dans la partie de la Grèce appelée Livadie [Achdia des Anciens), il y a une grande caverne dans une montagne , qui étoit autrefois fort fàmeufe par les oracles de Trophonius , entre le lac de Livadia & la mer voifme , qui dans l'endroit le plus près , en eft à quatre milles ; il y a quarante paflages iouterrains , à travers le rocher fous une haute montagne, par où les eaux du lac s'écoulent. Vqye^ Géo- graphie 4? Cordon, édition de Londres, *733> me <79- Dans tous les volcans , dans tous les pays qui produilent du foufre , dans toutes les contre'es qui font fujettes aux tremblemens de terre, il y a des cavernes; le terrein de la plupart des îles de l'Ar- chipel eft caverneux prefque par-tout; celui des îles de l'océan indien, princi- palement celui des îles Moluques , ne paroît être foutenu que fur des voûtes & des concavités ; celui des îles Aço- res , celui des îles Canaries, celui des fies du cap Vert , &. en général le Tenu IL Q 362 Hiflolre Naturelle. terrein de prefque toutes les petites îles f eft à l'intérieur creux & caverneux en plufieurs endroits , parce que ces îles ne font, comme nous l'avons dit, que des pointes de montagnes où il s'efl fait des éboulemens confidérables , (bit par l'action des volcans, foit par celle des eaux, des gelées & da autres in- jures de l'air. Dans les Cordillères, oùj H y a pîufieurs volcans, & où les trem- ble mens de terre font fréquens, il y a aufïï un grand nombre de cavernes*, de même que dans le volcan de l'île de Banda, dans le mont Ararath , qui eft un ancien volcan, &c. Le fameux labyrinthe de l'île de Can- die , n*eft pas l'ouvrage de la Nature toute feule, M. de Tournefort affure que les hommes y ont beaucoup -tra- vaillé , & on doit croire que cette ca- verne n'eft pas la feule que les hommes aient augmentée, ils en forment même tous les jours de nouvelles en fouillant les mines. & les carrières, & lorfqu'elles font abandonnées pendant un très-long^ efpace de temps, il n'eft pas fort aifé ■ deux & trois heures après-midi , le ciel >:> étant fort ferein, elle ctoit de figure *> conique, elle renverfa cinquante- cinq Théorie de la Terre* 3 6 5 cabanes de payfàns , écraia quinze ce perfonnes & plus de cent bceuis & « vaches, & beaucoup plus de menu «c bétail, & couvrit de Tes débris une ce bonne iieue carrée , il y eut une pro- ce fonde obfcurité caufée par la pouiïière, ce les tas de pierres amafles en bas font ce hauts de plus de trente perches, qui ce font apparemment des perches du Rhin ce de dix pieds ; ces amas ont arrêté ce des eaux qui forment de nouveaux ce lacs fort profonds ; il n'y a dans tout ce cela nui veifee de matière himmineuie ce o ni de fouf e , ni de chaux cuite, ni par ce conféquent de feu fouterrain , appa- ce rem ment la baie de ce grand rocher ce s'étoit pourrie d'elfe- même & réduite «c en poiuTière^. Hifiolre de l'Académie des Sciences, année 1 7 1 j , page 4. On a un exemple remarquable de ces afîaiiîemens dans la province de Kent, auprès de Folkilone, les collines des environs ont baille de difhmce en difïance par un mouvement inienfible & fans aucun tremblement de terre. Ces collines font à l'intérieur des rochers dç pierre & de craie, par cet afïaiiTemem 3 6 6 Hi flaire Naturelle. elles ont jeté dans la nier des rochers & des terres qui en étoient voifmes ; on peut voir ia relation dé ce fait bien attelle dans les Tranfacl. Philof. Abrid'g. ■vol, IV, page jzjo. En i 6 i 8, la ville de Pleurs en Val- teline, fut enterrée fous les rochers , au pied defquels elle étoit fituée. En 1678 il y eut une grande inondation en Gaf- cogne, eau fée par i'affaiflement de quel- ques morceaux de montagnes dans les Pyrénées , qui firent fortir les eaux qui étoient contenues dans les cavernes fou- terraines de ces montagnes. E1116S0, il en arriva encore une plus grande --en Irlande, qui avoit auffi pour caufe l'afîaiiTement d'une montagne dans des cavernes remplies d'eau. On peut con- cevoir aifément la caufe de tous ces effets ; on fait qu'il y a des eaux fou- terrain es en une infinité d'endroits; ces eaux entraînent peu- à-peu les fables & les terres à travers lefquels elles paffent, & par conféquent elles peuvent détruire peu-à-peu la couche de terre fur la- quelle porte une montagne , & cette couche de terre qui lui fert de bafe, Théorie 3e la Terre. $6? -venant à manquer plutôt d'un côté que de l'autre, il faut que la montagne fe -renverie, ou fi cette bafe manque a peu près également par-tout , la mon- ■««ne s'affaiffe fans fe renvcrfer. °Après avoir parlé des affaiiTemens , des ébouiemens, & de tout ce qui. n ar- rive , pour ainfi dire, que par accident dans la Nature, nous ne devons pas paflTer fous filence une chofe qui elt plus générale, plus ordinaire & plus ancienne, ce font les fentes perpendi- culaires que l'on trouve dans toutes les couches de terre. Ces fentes font fen- fibles & aifées à reconnoitre , non-.eu- iement dans les rochers , dans les car- rières de marbre & de pierre , mais encore dans les argiles & dans les terres de toute efpècequi n'ont pas été remuées, & on peut les obferver dans toutes les coupes un peu profondes de terrons , & dans toutes les cavernes & les exca- vations; je les appelle fentes vetpendi- cuMres, parce que : ce n eu jamais que par accident lorfqu'elles font obli- ques, comme les couches horizontales ne font inclinées que par accident. Qmj 368 Hiftotrt Naturelle. Woodward & Ray parlent de ces feii- tes , mais d'une manière confuie , <3c ils ne les appellent pas fentes perpen- diculaires, parce qu'ils croient qu'elles peuvent être indifféremment obliques ou perpendiculaires, & aucun Auteur n'en a expliqué l'origine; cependant il eli vifïble que ces fentes ont été produites, comme nous l'avons dit dans ïe difcours précédent, par le deiîéche- ment des matières qui compofent les couches horizontales ; de quelque ma- nière que ce dciTéchement Toit arrivé, if a dû produire des fentes perpendi- culaires ; les matières qui compofent les couches, n'ont pas pu diminuer de volume, fans fe fendre de diftance en diftance dans une direction perpendicu- laire à ces mêmes couches. Je comprends cependant fous ce nom de fentes per- pendiculaires toutes les féparations natu- relles des rochers , foit qu'ils fe trouvent dans leur pofition originaire , foit qu'ils aient un peu gliiîé fur leur bafe , & que par conféquent ils fe foient un peu éloignés les uns des autres ; iorfqu'il eft arrivé quelque mouvement confidérable Théorie de la Terre. 3 69 à des maiïes de rochers, ces fentes le trouvent quelquefois pofées obliquement, niais c'eft parce que la maffd eft eller même oblique, & avec un peu d'at- tention il eiï toujours fort ailé de recon- noître que ces fentes font en général perpendiculaires aux couches horizontales, fur-tout dans les carrières de marbre , de pierre à chaux, & dans toutes les grandes chaînes de rochers. L'intérieur des montagnes eft prin- cipalement compote de pierres & de rochers , dont les différens lits font paral- lèles, on trouve fouvent entre les ^ lits horizontaux de petites couches d'une matière moins dure que la pierre , & les fentes perpendiculaires font remplies de fable , de criftaux , de minéraux , de métaux , &c. Ces dernières matières font d'une formation plus nouvelle que celle des lits horizontaux dans letqueïs on trouve des coquilles marines. Les pluies ont peu-à-peu détaché les fables & les terres du defTus des montagnes, & elles ont laide à découvert les pierres^ & les autres matières folides, dans lefquelles on diftingue aiiement les couches hori- Q Y "5JO Hijloïre Naturelle. zontaïes & les fentes perpendiculaires ; dans les plaines au contraire les eaux des pluies & des fleuves ayant amené une quantité confidérabïe de terre, de fable, de gravier & d'autres matières divifées , il s'en eft formé des couches de tuf, de pierre molle & fondante, de fable & de gravier arrondi , de terre mêlée de végé- taux ; ces couches ne contiennent point de coquilles marines , ou du moins n'en contiennent que des fragmens qui ont été détachés des montagnes avec les graviers & les terres ; il faut diftinguer avec foin ces nouvelles couches des an- ciennes , où l'on trouve prefque toujours un grand nombre de coquilles entières & pofées dans leur fituation naturelle. Si l'on veut obferver l'ordre & la dis- tribution intérieure des matières dans une montagne compofée , par exemple , de pierres ordinaires ou de matières lapidi- fïques calcinables , on trouve ordinaire- ment fous la terre végétale une couche de gravier ; ce gravier eft de la nature & de la couleur de la pierre qui domine dans ce terrein , & fous le gravier on trouve de la pierre; Iorfque la montagne Théorie delà Terre. 37 l lit coupée par quelque tranchée ou par quelque ravine profonde , on d.ft.ngue aiiément tous les bancs, toutes les cou- ches dont elle eft compofee ; chaque couche horizontale eft féparée par une efnèce de joint qui eft auffi horizontal, & l'épaiffeur de ces bancs ou de ces couches horizontales augmente ordniai- • rement à proportion qu'elles font plus baffes, c'eft-à-dire, plus éloignées du ■ Commet de la montagne ; on reconno.t suffi que des fentes à peu-pres perpen- diculaires divifent toutes ces couches & ■ les coupent verticalement. Pour 1 ordi- naire la première couche, le premier Ht oui Ce trouve fous le gravier, & même le fécond, font non-feulement plus min- ces que les lits qui forment la baie de la montagne, mais ils font auffi d.v.les par des fentes perpendiculaires, fi fréquentes qu'ils ne peuvent fournir aucuns mor- ceaux de longueur, mais feulement du moellon; ces fentes perpendiculaires qui font en fi grand nombre a la fuperhcie, & qui reflemblent parfaitement aux ger- çures d'une terre qui fe feroit deffechee, -ne parviennent pas toutes à beaucoup 37Z Hifloire Naturelle. près , jufqu'au pied de fa montagne» la plupart dilparoiffent inf en fixement à mefure qu'elles defcendent , & au bas il ne rede qu'un certain nombre de ces fentes perpendiculaires , qui coupent en- core plus à -plomb qu'à la fuperficie les bancs inférieurs , qui ont auffi plus d'épaiiïeur que les bancs fupéïieurs. Ces lits de pierre ont fouvent, comme je l'ai dit , plusieurs lieues d'étendue fans interruption ; on retrouve au ffi prefque toujours la même nature de pierre dans ïa montagne oppofée , quoiqu'elle en foit féparée par une gorge ou par un vallon, & les lits de pierre ne difparoiiTent en- tièrement que dans les lieux où la mon- tagne s'abaiffe & fe met au niveau de quelque grande plaine. Quelquefois en- tre la première couche de terre veo-étale & celle de gravier, on en trouve une de marne , qui communique fa couleur & fes autres caractères aux deux autres ; alors les fentes perpendiculaires des car- rières qui font au-deffous , font remplies de cette marne, qui y acquiert une du- reté' prefque égale en apparence à celle «le la pierre , mais m l'expofant à l'air dk ThJotie Je la Terré. '373' fe gerce, elle s'amollit, & elle devient gratte <5c ducïile. 6 Dans la plupart des carrières, les lus qui forment les defius ou le fommet de la montagne font de pierre tendre, & «ux qui forment la ba.e de la montagne font de pierre dure ; la premjere A**& nairement blanche, d'un gram C&l qu a , peine il peut être aperçu- la p.erre dé- lient plus grenue & plus dure a menue qu'on del'cend, & la p.er.e des ba « les plus bas, eu non-feulement plu, dure que I celle des lits fupérieurs , mats elle et aufll pl»s 'errée, plus compaû e & plus pelante ; Ion grain eft fin & bruant & fouvent elle eft aigre & le caiTe prefque auffi net que le caillou. Le noyau d'une montagne elt donc compote de difiérens lits de pierre dont le, Supérieurs font de pierre tendre, & les inférieurs de pierre dure, le noyau pierreux eft toujours plus large a la baie & plus pointu ou plus étroit au fommet, on peut en attribuera caule a ces «lifte- rens degrés de dureté que 1 on trouve dans les lits de pierre; car comme £ deviennent d'autant plus durs cjuil* Tj74 Hifloire Naturelle. s'éloignent davantage du fommet de la montagne , on peut croire que les cou- rans & les autres mouvemens des eaux qui ont creufé les vallées & donné la figure aux contours des montagnes, auront ufé latéralement les matières dont h montagne eil compofée, & les auront dégradées d'autant plus qu'elles auront été plus molles ; en forte que les couches iupérieures étant les plus tendres , auront foufrert la plus grande diminution fur leur largeur , & auront été ufées latérale- ment pius que les autres; les couches fuivantes auront réfifté un peu davan- tage , & celles de la bafe étant plus an- ciennes, plus folides, & formées d'une matière plus compacte & plus dure , au- ront été pius en état que toutes les autres de fe défendre contre l'action des caufes extérieures , & elles n'auront fouffert que peu ou point de diminution latérale par ïe frottement des eaux ; c'eft-là l'une des caufes auxquelles on peut attribuer l'ori- gine de la pente des montagnes, cette pente fera devenue encore plus douce à mefure que les terres du fommet & les. graviers auront coulé & auront été Théorie de la Terre. 375 entraînés par les eaux des pluies, & c'ert ipar ces deux raifons que toutes les i collines & les montagnes qui ne lont I coinpofées que de pierres calcinantes ou d'autres matières lapidifiques calculables , ont une pente qui n'eft jamais auffi rapide que celle des montagnes compoiees de roc vir &. de caillou en grande malle , 1 oui font ordinairement coupées a-plomb à des hauteurs très-confidérables , parce que dans ces maffes de matières vitri- fiantes les lits fupérieurs, auffi - bien que les lits inférieurs, font dune très- grande dureté, & qu'ils ont tous éga- lement réfifté à l'action des eaux qui n'a pu les uter qu'également du haut en bas, & leur donner par consent une pente perpendiculaire ou prelque perpendiculaire. _ Lorfou'au-deiTus de certaines collines dont le fommet eft plat & fune «flez grande étendue, on trouve d abord de la pierre dure fous la couche de terre végétale, on remarquera, filon obferve les environs de ces collines, que ce qui paroît en être le fommet ne I eft pas en effet, & que ce deffus de colline nelt 37^ Hiftmre Naturelle. que ïa continuation de la pente mfeii fible de quelque colline plus élevée; car après avoir traverfé cet efpace de terrein, on trouve d'autres éminencel qui s'élèvent plus haut, & dont les1 couches fuporieures font de pierre tendre, ôl les inférieures de pierre dure, c'eft le prolongement de ces dernières cou- ches qu'on retrouve au - defîlis de la première colline. Lorfqu'au contraire on ouvre une carrière à peu-près au Commet dune montagne & dans un terrein qui n'eft iurmomé d'aucune hauteur confidéral ble , on n'en tire ordinairement crue de la pierre tendre , & il faut fouiller très- profondément pour trouver la pierre dure ; ce n'en1 jamais qu'entre ces lits de pierre dure que l'on trouve des bancs de marbres , ces marbres font di verfement colorés par les terres métalliques que les eaux pluviales imroduifent dans les couches par infiltration, après les avoir détachées des autres couches fupérieu- res; & on peut croire que dms tous les pays où il y a de la pierre, on trouveroit des marbres fi l'on fcuiiioit Théorie de la Terre, 3 77 zïïez profondément pour arriver aux jbancs de pierre dure; quoto enim loco [on fuum marmot invemtur ! dit Pluie ; fc'eft en effet une pierre bien plus com- Enune-qu'on ne le croit , & qui ne diffère autres pierres que par la finefle du de n , qui la rend plus comparte & fufceptibïe d'un poli brillant, qualité qui lui eft effeirielle , & de laquelle elle a tiré la dénomination chez les Anciens. Les fentes perpendiculaires des car- rières & les joints des lis de pierre, font fouvent remplis & incruftés de certaines concrétions, qui font tantôt tranfparentes comme le criflal , & d'une ficaire régulière, & tantôt opaques &°terreufes; l'eau coule par les fentes perpendiculaires, & elle pénètre même le tiffu ferré de la pierre ; les pierres qui font poreufes , s'imbibent d'une fi grande quantilé d'eau que la gelée les fait fendre & éclater. Les eaux pluviales en criblant à travers les lits d'une carrière & pendant le féjour qu'elles font dans les couches de marne, de pierre, de marbre, en détachent te 37'S Hifioire Naturelle. molécules les moins adhérentes 6c \g$ plus fines , & fe chargent de toutes les matières qu'elles peuvent enlever ou difToudre. Ces eaux coulent d'abord le îong des fentes perpendiculaires , elles I pénètrent enfuite entre les lits de pierre, \ elles dép oient entre les joints horizon- taux , auffi - bien que dans les fentes perpendiculaires, les matières qu'elles j ont entraînées , & elles y forment des I congélations différentes , fuivant {es diffé- ! rentes matières qu'elles dépofent ; par \ exemple , lorfque ces eaux gouttières criblent à travers la marne , la craie ou ia pierre tendre , la matière qu'elles dépofent n'eft aufTi qu'une marne très- I pure ôl très-fine qui fe peiotonne or- dinairement dans les fentes perpendi- culaires des rochers fous la forme d'une fubftance poreufe, molïe, ordinairement fort blanche & très - légère , que les Naturalises ont appelée Lac lunœ ou Aiedulla faxi. Lorfque ces filets d'eau chargée de matière lapidifique, s'écoulent par les joints horizontaux des lits de pierre tendre ou de craie, cette matière s'attactie Théorie delà Terre. 379 à la fuperfkie des blocs de pierre, & elle y forme une croûte écailleuie , blanche , légère & fpongieuie; c'eft cette efpece de matière que quelques Auteurs ont nommée Agaric minéral, par fa reilem- biance avec l'agaric végétai. Mais ii K matière des couches a un certain degré de dureté, c'eft-à-dire, fi les lits de la carrière font de pierre dure ordinaire , de pierre propre à faire de la bonne chaux , le filtre étant alors plus terre , l'eau en fouira chargée dune matière Japidifique, plus pure, plus homogène , . -& dont les molécules pourront s en- : graîner plus exactement, s'unir plus 1 intimement , & alors il s'en formera des congélations qui auront à peu près la dureté de la pierre & un peu de trans- parence, & l'on trouvera dans ces car- rières fur la fuperficie des blocs, des incruftations pierreufes difpofées en ondes, qui rempliflent entièrement les joints horizontaux. . - Dans les grottes & dans les cavités des rochers, qu'on doit regarder comme les badins & les égouts des fentes per- pendiculaires , la diredion diverfe des 380 Hîjloire Naturelle. filets d'eau qiii charient îa matière ïapi- diiïque , donne aux concrétions qui erl réfuitent , des formes différentes , cq font ordinairement des culs - de - lampe & des cônes renverfés qui font attachés à la voûte , ou bien ce font des cylin- dres creux & très - blancs formés par des couches prefque concentriques à l'axe du cylindre , & ces congélations deicendent quelquefois jufqu'à terre & forment dans ces lieux fouterrains des colonnes & mille autres figures auflî bizarres que les noms qu'il a plu aux Naturalises de leur donner, tels font # 7 ceux de flalafiites , jtélegmites , ojléo- colles, &c. Enfin lorfque ces fucs concrets for- tent immédiatement d'une matière très- dure, comme des marbres & des pierres dures, la matière lapkSinque que l'eau charie étant auffi homogène qu'elle peut l'être , & l'eau en ayant , pour ainfi dire , plutôt diffous que détaché les petites parties con diluantes , elle prend en s'u- niffant , une figure confiante & régu- lière, elle forme des colonnes à pans, terminées par une pointe triangulaire, Théorie de , h Terre. 3:8 1 gpji font tranfparentes & compofées de couches obliques , c'eft ce qu'on appelle fyarr ou fpalt. /Ordinairement cette ma- dère ,. eft tranfparente & fans couleur ; mais quelquefois aufll elle eft colorée brfque la pierre dure ou le marbre dont elle fort, contient des parties .métalli- ques. Ce fparr a le . degré de dureté de la pierre, il fe diftout, comme Ja pierre par les efprits acides, il je cal- cine au même degré de chaleur , ainfl on ne peut r pas. douter que ce ne foit de la vraie pierre, mais qui eft devenue parfaitement homogène ; on pourrok même dire que, c'eft de la pierre pure & élémentaire , de la pierre qui eft fous (à forme propre & fpécifique. Cependant la plupart des Naturalifles regardent cette matière comme une fubftance difîincle & exiftante indépen- damment de la pierre , c'eft leur fuc lapidifique ou criftailin , qui, félon, eux.., lie non - feulement les parties de la pierre ordinaire ,. mais .même celles du caillou ; ce fuc , difent-ils , augmente la denfité des pierres par des infiltrations réitérées, il les rend chaque jour plus 382 Ht flaire Naturelle. pierres qu'elles n'étoient, & il les con-l vertit enfin en véritable caillou ; &\ lorfque ce fuc s'eft fixé en fparr , iji reçoit par des infiltrations réitérées cfei femblables fucs encore plus épurés quil en augmentent la denfité & la dureté A en forte que cette matière ayant étél iucceilivement fparr, verre, enfuite criftafj elle devient diamant; ainfi toutes lesj pierres , feïon eux , tendent à devenir] caillou , & toutes les matières tranfpa-| rentes à devenir diamant. Mais il cela eft, pourquoi voyons- j nous que dans de très-grands cantons, dans des provinces entières , ce fuc crif-l taîlin ne forme que de la pierre , & que dans d'autres provinces il ne forme que il du caillou ! dira - t - on que ces deux terreins ne font pas auili anciens l'un que l'autre , que ce fuc n'a pas eu le temps de circuler & d'agir aufîi long- temps dans l'un que dans l'autre ! cela n'efi pas probable. D'ailleurs , d'où ce fuc peut-il venir! s'il produit les pierres & les cailloux , qu'eft-ce qui peut le produire lui-même ! il eft aifé de voir on grès, on pem remarquer qu'il eft en cubes & en parallélépipèdes pôTés les lins fur les autres d'une manière allez irrégulière , comme dans les collines de Fontainebleau , qui de loin paroiilènt être des ruines de bâtimens; cette dit po- sition irrégulière vient de ce que la bafe de ces collines en: de fable , & que les malles de grès fe font éboulées, renver- fées & arïaiffées les unes fur les autres , fur-tout clans les endroits où on a travaillé autrefois pour tirer du grès, ce qui a for- mé un grand nombre de fentes & d'in- tervalles entre les blocs ; & fi on y veut faire attention , on remarquera dans tous tes pays de fable & de grès ; qu'il y a de$ Théorie Je la Terre. 3 9 J morceaux de rochers & de grofles pie;res dans le milieu des vallons & des plaines en très-arande quantité , au lieu que dans les pays de marbre & de pierre dure > ces morceaux ditperiës & qui ont roulé du defîus des collines, & du haut des mon- tagnes#-%)nt fort rares, ce qui ne vient que de la différente (blidité de la baie fur laquelle portent ces pierres , & de i'étendue des bancs de marbre & des pierres calculables , qui eft pius confi- dérable que celle âçs grès* PREUVES DELA THÉORIE DE LA TERRE, ARTICLE XVIII. De l'effet des pluies , des Marécages, des Bois Jouterra'ms, des Eaux jouter raine s* ^Jous avons dit que les pluies & les i eaux courantes qu'elles produifent, détachent continuellement du foin met & R v ,3.9 4 Hijloire Naturelle. de la croupe des montagnes les /abies, es terres, les graviers, &c. & qu'elles les entraient dans les plaines, d'où les rivières & les fleuve, en charient une partie dans les plaines plus balles , & iouvent juiqu'a la mer; les plaines le rempiiiTent donc ïuccefTivement & s'eièvgfn peu- a-peu , & les montagnes diminuent tous les jours & s'abaifîent continuellement, & dans plufieurs endroits on s'en aperçu de cet a^aiiïement. Jofeph Biancanus rapporte fur cela des faits qui étoient de notoriété publique dans lbn temps, & qui prouvent que les montagnes s etoicnt nbaillées au point que l'on voyoit des villages & des châteaux de plu- sieurs endroits d'où on ne pouvoit pas les voir autrefois. Dans la province de I>arby en Angleterre, le clocher du ■Village Craih n'etoit pas.vifible en i 572 depuis une certaine montagne, à- cau/i de la hauteur d'une aut.e monta cm* interpolée, laquelle s'étend en Hoinon TUkworth, & 80 ou 100 ans après on- voyoit ce clocher, & même une partie de l'égïife. Le Dccleur Plot 4oimQ: un exemple pareil" d'une montagne- Théorie de la Terre. 3 £5 entre Sibbertoft & Ashby dans la pro- vince de Northampton. Les eaux en- traînent non - feulement les parties les plus légères des montagnes , comme la terre, le fable, le gravier & les pentes pierres, mais elles roulent même de très-gros rochers, ce qui en diminue confidérablement la hauteur: en gênerai, plus les montagnes font hautes & plus leur pente eft roide , plus les rochers y font coupés à pic. Les plus hautes mon- tagnes du pays de Galles ont des roeners extrêmement droits & fort nus, on voit les copeaux de ces rochers ^i on peut le fervir de ce nom) en gros monceaux a leurs pieds; ce font les gelées & les eaux qui les ieparent & les entraînent ; ami* ce ne font pas feulement les montagnes de lable & de terre que les pluies rabaif- fent , mais , comme l'on voit , elles atta- quent les rochers les plus durs, & en entraînent les fragmens julque dans les vallées. Il arriva dans la vallée de N-ant- phrancon en 1685, qu'une partie d'un: gros rocher qui ne portoit que-iur une- bae étroite, ayant été minée par le* eaux .,. tomba & le rompit en plufieurs» R vij '3 9 6 Hifloïre Naturelle* morceaux avec plus d'un millier d'autre* pierres , dont la plus grofle fit en des- cendant une tranchée confidérable juf~ que dans la plaine , où elle continua à cheminer dans une petite prairie , & traverfa une petite rivière, de l'autre côté de laquelle elle s'arrêta. C'eit à de pareils accidens qu'on doit attribuer l'origine de toutes les groÛes pierres que l'on trouve ordinairement çà & là dans les vallées voi fines des montagnes. On doit le fou- venir , à l'occafion de cette obfervation , de ce que nous avons dit dans l'article précédent, fa voir, que ces rochers & ces grofîes pierres difperfées font bien plus communes dans les pays dont les mon- tagnes font de fable & de grès , que dans ceux où elles font de marbre & de glaife 5. parce que le fable qui iert de baie au rocher, eft un fondement moins folide que la glaife. Pour donner une idée de la quantité de terre que les pluies détachent des montagnes & qu'elles entraînent dans ies vallées y nous pouvons citer un fait rappor:é par le Docteur Plot : il dit , ihiis fon Hiftoire Naturelle de StafTord^ ! Tliêone Je la Terre, 3 97 qu'on a trouvé dans la terre, à 1 8 pieds de profondeur , un grand nombre de pièces de monnoie frappées du temps d'Ldouard IV, c'eft-à-dire , 200 ans au; aravant , en forte que ce terrein f qui eft marécageux , s'en; augmenté d'en- viron un pied en onze ans , ou d'un pouce & un douzième par an. On peut encore faire une obfervation femblable fur des arbres enterrés à 17 pieds de profondeur , au-delfous defqueis on a trouvé des médailles de Jules Céiàr 9 ainfi les terres amenées du defîus des montagnes dans les plaines par les eaux courantes , ne laiïTent pas d'augmenter très-confidérablement l'élévation du ter- rein des plaines. Ces graviers, ces fables & ces terres que les eaux détachent des montagnes & qu'elles entraînent dans les plaines , y forment des couches qu'il ne faut pas confondre avec les couches anciennes & originaires de la terre. On doit mettre dans la ciafle de ces nouvelles couches celles de tuf, de pierre molle , de gra- vier & de fable dont les grains font lavés & arrondis; on doit y rapporte* 39 S Ht (foire Naturelle. auiT] les couches de pierres qui fè font faites par une efpèce de dépôt & d'in- crufïaàcn, toutes ces couches ne doi- . vent pas leur origine au mouvement & aux fédimens des eaux de la mer. Ou trouve dans ces turs & dans ces pierres molles & imparfaites une infinité de végétaux, de feuilles d'arbres, de co- quilles terreftres ou fluviatiles, de petits os d'animaux terreflres, & jamais de coquilles ni d'autres productions ma- rines ; ce qui prouve évidemment , aulîi- bien que leur peu de folidité , que ces couches fe font formées (ur la furface de h terre sèche, & qu'elles font bien plus nouvelles que les marbres & les autres pierres qui contiennent des co- quilles , & qui le font formées autrefois dans la mer. Les tufs & toutes ce^ pierres nouvelles parcifTent avoir de la dureté & de la folidité lorfqu'on les tire , mais fi on veut les employer, on trouve que l'air & les pluies les diflolvent bientôt;- leur fubflance e(t même fi différente de la vraie pierre , que lorfqu'on les réduit en petites parties , & qu'on en veut faire du fable , elles fe convenifîènf Théorie de la Terre. 309 bientôt en une efpèce de terre & cfe boue; les ftalaétites 6c les autres cen- créiions^-jpierreules que M. de Tour- nefort ™enoit pour des marbres qui avoient végété , ne font pas de vraies pierres , non plus que celies qui font formées par des incruftations. Nous • avons déjà fait voir que les tufs ne font pas de l'ancienne formation, & qu'on ne doit pas les ranger dans [a claile des pierres, Le ' tuf eft une matière impar- faite , différente de la pierre & de la terre , & qui tire ion origine de toutes deux parle moyen de l'eau des pluies, comme les incrulhuions pierreules tirent la leur du dépôt des eaux de certaines fontaines , ainfi les couches de ces ma- tières ne font pas anciennes & n'ont pas été formées comme les autres, par le fédiment des eaux de la mer ; les cou- ches de tourbes doivent être aulïi re- gardées comme des couches nouvelles- qui ont été produites par l'enta (Teinent fuccefljf des arbres & des autres végé- taux à demi -pourrie, & qui ne fe font couler vés que parce qu'ils fe iont trou- as dans des terres bitumineufes ., qui: 4-0 d Hîftoîre Naturelle, îes ont empêché de fe corrompre eu entier. On ne trouve dans toutes ces. nouvelles couches de tuf, ou de pierre molle , ou de pierre formée pjwWes dé- pôts , ou de tourbes , aucune produc- tion marine, mais on y trouve au con- traire beaucoup de végétaux, d'os d'a- nimaux terrcfïres , de coquille^ fluvia- tiles & tcrrcftres, comme on peut le voir dans Ie> prairies de la province de Northamp.on aupr s d'A.shby , où l'on a trouvé un grand nombre de coquilles d'efcargots, avec des plantes, des herbes & plulieurs coquilles Huvia- tiles, bien coniervées à quelques pieds de profondeur tous terre , (ans aucunes- coquilles marines. Voyc^ Tranf. PhïL Abr. vol. IV, page 271. Les eaux qui roulent fur la furface de la terre , ont formé toutes ces nouvelles couches en changeant fouvent de lit & en fe ré- pandant de tous côtés ; une partie de ces eaux pénètre à l'intérieur & coule à travers les fentes des rochers & des" pierres; & ce qui fait qu'on ne trouve point d'eau dans les pays élevés, non plus qu'au - deffus des collines , c'dt Théorie de la Terre. 40 I parce que toutes les hauteurs de la terre font ordinairement compoices de pierres & de rochers , fur-tout vers ie fommet. II faut, pour trouver de l'eau, creufer dans la pierre & dans le rocher juiqu'à ce qu'on parvienne à la baie, c'eft-à- dire à la glaife ou à la terre ferme fur Laquelle portent ces rochers , & on ne trouve point d'eau tant que l'épaiflèur de pierre n'eft pas percée jufqu'au deflous , comme je l'ai obiervé dans plufeurs puits creusés dans les lieux élevés; & lorfque fa hauteur des rochers, c'eft - à - dire I'épaiffeur de la pierre qu'iï faut percer , eft fort confidérable , comme dans les hautes montagnes , où les ro- chers ont fouvent plus de mille pieds d'élévation, il eft impoifibk d'y faire des puits , & par ccnléquem d'avoir de i'eau. Il y a même de grandes étendues de terre où l'eau manque abfoiument , comme dans l'Arabie pétrée qui efl un déïert où il ne pleut jamais ? où des fsbles brûlans couvrent toute la iur- face de la terre , où il n'y a preique point de terre végétale , où le peu de plantes qui s'y trouvent, languiiïem f 402 HiJIorre Naturelle. ïes fources & les pluies y font fi rares r que l'on n'en compte que cinq depuis 1 ïe Caire" jufqu 'au mont Sinaï, encore! Feau en ell-elle amère & faumâtre. Lori'que les eaux qui font à la fur-! face de la terre, ne peuvent trouver d'é- coulement, elles forment des marais & des marécages ; les plus fameux marais de l'Europe , font ceux de Mofcovie à la fource du Tanaïs 5 ceux de Finlande , où font les grands marais Savoïax & Enafak ; il y en a auffi en Hollande, en Wellphalie & dans plufieurs autres pays-bas ; en A fie , on a les marais de l'Euphrate, ceux de îa Tartarie, le Palus Méotide; cependant en général H y en a moins en Aile & en Afrique qu'en Europe, mais l'Amérique n'efl, pour ainfi dire , qu'un marais continu dans toutes les plaines ; cette grande quantité de marais, eu une preuve de îa nouveauté du pays, & du petit nombre d'habhnns , encore plus que du peu d'induftrie. Il y a de très-grands marécages en- Angleterre dans la province de Lincoln près de la mer, qui a perdu beaucoup Théorie de la Terre. 403' <îe terreïn d'un côté & en a gagné de l'autre. On trouve dans l'ancien terrein une grande quantité d'arbres qui y font enterrés au-defTous du nouveau terrein amené par les eaux ; on en trouve de même en grande quantité en Ecofle, à l'embouchure de la rivière NcfT. Auprès de Bruges en Flandre , en feuil- lant à 40 ou 5 o pieds de profondeur , on trouve une très - grande quantité d'arbres auffi près les uns des autres que dans une forêt, les troncs, les rameaux & les feuilles font fi bien confervés qu'on diliingue aifément les différentes elpèces d'arbres. Il y a 500 ans que cette terre où l'on trouve des arbres etoit une mer, & avant ce temps - là on n'a point de mémoire ni de tradi- tion que jamais cette terre eût exiflé : cependant il eft néceffaire que cela ait été ainfi dans le temps que ces arbres ont crû & \égété , ainii le terrein qui dans les temps les plus reculés étoit une terre ferme couverte de bois , a été enluite couvert par les eaux de la mer qui y ont amené 40 ou 50 pieds «Tépaiffeur de terre > & enluite ces eaux 404 Rijlcire Naturelle. fe font retirées. On a de même trouve une grande quantité d'arbres ibuterrai i\$ à Youle dans la province d'Yorck , à douze milles au-defTous de la ville, fur îa rivière Humber, il y en a qui ("ont fi gros qu'on s'en fert pour bâtir; & on allure , peut-être maî-à- propos, que ce bois eft auili durable & d'aufîi bon fer vice que le chêne , on en coupe en petites baguettes & en longs copeaux que l'on envoie vendre dans les villes voifmes , & les gens s'en lervent pour allumer leur pipe. Tous ces arbres pa- xoifient rompus, & les troncs font fépa- xés de leurs racines , comme des arbres que la violence d'un ouragan ou d'une inondation auroit caîTés & emportés ; ce bois refîembie beaucoup, au fapin y il a la même odeur lorfqu'on le brûle, & fait des charbons de la même efpèce. Voyei Tranf. PhiL n,° 228. Dans l'île de Man , on trouve dans un marais qui a fix milles de long & trois milles de large, appelé Curragh , des arbres fou- terrains qui font des lapins, & quoi- qu'ils (oient à 18 ou 20 pieds de pro- fondeur, ils font cependant fermes fur Théorie de la Terre. 40 5 ïeurs racines. Voye^ Ray' s Difcouifes , fûge.2^2. On en trouve ordinairement dans tous les grands marais , dans les fondrières & dans la plupart des endroits marécageux, dans ïes provinces de Som- juerfet, de Chefter, de Lancaitre , de Stafford. II y a de certains endroits où l'on trouve des arbres fous terre , qui ont été coupés , fciés , équarris & travaillés par les hommes : on y a même trouvé des coîgnées & des ièrpes , & entre Bermingham & Bru mie y dans ïa province de Lincoln, il y a des col- lines élevées de fable fin & léger que les pluies & les vents emportent & traniportent en laifTant à fec & à dé- couvert des racines de grands fapins , où l'imprefîion de la coignée paroît en- core auffi fraîche que fi elle venoit d'être faite. Ces collines fe feront fans doute formées comme les dunes , par des amas de fable que la mer a apporté & accumulé , & fur lefquels ces fapins auront pu croître , enfuite ils auront été recouverts par d'autres fables qui y au- ront été amenés comme les premiers , par des inondations ou par des vents 4o-6 Hljïolre Naturelle: viol'ens. On trouve auiîî une grande! quantité de ces arbres fouterrains dans les terres maréeageufes de Hofande, dans la Friie & auprès de Groningue, ôl c'efl de-Ià que viennent les tourbes qu'on brûfe dans tout le pays. On trouve dans fa terre une infinité d'arbres grands & petits de toute efpèce, comme lapins, chênes, bouleaux , hêtres,, ifs, aubépins, iaules, frênes; dans les marais de Lincoln , le long de la rivière d'Oufe, & dans la province d'Yorck on Hatfîeld-chace., ces arbres font droits & plantés comme on les voit dans une forêt. Les chênes font fort durs, & on en emploie dans les bâtimens , où. Us durent fort long- temps (f)* les frênes font tendres & tombent, en pouiîière , aulfi-bien que les iaules; on en trouve qui ont été équarris , d'autres fciés, d'autres percés , avec des coignèes rom- pues, & des haches dont la forme re£ (f) Je doute beaucoup de la vérité âece fait, tous ïes arbres qu'on tire Je la terre, au moins tous ceux que j'ai vus, Toit chênes, 'oit autres, perdent en fe deflechant, toute la folidité qu'ils paroifïcnt avoir d'abord, & ue doivent jamais être employés dans les bâtimens. Théorie de h Terre. 4.07; iemble à celle des couteaux de fàcrifice. On y trouve auiTi des noifettes , des glands & des cônes de lapins en grande quantité. Plu (leurs autres endroits maré- cageux de l'Angleterre & de l'Irlande font remplis de troncs d'arbres , aufïl- hien que les marais de France & de .Suiflè, de Savoie & d'Italie. Voye^ Tranf. phiL Abr. vol. IV, page 2 i S, frc. Dans la ville de Modène & à quatre milles aux environs, en quelqu'endroiî qu'on fouille, lorfqu'on efl parvenu à ïa profondeur de 63 pieds, & qu'on a percé la terre à 5 pieds de profondeur de plus avec une tanière, l'eau jaillit avec une fi grande force que le puits fe remplit en fort peu de temps prefque jufqu'au-deiïus, cette eau coule conti- nuellement & ne diminue ni n'augmente par la pluie ou par la féchereiTe ; ce qu'il y a de remarquable dans ce ter- rein , c'eft que lorfqu'on efl parvenu à 14 pieds de profondeur, on trouve les décomb remens & les ruines d'une ancienne ville , des rues pavées , des plan- chers , des maifons , différentes pièces de mofaïque , après quoi on trouve 40 8 Hifiohe Naturelle. une terre nffez folide & qu'on crcT; oit. n'avoir jamais été remuée, cepen Jarrtl mi-deflcus on trouve une terre humide & mêlée de végétaux; & à 26 pieds difficile d'en rendre raiibn. Seroit-ill 53 poffibk que toute l'étendue du ter- j >, rein qui compofe cette île ne fût, » dans les fiècies pafTés , qu'un haut- » fond rempli de plantes de chaux, qui » ayant beaucoup crû & rempli les! „ vides qui étaient enir'elles occupés par » l'eau, ont enfin haufle le terrein & * obligé l'eau à le retirer & à laifier àj >3 fec toute la fuperficie i Cette conjec-J » ture, toute extraordinaire qu'elle pa^ » roît d'abord , n'a pourtant rien d'im- » poffibïe, & deviendra même affez » vraifemblabfe à ceux qui l'examinée » ront fans prévention: car enfin , en » fuivant ie commencement de ma tupv, >, pofition, ces plantes ayant crû & „ rempli tout Fefpace que l'eau occu- » pok, fe font enfin étouffées l'une „ l'autre; les parties fupérieures le font » réduites en pouf Hère & en terre , les » oifeaux y ont laide tomber les graines *> de quelques arbres qui ont germé & » produit ceux que nous y voyons, qui auroient dû être affemblées fins aucun ordre. 35 Je penfe fur cela comme M. Barrère , feulement je ne regarde pas les atterriffe- mens comme la feule manière dont les j montagnes ont été formées , & je crois pouvoir affurer au contraire , que la Théorie de la Terre. 435> plupart des éminences que nous voyons à la furface de la terre , ont été formées dans la mer même , & cela par plufieurs raiïbns qui m'ont toujours paru con- vaincantes; premièrement, parce qu'elles ont entr 'elles cette correipondance d'angles faiilans & rentrans , qui iuppoie nécefîài- rement la caufe que nous avons ailignée, c'efr- à-dire , le mouvement' des courans de la mer ; en fécond lieu , parce que les dunes & les collines qui fe forment des matières que la mer amène fur fes bords, ne font pas compofées de marbres 6c de pierres dures , comme les collines ordinaires ; les coquilles n'y font ordi- nairement que fofîiles , au lieu que dans les autres montagnes la pétrification eft entière; d'ailleurs, les bancs de coquilles, ies couches de terres ne font pas aufTi horizontales dans les dunes que dans ies collines compofées de marbre & de pierre dure, ces bancs y font plus ou moins inclinés , comme dans les collines de Naffiac , au lieu que dans les collines & dans les montagnes qui fe font formées fous les eaux par les fédimens de la mer, les couches font toujours parallèles & T m; 44° Hijloîre Naturelle. très-fouvent horizontales, les matières y font pétrifiées aufîl-bien que les co- quilles. J'eipère faire voir que les mar~ bres & les autres matières calcinabies, qui prefque toutes font compolées de madrépores, d'adroites & de coquilles , ont acquis au fond de la mer le degré de dureté & de perfection que nous leur connoiiîons ; au contraire, les tufs, ïes pierres molles & toutes les matières pierreules, comme les incruflations , les ftala&ites , &c. qui font aulîi calcinables & qui le font formées dans la terre depuis que notre continent eft découvert* ne peuvent acquérir ce degré de dureté ôl de pétrification des marbres ou des pierres dures. On peut voir dans ï'hifloire de l'A- cadémie , année i 7 0 7, les obfervations de M. Saulmon au fu jet des galets qu'on trouve dans plufieurs endroits, ces galets font des cailloux ronds & plats & tou- jours fort polis , que la mer pouffe fur les côtes. A Bayeux & à Brutel , qui eft à une lieue de la mer, on trouve du galet en creulant des caves ou des puits; les montagnes de Bonneuil, de Broie & du Théorie de h Terre. 44 r Quefnoy , qui font à environ dix -huit lieues de la mer , font toutes couvertes de galets , il y en a auili dans la vallée de Clermont en Beauvoiiis. M. Saulmon rapporte encore qu'un trou de feize pieds de profondeur , percé directement & horizontalement dans la falaife du Trefport, qui e(t toute de moellon, a difparu en trente ans, c'eft- à-dire , que îa mer a miné dans la falaife cette épaifTeur de feize pieds ; en fuppofant qu'elle avance toujours également , elle mineroit mille toifes , ou une petite demi-lieue de moellon en douze mille ans. Les mouvemens de la mer font donc les principales caufes des changemens qui font arrivés & qui arrivent fur îa- furface du globe ; mais cette caufe n'eft pas unique , il y en a beaucoup d^autres moins confidérables qui contribuent à ces changemens , les eaux courantes , les- fleuves , les ruiiïeaux , la fonte des neiges, les torrens , les gelées , &c. ont changé eonfidérablement la furface de la terre 9 les pluies ont diminué la hauteur des montagnes , les rivières & les ruiffeaux om élevé les plaines, les fleuves oftS T y 44- 2- Hifloîre Naturelle. rempli la mer à leur embouchure, îa fonte des neiges & les torrens ont creufé des ravines dans les gorges & dans les vallons, les gelées ont fait fendre [es rochers Ôc ies ont détachés des montagnes : nous pourrions citer ' une infinité d'exemples àçs differens changemens que toutes ces cau(ès ont occafionnés. Varenius dit que les fleuves tranfportent dans la mer une grande quantité de terre qu'ils dé- potent à plus ou moins de diftance des côtes , en raifon de leur rapidité ; ces terres tombent au fond de la mer & y forment d'abord de petits bancs qui s'aug- mentant tous les jours , font des écueils , & enfin forment des îles qui deviennent fertiles & habitées : c'eft ainfi que ce font formées les îles du Nil , celles du fleuve Saint- Laurent , l'île de Landa fituée à la côte d'Afrique près de l'embouchure du fleuve Coanza, les îles de Norvège, &c. Voye^ Varenïi Geog. gêner, pag. 214. On peut y ajouter l'île de Tong-ming à la Chine , qui s'eft formée peu à peu des terres que le fleuve de Nanquin en- traîne & dépofe à fon embouchure ; cette îie eft fort confidérable , elle a plus de Théorie de h Terre. 443' Vingt lieues de longueur fur cinq ou fix de largeur. Voye^ Lettres édif. Recueil XI, page 234. Le Pô, le Trento, l'Athéfis & les autres rivières de l'Italie amènent une grande quantité de terres dans les lagunes de Veniîê, fur-tout dans le temps des inondations , en forte que peu à peu elles le remplirent, elles font déjà sèches en plufieurs endroits dans le temps du reflux , & il n'y a plus que les canaux que l'on entretient avec une grande dépenfe, qui aient un peu de profondeur. A l'embouchure du Nil, à celle du Gange & de l'Inde , à celle de la rivière de la Plata au Brefil, à celle de la rivière de Nanquin à la Chine, & à l'embou- chure de plufieurs autres fleuves on trouve des terres & des fables accumulés. La Loubère , dans fon voyage de Siam, dit que les bancs de fable & de terre augmentent tous les jours à l'embouchure des grandes rivières de l'A fie, par les limons & les fédimens qu'elles y appor- tent, en forte que la navigation de ces rivières devient tous les jours plus diffi- cile, & deviendra un jour impoiTjblçy T vj 444 Hijïolre Naturelle. on peut dire la même chofe des grandes rivières de l'Europe , & fur - tout du Volga , qui a plus de 70 embouchures dans la mer Cafpienne , du Danube qui en a fept dans la mer nuire , &c. Comme il pleut très - rarement en Egypte, L'inondation régulière du Nil vient des torrens qui y tombent dans l'Ethiopie, il charie une très -grande quantité de limon , & ce fleuve a non- fèulement apporté fur le terrein de i'Fgypte piulieurs milliers de couches annuelles, mais même il a jeté bien avant dans la mer les fondemens d'une alluvion qui pourra former avec le temps un nouveau pays ; car on trouve avec la fonde, à plus de \ingt lieues de diftance de la côte, le limon du Nil au fond de la mer qui augmente tous les ans. La Baiïe Egypte, où eft maintenant le Delta, n'étoit autrefois qu'un golfe de la mer. Voyeç Diodore de Sicile ,. lib. 3 . Arijlote, liv. 1 des Météores, ch. 14. Hérodote, f, 4., j, &c. Homère nous dit que l'île de Pharos étoit éloignée de l'Egypte d'un jour & d'une nuit de chemin , & l'on fait «qu'aujourd'hui elle eft prefque contiguë» Théorie de la Terre, 445 Le fol en Egypte n'a pas la même pro- fondeur de bon terrein par-tout , plus on approche de la mer & moins il y a de profondeur; près des bords du Nil il. y a quelquefois trente pieds & davantage de profondeur de bonne terre, tandis qu'à l'extrémité de l'inondation il n'y a pas lent pouces. Toutes les villes de la bafîe Egypte ont été bâties fur des levées & fur des éminences faites à la main.. Voye^ le voyage de M. Shaiv, vol. 1 1 \ pages 1 8 y & 1 8 8 . La ville de Damiette eft aujourd'hui éloignée de la mer de plus de dix milles , & du temps de Saint- Louis, en 1 243, c'étoit un port de mer». La ville de Fooah , qui étoit il y a trois cents ans à l'embouchure de la branche Canopique du Nil, en eft prtfentement à plus de fept milles de diilance , depuis quarante ans la mer s'elî retirée d'une demi-lieue de devant Rofette, &c. ldemr pages 173 & 188.. II eft aufïi arrivé des chnngemens à l'embouchure de tous les grands fleuves- de l'A mérique , & même de ceux qui ont été découverts nouvellement. Le- Père Charlevoix en parlant du fleuve '44 6 Hijïolre Naturelle* MiiTifTipi , dk qu'à l'embouchure Je c& fleuve, au-defious de la nouvelle Or- léans , le terrein forme une pointe de terre qui ne paroît pas fort ancienne , car pour peu qu'on y creufe , on trouve de l'eau , & que la quantité de petites îles qu'on a vu fe former nouvellement à toutes les embouchures de ce fleuve, ne laiiïent aucun doute que cette langue de terre ne fe foit formée de la même manière. Il paroît certain , dit - il , que quand M. de la Salle descendit (g) le jVliiTiflipî jufqu'à la mer, l'embouchure de ce fleuve n'étoit pas telle qu'on la voit aujourd'hui. Plus on approche de îa mer , ajoute- î-il, plus cela devient fenfible , la barre n'a prefque point d'eau dans la plupart des petites iflues que le fleuve s'eft ou- vertes, & qui ne fe font fi fort multipliées que par le moyen des arbres qui y font entraînés par le courant, & dont un feul arrêté par fes branches ou par les racines dans un endroit où il y a un peu de pro- fondeur, en arrête milfe, j'en ai vu dit-iJ, (g)\ II y a des Géographes qui prétendent que Jl. de la Salle n'a jamais defcendu le Miflîflïpi, Théorie de la Terre] 447 à 200 lieues d'ici (h), des amas dont un feul auroit rempli tous les chantiers de Paris, rien alors n'eit capable de les détacher; le limon que charie fe fleuve ïeur fert de ciment & les couvre peu à peu ; chaque inondation en laifîè une nouvelle couche, & après dix ans au plus les lianes & les arbrifleaux commencent à y croître ; c'efl ainfi que le font for- mées la plupart des pointes & des îles qui font fi fouvent changer de cours au fleuve. Voye^ les Voyages du P. Charlcvoix, tome III, page 4.4.0. Cependant tous les changemens que les fleuves occasionnent , font affez lents, & ne peuvent devenir considé- rables qu'au bout d'une longue fuite d'années, mais il efl: arrivé des chan- gemens brufques & iubits par les inon- dations & les tremblemens de terre. Les anciens Prêtres Egyptiens, fix cents ans avant la nailTance de Jéfus-Chrifr. , aiTu- roient, au rapport de Platon dans ie Timée , qu'autrefois il y avoit une grande île auprès des colonnes d'Hercule , plus grande que l'A fie & la Lybie prifes (AJ De la nouvelle Orléans^ 448 Hlfhire Naturelle. enfemble , qu'on appeloit Atlantide /" que cette grande île fut inondée & abymée fous les eaux de la mer après un grand tremblement de terre. Traditur Athénien fis civitas reftitijfe olim innumeris hqflium copïis quœ ex Atlantico mari yro- feâœ, prope cunâam Eumpam Afiamque cbfederunt; tune en/m fretum ïllud navi- gabile, habens in ore & quafi vefibulo ejus infulam quas Herculis columnas cog- nominant : ferturque infula illa Libiâ fi- mul & Afiâ major fuijfe, per quam ad alias proximas infulas patebat aditus, at- que ex infulis ad omnem continente m e confpeclu jacentem vero mari vicinam; fed intra os ipfum portas angujlo finit traditur, pelagus illud verum mare , terra quoque illa verè erat continens , &c. Pofl hœc ingenti terrœ moui jugique d'iei vnius Ù* îioâis illuvione faâum ejl , ut terra dehifeens omnes illos bellicofos abfor béret , & Atlantis infula fub vafo gurgite mergeretuf. Plato in l imceo. Cette ancienne tradition n'eft pas abfolument contre toute vraifem- blance , les terres qui ont été abfor bées par les eaux font peut-être celles qui joignoieru l'Irlande aux Açores, & Théorie de h Terre. 445) ceîles-ci au continent de l'Amérique j car on trouve en Irlande les mêmes foffilcs , les mêmes coquillages & les mêmes productions marines que l'on trouve en Amérique, dont quelques-unes font différentes de celles qu'on trouve dans le refte de l'Europe. Eusèbe rapporte deux témoignages au fujet des déluges, dont l'un e(t de Melon , qui dit que la Syrie avoit été autrefois inondée dans toutes les plaines ; l'autre eit d'Abydenus , qui dit que du temps du roi Sifithrus il y eut un grand déluge qui avoit été prédit par Saturne. Plutarque de folertia animalium ; Ovide & les autres Mythologiftes par- lent du déluge de Deucalion , qui s'eft fait, dit-on, en Thelîalie , environ 700 ans après le déluge univerfsi. On pré- tend aufîl qu'il y en a eu un plus ancien dans i'Attique , du temps d'Ogigès f environ 2,30 ans avant celui de Deuca- lion. Dans l'année 1 op 5 il y eut un déluge en Syrie qui noya une infinité d'hommes. Voye\ Alfled. Chïon, ch. 25* En 1165, il y en eut un fi confidé- ■iabie dans la Frile , que toutes les côtes. 4J 0 Hijloïre Naturelle. "maritimes furent fubmergées avec pTit* fieurs milliers d'hommes. Vbye^ Krank , lïb. v, cap. 4. En 121 8, il y eut une autre inondation qui fit périr près de 1 00 mille hommes , auffi - bien qu'en 1530. II y a piufieurs autres exemples de ces grandes inondations , comme ceile de 1604 en Angleterre, &c. Une troifiènie caule de changement fur la furface du globe font les vents impétueux, non-ieulement iîs forment des dunes & des collines fur les bords de la mer & dans le milieu des con- tinens, mais fouvent ils arrêtent & font rebroufïèr les rivières , ils changent la direction des fleuves, ils enlèvent ies terres cultivées , les arbres , ils renver- sent les maifons , ils inondent , pour ainll dire, des pays tout entiers; nous avons un exemple de ces inondations de iable en France fur les côtes de Bretagne , ï'hiftoire de l'Académie, année 1722, en fiit mention dans les termes iuivans. ce Aux environs de Saint - Pol - de 35 Léon en bafîe Bretagne, il y a fur *> la mer un canton qui avant l'an 1666, & étoh habité ; & ne l'eft plus à caufê Théorie de h Terre. 4 5 t] d'un fable qui le couvre jufqu'à une le fable peut avancer en fubmergeant 33 Je pays , tant que la minière qui le 33 fournit , en fournira de nouveau ; 53 car fans cela le fable en avançant, Théorie de la Terre, 453 diminueroit toujours de hauteur, & ce cefferoit de faire du ravage. Or il n'eft ce que trop poiTible que ia mer jette ce ou dépofe long-temps de nouveau c d'Acre, de Jaffa , font tous remplis & combiés des fîibles qui ont été charies par les grandes vagues qu'on a fur cette côte de la méditerrane'e lorfque le vent d'oueft, ïbuffle avec violence. Voye^ Voyages de Shaw, vol. II. II ell inutile de donner un plus grand nombre d'exemples des altérations qui arrivent fur la terre ; le feu , l'air & l'eau y produifent des changemens continuels , & qui deviennent très-confidérables avec le temps : non-feulement il y a des caufès générales dont les effets font périodiques ôl réglés , par leiquels la mer prend fuc- cefîivement la place delà terre , & aban- donne la fienne , mais il y a une grande quantité de caufes particulières qui. con- tribuent à ces changemens, & qui pro- duifent des bouîeverfemens , des inonda- tions, des afraiiTemens; & la furface de la terre, qui eft ce que nous connoi lo- fons de plus folide , eft fujète comme tout le relie de la Nature } à des vici£ fmides perpétuelles. Yliéone de la Terre. 45 5 CONCLUSION. X L paroît certain par les preuves que nous avons données (art. vu & VJJiJ, que les continens terreftres ont été autre- fois couverts par les eaux de la mer ; il paroît tout aufîi certain (art. XI i) que le flux & le reflux, & les autres mouvemens des eaux, détachent conti- nuellement des côtes & du fond de la mer , des matières de toute efpèce , ôl des coquilles qui fe dépofent enfuite quelque part, & tombent au fond de l'eau comme des fédimens, & que c'eft- ià l'origine des couches parallèles & horizontales qu'on trouve par -tout. Ii paroît (art. IX) que les inégalités du globe n'ont pas d'autre caufe que celle du mouvement des eaux de la mer, & que les montagnes ont été produites par l'amas fuccefîif & l'entafTement des fé- dimens dont nous parlons , qui ont formé les différens lits dont elles font compofées. Il eft évident que les cou- rans qui ont fuivi d'abord la direction de ces inégalités, leur ont donné enfuite 4 5 6 Hijloire Naturelle. à toutes la figure qu'elles confervent encore aujourd'hui (arU Xlll) , c'eft- à-dire , cette correfpondance alternative des angles faillans toujours oppofés aux angles rentrans. II paroît de même , (art. v III & XV m) que la plus grande partie des matières que la mer a détachées de Ton fond & de Tes côtes , étoient en pouilière Iorfqu'elles fe font précipitées €n forme de fédimens , & que cette poufilère impalpable a rempli l'intérieur des coquilles abfolument & parfaitement, iorfque ces matières fe font trouvées, ou de la même nature des coquilles , ou d'une autre nature analogue. II eft certain (art. XV II) que les couches horizontales qui ont été produites fuc- cefîivement par le fédiment des eaux & qui étoient d'abord dans un état de molleffe , ont acquis de la dureté à mefure qu'elles fe lont defféchées , & que ce dessèchement a produit des fentes per- pendiculaires qui traversent les couches horizontales. II n'eft pas polTlble de douter après avoir vu les faits qui font rapportés dans les articles x , XI , xiv , xv, XVI, Théorie Je la Terre. 457 XVI, XVII, XVIII & XIX, qu'il ne foit arrivé une infinité de révolutions, de bouleveriemens, de changemens particu- liers & d'altérations fur la furface ce la terre, tant par le m ouvement naturel des eaux de la mer que par i'adion des pluies , des gelées , des eaux courantes , des vents, des feux fouterrains , des tremblemens de terre , des inondations , &c. & que par conféquent la mer n'ait pu prendre fuccefïivement la place de la terre , fur- tout dans les premiers temps après ta création , où les matières terrestres étoient beaucoup plus molles qu'elles ne le font aujourd'hui. II faut cependant avouer que nous ne pouvons juger que très- imparfaitement de la fuccefîlon des ré- volutions naturelles ; que nous jugeons encore moins de la fuite des accidens , des changemens & des altérations ; que le défaut des monumens hiftoiiques nous prive de la connoilTance des faits ; il nous manque de l'expérience & du temps ; nous ne failbns pas réflexion que ce temps qui nous manque , ne man- que point à la Nature; nous voulons Tome 11 V 458 Hiffoire Naturelle, &c. rapporter à i'inftant de notre exifïence les fiècles paffés & les âges à venir , forts confidérer que cet inftant, la vie hu- maine étendue même autant qu'elle peut l'être par l'hiftoiie , n'en1 qu'un point dans la durée , un ieul fait dans i'hiiloire des faits de Dieu. FIN du fécond Volume* . •■• -