Presented to the LIBRARY of the UNIVERSITY OF TORONTO by Norman Robertson Digitized by the Internet Archive in 2009 with funding from University of Ottawa htip://www.archive.org/details/oeuvresdedescar06desc RE EE Len >" Lee L L'afs ke + (au + LEA 3% Ce LS 4 44 cu h a! GEUVRES DE DESCARTES Re ————— DISCOURS DE LA MÉTHODE & ESSAIS \4l br TS AE Ma PAS Me £, « A 4 r RE ET De à rl £ \ : SE ER AT N +6 # k A ARE PE Pa =. \ U \. ji r = KI ÿ a ièu Fe : 2%, PR £ F l rs 2 4 d 44 s 12 * ei * 4 24 « M. Darsoux, de l'Académie des Sciences doyen de je. Faculté TMC des Sciences de l’Université de Paris, et M. BouTroux, de l° Académie SES des Sciences Morales et Politiques, professeur d'histoire de la a FL \ ques, p Ÿ . philosophie moderne à la Soréonne,, ont suivi l'impression de cette | Re publication en SE de commissaires responsables. d'ITRRE = Cr (2e à RE ; 2 À Ë : ï 2) s ll LE) … k 1 { Ÿ à 2x Le / J de Fe Th ; | er an à din ton “or: du OEUVRES DE D CARTES. PUBLIÉES CuarLes ADAM & Pauz TANNERY SOUS LES AUSPICES DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE DISCOURS DE LA MÉTHODE & ESSAIS VI PARIS LÉOPOLD CERF, IM PRIMEUR - ÉDITEUR 12, RUE SAINTE-ANNE, 12 1902 AVERTISSEMENT Le présent volume contient : 1° Le Discours de la Méthode et les Essais", d’après l’édi- tion originale, publiée en 1637 à Leyde, chez Jan Maire, sans nom d'auteur, en format in-4°, avec deux paginations : 3-78 pour le Discours placé en tête, 1-418 pour les Essais, que suivent 31 pages non numérotées, contenant les Tables des matières ; 2° La version latine de cet ouvrage (Specimina Philosophiæ”), version due à Etienne de Courcelles, Français établi à Amster- dam comme ministre protestant, et publiée à Amsterdam, chez Louis Elzevier, en 1644, en meme temps que les Principia Philosophiæ de Descartes. Les deux ouvrages dans cette édi- tion, sont d'ordinaire réunis en un seul volume in-4°, les Speci- mina étant en tête, et comprenant d’abord 16 pages sans numéro (titre et indices), puis 331 pages numérotées. Le nom du tra- ducteur n'y figure point, mais au contraire celui de Descartes attestant (voir ci-après p. 539) qu'il a revu et corrigé le texte, et l’avouant, au moins quant au sens, comme seconde édition. Etienne de Courcelles avait laissé de côté le dernier des trois Essais, c’est-à-dire la Géométrie. Une version latine en parut également du vivant même de Descartes : GEOMETRIA, 4 Renato Des Cartes anno 1637 Gallicè edita ; nunc autem cum notis Florimondi de Beaune #7 Curia Blesensi Consiliarii Regii 1. Voir ci-après le titre complet sur la reproduction phototypique du frontispice de l'édition originale. VI AVERTISSEMENT. in Latinam linguam versa, et Commentariis tllustrata, opera atque studio Francisci à Schooten Leydensis, in Academia Lugduno-Bataya Matheseos Professoris Belgicè docentis. (Lugduni Batavorum. Ex officina Ioannis Maire. M. pc. xuix, in-4° ‘.) Mais cette fois, quoiqu'en très bonnes relations avec Schooten, qu'on doit même tout à fait regarder comme son disciple en mathématiques, Descartes tint à lui laisser toute la responsabilité de cette édition, et il s'exprime nettement à cet égard dans une lettre à Mersenne du 4 avril 1648 (Correspon- dance, t. V, p. 145). I nous suffisait donc de signaler en notes les quelques divergences, justifiées en général, que présente, avec le texte français, la version de Schooten, dont la fidélité est au reste remarquable et dont la latinité est beaucoup plus claire et correcte que Descartes ne semble l'avoir espéré. Malheureusement , sous ce dernier rapport, la version d'Etienne de Courcelles laisse au contraire singulièrement à désirer, et entre les lignes dans lesquelles Descartes en cons- tate l'exactitude (beaucoup trop littérale et obtenue, le plus sou- vent, à l’aide d’étranges gallicismes), on peut bien lire que, s’il avoue le sens, comme nous l’avons dit, il ne prend pas le style à son compte. Mais, s’il n’a pas voulu s’astreindre à le corri- ger et à y imprimer sa marque {ce qui lui aurait coûté plus de peine que de refaire lui-même toute la version), il n’en a pas moins certainement apporté des changements considérables : diverses inadvertances de la rédaction de 1637 ont disparu; l'exposition, en plusieurs endroits, a subi un remaniement im- portant; les additions, plus ou moins notables, sont fréquentes *. Tout cela est aisément reconnaissable ; mais le critérium qu’il 1. Schooten donna en 1659 une seconde édition (Amsterdam, Louis et Daniel Elzevier), dans laquelle ses commentaires sont sensiblement déve- loppés, et qui, grossie d’opuscules tant de lui-même que de Hudde, H.van Heuraet, Florimond Debeaune, Jean de Witt, constitue, en deux volumes, un véritable corpus de la géométrie cartésienne à cette date. C'est de cette seconde édition que nous nous sommes particulièrement servis. 2. Elles ont été, au moins les plus saillantes, indiquées entre guille- mets dans le texte latin. AVERTISSEMENT. VII indique pour distinguer ses corrections, à savoir la liberté prise par rapport au texte de 1637, est évidemment insuffisant pour discerner sûrement les retouches de détail, lorsque l’au- teur n’a cherché, par le choix d’une expression, qu’à préciser un peu mieux sa pensée. Dans ces conditions, on doit dire que, pour s'assurer si Descartes, pour tel passage des Essais que l’on veut approfondir, h’a pas eu un repentir avant 1644, ïl faut toujours confronter avec soin le texte des Specimina. Nous avons donc jugé nécessaire de le donner intégralement,en petits caractères ; la seule indication des divergences, en notes sur le texte français, eût entraîné, soit une minutie excessive, soit des exclusions arbitraires; d’autre part, la fréquence, dans la littérature philosophique, des renvois au texte des Specimina rendait désirable la réédition de ce texte. Quant aux nombreuses éditions du premier ouvrage de Descartes, qui ont suivi sa mort, nous n'avions pas à en tenir compte, notre plan étant limité à la reproduction des éditions originales. Mais nous donnons celles-ci complètement, du titre aux tables des matières et aux privilèges. Exception n’a été faite que pour les errata, que nous avons naturellement corri- gés en leur lieu. Les dispositions typographiques convenables ont été prises pour indiquer le commencement et la fin de chaque page des éditions originales et pour établir la correspondance entre les pages de cette édition pour le texte français et pour le texte latin *. Il nous reste à dire quelques mots sur les principes que nous avons suivis pour l'orthographe, en particulier pour celle du texte français, qui seule peut faire question. Les Remarques sur l'orthographe de Descartes, insérées pages LxxIx-CV du Tome I de la Correspondance, nous dispensent de nouveaux développements sur ce sujet, mais nous avons à justifier les écarts apparents à l'annonce qui y a été faite que 1. Pour le texte français, les numéros des pages originales figurent sur la ligne du titre courant ; pour le texte latin, voir la note de la page 540. Œuvres. I, ê VIII AVERTISSEMENT. nous suivrions scrupuleusement les éditions parues du vivant de l’auteur, et dont lui-même a corrigé le texte, lorsqu'on l'imprimait. Nous n'avons nullement varié sur le principe ; nous consi- dérons, au contraire, de plus en plus comme important de res- tituer aux écrits de Descartes la physionomie orthographique qui les a caractérisés. En particulier, les singularités qu'offrait à cet égard le Dus- cours de la Méthode, ne pouvaient manquer d’influer sur les lecteurs, surtout sur ceux pour qui il devint un livre de chevet. Cette influence, dont il serait aisé de fournir des exemples, se décèle, il est vrai, beaucoup plus dans les autographes du temps que dans les ouvrages imprimés. Mais elle persista longtemps et n’est point historiquement négligeable, ce qui serait un motif suflisant pour la fidèle reproduction du vo- lume de 1637. Cependant procéder en cette matière « comme en diploma- tique » eût été, à l'égard de Descartes, une trahison d'autant plus flagrante qu’il a lui-même signalé, à propos de l’errata (voir ci-après, p. 514, note) que nombre de fautes restaient à corriger et que les distinctions (signes de ponctuation) laissaient souvent à désirer. L'édition de Jan Maire est d’ailleurs incon- testablement très incorrecte au point de vue typographique : en particulier, l'orthographe d’un même mot et l’accentuation surtout sont singulièrement inconstantes. L'excuse présentée par Descartes, à savoir que le compositeur n’entendait pas un mot de français, signifie toutefois seule- ment que l’auteur n’a pas trouvé, à Leyde, le précieux concours que prêtent d'ordinaire les protes et les tierceurs pour assurer la régularité de l'orthographe et pour faire disparaître les in- corrections grammaticales ; car, plus le compositeur était igno- rant du français, plus il a dû s’efforcer de suivre fidèlement la copie. Il faudrait donc pouvoir faire un départ entre les véri- tables fautes d'impression et les incorrections du manuscrit. Or si, dans nombre de cas, la distinction est aisée à faire, hit ne nn ti tee tt titine À nds. Er tt lies. AVERTISSEMENT. IX dans beaucoup d’autres, on reste dans l'incertitude. D'autre part, le manuscrit était-il de la main de Descartes, ou avait-il fait préparer, pour l'imprimeur, des expéditions au net par un ou plusieurs copistes, qui auront pu introduire, plus ou moins accidentellement, des formes de leur propre orthographe, au lieu de celle de Descartes? Au moins pour la Dioptrique, la copie était d’une main spéciale. Dans ce traité, en effet, tel que le donne l'édition de 1637, domine la forme ceste, tandis que, dans les autres parties de l'ouvrage, cette forme n'apparaît point,et qu'on voit irrégulièrement alterner les formes cette et cete, dont la dernière seule est authentiquement cartésienne, les autographes excluant absolument les deux autres. En présence de ces difhcultés, nous ne pouvions cependant nous résoudre à surcharger le bas des pages de variantes pure- ment orthographiques. C'était absolument sans intérêt, puis- que celles que nous avons données dans les volumes de la Correspondance constituent un ensemble de matériaux large- ment suflisant pour l'étude. Nous avons donc convenu, tout d’abord, de corriger tacite- ment les fautes d'impression évidentes, ainsi que les inadver- tances grammaticales (singulier pour pluriel, féminin pour masculin, ou inversement), qui devaient plutôt entacher déjà la copie. Nous n'avons pas eu plus de scrupule pour les incor- rections de même ordre dans les formules algébriques de la Géométrie. Nous avons, en second lieu, essayé de régulariser la ponc- tuation d’après le sens, tout en évitant de la moderniser systé- matiquement, ce qui est d’ailleurs incompatible avec la coupe des phrases de Descartes. Nous avons, d’autre part, conformé l’accentuation à l'usage du philosophe qui est bien établi’. 1. Je dois ajouter, cependant, que, pour la facilité de la lecture, j'ai imprimé régulièrement o#, adverbe, dans les trois Essais, alors que l’usage le plus fréquent de Descartes est de ne pas mettre l'accent, pas plus que pour la conjonction. De même pour /à, adverbe; au contraire, pour à, préposition, l’omission de l'accent n'amène jamais d’hésita- tion. (T.) X AVERTISSEMENT. Nous avons, au contraire, laissé en principe subsister les di- vergences d'orthographe ou les formes mal assurées, sauf à faire disparaitre les anomalies trop choquantes (variations dans la même page ou forme unique contre de nombreux exemples d'une autre forme). Mais nous avons corrigé tout ce qui nous a paru, avec assez de probabilité, être dû, soit à des fautes d'impression, soit à des lapsus calami, soit enfin à des altéra- tions dues aux copistes employés par Descartes. En résumé, toutes les fois que nous avons douté s’il n'y avait pas eu, de la part de Descartes, soit une dérogation consciente à l’usage, soit une indifférence entre deux formes, nous nous sommes abstenus de toute correction ; nous avons corrigé, au contraire, lorsque nous n'avons pas cru que l’orthographe püt être celle que Descartes aurait réellement voulue en écrivant le mot avec attention ‘. Mais, si les principes que nous avons adoptés se justifient assez d'eux-mêmes, les avons-nous toujours appliqués d’une façon irréprochable ? Ils laissent une trop large part à l’appré- ciation individuelle pour nous mettre, dans le détail, à l’abri de toute critique, et nous-mêmes, après la dernière revision du texte original sur les feuilles de cette édition déjà tirées, nous éprouvons divers scrupules sur quelques cas où l'évidence ne nous semblait point contestable. Ainsi exfrordinaire paraît 1. Les formes corrigées se réduisent aux suivantes, en dehors des fautes d'impression proprement dites : 1° Emploi de l'y ou de l’i. — Ayt, croire, aussytost. 20 Diphtongues. — Ceuillir et receuillir — neuds. — transparant. 3° Pluriel, — Nez (nés), difficultéz, esloignez. La forme des pluriels en és est à peu près exclusivement employée dans l'édition de 1637. Mais au moment où elle paraissait, Descartes, à en juger par son errata, se serait précisément rallié à la forme ez. — Estans (forme isolée, en regard d’es- tant). — Toutefoix. 4° S d’'accentuation. — Voyage, batissoit, pretast, inegale. — Des- pendre (l'étymologie latine exige dependre), étois. — Cest, cét, cestuy. 50 Lettres doublées ou non prononcées, — Celluy, cella, parfaitte, esclattant, temps, trouts. — Pieres, rons. 6° Emploi de l’x. — Reflection. 4 À F 4 L. ‘4 Ë AVERTISSEMENT. XI une faute certaine ; nous avons donc imprimé extraordinaire, jusqu’au moment où nous avons constaté que l’autre forme est la seule qui se rencontre dans l'édition de 1637. De même /eur, au pluriel du pronom possessif, semble bien être une forme consciemment adoptée par Descartes, au lieu de leurs. Dans un cas isolé, au contraire, si nous avons imprimé /a plus grande part, nous devons cependant regarder comme possible que Descartes, par une élision conforme à une prononciation plus ou moins répandue, ait volontairement écrit la plus grand part, en omettant l'apostrophe à laquelle il ne fait d'ordinaire pas d'attention. Nous ne pouvons donc affirmer qu’une chose, c’est que, nous étant chargés de la responsabilité du texte, l’un pour le Dis- cours de la Méthode, l'autre pour les Essais, nous avons cha- cun fait de notre mieux pour garder un juste milieu entre les tendances à une systématisation trop rigoureuse ou à une fidé- lité trop servile. Quelques erreurs nous ont échappé avant la correction définitive ou se sont produites au tierçage. En voici le relevé : Page 5, ligne 10, estimast] /ire m'estimast. Page 5, ligne 26, des] lire de tous les. Page 25, ligne 8, le trait de séparation verticale doit être supprimé. Page 28, lignes 8-0, 1! semble qu'on devrait lire: selon que nostre entendement la luy represente bonne ou mauuaise. Page 44, ligne 24, après quelquefois, ajouter que. Page 46, ligne 23, après trouuois, ajouter toutes. Page 47, ligne 11, receptable] lire receptacle. Page 50, ligne 3, ce] lire le. Page 50, ligne 6, desenflent] /re se desenflent. Page 53, ligne 17, après qu'vne, ajoutez seule. Page 55, ligne 10, estres] lire estre. — Ligne 21 : recuës] lire receuës. Page 55, ligne 26, ces] lire ses. Page 71,ligne 1, subtiles] /ire subtils. XII AVERTISSEMENT. Page 94, ligne 4, il n’est] /ire il n'est pas. Page 104, ligne 14, peut] lire peut bien. Page 144, ligne 13, obiet] lire œil. — Correction indiquée par Descartes, Correspondance, t. IT, p. 481, 1. 7, et d’ailleurs introduite dans l'édition latine. Page 146, ligne 30, encores] /ire qu'encores. Page 157, ligne 13, ces] Are ses. Page 174, ligne 30, BDOR] re DBOR. Page 180, ligne 5, BI] Zre NI. Page 462, ligne 4, iusques en E] /ire iusques a E, DIS C'O'UXRSS DE LA°MELCAODE Pour bien conduire fa raifon,& chercher la verite dans les{ciences. BRTEURS EDIOPTRIQWUE. ÉESMETEORES. ET EASGEOMETRIE. Qui font des effais de cete Mstnons. AE YS yviD.E De lImprimerie de [an Marre. CIS I5 © xxxvir Arec Priuilege. 2: BIS COURS Bebe ME PRODE POUR BIEN CONDUIRE SA RAISON ET CHERCHER LA VERITÉ DANS LES SCIENCES S1 ce difcours femble trop long pour eflre tout leu en yne fois, on le pourra diflinguer en fix parties. Et, en la premiere, on trouuera diuerfes confiderations tou- chant les fciences. En la feconde, les principales regles de la Methode que l'Autheur a cherchée. En la 3, quelques vnes de celles de la Morale qu'il a tirée de cete Methode. En la 4, les raifons par lefquelles il prouue l'exiflence de Dieu & de l'ame humaine, qui font les fondemens de fa Metaphyfique. En la 5, l’ordre des io queflions de Phyfique qu'il a cherchées, € particuliere- ment l'explication du mouuement du cœur € de quelques autres difficultez qui appartienent a la Medecine, puis auffy la difference qui efl entre nofire ame & celle des befles. Et en la derniere, quelles chofes il croit eflre requifes pour aller plus auant en la recherche de la Na- ture qu'il n'a eflé, 6 quelles raifons l'ont fait efcrire. Le bon fens eft la chofe du monde la mieux par- tagée : car chafcun penfe en eftre fi bien pouruü, que Œuveess. I. I PREMIERE PARTIE. 2 Œuvres DE DESCARTES. De ceux mefme qui font les plus difiiciles a contenter en toute autre chofe, n’ont point couftume d'en defirer plus qu'ils en ont. En quoy il n'eft pas vrayfemblable que tous fe trompent ; mais plutoft cela tefmoigne que la puiflance de bien iuger, & diftinguer le vray d'auec le faux, qui eft proprement ce qu'on nomme le bon fens ou la raifon, eft naturellement efgale en tous les hommes; et ainfi que la diuerfité de nos opinions ne vient pas de ce que les vns font plus raifonnables que les! autres, mais feulement de ce que nous condui- fons nos penfées par diuerfes voyes, & ne confiderons pas les mefmes chofes. Car ce n'eft pas aflez d'auoir l’efprit bon, mais le principal eft de l'appliquer bien. Les plus grandes ames font capables des plus grans vices, auffy bien que des plus grandes vertus ; et ceux qui ne marchent que fort lentement, peuuent auancer beaucoup dauantage, s'ils fuiuent toufiours le droit chemin, que ne font ceux qui courent, & qui s'en efloignent. Pour moy, ie n'ay iamais prefumé que mon efprit fuft en rien plus parfait que ceux du commun ; mefme i'ay fouuent fouhaité d'auoir la penfée auffy prompte, ou l'imagination aufly nette & diftincte, ou la me- moire aufly ample, ou aufly prefente, que quelques autres. Et ie ne fçache point de qualitez que celles cy, qui feruent a la perfeétion de l'efprit : car pour la raifon, ou le fens, d'autant qu'elle eft la feule chofe qui nous rend hommes, & nous diftingue des beftes, ie veux croyre qu'elle eft toute entiere en vn chafcun, & fuiure en cecy l'opinion commune des Philofophes, qui difent qu'il n'y a du plus & du moins qu'entre les 20 25 30 malins à. rural, Soaiiére ne où sé + rés th, Li, sb RAGE DOPRRT-. . 20 25 30 45. Discours DE LA METHODE. 3 accidens, & non point entre les formes, ou natures, des indiuidus d'vne mefme e/pece. Mais ie ne craindray pas de dire que 1e penfe auoir -eu beaucoup d'’heur, de m'eftre rencontré dés ma ieu- y nefle en certains chemins, qui m'ont conduit a des confiderations & des maximes, dont ray formé vne Methode, par laquelle il me femble que ray moyen d'augmenter par degrez ma connoiflance, & de l'efle- uer peu a peu au plus haut point, auquel la mediocrité de mon efprit & la courlte durée de ma vie luy pour- ront permettre d'atteindre. Car i'en ay defia recueilly de tels fruits, qu'encore qu'aux iugemens que ie fais de moymefme, ie tafche toufiours de pencher vers le cofté de la defiance, plutoft que vers celuy de la pre- fomption; & que, regardant d'vn œil de Philofophe les diuerfes actions & entreprifes de tous les hommes, il n’y en ait quafi aucune qui ne me femble vaine & inu- tile; ie ne laiffle pas de receuoir vne extreme fatisfac- tion du progrés que ie penfe auoir defia fait en la recherche de la verité, & de conceuoir de telles efpe- rances pour l'auenir, que fi, entre les occupations des hommes purement hommes, il y en a quelqu vne qui foit folidement bonne & importante, r'ofe croyre que c'eft celle que ray choifie. Toutefois il fe peut faire que ie me trompe, & ce n'eft peuteftre qu'vn peu de cuiure & de verre que ie prens pour de l’or & des diamans. le fçay combien nous fommes fuiets a nous méprendre en ce qui nous touche, & combien aufly les iugemens de nos amis nous doiuent eftre fufpeéts, lorfqu'ils font en noftre faueur. Mais ie feray bien ayfe de faire voir, en ce dif- À OEuvREs DE DESCARTES. 5-6. cours, quels font les chemins que ray fuiuis, & d'y reprefenter ma vie comme en vn tableau, affin que chafcun en puifle iuger, & qu'apprenant du bruit commun les opinions qu'on en aura, ce foit vn nou- ucau moyen de m'inftruire, que radioufteray a ceux dont 1 ay couftume de me feruir. Ainfi mon deflein n'eft pas d'enfeigner icy la Me- thode que chafcun doit fuiure pour bien conduire fa raifon, mais feulement de faire voir en quelle forte j'ay tafché de conduire la miene. Ceux qui fe meflent de donner | des preceptes, fe doiuent eftimer plus habiles que ceux aufquels ils les donnent; & s'ils manquent en la moindre chofe, ils en font blafmables. Mais, ne propofant cet efcrit que comme vne hiftoire, ou, fi vous l'aymez mieux, que comme vne fable, en laquelle, parmi quelques exemples qu'on peut imiter, on en trouuera peuteftre aufly plufieurs autres qu'on aura raifon de ne pas fuiure, r'efpere qu'il fera vtile a quelques vns, fans eftre nuifible a perfonne, & que tous me fçauront gré de ma franchife. l'ay efté nourri aux lettres dés mon enfance, & pource qu'on me perfuadoit que, par leur moyen, on pouuoit acquerir vne connoiffance claire & aflurée de tout ce qui eft vtile a la vie, l'auois vn extreme defir de les apprendre. Mais fitoft que 1'eu acheué tout ce cours d’eftudes, au bout duquel on a couftume d'eftre receu au rang des doéctes, ie changeay entierement d'opinion. Car ie me trouuois embaraflé de tant de doutes & d'erreurs, qu'il me fembloit n’auoir fait autre profit, en tafchant de m'inftruire, finon que r'auois dé- couuert de plus en plus mon ignorance. Et neanmoins 20 25 30 20 25 30 6-7. Discours DE LA METHODE. $ l'eftois en l'vne des plus celebres efcholes de l'Europe, où ie penfois qu'il deuoit y auoir de fçauans hommes, sil y en auoit en aucun endroit de la terre. l'y auois appris tout ce que les autres y apprenoient; & mefme, ne meftant pas contenté des fciences qu'on nous en- feignoit, l'auois parcouru tous les liures, traitans de celles qu'on eftime les plus curieufes & les plus rares, qui auoient pù tomber entre mes mains. Auec cela, ie fçauois les iugemens que les autres faifoient de moy; & ie ne voyois point qu'on eftimaft inferieur a mes condifciples, bien qu'il y en euft defia entre | eux quelques vns, qu'on deftinoit a remplir les places de nos maiftres. Et enfin noftre fiecle me fembloit auffy fleuriflant, & aufly fertile en bons efprits, qu'ait efté aucun des precedens. Ce qui me faifoit prendre la liberté de iuger par moy de tous les autres, & de penfer qu'il n y auoit aucune doctrine dans le monde, qui fuft telle qu'on m'auoit auparauant fait efperer. le ne laiflois pas toutefois d’eftimer les exercices, aufquels on s'occupe dans les efcholes. Ie fçauois que les langues, qu'on y apprent, font neceffaires pour l'intelligence des liures anciens ; que la gentilleffe des fables refueille l’efprit; que les aétions memorables des hiftoires le releuent, & qu'eftant leuës auec dif- cretion, elles aydent a former le iugement; que la lecture des bons liures eft comme vne conuerfation auec les plus honneftes gens des fiecles pañlez, qui en ont efté les autheurs, & mefme vne conuerfation eftu- diée, en laquelle ils ne nous découurent que les meil- leures de leurs penfées; que l'Eloquence a des forces & des beautez incomparables; que la Poëfie a des * 6 OEUVRES DE DESCARTES. Re delicatefles & des douceurs tres rauiffantes ; que les Mathematiques ont des inuentions tres fubtiles, & qui peuuent beaucoup feruir, tant a contenter les curieux, qu'a faciliter tous les arts, & diminuer le trauail des hommes; que les efcris qui traitent des meurs con- tienent plufieurs enfeignemens, & plufieurs exhorta- uons a la vertu qui font fort vtiles; que la Theologie enfeigne a gaigner le ciel; que la Philofophie donne moyen de parler vrayfemblablement de toutes chofes, & fe faire admirer des moins fçauans; que la lurif-. prudence, la Medecine & les autres | fciences ap- portent des honneurs & des richefles a ceux qui les cultiuent; et enfin, qu'il eft bon de les auoir toutes examinées, mefme les plus fuperflitieufes & les plus fauffes, affin de connoiftre leur iufte valeur, & fe garder d'en eftre trompé. R Mais ie croyois auoir defia donné affez de tems aux langues, & mefme auffy a la leéture des liures anciens, & a leurs hiftoires, & a leurs fables. Car c’eft quafi le mefme de conuerfer auec ceux des autres fiecles, que de voyafger. Il eft bon de fçauoir quelque chofe des meurs de diuers peuples, aflin de iuger des noftres plus fainement, & que nous ne penfions pas que tout ce qui eft contre nos modes foit ridicule, & contre raifon, ainfi qu'ont couftume de faire ceux qui n'ont rien vü. Mais lorfquon employe trop de tems a voyafger, on deuient enfin eftranger en fon païis; & lorfqu'on eft trop curieux des chofes qui fe prati- quoient aux fiecles paflez, on demeure ordinairement fort ignorant de celles qui fe pratiquent en cetuyey. Outre que les fables font imaginer plufieurs euene- 20 25 30 td ends eue diras nt 2 <érdi à: 20 FF 30 8-0. Discours DE LA METHODE. 7 mens comme poflibles qui ne le font point; et que mefme les hiftoires les plus fideles, fi elles ne changent ny n augmentent la valeur des chofes, pour les rendre plus dignes d’eftre leuës, au moins en omettent elles prefque toufiours les plus baffes & moins illuftres cir- conftances : d'où vient que le refte ne paroift pas tel quileft, & que ceux qui reglent leurs meurs par les exemples qu'ils en tirent, font fuiets a tomber dans les extrauagances des Paladins de nos romans, & a conceuoir des deffeins qui paffent leurs forces. l'eftimois fort l'Eloquence, & r'eftois amoureux de la | Poëfie ; mais ie penfois que l'vne & l’autre eftoient des dons de l'efprit, plutoft que des fruits de l’eftude. Ceux qui ont le raifonnement le plus fort, & qui di- gerent le mieux leurs penfées, affin de les rendre claires & intelligibles, peuuent toufiours le mieux perfuader ce qu'ils propofent, encore qu'ils ne par- laflent que bas Breton, & qu'ils n'euffent iamais apris de Rhetorique. Et ceux qui ont les inuentions les plus agreables, & qui les fçauent exprimer auec le plus d'ornement & de douceur, ne lairroient pas d'eftre les meilleurs Poëtes, encore que l’art Poëtique leur fuft inconnu. ‘ Je me plaifois furtout aux Mathematiques, a caufe de la certitude & de l’euidence de leurs raifons ; mais le ne remarquois point encore leur vray vfage, & pen- fant qu’elles ne feruoient qu'aux Arts Mechaniques, ie meftonnois de ce que, leurs fondemens eftans fi fermes & fi folides, on n'auoit rien bafti deffus de plus releué. Comme, au contraire, ie comparois les efcris des anciens payens, qui traitent des meurs, a des palais 8 Œuvres DE DESCARTES. 9-10. fort fuperbes & fort magnifiques, qui n'eftoient baftis que fur du fable & fur de la bouë. Ils efleuent fort haut les vertus, & les font paroiftre eftimables par deffus toutes les chofes qui font au monde; mais ils n'enfeignent pas allez a les connoiftre, & fouuent ce qu'ils appelent d'vn fi beau nom, n'eft qu'vne infenfi- bilité, ou vn orgueil, ou vn defefpoir, ou vn parricide. le reuerois noftre Theologie, & pretendois, autant qu'aucun autre, a gaigner le ciel; mais ayant apris, comme chofe tres affurée, que le chemin n'en eft pas moins ouuert aux plus ignorans qu'aux plus doétes, & que les | veritez reuelées, qui y conduifent, font au deflus de noftre intelligence, ie n'euffe ofé les fou- mettre a la foiblefle de mes raifonnemens, & ie pen- fois que, pour entreprendre de les examiner & y reuflir, il eftoit befoin d'auoir quelque extraordinaire afiftence du ciel, & d’eftre plus qu'homme. le ne diray rien de la Philofophie, finon que, voyant qu'elle a eflé cultiuée par les plus excellens efprits qui ayent vefcu depuis plufieurs fiecles, & que neanmoins il ne s'y trouue encore aucune chofe dont on ne dif- pute, & par confequent qui ne foit douteufe, ie n'auois point aflés de prefomption pour efperer d'y rencon- trer mieux que les autres; et que, confiderant combien il peut y auoir de diuerfes opinions, touchant vne mefme matiere, qui foient fouftenuës par des gens doûtes, fans qu'il y en puiffe auoir 1amais plus d'vne feule qui foit vraye, ie reputois prefque pour faux tout ce qui n’eftoit que vrayfemblable. Puis, pour les autres fciences, d'autant qu elles em- pruntent leurs principes de la Philofophie, ie iugeois 15 20 29 30 20 se 30 ro-11. Discours DE LA METHODE. (o) qu'on ne pouuoit auoir rien bafti, qui fuft folide, fur des fondemens fi peu fermes. Et ny l'honneur, ny le gain qu'elles promettent, n'eftoient fufiifans pour me conuier a les apprendre; car ie ne me fentois point, graces a Dieu, de condition qui mobligeaft a faire vn meftier de la fcience, pour le foulagement de ma fortune; et quoy que ie ne fifle pas profeflion de mef- prifer la gloire en Cynique, ie faifois neanmoins fort peu d'eftat de celle que ie n'efperois point pouuoir acquerir qu'a faux titres. Et enfin, pour les mauuaifes doctrines, ie penfois defia conhnoiftre affés ce qu'elles valoient, pour n'eftre plus fuiet a eftre trompé, ny par les promefles d’vn Alchemifte, ni par les predictions d'vn Aftrologue, ny par les impoftures d'vn Magicien, ny par les artifices ou la venterie d'aucun de ceux qui font profeflion de fçauoir plus qu’ils ne fçauent. C’eft pourquoy, fitoft que l’aage me permit de fortir de la fuietion de mes Precepteurs, ie quittay entiere- ment l'eftude des lettres. Et me refoluant de ne cher- cher plus d'autre fcience, que celle qui fe pourroit trouuer en moymefme, ou bien daris le grand liure du monde, iemployay le refte de ma ieunefle à voyafger, a voir des cours & des armées, a frequenter des gens de diuerfes humeurs & conditions, a recueillir di- uerfes experiences, a mefprouuer moymefme dans les rencontres que la fortune me propoloit, & partout a faire telle reflexion fur les chofes qui fe prefen- toient, que j'en püfle tirer quelque profit. Car 1l me fembloit que ie pourrois rencontrer beaucoup plus de verité, dansles raifonnemens que chafeun faittouchant les affaires qui luy importent, & dont l'euenement Œuvres. I. 2 haine oh 4 07 à 10 Œuvres DE DESCARTES. FIST 2) le doit punir bientoft aprés, s'il a mal iugé, que dans ceux que fait vn homme de lettres dans fon cabinet, touchant des fpeculations qui ne produifent aucun effe&, & qui ne luy font d'autre confequence, finon que peuteftre il en tirera d'autant plus de vanité qu'elles feront plus efloignées du fens commun, a caufe qu'il aura deu employer d’autant plus d'efprit & d'artifice a tafcher de les rendre vrayfemblables. Et j'auois toufiours vn extreme defir d'apprendre a diftinguer le vray d’auec le faux, pour voir clair en mes actions, |& marcher auec aflurance en cete vie. Il eft vray que, pendant que ie ne faifois que confi- derer les meurs des autres hommes, ie n'y trouuois gueres de quoy m'aflurer, & que 1 y remarquois quafi autant de diuerfité que j'auois fait auparauant entre les opinions des Philofophes. En forte que le plus grand profit que j'en retirois, eftoit que, voyant plu- fieurs chofes qui, bien qu'elles nous femblent fort extrauagantes & ridicules, ne laiflent pas d'eftre com- munement receuës & approuuées par d'autres grans peuples, r'apprenois a ne rien croyre trop fermement de ce qui ne m'auoit efté perfuadé que par l'exemple & par la couftume; et ainfi ie me deliurois peu a peu de beaucoup d'erreurs, qui peuuent offufquer noftre lumiere naturelle, & nous rendre moins capables d'en- tendre raifon. Mais aprés que i eu employé quelques années a eftudier ainfi dans le liure du monde, & a tafcher d'acquerir quelque experience, ie pris vn 1our refolution d’eftudier aufly en moymefme, & d'employer toutes les forces de mon efprit a choyfir les chemins que ie deuois fuiure. Ce qui me reuflit beaucoup 20 23 30 | one à nn athée D LE dé Le di us n. Tu ME. 10 20 25 30 € 12-13. Discours DE LA, METHODE. IT mieux, ce me femble, que fi ie ne me fufle iamais ef- loigné, ny de mon païs, ny de mes liures. l'eftois alors en Allemaigne, ou l'occafion des guerres quin y font pas encore finies m'auoit appelé; & comme ie retournois du couronnement de l'Empereur vers l’armée, le commencement de l'hyuer m'arefta en vn quartier, Ou ne trouuant aucune conuerfation qui me diuertift, & n ayant d'ailleurs, par bonheur, aucuns foins ny paflions qui me troublaffent, ie demeurois tout le iour enfermé feul dans vn poëfle, ou i'auois tout loyfir de | m'entretenir de mes penfées. Entre lefquelles, l'vne des premieres fut que ie m'auifay de confiderer, que fouuent il n'y a pas tant de perfeétion dans les ouurages compofez de plufieurs pieces, & faits de la main de diuers maiftres, qu'en ceux auf- quels vn feul a trauaillé. Ainfi voit on que les baf- timens qu vn feul Architecte a entrepris & acheuez, ont couftume d'eftre plus beaux & mieux ordonnez, que ceux que plufieurs.ont tafché de racommoder, en faifant feruir de vieilles murailles qui auoient efté bafties a d'autres fins. Ainfi ces ancienes citez, qui, n'ayant eflé au commencement que des bourgades, font deuenuës, par fucceflion de tems, de grandes villes, font ordinairement fi mal compaffées, au pris de ces places regulieres qu'vn Ingenieur trace a fa fan- taifie dans vne plaine, qu'encore que, confiderant leurs edifices chafcun a part, on y trouue fouuent autant ou plus d'art qu'en ceux des autres, toutefois, a voir comme ils font arrangez, icy vn grand, là vn petit, & comme ils rendent les rues courbées & inefgales, on SECONDE PARTIE. 12 ŒuvRESs DE DESCARTES. 13-14. diroit que c'eft plutoft la fortune, que la volonté de quelques hommes vfans de raifon, qui les a ainfi dif- pofez. Et fi on confidere qu'il y a eu neanmoins de tout tems quelques officiers, qui ont eu charge de prendre garde aux baftimens des particuliers, pour les faire feruir a l'ornement du publie, on connoiftra bien qu'il eft malayfé, en ne trauaillant que fur les ouurages d'autruy, de faire des chofes fort accom- plies. Ainfi ie m'imaginay que les peuples qui, ayant efté autrefois demi fauuages, & ne s'eflant ciuilifez que peu a peu, n'ont fait leurs loix qu'a mefure que l'incommodité des crimes & des querelles les y a/con- trains, ne fçauroient eftre fi bien policez que ceux qui, dés le commencement qu'ils fe font aflemblez, ont obferué les conflitutions de quelque prudent Le- giflateur. Comme il eft bien certain que l’eftat de la vraye Religion, dont Dieu feul a fait les ordonnances, doit eftre incomparablement mieux reglé que tous les autres. Et pour parler des chofes humaines, 1e croy que, fi Sparte a efté autrefois tres floriflante, ce n'a pas efté a caufe de la bonté de chafcune de fes loix en particulier, vû que plufieurs eftoient fort eftranges, & mefme contraires aux bonnes meurs, mais a caufe que, n'ayant efté inuentées que par vn feul, elles ten- doient toutes a mefme fin. Et ainfi ie penfay que les fciences des liures, au moins celles dont les raifons ne font que probables, & qui n'ont aucunes demon- ftrations, s'eflant compofées & groflies peu a peu des opinions de plufieurs diuerfes perfonnes, ne font point fi approchantes de la verité, que les fimples raifonnemens que peut faire naturellement vn homme 20 25 30 20 25 30 14-15. Discours DE LA METHODE. 13 de bon fens touchant les chofes qui fe prefentent. Et ainfi encore ie penfay que, pource que nous auons tous efté enfans auant que d’eftre hommes, & qu'il nous a fallu long tems eftre gouuernez par nos appetis & nos Precepteurs, qui efloient fouuent contraires les vns aux autres, & qui, ny les vns ny les autres, ne nous confeilloient peuteftre pas toufiours le meil- leur, il eft prefqu'impoñlible que nos iugemens foient fi purs, ny fi folides qu'ils auroient efté, fi nous auions eu l'vfage entier de nofîre raifon dés le point de noftre naiflance, & que nous n'euflions iamais efté conduits que par elle. Il eft vray que nous ne voyons point qu'on iette par | terre toutes les maifons d vne ville, pour le feul deffein de les refaire d'autre façon, & d'en rendre les ruës plus belles; mais on voit bien que plufieurs font abatre les leurs pour les rebaîtir, & que mefme quel- quefois ils y font contrains, quand elles font en danger de tomber d'elles mefmes, & que les fon- demens n'en font pas bien fermes. A l'exemple de quoy ie me perfuaday, qu'il n y auroit veritablement point d'apparence qu vn particulier fift deffein de re- former vn Eftat, en y changeant tout dés les fon- demens, & en le renuerfant pour le redrefler ; ny mefme aufly de reformer le cors des fciences, ou l'ordre eftabli dans les efcholes pour les enfeigner ; mais que, pour toutes les opinions que i'auois receuës iufques alors en ma creance, ie ne pouuois mieux faire que d'entreprendre, vne bonne fois, de les en ofter, afin d'y en remettre par aprés, ou d'autres meilleures, ou bien les mefmes, lorfque ie les aurois 14 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 15-16. aiuftées au niueau de la raifon. Et ie creu fermement que, par ce moyen, ie reuflirois a conduire ma vie beaucoup mieux que fi ie ne bafliflois que fur de vieux fondemens, & que ie ne m'appuiañle que fur les prin- cipes que ie m'eftois laiffé perfuader en ma ieuneffe, fans auoir iamais éxaminé s'ils eftoient vrais. Car, bien que ie remarquaffe en cecy diuerfes dificultez, elles n'eftoient point toutefois fans remede, ny com- parables a celles qui fe trouuent en la reformation des moindres chofes qui touchent le public. Ces grans cors font trop malayfez a releuer, eftant abatus, ou mefme a retenir, eftant efbranflez, & leurs cheutes ne peuuent eftre que tres rudes. Puis, pour leurs imper- fe&tions, s'ils en ont, comme la feule diuerfité qui eft entre eux | fuffit pour aflurer que plufeurs en ont, l'vfage les a fans doute fort adoucies ; & mefme il en a euité ou corrigé infenfiblement quantité, aufquelles on ne pourroit fi bien pouruoir par prudence. Et enfin, elles font quafi toufiours plus fupportables que ne feroit leur changement : en mefme façon que les grans chemins, qui tournoyent entre des montaignes, de- uienent peu a peu fi vnis & fi commodes, a force d'eftre frequentez, qu'il eft beaucoup meilleur de les fuiure, que d'entreprendre d'aller plus droit, en grim- pant au deffus des rochers, & defcendant iufques au bas des precipices. C'eft pourquoy ie ne fçaurois aucunement approu- uer ces humeurs brouillonnes & inquietes, qui, n’ef- tant appelez, ny par leur naïffance, ny par leur for- tune, au maniement des affaires publiques, ne laiflent pas d'y faire toufiours, en idée, quelque nouuelle refor- 15 20 25 30 15 20 25 30 16-17. Discours DE LA METHODE. 14 mation. Et fiie penfois qu'il y euft la moindre chofe en cet efcrit, par laquelle on me puit foupçonner de cete folie, ie ferois tres marry de fouffrir qu'il fuft publié. Jamais mon deffein ne s'eft eftendu plus auant que de tafcher a reformer mes propres penfées, & de baftir dans vn fons qui eft tout a moy. Que fi, mon ouurage m'ayant aflez pleu, ie vous en fais voir icy le modelle, ce n'eft pas, pour cela, que ie veuille con- feiller a perfonne de l’imiter. Ceux que Dieu a mieux partagez de fes graces, auront peuteftre des defleins plus releuez; mais 1e crains bien que cetuy-cy ne foit defia que trop hardi pour plufieurs. La feule re- folution de fe défaire de toutes les opinions qu'on a receuës auparauant en fa creance, n'eft pas vn exemple que chafcun doiue fuiure ; et le monde n'eft quafi com- polé que |de deux fortes d'efpris aufquels il ne con- uient aucunement. À fçauoir, de ceux qui, fe croyans plus habiles qu'ils ne font, ne fe peuuent empefcher de precipiter leurs iugemens, ny auoir aflez de pa- tience pour conduire par ordre toutes leurs penfées : d'où vient que, s'ils auoient vne fois pris la liberté de douter des principes qu'ils ont receus, & de s'efcarter du chemin commun, iamais ils ne pourroient tenir le fentier qu'il faut prendre pour aller plus droit, & de- meureroient efgarez toute leur vie. Puis, de ceux qui, ayant aflez de raifon, ou de modeftie, pour iuger qu'ils font moins capables de diftinguer le vray d'auec le faux, que quelques autres par lefquels ils peuuent eftre inftruits, doiuent bien plutoft fe contenter de fuiure les opinions de ces autres, qu'en chercher eux mefmes de meilleures. 16 Œuvres DE DESCARTES. 17-18. Et pour moy, i'aurois efté fans doute du nombre de ces derniers, fi ie n'auois iamais eu qu'vn feul maiftre, ou que ie neufle point fceu les differences qui ont efté de tout tems entre les opinions des plus doétes. Mais ayant appris, dés le College, qu'on ne fçauroit rien imaginer de fi eflrange & fi peu croyable, qu'il n aitefté dit par quelqu'vn des Philofophes ; et depuis, en voyafgeant, ayant reconnu que tous ceux qui ont des fentimens fort contraires aux noftres, ne font pas, pour cela, barbares ny fauuages, mais que plufieurs vfent, autant ou plus que nous, de raifon; et ayant confideré combien vn mefme homme, auec fon mefme efprit, eftant norri dés fon enfance entre des François ou des Allemans, deuient different de ce qu'il feroit, s'il auoit toufiours vefeu entre des Chinois ou des Canibales ; et comment, iufques aux | modes de nos habits, la mefme chofe qui nous a plù il a dix ans, & qui nous plaira peuteftre encore auant dix ans, nous femble maintenant extrauagante & ridicule : en forte que c'eft bien plus la couftume & l'exemple qui nous perfuade, qu'aucune connoiflance certaine, & que neanmoins la pluralité des voix n'eft pas vne preuue qui vaille rien, pour les veritez vn peu malayfées a découurir, a caufe qu'il eft bien plus vrayfemblable qu vn homme feul les ait rencontrées que tout vn peuple : ie ne pouuois choifir perfonne dont les opi- nions me femblaflent deuoir eftre preferées a celles des autres, & ie me trouuay comme contraint d'en- treprendre moymefme de me conduire. Mais, comme vn homme qui marche feul & dans les tenebres, ie me refolu d'aller fi lentement, & d'vfer 20 25 30 20 25 30 18-10. Discours DE LA METHODE. 17 de tant de circonfpection en toutes chofes, que;‘fi ie n'auançois que fort peu, ie me garderois bien, au moins, de tomber. Mefme ie ne voulu point com- mencer a reletter tout a fait aucune des opinions, qui seftoient pù glifler autrefois en ma creance fans y auoir efté introduites par la raifon, que ie n'eufle auparauant employé aflez de tems a faire le proiet de l'ouurage que l'entreprenois, & a chercher la vraye Methode pour paruenir à la connoiffance de toutes les chofes dont mon efprit feroit capable. l'auois vn peu eftudié, eflant plus ieune, entre les parties de la Philofophie, a la Logique, & entre les Mathematiques, a l'Analyfe des Geometres & a l'Al- gebre, trois ars ou fciences qui fembloient deuoir contribuër quelque chofe a mon deffein. Mais, en les examinant, ie pris | garde que, pour la Logique, fes fyllogifmes & la plufpart de fes autres inftrutions feruent plutoft a expliquer a autruy les chofes qu'on fçait, ou mefme, comme l'art de Lulle, a parler, fans iugement, de celles qu'on ignore, qu'a les apprendre. Et bien que elle contiene, en effeét, beaucoup de pre- ceptes tres vrais & tres bons, il y en a toutefois tant d'autres, meflez parmi, qui font ou nuifibles ou fu- perflus, qu'il eft prefque aufly malayfé de les en fe- parer, que de tirer vne Diane ou vne Minerue hors d'vn bloc de marbre qui n'eft point encore efbauché. Puis, pour l'Analyfe des anciens & l'Algebre des modernes, outre quelles ne s'eftendent qu'a des ma- tieres fort abftraétes, & qui ne femblent d'aucun vfage, la premiere eft toufiours fi aftrainte a la confidera- tion des figures, qu'elle ne peut exercer l’entende- Œuvres. I. 3 18 Œuvres DE DESCARTES. 19-20. ment fans fatiguer beaucoup l'imagination; et on s’eft tellement afluieti, en la derniere, a certaines reigles & a certains chiffres, qu'on en a fait vn art confus & obfeur, qui embarraffe l'efprit, au lieu d'vne fcience qui le cultiue. Ce qui fut caufe que ie penfay qu'il fal- loit chercher quelque autre Methode, qui, comprenant les auantages de ces trois, fuft exempte de leurs de- faux. Et comme la multitude des loix fournift fouuent des excufes aux vices, en forte qu'vn Eftat eft bien mieux reiglé, lorfque, n’en ayant que fort peu, elles y font fort eftroitement obferuées ; ainfi, au lieu de ce grand nombre de preceptes dont la Logique eft com- pofée, ie creu que i'aurois aflez des quatre fuiuans, pouruû que ie prifle vne ferme & conflante refolution de ne manquer pas vne feule fois a les obferuer. |Le premier eftoit de ne receuoir iamais aucune chofe pour vraye, que ie ne la connuffe euidemment eftre telle : c'eft a dire, d'euiter foigneufement la Precipitation, & la Preuention; & de ne comprendre rien de plus en mes iugemens, que ce qui fe pre- fenteroit fi clairement & fi diftinétement a mon ef- prit, que ie n'eufle aucune occafion de le mettre en doute. Le fecond, de diuifer chafcune des difficultez que i'examinerois, en autant de parcelles qu'il fe pourroit, & qu'il feroit requis pour les mieux refoudre. Le troifiefme, de conduire par ordre mes penfées, en commençant par les obiets les plus fimples & les plus ayfez a connoiftre, pour monter peu a peu, comme par degrez, iufques a la connoiffance des plus compofez ; et fuppofant mefme de l'ordre entre ceux 20 25 30 15 20 25 30 20-21. Discours DE LA METHODE. 19 qui ne fe precedent point naturellement les vns les autres. Et le dernier, de faire partout des denombremens fi entiers, & des reueuës fi generales, que ie fuffe afluré de ne rien omettre. Ces longues chaifnes de raifons, toutes fimples & faciles, dont les Geometres ont couftume de fe feruir, pour paruenir a leurs plus difficiles demonftrations, m auoient donné occafion de m'imaginer que toutes les chofes, qui peuuent tomber fous la connoiflance des hommes, s'entrefuiuent en mefme façon, & que, pouruüû feulement qu'on s'abftiene d'en receuoir au- cune pour vraye qui ne le foit, & qu'on garde touf- iours l'ordre qu'il faut, pour les deduire les vnes des autres, 1l n'y en peut auoir de fi efloignées, aufquelles enfin on ne paruiene, ny de fi cachées qu'on ne dé- couure. Et ie ne fus pas beaucoup en | peine de cher- cher par lefquelles il eftoit befoin de commencer : car ie fçauois defia que c'eftoit par les plus fimples & les plus ayfées a connoiftre; & confiderant qu'entre tous ceux qui ont cy deuant recherché la verité dans les fciences, il n y a eu que les feuls Mathematiciens qui ont pü trouuer quelques demonftrations, c'eft a dire quelques raifons certaines & euidentes, ie ne doutois point que ce ne fuft par les mefmes qu'ils ont examinées; bien que ie n'en efperafle aucune autre vtilité, finon qu'elles accouftumeroient mon efprit a fe repaiftre de veritez, & ne fe contenter point de faufles raifons. Mais ie n'eu pas deflein, pour cela, de tafcher d'apprendre toutes ces fciences particulieres, quon nomme communement Mathematiques ; & 20 Œuvres DE DESCARTES. roues voyant qu'encore que leurs obiets foient differens, elles ne laiffent pas de s'accorder toutes, en ce qu'elles n'y confiderent autre chofe que les diuers rappors Ou proportions qui s'y trouuent, ie penfay qu'il valoit mieux que i'examinafle feulement ces proportions en 5 general, & fans les fuppofer que dans les fuiets qui feruiroient a m'en rendre la connoiffance plus ayfée ; mefme aufly fans les y aftreindre aucunement, affin de les pouuoir d'autant mieux appliquer aprés a tous les autres aufquels elles conuiendroient. Puis, ayant pris 10 garde que, pour les connoiïftre, l'aurois quelquefois befoin de les confiderer chafcune en particulier, & quelquefois feulement de les retenir, ou de les com- prendre plufieurs enfemble, ie penfay que, pour les confiderer mieux en particulier, ie les deuois fuppofer 15 en des lignes, a caufe que ie ne trouuois rien de plus fimple, ny que ie püñle plus diflinétement reprefenter a| mon imagination & a mes fens ; mais que, pour les retenir, ou les comprendre plufieurs enfemble, 1l fal- loit que ie les expliquaffe par quelques chiffres, les 20 plus courts qu'il feroit poflible; et que, par ce moyen, j'emprunterois tout le meilleur de l'Analyfe Geome- trique & de l'Algebre, & corrigerois tous les defaus de l'vne par l'autre. Comme, en effet, r'ofe dire que l'exacte obferua- 25 tion de ce peu de preceptes que i'auois choifis, me donna telle facilité a demefler toutes les queftions aufquelles ces deux fciences s'eftendent, qu'en deux ou trois mois que 1employay a les examiner, ayant commencé par les plus fimples & plus generales, & 30 chafque verité que ie trouuois eflant vne reigle qui me « 20 25 30 22-23. Discours DE LA METHODE. 21 feruoit aprés a en trouuer d'autres, non feulement ie vins a bout de plufieurs que r'auois iugées autrefois tres difficiles, mais il me fembla aufly, vers la fin, que ie pouuois determiner, en celles mefme que r'ignorois, par quels moyens, & iufques où, il eftoit poflible de les refoudre. En quoy ie ne vous paroiftray peuteftre pas eftre fort vain, fi vous confiderez que, n y ayant qu'vne verité de chafque chofe, quiconque la trouue en fçait autant qu'on en peut fçauoir ; et que, par exem- ple, vn enfant inftruit en l'Arithmetique, ayant fait vne addition fuiuant fes reigles, fe peut aflurer d'auoir trouué, touchant la fomme qu'il examinoit, tout ce que l'efprit humain fçauroit trouuer. Car enfin la Methode qui enfeigne a fuiure le vray ordre, & a de- nombrer exattement toutes les circonftances de ce qu on cherche, contient tout ce qui donne de la cer- titude aux reigles d'Arithmetique. [Mais ce qui me contentoit le plus de cete Methode, eftoit que, par elle, reftois affuré d'vfer en tout de ma raifon, finon parfaitement, au moins le mieux qui fuft en mon pouuoir; outre que ie fentois, en la prat- tiquant, que mon efprit s'accouftumoit peu a peu a conceuoir plus netement & plus diftinétement fes obiets, & que, ne l'ayant point afluiettie a aucune matiere particuliere, ie me promettois de l'appliquer aufly vtilement aux difficultez des autres fciences, que j'auois fait a celles de l'Algebre. Non que, pour cela, ‘’ofafle entreprendre d'abord d'examiner toutes celles qui fe prefenteroient; car cela mefme euft efté con- traire a l'ordre qu'elle prefcrit. Mais, ayant pris garde que leurs principes deuoient tous eftre empruntez de * TROISIESME PARTIE. 22 Œuvres DE DESCARTES. 23-24. la Philofophie, en laquelle ie n'en trouuois point en- core de certains, ie penfay qu'il faloit, auant tout, que ie tafchaffe d'y en eftablir; & que, cela eflant la chofe du monde la plus importante, & où la Precipitation & la Preuention eftoient le plus a craindre, ie ne de- uois point entreprendre d'en venir a bout, que ie n'euffe attaint vn aage bien plus meur que celuy de vingt trois ans, que l'auois alors ; et que ie n'eufle, auparauant, employé beaucoup de tems a my pre- parer, tant en deracinant de mon efprit toutes les mau- uaifes opinions que 1 y auois receuës auant ce tems là, qu'en faifant amas de plufieurs experiences, pour eftre aprés la matiere de mes raifonnemens, & en m'exerçant toufiours en la Methode que ie m'eftois prefcrite, affin de m'y affermir de plus en plus. Et enfin, comme ce n'eft pas aflez, auant de com- mencer a rebaftir le logis ou on demeure, que de l'abattre, & de faire prouifion de materiaux & d'Ar- chitettes, ou s'exercer foymefme a l'Architeéture, & outre cela d'en auoir foigneufement tracé le deflein ; mais qu'il faut aufly s'eftre pouruû de quelque autre, où on puille eftre logé commodement pendant le tems qu'on y trauaillera; ainfi, afin que 1e ne demeu- raffe point irrefolu en mes actions, pendant que la raifon m'obligeroit de l'eftre en mes iugemens, & que ie ne laiflafle pas de viure dés lors le plus hureu- fement que ie pourrois, ie me formay vne morale par prouifion, qui ne confifloit qu'en trois ou quatre maximes, dont ie veux bien vous faire part. La premiere eftoit d'obeir aux lois & aux couftu- 20 25 30 20 25 30 24-25. Discours DE LA METHODE. 23 mes de mon païs, retenant conftanment la religion en laquelle Dieu m'a fait la grace d'eftre inftruit dés mon enfance, & me gouuernant, en toute autre chofe, fuiuant les opinions les plus moderées, & les plus efloignées de l’excés, qui fuflent communement re- ceuës en pratique par les mieux fenfez de ceux auec lefquels r'aurois a viure. Car, commençant dés lors a ne conter pour rien les mienes propres, a caufe que ie les voulois remettre toutes a l'examen, r'eftois af- furé de ne pouuoir mieux que de fuiure celles des mieux fenfez. Et encore qu'il y en ait peuteftre d'aufly bien fenfez, parmi les Perfes ou les Chinois, que parmi nous, il me fembloit que le plus vtile efltoit de me re- gler felon ceux auec lefquels r'aurois a viure; et que, pour fçauoir quelles eftoient veritablement leurs opi- nions, ie deuois plutoft prendre garde a ce qu'ils prat- tiquoient qu'a ce qu'ils difoient ; non feulement a caufe qu'en la corruption de nos mœurs il y a | peu de gens qui veuillent dire tout ce qu'ils croyent, mais aufly a caufe que plufieurs l'ignorent eux mefmes: car l'aétion de la penfée par laquelle on croit vne chofe, eflant differente de celle par laquelle on con- noift qu'on la croit, elles font fouuent l’vne fans l'autre. Et entre plufieurs opinions efgalement re- ceuës, ie ne choïfiflois que les plus moderées : tant a caufe que ce font toufiours les plus commodes pour la prattique, & vrayfemblablement les meilleures, tous excés ayant couflume d'eftre mauuais ; comme aufly afin de me détourner moins du vray chemin, en cas que ie faillifle, que fi, ayant choïfi l'vn des extremes, c'euft efté l’autre qu'il euft fallu fuiure. Et, particulie- 24 Œuvres DE DESCARTES. 25-26. rement, ie mettois entre les excés toutes les promeffes par lefquelles on retranche quelque chofe de fa li- berté. Non que ie defaprouuañle les lois qui, pour remedier a l'inconftance des efprits foibles, permet- tent, lorfqu’on a quelque bon deflein, ou mefme, pour la feureté du commerce, quelque deffein qui n'eft qu'indifferent, qu'on face des vœux ou des contrats qui obligent a y perfeuerer; mais a caufe que ie ne voyois au monde aucune chofe qui demeuraft touf- iours en mefme eftat, & que, pour mon particulier, ie me promettois de perfectionner de plus en plus mes iugemens, & non point de les rendre pires, r'euffe penfé commettre vne grande faute contre le bon fens, fi, pour ce que 1'approuuois alors quelque chofe, ie me fuffe obligé de la prendre pour bonne encore aprés, lorfqu'elle auroit peuteftre ceflé de l'eftre, ou que l'aurois ceflé de l’eftimer telle. Ma feconde maxime eftoit d'eftre le plus ferme & le plus refolu en mes actions que ie pourrois, & de ne fuiure | pas moins conftanment les opinions les plus douteufes, lorfque ie m'y ferois vne fois deter- miné, que fi elles euffent eflé tres aflurées. Imitant en cecy les voyafgeurs qui, fe trouuant efgarez en quelque foreft, ne doiuent pas errer en tournoyant, tantoft d'vn cofté, tantoft d’vn autre, ny encore moins s'arefter en vne place, mais marcher toufiours le plus droit qu'ils peuuent vers vn mefme cofté, & ne le changer point pour de foibles raifons, encore que ce n'ait peuteftre efté au commencement que le hafard feul qui les ait determinez a le choifir : car, par ce moyen, s'ils ne vont iuftement où ils defirent, ils arriueront 20 25 30 20 25 30 26-27. Discours DE LA METHODE. 2; au moins a la fin quelque part, où vrayfemblablement ils feront mieux que dans le milieu d'vne foreft. Et ainfi, les aétions de la vie ne fouffrant fouuent aucun delay, c'eft vne verité tres certaine que, lorfqu'il n'eft pas en noftre pouuoir de difcerner les plus vrayes opinions, nous deuons fuiure les plus probables; et mefme, qu'encore que nous ne remarquions point dauantage de | probabilité aux vnes qu'aux autres, nous deuons neanmoins nous determiner a quelques vnes, & les confiderer aprés, non plus comme dou- teufes, en tant qu'elles fe rapportent a la prattique, mais comme tres vrayes & tres certaines, a caufe que la raifon qui nous y a fait determiner, fe trouue telle. Et cecy fut capable dés lors de me deliurer de tous les repentirs & les remors, qui ont couftume d'agiter les confciences de ces efpris foibles & chancelans, qui fe laiflent aller inconftanment a prattiquer, comme bonnes, les chofes qu'ils iugent aprés eftre mau- uaifes. Ma troifiefme maxime eftoit de tafcher toufiours | plutoft a me vaincre que la fortune, & a changer mes defirs que l'ordre du monde ; et generalement, de m'accouftumer a croire qu'il n'y a rien qui foit entierement en noftre pouuoir, que nos penfées, en forte qu'aprés que nous auons fait noftre mieux, tou- chant les chofes qui nous font exterieures, tout ce qui manque de nous reuflir eft, au regard de nous, abfolument impoffible. Et cecy feul me fembloit eftre fuffifant pour m'empefcher de rien defirer a l'auenir que ie n'acquifle, & ainfi pour me rendre content. Car noftre volonté ne fe portant naturellement a Œuvres. I. 4 26 Œuvres DE DESCARTES. 27-28. defirer que les chofes que noftre entendement luy reprefente en quelque façon comme poffibles, il ef certain que, fi nous confiderons tous les biens qui font hors de nous comme efgalement efloignez de noftre pouuoir, nous n’aurons pas plus de regret de manquer de ceux qui femblent eftre deus a noftre naiflance, lorfque nous en ferons priuez fans noftre faute, que nous auons de ne pofleder pas les royaumes de la Chine ou de Mexique; & que faifant, comme on dit, de neceflité vertu, nous ne defirerons pas dauan- tage d'eftre fains, eftant malades, ou d'eftre libres, eftant en prifon, que nous faifons maintenant d’auoir des cors d'vne matiere aufly peu corruptible que les diamans, ou des ailes pour voler comme les oifeaux. Mais r'auouë qu'il eft befoin d'vn long exercice, & d'vne meditation fouuent reïterée, pour s'accouftu- mer a regarder de ce biais toutes les chofes ; et ie croy que c'eft principalement en cecy que con- fiftoit le fecret de ces Philofophes, qui ont pù autre- fois fe fouftraire de l'empire de la Fortune, & malgré les douleurs & la pauureté, difputer de la felicité auec leurs | Dieux. Car s'occupant fans cefle a confi- derer les bornes qui leur eftoient prefcrites par la Nature, ils fe perfuadoient fi parfaitement que rien n'eftoit en leur pouuoir que leurs penfées, que cela feul eftoit fuflifant pour les empefchèr d'auoir au- cune affection pour d'autres chofes ; & ils difpofoient d'elles fi abfolument, qu'ils auoient en cela quelque raifon de s'eftimer plus riches, & plus puiffans, & plus libres, & plus hureux, qu'aucun des autres hommes, qui n'ayant point cete Philofophie, tant fauo- 20 29 30 ns" É à 20 25 30 28-29. Discours DE LA METHODE. 27 rifez de la Nature & de la Fortune qu'ils puifent eftre, ne difpofent iamais ainfi de tout ce qu'ils veulent. Enfin, pour conclufion de cete Morale, ie m'auifay de faire vne reueuë fur les diuerfes occupations qu'ont les hommes en cete vie, pour tafcher a faire chois de la meilleure; & fans que ie vueille rien dire de celles des autres, ie penfay que ie ne pouuois mieux que de continuër en celle la mefme ou ie me trouuois, c'eft a dire, que d'employer toute ma vie a cultiuer ma raifon, & m'auancer, autant que ie pour- rois, en la connoiflance de la verité, fuiuant la Me- thode que ie m'eftois prefcrite. l'auois efprouué de fi extremes contentemens, depuis que 1 auois commencé a me feruir de cete Methode, que ie ne croyois pas qu'on en puft receuoir de plus doux, ny de plus in- nocens, en cete vie; et defcouurant tous les iours par fon moyen quelques veritez, qui me fembloient aflez importantes, & communement ignorées des autres hommes, la fatisfation que ien auois rem- pliffoit tellement mon efprit que tout le refte ne me touchoit point. Outre que les trois maximes prece- dentes n'eftoient | fondées que fur le deffein que j'auois de continuer a m'inftruire : car Dieu nous ayant donné a chafcun quelque lumiere pour dif- cerner le vray d’auec le faux, ie n'eufle pas creu me deuoir contenter des opinions d'autruy vn feul mo- ment, fi ie ne me fufle propofé d'employer mon propre iugement a les examiner, lorfqu'il feroit tems; et ie n'eufle fceu m'exemter de fcrupule, en les fui- uant, fi ie n'eufle efperé de ne perdre pour cela au- cune occafion d'en trouuer de meilleures, en cas qu'il 28 Œuvres DE DESCARTES. 29-30. yen euft. Et enfin ie n'eufle fceu borner mes defirs, ny eftre content, fi ie n'eufle fuiui vn chemin par lequel, penfant eftre affuré de l’acquifition de toutes les con- noiffances dont ie ferois capable, ie le penfois eftre, par mefme moyen, de celle de tous les vrais biens qui feroient iamais en mon pouuoir ; d'autant que, noftre volonté ne fe portant a fuiure ny a fuir aucune chofe, que felon que noftre entendement luy reprefente bonne ou mauuaifes, il fuffit de bien iuger, pour bien faire, & de iuger le mieux qu'on puifle, pour faire aufly tout fon mieux, c'eft a dire, pour acquerir toutes les vertus, & enfemble tous les autres biens, qu'on puifle acquerir ; & lorfqu'on eft certain que cela ef, on ne fçauroit manquer d'eftre content. Aprés m'eftre ainfi affuré de ces maximes, & les auoir mifes a part, auec les veritez de la foy, qui ont toufiours efté les premieres en ma creance, ie iugay que, pour tout le refte de mes opinions, ie pouuois librement entreprendre de m'en defaire. Et d'autant que i'efperois en pouuoir mieux venir a bout, en con- uerfant auec les hommes, qu'en demeurant plus long tems renfermé dans le poifle | ou i'auois eu toutes ces penfées, l'hyuer n’eftoit pas encore bien acheué que ie me remis a voyafger. Et en toutes les neuf années fuiuantes, ie ne fi autre chofe que rouler çà & là dans le monde, tafchant d'y eftre fpettateur plutoft qu'ac- teur en toutes les Comedies qui s'y iouent ; et faifant particulierement reflexion, en chafque matiere, fur ce qui la pouuoit rendre fufpeéte, & nous donner oc- cafion de nous mefprendre, ie déracinois cependant de mon efprit toutes les erreurs qui s'y eftoient pù 20 25 30 20 25 30 30-31. Discours DE LA METHODE. 29 gliffer auparauant. Non que i'imitafle pour cela les Sceptiques, qui ne doutent que pour douter, & af- fectent d'eftre toufiours irrefolus : car, au contraire, tout mon deffein ne tendoit qu'a m'aflurer, & a re- ietter la terre mouuante & le fable, pour trouuer le roc ou l'argile. Ce qui me reuflifloit, ce me femble, aflez bien, d'autant que, tafchant a defcouurir la fauf- feté ou l'incertitude des propofitions que i'examinois, non par de foibles coniectures, mais par des raifon- nemens clairs & affurez, ie n'en rencontrois point de fi douteufes, que ie n'en tirafle toufiours quelque con- clufion affez certaine, quand ce n'euft éfté que cela mefme qu'elle ne contenoit rien de certain. Et comme en abatant vn vieux logis, on en referue ordinai- rement les demolitions, pour feruir a en baftir vn nouueau ; ainfi, en détruifant toutes celles de mes opinions que ie iugeois eftre mal fondées, ie faifois diuerfes obferuations, & acquerois plufieurs expe- riences, qui mont ferui depuis a en eftablir de plus certaines. Et de plus, ie continuois a m'exercer en la Methode que ie meftois prefcrite; car, outre que l'auois foin de conduire generalement toutes mes penfées felon fes reigles, ie | me referuois de tems en tems quelques heures, que r'employois particulie- rement a la prattiquer en des difficultez de Mathe- matique, ou mefme aufly en quelques autres que ie pouuois rendre quafi femblables a celles des Mathe- matiques, en les détachant de tous les principes des autres fciences, que ie ne trouuois pas affez fermes, comme vous verrés que 1 ay fait en plufeurs qui font expliquées en ce volume. Et ainfi, fans viure d'autre 30 Œuvres DE DESCARTES. 31-32. façon, en apparence, que ceux qui, n'ayant aucun employ qu'a pafler vne vie douce & innocente, s'eftu- dient a feparer les plaifirs des vices, & qui, pour iouir de leur loyfir fans s'ennuyer, vfent de tous les diuer- tiflemens qui font honneftes, ie ne laiflois pas de pourfuiure en mon deflein, & de profiter en la con- noiflance de la verité, peuteftre plus que fi ie n'eufle fait que lire des liures, ou frequenter des gens de lettres. Toutefois ces neuf ans s’efcoulerent auant que l’euffe encore pris aucun parti, touchant les difficultés qui ont couflume d’eftre difputées entre les doétes, ny commencé a chercher les fondemens d'aucune Philofophie plus certaine que la vulgaire. Et l'exemple de plufieurs excelens efpris, qui, en ayant eu cy de- uant le deflein, me fembloient n'y auoir pas reufli, m y faifoit imaginer tant de difficulté, que ie n'euffe peuteftre pas encore fitoft ofé l'entreprendre, fi ie n'eufle vü que quelques vns faifoient defia courre le bruit que ren eflois venu a bout. le ne fçaurois pas dire fur quoy ils fondoient cete opinion; & fi 1 y ay con- tribué quelque chofe par mes difcours, ce doit auoir efté en confeffant plus ingenuëment ce que rignorois, que n'ont couflume de faire ceux qui ont vn | peu eftudié, & peuteftre aufly en faifant voir les raifons que i'auois de douter de beaucoup de chofes que les autres efliment certaines, plutoft qu'en me vantant d'aucune doëtrine. Mais ayant le cœur aflez bon pour ne vouloir point qu'on me prift pour autre que ie n'eflois, ie penfay qu'il faloit que ie tafchaffe, par tous moyens, a me rendre digne de la reputation 20 29 30 20 25 30 32-33. _ Discours DE LA METHODE. 31 qu'on me donnoit ; et il y a iuftement huit ans, que ce defir me fit re a mefloigner de tous re lieux ou ie pouuois auoir des connoiffances, & a me re- tirer icy, en vn païs où la longue durée de la guerre a fait eftablir de tels ordres, que les armées qu'on y entretient ne femblent feruir qu'a faire qu'on y iouifle des fruits de la paix auec d'autant plus de feureté, & où parmi la foule d'vn grand peuple fort actif, & plus foigneux de fes propres affaires, que curieux de celles d’autruy, fans manquer d'aucune des commoditez qui font dans les villes les plus fre- quentées, 1ay pû viure aufly folitaire & retiré que dans les defers les plus efcartez. le ne fçay fi ie doy vous entreteniredes premieres meditations que 1 y ay faites; car elles font fi Meta- phyfiques & fi peu communes, qu’elles ne feront peuteftre pas au gouft de tout le monde. Et toutefois, afin qu'on puifle iuger fi les fondemens que ray pris font affez fermes, ie me trouue en quelque façon con- traint d'en parler. l'auois dés long temps remarqué que, pour les meurs, il eft befoin quelquefois de fuiure des opinions qu'on fçait eftre fort incertaines, tout de mefme que fi elles eftoient indubitables, ainfi qu'il a efté dit cy-deflus; mais, pourcequ'alors ie defirois vacquer feulement a la recherche de la verité, ie penfay qu'il faloit que ie fifle tout le contraire, & que ie reiettaffe, comme abfolument faux, tout ce en quoy ie pourrois imaginer le moindre doute, afin de voir sil ne refteroit point, apres cela, quelque chofe en ma creance, qui fuit entierement indubitable. Ainfi, a QUATRIESME PARTIE. 32 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 33-34. caufe que nos fens nous trompent quelquefois, ie voulû fuppofer qu'il ny auoit aucune chofe qui fuft telle qu'ils nous la font imaginer. Et pourcequ'il y a des hommes qui fe méprenent en raifonnant, mefme touchant les plus fimples matieres de Geometrie, & y font des Paralogifmes, iugeant que reftois fuiet a fail- lir, autant qu'aucun autre, ie reiettay comme faufles toutes les raifons que i'auois prifes auparauant pour Demonftrations. Et enfin, confiderant que toutes les mefmes penfées, que nous auons eftant efueillez, nous peuuent aufly venir, quand nous dormons, fans qu'il y en ait aucune, pour lors, qui foit vraye, ie me refolu de feindre que toutes les chofes qui m'efloient iamais entrées en l'efprit, n'efloient non plus vrayes que les illufions de mes fonges. Mais, auflitoft aprés, ie pris garde que, pendant que ie voulois ainfi penfer que tout eftoit faux, il falloit neceflairement que moy, qui le penfois, fufle quelque chofe. Et remarquant que cete verité : 1e penfe, donc te fuis, eftoit fi ferme & fi aflurée, que toutes les plus extrauagantes fuppofitions des Sceptiques n'eftoient pas capables de l'efbranfler, ie iugay que ie pouuois la receuoir, fans fcrupule, pour le premier principe de la Philofophie, que ie cherchois. Puis, examinant auec attention ce que reftois, & voyant que ie pouuois feindre que ie n'auois aucun cors, & qu'il n'y auoit aucun monde, ny aucun lieu ou ie fuffe ; mais que ie ne pouuois pas feindre, pour cela, que ie n'eftois point ; & qu'au contraire, de cela mefme que ie penfois a douter de la verité des autres chofes, il fuiuoit tres euidenment & tres certai- nement que leflois; au lieu que, fi r'eufle feulement 20 25 30 20 25 30 34-35. Discours DE LA METHODE. 33 ceflé de penfer, encore que tout le refte de ce que j'auois 1amais imaginé, euft efté vray, ie n'auois au- cune raifon de croire que i'eufle efté : ie connû de la que 1eftois vne fubftance dont toute l'eflence ou la nature n'eft que de penfer, & qui, pour eftre, n’a be- foin d'aucun lieu,ny ne depend d'aucune chofe mate- rielle. En forte que ce Moy, c'eft a dire, l'Ame par laquelle ie fuis ce que ie fuis, eft entierement diftinéte du cors, & mefme qu'elle eft plus aifée a connoiftre que luy, & qu'encore qu'il ne fuft point, elle ne lair- roit pas d'eftre tout ce qu'elle eft. Aprés cela, ie confideray en general ce qui eft requis a vne propoñition pour he vraye & certaine ; Car, puifque i ie venois d'en trouuer vne queie Une ie telle, ie penfay que ie deuois aufly fçauoir en quoy confifte cete certitude. Et ayant remarqué qu'il nya rien du tout en cecy : ze pen/e, donc ie fuis, qui m'aflure que ie dis la verité, finon que ie voy tres clairement que, pour penfer, 1l faut eftre : ie iugay que 1e pouuois prendre pour reigle generale, que les chofes que nous conceuons ie icbtéent & fort diftintement, font toutes vrayes; mais qu'il y a feu- lement quelque difficulté a bien remarquer quelles font celles que nous conceuons diftin@tement. En fuite de quoy, faifant reflexion fur ce que ie doutois, & que, par confequent, mon eftre n'eftoit pas tout parfait, car ie voyois clairement que c'eftoit vne plus | grande perfection de connoiftre que de douter, ie m'auifay de chercher d'où i'auois appris a ee a quelque chofe de plus parfait que ie neftois; & 1e connu euidenment que ce deuoit eftre Œuvres. I. 5 34 OEUVRES DE DESCARTES. 35-36. de quelque nature qui fuft en effet plus parfaite. Pour ce qui eft des penfées que 1'auois de plufieurs autres chofes hors de moy, comme du ciel, de la terre, de la lumiere, de la chaleur, & de milles autres, ie n’eftois point tant en peine de fçauoir d'où elles venoient, a caufe que,ne remarquant rien en elles qui me fem- blaft les rendre fuperieures a moy, ie pouuois croyre que, fi elles eftoient vrayes, c'eftoient des depen- dances de ma nature, en tant qu'elle auoit quelque perfection; & fi elles ne l'eftoient pas, que ie les tenois du neant, c'eft a dire, qu'elles eftoient en moy, pourceque 1'auois du defaut. Mais ce ne pouuoit eftre le mefme de l'idée d'vn eftre plus parfait que le mien : car, de la tenir du neant, c'eftoit chofe manifeftement impofñible ; et pourcequ'il n’y a pas moins de repu- gnance que le plus parfait foit vne fuite & vne depen- dance du moins parfait, qu'il y en a que de rien pro- cede quelque chofe, ie ne la pouuois tenir non plus de moy mefme. De façon qu'il reftoit qu'elle euft efté mife en moy par vne nature qui fuft veritable- ment plus parfaite que ie n'eflois, & mefme qui euft en foy toutes les perfeétions dont ie pouuois auoir quelque idée, c'eft a dire, pour m'expliquer en vn mot, qui fuft Dieu. À quoy i'adiouftay que, puifque ie connoiflois quelques perfettions que ie n'auois point, ie n’eftois pas le feul eftre qui exiftaft (ivferay, s'il vous plaïft, icy librement des mots de l'Efchole), mais qu'il falloit, de necefité, qu'il y en euft quelque autre plus | parfait, duquel ie dependiffe, & duquel r'euffe acquis tout ce que r'auois. Car, fi r'eufle efté feul & independant de tout autre, en forte que i'eufle eu, 20 25 30 20 25 30 36-37. Discours DE LA METHODE. 3 de moy mefme, tout ce peu que ie participois de l'eftre parfait, i'eufle pù auoir de moy, par mefme raifon, tout le furplus que ie connoifflois me manquer, & ainfi eftre moy mefme infini, eternel,immuable, tout connoiffant, tout puiflant, & enfin auoir toutes les perfeétions que ie pouuois remarquer eftre en Dieu. Car, fuiuant les raifonnemens que ie viens de faire, pour connoiftre la nature de Dieu, autant que la miene en eftoit capable, ie n'auois qu'a confiderer de toutes les chofes dont ie trouuois en moy quelqueidée, fi c'eftoit perfe&ion, ou non, de les poffeder, & r'eftois affuré qu'aucune de celles qui marquoient quelque imperfeétion, n'eftoit en luy, mais que toutes les autres y eftoient. Comme ie voyois que le doute, l'inconftance, la trifteffe, & chofes femblables, n'y pouuoient eftre, vù que i'eufle efté moy mefme bien ayfe d'en eftre exempt. Puis, outre cela, i’auois des idées de plufieurs chofes fenfibles & corporelles car, quoy que ie fuppofatte que ie refuois, & que tout ce que ie voyois ou imaginois eftoit A ie ne pou- uois nier toutefois que É idées n’en fuflent verita- blement en ma penfée ; mais pourceque r'auois defia connu en moy tres clairement que la nature intelli- gente eft diftinéte de la corporelle, confiderant que toute compofition tefmoigne de la dependance, & que la dependance eft manifeftement vn defaut, ie iugeois de la, que ce ne pouuoit eftre vne perfection en Dieu d'eftre compofé de ces deux natures, & que, par confequent, il ne l'eftoit pas ; mais que, s'1l y auoit | quelques cors dans le monde, ou bien quelques intel- ligences, ou autres natures, qui ne fuflent point toutes 30 Œuvres DE DESCARTES. 37-38. parfaites, leur eftre deuoit dependre de fa puiffance, en telle forte qu'elles ne pouuoient fubfifter fans luy vn feul moment. le voulu chercher, aprés cela, d'autres veritez, & m'eftant propofé l'obiet des Geometres, que 1e con- ceuois comme vn cors continu, ou vn efpace indefi- niment eftendu en longueur, largeur, & hauteur ou profondeur, diuifible en diuerfes parties, qui pou- uoient auoir diuerfes figures & grandeurs, & eftre meuës ou tran{pofées en toutes fortes, car les Geo- metres fuppofent tout cela en leur obiet, ie parcouru quelques vnes de leurs plus fimples demonftrations. Et ayant pris garde que cete grande certitude, que tout le monde leur attribuë, n'eft fondée que fur ce qu'on les conçoit euidenment, fuiuant la reigle que j'ay tantoft dite, ie pris garde aufly qu'il ny auoit rien du tout en elles qui m’afluraft de l'exiftence de leur obiet. Car, par exemple, ie voyois bien que, fup- pofant vn triangle, il falloit que fes trois angles fuflent efgaux a deux droits; mais ie ne voyois rien pour cela qui m'afluraft qu'il y euft au monde aucun trian- gle. Au lieu que, reuenant a examiner l'idée que j'auois d'vn Eftre parfait, ie trouuois que l’exiftence y eftoit comprife, en mefme façon qu'il eft compris en celle d'vn triangle que fes trois angles font efgaux a deux droits, ou en celle d'vne fphere que toutes fes parties font efgalement diftantes de fon centre, ou mefme encore plus euidenment; et que, par confe- quent, il eft pour le moins aufly certain, que Dieu, qui eft cet Eftre parfait, eft ou |exifte, qu'aucune de- monftration de Geometrie le fçauroit eftre. 20 25 30 20 25 30 38-30. Discours DE LA METHODE. 7 Mais ce qui fait qu'il y en a plufieurs qui fe per- fuadent qu’il y a de la difficulté a le connoiftre, & mefme aufly a connoiftre ce que c’eft que leur ame, c'eft qu'ils n’efleuent iamais leur efprit au dela des chofes fenfibles, & qu'ils font tellement accouftumez a ne rien confiderer qu'en l'imaginant, qui eft vne façon de penfer particuliere pour les chofes mate- rielles, que tout ce qui n'eft pas imaginable, leur femble n'eftre pas intelligible. Ce qui eft affez mani- fefte de ce que mefme les Philofophes tienent pour maxime, dans les Efcholes, qu'il n'y a rien dans l’en- tendement qui n'ait premierement efté dans le fens, où toutefois 1l eft certain que les idées de Dieu & de l'ame n'ont iamais efté. Et il me femble que ceux qui veulent vfer de leur imagination, pour les com- prendre, font tout de mefme que fi, pour ouir les fons, ou fentir les odeurs, ils fe vouloient feruir de leurs yeux : finon qu'il y a encore cete difference, que le fens de la veuë ne nous aflure pas moins de la verité de fes obiets, que font ceux de l’odorat ou de l’ouye; au lieu que ny noftre imagination ny nos fens ne nous fçauroient iamais aflurer d'aucune chofe, fi noftre entendement n'y interuient. Enfin, s'il y a encore des hommes qui ne foient pas affez perfuadez de l’exiftence de Dieu & de leur ame, par les raifons que ray apportées, ie veux bien qu'ils fçachent que toutes les autres chofes, dont ils fe pen- fent peut eftre plus aflurez, comme d'auoir vn cors, & qu'il y a des aftres & vne terre, & chofes femblables, font moins certaines. Car, encore qu’on ait vne aflu- rance morale de | ces chofes, qui ef telle, qu'il femble # 38 OŒuvrEs DE DESCARTES. 39. qu'a moins que d'eftre extrauagant, on n'en peut douter, toutefois aufly, a moins que d'eftre dérai- fonnable, lorfqu'il eft queftion d’vne certitude meta- phyfique, on ne peut nier que ce ne foit aflés de fuiet, pour n'en eftre pas entierement afluré, que d’auoir pris garde qu'on peut, en mefme façon, s'imaginer, eftant endormi, qu'on a vn autre cors, & qu'on voit d'autres aftres, & vne autre terre, fans qu'il en foit rien. Car d'où fçait on que les penfées qui vienent en fonge font plutoft fauffes que les autres, vù que fouuent elles ne font pas moins viues & expreffes ? Et que les meilleurs efprits y eftudient, tant qu'il leur plaira, ie ne croy pas qu'ils puiffent donner aucune raifon qui foit fuffifante pour ofter ce doute, s'ils ne prefuppofent l'exiftence de Dieu. Car, premie- rement, cela mefme que ray tantoft pris pour vne reigle, a fçauoir que les chofes que nous conceuons tres clairement & tres diftinétement, font toutes vrayes, n'eft afluré qu'a caufe que Dieu eft ou exifte, & qu'il eft vn eftre parfait, & que tout ce qui eft en nous vient de luy. D'où il fuit que nos idées ou notions, eftant des chofes reelles, & qui vienent de Dieu, en tout ce en quoy elles font claires & diftin- les, ne peuuent en cela eftre que vrayes. En forte que, fi nous en auons aflez fouuent qui contienent de la faufleté, ce ne peut eftre que de celles, qui ont quelque chofe de confus & obfcur, a caufe qu'en cela elles participent du neant, c'eft a dire, qu'elles.ne font en nous ainfi confufes, qu'a caufe que nous ne fommes pas tous parfaits. Et il eft euident quil ny a pas moins de repugnance que la faufleté ou l'imper- 20 23 30 sis RU TRE - 20 25 30 39-40. Discours DE LA METHODE. 30 fection procede de Dieu, en tant que telle, qu'il y en a, que la verité ou la perfection procede du neant. Mais fi nous ne fçauions point que tout ce qui eft en nous de reel & de vray, vient d'vn eftre parfait & infini, pour claires & diftin@es que fuflent nos idées, nous n'aurions aucune raifon qui nous afluraft, qu'elles euffent la perfection d'eftre vrayes. Or, aprés que la connoiflance de Dieu & de l'ame nous a ainfi rendus certains de cete regle, il eft bien ayfé a connoiftre que les refueries que nous imagi- nons eftant endormis, ne doiuent aucunement nous faire douter de la verité des penfées que nous auons eftant efueillez. Car, s'il arriuoit, mefme en dormant, qu'on euft quelque idée fort diftinéte, comme, par exemple, qu vn Geometre inuentaft quelque nouuelle demonftration, fon fommeil ne l'empefcheroit pas d'eftre vraye. Et pour l'erreur la plus ordinaire de nos fonges, qui confifte en ce qu'ils nous reprefen- tent diuers obiets en mefme façon que font nos fens exterieurs, n importe pas quelle nous donne occafion de nous deffier de la verité de telles idées, a caufe qu'elles peuuent aufly nous tromper aflez fouuent, fans que nous dormions : comme lorfque ceux qui ont la iaunifle voyent tout de couleur jaune, ou que les aftres ou autres cors fort efloignez nous paroiflent beaucoup plus petits qu'ils ne font. Car enfin, foit que nous veillions, foit que nous dormions, nous ne nous deuons iamais laifler perfuader qu'a l'euidence de noftre raifon. Et il eft a remarquer que ie dis, de noftre raifon, & non point, de noftre imagination ny de nos fens. Comme, encore que nous voyons le fo- V4 CINQUIESME PARTIE, 40 OEuvres DE DESCARTES. 40-41. leil tres clairement, nous ne deuons pas iuger pour cela qu'il ne foit que de la grandeur que nous le voyons; et nous pouuons bien imaginer diftinéte- ment vne tefte de lion entée fur le cors d'vne cheure, fans qu'il faille conclure, pour cela, qu'il y ait au monde vne Chimere : car la raifon ne nous diéte point que ce que nous voyons ou imaginons ainfi foit veritable. Mais elle nous dicte bien que toutes nos idées ou notions doiuent auoir quelque fondement de verité; car il ne feroit pas poflible que Dieu, qui eft tout parfait & tout veritable les euft mifes en nous fans cela. Et pourceque nos raifonnemens ne font iamais fi euidens ny fi entiers pendant le fommeil que pendant la veille, bien que quelquefois nos ima- ginations foient alors autant ou plus viues &expreffes, elle nous diéte auffy que nos penfées ne pouuant eftre toutes vrayes, a caufe que nous ne fommes pas tous-parfaits, ce qu'elles ont de verité doit infallible- ment fe rencontrer en celles que nous auons eftant efueillez, plutoft qu'en nos fonges. le ferois bien ayfe de pourfuiure, & de faire voir icy toute la chaifne des autres veritez que ray de- duites de ces premieres. Mais, a caufe que, pour cet effe&, il feroit maintenant befoin que ie parlaffe de plufieurs queftions, qui font en controuerfe entre les doétes, auec lefquels ie ne defire point me brouiller, ie croy qu'il fera mieux que ie m'en abftiene, & que ie die feulement en general quelles elles font, affin de laifler iuger aux plus fages, s'il feroit vtile que le public en fuft plus particulierement informé. le fuis 20 25 30 20 30 41-42. Discours DE LA METHODE. AI toufiours demeuré ferme en la refolution que l'auois prife, de ne fuppofer aucun autre principe, que celuy dont ie vien de me feruir pour demonftrer l’exiftence de Dieu & de l'ame, & de ne receuoir | aucune chofe pour vraye, qui ne me femblaft plus claire & plus cer- taine que n’auoient fait auparauant les demonftra- tions des Geometres. Et neantmoins, 1'ofe dire que, non feulement i'ay trouué moyen de me fatisfaire en peu de tems, touchant toutes les principales difi- cultez dont on a couftume de traiter en la Philofo- phie, mais auffy, que ay remarqué certaines loix, que Dieu a tellement eftablies en la nature, & dont il a imprimé de telles notions en nos ames, qu aprés y auoir fait aflez de reflexion, nous ne fçaurions douter qu'elles ne foient exaétement obferuées, en tout ce qui eft ou qui fe fait dans le monde. Puis en confi- derant la fuite de ces loix, il me femble auoir defcou- uert plufeurs veritez plus vtiles & plus importantes, que tout ce que i'auois appris auparauant, ou mefme efperé d'apprendre. Mais pourceque i’ay tafché d'en expliquer les prin- cipales dans vn Traité, que quelques confiderations m'empefchent de publier, ie ne les fçaurois mieux faire connoiftre, qu'en difant icy fommairement ce qu'il contient. l'ay eu deffein d'y comprendre tout ce que ie penfois fçauoir,auant que de l'efcrire, touchant la Nature des chofes Materielles. Mais, tout de mefme que les peintres, ne pouuant efgalement bien repre- fenter dans vn tableau plat toutes les diuerfes faces d'vn cors folide, en choififlent vne des principales qu'ils mettent feule vers le iour, & ombrageant les Œuvres. I. 6 42 Œuvres DE DESCARTES. 42-43. autres, ne les font paroiftre, qu'en tant qu'on les peut voir en la regardant : ainfi, craignant de ne pouuoir mettre en mon difcours tout ce que l'auois en la penfée, r'entrepris feulement d'y expofer bien ample- ment ce que ie conceuois de la Lumiere; puis, a fon occalfion, d'y adioufter quelque chofe du Soleil & des Eftoiles fixes, a caufe qu'elle en procede prefque toute ; des Cieux, a caufe qu'ils la tranfmettent; des Planetes, des Cometes, & de la Terre, a caufe qu'elles la font reflefchir ; & en particulier de tous les Cors qui font fur la terre, a caufe qu'ils font ou colorez, ou tranfparens, ou lumineux ; & enfin de l'Homme, a caufe qu'il en eft le fpectateur. Mefme, pour ombrager vn peu toutes ces chofes, & pouuoir dire plus libre- ment ce que l'en iugeois, fans eftre obligé de fuiure ny de refuter les opinions qui font receuës entre les doctes, ie me refolu de laifler tout ce Monde icy a leurs difputes, & de parler feulement de ce qui arri- ueroit dans vn nouueau, fi Dieu creoit maintenant quelque part, dans les Efpaces Imaginaires, affez de matiere pour le compofer, & qu'il agitaft diuerfement & fans ordre les diuerfes parties de cete matiere, en forte qu'il en compofaft vn Chaos aufly confus que les Poetes en puiflent feindre, & que, par apres, il ne fift autre chofe que prefter fon concours ordinaire a la Nature, & la laiffer agir fuiuant les Loix qu'il a eftablies. Ainfi, premierement, ie defcriuis cete Ma- tiere, & tafchay de la reprefenter telle qu'il n’y a rien au monde, ce me femble, de plus clair ny plus in- telligible, excepté ce qui a tantoft efté dit de Dieu & de l'ame : car mefme ie fuppofay, expreffement, qu'il 20 25 30 | Hé ne. 20 25 30 43-44. Discours DE LA METHODE. 43 n'y auoit en elle aucune de ces Formes ou Qualitez dont on difpute dans les Efcholes, ny generalement aucune chofe, dont la connoiffance ne fuft fi natu- relle a nos ames, qu'on ne puft pas. mefme feindre de l'ignorer. De plus, ie fis voir quelles eftoient les Loix de la Nature; et fans appuier mes raifons fur aucun autre principe, que fur |les perfeétions inf- nies de Dieu, ie tafchay a demonftrer toutes celles dont on euft pu auoir quelque doute, & a faire voir qu'elles font telles, qu'encore que Dieu auroit creé plufieurs mondes, il n'y en fçauroit auoir aucun, où elles manquañlent d'eftre obferuées. Apres cela, ie monftray comment la plus grande part de la ma- tiere de ce Chaos deuoit, en fuite de ces loix, fe dif- pofer & s’arrenger d'vne certaine façon qui la ren- doit femblable a nos Cieux; comment, cependant, quelques vnes de fes parties deuoient compofer vne Terre, & quelques vnes des Planetes & des Cometes, & quelques autres vn Soleil & des Eftoiles fixes. Et icy, m eftendant fur le fuiet de la lumiere, 'expliquay bien au long quelle eftoit celle qui fe deuoit trouuer dans le Soleil & les Eftoiles, & comment de la elle trauerfoit en vn inftant les immenfes efpaces des cieux, & comment elle fe reflefchiffoit des Planetes & des Cometes vers la Terre. l'y adiouftay aufly plu- fieurs chofes, touchant la fubftance, la fituation, les mouuemens & toutes les diuerfes qualitez de ces Cieux & de ces Aftres ; en forte que ie penfois en dire aflez, pour faire connoiftre qu'il ne fe remarque rien en ceux de ce monde, qui ne deuft, ou du moins qui ne püft, paroiftre tout femblable en ceux du monde 44 OEUVRES DE DESCARTES. 44-45. que ie defcriuois. De là ie vins a parler particuliere- ment de la Terre : comment, encore que i’eufle ex- preflement fuppofé que Dieu n'auoit mis aucune pefanteur en la matiere dont elle eftoit compofée, toutes fes parties ne laifloient pas de tendre exacte- ment vers fon centre ; comment, y ayant de l'eau & de l’air fur fa fuperficie, la difpofition des cieux & des aftres, principalement de la Lune, | y deuoit caufer va flus & reflus, qui fuft femblable, en toutes fes cir- conftances, a celuy qui fe remarque dans nos mers ; & outre cela vn certain cours, tant de l'eau que de l'air, du leuant vers le couchant, tel qu'on le remarque aufly entre les Tropiques ; comment les montaignes, les mers, les fontaines & les riuieres pouuoient na- turellement s'y former, & les metaux y venir dans les mines, & les plantes y croiftre dans les campai- gnes, & generalement tous les cors quon nomme meflez ou compofez s'y engendrer. Et entre autres chofes, a caufe qu'aprés les aftres ie ne connois rien au monde que le feu qui produife de la lumiere,ie m'eftudiay a faire entendre bien clairement tout ce qui appartient a fa nature, comment il fe fait, com- ment il fe nourrit; comment il n'a quelquefois que de la chaleur fans lumiere, & quelquefois de la lu- miere fans chaleur; comment il peut introduire di- uerfes couleurs en diuers cors, & diuerfes autres qualitez ; comment il en fond quelques vns, & en dur- cit d'autres; comment il les peut confumer prefque tous, ou conuertir en cendres & en fumée; et enfin, comment de ces cendres, par la feule violence de fon ation, il forme du verre : car cete tranfmutation de 10 15 20 29 30 . 15 20 25 30 45-46. Discours DE LA METHODE. 45 cendres en verre me femblant eftre aufly admirable qu'aucune autre qui fe face en la nature, ie pris par- ticulierement plaifir a la defcrire. Toutefois ie ne voulois pas inferer de toutes ces chofes, que ce monde ait eflé creé en la façon que ie propofois; car 1l eft bien plus vrayfemblable que, dés le commencement, Dieu l'a rendu tel qu'il deuoit eftre. Mais il eft certain, & c'eft vne opinion commu- nement receuë | entre les Theologiens, que l'a&tion, par laquelle maintenant 1l le conferue, eft toute la mefme que celle par laquelle il l'a ereé; de façon qu'encore qu il ne lui auroit point donné, au commen- cement, d'autre forme que celle du Chaos, pouruû qu'ayant eftabli les Loix de la Nature, il luy preftaft fon concours, pour agir ainfi qu'elle a de couftume, on peut croyre, fans faire tort au miracle de la crea- tion, que par cela feul toutes les chofes qui font purement materielles auroient pü, auec le tems, s'y rendre telles que nous les voyons a prefent. Et leur nature eft bien plus ayfée a conceuoir, lorfqu'on les voit naiftre peu a peu en cete forte, que lorfqu'on ne les confidere que toutes faites. De la defcription des cors inanimez & des plantes, ie paflay a celle des animaux & particulierement a celle des hommes. Mais, pourceque ie n'en auois pas encore affez de connoiïffance, pour en parler du mefme ftyle que du refte, c'eft a dire, en demonftrant les effets par les caufes, & faifant voir de quelles femences, & en quelle façon, la Nature les doit pro- duire, ie me contentay de fuppofer que Dieu for- maft le cors d’vn homme, entierement femblable a 46 Œuvres DE DESCARTES. 46-47. l'vn des noftres, tant en la figure exterieure de fes membres qu'en la conformation interieure de fes or- ganes, fans le compofer d'autre matiere que de celle que j'auois defcrite, & fans mettre en luy, au com- mencement, aucune ame raifonnable, ny aucune autre chofe pour y feruir d'ame vegetante ou fenfitiue, finon qu'il excitaft en fon cœur vn de ces feux fans lumiere, que r'auois defia expliquez, & que ie ne con- ceuois point d'autre nature que celuy qui échaufe le foin, | lorfqu'on l'a renfermé auant qu'il fuft fec, ou qui fait bouillir les vins nouueaux, lorfqu'on les laiffe cuuer fur la rape. Car examinant les fonétions, qui pouuoient en fuite de cela eftre en ce cors, 1y trouuois exactement toutes celles qui peuuent eftre en nous fans que nous y penfions, ny par confequent que noftre ame, c’eft a dire, cete partie diftinéte du cors dont il a efté dit cy deflus que la nature n'eft que de penfer, y contribuë, & qui font toutes les mefmes en quoy on peut dire que les animaux fans raifon nous refemblent : fans que 1'y en püñfle pour cela trouuer aucune, de celles qui, eftant dependantes de la penfée, font les feules qui nous apartienent en tant qu'hommes, au lieu que 1e les y trouuois par aprés, ayant fuppofé que Dieu creaft vne ame raifonnable, & qu'il la ioignift a ce cors en certaine façon que ie defcriuois. Mais, affin qu'on puifle voir en quelle forte ry traitois cete matiere, ie veux mettre icy l'explication du Mouuement du Cœur & des Arteres, qui eftant le premier & le plus general qu'on obferue dans les animaux, on iugera facilement de luy ce qu'on doit 15 20 25 30 10 20 25 30 47-48. Discours DE LA METHODE. 47 penfer de tous les autres. Et affin qu'on ait moins de difficulté a entendre ce que 1'en diray,ie voudrois que ceux qui ne font point verfez en l’Anatomie priflent la peine, auant que de lire cecy, de faire couper de- uant eux le cœur de quelque grand animal qui ait des poumons, car il eft en tous affez femblable a celuy de l’homme, & qu'ils fe fiffent montrer les deux chambres ou concauitez qui y font. Premie- rement, celle qui eft dans fon cofté droit, a laquelle refpondent deux tuyaux fort larges : a fçauoir la vene caue, qui eft le principal receptable du fang, & comme le tronc de l'arbre dont toutes les autres venes du cors font les branches, & la vene arte- rieufe, qui a efté ainfi mal nommée, pourceque c'eft en effect vne artere, laquelle prenant fon origine du cœur, fe diuife, aprés en eftre fortie, en plufieurs branches qui fe vont refpandre partout dans les pou- mons. Puis, celle qui eft dans fon cofté gauche, a laquelle refpondent en mefme façon deux tuyaux, qui font autant ou plus larges que les precedens : a fçauoir l’artere veneufe, qui a efté aufly mal nommée, a caufe qu’elle n'eft autre chofe qu'vne vene, laquelle vient des poumons, ou elle eft diuifée en plufeurs branches, entrelacées auec celles de la vene arte- rieufe, & celles de ce conduit qu'on nomme le fifflet, par où entre l'air de la refpiration; & la grande ar- tere, qui, fortant du cœur, enuoye fes branches par tout le cors. le voudrois aufly qu'on leur montraft foigneufement les onze petites peaux, qui, comme autant de petites portes, ouurent & ferment les quatre ouuertures qui font en ces deux concauitez : a fça- 48 OEuvREs DE DESCARTES. 48-49. uoir, trois a l'entrée de la vene caue, où elles font tellement difpofées, qu'elles ne peuuent aucunement empefcher que le fang qu'elle contient ne coule dans la concauité droite du cœur, & toutefois empefchent exactement qu'il nen puifle fortir ; trois a l'entrée de la vene arterieufe, qui, eftant difpofées tout au con- traire, permetent bien au fang, qui eft dans cete con- cauité, de pañler dans les poumons, mais non pas a celuy qui eft dans les poumons d'y retourner; & ainfi deux autres a l'entrée de l’artere veneufe, qui laiffent couler le fang des poumons vers la concauité | gauche du cœur, mais soppofent a fon retour; & trois a l'entrée de la grande artere, qui luy permetent de fortir du cœur, mais l'empefchent d'y retourner. Et il n'eft point befoin de chercher d’autre raifon du nombre de ces peaux, finon que l'ouuerture de l'ar- tere veneufe, eftant en ouale a caufe du lieu ou elle fe rencontre, peut eftre commodement fermée auec deux, au lieu que les autres, eftant rondes, le peuuent mieux eftre auec trois. De plus,ie voudrois qu'on leur fift confiderer que la grande artere & la vene arte- rieufe font d'vne compofition beaucoup plus dure & plus ferme, que ne font l'artere veneufe & la vene caue; & que ces deux derniers s'eflargiflent auant que d'entrer dans le cœur, & y font comme deux bourfes, nommées les oreilles du cœur, qui font com- pofées d'vne chair femblable à la fiene; et qu'il y a toufiours plus de chaleur dans le cœur, qu'en aucun autre endroit du cors; et enfin, que cete chaleur eft capable de faire que, s'il entre quelque goutte de fang en fes concauitez, elle s'enfle promtement & fe 20 25 30 20 25 30 49-50. Discours DE LA METHODE. 49 dilate, ainfi que font generalement toutes les liqueurs, lorfqu'on les laifle tomber goutte a goutte en quelque vaifleau qui eft fort chaud. Car, aprés cela, ie n'ay befoin de dire autre chofe, pour expliquer le mouuement du cœur, finon que, lorfque fes concauitez ne font pas pleines de fang, il y en coule neceflairement de la vene caue dans la droite, & de l'artere veneufe dans la gauche ; d’au- tant que ces deux vaifleaux en font toufiours pleins, & que leurs ouuertures, qui regardent vers le cœur, ne peuuent alors eftre bouchées ; mais que, fitoft qu'il eft entré ainfi déux gouttes de fang, | vne en chacune de fes concauitez, ces gouttes, qui ne peuuent eftre que fort groffes, a caufe que les ouuertures par où elles en- trent font fort larges, & les vaiffeaux d'où elles vienent fort pleins de fang, fe rarefient & fe dilatent, a caufe de la chaleur qu'elles y trouuent, au moyen de quoy, faifant enfler tout le cœur, elles pouflent & ferment les cinq petites portes, qui font aux entrées des deux vaifleaux d'où elles vienent, empefchant ainfi qu'il ne defcende dauantage de fang dans le cœur; et con- tinuant a fe rarefier de plus en plus, elles pouflent & ouurent les fix autres petites portes, qui font aux entrées des deux autres vaifleaux par où elles fortent, faifant enfler par ce moyen toutes les branches de la vene arterieufe & de la grande artere, quafi au mefme inftant que le cœur ; lequel, incontinent aprés, fe de- fenfle, comme font aufly ces arteres, a caufe que le fang qui y eft entré s'y refroidift, & leurs fix petites portes fe referment, & les cinq de la vene caue & de l'artere veneufe fe rouurent, & donnent pañlage a Œuvres. I. 7 Heruæus, de motu cordis, do) OEUVRES DE DESCARTES. 50-51. deux autres gouttes de fang, qui font derechef enfler le cœur & les arteres, tout de mefme que les prece- dentes. Et pourceque le fang, qui entre ainfi dans ce cœur, pafle par ces deux bourfes qu'on nomme fes oreilles, de là vient que leur mouuement eft contraire au fien, & qu'elles defenflent, lorfqu'il s’enfle. Au refte, affin que ceux qui ne connoïflent pas la force des demonftrations Mathematiques, & ne font pas accoutumez a diftinguer les vrayes raifons des vray- femblables, ne fe hafardent pas de nier cecy fans l'examiner, ie les veux auertir que ce mouuement, que ie vien d'expliquer, fuit aufly neceffairement de la feule difpoftion des | organes qu'on peut voir a l'œil dans le cœur, & de la chaleur qu'on y peut fentir auec les doigts, & de la nature du fang qu'on peut connoiftre par experience, que fait celuy d'vn horo- loge, de la force, de la fituation, & de la figure de fes contrepois & de fes rouës. Mais fi on demande comment le fang des venes ne s'efpuife point, en coulant ainfi continuellement dans le cœur, & comment les arteres n'en font point trop remplies, puifque tout celuy qui paffe par le cœur s’y va rendre, ie n’ay pas befoin d'y refpondre autre chofe, que ce qui a defia efté efcrit par vn medecin d'Angleterre, auquel il faut donner la louange d’auoir rompu la glace en cét endroit, & d'eftre le premier qui a enfeigné qu'il y a plufieurs petits paflages aux extremitez des arteres, par où le fang qu'elles re- çoiuent du cœur entre dans les petites branches des venes, d'où il fe va rendre derechef vers le cœur, en forte que fon cours n’eft autre chofe qu'vne circula- 20 30 10 20 29 30 FR Discours DE LA METHODE. s1 tion perpetuelle. Ce qu'il prouue fort bien, par l'ex- perience ordinaire des chirurgiens, qui ayant lié le bras mediocrement fort, au deflus de l'endroit où ils ouurent la vene, font que le fang en fort plus abon- damment que s'ils ne l'auoient point lié. Et il arriue- roit tout le contraire, s'ils le lioient au deffous, entre la main & l'ouuerture, ou bien, qu'ils le liaffent tres fort au-deflus. Car il eft manifefte que le lien medio- crement ferré, pouuant empefcher que le fang qui eft defia dans le bras ne retourne vers le cœur par les venes, n'empefche pas pour cela qu'il n'y en viene toufiours de nouueau par les arteres, a caufe qu'elles font fituées au deflous des venes, & que leurs peaux, eftant plus dures, font|moins ayfées a preffer, & aufly que le fang qui vient du cœur tend auec plus de force a paffer par elles vers la main, qu'il ne fait a retourner de là vers le cœur par les venes. Et puifque ce fang fort du bras par l'ouuerture qui eft en l’vne des veres, il doit neceffairement y auoir quelques paffages au- deffous du lien, c'eft a dire vers les extremitez du bras, par où il y puifle venir des arteres. Il prouue auffy fort bien ce qu'il dit du cours du fang, par certaines petites peaux, qui font tellement difpofées en diuers lieux le long des venes, qu’elles ne luy permetent point d'y pañler du milieu du cors vers les extremitez, mais feulement de retourner des extremitez vers le cœur; et de plus, par l'experience qui monftre que tout celuy qui eft dans le cors en peut fortir en fort peu de tems par vne feule artere, lorfqu'elle eft coupée, encore mefme qu'elle fuft eftroitement liée fort proche du cœur, & coupée entre luy & le lien, en forte qu'on s2 OEUVRES DE DESCARTES. 52-53. n'euft aucun fuiet d'imaginer que le fang qui en for- uroit vint d'ailleurs. Mais il y a plufieurs autres chofes qui tefmoignent que la vraye caufe de ce mouuement du fang eft celle que 1ay dite. Comme, premierement, la difference qu'on remarque entre celuy qui fort des venes & celuy qui fort des arteres, ne peut proceder que de ce qu'eftant rarefié, & comme diftilé, en pañfant par le cœur, il eft plus fubtil & plus vif & plus chaud in- continent aprés en eftre forti, c'eft a dire, eftant dans les arteres, qu'il n'eft vn peu deuant que d'y entrer, c'eft a dire, eftant dans les venes. Et fi on y prend garde, on trouuera que cete difference ne paroift bien que vers le cœur, & non point tant|aux lieux qui en font les plus efloignez. Puis la dureté des peaux, dont la vene arterieufe & la grande artere font compofées, monftre aflez que le fang bat contre elles auec plus de force que contre les venes. Et pourquoy la concauité gauche du cœur & la grande artere feroient elles pius amples & plus larges, que la concauité droite & la vene arterieufe ? Si ce n’eftoit que le fang de l'artere veneufe, n'ayant efté que dans les poumons depuis qu'il a pañlé par le cœur, eft plus fubtil & fe rarefe plus fort & plus ayfement, que celuy qui vient imme- diatement de la vene caue. Et qu'’eft-ce que les mede- cins peuuent deuiner, en taftant le pouls, s'ils ne fçauent que, felon que le fang change de nature, il peut eftre rarefié par la chaleur du cœur plus ou moins fort, & plus ou moins vifte qu'auparauant ? Et fi on examine comment cette chaleur fe communique aux autres membres, ne faut-il pas auouër que c'eft 20 29 30 10 20 25 30 53-54. Discours DE LA METHODE. s3 par le moyen du fang, qui paflant par le cœur s'y ref- chauffe, & fe refpand de là par tout le cors. D'où vient que, fi on ofte le fang de quelque partie, on en ofte par mefme moyen la chaleur; et encore que le cœur fuft aufly ardent qu'vn fer embrafé, il ne fufliroit pas pour refchaufler les pieds & les mains tant qu'il fait, s1l n y enuoyoit continuellement de nouueau fang. Puis aufly on connoift de là, que le vray vfage de la refpiration eft d'apporter aflez d'air frais dans le pou- mon, pour faire que le fang, qui y vient de la conca- uité droite du cœur, où il a efté rarefié & comme changé en vapeurs, s'y efpaiflifle, & conuertifle en fang derechef, auant que de retomber dans la gauche, fans quoy il ne pourroit eftre propre a feruir de nou- friture au feu qui y eft. Ce qui fe confirme, parce qu'on void que les animaux qui n'ont point de poumons, n'ont aufly qu'vne concauité dans le cœur, & que les enfans, qui n en peuuent vfer pendant qu'ils font ren- fermez au ventre de leurs meres, ont vne ouuerture par où il coule du fang de la vene caue en la concauité gauche du cœur, & vn conduit par où 1l en vient de la vene arterieufe en la grande artere, fans pañler par le poumon. Puis la coétion, comment fe feroit-elle en l'eftomac, fi le cœur n'y enuoyoit de la chaleur par les arteres, & auec cela quelques vnes des plus coulantes parties du fang, qui aydent a difloudre les viandes qu'on y a mifes? Et l’action qui conuertift le fuc de ces viandes en fang, n'eft elle pas ayfée a connoiftre, fi on confidere qu'il fe diftile, en pañlant & repañlant par le cœur, peuteftre par plus de cent ou deux cent fois en chafque iour ? Et qu'a t on befoin d'autre chofe, * s4 Œuvres DE DESCARTES. 54-55. pour expliquer la nutrition, & la production des di- uerfes humeurs qui font dans le cors, finon de dire que la force, dont le fang en fe rarefiant pañie du cœur vers les extremitez des arteres, fait que quelques vnes de {es parties s’areftent entre celles des membres où elles fe trouuent, & y prenent la place de quelques autres qu'elles en chaffent; et que, felon la fituation, ou la figure, ou la petitefle des pores qu'elles ren- contrent, les vnes fe vont rendre en certains lieux plutoft que les autres, en mefme façon que chafcun peut auoir vùû diuers cribles, qui eftant diuerfement percez feruent a feparer diuers grains les vns des autres ? Et enfin ce qu'il y a de plus remarquable en tout, cecy, c'eft la generation des efprits animaux, qui font comme vn vent tres fubtil, | ou plutoft comme vne flame tres pure & tres viue, qui, montant conti- nuellement en grande nn du cœur dans le cerueau, fe va rendre de là par les nerfs dans les mufcles, & donne le mouuement a tous les membres ; fans qu'il faille imaginer d'autre caufe, qui face que les parties du fang, qui, eftant les plus agitées & les plus penetrantes, font les plus propres a compofer ces efprits, fe vont rendre plutoft vers le cerueau que vers ailleurs ; finon que les arteres, qui les y portent, font celles qui vienent du cœur le plus en ligne droite de toutes, & que, felon les regles des Mechaniques, qui font les mefmes que celles de la nature, lorfque plufieurs chofes tendent enfemble a fe mouuoir vers vn mefme cofté, où il ny a pas aflez de place pour toutes, ainfi que les parties du fang qui fortent de la concauité gauche du cœur iicne vers le cerueau, 20 25 30 20 25 30 55-56. Discours DE LA METHODE. s$ les plus foibles & moins agitées en doiuent eftre dé- tournées par les plus fortes, qui par ce moyen s'y vont rendre feules. l'auois expliqué affez particulierement toutes ces chofes, dans le traité que i'auois eu cy deuant deffein de publier. Et enfuite y auois monftré quelle doit eftre la fabrique des nerfs & des mufcles du cors hu- main, pour faire que les efprits animaux, eftant de- dans, ayent la force de mouuoir fes membres : ainfi qu'on voit que les teftes, vn peu aprés eftres coupées, fe remuent encore, & mordent la terre, nonobftant qu'elles ne foient plus animées; quels changemens fe doiuent faire dans le cerueau, pour caufer la veille, & le fommeil, & les fonges; comment la lumiere, les fons, les odeurs, les gouts, la chaleur, & toutes les autres qualitez des obiets exterieurs y peuuent im- primer diuerfes idées, par l'entremife des fens; com- ment la faim, la foif, & les autres pañlions interieures, y peuuent aufly enuoyer les leurs; ce qui doit y eftre pris pour le fens commun, où ces idées font recuës; pour la memoire, qui les conferue; & pour la fantaifie, qui les peut diuerfement changer, & en com- pofer de nouuelles, & par mefme moyen, diftribuant les efpris animaux dans les mufcles, faire mouuoir les membres de ce cors, en autant de diuerfes façons, & autant a propos des obiets qui fe prefentent a ces fens, & des paffions interieures qui font en luy, que les noftres fe puiffent mouuoir, fans que la volonté les conduife. Ce qui ne femblera nullement eftrange a ceux qui, fçachant combien de diuers automates, ou machines mouuantes, l’induftrie des hommes peut 0 OEUVRES DE DESCARTES. 56-57. faire, fans y employer que fort peu de pieces, a com- paraifon de la grande multitude des os, des mufcles, des nerfs, des arteres, des venes, & de toutes les autres parties, qui font dans le cors de chafque ani- mal, confidereront ce cors comme vne machine, qui, ayant efté faite des mains de Dieu, eft incomparable- ment mieux ordonnée, & a en foy des mouuemens plus admirables, qu'aucune de celles qui peuuent eftre inuentées par les hommes. Et ie m'eftois icy particulierement arefté a faire voir que, s'il y auoit de telles machines, qui euflent les organes & la figure d'vn finge, ou de quelque autre animal fans raifon, nous n’aurions aucun moyen pour reconnoiftre qu'elles ne feroient pas en tout de mefme nature que ces animaux; au lieu que, s'il y en auoit qui euflent la reflemblance de nos cors, & imi- taffent autant nos aétions que moralement il feroit pof|fible, nous aurions toufiours deux moyens tres certains, pour reconnoiftre qu'elles ne feroient point pour cela de vrais hommes. Dont le premier eft que iamais elles ne pourroient vfer de paroles, ny d'autres fignes en les compofant, comme nous faifons pour declarer aux autres nos penfées. Car on peut bien conceuoir qu'vne machine foit tellement faite qu'elle profere des paroles, & mefme quelle en profere quelques vnes a propos des aétions corporelles qui cauferont quelque changement en fes organes : comme, fi on la touche en quelque endroit, qu'elle demande ce qu'on luy veut dire; fi en vn autre, qu'elle crie qu'on luy fait mal, & chofes femblables; mais non pas qu'elle les arrenge diuerfement, pour ref- 20 25 30 ne 15 20 25 30 57-58. Discours DE LA METHODE. 7 pondre au fens de tout ce qui fe dira en fa prefence, ainfi que les hommes les plus hebetez peuuent faire. Et le fecond eft que, bien qu'elles fiffent plufieurs chofes ‘aufly bien, ou peuteftre mieux qu'aucun de nous, elles manqueroient infalliblement en quelques autres, par lefquelles on découuriroit qu'elles n'agi- roient pas par connoiïflance, mais feulement par la difpofition de leurs organes. Car, au lieu que la rai- fon eft vn inftrument vniuerfel, qui peut feruir en toutes fortes de rencontres, ces organes ont befoin de quelque particuliere difpofition pour chaque a@ion particuliere; d'où vient qu'il eft moralement impof- fible qu'il y en ait affez de diuers en vne machine, pour la faire agir en toutes les occurrences de la vie, de mefme façon que noftre raifon nous fait agir. Or, par ces deux mefmes moyens, on peut aufly connoiftre la difference, qui eft entre les hommes & les beftes. Car c'eft vne chofe bien remarquable, qu'il n y a point | d'hommes fi hebetez & fi ftupides, fans en excepter mefme les infenfez, qu'ils ne foient capables d’arrenger enfemble diuerfes paroles, & d'en compofer vn difcours par lequel ils facent entendre leurs pen- fées; et qu'au contraire, il n’y a point d’autre animal, tant parfait & tant heureufement né qu'il puifle eftre, qui face le femblable. Ce qui n'arriue pas de ce qu'ils ont faute d'organes, car on voit que les pies & les perroquets peuuent proferer des paroles ainfi que nous, & toutefois ne peuuent parler ainfi que nous, c'eft a dire,en tefmoignant qu'ils penfent ce qu'ils difent; au lieu que les hommes qui, eftans nés fours & muets, font priuez des organes qui feruent aux au- Œuvres. I. 8 ;8 Œuvres DE DESCARTES. 58-50. tres pour parler, autant ou plus que les beftes, ont couftume d’inuenter d'eux mefmes quelques fignes, par lefquels ils fe font entendre a ceux qui, eftans ordinai- rement auec eux, ont loyfir d'apprendre leur langue. Et cecy ne tefmoigne pas feulement que les beftes ont moins de raifon que les hommes, mais qu'elles n'en ont point du tout. Car on voit qu'il n'en faut que fort peu, pour fçauoir parler; & d'autant qu'on remarque de l'inefgalité entre les animaux d'vne mefme efpece, auffy bien qu'entre les hommes, & que les vns font plus ayfez a dreffer que les autres, il n eft pas croyable qu'vn finge ou vn perroquet, qui feroit des plus par- faits de fon efpece, n'égalaft en cela vn enfant des plus ftupides, ou du moins vn enfant qui auroit le cerueau troublé, fi leur ame n'’eftoit d'vne nature du tout diffe- rente de la noftre. Et on ne doit pas confondre les paroles auec les mouuemens naturels, qui tefmoignent les paflions, & peuuent eftre imitez par des machines aufly bien que par les animaux;|ny penfer, comme quelques Anciens, que les beftes parlent, bien que nous n'entendions pas leur langage : car s'il eftoit vray, puifqu'elles ont plufieurs organes qui fe rapportent aux noftres, elles pourroient auffy bien fe faire en- tendre a nous qu'a leurs femblables. C'eft auffy vne chofe fort remarquable que, bien qu'il y ait plufieurs animaux qui tefmoignent plus d'induftrie que nous en quelques vnes de leurs aétions, on voit toutefois que les mefmes n'en tefmoignent point du tout en beau- coup d’autres : de façon que ce qu'ils font mieux que nous, ne prouue pas qu'ils ont de l'efprit; car, a ce conte, 1ls en auroient plus qu'aucun de nous, & fe- 20 23 30 cl ME 20 25 30 >” en Discours DE LA METHODE. s9 roient mieux en toute chofe; mais plutoft qu'ils n'en ont point, & que ceft la Nature qui agift en eux, felon la difpofition de leurs organes : ainfi qu'on voit qu vn horologe, qui n'eft compofé que de rouës & de reflors, peut conter les heures, & mefurer le tems, plus iuftement que nous auec toute noftre pru- dence. l'auois defcrit, aprés cela, l'ame raifonnable, & fait voir qu'elle ne peut aucunement eftre tirée de la puif- fance de la matiere, ainfi que les autres chofes dont l'auois parlé, mais qu'elle doit expreflement eftre creée ; et comment il ne fuflit pas qu'elle foit logée dans le cors humain, ainfi qu'vn pilote en fon nauire, finon peuteftre pour mouuoir fes membres, mais qu’il eft befoin qu'elle foit iointe & vnie plus eftroitement auec luy, pour auoir, outre cela, des fentimens & des appetits femblables aux noftres, & ainfi compofer vn vray homme. Au refte, ie me fuis icy vn peu eftendu fur le fuiet de l'ame, a caufe qu'il eft des plus impor- tans; car, aprés l'erreur de ceux | qui nient Dieu, la- quelle ie penfe auoir cy deflus aflez refutée, il n'y en a point qui efloigne plutoit les efprits foibles du droit chemin de la vertu, que d'imaginer que l'ame des beftes foit de mefme nature que la noftre, & que, par confequent, nous n'auons rien a craindre, ny a efperer, aprés cete vie, non plus que les moufches & les fourmis ; au lieu que, lorfqu'on fçait combien elles different, on comprent beaucoup mieux les raifons, qui prouuent que la noftre eft d'vne nature entiere- ment independante du cors, & par confequent, qu'elle n'eft point fuiette a mourir auec luy; puis, d'autant SIXIESME PARTIE. 6o Œuvres DE DESCARTES. 60-61. qu'on ne voit point d'autres caufes qui la deftruifent, on eft naturellement porté a iuger de là qu'elle eft immortelle. Or il y a maintenant trois ans que r'eftois paruenu a la fin du traité qui contient toutes ces chofes, & que ie commençois a le reuoir, afhin de le mettre entre les mains d'vn imprimeur, lorfque r'appris que des perfonnes, a qui ie defere & dont l’authorité ne peut gueres moins fur mes actions, que ma propre rai- fon fur mes penfées, auoient defapprouué vne opi- nion de Phyfique, publiée vn peu auparauant par quelque autre, de laquelle ie ne veux pas dire que ie fufle, mais bien que ie n’y auois rien remarqué, auant leur cenfure, que ie puffe imaginer eftre preiudiciable ny a la Religion ny a l'Eftat, ny, par confequent, qui m'euft empefché de l'efcrire, fi la raifon me l'euft per- fuadée, & que cela me fit craindre qu'il ne s’en trou- uaft tout de mefme quelqu vne entre les mienes, en laquelle ie me fuffe mépris, nonobftant le grand foin que ’ay toufiours eu de n'en point receuoir de nou- uelles en ma creance, dont ie n’eufle des demonftra- tions tres certaines, & de n'en point efcrire, qui puf- fent tourner au defauantage de perfonne. Ce qui a efté fuffifant, pour m'obliger a changer la refolution que j'auois euë de les publier. Car, encore que les raifons, pour lefquelles ie l’auois prife auparauant, fuffent tres fortes, mon inclination, qui m'a toufiours fait haïr le meftier de faire des liures, m'en fit incon- tinent trouuer aflez d'autres, pour m'en excufer. Et ces raifons de part & d'autre font telles, que non 20 23 30 D RP UT PC NO Var PP ES ES TE | | 20 23 30 G-62: Discours DE LA METHODE. Gt feulement i'ay icy quelque intereft de les dire, mais peut-eftre auffy que le public en a de les fçauoir. le n'ay iamais fait beaucoup d’eftat des chofes qui venoient de mon efprit, & pendant que ie n'ay re- cueilly d’autres fruits de la methode dont ie me fers, finon que ie me fuis fatisfait, touchant quelques difi- cultez qui appartienent aux fciences fpeculatiues, ou bien que 1’ay tafché de regler mes meurs par les raifons qu'elle m'enfeignoit, ie n’ay point creu eftre obligé d'en rien efcrire. Car, pour ce qui touche les meurs, chafcun abonde fi fort en fon fens, qu'il fe pourroit trouuer autant de reformateurs que de teftes, s’il eftoit permis a d'autres qu'a ceux que Dieu a eftablis pour fouuerains fur fes peuples, ou bien aufquels il a donné aflez de grace & de zele pour eftre prophetes, d'entreprendre d'y rien changer; et bien que mes fpeculations me pleuffent fort, l'ay creu que les autres en auoient aufly, qui leur plaifoient peut-eftre dauantage. Mais, fitoft que 1 ay eu acquis quelques notions generales touchant la Phyfique, & que, commençant a les efprouuer en diuerfes difh- cultez particulieres, ay remarqué iufques où elles peuuent conduire, & combien elles different des prin- cipes dont on s'eft ferui iufques a prefent, 1ay creu que ie ne pouuois les tenir cachées, fans pecher gran- dement contre la loy qui nous oblige a procurer, autant qu'il eft en nous, le bien general de tous les hommes. Car elles m'ont fait voir qu'il eft pofhble de paruenir a des connoiflances qui foient fort vtiles a la vie, & qu'au lieu de cete Philofophie fpeculatiue, qu'on enfeigne dans les efcholes, on en peut trouuer 62 OEuvres DE DESCARTES. 6263: vne pratique, par laquelle connoiffant la force & les actions du feu, de l’eau, de l'air, des aftres, des cieux, & de tous les autres cors qui nous enuironnent, aufly diftintement que nous connoiffons les diuers me- fiers de nos artifans, nous les pourrions employer en mefme façon a tous les vfages aufquels ils font propres, & ainfi nous rendre comme maïftres & pof- feffeurs de la Nature. Ce qui n'eft pas feulement a defirer pour l'inuention d'vne infinité d'artifices, qui feroient qu'on iouiroit, fans aucune peine, des fruits de la terre & de toutes les commoditez qui sy trouuent, mais principalement aufly pour la confer- uation de la fanté, laquelle eft fans doute le premier bien, & le fondement de tous les autres biens de cete vie; car mefme l'efprit depend fi fort du tempe- rament, & de la difpofition des organes du cors, que s'il eft poffible de trouuer quelque moyen, qui rende communement les hommes plus fages & plus habiles qu'ils n'ont efté iufques icy, ie croy que c’eft dans la Medecine qu'on doit le chercher. Il eft vray que celle qui eft maintenant en vfage, contient peu de chofes dont l'vtilité foit fi remarquable; mais, fans que r'aye aucun deflein de la mefprifer, ie m'aflure qu'il n'y a perfonne, mefme de ceux qui en font profeflion, qui n'auouë que tout ce qu'on y fçait n'eft prefque rien, a comparaifon de ce qui refte a y fçauoir, & qu'on fe pourroit exemter d'vne infinité de maladies, tant du cors que de l’efprit, & mefme aufly peuteftre de l’af- foibliflement de la vieilleffe, fi on auoit affez de con- noiflance de leurs caufes, & de tous les remedes dont la Nature nous a pourueus. Or, ayant deflein d'em- 15 20 25 30 20 25 30 6e Discours DE LA METHODE. 6; ployer toute ma vie a la recherche d'vne fcience fi neceffaire, & ayant rencontré vn chemin qui me femble tel qu'on doit infalliblement la trouuer, en le fuiuant, fi ce n'eft qu'on en foit empefché, ou par la brieueté de la vie, ou par le defaut des experiences, ie iugeois qu'il n y auoit point de meilleur remede contre ces deux empefchemens, que de communiquer fidellement au public tout le peu que f’aurois trouué, & de conuier les bons efprits a tafcher de pañler plus outre, en contribuant, chafcun felon fon inclination & fon pouuoir, aux experiences qu'il faudroit faire, & communiquant aufly au public toutes les chofes qu'ils apprendroient, affin que les derniers commen- çant ou les precedens auroient acheué, & ainfi 1oi- gnant les vies & les trauaux de plufieurs, nous allaf- fions tous enfemble beaucoup plus loin, que chafcun en particulier ne fçauroit faire. Mefme ie remarquois, touchant les experiences, qu'elles font d'autant plus neceffaires, qu'on eft plus auancé en connoiffance. Car, pour le commencement, . il vaut mieux ne fe feruir que de celles qui fe pre- fentent d'elles mefmes a nos fens, & que nous ne fçaurions ignorer, pouruû que nous y facions tant foit peu de reflexion, que | d'en chercher de plus rares & eftudiées : dont la raifon eft que ces plus rares trompent fouuent, lorfqu'on ne fçait pas encore les caufes des plus communes, & que les circonftances dont elles dependent font quafi toufiours fi particu- lieres & fi petites, qu'il eft tres malayfé de les re- marquer. Mais l'ordre que j'ay tenu en cecy a efté tel. Premierement, i'ay tafché de trouuer en general les 64 OEUVRES DE DESCARTES. 64-65. Principes, ou Premieres Caufes, de tout ce qui ef, ou qui peut eftre, dans le monde, fans rien confi- derer, pour cet eflect, que Dieu feul, qui l'a creé, ny les tirer d'ailleurs que de certaines femences de Veritez qui font naturellement en nos ames. Aprés cela, ay examiné quels eftoient les premiers & plus ordinaires eflets qu’on pouuoit deduire de ces caufes : et il me femble que, par la, ray trouué des Cieux, des Aftres, vne Terre, & mefme, fur la terre, de l'Eau, de l'Air, du Feu, des Mineraux, & quelques autres telles chofes, qui font les plus communes de toutes & les plus fimples, & par confequent les plus ayfées a connoiftre. Puis, lorfque 1ay voulu def- cendre a celles qui eftoient plus particulieres, il s'en eft tant prefenté a moy de diuerfes, que ie n'ay pas creu qu'il fuft poflible a l'efprit humain de diftinguer les Formes ou Efpeces de cors qui font fur la terre, d'vne infinité d'autres qui pourroient y eftre, fi c'euft efté le vouloir de Dieu de les y mettre, ny, par con- fequent, de les rapporter a noftre vfage, fi ce neft qu'on viene au deuant des caufes par les effets, & qu'on fe ferue de plufieurs experiences particulieres. En fuite de quoy, repaflant mon efprit fur tous les obiets qui s'eftoient iamais prefentez a mes fens, j'ofe bien dire que ie n'y ay remarqué aucune chofe que ie ne peufle aflez | commodement expliquer par les Principes que j'auois trouuez. Mais il faut auffy que i’auouë, que la puiffance de la Nature eft fi ample & fi vafte, & que ces Principes font fi fimples & fi generaux, que ie ne remarque quafi plus aucun effect particulier, que d’abord ie ne connoifie qu'il peut en 20 25 30 10 15 20 25 30 65-66. Discours DE LA METHODE. 6 eftre deduit en plufieurs diuerfes façons, & que ma plus grande difhiculté eft d'ordinaire de trouuer en laquelle de ces façons il en depend. Car a cela ie ne {çay point d'autre expedient, que de chercher dere- chef quelques experiences, qui foient telles, que leur euenement ne foit pas le mefme, fi c'eft en l'vne de ces façons qu'on doit l'expliquer, que fi c'eft en l'autre. Au refte, i'en fuis maintenant la, que ie voy, ce me femble, aflez bien de quel biaiz on fe doit prendre a faire ja plus part de celles qui peuuent fer- uir a cet effleét ; mais ie voy aufly qu'elles font telles, & en fi grand nombre, que ny mes mains, ny mon reuenu, bien que i'en eufle mille fois plus que ie n’en ay, ne fçauroient fuffire pour toutes; en forte que, felon que i'auray deformais la commodité d'en faire plus ou moins, i'auanceray aufly plus ou moins en la connoifflance de la Nature. Ce que ie me prome- tois de faire connoiftre, par le traité que r’auois efcrit, & d'y monftrer fi clairement l'vtilité que le public en peut receuoir, que 1'obligerois tous ceux qui defirent en general le bien des hommes, c'eft a dire, tous ceux qui font en effeét vertueux, & non point par faux fem- blant, ny feulement par opinion, tant a me commu- niquer celles qu'ils ont defia faites, qu'a m'ayder en la recherche de celles qui reftent a faire. Mais 1'ay eu, depuis ce tems la, d'autres raifons qui | mont fait changer d'opinion, & penfer que ie deuois veritablement continuër d'efcrire toutes les chofes que ie iugerois de quelque importance, a me- fure que 1en découurirois la verité, & y apporter le mefme foin que fi ie les voulois faire imprimer : tant Œuvres. I. 9 66 Œuvres DE DESCARTES. 66-67. affin d'auoir d'autant plus d’occafion de les bien exa- miner, comme fans doute on regarde toufiours de plus prés a ce qu'on croit deuoir eftre veu par plu- fieurs, qu'a ce qu'on ne fait que pour foy mefme, & fouuent les chofes, qui m'ont femblé vrayes, lorfque l'ay commencé a les conceuoir, m'ont parû fauffes, lorfque ie les ay voulu mettre fur le papier; qu’affin de ne perdre aucune occafion de profiter au public, fi jen fuis capable, & que, fi mes efcrits valent quelque chofe, ceux qui les auront aprés ma mort, en puiflent ver, ainfi qu'il fera le plus a propos; mais que ie ne deuois aucunement confentir qu'ils fuffent publiez pendant ma vie, affin que ny les oppo- fitions & controuerfes, aufquelles ils feroient peut- eftre fuiets, ny mefme la reputation telle quelle, qu'ils me pourroient acquerir, ne me donnaffent aucune occafion de perdre le tems que i’ay deflein d'employer a m'inftruire. Car, bien que il foit vray que chafque homme eft obligé de procurer, autant qu'il eft en luy, le bien des autres, & que c'eft proprement ne valoir rien que de n'eftre vtile a perfonne, toutefois il eft vray aufly que nos foins fe doiuent eftendre plus loin que le tems prefent, & quil eft bon d'omettre les chofes qui apporteroient peuteftre quelque profit a ceux qui viuent, lorfque c'eft a deffein d'en faire d'autres qui en apportent dauantage a nos neueux. Comme, en effeét, ie veux bien qu'on fçache que le peu que j'ay | appris iufques : icy, n'eft prefque rien, a comparaifon de ce que ignore, & que ie ne den pas de pouuoir apprendre; car c'eft quafñi le mefme de ceux qui découurent peu a peu la verité dans les 10 20 25 30 ja = 2 Ads à … ana nt Di OS ED De de ut 'at-uf os dr de es ER Li ce * 20 25 30 67-68. Discours DE LA METHODE. 67 fciences, que de ceux qui, commençant a deuenir riches, ont moins de peine a faire de grandes ac- quifitions, qu'ils n’ont eu auparauant, eftant plus pauures, a en faire de beaucoup moindres. Ou bien on peut les comparer aux chefs d'armée, dont les forces ont couftume de croiftre a proportion de leurs victoires, & qui ont befoin de plus de conduite, pour fe maintenir aprés la perte d'vne bataille, qu'ils n'ont, aprés l’auoir gaignée, a prendre des villes & des pro- uinces. Car c'eft veritablement donner des batailles, que de tafcher a vaincre toutes les difficultez & les erreurs, qui nous empefchent de paruenir a la con- noiflance de la verité, & c’eft en perdre vne, que de receuoir quelque fauffe opinion, touchant vne ma- tiere vn peu generale & importante; il faut, aprés, beaucoup plus d’adrefle, pour fe remettre au mefme eftat qu'on eftoit auparauant, qu'il ne faut a faire de grans progrés, lorfqu'on a defia des principes qui font aflurez. Pour moy, fi lay cy deuant trouué quelques veritez dans les fciences (& r’efpere que les chofes qui font contenuës en ce volume feront iuger que i'en ay trouué quelques vnes), ie puis dire que ce ne font que des fuites & des dependances de cinq ou fix principales difficultez que 1'ay furmontées, & que ie conte pour autant de batailles où i'ay eu ee de mon cofté. Mefme ie ne craindray pas de dire, que ie penfe n’auoir plus befoin d'en gaigner que deux ou trois autres femblables, pour venir entierement a bout de mes deffeins ; et que| mon aage n'eft point fi auancé que, felon le cours ordinaire de la Nature, ie ne puifle encore auoir aflez de loyfir pour cet effect. 68 OEuvres DE DESCARTES. 68-69. Mais ie croy eftre d'autant plus obligé a ménager le tems qui me refte, que 1'ay plus d'efperance de le pou- uoir bien employer; et r'aurois fans doute plufieurs occafions de le perdre, fi ie publiois les fondemens de ma Phyfique. Car, encore qu'ils foient prefque tous fi euidens, qu'il ne faut que les entendre pour les croire, & qu'il ny en ait aucun, dont ie ne penfe pouuoir donner des demonftrations, toutefois, a caufe qu'il eft impoflble qu'ils foient accordans auec toutes les diuerfes opinions des autres hommes, 1e preuoy que ie ferois fouuent diuerti par les oppofi- tions qu'ils feroient naiftre. On peut dire que ces oppolitions feroient vtiles, tant afin de me faire connoiftre mes fautes, qu’'affin que, fi l'auois quelque chofe de bon, les autres en euflent par ce moyen plus d'intelligence, &, comme plufieurs peuuent plus voir qu'vn homme feul, que commençant des maintenant a s'en feruir, ils m'ay- daffent aufly de leurs inuentions. Mais, encore que ie me reconnoifle extremement fuiet a faillir, & que ie ne me fie quafi iamais aux premieres penfées qui me vienent, toutefois l'experience que 1’ay des obieétions qu'on me peut faire, m'empefche d'en efperer aucun profit : car j'ay defia fouuent efprouué les iugemens, tant de ceux que 1ay tenus pour mes amis, que de quelques autres a qui ie penfois eftre indifferent, & mefme aufly de quelques vns dont ie fçauois que la malignité & l'enuie tafcheroit affez a découurir ce que l'affeion cacheroiït a mes amis ; mais il eft | rarement arriué quon mayt obiecté quelque chofe que 1e n'eufle point du tout preueuë, fi ce n’eft qu'elle fuft 20 30 20 25 30 69-70. Discours DE LA METHODE. 69 fort éloignée de mon fuiet; en forte que ie n’ay quañ iamais rencontré aucun cenfeur de mes opinions, qui ne me femblaft ou moins rigoureux, ou moins equi- table, que moy mefme. Et ie n'ay iamais remarqué non plus, que, par le moyen des difputes qui fe pra- tiquent dans les efcholes, on ait découuert aucune verité qu'on ignoraft auparauant; car, pendant que chafcun tafche de vaincre, on s'exerce bien plus a faire valoir la vrayfemblance, qu'a pefer les raifons de part & d'autre; & ceux qui ont eflé long tems bons auo- cats, ne font pas pour cela, par aprés, meilleurs iuges. Pour l’vtilité que les autres receuroient de la com- munication de mes penfées, elle ne pourroit aufly eftre fort grande, d'autant que ie ne les ay point en- core conduites fi loin, qu'il ne foit befoin d'y aioufter beaucoup de chofes, auant que de les appliquer a l'vfage. Et ie penfe pouuoir dire, fans vanité, que, s’il y a quelqu vn qui en foit capable, ce doit eftre plu- toft moy qu'aucun autre : non pas qu'il ne puifle y auoir au monde plufeurs efprits incomparablement meilleurs que le mien; mais pource qu’on ne fçau- roit fi bien conceuoir vne chofe, & la rendre fiene, lorfqu'on l'apprent de quelque autre, que lorfqu'on l'inuente foy mefme. Ce qui eft fi veritable, en cete matiere, que, bien quei'aye fouuent expliqué quelques vnes de mes opinions a des perfonnes de tres bon efprit, & qui, pendant que ie leur parlois, fembloient les entendre fort diflinctement, toutefois, lorfqu'ils les ont redites, 1’ay remarqué qu'ils les ont changées pref- [que toufiours en telle forte que ie ne les pouuois plus auouër pour mienes. À l'occafion de quoy ie fuis * 7 OŒEuvREs DE DESCARTES. 70-71. bien ayfe de prier icy nos neueux, de ne croire iamais que les chofes qu'on leur dira vienent de moy, lorf- que ie ne les auray point moy mefme diuulguées. Et ie ne m'eflonne aucunement des extrauagances qu'on attribue a tous ces anciens Philofophes, dont nous n'auons point les efcrits, ny ne iuge pas, pour cela, que leurs penfées ayent efté fort deraifonnables, veu qu'ils eftoient des meilleurs efprits de leurs tems, mais feulement qu'on nous les a mal rapportées. Comme on voit aufly que prefque iamais il n’eft ar- riué qu'aucun de leurs feétateurs les ait furpañlez; et ie m'aflure que les plus paflionnez de ceux qui fui- uent maintenant Ariftote, fe croyroient hureux, s'ils auoient autant de connoiflance de la Nature qu'il en a eu, encore mefme que ce fuft a condition qu'ilsn'en auroient iamais dauantage. Ils font comme le lierre, qui ne tend point a monter plus haut que les arbres qui le foutienent, & mefme fouuent qui redefcend, aprés qu'il eft paruenu iufques a leur faifte; car 1l me femble auffy que ceux la redefcendent, c’eft-a-dire, fe rendent en quelque façon moins fçauans que s'ils s’abftenoient d’eftudier, lefquels, non contens de fça- uoir tout ce qui eft intelligiblement expliqué dans leur autheur, veulent, outre cela, y trouuer la folution de plufieurs difficultez, dont il ne dit rien & aufquelles il n’a peuteftre iamais penfé. Toutefois, leur façon de philofopher eft fort commode, pour ceux qui n’ontque des efprits fort mediocres ; car l'obfcurité des diftinc- tions & des principes dont ils fe feruent, eft caufe qu'ils peuuent parler de toutes chofes aufly hardi- ment que s'ils les fçauoient, & fouftenir tout ce qu'ils 20 25 30 71-72. Discours DE LA METHODE. 72 en difent contre les plus fubtiles & les plus habiles, fans qu'on ait moyen de les conuaincre. En quoy ils me femblent pareils a vn aueugle, qui, pour fe battre fans defauantage contre vn qui voit, l’auroit fait venir dans le fonds de quelque caue fort obfeure ; et ie puis dire que ceux cy ont intereft que ie m'abftiene de pu- blier les principes de la Philofophie dont ie me fers : car eftans tres fimples & tres euidens, comme ils font, ie ferois quafi le mefme, en les publiant, que fi r'ou- urois quelques feneftres, & faifois entrer du iour dans cete caue, ou ils font defcendus pour fe battre. Mais _ mefme les meilleurs efprits n’ont pas occafion de fou- haiter de les connoiftre : car, s'ils veulent fçauoir par- ler de toutes chofes, & acquerir la reputation d’eftre doctes, ils y paruiendront plus ayfement en fe con- tentant de la vrayfemblance, qui peut eftre trouuée fans grande peine en toutes fortes de matieres, qu’en cherchant la verité, qui ne fe découure que peu a peu en quelques vnes, & qui, lorfqu'il eft queftion de par- ler des autres, oblige a confefler franchement qu'on les ignore. Que s'ils preferent la connoiïffance de quelque peu de veritez a la vanité de paroiftre n’igno- rer rien, comme fans doute elle eft bien preferable, & qu'il vueillent fuiure vn deffein femblable au mien, ils n’ont pas befoin, pour cela, que ie leur die rien da- uantage que ce que 1'ay defia dit en ce difcours. Car, s'ils font capables de pañfer plus outre que ie n’ay fait, ils le feront aufy, a plus forte raifon, de trouuer d’eux mefmes tout ce que ie penfe auoir trouué. D'autant que, n'ayant iamais rien examiné que par ordre, il eft certain | que ce qui me refte encore a découurir, eft 72 Œuvres DE DESCARTES. 72. de foy plus difficile & plus caché, que ce que ray pü cy deuant rencontrer, & ils auroient bien moins de plaifir a l'apprendre de moy que d'eux mefmes ; outre que l'habitude qu’ils acquerront, en cherchant premierement des chofes faciles, & paffant peu a peu par degrez a d'autres plus dificiles, leur fer- uira plus que toutes mes inftructions ne fçauroient faire. Comme, pour moy, ie me perfuade que, fi on m'euft enfeigné, dés ma ieunefle, toutes les veritez dont ï’ay cherché depuis les demonftrations, & que ie n'eufle eu aucune peine a les apprendre, ie n’en aurois peuteftre iamais fceu aucunes autres, & du moins que iamais ie n'aurois acquis l'habitude & la facilité, que ie penfe auoir, d'en trouuer toufiours de nouuelles, a mefure que ie m'applique a les chercher. Et en vn mot, s'il y a au monde quelque ouurage, qui ne puifle eftre fi bien acheué par aucun autre que par le mefme qui l’a commencé, c'eft celuy auquel ie trauaille. Il eft vray que, pour ce qui eft des experiences qui peuuent y feruir, vn homme feul ne fçauroit fuflire a les faire toutes; mais il n'y fçauroit aufly employer vtilement d’autres mains que les fienes, finon celles des artifans, ou telles gens qu'il pourroit payer, & a qui l'efperance du gain, qui eft vn moyen tres efficace, feroit faire exaétement toutes les chofes qu'il leur prefcriroit. Car, pour les volontaires, qui, par curio- fité ou defir d'apprendre, s'offriroient peuteftre de luy ayder, outre qu'ils ont pour l'ordinaire plus de pro- mefles que d'effe&, & qu'ils ne font que de belles propofitions dont aucune iamais ne reüflit, ils vou- 20 25 30 72-73. Discours DE LA METHODE. 73 droient infalliblement eftre payez par l'ex|plication de quelques dificultez, ou du moins par des complimens & des entretiens inutiles, qui ne luy fçauroient couf- ter fi peu de fon tems quil n'y perdift. Et pour les experiences que les autres ont defia faites, quand bien mefme ils les Iuy voudroient communiquer, ce que ceux qui les nomment des fecrets ne feroient iamais, elles font, pour la plufpart, compofées de tant de circonftances, ou d'ingrediens fuperflus, qu'il luy feroit tres malayfé d'en déchiffrer la verité; outre qu'il les trouueroit prefque toutes fi mal expliquées, ou mefme fi faufles, a caufe que ceux qui les ont faites fe font efforcez de les faire paroïftre conformes a leurs principes, que, sil y en auoit quelques vnes qui luy feruiflent, elles ne pourroient derechef valoir le tems qu'il luy faudroit employer a les choifir. De façon que, s'il y auoit au monde quelqu'vn, qu’on fceuft aflurement eftre capable de trouuer les plus grandes chofes, & les plus vtiles au public qui puiflent eftre, & que, pour cete caufe, les autres hommes s’eflorçaffent, par tous moyens, de l’ayder a venir a bout de fes defleins, ie ne voy pas qu'ils peuf- fent autre chofe pour luy, finon fournir aux frais des experiences dont il auroit befoin, & du refte empef- cher que fon loifir ne luy fuit ofté par l'importunité de perfonne. Mais, outre que ie ne prefume pas tant de moy mefme, que de vouloir rien promettre d’extra- ordinaire, ny ne me repais point de penfées fi vaines, que de m'imaginer que le public fe doiue beaucoup interefler en mes deffeins, ie n'ay pas aufly l'ame fi baffle, que ie voulufle accepter de qui que ce fuft Œuvres. I. 10 74 OEuvres DE DESCARTES. 73-74. aucune faueur, qu’on puft croyre que ie n'aurois pas meritée. Toutes ces confiderations iointes enfemble furent | caufe, il y a trois ans, que ie ne voulu point diuul- guer le traité que i'auois entre les mains, & mefme que ie fus en refolution de n'en faire voir aucun autre, pendant ma vie, qui fuft fi general, ny duquel on püft entendre les fondemens de ma Phyfique. Mais il y a eu depuis derechef deux autres raifons, qui m'ont obligé a mettre icy quelques effais particuliers, & a rendre au public quelque compte de mes actions & de mes deffeins. La premiere eft que, fi y manquois, plufieurs, qui ont fceu l'intention que rauois euë cy deuant de faire imprimer quelques efcrits, pourroient simaginer que les caufes pour lefquelles ie m'en abftiens, feroient plus a mon defauantage qu'elles ne font. Car, bien que ie n'ayme pas la gloire par excés, ou mefme, fiie l'ofe dire, que ie la haïfle, en tant que ie la iuge contraire au repos, lequel reftime fur toutes chofes, toutefois aufly ie n'ay iamais tafché de cacher mes aétions comme des crimes, ny n'ay vié de beaucoup de precautions pour eftre inconnu ; tant a caufe que i'euffe creu me faire tort, qu'a caufe que cela m'auroit donné quelque efpece d'inquietude, qui euft derechef efté contraire au parfait repos d’efprit que ie cherche. Et pourceque, m’eftant toufiours ainfi tenu indifferent entre le foin d’eftre connu ou ne l’eftre pas, ie n'ay pù empefcher que ie n'acquifle quelque forte de reputation, ray penfé que ie deuois faire mon mieux pour mexempter au moins de l'auoir mauuaife. L'autre raifon, qui ma obligé a efcrire 20 25 30 74-75. Discours DE LA METHODE. 75 cecy, eft que, voyant tous les iours de plus en plus le retardement que fouffre le deffein que ray de m'in- ftruire, a caufe d'vne infinité d’experiences dont r'ay befoin, & qu'il eft impoñlible que ie face fans | l'ayde d'autruy, bien que ie ne me flatte pas tant que d'ef- perer que le public prene grande part en mes inte- refts, toutefois ie ne veux pas aufly me defaillir tant a moy-mefme, que de donner fuiet a ceux qui me furuiuront, de me reprocher quelque iour, que i'euffe pü leur laifler plufieurs chofes beaucoup meilleures que ie n'auray fait, fi ie n'eufle point trop negligé de leur faire entendre en quoy ils pouuoient contribuer a mes defleins. Et 1ay penfé qu'il m'eftoit ayfé de choifir quelques matieres, qui, fans eftre fuietes a beaucoup de con- trouerfes, ny m'obliger a declarer dauantage de mes principes que ie ne defire, ne lairroient pas de faire voir aflez clairement ce que ie puis, ou ne puis pas, dans les fciences. En quoy ie ne fçaurois dire fi 1'ay reufh, & ie ne veux point preuenir les iugemens de perfonne, en parlant moy-mefme de mes efcrits; mais ie feray bien ayfe qu'on les examine, & affin qu'on en ait d'autant plus d'occafion, ie fupplie tous ceux qui auront quelques obieétions a y faire, de prendre la peine de les enuoyer a mon libraire, par lequel en eftant auerti, ie tafcheray d'y ioindre ma refponfe en mefme tems; & par ce moyen les leéteurs, voyant enfemble l'vn & l’autre, iugeront d'autant plus ay- fement de la verité. Car ie ne promets pas d'y faire iamais de longues refponfes, mais feulement d'auouër mes fautes fort franchement, fi ie les connois, ou 76 OEuvres DE DESCARTES. 75-76. bien, fi ie ne les puis aperceuoir, de dire fimplement ce que ie croyray eftre requis, pour la defence des chofes que r'ay efcrites, fans y adioufter l'explication d'aucune nouuelle matiere, affin de ne me pas en- gager fans fin de l’vne en l’autre. | Que fi quelques vnes de celles dont ray parlé, au commencement de la Dioptrique & des Meteores, chocquent d'abord, a caufe que ie les nomme des fup- pofitions, & que ie ne femble pas auoir enuie de les prouuer, quon ait la patience de lire le tout auec attention, & 1'efpere qu'on s'en trouuera fatisfait. Car il me femble que les raifons s'y entrefuiuent en telle forte que, comme les dernieres font demonftrées par les premieres, qui font leurs caufes, ces premieres le font reciproquement par les dernieres, qui font leurs effets. Et on ne doit pas imaginer que ie com- mette en cecy la faute que les Logiciens nomment va cercle; car l'experience rendant la plus part de ces effets tres certains, les caufes dont ie les deduits ne feruent pas tant a les prouuer qu'a les expliquer; mais, tout au contraire, ce font elles qui font prou- uées par eux. Et ie ne les ay nommées des fuppofi- tions, qu'aflin qu on fçache que ie penfe les pouuoir deduire de ces premieres veritez que ray cy deflus expliquées, mais que 1'ay voulu expreflement ne le _pas faire, pour empefcher que certains efprits, qui s'imaginent qu'ils fçauent en vn iour tout ce qu'vn autre a penfé en vingt années, fi toft qu'il leur en a feulement dit deux ou trois mots, & qui font d'autant plus fuiets a faillir, & moins capables de la verité, qu'ils font plus penetrans & plus vifs, ne puiflent de 20 29 30 10 15 20 25 30 76-77. Discours DE LA METHODE. 77 la prendre occafion de baftir quelque Philofophie ex- trauagante fur ce qu'ils croyront eftre mes principes, & qu'on m'en attribue la faute. Car, pour les opinions qui font toutes mienes, ie ne les excufe point comme nouuelles, d'autant que, fi on en confidere bien les raifons, ie m'aflure qu'on les trouuera fi fimples, & fi conformes au fens commun, qu'elles fembleront moins extraordinaires, & moins eftranges, qu'aucunes autres qu'on puifle auoir fur mefmes fuiets. Et ie ne me vante point aufly d'eftre le premier Inuenteur d’au- cunes, mais bien, que ie ne les ay iamais receuës, ny pource qu'elles auoient efté dites par d’autres, ny pource qu'elles ne l’auoient point efté, mais feule- ment pource que la raifon me les a perfuadées. Que fi les artifans ne peuuent fi toft executer l'in- uention qui eft expliquée en la Dioptrique, ie ne croy pas qu'on puifle dire, pour cela, qu'elle foit mauuaife : car, d'autant qu'il faut de l’adrefle & de l'habitude, pour faire & pour aiufter les machines que 1'ay def- crites, fans qu il y manque aucune circonftance, ie ne m'eftonnerois pas moins, s'ils rencontroient du pre- mier coup, que fi quelqu vn pouuoit apprendre, en vn iour,aiouer du luth excellemment, par cela feul qu'on luy auroit donné de la tablature qui feroit bonne. Et fi l'efcris en François, qui eft la langue de mon païs, plutoft qu'en Latin, qui eft celle de mes Precepteurs, c'eft a çaufe que r'efpere que ceux qui ne fe feruent que de leur raifon naturelle toute pure, iugeront mieux de mes opinions, que ceux qui ne croyent qu'aux liures anciens. Et pour ceux qui ioignent le bon fens auec l'eftude, lefquels feuls 1e fouhaite pour 78 Œuvres DE DESCARTES. 77-78: mes iuges, ils ne feront point, ie m’affeure, fi partiaux pour le Latin, qu'ils refufent d'entendre mes raifons, pourceque ie les explique en langue vulgaire. Au refte, ie ne veux point parler icy, en particulier, des progrés que 1'ay efperance de faire a l’auenir dans les fciences, ny m'engager enuers le public d'aucune promeffe, que ie ne fois pas afluré d'accomplir ; mais ie diray | feulement que ray refolu de n’employer le tems qui me refte a viure, a autre chofe qu'a tafcher d'acquerir quelque connoïiffance de la Nature, qui foit telle qu’on en puifle tirer des regles pour la Me- decine, plus affurées que celles qu’on a euës iufques a prefent ; et que mon inclination m'efloigne fi fort de toute forte d'autres deffeins, principalement de ceux qui ne fçauroient eftre vtiles aux vns qu'en nui- fant aux autres, que, fi quelques occafions me con- traignoient de m’y employer, ie ne croy point que ie fufle capable d'y reuflir. De quoy ie fais icy vne declaration, que ie fçay bien ne pouuoir feruir a me rendre confiderable dans le monde, mais auffy n'ay ie aucunement enuie de l’eftre; et ie me tiendray toufiours plus obligé a ceux, par la faueur defquels ie 1ouiray fans empefchement de mon loifir, que ie ne ferois a ceux qui m'offriroient les plus honorables emplois de la terre. EAINE 20 25 LR D 0 SMS Ur vi aie CES de de A NA. 2 te MR 20 PA BIO? FRIGYE Difcours Premier. BEA EEV M TERRE Toute la conduite de noftre vie depend de nos fens, entre lefquels celuy de la veüe eftant le plus vniuerfel & le plus noble, il n'y a point de doute que les inuentions qui feruent a augmenter fa puif- fance, ne foyent des plus vtiles qui puiflent eftre. Et il eft malaifé d'en trouuer aucune qui l’augmente dauantage que celle de ces merueilleufes lunettes qui, n'eftant en vfage que depuis peu, nous ont defia découuert de nouueaus aftres dans le ciel, & d'autres nouueaus obiets deflus la terre, en plus grand nombre que ne font ceus que nous y auions veus auparauant : en forte que, portant noftre veüe beau- coup plus loin que n'auoit couftume d'aller l'ima- gination de nos peres, elles femblent nous auoir ouuert le chemin, pour paruenir a vne connoiflance de la Nature beaucoup plus grande & plus parfaite qu'ils ne l'ont eue. Mais, a la honte de nos fciences, cete inuention, fi vtile & fi admirable, n'a premie- Œuvres. I. 11 82 OEUVRES DE DESCARTES. ES rement efté trouuée que par l'experience & la for- tune. Il y a enuiron trente ans, qu vn nommé laques Metius*, de la ville d'Alcmar en Hollande, homme qui n’auoit iamais eftudié, bien qu'il euft vn pere & vn frere qui ont fait profeffion des | mathematiques, mais qui prenoit particulierement plaifir a faire des miroirs & verres bruflans, en compofant mefme l’hy- uer auec de la glace, ainfi que l'experience a monftré qu'on en peut faire, ayant a cete occafion plufeurs verres de diuerfes formes, s'auifa par bonheur de regarder au trauers de deus, dont l'vn eftoit vn peu plus efpais au milieu qu’aus extremités, & l'autre au contraire beaucoup plus efpais aus extremités qu'au milieu, & il les appliqua fi heureufement aus deus bouts d'vn tuyau, que la premiere des lunettes dont nous parlons, en fut compofée. Et c'eft feule- ment fur ce patron, que toutes les autres qu'on a veües depuis ont efté faites, fans que perfonne en- core, que ie fçache, ait fuffifanment determiné les figures que ces verres doiuent auoir. Car, bien qu'il y ait eu depuis quantité de bons efprits, qui ont fort cultiué cete matiere, & ont trouué a fon occafion plufieurs chofes en l’Optique, qui valent mieux que ce que nous en auoient laiflé les anciens, toutefois, a caufe que les inuentions vn peu malayfées n'arri- uent pas a leur dernier degré de perfection du pre- mier coup, il eft encore demeuré aflés de difficultés en celle cy, pour me donner fuiet d’en efcrire. Et d'autant que l'execution des chofes que ie diray, doit dependre de l'induftrie des artifans, qui pour l'ordi- naire n'ont point eftudié, ie tafcheray de me rendre 20 25 30 REA P LMI LL, TT, due) delete 4018 De nié Les VUE ETES ee MA TRY A pan Ga pd rt 10 20 25 30 24 LA DioPprriQue. — Discours I. 83 intelligible a tout le monde, & de ne rien omettre, ny fuppofer, qu'on doiue auoir appris des autres fciences. C'eft pourquoy ie commenceray par l'expli- cation de la lumiere & de fes rayons; puis, ayant fait vne brieue defcription des parties de l'œil, ie diray particulierement en quelle forte fe fait la vifion; & en fuite, | ayant remarqué toutes les chofes qui font capables de la rendre plus parfaite, i’enfeigneray comment elles y peuuent eftre adiouftées par les in- uentions que ie defcriray. Or, n'ayant icy autre occafion de parler de la lu- miere, que pour expliquer comment fes rayons entrent dans l'œil, & comment ils peuuent eftre détournés par les diuers cors qu'ils rencontrent, il neft pas befoin que rentreprene de dire au vray quelle eft fa nature, & ie croy qu'il fuffira que ie me ferue de deus ou trois comparaifons, qui aydent a la conceuoir en la façon qui me femble la plus com- mode, pour expliquer toutes celles de fes proprietés que l'experience nous fait connoiftre, & pour deduire en fuite toutes les autres qui ne peuuent pas fi ayfe- ment eftre remarquées; imitant en cecy les Aftro- nomes, qui, bien que leurs fuppofitions foyent pref- que toutes faufles ou incertaines, toutefois, a caufe qu'elles fe rapportent a diuerfes obferuations qu'ils ont faites, ne laiflent pas d'en tirer plufieurs confe- quences tres vrayes & tres aflurées. Il vous eft bien fans doute arriué quelque fois, en marchant de nuit fans flambeau, par des lieux vn peu difficiles, qu'il falloit vous ayder d'vn bafton pour vous conduire, & vous aués pour lors pü remar- 84 OEuvREs DE DESCARTES. 3-4. quer, que vous fentiés, par l’entremife de ce bafton, les diuers obieéts qui fe rencontroyent autour de vous, & mefme que vous pouuiés diftinguer s'il y auoit des arbres, ou des pierres, ou du fable, ou de l'eau, ou de l'herbe, ou de la boüe, ou quelqu'autre chofe de femblable. Il eft vray que cete forte de fen- timent eft vn peu confufe & obfcure, en ceus qui n'en ont pas vn long vfage; mais confiderés la | en ceus qui, eftant nés aueugles, s'en font feruis toute leur vie, & vous l'y trouuerés fi parfaite & fi exacte, qu'on pourroit quafi dire qu'ils voyent des mains, ou que leur bafton eft l'organe de quelque fixiefme fens, qui leur a efté donné au defaut de la veüe. Et pour tirer vne comparaifon de cecy, ie defire que vous penfiés que la lumiere n'eft autre chofe, dans les corps qu'on nomme lumineux, quvn certain mou- uement, ou vne action fort promte & fort viue, qui pafle vers nos yeux, par l’entremife de l'air & des autres corps tranfparens, en mefme façon que le mouuement ou la refiftence des corps, que rencontre cet aueugle, pañle vers fa main, par l'entremife de fon bafton. Ce qui vous empefchera d'abord de trou- uer eftrange, que cefte lumiere puifle eftendre fes rayons en vn inftant, depuis le foleil iufques a nous : car vous fçaués que l'aétion, dont on meut l'vn des bouts d'vn bafton, doit ainfy pañler en vn inftant iuf- ques a l'autre, & qu'elle y deuroit pafler en mefme forte, encores qu'il y auroit plus de diftance qu'il ny en a, depuis la terre iufques aux cieux. Vous ne trou- uerés pas eftrange non plus, que par fon moyen nous puiflions voir toutes fortes de couleurs; & mefme 20 25 30 1 2 . a fé V d d . x k Pr d'or té à ha dons le Bla ets ont in ne a der rt à. ot id mt bstt h e S RÉ »,ÉL, LS SN 4: | | | : Ë | | | | 20 25 30 #5, La Drorrrique. — Discours ÎI. 8< vous croyrés peuteftre que ces couleurs ne font autre chofe, dans les corps qu'on nomme colorés, que les diuerfes façons, dont ces corps la reçoyuent & la renuoyent contre nos yeux : fi vous confiderés que les differences, qu'vn aueugle remarque entre des arbres, des pierres, de l'eau, & chofes femblables, par l’entremife de fon bafton, ne lui femblent pas moindres que nous font celles qui font entre le rouge, le iaune, le verd, & toutes les autres couleurs; & toutefois que ces differences ne font autre chofe, en tous ces corps, que les diuerfes façons de mou- uoir, ou de refifter aux mouuemens de ce bafñton. En fuite de quoy vous aurés occafion de iuger, qu'il n'eft pas befoin de fuppofer qu’il paffe quelque chofe de materiel depuis les obieéts iufques a nos yeux, pour nous faire voir les couleurs & la lumiere, ny mefme qu'il y ait rien en ces obieëts, qui foit fem- blable aux idées ou aux fentimens que nous en auons : tout de mefme qu'il ne fort rien des corps, que fent vn aueugle, qui doiue pañler le long de fon bafton iufques a fa main, & que la refiftence ou le mouuement de ces corps, qui eft la feule caufe des fentimens qu'il en a, n'eft rien de femblable aux idées qu'il en conçoit. Et par ce moyen voftre efprit fera deliuré de toutes ces petites images voltigeantes par l'air, nommées des e/peces intentionelles, qui trauail- lent tant l'imagination des Philofophes. Mefme vous pourrés ayfement decider la queftion, qui eft entre eux, touchant le lieu d’où vient l'a@ion qui caufe le fentiment de la veüe : car, comme noîftre aueugle peut fentir les corps qui font autour de luy, non feu- * 86 OEuvrEs DE DESCARTES. 5-6. lement par l'action de ces corps, lors qu'ils fe meu- uent contre fon bafton, mais aufly par celle de fa main, lors qu'ils ne font que luy refifter; ainfy faut il auoüer que les obieéts de la veüe peuuent eftre fen- tis, non feulement par le moyen de l’aétion qui, eftant en eux, tend vers les yeux, mais aufly par le moyen de celle qui, eftant dans les yeux, tend vers eux. Toutefois, pour ce que cete action n’eft autre chofe que la lumiere, il faut remarquer qu'il ny a que ceux qui peuuent voir pendant | les tenebres de la nuit, comme les chats, dans les yeux defquels elle fe trouue ; & que, pour l'ordinaire des hommes, ils ne voyent que par l’aétion qui vient des obieëts : car l'experience nous monftre que ces obiects doiuent eftre lumineux ou illuminés pour eftre veus, & non point nos yeux pour les voir. Mais, pour ce qu'il y a grande difference entre le bafton de cet aueugle & l'air ou les autres corps tranfparens, par l’entremife defquels nous voyons; il faut que ie me ferue en- cores icy d'vne autre comparaifon. Voyés vne cuue au temps de vendange, toute pleine de raifins a demi foulés, & dans le fons de laquelle on ait fait vn trou ou deux, comme A & B, par où le vin doux, qu'elle contient, puifle couler. Puis penfés que, n'y ayant point de vuide en la Nature, ainfy que prefque tous les Philofophes auoüent, & neantmoins y ayant plufieurs pores en tous 20 25 30 Lude-duix de 1 s'or crétins Mt LL | | | 15 20 25 30 6-7. LA DiopTrique. — Discours I. 87 les corps que nous aperceuons autour de nous, ainfy que l'experience peut monftrer fort clairement ; il eft neceffaire que ces pores foyent remplis de quelque matiere fort fubtile & fort fluide, qui s’eftende fans interruption depuis les Aftres iufques a nous. Or, cete matiere fubtile eftant comparée auec le vin de cete culue, & les parties moins fluides ou plus grof- fieres, tant de l'air que des autres cors tranfparens, auec les grappes de raifins qui font parmi : vous en- tendrés facilement que, comme les parties de ce vin, qui font par exemple vers C, tendent a defcendre en ligne droite par le trou A, au mefme inftant qu’il eft ouuert, & enfemble par le trou B, & que celles qui font vers D, & vers E, tendent aufly en mefme tems a defcendre par ces deux trous, fans qu'aucune de ces actions foit empefchée par les autres, ny aufly par la refiftence des grappes qui font en cete cuue : nonobftant que ces grappes, eftant foutenües l'vne par l’autre, ne tendent point du tout a defcendre par ces trous À & B, comme le vin, & mefme qu'elles puiflent cependant eftre meües, en plufieurs autres façons, par ceux qui les foulent : ainfy toutes les parties de la matiere fubtile, que touche le cofté du Soleil qui nous regarde, tendent en ligne droite vers nos yeux au mefme inftant qu'ils font ouuers, fans s'empefcher les vnes les autres, & mefme fans eftre empefchées par les parties groflieres des cors tranf- parens, qui font entre deux : foit que ces cors fe meuuent en d'autres façons, comme l'air, qui eft prefque toufiours agité par quelque vent; foit qu'ils foyent fans mouuement, comme peut eftre le verre 88 Œuvres DE DESCARTES. 78. ou le criftal. Et remarqués icy qu'il faut diftinguer entre le mouuement, & l’aétion ou inclination a fe mouuoir. Car on peut fort bien conceuoir que les parties du vin, qui font par exemple vers C, tendent vers B, & enfemble vers A, nonobftant quelles ne puiffent actuellement fe mouuoir vers ces deus coftés en mefme temps; & qu'elles tendent exaétement en ligne droite vers B & vers À, nonobftant qu'elles ne fe puifflent mouuoir fi exactement vers la ligne droite, a caufe des grappes de raifins qui font entre deus : & ainfy, penfant que ce neft pas tant le mouuement, comme l’action des cors lumineus qu'il faut prendre pour leur lumiere, vous deués iuger que les rayons de cete lumiere ne font autre chofe, que les lignes fuiuant lefquelles tend cete ation. En forte qu'il y a vne infinité de tels rayons qui vienent de tous les poins des cors lumineus, vers tous les poins de ceus qu'ils illuminent, ainfy que vous pouués imaginer vne infinité de lignes droites, fuiuant lefquelles les actions, qui vienent de tous les poins de la fuper- ficie du vin CDE, tendent vers A, & vne infinité d'autres, fuiuant lefquelles les aétions, qui vienent de ces mefmes poins, tendent aufly vers B, fans que les vnes empefchent les autres. Au refte, ces rayons doiuent bien eftre ainfy touf- iours imaginés exactement drois, lors qu'ils ne paf- fent que par vn feul cors tranfparent, qui eft par tout efgal a foy-mefme : mais, lors qu'ils rencontrent quelques autres cors, ils font fuiets a eftre détour- nés par eux, ou amortis, en mefme façon que left le mouuement d’vne balle, ou d'vne pierre 1ettée dans 20 2 30 de” EL j'en a Lrud n Area LA, 20 25 30 8-0. LA DiopTRiQue. — Discours I. 89 l'air, par ceux qu'elle rencontre. Car il eft bien ayfé a croire que l'action ou inclination a fe mouuoir, que j'ay dit deuoir eftre prife pour la lumiere, doit fuiure en cecy les mefmes loys que le mouuement. Et afin que iexplique cete troifiefme comparaifon tout au long, confiderés que les corps, qui peuuent ainfy eftre rencontrés par vne balle qui pañle dans l'air, font ou mous, ou durs, ou liquides ; & que, s'ils font mous, ils arreftent & amortiffent tout a fait fon mouuement : comme lors quelle donne contre des toiles, ou du fable, ou de la boüe; au lieu que, s'ils font durs, ils la renuoyent d'vn auftre cofté fans l’ar- refter; & ce, en plufieurs diuerfes façons. Car ou leur fuperficie eft toute efgale & vnie, ou rabotteufe & inefgale ; & derechef, eftant efgale, elle eft ou platte, ou courbée; & eftant inefgale, ou fon inefga- lité ne confifte qu'en ce qu'elle eft compofée de plu- fieurs parties diuerfement courbées, dont chacune eft en foy affés vnie ; ou bien elle confifte, outre cela, en ce quelle a plufieurs diuers angles ou pointes, ou des parties plus dures l'vne que l’autre, ou qui fe meuuent, & ce, auec des varietés qui peuuent eftre imaginées en mille fortes. Et 1l faut remarquer que la bale, outre fon mouuement fimple & ordinaire, qui la porte d'vn lieu en l’autre, en peut encores auoir vn deuxiefme, qui la fait tourner autour de fon centre, & que la viteffe de cetuy cy peut auoir plu- fieurs diuerfes proportions auec celle de l'autre. Or, quand plufieurs bales venant d'vn mefme cofté, ren- contrent vn cors, dont la fuperficie eft toute vnie & efgale, elles fe reflefchiflent efgalement, & en mefme Œuvres. I. 12 90 OŒEuvres DE DESCARTES. 9-10. ordre, en forte que, fi cete fuperficie eft toute plate, elles gardent entre elles la mefme diftance, apres l'auoir rencontrée, quelles auoyent auparauant; & fi elle eft courbée en dedans ou en dehors, elles s’ap- prochent ou s’efloignent en mefme ordre les vnes des autres, plus ou moins, a raifon de cete courbure. Comme vous voyés icy les bales A, B, C, qui, apres auoir rencontré les fuperficies des cors D,E,F, fe re- flefchiflent vers G, H, [. Et fi ces bales |rencontrent vne fuperficie inefgale, comme L ou M, elles fe reflef- chiflent vers diuers coftés, chafcune felon la fituation de l'endroit de cete fuperficie qu’elle touche. Et elles ne changent rien que cela en la façon de leur mou- uement, lors que fon inefgalité ne confifte qu'en ce que fes parties font courbées diuerfement. Mais elle peut aufly confifter en plufeurs autres chofes & faire, par ce moyen, que, fi ces bales n'ont eu auparauant qu'vn fimple mouuement droit, elles en perdent vne partie, & en acquerent au lieu vn circulaire, qui peut auoir diuerfe proportion auec ce qu'elles retienent du droit, felon que la fuperficie du cors qu’elles rencon- trent peut eftre diuerfement difpofée, Ce que ceux PT A, PA sinisiétéé 10 | Ë 20 10 15 20 25 30 1e-11. La Dioprrique. — Discours I. OI qui iouent a la paume efprouuent affés, lors que leur bale rencontre de faux quareaux, ou bien qu'ils la touchent en biaifant de leur raquette, ce qu'ils nom- ment, ce me femble, coupper ou frifer. Enfin, confi- derés que, fi vne bale qui fe meut rencontre obli- quement la fuperficie d'vn cors liquide, par lequel elle puiffe pañler plus ou moins facilement que par celuy d'où elle fort, elle fe détourne & change fon cours | en y entrant : comme, par exemple, fi eftant en l'air au point A, on la poufle vers B, elle va bien en ligne droite de- puis A iufques a B, fi ce n'eft que fa pefanteur ou quelqu'autre caufe par- ticuliere l'en empefche ; mais, eftant au point B où ie fuppofe qu'elle rencontre la fuperficie de l'eau CBE, elle fe dé- tourne & prend fon cours vers I, allant derechef en ligne droite depuis B iufques a I, ainfy qu'il eft ayfé a verifier par l'experience. Or il faut penfer, en mefme façon, qu'il y a des cors qui, eftant rencontrés par les rayons de la lumiere, les amortiflent, & leur oftent toute leur force, a fçauoir ceux qu'on nomme noirs, lefquels n’ont point d'autre couleur que les te- nebres; & quil y en a d’autres qui les font reflefchir, les vns au mefme ordre qu'ils les reçoiuent, a fçauoir ceux qui, ayant leur fuperficie toute polie, peuuent feruir de miroirs tant plats que courbés, & les autres confufement vers plufieurs coftés; & que derechef, 02 OEuvrEs DE DESCARTES. 11-12. entre ceux cy, les vns font reflefchir ces rayons fans aporter aucun autre changement en leur action, a fçauoir ceux qu'on nomme blancs, & les autres y aportent auec cela vn changement femblable a celuy que reçoit le mouuement d'vne balle quand on la frize, a fçauoir ceux qui font rouges, ou iaunes, ou bleus, ou de quelque autre telle couleur. Car ie penfe pouuoir determiner en quoy | confifte la nature de cha- cune de ces couleurs, & le faire voir par experience ; mais cela pañle les bornes de mon fuiet. Et il me fuffit icy de vous auertir que les rayons, qui tombent fur les cors qui font colorés & non polis, fe reflefchiffent ordinairement de tous coftés, encore mefme qu'ils ne vienent que d'vn feul cofté : comme, encores que ceux qui tombent fur la fuperficie du cors blanc AB, ne vienent que du flambeau C, ils ne laif- fent pas de fe reflefchir tel- lement de tous coftés, qu'en quelque lieu qu'on pofe l'œil, comme par exemple vers D, il s'en trouue toufiours plufieurs venans de chafque endroit de cete fuper- ficie AB, qui tendent vers luy. Et mefme, fi l'on fuppofe ce cors fort delié comme vn papier ou vne toile, en forte que le iour pafñle au trauers, encores que l'œil foit d'autre cofté que le flambeau, comme vers E, il ne lairra pas de fe reflefchir vers luy quelques rayons de chacune des parties de ce cors. Enfin, confiderés que les rayons fe détournent aufy, en mefme façon qu'il a efté dit d'vne bale, quand ils rencontrent obliquement la fuperficie d'vn cors tranf- 20 29 30 et a détnuet lue éd oi pa Sidi si à date De, LA TL at PSE CS 20 12-15. La DioprriQue. — Discours II. 93 parent, par lequel ils penetrent plus ou moins faci- lement que par celuy d'où ils vienent, & cete façon de fe détourner s'apelle en eux Refradion. PRESECARREFRACTION. Difcours Second. D'autant que nous aurons befoin cy aprés de fça- uoir exaétement la quantité de cete refraétion, & qu'elle peut affés commodement eftre entendue par la com- paraïfon dont ie viens de me feruir, ie croy qu'il eft a propos que ie tafche icy tout d'vn train de l'expli- quer, & que ie parle premierement de la reflexion, afin d'en rendre l'intelligence d'autant plus ayfée. Penfons donc qu vne bale, eftant pouflée d'A vers B, rencontre, au point B, la fuperficie de la terre CBE, qui, l’empefchant de pañfer outre, eft caufe qu'elle fe détourne ; & voyons vers quel cofté. Mais afin de ne nous embarafler point en de nouuelles difficultés, fup- pofons que la terre eft parfaitement platte & dure, & que la balle va toufiours d’efgale viteffe, tant en defcen- dant qu’en remontant, fans nous enquerir en aucune 04 OEUVRES DE DESCARTES. 13-14. façon de la puifflance qui continue de la mouuoir, apres qu'elle n’eft plus touchée de la raquette, ny confi- derer aucun effe@ de fa pefanteur, ny de fa groffeur, ny de fa figure. Car il n'eft icy queftion d'y regarder de fi prés, &il n'y a aucune | de ces chofes qui ait lieu en l'aétion de la lumiere a laquelle cecy fe doit rap- porter. Seulement faut il remarquer, que la puiflance, telle qu'elle foit, qui fait continuer le mouuement de cete balle, eft differente de celle qui la determine a fe mouuoir pluftoft vers vn cofté que vers vn autre, ainfy qu'il eft tres ayfé a cognoiftre de ce que c'eft la force dont elle 2 efté pouffée par la raquette, de qui depend fon mouuement, & que cete mefme force l'auroit pù faire mouuoir vers tout autre cofté, auffy facilement que vers B, au lieu que c’eft la fituation de cete raquette qui la determine a tendre vers B, & qui auroit pû l'y determiner en mefme façon, encores qu'vne autre force l'auroit meue. Ce qui monftre defia qu'il n'eft pas impoñfible que cete balle foit détour- née par la rencontre de la terre, & ainfy, que la deter- mination qu'elle auoit a tendre vers B foit changée, fans qu'il y ait rien pour cela de changé en Îa force de fon mouuement, puis que ce font deux chofes di- uerfes, & par confequent qu'on ne doit pas imaginer qu'il foit neceffaire qu'elle s’arefte quelque moment au point B auant que de retourner vers F, ainfy que font plufieurs de nos Philofophes ; car, fi fon mouue- ment eftoit vne foix interrompu par cet arreft, il ne fe trouueroit aucune caufe, qui le fift par aprés re- commencer. De plus, il faut remarquer que la deter- mination a fe mouuoir vers quelque cofté peut, aufly 20 25 30 #4 : | rm fps dliebles pis e sie oi M ns UN Cp CUT D OPEN ET IER 20 25 30 14-15. LA Dioprrique. — Discours II. 9$ bien que le mouuement & generalement que toute autre forte de quantité, eftre diuifée entre toutes les parties defquelles on peut imaginer qu'elle eft com- pofée; & qu'on peut ayfement imaginer que celle de la balle qui fe meut d'A vers B eft compofée de deux autres, | dont l’vne la fait defcendre de la ligne AF vers la ligne CE, & l'autre en mefme temps la fait aller de la gauche AC vers la droite FE, en forte que ces deux, iointes en- femble, la conduifent iuf- ques a B fuiuant la ligne droite AB. Eten fuite il eft aylé a entendre, que la rencontre de la terre ne peut empefcher que l'vne de ces deux determinations, & non point l’autre en aucune façon. Car elle doit bien empefcher celle qui faifoit defcendre la balle d’AF vers CE, a caufe qu'elle occupe tout l'efpace qui eft au deflous de CE; mais pourquoy empefcheroit elle l'autre, qui la faifoit auancer vers la main droite, vû quelle ne luy eft aucunement oppolée en ce fens là? Pour trouuer donc iuftement vers quel cofté cete balle doit retourner, defcriuons vn cercle du centre B, qui pañle par le point A, & difons qu'en autant de temps qu'elle aura mis a fe mouuoir depuis A iuf- ques a B, elle doit infalliblement retourner depuis B iufques a quelque point de la circonference de ce cercle, d'autant que tous les points qui font aufly diftans de cetuy cy B qu'en eft A, fe trouuent en cete circonference, & que nous fuppofons le mouue- 96 OEuvres DE DESCARTES. 15-16. ment de cete balle eftre toufiours efgalement vifte. Puis afin de fçauoir precifement auquel de tous les points de cete circonference elle doit retourner, ti- rons trois lignes droites| AC, HB & FE perpendicu- laires fur CE, & en telle forte, qu'il n'y ait ni plus ni moins de diftance entre AC & HB qu'entre HB & FE; & difons, qu'en autant de temps que la bale a mis a s'auancer vers le cofté droit, depuis A, l'vn des poins de la ligne AC, iufques a B, l'vn de ceux de la ligne HB, elle doit aufly s'auancer depuis la ligne HB iufques a quelque point de la ligne FE; car tous les poins de cete ligne FE font autant efloignés de HB en ce fens là, l'vn comme l'autre, & autant que ceux de la ligne AC, & elle eft aufly autant deter- minée a s'auancer vers ce cofté-là, qu'elle a efté aupa- rauant. Or eft il qu'elle ne peut arriuer en mefme tems en quelque point de la ligne FE, & enfemble a quelque point de la circonference du cercle A FD, fi ce n'eft au point D, ou au point F, d'autant qu'il n'y a que ces deux, où elles s'entrecoupent l'vne l'autre; fi bien que, la terre l'empefchant de paffer vers D, il faut conclure qu'elle doit aller infalliblement vers F. Et ainfy vous voyés facilement comment fe fait la re- flexion, a fçauoir felon vn angle toufiours efgal a celuy qu'on nomme l'angle d'incidence. Comme, fi vn rayon, venant du point A, tombe au point B fur la fuperficie du miroir plat CBE, il fe reflef- chift vers F, en forte que l'angle de la reflexion FBE n'eft ne plus ne moins grand que celuy de l'inci- dence ABC. Venons maintenant a la Refraétion. Et premiere- 20 25 PU UT TL NAT OT D'PNE HN r hear totale Sur sn her LA M nn Ù CDR 4 LES 20 25 30 16-17. LA DioPpTrique. — Discours Il. 97 ment fuppolons qu'vne bale, pouflée d'A vers B, ren- contre au point B, non plus la fuperficie de la terre, mais vne toile CBE, qui foit fi foible & deliée que cete bale ait la force de la rompre & de pañler tout au trauers, en per- dantfeulementvne partie de fa vitefle, a fçauoir. par exemple, la | moitié. Or cela pofé, afin de fçauoir quel chemin elle doit fuiure, confiderons de rechef que fon mouuement differe entierement de fa determination a fe mouuoir pluftoft vers vn cofté que vers vn autre, d'où il fuit que leur quan- tité doit eftre examinée feparement. Et confiderons aufly que, des deux parties dont on peut imaginer que cete determination eft compofée, il ny a que celle qui faifoit tendre la bale de haut en bas, qui puifle eftre changée en quelque façon par la ren- contre de la toile; & que, pour celle qui la faifoit tendre vers la main droite, elle doit toufiours de- meurer la mefme qu'elle a efté, a caufe que cete toile ne luy eft aucunement oppofée en ce fens là. Puis, ayant defcrit du centre B le cercle AFD, & tiré a angles droits fur CBE les trois lignes droites AC, HB, FE, en telle forte qu'il y ait deux fois autant de diftance entre FE & HB qu'entre HB & AC, nous verrons que cete bale doit tendre vers le point I. Car, puifqu'elle perd la moitié de fa vitefle, en trauerfant la toile CBE, elle doit employer deux fois autant de Œuvres. I. 15 08 Œuvres DE DESCARTES. 17-18. tems a pafler au deflous, depuis B iufques a quelque point de la circonference du cercle AFD, qu'elle a fait au deflus a venir depuis A iufques a B. Et puis qu'elle ne perd rien du tout de la determination qu'elle auoit a s’auantcer vers le cofté droit, en deux fois autant de tems qu'elle en a mis a pañler depuis la ligne AC iufques a HB, elle doit faire deux fois autant de chemin vers ce mefme cofté, & par confe- quent arriuer a quelque point de la ligne droite FE, au mefme inftant qu'elle arriue aufli a quelque point de la circonference du cercle AFD. Ce qui feroit im- poflible, fi elle n’alloit vers 1, d'autant que c'eft le feul point au-deflous de la toile CBE, où le cercle AFD & la ligne droite FE s'entrecoupent. Penfons maintenant que la bale qui vient d'A vers D, rencontre au point B, non plus vne toile, mais de l'eau, dont la fuperficie CBE luiofte iuftement la moitié de fa vitefle, ainfi que faifoit cete toile. bale doit palier de B en ligne droite, non vers D, mais vers I. Car, premie- rement, il eft certain que la fuperficie de l'eau la doit détourner vers là en mefme façon que la toile, vü qu'elle luy ofte tout autant de fa force, & qu'elle luy eft oppofée en mefme fens. Puis, pour le refte du cors de l’eau qui remplift tout l'efpace qui eft depuis B iufques a I, encores qu'il luy refifte plus 20 25 30 20 25 30 18-10. La Dioprrique. — Discours Il. 99 ou moins que ne faifoit l'air que nous y fuppofñions auparauant, ce neft pas a dire pour cela qu'il doiue plus ou moins la détourner : car il fe peut ouurir, | pour luy faire pañflage, tout aufli facilement vers vn cofté que vers vn autre, au moins fi on fuppofe touf- iours, comme nous faifons, que ny la pefanteur ou legereté de cete bale, ny fa grofleur, ny fa figure, ny aucune autre telle caufe eftrangere ne change fon cours. Et on peut icy remarquer, qu'elle eft d'autant plus détournee par la fuperficie de l'eau ou de la toile, qu elle la rencontre plus obliquement, en forte que, fi elle la rencontre a angles droits, comme lors qu'elle eft pouflée d'H vers B, elle doit pañler outre en ligne droite vers G, fans aucunement fe détourner. Mais fi elle eft pouffée fuiuant vne ligne comme AB, qui foit fi fort in- clinée fur la fuperficie de l'eau ou de la toile CBE, que la ligne FE, eftant tirée comme tantoft, ne coupe point le cercle AD, cete bale ne doit aucunement la penetrer, mais relaillir de fa fuperficie B vers l'air E, tout de mefme que fi elle y audit rencontré de la terre. Ce quon a quelquefois experimenté auec regret, lorfque, faifant tirer pour plaifir des pieces d'Artillerie vers le fons d’vne riuiere, on a bleffé ceux qui eftoyent de l’autre cofté fur le riuage. Mais faifons encore icy vne autre fuppofition, & penfons que la bale, ayant efté premierement pouflée d'A vers B, eft pouflée derechef, eftant au point B, 100 OEuvres DE DESCARTES. 19-21. par la raquette CBE, qui augmente la force de fon mouuement, par exemple, d'vn tiers, en forte qu'elle puifle | faire, par aprés, autant de chemin en deux mo- mens, qu'elle en faifoiten trois auparauant.Ce quifera le mefme effe@, que fi elle rencontroit au point B vn cors de telle nature, qu'elle pañlaft au trauers de fa fu- perficie CBE, d'vn tiers plus facilement que par l'air. Et il fuit manifeftement de ce qui a efté defia demonftré, que, fi l'on defcrit le cercle eue Fe AD comme deuant, & les lignes AC, HB, FE, en telle forte qu'il y ait d'vn tiers moins de diftance entre FE & HB qu'entre HB & AC, le point |, où la ligne droite FE & la circulaire AD s'entrecoupent, defignera le lieu vers lequel cete bale, eftant au point B, fe doit détourner. Or on peut prendre aufli le reuers de cete conclu- fion & dire que, puifque la bale qui vient d’A en ligne droite iufques a B, fe détourne eftant au point B, & prend fon cours de là vers I, cela fignifie que la force ou facilité, dont elle entre dans le cors CBEI, ef a celle dont elle fort du cors ACBE, comme la diftance qui eft entre À C & HB, a celle qui eft entre HB & FI, c'eft a dire comme la ligne CB eft a BE. Enfin, d'autant que l’aétion de la lumiere fuit en cecy les mefmes loix que le mouuement de cete bale, il faut dire que, lorfque fes rayons paflent obliquement [d'vn cors tranfparant dans vn autre, qui les reçoit plus ou moins facilement que le premier, ils s'y dé- 20 25 30 LR LL. :- : ge Ex: Pers 4e PR Ye Fee NÉS AS sn res 20 25 30 21-22. La Droprrique. — Discours Il. IOI tournent en telle forte, qu'ils fe trouuent toufiours moins inclinés fur la fuperficie de ces cors, du cofté où eft celuy qui les reçoit le plus ayfement, que du cofté où eft l’autre : & ce, iuftement a proportion de ce qu'il les reçoit plus ayfement que ne fait l'autre. Seulement faut-il prendre garde que cete inclination fe doit mefurer par la quantité des lignes droites, comme CB ou AH, & EB ou IG. & femblables, com- parées les vnes aux autres ; non par celle des angles, tels que font ABH ou GBI, ny beaucoup moins par celle des femblables a DBI, qu'on nomme les angles de Refraction. Car la raifon ou proportion qui eft entre ces angles, varie a toutes les diuerfes inclina- tions des rayons; au lieu que celle qui eft entre les lignes À H & IG ou femblables, demeure la mefme en toutes les refractions qui font caufées par les mefmes cors. Comme, par exemple, s'il pafle vn rayon dans Pair d'A vers B, qui,rencontrantau point B la fuperti- cie du verre CBR, fe détourne vers I dans cewerre ; & = quil en viene vn CCC autre de K vers B, qui fe détourne vers L; & vn autre de P vers R, qui fe détourne vers S; il doit y auoir mefme proportion entre les | lignes KM & LN, ou PQ &ST, qu'entre AH & IG, mais non pas la mefme entre les angles KBM & LBN, ou PRQ & SRT, quentre ABH &IBG. Si bien que vous voyés maintenant en quelle forte * 102 OEUVRES DE DESCARTES. 22-23 fe doiuent mefurer les refraétions ; & encores que, pour determiner leur quantité, en tant qu'elle depend de la nature particuliere des cors où elles fe font, il foit befoin d'en venir a l'experience, on ne laiffe pas de le pouuoir faire aflés certainement & ayfement, depuis qu'elles font ainfi toutes reduites fous vne mefme mefure ; car il fuffit de les examiner en vn feul rayon, pour cognoiftre toutes celles qui fe font en vne mefme fuperficie, & on peut euiter toute erreur, fi on les examine outre cela en quelques autres. Comme, fi nous voulons fçauoir la quantité de celles qui fe font en la fuperficie CBR, qui fepare l'air AK P du verre LIS, nous n'auons qu'a l'efprouuer en celle du rayon AB, en cherchant la proportion qui QE \ eft entre les lignes AH & IG. Puis, fi nous craignons d'a- uoir failli en cete experience, il faut encores l'efprou- uer en quelques autres rayons, comme KBL ou PRS, & trouuant mefme proportion de KM a LN, & de PQ ‘a ST, que d'AH a IG, nous n’aurons plus aucune occafion de douter de la verité. | Mais peuteftre vous eftonnerés vous, en faifant ces experiences, de trouuer que les rayons de la lumiere s'inclinent plus dans l'air que dans l’eau, fur les fu- perficies où fe fait leur refraction, & encores plus dans l'eau que dans le verre, tout au contraire d'vne bale qui s'incline dauantage dans l'eau que dans l'air, N\ 20 25 301 | | x L. | 4 1 Te 20 25 30 23-24. La Dioprrique. — Discours Il. 103 & ne peut aucunement pañler dans le verre.Car, par exemple, fi c'eft vne bale qui, eftant pouffée dans l'air d'A vers B, rencontre au point B la fuperficie de l'eau CBE, elle fe détournera de B vers V; & fi c'eft vn rayon, 1l ira, tout au con-. traite. de B'vers I. Ce que vous ceflerés toutes- fois de trouuer eftrange, fi vous vous fouuenés de la nature que i ay attribuée a la lumiere, quand r'ay dit quelle neftoit autre chofe, qu'vn certain mou- uement ou vne action receuë en vne matiere tres- fubtile, qui remplift les pores des autres cors; & que vous confideriés que, comme vne bale perd da- uantage de fon agitation, en donnant contre vn cors mou, que contre vn qui eft dur, & quelle roule moins ayfement fur vn tapis, que fur vne table toute nuë, ainfi l'aétion de cete matiere fubtile peut beaucoup plus eftre empefchée par les parties de l'air, qui, eftant comme molles & mal iointes, ne luy font pas beaucoup de refiftance, que par celles de l'eau, qui luy en font dauantage ; & encores plus par celles de l'eau, que par celles du verre, ou du criftal. | En forte que, d'autant que les petites parties d'vn cors tranfparant font plus dures & plus fermes, d'autant laiflent elles pañler la lumiere plus ayfement : car cete lumiere n'en doit pas chafler aucunes hors de leurs places, ainfi qu'vne bale en doit chaffer de celles de l’eau, pour trouuer pañlage parmy elles. Au refte, fçachant ainfi la caufe des refraétions qui 104 OŒEuvres DE DESCARTES. 24-25. fe font dans l'eau & dans le verre, & communement en tous les autres cors tranfparans qui font autour de nous, on peut remarquer qu'elles y doiuenteftre toutes femblables, quand les rayons fortent de ces cors, & quand ils y entrent. Comme, fi le rayon qui vient d'A vers B, fe dé- tourne de B vers I, en pañlant de l'air dans le verre, celuy qui reuiendra dI vers B, doit aufi fe détourner de B vers A. Toutesfois il fe peut trouuer d'autres cors, principalement dans le ciel, où les refra@tions, procedant d'autres caufes, ne font pas ainfi reciproques. Et il fe peut aufly trouuer certains cas, aufquels les rayons fe doiuent courber, encores qu'ils ne pañlent que par vn feul cors tranf- parant, ainfi que fe courbe fouuent le mouuement d'vne bale, pource qu'elle eft détournée vers vn cofté par fa pefanteur, & vers vn autre par l’action dont on l'a pouflée, ou pour diuerfes autres raifons. Car en- fin i'ofe dire que les trois comparaifons, dont ie viens de me feruir, font fi propres, que toutes les particu- larités qui s'y peuuent remarquer, fe raportent a quelques autres qui fe trouuent toutes femblables en la lumiere; mais ie n’ay tafché que d'expliquer celles qui faifoient le plus a mon fuiet. Et ie ne vous veux plus faire icy confiderer autre chofe, finon que les fuperficies des cors tranfparens qui font courbées, détournent les rayons qui paflent par chacun de leurs 20 25 30 % cui cdi D zapin ds didier tes danran Coin it cn née nb l dé à Sie sic en tait CARS te se sale, Lion dif 25-26. La Dioprrique. — Discours III. 10$ poins, en mefme forte que feroient les fuperficies plattes, qu'on peut imaginer toucher ces cors aux mefmes poins. Comme, par exemple, la refraétion des rayons AB, AC, AD, qui, venans du flambeau A, 5 tombent fur la fuperficie courbe de la boule de crif- tal BCD, doit eftre confide- rée en mefme forte, que fi 10 AB tomboit fur la fuperfi- cie plate EBF, & AC fur GCH, et AD fur IDK, & ainfi des autres. D'où vous voyés que ces rayons fe peuuent affembler 15 ouefcarter diuerfement, felon qu'ils tombent fur des fuperficies qui font courbées diuerfement. Et il eft temps que ie commence a vous defcrire quelle eft la fructure de l'œil, afin de vous pouuoir faire entendre comment les rayons, qui entrent dedans, s'y dif- 20 pofent pour caufer le fentiment de la veuë.| DIET L'OËLE Difcours Troifiefme.. S'il eftoit poffible de couper l'œil par la moitié, fans que les liqueurs dont il eft rempli s'efcoulaffent, ni 25 qu'aucune de fes parties changeaft de place, & que le Œuvres. I. 14 106 OEUVRES DE DESCARTES. ÉRor plan de la feétion paffaft iuftement par le milieu de la prunelle, il paroiftroit tel qu'il eft reprefenté en cete figure. ABCB eft vne peau affés dure & efpaiffe, qui compofe comme vn vaze rond dans lequel toutes fes parties in- terieures font contenues. DEF eft vne autre peau deliée, qui eft tendue ainfi qu'vne tapiferie au dedans de la precedente. ZH eft le nerf nommé optique, qui eft compofé d'vn grand nombre de petits filets, dont les extre- mités s'eftendent en tout l'efpace GHI, où, fe meflant auec vnein- finité de petites veines & ar- teres, elles compofent vne efpece de chair extremement tendre & delicate, laquelle eft comme vne troifiefme peau, qui couure tout le fons de la feconde.K,L,M font trois fortes de glaires ou humeurs fort tranfparentes, qui rempliffent tout l’efpace contenu au dedans de ces peaux, & ont chacune la figure, en laquelle vous la voyés icy reprefentée. Et l'experience monftre que celle du milieu, L, qu'on nomme l'humeur criftaline, caufe a peu prés mefme refraétion que le verre ou le criftal ; & que les deux autres, K&M, la caufent vn peu moindre, enuiron comme l'eau commune, en forte que les rayons de la lumiere paflent plus facilement par celle du milieu que par les deux autres, & encores plus facilement par ces deux que par l'air. En la pre- miere peau, la partie BCB eft tranfparente, & vn peu plus voutée que le refte BA B. En la feconde, la fuper- 10 15 20 25 30 20 25 30 27-28. La Droprrique. — Discours Ill. 107 ficie interieure de la partie EF, qui regarde le fons de l'œil, eft toute noire & obfcure; & elle a au milieu vn petit trou rond FF, qui eft ce qu'on nomme la pru- nelle, & qui paroïft fi noir au milieu de l'œil, quand on le regarde par dehors. Ce trou n'eft pas toufours de mefme grandeur, & la partie EF de la peau en la- quelle il eft, nageant librement en l'humeur K, qui eft fort liquide, femble eftre comme vn petit mufcle, qui fe peut eftrecir & eflargir a mefure qu'on regarde des obiets plus ou moins proches, ou plus ou moins ef- clairés, ou qu'on les veut voir plus ou moins diftincte- ment. Et vous pourrés voir facilement l'experience de tout cecy en l'œil d'vn enfant; car fi vous luy faites regarder fixement vn obiet proche, vous verrés que fa prunelle deuiendra vn peu plus petite que fi vous luy en faites regarder vn plus efloigné, qui ne foit point auec cela plus efclairé. Et derechef, qu'encores qu il regarde toufiours le mefme obiet, 1l l'aura beau- coup plus petite, eftant en vne chambre fort claire, que fi, en fermant la plufpart des feneftres, on la rend fort obfcure. Et enfin que, demeurant au mefme iour, & regardant le mefme obiet, | s’il tafche d'en diftin- guer les moindres parties, fa prunelle fera plus petite, que s'il ne le confidere que tout entier, & fans atten- tion. Et notés que ce mouuement doit eftre appelé volontaire, nonobftant qu'il foit ordinairement ignoré de ceux qui le font, car il ne laiffe pas pour cela d'eftre dependant & de fuiure de la volonté qu'ils ont de bien voir; ainfi que les mouuemens des leures & de la langue, qui feruent a prononcer les paroles, fe nomment volontaires, a caufe qu'ils fuiuent de la vo- 108 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 28-20. lonté qu'on a de parler, nonobftant qu'on ignore fou- uent quels ils doiuent eftre pour feruir a la pronon- ciation de chaque lettre. EN, EN font plufieurs petits filets noirs, qui embraffent tout autour l'humeur mar- quée L, & qui, naiffans auffi de la feconde peau, en l'endroit où la troifiefme fe termine, femblent autant de petits tendons, par le moyen defquels cete hu- meur L, deuenant tantoft plus voutée, tantoft plus platte, felon l'intention qu'on a de regarder des obiets proches ou efloignés, change vn peu toute la figure du cors de l'œil. Et vous pouués cognoiftre ce mou- uement par experience : car fi, lors que vous regardés fixement vne tour ou vne montaigne vn peu efloignée, on prefente vn liure deuant vos yeux, vous n’y pour- rés voir diftinétement aucune lettre, iufques a ce que leur figure foit vn peu changée. Enfin O, © font fix ou | fept mufcles attachés a l'œil par dehors, qui le peuuent mouuoir de tous coftés, & mefme aufli, peut- eftre, en le preffant ou retirant, ayder a changer fa figure. le laifle a deffein plufeurs autres particula- rités qui fe remarquent en cete matiere, & dont les Anatomiftes grofliflent leurs liures; car ie croy que celles que ray mifes icy, fufiront pour expliquer tout ce qui fert a mon fuiet, & que les autres que 1 y pour- rois adioufter, n'aydant en rien voftre intelligence, ne feroyent que diuertir voftre attention. 15 20 25 15 20 29-30. LA DioprTrique. — Discours IV. 109 DES SENS EN GENERAL. Difcours Quatriefme. Mais il faut que ie vous die maintenant quelque chofe de la nature des fens en general, afin de pouuoir d'autant plus ayfement expliquer en particulier celuy de la veuë. On fçait defia affés que c’eft l'ame qui fent, & non le cors : car on voit que, lorfqu'’elle eft diuertie par vne extafe où forte contemplation, tout le cors demeure fans fentiment, encores qu'il ait di- uers obiects qui le touchent. Et on fçait que ce n'eft pas proprement en tant quelle eft dans les membres qui feruent d'organes aux fens exterieurs, qu'elle fent, mais en tant qu'elle eft dans le cerueau, où elle exerce cete faculté qu'ils apellent le fens commun : car on voit des bleffures & maladies qui, n'offenfant que le cerueau feul, empefchent generalement tous les fens, encores que le refte du cors ne laiffe point pour cela d’eftre animé. Enfin on fçait que c'eft par l'entremife des Nerfs, que les impreflions, que font les obiets dans les membres exterieurs, paruienent iufques a l'ame dans le cerueau : car on voit diuers accidens, qui, ne nuifant a rien qu'a quelque Nerf, oftent le fen- timent de toutes les parties du cors où ce Nerf en- uoye fes branches, fans rien diminuer de celuy des autres. Mais, pour fçauoir plus particulierement en quelle forte l’ame, demeurant dans le cerueau, peut 110 OŒEuvres DE DESCARTES. 2023 14 ainfi, par l'entremife des Nerfs,receuoir les imprefñons des obiets qui font au dehors, il faut diftinguer trois chofes en ces Nerfs: a fçauoir, premierement, les peaux qui les enuelopent, & qui, prenant leur origine de celles qui enuelopent le cerueau, font comme de petits tuyaux diuifés en plufieurs branches, qui fe vont ef- pandre ça & là par tous les membres, en mefme façon que les venes & les arteres; puis leur fubflance inte- rieure, qui s'eftend en forme de petits filets tout lelong de ces tuyaux, depuis le cerueau, d'où elle prend fon origine, iufques aux extremités des autres membres, où elle s'attache, en forte qu'on peut imaginer, en chacun de ces petits tuyaux, plufieurs de ces petits filets independans les vns des autres; puis enfin les efprits animaux, qui font comme vn air ou vn vent tres-fubtil, qui, venant des chambres ou concauités qui font dans le cerueau, s'efcoule par ces mefmes tuyaux dans les mufcles. Or les Anatomiftes & Me- decins auoüent aflés que ces trois chofes fe trouuent dans les Nerfs; mais il ne me femble point qu'aucun d'eux en ait encores bien diftingué les vfages. Car, voyant que les Nerfs ne feruent pas feulement a donner le fentiment aux membres, mais | auffi a les mouuoir, & qu'il y a quelquefois des paralyfies qui oftent le mouuement, fans ofter pour cela le fenti- ment, tantoft ils ont dit qu'il y auoit deux fortes de Nerfs, dont les vns ne feruoyent que pour les fens, & les autres que pour les mouuemens; & tantoft, que la faculté de fentir eftoit dans les peaux ou membranes, & que celle de mouuoir eftoit dans la fubftance inte- rieure des Nerfs : qui font chofes fort repugnantes a 20 29 30 on 15 20 25 30 31-32. LA Droprrique. — Discours IV. TT l'experience & a la raifon. Car qui a iamais pü remar- quer aucun Nerf, qui feruift au mouuement, fans fer- uir aufli a quelque fens? Et comment, fi c'eftoit des peaux que le fentiment dependif, les diuerfes impref- fions des obiets pourroyent elles, par le moyen de ces peaux, paruenir iufques au cerueau ? Afin donc d’euiter ces difficultés, il faut penfer que ce font les efprits, qui, coulans par les Nerfs dans les Mufcles, & les en- flans plus ou moins, tantoft les vns, tantoft les autres, felon les diuerfes façons que le cerueau les diftribue, caufent le mouuement de tous les membres; & que ce font les petits filets, dont la fubftance interieure de ces Nerfs eft compofée, qui feruent aus fens. Et d'au- tant que ie n'ay point icy befoin de parler des mouue- mens, ie defire feulement que vous conceuiés que ces petits filets, eftant enfermés, comme ray dit, en des tuyaux qui font toufiours enflés & tenus ouuers par les efprits qu'ils contienent, ne fe preffent ny empefchent aucunement les vns les autres, & font eftendus depuis le cerueau iufques aux extremités de tous les membres qui font capables de quelque fentiment, en telle forte que, pour peu qu'on touche & face mouuoir l'endroit de ces membres où quelqu'vn d'eux eft attaché, | on fait auffi mouuoir au mefme inftant l'endroit du cer- ueau d'où il vient, ainfi que, tirant l'vn des bouts d'vne corde qui eft toute tendue, on fait mouuoir au mefme inftant l'autre bout. Car, fçachant que ces filets font ainfi enfermés en des tuyaux, que les efprits tienent toufiours vn peu enflés & entre ouuerts, il eft ayfé a entendre qu'encores qu'ils fuflent beaucoup plus de- liés que ceux que filent les vers a foye, & plus foibles 112 Œuvres DE DESCARTES. 32-33. que ceux des araignées, ils ne lairroyent pas de fe pouuoir eftendre depuis la tefte iufques aux membres les plus efloignés, fans eftre en aucun hafard de fe rompre, ny que les diuerfes fituations de ces membres empefchaflent leurs mouuemens. Il faut, outre cela, prendre garde a ne pas fuppofer que, pour fentir, l’ame ait befoin de contempler quelques images qui foyent enuoyées par les obieéts iufques au cerueau, ainfi que font communement nos Philofophes; ou, du moins, il faut conceuoir la nature de ces images tout autrement qu'ils ne font. Car, d'autant qu'ils ne confi- derent en elles autre chofe, finon qu'elles doiuent auoir de la refemblance auec les obietts qu'elles re- prefentent, il leur eft impoñlible de nous monftrer comment elles peuuent eftre formées par ces obie&s, & receues par les organes des fens exterieurs, & tranf- mifes par les Nerfs iufques au cerueau. Et ils n'ont eu aucune raifon de les fuppofer, finon que, voyant que noftre penfée peut facilement eftre excitée, par vn ta- bleau, a conceuoir l'obie@ qui y eft peint, il leur a femblé qu'elle deuoit l'eftre, en mefme façon, a con- ceuoir ceux qui touchent nos fens, par quelques petits tableaux qui s'en formaffent en noftre | tefte, au lieu que nous deuons confiderer qu'il y a plufieurs autres chofes que des images, qui peuuent exciter noftre penfée; comme, par exemple, les fignes & les paroles, qui ne refemblent en aucune façon aux chofes qu'elles fignifient. Et fi, pour ne nous efloigner que le moins qu'il eft poffible des opinions defia receues, nous aymons mieux auoüer que les obiets que nous fen- tons, enuoyent veritablement leurs images iufques au 20 29 30 33-34. La Dioprrique. — Discours IV. 113 dedans de noftre cerueau, il faut au moins que nous remarquions qu'il ny a aucunes images qui doiuent en tout refembler aux obiets qu'elles reprefentent :car autrement il n'y auroit point de diftinétion entre l'obiet & fon image : mais qu'il fuffift qu'elles leur refemblent en peu de chofes; & fouuent mefme, que leur perfec- tion depend de ce qu’elles ne leur refemblent pas tant qu'elles pourroyent faire. Comme vous voyés que les taille-douces, n’eftant faites que d'vn peu d'encre pofée ça & là fur du papier, nous reprefentent des forets, des villes, des hommes, & mefme des batailles & des tempeftes, bien que, d'vne infinité de diuerfes qualités qu'elles nous font conceuoir en ces obiets, il ny en ait aucune que la figure feule dont elles ayent pro- prement la refemblance; & encores efl-ce vne refem- blance fort imparfaite, vù que, fur vne fuperficie toute plate, elles nous reprefentent des cors diuerfement releués & enfoncés, & que mefme, fuiuant les regles de la perfpectiue, fouuent elles reprefentent mieux des cercles par des ouales que par d'autres cercles; & des quarrés par des lozanges que par d'autres quarrés ; & ainfi de toutes les autres figures : en forte que fouuent, pour eftre plus | parfaites en qualité d'images, & reprefenter mieux vn obiect, elles doiuent ne luy pas refembler.Or il faut que nous penfions tout le mefme des images qui fe forment en noftre cer- ueau, & que nous remarquions qu'il eft feulement queftion de fçauoir comment elles peuuent donner moyen a l'ame de fentir toutes les diuerfes qualités des obiets aufquels elles fe raportent, & non point comment elles ont en foy leur refemblance. Comme, Œuvres. I. 15 114 OŒEuvres DE DESCARTES 34-35. lors que l'aueugle, dont nous auons parlé cy deffus, touche quelques cors de fon bafton, il eft certain que ces cors n'enuoyent autre chofe iufques a luy, finon que, faifant mouuoir diuerfement fon bafton felon les diuerfes qualités qui font en eux, ils meuuent par mefme moyen les nerfs de fa main, & enfuite les en- droits de fon cerueau d'où vienent ces nerfs; ce qui donne occafion a fon ame de fentir tout autant de diuerfes qualités en ces cors, qu'il fe trouue de varietés dans les mouuemens qui font caufés par eux en fon cerueau. |DES IMAGES QVI SE FORMENT SUR:LE FONDS'DE TL'OËIE Difcours Cinquiefme. Vous voyés donc affés que, pour fentir, l'ame n’a pas befoin de contempler aucunes images qui foyent femblables aux chofes qu’elle fent; mais cela n’em- pefche pas qu'il ne foit vray que les obiets que-nous regardons, en impriment d'aflés parfaites dans le fonds de nos yeux ; ainfi que quelques vns ont defa tres-ingenieufement expliqué, par la comparaifon de celles qui paroïflent dans vne chambre, lors que l'ayant toute fermée, referué vn feul trou, & ayant mis au deuant de ce trou vn verre en forme de len- 20 20 25 30 35-37. LA Droprrique. — Discours V. I1$ tille, on eftend derriere, a certaine diftance, vn linge blanc, fur qui la lumiere, qui vient des obiets de dehors, forme ces images. Car ils difent que cete chambre reprefente l'œil; ce trou, la prunelle; ce verre, l'humeur criftaline, ou pluftoft toutes celles des parties de l'œil qui caufent quelque refraétion ; & ce linge, la peau interieure, qui eft compofée des extremités du nerf optique. Mais vous en pourrés eftre encores plus certain, fi, prenant l'œil d'vn homme fraifchement mort, ou, au de- faut, celuy d'vn bœuf ou de quelqu'autre gros animal, vous coupés dextrement vers le fonds les trois peaux qui l'enuelopent, en forte qu'vne grande partie de l'humeur M, qui y eft, demeure découuerte, fans qu'il |y ait rien d'elle pour cela qui fe refpende; puis, l'ayant recouuerte de quelque cors blanc, qui foit fi delié que le iour pañfe au trauers, comme, par exemple, d'vn morceau de papier ou de la coquille d'vn œuf, RST, que vous mettiés cet œil dans le trou d'vne feneftre fait exprés, comme Z, en forte qu'il ait le deuant, BCD, tourné vers quelque lieu où il y ait diuers ob- iets, comme V,X, Y, efclairés par le foleil; & le der- riere, où eft le cors blanc RST, vers le dedans de la chambre, P, où vous ferés, & en laquelle il ne doit entrer aucune lumiere, que celle qui pourra penetrer au trauers de cet œil, dont vous fçaués que toutes les parties, depuis C iufques a S, font tranfparentes. Car, cela fait, fi vous regardés fur ce cors blanc RST, vous y verrés, non peuteftre fans admiration & plaifir, vne peinture, qui reprefentera fort naïuement en per- fpeétiue tous les obiets qui feront au dehors vers 116 OŒEuvREs DE DESCARTES. 37. VXY, au moins fi vous faites en forte que cet œil 12 711 Fig. p. 36. © . , TS ‘ L LU . 4 +4" s. ,. Ace 1 0 Eu ue DRE TK CA Sy OIe diese sue ne ne sis CR . Cr sAale s'ne mesure . SL AT s'tote CMS . * PACE ; . . Er e ° . , . : ° È . LT « CS Tr LOS AIS . . où dot ‘à . 19", AP RUILS : RS PER TES] L'e Ë SUR el: : . CHU OEET] retiene fa figure naturelle, proportionnée a la diftance 37-38. La DiopTRiQuE. — Discours V. 117 de ces obiets : car, pour peu que vous le prefliés plus ou moins que de raifon, cete peinture en deuiendra moins diftinéte. Et il eft a remarquer qu'on doit le prefler vn peu dauantage, & rendre fa figure vn peu plus longue, lors que les obiets font fort proches, que lors qu'ils font plus efloignés. Mais il eft befoin que explique icy plus au long comment fe forme cete peinture; Car le pourray,par mefme moyen, vous faire entendre plufieurs chofes qui apartienent a la vifion. Confiderés donc, premierement, que, de chafque point des obiets V,X, Y, il entre en cet œil autant de |rayons, qui penetrent iufques au cors blanc RST, que l'ouuerture de la prunelle FF en peut com- prendre, & que, fuiuant ce qui a efté dit icy deffus, tant de la nature de la refraétion que de celle des trois humeurs K, L, M, tous ceux de ces rayons, qui vienent d vn mefme point, fe courbent en trauerfant les trois fuperficies BCD, 123 & 456, en la façon qui eft requife pour fe raffembler derechef enuiron vers vn mefme point. Et il faut remarquer qu'afin que la peinture, dont 1l eft icy queftion, foit la plus parfaite qu'il eft poffble, les figures de ces trois fuperficies doiuent eftre telles, que tous les rayons, qui vienent de l’vn des points des obiets, fe raffemblent exacte- ment en l'vn des points du cors blanc RST. Comme vous voyés 1cy que ceux du point X s'aflemblent au point S; en fuite de quoy ceux qui vienent du point V s'aflemblent auffi a peu prés au point R; & ceux du point Ÿ, au point T. Et que, reciproquement, il ne vient aucun rayon vers S, que du point X; ny quañi * 118 OEUVRES DE DESCARTES. 38-40. aucun vers R, que du point V; ny vers T, que du point Y, & ainfi des autres. Or cela pofé, fi vous vous fouuenés de ce qui a eflé dit cy deflus de la lumiere & des couleurs en general, & en particulier des cors blancs, il vous fera facile a entendre, qu'eftant en- fermé dans la chambre P, & iettant vos yeux fur le cors blanc RST, vous y deués voir la refemblance des obiets V,X,Y. Car, premierement, la lumiere, c'eft a dire le mouuement ou l’action dont le foleil, ou quel- qu'autre des cors qu'on nomme lumineux, poufle vne certaine matiere fort fubtile qui fe trouue en tous les cors tranfparents, eftant repouflée vers R par l'obiet V, que ie fuppofe, par exemple, eftre rouge, c'eft a dire eftre difpofé a faire que les petites parties de cete ma- ere fubtile, qui ont eflé feulement pouffées en lignes droites par les cors lumineux, fe meuuent aufli en rond autour de leurs centres, aprés les auoir rencontrés *, & que leurs deux mouuemens ayent entre eux la propor- tion qui eft requife pour faire fentir la couleur rouge ; il eft certain que l’action de ces deux mouuemens, ayant rencontré au point R vn cors blanc, c'eft a dire vn cors difpofé a la renuoyer vers tout autre cofté fans la changer, doit de là fe reflefchir vers vos yeux par les pores de ce cors, que ray fuppofé a cet effect fort delié, & comme percé a iour de tous coftés, & ainfi vous faire voir le point R de couleur rouge. Puis, la lumiere eftant aufli repouffée de l’obiet X, que ie fup- pofe iaune, vers S; & d'Y, que 1e fuppofe bleu, vers T, d'où elle eft portée vers vos yeux; elle vous doit faire paroiftre S de couleur iaune, & T de couleur bleuë. Et ainfi les trois poins R, S, T, paroiflans des 10 15 20 25 30 PTT OL OP TI 40. LA Droprrique. — Discours V. 119 mefmes couleurs, & gardans entre eux le mefme <71 Fig. p. 39. 0) . . . 120 OEUVRES DE DESCARTES. 40-41. refemblance. Et la perfeétion de cette peinture de- pend principalement de trois chofes : a fçauoir de ce que, la prunelle de l'œil ayant quelque grandeur, il y entre plufieurs rayons de chafque point de l’obiet, comme icy XB1485, XC258, XD305, & tout autant d'autres qu'on en puiffe imaginer entre ces trois, y vienent du feul point X; & de ce que ces rayons Rue frent dans l'œil de telles refractions, que ceux qui vienent de diluers poins, fe raflemblent a peu prés en autant d'autres diuers poins fur le cors blanc RST; & enfin de ce que, tant les petits filets EN que le de- dans de la peau EF eftant de couleur noire, & la chambre P toute fermée & obfcure, il ne vient d’ail- leurs que des obiets V,X, Y aucune lumiere qui trouble l'aétion de ces rayons. Car, fi la prunelle eftoit fi eftroite, qu'il ne pañfaft qu'vn feul rayon de chafque point de l'obiet vers chafque point du cors RST, il n'auroit pas aflés de force pour fe reflefchir de là, dans la chambre P, vers vos yeux. Et la prunelle eftant vn peu grande, s'il ne fe faifoit dans l'œil aucune re- fraétion, les rayons qui viendroient de chafque point des obiets, s'efpandroyent ça & là en tout l'efpace RST, en forte que, par exemple, les tr oispoints V,X,Y enuoyeroient trois rayons vers R, qui,fe reflefchiffans de là tous enfemble vers vos yeux, vous feroient pa- roiftre ce point R d'vne couleur moyenne entre le rouge, le jaune & le bleu, & tout femblable aux points S & T, vers lefquels les mefmes points V, X, Y enuoye- roient aufli chacun vn de leurs rayons. Et il arriueroit aufli quafi le mefme, fi la refraction qui fe fait en l'œil eftoit plus ou moins grande qu'elle ne doit, a raifon 20 25 30 D | ; 20 25 30 TT LA DioPpTRIQUE, — Discours V. I21 de la grandeur de cet œil : car, eftant trop grande, les rayons qui viendroient, par exemple, du point X, s'af- fembleroient auant que d’eftre paruenus iufques 48, comme vers M; &, au contraire, eftant trop petite, ils ne s'aflembleroient qu'au delà, comme vers P ; fi bien qu'ils toucheroient le cors blanc RST en plufieurs points, vers lefquels il viendroit auffi d’autres rayons des autres parties de l'obiet. Enfin, fi les cors EN, EF n'eftoyent noirs, c'eft a dire difpofés a faire que la lumiere qui donne de contre s’y amortifle, les rayons qui viendroient vers eux du cors blanc RST, pour- roient de là retourner, ceux de T vers S & vers R; ceux de R, vers T & vers S; & ceux deS, vers R & vers T : au moyen de quoy ils troubleroient l'ation les vns des autres; & le mefme feroyent aufly les rayons qui viendroient de la chambre P vers RST, s'il y auoit quelque autre lumiere en cete chambre, que celle qu y enuoyent les obiets V,X, Y. Mais, aprés vous auoir parlé des perfe&ions de cete peinture, 1l faut aufli que ie vous face confiderer fes defauts, dont le premier & le principal eft que, quelques figures que puiflent auoir les parties de l'œil, 1l eft impofhible qu'elles facent que les rayons qui vienent de diuers poins, s'aflemblent tous en autant d'autres diuers points, & que tout le mieux qu'elles puiffent faire, c'eft feulement que tous ceux qui vienent de quelque point, comme d’X, s'affem- blent en vn autre point, comme S, dans le milieu du fonds de l'œil ; en quel cas il n'y en peut auoir que quelques vns de ceux du point V, qui s’affemblent iuftement au point R, ou du point Y, qui s'aflemblent Œuvres. I. 16 453. OEUVRES DE DESCARTES. 122 iuftement au point T ; & les autres s’en doiuent ef- Fig. p. 43. ST LLEPTTA Ce . &; DA D nt = nt. soon RS 7 2 FPT SR, ae . ERNEREN Sn LA ri Er dir RS 0 a No carter quelque peu, tout a l’entour, ainfi que r'expli- 43-44. La Droprrique. — Discours V 123 queray cy aprés. Et cecy eft caufe que cete peinture n'eft iamais fi diftincte vers fes extremités qu'au mi- lieu, comme il a efté affés remarqué par ceux qui ont efcrit de l'Optique. Car c’eft pour cela qu'ils ont dit que la vifion fe fait principalement fuiuant la ligne droite, qui pañle par les centres de l'humeur crifta- line & de la prunelle, telle qu'eft icy la ligne XKLS, qu'ils nomment l’aiflieu de la vifion. Et notés que les rayons, par exemple, ceux qui vienent du point V, s'efcartent autour du point R, d'autant plus que l’ou- uerture de la prunelle eft plus grande; & ainfi que, fi fa grandeur fert a rendre les couleurs de cete pein- ture plus viues & plus fortes, elle empefche en re- uanche que ces figures ne foyent fi diftinétes, d'où vient qu'elle ne doit eftre que mediocre. Notés aufii que ces rayons s'efcarteroient encores plus autour du point R, qu'ils ne font, fi le point V, d'où ils vienent, eftoit beaucoup plus proche de l'œil, comme vers 10, ou beaucoup plus efloigné, comme vers 11, que n'eft X, a la diftance duquel ie fuppofe que la figure de l'œil eft proportionnée; de forte qu'ils rendroyent la partie R de cete peinture encores moins diftinte qu'ils ne font. Et vous entendrés facilement les de- monftrations de tout cecy, lors que vous aurés vû, cy aprés, quelles figures doiuent auoir les cors tranfpa- rents, pour faire que les rayons qui vienent d'vn point, s'afflemblent en quelqu'autre point, aprés les auoir trauerfés. Pour les autres defauts de cete peinture, ils confiftent en ce que fes parties font renuerfées, c'eft a dire en pofition toute contraire a celle des obiets ; & en ce qu'elles font apetiflées & racourcies, 124 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 44-46. les vnes plus, les autres moins, a raifon de la diuerfe diftance & fituation des chofes qu'elles reprefentent, quafi en mefme façon que dans vn tableau de per- fpetiue. Comme vous voyés icy clairement que T, qui eft vers le cofté gauche, reprefente Y, qui eft vers le droit, & que R, qui eft vers le droit, reprefente V, qui eft vers|le gauche. Et de plus, que la figure de l'obiet V ne doit pas occuper plus d'efpace vers R, que celle de l'obiet 10, qui eft plus petit, mais plus proche ; ny moins que celle de l’obiet 11, qui eft plus grand, mais a proportion plus efloigné, finon en tant qu'elle eft vn peu plus diftincte. Et enfin, que la ligne droite VXY eft reprefentée par la courbe RST. Or, ayant ainfi vû cete peinture dans l'œil d’vn ani- mal mort, & en ayant confideré les raifons, on ne peut douter qu'il ne s'en forme vne toute femblable en celuy d'vn homme vif, fur la peau interieure, en la place de laquelle nous auions fubftitué le cors blanc RST ; & mefme qu'elle ne s'y forme beaucoup mieux, a caufe que fes humeurs, eftant plaines d’efprits, font plus tranfparentes, & ont plus exactement la figure qui eft requife a cet effect. Et peut eftre aufli qu'en l'œil d'vn bœuf la figure de la prunelle, qui neft pas ronde, empefche que cete peinture n'y foit fi parfaite. On ne peut douter non plus que les images qu'on fait paroiftre fur vn linge blanc, dans vne chambre ob- fcure, ne s'y forment tout de mefme & pour la mefme raifon qu'au fonds de l'œil; mefmes, a caufe qu'elles y font ordinairement beaucoup plus grandes, & s'y forment en plus de façons, on y peut plus commo- 20 25 30 Seth rte y LÉ nn gnage Chut A à Aka ET x 46. La Dioprrique. — Discours V. 12$ dement remarquer diuerfes particularités, dont ïe 12 Fig. p. 45. © ’ . AE s. s. te . TO 5" ets QC or n L Miss ù vue LACS . L vu : re Te W) AY RE . R , n sigatie re .. .: Ci . » . . 8 à ° Le e. . « LU L , . = L , À Ce « Cr TER ER Ar Q L 0 . » . AE Eee NONONE CROIS ONE e te RIRE 0 . . ® Q ; CAC: OMS SIC AT 1 8 « , CT TE . DS ONE Q % NEO ou « . c - , . û 5 ve es , eh u ol 2 + ‘ defire icy vous auertir, afin que vous en faciés l’ex- 126 OŒuvres DE DESCARTES. 46-47. perience, fi vous ne l'aués encores iamais faite. Voyés donc, premierement, que, fi on ne met aucun verre au deuant du trou qu'on aura fait en cete chambre, 1l paroiftra bien quelques images fur le linge, pouruû que le trou foit fort eftroit, | mais qui feront fort con- fufes & imparfaites, & qui le feront d'autant plus, que ce trou fera moins eftroit; & qu'elles feront auffi d'au- tant plus grandes, qu'il y aura plus de diftance entre luy & le linge, en forte que leur grandeur doit auoir,a peu prés, mefme proportion auec cete diftance, que la grandeur des obiets, qui les caufent, auec la di- ftance qui eft entre eux & ce mefme trou. Comme il eft euident que, fi ACB eft l'obiet, D Île trou, & EFG l'image, EGeft a FD comme AB eft a!:C D'Eus, ayant mis vn verre en forme de lentille au deuant de ce trou, confiderés qu'il y a certaine diftance determinée, a laquelle tenant le linge, les images paroiffent fort diftin@es, & que, pour peu qu'on l’efloigne ou qu'on l'aproche dauantage du verre, elles commencent a l'eftre moins. Et que cete diftance doit eftre mefurée par l’efpace qui ef, non pas entre le linge & le trou, mais entre le linge & le verre:en forte que, fi l'on met le verre vn peu au delà du trou de part ou d'autre, le linge en doit auffi eftre d'autant aproché ou reculé. Et qu'elle depend en partie de la figure de ce verre, & en partie aufly de l'efloignement des obiets : car,en laiflant l'obiet en mefme lieu, moins les fuperficies -à | ; | ÿ 20 25 30 10 20 25 30 47-48. LA DroprTrique. — Discours V. 127 du verre font courbées, plus le linge en doit eftre efloigné, & en fe feruant du mefme verre, fi les obiets en font fort | proches, il en faut tenir le linge vn peu plus loin, que s’ils en font plus efloignés. Et que de cete diftance depend la grandeur des images, quafi en mefme façon que lors qu'il n'y a point de verre au deuant du trou. Et que ce trou peut eftre beaucoup plus grand, lors qu'on y met vn verre, que lors qu'on le laiffe tout vuide, fans que les images en foyent pour cela de beaucoup moins diftinctes. Et que, plus il eft grand, plus elles paroiffent claires & illuminées : en forte que, fi on couure vne partie de ce verre, elles paroïftront bien plus obfcures qu'auparauant, mais qu'elles ne lairront pas pour cela d'occuper autant d'efpace fur le linge. Et que, plus ces images font grandes & claires, plus elles fe voyent parfaitement : en forte que, fi on pouuoit auf faire vn œil, dont la profondeur fuft fort grande, & la prunelle fort large, & que les figures de celles de fes fuperficies qui cau- fent quelque refraétion, fuffent proportionées a cete grandeur, les images s'y formeroient d'autant plus vifibles. Et que, fi ayant deux ou plufieurs verres en forme de lentilles, mais affés plats, on les ioint l’vn contre l'autre, ils auront a peu prés le mefme effect qu'auroit vn feul, qui feroit autant vouté ou conuexe qu'eux deux enfemble ; car le nombre des fuperficies où fe font les refraétions n'y fait pas grand chofe. Mais que, fi on efloigne ces verres a certaines diftances les vns des autres, le fecond pourra redreffer l'image que le premier aura renuerfée, & le troifiefme la renuerfer derechef, & ainfi de fuite. Qui font toutes chofes dont 128 Œuvres DE DESCARTES. 48-50. les raifons font fort ayfées a deduire de ce que |1'ay dit, & elles feront bien plus voftres, s'il vous faut vfer d'vn peu de reflexion pour les conceuoir, que fi vous les trouuiés icy mieux expliquées. Au refte, les images des obiets ne fe forment pas > 4 * x ÿ feulement ainfi au fonds de l'œil, mais elles pañlent encores au delà iufques au cerueau, comme vous en- tendrés facilement, fi vous penfés que, par exemple, les rayons qui|vienent dans l'œil de l’obiet V, tou- chent au point R l’extremité de l’vn des petits filets 10 15 20 25 Fo: LA Dioprrique. — Discours V. 129 du nerf optique, qui prend fon origine de l'endroit 7 de la fuperficie interieure du cerueau 789; & ceux de l'obiet X touchent au point S l'extremité d'vn autre de ces filets, dont le commencement eft au point 8; & ceux de l'obiet Ÿ en touchent vn autre au point T, qui refpond a l'endroit du cerueau marqué 0, & ainfi des autres. Et que, la lumiere n’eftant autre chofe qu'vn mouuement, ou vne action qui tend a caufer quelque mouuement, ceux de fes rayons qui vienent d'V vers R, ont la force de mouuoir tout le filet R 7, & par con- fequent l'endroit du cerueau marqué 7; & ceux qui vienent d'X vers S, de mouuoir tout le nerf S 8, & mefme de le mouuoir d'autre façon que n'eft meu R 7, a caufe que les obiets X & V font de deux di- uerfes couleurs; & ainfi,que ceux qui vienent d'Y, meu- uent le point 9. D'où il eft manifefte qu'il fe forme derechef vne peinture 789, aflés femblable aux obiets V,X, Y, en la fuperficie interieure du cerueau qui re- garde fes concauités. Et de là ie pourois encores la tranfporter iufques a vne certaine petite glande, qui fe trouue enuiron le milieu de ces concauités, & eft proprement le fiege du fens commun. Mefme ie pou- rois,encores plus outre, vous monftrer comment quel- quefois elle peut pañfer de là par les arteres d'vne femme enceinte, iufques a quelque membre deter- miné de l'enfant qu'elle porte en fes entrailles, & y former ces marques d'enuie, qui caufent tant d’ad- miration a tous les Doctes.! Œuvres. I. 17 130 OŒEuvres DE DESCARTES. 7e DE 2 PAMMISION. Difcours Sixiefme. Or, encores que cete peinture, en pañlant ainfi iufques au dedans de noftre tefte, retiene toufiours quelque chofe de la refemblance des obiets dont elle procede, il ne fe faut point toutesfois perfuader, ainfi que ie vous ay defia tantoft aflés fait entendre, que ce foit par le moyen de cete refemblance qu'elle face que nous les fentons, comme s'ii y auoit derechef d'autres yeux en noftre cerueau, auec lefquels nous la puflions aperceuoir; mais pluftoft, que ce font les mouuemens par lefquels elle eft compofée, qui, agif- fans immediatement contre noftre ame, d'autant qu'elle eft vnie a noftre cors, font infutués de la Nature pour luy faire auoir de tels fentimens. Ce que ie vous veux icy expliquer plus en detail. Toutes les qualités que nous aperceuons dans les obiets de la veuë, peuuent eftre reduites a fix principales, qui font : la lumiere, la couleur, la fituation, la diftance, la grandeur, & la figure. Et premierement, touchant la lumiere & la couleur, qui feules apartienent pro- prement au fens de la veue, il faut penfer que nofître ame eft de telle nature, que la force des mouuemens, qui fe trouuent dans les endroits du cerueau d'où vienent les petits filets des nerfs optiques, luy fait auoir le fentiment de la lumiere ; & la façon de ces 20 25 10 20 25 30 * 51-52. LA DioprTrique. — Discoürs VI. 131 mouuemens, celuy de la couleur : ainfi que les mou- uemens des nerfs qui refpondent aux oreilles, luy font ouir les fons; & ceux | des nerfs de la langue luy font goufter les faueurs ; &, generalement, ceux des nerfs de tout le cors luy font fentir quelque cha- touillement, quand ils font moderés, & quand ils font trop violents, quelque douleur; fans qu'il doiue, en tout cela, y auoir aucune refemblance entre les idées qu'elle conçoit, & les mouuemens qui caufent ces idées. Ce que vous croirés facilement, fi vous remar- qués qu'il femble a ceux qui recoiuent quelque blef- fure dans l'œil, qu'ils voyent vne infinité de feux & d'efclairs deuant eux, nonobftant qu'ils ferment les yeux, ou bien qu'ils foyent en lieu fort obfeur ; en forte que ce fentiment ne peut eftre attribué qu'a la feule force du coup, laquelle meut les petits filets du nerf optique, ainfi que feroit vne violente lumiere ; & cete mefme force, touchant les oreilles, pourroit faire ouir quelque fon; & touchant le cors en d'autres parties, y faire fentir de la douleur. Et cecy fe con- firme aufly de ce que, fi quelquefois on force fes yeux a regarder le foleil, ou quelqu'autre lumiere fort viue, ils en retienent, aprés vn peu de temps, l'impreflion en telle forte que, nonobftant mefme qu'on les tiene fermés, il femble qu'on voye diuerfes couleurs, qui fe changent & pañlent de l'vne a l’autre, a mefure quelles s’affoibliffent : car cela ne peut proceder que de ce que les petits filets du nerfop- tique, ayant efté meus extraordinairement fort, ne fe peuuent arrefter fitoft que de couftume. Mais l'agi- tation, qui eft encores en eux aprés que les yeux font he LS 5 DS SD EE 132 OEUVRES DE DESCARTES. 52-53. fermés, n'eftant plus aflés grande pour reprefenter cete forte lumiere qui l’a caufée, reprefente des couleurs moins viues. Et ces couleurs fe changent en s'affoibliffant, ce qui monfire que leur nature ne confifte qu'en la diuerfité du mouuement, & neft point autre que ie l'ay cy deflus fuppofée. Et enfin cecy fe manifefte de ce que les couleurs paroïffent fouuent en des cors tranfparens, où il eft certain qu'il n'y a rien qui les puiffe caufer, que les diuerfes façons dont les rayons de la lumiere y font receus, comme lors que l'arc-en-ciel paroift dans les nuës, & encores plus clairement, lors qu'on en voit la re- femblance dans vn verre qui eft taillé a plufeurs faces. Mais il faut icy particulierement confiderer en quoy confifte la quantité de la lumiere qui fe voit, c'eft a dire, de la force dont eft meu chacun des pe- tits filets du nerf optique : car elle n'eft pas toufiours efgale a la lumiere qui eft dans les obiets, mais elle varie a raifon de leur diflance & de la grandeur de la prunelle, & auffy a raifon de l'efpace que les rayons, qui vienent de chafque point de l'obiet, peuuent occuper au fonds de l'œil. Comme, par exemple, il eft manifefte que le point X enuoyeroit plus de rayons dans l'œil B qu'il ne fait, fi la pru- nelle FF eftoit ouuerte iufques a G; & qu'il en en- uoye tout autant en cet œil B qui eft proche de luy, & dont la prunelle eft fort eftroitte, qu'il fait en l'œil À, dont la prunelle eft beaucoup plus grande, mais qui eft a proportion plus efloigné. Et encores qu'il n'entre pas plus de rayons des diuers points de l'ob- 20 25 30 53-55. La Dioprrique. — Discours VI. 133 iet VXY, confiderés tous enfemble, dans le fonds de l'œil À que dans celuy de l'œil B, toutesfois, pour ce que ces rayons ne s'y eftendent qu’en l’efpace TR, qui eft plus petit que n’eft HI, dans lequel ils s'eften- dent au fonds de l'œil B, ils y doiluent agir auec plus de force contre chacune des extremités du nerf op- tique qu'ils y touchent : ce qui eft fort aifé a calculer. Car, fi, par exemple, l'efpace HI eft qua- druple de TR, & qu'il contiene les ex- tremités de quatre mille des petits filets du nerf optique, TR ne contiendra que celles de mille, & par confequent cha- cun de ces petits filets fera meu, dans le fonds de l'œil A, par la milliefme partie des forces qu'ont tous les rayons qui y entrent, iointes enfemble, &, dans le fonds de l'œil B, par le quart de la mil- liefme partie feulement. il faut aufly confiderer qu'on ne peut difcerner les parties des cors qu'on regarde, quen tant qu'elles different en quelque façon de couleur; & que la vifion diftinéte de ces couleurs ne depend pas feulement de ce que tous les rayons, qui vienent de chafque point de l'obiet, fe raflemblent a peu prés en autant d'autres diuers poins au fonds de l'œil, & de ce quil n'en vient aucuns autres d'ailleurs vers ces mefmes poins, ainfi qu'il a eflé tantoft amplement expliqué ; mais aufly de la multitude des petits filets du nerf optique, qui | font en l'efpace qu'occupe l'image au fonds de l'œil. Car, fi, par exemple, l'obiet VXY eft * 134 OEuvREs DE DESCARTES. 55-56. compofé de dix mille parties, qui foyent difpofées a enuoyer des rayons vers le fonds de l'œil RST, en dix mille facons differentes, & par confequent a faire voir en mefme temps dix mille couleurs, elles n'en pourront neantmoins faire diftinguer a l'ame que mille tout au plus, fi nous fuppofons qu'il n y ait que mille des filets du nerf optique en l'ef- pace RST; d'autant que dix des parties de l’obiet, agiflant enfemble contre chacun de ces filets, ne le peuuent mouuoir que d'vne feule façon, compofée de toutes celles dont elles agiflent, en forte que l’ef- pace qu occupe chacun de ces filets ne doit eftre con- fideré que comme vn point. Et c’eft ce qui fait que fouuent vne prairie, qui fera peinte d'vne infinité de couleurs toutes diuerfes, ne paroiftra de loin que toute blanche, ou toute bleuë; &, generalement, que tous les cors fe voyent moins diftinctement de loin que de prés; & enfin que, plus on peut faire que l'image d'yn mefme obiet occupe d'efpace au fonds de l'œil, plus il peut eftre vü diftinctement. Ce qui fera cy aprés fort a remarquer. Pour la fituation, c'eft a dire le cofté vers lequel eft pofée chafque partie de l'obiet au refpect de noftre cors, nous ne l'aperceuons pas autrement par l'en- tremife de nos yeux que par celle de nos mains; & fa cognoiflance ne depend d'aucune image, ny d'au- cune action qui viene de l'obiet, mais feulement de la fituation des petites parties du cerueau d'où les nerfs | prenent leur origine. Car cete fituation, fe changeant tant foit peu, a chafque fois que fe change celle des membres où ces nerfs font inferés, eft in- 20 25 30 20 25 30 36-37. LA Droprrique. ——" Discours VI. 13$ fütuée de la Nature pour faire, non feulement que l'ame cognoifle en quel endroit eft chafque partie du cors qu'elle anime, au refped de toutes les autres; mais aufly qu'elle puifle transferer de là fon atten- tion a tous les lieux contenus dans les lignes droites qu'on peut imaginer eftre tirées de l'extremité de chacune de ces parties, & prolongées a l'infini. Comme, lors que l’aueugle, dont nous auons defia tant parlé cy deffus, tourne fa main ÉRVÉRUE ou Oanfyivers E, les nerfs inferés en cete main caufent vn certain changement en fon cer- ueau, qui donne moyen a fon ame de connoiftre, non feulement le lieu À ou C, mais aufly tous les autres qui font en la ligne droite AE ou CE, en forte qu'elle peut porter fon attention iufques aux obiets B & D, & determiner les lieux où ils font, fans connoiftre pour cela ny penfer aucunement a ceux où font fes deux mains. Et ainfi, lors que noftre œil ou noftre tefte fe tour- nent vers quelque cofté, noftre ame en eft auertie par le changement que les nerfs inferés dans les mufcles, qui feruent a ces mouuemens, caufent en nofire cerueau. Comme icy, en l'œil RST, il faut penfer que la fituation du petit filet du nerf optique, qui eft au point R, ou S, ou T, eft fuiuie d'vne autre certaine fituation de la partie du cerueau 7, ou 8, ou 9, qui fait que l'ame peut | connoiftre tous les lieux qui font en la ligne RV, ou SX, ou TY. De façon que vous ne deués pas trouuer eftrange que les obiets puiffent eflre veus en leur vraye fituation, 130 OEuvres DE DESCARTES. 57-58. nonobftant que la peinture, qu'ils impriment dans ; l'œil, en ait vne toute contraire : ainfi que noftre aueugle peut fentir en mefme temps l'obiet B, qui eft a droite, par l'entremife de fa main gauche; & D, qui eft a gauche, par 5 l'entremile de fa main droite “Et comme cet aueugle ne iuge point qu vn cors foit double, encore qu'il le touche de fes deux mains, ainfi, lors que nos yeux font tous deux difpofés en la 10 15 20 25 30 58-50. La Droprrique. — Discours VI. 137 façon qui eft requife pour porter noftre attention vers vn mefme lieu, ils ne nous y doiuent faire voir quvn feul obiet, nonobftant qu'il s'en forme en chafcun d'eux vne peinture. La vifion de la diftance ne depend, non plus que celle de la fituation, d'aucunes images enuoyées des obiets, mais, premierement, de la figure du cors de l'œil; car, comme nous auons dit, cete figure doit eftre vn peu autre, pour nous faire voir ce qui eft proche de nos yeux, que pour nous faire voir ce qui en eft plus efloigné, & a mefure que nous la chan- geons pour la proportionner a la diftance des obiets, nous changeons aufly certaine partie de noîftre cer- ueau, d'vne façon qui eft inflituée de la Nature pour faire aperceuoir a noftre ame cete diftance. Et cecy nous arriue ordinairement fans que nous y facions de reflexion ; tout de mefme que,lors que nous fer- rons quelque cors de noftre main, nous la confor- mons a la groffeur & a la figure de ce cors, & le fentons par fon moyen, fans qu'il foit befoin pour cela que nous penfions a fes mouuemens. Nous co- gnoïflons, en fecond lieu, la diftance par le rapport qu'ont les deux yeux l'vn a l'autre. Car, comme noftre aueugle, tenant les deux baftons AE,CE, dont ie fup- pole qu'il ignore la longueur, & fçachant feulement l'interuale qui eft entre fes deux mains À & C, & la grandeur des angles ACE, CAE, peut de là, comme par vneGeometrie naturelle, cognoiftre où eft le point E; ainfi, quand nos deux yeux, RST & rs1, font tournés vers X, la grandeur de la ligne Ss, & celle des deux angles XSs & X5S, nous font fçauoir où eft le point X. Œuvres. I. 18 138 OEUVRES DE DESCARTES. 59-60. Nous pouuons aufly le mefme par l'aide d'vn œil feul, en luy fai fant changer de place :* comme, fi, le tenant tourné vers X, nous le mettons premierement au point S & incontinent aprés au point s, cela fufflira pour faire que la grandeur de la ligne Ss & des deux an- gles XSs & X5S fe trouuent enfemble en noftre fan- taifie, & nous facent aperceuoir la diftance du point X : & ce, par vne action de la penfée, qui, n'eftant qu'vne imagination toute fimple, ne laifle point d'en- ueloper en foy vn raifonnement tout femblable a celuy que font les Arpenteurs, lors que, par le moyen de deux differentes ftations, ils mefurent les lieux inacceffibles. Nous auons encores vne autre façon d'aperceuoir la diftance, a fçauoir par la diftinétion ou confufion de la figure, & enfemble par la force ou debilité de la lumiere. Comme, pendant que nous regardons fixe- ment vers X, les rayons qui vienent des obiets 10 & 12, ne s'aflemblent pas fi exaétement vers R & vers T, au fonds de noftre œil, que fi ces obiets eftoyent aux points V & Y; d'où nous voyons qu'ils font plus efloignés, ou plus proches de nous, que n'eft X. Puis, de ce que la lumiere, qui vient de l'obiet 10 vers noftre œil, eft plus forte que fi cet obiet eftoit vers V, nous le iugeons eftre plus proche; & de ce que celle qui vient de l’obiet 12, eft plus foible que s'il eftoit vers Ÿ, nous le iugeons plus efloigné. Enfin, quand nous imaginons defia d'ailleurs la grandeur d'vn obiet, ou fa fituation, ou la diftinction de fa figure & de fes couleurs, ou feulement la force de la lumiere qui vient de luy, cela nous peut feruir, non pas pro- a. Voir, page 136, la figure de la page 59 de l'édition princeps. 15 20 25 30 60. PA Drioprrioue. —— Discours VI. 39 prement a voir, mais a imaginer fa diftance. Comme, 7: | 12() JSNp: Or. 5 es ; E € “ * , “ ‘… ‘ et" x DR n tue u ù DEC È ue « HR & ï Te « y CAL e n RE CN 000 me 9 CET . J . # . Se Je TE . #=° D sn - . CA He Q L Û » U « . ns , Q e . apOe a #2 à . oo, * 3 Lu NE OS . si à . Ha ù o ® * e 140 OŒEuvres DE DESCARTES. 60-62. couftumé de|voir de prés, nous en iugeons bien mieux l'efloignement, que nous ne ferions fi fa grandeur nous efloit moins connuë. Et regardant vne mon- taigne expofée au foleil, au delà d'vne foreft couuerte d'ombre, ce n'eft que la fituation de cete foreft, qui nous la fait iuger la plus proche. Et regardant fur mer deux vaifleaux, dont l'vn foit plus petit que l’autre, mais plus proche a proportion, en forte qu'ils paroif- fent efgaux, nous pourrons, par la difference de leurs figures & de leurs couleurs & de la lumiere qu'ils enuoyent vers nous, iuger lequel fera le plus loin. Au refte, pour la façon dont nous voyons la gran- deur & la figure des obiets, ie n'ay pas befoin d'en rien dire de particulier, d'autant qu'elle eft toute comprife en celle dont nous voyons la diftance & la fituation de leurs parties. A fçauoir, leur grandeur s’eftime par la connoiffance, ou l'opinion, qu'on a de leur diftance, comparée auec la grandeur des images qu'ils impriment au fonds de l'œil; & non pas abfo- lument par la grandeur de ces images, ainfi qu'il eft afés manifefte de ce que, encore qu'elles foyent, par exemple, cent fois plus grandes, lors que les obiets font fort proches de nous, que lors qu'ils en font dix fois plus efloignés, elles ne nous les font point voir pour cela cent fois plus grands, mais prefque efgaux, au moins fi leur diftance ne nous trompe. Et il eft manifefte aufly que la figure fe iuge par la cognoif- fance, ou opinion, qu'on a de la fituation des diuerfes parties des obiets, & non par la refemblance des peintures qui font dans l'œil : car ces peintures ne contienent ordinairement que des ouales & des lo- 20 29 30 GERS 42" Tate rs Do LE UE 62-63. La Dioprrique. — Discours VI. 141 zanges, lors qu'elles nous font voir des cercles & des quarrés. Mais, afin que vous ne puifliés aucunement douter que la vifion ne fe face ainfi que ie l'ai expliquée, ie vous veux faire encore icy confiderer les raifons pourquoy il arriue quelquefois qu'elle nous trompe. Premierement, a caufe que c’eft l'ame qui voit, & non pas l'œil, & qu'elle ne void immediatement que par l’entremife du cerueau, de là vient que les frene- tiques, & ceux qui dorment, voyent fouuent, ou pen- fent voir, diuers obiets qui ne font point pour cela deuant leurs yeux : a fçauoir, quand quelques vapeurs, remuant leur cerueau, difpofent celles de fes parties qui ont couftume de feruir a la vifion, en mefme façon que feroyent ces obiets, s'ils eftoyent prefens. Puis, a caufe que les impreflions, qui vienent de dehors, paf- fent vers le fens commun par l'entremife des nerfs, fi la fituation de ces nerfs eft contrainte par quelque caufe extrordinaire, elle peut faire voir les obiets en d'autres lieux qu'ils ne font. Comme”, fi l'œil rst, eftant difpofé de foy a regarder vers X, eft contraint par le doigt N a fe tourner vers M, les parties du cer- ueau d'où vienent fes nerfs *, ne fe difpofent pas tout a fait en mefme forte que fi c'eftoyent fes mufcles qui le tournaflent vers M; ny aufly en mefme forte que s'il regardoit veritablement vers X; mais d'vne façon moyenne entre ces deux, a fçauoir, comme s'il regardoit vers YŸ; & ainfi l'obiet M paroiftra au lieu où eft Y, par l’entremife de cet œil, & Y au lieu où ef X, & X au lieu où eft V, & ces obiets paroiflans auffy a. « Voyés la figure en la page 59. » (P. 136 de cette édition.) 142 OEuvrEs DE DESCARTES. 63-64. en mefme temps en leurs vrais lieux, par l'entremife de l’autre œil RST, ils fembleront doubles. En mefme façon que, touchant la | petite boule G des deux doigts A & D croifés l'vn fur l’autre, on en penfe toucher deux ; a caufe que, pendant que ces doigts fe retienent l’vn l'autre ainfi croifés, les mufcles de chacun d'eux tendent a les efcarter, A vers C, & D vers F: au moyen de quoy les parties du cerueau d'où vienent les nerfs qui font inferés en ces mufcles, fe trou- uent difpofées en la façon qui eft requife pour faire qu'ils femblent eftre, A vers B, & D vers E, & par con- fequent y toucher deux diuerfes boules, H & I. De plus, a caufe que nous fommes accouftumés de iuger que les impreflions qui meuuent noftre veuë, vienent des lieux vers lefquels nous deuons regarder pour les fentir, quand il arriue qu'elles vienent d'ailleurs, nous y pouuons facilement eftre trompés. Comme ceux qui ont les yeux infectés de la iauniffe, ou bien qui regardent au trauers d'vn verre laune, ou qui font enfermés dans vne chambre où 1l n'entre aucune lu- miere que par de tels verres, attribuent cete couleur a tous les cors qu'ils regardent. Et celuy qui eft dans la chambre obfcure que ray tantoft defcrite*, attribue au cors blanc RST les couleurs des obiets V,X,Y, a caufe que c'eft feulement vers luy qu'il drefle fa veué. Et les yeux A,B,C,D,E,F, voyans les obiets T,V,X,Y,Z, &, au trauers des verres N,O,P, & dans les miroirs Q,R;S, les iugent eftre aux points G,H,I,K,L,M; & a. « Voyés la figure en la page 6r. » (P. 139 ci-avant.) 20 25 30 64-66. La Dioprrique. — Discours VI. 143 V,Z eftre plus petits, & X, & plus grands qu'ils ne font : ou bien aufly X, € plus petits & auec cela renuerfés, a fçauoir, lors qu'ils font vn peu loin des yeux C,F, d'autant que ces verres & ces | miroirs dé- 5 tournent les rayons qui vienent de ces obiets, en telle forte que ces yeus ne les peuuent voir diftinétement, qu'en fe difpofant comme ils doiuent eftre pour re- garder vers les points G,H,I,K,L,M, ainfi que | con- noiftront facilement ceux qui prendront la peine de 144 OŒEuvres DE DESCARTES. 66-67. l'examiner. Et ils verront, par mefme moyen, combien les anciens fe font abufés en leur Catoptrique, lors qu'ils ont voulu determiner le lieu des images dans les miroirs creux & conuexes. Il eft auffy a remar- quer que tous les moyens quon a pour connoiftre la diftance, font fort incertains: car, quant a la figure de l'œil, elle ne varie quañ plus fenfiblement, lors que l'obiet eft a plus de quatre ou cinq pieds loin de luy, & mefme elle varie fi peu lors qu'il eft plus proche, qu'on n'en peut tirer aucune connoiffance bien precife. Et pour les angles compris entre les lignes tirées des deus yeux l'vn a l'autre & de la vers l'obiet, ou de deus fations d'vn mefme obiet, ils ne varient aufly prefque plus, lors qu'on regarde tant foit peu loin. En fuite de quoy noftre fens commun mefme ne femble pas eftre capable de receuoir en foy l'idée d'vne di- ftance plus grande qu'enuiron de cent où deus cens pieds, ainfi qu’il fe peut verifier de ce que la lune & le foleil, qui font du nombre des cors les plus efloi- gnés que nous puiflions voir, & dont les diametres font a leur diftance a peu prés comme vn a cent, n’ont couftume de nous paroiftre que d'vn ou deus pieds de diametre tout au plus, nonobftant que nous fcachions aflés, par raifon, qu'ils font extremement grands & extremement efloignés. Car cela ne nous arriue pas faute de les pouuoir conceuoir plus grands que nous ne faifons, vù que nous conceuons bien des tours & des montaignes beaucoup plus grandes, mais pour ce que, ne les pouuant conceuoir plus efloignés que de cent ou deus cens pieds, il fuit de là que leur diametre ne nous doit | paroiftre que d'vn ou de deus 20 29 30 k. PR PE EN PRIT Pa 9 ” he SCIENCES PRE ER TERRE SA ec Lo yes cas À a x 3 s4 ÿ 10 20 25 30 67. LA Dioprrique. — Discours VI. 14$ pieds. En quoy la fituation ayde aufly a nous tromper; car ordinairement ces Aftres femblent plus petits, lors qu'ils font fort hauts vers le midy, que lors que, fe leuant ou fe couchant, il fe trouue diuers obiets entre eus & nos yeus, qui nous font mieus remar- quer leur diftance. Et les Aftronomes efprouuent affés, en les mefurant auec leurs inftrumens, que ce qu'ils paroiflent ainfi plus grands vne fois que l'autre, ne vient point de ce qu'ils fe voyent fous vn plus grand angle, mais de ce qu'ils fe iugent plus efloi- gnés ; d'où il fuit que l'axiome de l'anciene Optique, qui dit que la grandeur apparente des obiets eft pro- portionnée a celle de l'angle de la vifion, n'eft pas toufiours vray. On fe trompe aufly en ce que les cors blancs ou lumineus, & generalement tous ceus qui ont beaucoup de force pour mouuoir le fens de la veuë, paroiflent toufiours quelque peu plus proches & plus grands qu'ils ne feroient, s'ils en auoient moins. Or la raifon qui les fait paroiftre plus proches, eft que le mouuement dont la prunelle s'eftrecift pour euiter la force de leur lumiere, eft tellement ioint auec celuy qui difpofe tout l'œil a voir diftinétement les obiets proches, & par lequel on iuge de leur di- flance, que l'vn ne fe peut gueres faire, fans qu'il fe face aufly vn peu de l’autre : en mefme façon qu'on ne peut fermer entierement les deus premiers doigts de la main, fans que le troifiefme fe courbe auffy quelque peu, comme pour fe fermer auec eus. Et la raifon pourquoy ces cors blancs ou lumineus paroiflent plus grands, ne confifte pas feulement en ce que l’eftime qu'on fait de leur grandeur depend de celle Œuvres, I. 19 . 146 OŒEuvREs DE DESCARTES. 67-68. de leur diftance, mais aufly en ce que leurs images s'impriment plus grandes dans le fonds de l'œil. Car il faut remarquer que les bouts des filets du nerf op- tique qui le couurent, encores que trés petits, ont neantmoins quelque grofleur; en forte que chacun d'eus peut eftre touché en l'vne de fes parties par vn obiet, & en d’autres par d’autres; & que n'eftant toutesfois capable d'eftre meu que d’vne feule façon a chafque fois, lors que la moindre de fes parties ef tou- chée par quelqu'obiet fort efclatant, & les autres par d'autres qui le font moins, il fuit tout entier le mou- uement de celuy qui eft le plus efclatant, & en re- prefente l'image, fans reprefenter celle des autres. Comme, files bouts de ces petits filets font 1,2,3, & que les rayons qui vienent, par exemple, tracer l’image d'vne eftoile fur le fonds de l'œil, s'y eften- dent fur celuy qui eft marqué 1, & tant foit peu au delà tout autour fur les extremités des fix autres marqués 2, fur lefquels ie fuppofe qu'il ne vient point d'autres rayons, que fort foibles, des parties du ciel voifines a cete eftoile, fon image s'eftendra en tout l'efpace qu'oc- cupent ces fix marqués 2, & mefme peuteftre en- cores en tout celuy qu'occupent les douze marqués 3, fi la force du mouuement eft fi grande qu'elle fe communique aufly a eus. Et ainfi vous voyés que les Eftoiles, quoy qu'elles paroiflent aflés petites, paroiflent neantmoins beaucoup plus grandes qu'elles ne deuroient a raifon de leur extreme diftance. Et encores qu'elles ne feroient pas entierement rondes, elles ne lairroient pas de paroiftre telles, comme 15 20 25 30 63-70. La DioprTrique. — Discours VII. 147 aufly vne tour quarrée eftant veuë de loin paroift ronde, & tous les cors qui|ne tracent que de fort petites images dans l'œil, n'y peuuent tracer les figures de leurs angles. Enfin, pour ce qui eft de iuger de la diftance par la grandeur, ou la figure, ou lacou- leur, ou la lumiere, les tableaus de Perfpectiue nous monftrent aflés combien il eft facile de s'y tromper. Car fouuent, parce que les chofes, qui y font peintes, font plus petites que nous ne nous imaginons qu'elles doiuent eftre, & que leurs lineamens ra plus confus, & leurs couleurs plus brunes ou plus foibles, elles nous paroiflent plus efloignées qu'elles ne font. | DES MOYENS DE PERFECTIONNER LA VISION. Difcours Septiefme. Maintenant que nous auons affés examiné com- ment fe fait la vifion, receuillons en peu de mots & nous remettons deuant les yeux toutes les condi- tions qui font requifes a fa perfeétion, afin que, confiderant en quelle forte il a defia efté pouruü a chacune par la Nature, nous puiflions faire vn denombrement exact de tout ce qui refte encore a l'art a y adioufter. On peut reduire toutes les chofes aufquelles il faut auoir icy efgard, a trois princi- 148 OEUVRES DE DESCARTES. 70-71» pales, qui font : les obiets, les organes interieurs qui reçoiuent les actions de ces obiets, & les exterieurs qui difpofent ces actions a eftre receues comme elles doiuent. Et touchant les obiets, il fuffit de fçauoir que les vns font proches ou acceflibles, & les autres efloignés & inacceflibles ; &,auec cela,les vns plus, les autres moins illuminés; afin que nous foyons auertis que, pour ce qui eft des acceflibles, nous les pouuons approcher ou efloigner, & augmenter ou diminuer la lumiere qui les efclaire, felon qu'il nous fera le plus commode; mais que, pour ce qui con- cerne les autres, nous n'y pouuons changer aucune chofe. Puis, touchant les organes interieurs, qui font les nerfs & le cerueau, il eft certain aufly que nous ne fçaurions rien adiouter par | art a leur fabrique; car nous ne fçaurions nous faire vn nouueau cors, & fi les medecins y peuuent ayder en quelque chofe, cela n'apartient point a noftre fuiet. Si bien qu'il ne nous refle a confiderer que les organes exterieurs, entre lefquels ie comprens toutes les parties tranfpa- rentes de l'œil, auffy bien que tous les autres cors qu on peut mettre entre luy & l'obiet. Et ie trouue que toutes les chofes aufquelles il eft befoin de pour- uoir auec ces organes exterieurs, peuuent eftre re- duites a quattre points. Dont le premier eft que tous les rayons qui fe vont rendre vers chacune des extre- mités du nerf optique, ne vienent, autant qu'il eft poflible, que d'vne mefme partie de l'obiet, & qu'ils ne reçoiuent aucun changement en l'efpace qui eft entre deus : car, fans cela, les images qu'ils forment ne fçauroient eftre ny bien femblables a leur origi- 20 25 30 Re SL RER ] ; s { 20 25 30 71-72. La Dioprrique. — Discours VII. 149 nal, ny bien diftinctes. Le fecond, que ces images foient fort grandes; non pas en eftendue de lieu, car elles ne fçauroient occuper que le peu d’efpace qui fe trouue au fonds de l'œil; mais en l'eftendue de leurs lineamens ou de leurs trais, car il eft certain qu'ils feront d'autant plus ayfés a difcerner qu'ils feront plus grands. Le troifiefme, que les rayons qui les forment foyent affés forts pour mouuoir les petits filets du nerf optique, & par ce moyen eftre fentis ; mais qu'ils ne le foyent pas tant qu'ils bleffent la veuë. Et le quatriefme, qu'il y ait le plus d’obiets qu'il fera poflible, dont les images fe forment dans l'œil en mefme temps, afin qu'on en puifle voir le plus qu'il fera poflible tout d’vne veuë. Or la Nature a employé plufieurs moyens a pour- uoir|a la premiere de ces chofes. Car, premierement, rempliflant l'œil de liqueurs fort tranfparentes & qui ne font teintes d'aucune couleur, elle a fait que les actions qui vienent de dehors, peuuent pañfer iufques au fonds fans fe changer. Et par les refra@ions que caufent les fuperficies de ces liqueurs, elle a fait qu'entre les rayons, fuiuant lefquels ces aétions fe conduifent, ceux qui vienent d'vn mefme point, fe rafflemblent en vn mefme point contre le nerf; & en fuite, que ceux qui vienent des autres points, s'y raflemblent auffy en autant d'autres diuers points, le plus exaétement qu'il eft poffible. Car nous deuons fuppofer que la Nature a fait en cecy tout ce qui eft poflible, d'autant que l'experience ne nous y fait rien aperceuoir au contraire. Et mefme nous voyons que, pour rendre d'autant moindre le defaut qui ne peut, * I $0 Œuvres DE DESCARTES. N N72-73- en cecy, eftre totalement euité, elle a fait qu'on puiffe reftrecir la prunelle quafi autant que la force de la lumiere le permet. Puis, par la couleur noire dont elle a teint toutes les parties de l'œil, oppofées au nerf, qui ne font point tranfparentes, elle a empefché qu'il n'allaft aucuns autres rayons vers ces mefmes points. Et enfin, par le changement de la figure du cors de l'œil, elle a fait qu encore que les obiets en puiflent eftre plus ou moins efloignés vne fois que l'autre, les rayons qui vienent de chacun de leurs points, ne laiffent pas de s’aflembler, toufiours aufly exactement quil fe peut, en autant d'autres points au fonds de l'œil. Toutefois, elle n'a pas fi entierement pouruü a cete derniere partie, qu'il ne fe trouue en- core quelque chofe a y adiouter : car, outre que, com- munement a tous, elle ne} nous a pas donné le moyen de courber tant les fuperficies de nos yeux, que nous puiflions voir diftinétement les obiets qui en font fort proches, comme a vn doigt ou vn demi doigt de diftance, elle y a encore manqué dauantage en quelques vns, a qui elle a fait les yeux de telle figure, qu'ils ne leur peuuent feruir qu'a regarder les chofes efloignées, ce qui arriue principalement aus vieillars ; & aufly en quelques autres, a qui, au contraire, elle les a fait tels, qu'ils ne leur feruent qu'a regarder les chofes proches, ce qui eft plus ordinaire aus ieunes gens. En forte qu'il femble que les yeux fe forment, au commencement, vn peu plus longs & plus eftrois qu'ils ne doiuent eftre, & que, par aprés, pendant qu'on vieillift, ils deuienent plus plats & plus larges. Or, afin que nous puiflions remedier par art a ces defauts, 20 25 30 73-74. LA Dioprrique. — Discours VII. IS] il fera premierement befoin que nous cherchions les figures que les fuperficies d'vne piece de verre ou de quelqu'autre cors tranfparent doiuent auoir, pour courber les rayons, qui tombent fur elles, en telle forte que tous ceux qui vienent d'vn certain point de l'obiet, fe difpofent, en les trauerfant, tout de mefme que s'ils eftoient venus d'vn autre point, qui fuft plus proche ou plus efloigné : a fçauoir, qui fuft plus proche, pour feruir a ceux qui ont la veuë courte; & qui fuft plus efloigné, tant pour les vieillars que generalement pour tous ceux qui veulent voir des obiets plus proches que la figure de leurs yeux ne le permet. Car, par exemple, l'œilB, ou C, eftant difpofé a faire que tous les rayons qui vienent du point H, ou I, s'affemblent au milieu de fon fonds ; & ne le pouuant eftre a faire aufly que ceux du point V, ou X, s’y aflem- blent ; il eft euident que, fi on met au deuant de|luy le verre O, ou P, qui face que tous les rayons du _ point V, ou X, entrent de- dans, tout de mefme que s'ils venoyent du point H, ou I, on fuppleera par ce moyen a fon defaut. Puis, a caufe qu'il peut y auoir des verres de plufeurs diuerfes figures, qui ayent en cela exaétement le * mefme effeét, il fera befoin, pour choilir les plus If? Œuvres DE DESCARTES. 74-75. propres a noftre deflein, que nous prenions encore garde principalement a deux conditions. Dont la premiere eft que ces figures foyent les plus fimples & les plus ayfées a defcrire & a tailler qu'il fera poffible. Et la feconde, que par leur moyen les rayons qui vie- nent des autres points de l'obiet,comme E,E, entrent dans J'œil a peu prés de mefme que s'ils venoient d'autant d’autres points, comme F,F. t Enotés que ie dis feulement icy a peu prés, non autant qu'il eft pof- fible ; car, outre qu'il feroit peuteftre affés mal-ayfé a determiner par Geometrie, entre vne infinité de figures qui peuuent feruir a ce mefme effect, celles qui y font exactement les plus propres, il feroit entierement inu- tile, a caufe que, l'œil mefme ne faifant pas que tous les rayons qui vienent de diuers | points, s'aflemblent iuftement en autant d'autres diuers points, elles ne feroyent pas fans doute pour cela les plus propres a rendre la vifion bien diftinéte, & il eft impoñfible en cecy de choifir autrement qu'a peu prés, a caufe que la figure precife de l'œil ne nous peut eftre cognue. De plus, nous aurons toufiours a prendre garde, lors que nous appliquerons ainfi quelque cors au deuant de nos yeux, que nous imitions autant qu'il fera pof- fible la Nature, en toutes les chofes que nous voyons qu'elle a obferué en les conftruifant; & que nous ne perdions aucun des auantages qu'elle nous a donnés, fi ce n’eft pour en gaigner quelque autre plus im- portant. Pour la grandeur des images, il eft a remarquer qu'elle depend feulement de trois chofes, a fçauoir, de la diftance qui eft entre l'obiet & le lieu où fe : 20 25 30 20 25 30 75-77. La DioprriQue. — Discours VII. 143 eroifent les rayons qu'il enuoye de diuers de fes poins vers le fonds de l’œil; puis, de celle qui eft entre ce mefme lieu & le fonds de l'œil ; & enfin, de la refracion de ces rayons. Comme il eft euident* que l'image RST feroit plus grande qu'elle n'eft, fi l'obiet VX Y eftoit plus proche du lieu K, où fe croyfent les rayons VKR & YKT, ou pluftoft de la fuperficie B CD, qui eft proprement le lieu où ils commencent a fe croifer, ainfi que vous verrés cy aprés ; ou bien, fi on pouuoit faire que le cors de l'œil fuft plus long, en forte quil y euft plus de diftance qu'il n y a, depuis fa fuperficie BCD, qui fait que ces rayons s'entre- croyfent, iufques au fonds RST; ou enfin, fi la re- fraétion ne les courboit pas tant en dedans vers le milieu S, mais pluftoft, s’il eftoit poflible, en dehors. Et quoy qu on imagine outre ces trois chofes, il n’y a rien | qui puifle rendre cete image plus grande. Mefme la derniere n'eft quafi point du tout confide- rable, a caufe qu'on ne peut iamais augmenter l'image par fon moyen que de fort peu, & ce auec tant de dificulté, qu'on le peut toufiours plus ayfement par l'vne des autres, ainfi que vous fçaurés tout mainte- nant. Aufly voyons nous que la Nature l'a negligée: car, faifant que les rayons, comme VKR & YKT, fe courbent en dedans vers S fur les fuperficies BCD & 123, elle a rendu l'image RST vn peu plus petite que fi elle auoit fait qu'ils fe courbaffent en dehors, comme ils font vers $ fur la fuperficie 456, ou qu'elle les euft laiffé eftre tous droits. On n’a point befoin auffy de confiderer la premiere de ces trois chofes, a. Voir, p. 139 ci-avant, la figure de la p. 76 de l'édition princeps. Œuvres. I, 20 1$4 OEuvres DE DESCARTES. 77-78 lors que les obiets ne font point du tout acceflibles : mais, lors qu'ils le font, il eft euident que, d'autant que nous les regardons de plus prés, d'autant leurs images fe forment plus grandes au fonds de nos yeux. Si bien que, la Nature ne nous ayant pas donné le moyen de les regarder de plus prés qu'enuiron a vn pied ou demi pied de diftance, afin d'y adioufter par art tout ce qui fe peut, il eft feulement befoin d'inter- pofer vn verre, tel que celuy* qui eft marqué P, dont il a efté parlé tout maintenant, qui face que tous les rayons, qui vienent d'vn point le plus proche qu'il fe pourra, entrent dans l'œil comme s'ils venoient d'vn autre point plus efloigné. Or tout le plus qu'on puifle faire par ce moyen, c'eft qu'il n y aura que la douze ou quinziefme partie d'autant d’efpace entre l'œil & l'obiet, qu'il y en deuroit auoir fans cela; & ainfi, que les rayons qui viendront de diuers poins de cet obiet, fe croifans douze ou quinze fois | plus prés de luy, ou mefme quelque peu dauantage, a caufe que ce ne fera plus fur la fuperficie de l'œil qu'ils commenceront a fe croifer, mais pluftoft fur celle du verre, dont l’obiet fera vn peu plus proche, ils for- meront vne image, dont le diametre fera douze ou quinze fois plus grand qu'il ne pourroit eftre, fi on ne fe feruoit point de ce verre; & par confequent fa fuperficie fera enuiron deus cens fois plus grande, ce qui fera que l’obiet paroïftra enuiron deux cent fois plus diftinétement; au moyen de quoy il pa- roiftra aufly beaucoup plus grand, non pas deus cent fois iuftement, mais plus ou moins, a proportion de a. « Voyés en la page 74. » (Figure p. 151 ci-avant.) 20 25 30 en | 10 20 25 30 78-70. LA DioprTrique. — Discours VII. 1$$ ce qu'on le iugera eftre efloigné. Car, par exemple, fi, en regardant l'obiet X au trauers du verre P, on difpofe fon œil C en mefme forte qu'il deuroit eftre pour voir vn autre obiet, qui feroit a 20 ou 30 pas loin de luy, & que, n'ayant d'ailleurs aucune cognoif- fance du lieu où eft cet obiet X, on le iuge eftre veritablement a trente pas, 1l femblera plus d'vn mi- lion de fois plus grand quil n'eft. En forte qu'il pourra deuenir d'vne puce vn elephant; car il eft cer- tain que l'image que forme vne puce au fonds de l'œil, lors qu'elle en eft fi proche, n'eft pas moins grande que celle qu'y forme vn elephant, lors qu'il en eft a trente pas. Et c'eft fur cecy feul qu'eft fondée toute l'inuention de ces petites lunetes a puces com- pofées d'vn feul verre, dont l'vfage eft par tout aflés commun, bien qu'on n'ait pas encores connu la vraye figure quelles doiuent auoir; & pource qu’on fçait ordinairement que l'obiet eft fort proche, lors qu'on les employe a le regarder, il ne peut paroiftre fi grand qu'il feroit, fi on l'imaginoit plus efloigné. |Il ne refte plus qu'vn autre moyen pour augmenter la grandeur des images, qui eft de faire que les rayons qui vienent de diuers points de l'obiet, fe croifent le plus loin qu'il fe pourra du fonds de l'œil; mais il eft bien, fans comparaifon, le plus important & le plus confiderable de tous. Car c'eft l'vnique qui puiffe fer- uir pour les obiets inacceflibles, aufly bien que pour les acceflibles, & dont l'effet n’a point de bornes : en forte qu'on peut, en s'en feruant, augmenter les images de plus en plus iufques a vne grandeur inde- finie. Comme, par exemple, d'autant que la premiere 1,6 Œuvres DE DESCARTES. 50e des trois liqueurs dont l'œil eft rempli, caufe a peu prés mefme refraétion que l'eau commune, fi on ap- plique tout contre vn tuyau plein d'eau, comme EF, au bout duquel il y ait vn verre GHI, dont la figure foit toute femblable 5 a celle de la peau BCD qui couure cete liqueur, & ait mefme rapport a la diftance du fonds de l’œil, ilne fe fera plus aucune refraion a l'entrée de cet œil; mais celle qui 10 s'y faifoit auparauant, (& qui eftoit caufe que tous les rayons qui ve- noient d'vn mefme point de l'obiet commençoient a fe courber dés cet Lendroit là, pour s’aller aflembler :5 en vn mefme point fur les extre- mités du nerf optique, & qu'enfuite tous ceux qui venoyent de diuers points s'y croifoient, pour s'aller rendre fur diuers points de ce nerf), 20 fe fera dés l'entrée du tuyau GI : fi bien que ces rayons, fe croifans dés là, formeront l'image RST beau- coup plus grande que s'ils ne fe croifoient que fur la fuperficie 25 BCD; & ils la formeront de plus en plus grande felon que ce tuyau fera plus long. Et ainfi l’eau EF faifant l'office de l'humeur K; le verre GHI, celuy de la peau BCD; & l'entrée du tuyau GI, celuy de la prunelle; la vifion fe %o fera en mefme façon que fi la Nature auoit fait l'œil 10 20 25 30 80-81. LA Dioprrique. — Discours VII. 1,7 plus long qu'il n'eft, de toute la longeur de ce tuyau. Sans qu'il y ait autre chofe a remarquer, finon que la vraye prunelle fera, pour lors, non feulement inutile, mais mefme nuifible, en ce qu’elle exclura, par fa peti- teffe, les rayons qui pourroient aller vers les coftés du fonds de l'œil, & ainfi empefchera que les images ne s'y eftendent en autant d'efpace qu'elles feroient, fi elle n'eftoit point fi eftroite. Il ne faut pas aufly que ie m oublie de vous auertir que les refraétions particu- lieres, qui fe font vn peu autrement dans le verre GHI que dans l'eau EF, ne font point icy confiderables, a caufe que, ce verre eftant par tout efgalement efpais, fi la premiere de ces fuperficies fait courber les rayons vn peu plus que ne feroit celle de l’eau, la feconde les redrefle d'autant a mefme temps. Et c’eft pour cete mefme raifon que, cy deflus, ie n'ay point parlé des refrattions que peuuent caufer les peaus qui enue- loppent les humeurs de l'œil, mais feulement de celles de fes humeurs. |Or, d'autant qu'il yauroit beaucoup d'incommodité a ioindre de l’eau contre noftre œil, en la façon que ie vien d'expliquer; & mefme que,ne pouuant fçauoir precifement quelle eft la figure de la peau BCD qui le couure, on ne fçauroit determiner exatement celle du verre GHI, pour le fubftituer en fa place; il fera mieux de fe feruir d’vne autre inuention, & de faire, par le moyen d'vn ou de plufieurs verres ou autres cors tranfparens, enfermés aufly en vn tuyau, mais non pas 1oints a l’œil fi exactement qu'il ne demeure vn peu d'air entre deux, que, dés l'entrée de ce tuyau, les rayons qui vienent d'yn mefme point de l'obiet fe 158 OEuvres DE DESCARTES. 81-82. plient, ou fe courbent, en la façon qui eft requife pour faire qu'ils aillent fe raffembler en vn autre point, vers l'endroit où fe trouuera le milieu du fonds de l'œil, quand ce tuyau fera mis au deuant. Puis, de rechef,que ces mefmes rayons, en fortant de ce tuyau, fe plient & fe redreffent en telle forte qu'ils puiffent entrer dans l'œil tout de mefme que s'ils n’auoient point du tout efté pliés, mais feulement qu'ils vinffent de quelque lieu qui fuft plus proche. Et enfuite, que ceux qui viendront de diuers points, s'eftant croifés dés l'entrée de ce tuyau, ne fe decroyfent point a la fortie, mais qu'ils aillent vers l'œil en mefme façon que s'ils venoient d'vn obiet qui fuft plus grand, ou plus proche. Comme, fi le tuyau HF eft rempli d'vn verre tout folide, dont la fuperficie GHI foit de telle figure, qu’elle face que tous les rayons qui vienent du point X, eftant dans le verre,tendent vers S; & que fon autre fuperficie KM les plie de rechef en telle forte, qu'ils tendent de là vers l'œil en mefme façon que s'ils venoient | du point x, que ie fuppofe en tel lieu, que les lignes xC & CS ont entre elles mefme proportion que XH & HS; ceux qui viendront du point V les croyferont neceflairement en la fuperficie GHI, de façon que, fe trouuant defia efloignés d'eus lors qu'ils feront a l’autre bout du tuyau, la fuperficie KM ne les en pourra pas rapprocher, principalement fi elle eft concaue, ainfi que ie la fuppofe; mais elle les renuoyra vers l'œil, a peu prés en mefme forte que s'ils venoient du point y. Au moyen de quoy ils for- meront l'image RST d'autant plus grande que le tuyau fera plus long, & il ne fera point befoin, pour deter- 10 15 20 25. 30 “ k # 3: $ £ 3 se 82-83. La Dioprrique. — Discours VII. 1$9 miner les figures des cors tranfparens dont on voudra fe feruir a cet effet, de fçauoir exactement quelle eft celle de la fuperficie BCD. 5 Mais, pour ce qu'il y auroit de rechef de l’incommodité a trouuer des verres ou autres tels cors qui fufent aflés efpais pour remplir tout le tuyau HF, & affés clairs & tranf- 10 parens pour n'emfpefcher point pour cela le paflage de la lumiere, on pourra. laiffer vuide tout le dedans de ce tuyau, & mettre feulement deux verres a fes deux bouts, qui 15 facent le mefme effet que ie vien de dire que les deux fuperficies GHI & KLM deuoient faire. Et c’eft fur cecy feul qu'eft fondée toute l'in- uention de ces lunetes compofées 20 de deux verres mis aus deux bouts d'vn tuyau, qui m'ont donné occa- fion d’efcrire ce Traité. Pour la troifiefme condition qui eft requife a la perfe@ion de la veuë 25 de la part des organes exterieurs, a {fçauoir, que les ations qui meuuent chafque filet du nerf optique ne foyent ny trop fortes ny trop foibles, la Nature y a fort bien pouruüû, en 30 nous donnant le pouuoir d'eftrecir & d’eflargir les prunelles de nos yeux. Mais elle a 160 Œuvres DE DESCARTES. 83-84. encore laifé a l'art quelque chofe a y adioufter. Car, premierement, lors que ces aétions font fi fortes, qu'on ne peut aflés eftrecir les prunelles pour les fouffrir, comme lors qu'on veut regarder le foleil, il eft ayfé d'y apporter remede en fe mettant contre l'œil quelque cors noir, dans lequel il n'y ait qu'vn trou fort eftroit, qui face l'office de la prunelle; ou bien en regardant au trauers d'vn crefpe, ou de quel- qu'autre tel cors vn peu obfcur, & qui ne laiffe entrer en l'œil qu'autant de rayons de chafque partie de l'obiet, qu'il en eft befoin pour mouuoir le nerf op- tique fans le bleffer. Et lors que, tout au contraire, ces adions font trop foibles pour eftre fenties, nous pouuons les rendre plus fortes, au moins quand les obiets font acceflibles, en les expofant aux rayons du foleil, tellement ramañlés par l'ayde d'vn miroir ou verre bruflant, qu'ils ayent le plus de force | qu'ils puiflent auoir pour les illuminer fans les corrompre. Puis, outre cela, lors qu'on fe fert des lunetes dont nous venons de parler, d'autant qu'elles rendent la prunelle inutile, & que c'’eft l'ouuerture par où elles reçoiuent la lumiere de dehors qui fait fon office, c'eft elle aufly qu'on doit eflargir ou eftrecir, felon qu'on veut rendre la vifion plus forte ou plus foible. Et il eft a remarquer que, fi on ne faifoit point cete ouuerture plus large qu'eft la prunelle, les rayons agiroient moins fort contre chafque partie du fonds de l'œil, que fi on ne fe feruoit point de lunetes : & ce, en mefme proportion que les images qu'ils y forme- roient feroient plus grandes : fans conter ce que les fuperficies des verres interpofés oftent de leur force. 29 30 20 25 30 84-85. La Dioprrique. — Discours VII. 161 Mais on peut la rendre beaucoup plus large, & ce d'autant plus, que le verre qui redrefle les rayons, eft fitué plus proche du point vers lequel celuy qui les a pliés les faifoit tendre. Comme, fi le verre GgH: fait que tous les rayons qui vienent du point qu on veut regarder tendent vers S, & qu'ils foient redreffés par le verre KLM, en forte que de là ils tendent paralleles vers l’œil : pour trouuer la plus grande lar- geur que puifle auoir l'ouuerture du tuyau, il faut faire la diftance qui eft entre les points K & M, efgale au diametre de la prunelle: puis, tirant du point S deus lignes droites qui pañlent par K & M, a fçauoir SK, qu'il faut prolonger iufques a g; & SM, iufques a :; on aura g1 pour le diametre qu'on cherchoit. Caril eft manifefte que, fi on la faifoit plus grande, il n'en- + treroit point pour cela dans l'œil plus de rayons du point vers lequel on drefle fa veué, & que, pour ceux qui y viendroient de plus des autres lieus, ne pouuans ayder a la vifion, ils ne feroient que la rendre plus confufe. Mais fi, au lieu du verre KLM, on fe fert de ]m, qui, a caufe de fa figure, doit eftre mis plus proche du point S, on prendra de rechef la diftance entre les points À & "1 efgale au diametre de la prunelle; puis, tirant les lignes SkG & Sml, on aura GI pour le diametre de l'ouuerture cherchée, Œuvres. I. 21 162 Œuvres DE DESCARTES. 85-86. qui, comme vous voyés, eft plus grand que gr, en mefme proportion que la ligne SL furpañle SJ. Et fi cete ligne S/ n'eft pas plus grande que le diametre de l'œil, la vifion fera aufly forte a peu prés, & aufly claire, que fi on ne fe feruoit point de lunetes, & que les obiets fuffent, en recompenfe, plus proches qu'ils ne font, d'autant qu'ils paroïflent plus grands. En forte que, fi la longeur du tuyau fait, par exemple, que l'image d'vn obiet efloigné de trente lieues fe forme aufly grande dans l'œil, que s'il n'eftoit efloigné que de trente pas, la largeur de fon entrée, eftant telle que ie viens de la determiner, fera que cet obiet fe verra aufly clairement que fi, n'en eftant veritablement ef- loigné que de trente pas, on le regardoit fans lunetes. Et fi on peut faire cete diftance entre les points S & encore moindre, la vifion fera encore plus claire. Mais cecy ne fert principalement que pour les obiets inacceffbles; car, pour ceus qui font acceflibles, l’ou- uerture du tuyau peut eftre d'autant plus eftroite qu'on les en aproche d'auantage, fans pour cela que la vifion en foit moins claire. Comme vous voyés quil n'entre pas moins de rayons du point X dans le petit verre gi, que dans le grand GI. Et enfin, elle ne peut eftre plus large que les verres qu’on y applique, lefquels, a caufe de leurs fi- gures, ne doiuent point exceder certaine grandeur, que ie determineray cy aprés. Que fi quelquefois la lumiere qui vient des obiets eft trop forte, il fera bien ayfé de l’affoiblir, en cou- urant tout autour les extremités du verre qui eft a ‘20 29 30 86-87. La DioprriQue. — Discours VII. 103 l'entrée du tuyau : ce qui vaudra mieus que de mettre au deuant quelques autres verres plus troubles ou co- lorés, ainfi que plufieurs ont couftume de faire pour regarder le foleil; car, plus cete entrée fera eftroite, plus la vifion fera diftinéte, ainfi qu'il a efté dit cy deffus de la prunelle. Et mefme il faut obferuer qu'il fera mieux de couurir le verre par le dehors que par le dedans, afin que les reflexions qui fe pouroient faire fur les bords de fa fuperficie, n'enuoyent vers l'œil aucuns rayons : Car ces rayons, ne feruans point a la vifion, y pouroient nuire. Il n y a plus qu'vne condition qui foit defirée de la part des organes exterieurs, qui eft de faire qu'on aper çoiue le plus d'obiets qu'il eft poffible en mefme temps. Et 1l eft a remarquer qu'elle n’eft aucunement requife pour la perfection de voir mieux, mais feule- ment pour la commodité de voir plus; & mefme qu'il eft impoflble de voir plus d'vn feul obiet a la fois diftinétement : en forte que cete commodité, d'en voir cependant confufement plufieurs autres, n'eft principalement vtile, qu'afin de fcauoir vers quel cofté il faudra, par aprés, tourner fes yeux pour regarder celuy d'entre eux qu'on voudra mieux confiderer. Et c’eft a quoy la Nature a tellement pouruü, qu'il eft impofñble a l'art d'y adioufter aucune chofe ; mefme, tout au contraire, d'autant plus que par le moyen de quelques lunetes on augmente la grandeur des linea- mens de l'image qui s'imprime au fonds de l'œil, d’au- tant fait on quelle reprefente moins d’obiets : a caufe que l’efpace qu'elle occupe ne peut aucunement eftre augmenté, fi ce neft peuteftre de fort peu en la ren- ET 1" 164 OEUVRES DE DESCARTES. 87-88. uerfant, ce que ie iuge eftre a reietter pour d'autres raifons. Mais il eft ayfé, fi les obiets font acceffibles, de mettre celuy qu’on veut regarder en l'endroit où 1l peut eftre vü le plus diftinétement au trauers de la lunete; & s'ils font inacceflibles, de mettre la lunete fur vne machine, qui ferue a la tourner facilement vers tel endroit determiné qu'on voudra. Et ainfiil ne nous manquera rien de ce qui rend le plus cete qua- triefme condition confiderable. Au refte, afin que ie n'obmette icy aucune chofe, j'ay encore a vous auertir que les defauts de l'œil, qui confiftent en ce qu'on ne peut aflés changer la figure de l'humeur criftaline ou bien la grandeur de la prunelle, fe peuuent peu a peu diminuer & cor- riger par l'vfage : a caufe que cete humeur criftaline, & la peau qui contient cete prunelle, eftant de vrais mufcles, leurs fonétions fe facilitent & s'augmentent lors qu'on les exerce, ainfi que celles de tous les autres mufcles de noftre cors. Et c'eft ainfi que les chaffeurs & les matelots, en s'exerçant a regarder des obiets fort efloignés, & les graueurs ou autres arti- fans, qui font des ouurages fort fubtils, a en regarder de fort proches, acquerent ordinairement la puiffance de les voir plus difltinétement que les autres hommes. Et c'eft ainfi aufly que ces Indiens, qu'on dit auoir pü fixement regarder le foleil, fans que leur veuë en fuft offufquée, auoient deu fans doute auparauant, en regardant fouuent des obiets fort efclatans, accouf- tumer peu a peu leurs prunelles a s’eftrecir plus que les noftres. Mais ces chofes apartienent pluftoft a la Medecine, dont la fin eft de remedier aus defauts de 20 25 30 88-80. La Dioprrique. — Discours VIII. 10$ la veuë par la correction des organes naturels, que non pas a la Dioptrique, dont la fin n'eft que de re- medier aus mefmes defauts par l'application de quelques autres organes artificiels. | DES FIGVRES QVE DOIVENT AVOIR LES CORPS TRANSPARENS POUR DETOURNER LES RAYONS PAR REFRACTION EN TOUTES LES FAÇONS QUI SERVENT A LA VEVÉ. Difcours Huicliefme. Or, afin que ie vous puiffe tantoft dire plus exacte- ment en quelle forte on doit faire ces organes artificiels, pour les rendre les plus parfaits qui puiflent eftre, il _eft befoin que r'explique auparauant les figures que doiuent auoir les fuperficies des cors tranfparens pour plier & détourner les rayons de la lumiere en toutes les façons qui peuuent feruir a mon deflein. En quoy fi ie ne me puis rendre aflés clair & intelli- gible pour tout le monde, a caufe que c'eft vne ma- tiere de Geometrie vn peu difficile, ie tafcheray au moins de l’eftre aflés pour ceux qui auront feulement * 166 OEuvREs DE DESCARTES. 89-90. appris les premiers Elemens de cete fcience. Et d'abord, afin de ne les tenir point en fufpens, ie leur diray que toutes les figures dont ray icy a leur parler, ne feront compofées que d'Ellipfes ou d'Hyper- boles, & de cercles ou de lignes droites. L'Ellipfe, ou l’Ouale, eft vne ligne courbe que les Mathematiciens ont accouftumé de nous expofer en coupant de trauers vn cone ou vn cylindre, & que ay vu aufly quelquefois employer par des lardiniers dans les |compartimens de leurs parterres, où ils la defcriuent d'vne façon qui eft veritablement fort grof- fiere & peu exaéte, mais qui fait, ce me femble, mieux comprendre fa nature, que la feétion du cylindre ny du cone. Ils plantent en terre deux picquets, comme, par exemple, l'vn au point H, l'autre au point I, & ayant noué enfemble les deux bouts d’vne corde, ils la paffent au- tour d'eux, en la façon que vous voyés icy B H I. Puis, mettant le bout du doigt en _cete corde, ils le conduifent tout autour de ces deux pic- quets, en la tirant toufiours a eux d’efgale force, afin de la tenir tendue efgalement, &:ainfi defcriuent fur la terre la ligne courbe DBK, qui eft vne Ellipfe. Et fi, fans changer la longueur de cete corde BHI, ils plantent feulement leurs picquets H & I vn peu plus proches l'vn de l’autre, ils defcriront derechef vne Ellipfe, mais qui fera d'autre efpece que la prece- dente ; & s'ils les plantent encore vn peu plus proches, 20 23 30 go-91. La DiopTrique. — Discours VIII. 167 ils en defcriront encore vne autre; & enfin, s'ils les ioignent enfemble tout a fait, ce fera vn cercle qu'ils defcriront. Au lieu que,s'ils diminuentla longueur de la corde en mefme proportion que la diftance de ces picquets, ils defcriront bien des Ellipfes qui feront diuerfes en grandeur, mais qui feront toutes de mefme efpece. Et ainfi vous voyés qu'il y en peut auoir d'vne infinité d'efpeces toutes diuerfes, en forte qu'elles ne different pas moins l'vne de | l’autre, que la derniere fait du cercle; & que, de chafque efpece, il y en peut auoir de toutes grandeurs; & que, fi d'vn point, comme B, pris a difcretion dans quelqu'vne de ces Ellipfes, on tire deux lignes droites vers les deux points H & I, où les deus picquets doiuent eftre plantés pour la defcrire, ces deux lignes BH & BI, jointes enfemble, feront efgales a fon plus grand dia- metre DK, ainfi qu'il fe prouue facilement par la conftruction. Car la portion de la corde qui s'eftend d'I vers B & de là fe replie iufques a H, eft la mefme qui s'eftend d'I vers K ou vers D & de là fe replie auffy iufques a H : en forte que DH ef efgale a1K,&HD plus DI, qui valent autant que HB plus BI, fontefgales a la toute DK. Et enfin, les Ellipfes qu'on defcrit en mettant toufiours mefme proportion entre leur plus grand diametre DK & la diflance des points H & I. font toutes d'vne mefme efpece. Et a caufe de cer- taine proprieté de ces points H & I, que vous en- tendrés cy aprés, nous les nommerons les points bruflans, l’vn interieur, & l’autre exterieur : a {ça- uoir, fi on les rapporte a la moitié de l'Ellipfe qui eft vers D, I fera l'exterieur; & fi on les rapporte a l’autre 108 OEUVRES DE DESCARTES. 91-92. moitié qui eft vers K, il fera l'interieur ; & quand nous parlerons fans diftinétion du point bruflant, nous en- tendrons toufiours parler de l'exterieur *. Puis, outre cela, il eft befoin que vous fçachiés que, fi par ce point B on tire les deux lignes droites LBG &CBE, qui fe couppent l'vne l’autre a angles droits, & dont l'vne, LG, diuife l'angle H BI en deux parties efgales, l'autre CE touchera cete Ellipfe en ce point B fans la coupper.De quoy ie ne mets pas la demonftration, pource que les Geometres lafçauentlaflés, &que les autres ne feroyent que s'ennuyer de l'entendre. Mais ce que ray icy par- ticulierement deffein de vous expliquer, c'eft que, fion tire encore de ce point B, hors de l’Ellipfe, la ligne droite B A parallele au plus grand dia- metre DK, & que, l'ayant prife efgale a BI, des points A & I on ure ur LG les deux perpendi- culaires AL & IG, ces deux dernieres AL & 1G au- ront entre elles mefme proportion que les deux DK & HI. En forte que, fi la ligne AB eft vn rayon de lumiere, & que cete Ellipfe DBK foit en la fuper- ficie d'vn corps tranfparent tout folide, par lequel, fuiuant ce qui a efté dit cy deflus, les rayons paf- fent plus ayfement que par l'air, en mefme propor- tion que la ligne DK eft plus grande que HI, ce rayon AB fera tellement détourné au point B, par la fuperficie de ce cors tranfparent, qu'il ira de là vers |. Et pource que ce point B ef pris a difcretion 20 25 30 .. US Cr SU MEN PE | LOTUS NÉ IEX St 9 AT 0 A ASS me à 08 es IP PRE; VEN Re Jr 20 25 0793. La Dioprrique. — Discours VIII. 169 dans l'Ellipfe, tout ce qui fe dit icy du rayon AB fe doit entendre generalement de tous les rayons paral- leles a l’aifieu DK, qui tombent fur quelque point de cete Ellipfe, a fçauoir qu'ils y feront tous telle- ment détournés, qu'ils iront fe rendre de la vers le point Î. ‘Or cecy fe demonftre en cette forte. Premierement, * a. Le texte qui suit jusqu'à« Puis » (p. 170,1. 5) est une seconde rédac- tion de Descartes, indiquée par lui à Mersenne (voir Correspondance, t.Il, p. 638) comme devant être substituée à celle de l’édition de 1637. Voici le texte primitif : fi on tire du point B la ligne BF perpendiculaire fur KD, & que du point N, où LG & KD s'entre- coupent, on tire aufly la ligne NM perpendiculaire fur 1B, on trouuera que AL eft a [G comme BF eft a NM. Car, d'vne part, les triangles BFN & BLA font femblables, a caufe qu'ils font tous deux rectangles, & que, NF & BA eftans paralleles, les angles FNB & ABL font efgaus; & d'autre part,les triangles NBM & I1BG font aufly femblables, a caufe qu'ils font rec- tangles, & que l’angle vers B eft commun a tous deux. Et, outre cela, les deux triangles BFN & BMN ont mefme rapport entre eux que les deux ALB & BGI, a caufe que, comme les bafes de ceux-cy, BA & BI, font efgales, ainfi B N, qui eft la bafe du triangleBFN, eft efgale a foy mefme en tant qu'elle eft aufly la bafe du triangle BMN. D'où il fuit euidemment que,comme BF eft a NM, ainfi AL, celuy des coftés du triangle ALB qui fe rapporte a BF dans le triangle BFN, c'eft a dire qui eft la fubtendue du mefme angle, eft a IG, celuy des coftés du triangle BG1I qui fe rapporte Œuvres. I. 22 170 OEUVRES DE DESCARTES. 93-94. a caufe que tant les lignes AB & NI, que AL & GI, font paralleles, les triangles ALB & IGN font fem- blables ; d'où il fuit que AL eft a IG comme AB eft a N 1; ou bien, pource que A B & BI font efgales, comme Bleft a NI. Puis, fi on tire HO parallele a NB, & qu'on prolonge IB iufques a O, on verra que BI ef a NI comme Oleft a HI,a caufe que les triangles BNI & OHI font femblables. Enfin, les deux des 1e & GBI eftans efgaus par la conftruction, HOB, qui eft efgal a GBI, |eft aufly efgal a OHB, a caufe que cetuy cy eft Fe a HBG; & par hier le triangle HBO eft Hbde & la li OB eftant efgale a HB, la toute OI eft efgale a DK, d'autant que les He enfemble HB & IB luy font efgales. Et ainfi, pour reprendre du premier au dernier, À L efta IG comme* BI a NI, & BIa NI comme 1OT"a 266 & OI eft efgale a D K ;: doncrvA'pReN a IG comme DK eft a HI. Si bien quest pourtracer l'Ellipfe DBK, on donne aux lignes DK &HI la proportion qu'on aura connu, par experience, eftre au cofté NM du triangle BNM. Puis BF eft a NM comme Bleft a NI, a caufe que les deux triangles BIF & NIM, eftans rectangles & ayans le mefme angle vers I, font femblables. De plus, a. Descartes a supprimé ici, pour la réédition, les mots : « BF est a NM, et BF a NM comme » rendus sans objet par sa correction pré- cédente. 20 25 94:06: La Dioprrique. — Discours VIII. 171 celle qui fert a mefurer la refraction de tous les rayons qui paflent obliquement de l'air dans quelque verre, ou autre matiere tranfparente qu'on veut employer ; & qu'on face vn cors de ce verre qui ait la figure que defcriroit cete Ellipfe fi elle fe mouuoit circulairement autour de l’aiffieu DK ; les rayons qui feront dans l'air paralleles a cet aifieu, comme AB, ab, entrans dans ce verre, S y détourneront en telle forte, qu'ils iront tous saflembler au point bruflant I, qui des deux H & I eft le plus efloigné du lieu d'où ils viennent. | Car vous fçaués que le rayon AB doit eftre détourné au point B par la fuperficie courbe du verre, que reprefente l’El- lipfe DBK, tout de mefme qu'il le feroit par la fuper- ficie plate du mefme verre que reprefente la ligne droite CBE, dans laquelle il doit aller de B vers I, a caufe qu'AL & IG font l’vne a l’autre comme DK & HI, c’eft a dire, comme elles doiuent eftre pour me- furer la refration. Et le point B ayant efté pris a difcretion dans l’Ellipfe, tout ce que nous auons de- monftré de ce rayon AB, fe doit entendre en mefme façon de tous les autres paralleles a DK, qui tombent fur les autres points de cete Ellipfe; en forte qu'ils doiuent tous aller vers I. De plus, a caufe que tous les rayons qui tendent vers le centre d'vn cercle ou d'vn globe, tombans per- pendiculairement fur fa fuperficie, n'y doiuent fouffrir aucune refraction, fi du centre I on fait vn cercle a telle diftance qu'on voudra, pouruü qu'il pañle entre D & I, comme B QB, les lignes DB & QB, tournant autour de l’aifieu D Q, defcriront la figure d'vn verre qui affemblera dans l'air au point I tous les | rayons i72 OEuvrEes DE DESCARTES. 96. qui auront efté de l’autre cofté, auffy dans l'air, paral- leles a cet aiflieu : & reciproquement qui fera que tous ceux qui feront venus du point |, fe rendront paralleles de l'autre cofté. | Fig. p. 95. | ' Fig. p. 96. SE TTDINNE70 \ 2 £ Lil | FRA K on Et fi du mefme centre I on defcrit le cercle RO, a telle diftance qu’on voudra au delà du point D; & qu'ayant pris le point B dans l'Ellipfe a diferetion, pouruù toutefois qu'il ne foit pas plus efloigné de D que de K: on tire la ligne droite BO, qui tende vers l; les lignes RO, OB & BD, meuës circulairement au- 10 tour de l'aiflieu DR, defcriront la figure d'vn verre qui fera que les rayons paralleles a cet aiflieu du cofté de l'Ellipfe, s'efcarteront ça & là de l’autre cofté, comme s ils venoient tous du point I. Car il eft mani- 20 25 30 96-98. LA Dioptrique. — Discours VIII. 173 fefte que, par exemple, le rayon PB doit eftre autant détourné par la fuperficie creufe du verre DBA, comme AB par la Fig. p. O7- conuexe ou boflue du verre DBK, & par confequent que BO doit eftre en mefme ligne | droite que BI, puifque PB « eft en mefme ligne droite que B A : & ainfi des autres. Et fi de rechef, dans l'Ellipfe D BK, on en defcrit vne autre plus petite, mais de mefme efpece, comme dbk, dont le point bruflant marqué I foit | en mefme lieu que celuy de la pre- | cedente auffy marqué I, & l'autre À en mefme ligne droite & vers le mefme cofté que DH, & qu'ayant pris B a difcretion, comme cy de- uant, on tire la ligne droite Bb qui tende vers I, les lignes TBE dar 1, leslignes DB, B d Eu” meuës autour de l’aiflieu D, deferi ront la figure d'vn verre qui fera que : | 11] | là tous les rayons qui, auant que de le : :/|| UE = rencontrer, auront efté paralleles, : Il | Ne fe trouueront derechef paralleles à il Il | | | F ” aprés en eftre fortis, & qu'auec cela Poe ils feront plus reflerrés, & occupe- ront vn moindre efpace du cofté de la plus petite Ellipfe db, que de celuy de la plus grande. Et fi, pour euiter l'efpaifleur de ce verre DBbd, on defcrit du centre I les cercles QB & ro, les fuperficies DBQ 174 OEUVRES DE DESCARTES. 98-09. & robd reprefenteront les figures & la fituation de deux verres moins efpais, qui auront en cela fon mefme effect. Et fi on difpofe les deux verres femblables DBQ & dbg inegaus en grandeur, en telle forte que 100 aiflieux foient en vne mefme ligne droite, & leurs deux points bruflans exterieurs, marqués I, en vn mefme lieu, & que leurs fuperficies circulaires BQ, bg fe regardent l'vne l'autre, ils auront aufly en cela le mefme effect. Et fi on ioint ces deux verres fem- blables inegaus en grandeur DBQ & dbq, ou qu'on les mette a telle dif- tance qu'on voudra l'vn de l’autre, pouruù feulement que leurs aiflieux foient en mefme ligne droite, & que leurs fuperficies Elliptiques fe re- gardent, ils feront que tous les rayons qui viendront du point bruf- lant de l'vn marqué I, s'iront af- fembler en l’autre aufly marqué I. Et fi on ioint les deux differens DBOQ& DBOR, | en forte aufly que leurs fuperficies DB & BD fe regardent, ils feront que les rayons qui viendront du point z, que l'Ellipfe du verre DBQ a pour fon point bruflant, s'efcarteront comme sils venoient du point I, qui eft le point bruflant du verre BDOR : ou reciproquement, que ceux qui tendent vers ce point |, s’iront affembler en l'autre marqué . 20 278 PP DEN CC AM" 17 99-100. LA DiopTRique. — Discours VIII. 174 Et enfin, fi on 1ioint les deus DBOR & DBOR, toufiours en forte que leurs fuperficies DB, BD fe regardent, on fera que les rayons qui, en trauerfant l'vn de ces verres, tendent au delà vers Ï, s'ef- carteront derechef, en fortant de l'autre, comme s'ils venoient de l’autre point I. Et on peut faire la diftance de chafcun de ces points marqués | plus ou moins grande autant qu on veut, en changeant la grandeur de l'Ellipfe dont il depend. En forte que, auec l'Ellipfe feule & la ligne circulaire, on peut defcrire des verres qui facent que les rayons qui vienent d'vn point, -h ou tendent vers vn point, ou font paralleles, CU 176 Œuvres DE DESCARTES. 100-101. de l'vne en l'autre de ces trois fortes de difpofitions, en toutes les façons qui puiffent eftre imaginées. L'Hyperbole eft aufly vne ligne courbe que les Ma- thematiciens expliquent par la fection d'vn cone, comme l'Ellipfe. Mais, afin de vous la faire mieux conceuoir, 1introduiray encore icy vn iardinier qui s'en fert a compafler la broderie de quelque par- terre. Il plante derechef fes deux picquets aux points H & 1; & ayant attaché au bout d'vne longue reigle le bout d'vne corde vn peu plus courte, il fait vn trou rond a l'autre bout de cete reigle, dans lequel il fait entrer le picquet I, & vne boucle a l'autre bout de cete corde, quil pale dans le picquet H. Puis, mettant le doigt au point X, où elles font attachées l'vne a l'autre, il le coule de là en bas iufques a D, tenant toufiours cependant la corde toute iointe & comme colée contre la reigle delpuis le point X iufques a l'endroit où il la touche, & auec cela ‘toute tendue : au moyen de quoy, contraignant cete reigle de tourner autour du pic- quet [| a mefure qu'il abaïfle fon doigt, il defcrit fur la terre la ligne courbe XBD, qui eft vne partie d'vne Hyperbole. Et, aprés cela, tournant fa reigle de l'autre cofté vers Y, il en defcrit en mefme façon vne autre partie Y D. Et, de plus, s'il pañfe la boucle de fa corde dans le picquet |, & le bout de fa reigle dans le picquet H, il defcrira vne autre 20 25 30 20 25 30 101-102. LA Dioprrique. — Discours VIII. 177 Hyperbole SKT toute femblable & oppofée a la pre- cedente. Mais fi, fans changer fes picquets ny fa reigle, il fait feulement fa corde vn peu plus longue, il def- crira vne Hyperbole d'vne autre efpece ; & s'il la fait encore vn peu plus longue, il en defcrira encore vne d'autre efpece, iufques a ce que, la faifant tout a fait efgale a la reigle, il defcrira, au lieu d'vne Hyperbole, vne ligne droite. Puis, s’il change la diftance de fes picquets en mefme proportion que la difference qui eft entre les longueurs de la reigle & de la corde, il defcrira des Hyperboles qui feront toutes de mefme efpece, mais dont les parties femblables feront diffe- rentes en grandeur. Et enfin, s'il augmente efgale- ment les longueurs de la corde & de la reigle, fans changer ny leur difference, ny la diftance des deux picquets, il ne defcrira toufiours qu'vne mefme Hy- perbole, mais 1l en defcrira vne plus grande partie. Car cete ligne eft de telle nature que, bien qu'elle - fe courbe toufiours de plus en plus vers vn mefme cofté, elle fe peut toutesfois eftendre a l'infiny, fans que iamais fes extremités fe rencontrent. Et ainfi vous voyés qu’elle a en plufieurs façons mefme raport a la ligne droite, que l'Ellipfe a la circulaire. Et vous voyés aufly qu'il y en a d'vne infinité de diuerfes efpeces, & qu'en chafque efpece il y en a vne infinité dont les parties femblables font differentes en grandeur. Et, de plus, que fi d'vn point, comme B, pris a diferetion dans l’vne d'elles, on tire deux lignes droites vers les deux points, comme H & I, où les deux picquets doiuent eftre plantés pour la defcrire, & que nous nommerons encore les points bruflants, la difference Œuvres. I. 23 178 Œuvres DE DESCARTES. 102-103. de ces deux lignes, HB & IB, fera toufiours efgale a la ligne DK, qui marque la diftance qui et entre les Hyperboles oppofées. Ce qui paroïft de ce que BI eft plus longue que BH, d'au- tant iuftement que lareiglea 5 efté prife plus longue que la corde; &que Dleftauffy d’au- tant plus longue que DH. Car, | fi on accourcift celle-cy, DI, de KI, qui eft efgale a DH, 16 on aura DK pour leur diffe- : rence. Et enfin, vous voyés que les Hyperboles qu'on defcrit en mettant toufiours mefme proportion entre DK & HI, font toutes d'vne mefme efpece. Puis,outre 13 cela, ileft befoin que vous fçachiés que, fi par le point B pris a diferetion dans vne Hyperbole, on tire la ligne droite CE, qui diuife l'angle HBI en deux parties ef- gales, la mefme CE touchera cete Hyperbole en ce point B, fans la couper : de quoy les Geometres 20 fçauent aflés la demonftration. 103-104. La Dioptrique. — Discours VIII. 170 Mais ie veux icy enfuite vous faire voir que, fi de ce mefme point B on tire vers le dedans de l'Hyper- bole la ligne droite BA parallele a DK, & qu'on tire aufly par le mefme point B la ligne LG qui couppe CE a angles droits; puis, ayant pris BA efgale a BI, que des points À & Ion tire fur LG les deux perpen- diculaires AL & IG, ces deux dernieres, AL & IG, auront entre | elles mefme proportion que les deux DK & HI. Et enfuite, que fi on donne la figure de cete Hyperbole a vn cors de verre dans lequel Îles refraétions fe mefurent par la proportion qui eft entre les lignes DK & HI, elle fera que tous les rayons qui feront paralleles a fon aiïflieu, dans ce verre, siront affembler au dehors au point |, au moins fi ce verre eft conuexe ; & s'il eft concaue, qu'ils s'efcarteront ça & là, comme s’ils venoient de ce point I. Ce qui peut eftre ainfi demontré. Premierement, * a. Le texte qui suit jusqu'à « Puis » (p. 180, 1. 5) est une seconde ré- daction de Descartes (voir t. II, p. 638), arrétée en vue d’une réédition. Voici le texte primitif : fi on tire du point B la ligne BF perpendiculaire fur K D prolongée autant qu’il eft befoin, & du point N, où LG & KD s’entrecoupent, la ligne NM perpen- diculaire fur IB aufly prolongée, on trouuera que A Left a IG comme BF eft a NM. Car, d'vne part, les triangles BFN & BLA font femblables, a caufe qu'ils font tous deux reétangles & que, NF & BA eftant pa- ralleles, les angles FNB & LB A fontefgaus. Et, d'autre part, les triangles IGB & NMB font aufly femblables, a caufe qu'ils font reétangles & que les angles 1BG & NBM font efgaus. Et, outre cela, comme la mefme a 180 OEuvrEs DE DESCARTES. 1G4-105: caufe que tant les lignes AB & NI, que AL & GI, font paralleles, les triangles ALB & IGN font femblables; d'où il fuit que AL eft a IG comme AB eft a NI; ou bien, pource que AB & BI font efgales, comme BI eft a BI. Puis, fi on tire HO parallele a LG, on verra * Xe FN Fig. p. 105. A que Bleft a NI comme OI eft a HI, a caufe que les triangles BNI & OHI\font femblables. Enfin, les deux angles EBH & EBI eftans efgaus par la conftruction, & HO, qui eft parallele a LG, couppant comme elle CE a angles droits, les deux triangles BEH & BEO font entierement efgaus. Et ainfi, BH, la baze de l'vn, BN fert de bafe aux deux triangles BFN & NMB, ainfi B A, la bafe du triangle A LB, eft efgale a BI, la bafe du triangle IGB; d'où il fuit que, commeles coftés du triangle BFN font a ceux du triangle N MB, ainfi ceux du triangle A LB font aufly a ceux du triangle IBG. Puis BF eft a NM comme BI eft a NI, a caufe que les deux triangles BIF & NIM, eftans reétangles & ayans le mefme angle vers I, font femblables. De plus, 15 20 25 30 105-106. La Dioprrique. — Discours VIII. 181 eftant efgale a BO, la baze de l'autre, il refte OI 1] 1) pour la difference qui ef entre BH &BI, laquelle nous auons dit eftre efgale a DK. Si bien que AL eft a IG comme DK eft a HI. D'où il fuit que, mettant toufiours entre les lignes DK & HI la proportion qui peut feruir a mefurer les refractions du verre ou autre matiere quon veut employer, ainfi que nous auons fait pour tracer les El- lipfes, excepté que DK ne peut eftre icy que la plus courte, au lieu qu'elle ne pouuoit eftre 22) auparauant que la plus longue : fi on trace vne por- tion d'Hyperbole tant grande qu'on voudra, comme DB, & que de B on face defcendre a angles droits fur KD la ligne droite BQ, les deux lignes DB & QB, tournant autour de|l’aiffieu DQ, defcriront la figure d'vn verre qui fera que tous les rayons qui le trauerferont & feront dans l'air paralleles a cet aiflieu du cofté de la fuperficie plate BD, en laquelle, comme vous fçaués, ils ne fouffriront aucune refration, s’aflembleront de l'autre 11! cofté au point I. Et fi, ayant tracé l'Hyperbole db femblable a la pre- * 182 OEUVRES DE DESCARTES. 106-107. cedente, on tire la ligne droite ro en tel lieu qu'on voudra, pouruù que, fans coupper cete Hyperbole, elle tombe perpendiculairement fur fon aiflieu dk, & qu'on ioigne les deux points b & o par vne autre ligne droite parallele a dk, les trois lignes ro, ob & bd, meuës au- tour de l’aiffieu dk, defcriront la figure d'vn verre qui fera que tous les rayons qui feront pa- ralleles a fon aiflieu du cofté de fa fuperficie plate, s’efcarteront ça & là de l’autre cofté, comme s'ils venoient du point I. Et fi, ayant pris la ligne HI plus courte, pour tracer l'hyper- -. bole du verre robd, que pour | celle du verre DBQ, on difpofe |l ces deux verres en telle forte 5 que leurs aiflieus DO, rd'foient en mefme ligne droite, & leurs deux points bruflans marqués | en mefme lieu, & | que leurs deux fuper- ficies hyperboliques fe regardent; ils feront que tous les rayons qui, auant que de les rencontrer, auront efté paralleles a leurs aiflieus, le feront encore aprés les auoir tous deux trauerfés, & auec cela feront re- ferrés en vn moindre efpace du cofté du verre robd que de l’autre. Et fi on difpofe les deux verres femblables DBQ & dbq inefgaus en grandeur, en telle forte que leurs aiflieus D Q, da foyent aufly en mefme ligne droite, & leurs deux points bruflans marqués I en mefme lieu, 20 25 30 107-108, La Dioprrique. — Discours VIII. 183 & que leurs deux fuperficies hyperboliques fe re- gardent; ils feront, comme les precedens, que Îles rayons paralleles d'vn cofté de leur aiflieu le feront | aufly de l’autre, &,auec cela, feront referrésen moindre efpace du cofté du moindre verre. Et* fi on ioint les fuperficies plates de ces deux verres DBQ & dbg,ou qu'on les mette a telle diftance qu’on vou- Don dra l'vn de l'autre, pouruû feule- D ment que leurs fuperficies plates fe regardent, fans qu'il foit be- foin auec cela que leurs aiflieus foient en mefme ligne droite : ou pluftoff, fi on compofe vn autre verre qui ait la figure de ces deux ainfi conioints, on fera par fon moyen que les rayons qui viendront de l'vn des points marqués I, s'iront aflembler en l'autre de l’autre cofté. Et fi on compofe vn verre qui ait la figure des deux DBQ & robd, tellement ioints que leurs fuperficies plates s'entre- touchent, on fera que les rayons qui feront venus de l'vn des points I, sefcarteront comme s'ils eftoient venus de l'autre. Et enfin, fi on compofe vn verre qui ait la figure de deux tels que robd, derechef tellement ioins que leurs fuperficies plates s'entretouchent, on fera que a, Voir les figures page suivante, 184 OEUVRES DE DESCARTES. 108-110. les ralyons qui, allans rencontrer ce verre, feront ef- Ji AN JDN cartés comme pour s'affembler au point I qui eft de 20 25 30 tro-rtr. LA Droprrique. — Discours VIII. 18 l'autre cofté, feront derechef efcartés, aprés l’auoir trauerfé, comme s'ils eftoient venus de l’autre point I. Et tout cecy eft, ce me femble, fi clair, qu'il eft feu- lement befoin d'ouurir les yeux & de confiderer les figures pour l'entendre. Au refte, les mefmes changemens de ces rayons, que ie vien d'expliquer premierement par deux verres elliptiques, & aprés par deux hyperboliques, peuuent auffy eftre caufés par deux dont l'vn foit elliptique & l’autre hyperbolique. Et, de plus, on peut encore ima- giner vne infinité d'autres verres qui facent, comme ceux cy, que tous les rayons qui vienent d'vn point, ou tendent vers vn point, ou font paralleles, fe changent exactement de l'yvne en l'autre de ces trois difpofitions. Mais ie ne penfe pas auoir icy aucun befoin d'en par- ler, a caufe que ie les pourray plus commodement expliquer cy aprés en la Geometrie*, & que ceus que l'ay defcrits font les plus propres de tous a mon def- fein, ainfi que ie veus tafcher maintenant de prouuer, & vous faire voir, par mefme moyen, lefquels d'entre eux y font les plus propres, en vous faifant confiderer toutes les principales chofes en quoy ils different. La premiere eft que les figures des vns font beau- coup plus ayfées a tracer que celles des autres; & il eft certain qu'aprés la ligne droite, la circulaire, & la parabole, qui feules ne peuuent fuffire pour tracer au- cun de ces verres, ainfi que chafcun pourra facilement voir, s'il l'examine, il n'y en a point de plus fimples que l’ellipfe & | l'hyperbole. En forte que, la ligne droite eftant plus ayfée a tracer que la circulaire, & l'hyper- bole ne l’eftant pas moins que l'ellipfe, ceux dont Œuvres. I. 24 186 OEuvres DE DESCARTES. ae les figures font compofées d'hyperboles & de lignes droites, font les plus ayfés a tailler qui puiffent eftre; puis, enfuite, ceux dont les figures font compofées d’ellipfes & de cercles : en forte que tous les autres que ie n'ay point expliqués le font moins. La feconde eft qu'entre plufeurs, qui changent tous en mefme façon la difpofition des rayons qui fe rap- portent a vn feul point, ou vienent paralleles d'vn feul cofté, ceux dont les fuperficies font le moins cour- bées, ou bien le moins inegalement, en forte qu’elles caufent les moins inegales refractions, changent touf- jours vn peu plus exactement que les autres la difpo- fition des rayons qui fe rapportent aux autres points, ou qui vienent des autres coftés. Mais, pour entendre cecy parfaittement, il faut confiderer que c'eft la feule inefgalité de la courbure des lignes dont font compo- fées les figures de ces verres, qui empefche qu'ils ne changent aufly exaétement la difpofition des rayons qui fe rapportent a plufieurs diuers poins, ou vienent pAATIeIeS de plufieurs diuers coftés, qu'ils font celle de ceux qui fe rapportent a vn feul point, ou vienent paralleles d’vn feul cofté. Car, par exemple, fi, pour faire que tous les rayons qui vienent du point A s'aflem- blent au point B, il falloit que le verre GHIK, qu on mettroit entre deux, euft fes fuperficies toutes plates, en forte que la ligne droite GH, qui en reprefente l’vne, euft la proprieté de faire que tous ces rayons, venans du point À, fe rendiffent 20 25 30 nri-r13. La DiopTRiQuEe. — Discours VIII. 187 paralleles dans le verre, &, par mefme moyen, que l'autre ligne droite KI fift que de là ils s’allaflent affembler au point B, ces mefmes lignes GH & KI feroient aufly que tous les rayons venans du point C s'iroient aflembler au point D; &, generalement, que tous ceux qui viendroient de quelqu'vn des points de la ligne droite AC, que ie fuppofe parallele a GH, s'i- roient afflembler en quelqu'vn des points de BD, que ie fuppofe aufly parallele a KI, & autant efloignée d'elle qu AC eft de GH : d'autant que, ces lignes GH & KI n'eftant aucunement courbées, tous les points de ces autres À C & BD fe rapportent a elles en mefme façon les vns que les autres. Tout de mefme, fi c'eftoit le verre LMNO, dont ie fuppofe les fuperficies LMN & LON eftre deux efgales portions de Sphere, qui euft la proprieté de ne que tous les rayons venans du point A s’allaffent aflembler au point B, il l’auroit aufy de faire que ceux du point C s'aflemblaffent au point D, &, generalement, que tous ceux de quelqu vn des points de la fuperficie CA, que ie fuppofe eftre vne portion de : Sphere qui a mefme centre que LMN, s'affembleroient en quelqu'vn de ceux de BD, que ie fuppofe aufly vne portion de Sphere qui a mefme centre que LON, & en eft aufly efloignée qu'AC eft d'I MN: d'autant que toutes les parties de ces fuperficies LMN &LON font efgalement courbées au refped de tous les points 7 188 Œuvres DE DESCARTES. 1132114. qui font dans les fuperficies C A & BD. Maïs, a caufe qu'il n'y a point d'autres lignes, en la Nature, que la droite & la circulaire, dont toutes les parties fe rap- portent en mefme façon a plufieurs diuers points, & que ny l'vne ny l’autre ne peuuent fuffire pour com- pofer la figure d'vn verre, qui face que tous les rayons qui vienent d'vn point s'affemblent en vn autre point exactement, il eft euident qu'aucune de celles qui y font requifes, ne fera que tous les rayons qui viendront de quelques autres points, s'aflemblent exaétement en d’autres points; & que, pour choïfir celles d'entre elles qui peuuent faire que ces rayons s’efcartent le moins des lieus où on les voudroit aflembler, il faut prendre les moins courbées, & les moins inefgalement courbées, afin qu'elles approchent le plus de la droite ou de la circulaire; & encore pluftoft de la droite que de la circulaire, a caufe que les parties de celle cy ne fe rapportent d'vne mefme façon qu'a tous les points qui font efgalement diftans de fon centre, & ne fe rapportent a aucuns autres en mefme façon qu'elles font a ce centre. D'où il eft ayfé de conclure qu'en cecy l'hyperbole furpaffe l’ellipfe, & qu'il eftimpoffible d'imaginer des verres d'aucune autre figure, qui raf- femblent tous les rayons venans de diuers poins en autant d’autres poins efgalement efloignés d'eux, fi exactement que celuy dont la figure fera compofée d'hyperboles. Et mefme, fans que ie m arrefte a vous en faire icy vne demonftration plus exacte, vous pou- ués facilement appliquer cecy aux autres façons de changer la difpofition des rayons qui fe rapportent a diuers poins ou vienent paralleles de diuers coftés, 20 25 30 à . | 1r4115. La DiopTrique. — Discours VIII. 189 & connoiftre que, pour toutes, ou les verres hyperbo- liques y font plus propres qu'aucuns autres, ou du moins, qu'ils n'y font pas notablement moins propres, en forte que cela ne peut eftre mis en contrepois auec la facilité d'eftre taillés, en quoy ils furpañlent tous les autres. La troifiefme difference de ces verres eft que les vns font que les rayons qui fe croyfent en les trauerfant, fe trouuent vn peu plus efcartés de l’vn de leurs coftés que de l'autre; & que les autres font tout le contraire. Comme, fi les rayons G, G font ceux qui vienent du centre du Soleil, & que I, I foient ceux qui vienent du cofté gauche de fa circonference, & K, K ceux qui vienent du droit, ces rayons s’efcartent vn peu plus les vns des autres, aprés auoir trauerfé le verre hy- perbolique DEF, qu'ils ne faifoient auparauant : & au contraire, ils s'efcartent moins apres auoir trauerfé l'elliptique ABC : en forte que cet elliptique rend les points L,H,M plus proches les vrs des autres que ne 190 OŒEuvREs DE DESCARTES. 115-117. fait l'hyperbolique, & mefme il les rend d'autant plus proches qu'il eft plus efpais. Mais neanmoins, tant ef- pais qu'on le puifle faire, il ne les peut rendre qu'en- uiron d'vn quart ou d'vn tiers plus proches que l'hyper- bolique. Ce qui fe mefure par la quantité des refrac- tions que caufe le verre, en forte que le criftal de montaigne, dans lequel elles fe font vn peu plus grandes, doit rendre cette inefgalité vn peu plus grande. Mais il n'y a point de verre d'aucune autre figure qu'on puifle imaginer, qui face que les points L, H,M foient notablement plus efloignés que fait cet hyperbolique, ny moins que fait cet elliptique. Or vous pouués icy remarquer par occafion en quel fens il faut entendre ce que r'ay dit cy deflus, que les rayons venans de diuers poins, ou paralleles de diuers coftés, fe croyfent tous dés la premiere fuperficie qui a la puiffance de faire qu'ils fe raflemblent a peu prés, en autant d'autres diuers poins, comme lors que 1'ay dit que ceux de l'obiet VXY, qui forment l'image RST fur le fonds de l’œil, fe croyfent dés la premiere de fes fuperficies BC D. Ce qui depend de ce que, par exemple, les trois rayons VCR, XCS & YCT, fe croyfent veritablement fur cete fuperficie BCD au point C : d'où vient qu'encore que V DR fe croyfe auec YBT beaucoup plus haut, & VBR auec YDT beau- coup plus bas, toutesfois, pource qu'ils tendent vers les mefmes poins que font VCR & YCT', on les peut confiderer tout de mefme que s'ils fe croyfoient aufly au mefme lieu. Et pource que c'’eft cete fuperficie BC D qui les fait ainfi tendre vers les mefmes poins, on doit pluftoft penfèr que c'eft au lieu où elleeft qu'ils 20 30 PACA SRE. UT de DR 4 rs TER 117. La Dioprrique. — Discours VIIL. 191 fe croyfent tous, que non pas plus haut ny plus bas. 71 a ua Up. 110: 12C) Sans mefme que ce que les autres fuperficies, comme 1021 OEUVRES DE DESCARTES. 117-118. 123 & 456, les peuuent détourner, en empefche. Non plus qu'encore que les deux baftons ACD & BCE, qui font courbés, s'efcartent beaucoup des poins F & G, vers lefquels ils s'iroient rendre, fi, fe croyfans au- tant qu'ils font au point C, auec celails eftoient droits, ce ne laiffe pas d’eftre veritablement en ce point C qu'ils fe croyfent. Mais que cela les feroit croifer derechef en vn autre lieu. Et,en mefme façon, les rayons qui trauerfent les deux verres conuexes DBQ & dbg*, fe croyfent fur la fu- perficie du premier, puis fe recroifent derechef fur celle de l’autre : au moins ceux qui vienent de diuers coftés; car, pour ceux qui vienent d'vn mefme cofté, il eft manifefte que ce n'eft qu'au point bruflant marqué [ qu'ils fe croifent. Vous pouués remarquer, aufly par occafion, que les rayons du Soleil, ramafñlés par le verre elliptique A BC?, doiuent brufler auec plus de force qu'eftant ramaflés par l'hyperbolique DEF. Car il ne faut pas feulement prendre garde aux rayons qui vienent du centre du Soleil, comme G, G, mais aufly a tous les autres qui, venans | des autres points de fa fuperficie, n'ont pas fenfiblement moins de force que ceux du centre : en forte que la violence de la chaleur qu'ils peuuent caufer fe doit mefurer par la grandeur du cors qui les affemble, comparée auec celle de l’efpace où il les aflemble. Comme, fi le diametre du verre ABC eft a. « Voyés la figure en la page 108. » (Page 183 ci-avant.) b. « La figure eft en la page 114. » (Page 189 ci-avant.) ils pourroient bien eftre fi courbés APR 20 25 15 20 25 30 118-119. La DioprTriqQuEe. — Discours VIII. 193 quatre fois plus grand que la diftance qui ef entre les poins M & L, les rayons ramaflés par ce verre doiuent auoir feize fois plus de force que s'ils ne pañfloyent que par vn verre plat qui ne les détournaft aucune- ment. Et pource que la diftance qui eft entre ces poins M & L eft plus ou moins grande, a raifon de celle qui eft entre eux & le verre ABC, ou autre tel cors qui fait que les rayons s y aflemblent, fans que la grandeur du diametre de ce cors y puifle rien adiou- fter, ny fa figure particuliere, qu'enuiron vn quart ou va tiers tout au plus, il eft certain que cete ligne bruf- lante a l'infini, que quelques vns ont imaginée, n’eft qu'vne refuerie, &, qu'ayant deux verres ou miroirs ardens, dont l'vn foit beaucoup plus grand que l’autre, de quelle façon qu'ils puiffent eftre, pouruü que leurs figures foient toutes pareilles, le plus grand doit bien ramafler les rayons du foleil en vn plus grand efpace, & plus loin de foy, que le plus petit; mais que ces rayons ne doiuent point auoir plus de force en chafque partie de cet efpace, qu'en celuy où le plus petit les ramañle. En forte qu’on peut faire des verres ou mi- roirs extremement petits, qui brufleront auec autant de violance que les plus grands. Et vn miroir ardent dont le diametre n'eft pas plus grand qu'enuiron la centiefme partie de la diftance qui eft entre luy & le lieu où il doit raffembler les rayons | du foleil, c'eft a dire qui a mefme proportion auec cete diftance, qu'a le diametre du foleil auec celle qui eft entre luy & nous, fuft-il poli par vn Ange, ne peut faire que les rayons qu il affemble efchauffent plus en l'endroit où il les affemble, que ceux qui vienent direétement du Œuvres. I. 25 194 OEuvrEs DE DESCARTES. 119-120. foleil. Ce qui fe doit aufly entendre des verres bruf- lans a proportion. D'où vous pouués voir que ceux qui ne font qu'a demi fçauans en l'Optique fe laiflent per- fuader beaucoup de chofes qui font impoñlibles, & que ces miroirs dont on a dit qu'Archimede brufloit des nauires de fort loin, deuoient eftre extremement grands, ou pluftoft qu'ils font fabuleus. La quatriefme difference qui doit eftre remarquée entre les verres dont il eft icy queflion, appartient par- ticulierement a ceux qui changent la difpofition des rayons qui vienent de quelque point aflés proche d'eux, & confifte en ce que les vns, a fçauoir ceux dont la fuperficie qui regarde vers ce point eff la plus creufe a raifon de leur grandeur, peuuent receuoir plus grande GO quantité de ces rayons que | les autres, encore que leur diametre ne foit point plus grand. Et en cecy le verre elliptique NO P, que ie fuppofe fi grand, que fes extremités N & P font les poins où fe termine le plus petit diametre de l’ellipfe, furpañle l'hyperbolique 120-121. La Droprrique. — Discours VIII. 19$ QRS, quoy qu'on le fuppofe auffy tant grand qu'on voudra; & il ne peut eftre furpañlé par ceux d'aucune autre figure. Enfin, ces verres different encore en ce que, pour produire les mefmes effects, eu efgard aux rayons qui fe rapportent a vn feul point ou a vn feul cofté, les vns doiuent eftre plus en nombre que les autres, ou doiuent faire que les rayons qui fe rappor- tent a diuers poins, ou a diuers coftés, fe croyfent plus de fois. Comme vous aués vû que, pour faire, auec les verres elliptiques, que les rayons qui vienent d'vn point s’aflemblent en vn autre point, ou s'efcartent comme s'ils venoient d'vn autre point, ou que ceux qui tendent vers vn point s efcartent derechef comme s'ils venoient d'vn autre point, ilefttoufiours befoin d'y en employer deux, au lieu qu'il n y en faut employer qu'vn feul, fi on fe fert des hyperboliques; & qu'on peut faire que les rayons paralleles, demeurans paral- leles, occupent vn moindre efpace qu’auparauant, tant par le moyen de deux verres hyperboliques conuexes, qui font que les rayons qui vienent de diuers coftés fe croyfent deux fois, que par le moyen d'vn conuexe & d'vn concaue, qui font qu'ils ne croifent qu'vne fois. Mais il eft euident que iamais on ne doit employer plufieurs verres a ce qui peut eftre aufly bien fait par l'ayde d'vn feul, ny faire que les rayons fe croifent plufieurs fois, lors qu'vne fufüft. Et, generalement, il faut conclure de tout cecy que les verres hyperboliques & les elliptiques font prefe- rables a tous les autres qui puiffent eftre imaginés, & mefme que les hyperboliques font quafi en tout prefe- rables aus elliptiques. En fuite de quoy, ie diray main- 196 OŒEuvres DE DESCARTES. 121-122. tenant de quelle façon il me femble qu'on doit com- pofer chafque efpece de lunetes, pour les rendre les plus parfaittes qu'il eft poffible. LAYDESCRIPMIONRDES LUNETESE Difcours Neufiefme. s Il eft befoin, prennerement, de choifir vne matiere tranfparente, qui, eftant aflés ayfée a tailler, & neant- moins aflés dure pour retenir la forme qu'on luy don- nera, foit en outre la moins colorée, & qui caufe le moins de reflexion qu'il eft poffible. Et on n'en a point 10 encore trouué qui ait ces qualités en plus grande per- feétion que le verre, lors qu'il eft fort clair & fort pur, & compofé de cendres fort fubtiles. Car, encore que le criftal de montaigne femble plus net & plus tranfparent, toutesfois, pource que fes fuperficies 15 caufent la reflexion de plus de rayons que celles du verre, ainfi que l'experience femble nous aprendre, il ne fera peuteftre pas fi propre a noftre deffein. Or, afin que vous fçachiés la caufe de cete reflexion, & pourquoy elle fe fait pluftoft | fur les fuperficies tant 20 du verre que du criftal, que non pas en l’efpaifleur de leur cors, & pourquoy elle s’y fait plus grande dans le criftal que dans le verre, il faut que vous vous fouue- . niés de la façon dont ie vous ay cy deflus fait conce- uoir la nature de la lumiere, lors que ay dit quelle 25 122-123. La Dioprrique. — Discours IX. 107 n'eftoit autre chofe, dans les cors tranfparens, que l’action ou inclination a fe mouuoir d'vne certaine matiere tres fubtile qui remplit leurs pores ; & que vous penfiés que les pores de chafcun de ces cors tranf{parens font fi vnis & fi droits que la matiere fub- tile qui peut y entrer coule facilement tout du long, fans y rien trouuer qui l'arrefte; mais que ceux de deux cors tranfparens de diuerfe nature, comme ceux de l'air & ceux du verre ou du criftal, ne fe rapportent iamais fi iuftement les vns aus autres, qu'il n'y ait toufiours plufieurs des parties de la matiere fubtile, qui, par exemple, venant de l'air vers le verre, s'y re- flefchifflent, a caufe qu'elles rencontrent les parties folides de fa fuperficie; & tout de mefme, venant du verre vers l'air, fe reflefchiffent & retournent au de- dans de ce verre, a caufe qu'elles rencontrent les par- ties folides de la fuperficie de cet air; car il yen a aufly beaucoup en l'air qui peuuent eftre nommées folides a comparaifon de cete matiere fubtile. Puis, en confiderant que les parties folides du criftal font en- core plus grofles que celles du verre, & fes pores plus ferrés, ainfi qu'il eft ayfé a iuger de ce qu'il eft plus dur & plus pefant, on peut bien penfer qu'il doit caufer fes reflexions encore plus fortes, & par confequent donner paflage a moins de rayons que ne fait ny l'air ny le verre; bien que cependant il le donne plus libre a | ceux aufquels 1l le donne, fuiuant ce qui a efté dit cy deflus. Ayant donc ainfi choifi le verre le plus pur, le moins coloré, & celuy qui caufe le moins de reflexion quil eft poffible, fi on veut par fon moyen corriger le * 108 OEUVRES DE DESCARTES. PAU defaut de ceux qui ne voyent pas fi bien les obiets vn peu efloignés que les proches, ou les proches que les efloignés, les figures les plus propres a cet effed font celles qui fe tracent par des hyperboles. Comme, par exemple, l'œil B, ou C, eftant difpofé a faire que tous les rayons, qui vienent du point H, ou I, s'aflemblent exatement au milieu de fon fonds, & non pas ceux du point V,ou X, il faut, pour luy faire voir diftintement l’ob- let qui eft vers Nous mettre entre deux le verre O, ou P, dont les fuperfi- cies, l'vne conuexe & l’autre tracées par deux hyperboles qui foyent telles qu H, ou I, foit le point bruflant de la concaue, qui doit eftre tournée vers l'œil, & V, ou X, celuy de la conuexe. Et fi on fuppofe le point 1, ou V, aflés efloigné, comme feulement a quinze|ou vingt pieds de diftance, il fuflira. au lieu de l'hyper- bole dont il deuroit eftre le point bruflant, de fe feruir d'vne ligne droite, & ainfi de faire l'vne des fuperficies du verre toute plate : a fçauoir l’interieure qui regarde vers l'œil, fi c'eft I qui foit affés efloigné ; ou l'exte- rieure, fi c'eft V. Car lors vne partie de l'obiet, de la grandeur de la prunelle, pourra tenir lieu d'vn feul point, a caufe que fon image n occupera gueres plus concaue, ayent les figures 20 25 30 20 25 30 124-125. La Dioprrique. — Discours IX. 199 d'efpace au fonds de l'œil, que l'extremité de l'vn des petits filets du nerf optique. Et mefme il n'eft pas befoin de fe feruir de verres differens a chafque fois qu'on veut regarder des obiets vn peu plus ou moins efloignés Î'vn que l’autre ; mais c'eft aflés, pour l'vfage, d'en auoir deux, dont l'vn foit proportionné a la moindre diftance des chofes qu'on a couftume de re- garder, & l'autre a la plus grande; ou mefme feule- ment d'en auoir vn, qui foit moyen entre ces deux. Car les yeux aufquels on les veut approprier, n’eftans point tout a fait inflexibles, peuuent ayfement affés changer leur figure, pour l’accommoder a celle d'vn tel verre. Que fi on veut, par le moyen aufly d’vn feul verre, faire que les obiets acceflibles, c’eft a dire ceux qu'on peut approcher de l'œil autant qu'on veut, paroiffent beaucoup plus grands, & fe voyent beaucoup plus diftinétement que fans lunetes, le plus commode fera de faire celle des fuperficies de ce verre qui doit eftre tournée vers l'œil toute plate, & donner a l’autre la figure d'vne hyperbole, dont le point bruflant foit au lieu où on voudra mettre l'obiet. Mais notés que ie dis le plus commode, car 1 aduoue bien que, donnant a la fuperficie de ce verre la figure d’vne ellipfe, dont le point bruflant | foit auffy au lieu où on voudra mettre l'obiet, & a l’autre celle d'vne partie de Sphere, dont le centre foit au mefme lieu que ce point bruflant, l'effet en pourra eftre vn peu plus grand ; mais en reuanche van tel verrene pourra pas fi commodementeftre taillé. Or ce point bruflant, foit de l’hyperbole, foit de l'el- lipfe, doit eftre fi proche que, l’obiet, qu'il faut fup- 200 OEuvRES DE DESCARTES. 125-126. pofer fort petit, y eftant mis, il ne refte, entre luy & le verre, que iuftement autant d'efpace qu'il en faut pour donner pañlage a la lumiere qui doit l’efclairer. Et 1l faut enchañler ce verre en telle forte, quiln'en refle rien de découuert que le milieu, qui foit enuiron de pareille grandeur que la prunelle, ou mefme vn peu plus petit; & que la matiere en quoy il fera en- chaffé foit toute noire du cofté qui doit eftre tourné vers l'œil, où mefme aufly il ne fera pas inutile qu'elle foit garnie tout autour d'vn bord de panne ou ve- lours noir, afin qu'on la puiffe commodement appuier tout contre l'œil, & ainfi empefcher qu'il n'aille vers luy aucune lumiere, que par l'ouuerture du verre. Mais en dehors il fera bon qu'elle foit toute blanche, ou pluftoit toute polie, & qu’elle ait la figure d'vn miroir creux, en forte qu'elle renuoye fur l’obiect tous les rayons de la lumiere qui vienent vers elle. Et pour fouftenir cet obiet en l'endroit où il doit eftre pofé pour eftre vü, ie ne defapprouue pas ces petites fioles de verre ou de criftal fort tranfparent, dont l'vfage eft defia en France affés commun. Mais, pour rendre la chofe plus exacte, il vaudra encore mieux qu'il y foit tenu ferme par vn ou deux petits reflors en forme de bras, qui fortent du chaflis de la lunete. Enfin, pour ne manquer point de lumiere, = il faudra, en regardant cet obiet, le tourner tout droit vers É PL Comme fi À eft le verre, C la partie interieure de la matiere en laquelle 20 25 30 20 25 30 126-128. La Droprrique. — Discours IX. 201 il eft enchañfé, D l’exterieure, E l'obiet, G le petit bras qui le fouftient, H l'œil, & I le foleil, dont les rayons ne vont point en l’œil direétement, a caufe de l'inter- polition tant de la lunete que de l'obiet; mais, donnans contre le cors blanc, ou le miroir D, ilsfereflefchiffent premierement de là vers E, puis d'E ils fe reflefchiffent vers l'œil. Que fi on veut faire vne lunete, la plus parfaitte qui puifle eftre, pour feruir a voir les Aftres ou autres obiets fort efloignés & inacceflibles, on la doit com- pofer de deux verres hyperboliques, l'vn conuexe & l'autre concaue, mis dans les deus bouts d'vn tuyau en la façon que vous voyés icy reprefentée. Et, pre- mierement, abc, la fuperficie du verre concaueabcdef, doit auoir la figure d'vne hyperbole, qui ait fon point bruflant a la diftance a laquelle l'œil, pour lequel on prepare cete lunete, peut voir le plus diftinétement fes obiets. Comme icy, l’œil G eftant difpofé a voir plus diftinctement les obiets qui font vers H qu'au- cuns autres, H doit eftre le point bruflant de l’hyper- bole abc: & pour les vieillars, qui voyent mieux les obiets fort efloignés que les proches, cete fuperficie abc doit eftre toute plate; au lieu que, pour ceux qui ont la veuë fort courte, elle doit eftre|affés concaue. Puis l’autre fuperficie def doit auoir la figure d'vne autre hyperbole, dont le point bruflant I foit efloigné d’elle de la largeur d'vn pouce, ou enuiron, en forte qu'il fe rencontre vers le fonds de l'œil, lors que ce verre eft appliqué tout contre fa fuperficie. Notés toutes fois que ces proportions ne font pas fi abfolument ne- ceffaires, qu'elles ne puiffent beaucoup eftre | chan- Œuvres. I. 26 202 QŒEuvrEs DE DESCARTES, 128, gées, en forte que, fans tailler autrement la fuperficie abc, pour ceux qui ont la veuëé courte ou longue, que pour les autres, on peut affés commodement fe feruir d'vne mefme lunete pour toutes fortes d'yeux, en al- Fig p. 127. longeant feulement ou accourciflant le tuyau. Et pour la fuperficie def, peuteftre qu'a caufe de la difficulté qu'on aura a la creufer tant comme 1'ay dit, il fera plus ay{é de luy donner la figure d’vne hyperbole, dont le point bruflant foit vn peu plus efloigné : ce que l'expe- rience enfeignera mieux que mes raifons. Et ie puis ae" Da DÉBATS r 20 25 30 128-120. LA DropTrique. — Discours IX. 203 feulement dire en general que, les autres chofes eftant efgales, d'autant que ce point I fera plus proche, d'au- tant les obiets paroiftront plus grands, a caufe qu'il faudra difpofer l’œil comme s'ils eftoient plus prés de luy; & que la vifion pourra eftre plus forte & plus claire, a caufe que l’autre verre pourra eftre plus grand; mais qu'elle ne fera pas fi diftinéte, fi on le rend par trop proche, a caufe qu'il y aura plufieurs rayons qui tomberont trop obliquement fur fa fuper- ficie au pris des autres. Pour la grandeur de ce verre, la portion qui en demeure découuerte, lors qu'il eft enchaffé dans le tuyau KLM, n’a befoin d'exceder que de fort peu la plus grande ouuerture de la prunelle. Et pour fon efpaifleur, elle ne fçauroit eftre trop petite; car, encore qu'en l’augmentant on puifle faire que l'image des obiets foit vn peu plus grande, a caufe que les rayons qui vienent de diuers poins s'efcartent vn peu plus du cofté de l'œil, on fait aufly en reuanche qu'ils paroiffent en moindre quantité & moins clairs; & l’auantage de faire que leurs images deuienent plus grandes, fe peut mieux gaigner par autre | moyen. Quant au verre conuexe NO PQ, fa fuperficie NQP, qui eft tournée vers les obiets, doit eftre toute plate; & l’autre, NOP, doit auoir la figure d'vne hyperbole, dont le point bruflant I tombe exactement au mefme lieu que celuy de l'hyperbole def de l’autre verre, & foit d'autant plus efloigné du point O qu'on veut auoir vne lunete plus parfaitte. En fuite de quoy la grandeur de fon diametre NP fe determine par les deux lignes droites IdN & IfP, tirées du point bruflant I par d & j, les extremités du diametre du verre hyperbolique 204 Œuvres DE DESCARTES. 129-130, def, que ie fuppofe efgaler celuy de la prunelle. Où toutesfois il faut remarquer qu'encore que le diametre de ce verre NOPQ foit plus petit, les obiets n’en pa- roiftront que d'autant plus diftinéts, & n'en paroiftront pas moindres pour cela,ny en moindre quantité, mais feulement moins efclairés. C’eft pourquoy, lors qu'ils le font trop, on doit auoir diuers cercles de carton noir, ou autre telle matiere, comme 1,2,3, pour cou- urir fes bords, & le rendre par ce moyen le plus petit que la force de la lumiere qui vient des obiets pourra permettre. Pour ce qui eft de l’efpaiffeur de ce verre, elle ne peut de rien profiter, ny aufly de rien nuire, finon en tant que le verre n'eft iamais fi pur & fi net, qu'il n'empefche toufiours le paflage de quelque peu plus de rayons que ne fait l'air. Pour le tuyau KL M, il doit eftre de quelque matiere affés ferme & folide, afin que les deux verres enchaffés en fes deux bouts y re- tienent toufiours exactement leur mefme fituation. Et il doit eftre tout noir par le dedans, & mefme auoir vn bord de pane ou velours noir vers M, affin qu'on puifle, |en l’appliquant tout contre l'œil, empefcher qu'il ny entre aucune lumiere que par le verre NOPQ. Et pour fa longueur & fa largeur, elles font affés deter- minées par la diftance & la grandeur des deux verres. Au refte, il eft befoin que ce tuyau foit attaché fur quelque machine, comme RST, par le moyen de Îla- quelle il puifle eftre commodement tourné de tous coftés, & arefté vis a vis des obiets qu'on veut regar- der. Et, a cet effe&, il doit y auoir aufly vne mire ou deux pinnules,comme V, V, fur cete machine; & mefme, outre cela, pource que, d'autant que ces lunetes font 20 25 30 CLR PA 6 Or LRC, l: NL La " 20 25 30 130-131. LA DioprTRiquEe. — Discours IX. 204 que les obiets paroiïflent plus grands, d'autant en peuuent elles moins faire voir a chafque fois, il eft befoin d'en ioindre auec les plus parfaittes quelques autres de moindre force, par l'ayde defquelles on puifle, comme par degrés, venir a la connoiffance du lieu où eft l'obiet que ces plus parfaittes font aperce- uoir. Comme font icy XX & Y Y, que ie fuppofe telle- ment aiuftées auec la plus parfaite QLM, que, fi on tourne la machine en telle forte que, par exemple, la planete de lupiter paroifle au trauers des deus pin- nules V, V, elle paroiftra aufly au trauers de la lunete XX, par laquelle, outre lupiter, on pourra auffy dif- tinguer ces autres moindres planetes qui l'accom- paignent; & fi on fait que quelqu'vne de ces moindres planetes fe rencontre iuftement au milieu de cete lu- nete XX, elle fe verra aufly par l’autre YY, où paroif- fant feule & beaucoup plus grande que par la prece- dente, on y pourra diftinguer diuerfes regions : & derechef, entre ces diuerfes regions, celle du melieu fe verra par la lunete KLM, & on y pourra diftinguer plufieurs chofes| particulieres par fon moyen; mais on ne pourroit fçauoir que ces chofes fuflent en tel en- droit de la telle des planetes qui accompaignent lu- piter, fans l'ayde des deux autres, ny auffy la difpofer a monftrer ce qui eft en tout autre endroit determiné vers lequel on veut regarder. On pourra encore adioufter vne ou plufieurs autres lunetes plus parfaittes auec ces trois, au moins fi l'artifice des hommes peut pañfer fi auant. Et il n'y a point de difference entre la façon de ces plus par- faittes & de celles qui le font moins, finon que leur 206 à Œuvres DE DESCARTES. Re verre conuexe doit eftre plus grand, & leur point bruflant plus efloigné. En forte que, fi la main des ouuriers ne nous manque, nous pourrons par cete inuention voir des obiets auffy particuliers & aufly petits, dans les Aftres, que ceux que nous voyons communement fur la terre. Enfin, fi on veut auoir vne lunete qui face voir les obiets proches & acceflibles le plus diftinétement qu'il fe peut, & beaucoup plus que celle que ray tan- toft defcrite pour mefme effect, on la doit aufly com- pofer de deux verres hyperboliques, l'vn concaue & l'autre conuexe, enchaffés dans les deux bouts d’vn tuyau, & dont le concaue abcde f foit tout femblable a celuy de la precedente, comme aufly NOP, la fu- perficie interieure du conuexe. Mais, pour l’exterieure NRP, au lieu qu'elle eftoit toute plate, elle doit icy eftre fort conuexe, & auoir la figure d'vne hyperbole, dont le point bruflant exterieur Z foit fi proche que, l'obiet y eftant mis, il ne refte entre luy & le verre qu'autant d'efpace qu'il en faut pour donner paffage a la lumiere qui doit l’efclairer.|Puis le diametre de ce verre n'a pas befoin d’eftre fi grand que pour la lunete precedente, ny ne doit pas aufly efre fi petit queceluy du verre À de l’autre d’auparauant*; mais il doit a peu prés eftre tel que la ligne droite NP paffe par le point bruflant interieur de l'hyperbole NRP : car, eftant moindre, il receuroit moins de rayons de l'obiet Z ; & eftant plus grand, il n'en receuroit que fort peu da- uantage; en forte que, fon efpaifleur deuant eftre a pro- portion beaucoup plus augmentée qu'auparauant, elle à. « Voyés en la page 126 » (figure page 200 ci-avant). 20 25 30 132133. La Dioprrique. — Discours IX. 207 leur ofteroit bien autant de leur force que fa grandeur leur en donneroit, &, outre cela, l'obiet ne pourroit pas eftre tant efclairé. Il fera bon aufly | de pofer cete lunete fur quelque machine comme ST, qui la tiene directement tournée vers le foleil. Et il faut enchaffer le verre NOPR dans le milieu d'vn miroir creux pa- rabolique, comme CC, qui raffemble tous les rayons du foleil au point Z, fur l'obiet qui doit y eftre fouf- tenu par le petit bras G, qui forte de quelqu'endroit de ce miroir. Et ce bras doit aufly fouftenir, autour de cet obiet, quelque cors noir & obfcur, comme HH, iuftement de la grandeur du verre NOPR, afin qu'il empefche qu'aucuns des rayons du foleil ne tombent direétement fur ce verre; car, de là, entrans dans le 208 OEuvres DE DESCARTES. 133-134. tuyau, quelques vns d'eux fe pourroient reflefchir vers l'œil & affoiblir d'autant la vifion, pource qu'en- core que ce tuyau doiue eftre tout noir par le dedans, il ne le peut eftre toutesfois fi parfaitement que fa matiere ne caufe toufiours quelque peu de reflexion, lorfque la lumiere eft fort viue, ainfi qu'eft celle du foleil. Outre cela, ce cors noir HH doit auoir vn trou au milieu, marqué Z, qui foit de la grandeur de l'obiet, afin que, fi cet obiet eft en quelque façon tranf- parent, il puifle aufly eftre efclairé par les rayons qui vienent direétement du foleil; ou mefme encore, fi befoin eft, par ces rayons ramaffés au point Z par van verre bruflant, comme II, de la grandeur du verre NOPR, en forte qu'il viene de tous coftés autant de lumiere fur l'obiet, qu'il en peut fouffrir fans en eftre confumé. Et il fera ayfé de couurir vne partie de ce miroir CC, ou de ce verre IT, pour empefcher qu'iln'y en puifle venir trop. Vous voyés bien pourquoy ray icy tant de foin de faire que l'obiet foit fort efclairé, & qu'il viene beaucoup de fes rayons vers l'œil; car le verre | NOPR, qui en cete lunete fait l'office de la prunelle, & dans lequel fe croifent ceux de ces rayons qui vienent de diuers poins, eftant beaucoup plus proche de l’obiet que de l'œil, eft caufe qu'ils s’eften- dent, fur les extremités du nerf optique, en vn efpace beaucoup plus grand que n'eft la fuperficie de l’obiet d’où ils vienent; & vous fçaués qu'ils y doiuent auoir d'autant moins de force qu'ils y font plus eftendus, comme on voit, au contraire, qu'eftans raffemblés en vn plus petit efpace par vn miroir ou verre bruf- lant, ils en ont plus. Et c'eft de là que depend la lon- 20 25 30 Sethitit ani PP se | È ; ‘ ÿ î | 20 25 30 134135. La DiopTrique. — Discours IX. 209 gueur de cete lunete, c'eft a dire la diftance qui doit eftre entre l'hyperbole NOP & fon point bruflant. Car, d'autant qu'elle eft plus longue, d'autant l'image de l'obiet eft plus eftendue dans le fonds de l'œil, ce qui fait que toutes fes petites parties y font plus dé tinctes. Mais cela mefme affoiblift auf tellement leur action, qu enfin elle ne pourroit plus eftre fentie, fi cete lunete eftoit par trop longue. En forte que fa plus - grande longueur ne peut eftre determinée que par l'experience, & mefme elle varie, felon que les obiets peuuent plus ou moins auoir de lumiere, fans en eftre confumés. Le fçay bien qu'on pourroitencore adioufter quelques autres moyens pour rendre cete lumiere plus forte; mais, outre qu'ils feroient plus malayfés a mettre en pratique, a peine trouueroit on des obiets qui en peuflent fouffrir dauantage. On pourroit bien auffy, au lieu du verre hyperbolique NOPR, en trouuer d'autres qui receuroient quelque peu plus grande quantité de rayons; mais, ou ils ne feroient pas que ces rayons, venans de diuers poins de l’obiet, s’affemblaffent fi exaétement vers l'œil en autant | d'autres diuers poins; ou il faudroit y employer deux verres au lieu d'vn, en forte que la force de ces rayons ne feroit pas moins diminuée par la multitude des fu- perficies de ces verres, qu'elle feroit augmentée par leurs figures ; & enfin l’execution en feroit de beau- coup plus difficile. Seulement vous veus-ie encore auertir que, ces lunetes ne pouuant eftre appliquées qu'a vn feul œil, il fera mieux de bander l'autre, ou le couurir de quelque voile fort obfcur, afin que fa pru- nelle demeure la plus ouuerte qu'il fe pourra, que de Œuvres. I. 27 210 OEUVRES DE DESCARTES. 135-136. le laifler expofé a la lumiere, ou de le fermer par l'ayde des mufcles qui meuuent fes paupieres; car il y a or- dinairement telle connexion entre les deux yeux, que l'yn ne fçauroit gueres fe mouuoir en aucune façon, que l’autre ne fe difpofe a limiter. De plus, il ne fera pas inutile, non feulement d'appuier cete lunete tout contre l'œil, en forte qu’il ne puifle venir vers luy au- cune lumiere que par elle, mais auffy d'auoir aupara- uant attendri fa veuë en fe tenant en lieu obfcur, & d'auoir l'imagination difpofée comme pour regarder des chofes fort efloignées & fort obfcures, afin que la prunelle s'ouure d'autant plus, & ainfi qu'on en puifle voir vn obiet d'autant plus grand. Car vous fçaués que cete action de la prunelle ne fuit pas immedia- tement de la volonté qu'on a de l’ouurir, mais pluftoft de l’idée ou du fentiment qu'on a de l'obfcurité & de la diftance des chofes qu'on regarde. Au refte, fi vous faites vn peu de reflexion fur tout ce qui a efté dit cy deflus, & particulierement fur ce que nous auons requis de la part des organes exte- rieurs pour rendre la vifion la plus parfaitte qu'elle puiffe eftre, il ne | vous fera pas malayfé à entendre que, par ces diuerfes façons de lunetes, on y adioufte tout ce que l’art y peut adioufter, fans qu'il foit be- foin que ie m'arrefte a vous en deduire la preuue plus au long. Il ne vous fera pas malayfé non plus a con- noiftre que toutes celles qu'on a euës iufques icy n'ont pù aucunement eftre parfaittes, vü qu'il ya trés grande difference entre la ligne circulaire & l’hyper- bole, & qu'on a feulement tafché, en les faifant, a fe feruir de celle là, pour les effects aufquels ray de- 20 25 30 7, 20 136-137. LA Dioprrique. — Discours X. 2 monftré que celle cy eftoit requife. En forte quonna iamais fceu rencontrer que lors qu'on a failli fi heu- reufement, que, penfant rendre fpheriques les fuper- ficies des verres qu'on a taillés, on les a rendues hyperboliques, ou de quelqu'autre figure equiualente. Et cecy a principalement empefché qu’on n'ait pù bien faire les lunetes qui feruent a voir les obiets inaccef- fibles ; car leur verre conuexe doit eftre plus grand que celuy des autres; &, outre qu'il eft moins ayfé de ren- contrer en beaucoup qu'en peu, la difference qui eft entre la figure hyperbolique & la fpherique eft bien plus fenfible vers les extremités du verre que vers fon centre. Mais, a caufe que les artifans iugeront peut eftre qu'il y a beaucoup de difficulté a tailler les verres exactement fuiuant cete figure hyperbolique, ie tafcheray encore icy de leur donner vne inuention, par le moyen de laquelle ie me perfuade quils en pourront aflés commodement venir a bout.| DEMPSUPAGONCDE TAILLER LES VERRES. Difcours Dixiefme. Aprés auoir choifi le verre ou le criftal dont on a deffein de fe feruir, il eft, premierement, befoin de chercher la proportion qui, fuiuant ce qui a eflé dit cy deffus, fert de mefure a fes refradions; & on la 212 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 137-138. pourra commodement trouuer par l'ayde d'vn tel inf- trument. EFI eft vne planche ou vne reigle toute plate & toute droite, & faitte de telle matiere qu'on voudra, pouruû quelle ne foit ny trop luifante, ny tranf- parente, affin que la lumiere, donnant deflus, puifle facilement y eftre difcernée de l’ombre. EA & FL font deux pinnules, c’eft a dire deux petites lames, de telle matiere aufly qu'on voudra, pouruü qu'elle ne foit pas tranfparente, efleuées à plomb fur EFI, & dans lef- quelles il y a deux petits trous ronds, À & L, pofés iuftement vis a vis l'vn de l’autre, en forte que le rayon AL, pañlant au trauers, foit parallele a la ligne EF. Puis RP Q eîft vne piece du verre que vous voulés ef- prouuer, taillée en forme de triangle, dont l'angle RQ P eft droit, &PRQ ef plus aigu que RPQ. Les trois coftés RQ, QP & RP, font trois faces toutes plates & polies, en forte que, la face Q P eftant ap- puiée contre la planche EFI, & l’autre face QR contre la pinnule FL, le rayon du foleil qui pañle par les deux trous À & L penetre iufques a B au trauers du verre PQR fans y fouffrir aucune refraction, a caufe qu'il rencontre perpendiculairement fa fuperficie RQ. Mais, eftant paruenu au point B, où il rencontre obliquement fon autre fuperficie RP, il n'en peut fortir fans fe | RDS 7 20 30 138-130. La Droprrique. — ‘Discours X. 219 courber vers quelque point de la planche EF, comme par exemple vers I. Et tout l'yfage de cet infirument ne confifte qu'a faire ainfi pafler le rayon du foleil par ces trous À & L, affin de connoiftre par ce moyen le rapport qu'a le point, c'eft a dire le centre de la petite ouale de lumiere que ce rayon defcrit fur la planche EFI, auec les deux autres poins B & P, qui font : B, celuy où la ligne droite qui pañle par les centres de ces deux trous À & L fe termine fur la fuperficie RP; & P, celuy où cete fuperficie RP & celle de la planche EFI font couppées par le plan qu'on imagine pañler par les poins B & I, & enfemble par les centres des deux trous À & L. Or, connoïffant ainfi exaétement ces trois poins B, P, I, & par confequent aufly le triangle qu'ils deter- minent, on doittransferer ce triangle auec vn compas fur du papier ou quelqu'autre plan fort vni, puis du centre B defcrire par le point P le cercle N PT, & ayant pris l'arc N P efgal a PT, tirer la ligne droite B N qui couppe IP prolongée au point H ; puis derechef, du centre B par H defcrire le cercle HO qui couppe BI au point O; & on aura la propor- tion qui eft entre les lignes HI & OI pour la mefure commune de toutes les refractions qui peuuent eftre caufées par la difference qui eft entre l'air & le verre qu'on examine. De quoy fi on n'eft pas encore certain, on pourra faire tailler du mefme verre d’autres petits triangles reétangles differens de cetuy cy, &, fe feruant d'eux en mefme forte pour chercher cete proportion, * B 214 OEUVRES DE DESCARTES. 139-140. on la trouuera toufiours femblable, & ainfi on n'aura aucune occafion de douter que ce ne foit veritablement celle qu'on cherchoit. Que fi, aprés cela, dans la ligne droite HI, on prend MI efgale a OI, & HD efgale a DM, on aura D pour le fommet, & H & [I pour les poins bruflans de l’hyperbole dont ce verre doit auoir la figure, pour feruir aus lunetes que ray defcrites. Et on pourra rendre ces trois poins H, D, I plus ou moins efloignés qu'ils ne font, de tant qu'on voudra, en tirant feulement vne autre ligne droite parallele a HI plus loin ou plus prés qu'elle du point B, & tirant de ce point B trois lignes droites BH, BD, BI qui la couppent. Comme vous |voyés icy qu'il y a mefme raport entre les trois poins H, D, I, & h, d, 1, qu'entre les trois #, n,1. Puis il eft ayfé, ayant ces trois poins, de tracer l'hy- perbole en la façon qui a efté cy-deflus expliquée, a quets aux poins H & I, & fai- fant que la corde mife autour du picquet H foit tellement attachée a la reigle qu’elle ne fe‘puifle replier, vers L, plus auant que iufques a D. Mais fi vous aymés mieux la tracer auec le compas ordinaire, en cherchant plufieurs poins par où elle fçauoir en plantant deux pic-. 20 25 30 20 23 30 t4o tar. La Droprrique. — Discours X. 20% pafle, mettés l'vne des pointes de ce compas au point H; & l'ayant tant ouuert, que fon autre pointe pañfe vn peu au delà du point D, comme iufques a 1, du centre H defcriués le cercle 133; puis, ayant fait M2 efgale a H1, du centre I, par le point 2, defcriués le cercle 233, qui couppe le precedent aux poins 33, par lefquels cete hyperbole doit paf|fer, aufly bien que par le point D, qui en eft le fommet. Re- mettés par aprés tout de mefme l'vne des pointes du compas au point H, & l’ouurant en forte que fon autre pointe pafle vn peu au delà du point 1, comme iufques a 4, du centre H defcriués le cercle 466. Puis, ayant pris M; efgale a H4, du centre I par $ defcriués le cercle $66, qui coupe le precedent aux poins 66 qui font dans l'hyperbole; &ainfi, continuant de mettre la pointe du compas au point H, & le refle comme de- uant, vous pouués trouuer tant de poins qu’il vous plaira de cete hyperbole. Ce qui ne fera peuteftre pas mauuais pour faire groffierement quelque modelle qui reprefente a peu prés la figure des verres qu'on veut tailler. Mais pour leur donner exaétement cete figure, il eft befoin d'auoir quelque autre inuention par le moyen de 1a- quelle on puiffe defcrire des hyperboles tout d'vntrait, comme on defcrit des cercles auec vn compas. Et ie n'en fçache point de meilleure que la fuiuante. Premierement, du centre T, qui eft le milieu de la 216 Œuvres DE DESCARTES. AE ligne HI, il faut defcrire le cercle HVIÏ, puis du point D efleuer vne perpendiculaire fur HI, qui couppe ce cercle au point V; & de T tirant vne ligne droite par ce point V, on aura l'angle HTV, qui eft tel, que fi on l'imagine tourner en rond autour de l’aif- fieu HT, la ligne T V defcrira la fuperficie d'vn Cone, Fig pois dans lequel la fection faite par le plan VX parallele a cet aiflieu HT, & fur lequel DV tombe a angles drois, fera vne hyperbole toute femblable & efgale a la precedente. Et tous les autres plans paral- leles a cetuy cy coupperont aufly dans ce|Cone des hyperboles toutes femblables, mais inefgales, & qui auront leurs poins bruflans plus ou moins efloignés felon que ces plans le feront de cet aifieu. En fuite de quoy on peut faire vne telle machine. AB eft vn tour ou rouleau de bois ou de metal, qui, tournant fur les poles 1, 2, reprefente l’aiflieu HI de l'autre figure. CG, EF font deux lames ou planches toutes plates & vnies, principalement du cofté qu'elles s'entretouchent, en forte que la fuperficie qu'on peut imaginer entre elles deux, eflant parallele au rou- leau AB, & coupée a angles droits par le plan qu'on #1 D T J imagine pañler par les points 1, 2, & C, O, G, repre-. fente le plan V X qui couppe le Cone. Et NP, la lar- geur de la fuperieure CG, ef efgale au diametre du verre qu on veut tailler, ou tant foit peu plus grande. Enfin K LM eft vne reigle qui, tournant auec le rouleau AB fur les poles 1, 2, en forte que l'angle ALM de- meure toufiours efgal a HT V, reprefente la ligne TV 20 PT 20 25 30 Aa. * La DioPtrique. — Discours X. 217 qui defcrit le Cone. Et il faut penfer que cete reigle eft tellement pañlée au trauers de ce rouleau, qu'elle peut fe hauffer & fe baïffer en coulant dans le trou I, qui eft iuftement de fa grofleur; & mefme quil y a quelque part, comme vers K, vn pois ou reffort, qui la prefle toufiours contre la lame CG, par qui elle eft fouftenue & empefchée de paller outre; &,de plus, que fon extremité M eft vne pointe d'acier bien trempée, qui a la force de coupper cete lame CG, mais non pas l'autre EF qui eft deffous. D'où il eft manifefte | que, fi on fait mouuoir cete reigle KLM fur les poles 2 caulorte que la FF pointe d'acier M pañle Ù dN par O vers P, & reciproquement de P par O vers N, elle di- uifera cette lame CG en deux autres, CNO P GNOP; dont: le collé NOP fera ter- miné d'vne ligne tran- chante, conuexe en CNOP, & concaue en GNOP, qui aura exactement la figure d'vne hyperbole. Et ces deux lames, CNOP, GNOP, eftant d'acier ou autre matiere fort dure, pourront feruir non feulement de modelles, mais peut eftre aufly d'outils ou inftrumens pour tailler cer- taines rouës, dont ie diray tantoft que les verres doi- uent tirer leurs figures. Toutesfois 1l y a encore icy quelque defaut en ce que, la pointe d'acier M eflant Œuvres. I. 28 218 OŒEuvREs DE DESCARTES, 143-144. vn peu autrement tournée lors qu'elle eft vers N ou vers P, que lors qu'elle eft vers O, le fil ou le tran- chant qu'elle donne a ces outils ne peut eftre par tout efgal. Ce qui me fait croire qu'il vaudra mieus fe feruir de la machine fuiuante, nonobftant qu’elle foit 3 vn peu plus compofée*. ABKLM n'eft qu'vne feule piece, qui fe meut toute : entiere fur les poles 1, 2, & dont la partie ABK peut auoir |telle figure qu'on voudra, mais KL M doit auoir celle d'vne reigle ou autre tel cors, dont les lignes qui 10 terminent fes fuperficies foient paralleles ; & elle doit eftre tellement inclinée, que la ligne droite 43, qu'on imagine pafler par le centre de fon efpaiffeur, eftant prolongée iufques a celle qu'on imagine paffer par les poles 1,2, y face vn angle 234efgalaceluy quiatantoft :5 efté marqué des lettres HTV*.CG,;EF font deux plan- ches paralleles a l’aiflieu 1 2, & dont les fuperficies qui a. « Voyés en la figure de la page 142. » (P. 216 ci-avant.) 20 25 30 pañlée au trauers du 144-145. La DioptTrique. —— Discours X. 219 fe regardent font fort plates & vnies, & couppées a angles drois par le plan 12GOC. Mais, au lieu de s'entretoucher comme deuant, elles font iey iuftement autant efloignées l'vne de l’autre qu'il eft befoin pour donner paflage entre elles deux a vn cylindre ou roulleau QR, qui eft exactement rond, & par tout d'efgale groffeur. Et,| de plus,elles ont chafcune vne fente NO P, qui eft fi longue & fi large, que la reigle KLM,pañlant par dedans, peut fe mouuoir ça & là fur les poles 1, 2, tout autant qu'il eft befoin pour tracer entre ces deux planches vne partie d’vne hyperbole, de la grandeur du diametre des verres qu'on veut tailler. Et cete reigle eft aufly roulleau QR, en telle façon que, le faifant mouuoir auec foy fur lésbpoles 1, 2; 1 de- meure neantmoins touf- iours enfermé entre les deus planches CG, EF, & parallele a l'aiflieu 12 MEnHNY O7, & Z89 font les outils qui doi- uent feruir a tailler en hyperbole tel cors qu'on voudra, & leurs manches Y,Z font de telle efpaifleur que leurs fuperficies, qui font toutes plates, touchent exactement de part & d'autre celles des deux planches CG,EF, fans qu'ils laiffent pour cela de gliffer entre deux, a caufe qu’elles font fort polies. Et ils ont chafcun vn trou rond, ;, ;, dans 220 OEUVRES DE DESCARTES. 145-146. lequel l'vn des bouts du roulleau QR eft tellement enfermé, que ce roulleau peut bien fe tourner autour de la ligne droite $ $ qui eft comme fon aiflieu, fans les faire tourner auec foy, a caufe que leurs fuperficies plates, eftantengagées entre les planches, les en empef- chent; mais qu'en quelque autre façon qu'il fe meuue, il les contraint de fe mouuoir aufly auec luy. Et de tout cecy 1l eft manifefte que, pendant que la reigle KLM eft pouffée d'N vers O & d'O vers P, ou de P vers O & d'O vers N, faifant mouuoir auec foy le roulleau QR, elle fait mouuoir par mefme moyen ces outils Y 67 &Z 89, en telle façon que le mouuement parti- culier de chafcune de leurs parties defcrit exaéte- ment la mefme hyperbole que fait l’interfeétion des deux lignes 34 & $$, dont l'vne, a fçauoir 34, par fon mouuement defcrit le cone, & l’autre, $$, defcrit le plan qui le couppe. Pour les pointes ou tranchans de ces outils, on les peut faire de diuerfes façons, felon les diuers vfages aufquels on les veut employer. Et pour donner la figure aux verres conuexes, il me femble qu'il fera bon de fe feruir premierement de l'outil Y 67, & d'en tailler plufieurs lames d'acier prefque femblables a CN OP, qui a tantoft efté def- crite; puis, tant par le moyen de ces lames que de l'outil Z 80, de creufer vne rouë,comme d, tout au- tour felon fon efpaifleur a bc, en forte que toutes les fec- tions qu’on peut imaginer y eftre faites par des plans, dans lefquels fe trouue ee l’aiflieu de cete rouë, ayent la figure de l'hyperbole que trace cete machine; & enfin, d'attacher le verre qu'on veut tailler fur vn tour comme h1k, & l'appliquer contre cete rouë d, en telle 20 23 LORS NUE ESP ES MAR ER PES CCR PEU ENT DIU MR 146-147. LA DropTRiqüEe. — Discours X. DOI forte que, faifant mouuoir ce tour fur fon aiflieu AE, en tirant la corde //, & cete rouë auffy fur le fien, en la tournant, le verre mis entre deux prene exacte- ment la figure qu'on luy doit donner. |Or, touchant la façon de fe feruir de l'outil Y 67, il eft a remarquer qu'on ne doit tailler que la moitié des lames crop a vne fois, par exemple, que celle qui eft entre les poins nr & o. Et, a cet effet, il faut mettre vne barre en la machine vers P, qui empefche que la reigle KLM,eftant meuë d'N vers O, ne fe puifle auancer vers P, qu'autant qu'il faut pour faire que la ligne 34, qui marque le milieu de fon efpaiffeur, par- uiene iufques au plan 12 GOC,qu'on imagine coup- per les planches a angles droits. Et le fer de cet outil Y 67 doit eftre de telle figure, que toutes les parties de fon tranchant foient en ce mefme plan, lors que la ligne 34 s'y trouue; & qu'il n'en ait point d'autres ailleurs qui s'auancent au delà vers le cofté marqué P, 222 OŒuvREs DE DESCARTES. 147-148. mais que tout le tallu de fon efpaiffeur fe iette vers N. Au refte, on le peut faire fi moufle ou fi} aygu, & tant ou fi peu incliné, & de telle longueur qu'on voudra, felon qu’on le iugera plus a propos. Puis, ayant forgé les lames cnop, & leur ayant donné auec la lime la figure la plus approchante qu'on aura pü de celle qu'elles doiuent auoir, il les faut appliquer & prefler contre cet outil eee. & faifant mouuoir la reigle KLM d'N vers O, & reciproquement d'O vers N, on taillera l'vne de leurs moitiés. Puis, afin de pouuoir rendre l’autre toute femblable, il doit y auoir vne barre, ou autre telle chofe, qui empefche qu'elles ne puiflent eftre auancées vers cet outil, au delà du lieu où elles fe trouuent lors que leur moitié N O ef ache- uée de tailler; & lors, les en ayant vn peu reculées, il faut changer le fer de cet outil Y 67, & en mettre vn. autre en fa place dont le tranchant foit exactement dans le mefme plan & de mefme forme, & autant auancé que le precedent, mais qui ait tout le tallu de fon efpaifleur ietté vers P, en forte que, fi on appli- quoit ces deux fers de plat l'vn contre l’autre, les deux tranchans femblaflent n'en faire qu'vn. Puis, ayant transferé vers N la barre qu'on auoit mife au- parauant vers P pour empefcher le mouuement de la reigle KLM, il faut faire mouuoir cete reigle d'O vers P & de P vers O, iufques a ce que les lames crop foient autant auancées vers l'outil Y 67 qu'aupara- uant, &, cela eftant, elles feront acheuées de tailler. Pour la rouë d, qui doit eftre de quelque matiere fort dure, aprés luy auoir donné auec la lime la figure la plus approchante de celle qu'elle doit auoir, qu'on 1) 20 25 30 148-149. La Droprrique. — Discours X. 22 aura pü, il fera fort ayfé de l’acheuer, premierement auec les lames crop, pouruù qu'elles ayent efté au commencement fi| bien forgées que la trampe ne leur ait rien ofté depuis de leur figure, & qu'on les ap- plique fur cete rouë en telle forte que leur tranchant nop & fon aiflieu ee foient en vn mefme plan; &, en- fin, qu'il y ait vn reflort ou contrepois qui les preffe contre elle, pendant qu'on la fait tourner fur fon aif- fieu. Puis aufly auec l'outil Z 80, dont le fer doit eftre efgalement tallué des deus coftés, & auec cela il peut auoir telle figure quafi qu'on voudra, pouruû que toutes les parties de fon tranchant 89 foient dans vn plan qui couppe les fuperficies des planches CG,EF a angles drois.Et, pour s’en feruir, on doit faire mouuoir la reigle KLM fur les poles 1, 2, en forte qu'elle pañfe tout de fuite de P iufques a N, puis reciproquement d'N iufques a P, pendant qu'on fait tourner la rouë fur fon aiflieu. Au moyen de quoy, le tranchant de cet outil oftera toutes les inefgalités qui fe trouueront d'vn cofté a l’autre en l’efpaifleur de cete rouë, & fa pointe toutes celles qui fe trouueront de haut en bas. Car il doit auoir vn tranchant & vne pointe. Apprés que cete rouë aura ainfi acquis toute la per- feétion qu'elle peut auoir, le verre pourra facilement eftre taillé par les deus diuers mouuemens d'elle & du tour fur lequel il doit eftre attaché, pouruû feule- ment qu'il y ait quelque reflort, ou autre inuention, qui, fans empefcher le mouuement que le tour luy donne, le prefle toufiours contre la rouë, & que le bas de cete rouë foit toufiours plongé dans vn vafe qui contiene le grés, ou l’emeri, ou le tripoli, ou la potée, 224 OŒEuvres DE DESCARTES. 149-150. ou autre telle matière dont il eft befoin de fe feruir pour tailler & polir le verre. | Et a l'exemple de cecy, vous pouués affés entendre en quelle forte on doit donner la figure aux verres concaues, a fçauoir en faifant, premierement, des lames comme cnop auec l'outil Z89, puis taillant vne rouë tant auec ces lames qu'auec l'outil Y 67, & tout le refte en la façon qui vient d'eftre expliquée. Seule- ment faut il obferuer que la rouë dont on fe fert pour les conuexes peut eftre auffy grande qu'on la voudra faire, mais que celle dont on fe fert pour les concaues doit eftre fi petite que, lors que fon centre eft vis a vis de la ligne $$ de la machine qu'on employe a la tailler, fa circonference ne pañle point au deffus de la ligne 12 de la mefme machine. Et on doit faire mou- uoir cete rouë beaucoup plus vifte que le tour, pour polir ces verres concaues, au lieu qu'il eft mieux, pour les conuexes, de faire mouuoir le tour plus promte- ment : dont la raifon eft que le mouuement du tour vfe beaucoup plus les extremités du verre que le mi- lieu, & qu'au contraire celuy de la rouë les vfe moins. Pour l'vtilité de ces diuers mouuemens, elle eft fort manifefte : car, poliffant les verres auec la main dans vne forme, en la façon qui feule a efté en vfage iufques a prefent, 1l feroit impoflible de rien faire de bien que par hafard, encore que les formes fuf- fent toutes parfaites; & les poliffant auec le feul mouuement du tour fur vn modelle, tous les petits defauts de ce modelle marqueroient des cercles en- Herstlumleberre, le n'adioufte pas icy les demonftrations de plufieurs Fe 20 30 te CT RE Fee) pet LME ad € ‘ A 1e 20 25 30 150-151. La Dioprrique. — Discours X. 22$ chofes qui appartienent a la Geofetrie : car ceux qui font vn peu verfés en cete fcience les pourront affés entendre d'eux mefmes, & ie me perfuade que les autres felront plus ayfes de m'en croire, que d’auoir la peine de les lire. Au refte, affin que tout fe face par ordre, ie voudrois, premierement, qu’on s'exerçaft a polir des verres, plats d'vn cofté & conuexes de l'autre, qui euffent la figure d'vne hyperbole dont les poins bruflans fuffent a deux ou trois pieds l'vn de l'autre : car cete longeur eft fuffifante pour vne lu- nete qui ferue a voir aflés parfaittement les obiets inacceflibles. Puis ie voudrois qu'on fift des verres concaues de diuerfes figures, en les creufant toufiours de plus en plus, iufques a ce qu'on euft trouué par experience la iufte figure de celuy qui rendroit cete lunete la plus parfaitte qu'il foit poflible, & la mieux proportionnée a l'œil qui auroit a s'en feruir. Car vous fçaués que ces verres doiuent eftre vn peu plus con- caues pour ceux qui ont la veuë courte que pour les autres. Or, ayant ainfi trouué ce verre concaue, d'au- tant que le mefme peut feruir au mefme œil pour toute autre forte de lunetes, il n'eft plus befoin, pour les lunetes qui feruent a voir les obiets inaccefibles, que de s'exercer a faire d’autres verres conuexes qui doiuent eftre pofés plus loin du concaue que le pre- mier, & a en faire aufly par degrés qui doiuent eftre pofés de plus en plus loin, iufques a la plus grande diftance qu'il fe pourra, & qui foient aufly plus grands a proportion. Mais hotés que, d'autant que ces verres conuexes doiuent eftre pofés plus loin des concaues, & par confequent aufly de l’œil, d'autant doiuent ils Œuvres. I. 29 226 OEuvRESs DE DESCARTES! *: F eftre taillés plus exactement, a caufe que les mefmes defauts y détournent les rayons d'autant plus loin de l'endroit où ils doiuent aller. Comme, fi le | verre F dé- tourne le rayon CF autant que le verre E détourne AE, en forte que les angles AEG & CFH A € foient efgaus, il eft manifefte que CF, allant. Fr vers H, s'efloigne bien plus du point D où / iliroit fans cela, qu'AE ne fait du point B, Ce : allant vers G. Enfin, la derniere & principale LL | . chofe a quoy ie voudrois qu'on s'exerçaff, fi: c'eft a polimdeswerres conuexes/desqenx coftés pour les lunetes qui feruent a voir les obiets ac- ceflibles, & que, s’eftant premierement exercé aenfaire de ceux qui rendent ces lunetes fort courtes, a caufe que ce feront les plus ayfés, on tafchaft aprés, par degrés, a en faire de ceux qui les rendent plus longues, iufques a ce qu'on foit paruenu aus plus longues dont on fe puifle feruir. Et aflin que la difficulté que vous pourrés trouuer en la conftruction de ces dernieres lunetes ne vous dégoufte, ie vous veux auertir qu’en- core que d'abord leur vfage n’attire pas tant que celuy. de ces autres, qui femblent promettre de nous efleuer dans les cieux, & de nous y monftrer fur les aftres des cors aufly particuliers, & peuteftre aufly diuers que ceux qu'on void fur la terre, ie les iuge toutes fois beaucoup plus vtiles, a caufe qu'on pourra voir par leur moyen les diuers meflanges & arrengemens des petites parties dont les animaus & les plantes, & peuteftre aufly les autres cors qui nous enuironnent font compofés, & de là tirer beaucoup d’auantage pour venir a la connoiffance de leur nature.Car,defia 20 25 30 152-153. LA DiopTriQuEe. — Discours X. 227 felon l'opinion de plufieurs Philofophes, tous ces cors ne font faits que des parties des elemens diuerfement meflées enfemble; & felon la miene, toute leur na- ture & | leur effence, au moins de ceux qui font inani- més, ne confifte qu'en la groffeur, la figure, l’arran- gement, & les mouuemens de leurs parties. Pour la difficulté qui fe rencontre, lors qu'on voute ou creufe ces verres des deus coftés, a faire que les fommets des deux hyperboles foient direétement op- pofés l’vn a l’autre, on y pourra remedier en arondif- fant fur le tour leur circonference, & la rendant exac- tement efgale a celle des manches aufquels on les doit attacher pour les polir; puis, lors qu'on les y attache, & que le plaftre, ou la poix & le ciment dont on les y joint, eft encore frais & flexible, en les faifant pañler auec ces manches par vn anneau dans lequel ils n'entrent qu a peine. le ne vous parle point de plufieurs autres particularités qu'on doit obferuer en les tail- lant, ny aufly de plufieurs autres chofes que ray tan- toft dit eftre requifes en la conftruétion des lunetes : car il n yen a aucune que ie iuge fi diflicile qu'elle puifle arrefter les bons efprits ; & ie ne me reigle pas fur la portée ordinaire des artifans, mais ie veus ef- perer que les inuentions que ray mifes en ce Traité feront eftimées aflés belles & aflés importantes pour obliger quelques vns des plus curieus & des plus in- duftrieus de noftre fiecle a en entreprendre l'execution. Page 82, 1. 3. — Le père de Jacob Metius, Adriaen Anthonisz (sur nommé Metius parce qu’il était originaire de Metz), né en 1527, mort en 1607, mathématicien et ingénieur, s'était établi à Alcmaer; c'est à lui qu'on doit l'approximation bien connue rx — #., publiée en 1625 par son fils Adrien Metius (1571-1635). Ce dernier était professeur à l'Université 228 OEUVRES DE DESCARTES. de Franeker, et Descartes a certainement dû entrer en relations avec lui en 1629. Au contraire, il n'a pas dû connaitre personnellement Jacob Metius, qui mourut vers 1630; son témoignage sur l'invention des lunettes d'approche n’en a pas moins une importance majeure, d'autant plus que, dans son premier séjour en Hollande, il aurait dû connaître, par Isaac Beecman, qui était de Middelbourg, la tradition plaçant l'invention dans cette dernière ville, si cette tradition avait déjà pris corps. Page 141, 1. 23. — L'édition originale porte « ses nerfs » [les nerfs de l'œil); l’édition latine, revue par Descartes, donne hi nervi, c'est-à-dire ces nerfs, comme plus haut, 1. 18. Page 168, |. 3. — Nous avons corrigé le texte original qui porte : « Nous entendrons tousiours parler de l'interieur. » Dans l'édition latine, on lit, en effet, exterior; et, d'autre part, c’est bien le foyer appelé ici exterieur par Descartes, qu'il désigne couramment ensuite comme point bruslant, sans détermination plus précise. Page 185, 1. 17. — La fin du second livre de la Geometrie (pages 352 à 368 de l'édition originale) est, en effet, consacrée aux courbes qui satisfont aux conditions dont il s’agit. Ces courbes sont connues sous le nom d'ovales de Descartes, et leur invention, qui constitue, en réalité, la pre- mière solution d’un problème inverse des tangentes, est un des plus re- marquables travaux géométriques de cette période. Page 218, 1. 6. — Il est intéressant de rapprocher le Discours dixiesme des lettres écrites par Descartes à Ferrier en 1629 (XI et XIII, Correspon- dance, t. Ï, p. 32 et p. 53). Le principe de la machine de Descartes est toujours le même; obtenir une pièce taillée en hyperbole comme section d'un plan fixe par la génératrice d'un cône de révolution. Mais il revient, dans sa Dioptrique, à la conception primitive abandonnée dans la lettre du 8 octobre 1629 (voir t. I, p. 33-34), celle d’un rouleau dont tous les points décriront une hyperbole et dont les extrémités porteront les outils servant à tailler. Toutefois, au lieu de tailler dirèctement le verre, il propose, comme en 1629 à Ferrier, de tailler d'abord des lames et une roue, qui servira pour le travail du verre, suivant un dispositif analogue à celui que Ferrier a indiqué {t. I, p. 47 et p. 59). Quant à la taille de la roue au moyen des lames, Descartes ne parle plus, dans sa Dioptrique, de la dis- position recommandée dans sa lettre du 13 novembre 1629 (t. I, p. 67-68). I1 semble probable qu'il se la réservait, et non pas qu'il en eût abandonné le principe. FIN, < METEORES 20 Difcours Premier. DE LA NATVRE DES CORS TERRESTRES. Nous auons naturellement plus d’admiration pour les chofes qui font au deffus de nous, que pour celles qui font a pareille hauteur ou au deffous. Et quoy que les nues n'excedent gueres les fommets de quelques montaignes, & qu'on en voye, mefme fouuent, de plus baffes que les pointes de nos clochers, toutefois, a caufe qu'il faut tourner les yeux vers le ciel pour les regarder, nous les imaginons fi releuées, que mefme les Poëtes & les Peintres en compofent le throfne de Dieu, & font que là il employe fes propres mains a ouurir & fermer les portes des vens, a verfer la rozée fur les fleurs, & a lancer la foudre fur les rochers. Ce qui me fait efperer que, fi i'explique icy leur na- ture, en telle forte qu'on n'ait plus occafon d'admirer rien de ce qui sy voit ou qui en defcent, on croyra facilement qu'il eft pofible, en mefme façon, de trouuer les caufes de tout ce qu'il y a de plus admirable def- fus la terre. IR CV 7 232 ŒŒEuvrEs DE DESCARTES. 157-158, le parleray,en ce premier difcours, de la nature des cors terreftres en general, afin de pouuoir mieus ex- pliquer, dans le fuiuant, celle des exhalaifons & des vapeurs. Puis, a caufe que ces vapeurs, s'efleuans de l'eau de la mer, forment quelquefois du fel au deflus de fa fuperficie, ie prendray de là occafion de m'a- refter vn peu a le defcrire, & d’eflayer en luy fi on peut connoiftre les formes de ces cors, que les Phi- lofophes difent eftre compofés des elemens par vn meflange parfait, aufly bien que celles des Meteores, qu'ils difent n'en eftre compofés que par vn meflange imparfait. Aprés cela, conduifant les vapeurs par l'air, i'examineray d'où vienent les vens. Et les fai- fant affembler en quelques endroits, ie defcriray la nature des nues. Et faifant die ces nues, 1e diray ce qui caufe la pluie, la grefle & la neige; où ie n'oublieray pas celle dont les parties ont la figure de petites eftoiles a fix pointes tres parfaitement compañlées, & qui, bien qu'elle n'ait point efté ob- feruée par les anciens, ne laiffe pas d’eftre l'vne des plus rares merueilles de la Nature. le n'oublieray pas auffy les tempeñtes, le tonnerre, la foudre & les diuers feus qui s'allument en l'air, ou les lumieres qui s'y voyent. Mais, fur tout, ie tafcheray de bien depeindre l'arc en ciel, & de rendre raifon de fes couleurs, en telle forte qu'on puiffe auffy entendre la nature de toutes celles qui fe trouuent en d’autres fuiets. A quoy r'adioufteray la caufe de celles qu'on voit com- munement dans les nuës, & des cercles qui enuiron- nent les aftres; & enfin la caufe des Soleils, ou des Lunes, qui paroiïflent quelquefois plufieurs enfemble. 20 25 30 5 È à JE Let PDT LAS A VON S 0 LA ES ‘ ut nie EF 158-150. Les MeTEOoREs. — Discours I. 233 Il eft vray que la connoiflance de ces chofes depen- dant des principes generaus de la Nature, qui n'ont point encore efté, que ie fçache, bien expliqués, il faudra que | ie me ferue, au commencement, de quelques fuppofitions, ainfi que 1’ay fait en la Diop- trique ; mais ie tafcheray de les rendre fi fimples & fi faciles, que vous ne ferés peuteftre pas difficulté de les croyre, encore que ie ne les aye point de- monftrées. le fuppofe, premierement, que l'eau, la terre, l'air, & tous les autres tels cors qui nous enuironnent, font compofés de plufieurs petites parties de diuerfes figures & grofleurs, qui ne font iamais fi bien ar- rengées, ni fi iuftement iointes enfemble, qu'il ne refte plufieurs interualles autour d’elles ; & que ces interualles ne font pas vuides, mais remplis de cete matiere fort fubtile, par l’entremife de laquelle ray dit cy deflus que fe communiquoit l’action de la lu- miere. Puis, en particulier, ie fuppofe que les petites parties dont l'eau eft compofée, font longues, vnies & gliffantes, ainfi que de petites anguilles, qui, quoy qu'elles fe ioignent & s'entrelacent, ne fe noüent ny ne s'accrochent iamais, pour cela, en telle façon qu'elles ne puiflent ayfement eftre feparées; & au contraire, que prefque toutes celles, tant de la terre que mefme de l’air & de la plufpart des autres cors, ont des figures fort irregulieres & inefgales ; en forte qu'elles ne peuuent eftre fi peu entrelacées, qu'elles ne s'accrochent & fe lient les vnes aus autres, ainfi que font les diuerfes branches des arbrifleaus, qui croiflent enfemble dans vne haye. Et lorfqu'elles fe Œuvres. I, 30 234 Œuvres DE DESCARTES. 159-160. lient en cete forte, elles compofent des cors durs, comme de la terre, du bois, ou autres femblables : au lieu que, fi elles font fimplement pofées l’vne fur l'autre, fans eftre que fort peu ou point du tout entre- lacées, & qu’elles foient auec cela fi petiltes, qu'elles puiflent eftre meuës & feparées par l'agitation de la matiere fubtile qui les enuironne, elles doiuent oc- cuper beaucoup d'efpace, & compofer des cors li- quides fort rares & fort legers, comme des huiles ou de l'air. De plus, il faut penfer que la matiere fubtile, qui remplift les interuales qui font entre les parties de ces cors, eft de telle nature qu’elle ne ceffe iamais de fe mouuoir ça & là grandement vifte, non point toutefois exactement de mefme viteffe en tous lieus & en tous tems, mais qu'elle fe meut communement vn peu plus vifte vers la fuperficie de la terre, qu'elle ne fait au haut de l'air où font les nuës, & plus vifte vers les lieus proches de l'Equateur que vers les Poles, & au mefme lieu plus vifte l'efté que l'hyuer, & le iour que la nuit. Dont la raifon eft euidente, en fup- pofant que la lumiere n'eft autre chofe qu'vn certain mouuement, ou vne action, dont les cors lumineus pouflent cete matiere fubtile de tous coftés autour d'eus en ligne droite, ainfi qu'il a efté dit en la Diop- trique. Car il fuit de là que les rayons du foleil, tant droits que reflefchis, la doiuent agiter dauantage le iour que la nuit, & l'efté que l'hyuer, & fous l'Equa- teur que fous les Poles, & contre la terre que vers les nues. Puis il faut aufly penfer que cete matiere fubtile eft compofée de diuerfes parties, qui, bien qu'elles foient toutes tres petites, le font toutefois 10 20 29 30 EN NT RENE, MT M F A UE. VS RS ER EUTE 160-161, Les METEORES. —— Discours I. 23 beaucoup moins les vnes que les autres, & que les plus grofles, ou, pour mieus parler, les moins petites, ont toufiours le plus de force, ainfi que generalement tous les grans cors en ont plus que les moindres, quand ils font autant esbranlés. Ce qui fait que, moins cete matiere eft fubtile, c'eft a | dire compofée de parties moins petites, plus elle peut agiter les parties des autres cors. Et cecy fait auffy qu'elle eft ordinai- rement le moins fubtile aux lieus & aux tems où elle eft le plus agitée, comme vers la fuperficie de la terre que vers les nuës, & fous l'Equateur que fous les Poles, & en efté qu'en hyuer, & de iour que de nuit. Dont la raifon eft que les plus grofles de fes parties, ayant le plus de force, peuuent le mieux aller vers les lieux où, l'agitation eftant plus grande, il leur eft plus ayfé de continuer leur mouuement. Toutefois, il y en a toufiours quantité de fort petites qui fe coulent parmi ces plus groffes. Et il eft a remarquer que tous les cors terreftres ont bien des pores, par où ces plus petites peuuent paffer, mais qu'il y en a plu- fieurs qui les ont fi eftroits, ou tellement difpofés, qu'ils ne reçoiuent point les plus groffes ; & que ce font ordinairement ceux cy qui fe fentent les plus froids quand on les touche, ou feulement quand on sen approche. Comme, d'autant que les marbres & les metaus fe fentent plus froids que le bois, on doit penfer que leurs pores ne reçoiuent pas fi facilement les parties fubtiles de cete matiere, & que les pores de la glace les reçoiuent encore moins facilement que ceux des marbres ou des metaus, d'autant qu'elle eft encore plus froide. Car ie fuppofe icy que, pour 23 6 OEuvrEes DE DESCARTES. bas le froid & le chaud, il n’eft point befoin de conceuoir autre chofe, finon que les petites parties des cors que nous touchons, eftant agitées plus ou moins fort que de couftume, foit par les petites parties de cete ma- tiere fubtile, foit par telle autre caufe que ce puifle eftre, agitent aufly plus ou moins les petits filets de ceux de nos nerfs qui | font les organes de l'attou- chement; & que, lorfqu'elles les agitent plus fort que de couftume, cela caufe en nous le fentiment de la chaleur ; au lieu que, lorfqu'elles les agitent moins fort, cela caufe le fentiment de la froideur. Et il eft bien ayfé a comprendre, qu'encore que cete matiere fubtile ne fepare pas les parties des cors durs, qui font comme des branches entrelacées, en mefme façon qu'elle fait celles de l'eau & de tous les autres cors qui font liquides, elle ne laifle pas de les agiter & faire trembler plus ou moins, felon que fon mouue- ment eft plus ou moins fort, & que fes parties font plus ou moins groffes : ainfi que le vent peut agiter toutes les branches des arbrifleaus dont vne paliffade eft compofée, fans les ofter pour cela de leurs places. Au refte, il faut penfer qu'il y a telle proportion entre la force de cete matiere fubtile, & la refiftence des parties des autres cors, que, lorfqu'elle eft autant agitée, & qu'elle n’eft pas plus fubtile qu’elle a cou- ftume d’eftre en ces quartiers contre la terre, elle a la force d'agiter & de faire mouuoir feparement l'vne de l'autre, & mefme de plier la plufpart des petites par- ties de l'eau entre lefquelles elle fe glifle, & ainfi de la rendre liquide; mais que, lorfqu elle n'eft pas plus agitée, ny moins fubtile, quelle a couftume d'eftre 20 25 30 15 20 25 30 162163. Les MErTEorEs. — Discours I. 297 en ces quartiers au haut de l'air, ou qu'elle y eft quel- quefois en hyuer contre la terre, elle n'a point affés de force pour les plier & agiter en cete façon, ce qui eft caufe qu'elles s’areftent confufement iointes & pofées l'vne fur l’autre, & ainfi qu'elles compofent vn cors dur, a fçauoir de la glace. En forte que vous pouués imaginer mefme difference entre de l'eau & de | la glace, que vous feriés entre vn tas de petites anguilles, foit viues, foit mortes, flotantes dans vn batteau de pefcheur tout plein de trous par lefquels pafle l'eau d'vne riuiere qui les agite, & vn tas des mefmes anguilles, toutes feiches & roides de froid fur le riuage. Et pourceque l'eau ne fe gele iamais que la matiere qui eft entre fes parties ne foit plus fubtile qu'a l'ordinaire, de là vient que les pores de la glace qui fe forment pour lors, ne s'accommodans qu'a la groffeur des parties de cete matiere plus fub- tile, fe difpofent en telle forte qu'ils ne peuuent re- ceuoir celle qui left moins; & ainfi que la glace ef toufiours grandement froide, nonobftant qu'on la garde iufques a l’efté; & mefme qu'elle retient alors fa dureté, fans s’amollir peu a peu comme la cire, a caufe que la chaleur ne penetre au dedans qu'a me- fure que le deflus deuient liquide. Il y a icy de plus a remarquer qu'entre les parties longues & vnies, dont i’ay dit que l’eau efltoit com- pofée, 1l y en a veritablement la plufpart qui fe plient ou ceflent de fe plier felon que la matiere fubtile qui les enuironne a quelque peu plus ou moins de force qua l'ordinaire, ainfi que ie viens d'expliquer; mais quil y en a aufly de plus grofles qui, ne pouuant 2X 238 Œuvres DE DESCARTES. 163-164. ainfi eftre pliées, compofent les fels; & de plus pe- tites qui, le pouuant eftre toufiours, compofent les efprits ou eaus de vie, qui ne fe gelent iamais ; & que, lorfque celles de l'eau commune ceffent du tout de fe plier, leur figure la plus naturelle n'eft pas en toutes d’eftre droites comme des ioncs, mais, en plu- fieurs, d’eftre courbées en diuerfes fortes : d'où vient qu'elles ne peuuent pour lors fe renger en fi peu d'ef- pale, que lorfque la matiere fubtile, eftant afflés forte pour les plier, leur fait accommoder leurs figures les vnes aux autres. Il eft vray aufly que, lorfqu'elle eft plus forte qu'il n'eft requis a cet effe&, elle eft caufe derechef qu'elles s’eftendent en plus d'efpace : ainfi quon pourra voir par experience, fi, ayant rempli d'eau chaude vn matras, ou autre tel vafe dont le col foit affés long & eftroit, on l'expofe a l'air lorfqu'il gele : car cete eau s’abaiffera vifiblement peu a peu, iufques a ce qu'elle foit paruenuë a certain degré de froideur, puis s’enflera & fe rehauflera aufly peu a peu, iufqu'a ce qu'elle foit toute gelée : en forte que le mefme froid, qui l'aura condenfée ou referrée au commencement, la rarefiera par apprés. Et on peut voir aufly, par experience, que l'eau qu'on a tenuë longtems fur le feu fe gele plutoft que d'autre; dont la raifon eft que celles de fes parties, qui peuuent le moins cefler de fe plier, s'euaporent pendant qu'on la chauñte. Mais, aflin que vous receuiés toutes ces fuppofi- tions auec moins de difficulté, fçachés que ie ne con- çoy pas les petites parties des cors terreftres comme des atomes ou particules indiuifibles, mais que, les 20 25 30 10 20 164-165. Les METEOREsS. — Discours Il. 239 iugeant toutes d'vne mefme matiere, ie croy que -chafcune pourroit eftre rediuifée en vne infinité de façons, & qu'elles ne different entre elles que comme des pierres de plufieurs diuerfes figures, qui auroient efté couppées d'vn mefme rocher. Puis, fçachés aufly que, pour ne point rompre la paix auec les Philo- fophes, ie ne veux rien du tout nier de ce qu'ils ima- ginent dans les cors de plus que ie n’ay dit, comme leurs formes fubflantielles, leurs qualités reelles, | & chofes femblables, mais qu'il me femble que mes raifons deuront eftre d'autant plus approuuées, que ie les feray dependre de moins de chofes. = DES VAPEVRS ET DES EXHALAISONS. Difcours Second. Si vous confiderés que la matiere fubtile, qui eft - dans les pores des cors terreftres, eflant plus fort agitée vne fois que l’autre, foit par la prefence du foleil, foit par telle autre caufe que ce puiffe eftre, agite aufly plus fort les petites parties de ces cors; vous entendrés facilement qu'elle doit faire que celles qui font aflés petites, & auec cela de telles figures ou _en telle fituation qu'elles fe peuuent ayfement feparer de leurs voyfines, s'efcartent ça & là les vnes des autres, & s'efleuent en l'air; non point par quelque 4 , RURAL A EU, de fn. fe Sr à DÉS D er, tés. Lo dt à d' Ée en! ti un, à, à l'æ aniifn le ñ es dd à 08 di ES D RES SRE RSS 240 OŒEuvrEs DE DESCARTES. - 165-166. inclination particuliere qu'elles ayent a monter, ou que le foleil ait en foy quelque force qui les attire, mais feulement a caufe qu’elles ne trouuent point d'autre lieu dans lequel il leur foit fi ayfé de continuer leur mouuement : ainfi que la poufliere d'vne cam- paigne fe foufleue, quand elle eft feulement pouffée & agitée par les pieds de quelque pañlant. Car,encore que les grains de cete poufliere foient beaucoup plus gros & plus pefans que les petites parties dont nous parlons, ils ne laiffent pas pour cela de prendre leur cours vers le ciel. Et mefme on voit qu'ils y montent beaucoup plus haut, lorfqu'vne grande plaine eft cou- uerte de gens qui fe remuënt, que lorfquelle nef foulée que par vn feul homme. Ce qui doit empefcher qu'on ne s'eftonne de ce que l'attion du foleil efleue affés haut les petites parties de la matiere dont fe compofent les vapeurs & les exhalaifons, vû quelle s'eftend toufiours en mefme tems fur toute vne moitié de la terre, & qu'elle y demeure les iours entiers. Mais remarqués que ces petites parties, qui font ainfi efleuées en l'air par le foleil, doiuent pour la plufpart auoir la figure que i'ay attribuée a celles de l'eau, a caufe qu'il n'y en a point d’autres qui puiflent fi ayfe-- ment eftre feparées des cors où elles font. Et ce fe- ront celles cy feules que ie nommeray particuliere- ment des vapeurs, affin de les diftinguer des autres qui ont des figures plus irregulieres, & aufquelles ie reftreindray le nom d'exhalaifons, a caufe queienen fçache point de plus propre. Toutefois aufy, entre les exhalaifons, ie comprendray celles qui, ayant a peu prés mefme figure que les parties de l'eau, mais eftant 20 25 30 20 21) 30 166-167. Les METEoREs. — Discours II. 241 plus fubtiles, compofent les efprits ou eaus de vie, a caufe qu'elles peuuent facilement s'embrafer. Et ren exclueray celles qui, eflant diuifées en plufieurs branches, font fi fubtiles qu'eiles ne font propres qu'a compofer le cors de l'air. Pour celles qui, eftant vn peu plus groflieres, font aufly diuifées en branches, il eft vray quelles ne peuuent gueres fortir d'elles mefme des cors durs où elles fe trouuent; mais fi quelquefois le feu s'efprand en ces cors, il les en chafle toutes en fumée. Et auffy, lorfque l'eau fe gliffe dans leurs pores, elle peut fouuent les en degager, & les emporter en haut auec | foy : en mefme façon que le vent, paflant au trauers d'vne haye, emporte les feuilles ou les pailles, qui fe trouuent entrelacées entre fes branches : ou, plutoft, comme l’eau mefme emporte vers le haut d'vn alembic les petites parties de ces huiles que les Alchemifltes ont couftume de tirer des plantes feiches, lorfque, les ayant abbreuées de beaucoup d'eau, ils diftilent le tout enfemble, & font par ce moyen que le peu d'huile qu'elles con- tienent monte auec la grande quantité d'eau qui eft parmi. Car, en effect, la plufpart de celles cy font toutes les mefmes qui ont couftume de compofer les cors de ces huiles. Remarqués aufly que les vapeurs occupent toufiours beaucoup plus d'efpace que l'eau, bien qu'eHes ne foient faites que des mefmes petites parties. Dont la raifon eft que, lorfque ces parties compofent le cors de l’eau, elles ne fe meuuent qu'affés fort pour fe plier, & s'entrelacer, en fe glif- fant les vnes contre les autres, ainfi que vous les voyés reprefentées vers À : au lieu que, lorfqu'elles ont la Œuvres, I, 3: 242 OEuvres DE DESCARTES. 167-168, forme d'vne vapeur, leur agitation eft fi grande, qu'elles tournent en rond fort promptement de tous coftés, & s'eflendent, par mefme moyen, de toute leur longeur, “en telle forte que chafcune a la force de chaffer d’au- tour de foy toutes celles de fes femblables qui tendent l Ÿ de AAAONES Cet ns y E < . ï SD MORE ni a entrer en la petite fphere qu'elle defcrit : ainfi que vous les voyés reprefentées vers B. Et c'eft en mefme façon que, fi vous faites tourner aflés vifte le piuot LM, au trauers duquel eft pañlée la chorde NP, vous verrés que cete chorde fe tiendra en l'air toute droite & eftendue, occupant par ce moyen tout l'efpace com- pris dans le}cercle NO PQ, en telle forte quon n'y pourra mettre aucun autre cors, qu'elle ne 10 2 sons ‘A 168-160. Les METroREs. — Discours I. 243 le frappe incontinent auec force, pour l'en chafler; au lieu que, fi vous la faites mouuoir plus lentement, elle s'entortillera de foy mefme autour de ce piuot, & ainfi n'occupera plus tant d’efpace. De plus, il faut remarquer que ces vapeurs peuuent eftre plus ou moins preflées ou eftendues, & plus ou moins chaudes ou froides, & plus ou moins tranfpa- rentes ou obfcures, & plus ou moins humides ou feiches vne fois que l’autre. Car, premierement, lorfque leurs parties, n'eftant plus aflés fort agitées pour fe tenir eftendues en ligne droite, commencent a fe plier & fe rapprocher les vnes des autres, ainfi qu'elles font re- prefentées vers C & vers D; ou bien, lorfqu'eftant referrées entre des montaignes, ou entre les ations de diuers vens qui, eftant oppofés, s'empefchent les vns les autres d'agiter l'air, ou au deflous de quelques nuës, elles ne fe peuuent pas eftendre en tant d’ef- pace que leur agitation le requert, comme vous les pouués voir vers E; ou, enfin, lorfqu'emplovant la plus grande partie de leur agitation a fe mouuoir plufieurs enfemble vers vn mefme cofté, elles ne tournoyent plus fi fort que de couftume, ainfi qu'elles fe voyent vers F, où, fortant de l’efpace E, elles engendrent vn vent qui foufile vers G; il eft manifefte que les vapeurs qu'elles compofent font plus efpefles ou plus ferrées, que lorfqu'il n'arriue aucune de ces trois chofes. Et il eft manifefte aufly que, fuppofant la vapeur qui eft vers E autant agitée que celle qui eft vers B, elle doit eftre beaucoup plus chaude, a caufe que fes parties, eftant plus ferrées, ont plus de force : en mefme façon que la chaleur d'vn fer embrafé eft bien plus ardente 244 OEUVRES DE DESCARTES. 169-170. que celle des charbons ou de la flame. Et c’eft pour cete caufe qu'on fent fouuent en efté vne chaleur plus forte & plus eftouflante, lorfque l'air, eftant calme & comme efgalement preflé de tous coftés, couue vne pluie, que lorfqu'il eft plus clair & plus ferein. Pour RS 5 20 À Res DÉC Ce) So 27e EPS oz < Ne A LE la vapeur qui eft vers C, elle eft plus froide que celle qui eft vers B, nonobftant que fes parties foient vn peu plus ferrées, d'autant que ie les fuppofe beaucoup moins agitées. Et au contraire celle qui | eft vers D eft plus chaude, d'autant que fes parties font fuppofées beaucoup plus ferrées, & feulement vn peu moins agitées. Et celle qui eft vers F eft plus froide que celle qui eft vers E, nonobftant que fes parties ne foient ny moins ferrées, ny moins agitées, d'autant qu'elles s'ac- 20 23 30 170-171. Les METEORES. — Discours Il. 24; cordent plus a fe mouuoir en mefme fens, ce qui ef caufe qu'elles ne peuuent tant esbranfler les petites parties des autres cors : ainfi qu'vn vent qui fouffle toufiours de mefme façon, quoy que tres fort, n'agite pas tant les feuilles & les branches d'vne foreft, qu'vn plus foible qui eft moins efgal. Et vous pourrés con- noiftre, par experience, que c’eft en cete agitation des petites | parties des cors terreftres que confifte la chaleur, fi, foufflant affés fort contre vos doigts ioins enfemble, vous prenés garde que l'haleine qui fortira de voftre bouche vous femblera froide au deffus de voftre main, où, paflant fort vifle & d'efgale force, elle ne caufera gueres d'agitation; au lieu que vous la fentirés aflés chaude dans les entredeux de vos doigs, où, pañlant plus inefgalement & lentement, elle agi- tera dauantage leurs petites parties : ainfi qu'on la fent aufly toufiours chaude, lorfqu'on fouffle ayant la bouche fort ouuerte; & froide, lorfqu'on fouffle en l'ayant prefque fermée. Et c'eft pour la mefme raifon qu'ordinairement les vens impetueux fe fentent froids, & quil ny en a gueres de chauds qui ne foient lents. De plus, les vapeurs reprefentées vers B, & vers E & vers F, font tranfparentes & ne peuuent eftre dif- cernées par la veuë d’auec le refte de l'air, d'autant que, fe remuant fort vifte & de mefme branfle que la matiere fubtile qui les enuironne, elles ne la peuuent empefcher de receuoir l'aétion des cors lumineux, mais plutoft elles la reçoiuent auec elle. Au lieu que la vapeur qui eft vers C commence a deuenir opaque ou obfcure, a caufe que fes parties n'obeiflent plus os 240 OEUVRES DE DESCARTES. Ty 72. tant a cete matiere fubtile, qu'elles puiflent eftre meues par elle en toutes façons. Et la vapeur qui eft vers D ne peut eftre du tout fi obfeure que celle qui eft vers C, a caufe qu'elle eft plus chaude. Comme vous voyés qu'en hyuer le froid fait paroiftre l'haleine SE S LENS 9 FOR MCTdE D'FOŸ PS Ë de jh ul == : J - SN NES SD ou la fueur des cheuaux efchauñflés, fous la forme d'vne grofle fumée fort efpaifle & obfcure; au lieu qu'en efté, que l'air eft plus chaud, elle eft inuifible. Et on|ne doit pas douter que l'air ne contiene fouuent autant ou plus de vapeurs, lorfqu'elles ne s'y voyent aucunement, que lorfqu'elles s'y voyent.Car comment fe pourroit-il faire, fans miracle, qu'en tems chaud &en plein midy, le foleil, donnant fur vn lac ou vn mareft, manquañt d'en efleuer beaucoup de vapeurs? 20 30 172-173. Les METEORES. — Discours Il. 247 vù quon remarque mefme que pour lors les eaux fe defleichent & fe diminuent beaucoup dauantage, qu'elles ne font en tems froid & obfcur. Au refte, celles qui font vers E font plus humides, c'eft a dire plus difpofées a fe conuertir en eau & a mouiller ou hu- mecter les autres cors comme fait l’eau, que celles qui font vers F. Car celles cy, tout au contraire, font feiches, vù qu'allant fraper auec force les cors humides quelles rencontrent, elles en peuuent chaffer & em- porter auec foy les parties de l'eau qui s'y trouuent, & par ce moyen les deffeicher. Comme auffy nous ef- prouuons que les vens impetueux font toufiours fecs, & qu'il n y en a point d'humides qui ne foient foibles. Et on peut dire que ces mefmes vapeurs, qui font vers E, font plus humides que celles qui font vers D, a caufe que leurs parties, eftant plus agitées, peuuent mieux s'infinuer dans les pores des autres cors pour les rendre humides; mais on peut dire aufly, en vn autre fens, qu'elles le font moins, a caufe que la trop grande agitation de leurs parties les empefche de pouuoir prendre fi ayfement la forme de l'eau. Pour ce qui eft des exhalaifons, elles font capables de beaucoup plus de diuerfes qualités que les va- peurs, a caufe qu'il peut y auoir plus de difference entre leurs parties. Mais il fufhra icy que nous remar- quions que les | plus groflieres ne font quafi autre chofe que de la terre, telle qu'on la peut voir au fonds d'vn vaze aprés y auoir laiflé raffeoir de l'eau de neige ou de pluie; ny les plus fubtiles, autre chofe que ces efprits ou eaux de vie, qui s'efleuent toufiours les premieres des cors qu'on diftile ; & qu'entre les me- 248 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 173. diocres, les vnes participent de la nature des fels volatiles, & les autres de celle des huiles, ou plutoft des fumées qui en fortent lorfqu'on les brufle. Et en- core que la plufpart de ces exhalaifons ne montent en l'air que meflées auec les vapeurs, elles ne laiflent pas de pouuoir ayfement, par aprés, s'en feparer : ou d'elles mefme, ainfi que les huiles fe demeflent de l'eau auec laquelle on les diftile ; ou aydées par l'agi- tation des vens qui les raffemblent en vn ou plufieurs cors, en mefme façon que les vilageoifes, en battant leur créme, feparent le beurre du petit lait; ou mefme fouuent aufly par cela feul que, fe trouuant plus ou moins pefantes & plus ou moins agitées, elles s'are- fent en vne region plus bafle ou plus haute que ne font les vapeurs. Et d'ordinaire les huiles s'efleuent moins haut que les eaux de vie, & celles qui ne font que terre encore moins haut que les huiles. Mais il n'y en a point qui s'areftent plus bas que les parties dont fe compofe le fel commun, & bien qu'elles ne foient pas proprement des exhalaifons ny des vapeurs, a caufe qu'elles ne s’efleuent iamais que iufques au deflus de la fuperficie de l'eau, toutefois, pource que c'eft par l'euaporation de cete eau qu'elles y vienent, & qu'il y a plufieurs chofes en elles fort remarquables qui peuuent eftre commodement icy expliquées, 1e n'ay pas enuie de les omettre. 20 29 20 25 y. Les METEORES. — Discours III. 249 DVESET Dufcours Troifiefme. La faleure de la mer ne confifte qu’en ces plus groffes parties de fon eau, que 1'ay tantoft dit ne pou- uoir eftre pliées comme les autres par l'aétion de la matiere fubtile, ny mefme agitées fans l'entremife des plus petites. Car, premierement, fi l'eau n'eftoit com- pofée de quelques parties, ainfi que 1'ay tantoft fup- pofé, il luy feroit efgalement facile ou difficile de fe diuifer en toutes façons & en tous fens, en forte qu'elle n'entreroit pas fi facilement qu'elle fait dans les cors qui ont des pores vn peu larges, comme dans la chaux & dans le fable; ou bien elle pourroit auffy en quelque façon penetrer en ceux qui les ont plus eftroits, comme dans le verre & les metaus. Puis, fi ces parties n’auoient la figure que ie leur ay attri- buée, lorfqu'elles font dans les pores des autres cors, elles n'en pourroient pas fi ayfement eftre chaflées par la feule agitation des vens ou de la chaleur ; ainfi qu'on l'efprouue aflés par les huiles, ou autres li- queurs grafles, dont nous auons dit que les parties auoient d'autres figures; car on ne les peut quafi ia- mais entierement faire fortir des cors où elles font vne fois entrées. Enfin, pource que nous ne voyons point de cors en la nature, qui foient fi parfaitement feinblables entre eux, qu'il ne fe trouue prefque touf- Œuvres. I. 32 240 OEUVRES DE DESCARTES. 174-175. iours quelque peu d'inefgalité en leur groffeur, nous ne deuons faire aucune difficulté de penfer que les parties de l'eau ne font point exactement toutes | ef- gales, & particulierement que dans la mer, qui eft le receptacle de toutes les eaux, il s’en trouue de fi grofles, qu'elles ne peuuent eftre pliées comme les autres par la force qui a couflume de les mouuoir. Et ie veux tafcher icy de vous monfîtrer que cela feul eft fuffifant pour leur donner toutes les qualités qu'a le fel. Premierement, ce n'eft pas merueille quelles ayent vn gouft picquant & penetrant, qui differe beau- coup de celuy de l'eau douce : car, ne pouuant eftre pliées par la matiere fubtile qui les enuironne, elles doiuent toufiours entrer de pointe dans les pores de la langue, &, par ce moyen, y penetrer aflés auant pour la piquer ; au lieu que celles qui compofent l'eau douce, coulant feulement par deffus toutes couchées, a caufe de la facilité qu'elles ont a fe plier, n'en peu- uent quafi point du tout eftre gouftées. Et les parties du fel, ayant penetré de pointe en mefme façon dans les pores des chairs qu'on veut conferuer, non feu- lement en oftent l'humidité, mais aufly font comme autant de petits baftons plantés ça & là entre leurs parties, où, demeurant fermes & fans fe plier, elles les fouftienent, & empefchent que les autres plus pliantes, qui font parmi, ne les defarrengent en les agitant, & ainfi ne corrompent le cors qu'elles com- pofent. Ce qui fait auffy que ces chairs, par fucceffion de tems, deuienent plus dures ; au lieu que les parties de l’eau douce, en fe pliant & fe gliffant par cy par là dans leurs pores, pourroient ayder a les ramollir & 20 23 30 nr "rt . ? 20 23 30 i75-176. Les METEORES. — Discours II. 261 a les corrompre. De plus, ce n'eft pas merueille que l'eau falée foit plus pefante que la douce, puifqu'elle eft compofée de parties, qui, eftant plus grofles & plus mafliues, peuuent s’arrenger en moindre efpace: | car c'eft de là que depend la pefanteur. Mais il eft befoin de confiderer pourquoy ces parties plus maf- fiues demeurent meflées auec les autres qui le font moins, au lieu qu'il femble qu'elles deuroient natu- rellement aller au deflous. Et la raifon en eft, au moins pour celles du fel commun, qu'elles font efga- lement grofles par les deux bouts, & toutes droites, ainfi qu'autant de petits baftons : car s'il y en a iamais eu dans la mer, qui fuffent plus grofles par vn bout que par l'autre, ayant efté par mefme moyen plus pefantes, elles ont eu tout loyfir d'aller au fonds, de- puis que le monde eft; ou s’il y en a eu de courbées, elles ont eu loyfir de rencontrer des cors durs, & fe ioindre a eux, a caufe qu'eftant vne fois entrées dans leurs pores, elles n'en auront pü fi facilement refortir, que celles qui font efgales & droites. Mais celles-cy, fe tenant couchées de trauers l'vne fur l'autre, don- nent moyen a celles de l’eau douce, qui font en per- petuelle agitation, de fe roller & s'entortiller autour d'elles, s'y arrengeant &s'y difpofant en certain ordre, qui fait qu'elles peuuent continuer a fe mouuoir plus ayfement, & plus vifte, que fi elles eftoient toutes feules. Car, lorfqu'elles font ainfi rollées autour des autres, la force de la matiere fubtile, qui les agite, n’eft emploiée qu a faire qu'elles tournent fort promp- tement autour de celles qu'elles embraffent, & qu'elles paflent ça & là de l'vne fur l’autre, fans pour cela 242 OŒEuvrREs DE DESCARTES. 176-177. changer aucun de leurs plis : au lieu qu'eftant feules, comme elles font lorfqu'elles compofent l’eau douce, elles s'entrelacent neceffairement en telle forte, qu'il eft befoin qu'vne partie de cete force de la matiere fubtile foit employée a les plier, pour les | degager les vnes des autres; & ainfy elle ne les peut faire mou- uoir pour lors fi facilement, ny fi vifte. Eftant donc vray que ces parties de l’eau douce peuuent mieux fe mouuoir, eftant rollées autour de celles du fel, qu'eftant feules, ce n'eft pas merueille qu'elles s'y rollent, lorfqu'elles en font affés proches, & qu'aprés, les tenant embraffées, elles empefchent que l'inefga- lité de leur pefanteur ne les fepare. D'où vient que le fel fe fond ayfement en l'eau douce, ou feulement eftant expofé a l'air en tems humide; & neantmoins qu'il ne s'en fond, en vne quantité d'eau determinée, que iufques a vne quantité determinée, a fçauoir au- tant que les parties pliantes de cete eau peuuent em- brafler des fienes en fe rollant autour d'elles. Et, fçachant que les cors, qui font tranfparens, le font d'autant plus qu'ils empefchent moins les mouue- mens de la matiere fubtile qui eft dans leurs pores, on voit encore, de cecy, que l’eau de la mer doit eftre naturellement plus tranfparente, & caufer des re- fraions vn peu plus grandes que celle des riuieres. Et on voit aufly qu'elle ne fe doit pas geler fi ayfe- ment, en fçachant que l'eau ne fe gele que lorfque la matiere fubtile, qui eft entre fes parties, n’a pas la force de les agiter. Et mefme on peut encore icy en- tendre la raifon du fecret pour faire de la glace en efté, qui eft l'vn des plus beaux que fçachent les 20 25 30 177-178. Les METEoREs. — Discours III. 243 curieux, encore qu'il ne foit pas des plus rares. Ils mettent du fel meflé auec efgale quantité de neige ou de glace pilée, tout autour d’vn vaze plein d'eau douce ; & fans autre artifice, a mefure que ce fel & cete neige fe fondent enfemble, l'eau qui eft enfermée dans le vaze, deuient glace. Dont la raifon eft que la matiere | fubtile, qui eftoit autour des parties de cete eau, eftant plus grofliere, ou moins fubtile, & par confequent ayant plus de force que celle qui eftoit autour des parties de cete neige, va prendre fa place a mefure que les parties de la neige fe rollent autour de celles du fel en fe fondant; car elle trouue plus de facilité a fe mouuoir dans les pores de l'eau falée qu'en ceux de l’eau douce, & elle tend inceflament a pafler d'vn cors en l'autre, pour entrer en ceux où fon mouuement eft le moins empefché ; au moyen de quoy la matiere plus fubtile, qui eftoit dans la neige, entre dans l'eau, pour fucceder a celle qui en fort; & pource qu'elle n’a point affés de force pour y entre- tenir l'agitation de cete eau, cela eft caufe qu’elle fe gele. Mais l'vne des principales qualités des parties du fel eft qu'elles font grandement fixes, c’eft a dire qu'elles ne peuuent eftre efleuées en vapeur ainfy que celles de l’eau douce. Dont la caufe eft, non feu- lement qu'eftant plus grofles, elles font plus pefantes; mais aufly, qu'eftant longues & droites, elles ne peu- uent eftre gueres longtems fufpendues en l'air, foit qu'elles foient en aétion pour monter plus haut, foit pour en defcendre, que l’vn de leurs bouts ne fe pre- fente vers en bas, & ainfi qu'elles ne fe tienent en ligne perpendiculaire vers la terre : car, tant pour 2$4 OEUVRES DE DESCARTES. 178-179. monter que pour defcendre, il leur eft bien plus ayfé a diuifer l'air, eflant en cete fituation, qu'en aucune autre. Ce qui n'arriue point en mefme façon aux par- ties de l’eau douce, a caufe qu’eftant faciles a fe plier, elles ne fe tienent iamais toutes droites, fi ce n'’eft qu'elles tournent en rond auec vitefle : au lieu que celles du fel ne fcauroient iamais gueres tourner en| cete forte ; car, fe rencontrant les vnes les autres & fe heurtant fans pouuoir fe plier pour s'entreceder, elles feroient incontinent contraintes de s’arefter. Mais, lorfqu'elles fe trouuent fufpendues en l'air, ayant vne pointe en bas, comme ray dit, il eft euident qu'elles doiuent defcendre plutoft que monter : a caufe que la force qui les pourroit poufler vers en haut, agift beaucoup moins que fi elles eftoient couchées de tra- uers; & elle agift moins, d'autant iuftement que la quantité de l'air, qui refifte a leur pointe, eft plus petite que ne feroit celle qui refifteroit a leur longeur; au lieu que leur pefanteur, eftant toufiours efgale, agit d'autant plus que cete refftence de l'air eft plus petite. À quoy fi nous adiouftons que l’eau de la mer s'adoucift quand elle trauerfe du fable, a caufe que les parties du fel, faute de fe plier, ne peuuent couler, ainfy que font les parties de l'eau douce par les petits chemins détournés, qui font autour des grains de ce fable, nous fçaurons que les fontaines & les riuieres, n'eftant compofées que des eaux qui ont efté efleuées en vapeurs, ou bien qui ont paflé au trauers de beau- coup de fable, ne doiuent point eftre falées; & aufly que toutes ces eaux douces, rentrant dans la mer, ne la doiuent point rendre plus grande, ny moins 20 25 30 dd in Lit did ris 15 20 25 30 179-180. Les MErEOoREs. — Discours II. 24 falée; d'autant qu'il en reflort continuellement au- tant d'autres, dont quelques vnes s’efleuent en l’air changées en vapeurs, puis vont retomber en pluie ou en neige fur la terre; mais la plufpart penetrent* par des conduits foufterains iufques au deffous des montaignes, d'où la chaleur, qui eft dans la terre, les efleuant aufly comme en vapeur vers leurs fom- mets, elles y vont remplir les fources des fontaines & des riuieres. Et nous fçaurons aufly que l'eau de la mer doit eftre plus falée fous l’equateur que vers les poles, fi nous confiderons que le foleil, y ayant beaucoup de force, en fait fortir beaucoup de va- peurs, lefquelles ne retombent point par aprés iufte- ment aux mefmes endroits d'où elles font forties, mais, pour l'ordinaire, en d’autres plus proches des poles, ainfy que vous entendrés mieux cy aprés. Au refte, finon que ie n'ay pas enuie de m'arefter a ex- pliquer particulierement la nature du feu, r'adioufte- rois encore icy pourquoy l'eau de la mer eft moins propre a efteindre les embrafemens que celle des riuieres, & pourquoy elle eftincelle la nuit, eftant agitée : car vous verriés que les parties du fel, eftant fort ayfées a esbranfler, a caufe qu'elles font comme fufpenduës entre celles de l'eau douce, & ayant beau- coup de force aprés eftre ainfy esbranflées, a caufe qu'elles font droites et inflexibles, peuuent non feu- lement augmenter la flame, lorfqu'on les y iette, mais aufly en caufer d'elles mefme, en s'eflançant hors de l'eau où elles font. Comme, fi la mer, qui eft vers A, eflant pouflée auec force vers C, y rencontre vn banc a. penetrant D, 2 ;0 OEuvREs DE DESCARTES. 150-182 de fable ou quelque autre obftacle, qui la face monter _vers B, le branfle que cete agitation donne aux par- ties du fel, peut faire que les premieres qui vienent en l'air, s'y dégagent de celles de l’eau douce qui | les tenoient en- us tortillées, & que, RSS fe trouuant feules == vers B, a cerltaine diflance l'vne de l'autre, elles y engendrent des eftincelles affés fem- blables a celles qui fortent des caillous quand on les frappe. Il eft vray qu'a cet effect, il eft requis que ces parties du fel foient fort droites & fort gliflantes, affin qu'elles fe puiflent plus ayfement feparer de celles de l'eau douce : d'où vient que ny la faumeure, ny l'eau de mer qui a efté longtemps gardée en quelque vaze, ny font pas propres. Il eft requis aufly que celles de l’eau douce n’embraflent point trop eftroitement celles du fel : d'où vient que ces eftincelles paroiflent plus, quand il fait chaud, que quand il fait froid; & que l'agitation de la mer foit aflés forte : d'où vient qu'en mefme tems il ne fort pas du feu de toutes fes vagues; &, enfin, que les parties du fel fe meuuent de pointe, comme des fleches, & non de trauers : d’où vient que toutes les gouttes, qui reiailliffent hors d'vne mefme eau, n'efclairent pas en mefme forte. Mais confiderons maintenant comment le fel flotte fur l'eau quand il fe fait, nonobftant que fes parties foient fort fixes & fort pefantes; & comment il s'y forme en petits grains, qui ont. vne figure quarrée, prefque femblable a celle d’vn diament taillé en table, 20 25 30 20 30 181-182. Les METEOoREs. — Discours I. 247 excepté que la plus large de leurs faces eft vn peu creufée. Premierement, il eft befoin, a cet effet, que l'eau de la mer foit retenuë en quelques foffes, pour euiter tant l'agitation continuelle des vagues, que l'affluence de l'eau douce, que les pluies & les riuieres amenent fans ceffe en l’'Ocean. Puis il eft befoin aufly d’vn tems chaud & fec, aflin que l'action du foleil ait affés de force pour faire que les parties de l’eau douce, qui font rollées autour de celles du fel, s'éua- porent. Etil fault remarquer que la fuperficie de l’eau eft toufiours fort efgale & vnie, comme aufly celle de toutes les autres liqueurs : dont la raifon eft que fes parties fe remuënt entre elles de mefme façon & de mefme branfle, & que les parties de l'air qui la tou- chent fe remuent aufly entre elles tout de mefme l'vne que l'autre, mais que celles cy ne fe remuent pas de mefme façon ny de mefme mefure que celles là; & particulierement aufly, que la matiere fubtile, qui eft autour des parties de l'air, fe remue tout autrement que celle qui eft autour des parties de l'eau : ce qui eft caufe que leurs fuperficies, en fe frottant l'vne contre l'autre, fe poliflent, en mefme façon que fi c'eftoient deux cors durs : excepté que c’eft beaucoup plus ayfement, & prefque en vn inftant, pource que leurs parties, n'eftant attachées en aucune façon les vnes aux autres, sarrengent toutes, dés le premier coup, ainfi qu'il eft requis a cet effect. Et cecy eft aufly caufe que la fuperficie de l'eau eft beaucoup plus malayfée a diuifer, que neft le dedans : ain qu'on voit par experience, en ce que tous les cors aflés petits, quoy que de matiere fort pefante, comme Œuvres. L. 33 2 8 OEUVRES DE DESCARTES. 182-183. font de petites aiguilles d'acier, peuuent flotter & eftre fouftenus au deflus, lorfqu'elle n'eft point encore diuifée ; au lieu que, lorfqu'elle l’eft, ilz defcendent iufqu'au fonds fans s'arefter. En fuite de quoy il fault confiderer que, lorfque la chaleur de l'air eft affés grande pour former le fel, elle peut non feulement faire fortir hors de l'eau de mer quelques vnes des parties pliantes qui s'y trouuent, & les faire monter en vapeur, mais aufly les y faire monter auec telle vitefle, qu'auant qu'elles ayent eu le loyfir de fe de- uclopper, d'autour de celles du fel, elles arriuent iufques au deflus de la fuperficie de cete eau, où, les apportant auec foy, elles n'acheuent de s'en deue- loper, qu'aprés que le trou, qu'elles ont fait en cete fuperficie pour en fortir, s'eft refermé; au moyen PAU de quoy ces parties du fel y demeurent CAT toutes feules flottantes deffus, comme nŸ * yous les voyés reprefentées vers D. Car, y eftant couchées de leur long, elles ne font point aflés pefantes pour s'y en- foncer, non plus que les aiguilles d'acier dont ie viens de parler ; & elles la font feulement vn peu courber & plier fous elles, a caufe de leur pefanteur, tout de mefme que font aufly ces aiguilles. De façon que les premieres, eflant femées par cy par là fur cete fuper- ficie, y font plufieurs petites fofles ou courbures; puis les autres qui vienent aprés, fe trouuant fur les pentes de ces foffes, roullent & gliflent vers le fonds, où elles fe vont ioindre contre les premieres. Et il fault par- ticulierement icy remarquer que, de quelque part qu'elles y vienent, elles fe doiuent coucher iuftement 20 25 30 20 25 30 183-184. Les METEORES. —— Discours III. 259 cofte a cofte de ces premieres, comme vous les voyés vers E, au moins les fecondes, & fouuent aufy les troi- fiefmes, a caufe que, par ce moyen, elles defcendent quelque peu plus bas qu’elles ne pourroient faire, fi elles demeuroient en quelque autre fituation, comme en celle qui fe voit vers F, ou versG, + ou vers H. Et le mouuement de la chaleur, qui esbranle toufiours quel- quepeu cetelupericie, ayde a les. =\ _ o arrenger en cete forte. Puis, lorfqu'il y en a ainfy en chafque foffe deux ou trois, cofte a cofte l'vne de l'autre, celles qui v vienent de plus fe peuuent ioindre encore a elles en mefme fens, fi elles s y trouuent aucunement difpofées ; mais s'il arriue quelles penchent dauantage vers les bouts des precedentes que vers les coftés, elles fe vont coucher decontre a angles droits, comme vous voyés vers K : a caufe que, par ce moyen, elles defcendent aufly vn peu plus bas qu'elles ne pourroient faire fi elles s'arrengeoient autrement, comme elles font vers L, ou vers M. Et pource qu'il s’en trouue a peu prés autant, qui fe vont coucher contre les bouts des deux ou trois premieres, que de celles qui fe vont coucher contre leurs coftés® de là vient que, s’arren- geant ainfy plufieurs centaines toutes enfemble, elles forment premierement vne petite table, qui, au iuge- ment de la veuë, paroift tres quarrée, & qui eft comme la baze du grain de fel qui commence a fe former. Et il faut remarquer qu'y en ayant feulement trois ou quatre couchées en mefme fens, comme vers N,celles du milieu s'abaiffent vn peu plus que celles des bords: 260 OŒEuvREs DE DESCARTES. 184-185. mais qu y en venant d'autres qui s'y ioignent en tra- uers, comme vers O, celles cy aydent aux autres des bords a s'abaifler prefque autant que celles du milieu, & en telle forte que la petite table quarrée, qui fert de baze a vn grain de fel, fe formant ordinairement de plufieurs centaines iointes enfemble, ne peut paroiftre a l'œil que toute plate, encore qu'elle foit toufiours tant foit peu courbée. Or, a mefure que cete table sagrandift, elle s abaïfle de plus en plus, mais fi len- tement qu'elle fait plier fous foy la fuperficie de l’eau fans la rompre. Et lorfqu'elle eft paruenuë a certaine grandeur, elle fe trouue fi fort abaïffée, que les parties du fel, qui vienent de nouueau vers elle, au lieu de s'arefter contre fes bords, pañlent par deflus, & y roullent en mefme fens & en mefme façon que les precedentes roulloient fur l'eau. Ce qui fait qu'elles y forment derechef vne table quarrée, qui s'abaiffe en mefme façon peu a peu. Puis les parties du fel qui vienent vers elle peuuent encore pañler par deffus, &: y former vne troifiefme table, & ainfy de fuite. Mais il eft a remarquer que les parties du fel, qui forment la deuxiefme de ces tables, ne roullent pas fi ayfement fur la premiere, que celles qui ont formé cete pre- miere roulloient fur l'eau; car elles n'y trouuent pas vne fuperficie du tout fi vnie, ny qui les laifle couler fi librement : d'où vient que fouuent elles ne roullent point iufques au milieu, qui par ce moyen demeurant vuide, cete feconde table ne s'abaïfle pas fi toft a pro- portion qu'auoit fait la premiere, mais deuient vn peu plus grande, auant que la troifiefme commence a fe former; & derechef le milieu de celle ci demeurant 20 25 30 }: 4 Cut 4 “% Lei RL. # Cd 20 25 30 185-186. Les METEORES. — ‘Discours III. 261 vuide, elle deuient vn peu plus grande que la feconde, & ainfy de fuite, iufques a ce que le grain entier, qui fe compofe d'vn grand nombre de telles petites tables pofées l'vne fur l’autre, foit acheué, c'eft a dire iufques a ce que, touchant aux bords des autres grains voy- fins, il ne puifle deuenir plus large. Pour ce qui eft de la grandeur de la premiere table qui lui fert de baze, elle depend du degré de chaleur qui agite l'eau pendant qu'elle fe forme; car, plus l’eau eft agitée, plus les parties du fel qui nagent deflus font plier fa fuperficie; d'où vient que cete baze demeure plus pe- tite, & | mefme l'eau peut eftre tant agitée que Îles parties du fel iront au fonds auant qu'elles ayent formé aucuns grains. Pour le tallu des quatre faces qui fortent des quatre coftés de cete baze, il ne depend que des caufes defia expliquées, lorfque la chaleur ef efgale pendant tout le tems que le grain eft a fe for- mer : mais fi elle va en augmentant, ce tallu en de- uiendra moindre; & au contraire plus grand, fi elle diminue : en forte que, fi elle augmente & diminue par interualles, il fe fera comme de petits efchelons de. long de ces faces. Et pour les quatre querres ou coftes qui ioignent ces quatre faces, elles ne font pas ordinai- rement fort aiguës ny fort vnies; car les parties qui fe vont ioindre aux coftés de ce grain s y vont bien quafi toufiours appliquer de long, comme 1'ay dit, mais pour celles qui vont rouller contre fes angles, elles ; s'y arrengent plus ayfement en autre fens, a DR P fçauoir comme elles fontreprefentées vers P. ‘€ Ce qui fait que ces querres font vn peu moufles et inef- gales; & que les grains du fel s'y fendent fouuent plus + 262 Œuvres DE DESCARTES. 186-187. ayfement qu'aux autres lieux; & aufly que l’efpace vuide, qui demeure au milieu, fe fait prefque rond plu- toft que quarré. Outre cela, pource que les parties qui compofent ces grains fe vont ioindre confufement, & fans autre ordre que celuy que ie viens d'expliquer, il arriue fouuent que leurs bouts, au lieu de fe toucher, laffent entre eux aflés d'efpace pour placer quelques parties de l'eau douce, qui s'y enferment, & y de- Se meurent pliées en rond, comme vous voyés ne r verskR, pendant qu'elles ne s'y meuuent que $ moyennement vifte ; | mais lorfqu'vne fort violente chaleur les agite, elles tendent auec beau- coup de force a s'eftendre & fe déplier, en mefme façon qu'il a tantoft efté dit qu'elles font quand l'eau fe dilate en vapeur; ce qui fait qu'elles rompent leurs prifons tout d'vn coup, & auec efclat. Et c'eft la raifon pourquoy les grains de fel, eftant entiers, fe brifent en fautant & petillant quand on les iette dans le feu; & pourquoy ils ne font point le mefme, eflant mis en poudre; car alors ces petites prifons font defia rompuës. De plus, l'eau de la mer ne peut eftre fi purement compofée des parties que ray defcrites, qu'il ne s'y en rencontre aufly quelques autres parmi, qui font de telle figure, qu'elles ne laiflent pas de pouuoir y demeurer, encore qu'elles foient beaucoup plus deliées ; & qui, s'allant engager entre les parties du fel lorfqu'il fe forme, luy peuuent donner & cete odeur de violette tres agreable qu'a le fel blanc quand il eft fraifchement fait, & cete couleur fale qu'a le noir, & toutes les autres varietés qu'on peut remarquer dans les fels, & qui dependent des 20 25 187-188. Les Mereores. — Discours III. 263 diuerfes eaux dont ils fe forment. Enfin, vous ne vous eftonnerés pas de ce que le fel ef fi friable & fi ayfé a rompre comme il eft, en penfant a la façon dont fe joignent fes parties; ny de ce qu'il eft toufiours blanc ou tranfparent, eftant pur, en penfant a leur groffeur, & a la nature de la couleur blanche, qui fera cy aprés expliquée; ny de ce qu'il fe fond aflés facilement fur le feu quand il eft entier, en confiderant qu'il y a plu- fieurs parties d'eau douce enfermées entre les fienes; ny de ce qu'il fe fond beaucoup plus difficilement, eftant bien puluerifé & bien feiché, en forte qu'il n'y refte plus rien de l'eau douce, | en remarquant qu'il ne fe peut fondre, eftant ainfy feul, fi fes parties ne fe _ plient, & qu'elles ne peuuent que difficilement fe plier. Car encore quon puifle feindre qu'autrefois celles de la mer ont efté toutes, par degrés, les vnes plus pliantes, les autres moins, on doit penfer que toutes celles qui ont pù s'entortiller autour de quelques autres, fe font amollies depuis peu a peu, & renduës fort flexibles ; au lieu que celles qui ne font point ainfy entortillées font demeurées entierement roides : en forte qu'il y a maintenent, en cela, grande difference entre celles du fel & celles de l’eau douce. Mais les vnes & les autres doiuent eftre rondes: a fçauoir, celles de l'eau douce comme des chordes; & celles du fel comme des cylindres ou des baftons : a caufe que tous les cors, qui fe meuuent en diuerfes façons & long tems, ont couftume de s'arondir. Et on peut en fuite connoiftre quelle eft la nature de cete eau extreme- ment aygre & forte, qui peut foudre l'or, & que les Alchemiftes nomment l'efprit ou l'huyle de fel; car, 204 OŒEuvREs DE DESCARTES. 188-180. d'autant qu'elle ne fe tire que par la violence d'vn fort grand feu, ou du fel pur, ou du fel meflé auec quelque autre cors fort fec & fort fixe, comme de la brique, qui ne fert qu'a l'empefcher de fe fondre, 1l eft euident que fes parties font les mefmes qui ont auparauant compofé le fel, mais quelles n'ont pù monter par l'alembic, & ainfy de fixes deuenir volatiles, finon ap- prés qu'en fe chocquant les vnes contre les autres, a force d’eftre agitées par le feu, de roides & inflexibles comme elles eftoient, elles font deuenuës faciles a plier; & par mefme moyen, de rondes en forme de cylindres, elles font deuenuës plates et tranchantes, ainfy que des feuilles de flambe* ou de glayeul, car fans cela elles n'’auroient pü fe plier. Et en fuite il eft ayfé a iuger la caufe du gouft qu'elles ont, fort diffe- rent de celuy du fel; car, fe couchant de long fur la langue, & leurs trenchans s'appuiant contre les extre- mités de fes nerfs, & coulant deffus en les couppant, elles les doiuent bien agiter d'vne autre forte qu'elles ne faifoient auparauant, & par confequent caufer vn autre gouft, a fçauoir celuy qu'on nomme le gouft aygre. On pourroit ainfy rendre raifon de toutes les autres proprietés de cete eau ; mais la chofe iroit a l'infini, & il fera mieux que, retournant a la confide- ration des vapeurs, nous commencions a examiner comment elles fe meuuent dans l'air, & comment elles y caufent les vens. a. Ancien nom vulgaire de l'iris. 20 25 ai + UN 2 ORAN LT : é'nhss : ? LA &: 20 25 Fes Les MErEoREs. — Discours IV. 260$ DES VENS: Difcours Quatriefme. Toute agitation d'air qui eft fenfible fe nomme vent, & tout cors inuifible & inpalpable fe nomme air. Ainfi, lorfque l'eau eft fort rarefiée & changée en vapeur fort fubtile, on dit qu'elle eft conuertie en air, nonobftant que ce grand air que nous refpirons ne foit, pour la plufpart, compofé que de parties qui ont des figures fort differentes de celles de l’eau, & qui font beaucoup plus deliées. Et ainfi l'air, eftant chaffé hors d'vn fouf- flet, ou pouflé par vn éuentail, fe nomme vent, non- obftant que ces vens plus eftendus, qui regnent fur la face de la mer & de la terre, ne foient ordinaire- ment autre chofe| que le mouuement des vapeurs qui, en fe dilatant, paflent, du lieu où elles font,en quelque autre où elles trouuent plus de commodité de s'ef- tendre; en mefme façon qu'on voit, en ces boules nommées des Æolipiles, qu'yn peu d’eau s'exhalant en vapeur fait vn vent aflés grand & aflés fort, a rai- fon du peu de matiere dont 1l fe compofe. Et pource que ce vent artificiel nous peut beaucoup ayder a entendre quels font les naturels, il fera bon icy que ie l'explique. A BCDE eft vne boule de cuiure ou autre telle matiere, toute creufe & toute fermée, excepté qu'elle a vne fort petite ouuerture en l'endroit mar- qué D; & la partie de cete boule ABC eftant pleine Œuvres. I. . 34 206 OEUVRES DE DESCARTES. 190-101. d'eau, & l’autre AEC eftant vuide, c'eft a dire ne contenant que de l'air, on la met fur le feu; puis la chaleur, agitant les petites parties de l’eau, fait que plufieurs s’efleuent au deflus de la fuperficie AC, où elles s'eftendent & sen- trepouflent en tournoyant, & font effort pour s'efcarter les vnes des autres, en la façon cy deflus expliquée. Et pource qu'elles ne peuuent ainfy s'efcarter, qu'a mefure qu'il en fort quelques vnes par le trou D, toutes les forces dont elles s'en- trepouflent confpirent enfemble a chaffer par là toutes celles qui en font les plus proches, & ainfy elles caufent vn vent qui fouffle de là vers F.Et pource qu'il y a toufiours de nouuelles parties de cete eau, qui, eftant efleuées par la chaleur au | deffus de cete fuper- ficie AC, s'eftendent & s’efcartent l'vne de l'autre a mefure qu'il en fort par le trou D, ce vent ne ceffe point que toute l'eau de cete boule ne foit exhalée, ou bien que la chaleur qui la fait exhaler n'ait ceflé. Or les vens ordinaires qui regnent en l'air fe font a peu prés en mefme façon que cetuy cy, &ilny a princi- palement que deux chofes en quoy ilz different. La premiere eft que les vapeurs, dont 1lz fe compofent, ne s’efleuent pas feulement de la fuperficie de l’eau, comme en cete boule, mais aufly des terres humides, des neiges & des nuës, d'où ordinairement elles fortent en plus grande abundance que de l’eau pure, a caufe que leurs parties y font defia prefque toutes deiointes 20 23 30 gr. Les MerEoREs. — Discours IV. 207 & defunies, & ainfy d'autant plus ayfées a feparer. La feconde eft que ces vapeurs, ne pouuant eftre renfer- mées en l'air ainfy qu'en vne Æolipile, font feulement empefchées de s’y eftendre efgalement de tous coftés, 5 par la refiftence de quelques autres vapeurs, ou de quelques nuës, ou de quelques montaignes, ou enfin de quelque vent qui tend vers l'endroit où elles font; mais qu'en reuanche il y a fouuent ailleurs d’autres vapeurs qui s'efpafiflent &, fe reflerrant au mefme 10 tems que celles cy fe dilatent, les determinent a prendre leur cours vers l’efpace qu'elles leur laiflent. Comme, par exemple, fi vous imaginés qu’il y a main- 1/1 AY 0 ant MT DEAN UtSSS LATE RECRUE tenant force vapeurs en l’endroit de l'air marqué F, qui fe dilatent & tendent a occuper vn efpace incom- 15 parablement plus grand que celuy qui les contient, . & qu'au mefme tems il y en a d’autres vers G, qui, fe 268 OEUVRES DE DESCARTES. 191-193. refferrant & fe changeant en eau ou en neige, laiflent la plus grande part de l'efpace où elles eftoient : | vous ne douterés pas que celles qui font vers F ne prenent leur cours vers G, & ainfy qu'elles ne com- pofent vn vent qui foufle vers là. Principalement, fi vous penfés, auec cela, qu’elles foient empefchées de s'eftendre vers A & vers B, par de hautes montaignes qui y font; & vers E, pource que l'air y eft preflé & condenfé par vn autre vent, qui fouffle de C iufques a D; & enfin qu'il y a des nuës au-deffus d'elles, qui les empefchent de s’eftendre plus haut vers le ciel. Et remarqués que, lorfque les vapeurs paflent en cete façon d'vn lieu en vn autre, elles emmenent ou chafñfent deuant foy tout l'air qui fe trouue en leur chemin, & toutes les exhalaifons qui font parmi : en forte que, bien qu'elles caufent quafi toutes feules les vens, ce ne font pas toutefois elles feules qui les compofent; & mefme aufly que la dilatation & condenfaltion de ces exhalaifons & de cet air peuuent ayder a la pro- duction de ces vens; mais que c’eft fi peu, a compa- raifon de la dilatation & condenfation des vapeurs, quelles ne doiuent quafi point eftre mifes en comte. Car l'air, eftant dilaté, n'occupe qu'enuiron deux ou trois fois plus d’efpace qu'eftant mediocrement con- denfé, au lieu que les vapeurs en occupent plus de deux ou trois mille fois dauantage. Et les exhalaifons ne fe dilatent, c'eft a dire ne fe tirent des cors ter- reftres, que par l'ayde d’vne grande chaleur; puis ne peuuent quafi iamais, par aucune froideur, eftre de- rechef autant condenfées qu'elles l'ont efté aupara- uant : au lieu qu'il ne faut que fort peu de chaleur pour 20 25 30 ANS AA" AIN + Er 20 25 30 193-194. Les METEoREs. — Discours IV. 209 faire que l'eau fe dilate en vapeur, & derechef que fort peu de froideur pour faire queles vapeurs fe changent en eau. Mais voyons maintenent en particulier les proprie- tés & la generation des principaux vens. Premiere- ment, on obferue que tout l'air a fon cours autour de la terre de l'Orient vers l'Occident : ce qu'il nous faut icy fuppofer, a caufe que la raifon n'en peut commo- dement eftre deduite, qu'en expliquant toute la fa- brique de l'vniuers, ce que ie n'ay pas icy deflein de faire. Mais, enfuite, on obferue que les vens orientaux font ordinairement beaucoup plus fees, & rendent l'air beaucoup plus net & plus ferein que les occidentaux : dont la raifon eft que ceux cy, s'oppofant au cours ordinaire des vapeurs, les aref- | tent, & font qu'elles s'efpaifliflent N 0 en nuës ; au lieu que les autres NE les chaflent & les diffipent. De plus, on obferue que c'eft prin- cipalement le matin que foufflent les vens d'Orient, & le foir que foufflent ceux d'Occident : | de quoy la raifon vous fera mani- fefte, fi vous regardés la terre SCD ele folles; qui, en efclairant la moitié ABC, & fai- fant le midy vers B & la minuit vers D, fe couche en mefme tems au refpect des peuples qui habitent vers A, & fe leue au refpect de ceux qui font vers C. Car, pource que les vapeurs qui font vers B font fort dilatées par la 270 OEUVRES DE DESCARTES. 194-195. chaleur du iour, elles prenent leur cours, partie par A & partie par C, vers D, où elles vont occuper la place que laiffent celles que la fraifcheur de la nuit y condenfe : en forte qu'elles font vn vent d'Occi- dent vers A, où le foleil fe couche; & vn d'Orient vers C, où il fe leue. Et mefme il eft a remarquer que ce vent, qui fe fait ainfi vers C, eft ordinairement plus fort, & va plus vifte que celuy qui fe fait vers A : tant a caufe qu'il fuit le cours de toute la maffe de l’air, comme aufly a caufe que la partie de la terre qui eft entre C & D, ayant efté plus longtems fans eftre ef- clairée par le foleil, que celle qui eft entre D & A, la condenfation des vapeurs a deu s'y faire pluftoft & plus grande. On obferue aufly que c'eft principale- ment pendant le iour que foufflent les vens de Nort,& qu'ils vienent de haut en bas, & qu'ils font fort vio- lens, & fort froids, & fort fees. Dont vous pouués voir la raifon, en confiderant que la terre EBFD eft couuerte de plufieurs nuës & brouillars, vers les poles E & F,où elle n'eft gueres efchauffée par le foleil; & que vers B;‘oùul donne a plomb, il excite quantité de vapeurs, qui, eflant fort agitées par l'action de fa lumiere, montent en haut tres promptement, iufques a ce qu'elles foient tant efleuées, que la refiftence de leur pefanteur face qu'il leur foit plus ayfé de fe détourner, & de prendre leur cours de part & d'autre vers I & M, au deffus des nuës G & K, que de continuer plus haut en ligne droite; & ces nuës G & K, eftant aufly en mefme 20 23 30 195-196. Les MErrores. — Discours IV. 271 tems efchauflées & rarefiées par le foleil, fe conuer- tiflent en vapeurs, qui prenent leur cours de G vers H, & de K vers L, plutoft que vers E & vers F : car l'air efpais, qui eft vers les poles, leur refifte bien dauantage que ne font les vapeurs qui fortent de la terre vers le midy, & qui, eftant fort agitées & preftes a fe mouuoir de tous coftés, leur peuuent faci- lement ceder leur place. Ainfi, prenant F pour le pole Arctique, le cours de ces vapeurs de K vers L fait vn vent de Nort, qui fouffle pendant le iour en l'Europe. Et ce vent fouffle de haut en bas, a caufe qu'il vient des nuës vers la terre. Et il eft ordinairement fort vio- lent, a caufe qu'ileftexcité par la chaleur la plus forte de toutes, a fçauoir celle de midy; & de la matiere la plus ayfée a difloudre en vapeur, a | fçauoir des nuës. Enfin ce vent eft fort froid & fort fec, tant a caufe de fa force, fuiuant ce qui a efté dit cy deflus, que les vens impetueux font toufiours fecs & froids; comme aufly il eft fec, a caufe qu'il n’eft ordinairement com- pofé que des plus groflieres parties de l'eau douce meflées auec l’air; au lieu que l'humidité depend prin- cipalement des plus fubtiles, & celles cy ne fe trouuent gueres dans les nuës dont il s'engendre; car, comme vous verrés tantoft, elles participent bien plus de la nature de la glace, que de celle de l'eau; & il eft froid, a caufe qu'il amene auec foy vers le Midy la matiere tres fubtile qui eftoit vers le Nort, de laquelle depend principalement la froideur. On obferue, tout au con- traire, que les vens de Midy foufilent plus ordinaire- ment pendant la nuit, & vienent de bas en haut, & font lens & humides, Dont la raifon fe peut voir aufiv, 272 OEUVRES DE DESCARTES. 196-197. en regardant derechefla terre EBFD, & confiderant que fa partie D, qui eft fous l’Equateur, & où ie fup- pofe quil eft maintenant nuit, retient encore aflés de la chaleur que le foleil Iluy a communiquée pen- dant le iour, pour faire fortir de foy plufeurs va- peurs; mais que l'air qui eft au deflus vers P, n'en retient pas tant a proportion. Car generalement les cors grofliers & pefans retienent toufiours plus longtems leur cha- leur, que ceux qui font legers & fubtils ; & ceux qui font durs la retienent aufly plus longtems, que ceux qui font liquides. Ce qui eft caufe que les va- peurs qui fe trouuent vers P, au lieu de pourfuiure leur cours vers Q & vers R, s'areftent & s’efpaiflif- fent en forme de nuës, qui, empefchant que celles qui fortent de la terre D ne montent plus haut, les contraignent de prendre leur cours de part & d'autre vers N & vers O, & ainfi d'y faire vn vent de Midy, qui fouffle principalement pendant la nuit, & qui vient de bas en haut, a fçauoir de la terre vers l'air; & qui ne peut eftre que fort lent, tant a caufe que fon cours eft retardé par l’efpatfleur de l'air de la nuit, comme aufly a caufe que fa ma- tiere, ne fortant que de la terre ou de l’eau, nefe peut dilater fi promptement, ny en fi grande quan- tité, que celle des autres vens, qui fort ordinaire- ment des nuës. Et enfin il eft chaud & humide, tant a caufe de la tardiueté de fon cours, comme auñly il eft humide, a caufe qu'il eft compofé des plus fubtiles 20 23 30 é & + À #4 # fi Ld d 20 25) 30 107-108. Les METEORESs. — Discours IV. 273 parties de l’eau douce auffy bien que des plus grof- fieres ; car elles fortent enfemble de la terre; & il ef chaud, a caufe qu'il amene auec foy vers le Nort la matiere fubtile qui efloit vers le Midy. On obferue aufTy qu'au mois de Mars, & generalement en tout le printemps, les vens font plus fecs, & les changemens d'air plus fubits, & plus frequens, qu'en aucune autre faifon de l'année. Dont la raifon fe voit encore, en re- gardant la terre EBFD,& penfant que le foleil, que ie fuppofe eftre vis a vis du cercle BAD qui reprefente l'Equateur, & auoir efté trois mois auparauant vis a vis du cercle HN, qui reprefente le tropique du Ca- pricorne, a beaucoup moins efchauflé la moitié de la terre BFD, où il fait maintenant le printems, que l'autre moitié BED, où 1l fait l'automne; & | par con- fequent que cete moitié B FD eft beaucoup plus cou- uerte de neiges, & que tout l'air, qui l'enuironne, eft beaucoup plus efpais, & plus rempli de nuës, que celuy qui enuironne l'autre moitié BED : ce qui eft caufe que, pendant le iour, il sy dilate beaucoup plus de vapeurs, & quau contraire, pendant la nuit, il s'y en condenfe beaucoup dauantage. Car la mafle de la terre y eftant moins efchauflée, & la force du foleil n'y eftant pas moindre, il doit y auoir plus d'inefgalité entre la chaleur du iour & la froideur de la nuit; & ainfi ces vens d'Orient, que 1'ay dit foufller principa- lement le matin, & ceux de Nort, qui foufflent fur le milieu du iour, qui les vns & les autres font fort fecs, doiuent y eftre beaucoup plus forts & plus abondans qu'en aucune autre faifon. Et pource que les vens d'Occident, qui foufflent le foir, y doiuent aufly eftre Œuveess. I. 35 274 OEuvres DE DESCARTES. 198-190. aflés forts, par mefme raifon que ceux d'Orient, qui foufflent le matin; pour peu que le cours regulier de ces vens foit auancé, ou retardé, ou détourné, par les caufes particulieres qui peuuent plus ou moins dilater ou efpaiflir l'air en chafque contrée, ils fe rencontrent les vns les autres, & engendrent des pluies ou des tempeftes, qui ceffent ordinairement auflytoft aprés, a caufe que les vens d'Orient & de Nort, qui chaffent les nuës, demeurent les maiftres. Et ie croy que ce font ces vens d'Orient & de Nort que les Grecs appe- loient les Ornithies, a caufe qu'ils ramenoient les oi- feaux qui vienent au printems. Mais pour ce qui eft des Etefies, qu'ils obferuoient aprés le folftice d'efté, il eft vrayfemblable qu'ils procedent des vapeurs que le foleil efleue des terres & des eaux du Septentrion, aprés auoir | defia feiourné aflés longtems vers le Tro- pique du Cancre. Car vous fçaués qu'il s’arefte bien plus a proportion vers les Tropiques, qu'il ne fait en l'efpace qui ef entre deux ; & il fault penfer que, pen- dant les mois de Mars, d’Auril & de May, il diffout en vapeurs & en vens la plufpart des nuës & des neiges qui font vers noftre Pole; mais qu'il ne peut y efchauf- fer les terres & les eaux affés fort pour en efleuer d'autres vapeurs qui caufent des vens, que quelques femaines aprés, lorfque ce grand iour de fix mois, qu'il y fait, eft vn peu au delà de fon midy. Au refte, ces vens generaux & reguliers feroient toufiours tels que ie viens de les expliquer, fi la fu- perficie de la terre eftoit partout efgalement couuerte d'eaux, ou partout efgalement découuerte, en forte qu'il n'y euft aucune diuerfité de mers, de terres, & de 20 25 30 de Cd OS PS de à ST re. 20 25 30 199-100. Les MErEoREs. — Discours IV. 27 montaignes, ny aucune autre caufe qui püft dilater les vapeurs que la prefence du foleil,ou les condenfer que fon abfence. Mais il faut remarquer que, lorfque le foleil luift, il fait fortir communement plus de va- peurs des mers que des terres, a caufe que les terres, fe trouuant feiches en plufieurs endroits, ne luy four- niflent pas tant de matiere; & qu'au contraire, lors quil eft abfent, la chaleur qu'il a caufée en fait fortir dauantage des terres que des mers, a caufe qu'elle y demeure plus fort imprimée. C'eft pourquoy on ob- ferue fouuent, aux bords de la mer, que le vent vient le iour du cofté de l'eau, & la nuit du cofté de la terre. Et c'eft pour cela aufly que ces feux, qu'on nomme des Ardans, conduifent de nuit les voyafgeurs vers les eaux ; car ils fuiuent indiffleremment le cours de l'air, qui tire vers là des terres voyfines, a caufe que celuy qui y eft fe condenfe. Il fault aufly remarquer que l'air qui touche la fuperficie des eaux fuit leur cours en quelque façon ; d’où vient que les vens changent fouuent, le long des coftes de la mer, auec fes flux & reflux; & que, le long des grandes riuieres, on fent en tems calme de petits vens, qui fuiuent leur cours. Puis il faut remarquer aufly que les vapeurs, qui vienent des eaux, font bien plus humides & plus efpaifles que celles qui s’efleuent des terres, & qu'il y a toufiours parmi celles cy beaucoup plus d'air & d'exhalaifons. D'où vient que les mefmes tempefles font ordinaire- ment plus violentes fur l'eau que fur la terre, & qu'vn mefme vent peut eftre fec en vn païs & humide en vn autre; comme on dit que les vens de Midy, qui font humides prefque par tout, font fecs en Egipte, où il 276 OEUVRES DE DESCARTES. Mer. n'y a que les terres feiches & bruflées du refte de l'Afrique, qui leur fourniffent de matiere. Et c’eft fans doute cecy qui eft caufe qu'il n'y pleut prefque iamais : car, quoy que les vens de Nord venans de la mer y foient humides, toutefois, pource qu’auec cela ils y font les plus froids qui s'y trouuent, ils n'y peuuent pas ayfement caufer de pluie, ainfi que vous enten- drés cy aprés. Outre cela, il faut confiderer que la lumiere de la Lune, qui eft fort inefgale felon qu'elle s'efloigne ou s'approche du Soleil, contribue a la dila- tation des vapeurs, comme fait aufly celle des autres Afres; mais que c'eft feulement en mefme proportion que nous fentons qu'elle agift contre nos yeux; car ce font les iuges les plus certains que nous puiflions auoir pour connoiftre la force de la lumiere; & que, par confequent, celle | des Eftoiles n'eft quañi point confiderable, a comparaifon de celle de la Lune, ny celle ey a comparaifon du Soleil. Enfin on doit confi- derer que les vapeurs s’efleuent fort inefgalement des diuerfes contrées de la terre : car & les montaignes font efchauflées par les aftres d'autre façon que les plaines, & les forets que les prairies, & les chams cul- tiués que les defers, & mefme certaines terres font plus chaudes d'elles mefmes ou plus ayfées a efchaufter que les autres. Et en fuite, fe formant des nuës en l'air fort inefgales, & qui peuuent eft'e tranfportées d'vne region en vne autre par les moindres vens, & foufte- nuës a diuerfes diftances de la terre, mefme plufieurs enfemble au deflus les vnes des autres, les aftres agif- fent derechef d'autre façon contre les plus hautes que contre les plus baffes; & contre celles cy que contre 20 25 30 ETS a ct PR TN PERL re) LEA 10 20 25 30 201-202. Les METEoREs. — Discours IV. 277 la terre qui eft au deflous; & d'autre façon contre les mefmes endroits de la terre, lorfqu'il n y a point de nuës qui les couurent, que lorfqu'il y en a, & aprés qu'il a plü ou neigé qu'auparauant. Ce qui fait quil eft prefque impoflible de preuoir les vens particuliers qui doiuent eftre chafque iour en chafque contrée de la terre, & que mefme il y en a fouuent plufieurs contraires qui pañlent au deflus les vns des autres. Mais on y pourra bien determiner en general quels vens doiuent eftre les plus frequens & les plus forts, & en quels lieux & quelles faifons ils doiuent regner, fi on prent exaétement garde a toutes les chofes qui ont efté icy remarquées. Et on le pourra encore beau- coup mieux determiner dans les grandes mers, princi- palement aux endroits fort efloignés de la terre, a caufe que, n y ayant point d'inefgalités en la fuper- ficie | de l’eau, femblables a celles que nous venons de remarquer fur les terres, il s'y engendre beaucoup moins de vens irreguliers; & ceux qui vienent des coftes ne peuuent gueres pañler iufques là, comme tefmoigne aflés l'experience de nos matelots, qui, pour cete caufe, ont donné a la plus large de toutes les mers le nom de Pacifique. Et ie ne fçache plus rien icy digne de remarque, finon que prefque tous les fubits changemens d'air, comme de ce qu'il deuient plus chaud, ou plus rare, ou plus humide que la faifon ne le requert, dependent des vens : non feulement de ceux qui font aux mefmes regions où fe font ces chan- gemens, mais aufly de ceux qui en font proches, & des diuerfes caufes dont ils procedent. Car, par exemple, fi pendant que nous fentons iey vn vent de + 278 Œuvres DE DESCARTES. 20206 Midy, qui, ne procedant que de quelque caufe parti- culiere, & ayant fon origine fort prés d'icy, n'amene pas beaucoup de chaleur, il y en a vn de Nord aux païs voyfins, qui viene d’affés loin ou d’affés haut, la matiere tres fubtile, que cetuy cy amene auec foy, peut ayfement paruenir iufques a nous, & y caufer vn froid extrordinaire. Et ce vent de Midy, ne for- tant que du lac voyfin, peut eftre fort humide; au lieu que s'il venoit des campaignes defertes qui font au delà, il feroit plus fec. Et n'eftant caufé que par la dilatation des vapeurs de ce lac, fans que la condenfa- tion d'aucunes autres qui foient vers le Septentrion y contribue, 1l doit rendre noftre air bien plus efpais & plus pefant, que s'il n'efloit caufé que par cete con- denfation, fans qu'il fe fift aucune dilatation de va- peurs vers le Midy. A quoy fi nous adiouftons que la matiere fubtile, & les vapeurs qui font dans les pores de la terre, prenant diuers cours, y font aufly comme des vens, qui amenent auec foy des exhalaifons de toutes fortes, felon les qualités des terres par où ils pañlent; &, outre cela, que les nuës, en s'abaiffant, peuuent caufer vn vent qui chañle l'air de haut en bas, ainfi que ie diray cy apprés; nous aurons, ie croy, toutes les caufes des changemens d’air qui fe re- marquent. | 10 20 25 20 25 203-204. Les METEOREs. — Discours V. 279 DÉS: NVES: Difcours Cinquiefme. Aprés auoir confideré comment les vapeurs, en fe dilatant, caufent les vens, il faut voir comment, en fe condenfant & referrant, elles compofent les nuës & les brouillas. A fçauoir, fitoft qu'elles deuienent notablement moins tranfparentes que l'air pur, fi elles s'eftendent iufques a la fuperficie de la terre, on les nomme des brouillas: mais fi elles demeurent fufpen- duës plus haut, on les nomme des nuës. Et il eft a remarquer que ce qui les fait ainfi deuenir moins tranfparentes que l'air pur, c'eft que, lorfque leur mou- uements alentift, & que leurs parties font aflés proches pour s'entretoucher, elles fe ioignent & s'affemblent en diuers petits tas, qui font autant de gouttes d'eau, ou bien de parcelles de glace. Car, pendant qu'elles demeurent tout a fait feparées & flotantes en l'air, elles ne peuuent gueres empefcher le cours de la lu- miere; au lieu qu'eftant afflemblées, encore que les gouttes d eau ou les parcelles de glace qu'elles com- pofent foient tranfparentes, toutefois, a | caufe que chafcune de leurs fuperficies fait reflefchir vne partie des rayons qui donnent decontre, ainfi qu’il a efté dit en la Dioptrique* de toutes celles des cors tranfparens, ces fuperficies fe trouuent ayfement en aflés grand a, Plus haut, pages 196-107. 280 OEuvres DE DESCARTES. 204 208 nombre pour les faire tous ou prefque tous reflefchir. Et pour les gouttes d'eau, elles fe forment, lorfque la matiere fubtile qui eft autour des petites parties des vapeurs, n'ayant plus affés de force pour faire qu'elles s'eftendent & fe chaffent les vnes les autres, en a en- core aflés pour faire qu'elles fe plient &, en fuite, que toutes celles qui fe rencontrent fe ioignent & s'accu- mulent enfemble en vne boule. Et la fuperficie de cete boule deuient incontinent toute efgale & toute polie, a caufe que les parties de l'air qui la touchent fe meuuent d'autre façon que les fienes, & aufly la ma- tiere fubtile, qui eft en fes pores, d'autre façon que celle qui eft en ceux de l'air, comme il a defia tantoft efté expliqué en parlant de la fuperficie de l’eau de la mer. Et pour mefme raifon aufly, elle deuient exacte- ment ronde : car, comme vous pouués fouuent auoir veu que l’eau des riuieres tournoye & fait des cercles, aux endroits où 1l y a quelque chofe qui l'empefche de fe mouuoir en ligne droite aufly vifte que fon agi- tation le requert; ainfi faut il penfer que la matiere fubtile, coulant par les pores des autres cors, en mefme façon qu'vne riuiere par les interualles des herbes qui croiffent en fon lit, & pañlant plus libre- ment d'vn endroit de l'air en l’autre, & d'vn endroit de l'eau aufly en l’autre, que de l’air en l’eau, ou re- ciproquement de l'eau en l’air,comme il a efté ailleurs remarqué, elle doit tournoyer au dedans de cete goutte, & aufly au dehors | en l'air qui l'enuironne, mais d'autre mefure qu'au dedans &, par ce moyen, difpofer en rond toutes les parties de f1 fuperficie. Car elles ne peuuent manquer d'obeir a fes mouue- 20 25 30 dar. PEN AE ” ’ È 3 205206. Les MErTEoRESs. — Discours V. 281 mens, d'autant que l'eau eft vn cors liquide. Et fans doute cecy eft fuflifant pour faire entendre que les gouttes d'eau doiuent eftre exactement rondes, au fens que leurs fections font paralleles a la fuperficie de la terre; car 1l n y a point de raifon qu'aucune des par- ties de leur circonference s'efloigne ny s'approche de leurs centres plus que les autres en ce fens là, vü qu'elles n y font ne plus ne moins preflées d'vn cofté que d'autre par l'air qui les enuironne, au moins s'il eft calme & tranquille, comme nous le deuons icy fuppofer. Mais, pource que, les confiderant en autre fens, on peut douter, lorfqu'elles font fi petites que leur pefanteur n'a pas la force de leur faire diuifer l'air pour defcendre, fi cela ne les rend point vn peu plus plates & moins efpaiffes en leur hauteur qu'en leur largeur, comme T ou V, il faut 2 SCA ES Peade sardesmiellestont de l'air 470 uv 0x Ÿ autour de leurs coftés aufly bien qu'au deffous, & que, fi leur pefanteur n'eft fuflifante pour faire que celuy qui eft au deflous leur quitte fa place & les laifle defcendre, elle ne le peut eftre non plus pour faire que celuy qui eft aux coftés fe retire, & les laiffe deuenir plus larges. Et pource qu'on peut douter, tout au contraire, lorfque leur pefanteur les fait defcendre, fi l'air qu'elles diuifentneles rend point vn peu plus longues & eftroites, comme X ou Y, il faut encore prendre garde, qu'en eftant enuironnées tout autour, celuy qu'elles diuifent, & dont elles vont oc- culper la place en defcendant, doit monter a mefme tems au deflus d'elles, pour y remplir celle qu'elles y laiffent, & qu'il ne le peut qu'en coulant tout le long Œuvres. I, 36 282 OEUVRES DE DESCARTES. 206-207. de leur fuperficie, où 1l trouue le chemin plus court & plus ayfé, lorfqu'elles font Fu que fi elles auoient quelque autre figure; car chafcun fçait que, de toutes les figures, c'eft la ronde qui eft la plus capable, c'eft a dire QE qui a le moins de fuperficie a raifon de la grandeur du cors qu'elle contient. Et ainfi, en quelle façon qu'on Île veuille prendre, ces gouttes doiuent toufiours demeurer rondes, fi ce n’eft que la force de quelque vent, ou quelque autre caufe particuliere, les en empefche. Pour ce qui eft de leur groffeur, elle de- pend de ce que les parties de la vapeur font plus ou moins proches les vnes des autres, lorfqu'elles com- mencent a les compofer, & aufly de ce qu'elles font, par aprés, plus ou moins agitées, & de la quantité des autres vapeurs qui peuuent venir fe ioindre aelles. Car chafeune d'abbord ne fe compofe que de deux ou trois des petites parties de la vapeur qui s'entreren- contrent, mæs, aufly toft aprés, fi cete vapeur a efté vn peu efpaifle, deux ou trois des gouttes quts'en font formées, en fe rencontrant, fe ioignent en vne, & de- rechef deux ou trois de celles cy encore en yne, & ainfi de fuite, iufques a ce qu'elles ne fe puiflent plus rencontrer. Et pendant qu'elles fe fouftienent en l'air, il peut aufly venir d’autres vapeurs fe 1oindre a elles, & les groflir, iufques a ce qu’enfin leur pefanteur les face babe: en pluie ou en rofée. Pour les petites parcelles de glace, elles fe Panne lorfque le froid eft fi grand que les parties de la va- peur | ne peuuent eftre pliées par la matiere fubtile qui eft parmi elles. Et fi ce froid ne furuient qu'aprés que les gouttes font defia formées, il les laiffe toutes 20 25 30 ul din .-E: CORRE SE CNRS Ho DA ef de 207-2u8. LES METEoRESs.' — Discours V. 283 rondes en les gelant, fi ce n’eft qu'il foit accompagné de quelque vent aflés fort, qui les face deuenir vn peu plates du cofté qu'il les rencontre. Et, au contraire, s'il furuient dés auparauant qu'elles ayent commencé a fe former, les parties de la vapeur ne fe ioignent qu'en long, & ne compofent que des filets de glace fort de- liés. Mais, fi le froid furuient entre ces deux tems, ce qui eft le plus ordinaire, il gele les parties de la vapeur a mefure qu'elles fe plient & s'entaflent plu- fieurs enfemble, fans leur donner le’loyfir de s'vnir affés parfaitement pour former des gouttes; & ainfi il en fait de petits nœuds ou pelotons de glace, qui font tous blancs, a caufe qu'ils font compofés de plufieurs filets, qui ne laiïflent pas d’eftre feparés & d'auoir chafcun leurs fuperficies diftintes, encore qu'ils foient pliés l'vn fur l’autre. Et ces nœuds font comme velus ou couuers de poil tout alentour, a caufe qu'il y a toufiours plufieurs parties de la vapeur, qui, ne pouuant fe plier & s'entaffer fitoft que les autres, s’ap- pliquent toutes droites contre eux, & compofent les petits poils qui les couurent : & felon que ce froid vient plus lentement ou plus a coup, & que la vapeur eft plus efpaifle ou plus rare, ces nœuds fe forment plus gros ou plus petits; & les poils ou filets qui les enuironnent, plus forts & plus cours, ou plus deliés & plus longs. Et vous pouués voir, de cecy, qu'il y a toufiours deux chofes qui font requifes pour conuertir les va- peurs en eau ou en glace : a fçauoir que leurs parties foient affés|proches pour s'entretoucher, & qu'il y ait autour d'elles affés de froideur pour faire qu'en s'en- 284 OŒEuvreEs DE DESCARTES. 208-209. tretouchant elles fe ioignent & s’areftent les vnes aux autres. Car ce ne feroit pas aflés que leur froideur fuft tres grande, fi elles efloient efparfes en l'air fi loin a loin qu'elles ne s'entretouchaffent aucunement; ny aufly qu'elles fuflent fort proches les vnes des autres & fort preflées, fi leur chaleur, c'eft a dire leur agita- tion, eftoit aflés forte pour les empefcher de fe ioindre. Ainfi on ne voit pas qu'il fe forme toufiours des nuës au haut de l'air, nonobftant que le froid y foit toufiours aflés grand pour cet effet; & il eft requis, de plus, qu'vn vent occidental, s'oppofant au cours ordinaire des vapeurs, les affemble & les condenfe aux endroits où il fe termine; ou bien que deux ou plufieurs autres vens, venans de diuers coftés, les preffent & accu- mulent entre eux; ou quvn de ces vens les chaffe contre vne nuë defia formée; ou enfin qu'elles aillent s'affembler de foy mefme contre le deflous de quelque nuë, a mefure quelles fortent de la terre” Erultnene forme pas aufly toufiours des brouillars autour de nous; ny en hyuer, encore que l'air y foit aflés froid; ny en efté, encore que les vapeurs y foient aflés abon- dantes; mais feulement lorfque la froideur de l'air & l'abondance des vapeurs concourent enfemble,comme il arriue fouuent le foir ou la nuit, lorfqu'vn iour affés chaud a precedé : principalement au printems plus qu'aux autres faifons, mefme qu'en automne, a caufe qu'il y a plus d'inefgalité entre la chaleur du iour & la froideur de la nuit; & plus auffy aux lieux marefca- geux ou maritimes que fur les terres qui font loin des eaux, ny fur les eaux qui font loin | des terres, a caufe que lon perdant plutoft fa chaleur que la terre, y 20 23 20 25 30 209-210. Les METEORES. — Discours V. 28 rafroidift l'air, dans lequel fe condenfent les vapeurs que les terres humides & chaudes produifent en abon- dance. Mais les plus grans brouillas fe forment, comme les nuës, aux lieux où le cours de deux ou plufieurs vens fe termine. Car ces vens chaflent vers ces lieux là plufieurs vapeurs, qui s y efpaififient, ou en brouillas, fi l’air proche de la terre eft fort froid ; ou en nuës, s'il ne l'eft aflés pour les condenfer que plus haut. Et remarqués que les gouttes d'eau, ou les parcelles de glace, dont les brouillas font compofés, ne peuuent eftre que tres petites : car, fi elles eftoient tant foit peu grofles, leur pefanteur les feroit def- cendre aflés promptement vers la terre, de façon que nous ne dirions pas que ce fuffent des brouillas, mais de la pluie ou de la neige; &, auec cela, que iamais il ne peut y auoir aucun vent où ils font, qu'il ne les diflipe bientoft aprés, principalement lorfqu'ils font compofés de gouttes d'eau : car la moindre agitation d'air fait que ces gouttes, en fe ioignant plufieurs en- femble, fe grofliflent & tombent en pluie ou en rofée. Remarqués aufly, touchant les nuës, qu'elles peuuent eftre produites a diuerfes diftances de la terre, felon que les vapeurs ont loyfir de monter plus ou moins haut, auant que d'eftre aflés condenfées pour les com- pofer. D'où vient qu'on en voit fouuent plufeurs au deffus les vnes des autres, & mefme qui font agitées par diuers vens. Et cecy arriue principalement aux pais de montaignes, a caufe que la chaleur qui efleue les vapeurs y agift plus inefgalement qu'aux autres lieux. Il faut remarquer, outre cela, que les plus hautes de ces nuës ne peuuent quafi iamais eftre com- 280 Œuvres DE DESCARTES. 210. pofées de gouttes d'eau, mais feulement de parcelles de glace; car il eft certain que l’air où elles font eft plus froid, ou du moins auffy froid que celuy qui eft aux fommets des hautes montaignes, lequel nean- moins l'eft affés, mefme au cœur de l'efté, pour em- pefcher que les neiges ne s'y fondent. Et pourceque, plus les vapeurs s'efleuent haut, plus elles y trouuent de froid qui les gele, & moins elles y peuuent eftre preflées par les vens, de là vient que, pour l'ordi- naire, les plus hautes parties des nuës ne fe com- pofent que de filets de glace fort deliés, & qui font efpars en l'air fort loin a loin. Puis, vn peu au def- fous, il fe forme des nœuds ou pelotons de cete glace, qui font fort petits & couuers de poils; &, par degrés, encore d’autres au deflous, vn peu moins petits; & enfin quelquefois, tout au plus bas, il fe forme des gouttes d'eau. Et lorfque l'air qui les contient eft entierement calme & tranquille, ou bien qu'il eft tout efgalement emporté par quelque vent, tant ces gouttes, que ces parcelles de glace, y peuuent demeurer ef- parfes aflés loin a loin & fans aucun ordre, en forte que, pour lors, la forme des nuës ne differe en rien de celle des brouillas. Mais, pourceque fouuent elles font pouflées par des vens qui n'occupent pas efgale- ment tout l’air qui les enuironne, & qui, par confe- quent, ne les pouuant faire mouuoir de mefme mefure que cet air, coulent par deflus & par deflous, en les preflant & les contraignant de prendre la figure qui. peut le moins empefcher leur mouuement, celles de leurs fuperficies contre lefquelles paflent ces vens de- uienent toutes plates & vnies. Et ce que ie defire icy 20 30 ï - s à N À Ê a à 20 25 30 zro-212, Les METEoREs. — Discours V. 287 particulierement que vous remarquiés, c'eft que tous les petits nœuds ou pelotons de neige, qui fe trouuent en ces fuperficies, s'arrengent exatement en telle forte, que chafcun d'eux en a fix autres autour de foy, qui le touchent, ou du moins qui ne font pas plus efloignés de luy l'vn que l'autre. Suppofons, par exemple, qu'au deflus de la terre AB il vient vn vent de la partie occidentale D, qui soppole au cours ordinaire deNlair zou, fi vous l'aymés mieux, a vn autre vent, qui vient de la partie orientale C; & que ces deux vens fe font areftés au commencement l'vn l'autre, enuiron l'ef- pace FGP, où ils ont condenfé quelques vapeurs, dont ils ont fait vne mafñle confufe, pendant que, leurs forces fe balençant & fe trouuant efgales en cet endroit, ils y ont laiflé l'air calme & tranquille. Car il arriue fouuent que deux vens font oppolés en cete forte, a caufe qu'il y en a toufiours plu- fieurs differens autour de la terre en mefme tems, & que chafcun d’eux y eftend d'ordinaire fon cours, fans fe détourner, iufques au lieu où il en rencontre vn contraire qui luy refifte. Mais leurs forces n'y peuuent gueres demeurer longtems ainf balancées, & leur matiere y affluant de plus en plus, s'ils ne ceflent tous deux enfemble, ce qui eft rare, le plus fort prent enfin fon cours par le deffous ou le deffus 288 OEUVRES DE DESCARTES. RER de la nuë, ou mefme auñfly par le milieu, ou tout alen- tour, felon qu'il s'y trouue plus difpofé; au moyen de quoy, s'il n'amortift l’autre tout a fait, il le contraint au moins de fe détourner. Comme icy, ie fuppofe que le vent oc- cidental, ayant pris fon cours entre ‘GR; a contraint l'o- riental de paf- fer par deflous vers F, où il a fait tomber en rofée le brouillar qui y eftoit, puis a retenu au deflus de foy la nuë G qui, fe trouuant preflée entre ces deux vens, eft deuenuë fort plate & eftenduë. Et les petits pelotons de glace, qui ont efté en fa fu- perficie, tant du deflus que du deflous, comme aufly en celle du deflous de la nuë P, ont dû s y arrenger en telle forte que chafcun en ait fix autres qui l’en- uironnent ; car on ne fçauroit imaginer aucune rai- fon qui les en ait empefchés, & naturellement tous les cors rons|& efgaus qui font meus en vn mefme plan par vne force aflés femblable, s'arrengent en cete forte, ainfi que vous pourrés voir par experience, en iettant confufement vn rang ou deux de perles rondes toutes defilées fur vne afiette, & les esbranflant, ou foufflant feulement vn peu decontre, affin qu'elles s'approchent les vnes des autres. Mais notés que ie ne parle icy que des fuperficies du deffous ou du def- fus, & non point de celles des coftés, a caufe que l'inef- 20 213-214. Les METEORES. — Discours V. 289 gale quantité de matiere, que les vens peuuent poufler decontre a chafque moment, ou en ofter, rend ordi- nairement la figure de leur circuit fort irreguliere & inefgale. le n'aioufte point aufly que les petits nœus de glace, qui compofent le dedans de la nuë G, fe doiuent arrenger en mefme façon que ceux des fuper- ficies, a caufe que ce n'eft pas vne chofe du tout fi ma- nifefte. Mais ie defire que vous confideriés encore ceux qui fe peuuent aller arefter au deflous d’elle, aprés quelle eft toute formée ; car fi, pendant qu'elle de- meure fufpenduë en l'efpace G, il fort quelques va- peurs des endroits de la terre qui font vers A, lef. quelles, fe refroidiffant en l'air peu a peu, fe conuer- tiflent en petits nœus de glace, que le vent chaffe vers L, il ny a point de doute que ces nœus s'y doiuent arrenger en telle forte que chafcun d'eux foit enui- ronné de fix autres, qui le preflent efgalement & foient en mefme plan, & ainfi compofer, premierement, comme vne feuille qui s’eftende fous la fuperficie de cete nuë, puis encore vne autre feuille qui s'eftende fous celle cy, & ainfi encore d'autres, autant qu'il y aura de matiere. Et de plus, il faut remarquer que le vent qui pañle entre la terre & cete nuë, agiffant auec | plus de force contre la plus bafle de ces feuilles que contre celle qui eft immediatement au deflus, & auec plus de force contre celle cy que contre celle qui eft encore-au deflus, & ainfi de fuite, les peut entraifner & faire mouuoir feparement l'vne de l'autre, & polir par ce moyen leurs fuperficies, en rabatant des deux coftés les petits poils qui font autour des pelotons dont elles font compofées. Et mefme il peut faire Œuvres. I. 37 / 200 ŒŒEuvres DE DESCARTES. 214-215. glifler vne partie de ces feuilles hors du deflous de cete nuë G, & les tranfporter au delà, comme vers N,oùelles en compofent vne nouuelle. Etencorequeie n'aye icy parlé que des par- celles de glace qui font entaf- fées en forme de petis nœuds ou pelotons, le mefme fe peut ayfe- ment aufly entendre des gouttes d’eau, pouruü que le vent ne foit point aflés fort pour faire qu'elles s'entrepouflent, ou bien quil y ait autour d'elles quelques exhalaifons, ou, comme il arriue fouuent, quelques vapeurs non encore | difpofées a prendre la forme de l'eau, qui les feparent; car autrement, fi toft qu'elles fe touchent, elles s'aflemblent plufieurs en .vne, & ainfi deuienent fi grofles & fi pefantes, quelles font contraintes de tomber en pluie. Au refte, ce que ray tantoft dit, que la figure du cir- cuit de chaque nuë eft ordinairement fort irreguliere & inefgale, ne fe doit entendre que de celles qui oc- cupent moins d'efpace, en hauteur & en largeur, que les vens qui les enuironnent. Car il fe trouue quelque- fois fi grande abondance de vapeurs, en l'endroit où deux ou plufieurs vens fe rencontrent, qu'elles con- traignent ces vens de tournoyer autour d'elles, au lieu de pafler au deffus ou au deflous, & ainfi qu'elles forment vne nuë extraordinairement grande, qui, ef- 20 25 30 à ñ Lg Dé fr = dt, Éé tà fc 15 20 ET Les MErEoREs. — Discours VI. 291 tant efgalement preflée de tous coftés par ces vens, deuient toute ronde & fort vnie en fon circuit ; & mefme qui, lorfque ces vens font vn peu chauds, ou bien qu'elle eft expofée a la chaleur du Soleil, y acquert comme vne efcorfe ou vne croufte de plu- fieurs parcelles de glace iointes enfemble, qui peut deuenir aflés grofle & efpaifle fans que fa pefanteur la face tomber, a caufe que tout le refte de la nuë la fouftient. IDE PSSNEGEPDE EX PLVIE ET'DE LA GRESLE. Difcours Sixtefme. Il y a plufeurs chofes qui empefchent commune- ment que les nuës ne defcendent incontinent aprés eftre formées. Car, premierement, les parcelles de glace ou les gouttes d'eau dont elles font compofées, eftant fort petites, & par confequent ayant beaucoup de fuperficie a raifon de la quantité de leur matiere, la refiftence de l'air qu'elles auroient a diuifer, fi elles defcendoient, peut ayfement auoir plus de force pour les en empefcher que n'en a leur pefanteur pour les y contraindre. Puis les vens, qui font d'ordinaire plus fors contre la terre où leur cors eft plus groflier, qu’au haut de l'air où il eft plus fubtil, & qui, pour cete caufe, agiflent plus de bas en haut que de haut en \ 1 der à EPP OS EUR 292 OEUVRES DE DESCARTES. 216-217. bas, peuuent non feulement les fouftenir, mais fou- uent aufly les faire monter au deflus de la region de l'air où elles fe trouuent. Et le mefme peuuent encore les vapeurs qui, fortant de la terre, ou venant de quelque autre cofté, font enfler l'air qui eft fous elles; ou aufly la feule chaleur de cet air qui,en le dilatant, les repouffe; ou la froideur de celuy qui eft au deflus, qui, en le referrant, les attire; ou chofes femblables. Et particulierement les parcelles de glace, eftant pouf- fées les vnes contre les autres par les vens, s’entre- touchent fans s'vnir pour cela tout a fait, & compofent vn cors fi rare, fi leger | & fi eftendu, que, s'il n’y fur- uient de la chaleur qui fonde quelques vnes de fes parties & par ce moyen le condenfe & l’appefantiffe, il ne peut prefque iamais defcendre iufqu'a terre. Mais, comme il a efté dit cy deflus*, que l'eau eft en quelque façon dilatée par le froid lorfqu'elle fe gele, ainfi faut il icy remarquer que la chaleur, qui a couftume de ra- refier les autres cors, condenfe ordinairement celuy des nuës. Et cecy eft ayfé a experimenter en la neige, quieft de la mefme matiere dont elles font, excepté qu elle eft defia plus condenfée; car on voit qu'eftant mife en lieu chaud, elle fe referre & diminue beaucoup de grofleur, auant qu'il en forte aucune eau, ny qu'elle diminue de poids. Ce qui arriue d'autant que les ex- tremités des parcelles de glace dont elle eft compo- fée, eftant plus deliées que le refte, fe fondent plutoft ; & en fe fondant, c’eft a dire en fe pliant & deuenant comme viues & remuantes, a caufe de l'agitation de la matiere fubtile qui les enuironne, elles fe vont glifler a. Voir ci-avant, pages 237-238. 20 25 30 20 25 30 217-218. Les METEoREs. — Discours VI. 203 & attacher contre les parcelles de glace voyfines, fans pour cela fe detacher de celles a qui elles font defia jointes, & ainfi les font approcher les vnes des autres. Mais, pource que les parcelles qui compofent les nuës, font ordinairement plus loin a loin que celles qui compofent la neige qui eft fur terre, elles ne péuuent ainfi s'approcher de quelques vnes de leurs voyfines fans s’efloigner par mefme moyen de quelques autres; ce qui fait qu'ayant efté auparauent efgalement efparfes par l'air, elles fe diuifent aprés en plufieurs petits tas ou floccons, qui deuienent d'autant plus gros que les parties de la nuë ont efté plus ferrées, & que la chaleur eft plus lente. Et mefme, lorsque quelque vent, ou quelque dilatation de tout l'air qui eft au deffus de la nuë, ou autre telle caufe fait que les plus hauts de ces floccons defcendentles premiers, ils s'attachent a ceux de deflous qu'ils rencontrent en leur chemin, & ainfi les rendent plus gros. Aprés _quoy la chaleur, en les condenfant & les appefantif- fant de plus en plus, peut ayfement les faire defcendre iufques a terre. Et lorfqu'ils y defcendent ainfi, fans eftre fondus tout a fait, ils compofent de la neige; mais fi l’air par où ils pañlent, eft fi chaud quil les fonde, ainfi qu'il eft toufiours pendant l'efté, & fort fouuent aux autres faifons en noftre climat, ils fe con- uertiflent en pluie. Et il arriue auffy quelquefois qu a- prés eftre ainfi fondus ou prefque fondus, il furuient quelque vent froid qui, les gelant derechef, en fait de la grefle. Or cete grefle peut eftre de plufieurs fortes : car, premierement, fi le vent froid qui la caufe rencontre * 204 OŒEuvREs DE DESCARTES. 218-219. des gouttes d'eau defia formées, il en fait des grains de glace tous tranfparens & tous ronds, excepté qu'il les rend quelquefois vn peu plats du cofté qu'il les poufle. Et s'il rencontre des floccons de neige prefque fondus, mais qui ne foient point encore arondis en gouttes d’eau, alors il en fait cete grefle cornuë, & de diuerfes figures irregulieres, dont quelquefois les grains fe trouuent fort gros, a caufe qu’ils font formés par va vent froid qui, chaflant la nuë de haut en bas, poufñle plufieurs de fes floccons l'vn contre l’autre, & les gele tous en vne mafle. Et il eft icy a remarquer que, lorfque ce vent approche de ces floccons qui fe fondent, 1l fait que la chaleur de l'air qui les enui- ronne, c’eft a dire la matiere fubtile la plus agitée | & la moins fubtile qui foit en cet air, fe retire dans leurs pores, a caufe quil ne les peut pas du tout fi toft penetrer. En mefme façon que fur terre, quelquefois, lorfqu'il arriue tout a coup vn vent ou vne pluie qui rafroidift l'air de dehors, il entre plus de chaleur qu'auparauant dans les maifons. Et la chaleur, qui eft dans les pores de ces floccons, fe tient plutoft vers leurs fuperficies que vers leurs centres, d'autant que la matiere fubtile qui la caufe y peut mieux conti- nuer fes mouuemens; & là, elle les fond de plus en plus, vn peu deuant qu’ils commencent derechef a fe geler; & mefme les plus liquides, c'eft a dire les plus agitées de leurs parties qui fe trouuent ailleurs, tendent aufly vers là; au lieu que celles qui n'ont pas loyfir de fe fondre demeurent au centre. D'où vient que le dehors de chafque grain de cete grefle, eftant ordinai- rement compofé d'vne glace continuë & tranfparente, 20 25 30 à: “ 10 20 29 30 219-220. Les METEORESs. — Discours VI. 294 il y a dans le milieu vn peu de neige, ainfi que vous pourrés voir en les caflant.Et pource qu'elle ne tombe quafi iamais qu'en efté, cecy vous affurera que les nuës peuuent eftre, pour lors, compofées de parcelles de glace auffy bien que l'hyuer. Mais la raifon qui em- pefche qu'il ne peut gueres tomber en hyuer de telle grefle, au moins dont les grains foient vn peu gros, eft qu'il n'arriue gueres aflés de chaleur iufques aux nuës pour cet eflect, finon lorfqu'elles font fi bafles que leur matiere, eftant fondue ou prefque fondue, n’au- roit pas le tems de fe geler derechef, auant que d'eftre defcendue iufques a terre. Que fi la neige n'eft point encore fi fondue, mais feulement vn peu refchauftée & ramollie, lorfque le vent froid, qui la conuertift en grefle, furuient, |elle ne fe rend point du tout tranfpa- rente, mais demeure blanche comme du fucre. Et fi les floccons de cete neige font aflés petis, comme de la groffeur d’vn pois ou au deflous, chafcun fe conuer- tift en vn grain de grefle qui eft affés rond. Mais s'ils font plus gros, ils fe fendent & fe diuifent en plufieurs grains tous pointus en forme de pyramides. Car la chaleur, qui fe retire dans les pores de ces floccons, au moment qu vn vent froid commence a les enuiron- ner, condenfe & referre toutes leurs parties, en tirant de leurs circonferences vers leurs centres, ce qui les fait deuenir aflés ronds, & le froid, les penetrant aufly toft aprés, & les gelant, les rend beaucoup plus durs que neft la neige. Et pource que, lorfqu'ils font vn peu gros, la chaleur qu'ils ont au dedans continue encore de faire que leurs parties interieures fe re- ferrent & fe condenfent, en tirant toufiours vers le 206 OEuvres DE DESCARTES. 220-221. centre, aprés que les exterieures font tellement dur- cies & engelées par le froid qu'elles ne les peuuent fuiure, il eft neceflaire qu'ils fe fendent en dedans, fuiuant des plans ou lignes droites qui tendent vers le centre, & que, leurs fentes s’augmentant de plus en plus a mefure que le froid penetre plus auant, enfin ils s'efclatent & fe diuifent en plufieurs pieces poin- tues, qui font autant de grains de grefle. le ne deter- mine point en combien de tels grains chafcun fe peut diuifer; mais il me femble que, pour l'ordinaire, ce doit eftre en 8 pour le moins, & qu'ils fe peuuent aufly peuteftre diuifer en douze ou 20 ou 24, mais en- core mieux en trente deux, ou mefme en beaucoup plus grand nombre, felon qu'ils font plus gros, & d'vne neige plus fubtile, & que le froid, qui les con- uertift en grefle, |eft plus afpre & vient plus a coup. Et j'ay obferué plus d'vne fois de telle grefle, dont les grains auoient a peu prés la figure des fegmens d'vne boule diuifée en huit parties efgales par trois feétions qui sentrecouppent au centre a angles droits. Puis j'en ay aufly obferué d'autres, qui, eftans plus longs & plus petis, fembloient eftre enuiron le quart de ceux là, bien que, leurs querres s’eftant émouflées & aron- dies en fe referrant, ils euflent quafi la figure d'vn pain de fucre. Et ray obferué aufly que deuant ou aprés, ou mefme parmi ces grains de grefle, il en tom- boit communement quelques autres qui eftoient rons. Mais les diuerfes figures de cete grefle n’ont encore rien de curieux ny de remarquable, a comparaifon de celles de la neige qui fe fait de ces petis nœuds ou pelotons de glace arrengés par le vent en forme de 20 25 30 | | | | j 15 20 25 30 221-222. Les METEORES. — Discours VI. 297 feuilles, en la façon que ray tantoft defcrite. Car, lorfque la chaleur commence a fondre les petis poils de ces feuilles, elle abat premierement ceux du deffus & du deflous, a caufe que ce font les plus expofés a fon action, & fait que le peu de liqueur, qui en fort, fe refpand fur leurs fuperficies, où il remplift aufly toft les petites inefgalités qui s’y trouuent, & ainfi les rend aufly plates & polies que font celles des cors li- quides, nonobftant qu'il s'y regele tout aufly toft, a caufe que, fi la chaleur n'eft point plus grande qu'il eft befoin pour faire que ces petis poils, eftant enuiron- nés d’air tout autour, fe degelent, fans qu'il fe fonde rien dauantage, elle ne l'eft pas aflés pour empefcher que leur matiere ne fe regele, quand elle eft fur ces fuperficies qui font de glace. Aprés cela, cete chaleur ramolifflant & flefchifflant aufly les petis poils qui reftent autour de chafque nœud dans le circuit où il eft enuironné de fix autres femblables a luy, elle fait que ceux de ces poils, qui font les plus efloignés des fix nœuds voyfins, fe plians indifleremment ça & là, fe vont tous ioindre a ceux qui font vis a vis de ces fix nœuds; car ceux cy, eftans rafroidis par la proximité de ces nœuds, ne peuuent fe fondre, mais tout au con- traire font geler derechef la matiere des autres, fitoft qu elle eft meflée parmi la leur. Au moyen de quoy, il fe forme fix pointes ou rayons autour de chafque nœud, qui peuuent auoir diuerfes figures felon que les nœuds font plus ou moins gros & preflés, & leurs _poils plus ou moins fors & longs, & la chaleur qui les 55; q aflemble plus ou moins lente & moderée; & felon aufly que le vent qui accompaigne cete chaleur, fi au Ë Œuvres. I. 38 208 OEUVRES DE DESCARTES. 223-223. moins elle eft accompaignée de quelque vent, eft plus ou moins fort. Et ainfi la face exterieure de la nuéë, qui eftoit auparauant telle qu'on voit vers Z ou vers LE IT K Z à | ° & k X * Je HARX XX R voeQ pa x SUR ù RER EO Fe . ee HKKAKIR EX À He Se HIHI XX. PIPEERS HHHAMXR JÉ JE SEE ed M FRKK He M, deuient, par aprés, telle qu'on voit vers O ou vers Q, & chafcune des parcelles de glace dont elle eft compofée, a la figure d’vne petite rofe ou eftoile fort bien taillée. Mais, affin que vous ne penfiés pas que ie n'en parle que par opinion, ie vous veux faire icy le rap- port d'vne obferuation que j'en ay faite l’hyuer pañlé 163$. Le quatriefme de Feurier, l'air ayant efté aupa- rauant extremement froid, il tomba le foir a Amfter- dam, où r'eftois pour lors, vn peu de verglas, c'eft a dire de pluie qui fe geloit en arriuant contre la terre; & aprés, il fuiuit vne grefle fort menue, dont ie iugay que les grains, qui n'eftoient qu a peu prés de la grof- feur qu'ils font reprefentés vers H, eftoient des gouttes de la mefme pluie qui s’eftoient gelées au haut de l'air. Toutefois, au lieu d'eftre exaétement rons comme fans doute ces gouttes auoient efté, ils auoient vn cofté notablement plus plat que l’autre, en forte qu'ils 20 20 29 30 223-224. Les MErEoREs. — Discours VI. 299 reflembloient prefque en figure la partie de noftre œil qu'on nomme l'humeur criftaline. D'où ie connu que le vent, qui eftoit lors tres grand & tres froid, auoit eu la force de changer ainfi ia figure des gouttes en les gelant. Mais ce qui m'eftonna le plus de tout, fut qu'entre ceux de ces grains qui tomberent les der- niers, ien remarquay quelques vns qui auoient au- tour de foy fix petites dens, femblables a celles des rouës des horologes, ainfi que vous voyés vers I. Et ces dens eftant fort blanches, comme du fucre, au lieu que les grains, qui eftoient de glace tranfparente, fembloient prefque noirs, elles paroifloient manifef- tement eftre faites d'vne neige fort fubtile qui s’eftoit attachée autour| d'eux depuis qu'ils eftoient formés, ainfi que s'attache la gelée blanche autour des plantes. Et ie connu cecy d'autant plus clairement de ce que, tout a la fin, j'en rencontray vn ou deux qui auoient autour de foy plufieurs petits poils fans nombre, com- pofés d'vne neige plus pale & plus fubtile que celle des petites dens qui eftoient autour des autres, en forte qu'elle luy pouuoit eftre comparée en mefme façon que la cendre non foulée, dont fe couurent les charbons en fe confumant, a celle qui eft recuite &° entaflée dans le foièr*. Seulement auois-ie de la peine a imaginer qui pouuoit auoir formé & compafñé fi iuftement ces fix dens autour de chafque grain dans le milieu d'vn air libre & pendant l'agitation d'vn fort grand vent, iufques a ce qu'enfin ie confideray que ce vent auoit pu facilement emporter quelques vns de ces grains au deflous ou au delà de quelque nuë, & a. « fuier » D. 300 Œuvres DE DESCARTES. 224-205. les y fouftenir, a caufe qu'ils efloient affés petits; & que là ils auoient deu s’arrenger en telle forte, que chafcun d'eux | fuft enuironné de fix autres fitués en vn mefme plan, fuiuant l'ordre ordinaire de la nature. Et, de plus, qu'il eftoit bien vrayfemblable que la chaleur, qui auoit deu eftre vn peu auparauant au haut de l'air, pour caufer la pluie que r'auois obferuée, y auoit auffy efmeu quelques vapeurs que ce mefme vent auoit chaflées contre ces grains, où elles s'eftoient gelées en forme de petits poils fort deliés, & auoient mefme peuteftre aydé a les fouftenir : en forte qu'ils auotent pü facilement demeurer là fufpendus, iufques a ce qu'il fuft derechef furuenu quelque chaleur. Et que, cete chaleur fondant d'abbord tous les poils qui ef- toient autour de chafque grain, excepté ceux qui s'efloient trouués vis a vis du milieu de quelqu'vn des fix autres grains qui l'enuironnoient, a caufe que leur froideur auoit empefché fon ation, la matiere de ces poils fondus s’efloit meflée aufly toft parmi les fix tas de ceux qui eftoient demeurés, & les ayant, par ce moyen, fortifiés & rendus d'autant moins penetrables a la chaleur, elle s’eftoit gelée parmi eux, & ils auoient ‘ ainfi compofé ces fix dens. Au lieu que les poils fans nombre que r'auois vü autour de quelques vns des derniers grains qui eftoient tombés, n’auoient point du tout efté attains par cete chaleur. Le lendemain matin, fur les huit heures, r'obferuay encore vne autre forte de grefle, ou plutoft de neige, dont ie n'auois iamais ouy parler. C'eftoient de petites lames de glace toutes plates, fort polies, fort tranfparentes, enuiron de l’ef- paifleur d'vne feuille d'affés gros papier, & de la gran- 20 25 30 225-226. Les METEORES. — Discours VI. 301 deur qu'elles fe voyent vers K, mais fi parfaitement taillées en hexagones, & dont les fix coftés eftoient fi droits, & les fix angles fi efgaux, qu’il eft impoñlible aux hommes de rien faire de fi exact. le vis bien in- continent que ces lames auoient deu eftre premiere- ment de petits pelotons de glace, arrengés comme ray tantoft dit, & preflés par vn vent tres fort,accompagné d'aflés de chaleur, en forte que cete chaleur auoit fondu tous leurs poils, & auoit tellement rempli tous leurs pores de l'humidité qui en eftoit fortie, que de blancs, qu'ils auoient efté auparauant, ils eftoient de- uenus tranfparens; & que ce vent les auoit a mefme tems fi fort preflés les vns contre les autres, qu'il n'eftoit demeuré aucun efpace entre deux, & quil auoit aufly applani leurs fuperficies en pañlant par deffus & par deffous, & ainfi leur auoit iuftement donné la figure de ces lames. Seulement reftoit il vn peu de difficulté, en ce que, ces pelotons de glace ayant efté ainfi demi fondus & a mefme tems preflés l'vn contre l'autre, ils ne s’'eftoient point collés enfemble pour cela, mais eftoient demeurés tous feparés; ear, quoy que 1 y prifle garde expreflement, ie n'en pü iamais rencontrer deux qui tinfent l’vn a l'autre. Mais ie me fatisfis bientoft là deflus, en confiderant de quelle fa- çon le vent agite toufiours & fait plier fuccefliuement toutes les parties de la fuperficie de l’eau, en coulant _ par deflus, fans la rendre pour cela rude ou inefgale. Car ie connu de là qu'infalliblement il fait plier & ondoyer en mefme forte les fuperficies des nuës, & qu'y remuant continuellement chafque parcelle de glace, vn peu autrement que fes voyfines, il ne leur * FL ON AAA RUE LES TR 302 OEUVRES DE DESCARTES. 226-227. permet pas de fe coller enfemble tout a fait, encore qu'il ne les defarrenge point pour cela, & qu'il ne laifle pas cependant d'applanir & de polir leurs | pe- tites fuperficies : en mefme façon que nous voyons quelquefois qu'il polift celle des ondes qu'il fait en la poufliere d'vne campaigne. Aprés cete nuë, il en vint vne autre, qui ne produifoit que de petites rozes ou rouës a fix dens arondies en demis cercles, telles HAE E + BB + XX KE X XXE Fe DEN R : Ve eu VHC Q x x x x O AK AN AN AN 6 FKHHEHREX JE M de LES XX XX KHHXHX JE SE A Je È RS qu'on les voit vers Q, & qui eftoient toutes tranfpa- rentes & toutes plates, a peu prés de mefme efpaif- feur que les lames qui auoient precedé, & les mieux taillées & compañlées qu'il foit poflible d'imaginer. Mefme rapperceu, au milieu de quelques vnes, vn point blanc fort petit, quon euft pü dire eftre la marque du pied du compas dont on s’eftoit ferui pour les arondir. Mais il me fut ayfé de iuger qu'elles s’ef- toient formées de la mefme façon que ces lames, ex- cepté que, le vent les ayant beaucoup moins preflées, & la chaleur ayant peuteftre aufly efté vn peu moindre, leurs pointes ne s’eftoient pas fondués tout a fait, mais feulement vn peu racourcies & arondies par le bout 20 227-208. Les METEORES. — Discours VI. 303 en forme de dens. Et pour le point blanc qui paroiffoit au milieu de quelques vnes, ie né doutois point qu'il ne procedaft de ce que la chaleur, qui de blanches les auoit rendues tranfparentes, auoit efté fi mediocre, qu'elle n'auoit pas du tout penctré iufques a leur centre. Il fuiuit, aprés, plufieurs autres telles rouës, jointes deux a deux par vn aiflieu, ou plutoft, a caufe que du commencement ces aiffieux eftoient fort gros, on euft pù dire que c'efloient autant de petites co- lomnes de criftal, dont chafque bout eftoit orné d'yne rofe a fix feuilles, vn peu plus large que leur baze. Mais il en tomba, par aprés, de plus deliés, & fouuent les rofes ou eftoiles qui eftoient a leurs extremités eftoient inefgales. Puis il en tomba aufly de plus cours, & encore de plus cours par degrés, iufques a ce qu'enfin ces eftoiles fe ioignirent tout a fait, & il en tomba de doubles a douze pointes ou rayons affés longs & parfaitement bien compañlés, aux vnes tous efgaux, & aux autres alternatiuement inefgaux, comme on les voit vers-F & vers E. Et tout cecy me donna occafion de confiderer que les parcelles de glace, qui font de deux diuers plans ou feuilles pofées l'vne fur l'autre dans les nuës, fe peuuent attacher enfemble plus ayfement que celles d'yne mefme feuille. Car, bien que le vent, agiflant d'ordinaire plus fort contre les plus bafles de ces feuilles que contre les plus hautes, les face mouuoir vn peu plus vifte, ainfi quil a efté tantoft remarqué, neanmoins il peut aufly quel- quefois agir contre elles d'efgale force, & les faire ondoyer de mefme façon : principalement lorfqu'il n y en a que deux ou trois l'vne fur l'autre, & lors, fe ist. = nr ste a sde Pres 304 OEuvREs DE DESCARTES, 228-229. criblant par les enuirons des pelotons qui les com- pofent, il fait que ceux de ces pelotons|qui fe cor- refpondent en diuerfes feuilles, fe -tienent toufiours comme immobiles vis a vis les vns des autres, non- obftant l'agitation & ondoyement de ces feuilles, a caufe que par ce moyen le paflage luy eft plus ayfé. Et cependant la chaleur, n’eftant pas moins empef- chée, par la proximité des pelotons de deux diuerfes feuilles, de fondre ceux de leurs poils qui fe regardent, que par la proximité de ceux d’vne mefme, ne fond que les autres poils d’alentour, qui, fe meflans aufly- toft parmi ceux qui demeurent, & s'y regelant, com- pofent les aiflieux ou colomnes qui ioignent ces petits pelotons, au mefme tems qu'ils fe changent en rozes ou en eftoiles. Et ie ne m'eflonnay point de la grof- feur que 1'auois remarquée au commencement en ces colomnes, encore que ie connuffe bien que la matiere des petits poils qui auoient efté autour de deux pelotons, n'auoit pù fuflire pour les compofer : car ie penfay qu'il y auoit eu peuteftre quatre ou cinq feuilles l'vne fur l'autre, & que la chaleur, ayant agi plus fort contre les deux ou trois du milieu, que contre la premiere & la derniere, a caufe qu'elles eftoient moins expolées au vent, auoit prefque entierement - fondu les pelotons qui les compofoient, & en auoit formé ces colomnes.le ne m'eftonnay point, non plus, de voir fouuent deux eftoiles d'inefgale grandeur iointes enfemble; car, prenant garde que les rayons de la plus grande eftoient toufiours plus longs & plus pointus que ceux de l'autre, ie iugeois que la caufe en eftoit que la chaleur, ayant efté plus forte autour 5 Li s? È rs 10 ‘a ë + 15 SN = 20 £ L ee LÉ 2 Led 3 :æ 29 à 30 Le 229-230. Les METEORESs. — Discours VI. 30$ de la plus petite que de l’autre, auoit dauantage fondu & émouffé les pointes de ces rayons ; ou bien que cete plus petite pouuoit aufly auoir efté compofée d'vn peloton de glace plus petit. Enfin, ie ne m’efton- nay point de ces eftoiles doubles a douze rayons, qui tomberent aprés; car ie iugay que chafeune auoit efté compofée de deux fimples a fix rayons, par la chaleur qui, eftant plus forte entre les deux feuilles où elles eftoient qu'au dehors, auoit entierement fondu les petits filets de glace qui les conioignoient, & ainfy les auoit collées enfemble; comme aufly elle auoit ac- courcy ceux qui conioignoient les autres, que r'auois vù tomber immediatement auparauant. Or, entre plu- fieurs miliers de ces petites eftoiles que ie confideray ce 1our là, quoy que 1 y prifle garde expreflement, ie n'en pü iamais remarquer aucune qui euft plus ou moins de fix rayons, excepté vn fort petit nombre de ces doubles qui en auoient douze, & quatre ou cinq autres qui en auoient huit. Et celles ey n'efloient pas exactement rondes, ainfy que toutes les autres, mais vn peu en ouale, & entierement telles qu'on les peut voir vers O; d'où ie iugay qu'elles s'eftoient formées en la conionction des extremités de deux feuilles, que le vent auoit pouflées l'vne contre l’autre au mefme tems que la chaleur conuertifloit leurs petits pelotons en eftoiles. Car elles auoient exactement la figure que cela doit caufer, & cete conionétion, fe faifant fui- uant vne ligne toute droite, ne peut eftre tant empef- chée par l'ondoyement que caufent les vens, que celle des parcelles d'vne mefme feuille ; outre que la cha- leur peut aufly eftre plus grande entre les bords de Œuvres. I. 30 300 OŒEuvREs DE DESCARTES. 13030 ces feuilles, quand elles s’approchent l'vne de l'autre, qu'aux autres lieux ; & cete chaleur ayant a demi fondu les parcelles de glace qui y font, le froid qui luy fuc- cede, au mo ment qu'elles commencent a fe toucher, les peut ayfement coller enfemble. Au refte, outre les eftoiles dont ray parlé iufques icy, qui eftoient tranf- parentes, il en tomba vne infinité d'autres ce iour là, qui efloient toutes blanches comme du fuere, & dont quelques vnes auoient a peu prés mefme figure que les tranfparentes ; mais la plufpart auoient leurs rayons plus pointus & plus deliés, & fouuent diuifés, tantoft en trois branches, dont les deux des coftés eftoient repliées en dehors de part & d'autre, & celle du milieu demeuroit droite, en forte qu'elles repre- fentoient vne fleur de lis, comme on peut voir vers R; & tantoft en plufieurs, qui reprefentoient des plumes, ou des feuilles de fougere, ou chofes femblables. Et il tomboit aufly, parmi ces efloiles, plufieurs autres parcelles de glace en forme de filets, & fans autre figure determinée. Dont toutes les caufes font ayfées a entendre; car, pour la blancheur de ces eftoiles, elle ne procedoit que de ce que la chaleur n'auoit point penetré iufques au fonds de leur matiere, ainfi quil eftoit manifefte de ce que toutes celles qui eftoient fort minces eftoient tranfparentes. Et fi quelquefois les rayons des blanches n'eftoient pas moins cours & moufles que ceux des tranfparentes, ce n’eftoit pas qu'ils fe fuflent autant fondus a la chaleur, mais qu'ils auoient eflé dauantage preflés par les vens; & communement ils eftoient plus longs & pointus, a caufe qu'ils s'efloient moins fondus. Et lorfque ces 20 25 30 _ 231-282. Les METEoREs. — Discours VI. 307 rayons eftoient diuifés en plufieurs branches, c'eftoit que la chaleur auoit abandonné les petits poils qui les compofoient, fitoit qu'ils auoient commencé a s'approcher les vns des autres pour s'aflembler.Et lors qu'ils |eftoient feulement diuifés en trois branches, c'eftoit qu'elle les auoit abandonnés vn peu plus tard; & les deux branches des coftés se replioient de part & d'autre en dehors lorfque cete chaleur fe retiroit, a caufe que la proximité de la branche du milieu les rendoit incontinent plus froides & moins flexibles de fon cofté, ce qui formoit chafque rayon en fleur de lis. Et les parcelles de glace qui n’auoient aucune fi- gure determinée m afluroient que toutes les nuës n'’ef- toient pas compofées de petits nœus ou pelotons, mais qu'il y en auoit aufiy qui n'efloient faites que de filets confufement entremeflés. Pour la caufe qui fai- foit defcendre ces eftoiles, la violence du vent qui continua tout ce iour là me la rendoit fort manifefte; car ie iugeois quil pouuoit ayfement les defarrenger & rompre les feuilles qu'elles compofoient, aprés les auoir faites; & que, fitoft qu'elles eftoient ainfi defar- rengées, penchant quelqu'vn de leurs coftés vers la terre, elles pouuoient facilement fendre l'air, a caufe quelles eftoient toutes plates, & fe trouuoient aflés pefantes pour defcendre. Mais, s'il tombe quelquefois de ces eftoiles en tems calme, c'eft que l'air de def- fous, en fe referrant, attire a foy toute la nuë, ou que celuy de deffus, en fe dilatant, la pouffe en bas, & par mefme moyen les defarrenge : d'où vient que pour lors elles ont couftume d'eftre fuiuies de plus de neige, ce qui n'arriua point ce iour là. Le matin fuiuant, il 308 OEUVRES DE DESCARTES. 232-233. tomba des floccons de neige, qui fembloient eftre com- pofés d'vn nombre infini de fort petites eftoiles iointes enfemble; toutefois, en y regardant de plus prés, 1e trouuay que celles du dedans n'efloient pas fi regu- lierement formées que celles du deffus, & qu'elles pouuoient ayfement proceder de la diflolution d'vne nuë femblable a celle qui a efté cy-deffus marquée G*. Puis, cete neige ayant ceflé, vn vent fubit en forme d'orage fit tomber vn peu de grefle blanche, fort longue & menuë, dont chafque grain auoit la figure d’vn pain de fucre; & l’air deuenant clair & ferein tout aufly toft, ie iugay que cete grefle s’eftoit formée de la plus haute partie des nuës, dont la neige eftoit fort fubtile &compofée de filets fort deliés, en la façon que i'ay tantoft defcrite. Enfin, a trois iours de là, voyant tomber de la neige toute compofée de petits nœuds ou pelotons enuironnés d'vn grand nombre de poils entremeflés & qui n’auoient aucune forme d'ef- toiles, ie me confirmay en la creance de tout ce que. l'auois imaginé touchant cete matiere. Pour les nuës qui ne font compofées que de gouttes d'eau, 1l eft ayfé a entendre, de ce que 1'ay dit, com- ment elles defcendent en pluie : a fçauoir, ou par leur propre pefanteur, lorfque leurs gouttes fe trouuent aflés grofles ; ou parce que l'air qui eft deflous, en fe retirant, ou celuy qui eft deffus, en les preffant, leur donnent occafion de s'abaiffer; ou parce que plufieurs de ces caufes concourent enfemble. Et c'eft quand l’air du deffous fe retire, que fe fait la pluie la plus menuë qui puifleeftre ; car mefme elle eft alors quelquefois fi a. « Voyés en la figure de la page 214. » (Fig. p. 290 ci-avant.) 20 25 30 233-234. Les MErEOoREs. — Discours VI. 309 menuë, qu'on ne dit pas que ce foit de la pluie, mais plutoft vn brouillar qui defcend ; comme, au contraire, elle fe fait fort groffe, quand la nuë ne s'abaïfle qu'a caufe qu'elle eft preflée par l'air du deflus ; car les plus hautes de fes gouttes, defcendant les premieres, en rencontrent d'autres qui les|grofliflent. Et de plus, lay vû quelquefois en efté, pendant vn tems calme accompagné d'vne chaleur pefante & eftoufante, qu'il commençoit a tomber de telle pluie, auant mefme quil euft paru aucune nuë; dont la caufe eftoit qu y ayant en l'air beaucoup de vapeurs, qui fans doute eftoient preflées par les vens des autres lieux, ainfi que le calme & la pefanteur de l'air le tefmoignoient, les gouttes en quoy ces vapeurs fe conuertifloient de- uenoient fort grofles en tombant, & tomboient a me- fure qu’elles fe formoient. Pour les brouillars, lorfque la terre en fe refroi- diflant, & l'air qui eft dans fes pores fe referrant, leur donne moyen de s'abaifler, ils fe conuertiflent en rozée, s'ils font compofés de gouttes d'eau, & en bruine ou gelée blanche, s'ils font compofés de va- peurs defia gelées, ou plutoft qui fe gelent a mefure qu'elles touchent la terre. Et cecy arriue principa- lement la nuit ou le matin, a caufe que c'eft le tems que la terre, en s’efloignant du foleil, fe refroidift. Mais le vent abat auffy fort fouuent les brouillas, en furuenant aux lieux où ils font; & mefme il peut tranfporter leur matiere, & en faire de la rozée ou de la gelée blanche, en ceux où ils n'ont point efté aper- ceus ; & on voit alors que cete gelée ne s'attache aux plantes que fur les coftés que le vent touche. 310 OEUVRES DE DESCARTES. , 214-235. Pour le ferein, qui ne tombe iamais que le foir, & ne fe connoift que par les reumes & les maux de tefte qu'il caufe en quelques contrées, il ne confifte qu'en certaines exhalaifons fubtiles & penetrantes, qui, eftant plus fixes que les vapeurs, ne s’efleuent qu'aux païs aflés chauds & aux beaux iours, & qui retombent tout auffy toft que|la chaleur du foleil les abandonne; d'où vient qu'il a diuerfes qualités en diuers païs, & qu'il eft mefme inconnu en plufieurs, felon les difte- rences des terres d'où fortent ces exhalaifons. Et ie ne dis pas qu'il ne foit fouuent accompagné de la rozée, qui commence a tomber dés le foir, mais bien que ce n'eft nullement elle qui caufe les maux dont on l'accufe. Ce font aufly des exhalaifons qui com- pofent la manne, & les autres tels fucs, qui defcen- dent de l'air pendant la nuit; car, pour les vapeurs, elles ne fçauroient fe changer en autre chofe qu'en eau ou en glace. Et ces fucs non feulement font di- uers en diuers païs, mais aufly quelques vns ne s'at- tachent qu'a certains cors, a caufe que leurs parties font fans doute de telle figure, qu'elles n’ont pas aflés de prife contre les autres pour s'y arefter. Que fi la rozée ne tombe point, & qu'on voye au matin les brouillas s'efleuer en haut & laifler la terre toute efluiée, c'eft figne de pluie; car cela n’arriue gueres que lorfque la terre, ne s'eftant point aflés refroidie la nuit, ou eftant extraordinairement ef- chauflée le matin, produift quantité de vapeurs, qui, repouffant ces brouillas vers le ciel, font que leurs gouttes, en fe rencontrant, fe grofiflent & fe difpofent a tomber en pluie bientoft aprés. C'eft aufly vn figne 20 :3 30 3 | L 4 L 235-236. Les METEoREs. — Discours VI. 311 de pluie de voir que, noître air eftant fort chargé de nuës, le foleil ne laiffe pas de paroiftre aflés clair dés le matin; car c'eft a dire qu'il n'y a point d'autres nuës en l'air voyfin du noftre vers l'Orient, qui em- pefchent que la chaleur du foleil ne condenfe celles qui font au deflus de nous, & mefme aufly qu’elle n'efleue de nouuelles vapeurs de noftre terre qui les augmentent. Mais, cete caufe n'ayant lieu que le matin, s'il ne pleut point auant midy, elle ne peut rien faire iuger de ce qui arriuera vers le foir. le ne diray rien de plufieurs autres fignes de pluie qu'on obferue, a caufe qu'ils font pour la plufpart fort incertains ; & fi vous confiderés que la mefme chaleur qui eft ordi- nairement requile pour condenfer les nuës & en tirer de la pluie, les peut aufly tout au contraire dilater & changer en vapeurs, qui quelquefois fe perdent en l'air infenfiblement, & quelquefois y caufent des vens, felon que les parties de ces nuës fe trouuent vn peu plus preflées ou efcartées, & que cete chaleur eft vn | peu plus ou moins accompagnée d'humidité, & que e l'air qui eft aux enuirons fe dilate plus ou moins, ou | fe condenfe, vous connoiftrés bien que toutes ces chofes font trop variables & incertaines, pour eftre afleurement preueuës par les hommes. 312 Œuvres DE DESCARTES. 236-237. DES TEMPESTES DE ’PAREOMDRE ET DE TOVS LES AVTRES FEVX QVI S'ALLVMENT ÉNEALEATR: Difcours Septiefme. Au refte, ce n'est pas feulement quand les nuës fe difloluent en vapeurs, qu'elles caufent des vens, mais elles peuuent aufly quelquefois s’abaifler fi a coup, qu'elles chaffent auec grande violence tout l'air qui eft fous|elles, & en compofent vn vent tres fort, mais peu durable, dont limitation fe peut voir en eftendant vn voile vn peu haut en l'air, puis de là le laiffant def- cendre tout plat vers la terre. Les fortes pluies font prefque toufiours precedées par vn tel vent, qui agift manifeftement de haut en bas, & dont la froideur monftre aflés qu'il vient des nuës, où l’air eft com- munement plus froid qu’autour de nous. Et c’eft ce vent qui eft caufe que, lorfque les hirondelles volent fort bas, elles nous auertiffent de la pluie; car il fait defcendre certains moufcherons dont elles viuent, qui ont couftume de prendre l'effort, & de s’efgayer au haut de l'air, quand il fait beau. C'eft luy aufly qui quelquefois, lors mefme que, la nuë eftant fort petite ou ne s'abaïflant que fort peu, il eft fi foible qu'on ne le fent quafi pas en l'air libre, s’entonnant dans les tuyaus des cheminées, fait iouer les cendres & les feftus qui fe trouuent au coin du feu, & y excite 20 237-258. Les METEoREs. — Discours VII. 313 À comme de petits tourbillons affés admirables pour ceux qui en ignorent la caufe, & qui font ordinai- rement fuiuis de quelque pluie. Mais, fi la nue qui defcend eft fort pefante & fort eftenduë (comme elle peut eftre plus ayfement fur les grandes mers qu'aux autres lieux, a caufe que, les vapeurs y eftant fort efgalement difperfées, fitoftqu'il s'y forme la moindre nuë en quelque endroit, elle s'eftend incontinent en tous les autres circonuoyfins), cela caufe infallible- ment vne tempefte; laquelle eft d'autant plus forte, que la nuë eft plus grande & plus pefante; & dure d'autant plus longtems, que la nuë defcend de plus haut. Et c'eft ainfi que ie m'imagine que fe font ces trauades, que les mariniers craignent tant | en leurs grans voyafges, particulierement vn peu au delà du cap de Bonne Efperance, où les vapeurs qui s'efle- uent de la mer Ethiopique, qui eft fort large & fort efchauflée par le foleil, peuuent ayfement caufer vn vent d'abas, qui, areftant le cours naturel de celles qui vienent de la mer des Indes, les affemble en vne nue, laquelle, procedant de l'inefgalité qui eft entre ces deux grandes mers & cete terre, doit deuenir in- continent beaucoup plus grande que celles qui fe forment en ces quartiers, où elles dependent de plu- fieurs moindres inefgalités, qui font entre nos pleines & nos lacs & nos montaignes. Et pource qu'il ne fe voit quafi iamais d’autres nues en ces lieux là, fi toft que les mariniers y en apperçoiuent quelqu'vne qui commence a fe former, bien qu'elle paroifle quelque- fois fi petite que les Flamens l'ont comparée a l'œil d'vn beuf, duquel ils luy ont donné le nom, & que le Œuvres. I, 40 . 314 OEUVRES DE DESCARTES. 238-230. refte de l’air femble fort calme & fort ferein, ils fe haf- tent d'abatre leurs voiles, & fe preparent a receuoir vne tempefte, qui ne manque pas de fuiure tout aufly toit. Et mefme ie iuge qu'elle doit eftre d'autant plus grande, que cete nue a paru au commencement plus petite ; car, ne pouuant deuenir aflés efpaifle pour obfeurcir l'air & eftre vifible, fans deuenir aufly aflés grande, elle ne peut paroiftre ainfi petite qu'a caufe de fon extreme diflance ; & vous fçaués que, plus vn cors pefant defcend de haut, plus fa cheute eft impe- tueufe. Ainfi cete nue, eftant fort haute, & deuenant fubitement fort grande & fort pefante, defcend toute entiere, en chaflant auec grande violence tout l'air qui eft fous elle, & caufant par ce moyen le vent d'vne tempefte. Mefme il eft a remarquer que |les vapeurs meflées parmi cet air font dilatées par fon agitation, & quil en fort aufly pour lors plufieurs autres de la mer, a caufe de l'agitation de fes vagues, ce qui augmente beaucoup la force du vent, &, retar- dant la defcente de la nue, fait durer l'orage d'autant plus longtems. Puis aufly, qu'il y a d'ordinaire des exhalaifons meflées parmi ces vapeurs, qui ne pou- uant eftre chaflées fi loin qu'elles par la nuë, a caufe que leurs parties font moins folides & ont des figures plus irregulieres, en font feparées par l'agitation de l'air, en mefme façon que, comme il a efté dit cy deflus, en battant la creme on fepare le beurre du petit lait; & que, par ce moyen, elles s'aflemblent par cy par là en diuers tas, qui, flotans toufiours le plus haut qu'il fe peut contre la nue, vienent enfin s'atta- cher aux chordes & aux mats des nauires, lors qu'elle 15 20 25 30 séélatilh de sodtiilen PT TRUE Bee AS ET Loose nl Les Mereores. — Discours VII. 3 LS acheue de defcendre. Et là, eftant embrafés par cete violente agitation, ils compofent ces feux nommés de Saint Helme, qui confolent les matelots, & leur font efperer le beau tems. Il eft vray que fouuent ces tem- peftes font en leur plus grande force vers la fin, & qu'il peut y auoir plufieurs nues l'vne fur l’autre, fous chafcune defquelles il fe trouue de tels feux; ce qui a peuteftre eflé la caufe pourquoy, les anciens n'en voyant qu'vn, qu'ils nommoient l’aftre d'Helene, ils l'eftimoient de mauuais augure, comme s'ils euffent encore attendu alors le plus fort de la tempefte; au lieu que, lorfquils en voyoient deux, qu'ils nom- moient Caftor & Pollux, 1ls les prenoient pour vn bon prefage; car c'eftoit ordinairement le plus qu'ils en viflent, excepté peuteftre lorfque l'orage eftoit extror- dinairement grand, qu'ils en voyoient trois, & les efli- moient aufly, a caufe de cela, de mauuais augure. Tou- tefois, 1ay ouy dire a nos mariniers qu'ils en voyent quelquefois iufques au nombre de quatre ou de cinq, peuteftre a caufe que leurs vaifleaux font plus grans, & ont plus de mats que ceux des anciens, ou qu'ils voyafgent en des lieux où les exhalaifons font plus frequentes. Car enfin ie ne puis rien dire que par coniecture de ce qui fe fait dans les grandes mers, . que ie n'ay iamais veues & dont ie n'ay que des rela- tions fort imparfaites. Mais pour les orages qui font accompaignés de ton- nerre, d'efclairs, de tourbillons & de foudre, def- quels i'ay pü voir quelques exemples fur terre, ie ne doute point qu'ils ne foient caufés de ce qu'y ayant plufieurs nues l’vne fur l'autre, il arriue quelquefois PL Rem sé LS es > 310 OEuvres DE DESCARTES. Pen que les plus hautes defcendent fort a coup fur les. plus bafles. Comme, fi, les deux nues À & B n'eftant compofées que de neige fort rare & fort eftendue, il fe trouue vn air plus chaud autour de la fu- perieure À, qu'autour de l'inferieure B, il eft eui- dent que la chaleur de cet air la peut condenfer & appefantir peu a peu, en telle forte que les plus hautes de fes parties, com- mençant les premieres a defcendre, en abbatront ou entraifneront auec foy quantité d'autres, qui tom- beront aufly toft toutes enfemble auec vn grand bruit fur l’inferieure. En mefme | façon que ie me fouuien d'auoir vü autrefois dans les Alpes, enuiron le mois de May, que les neiges eftant efchauffées & appefan- ties par le foleil, la moindre efmotion d'air eftoit fuf- fifante pour en faire tomber fubitement de gros tas, qu’on nommoit, ce me femble, des aualanches, & qui, retentiflant dans les valées, imitoient aflés bien le bruit du tonnerre. En fuite de quoy, on peut entendre pourquoy il tonne plus rarement en ces quartiers l'hyuer que l’efté ; car il ne paruient pas alors fi ay- fement aflés de chaleur iufques aux plus hautes nues, pour les difloudre. Et pourquoy, lorfque pendant les grandes chaleurs, aprés vn vent Septentrional qui dure fort peu, on fent derechef vne chaleur moite & eftouflante, c'eft figne qu'il fuiura bientoft du ton- nerre : car cela tefmoigne que ce vent Septentrional, ayant pañlé contre la terre, en a chaffé la chaleur vers 15 20 25 30 | | | 20 25 30 241-242. Les Mereores. — Discours VII. Sid l'endroit de l'air où fe forment les plus hautes nues, & qu'en eflant, aprés, chaffé luy mefme, vers celuy où fe forment les plus bafles, par la dilatation de l'air inferieur que caufent les vapeurs chaudes qu'il con- tient, non feulement les plus hautes en fe condenfant doiuent defcendre, mais aufly les plus baffes, demeu- rant fort rares, & mefme eftant comme foufleuées & repouflées par cete dilatation de l'air inferieur, leur doiuent refifter en telle forte, que fouuent elles peuuent empefcher qu'il n'en tombe aucune partie iufques a terre. Et notés que le bruit, qui fe fait ainfi au deflus de nous, fe doit mieux entendre, a caufe de la refonnance de l'air, & eftre plus grand, a raifon de la neige qui tombe, que n'eft celuy des aualanches. Puis notés aufly que, de cela feul que les parties des _nues fuperieures | tombent toutes enfemble, ou l'vne aprés l’autre, ou plus vifte, ou plus lentement, & que les inferieures font plus ou moins grandes & efpaiffes, & refiftent plus ou moins fort, tous les differens bruits du tonnerre peuuent ayfement eftre caufés. Pour les differences des efclairs, des tourbillons & de la foudre, elles ne dependent que de la nature des exha- laifons qui fe trouuent en l'efpace qui eft entre deux nuës, & de la façon que la fuperieure tombe fur l'autre. Car, s'il a precedé de grandes chaleurs & fei- cherefles, en forte que cet efpace contiene quantité d'exhalaifons fort fubtiles & fort difpofées à s'en- flamer, la nuë fuperieure ne peut quafi eftre fi petite, ny defcendre fi lentement que, chaffant l'air qui ef entre elle & l'inferieure, elle n’en face fortir vn ef- clair, c'eft a dire vne flame legere qui fe diflipe a 318 OŒEuvREs DE DESCARTES. 242-245. l'heure mefme. En forte qu'on peut voir alors de tels efclairs fans ouïr aucunement le bruit du tonnerre; & mefme auffy, quelquefois, fans que les nues foient aflés efpaifles pour eftre vifibles. Comme, au con- traire, s'il n'y a point en l'air d'exhalaifons qui foient 5 propres a s'enflamer, on peut ouiïr le bruit du ton- nerre fans qu'il paroïfle, pour cela, aucun efclair. Et lorfque la plus haute nuë ne tombe que par pieces qui s'entrefuiuent, elle ne caufe gueres que des efclairs & du tonnerre ; mais lorfqu'elle tombe toute entiere & 50 affés vifte, elle peut caufer, auec cela, des tourbil- lons & de la foudre. Car il faut remarquer que {es extremités, comme C & D, fe doiuent abaïfler vn peu plus vifte que le milieu, d'autant que l'air qui eft def- fous, ayant moins de chemin a faire pour en fortir, 15 leur cede plus ayfement, & ainfi que, venant a toucher. la nue inferieure plutoft que|ne fait le milieu, il s en- ja ES RESES can: SNS ferme beaucoup d'air entre deux, comme on voit icy vers E ; puis, cet air eftant preflé & chaflé auec grande force par ce milieu de la nue fuperieure qui 0 continue encore a defcendre, il doit neceflairement rompre l'inferieure pour en fortir, comme on voit vers F; ou entrouurir quelqu'vne de fes extremités, comme. on voit vers G. Et lorfqu'il a rompu ainfi cete nue, il 245-244. Les METEOoREs. — Discours VII. 319 defcend auec grande force vers la terre, puis, de la, remonte en tournoyant, a caufe qu'il trouue de la refiftence de tous coftés, qui l’empefche de continuer fon mouuement en ligne droite aufly vifte que fon agitation le requert. Et ainfi il compofe vn tourbillon, qui peut neftre point accompaigné de foudre ny d’ef- clairs, sil n'y a point en cet air d'exhalaifons qui foient propres a s'enflamer; mais, lorfqu'il yen a, elles s’afflemblent toutes en vn tas, & eftant chaffées fort impetueufement auec cet air vers la terre, elles compofent la foudre. Et cete foudre peut brufler les habits & razer le poil fans nuire au cors, fi ces exhalai- fons, qui ont ordinairelment l'odeur du fouffre, ne font que grafles & huileufes, en forte qu'elles compofent vne flame legere qui ne s'attache qu'aux cors ayfés a brufler. Comme, au contraire, elle peut rompre les os fans endommager les chairs, ou fondre l'efpée fans gafter le fourreau, fi ces exhalaifons, eftant fort fub- tiles & penetrantes, ne participent que de la nature des fels volatiles ou des eaux fortes, au moyen de quoy, ne faifant aucun eflort contre les cors qui leur cedent, elles brifent & difloluent tous ceux qui leur font beaucoup de refiftence : ainfi qu'on voit l'eau forte difloudre les metaux les plus durs, & n'agir point contre la cire. Enfin, la foudre fe peut quelquefois conuertir en vne pierre fort dure, qui romp & fra- _ cafle tout ce qu'elle rencontre, fi, parmi ces exhalai- fons fort penetrantes, il y en a quantité de ces autres qui font grafles & enfouffrées : principalement s'il y en a aufly de plus groflieres, femblables a cete terre qu'on trouue au fonds de l'eau de pluie, lorfqu'on la 320 ŒUVRES DE DESCARTES. 244-245. laifle rafleoir en quelque vaze: ainfi qu'on peut voir, par experience, qu'ayant meflé certaines portions de cete terre, de falpetre & de fouffre, fi on met le feu en cete compofition, il s'en forme fubitement vne pierre. Que fi la nuë s'ouure par le cofté, comme vers G, la foudre, eftant eflancée de trauers, rencontre plu- toft les pointes des tours ou des rochers que les lieux bas, comme on voit vers H. Mais, lors mefme que la nue fe romp par le deffous, il y a raifon pourquoy la foudre tombe plutoft fur les lieux hauts & eminens que fur les autres : car, fi, par exemple, la nue B n'eft point d'ailleurs plus difpofée a fe rompre en vn endroit qu'en vn autre, il eft certain qu'elle fe deura rompre Len celuy qui eft marqué F, a caufe de la refiftence du clocher qui eft au deflous. Il y a aufly raifon pourquoy chafque coup de tonnerre eft d'ordinaire fuiui d'vne ondée de pluie, & pourquoy, lorfque cete pluie vient fort abondante, il ne tonne gueres plus dauantage : car, fi la force, dont la nue fuperieure esbranfle l'in- ferieure en tombant deflus, eft aflés grande pour la faire toute defcendre, il eft euident que le tonnerre doit cefler; & fi elle eft moindre, elle ne laïfle pas d'en pouuoir fouuent faire fortir plufieurs floccons de neige, qui, fe fondant en l'air, font de la pluie. Enfin, ce n'eft pas fans raifon qu'on tient que le grand bruit, comme des cloches ou des canons, peut dimi- nuer l'effect de la foudre; car il ayde a difiper & faire tomber la nue inferieure, en esbranflant la neige dont elle eft compofée. Ainfi que fçauent aflés ceux qui ont couftume de voyafger dans les valées où les aua- lanches font a craindre; car ils s'abftienent mefme de 20 23 30 15 20 25 30 245-246. Les METEORES. —— Discours VII. 321 parler & de toufler en y paflant, de peur que le bruit de leur voix n'efmeuue la neige. | Mais, comme nous auons defia remarqué, qu'il efclaire quelquefois fans qu'il tonne, ainfi, aux en- droits de l'air où il fe rencontre beaucoup d'exha- laifons & peu de vapeurs, il fe peut former des nues fi peu efpaifles & fi legeres que, tombant d’aflés haut l’vne fur l'autre, elles ne font ouir aucun tonnerre, ny n'excitent en l'air aucun orage, nonobftant qu'elles enueloppent & ioignent enfemble plufieurs exhalai- fons, dont elles compofent non feulement de ces moindres flames qu'on diroit eftre des eftoiles qui tombent du ciel, ou d'autres qui le trauerfent, mais aufly des boules de feu affés groffes, & qui, parue- nant iufques a nous, font comme des diminutifs de la foudre. Mefme, d'autant qu'il y a des exhalaifons de plufieurs diuerfes natures, ie ne iuge pas qu'il foit impoflible que les nues, en les preffant, n'en com- pofent quelquefois vne matiere qui, felon la couleur & la confiftence qu'elle aura, femble du lait, ou du fang, ou de la chair ; ou bien qui, en fe bruflant, de- uiene telle qu on la prene pour du fer, ou des pierres; ou enfin, qui, en fe corrompant, engendre quelques petits animaux en peu de tems: ainfi qu'onlift fouuent, entre les prodiges, qu'il a plü du fer, ou du fang, ou des fauterelles, ou chofes femblables. De plus, fans qu'il y ait en l'air aucune nue, les exhalaifons peuuent eftre entaflées & embrafées par le feul foufile des vens, principalement lorfquil y en a deux ou plu- fieurs contraires qui fe rencontrent. Et enfin, fans vens & fans nues, par cela feul qu'vne exhalaifon Œuvres. I, 41 22 OEuvRESs DE DESCARTES. 246-247. fubtile & penetrante, qui tient de la nature des fels, s'infinue dans les pores d'vne autre, qui eft grafle & enfouffrée, il fe peut former des flames legeres tant au haut qu'au bas de l'air: comme on y voit au haut ces eftoiles qui le trauerfent, & au bas, tant ces ar- dans ou feux folets qui s'y iouent, que ces autres qui s'areftent a certains cors, comme aux cheueux des enfans, ou au crin des cheuaux, ou aux pointes des picques qu'on a frotées d'huile pour les nettoyer, ou a chofes femblables. Car il eft certain que non feu- lement vne violente agitation, mais fouuent aufly le feul meflange de deux diuers cors eft fuffifant pour les embrafer : comme on voit en verfant de l’eau fur de la chaux, ou renfermant du foin auant qu'il foit fec, ou en vne infinité d'autres exemples qui fe rencon- trent tous les iours en la Chymie. Mais tous ces feux ont fort peu de force a comparaifon de la foudre ; dont la raifon eft qu'ils ne font compofés que des plus molles & plus gluantes parties des huiles, nonobftant que les plus viues & plus penetrantes des fels con- courent ordinairement aufly a les produire. Car celles cy ne s’areftent pas pour cela parmi les autres, mais s'efcartent promptement en l'air libre, aprés quelles les ont embrafées ; au lieu que la foudre eft principa- lement compofée de ces plus viues & penetrantes, qui, eftant fort violemment preflées & chaffées par les nuës, emportent les autres auec foy iufqu'a terre. Et ceux qui fçauent combien le feu du falpetre & du fouffre meflés enfemble a de force & de vitefle, au lieu que la partie grafle du foufire, eftant feparée de fes efprits, en auroit fort peu, ne trouueront en cecy 20 25 30 20 25 30 247-248. LEs METEORES. — Discours VII. 323 rien de douteux. Pour la durée des feux qui s'areftent ou voltigent autour de nous, elle peut eftre plus ou moins longue, felon que leur flame eft plus ou moins lente, & leur matiere plus ou moins efpaifle & ferrée. | Mais pour celle des feux qui ne fe voyent qu'au haut de l'air, elle ne fçauroit eftre que fort courte, a caufe que, fi leur matiere n'eftoit fort rare, leur pefanteur les feroit defcendre. Et ie trouue que les Philofophes ont eu raifon de les comparer a cete flame qu'on voit courir tout du long de la fumée qui fort-d'vn flambeau qu'on vient d'efteindre, lorfqu'eftant approchée d'vn autre flambeau, elle s'allume. Mais ie m'eftonne fort qu'aprés cela, 1ls ayent pü s'imaginer que les Co- metes & les colomnes ou cheurons de feu, qu'on voit quelquefois dans le ciel, fuflent compofées d'exha- laifons ; car elles durent incomparablement plus longtems. Et pourceque 1'ay tafché d'expliquer curieufement leur production & leur nature dans vn autre traité, & que ie ne croy point qu'elles appartienent aux me- teores, non plus que les tremblemens de terre & les mineraux, que plufieurs efcriuains y entaflent, ie ne parleray plus icy que de certaines lumieres, qui, paroïffant la nuit pendant vn tems calme & ferein, donnent fuiet aux peuples oyfifs d'imaginer des efqua- drons de fantofmes qui combattent en l'air, & auf- quels ils font prefager la perte ou la viétoire du parti qu'ils affectionnent, felon que la crainte ou l'efperance predomine en leur fantaifie. Mefme, a caufe que ie n'ay iamais vü de tels fpectacles, & que ie fçay com- bien les relations qu'on en fait ont couftume d'eftre 324 OEUVRES DE DESCARTES. 248-240. falfifiées & augmentées par la fuperftition & l'igno- rance, ie me contenteray de toucher en peu de mots toutes les caufes qui me femblent capables de les pro- duire. La premiere eft qu'il y ait en l'air plufeurs nues, aflés petites pour eftre prifes pour autant de folldats, & qui, tombant l'vne fur l’autre, enueloppent affés d'exhalaifons pour caufer quantité de petis ef- clairs, & ietter de petits feux, & peuteftre auffy faire ouir de petits bruits, au moyen de quoy ces foldats femblent combatre. La feconde, qu'il y ait auffy en l'air de telles nuës, mais qu'au lieu de tomber l'vne fur l’autre, elles reçoiuent leur lumiere des feux & des efclairs de quelque grande tempefte, qui fe face ail- leurs fi loin de là, qu'elle n'y puiffe eftre apperceue. Et la troifiefme, que ces nuës, ou quelques autres plus feptentrionales, de qui elles reçoiuent leur lu- miere, foient fi hautes que les rayons du foleil par- uienent iufques a elles; car, fi on prend garde aux refractions & reflexions que deux ou trois telles nuës peuuent caufer, on trouuera qu'elles n'ont point be- foin d'eftre fort hautes, pour faire paroiftre vers le Septentrion de telles lumieres, aprés que l'heure du crepufcule eft pañlée, & quelquefois aufly le foleil mefme, au tems qu'il doit eftre couché. Mais cecy ne femble pas tant appartenir a ce difcours qu'aux fui- uans, où 1ay deflein de parler de toutes les chofes qu'on peut voir dans l'air fans qu'elles y foient, aprés auoir icy acheué l'explication de toutes celles qui s'y voyent en mefme façon qu'elles y font. 20 29 LE ve 4 * hdi ie ART EE 20 23 250. Les METEOoREs. — Discours VIIT. 32 7 DE L'ARC-EN-CIEL. Difcours Huitiefme. L'Arc-en-ciel eft vne merueille de la nature fi re- marquable, & fa caufe a efté de tout tems fi curieu- fement recherchée par les bons efprits, & fi peu connuë, que ie ne fçaurois choifir de matiere plus propre a faire voir comment, par la methode dont ie me fers, on peut venir a des connoiffances que ceux dont nous auons les efcrits n'ont point euës. Premie- rement, ayant confideré que cet arc ne peut pas feu- lement paroiftre dans le ciel, mais auffy en l'air proche de nous, toutes fois & quantes qu'il s’y trouue plufieurs gouttes d'eau efclairées par le foleil, ainfi que l'experience fait voir en quelques fontaines, il m'a efté ayfé de iuger qu'il ne procede que de la façon que les rayons de la lumiere agiflent contre ces gouttes, & de là tendent vers nos yeux. Puis, fçachant que ces gouttes font rondes, ainfi qu’il a efté prouué cy deflus, & voyant que, pour eftre plus groffes ou plus petites, elles ne font point paroiftre cet arc d'autre façon, ie me fuis auifé d'en faire vne fort grofle, aflin de la pouuoir mieux examiner. Et ayant rempli d'eau, a cet effect, vne grande fiole de verre toute ronde & fort tranfparente, ray trouué que, le foleil venant, par exemple, de la partie du ciel marquée AFZ, & mon œil eftant au point E, lorfque ie mettois * 320 OEuvrEes DE DESCARTES. 250-251. cete boule en l'endroit BCD, fa partie D me paroif- foit toute rouge & incomparablement plus efclatante que le refte ; & que, foit que lie l'approchaffe, foit que ie la reculafle, & que ie la miffe a droit ou a gauche, ou mefme la fifle tourner en rond autour de ma tefte, Se == pouruû que la ligne DE fift toufiours vn angle d'en- uiron 42 degrés auec la ligne EM, qu'il faut ima- giner tendre du centre de l'œil vers celuy du foleil, cete partie D paroifloit toufiours efgalement rouge: mais que, fitoft que ie faifois cet angle DEM tant foit peu plus grand, cete rougeur difparoïfloit ; & que, fi ie le faifois vn peu moindre, elle ne difparoiïfloit pas 10 20 25 30 251-253. Les MerTeores: — Discours VIH. 327 du tout fi a coup, mais fe diuifoit auparauant comme en deux parties moins brillantes, & dans lefquelles on voyoit du jaune, du bleu, & d'autres couleurs. Puis, regardant aufly vers l'endroit de cete boule qui eft marqué K, 1'ay apperceu que, faifant l'angle KEM d'enuiron ;2 degrés, cete partie K paroïfloit aufiy de couleur rouge, mais non pas fi efclatante que D; & que, le faifant quelque peu plus grand, il y parotfloit d'autres couleurs plus foibles; mais que, le faifant tant foit peu moindre, ou beaucoup plus grand, il n'y en paroifloit plus aucune. D'où i'ay connû mani- feftement que, tout l'air qui eft vers M eftant rempli de telles boules, ou en leur place de gouttes d'eau, il doit paroiftre vn point fort rouge & fort efclatant en chafcune de celles de ces gouttes dont les lignes tirées vers l'œil E font vn angle d'enuiron 42 degrés auec EM, comme ie fuppofe celles qui font marquées R; & que ces poins, eftans regardés tous enfemble, fans qu'on remarque autrement le lieu où ils font que par l'angle fous lequel ils fe voyent, doiuent paroiftre comme vn cercle continu de couleur rouge ; & quil doit y auoir tout de mefme des poins en celles qui font marquées S & T, dont les lignes tirées vers E font des angles vn peu plus aygus auec EM, qui com- pofent des cercles de couleurs plus foibles, & que c'eft en cecy que confifte le premier & principal arc- en-ciel; puis, derechef, que, l'angle MEX eftant de 2 degrés, 1l doit paroiftre vn cercle rouge dans les gouttes marquées X, & d'autres cercles de couleurs plus foibles dans les gouttes marquées Y, & que c’eft en cecy que confifte le fecond & moins | principal 328 OEUVRES DE DESCARTES. 253-254. arc-en-ciel; & enfin, qu'en toutes les autres gouttes marquées V, il ne doit paroiftre aucunes couleurs. Examinant, aprés cela, plus particulierement en la boule BCD ce qui faifoit que la partie D paroifloit rouge, iay trouué que c'eftoient les rayons du foleil qui, venans d’A vers B, fe courboient en entrant dans l'eau au point B, & alloient vers C, d'où ils fe reflef- chifloient vers D, & là fe courbans derechef en for- _tant de l’eau, tendoient vers E : car, fitoft que ie met- tois vn cors opaque | ou obfcur en quelque endroit des lignes AB, BC, CD ou DE, cete couleur rouge difparoifloit. Et quoy que ie couurifle toute la boule, 20 25 30 254-255. Les METEOREsS. — Discours VIII. 329 excepté les deux poins B & D, & que ie mifle des cors obfcurs partout ailleurs, pouruû que rien n'em- pefchaft l'aétion des rayons ABCDE, elle ne laif- foit pas de paroiftre. Puis, cherchant auffy ce qui eftoit caufe du rouge qui paroifloit vers K, ï'ay trouué que c'eftoient les rayons qui venoient d'F vers G, où ils fe courboient vers H, & en H fe reflefchif- foient vers I, & en I fe reflefchifloient derechef vers K, puis enfin fe courboient au point K & tendoient vers E. De façon que le premier arc-en-ciel eft caufé par des rayons qui paruienent a l'œil aprés deux re- fraétions & vne reflexion, & le fecond par d'autres rayons qui n y paruienent qu aprés deux refraétions & deux reflexions ; ce qui empefche qu'il ne paroïfle tant que le premier. Mais la principale difficulté reftoit encore, qui eftoit de fçauoir pourquoy, y ayant plufieurs autres rayons qui, aprés deux refractions & vne ou deux re- flexions, peuuent tendre vers l'œil quand cete boule eft en autre fituation, il n'y a toutefois que ceux dont l'ay parlé, qui facent paroiftre quelques couleurs. Et pour la refoudre, ray cherché s’il n’y auoit point quelque autre fuiet où elles paruflent en mefme forte, afin que, par la comparaifon de l'vn & de l'autre, ie püfle mieux iuger de leur caufe. Puis, me fouuenant qu vn prifme ou triangle de criftal en fait voir de femblables, j'en ay confideré vn qui eftoit tel qu'eft icy MNP, dont les deux fuperficies MN & NP font toutes plates, & inclinées l’vne fur l’autre felon vn angle d'enuiron 30 ou 40 degrés, en forte que, | fi les rayons du foleil ABC trauerfent MN a angles droits Œuvres. I. : 42 330 OŒEuvres DE DESCARTES, 255-256. ou prefque droits, & ainfi n'y fouffrent aucune fen- fible refraction, ils en doiuent fouffrir vne aflés grande en fortant par NP. Et couurant l'vne de ces deux fuperficies d'vn cors obfcur, dans lequel eftroite comme DE, ‘ay ob- ferué que les rayons, pañlant par cete ouuerture & de là s’al- lant rendre fur vn linge ou pa- pier blanc FGH, y peignent toutes les couleurs de l'arc- en-ciel; & qu'ils y peignent toufiours le rouge vers F, & le bleu ou le violet vers H. D'où l'ay appris, premiere- ment, que la courbure des fuperficies des gouttes d'eau n'eft point neceflaire a la production de ces couleurs, car celles de ce criftal font toutes plates ; ny la gran- deur de l'angle fous lequel elles paroiflent, car il peut icy eftre changé fans qu'elles changent, & bien qu'on puifle faire que les rayons qui vont vers F fe courbent tantoft plus & tantoft moins que ceux qui vont vers H, ils ne laiflent pas de peindre toufiours du rouge, & ceux qui vont vers H toufiours du bleu ; ny auffy la reflexion, car il n'y en a icy aucune; ny enfin la plu- ralité des refra@ions, car il n'y en a iey qu'vne feule. Mais j'ay iugé qu'il y en falloit pour le | moins vne, & mefme vne dont l'effect ne fuit point deftruit par vne contraire ; car l'experience monftre que, fi les fuper- ficies MN & NP efloient paralleles, les rayons, fe re- dreflant autant en l’vne qu'ils fe pourroient courber il y auoit vne ouuerture aflés. 20 25 30 #4 AE TRE | | | | 20 29 30 256-257. Les MeTEorEs. — Discours VIII. 331 en l'autre, ne produiroient point ces couleurs. Ie n ay pas douté qu'il n'y falluft aufly de la lumiere; car fans elle on ne voit rien. Et, outre cela, i'ay obferué qu il y falloit de l'ombre, ou de la limitation a cete lumiere ; Car, fi on ofte le cors obfeur qui eft fur NP, les couleurs FGH ceffent de paroiftre; & fi on fait l'ouuerture DE affés grande, le rouge, l'orangé & le jaune, qui font vers F, ne s’eflendent pas plus loin pour cela, non plus que le verd, le bleu & le violet, qui font vers H, mais tout le furplus de l'efpace qui eft entre deux vers G demeure blanc. En fuite de quoy, j'ay tafché de connoiftre pourquoy ces couleurs font autres vers H que vers F, nonobftant que la refraction & l'ombre & la lumiere y concourent en mefme forte. Et conceuant la nature de la lumiere telle que ie l'ay deferite en la Dioptrique, a fçauoir comme l'aétion ou le mouuement d'vne certaine matiere fort fubtile, dont il faut imaginer les parties ainfi que de petites boules qui roullent dans les pores des cors terreftres, l'ay connû que ces boules peuuent rouller en diuerfes façons, felon les diuerfes caufes qui les y determi- nent; & en particulier, que toutes les refraélions qui fe font vers vn mefme cofté les determinent a tourner en mefme fens ; mais que, lorfqu'elles n'ont point de voyfines qui fe meuuent notablement plus vifte ou moins vifte qu'elles, leur tournoyement n eft qu'a peu prés efgal a leur mouuement en ligne droite ; au lieu que, lorfqu'ellles en ont d'vn cofté qui fe meuuent moins vifte, & de l’autre qui fe meuuent plus ou efga- lement vifte, ainfi qu'il arriue aux confins de l'ombre & de la lumiere, fi elles rencontrent celles qui fe 332 OEUVRES DE DESCARTES. 257-258. meuuent moins vifte, du cofté vers lequel elles roul- lent, comme font celles qui compofent le rayon EH, cela eft caufe qu'elles ne tour- noyent pas fi vifte qu'elles fe meuuent en ligne droite ; & c'eft tout le contraire, lorfqu'elles les rencontrent de l’autre cofté, comme font celles du rayon DF. Pour mieux entendre cecy, penfés que la boule 1234 eft pouflée d'V vers X, en telle forte qu'elle ne va qu'en ligne droite, & que fes deux coftés 1 & 3 defcendent efgalement vifte iufques a la fuperficie de l'eau Y Y, où le mou- uement du cofté marqué 3, qui la rencontre le pre- mier, eft retardé, pendant que celuy du cofté marqué 1 continue encore, ce Vu. qui eft caufe que toute 6%) se la boule commence in- LT falliblement a tournoyer fuiuant l'ordre des chif- fres 123. Puis, imaginés quelle eft enuironnée de quatre autres, Q,R,S,T, dont les deux Q &R ten- dent, auec plus de force qu elle, a fe mouuoir vers X, & les deux autres S & T y tendent auec moins de force. D'où il eft euident que Q , |preflant fa partie marquée 1, & S, retenant 20 30 20 23 258-250. Les METEORES. — Discours VIII. 333 celle qui eft marquée 3 ,augmentent fon tournoyement; & que R &Tn y nuifent point, pource que R eft difpo- fée a fe mouuoir vers X plus vifte qu'elle ne la fuit, & Tn'eft pas difpofée a la fuiure fi vifte qu'elle la precede. Ce qui explique l'aétion du rayon DF. Puis, tout au contraire, fi Q & R tendent plus lentement qu'elle vers X, & S & T y tendent plus fort, R empefche le tournoyement de la partie marquée 1, & T celuy de la partie 3, fans que les deux autres Q & S y facent rien. Ce qui explique l'aétion du rayon EH. Mais il eft a remarquer que, cete boule 1234 eftant fort ronde, 1l peut ayfement arriuer que, lorfqu’elle eft preflée vn peu fort par les deux R & T, elle fe reuire en pirouëttant autour de l'aiflieu 42, au lieu d'arefter fon tournoyement a leur occafion, & ainfi que, chan- geant en vn moment de fituation, elle tournoye aprés fuiuant l'ordre des chiffres 3 2 1 ; car les deux R&T, qui l'ont fait commencer à fe détourner, l'obligent a continuer iufques a ce qu'elle ait acheué vn demi tour en ce fens la, & qu'elles puiflent augmenter fon tour- noyement, au lieu de le retarder. Ce qui m'a ferui a refoudre la principale de toutes les difficultés que lay euës en cete matiere. Et 1l fe demonftre, ce me femble, tres euidemment de tout cecy, que la na- ture des coùleurs qui paroiflent vers F ne confifte qu'en ce que les parties de la matiere fubtile, qui tranfmet l’action de la lumiere, tendent a tournoyer auec plus de force qu'a fe mouuoir en ligne droite ; en forte que celles qui tendent a tourner beaucoup plus fort, caufent la couleur rouge, & celles qui n'y tendent qu vn peu plus fort, caufent la jaune. Comme, 334 OEUVRES DE DESCARTES. : 259-260. au contraire, la nature de celles qui fe voyent vers H ne confifte qu'en ce que ces petites parties ne tour- noyent pas fi vifte qu'elles ont de couftume, lorfqu'il n'y a point de caufe particuliere qui les en empefche; en forte que le verd paroift où elles ne tournoyent gueres moins vifte, & le bleu où elles tournoyent beaucoup moins vifte. Et ordinairement aux extre- mités de ce bleu, il fe mefle de l'incarnat, qui, luy donnant de la viuacité & de l’efclat, le change en vio- let ou couleur de pourpre. Ce qui vient fans doute de ce que la mefme caufe, qui a couftume de’retarder le tournoyement des parties de la matiere fubtile, eftant alors aflés forte pour faire changer de fituation a quelques vnes, le doitaugmenter en celles là, pendant qu'elle diminue celuy des autres. Et, en tout cecy, la raifon s'accorde fi parfaitement auec l'experience, que ie ne croy pas qu'il foit poflible, aprés auoir bien con- neu l'vne & l’autre, de douter que la chofe né foit telle que ie viens de l'expliquer. Car, s'il eft vray que le fentiment que nous auons de la lumiere foit caufé par le mouuement ou l'inclination a fe mouuoir de quelque matiere qui touche nos yeux, comme plu- fieurs autres chofes tefmoignent, il eft certain que les diuers mouuemens de cete matiere doiuent caufer en nous diuers fentimens. Et comme il ne peut y auoir d'autre diuerfité en ces mouuemens que celle que 1'ay dite, auffy n'en trouuons nous point d'autre par ex- perience, dans les fentimens que nous en auons, que celle des couleurs. Et il n'eft pas pofñlible de trouuer aucune chofe dans le criftal MN P qui puifle produire des couleurs, que la façon dont il enuoye les petites nt | 20 25 30 260-261, Les MeTEoREs, — Discours VII. 335 parties de la matiere fubtile vers le linge FGH, & de là vers nos veux ; d’où il eft, ce me femble, affés eui- dent qu'on ne doit chercher autre chofe non plus dans les couleurs que les autres obiets font paroiftre : çar l'experience ordinaire tefmoigne que la lumiere ou le blanc, & l'ombre ou le noir, auec les couleurs de l'iris qui ont efté icy expliquées, fufhfent pour compofer.toutes les autres. Et ie ne fçaurois goufter la diftinétion des Philofophes, quand ils difent qu'il y en a qui font vrayes, & d'autres qui ne font que faufles ou apparentes. Car toute leur vraye nature n'eftant que de paroiftre, c'eft, ce me femble, vne con- tradiction de dire | qu'elles font faufles & qu'elles pa- roiflent. Mais i'auoue bien que l'ombre & la refraétion ne font pas toufiours neceffaires pour les produire ; & qu'en leur place, la groffeur, la figure, la fituation & le mouuement des parties des cors qu’on nomme colorés, peuuent concourir diuerfement auec la lumiere, pour augmen- ter ou diminuer le tournoye- ment des parties de la matiere fubtile. En forte que, mefme en l'arc-en-ciel, i'ay douté d'abord fi les couleurs s’y produifoient tout a fait en mefme façon que dans le criftal MNP; car ie n'y remarquois point d'ombre qui terminaft la lumiere, & ne connoiflois point encore pour- quoy elles ny paroifloient que fous certains angles, jufques a ce qu'ayant pris la plume & calculé par 3 36 OEuvrEs DE DESCARTES. re. le menu tous les rayons qui tombent fur les diuers poins d'vne goutte d'eau, pour fçauoir fous quels an- gles, aprés deux refraétions & vne ou deux reflexions, ils peuuent venir vers nos yeux, 1 ay trouué qu aprés vne reflexion & deux refraétions, 1l y en a beaucoup plus qui peuuent eftre veus fous l'angle de 41 a 42 degrés, que fous aucun moindre; & qu'il n yen a aucun qui puifle eftre vü fous vn plus grand. Puis, j'ay trouué aufly qu'aprés deux reflexions & deux re- frations, il y en a beaucoup plus qui vienent vers l'œil fous l'angle de $1 a $2 degrés, que fous aucun plus grand ; & qu'il n'y en a point qui vienent fous vn moindre. De façon qu'il y a de l'ombre de part & d'autre, qui termine la lumiere, laquelle, aprés auoir pañlé par vne infinité de gouttes de pluie efclairées par le foleil, vient vers l'œil fous l’angle de 42 degrés, ou vn peu au deflous, & ainfi caufe le premier & prin- cipal arc-en-ciel. Et il y en a aufly qui termine celle qui vient fous l'angle de $1 degrés ou vn peu au deffus, & caufe l’arc-en-ciel exterieur ; car, ne rece- uoir point de rayons de lumiere en fes yeux, ou en receuoir notablement moins d'vn obiet que d'vn autre qui luy eft proche, c'eft voir de l'ombre. Ce qui monftre clairement que les couleurs de ces arcs font produites par la mefme caufe que celles qui paroif- fent par l'ayde du criftal MNP, & que le demi dia- metre de l'arc interieur ne doit point eftre plus grand que de 42 degrés, ny celuy de l'exterieur plus petit que de 1; & enfin, que le premier doit eftre bien plus limité en fa fuperficie exterieure qu'en l'inte- rieure; & le fecond tout au contraire, ainfi qu'il fe 10 20 25 30 TT 262-263. Les METEORES. — Discours VIII. 27 “voit par experience. Mais, aflin que ceux qui fçauent les mathematiques puiflent connoiftre fi le calcul que l'ay fait de ces rayons eft aflés iufle, il faut icy que ie l'explique. Soit AFD vne goutte d'eau, dont ie diuife le demi diametre CD ou AB en autant de parties efgales que ie veux calculer de rayons, afin d'at- tribuer autant de lu- miere aux vns qu aux autres. Puis ie confi- dere vn de ces rayons en particulier, par exemple EF, qui, au lieu de pañer tout droit vers G, fe dé- tourne vers K, & fe reflefchift de K vers Nétéidenlà va vers l'œil P; ou bien fe refleichift encore vne fois de N vers Q, & de là fe détourne vers l'œil R. Et ayant tiré CI a angles droits fur FK, ie connois, de ce quiva elté dit en la Dioptrique, qu AE, ou HF, & CI ont entre elles la proportion par laquelle la re- fraétion de l’eau fe mefure. De façon que, f HF con- tient 8000 parties, telles qu AB en contient 10000, CI en contiendra enuiron de $984, | pourceque la refraction de l’eau eft tant foit peu plus grande que de trois a quatre, & pour le plus iuftement que r'aye pû la mefurer, elle eft comme de 187 a 20. Ayant ainfi les deux lignes HF & CI, ie connois ayfement Œuvres. I. 43 | 338 OEuvREs DE DESCARTES. 263-264. les deux arcs, FG qui eft de 73 degrés & 44 mi- nutes, & FK qui eft de 106.30. Puis, oftant le double de l'arc FK, de l'arc FG adioufté a 180 degrés, i'ay 40.44 pour la quantité de l’angle ON P, car ie fup- pofe ON parallele a EF. Et oftant ces 40.44 d'FK, ray 5 65.46 pour l’angle SQR, car ie pofe auffy SQ paral- lele a EF. Et calculant en mefme façon tous les autres rayons paralleles a EF, qui paffent par les diuifions du diametre AB, ie compofe la table fuiuante : | LA LIGNE | LA LIGNE L'ANGLE | L'ANGLE EE (CE ONP SQR 748 : 5401165745 1490 3 : II ONE 2244 : ; 17.56 130: 2992 : 6 22.30 3740 : 20. 27.92 4488 ; .4C 32.50 5236 dites E 37.20 5984 a x 40.44 6732 ; .22, | 40227 7480 u ; 13.40 Et il eft ayfé a voir, en cete table, qu'il y a bien plus de rayons qui font l'angle ON P d'enuiron 40 de- grés, qu'il n y en a qui le facent moindre; ou SQR 264-265. Les MErTeoREs. — Discours VIII. 339 d'enuiron ;4, qu'il n'y en a qui le facent plus grand. Puis, affin de la rendre encore plus precife, ie fais :| LA LIGNE | LA LIGNE L'ARC L'ANGLE L'ANGLE HF CI FG ONP | SQR 8000 5984 73.44 ‘ 40.44 5.46 8100 6058 | 71.48 40. 8200 6133 69.50 8300 6208 67.48 8400 6283 65. 8500 6358 8600 6432 8700 6507 8800 6582 8900 6657 9000 | 6732 9100 6806 9200 6881 9300 6956 9400 7031 200%, || 7106 9600 7180 9700 7255 9800 7330 340 OEUVRES DE DESCARTES. 266. [Et ie voy icy que le plus grand angle ONP peut eftre de 41 degrés 30 minutes, & le plus petit SQR de $1.$4, a quoy adiouftant ou oftant enuiron 17 mi- nutes pour le demi diametre du foleil, ray 41.47 pour le plus grand demi diametre de l’arc-en-ciel in- terieur, & $1.37 pour le plus petit de l'exterieur. Il eft vray que, l’eau eftant chaude, fa refraction eft tant foit peu moindre que lors qu'elle eft froide, ce qui peut changer quelque chofe en ce calcul. Tou- tefois, cela ne fçauroit augmenter le demi diametre de l’arc-en-ciel interieur, que d’vn ou deux degrés tout au plus ; & lors, celuy de l'exterieur fera de prefque deux fois autant plus petit. Ce qui eft digne d'eftre remarqué, pourceque, par là, on peut demon- ftrer que la refraétion de l’eau ne peut eftre gueres moindre, ny plus grande, que ie la fuppofe. Car, pour peu qu'elle fuft plus grande, elle rendroit le demi dia- metre de l'arc-en-ciel interieur moindre que 41 degrés, au lieu que, par la creance commune, on luy en donne 45 ; &fi on la fuppofe aflés petite pour faire qu'il foit veritablement de 45, on trouuera que celuy de l'exte- rieur ne fera aufly gueres plus que de 4$, au lieu qu'il paroift a l'œil beaucoup plus grand que celuy de l'interieur. Et Maurolycus, qui ef, ie croy, le premier qui a determiné l'vn de 4$ degrés, determine l’autre d'enuiron $6. Ce qui monftre le peu de foy qu’on doit adioufter aux obferuations qui ne font pas ac- compagnées de la vraye raifon. Au refte, ie n’ay pas eu de peine a connoiftre pourquoy le rouge eft en de- hors de l’arc-en-ciel interieur, ny pourquoy il eft en dedans en l'exterieur; car la mefme caufe pour la- 15 20 25 30 266-268. Les MErEoREs. — Discours VIII. 341 quelle c'eft vers F, plutoft | que vers H, qu'il paroift au trauers du criftal MNP, fait que fi, ayant l'œil en la place du linge blanc FGH, on regarde ce criftal, on y verra le rouge vers fa partie plus ef- paifle MP, & le bleu vers N, pource que le rayon teint de rouge qui va vers F, vient de C, la partie du foleil la plus auancéemvers MEET cete mefme caufe fait auffy que le centre des gouttes d'eau, & par confequent leur plus efpaiffe partie, eftant en dehors au ref- pect des poins colorés qui forment l'arc-en-ciel inte- rieur, le rouge y doit paroiftre en dehors ; & qu'eftant en dedans au refpeét de ceux qui forment l'exterieur, le rouge y doit aufly paroiftre en dedans. Ainfi 1e croy qu il ne refte plus aucune difficulté en cete matiere, fi ce n'eft peuteftre touchant les irre- gularités qui s y rencontrent : comme, lorfque l'arc neft pas exattement rond, ou que fon centre n'’eft pas en la ligne droite qui pafle par l'œil & le foleil, ce qui peut arriuer fi les vens changent la figure des gouttes de pluie; car elles ne fçauroient perdre fi peu de leur rondeur, que cela ne face vne notable diffe- rence en l'angle fous lequel les couleurs doiuent pa- roiftre. On a vû aufly quelquefois, a | ce qu'on m'a dit, vn arc en ciel tellement renuerfé que fes cornes eftoient tournées vers en hault, comme eft icy repre- . fenté FF. Ce que ie ne fçaurois iuger eftre arriué que 342 OEuvrEs DE DESCARTES. 268-260. par la reflexion des rayons du foleil donnans fur l'eau de la mer, ou de quelque lac. Comme fi, venans de la partie du ciel SS, ils tombent fur l'eau DAE, &, de là, fe reflefchiffent vers la pluie CF, l'œil B verra l'arc FF, dont le centre eft au point C, en forte que, CB eftant prolongée iufques a A, & AS pañflant par le centre du foleil, les angles SAD & BAE foient efgaux, & que l'angle CBF foit d'enuiron 42 degrés. Toutefois, il eft auffy requis a cet effect, qu'il n’y ait point du tout de vent qui trouble la face de l'eau vers E, & peuteftre auec cela qu'il y ait quelque nué, comme G, qui empefche que la lumiere du foleil, allant en ligne droite vers la pluie, n’efface celle que cete eau E y enuoye : d'où vient quil n'arriue que rarement. Outre cela, l'œil peut eftre en telle] fitua- tion, au refpeét du Soleil & de la pluie, qu'on verra la partie inferieure qui acheue le cercle de l’arc-en- ciel, fans voir la fuperieure; & ainfi qu'on la prendra pour vn arc renuerfé, nonobftant qu'on ne la verra pas vers le ciel, mais vers l'eau, ou vers la terre. On m'a dit aufly auoir vû quelquefois vn troifiefme 20 269-270. Les METEOoREs. — Discours VIII. 343 arc-en-ciel au deflus des deux ordinaires, mais qui eftoit beaucoup plus foible, & enuiron autant efloigné du fecond que le fecond du premier. Ce que ie ne iuge pas pouuoir eftre arriué, fi ce n'eft qu'il y ait eu des grains de grefle fort ronds & fort tranfparens, meflés parmi la pluie, dans lefquels la refraétion eftant notablement plus grande que dans l’eau, l’arc- en-ciel exterieur aura deu y eftre beaucoup plus grand, & ainfi paroiftre au deflus de l’autre. Et pour l'interieur, qui par mefme raifon aura deu eftre plus petit que l'interieur de la pluie, il fe peut faire qu'il n'aura point efté remarqué, a caufe du grand luftre de cetuy cy; ou bien que, leurs extremités s'eftant iointes, on ne les aura contés tous deux que pour vn, mais pour vn dont les couleurs auront efté autrement difpofées qu'à l'ordinaire. Et cecy me fait fouuenir d'vne inuention pour faire paroiftre des fignes dans le ciel, qui pourroient caufer grande admiration a ceux qui en ignoreroient les rai- fons. Ie fuppofe que vous fçaués defia la façon de faire voir l'arc-en-ciel par le moyen d'vne fontaine. Comme, fi l'eau qui fort par les petits trous ABC, fautant aflés haut, s'efpand en l'air de tous coftés vers R, & que le foleil foit vers Z, en forte que, ZEM eftant ligne droite, l'angle MER puiffe eftre d'enuiron 42 degrés, l'œil E ne manquera pas de voir l'iris vers R, tout femblable a celuy qui paroift dans le ciel. A quoy il faut maintenent adioufter qu'il y a des huiles, des eaux de vie, & d’autres liqueurs, dans lefquelles la refraétion fe fait notablement plus grande ou plus petite qu'en l'eau commune, & qui ne font pas pour 344 OEUVRES DE DESCARTES. 270-271. cela moins claires & tranfparentes. En forte qu'on pourroit difpofer par ordre plufeurs fontaines, dans lefquelles y ayant diuerfes de ces liqueurs, on y ver- roit par leur moyen toute vne grande partie du ciel pleine des couleurs de l'iris : a fçauoir en faifant que les liqueurs dont la refraétion feroit la plus grande, fuflent les plus proches des fpectateurs, & qu’elles ne s'efleuaflent point fi hault, qu'elles empefchaffent la veuë de celles qui feroient derriere. Puis, a caufe que, fermant vne partie des troux ABC, on peut faire difparoiftre telle partie de l'iris RR qu'on veut, fans ofter les autres, il eft ayfé a entendre que, tout de mefme, ouurant & fermant a propos les troux de ces diuerfes fontaines, on pourra faire que ce qui pa- roiftra coloré ait la figure d'vne croix, ou d'vne colomne, ou de quelque autre telle chofe qui donne fuiet d'admiration. Mais r'auoue qu'il y faudroit de l'adreffe & de la defpenfe, afin de proportionner ces fontaines, & faire que les liqueurs y fautaffent fi hault, que ces figures peuffent eftre veuës de fort loin par tout vn peuple, fans que l’artifice s'en découurift. 10 20 20 25 271-272. Les METEORES. — Discours IX. 345 DEEAYCOMIEVR DESANVES: EIMDES CERCLES OV COVRONNES OMON VOIT QVELQVEFOIS ANTONVRDESSASIRRES: Dufcours Neufiefme. Aprés ce que 1 ay dit de la nature des couleurs, ie ne croy pas auoir beaucoup de chofes a adioufter tou- chant celles qu'on voit dans les nuës. Car, premiere- ment, pour ce qui eft de leur blancheur & de leur obfcurité ou noirceur, elle ne procede que de ce qu'elles font plus ou moins expoñées a la lumiere des aftres, ou a l'ombre, tant d'elles mefmes que de leurs voy- fines. Et il y a feulement icy deux chofes a remarquer. Dont l'vne eft que les fuperficies des cors tranfparens font reflefchir vne partie des rayons qui vienent vers elles, ainfi que ray dit cy deflus*; ce qui eft caufe que la lumiere peut mieux penetrer au trauers de trois picques d'eau, qu'elle ne fait au trauers d'vn peu d’ef- cume, qui neft toutefois autre chofe que de l’eau, mais en laquelle il y a plufieurs fuperficies, dont la premiere faifant reflefchir vne partie de |cete lumiere, & la feconde vne autre partie, & ainfi de fuite, il n’en refte bientoft plus du tout, ou prefque plus, qui pañle outre. Et c'eft ainfi que ny le verre pilé, ny la neige, ny les nuës lorfqu'elles font vn peu efpaifles, ne peuuent eftre tranfparentes. L'autre chofe qu'il y a icy a re- a. Pages 196-107 ci-avant. Œuvres. I. 44 340 Œuvres DE DESCARTES. 272-273. marquer, eft qu'encore que l’aétion des cors lumineux ne foit que de pouffer en ligne droite la matiere fub- tile qui touche nos yeux, toutefois le mouuement or- dinaire des petites parties de cete matiere, au moins de celles qui font en l'air autour de nous, eft de rouller en mefme façon qu'vne bale roulle eftant a terre,encore qu’on ne l'ait pouflée qu'en ligne droite. Et ce font proprement les cors qui les font rouller en cete forte, qu'on nomme blancs; comme font, fans doute, tous ceux qui ne manquent d'eftre tranfparens qu'a caufe de la multitude de leurs fuperficies, tels que font l'efcume, le verre pilé, la neige & les nuës. En fuite de quoy on peut entendre pourquoy le ciel, eftant fort pur & defchargé de tous nuages, paroift bleu, pouruù qu'on fçache que, de luy mefme, il ne rend aucune clarté, & qu'il paroiftroit extremement noir, s'il n y auoit point du tout d'exhalaifons ny de vapeurs au deflus de nous, mais qu'il y en a toufiours plus ou moins qui font reflefchir quelques rayons vers nos yeux, c'eft a dire qui repouflent vers nous les petites parties de la matiere fubtile que le foleil ou les autres aftres ont pouflé contre elles ; & lorfque ces vapeurs font en aflés grand nombre, la matiere fub- tile, eftant repouflée vers nous par les premieres, en rencontre d'autres aprés, qui font rouller & tournoyer fes petites parties, auant qu'elles paruienent a nous. Ce qui fait alors paroiftre le ciel blanc, au lieu que, fi elle n'en rencontre aflés pour faire ainfi tournoyer fes parties, il ne doit paroiftre que bleu, fuiuant ce qui a efté tantoft dit* de lanature de la dorens bleuë. a. Page 334, I. 6, ci-avant. 20 25 273-274. Les Mereores. — Discours IX. 347 Et c'eft la mefme caufe qui fait auffy que l'eau de la mer, aux endroits où elle eft fort pure & fort pro- fonde, femble eftre bleuë ; car il ne fe reflefchit de fa fuperficie que peu de rayons, & aucun de ceux qui la penetrent ne reuient. De plus, on peut icy entendre pourquoy fouuent, quand le foleil fe couche ou fe leue, tout le cofté du ciel vers lequel il eft paroift rouge : ce qui arriue lorfqu'il n'y a point tant de nuës, ou plutoft de brouillas, entre luy & nous, que fa lu- miere ne puifle les trauerfer; mais qu'elle ne les tra- uerfe pas fi ayfement tout contre la terre, qu'vn peu plus hault; ny fi ayfement vn peu plus hault, que beaucoup plus hault. Car il eft euident que cete lu- miere, fouffrant refraction dans ces brouillas, deter- mine les parties de la matiere fubtile qui la tranf- mettent, a tournoyer en mefme fens que feroit vne boule qui viendroit du mefme cofté en roullant fur terre ; de façon que le tournoyement des plus baffes eft toufiours augmenté par l'action de celles qui font plus hautes, a caufe qu'elle eft fuppofée plus forte que la leur; & vous fçaués que cela fufhft pour faire pa- roiftre la couleur rouge, laquelle, fe reflefchiffant aprés dans les nuës, fe peut eflendre de tous coftés dans le ciel. Et il eft a remarquer que cete couleur, paroïflant le matin, prefage des vens ou de la pluie, a caufe qu'elle tefmoigne qu'y ayant peu de nuës vers _ l'Orient, le foleil pourra efleuer beaucoup de vapeurs auant le midy, & que les brouillas qui la font pa- roiftre commencent a monter; au lieu que, le foir, elle 30 tefmoigne le beau tems, a caufe que, n y ayant que peu ou point de nuës vers le couchant, les vens orien- 348 OEUVRES DE DESCARTES. 274-275. taux doiuent regner, & les brouillas defcendent pen- dant la nuit. le ne m'arefte point a parler plus particulierement des autres couleurs qu'on voit dans les nuës; car 1e croy que les caufes en font toutes affés comprifes en ce que 1'ay dit. Mais il paroïft quelquefois certains cercles autour des aftres, dont ie ne dois pas omettre l'explication. Ils font femblables a l'arc-en-ciel, en ce qu'ils font ronds, ou prefque ronds, & enuironnent toufiours le foleil ou quelque autre aftre : ce qui monftre qu'ils font caufés par quelque reflexion ou refration dont les angles font a peu prés tous efgaux. Comme aufly, en ce qu'ils font colorés : ce qui monftre qu'il y a de la refraétion, & de l'ombre qui limite la lumiere qui les produift. Mais ils different en ce que l'arc-en-ciel ne fe voit iamais que lors qu'il pleut ac- tuellement au lieu vers lequel on le voit, bien que fouuent il ne pleuue pas au lieu où eft le fpectateur. Et eux ne fe voyent iamais où 1l pleut : ce qui monftre qu'ils ne font pas caufés par la refraction qui fe fait en des gouttes d'eau ou en de la grefle, mais par celle qui fe fait en ces petites efloiles de glace tranfpa- rentes, dont il a efté parlé cy deflus. Car on ne fçau- roit imaginer dans les nuës aucune autre caufe qui foit capable d’vn tel effect; & fi on ne voit iamais tom- ber de telles eftoiles que lorfqu'il fait froid, la raifon nous aflure qu'il ne laifle pas de s'en former en toutes faifons. Mefme, a caufe qu'il eft befoin de quelque chaleur pour faire que, de blanches qu'elles font au commencement, elles deuienent tranfparentes, | ainfi qu'il eft requis a cet effect, il eft vrayfemblable que 15 20 25 30 275. Les METEORES. — Discours IX. 349 l'efté y eft plus propre que l’hyuer. Et encore que la plufpart de celles qui tombent paroïffent a l'œil ex- tremement plates & vnies, il eft certain neanmoins qu'elles font toutes quelque peu plus efpaifles au mi- lieu qu'aux extremités, ainfi qu'il fe voit aufly a l'œil en quelques vnes; & felon qu’elles le font plus ou moins, elles font paroiftre ces cercles plus ou moins grands : car il y en a fans doute de plufieurs gran- deurs. Et fi ceux qu'on a le plus fouuent obferués ont eu leur diametre d'enuiron 4 degrés, ainfi que quelques vns ont eferit, ie veux croyre que les parcelles de glace, qui leSfeaufentr der .cete grandeur, ont la con- uexité qui leur eft la plus ordinaire, & qui eft peuteftre aufly la plus grande qu'elles ayent couftume d'ac- querir, fans acheuer en- tierement de fe fondre. Soit, par exemple, ABC léfoleil, D l'œil, E,F, G plufieurs petites par- celles de glace tranfpa- rentes, arrengées cofte a cofte les vnes des autres, ainfi quelles font en fe formant, & dont la conuexité eft telle, que le rayon venant, par exemple, du point A fur l’extremité de celle qui eft 30 OEuvrEs DE DESCARTES. 275-277. marquée G, & du point C fur l’extremité de celle qui eft marquée F, retourne vers D, & quil en vient vers D plufieurs autres de ceux qui trauerfent les autres parcelles de glace qui font vers E, mais non point aucun de ceux qui trauerfent celles qui font au delà du cercle GG. Il eft manifefte qu'outre que les rayons A D, CD, & femblables qui pañlent en ligne droite, font paroiftre le foleil de fa grandeur accouftumée, les autres, qui fouffrent refraction vers EE, doiuent rendre toute l'aire comprife dans le cercle FF aflés brillante, & faire que fa circonference, entre les cercles FF & GG, foit comme vne couronne peinte des couleurs de l’arc-en-ciel; & mefme que le rouge y doit eftre en dedans vers F, & le bleu en dehors vers G, tout de mefme qu'on a couftume de l'obferuer. Et s1l y a deux ou plufieurs rangs de parcelles de glace l'vne fur l’autre, pouruû que cela n’empefche point que les rayons du foleil ne les trauerfent, ceux de ces rayons qui en trauerferont deux par leurs bords, fe courbans prefque deux fois autant que les autres, produiront encore vn autre cercle coloré, beaucoup plus grand en circuit, mais moins apparent que le pre- : mier ; en forte qu'on verra pour lors deux couronnes l'vne dans l’autre, & dont l'interieure fera la mieux peinte, comme il a aufly efté quelquefois obferué. Outre cela,vous voyés bien pourquoy ces couronnes n’ont pas couftume de fe former autour des aftres qui font fort bas vers l'horizon ; car les rayons ren- contrent alors trop obliquement les parcelles de glace pour les trauerfer. Et pourquoy leurs couleurs ne font pas fi viues que les fienes; car elles font caufées par 15 20 25 30 277-278. Les METEORES. — Discours IX. 31 des refraétions beaucoup moindres. Et pourquoy elles paroiflent plus ordinairement que luy autour de la lune, & mefme fe remarquent aufly quelquefois autour des eftoiles, a fçauoir lorfque les parcelles de glace interpofées, n'eftant que fort peu conuexes, les rendent fort petites ; car, d'autant qu'elles ne dependent point de tant de reflexions & refractions que l'arc-en-ciel, la lumiere qui les caufe n’a pas befoin d'eftre fi forte. Mais fouuent elles ne paroiïflent que blanches, non point tant par faute de lumiere, que pource que la matiere où elles fe forment n'eft pas entierement tranfparente. On en pourroit bien imaginer encore quelques autres qui fe formaflent a l'imitation de l'arc-en-ciel en des gouttes d'eau, a fçauoir, premierement, par deux refraétions fans aucune reflexion; mais alors il n'y a rien qui determine leur diametre, & la lumiere n'y eft point limitée par l'ombre, comme il eft requis pour la produétion des couleurs. Puis auffy par deux refractions & trois ou quatre reflexions; mais leur lumiere, eftant alors grandement foible, peut ayfe- ment eftre effacée par celle qui fe reflefchift de la fu- perficie des mefmes gouttes; ce qui me fait douter fi iamais elles paroïflent, & le caleul monftre que leur diametre deuroit eftre beaucoup plus grand qu'on ne le trouue en celles qu’on a couftume d'obferuer. Enfin, pour ce qui eft de celles qu'on voit quelque- fois|autour des lampes & des flambeaux, la caufe n'en doit point eftre cherchée dans l'air, mais feulement dans l'œil qui les regarde. Et i'en ay vù cet efté der- nier vne experience fort manifefte : ce fut en voyaf- 342 Œuvres DE DESCARTES. 278-279. geant de nuit dans vn nauire, où, aprés auoir tenu tout le foir ma tefte appuiée fur vne main, dont ie fermois mon œil droit, pendant que ie regardois de l'autre vers le ciel, on apporta vne chandelle au lieu où r'eftois ; & lors, ouurant les deux yeux, ie vy deux couronnes autour de la flame, dont les couleurs eftoient aufly viues, que ie les aye iamais veuës en l'arc-en-ciel. AB eft la plus grande, qui eftoit rouge CN a, SÈ 2) We 7 CL 4 = 3 7 vers À, & bleuë vers B; CD la plus petite, qui eftoit rouge aufly vers C, mais vers D elle eftoit blanche, & s'eftendoit iufques a la flame. Aprés cela, refermant l'œil droit, i'apperceu que ces couronnes difparoif- foient, & qu'au contraire, en l'ouurant & fermant le gauche, elles continuoient de paroiftre : ce qui m'af- fura qu'elles ne procedoient que de quelque difpofi- tion, que mon œil droit auoit acquife pendant que ie l'auois tenu fermé, & qui eftoit caufe qu'outre que la plufpart des rayons de la flame qu'il receuoit, la re- prefentoient vers O, où ils | s'aflembloient, il y en auoit aufly quelques vns, qui eftoient tellement dé- tournés, qu'ils s'eftendoient en tout l’efpace #O, où ils peignoient la couronne CD, & quelques autres en l’efpace FG, où ils peignoient la couronne AB. le ne 20 279-280. Les METEoREs. — Discours IX. 353 determine point quelle eftoit cete difpofition; car plu- fieurs differentes peuuent caufer le mefme eflect. Comme, s'il y a feulement vne ou deux petites rides en quelqu'vne des fuperficies E,M,P, qui, a caufe de la figure de l'œil, s'y eftendent en forme d'vn cerele dont le centre foit en la ligne EO, comme il y en a fouuent de toutes droites qui fe croyfenten cete ligne EO, & nous font voir de grans rayons efpars ça & là autour des flambeaux; ou bien qu'il y ait quelque chofe d'opaque entre E & P, ou mefme a cofté en quelque lieu, pouruû qu'il s'y eflende circulairement; ou enfin que les humeurs ou les peaux de l'œil ayent en quelque façon changé de temperament ou de fi- gure; car il eft fort commun a ceux qui ont mal aux yeux de voir de telles couronnes, elles ne paroiflent pas femblables a tous. Seulement faut 1l remarquer que leur partie exterieure, comme À & C, eft ordinai- rement rouge, tout au contraire de celles qu'on voit autour des aftres; dont la raifon vous fera claire, fi vous confiderés qu’en la produétion de leurs couleurs, c'eft l'humeur criftaline P NM qui tient lieu du prifme de criftal dont il a tantoft eflé parlé*, & le fons de l'œil FGÿ qui tient lieu du linge blanc qui eftoit derriere. Mais vous douterés peuteftre pourquoy, puifque l'hu- meur criftaline a ce pouuoir, elle ne colore pas en mefme façon | tous les obiets que nous voyons, fi ce n'eft que vous confideriés que les rayons qui vienent de chafque ‘point de ces obiets vers chafque point du fonds de l'œil, paflant les vns par celuy de fes coftés qui eft marqué N, & les autres par celuy qui eft mar- a. « Voyés au discours precedent. » Pages 329-330 ci-avant. Œuvres. I. 45 D des. di it SSS 354 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 280281. qué S, ont des actions toutes contraires, & qui fe def- truifent les vnes les autres, au moins en ce qui re- garde la production des couleurs; au lieu qu'iey les rayons qui vont vers FGf ne pañflent que par N. Et tout cecy fe rapporte fi bien a ce que ay dit de la nature des couleurs, qu'il peut, ce me femble, beau- coup feruir pour en confirmer la verité. | DE L'APPARITION DE PLVSIEVRS: SOLEIES- Dif cours Dernier. On voit encore quelquefois d’autres cercles dans les nuës, qui different de ceux dont i'ay parlé, en ce qu'ils ne paroiïflent iamais que tous blancs, & qu'au lieu d’auoir quelque aftre en leur centre, ils trauer- fent ordinairement celuy du foleil ou de la lune, & femblent paralleles ou prefque paralleles a l'Horizon. Mais, pource qu'ils ne paroïflent qu'en ces grandes 5 10 281-282. Les METEORES. — DISCOURS DERNIER. 35 nuës toutes rondes dont il a efté parlé cy deflus, & quon voit aufly quelquefois plufieurs foleils ou plu- fieurs lunes dans les mefmes nuës, il faut que i’ex- plique enfemble l'vn & l’autre. Soit, par exemple, À le Midy, où eft le foleil ac- An Le compagné d'vn vent chaud qui | | | tend vers B, & C le .Septen- | | trion, d’où 1l vient vn vent froid qui tend aufly vers B. Et là ie fuppofe que ces deux vens ren- contrent ou aflemblent vne nuë, compofée de parcelles de neige, qui seftend fi loin en profon- deur & en largeur, qu'ils ne peuuent pañler l'vn au deffus, bi. l'autre au deflous, ou entre on deux, ainfi qu'ils ont ailleurs de couftume, mais qu'ils font con- trains de prendre leur cours tout a l’entour : au moyen de quoy, non feulement ils l’arondiffent, mais aufly celuy qui vient du Midy, eftant chaud, fond quelque peu la neige de fon circuit, laquelle eftant aufiy toft regelée, tant par celuy du Nord qui eft froid, que par la proximité de la neige | interieure qui n’eft pas encore fonduë, peut former comme vn grand anneau de glace toute continuë & tranfparente, dont la fuperficie ne manquera pas d’eftre aflés polie, a caufe que les vens qui l'arondiflent font fort vni- formes. Et, de plus, cete glace ne manque pas d'’eftre plus efpaiffe du cofté DEF, que ie fuppofe expofé au vent chaud & au foleil, que de l'autre GHI, où la C À Séhsl an sois dl ee MR rie ; nd à 3 s0 OEUVRES DE DESCARTES. 282-283. neige ne s'eft pù fondre fi ayfement. Et enfin, il faut remarquer qu'en cete conflitution d'air, & fans orage, il ne peut y auoir aflés de chaleur autour de la nuë B, pour y former ainfi de la glace, qu'il n'y en ait aufTy aflés en la terre qui eft au deffous, pour y exciter des vapeurs qui la fouftienent, en fouleuant & pouf- fant vers le ciel tout le cors de la nuë qu'elle embrafñle. En fuite de quoy, il eft euident que la clarté du foleil, lequel ie fuppofe eftre aflés haut vers le Midy, don- nant tout autour fur la glace DEFGHI, & de là fe reflefchiffant fur la blancheur de la neige voyfine, doit faire paroïftre cete neige, a ceux qui feront au deffous, en forme d’vn grand cercle tout blanc; & mefme, qu'il fuflift, a cet effect, que la nuë foit ronde, & vn peu plus preflée en fon circuit qu'au milieu, fans que l'anneau de glace | doiue eftre formé. Mais, lors qu’il left, on peut voir, eftant au deflous vers le point K, iufques a fix foleils, qui femblent eftre en- chaflés dans le cercle blanc ainfi qu'autant de dia- mans dans vne bague. A fçauoir, le premier vers E, par les rayons qui vienent directement du foleil que ie fuppofe vers A ; les deux fuiuans vers D & vers F, par la refrattion des rayons qui trauerfent la glace en ces lieux là, où, fon efpaifleur allant en diminuant, ils fe courbent en dedans de part & d'autre, ainfi qu'ils font en trauerfant le prifme de criftal dont il a tantoft efté parlé. Et, pour cete caufe, ces deux foleils ont leurs bords peins de rouge, en celuy de leurs coftés qui eft vers E, où la glace eft le plus efpaiffe; & de bleu en l’autre, où elle left moins. Le quatriefme foleil paroiïft par reflexion au point H, & les deux 20 25 30 | k. | | Je | | | | | 20 25 30 283-284. Les METEORES. — DISCOURS DERNIER. 357 derniers, aufly par reflexion, vers G & vers I, par où ie fuppofe qu'on peut defcrire vn cercle dont le centre foit au point K, & qui pañle par B, le centre de la nuë, en forte que les angles KGB & KBG, ou BGA, font efgaux; & de tout de mefme KIB & KBI, ou BIA. Car vous fçaués que la reflexion fe fait touf- iours par angles efgaux, & que la glace, eftant vn cors poli, doit reprefenter le foleil en tous les lieux d'où fes rayons fe peuuent reflefchir vers l'œil. Mais, pource que les rayons qui vienent tous droits font toufiours plus vifs que ceux qui vienent par refrac- tion, & ceux cy encore plus vifs que ceux qui font reflefchis, le foleil doit paroiftre plus brillant vers E que vers D ou F, & icy encore plus brillant que vers G ou H ou l; & ces trois, G, H &I,ne doiuent auoir aucunes couleurs autour de leurs bors, comme les deux D &F, mais feulement eftre blancs. Que | fi les regar- dans ne font pas vers K, mais quelque part plus auancés vers B, en forte que le cercle dont leurs yeux font le centre, & qui pale par B, ne couppe point la circonference de la nuë, ils ne pourront voir les deux foleils G & I, mais feulement les quatre autres. Et fi, au contraire, ils font fort reculés vers H, ou au delà, vers C, ils ne pourront voir que les cinq, D,E, F, G & I. Et mefme, eftant aflés loin au delà, ils ne ver- * 358 OEUVRES DE DESCARTES. 284285. ront que les trois D, E, F, qui ne feront plus dans vn cercle blanc, mais comme trauerfés d'vne barre blanche. Comme aufly, lorfque le foleil eft fi peu efleué fur l'Horizon qu'il ne peut efclairer la partie de la nuë GHI, ou bien lorfqu'elle n’eft pas encore formée, il eft euident qu'on'ne doit voir que les trois foleils D,-E;F: Au refte, ie ne vous ay, iufques icy, fait confiderer que le plan de cete nuë, & il y a encore diuerfes chofes a y remarquer, qui fe verront mieux en fon pourfil. Premierement, bien que le foleil ne foit pas en la ligne droite qui va d'E vers l'œil K, mais plus haut ou plus bas, il ne doit pas laifler de paroiftre vers là, principalement fi la glace ne s'y eftend point trop en hauteur ou profondeur; car alors la fuper- ficie de cete glace fera fi courbée, qu'en | quelque lieu qu'il foit, elle pourra quafi toufiours renuoyer fes rayons vers K. Comme, fi elle a en fon efpaiffeur la figure comprife entre les lignes 1 23 & 456, il eft eui- dent que, non feulement lorfque le foleil fera en la 20 ; 5 10 20 25 30 ARR el ce jm 285-286. Les METEORES. — DISCOURS DERNIER. 359 ligne droite A2, fes rayons la trauerfant pourront aller vers l'œil K, mais auffy lors qu'il fera beaucoup plus bas, comme en la ligne Sr, ou beaucoup plus haut, comme en la ligne T3, & ainfy le faire toufiours paroiftre comme s'il eftoit vers E; car, l'anneau de glace n'eftant fuppofé gueres large, la difference qui eft entre les lignes 4K, $ K & GK, n'eft pas confide- rable. Et notés que cela peut faire paroiftre le foleil, aprés mefme qu'il eft couché, & qu'il peut aufly re- culer ou auancer l'ombre des Horologes, & leur faire marquer vne heure toute autre qu'il ne fera. Toute- fois, fi le foleil eft beaucoup plus bas qu'il ne paroift vers E, en forte que fes rayons | paflent auffy en ligne droite, par le deffous de la glace, iufques a l'œil K, comme S7K, que ie fuppofe parallele a Sr, alors, outre les fix foleils precedens, on en verra encore vn fettiefme au deflous d'eux, & qui, ayant le plus de lumiere, effacera l'ombre qu'ils pourroient caufer dans les Horologes. Tout de mefme, s'il eft fi haut que fes rayons puiflent pañler en ligne droite vers K par le deflus de la glace, comme T8K, qui eft parallele a T3, & que la nuë interpofée ne foit point fi opaque qu'elle les en empefche, on pourra voir vn fettiefme foleil au deflus des fix autres. Que fi la glace 123, 456 seftend plus haut & plus bas, comme iufques aux poins 8 & 7, le foleil eflant vers À, on en pourra voir trois l'vn fur l'autre vers E, a fçauoir aux poins 8, $ & 7; & lors on en pourra aufly voir trois l'vn fur l'autre vers D, & trois vers F, en forte qu'il en paroiftra iufques a douze, enchaflés dans le cercle blanc DEFGHI. Et le foleil eftant vn peu plus bas 360 OŒuvres DE DESCARTES. 286-287. que vers S, ou plus haut que vers T,, il en pourra de- rechef paroiftre trois vers E, a fçauoir deux dans le cercle blanc, & vn autre au deflous, ou au deflus ; & lors il en pourra encore paroiftre deux vers D, & deux vers F. Mais ie ne fçache point que iamais on en ait tant obferué, tout a la fois; ny mefme que, lorf- qu'on en a vü trois l'vn fur l'autre, comme il eft ar- riué plufieurs fois, on en ait remarqué quelques autres a leurs coftés; ou bien que, lorfqu'on en a vü trois cofte a cofte, comme il eft aufly arriué plufieurs fois, on en ait remarqué quelques autres au deflus, ou au deflous. Dont, fans doute, la raifon eft que la largeur de la glace, marquée entre les points 7 & 8, n'a d'or- dinaire aucune proportion auec la grandeur du circuit de toute la nuë : en forte que l'œil doit eftre fort proche du point E, lorfque cete largeur luy-paroift aflés grande pour y diftinguer trois foleils l’vn fur l'autre; & au contraire fort efloigné, aflin que les rayons qui fe courbent vers D & vers F, où fe diminue le plus l'ef- paifleur de la glace, puiflent paruenir iufques a luy. 15 20 20 287-288 LES METEORES. — DISCOURS DERNIER. 361 Et il arriue rarement que la nuë foit fi entiere, qu'on en voye plus de trois en mefme tems. Toutefois, on dit qu'en l'an 162$ le roy de Polongne en vit iufques a fix. Et1l n'y a que trois ans que le Mathematicien de Tubinge obferua les quatre defignés icy* parles lettres D, E,F,H; mefme il remarque particulierement, en ce qu'il en a efcrit, que les deux D & F eftoient rouges vers celuy du milieu E, qu'il nomme le vray foleil, & bleus de l’autre cofté; & que le quatriefme H eftoit fort pale, & ne paroïfloit que fort peu. Ce qui con- firme fort ce que 1'ay dit. Mais l'obferuation la plus belle & la plus remarqua- ble, que 1'aye veu en cete matiere, eft celle des $ fo- leils, qui parurent a Rome en l'an 16209,le2odeMars, fur les 2 ou ; heures aprés midy; & affin que vous puifliés voir fi elle s'ac- corde auec mon difcours, ie la veux mettre icy aux mefmes termes qu'elle fut dés lors diuulguée : A obferuator Romanus. B vertex loco obferuatoris incumbens. C fol verus ob- Jeruatus. À B planum ver- ticale, in quo & oculus obferuatoris & fol obferuatus ext/- tunt, in quo & vertex loct B racet, ideoque omnia per lineam a. Figure page 355 ou 35z. Œuvres. I, 46 302 Œuvres DE DESCARTES. 288-280. verticalem À B repræfentantur : in hanc entm totum pla- num verticale procumbit. Circa folem C apparuere duæ incompletæ Irides eidem homocentricæ, diuerficolores, qua- rum minor fiue interior DE F plemor & perfeélior fuit, curta tamen fiue | aperta a D ad F, & in perpetuo conatu Jefe claudendi flabat quandoque claudebat, fed mox denuo aperiebat. Altera, fed debilis femper & vix confpi- cabilis, fuit G HI, exterior 6 Jecundaria, variegata tamen & ipfa fuis coloribus, fed admodum inflabilis. Tertia, € vnicolor, eaque valde magna ris, fuit K LM N, tota alba; quales fæpe vifuntur in parafelenis circa lunam : hæc fuit arcus excentricus, integer ab initio, folis per medium 1n- cedens, circa finem tamen ab M verfus N debilis 6 lacer, imo quafi nullus. Cæterüm, in communibus circult hurus interfecliontbus cum Iride exteriore G HT, emerferunt duo parhelia non vfque adeo perfeéla, N & K, quorum hoc debilius, 1llud autem fortius & luculentius /plende/fcebat; amborum medius nitor æmulabatur folarem, fed latera coloribus Iridis pingebantur; neque rotundi ac præcufi, Jed inœæquales € lacunofi, ipforum ambitus cernebantur. N, inquietum fpecirum, etaculabatur caudam fpifflam Jfubigneam NO P, cum iugi reciprocatione. L & M fuere trans Zenith B, prioribus minus vruaces, [ed rotundiores & albi, inflar circuli fui cui inhærebant, lac feu argentum purum exprimentes, quanquam M'mediä tertiä iam prope difparuerat ; nec nifi exigua fur vefligia fubinde præbuit, quippe & circulus ex 1llà parte defecerat. Sol N defecit ante folem K,1lloque deficiente roborabatur K, qui omnium vltimus difparuit, c. CKLMN eftoit vn cercle blanc dans lequel fe 289-290. Les METEORES. — DIScOURS DERNIER. 303 voyoient cinq foleils, & il faut imaginer que, le fpecta- teur eftant vers À, ce cercle eftoit pendant en l'air au deflus de luy, en forte que le point B refpondoit au fommet de fa tefte, & que les deux foleils L & M eftoient derriere fes efpaules, lorfqu'il eftoit tourné vers les trois autres K, C,-N, dont les deux K & N eftoient colorés en leurs bors, & n'eftoient ny fi ronds, ny fi brillans, que celuy qui eftoit vers C: ce qui monftre qu'ilseftoient caufés par refraétion; au lieu que les deux L & M eftoient aflés ronds, mais moins brillans, & tous blancs, fans meflange d'aucune autre couleur en leurs bors : ce qui monftre qu'ils eftoient caufés par reflexion. Et plufieurs chofes ont pü empefcher qu'il n'ait paru encore vn fixiefme foleil vers V, dont la plus vrayfemblable eft que l'œil en eftoit fi proche, a raifon de la hauteur de la nuë, que tous les rayons qui donnoient fur la glace, vers là, fe reflefchifloient plus loin que le point A. Et encore que le point B ne foit pas icy reprefenté fi proche des foleils L & M que du centre de la nuë, cela n'em- pefche pas que la reigle que i'ay tantoft dite, touchant le Heu où 1ls doiuent paroiftre, n'y fuft obferuée. Car 364 OEuvres DE DESCARTES. 290291. le fpeétateur, |eftant plus proche de l'arc LV M que des autres parties du cercle, l’a deu iuger plus grand, a comparaifon d'elles, qu'il n’eftoit; outre que, fans doute, ces nuës ne font iamais extremement rondes, bien qu’elles paroiffent a l'œil eftre telles. Mais il y a encore icy deux chofes aflés remar- quables. La premiere eft que le foleil N, qui eftoit vers le couchant, ayant vne figure changeante & in- certaine, iettoit hors de foy comme vne groffe queuë de feu NOP, qui paroïfoit tantoft plus longue, tan- toft plus courte. Ce qui n'eftoit fans doute autre chofe, finon que l'image du foleil eftoit ainfi contre- faite & irreguliere vers N, comme on la voit fouuent lorfqu'elle nage dans vne eau vn peu tremblante, ou qu'on la regarde au trauers d'vne vitre dont les fuper- ficies font inefgales. Car la glace eftoit vrayfemblable- ment vn peu agitée en cet endroit là, & n'y auoit pas fes fuperficies fi regulieres, pource qu'elle y.commen- çoit a fe difloudre, ainfi qu'il fe prouue de ce que le cercle blanc efloit rompu, & comme nul entre M &N, & que le foleil N difparut auant le foleil K, qui fem- bloit fe fortifier a mefure que l'autre fe diflipoit. La feconde chofe qui refte icy a remarquer, eft qu'il y auoit deux couronnes autour du foleil C, peintes des mefmes couleurs que l'arc-en-ciel, & dont l'interieure DEF eftoit beaucoup plus viue & plus ap- parente que l'exterieure GHI, en forte que ie ne doute point qu'elles ne fuffent caufées, en la façon que ray tantoft dite, par la refraction qui fe faifoit, non en cete glace continuë où fe voyoient les foleils K & N, mais en d'autre, diuifée en plufieurs petites parcelles, 270 25 30 LAN 20 25 30 201-293. Les METEORES. — DISCOURS DERNIER. 365 qui fe trouuoit au deflus | & au deffous. Car il ef bien vrayfemblable que la mefme caufe, qui auoit pü compofer tout vn cercle de glace de quelques vnes des parties exterieures de la nuë, auoit difpofé les autres voyfines a faire paroiïftre ces couronnes. De façon que, fi on n'en obferue pas toufiours de telles, lors qu'on voit plufieurs foleils, c'eft que l’efpaif- feur de la nuë ne s'eftend pas toufiours au delà du cercle de glace qui l’enui- ronne; ou bien qu'elle eft fiopaque & obfcure,qu'on ne les apperçoit pas au trauers. Pour le lieu où fe voyent ces couronnes, c'eft toufiours autour du vray foleil, & elles n'ont aucune coniunction auec ceux qui ne font que pa- roiftre ; car, bien que les deux K & N fe rencon- trent icy en l'interfection de l'exterieure & du cercle blanc, c'eft chofe qui n'eft arriuée que par hazard, & ie m'aflure que le mefme ne fe vit point aux lieux vn peu loin de Rome, où ce mefme | Phainomene fut remarqué. Mais ie ne iuge pas pour cela que leur centre foit toufiours en la ligne droite tirée de l'œil vers le foleil, fi precifement qu'y eft celuy de l'arc-en-ciel; car il y a cela de difference, que les gouttes d’eau, eftant rondes, caufent toufiours 306 OŒuvREs DE DESCARTES. 293294. mefme refraétion en quelque fituation qu'elles foient; au lieu que les parcelles de glace, eftant plates, la caufent d'autant plus grande qu'elles font regardées plus obliquement. Et pource que, lorfqu'elles fe for- ment par le tournoyement d'vn vent fur la eirconfe- rence d'vne nuë, elles y doiuent eftre couchées en autre fens que lorfqu'elles fe forment au deflus ou au deffous, il peut arriuer qu'on voye enfemble deux couronnes, l'vne dans l’autre, qui foient a peu prés de mefme grandeur, & qui n'ayent pas iuftement le mefme centre. | De plus, il peut arriuer qu'outre les vens qui enui- ronnent cete nuë, il en pâfle quelqu’vn par deflus ou par deflous, qui derechef y formant quelque fuper- ficie de glace, caufe d’autres varietés en ce Phaino- mene ; comme peuuent encore faire les nuës d’alen- tour, ou la pluie, s'il y en tombe. Car les rayons, fe reflefchiflant de la glace d’vne de ces nuës vers ces gouttes, y reprefenteront des parties d’arc-en-ciel, dont les fituations feront fort diuerfes. Comme auñfly les fpeétateurs, n’eflant pas au deffous d'vne telle nuë, mais a cofté entre plufieurs, peuuent voir d'autres cercles & d’autres foleils. De quoy ie ne croy pas qu’il foit befoin que ie vous entretiene dauantage; car j'efpere que ceux qui auront compris tout ce qui a efté dit en ce traité, ne verront rien dans les nuës a l'auenir, dont ils ne puiflent ayfement entendre la caufe, ny qui leur donne fuiet d'admiration. FIN. 20 25 Aduertiflement. lufques icy t'ay tafché de me rendre intelligible atout le monde; maïs, pour ce traité, 1e crains qu'il ne pourra di eflre leu que par ceux qui Jcauent defia ce qui eft dans les liures de Geometrie : car, d'autant qi contienent plufieurs verités fort bien demonfirées, t'ay creu qu'il feroit ne de les repeter, G n'ay pas lai pe. cela, de m'en feruir. LIVRE PREMIER. Des problefmes qu'on peut confiruire fans y employer que des cercles & des lignes droites. Tous les Problefmes de Geometrie fe peuuent fa- cilement reduire a tels termes, qu'il n'eft befoin, par aprés, que de connoiftre la longeur de quelques lignes droites, pour les conftruire. Et comme toute l'Arithmetique n'eft compofée que de quatre ou cinq operations, qui font : l'Addition, la Souftraétion, la Multiplication, la Diuifion, & l'Ex- traction des racines, qu'on peut prendre pour vne efpece de Diuifion *; ainfi n'a-t-on autre chofe a faire, en Geometrie, touchant les lignes qu'on cherche, pour les preparer a eftre connuës, que leur en ad- ioufter d'autres, ou en ofter; ou bien, en ayant vne * Nous indiquons, par des étoiles, les endroits auxquels se rapportent les commentaires de Schooten dans ses éditions latines de la Grouerrre (1649 et 1659). La lettre de renvoi correspondante est, pour cette page, À, Œuvres. {, 47 Comment le calcul d’Arithmetique fe rapporte aux operations de Geometrie. La Multi- plication La Diuifion. L'Extraction de la racine quarrée. 370 OEUVRES DE DESCARTES. 297-298. que ie nommeray l'vnité* pour la rapporter d'autant mieux aux nombres, & qui peut ordinairement eftre prife a difcretion *, puis en ayant encore deux autres, en trouuer vne quatriefme, qui foit a l'vne de ces deux comme l'autre eft a l'vnité, ce qui eft le mefme que la Multiplication *; ou bien en trouuer vne quatriefme, qui foit a l'vne de ces deux comme l'vnité|eft a l’autre, ce qui eft le mefme que la Diuifion *; ou enfin trou- uer vne, ou deux, ou plufieurs moyennes proportion- nelles entre l'vnité & quelque autre ligne, ce qui eft le mefme que tirer la racine quarrée, ou cubique, &e. Et ie ne craindray pas d'introduire ces termes d'A- rithmetique en la Geometrie, affin de me rendre plus intelligible. Soit, par exemple, AB l'vnité, & qu'il faille multi- NS plier BD par BC; ie nay E ie qu'a ioindre les poins À & € _C, puis tirer DE parallele a CA,&BE eft le produit de cete Multiplication. D A B Ou bien, s’il faut diuifer BE par BD, ayant ioint les poins E & D, ie tire AC parallele a DE, & BC ef le produit de cete Diuifion. Ou, s'il faut tirer la racine” quarrée de GH, ie luy adioufte en ligne droite FG, qui eft l'v- nité, & diuifant FH en deux par- ties efgales au point K, du centre K ie tire le cercle FIH ; puis, efleuant du point G vne ligne droite iufques a I a angles droits fur FH, c'eft BG —D.—E; CORRE Re 5 20 | 25 298-290. LA GEOMETRIE. — Livre:Î. 371 GI, la racine cherchée. Ie ne dis rien icy de la racine cubique ny des autres, a caufe que j'en parleray plus commodement cy aprés. Mais fouuent on n'a pas befoin de tracer ainfi ces lignes fur le papier, & il fuffift de les defigner par quelques lettres, chafcune par vne feule. Comme, pour adioufter la ligne BD a GH, ie nomme l'vne a & l’autre b, & efcris a+ b; et a —b, pour fouftraire b da; et ab, pour les multiplier l’vne par l’autre; et +, pour diuifer a par b; et aa ou a°, pour multiplier a par foy mefme; et a, pour le multiplier encore vne fois par a, & ainfi a l'infini; et ÿ/a° + b*, pour tirer la racine quarrée d'a? +b°; et WC.a' — 5 +abb, pour tirer la racine cubique d'a*—b+ abb, & ainfi des autres. Où il eft a remarquer que, par a° ou b* ou fem- blables, ie ne conçoy ordinairement que des lignes toutes fimples, encore que, pour me feruir des noms vfités en l'Algebre, ie les nomme des quarrés, ou des cubes, &c. Il eft aufly a remarquer que toutes les parties d'vne mefme ligne fe doiuent ordinairement exprimer par autant de dimenfions l'vne que l’autre, lorfque l'vnité n'eft point determinée en la queftion : comme icy a en contient autant qu'a bb ou b*, dont fe compofe la ligne que i'ay nommée 4/C.a*—b}+abb; mais que ce n'eft pas de mefme lorfque l'vnité eft determinée, a caufe qu'elle peut eftre foufentendue partout-où il y a trop ou trop peu de dimenfions ; comme, s'il faut tirer la racine cubique de aabb—b, il faut penfer que la quantité aabb eft diuifée vne fois par l'vnité, & que Comment on peut vfer de chiffres en Geometrie. Commentil faut venir aux Equations qui feruent a refoudre les problefmes. 372 Œuvres pE DESCARTES. 299-300. l'autre quantité b eft multipliée deux fois par la mefme **, | Au refte, afin de ne pas manquer a fe fouuenir des noms de ces lignes, il en faut toufiours faire vn re- giftre feparé, a mefure qu'on les pofe ou qu'on les change, efcriuant par exemple : AB>1,cefta dire : ABefgalar. GH= a, De ee. Ainfi, voulant refoudre quelque problefme, on doit d'abord le confiderer comme defia fait, & donner des noms a toutes les lignes qui femblent neceffaires pour le conftruire, auffy bien a celles qui font inconnuës qu'aux autres. Puis, fans confiderer aucune difference entre ces lignes connuës & inconnuës, on doit par- courir la difficulté felon l’ordre qui monfître, le plus naturellement de tous,en quelle forte elles dependent mutuellement les vnes des autres, iufques a ce qu'on ait trouué moyen d'exprimer vne mefme quantité en deux façons : ce qui fe nomme vne Equation, car les termes de l'vne de ces deux façons font efgaux a ceux de l’autre. Et on doit trouuer autant de telles Equa- tions qu'on a fuppofé de lignes qui eftoient incon- nuës *. Ou bien, s1l ne s en trouue pas tant, & que, nonobftant, on n'omette rien de ce qui eft defiré en la queftion, cela tefmoigne qu'elle n’eft pas entierement determinée; et lors, on peut prendre a diferetion des * EF, —G. a. Sous-entendez vnité. 20 25 300-301. LA GEOMETRIE. — Livre I. 373 lignes connuës, pour toutes les inconnuës aufquelles ne correfpond aucune Equation *. Aprés cela, s'il en refte encore plufieurs, il fe faut feruir par ordre de chafcune des Equations qui reftent aufly, foit en la confiderant toute feule, foit en la comparant auec les autres, pour expliquer chafcune de ces lignes in- connuës *, & faire | ainfi, en les demeflant, qu'il n'en demeure qu vne feule, efgale a quelque autre qui foit connuë, ou bien dont le quarré, ou le cube, ou le quarré de quarré, ou le furfolide, ou le quarré de cube, &e., foit efgal a ce qui fe produift par l'addition, ou fouftraction, de deux ou plufieurs autres quantités, dont l'vne foit connuë, & les autres foient compofées de quelques moyennes proportionnelles entre l'vnité & ce quarré, ou cube, ou quarré de quarré, &e., mul- forte : : x > b, où 7>—a7+bb, OÙ x+a7 +bbz—ci, Où 74° a73—0c7+ df, &c.* C'eft a dire: 7, que ie prens pour la quantité inconnuë, eft efgale a b; ou le quarré de 7 eft efgal au quarré de b, moins a multiplié par 7; ou le cube de 7 eft efgal a a multiplié par le quarré de 7, plus le quarré de b multiplié par 7, moins le cube de c; & ainfi des autres. Et on peut toufiours reduire ainfi toutes les quan- * GG (1659). — GGG (1659). — H. a #4 co + à 23 + b2 72 — ci = + ds (Schooten). tiphiées par d'autres connuës. Ce que i'efcris en cete 1 ’ à 4 DIE. "2, CE CON IT PT PLU SUIS ES A RTS nl Quels font les problefmes plans. Comment ils fe refoluent. 374 OŒEuvres DE DESCARTES. 301-309. tités inconnuës a vne feule, lorfque le Problefme fe peut conftruire par des cercles & des lignes droites, ou aufly par des feétions coniques, ou mefme par quelque autre ligne qui ne foit que d'vn ou deux de- grés plus compofée. Mais ie ne m'arefte point a expli- quer cecy plus en detail, a caufe que ie vous ofterois le plaifir de l'apprendre de vous mefme, & l'vti- lité de cultiuer voftre efprit en vous y exerçant, qui eft, a mon auis, la principale qu'on puifle | tirer de cete fcience. Aufly que ie n'y remarque rien de fi diffi- cile, que ceux qui feront vn peu verfés en la Geome- trie commune & en l’Algebre, & qui prendront garde a tout ce qui eft en ce traité, ne puiflent trouuer. C'eft pourquoy ie me contenteray icy de vous auertir que, pouruù qu'en demeflant ces Equations on ne manque point a fe feruir de toutes les diui- fions qui feront poflibles *, on aura infalliblement les plus fimples termes aufquels la queftion puifle eftre reduite. Et que, fi elle peut eftre refolue par la Geometrie ordinaire, c'eft a dire en ne fe feruant que de lignes droites & circulaires tracées fur vne fuperficie plate, lorfque la derniere Equation aura efté entierement de- meflée, il n'y reftera, tout au plus, qu'vn quarré in- connu efgal a ce qui fe produift de l'addition, ou fouf- traction, de fa racine multipliée par quelque quantité connue, & de quelque autre quantité aufly connue. Et lors cete racine, ou ligne inconnue, fe trouue ayfement. Car, fi ray, par exemple : 7 a7 + bb, 20 25 302-305. LA GEOMETRIE. — Livre I. 37$ ie fais le triangle rectangle N LM, dont le cofté LM eft efgal a b, racine quarrée de la quantité connue bb, &lautre, LN, eft-a, la moitié de l'autre quantité ÿ connue, qui eftoit multi- pliée par 7, que ie fuppofe eftre la ligne inconnue. Puis, prolongeant MN, la baze de ce triangle, iuf- io ques a O, en forte qu NO foit efgale a NL, la toute | LA M OM eft 7, la ligne cherchée*. Et elle s'exprime en cete 1 =—ay +bb, à & qu'y foit la quantité qu'il faut trouuer, ie fais le 4 mefme triangle re@angle NLM, & de fa baze MN | iofte N P efgale a NL, & le refte PM ef y, la racine è e 4 cherchée. De façon que r'ay LAS ARE 52 à * < SRE LE TEA Ÿ AUS j 20 Y a+ V2 aa+bb. 4 Et tout de mefme, fi r'auois | | XŸ = — ax? b?, à PM feroit x°?, & r'aurois Û | a r°$ x = V—'a+V'aat bb; 25 & ainfi des autres. RL NT a. On voit qu’en tout ce passage, Descartes ne reconnait nullement les racines négatives des équations. LA Li + 370 Œuvres DE DESCARTES. 303-304. Enfin fi ray ar 0D, ie fais NL efgale a : a, & LM efgale a b, comme de- uant; puis, au lieu de ioindre les poins M, N, ie tire MQR PAAUE a LN, & du centre N, par js ayant defcrit vn cercle qui la couppe aux R poins Q &R, la ligne cherchée 7 eft M Q, ou bien MR, car en ce cas elle s'exprime en deux Ron a fçauoir N RATE 7 = Eat V aa bb, a En L M . Et file cercle qui, ayant {on centre au point N, pañle par le point L, ne couppe ny ne touche la ligne droite MQR, il n'y a aucune racine en l'Equation, de façon qu'on peut affurer que la con- ftrution du problefme propofé eft impoflible * Au refte,ces mefmes racines fe peuuent trouuer par vne infinité d'autres moyens, & i'ay feulement voulu mettre ceux cy,comme fort fimples, aflin de faire voir qu'on peut conftruire tous les Problefmes de la Geo- metrie ordinaire, fans faire autre chofe que le peu qui eft compris dansles quatre figures que 1 ay expliquées. Ce que ie ne croy pas que les anciens ayent remarqué; car, autrement, ils n'euflent pas pris la peine d'en ef- crire tant de gros liures, où le feul ordre de leurs propolitions nous fait connoiftre qu'ils n’ont point eu la vraye methode pour les trouuer toutes, mais qu'ils ont feulement ramaflé celles qu'ils ont rencontrées. Ne 5 15 20 23% 304-305. EA GEOMETRIE. — Livre |. il Et on le peut voir aufly fort clairement de ce que Pappus a mis au commencement de fon feptiefme liure, où, aprés s'eftre arefté quelque tems a denom- brer tout ce qui auoit eflé efcrit en Geometrie par ceux qui l'auoient precedé, il parle enfin d'vne quef- tion qu'il dit que ny Euclide, ny Apollonius, ny aucun autre, n'auoient fceu entierement refoudre; & voycy fes mots * : Quem autem dicit (Apollonius) in tertio libro locum ad tres G quatuor lineas ab Euclide perfeélum non effe, neque ipfe perficere poterat,neque aliquis alius ; fed neque paululum quid addere 115 quæ Euclides fcripfit, per ea tantum conica quæ vfque ad Euclidis tempora præmon/- trata funt, Ëc. Et, vn peu aprés, 1l explique ainfi quelle eft cete queftion : | At locus ad tres 6 quatuor lineas, in quo (Apollonrus) magnifice fe taélat & oflentat, nulla habita gratia et qui prius fcriplerat, eff huiufmodr. Si, pofitione datis tribus _|rechs lineïs, ab vno & eodem punélo ad tres lineas in datis angulis reélæ lineæ ducantur, & data fit proportio rec- tanguli contenti duabus duélhs ad quadratum reliquæ, punélum contingit pofitione datum folidum locum, hoc efl vnam ex tribus conicis fechionibus. Et, fi ad quatuor reclas a. Voir, à la fin du volume, la Note I, où est donnée la traduction de ce passage latin et où il est commenté. Descartes reproduit le texte de la version, parfois inexacte, de Commandin : Pappi Alexandrini mathema- ticæ collectiones a Federico Commandino Vrbinate in latinum conversæ et commentariis 1llustratæ. — Pisauri, apud Hieronymum Concordiam, 1588 (1602). — Venetiis, apud Franciseum de Franciscis Senensem, 1580. — Mème édition sous trois tirages différents. Œuvres. I. 48 Exemple tiré de Pappus. le cite plutoft la verfion latine que le texte grec, affin que chafcun l’entende plus ay fement. 37 OEUVRES DE DESCARTES. 305-306: lineas pofitione datas in datis angulis lineæ ducantur, & reélanguli duabus dudlis contenti ad contentum duabus re- . o . . . . liquis proportio data fit, fimiliter punélum datam con Re 2 os feélionem pofitione continget. Siquidem roitur ad duas tantum, locus planus offenfus efl. Quod fi ad plures quam ) 2 I 7 quatuor, punélum continget locos non adhuc cognitos, fed lineas tantum diélas ; quales autem fint, vel quam habeant | RC) proprietatem, non conflat : earum vnam, neque primam, G quæ manifefhffima videtur, compofuerunt oflendentes viilem effe. Propofitiones autem ipfarum hæ funt : Sz ab aliquo punélo, ad pofitione datas reélas lineas quin- DOC RARE | EST que, ducantur reclæ lineæ in datis angulis, 6 data fit pro- portio Jolidi parallelepipedi reélangulr, quod tribus duélis lineis continetur, ad folidum parallelepipedum reflangu- . k # . . " Pr . ci lum, quod continetur reliquis duabus & data quapiam linea »q The QUE ) punclum pofitione datam lineam continget. S1autem ad fex, G@ data fit proportio folidi tribus liners contenti ad folidum . L # . SE . £ . - quod tribus reliquis continetur, rurfus punélum continget pofitione datam lineam. Quod fi ad plures quam fex, non adhuc habent dicere an data fit proportio curufpiam contenti quatuor liners ad 1d quod reliquis continetur, quoniam non efl aliquid contentum pluribus quam tribus dimen/fiontbus. Où ie vous prie de remarquer, en pañfant, que le fcrupule que faifoient les anciens d'vfer des termes de l'Arithmetique en la Geometrie, qui ne pouuoit pro- ceder | que de ce qu'ils ne voyoient pas aflés claire- ment leur rapport, caufoit beaucoup d'obfeurité & d'embaras en la façon dont ils s'expliquoient : car. Pappus pourfuit en cete forte : Acquiefcunt autem his qui paulo ante talia interpretati 20 23 30 306807 POITASGEOoMETRIE- RE. 379 Junt, neque vnum aliquo paélo comprehenfibile fignifi- cantes quod his continetur. Licebit autem per contunélas proportiones hæc € dicere & demon/lrare vniuerfe in dic- ts proportiontbus, atque his in hunc modum. St ab aliquo punélo, ad pofitione datas reélas lineas, ducantur reétæ lineæ in datis angulis, & data fit proportio contunéa ex ea quam habet vna duélarum ad vnam, € altera ad alte- ram, 6 alia ad aliam, & reliqua ad datam lineam, fi fint Jeptem : fi vero octo, & reliqua ad reliquam : punétum continget pofitione datas lineas. Et fimiliter, quotcumque * fint impares vel pares multitudine, cum hæc, vt dixi, loco ad quatuor lineas re/pondeänt, nullum igitur pofuerunt ita vt linea nota fit, Ec. La queftion donc, qui auoit efté commencée a re- foudre par Euclide & pourfuiuie par Apollonius, fans auoir efté acheuée par perfonne, eftoit telle. Ayant trois, où quatre, ou plus grand nombre de lignes droites données par pofition, premierement, on de- mande vn point duquel on puifle tirer autant d'autres lignes droites, vne fur chafcune des données, qui facent auec elles des angles donnés; & que le rec- tangle contenu en deux de celles qui feront ainfi tirées d'vn mefme point, ait la proportion donnée auec le quarré de la troifiefme, s'il n'y en a que trois; ou bien auec le rectangle des deux autres, s’il y en a quatre. Ou bien, s'il y en a cinq, que le parallelepipede com- pofé de trois ait la proportion donnée auec le paral- Hlelepipede compofé des deux qui reftent, & d'vne autre ligne donnée. Ou, s'il y en a fix, que le paralle- lepipede compofé de trois ait la proportion donnée Refponfe a la queftion de Pappus. E 380 j OEuvREs DE DESCARTES. 307-308. auec le parallelepipede des trois autres. Ou, sil yen a fept, que ce qui fe produift lorfqu'on en multiplie quatre l'vne par l’autre, ait la raifon donnée auec ce qui fe produift par la multiplication des trois autres, & encore d'vne autre ligne donnée. Ou, s'il yen a huit, que le produit de la multiplication de quatre ait la proportion donnée auec le produit des quatre autres. Et ainfi cete queftion fe peut eftendre a tout autre nombre de lignes. Puis, a caufe qu'il y a toufiours vne infinité de diuers poins qui peuuent fatisfaire a ce qui eft icy demandé, il eft aufly requis de connoïftre & de tracer la ligne dans laquelle ils doiuent tous fe trou- uer; & Pappus dit que, lorfqu'il n y a que trois ou quatre lignes droites données, c'eft en vne des trois feions coniques; mais 1l n'entreprend point de la determiner, ny de la defcrire,non plus que d'expliquer celles où tous ces poins fe doiuent trouuer, lorfque la queftion eft propofée en vn plus grand nombre de lignes. Seulement, il aioufte que les anciens en auoient imaginé vne qu'ils monftroient y eftre vtile, mais qui fembloit la plus manifefte, & qui n’eftoit pas toute- fois la premiere. Ce qui m'a donné occafion d’effayer fi, par la methode dont ie me fers, on peut aller aufly loin qu'ils ont efté. Et, premierement, 1'ay connu que, cete queftion n'eftant propolée qu'en trois, ou quatre, ou cinq lignes, on peut toufiours trouuer les poins cherchés par la Geometrie fimple, c'eft a dire en ne fe feruant que de la reigle & du | compas, ny ne faifant autre chofe que ce qui a defia efté dit : excepté feulement, lorfqu'il y a cinq lignes données, fi elles font toutes 20 25 30. 308-300. La GEOMETRIE. — Livre I. 381 paralleles. Auquel cas, comme aufly lorfque la quef- tion eft propofée en fix ou 7 ou 8 ou 9 lignes, on peut toufiours trouuer les poins cherchés par la Geometrie des folides, c'eft a dire en y employant quelqu'vne des trois fections coniques : excepté feulement, lorf- qu'il y a neuf lignes données, fi elles font toutes pa- ralleles. Auquel cas, de rechef, & encore en 10, 11, 12 Ou 13 lignes, on peut trouuer les poins cherchés par le moyen d'vne ligne courbe qui foit d'vn degré plus compofée que les feétions coniques : excepté en treize, fi elles font toutes paralleles. Auquel cas, & en quatorze, 14, 16 & 17, il y faudra employer vne ligne courbe encore d'vn degré plus compofée que la precedente : & ainfi a l'infini. Puis i'ay trouué aufly que, lorfqu'il n'y a que trois ou quatre lignes données, les poins cherchés fe ren- contrent tous, non feulement en l'vne destrois fections coniques, mais quelquefois aufly en la circonference d vn cercle ou en vne ligne droite. Et que, lorfqu'il y en a cinq ou fix ou fept ou huit, tous ces poins fe ren- contrent en quelqu'vne des lignes qui font d'vn degré plus compofées que les fections coniques, & il eft impoflible d'en imaginer aucune qui ne foit vtile a cete queftion; mais ils peuuent aufly, de rechef, fe rencontrer en vne fection conique, ou en vn cercle, ou en vne ligne droite, & s'il y en a neuf ou 10 ou 11 ou 12, ces poins fe rencontrent en vne ligne qui ne peut eftre que d'vn degré plus compofée que les prece- dentes; mais toutes celles | qui font d'vn degré plus compofées y peuuent feruir; & ainfi a l'infini. Au refte, la premiere & la plus fimple de toutes, Comment on doit pofer les termes pour 382 OEUVRES DE DESCARTES. 30010) aprés les fections coniques, eft celle qu'on peut def- crire par l'interfeélion d'vne Parabole & d'vne ligne droite, en la façon qui fera tantoft expliquée. En forte que ie penfe auoir entierement fatisfait a ce que Pap- pus nous dit auoir efté cherché en cecy par les an- ciens; & ie tafcheray d'en mettre la demonftration en peu de mots : car il m'ennuie defia d’en tant efcrire. Soient AB, AD, EF, GH, &c., plufieurs lignes données par pofition, & qu'il faille trouuer vn point, comme C, duquel ayant tiré d'autres lignes droites fur les données, comme CB, CD, CF & CH, en forte que les angles CB A, CDA, CFE, CHG, &ec., foient donnés,| & que ce qui eft produit par la multiplication d'vne partie de ces lignes foit efgal a ce qui eft produit par la multiplication des autres, ou bien qu'ils ayent quelque autre proportion donnée : car cela ne rend point la queftion plus difficile. Premierement, ie fuppofe la chofe comme defia faite &, pour me demefler de la confufion de toutes 15 20 25 30 ASE LC LA GEOMETRIE, "Livre I: 383 ces lignes, 1e confidere l'vne des données & l'vne de celles quil faut trouuer, par exemple AB & CB, comme les principales & aufquelles ie tafche de rap- porter ainfi toutes les autres. Que le fegment de la ligne AB, qui eft entre les poins À & B, foit nommé x, & que BC foit nommé y; & que toutes les autres lignes données foient prolongées iufques a ce qu'elles couppent ces deux, aufly prolongées, s'il eft befoin & fi elles ne leur font point paralleles : comme vous voyés icy, quelles couppent la ligne AB aux poins A, E, G, & BC aux poins R, S, T. Puis, a caufe que tous les angles du triangle ARB font donnés, la pro- portion qui eft entre les coftés AB & BR eft aufly donnée, & ie la pole comme de 7 a b; de façon qu'AB eftant x, RB fera ?*, & la toute C R feray +, a caufe que le point B be entre = &R; car, fi R tomboit entre C & B, CR feroit y —— 0 fi e onboie entre B &R, CR feroit — y +. Tout de mefme, les trois ie du triangle DRC font donnés, & par confe- quent aufly la proportion qui eft entre les coftés CR MICD que te pote comme de 7 a c : de façon que, CR eflant y-+# CD fera Le Aprés cela, pource que les lignes AB, AD &ÉF font données par poli- tion, la diftance qui eft entre les poins A & E eft aufly ne. &, fi on la nomme #, on aura EB efgal a k+x; mais ce feroit À —x, fi le point B tomboit entre E&A, &—k+x, fi E tomboit entre A &B. Et, pource que les angles du triangle ESB font tous donnés, la proportion de BE a BS eft aufly donnée, &ie la on comme 7 a d : fi bien que BS eft + & la toute CS ef + dk +dx he point S 1? ; mais ce feroit RARE venir a l'Equation en cet exemple. 384 OEUVRES DE DESCARTES. 311-312. tomboit entre B & C; & ce feroit TEE fi C tom- boit entre B &S. De plus, les trois angles 4 triangle FSC font donnés, &, en fuite, la! proportion de CS a CF, qui foit comme deal toute © rer 17 PERTE EN mefme facon, AG, que ie nomme /, eft donnée, & BG eft /—x; &a ca du triangle BGT, la proportion de BG a BT eft aufly donne qui foit comme de 7 a /; & BT fera PE, & CT = 5 DEEE, Puis, de rechef, la proportion de TC a CH ef don- née, a caufe du triangle T CH, &, la pofant comme de 7ag,onaura CH ÉETE _ Et ainfi vous voyés qu'en tel one de lignes don- nées par pofition qu'on puifle auoir, toutes les lignes tirées deflus, du point C, a angles donnés, fuiuant la teneur de la queftion, fe peuuent toufiours exprimer chafcune par trois termes : dont l'vn eft compofé de la quantité inconnuë y multipliée, ou diuifée, par quelque autre connuë ; & l’autre, de la quantité incof= nue x, auflv multipliée ou diuifée par quelque autre re) 20 25 30 Sie d13, LA GEOMETRIE. — LIVRE I. 38; connuë ; & le troifiefme, d'vne quantité toute connuë. Excepté feulement fi elles font paralleles ou bien a la ligne AB, auquel cas le terme compofé de la quan- tité x fera nul; ou bien a la ligne CB, auquel cas celuy qui eft compofé de la quantité y fera nul : ainfi qu'il efttrop manifeflte pour que ie m'arefte a l'expli- quer. Et pour les fignes + & ——, qui fe ioignent a ces termes, ils peuuent eftre changés en toutes les façons imaginables. Puis vous voyés aufli que, multipliant plufieurs de ces lignes l’vne par l’autre, les quantités x & y, qui fe trouuent dans le produit, n y peuuent auoir que chaf- cune autant de dimenfions qu'il y a eu de lignes, a l'explilcation defquelles elles feruent, qui ont efté ainfi multipliées. En forte qu'elles n'auront iamais plus de deux dimenfions, en ce qui ne fera produit que par la multiplication de deux lignes ; ny plus de trois, en ce qui ne fera produit que par la multiplication de trois; &ainfi a l'infini. De plus, a caufe que, pour determiner le point C, il n'y a qu'vne feule condition qui foit requife, a fça- uoir que ce qui eft produit par la multiplication d'vn certain nombre de ces lignes foit efgal, ou {ce qui n’eft de rien plus malayfé) ait la proportion donnée a ce qui eft produit par la multiplication des autres; on peut prendre a diferetion l'vne des deux quantités in- connues x ou y, & chercher l'autre par cete Equation, en laquelle il eft euident que, lorfque la queflion n'eft point propofée en plus de cinq lignes, la quantité x, qui ne fert point a l'expreflion de la premiere, peut toufiours ny auoir que deux dimenfions. De façon Œuvres. I. 49 Comment on trouue que ce problefme eft plan, lorfqu'il n’eft point propofé en plus de 5 lignes. 86 OEUVRES DE DESCARTES. 213-314. 3 que, prenant vne quantité connuë pour y, il ne ref- tera que xx > + ou —ax+ où —bb; & ainfi on pourra trouuer la quantité x auec la reigle & le compas, en la façon tantoft expliquée. Mefme, prenant fuccefliuement infinies diuerfes grandeurs pour la ligne y, on en trouuera aufly infinies pour la ligne x; & ainfi on aura vne infinité de diuers poins tels que celuy qui eft marqué C, par le moyen def- quels on deferira la ligne courbe demandée. Il fe peut faire auffy, la queftion eftant propofée en fix ou plus grand nombre de lignes, s'il y en a, entre les données, qui foient paralleles a B A ou BC, que l'vne des deux quantités x ou y n'ait que deux‘ dimen- fions en | l'Equation, & ainfi qu'on puifle trouuer le point C auec la reigle & le compas. Maïs, au con- traire, fi elles font toutes paralleles, encore que la queftion ne foit propofée qu'en cinq lignes, ce point C ne pourra ainfi eftre trouué, a caufe que, la quantité x ne fe trouuant point en toute l'Equation, il ne fera plus permis de prendre vne quantité connuë pour celle qui eft nommée y, mais ce fera elle qu'il faudra chercher. Et, pource qu'elle aura trois dimenfions, on ne la pourra trouuer qu’en tirant la racine d’vne Equa- tion cubique : ce qui ne fe peut generalement faire, fans qu'on y employe pour le moins vne feétion co- nique. Et encore qu'il y ait iufques a neuf lignes don- nées, pouruû qu'elles ne foient point toutes paral- leles, on peut toufiours faire que l'Equation ne monte a, « aut etiam unam » ajoute Schooten, 20 23 314. LA GEOMETRIE. — Livre Î. 387 que iufques au quarré de quarré : au moyen de quoy, on la peut aufly toufiours refoudre par les feétions coniques, en la façon que r'expliqueray cy aprés. Et encore qu'il yen ait iufques a treize,on peut toufiours faire qu'elle ne monte que iufques au quarré de cube: en fuite de quoy, on la peut refoudre par le moyen d'vne ligne qui n'eft que d'vn degré plus compofée _ que les feétions coniques, en la façon que 1'explique- ray aufly cy aprés. Et cecy ef la premiere partie de ce que j'auois icy a demonftrer; mais, auant que ie pañle a la feconde, il eft befoin que ie die quelque chofe en general de la nature des lignes courbes.| ; tire dis ns À À à FE Quelles font les lignes courbes qu’on peut receuoir en Geometrie. LA GEOMETERHPE LIVRE SECOND. De la nature des lignes courbes. Les anciens ont fort bien remarqué qu'entre les Problefmes de Geometrie, les vns font plans, les autres folides, & les autres lineaires : c'eft a dire que les vns peuuent eftre conftruits en ne traçant que des lignes droites & des cercles; au lieu que les autres ne le peuuent eftre, qu'on ny employe pour le moins quelque feétion conique; n1 enfin les autres, qu'on n'y employe quelque autre ligne plus compofée. Mais ie m'eflonne de ce qu'ils n'ont point,outre cela, diftingué diuers degrés entre ces lignes plus compofées, & 1e ne fçaurois comprendre pourquoy ils les ont nom- mées Mechaniques, plutoft que Geometriques. Car, : de dire que ç'ait efté a caufe qu'il eft befoin de fe feruir de quelque machine pour les defcrire, il fau- droit reietter, par mefme raifon, les cercles & les lignes droites, vü qu'on ne les defcrit fur le papier qu'auec vn compas & vne reigle, qu'on peut aufly nommer des machines. Ce n'eft pas non plus a caufe 20 SEL 20 25 30 315-516. LA GEOMETRIE. — Livre IL. 389 que les inftrumens qui feruent a les tracer, eftant plus compofés que la reigle & le compas, ne peuuent eftre fi iuftes : car il faudroit, pour cete raifon, les reietter des Mechaniques, où la iuftefle des ouurages qui fortent de la main eft defirée. plutoft que de la Geo- metrie, où c'eft feulement la iufteffe du rdifonnement quon recheriche, & qui peut fans doute eftre aufTy parfaite, touchant ces lignes, que touchant les autres. le ne diray pas aufly que ce foit a caufe qu'ils n’ont pas voulu augmenter le nombre de leurs demandes, & qu'ils fe font contentés qu'on leur accordaft qu'ils puflent ioindre deux poins donnés par vne ligne droite, & defcrire vn cercle d'vn centre donné, qui paffaft par VA point donné : car ils n'ont point fait de fcrupule de fuppofer, outre cela, pour traiter des fe@ions co- niques, qu’on puft coupper tout cone donné par vn - plan donné. Et il n'eft befoin de rien fuppofer, pour tracer toutes les lignes courbes que ie pretens icy d'in- troduire, finon que deux ou plufieurs lignes puiflent eftre meuës l'vne par l'autre, & que leurs interfe@tions en marquent d'autres : ce qui ne me paroift en rien plus difficile. Il eft vray qu'ils n'ont pas aufly entiere- ment receu les fe@ions coniques en leur Geometrie, & ie ne veux pas entreprendre de changer les noms qui ont eflé approuués par l'vfage ; mais il eft, ce me femble, tres clair que, prenant, comme on fait, pour _ Geometrique ce qui eft precis & exact, & pour Mecha- nique ce qui ne left pas: & confiderant la Geometrie comme vne fcience qui enfeigne generalement a con- noiftre les mefures de tous les cors; on nen doit pas plutoft exelure les lignes les plus compofées que les * 390 OEuvres DE DESCARTES. 316-317. plus fimples, pouruü qu'on les puifle imaginer eftre defcrites par vn mouuement continu, ou par plufieurs qui s'entrefuiuent & dont les derniers foient entiere- ment reglés par ceux qui les precedent : car, par ce moyen, on peut toufiours auoir vne connoiflance exacte de leur mefure. Mais peuteftre que ce qui a em- pefché les anciens Geometres de receuoir celles qui eftoient plus compofées que les feétions coniques, c'eft que les premieres qu'ils ont confiderées, ayant par hafard efté la Spirale, la Quadratrice, & femblables, qui n'appartienent veritablement qu aux Mechaniques & ne font point du nombre de celles que ie penfe de- uoir icy eftre receues, a caufe qu'on les imagine def- crites par deux mouuemens feparés & qui n'ont entre eux aucun raport qu'on puifle mefurer exactement ; bien qu'ils ayent aprés examiné la Conchoide, la Cif- foide, & quelque peu d'autres qui en font, toutefois, a caufe qu'ils n'ont peuteftre pas aflés remarqué leurs proprietés, ils n'en ont pas fait plus d'eftat que des premieres. Ou bien, c'eft que, voyant qu'ils ne con- noifloient encore que peu de chofes touchant les fe&ions coniques, & qu'il leur en reftoit mefme beau- coup, touchant ce qui fe peut faire auec la reigle & le compas, qu'ils ignoroient, ils ont creu ne deuoir pas entamer de matiere plus difficile. Mais, pource que 'efpere que dorenauant ceux qui auront l'adrefle de fe feruir du calcul Geometrique icy propolé, ne trou= ueront pas aflés de quoy s'arefter touchant les pro= blefmes plans ou folides, ie crois qu'il eft a propos que ie les inuite a d'autres recherches, où ils ne man- queront iamais d'exercice, Fe 317-318. LA GEOMETRIE. — Livre Il. © 391 Voyés les lignes AB, AD, AF & femblables, que ie fuppofe auoir efté defcrites par l’ayde de l'inftrument YZ*, qui eft compofé de plufieurs reigles, tellement jointes que, celle qui eft marquée YZ eftant areftée fur la ligne AN, on peut ouurir & fermer l'angle XYZ, & que, lorfqu'il eft tout fermé, les poins B, C, D, °F, G, H font tous afflemblés au point A; mais qu'a mefure qu'on l'ouure, la reigle BC, qui eft jointe a angles droits auec XY au point B, pouñle vers Z la reigle CD, qui coule fur YZ en faifant touf- iours des angles droits auec elle; & CD poufñe DE, qui coule tout de mefme fur Y X en demeurant paral- jele a BG; DE poufle EF; EF poufle FG:; celle cy poufle GH; & on en peut conceuoir vne infinité d'autres, qui fe pouflent confequutiuement en mefme façon, & dont les vnes facent toufiours les mefmes angles auec YX, & les autres auec YZ. Or, pendant a. XYZ Schooten. b.E a été ajouté par Schooten. La façon de diftinguer toutes les lignes courbes en certains genres, et de connoïftre le rapport qu'ont tous leurs poins a ceux des lignes droites. 302 OEUVRES DE DESCARTES. 318-319. qu'on ouure ainfi l'angle XYZ, le point B defcrit la ligne AB, qui eft vn cercle; & les autres poins, D, F, H, où fe font les interfettions des autres reigles, def- criuent d’autres lignes courbes, AD, AF, AH, dont les dernieres font, par ordre, plus compofées que la premiere, & celle cy plus que le cercle. Mais ie ne voy pas ce qui peut empefcher qu'on ne conçoiue aufly nettement & aufly diftinctement la defcription de cete premiere, que du cercle ou, du moins, que des fections coniques; ny ce qui peut empefcher qu'on ne con- çoiue la feconde, & la troifiefme, & toutes les autres qu'on peut defcrire, aufly bien que la premiere; ny, par confequent, qu'on ne les reçoiue toutes en mefme façon, pour feruir aux fpeculations de Geometrie. le pourrois mettre icy plufieurs autres moyens, pour tracer & conceuoir des lignes courbes qui feroient de plus en plus compofées par degrés a l'infini. Mais, pour comprendre enfemble toutes celles qui font en la nature, & les diftinguer par ordre en certains genres, ie ne fçache rien de meilleur que de dire que tous les poins de celles qu'on peut nommer Geometriques, c'eft a dire qui tombent fous quelque mefure precife & exacte, ont neceflairement quelque rapport a tous les poins d'vne ligne droite, qui peut eftre exprimé par quelque equation, en tous par vne mefme. Et que, lorfque cete equation ne monte que iufques au rec- tangle de deux quantités indeterminées, ou bien au quarré d'vne mefme, la ligne courbe eft du premier & plus fimple genre, dans lequel il n'y a que le cercle, la parabole, l'hyperbole & l'ellipfe qui foient com- prifes. Mais que, lorfque l'equation monte iufques a 20 25 30 319-320. LA GEOMETRIE. — Livre II. 393 la trois ou quatriefme dimenfion des deux ou de l'vne des deux quantités indeterminées : car il en faut deux pour expliquer icy le rapport d'vn point a vn autre : elle eft du fecond. Et que, lorfque l'equation monte iufques a la ; ou fixiefme dimenfion, elle eft du troi- fiefme : & ainfi des autres a l'infini. Comme, fi ie veux fçauoir de quel genre eft la ligne E C, que 1imagine eftre defcrite par l'in- terfeétion de la reigle GL & du plan recti- ligne CNKLE, dont le cofté KN eftindefinie- ment prolongé vers C, & qui, eftant meu fur le plan de deffous en ligne droite, c'ef a dire en telle ae que fon diametre KL É trouue toufiours appliqué fur quelque endroit de la ligne BA prolongée de part & d'autre, fait mouuoir cir- culairement cete reigle GL autour du point G, a caufe quelle luy eft tellement iointe qu'elle pañte toufiours par le point L. le choifis vne ligne droite, comme AB, pour rapporter a fes diuers poins tous ceux de cete ligne courbe EC, & en cete ligne AB ie choiïfis vn point, comme A, pour commencer par luy ce calcul. Le dis que ie choifis & l'vn & l’autre, a caufe qu'il eft libre de les prendre tels qu'on veult : car, en- core qu'il y ait beaucoup de choix pour rendre l'equa- tion plus courte & plus ayfée, toutefois, en quelle façon qu on les prene, on peut toufiours faire que la Œuvres, I. 50 394 OEUVRES DE DESCARTES. 320-322. ligne paroiïfle de mefme $enre, ainfi qu'il eft ayfé a demonftrer.| Aprés cela, prenant vn point a diferetion dans la courbe, comme C, fur lequel ie fuppofe que l'inftrument qui fert a la defcrire eft appliqué, ie tire de ce point C la ligne CB parallele a GA; & pource que CB & BA font deux quantités indeterminées & inconnuës, ie les nomme, l'vne y, & l’autre x. Mais,affin de trouuer le rapport de l'vne a l’autre, ie confidere aufly les quantités connuës qui determinent la defcrip- tion de cete ligne courbe: comme GA que ie nomme a, KL que ie nomme b, & NL, parallele a GA, que ie nomme c. Puis ie dis : comme NLefta LK,ouca b, ainfy CB, ou y, eft a BK, cu eft, par Shococic ns &BLeft°y—b; & A Left x +! -7 — b. De plus, comme CB efta LB ,ouya?y—b, ainfi a, ou GA, et a LA, ou x+?y—b. De façon que, D pa É Roue à par la troifiefme, on produift ? y— ab, qui eft efgale a xyY +?yYy— de qui fe produifl en multipliant la premiere par la derniere; & ainfi l'equation qu'il fal- loit trouuer ef : IR TERRE de laquelle on connoift que la ligne EC eft du pre- mier genre : comme, en effect, elle n'eft autre qu'vne Hyperbole*. Que fs end inftrument qui fert a 3 defcrire, on fait qu'au for de la ligne droite CNK, ce foit cete Hyper- bole, ou quelque autre ligne UE 1. du premier genre, qui termine le plan CNKL, l'interfeélion de cete ligne & de la reigle GL defcrira, au lieu de l'hyperbole EC, FA 20 25 15 20 25 30 322-323. LA GEOMETRIE. — Livre II. 395$ vne autre ligne courbe, qui fera du fecond genre. Comme, fi CNK eft vn cercle dont L foit le centre,on defcrira la premiere Conchoide des anciens: & fi c'eft vne Parabole dont le diametre foit KB, on defcrira la ligne courbe que i'ay tantoft dit eftre la premiere & la plus fimple pour la queftion de Pappus, lorfqu'il n y a que cinq lignes droites données par pofition. Mais fi, au lieu d'vne de ces li- gnes courbes du pre- mier genre, cen eft vne du fecond qui ter- mine le plan CNKI, on en defcrira, par fon moyen, vne du troifiefme : ou, fi c'en eft vne du troifiefme, on en defcrira vne du quatriefme ; & ainfi a l'infini, comme il eft fort ayfé a connoiftre par le calcul. Et en quelque autre façon qu'on imagine la defcription d'vne ligne courbe, pouruû qu'elle foit du nombre de celles que ie nomme Geometriques, on pourra toufiours trou- luer vne equation pour determiner tous fes poins en cete forte. Au refte, ie mets les lignes courbes qui font monter cete equation iufques au quarré de quarré, au mefme genre que celles qui ne la font monter que iufques au cube ; & celles dont l'equation monte au quarré de cube, au mefme genre que celles dont elle ne monte qu'au furfolide; & ainfi des autres. Dont la raifon eft qu'il y a reigle generale pour reduire au cube Suite de l'explication de la queftion de Pappus mife au liure precedent. 306 Œuvres DE DESCARTES. 323-324. toutes les diflicultés qui vont au quarré de quarré, & au furfolide toutes celles qui vont au quarré de cube, de façon qu'on ne les doit point eftimer plus compofées. | Mais il eft a remarquer qu'entre les lignes de chafque genre, encore que la plufpart foient efgale- ment compofées, en forte qu’elles peuuent feruir a determiner les mefmes poins & conftruire les mefmes problefmes, il y en a toutefois aufly quelques vnes qui font plus fimples, & qui n'ont pas tant d'eftendue en leur puiflance. Comme, entre celles du premier genre, outre l'Ellipfe, l'Hyperbole & la Parabole, qui font efgalement compofées, le cercle y eft auffy com- pris, qui manifeftement eft plus fimple. Et entre celles du fecond genre, il y a la Conchoiïde vulgaire, qui a fon origine du cercle, & il y en a encore quelques autres qui, bien qu'elles n'ayent pas tant d’eftendue que la plufpart de celles du mefme genre, ne peuuent toutefois eftre mifes dans le premier. Or, aprés auoir ainfi reduit toutes les lignes courbes a certains genres, il m'eft ayfé de pourfuiure en la de- monftration de la refponfe que ray tantoft faite a la queftion de Pappus. Car, premierement, ayant fait voir cy deflus que, lorfqu il n y a que trois ou 4 lignes droites données, l'equation, qui fert a determiner les poins cherchés,ne monte que iufques au quarré, il eft euident que la ligne courbe, où fe trouuent ces poins, eft neceflairement quelqu'vne de celles du premier genre, a caufe que cete mefme equation explique le rapport qu'ont tous les poins des lignes du premier genre a ceux d'vne ligne droite, Et que, lorfqu'il ny a 20 25 30 324-325. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 397 point plus de 8 lignes droites données, cete equation ne monte que iufques au quarré de quarré tout au plus, & que, par confequent, la ligne cherchée ne peut eftre que du fecond genre, ou au deflous. Et que, lorf- qu'il n y a point plus de 12 lignes données, l'equation ne monte que iufques au quarré de cube, & que, par confequent, la ligne cherchée n'eft que du troifiefme genre, ou au deflous : & ainfi des autres. Et mefme, a caufe que la pofition des lignes droites données peut varier en toutes fortes, & par confequent faire changer tant les quantités connuës que les fignes + & — de l'equation, en toutes les façons imaginables, 1l eft eui- dent qu'il n y a aucune ligne courbe du premier genre qui ne foit vtile a cete queftion, quand elle eft pro- pofée en 4 lignes droites; ny aucune du fecond quin y foit vtile, quand elle eft propofée en huit; ni du troi- fiefme, quand elle eft propofée en douze; & ainfi des autres. En forte qu'il n'y a pas vne ligne courbe, qui tombe fous le calcul & puifle eftre receuë en Geome- trie, qui n'y foit vtile pour quelque nombre de lignes. Mais il faut icy plus particulierement que 1e deter- mine & donne la façon de trouuer la ligne cherchée qui fert en chafque cas, lorfqu'il n'y a que 3 ou4lignes droites données; & on verra, par mefme moyen, que le premier genre des lignes courbes n'en contient aucunes autres que les trois fections coniques & le cercle. Reprenons les 4 lignes AB, AD, EF & GH, don- nées cy deflus, & qu'il faille trouuer vne autre ligne, en laquelle il fe rencontre vne infinité de poins tels que C, duquel ayant tiré les 4 lignes CB, CD, CF - Solution de cete queftion, quand elle n’eft propofée qu'en 3ou4 lignes. 308 OEUVRES DE DESCARTES. 325-326, & CH, a angles donnés fur les données, CB, multi- pliée par CF, produift vne fomme efgale a C D multi- pliée par CH : c'eft a dire, ayant fait : CB = y, CD SERRES SA CRE CP ACROSS Re CES £IY LE IE* 11 i 1? 1 l'equation eft — dek7z | nderzx + befglx +efglx \Ÿ —cferx\ y — befexx | +bcgrx _ ER — EU au moins en fuppofant e7 plus grand que cg : car, s'il eftoit moindre, il faudroit changer tous les fignes + & —*, Et fi la quantité y fe trouuoit nulle, ou moindre que rien en cete equation, lorfqu'on a fup- polfé le point C en l'angle D AG, il faudroit le fup- pofer aufly en l'angle DAE, ou EAR, ou RAG, en *YB: Ba627 LA GEOMETRIE. — Livre II. 399 changeant les fignes + & —, felon qu'il feroit requis a cet eflect. Et fi, en toutes ces 4 pofitions, la valeur d'y fe trouuoit nulle, la queflion feroit impoflible au cas propolé *. Mais fuppofons la icy eftre poffible, &, pour en abreger les termes, au lieu des quantités SET, efcriuons 2», & au lieu de FC EUES RE, efcriuons — : &ainfi nous aurons bcfglx — bcfgxx DRE IE US CRETE 1 an CCE ) dont la racine eft ÿ D 1 — Se —- 7 m — ae de nnxx se CIRE ET î fé ani idem tt &, de rechef pour abreger, s befgl . Au leu de -—- = LE Re efcriuons 0; : b à & au lieu de ©"— JE efcriuons* — £. TAC STE Te m Car, ces quantités eftant toutes données, nous les pouuons nommer comme il nous plaift; & ainfi nous auons n ie pm" x+(/mm+ox—# xx, qui doit eftre la longeur de Îa ligne BC, en laiffant AB ou x indeterminée. Et il eft euident que, la quef- tion n'eftant propofée qu'en trois ou quatre lignes, on peut toufiours auoir de tels termes ; excepté que quelques vns d'eux peuuent eftre nuls, & que les fignes + & — peuuent diuerfement eftre changés. PB Br 1650). a. Nous ajoutons le signe —, qui manque dans l'édition princeps et aussi bien dans les éditions latines de Schooten, PET IPS NT RER, PC: "D à LE At. bee ‘ref ce R. TT 400 OEUVRES DE DESCARTES. 327-328. Aprés cela, ie fais KI efgale et parallele a BA, en forte qu’elle couppe de BC la partie BK efgale a m1, a caufe qu'il y a icy + m : &ie l’aurois adiouftée en ti- rant cete ligne IK de l’autre cofté, s'il y auoit eu—"; & ie ne l'aurois point du tout tirée, fi la quantité » euft eflé nulle. Puis ie tire auffy IL, en forte que la ligne IK eft a KL comme 7 eft a n : c'eft a dire que, IK eftant x, KL eft © x. Et, par mefme moyen, ie con- nois aufly É a eft entre KL &IL, que ie pote comme entre n & a: fi bien que, KL eftant ” ae eft “x. Et ie fais que le point K foit entre L & Ca caufe quily a ic y — :X; a lieu que l'aurois mis L entre K & C, fi j'eufle eu + “x; & ie n'eufle point tiré cete ligne IL, fi; x euft efté raie Or, ae fait, il ne me refte plus, pour la ligne LC, que ces termes LC 4/mm+ox— xx; m d'où ie voy que, s'ils eftoient nuls, ce point C fe trou- a 10 15 20 25 328-320. LA GEOMETRIE. — Livre Il. AOI ueroit en la ligne droite IL; & que, s'ils eftoient tels que la racine s'en puf tirer : c'eft a dire que, mm & Fxx eflant marqués d'vn mefme figne + [ou —|*, 00 fuft efgal a 4pm, ou bien que Îes termes mm & ox, ou ox & xx, fuflent nuls : ce point C fe trouueroit en vne autre ligne droite qui ne feroit pas plus malayfée a trouuer qu IL*. Mais lorfque cela n'eft pas, ce point C eft toufiours en l'vne des trois feétions coniques, ou en vn cercle*, dont l'vn des diametres eft en la ligne IL, & la ligne LC ef l'vne de celles qui s'appliquent par ordre a ce diametre, ou au contraire LC eft parallele au diametre auquel celle qui eft en la ligne IL eft ap- pliquée par ordre?. À fçauoir, fi le terme À xx eft nul, cete fection conique eft vne Parabole; & s’il eft mar- qué du figne +, c'eft vne Hyperbole; & enfin, s'il eft marqué du figne —, c'eft vne Ellipfe. Excepté feulement fi la quantité aam eft efgale a p77, & que l'angle ILC foit droit : auquel cas on a vn cercle au lieu |d'vne Ellipfe. Que fi cete feétion eft vne Parabole, fon cofté droit eft efgal a“, & fon diametre eft toufiours en la ligne IL; & pour trouuer le point N, qui en ef le fom- met, il faut faire IN efgale a °*, & que le point I foit entre L & N, fi les termes font mm + ox, ou bien que le point L foit entre 1 & N, s'ils font + mm — ox; ou bien il faudroit qu'N fuft entre I & L, s'il y auoit — mm + 0x; mais il ne peut iamais y auoir —"”m, en CCC (1650). a. Les mots entre crochets, écrits par inadvertance, ont été supprimés par Schooten dans l'édition de 1650. b. Ce second cas est celui où IL, ne rencontrant pas la conique, n'était pas alors considérée comme diamètre. Œuvres. I. St 402 QOŒEuvres DE DESCARTES. 329-330. Ja façon que les termes ont icy efté pofés. Et enfin le point N feroit le mefme que le point I, fi la quantité mm eftoit nulle. Au moyen de quoy il eft ayfé de trouuer cete Parabole par le 1‘ Problefme du 1° liure d'Apollonius*. | Que fi la ligne demandée eft vn cercle ou vne El- lipfe ou vne Hyperbole, il faut, premierement, chercher le point M qui eneft le centre, & qui eft toufiours en la ligne droite [L, où on le trouue en prenant = pour [M:en forte que, fi la quantité 0 eft nulle, ce centre eft iuftement au point L. Et fi la ligne cherchée eft vn cercle ou vne Ellipfe, on doit prendre le point M du mefme cofté que le point L, au refped du point I, lorfqu'on a+ox; & lorfqu'on a — ox, on Île doit prendre de l'autre. Mais tout au contraire, en l'Hyper- bole, fi on a — ox, ce centre M doit eftre vers L; & fi on a + ox, il doit eftre de l'autre cofté. Aprés cela, le CCC bo) î | ê LA 4 20 25 330-332. La GEoMETRE. — Livre Il. 403 cofté droit de la figure doit eftre 72255 + 2°E, lorf- qu'on a + mm, & que la ligne cherchée eft vn cercle ou vne Ellipfe; ou bien lorfqu'on a — mm, & que c'eft vne Hyperbole. Et il doit eftre VAE ue la ligne cherchée eftant vn cercle ou vne Ellipfe, on a — mm; où bien fi, eftant vne Hyperbole & la quan- tité oo eftant plus grande que 4»p, on a +- mm. Que fi la quantité mm eft nulle, ce cofté droit eft =; & fi ox eft nulle, il eft 7 CES Puis, pour le cofté trauer- fant, il faut trouuer vne ligne qui foit a ce cofté droit comme aam eft a p77 : a fçauoir, fi ce cofté droit eft cu net, le trauerfant eft V/2a00mm Cm & en tous ces cas le diametre de la feétion ef en la ligne 1M, & LC eft l'vne de celles qui luy font appli- quées * par ordre. Si bien que, faifant MN efgale a la moitié du cofté | trauerfant, & le prenant du mefme cofté du point M qu'eft le point L,on a le point N pour le fommet de ce diametre. En fuite de quoy il eft ayfé de trouuer la feétion par le fecond & 3 prob. du 1“ liu. d'Apollonius *. Mais quand, cete fettion eftant vne Hyperbole, on a+ mm, & que la quantité oo eft nulle ou plus petite que 4pm, on doit tirer du centre M Ia ligne MO P parallele a LC, & CP parallele a LM; & faire MO efgale a Vmim — 2; ou bien la faire efgale a #2, fi la quantité ox eft nulle; puis, confiderer le point O . comme le fommet de cete Hyperbole dont le dia- metre eft OP, & CP la|ligne qui luy eft appliquée * D. — E. a. qui luy eft appliquée, Desc. : Demonftration de tout ce qui vient d'eftre expliqué. 404 OEUVRES DE DESCARTES. 332. par ordre; & fon cofté droit eft 4e — ° R & fon cofté trauerfant eft V4 mm "0". Excepté quand ox eft nulle : car alors le cofté droit ef Fri. & le trauer- fant eft 2». Et ainfi il eft ayfé de la trouuer par le 3 prob. du 1° liu. d'Apollonius. Et les demonftrations de tout cecy font euidentes. Car, compofant vn efpace des quantités que ray afli- gnées pour le cofté droit & le trauerfant, & pour le fegment du diametre, N L ou O P, fuiuant la teneur dé l'rr, du 12 & du 13 theorefmes du 1° liure d’Apollo- nius, on trouuera tous les mefmes termes dont eft compofé le quarré de la ligne, CP ou CE, qui ef ap- pliquée par ordre a ce diametre. Comme, en cet exemple, oftant IM, qui eft %,7, de NM, qui ef Re Voo+4mp, ay IN: a laquelle ne IL, qui eft : 5% ‘ay NL, qui eft° . EM Vo0 + amp; & us eftant multiplié par à Voo 4 mp, qui eft le cofté droit de la figure, il vient x Voo+4mp— p 00 AMD +2 mm 15 20 25 332-333. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 40$ pour le reétangle : duquel il faut ofter vn efpace qui foit au quarré de NL comme le cofté droit eft au tra- uerfant; & ce quarré de N L eft aa daom _aam aaoomm aam GPS x + À 00 mi ri 17 Pit Pi Voo EE ip + 2PP77 na Pi7 | aaomm pre Vÿoo+2 AMP, qu'il faut diuifer par aam & multiplier par p77, a caufe que ces termes expliquent la proportion qui ef entre le cofté trauerfant & le droit, & il vient ont 7 M, p GOUT Exx—ox+xVo0 +amp+ 2 m ce qu'il faut ofter du reétangle Je & on trouue mm + ox — E xx pour le quarré de CL, qui, par con- fequent, eft vne ligne appliquée par ordre, dans vne Ellipfe ou dans vn cercle, au fegment du diametre NL. Et fi on veut expliquer toutes les quantités données par nombres, en faifant, par exemple : EA>3, AG>5$, AB+BR, BSæ-'BE, ÉD CD CR, CF-2CS CH==2CT, & que l'angle ABR foit de 60 degrés, & enfin que le reétangle des deux, CB & CF, foit efgal au reétangle des deux autres CD & CH; car il faut auoir toutes ces chofes aflin que la queflion foit entierement de- terminée. Et auec cela, fuppofant AB + x, & CB = y, on trouue, par læ façon cy deflus expliquée YY=2Y— xp sx—xx, & y=i—txt/ rar Ex Si bien que BK doit eftre 1, & KL doit eftre la moitié de KI; & pource que l'angle IKL ou ABR eft de * 406 OEUVRES DE DESCARTES. 333-334 60 degrés, & KIL, qui eft la moitié de KIB ou IKE, de 30, ILK eft droit. Et pource que IK ou AB eft nommée x, KL eft : x; &ILeftxV +; & la quantité qui efloit tantoft nommée 7 eft 1; celle qui efloit a eft Ve celle qui eftoit = eft 1 ; celle qui eftoito eft4,& 5 celle qui eftoit p eft . . De façon qu'on a ÿ*| pour IM, & 4/1? pour NM; & pource que aam, qui eft : , eft icy efgal a p77, & que l'angle ILC.eft droit, on trouue que la ligne courbe NC eft vn cercle. Et on peut fa- cilement examiner tous les autres cas en mefme forte. 10 RROERRE Au refte, a caufe que les equations qui ne montent les lieux 3 ) ; : joe que iufques au quarré font toutes comprifes en ce que, olides, & : A : É la façon ie viens d'expliquer, non feulement le problefme des. del . . : : d OC anciens en 3; & 4 lignes eft icy entierement acheué, mais aufly tout ce qui appartient a ce qu'ils nom- :5 moient la compofition des lieux folides, &, par confe- quent, aufly a celle des lieux plans, a caufe qu'ils font compris dans les folides. Car ces lieux ne font autre 334-335. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 407 chofe finon que, lorfqu'il eft queftion de trouuer quel- que point auquel il} manque vne condition pour eftre entierement determiné *, ainfi qu'il arriue en cete exemple, tous les poins d'vnemefmeligne peuuenteftre pris pour celuy qui eft demandé. Et fi cete ligne eft droite ou circulaire, on la nomme vn lieu plan. Mais fi c'eft vne parabole, ou vne hyperbole, ou vne ellipfe,on la nomme vn lieu folide. Et toutefois & quantes que cela eft, on peut venir a vne Equation qui contient deux quantités inconnuës & eft pareille a quelqu'vne de celles que 1e viens de refoudre. Que fi la ligne, qui determine ainfi le point cherché, eft d'vn degré plus compofée que les fettions coniques, on la peut nom- mer, en mefme façon, vn lieu furfolide : & ainfi des autres. Et s'il manque deux conditions a la deteïrmi- nation de ce point, le lieu où il fe trouue eft vne fu- perficie, laquelle peut eftre, tout de mefme, ou plate ou fpherique ou plus compofée *. Mais le plus haut but qu'ayent eu les anciens en cete matiere a efté de par- uenir a la compofition des lieux folides; et il femble que tout ce qu'Apollonius a efcrit des fections co- niques n a efté qu'a deffein de la chercher. De plus, on voit icy que ce que j'ay pris pour le premier genre des lignes courbes n'en peut com- prendre aucunes autres que le cercle, la parabole, l'hyperbole & l'ellipfe : qui eft tout ce que f'auois en- trepris de prouuer. Que fi la queftion des anciens eft propofée en cinq lignes qui foient toutes paralleles, il eft euident que le point cherché fera toufiours en vne ligne droite. PE G Quelle eft la premiere & la plus fimple de toutes les lignes courbes qui feruent en la queftion des anciens, quand elle eft propofée en cinq lignes. 408 OŒEuvres DE DESCARTES. 335-337. Mais fi elle eft propofée en cinq lignes dont il y en ait quatre qui foient paralleles, & que la cinquiefme les couppe a angles droits, & mefme que toutes les lignes tirées du point cherché les rencontrent aufly a angles droits, & enfin que le parallelepipede compofé de trois des lignes ainfi tirées fur trois de celles qui font paral- leles, foit efgal au parallelepipede compofé des deux lignes tirées, l'vne fur la quatriefme de celles qui font paralleles, & l'autre fur celle qui les couppe a angles droits, & d'vne troifiefme ligne donnée : ce qui ef, ce me femble, le plus fimple cas qu'on puifle imaginer aprés le precedent : le point cherché fera en la ligne courbe qui eft defcrite par le mouuement d'vne para- bole en la façon cy deflus expliquée. | Soient, par exemple, les lignes données* AB, IH, ED, GF& GA, & qu'on demande le point C, en forte que, tirant CB, CF, CD, CH & CM a angles droits fur les données, le parallelepipede des trois CF, CD & CH, foit efgal a celuy des 2 autres, CB & CM; & d'vne troifiefme qui foit AI. Le pofe CBæy, CM=x, : Aou AE on GES de façon que, le point C eftant entre les lignes AB & DE, 1ay CFr2a—% 1CD=7=y, Ce CHE & multipliant ces trois l'vne par l’autre, l'ay y — 2ayy — aay + 2 a”, efgal au produit des trois autres, qui eft ax y. Aprés cela, ie confidere la ligne courbe CEG, que j'imagine ee defcrite par l'interfeétion de je a. données] cherchées, Desc., datæ Schooten. 25 20 25 30 337-358. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 409 Parabole CKN, qu'on fait mouuoir en telle forte que fon diametre K L eft toufiours fur la ligne droite AB, & de la reigle GL, qui tourne ce pendant au- | tour du point G en telle forte qu'elle pañle toufiours, dans le plan de cete Parabole, par leépoint L'Ettue fais KL = a; &le cofté droit principal, ceft a dire celuy qui fe rapporte a l'aiflieu de cete para- bole, aufly efgala a; & . GA = 2a:& CB ouMA /c = »y:&CM ou AB x. Puis, a caufe des trian- gles femblables GMC : n & CBL, GM, qui eft 2a— y, eft a MC, qui ef x, rs CB, qui eft y, eft a BL, qui eft, par confe- quent, EU pource que LK ft a, BK ft a— 2, Lada ou bien Et enfin, pource que ce ra BK, eftant vn ne du Dance de la parabole, eft a BC, qui luy eft appliquée par ordre, comme celle cy eft au cofté droit, qui eft a, le ul montre que y°—2ayy —aay+2a* eft efgal a axy; &, par confequent, que le point C ef celuy qui eftoit demandé. Et il peut eftre pris en tel endroit de la ligne C E G qu'on veuille choifir, ou aufly en fon Œuvres. I, 52 410 OŒEuvres DE DESCARTES. 338-330. adiointe cEGc, qui fe defcrit en mefme façon, excepté que le fommet de la parabole eft tourné vers l’autre cofté, ou enfin en leurs contrepofées No, 710, qui font defcrites par l'interfe@ion que fait la ligne GL en l'autre cofté de la parabole K N. Or} ‘encore queries paralleles données AB, 1H, ED & GF, ne fuf- fent point efgalement diflantes, & que GA ne les couppañt point a an- gles droits, ny aufly les lignes | tirées du point C verselles ice point ‘6 ne laifleroit pas de fe trouuer toufiours en vne ligne courbe, qui feroit de cete mefme nature. Etil s'y peut aufly trouuer quelquefois, encore qu'aucune des lignes données ne foient paralleles. Mais fi, lorfqu'il y en a 4 ainfi paralleles, & vne cinquiefme qui les tra- . uerfe, & que le parallelepipede de trois des lignes ti- rées du point cherché, l'vne fur cete cinquiefme, & les. 2 autres fur 2 de celles qui font paralleles, foit efgal a celuy des deux tirées fur les deux autres paralleles & d'vne autre ligne donnée; ce point cherché eft en vne ligne courbe d'vne autre nature, a fçauoir en vne qui eft telle que, toutes les lignes droites appliquées par 20 30 339-340. La GEOMETRIE. — Livre Il. AIT ordre a fon diametre eflant efgales a celles d'vne fec- tion conique, les fegmens de ce diametre, qui font entre le fommet & ces lignes, ont mefme proportion a vne certaine ligne donnée, que cete ligne donnée a aux fegmens du diametre de la feétion conique, auf- quels les pareilles lignes font appliquées par ordre. Et ie ne fçaurois veritablement dire que cete ligne foit moins fimple que la precedente, laquelle ay creu toutefois deuoir prendre pour la premiere, a caufe que la defcription & le calcul en font, en quelque façon, plus faciles. Pour les lignes qui feruent aux autres cas, ie ne m'arefteray point a les diftinguer par efpeces; car ie n ay pas entrepris de dire tout; &, ayant expliqué la façon de trouuer vne infinité de poins par où elles paflent, ie penfe auoir affés donné le moyen de les defcrire. Mefme il eft a propos de remarquer quil y a grande difference, entre cete facon de trouuer plu- fieurs poins | pour tracer vne ligne courbe, & celle dont on fe fert pour la Spirale & fes femblables : car, par cete derniere, on ne trouue pas indiffleremment tous les poins de la ligne qu'on cherche, mais feule- ment ceux qui peuuent eftre determinés par quelque mefure plus fimple que celle qui eft requife pour la compofer; & ainfi, a proprement parler, on ne trouue pas vn de fes poins, c'eft a dire pas vn de ceux qui luy font tellement propres qu'ils ne puiffent eftre trou- ués que par elle. Au lieu qu'il n y a aucun point, dans les lignes qui feruent a la queftion propofée, qui ne fe puifle rencontrer entre ceux qui fe determinent par la Quelles font les lignes courbes, qu'on defcrit en trouuant plufieurs de leurs poins, qui peuuent eftre receues en Geometrie. Quelles font auffy celles, qu'on defcrit auec vne chorde,qui peuuent y eftre receues. Que, pour trouuer toutes les proprietés des lignes courbes, il fuffift de fçauoir le rapport qu'ont tous leurs poins a ceux des lignes droites, & la A12 OŒEuvres DE DESCARTES. 340-341. façon tantoft expliquée. Et pource que cete façon de trouuer vne ligne courbe, en trouuant indifferemment plufieurs de fes poins, ne s’eftend qu'a celles qui peuuent aufly eftre defcrites par vn mouuement regu- lier & continu, on ne la doit pas entierement reietter de la Geometrie. Et on n'en doit pas reietter non plus celle où on fe fert d'vn fil, ou d'vne chorde repliée, pour determiner l'efgalité ou la difference“ de deux ou plufieurs lignes droites qui peuuent eftre tirées, de chafque point de la courbe qu'on cherche, a certains autres poins, ou fur certaines autres lignes, a certains angles : ainf que nous auons fait en la Dioptrique pour expliquer l'Ellipfe & l'Hyperbole. Car, encore qu'on n'y puifle receuoir aucunes lignes qui femblent a des chordes, c'eft a dire qui deuienent tantoft droites & tantoft courbes, a caufe que, la proportion qui eft entre les droites & les courbes n’eftant pas connuë & mefme, ie croy, ne le pouuant eftre par les hommes, on ne pourroit rien conclure de là qui | fuft exaû & affuré; toutefois, a caufe qu'on ne fe fert de chordes, en ces conftructions, que pour determiner des lignes droites dont on connoift parfaitement la longeur, cela ne doit point faire qu'on les reiette. Or, de cela feul qu'on fçait le rapport qu'ont tous les poins d'vne ligne courbe a tous ceux d'vne ligne droite, en la façon que r’ay expliquée, il eft ayfé de trouuer aufly le rapport qu'ils ont a tous les autres poins & lignes .données ; &, en fuite, de connoiftre les diametres, les aiflieux, les centres, & autres lignes a. Lire « l’efgalité de la fomme, ou de la difference,» ? 20 25 30 20 25 30 341-342. La GEOMETRIE. — Livre Il. 413 ou poins a qui chafque ligne courbe aura quelque rap- port plus particulier, ou plus fimple, qu'aux autres; & ainfi, d'imaginer diuers moyens pour les defcrire, & d'en choifir les plus faciles *. Et mefme on peut aufiy, par cela feul, trouuer quafi tout ce qui peut eftre de- terminé touchant la grandeur de l'efpace qu'elles com- prenent, fans qu'il foit befoin que ren donne plus d'ouuerture *. Et enfin, pour ce qui eft de toutes les autres proprietés qu'on peut attribuer aux lignes courbes, elles ne dependent que de la grandeur des angles qu'elles font auec quelques autres lignes.Mais, lorfqu'on peut tirer des lignes droites qui les couppent a angles droits, aux poins où elles font rencontrées par celles auec qui elles font les angles qu'on veut mefurer, ou, ce que ie prens icy pour le mefme, qui couppent leurs contingentes, la grandeur de ces angles neft pas plus malayfée a trouuer que s'ils eftoient compris entre deux lignes droites. C'eft pourquoy ie croyray auoir mis icy tout ce qui eft requis pour les elemens des lignes courbes, lorfque r'auray generale- ment donné la façon de tirer des lignes droites qui tombent a angles droits fur|tels de leurs poins qu'on voudra choifir. Et 1 ofe dire que c'’eft cecy le problefme le plus vule & le plus general, non feulement que ie fçache, mais mefme que r'aye iamais defiré de fçauoir en Geometrie. Soit CE la ligne courbe, & qu'il faille tirer vne ligne droite, par le point C*, qui face auec elle des angles droits. le fuppofe la chofe defia faite, & que la ligne cherchée eft CP, laquelle ie prolonge iufques H—I —-K façon de tirer d’autres lignes qui les couppent en tous ces poins a angles droits. Façon generale pour trouuer des lignes droites qui couppent les courbes données, ou leurs contin- gentes, a angles droits: AT4 OEUVRES DE DESCARTES. 3422545 au point P, où elle rencontre la ligne droite GA, que ie fuppofe eftre celle aux poins de laquelle on rap- porte tous ceux de la ligne CE; en forte que, faifant MA ou CB = y, & CM ou S BA x, 1ayquelque equation qui explique le rapport qui eft entre x & y. Puis ie fais PC >s, & PA > y, Où PM>y—7y,&, a caufe du triangle reétangle PMC, ï'ay ss, qui ef le quarré de la baze, efgal a xx+vr—2»y+yy, qui font les quarrés des deux coftés : c’eft a dire ï'ay F AU nt TP x = Wss—vv+2»y—yy, ou bien yÿæv-+ÿss—xx, &, par le moyen de cete equation, rofte, de l’autre equation qui m'explique le rapport qu'ont tous les poins de la courbe CE a ceux de la droite GA, l'vne des deux quantités indeterminées x ou y : ce qui eft ayfé a faire, en mettant partout Ws5—yv+2vy—Yy au lieu d'x, & le quarré de cete fomme au lieu d’xx, & fon cube au lieu d'xÿ; & ainfi des autres, fi c'eft x que ie veuille ofter : ou | bieni, fi c’eft y, en mettant en fon lieu »+V/55—xx, & le quarré ou le cube &c. de cete fomme, au lieu d'yy ou y* &c. De façon qu'il refte toufiours, aprés cela, vne equation, en laquelle il n'y e » a plus qu'vne feule quantité SC: indeterminée, xouy. Comme, fi CE eft vne Él- = P M A lipfe, & que MA foit le feg-, ment de fon diametre auquel CM foit appliquée par ordre, & qui ait r pour fon cofté droit, & g pour le 20 25 30 20 25 “344 LA GEOMETRIE. — Livre Il. AT trauerfant, on a, par le 13 th. du 1 liu. d'Apollonius : LB mec d'où, oftant xx, 1l refte : er 1 DO ed 0 5 ou bien 77 + Er es efgal a rien*: car 1l eft mieux, en cet endroit, de confiderer ainfi enfemble toute la fomme, que d'en faire vne partie efgale a l'autre. Tout de mefme, fi CE eft la ligne courbe defcrite par le mouuement d'vne Para- bole* en la façon cy deflus expliquée, & qu'on ait pofé b pour GA, c pour KL, & d pour le cofté droit du dia- metre KL en la parabole : P G M a l'equation qui explique le rapport qui eft entre x & y, eft : Y°—byy—cdy+bcd+dxy=0. D'owoftant x,'‘on a DDC dY be d + dyVs5—vr+ 2 VY—YY, &, remettant en ordre ces termes par le moyen de la multiplication, il vient —2bbcd RS Sea Dan J—2by + bb} y" Ars ga Le S YY —2bccddy +bbccddxo: ous + ddvy \ Et ainfi des autres. * L, — M; 410 OŒEuvrEes DE DESCARTES. : 344-345. Mefme, encore que les poins de la ligne courbe ne fe rapportaftent pas en la façon que ray ditte a ceux d'vne ligne droite, mais en toute autre quon fçauroit imaginer, on ne re pas de pouuoir toufiours auoir vne telle equation. Comme, fi CE eft vne ligne qui ait tel rapport aux trois poins F, G & A, que les lignes droites tirées de chafcun de fes ee comme C, iufques au point F, furpañlent la ligne F A d'vne quantité qui ait certaine pro- portion donnée avne autre quantité, dont G A furpañle les lignes tirées des mefmes poins iufques a G. Faifons GA =b, AF 0, &, prenant a diferetion le point C dans la courbe, que la quantité dont CF furpaïle F A, foit a celle dont GA furpafle GC, comme d a e : en forte que, fi cete quan- tité, qui eft indeterminée, fe nomme 7, FC eft c+7, & GC eft b—° iT Puis, ea MA = y, GM eft b—y, &FMeft +7 à [a ne du triangle ae CME le quarré de CM, qui et 77—°° Re YY: Puis, oftant le quarré de FM du quarré de FC, on a encore le quarré de CM en d'autres termes, à fçauoir 77+2c7—2cy—yy; &, ces termes eftant efgaux aux precedens, ils font connoiftre + 2cdd;— ee;z;-+aibdez 2bdd+2cdd ) y ou MA, qui eft put &, fubftituant cete fomme au lieu d'y dans le quarré 20 25 20 25 345-346. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 417 de CM, on trouue quil s'exprime en ces termes : bdd?;+Lceez;z+ 2bcdd};— 2bcdez a Es bdd + cdd DE Puis, fuppofant que la ligne droite PC rencontre la courbe a angles droits au point C, & faifant PC = 5, & P A > » comme deuant, PM eft »—y; &, a caufe du triangle reétangle PCM, ona S$—yY+2yy—yy pour le quarré de CM, où derechef ayant, au lieu d'y, fubflitué la fomme qui luy eft efgale, il vient : = 2 bcdd?— 2 bcdez — 2 cddvz — 2 bdey;— bddss + bddyy — cddss-Lcddvy 10 TT bdd + cee + eey — ddy É ) pour l'equation que nous cherchions. Or, aprés qu on a trouué vne telle equation, au lieu de s'en feruir pour connoiftre les quantités x ou y ou 7, qui font defia données, puifque le point C eft donné, on la doit employer a trouuer » ous, qui determinent le point P qui eft demandé. Et, a cet eflect, il faut confi- derer que, fi ce point P eft tel qu'on le defire, le cercle dont il fera le centre & qui paflera par le point C, y touchera la ligne courbe CE fans la coupper; mais que, fi ce point P eff tant foit peu plus proche ou plus efloigné du point! A qu'il ne doit, ce cercle couppera la courbe, non feulement au point C, mais aufly, ne- _ceflairement, en quelque autre. Puis il faut auffy con- fiderer que, lorfque ce cercle couppe la ligne courbe CE, l'equation par laquelle on cherche la quantité x ou y, ou quelque autre femblable, en fuppofant P A & PC eftre connuës, contient neceflairement deux ra- cines qui font inefgales. Car, par exemple, fi ce cercle Œuvres. I. 53 418 OEUVRES DE DESCARTES. 346-347. couppe la courbe aux poins C & E, ayant tiré EQ parallele a CM,les noms des quantités indeterminées, x & y, conuiendront aufly bien aux lignes EQ & QA qua CM & MA; puis PE eft efgale a PC, a caufe du cercle : fi bien que, cherchant les lignes EQ & QA par PE & PA, qu'on fuppofe comme données, on aura la mefme equation que fi on cherchoit CM & MA par PC, PA. D'où il fuit euidemment que la va- leur d'x ou d'y, ou de telle autre quantité qu'on aura fuppofée, fera double en cete equation : c’eft a dire qu'il y aura deux racines inefgales entre elles, & dont l'vne fera CM, l'autre E Q, fi c'eft x qu'on cherche; ou bien l'vne fera M A & l’autre Q A, fi c'eft y: & ainfi des autres. Il eft vray que, fi le point E ne fe trouue pas du mefme cofté de la courbe que le point C, il n'y aura que l'vne de ces deux racines qui foit vraye, & l’autre fera renuerfée ou moindre que rien : mais, plus ces deux poins, C & E, font proches l'vn de l'autre, moins il y a de difference entre ces deux ra- cines; & enfin elles font entierement efgales, s'ils font tous deux ioins en vn, c'eft a dire fi le cercle qui pale par C y touche la courbe CE fans la coupper. De plus, il faut confiderer que, lorfqu'il y a deux racines efgales en vne equation, elle a neceffairement la mefme forme que fi on multiplie, par foy mefme, la quantité qu'on y fuppofe eftre inconnuë, moins la quantité connuë qui luy eft efgale; & qu'aprés cela, fi cete derniere fomme n'a pas tant de dimenfions que P M Q 20 25 30) 347-348. LA GEOMETRIE. — Livre II. 419 la precedente, on la multiplie par vne autre fomme qui en ait autant quil luy en manque : afin qu'il puiffe y auoir feparément equation entre chafceun des termes de l’vne & chafcun des termes de l’autre. 5 Comme, par exemple, ie dis que la premiere equa- uon trouuée cy deflus, Se gry —2qvy +qvy — qss a fçauoir yy + 1723 EE, doit auoir la mefme forme que celle qui fe produift en faifant e efgal a y, & multipliant y — e par foy mefme : 10 d'où il vient ; YY—2ey +ee: en forte qu'on peut comparer feparement chafcun de leurs termes & dire que, puifque le premier, qui eft yYy, eft tout le mefme en l'vne qu'en l'autre, 15 le fecond, qui eft en l'vne D r eft efpal au fecond de l'autre, qui eft — 2ey. D'où, cherchant la quantité y, qui eft la ligne PA,on a fr He \ 20 ou. bien, a caufe que nous auons fuppofé e efgal a y, on à r Des PV Ÿ = q M + = Te Et | ainfi, on pourroit trouuer s par le troifiefme terme : PR VD gs, TR 25 mais, pource que la quantité » determine afés le point _: P, qui eft le feul que nous cherchions, on n'a pas be- foin de pañler outre. 420 OŒEuvREs DE DESCARTES. 348. Tout de mefme, la feconde equation trouuée cy deflus, a fçauoir : LISA —2bbcd : ur 4bcd) es + ccdd J'—2by" + bb}3 : eV" yy —2bccddy +bbccdd, tan —24ddv) — dass + ddyy doit auoir mefme forme que la fomme qui fe produiff, lorfqu'on multiplie YY — 2ey +ee par Je NE RUE qui eft Lodge) HR) +6 De ie non —2e8$ pe? —0eh° 122 pe Aie PE y Lee ee +eegg de façon que, de ces deux equations, i'en tire fix autres, qui feruent a connoiftre les fix quantités }, g, h, k, y & s. D'où il eft fort ayfé a entendre que, de quelque genre que puifle eftre la ligne courbe propo- fée, 1l vient toufiours, par cete façon de proceder, au- tant d'equations qu'on eft obligé de fuppofer de quan- tités qui font inconnuës. Mais, pour demefler par ordre ces equations & trouuer enfin la quantité », qui eft la feule dont on a befoin, & a l'occafion de laquelle on cherche les autres; 1l faut, premierement, par le fecond terme chercher f, la premiere des quantités in- connuës de la derniere fomme; & on trouue f2e—2b N Puis, par le dernier, il faut chercher #, la derniere des quantités inconnuës de la mefme fomme; & on trouue 4 ss bbccdd ee Ron te er ROUES ee, 2 i © 349-350. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 421 | Puis, par le troifiefme terme, il faut chercher £, la feconde quantité, & on a gg = 3ee—4be—2cd+ bb + dd. Puis, par le penultiefme, il faut chercher k, la penul- tiefme quantité, qui eft h5 Æ 2bbccdd 2zbccdd ei ee Et ainfi 1l faudroit continuer, fuiuant ce mefme ordre, iufques a la derniere, s'il y en auoit dauantage en cete fomme ; car c'eft chofe qu'on peut toufiours faire en mefme façon. Puis, par le terme qui fuiten ce mefme ordre, qui eft icy le quatriefme, il faut chercher la quantité », & on a 2e° 3bee bbe 2ce 2bc bec bbcc. MST van au D à ne Cr NEEe PHONE où mettant y au lieu d'e, qui lui eft efgal, on a 250 Ne dx—dk © ge +dk À ESS MAS Ale > ou bien “= pour la ligne x ou AM, par laquelle on determine le point A qui eftoit cherché. Pofons maintenant, pour l’autre cas,qu on ne donne ; q que les poins G, C & F, auec la proportion qui el * Comment on peut faire vn verre qui ait le mefme effect que le precedent, & que la conuexité de l’vne de fes fuperficies ait la proportion donnée auec celle de l'autre. 43 8 OEUVRES DE DESCARTES. 366-367: entre les lignes AM & Y M, & qu'il faille trouuer la figure du verre AC Y, qui face que tous les rayons qui vienent du point G s'aflemblent au point F. On peut de rechef icy fe feruir de deux ouales, dont l'vne, AC, ait G & H pour fes poins bruflans, & l'autre, CY, ait F& H pour les fiens. Et pour les trouuer, pre- mierement, fuppofant le point H, qui eft commun a toutes deux, eftre connu, ie cherche AM par les trois poins G, C, H, en la façon tout maintenent expli- quée : a fçauoir, prenant Æ pour la difference qui eft entre CH & HM, & g pour celle quieftentre@e &GM; & AC eftant la premiere partie de l’ouale du premier genre, j'ay #+% pour AM. Puis ie cherche auffy MY parles tee poins FC. .H,en lorte queen foit la premiere partie d'vne ouale du troifiefme genre: & prenant y pour MY, & / pour la difference qui eft entre CF & FM, ray f + y pour celle qui eft entre CF & FY : puis, ayant defia # pour celle qui eft entre CH & HM, ray À + y pour celle qui eft entre CH & HY, que ie fçay deuoir eftre a f + y comme e eft a da caufe de l'ouale du troifiefme genre. D'où ie trouue que y ou MY ef puis, ioignant enfemble les deux quantités trouuées pour AM & MY, ie trouue St TJ€ pour la toute AY. D'où il fuit que, #2 quelque ne que foit fuppofé le point H,cete ligne AY ef touf- 20 25 367-368. LA GEOMETRIE. — Livre I]. 439 iours compofée d'vne quantité qui eft a celle dont les deux enfemble, GC & CF, furpañlent la toute GF, comme e, la moindre des deux lignes qui feruent a mefurer les refractions du verre propofé, eft a d—e, la difference qui eft entre ces deux lignes : ce qui ef vn aflés beau theorefme. Or, ayant ainfi la toute A Y, il la faut coupper felon la proportion que doiuent auoir fes parties, AM & MY; au moyen de quov, pource qu on a defia le point M, on trouue aufly les poins À & Y &, en fuite, le point H, par le problefme precedent. Mais, auparauant, il faut regarder fi la ligne A M, ainfi trouuée, eft plus grande que -—, ou plus petite, ou efgale. Car, fi elle eft plus grande, on apprent de là que la courbe AC doit eftre la premiere partie d'vne ouale du premier genre, & CY la pre- miere d'vne du troifiefme, ainfi qu'elles ont efté icy _fuppoñées : au lieu que, fi elle eft plus petite, cela montre que c'eft C Y qui doit eltre la premiere partie d'vne ouale du premier genre, & que A C doit eftre la premiere d'vne du troifiefme : enfin, fi AM eft egale a|-#—, les deux courbes se & CY doiuent ne se hyperboles. On pourroit eftendre ces deux problefmes a vne in- finité d'autres cas, que ie ne m'arefte pas a deduire, a caufe qu'ils n'ont eu aucun vfage en la Dioptrique. On pourroit aufly pafler outre & dire, lorfque l'vne des fuperficies du verre eft donnée, pouruù qu'elle ne foit que toute plate, ou compofée de feétions coniques ou de cercles, comment on doit faire fon autre fuper- ficie, afin qu'il tranfmette tous les rayons d'vn point He a vn autre point aufly donné. Car ce n'eft rien Comment on peut appliquer ce qui a efté dit icy des lignes courbes defcrites fur vne fuperficie plate, a celles qui fe defcriuent dans vn efpace qui a trois dimenfions. 440 OŒuvres DE DESCARTES. 368-360. de plus diflicile que ce que ie viens d'expliquer, ou plutoft c'eft chofe beaucoup plus facile, a caufe que le chemin en eft ouuert. Mais i'ayme mieux que d'autres le cherchent, afin que, s'ils ont encore vn peu de peine a le trouuer, cela leur face d'autant plus eftimer l'inuention des chofes qui font icy demonftrées. Au refte, ie n'ay parlé, en tout cecy, que des lignes courbes qu'on peut defcrire fur vne fuperficie plate, mais il eft ayfé de rapporter ce que 1 en ay dit a toutes celles qu'on fçauroit imaginer eftre formées par le mouuement regulier des poins de quelque cors, dans vn efpace qui a trois dimenfions. A fçauoir, en tirant deux perpendiculaires, de chafcun des poins de la ligne courbe qu'on veut confiderer, fur deux plans qui s'entrecouppent a angles droits, l'vne fur l'vn & l'autre fur l'autre.Car les extremités de ces perpendiculaires defcriuent deux autres lignes courbes, vne fur chafeun de ces plans, defquelles on peut, en la façon cy deffus expliquée, determiner tous | les poins & les rapporter a ceux de la ligne droite qui eft commune a ces deux plans : au moyen de quoy, ceux de la courbe qui a trois dimenfions font entierement determinés. Mefme, fi on veuttirer vne ligne droite qui couppe cete courbe au point donné a angles droits, il faut feulement tirer deux autres lignes droites dans les deux plans, vne en chafcun, qui couppent a angles droits les deux lignes courbes qui y font, aux deux poins où tombent les perpendiculaires qui vienent de ce point donné. Car, ayant efleué deux autres plans, vn fur chafcune de ces lignes droites, qui couppe a angles droits le plan où elle ef, on aura l'interfettion de ces deux 20 25. PES LA GEOMETRIE. — Livre II AA plans pour la ligne droite cherchée. Et ainfi ie penfe n'auoir rien omis des elemens qui font neceflaires pour . la connoïffance des lignes courbes. L'alinéa qui précède est, dans la Géométrie de Descartes, le seul en- droit où il aborde réellement un problème concernant les trois dimensions. Or précisément, la solution qu'il indique est erronée, et il est singulier qu'aucun de ses contemporains nè l’ait remarqué. Non seulement, en un point donné d’une courbe gauche, il y a une infinité de normales situées dans un même plan; mais encore la droite construite par Descartes ne _peut être normale que dans des cas très particuliers, comme on le voit aisément si, au lieu d’une courbe, on considère une droite dans l'espace et ses projections sur deux plans rectangulaires. La théorie des ovales (p. 424-431 ci-avant) fera l’objet d'une Note dans le volume des Œuvres contenant les écrits posthumes. _: Quant à l’élégante construction de la normale à la conchoïde (pp. 423- 424), elle a récemment été l’objet d’une remarquable divination de M. Zeuthen (Nyt Tidsskrift for Matematik de C. Juel et V. Trier, Co- penhague, 1900, pp. 49-58). Cette normale est la diagonale d’un parallé- _ logramme dont les côtés, dirigés suivant le rayon vecteur C A et la per- _ pendiculaire CH à la droite fixe B H, sont inversement proportionnels aux vitesses de variation (ou aux différentielles) de A C et de CH. On a, D cniefler, aisément (AC — EC) CH —EC.AB; d’où d'AC. AC —EC FG Œuvres. I. 56 APT CRU Dur “4 > LA | e TS a nr DR Li Lis, 2 Li tt + # & ds at QUE % AA? De quelles lignes courbes on peut Îe feruir en la conftruction de chafque problefme. Exemple touchant l'inuention de plufieurs moyennes proportionelles. LEA» GEOMEMREE EIVRERTROISIESME De la conflruclion des Problefmes qui font folides, ou plus que folides. Encore que toutes les lignes courbes, qui peuuent eftre defcrites par quelque mouuement regulier, . doiuent eftre receuës en la Geometrie, ce n'eft pas a dire qu'il foit permis de fe feruir indifferemment de la premiere qui fe rencontre, pour la conftruétion de chafque | problefme; mais il faut auoir foin de choifir toufiours la plus fimple par laquelle il foit poffible de le refoudre. Et mefme, il eft a remarquer que, par les plus fimples,on ne doit pas feulement entendre celles qui peuuent le plus ayfement eftre defcrites, ny celles qui rendent la conftruélion ou la demonftration du Problefme propofé plus facile, mais principalement celles qui font du plus fimple genre qui puifle feruir a determiner la quantité qui eft cherchée. Comme, par exemple, ie ne croy pas quil y ait aucune façon plus facile, pour trouuer autant de moyennes proportionelles quon veut, ny dont la 20 370-371. LA GEOMETRIE. — Livre III. 443 demonftration foit plus euidente, que d'y employer les lignes courbes qui fe defcriuent par l'inftrument XYZ cy deflus expliqué. Car, voulant trouuer deux moyennes proportionelles entre Y A & YE, il ne faut que defcrire vn cercle dont le diametre foit YE : & pource que ce cercle couppe la courbe A D au point D, YD eft l'vne des moyennes proportionelles cher- chées. Dont la demonftration fe voit a l'œil, par la feule application de cet inftrument fur la ligne Y D : car, comme Ÿ À, ou YB qui lui eft efgale, eft a YC, AanbXGelta VD, & YD a YE. Tout de mefme, pour trouuer quatre moyennes pro- portionelles entre Y À & YG, ou pour en trouuer fix entre Ÿ A & YN, il ne faut que tracer le cercle YFG, qui, couppant AF au point F, determine la ligne droite YF, qui eft l'vne de ces quatre proportionelles : ou YHN, qui, couppant AH au point H, determine YH, l'vne des fix : & ainfi des autres. Mais, pource que la ligne courbe A D eft du fecond De la nature des Equations. Combien il peut y auoir de racines en chafque Equation. 444 OEUVRES DE DESCARTES. 371-372. genre, & qu on peut trouuer deux moyennes propor- tionelles par les fections coniques, qui font du pre- mier; & aufly pource qu'on peut trouuer quatre ou fix moyennes proportionelles, par des lignes qui ne font pas de genres fi compofés que font AF & AH, ce fe- roit vne faute en Geometrie que de les y employer. Et c'eft vne faute auffy, d'autre cofté, de fe trauailler inutilement a vouloir conftruire quelque problefme par vn genre de ligne plus fimple que fa nature ne permet. Or, aflin que ie puifle icy donner quelques reigles pour euiter l’vne & l’autre de ces deux fautes, il faut que ie die quelque chofe en general de la nature des Equations : c'eft a dire des fommes compofées de plu- fleurs termes, partie connus & partie inconnus, dont les vns font efgaux aux autres, ou, plutoft, qui, con- fiderés tous enfemble, font efgaux a rien : car ce fera fouuent le meilleur de les confiderer en cete forte. Sçachés donc qu'en chafque Equation, autant que la quantité inconnue a de dimenfions, autant peut il y auoir de diuerfes racines, c’eft a dire de valeurs de cete quantité : car, par exemple, fi on fuppofe x efgale a 2, ou bien x — 2 efgal a rien; & derechef x 3, ou bien x— 3 +0; en multipliant ces deux Equations, X = 22010 PORN 0 EI CE l'vne par l’autre, on aura xx—ç$x+6>o oubien xx=5%x—6, qui eft vne Equation en laquelle la quantité x vaut 2, & tout enfemble vaut 3. Que fi, derechef, on fait 10 20 23 372-373. La GEOMETRIE. — Livre II]. 44$ x — 4 > 0, & qu'on multiplie cete fomme par xx — $x +60, on aura X° — OXX + 20x — 24 0, qui eft vne autre Equation, en laquelle x, ayant trois dimenfions, a aufly trois valeurs, qui font 2, ; & 4. Mais fouuent il arriue que quelques-vnes de ces racines font faufles, ou moindres que rien : comme, fi on fuppofe que x defigne aufly le defaut d'vne quan- tité, qui foit $ (*),on a x + $ + 0, qui eftant multipliée par x°— Oxx + 20x— 240, fait xŸ— AX° — I1OXX + 106% — 120 0, pour vne Equation en laquelle il y a quatre racines, a fçauoir trois vrayes, qui font 2, 3, 4, & vne faufle qui eft s. Et on voit euidemment, de cecy, que la fomme dvne Equation qui contient plufieurs racines, peut toufiours eftre diuifée par un binôme compofé de la quantité inconnuë, moins la valeur de l'vne des yrayes racines, laquelle que ce foit; ou plus la valeur de l’vne des faufles (*). Au moyen de quoy on diminue d'autant fes dimenfions (*). Et reciproquement, que fi la fomme d'vne Equation [ne peut eftre diuifée par vn binôme compofé de la quantité inconnue, + ou — quelque autre quantité, cela tefmoigne que cete autre quantité n'eft la valeur d'aucune de fes racines. Comme : cete derniere x — 4X° — IOXX + 1006xX — 120 > 0, peut bien eftre diuifée par x — 2, & par x — 3, & par DEN EC: Quelles font les faufles racines. Comment on peut diminuer le nombre des dimenfions d’vne Equation, lorfqu'on connoift quelqu'vne de fes racines. Comment on peut examiner fi quelque quantité donnée eft la valeur d'vne racine. Combien il peut y auoir de vrayes racines en chafque Equation. Comment on fait que les faufles racines d’vne Equation deuienent vrayes, & les vrayes faufles. 446 OEUVRES DE DESCARTES. 375-374. x — 4, & par x +; mais non point par x + ou — au- cune autre quantité : ce qui monftre qu'elle ne peut auoir que les quatre racines 2, 3,4 & i. On connoift aufly, de cecy, combien il peut y auoir de vrayes racines, & combien de faufles, en chafque Equation. A fçauoir : il y en peut auoir autant de vrayes que les fignes + & — s'y trouuent de fois eftre changés; & autant de faufles qu'il s'y trouue de fois deux fignes +, ou deux fignes —, qui s'entrefuiuent (*). Comme, en la derniere, a caufe qu'aprés +xtil ya — 4x°,qui eft vn changement du figne + en —; & aprés — 19xx il y a + 106x, & aprés + 106% il y a — 120, qui font encore deux autres changemens, on connoift qu'il y a trois vrayes racines; & vne faufle, a caufe que les deux fignes —, de 4x° & 19xx, s'entrefuiuent. De plus, il eft ayfé de faire, en vne mefme Equation, que toutes les racines qui eftoient faufles deuienent vrayes, &, par mefme moyen, que toutes celles qui eftoient vrayes deuienent faufles : a fçauoir, en chan- geant tous les fignes + ou — qui font en la feconde, en la quatriefme, en la fixiefme, ou autres places qui fe defignent par les nombres pairs, fans changer ceux de la premiere, de la troifiefme, de la cinquiefme, & fem- blables qui fe defignent par les nombres | impairs (*). Comme, fi, au lieu de + x4— 4x — 1OXX + 106X — 120 > 0, on efcrit + x4 + 4x° — IOXX — 100% — 120 O0, on a vne Equation en laquelle il n y a qu vne vraye ÉD 20 574-375. LA GEOMETRIE. — Livre I. 447 racine, qui eft $, & trois faufles, qui font 2, ; & 4. Que fi, fans connoiftre la valeur des racines d'vne Equation, on la veutaugmenter ou diminuer de quelque quantité connuë, il ne faut qu'au lieu du terme in- connu, en fuppofer vn autre, qui foit plus ou moins grand de cete mefme quantité, & le fubftituer partout en la place du premier. Comme, fi on veut augmenter de ; la racine de cete Equation XŸ+ 4X° — IOXX — 100% — 120 > 0, il faut prendre y au lieu d'x, & penfer que cete quantité y et plus grande qu'x de 3, en forte que y — ; eftefgal ax; & au lieu d'xx, il faut mettre le quarré d'y — ;, qui el yy— 6y + 9; & au lieu d'x”, il faut mettre “fon cube, qui eft y OMR 7)r 27; enfin, au lieu d' x#, il faut mettre fon quarré de quarré, qui eft y*— 127 + $4yÿy — 1087 + 81. Et ainfi, defcriuant la fomme precedente en fubftituant partout y au lieu d'x, on a Ve 12y + s4yy — 1087 + 81 + 4ÿ°—306yy + 108y — 108 DOM TAN 171 _ 106 + 318 20 pt — 8y — 1yy+ 87y (eo J 2 e ‘ou bien VA SYy -1y 80 où la vraye racine, qui eftoit $, eft maintenant 8, a caufe du nombre trois qui luy eft aioufté {* OF. a. Descartes emploie l’astérisque pour désigner la place des termes manquants. Comment on peut augmenter ou diminuer les racines d’vne Equation, fans les connoiftre. Qu'en augmentant les vrayes racines, on diminue les faufles, & au contraire. 448 OEUVRES DE DESCARTES. ne. Que fi on veut, au contraire, diminuer de trois la racine de cete mefme Equation, il faut faire Y+3=x & YY + 6Y +9 = xx. & ainfi des autres. De façon qu'au lieu de x4 + 4X° — 19xXx — 100% — 120 + 0, on met Y# + 12ÿ° H4yYYy + 1087 + 87 + 4ÿ° + 30ÿy + 108y + 108 — IOYY — 114Y = 174 — 106 — 318 — 120 Y* +167 +7IYY — 4Y — 420 0. Et il eft a remarquer qu'en diminuant les vrayes ra- cines d'vne Equation, on diminue les faufles de la mefme quantité, ou, au contraire, en diminuant les vrayes, on augmente les faufles; & que, fi on diminue, foit les vnes, foit les autres, d'vne quantité qui leur foit efgale, elles deuienent nulles, & que, fi c'eft d'vne quantité qui les furpañle, de vrayes elles de- uienent faufles, ou de faufles, vrayes. Comme icy, en augmentant de 3 la vraye racine, quieftoit $,ona diminué de 3; chafcune des fauffes, en forte que celle quieftoit 4 n'eft plus qu'r, & celle qui eftoit 3; eft nulle, & que celle qui eftoit 2 eft deuenue vraye &eft r, a caufe que — 2 + 3; fait + 1. C'eft pourquoy, en cete Equation, Ÿ er NO AO il ny a plus que 3 racines, entre lefquelles 1l y en a 20 375-376. LA GEOMETRIE. — Livre III. 449 deux qui font vrayes,| 1 & 8, & vne fauffe, qui eft auffy MÉbencete autre Y*+16ÿ° +71YY — 47 — 420 > 0, il n y en a qu'vne vraye, qui eft 2, a caufe que + $ — 3 fait + 2, & trois faufles, qui font $, 6 & 7. Or, par cete façon de changer la valeur des racines ee Fe fans les connoiftre, on peut faire deux chofes, qui au- ne Lo ront, cy aprés, quelque vfage : la premiere eft qu'on ; peut toufiours ofter le fecond terme de l'Equation qu on examine : a fçauoir en diminuant les vrayes ra- cines de la quantité connuë de ce fecond terme diui- fée par le nombre des dimenfions du premier, fi, l'vn de ces termes eftant marqué du figne +, l'autre eft marqué du figne —; ou bien en l'augmentant de la mefme quantité, s'ils ont tous deux le figne +, ou tous deux le figne —(*). Comme, pour ofler le fecond terme de la derniere Equation, qui eft RO 7IYy —4ÿ 4200; ayant diuifé 16 par 4, a caufe des 4 dimenfions du terme y“, il vient derechef 4. C'eft pourquoy ie fais 7 A =>Yy,&lefcris ti 16% + 96772567 + 256 + 167° — 19277 + 7687 — 1024 HN 1 77 NO AE 30 21150 SES — 420 gt) en — 2677 — 6o7— 360; où la vraye racine, qui eftoit 2, eft 6, a caufe qu'elle () G. ŒuxREs. I. S7 Comment on peut faire que toutes les faufles racines d’vne Equation deuienent vrayes, fans que les vrayes deuienent faufles. 450 Œuvres DE DESCARTES. 376-377. eft augmentée de 4, & les fauffes, qui efloient $, 6 & 7, ne font plus que 1, 2 & 3, a caufe qu'elles font di- minuées, chafcune de 4,. | Tout de mefme, fi on veut ofter le fecond terme de 3 + 24a = CC xi— 2ax | XX—2q°X +at>0, pource que, diuifant 24 par 4, il vient 0: CC Cr a &, fi on trouue aprés la valeur de 7, en lui adiouftant - a, On aura celle de x. La feconde chofe qui aura cy aprés quelque vfage, eft qu'on peut toufiours, en augmentant la valeur des vrayes racines d'vne quantité qui foit plus grande que n'eft celle d'aucune des faufles, faire qu'elles de- uienent toutes vrayes, en forte qu'il n y ait point deux fignes +, ou deux fignes —, qui s'entrefuiuent; &, outre cela, que la quantité connuë du troifiefme terme foit plus grande que le quarré de la moitié de celle du fecond. Car, encore que cela fe face lorfque ces fauffes racines font inconnuës, il eft ayfé neanmoins 20 25 20 25 30 377-378. La GEOMETRIE. — Livre II]. 4$1 de iuger a peu prés de leur grandeur, & de prendre vne quantité qui les furpafle d'autant ou de plus quil n'eft requis a cet effect (*). Comme fi on a ein — 6nnx* + 36nxt— 216n!x? + 1206n°x — 7776n° 0; en faifant y — On + x, on trouuera HS —36n | y°+LS4onn| yi—432on| y + 19440n!|yy—46656n | y 46656 n° n| — 3onun + 3607 — 216on| + 648on" | — 77700 — 6Gnn + 144n° — 12907! + 5184n°| — 7776n° + 367 —,648ni| + 5888n°| — 7776 n° — 216n! + 25920! — 7776n Æ 1296n| — 7776n$ — _7776n° Vi— 35ny° + Sognny' — 378on°y* L 1512ony° — 27216n°y * > 0; où il eft manifefte que $o4nn, qui eft la quantité connuë du troifiefme terme, eft plus grande que le quarré de n, qui eft la moitié de celle du fecond. Et il n ya point de cas pour lequel la quantité, dont on augmente les vrayes racines, ait befoin, a cet effed, d'eftre plus grande, a proportion de celles qui font données, que pour cetuy cv. Mais, a caufe que le dernier terme s ÿ trouue nul, fi on ne defire pas que cela foit, il faut encore augmenter tant foit peu la valeur des racines, & ce ne fçauroit eftre de fi peu, que ce ne foit aflés pour cet eflect : non plus que lorfqu'on veut accroiftre le nombre des dimen- fions de quelque Equation, & faire que toutes les places de fes termes foient remplies. Comme, fi au lieu de MR SR D'Sio: on veut auoir vne Equation en laquelle la quantité inconnuë ait fix dimenfions, & dont aucun des termes ne foit nul, il faut, premierement, pour x? XkKkX*X —bæo, CE Comment on fait que toutes les places d’vne Equation foient remplies. Comment on peut multiplier ou diuifer les racines fans les connoiftre. Comment on reduiit les nombres rompus d’vne Equation a des entiers. 46e OEuvrREs DE DESCARTES. 378-370. efcrire ROMA A EI DER ON ei ayant fait y — a > x, on aura Te + 1çaayt— 2047" + 1ça*yy — Gay + a Le by LT bn où il eft manifefle que, tant petite que la quantité a foit | fuppofée, toutes les places de l'Equation ne laïflent pas d’eftre remplies. : De plus, on peut, fans connoiftre la valeur des vrayes‘ racines d'vne Equation, les multiplier ou di- uifer toutes, par telle quantité connuë qu'on veut. Ce qui fe fait en fuppofant que la quantité inconnué, eftant multipliée, ou diuifée, par celle qui doit mul- tiplier ou diuiferles racines, eft efgale a quelque autre; puis, multipliant, ou diuifant, la quantité connuë du fecond terme par cete mefme qui doit multiplier ou diuifer les racines; & par fon quarré, celle du troi- fiefme; & par fon cube, celle du quatriefme; & ainfi iufques au dernier. | Ce qui peut feruir pour reduire, a des nombres entiers & rationaux, les fractions & fouuent aufly les nombres fours, qui fe trouuent dans les termes des Equations. Comme, fi on a 26 SU S — V5 Mur rer 0 & qu'on veuille en auoir vne autre en fa place, dont tous les termes s'expriment par des nombres ratio- naux, il faut fuppofer y = x ÿ 3, & multiplier par y 3 a. Schooten a omis, avec raison, de traduire ce mot « vrayes ». 10 15 20 25 370-380. La GEOMETRIE. — Livre III. 453 la quantité connuë du fecond terme, qui eftaufly 3 ; & par fon quarré, qui eft 3, celle du troifiefme, qui eft =; & par fon cube, qui eft 3V3, celle du dernier, qui STÉSIOT ESS qui fait LATE) Puis, fi on en veut auoir encore vne autre en la place de celle cy, dont les quantités connuës ne s'expriment que par des nombres entiers, 1l faut fuppofer 7 + 3 y, &, multipliant 3; par, . par 9, de par 27, on trouue : m0, 250; où les racines eftant 2, 3 & 4, on connoift de là que celles de l’autre d'auparauant | eftoient ;, 1 &+, & que : © DENT EST celles de la premiere efloient © V:,:V3& : WC) Cete operation peut aufly feruir pour rendre la quantité connuë de quelqu'vn des termes de l'Equa- tion efgale a quelque autre donnée. Comme, fi, ayant HA DDx -Mcreio. on veut auoir en fa place vne autre Equation, en la- quelle la quantité connuë du terme qui occupe la troi- fiefme place, a fçauoir celle qui ef icy bb, foit 3aa, il faut fuppofer y + x 22 TE car D V0 0) Au refte, tant les vrayes racines que les fauffes ne font pas toufiours reelles, mais quelquefois feulement imaginaires : c'eft a dire qu'on peut bien toufiours en imaginer autant que j'ay diten chafque Equation, mais quil n y a quelquefois aucune quantité qui corref- SK: puis efcrire Comment on rend la quantité connuë de l’vn des termes d'vne Equation efgale a telle autre qu’on veut. Que les racines, tant vrayes que faufles, peuuent eftre reelles ou imaginaires. La reduction des Equations cubiques, lorfque le problefme eft plan. 454 OEuvrEs DE DESCARTES. ” 380-381 ponde a celles qu'on imagine. Comme, encore quon en puifle imaginer trois en celle cy : x° — OXX + 13X*—10 > 0, il n y en a toutefois qu'vne reelle, qui eft 2, & pour les deux autres, quoy qu'on les augmente, ou dimi- nue, ou multiplie,en la façon que ie viens d'expliquer, on ne fçauroit les rendre autres qu'imaginaires. Or quand, pour trouuer la conftruétion de quelque problefme, on vient a vne Equation en laquelle la quan- tité inconnuë a trois dimenfions, premierement, fi les quantités connuës qui y font contienent quelques nombres rompus, il les faut reduire a d'autres entiers, par la multiplication tantoft expliquée. Et, s'ils en contienent de fours, il faut aufly les reduire a d'autres rationaux, autant qu'il fera poflible, tant par cete mefme multiplication que par diuers autres moyens, qui font aflés faciles a trouuer. Puis, examinant par ordre toutes les quantités qui peuuent diuifer fans fraction le dernier terme, il faut voir fi quelqu'vne d'elles, iointe a la quantité inconnué par le figne + ou —, peut compofer vn binôme qui diuife toute la fomme. Et fi cela eft, le Problefme eft plan, c'eft a dire il peut eftre conftruit auec la reigle & le compas. Car, ou bien la quantité connuë de ce binôme eff la racine cherchée, ou bien, l'Equation eftant diuifée par luy, fe reduift a deux dimenfions : en forte qu'on en peut trouuer aprés la racine, par ce qui a efté dit au pre- mier liure (*). Par exemple, fi on a LE N° 71 SN EPA ES CAES () L. 20 25 30 381-383. La GEOMETRIE. — Livre III. 4$$ le dernier terme, qui eft 64, peut eftre diuifé fans frac- tion par 1,2, 4, 8, 16, 32 & 64. C'eft pourquoy il faut examiner, par ordre, fi cete Equation ne peut point _eftre diuifée par quelqu'vn des binomes : Mr ou DE MM 2 OUT 2; yy — 4, GC} 201 trouue qu elle peut l'eftre par yy — 16, en cete forte : 6 DO mao TN 124yy “040 == A5 ss 8 PEN PL 2, 2 RS “É O —16ÿ*— 128yy 10 10* HD cr OYY 40. le commence par le dernier terme, & diuife = 64: #5 s Hs par — 16, ce qui fait + 4, que j'efcris dans le quotient. Equation par vn Puis 1e multiplie + 4 par + yy, ce qui fait + 4yy:c'eft MORE nel pourquoy referis — 4yy en la fomme qu'il faut diui- fer : car il y|faut toufiours efcrire le figne -+ ou — tout contraire a celuy que produift la multiplication : & joignant — 124ÿy auec — 4ÿy, i'ay — 128yy, que ie diuife derechef par — 16, & l'ay + 8yy pour mettre dans le quotient. Et en le multipliant par ÿy, iay — 8y* pour ioindre auec le terme qu'il faut diuifer, qui eft aufly — 8y+; & ces deux enfemble font — 16y*, que ie diuife par — 16. Ce qui fait + 1 y*pour le quotient, & — 17° pour joindre auec + 1 y °:cequi faito, & monftre que la diuifion ef acheuée. Mais s’il eftoit refté quelque quantité, ou bien qu'on n'euft pù diuifer fans fra@ion quelqu vn des termes precedens, on euft par là re- connu qu elle ne pouuoit eftre faite. a. Les deux nombres 16 de cette ligne devraient, ce semble, être affectés du signe —. Quels problefmes font folides, lorfque l’Equation eft cubique. 456 OEUVRES DE DESCARTES. 382-383. Tout de mefme, fi on a ane EN MGR Val " PAR PA ce d + ç+ 2 A" CCD, ac te le dernier terme fe peut diuifer, fans fraétion, par a, aa, aa+cc, a +acc, & femblables. Mais iln'yena que deux qu'on ait befoin de confiderer, a fçauoir aa &aa+cc:car les autres, donnant plus ou moins de dimenfions, dans le quotient, quil ny en a en la quantité connuë du penultiefme terme,empefcheroient que la diuifion ne s'y püft faire. Et notés que ie ne conte icy les dimenfions d'y° que pour trois, a caufe qu'iln'y a point d'y", ny d'y", ny d'y, en toute la fomme{*). Or, en examinant le binôme ÿy —aa— cc 0, on trouue que la diuifion fe peut faire par luy en cete forte 6 + aa — a+ — da y‘ y* YY 2 2 CCE OC C et = NadC* — y —2 aa ar — 4a—CC GR. ET Ge — aacc He CC — aa—Cc +2aa + af oi — CC JY + aacc 1e |ce qui monftre que la racine cherchée eft aa + cc. Et la preuue en eft ayfée a faire par la multiplication. Mais lorfqu on ne trouue aucun binôme qui puiffe ainfi diuifer toute la fomme de l'Equation propofée, il eft certain que le Problefme qui en depend eft fo- () M. 5 10 20 10 20 25 383-584. La GEOMETRIE. — Livre III. 457 lide (*). Et ce n'eft pas vne moindre faute, aprés cela, de tafcher a le conftruire fans y employer que des cercles & des lignes droites, que ce feroit d'employer des fections coniques a conftruire ceux aufquels on n'a befoin que de cercles : car enfin tout ce qui tef- moigne quelque ignorance s'appele faute. Que fi on a vne Equation dont la quantité inconnuë ait quatre dimenfions, il faut en mefme façon, aprés en auoir ofté les nombres fours & rompus, s'il y en a, voir fi on pourra trouuer quelque binôme qui diuife toute la fomme, en le compofant de l'vne des quanti- tés qui diuifent fans fraction le dernier terme. Et fi on en trouue vn,ou bien la quantité connuë de ce binôme eft la racine cherchée, ou du moins, aprés cete diui- fion, il ne refte en l'Equation que trois dimenfions, en fuite de quoy il faut derechef l'examiner en la mefme forte. Mais lorfqu'il ne fe trouue point de tel binôme, il faut, en augmentant ou diminuant la valeur de la racine, ofter le fecond terme de la fomme, en la façon tantoft expliquée; & aprés, la reduire a vne autre qui ne contiene que trois dimenfions. Ce qui fe fait en cete forte : HUPMEUME RCE xt. *..pxx 9%." 0, il faut efcrire y apr Pyy=gq=0 Et pour les fignes + ou —, que 1ay omis, s'il y a eu + p en la precedente Equation, il faut mettre en celle Cy + 2p, ou, s'il y a eu —p, il faut mettre —2p; & au contraire, s'il y a eu +r, il faut mettre — 47, ou, s'il y (O N. Œuvres, |: 5S La reduction des Equations qui ont quatre dimenfions, lorfque le Problefme eft plan ; et quels font ceux qui font folides. 458 Œuvres DE DESCARTES. 584. a eu — r, il faut mettre +4r; & foit qu'il y ait eu +4, ou — 9, il faut toufiours mettre — gg & +pp; au moins fi on fuppofe que x! & y° font marqués des fignes +, car ce feroit tout le contraire, fi on y fuppofoit le figne —, Par exemple, fi on a LAN R RE 0 2 EEE il faut efcrire en fon lieu yY$— 8yt—124yy — 640: car, la quantité que 1'ay nommée p eftant — 4, il faut mettre —8y* pour “Pa & noue que i'ay nommée r eftant 3, il faut mettre © Er AY c'eft a dire —124YyY, au lieu de Eve & enfin, q eftant 8, il faut mettre — 64 pour — qq. Tout de mefme, au lieu de + x#* — 17xx — 20x — 6 >0, il faut efcrire +y° — 34y#+ 313Yyÿ — 400 0: car 34 eft double de 17; & 313 en eft le quarré toint au quadruple de 6, & ie eft le quarré de 20. Tout de mefme auffy, 1 3 SE +-aa —a + — a à 6 au lieu de #46 Ie + Lie > O, — ce it acc — -'aaec il faut efcrire 2 MONT CR F0 4 V—Daice IOË J Ne raie CCC" car pet +: aa —cc, &ppelte a*—aacc+c*, &4r eft —{at+ aacc; &enfin—ggeft— a$ — 2acc—aact. 384-385. La GEOMETRIE. — Livre III. 459 Aprés que l'Equation eft ainfi reduite a trois di- r enfions, il faut chercher la valeur d'yy par la me- thode defia expliquée; & fi elle ne peut eftre trouuée, on n'a point | befoin de pafler outre, car il fuit de là, infalliblement, que le problefme eft folide. Mais fi on la trouue, on peut diuifer par fon moyen la precedente Equation en deux autres, en chafcune defquelles la quantité inconnuë n'aura que deux dimenfions, & dont les racines feront les mefmes que les fienes. A fçauoir, au lieu de DAS 4x. 0, il faut efcrire ces deux autres . ne. VV: & JE HE EEE 34 Ji Blu «2 Et, pour les fignes + & —, que 1'ay ne silya +pen l'Equation precedente, il faut mettre + —p en chafcune de celles cy; & —< p, s'ilya en l'autre — p. Mais il faut mettre + en celle où il y a —yx; & —-#, en celle où il y a + ÿyx, lorfqu'il y a + q en la premiere. Et au contraire, s'il ya —g, il faut mettre —-£ en celle où ilya—yx; &+ D , en celle où il y a + yx. En fuite de quoy il eft avié fe connoiftre toutes les racines de l'Equation propofée, & par confequent de conftruire le problefme dont elle contient la folution, fans y em- ployer que des cercles & des lignes droites. Par exemple, a caufe que, faifant DÉVANUE, 313yÿ 4000, pour x4 * — 17xx —20x— 6 0, 460 OŒEuvres DE DESCARTES. 385-386. on trouue que yy eft 16, on doit, au lieu de cite Equation, +xt* — 17xx — 20x —6>0, efcrire ces deux | autres A ECROR & + xx + 4x +2>0: car y eft 4, Lyy eft 8, peft 17, & q eît 20: de façon que + NT) tente & AS D en de Et tirant les racines de ces deux Equations, on trouue toutes les mefmes que fi on les tiroit de celle où eft xt: a fçauoir on en trouue vne vraye, qui eft V7 +2, & trois faufles qui font : Vo >. 2 NES 2 US Ainfi ayant xt rs — AxXx— 8x + 3ç 0, pource que la racine de y°—8y*— 12477 — 64 0 eft derechef 16, il faut eferire XX — AX + $ O0, SX X AN TRE 10! Cañiep ee y} lient AE BE NY PE AE a. L’astérisque, omis par Descartes, a été rétabli par Schooten. 386-387. _ La GEOMETRIE. — Livre III. AOT Et pource qu on ne trouue aucune racine, ny vraye ny faufle, en ces deux dernieres Equations, on connoift de là que les quatre de l'Equation dont elles procedent font imaginaires ; & que le Problefme, pour lequel on l'a trouuée, eft plan de fa nature, mais qu'il ne fçauroit en aucune façon eftre conftruit, a caufe que les quantités données ne peuuent fe ioindre. Tout de mefme, ayant a * ET CC nn dGC se aacc pource qu on trouue aa + ce pour y y, il faut efcrire 24. Vaaihccz aa =aVÿaatcc— &7z+Vaatccy+: aa + laVaatcc=0o. 2 | Car y ef Vaa + ce, & + — 2yy +ip ets aa, & + eft laVaa + cc. D'où on connoift que la Lie de aleft 2 aa + cc+W/—<{aa +=cc++a Vaa+cc, ou bien _ Waa+cc—W/—taaticct —a Vaatcc(*). Et, pource que nous auions fait cy deffus 7 + a x, nous apprenons que la quantité x, pour la connoif- fance de laquelle nous auons fait toutes ces opera- tions, eft (*) 8 1 1 I I I LUE RC Va are CCE VACCR CCE LaVaa 1 COR Mais, afin qu'on puifle mieux connoiftre l'vtilité de DO — P. Exemple de l’vfage de ces reductions. 462 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 387-388. cete reigle, 1l faut que ie l'applique a quelque Pro- blefme. Si, le quarré AD & la ligne BN eftant donnés, il faut prolonger le cofté AC iufques en E, en forte qu'EF, turée d'E vers B, foit efgale a NB; on apprent de Pappus qu'ayant premierement prolongé BD iuf- ques a G, en forte que DG foit efgale a DN, & ayant defcrit vn cercle dont le diametre foit BG, fi on pro- longe la ligne droite A C, elle rencontrera la circonfe- rence de ce cercle au point E, qu'on demandoit. Mais pour ceux qui ne fçauroient point cete conftruétion, elle feroit affés difficile a rencontrer, & en la cherchant par la methode icy propofée, ils ne s a- uiferoient iamais de prendre DG pour la quantité inconnué, .| mais plutoft CF ou GS FD, a caufe que ce font elles qui conduifent le plus ayfement a l'Equation ; & lors ils en trouueroient vne qui ne feroit pas facile a demefler, fans la reigle que ie viens d'expliquer. Car, pofant a pour BD ou CD, &cpourEF, & x pour DF, onaCFæa—x, & comme CF, ou a—x, eftaFEouc, ainfi FD, ou x, efta BF, qui par confequent eft -——. Puis, a caufe du triangle re@tangle BDF, dont les coftés font l'yn x & l'autre a, leurs quarrés, qui font xx + aa, font efgaux a celuy de la baze, qui eft en 0 façon que, multipliant le tout par xx —2ax+aa, on trouue que l'Equation eft B D dassere-e---- ee -e--222 xt—2ax +2aaxx—2ax+at>ccxx, 20 25 30 388-380. La GEOMETRIE. — Livre Il. 403 ou bien 2aa 3 XX—24 Xi 0 C xXi—2ax Et on connoift, par les reigles precedentes, que fa ra- cine, qui eft la longeur de la ligne DF, eft (*) ll FT I I I Le = La+V/ aa HOT Vice laas à ayaa 26 GC . Que fi on pofoit BF ou CE* ou BE pour la quantité inconnuë, on viendroit derechef a vne Equation en la- quelle il y auroit 4 dimenfions, mais qui feroit plus ayfée a demefler; & on y viendroit aflés ayfement, au lieu que, fi c'eftoit D G qu'on fuppofaft, on viendroit beaucoup plus difficilement a l'Equation, mais auffy elle feroit tres fimple. Ce que ie mets icy pour vous auertir que, lorfque le Problefme propofé n'eft point folide, fi en le cherchant par vn chemin on vient a vne Equation fort compofée, on peut ordinairement venir a vne plus fimple, en le cherchant par vn autre (*). le pourrois encore aioufter diuerfes reigles pour demefler les Equations qui vont au cube ou au quarré |de quarré; mais elles feroient fuperfluës, car, lorfque les Problefmes font plans, on en peut toufours trou- uer la conftruétion par celles cy. le pourrois auffy en adioufter d'autres pour les Equations qui montent iufques au furfolide, ou au quarré de cube, ou au delà; mais r'ayme mieux les comprendre toutes en vne, & dire en general que, PAOEER a. Schooten supprime ici «ou CE », qu'il a ajouté après F D, p. 462, us Regle generale pour reduire les Equations qui paflent le quarré de quarré. Façon generale pour conftruire tous les problefmes folides, reduits a vne Equation de trois ou quatre dimenfions, 404 OEUVRES DE DESCARTES. 389-390. lorfqu'on a tafché de les reduire a mefme forme que celles, d'autant de dimenfions, qui vienent de la mul- tiplication de deux autres qui en ont moins, & qu'ayant dénombré tous les moyens par lefquels cete multi- plication eft poflible, la chofe n’a pü fucceder par au- cun, on doit s'aflurer qu'elles ne fçauroient eftre re- duites a de plus fimples. En forte que, fi la quantité inconnuë a 3 ou 4 dimenfions, le Problefme, pour le- quel on la cherche, ef folide; & fi elle en a $ ou 6, il eft d'vn degré plus compofé: & ainfi des autres. Au refle, ray omis icy les demonftrations de la plufpart de ce que r'ay dit, a caufe qu'elles m'ont fem- blé fi faciles que, pouruû que vous preniés la peine d'examiner methodiquement fi ray failly, elles fe pre- fenteront a vous d'elles mefme : & il fera plus vtile de les apprendre en cete façon qu’en les lifant. Or, quand on eft afluré que le Problefme propofé ef folide, foit que l'Equation par laquelle on le cherche monte au quarré de quarré, foit qu'elle ne monte que iufques au cube, on peut toufiours en trouuer la ra- cine par l'vne des trois fections coniques, laquelle que ce foit (*), ou mefme par quelque partie de l’vne d'elles, tant petite qu'elle puifle eftre, en ne fe feruant, au refte, que de lignes droites & de cercles. Mais ie me contenteray icy de | donner vne reigle generale pour les trouuer toutes par le moyen d'vne Parabole, a caufe qu'elle eft, en quelque façon, la plus fimple. Premierement, il faut ofter le fecond terme del'Equa- tion, s'iln'eft defia nul, & ainfi la reduire a telle forme: 5 À ee -apz.ddag, e) S: 20 25 30 390-301. LA GEOMETRIE. — Livre III. 46$ fi la quantité inconnuë n'a que trois dimenfions; ou bien a telle : Pa NDDr Ti GEAR fi elle en a quatre; ou bien, en prenant a pour l'vnité, 5 AO tp :,9 re le PES T prr qe er): | Aprés cela, fuppofant que la Parabole FAG eft defia defcrite, & que ES fon aiflieu eft ACDKL, P jo & que fon cofté droit SORTE 2 “efta ou 1 (*), dont AC Ééner eft la moitié, & enfin que le point C eft au dedans de cete Para- 15 bole, & que Aeneft le fommet : il faut faire CD+;p, & la prendre du mefme cofté qu'eft le point À au regard du 20 point C',silya+pen l'Equation; mais, s'il y a—p, il faut la prendre de l’autre cofté. Et du point D, ou bien, fi la 25 quantité peftoit nulle, . du point C, il faut efleuer vne ligne a angles droits iufques a E, en forte qu'elle foit efgale a+ g. Et enfin, Fig. p. 390. H :$ SAVE a. Lire « qu'est le point C au regard du point A », Œuvres: I, 59 406 OEUVRES DE DESCARTES. 391-302. du centre E, il faut defcrire le cercle FG, dont |le demi- diametre foit AE, fi l'Equa- uon n'eft que cubique, en forte que la quantité 7 foit nulle. Mais quand il y a +7, il faut, dans cete ligne AE prolongée, prendre d'vn cofté AR efgale a r, & de l'autre AS efgale au cofté droit de la Parabole, quieft 1; & ayant defcrit vn cercle dont le diametre foit RS, il faut faire AH perpendicu- laire fur AE, laquelle AH rencontre ce cercle RHS au point H, qui eft celuy par où l’autre cercle FHG doit pañler. Et quand il y Fig. p. 502. 392-305. LA GEOMETRIE. — Livre Il]. 407 infcrire AI, qui luy foit efgale, dans vn autre cercle dont AE foit le diametre, & lors, c'eft par le point I ique doit pañler FIG, le premier cercle cherché. Or ce cercle FG peut coupper ou toucher la Parabole en 1 ou 2 où } ou 4 poins, defquels tirant des perpendieu- laires fur l'aiflieu, on a toutes les racines de l'Equa- tion, tant vrayes que faufles. À fçauoir, fi la quantité q eft marquée du figne +, les vrayes racines feront celles de ces perpendiculaires qui fe trouueront du mefme cofté de la Parabole que E le centre du cercle, comme FL; & les autres, comme GK, feront faufles. Mais au contraire, fi cete quantité g eft marquée du figne —, les vrayes feront celles de l’autre cofté, & les faufles, ou moindres que rien, feront du cofté où eft E, le centre du cercle. Et enfin, fi ce cercle ne couppe ny ne touche la Parabole en aucun point, cela tefmoigne qu'il n'y a aucune racine, ny vraye ny faufle, en l'Equation, & qu'elles font toutes ima- ginaires. En forte que cete reigle eft la plus ge- nerale & la plus accomplie qu'il foit poflible de fouhaiter (*). Et la demonftration en eft fort ayfée. Car, fi la ligne GK, trouuée par cete conftruétion, fe nomme 7, AK fera 77, a caufe de la Parabole, en laquelle GK doit eftre moyene proportionelle entre À K & le cofté droit, qui eft 1. Puis, fi de AK r'ofte AC, qui eft +, & CD qui eft—p, 1l refte DK ou EM, qui eft 77 — =: p — :, dont le quarré ef : Li ne to a PO tr) () VV (659). 468 Œuvres DE DESCARTES. 303.204 & a caufe que DE ou KM eft - 9, la toute GM ef 7 + + q, dont le quarré eft ere & affemblant ces deux quarrés, on a LE PAL TT PP tas ; ee | 17 ——4 Re L—————————— Fig. p. 394. 2 CSA ETS | pour le quarré de la ligne GE, a caufe qu'elle ef la baze du triangle rectangle EM e: Mais, a caufe que cete mefme ligne GE eft le demi- nee du cercle FG, elle fe peut encore expliquer en d’autres termes. À fçauoir, 10 ED eftant + q, & AD eftant = p +-, EAeft W+gg+ipp+ip+e 20 25 204306. LA GEOMETRIE. — Livre III. 469 a caufe de l'angle droit ADE.Puis, H A eftant moyene proportionelle entre AS, qui eft 1, & AR, qui eft r,elle eft 7; & a caufe de l'angle droit EAH, le quarré de HE ou EG eft OMR ER SE fi bien qu'il y a Equation | entre cete fomme & la pre- cedente; ce qui eft le mefme que LAURE & par confequent, la ligne trouuée GK, qui a efté nommée 7, eft la racine de cete Equation, ainfi qu'il falloit demonftrer. Et fi vous appliqués ce mefme cal- cul a tous les autres cas de cete reigle, en changeant les fignes + & — felon l'occafion, vous y trouuerés voitre conte en mefme forte, fans qu'il foit befoin que ie my arefte. Si on veut donc, fuiuant cete reigle, trouuer deux moyenes proportionelles entre les lignes a &g9,chafcun fçait que, pofant 7 pour l'vne : comme a eft a 7, ainfi ae de facon qu'il y a Equationentre q & 1, c'eft a dire aa? ur 3 X x = aaq. Et la Parabole F A G eftant | defcrite, auec la partie de fon aiflieu AC, qui eft : a, la moitié du cofté droit, il faut, du point C, efleuer la perpendiculaire CE efgale a— q, & du centre E, par À, defcriuant le cercle AF, LS L’inuention de deux moyenes proportionelles. La facon de diuifer yn angle en trois, 470 Œuvres DE DESCARTES. 396-397. on trouue FL& LA, pour les deux moyenes cherchées. Tout de mefme, fi on veut diuifer l'angle N OP, ou bien l'arc ou portion de cercle NOTP, en trois par- ties efgales, faifant NO=1, pour le rayon du cercle, & NP +39, pour la fubtendue de l'arc donné, & NO 7, pour la fubtendue du tiers de cet arc, l'Equation vient 50) * NA 3 (tes 37 7: Car, ayant tiré les lignes NQ, OQ, OT, & faifant 7 QS parallele a TO, on voit que comme NO eftaNOQ, ainfiNQ a QR, & QR a RS : en forte |que NO eftant 1, & NO eftant 7, OR ef RSR Et a caufe qu'il s'en faut feulement RS ou 7°, que la ligne NP, qui eft 9, ne foit triple de NQ, quieftz,ona Le 9 © FAT DOME Puis, la Parabole F AG eftantdefcrite, &C A, la moitié de fon cofté droit principal, eftant +, fi on prent CD > À, & la perpendiculaire DE? 9, & que, du centre E, par À, on defcriue le cercle FAgG, il couppe-cete Parabole aux trois poins F,g &G, fans conter le point 10 15 307-308. LA GEOMETRIE. — Livre Ill. 471 A, qui en eft le fommet. Ce qui monître qu'il y a trois racines en cete Equation, a fçauoir : les deux GK & -gk, qui font vrayes, & la troifiefme qui eft fauffe, a fçauoir FL. Et de ces deux vrayes, c'eft 4, la plus petite, qu'il faut prendre pour la ligne N Q qui eftoit cherchée. Car l’autre, GK, eft efgale a N V (*), la fub- tendue de la troifiefme partie de l'arc N V P qui, auec lautre-arc NO _P, ,acheue le cercle. Et la fauffe, FL, eft efgale a ces deux enfemble, ON & N V, ainfi qu'il eft ayfé a voir par le calcul. I feroit fuperflus que ie m'areftafle a donner icy d'autres exemples; car tous les Problefmes qui ne font que folides fe peuuent reduire a tel point, qu'on n'a aucun befoin de cete reigle pour les conftruire, finon en tant qu'elle fert a trouuer deux moyenes propor- tionelles, ou bien a diuifer vn angle en trois parties efgales; ainfi que vous connoiftrés, en confiderant que leurs difficultés peuuent toufiours eftre comprifes en des Equations qui ne montent que iufques au quarré de quarré ou au cube; et que toutes celles qui montent au quarré de quarré fe reduifent au quarré, par le moyen de quelques autres quine| montent que iufques au cube : et enfin qu'on peut ofter le fecond terme de celles cy. En forte qu'il n'y en a point qui ne fe puifte reduire a quelqu vne de ces trois formes : SE . t SE =, À AT g- TES e 10 PAORNE SUR o Are PA EN * Or, fiona:7*=>*—p7 +9, la reigle dont Cardan (*) () X. — Y (1659). Que tous les problefmes folides fe peuuent reduire a ces deux conftructions, 7e OEUVRES DE DESCARTES. 398-309. attribue l'inuention a vn nommé Scipio Ferreus, nous apprent que la racine eft : VC +9 Vega tp Vos jdeuess comme aufly, lorfqu'on a : 7°> * + pz + q, & que le quarré de la moitié du dernier terme eft plus grand que le cube du tiers de la quantité connuë du pe- nultiefme, vne pareille reigle nous apprent que la racine eft VC. +294 Vigg pic. SES D'où il paroift qu'on peut conftruire tous les Pro- blefmes dont les difiicultés fe reduifent a l'vne de ces deux formes, fans auoir befoin des feélions coniques pour autre chofe que pour tirer les racines cubiques de quelques quantités données, c’eft a dire pour trou- uer deux moyenes proportionelles entre ces quantités & l'vnité. Puis, fiona:7*>*+ p7 +9, & que le quarré de la moitié du dernier terme ne foit point plus grand que le cube du tiers de la quantité connuë du penultiefme, en fuppofant le cercle N Q P V, dont le demidiametre NO foit Ver c'eft a dire la moyene proportionelle entre le tiers de la quantité donnée p & l'vnité; & fup- pofant aufly la ligne N P infcrite dans ce cercle, qui foit “E, |c'eft a dire qui foit a l’autre quantité donnée, 9, comme l'vnité eft au tiers de p; il ne faut que diuifer chafcun des deux arcs NQ P & NV P en trois parties efgales, & on aura NQ, la fubtendue du tiers de l'vn, 20 DN 399-400. LA GEOMETRIE. — Livre II. 473 & NV, la fubtendue du tiers de l'autre, qui, iointes . enfemble, compoferont la racine cherchée. Enfin, fi on a : 7° > * pz — 9, en fuppofant derechef / le cercle NOIENE an le rayon NO foit Vip, & 5 l'infcrite NP foit 2, NO, la fubtendue du tiers de Parc N'OP, fera ne des racines cherchées, & N V, la fubtendue du tiers de l’autre arc, fera l’autre. Au moins fi le quarré de la moitié du dernier terme n'eft point plus grand que le cube du tiers de la quantité connuë 10 du penultiefme : car, s'il eftoit plus grand, la ligne N P ne pourroit eftre infcrite dans le cercle, a caufe qu'elle feroit plus longue que fon diametre. Ce qui feroit caufe que les deux vrayes racines de cete Equation ne feroient qu'imaginaires, & qu'il n y en auroit de reelles 15 que la faufle qui, fuiuant la reigle de Cardan, feroit* Ce Sa Ve aa Ep + Ve. 24 Viqg ps. Au refte, 1l eft à remarquer que cete façon d’ex- RE d'exprimer a. En valeur absolue, conformément à l'habitude de Descartes quand il énonce des racines fausses (négatives). Œuvres. I. 60 la valeur de toutes les racines des Equations cubiques, & en fuite de toutes celles qui ne montent que iufques au quarré de quarré. 474 OŒEuvREs DE DESCARTES. 400-4or. primer la valeur des racines, par le rapport qu'elles ont aux coftés de certains cubes dont il n'y a que le contenu qu'on connoiffe, n'eft en rien plus intelligible, ny plus fimple, que de les exprimer par le rapport qu'elles ont aux fubtenduës de certains ares, ou por- tions de cercles, dont le triple eft donné. En forte que toutes celles des Equations cubiques quine peuuent eftre exprimées par les reigles de Cardan, le peuuent eftre autant ou plus clairement par la façon icy pro- pofée. Car fi, par exemple, on penfe connoiftre la racine de cete Equation : Dre a caufe qu'on fçait qu'elle efl compofée de deux lignes, dont l'vne eft le cofté d'vn cube, duquel le con- tenu RL - g adioufté au cofté d'vn quarré, duquel de- rechef le contenu eft : : 49 757 0; SNAUERNIE cofté d'vn autre cube, dont le contenu eft la difference qui eftentre- q& le te de ce quarré dont le contenu eft=gg .-p :qui ef tout ce qu'on en apprent par la reigle de Cardan : 1l n y a point de doute qu'on ne connoifle autant, ou plus diftinétement, la racine de cellercy Re en la confiderant inferite dans vn cercle dont le demi- diametre eft Ve p, & fçachant qu'elle y eft la fubten- duë d'vn arc dont le triple a, pour fa fubtendué, 1, Mefme ces termes font beaucoup moins embaraf- fés que les autres, & ils fe trouueront beaucoup plus cours, fi on veut vfer de quelque chiffre particulier 20 25 30 401-402. LA GEOMETRIE. — Livre II. A7$ pour exprimer ces fubtenduës, ainfi qu'on fait du chiffre VC., pour exprimer le cofté des cubes. Et on peut auffy, en fuite de cecy, exprimer les ra- cines de toutes les Equations qui montent iufques au quarré de quarré, par les reigles cy deflus expliquées. En forte que ie ne fçache rien de plus a defirer en cete matiere. Car enfin la nature de ces racines ne permet pas qu'on les exprime en termes plus fimples,ny qu'on les determine par aucune conftruétion qui foit en- femble plus generale & plus facile. Il eft vray que ie n'ay pas encore dit fur quelles rai- fons ie me fonde, pour ofer ainfi aflurer fi vne chofe eft poflible ou ne l'eft pas. Mais, fi on prent garde comment, par la methode dont ie me fers, tout ce qui tombe fous la confideration des Geometres fe reduift a vn mefme genre de Problefmes, qui eft de chercher la valeur des racines de quelque Equation, on iugera bien qu'il n'eft pas malayfé de faire vn denombrement de toutes les voyes par lefquelles on les peut trouuer, qui foit fufhifant pour demonftrer qu'on a choifi la plus generale & la plus fimple. Et particulierement pour ce qui eft des Problefmes folides, que i’ay dit ne pouuoir eftre conftruits fans quon y employe quelque ligne plus compofée que la circulaire, c'eft chofe qu'on peut aflés trouuer, de ce qu'ils fe reduifent tous a deux conftructions : en l’vne defquelles il faut auoir tout en- femble les deux poins qui determinent deux moyenes proportionelles entre deux | lignes données, & en l’autre, les deux poins qui diuifent en trois parties ef- gales vn arc donné. Car, d'autant que la courbure du cercle ne depend que d'vn fimple rapport de toutes fes Pourquoy les problefmes folides ne peuuent eftre conftruits fans les fections coniques, ny ceux qui font plus compoñés fans quelques autres lignes plus compofées. Façon generale pour conftruire tous les problefmes reduits a vne Equation qui n’a point plus de fix dimenfions. 470 OEUVRES DE DESCARTES. 402-403. parties au point qui en eft le centre, on ne peut aufly s'en feruir qu'a determiner vn feul point entre deux extremes, comme a trouuer vne moyene proportionelle entre deux lignes droites données, ou diuifer en deux vn arc donné. Au lieu que la courbure des feétions co- niques, dependant toufiours de deux diuerfes chofes, peut aufly feruir a determiner deux poins differens. Mais, pour cete mefme raifon, il eft impoflible qu'au- cun des Problefmes qui font d'vn degré plus compofés que les folides, & qui prefuppofent l'inuention de quatre moyenes proportionelles, ou la diuifion d'vn angle en cinq parties efgales, puiflent eftre conftruits par aucune des fections coniques. C'eft pourquoy ie croyray faire en cecy tout le mieux qui fe puiffe, fi ie donne vne reigle generale pour les conftruire, en y employant la ligne courbe qui fe defcrit par l'inter- fetion d'vne Parabole & d'vne ligne droite,en la façon cy deflus expliquée. Car rofe aflurer qu'il n'y en a point de plus fimple en la nature, qui puifle feruir a ce mefme effect, & vous aués vù comme elle fuit im- mediatement les fections coniques, en cete queftion, tant cherchée par les anciens, dont la folution en- feigne par ordre toutes les lignes courbes qui doiuent eftre receuës en Geometrie. Vous fçaués defia comment, lorfqu'on cherche les quantités qui font requifes pour la conftruétion de ces Problefmes, on les peut toufiours reduire a quelque Equation qui ne monte que iufques au quarré de cube, ou | au furfolide. Puis vous fçaués auffy comment, en augmentant la valeur des racines de cete Equation, on peut toufiours faire qu'elles deuienent toutes vrayes ; 10 15 20 25 30 403-404. La GEOMETRIE. — Livre III. 77 & auec cela, que la quantité connuë du troifiefme terme foit plus grande que le quarré de la moitié de celle du fecond; & enfin, comment, fi elle ne monte que iufques au furfolide, on la peut hauffer iufques au quarré de cube, & faire que la place d'aucun de fes termes ne manque d'eftre remplie. Or, afin que toutes les dificultés dont il eft icy queftion puiffent eftre re- foluës par vne mefme reigle, ie defire qu on face toutes ces chofes, &, par ce moyen, qu'on les reduife touf- iours a vne Equation de telle forme : nt TT +syy Yo, & en laquelle a quan- tité nommée 4 foit plus grande que le quarré de la moitié de celle qui eft nommée p. | Puis, ayant fait la ligne BK indefiniement longue des deux coftés, &, du pointB, ayanttiré la perpendiculaire AB dont la longeur foit —P, il faut, dans vn plan fe- paré, defcrire vne Para- bole, comme CDF, dont le cofté droit principal foitW + 9; pp, que le nommeray 7, pour abreger. Aprés cela, il faut pofer le plan dans lequel eft cete Parabole, fur celuy où font les lignes AB 478 OEUVRES DE DESCARTES. 404-405: & BK, en forte que fon aiflieu DE fe rencontre iuf- tement au deflus de la ligne droite BK. Et, ayant pris la partie de cet aiflieu qui eft entre les poins E & D efgale a PER il faut appliquer fur ce point E vne longue reigle, en telle façon qu'eftant aufly appli- quée fur le point A du plan de deflous, elle demeure toufiours iointe a ces deux poins, pendant quon hauflera ou baiffera la Parabole tout le long de la ligne BK, fur laquelle fon aiflieu eft appliqué. Au moyen de quoy, l'interfeétion de cete Parabole & de cete reigle, qui fe fera au point C, deferira la ligne courbe AC N, qui eft celle dont nous auons befoin de nous feruir pour la conftruétion du Problefme pro- pofé. Car, aprés qu'elle eft ainfi defcrite, fi on prent le point L en la ligne BK, du cofté vers lequel eft tourné le fommet de la Parabole, & qu'on face BL efgale a DE, ceft a dire a =; puis, du point L vers B, qu'on prene, en la mefme ligne BK, la ligne LH efgale a us: Roque, du point H ainfi trouué, on tire a angles droits, du cofté qu'eft la courbe ACN, la ligne HI, : © r Ty pt - dont la longeur foit > LS que Spour abreger, fera nommée +; & aprés, ayant ioint les poins L & I, qu'on defcriue le cercle LPI, dont IL foit le diametre, & qu'on infcriue en ce cercle la ligne LP dont la longeur foit Vire puis enfin, du centre I, par le point P ainfi trouué, qu'on defcriue le cercle PCN. Ce cercle couppera ou touchera la ligne courbe ACN en autant de poins quil y aura de racines en l'Equation; en forte que les perpendiculaires tirées de ces poins fur la ligne BK, comme CG, NR, QO & 20 30 405-407. LA GEOMETRIE. — Livre III. 479 femblables, feront les racines cherchées, fans quil y ait aucune exception ny aucun deffaut en cete reigle. Car, fi la quantité s efoit fi grande, a proportion des autres, p, 9, 7, { & y, que la ligne LP fe trouuaft plus “grande que le diametre du cercle IL, en forte qu elle ny puit eftre inferite, il ny auroit aucune racine, en l'Equation propofée, qui ne fuft imaginaire. Non plus que fi le cercle IP efloit fi petit qu'il ne coup- paft la courbe ACN en aucun point (*. Et il la peut coupper en fix differens, ainfi quil peut y auoir fix diuerfes racines en l’E- quation. Mais, lorfqu'il la couppe en moins, cela tef- moigne qu'il y a quelques vnes de ces racines qui font efgales entre elles, ou bien qui ne font qu'imagi- naires. Que fi la façon de tracer la ligne ACN, parle mouue- ment d'vne Parabole, vous femble incommode, il eft ayfé de trouuer plufeurs autres moyens pour la def- crire. Comme : fi, ayant les mefmes quantités que deuant pour AB & BL, & la mefme, pour BK, qu'on auoit pofée pour le cofté droit principal de la Parabole, on defcrit le demi- () Z (1659), 480 OEuvREs DE DESCARTES. 407-400. cercle KST dont le centre foit pris a difcretion dans la ligne BK, en forte qu'il couppe quelque part la ligne AB, comme au point S ; & que, du point T où il finift, on-prene vers K la ligne TV efgale a BL; puis, ayant tiré la ligne SV, qu'on en tire vne autre, qui luy foit Re par le point À, comme AC; & quon en tire aufly vne autre par S, qui foit le a BK, comme SC; le point C, où ces deux paralleles fe ren- contrent, fera l'vn de ceux de la ligne courbe cherchée. Et on en peut trouuer, en mefme otre, autant d'autres qu'on en defire. | Or la demonftration de tout cecy eft affés facile. Car, appliquant la reigle AE auec la Parabole FD fur le point C, comme il eft certain quelles peuuent y eftre appliquées enfemble, puifque ce point C eft en la courbe ACN, qui eft defcrite par leur interfection : fi CG fe nomme y, GD fera “”, a caufe que le cofté 1 droit, qui “a n, ei a CG comme CG a GD. Et oftant DE qu'entre SGD on a # — 2 pour GE. Puis, a caufe se AB eft a BE comme CG eft a GE, AB eftant - p, BÉe PT. Et tout de mefme, en fuppofant que le point € de la courbe a eflé trouué par l'interfetion des lignes droites SC, parallele a BK, & AC, parallele a SV; SB, qui eft efgale a CG, eft y, & B K eftant efgale au cofé droit de la Parabole, que ray nommé x, BT eft 2”. Car, comme KB eft a BS, ainfi BS eft a BP Et TV | Sat la mefme que BL, c'eft a dire ie, BAR et 2227 Ercommesb cfa BY, ainfi AB ha 1 P n BE qui eft, par confequent, 7 ny ? 20 25 3e À. æ ne "+: LE, f # sac es LE 409. LA GEOMETRIE. — [Livre III. 481 D'où on voit que c'eft vne mefme ligne courbe qui fe defcrit en ces deux façons. Aprés cela, pource que BL & DE font efgales, DL & BE le font auñy : de façon qu'adiouftant LH, qui eft Vy t . : so D:L,qui ef FE *?,ona la toute DH, quieft BRU v Ar ER 2n SR ani” v) ny & en oftant GD, qui eft “”, on a GH, qui eft Dent, _? "y 2n ny ont” » FAT: Ce que i'efcris par ordre en cete forte : — y + Lpyy + —Vr FU SERRE AUTEUR ny Œuvres. I. 61 , mn] TER D MT PEUT A Ca M HE L'sds el Dé ae dr AE MEET = r « “ PE ET TT RE ER 2 I ET PO TT} PARAIT EURE ra End cer eee LÉ ES 2 + if Se A. =, CR 7 PORTA SR 482 OŒEuvrEes DE DESCARTES. 409-411. Etle quarré de'GHef — — He VPN DIN HAN 71 YEN Et en quelque autre endroit de cete ligne courbe qu'on veuille imaginer le point C, comme vers N ou vers Q, on trouuera toufiours que le quarré de la ligne droite, qui eft entre le point H & celuy où tombe la perpen- diculaire du point C fur BH, peut eftre exprimé en ces mefmes termes, & auec de Hrotnee jee + & — Deplus, LH'eftant 6 Hiéfante =" ef nn ? mm re tt n° anny? a caufe de l'angle droit IH L; & LP eftant|\/ +, Bou iCef mm HUE S Pi v Hi 4anny nn nn ) a caufe aufly de l'angle droit IP L. Puis, ayant fait CM perpendiculaire fur 1H, IM ef la difference qui eft entre IH & HM ou Ce: ceft a dire entre & y; en forte que fon quarré efl Poe ; mn n1 21Y DETTE à0 IDE qui efant ofté du quarré | de IC, il refte : tt $ pi Sr 2 my TANT a nn XV pour le quarré de CM, qui eft efgal au quarré de GH LA GEOMETRIE. — Livre III. 48; defia trouué. Ou bien, en faifant que cete fomme foit diuifée comme l'autre par nnyÿy, on a —anyé+aemy = pVvyy—syy + yr. 11 123 3 À Puis, remettant + qyt— >ppyt, pouranyt: & ry+2Vvy +273, pour 2 my; 2i/y & multipliant l'vne & l'autre fomme par nnyy, on a: TE = +2Vr sd Vo! “UE 1 F pt ÿ tt br AU ETE a PP TI7ANRRÉES efgal a À = | re de AN nd nes +2Vr Y° = :$ Me I pt tt +! pp) Le LPre c'eftadirequona De Rd 7) PNY YFv=0. D'où il paroift que les lignes CG, NR, QO & fem- blables font les racines de cete Equation, qui eft ce qu'il falloit demonftrer. Ainfi* donc, fi on veut trouuer quatre moyennes proportionelles entre les lignes à & b, ayant pofé x pour la premiere, l'Equation ef : Xi RARE gb, DR RTE ET ÉRRE ep ou bien a. Il semble qu’en regard de cet alinéa, il faille restituer en manchettes : « L'inuention de quatre moyenes proportionelles. » 484 OŒEuvres DE DESCARTES. ati-4r2. Et faifant y — a = x, 1l vient : EE | + 45 y°— 6ay'+i5aayi—20a"y" +1isa\yy OO: — ab | “ + ab C'eft pourquoy il faut prendre 3a pour la ligne AB, & do RO 0) pour BK, ou le cofté droit de la Ft Pa Ébôle que 1'ay nommé 7; 2 |//aa+ab pour DE ou BL. Sn Et aprés auoir defcrit la ligne courbe ACN fur la melure de ces trois, il faut faire : 6a +aab LH HUE ab? Es 2e — aa mb nu Ca Bi DES Ve = 6 Waa+ab. nn 1S ai 2,3 ab 2nn Vaa Lab? Car le cercle qui, ayant fon centre au point I, paffera par le point P ainfi trouué, couppera la courbe aux deux poins C & N, defquels ayant tiré les perpendi- culaires NR & CG, fi la moindre, NR, eft oftée de la plus grande CG, le refte fera x, la premiere des quatre moyennes proportionelles cherchées. Il eft ayfé, en mefme façon de diuifer vn angle en cinq parties efgales, & d'inferire vne figure d'vnze ou treze coftés efgaux dans vn cercle, & de trouuer vne infinité d'autres exemples de cete reigle. Toutefois il eft a remarquer qu'en plufieurs de ces exemples, il peut arriuer que le cercle couppe fi obli- quement la Parabole du fecond genre, que le point de leur interfection foit difficile a reconnoiftre, & ainfi, 10 20 25 412-413. LA GEOMETRIE. — Livre III. 48$ que cete conftruétion ne foit pas commode pour la pratique. À quoy il feroit ayfé de remedier en compo- fant d’autres reigles a limitation de celle cy, comme on en peut compofer de mille fortes. Mais mon deffein n'eft pas de faire vn gros liure, & ie tafche plutoft de comprendre beaucoup en peu de mots, comme on iugera peuteftre que i'ay fait, fi on confidere qu'ayant reduit a vne mefme conftruction tous | les Problefmes d'vn mefme genre, ray tout en- femble donné la façon de les reduire a vne infinité d'autres diuerfes, & ainfi de refoudre chafcun d'eux en vne infinité de façons; puis, outre cela, qu'ayant conftruit tous ceux qui font plans, en coupant d'vn cercle vne ligne droite, & tous ceux qui font folides, en coupant aufly d'vn cercle vne Parabole, & enfin tous ceux qui font d'vn degré plus compofés, en cou- pant tout de mefme d'vn cercle vne ligne qui n'eft que d'vn degré plus compofée que la Parabole; il ne faut que fuiure la mefme voye pour conftruire tous ceux qui font plus compofés a l'infini. Car en matiere de progreflions Mathematiques, lorfqu'on a les deux ou trois premiers termes, 1l n'eft pas malayfé de trouuer les autres. Et r'efpere que nos neueux me fçauront gré, non feulement des chofes que i'ay iey expliquées, mais aufly de celles que ray omifes volontairement, affin de leur laiffer le plaifir de les inuenter. FIN. Aduertiflement. Ceux qui ne vifitent les Tables des liures qu'affin d'y chotifir les matieres qu'ils veulent voir, & de s'exempter de la peine de lire le refle, ne tireront aucune fatisfaéhon de celle cy : car l'explication des queflions qui y font mar- quées depend quafi toufiours fi expreflement de ce qui les precede, & Jouuent auffy de ce qui les fuit, qu'on ne la Jeauroit entendre parfaitement fi on ne lift auec attention tout le liure. Mais pour ceux qui l'auront defia leu, 6 qui Jeauront affez bien les chofes les plus generales qu'il con- tient, celte Table leur pourra feruir, tant a les faire fou- uenir des endroits où 1l eff parlé des plus particulieres qui feront efchappées de leur memoire, que fouuent auffy a leur faire prendre garde a celles qu'ils auront peuteftre pallées Jans les remarquer. PABEE DES” PRINEFPALES: DIFFAGHPREZ QUI SONT EXPLIQUÉES EN LA DIOPTRIQUE Difcours Premier. DELA LUMIERE. Comment il fuffit de conceuoir la nature de la lumiere pour entendre toutes fes proprie- ÉEZ Su. se el ES THMRQRETTE Comment fes rayons paflent en vn inftant du Soleil iufques MOUSE LOTERIE Comment on voit les couleurs PARMONNTOMNENE ET Quelle eft la nature des cou- TP EME NN Qu'on n'a point befoin d’e/- peces intentionelles pour les Ny mefme qu'il y ait rien dans les obiets qui foit semblable aux fentimens que nous en AUONS A Et Gba de Que nous voyons, de iour, par le moyen des rayons qui vienent des obiets vers nos MÉDRE he SHARE Et qu'au contraire les chats voyent, de nuit, par le moyen LeA] des rayons qui tendent de leurs yeux vers les obiets... Quelle eft la matiere qui trani- METIESEAVONSE ee Liens Comment les rayons de plu- fieurs diuers obiets peuuent entrer enfemble dans l'œil... Ou, allant vers diuers yeux, pafler par vn mefme endroit de l’air fans fe mefler ny SÉNÉMPECRER Pre Ny eftre empefchez par la flui- NÉE AI ee er. Ny par l'agitation des vens... Ny par la dureté du verre ou autres tels cors tranfparens. Comment cela n'empefche pas mefme qu'ils ne foient exac- tOMENAALONS A Se Et ce que c’eft proprement que CESTANONSE I -c- Et comment il en vient vne in- finité de chafcun des poins des cors lumineux......... U\ UNI NI NI + | co 7) 488 Ce que c’eft qu'vn cors noir... 11 Ce que c’eft qu'vn miroir... ri Comment les miroirs tant plats que conuexes et concaues font reflefchir les rayons. 1oet11 Ce que c’eft qu’vn cors blanc. 11 OEUVRES DE DESCARTES. En quoy confifte la nature des couleurs moyennes... II Comment les cors colorez font reflefchir les rayons ....... 12 Ce que c’eft que la Refrac- TONER TERRA Scan io 12 Difcours Second. DELCANREFRACIMION Que les cors qui fe meuuent ne doiuent point s’arefter aucun moment contre ceux qui les font reflefchir ...... 14 Pourquoy l'angle de la re- flexion et efgal a celuy de lineidencers PPT 14, 15, 16 De combien le mouuement d’vne bale eft détourné, lorf- qu'elle paile au trauers d’vne LOC ERE CCR M RRERE SNS NZ Et de combien lorfqu’elle entre JANSAICAUER EPP PER EEE 18 Pourquoy la Refraction eft d'autant plus grande que l’in- cidence eft plus oblique.... 19 Et nulle quand l'incidence eft PERPENEUlAITER PAP AREEEE 1Q Pourquoy quelquefois les bales des canons tirez vers l’eau n'y peuuent entrer et fe re- flefchiflent vers l’air- ...... 19 De combien les rayons font détournez par les cors tranf- parens qu’ils penetrent..... 20 Comment il faut mefurer la grandeur desrefraétions.. 21,22 Que les rayons pañlent plus ayfement au trauers du verre que de l’eau, et de l’eau'que de l'air, et pourquoy....... 23 Pourquoy la Refracttion des rayons qui entrent dans l’eau eft efgale a celle des rayons GSM OEME Te a 00000 24 Et pourquoy cela n’eft pas gene- ral en tous cors tranfparens. 24 Que les rayons peuuent quel- quefois eftre courbez fans fortir d'vn mefme cors tranf- Parents. 2 CEE DT . Comment fe fait la Refraction en chafque point des fuper- fICIéS COUTDÉES- AAUMAPRPERE 25 Difcours Troifiefme. DEMI CT Que la peau nommée vulgaire- ment Retina n’eft autre chofe que le nerf optique ........ 26 Quelles font les Refraétions que caufent les humeurs de l'œil LCR 5 14270 À Pr a LS nf 0 € nl TABLE DE LA DIOPTRIQUE. Pour quel vfage la prunelle s'eftrecift & s’eflargift. ..... 27 Que ce mouuement de la pru- nelle eft volontaire... 5% 28 comme vn mufcle qui peut changer la figure de tout l'œil. Et que les petits filets nommez proceffus ciliares en font les tendons PP CREER Ce É Difcours Quatriefme. DESSENS: EN GENERAL. Que c’eft l’ame qui fent & non JERCONS PERRET ET 29 Qu'elle fent en tant qu'elle et dans le cerueau, & non en tant qu’elle anime les autres membres ..... DE COR Dec not 29 Que c’eft par l’entremife des nentsiquellenents #2... 30 Que la fubftance interieure de ces nerfs eftcompofée de plu- fieurs petits filets fort deliez. 30 Que ce font les mefmes nerfs qui feruent aux fens & aux MOUUEMENS ne 0 SU NSRENt Que ce font les efprits ani- maux, contenus dans les peaux de ces nerfs, qui meu- uentleSMmeEMPrES. 0". Que c’eit leur fubftance inte- rieure qui fert aux fens..... Comment fe fait le fentiment par l’ayde des nerfs........ Que les idées que les fens ex- terieursenuoyent en la phan- tailie nefont pointdesimages des obiets, ou, du moins, qu'elles n’ont point befoin detleurrefemblen 26". Que les diuers mouuemens des petits filets de chafque nerf fuffifent pour caufer diuers fentimens....... nr reste Difcours Cinquiefme. DES IMAGES QUIÈSSE-FORMENT, SUR LE FONDS DE L'ŒIL. Comparaifon de ces images auec celles qu’on voiten vne chambre obicure.:}...:... 35 Explication de ces images en l'œil d’vn animal mort..... 36 Qu'on doit rendre la figure de cet œil vn peu plus longue, lorfque les obiets font fort proches, que lorfqu'ils font DILSEOIEnez Eee 27 Œuvres. I. Qu'il entre en cet œil plu- fieurs rayons de chaîque potntdetobietsss.". 6: Que tous ceux qui vienent d'vn mefme point fe doiuent aflembler au fonds de cet œil enuiron le mefme point; & qu'il faut difpofer fa figure a COCHER dome mecertie Que ceux de diuers poins s'y 62 489 28 L 28 ee - : t , 31 g 31 32 s re N & FE EL 32 À VS f F4 ‘me L a “ À 54 be ÉTÉ NT Er 2m à 38 ? . 38 490 doiuent atlembler en diuers Commentlescouleursfevoyent au trauers d’vn papier blanc qui eft fur le fonds de cet ŒIL TEE Que les images qui s’y forment ont la refemblance des ob- TES Lode Comment la grandeur de la prunelle fert a la perfection dEICESAMASES LEA Comment y fert la refraction qui fe fait dans l'œil; & com- ment elle y nuiroit eftant plus grande ou Ps ee qu'elle n'eft.. RATE Comment la noirceur des par ties interieures de cet œil, & l’obfcurité de la chambre où fe voyent les images, y fert auily . Pourquoy elles ne font iamais fi parfaites en leurs extremi- LEZ AUMMINEU TEA ERET EE Comment on doit entendre ce qui fe dit, que vifio fit per Que la grandeur de la prunelle, rendant les couleurs plus viues, rend les figures moins "55 (o0] 40 40 40 Œuvres DE DESCARTES. diftinctes, & ainfi ne doit eftre que mediocre...... 0 Que les obiets qui font a cofté de celuy a la diftance duquel l'œil eft difpofé, en eftant beaucoup plus efloignez ou plus proches, s'y reprefen- tent moins diftinétement que s'ils en eftoient prefque a pa- Telle LANTANCE A AREREEEEES Que ces imagesfontrenueriées. Que leurs figures font chan- gées & racourcies a raifon de la diftance ou fituation des ODIETS RETIRE DEN 0 à Que ces images font plus par- faites en l'œil d’vn animal viuantqu’enceluy d’vn mort, & en celuy d'vn homme qu'en celuy d’vn bœuf..... Que celles qui paroiïflent par le moyen d'vne lentille de verre dans vne chambre ob- cure, s’y forment tout de mefme que dans l'œil, & qu'on y peut faire l’expe- rience de plufieurs chofes qui confirment ce qui eft icy EXPITAUÉ FR Fer br Comment ces images pailent de l’œil dans le cerueau...… Difcours Sixiefme. DIF ÉLAENALS ONE Que la vifion ne fe fait point par le moyen des images qui pailent des yeux dans le cer- ueau, mais par le moyen des mouuemens qui les compo- Tnt RM Le . Que c’eit par la force de ces 51 mouuemens qu'on fent la JumiIeneRer EEE RUE SE Et par leurs autres varietez qu'on fent les couleurs..... Comment fe fentent les fons, les goufts, & le chatouille- ment & la douleur ..... 44 44 44 44. 46 46, 47, 48 49 55 TABLE DE LA . Pourquoy les coups qu'on re- coitdansl’œil font voir diuer- fes lumieres, & ceux qu’on reçoit contre les oreilles font ouïr des fons; & ainfi vne mefme force caufe diuers fentimens en diuers organes. Pourquoy, tenant les yeux fer- mez vn peu aprés auoir re- gardé le foleil, il femble qu'on voyediuerfes couleurs. Pourquoy il paroïft quelque- fois des couleurs dans les cors qui ne font que tranf- UN LD U\ © parens, comme l’arc-en-ciel paroift dans la pluie. 353 & Que le fentiment qu’on a de la lumiere eft plus ou moins fort felon que l’obiet eft plus OHMOINSIPEOC HER ce see Et felon que la prunelle eft ‘ plus ou moins grande...... Et felon que l’image qui fe peint dans le fonds de l’œil _eft plus ou moins petite... Comment la multitude des pe- tits filets du nerf optique fert a rendre la vifion diftinéte.. Pourquoy les prairies, eftant peintes de diuerfes couleurs, . ne paroiflent de loin que cvneneule FETE 0 Fo Pourquoy tous les cors fe voyent moins diftinétement HEROMIQUETEMPIES Comment la grandeur de l'i- mage fert a rendre la vifion ITS EE ARE Comment on connoït vers quel cofté eft l’obiet qu'on regarde, ou celuy qu’on monitre du doigt fans le tou- CHÉTEE Ne e do 60e Pourquoy le renuerfement de l’image qui fe fait dans l'œil 254 ur [51] 55 [PA u1 F0 DIoPTRIQUE. 491 n'empefche pasque les obiets ne paroïflent droits. ...... : Pourquoy ce qu’on voit des deux yeux, ou qu’on touche des deux mains, ne paroift pas double pour cela....... Comment les mouuemens qui changent la figure de l'œil feruent a faire voir ladiftance AeSTOPIEIS PRIME A LCOMCRER Qu'encore que nous ignorions ces mouuemens, nous ne laiflons pas de connoiïftre ce qu'lstdefipnente""""°"rre Commentle rapport des 2 yeux fert auffy a faire voir la di- HANCER PAM MAR RIT ET Comment on peut voir la di- ftance auec vn œil feul, en luy faifant changer de place. Commentla diftinétion ou con- fufion de la figure, & la de- bilité ou la force de la lu- miere fert aufly a voir la difance #0 DE MERE PE 60, 62 Que la connoïtlance qu’on a euë auparauant des obiets qu'on regarde fert a mieux connoiftre leur diftance.... Comment la fituation de ces obiets y fert aufly ...... HS Comment on voit la grandeur délCHalIQUEODIEE rec. - Comment on voit fa figure... Pourquoy fouuent les frene- tiques, ou ceux qui dorment, penfent voir ce qu'ils ne VOYEUR EE RL Pourquoy on voit quelquefois les obiets doubles......... Comment l’attouchement fait aut{ly quelquefoisiugerqu’vn obiet foit double........... Pourquoy ceux qui ont la iau- nifle, ou bien qui regardent 58 58 58 04 492 au trauers d'vn verre jaune, iugent que tout ce qu'ils voyent en a la couleur..... 64 Quel eft le lieu où on voit l’ob- iet au trauers d’vn verre plat dont les fuperficies ne font pasiparallelEs Pere Per ere 64 Et celuy où on le voit au tra- uers d’vn verre concaue.... 64 Et pourquoy l'obiet paroift alors plus petit qu'il n’eft... 64 Quel eft le lieu où il paroift au trauers d’vn verre conuexe, & pourquoy il y paroiïft quel- quefois plus grand & plus efloigné qu'il n’eft, & quel- quefois plus petit & plus proche,& auec cela renuerfé. 64 Quel eft le lieu des images qu'on voit dans les miroirs, tant plats que conuexes ou concaues, & pourquoy elles y paroiïflent droites ou renuer- fées ; & plus grandes ou plus petites ; & plus proches ou plus efloignées que ne font lestobiéts Rene 64 + MENT Œuvres DE DESCARTES. Pourquoy nous nous trom- pons ayfement en iugeant de la diftan Ce EC EEE REEREEECT Comment on peut prouuer que nous n’auons point cou- fume d'imaginer de diftance plus grande que de 100 ou 200 Pieds 2 CI PRET EREE Pourquoy le foleil & la lune femblent plus grans, eftant proches de l’Horifon, qu’en eftant efloignez......... “e Que la grandeur apparente des obiets ne doit point fe mefurer par celle de l’angle dE VIH ON MAR AENEREREEER Pourquoy les obiets blancs & lumineux paroiflent plus proches & plus grans qu'ils ne font.. Pourquoy tous les cors fort petits, ou fort efloignez, pa- rOiflent ronds... ee Comment fe font les efloigne- mens dans les tableaux de BERIPECLIVEERSRERCEr EEE Difcours Septiefme. DES MOYENS DE PERFECTIONNER LA MISION: Qu'il n'y a que quatre chofes qui font requifes pour rendre la vifion toute parfaite.. 70,71 Comment la Nature a pouruû a la premiere de ces chofes, & ce qui refte a l’art a y ad- MONET Jacobs Doc 7e 7 Quelle difference il y a entre les yeux des ieunes gens & ceurides Vieillars "tr "-"tt 73 Commentil faut pouruoir a ce que la Nature a omis aux yeux de ceux qui ont la veuë courte. Et comment, a ce qu'elle a omis aux yeux des vieillars :.... M ee FRERE Qu'entre plufieurs verres qui peuuent feruir a cet effect il faut choifir les plus ayfez a tailler, &, auec cela, ceux qui font le mieux que les rayons qui vienent de diuers 66 66 67 68 69 73 TABLE DE LA DIOPTRIQUE. poins femblent venir d’'au- tant d’autres diuers poins.. Qu'il n’eft pas befoin de choi- » fir en cecy autrement qu'a peu prés ; & pourquoy..... Que la grandeur des images ne depend que de la diftance des obiets du lieu où fe croy- fent les rayons qui entrent dans l'œil, & de leur refra- Que la refraction n’eft pas icy fort confiderable, ny la di- ftance des obiets acceflibles. Et comment on doit faire lorfqu'’ils font inacceflibles. En quoy confifte l’inuention des lunetes a puce compofées d'vn feul verre, & quel eft 5 NEA MERE SOEUR Comment on peut augmenter les images, en faifant que les rayons fe croyfent fort loin de l’œil, par le moyen d’vn tuyau plein d’eau...... Que, plus ce tuyau eft long, plus il augmente l’image; & qu'il fait le mefme que fi la Nature auoit fait l'œil d'autant plus long......... Que la prunelle de l'œil nuiïft, au lieu de feruir, lorfqu’on fe fert d’vn tel tuyau....... Que ny les refraétionsdu verre qui contient l’eau dans ce tuyau, ny celles des peaux qui enuelopent les humeurs de l'œil, ne font confiderables. Comment on peut faire le mefme, par le moyen d’vn tuyau feparé de l'œil, que par vn qui luy eft ioint..... AE RE 80 493 En quoy confifte l’inuention des lunetes d'approche. 82, 83 Comment on peut empefcher que la force des rayons qui entrent dans l'œil ne foit ÉTOP'E TAN RE EEE 83, 86 Comment on la peut augmen- ter, lorfqu’elle eft trop foible & que les obiets font accef- AbIES PR RE RE 83 Et comment, lorfqu'ils font inacceflibles & qu'on fe fert de lunetes d’approche...... De combien on peut faire l’ou- uerture de ces lunetes plus grande que n'’eft la prunelle. Et pourquoy on la doit faire plustérandeeererrr 84, 85 Que pour les obiets acceflibles on n'a point befoin d'aug- menter ainfi l'ouuerture du 84 Que, pour diminuer la force des rayons, lorfqu'on fe fert de lJunetes, il vaut mieux eftrecir leur ouuerture que la couurir d'vn verre co- TOR RS PER NE et. 86 Que, pour l’eftrecir, il vaut mieux couurir les extremitez du verre par dehors que par dÉLANS EEE M ATEN... 86 A quoy il eft vtile de voir plu- fieurs obietsen mefme tems; & ce qu'on doit faire pour n'en auoir pas de befoin.... 87 Qu'on peut acquerir par exer- cice la facilité de voir les ob- iets proches ou efloignez... 88 D'ou vient que les Gymnofo- phiftes ont pù regarder le foleil fans gafter leur veuë.. 88 494 ŒUVRES DE DESCARTES. Difcours Huitiefme. DES ‘FIGURES QUE DOIVENT AVOIR LES: CORS TRANSPARENS POUR DETOURNER LES RAYONS PAR REFRACTION EN TOUTES LES FACONS QUI SERVENT A LA VEUE. Quelle eft la nature de l'EI- lipfe & comment on la doit EICHER REP ETEN Demonftration de la proprieté de l’Ellipfe touchant les re- fRAÉTONS LATE PRET ENEEE : Comment, fans employer d’au- tres lignes que des cercles ou des Ellipfes, on peut faire | que les rayons paralleles s’afflemblent en vn point, ou que ceux qui vienent d'vn 89,90 pointfe rendentparalleles. 94,65 Comment on peut faire que les rayons paralleles, d’vn cofté du verre, foient efcar- tez de l’autre comme s'ils venoient tous d’vn mefme PONTS NE ADP ARE Comment on peut faire qu’e- flans paralleles des deux co- ités, ils foient referrez en vn moindre efpace, de l’vn que deARAUTEE ere Rasto eo : Comment on peut faire Île mefme, en faifant, outre cela, que les rayons foient ren- HOUEAs none eee Comment on peut faire que tous les rayons qui vienent d'vn point s’aflemblent en VOA POINTS AT Ie a Et que tous ceux qui vienent d’vn point s’efcartent comme 96 98 s'ils venoient d’vn autre POINT. RE EN RETATRRE Et que tous ceux qui font ef- cartez comme s'ils tendoient vers vn mefme point, s'ef- cartent derechef comme s'ils venoient d'vn mefme point. La nature de l'Hyperbole & la 99 99 façon dela defcrire. 100, 101,102 Demonftration de la proprieté de l’'Hyperbole touchant les refraétions...... + ee Comment, fans employer que 104 des Hyperboles & des lignes droites, on peut faire des verres qui changent les rayons en toutes les mefmes façons que ceux qui font compofez d'Ellipfes & de cercles tient . 106, 107; Que, bien qu'il y ait plufieurs autres figures qui puiflent caufer les mefmes effets, il n'y en a point de plus pro- pres, pour les lunetes, que les precedentes-en Que celles qui ne font com- pofées que d'Hyperboles & de lignes droites font les plus ayfées a tracer........ Que, quelque figure qu'aye le verre, il ne peut faire exacte- ment que les rayons venans de diuers poins s’affemblent 108 110 TABLE DE LA DIoPTRIQUE. en autant d’autres diuers DONS ERP nr En Que ceux qui font compofez d'Hyperboles font les meil- leurs de tous a cet effect... Que les rayons qui vienent de diuers poins s’efcartent plus, apres auoir trauerfé vn verre Hyperbolique, qu’apres en auoir trauerfé vn Elliptique. Que, d’autant que l’Elliptique eit plus efpais, d'autant ils s’efcartent moins en le tra- HÉRIANE LME. 5U8#08boc Que, tant efpais qu’il puile eftre, il ne peut rendre l’i- mage que peignent ces rayons que d’vn quart ou d’'vn tiers plus petite que ne fait l'Hyperbolique........ Que cete inefgalité eft d'autant plus grande que la refraétion du verre eft plus grande... Qu'on ne peut donner au verre aucune figure qui rende cete image plus grande que celle de l’Hyperbole, ny qui la rende plus petite que celle de NUM ER eee Comment il faut entendre que les rayons venans de diuers poins fe croifent fur la pre- miere fuperficie, qui a la force de faire qu'ils fe raflem- blent en autant d’autres di- HELSSPOINS eee Fabre Que les verres Elliptiques ont plus de force pour brufler que les Hyperboliques..... Comment il faut mefurer la HT3 — FU de) taË force des miroirs ou verres DEUTANS ACER EE. Qu'on n’en peut faire aucun qui brufle en ligne droite a liNfNIT LPC PRMEUERre Que les plus petits verres ou miroirs aflemblent autant de rayons pour brufler, en l’ef- pace où ils les affemblent, que font les plus grands qui ont des figures femblables a ces plus petits, en vn efpace PAROISSE ER Que ces plus grans n’ont d’au- tre auantage que de les af- fembler en vn efpace plus grand & plus efloigné; & ainfi qu'on peut faire des miroirs ou verres tres petits qui ne laiffent pas de brufler auec beaucoup de force... Qu’vn miroir ardent, dont le diametre n’excede point la 100€ partie de la diftance a la- quelle il aflemble les rayons, nepeutfaire qu'ilsbruflentou efchauffent dauantage que ceux qui vienent directement uent receuoir plus de rayons d’vn mefme point, pour les rendre apres paralleles, que ceux d’aucune autre figure. Que fouuent les verres Hy- perboliques font preferables aux Elliptiques, a caufe qu'on peut faire auec vn feul ce a quoy il en faudroit EMpPloyendense es. LL AU 49 118 11S E © 496 % OŒEUVRES DE DESCARTES. Difcours Neufiefme. DE LA DESCRIPTION Quelles qualitez font confide- rables pour choïfir la matiere deSLIUINELES EAP RR TERRE Pourquoy il fe fait quafi tou- fiours quelque reflexion en la fuperficie des cors tranf- PALEDS ER ER EEE CRE Pourquoy cete reflexion eft plus forte fur le criftal que MIE VENTE PEER RENTE Explication des lunetes qui feruent a ceux qui ont la MEUBICOUTIE ER EEE CEE Explication de celles qui fer- uent a ceux qui ne peuuent voir que de loin....... Pourquoy on peut Rae les rayons qui vienent d’vn point aflez efloigné, comme Parallels APPESEE ERP : Pourquoy la figure des Mens des vieillars n’a pas befoin dieftre fortiexatle MEPPREE Comment il faut faire les lu- 124 DESLLUNEMES: netes a puce auec vn feul Quelles doiuent eftre les lu- netes d'approche pour eftre parfaites … Et quelles ni les Ro a puce pour eftre parfaites . Que, pour fe feruir de ces lu- netes, il eft mieux de fe ban- der vn œil que de le fermer par l’ayde des mufcles..... Qu'il feroit bon aufly d’auoir auparauant attendri fa veuë en fe tenant en lieu fort Et aufly d’auoir baie difpofée comme pour regar- der des chofes fort efloignées ÉLObICUIES. CLEAN D'où vient qu'on a moins ren- contré cy deuant a bien faire les lunetes d'approche que les autres Difcours Dixiefme. DE LA FACON Comment il faut trouuer la grandeur des refraétions du verre dont on veut fe feruir. Comment on trouue les poins bruflans & le fommet de l'Hyperbole dont le verre DE TAILLER LES VERRES. duquel on connoift les re- fractions doit auoir la fi- QUE. HE CARE Bo GR dou | Comment on peut augmenter ou diminuer la diftance de CESPOINS EEE Lo Ene oc 136 Comment on peut defcrire cete Hyperbole auec vne GhOr der Certes Comme on la peut defcrire par l’inuention de plufieurs BOIS cn he Comment on trouue le Cone dans lequel la mefme Hy- perbole peut eftre couppée par vn plan parallele a l’aif- EURE mise ne mio Comment on la peut defcrire d’vn feul trait par le moyen dMNEMACHINE Comment on peut faire vne autre machine qui donne la figure de cete Hyperbole a tout ce qui en peut auoir befoin pour tailler les verres. Œuvres. I. TABLE DE LA 140 140 141 142 DIOPTRIQUE. 497 Et comment on s’en doit Tertir see Me 144 Ce qu’il faut obferuer en par- ticulier pour les verres con- caues, & en particulier pour JESICONNELES PE PERPEPTE 150 L'ordre qu'on doit tenir pour s'exercer a tailler ces verres. 151 Que les verres conuexes qui feruent aux plus longues lu- netes ont befoin d’eftre tail- lez plus exactement que les AUTOS a ere 151 Quelle eft la principale vtilité destlunetesiaipuce. "4 152 Comment on peut faire que les centres des deux fuper- ficies d'vn mefme verre fe CAPPONMEN TEE Eee. 153 TABLE DES PRINCIPALES DIEFICUREEZ QUI SONT EXPLIQUÉES AUX NÉE OIRES Difcours Premier. DE LEA NATURE DES CORS TERRESIMRES; Que l’eau, la terre, l’air & tous les autres cors font compo- fez de plufieurs parties... Qu'il y a des pores en tous ces cors, qui font remplis d’vne matiere fort fubtile........ Que les parties de l’eau font longues, vnies & gliffantes RATE at 159 & Que celles de la plufpart des autres cors font comme des branches d’arbres, & ont di- uerfes figures irregulieres.. Que ces branches, eftant ioin- tes ou entrelacées, compo- lentrdesicors durs FEEPEPEE Que, lorfqu’elles ne font point ainfi entrelacées, ny fi grof- fes qu'elles ne puiflent eftre agitées par la matiere fubtile, elles compofent des huiles OUNAE AA RTE EMEA Que cete matiere fubtile ne cefle iamais de fe mouuoir. 159 160 Qu’elle fe meut ordinairement plus vifte contre la terre que vers les nues, vers l’equateur que vers les poles, l’efté que l'hyuer, & le iour que la 160 Qu'elle eft compofée dé parties INÉBAlES RER Que les plus petites de Fe par- ties ont le moins de force pour mouuoir les autres 160 160 Que les moins petites fe trou- uent le plus aux lieux où elle EI IEIPIUS A SITÉC EEE PE Que ces moins petites ne peu- uent pañler au trauers de plufieurs cors. Et que cela rendices Cors froids. eu: Ce qu'on peut conceuoir pour le chaud. & pour le froid... Comment les cors durs peu- uent eftre efchaufez........ D'où vient que l’eau eft com- 161 161 162 162 TABLE munement liquide, & com- ment le froid la rend dure. Comment la glace conferue toufiours fa froideur, mefme en efté. Et pourquoy elle ne s’amolift pas peu a peu commenlaicire, tee Fee Quelles font les parties des ef- prits ou eaux de vie........ Pourquoy l’eau s’enfle en fe Pourquoy elle s’enfle aufly en DES METEORES. 162 163 & 175 163 S'eIChAUTAN TE ee Pourquoy l’eau bouillie fe gele plutoft que l’autre......... Que les plus petites parties des cors ne doiuent point éftre conceuës comme des atomes, mais comme celles qu’on voit a l'œil, excepté qu’elles font incomparable- ment plus petites. Et qu'il . n’eft point befoin de rien re- ieter de la Philofophie ordi- naire pour entendre ce qui CIMÉNNCCMEANTE 7. Difcours Second. DES. VAPEURS ET DES EXHALAISONS. Comment le foleil fait monter en l’air plufieurs des petites parties des cors terreftres... Quelles font les vapeurs Quelles font les exhalaifons.. Qu'il monte en l'air beaucoup moins d’exhalaifons que de vapeurs Comment les plus groflieres exhalaifons fortent des cors terreftres ......... Don 0 pre Pourquoy l’eau, eftant con- uertie en vapeur, occupe in- comparablement plus d'ef- pace qu'auparauant........ Comment les mefmes vapeurs peuuent eftre plus ou moins OR Se AOC D'où vient qu’on fent quelque- fois en efté vne chaleur plus eftouffante que de couftume Comment les vapeurs font plus ou moins chaudes ou CCS HAE AE Arc 165 166 166 166 166 107 Pourquoy l’haleine fe fent plus chaude, quand on foufHe ayant la bouche fort ouuerte, que fi on l’a prefque fer- Pourquoy les vens impetueux font toufiours froids ....... Comment les vapeurs font plus ou moins tranfparentes .... Pourquoy noftre haleine fe voit mieux l’hyuer que l’efté Que fouuent il y a dans l’air le plus de vapeurs, lorfqu'on lesivoitlemoins "7. Comment les mefmes vapeurs font plus ou moins humides ou feiches, Et comment vne mefme fe peut dire, en di- uers fens, plus feiche & plus humide qu’vne autre....... Quelles font les diuerfes na- tures des exhalaifons....... Comment elles fe demeflent & feparent des vapeurs....... 00 OEUVRES DE DESCARTES. Difcours Troifiefme. Quelle eft la nature de l’eau falée. Et que les parties de l'eau font telles qu'il a efté dit. Aout ee ROSES Pourquoy les cors mouillez d'eau font plus ayfez a fei- cher que ceux qui font motillezdihtile terre Pourquoy le fel a vn gout fi different de celuy de l’eau AOUCE NE RER PERTE RUE Pourquoy les chairs fe con- feruent eftant falées........ Pourquoy le fel les durcift ..… Pourquoy l'eau douce les cor- DOMPLE ee eR CA Re de Pourquoy l'eau falée eft plus pefante que l’eau douce... Pourquoy neanmoins le fel ne fe forme que fur la fuperficie dévlieaurdelañmenet##°rr Que les parties du fel commun font droites & efgalement grofles par les deux bouts.. Comment elles s’arrengent, eftant meflées auec celles de leautdouce "rte eee Que les parties de l’eau falée fe meuuent plus vifte que celles de l’eau douce....... Pourquoy le fel eft ayfement fondu par l'humidité. Et pourquoy en certaine quan- tité d’eau il ne s’en fond que iufques a certaine quantité. Pourquoy l’eau de la mer eft plus tranfparente que celle CESSER TO 174 NI 17 DIURSEE Pourquoy elle caufe des refra- ctions vn peu plus grandes. Pourquoy elle ne fe gele pas fi aylement. 2.0.0 er | Comment on peut faire geler de l’eau en efté auec du fel, CCPOUTUOYE EC ECC Pourquoy le fel eft fort fixe, & l’eau douce fort volatile... Pourquoy l’eau de la mer s’a- doucift en paflant au trauers dusfable NEA PEPETEREE Pourquoy l’eau des fontaines & des riuieres eft douce... Pourquoy les riuieres entrant dans la mer ne l’empefchent point d’eitre falée, ny ne la rendent plus grande....... Pourquoy la mer eft plus falée vers l’equateur que vers les POlES:47. 2er ER EPA D'où vient que l’eau de la mer eft moins propre a efteindre les embrafemens que celle IdES TIUIETES 4 NANTES PRNES D'où vient qu'elle eftincelle la nuit, eftant agitée... ....... Pourquoy ny la faumure, ny l’eau de mer qui eft trouble & corrompue, n'eftincellent pointientcetenonte "Pre Pourquoy l’eau de la mer eftin- celle plus, quand ïl fait chaud, que quand il fait TOI: LEE CRAN AERER Pourquoy toutes fes vagues, ny toutes fes gouttes, n’eftin- cellent pas efgalement..... 27) 180 180 180 181 181 TABLE DES Pourquoy on retient l’eau en des fofles au bord de la mer, pouriairele ele 7e Pourquoy il ne s’en fait qu’en temsichaud’& fec.s "1.20 Pourquoy la fuperficie des li- queurs eft fort vnie........ Pourquoyla fuperficie de l’eau eft plus malayfée a diuifer QUeleTdEdans nee Comment les parties du fel vienent floter au deflus de Rennes eu ee 182 & Pourquoy la baze de chafque grain de fel eft quarrée..... Pourquoy cete baze quarrée paroift a l’œil toute plate, & neanmoins eft vn peu cour- Comment le refte de chafque grain de fel fe baftit fur cete Pourquoy ces font CreuraumiItEUtL EC "V2. Pourquoy leur fuperieure par- tie eft plus large que leur grains Que c’eft qui peut rendre leur baze plus grande ou plus Pourquoy le fel va quelque- fois au fonds de l'eau, fans fe former en grains au deffus Ce qui fait que le tallu des Difcours DES Quelcefiqueleivent.. #11: Comment il fe fait en vne Æolipile METEORES. 4 coftés de chafque grain eft plus ou moins grand. Et pourquoy ils font quelque- foisten elchelonsm Pere Pourquoy les querres de ces quatre coftés ne font ny fort ayguës, ny fort vnies. Et pourquoy les grains de fel s'y fendent plus qu'ailleurs. Pourquoy la concauité de chaf- que grain eft plutoft ronde QUEIQUANTÉES FE EP PL ES Pourquoy ces grains, eftant entiers, petillent dans le feu, & ne petillent point eftant DIEZ LES Are D'où vient l’odeur du fel blanc, & la couleur du fel noir... Pourquoy le fel eft friable. ... Pourquoy il eft blanc ou tranf- PATENT PET es ne Pourquoy il fe fond plus ayfe- ment, eftant entier, qu’eftant puluerté Sleiché Fee 0 D'où vient la grande diffe- rence qui eft entre fes par- ties & celles de l’eau douce. Pourquoy les vnes & les au- tres lontrondes 000.7 ODA RR. nn ESC ARE Pourquoy cete huyle a vn gouft aigre, qui differe fort de celuy du fel Quatriefme. VIENS: Comment il fe fait en l’air. Et en quoy il differe de celuy d'yneÆolipiler.. 4... OI 186 86 186 502 Que ce font principalement les vapeurs qui caufent les vens, mais non pas elles feules qui lesICOMPOIEN TEE EEE Pourquoy la caufe des vens doit eftre attribuée aux va- peurs, & non pas aux exha- Jaïifons! sieur ete Pourquoy les vens orientaux font plus fecs que les oceci- dentaux HR ARRRCE Pourquoy c’eit principalement le matin que foufflent les vens d’'orient, & le foir que foufflent ceux d’occident... Que ce vent d'orient eft plus fort que celuy d’occident qui vient de la mefme caufe. ... Pourquoy le vent de nord fouffle plus le iour que la Pourquoy il fouffle plutoit de haut en bas que de bas en haut... Mr One Pourquoy il eft ordinairement plus violent que les autres. Pourquoy il eft fort froid & TOREEC fe At AR ETES Pourquoy le vent de midy re- gne plus la nuit que le iour. Pourquoy il vient de bas en HAUTE RE MAC RES MEME Pourquoy il eft ordinairement plus lent & plus foible que TES PATES PEER PRE MITA IT TIMES Pourquoy, vers le mois de Mars, les vens font plus fecs qu’en aucune autre fai- LORS EAP EE Re DE 10% Pourquoy les changemensd’air font aufly alors plus fubits Coplusirequens ere rer Quels font les vens que les 192 OEUVRES DE DESCARTES. anciens nommoient les Or- MITRIES PAPE MD RE Quels font les Etefies........ Comment la difference qui eft entre la mer & la terre contri- buëé a la production des vens. Pourquoy fouuent, aux bords de la mer, le vent vient, le iour, du cofté de l’eau, &, la nuit, du cofté de la terre... Pourquoy les Ardans condui- : fent les voyafgeurs vers les EAU UT A LE CARRE 4 Pourquoy les vens changent fouuent, aux coftes de la mer, auec fes flus & reflus.. Pourquoy les mefmes tem- peftes ont couftume d’eftre plus violentes fur mer que TURITERTE. SEE MERE REER Comment vn mefme vent peut eftre fec en vn païs, & hu- mide (en autre "#00 Pourquoy les vens de midy _ font plus fecs en Egipte. Et pourquoy il n'y pleut que rarement. ++ "hr EE Comment & combien les aîtres contribuent a la produétion des Meteores #2 /FeeRLPrRRE Comment y contribuë auily la diuerfité qui eft entre les parties de la terre... ... Ho D'où vient l’irregularité & la multitude des vens particu- liers, & combien il eft diff- cile de les ipredire terre . Que les vens generaux font plus aifez a predire. Et pour- . quoy il y en a moins d’irre- guliers au milieu des grandes mers que vers lalterre.. - Que la plufpart des change- mens de l’air dependent des 198 198 199 200 200 200 201 201 201 er. « TABLE DES METEORES. Comment l'air ne laifle pas d’eftre quelquefois froid ou fec, lorfqu’il fouffle vn vent qui eft chaud ou humide... 202 Que le cours que prenent les vapeurs dans la terre con- tribuë auffy aux changemens Difcours Cinquiefme. DES NUES: Quelle difference il y a entre les nues, les vapeurs & les Browse ER de Que les nues ne font compo- fées que de gouttes d’eau ou de parcelles de glace....... Pourquoy les nuës ne font pas traniparentes ere Comment les vapeurs fe chan- gent en gouttes d’eau dans PÉSANTES EE Re ce Pourquoy ces gouttes font exactement rondes.... 204, Que c’eft qui rend ces gouttes ERONESONNpeTtITES Le -6 er Comment les vapeurs fe chan- gent en parcelles de glace dans leshnues::...... 206, D'où vient que ces parcelles de glace font quelquefois rondes &tranfparentes, quel- quefois longues & deliées, & quelquefois rondes & BIAnCHESS ARE MENT ANAL D'où vient que ces dernieres fontcouuertes de petits poils. Et que c’eft qui les rend plus grofles ou plus petites, & ces poils plus forts & plus courts, ou plus deliez & plus longs. Que le froid feul ne fuffit pas pour conuertir les vapeurs en eau ou en glace......... Quelles font les caufes qui 203 203 203 204 205 206 207 207 aflemblent les vapeurs en Quelles font les caufes qui les afflemblent en brouillas..... D'où vient qu'il y a plus de brouillas au printems qu'aux autres faifons, & plus aux lieux marefcageux ou mari- times, que loin des eaux ou lOHRTCNAN CET CPP EEE RNE Que les plus grans brouillas ou les plus grandes nues fe fônt par l’oppofition de deux OU PIUREUTS VERS. F0 Que les gouttes d’eau ou par- celles de glace qui compo- fent les brouillas ne peuuent effre quertresipetitess 5. Qu'il ne peut y auoir de vent où font les brouillas, qu'il ne les diffipe promptement. Qu'il y a fouuent plufeurs nues l’vne fur l’autre; & plus aux païs de montaignes QUIAMIIENESE RARE 0 AS Que les hautes nues ne font or- dinairement compofées que de parcelles de glace. 210 & Que les vens preflent & polif- fent les fuperficies des nues, & les rendent plates ....... Que, ces fuperficies eftant pla- tes, les petits pelotons de glace qui les compoñfent s'y J07 208 208 208 209 210 s04 arrengent en telle forte que chafcun en a fix autres qui Jéntironn En tTEEMAPPENEERE 211 Comment deux vens prenent leur cours l’vn plus haut que l’autre, & poliflent les fuper- ficies du deffous & du def- [us IdESNUES FAT EEE 212 Que les fuperficies du circuit des nues nefe poliffent point pour cela, & font ordinaire- ment fort irregulieres...... 213 Commentil s'aflemble fouuent au deflous des nues plu- fieurs feuilles ou fuperficies compofées de parcelles de glace, chafcune defquelles eft enuironnée de fix autres. 213 OEUVRES DE DESCARTES. Que fouuent ces feuilles ou fu- perficies fe meuuent fepare- ment l’vne de l’autre....... Qu'il peut y auoir des nuës qui ne foient compofées que dértelles feuilles eee Que les gouttes d’eau peuuent aufly s’arrenger, dans les nuës, en mefme façon que les parcelles de glace...... Comment quelquefois le cir- cuit des plus grandes nuës s’arondiift, & mefme peut fe couurir d’vne fuperficie de glace aflez efpaifle, fans que fa pefanteur les face tom- Der ti nee Pine 215 & Difcours Sixiefme. DE LA, NEIGE, DE LAYPEUIE. EI DE FA GRESEE® Comment les nuës fe foutie- nadon ARS LMG SG 820000 Comment la chaleur, qui a couftume de rarefier les au- tres cors, condenfe les nuës. 217 Comment les parcelles de glace, qui compoñfent les nuës, s’entaflent en diuers HOCCONSI EME ENPENEAIMEEEE Comment ces floccons fe grof- fiffent & tombent en neige, ou en pluie, ou en grefle..…. Pourquoy la grefle eft quel- quefois toute tranfparente & LoOUTeMONTEr AE ET EEE re Ou feulement vn peu plus plate d’vn cofté que d’autre. 218 & 223 Comment fe fait la plus grofle grefle, qui eft d’ordinaire cornue & irreguliere....... 216 218 218 Pourquoy on fent quelquefois plus de chaleur qu’a l’ordi- naire dans les maifons..... Pourquoy la plus groffe grefle, eftant tranfparente en fa fu- perficie, eft toute blanche & compofée de neige au de- danser ERA PEERRRPERE D'où vient que cete grofle grefle ne tombe gueres que l’efté.…. Comment fe fait la grefle qui eft blanche comme du fucre. Pourquoy fes grains font quel- quefois aflez ronds, & plus durs en leurs fuperficies que vers leursiCentres hr Pourquoy ils font quelquefois pointus, & ont la figure d’vne pyramide ou d'vn pain de TS NS Hd qdio oc 6 0 214 214 214 281: 219 219 219 220 TABLE DES METEORES. Comment les petites parties de la neige prenent la figure de roues ou eftoiles qui ont chafcune fix pointes ....... D'où vient qu'il tombe aufly quelquefois de petits grains de grefle tous tranfparens, qui ont autour de foy fix pointes toutes blanches..... D'où vient qu'il tombe aufly de petites lames tranfpa- rentes, qui font hexagones.. Et d’autres qui femblent des rofes, ou des roues d'horo- loge, qui ont feulement fix dens - arondies en demi- CELGHE ER ma ee baie moe 6 Pourquoy quelques vnes de ces roues ont vn petit point plane auimiieur ere te D'où vient qu’elles font quel- quefois jointes deux a deux par vn aiflieu ou vne petite colomne de glace. Et d'où vient que l’vne de celles qui font ainfi jointes eft quel- quefois plus grande que ARE D ts ave Pourquoyil tombe quelquefois de petites eftoiles de glace qui ont douze rayons.. 228, Pourquoy il en tombe aufly, bien que fort rarement, qui CORAN terne Pourquoy les vnes de ces eftoiles font blanches, & les autres tranfparentes. Et les rayons des vnes font courts & ronds en forme de dens; les autres longs & pointus, Œuvres. I. 221 223 225 228 & fouuent diuifez en plu- fieurs branches, qui repre- fentent des plumes, ou des feuilles de fougere, ou des HEUTS AELYS EEE ERP PE TETE Comment ces eftoiles de glace defcendent des nues ....... Pourquoy, lorfqu'elles tom- bent en tems calme, elles ont couftume d’eftre fuiuies de plus de neige, mais que ce n’eft pas le mefme quand il AIT VENTE RARE Eee RE Comment la pluie defcend des nues. Et que c’eft qui rend fes gouttes groffes ou me- D'où vient qu'il commence quelquefois a pleuuoir,auant mefme que l'air foit couuert de QUES A PE PR AE 6e Comment les brouillas tom- bent en rozée ou gelée blan- che. Et que c’eft que le fe- D'où vienent la manne & les autres tels fucs. Et pourquoy quelques vns s'attachent a certains cors plutoit qu'a DATES ARE mt Pourquoy, fi les brouillars montent le matin & que la rozée ne tombe point, c’eft IENnENTEPME EEE Pourquoy, fi le foleil luit au matin lorfqu’il y a des nues en l'air, c'eft aufly figne de PLERRER ce Pourqüoy tous les fignes de pluie font incertains ....... 235 Le] LS ur $06 ŒUVRES DE DESCARTES. Difcours Septiefme. DES TEMPESTES, DE LA FOUDRE ET DE TOUS LES AUTRES FEUX QUI S'ALLUMENT EN L'AIR: Comment les nues, en s'abaif- fant, peuuent caufer des vens IORAMPENEUXE REP ERE D'où vient que les fortes pluies font fouuent precedées par Vnitelivent Retee e rer e Pourquoy les hirondelles vo- lent fort bas auant la pluie.. D'où vient qu’on voit quelque- fois tournoyer les cendres ou les feftus au coin du feu dans les cheminées ........ Comment fe font les tempeites nommées des trauades..... 2 Comment s'engendrent ces feux qui s'attachent aux mats de nauires fur la fin des grandes tempeftes.......... Pourquoy les anciens, voyant deux de ces feux, les pre- noient pour vn bon augure; &, en voyant vn ou trois, pour vn mauuais........... Pourquoy on en voit mainte- nant quelquefois iufques a 4 ou 5 fur vn mefme vaif- Quelle eft la caufe du ton- HÉLREN EAN ERU NT RTEINRRES Pourquoy il tonne plus rare- ment l'hyuer que l’efté..... Pourquoy,lorfqu’apres vn vent feptentrional on fentvne cha- leur moite & eftoufante, c’eft hgne destonnerre "rer Pourquoy le bruit du tonnerre K, 239 240 240 241 241 eft fort grand, & d’où vie- nent toutes. les differences qu’on y remarque........,. En quoy confiftent les diffe- rences des efclairs, des tour- billons & de la foudre. Et comment s’engendrent les efclairs . LR APE ITEES Pourquoy il efclaire quelque- fois fans qu’il tonne, ny . qu'on voye de nues en l’air. Et pourquoy il tonne quel- quefois fans qu'il efclaire... Comment s'engendrent les tour billons CERPPREREEEERRE Comment s’engendre la fou- AT See + Fee ACCRA D'où vient que la foudre peut brufler les habits fans nuire au cors, où au contraire fondre l’efpée fans gafter le fourreau, & chofes fem- Dlables >... 627 00 TRRUReeS Comment la matiere de la foudre fe peut conuertir en ME Pine PAPE ER CEE Pourquoy elle tombe plutoft fur les pointes des tours ou des rochers que fur les lieux Pourquoy chafque coup de tonnerre eft fouuent fuiui d'vne ondée de pluie. Et pourquoyle tonnerre fe paile lorfque cete pluie vient fort APONdANTE FC PE ER EE 241 242 243 243 244 244 245 TABLE Pourquoy le bruit des cloches ou des canons diminue la force duiténnerre- 127 Comment s'engendrent les eftoiles ou boules de feu, qui tombent quelquefois du ciel, fans tonnerre ny pluie. Comment il peut quelquefois pleuuoir du lait, du fang, du fer, des pierres ou chofes lemblablesies rem Comment s'engendrent les ef- toiles de feu qui femblenttra- uerfer le ciel. Et les ardans qui errent proche de la terre. Et les feux qui s’attachent aux crins des cheuaux ou aux pointes des piques..... Pourquoy ces feux ont fort peu de force. Et pourquoy, DES METEORES. 245 246 246 au contraire, celuy de la foudre en a beaucoup...... Que les feux qui s’engendrent au bas de l’air peuuent du- rer aflez longtems, mais que ceux qui s’engendrent plus haut fe doiuent efteindre fort promptement. Et que, par confequent, ny les Cometes, ny les Cheurons, qui fem- blent de feu, ne font point dertelsifeuxeeerete rer Comment on peut voir des lu- mieres & des mouuemens dans les nues qui reprefen- tent des combats, & foient pris par le peuple pour des PEOdIBES RE EEE À Comment on peut aufly voir le foleil pendant la nuit. 249 & Difcours Huitiefme. DIEMEAR C-EN=CTET,: Que ce n’eft point dans les va- peurs, ny dans les nues, mais® feulement dans les gouttes de la pluie que fe forme l’arc-en-ciel......... Comment on peut confiderer ce qui le caufe dans vne fiole de verre toute ronde & PME EEE EEE 7 Que l'interieur eft caufé par des rayons qui paruienent a l'œil apres deux refractions & vne reflexion ; & l'exte- rieur par des rayons qui n'y paruienent qu'apres deux refractions & 2 reflexions, ce qui le rend plus foible que HEUEEe 7. Le NU IOUt 250 Comment, par le moyen d’vn prifme ou triangle de criftal, on voit les mefmes couleurs qu'entliarc-en-ciel ARE" Que ny la figure des cors tranf- parens, ny la reflexion des rayons, ny la pluralité de leurs refractions ne feruent point a la production de ces COUICUIS EE MA AA M. 7: Que rien n'y fert qu'vne re- fraction, & la lumiere, & l’ombre qui limite cete lu- ACTOR EP at D'où vient la diuerfité qui eft ÉNTCNCESACOUIEUTS JM. En quoy confifte la nature du rouge & celle du iaune, 97 254 [e1 un u\ 256 256 08 qu'on voit par le moyen de ce prifme de criftal; & en quoy celle du verd & celle OEuvres DE DESCARTES. Que, l’eau eftant chaude, fa refraction eft vn peu moin- dre, & qu’elle caufe l’arc in- 267 268 269 269 du’bleus FREE ARENS QRRS 259 terieur vn peu plus grand Comment il fe mefle de l’in- & l'exterieur plus petit que carnat auec ce bleu, qui en lorfqu’elle eft froide ....... compoñfe du violet......... 259 Comment on demontftre que la En quoy confifte la nature des refraétion de l’eau a l’air eft couleurs que font paroiftre a-peu prés comme 187 à 250. les autres obiets; & qu’il n'y Et que le demi-diametre de en a point de faufles ....... 260 l’arc-en-ciel ne peut eftre de Commentfont produites celles 45 degreze ANUS TEE de l’arc-en-ciel. Et comment Pourquoy c’eft la partie exte- il s’y trouue de l'ombre qui rieure de l’arc interieur qui limite laltimieret "#20 261 eft rouge, & l’interieure de Pourquoy le demi-diametre de JERTETIEUR MISERERE l'arc interieur ne doit point Comment il peut arriuer que eftre plus grand que de 42 cet arc ne foit pas exacte- degrez; ny celuy de l’exte- mention APE EANERPEEES rieur plus petit que de 51... 262 Comment il peut paroiftre Pourquoy le premier eft plus TENUERNE Se Re EE limité en fa fuperficie exte- Comment il en peut paroiftre rieure qu’en l'interieure; & trois l’vn fur l’autre. ...... le fecond tout au contraire.. 262 Comment on peut faire paroi- . Comment tout cecy fe demon- ftre des fignes dans le ciel Ître exactement par le calcul. 262 qui femblent des prodiges.. Difcours Neufiefme. 4 DE LA COULEUR DES NUES; ET DES CERCLES OU COURONNES QU'ON VOIT QUELQUEFOIS AUTOUR DES ASTRES-: Que c’eft qui fait paroiïftre les nuës blanches ou noires.... 271 Pourquoy ny le verre pilé,ny la neige, ny les nues vn peu ef- paifles ne font tranfparentes. Quels font proprementles cors blancs. Et pourquoy l’ef- cume, le verre pilé, la neige 272 & les nues font blanches... 272 Pourquoy, l’air eftant fort fe- rein, le ciel paroïft bleu. Et pourquoy il paroiïft blanc, quand l’air eft rempli de va- Pourquoy l’eau de la mer pa- roift bleue aux lieux où elle eft fort claire & fort pro- fonde. ..152 RCE TABLE DES METEORES. Pourquoy fouuent, lorfque le foleil fe couche ou fe leue, le ciel paroïft rouge........ Pourquoy, le matin, cete rou- geur du ciel prefage des vens ou de la pluie, &, le foir, elle prefage le beau tems Comment fe forment les cou- ronnes autour des aftres.... Qu'elles peuuent eftre de plu- fieurs grandeurs. Et que c'eft qui les rend grandes OUNREUTES AE DAT cn: Pourquoy, eftant colorées, elles font rouges en dedans & bleues en dehors........ Pourquoy il en paroiïft quel- quefois deux l’vne autour de l’autre, & dontl'interieure eft lafmieuxipeinte. 4441.00 Pourquoy elles ne paroillent point autour des aftres qui font fort bas vers l'horizon. Pourquoy leurs couleurs ne font pas fi viues que celles de l'arc-en-ciel. Et pour- quoy elles paroïflent plus fouuent que luy autour dela lune, & mefme fe voyent au- touridesteftoiles "#"#Fr-rerr Pourquoy d'ordinaire elles ne paroïflent que toutes blan- chés rs DE APREE Ten Pourquoy elles ne peuuent pa- roiftre en des gouttes d’eau, ainfi que l’arc-en-ciel...... Quelle eft la caufe des cou- ronnes qu'on voit quelque- fois autour des flambeaux.. D'où vient qu'on y voit aufly de grands rayons qui s’ef- tendent çà & là en lignes AFOITES PR NE AE à Pourquoy ces couronnes font ordinairement rouges en de- hors, & bleues ou blanches en dedans, au contraire de celles qu'on voit autour des ares RE ose Pourquoy les refractions de l'œil ne nous font point touf- iours voir des couleurs..... Difcours Dernier. DEVLAPPARITIONLDE PLUSIEURS" SOLEILS. Comment fe forment les nues qui font paroïiftre plufieurs foleils Qu'il fe fait comme un anneau de glace autour de ces nues, dont la fuperficie eft aflez polie Que cete glace eft ordinaire- ment plusefpaifle verslecofté DOM) CIONOIO CROIC COIN OI OO 281 282 du foleil que vers les autres. 282 Que c'eft qui la foutient au Hautddelains Net 282 Que c’eit qui fait paroiftre quelquefois dans le ciel vn grand cercle blanc qui n’a aucun aftre pour fon centre. Comment on peut voir iufques a fix foleils dans ce cercle blanc : le premier directe- ment; les deux fuiuans par refraétion ; & les trois autres PARTEMEIONE eee Pourquoy ceux qu’on voit par refraétion ont, d'vn cofté, 2 279) 279 280 283 $ 10 leurs bors peins de rouge, & de l’autre, de bleu......... Pourquoy les 3 autres ne font que blancs & ont peu d’efclat. D'où vient qu'on n'en voit quelquefois que 5; & quel- quefois que 4; & quelque- fois QUE (LOIS EEE TENTE Pourquoy, lorfqu’on n’en voit que trois, il ne paroift quel- quefois, au lieu du cercle blanc, qu’vne barre blanche quiles trauerfe "#7 "#""7N, Que le foleil, eftant plus haut ou. plus bas que ce cercle blanc, ne laiffe pas de paroi- ftre a mefme hauteur ...... Que cela le peut faire voir apres l’heure qu'il eft cou- ché, & auancer ou reculer de beaucoup l’ombre des horo- CES oo don Dobnodabur Comment on peut voir vn fep- tieme foleil au deffus ou au deflous des fix precedens... Comment on peut aufly en voir trois l’vn fur l’autre. Et pourquoy alors on n’a point couftume d’en voir d’autres RACONTER CET CEE Explication de quelques exem- ples de ces apparitions ; &, entre autres, de l’obferua- 283 283 284 286 286 OEUVRES DE DESCARTES. tion des cinq foleils qui ont paru a Rome, le 20 Mars TO2O PT PR Ne 287 Pourquoy le fixiefme foleil n’a point paru en cete obferua- Pourquoy la partie du cercle blanc, la plus efloignée du foleil, y eft reprefentée plus grande qu’elle n’a pü eftre.. 290 D'où vient que l'vn de ces fo- leils auoit vne grofle queuë de feu, qui changeoïit fou- uentde fiPuire re ere 291 D'où vient qu'il paroiïfloit deux couronnes autour du princi- pal de ces foleils. Et d’où vient qu’il n’en paroïft pas toufiours de telles ......... 291 Que le lieu de ces couronnes n’a rien de commun auec le lieu des foleils qu’on voit a cofté du principal.......... 292 Que le foleil n’eft pas toufiours exactement le centre de ces couronnes. Et qu'il peut y en auoir deux, l’vne autour de l’autre, qui ayent diuers Cenres ere LEE 209 Quelles peuuent eftre les cau- fes de toutes les autres ap- paritions extrordinaires qui appartienent aux Meteores. 293 TABLE DESSMATIERES DEES GEOMETRIE Comment le calcul d’Arithme- tique fe rapporte aux opera- tions de Geometrie........ _ Comment fe font, Geometri- quement, la multiplication, la diuifion & l’extraétion de la racine quarrée........ Fe Comment on peut vfer de chif- fRESENIGEOMETIEN Ce 20 Comment il faut venir aux Equations qui feruent a re- Quelles font les lignes courbes qu’on peut receuoir en Geo- ES CORRESP EE RATES a. Liure] Difcours Desc. foudre les problefmes...... 3 Liure Premier. DES PROBLESMES QU'ON PEUT CONSTRUIRE SANS Y EMPLONER QUE DES CERCLES ET DES LIGNES DROITES. Quels fontles problefmesplans, & comment ils fe refoluent. 302 Exemple tiré de Pappus...... 304 Refponfe a la queftion de Pap- PUSCS TEE RTS Os D Comment on doit poier les termes pour venir a l'Equa- tion en cet exemple........ Comment on trouue que ce problefme eft plan, lorfqu'il n’eft point propoié en plus dPIPRES Near Nat 5 Liure* Second. DE LA NATURE DES LIGNES COURBES. La façon de diftinguer toutes ces lignes courbes en cer- tains genres, & de connoiftre $12 OŒEuvREs DE DESCARTES. le rapport qu'ont tous leurs poins a ceux des lignes TOITS PANNE RENE EEE 319 Suite de l'explication de la queftion de Pappus mife au JIurelPLecE ENTER TERE 323 Solution de cete queftion, quand elle n’eft propoiée QU'énMNOUAIENES SRE EEE 324 Demonftration de cete folu- TON LEE TRES MEME 332 Quels font les lieux plans & folides, & la façon de les (TOUTIENMOUS FF EE RREE 334 Quelle eft la premiere & la plus fimple de toutes les lignes courbes qui feruent a la queftion des anciens, quand elle eft propofée en cinq li- NÉS ET E uitte PERTE 255 Quelles fontles lignes courbes, qu'on defcrit en trouuant plufieurs de leurs poins, qui peuuent eftre receuës en GeDmeETIe PP MEr APERS 340 Quelles font aufly celles qu’on defcrit auec vne chorde, qui peuuent y eftre receuës..... 340 Que, pour trouuer toutes les proprietez des lignes cour- bes, il fuffit de fçauoir le rapport qu'ont tous leurs poins a ceux des lignes droi- tes. Et la façon de tirer d’autres lignes qui les cou- pent en tous ces poins a an- ESCORT RUE ro 341 Façon generale pour trouuer des lignes droites, qui coup- pent les courbes données, ou leurs contingentes, a an- glesidronts er tEent AC 342 Exemple de cete operation en vne Ellipfe, & en vne Para- bole du fecond genre...... 343 Autre exemple en vne Ouale duifecondisenre ter 344 Exemple de la conftruétion de ce problefme en la Con- Explication de 4 nouueaux genres d'Ouales qui feruent a Optique PAAMENRE re 352 Les proprietez de ces Ouales touchant les reflexions & les TEfTACHONS AP PEER ETEE 357 Demontftration de ces proprie- ARTE MOOD a dc onc 360 Comment on peut faire vn verre, autant conuexe ou concaue, en l’vne de fes fuperficies, qu'on voudra, qui raflemble a vn point donné tous les rayons qui vienent d’vn autre point Comment on en peut faire vn qui face le mefme, & que la conuexité de l’vne de fes fu- perficies ait la proportion donnée auec la conuexité ou concauité de l’autre........ 366 Comment on peut rapporter tout ce qui a efté dit des li- gnes courbes, defcrites fur vne fuperficie plate, a celles qui fe defcriuent dans un efpace qui a 3 dimenfons, ou bien fur vne fuperficie courbe 7... AP RCRERIENTE 368 De quelles lignes courbes on peut fe feruir en la conftru- étion de chafque problefme. 369 Exemple touchant l'inuention de plufieurs moyenes pro- PORLONEllES RATE EE 370 De la nature des Equations... 37 Combien il peut y auoir de ra- cines en chafque Equation. 372 Quelles font les fauffes racines. 372 Comment on peut diminuër le nombre des dimenfions d'vne Equation, lorfqu’on connoift quelqu’vne- de fes HOT RASE MESSE ASE 372 Comment on peut examiner fi quelque quantité donnée eft la valeur d’vne racine...... 373 Combien il peut y auoir de vrayes racines en chaîque HUALONES. 0e LP 373 Comment on fait queles fauffes racines deuienent vrayes, & lesvrayes faufles »......... 373 Comment on peut augmenter ou diminuër les racines MMEREQUATONS Tr. 374 Qu'en augmentant ainfi les vrayes racines, on diminuë les faufles, ou au contraire. 375 Comment on peut ofter le fe- cond terme d'vne Equation. 376 Commenton faitque les fauiles racines deuienent vrayes, fans que les vrayes deuie- HENDTIAMIES EM Race 377 Œuvres. I. TABLE DE LA GEOMETRIE. $13 Liure Troifiefme. DE LA CONSTRUCTION DES PROBLESMES SOLIDES OÙ PEUS QUE SOLIDES. Comment on fait que toutes les places d’vne Equation lONENTAMEMPILES EPP PEREEEE 378 Comment on peut multiplier ou diuifer les racines d’vne : LL ÉQUATION MERE ET AT AN 379 Comment on ofte les nombres rompus d’vne Equation.... 379 Comment on rend la quantité connuë de l’vn des termes d’vne Equation efgale a telle AU MTONNEUTÉ 00 380 Que les racines, tant vrayes que faufles, peuuent eftre reelles ou imaginaires...... 380 La reduétion des Equations cubiques, lorfque le pro- bleue te plane eee tre 380 La façon de diuifer vne Equa- tion par vn binome qui con- END EACINE SR EEE 381 Quels problefmes font folides, lorfque l’Equation eft cubi- La reduétion des Equations qui ont quatre dimenfions, lorfque le problefme eft plan. Et quels font ceux qui font TONAES ALPEREENREENC NEE 383 Exemple de l’vfage de ces re- AUÉTIORSE EEE ET 2, 387 Regle generale pour reduire toutes les Equations qui pa- fent le quarré de quarré.... 389 Façon generale pour conftruire tous les problefmes folides 65 14 OEUVRES DE reduits a vne Equation de trois ou quatre dimen- lONS Fe PRE PRE EREERTREE L'inuention de deux moyenes proportionelles= "PR eSP Pete € La diuifion de l'angle en i 396 Que tous les problefmes fo- lides fe peuuent reduire a ces deuxconfiruetions ee" La façon d'exprimer la valeur de toutes les racines des Equations cubiques, & en fuite de toutes celles qui DESCARTES. ne montent que iufques au quarré de quarré.......... Pourquoy les problefmes fo- lides ne peuuent eftre con- ftruits fans les fetions coni- ques, ny ceux qui font plus compofés, fans quelques au- tres lignes plus compofées.. 4o1 Façon generale pour conftruire tous les problefmes reduits a vne Equation qui n’a point plus de fix dimenfions...... L’inuention de quatre moyenes proportionelles............ FIN :. € a. Après Les fautes de l'imprefjion, qui occupent une page, on lit : On trouuera auf]y en plufieurs endroits des diftinéions fort mal miles, et quantité d'autres fautes de peu d'importance : lefquelles on excufera faci- lement quand on fcaura que l'Autheur ne fait pas profeffion d'efire Gram- mairien, et que le Compofiteur dont le Libraire s'eft ferui n'entend pas vn mot de François. Par grace & priuilege du Roy tres chretien il eft permis a l’Autheur du liure intitulé Difcours de la Methode etc., plus la Dioptrique, les Meteores, et la Geometrie etc., de le faire imprimer en telle part que bon luy femblera dedans & dehors le royaume de France, & ce, pendant le terme de dix annees confequutiues, a conter du iour qu'il fera paracheué . d'imprimer, fans qu'aucun autre que le libraire qu’il aura choifi le puifle imprimer, ou faire imprimer, en tout ny en partie, fous quelque pretexte ou deguifement que ce puifle eftre, ny en vendre ou debiter d'autre im- preflion que de celle qui aura efté faite par fa permiflion, a peine de mil liures d'amande, confifcation de tous les exemplaires &c. Ainfi qu'il eft plus amplement declaré dans les lettres donnees a Paris le 4 iour de May 1637, fignees par le Roy en fon confeil Ceberet, & fcellees du grand fceau de cire iaune fur fimple queuë. L’Autheur a permis a Ian Maire, marchand libraire a Leyde, d'im- primer le dit liure & de iouir du dit priuilege pour le tems et aux condi- tions entre eux accordées. Acheué d'imprimer le 8.iour de Luin 1637. De Staten Generael der vereenichde Nederlanden hebben gheconfen- teert, gheaccordeert ende gheoétroyeert, confenteren, accorderen ende oétroyeren by defen Ian Maire, Boeckvercooper woonende binnen Ley- den, dat hy voor den tijt van neghen naeftcomende jaren, alleene in defe vereenichde Nederlanden, geaflocieerde Lantfchappen ende Steden, fal mogen drucken, doen drucken, uytgeven ende vercoopen feecker boeck daer van den Titel is : Difcours de la Methode etc.plus la Dioptrique, les Meteores, et la Geometrie etc., verbiedende alle ende een yegelijck Inge- fetenen van defe landen, binnen den voorfz. tijt van neghen naeftromende jaren, het voorfz. Boeck int gheheel ofte deel nae te drucken, doen na- drucken, uytgheven, of vercoopen, ofte elders naegedruckt binnen defe Landen te brenghen om vercocht ofte ghebruyckt te worden, fonder con- fent van de voorfz. Ian Maire op verbeurte van alle de naeghedruckte exemplaren, ende daerenboven van een fomme van dryehondert Carolus guldens, tappliceren een derdendeel daer van, ten behoeve van den Of- cier die de Calangie doen fal, het tweede derdendeel ten behoeve van den Armen, ende het refterende derdendeel ten behoeve van der voorfz. lan Maire. Ghedaen in den Hage den xx December 1636. SCHOVENBORCH. Ter ordonnantie van de Hooghghemelte Heeren Statèn Generael, CORNELIS MUSCH. RENATI Des CanrnTre S'RMENC I M I NX PHILOSOPHIE: SEV DIS SP EIRT A T ro È DE ë MRES 1, H. 0:.D oO Rectè regendæ rationis , & veritatis in fcientiis inveftigande : DRROBENT.R EL CE, ENT PRE PADUNE, OR. A. Ex Gallico tranflata, & ab Audtore perleëta, variifque in locis emendata . Cachan alt dns are pt rt 6 527 RS PR SR 4AMSTELODAMI, RE M 7 (LE ru Apud Lunovicum ELZEVIRIUM. Cl I3c xzriv. Cum Privuegiis. PRIVELEGE Lovïs, par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre, à nos amés et feaux Con°’S les gens tenans nos cours de Parlement, Baillifs, Senes- chaux, Prevosts, luges, ou leurs Lieutenans, et autres nos juges et officiers quelconques, À chascun d'eux, ainsy qu'il appartiendra, salut. L'invention des Sciences et des Arts accompagnez de leurs demonstrations, et des moyens de les metre à execution, estant une production des Esprits qui sont plus excellens que le commun, a fait que les Princes et les Estats en ont tousiours receu les inventeurs avec toutes sortes de gratifications, afin que, ces choses introduites es lieux de leur obeissance, ils en de- vienent plus florissans. Ainsy nostre bien amé Des Cartes nous a fait remonstrer qu’il a par une longue estude rencontré et demonstré plusieurs choses utiles et belles, auparavant incognües dans les Sciences humaines, et concernant divers arts avec les moyens de les mettre en exe- cution. Toutes lesquelles choses il offre de baïller au publiq, en luy accor- dant qu’il puisse faire imprimer des traitez qu'il en a composez et compo- sera Cy apres,soît de theorie soit de pratique, separement et conjointement en telle part que bon luy semblera dedans ou dehors nostre Royaume, et par telles personnes qu'il voudra de nos sujets et autres, avec les defences accoustumées en cas pareil, Nous requerant humblement nos lettres a ce necessaires. À ces causes desirant gratifier ledit Des Cartes et faire cog- noistre que c'est à luy que le publiq a l'obligation de ses inventions, nous avons, par ces presantes, accordé, permis, voulons et nous plaist que ledit Des Cartes puisse faire et face imprimer toutes les œuvres qu'il a com- posées et qu'il composera touchant les sciences humaines, en tel nombre de traitez et de volumes que ce soit, separement et conjointement, en telle part que bon luy semblera, dedans et dehors nostre obeissance, par telles personnes qu'il voudra choisir de nos sujets ou autres. Et que pendant le terme de dix années consecutives à conter pour chascun volume ou traité du jour qu'il sera parachevé d'imprimer, mesme auparavant ce terme com- mencé, aucun ne puisse imprimer ou faire imprimer en tout ny en partie, sous quelque pretexte ou deguisement que ce puisse estre, aucune des œuvres dudit Des Cartes, que ceux de nos sujets ou autres ausquels 1l en aura donné la permission, ny personne en vendre et debiter d'autre im- pression que de celle qui aura esté faite par sa permission, & peine de Mille livres d'amande, confisquation de tous les exemplaires, despens, dommages et interests, applicables moitié aux pauvres et moitié au profit dudit Des Cartes. Si vous mandons et à chascun de vous enjoignons par ces presentes que du contenu en icelles vous faites, laissez et souffrez jouir et user pleinement et paisiblement ledit Des Cartes, faisant cesser tous troubles et empeschemens contraires. Et d'autant que de ces presentes on pourroit avoir affaire en plusieurs lieux, Nous voulons qu'au vidimus et extrait d'icelles deüment collationné par un de nos amez et feaux Con- seillers et Secretaires, foy soit adjoustée comme au present original. Car tel est nostre plaisir. Donné à Paris le III Tour de May milsix cens trente sept et de nostre regne le vingtiesme. Par le Roy en son Conseil Ceberet et scellé du grand seau de cire jaune sur simple queuë. INDEX’ MATERIARUM CONTENTARUM IN DISSERTATIONE DE METHODO RECTE UTENDI RATIONE & VERITATEM IN SCIENTIIS INVESTIGANDI. 1. Variæ circa fcientias confi- do, ac in fpecie motüs derationes RO v ECS RER 1 cordis, & quarundam alia- 2. Præcipuæ ïillius Methodi, rum ad Medicinam fpec- quam inveftigavit Autor, tantium perplexarum opi- MOBILIER ARE IUT 9 nionum enodatio ; tum, 3. Quædam Moralis fcientiæ quæ fit inter noftram & regulæ, ex hac Methodo brutorum animam diffe- depromptes.- #1." 20 DOME dense 37, 38 4. Rationes quibus exfiftentia 6. Quod requiri putet Autor, Dei &animæ humanæ pro- ad ulterius progrediendum batur, quæ funt Metaphy- in Naturæ perfcrutatione, ficæ fundamenta ........ 29 quam haétenus faétum fit: 5. Quæftionum Phyficarum ab & .quæ rationes ipfum ad | Autore inveftigatarum or- fcribendum impulerint... 54 INDEX MATERIARUM CONTENTARUM IN DIOPTRICA.. Capur I. De Lumine. 1. Vifûs præftantia; & quan- 2. Sufficere naturam lucis con- tum nuper inventis per- cipere, ad omnes ejus pro- fpicillis adjuvetur ....... 71 prietates intelligendum.. 72 1. Ces Zndex reproduisent les titres des sections, qui figurent en man- chettes sur les marges de l'édition originale, mais qui n'y seront pas réim- primés dans celle-ci. Comme il y a quelques variantes, nous les indi- querons ci-après, en désignant par I les leçons des Zndex, par M celles des manchettes. Les renvois sont faits aux numéros des sections. Mers. 2 Author M.— 3 depromtæ I. — 5 Authore M. — 6 Author M. » ° 5 sr Linge te, JUN ES EM D Le Le eo l Cet Vs 27 CE a Ur © 2 MES LA v« 4 ANAL N EE LE a de 20 3. Quomodo radii ejus in in- ftanti à Sole ad nos perve- niant.. 1H LR CEc EU 4. Quomodo ejus ope colo- res videantur, & quænam fit natura colorum in ge- 5. Non opus efle fpeciebus in- tentionalibus ad eos vi- dendum, neque ut in ob- jeétis aliquid fit noftris lenfibus Mme FERRER 6. Nos interdiu videre ope radiorum, qui ab objeétis in oculos noftros veniunt. Contrà feles noëtu videre ope radiorum, qui ab ip- forum oculis in objeéta TENUE ERP EEE CCE 7. Quænam fit materia quæ radios tranfmittit; & quo- modo diverforum objecto- rum radii fimul in oculum ingredi poflint, aut, ad di- verfos oculos tendentes, 1 "> 74 7 OŒEuvREs DE DESCARTES. per eundem aëris locum fine permixtione tranfire, aut ita ut alii non fint aliis impedimento; nec ab aëris fluiditate impedian- tur, nec à ventorum agi- tatione, nec à vitri aut aliorum ejufmodi pelluci- dorum corporum duritie; & qui fieri poffit ut nihi- lominus fint reéti..... 8. Quid propriè fint ifti radii; & quomodo infiniti à fin- gulis illuminati corporis PunÉtis exeant. Peer : 9. Quid fit corpus nigrum; quid album. Item, quid fit fpeculum, & quomodo fpecula, tam plana quàäm convexa, radios refleétant. In quo confiftat natura me- diorum colorum ........ Quomodo colorata cor- pora radios reflectant; & quid fit refraého ""7°P26 10. Capur Il. De Refradione. . Quomodo fiat reflexio..... . Non efle necefle ut corpora mota aliquo momento hæ- reant in illis à quibus re- HEURE EPP EEE MEL TE 3. Cur angulus reflexionis fit æqualis angulo incidentiæ 4. Quantum motus pilæ infle- étatur, cùm linteum tra- W 5. Etquantum, cùm in aquam INSCRIRE FE CEE 6. Cur refraétio tanto fit ma- jor quanto incidentia eft obliquior; & nulla, cùm incidentia eft perpendicu- I, 3 : ad nos à Sole M. 81 85 laris. Et cur aliquando bombardarum pilæ verfus aquam difplofæ in eam non poflint ingredi, fed verfus aërem refleétantur. 7. Quantum radii refrangan- tur à pellucidis corpori- bus in quæ penetrant.... 8. Quomodorefrattionum ma- gnitudinem metiri opor- téat:. 14 2 PU TERRES 9. Radios faciliùs trajicere vitrum quàäm aquam, & aquam quàam aërem : & CURAIIAT PEER RARE 10. Cur radiorum aquam fub- 75, 76 77 80 80 86 87 88 89 INDEX DE LA DIOPTRIQUE. euntium refractio æqualis fit radiorum inde exeun- tium refractioni. Et cur id non fit univerfale in omni- bus pellucidis corporibus. 11. Radios aliquando incur- go vari pole, nec tamén ex eodem pellucido corpore 12. Quomodo fiat refractio in fingulis curvarum fuper- NCIeIMADUNEUS EE ee Capur III. De Oculo. 1. Membranam, vulgô reti- nam diétam, nihil aliud effle quam nervum opti- 2. Quales fint refractiones ab oculihumoribus produétæ 3. In quem ufum pupilla 91 coarctetur & dilatetur. 92, 93 4. Motum iftum pupillæ vo- JunTa RU MENECEP rer 5. Humorem cryftallinum efle mufculi inftar, qui totius oculi figuram mutare po- teft; & filamenta, proce/f- Jus ciliares diéta, ïllius CHETENAINESS 2 Cu Capur IV. De Senfibus in genere. 1. Animam fentire, non cor- pus ; idque quatenus eft in cerebro, non quà alia membra animat......... 2. Ipfam nervorum ope fen- CURE MERE LS . Interiorem ïiftorum nervo- rum fubftantiam ex multis tenuiflimis capillamentis COMME METTRE - 4. Eofdem efle nervos, qui fenfibus & qui motibus CNT one TIR 5. Spiritus animales in ifto- rum nervorum membra- 123 95 95 95 96 nis contentos membra mo- vere; fubftantiam illorum internam fenfibus infer- vire; & quomodo ope ner- vorum fiat fenfus........ 6. Ideas, quas fenfus externi in phantafiam mittunt,non effe imagines objectorum ; aut faltem opus non efle USINE 0e 7. Diverfos motus tenuium uniufcujufque nervi capil- lamentorum fufficere ad diverfos fenfus producen- LT 00 0 mer Capur V. De Imaginibus quæ formantur in fundo oculi. 1. Comparatio iftarum ima- ginum cum iis quæ in obfcuro cubiculo confpi- CURE A ee tone 2. Explicatio iflarum imagi- Œuvres. I. 99 num in oculo animalis DONS des jus 3. Hujus oculi figuram pauld longiorem efle reddendam, cm objeéta propinqua 66 90 93 93 96 97 99 IOI $22 funt, quam cüm funt re- IE TARN ESS 101, 4. Multos in hunc oculum radios ab unoquoque ob- jecti punéto ingredi ; om- nes illos qui ab eodem punéto procedunt, in fun- do oculi congregari de- bere circa idem punétum, figuramque fuam in hunc finem efle collocandam ; diverforum radiorum pun- éta ibidem in diverfis pun- étis congregari debere.... 5. Quomodo colores videan- tur per chartam albam quæ eft in fundo ïftius oculi. Imagines quæ ibi formantur fimilitudinem objectorum referre ...... 6. Quomodo pupillæ magni- tudo iflarum imaginum perfectioni inferviat...... 7. Quomodo etiam eidem in- ferviat refractio quæ fit in oculo, & obftitura effet, fi major foret aut minor quèm reipfà eft....:. AE 8. Quomodo internarumiftius oculi partium nigredo, & cubiculi obfcuritas in quo iftæ imagines confpiciun- tur, eidem etiam inferviat; cur nunquam adeo per- fe&æ fintin fuis extremi- 102 104 106 Œuvres DE DESCARTES. tatibus atque in medio; & quomodo intelligi debeat quod vulgù dicitur, vi/o- nem fieri per axem....... 9. Amplitudinem pupillæ, dum colores vividiores facit, fi- guras minüs diftinctas red- dere, ac proinde medio- crem tantüm efle debere. Objeéta quæ funt, à latere illius ad cujus diftantiam oculus difpofitus eft, ab eo remotiora aut propiora, minüs diftinétè in eo re- præfentari quàäm fi æquali propè diftantià abeflent. Imagines iftas effe inver- fas, figurafque ïllarum mutari aut contrahi pro ratione diftantiæ aut fitûs objeétorum Imagines iftas perfectiores effe in oculo animalis vivi quäm mortui, & in oculo hominis quam bovis..... Illas quæ apparent ope lentis vitreæ in cubiculo obfeuro, ibi eodem modo atque in oculo formari, & in iis experimentum capi pofle multorum quæ hic dia confirmant..:.,2... Quomodo hæ imagines ab oculo in cerebrum tran- feant 10. II. 12. 19 Capur VI. De Vifione. 1. Vifionem non fieri ope ima- ginum quæ ab oculis tran- feunt in cerebrum, fed ope motuum qui ipfas compo- 2. Iftorum motuum vi percipi 116 lumen & colores; item fo- nos, fapores, titillationem GUAOIOTENT ARTE PREREES ; 3. Cur ictus, in oculo accep- tus, efficiat ut veluti plu- rima confpiciantur lumi- 108 108 110 110 114 116 INDEX DE LA DIOPTRIQUE. na; & in auribus, ut foni audiantur ; atque ita ea- dem vis diverfas fenfiones in diverfis organis produ- 4. Cur,claulis paulo poft conf- peétum Solem oculis, va- rios colores videre videa- 5. Cur aliquando diverti co- lores appareant in corpo- ribus tantüm pellucidis, fi- cutiniride tempore pluvio 6. Senfum luminis majorem aut minorem efle, prout objetum propius aut re- _motius eft; item prout pu- pilla atque imago, quæ in oculi fundo depingitur, major aut minor eft...... 7. Quomodo capillamentorum nervi optici multitudo vi- fionem diftinétam reddat. 8. Cur prata, diverfiscoloribus variegata, eminus unius tantüm coloris appareant; & cur omnia corpora mi- nüs diftinétè eminus quam ‘cominus confpiciantur, at- que imaginis magnitudo vifionem diftinétiorem red- SEUL Ji 0 VAS TRES 9. Quomodo agnofcamus fi- 10. 11. tum objettiquod intuemur, aut ejus quod digito nobis eminus monftratur..,,.. Cur inverfio imaginis quæ fit in oculo non impediat ne objecta recta appareant ; & eur id quod duobus ocu- lis confpicitur, aut duabus manibus tangitur, nonideo duplex appareat...... He Quomodo motus, qui im- mutant oculi figuram, ef- 119 119 120 13 14. 17e 19. ficiunt ut objetorüm di- ftantia deprehendatur.... Etiamfi motus ifti nobis infciis fiant, nos tamen quid fignificent agnofcere. Amborum oculorum con- — = LL (e] {piratio animadvertendæ . diftantiæ infervit, necnon unius oculi, fi loco fuo MONA EE FAN ET Quomodo diftinétio aut confufio figuræ, & majus aut minus lumen, efficiant ut diftantia animadverta- mur, præcedaneam cogni- tonem, ipforum diftantiæ meliùs dignofcendæ infer- vire; idemque fitum eff- objecti magnitudo & figura diénotcatuneer er S Cur nos aliquando vifus fallat, & phrenetici, aut qui dormiunt, putent fe videre quod non vident.. Cur aliquando objeéta du- plicia videantur, & tattus effciatut objeétum duplex cfemidéatun se. Cur ïéterici, aut qui per flavum vitrumconfpiciunt, omnia quæ vident flava efle judicent. Et quis fit locus & quo confpicitur objeétum per vitrum pla- num cujus fuperficies non funt parallelæ, & per vi- um concavum; curque tuncobjeëtum minusquàm fit appareat. Item, quis fit locus è quo per vitrum convexum videtur, & cur 1 el D e) o N 129 a dass ai bd di: del ac Es ne “er NO PET EU PE + 4 Le DATI NET ah. 24 ibi aliquando majus & re- motius, aliquando verd minus & propius appareat quäam revera fit, aut etiam inverfum. Denique, quis fit locus imaginum quæ confpiciuntur in fpeculis, tam planis quàm convexis aut concavis ; & cur ibi appareant reétæ aut inver- Îæ, majores aut minores, & propiores aut remo- tiores quàm funt ipfa ob- Ja Mt ERA RU Cur facile decipiamur in judicando de diftantià ; quomodoque probari pof- fit nos non folere diftan- 20. Capur VII. De 1. Tria in vifione efle confi- deranda : objeéta, organa interiora, & exteriora.... 2. Quatuor tantüm ad vifio- nem perfectam reddendam MEUNIER EL ME 3. Quomodo natura primo iftorum profpexerit, & quid fuperfit quod ars illi ad- 4. Quod difcrimen fit inter juvenum & fenum oculos. 5. Quomodo mederi oporteat myopum & fenum oculis. 6. Inter multa vitra quæ illi rei infervire poflunt, facil- lima politu funt deligenda ; item, ea quæ meliùs efh- ciant ut objecta, à diverfis punétis manantia, videan- tur à totidem aliis diverfis punétis procedere....... ; 7. Non opus effe alium hâc in 128 OEuvRESs DE DESCARTES. tiam 100 aut 200 pedibus majorem imaginari...... 21. Cur Sol et Luna majores videantur, horizonti pro- ximi, quàam ab eo remoti; apparentemque objeéto- rum magnitudinem ex angulo vifionis non efle menfurandam........... Cur alba & luminofa ob- jeéta propiora & majora quàm funt appareant..... [E] Le 23. Cur omnia corpora valde parva, aut valde remota, appareant rotunda....... 24. Quomodoremotiones fiant in tabulis fecundüm Per- fpectivæ regulas delineatis modis vifionem perficiendi. re deletum habere quäm circumcirca, & cur....…. è 8. Imaginum magnitudinem pendere tantüm ab obje- étorum diftantià, à loco ubi fe radii, qui in oculum ingrediuntur, decuflatim fecant, & ab ipforum re- fractione PÉEPEPEEE 137 & 9. Refractionem non efle hic magnà confideratione di- gnam, ut nec objectorum acceflibilem diftantiam; & quid, ubi inacceflibilia funt, facere conveniat.... 130 131 131 132 133 139 10. In quo confiftat inventio perfpicillorum pulicarium, unico vitro conftantium ; & quis fit illorum effectus. Augeri pofle imagines ef- ficiendo ut radii procul ab oculo decuflentur, ope tu- buli aquä pleni ; quantoque 11. 141 longior eft ifte tubulus, tanto magis imagines au- gere, & idem præftare ac fi natura tanto longiorem OCHIUMMECITET PEN E REr 12. Pupillam oculi obitare, tantum abeft ut adjuvet, cùm quis ejufmodi tubulo UÉCTUTE. 2 AE ra 13. Necrefrattionem vitriquod aquam in tubulo continet, nec membranarum quibus humores oculi involvun- tur, ullà confideratione CHIENS AE ALT EE Idipfum æquè fieri pofle tubulo ab oculo feparato, atque conjunéto......... 15. Quäâ in re confiftat inven- (OPEL ICOPURE AMEN EN 16. Quomodo impediri poflit ne vis radiorum in oculos ingredientium nimis ma- 14. 17. Quomodo contrà impe- diri poflit, cm nimis de- bilis eft, & objeéta accefli- TANT PRES ET 18. Et quomodo, cm accefli- 141 142 142 143 144 144 145 19. 21. 30 24: INDEX DE LA DIOPTRIQUE. 25 bilia funt & telefcopio uti- 145 Quanto majus pupillà fieri poflit horum confpicilio- rum orificium, & cur ma- jus fieri debeat....... cat . Objetorum acceflibilium caufà, non opus efle ita au- gere tubuli orificium..... Ad diminuendam radio- rum vim, cm utimur confpiciliis, præftare illo- rum orificium anguftius facere, quam id vitro co- lorato tegere. Et ad ïd anguftius reddendum, præ- ftare extrema vitri extrin- fecus tegere, quäm ntrin- LECUSÉA ER Re certe 147 147 . Ad quid utile fit multa ” objeéta eodem tempore vi- dere; & quid fieri opor- teat, ne eà re opus fit .... Ufu acquiri poile facilita- tem videndi objetta pro- pinqua aut remota....... Urde faétum fit ut Gym- nofophiftæ illæfo oculo So- lem intueri potuerint .... 149 148 149 Caeur VIII. De figuris quas pellucida corpora requirunt ad detorquendos refraitione radios omnibus modis vifioni infervientibus. 1. De quibus figuris hîc agen- (eo D SRE EPA EE 2. Quid fit Ellipfis, & quo- modo fit defcribenda..... 3. Demonftratio proprietatis Ellipfis in refractionibus. 4. Nullis aliis adhibitis lineis præter circulos aut ellip- fes, poile fieri ut radii pa- ralleli in unum punétum coëant, aut ut ii qui ab 149 150 eodem punéto prodeunt, paralleli evadant ........ 153 5. Quomode fieri poflit ut ra- dii qui ab uno vitri latere funt paralleli, ab altero difgregentur tanquam fi omnes ab eodem punéto CRIFEM EE cles œele se sfele ste 6. Quomodo fieri poilit ut, cm ab utroque latere funt paralleli, in minus fpa- 520 7. Quomodo tium ab uno quàm ab al- tero latere contrahantur. idem obtineri queat, efficiendo præterea ut radii fint inverfi ...... 8. Quà ratione fieri poflit ut omnes radii ab uno punéto procedentes in alio punéto CONPIÉPÉNIUT ee 9. Et ut omnes ii qui ab ali- 11. 12. 19: quo punéto exeunt, difgre- gentur quafi ab alio pun- to promanarent........ Et ut omnes ii qui difgre- gati funt quafi ad idem punétum tenderent, ite- rum difgregentur quafi ab eodem punéto prodirent.. Quid fit Hyperbola, & eam defcribendi modus... Demonitratio proprietatis Hyperbolæ quoad refraétio- ME da dodo so vbebLe Quomodo ex folis hyper- bolis & lineis rectis fieri poflint vitra, quæ radios omnibus iifdem modis mutent atque illi qui el- lipfibus & circulis con- (TANT ER ndeto nos mbor Etiamfi multæ aliæ figuræ fint quæ eofdem effectus producere queunt, nullas tamen præcedentibus ad confpicilia efle aptio- TES UE CES MI OAS Figuras, folis hyperbolis & lineis reétis conftantes, delineatu efle faciliores..…. Quæcunque fit vitri figura, non pofle id accuratè effi- cere ut radii, à diverfis 155 156 156 156 160 162 166 166 20. Quomodo OEUVRES DE DESCARTES. punétis prodeuntes, in to- tidem aliis diverfis punétis CONgregentur............ 17. Vitra hyperbolica omnium Optima efle in hunc finem. 18. Radios à diverfis punétis procedentes magis difper- gi, vitro hyperbolico tra- jeéto, quàam elliptico ; quantoque ellipticum den- fius eft, tanto minùs, illud trajiciendo, difpergi...... 19. Quantamcunque denfita- tem habeat, non pofle id imaginem, quam ifti radii pingunt, nifi quartà aut tertià parte minorem red- dere quäm faciat hyperbo- licum; & inæqualitatem tanto majorem efle, quan- to major eft vitri refraétio. Nullam vitro figuram dari pofle, quæ imaginem iftam majorem reddat hyperbo- licà, aut minorem ellip- CE RS NO D 080 00 0 b 0 intelligendum fit, radios à diverfis punc- tis promanantes decuflari in primà fuperficie, quæ efficere poteft ut in toti- dem aliis diverfis punis congregentur ....... CC 21. Vitra elliptica magis urere quam hyperbolica; & quo- modo metiri oporteat vim fpeculorum aut vitrorum 168 urentium. Nulla poffe fieri quæ lineà reétà urant in InfHinitÜMErE RER 22, Minima vitra aut fpecula tot radios congregare ad 173 6 : ab (4près quarn) omis M, — 12 : quoad] quod ad M. — 12 : diverfis (après aliis) omis M. 1. 2. "> 4. 5e INDEX DE LA DIOPTRIQUE. urendum, in fpatio in quo eos congregant, atque ma- xima quæ figuras minimis iftis fimiles habent, in æquali fpatio; iftaque ma- xima nullam aliam præro- gativam habere quam eos in fpatio majori & remo- tiori congregandi, atque ita fpecula aut vitra valde parva fieri pofle, quæ ta- men magnam urendi vim habeant. Speculum com- burens cujus diameter non excedit 100-partem di- D310 24. flantiæ ad quam radios congregat, non pofle effi- cere ut vehementiüs urant aut calefaciant quàm illi qui direétè à Sole proce- AUNCES EE ECEUEPPE EEE 060 Vitra elliptica plures ex eodem punéto radios acci- pere pofle, ut eos poftea parallelos reddant, quäm ullius alterius figuræ .... Sæpe vitra hyperbolica el- lipticis efle præferenda, quûd uno tantundem at- que duobus effici poflit.…. Capur IX. Defcriptio Specillorum. Qualis eligenda fit perfpi- cillorum materia, & cür fere/femper fiat aliqua re- flexio in corporum pellu- cidorum fuperficie; cur- que reflexio ifta validior fit in cryftallo quàm in vitro. Defcriptio confpiciliorum quæ myopibus inferviunt, & iis qui tantüm eminus videre poffunt... ...... 5 Cur fupponi poflit radios, à punéto fatis remoto pro- deuntes, efle quafi paral- lelos; & cur non fit ne- celle confpiciliorum, qui- bus utuntur fenes, figuram valde accuratam efle..... Quomodo perfpicilla puli- caria ex unico vitro fieri TÉDEAD Tee eee : Quid requiratur in telefco- 180 piis, ut fint perfecta...... 6. Qualia itidem efle debeant perfpicilla pulicaria,utfint 7. Ad his perfpicillis uten- dum, præftare alterum oculum velo aliquo ob- fcuro tegere, quàäm eum mufculorum ope claude- re. Utile quoque efle vifûs fui aciem antea debilitare, in loco valde obfcuro fe continendo; atque etiam imaginationem difpofitam habere quafi ad res valde remotas & obfcuras in- (Een LS EAP OOROESSR 8. Qui fiat ut minüs antehac felices fuerint artifices, in accuratis telefcopiis con- ficiendis, quàäm in aliis PÉDIRIENHS A 27... VIII, 24 : tantumdem M. — IX, 8 : conficiendis omis M. Va 174 181 186 189 €. 528 OEUVRES DE DESCARTES. Carur X. De modo expoliendi vitra. 1. Quomodo magnitudo re- fractionum vitri, quo uti volumus, fit invenienda. 191 2. Quomodo inveniantur pun- ta urentia & vertex hy- perbolæ, cujus vitrum illud, cujus refractiones cognitæ funt, figuram æ- mulari debet; & quomo- do punétorum iftorum di- ftantia augeri aut minui 3.-Quomodo hæc hyperbola fune defcribi. poilit, vel multorum punétorum in- VMÉNHONE PAPE CEE E CEE 194 4. Quomodoinveniatur conus, in quo eadem hyperbola à plano axi parallelo fecetur. 195 5. Quomodo, ope machinæ, uno duétu hæc hyperbola deICHIDI qUeAt ee CPR 196 6. Alia machina, quæ iftius hyperbolæ figuram dat omni rei quæ eà ad vitra polienda indiget; & quo- modo illà fit utendum... 7. Quid in vitris concavis & quid in convexis fpeciatim obfervandum fit......... 8. Ordo obfervandus ad fe in iftorum vitrorum politurâ exercendum. Vitra con- vexa quæ longioribus te- lefcopiis inferviunt, accu- ratiùs cæteris efle po- lienda. Se reel 9. Quænam fit præcipua per- fpicillorum pulicariumuti- li TASSE RRPSREE DOS BAS doc 10. Quomodo fieri poflit ut duorum ejufdem vitri fu- perficierum centra direétè fibi invicem opponantur. INDEX MATERIARUM CONTENTARUM IN METEORIS. Careur I. De naturû terrefirium corporum. 4. Quid Autor in hoc traéta- tu propoftum fibi habue- TAC ETES SOUS 207 2. Argumentum primi capitis. 207 3. Aquam, terram, aërem & 2 : Primi capitis argumentum M. reliqua corpora quæ nos circumftant, ex variis par- ticulis componi. Poros effe in omnibus iftis cor- poribus fubtili quädam 197 203 205 205 4. sé db* — 1 3 INDEX DES METEORES. materià repletos. Particu- las aquæ effe longas, te- retes & læves. Aliorum corporum fere ornium particulas habere figuras irregulares, angulofas & ramorum inftar expanfas. Ex ïftiufmodi particulis fimul junéis & implexis corpora dura componi. Eafdem, fi non fint im- plexæ, nec tam craflæ quin à materià fubtili poflint agitari, oleum vel aërem COMPONELE ME 200, Hanc materiam fubtilem indefinenter moveri. Ip- fam folere celeriüs ferri juxta terram quäm prope nubes ; verfus Æquatorem quam verfus Polos; æftate quam hyeme; ac die quàm Ipfus etiam particulas efle inæquales. Quæ minores funt, minus virium habere 209 200 ad alia corpora movenda. 210 Crafliufculas præcipuè in- veniri in locis ubi maximè funt agitatæ. Illas multo- rum corporum meatus in- gredi non pofle; ideoque ifta corpora efle aliis fri- LIdIO AN re Eee EE Tone 7. Quid fit calor & quid fri- gus. Quomodo corpora dura calefiant. Cur aqua liquida effe foleat, ac quo- modo frigore durefcat. Cur glacies eandem fem- per retineat frigiditatem & duritiem, quamdiu gla- cies eft, etiam in æftate, nec paulatim, ut cera, mol- A ee cue o à 8. Quæ fint falium particulæ; quæ etiam fpirituum, five aquarum ardentium. Cur aqua rarefiat dum conge- latur, atque etiam dum incalefcit. Et cur ferve- faéta citius congeletur..…. 9. Particulas, de quibus hic agimus, non efle indivifi- biles; nec in hoc traétatu quidquam negari eorum quæ in vulgari Philofo- phià traduntur.......... Capur Il. De vaporibus € exhalationibus. Quomodo vi Solis corpo- rum terreftrium particulæ nonnullæ furfum attollan- ALU a Ve SA Sert Quid fit vapor & quid exha- latio. Plures vapores quàäm exhalationes generari.Quo- modo crafliores exhalatio- nes ex corporibus terre- ftribus egrediantur...... Cur aqua in vaporem verfa 214 valde multum loci occupet. 216 Œuvres. I. 4. Quomodo ïiidem vapores magis aut minüs denfari poflint. Quare infolitus calor æftate interdum, aëre nubilo, fentiatur. Et quid vapores calidos aut frigidos reddat.......... 5. Cur halitus calidior emit- tatur, ore valde aperto, quam propemodum clau- fo. Et cur majores venti femper frigidi fint....... 29 211 213 217 AS 6. Cur vapores interdum ma- gis, interdum minüs, ra- dios luminis obtundant. Cur halitus oris magis vi- deaturhyeme quam æftate. Plures vapores folere efle in aëre, cùm minimè vi- dentur, quam cüm viden- OEUVRES DE DESCARTES. ture ere Po édun ss aie) . Quo fenfu vapores alii aliis humidiores aut ficciores ENPOIIN EEE 8. Quæ fint variæ exhalatio- num naturæ, & quomodo feipfas à vaporibus fegre- panteses pi soso eee se MAT Capur III, De fale. 1. Quæ fit natura aquæ falfæ, & cur oleum ex corpo- ribus eo madefactis non tam facile egrediatur quàäm marina pellucidior fit flu- viatili, & paulo major in eà fiat luminis refraétio... 224 5. Cur non tam facilè conge- aqua. nu b 0 EP) letur, & quomodo aqua, 2.1CUur tanta fit in fapore dif- ope falis, in glaciem ver- ferentia inter falem & tatur, LP MMS EE aquam dulcem. Cur fal 6. Cur delle fal sbeati in carnium corruptionemim- vaporem, & aqua dulcis pediat, eafque duriores facillime:. SERRE reddat; cur verd aqua 7. Cur aqua maris arenà per- dulcis eas corrumpat. 223 colata dulcefcat, & aqua 3. Cur aqua falfa gravior fit fontium & fluminum fit quam dulcis, & nihilomi- dulcis. Cur flumina in nus falis grana in aquæ mare fluentia ejus aquas marinæ fuperficie formen- nec dulciores, nec copio- tur. Particulas falis com- fiores reddant..... 0204220 munis efle longas, rectas 8. Cur mare magis falfum fi, & in utraque extremitate verfus æquatorem quàäm æqualiter craflas ; quomo- VETIUS POlOS PERS ERTE 22/7 doque difponantur inter 9. Cur aqua falfa minùs apta particulas aquæ dulcis; & fit incendiis exftinguendis majorem efle particularum quàm dulcis; & eur noëtu, agitationem, in aquà falfà, dum agitatur in mari, lu- quamun duc. -"e"r2re 20225 men emittat. Cur nec mu- 4. Cur fal facilè humiditate ria, nec aqua maris diu in folvatur; & cur, in certà vafe fervata, fic luceat, & aquæ dulcis quantitate, cur non æqualiter omnes certa tantüm ejus quan- ejus guttæ fic luceant.... 227 titas liquefcat. Cur aqua 10. Cur aqua in littore maris III, 4: paulld I. — 9 : extinguendis M. — muria] maria I M. — 10: litore I. CU 11. 12. 14. 151 INDEX foflis quibufdam minimè profundis includatur ad falem conficiendum; & cur fal non fiat nifi Hi calido & ficco. Cur omnium ee fuperficies fit admodum lævis ; & cur aquæ fuper- ficies difficilius dividatur quam ejus interiores par- ÉES 5, sos. Quomodo falis particulæ in aquæ fuperficie hæ- reant.. Cur cujufque Fe grani bafis fit quadrata; & quo- modo bafisifta fit aliquan- tulum curva, quamvis plana videatur.... Quomodo integrum falis granum ifti bafi inædifce- tur. Cur fit quædam cavi- tas in medio iftorum gra- norum ; & cur eorum fu- perior pars latior fit quàm bafis ; & quid bafim reddat majorem vel minorem, Cur interdum particulæ falis aquæ fundum petant, priufquam in grana pof- fint concrefcere. Quomo- do quatuor latera cujufque grani, modù magis, modù O0 DES METEORES. 229 229 230 231 minüs inclinata & inæqua- lia reddantur. Cur com- miffuræ iftorum laterum non fint admodum accu- ratæ, faciliufque in ipfis quam alibi grana fran- gantur; & cur Cavitas, quæ in medio eft cujufque gra: ni,rotunda Tee quadrata..... Cur grana ifta in igne cre- pitent cm integra funt, confracta autem non cre- DOTE Pococonocendenne Unde oriatur Dir falis naturaliter albi, & color HIDE CRE 2 Cur fal fit Hbiles album vel tranfparens; & cur fa- cilius liquefcat, cum gra- na ejus integra funt, quàm cum fuerunt confraéta & lentè ficcata. Cur ejus par- ticulæ minüs flexiles fint quam aquæ dulcis; & cur tam hæ quäm illæ teretes fines Most Quomodo oleum quod- dam, five potius aqua aci- diflima, ex fale extraha- tur. Et cur magna fit diflerentia inter faporem iftius aquæ acidæ & falis. Carut IV. De ventis. HAOQUITMITINENTUS NEC... 235 2. Quomodo in Æolipylis ge- neretur.. ss 3. Quomodoetiam in aëre fiat. Ventos præcipuè ex vapo- ribus oriri, fed non ex iis 236 folis componi. Et cur à vaporibus potiùs quàm ab exhalationibus oriantur.. 4. Cur venti ab Oriente ficcio- res fint quàm ab Occi- .dente, & eur mane potif- II, 16 : cum] quum 1 M (de même 18, les deux fois). Nsti D) a)E) 2 9 e) 3 12e fimum ab Oriente, ac vef- peri ab Occidente flent 239 5. Quod, cæteris paribus, venti ab Oriente fortiores fint quàam ab Occidente; & cur ventus Borealis fæpius flet de die quam de noéte, Cur potiùs tanquam ex cœlo verfus terram, quam ex terra furfum verfus; & eur cæteris foleat efle fortior, atque valde frigidus & fICCUS LISE METRE 240 6. Cur ventus Aufitralis fæ- pius flet noëtu quam in- terdiu; & cur flet tanquam ex imo in altum. Cur fo- leat efle lentior cæteris & debilior, necnon calidus GUMIAUS EEE LR 242 7. Cur, ineunte vere, venti fint ficciores, & tunc aëris mutationes magis fubita- neæ ac frequenter fiant... 8. Qui fint venti ab antiquis Ornithiæ diéti. Et qui fint JTE MR OS nets 0 9. Quid conferat terrarum & marium diverfitas ad ven- torum productionem. Et cur fæpe in locis mariti- mis interdiu flent venti à mari, & noctu à terrà. 244 OËEUVRES DE DESCARTES. Curque ignes fatui nou viatores ad aquas ducant. 10. Cur fæpe venti in littore I maris cum ejus fluxu & refluxu mutentur. Et cur idem ventus fit multo va- lidior in mari quàam in terrà, foleatque in qui- bufdam regionibus effe ficcus, in aliis humidus. Cur in Ægypto ventus Meridionalis fit ficcus, & vix unquam pluat....... 1. Quomodo & quatenus Aftra conferant ad Meteo- ra producenda......." be 2. Quid etiam ad ipfa confe- rant inæqualitates partium terræ. Undeque oriatur varietas ventorum parti- cularium, & quàam difficile fit iplos prædicere....... . Ventos generales facilius prænofci. Et cur minor in iis fit diverfitas, longifli- mè à littoribus in mari, quàm prope terram...... Omnes fere aëris mutatio- nes pendere à ventis. Cur que aër interdum fit fri- gidus & ficcus, flante vento humido & calido. Mutatio- nes aëris à motu vaporum intra terram etiam pendere ee) 4 Carur V. De nubibus. 1. Quæ fitdifferentia inter nu- bem, nebulam & vapo- rem. Nubes conftare tan- tüm ex aquæ guttulis aut IV, 10 : litore I, — 13 litoribus I. [Le] particulis glacier; & eur non fint pellucidæ....... . Quomodo vapores in aquæ guttas vertantur. Et cur 244 245 246 246 246 ZT 248 2-4. DE MEruopo. 41 Philofophorum, qui dicunt inter | accidentia fola, non autem inter formas fubflantiales individuorum ejufdem fpeciei, plus & minus reperiri. Sed profiteri non verebor me fingulari deputare felicitati, quôd à primis annis in eas cogitandi vias inciderim, per quas non difficile fuit pervenire ad cognitionem quarundam regularum five axioma- tum, quibus conftat Methodus, cujus ope gradatim augere fcien- tiam, illamque tandem, quam pro ingenii mei tenuitate & vitæ brevitate maximam fperare liceat, acquirere pofle confido. Jam enim ex eà tales fruétus percepi, ut quamvis de me ipfo fatis demiffè fentire confueverim ; & dum varias hominum curas oculo Philofophico intueor, vix ullæ unquam occurrant quæ non vanæ & inutiles videantur; non poflim quin dicam, me ex progreffu quem in veritatis indagatione jam fecifle arbitror, fummâ voluptate per- fundi ; talemque de ïis quæ mihi quærenda reftant fpem concepille, ut fi inter occupationes eorum qui meri homines funt, quædam folidè bona & feria detur, credere aufim illam eandem efle quam elegi. Me vero fortaile fallit opinio, nec aliud eft quam orichalcum & vitrum, quod pro auro & gemmis hic vendito. Novi quàm proclives fimus in errorem, cüm de nobis ipfis judicamus, & quàm fufpeéta etiam effe debeant amicorum teftimonia, cum nobis favent. Sed in hoc libello delclarare inftitui | quales vias in quærendä veritate fequutus fim, & vitam omnem meam tanquam in tabellà delineare; ut cuilibet ad reprehendendum pateat acceflus, & ipfe poft tabulam delitefcens liberas hominum voces in meï ipfius emendationem exaudiam, atque hunc adhuc difcendi modum, cæteris quibus uti foleo adjungam. Ne quis igitur putet me hîc traditurum aliquam Methodum, quam unufquifque fequi debeat ad rectè regendam rationem; illam enim tantüm quam ipfemet fequutus fum exponere decrevi. Qui aliis præcepta dare audent, hoc iplo oftendunt, fe fibi prudentiores iis quibus ea præfcribunt, videri; ideoque fi vel in minimä re fal- lantur, magnà reprehenfione digni funt. Cüm autem hîc nihil aliud promittam quam hiftoriæ, vel, fi malitis, fabulæ narrationem, qua inter nonnullas res, quas non inutile erit imitari, plures aliæ for- taffe erunt quæ fugiendæ videbuntur ; fpero illam aliquibus ita pro- futuram, ut nemini interim nocere poflit, & omnes aliquam inge- nuitati meæ gratiam fint habituri. Ab ineunte ætate ad literarum ftudia animum adjeci; & quoniam à præceptoribus audiebam illarum ope certam & evidentem co- gnitionem eorum omnium quæ ad vitam utilia funt acquiri pofle, s42 OEuvres DE DESCARTES. 46. incredibili defiderio difcendi flagrabam. Sed fimul ac illud ftudio- rum curriculum abfolvi, quo decurfo mos eft in eruditorum nume- rum cooptari, planè aliud cœpi cogitare. Tot enim me dubiis totque erroribus implicatum effe animadverti, ut omnes difcendi conatus nihil aliud mihi profuiffe judicarem, quàäm qudd ignoran- tiam meam magis magifque detexifflem. Attamen tunc | degebam in unà ex celeberrimis totius || Europæ fcholis, in quà, ficubi in univerfo terrarum orbe, doétos viros efle debere cogitabam. Omnibus iis quibus alii ibidem imbuebantur utcunque tinctus eram. Nec contentus fcientiis quas docebamur, libros de quibuflibet aliis magis curiofis atque à vulgo remotis tractantes, quotquot in manus meas inciderant evolveram. Aliorum etiam de me judicia audiebam, nec videbam me quoquam condi- fcipulorum inferiorem æftimari, quamvis jam ex eorum numero nonnulli ad præceptorum loca implenda deftinarentur. Ac denique hoc fæculum non minus floridum & bonorum ingeniorum ferax quam ullum præcedentium efle arbitrabar. Quæ omnia mihi auda- ciam dabant de aliis ex me judicandi, & credendi nullam in mundo fcientiam dari, illi parem cujus fpes facta mihi erat. Non tamen idcirco ftudia omnia, quibus operam dederam in fcho- lis, negligebam : fatebar enim linguarum peritiam quæ ibi acqui- ritur, ad veterum feripta intelligenda requiri; artificiofas fabularum narrationes ingenium quodammodo expolire & excitare ; cafus hifloriarum memorabiles animum ad magna fufcipienda impellere, & ipfas cum prudentià leétas non parum ad formandum judicium conferre ; omnem denique bonorum librorum leétionem eodem fere modo nobis prodeffe, ac fi familiari colloquio præftantiflimo- rum totius antiquitatis ingeniorum, quorum illi monumenta funt, uteremur : & quidem colloquio ita præmeditato, ut non nifi optimas & felectiflimas quafque ex fuis cogitationibus nobis declarent ; Elo- quentiam vires habere permagnas & ad ornatum vitæ multum con- ferre; Poëfñ nihil effe | amænius aut dulcius; multa in Mathema- ticis difciplinis haberi acutiflimè inuenta, quæque | cùm curiofos oblectant, tum etiam in operibus quibuflibet perficiendis, & artifi- cum labore minuendo plurimum juvant ; multa in fcriptis quæ de moribus traétant præcepta, multafque ad virtutem cohortationes utilifimas contineri ; Theologiam cœlo potiundi rationem docere; Philofophiam verifimiliter de omnibus diflerendi copiam dare, & non parvam fui admirationem apud fimpliciores excitare ; Jurifpru- dentiam, Medicinam, & fcientiarum reliquas, honores & divitias in cultores fuos congerere; nec omnino ullam effe, etiam ex maximè 6-8. DE MErnono. 43 fuperftitiofis & falfis, cui aliquam operam dediffle non fit utile, faltem ut poflimus quid valeant judicare, & non facilè ab ullà fallamur. Verüm jam fatis temporis linguarum ftudio, & lectioni librorum veterum, eorumque hiftoriis & fabulis me impendiffe arbitrabar. Idem enim fere eft agere cum viris prifci ævi, quod apud exteras gentes peregrinari. Expedit aliquid nofle de moribus aliorum po- pulorum, ut incorruptiüs de noftris judicemus ; nec quidquid ab iis abludit ftatim pro ridiculo atque inepto habeamus, ut folent ii qui nunquam ex natali folo difceflerunt. Sed qui nimis diu peregri- nañtur, tandem velut hofpites & extranei in patrià fiunt; quique nimis curiofe illa quæ olim apud veteres agebantur inveftigant, ignari eorum quæ nunc apud nos aguntur effe folent. Præterea fabulæ plurimas res, quæ fieri minimè pofflunt, | tanquam fi ali- quando contigiflent, repræfentant, invitantque nos hoc paéto vel ad ea fufcipienda quæ fupra vires, vel ad ea fperanda quæ fupra fortem noftram funt. Atque ipfæ etiam hiftoriæ, quantumwvis veræ, fi pretium rerum non augent nec immutant ut lectu digniores ha- beantur, earum faltem viliores & mi|nüs illuftres circumftantias omittunt : unde fit ut ea quæ narrant nunquam omnino qualia funt exhibeant, & qui fuam vivendi rationem ad illarum exempla componere nimium ftudent, proni fint in deliria antiquorum He- roum, & tantüum hyperbolica facta meditentur. Eloquentiam valde æftimabam, & non parvo Poëseos amore in- cendebar : fed utramque inter naturæ dona potiüs quàm inter dif- ciplinas numerabam. Qui ratione plurimum valent, quique ea quæ cogitant quam facillimo ordine difponunt, ut clarè & diftinétè intel- ligantur, aptiflimè femper ad perfuadendum dicere poffunt, etiamfi barbarâ tantum Gothorum linguâ uterentur, nec ullam unquam Rhetoricam didiciffent. Et qui ad ingeniofiflima figmenta excogi- tanda, eaque cum maximo ornatu & fuavitate exprimenda funt nati, optimi Poëtæ dicendi effent, etfi omnia Poëticæ Artis præcepta ignorarent. Mathematicis difciplinis præcipuè delectabar, 6b certitudinem atque evidentiam rationum quibus nituntur; fed nondum præci- puum earum ufum agnofcebam; &-cüûm ad artes tantüm Mechani- cas utiles effle mihi viderentur, mirabar fundamentis adeo firmis & folidis nihil præftantius fuifle fuperftruétum. Ut & contra veterum Ethnicorum moralia fcripta palatiis | fuperbis admodum & magni- ficis, fed arenæ tantüm aut cœno inædificatis, comparabam. Virtutes fummis laudibus in cœlum tollunt, eafque cæteris omnibus rebus ÿ 44 OŒEuvres DE DESCARTES. 8-0. longè anteponendas efle rectè contendunt; fed non fatis explicant quidnam pro virtute fit habendum, & fæpe quod tam illuftri no- mine dignantur, immanitas potius & durities, vel fuperbia, vel defperatio, vel parricidium dici debet. | Theologiam noftram reverebar, nec minüs quàäm quivis alius beatitudinis æternæ compos fieri exoptabam. Sed cüm pro certo atque explorato accepiffem, iter quod ad illam ducit doétis non magis patere quam indoétis, veritatefque à Deo revelatas humani ingenii captum excedere, verebar ne in temeritatis crimen incide- rem, fi illas imbecillæ rationis meæ examini fubjicerem. Et quicun- que iis recognofcendis atque interpretandis vacare audent, peculiari ad hoc Dei gratià indigere ac fupra vulgarium hominum fortem pofiti effe debere mihi videbantur. De Philofophià nihil dicam, nifi quod, cum fcirem illam à præ- flantiflimis omnium fæculorum ingeniis fuifle excultam, & nihil ta- men adhuc in eà reperiri, de quo non in utramque partem difpute- tur, hoc eft, quod non fit dubium & incertum, non tantum ingenio meo confidebam, ut aliquid in eà melius à me quàm à cæteris in- veniri poffe fperarem. Et cüm attenderem quot diverfæ de eadem re opiniones fæpe fint, quarum fingulæ à viris doétis defenduntur, & ex quibus tamen nunquam plus unâ vera effe poteft, quidquid ut probabile tantüm affertur propemodum pro falfo habendum effe exiftimabam. Quod ad cæteras fcientias, quoniam à Philofophiâ principia fua mutuantur, | nihil illas valde folidum & firmum tam inftabilibus fundamentis fuperftruere potuiffe arbitrabar. Nec gloria nec lucrum quod promittunt fatis apud me valebant, ut ad illarum cultum im- _pellerent. Nam lucrum quod attinet, non in eo me ftatu efle puta- bam, ut à fortunà cogerer liberales difciplinas in illiberalem ufum convertere. Gloriam ver etfi non planè ut Cynicus afpernari me pro- fiterer, illam tamen non magni faciebam, quæ | non nifi falfo nomine, hoc eft ob fcientiarum non verarum cognitionem, acquiri pofle videbatur. Ac denique jam fatis ex omnibus, etiam maximè vanis & falfis, déguftaffe me judicabam, ut facilè caverem ne me unquam vel Alchymiftæ promiffa, vel Aftrologi prædictiones, vel Magi im- pofturæ, vel cujuflibet alterius ex iis qui videri volunt ea fe fcire quæ ignorant, inanis jaétantia fallere poflet. Quapropter, ubi primüm mihi licuit per ætatem e præceptorum cuftodià exire, literarum ftudia prorfus reliqui. Captoque confilio nullam in pofterum quærendi fcientiam, nifi quam vel in me ipfo, vel in vafto mundi volumine poflem reperire, infequentes aliquot 9-11. # DE Mernopo. 45 annos variis peregrinationibus impendi. Atque interea temporis, exercitus, urbes aulafque exterorum Principum invifendo, cum ho- minibus diverforum morum & ordinis converfando, varia hinc inde experimenta colligendo, & me ipfum in diverfis fortunæ cafibus probando, fic ad omnia quæ in vita occurrebant attendebam, ut nihil ex quo eruditior fieri poffem mihi viderer omittere. Quippe multo plus veritatis inveniri arbitrabar, in iis ratiocinationibus quibus finguli homines ad fua negotia utuntur, & quorum malo fuccefflu | paulo poft puniri folent, quum non reéte judicarunt, quàm in iis quas doétor aliquis, otiofus in Mufæo fedens, excogitavit circa entia rationis, aut fimilia quæ ad ufum vitæ nihil juvant ; & ex quibus nihil aliud expectat, nifi fortè quod tanto plus inanis gloriæ fit habiturus, quà illæ à veritate ac fenfu communi erunt remotiores; quia nempe tanto plus ingenii atque induftriæ ad eas verifimiles reddendas debuerit impendere. Ac femper fcientiam verum à falfo dignofcendi fummo ftudio quærebam, ut re[&um iter vitæ clariüs viderem, & majori cum fecuritate perfequerer. Fateor tamen me vix quidquam certi didiciffe, quamdiu fic tan- tüm aliorum hominum mores confideravi; tot enim in iis prope- modum diverfitates animadvertebam, quot antea in opinionibus Philofophorum. Atque hunc tantüm fere fruétum ex iis percipie- bam, quôd cüm notarem multa efle, quæ licèt moribus noftris planè infolentia & ridicula videantur, communi tamen aflenfu apud quafdam alias gentes comprobantur, difcebam nihil nimis obftinatè effe credendum quod folum exemplum vel confuetudo perfuaferit. Et ita fenfim multis me erroribus liberabam, mentemque veris ra- tionibus agnofcendis aptiorem reddebam. Sed poftquam fic ali- quandiu quidnam in mundo ab aliis ageretur infpexifflem, & non- nulla inde experimenta collegiffem, femel etiam mihi propofui ferid me ipfum examinare, & omni ingenii vi quidnam à me optimum fieri poffet inquirere. Quod fælicius, | ut opinor, mihi fucceflit, quàm fi priùs nec à patrià, nec à fcholafticis ftudiis unquam receffiffem. Eram tunc in Germanià, qu me curiofitas videndi ejus belli, quod nondum hodie finitum eft, invitarat; & quum ab inaugura- tione Imperatoris verfus caftra reverterer, hÿemandum fortè mihi fuit in quodam loco, ubi quia nullos habebam cum quibus libenter colloquerer, & profpero quodam fato omnibus curis liber eram, totos dies folus in hypocaufto morabar, ibique variis meditationi- bus placidiffimè vacabam. Et inter cætera, primum fere quod mihi venit in mentem, fuit, ut notarem illa opera quibus diverfi artifi- ces, inter fe non confentientes, manum adhi|buèëre, rard tam per- Œuvres. I. 69 IT. Præcipuæ illius Methodi, quam invefligavit r Author, regulæ. 46 OEuvres DE DESCARTES. . 11-13. L.] fecta elle quàm illa quæ ab uno abfoluta funt. Ita videmus ædificia AE on : quæ ab eodem Architeëto incepta & ad fummum ufque perduéta fuêre, ut plurimuüum elegantiora efle & concinniora, quàm illa quæ diverfñ, diverfis temporibus novos parietes veteribus adjungendo, conftruxerunt. Ita antiquæ illæ civitates, quæ, cûm initio ignobiles tantüm pagi fuiflent, in magnas paulatim urbes creverunt, fi con- ferantur cum novis illis, quas totas fimul metator aliquis in planicie liberè defignavit, admodum indigeflæ atque inordinatæ reperiun- tur. Et quamwvis fingula earum ædificia infpicienti, fæpe plus artis atque ornatùs in plerifque appareat quàm in ullis aliarum; confide- ranti tamen omnia fimul, & quomodo magna parvis adjunéta pla- teas inæquales & curvas efficiant, | cæco potiüs & fortuito quodam cafu, quàm hominum ratione utentium voluntate, fic difpofita elle videntur. Quibus fi addimus, fuifle tamen femper Ædiles aliquos in iftis urbibus quorum officium erat procurare ut privatorum ædes publico ornatui quantum fieri poffet infervirent ; perfpicuè intelligemus quàm difficile fit, alienis tantüm operibus manum admovendo, aliquid facere valde perfectum. Ita etiam putare licet illos populos, qui cùm olim valde barbari atque inculti fuiffent, non nifi fucceflu temporis urbanitatem afciverunt, nec ullas leges, nifi prout ab incommodis quæ ex criminibus & difcordiis perci- piebant, fuêre coacti, condiderunt, non tam bene inftitutâ repu- blicà folere uti, quam illos qui à primo initio quo fimul congre- gati fuêre, prudentis alicujus legiflatoris conftitutiones obfervarunt. Sic certè non dubium eft quin ftatus veræ religionis, qui legibus à Deo ipfo fancitis gubernatur, fit om/nium optimè conftitutus, & cum nullo alio comparandus. Sed, ut de rebus quæ ad homines folos pertinent potius loquamur, fi olim Lacedæmoniorum refpu- blica fuit florentiflima, non puto ex eo contigiffe, quod legibus uteretur quæ fingillatim fpectatæ meliores effent aliarum civitatum inftitutis, nam contrà multæ ex iis ab ufu communi abhorrebant, atque etiam bonis moribus adverfabantur, fed ex eo quôd ab uno tantüm legiflatore conditæ fibi omnes confentiebant, atque in eundem fcopum collimabant. Eodem modo mihi perfuafi, fcientias, quæ libris continentur, illas faltem quæ perfpicuis demonftratio- nibus carentes, verifimilibus tantüm argumentis fulciuntur, quia non nifi ex variis diverforum hominum fententiis fimul collectis conflatæ funt, non tam propè ad veritatem accedere, quàm opi- niones quas homo aliquis | folà ratione naturali utens, & nullo præjudicio laborans, de rebus quibufcunque obviis habere poteft. £odemque etiam modo cogitavi, quoniam infantes omnes ante 13-14. DE MEruopo. 47 fuimus quàäm viri, & diu vel cupiditatum vel præceptorum confilia fumus fequuti, quæ ut plurimüm iter fe pugnabant, & forte neutra quod optimum erat femper fuadebant, jam fieri vix pole ut judicia noftra tam recta fint & firma, quàm fi ratio in nobis æquè matura atque nunc, ab ineunte ætate exftitiflet, eique foli nos regendos tradidiflemus. Verumtamen infolens foret, omnia urbis alicujus ædificia diruere, ad hoc folm ut iifdem poftea meliori ordine & formä exftrudtis, ejus plateæ pulchriores evaderent. At certè non infolens eft domi- num unius domûs illam deftrui curare, ut ejus loco meliorem ædi- ficet : imo fæpe multi hoc facere coguntur, nempe cum ædes habent ve|tuftate iam fatifcentes, vel quæ infirmis fundamentis superitru- étæ ruinam minantur. Eodemque modo mihi perfuafñ, non quidem rationi efle confentaneum, ut privatus aliquis, de publicis rebus re- formandis cogitando, eas prius à fundamentis velit evertere ut poftea meliüs inftituat. Nec quidem fcientias vulgatas, ordinemve eas do- cendi in fcholis ufu receptum fic debere immutari unquam putavi. Sed quod ad eas opiniones attinet, quas ego ipfe in eum ufque diem fueram amplexus, nihil melius facere me pofle arbitrabar, quam fi omnes fimul & femel è mente me delerem, ut deinde vel alias me- liores, vel certè eafdem, fed poftquam | maturæ rationis examen fubiiffent, admitterem : credebamque hoc pacto longè melius me ad vitam regendam poile informari, quàm fi veteris ædificii fundamenta retinerem, iifque tantum principiis inniterer, quibus olim juvenilis ætas mea, nullo unquam adhibito examine an veritati congruerent, credulitatem fuam addixerat. Quamvis enim in hoc varias difi- cultates agnofcerem, remedia tamen. illæ fua habebant, & nullo modo erant comparandæ cum iis quæ in reformatione publicæ ali- cujus rei occurrunt. Magna corpora fi femel proftrata funt, vix ma- gno molimine rurfus eriguntur, & concufla vix retinentur, atque omnis illorum lapfus eft gravis. Deinde inter publicas res fi quæ fortè imperfecta funt, ut vel fola varietas quæ in iis apud varias gentes reperitur, non omnia perfecta efle fatis oftendit, longo illa ufu tolerabilia fenfim redduntur, & multa fæpe vel emendantur vel vi- tantur, quibus non tam facile eflet humanâ prudentià fubvenire; ac denique illa fere femper ab afluetis populis commodiüs ferri poffunt quàm illorum mutatio. Eodem | modo quo videmus regias vias quæ inter anfractus montium deflexæ & contortæ funt, diu- turno tranfeuntium attritu tam planas & commodas reddi folere, ut longè melius fit eas fequi, quam juga montium tranfcendendo & per præcipitia ruendo reétius iter tentare, 48 OEUVRES DE DESCARTES. 14-16. Et idcirco leves iftos atque inquietos homines maximè odi, qui cum nec à genere nec à fortunà vocati fint ad publicarum rerum adminiftrationem, femper tamen in iis novi aliquid reformare me- ditantur. | Et fi vel minimum quid in hoc fcripto efle putarem, unde quis me tali genere ftultitiæ laborare poflet fufpicari, nullo modo pati vellem ut vulgaretur. Nunquam ulteriüs mea cogitatio proveéta eft, quàm ut proprias opiniones emendare conarer, atque in fundo qui totus meus eft ædificarem. Et quamvis, quia meum opus mihi ipfi fatis placet, ejus exemplar hîc vobis proponam, non ideo cui- quam author efle velim, ut fimile quid aggrediatur. Poterunt for- tale alii, quibus Deus præftantiora ingenia largitus eft, majora per- ficere; fed vereor ne hoc ipfum quod fufcepi tam arduum & difficile fit, ut valde paucis expediat imitari. Nam vel hoc unum, ut opi- niones omnes quibus olim fuimus imbuti deponamus, non uni- cuique eft tentandum. Et maxima pars hominum fub duobus gene- ribus continetur, quorum neutri poteit convenire. Nempe permulti funt, qui cum plus æquo propriis ingeniis confidant, nimis celeriter folent judicare, nunquamque fatis temporis fibi fumunt ad rationes omnes circumfpiciendas, & idcirco fi femel aufint opiniones omnes vulgo receptas in dubium revocare, & velut à tritâ vià recedere, non facilè illi femitæ quæ reétius ducit femper infiftent, fed vagi potius & incerti in reliquam vi|tam aberrabunt. Alii verd fere omnes cûm fatis judicii vel modeftiæ habeant ad exiftimandum nonnullos effe in mundo qui ipfos fapientià antecedant & à quibus poffint doceri, debent potiüs ab illis opiniones quas fequuturi font accipere, quàm alias proprio ingenio inveftigare. [Quod ad me, procul dubio in horum numero fuiffem, fi unum tantüm præceptorem habuiïfflem, & nunquam diverfas illas opi- niones cognoviflem, quæ ab omni memorià doctiflimos quofque colliferunt. Sed dudum in fcholis audiveram, nihil tam abfurdè dici poile quod non dicatur ab aliquo Philofophorum ; notave- ramque inter peregrinandum non omnes eos, qui opinionibus à noftro fenfu valde remotis funt imbuti, barbaros idcirco & ftolidos elle putandos; fed plerofque ex 1is vel æquè benè, vel etiam melius quàam nos ratione uti; confideraveram praeterea quantum idem homo cum eädem fuà mente, fi à primis annis inter Gallos aut Ger- manos vivat, diverfus evadat ab eo qui foret, fi femper inter Sinas aut Americanos educaretur ; & quantum etiam in multis rebus non magni momenti, ut circa veftium quibus induimur formam, illud idem quod nobis maximè placuit ante decem annos, & forte poit decem annos rurfus placebit, nunc ridiculum atque ineptum videa- 14 16-18. DE MErHopo. $49 tur; adeo ut exemplo potius & confuetudine quäm ullà certà cogni- tione ducamur. Ac denique advertebam circa ea quorum veritas non valde facilè inveftigatur, nulli rei efle minus credendum quam multitudini fuffragiorum ; longè enim verifimilius eft unum ali- quem illa invenire potuifle, quam multos. Et quia neminem inter cæteros eligere poteram, cujus opiniones dignæ viderentur, quas potifimum am|pleéterer, aliifque omnibus anteferrem, fui quo- dammodo coaétus, proprio tantüm confilio uti ad vitam meam inftituendam. Sed ad exemplum eorum qui noétu & in tenebris iter faciunt, tam lento & | fufpenfo gradu incedere decrevi, ac tam diligenter ad omnia circumfpicere, ut finon multum promoverem, faltem me à lapfu tutum fervarem. Nec ftatim conari volui me iis opinionibus, quas olim nullà fuadente ratione admiferam, liberare; fed ut ve- terem domum inhabitantes, non eam ante diruunt, quàäm novæ in ejus locum exftruendæ exemplar fuerint præmeditati; fic priùs quà ratione certi aliquid poffem inuenire cogitavi, & fatis multum temporis impendi in quærendà verà Methodo, quæ me duceret ad cognitionem eorum omnium quorum ingenium meum effet capax. Studueram antea in fcholis, inter Philofophiæ partes, Logicæ, & inter Mathematicas difciplinas, Analyfi Geometricæ atque Algebræ, tribus artibus five fcientiis quæ nonnihil ad meum inftitutum facere poffe videbantur. Sed ïllas diligentiùs examinando, animadverti, quantum ad Logicam, fyllogifmorum formas aliaque fere omnia ejus præcepta, non tam prodeffe ad ea quæ ignoramus inveftiganda, quàm ad ea, quæ jam fcimus, aliis exponenda; vel etiam, ut ars Lullii, ad copiofe & fine judicio de iis quæ nefcimus garriendum. Et quam- vis multa quidem habeat veriffima & optima, tam multis tamen aliis, vel fupervacuis vel etiam interdum noxiis, adjunéta effe, ut illa dignofcere & feparare non minüs fæpe difhcile fit, quam Dianam ali- quam aut Minervam ex rudi marmore excitare. Quantum autem ad veterum Analyfin atque ad Alge|bram recentiorum, illas tantüm ad fpeculationes quafdam, quæ nullius ufüs efle videbantur, fe exten- dere; ac præterea Analyfin circa figurarum confiderationem tam affiduè verfari, ut, dum ingenium acuit & exercet, | imaginandi facultatem defatiget & lædat; Algebram verd, ut folet doceri, certis regulis & numerandi formulis ita effe contentam, ut videatur potiùs ars quædam confufa, cujus ufu ingenium quodammodo tur- batur & obfcuratur, quàm fcientia quà excolatur & perfpicacius reddatur. Quapropter exiftimavi quærendam mihi efle quandam 550 OŒEuvRESs DE DESCARTES. 18-19 aliam Methodum, in quà quicquid boni eit in iftis tribus, ita repe- riretur, ut omnibus interim earum incommodis careret. Atque ut legum multitudo fæpe vitiis excufandis accommodatior eft, quàm ïifdem prohibendis, adeo ut illorum populorum ftatus fit optimè conflitutus, qui tantüm paucas habent, fed quæ accuratiffimè obfer-. vantur; fic pro immenfà iflà multitudine præceptorum, quibus Logica referta eft, fequentia quatuor mihi fuffectura efle arbitratus fum, mod firmiter & conftanter ftatuerem, ne femel quidem ab illis toto vitæ meæ tempore deflectere. Primum erat, ut nihil unquam veluti verum admitterem nifi quod certù & evidenter verum efle cognofcerem ; hoc eft, ut omnem præcipitantiam atque anticipationem in judicando diligentiflimè vitarem; nihilque amplius conclufione compleéterer, qauàm quod tam clarè & diftinéè rationi meæ pateret, ut nullo modo in dubium poflem revocare. Alterum, ut difficultates quas effem examinaturus, in tot partes dividerem, quot expediret ad illas commodius refolvendas. | Tertium, ut cogitationes omnes quas veritati quærendæ impen- derem, certo femper ordine promoverem : incipiendo fcilicet à rebus fimpliciflimis & cognitu facillimis, ut paulatim & quañi per gradus ad difficiliorum & magis compoftarum cognitionem afcen- derem; in aliquem etiam ordinem illas mente difponendo, quæ fe mutuû ex naturà fuà non præcedunt. Ac poftremum, ut tum in quærendis mediis, tum in difficultatum partibus percurrendis, tam perfectè fingula enumerarem & ad omnia circumfpicerem, ut nihil à me omitti eflem certus. Longæ ïllæ valde fimplicium & facilium rationum catenæ, quarum ope Geometræ ad rerum difficillimarum demonftrationes ducuntur, anfam mihi dederant exiflimandi, ea omnia quæ in hominis cognitionem cadunt eodem paéto fe mutud fequi; & dum- modo nihil in illis falfum pro vero admittamus, femperque ordi- nem quo una ex aliis deduci poffunt obfervemus, nulla efle tam remota ad quæ tandem non perveniamus, nec tam occulta quæ non detegamus. Nec mihi difficile fuit agnofcere à quarum inveftigatione deberem incipere. Jam enim fciebam res fimpliciflimas & cognitu facillimas, primas omnium efle examinandas; & cüm viderem ex omnibus qui hactenus in fcientiis veritatem quæfverunt, folos Mathematicos demonitrationes aliquas, hoc eft certas & evidentes rationes, invenire potuifle, fatis intelligebam illos circa rem omnium facillimam fuifle verfatos: mihique idcirco illam eandem primam efle examinandam, etiamfi non aliam inde utilitatem expeétarem, 19 19-21. DE MErTHopo. SI quam quôd paulatim afluefacerem ingenium meum veritati agno- fcendæ, fal|fifque rationibus non affentiri. Neque verd idcirco ftatim omnes jftas particulares fcientias, quæ vulgd Mathematicæ appel- lantur, addifcere conatus fum; fed | quia advertebam, illas, etiamfi circa diverfa objecta verfarentur, in hoc tamen omnes convenire, quôd nihil aliud quàm relationes five proportiones quafdam, quæ in iis reperiuntur, examinent; has proportiones folas mihi effe confiderandas putavi, & quidem maximè generaliter fumptas, in iifque tantum objeétis fpeétatas, quorum ope facilior earum cognitio redderetur; & quibus eas non ita alligarem, quin facile etiam ad alia omnia quibus. convenirent, poflem transferre. Ac deinde quia animadverti ad ea quæ circa iflas proportiones quæ- runtur agnofcenda, interdum fingulas feparatim effe confiderandas, & interdum multas fimul comprehendendas & memorià retinendas; exiftimavi optimum fore fi tantum illas in lineis reétis fupponerem, quoties fingillatim eflent confiderandæ ; quia nempe nihil fimpli- cius, nec quod diftinétius tum phantafiæ tum fenfibus ipfis poflet exhiberi, occurrebat; atque fi eafdem characteribus five notis qui- bufdam quäm breviflimis fieri poflet defignarem, quoties tantüum eflent retinendæ, plurefque fimul complettendæ. Hoc enim pacto, quicquid habent boni Analyfis Geometrica & Algebra, mihi videbar affumere, & unius defeétum alterius ope emendando, quicquid habent incommodi vitare. Ac revera dicere aufim, pauca illa præcepta, quæ felegeram, ac- curatè obfervando, tantam me facilitatem acquifiviffe ad difficultates omnes, circa quas illæ duæ fcientiæ verfantur, extricandas, ut intra duos aut tres menfes quos illi ftudio impendi, non modù multas quæftiones invenelrim quas antè diflicillimas judicaram, fed etiam tandem eù pervenerim, ut circa illas ipfas quas ignorabam, puta- rem me pofle determinare, quibus viis & quoufque ab humano in- genio folvi poffent. Quippe cüm à fimpliciflimis & maximè gene- ralibus incepiffem, ordinemque deinceps obfervarem, fingulæ veri- tates quas inveniebam, regulæ erant, quibus | poftea utebar ad alias difficiliores inveftigandas. Et ne me fortè quis putet incredi- bilia hîc jaétare, notandum eft cujufque rei unicam efle veritatem, quam quifquis clarè percipit, de illà tantumdem fcit quantum ullus alius fcire poteft. Ita poftquam puer, qui primas tantüm Arithme- ticæ regulas in ludo didicit, illas in numeris aliquot fimul colli- gendis reétè obfervavit, poteit abfque temeritate affirmare, fe circa rem per additionem iflam quæfitam, id omne inveniffle quod ab humano ingenio poterat inveniri. Methodus autem illa quæ yerum III. Quædam Moralis fcientiæ regulæ, ex hac Methodo depromptæ. $2 OEUVRES DE DESCARTES. ARS ordinem fequi & enumerationes accuratas facere docet, Arithme- ticæ certitudine non cedit. Atque hæc mihi Methodus in eo præcipuè placebat, qudd per illam viderer effe certus in omnibus me uti ratione, fi non perfectè, faltem quàm optimè ipfe poflem, fentiremque ejus ufu paulatim ingenii mei tenebras diflipari, & illud veritati diftinétiüs & clarius percipiendæ affluefñeri. Cumque illam nulli fpeciali materiæ alli- gaffem, fperabam me non minus feliciter eà effe ufurum in aliarum fcientiarum difficultatibus refolvendis, quàm in Geometricis vel Algebraicis. Quanquam non idcirco ftatim omnes quæ occurrebant examinandas fufcepi : nam in hoc ipfo, ab ordine quem illa præ- fcribit defciviffem; fed quia videbam illarum cognitionem a prin- cipiis quibufdam quæ || ex | Philofophià peti deberent dependere, in Philofophià autem nulla haëtenus fatis certa principia fuifle inventa; non dubitavi quin de iis quærendis mihi ante omnia eflet cogitan- dum. Ac praeterea quia videbam illorum difquifitionem quàäm maximi efle momenti, nullamque aliam effe in quà præcipitantia & anticipatio opinionum diligentis eflent cavendæ, non exiftimavi me priüus illam aggredi debere, quàm ad maturiorem ætatem per- veniflem, tunc enim viginti tres annos tantüm natus eram; nec priufquam multum temporis in præparando ad id ingenio impen- diffem ; tum erroncas opiniones quas ante admiferat evellendo, tum varia experimenta ratiocinationibus meis materiam præbitura col- ligendo, tum etiam magis & magis eam Methodum quam mihi præfcripferam excolendo, ut in eâ confirmatior evaderem. Ac denique ut illi qui novam domum, in locum ejus quam inha- bitant, volunt exftruere, non mod veterem priùs evertunt, lapides, ligna, cæmentum, aliaque ædificanti utilia fibi comparant, Archi- tectum confulunt, vel ipfimet fe in Architecturâ exercent & exem- plar domûs faciendæ accuratè defcribunt, fed etiam aliam aliquam fibi parant, quam interim, dum illa ædificabitur, poflint non in- commodè habitare : fic ne dubius & anxius hærerem circa ea, quæ mihi erant agenda, quamdiu ratio fuaderet incertum efle circa ea de quibus debebam judicare: atque ut ab illo tempore vivere inci- perem quàm feliciflime fieri poffet, Ethicam quandam ad tempus mihi effinxi, quæ tribus tantüum aut quatuor regulis continebatur; quas hic non pigebit adfcribere. - Prima erat, ut legibus atque inftitutis | patriæ obtempe || rarem, firmiterque 1llam religionem retinerem quam optimam judicabam, & in quà Dei beneficio fueram ab ineunte ætate inftitutus; atque me in cæteris omnibus gubernarem juxta opiniones quammaximè INDEX DES METEORES. guttæ aquæ fint accuratè HOMO... ee 3. Quomodo fiant parvæ vel HAE ETS SO ES 4. Quomodo vapores in gla- ciei particulas mutentur. Cur hæ glaciei particulæ fiant interdum rotundæ & tranfparentes, interdum minutæ & oblongæ, inter- dum rotundæ & albæ. Et cur hæ ultimæ quibufdam quafi pilis perexiguis te@tæ fint, quidque eas majores autminoresreddat, eorum- que pilos crafliores vel (ÉRUIOLES 00e 5. Solum frigus non fufficere “ad vapores in aquam aut glaciem vertendos. Quæ caufæ vapores in nubes cogant ; & quæ eofdem in nebulas congregent. Qua- re veris tempore plures nebulæ appareant, & plures in aquofis locis quam in fceis be Me 6. Maximas nebulas aut nubes oriri ex duorum vel plu- rium ventorum occurfu. Aquæ guttas aut particulas glaciei, ex quibus nebulæ componuntur, non pole nonefle perexiguas. Nullas in aëre inferiore nebulas effe folere ubi flat ventus, vel ftatim ipfas tolli...... 7. Multas fæpe nubes unam fupra aliam exfiftere, præ- Le] fertim in locis montofis, 253 V, 4: tecti I. — 5 cauffæ I. 8. Superiores nubes folis parti- culis glaciei conftare folere. 9. Nubium fuperficies à ventis 10. 12. premi, perpoliri & planas reddi. In his planis fuper- ficiebus globulos glaciei, ex quibus componuntur, ita difponi ut unumquem- que fex alii circumftent.. Quomodo interdum duo venti diverfi, in eodem terræ loco fimul flantes, uanus inferiorem, alius fu- periorem ejufdem nubis fuperficiem perpoliat.... Circumferentias nubium non idcirco ita perpoliri, fed folere efle valde irre- BUREAU dolce Multas interdum glaciei particulas infra nubem ali- quam congregari, ibique in variis planis, foliorum inftar tenuibus, ita difponi ut unaquæque fex aliis æquidiftantibus cingatur. Sæpe illas, quæ in uno- quoque funt plano, fepa- ratim ab aliis moveri. Non- nunquam etiam integras nubes ex folis glaciei par- ticulis fic difpofitis com- poni. Aquæ guttas in nu- bibus eodem etiam modo difponi pofle........ OC Quarundam maximarum nubium ambitum fieri ali- quando circularem, & cru- flà glaciei fatis craflà cir- cumtegi ... 533 254 254 34 OEuvres DE DESCARTES. Carur VI. De nive, pluvia € grandine. tres exiguos quafi radios ex albiflimàä nive compofitos circa fe habeant......... 265 9. Quare etiam interdum de- cidant lamellæ glaciei pel- lucidæ, quarum circumfe- 1. Quare nubes, folo aëre fuf- fultæ, non cadant ....... 259 2. Quomodo calor, qui alia multa corpora rarefacit, nubes condenfet........, 260 3. Quomodo in nubibus par- ticulæ glaciei multæ fimul rentia eft hexagona...... 267 in floccos congregentur. 10, Et aliæ quæ, tanquam Et quomodo ifti flocci in rofæ vel dentatæ horolo- nivem vel pluviam vel giorum rotæ, circumfe- grandinem cadant....... 260 rentiam fex crenis, in mo- dum femicirculi rotunda- tis, incifam habent...... 269 4. Cur fingula grandinis gra- na interdum fint pellucida & rotunda. Cur aliquando 11. Cur quædam ex ipfis punc- etiam fint unà parte de- tum quoddam album in prefliora. Quomodo craf- = centro habeant; & binæ fiora grandinis grana,quæ interdum fcapoexiguocon- irregularis figuræ efle fo- junétæ fint, unamque alià lent, generentur. Cur in- majorem efle contingat... 270 terdum folito major æftus 12. Cur nonnullæ duodecim in ædibus fentiatur...... 261 radiis diftin@&æ fint; & 5. Cur crafliora grandinis gra- aliæ, fed perpaucæ, oéto na in fuperficie fint pellu- radios habeant ere 70 cida, & intus alba. Et cur 13. Cur quædam fint pelluci- fere tantüm in æftate deci- dat talis grando. Quomodo alia grando, inftar facchari alba, generetur Peer 6. Cur ejus grana interdum fint rotunda, & in fuperfi- cie quàm verfus centrum duriora. Curaliquandofint oblonga & pyramidis ha- beant figuram........ cs 7. Quomodo nivis particulæ in ftellulas fex radiis di- dæ, aliæ albæ inftar nivis, & quarundam radii fint breviores & in femicirculi formam retufi, alii longio- res & acutiores, ac fæpein. varios ramulos divifi, qui nunc plumulas aut filicis folia, nunc lilii flores re- Pi lentANtESAPEPREERE . Quomodo iftæ nivis quai ftellulæ ex nubibus dela- bantur. Cur cadentes, aëre ftinétas efformentur...... 264 8. Unde etiam fiat, utquædam grandinis pellucida grana tranquillo, majorem nivis copiam prænuncient, non: autem vento flante..,.,... 274 VI, 8: habeat I. — 9 : — læ glaciei... hexagona omis. M. INDEX DES METEORES. 15. Quomodo pluvia ex nubi- bus cadat; & quid ejus guttas tenuiores aut craf- TOrESNEMOIA RS nu ose 16. Cur interdum pluere in- cipiat, antequam nubes in cœlo appareant...... ES 17. Quomodo nebulæ in ro- rem vel pruinam vertan- ER EPS in nes 18. Quæ fit aura illa vefperti- na, quæ cœlo fereno timeri 19. Unde Manna oriatur..... 20. Cur, fi ros mane non de- cidat, pluviæ fequantur.. 21. Cur, fi Sol mane luceat, cùm nubes in aëre confpi- ciuntur, pluviam etiam PrenuncIe eee É 22. Cur omnia pluviæ figna INCER AIDE CI cer PEE Carur VII. De tempeflatibus, fulmine € ignibus aliis in aëre accenfis. 1. Quomodo nubes fuo def- cenfu ventos aliquando validiffimos efficiant; & cur fæpe maximas & re- pentinas pluvias præcedat (AISAVeNTUSE en mee te 2. Cur hirundines, folito de- mifliùs volantes, pluviam prænuncient; & cur ali- quando cineres aut feftucæ juxta focum in modum thEBINIS eyréNt ES 0 3. Quomodo fiant iftæ majores procellæ, quas voce bar- barà Travadas vocant.... 4. Quomodo ignes, Caftor & Pollux vocati, generentur. Quare gemini ifti ignes felicis augurii olim habiti fint; unus vel tres, infeli- cis. Et cur hoc tempore in- terdum quatuor aut quin- que fimul in eâdem nave CONPICIARTUT 07... 5. Quæ fit caufa tonitrui..... 6. Cur rariüs audiatur hyeme quam æftate. Et cur aura calida & gravis, vento Bo- 278 280 281 _ reali fuccedens, illud præ- HUNCICLEE CPE PP ne 7. Cur ejus fragor tantus fit, & unde oriantur omnes ejus dAéLEnNTE. ne ee 8. Quænam etiam differentia fit inter fulgetras, turbi- nem & fulmen; & unde fulgetræ procedant. Cur- queinterdum fulguretcüm non tonat, vel contrà. Quomodo fiant turbines. 9. Quomodofiatfulmen ; quèd interdum veftes comburat, corpore illæfo; vel contrà gladium liquefaciat, vagi- nain ta CR Er re 10, Quomodo etiam lapis in fulmine generetur, & cur fæpius cadat in montes vel turres quàm in loca AMENIT NE LITE CÉSAR X. Cur fæpe fingulos tonitrus fragores repentina pluvia confequatur &, cùm mul- tüm pluit, non ampliùs 11. Cur fonitu campanarum 282 283 286 VI, 21 : prænuntiet M. — VII, 2 : prænuntient M. — 6 : prænuntiet M. $30 autbombardarum vis tem- peftatis minuatur........ 12. Quomodo generentur illi ignes qui ftellæ cadentes dicunturereererre : Quomodo interdum pluat lacte, fanguine, ferro, la- PITIDUS MCE EEE ES Quomodo fiant ftellæ tra- jicientes, & ignes fatui, at- 15e 14. que ignes lambentes..... 287 . Cur minima fit vis iftorum ignium, contrà autem ful- MIMISIMARIMA APE . 288 OEUVRES DE DESCARTES. 16. Ignes qui juxta terram ge- nerantur, aliquandiu du- rare pofle; qui autem in fummo aëre, celerrimè de- bere exftingui. Nec ideo Cometas, nec trabes per aliquot dies in cœlo lucen- tes, ejufmodi ignes effe..…. 17. Quomodo quædam præ- liorum fimulacra, & talia quæ inter prodigia folent numerari, poflint apparere in cœlo ; & Sol etiam noctu videri poflit..... Carur VIII. De Iride. 1. Non in vaporibus, nec in nubibus, fed tantüm in aquæ guttis Iridem fieri.. 2. Quomodo ejus caufa, ope globi vitrei aquà pleni, détépitpotite rire 3. [ridem interiorem & pri- mariam oriri ex radiis, qui ad oculum perveniunt poit duas refraétiones & unam reflexionem ; exte- riorem autem, five fecun- dariam, ex radiis post duas refraétiones & duas re- flexiones ad oculum per- venientibus : quo fiat ut ilanntedebiion"Frerrrr 4. Quomodo etiam ope vitrei prifmatis colores Iridis vi- dant Rene Fate 5. Nec figuram corporis pel- lucidi, nec radiorum re- fexionem, nec etiam mul- tiplicem refractionem ad eorum produétionem re- 2 91 291 Le] Le) O2 289 quiri, fed unà faltem re-. fraétione, & lumine, & umbrà opus efle......... 6. Unde oriatur colorum di- VOTSITAS: MERS 7. In quo fita fit natura rubei coloris, & flavi, & viridis, & cærulei, prout in prif- _ matevitreo confpiciuntur ; & quomodo cæruleo ru- beus mifceatur, unde fit violaceus five purpureus. 8. In quo etiam aliorum cor- porum colores confiftant, & nullos falfos effe...... 9 Quomodo in Iride produ- cantur, & quomodo ibi lumen ab umbrà termine- tur. Cur primariæ Iridis femidiameter 42 gradibus major elle nequeat, nec fe- cundariæ femidiameter 51 gradibus minor. Curque illius fuperficies exterior magis determinatafitquàäm VII, 16 : extingui M, — VIII, 2 ; caufla I. 296 interior, hujus autem con- trà interior quam exte- 10. Quomodo ïifta Mathema- 11. Aquæ calidæ refraétionem minorem elle quam frigi- dæ, atque idcirco prima- riam Iridem paulo majo- rem, & fecundariam mino- rem exhibere. Etquomodo demonftretur refraétionem ab aquà ad aërem effe cir- citer ut 187 ad 250. Ideo- que femidiametrum Iri- INDEX DES METEORES. DO Re se Le a ci à 300 ticè demonftrentur ...... 302 dis 45 graduum efle non PORC ANR Leo 12. Cur pars exterior prima- riæ Iridis & contrà exte- rior fecundariæ fit rubra. 13. Quomodo pofñlit contin- gere ut ejus arcus non fit accuratè rotundus ; item ut inverfus appareat..... 14. Quomodo tres Irides vi- JeLNQUEANAEE EE CCE TRE 15. Quomodo aliæ prodigiofæ Irides, varias figuras ha- bentes, poflint arte exhi- LOUE aan 0 CDs Capur IX. De nubium colore € de halonibus feu coronis, quæ circa fidera interdum apparent. 1. Quam ob caufam nubes in- terdum albæ, interdum ni- græ appareant. Et cur nec vitrum contufum, neque nix, neque nubes paulo denfiores, Iuminis radios tranfmittant. Quænam corpora fint alba, & cur fpuma, vitrum in pulve- rem redaëtum, nix & nu- bES alba NE en PAU 2. Cur cœlum appareat cæru- leum aëre puro, & album aëre nubilofo. Et cur mare, ubi ejus aquæ altif- fimæ ac puriflimæ funt, cæruleum videatur ...... 3 3. Cur fæpe oriente vel oc- cidente Sole cælum rubef- cat, & ifta rubedo mane pluviam aut ventos, vef- peri ferenitatem prænun- [2 4. Quomodo Halones vel co- ronæ circa Aftra produ- cantur, & cur varia fit earum magnitudo. Cur, cm funt coloratæ, intez rior circulus fit ruber, & exterior cæruleus. Et cur interdum duæ, una intra alteram, appareant, & in- terior fit maximè confpi- CHAR NET ART uteR 5. Cur non videri foleant cir- ca Aftra,cùm oriuntur vel occidunt. Cur earum co- lores dilutiores fint quàm Iridis. Et cur fæpiùs quàm illa circa Lunam appa- reant, interdumque etiam circa ftellas confpiciantur. Cur ut plurimüm albæ CELL ER DAS LITE eee rie 6. Cur in aquæ guttis, inftar Iridis, non formentur.... Dire 309 8) 316 VIII, 11 : paulld I (de même IX, 1). — IX, 1 : albæ, interdum omis. M. Œuvres. I, 68 538 7. Quæ fit caufa coronarum quas etiam interdum circa flammam candelæ confpi- cimus. Et quæ caufa tranf- verforum radiorum, quoôs aliquando ibidem vide- mus, Cur in his coronis OEUVRES DE DESCARTES. exterior ambitus fit ruber, contrà quam in iis quæ ap- parent circa ftellas. Et cur refraétiones, quæ in hu- moribus oculi fiunt, nobis Iridis colores ubique non Exhibeant bete Carur X. De Parheliis. 1. Quomodo producantur eæ nubes, in quibus Parhelii videntur. Magnum quen- dam glaciei circulum in ambitu iftarum nubium reperiri, cujus fuperficies æqualis & lævis efle fo- let. Hunc glaciei circulum crafliorem efle folere, in parte Soli obverfà, quam in reliquis. Quid obftet quominus ifta glacies ex nubibus in terram cadat. Et cur aliquando in fu- blimi appareat magnus circulus albus, nullum fi- 5. Curaliquandotantüm quin- que vel quatuor vel tres tres tantüm funt, fæpe non in albo circulo, fed tan- quam in albä quädam trabe APPATEAN CE PEER étum altior vel humilior fif ifto circulo, femper ta- men in eo videri......... 5. Häâc de caufà Solem ali- quando confpici pofle, cümeft infra Horizontem, & umbras horologiorum retrocedere vel promove- ri. Quomodo feptimus Sol fupra vel infra fex alios videri poflit. Quomodo remotior, vifa fit major quam revera eflet.."" 3x7 12922 4. Quamvis Sol ad confpe- 323 dus in centro fuo habens. 320 etiam tres diverfi, unuf- 2. Quomodo fex Soles diverfi fupra alium ftantes, appa- ; in ifto circulo videri pof- reant, & quare tunc plures fint, unus vifione direétà, confpici non foleant..... 324 duo per refraétionem, & 6. Explicatio quarumdam ob- tres alii per reflexionem. fervationum hujus phæ- Cur ii qui per refraétio- nomeni,ac præcipue illius nem videntur,in unâ parte quæ Romæ facta eft Martii rubri & in alià cærulei 20; ANnnO 16024 Lee 2 0 appareant. Et cur qui per 7. Cur quinque tantùm Soles reflexionem, albi tantüm tunc apparuerint, Et cur fint & minus fulgentes... 321 pars circuli albi, à Sole confpiciantur. Et cur,cüm 8. Cur unus ex üftis Solibus J'A IX, 7 : cauffa I. — X, 2: &in alià... appareant omis. M. — 5 cauflà I. — 6 quarundam M. — ib. : 1624] Sic pro 1620. INDEX DES METEORES. s 39 caudam quandam fub- ipfarumque centra non igneam habuerit........ 328 accuratè coïncidere cum 9. Cur duæ coronæ præci- centro Solis, nec etiam puum Solem cinxerint, & centrumunius cum centro cur non femper tales co- alteriUsS EE ee 329 ronæ fimul cum Parheliis 10. Quæ fint caufæ generales appareant. Harum coro- aliarum infolitarum appa- narum locum non pen- ritionum quæ inter Me- dere à loco Parheliorum ; teora cenfendæ funt...... 331 X, 10 : cauffæ I. e : RÉRDESRCARTES. LECTORI SUO STD 2 Hæc fpecimina, Gallicè à me fcripta & ante feptem annos vulgata, paullù poft ab amico in linguam latinam verfa fuere, ac verfio miht tradita, ut quicquid in ed minds placeret, pro meo jure mutarem. Quod varus in locis feci : fed forfan etiam alia mulia prætermifi : hæc- que ab 1llis ex eo dignofcentur, quèd ubique fere fidus interpres verbum verbo reddere conatus fit, ego ver Jententias 1pfas fœæpè mutärim, € non ejus verba, [ed meum fenfum, emendare ubique fluduerim. Vale ! il Variæ circa Jcientias confiderationes. DISSERTATIO DE METHODO RECTE UTENDI RATIONE ET VERITATEM IN SCIENTIIS INVESTIGANDI Nulla res æquabilius inter homines eft diftributa quam bona mens : eà enim unufquifque ita abundare fe putat, ut | nequidem illi qui maximè inexplebiles cupiditates habent, & quibus in nullà unquam alià re natura fatisfecit, meliorem mentem quàäm poflideant optare confueverint. Quà in re pariter omnes falli non videtur effe credendum ; fed potiüs vim incorruptè judicandi & verum à falfo diftinguendi (quam propriè bonam mentem feu reétam rationem appellamus) naturà æqualem omnibus nobis innatam efle. Atque ita nofirarum opinionum diverfitatem, non ex eo manare quûd fimus aliis alii majore rationis vi donati, fed tantüm ex eo quèd cogitationem non per cafdem vias ducamus, neque ad eafdem res attendamus. Quippe ingenio pollere haud fuffcit, fed eodem reétè uti palmarium eft. Excelfiores animæ, ut majorum virtutum, ita & vitiorum capaces funt ; et plus promovent qui rectam perpetuo viam infiftentes, lentiflimo tantüm gradu incedunt, quàm qui fæpe aberrantes celeriüs gradiuntur. Ego fanè nunquam exiftimavi plus effe in me ingenii quam in quolibet & vulgo : quinimo etiam non rarù vel cogitandi celeritate, vel diftinétè imaginandi facilitate, vel | memoriæ capacitate atque ufu, quofdam alios æquare exoptavi. Nec ullas ab his alias dotes effe novi quibus ingenium præftantius reddatur. Nam rationem quod attinet, quia per illam folam homines fumus, æqualem in omnibus effe facilè credo : neque hic difcedere libet à communi fententià a. Les numéros de pages, indiqués dans l'Index qui précède, sont ceux de l'édition des Specimina de 1644, et sont reproduits ci-après dans les marges ; les traits verticaux de séparation, sans numéro en regard dans la marge, indiquent les commencements des pages du texte français dans le présent volume; les numéros de ces pages se trouvent inscrits sur la ligne du titre courant. 23-24. DE METHoDo. 553 moderatas, atque ab omni extremitate remotas, quæ communi ufu receptæ eflent apud prudentiflimos eorum cum quibus mihi eflet vivendum. Cüm enim jam inde inciperem iis omnibus quibus ante addiétus fueram diflidere, utpote quas de integro examinare delibe- rabam, certus eram nihil melius facere me poffe, quàm fi interea temporis prudentiorum actiones imitarer. Et quamvis fortè non- nulli fint apud Perfas aut Sinas non minus prudentes quäm apud nos, utilius tamen judicabam ïillos fequi cum quibus mihi erat vivendum. Atque ut recte intelligerem, quidnam illi revera opti- mum efle fentirent, ad ea potius quæ agebant, quàm ad ea quæ loquebantur attendebam : non modù quia haie mores €0- ufque corrupti funt, ut perpauci quid fentiant dicere velint, fed etiam quia permulti fæpe ipfimet ignorant : eft enim alia aétio mentis per quam aliquid bonum vel malum effe judicamus, & alia per quam nos ita judicafle agnofcimus ; atque una fæpiflime abfque alterà reperitur. Ex pluribus autem fententiis æqualiter ufu receptis moderatiflimas femper eligebam, tum quia ad executionem facil- limæ, atque ut plurimum optimæ funt; omne quippe nimium vitiofum efle folet; tum etiam, ut fi fortè aberrarem, minüs faltem à rectà vià deflecterem mediam tenendo, quàm fi unam ex extremis elegifflem cüm altera fuiflet fequenda. Et quidem | inter extremas vias, five (ut ita loquar) inter nimietates, reponebam promifliones omnes quibus nobifmet ipfis liberta| tem mutandæ poftea voluntatis adimimus. Non quôd improbarem leges quæ humanæ fragilitati atque inconftantiæ fubvenientes, quoties bonum aliquod propo- fitum habemus, permittunt ut nos ad femper in eodem perfeve- randum voto aftringamus; vel etiam quæ ob fidem commerciorum quæcunque aliis promifimus, modù ne bonis moribus adverfentur, cogunt nos præftare. Sed quia videbam nihil effe in mundo quod femper in eodem ftatu permaneret, quantumque ad me, vitam fic inftituebam ut judicia mea in dies meliora, nunquam autem deteriora fore fperarem; graviter me in bonam mentem peccare putaflem, fi ex eo quod tunc res quafdam ut bonas amplettebar, obligaffem me ad eafdem etiam poftea amplectendas, cùm forfan bonæ elle defiiflent, vel ipfe non ampliüs bonas judicarem. Altera regula erat, ut quäm maximè conftans & tenax propoñti femper effem, nec minus indubitanter atque incunétanter in iis per- agendis perfeverarem, quæ ob rationes valde dubias vel fortè nul- las fufceperam, quàm in iis de quibus planè eram certus. Ut in hoc viatorum confilium imitarer, qui fi forte in medià aliquà fylvà aber- rarint, nec ullum iter ab aliis tritum, nec etiam verfus quam par- Œuvres. I. 70 54 OEUVRES DE DESCARTES. 24-26. tem eundum fit agnofcant, non ideo vagi et incerti modà verfus unam, modà verfus alteram tendere debent, & multo minüs uno in loco confiftere, fed femper reëtà quantüm poffunt verfus unam & eandem partem progredi, nec ab eà poflea propter leves rationes defleétere, quamvis fortè initio planè nullas habuerint, propter quas illam potiùs quam aliam quamlibet eligerent : hoc enim paéto, quamvis fortè ad ipfum locum ad quem ire | deftinaverant, non ac- cedent, | ad aliquem tamen tandem devenient, in quo commodius quàm in medià fylvà potuerunt fubfiftere. Eodem modo, quia multa in vitâ agenda funt quæ differre planè non licet, certiflimum ef, quoties circa illa quid revera fit optimum agnofcere non poffumus, illud debere nos fequi quod optimum videtur; vel certè fi quædam talia fint, ut nulla nos vel minima ratio ad unum potiüs quäm con- trarium faciendum impellat, alterutrum tamen debemus eligere, & poftquam unam femel fententiam fic fumus amplexi, non ampliüs illam ut dubiam, in quantum ad praxim refertur, fed ut planè ve- ram & certam, debemus fpeétare ; quia nempe ratio propter quam illam elegimus vera & certa eft. Atque hoc fufficiens fuit ad me liberandum omnibus iftis anxietatibus & confcientiæ morfibus, qui- bus infirmiores animæ torqueri folent, quia multa fæpe uno tem- pore ut bona ampleétuntur, quæ poftmodum vacillante judicio mala efle fibi perfuadent. Tertia regula erat, ut femper me ipfum potiüs quàäm Fortunam vincere ftuderem, & cupiditates proprias quam ordinem mundi mu- tare ; atque in univerfum ut mihi firmiter perfuaderem nihil extra proprias cogitationes abfolutè efle in noftrâ poteftate : adeo ut quid- quid non evenit, poflquam omne quod in nobis erat egimus ut eve- niret, inter ea quæ fieri planè non poffunt, & Philofophico vocabulo impoffibilia appellantur, fit à nobis numerandum. Quod folum fuf- ficere mihi videbatur, ad impediendum ne quid in pofterum optarem quod non adipifcerer, atque ad me hoc paéto fatis fælicem redden- dum. Nam cüûm ea fit voluntatis noftræ natura, ut | erga nullam rem unquam | feratur, nifi quam illi nofter intelleétus ut aliquo modo pofibilem repræfentat ; fi bona omnia quæ extra nos pofita funt tan- quam æqualiter nobis impoflibilia confideremus, non magis dole- bimus quôd ea forte nobis defint, quæ natalibus noftris deberi viden- tur, quàm quôd Sinarum vel Mexicanorum reges non fimus. Et rerum neceflitati voluntatem noftram accuratiflimè accommodantes, ut jam non triftamur quôd noftra corpora non fint tam parum cor- ruptioni obnoxia quàm eft adamas, vel quôd alis ad volandum inftar avium non fimus inftruéti; ita neque fanitatis defiderio torquebi- 23 24 : re 26-28. DE METHopo. 555 mur, si ægrotemus; nec libertatis, fi carcere detineamur. Sed fateor longiffimà exercitatione & meditatione fæpiflime iteratâ opus efle, ut animum noftrum ad res omnes ita fpectandas affuefacere pofi- mus. Atque in hoc uno mihi perfuadeo pofitam fuiffe omnem artem illorum Philofophorum, qui olim fortunæ imperio fe eximebant, & inter ipfos corporis cruciatus ac paupertatis incommoda de fœlici- tate cum fuis Diis contendebant. Nam cûm affiduè terminos potefta- tis fibi à Naturà conceflæ contemplarentur, tam planè fibi perfuade- bant nullam rem extra fe pofitam, five nihil præter fuas cogitationes ad fe pertinere, ut nihil etiam amplius optarent; & tam abfolutum in eas imperium iftius meditationis ufu acquirebant, hoc eft, cupidi- tatibus aliifque animi motibus regendis ita fe affuefaciebant, ut non fine aliquà ratione fe folos divites, folos potentes, folos liberos, & - folos fœlices effe jaétarent; quia nempe nemo hac Philofophià defti- tutus, tam faventem | femper Naturam atque Fortunam habere po- teft, ut votorum omnium quemadmodum illi compos fiat. | Ut autem hanc Ethicam meam concluderem, diverfas occupa- tiones quibus in hac vità homines vacant, aliquandiu expendi, atque ex iis optimam eligere conatus fum. Sed non opus eft ut quid de aliis mihi vifum fit hîc referam ; dicam tantüm nihil me invenifle, quod pro me ipfo melius videretur, quàm fi in eodem inftituto in quo tunc eram perfeverarem; hoc eft, quam fi totum vitæ tempus in ratione meà excolendâ, atque in veritate juxta Methodum quam mihi præfcripferam inveftigandà confumerem. Tales quippe fru- étus hujus Methodi jam deguftaram, ut nec fuaviores ullos nec ma- gis innocuos in hac vità decerpi poile arbitrarer; cumque illius ope quotidiè aliquid detegerem, quod & vulgo ignotum & alicujus mo- menti efle exiflimabam, tantà delectatione animus meus implebatur, ut nullis aliis rebus affici poflet. Ac præterea tres regulæ mox expo- fitæ fatis reétæ mihi vifæ non fuiflent, nifi in veritate per hanc Me- thodum inveftigandà perfeverare decreviflem. Nam cum Deus uni- cuique noftrûm aliquod rationis lumen largitus fit ad verum à falfo diflinguendum, non putafflem me, vel per unam diem, totum alie- nis opinionibus regendum tradere debere, nifi flatuiffem eafdem -pro- prio ingenio examinare, flatim atque me ad hoc rectè faciendum fatis paraffem. Nec, quamdiu illas fequebar, abfque errandi metu fuiflem, nifi fperafflem me nullam interim occafionem, meliores fi quæ | eflent inveniendi, prætermiflurum. Nec denique cupiditati- bus imperare, ac rebus quæ in potellate meà funt contentus efle potuiffem, nifi viam illam fuiflem fequutus, per quam confidebam me ad omnem rerum cognitionem perventurum cujus eflem capax, $ 50 OEUVRES DE DESCARTES. 20 fimulque ad omnium verorum bonorum | poffeflionem ad quam mihi liceret afpirare. Quippe cm voluntas noftra non determinetur ad aliquid vel perfequendum vel fugiendum, nifi quatenus ei ab intel- leétu exhibetur tanquam bonum vel malum; fufficiet, fi femper reétè judicemus, ut rectè faciamus, atque fi quàm optimè poffumus judi- cemus, ut etiam quàm optimè poffumus faciamus; hoc eft, ut no- bis virtutes omnes fimulque alia omnia bona, quæ ad nos poflunt pervenire, comparemus ; quifquis autem fe illa fibi comparaffe con- fidit, non poteit non efle fuis contentus ac beatus. Pofiquam verd me his regulis inftruxifflem, illafque fimul cum rebus fidei, quæ femper apud me potiflimæ fuerunt, refervaflem, quantum ad reliqua quibus olim fueram imbutus, non dubitavi quin mihi liceret omnia ex animo meo delere. Quod quia mihi videbar commodiüs præftare poffe inter homines converfando, quäm in illà folitudine in quâ eram, diutius commorando, vixdum hyems erat exacta cùm me rurfus ad peregrinandum accinxi; nec per infequen- tes novem annos aliud egi, quàm ut hac illac orbem terrarum peram- bulando, fpectatorem potius quäm aétorem comœædiarum, quæ in eo quotidie exhibentur, me præberem. Cümque præcipuë circa res fingulas obfervarem quidnam poflet in dubium revocari, & quidnam nobis occafionem male judicandi præberet, omnes paulatim opi- niones erroneas quibus mens mea obfeffa erat avellebam. | Nec ta- men in eo Scepticos imitabar, qui dubitant tantüm ut dubitent, & præter incertitudinem ipfam nihil quærunt. Nam contrà totus in eo eram ut aliquid certi reperirem; & quemadmodum fieri folet, cum in arenofo folo ædificatur, tam altè fodere cupiebam ut tandem ad falxum vel ad argillam pervenirem. Atque hoc fatis fœliciter mihi fuccedere videbatur : nam cüm ad falfitatem vel incertitudinem pro- pofitionum quas examinabam detegendam, non vagis tantum & de- bilibus conjeéturis, fed firmis & evidentibus argumentis uti conarer, nulla tam dubia occurrebat quin ex eà femper aliquid certi collige- rem; nempe vel hoc ipfum, nihil in eà efle certi. Et ficut veterem domum diruentes multam ex eà materiam fervant, novæ extruendæ idoneam; ita malè fundatas opiniones meas dejiciendo, varias res obfervabam, & multa experimenta colligebam, quæ poftea certiori- bus ftabiliendis ufui mihi fuêre. Ac præterea pergebam femper in eà quam mihi præfcripferam Methodo exercendà ; nec tantummodo generaliter omnes meas cogitationes juxta ejus præcepta regere ftu- debam, fed etiam nonnullas interdum horas mihi afflumebam, qui- bus illà expreflius in quæftionibus Mathematicis refolvendis utebar; vel etiam in quæftionibus ad alias quidem fcientias pertinentibus, 26 A7 29-51. DE MErTHoDo. 557 fed quas ab earum non fatis firmis fundamentis fic abducebam, ut propemodum Mathematicæ dici poffent : quod fatis apparebit me feciffe in multis quæ in hoc volumine continentur. Ita non aliter in fpeciem | me gerendo, quàm illi qui vitæ fuaviter & innoxiè tradu- cendæ ftudentes, omnique alio munere foluti, voluptates à vitiis fecernunt, & nullà honeltà delectatione fibi interdicunt, ut otium fine tædio ferre poflint, propofitum interim meum femper urgebam, magifque ut exiftimo in veritatis cognitione promovebam, quàm fi in libris evolvendis, vel litteratorum fermonibus audiendis omne tempus confumpfiffem. | Verum tamen ifti novem anni effluxerunt,antequam de ullà ex iis quæftionibus quæ apud eruditos in controverfiam adduci folent, determinatè judicare, atque aliqua in Philofophià principia vulgari- bus certiora quærere aufus fuiffem. Tantam enim in hoc difficulta- tem effe, docebant exempla permultorum fummi ingenii virorum, qui fine fucceffu hactenus idem fufcepifle videbantur, ut fortaffe diu- tius adhuc fuiffem cunctatus, nifi audiviffem à quibufdam jam vulgd credi, me hoc ipfum quod nondum aggrelfus fueram, perfeciffe. Nefcio quidnam illis dediffet occafionem iftud fibi perfuadendi ; nec certè ullam ex meis fermonibus capere potuerant, nifi fortè quia videbant me liberiüs ignorantiam meam profiteri, quàam foleant alii ex iis qui docti haberi volunt; vel etiam quia interdum rationes exponebam, propter quas de multis dubitabam, quæ ab aliis ut certa admittuntur ; non autem quod me unquam audiviffent de ullà circa res Philofo- phicas fcientià gloriantem. Sed cüûm talis animus in me effet, ut pro alio quam revera eram haberi nollem, putavi mihi viribus omnibus effe contendendum, ut eà laude dignus evaderem | quæ jam mihi-à multis tribuebatur. Quà re impulfus ante octo annos, utomnibus me avocationibus quæ inter notos & familiares degentibus occurrunt liberarem, fecefli in hafce regiones, in quibus diuturni belli neceffitas invexit militarem difciplinam tam bonam, ut magni in eà exercitus non ob aliam caufam ali videantur, quäm ut omnibus pacis com- modis fecuriüs incolæ frui poflint; & ubi in magnà negotioforum* hominum turbâ, magis ad res proprias attendentium quäm in alie- nis curioforum, nec earum rerum ulu carui quæ in florentiflimis & populofiffimis ur|bibus tantum habentur, nec interim minüs folus vixi & quietus, quàm fi fuiffem in locis maximè defertis & incultis. Non libenter hic refero primas cogitationes, quibus animum applicui poftquam huc veni; tam Metaphyficæ enim funt & à com- a. negotiorum £/4. IV. Rationes quibus. ex/iflentia Dei et animæ humanæ probatur, quæ Junt Metaphyficæ fundamenta. 558 OEuvrEs DE DESCARTES. 3133. muni ufu remotæ, ut verear ne multis non fint placituræ; fed ut poffit intelligi an fatis firma fint philofophiæ meæ fundamenta, videor aliquo modo coaétus de illis loqui. Dudum obfervaveram permultas effe opiniones, quas, etfi valde dubiæ fint & incertæ, non minus conftanter & intrepidè fequi debemus, quatenus ad ufum vitæ referuntur, quàm fi certæ eflent & exploratæ, ut jam antè diétum eft. Sed quia tunc veritati quærendæ, non autem rebus agendis, totum me tradere volebam, putavi mihi planè contrarium effe faciendum, & illa omnia in quibus vel minimam dubitandi ra- tionem poflem reperire, tanquam apertè falfa efle rejicienda; ut experirer an, illis ita rejeétis, nihil præterea fupereffet de quo dubi- tare planè non poflem. Sic | quia nonnunquam fenfus noftri nos fallunt, quidquid unquam ab illis hauferam inter falfa numeravi. Et quia videram aliquando nonnullos etiam circa res Geometriæ facil- limas errare, ac paralogifmos admittere, fciebamque idem mihi pofle accidere quod cuiquam alii poteft, illas etiam rationes omnes, quas antea pro demonftrationibus habueram, tanquam falfas rejeci. Et denique quia notabam, nullam rem unquam nobis veram videri dum vigilamus, quin eadem etiam dormientibus poflit occurrere, cum tamen tunc femper aut fere femper fit falfa; fuppofui nulla eorum quæ unquam vigilans cogitavi, veriora effe quàm fint ludi- bria fomniorum. Sed ftatim | poftea animadverti, me, quia cætera omnia ut falfa fic rejiciebam, dubitare planè non pofle quin ego ipfe interim effem; & quia videbam veritatem hujus pronuntiati : Ego cogito, ergo fum, five exifto, adeo certam effe atque evidentem, ut nulla tam enormis dubitandi caufa à Scepticis fingi poflit, à quâ illa non eximatur, credidi me tutà illam pofle, ut primum ejus, quam quærebam, Philofophiæ fundamentum admittere. Deinde attentè examinans quis eflem, & videns fingere quidem me pofle corpus meum nihil efle, itemque nullum planè effe mun- dum, nec etiam locum in quo effem; fed non ideo uHâ ratione fin- gere pofle me non efle ; quinimo ex hoc ipfo quôd reliqua falfa effe fingerem, five quidlibet aliud cogitarem, manifeftè fequi me efle: & contrà, fi vel per momentum temporis | cogitare definerem, quamwvis interim & meum corpus, & mundus, & cætera omnia quæ unquam imaginatus fum revera exifterent, nullam ideo efle ratio- nem cur credam me durante illo tempore debere exiftere; inde in- tellexi me efle rem quandam five fubftantiam, cujus tota natura five effentia in eo tantum confiftit ut cogitem, quæque ut exfiftat, nec loco ullo indiget, nec ab ullà re materiali five corporeà depen- det. Adeo ut Ego, hoc eft, mens per quam folam fum is qui fum, 33-35. DE Merxopo. ÿ 9 fit res à corpore planè diftinéta, atque etiam cognitu facilior quam corpus, & quæ planè eadem, quæ nunc ef, effe poffet, quamuvis illud non exfifteret. = Poft hæc inquifivi, quidnam in genere requiratur ut aliqua enun- tiatio tanquam vera & certa cognofcatur : cûm enim jam unam inveniflem, quam talem efle cognofcebam, putavi me poffe etiam inde percipere in quâ | re ifta certitudo confiftat. Et quia notabam, nihil planè contineri in his verbis ego, cogito, ergo fum, quod me certum redderet eorum veritatis, nifi quod manifeftiflimè viderem fieri non pole ut quis cogitet nifi exfiftat, credidi me pro regulà generali fumere pofle, omne id quod valde dilucidè & diftinétè concipiebam verum efle ; & tantummodo difficultatem efle nonnul- lam, ad rectè advertendum quidnam fit quod diftinétè percipimus. Quä re pofitâ, obfervavi me de multis dubitare, ac proinde natu- ram meam non efle omnino perfectam ; evidentiflimè enim intelli- gebam dubitationem non efle argumentum tantæ perfeétionis quäm cognitionem. Et cùm ulterius inquirerem à quonam haberem ut de naturà perfectiore quàm mea fit cogitarem, clariflimè etiam in- tellexi me hoc habere non poife, nifi | ab eo cujus natura effet révera perfectior. Quantum attinet ad cogitationes, quæ de variis _aliis rebus extra me pofitis occurrebant, ut de cœlo, de terrä, de lumine, de calore, aliifque rebus innumeris, non eâdem ratione quærendum efle putabam, à quonam illas haberem; cüm enim nihil in illis reperirem quod fupra me pofitum effe videretur, facilè poteram credere, illas, fi quidem veræ eflent, ab ipfâmet naturà meâ, quatenus aliquid perfectionis in fe habet, dependere; fi verd falfæ, ex nihilo procedere; hoc eft, non aliam ob caufam in me effe quàäm quia deerat aliquid naturæ meæ, nec erat planè perfeéta. Sed non idem judicare poteram de cogitatione, five Ideà naturæ quæ Nota hoc in loco - perfectior erat quam mea. Nam fieri planè non poterat ut illam à lt ubique nihilo accepiffem. Et quia non magis poteft id quod perfeétius ef, FrRERSRES 32 à minüs perfecto procedere, quàm ex nihilo | aliquid fieri, nonpote- generaliter fumi ram etiam à me ipflo illam habere. Ac proinde fupererat ut in me pre ; : : 2 ; : omni re cogitatà, pofita effet à re, cujus natura effet perfectior, imo etiam quæ omnes quatenus habet in fe contineret perfectiones, quarum Ideam aliquam in me habe- tantüm rem; hoc eft, ut verbo abfolvam, quæ Deus effet. Addebam etiam, effe quoddam quandoquidem agnofcebam aliquas perfeétiones quarum expers NA ces eram, neceflarium efle ut exifteret præter me aliquod aliud ens, (liceat hic, fi placet, uti vocibus in fcholà tritis) ens, inquam, me per- fectius, à quo penderem, & à quo quidquid in me erat accepiflem. Nam fi folus & ab omni alio independens fuiffem, adeo ut | totum 560 OŒEuvres DE DESCARTES 35-36. id, quantulumcunque fit, perfectionis cujus particeps eram, à me ipfo habuiflem, reliqua etiam omnia quæ mihi deeffe fentiebam, per me acquirere potuiffem, atque ita ipfemet efle infinitus, æter- nus, immutabilis, omnifcius, omnipotens, ac denique omnes per- fectiones poflidere quas in Deo effe intelligebam. Etenim ut Naturam Dei (ejus nempe quem rationes mod allatæ probant exiftere), quantum à me naturaliter agnofci poteft, agno- fcerem, non aliud agendum mihi erat quam ut confiderarem circa res omnes, quarum Ideas aliquas apud me inveniebem, efletne per- fectio, illas poflidere ; certufque eram nullas ex iis quæ imperfe- ctionem aliquam denotabant, in illo efle, ac nullas ex reliquis ülli deeffe. Sic videbam nec dubitationem, nec inconftantiam, nec tri- ftitiam, nec fimilia in Deum cadere : nam egomet ipfe illis libenter caruiflem. Præterea multarum rerum fenfibilium & corporearum Ideas habebam ; quamwvis enim me fingerem fomniare, & quidquid vel videbam vel imaginabar, falfum efle, negare tamen non poteram Ideas illas in | mente meà revera exfiftere. Sed quia jam in me iplo perfpicuè cognoveram naturam intelligentem à corporeû efle diftinétam, in omni autem compofitione unam partem ab alterà, totumque à partibus pendere advertebam, atque illud quod ab ali- quo pendet perfeétum non efle ; idcirco judicabam in Deo perfectio- nem effe non poile, quod ex iftis duabus naturis effet compofitus, ac proinde ex illis compofitum non efle. Sed fi quæ res corporeæ in mundo eflent, vel fi aliquæ res intelligentes, aut cujuflibet alterius naturæ, quæ non eflent omnino | perfectæ, illarum exfiftentiam à Dei potentià neceflarid ita pendere, ut ne per minimum quidem temporis momentum abfque eo effe poffent. Cüm deinde ad alias veritates quærendas me accingerem, confi- deraremque in primis illam rem circa quam Geometria verfatur, quam nempe concipiebam ut corpus continuum, five ut fpatium indefinitè longum, latum, & profundum, divifibile in partes tum magnitudine, tum figurà omnimodè diverfas, & quæ moveri five tranfponi poflint omnibus modis (hæc enim omnia Geometræ in eo quod examinant efle fupponunt), aliquas ex fimpliciffimis eorum demonftrationibus in memoriam mihi revocavi. Et primd quidem notavi magnam illam certitudinem quæ iis omnium confenfu tri- buitur, ex eo tantüm procedere quôd valde clarè & diftinétè intel- ligantur, juxta regulam pauld ante traditam. Deinde etiam notavi nihil planè in iis efle, quod nos certos reddat illam rem circa quam verfantur exfiftere : nam quamvis fatis viderem, fi, exempli caufà, fupponamus dari aliquod triangulum, ejus tres angulos neceffarid 36-38. DE MErxopo. ;ôI fore æquales duobus reétis ; nihil | tamen videbam quod me certum redderet, aliquod triangulum in mundo effe. At contrà cüm rever- terer ad Ideam entis perfeéti quæ in me erat, ftatim intellexi exfi- fentiam in eà contineri, eâdem ratione quà in Ideà trianguli æqua- litas trium ejus angulorum cum duobus rectis continetur, vel ut in Ideä circuli, æqualis à centro diftantia omnium ejus circumferentiæ partium, vel etiam adhuc evidentius; ac proinde ad minimum æquè certum efle Deum, qui eft illud ens perfetum, exfiftere, quim ulla Geometrica demonftratio effe potefit. [Sed tota ratio propter quam multi fibi perfuadent, tum Dei exi- fentiam, tum animæ humanæ naturam, efle res cognitu valde dift- ciles, ex eo eft quod nunquam animum à fenfibus abducant, & fupra res corporeas attollant; fintque tam aflueti nihil unquam con- fiderare quod non imaginentur, hoc eft, cujus aliquam imaginem tanquam rei corporeæ in phantafià fuà non fingant, ut illud omne de quo nulla talis imago fingi poteft, intelligi etiam non poffe illis videatur. Atque hoc ex eo fatis patet, qud vulgd Philofophi in fcholis pro axiomate pofuerint, nihil effe in intelle&u quod non priüs fuerit in fenfu : in quo tamen certiffimum eft Ideas Dei & animæ rationalis nunquam fuifle; mihique idem facereilli videntur qui fuà imaginandi facultate ad illas uti volunt, ac fi ad fonos au- diendos vel odores percipiendos, oculis fuis uti conarentur; nifi quôd in eo etiam differentia fit, quod fenfus oculorum in nobis non minüs certus fit quàm odoratus vel auditus; cùm è contrà, nec imaginandi facultas, nec fentiendi, ullius unquam rei nos certos reddere poflit, nifi intellectu five ratione cooperante. |Quôd fi denique adhuc aliqui fint quibus rationes jam didtæ non- dum fatis perfuaferint Deum efle, ipforumque animas abfque cOr- pore fpectatas effe res revera Lretes velim fciant alia omnia pro- nunciata, de quibus nullo modo En dubitare, ut quôd ipfimet habeant corpora, quèd in mundo fint fidera, terra, & fimilia, multo magis efle incerta. Quamvis enim iftorum omnium fit certitudo, ut loquuntur Philofophi, moralis, quæ tanta eft, ut | nemo nifi deliret de iis dubitare poffe videatur ; nemo tamen etiam, nifi fit rationis expers, poteit negare, quoties de certitudine Metaphyficà quæftio eft, quin fatis fit caufæ ad dubitandum de illis, qudd advertamus fieri poffe ut, inter dormiendum, eodem planè modo credamus nos alia habere corpora, & alia fidera videre, & aliam terram, &c., quæ tamen omnia falfa fint. Unde enim fcitur eas cogitationes quæ oc- currunt dormientibus potius falfas effe quàm illas quas habemus vigilantes, cùm fæpe non minüs vividæ atque expreffæ videantur ? Œuvres. I. 71 502 OEuvres DE DESCARTES. 38-40. Inquirant præflantiflima quæque ingenia quantum libet, non puto illos rationem aliquam pole invenire, quæ huic dubitandi caufæ tollendæ fufliciat, nifi exfiftentiam Dei fupponant. Etenim hoc ipfum quod pauld ante pro regulà affumpfi, nempe illa omnia quæ clarèe & diftinctè concipimus vera effe, non aliam ob caufam funt certa, quam quia Deus exfiflit, eftque Deus ens fummum & perfectum, adeo ut quidquid entis in nobis efl, ab eo neceflarid procedat. Unde fequitur Ideas noftras five notiones, cum in omni eo in quo funt claræ & diftinctæ, entia quædam fint, atque à Deo procedant, non polfe in eo non effe veras. Ac proinde quod multas fæpe habeamus, in quibus aliquid falfitatis continetur, non | aliunde contingit quäm quia etiam in jifdem aliquid eft obfcurum & confufum; atque in hoc non ab ente fummo fed à nihilo procedunt ; hoc eft, obfcuræ funt & confufæ, quia nobis aliquid deeft, five quia non omnino per- fecti fumus. Manifeftum autem eft non magis fieri poffe, ut falfitas five imper/feétio à Deo fit, quatenus imperfectio eft, quàm ut veritas five perfectio à nihilo. Sed fi nefciremus quicquid entis & veri in nobis eft, totum illud ab ente fummo & infinito procedere, quantum- vis claræ & diftinctæ effent Ideæ noftræ, nulla nos ratio certos red- deret illas idcirco elle veras. At poftquam Dei & mentis noftræ cognitio nobis hanc regulam planè probavit, facilè intelligimus ob errores fomniorum, cogita- tiones quas vigilantes habemus, in dubium vocari non debere. Nam fi quis etiam dormiendo ideam aliquam valde diftinctam haberet, ut exempli caufà, fi quis Geometra novam aliquam demonftrationem inveniret, ejus profeéto fomnus non impediret quominuüs illa vera effet. Quantum autem ad errorem fomniis noftris maximè familia- rem, illum nempe qui in eo confiftit, quod varia nobis objecta re- præfentent eodem planè modo quo ipfa nobis à fenfibus externis inter vigilandum exhibentur, non in eo nobis oberit qudd occa- fionem det ejufmodi ideis, quas à fenfibus vel accipimus vel puta- mus accipere, parum credendi; poffunt enim illæ etiam dum vigi- lamus non rar nos fallere, ut cum ii qui morbo regio laborant omnia colore flavo infecta cernunt, aut cum nobis aftra vel alia cor- pora valde remota, multo minora quäm fint apparent. Omnino enim, five vigilemus five dormiamus, folam evidentiam rationis judicia noftra fequi de|bent. Notandumque eft hîc me loqui de evi- dentià noftræ rationis, non autem imaginationis, nec fenfuum. Ita exempli caufà, quamvis Solem clariflimè videamus, | non ideo de- bemus judicare illum efle ejus tantüm magnitudinis quam oculi nobis exhibent; & quamvis diftinétè imaginari poflimus caput leo- 40-72. DE MErHObo. 503 nis capræ corpori adjunctum, non inde concludendum eft chimæram in mundo exiftere. Ratio enim nobis non dictat ea quæ fic vel vide- mus vel imaginamur, idcirco revera exiftere. Sed planè nobis dictat, omnes noftras Ideas five notiones aliquid in fe veritatis continere; alioqui enim fieri non poffet ut Deus qui fummè perfectus & verax eft, illas in nobis pofuiffet. Et quia noftræ ratiocinationes five judicia nunquam tam clara & diftinéta funt dum dormimus quàam dum vigilamus, etiamfi nonnunquam imaginationes noftræ magis vividæ & expreffæ fint, ratio etiam nobis diétat, cm omnes noftræ cogitationes veræ efle non poflint, quia non fumus omnino perfecti, veriflimas ex iis illas effe potius quas habemus vigilantes, quàm quæ dormientibus occurrunt. Libentiffimé hic pergerem, & totam catenam veritatum quas ex his primis deduxi exhiberem; fed quoniam ad hanc rem opus nunc effet, ut de variis quæftionibus agerem inter doctos controverfis, cum quibus contentionis funem trahere nolo, fatius fore credo ut ab iis abftineam, & folüm in genere quænam fint dicam, quo fapientiores judicare poffint, utrum expediat rempublicam literariam de iis fpecialius edoceri. | Perftiti femper in prepoñto nullum aliud principium fupponendi, præter illud quo modà ufus fum ad exfiften- tiam Dei & animæ demonftran|dum, nullamque rem pro ver acci- piendi, nifi mihi clarior & certior videretur, quàm antea Geome- trarum demonftrationes fuerant vifæ. Nihilominus aufim dicere, me non folüm reperiffe viam, quà brevi tempore mihi fatisfacerem, in omnibus præcipuis quæftionibus quæ in Philofophià traétari folent; fed etiam quafdam leges obfervaile, ita à Deo in naturà conftitutas, & quarum ejufmodi in animis noftris notiones impreflit, ut poit- quam ad eas fatis attendimus, dubitare nequeamus, quin in omni- bus quæ funt aut fiunt in mundo accuratè obferventur. Deinde legum ïiftarum feriem perpendens, animadvertifle mihi videor multas majorifque momenti veritates, quàm fint ea omnia quæ antea didiceram, aut etiam difcere pofle fperaveram. Sed quia præcipuas earum peculiari traétatu explicare fum conatus, quem ne in lucem edam, rationes aliquæ prohibent, non poffum quænam:illæ fint commodiüs patefacere, quàm fi tractatüs illius fummam hic paucis enarrem. Propoñtum mihi fuit in illo compleëti omnia, quæ de rerum materialium naturà fcire putabam, antequam me ad eum fcribendum accingerem. Sed quemadmodum piétores, cùm non poflint omnes corporis folidi facies in tabulà planà æqualiter fpeétandas exhibere, unam è& præcipuis deligunt, quam folam luci obvertunt, cæteras verd opacant, | & eatenus v Quæflionum Phyficarum ab Authore invefliga- tarum ordo ; ac in fpecie motus cordis, et qguarundam aliarum ad Medi- cinam fpeédantium perple.xarum opinionum eno- dalio ; tum quæ fit inter noftram et brutorum animam differentia. 64 OEUVRES DE DESCARTES. 42-43. tantüm videri finunt, quatenus præcipuam illam intuendo id fieri poteft : ita veritus ne differtatione meà omnia quæ animo volvebam comprehendere non pollem, ftatui folum in eà copiofè exponere quæ de lucis naturà concipiebam; deinde ejus occafione aliquid de Sole & ftellis fixis adjicere, quôd ab iis tota ferè|promanet; item de cœlis, quod eam tranfmittant; de Planetis, de Cometis & de Terrà, quèd eam reflectant; & in fpecie de omnibus corporibus quæ in terrâ occurrunt, quod fint aut colorata, aut pellucida, aut luminofa; tandemque de homine, quèd eorum fit fpectator. Quinetiam ut aliquas his omnibus umbras injicerem, & liberius, quid de iis fenti- rem, dicere poffem, nec tamen receptas inter doétos opiniones aut fequi aut refutare tenerer, totum hunc Mundum difputationibus ipforum relinquere decrevi, & tantüm de iis quæ in Novo contin- gerent tractare, fi Deus nunc alicubi in fpatiis imaginariis fuflicien- tem ad eum componendum materiæ copiam crearet, varièque & fine ordine diverfas hujus materiæ partes agitaret, ita ut ex eà æquè confufum Chaos atque Poëtæ fingere valeant componeret; deinde nihil aliud ageret quam ordinarium fuum concurfum naturæ com- modare, ipfamque fecundüm leges à fe conititutas agere fineret. Ita primüm hanc materiam defcripli, & eo modo eam depingere conatus fum, ut nihil, meà quidem fententià, clarius aut intelligi- bilius fit in mundo, exceptis iis quæ modù de Deo & de Anim diéta funt, Nam etiam expreflè fuppofui, | nullas in eâ ejufmodi formas aut qualitates efle, quales funt eæ de quibus in Scholis difputatur, nec quidquam in genere cujus cognitio non adeo men- tibus noltris fit naturalis, ut nullus ipfam à fe ignorari fingere poñlit. Præterea quænam effent naturæ leges oftendi; nulloque alio affumpto principio quo rationes meas ftabilirem, præter infinitam Dei perfectionem, illas omnes demonftrare ftudui, de quibus dubi- tatio aliqua oboriri poilet, probareque eas tales efle, ut etiam fi Deus plures | mundos creaffet, nullus tamen efle poflet in quo non accuratè obfervarentur. Poftea oftendi quomodo maxima pars materiæ iftius Chaos, fecundüm has leges, ita fe difpofitura & col- locatura eflet, ut noftris Cœlis fimilis evaderet; quomodo interea aliquæ illius partes Terram compolituræ effent, quædam Planetas & Cometas, & quædam aliæ Solem & ftellas fixas. Et hoc loco in tractationem de Luce digreflus, prolixè expofui quænam ea efle deberet quæ Solem & ftellas componeret, & quomodo inde tem- poris momento immenfa cœlorum fpatia trajiceret, & à Planetis Cometifque ad terram reflecteret. Ibidem etiam multa de fubitan- tià, fitu, motibus, & omnibus diverfis iftorum cœlorum aftro- 41 42 43-45. DE MErHono. 506$ rumque qualitatibus inferui ; adeo ut me fatis multa dicere putarem ad oftendendum nihil in hujus Mundi Cœælis aftrifque obfervari, quod non deberet aut faltem non poffet fimiliter in mundo | quem defcribebam apparere. Inde ad traétandum de Terrà progreflus fum, oftendique quomodo, etiamfi, prout expreflè fuppofueram, Deus nullam gravitatem materiæ e quà compofita erat indidiffet, attamen omnes ejus partes accuratè ad centrum tenderent ; item quomodo cum iplius fuperficies aquis & aëre operiretur, Cœlorum & Aftrorum, fed præcipuë Lunæ difpofitio, in eà fluxum & refluxum efficere deberet, omnibus fuis circumftantiis illi qui in maribus noftris obfervatur fimilem; nec non quendam aquarum & aëris ab ortu ad occafum motum, qualis inter Tropicos animadvertitur; quomodo montes, maria, fontes & fluvii in eà naturaliter produci poffent, & metalla in fodinis enafci, plantæque in agris crefcere; & in genere omnia corpora, quæ vulgo mixta aut compofita vo/cant, in eà generari. Et inter cætera, quia nihil aliud in mundo poit Aftra, præter Ignem efle agnofco quod lumen producat, fludui omnia quæ ad ignis naturam pertinent perfpicuè declarare, quo- modo fiat, quomodo alatur, & cur in eo aliquando folus calor fine lumine, aliquando vero folum lumen fine calore deprehendatur ;quo- modo varios colores in diverfa corpora inducere poflit, diverfafque alias qualitates; quomodo quædam liquefaciat, quædam verd in- duret; quomodoque omnia propemodum confumere, aut in cineres & fumum convertere poflit; & denique quomodo ex his cineribus folà aétionis fuæ vi vitrum efficere. Cüm enim ifta cinerum in vitrum tranfmutatio | non minüs fit admiranda quàm quævis alia quæ in naturà contingat, volui me aliquantüum in ejus particulari defcriptione oblectare, Nolebam tamen ex his omnibus inferre Mundum hunc eo quo proponebam modo fuifle creatum. Multo enim verifimilius eft Deum ipfum ab initio talem qualis futurus erat fecifle. Verumtamen certum eft & vulgù inter Theologos receptum, eandem effe attionem quà ipfum nunc confervat, cum eà quà olim creavit : ita ut etiamfi nullam ei aliam quàäm Chaos formam ab initio dediffet, dummodo poft naturæ leges conititutas, ipfi concurfum fuum ad agendum ut folet commodaret, fine ullà in creationis miraculum injurià credi poflit, eo folo res omnes purè materiales, cum tempore quales nunc effe videmus effici potuifle. Natura autem ipfarum multo faciliüs capi poteft, cûm ita paulatim orientes confpiciuntur, quàm cum tantüm ut abfolutæ & perfectæ confiderantur. A defcriptione corporum inanimatorum & plantarum | tranfvi L2 00 ŒEuvres DE DESCARTES. 45-47 ad animalia, & fpeciatim ad hominem. Sed quia nondum tantam iflorum adeptus eram cognitionem, ut de iis eâdem quà de cæteris methodo tractare poffem, hoc eft, demonftrando effeétus per cau- fas, & oftendendo ex quibus feminibus, quove modo natura ea pro- ducere debeat, contentus fui fupponere, Deum formare corpus hominis uni è noftris omnino fimile, | tam in externà membrorum figurà, quàm in internà organorum conformatione, ex eâdem cum illà quam defcripferam materià, nullamque ei ab initio indere ani- mam rationalem, nec quidquam aliud quod loco animæ vegetantis aut fentientis effet; fed tantum in ipfius corde aliquem fine lumine ignem, qualem antea defcripferam, excitare ; quem non putabam diverfum effe ab eo qui fænum congeflum antequam ficcum fit cale- facit; aut qui vina recentia ab acinis nondum feparata fervere facit. Nam functiones quæ confequenter in hoc humano corpore elfe po- terant expendens, inveniebam perfectè omnes quæ nobis non cogi- tantibus inefle poffunt ; ac proinde abique cooperatione animæ, hoc ell, illius noftri partis à corpore diftinctæ, cujus ante dictum ef, na- turam in cogitatione tantüum fitam efle ; eafdemque in quibus poteit dici animalia ratione deftituta nobifcum convenire; ita tamen ut nullam earum animadverterem, quæ cüm à mente pendeant, folæ noftræ funt quatenus homines fumus ; quas nihilominus ibi poftea reperiebam, cüùm Deum animam rationalem creafle, eamque fti corpori certo quodam quem defcribebam modo conjunxiffe, fup- poluitfem. : Sed ut cognofci poflit quà ratione illic materiam iftam tractarem, volo hic apponere explicationem motûs cor|dis & arteriarum; qui cm primus & generaliffimus fit qui in animalibus obfervatur, ex eo facilè judicabitur quid | de reliquis omnibus fit fentiendum. Et. ut minor in iis quæ dicturus fum percipiendis occurrat difficultas, author fum iis qui in Anatomià non funt verfati, ut antequam fe ad hæc legenda accingant, cor magni alicujus animalis pulmones habentis, coram fe diffecari curent (in omnibus enim fatis eft humano fimile), fibique duos qui inibi funt ventriculos five cavitates oftendi. Primd illam quæ in latere dextro el, cui duo valde ampli canales refpondent : videlicet vena cava, quæ præcipuum eft fan- guinis receptaculum, & veluti truncus arboris, cujus omnes aliæ corporis venæ funt rami; & vena arteriola, malè ita appellata, cum revera fit arteria, quæ originem à corde habens, poftquam inde exiit in multos ramos dividitur, qui deinde per pulmones difper- guntur. Secundù illam quæ ef in latere finiftro, cui eodem modo duo canales refpondent, æquè ampli atque præcedentes, fi non 47-49. | DE MErTHopo. 67 magis : fcilicet arteria venofa, malè etiam ita nominata, cum nihil aliud fit quàm vena, quæ à pulmonibus oritur, ubi in multos ramos dividitur, cum venæ arteriofæ & afperæ arteriæ, per quam aër quem fpiramus ingreditur, ramis permixtos; & magna arteria, quæ è corde exiens ramos fuos per totum corpus difpergit. Vellem etiam ipfis diligenter oftendi undecim pelliculas, quæ veluti totidem val- vulæ aperiunt & claudunt quatuor oftia feu orificia quæ funt in iftis duobus cavis. Nimirum | tres in ingreffu venæ cavæ, ubi ita funt collocatæ ut nullo modo impedire poflint quominuüs fanguis, quem continent, in dextrum cordis ventriculum fluat, licèt ne inde exeat accuratè prohibeant. Tres in ingreflu venæ arteriofæ, quæ, | contra- rio modo difpofitæ, finunt quidem fanguinem in illà cavitate con- tentum ad pulmones tranfire, fed non eum qui in pulmonibus eft eo reverti. Et fic duas alias ih orificio arteriæ venofæ, quæ permit- tunt ut fanguis è pulmonibus in finiftrum cordis ventriculum fluat, fed reditum ejus arcent. Et tres in ingreflu magnæ arteriæ, quæ finunt ipfum è corde exire, fed ne illuc redeat impediunt. Nec opus eft aliam quærere caufam numeri iftarum pellicularum, nifi quôd cüm arteriæ venofæ orificium fit figuræ ovalis ratione loci in quo eft, duabus commodè claudi poflit; cùm alia, quæ rotunda funt, meliüs tribus obftrui queant. Præterea cuperem ut oftenderetur ipfis magnam arteriam & venam arteriofam, conilitutionis effe multo durioris & firmioris quam arteria venofa & vena cava, & iftas duas poftremas dilatari priufquam cor ingrediantur, ibique duo veluti marfupia efficere, quæ vulgd cordis auriculæ vocantur, & funt ex fimili cum ipfo carne compofitæ ; multoque femper plus caloris efle in corde quam in ullâ alià corporis parte; denique iftum calorem polie efficere, ut fi guttula aliqua fanguinis in ipfius cavitates ingrediatur, ftatim intumefcat & | dilatetur ; ficut omni- bus in univerfum liquoribus contingit, cùm guttatim in aliquod valde calidum vas ftillant. Poft hæc enim non opus eft ut quidquam aliud dicam ad motum cordis explicandum, nifi quod cüm ipfius cavitates non funt fan- guine plenæ, illuc neceffarid defluat, è venâ quidem cavä in dex- tram, & ex arterià venofà in finiftram ; quia hæc duo vafa fanguine femper plena funt, & ipforum orificia quæ cor fpettant tunc obtu- rata efle non poffunt. Sed fimul atque duæ fanguinis guttæ ita illuc funt| ingreffæ, nimirum in unamquamque cavitatem una, cùm necef- farid fint valde magnæ, eo quôd oflia per quæ ingrediuntur ampla fint, & vafa unde procedunt plena fanguine, ftatim eæ rarefiunt & dilatantur, propter calorem quem illic inveniunt. Quä ratione fit ut Hervæus de Motu Cordis. 508 Œuvres DE DESCARTES. 40-51. totum cor intumefcere faciant, fimulque pellant & claudant quin- que valvulas, quæ funt in ingreffu vaforum unde manant, impe- diantque ne major fanguinis copia in cor defcendat; et cum magis magifque rarefiant, fimul impellant & aperiant fex reliquas valvulas, quæ funt in orificiis duorum aliorum vaforum, per quas exeunt, hac ratione efficientes, ut omnes venæ arteriofæ & magnæ arteriæ rami eodem penè cum corde momento intumefcant; quod ftatim poftea, ficut etiam iftæ arteriæ, detumefcit, quia fanguis qui eû in- greflus eft refrigeratur, & ipfarum fex valvulæ clauduntur, & quin- que venæ cavæ & arteriæ venofæ aperiuntur, tranfitumque præ- bent | duabus aliis guttis fanguinis, quæ iterum faciunt ut cor & arteriæ intumefcant, ficut præcedentes. Et quia fanguis qui ita in cor ingreditur, per iftas duas ipfus auriculas tranfit, inde fit ut ipfarum motus, cordis motui conträrius fit, & cm intumefcit detumefcant. Cæterüm ne ii qui vim demonftrationum Mathematicarum igno- rant, & in diftinguendis veris rationibus à verifimilibus non funt exercitàti, audeant iftud fine prævio examine negare; monitos eos volo motum hunc quem modà explicavi, adeo neceffarid fequi ex folà organorum difpofitione, quam fuis in corde oculis intueri pof- funt, & ex calore qui digitis percipitur, naturâque fanguinis quæ experientià cognofcitur, atque horologii motus, ex vi, fitu & figurà ponderum & rotarum quibus conftat. | Sed fi quæratur quâ ratione fiat ut fanguis venarum ita continud in cor defluens non exhauriatur, & arteriæ nimis plenæ non fint, cm omnis fanguis qui per cor tranfit in eas ingrediatur; non opus eft ut aliud refpondeam præter id quod jam à quodam Medico An- glo fcriptum eft; cui laus hæc tribuenda eft quôd primam in iftâ materià glaciem fregerit, primufque docuerit multas effle exiguas vias in arteriarum extremitatibus, per quas fanguis quem à corde accipiunt in ramulos venarum ingreditur ; unde iterum ad cor re- dit; adeo ut motus ipfus nihil aliud fit quäm perpetua quædam icirculatio. Id quod optimè probat ex ordinarià experientià Chirur- gorum, qui brachio mediocri cum adftrictione ligato fupra locum ubi venam aperiunt, efficiunt ut fanguis inde copiofius exfiliat, quäm fi non ligaflent. Planè autem contrarium eveniret, fi brachium infrà ligarent, inter manum videlicet & aperturam, aut fi illud fu- prà valde arétè adftringerent. Manifeftum enim eft, vinculum me- diocriter adftriétum, poffe quidem impedire ne fanguis qui jam in brachio eft, ad cor per venas redeat ; non autem ne novus femper ex arteriis affluat; eo quèd infra venas fint collocatæ, & durior 51-53. DE MErHopo. 569 ipfarum cutis non ita facilè comprimi poflit; quodque etiam fan- guis è corde veniens, majore cum vi per ipfas ad manum tranfire _contendat, quàm inde ad cor per venas redire. Quoniam vero fan- guis ifte ex brachio exit per aperturam in unâ venarum factam, neceffarid meatus aliqui infra vinculum, hoc eft circa brachii extre- mum, effe debent, per quos illuc ex arteriis venire queat. Optimè etiam id quod de motu fanguinis dicit, probat ex quibufdam pelli- culis, ita variis in locis valvularum inftar circa venas dif|pofitis, ut ipfi à medio corporis ad extrema tranfire non permittant, fed tan- tüum ab extremis ad cor redire; præterea experientià, quæ oftendit omnem qui in corpore eft fanguinem, inde breviflimo tempore exire poffe per unicam fciffam arteriam, etiamf arctifimè prope cor effet ligata, atque inter ipfum & vinculum fciffa; adeo ut | nulla effet fufpicandi occafio, fanguinem egredientem aliunde quàm ex corde venire. Sed multa alia funt quæ hanc quam dixi, veram iftius motüs fan- guinis caufam efle teflantur; ut primo differentia quæ obfervatur inter fanguinem qui è venis exit, & eum qui ex arteriis promanat; quæ aliunde oriri non poteft quäm ex eo qudd tranfeundo per cor rarefactus & veluti diftillatus fuerit, atque ita fubtilior, vividior & calidior fit, ftatim atque inde exiit, hoc eft cüm in arteriis conti- netur, quàm eflet paulù antequam in eas ingrederetur, hoc eft cüm in venis ftabulabatur. Et fi probè attendatur, comperietur hoc dif- crimen non apparere manifeftè, nifi in vicinià cordis; minuüs autem in locis ab eo remotioribus. Deinde tunicarum è quibus vena arte- riofa & magna arteria conflant durities, fatis oftendit fanguinem ipfas majore cum vi quàm venas pulfare. Cur etiam finiftra cordis cavitas & magna arteria ampliores effent & latiores cavitate dextrà & venà arteriofà, nifi arteriofæ venæ fanguis pulmones folüm in- greflus ex quo per cor tranfiit fubtilior effet, & magis faciliufque rarefieret quàm fanguis immediatè ex venà cavà procedens ? Et quid ex pulfüs contreétatione conjicere poflunt Medici, nifi fciant fan- guinem, prout naturam mutat, magis aut minüs, celeriüs vel tardiüs quàm antea à cordis calore rarefieri poile? Et fi expendatur quo- modo ifte | calor aliis membris communicetur, nonne fatendum eft id fieri | ope fanguinis qui per cor tranfiens ibidem calefit, indeque per totum corpus diffunditur ? Unde fit ut fi ex aliquà parte fanguis dematur, eâdem operà dematur calor. Et quamvis cor ardore fer- rum candens æquaret, non fufficeret tamen ad pedes & manus adeo ac fentimus calefaciendum, nifi continud illuc novum fanguinem mitteret. Deinde etiam ex eo cognofcitur verum refpirationis ufum Œuvres. I, 72 57 Œuvres DE DESCARTES. 53-55, elfe, fatis recentis aëris in pulmones inferre, ad efficiendum ut fan- guis qui eù ex dextro cordis ventriculo defluit, ubi rarefactus & quafi in vapores mutatus fuit, ibi incraffefcat & denuo in fanguinem convertatur, priufquam in finiftrum refluat; fine quo, alendo qui illic eft igni aptus effe non poflet. Idque ex eo confirmatur, quod videamus animalia pulmonibus deitituta, unicum tantüm cordis ventriculum habere; quôdque in infantibus qui eo uti non poflunt quamdiu funt in matrum uteris inclufi, foramen quoddam depre- hendamus per quod fanguis è venà cavà in finiftram cordis cavita- tem defluit; & brevem tubum per quem & venà arteriofà in magnam arteriam, non trajecto pulmone, tranfit. Deinde quomodo fieret con- coctio in ventriculo, nifi cor eù calorem per arterias immitteret, unàque fluidiores aliquas fanguinis partes, quæ injecti cibi commi- nutionem adjuvant? Nonne etiam actio, quæ iftius cibi fuccum in fanguinem convertit, facilis eft cognitu, fi confideretur illum iteratis vicibus & forte plus quam centies aut ducenties fingulis diebus per cordis ventriculos totum diftillare ? Quà verd aliâ re indigemus | ad explicandum nutritionem, & variorum qui in corpore funt humo- rum productionem? nifi ut dicamus | impetum quo fanguis, dum rarefit, à corde ad extremitates arteriarum tranfit, efficere ut aliquæ ipfus partes fubfiftant in membris ad quæ accedunt, ibique locum occupent aliquarum partium quas inde expellunt, & fecundüm fi- tum, aut figuram, aut exilitatem pororum quos offendunt, quafdam potiüs in certa loca confluere quàm aliàs; eädem ratione quà fieri folent quædam cribra, quæ per hoc unum quôd diverfimode fint perforata, variis frumenti fpeciebus à fe invicem feparandis infer- viunt. Denique id quod hic fuper omnia obfervari meretur, gene- ratio eft fpirituum animalium, qui funt inftar venti fubtiliflimi, aut potius flammæ puriflimæ, quæ continuè è corde magnà copià in cerebrum afcendens, inde per nervos in mufculos penetrat, & om- nibus membris motum dat: ita ut non opus fit aliam imaginari caufam, quæ efficiat ut partes fanguinis, quæ eo quôd fint magis cæteris agitatæ & penetrantiores, aptiflimæ funt ad iftos fpiritus componendos, potius ad cerebrum quàm ali contendant; nifi quod arteriæ quæ eas illuc deferunt, rectiflimà omnium lineà à corde pro- cedant; & quôd fecundüm Mechanices regulas, quæ eædem funt atque regulæ naturæ, cm variæ res fimul ad eandem partem con- tendunt, ubi fatis fpatii non eft omnibus recipiendis, ficut contingit in partibus fanguinis quæ & finiftro cordis ventriculo exeunt & ad cerebrum tendunt, necefle fit | ut debiliores & minuüs agitatæ inde avertantur à validioribus, quæ hac ratione eù folæ perveniunt. 55-56. DE MErHopo. + Particulatim fatis ifta omnia expofueram in traétatu quem antea in lucem edere cogitabam. In quo confequenter oftenderam quæ- nam debeat effe fabrica nervorum & | mufculorum corporis humani, ad efficiendum ut fpiritus animales ipfo contenti, vires habeant ejus membra movendi, ficut videmus capita, pauld poft | quam abfciffa fuerunt, adhuc moveri & terram mordere, etiamfi non ampliüs fint animata; quænam mutationes in cerebro fieri debeant ad vigiliam, fomnum & infomnia producendum ; quomodo lumen, foni, odores, fapores, calor & omnes aliæ externorum objectorum qualitates, in eo per fenfuum organa diverfas imprimere ideas poflint; quomodo fames, fitis, aliique interni affeétus fuas etiam illuc immittere va- leant; quid in eo per fenfum communem intelligi debeat, in quo ideæ iflæ recipiuntur ; per memoriam, quæ eas confervat; & per phanta- fiam, quæ eas diverfimodè mutare poteit, & novas componere; quæ- que etiam fpiritus animales variè in mufculos immittendo, eofdem omnes motus qui unquam abîque voluntatis imperio in nobis fiunt, eodemque modo tum objectis externis.fenfuum organa pulfantibus, tum etiam affectibus & temperamentis externis refpondentes, in iftius corporis membris poteit eflicere. Quod nullo modo videbitur mirum lis, qui fcientes quàm varii motus in automatis humanà in- duitrià fabricatis edi poflint; | idque ope quarumdam rotularum aliorumve inftrumentorum, quæ numero funt pauciflima, fi confe- rantur cum multitudine ferè infinità oflium, mufculorum, nervo- rum, arteriarum, venarum aliarumque partium organicarum, quæ in corpore cujuflibet animalis reperiuntur; confiderabunt humani corporis machinamentum tanquam automatum quoddam manibus Dei faétum, quod infinities melius fit ordinatum, motufque in fe admirabiliores habeat, quäm | ulla quæ arte humanà fabricari poflint. Et hîc particulariter immoratus eram in oftendendo, fi darentur ejufmodi machinæ, figurà externà organifque omnibus fimiæ vel cuivis alteri bruto animali fimillimæ, nullà nos ratione agnituros ipfas naturà ab iftis animantibus differre. Si autem aliquæ exftarent quæ noftrorum corporum imaginem referrent, noftrafque actiones quantüm moraliter fieri pollet imitarentur ; nobis femper duas cer- tiflimas vias reliquas fore ad agnofcendum, eas non propterea veros homines efle. Quarum prima eit, illas nunquam fermonis ufum habituras, aut ullorum fignorum, qualia adhibemus ad cogitationes noitras aliis aperiendas. Nam concipi quidem poteit machina ita compofita ut vocabula aliqua proferat ; imo etiam ut quædam enun- ciet quæ præfentiæ objectorum, ipfius organa externa moventium, 72 - OEuvres DE DESCARTES. 56-58. appofñitè refpondeant : veluti fi aliquo loco tangatur, ut petat quid fe velimus; fi alio, ut clamet nos ipfam lædere, & alia ejufmodi; fed non ut voces proprio motu fic collocet aptè ad | refpondendum omnibus iis quæ coram ipfa proferentur ; quemadmodum quilibet homines, quantumvis obtufi ingenii, poflunt facere. Secunda efñ, quod etiamfi tales machinæ multa æquè benè aut forfitan meliüs quam ullus noftrûm facerent, in quibufdam aliis fine dubio aberra- rent; ex quibus agnofci poflet eas cum ratione non agere, fed folum- modo ex organorum fuorum difpolitione. Cüm enim ratio inftru- mentum fit univerfale, quod in omni occafione ufui efle potef, contrà autem organa ifta particulari aliquà difpofitione ad fingulas fuas actiones indigeant : inde fit ut planè fit incredibile, fatis multa diverfa organa in machinä|aliquà reperiri, ad omnes motus externos variis cafibus vitæ refpondentes, folà eorum ope peragendos, eodem . modo quo à nobis rationis ope peraguntur. Hac autem eâdem du- -plici vià cognofci etiam poteft difcrimen quod inter homines & bruta intercedit. Obfervatu enim dignum eft, nullos reperiri ho- mines adeo hebetes & flupidos, ne amentibus quidem exceptis, ut non poflint diverfas voces aptè conftruere, atque ex iis orationem componere, quà cogitationes fuas patefaciant ; contrà verd nullum efle aliud animal, quantumvis perfeétum aut felici fidere natum, quod fimile quidquam faciat. Hocque ex organorum defeétu non contingit ; videmus enim picas & pfttacos eafdem quas nos voces proferre, nec tamen ficut nos loqui pofle, hoc ef, ita ut oftendant fe intelligere quid dicant. Cum nihilominus homines à nativitate furdi & muti, ficque non minüs, fed potiùs magis quam bruta, defti- tuti organis quibus alii | in loquendo utuntur, foleant proprià indu- ftrià quædam figna invenire quibus mentem fuam aperiant iis qui- bufcum verfantur, & quibus vacat linguam ipforum addifcere. IHtud autem non tantum indicat bruta minore rationis vi pollere quam homines, fed illa planè effe rationis expertia. Videmus enim exiguâ admodum opus effe ratione ad loquendum ; & quia obfervatur in- genii quædam inæqualitas inter ejufdem peciei animantia, non mi- nüs quam inter homines, & alia aliis inftitutionis efle capaciora; non eft credibile fimiam, aut pfittacum in fuà fpecie perfectiffimum, in eo infantem ftupidiflimum, aut faltem mente motum, æquare non pofle, nili ipforum anima naturæ à noftrà planè difcrepantis effet. Notandumque eft loquelam, fignaque | omnia quæ ex homi- num initituto cogitationes fignificant, plurimüm differre à vocibus & fignis naturalibus quibus corporei affectus indicantur. Nec cum veteribus quibufdam putandum, bruta loqui, fed nos ipforum fer- 52 53 58-60. DE MErHopo. $73 monem non intelligere. Si enim id verum effet, cùm multis organis prædita fint, iis quæ in nobis funt analogis, mentem fuam æquè nobis patefacere poflent ac fui fimilibus. Singulari etiam animad- verfione dignum eft, quod quamvis multa fint animantia, quæ plus induftriæ quam nos in quibufdam fuarum aétionum patefaciant, cadem tamen nullam omnino in multis aliis demonftrare confpi- ciantur. Ita ut id quod meliüs nobis faciunt, non probet ipfa efle ratione prædita ; inde enim fequeretur, majorem in illis ineffe ra- tionem quam in ullo noftrûm, eâque nos in omni etiam alià re de- bere fuperare; | fed potiùs probat, ipfa ratione efle deftituta, & naturam in jis fecundüum organorum difpofitionem agere : prout videmus horologium ex rotis tantum & ponderibus compofitum, æqualiüs quam nos cum omni noftrà prudentià, horas numerare & tempora metiri. Poftea defcripleram animam rationalem, oftenderamque, eam nullo modo è materiæ potentià educi poffe ficut alia de quibus ege- ram, fed necefle efle ipfam creari; nec fufficere ut, initar nautæ in navi, ipfa in corpore habitet, nifi forfan ad illius membra movenda ; fed requiri ut cum ipfo arctius jungatur uniaturque, ad fenfus & appetitus noftris fimiles habendos, & ita verum hominem compo- nendum. Cæterüm copiofior pauld hic fui in argumento de anim tractando, quod fit maximi ponderis. Nam poit illorum errorem qui Deum elle negant, quem me fatis | fuprà refutaffe opinor, nullus eft qui facilius debiles animas à recto virtutis tramite avertat, quàm fi putent, brutorum animam ejufdem efle cum noftrâ naturæ; ac proinde nihil nobis poit hanc vitam timendum aut fperandum fu- perefle, non magis quàm mufcis aut formicis. Cüm autem rectè cognofcitur quantüm differant, multo meliüs poftea capiuntur ratio- nes quæ probant animam noftranf naturæ efle planè à corpore inde- pendentis, & ex confequenti opus non effe ut cum ipfo moriatur; ac denique, quia | nullæ animadvertuntur caufæ quæ eam deftruant, naturà ferimur ad judicandum ipfam effe immortalem. Tertius autem nunc agitur annus, ex quo perveni ad finem tra- étatüs quo ifta omnia continentur, incipiebamque eum recognofcere, ut poftea typographo traderem ; cüm refcivi, viros, quibus multum defero, & quorum authoritas non multo minüs in meas actiones poteit, quàm propria ratio in cogitationes, opinionem quandam Phyficam improbaffe, pauld antè ab alio in lucem editam ; cui nolo dicere me adhæfile, fed tantüm nihil in illà ante ipforum cenfuram obfervafle, quod fufpicari poffem aut religioni aut reipublicæ noxium effe; nec proinde quod me impediturum fuiflet ipfam tueri, fi ratio VI. Quid requiri putet Author, ad ulterius progrediendum in Naturæ perfcru- tatione, quàm hadenus faëum Jit ; et quæ rationes ipfum ad fcri- bendum impulerint 574 OŒuvREs DE DESCARTES. Go-62. veram efle perfuafiffet; hocque mihi metum incufliffe ne pariter inter meas aliqua inveniretur in quâ à vero aberraffem ; quanquam fanè magno femper ftudio curavi, ne ullis novis opinionibus fidem adhiberem, quarum demonftrationes certiflimas non haberem, aut quidquam fcriberem quod in ullius damnum cedere poflet. Hoc verd fatis fuit ad me movendum ut à propofito illas evulgandi defifterem. Etiamfi enim rationes quibus ad cogitationes meas edendas in|{duétus fueram validiffimæ eflent, genius tamen meus, qui femper à libris fcribendis abhorruit, fecit ut ftatim multas alias invenirem, quibus me ab illo labore fufcipiendo excufarem. Et iftæ rationes ab utrâque parte tales funt, ut non | folum meà eas hic recenfere aliquatenus interfit, fed etiam fortafle reipublicæ literariæ illas cognofcere. Nunquam ea magni feci quæ ab ingenio meo proficifcebantur, & quamdiu nullos alios ex eà quà utor Methodo fruétus percepi, nifi quod mihi in quibufdam dubiis fatisfeci ad fcientias fpeculativas pertinentibus, aut meos mores componere conatus fum fecundüum rationes quas me docebat, non putavi me quicquam eà de re fcri- bere teneri. Nam quod ad mores attinet, unufquifque adeù fuo fenfu abundat, ut tot pollent inveniri reformatores quot capita, fi aliis liceret, præterquam jiis quos Deus fupremos fuorum popu- lorum Rectores conilituit, aut quos fatis magnâ gratiæ & zeli menfurà donavit, ut Prophetæ fint, aliquid in eo immutandum fufcipere. Et licèt fpeculationes meæ valde mihi arriderent, credidi tamen, alios etiam habere fuas, quæ forte magis adhuc ipfis pla- ceant. Sed ftatim atque notiones aliquas generales Phyficam fpectantes mihi comparavi, earumque periculum facere incipiens in variis particularibus difficultatibus, obfervavi quoufque illæ me deducere poflint, & quantum à principiis differant quæ haétenus in ufu fuerunt; credidi me eas occultas detinere non poffe, abfque gravi peccato adverfus legem jubentem ut, quantum in nobis ef, generale omnium hominum bonum procuremus. Ex iis enim cognovi, ad notitias vitæ valde utiles pofle perveniri; & loco Philo- fophiæ illius fpeculativæ quæ in Scholis docetur, poife | Praéticam reperiri, quà cognitis viribus & actionibus ignis, aquæ, aëris, aftrorum, cœlorum aliorumque corporum quæ nos circumftant, adeo diftinétè atque diverfas opificum noftrorum artes novimus, adhibere pariter ea poffemus ad omnes ufus quibus infervire apta iunt, atque ita nos velut dominos & poileflores naturæ efficere. Quod fanè effet optandum, non tantüum ad infinitorum artificiorum inventionem, quæ eflicerent ut fine labore fructibus terræ & omni- bus ipfus commodis frueremur; fed præcipuè etiam ad valetu- 62-64. : DE MErHopo. 7 dinis confervationem, quæ fine dubio primum eft hujus vitæ bonum, & cæterorum omnium fundamentum. Animus enim adeo à temperamento & organorum corporis difpofitione pendet, ut fi ratio aliqua poflit inveniri, quæ homines fapientiores & ingenio- fiores reddat quam haétenus fuerunt, credam ïillam in Medicinà quæri debere. Verum quidem eft, eam quæ nunc eft in ufu, pauca quorum adeo infignis fit utilitas continere. Sed quamwvis ipfam con- temnere nullo modo fit animus, confido tamen nullum fore, etiam inter eos qui 1llam profitentur, qui non confiteatur, omnia quæ hactenus in eà inventa funt, nihil propemodum efle, refpectu eorum quæ fcienda adhuc reftant; hominefque ab infinitis tam corporis quàm animi morbis immunes futuros, imo etiam fortaflis à fenectu- tis debilitatione, fi fatis magnam caufarum à quibus mala ifta oriun- tur, & omnium remediorum quibus natura nos inftruxit, notitiam haberent. Cüm autem propofuerim | totam meam vitam collocare in fcientiæ adeo neceffariæ inveftigatione, & inciderim in viam quæ mihi talis videtur, ut fi quis eam fequatur, haud dubiè ad optatum finem fit | perventurus, nifi aut brevitate vitæ aut experimentorum defectu impediatur : judicabam nullum melius effe adverfüs duo ifta impedimenta remedium, quam fi fideliter publico communica- rem id omne, quantulumcunque eflet, quod reperiffem, & præclara ingenia incitarem, ut ulterius pergere contenderent, fingulique quod in fuâ facultate eflet ad experimenta facienda conferrent, atque etiam eorum omnium quæ addifcerent publicum particeps facerent, eo fine ut ultimi incipiendo ubi præcedentes defiflent, & ita multo- rum vitas & labores conjungendo, omnes fimul longiüs progrede- remur quäm finguli privatim polfent. Quinetiam de experientiis obfervabam, eas tanto magis necef- farias, quanto quis majorem notitiam eft adeptus. Initio enim præ- ftat iis tantüm uti quæ fponte fenfibus noftris occurrunt, & quas ignorare non poflumus, fi vel tantillum ad eas attendamus, quàm rariores & abftrufiores inveftigare. Cujus rei ratio eft, qudd rario- res illæ fæpius decipiant, quamdiu vulgatiorum caufæ ignorantur ; _circumftantiæque à quibus pendent ferè femper adeo particulares & exiguæ fint, ut obfervatu fint difficillimæ. Sed tamen hac in re ordinem fecutus fum. Primüm conatus fum generatim invenire | principia, feu primas caufas omnium quæ funt aut pofflunt efle in mundo; ad Deum folum qui ipfum creavit attendendo, eafque aliunde non educendo quàm ex quibufdam veritatis feminibus, ani- mis noftris à naturâ inditis. Poftea expendi quinam eflent primi & maximè ordinarii effeétus, qui ex his caufis deduci poflent; videorque 576 Œuvres DE DESCARTES. .: 64-66. mihi hac vià cognovifle cœlos, aftra, terram, imo etiam in terrà aquam, aërem, ignem, mineralia, & | quædam ejufmodi alia, quæ funt omnium maximè communia, fimpliciflimaque, ac proinde cognitu facillima. Deinde cùm volui ad particulariora defcendere, tam multa diverfa mihi occurrerunt, ut crediderim opus efle in- genio plufquam humano, ad formas aut fpecies corporum, quæ in terrà funt, ab infinitis aliis, quæ in eà poffent elfe, fi Deo placuiflet illas ibi collocare, dignofcendas, ipfafque deinde ad ufum noftrum referendas; nifi per effectus caufis obviam eamus, & multis parti- cularibus experimentis adjuvemur. Deinde animo revolvens omnia objecta quæ unquam fenfibus meis occurrerant, dicere non verebor. me nihil in iis obfervaffle, quod fatis commodè per inventa à me principia explicare non poflem. Sed confiteri me etiam oportet, potentiam Naturæ efle adeo amplam & diffufam, & principia hæc adeo efle fimplicia & generalia, ut nullum ferè ampliüs particu- larem effectum obfervem, quem ftatim | variis modis ex iis deduci pote non agnofcam; nihilque ordinariè mihi dificilius videri, quàäm invenire quo ex his modis inde dependeat. Hinc enim aliter me extricare non poflum, quàm fi rurfus aliqua experimenta quæram, quæ talia fint, ut eorum idem non fit futurus eventus, fi hoc modo quàm fi illo explicetur. Cæterum eoufque nunc perveni ut mihi fatis bene videar percipere, quà ratione pleraque illorum fint fa- cienda quæ huic fini infervire poffunt. Sed video etiam, illa efle talia & tam multiplicia ut neque manus meæ, neque fortunæ, etiamfi millecuplo majores effent, ad omnia poffent fufficere; prout autem deinceps plura aut pauciora faciendi copia erit, majores etiam aut minores in Naturæ cognitione progreflus mihi promitto. Id quod | in compolito à me tractatu declarare fperabam, ibique adeo clarè patefacere quænam exinde ad publicum utilitas effet reditura, ut eos omnes quibus commune hominum bonum eft cordi, hoc eft, omnes revera & non in fpeciem tantüm honeftos viros, inducturus effem tum ad mecum communicanda quæ jam feciffent experimenta, tum ad me juvandum in inveftigatione eorum quæ fuperfunt facienda. | Sed ab illo tempore aliæ mihi occurrerunt rationes, quibus ad mutandam fententiam adductus fum, & ad cogitandum me debere quidem pergere in feribendis omnibus iis quæ alicujus effe momenti putarem, ftatim atque eorum veritatem deprehendiffem; idque non. minore cum curà quàm fi ea in lucem edere vellem; tum | ut tanto majorem haberem ea bene examinandi oécafionem ; nam fine dubio accuratius femper id elaboratur, quod à pluribus le&tum iri 60 N 66-68. DE MEruopo. 7 creditur, quàm quod in privatum tantüm ufum fcribitur; & fæpe quæ mihi vifa funt vera, cum primüum illa concepi, falfa effe poftea cognovi, cum ipfa chartæ volui mandare; tum etiam ut nullum amitterem occafionem publicam utilitatem quantum in me effet procurandi, & fi mea fcripta alicujus fint pretii, ii in quorum manus poit obitum meum devenient, illis prout commodum videbitur uti queant : fed me nullo modo permittere debere ut me vivo in lucem exirent, ne vel oppofitiones & controverfiæ quibus fortè vexaren- tur, vel etiam qualifcunque fama quam conciliare poffent, aliquam mihi darent occafionem, tempus quod inftitutioni meæ deftina- veram amittendi. Etiamfi enim verum fit unumquemque teneri quantum in fe eft aliorum bonum procu/|rare, illumque propriè nullius efle pretii qui nemini prodeft; attamen verum etiam eft curas noftras ultra tempus præfens debere extendi, bonumque effe omittere ea quæ fortè aliquam viventibus utilitatem effent allatura, eo fine ut alia faciamus quæ multo magis nepotibus noftris funt profutura. Quemadmodum etiam diflimulare nolo, exiguum id quod huc ufque didici, nihil ferè effe præ eo quod ignoro, & ad cujus cognitionem pervenire non defpero; eodem enim ferè modo agitur cum iis qui paulatim veritatem in | fcientiis detegunt, atque cum ditefcentibus, quibus facilius eft magna lucra facere, quàam antea multo minora cum adhuc pauperes erant. Vel poffunt cum exercituum præfectis conferri, quorum vires pro victoriarum ra- tione incrementa fumere folent, & quibus poit cladem acceptam majore prudentià opus eft ad refiduas copias confervandas, quàm cum prælio fuperiores fuerunt, ad urbes & provincias occupandas. Verè enim is prælio decernit, qui conatur fuperare omnes difhicul- tates & errores, à quibus impeditur ne ad cognitionem veritatis perveniat; & prælio vincitur, qui de re alicujus momenti falfam opinionem admittit,; majoreque poitea opus habet dexteritate, ad fe in priftinum ftatum reftituendum, quàäm ad magnos progreilus faciendos cüm jam principia certa habet. Quod ad me attinet, fi quas in fcientiis veritates inveni (confido autem, ea quæ hoc volu- mine continentur, oftenfura me aliquas invenifle), poflum dicere illas tantünr efle confequentias quinque aut fex præcipuarum difh- cultatum quas fuperavi, quafque pro totidem pugnis numero in quibus victoriam reportavi. Imo non verebor dicere, me putare, nihil mihi amplius deefle | ut voti compos fiam, quàäm duas aut tres ejufmodi obtinere; & me non efle adeo ætate pro- vectum, quin fecundüm ordinarium naturæ curfum, fatis mihi ad hanc rem otii fuperefle poflit. | Sed credo me eù plus teneri, tem- Œuvres. IL. 73 578 Œuvres DE DESCARTES. 68-69. poris quod mihi reftat parcum elfe, qud plus fpei illud bene collo- candi habeo. Et multas procul dubio illud amittendi occafiones haberem, fi meæ Phyficæ fundamenta in lucem ederem. Etiamfi enim omnia ferè adeo fint evidentia, ut opus tantüum fit ea intelli- gere ad affentiendum, nullumque inter illa fit, cujus demonftra- tiones dare pole non fperem ; attamen quia fieri non poteft, ut cum omnibus aliorum diverfis opinionibus conveniant, fæpius me à propofito avocandum iri prævideo, oppofitionum quas excitabunt occafione. Objici quidem poteit oppofitiones iftas utiles fore, cum ut er- rores meos agnofcam, tum ut fi quid boni habeam, alii majorem illius hac ratione intelligentiam confequantur; & quia plures oculi plus vident uno, ut meis nunc uti incipientes, fuis me viciflim in- ventis juvent. Sed etiamfi me valde errori obnoxium agnofcam, & nunquam ferè fidam primis quæ mihi occurrunt cogitationibus ; experientia tamen quam habeo eorum quæ mihi objici poffunt, i im- pedit quominus ullum inde fruétum fperem. Jam enim fæpe ex- pertus fum judicia, tam eorum quos pro amicis habui, quam alio- rum quorumdam, quibus me indifferentem effe putabam, quin- etiam nonnullorum malignorum & invidorum, quos fciebam cona- turos in apertum protrahere id quod amicitiæ velum ab amicorum oculis abfcondebat. Sed rard accidit, ut aliquid mihi objeétum fit quod nullo modo prævidiflem, nifi id effet | valde à || meo argumento remotum; adeo ut ferè nullum unquam offenderim opinionum mearum cenforem, qui mihi non videretur aut minüs rigidus, aut minüs æquus me iplo. Sicut etiam nunquam obfervavi, veritatem aliquam antea ignotam, difputationum Scholafticarum ope in lucem protraétam fuifle. Nam dum unufquifque contendit vincere, ple- rumque potius ad verifimilitudinem, quäm ad rationum utrimque allatarum momenta attendi folet, & qui diu boni fuerunt advocati, non ideo poitea meliores funt judices. Quod ad utilitatem, quam alii ex mearum meditationum com- municatione percepturi eflent, non poifet etiam valde magna effe: quia nondum eas eoufque deduxi, ut nulla fuperfint addenda, ante- quam ad praxim revocentur. Et puto me pofle fine jactantià dicere, fi quis earum perficiendarum fit capax, me potiùs eum efle quäm alium quemquam. Non quod ingenia in orbe efle non poflint quæ meum multis parafangis fuperent; fed quia fieri non poteft ut rem adeo bene concipiat & fuam reddat, qui eam ab alio difcit, atque ille qui ipfemet eam invenit. Quod adeo in hac materià verum ef, ut quamvis fæpe aliquas ex meis opinionibus explicaverim viris 63 Este DE MErnopbo. 579 acutiflimis, & qui me loquente eas videbantur valde diftinétè intel- ligere; attamen cûm eas retulerunt, obfervavi ipfos ferè femper illas ita mutavifle, ut pro meis agnofcere amplius non poflem. Quà oc- cafione | pofteros hic oratos volo, ut nunquam credant, quidquam à me efle profectum, quod ipfe in lucem non edidero. Et nullo modo miror abfurda illa dogmata, quæ veteribus illis Philofophis tribu- untur, quorum fcripta non habemus; nec propterea judico ipforum lcogitationes valde à ratione fuiffe alienas, cum habuerint præftan- tiffima fuorum fæculorum ingenia; fed tantum eas nobis perperam fuiffe relatas. Sicut etiam videmus, nunquam ferè contigifle ut ab aliquo fuorum feétatorum fuperati fuerint. Et credo fervidiflimos eorum qui nunc Ariftotelem fequuntur, fe beatos putaturos fi eum in naturæ cognitione æquarent; etiam fub hac conditione, ut poitea nihil ampliüs addifcerent. In quo fimiles funt hederæ, quæ nun- quam contendit altiüs afcendere quàm arbores quæ ipfam fuftinent; imo fæpe defcendit, poftquam ad faftigium ufque fublata fuit. Mihi enim videntur etiam illi defcendere, id eft, aliquo modo feindoctiores reddere quàm fi à ftudiis defifterent; qui non contenti omnia ea fcire quæ clarè & dilucidè apud fuum Authorem explicata funt, volunt præ- terea illic invenire folutionem multarum difficultatum, de quibus ne verbo quidem meminit, & fortè nunquam cogitavit. Attamen ipforum philofophandi ratio valde commoda eft ingeniis infra me- diocritatem poftis. Diftinctionum enim & principiorum quibus utuntur obfcuritas, caufa eft ut de omnibus æquè confidenter loqui poflint, ac fi illa optimè noviffent; & ita | adverfus fubtiliffimos acutiffimofque omnia quæ dicunt defendere, ut falfi argui nequeant. Quä in re fimiles mihi videntur cæco, qui ut æquo Marte adverfus videntem decertaret, eum in profundam & obfcuram aliquam cellam deduxiflet. Ac poffum dicere iftorum interefle ut ab edendis Philo- fophiæ quà utor principiis abftineam. Nam cüm fimpliciflima & evidentiflima fint, idem propemodum facerem, ea luce donando, ac fi aliquas aperirem feneftras, per quas lux in illam cellam ingrede- retur, in quam ad pugnandum de|fcenderunt. Imo neque præftan- tiora ingenia habent, cur optent ea cognofcere. Nam fi velint fcire de omnibus loqui, & cruditionis famam fibi comparare, eù faciliùs pervenient, fi verifimilitudine contenti fint, quæ fine magno labore in omni genere materiæ inveniri potefl, quam veritatem invefli- gando, quæ paulatim tantüm in quibufdam patefit, & cum de aliis loquendum eft, ad ingenuam ignorantiæ fuæ confeflionem impellit. Si verû paucarum aliquot veritatum notitiam præferant vanæ nihil ignorandi profeflioni, ficut proculdubio præferenda eft, & meum ; 80 OEUVRES DE DESCARTES. 71-73. inftitutum fectari velint, non opus habent ut quidquam ipfis am- plius dicam, præter id quod jam in hac differtatione à me audie- runt. Nam fi ulteriùs quàam fecerim progrediendi fint capaces, multo potiori ratione erunt per fe inveniendi id omne quod me hactenus invenifle puto; quoniam cüm nihil unquam nifi ordine examinaverim, certum eft, id quod mihi è tenebris eruendum reftat, | multo ex fe difficilius & occultius effe, quàm id quod antea reperire potui; & minor multo iplis eflet voluptas id à me quam à feipfis difcere. Præterquam qudd habitus quem fibi comparabunt, facilia primüum quærendo, & paulatim atque per gradus ad alia dif- ficiliora tranfeundo, ipfis plus omnibus meis documentis profuturus fit. Sicut quod ad me attinet, fi à juventute edoctus efflem omnes veritates, quarum poftea demonftrationes inveftigavi, & fine labore illas didiciffem, opinor me fortaffle nunquam multo plures cogni- turum fuifle ; faltem nunquam acquifiturum fuifle habitum & facili- tatem quà me femper novas & novas inventurum fpero, prout ani- mum ad eas inveitigandum applicabo. Et, ut verbo dicam, fi quod in mundo eft opus, quod ita bene ab | alio non poflit abfolvi, atque ab eo qui inchoavit, illud eft in quo verfor & laboro. Verum quidem efl, quantum ad experimenta fpectat quæ huic fcopo infervire queunt, unum honmiinem illis omnibus faciendis non efle parem. Sed nullas etiam alias utiliter adhibere poflet manus quàäm fuas, nifi forte opificum, aut aliorum ejufmodi mercenario- rum, quos lucri fpes (magnæ efficaciæ medium) impelleret ad accu- ratè faciendum omnia quæ ipfis præfcriberet. Nam quod ad volun- tarios attinet, qui curiofitate aut difcendi ftudio moti, fponte forfan operas fuas ei offerrent, præterquam quôd ordinariè multa promit- tant & pauca præftent, nullumque unquam ferè ipforum propofi- tum finem optatum fortiatur; | procul dubio vellent operam fuam compenfari aliquarum difficultatum explicatione, aut faltem inuti- libus comitatis officiis & fermonibus, in quibus fine magno detri- mento partem otii fui impendere non polfet. Et quod ad experimenta jam ab aliis facta, etiamfi ea cum iplo communicare vellent, quod nunquam facturi funt qui ipfa pro fecretis habent, plerumque tot funt comitata circumftantiis, rebufque fuperfluis, ut inde veritatem elicere difficillimum illi foret. Præterquam quôd omnia fermè adeo malè explicata inveniret, aut etiam falfa (quia qui illa fecerunt, ea tantüm in iis videre voluerunt, quæ principiis fuis conformia puta- bant), ut fi aliqua propofito ipfius accommoda eflent, pretium tamen temporis æquare non pollent, quod in delectu illorum faciendo im- pendendum effet, Adeo ut fi quis effet in hoc terrarum orbe, quem 66 73-75. DE MErTHobo. 81 conftaret capacem elle maxima quæque & in publieum utiliflima inveniendi; & eû de caufà cæteri | homines omnibus modis eum adjuvare contenderent in propofito fuo affequendo; non videam eos aliud in ipfus gratiam facere poile, quam in experimenta quibus indigeret fumptus conferre; & de cætero impedire ne tempus ipfi ullius importunitate eriperetur. Sed præterquam quôd non tantum mihi tribuo, ut aliquid extraordinarium polliceri velim, nec me adeo vanis cogitationibus pafco, ut putem rempublicam multüm mea confilia curare debere; non fum etiam adeo abjecto animo, ut à quolibet accipere vellem | beneficium, cujus me indignum efle credi polffet. Omnes iftæ confiderationes fimul junctæ, in caufà fuerunt à tribus annis cur noluerim in lucem edere tractatum quem præ manibus habebam ; imo ut ftatuerem nullum alium quamdiu viverem publici juris facere, qui adeo generalis eflet, aut ex quo Phyfices meæ fun- damenta intelligi poffent. Sed poftea rurfum duæ aliæ caufæ fuerunt quæ me moverunt, ut hîc particularia quædam fpecimina fubjun- gerem, & publico aliquam actionum mearum confiliorumque ratio- nem redderem. Quarum prima eft, quod fi illud omitterem, multi qui refciverunt propofitum quod antea habui fcripta aliqua prælo fubjiciendi, fufpicari poffent caufas propter quas ab eo abiftinerem, minüs mihi honorificas efle quàm revera funt. Quamvis enim im- modicè gloriam non appetam, aut etiam (fi id effari liceat) ab illà abhorream, quatenus ipfam contrariam efle judico quieti, quam {u- pra omnia magni facio; attamen nunquam etiam ftudui actiones meas tanquam crimina occultare, aut multas præcautiones adhibui ut ignotus eflem; tum quia credidiffem adverfus meipfum injurius efle, tum eltiam quia id mihi inquietudinenm, aliquam attuliffet, quæ rurfum perfeétæ animi tranquillitati quam quærebam adverfa fuiffet. Et quia, dum me ita indifferenter habui inter innotefcendi aut deli- tefcendi curam, non potui impedire quin aliquatenus in ore homi- num verfarer, putavi debere me allaborare faltem ne malè audirem. Altera ratio quæ me ad hæc fcribendum compulit | eft, quod quo- tidie magis ac magis perfpiciens moram quam patitur illud quod de me erudiendo cepi confilium, propter infinita experimenta quibus indigeo, & quæ fine alien ope facere non poflum, etiamfi non adeo Suffenus fim, ut fperem publicum in partem confiliorum meorum venire velle; attamen nolo etiam mihi adeo deefle, ut occafionem dem pôft victuris, mihi aliquando exprobrandi, me potuiile ipfs varia multo meliora relinquere quàm fecerim, nifi nimium neglexif- fem ipfis fignificare, quà in re inftituta mea poffent promovere. * 582 OEUVRES DE DESCARTES. 75-77: | Et putavi facile mihi efle eligere aliquas materias, quæ neque eflent multis controverfiis obnoxiæ, neque me cogerent plura quàäm velim ex meis principiis exponere; & tamen fatis clarè patefacerent quid in fcientiis præftare poflim aut non poflim. Quod an feliciter mihi fuccefferit,aliis judicandum relinquo; at pergratum mihi erit fi examinentur ; &, ut tanto major fit ejus rei occafio, rogo omnes eos qui adverfus ea objectiones aliquas facere volent, ut eas ad meum bibliopolam mittant, à quo monitus, meum refponfum eodem tem- pore adjungere conabor ; iflà enim ratione, lectores utraque fcripta fimul videntes, tanto facilius de veritate judicium ferent. Non enim prolixa illis opponere refponfa polliceor, fed tantum mea | errata in- genuè, fi agnofcam, confiteri, aut | fi ea animadvertere non poñlim, fimpliciter dicere quod putabo ad rerum à me fcriptarum defenfio- nem requiri; nullà addità novæ alicujus materiæ explicatione, ne me fine fine ab unà ad aliam tranfire fit necelfe. Quod fi quædam eorum, de quibus egi initio Dioptrices et Meteo- rum, primà fronte offendant, quia hypothefes voco et nolle probare videor, rogo ut integri tractatus cum attentione legantur, & fpero hæfitantibus fatisfactum iri. Rationes enim mihi videntur in iis tali ferie connexæ, ut ficut ultimæ demonftrantur à primis quæ illarum caufæ funt, ita reciprocè primæ ab ultimis, quæ ipfarum funt effecta, probentur. Nec eft quôd quis putet me hic in vitium quod Logici Circulum vocant, incidere; nam cüm experientia maximam effe- étuum iftorum partem certiflimam efle arguat, caufæ à quibus illos elicio, non tam iis probandis quàm explicandis inferviunt; contra- que ipfæ ab illis probantur. Nec hypothefes alio fine vocavi, quàm ut fciatur confidere me eas polfe deducere ex primis illis veritatibus quas fuprà expofui; fed datà operà noluiffe facere, ad impediendum, ne quædam ingenia, quæ uno die addifcere fe pofle putant ea in quibus alius viginti annis defudavit, ftatim atque illa ipfis uno tan- tüm aut altero verbo aperuit (& quæ ed magis errori funt obnoxia, minüfque veritatis percipiendæ capacia, quà fubtiliora & alacriora funt), inde poflint | occafionem arripere, abfurdam aliquam Philo- fophiam illis principiis, quæ pro meis habebunt, fuperftruendi, ejufque rei mihi culpa tribuatur. Nam quod ab opiniones attinet quæ in folidum meæ funt, nolo ipfarum novitatem excufare; quo- niam fi rationes | quibus innituntur, bene perpendantur, confido eas adeo fimplices & fenfui communi conformes inventum 1ri, ut minüs extraordinariæ & paradoxæ videantur, quàm ullæ aliæ quæ de iif- dem argumentis poflint haberi. Nec me etiam primum ullarum inventorem efle jacto, fed tantüm me nunquam illas pro meis adop- 77-78: DE MErHopo. ‘83 tafle, vel qudd ab aliis priùs receptæ fuiflent, vel qudd non fuiffent ; verüm unicam hanc ob caufam, qudd mihi eas ratio perfuafilfet. Quod fi artifices non ita cito poflint executioni mandare inventio- nem in Dioptricà explicatam, non credo ipfam idcirco culpari meritù poffe. Magnà enim dexteritate & exercitatione opus eft, ad machinas quas defcripfi faciendas, & ita ut nulla circumitantia defit adaptan- das; nec minüs mirarer fi primo experimento id ipfis fuccederet, quäm fi quis unà die eximiè teftudine canere addifcere poffet, eo folo qudd optimus canendi modus ipfi defcriptus fuiffet*. |Cæterum nolo hic fpeciatim quidquam dicere de progreflibus, quos deinceps me in fcientiis fpero facturum, aut erga publicum ullo me devincire promiflo, quod incertus fim implere necne valeam. Sed tantummodo dicam, decrevifle me quod fupereit vitæ tempus nullâ alià in re collocare, quäm in ejufmodi naturæ notitià mihi compa- randâ, è quâ in Medicinæ ufum certiores regulæ quäm hactenus ex- ftiterint, depromi poflint; geniumque meum adeo ab omni alio pro- pofiti genere abhorrere, præfertim quod aliquibus prodefle non poflit, nifi aliis noceat ; ut fi occafione aliquà ad id fectandum adigerer, non credam me pofle eximium quid in eo præftare. Quod hic apertè profiteor, etiamfi non ignorem profeflionem hanc inutilem effe ad mihi authoritatem aut exiftimationem alifquam comparandam ; quam etiam adeo non affecto, ut me femper magis illis devinétum arbitraturus fim, quorum favore otio meo abfque impedimento frui licebit, quàm iis qui mihi dignitates ampliflimas offerrent. a. Ici manque. tout le passage ci-avant, p. 77, 1. 24, à p. 78,1. 3, qu'il n'y avait pas lieu de traduire en effet. D'ÉOP RRECE CAPUT PRIMUM. De Lumine. 1. Totius vitæ noftræ regimen à fenfibus pendet, quorum cùm vifus fit nobiliflimus & latiflimè patens, non dubium eft quin utilif- fima fint inventa, quæ vim illius augere queunt. Et quidem difficile eft ullum excogitare quod magis juvet, quäm miranda illa fpecilla quæ, brevi tempore quo cognita funt, jam in cœlo nova fidera & in terrâ nova alia corpora, numerofiora iis quæ antea vifa fuerant, de- texere : adeo ut, promotà luminis noftri acie ultra terminos quibus imaginatio majorum fiftebatur, viam fimul nobis videantur aperuifle ad majorem & magis abfolutam naturæ cognitionem. Sed hoc inventum adeo utile & mirandum, non fine aliquo fcientiarum noftrarum opprobrio, | vagis experimentis & cafui fortuito debemus. Ante annos circiter triginta, quidam Iacobus Metius vixit, Alcmariæ (quæ civitas eft Hollandiæ) natus, homo humaniorum artium prorfus expers, licèt patrem & fratrem Mathefeos cultores habuerit ; hujus fumma voluptas erat fpecula & vitra uftoria formare, nonnulla etiam hyeme componens ex glacie, quæ materies, experientià tefte, non omnino ad id inepta eft. Quum igitur hac occafione multa, eaque variæ formæ, vitra ad manum haberet, profpero quodam fato duo fimul oculo objecit : quorum alterum medium paulà craf- fius habebat quàm extremitates, alterum vice verfà | extremitates quàm medium multù tumidiores; & adeo feliciter illa duabus tubi extremitatibus applicuit, ut primum de quo loquimur telefcopium inde exftiterit. Atque ad hujus unius normam omnia deinceps, quæ in hunc ufque diem habuimus, elaborata funt ; neque adhuc, quod fciam, ullus extitit qui demonftraverit fufficienter quam figuram hæc vitra exigant. Licèt enim exinde multa egregia ingenia fuerint, quæ hanc materiam non parüm excoluere, atque eà occafione varia in Opticis invenere præftantiora ïis quæ à majoribus habemus, 71 72 82-84. DIoPTRICE. 585 tamen quoniam operofiora inventa rard fimul ac nata funt fummum perfectionis gradum adipifcuntur, fatis multæ difficultates hîc relictæ funt, ut fcribendi materiam mihi fuppeditent. Et quoniam conftru- ctio eorum, de quibus loquar, à dexteritate & induftrià artificum pendet, qui literis ut plurimum non vacarunt, conabor efficere | ut quivis facilè capiat quæ dicam, nihilque reticebo nec fupponam quod petendum fit ex alià difciplinä. Quapropter exordiar à lucis ejufque radiorum explicatione ; poftea, partibus oculi breviter def- criptis, qu ratione vifio fiat accurate exponam ; tandemque, notatis iis omnibus quæ ad illam perficiendam licet optare, quibus artificiis ea ipfa poflint præftari docebo. 2. Hic autem de luce, vel lumine, loquendi cüm aliam caufam non habeam, quàm ut explicem quo pacto ejus radii oculos intrent & occuriu variorum corporum fleéti poflint, non necefie erit inqui- rere quænam genuina fit ejus natura; fed duas aut tres compa- rationes hîc afferam, quas fufficere arbitror ut juvent ad illam concipiendam eo modo qui omnium commodiflimus eft, ad ejus pro|prietates, quas jam experientia docuit, explicandas, & ex con- fequenti etiam ad alias omnes, quæ non ita facile ufu notantur, de- tegendas. Non aliter quam in Aftronomià ex hypothefibus etiam falfis & incertis, mod iis omnibus quæ in cœlo obfervantur accu- rate congruant, multæ conclufiones, circa ea quæ non obfervata funt, veriflimæ & certifimæ deduci folent. Nemo noftrûm eft cui non evenerit aliquando ambulanti noctu fine funali, per loca afpera & impedita, ut baculo ufus fit ad re- genda veltigia; & tunc notare potuimus, | per baculum interme- dium nos diverfa corpora fentire quæ circumcirca occurrebant ; iti- dem nos dignofcere num adeflet arbor vel lapis, vel arena, vel aqua, vel herba, vel lutum, vel fimile quiddam. Fatendum quidem hoc fentiendi genus obfcurum & fatis confufum effe in iis qui non longo ufu edoéti funt; fed confideremus illud in iis qui, cùm cæci nati fint, toto vitæ tempore debuerunt eo uti, & adeo perfectum con- fummatumque inveniemus, ut dicere poflimus illos quodammodo manibus cernere, aut fcipionem tanquam fexti cujufpiam fenfüs organum iis datum ad defectum vifüs fupplendum. 3. Nunc itaque, ad comparationem initituendam, cogitemus lu- men in corpore luminofo nihil efle præter motum quemdam, aut actionem promptam & vividam, quæ per aërem & alia corpora pel- lucida interjeéta verfüus oculos pergit, eodem plane modo quo motus aut refiftentia corporum, quæ hic cæcus offendit, per interpofitum fcipionem ad manum ejus tendit. Statimque ex hoc mirari define- Œuvres. I. 74 586 OEuvrEes DE DESCARTES. 84-86. mus, lumen illud à fummo Sole nullà morû interpofità radios fuos in nos effundere; novimus enim illam | actionem, quâ alterum ba- culi extremum movetur, fimiliter nullà interpofità morû ad alterum tranfire, & eodem modo ituram, licet majori intervallo diftarent illius baculi extrema, quàm à cœli vertice terra abeft. 4. Neque magis videbitur mirum, illius ope tantam colorum va- rietatem apparere; & præterea | forfan credemus nihil effe hos colores in corpore colorato, nifi diverfos modos quibus hoc illos recipit & remittit ad oculos, fi confideremus differentiam illam, quam cæcus in arbore, aquà, lapide & fimilibus deprehendit inter- jeéto fcipione, non minorem illi videri quàm nobis hæc quæ in rubro, flavo, viridi & cunctis aliis coloribus ; & interim tamen illas differentias in nullo corpore quidquam efle præter varias rationes movendi aut refiftendi motibus illius baculi. 5. Unde etiam nafcetur occafio judicandi, non neceffarium effe fupponere, materiale quidquam ex objectis ad oculos noftros ma- nare, ut lumen & colores videamus, neque quidquam in iftis objectis efle quod fimile fit ideis quas de iis mente formamus : quemadmodum nihil ex corporibus, quæ cæco occurrunt, per baculum ad manum illius fluit, conftatque motum aut refiftentiam horum corporum, quæ fola percepti fenfüs caufa ef, nihil fimile habere ideis quas inde animo apprehendit. Et hâc ratione mentem habebimus liberam ab omnibus illis exiguis fimulacris per aërem volitantibus, quæ /pecies intentionales Philofophi, mirum in modum iis divexati, nominarunt. Facili etiam negotio controverfiam deci- dere poterimus, quæ agitatur fuper loco unde actio prodit fenfum vifionis efficiens : ut enim cæcus nofter corpora, quæ circumcirca offendit, || non | tantummodo per actionem illorum(cüm fcilicet ipfa moventur) fentit, fed etiam per folum motum dexteræ fuæ, cüm illa tantummodo refiftunt, ita concedendum eft, vifûs objecta poffe per- cipi, non tantummodo actionis vi quæ ex iisemanans ad oculos noftros diffunditur, fed etiam vi illius quæ, oculis innata, ad illa pergit. 6. Verumtamen, quoniam hæc actio nil nifi lumen eft, notandum neminem præter eos, qui per tenebras inftar felium cernunt, fal- tem fi qui fint, illam in oculis fuis habere; & maximam hominum partem tantummodo per eam actionem videre quæ ab objectis ve- nit : ufus namque docet hæc objecta aut luminofa aut illuminata effe debere ut videantur, non oculos noftros ut videant, Sed, quo- niam inter baculum hujus cæci & aërem aut alia corpora pellu- cida, quibus interjectis cernimus, non leve difcrimen eft, alia infu- per comparatio eft hîc in medium proferenda. 74 77 86-88. DIoPTRICE. 587 7. Contemplemur vindemiæ tempore uvis calcatis refertum la- cum, cujus fundus foramine uno aut altero pertufus fit, ut A, BB, ex quibus profluat muftum quod continet. Ubi quidem particulæ vini quæ hærent ex. gr. circa C, eodem momento fimul ac fora- men À patuerit, rectà defcenfum ad illud affectant, & fimul ad foramen B ; eodemque tempore quæ circa D & E per hæc ipfa duo foramina defcendere properant : ita talmen ut nulla harum aétio- num alteram impediat, & ne ipfi quidem ramufculi immixtorum fca- porum refiftant, licèt hi fe invicem fuffulti non defcendant per eadem foramina À & B, & infuper interea variis modis moveantur ab iis qui uvas calcant. Deinde cogitemus, cùm, confenfu Philofophorum fere unanimi, vacuum in rerum naturâ non detur, & tamen omnia | corpora, vel experientià tefte, plurimis poris pervia hient, necef- farid hos meatus materià quâdam repletos effe perquam fubtili & fluidâ, quæ ferie non interruptà ab aftris ad nos extenfa fit. Quæ materia fi vino hujus lacûs comparetur, & partes, minus fluidæ feu crafliores, aëris aut aliorum corporum pellucidorum, fcapis qui immixti funt; facillime intelligemus, omnes particulas materiæ fub- tilis, quas Sol nobis adverfus tangit, rectà lineä ad oculos noftros tendere, eodem quo patefcunt momento, non impedientibus aliis alias, neque obftantibus craflioribus particulis pellucidorum corpo- rum interjectis : five diverfà ratione moveantur, ut aër qui fere con- tinud ventis agitatur; five fine motu fint, quemadmodum vitrum | aut cryftallus. Tum etiam notandum efle difcrimen inter motum & propenfionem ad motum. Nam facilè concipimus animo, parti- culas vini, quæ hærent ex. gr. circa C, fimul ad B & A tendere, cüm interim revera ad utrumque eodem tempore moveri nequeant; & illas exacte in | lineà retà B & A verfus pergere, licèt non femper adeo accurate rectà ed verfüs moveantur, obftantibus fcapis interjectis. 8. Poftquam itaque intelleximus, non efle tam motum quàam actionem, five propenfionem ad motum in corpore luminofo, id quod lucem illius nominamus, facilè colligere poffumus, radios hujus lucis nihil effe præter lineas fecundum quas hæc actio tendit. Ita, ut infiniti fint hujufmodi radii qui ex fingulis punétis corporis luminofi ad fingula illius quod illuminant diffunduntur; eodem prorfus modo quo concipere poffumus innumeras rectas lineas, juxta quas actiones ex fingulis punctis fuperficiei vini, C, D, E, tendunt verfüs A, & alias præterea innumeras, juxta quas actiones, ex iifdem punétis manantes, quoque feruntur ad B, non impediente alteram alterà. 88 OEUVRES DE DESCARTES. 88-07. Porro hi radii femper quidem exquifite recti concipi debent, quo- tiefcunque nonnifi unum corpus pellucidum permeant, quod ubi- vis uniforme fit ; at verû, quoties alia quædam corpora offendunt, facilè detorquentur aut debilitantur, non fecus ac motus pilæ, aut lapidis in | aërem mifi, per ea quæ occurrunt. Quippe haud difi- culter credi poteft, actionem aut propenfionem ad motum (quam jam dixi pro lumine habendam) iifdem legibus cum ipfo motu ob- noxiam efle. Atque ut fatis accurate hanc tertiam comparationem exfequamur, confideremus, illa corpora quæ pila de manu jaéta offendere poteft, aut mollia aut dura aut liquida efle. Si mollia, qualia funt lintea, arena, lutum, omnino fupprimunt & fiftunt illius motum; fi dura, fine morû aliorfum reverberant; idque non unàâ ratione. Nam fuperficies illorum vel lævis & æqua ef, vel | fcabra & afpera; rurfum, quæ lævis, vel plana vel curvata: quæ afpera, fcabredinem ducit, vel a diverfimode curvatis partibus quibus con- fat, quarum fingulæ tamen ipfæ fatis læves funt, vel præterea à variis angulis feu punctis, vel ab hujufmodi partibus quæ mollitie & duritie difcrepant, vel ab earumdem motu, qui mille modis variari poteft, Et notandum, pilam, extra motum fuum fimplicem illum ac regularem quo de loco ad locum fertur, infuper fecundi cujufdam capacem efle, quo fcilicet circa centrum rotatur; itidem, celeritatem motûs hujus pofterioris diverfas poile habere propor- tiones ad velocitatem illius prioris. Itaque, cum aliquot pilæ ab eadem parte profectæ fuperficiem corporis alicujus lævem offen- dunt, æqualiter & eodem | ordine refliunt, adeo ut, fi fuperficies exacte plana fit, eandem inter fe diftantiam fervent quâ ante occur- fum fejungebantur ; aft fi promineat fuperficies illa vel retrocedat, pilæ quoque pro ratione illius curvaturæ vel recedunt ab invicem vel appropinquant. Ut hîc videmus pilas À, B, C, que illifæ fuper- ficiei corporum D, E, F, refiliunt ad G, H, I. At fi incurrant in fuperficiem afperam, quales funt L, M, huc illuc repercuffæ fe[run- tur, fingulæ pro fitu loci illius quem in fuperficie tetigere. Atque extra hoc nihil in motûs fui ratione mutant, quoties afperitas illius nonnifi ex diverfimode inflexis partibus furgit. Sed illa etiam ex multis aliis caufis oriri poteft, & hâc ratione efficere ut pilæ, quæ modù fimplici & recto motu ferebantur, parte motüs iftius reéti amiffà, circularem illius loco recipiant, cujus variæ poflunt efle pro- portiones ad refiduum reéti ejufdem motüs, pro vario fitu fuperficiei cui obviant. Atque hoc qui | pilæ lufu deleétantur abunde obfervant, cum nimirum illa impulfa pavimentum inæquale contingit aut obli- quo reticulo vibratur. Demum etiam confideremus, pilam impul- 79 91-03. DIOPTRICE. 589 fam, quoties obliquo itinere in fuperficiem corporis liquidi incurrit, quam magis aut minus facilè penetrat quàm illud unde proceflit, eam fubeundo à reétà vià divertire, curfumque fuum mutare : ut fi, ex. gr., exiftentes in aëre juxta punétum A illam B verfüs vibremus, recto quidem impetu ab A defertur ad B, nifi vel pondere, vel aliâ quâdam caufà, detorqueatur ; huc verd (ubi aquæ C BE fuperficiem pono) poftquam pervenit, factà declinatione, iterum per lineam reétam I verfus tendit, quemadmodum ipfa etiam experientia docet. 9. Cogitemus itaque eâdem ratione corpora dari, quæ, | dum luminis radiis percutiuntur, eofdem fuffocant & omne illorum robur frangunt : & hæc funt quæ nigra nominamus, nullum nifi communem cum tenebris colorem habentia. Dari etiam quæ rever- berant, & quidem alia eodem quo recipiunt ordine : hæc fcilicet quorum fuperficies nitide polita ufum fpeculorum tam planorum quàm curvatorum præflare poteil. Alia quæ confufe huc & illuc; & rurfum | in iis alia hos radios repercutere, actione illà per nullam mutationem violatà : hæc nempe quæ alba dicimus : alia ver mu- tationem inducere fimilem illi quam recipit motus pilæ obliquo reticulo præftriétæ : & hæc funt rubra, flava, cærulea, vel alio ejuf- modi colore infignia. Equidem ego me pole explicare arbitror & experientià duce demonftrare in quo natura colorum confiftit; fed idipfum terminos hujus argumenti excedit. 10. Et fuflicit hoc loco nos monere, radios qui in corpora colo- rata, fed non polita cadunt, quaquaverfum femper refilire, licèt ab unâ duntaxat parte progreflos : ut, quamvis ii qui incidunt in fuper- ficiem corporis albi AB, non veniant nifi à funali C, tamen alii alid ita detorquentur ut, ubicunque pofueris oculum, velut ex. gr. juxta D, plurimi femper radii occurrant ex fingulis plagis hujus fuperf- ciei A B. Et infuper, fi fuppofueris hoc corpus perquam fubtile & tenue efle, chartæ inftar aut lintei, ut lumini pervium pateat, licèt oculus ad averfam funalis partem admoveatur, ut ad E, aliqui tamen radii ab fin[gulis hujus corporis particulis ad illum refilient. Denique etiam cogitemus, eàdem ratione radios detorqueri quà pi- lam diximus, cùm oblique in fuperficiem corporis | liquidi diffun- duntur, quod magis aut minus facile penetrant quàm illud per quod ante manarunt : & hic fe inflectendi modus Refractio in iis dicitur. 90 OŒEuvREs DE DESCARTES. 93-05. CAPUT SECUNDUM. De Refradtione. 1. Quandoquidem deinceps neceffarium erit quantitatem hujus refractionis exacte nofle, & illa redditur intelleëtu facilior per com- parationem quà ufi fumus, non alienum fore autumo explicationem ejus hic aggredi, & quædam de reflexione præmittere, quà faci- lior cognitio illius fit. Cogitemus itaque pilam ab A, B verfüs actam, contingere in punéto B fuperficiem terræ CBE, quæ ejus progreflui refiftens illam retrocedere cogit ; fed videamus in quam partem. Ne autem novis difficultatibus implicemur, fingamus ter- ram exacte planam duramque effe ; pilam etiam five defcendat, five afcendat, eàdem velocitate ferri : parum curantes | quâ vi agatur ceffante reticuli impetu, negleéto quoque omni effeétu magnitudi- nis, ponderis & figuræ. Ifthæc enim attendere fupervacuum fuerit, cm nihil eo[rum locum habeat in luminis actione, ad quam omnia hîc referri debent. Tantummodo notandum vim illam, quæcunque demum fit, quæ motum noftræ pilæ producit, plane diverfam ab eà effe quà determinatur ut potius huc quäm illuc tendat : ut perfpicue palam eft, reticuli impetum efle qui pilam movet, fed eundem potuiffe ipfam verfus alias partes movere eâdem facilitate quâ verfüs B; cm contrà reticuli fitus fit, qui illam ita difponit ut feratur ad B, & qui potuiffet eodem modo difponere, licèt per aliam vim fuiffet expulfa. Unde jam liquet fieri pofle ut hæc pila per terræ occurfum detorqueatur, mutatà fcilicet difpofitione quà incli- nabat ad B, permanente interea vi fui motûs, cum nihil commune habeant. 2. Hinc etiam planum, minime credendum effe, neceffarid pilam aliquo momento hærere in punéto B, priufquam digrediatur ad F, juxta quorumdam Philofophorum opinionem : nam, interrupto hoc motu exiguâ tantummodo morûâ, nulla exflaret caufa quâ in- citante vires refumere poflet. Obfervandum præterea, | quemad- modum motus & in univerfum omnia genera quantitatum, ita etiam hanc pilæ determinationem pole dividi in omnes partes quibus illam conftare imaginamur ; & manifeftum eft attendenti, hanc quà pila defcendit ab A ad B, mixtam ex duabus aliis concipi poile, quarum altera illam premit ab AF ad CE, altera eo | dem tempore à finiftrâ AC dextrorfum propellit ad FE, ita ut hæ duæ junétæ 82 83 84 95-07. DioPpTRIcE. OI illam deducant ad punctum B fecundum rectam A B. Inde obvium quoque eft, obflantem terræ molem unam tantüm harum difpoli- tionum impedire pofle, alteram nullo modo. Sic poteft quidem au- ferre eam quà ruebat pila ab AF ad CE, cm fpatium fubjectum totum occupet,; fed quà ratione refifteret alteri quà dextrorfum ferebatur, cui hoc refpeétu nullatenus oppofita eft ? 3. Ut accurate igitur inquiramus ad quam partem pila illifa de- beat refilire, defcribamus circulum ex centro B, qui tranfeat per punctum A, & dicamus, fpatio temporis eodem quo progrefla eft ab A ad B, neceflarid illam à B ad aliquod punétum hujus cir- culi circumferentiæ reverti debere : nam omnia punéta, quæ eodem intervallo diftant à B quo diitat À, in hâc circumferentià oc- currunt; & | pilæ motum jam fuprà æque velocem finximus. Tan- dem, ad defignandum ipfum punétum quod ex omnibus hujus circumferentiæ tangere debet, erigamus ad normam tres rectas AC, HB & FE fupra CE, hâc ratione ut nec majus nec minus fpatium interjaceat AC & HB quam HB & FE : deinde dicamus, idem tempus quod pilam dextrorfum porrexit ab A, uno punétorum li- neæ AC, ufque ad B, unum ex pundtis lineæ HB, illam refi- lientem ab HB fiftere debere in aliquo punéto lineæ FE : nam fingula punéta hujus lineæ FE eâdem diftantià hoc refpectu ab HB remota funt, & eàâdem quà fingula lineæ AC; & ex priori difpofitione tantumdem ed inclinat quantum antea. Jam eo- dem momento aliquod punétum lineæ FE, & fimul aliquod cir- cumferentiæ A FD, contingere nequit nifi in punéto D vel F : nam extra hæc duo nullibi mutuô fecantur,; terrà | autem obitante, ad D progredi non potelit ; fequitur itaque illam neceffarid tendere de- bere ad F. Et fic manifeftum eft quà ratione reflexio fiat, fcilicet femper ad angulum æqualem illi quem vulgù incidentiæ nominant. Ut, fi radius ex puncto A emanet in B fuperficiem fpeculi plani CBE, refilit ad F, ita ut reflexionis angulus FBE neque cedat ne- que exfuperet magnitudine alterum illum incidentiæ ABC. 4. Hinc progrediamur ad refractionem, & primà | fingamus, pi- lam.ab A ad B expulfam offendere, non terram, fed linteum CBE, tam tenue ut illud facillime forare & impetu fuo perrumpere poflit, amiffà tantum velocitatis fuæ parte, ex. gr. dimidià. Quo pofito, ut cognofcamus quam viam infiftere debeat, confideremus denuo, mo- tum illius non eundem efle cum difpofitione quà potius huc quäm illuc fertur; unde fequitur fingulorum quantitates feparatim exa- minandas. Confideremus itidem, ex duabus partibus quibus hanc difpofitionem conftare fcimus, alteram tantüum per lintei occurfum 92 Œuvres DE DESCARTES. 97-99. mutari polfe, hanc fcilicet quæ deorfum pilam agebat, illa verd, quâ dextrorfum ferebatur, conftans & inviolata manebit, nam linteum expanfum hoc refpeëtu nullo modo illi oppofitum eft. Deinde, duéto circulo AFD ex centro B,& |impoñitis CBE ad perpendiculum tri- bus lineis rectis AC, HB, FE, häc ratione ut fpatium interjacens FE & HB, duplumillius fit quod eft inter HB & AC, videbimus hanc pilam ituram ad punétum I. Quum enim, perrumpendo lin- teum CBE, dimidiam fuæ velocitatis partem amittat, duplum| temporis ei impendendum eft ut infrà ex B ad aliquod punétum cir- cumferentiæ A FD pertingat, ejus quod infumpfit fuperne ut acce- deret ab A ad B. Et quum nihil ex difpofitione, quà dextrorfum ferebatur, intereat, in duplo iftius temporis quo à lineà AB devenit ad HB, duplum ejufdem itineris in eandem partem conficere debet, & confequenter accedere ad aliquod punétum reëtæ FE, eodem momento quo accedit ad aliquod circumferentiæ circuli AFD. Quod faétu impoflibile foret, nifi progrederetur ad I, nam in unico illo punéto reéta FE & circulus A FD fefe invicem fecant. 5, Fingamas jam pilam, D verfüs ab A expulfam, offendere in punéto B, non illud linteum, fed aquam, cujus fuperficies CBE ex- quifite dimidiam velocitatis partem retundat, ut linteum paulo antea. Reliquis omnibus quemadmodum fuprà pofitis, videmus pilam à B rectà tendere debere non ad D, fed ad I. Primô etenim certum ef, fuperficiem aquæ eù verfüs illam detorquere eodem modo quo linteum, quum eodem modo illi oppofita fit, & tantumdem illius roboris infringat. Corpus autem aquæ quod attinet, quo totum fpatium à B ad I repletum ef, licèt magis | aut minus refiftat quàm aër fuprà ibidem locatus, non tamen fequitur illud pilam magis aut minus detorquere; nam, eâdem facilitate ubivis dehifcens, non| majori operâ hac quàm illac tranfitum permittit, faltem fi (quod ubivis fecimus) fingamus nec levitatem nec pondus nec figuram nec magnitudinem pilæ, nec aliam fimilem externam caufam, curfum quem tenet immutare. 6. Et quidem hîc notari poteft, tantù magis illam detorqueri per fuperficiem aquæ aut lintei, qu magis oblique in eam impihgit, adeo ut, fi ad angulos rectos dirigatur, velut impulfa ab H ad B, ulterius in lineà rectà fine ullà declinatione progrediatur ad g. Sed, fi agatur fecundüm lineam qualis eft AB, quæ vel fuperficiei aquæ vel lintei CBE tam oblique incumbat ut linea FE, ducta quem admodum fuprà-cireulum AD fecare non poflit, illam minime penetrabit, fed à fuperficie B refiliet in aërem L, eodem plane modo ac fi in terram incurriflet. Quod nonnulli cum dolore experti 87 88 99-107. DIoPTRICE. 593 funt, quoniam, animi gratià, explofis in alveum rivi ex murali machinà globis, obambulantes in adverfà fluminis ripà vulne- rarunt. Sed aliam præterea fuppofitionem hic affumamus : fingamus pilam, aétam ab A ad B, denuo inde impelli | reticulo CBE quod vim ejus motûs augeat, ex. gr. unà tertià parte, ut ita enim duobus momentis tantumdem fpatii conficere queat, quantum antea con- fecit tribus. Hoc idem erit ac fi offenderet in B punéto ejufcemodi corpus, cujus fuperficiem unà tertià facilius quam aërem permea- [ret. Etexiis quæ demonftravimus fequitur manifefte, fi defcribatur, ut fuprà, circulus AD & rettæ AC, HB, FE, häc ratione ut diftantia inter FE & HB unû tertià minor fit quàam illa quæ inter HB & AC, punétum I, in quo retta FE & circularis AFD fefe mutuo fecant, defignaturum illum locum quem pila petet digrefla -à puncto B. Quæ conclufo etiam inverti poteft, dicique pilam venientem fecundüm lineam rectam ab A ad B, in hoc autem puncto à recto itinere divertentem, tendentemque inde ad I, indicio efle, vim quàâ intrat corpus CBI talem efle ad illam quä erumpit ex corpore ACBE qualis diftantia quæ inter AC & HB ad illam quæ inter HB & FI, hoc eft qualis linea CB ad BE. 7. Tandem verd, quoniam lucis actio fequitur hâc in re eafdem leges quas pilæ motus, dicendum : quoties radii illius obliquo motu ex pellucido corpore in aliud transferuntur, quod magis aut minus facile illos admittit quäm primum, ibi | ita detorqueri ut femper minus inclinent in fuperficie quæ his corporibus eit com- munis, eâ parte in quà et illud corpus quod eas facilius recipit, quäm eà in quà alterum pofitum eft : idque exacte eà proportione, quà facilius prius quaäm pofterius illos recipit. Notandum autem hanc inclinationem metiendam efle per quantitatem rectarum BC vel AH, & EB vel IG, aut fimilium inter fe collatarum; non verù per quantitatem | angulorum quales funt ABH aut GBI, & multo minus per illam fimilium DBI, qui ‘refractionis anguli dicuntur. Nam proportio horum angulorum ad fingulos inclina- tionum gradus mutatur; illa verd linearum AH & IG, vel fimi- lium, eadem manet in omni refractione quæ ab eodem corpore venit. Ut, ex. gr., fi radius aërem permeans ab A ad B, tactà in punéto B fuperficie vitri CBE, digrediatur ad I in hoc vitro; veniat deinde alius à K ad B qui decedat ad L; tertius præterea à P ad R qui abeat ad S; eadem ratio linearum KM & EN, aut QP & ST, effe debet ad invicem, quæ eit linearum AH & IG, non Œuvres. I. un = 4 +21 he. 594 OŒEuvres DE DESCARTES. 101-104. autem eadem angulorum KBM & LBN, aut PRQ & SRT, quæ ABH ad IBG. S. Ita jam cognovimus quà ratione | refractiones dimetiendæ fint; fed infuper, ut omnino determinentur illarum quantitates, neceflarium eft ad experimenta defcendere, quum proveniant ex particulari corporum conititutione in quibus fiunt; his autem ita ad eandem menfuram reduétis, facillime & certiflime talia experimenta fumi poflunt. Nam fufficit in unum radium inquirere qui probe cognitus reliquos omnes ejufdem fuperficiei prodet; nullumque errandi periculum adeft, fi præterea in aliits quibufdam examinetur. Ut, fi velimus noffe quantitatem refractionum quæ fiunt in fuper- ficie CBE feparante aëlrem AKP à vitro LIS, fufficit exami- nare illam radii ABI, quærendo fcilicet rationem lineæ AH ad IG. Sed, fi deinde errores vereamur, idem in aliquibus aliis fieri debet, ut in KBL aut PRS, & deprehenfà eâdem proportione inter KM & LAN, item inter PQ & ST, quàäm inter AH & IG, nulla de veritate rei dubitandi occafio reliéta erit. 9. Sed mirum forfan videbitur, hæc experimenta facientibus, in fuperficiem ubi refractio evenit, magis inclinari luminis radios, aërem permeantes, quàäm aquam, & adhuc magis aquam quàäm vitrum, contrà omnino quàm pila, quæ magis à parte aëris quàm à parte aquæ in fuperficiem interjectam inclinatur, | & nullo modo in vitrum penetrat. Occurrat ex. gr. pila expulfa in aërem ab A ad B in punto B fuperficiei aquæ CBE, decedet inde ad V; af, fi radius loco pilæ contingat B, digredietur ad I. Quod tamen non mirabimur, fi in mentem venerint quæ fuprà de naturà luminis diximus, id fcilicet motum quemdam effe five actionem receptam in materià fubtilifimà quæ aliorum corporum poros replet; ac præterea fi confideremus, pilæ plus agitationis fuæ decedere, fi incurrat in corpus molle quàm fi in durum, illamque facilius per menfam nudam quàm per eandem tapeto inftratam devolvi : nam eàdem ratione hujus materiæ fubtilis actio magis impeditur ab aëris partibus quæ, molles & male nexæ, non fatis firmiter refiftunt, quàm ab illis | aquæ, paulo validius obnitentibus, & magis adhuc ab his quam à partibus vitri aut cryftalli. Sic, quanto firmiores & folidiores exiguæ partes corporis alicujus pellucidi funt, tanto facilius lumini tranfitum permittunt; neque enim, ut pila fubiens aquam, ita & lumen, ut fibi tranfitus pateat, quafdam ex ejus par- tibus loco movet. 10. Jam vero, cûm fciamus caufam refrattionum, quæ | fiunt in aquà, vitro & pellucidis cunétis aliis corporibus circa nos undi- 89 91 92 104-106. DIoPTRICE. 59 quaque occurrentibus, obfervare debemus, refractiones femper ibi fimiles, effe intrante radio & exeunte. Ut, fi radius, progreflus ab A ad B tranfeundo per aërem in vitrum, à B declinet ad I, ille qui refiliet ab I ad B, itidem declinabit à B ad A, Interea tamen alia corpora exftare queunt, præfertim in cœlo, ubi refractiones ex aliis caufis ortæ non ita reciprocantur. 11. Atque etiam poteft contingere ut radii incurventur, licèt unum tantummodo corpus pellucidum permeent, quemadmodum interdum pilæ motus incurvefcit, quoniam illa fuo pondere horfum fertur, & aliorfum per vim quâ vibratur aut ob multas alias caufas. Nam confidenter tres illas comparationes quibus ufi fumus tam, idoneas profiteri aufim, ut fingula quæ in iis notantur, commode ad fimilia quædam ad lumen pertinentia referri poflint, nobis autem illa tantüm explicare animus | fuit quæ præfenti argumento maxime inferviunt. | 12. Neque vos diutius hîc morabor, ubi monuero curvas fuper- ficies corporum pellucidorum, radios per fingula | punéta tranf- euntes eodem modo detorquere quo planæ, in iifdem punctis 1llas ‘contingentés, detorquerent. Sic ex. gr. refra@tio radiorum AB, AC, AD, qui venientes à lumine A incidunt in fuperficium gib- bam globi cryftallini BCD, eodem modo confiderari debent ac fi AB incideret in fuperficiem planam EBF, & AC in GHC, & AD in IDK, & ita alii. Unde patet hos radios diverfimode vel col- ligi vel difpergi poile, prout à fuperficiebus diverfimode curvatis excipiuntur. Sed jam tempus eft delineationem ftructuræ oculi or- diri, ut intelligamus quomodo radii illam ingrefli difponantur ad fenfum vifonis efficiendum. CAPUT TERTIUM. De Oculo. 1. Si quà arte poflet oculus ita fecari, | plano per mediam pu- pillam tranfeunte, ut nullus ex eo liquor efflueret, nec ulla pars loco moveretur, talis ejus fectio appareret qualem hæc figura repræfentat. | ABCD eft membrana fatis craffa & dura, componens quoddam veluti vas, receptaculum omnium partium interiorum. DEF ef membranula tenuior, intra priorem aulæi inftar expania. ZH nervus, vulgo opticus dictus, ingenti numero parvorum capillamen- 96 OEUVRES DE DESCARTES. 106-108. torum compofitus, quorum extrema per totum fpatium GHI dif- funduntur, ubi, innumeris exiguis venis atque arteriis mixta, fpe- ciem quamdam carnis tenerrimæ componunt, quæ, tertiæ mem- branulæ inflar, totum interius fecundæ fundum tegit. K, L, M tres funt liquores valde pellucidi, totas has tuniculas diftendentes, figurà quà fingulos hîc delineatos videmus. 2. Et experientia me docuit, medium L, qui cryftallinus humor dicitur, præterpropter eamdem refractionem producere quam vitrum aut cryftallus, & duos reliquos paulo minorem, fere qualem aqua. communis : unde fit ut facilius medius quàam reliqui duo, & adhuc facilius hi quàm aër luminis radios admittant. In priori membranâ pars BCB pellucida eft, & magis gibba quàm refiduum. In alter, fuper/ficies interior partis EF, fundum oculi refpiciens, tota obfcura & nigra eft, habetque in medio anterioris partis rotundum foramen exiguum, foris refpicientibus nigerrimum apparens, quod pupillam appellamus. 3. Non autem femper eâdem magnitudine patet hic hiatus; fed EF, pars fecundæ membranulæ in quâ eft, liber/rime innatans liquidiflimo humori K, fpeciem exigui mufculi habet, qui deducitur aut contrahitur, prout objetta quæ contuemur vel propius vel lon- gius abfunt, vel magis aut minus illuminantur, vel prout magis aut minus curiofe illa contemplari animus eft. Et fidem huic rei pueri ocuius cuivis dubitanti aftruere poterit: nam, fi jufleris ut vicinum aliquod objettum attente refpiciat, videbis aliquanto arétius pu- pillam ejus contrahi quàam fi aliud multo remotius & non majori luce illuftratum ipfi refpiciendum proponas. Et deinde, fi feceris ut idem objectum in quod refpicit, nunc minori nunc majori luce re- fulgeat, claufis fcilicet vel apertis feneftris cubiculi in quo erit, ani- madvertes pupillam fieri ed anguftiorem qu majori luce perftrin- getur. Ac denique, fi ad eamdem lucem idem corpus ex eodem loco ille puer infpiciat, minori ambitu patebit ejus pupilla, dum cona- bitur accurate minutiflimas illius partes agnofcere, quam dum, quafi aliud agens, vagis oculis integrum apprehendet. 4. Et obfervandum, hunc motum voluntarium efle dicendum, licèt, ut plurimum, à nobis ignorantibus peragatur; neque enim ob hoc minus dependet aut minus fequitur ex | voluntate quam ha- bemus bene videndi: quemadmodum labiorum et linguæ motus, pronuntiationi inferviens, voluntarius dicitur, quoniam loquendi voluntatem fequitur, licèt fæpiflime ignoramus qualem fingulæ li- teræ requirant. ù 5. EN, EN funt plurima filamenta nigra, undiquaque amplexa ACT TRRSE LT ES 3 4 108-109. DIoPTRICE. 597 humorem L, & orta ex membranà fecundà, | inde ubi tertia termi- natur, quæ fpeciem perexiguorum tendinum præ fe ferunt, & eorum ope hic humor, pro intentione quà vifus nofter in res pro- pinquas aut longe diflitas fertur, mox in majorem gibbum cur- vatus, mox magis in planum porrectus, totam oculi figuram non- nihil immutat. Quod etiam experientià conftat : nam, fi intentius contemplanti turrim aut montem procul remotum, fcriptum aliquod ante oculos prope apponatur, nullam literam nifi confufe dignofcere poterit, antequam eorum figura paululum fuerit immutata. Denique O, O funt fex aut feptem mufculi extrinfecus oculo affixi, quorum ope quaquaverfum moverti poteft, & forte etiam, preflus aut re- vulfus, quoad figuram immutari. Plura circa hanc materiam notari folent, & anatomicorum libros augere, quæ de induftrià hîc omitto, quoniam jam dicta fufficere arbitror ad explicandum quidquid facit ad noftrum argumentum, & quia reliqua quæ ad hoc non juvarent, ab iis quæ juvare poflunt animadvertendis cogitationes noftras avo- carent. || CAPUT QUARTUM. De Senfibus in genere. 1. Cæterum his quædam de fenfibus in genere fubjungenda funt, ut felicius deinceps vifionis explicatio procedat. Omnibus jam conftat animam efle quæ fentit, non corpus: videmus enim, quoties illa, vel exftafi vel altà contemplatione diftracta, velut extra corpus ponitur, hoc totum torpidum fine fenfu ftupere, quæcunque etiam objeéta admoveantur. Nec magis obfcurum eft, illam non proprie fentire quatenus eft in organis fenfuum exteriorum, fed quatenus in cerebro, ubi illam facultatem exercet quam nuncupant fenfum communem ; fic vulnera & morbi quæ cerebrum lædunt, in univer- fum omnes fenfus tollunt, quum corpus interea nihilominus anima- tum fit. 2. Scimus etiam illam impreflionem quà objecta partes corporis externas afficiunt, nonnifi per interpofitos nervos ufque ad animam pervenire: nam varia funt affeétuum genera quæ, licèt unico tan- tummodo nervo noxia fint, omnem fenfum illarum partium corporis tollunt, per quas male affecti nervi rami fparguntur, integro interea fenfu reliquarum. 598 OŒEuvrEs DE DESCARTES. rog-111. 3. Ut autem uberius cognofcamus quà ratione anima, in cerebro refidens, | per nervos interjectos impreflionem corporum externorum recipiat, tria iniis diftinguenda occurrunt : primo, membranulæ quibus involvuntur, ex cerebrum circumdantibus tunicis ortæ, quæ, multis ramis | in modum tubulorum diffufæ, aliæ aliù per to- tum corpus fparguntur eodem modo quo arteriæ & venæ; deinde, fubftantia illorum interior quæ, in tenuiflima quædam veluti capil- lamenta divifa, per tubulorum iftorum longitudines à cerebro, unde defcendit, ufque ad membrorum extrema, quibus adhæret, porri- gitur, adeo ut in fingulis tubis multa hujufmodi capillamenta non dependentia ab invicem imaginari debeamus; poftremd, fpiritus animales qui, inftar venti aut aëris fubtiliflimi, ex ventriculis feu cavis cerebri progrefli, per eofdem tubos ad mufculos evehuntur. 4. Fatentur quidem Medici & Anatomici, hæc tria in nervis re- periri; ufum autem eorumdem à nemine bene diftinétum novi. Quum enim viderunt non tantüum fenfui, fed & motui membrorum, nervos infervire, & contingere interdum paralyfes quæ, fenfu in- tegro remanente, motum tollerent, modd duo eorum genera fece- runt, quorum alterum foli motui, alterum folis fenfibus affignarunt; modù fentiendi facultatem in membranulis collocarunt, & movendi vim in fubftantià interiore : quibus cunétis tam | ratio quàäm expe- rientia reclamat. Quis enim nervum aliquem notavit unquam mo- tui infervientem, qui non fimul alicui fenfuum inferviret? Et quo- modo, fi ex membranis dependeat fenfus, diverfæ objectorum im- prefliones per eas in cerebrum penetrarent? 5. Evitandarum itaque harum difficultatum caufà, credendum eft fpiritus per nervos in mufculos dilapfos, eorumque mox hunc mox illum magis aut minus inflantes, prout largius aut parcius à cerebro {ubminiftrantur, motum omnium membrorum eflicere; & capilla- menta exifgua, ex quibus interior nervorum fubitantia compo- nitur, fenfibus infervire. Et quoniam hoc loco non neceilarium de motu loqui, nobis fufficit advertere, exigua illa capillamenta, in- flatis tubulis, ut diximus, & afliduo fpirituum affluxu expanfis in- clufa, non collidi, neque fibi invicem obftare, atque ad extremitates omnium membrorum porrigi, quæ aliquo modo fentire poflunt; adeo ut, fi leviflime tantüum pars illorum impellatur cui adhæret aliquis nervorum, eodem etiam momento illa cerebri pars movetur ex qua nervus ille defcendit, quemadmodum, fi alterum extremum reftis diftenfæ tangas, alterum etiam ipfo momento commovetur. Quum autem hæc capillamenta tubulis ita circumdata procurrant, quos {piritus femper paululum inflant & diflendunt, nullo negotio intel- 97 nri-rr3 DIoPTRICE. 599 ligimus, licèt effent multo tenuiora quam bombyeum fila, & imbe- cilliora | quàm aranearum, tamen à capite ad remotiffima membra fine ullo ruptionis periculo defcendere poffe, neque diverfos mem- brorum fitus motum illorum impedire. 6..Obfervandum præterea, animam nullis imaginibus ab objectis ad cerebrum miflis egere ut fentiat (contrà quàm communiter Philo- fophi noftri ftatuunt), aut, ad minimum, longe aliter illarum imagi- num naturam concipiendam effe quäm vulgo fit. Quum enim circa eas nil confiderent præter fimilitudinem earum cum objectis quæ reprefentant, non poflunt explicare quâ ratione ab objectis formari queant, & recipi ab organis fenfuum exteriorum, & demum nervis ad cerebrum tranfvehi. Nec alia caufa imagines iftas fingere eos im- pulit, nifi quod viderent mentem noftram efficaciter piéturà excitari ad ap|prehendendum objeétum illud quod exhibet; ex hoc enim ju- dicarunt illam eodem modo excitandam ad apprehendenda ea quæ fenfus movent, per exiguas quafdam imagines in capite noftro delineatas ; fed nobis contrà eft advertendum, multa præter imagines efle quæ cogitationes excitant, ut ex. gr. verba & figna, nullo modo fimilia iis quæ fignificant. Et licèt concedere poflimus (ut, quantum fieri poteft, receptum opinionem fequamur) objeéta quæ fentimus vere in | cerebro noftro adumbrari, ad mini- mum notandum erit nunquam imaginem omnino fimilem efle ob- jecto quod repræfentat : nam aliàs nullum inter hoc & illam diferi- men foret : fed rudem fimilitudinem fufficere, & fæpe etiam per- fectionem imaginum in hoc confiftere, ut non aflimilentur quantum poffent. Quemadmodum videmus icones illas quæ à typographis in Hibris excuduntur, etf nihil extra paulum atramenti chartæ hucilluc ingeftum habeant, fylvas, urbes, homines, difpofitas acies & tem- peftates nobis repræfentare, & tamen ex innumeris qualitatibus horum objeétorum, quas cogitationi noftræ exhibent, nullam efle præter figuram, cujus revera fimilitudinem referant; atque etiam hanc fimilitudinem valde effe imperfectam, cum in fuperficie planà corpora diverfimode furgentia aut fubfidentia exhibeant, &, fecun- düm regulas fcenographiæ, melius fæpe circulos repræfentent per ellipfes quàm per alios circulos, & quadrata per rhombos quàm per alia quadrata, & ita de cæteris : adeo ut fæpius, ad abfolutam imaginis perfectionem & adumbrationem objeéti accuratam, difli- militudo in imagine requiratur. | 7. Eodem igitur modo imagines in cerebro noftro formatæ confi- derandæ funt, & notandum tantummodo quæri quâ ratione ani- mam moveant ad percipiendas diverfas illas qualitates objectorum 600 Œuvres DE DESCARTES. 1A3-r 15. e quibus manant, non autem quomodo ipfæ jis fimiles fint. Ut, [quum cæcus nofter varia corpora baculo fuo impellit, certum eft ea nullas imagines ad cerebrum illius mittere, fed tantum, diverfimode movendo baculum pro variis qualitatibus quæ in iis funt, eâdem operà manüs etiam nervos diverfimode movere, & deinceps Joca cerebri unde ii defcendunt : cujus rei occafione mens totidem di- verfas qualitates in his corporibus dignofcit, quot varietates depre- hendit in eo motu qui ab iis in cerebro excitatur. CAPUT QUINTUM. De Imaginibus quæ formantur in fundo oculi. 1. Manifefle itaque videmus non opus efle, ad fentiendum, ut anima contempletur ullas imagines quæ reddant id ipfum quod fen- titur; fed hoc interim non impedit quominus objecta quæ con- tuemur fatis perfectas in oculi fundo repræfentent : ut ingeniofe à quibufdam explicatum eft per comparationem earum quæ in cubi- culo apparent, fi lumini inde exclufo nonnifi unicus aditus conce- datur per exiguum foramen vitreà | lente claufum, & albo panno ad debitum intervallum radii ingrefli excipiantur. Nam oculi vice hoc conciave fungi aiunt, foramen pupillæ, vitrum cryftallini humoris feu potius omnium illarum oculi partium quæ | refractionem ali- quam efficiunt, & pannum, ejus tuniculæ interioris, retinæ diétæ, quam extremitates nervi optici componunt. 2. Omnia tamen magis explorata et certa erunt, fi evulfum recèns defunéti hominis aut, fi illius copia non fit, bovis vel alterius magni alicujus animalis oculum ita fecemus ut, ablatâ eà parte trium ejus membranarum quæ cerebro obverfa eft, fatis magna pars humoris M appareat nuda, nec tamen ifte humor effundatur, fed contineatur chartà, ovi putamine, vel alià quâvis materià albâ & tam tenui ut, quamwvis non fit pellucida, omnem tamen luminis tranfitum non excludat; qualis hîc exhibetur verfüs T SR : huncque oculum foramini afleris ad id facti, quale eft Z Z, fic immittamus ut ejus pars anterior BCD refpiciat aream varia objecta Sole illuftrata, ut V, X, Y, fuftinentem; pofterior autem, ubi eft corpus album RST, refpi- ciat conclave interius P quod, totum tenebrofum, nullum lumen recipere debet, præter illud quod intrat per oculum cujus omnes partes à C ad S funt pellucidæ. Hoc enim ita parato, fi refpiciamus 1OT 102 104 TE DIoPTRICE. Got in corpus album RST, non fine voluptate & forfan etiam admira- tione, piéturam quamdam in eo videbimus, omnia objecta, extra cubiculum ad | V, X, Y pofita, fcite fatis imitantem : modà tamen omnia fic adminiftrentur, ut ifte oculus naturalem fuam & | objeéto- rum diftantiæ debitam figuram quàam proxime retineat; nam, fi paulo magis prematur quàm illa requirit, ftatim confufior imago apparebit. 3. Eftque hic obfervandum, paulo validius illum effle compri- mendum, & figuram ejus reddendam oblongiorem, fi | objecta ap- pareant ex propinquo, quàm fi magis removeantur. Sed hujus ima- ginis delineatio uberius explicanda eft; nam eàdem operâ multa dif- cemus quæ ad vifionem pertinent. 4. Primû igitur advertamus, ex fingulis punétis objeétorum V, X, Y tot radios penetrantes ad corpus album R ST ir oculum ma- nare, quot pupillæ hiatus recipere poteft, & omnes, ex eodem punéto digreflos, permeando fuperficies BCD, 123 & 456, eà ratione incurvari ut iterum præterpropter in eodem punéto concurrere poflint, fecundum ea quæ tam de refraétionum quàm de trium hu- morum K, L, M naturà diximus. Et quidem, ut imago, de quâ hic agimus, omnibus numeris abfoluta fit, ea trium harum fuperficie- rum figura requiritur, quæ omnes radios ex eodem punéto delaplos, quantum fieri poteit, in eodem punéto corporis albi R ST recol- ligat. Ut hîc videmus radios. venientes ex punéto X congregari omnes in punéto S; ex Vin R; &ex Y in T. Et præterea nullum radium venire ad S nifi ex punéto X; nec | ullum fere ad R nifi ex punéto V, nec ad T nifi ex punéto Y ; K ita de reliquis. 5. Quibus animadverfis, fi recordemur eorum quæ generatim fuprà audivimus de coloribus & lumine, atque etiam in particulari de corporibus albis, facilè intelligemus quam ob caufam, inclufi cubi- culo P & oculorum aciem in corpus album RST dirigentes, effigiem objectorum V, X, Y ibi videamus. Nam primd certum eit, lumen (hoc eft actionem quà Sol, aut aliud corpus luminofum, materiam quamdam fubtilifimam, quæ in omnibus pellucidis corporibus re- peritur, propellit), miffum ad | R ab objetto V, quod rubrum ex. gr. fingamus (id eft, ita difpofitum ut ejus occafione hujus materiæ fubtilis particulæ, præter motum rectum, affumant etiam circula- rem circa proprium centrum, inter quem & rectum ea proportio fit quæ requiritur ad fenfum rubri coloris efficiendum), cùm corpori albo in R occurrat {id eft, ejufcemodi corpori ut quaquaverfum materiam iftam fubtilem, modo quo movetur non mutato, repellat), inde ad oculos noftros refilire per poros hujus corporis, quod in Œuvres. I. 76 4 602 Œuvres DE DESCARTES. HAT eam rem tenue & lumini non plane impervium admovimus, & ita efficere ut punétum R rubri coloris videatur. Eodemque modo lumen rectum ad $S ab objecto X, quod luteum efle fuppono, & ad Tab Y, quod fuppono cæruleum, & inde ad oculos noftros provec- tum, S luteo & T cæruleo colore tinctum debet exhibere. Et fic tria puncta R,S,T, cûm | eundem inter fe ordinem eundemque colorem retineant quem tria altera V, X, Y, iis exacte | fimilia funt. 6. Hujus autem pitturæ perfectio ex tribus maxime dependet : nempe ex eo quod per hiatum pupillæ pluris radii à fingulis corpo- rum punctis intrent, quemadmodum hîc XB14S,XC25S, XD365, & quotquot præterea inter eos poffumus imaginari, eù veniunt ex folo punéto X; deinde, ex eo quod hi radii fic in oculo refrin- gantur ut, ex diverfis punétis digrefli, præterpropter in totidem aliis_ corporis albi RST reddantur; poftremà, ex eo quod, cûm capilla- menta exigua EN, & fuperficies interior membranulæ E EF, fint nigra, itemque cubiculum P fit omni ex parte claufum & obfcurum, nullum aliunde lumen ed accedat, quod actionem radiorum proma- nan | tium ab objectis V, X, Y turbare poflit. Nam, fi ea pupillæ anguftia foret ut unos folummodo radios ex fingulis objeéti punctis acciperetatque remitteret ad fingula punéta corporis RST, non fatis virium in iis effet ut inde in cubiculum P ad oculum noftrum defer- rentur. Pupillà verd laxiore exiftente, fiquidem nulla in oculo re- fractio fieret, radii à fingulis punétis objecti ed venientes per totum fpatium RST fpargerentur, adeo ut, ex. gr., tria punéta V, X, Y tres radios mitterent ad R, qui, unà inde ad oculum noftrum refi- lientes, punctum illud R mixto quodam colore ex flavo, rubro & cæruleo exhiberent, atque fimile punctis S & T ad quæ itidem punéta V, X, Y fingulos radios mitterent. 7. Idem quoque propemodum eveniret, fi refractio, quæ fit in oculo, major aut minor foret quàm | magnitudo illius requirit; major enim radios emanantes ab X, antequam progrediantur adS, colligeret, velut in punéto M; contrà verd, minor nonnifi illud præ- tervectos cogeret, ex. gr. verfus P, atque ita tangerent corpus album RST in plurimis punétis, ad quæ eodem modo alii radii ex aliis objecti partibus ferrentur. Poftremà, nifi corpora EN, EF nigra forent, hoc eft ita comparata ut lumen exceptum non remittant, fed extinguant, radii à corpore albo RST eù reflexi inde reverti poflent, qui venirent à T verfus S & R, qui ab R verfüs T & S, & qui ab S verfüus R & T; & hoc modo alter alterius actionem turbaret : quod etiam facerent radii refilientes ex cubiculo ad RST., fi alio lumine illuftraretur quam illo quod objecta V, X, Y eù mittunt. 106 ’ dt 121-124. DioPTRICE. 603 8. Sed, cognitis iis quæ ad hujus picturæ perfectionem | con- ferunt, operæ pretium etiam eft ejus defectus intueri : horum primus & maximus efl, nullà ratione oculum, qualemcunque figu- ram habeat, radios omnes ex diverfis punétis miflos in totidem aliis colligere pofle, fed multum agere, fi tantummodo omnes ab uno punéto venientes, velut ab X, in alio quodam fiftat, velut in S, quod medium eft poiterioris oculi partis; quod cüm fit, nonnifi pauci eorum qui veniunt ex punéto V coire poflunt accurate in punéto R, aut ex Ÿ | accurate in T, & reliqui neceflarid nonnihil inde abfce- dunt, ut | poftmodum explicabimus. Atque hinc extremitates hujus imaginis nunquam tam diftincte quàäm medium apparent, quem- admodum fatis notarunt qui circa Optica commentati funt. Hoc enim eft quod dixerunt, vifionem potiflimum fieri fecundum axem, hoc eft fecundum lineam rectam per centrum cryftallini humoris & pupillæ protenfam, qualis hîc eft linea XKLS, axis vifonis iis dicta. 9. Hic autem obfervemus, qud major pupillæ hiatus eit, ed magis radios venientes, ex. gr. ex punéto V, circa punétum R difpergi; & ita, quantum hæc laxitas colorum vim & nitorem intendit, tantum detrahitex accuratà lineamentorum picturæ diftinétione; ideoque non nifi mediocris efle debet. Notemus præterea hos radios magis circa punctum R difperfum iri quàm jam fparguntur, fi punétum V, unde manant, propius oculo adjaceret, ut fi effet in 10, aut longius ab eodem diftaret, ut fi effet in 11, non mutato interim puncto X, ad cujus diftantiam oculi figuram fuum commenfum habere fuppono; ideo | que imaginis hujus partem R obfcuriorem adhuc effent red- dituri. Quorum omnium demonitratio nobis aperta erit, cum ulte- rius progrefli videbimus quam figuram corpora pellucida requirant, ad radios ex aliquo punto delapfos in alio quodam poft tranfitum colligendos. 10. Reliquæ autem hujus picturæ imperfectiones in eo funt, quèd femper inverfa appareat, hoc eft contrario plane fitu quàm obtinent corpora quæ imitatur; & quôd præterea ejus partes, | aliæ magis, aliæ minus, contrahantur, pro varietate fitûs & intervalli rerum quas exhibent, eodem fere modo quo in fcenographicà tabulà fieri folet. Ita hîc manifefte videmus : T, quod ad finiftram, Y, quod ad dextram, reddere; & R, quod ad dextram, V, quod ad finiftram. Et præterea, imaginem corporis V non plus fpatii occu- pare in R, quàam occuparet illa corporis 10, minoris quidem, fed magis propinqui; nec minus quàm illa corporis 11, quod majus, fed longius remotum eft; nifi forfan eo ipfo quod magis diftincta 604 OEUVRES DE DESCARTES. 124 27e fit. Et poftremd videmus lineam VXY, quæ reéta eft, exprimi per curvam RST. 11. Ita, confideratà hâc imagine in oculo mortui vel hominis vel beitiæ, & rationibus perpenfis, dubitare non poffumus, quin fimilis quædam exprimatur in membranà interiore oculi viventis hominis, in cujus locum corpus album RST fubftituimus; atque etiam, quin longe melius ibidem depingatur, cum fpiritibus referti humores magis pelluceant, & figuram huic operi debitam exattiorem ha- beant. Et quod ab bovis oculum attinet, fortè etiam in eo pupillæ figura, quia non rotunda, imaginis perfectioni nonmihil obftat. 12. Nec magis ambigere poflumus, imagines albo panno | in te- nebrofo cubiculo exceptas eodem modo quo in oculi fundo formari, & ob eafdem rationes; fed, cum multo majores & pluribus modis ibi fiant quàam in oculo, multa particularia | commodius in iis ob- fervantur, quorum hic monere animus eft, ut quilibet illa poflit |experiri, fi nondum hattenus expertus eft. Primo itaque, fi nullum vitrum foramini, per quod radii cubiculum illud ingredi debent, apponatur, modû ne fit nimis late patens, imagines quidem in panno apparebunt, fed imperfeétæ admodum & confufæ, & tanto magis quanto latius patuerit foramen; & qud major erit diftantia inter illud & linteum, ed quoque majores imagines erunt, ita ut magnitudinis illarum eadem fere fit ratio ad hoc intervallum, quæ magnitudinis éorporum à quibus illæ fluunt, ad fpatium ipfa ob- jecta & foramen idem interjacens. Ut, fi A BC fit objectam, D fora- men, EGF imago, quale eft AB ad CD, tale erit EG ad F D. Poftea, vitreà lente huic foramini immiflà, obfervandum certam quamdam diftantiam determinatam effe, ex quà fi objecerimus pannum, fimu- lacra lucida atque admodum diftincta refulgent ; fimul ac verd pau- lulum accedimus ad vitrum, aut ab eodem recedimus, ftatim ea tur- bantur & minus diftincte apparent. Hæc autem diftantia dimetienda erit, non fecundüm fpatium quod linteum & foramen intercedit, fed fecundüm illud quod linteum & vitrum : ut, quan/tum hoë vitrum ulterius promoveris, aut introrfum ad te reduxeris, tantum fimul & linteum vel adducere vel removere oporteat. Pendetque hæc diftantia, partim ex figurà hujus vitri, & partim ex fpatio quod illud & res objectas interjacet : nam, licèt eodem loco hæ maneant, quo minus fuperficies | vitri erunt incurvatæ, ed longius hoc lin- teum removendum; & eodem vitro manente, accedentibus propius objectis, paulo magis linteum removendum erit quam fi longius eadem abeffent. Atque ex hàc diftantià imaginum oritur magnitudo, eodem fere modo quo tum, cùm nullum foramini vitrum applica- Pa 127-120. DIoPTRICE. 60$ tur. Fieri autem illud foramen majus poteit, fi vitro inferto obtu- retur, quàm fi apertum & vacuum relinquatur, imaginibus ob id non minus diftinétis. Et quo erit majus, eù fimulacra nitidiora atque illuftriora videbuntur : adeo ut, fi partem vitri tegas, magis quidem obfcura quàm antea debeant apparere, fed non idcirco minus fpatii in panno occupare. Et qud majora & lucidiora hæc fimulacra funt, ed perfectius videntur ; adeo quidem ut, fi oculum admodum profundum ftruere pofflemus, cujus pupilla effet valde ampla, & in quo fuperficies refractionem efficientes figuram haberent quæ huic magnitudini refponderet, ed ampliores objectorum corporum ima- gines in ejus fundo exprimerentur. Et fi duas aut plures lentes vitreas parum convexas jungamus, idem fere eflicient quod una quæ ad eandem craflitiem, quam illæ omnes fimul fumptæ, intumefcet : hîc enim exigui momenti eft fuperficierum numerus in quibus re- fraétiones fiunt. Aîft, fi ex certo intervallo hæc vitra ab invicem removeamus, fecundum eriget imaginem, quam primum invertit; ter {| tium iterum invertet, &ita porro.Quorum omnium | ratio ma- nifefta eft ex iis quæ fuprà audivimus, & quidem majus operæ pretium erit, mediocri meditatione illam inquirenti, quam obiter fingula fufius hîc enarrata legenti. 13. Cæterum corporum fimulacra non tantüm in imà oculi parte formantur, fed ulterius quoque ad: cerebrum | penetrant : quod facilè intelligemus, fi cogitemus radios ab objecto V in oculum ve- nientes contingere in puncto R extremum alicujus ex capillamentis |nervi optici, quod oritur e regione 7 fuperficiei interioris cerebri 789 : & venientes ab objecto X in puncto S extremitatem alterius cujufdam capillamenti impellere, cujus initium eft in puncto 8; & delapfos ab objecto Y, aliud in punéto T, quod prorepit e regione cerebri 9 ; & ita porro. Et præterea, cum lumen nihil extra motum aut nifum quemdam ad motum fit, radios 1llius progreffos ab V ad R vim totum capillamentum R7 movendi habere, & confequenter regionem cerebri 7; & venientes ab X ad S, totum nervum SS8, & infuper alià ratione movendi quàäm movetur Re cüm corpora X & V diverfimode colorata fint ; & ita venientes ab Y punetum 9 Mmo- vere. Unde patet in fuperficie cerebri interiore, quæ cavitates illius refpicit, denuo quamdam picturam delineari 780, fatis fimilem ob- jeétis VX Y. Atque inde ulterius hanc promovere poflem ad glan- dulam quamdam exiguam, quæ in medio circiter harum cavitatum occurrit propria fenfûs communis fedes. Imo præterea hîc often- dere non arduum foret, quà ratione interdum per arterias gravidæ mulieris tranfeat ufque ad certum aliquod fœtüs membrum, quem 606 OŒEuvres DE DESCARTES. 120 135 in utero geftat, & ibi iftas malaciæ notas imprimat, quas tantopere docti admirantur. | | CAPUT SEXTUM. 116 De Vifione. 1. Licèt autem hæc pictura, fic tranfmifla in cerebrum, femper aliquid fimilitudinis ex objectis, à quibus venit, retineat, non tamen ob id credendum eft, ut fuprà quoque monuimus, hanc fimilitudi- nem efle quæ facit ut illa fentiamus, quafi denuo alii quidam oculi in cerebro noftro forent, quibus illam contemplari poflemus; fed potius motus effe à quibus hæc piétura componitur, qui immediate in animam noftram agentes, quatenus illa corpori unita eft, à naturâ inftituti funt ad fenfus tales in eà excitandos. Quod latius hic expo- nere libet. 2. Omnes qualitates, quas in vifüs objectis percipimus, ad fex primarias reduci queunt, ad lumen fcilicet, colorem, fitum, diftan- tiam, magnitudinem & figuram. Et primd, quantum ad lumen & colorem, quæ fola proprie ad fenfum vifionis pertinent, cogitandum illam animæ noftræ naturam efle, ut per vim motuum, qui in illà cerebri regione occurrunt, unde tenuia nervorum opticorum fila oriuntur, luminis fenfum percipiat; per eorumdem autem | mo- tuum diverfitatem, fenfum coloris : quemadmodum per motus ner- vorum auribus refpondentium fonos dignofcit, & ex motibus nervo- rum linguæ, varios fapores ; & in univerfum ex motu nervorum totius corporis moderato quamdam titillationem fentit, & dolorem ex violento, quum interea in his omnibus fimilitudine nullà opus fit inter ideas quas illa percipit & motus qui earum funt caufæ. |3. Atque his facilè adhibebimus fidem, modô notemus, quibus 117 oculus vulnere læditur, videri fe infinitas ignium & fulgurum vibra- tiones cernere, licèt oculos claufos habeant aut in conclavi obfcuro commorentur ; ut ita hic fenfus non alii rei fit imputandus quam agitationis vehementiæ, quæ capillamenta exigua nervi optici inftar violenti luminis cujufdam movet; & eadem agitatio, aures feriens, fonum quemdam efficere poflet, aut, alias partes corporis, dolorem. 4. Hoc etiam inde confirmatur quôd, fi aliquando Solem feu lumen aliud valde fulgidum obftinati contuemur, illa impreflio etiam aliquanto pôit in oculis duret, adeo ut, licèt poftea claudantur, 118 119 131-133. DIoPTRICE. 607 varios tamen colores nobis videamur videre mutantes & tranfeuntes ad invicem, prout paulatim evanefcunt : hoc enim non aliunde pro- cedit nifi quod capillamenta nervi optici, infolito motu concufla & agitata, non tam fubito refidant quäm aliàs. Sed agitatio, quà adhuc poit oculos | claufos palpitant & quafi contremifcunt, quum non fatis valida fit ad reddendum tam illuftre lumen quàm fuit illud à quo venit, colores minus intenfos & velut diverios repræfentat. Et hi colores paulatim expallefcendo mutantur : quod fatis docet illorum naturam tantüm in motüs diverfitate confiftere, neque aliam effe quàm fuprà pofuimus. 5. Ipfum etiam poftremd ex eo manifeftum fit quod fæpe in pellu- cidis corporibus hi colores appareant, ubi certum eft nihil efle quod eos producere poflit, extra diverfos illos modos quibus radii luminis admittuntur : ut quum in nubibus iris apparet, & magis adhuc, quum fimile aliquid in vitro cernimus, cujus fuperficies in varias hedras polita eft. | 6. Hiîc vero operæ pretium eft curiofius advertere in quo con- fiftat quantitas luminis quod videtur {hoc eft impetus quo fingula nervi optici capillamenta moventur) : non enim femper æqualis eft lumini quod ex objectis emanat, fed vel pro ratione diftantiæ cor- porum, vel magnitudinis pupillæ, variat; vel pro ratione fpatii quod ex fingulis corporum punétis manantes radii in oculi fundo occu- pant. Sic conftat ex. gr. punctum X plures radios ad oculum B miffurum quam nunc mittat, fi pupilla FF pateret ufque ad G ; & illud totidem mittere in hunc oculum B, qui minus ab ipfo diftat & cujus pupilla valde angufta eft, quot in oculum A, cujus quidem pupilla multo major eft, fed quod etiam multo magis ab ipfo diftat. Et, quamvis non plures ex diverfis punétis | V, X, Y fimul fpectatis oculum A ingrediantur quàm oculum B, quia tamen in ejus fundo nonnifi per fpatium T R extenduntur, quod minus eft fpatio HI per quod in fundo oculi B fparguntur, majori vi agere debent in fingulas extremitates nervi optici, quas ibi contingunt, quàm in illas oculi B: quod ad calculum revocare minime arduum eft. Nam, fi ex. gr. fpatium HI quadruplum fit fpatii TR, & extremitates quatuor capillamentorum millium nervi optici contineat, TR con- tinebit tantum mille, & confequenter | fingula capillamentorum, in parte imà oculi A, millefimä roboris parte movebuntur quod omnes radii uniti habent, & in fundo oculi B, quartà tantum millefimæ. 7. Obfervandum etiam partes corporum, quæ contemplamur, non dignofci polfe, nifi quatenus colore quodammodo differunt; & horum colorum diftinétam perceptionem non pendere tantüm ex eo 608 .… Œuvres DE DESCARTES. 133-135. quôd omnes radii à fingulis corporum punétis venientes in fundo oculi in totidem aliis circiter coëant, vel ex eo quèd nulli alii aliunde effufi ad eadem punéta admittantur, fed etiam ex multitudine capil- lamentorum nervi optici, quorum extremitates continentur in illo fpatio quod imago in oculi fundo occupat. Si enim ex. gr. objeétum VXY | ex decem partium millibus componatur, quæ aptæ fint ad radios tot diverfis modis in fundum oculi RST mittendos, & confe- quenter ad repræfentanda eodem tempore decem colorum millia, anima tamen ad fummum mille tantüm difcernet, fi fingamus mille tantum capillamenta nervi optici exftare in fpatio RST; etenim tunc decem particulæ objecti, agentes fimul in fingula capil- lamentorum, uno duntaxat modo ex denis mixto & confufo illa movere poflunt : unde fit ut illud fpatium, quod ab uno quolibet ex his capillamentis occupatur, nonnifi pro unico punéto debeat haberi. 8. Atque hoc eft quod efhicit ut pratum infinità colorum varietate diftinétum procul infpicientibus totum album aut cæruleum videatur; & generatim ut omnia corpora remota minus diftincta appareant quam propinqua ; denique etiam, ut, què latius ejufdem corporis fimulacrum in oculi fundo diducere poffumus, eo diftinétius videri queat. Quod notatum magno ufui poftea erit. 19. Situm (id eft regionem in qu fingulæ objecti partes refpeëtu cor- poris noftri locatæ funt) quod attinet, illum nonaliter oculorum mini- fterio deprehendimus quàäm manuum; & notitia illius ex nullä imagine pendet, nec ex ullà actione ab objectis veniente, fed ex folo fitu exigua- rum partium cerebri, e quibus nervi expullulant. Hic enim fitus, mutato fitu membrorum quibus illi nervi inferuntur, aliquantulum varians | à naturà ita inftitutus eft, ut non tantüm animam certam facere poflit in quâ regione fingulæ partes corporis, cui ineft, aliarum refpectu exiftant, fed infuper eflicere ut attentionem inde ad omnia loca transferre queat, quæ in lineis rectis occurrunt quas imaginari poffumus ab extremitatibus fingularum ex his partibus in infinitum produétas. Ut, quum cæcus ille, de quo jam fæpe mentio facta eff, manum fuam A verfus E vel alteram manum C etiam verfüs E obvertit, nervi huic manui inferti mutationem quamdam in cerebro illius efficiunt, per quam anima cognofcit non tantüm locum A vel C, fed & omnia reliqua quæ occurruntin lineà rectà AE vel CE; imo, ulterius progreffa ufque ad objecta B & D, loca etiam ubi illa exiftant determinat, incerta interea, vel faltem non attendens, ubi utraque manus exiftat. Atque ita, quoties oculus aut caput noftrum huc vel illuc inflectitur, mens noftra ejus rei admonetur à muta- ECS DIOPTRICE. 609 tione quam nervi, mufculis hujus motûs miniftris inhærentes, in cerebro noftro efficiunt. 121 10. Exempli gratià, cogitandum in oculo RST fitum calpil- lamenti nervi optici, quod eft in punéto R vel S vel T, ref- pondere ad alium quemdam partis cerebri 7 vel 8 vel 9, qui facit ut anima fingula loca cognofcat quæ jacent in rectà aut quafi rectà lineâ RV vel SX vel TY. Utita mirari non debeamus corpora in naturali fitu videri, | quamvis imago in oculo delineata contrarium habeat; quemadmodum cæcus nofter fimul objectum 122 B, | quod eft ad dextram, ope manüs finiftræ, & D, quod ad finiftram, ope manûs dextræ animadvertit. Et quemadmodum ille idem non judicat corpus duplex effe, licèt duabus manibus illud tangat, fic etiam oculi noftri, quum ambo | verfüs eundem locum aciem fuam dirigunt, nonnifi unicum objeétum menti debent exhibere, quamvis in unoquoque eorum peculiaris ejus imago formetur. 11. Perceptio diftantiæ, non magis quàm fitüs, ab ullis imagi- nibus pendet, fed primù à figurà totius oculi : etenim, ut jam diximus, alia requiritur, ad percipienda ea quæ propinqua, quäm ad ea quæ procul abducta; & dum illam pro ratione objecti mu- tamus, fimul quædam cerebri noftri pars variat, ita à naturà infli- tuta ut animam de hâc diftantià certam reddat. 12. Et hoc, ut plurimum, nobis infciis accidit eodem plane modo quo, corpus aliquod manu complexi, ftringentes, ad illius figuram & magnitudinem hanc aptamus, atque ita illud cognofci- mus, licèt interea non fit opus ut, quà ratione manus noftra move- tur aut difponitur, advertamus. 13. Diftantiam præterea difcimus per mutuam quamdam confpi- rationem oculorum. Ut enim cæcus nofter, duo bacilla tenens, AE & CE, de quorum longitudine incertus, folumque intervallum manuum À & C, cum magnitudine angulorum ACE & CAE, exploratum habens, inde, ut ex Geometrià quâdam omnibus innatä, fcire poteft ubi fit punétum E; fic, quum noftri oculi, RST & rst, 123 ,ambo vertuntur ad X, magnitudo lineæ Ss & angulorum | XSs & XsS certos nos reddunt ubi fit punctum X. | Et idem operà alteru- trius poffumus indagare, loco illum movendo; ut, fi verfüus X illum femper dirigentes primÔ fiftamus in punéto S, & flatim pôit in punéto s, hoc fufficiet ut magnitudo lineæ Ss & duorum angulorum XSs & XsS noftræ imaginationi fimul occurrant & diftantiam 124 punéti X nos edoceant : idque per actionem menltis quæ, licèt fimplex judicium efle videatur, ratiocinationem tamen quamdam - Œuvres. I. 77 Gro Œuvres DE DESCARTES. 158 110 involutam habet, fimili illi quà Geometræ, per duas ftationes diverfas, loca inaccefla dimetiuntur. 14. Alio adhuc modo diftantias nofcimus, per diftinétionem fcilicet aut confufionem figurarum, & fimul per vehementiam luminis aut debilitatem. Sic, dum fixo obtutu infpicimus X, radii venientes ab objectis* 10 & 12 non ita exacte coëunt in punétis R et T quàäm fi hæc objeéta in V & Y pofita forent; unde illa vel longius remota vel propius adduéta colligimus quàm eft X. Preæterea, ex eo quôd lumen ex objecto 10 ad oculum noftrum defluens longe vehemen- tius eft quàm fi idem objectum ad Y remotum foret, magis 1llud elle propinquum dijudicamus ; &, quum hoc quod fpargit objeétum 12 debilius fit quäm fi foret ad Y, ulterius illud remotum efle hinc difcimus. 15. Denique, quum jam aliunde prænovimus qualis fit magnitudo alicujus corporis, vel ejus fitus, vel quäm diftincta fit ejus figura & quàm vividi colores, vel tantüm qualis fit vis luminis ex eo emifli, pofflumus hâc præcognitione uti, non quidem | proprie ad viden- dum, fed tamen ad vifu percipiendam ejus diftantiam. Ut, fi corpus. aliquod oculis | familiare procul contueamur, melius de diftantià judicabimus quàm fi magnitudo illius minüs cognita foret. Et fi, ultra nemus obumbratum, rupem Soli expofitam videamus, folus hujus fvlvæ fitus illam procul abefle dictabit. Et fi duas naves, ma- jorem alteram, alteram minorem, vela facientes contemplemur hâc ratione inæqualiter remotas ut æqualis magnitudinis videantur, ex dif{ ferentià figurarum, colorum & luminis quod ad oculos noftros mittent, utra remotior fit advertemus. 16. Modum autem quo magnitudinem & figuram objectorum videmus, non opus eft verbofius explicare, quum totus* illo con- tineatur quo diftantiam & fitum partium cernimus. Magnitudinem videlicet æflimamus ex cognitione feu opinione quam de diftantià habemus cum magnitudine imaginum in fundo oculi formatarum comparatà, & non abfolute per imaginum magnitudinem : utclarum fit inde qudd, licèt ex. gr. centies illæ majores fint, quum objecta valde propinqua funt, quàäm quum decuplo magis removentur, non tamen ob id centies majora nobis appareant, fed propemodum æqualia, utique fi diftantià non decipiamur. Manifeftum etiam eft figuram dignofci per cognitionem feu opinionem quam de fitu diverfarum partium corporis habemus, non per fimilitudinem imaginum quæ in oculo pinguntur : nam hæ plerumque rhombo a. tota EUz. 126 127 128 129 130 or. D'oPpTRICE. Gri vel ellipfi conftant, | quum quadrata & circulos nobis exhibent. 17. Ne autem vel minimum dubium relinquatur, quin vifio hoc modo quo diximus fiat, rationes præterea hic intuebimur ob quas interdum nos foleat fallere. Primd, quia mens eft quæ videt, non oculus, idque cerebri ope magis immediate quàm oculi, inde fit ut phrenetici & dormientes varias aliquando fpecies videant, aut fibi videre videantur, quæ oculis propterea non objiciuntur ; at- que hoc evenit, fi vapores, cerebrum pulfantes, partes illius, quæ vifioni inferviunt, eodem modo difponant quo ipfas, mediante oculo, difponerent objetta externa, fi adeffent. [18. Deinde, quia imprefliones extrinfecus venientes ad fenfum communem per intermedios nervos tranfeunt, fi horum fitus per caufam infolitam detorqueatur, objecta alibi quàm ubi funt repræ- fentare poteit. Ut, fi oculus rsf, fuà fponte difpofitus ad refpi- ciendum verfüs X, cogatur à digito N fefe obvertere verfus M, partes cerebri, unde hi nervi prorepunt, non eodem plane modo | difpo- nentur ac difponerentur, fi oculus ifte à propriis mufculis ed deflecte- retur, nec tamen etiam eodem ac fi revera verfüs X refpiceret, fed medio quodam modo, tanquam fi refpiceret Y ; atque ita, hujus oculi ope, objectum M apparebit eù loci ubi eit Y, & Y ubieftX, & X ubi eft V; & quoniam hæc eadem objecta | eodem tempore in verislocis videbuntur ope alterius oculi RST, duplicata apparebunt. Eodem modo quo globulus G, duobus digitis D & A decuffatis attrectatus, inftar duorum fentitur ; etenim, dum hi digiti fe mutuo ita decuflatos retinent, mufculi eos diducere nituntur, A in C & D in F, unde fit ut partes cerebri, ex quibus nervi his mufculis infer- vientes originem ducunt, difponuntur eo modo qui requiritur ut idem digiti A in B et & Din E elle, ac confequenter duos ibi glo- bulos H & I tangere videantur. 19. Præterea, quoniam aflueti fumus judicare, actiones, à quibus vifus nofter movetur, ex iis locis verfus quæ debemus obtutum dirigere ut illas percipiamus, quoties accidit ut aliunde procedant, facillime fallunt. Ita qui oculos flavà bile fuflufos habent, aut per vitrum flavum vident, aut in cubiculo degunt quod nullum lumen nifi per ejufmodi vitra recipit, flavo colore omnia corpora quæ cernuntinfecta putant. Et ille qui in cubiculo tehnebrofo, quod fuprà defcripfimus, corpus album RST intuetur, illi tribuit colores qui funt objectorum V, X, Y, quoniam in illud folum aciem fuam intendit. Et oculi A, B; C;, D, E, F, videntes objetta T, V, X, Y, Z, & per | tranfverfa vitra N, O, P, & in fpeculis C, R, $, illa judicant effe in punétis G, H, I,K, L, M, | & V, Z minora, & X, €c. majora quàm revera 612 Œuvres DE DESCARTES. FAR TES funt; vel etiam X, €c. minora & fimul inverfa, quum fcilicet longius ab oculis C, F poñita funt; his vitris & fpeculis radios ab objectis venientes ita detorquentibus ut ab his oculis diftincte nequeant videri, nifi ita difpofitis ac fi punéta G, H, I, K, L, M intueri vellent, ut facilè cognofcent ii qui fatis | ad hæc attendent. Et eädem operâ videbunt quantum in Catoptricis majores noftri aberrarint, quoties in fpeculis concavis & convexis locum imaginum determinare conati fuerunt. 20. Notandum etiam modos diftantiæ cognofcendæ, quotquot habemus, valde dubios & incertos efle; quantum enim ad oculi figu- ram, illa fere nihil amplius mutat, quum objectum ultra quatuor aut quinque pedes remotum abeit; etiam, quum propius adeft, tam parum variat ut vix quicquam accurati ex illà mutatione difcerni poffit. Et quantum ad angulos inclufos lineis ex duobus oculis aut ex duabus ejufdem oculi ftationibus ad objecta ductis, illi etiam fere iidem femper manent, quum paulo longius profpicimus. Ex quibus fit ut nequidem fenfus nofter communis ideam diftantiæ capere pofle videatur ultra centum aut ducentos pedes abduétæ; atque hoc patet ex eo qudd Luna & Sol, quæ funt e numero corporum remo- tiffimorum quæ contueamur, & quorum diametri ad diftantiam* circiter funt ut unum ad centum, pedales ut plurimum vel ad fum- num bipedales nobis videantur, licèt ratio dictet illos longe maximos & remotiffi|mos effe. Hoc enim non evenit quôd majores illos fingere nequeamus, quum turres & montes multo majores imaginemur & videamus ; fed propterea quèd cogitatione ultra centenos aut ducenos pedes illos removere non pofflumus, inde fequitur diametrum illorum unius aut alterius | pedis videri. 21. Ipfe quoque fitus in hoc nos decipit; nam plerumque hæc aftra circa meridianum in cœli vertice minora apparent quäm quum funt in ortu vel occafu, & occurrunt inter ipfa & oculos noftres diverfa objetta quæ judicium de diftantià melius informant. Et Aflronomi, cum fuis machinis illa dimetientes, fatis experiuntur hoc, qud ita jam majora, jam minora appareant, non ex eo contin- gere quod modù fub majori, modù fub minori angulo videantur, fed ex eo quod longius diffita judicentur,quia tam verfüs horizontem quàm verfüs verticem fub eodem femper angulo ea confpici depre- hendunt : ex quibus patet non omnino verum efle Opticæ veterum axioma, quo magnitudines corporum apparentes vifionis angulis ftatuuntur proportionales. a. circumferentiam Æ/7. 131 k À “À : RFAY 47 132 133 145-147. DIoPTRICE. 613 22. Fallimur etiam in eo quôd corpora alba vel luminofa, & in univerfum omnia illa quibus ineft multum roboris ad movendum vifionis fenfum, femper paulo majora & propiora appareant quàm fi minus virium haberent. Caufa vero ob quam propiora videntur, hæc eft quod motus, quo pupilla arcendi vehementioris luminis gratià conftringitur, tam arcte cum altero cohæret, qui totum oculum difpo- nit ad fubtilius pervidenda objecta propinqua eorumque diflantiam dignofcendam, ut neuter ad efleétum deduci queat, quin aliquan- tulum ex altero admiffceatur ; eodem fere modo quo anteriores duos digitos contrahere nequimus, quin fimul tertius paululum cum illis incurvetur. Et ratio ob quam corpora luminofa vel alba majora apparent, non tantum in eo confiftit quod judicium magnitudinis ex [diftantiæ æftimatione pendeat, fed etiam in eo qudd imagines eorum majores in oculi fundo formentur. Notandum enim extre- mitates capillamentorum nervi optici, quamvis minimas, tamen alicujus efle craflitiei, adeo ut fingulæ ex illis in un fui parte ab uno objecto, & in alià ab alio, attingi poflint; quum autem unico tantüm modo fingulis vicibus moveri queant, quoties aliqua, quantumvis exigua, ex illis partibus à corpore aliquo valde lucido impellitur, dum interim aliæ nonnifi à minus illuftribus tanguntur, totum capillamentum ejus objecti, quod lucidiflimum eft, motum fequitur, & folam ejus imaginem ad cerebrum transfert. Ut fi fint extremi- tates capillamentorum 1, 2,3, & radii, in fundo oculiftellæ imaginem pingentes, diffundantur in 1, paululumque tantüm in circuitu fex vicinarum 2 oras contingant {in quas fupponimus nullos alios radios effundi, præter admodum debiles à partibus cœli huic ftellæ vicinis), effigies ejus ftellæ per totum fpatium extendetur in quo funt fex capillamentorum extremitates 2, & fortè etiam per illud totum quod aliæ duodecim 3 occupant, nempe fi lucis actio fit tam fortis ut illas etiam valeat commovere. 23. Unde cognolcimus ftellas, quamvis pro verà magnitudine exiguas, tamen pro vaito illo intervallo quo diftant, longe majores quàam fint apparere. Et præterea, quamvis globofæ non effent, tales tamen illas apparituras, ut{|etiam turris quadrata, procul vifa, rotunda apparet. Et nulla corpora, quæ parvas in oculo imagines repræfentant, figuram angulorum fuorum exprimere poflunt. 24. Denique, quod attinet ad judicium de diftantià objecti vifi, quod à magnitudine, figurà, colore aut lumine ejus pendet, quàm totum illud fit fallax, vel fola Perfpectiva fatis docet. Sæpe enim imagines fecundum ejus præcepta pictæ, ex hoc folo quôd fint minores, habeantque lineamenta minus diflincta & colores obfcu- « 614 OEUVRES DE DESCARTES. 147-149 riores, vel potius debiliores, quàäm nobis perfuadeamus efle oportere ut objectum vicinum repræfentent, multo remotiores quàm revera fint apparent. CAPUT SEPTIMUM. De modis vifionem per ficiendi. 1. Poftquam fatis accurate quæfivimus quà ratione vifio fiat, breviter hic repetamus & nobis quafi ob oculos ponamus omnes conditiones requifitas ad ejus perfectionem, ut, cognofcentes quo- modo natura fingulis jam profpexerit, exacte per enumerationem difcamus quantum arti addendum reliquerit. Omnia quæ hic attendi debent, ad tria primaria reduci queunt | : objecta fcilicet; organa interiora, quæ attiones illorum recipiunt, & exteriora, quæ has actiones difponunt ut quo decet modo recipiantur. Quantum ad objecta, fufficit nofle alia propinqua & accelfa, remota alia efle & inacceffa; & præterea quædam magis, quædam minus illuminata; ut nempe advertamus nobis liberum elle accefla magis aut minus removere, lumenque quo illuftrantur | augere vel minuere, prout magis commodum eft; in aliis autem nihil tale licere. Deinde, quod attinet ad organa interna, nervos fcilicet & cerebrum, certum eft illorum ftructuræ per artem nihil adjici poffe : neque enim noftrüm aliquis novum corpus fibi fabricare poteit, & fi forfan Medicorum opera nonnihil ad immutandam corporis humani zonititutionem poflit juvare, hoc eft extra noftrum argumentum. Ac proinde fola organa exteriora noftræ confiderationi relinquun- tur : quo nomine, non modù corpora omnia quæ inter oculum & objecta locari poflunt, fed etiam oculi partes omnes quæ pellucidæ funt, complector. 2. Et omnia quæ hic curanda funt, ad quatuor capita reduco. Quorum primum : ut omnes radii qui in aliquâ extremitatum nervi optici fftuntur, ex unico tantüum objecti puncto, quoad fieri poteft, fluant, neque ullo modo in fpatio interjacente violentur; id enim nifi fiat, imagines, quas formant, nunquam fatis diftinétæ erunt, nec fideliter corpus | à quo emanant repræfentabunt. Secundum : ut hæc fimulacra magna fint, non quidem extenfione loci (neque enim ultra exiguum illud fpatium, quod eit in oculi fundo, occu- pare pollunt), fed lineamentorum & ductuum fuorum extenfione : 135 136. 149-151. DIoPTRICE. GI$ certum quippe, quo illa majora, ed melius dignofci poile. Tertium : ut radiis tantum roboris, ad movenda nervi optici capillamenta, fit ut fentiri poflint, non tamen tantum ut vifum lædant. Quartum : ut ex plurimis objectis imagines in oculo fimul formentur, atque ita eodem obtutu infpicientibus plurima pateant. 3. Natura tamen, ut primo profpiceret, multa adhibuit. | Etenim, pellucidis & nullo colore imbutis humoribus oculum replens, effecit ut actiones extrinfecus venientes fine ullà mutatione ad fundum illius pertingant. Tum etiam, per refraétiones quæ in humorum iftorum fuperficiebus fiunt, hoc egit ut radii, fecundüm quos hæ actiones tendunt, ex eodem objecti punto proveéti in eodem nervi optici punéto iterum coëant : & confequenter reliqui, ab aliis punétis venientes, tam accurate ac fieri potelt, in totidem aliis colligantur. Credere enim debemus naturam hâc in re quic- quid fieri poteft præftitifle, quia nihil in contrarium experimur. Sed potius videmus illam, defeétûs minuendi caufà qui necefla- riù | femper aliquis in hâc radiorum colleétione reperitur, vim pupillam tantum arétandi nobis dedifle, quantum vehementia luminis permittit. Deindé, per colorem nigrum, quo omnes oculi partes, non pellucidas, retinæ obverfas imbuit, curavit ne radii ulli peregrini verfüs illam refleéterentur. Ac denique, per mutatio- nem figuræ oculi, effecit ut, licet objecta jam magis jam minus removeantur, radii tamen à fingulis punétis venientes, quantum poflint exacte, in totidem aliis in oculi fundo colligantur. 4 Verumtamen non adeo follicite poftremæ huic neceflitati cavit, ut nihil arti addendum reliquerit; non mod enim nemini noftrûm vulg conceflit, fuperficies oculorum tantum incurvare ut objeéta valde propinqua, nempe nonnifi uno aut dimidio digito à nobis diftantia, cernere poflimus; fed magis etiam quibufdam de- fuit, quorum oculos ita formavit ut nonnifi contemplandis longe poñitis inferviant, quod fenioribus familiare eft; nec minus iis quibus contra tales oculos dedit ut propinqua tan/tüm contueri poflint, quod junioribus fæpius ufuvenit. Adeo ut oculi oblongiores & anguftiores quàm par fit, initio formari videantur, inde paulatim progredientibus annis dilatari & comprimi. 5, Utigitur arte hos defectus tollamus, | primd neceflarium erit figuras quærere, quas fuperficies vitri aut alterius pellucidi corporis requirunt ad incidentes radios ita incurvandos, ut omnes ex aliquo objeéti punéto emifli ita illas permeando difponantur ac fi ex alio punéto longius aut propius polito venirent : propius fcilicet, in eorum ufum quorum acies ad remota non valet : longius, tam pro 616 Œuvres DE DESCARTES. 151-153, fenioribus quàm in univerfum pro omnibus iis qui objecta propius admota cernere volunt, quàm oculi figura permittit. Nam oculus, ex. or. B vel C, ad id fadtus ut omnes radios effufos ex punéto H vel I in medio fui fundi colligat, quum fimul illos ex punéto V vel X colligere nequeat, perfpicuum ef, interjeéto vitro P vel O, quod omnes radios punéti V vel X ad oculum mittit tanquam fi venirent ex puncto H vel I, hunc defectum fublatum iri. 6. Deinde, quum non unius tantüm figuræ vitra idem ac|curate efficere poflint, ad eligenda | noftræ intentioni aptiflima, duæ con- ditiones præterea veniunt confiderandæ. Horum prima : ut figuræ fimpliciffimæ, id eft, delineatu ac politu facillimæ fint. Altera : ut illorum ope radii ex aliis objecti punctis digrefli, ut E, E, ad eundem circiter modum oculum intrent ac fi ex totidem aliis punc- tis venirent, ut F, F. Et notemus hic circiter, non quantum fiert poteft, dici; præterquam enim quôd dificile forfitan foret, ex infinito numero figurarum huic eidem rei infervientium, eam quæ omnium aptiflima eft geometrice demonitrare, eflet etiam inutile; neque enim eædem procul dubio efflent aptiflimæ ad vifum illuf- trandum, quum ne oculus quidem ipfe omnes radios ex diverfis punétis manantes in totidem aliis colligat. 7. Nec omnino poffumus hâc in re eligere, nifi præterpropter, quum figura oculi accurata minime nobis explorata fit. Opera præterea danda erit, quoties hujufmodi corpus oculis noftris admo- vebimus, ut naturam, quantum fieri poterit, in omnibus quæ in fabricà illorum obfervavit, arte imitemur, nec ullum commodum quod illa dedit negligamus, nifi forfan ut aliud majus eo ipfo lucremur. 8. In magnitudine imaginum obfervandum eft tribus illam tan- tummodo rebus inniti : diftantiæ fcilicet quæ inter objectum & locum ubi | radii ex fingulis punétis ad oculi fundum mifli decuf- fantur ; deinde diftantiæ quæ inter eundem locum & oculi fundum; & poitremd refractioni horum radiorum. Sic cuivis patet ima- ginem RST majorem fore, fi objetum VXY propius accederet ad K, ubi radii VKR & Y KT decuflantur, aut potius ad | fuper- ficiem BCD, ubi proprie decuffari incipiunt, ut poftea videbimus; vel etiam fi oculum magis oblongum reddere poflemus, ut diftantia major foret inter fuperficiem BCD quæ hos radios decuflat, & fundum oculi RST; aut tandem, fi refractione non tam introrfum ad S, fed potius extrorfum, fi fieri poflet, incurvarentur. Et quidquid ultra hæc tria imaginemur aut moliamur, nihil tamen inveniemus quo imago grandior reddi poflit, TA Te a Œ 4 mn. à * & 140 141 153-155. DIOPTRICE. 617 9. Ipfum etiam pofteriori loco nobis notatum vix memorabile ef, quum nunquam nifi parum admodum imago illius ope augeatur, idque cum tant difhcultate ut femper minori operà per alia fieri poflit, quemadmodum mox intelligemus. Ipfam enim naturam videmus hoc neglexifle : nam, procurans ut radii VKR & YKT introrfum curventur ad S, permeando fuperficiem BCD & 123, imaginem RST minorem delineavit quàm fi ita cunéta ordinaffet, ut extrorfum curvarentur; ut fit ad 5 in fuperficie 456, aut fi omnino rectos reliquiflet. Nec magis opus eft primum confiderare, | nifi pateat acceflus ad objecta; fi verd pateat, manifeftum eft, què propius illa contueamur, tantù majorem imaginem in oculo reddi. Naturà autem non permittente propius oculis admota quàäm ad diftantiam dimidii pedis, aut circiter, commode à nobis cerni, ut artificium, quantum potelt, huic obftaculo medeatur, opus folum- modo vitrum, quale eft P de quo paulo ante locuti fumus, inter- ponere : cujus ope radii venientes ex punéto, proximo quoad licet, in oculum intrant, tanquam fi ex alio ulterius remoto venirent. Maximum itaque, quod hàc operà fieri poteft, eft ut tantum duo- decima vel decimaquinta iftius diftantiæ pars requifratur inter oculum & objeétum, quæ ibi aliàs effe deberet; & ita radii, ex variis objecti punétis manantes, duodecies* aut quindecies pro- piores oculo decuffati (vel etiam paulo magis, quum non ampliùs in oculi fuperficie decuffandi initium fumant, fed potius in vitro cui propius objeétum adhærebit)}, imaginem delineabunt cujus diameter duodecies* aut quindecies major erit quàm omiflo hoc vitro fuiffet : & confequenter fuperficies ducenties circiter major erit, totiefque objectum diftinctius repræfentabitur; & eädem operà multo majus fimul apparebit, non quidem accurate ducenties, fed magis aut minus, prout | magis aut minus remotum illud judicabimus. Si enim ex. gr. infpiciendo objectum X per tranfverfum vitrum P, oculum noftrum C difponamus eodem modo quo difponi deberet ad contemplandum aliud objeétum, quod viginti aut triginta pañlibus à nobis diftaret, & nullam aliunde loci cognitionem in quo illud fitum fit habentes, triginta paflibus abefle judicemus”, decies millies majus videbitur quam revera eft, adeo ut elephas ex pulice poñlit fieri : certum enim eft imaginem quam pulex in oculi fundo | deli- neat, quum tam prope adeit, æque magnam efle ac illa quam elephas depingit triginta pañlibus inde remotus. 10. Et huic foli innititur inventio confpicillorum unico vitro a, decies Elz. b. indicemus Ib. Œuvres. I. 8 618 OŒEuvres DE DESCARTES. 155-157 conftantium, quorum in augendis & fubtilius pervidendis rebus fa- miliaris & ubivis cognitus ufus ef, licèt vera illorum figura parum hactenus innotuerit; & quoniam, ut plurimum, quoties illis utimur, fcimus objectum valde propinquum elle, nunquam tam magnum videri poteit quàm fi ulterius remotum imaginaremur. 11. Unicus tantüm adhuc modus has imagines augendi reftat, quo nempe efficimus ut radii, ex diverfis punctis mifli, quàm longif- fime fieri poteft ab oculi fundo decuflentur; fed utilifimus omnium fine dubio & maximi momenti eft. Unicus, utpote qui ad objecta, tam accefla quàm inaccella, ufum fuî præbere poflit, & cujus effetus nullis terminis circumfcribitur; ita ut hujus ope imagines femper in majus augendo ufque ad indefinitam quantitatem expandere pof- fimus. Ut, quum ex. gr. primus | humorum quibus oculus refertus eft eandem propemodum refraétionem efficiat quam aqua com- munis, fi proxime admoveamus tubum aquâ plenum, ut EF, cujus extremitas claudatur vitro GHI, quod figuram habeat fimilem membranulæ BCD illum humorem tegenti, & eodem modo ad intervallum quo ab imà oculi parte diftabit refpondentem, nulla am- plius refraétio fiet in illà membranulà BC D, fed ea quæ antea ibi fiebat, efliciens ut omnes radii, ex eodem punéto digrefli, in eû re- gione incurvarentur, atque ut poftea in eodem nervi optici punéto coïrent, & confequenter omnes ex diverfis punétis allabentes ibi decuffarentur, ut poftea in diverfis aliis | punétis hujus nervi fifte- rentur, fiet in iplo tubi aditu G HI; & ita hi radii ibi decuffati ima- ginem R ST longe majorem delineabunt quàm fi tantum in fuper- ficie BCD id fieret; & qud magis in longum hic tubus porrectus erit, tanto majores etiam imagines erunt. Et fic, aquà E F peragente munus humoris K, vitro GH I membranulæ BC D, & tubi aditu GI pupillæ, vifio eâdem ratione fiet ac fi oculum natura | in tantum porrexiflet, quanta eft longitudo hujus tubi. 12. Ubi haud aliud fuerit confiderandum, nifi quèd naturalis pu- pilla non tantüm inutilis fit hoc cafu, fed etiam noceat, anguitià fuà radios excludendo qui aliàs in latera fundi oculi inciderent, & ita impediendo imagines tantum diffundi quantum diffunderentur, fi minus angufla foret. 13. Atque hic eft advertendum particulares illas refractiones, quæ paulo aliter in vitro GHI quàm in aquà EF fiunt, minimi mo- menti efle & vix dignas confideratione: nam, quum hoc vitrum ubivis æque craffum fit, licèt exterior fuperficies magis hos radios incurvet quàm aqua, ftatim interior rurfus in eundem fitum illos| reducet. Et ob eandem hanc caufam, nullam fupràa mentionem 142 157-150. DioPTRICE. 619 fecimus refraétionum quas efficiunt membranæ, humores oculi in- volventes, fed tantummodo illarum quas pariunt ipfi humores. 14. Sed, quum aquam, hâc ratione quà diximus, oculo jungere operofum, nec magis obvium accurate determinare figuram vitri GHI, quum illam membranæ BCD, cujus vicem fupplere debet, non fatis nofcamus, alio invento uti confultius erit, & efficere, unius aut plurium vitrorum ope, vel etiam aliorum corporum pellucido- rum, tubo incluforum, fed non tam prope oculis junctorum quin paululum aëris intercedat, ut in ipfo tubi aditu radii ex eodem punéto venientes | ita incurventur ut poitea coëant in alio puncto, quod non multum abfit à fundo oculi per tubum iftum refpicientis; -& præterea ut iidem radii ex tubo egredientes rurfus flectantur & difponantur tanquam fi non fuiffent ante incurvati, fed tantum ex propiori loco venirent; & fimul, ut ii qui ex diverfis punétis alla- bentur, in primo tubi aditu decuffati, non rurfus egrediendo decuf- fentur, fed eodem modo ad oculum tendant ac fi ex objeéto majori aut propiori venirent. Ut, fi tubus H F folido vitro impleatur, cujus fuperficies GHI illius figuræ fit ut omnes radios venientes ab X verfüs S mittat, & altera fuperficies K M illius ut eofdem egre- dientes ita frangat ut inde ad oculum tendant, tanquam fi venirent à punéto x {quod ita locatum fingo ut eandem proportionem inter fe lineæ x C & CS habeant, quam X H & HS; punétum enim X multo remotius ab oculo putandum eft quàm in figurà potuit exhiberi), ti, qui ab V, illos neceflario in fuperficie GHI fecabunt, | ideoque jam remoti ab illis exiftentes quum ad alteram tubi extremitatem per- venerint, fuperficies KM non poterit eflicere ut rurfus ad invicem accedant, faltem fi fit concava, qualis hic fupponitur; fed ad oculum cos remittet eodem fere modo ac fi venirent ex punéto y. Quo iplo, imaginem tanto majorem delineabunt quanto tubus longior erit; neque hic neceflarium | figuram fuperficiei BC D accurate nofle ad determinandam illam corporum pellucidorum, quæ huic ufui deiti- namus. : 15. Sed, quoniam & hîc difficultas non levis, in inveniendis fci- licet vitris aut aliis corporibus ejufcemodi fatis craflis ad implen- dum tubum, fatis itidem pellucidis lumini tranfmittendo, totum interius tubi fpatium vacuum relinqui poteit, & duo tantüum vitra, ejufdem effectüs cujus duæ fuperficies GHI & KLM, duabus ex- tremitatibus illius applicari. Atque hoc unico totum telefcopiorum inventum nititur, quod occafionem hoc argumentum tractandi mihi dedit. 16. Tertio autem requifito ad perfectionem vifionis, quatenus 620 OŒEuvres DE DESCARTES. 159161. organa exteriora illam juvant (ne fcilicet actiones, | fingula capilla- 145 menta nervi optici moventes, nimis debiles aut vehementes fint), ipfa natura egregie profpexit, datà nobis poteftate pupillam oculi vel contrahendi, vel diducendi. Sed | interim etiam aliquem arti locum reliquit. Primd enim, fi actio fit tam vehemens ut pupilla, quantum etiam arctetur, illam fufferre nequeat (quod Solem intuen- tibus evenit), facile eft huic rei mederi, applicato ad oculum corpore aliquo nigro, unico angufto foramine pertufo, quod munus pupillæ peragat; vel etiam refpiciendo per nigrum byflinum, aut fimile aliud corpus, quod, exclufà radiorum parte, non plures ex illis oculum ingredi permittat, quàm quot nervo optico moderate & fine læfione movendo fuffcient. 17. Sin contrà debilior eft actio quàm ut fentiri queat, roborari poteft (certe fi ad objecta pateat acceflus), radiis Solis illa expo- nendo, iifque etiam fpeculi vel vitri uftorii ope collectis, ut tanto plus virium habeant, modù tamen ne tantum iis detur ut objecta urant & corrumpant. 18. Præterea, quoties fpecillis de quibus diximus utimur, quum pupillam inutilem reddant, & exterior tubi apertura, quæ lumen admittit, illius officio fungatur, hæc etiam eft quæ, prout vifionis vim frangere vel augere cupiemus, arétanda erit vel laxanda. Et notandum, fi hæc apertura nihil pupillà laxior foret, radios minus vehementer aéturos in fingulas fundi oculi partes, quäm fi fpecilla non admoverentur : idque eàdem proportione quà hæc fpecilla imagines, quæ ibi formantur, augerent, etiam non numeratis is radiis qui, à fuperficiebus vitrorum interpofitorum rejecti, nihil > prorfus virium haberent. | 19. Sed multo majorem iflam aperturam facere licet, & {| 146 quidem eù majorem qu vitrum radiis replicandis deftinatum punéto illi propius eft, ad quod exterius vitrum, in quo radii ifti plicantur, ipfos agit. Nam, fi ex. gr. vitrum G HI efficiat ut omnes radii punéti illius quod contemplamur tendant ad S, iique iterum erigantur per vitrum KLM ita ut inde paralleli ad oculum defe- rantur ; ad inveniendam maximam latitudinem quam tubi apertura admittit, diftantia inter K & M æqualis fumenda eft diametro pu- pillæ, & inde duétis duabus reétis ex puncto S per K & M, fcilicet SK proferendà ad g, & SM ad à, gi diametrum quæfitam dabit. Nam manifeftum eit, licèt major foret, non plures radios oculum ingrefluros ex puncto ad quod aciem noftram dirigimus, & eos qui præterea ex aliis locis accederent, quoniam vifioni non prodeflent, iis qui prodeflent fe admifcendo, illam tantüm magis confufam red- à + PRET MER EEE ee LR RS NA 110884 É Es à Lt ENS" + x RL ste à | rh 147 161-163. DIoPTRICE. G21 dituros. Sed, fi loco vitri KLM adhibeamus km, quod ob fuam figuram propius ad S accedere debet, iterum diftantia inter punéta k & m æqualis diametro pupillæ fumenda erit : inde, duétis rectis SkG & Sml, GI diametrum aperturæ dabit qui quærebatur : |qui, ut videmus, tanto major eft quàm g’, quant SL major quàm S/. Et fi hæc linea S/ non major erit quam oculi | pupilla, æque fere vifio acuta erit & lucida ac fi perfpicillum abeflet, & objecta tantd propiora forent quant jam majora videntur. Adeo ut fi ex. gr. tubi longitudo efficiat ut objecti imago triginta milliaria diflantis tam ingens in oculo formetur quàm fi non ultra triginta paflus remotum foret, latitudo aditûs, qualem hic determinavi, tam lucide hoc ob- jeétum exhibebit quàm fi vere triginta pailus diftans fine telefcopio illud intueremur. Et fi hanc diflantiam inter S et / adhuc minorem reddamus, adhuc magis perfpicue cuncta apparebunt. 20. Sed hoc præcipue tantüm ufuieft quum objecta funt inaccella : nam quoties ad illa licet accedere, quo propius eis fpecillum admo- vemus, eù arctior ejus apertura exterior elle poteit, nec ullum inde vis vifionis capit detrimentum. Quemadmodum bhîc videmus totidem radios, ex punéto X, parvum vitrum g? quot magnum GI intrare. Et omnino hæc apertura non major effe poteit vitris ipfam claudentibus, quæ, ob requifitam figuram, certam quamdam magni- tudinem, paulo pôft determinandam, excedere non debent. 21. Si interdum lumen ab objectis nimis vehemens effundatur, facilè illud minuetur, tectis circumcirca extremitatibus vitri | exterioris : & hoc melius erit quam aliud magis obfcurum aut colo- ratum fubftituere; quod multi Solem contemplantes facere folent : qu enim anguftior aditus, ed melius fingula dignofcentur, ut fuprà de pupillà agentes diximus. Obfervandum etiam præftare hujus vitri oram ex|trinfecus tegere quàm intrinfecus, ne forfan reflexiones, quæ ibi nonnullæ fierent, radios aliquos ad oculum mittant; ii enim ad vifionem nihil conferentes, ut fuperflui, ei nocerent. s 22. Unicum tantummodo fupereit quod hæc organa exteriora fpeétat, fcilicet ut maximam, quoad fieri poteit, copiam objettorum eodem tempore confpiciamus. Et notandum hoc nullo modo requiri ad. perfectionem melius videndi, fed tantüm ad commoditatem videndi plura; imo fieri non pofle ut amplius quàm unum objectum fimul diftinéte intueamur : adeo ut hæc commoditas, plura confufe interea videndi, nullum ufum habeat, mifi ut fciamus in quam partem oculus poftea detorquendus, ad contuendum id quod accu- ratius volumus confiderare. Et huic rei natura ita profpexit ut omnem aliquid addendi occafionem arti præripuerit : Imù, quû G22 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 163-165. magis, ope quorumdam fpecillorum, magnitudinem lineamentorum imaginum in oculo formatarum augemus, éd pauciora illa objecta reddunt; quoniam fpatium quod occupant nullà ratione poteft augeri, nil fortè aliquantulum, fi nempe | invertantur, quà arte ob alias caufas cenfec efle abftinendum. Sed facile eft, fi ad objecta pateat acceflus, illa ipfa eo in loco ponere, in quo perfeétiflime per fpeculum poflint videri; fi ver non pateat, fpecillum ipfum machinæ imponere ita aptatæ ut ejus ope commodiflime in quodlibet deter- minatum objeétum convertatur. Atque ita, licèt Hanc quartam con- ditionem nequeamus adimplere, nihil tamen ejus defiderabitur propter quod erat expetenda. 23. Poftremd, ne quidquam hîc omittamus, eft adverten/dum defectus oculi, qui in eo confiftunt quôd figura cryftallini humoris, vel etiam magnitudo pupillæ, non fatis pro arbitrio noftro immu- tentur, ufu paulatim minui pofle & corrigi : ham, quum hic humor & hæc tunicula pupillam continens fint veri mufculi, functio illorum iplo ufu augetur & facilior redditur, quemadmodum & reliquorum totius corporis mufculorum. Et propterea venatores ac nautæ, in jugi exercitio longe pofita videndi, fculptores etiam aut alii fubtililum operum artifices, in exercitio admodum propinqua, plerumque promptitudinem acquirunt acutius illa qguàm reliqui homines intuendi. | 24. Et ita proculdubio Indi, qui fixo obtutu Solem contemplati feruntur, nihil læfà vel obfcuratà luminis acie, quotidie illuftria objetta infpicientes, afluefacti fuere magis quam nos pupillam contrahere. Verum hæc Medicinæ magis propria, cujus ef, | cor- rectis naturalibus organis, vifionis vitia tollere, quam Dioptricæ, quæ defectibus iifdem, applicato aliquo organo artificiali, medetur. CAPUT OCTAVUM. De figuris quas pellucida corpora requirunt, ad detorquendos refraclione radios, omnibus modis vifiont infervientibus. 1. Hæc autem organa quà ratione perfectiflima fieri poflint, ut accuratius mox percipiamus, neceflarium eft non prætermittere explicationem figurarum quas exigunt fuperficies corporum pelluci- dorum, ad detorquendos & incurvandos luminis | radios, omnibus modis qui vifioni conducunt. Quæ fi non cuivis fatis clara & per- « 149 150 151 166-167. DIoPTRICE. 623 |] fpicua videbitur, utpote Geometrica & paulo difficilior, ad minimum illis fatis manifefta erit, qui | prima hujus fcientiæ elementa perce- perunt. Et in primis, ne ulli diu exfpectatione fufpenfi teneantur, fciendum omnes figuras, de quibus fermo hîc inftituitur, ex ellipf & circulo, vel ex hyperbolà vel ex lineà retà, compofitas fore. 2. Ellipfis efl linea curva quam Mathematici, tranfverfim conum vel cylindrum fecando, repræfentare folent, quà etiam topiarios interdum uti videmus, inter cæteras areolarum & pulvillorum figuras quas in hortis fuis diverfimode concinnant : à quibus quidem fatis craffe & incorrecte defcribitur, fic tamen ut melius natura illius hinc innotefcat quàm ex cylindri aut coni fectione. Duos palos humi defigunt, alterum ex. gr. in punéto H, alterum in punéto I, & nodo junctis duabus extremitatibus reftis, paxillis illam circumponunt hoc modo quo videmus BHI. Deinde immiflo digito, hos palos circumeundo & reftim femper eâdem vi addu- cendo, ut æqualiter fcilicet intendatur, lineam curvam DKB humi defignant, quæ eft ellipfis. Et fi, non mutatà longitudine funis, palos tantüum H & I aliquanto propius ad invicem admoveant, aliam denuo ellipfim defcribent, fed alterius fpeciei quàm prior; & fi adhuc propius, | itidem aliam; poftremd, fi omnino con||jun- gant, circulum defcribent. At fi longitudinem reftis eâdem pro- portione imminuant quà diftantiam paxillorum, defcribent quidem ellipfes diverfarum magnitudinum, fed quæ erunt omnes ejufdem fpeciei. Atque ita perfpicuum eft illas infinitarum variarum fpecie- rum effe pofle, adeo ut unaquæque non minus diftet à quälibet alià quàm omnium ultima à circulo; & præterea illas, cujufque fpeciei, infinitarum magnitudinum efle pofle. Item etiam hinc apparet, fi ex aliquo puncto pro arbitrio in ellipf electo, ut ex. gr. B, duas rectas agamus ad punèta H & I, ubi pali ad illam defignandam defixi fuere, has duas lineas BH & BI junctas maximæ illius diametro DK æquales fore : quod vel ipfa conitructio probat. Pars enim funis, extenfa ab I ad B & inde replicata ad H, eadem eft quæ porreéta ab I ad K, velad D, inde itidem recurrit ad H : ita ut DH fit æqualis' IK, & HD plus DI (quæ tantum valent quantum HB plus BI) toi DK æquales fint. Et infuper ellipfes, quæ def- cribuntur obfervando femper eandem proportionem inter harum maximam diametrum & diftantiam inter punéta H & I, funt ejufdem fpeciei. Atque ob quandam proprietatem horum punc- torum H & I, quam paulo pôit difcemus, foci .nobis vocabuntur, a. æquale Æ/7. 624 OEuvres DE DESCARTES. 167-170. unus interior, alter exterior : fcilicet fi referantur ad illam ellipfeos mediam partem quæ ad D, I erit exterior; fi verd | ad alteram quæ ad K, idem Ï erit interior; & quoties in poiterum abfolute foci mentio fiet, femper exterior intelligendus erit. Præterea etiam fciendum, fi per hoc punétum B duas reétas LBG & CBE du- camus, quæ fe mutuo ad angulos rectos interfecent, & quarum altera LG angulum H BI in duas partes æquales dividat, al|teram CE hanc ellipfim contacturam in punéto B, ita ut ipfam non fecet. Cujus demonftrationem hic addere fuperfedeo, quoniam Geometræ jam fatis illam fciunt, & alii non fine tædio illi per- cipiendæ incumberent. Sed quod imprimis hic explicare ftatui, tale eff. Si ex eodem punéto B extra ellipfim proferamus reétam lineam BA parallelam maximæ diametro DK, & illà BA æquali fumptà lineæ BI, ex punctis À & I in LG duas perpendiculares AL & IG ftatuamus, hæ duæ pofteriores AL & IG eandem rationem ad invi- cem habebunt quam DK & HI. Adeo ut, fi linea AB fit luminis radius, & hæc ellipfis DBK in fuperficie corporis folidi pellucidi exiftat, per quod, juxta ea quæ fuprà diximus, radii facilius quàam per aërem tranfeant, eâdem proportione quà linea DK alterà HI major eit, hic radius AB ita detorquebitur in punéto B à fuperficie corporis hujus pellucidi, ut inde digreflurus fit verfus I. Et quo- niam hoc punétum B pro arbitrio | in ellipfi afflumptum eft, omnia quæ hic de radio AB dicuntur, in univerfum de omnibus intelligi debent qui paralleli axi DK in aliquod punétum hujus ellipfis cadunt : fcilicet omnes ibi ita detortum iri ut inde digrefli coëant in puncto I. 3. Atque hæc ita demonftrantur : primo, | quia lineæ AB & NI, itemque AL & GlT, funt parallelæ, triangula rettan{gula ALB & IGN funt fimilia : unde fequitur A L effle ad 1G ut AB ad NI]; vel, quia BI & AB funt æquales, ut BI ad NI. Deinde, fi HO ducatur parallela ipfñi NB, & IB producatur ufque ad O, manifeftum erit BI effe ad NIut OI eft ad HI, propter triangula fimilia BNI & OHI. Denique, quoniam duo anguli HBG & GBI funt æquales ex conftructione, angulus HOB, qui eft æqualis ipfi GBI, eft etiam æqualis ipñi OHB, qui nempe eft æqualis ipñi HBG; ac proinde triangulum HBO eft ifoiceles, &, cùm linea OB fit æqualis ipfi HB, tota OI eft æqualis ipfñi DK, quoniam duæ fimul HB &IB funt ipfi æquales. Et ita, ut ab initio ad finem omnia repetamus, AL fe habet ad IG ut BI ad NI, & BI ad NI ut OI ad HI, & OI eft æqualis DK; unde AL eft ad IG ut DK ad HI. 152 10 170-173. DIoPTRICE. 62 s 4. Adeo quidem ut, fi, ad defcribendam ellipfñim DKB, lineis D K & HI hanc proportionem demus, quam experientià didicimus [utilem metiendis refrationibus omnium radiorum qui oblique ex aëre in vitrum, aut aliud corpus pellucidum quo uti volumus, tranfeunt; & ex hoc vitro corpus expoliamus ejus figuræ qualem defcriberet hæc ellipfis, fi in orbem circa fuum axem DK rotaretur; radii in aëre paralleli huic axi, ut AB, ab, vitrum convexum illapfi, ita in ejus fuperficie detorquebuntur ut omnes inde progrefluri fint verfus focum I, qui ex | duobus H & I remotiflimus eft ab eo loco ex quo procedunt. Novimus enim radium AB in puncto B à fuper- ficie curvâ vitri, quod repræfentat ellipfs DBK, eâdem ratione detorqueri debere ac detorqueretur à fuperficie planâ ejufdem vitri, quam linea CBE repræfentat, in quà ex B refringi debet verfüs I, quum AL & IG fint ad invicem quales DK & HI, id eft quales elle debent ad dimetiendas refractiones. Et punto B pro arbitrio in ellipfi feleéto, quidquid de hoc radio AB demonftratum ef, debet etiam de aliis intelligi, qui erunt paralleli ipfñ DK & in alia hujus ellipfeos punéta cadent ; adeo ut omnes debeant tendere verfus I. Præterea, quoniam omnes radii qui ad centrum circuli vel globi tendunt, perpendiculariter incidentes in fuperficiem illius, nullam refraétionem pati debent, fi ex centro I circulum defcribamus, quo intervallo vifum erit, dummodo confiftat inter D & I, ut BQB, lineæ DB & QB, circa axem DQ rotatæ, defcribent figuram vitri quæ in aëre in punéto I omnes radios colliget, | qui ab alterà parte paralleli huic axi in aëre fuerunt; & vice verfà omnes venientes ex punéto I parallelos ab alterà parte exhibebit. 5. Et, fi ex eodem centro I defcribamus circulum RO), intervallo quo volumus ultra punétum D, felecto inde pro arbitrio in ellipfi punéto B, fic tamen ne longius diftet à | D quàm à K, ducamus rectam BO tendentem ad I, lineæ RO, OB & BD), in orbem ro- tatæ circa axem RDI, figuram vitri defcribent, quæ omnes radios parallelos huic axi, ab ellipfis parte, huc illuc ab alterà parte dif- perget, tanquam fi omnes venirent ex puncto Ï. Patet enim | ra- dium, ex. gr. PB, tantum detorqueri debere à fuperficie concavà vitri D BA, quantum AB à convexà feu gibbâ vitri DBK ; & con- fequenter BO in eàdem lineà rectà efle debere in quà BI, quum & PB in eâdem rectà fitin quà BA, & ita de reliquis. 6. Si verd in eädem ellipfi aliam minorem ejufdem fpeciei defcri- bamus ut dbk, cujus focus I in eodem loco confiftat in quo alter præcedentis etiam [, & alius focus À in eàdem rectà lineà in quà Pac Œuvres. I. 79 626 OEUVRES DE DESCARTES. as DH & verfus eandem partem, fumptoque | pro arbitrio B, utantea, rectam Bb ducamus tendentem ad I, lineæ DB, Bb, bd, in orbem rotatæ circa axem Dd, defcribent figuram vitri, quæ omnes radios, ante occurfum parallelos, poft tranfitum ïiterum parallelos reddet, fed in minus fpatium coactos, à parte minoris ellipfeos db, quam à parte majoris. Et, fi, ad evitandam craflitiem vitri DB bd, ex centro I defcribamus circulos QB & ro, fuperficies DBQ | & robd ftum & figuram duorum vitrorum minüs craflorum repræfenta- bunt, quæ idem eflicere poterunt. 7. Et, fi duo vitra DBQ & dbg, fimilia quidem, fed magnitudine inæqualia, hâc ratione difponamus ut axes eorum in eâdem rectà porrigantur, & duo illorum foci I in eodem loco concurrant, fuper- ficiefque circulares BQ & bg fibi invicem obvertantur, idem etiam omnino agent. 8. Et, fi hæc duo vitra DBQ & dbg, fimilia quidem, fed magni- tudine inæqualia, jungamus, vel quo libitum intervallo disjun- gamus, ita tamen ut eorum axes in eàdem reétà lineà exiftant, & fuperficies illorum ellipticæ adverfæ fint, omnes radios venientes ex foco alterutrius I in alterius itidem I fiftent. 9. Et, fi duo diverfa DBQ & DBOR etiam hâc ratione jun- gamus, ut fuperficies illorum DB & BD mutuû obvertantur, omnes radios venientes ex foco ? vitri DBQ di|fpergent, tanquam fi veni- rent ex I foco alterius vitri DBOR ; aut, vice verfà, omnes ten- dentes ad punétum I colligent in altero 2. 10. | Et poftremd, duo DBOR & D BOR, adverfis fuperficiebus DB, BD juncta, radios qui unum perlapfi tenderent inde ad pun- étum I, denuo ex altero egredientes diffundent, tanquam fi venirent ex alio punéto I. Et hanc diftantiam punctorum Î pro arbitrio au- gere poffumus, magnitudinem ellipfis, ex quà pendet, mutando. Atque ita, folà ellipfi & line circulari, figuram præfcribere poflu- mus omnibus vitris quibus radios venientes ex uno punéto, aut tendentes ad unum, aut parallelos, | alios in alios horum trium mu- temus omnibus modis quos poffumus imaginari. 11. Hyperbola eft etiam linea curva, quam Mathematici per fe- ctionem coni non fecus quàäm Ellipfim explicant. Sed, ut melius illam cognofcamus, topiarium iterum producemus qui, inter alias figurarum varietates quibus aream fui horti diftinguit, hanc etiam adhibeat. Denuo duos palos defigit in punctis H & I, annexâque, extremitati longæ regulæ, refti paulo breviori, alteram regulæ extremitatem perforat & ita injicit paxillo [, nodum autem, alterâ extremitate reftis nexum, palo H. Inde, pofito digito in punéto X 156 tr SE ax ls 2 = 176-178. DIoPTRICE. 627 ubi mutuo junétæ funt regula & reftis, defcendit ad D, arctè |interea regulæ junétam & velut agglutinatam reftim tenens : quâ operà, prout deducit digitum, regulam circa paxillum rotans, li- neam curvam XBD, hyperbolæ partem, in terrâ defcribit. Et poftea, converfà regulà in alteram partem, eâque prolatà ad Y, eodem modo alteram partem Y D defignat. Et præterea, fi transferat nodum fuæ reftis in paxillum I, & extremitatem regulæ in paxillum H, aliam | hyperbolen SKT defcribet, planè fimilem & oppofitam priori. Sed, fi, regulà & paxillis non mutatis, longiorem tantüm reftim admoveat, hyperbolen alterius fpeciei defignabit : &, fi adhuc paulo longiorem, adhuc alterius ; donec, ipfam regulæ planè æqualem reddens, reétam lineam loco hyperboles defcribet. Deinde, fi palxillorum diftantiam mutet eâdem proportione, quà differentiam quæ inter longitudinem funis & regulæ, hyperbolas ejufdem quidem fpeciei defcribet, fed quarum partes fimiles magni- tudine different. Et tandem, fi æqualiter augeat longitudinem relilis & regulæ, manente differentià illarum & paxillorum intervallo, non aliam hyperbolen defcribet, fed majorem illius partem. [lla enim hujus lineæ natura eft ut, licèt femper magis magifque ad eandem partem inclinet, tamen, in infinitum protenfa, nunquam extremitates fuas committat. Et ita videmus ipfam plurimis modis ad lineam reétam referri, quemadmodum ellipfis ad circularem; item infinitas diverfarum fpecierum effe, & fingularum fpecierum infinitas, qua- rum partes fimiles magnitudine differant. Et præterea, fi ex aliquo punéto, ut B, pro arbitrio in alterutrà ex ïis electo, duas reétas ducamus ad punéta H & I, in quibus duo pali defcriptioni infer- vientes defigi debent, & quæ itidem nominabimus focos, differentia [harum linearum HB & 1B femper æqualis erit lineæ DK, quæ diftantiam Hyperbolarum oppolitarum defignat. Hocque ex eo ap- paret, quod BI tantâ præcifè longitudine BH fuperet, quant reflis eâdem regulà brevior eft; & quôd etiam DI eâdem parte longior fit quàm DH. Nam, fi à DI auferas KI, | cui æqualis et DH, DK illorum differentiam habemus. Denique etiam videmus hyperbolas, quæ fervatà eâdem proportione inter DK & HI defcribuntur, omnes ejufdem fpeciei effe. Et infuper eft obfervandum, fi per pun- étum B, pro arbitrio in hyperbolà* afflumptum, reétam CE duca- mus dividentem angulum H BI in duas æquales partes, hanc ean- dem CE hyperbolen in punéto B tangere : cujus demonitrationem Geometræ in numerato habent. a. Hyperbolà] Ellipsi £/z. 628 OŒuvrEs DE DESCARTES. De 150 12. | Hinc etiam notemus, fi ex eodem punéto B ad interiora hyperboles rettam BA, parallelam axi DK, ducamus, & fimul per idem punétum B lineam LG, ad angulos rectos fecantem CE, pro- feramus, & deinde, fumptà BA æquali BI, à punctis A & I duas perpendiculares in LG mittamus, has duas pofteriores AL & IG eandem proportionem inter fe habituras, quam duæ D K & HI. Et confequenter, fi hanc hyperboles figuram vitro dederimus, cujus refractiones metimur per proportionem quæ inter lineas DK & HI, illam omnes radios, axi fuo in hoc vitro parallelos, extrinfecus colleéturam in puncto I, faltem fi convexum fit hoc vitrum; nam, fi concavum, alios ali difperget, tanquam fi venirent ex hoc punéto I. Quorum hæc efl demonitratio. Primd, | quia lineæ AB & NI, itemque AL & GT, funt parallelæ, triangula rettangu]la ALB & IGN funt fimilia; unde fequitur A L efle ad IG ut AB ad NI; vel, quia BI & AB funt æquales, ut BI ad NI. Deinde, fi HO parallelam ducamus ad LG, manifeitum eft ita fe habere BI ad NI quemadmodum OT ad HI, ob fimilitudinem triangulorum B NI & OHI. Poftremd, duobus angulis EBH & EBI ex conftructione æqualibus, & HO, quæ parallela LG, fecante ad angulos reéttos CE, duo triangula BEH & BEO omnino erunt æqualia. Et ita, BH bafñ unius | æquali exiftente BO bafi alterius, relinquitur OI diflerentia inter BH & BI, quam fupra diximus efle æqualem DK. Ideoque AL eft ad IG quemadmodum DK ad HI. Unde fequitur, obfervatà femper inter lineas DK & HI proportione quæ apta eft dimetiendis refractionibus vitri, aut fimilis materiæ quà uti animus eit, (ficut in defcribendà ellipf fecimus : hoc tantüm excepto, quod DK non poflit hîc efle nifi breviflima, cùm econtra, ubi de ellipfi agebatur, debuerit effe longiflima) fi delfcribamus partem hyper- boles quantamlibet, ut DB, & à B ad angulos rettos deducamus in KD rectam BQ ; duas lineas DB & QB in orbem circa axem DK rotatas, figuram vitri delineaturas, quæ omnes radios illud permeantes & parallelos axi in aëre à parte fuperficiei planæ BD, (in quâ nullam refraétionem patiuntur), colliget ab alterà parte in puncto I. 13. Et, fi, fatà hyperbole db quæ fimilis fit | præcedenti, reétam ro ubcunque libuerit ducamus, fic tamen ut, hyperbolä non fectà, ad perpendiculum in axem illius dk incidat, & duo puncta b & o per aliam reétam parallelam axi dk jungamus, tres lineæ ro, ob & bd, rotatæ circa axem dk, defcribent figuram vitri, omnes radios parallelos à parte fuperficiei planæ huc illuc ab alterà parte difper- gentem, tanquam fi venirent ex punéto I. 61 162 182-185. DIoPTRICE. 629 Et, fi, breviori fumptà lineâ HI ad defcribendam hyperbolen vitri robd, quam erat ad defcribendam alteram vitri DB Q, difpo- namus hæc duo vitra tali ratione ut axes illorum D Q, rd in eâdem rectà jaceant, & duo foci in eodem loco I, adverfis duabus fuperfi- ciebus hyperbolicis, omnes radios axi ante occurfum parallelos, poft tranfitum itildem parallelos, & magis in arétum coaétos à parte vitri robd quàm à parte alterius, reddent. Et, fi duo DBQ & dbg, fimilia quidem, fed magnitudine inæqua- lia, ita difponamus ut axes illorum DQ & dg etiam in eâdem reétà porrigantur, & duo foci in eodem loco I eoncurrant, | adverfis dua- bus fuperficiebus hyperbolicis, idem agent quod proximè præce- dentes, radios fcilicet axi ab unâ parte parallelos, etiam ab alterâ parallelos reddent, & fimul in arétius fpatium cogent à parte mi- noris vitri. Et, fi planas fuperficies duorum vitrorum DBQ & dbg jungamus, aut disjungamus intervallo quo lubet, obverfis tantum fuperficiebus planis, quamvis eorum axes in eandem rectam non coïncidant, modù tantüm fint palralleli; vel potius, fi componamus aliquod vitrum figuram duorum ita junétorum repræfentans, illius ope effi- ciemus ut radii venientes ex uno punctorum I in altero ab oppofità parte coëant. “ Et, fi fabricemur aliquod vitrum, quod habeat figuram duorum DBQ & robd, ita junétorum ut eorum fuperficies planæ fe mutud contingant, illud omnes radios venientes ex uno punétorum I difgre- gabit, tanquam fi venirent ex altero. Et poftrem, fi vitrum componamus ejufdem figuræ quam reddunt duo robd, quum ipforum duæ planæ fuperficies conjunétæ funt, efficiemus ut | omnes radii, qui convergentes in hoc vitrum feren- tur tanquam fi eflent ultra ipfum coituri in puncto I, | poftquam illud pertranfiverint, divergant tanquam fi venirent ex altero punéto I. Atque hæc omnia, meà quidem fententià, tam perfpicua funt ut fola contemplatio figurarum ad rei cognitionem fuflicere poflit. 14. Porro, eafdem mutationes radiorum quas explicavimus primÔ per duo vitra elliptica, deinde per totidem hyperbolica, & 166 duo alia producere poflunt, quorum hoc | hyperbolicum, illud ellipticum. Et, præter ea, infinita alia pofflumus imaginari, idem omnino agentia, fcilicet ut omnes radii venientes ex uno puncto, aut tendentes ad unum, aut paralleli, ex aliis in alios horum trium mutentur. Sed hoc loco de ïis verba facere fupervacuum arbitror, quoniam commodius in Geometrià poterunt explicari, atque ea quæ jam defcripfimus funt omnium aptiflima ad noftrum inftitu- * “ 630 Œuvres DE DESCARTES. 185-187. tum, quemadmodum hîc oftendere conabor, &, eâdem operà, ex- ponendo præcipuas omnes differentias quæ inter ipfa efle poflunt, quænam præ cæteris fint eligenda demonftrabo. 15. Harum differentiarum prima confiftit in eo, quôd figura unius delineatu longè facilior fit quàm alterius; & certum eft, poft lineam rectam, circularem, & parabolam, ex quibus folis talis vitri figura componi non poteft, nullam ellipfi aut hyperbolà fimpliciorem dari, ut cuivis inquirenti liquebit. Adeo quidem ut, quum linea reéta delineatu facilior fit quàm circularis, & hyperbole haud difficilior quàäm ellipfs, vitra quorum | figuræ ex hyperbolis & reétis lineis componuntur, facillimè omnium expoliri poffe videntur. Hinc fe- cundum locum tenent quæ circulis & ellipfbus conftant; reliquæ omnes, nobis non explicatæ, majoris funt operæ, « faltem quantum ex motuum quibus defcribuntur fimplicitate poteit judicari; nam, fi qui forfan artifices vitra fphærica commodiüs expoliant quàm plana, hoc contingit ex accidenti, & ad hujus fcientiæ theoriam, quam folam explicandam fufcepi, non fpectat ». 16. Secunda differentia in eo eft, quod, inter plura vitra eodem modo radios immutantia qui referuntur ad unum aliquod punétum, aut paralleli ab alterâ parte veniunt, illa, | quorum fuperficies funt minüs, aut minus inæqualiter, incurvatæ, ita ut refraétiones minüs inæquales producant, radios ad alia punéta relatos vel ab alià parte venientes, femper aliquanto accuratiüs, quam reliqua immu- tent. Sed, ad perfectam hujus cognitionem, obfervatu neceffarium eft, folam inæqualitatem curvaturæ linearum, quibus figuræ horum vitrorum componuntur, obftare quominus difpofitio radiorum qui referuntur ad plura diverfa punéta, aut paralleli veniunt ex pluribus diverfis partibus, æquè exactè mutetur atque illa radiorum qui ad unum tantüum punétum referuntur, aut veniunt ex unà eâdemque parte paralleli. Si enim, ex. gr., ad radios venientes ex punéto A colligendos in punéto B, fuperficies vitri interpofiti GHIK omnino planæ effe deberent, ita fcilicet ut linea recta GH, quæ unam ex is repræfentat, vim haberet efficiendi ut omnes ifli radii, venientes à punéto A, fierent | paralleli dum eflent in vitro, &, eàdem ratione, altera linea recta KI efficeret ut iidem, egredientes ex vitro, ten- derent verfus B, eædem hæ lineæ GH & KI efficerent etiam ut radii omnes venientes à puncto C tenderent verfus D, &, genera- liter, ut omnes ii qui ex aliquo punctorum lineæ rectæ A C (quam fuppono parallelam ipfi GH), verfus unum aliquod ex punétis rectæ BD (quam facio parallelam ipfi IK & tantumdem ab eà dif- tantem quantum AC diftat à GH), flecterentur : cum enim hæ 168 170 187-180. DIoPTRICE. 63 I lineæ GH & IK nullo modo incurvatæ fint, omnia | punéta aliarum AC & BD referuntur ad ipfas eodem modo. Simili ratione, fi effet vitrum quale LMNO (cujus fuppono fu- perficies LMN & LON efle duo æqualia fphæræ fegmenta), quod vim haberet efliciendi ut radii omnes egrefli ex puncto A cogerentur in punéto B, haberet eodem modo efficiendi ut omnes ex punéto C cogerentur in D; &, generaliter, ut omnes qui procederent ex uno aliquo punctorum fuperficiei C (quam fuppono efle fegmentum fphæræ idem centrum habentis quod LMN), colligerentur in uno aliquo ex punétis fuperficiei DB (quam itidem fuppono elle feg- mentum fphæræ idem habens centrum quod LON, & ab ifto centro æquè diftare atque AC diftat ab LMN; quoniam omnes partes harum fuperficierum LMN & LON) funt æqualiter curvatæ refpectu omnium punétorum | quæ funt in fuperficiebus C A & BD. 17. Sed, quia nullæ lineæ funt in naturà, præter rectam & circu- larem, quarum omnes partes eodem modo fe habent ad omnia punéta alicujus alterius lineæ, & neutra ex his fufficit ad compo- nendam figuram vitri quæ omnes radios, venientes ex Âliquo punéto, accuratè in alio colligere pofñlit, fatis liquet nullam earum quæ huic rei inferviunt, omnes radios, ex aliquot punétis elapfos, accuratè in aliis punétis coaéturam; &, ad feligendas ex iis, quæ radios minus difpergunt circa locum in quo illos colligere | vo- lumus, minüs curvatæ, & minüs inæqualiter, cæteris præferendæ erunt, ut, quantum poilint, ad circularem aut ad reétam proximè accedant : & potiüs ad reétam quàm ad circularem, propterea quèd hujus partes habent tantüm eundem refpectum ad illa puncta quæ æqualiter ab ejus centro diftant, nec ullum aliud eodem modo re- fpiciunt quo illud centrum. Unde facilè concluditur Ellipfin ab Hyperbolà häc in re fuperari & nullam excogitari pofle vitri fi- guram, quæ omnes radios ex diverfis punétis venientes in totidem aliis æquè remotis à vitro ac priora tam accuratè colligat, quäm illa quæ conftat ex duabus æqualibus Hyÿperbolis. Et quidem, etiam fi hîc accuratæ totius hujus rei demonftrationi fuperfedeam, facilè tamen eft applicare ea quæ jam dixi ad alios modos inflettendi ra- dios qui refpiciunt diverfa puncta, vel paralleli veniunt ex diverfis partibus, | atque ita cognofcere vitra hyperbolica, vel ad hoc ele omnium aptiflima, vel certe nullis aliis tam infigniter minüs apta, ut iis idcirco debeant poftponi quibus jam diximus efle præferenda, ex eo quûd faciliüs poliantur. 18. Tertia horum vitrorum differentia in eo confiflit, quod una efficiant ut radii, qui ea pertranfeuntes decuflantur, paulo magis 632 Œuvres DE DESCARTES. 189-192. poft illam decuffationem ab invicem removeantur, & alia paulo minüs. Ut, fi, ex. gr., radii G,G veniant ex centro Solis, I, I ex finiftrà ejus circumferentiæ parte, & K,K ex dextrà, poflquam pertranfive- rint vitrum hyperbolicum DEF, magis ab invicem removebuntur quàam prius € (hoc eft : angulus MFL major erit angulo IFK, & ita de cæteris) »; & contrà, poftquam per|tranfiverint ellipticum A BC, magis ad invicem accedent « (hoc eft : angulus MCL minor erit angulo IC K) »; adeo ut hoc ellipticum punéta L, H,M fibi in- vicem propiora reddat quàäm | hyperbolicum; & quidem tanto magis propinqua reddit, quanto craflius eft. 19. Sed, quantam demum craflitiem illi demus, nunquam, nifi ad fummum quartâ vel tertià parte, propiüs quàm hyperbolicum illa junget. Atque hæc diverfitas à quantitate refractionum quæ in vitro fiunt ita pendet ut cryftallus montana, quæ illas paulo ma- jores reddit quàm vitrum, poflit etiam hanc paulo majorem eflicere. Sed nullius figuræ vitrum poteit excogitari, quod hæc punéta L, H,M multo magis fejungat quäm hyperbolicum, nec quod magis cogat quàm ellipticum. 20. Hiîc autem, ex occafione, notare poffumus quo fenfu fuprà dictum fit, radios ex diverfis punétis manantes, aut | diverfis par- tibus parallelos, omnes in primà fuperficie decuffari quæ efhiciat ut in totidem aliis iterum colligantur,; ut quum audivimus illos objecti VXY, qui imaginem RST in oculi fundo delineant, decuffari in primà illius fuperficie BCD. Hoc enim ex eo pendet, quôd, ex. gr., tres radii VCR, XCS & YCT, reverà decuffentur in hâc fuperficie BCD in punéto C. Unde fequitur, licèt radius V DR longè altius occurrat radio YBT, & VBR inferius radio Y DT, quia tamen ad eadem punéta tendunt ad quæ VCR & YCT, eâdem ratione confi- derari pofle ac fi in eodem loco decuffarentur. Et, quum eadem hæc fuperficies BCD illos ita difponat ut omnes ad eadem punéta ten- dant, potiùs cogitare debemus ibi | univerfos decuflari, quàm fu- periüs aut inferius. Non obftante qudd & aliæ fuperficies | 123 & 456 illos detorquere poflint. Quemadmodum duo bacilla curva ACD & BCE, licèt multum à punétis F & G recedant, ad quæ irent fi recta eflent & tantumdem atque nunc in punéto C decuflarentur, nihilominus tamen reverà in hoc punéto C decuflantur. Sed in- terim adeo curva efle poflent, ut iterum in alio punéto decuffa- rentur. Et, eûdem ratione, radii permeantes duo vitra convexa DBQ & dbg in fuperficie prioris decuflantur, deinde iterum in al- terà pofterioris, ii faltem qui ex diverfis partibus allabuntur : alios enim qui ex eâdem manant, palam eft demum in punéto I decuffari, 171 174 102-104. DioPTRICE. 633 21. Obiter etiam obfervemus, radios Solis, vitro elliptico ABC collectos, vehementiüs urere quàm fi per hyper|bolicum DEF col- lecti forent. Neque enim tantummodo radiorum ex centro Solis ma- nantium, ut GG, ratio habenda, fed etiam aliorum qui, cum exaliis ejus partibus fluant, non multè minus virium habent quàam illi qui ex centro; adeo ut vehementia caloris quem excitant æftimari de- beat ex magnitudine vitri vel fpeculi quod illos colligit, comparatà cum magnitudine fpatii in quo colligit. Ita, ex. gr., fi diameter vitri ABC fit | quadruplo major diftantià quæ eft inter puncta L & M, radii ejus ope collecti fedecies tantum roboris habebünt, quantum haberent vitrum planum permeantes, quod illos nullo modo detor- queret. Et, quoniam diftantia inter puncta M & L major vel minor eft, pro ratione intervalli quod eft inter illa & vitrum ABC, vel fi- mile aliud corpus radios ibi cogens, nec ipfam magnitudo diametri hujus corporis, nec particularis ejus figura, nifi unà quartà aut ad fummum tertià parte, poteit augere, certum eft hanc lineam com- burentem in infinituim, quam quidam fomniarunt, vanam & imagi- nariam elle. 22. Et, fi duo vitra vel comburentia fpecula fumamus, quorum unum altero majus; qualiacunque demum fint, dummodo fimilium figurarum, majus quidem radios Solis in fpatio majori colliget, longius etiam à fe reddet quäm minus : interim, in fingulis par- tibus hujus fpatii, non plus virium hi radii habebunt quàm in al- tero, in quo minus illos colligit. Atque ita vitra & fpecula valde exigua fieri | poflunt, æquè vehementer comburentia ac maxima. Et fpeculum comburens, cujus diameter non multo major eft centefimà circiter parte diftantiæ quæ inter illum & locum in quo radios Solis colligere debet : id eft, cujus eadem fit ratio ad hanc diftantiam, quæ diametri Solis ad eam quæ inter nos & Solem : licèt Angeli manu expoliatur, non magis calefaciet illum locum, in quo radios quammaxime colliget, quàm illi radii qui, ex nullo fpeculo reflexi, directè ex | Sole manant. Atque hoc etiam fere eodem modo de vitris comburentibus intelligi debet. Unde patet eos qui non confum- matam Optices cognitionem habent, multa fingere quæ fieri non poffunt ; & fpecula illa famofa, quibus Archimedes navigia procul incendifle fertur, vel admodum magna fuifle vel potiùs fabulofa effe. 23. Quartum difcrimen, in vitris de quibus agimus notandum, ad ea imprimis pertinet, quæ mutant difpofitionem radiorum ex propinquo aliquo punéto manantium, & in | eo confiftit quod alia, nempe quorum fuperficies illi puncto obverfa quammaxime eft con- cava pro ratione ipforum magnitudinis, majorem copiam radiorum Œuvess. I. So 634 Œuvres DE DESCARTES. 194-196. admittant quam alia, licèt diametrum non habeant majorem. Et in hâc re vitrum ellipticum NO P (quod tam magnum fupponimus, ut extremitates illius, N & P, fint puncta determinantia minimam ellipfis diametrum), hyperbolicum | QRS fuperat, licèt pro arbitrio magnum fingatur, & ad hunc effetum nullo alio inferius ef. 24. Poftremd, hæc vitra etiam in hoc differunt quôd, ad eadem eflecta producenda circa radios qui referuntur ad unicum punétum vel funt paralleli, illa quæ funt quarumdam figurarum, debeant efle plura numero, vel efficere ut radii qui alia punéta vel alias partes refpiciunt, pluribus vicibus decuflentur, quäm quæ funt alia- rum. Ut fupra vidimus, ad radios ex uno punéto manantes in alio colligendos aut difpergendos tanquam fi ex alio venirent, aut rur- fus ad difpergendos illos qui verfus aliquod punétum tendunt, tan- quam fi ex aliquo alio egrederentur, femper | duo vitra elliptica elle adhibenda, quum ad idem efficiendum unico tantum hyperbo- lico opus fit; & parallelos, fervato parallelifmo, in minus fpatium quàm antea occupabant arétari poffe, tam per duo vitra hyperbolica convexa, quæ radios ex diverfis punétis venientes bis decuflant, quàam per convexum & concavum, quæ femel tantüm eofdem de- cuffant. Sed manifeftum eft nunquam pluribus vitris utendum, quoties unum fufficit, nec procurandum ut fæpius radii decuffentur, ubi femel decuflati idem præftare poffunt. Atque ex his omnibus eft concludendum vitra elliptica & hyper- bolica cunétis aliis, quæ poflunt excogitari, præftare; & præterea fere femper hyperbolica ellipticis effe præferenda. Quibus præmif- fis, hic deinceps exponam | quà ratione mihi videatur unumquod- que genus fpecillorum fieri debere, ut quammaximam perfectionem acquirat. CAPUT NONUM. Defcriptio Specillorum. 1. Primo omnium neceflarium eft pellucidam materiam eligere, politu facilem & tamen fatis duram ad figuram, quæ ipfi dabitur, retinendam : præterea minimum coloratam & quamminimè re- flexioni obviam. Et quidem in hunc ufque diem non alia reperta fuit quæ omnes has conditiones perfectiùs expleat quàäm vitrum a. tam] tunc E/7. 177 179 196-198. DIOPTRICE. 63 valde purum & tranflucidum, ex cinere fubtilifimo conflatum. Licèt enim cryftallus montana | purior & pellucidior videatur, ta- men, quum fuperficies illius plures radios quam vitrum refleftant, ut experientia docere videtur, non tam apta forfan noftro propofito fuerit. Hic autem, ad cognofcendam hujus reflexionis caufam, & quare potiüs in fuperficiebus, tum vitri tum cryftalli, fiat quàäm in medio illorum, item quare major in fuperficie cryftalli quam vitri, nobis in memoriam revocandum eft quâ ratione fuprà naturam lu- minis defcripferimus, dicentes illam | nihil efle in pellucido cor- pore, præter actionem, aut inclinationem ad motum, materiæ cujufdam fubtiliflimæ, omnes illius poros replentis ; & cogitandum poros omnium corporum pellucidorum adeo æquales & rectos elle, ut facillimè hanc materiam fubtilem fine morà & offenfione tranfmit- tant ; fed nunquam poros duorum corporum pellucidorum diverfæ naturæ, ut illi aëris & vitri feu cryftalli, tam accuratè ad invicem refpondere, quin femper nonnullæ particulæ materiæ fubtilis, ma- nantes, ex. gr., ex aëre ad vitrum, inde refiliant, partibus folidis fuperficiei illius occurrentes : &, eâdem ratione, ex vitro in aërem delatæ, partibus folidis fuperficiei aëris obviæ, ed unde venerant reflectantur : funt enim in aëre multæ quæ, refpectu hujus materiæ fubtilis, folidæ poffunt nominari. Quibus cognitis, fi confideremus cryftallum componi ex partibus folidis craflioribus, & poros habere anguftiores, quam vitrum, quemadmodum ex majori ejus duritie fimul & pondere fatis patet, facilè credemus illam plures ex iftius materiæ fubtilis particulas fuperficie fuà repulfuram, & ex confe- quenti paucioribus radiis aditum præbituram quam vel aër vel vitrum, licèt interea faciliorem tranfitum, quäm illa, præbeat | iis quibus præbet, juxta ea quæ fuprà diéta funt. 2. Itaque, felecto puriflimo vitro, minimè colorato & pauciflimos radios reflectente, fi illius ope | defettui eorum opem ferre volumus, quorum acies non tantum ad remota valet quantum ad propinqua, vel contrà non tantum ad propinqua quantum ad remota, aptiflimæ ad hoc figuræ erunt quæ ex hyperbolis conftant. Ut, fi, ex. gr., oculus B vel C à naturâ comparatus fit ad colligendos in fuo fundo omnes radios manantes ex punéto H vel 1, at non illos ex V vel X, ut tamen & hoc V vel X accuratè cernat, interponendum eft vitrum O vel P, cujus fuperficies, una concava, altera convexa, ope dua- rum hyperbolarum defcriptæ funt, & concava, quæ oculo eft obver- tenda, habet pro foco pun:tum H vel I, & convexa punétum V vel X. 3. Atque, fi punétum I vel V fatis remotum fit ab oculo, nempe 636 Œuvres DE DESCARTES. B mo0 ad quindecim aut viginti pedes aut amplius, tunc, loco hyperbolæ cujus focus efle deberet, fufficiet uti lineà rectà, & fic facere unam ex fuperficiebus vitri omnino planam : nempe interiorem, quæ oculo obverti debet, | fi fit punétum I quod ita remotum fupponimus; & exteriorem, fi fit punétum V. Tum enim tanta objecti pars, quanta eft oculi magnitudo, loco unius punéti erit, quum non plus | fpatii in oculi fundo occupet, quàäm extremitatem unius capillamenti nervi optici. Neque etiam neceflarium eit, quoties objecta paulo magis vel minuüs diftantia volumus contueri, alia ftatim adhibere vitra; fed fufficit ad ufum habere duo, quorum alterum diftantiæ rerum, quas vulgù contemplamur, minimæ congruat, & alterum maximæ; vel etiam unum, quod inter hæc duo medium fit. Cüm enim oculi, quibus aptari debent, non omnino immoti fint & rigidi, facilè ad figuram talis vitri mutantur. 4. Quod fi etiam, ope unius vitri, cupiamus efficere ut objecta accefla (id et quæ oculo quantum volumus poflunt admoveri) multo majora & magis diftinétè appareant quäm dum refpiciuntur fine fpecillis, commodiflimum erit fuperficiem hujus vitri interiorem omnino planam reddere, exteriorem autem hyperbolicam cujus focus in eo loco fit in quo objectum libuerit collocare. Notandum tamen hic commodiflimum dici, « non omnino optimum » : nam concedo quidem, fi huic fuperficiei figuram ellipfeos demus, cujus itidem focus ibidem fit ubi objectum, & alteri figuram fegmenti fphæræ, cujus centrum in eodem hoc foco, effectum paulo majorem fore ; fed multo minüs commodè tale vitrum poterit expoliri. Hic autem focus, five hyperbolæ five ellipfis, tam propinquus efle debet ut, objeéto (quod | non nifi valde exiguum effe poteft) ibi locato, non majori intervallo diftet à vitro quàm necelle eft ut lumen, quo debet illuftrari, ex circumjacentibus locis ad illud accedat. Atque hoc vitrum thecà aliquà eft ita includendum ut totum illâ contega- tur, medià tantüm ejus parte exceptà, quæ magnitudine pupillam æquet, vel etiam fit paulo minor. Debentque omnes hujus thecæ partes, quæ oculo obvertentur, nigræ elle; & præterea non erit inutile ipfius oras holoferico nigro circumdare, ut tanto commo- diùs, oculo quamproximè admota, radios omnes luminis excludat, præter eos qui per partem vitri detectam admittentur. Sed extrin- fecus præftabitejus fuperficiem albam elfe, vel potius terfam & po- litam, figuramque habentem fpeculi concavi, ut omnes radios lumi- nis in fe effufos ad objectum reflectat. Et, ad fuftinendum objectum co in loco in quo debet efle ut opere fpecilli confpiciatur, non 180 181 200-203. DioPTRICE. 637 improbo perexiguas illas ampullas ex vitro vel cryftallo, quarum ufus in Gallià jam vulgaris eft & frequens. Sed, ut aliquanto plus artis adhibeamus, melius erit fi fulcro aliquo, brachioli inftar ex thecà protenfo, fuftineatur. Et denique, ut abunde luminis adfit, totum fpecillum fimui cum objecto: erit Soli obvertendum. Ut, fi A fit vitrum, C pars interior thecæ cui | inclufum eft, D exterior, E objectum, G brachiolum fuftinens, H oculus, & I Sol, cujus radii directè in oculum non penetrant, ob interjectum tam confpicillum quam objectum, fed, effufi in corpus album vel fpeculum D, refi- liunt inde primd ad E, & tandem ab E ad oculum. 5. Si verd aliquod fpecillum ad'aftra & | alia objecta remota & inacceffa contemplanda volumus fabricare, duobus hyperbolicis vi- tris, convexo uno & altero concavo, duabus tubi extremitatibus, ut hîc videri poflunt, infertis id erit componendum. Et, primd, abc, fuperficies vitri concavi abcdef, figuram hyperbolicam exigit, cujus focus eà diftantià abfit à quà oculus, cui hoc perfpicillum paratur, quamaccuratiflimè fua objeéta cer/nit. Hic, ex. gr., oculo G ita dif- pofito ut diftinétius cognofcat objecta, quæ ad H, quàm ulla alia, H debet effe focus hyperboles abc : & pro fenioribus, qui rectius objeéta remota quäm propinqua vident, hæc fuperficies abc omnino plana effe debet ; contrà, pro iis quorum acies ad propinqua valet, fatis concava. Altera fuperficies def* figuram alterius hyperbolæ expolcit, cujus focus [tranfverfum pollicem aut circiter ab eà diftet, ita ut oculi fundum contingat, cum ejus fuperficiei perfpicillum erit conjunétum. Hæ tamen proportiones non tam abfolutè necellariæ fünt, quin multüm etiam mutari poflint, | ita ut, non aliter factà fuperficie-abc pro fenibus, nec pro myopibus, quàm pro cæteris, omnibus oculis idem perfpicillum poflit infervire, fi tantüum ejus tubus nunc aliquantulum diducatur, nunc contrahatur. Et, quod ad fuperficiem def, forfan, ob difficultatem ipfam multüm exca- vandi, præftabit figuram hyperboles illi dare, à quà focus ali- quanto magis diflet quam dictum eft : quod ufus felicius quam mea præcepta docebit. Et | in univerfum hoc tantüm dico : qud propiüs aderit hoc punctum I, reliquis paribus, ed majora objecta vifum iri, quia tunc oculus ita erit difponendus, ac fi propiora ellent; & vifionem magis fortem five perfpicuam futuram, quia tunc alte- rius vitri diameter poterit major efle: verüm, fi nimis vicinum fiat, illam non adeo diftinétam fore, quia tunc multi radii nimis obliquè pro ratione aliorum in vitri fuperficiem cadent. Diameter autem atdef| dj El. 638 OŒEuvres DE DESCARTES. 203-205. hujus vitri, five pars quæ retecta effle debet, cùm tubo KLM :in- clufum eft, fatis magna erit, fi aliquantulum excedat pupillæ quam- maximè diductæ quantitatem. Et, quod ad ejus craflitiem attinet, nunquam nimis exigua | efle poteft; licèt enim, illam augendo, imagines objectorum pauld majores reddantur, quia tunc radii à di- verfis punétis venientes paulù magis in eà parte, quæ oculumrefpicit, divergunt, fit etiam econtra ut pauciora & minus diftinétè appa- reant; funtque aliæ viæ commodiores ad imaginum magnitudines augendas. Quantum ad vitrum convexum NO PQ, fuperficies illius N Q P*, objecta refpiciens, omnino plana efle debet, & altera NOP hyperbolica, cujus focus 1° accuratè in eundem locum cadat in quem alterius hyperboles def; & qu perfettius telefcopium defideramus, ed magis focus ifte removendus eft à punéto O. Præterea magni- tudo diametri hujus vitri determinatur à duabus rectis lineis I d N & If P, ductis à foco I per d & f, extremitates diametri vitri hyper- bolici | def, quam diametro pupillæ æqualem effe fuppono. Sed, etiamfi diameter vitri NOPQ aliquanto minor fit, tamen objecta propterea non magis confufa, nec minora, fed tantüm minori luce perfufa apparebunt. Quapropter, quoties illa nimis lucida erunt, diverfi circuli nigri chartacei, vel fimiles, in promptu habendi, ut 1,2, 3, ad obtegendas illius oras, & partem ejus reteétam, quan- tum lumen ex objectis effufum permiferit, anguftiflimam redden- dam. Craflities autem hujus vitri neque prodeffle- neque obefle poteft, nifi forfan ideo poteft obefle, quèd vitrum, quamvis purifli- mum & maximè terfum, femper tamen radios aliquanto plures reflectat quäm aër. Tubus K LM ex materià firmà & folidà fieri debet, ut duo vitra, duabus illius extremitatibus immiffa, accuratè femper eodem fitu ibi hæreant. Totus etiam intrinfecus niger efle debet, atque holoferico nigro circa oram ad M veftiri, ut arétè oculo | junctus omnem lucem excludat, eà exceptà quæ permeabit vitrum NOPQ. Longitudinem autem illius & latitudinem diftantia & magnitudo duorum vitrorum certam reddit. Poftremà, neceffarium erit hunc tubum machinæ cuidam imponi, ut RST, cujus operû verti in omnes plagas pofñlit & firmiter fifi è regione objettorum quæ volumus contemplari. Et, hujus quoque rei gratià, dioptra vel duo pinnacidia, ut V,V, huic machinæ affigenda erunt; & infuper etiam, quia, quù magis hæc perfpicilla | objectorum imagines au- gent, ed pauciores fimul repræfentant, non abs re fuerit iis, quæ a INOPEENT. b. I. omis Elz. ». à # ie LA #3 peu Aa sb roi BLUES PEN 199 186 205-206. D'oPTRICE. 6 39 illas quammaximè augent, alia minus perfecta adjungere, ut eorum ope tanquam per gradus ad cognitionem loci, in quo erit objectum quod perfectiflima exhibebunt, deveniatur. Talia hîc funt XX & YY, quæ perfectiflimo Q LM ita adjuncta effe fuppono ut, fi vertatur machina cui impofita funt donec per dioptras V, V planeta Jovis ap- pareat, idem etiam per fpecillum XX apparebit, & præterea, hujus fpecilli ope, quatuor alii minores planetæ Jovem comitantes dignof- centur. Deinde, fi machina rurfus ita dirigatur ut unus aliquis ex his minoribus planetis per centrum hujus fpecilli XX confpiciatur, confpicietur etiam per aliud fpecillum Y Y, ubi, quia folus & multà major quàäm prius apparebit, diverfæ etiam regiones in eo diftin-. guentur. Et denique, ex his regionibus, quæ per centrum hujus fpecilli YY fpectabitur, fpectabitur etiam per tertium fpecillum KLM, cujus ope variæ res minores, quæ in illâ regione erunt, dif- cernentur. Sed fciri non poflet iftas res efle in tali regione talis ex planetis quæ Jovem comitantur, fine ope aliorum; nec etiam illud in loca determinata, verfus | quæ volumus refpicere, commodè dirigere poflemus. His autem tribus perfpicillis, quartum aut plura perfectiora pote- runt adjungi, faltem fi artificibus induftria ad id requifita non defit. Etnullum quidem inter hæc perfectiflima & imperfectiora difcrimen eft, nifi quôd eorum | vitrum convexum debeat majus efle & ejus fo- cus remotior. Denique, fi manuum induftria præftare poflit quod ars docet, hujus inventi beneficio poterimus res tam particulares & mi- nutas in aftris videre, quäm fint eæ quas vulgù in terrà percipimus. 6. Si verd fpecillum habere cupiamus, cujus ope objecta propin- qua & accefla quàam diftinctiflimè fieri poteft confpiciantur, & multo diftinétius quàäm ope illius quod paullo antè hunc in ufum de- fcripfimus, illud itidem duobus vitris hyperbolicis, uno concavo, convexo altero, duabus tubi extremitatibus inclufis erit compo- nendum. Et concavo abcdef eadem figura danda quæ proximè præcedenti, ut & fuperficiei interiori convexi NO P ; exterior autem NRP, quam illud totam planam habebat, hic admodum convexa requiritur, & hyperbolica cujus focus exterior Zita propinquus fit ut, objecto ibi locato, non plus fpatii illud & vitrum interjaceat quàm admittendæ luci ad illud illuminandum requiritur. Et dia- meter hujus vitri non tanta requiritur quanta in præcedenti fpe- cillo, nec etiam tam exigua fuflicit quàm illa vitri A paulo antè defcripti, fed talis circiter efle debet ut recta NP, quæ illam* defi- a. illum Æ/7. 640 OŒEuvREs DE DESCARTES. 206-209. gnat, tranieat per focum interiorem hyperboles NRP & in hâc hyperbolà utrimque terminetur: fi enim minor foret, pauciores ra- dios ab objecto Z reciperet; fin major, paulo plures tantüm admit- teret; ita ut vitri craflities, quæ tunc multo major evaderet, non minus de illorum vi detraheret quàm | ejufdem latitudo augeret; & præterea non tantum luminis verfus objeétum Z reflecti poflet. E re quoque erit hoc confpicillum machinæ cuidam, ut ST, impo- nere, qu femper Soli obverfum teneatur. Et vitrum NO PR fpeculo parabolico concavo includendum erit, ut CC, quod omnes Solis radios reflectat ad punétum Z, in quo objeétum parvo brachiolo G, alicunde ex fpeculo protenfo, fufftineatur. Et præterea hoc bra- chiolum fulcire debet aliquod corpus nigrum & opacum, quale HH, quod objectum Z undiquaque cireumitet, & accuratè magni- tudinem vitri NOPR adæquet, ut nempe impediat ne qui radii Solis direétè incidant in hoc vitrum : inde enim intrantes | tubum, quidam eorum proculdubio ad oculum refilirent, & non nihil de vifionis perfettione detraherent, quia, quamvis hic tubus debeat in- trinfecus fieri nigerrimus, nullum tamen corpus tam perfectè ni- grum efle potelt, ut omnem vim luminis aliunde in illud delapf obtundat & nullos omnino radios reflectat: præfertim fi lumen illud fit fatis forte, quale eft Solis. Præterea corpus opacum HH debet habere in medio foramen, quale Z, ejufdem magnitudinis cujus objectum, ut, fi id forfan quodammodo fit pellucidum, etiam per directos Solis radios illuminetur; imd, fi necefle fit, per eofdem <à> comburenti vitro II, quod æquë latum fit ac NOPR, collectos in puncto Z, ut omni ex parte tantum luminis in objectum mittatur quantum fine periculo uftionis poterit ferre. Et facile erit, velatä parte fpeculi CC vel vitri IT, nimiam illorum vim temperare. Ne- minem ignorare exiflimo quare hic tam follicitè curem ut quam- plurimà luce objectum illuftretur, & ut quamplurimi ex eo radii ad oculum pertingant: vitrum enim NOPR, quod in hoc fpecillo pu- pillæ vice fungitur, & in quo radii ex diverfis punétis manantes decuffantur, cum multo vicinius fit objeéti quàm oculi, efficit ut hi radii per multo majus fpatium fe extendant in membranulâ illà quæ ex extremitatibus nervi optici conflatur, quàm fit ipfa fuperficies objecti ex quo veniunt; & fatis patet illos tanto minus virium habere quanto fpatium, per quod extendun/tur, eft majus; ut econtra multù plus habent, cum à vitro vel fpeculo uftorio in mult minori fpatio colliguntur. Atque hinc tantüm | longitudo hujus perfpicilli dependet, id eft diftantia quæ eft inter hyperbolen NOP & ejus focum, Quanto enim illa major eft, tanto magis imago objecti in 138 190 -209-210, DIoPTRICE. Gat oculi fundo expanditur, ideoque tanto diftindiùs minutas illius partes ibi depingit. Sed hoc ipfum vim luminis ita minuit, ut tandem non omnino fentiretur, nempe fi nimis longum eflet hoc fpecillum. Adeo ut ejus maxima longitudo nonnifi experientià poflit determinari; & præterea etiam varia fit pro varietate objetorum, quorum fcilicet nonnulla magnam vim luminis, alia nonnifi perexi- guam fine uftione ferre poffunt. Non quidem ignoro quædam adhuc alia poffe excogitari, quibus hujus luminis vis aliquanto magis au- geretur; fed difficilior effet illorum ufus, & vix ullum occurret un- quam objectum, quod majorem requirat. Poflent etiam alia vitra poni in locum hyperbolici NO PR, quæ paulo plures radios quàm hoc ab eodem objeéti punéto reciperent; fed vel non eflicerent ut omnes radii ex diverfis objeéti punctis venientes tam proximè ad totidem alia punéta verfus oculum concurrerent; vel ad hoc duobus vitris loco unius eflet utendum, atque ita radiorum vis non minüs fuperficierum numero minueretur, quàäm figurâ augeretur; & de- nique illa multo difficilius poflent poliri. 7- Supereft hic tantüm ut advertamus, quoniam hæc perfpicilla nonnifi unico oculo admoventur, operæ effe ut alium interim oculum obfcuro aliquo velo tegamus; fic enim pupilla ejus quo utemur magis aperietur quàm || fi alium vel luci expoñtum relin- quamus, vel ope mufculorum palpebras moventium claudamus : tanta enim eft inter utrumque affnitas, ut vix unus aliquo modo moveri pofñlit, quin alter ftatim ad ejus imitationem difponatur. Præterea, non erit inutile, non tantüm hoc confpicillum arétè oculo adjungere, ut nullam nifi per illud recipiat lucem ; fed etiam pris aliquamdiu in obfcuro loco ftetifle, ut vifûs acies, tanto tenerior exiftens, à minimà luce aflici poffit; & præterea imagina- tionem noftram eodem modo difponere ac fi res valde remotas & obfcuras vellemus intueri, ut tanto magis pupilla dilatetur & ideo à pluribus objeéti punétis radios admittat. Jam enim fuprà notatum eft, hunc motum pupillæ non immediatè fequi voluntatem quam habemus illam aperiendi, fed potius ideam vel opinionem quam de obfcuritate vel diftantià objecti concepimus. 8. Cæterüm, fi nonnihil ad ea omnia quæ fuprà diéta funt ani- mum reflectamus, & potiflimum ad illa quæ ex parte objeétorum* externorum requiruntur, ut vifionis fenfus quamperfeétiflimus evadat, non difficulter intelligemus, per varias horum fpecillorum formas, illud omne præftari quod ab arte et expectandum; nec a. Il fallait organorum. Œuvres. I. 2] + G42 OEUVRES DE DESCARTES. 210-212. ideo eft operæ pretium ut hoc fufiùs demonftrem. Item etiam facilè agnofcemus nuïla ex iis quæ pris ab aliis defcripta fuerant ullo modo perfeéta effe potuifle, quia maxima differentia eft inter lineas circulares & hyperbolas, & nunquam nifi lineæ circulares adhibitæ funt ad eos effeétus, ad quos | hyperbolas requiri demon- ftratum eft. Adeo ut nihil unquam boni hâc in re factum fit, nifi cüm artificum manus tam feliciter aberravit ut, loco fphæricæ figuræ, hyperbollicam, vel ad hanc proximè accedentem, vitrorum fuperficiebus indiderit. Atque hoc præcipuè impedivit ne rectè fierent illa fpecilla quæ videndis objectis inacceñlis idonea funt : indigent enim vitro convexo multù majori quäm cætera; & non modà difficilius eft feliciter aberrare in poliendo magno vitro quàm in parvo, fed præterea major eft differentia inter fuperficies, hyper- bolicam & fphæricam, in partibus à centro fatis remotis quæ in majoribus vitris effe debent, quàm in vicinis ex quibus folis conftant minora. Jam verd, quoniam artifices non facile forfan per fe invenirent modum hæc vitra fecundüm figuram hyperbolicam accuratè poliendi, fupereft ut ipfis deinceps viam oftendam, per quam mihi perfuadeo illos fatis commodè eù perventuros. CAPUT DECIMUM. De modo expoliendi vitra. 1. Selecto vitro aut cryftallo quo uti placet, primd neceffaria eft inquifitio proportionis quæ, juxta fuperius tradita, refraétionum illius menfura exiflat; atque illa | obvia & expofita erit operà hujus inftrumenti. E FI eft afliculus aut regula maximè plana & reéta, ex quâlibet materià, dummodo non nimis polita vel pellucida fit, ut lumen in illam effufum facillimè ab umbrâ dignofcatur. E A* et FL funt duæ dioptræ, id eft laminæ parvæ, cujufcunque materiæ, dummodo non fit tranfparens, ad perpendiculum ereétæ in EFI, & foramine exiguo fingulæ pertufæ, ut À & L; funtque hæc duo foramina tam directè. fibi invicem oppoñita, ut radius AL, | illa permeans, parallelus feratur lineæ EF. Præterea, RPQ eft parti- cula ejus vitri quod volumus examinare, in formam prifmatis five trianguli polita, ejufque angulus RQ P rectus eft, & PRQ acutior a. EH EK. 191 192 212-314. DIoPTRICE. 64; quam RPQ. Tria latera « vel potius (quia in vitri craflitie latitu- dinem habent) » tres facies RQ, QP & RP, funt planæ & politæ, ideoque, dum facies PQ afliculo EFI incumbit, & facies QR laminæ FL, radius Solis, duo foramina permeans A & L, per medium vitrum PQR irrefractus penetrat ad B, quoniam perpen- diculariter in fuperficiem QR incurrit. Sed, poftquam pervenit ad punétum B, ubi obliquè aliam fuperficiem RP contingit, non, nifi | declinans ad aliquod punétum afferculi EF, egredi poteft, ut ex. gr. ad I. Et omnis hujus inftrumenti ufus in hoc confiftit, ut ita radius exceptus per hæc duo foramina À & L emittatur, ut mani- feftum reddat quomodo referatur punétum I (hoc eft centrum parvæ ellipfeos, quam hic radius in afliculo E FI illuminat) ad duo alia punéta B & P, quorum alterum B defignat locum in quo reta, quæ tranfit per centra duorum foraminum A & L, in fuperficie RP terminatur; & alterum P eft locus in quo hæc fuperficies RP, fimulque illa afliculi EFI, fecantur à plano* quod imaginari poflumus per punéta B & I, fimulque per centra fora- minum À & L, tranfire. | 2. His tribus punétis B PI accurate ita cognitis, & confequenter etiam triangulo quod defcribunt, hoc triangulum in chartam aut aliud planum circino eft transferendum ; deinde, ex centro B, per punctum P defcribendus circulus NPT &, fumpto arcu NP æquali arcui PT, ducenda reéta BN', fecans IP produétam in punéto H; hinc denuo ex punéto B per H defcribendus circulus HO", fecans BI in punéto O; & habebitur proportio inter lineas HI & OI pro menfurà communi omnium refrationum quæ produci poffunt à differentià quæ eft inter aërem & vitrum quod examinatur. Quàâ de re fi nondum certi fumus, ex eodem vitro alia parva triangula reétangula, diverfa ab hoc, polire poterimus ; quibus fi eodem modo utamur ad inveftigandam hanc proportionem,|femper fimilem illam inveniemus, atque ita nullo modo poterimus dubitare quin reverà eadem fit quam quærebamus. Quod fi poftea, in rectà lineà HI, MI æquale OT fumamus & HD æquale DM, D pro vertice habebimus & H & I pro focis hyperboles, cujus figuram fpecilla à nobis defignata requirunt. Et hæc tria punéta HDI propiüs jungere poffumus, vel longius removere quantum lubet, aliam tantüm lineam propiorem aut a. plano] puncto Æ/7, b. PN Ex. c. HD Ex. C44 OEuvrEs DE DESCARTES. 214-216. remotiorem à* puncto B ducendo parallelam lineæ | HI, & ducendo ex hoc punéto B tres rettas BH, BD & BIT, quæ illam fecent. Ut hic videmus eodem modo ad invicem referri tria punéta HDI & hdi, quo tria Hp1. 3. Deinde, cognitis his tribus punétis, facile eft hyperbolen defcri- bere eo modo quo fuprà vidimus, defixis fcilicet duobus paxillis in punétis H & I, & refti hærente in palo H ita regulæ alligatâ ut non propiüs accedere poflit ad I quàm ufque ad D. Sed fi malimus, ope vulgaris circini plura punéta per quæ | tendit quærendo, illam delineare, « fumptis punétis H, D,M & O, utfupraà », alterum pedem hujus circini ponamus in punéto H &, altero pro- moto paulo ultra punètum D, velut ad 1°, ex centro H defcribamus circulum 133; inde, fumptà M2 æquali Hi‘, ex centro I per punétum 2‘ defcribamus circulum 233, priorem in punétis 33 fecan- tem, per quæ hæc hyperbole ferri debet, ut & per punétum D, ejuf- dem verticem. Reponamus poftea eodem modo unum circini bra- [chium in punétum H &, altero diducto paulo ultra punétum 1°, velut ad 4, defcribamus circulum 466 ex centro H. Inde, M5 æquali fumpto® H4, ex centro I per 5 circulum 566 defcribamus, priorem in punétis 66, quæ in hyperbolà, fecantem. Et ita, conti- nuatâ flatione alterius brachii in punto H, & reliquis omnibus ut antè obfervatis, quantum libet punctorum hujus hyperboles poffumus invenire. 4. Quod fortafle non incommodum erit ad rude aliquod exemplar fabricandum, quod præterpropter figuram vitri poliendi repræfen- tet. Sed, ad accuratum aliquod, alio invento opus eft, cujus operâ uno duétu hyperbole delineari poflit, quemadmodum per circinum circulus, & quidem ego fequenti melius nullum novi. Primô, ex centro T, medio | lineæ HI, defcribendus circulus HVI; inde ex puncto D erigenda perpendicularis in HI, fecans hunc circulum in punéto V, &, ductà rettà per hoc punétum V ex T, habebitur an- gulus HTV, talis ut, fi imaginemur illum rotari circa axem HT, linea TV fuperficiem coni fit defcriptura in quà, fattà fectione à plano VX quod eft parallelum axi HT, & in quod DV ad angulos rettos cadit, hyperbole omnino fimilis & æqualis priori deprehen- a. à] aut Elz. b. 1] 1 Ælz. c. Hu] AMEL: d'2]7 El: c.Sic Er, 194 197 216-218. DioPTRICE. 64 detur. Et omnia alia plana huic parallela, conum fecantia, hyper- bolas fimiles quidem omnino, fed inæquales, fuâ fectione efficient, & quarum foci propiores vel remotiores erunt, prout hoc planum ab axe diftabit. | 5. Cujus rei veftigia fecuti, talem machinam poterimus fabri- care. AB eft cylindrus ligneus vel metallicus, qui, circa cardines 1, 2 rotatus, alterius figuræ axem HI repræfentat. CG, EF* funt duæ laminæ, vel afleres plani & lævigati, imprimis eà regione quâ fe invicem contingunt, hâc ratione ut fuperficies, quam inter utrumque poffumus imaginari parallelam cylindro AB & feétam ad angulos rectos plano quod ire imaginamur per duo punéta 1, 2 & C,O,G, re- præfentet planum VX quod conum fecat. Et N P, latitudo fuperioris CG, æqualis eft diametro vitri expoliendi, vel non multüm eundem excedit. Denique KL M eft regula quæ, rotata cum cylindro A B in polis 12, hâc ratione ut angulus A LM femper æqualis maneat angulo HT V, repræfentat lineam TV | conum defcribentem. Et notandum hanc regulam ita per cylindrum actam effe ut per fora- men L, arétè illam recipiens, attolli pro arbitrio & deprimi poflit, & præterea alicubi, velut ad K, pondus aliquod efle, feu prefforium curvum, quo femper ad laminam CG premitur; itemque, in ejus extremitate M efle cufpidem chalybeam & ita temperatam ut vim habeat fecandi laminam fuperiorem C G, non autem | alteram EF ei fubftratam. Quibus intellectis, fatis patet, fi regula KLM circa polos 12 ita moveatur, ut cufpis chalybea M ab N per O tendat ad P, & reciprocando à P per O ad N, ab ipfà divifam iri hanc la- minam CG in duas alias CNOP & GNOP, in quibus latus NO P : lineà terminabitur convexà in CNOP & concavà in GNOP, quæ accuratè figuram hyperboles habebit. Et hæ duæ laminæ CNOP, GNOP, fi chalybeæ vel ex alià materià fatis durà fint, non tantüm loco exemplaris erunt, fed etiam inftrumenti ad formandas quafdam rotas, à quibus, ut mox audiemus, vitra figuram fuam ducere poflunt. Hic tamen defeétus quidam fupereft, in eo fcilicet quôd chalybea cufpis M, cüm | paulo aliter verfa fit cm accedit ad N vel ad P quàm cüm eft in O, non poflit ubique uniformem & æquè acutam vel obtufam horum inflrumentorum aciem efficere. Ideoque melius arbitror machinà fequenti, licèt operofiore, uti. 6. ABK LM unicum tantummodo membrum eft, quod integrum in cardinibus 12 movetur, & cujus pars A BK perinde eft quam habeat figuram ; fed KL M debet efle regula, vel aliud fimile corpus planas a. EF omis Elz. 646 OEUVRES DE DESCARTES. 218-220. habens fuperficies, quæ lineis rectis parallelis terminentur; opor- tetque ut hæc regula KLM ita fit inclinata ut recta 43 quæ medium ejus craflitiei defignat, ufque ad eam produtta quam fingere poflu- mus per polos 12 tranfre, efliciat angulum 234 æqualem illi qui fuprà notis HT V defignabatur. CG, EF funt duo afferes paralleli axi 12, & quorum fuperficies | adverfæ, planæ admodum & læves, fecantur ad angulos rectos plano 12GOC. Non tamen arétè mutuo cohærent, ut in præcedenti machinâ, fed tanto in|tervallo præcife diftant ab invicem, quantum requirit inferendus cylindrus QR, teres exquifitè & ubivis ejufdem craflitiei. Præterea, fingulæ fiffuram habent NOP, hujus longitudinis & latitudinis ut regula KLM immifla, huc & illuc, cardinibus fuis innixa, liberè feratur, quantum requiritur ad defignandam partem hyperboles inter hos duos afferes, magnitudine diametro vitri poliendi æqualem. Hæc regula quoque per cylin- drum Q R* obliquè inferta eft, häc ratione ut, licèt hic cum illà mo- veatur in polis 12, femper tamen inter duos afferes CG, FE maneat claufus, & axi 12 parallelus. Poftremd, Y67 & Z89 funt inftru- menta, poliendo in formam hyperbolæ cuilibet corpori infervientia, & manubria illorum Y, Z tantæ funt craflitiei ut eorum fuperficies, quas planas effe notandum eft, fuperficies aflerum CG & EF | ab utrâque parte omnino contingant, & nihilominus inter ipfas, utpote admodum læves, hinc et inde poflint moveri. Habentque fingula rotundum foramen 5, 5, in | quo altera cylindri Q R extremitas ita inclufa eft, ut hic cylindrus pofñlit circa proprium axem 55 circum- volvi, non efficiendo ut ifta manubria eodem modo volvantur, prop- ter eorum fuperficies planas quæ hine & inde à fuperficiebus afferum quos contingunt cohibentur; fed non poflit in ullam aliam partem ferri, quin illa fimul in eandem ferantur. Et ex his omnibus liquet regulam K LM propulfam ab N ad O & ab O ad P, vel à PadO0O& ab O ad N, moto fecum cylindro QR, eädem operà movere hæc in. ftrumenta Y67 & Z 89, hâc rationeut unaquæque eorum pars motu fuo accuratè hyperbolen defcribat eandem quam interfeétio linearum 34 & 55; quarum una, fcilicet 34, motu fuo delilneat conum, altera 55 planum eundem fecans. Cufpis feu acies horum inftrumentorum variis modis fieri poteft, pro vario ufu quem illam volumus præ- flare. Et ad figuram vitris convexis dandam, commodiflimum videtur primÔ uti inftrumento Y 67, ac plures laminas chalybeas fecare fimiles CNO P fuprà defcriptæ ; inde, tam operà laminarum quàm inftrumenti ZS80, rotam, qualis eft d, circumcirca in latitudine fuà a. PR Et. 1) 200 202 220-223. DioPTRICE. 647 abc excavare, ut ita omnes fectiones, quas imaginari poffumus factas à planis in quibus ee rotæ axis exiftit, figuram hyperboles, quam machina defcribit, confequantur; & denique vitrum expoliendum mymphuri, ut Aik, affigere atque ita apponere juxta rotam d | ut, fi tracto fune /7 mymphur circa fuum axem vertatur, & eodem tem- pore vertatur etiam rota circa fuum, vitri fuperficies inter hæc duo pofita figuram quam ipfi dare volumus accipiat. | Quantum ad modum inftrumento Y67 utendi, notandum laminas cnop nonnili ufque ad medium fingulis vicibus fecandas effe, ut ex. gr. ab ad o. Et propterea repagulum in machinâ ad P figendum eft, quod impediat ne regula KLM, mota ab N ad O, propius accedat ad P quäm requiritur ad hoc ut linea 34, quæ medium crafltiei illius notat, perveniat ufque ad planum 12GOC, quod imagina- mur afferes ad rettos angulos fecare. Et ferrum hujus inftrumenti talem figuram exigit, ut omnes ejus aciei partes in hoc eodem plano 12GOC exiftant, cum linea 34 ibidem fiftitur; neque ullas alias hoc ferrum habeat partes quæ tunc ultra illud planum verfus P protendantur, | fed tota ejus craflitiei declivitas refpiciat verfus N. Cæterüm pro arbitrio vel acutum vel obtufum fieri poteft, parüm aut multum inclinatum, & longitudinis cujuflibet, omnia prout res exigere videbitur. Inde, cufis laminis cop & limà proximè ad illam figuram perduétis quam requirunt, vi adigendæ atque premendæ ad inftrumentum Y67 &, motà regulà KLM ab N ad O & viceverfä ab O adN, unam illarum partem perficiemus. Deinde, ut alia planè fimilis fiat, repagulum aliquod ibi efle debet, quod impediat quominus verlus hoc inftrumentum progredi poflint ultra locum in quo funt, cm prima earum medietas NO abfol- vitur;, & tunc, paululum iis reductis, mutandum eft ferrum in- ftrumenti YG67, & aliud, loco illius, fubftituendum, cujus acies accuratè fit in eodem plano & ejufdem figuræ ac acies prioris, fed cujus omnis declivitas refpiciat verfus P, adeo ut, fi hæc duo ferramenta adverfa componas, duæ illorum acies unicam tantüm efficere videantur. Inde, tranflato ad N repagulo | quod antea P verfus locatum erat ad impediendum nimium regulæ KLM pro- greflum, movenda eft hæc regula ab O ad P & à P ad O, donec hæ laminæ c0p inftrumento Y 67 tam propinquæ erunt quäm antea, & hoc pacto abfolventur. Quod attinet ad rotam d, quæ ex materià admodum durà effe debet, poflquam limä figuram, quam exigit, præterpropter acceperit, Jfacilis elaboratu erit, primd per laminas cuop, modà initio fuerint tam benè cufæ ut, licèt poftea candentes in aquam merfæ fint ad 648 Œuvres DE DESCARTES. 223-224. duritiem acquirendam, nihil tamen idcirco ex earum figurâ fit mu- tatum; debentque huic rotæ ita admoveri ut acies illarum nop° & hujus axis ee in eodem plano fint; & denique adfit aliquod pondus aliudve machinamentum, quo urgente laminæ iftæ rotam premant, dum interim ipfa circa fuum axem vertetur. Præterea, etiam hæc rota elaborabitur ope inftrumenti Z89, cujus ferrum æquali de- clivitate ab utrâque parte procumbere debet; & de cætero quam- libet figuram admittit, dummodo omnes partes ejus aciei So exif- tant in plano fuperficies afferum CG, EF ad angulos rectos fecante. Ut autem utamur hoc inftrumento Z So, movenda regula KLM in polis 12, hâc ratione ut motu continuo procedat à P ad N, inde viceverfà ab N ad P, dum interim rota circa fuum axem vertetur. Quâ operâ acies inftrumenti omnem inæqualitatem, fi quæ re- manfit in latitudine rotæ ab unâ ad alteram partem, lævigabit, & cufpis illius (habebit enim & aciem & cufpidem) omnem illam quæ in longum porrecta occurret. 7. Poftquam verd hæc rota ultimam recepit manum, facillimè vitrum per diverfos duos motus, rotæ fcilicet & | mymphuris cui affigendum ef, poterit expoliri, dummodo adfit aliqua vis quà, non impedito torni motu, femper ad rotam agatur, atque inferior hujus rotæ pars continud per aliquem alveum feratur, arenæ, fmiridi, pulveri lapidis Gothlandici, ftanno combufto, | vel fimili materiæ lævigandis & expoliendis vitris commodæ, immerfa. Atque, his ita confideratis, intelleétu facile eft quâ ratione figura concava vitris danda fit, factis fcilicet primÔ laminis cop ope inftru- menti Z80, deinde rotà expolitâ, tam ope harum laminarum quàm inftrumenti Y67, & reliquis omnibus eo quo diximus modo obfer- vatis. Notandum tamen rotam, quà ad convexa utimur, pro arbitrio magnam efle pofle; illam autem quâ ad concava, tantam effe non debere ut ejus femidiameter diftantià, quæ erit inter lineas 12 & 55 in machinà cujus ope formabitur, fit major. Et in concavis poliendis multo celerius hæc rota vertenda eft quam mymphur; contrà verà, in convexis, mymphur velociüs rotandus; quia mymphuris motus multo vehementiüs oras vitri quam medium atterit, rotæ verd mi- nüs. Utilitas autem horum motuum diverforum manifefta eft : vitra enim, fi manu in patinà expoliantur, modo qui unicus in hunc ufque diem receptus eft, licèt patina eam exaëtè haberet figuram quam vitra exigunt, non tamen eadem, nifi cafu, ipfis dari poteft; fi verd utamur motu folius mymphuris « centrum vitri centro patinæ jun- a. cnop Elz. 203 204 20) SE Se NS ES 224-226. DIOPTRICE, 649 gentis », omnes figuræ defeétus, qui in patinâ reperientur, circulos in vitro defcribent, & vitri medium, in quo minimus erit motus, nunquam fatis atteretur. Multa hîc funt | ad Geometriam fpectantia, quorum demonftra- tiones omitto; mediocriter enim in hâc fcientià | exercitatis fatis omnia illa per fe patent, & reliqui fine dubio faciliores, ad haben- dam diétis meis fidem quäm ad illa legenda, fe præbebunt. 8. Cæterüm, ut ordine fingula procedant, vellem, primÔ, ut arti- fices in poliendis vitris, planis ab unâ parte & convexis ab alterâ, exercerentur & quidem in iis quæ hyperbolen referant cujus foci duos aut tres pedes ab invicem diftent; nam hæc longitudo fuffcit fpecillo fatis perfeétè objeéta inaccefla exhibituro. Deinde multa vitra concava expoliri vellem, una aliis magis cava, &, ordine unum pot aliud vitro convexo conjungendo, experiri quodnam ex ipfis per- feétius telefcopium componeret, habità etiam ratione oculi qui ipfo effet ufurus : qüia conftat hæc vitra magis concava requiri, pro iis qui tantüm proximè admota cernunt, quàm pro aliis. Vitro concavo fic invento, cum idem ad omnia alia fpecilla eidem oculo poñlit in- fervire, nihil amplius ad telefcopiorum ftruéturam requiritur, nifi tantüm ut exercitatione atque ufu facilitas acquiratur alia vitra con- vexa poliendi, quæ longius quàm primum à concavo removenda fint; & gradatim poliendi alia, quæ magis magifque abducenda fint, atque etiam quæ fint pro ratione tant majora, donec hâc in re ad fummum quod fieri poterit perveniatur. Sed, quà longius hæc vitra convexa à concavis removenda erunt & confequenter ab oculo, eù | exquifitiüs quoque polienda, quoniam iidem errores longius in iis à debito loco radios detorquent. Ut, fi vitrum F radium CF tan- tumdem refringit quantum vitrum E refringit AE, adeo ut anguli AEG & CFH fint æquales, fatis liquet C F tendentem ad H lon- gius recedere à punéto D, ad quod tenderet fi nullam | refractionem pateretur, quàm AE, tendens ad G, à punéto B. 9. Poftremum & quidem præcipuum, quod hic vellem, eft ut vitra ab utrâque parte convexa polirentur pro fpecillis quibus objecta propinquiora contemplamur, &, primüm faétis is quæ tubis valde brevibus includi debent, quoniam hæc facillima, illa gradatim poftea aggredi quæ longiores tubos exigunt, donec ad ea perveniatur quæ longiflimos, quæ ufui effe poflint, defiderant. Et ne forfan difli- cultas, quæ in fabricà horum fpecillorum occurrere poflet, quem- quam deterreat, hîc adhuc dicam, licèt initio illorum ufus non tantum omnibus ablandiatur quantum telefcopiorum, quæ videntur in cœlum nos effe eveétura & ibi in aftris corpora æquè particularia, Œuvres. I, 82 6so OŒEuvREs DE DESCARTES. 226-227. & forfan æquè diverfa ac ea quæ hîc in terrà videmus, exhibitura, me nihilominus illa longè utiliora judicare, quoniam fpes ef, eorum ope, diverfas miftiones & difpofitiones minutarum partium, quibus animalia & plantæ & forfan etiam alia corpora quibus undi- quaque cingimur conftant, nos infpetturos & non parum inde adju- menti ad pernofcendam eorum naturam habituros, Jam enim, | fe- cundüm opinionem plurimorum philofophorum, omnia hæc corpora nonnifi ex partibus elementorum diverfimode mixtis componuntur; & fecundüum meam, tota illorum effentia & natura, faltem inanima- torum, tantum in magnitudine, figurà, fitu & motibus partium confiftit. 10. Supereft adhuc nonnulla difiicultas circa hæc vitra, quoties utrimque convexa aut concava fieri debent, ut | fcilicet centra dua- rum ejufdem vitri fuperficierum direétè fibi invicem opponantur; fed hæc facile tolli poteft, fi primd eorum circumferentia fiat torno exactè rotunda & æqualis ei manubrii vel mymphuris, cui aggluti- nanda erunt ut poliantur; deinde, cum ei agglutinabuntur, & gyp- fum aut pix aut bitumen quo jungentur duétile adhuc & fequax erit, fi annulo accuratè ad eorum menfuram facto, & tantæ latitu- dinis ut extremitates vitri & mymphuris fimul includat, inferantur. Particularia plura inter poliendum obfervanda hic omitto, ac etiam nolim in praxi eadem omnia quæ defcripfi obfervari; quia non tam ipfas machinas quàäm machinarum fundamenta & caufas explicare conatus fum; & artificibus imperitis inventa hic defcripta non com- mendo, fed ea fpero fatis egregia & fatis magni momenti vifum iri, ut nonnullos ex maximè induftriis & curiofis noftri ævi ad eorum executionem fufcipiendam invitent. FINIS. 206 207 ant és ns de ee, cs tt METEORA | CAPUT LI. De natura terreflrium corporum. 1. Îta naturâ homines comparati fumus ut magis plerumque admiremur quæ fupra nos, quäm quæ vel infra vel in eâdem altitu- dine circa nos funt. Et quanquam nubes vix excedant quorundam montium vertices, fæpe quoque infra faftigia noftrarum turrium vagentur, quia tamen oculos ad cœlum erectos contemplatio illarum exigit, tam fublimes illas imaginamur ut ipfi Poëtæ & Pictores regiam Dei fedem illis adornent, & magnas illius manus ibi occu- pari fingant laxandis atque obftruendis ventorum clauftris, matutino rore flofculis noftris perfundendis,& fulminandis editorum montium jugis. Atque hoc fpem mihi facit, fi ita naturam illarum explica- vero ut nufquam in iis quæ ibi apparent, vel etiam quæ inde defcendunt, admirationi locus relinquatur, quemvis facillimè credi- turum non impoflibile fore eâdem ratione caufas omnium indagare, quæ terra mirabilia habet. 2. | In primo hoc capite, de naturà terreftrium corporum in genere loquemur, ut eù felicius in fequenti exhalationes & vapores explicemus. Et, quoniam hi vapores, furgentes ex Oceano, quan- doque falem in fuperficie illius componunt, hinc arreptà occa- fione paululum defcriptioni illius immorabimur, atque in eo expe- riemur num formas corporum (quæ Philofophi aiunt mixtione perfeétà | compoñita effe ex elementis) æquè benè deprehendere poflimus ac Meteora, quæ ex iifdem nonnifi mixtione imperfectà generari ferunt. Poftea, confiderantes quo paëto vapores per aërem ferantur, dicemus unde ventis origo. Et ex eo quèd in regionibus quibufdam cogantur, nubium inde exfurgentium naturam expo- netnus, Demum, ex eo quèd refolvantur, indicabimus quid nivi, 652 Œuvres DE DESCARTES. 232-234. pluviæ, grandini caufam præbeat; ubi minimè nivis illius oblivif- cemur, cujus particulæ velut circino dimenfæ ftellas exiguas fenis radiis accuratiflimè repræfentant : hæc enim, licèt à majoribus non fuerit notata, in maximis tamen naturæ miraculis cenferi debet. Neque magis tempeftates, fulmina, fulgura, varios ignes ibi accenfos atque apparentia lumina tranfcurremus. Inter cætera autemi ftudiofè conabimur arcum cœleftem bene delineare, & caufas colorum illius ita exponere, ut inde etiam eorum quibus alia corpora imbuuntur, natura poflit intelligi. His etiam caufas addemus colorum quos vulgà collucere in nubibus videmus; circulorum itidem aftra coronantium; & poftremd, cur Sol & Luna multiplicati interdum appareant. [Cæterüum, quoniam harum rerum cognitio pendet ex principiis ‘ generalibus naturæ, nondum fatis benè, quod ego fciam, in hunc ufque diem explicatis, hypothefibus initio quibufdam utendum erit, quemadmodum & in Dioptrice; fed adeo planas & faciles illas reddere ftudebo, ut forfan etiam non demonfitratas facilè fitis admifluri. j 3. Primo igitur fuppono aquam, terram, aërem & reliqua fimilia corpora quibus cingimur, conftare multis exiguis partibus, figurà & magnitudine diflerentibus, quæ nunquam tam accuratè nexæ & continuatæ funt quin pluri|ma fpatia inter illas pateant : non quidem vacua, fed referta materià illà fubtiliffimà, per quam fuprà diximus actionem luminis communicari. Deinde fuppono exiguas illas partes quibus aqua componitur, longas, læves & lubricas efle, anguillarum parvularum inftar quæ, licèt jungantur & implicentur, nunquam tamen ita nexæ cohærent ut non facilè feparentur; & contrà, fere omnes alias, tam terræ quäm aëris & plerorumque corporum, par- ticulas admodum irregulares & inæquales figuras habere : adeo ut tam parüm implicari non poflint, quin flatim mutud nectantur & hæreant velut impeditæ, quemadmodum rami virgultorum in fe- pibus. Et quoties illæ | ita nectuntur, corpora dura componunt, ut terram, lignum & fimilia; contrà, quoties fimpliciter una alteri tantüm imponitur, & nonnifi valde parüm vel nullo modo impli- cantur, & fimul adeo parvæ funt ut, agitatione materiæ fubtilis quà cinguntur, facilè moveri & feparari poflint, multum fpatii occupare debent & corpora liquida, rariffima & leviffima, ut oleum aut aërem, componere. 4. Præterea cogitandum eft materiam fubtilem, omnia intervalla quæ funt inter partes horum corporum replentem, nunquam à motu velociffimo ceflare, fed afliduè huc atque illuc ferri, non autem eàdem velocitate ubivis & omni tempore : nam, ut plurimum, 209 oCates-m bent és tnt mms 10. dés dt éd ds DÉbne 210 234-236. METEORA. 653 paulo concitatius fertur juxta fuperficiem terræ quäm in fublimi aëre ubi nubes confiftunt; & fub æquatore, locifque vicinis, quàm fub polis; &, in eodem loco, velociüs æftate quam hyeme, interdiu etiam quàam noétu. Quorum omnium ratio ma/nifefta erit, fi pute- mus lucem nihil aliud efle quàäm motum quemdam vel aétionem quâ corpora luminofa materiam fubtilem quaquaverfum fecundüm rectas lineas à fe propellunt, quemadmodum in Dioptricâ diétum eft. Inde enim fequitur radios folares, tam reétos quäm reflexos, validiüs illam agitare interdiu quam noétu; æftate quàm hyeme ; fub æquatore quàm fub polis; & denique prope terram quàam prope nubes. 5. Sciendum etiam eft hanc materiam fubtilem diverfæ magnitu- dinis partibus conflare, earumque alias (licèt omnes perexiguæ fint) aliis | longè majores efle;, & maximas quidem, vel (ut reétiüs loqua- mur) minüs exiguas femper plus virium habere, quemadmodum in univerfum omnia magna corpora, tantundem agitata quantum parva, hæc robore multüm exfuperant. Atque id eficit ut, qud hæc materia eft minüs fubtilis, id eft compoñita ex partibus minüs exi- guis, hoc vehementius partes aliorum corporum agitare poñlit. 6. Unde etiam fit ut plerumque minuüs fubtilis fit eo in loco & tempore in quo maximè agitatur : ut juxta fuperficiem terræ quàam in medià aëris regione; fub æquatore quàäm fub polis ; æftate quàm hyeme; & demum interdiu quàm noctu. Cujus ratio in eo confiftit, quod harum partium maximæ, cûm eo ipfo fint vali- diffimæ, omnium facillimè eù tendere poflint, ubi ob agitationem vehementiorem faciliùs motus illarum* continuatur. Semper tamen ingens numerus minorum mixtus cum his maximis fertur. Et notandum omnia terreftria corpora poris quibufdam pervia efle, qui minimas illas quidem admittunt; fed ex iis multa efle quæ tam arétos atque ita ordilnatos hos meatus habent, ut maximas omnino excludant; atque hæc, ut plurimum, ea funt quæ gelidiora inveniuntur, fi tangantur vel tantüm manus ad illa propius admoveantur. Sic, quantüm marmor aut metallum ligno gelidius eft, tanto etiam difliciliùs eorum poros partes hujus ma- teriæ minüs fubtiles admittere putandum eft; & poros glaciei adhuc ægriùs quàm marmoris vel metalli, cùm hæc ipfis multo frigi- dior fit. 7. Hic enim ftatuo, ad|naturam caloris & frigoris intelligendam, non opus efle aliud concipere quàm exiguas corporum quæ tangi- a. illorum Æ/3. 6;4 Œuvres DE DESCARTES. 236-237. mus partes folito magis aut minüs vehementer, five ab hâc materià fubtili, five ab alià quâlibet caufà commotas, intenffüs etiam vel remifliüs in parva capillamenta nervorum taétui infervientium ferri; &, cm vehementià quâdam infolità illa impelluntur, hoc fenfum caloris in nobis efhicere; frigoris verd, cûm folito remiflius agitantur. Ac, licèt hæc materia fubtilis non feparet ab invicem corporum durorum pattes inftar ramorum implicitas, quemad- modum feparat partes aquæ vel aliorum corporum liquidorum, tamen illa has agitare & magis aut minüs concutere potefl, prout impetu concitatiori aut languidiori fertur, vel etiam prout partes magis aut minüs craflas habet : quemadmodum venti ramos omnes arborum, quibus fepimentum aliquod contexitur, agitare poflunt, nullà tamen earum evulfà. Cæterüum, cogitandum eft inter hujus materiæ fubtilis robur, & vim refiftentem partium corporum alio- rum, illam proportionem efle ut, cüm non minüs agitatur neque fubtilior eft quàm folet efle in hàc regione juxta terram, vim habeat agitandi exiguas partes aquæ quas interlabitur, & | fingulas feorfim loco movendi, imo etiam pherafque earum inflectendi, atque ita hanc aquam liquidam reddendi; fed, cm non vehementiüs pelli- tur, nec minüs fubtilis eft, quäm folet efle | in his plagis in aëre fublimi, aut quandoque per hyemem juxta terram, non fatis illi roboris adeft ad illas ita inflectendas & agitandas; unde fit ut con- fufñim & fine ordine unæ aliis impofitæ fiftantur, atque ita corpus durum, glaciem videlicet, componant. Adeo ut eandem differentiam inter aquam & glaciem poflimus imaginari, quam inter cumulum parvarum anguillarum, feu viventium feu mortuarum, inna- tantem pifcatoriæ fcaphæ foraminibus undique pertufæ, quibus aqua fluviatilis, quà moventur, admittitur, & cumulum earundem anguillarum quæ ficcæ & gelu rigidæ in ripà jacent. Et quoniam aqua nunquam gelu conftringitur, nifi materia, quæ ejus partes in- terlabitur, plus folito .fit fubtilis; inde fit ut pori glaciei, qui tum* formantur ad menfuram particularum hujus materiæ fubti- liffimæ, fic arctentur ut paulo majores omnino excludant; atque ita glacies maneat frigidiflima, licèt in æftatem refervetur; atque ut femper duritiem fuam obtineat, nec paulatim inftar ceræ mol- lefcat : ejus enim pororum anguftia impedit quominus calor ad interiora penetret, nili quatenus exteriora liquefcunt. 8. Præterea hic quoque notandum venit, partium longarum & lubricarum, ex quibus aquam compoftam diximus, plurimas qui- a, tam ÆEl7. CINE IP TENTE h … 8 ar bé = de int Dé à à fé. étie d 213 214 239-239. METEORA. CHE dem effe quæ hinc & inde fe inflectunt, & à motu qui eas ita flectit ceffant, prout materia fubtilis, quà cinguntur, pauld majori aut minori robore pollet, ut paulô ante dictum eft; fed præterea etiam quafdam effe || pauld crafliores quæ, cûm non ita | flexiles fint, falis omnia genera componunt; & quafdam alias paul fubtiliores quæ, cüm non ita facilè ceflent ab ifto motu, conflant liquores illos tenuif- fimos, qui fpiritus aut aquæ vitæ vocantur & nullo frigore folent concrefcere. Cum autem illæ, ex quibus aqua communis conftat, omnino ceflant ab eo motu qui eas flectit, non putandum eft earum naturam exigere ut omnes in rectum, inftar junci, porrigantur; fed, in multis, ut potiüs hoc vel illo modo curvatæ fint : unde fit ut tunc non poflint feipfas ad tam anguftum fpatium contrahere, quàm dum materia fubtilis, fatis virium habens ad illas quomodolibet in- flectendas, femper ipfarum figuras ad menfuram locorum quibus infunt accommodat. Notandum etiam eft, cùm hæc materia fubtilis multo plus virium habet quàm ad hoc requiratur, illam contrarià ratione eflicere ut in majus fpatium fe diffundant, Quod facile erit experientià cognofcere, fi aliquod vas longi fatis & angufti colli, calidà repletum, aëri exponamus, cum gelat : hæc enim aqua fenfim fubfidet ufque dum pervenerit ad certum aliquem frigoris gradum; inde iterum paulatim intumefcet, & furget ufquedum, gelu vinéta, confiftat; atque ita idem frigus, quod initio illam coget & conden- fabit, paulo pôit eandem rarefaciet. Experientia etiam docet aquam calentem, quæ igni appoñita diu bulliit, frigidà & crudà celeriüs congelari; atque hoc ex eo contingit, quèd tenuiflimæ ejus partes & quæ, cum facillimè infletantur, omnium maximè congelationi re- fiftunt, ex eà, dum bullit, egrediantur. 9. Ut autem faciliüs hæ hypothefes apud vos inveniant locum, nolim putetis me particulas corporum terrelftrium tanquam ato- mos aut indivifibilia corpufcula concipere, fed potiüs, cùm | omnes ex eâdem materiâ conftent, me credere unamquamque modis innu- meris dividi poffe, nec aliter inter fe differre quàäm lapides variarum figurarum ex-eâdem rupe excifos. Præterea etiam, ne videar fponte Philofophis aliquam in me difputandi occafionem dare velle, moneo expreffè me nihil eorum negare quæ illi, præter ea quæ jam dixi, in corporibus imaginantur, ut formas fubftantiales, qualitates reales & fimilia, fed putare meas rationes tantd magis efle admittendas, quo fimpliciora & pauciora funt principia ex quibus pendent. 6,6 OŒuvres DE DESCARTES. 239-241. CAPUT II. De vaporibus € exhalationibus. 1. Si confideremus materiam fubtilem, quæ per terreftrium corporum poros fertur, vel præfentià folis, vel fimili qualicunque caufà, vehementius quoque exiguas iflorum corporum partes im- pellere, facillimè intelligemus illam effecturam ut quæ fatis exiguæ funt, & fimul ejus figuræ atque in tali fitu ut facilè à vicinis fepa- rentur, huc atque illuc difliliant atque in aërem attollantur; non quidem | inclinatione quâdam fingulari, quà afcenfum affectent, aut vi quädam folis attrahente; fed folummodo quia locum nullum inveniunt, per quem facilius motum continuare queant : quemad- modum è terrà pulvis furgit, fi tantüm pedibus alicujus viatoris deorfum pellatur & agitetur. Licèt enim grana hujus pulveris ma- gnitudine & pondere multüm exfuperent exiguas par|tes de quibus hic eft fermo, nihilominus tamen furfum tendunt, videmufque altiüus illa eniti, cùm vafta planities difcurfantibus multis concul- catur, quàm fi pars tantüm ejus ab uno ex iis prematur. Ideoque non eft mirandum, fi folis actio perexiguas materiæ partes, quibus vapores & exhalationes componuntur, in fublime attollat, cum fimul eodem tempore totum hemifphærium terræ illuftret, eique integros dies incumbat. 2. Sed notemus has exiguas partes ita fublatas in aërem vi folis, ut plurimum, illam figuram habere quam partibus aquæ tribuimus ; nullæ enim aliæ funt quæ faciliùs à corporibus in quibus hærent divellantur. Atque has folas abhinc fpeciatim vapores nomina- bimus, ut diftinguantur ab aliis quæ figuras magis irregulares habent, & quas, magis proprio vocabulo deftituti, exhalationes dicemus. Sub harum autem nomine & illas compreliendam quæ, fere eandem cum aquâ figuram habentes, fed | magis fubtiles, fpi- ritus aut aquas vitæ componunt; quia facilè ardent ut ipfæ, vapores autem nunquam. Illas verd hinc excludam quæ, cüm in multos ramos divifæ fint, funt fimul tam fubtiles ut non aliud corpus quàm aëris componant. Quod autem ad illas attinet quæ, paulo crafliores, etiam in ramos divifæ funt, rard quidem ex corporibus duris, in quibus hærent, fuà fponte egrediuntur; fed, fi quando ignis illa depafcat, omnes in fumum folvuntur. Et aqua etiam, poris illorum 219 RARE SA RTE à à ù Lu cf ls dt 216 217 218 241-243. METEORA. 657 illapfa, fæpius has librare & fecum in fublime auferre poteft, eâdem ratione quà ventus, per tranfverfam fepem fpirans, paleas vel folia in virgultis hærentia fecum rapit; feu potiùs, quemadmodum ipfa aqua in fummum alembici fecum attollit exiguas partes olei, | quas Chymici ex plantis ficcis plurimà aquâ maceratis extrahunt, omnia fimul deftillantes, atque hâc operû efficientes ut paululum illud olei quod habent, cum magnà immiftæ aquæ copià aflurgat. Revera enim plurimæ illarum eædem funt, quæ corpora horum oleorum componere folent. 3. Notemus etiam vapores femper plus fpatii occupare quàam aquam, licèt nonnifi ex iifdem particulis conftent; quia, cum hæ partes corpus aquæ componunt, non moventur nifi quantum fufhicit ut fe inflectant & labendo unæ aliis implicent, quemadmodum vi- demus illas exhiberi ad A; fed contrà, cüm | vaporis formam habent, agitatio | illarum adeo eft concitata ut celerrimè rotentur in omnes partes & eâdem operà in longitudinem fuam porrigantur; unde fit ut fingulæ illarum reliquas fui fimiles, irruptionem in parvas fphærulas quas defcribunt molientes, arcere atque abigere poflint, ut illas cernimus repræfentari ad B. Planè quemadmodum, baculo LM, per quem funiculus N P trajectus eft, celerrimè rotato, videmus funiculum reétum atque extenfum porrigi, occupantem eo ipfo totum fpatium comprehenfum circulo NOPQ; hâc ratione ut nullum ibi aliud corpus locari poflit, quod non | cum impetu flagellet atque expellere nitatur; fed, motu faéto lentiore, illum collabi & baculum fuà fponte circumdare, neque tantum fpatii occu- pare quàäm antea. 4. Obfervemus præterea hos vapores modù magis, modù minuüs, effe denfos aut raros, magis aut minuüs calidos vel frigidos, magis vel minüs pellucidos vel obfcuros, magis etiam vel minüs humidos vel ficcos. Prim enim, cüm partes illorum, non ampliüs fatis agi- tatæ ut retæ maneant & extenfæ, incipiunt convolvi atque accedere ad invicem, ut videmus ad C & D; vel etiam cüm, inter montes arétatæ, vel inter actiones diverforum ventorum mediæ qui flatu oppoñito alios alii impediunt quominus aërem agitent, vel cüm, fub nubibus quibufdam ftantes, non tantum dilatari poffunt quantum agitatio illarum exigit, quales cernimus ad E; vel etiam denique, cm plures earum, fimul maximam partem fuæ agitationis motui in eandem partem impendentes, non tam velociter rotantur quàm aliàs folent, quemadmo|dum illæ quæ ad F, ubi egreflæ ex fpatio E ventum generant nitentem ad G: palàm eft vapores, quos com- ponunt, crafliores & magis coactos efle quàm fi horum trium nihil Œuvres. I, 83 6:38 OEUVRES DE DESCARTES. . 243-246. accideret. Manifeftum quoque eft, fi vaporem ad E tantundem agi- tatum fingamus quantum eft ille qui ad B, multo illum calidiorem fore ; nam particulæ ejus, magis coaëtæ, plus virium habent : quem- admodum candentis ferri calor ardentior eft | calore flammæ vel prunarum. Atque hinc eft ille calor quem vehementiorem, & magis veluti fuffocantem, æftate interdum fentimus, aëre tranquillo & nubibus undiquaque æqualiter preffo pluviam moliente, quam codem nitido & fereno. Vapor autem, qui | ad C, frigidior eft illo qui ad B, licèt particulas paullo arétiùs compreflas habeat; quia multo minüs agitatas eafdem fupponimus. Contra ille qui ad D calidior, quia ejus particulas multo magis condenfatas & non nifi paulo minüs agitatas flatuimus. Et qui ad F frigidior quàm qui ad E, licèt partes non minüs compreffas nec minüs habeat agitatas; quoniam illæ | magis confpirant in eundem motum, atque ideo par- ticulas aliorum corporum minuüs concutiunt: ut ventus femper eodem modo fpirans, licèt vehementiflimus, non tantum agitat folia & ramos arborum, quantum languidior fed magis inæqualis. 5. Et experientia docebit, in agitatione parvarum partium ter- reftrium corporum calorem confiftere, fi, contra digitos junctos fortiter fpirantes, obfervemus fpiritum, ore egreflum, in exteriori manüs fuperficie frigidum nobis videri, quia ibi, celerrimè & æquali robore latus, non multum agitationis efhicit; & contrà fatis calidum inter medios digitos, quia per illos lentiùs & inæqualius enitens, magis tremulo motu exiguas illorum partes concitat : ut illum etiam femper calidum fentimus, ore patulo & hianti flantes, & frigidum eodem fere claufo. Atque ab hâc eâdem ratione eft quôd communiter venti impetuofi frigidi funt, neque multi calidi fpirant, nifi etiam fimul fint lenti. 6. Præterea, vapores ad B & E & F funt pellucidi, nec vifu à reliquo aëre dignofci queunt: cum enim celerrimè & eodem quo materia fubtilis, quæ illas circumjacet, impetu moveantur, non poffunt impedire ne actionem à lucildis corporibus manantem in fe admittat, fed potius ipfimet etiam illam admittunt. Contrà verd vapor ad C obfcurior, five minüs tranfparens, evadit, quoniam ejus particulæ non funt amplius ita obfequentes | huic materiæ fubtili, ut quibuflibet ejus impulfionibus cedant. Et vapor qui ad D, quia calidior quam qui ad C, non tam obfcurus effe poteit. Ut videmus hyberno tempore calentium equorum halitum & fudorem, propter aëris frigus, fpecie denfi & obfcuri fumi craflefcere, qui contra æflate, propter ejufdem aëris calorem, non apparet. Neque enim dubitandum quin aër fæpe tam multos aut etiam plures vapores con- 219 220 221 Diane METEORA. 6 $9 tineat, cum nulli prorfus in eo videntur, quàm cüm denfiflimi apparent. Quomodo enim fine miraculo fieri poflet ut fol torridus æftivo tempore, medià die, vel lacui vel locis paludofis incumbens, nullos vapores inde elevaret ? | Tum temporis enim notatur aquas fubfidere & decrefcere magis quàm aëre frigido & obfcuro. 7. Denique vapores, qui ad E, humidiores funt, id eft magis dif- pofiti ad tranfeundum in aquam, atque ad reliqua corpora, inftar aquæ, humeétanda, quàm qui ad F. Nam contrà hi ficci funt, quia, validè impellendo humida corpora quibus occurrunt, inde ejicere partes aquæ in iis latentes & fecum auferre poflunt, atque ita illa exficcare. Ut etiam ventos impetuofos femper ficcos experimur, neque humidum quemquam nifi fimul & languidum. Dicere quoque poflumus eofdem vapores, qui ai E, humidiores elle ïis qui ad D, quum partes illorum, plus agitatæ, meliüs aliorum cor- porum poris, ad ea humeétanda, fe infinuare poflint; fed alio ref- peétu ficciores etiam dici poffunt, quia fcilicet nimia partium agi- tatio prohibet ne tam facilè in aquam coëant. | 8. Quantum ad exhalationes, longè plures qualitates admittunt quàäm vapores, ob majorem quam habent partium differentiam. Hic autem fufficit notalle, crafliores fere nihil efle præter terram, qualem ia fundo vafis cernimus in quo pluvia vel nivalis aqua refedit; fub- tiliores ver nil aliud quäm fpiritus aut aquas vitæ, quæ femper priores è corporibus deftillatis furgunt; & | mediarum, alias com- mune quid habere cum volatilium falium, alias cum oleorum na- turà, feu potis cum illà fumi ex iis, dum comburuntur, egredientis. Et licèt hæ exhalationes maximam partem non leventur in aërem, nifi vaporibus mixtæ, facillimè tamen ab iis poftea feparantur : aut fuà fponte, quemadmodum olea ab aquâ cum quà deftillantur ; aut agitatione ventorum adjutæ, quæ illas in unum aut plura corpora cogit, quemadmodum rufticæ, lactis cremorem pulfando, butyrum à fero feparant; vel etiam hoc folo quôd, vel leviores, vel pondero- fiores, vel magis vel minüs vibratæ, in regione fublimiori vel humi- liori commorantur quàm ipfi vapores. Et communiter olea minüs altè levantur quäm aquæ vitæ; & quæ magis terream habent na- turam, minüs adhuc quäm olea. Nulla autem funt quæ inferiüs fubfiftant quam illæ aquæ particulæ ex quibus fal commune com- ponitur; quæ quamvis, propriè loquendo, neque exhalationes neque vapores dici poflint, cm nunquam altiùs quäm ad fuperficiem maris attollantur; quia tamen evaporatione hujus aquæ eù pertin- gunt, & multa habent valde notatu divna, quæ hic commodè pof- funt explicari, minimè illas omittam. 660 OEuvres DE DESCARTES. RAR | CAPUT II. De Sale. r. Salfedo maris confiftit tantüum in craflioribus iftis ejus aquæ particulis, quas paulo antè audivimus non convolvi aut flecti pofle actione materiæ fubtilis, quemadmodum reliquas, neque etiam agitari nifi minorum interventu. Primd enim, nifi aqua compofita foret ex ejufmodi partibus, quales fuprà ftatuimus, æquè facile aut difficile illi effet in quotlibet & cujuslibet figuræ partes dividi, atque ideo vel non tam liberè quäm folet illaberetur corporibus quorum meatus fatis laxi funt, ut calci & arenæ; vel etiam quodammodo in ea penetraret quæ arétiores illos habent, ut in vitrum & metallum. Deinde, nifi hæ aquæ partes eam haberent figuram quam ipfis tri- buimus, non tam facilè ex poris aliorum corporum, quos infede- runt, folà ventorum agitatione aut calore expellerentur : ut olea & pinguiores alii liquores, quorum partes alias figuras habere dixi- mus, manifeftum reddunt; vix enim unquam omnino ejici poffunt ex corporibus quæ femel occuparunt. Poftremd, quoniam nulla in naturâ corpora videmus adeo accuratè fimilia, quin femper | ali- quantulum in magnitudine differant, neminem effe puto qui difi- culter patiatur fibi perfuaderi aquæ etiam partes non omnino æquales efle, & præfertim in mari (quod eft ingens aquarum om- nium receptaculum) quafdam tam craflas inveniri, ut non poflint inflar aliarum diverfimodè infleéti ab eà vi quà communiter agi- tantur. Atque hîc deinceps conabor demonftralre, hoc folum fufii- cere ut omnes falis qualitates in iis reperiantur. 2. Primo non mirandum eft illas faporem pungentem & pene- trantem habere, multüm differentem ab eo aquæ dulcis; cùm enim non poflint à materiâ fubtili, quæ illas circumjacet, inflecti, necelle eft ut in cufpides erettæ & telorum inftar vibratæ, linguæ poros in- grediantur, atque ita penetrent fatis altè ad illam pungendam; cum econtra partes aquæ dulcis molliter fupra illam fluitantes & femper in latera jacentes, ob facilitatem quà fleétuntur, vix guftu poflint fentiri. Et particulæ falis, ita punétim ingreffæ poros carnium, quæ eo condiri folent ut afferventur, non modû humiditatem tollunt, fed etiam funt inftar paxillorum hîc illic inter earum partes defixorum, ubi immoti & non cedentes illas fuflinent, & impediunt ne aliæ 222 223 nd “nn nc de cu din ÉD LS in es SR SE CR 224 229 250-252. METEORA. GGI magis lubricæ, feu plicatiles, immixtæ illas concutientes loco mo- veant, atque ita corrumpant corpus.quod componunt. Hinc etiam carnes falitæ fucceflione temporis magis indurefcunt, quas alioqui partes aquæ dulcis, fe infleétendo atque huc illuc poris earum illa- bendo, facile emollirent & | corrumperent. 3. Præterea non mirum eft aquam falfam dulci ponderofiorem effe, cum partibus conftet magis craflis & folidis, quæ propterea in minus fpatium contrahi poffunt : ex hoc enim gravitas pendet. Sed inquifitione dignum eft quare partes illæ folidiores inter alias mi- nüs folidas mixtæ remaneant, cùm ob majorem gravitatem fubfi- dere debere videantur. Et hujus rei ratio eft, faltem in partibus falis vulgaris, quôd utramque extremitatem æqualiter craffam ha- beant, fintque omnino reétæ inftar teli vel ba|culi: fi enim unquam in mari quædam fuerint in unâ fui extremitate crafliores, & eo iplo ponderofiores quäm in alterà, fatis temporis à mundi exordio ha- buere ut, crafliori iftà parte deorfum inclinatâ, ufque ad fundum de- fcenderent; & fi quæ fuerint curvæ, fatis etiam temporis habuerunt ut, corporibus duris occurrentes, eorum poros ingrederentur ; fed quia, in hos femel immiffæ, non tam facilè fe inde liberare potue- runt quäm rectæ & in utrâque parte æquales, ideo nullæ nunc præ- ter has ibi effe poflunt. Hæ autem, quoniam tranfverfæ fibi invicem incumbunt, præbent occafionem partibus aquæ dulcis, quæ à motu non ceflant, illas interlabendi & fe ipfis, annulorum inftar, circum- volvendi atque ita ordinandi ac difponendi ut facilius motum conti- nuare queant, & etiam celeriorem habere quàm fi folæ effent. Nam, cüm ita aliis circumvolutæ funt, vis materiæ fubtilis, quâ agitan- tur, id tantüm agendum habet ut eas quäm citiflimè circa parti- culas falis quas ampleétuntur verfet, atque ex alià in aliam tranf- ferat, nullis interim | ex earum plicaturis five annulis immutatis; contrà vero, cum folæ exiftentes aquam dulcem componunt, ita neceflarid implicantur ut pars virium hujus materiæ fubtilis debeat impendi in iis diverfimodè flectendis ; alioqui enim ab invicem non poflent feparari; & ideo tunc illas nec tam facilè, nec tam veloci- ter, movere, id eft ex uno loco in alium transferre, poteft. 4. Quum itaque fit verum partes aquæ dulcis, partibus falis cir- cumvolutas, faciliüs moveri pofle quäm folas, non mirum ef illas has circumlabi, quum fatis prope adfunt, | & ita complexas retinere ut illas ponderis inæqualitas non divellat. Quo fit ut fal facilè fol- vatur in aquam dulcem injectus, vel tantüm humidiori aëri expo- fitus; nec tamen folvatur, in quantitate aquæ determinatä, nifi determinata ejus quantitas, ea fcilicet quam partes aquæ flexiles fe * 662 Œuvres DE DESCARTES. 252-254. circumvolvendo amplecti poflunt. Et quoniam fcimus pellucida cor- pora, quo minüs motui materiæ fubtilis in poris fuis hærentis re- fiftunt, hoc pellucidiora efle, inde etiam intelligimus aquam mari- nam naturaliter fluviali pellucidiorem elle debere, & refractiones paulo majores efficere. 5. Videmus quoque illam difficilius gelu conftringi, quia nun- quam aqua gelari poteit, nifi quoties materia fubtilis, per partes illius fufa, non fatis roboris ad illas agitandas habet. Hinc etiam caufas arcani, per æftatem componendæ glaciei, difcere poffumus : quod, | licèt jam fatis vulgatum, ex optimis tamen eft quod ejuf- modi arcanorum ftudiofi habent. Salem, æquali copiæ nivis aut glaciei contufæ mixtum, circa aliquod vas aquà dulci repletum dif- ponunt &, fine alio artificio, ut illa fimul folvuntur, hæcin glaciem coït. Quia materia fubtilis partibus hujus aquæ circumfufa, craflior aut minüs fubtilis, & confequenter plus virium habens quàm illa quæ circa nivis partes hærebat, locum illius occupat, dum partes nivis liquefcendo partibus falis circumvolvuntur:; facilius enim per falfæ aquæ quàam per dulcis poros movetur, & perpetud ex corpore uno in aliud tranfire nititur, ut ad ea loca perveniat in quibus mo- tui fuo minüs refiftitur ; quo ipfo materia fubtilior ex nive in aquam penetrat, ut egredienti fuccedat, &, quum non fatis valida fit ad con- [tinuandam agitationem hujus aquæ, illam concrefcere finit. 6. Sed primaria partium falis qualitas eft maximè fixas efle, hoc eft non facilè in vapores folutas attolli quemadmodum partes aquæ dulcis. Quod non tantüm accidit quia majores funt & pondero- fiores, fed etiam quia. quum longæ fint & rectæ, non diu in aëre librari poflunt, five ulterius afcenfuræ five defcenfuræ, quin altera earum extremitas deorfum pendeat, atque ita terræ ad perpendicu- Jum immineant; five enim ad | afcendendum, five ad defcendendum, faciliüs aërem hoc fitu quàm ullo alio fecant. Quod non eodem modo in partibus aquæ dulcis fit; quum enim fint valde plicatiles, nunquam nifi celerrimè rotatæ in reétum porriguntur; quum contrà partes falis vix unquam hâc ratione rotari poflint : nam, fibi invi- cem occurrentes, quia ipfarum inflexibilitas ne unæ aliis cederent impediret, ftatim hærere aut motum interrumpere cogerentur. Sed, quum ita in aëre fufpenduntur, alterà fuà cufpide terræ obverfà, ma- nifeftum eft potiùs defcenfuras quam afcenfuras; vis enim quæ furfum impellere poflet, longè remiflius agit quàm fi tranfverfæ ja- cerent, & quidem accuratè tanto quanto aëris cufpidi refiftentis * a. resistentes Æ17. 226 SEC 5 i ls ” : re, prése pis LS L I US NS NN 227 228 256. METEORA. 663 quantitas minor eft illà quæ obniteretur longitudini, quum interea pondus illarum, femper æquale, hoc vehementiüs agat quo aëris vis refiftens minor ef. 7. Quibus fi addamus aquam marinam, dum arenas permeat, dulcefcere (quia nempe partes falis, cum fint inflexibiles, non, ut partes aquæ dulcis, per exiguos illos anfractus, qui circa fabuli grana reperiuntur, labi poflunt), difce|mus fontes & flumina, cum nonnifi ex aquä, vel per vapores fublatà vel colatà per multum arenæ, conflata fint, minimè falfa efle debere. Itemque univerfas illas aquas dulces, quæ quotidie in mare ruunt, neque ejus magni- tudinem augere neque | falfedinem minuere pole; nam continud totidem inde egrediuntur, quarum aliæ, in vapores mutatæ, fu- blimia petunt atque inde, in nivem aut pluviam glomeratæ, deci- dunt in.terram ; aliæ autem, & quidem plurimæ, per fubterraneos meatus ufque ad radices montium penetrantes &, calore ibi inclufo velut refolutæ in vaporem, attolluntur in eorundem juga, ubi fca- turigines feu capita fontium vel fluviorum implent. 8. Sciemus etiam aquam marinam magis falfam efle fub æqua- tore quam fub polis, fi confideremus Solis æftum ibi vehementio- rem plures vapores excitare, qui non femper edem relabuntur unde venerunt, fed plerumque aliorfum in loca polis viciniora, ut meliüs poftea intelligemus. 9. Poftremb, nifi accuratæ ignis explicationi hic inhærere nollem, addi poffet quare aqua marina reftinguendis incendiis fluviali mi- nüs idonea fit; item, quare agitata noctu fcintillet : videremus enim particulas falis, dum velut fufpenfæ inter illas aquæ dulcis hærent, facillimè concuti &, ita concuffas multoque robore pollentes, ex eo quôûd fint reétæ & inflexiles, non mod flammam augere fi illi im- mittantur, fed etiam ex fe folis aliquam accendere poile, fi cum impetu ab aquà in quà funt exfiliant. Ut, fi mare A cum vehemen- tià impulfum ad C, ibique illifum | fcopulo vel {| obftaculo alio fimili, aflurgat ad B, impetus, quem partes falis ex hoc concuffu acquirunt, efficere poteft ut earum primæ, in aërem juxta B ejectæ, fe ibi dulcis aquæ partibus quibus circumcingebantur expediant atque, ita folæ & certo intervallo ab invicem diflitæ, fcintillas ignis generent, non abfimiles jis quæ folent emicare ex filice percuflo. Notandum tamen particulas falis ad hunc effectum admodum rec- tas & lubricas requiri, ut tanto faciliùs à partibus aquæ dulcis feparari queant; unde nec muria, nec aqua marina diu in vafe aliquo fervata, ejufmodi fcintillas emittit. Requiritur præterea ut partes aquæ dulcis illas falis non nimis arétè complectantur : unde cre- 664 OEuvrEs DE DESCARTES. 256-258. briores hæ fcintillæ apparent cœlo calido quàm frigido; item, ut mare fatis agitatum & concitatum fit : unde fit ut talis flamma ex omnibus ejus fluétibus non emicet; ac poftremà, ut partes falis ferantur punétim, inftar fagittarum, potiüs quàm tranfverfim : at- que hinc fit ut non omnes guttæ ex eàdem aquâ exfilientes eodem modo reluceant. 10. Deinceps verd perpendamus quâ ratione fal, dum generatur, fummæ aquæ innatet, licèt admodum fixæ & ponderofæ illius partes fint; & quomodo ibi in exigua grana formetur, quorum figura quadrata non multum difcrepat ab illà adamantis in men- fulæ formam expoliti, | nifi quôd latiflima illorum frons paulum ex- cavata confpicitur. Primd, neceflarium eft aquam marinam aliquâ foffà excipi ad evitandam continuam fluétuum agitationem, & excludendam aquam dulcem quam fine intermiflione pluviæ & flumina in Oceanum convehunt. Deinde requiritur aër fatis calidus & ficcus, ut agitatio | materiæ fubtilis, quæ in eo eft, ad partes aquæ dulcis à partibus falis quibus circumvolvuntur liberandas & in vaporem attollendas fufficiat. 11. Et notandum aquæ, ut & aliorum omnium liquorum, fuper- ficiem perpetud æqualem & maximè lævem effe : quia partes qui- dem illius inter fe uniformi motu moventur, partes quoque aëris illam tangentes pari inter fe agitatione feruntur, at aquæ partes alià ratione & menfurà agitantur quàm aëris; & præterea materia ‘fubtilis, partibus aëris circumfufa, longè aliter movetur quam ea quæ aquæ partes interfluit : atque hinc fuperficies utriufque politur, planè eodem modo ac fi duo corpora dura attererentur, nifi quod longè faciliùs & fere in eodem inftanti hîc lævigatio fiat, propter par- tium quæ in liquidis funt mobilitatem. Hinc etiam fit ut fuperficies aquæ longè difficilius quàam ejus interiora dividatur; hoc autem ita fe habere docet experientia : nam corpora fatis parva, licèt ex materià gravi & ponderofà, ut | exiguæ acus chalybeæ, facilè fuftinentur & innatant fummæ aquæ, quamdiu ejus fuperficies nondum divulfa eft; fed, ubi femel infra illam funt, ftatim ufque ad fundum de- fcendunt. 12. Jam verd cogitandum eft aërem, cùm fatis calidus eft ad excoquendum falem, non tantummodo quafdam flexibilium aquæ partium excitare & in vaporem elevare pofle, fed etiam cum tant velocitate attollere ut priüs illæ ad fummam hujus aquæ fuperfi- ciem perveniant, quam tempus habuerint partibus falis quibus fuerunt circumvolutæ fe omnino liberandi; eafque idcirco eoufque fecum adducunt, nec priüs planè deferunt quàm foramen exiguum, 229 EEE s: Ex + à 1 "| ? 230 231 258-260. METEORA. 664 per | quod ex corpore aquæ emerferunt, fit claufum; unde fit ut hæ particulæ falis, ab iis aquæ dulcis poftmodum reliétæ, huic fuper- ficiei fupernatent, ut eas repræfentari videmus ad D. Cüm enim ibi tranfverfim jaceant, non fatis habent gravitatis ad fubfidendum, ut nec acus chalybeæ de quibus diximus; fed tantüm paululum fuperficiem deprimunt. Atque ita primæ, quæ hoc paéto aquæ fupernatant, hinc inde per ejus fuperficiem fparfæ, multas veluti foffas aut cavitates perexiguas in eâ formant; deinde, quæ fequun- tur, emergentes ex harum foffarum lateribus, propter eorum quan- tulamcunque declivitatem, delabuntur ad ipfarum fundum, ibique fe prioribus adjungunt. Et inter cætera hîc obfervandum, ex quä- cunque demum illæ parte adveniant, aptè | ad latus priorum fe applicare, ut videmus ad E, fecundas faltem, fæpe etiam tertias, quoniam hoc ipfo paulo altius defcendunt quàm fi in alio fitu rema- nerent, ut in eo qui exhibetur ad F vel ad G vel ad H. Motus etiam caloris, femper aliquantillum fuperficiem agitans, hanc difpofitio- nem promovet. 13, Quum autem ita duæ aut tres in fingulis foflis porrectæ jacent, quæ præterea allabuntur, eodem modo ïis jungi poffunt, faltem fi fponte aliquo modo ad hunc fitum accedant; fed, fi accidat ut pro- pendeant magis ad extremitates quäm ad latera priorum, iis appli- cantur ad angulos rectos, ut videmus ad K : quia etiam paulo altiùs hâc ra|tione defcendunt quàm fi aliter difponerentur, velut ad L aut ad M. Et quoniam totidem circiter ad extremitates duarum aut trium priorum accedunt quam ad latera, hinc fit ut aliquot centenæ ita ordinatæ primo exiguam veluti tabulam contexant, figuræ ad oculum fatis quadratæ, quæ eft inftar bafis nafcentis grani. Et notandum, tribus tantüum ex illis particulis aut quatuor eodem fitu ibi pofitis, ut ad N, medias femper paulo altius demitti quàm exte- riores; | fed, deinde fupervenientibus aliis, quæ tranfverfæ iis jun- guntur, ut ad O, illas exteriores fere tantundem deprimi quantum interiores : unde fit ut exigua tabula quadrata*, bafis futuri grani falis, quæ ut plurimum ex aliquot centenis fimul junétis eft compo- fita, non nifi plana appareat, etiamfi fit femper aliquantulum curva. Jam verd, prout hæc tabula accrefcit, ita quoque altiüs defcendit, fed paulatim & tam lentè ut aquæ fuperficies fuo pondere non divi- dat, fed deprimat tantüm. Et cûm in certam magnitudinem excrevit, tam demilffa eft & ifti fuperficiei aquæ fic immerfa ut partes falis, eù devolutæ, non adhæreant tabulæ oris, fed, tranfgreffæ, eodem modo a. quadratæ ÆE/z. Œuvres. I. 84 666 OEUVRES DE DESCARTÈS. ARS & fitu fuper ipfam labantur, quo priores per fuperficiem aquæ. 14. Quo iplo alia tabula quadrata ibi furgit, itidem paulatim altiùs defcendens, donec rurfus particulæ falis allabentes hanc fu- perare & tertiam quandam tabulam formare poflint; atque ita dein- ceps. Sed particulæ falis, fecundam tabulam componentes, non tam facilè per priorem devolvuntur quàm quæ illam primam for- mabant per ajquam; neque enim fuperficiem tam æqualem & facilem ibi offendunt, & propterea fæpius ad medium non pertin- gunt; quod cüm eo ipfo vacuum relinquatur, tardiùs hæc fecunda tabula defcendit quàm prima, fed paulo major fit antequam tertia incipiat formari; & denuo hæc, paulo plus vacui in medio relin- quendo, | paulo major evadit quàm fecunda, & ita porro, donec inteerum illud granum ex pluribus hujufmodi menfulis coacervatis abfolvatur : id eft donec, oras vicinorum granorum contingens, ulterius crefcere nequeat. 15. Magnitudo primæ tabulæ à gradu caloris eft quo aqua, dum illa fit, agitatur; que enim hæc agitatio major eft, hoc altius parti- culæ falis innatantes fuperficiem illius deprimunt; atque ita bafis minor fit; immo aqua tam validè concuti poteft ut partes falis peflum eant, antequam ullum granum formaverint. Ex quatuor lateribus hujus bafis quatuor frontes furgunt cum quàdam acclivi- tate, quæ, fi calor femper æqualis fuerit inter generandum hoc granum, non nifi ex caufis jam enumeratis dependet; fed, fi inten- datur, hæc acclivitas in parte harum frontium quæ tunc formabitur minor erit; & contrà major, fi remittat; atque, fi alternatim modû augeatur modù minuatur, quafi in gradus hæ acclivitates vide- buntur fraétæ. Et quatuor veluti coftæ, connectentes has quatuor frontes, nunquam valde acutæ funt & præcifæ : partes enim, quæ lateribus hujus grani fefe adjungunt, ut plurimum quidem in longum porrettæ, quemadmodum diximus, ibi adhærent; fed quæ ad angulos ex quibus hæ coftæ furgunt devolvun|tur, faciliüs aliter fe applicant, quemadmodum fcilicet exhibentur ad P. Quod hos angulos paulo obtufores & minüs æquales reddit; unde ipfum etiam granum fæpiflimè | fragilius eft hic quàm alibi, & fpatium in medio vacuum, rotundum potius quäm quadratum. 16. Præterea, quoniam hæ partes granum componentes, præter ordinem quem explicavimus, cæterà fatis confufe junguntur, fæpius inter illarum extremitates, quas fe mutuo contingere non necefle eft, fatis vacui fpatii relinquitur ad recipiendas aliquas dulcis aquæ partes, quæ ibi inclufæ & conglobatæ remanent, velut vidémusadR, faltem quamdiu non nifi mediocriter moventur; fed, cum vehe- 232 233 234 AS METEORA. 667 menti calore concitantur, magno impetu dilatari nituntur; eodem modo quo fuprà diximus quum aqua in vapores folvitur; atque ita hos carceres cum fragore difrumpunt. Unde fit ut falis grana, fi in- tegra in ignem mittantur, crepitando difliliant, non autem fi prius comminuta fuerint & in pulverem redacta : tum enim hæc clauftra jam effracta funt. 17. Præterea nunquam aqua marina tam purè ex particulis jam defcripris componi poteft, quin aliæ fimul immixtæ occurrant quæ, licèt multo tenuiores fint, ibi tamen commorari & particulis falis inferi poflunt; atque ab his procedit gratiflimus ille violarum odor, quem recens fal album exhalat; itemque ille fordidus color, quem in nigro videmus, omnefque aliæ proprietates quæ in falibus ex | diverfis aquis excoétis reperiuntur. 18. Denique rationem intelligemus cur falis grana fatis facile conteri poflint & friari, fi recordemur quà ratione | partes ejus inter fe nectantur. Intelligemus etiam cur fal, cûm fatis purus eft, femper vel albus vel pellucidus apparet, fi ad craflitiem particularum"* ex quibus ejus grana componuntur, & ad naturam coloris albi, quæ infrà explicabitur, fpectemus. Neque mirabimur falem, granis in- tegris & non ficcatis, fatis facilè ad ignem liquefcere, cüm fciamus tunc illum plures aquæ dulcis particulas fuis immixtas habere; neque contrà hoc ipfum multo diffcilius fieri, granis contufis & lento igne exficcatis adeo ut omnes aquæ dulcis particulæ ex eo evolarint, fi confideremus tunc illum non pofle liquidum fieri, nifi permultis ex ejus partibus inflexis & complicatis, illas autem non nifi admodum difficulter inflecti. Nam, licèt fingere poflimus omnes particulas aquæ marinæ fuifle olim, quafi per gradus, unas aliis paulo magis flexiles vel paulo minüs, adeo ut inter minimas, quæ ad falem pertinebant, & maximas, quæ ad aquam dulcem, vix ulla dif- ferentia effet; quiatamen eæ tunc fe inflectere atque aliis circumvol- vere cæperunt, progreffu temporis fe paulatim emollire & magis ac magis flexiles reddere debuerunt, & contra aliæ, quibus circumvo- lutæ funt, planè rigidæ & inflexiles remanere; nunc omnino putan- dum eft magnum difcrimen inter has & illas effle. Utræque tamen funt teretes five rotundæ, nempe partes aquæ dulcis inftar reftis vel anguillæ, & falis inftar baculi vel cylindri : quæcunque enim cor- pora diu & diverfimodè ita moventur, figuram aliquo modo circu- larem affumunt. 19. His autem ita cognitis, facilè etiam agnofcitur natura iflius a. particularem Æ/7. 668 OŒEuvres DE DESCARTES. 263 265. aquæ fortiflimæ atque acidiflimæ, quæ, Chymicis fpiritus vel oleum falis dida, aurum folvit: | quum enim non || fine magnâ vehementià ingentis ignis extrahatur ex fale vel puro vel alio corpori maximè ficco & fixo immixto, ut lateri coctili qui impedit ne liquefcat, palam liquet partes illius eafdem effe quæ antea falem compofuere, fed illas per alembicum afcendere non potuifle & ita ex fixis in volatiles mutari, nifi pofteaquam, inter fe collifæ & vi ignis agitatæ, ex rigidis & inflexibilibus quales erant, plicatiles evaferunt, atque, eâdem operâ, ex teretibus planæ & fecantes, ut folia iridis vel gladioli; nam aliàs minimè flecti potuiflent. Unde etiam ratio in promptu eft quare faporem multüm à fale difcrepantem habeant; in longum enim porrectæ, linguæ incubantes, acie fuà extremitatibus nervorum illius obverfà, atque ita fecando devolutæ, alio planè modo quàm antea illos afficere debent & confequenter alium fapo- rem, acidum nempe, excitare. Atque ita reliquarum proprietatum hujus aquæ ratio reddi poteft; fed, quia in infinitum hic labor excurreret, nunc, ad vapores reverfi, exploremus quâ rationeilli in aëre moveantur & ventos ibi generent. | CAPUT IV. De Ventis. 1. Omnis aëris agitatio fenfibilis ventus appellatur, & omnia cor- pora taétum vifumque effugientia dicimus aërem. Sic rarefaétam aquam & in vaporem fubtilifimum tranfmutatam, in aërem con- verfam aiunt, licèt publicus ille aër, quem refpiramus, ut plurimum ex particulis quæ multo tenuiores funt partibus aquæ, & figuram omnino diverfam habent, componatur. | Atque ita aër, ex folle elifus vel flabello impulfus, ventus nominatur, licèt venti latiùs diffufi ter- rafque & maria perflantes nihil fint nifi vapores moti qui, dilatati, ex loco arétiori in quo erant in alium ubi facilius expandantur tranfeunt. 2. Eädem ratione quâ in globis, quos Æolipylas dicunt, paululum aquæ, in vaporem refolutæ, ventum fatis magnum & impetuofum, pro ratione materiæ ex quâ generatur, excitat. Et quoniam hic ven- tus artificialis ventorum naturalium cognitioni haud parum lucis affundere poteft, è re fore arbitror illum hic explicari. ABCDE eft globus ex ære vel alià tali materià, totus cavus & undiquaque 235 236 LIT TER De PP A 7 RES, 237 238 239 265-268. METEORA. 669 claufus, nifi quôd aperturam exiguam habeat in regione D; cujus parte ABC | aquæ plenà, & alterà AEC vacuä, id eft nihil extra aërem continente, illum imponimus igni, cujus calor, exiguas aquæ partes agitando, efficit ut multæ fupra ejus fuperficiem AC attol- lantur, ubi expanfæ & rotatæ colliduntur, magnoque molimine re- cedere ab invicem nituntur, ut fuprà explicatum fuit. Et quia fe ita expandere atque ab invicem removere non poflunt, nifi quatenus aliquæ ex iis per foramen D egrediuntur, tota illa vis quâ plures colliduntur, tanquam in unum collecta, id agit ut proximas per illud exturbet, atque ita ventus à D ad F fpirans excitatur. Et quia fem- per aliæ hujus aquæ particulæ, in altum ab hâc fuperficie AC à ca[lore fublatæ, dilatantur atque ab invicem recedunt, dum interim per foramen D aliæ enituntur, hic ventus non ceffat ante univerfam globi aquam exhalatam, vel calorem extinétum. 3. Venti autem illi naturales qui folent in aëre fentiri, eodem fere modo quo hic artificialis generantur, & præcipuè tantüm in duabus rebus difcrepant. Quarum prima : qudd vapores, unde his origo, non tantum ab aquæ fuperficfe, ut in hoc globo, fed etiam à terrâ humenti, nive & nubibus emittuntur, & quidem plerumque majori copià quàm ex aquâ, quôd in illis particulæ, fere jam feparatæ & Idisjunétæ, faciliùs porro divellantur. Altera : qudd vapores arciùs quidem in Æolipylà poflint detineri quàm in aëre, ubi tantüm objeétu vel aliorum vaporum, vel nubium, vel montium, vel denique vento- rum ex ahis locis | venientium, impediuntur ne ubivis æqualiter fe extendant; fed viciflim alii alibi vapores fæpe reperiuntur, qui, eodem tempore condenfati quo hi dilatantur, locum derelitum illis occupandum tradunt. Ut, fi, exempli gratià, magnam vaporum co- piam imaginemur confiftere in aëris regione F, qui, fe expandentes, multù majus fpatium eo in quo continentur affectant, & fimul eodem tempore alios hærere ad G qui, | coaéti ac in pluviam vel nivem mu- tati,maximam partem fpatii quod occupabant deferunt, minimè du- bitabimus quin illi, qui juxta F reperiuntur, digrefluri fint ad G, atque ita ventum eù ruentem generaturi. Præfertim fi etiam cogi- temus eos impediri quominus ferantur verfüus A vel B, ab altiflimis montibus ibi fitis; & quominus ferantur verfus E, ab aëre fpiflo & vialterius venti, fpirantis à C ad D, condenfato ; & poftremd | nubes fupra illos ftare, quæ prohibent ne altiüs poflint evolare. Hîc autem, obfervemus, vapores, ita de loco in locum tranfeuntes, omnem aërem iis in vià occurrentem & omnes exhalationes ifti aëri permixtas fe- cum deferre : adeo ut, quamvis illi propemodum foli ventis caufam dent, non tamen foli eofdem componant; fed dilatationem & con- 670 OEuvRrEs DE DESCARTES. 268-270 denfationem harum exhalationum & hujus aëris, quantum in fe eft, generationem ventorum etiam juvare; hoc tamen adeo parum efle ut vix in rationem venire debeat. Aër enim dilatatus duplum tantüm aut triplum fpatii illius præterpropter o:cupat, quod à mediocriter condenfato occupari folet; quum contrà vapores bis vel ter millies tantundem exigant. Et exhalationes non dilatantur, id eft non extrahuntur ex corporibus terreftribus nifi per vehementem calorem, nec fere unquam deinde, quantumcunque afpero frigore, tantum conftringi poffunt quantum antea fuere; quum contrà & exiguus calor | folvendæ in vaporem aquæ, & moderatum etiam frigus va- poribus deinde in aquam glomerandis fuffciat. 4. Sed jam fpeciatim proprietates & generationem principum ventorum contemplemur. Primû, obfervatur totum aërem circa terram ab Oriente ad Occidentem volvi; idque hoc loco fupponen- dum erit, cum commodè ratio diduci nequeat, quin totius univerfi fabrica fimul explicetur, quod extra noftrum propoftum. Sed deinde notatur ventos Orientales plerumque multà ficciores effe, magifque aptos ad ferenum aërem & nitidum reddendum, quäm Occidentales; quia hi, nitentes contra naturalem vaporum curfum, illos fiftunt atque in nubes cogunt; quum | contrà illi eofdem pellant & dif- fipent. Ut plurimum etiam Orientales mane fpirare animadvertimus, Occidentales verd vefperi : cujus rei caufa manifefta erit contem- planti terram ABCD & Solem S, qui, hemifphærium ABC il- luftrans, & faciens medium diem ad B, mediam nottem ad D, co- dem tempore occidit refpectu populorum habitantium ad A, & oritur refpectu habitantium ad C. Nam, qu'a vapores ad B valde dilatati funt | calore diurno, feruntur partim per A, partim per C verfüs D, ubi, fpatium illorum occupaturi quos frigus noctis ibi condenfavit, efficiunt ventum Occidentalem ad A, ubi Sol occidit, & Orientalem ad C, ubi exoritur. 5. Et hic ventus, ita fattus ad C, ut plurimum fortior eft, & cele- riüs rapitur, quam ille qui generatur ad A : tum quia curfum totius maflæ aëriæ fequitur, tum etiam quia in parte terræ, quæ eft inter C & D, citiùs & fortiüs, ob diuturniorem Solis abfentiam, faéta eft vaporum condenfatio quäm in illà quæ eft inter D & A. Conftat etiam ventos Septentrionales ut plurimum interdiu fpirare, illofque ex alto ruere, maximèque violentos, frigidos & ficcos efle. Cujus ratio patebit, fi confideremus terram EBFD fub polis E & F, ubi non multum | Sole incalefcit, multis nebulis & nubibus teétam effe; atque ad B, ubi Sol in illam direétos & perpendiculares radios mit- ut, plurimos vapores excitari, qui, attione luminis agitati, celeriter 240 Fer Le 4 La, LEE: TR À LAN NE NET . dt de fois. is (Did 242 270-272. METEORA. 671 fublimia petunt, ufquedum cd pervenerint unde, vi fui ponderis urgente, facilius ad latera detorquentur & iter fuum tenent verfuüs I & M, fupra nubes G & K, quàam ulteriüs rectà afcendant. Cüumque hæ nubes G & K etiam | incalefcant & rarefiant à Sole, vapores inde egrefli potius progrediuntur à G ad H, & à K ad L, quàm vel ad E vel ad F : aër enim craflus, qui fub polis eft, validiuüs iis obni- titur quàm vapores è terrà verfus meridiem furgentes, quia hi, vehementer concufli & ad motum quaquaverfum jam parati, non gravatè iis loco cedunt. Atque ita, fi ponamus Aréticum polum effe verfüs F, motus vaporum, à K ad L, ventum Septentrionalem exci- tabit, interdiu per Europam fpirantem. Qui ventus ex alto præceps ruit; nam ex nubibus in terram fertur. Valde quoque, ut plurimum, impetuofus eft; nam æftu omnium maximo excitatur, meridiano fcilicet, & materià omnium facillimè in vapores diffolubili, nubibus fcilicet, conftat. Poftremo hic ventus frigidiflimus & ficciflimus eft : cum ob ingentem illius vim ; fuprà enim diximus ventos impetuofos femper ficcos & frigidos efle : tum etiam ficcus eft, quia, ut pluri- mum, ex particulis aquæ dulcis craflioribus cum aëre mixtis com- ponitur, & humiditas præcipuè confiftit in fubtilioribus, quæ rard in nubibus, unde hic ventus originem | ducit, commorantur; nam, ut mox videbimus, glaciei potiüs quàäm aquæ naturam obtinent: tum etiam frigidus eft, quia fecum Meridiem verfüs materiam fub- tilifimam Borealem rapit, quæ primaria frigoris caufa eft. 6. Econtra obfervatur ventos Meridionales noëtu, ut plurimum, flare ; ex humili in fublimia eniti; lentos effe & humidos. Cujus rei ratio manifefta itidem erit | intuentibus terram EBFD, & cogitan- tibus partem illius D, quam fub Æquatore & in quà nunc noëtem elle fuppono, fatis adhuc caloris à diurno Sole retinuiffe ad attollen- dos ex fe multos vapores; fed aërem, qui eft paulo altius verfus P, non parum refrixifle. Nam communiter omnia corpora crafla & -ponderofa, ut terra quæ eft ad D, diutius receptum calorem fervant quàäm fubtilia & levia, ut aër qui eft ad P. Aique hoc efhicit ut va- pores, qui tunc verfüs P exiftunt, non effluant verfüus Q & R, «quem- admodum ii qui funt in alià parte efluunt verfüs I & M », fed ibi cogantur in nubes quæ, impedientes quominus alii vapores terrà D egrefli altè afcendant, illos undequaque infleétunt verfüus N & O, atque ita efliciunt ventum illum Meridionalem qui noctu folet fpirare & ex inferiori loco in altum eniti, à terrà nempe in aërem, & qui non potelt elle nifi lentiflimus, tum quia craflities aëris nocturni curfum illius tardat, tum quia materia quà conftat, terrà tantum vel aquà egrefla, non tam promptè nec tantà copià dilatatur quàäm ma- 672 OŒEuvres DE DESCARTES. 272-2745 teria reliquorum, quæ plerumque à nubibus effunditur. Po]ftremo calidus quoque & humidus eft; tum ob fegniorem curfum : tum etiam humidus eft, quia ex | partibus aquæ dulcis tam craflioribus quäm fubtilioribus componitur, quippe quæ fimul è terrà furgunt : & calidus eft, quia materiam fubtilem, quæ in Meridionali plagà erat, Septentrionem verfüs fecum ducit. 7. Palam etiam eft menfe Martio, & in univerfum toto vere, ven- tos ficciores & mutationes aëris frequentiores & magis fubitas effe quam ullà alià anni tempeftate. Cujus rationem adhuc infpettus terræ globus EBFD revelare poteft, fi cogitemus Solem (quem & regione circuli BAD, repræfentantis Æquatorem, confiftere fingo, & ante tres menfes è regione circuli HN, tropicum Capricorni re- præfentantis, hæfifle) multo minüs hemifphærium terræ BFD, in quo jam vernum tempus facit, calefeciffe, quam alterum BED, ubi autumnum ; & confequenter hoc dimidium BFD magis nive con- tectum, totumque aërem quo cingitur crafliorem & magis nubibus refertum efle quàm illum qui alterum dimidium BED circumdat. Atque hinc eft quôd interdiu vapores mult plures ibi dilatantur, & vice verfà noctu plures condenfantur; maffà enim terræ minüs ibi calefaétà, vi interea Solis non minore exiftente, major eft inæ- qualitas inter calorem diurnum & noéturnum frigus, atque ita venti Orientales, mane, ut dixi, plerumque fpirantes, & Septentrionales medio die, uterque ficciflimus, illo anni tempore validiores quàm ullo alio effe debent. Et quum venti Occidentales vefperi flantes| fatis quoque fortes fint ob eandem rationem ob quam Orientales mane fpirantes, fimul ac vel minimüm ordinarius horum ventorum curfus aut juvatur | aut tardatur aut detorquetur à caufis particularibus, quæ in fingulis plagis magis aut minüs aërem dilatare aut conden- fare poffunt, plures ex iis inter fe concurrunt & ita pluvias gene- rant & tempeitates, quæ tamen paulo pôft ceflare folent, quia venti Orientales & Septentrionales, pellendis nubibus idonei, fuperiores evadunt. 8. Et crediderim hos ventos Orientales & Septentrionales effe quibus Græci Ornithiarum nomen, ob reductas aves vernam auram fequentes,impofuere. Sed quantum ad Etefias, quos à Solftitio æftivo obfervabant, verifimile eft illos provenire ex vaporibus vi Solis à terris & aquis quæ in Septentrione funt elevatis, poftquam jam fatis diu ad tropicum Cancri hæfit. Conftat enim illum diutiüs in tropicis morari quàm in fpatio interjeéto, & cogitandum menfibus Martio, Aprili & Maio maximam nubium & nivium partem, quæ circa polum noftrum hærebat, in vapores & ventos refolvi; « ven- 243 244 246 274-276. METEORA. 673 tofque iftos ab initio veris (quo tempore funt validiflimi) ad folfti- tium æftivum paulatim, deficiente materià, languefcere ; menfe ver Junio nondum ibi terras & aquas fatis efle calefaétas ut mate- riam novi venti fuppeditent; fed paulatim, Sole ad Tropicum Cancri commorante, magis & magis illas incalefcere, tandemque idcirco Etefias producere », quum magnæ illius & pertinacis diei, quæ ad fex integros menfes ibidem extenditur, meridies paululum inclinat. 9. Cæterüm hi venti generales & regulares perpetud tales forent quales illos defcripfmus, fi fuperficies terræ ubivis æqualiter aquà tegeretur vel æqualiter extra illam | emineret, adeo ut nulla omnino marium, terrarum & | montium diverfitas eflet, nec ulla alia caufa extra præfentiam Solis, quà vapores dilatarentur, nec ulla extra ejus abfentiam, quâ condenfarentur. Sed notandum Solem, dum fplen- det, communiter plures vapores ex mari quàm terrà attollere, quia terra, multis in locis exficcata, non tantum materiæ illi quàm aqua fuppeditat; & contrà, cum Sol receflit, calorem reliétum plures è terrà quam è mari elevare, quia terra diutius quam mare calorem fibi impreflum retinet. Et propterea fæpius in littoribus obfervatur ventos interdiu à mari, noctu à terrà fpirare. Ignis etiam fatuus ob eandem caufam viatores noëtu ad aquam ducit; indifferenter enim aëris curfum fequitur, qui eù à vicinis terris propterea defertur, quôd ille qui ibi eft magis condenfetur. 10. Item notandum aërem qui fuperficiem aquarum tangit, mo- tum illarum quodammodo fequi; unde fæpius venti juxta maris littora cum fluxu illius & refluxu mutantur, & tranquillo aëre circa majora flumina placidi quidam venti, curfum illorum fecuti, fen- tiuntur. Hîc etiam notandum vapores ex aquis emiflos humidiores femper & crafliores illis effe qui ex terris attolluntur, quique ideo multo plus aëris atque exhalationum fecum vehunt. Unde fit ut eædem tempeftates gravius in mari quàm in terrà fæviant, & idem ventus, qui in unà regione ficcus eft, in alià calidus effe poflit : ita venti Meridionales, humidi fere ubivis, ficci in Egypto feruntur, ubi | terra Africæ, ficca & combufta, materiam iis fuppeditat. Hinc etiam proculdubio rar ibidem pluit; licèt enim venti Boreales, à | mari fpirantes, ibi humidi fint, tamen, quia funt etiam omnium frigidiflimi, non facilè pluviam generare poflunt, ut poftea vide- bimus. 11. Præterea confiderandum eft lumen Lunæ, quod admodum inæquale eft, prout accedit ad Solem aut ab eodem recedit, dilata- tionem vaporum juvare ; itemque lumen aliorum fiderum ; fed tan- tum eâdem proportione quà in oculos noftros illa agere fentimus : w2 un Œuvres. I. 674 OEUVRES DE DESCARTES. 276278 oculi enim ad cognofcendam luminis vim iudices* omnium cer- tiflimi funt, & ideo etiam Stellæ, comparatæ ad Lunam, vix in ra- tionem hic venire debent, ut neque Luna comparata ad Solem. 12. Denique confiderandum eft vapores ex diverfis regionibus terræ admodum inæqualiter furgere ; nam montes aliter aftris inca- lefcunt quàm planities, nemora aliter quàm prata, & fundi exculti quàm reliéti; terræ etiam nonnullæ ex naturâ fuà funt aliis cali- diores, vel ad calorem fufcipiendum aptiores. Et præterea, cûm valde inæquales nubes in aëre formentur, eæque facillimè ex uno loco in alium transferantur & diverfis à terrâ intervallis fuftinean- tur, & quidem interdum plures fimul una fub alià, aftra longè ali- ter in fuperiores quàm in inferiores agunt, & in has quàm in | fub- jeétam terram, alio etiam modo in eafdem regiones terræ, cum nubibus teguntur, quam cum nullis, & poftquam pluit aut ninxit, quam ante. Quamobrem fieri non poteft ut particulares ventos prænofcamus qui in fingulis terræ partibus fingulis diebus obtine- bunt ; nam fæpe etiam contrarii unus fupra alium feruntur. 13. Sed, fi omnia quæ hactenus diéta fuere probè obfervemus, poterimus utcumque conjicere qui venti frequentio|res & vehemen- tiores debeant effe, itemque quibus in locis & temporibus regnare. Atque hoc præcipuè fciri poteft in iis maris partibus quæ à terris funt valde remotæ; cm enim in ejus fuperficie neutiquam tanta fit inæqualitas quantam in terreftribus locis notavimus, venti multo minüs irregulares ibi generantur, & qui à littoribus eù verfüs pro- vehuntur, rard eoufque pertingere pollunt; quod nautæ noftri fatis experti funt, nam idcirco mari omnium latiflimo Pacifici nomen impofuere. 14. Nihil præterea notatu dignum hîc occurrit, nifi quod fere omnes fubitæ aëris mutationes (ut quôd interdum magis incalefcat, vel magis rarefiat, vel magis humefcat quàm pro temporis ratione) à ventis ortum ducant, non tantüm ab iis qui in eà regione fpirant, in quà hæ mutationes percipiuntur, fed etiam ab iis qui in vicinis, & à diverfitate caufarum à quibus generantur. Si enim, exempli gratià, dum nos ventum | Meridionalem hîc fentimus qui, ex caufà particulari in vicinià exortus, non multum caloris fecum adducit, interea in locis propinquis alius à Septentrione fpiret, qui à loco fatis alto vel remoto veniat, materia fubtiliflima, quam is fecum rapit, commodiflimè ad nos pertingere & frigus planè infolens effi- cere poterit. Et hic ventus Meridionalis, è vicino tantüm lacu pro- a, indices Æ1z. 247 249 278-280. METEORA. 07; greflus, humidiffimus effe poteft, cûm contrà ficcior foret, fi veniret à locis arenofis quos ultra iftum lacum effe fuppono. Sique folà dilatatione vaporum hujus lacüs effeétus fit, nullà accedente con- denfatione aliorum verfüs Septentrionem, aërem noftrum longè crafliorem & magis gravantem reddet quàm fi hàc folà condenfa- tione, fine ullà dilatatione vaporum Meridionalium, generaretur. | Quibus omnibus fi addamus, materiam fubtilem & vapores quiin terræ meatibus hærent, mox huc mox illuc latos, quofdam ibi etiam veluti ventos componere,omnis generis exhalationes fecum vehentes pro qualitate terrarum per quas labuntur; & præterea nubes, cûm ab unà regione aëris in aliam defcendunt, ventum eflicere polffe aërem ex alto ad inferiora urgentem, ut mox dicemus, rationem, credo, omnium motionum habebimus quæ in aëre notantur. HEMPUT V. De nubibus. 1. Poftquam ïta confideravimus quà ratione vapores dilatati ventos efficiant, videndum nunc eft quomodo jiidem coacti & con- denfati nebulas & nubes generent. Scilicet, quum primüm* nota- biliter aëre puro minüs pellucidi fiunt, fi ufque ad fuperficiem terræ defcendant, nebulæ dicuntur; fed, fi in aëre maneant fufpenfi, nubes appellantur. Et notandum, quum motus illorum tardatur, particulæque quibus conflant fibi invicem fatis propinquæ funt ut una aliam attingat, illas jungi & in diverfos exiguos cumulos coire, qui funt totidem guttæ aquæ vel flocculi glaciei, unde fit ut tunc hi vapores aëre puro minüs pellucidi evadant. Quippe, quum omnino feparati in aëre fluétuant, luminis tranfitum non multüm impedire queunt; at coaéti pofflunt; licèt enim guttæ aquæ aut glaciei particulæ, quas componunt, fint pellucidæ, tamen, quum fingulæ earum fuperficies aliquot radios reflectant (ut in Dioptrice de cunétis pellucidis corporibus || diétum fuit), facilè tam | nume- rofæ fuperficies ibi occurrunt ut omnes vel fere omnes radios aliù reflectere poflint. 2. Et quantum ad guttas aquæ, illæ formantur cüm materia fubtilis, circa exiguas vaporum partes fufa, non quidem fatis virium a. quamprimum Æ/7. 676 Œuvres DE DESCARTES. 280182; habet ad efficiendum ut, fe extendentes atque in gyrum vertentes, unæ alias loco pellant; fed fatis adhuc retinet ad illas complicandas & omnes quæ fe mutuÿ attingunt jungendas, atque in fphærulam glomerandas. Et fuperficies hujus fphærulæ tota æqualis ftatim & polita evadit, quia partes aëris, illam contingentes, longè aliter quàm partes illius moventur; itemque materia fubtilis, per poros illius fufa, longè aliter quàm quæ eft in aëris poris, ut fuprà dixi- mus, de maris fuperficie verba facientes. Atque ex eâdem caufà hæ guttæ exactè rotundæ fiunt; ut enim fæpius notare potuimus aquam fluminum in vortices agi, ubi aliquid impedit quominus tam cele- riter motu recto procedat quàm incitatio ejus requirit, ita putan- dum etiam eft materiam fubtilem per corporum terreftrium poros, eâdem ratione quâ fluvius per intervalla herbarum in alveo fuo crefcentium vehitur, labentem & liberius ex unâ aëris parte in aliam meantem, itemque ex unâ aquæ in aliam, quàm ex aëre in aquam aut vice verfà ex aquà in aërem, ut alibi notavimus, intra unamquamque guttam circumagi debere, ut & extrà in aëre cir- cumfufo, fed aliter hic quàâm illic, & propterea omnes partes ejus fuperficiei rotundare. | Cum enim aqua fit corpus liquidum, non poteft non fe ad hanc materiæ fubtilis circuitionem accommodare. Et fine dubio hoc fufficit ad intelligendum guttas aquæ rotundas ac|curatè effe fecundüm fectiones horizonti parallelas; nulla enim omnino caufa eft ob quam una circumferentiæ pars propiüs quàm alia, non magis ab horizonte diftans, ad centrum guttæ accedat aut longiùs ab eodem recedat, cùm neque magis neque minüs una quàm alia ab aëre prematur, præfertim fi tranquillus fit, qualem hic intelligere oportet. Sed quoniam, fi guttas fecundüm alias feétiones confideremus, dubium efle poteft annon, cum funt ita exiguæ ut pondere fuo aërem defcenfui nequeant aperire, planiores & minüs in latitudine quàm in longitudine craflæ fieri debeant, ut T vel V, obfervandum eft illas aërem tam à lateribus quàm infrà circum- fufum habere; atque, fi pondus earum non fufficiat ad illum, quem infra fe habent, loco movendum ut defcendant, non magis pofle illum, qui eft circa latera, inde pellere ut in latitudinem diffundan- tur. Et quum econtra dubitare poflimus annon, cüm pondere fuo preffæ defcendunt, aër, quem dividunt, illas aliquo modo oblongas reddat, ut repræfentantur ad X aut Y, notandum eft ipfas aëre undiquaque cingi, atque ideo illum, quem ita dividunt & cujus locum occupant defcendendo, eodem tempore debere fupra ipfas afcendere ad replendum fpatium quod relinquunt : quod non aliter fieri poteft quam fi juxta ipfarum | fuperficiem fluat, ubi viam 250 252 282-283. METEORA. 677 magis compendiofam & expeditam inveniet, fi globofæ fint, quam fi cujuslibet alterius figuræ. Cuivis enim liquet figuram rotundam omnium capaciflimam efle, id eft minimum fuperficiei habere, pro ratione magnitudinis corporis fub eà contenti. Et ita, quomodo- cunque demum illas guttas confideremus, perpetud ro|tundæ efle debent, nifi forfan impetus venti aut alia caufa particularis obftiterit. 3. Quod ad illarum magnitudinem attinet, pendet ex eo quèd particulæ vaporis magis vel minüs ab invicem diftent, cüm illas componere incipiunt, itemque ex eo quod poftea magis vel minus agitentur; & denique à copià aliorum vaporum qui ad illas accedere poffunt. Nam initio fingulæ guttæ ex tribus tantüm aut quatuor concurrentibus vaporis particulis componuntur; fed ftatim poitea, faltem fi hic vapor fuerit fatis denfus, duæ aut tres ex guttis inde factis, fibi invicem occurrentes, in unam coalefcunt, & denuo duæ aut tres harum in unam, & ita porro donec amplius concurrere nequeant. Et, dum in aëre fufpenfæ feruntur, fupervenientes alii vapores 1is adjungi queunt, atque ita illas crafliores reddere, donec urgente pondere in rorem vel in pluviam decidant. 4. Exiguæ verd glaciei particulæ formantur dum frigus adeo intenfum eft ut vaporum partes à materià fubtili iis immixtà flecti nequeat. Et fi quidem hoc frigus demum guttis jam formatis fuper- venerit, eas congelat, | fphæricà quam habebant figurà invariatä, nifi ventus fatis vehemens fimul adfuerit, cujus impulfu eà parte, quà illi obvertuntur, planiores fiant. Contrà verd, frigore antequam formari cœperint fuperveniente, particulæ vaporis in longum tan- tüm porrectæ junguntur, & filamenta glaciei admodum tenuia conftituunt. Aft fi medio tempore (quod ut plurimum accidit) fuper- venerit, partes vaporum paulatim, ut plicantur & glomerantur, conglaciat; neque tantum temporis iis relinquitur ut fatis perfectè ad guttas | formandas jungi poflint; atque ita exigui globuli aut pilulæ glaciei fiunt albæ, quia plurimis capillamentis conftant, quorum fingula fuperficies diflinctas & ab aliis fejunétas habent, licèt invicem accumulata implicentur. Et hæ pilulæ circumcirca pilofæ funt, quia plurimæ femper vaporis partes, quæ non tam cit quàm aliæ flecti & coacervari poflunt, erectæ ad illas accedunt, & capillamenta quibus teguntur efficiunt; & prout hoc frigus vel lentiüs advenit vel celerius, & vapor denfor aut rarior eft, hæ pilulæ etiam majores vel minores fiunt, & capillamenta illas cin- gentia vel crafliora & fimul breviora, vel tenuiora & longiora evadunt, 5. Atque ex his videmus duo femper requiri ad vapores in gla- x 678 OEuvres DE DESCARTES. 283-285. ciem vel aquam mutandos : nempe ut illorum partes fint tam propinquæ ut fe mutud contingere queant, & fatis frigoris adfit ad illas, dum fe ita | invicem tangunt, fiftendas & connectendas. Non enim fufficeret frigus vel intenfiflimum, fi particulæ vaporum, per aërem fparfæ, tam remotæ eflent ab invicem ut nullo modo jungi poflint; nec fufficeret etiam ipfas effe valde vicinas, fi tanta effet caloris agitatio ut impediret illarum nexum. Ita non femper in fublimi aëre nubes cogi cernimus, licèt frigus ibi ad hanc rem per- petud fatis vehemens fit; fed infuper requiritur ut vel ventus Occi- dentalis, ordinario vaporum curfui obnitens, illos colligat & con- denfet in locis in quibus ejus curfus finitur; vel etiam ut duo alii venti, à diverfis regionibus flantes, illos medios premant atque accumulent, vel ut alter eorum in nubem jam formatam impellat; vel poftremà ut ipfi vapores, inferiori nubis alicujus parti occur- rentes, dum à terrà elevatur, fponte ad | invicem accedant. Neque etiam perpetud nebulæ circa nos generantur, licèt hyeme quidem aër fit fatis frigidus, æftate verd magna fatis vaporum copia adfit; fed duntaxat cüûm aëris frigus & vaporum copia fimul concurrunt. Quod fæpius vefperi aut noétu accidit, cùm dies tepidus & infolatus præceflit; & frequentius vere quàm aliis anni temporibus, etiam quàm autumno, quia tunc major eft æqualitas inter calorem diur- num & nocturnum frigus; frequentius etiam in locis maritimis aut paludofis quam in terris longè ab aquâ remotis aut in aquis longè à terrà pofitis, quoniam aqua, ibi fuum calorem citius amittens quàm terra, | frigefacit aërem, in quo porro vapores, quos terræ calidæ & humentes magnâ copià exhalant, condenfantur. 6. Maximè autem nebulæ formantur in locis quibus duorum aut plurium ventorum curfus terminatur. Hi enim venti plurimos vapores eù compellunt, qui vel in nebulas coguntur, fi nempe aër in terræ vicinià admodum frigidus eft; vel in nubes, fi nonnili altior fatis frigidus fit iis condenfandis. Et notemus aquæ guttas aut particulas glaciei, ex quibus nebulæ componuntur, valde exiguas elfe : nam, fi vel tantillum intumefcerent, ftatim ad terram pondere fuo deducerentur, adeo ut non ampliüs nebulam, fed pluviam aut nivem diceremus : & præterea nullum unquam ventum fpirare poffe ubi illæ funt, quin ftatim diflipentur, præfertim cùm aquæ guttis conftant : minima enim aëris agitatio, plurimas guttas jun- gens, fingulas intumefcere atque in pluviam aut rorem deftillare cogit. 7. Id etiam infuper circa nubes obfervandum, illas in diverfis à terrà diftantiis produci pofle, prout vapores al|tiùs aut minüs altè 233 234 255 285-287. METEORA. 079 enituntur, antequam fatis condenfati fint ad illas formandas; unde fit ut plures interdum unas fub aliis latas & etiam diverfis ventis agitatas cernamus. Atque hoc imprimis in locis montanis evenit, ubi calor vapores attollens inæqualiüs quàm alibi agit. S. Notandum quoque has nubes vel faltem harum celfiflimas, nunquam fere | ex guttis aquæ componi pofle, fed tantüum ex parti- culis glaciei. Certum enim eft aërem, in quo confiftunt, frigidiorem vel ad minimum æquè frigidum efle ac eft ille qui fummis editorum montium jugis incumbit; qui tamen, etiam in medià æftate, nives ibi folvi non patitur. Et quoniam vapores, quà altiüs enituntur, tantd plus frigoris ipfos confiringentis inveniunt, minüfque à ventis premi poflunt, propterea, ut plurimum, maximè fublimes nubium partes tantüm ex tenuiflimis glaciei capillamentis, longè à fe invi- cem diflitis, conftant. Deinde paulo inferius glomi hujus glaciei admodum exigui & pilofi formantur, & gradatim, adhuc inferius, ali paulo majores; & poftremà interdum in infimo loco guttæ aquæ colliguntur. Atque, aëre quidem omninà placido & tranquillo, vel etiam æqualiter aliquo vento veéto, tam hæ aquæ guttæ quam particulæ glaciei, fatis laxè & fine ordine difperfæ, ibi morari pof- funt, ita ut forma nubium tum nihil à nebulà differat. 9. Sed, ut plurimum, ventis impelluntur qui, quoniam non tam latè patent ut omnes earum partes fimul cum aëre circumfufo mo- vere poflint, fuprà vel infrà feruntur; & illarum fuperficiem ra- dendo, fic premunt ut eas valde pla[nas & læves reddant. Quodque | in primis hîc notari debet, omnes exigui nivium glomi, qui in his fuperficiebus inveniuntur, accuratè ita ordinantur ut finguli eorum fex alios circa fe habeant, fe mutud tangentes vel faltem æqualiter ab invicem diftantes. Fingamus, exempli gratià, fupra terram A B ventum fpirare ab Occidente D, ordinario aëris curfui reluétantem aut, fi maluerimus, alteri vento flanti ab Oriente C; atque hos ventos initio. mutud fe flitifle circa fpatium FGP, ubi quofdam vapores condenfarunt, ex quibus molem confufam effecerunt, dum vires utriufque collatæ & æquales aërem ibidem tranquillum & placidum reliquerunt. Sæpius enim evenit ut duo venti hâc ratione opponantur, quia femper multi diverfi eodem tempore circa terram fpirant & finguli eorum rectà excurrunt, donec alium contrarium fibi obfiftentem inveniant. 10. Sed horum ventorum, quorum unus à C, alius à D, verfus PGF fpirat, non diu vires paribus momentis ita libratæ ibi manere poflunt, eorumque materià continud magis magifque eù aflluente, nifi uterque fimul ceflet (quod rard fit), fortior tandem vel infra vel 680 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 288-280. fupra | nubem prorumpit, vel etiam per ejus medium, vel per am- bitum, prout via ipfñ com|modior occurrit; quo ipfo, nifi alium planè fupprimat, ad minimum illum cedere cogit. Ut hîc fuppono ventum Occidentalem erumpentem inter G & P, Orientalem coëgifle ut infe- rius tranfeat ad F, ubi in rorem folvit nebulam quæ infima pars erat molis PGF; & confequenter nubem G, quæ fuit pars media ejufdem molis, inter hos duos ventos fufpenfam, ab his utrinque complanari & lævigari; itemque parvas glaciei pilulas, quæ in ejus fuperficie tam fuperiori quàm inferiori reperiuntur, eafque etiam quæ in fuperficie inferiori nubis P, ita ordinari ut fingulæ fex alias circa fe habeant æqualiter ab invicem diftantes. Nulla enim ef ratio quæ illud impedire poñlit, & naturaliter omnia corpora rotunda & æqualia, in eodem plano fatis fimiliter mota, hâc ratione difpo- nuntur; ut facile eft experimento cognofcere, fi margaritas aliquot rotundas ejufdemque magnitudinis, filo folutas, in vafculi alicujus operculum, quod planum fit, confufè projiciamus : hoc enim leniter concuffo, vel tantüm margaritis flatu impulfis ut | quàm proximè ad invicem accedant, videbimus illas fponte ita difponi. 11. Sed notemus hîc nos tantüm de fuperficiebus nubium infe- riori & fuperiori effe locutos, non verd de lateralibus, quia | inæ- qualis materiæ quantitas, quam fingulis momentis venti iis adjicere , & avellere poffunt, figuram earum ambitùs plerumque inæqualem & irregularem facit. Hîc non addo exiguas pilulas glaciei, quæ funt in interiori nube G, eâdem ratione, quâ illæ quæ in fuperficiebus, ordinari debere ; quia non adeo manifeftè liquet. 12. Sed dignæ confideratione funt illæ quæ interdum inferiori ejus fuperficiei, poftquam jam tota formata eft, adhærent. Si enim inter- ea, dum illa pendet in fpatio G, quidam vapores afcendant è terrâ quæ eft verfüs A, qui, frigefcentes in aëre, paulatim in exiguas gla- ciei pilulas concrefcant & per ventum agantur ad L, nullum omnino dubium eft quin hæ pilulæ ita debeant ordinari ut finguiæ earum fex aliis cingantur, quæ æqualiter illas premant & omnes in eodem plano exfiftant. Atque ita componunt primo unum folium, fub hujus nubis fuperficie expanfum; deinde aliud fub hoc protenfum, & ita alia deinceps, quamdiu nova materia accedit. Præterea quoque notandum ventum, qui inter hanc nubem & terram fertur, fortiùs in inferius horum foliorum agentem quàm in illud quod proximè fuperius illi incumbit, atque adhuc fortiüs in hoc quäm in id quod huic incumbit, & ita porro, illa ducere et fingula feparatim movere poife, atque häc ratione fuperficies illorum polire, detritis ab utrâque parte capillamentis quæ exiguis pilulis glaciei, ex quibus com |po- 256 257 258 259 289-202. METEORA. +08 nuntur, adhærent. | Partem quoque horum foliorum extra inferius hujus nubis fpatium G propellere, & inde transferre poteft, velut ad N, ubi nova nubes ex pluribus ejufmodi foliis tota conflatur. Et licèt hîc tantüum pilularum glaciei fecerimus mentionem, facillimè tamen idem etiam de aquæ guttis intelligi poteit, modô ventus non ita fit vehemens ut collidantur, vel fi exhalationes nonnullæ iis cir- cumfufæ, aut, quod frequenter accidit, quidam vapores nondum ad accipiendam aquæ formam difpofiti, interjectu fuo eas ab invicem feparent : nam aliàs, fimul ac concurrunt, plures in unam coëunt & tam craffæ & ponderofæ fiunt ut neceffarid decidant. 13. Cæterüm, quod paulo antè dixi, figuram ambitüs cujufvis nubis maximè plerumque irregularem & inæqualem efle, de iis tan- tummodo intelligendum quæ minus fpatii in altitudine & latitudine occupant quàm venti circumlabentes. Aliquando enim tanta vapo- rum copia in iis plagis, ubi duo aut plures venti occurrunt, hæret, ut illis nec infra nec fupra fe tranfitum permittant, fed circa fe rotari || cogant, & fic nubem valde magnam forment quæ, | ubivis æqualiter per hos ventos prefla, ambitum planè rotundum & lævi- gatum habet; quæ etiam, cùm hi venti funt paulo calidiores, vel cüm à Sole nonnihil ejus fuperficies incalefcit, quâdam veluti cruftâ ex plurimis glaciei particulis compofità obducitur. Atque hæc crufta fatis crafla fieri poteft & tamen, pondere non obftante, in aëre fufpenfa manere, quoniam à reliquâ totà nube fuftinetur. Cujus rei memores efle infrà oportebit, ad ea quæ de parheliis dicentur intelligenda. CAPUT VI. De nive, pluviâ € grandine. 1. Multa funt quæ vulgd impediunt quominus ftatim formatæ nubes ex alto delabantur. Nam primd particulæ glaciei vel aquæ ‘guttæ, quibus conftant, valde exiguæ & confequenter multum fuperficiei pro ratione fuæ materiæ habentes, fæpe magis impe- diuntur ab aëris refiftentià ne defcendant, quàm à pondere fuo im- pelluntur. Deinde venti, qui communiter validiores funt prope ter- ram, ubi materia ex quâ conftant craflior eft quàm in aëre fublimi, ubi fubtilior, quique ideo frequentiùs ex humili furfum tendunt quàm ex alto | deorfum, illas non tantüum fufpendere, fed etiam fæpius ultra regionem aëris, in quà confiftunt, attollere queunt.Idem Œuvres, I. 86 682 OEuvres DE DESCARTES. : 202-293. etiam vapores poffunt qui, terrà egrefli aut aliunde venientes, aërem nubibus iftis fubjetum diftendunt; vel etiam folus calor qui, hoc aëre dilatato, illas repellit; vel etiam frigus aëris fuperioris quod, illo compreflo, nubes | furfum attrahit. Et præterea particulæ gla- ciei, ventis impulfæ, contiguæ quidem evadunt, fed non tamen id- circo omnino uniuntur; quinimo corpus adeo rarum, leve atque extenfum componunt ut, nifi calor aliquas harum partium liquefa- ciens fuperveniat, atque hâc ratione illas condenfet ac graviores reddat, vix unquam ad terram defcendere pofint. 2. Sed, ut fuprà monuimus aquam conglaciantem frigore quodam- modo dilatari, ita hîc notandum calorem, qui alia corpora folet red- dere rariora, communiter nubes condenfare. Atque hoc in nive expe- riri licet, quæ planè ejufdem materiæ eft ac nubes, nifi quod jam magis fit condenfata : illa enim in calido loco pofita conftringitur & mole valde minuitur, ante etiam quäm ulla aqua ex eû profluat, aut de pondere fuo aliquid amittat. Quod accidit quia capillamenta particularum glaciei, ex quibus componitur, cüm fint earundem particularum medio tenuiora*, illo facilius liquefcunt &, ex parte tantum liquefcendo, id eft fefe hinc & inde inflectendo ob agitatio- nem circumfuiæ materiæ fubtilis, | amplexatum eunt vicinas glaciei particulas, non interea relictis iis quibus antè innectebantur, atque ita efficiunt ut unæ aliis appropinquent. 3. Sed quia particulæ glaciei, quæ nubes componunt, ut pluri- mum longiüs ab invicem diftant quàm quæ nivem in terram, non ita ad quafdam ex vicinis accedere poffunt, quin fimul ab aliis qui- bufdam recedant. Et propterea, cùm priüs æqualiter per totum aërem fpargerentur, in plurimos deinde exiguos cumulos aut floc- cos feparantur ; funtque hi flocci ed majores, quû nubes fuit antea denfior, & quà lentiùs in eam calor egit. Et præterea, vento | aliquo aut dilatatione totius aëris fuperioris fupremos horum floccorum priufquam inferiores deturbante, his inferioribus quibus defcen- dendo occurrunt adhærent, atque ita majores fiunt. Calorque poftea illos condenfans, & magis magifque graves reddens, facilè in terram deducit. Et quum ïita non omnino liquefacti defcendunt, nivem componunt; fed, fi aër per quem tranfeunt fit tam calidus ut fol- vantur (qualis hîc apud nos totà æftate eft & fæpe etiam aliis anni temporibus), convertuntur in pluviam. Interdum etiam accidit ut ita folutis aut propemodum folutis ventus frigidus fuperveniat, qui eos rurfus conftringendo in grandinem convertit. a. tenuiores Æ/7. 260 261 n 4 Ca . 2 er È @ ser, u SRE amie + +" st n re à 4 + SEA à 262 293-205. METEO RA. 68; 4. Hæc autem grando varia efle poteft. Nam primà, fi ventus frigidus, illam efficiens, guttas aquæ jam formatas deprehendat, globulos | glaciei pellucidos & rotundos efficit, nifi qudd interdum eà parte quà illos impellit aliquanto planiores reddat. Et, fi floccos nivis fere folutos deprehendat, fed nondum in aquæ guttas glome- ratos, tunc fit illa grando cornuta, cujus figuræ valde diverfæ & irregulares efle folent; ejufque grana interdum valde magna funt, quoniam à vento frigido formantur qui, nivem è fublimi in infe- riora præcipitans, plurimos ejus floccos fimul compellit, & gelu in unam maflam conftringit. Atque hic notandum eft hunc ventum, dum floccis liquefcentibus appropinquat, pellere in illorum poros calorem, id eft materiam fubtilem maximè agitatam & minus fubti- lem reliquà, quæ tunc in aëre circumftante reperitur; quia ipfe ventus non tam facilè nec tam cit atque hic calor poteft eas per- vadere. Eâdem ratione quâ interdum hic in terrà | fentimus calo- rem, qui in domibus eft, augeri, cùm repentino aliquo vento vel pluviâ totus aër exterior fubità refrigeratur. 5. Calor autem, poris-horum floccorum ita inclufus, quantum poteft ad ipforum circumferentias potius quàäm ad centra accedit, quoniam ibi materia fubtilis, in cujus agitatione confiftit, liberius movetur; & Ita eas 1bi magis & magis liquefacere pergit, priuf- quam incipiant rurlus in glaciem concrefcere; atque etiam liqui- difimæ, id eft maximè agitatæ, particularum aquearum, quæ alibi in iftis floccis reperiuntur, ad eorum circumferentias accedunt, iis contrà, quæ’ non tam cit poilunt liquefcere, circa centra manen- tibus. Unde fit ut, cum exterior fuperficies cujuslibet grani ex glacie continuà & pellucidâ conftare confueverit, | in ejus tamen centro nonnihil nivis fæpe reperiatur, quod hæc grana frangentibus fefe offert. Et quia fere nunquam nifi per æftatem talis grando decidit, ea certos nos reddit tunc, non minüs quàm ipfà hyeme, nubes ex glaciei particulis five ex nive conftare confuevifle. In hyeme autem ejufmodi grando rariflimè cadit, vel faltem grana non magna habet, quia tunc tantum caloris, quantum ad illam formandam requi- reretur, ad nubes ufque vix poteft pertingere, nifi certè ad nubes quæ funt terræ tam vicinæ ut, pofiquam earum materia liquefaéta aut fere liquefacta eft, cœpitque in pluviam aut nivem delabi, ventus frigidus fuperveniens non fatis temporis habeat ad illam denuo conftringendam, priufquam planè delapfa fit. Si autem nix nondum fit liquefaéta, fed tantüm aliquantulum emollita, dum ventus illam in grandinem mutans advenit, minimè fit pellucida, fed alba inftar facchari manet. 684 Œuvres DE DESCARTES. 205-297. 6. | Et, fi flocci hujus nivis exigui fint, nempe pifi inftar, aut mi- nores, finguli illorum in granum grandinis fatis rotundum mutan- tur. At, fi fuerint majores, difliliunt atque in plurima grana, in acutum ut pyramides definentia, convertuntur. Calor enim, eodem momento quo ventus frigidus incurrit, in poros horum floccorum fe recipiens condenfat omnes illorum partes, eafque retrahit à cir- cumferentià verfus centrum; quo ipfo fatis rotundi fiunt; & frigus, paulo pôit penetrans & conftringens, illos nive multù duriores reddit. Sed quoniam, cüm paulo majores funt, calor inclufus partes illorum interiores adhuc | centrum verfus agere & conden- fare pergit, dum exteriora, jam indurata & frigore vincta, fequi non poffunt, neceflario intrinfecus findi debent fecundüm plana vel lineas rectas quæ ad centrum tendunt; &, his fiffuris magis ma- gifque augefcentibus, ut frigus altiùs penetrat, tandem diflilire ac dividi in plures particulas acuminatas, quæ totidem grandinis grana funt. Non quidem hic determinamus in quot hujufmodi grana fin- gulh flocci dividi poflint; ut plurimum tamen videtur in oéto ad minimum id fieri debere; forfan etiam interdum accidere poffe ut in duodecim, viginti, vel quatuor & viginti, fed faciliùs adhuc in duo & triginta, & nonnunquam etiam in numerum multo majorem, prout vel majores funt, vel ex nive fubtiliori conftant, vel frigus illas in grandinem convertens vehementiüs aut velociüs irruit. Et non femel hujufmodi grandinem obfervavi, cujus grana eandem fere figuram habebant quam fegmenta globi in octo partes æquales, tribus fectionibus ad angulos rettos fe mutuû fecantibus, divifi. Deinde alia quoque obfervavi quæ, longiora & minora, | quarta circiter pars illorum videbantur, licèt, ob angulos inter conden- fandum rotundatos & obtufos, figuram propemodum coni faccharei haberent. Item, antè vel pôift vel etiam cum his grandinis granis, vulgù alia rotunda decidebant. 7. Hæ autem diverfæ grandinis figuræ nihil fingulare aut notatu dignum habent, fi comparentur cum illà nive quæ generatur ex parvis globulis feu glomis glaciei, vi ventorum in formam | folio- rum, eo modo quo dixi, difpofitis. Nam, calore exigua capillamenta horum foliorum liquefacere incipiente, primüm quæ infrà & fuprà decutit, ut maximè fuæ aétioni obvia: pauxillumque illud liquoris in quod folvuntur, per foliorum fuperficies diffufum, exiguas inæ- qualitates 1b1 occurrentes omnes replet, atque ita æquè planas & politas illas reddit ac eæ corporum liquidorum funt, quamwis ibi flatim iterum concrefcat. Cüm enim tunc calor non vehementior fit quàäm requiritur ut exigua illa capillamenta, aëre undique cinéta, 263 264 265 266 207-200. METEORA. 68 $ reliquis integris in aquam folvat, non fatis virium habere poteft ad impediendum ne illud pauxillum aquæ, glacialibus his fuperficiebus illapfum, earum frigore iterum aftringatur. Poftea hic calor, per- vadens etiam alia capillamenta, quæ finguli glomi in ambitu, ubi fimilibus aliis fex cinguntur, habent, ea ex illis capillamentis, quæ maximè à fex vicinis globulis funt remota, indifferenter huc illuc flectit &, hoc ipflo, iis quæ & regione fex horum globulorum con- fiftunt adjungit : hæc enim, eorundem fex globulorum vicinià refri- gerata, non liquefcunt, fed contrà denuo materiam aliorum fibi junétorum protinus glaciant. Atque ita fex cufpides aut radit circa fingulos glomos formantur, qui | diverfas figuras recipere poilunt, prout hi glomi magis aut minüs crafli & comprefli funt, capilla- menta item denfa & longa, calor quo coguntur lentus ac mode- ratus, prout denique ventus qui hunc calorem comitatur | (modû aliquis comitetur) magis aut minûs vehemens eft. Et ita frons nubis exterior, qualem videmus ad Z vel M, talis poftea evadit qualem videmus ad O vel Q; & fingulæ glaciei particulæ, ex quibus conftat, figuram exiguæ rofæ aut ftellæ affabrè faétam repræfentant. 8. Ne autem me hæc fingere vel ex levi tantüm conjecturà fcribere putetis, referam ea quæ proximà hyeme anni 1635, Amftelodami, ubi tunc eram, circa hanc rém obfervavi. Quarto Februarii, quum dies admodum frigida præcefliflet, vefperi paululum pluviæ decidit, quæ in glaciem vertebatur fimul ac terram contingebat ; poftea fe- quuta eft grando exigua, cujus grana, quæ ejus magnitudinis erant quam repræfentatam videmus ad H, ejufdem pluviæ guttas in aëre gelatas arbitrabar. Tamen, loco illius figuræ accuratè rotundæ, quam fine dubio hæ guttæ antè habue |rant, notabiliter ab unà quam ab alterâ parte planiores erant, ita ut | figuram fere fimilem haberent parti oculi noftri quam vulgd cryftallinum humorem dicimus. Unde ventum, qui tum temporis validiflimus & frigidiflimus erat, tantum virium habuïfle didici ut figuram illam guttarum inter glaciandum potuerit immutare. Sed omnium maximè admirabar quædam ex his granis, quæ poftrema deciderunt, parvos fex dentes circa fe habere fimiles iis qui in horologiorum rotis, ut videmus ad I. Ethi dentes, qui candidiffimi erant facchari intar, quum contrà grana ex pellucidà glacie fere nigra viderentur, fatis teftabantur fe factos ex nive fubtiliffimà, guttis jam formatis afperfà, quemadmodum plantis pruina adhæret. Atque hàc de re certior fum factus ex eo quôd, fub finem, nonnulla notavi, quæ circa fe habebantinnumera exigua capil- lamenta, compofita ex nive pallidiori & fubtiliori quàm illa erat quà dentes jam memorati conftabant, adeo ut illi comparari poilet 686 Œuvres DE DESCARTES. 299-301. eodem modo quo cineres intacti, quibus prunæ flammä deftitutæ fenfim obducuntur, iis qui jam recoéti | funt atque in foco cumulati. Ægrè tantummodo poteram conjicere quidnam in aëre libero, tur- bantibus ventis, adeo accuratè h@s fex dentes formare & circa fingula grana difponere potuillet, donec tandem in mentem venit, facillimè fieri potuifle ut ventus nonnulla ex his granis verfüs aliquam nubem expulerit, | eaque infra illam vel ultra fufpenfa aliquamdiu deti- nuerit; fatis enim ad hoc exigua erant : atque ibi procul dubio ita difponi debuiffe ut fingula fex aliis in eodem plano fitis cingerentur, quia talis eft ordo naturæ. Et præterea verifimile effe calorem (quem paulo antè in aëre fublimi fuiffe argumento erat pluvia quam obfer- varam) aliquos ibi vapores excitafle quos idem ventus compulerat ad hæc grana, ubi, in formam tenuiflimorum capillamentorum con- creti, forfan etiam aliquid ad eorum librationem contulerant; adeo ut facillimè ibi hærere potuerint, ufque dum alius calor fuperve- niret. Et, hoc calore ftatim exigua capillamenta unumquodque gra- num cingentia liquefaciente, exceptis tantùm 1is quæ verfüs centra fex vicinorum granorum refpiciebant, quia nempe horum granorum frigus ejus actioni repugnabat, materiam eorum, quæ liquefcebant, fex acervis aliorum, quæ remanferant, fe mifcuiffe, iifque hâc ratione denfioribus redditis et calori minüs perviis, eam ibi rurfus congla- cialle, atque ita hos dentes fuifle formatos. Econtra verd innumera illa capillamenta, quæ notaveram circa aliquot ex iis granis, quæ poftremo loco deciderant, ifto calore nullo modo contacta fuifle. 9. Poftridie, horà circiter octavä, aliud præterea genus grandinis, feu potiüs nivis obfervavi, de quo nunquam antea audiveram. Parvæ laminæ glaciei erant, planæ, politæ | & pellucidæ, ejus craf- fitiei cujus effe folet charta cùm paulo denfior eft, ejufque | magni- tudinis quam videmus ad K, fed tam accuratè fexangulatas, late- ribus tam redis & angulis tam æqualibus, ut nihil fimile humana induftria efficere poflit. Statim agnovi has laminas primô exiguos glaciei globulos fuifle, eo modo difpofitos quo antè dixi, & pretfos validiffimo vento, fatis caloris fecum rapiente: adeo ut hic calor omnia illorum capillamenta liquefecerit & humore inde orto omnes eorundem poros ita impleverit ut, eo mox ibi rurfus congelato, ex albis, quales antea fuerant, omnino pellucidi fact fint; atque hunc ventum ipfos eodem tempore ita compreflifle ut nullum interjeétum fpatium remaneret; « hoc efl, ut nulla in uniufcujufque circuitu effet pars quæ non aliquem ex fex vicinis attingeret » : fimulque hunc eundem ventum fuperficies foliorum, quæ ex his globulis componebantur, fuper & fubter labendo complanafle; ex quibus 267 268 270 Ido METEORA. 687 omnibus accurata ifta laminarum figura non potuit non exfurgere. Supererat tantüm nonnulla difficultas in eo qudd hi globuli, fic fere liquefacti & eodem tempore collifi, non cohæfiflent; licèt enim curiofè fcrutarer, nunquam tamen @uos junétos potui invenire. Mox autem hâc etiam in parte mihi fatisfeci, advertendo quâ ratione ventus, per aquam labens, afliduè illam agitet,omnefque ejus fuper- ficiei partes unam poft alteram inflectat, nec illas tamen propterea fcabras aut afperas efliciat. Inde enim cognovi ventum, qui procul dubio fuperficies etiam nubium inflectit, ibique continud fingulas glaciei particulas paul aliter quàäm vicinas impellit, | non permit- tere illas omnino conglutinari, licèt interim illarum | ordinem non turbet & nihilominus exiguas fingularum fuperficies accuratè poliat & complanet : non aliter quäm videmus etiam illum fingulas partes undarum, quas in pulvere vel arenà interdum format, fatis politas efficere. 10. Hanc nubem fequuta eft alia nihil aliud quàäm rotulas aut rofas exiguas effundens, omnes fex radiis inftar dimidii circuli rotundatis infignes, planè quales videmus ad Q; pellucidas etiam omnes & planas, ejufdem fere craflitiei cujus laminæ illæ fupe- riores, ac fuprà quam dici potelt accuratè dimenfas. In medio etiam quarundam punétum album perexiguum animadverti, quafi pede circini, quo rotundatæ fuerant, illic impreflum. Sed facilè intellexi ab iifdem caufis illas fuifle formatas, à quibus laminæ glaciei quæ præceflerant : hoc tantüm excepto, qudd vento non tam vehe- menter preflæ, nec forfan etiam calore tam intenfo circumdatæ fuerint, ideoque earum cufpides non omnino liquefaétæ fint, fed tantüm paulo breviores | evaferint & in extremitate rotundæ, inftar | dentium qui fiunt in horologiorum rotis. 11, Punétum autem, quod in medio quarundam album appa- rebat, ex eo efle mihi facile perfuafñi qudd calor, iis formandis inferviens, tam moderatus fuiflet ut, quamvis cæteras earum partes ex albis omnino pellucidas effeciflet, non tamen ufque ad centra penetraflet, quæ ideo alba remanferant. Plures aliæ ejufmodi ro- tulæ poftea deciderunt, binæ uno axe conjunétæ; vel potiüs, quoniam ifti axes erant initio fatis crafli, tot exiguas columnas cryftallinas dixifles, quarum fingulæ fingulis rofis, fex folia haben- tibus & nonnihil eminentibus ultra bafin fuam, erant exornatæ. Sed paulo pôift minüs craflas alias ejufmodi columnas animadverti, rofis itidem aut ftellulis, interdum æqualibus interdumque inæqua- libus, in utrâque extremitate exornatas. 12. Breviores etiam deinde notavi axes five columnas, & gra- 688 Œuvres DE DESCARTES. 303-305. datim adhuc breviores, donec tandem ftellulæ omnino jungerentur, caderentque duplices, duodecim infignes radiis fatis longis & accu- ratè dimenfis, in aliis æqualibus & in alits alternatim inæqualibus, ut videmus ad F & E. Quæ*omnia dederunt mihi occafionem exiftimandi, particulas glaciei diverforum foliorum, fibi invicem in nubibus impofitorum, facilius cohærere quàm illas plani aut folii ejufdem. Licèt enim ventus, ut plurimum fortius in folia inferiora quàm in fuperiora agens, paulo celerius, ut jam audivimus, illa moveat, æqualiter tamen etiam aliquando utrumque folium impel- lere poteft, ut ita eodem modo fluétuent : præfertim cum non ultra duo vel tria ita funt una aliis impoñita; & tum, | per oras glomorum ex quibus | componuntur cribratus, effcit ut ii ex his glomis, qui in duobus aut pluribus foliis è regione opponuntur, eundem femper inter fe fitum fervent & velut immoti fe mutuû refpiciant, licèt interim nihilominus folia undatim agitentur, quoniam eo iplo viam quammaximè expeditam fibi facit. Atque interea calor (vicinià glomorum, qui in duobus foliis funt, non minüs impeditus ne eorum capillamenta direétè interpofita liquefaciat, quäm vicinià eorum qui funt in eodem) liquefacit tantüm alia circumcirca : quæ, deinde integris junéta atque cum ïis conglaciata, axes aut columnas illas componunt, quæ hos glomos interea, dum in rofas aut ftellulas mutantur, conjungunt. Craflitiem autem quam initio in his columnis animadverteram, minimè mirabar, quamvis mate- riam adhærentium capillamenterum illi producendæ non fuffcere fatis noffem; fieri enim potuilfle cogitabam ut, quatuor aut quinque foliis fuperingeftis, calor, fortius agens in duo aut tria intermedia (utpote ventis minüs expofita) quàm in fuperius vel inferius, glomos, quibus illa conftarent, fere totos liquefecerit, atque ita ex eorum materià compofuerit has columnas. Neque magis ftellas diverfæ magnitudinis eodem axe interdum junétas admirabar; quum enim notaffem radios majoris femper longiores & acutiores radiis minoris efle, calorem, magis intenfum circa | hanc minorem quäm circa alteram, magis folviffe & retudifle cufpides radiorum ejus judica- bam, atque etiam eandem minorem ex glomo glaciei minore po- tuifle componi. Poftremd neque has flellas duplices duodecim radiorum, quæ poftea decidebant, admirabar; fingulas enim earum ex duabus fimplicibus fex radiorum compofitas judicabam per calo- [rem qui, fortior intra duo folia, quorum partes erant, quam extra eadem, exigua capillamenta glaciei, quibus nectebantur, liquefe- cerat, atque ita illas conglutinaverat ut etiam breviores reddidiffet columnas, quæ jungebant alias ftellas paulo antè mihi vifas: In 271 272 ET | | 3 | | | 274 305-307. METEORA. 689 multis autem ftellularum millibus, quæ illà die obfervavi, ne unam quidem, quamvis curiofe inquirerem, potui invenire quæ plures aut pauciores fex radiis haberet, exceptis pauciflimis, quæ duode- cim, & quatuor aut quinque aliis quæ tantummodo octo habebant. Atque hæ non accuratè rotundæ erant, quemadmodum reliquæ, fed oblongæ atque omnino tales quales videmus ad O; unde judi- cabam illas in conjunétione extremitatum duorum foliorum vento colliforum formatas, eodem momento quo calor exiguas illorum _pilulas in ftellas converterat; nam accuratè figuram habebant quæ inde naturaliter exfurgit. Atque hæc connexio, cm fecundüum lineam reétam fiat, non tantum impediri poteit fluctuatione quam venti concitant, quantum illa glomorum qui idem folium compo- nunt; & præterea ipfe etiam calor in oris | foliorum, dum accedunt ad invicem, major reperitur quam alibi, adeo ut facilè duos radios cujufque ex ftellulis, quæ ibi occurrunt, liquefaciat; & frigus, quod huic calori fuccedit, ftatim ac duo folia fe mutud contingunt, ftellulas iftas, quatuor tantüm radios reliquos habentes, unam alteri conglutinat. 13. Cæterüm, præter illas ftellas pellucidas, de quibus haétenus loquuti fumus, innumeræ aliæ eâdem die, omnino albæ inftar facchari, deciderunt, quarum quædam eandem | fere figuram quam pellucidæ habebant, plurimæ autem radios magis tenues et acutos, fæpe etiam divifos : interdum in tres ramos qui, utroque extremo forinfecus inflexo & medio manente reéto, lilium repræfentabant, ut, videntur ad R ; interdum etiam in plures, plumas aut folia filicis aut fimile quid imitantes. Atque etiam fimul cum his ftellis multæ aliæ glaciei particulæ in formam capillamentorum, vel etiam planè informes, decidebant. Quorum omnium ratio ex dictis manifefta eft. Albedo enim ftellularum inde erat qudd calor non penetraflet ad ipforum materiæ fundum, ut facilè agnofcebatur ex eo quèd omnes quæ valdè tenues erant & exiles, fimul etiam effent tranfparentes. Si ver interdum radii ftellarum, quæ albæ erant, non minüs breves atque obtufi effent quàäm earum quæ pellucidæ, non ideo calor eos tantundem liquefecerat, fed venti vehementiüs compreflerant; & communiter longiores atque acutiores erant, quia defeétu caloris minüs foluti. Quando autem hi|radii in plures ramos dividebantur, hoc fiebat ex eo quôd calor exigua capilla[menta, quibus compone- bantur, deftitueret, cùm jam erant in motu ut ad invicem accederent, & priufquam in unum corpus coaluiffent. Cümque in tres tantüm ramos divifi erant, hoc erat ex eo quôd calor paulo tardiüs excefliflet. Et duo exteriores rami extrorfum replicabantur, quia vicinia medii Œuvres. IL. 87 05 690 OEUVRES DE DESCARTES. 307-309. rami frigidiores & magis rigidos, quâ parte illi obvertebantur, reddebat ; atque ita finguli ex illis radiis lilii figuram affumebant. Reliquæ autem particulæ glaciei, quæ non erant fic formatæ in ftellas, certum me reddebant non omnes nubes ex parvis glomis aut pilulis componi, fed multas etiam folis capillamentis confufè junétis conftare. 14. Caufam autem cur hæ ftellulæ deciderant, vehementia venti continua totum illum diem perfeverans manifeftam mihi reddebat; nam judicabam hunc ventum non poffe non lacerare interdum & difturbare folia quæ componebant, ftatimque illas, ab invicem dif- junétas, latera in terram inclinare, atque hoc fitu facilè aërem divi- dentes delabi, quoniam cætera planæ erant & fatis ponderofæ ad defcendendum. Si verd interdum aëre tranquillo hujufmodi ftellæ decidant, id accidit vel ob aërem inferiorem qui condenfatus totam nubem ad fe trahit, vel ob fuperiorem qui dilatatus illam deorfum agit atque, eâdem operà, illas divellit; & propterea major tum nivium copia fequi folet :‘hoc autem illà die non contigit. Die verd fequenti, | occi nivium delapfi funt, qui ex innumeris exiguis ftellis fimul junétis compofiti videbantur : verumtamen, penitiüs introfpi- ciens, animadverti interiores non tam perfectè formatas efle quàm exteriores, & facile ex diffolutà hujus modi nube, qualem fuprà litterà G nota|vimus, oriri potuifle. Poftea, ceflante hâc nive, ventus inftar tempeftatis fubitù coortus paululum albæ grandinis effudit, oblongæ et pertenuis, cujus fingula grana facchari conum exprimebant ; & quoniam ftatim aëris ferenitas infecuta eft, hanc grandinem in altiflimà nubium parte generatam judicabam, cujus nives maximè fubtiles & capillamentis tenuiflimis compofitæ erant, quales paulo antè defcriptæ funt. Denique, tertià inde die, nivium parvos globulos aut glaciei pilulas delabentes videns, magno numero capillamentorum fine ordine pofitorum cinétas, nec quidquam ftellis fimile habentes, quæcunque priüs de caufis harum nivium fueram fufpicatus, mihi certa & explorata vifa funt. 15. Nunc autem, ex iis quæ diximus, facilè intelligitur quâ ratione nubes, folis aquæ guttis conftantes, depluant : nempe vel pondere proprio, cm guttæ fatis craffæ funt; vel cum aër inferior receflit, vel fuperior incurfu ad defcenfum invitat; vel etiam quando plures ex his caufis fimul concurrunt. Atque, inferiori aëre fe contra- hente, pluvia maximè minuta & veluti rorans generatur ; imo ali- quando adeo | minuta eft ut fæpiflime delabentem non || pluviam, fed nebulam potiüs dicamus : magna contrà, feu grandibus guttis, colligitur quoties nubes folo aëre fuperiori preffa defcendit; fublimes 275 276 4 4. \ | 3 ! À "a tbe on dE ES cd ns d n un hs de of 306-310, METEORA. 691 enim illius guttarum, primà delapfæ, alias in vià inveniunt quibus craffefcunt. 16. Imo etiam æftate aliquoties vidi, aëre tranquillo atque æftu veéhementi & velut fuffocante, hujufmodi pluviam decidiffe, ante- quam ulla nubes appareret : cujus hæc erat ratio qudd, exiftente magnâ vaporum copià in aëre, qui proculdubio ventis aliunde fpi- rantibus premebantur, ut tranquillitas aëris & denfitas ejufdem teftabantur, guttæ, in quas hi vapores coibant, cadendo augef- centes, ut formabantur, depluerent. 17. Nebulæ autem, cum terra refrigeratur & aër qui eft in ejus poris condenfatur, occafionem habent defcendendi; tuncque in rorem abeunt, fi ex aquæ guttis componantur, & in pruinam, fi ex vapo- ribus jam gelatis, feu potius qui gelantur, ut terram contingunt. Atque hoc præfertim noétu aut fub diluculum accidit, quia tunc quam maximè terra à Sole averfa refrigeratur. Sed ventus etiam fæpiflime nebulas folvit, materiamque illarum alid transferre folet, atque inde rorem aut pruinam componere in locis ubi ipfæ non exftiterunt ; & tunc videmus hanc pruinam plantis non adhærere, nifi eà parte quam ventus tetigit. 18. | Quod ad afflatum illum dies ferenos confequentem attinet, qui nunquam nifi vefperi decidit, & folis catarrhis & capitis dolo- ribus agnofcitur quos in quibufdam regionibus excitat, is conftat certis exhalationibus fubtilibus & penetrantibus, quæ, cùm minüs volatiles fint quam vapores, non levantur nifi è regionibus fatis calidis, fereno | & fudo aëre, &, fimul ac calore Solis deftituuntur, iterum decidunt; unde fit ut, pro regionum diverfitate, diverfis qualitatibus fit præditus & multis in locis fit incognitus. Non quidem nego rorem, qui fub vefperam decidere incipit, fæpe ifti afflatui comitem efle; fed nego mala de quibus accufatur rori effe adfcri- benda. 19. Non etiam manna, nec alii hujufmodi fucci qui noctu ex aëre decidunt, rore vel vaporibus conftant, fed exhalationibus folis. Atque hi fucci non modà in diverfis regionibus funt diverfi, fed etiam in quibufdam nonnifi certis corporibus adhærent : quod proculdubio ex eo fit quôd particulæ quibus conftant funttalis figuræ ut cum iis aliorum corporum neéti non pofñnt! 20. Cüm ros noétu non decidit, & nebula mane furfum recedens terram omnino ficcam relinquit, pluviam brevi fequuturam effe cre- dere licet;, nam hoc vix accidere poteft, nifi cùm terra, noëtu non fatis refrigerata vel mane fupra modum calefacta, multos vapores exfpirat qui, nebulam in altum pellentes, efficiunt ut ejus guttæ fibi 692 Œuvres DE DESCARTES. 310-319. invicem occurrentes jungantur, atque ita tam craffæ evadant ut paulo pôft in pluviam decidere cogantur. 21. Præfagit etiam | venturam pluviam aër nubibus obduétus, cüm Sol nihilominus in ortu lucidè fplendet : hinc enim liquet nullas alias nubes in vicinià noftri aëris verfüs Orientem efle, quæ obftent ne Solis calor eas, quæ fupra nos hærent, condenfet, vel novos vapores, quibus augeantur, à terrâ noftrà attollat. Hæc autem caufa, cûm matutino tantüm tempore locum habeat, fi ante meri- diem non pluat, quid in vefperam accidet minimè poterit docere. 22, Plura hîc addere de multis aliis pluviæ fignis non libet, | quum maximam partem incerta fint; &, fi confideremus eundem calorem, qui requiritur ad condenfandas nubes & pluviam inde defundendam, illas etiam dilatare & in vapores mutare pofle, qui vel paulatim in aërem evanefcant, vel ventos ibi generent (prout nempe nubium partes magis comprimuntur aut difperguntur, aut calor paulo majorem vel minorem humiditatem adjunétam habet, aut aër circumfufus magis aut minüs dilatatur vel condenfatur), facillimè judicabimus omnia illa magis incerta & dubia efle quàm ut hominum ingenio prænofci queant : « faltem in his regionibus ubi magna terrarum & marium inæqualitas ventos admodum inconftantes producit; in locis enim ubi certis anni temporibus idem femper venti recurrunt, haud dubiè pluviæ impendentes facilius prænofcuntur ». | CAPUT VII. De tempefatibus, fulmine € ignibus aliis in aëre accenjis. 1. Cæterüm nubes non tantüm ventos generant, cùm in vapores diflolvuntur, fed etiam interdum totæ fimul tam fubito motu ex alto defcendunt ut, omnem fubjeétum aërem magnâ vi propellentes, ventum ex eo componantqui validiflimus quidem, fed non diuturnus effe poteft; ejufque fimilem facilè experiemur fi, velo in fublimi aëre ita expanfo ut omnes ejus partes à terrà æquidiftent, illud totum fimul decidere permittamus. Fortes pluviæ plerumque hujuf- modi ventum autecurforem habent, qui manifeftè ex alto deor/fum agit, & cujus frigus abundè monfirat illum ex nubibus venire, ubi aër communiter frigidior eft quàm circa nos. 2. Atque hic ventus efficit ut hirundines, folito humilius vo- 278 en | | | | B d 280 312-314. METEORA. 693 lantes, pluviæ fecuturæ præbeant argumentum; certas enim muf- cas, pabulum illarum, deprimit, quæ, abblandiente aëris ferenitate, in altum evolare folent. Idem etiam eft qui nonnunquam, cùm nubes adeo parva eft, vel tam parum defcendit, ut ipfe valde debilis vix in aëre libero fentiatur, caminis illapfus, cineres & feflucas in angulo foci contorquet, ibique | parvos quafi turbines excitat, fatis mira- biles iis qui eorum caufas ignorant, & quos plerumque nonnulla pluvia confequitur. 3. Nube autem defcendente ponderofà admodum & latè diffufâ (qualis facilius in vafto mari quam alibi colligitur, cùm vaporibus æqualiter ibi difperfis, fimul ac minima nubes in parte aliquà cogi cœpit, ftatim etiam fe per omnia vicina loca extendit), neceflarid tem- peftas furgit tantd gravior quantd nubes major eft & ponderofior, atque hoc pertinacior quà ex altiori loco defcendit. Atque ita vehe- mentes illos turbines generari arbitror quos fravadas dicunt, nautis noftris in longinquis navigationibus maximè formidabiles, præfer- tim paulo ultra promontorium Bonæ Spei, ubi vapores, magnä copià ex mari Æthiopico furgentes, quoniam eft latiflimum & Solis radiis maximè incalefcit, facillimè ventum Occidentalem efficere poflunt qui, curfum naturalem (ab Oriente fcilicet in Occafum) aliorum, quos mare [Indicum emittit, fiftens, illos in nubem cogit; quæ nubes, quoniam oritur ex inæqualitate quæ eft inter hæc duo maria vaftif- fima & | hanc terram « quæ etiam eft valde lata », multd major eva- dere debet quam illæ quæ in noftris regionibus generantur, ubi tantüm pendent à minoribus iftis inæqualitatibus quæ funt inter noftras planities, lacus & montes. Et quia fere nunquam aliæ nubes, in iis locis cernuntur, ftatim ac nautæ aliquam coire animadver- tunt, licèt interdum initio tam parva efle videatur ut illam Batavi cum bovis oculo compararint atque inde appellarint, & licèt | om- nis reliquus aër valde ferenus & defæcatus appareat, nihilominus vela contrahunt & contra magnam tempeftatem fe muniunt, quæ ftatim etiam infequitur. Ed quoque majorem illam effe folere exif- timo, qu minor initio hæc nubes apparuit : cùm enim fieri nequeat fatis craffa ut aërem obfcurando fit confpicua, nifi fimul etiam fiat fatis lata, ita exigua videri non poteft, nifi ex eo quôüd fit valde re- mota ; & notum eft, quù ex altiori loco defcendit corpus grave, hoc impetum ejus efle validiorem. Ita hæc nubes, fublimis & fubit magna & ponderofa facta, tota delabitur, magnà vehementià omnem aërem fubjeétum agens & tempeftatem hoc iplo ciens. Notandum -étiam vapores, huic aëri immixtos, illà agitatione dilatari; multos quoque alios Oceanum emittere, ob fluétus fuos ita concuflos, qui, DL 604 Œuvres DE DESCARTES. 214-216. vim venti augentes & tardantes defcenfum nubis, diutiùs tempefta- tem fævire cogunt. 4. Præterea exhalationes his vaporibus immifceri folent, quæ, cum tam longè ac illi à nube defcendente propelli non poflint, ob partes minüs folidas et figurarum magis irregularium, aëris agita- tione ab iis feparantur, eodem | modo quo, ut fuprà diximus, ruf- ticæ, cremorem lactis tundentes, butyrum à fero fecernunt. Atque ita hæ exhalationes, hinc & inde in diverfos acervos congregatæ &, quàm altiflimè poffunt, juxta nubem fluétuantes, tandem malis aut funibus navium adhærent, cùm nubes, | ad finem fui motûs acce- dens, illas eoufque depreflit. Et ibi violentä aëris agitatione accenfæ ignes illos componunt qui S' Helmi dicuntur & nautas fpe fereni- tatis brevi futuræ folantur. Notandum tamen eft has tempeftates in fine vehementiflimas efle, & interdum plures nubes unas aliis in- cumbere pofle, infra quarum fingulas ejufmodi ignes reperiantur : quod fortè antiquis occafionem dedit, cùm unicum viderent, quem Helenam appellabant, illum mali ominis exiftimandi, quia nempe tunc graviflimum tempeftatis impetum adhuc expeétabant; & tum demum illos ferenitatem prænunciare credendi, cùm duos videbant, quos Caftorem et Pollucem vocabant; quippe rard plures notarunt, nifi fortè cùm tempeftas ultra folitum vehemens erat, quo tempore interdum tres numerabant, quos ideo etiam mali ominis effe arbi- trati funt. Sed audio, nunc a nautis etiam quatuor aut quinque fimul folere obfervari, forfan quia navigia majora & plures in ïis malos habent, aut quia per loca navigant ubi exhalationum copia major attollitur. Quid enim in latioribus Oceani partibus accidat, folà conjecturà affequi poffum, cùm nunquam in iis navigaverim, nec nifi valde dubias & incertas de ipfis relationes habeam. 5. Quod autem ad illas tempeñtates attinet, quæ tonitru, fulgure, turbinibus & fulmine comitatæ efle folent, quarumque nonnulla exempla in terrà notare potui, non dulbito quin oriantur ex eo quôd, cum plures nubes tabularum inftar unæ aliis fuperftratæ funt, inter- dum contingit | ut fuperiores magno impetu in inferiores dilaban- tur. Ut fi, duabus nubibus À & B è nive rarà & maximè expanfà compofitis, aër calidior circa fuperiorem A feratur quäm circa infe- riorem B; manifeftè liquet calorem hujus aëris illam paulatim con- denfare et ponderofiorem reddere poile, adeo ut eæ ex ejus partibus quæ altifimæ funt, primæ defcendentes, alias, quæ ipfs in vi oc- currunt, deturbent & fecum rapiant, atque ita omnes fimul, magno fragore & fonitu, in nubem inferiorem ruant. Eodem modo quo in Alpibus olim circa menfem Maium me vidiffle memini, vi Solis cale- 281 282 Oh > d W DT re PR it et PE VEr aa UE ce dot cts | L' 283 284 316-318. METEORA. 69; faà nive & ponderofiori reddità, minimum aëris motum fubitù magnas illius moles devolvifle, quæ, in vallibus refonantes, fatis bene tonitrui fonitum imitabantur. 6. Atque hinc liquet quare hyeme rarius hîc apud nos tonet quäm æftate : tum enim non tam facilè calor fufficiens nubibus dif- folvendis ad fuperiores ufque pertingit. Liquet etiam quare, tempore vehementis æftûs, quando vento feptentrionali, qui diu non dura- verit, calor humens & veluti fuffocans denuo fuccedit, tonitru poftea fequi folet. Hoc enim teftatur ventum illum feptentrionalem, ad terram accedendo, calorem inde in | illam regionem aëris egifle, in quà nubes fublimiores formantur; ipfumque çtiam ventum poftea è vicinià terræ fuifle expulfum ad | illam regionem aëris in quà funt nubes inferiores : nempe à vaporibus tepidis qui, è terrà calente egredientes, aërem infimum dilatarunt : unde fit ut non modo fupe- riores nubes condenfari debeant & delabi, fed etiam inferiores adeo raras atque extenfas remanere, aërifque fubjeéti dilatatione ita fur- fum protrudi, ut alias in fe cadentes excipiant ibique fiftant, & fæpe etiam, ne quid omnino ex iis ad terram ufque defcendat, impediant. 7. Notandumque eft illum ftrepitum, qui fupra nos ita excitatur, meliüs exaudiri debere, ob aëris circumquaque pofiti refonantiam, majoremque efle, pro copià nivis decidentis, quàäm cüm ingentes nivium moles è montibus in valles delabuntur. Notandum etiam, ex hoc folo quèd partes nubium fuperiorum, vel omnes fimul deci- dant, vel una poft aliam, vel tardius, vel celerius, vel quôd infe- riores majores aut minores, crafliores aut tenuiores funt, & magis aut minus obnituntur, facillimè omnes diverfos tonitruum fonos effici poile. 8. Differentiæ autem quæ funt inter fulgura, turbines & fulmina, non pendent nifi à diverfà naturà exhalationum quæ in fpatio quod duas nubes interjacet reperiuntur, & à modo quo harum nubium fuperior in inferiorem cadit. Si enim magnus æftus & ficcitas præ- cefferit, atque ita hoc fpatium exhalationes copiofas, maximè fub- tiles & ad concipiendam flammam aptas, contineat, fuperior nubes fere tam exigua effe nequit, nec tam lentè defcendere, quin, impulfo aëre inter fe & inferiorem medio, fulgur aliquod elidat, id eft, flam- mam levem | eodem momento evanefcentem*. Atque ita tum hu- jufmodi fulgura cernere poflumus, nullo omnino tonitrus murmure exaudito, interdum | etiam nubibus non ita denfis ut confpici pof- fint. Contrà verd, fi nullæ in aëre exhalationes inflammationi idoneæ a. enascentem Æ/7. 696 OEuvres DE DESCARTES. 318-320. adfint, boatum quemdam tonitrus audire poffumus, nullà corufca- tione apparente. Et cùm fuperior nubes nonnifi per partes fe mutuû confequentes delabitur, vix quidquam aliud quàm fulgura & toni- trua producit; fed, cùm tota fimul fatis velociter decidit, poteit etiam turbines & fulmina generare. Ejus enim extremitates, ut C & D, paulo celeriùs quàam ejufdem medium defcendunt, quia, cum aër illis fubjeétus minus itineris conficiendum habeat, ut inde egre- diatur, quàm ille qui medio fubjicitur, facilius iis locum cedit; & his ita nubem inferiorem citiùs contingentibus, multum aëris verfüs medium includunt, ut hic videtur in E; ftatimque poftea hic aër, magnâ vi preffus & expulfus ab eodem nubis fuperioris medio, quod pergit defcendere, viam neceffarid fibi facit, vel perrumpendo nubem inferiorem, ut videmus ad F, vel aliquam ex ejus extremitatibus -divellendo, ut ad G. Atque ita apertâ hâc nube, | magno impetu in terram ruit; unde ftatim rurfus afcendit, fe celerrimè circumagendo, quoniam alius aër aut alia corpora ipfi occurrentia impediunt ne fecundüm | lineam reétam moveri pergat æquè velociter ac agitatio ejus requirit. Quo fit ut turbinem componat : & quidem hic turbo fine fulmine & fulgure effe poteft, fi nullæ fint prorfus in ifto aëre exhalationes ad concipiendam flammam idoneæ. 9. Sed contrà, fi fatis multæ fint, omnes, in unum cumulum coëuntes & magno impetu fimul cum ipfo in terram ruentes, incen- duntur & fulmen componunt. Poteftque hoc fulmen interdum, hominum corpora non lædendo, ipforum veftimenta comburere, pilofque ad cutem depafcere : cùm nempe exhalationes quibus con- flat, quæque fulphur folent redolere, non aliam quàm oleorum na- turam participant, adeo ut levem tantüm flammam nutriant, quæ nonnifi corporibus combuftioni magis idoneis adhæret. Ut, econ- tra, interdum offa carnibus integris confringere, vel vaginà illæfà gladium liquefacere poteft, fi hæ exhalationes, maximè fubtiles & penetrantes, folam falis volatilis aut aquæ fortis naturam habeant : tum enim, fine injurià cedentia corpora perlapfum, quidquid refiftit comminuit ac diffringit; ut & aqua fortis, duriflima metallorum corpora refolvens, vix quicquam agit in ceram. 10. Poftremà, fulmen interdum in lapidem duriflimum, omnia obvia rumpentem & disjicientem, converti poteit, fi penetrantibus his exhalationibus multæ aliæ pingues & fulphureæ immifceantur : præfertim fi crafliores etiam adfint, fimiles ei terræ quæ in fundis vaforum, in quibus collecta eft aqua pluvia, | fubfidit. Quemad- modum experientià difcimus, fi hujus terræ, nitri & fulphuris certas partes fimul mixteamus, mixturamque iflam incendamus, illam 285 nt | | | PP ONU. VI 286 287 Dean METEORA. 697 | momento temporis in lapidem quendam concrefcere. Jam ver, fi nubes à latere dehifcat, ut in G, fulmen, obliquo itinere libratum, faciliüs turrium faftigia vel montium vertices tangit, quàm loca hu- milia, ut videmus ad H. Nec deeft etiam ratio propter quam, cum nubes infra perrumpitur, fæpius loca edita & eminentia quàm hu- miliora fulmine feriantur. Si enim, exempli gratiâ, nubes B non magis hîc, quàm alibi, aliunde difpofita fit ad dehifcendum, certum eft illam apertum iri in F, ob refiftentiam fubjectæ turris. 10 bis. Nec magis deeft ratio, quare fingulas vices, quibus tonitru auditur, nonnihil pluviæ fubità decidentis confequi foleat ; & quare, cüm hæc pluvia fatis copiofe effunditur, poftea non multüm tonet. Nam, fi illa vis, quà fuperior nubes, in inferiorem decidendo, illam concutit, fatis valida fit ad eandem omnino dejiciendam, manifeftum eft fulmina ceflare debere; & quamvis fæpe fit minor, nihilominus tamen ex eâ fere femper aliquos nivis floccos excutit, qui decidentes, aëris inferioris calore, in pluviam folvuntur. 11. Denique, non fine ratione vulgo creditur vehementes | foni- tus, quales campanarum aut bombardarum, fulminis vim infrin- gere ; nam, concutiendo nivem, ex quà nubes inferior conftat, illam ad defcenfum invitat & difcutit. Ut ii fatis fciunt qui in vallibus, ubi moles nivium è montibus cadentium timentur, iter facere funt affueti; nam ibi ne quidem | loqui aut tuflire audent, ne fonus vocis nives commoveat. 12. Sed, ut fuprà notavimus aliquando fine tonitru fulgurare pofle, ita in regionibus aëris, ubi multæ exhalationes detinentur & pauci vapores, nubes ita leves & parum denfæ formari queunt, ut, alià in aliam ex loco fatis edito ruente, nullus fulminis fonus au- diatur, neque tempeftas in aëre excitetur, licèt plurimas exhala- tiones convolutas jungant, unde non tantüum illæ minores flammæ oriuntur, quæ ftellæ cœlo cadentes vel trajicientes dici folent, fed interdum etiam globi ignei fatis craîli, qui, ad terram ufque dela- bentes, pro quädam fpecie fulminis alio minüs vehementis fumi poffunt. 13. Et præterea, quoniam valde varia eft & multiplex exhalatio- num natura, mihi facilè perfuadeo fieri pofle interdum, ut à nubibus compreffæ materiam quamdam componant, quæ colore & fpecie externà lac, carnem aut fanguinem, aliquo modo referat; vel quæ fubito accenfa & combufta fiat talis ut pro ferro & lapidibus fumi pofit; vel quæ, denique, corrupta & putrefcens, in exigua quædam animalia brevi tempore convertatur. Ut inter prodigia fæpe legi- mus, ferro, fanguine, locultis aut fimilibus pluifle. Œuvres. I. 88 608 Œuvres DE DESCARTES. 321-324, 14. Præterea quoque, aëre nullis nubibus obduéto, exhalationes folo ventorum flatu cogi atque incendi poffunt : | præfertim fi duo aut plures venti contrarii fimul concurrant. Et denique, etiamfi nulli venti nec nubes adfint, fi tantüm exhalatio | fubtilis & penetrans, quæ nempe falis naturam participet, alterius pinguis & fulphureæ poros ingrediatur, hoc ipfum fufficere poteft ad tenues quafdam flammas, tam in fublimi quàm in infimo aëre, excitandas : nempe quales funt in fublimi ftellæ trajicientes &, hic apud nos, tum ignes illi per aërem volitantes, qui fatui dicuntur, tum ali, lambentes diéti, qui puerorum capillis, equorum jubis, haftarum ferro pin- guedine aliquà inunéto, vel aliis ejufmodi corporibus adhærent. Certum quippe eft, non tantüm violentam agitationem, fed fæpif- fime etiam folam diverforum corporum mixturam, igni producendo fufficere : ut videmus in calce aquâ confperfà, aut in fœno, fi priuf- quam ficcum fit recondatur, & in multis aliis exemplis quotidie Chymicis occurrentibus. 15. Sed omnes ifti ignes, fi cum fulmine comparentur, valde pa- rum roboris habent; non enim nifi ex molliffimis & maximè gluti- nofis oleorum partibus componuntur. Et, quamvis maximè pene- trantes & vividæ falium partes ad eorum productionem quoque concurrant, tamen hæ aliis permixtæ non manent, fed celerrimè in liberum aërem diffiliunt, fimul ac illas inflammarunt. At, econtra, fulmen præcipuë ex his maximè penetrantibus & vividis conftat, quæ, violenter preffæ & nubibus illifæ, reliquas fecum in terras abripiunt. Atque ii qui norunt quantà vi & celeritate polleat ille ignis, qui fitex nitro & fulphure permixtis, quamque econtra de- bilis fit illa flamma, quam pars oleagina fulphuris, à fale aut fpiri- tibus feparata, poteft producere, facilè illa quæ hîc diéta funt fibi perfuaderi permittent. |] 16. Ignes autem fatui & lambentes diutius durant aut citius evanefcunt, prout flamma eorum magis aut minus tenax eft, & ma- teria eorum magis aut minus denfa & compacta. Sed illi qui altius in aëre, ftellarum inftar, apparent, nonnifi per breviflimam moram durare poffunt: nifi enim materià valde rarà & tenui conftarent, proprio pondere in terram deducerentur. Et ideo Philofophi optimè illos compararunt ei flammæ, quæ fecundüm fumum lucernæ re- cens extinctæ decurrit, cùm hæc lucerna ad flammam alterius ab eà nonnihil remotæ rurfus accenditur. Sed magnopere miror eofdem poftea credidiffe cometas, itemque columnas aut trabes igneas, quæ aliquando in cœlo apparent, nihil aliud effe quàm exhalationes accenfas : nam talium phænomenwn duratio, quæ fatis longa efle 288 289 290 323-324. METEORA. 699 folet, cum breviflimà illà morà, quæ confumendis exhalationibus in aëre pendentibus fufficit, conferri planè non pote. 17. Et quoniam generationem & naturam illorum in alio traétatu curiofe explicare annifus fum, neque illa magis ad Meteora perti- nere arbitror quam terræ motus & mineralia, quæ plurimi fcrip- tores eù congerunt, iis omiflis, non amplius hîc loquar nifi de luminibus quibufdam, quæ noctu, fereno aëre & tranquillo, appa- rentia, populis otiofis occafionem dant acies fpeétrorum in aëre depræliantium fingendi, & viétoriam® aut cladem partis cui favent ex eo præfagiendi, prout timor aut fpes in animis eorum præpollet. Et quidem, quia nulla unquam ejufmodi fpeétacula ipfemet vidi, neque me fugit quantum | fuperftitio & ignorantia relationes, quæ de ïis fiunt, corrumpere foleat & augere, hîc fatis habebo leviter attingere caufas omnes ex quibus aliquid tale produci poffe mihi videtur. Prima | eft, cûm variæ nubes in cœlo exiftunt, tam exiguæ ut totidem milites videri poflint, &, unæ in alias decidentes, fatis multas exhalationes involvunt ad parva quædam fulgura excitanda, interdumque ignis globulos ejaculandos, & nonnullos fonitus emit- tendos : quo ipfo hi milites confligere videntur. Secunda eft, cum, hujufmodi nubibus in cœlo exiftentibus, non quidem unæ in alias decidunt, fed diverfimode micant & lumen illud reflectunt, quod corufcationes & ignes alicujus magnæ tempeftatis, tam longe inde fævientis ut ibi ex terrâ non percipiatur, ad illas ufque tranfmittunt. Tertia denique, cùm hæ nubes, aut aliæ quædam magis ad Septen- trionem accedentes à quibus lumen accipiunt, funt in regione aëris tam excelfà ut radii Solis jam infra horizontem delitefcentis ad illas poflint pervenire : fi enim attendamus ad refractiones & reflexiones, quas duæ aut tres ejufmodi nubes, variis in locis fitæ & lumen unæ ab aliis accipientes, eflicere poflunt, facilè intelligemus non opus effe ut fupra modum excelfæ fint, ad infolitas quafdam luces noétu exhibendas ; atque etiam interdum ad efficiendum ut ipfe Sol fupra noftrum horizontem appareat, eo tempore quo illum infra elle certum eft. Sed ifta minus ad hanc priorem hujus Tractatüs par- tem videntur pertinere, quàm ad fequentem, in quà de iis omnibus, quæ in fublimi aëre aliter quàm fint apparent, loqui deinceps infti- tui, poftquam haétenus omnia, quæ ibidem videntur ut funt, expli- care conatus fum. 700 OEuvres DE DESCARTES. 325-327. | CAPUT VIII. De Iride. A 1. Tam mira eft Iridis natura, & tam curiofe à multis egregiis viris fuit inveftigata, tamque parum cognita, ut nullam aptiorem materiam eligere poflim ad oftendendum, ope Methodi quà utor, poffe perveniri ad nonnullarum rerum fcientiam, quam ii quorum fcripta ad nos pervenere non habuerunt. Primd, poflquam notavi hanc Iridem non tantüm in cœlo apparere, fed etiam in aëre nobis vicino, quoties multæ in eo aquæ guttæ à Sole illuftratæ exfiftunt, ut in fontibus quibufdam per fiftulas aquam ejaculantibus experi- mur; facile mihi fuit judicare, a folo modo quo radii luminis in guttas agunt atque inde ad oculos noftros tendunt, eam procedere. Deinde, cùm fcirem has guttas rotundas efle, ut fuprà oftenfum eft, &, five parvæ five magnæ fint, Iridem femper eodem planè modo in illis repræfentari, ftatui aliquam valde magnam confiderare, ut tanto faciliüs in eà, quid in fingulis contingeret, agnofcerem. 2. Cümque in hunc finem pilam vitream, fatis accuratè rotundam & valde pellucidam, aquà impleviffem, deprehendi, Sole, exempli gratià, lucente ex parte cœli A FZ, & oculo pofito in punéto E, fi locarem | hanc pilam in regione BCD, partem illius D totam ru- bram & multà illuftriorem quàm reliquum videri. Et five propius illam adducerem, five ulterius removerem, five ad dextram five ad finiftram verterem, vel etiam circa verticem meum rotarem, dum- modo linea DE cum alterà EM, quæ ima/ginatione ab oculi centro ad centrum Solis eft proferenda, angulum duorum & quadraginta circiter graduum conftitueret, pars illa D femper æqualiter rubebat. Sed, fimul ac hunc angulum paulo magis dilatabam, rubor evanef- cebat; &, fi contraherem, non | ita fimul omnis evanefcebat, fed antea velut in duas partes minüs fcintillantes dividebatur, in quibus flavus, cæruleus & alii colores apparebant. Deinde, regionem etiam K hujus pilæ refpiciens, facto angulo KEM duorum & quinqua- ginta cirfciter graduum, hanc partem K etiam rubram apparere, fed non tam lucidam ut D. Et pauld tantüm ampliore eodem angulo facto, alios ibidem colores magis dilutos exiftere ; fed eodem aliquan- tulum contraéto, vel fatis multüm ampliore facto, illos omnino di- fparere. Unde manifeftè didici, toto aëre ad M hujufmodi pilis aut, ss ! 291 | \ k Fe £ 292 293 204 295 327-320. METEORA, 7OI earum loco, guttis referto, punétum aliquod admodum rubrum in fingulis earum relucere debere, à quibus lineæ eduttæ ad oculum E cum line EM angulum duorum & quadraginta circiter graduum conftituunt, quales illas fuppono quæ litterà R fignatæ funt; atque hæc punéta fimul confiderata, loco in quo confiftunt non obfervato nifi per angulum fub quo videntur, inftar circuli continui rubro colore perfufi apparere; & fimiliter punéta quædam efle debere in iis guttis, quæ funt in S & T, è quibus lineæ duétæ ad E angulos paulo acutiores cum EM conftituunt, à quibus circuli colorum di- lutiorum componuntur; atque in hoc primarium & principem cœ- leftem arcum confiftere. Deinde, eodem modo, fupponendo angu- lum MEX duorum & quinquaginta graduum efle, in guttis X rubrum circulum debere apparere, & alios circulos, minüs faturo colore imbutos, in guttis Y; atque in hoc fecundariam | Iridem confiftere. Et denique, in omnibus aliis guttis notatis litterâ V, nullos ejufmodi colores efle debere. 3. Poftea, cum accuratiüs examinarem in pilà BCD unde rubeus color in ejus parte D confpicuus oriretur, notavi illum pendere à radiis Solis qui, venientes ex À ad B, aquam ingrediendo, frange- bantur in punéto B & ibant ad C, unde, reflexi ad D &ibi, aquam egrediendo, iterum fraéti, tendebant ad E. Nam, fimul ac corpus aliquod opacum & | obfcurum alicui linearum AB, BC, CD vel DE opponebam, rubicundus color evanefcebat; &, licèt totam pilam, | exceptis duobus punétis B & D, obnuberem & corpora obfcura ubivis circumponerem, dummodo nihil aétionem radiorum ABCD impediret, lucidè tamen ille refulgebat. Poftea, eodem modo inveftigatà caufà rubri illius coloris qui apparebat in K, inveni illum efle à radiis Solis qui, venientes ab F ad G, ibi refrange- bantur verfus H, & in H reflexi ad I, rurfufque ab I reflexi ad K, tandemque | iterum fraéti in punéto K, tendebant ad E. Atque ita primaria Iris fit à radiis poft duas refraétiones & unam reflexio- nem ad oculum venientibus; fecundaria verd à radiis qui nonnifi poñt duas refraétiones & duas reflexiones eddem pertingunt; ideo- que hæc femper alterà minüs eft confpicua. 4. Sed fupererat adhuc præcipua difficultas, in eo quôd, etiamfi, pofito alio ejus pilæ fitu, radii etiam poft duas refractiones & unam aut duas reflexiones ad oculum poflint pervenire, nulli tamen, nifi in eo fitu de quo jam locuti fumus, ejufmodi colores exhibeant. Atque ut hanc amolirer, inquifivi annon aliqua alia res inveniri poffet, cujus ope colores eodem modo apparerent, ut, factà ejus comparatione cum aquæ guttis, tanto facilius de eorum caufà judi- 702 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 329-331. carem. Et commodüm recordatus, per prifma vel triangulum ex cryftallo fimiles videri, unum confideravi, quale eft MNP, cujus duæ fuperficies MN & NP funt omnino planæ, & una ad alteram ita inclinata ut angulum 30 vel 40 circiter graduum contineant, atque ideo, fi radii Solis A BC penetrent MN ad angulos rectos | aut fere rectos, ita ut nullam notabilem refraétionem vitrum ingre- diendo patiantur, fatis magnam, exeundo per N, debeant pati. Et teétà alterutrà ex his fuperficiebus opaco aliquo cor|pore, in quo fit anguftum foramen, quale eft DE, obfervavi radios, per illud fora- men tranfeuntes atque inde effufos in linteum aut chartam albam FGH, omnes colores Iridis ibi depingere, & quidem femper ru- brum in F & cæruleum feu violaceum in H. 5, Unde primuüm didici, curvaturam fuperficiei guttarum gene- rationi colorum minimè neceflariam efle ; hæc enim cryftallus fuper- ficiem nullam habet quæ non fit plana; neque anguli magnitudinem fub quo apparent : hic enim, permanentibus illis, mutari potef, &, licèt fieri poflit ut radii tendentes ad F jam magis, jam minus incurventur quàäm euntes ad H, femper tamen qui ad F rubrum depingent, & cæruleum qui ad H; neque etiam reflexionem : hîc etenim nulla omnino eft ; nec denique fæpius iteratas refractiones, cüm hîc tantummodo unica fiat. Sed judicabam unicam ad minimum requiri, & quidem talem ut ejus effeétus aliâ contrarià non deftruatur. Nam experientia docet, fi fuperficies MN & NP parallelæ forent, radios, tantundem per alteram ereëtos quantum per unam frange- rentur, | nullos colores depicturos. Neque dubitabam quin & lumen neceffarium fit ad horum colorum productionem; fine illo enim nil cernimus. Et præterea obfervavi umbram quoque aut limitationem luminis requiri : dempto enim corpore opaco quod in NP, colores FGH ftatim evanefcunt : atque, fi fatis laxam aperturam DE facia- mus, rubrum, croceum & flavum, quæ ad F, non latius propterea expanduntur, ut nec viride, cæruleum & violaceum, quæ ad H ; fed totum fpatium intermedium, litterà G notatum, album remanet. 6. Quibus animadverfis, intelligere conatus fum quare hi] colores alii fint in H quam in F, cùm tamen refractio, umbra & lumen, eodem modo in utroque concurrant. Et, confideratà luminis naturà quemadmodum illam in Dioptricà defcripfi, nempetanquam aétionem vel motum materiæ cujufdam valde fubtilis, cujus partes tanquam exiguæ fphærulæ per poros corporum terreftrium devolutæ confpi- ciendæ funt, agnovi has fphærulas, pro diverfitate caufarum quæ harum motus determinant, diverfimode moveri; & fpeciatim omnes refractiones, quæ in eandem partem fiunt, illas ita difponere ut in 296 207 | ; 298 un 331-335. METEORA. 703 eandem etiam partem rotentur ; fed, cum nullas vicinas ipfis multo celeriüs aut tardiüs decurrentes habent, motum illarum circularem propemodum motui rectilineo æqualem effe. Cüm verd in unà parte vicinas habent quæ ipfs tardiüs decurrunt, & in adverfà alias quæ celeriüs, vel faltem æquè celeriter, ut in confinio luminis & umbræ contingit, fi occurrant eis quæ | tardiùs moventur, eà parte fecundüum quam rotantur, ut accidit iis quæ componunt radium EH, hoc efficere ut earum motus circularis motu reétilineo tardior fit; & planè contrarium fieri, fi eifdem occurrant parte adverfà, ut accidit iis quæ componunt radium DF. Quæ ut meliüs intelligantur, fup- ponamus pilam 1234 fic impulfam efle ab V ad X, ut recto tantum motu incedat, | & duo illius latera 1 & 3 æquali celeritate delabantur ufque ad fuperficiem aquæ YY, ubi motus lateris 3, quod prius quèm aliud iftam fuperficiem contingit, retardatur, non mutato illo lateris 1; unde fit ut tota pila neceffarid rotari incipiat fecundum ordinem numerorum 123. Et præterea imaginemur illam quatuor aliis pilis Q, R, S, T circumdatam : quarum duæ Q & R majori vehementiâ quäm illa tendunt verfüus X, & duæ aliæ S & T minori. Unde liquet pilam Q, urgentem motum lateris 1, & pilams, remorantem motum | lateris 3, rotationem illius augere; neque pilas R & T quidquam obftare, quoniam R ita impulfa fupponitur ut celeriüs feratur ad X quàm illa fequitur, & T, ut minüs celeriter fequatur quàm illa præcedit. Atque hoc explicat actionem radii DF. Contrà verd, fi pilæ Q & R tardius quam pila 1234 ferantur ad X, S autem & T velociüs, R impedit rotationem partis 1, & T illam partis 3, nihil agentibus duabus reliquis Q & S. Quo actio radii HE innotefcit. Sed notandum, cm hæc pila 1234 accuratiflimè rotunda effe fupponatur, facillimè accidere* pofle ut, quando fatis fortiter premitur à duabus R & T, rotationem fuam ideo non fiftat, fed fe vertat in orbem circa axem 24, & ita, minimo momento mutato fitu, deinceps in contrariam partem rotetur. Duæ enim R & T, quæ | primæ occafionem fe vertendi illi dedère, ut poftea perfe- veret efficiunt, donec hoc motu dimidium circulum impleverit, illæque non amplis tardare ejus rotationem, fed contrà augere poflint. Cujus rei confideratio difficultatem mihi expedivit, quam totius hujus materiæ præcipuam efle exiftimo. 7. Et, meû quidem fententià, manifeftè ex his omnibus liquet, naturam colorum qui pinguntur in F, tantüm in eo confiftere quôd particulæ materiæ fubtilis, aétionem luminis tranfmittentes, majori a. accedere E/7. 704 OEuvres DE DESCARTES. 333-335. impetu & vi rotari nitantur, quàm fecundüum lineam reétam moveri : ita ut qui multo validiüs rotari nituntur, rubicundum colorem efficiant, & qui nonnifi pauld validiüs, flavum. Ut | contrà natura eorum qui videntur ad H, tantüm in eo confiftit quod hæ particulæ non tam velociter rotentur quàm aliàs folent, cûm nulla talis caufa earum motui refiftit : ita ut viride appareat ubi non multô tardiüs folito rotantur, & cæruleum, ubi multà tardius. Et fæpe in extremita- tibus hujus cærulei, rutilus quidam color ei mifcetur, qui, fulgorem fuum ipfi communicans, in violaceum five purpureum illum mutat: quod proculdubio ex eo eft quèd eadem caufa, quæ rotationem par- ticularum materiæ fubtilis tardare confuevit, cùm tunc fatis valida fit ad quafdam invertendas & ealrum fitum immutandum, earundem rotationem accelerare debeat, dum interim illam aliarum tardat. 8. Et in his omnibus tam unanimes ratio & experientia confpi- rant, utnon putem ullum, ex iis qui ad utramque fatis attendent, credere poffe naturam colorum aliam effe quàm explicui. Si enim verum eft fenfum luminis à motu effe, aut ab inclinatione ad motum, cujufdam materiæ oculos noftros tangentis, ut multa paflim teftantur & manifeftum reddunt, certum quoque diverfos ejus materiæ motus, alios atque alios fenfus in nobis effeéturos. Et quemadmodum diverfitas alia in his motibus efle nequit, quàm ïilla jam nobis explicata, ita neque experientia nullam aliam, in eo quem habemus horum motuum fenfu, præter illum colorum effe teftatur. Et nihil inveniri poteft in cryftallo MNP, quod colores producere queat, præter modum quo | particulas materiæ fubtilis ad linteum atque inde ad oculos mittit. Unde fatis liquere arbitror nihil etiam præter hoc in coloribus aliorum corporum quærendum effe : nam ipfa experientia quotidiana docet, lumen feu album, & umbram feu nigrum, cum coloribus Iridis hîc explicatis, compofitioni omnium aliorum fufficere. Neque illam diftinétionem Philofophorum pro- bare poffum, quà dicunt alios colores veros efle & alios falfos, feu tantummodo apparentes. Cum enim genuina & fola colorum natura fit apparere, contradictio efle videtur, illos apparentes & tamen falfos effe dicere. 9. Concedo quidem umbram & refraétionem non perpetud iis generandis neceffarias efle, fed magnitudinem, figuram, fitum cor- poris colorati vulgo diéti, illorum loco diverfimode cum lumine con- currere pofle, ad augendam | aut imminuendam rotationem partium materiæ fubtilis. Ita ut initio quoque dubitäârim an omnino eadem ratione quà in cryftallo MN P, colores etiam in Iride generentur : nullam quippe umbram lumen terminantem ibi notàäram, nequedum 300 301 302 303 335-337. METEORA. 70$ noram quare tantüm fub certis quibufdam angulis apparerent, donec tandem, fumpto calamo & | curiofe fingulis radiis, qui in diverfa punéta unius guttæ cadunt, ad calculum revocatis, ut difcerem fub qualibus angulis, poft duas refraétiones & unam aut duas re- flexiones, ad oculos noftros venire poflint; inveni, poft unam re- flexionem & duas refractiones, multd plures videri pofle, fub angulo graduum ab uno & quadraginta ad duo & quadraginta, quam fub ullo minore, & nullum omnino fub majori apparere. Deinde etiam inveni, poit duas reflexiones & refractiones totidem, multà plures ad oculum manare, fub angulo graduum unius & quinquaginta vel duorum & quinquaginta, quàm fub ullo majori, neque ullum fub minori confpici. [ta ut ab utrâque parte umbra lumen terminans adfit, quod lumen, infinitas pluviæ guttas Sole illuminatas per- means, demum ad oculum fub angulo duorum fere & quadraginta graduum venit, atque ita primariam Iridem generat. Itemque efl umbra quæ terminat lumen fub angulo unius & quinquaginta gra- duum aut paul ampliüs, atque hoc paéto exteriorem arcum pro- ducit. Nullos enim luminis radios, aut multù pauciores, ab uno objeéto quam ab altero vicino in oculos fuos recipere, hoc eft um- bram videre. Atque hinc fatis perfpicuè patet colores horum arcuum ab iifdem caufis efle, à quibus illi qui per cryftallum MN P appa- rent; & femidiametrum arcüs interioris duobus & quadraginta gradibus majorem* efle non debefre; nec illam exterioris uno & quinquaginta minorem; & denique, priorem accuratiüs in exteriori fuperficie terminatum efle debere, quàm in interiori, & alterum planè contra. Quod | accuratè cum experientià confentit. 10. Verüm, ut Mathematici videant an calculus, quo angulos qui hîc à radiis luminis fiunt examinavi, fatis fit accuratus, illum hîc placet explicare. Sit AFD aquæ gutta, cujus femidiametrum CD aut AB in tot æquales partes divido quot radios calculo examinare volo, ut tan- tunder luminis uni quàm alteri attribuatur. Deinde unum horum radiorum fpeciatim confidero, ut ex. gr. EF, qui non rectà tendit ad G, fed, in F refractus, decedit ad K & inde refle&titur ad N, ubi iterum refractus tendit ad oculum P; vel etiam, adhuc femel ab N ad Q reflexus, refringitur in Q verfüs oculum R. Et duëtà | CI ad angulos rectos in FK, ex iis quæ in Dioptrice dicta fuêre, cognofco AE aut HF, & CI, illam inter fe proportionem habere, per quam aquæ refraétio dimetienda efl. Adeo ut, fi HF conftet oéto millibus a. minorem Æ1%. Œuvres. I. 89 706 OEuvres DE DESCARTES. 337-330. partium, qualium AB éonftat decem millibus, CI conftabit 5984 aut circiter: quoniam refractio aquæ pauld major eft quàm trium ad quatuor, & quàm accuratiflimè illam dimetiendo, invenio efle ut 187 ad 250. Cognitis ita duabus lineis HF & CI, facillimè | duos arcus cognofco, FG qui eft 73 graduum & 44 minutorum, & FK qui eft 106.30. Deinde, fubducendo duplum arcûs FK ex aggregato arcûs FG & arcûs 180 graduum, hoc eft dimidii circuli, fit 40.44 pro quantitate anguli ON P : fuppono enim ON & EF efle paral- lelas. Præterea tollendo hos 40.44 ex FK, fit 65.46 pro angulo SQR : fuppono enim SQ & EF effe etiam parallelas. Atque ita omnes alios radios, parallelos ipfi EF & per omnia punéta quibus divifa eft femidiameter C D vel AB tranfeuntes, examinando, tabu- lam fequentem compono : LINEA LINEA ARCUS ARCUS ANGULUS ANGULUS HF CI FG FK ONP SQR 748 168. 171.25 É 165.45 1496 156. 162.48 : 151.20 2244. 145. 154. 4 > 136. 8 2992 ae 145.10 c T22E04 3740 120. 136. 4 : 108.12 4488 106. 126.40 ë 03.44 5236 OS 116.51 : 79.25 5984 73T 106.30 - 65.46 6732 SAR 95.22 : 54.25 7480 0. 83.10 3e 69.30 Et facillimè in hâc tabulà videmus, radios longè plures efle, qui angulum ON P 40 circiter graduum faciunt, quàam qui minorem; vel SQR | 54 circiter, quàäm qui majorem. Deinde, ut adhuc ac- curatiüs horum angulorum quantitatem inveniam, facio tabulam fequentem : 305 4 4 | | | Ë 306 Lt nue. #1 2 nt + à dat dé | à 339-340. METEOoRA. 707 ARCUS ARCUS ANGULUS ANGULUS FG FK ONP SQR + un ; OO & © R O0 D mm D D Us © © 8 7 6 ; 2 .2 So: dE) 2 .3 © bb œ © DR D OL © Oh un | D ur O R © Un © Oo . . . S mn || Et hîc videmus maximum angulum ON P 41 graduum & 30 minutorum efle pofle, & minimum SQR 51.54; cui addentes aut fubducentes 17 circiter minuta pro femidiametro Solis, inveniemus 41.47 pro maximà femidiametro Iridis interioris, & 51.37 pro mi- nimâ exterioris. 11. Verum quidem eft aquæ calidæ refraétionem refraétione fri- gidæ pauld minorem efle; quod aliquantum hunc calculum mutare poteit. Hoc tamen femidiametrum Iridis interioris non ultra unum aut duos gradus ad fummum augere poteft; & tum illa exterioris fere bis tanto minor erit. Quod notatu dignum eft, quoniam inde demonftrari poteft refraétionem aquæ non multo minorem, neque majorem efle, quàm illam hic ftatuimus. Nam, fi tantillo major foret, radium Iridis interioris minorem 41 gradibus faceret, cüm contrà, communi errore, 45 illi dentur; &, fi illam fatis exiguam 708 OŒEuvRESs DE DESCARTES. 340 842, fupponamus ut reverà 45 graduum fit, inveniemus illum etiam ex- terioris non mult majorem 45 gradibus, cùm tamen, vel ad ocu- lum, interiore multo major videatur. Et Maurolycus, qui (ut puto) primus omnium interiorem 45 graduum fe obfervaffe fcripfit, alteri 56 circiter attribuit, Unde liquet quàm parum fidei iis obfervationi- bus fit adhibendum, quæ ab ignaris verarum caufarum fieri folent. 12. Cæterüm facile intellexi quare rubeus color exterior fit in Iride interiore, & contra interior in exteriore. Nam eadem caufa, ob | quam potiüs in F quàäm in H confpicitur per cryftallum* MN P, eflicit ut fi, oculum in lintei locum FGH transferentes, cryftallum refpiciamus, rubrum ibi verfüs partem crafliorem MP videamus, & cæruleum verfüs N : radius enim rubro coloretin@us, qui tendit ver/fus F, venit a parte Solis C, quæ verfüs M P craflio- rem partem cryftalli eft fita. Atque ob hanc eandem rationem, quia centrum guttarum aquæ, & per confequens illarum pars craflor, exterior eft refpeétu punétorum coloratorum quæ formant arcum interiorem, ideo rubrum in exteriori ejus limbo debet apparere; & eodem modo, quia interior eft refpectu eorum quæ formant exte- riorem, ideo in eo rubrum interius apparet. 13. Atque ita nullam difficultatem in hàc materià fupereffe arbi- tror, nifi fortè circa 1lla quæ præter ordinem affuetum naturæ in eà contingunt. Ut cum arcus non accuratè rotundus eft, aut centrum illius in reétà lineâ, Solem & oculum tranfeunte, non jacet: quod accidere poteit, vento guttarum figuram immutante; nunquam enim tam parum à fphæricà fuà figurà difcedere poflunt, quin fta- tim illud notabilem differentiam in angulo, fub quo colores videri debent, efficiat. Audivi etiam aliquando arcum cœæleftem inverfum, cornibus in altum erectis, apparuiffe, qualem hic repræfentatum videmus FF. Quod vix crediderim accidiffe, nifi | per reflexionem radiorum folarium incurrentium in fuperficiem maris aut lacûs alicujus. Ut fi, à parte cœli SS effufi, caderent in aquam DAE & inde ad pluviam CF refilirent, oculus B videret arcum FF, cujus |centrum in punéto C, ita ut, prolatà lineà CB ufque ad A, & AS tranfeunte per centrum Solis, anguli SAD et BAE æquales fint, & angulus CBF duorum & quadraginta circiter graduum. Ad hoc tamen etiam requiritur fumma aëris tranquillitas, ne vel minimus ventorum flatus aquæ E fuperficiem inæqualem reddat; & fortè infuper, ut nubes quædam ifti aquæ fuperincumbat, qualis G, quæ impediat ne lumen Solis, reëtà ad pluviam tendens, illud, a. crystallinum ÆE7z. ! 307 308 309 310 343-344 | 0 METEORA. 709 quod aqua eù reflectit, fupprimat atque extinguat : unde fit ut non- nifi rariflimè videatur. Oculus præterea in tali fitu refpeétu Solis & pluviæ efle poteft, ut videat partem inferiorem circuli, quo integra Iris conftat, non videndo fuperiorem ; atque ita ut illam * pro Iride inverfà fumamus, etiamfi tunc non verfüus cœlum, fed tantummodo verfüs terram aut aquam refpicientibus appareat. 14. Quidam etiam mihi narrarunt, tertiam | Iridem, duas ordi- narias cingentem, fe aliquando vidifle, fed multo pallidiorem, & tantum circiter à fecundà remotam quantum ab illà prima diftat. Quod vix accidifle arbitror, nifi forfan | quædam grandinis grana, maximè rotunda & pellucida, huic pluviæ fuerint immixta : in qui- bus cum refraétio multo quàm in aëre major fiat, arcus cœleflis exterior multù etiam major in illis efle debuit, & ita fupra alterum apparere. Interior vero, qui ob eandeèm rationem longè minor de- buit fuiffe quam interior pluviæ, fieri poteft ut, ob infignem hujus fulgorem, nequidem fuerit notatus, vel ut uterque limbis com- miflis pro uno fuerit habitus, fed pro uno cujus colores aliter quàm in [ride ordinarià difpofiti efle debuerunt. 15. Atque hoc in mentem mihi revocat artificium quoddam ad varia figna in cœlo repræfentanda, quæ valde mirabilia viderentur iis qui eorum caufas ignorarent. Exiflimo jam omnes nôfle quo artificio in fonte arcus cœleftis repræfentari poflit : nempe fi aqua, per exigua foramina A, B, C fatis altè erumpens, quaquaverfum in aëre difpergatur ad R, Sole lucenteexQ,ita ut, QE M jacente in lineà rectà, angulus MER duorum & quadraginta circiter | graduum fit, oculus E Iridem, planè fimilem illi quæ in cœlo apparet, videbit. Cui nunc addendum, quædam effe olea, & fpiritus five aquas diftillatas, aliofque hujufmodi liquores, in quibus refraétio infigniter major aut minor efficitur quàm in aquà communi; quæ tamen propterea non | minüs clara & pellucida funt quàm ipfa. Atque ideo plures ordine fiftulas difponi poile, quæ, aliis atque aliis liquoribus re- fertæ, magnam cœli partem coloribus [ridis pingerent : fi nempe liquores, quorum refractio eflet maxima, fpectatoribus proximi ponerentur & non tam altè in aërem exilirent ut confpettum remo- tiorum impedirent. Ex quibus, quoniam, parte foraminum A, B, C obturatà, ea pars Iridis RR quam volumus evanefcit, reliquis omnino inviolatis, facile eft intelligere, fi eodem modo claudantur & aperiantur appoñitè diverfa foramina fiftularum hos liquores ejaculantium, fieri pofle ut eæ partes cœli, quæ coloribus Iridis a. illum Æ/7. 710 ŒUVRES DE DESCARTES. 344-346, pictæ erunt, figuram habeant nunc crucis, nunc columnæ, nunc cujufpiam alterius rei, quam fpectatores admirentur. Ubi tamen fateor nonnullà induftrià & fumptibus opus efle ut, his fiftulis aptiflimè difpofitis & liquores admodum altè ejaculantibus, hæ fi- guræ ex loco valde remoto videri poflint, illafque multi homines fimul, artificio non detecto, confpiciant. I|CAPUT IX. De nubium colore € de halonibus, feu coronis, quæ circa fidera interdum apparent. 1. Poft illa quæ de colorum naturâ diximus, non ‘multa credo addenda effe de iis quos in fublimi videmus. Quantum enim primè ad albedinem & opacitatem feu nigredinem nubium, ex hoc folo illæ oriuntur quèd hæ nubes magis aut minüs exponantur aftrorum Jumini, vel etiam umbræ, tam fuæ quàm aliarum nubium vicina- rum. Et duo hic tantummodo notanda funt. Quorum primum, fuperficies corporum pellucidorum, partem radiorum in eas inci- dentium reflectere, ut fuprà quoque monuimus : unde fit ut lumen facilius ad trium haftarum altitudinem in aquam penetret, quàm per paululum fpumæ, quæ tamen nihil præter aquam eft, fed aquam plures fuperficies habentem, quarum primà partem hujus luminis reflectente, fecundà aliam, & ita porro, nihil omnino, vel nihil fere, fupereft quod ulterius pergat. Et propterea nec vitrum in pulverem comminutum, nec nix, nec nubes paul denfiores pel- lucidæ effe poflunt. Alterum eorum quæ hic | obfervanda, et, etiamfi actio luminoforum corporum in eo tantüm confiftatut pellant fecundüum lineas reétas materiam illam fubtilem quæ oculos noftros attingit, particulas tamen hujus materiæ, ut plurimüm, etiam cir- culariter moveri, faltem eas quæ hic funt in aëre nobis vicino, eâdem ratione quâ pila fe circumvolvit, dum terram tangendo movetur, etiamfi nonnifi fe[cundüm lineam rectam fuerit impulfa. Suntque ea corpora, quæ fic efliciunt ut partes materiæ fubtilis volvantur æquè celeriter ac ea quæ fecundüm lineam reétam feruntur, quæ alba propriè appellantur : qualia proculdubio funt illa omnia quæ à folà fuarum fuperficierum multitudine impediuntur quominus fint pel- lucida, ut fpuma, vitrum comminutum, nix & nubes. 2. Undeintelligere poffumus quare cœlum ferenum & defæcatum, 311 312 Lun. had soit où mens dc dé à à dé dé on de cc Re, Se RS Sd À paul s à Mes 313 346-348. METEORA. 7ÉI non album, fed cæruleum appareat, dummodo fciamus illud ex feipfo nullum planè lumen emittere, maximèque tenebrofum effe appariturum, fi nulli omnino vapores nec exhalationes fupra nos eflent; femper autem efle nonnullos, qui radios aliquot ad nos remittunt, hoc eft qui repellunt particulas materiæ fubtilis quas Sol aut alia fidera in illos impulerunt, Et cüm hi vapores fatis copiofi adfunt, materia fubtilis ab unis eorum particulis repulfa, flatim aliis occurrit, quæ ejus particulas in gyrum agunt, antequam ad oculos noftros perveniant : quo ipfo tunc cœlum album apparet. Sed, cüm econtra hi vapores valde rari funt, particulæ materiæ fub- tilis non fatis multis eorum particulis occurrunt, ut æquè celeriter in orbem ac fecundüm lineam rectam moveantur; ideoque cœlum nonnifi cæruleum videri debet juxta ea quæ de naturà coloris cæru- lei paulà antè dicta funt. | Et ob eandem caufam aqua marina, ubi admodum alta eft & pellucida, cærulea videtur; pauci quippe tantummodo radii ab ejus fuperficie refiliunt, & nulli eorum, qui illam fubeunt, revertuntur. 3. Hîc præterea intelligere licet quare, Sole Oriente vel Occidente, tota cœli pars, in quà eft, rubro colore fæpe tin|gatur : quod accidit cum inter illum & nos non tot nubes nec tot nebulæ interjacent, ut radiosillius planè excludant, fed tamen adfuntnebulæ nonnullæ quæ impediunt ne tam facile ifti radii per aërem terræ maximè vicinum tranfmittantur, quàm per illum qui pauld ab eà remotior eft, & gradatim etiam, ne tam facilè per hunc quàm per multd remotiorem. Manifeftum enim eft hos radios, refractionem in his nebulis paflos, partes materiæ fubtilis quam permeant determinare, ut eodem modo volvantur quo volveretur pila per terram ex eàdem parte labens; ita ut rotatio inferiorum femper aétione fuperiorum inten- datur, cùm fortiorem hanc fuppofuerimus ; & novimus hoc fufficere ad rubedinem repræfentandam, quæ poftea, reflexa a nubibus, quaquaverfum per cœlum difpergi poteft. Et notandum hanc rube- dinem, mane apparentem, ventum præfagire aut pluviam, quoniam hoc teflatur, pauciflimis nubibus ibi in Oriente exiftentibus, Solem ante meridiem multos vapores attollere pofle, & nebulas, quæ illam* exhibent, jam furgere : cùm contrà vefperi hæc rubedo ferenitatem polliceatur, quia fignum eft nullas aut pauciflimas nubes in occafu colleétas effe ; unde fit ut venti Orientales | dominentur, & nebulæ noétu defcendant. Non hic diutius fpeciali explicationi aliorum colorum, qui in a. illum ÆE7/7, 712 Œuvres DE DESCARTES. 348-350. nubibus videntur, immoror; eorum enim caufas omnes, in iis quæ jam dicta funt, fatis manifeftè contineri exiftimo. 4. Sed aliquando circuli quidam five coronæ circa fidera appa- rent, de quibus deinceps eft agendum. In eo Iridi funt fimiles qudd rotundæ fint vel propemodum rotundæ, & femper Solem vel aliquod aliud aftrum pro centro | habeant : manifefto argumento illas aliquà reflexione aut refractione generari, quarum anguli omnes æquales vel propemodum æquales funt. Itemque in eo cum [ride conveniunt, quôd interdum fint coloratæ : unde liquet aliquam refraétionem & umbram lumen terminantem ad earum produétionem requiri. Sed in eo differunt quôd Iris nunquam appareat, nifi pluente cœlo ubi videtur, licèt fæpius non pluat ubi fpectator confiftit; hæ autem nunquam confpiciantur ubi pluit. Unde liquet eas minime generari per refraëétionem quæ fit in aquæ guttis aut grandine, fed per eam quæ in iis ftellulis ex glacie pellucidà compofitis, de quibus fuprà locuti fumus. Quippe non aliam caufam in nubibus poffumus invenire, quæ tale quidquam efficiat ; &, licèt nunquam hujufmodi ftellas decidere videamus, nifi frigidiore cœlo, ratio tamen nos certos facit, illas quovis anni tempore formari. Cümque etiam calore opus fit, ut ex albis, quales funt initio, pellucidæ, ut hic effectus requirit, fiant, verifimile eft | æflatem, ïis producendis, hyeme commodiorem efle. Et, quamvis hæ ftellulæ, cùm decidunt, planas fuperficies habere videantur, certum tamen eft illas in medio magis quam in extremitatibus intumefcere : quod etiam in quibufdam oculus deprehendit; & prout tumor ille major aut minor eft, hos circulos etiam majores efficit aut minores : diverfarum enim procul- dubio magnitudinum funt. Et fi quidem qui fæpius obfervati fuerunt diametrum 45 circiter graduum, ut quidam teftantur, habuerunt, facilè mihi perfuadeo convexitatem particularum glaciei, quæ illos tantæ magnitudinis efficit, eam effe quam ipfæ frequentiffimè habere folent, & fortè etiam. quæ eft maxima quam poflint | acquirere, priufquam omnino liquefiant. Sit ABC ex. gr. Sol, D oculus, EFG plurimæ glaciei particulæ pellucidæ, aliæ juxta alias jacentes, planè quemadmodum efle debent ut in ftellulas formentur, & qua- rum convexitas talis eft ut radius ex. gr., ex punto A ad extremi- tatem ftellulæ| G perveniens, & radius ex punéto C ad extremitatem flellulæ F, refringantur verfüs D, & utetiam alii plures radii per- veniant ad D, exiis qui in illas incidunt quæ funt extra circulum GG. Manifeftum eft, præter radios AD, CD & fimiles, qui, re&tà lineà tendentes, Solem naturali magnitudine repræfentant, alios, refractos in EE, aërem comprehenfum hoc circulo FF fatis lucidum 314 315 316 317 350 352 : METEORA. 713 reddituros, & circumferentiam illius inter circulos FF & GG, fpecie coronæ Iridis coloribus variegatæ, exhibituros ; ipfum etiam rubrum intrinfecus ad F, & cæruleum extrinfecus ad G vifum iri, | planè quemadmodum obfervatur. Et, fi duo aut plures ordines particularum glaciei congefti funt, dummodo radios folares non ideo planè excludant, illiradiorum qui per duos ordines in ftellarum extremitatibus penetrant, hîc fere tantundem incurvati quantum alii qui per unum tantüm, alium circulum coloratum producent, ambitu quidem priori longè majorem, fed minüs lucidum ; utita tum duæ coronæ, quarum una alteram cingat, & quarum exterior inte- riori minüs picta fit, appareant, ut etiam interdum fuit obfervatum. 5. Præterea hîc manifeftum eft quare non foleant hæ coronæ apparere circa fidera, dum funt horizonti valde vicina : nam tunc radii obliquiüs in glaciei particulas incidunt,quàm ut illas penetrare poflint. Et quare harum colores coloribus Iridis dilutiores fint : nam per | refractiones multù minores efficiuntur. Et quare frequen- tiùs illæ circa Lunam appareant, curque etiam interdum circa ftellas notentur : nempe cum particulæ glaciei tam parum convexæ funt, ut illas admodum parvas efficiant. Cüm enim ex reflexionibus & refraétionibus tam multis non pendeant quäm arcus cœleftis, ne- que etiam lumine egent tam vehementi, ut producantur. Sed fæpe nonnifi albæ apparent, non tam ob luminis defeétum, quäm quia tunc materia in quà formantur non eft omnino pellucida. 6. Alias præterea coronas imaginari poflemus, quæ ad imitatio- nem arcûs cœleftis in aquæ guttis formarentur, primôÔ fcilicet per duas refraétiones fine ullà reflexione; fed nec earum diameter ullâ re determinari poteit, nec lumen in iis umbrà limitatur, quemad- modum poftulat colorum produétio. Deinde per duas refractiones & tres | aut quatuor reflexiones : fed lumen illarum, tum maximè de- bile, facillimè extinguitur per illud quod à fuperficie earundem gut- tarum reflit. Unde dubito an unquam appareant, & calculus docet diametrum illarum multo majorem efle debere quàm deprehendatur in iis quæ vulgù obfervantur. 7. Cæterüm, quantum ad eas attinet quæ aliquando circa lam- pades aut candelas apparent, illarum caufa non in aëre, fed tantüm in oculo quærenda eft. Cujus rei æflate proximà experimentum manifeftum vidi. Cüum enim | noëtu navigarem, & totà illà vefperà caput cubito innifus, manu oculum dextrum claufiflem, altero in- terim verfus cœlum refpiciens, candela ubi eram allata eft, & tunc, aperto utroque oculo, duos circulos flammam coronantes afpexi, colore tam acri & florido, quàm unquam in arcu cœlefti me vidiffe Œuvres. I. 90 # 714 Œuvres DE DESCARTES. 352-354. memini, AB eft maximus, qui ruber erat in A & cæruleus in B; CD minimus, qui etiam ruber in C, fed albus verfüs D, ubi ad flammam ufque extendebatur. Oculo dextro poñtea iterum claufo, notavi has coronas evanefcere, & contrà, illo aperto & finiftro claufo, permanere : unde certd cognovi illas non aliunde | oriri, quàm ex novâ conformatione, vel qualitate, quam dexter oculus ac- quifiverat, dum ipfum ita claufum tenueram, & propter quam non modù maxima pars radiorum quos ex flammä admittebat, ipfius imaginem in O, ubi congregabantur, pingebant; fed etiam nonnulli ex iis ita detorquebantur ut per totum fpatium FO fpargerentur, ubi pingebant coronam CD, & nonnulli alii per totum fpatium FG, ubi coronam AB etiam pingebant. Non | determinatè hîc dico qualis ifta conformatio fuerit : plures enim diverfæ idem poflunt efficere. Ut, fi tantüm una aut duæ perexiguæ rugæ fint in aliquâ ex fuperfi- ciebus tunicarum E, M, P, quæ ob figuram oculi fint circulares & centrum habeant in lineâ EO : quemadmodum ibidem etiam fæpe aliæ funt fecundüm rectas lineas extenfæ, quæ fe mutud decuflant in hâc lineâ EO, efficiuntque ut magnos quofdam radios hinc inde fparfos circa faces ardentes videamus. Ut etiam fi quid opaci occur- rat, vel inter E & P, vel alicubi ad latus, modà ibidem circulariter fe diffundat. Vel denique fi humores aut tunicæ oculi aliquo modo tem- peramentum aut figuram mutàrint : admodum enim commune ef iis qui oculis laborant, tales coronas videre, & non omnibus eodem modo apparent. Supereft hic tantüm ut notemus earum ambitus ex- teriores, quales hîc funt À & C, ut plurimüum rubros efle, planè contrà quäm in iis quas circa aftra in nubibus pictas videmus. Cujus rei ratio manifefta nobis erit, fi confideremus, in produétione colorum quibus conftant, humorem cryftallinum PN M fungi officio ejus prifmatis PNM, de quo fuprà fumus locuti; & retinam FGF officio lintei albi, radios per hoc prifma tranfeuntes excipientis. Sed dubitabit fortè quifpiam, cùm humor cryftallinus hoc poflit, cur non eodem modo reliqua omnia objeéta quæ cernimus, coloribus Iridis pingat. Quare notandum eft, ex fingulis objettorum punétis multos radios ad fingula retinæ punéta pervenire, quorum uni, cüm tranfeant per partem N humoris cryftallini, & alii, per partem | $S, contrario planè modo in ill agunt & fe mutud deftruunt, faltem quantum ad colorum productionem attinet; hic autem eos omnes qui ad partem retinæ FGF perveniunt, nonnifi per partem N humoris cryftallini tranfire, ideoque rotationem quam ibi acquirunt pofle fentiri. Atque hæc omnia tam aptè cum iis,quæ de naturà colorum fuprà dixi, con- veniunt, ut eorum veritatem non parum mihi videantur confirmare. 318 319 320 321 354-356. METEORA. 71 ICAPUR x. De Parheliis. 1. Interdum & alii in nubibus circuli videntur, differentes ab iis de quibus diximus, eo quôd tantüm albi appareant, neque aftrum in centro habeant, fed ipfi, ut plurimüm, Solis aut Lunæ centra per- meent & paralleli aut fere paralleli horizonti videantur. Sed, quia nonnifi in magnis | & rotundis illis nubibus, de quibus fuprà locuti fumus, confpiciuntur, & in iifdem etiam quandoque plures Soles aut Lunæ repræfentantur, conjunétim utrumque hic eft explican- dum. Sit ex. gr. À Meridies, ubi Sol confiftit comitatus vento calido tendente ad B; & C Septentrio, unde ventus frigidus etiam ad B nititur. Et ibi fuppono hos duos ventos vel invenire, vel cogere nubem ex glaciei particulis compofitam, quæ tam lata eft & pro- funda ut non poflint, unus fuper, alius fubter, vel per ejus medium, labi quemadmodum aliàs folent, fed curfum fuum circumcirca te- nere cogantur; quâ operà non tantum illam rotundant, fed etiam qui à Meridie calidus fpirat, nivem ejus ambitûs | paululüm lique- facit; quæ ftatim iterum gelata, tam frigore venti borealis quàm vi- cinià nivis interioris nondum liquefactæ, magnum quendam velut annulum ex glacie continuâ & pellucidà componit, cujus fuperficies fatis polita eft, quoniam venti, illam rotundantes, admodum uni- formes funt. Præterea etiam hæc glacies craflior eft à latere DEF, quod Soli & calidiori vento expofitum fuppono, quàm à latere GHI, ubi | tam facilè liquefieri nix haud potuit. Et poftremû notan- dum, hâc aëris conftitutione manente, fuflicientem calorem circa nubem B vix effe poffe ad glaciem ibi formandam, quin etiam terra fubjecta fatis calida fit ad multos vapores emittendos, qui, totum nubis corpus furfum pellentes, hanc glaciem in aëre fufpenfam fuftineant. Quibus pofitis, facilè intelligitur lumen Solis (quem fatis altum verfüs Meridiem elle fuppono), undiquaque glaciem DE FGHI illuftrans & inde refliens in nivem nubis quam cingit, debere hanc nivem ex terrà fubjeétà fpettantibus inftar magni cir- culi albi exhibere; quinimo etiam ad hoc fatis efle, fi nubes fit rotunda & ejus nix paulù denfior in ambitu quàm in medio, licèt annulus glaciei non fit formatus. 2. Sed cüm formatus eft, poffunt etiam apparere, flantibus in 716 Œuvres DE DESCARTES, 356-358, terrà circa punctum K, ufque ad fex Soles, qui circulo albo, tan- quam annulo totidem adamantes, inferti fint. Primus fcilicetin E, ob radios direétè fluentes à Sole, quem fuppono in A; duo fequentes in D &F, per refractionem radiorum qui glaciem ïis in locis per- meant, ubi, craflitie illius paulatim decrefcente, introrfum ab uträque parte incurvantur, quemadmodum ii qui prifma cryftallinum, de quo fuprà, perlabuntur. Et propterea hi duo Soles in | oris rubrum colorem oftentant eà parte quà E refpiciunt, ubi glacies craflior eft; & cæruleum in alterà, ubi tenuior. Quartus in H per reflexio- nem apparet : duo | itidem poftremi per reflexionem in G & I, per quæ puncta G & I fuppono cireulum defcribi poife, cujus centrum in punéto K, & qui tranfeat per B, nubis centrum : ita ut anguli KGB & KBG aut BGA æquales fint, ut & KIB & KBI aut BIA. Novimus enim reflexionem femper ad angulos æquales fieri, & hujus glaciei partes omnes, ex quibus Solis radii poffunt verfüs oculum refleéti, ejus imagini referendæ aptas efle. Sed, quoniam recti radii femper refractis acriores funt, hi tamen magis adhuc vegeti quàm reflexi, illuftrior Sol apparebit in E quam vel in D vel etiam in F; rurfufque in D & F illuftrior quäm vel in G vel in H vel in; & hitres G, H & I, nullo colore in oris infignes erunt, utD&F, fed tantüm albicabunt. 3. Jam fi fpeétatores non fint in loco K, fed alicubi viciniores punéto B, ita ut circulus cujus centrum in illorum oculis ftatuatur & qui tranfeat per B, circumferentiam nubis non fecet, duos Soles G & I videre haud poterunt, fed tantüm quatuor reliquos. Et fi contra multüm recedant ad H vel paulù ulteriüs ad C, quinque tantüm videbunt, D, E, F, G, | & I. Et longè ulterius recedentes, | videbunt tantüm tres, eofque non ampliüs albo circulo infertos, fed albà quädam veluti trabe trajectos. Itemque manifeftum eff, fi Sol non fatis altus fit fupra horizontem ad illuminandam partem nubis GHI, vel etiam hæc pars nubis GHTI nondum fit planè formata, tres tantum Soles D, E, F poife apparere. 4. Cæterùm hucufque nonnifi latitudinem hujus nivis confide- ravimus ; at multa alia in ejus altitudine notanda occurrunt,quæ hic meliüs videbuntur, fi eam, tanquam fi per medium feéta effet, exhi- beamus. Primd, licèt Sol non fit præcife in lineà rectà quæ tendit ab E ad oculum K, fed aliquanto altior vel demiflior, non ideo minüs verfüs E confpici debet, præfertim fi glacies non nimis in altum aut profundum extendatur. Tum enim fuperficies hujus glaciei tantum curvabitur ut, ubicunque demum fit, perpetuô fere fuos radios reflectere poflit ad K. Ut, fi habeat in fuà craflitie figu- 322 323 die ee méme Éd Cu mn dm es à cru ee à mé id und nd éd Sn él A 325 326 358-361. METEORA. 737 ram comprehenfam lineis 123 & 456, | manifeftum ef, non tantum Sole exiftente in|reétà A2, radios illam perlapfos ire poffe ad oculum K, fed etiam fi longè inferior fit, velut in lineâ Sr, vel multà fupe- rior, ut in lineà T3; & ita femper illum exhibere ac fi effet in lineà reà EK. Cüm enim annuli glaciei latitudo (quæ fecundüum nubis craflitiem fumenda eft) non valde magna fupponatur, differentia quæ eft inter lineas 4K, 5K, & 6K, non multum in rationem venit. 5, Notandumque eft hoc efficere pole ut Sol, poftquam jam planè occubuit, rurfus appareat ; itemque in horologiis ut umbræ plus jufto accedant vel recedant atque ita horam planè aliam quàäm reverà eft, defignent. Verumtamen, fi Sol multù humilior fit quàm appareat in E, adeo ut ejus radii etiam per inferiorem glaciei partem ad oculum K ferantur fecundüm lineam reétam, qualis eft hic S7K quam fuppono parallelam lineæ Sr, tunc, præter fex Soles jam expofitos, feptimus infra ipfos apparebit, qui, multo magis iis refulgens, umbram quam in horologiis efficere poffent, delebit. Eâdem ratione, fi adeo fublimis fit ut radios fecundüm lineam rectam per fupe- riorem glaciei partem agere poflit ad K, ut per lineam T8K paral- lelam lineæ T3, & nubes non ita fit opaca ut illos excludere poñit, fupra fex alios feptimum Solem videbimus. Si verd glacies 123456 latiüs extendatur ufque ad punéta 8 & 7, Sole pofito in A, tres, unus fupra alterum, ad E poterunt apparere, nempe in punétis 8, 5 & 7; & tunc etiam alii tres, unus fupra alterum, ad D, & tres ad F poterunt apparere; ita ut ufque ad duodecim cireulo albo DEFGHI inferti confpiciantur. Item, fi Sol paul humilior fit | quàm ins, aut fublimior quàm in T, tres iterum ad E apparebunt : duo | nempe in circulo albo, & infrà Aut fuprà, tertius. Et tum poterunt adhuc duo apparere in D, & duo in F. Nunquam autem memini tot fimul obfervatos fuifle ; neque etiam, cum tres, alius fupra alium, vifi fue- runt, quod fæpius accidit, alios quofdam laterales fuifle confpectos ; vel, tribus vifis qui horizonti æquidiftarent, quod etiam fatis fre- quens eft, alios quofdam fuprà vel infrà apparuifle. Cujus ratio fine dubio ex eo pendet qudd latitudo glaciei, notata inter puncta 7 & 8, plerumque nullam proportionem habeat cum magnitudine ambitûs totius nubis : adeo ut oculus punéto E admodum propin- quus efle debeat, cm hæc latitudo fatis magna ipfi apparet, ad tres Soles, alium fupra alium in eà diftinguendos; & contrà valde remotus, ut radii fraéti in D & F, ubi maximè craflities glaciei minuitur, ad illum pertingere poflint. | Et rariflimè accidit nubem adeo integram efle, ut plures quàm tres fimul appareant. 6. Fertur tamen Poloniæ rex, anno 1625, ufque ad fex vi|difle. 718 Œuvres DE DESCARTES. 361-363. Et ante tres annos Mathematicus Tubingenfis quatuor illos, qui hic litteris D, E, F & H defignati funt, obfervavit, notavitque inter cæ- tera in fcripto quodam, quem eâ de re tunc vulgavit, duos D & F rubros fuiffe quâ parte medium, quem verum ille Solem appellat, refpiciebant, & cæruleos averfà ; quartumque H valde pallidum & vix confpicuum fuiffe. Quod multüm confirmat ea quæ dixi. Sed obfervatio pulcherrima & maximè omnium memorabilis quas unquam in hâc materià vidi, 1lla ef quinque Solium, qui 20 Martii anni 1629 Romæ apparuere, horà fecundà & tertià pome- ridianà. Et ut accuratius percipi poflit an etiam iis quæ diximus congruat, iifdem verbis quibus tum vulgata fuit,illam hîc adfcribam. A obfervator Romanus. B vertex loco obfervatoris incumbens. C Sol verus obfervatus. À B planum verticale, in quo € oculus obfer- vatoris & Sol obfervatus exiflunt, in quo & vertex loci B jacet ; ideoque.omnia per lineam | verticalem À B repræfentantur : in hanc enim totum planum verticale procumbit. Circa Solem C apparuere duæ incompletæ Irides eidem homocentricæ, diverficolores, quarum mi- nor five interior D E F plenior € perfeclior fuit, curta tamen, five aperta, a D ad F, € in perpetuo conatu fefe claudendi ftabat, € quan- doque claudebat, fed mox denuo aperiebat. Altera, fed debilis femper & vix confpeclabilis, fuit G HT, exterior € fecundaria, veriegata tamen & ipfa Juis coloribus, fed admodum inflabilis. Tertia € unicolor, eaque valde magna, Iris fuit K L M N, tota alba, quales fæpe vifun- tur in parafelenis circa Lunam; hæc fuit arcus excentricus, integer ab initio, Solis per medium incedens, circa finem tamen, ab M ver- Jfüs N, debilis € lacer, imo quafi nullus. Cæterüm, in communibus circuli hujus interfectionibus cum Iride exteriore G H 1, emerferunt duo par|helia non ufque adeo perfetla, N € K: quorum hoc debi- liüs, illud autem fortiùs € luculentiüs fplendefcebat;:amborum me- dius nitor æmulabatur folarem, fed latera coloribus Iridis pinge- bantur ; neque rotundi ac præcifi, fed inæquales € lacunofi, ipforum ambitus cernebantur. N, inquietum fpeütrum, ejaculabatur caudam fpifam fubigneam NO P cum jugt reciprocatione. L € M fuére trans Zenith B, prioribus minüs vivaces, [ed rotundiores € albi inflar circuli fui cui inhærebant, lac feu argentum purum expri- mentes, quanquam M mediä tertiäâ jam prope difparuerat, nec nifi exigua fui vefligia prœbuit; quippe € circulus ex 1ll& parte defe- cerat. Sol N defecit ante Solem K, illoque deficiente roborabatur K, qui omnium ultimus difparuit, etc. CKLM circulus albus erat, in quo | Soles quinque apparebant; & imaginandum fpectatorem, locatum ad A, circulum hunc interea 327 TT TPE 328 329 363-365. METEORA. | 719 fupra fe in aëre habuifle, ita ut punétum B vertici illius incubuerit, ac duos Soles L & M habuerit à tergo, cûm alios tres K, C, N an- trorfum objectos videret : quorum duo K & N in oris colorati, nec tam rotundi, neque tam fulgentes erant quäm qui in C ; unde liquet illos ex | refractione generatos ; cùm viceverfà duo L & M fatis quidem rotundi, fed minus fulgentes effent & planè albi, nullo alio colore in extremitatibus permixto : unde conftat à reflexione illos fuiffe. 7. Et plurimæ caufæ potuerunt impedire quominus fextus alius Sol apparuerit in V; quarum omnium tamen maximè verifimilis eft, oculum tam propinquum illi fuifle, pro ratione altitudinis nubis, ut omnium"* radii, in glaciem, quæ ibi erat, incidentes, ul- teriüs refilirent quàm ad punétum A. Et quamvis punétum B non tam propinquum Solibus L & M, quäm centro nubis hîc repræ- fentetur, hoc tamen non impedit quin regula circa locum appari- tionis horum Solium jam a nobis tradita, ibi fuerit obfervata. Cum enim | fpeétator vicinior eflet arcui LV M quam aliis circuli par- tibus, illum majorem, earum refpeétu, quàm reverà erat, debuit . judicare. Ac præterea hæ nubes proculdubio vix unquam accuratè rotundæ exiftunt, etiamfi tales appareant. 8. Sed duo adhuc notatu digna hîc fuperfunt, quorum | primum eft Solem N, qui verfüs Occidentem fitus erat, figuram mutabilem & incertam habuïifle, de feque caudam fpiffam fubigneam ejacu- latum effe, quæ mox longior, mox brevior apparebat. Quod procul- dubio non aliunde fuit quàm ex eo quôd imago Solis ita deformata & irregularis erat verfüs N, ob glaciei inæqualitatem; ut eadem fæpe videtur, cùm aquæ paululüm trementi innatat, aut cüm per vitrum inæqualium fuperficierum adfpicitur. Glacies enim verifimi- liter aliquantulüm in ill parte agitata erat, nec fuperficies tam regu- lares habebat, quoniam ibi diffolvi incipiebat : quod circulus albus interruptus & velut nullus inter M & N, itemque Sol N evanefcens ante Solem K, qui roborabatur ut alter deficiebat, fatis probant. 9. Secundum, quod hic notandum occurrit, funt duæ coronæ cingentes Solem C, iifdem coloribus, quibus arcus cœleftis, varie= gatæ : quarum interior DEF illuftrior & magis confpicua erat quàm exterior GHI; ita ut minime dubitem quin, eo modo quem paulld antè explicui, fuerint generatæ per refractionem quæ fiebat, non in continuâ glacie, in quà Soles K & N apparebant, fed in alià in multas exiguas particulas divifà, | quæ fuprà & infrà invenie- batur. Verifimile quippe eft eandem caufam, quæ ex quibufdam a" a. an omnes legendum ? 720 Œuvres DE DESCARTES. 365-366. partium nubis exteriorum integrum aliquem circulum glaciei potuit componere, alias vicinas difpofuifle ad repræfentandas has coronas. Adeo ut, fi non femper tales videantur, quoties plurimi Soles apparent, caufa ex eo fit quôd craflities nubis non femper ultra circulum glaciei, quo cingitur, fe extendat; vel etiam quod tam opaca fit atque obfcura, ut per illam nequeant appa- rere. Quod | ad locum harum coronarum, non alibi quàm circa verum Solem apparent, neque ullo modo a Parheliorum locis dependent. Quamvis enim duo Parhelii K & N hîc in fectione mutuâ exterioris coronæ & circuli albi occurrant, cafu tantum- modo id accidit, & pro certo mihi perfuadeo idem in locis pau- lulum ab Urbe Româ remotis, ubi idem phænomenon apparuit,non vifum fuiffe. Sed non propterea judico centrum illarum femper in reétà lineà ad Solem ab oculo duétâ, tam accuratè ut illud Iridis, exflare : hoc enim intereft quod aquæ guttæ, cùm fint rotundæ, femper | eandem refraétionem efficiant, quemcunque demum obti- neant fitum; quodque econtra glaciei particulæ, cùm fint planæ, hoc majorem efficiant quo magis obliquè Solis radios tranfmittunt. Et quoniam, cùm formantur in circumferentià nubis vi venti illam circumquaque lambentis, alio fitu ibi jacere debent quäm cüm in planà nubis fuperficie, five fuperiori five inferiori, fiunt, accidere poteft ut duæ fimul coronæ appareant, una in alterâ, ejufdem fere magnitudinis & non accuratè idem centrum habentes. 10, | Præterea quoque accidere poteit ut, præter ventos hanc nu- bem cingentes, alius aliquis infrà vel fuprà feratur, qui, denuo fuperficiem aliquam ex glacie ibi formans, alias varietates in hoc phænomeno efficiat. Quod etiam interdum poffunt nubes circum- jacentes, aut pluvia, fi fortè tunc cadat. Nam radii, à glacie alicujus harum nubium refilientes ad pluviæ guttas, partes Iridis diverfi ad- modum fitûs ibi repræfentabunt. Et præterea etiam, cum fpecta- tores non funt fub aliquà tali nube locati, verüum à latere inter plu- res, alios circulos & alios Soles videre poflunt. De quibus plura hic dicere fupervacaneum arbitror : fpero enim illos qui omnia fatis intelligent quæ in hoc Tractatu continentur, nihil in pofterum in nubibus vifuros, cujus non facile caufam animadvertant, nec quod pro miraculo fint habituri. FINIS. DE 330 331 NOTE SUR LE PROBLÈME DE PAPPUS GÉOMÉTRIE DE DESCARTES, Pace 377. TRADUCTION DU TEXTE GREC DE Pappus, d’après l'édition de Fr. Hultsch (Pappi Alexandrini Collectionis quæ supersunt, vol. Il, Berlin, Weid- mann, 1877, pp. 676-680). Nous donnons tout d’abord le passage, visé dans ce texte, du préambule du livre I des Coniques d’Apollonius : > > > C4 « Le livre III contient nombre de théorèmes remarquables, qui sont utiles pour la synthèse des lieux plans et la détermination des condi- tions de possibilité des problèmes. La plupart de ces théorèmes et les plus beaux sont nouveaux ; leur découverte nous a fait reconnaitre qu’Euclide n’a pas effectué la synthèse du lieu à 3 et 4 lignes, mais seu- lement celle d’une partie de ce lieu prise au hasard, et qu’il ne s’en est même pas heureusement tiré; c’est que, sans nos découvertes, il n’était pas possible de faire la synthèse complète. » Pappus : « Maïs ce lieu à 3 et 4 lignes, dont Apollonius dit, à propos de son livre III, qu’Euclide ne l’a pas complètement traité, lui-même, pas plus qu'aucun autre, n’aurait pu l'achever, ni même rien ajouter à ce qu'Euclide en a écrit, du moins en s'en tenant exclusivement aux Eléments des Coniques déjà démontrés au temps d'Euclide... » « Voici quel est ce lieu à 3 et 4 lignes, à propos duquel Apollonius se décerne de grands éloges pour ses additions et dont il aurait dû savoir gré au premier qui en a écrit. Si, trois droites étant données de posi- tion, on mène d’un même point, sur ces trois droites, trois autres sous des angles donnés, et qu’on donne le rapport du rectangle compris sous deux des menées au carré de la troisième, le point se trouvera sur un lieu solide donné de position, c'est-à-dire sur l’une des trois coniques. Si c’est sur quatre droites données de position que l’on mène des droites sous des angles donnés, et qu’on donne le rapport du rectangle de deux des menées à celui des deux autres, le point se trouvera de même sur une section conique donnée de position. D'autre part, si les droites sont seulement au nombre de deux, il est établi que le lieu est plan; mais, s’il y a plus de quatre droites, le lieu du point n'est plus de ceux qui soient connus ; il est de ceux qu’on appelle simplement lignes (sans en savoir davantage sur leur nature ou leurs propriétés), et on n'a fait la Œuvres. I. g1 722 NOTE SUR LE PROBLÈME DE PAPPUSs. » synthèse d'aucune de ces lignes, ni montré qu’elle servit pour ces lieux, » pas même pour celle qui semblerait la première et la plus indiquée. » Voici comment on propose ces lieux. » « Si d’un point on mène à cinq droites données de position d’autres » droites sous des angles donnés, et qu’on donne le rapport entre le paral- » lelépipède rectangle compris sous trois des menées et le parallelépipède » rectangle compris sous les deux autres et sous une donnée, le point se » trouvera sur une ligne donnée de position. » « Si les droites données sont au nombre de six, et que l’on donne le » rapport du solide compris sous trois des menées au solide compris sous » les trois autres, le point se trouvera de même sur une ligne donnée de » position. » « S'il y a plus de six droites, on ne peut plus dire que l’on donne le » rapport entre quelque objet compris sous quatre droites et le même » compris sous les autres, puis qu'il n’y a rien qui soit compris sous plus » de trois dimensions. Cependant, peu de temps avant nous, on s’est » accordé la liberté de parler ainsi, sans rien désigner pourtant qui soit » aucunement intelligible, en disant le compris sous telles droites par » rapport au carré de telle droite ou au compris sous telles autres. Il était » cependant aisé, au moyen des rapports composés, d'énoncer et de » prouver en général les propositions précitées et celles qui suivent. » Voici comment: » « Si d’un point on mène à des droites données de position d’autres » droites sous des angles donnés et que l’on donne le rapport composé de » celui de l’une des menées à une autre, de celui des menées d’un second » couple, de celui des menées d’un troisième, enfin de celui de la der- » nière à une donnée, s’il y a sept droites en tout, ou bien de celui des » deux dernières, s’il y en a huit, le point se trouvera sur une ligne » donnée de position. » » On pourra dire de même, quel que soit le nombre des droites, pair » ou impair. Mais, comme je l'ai dit, pour aucun de ces lieux qui suivent » celui à 4 droites, il n’y a eu une synthèse faite qui permette de con- » naître la ligne. » OBSERVATIONS. Nous avons déjà, dans le tome IV de la Correspondance (éclaircisse- ment, p. 364-366), discuté le passage particulièrement obscur du texte de Pappus (ci-avant, p. 378, 1. 6-10), et nous en avons donné une traduc- tion un peu différente de celle qui précède, pour laquelle nous avons suivi la leçon des manuscrits. Nous ajouterons ici quelques autres remarques, d’abord sur le passage de Pappus, puis sur la solution de Descartes. 1. La façon dont les anciens traitaient le lieu à trois et quatre droites a NOTE SUR LE PROBLÈME DE PAPPus. 723 été magistralement élucidée dans le remarquable ouvrage de M. Zeuthen, de Copenhague, ouvrage traduit en allemand par M. von Fischer-Benzon, sous le titre: Die Lehre von den Kegelschnitten in Altertum (Copenhague, Hôst, 1886). Nous relèverons donc seulement, ici, ce qui, dans le langage d’Apollonius et de Pappus, pouvait induire en erreur, au xvu° siècle, sur l'histoire réelle de ce problème. Il a dû être posé et résolu, par les procédés d'analyse géométrique des anciens, dans un ouvrage un peu antérieur à Euclide, les cinq Livres des Lieux Solides d'Aristée (lesquels contenaient d’ailleurs certainement les éléments de nombre de théories qui font défaut dans les Coniques d'Apol- lonius, et que, par suite, on a cru à tort ignorées de lui, comme les pro- priétés du foyer de la parabole, des directrices des coniques, etc.). La syn- thèse, dont la marche était tout indiquée par l’analyse, n'offrait d’intérêt que comme exercice ou application à des données particulières ; mais il importait de réunir et d'établir les divers théorèmes nécessaires, soit pour la faciliter, soit pour la rendre complète. Ce fut le but (et non pas la svn- thèse elle-même) que paraît s'être proposé Euclide dans une partie de ses quatre Livres des Coniques, ouvrage qui n’était déjà plus étudié au temps de Pappus ; Euclide semble s’y être borné à réunir les travaux synthétiques des géomètres plus anciens, et cela pour faciliter en particulier l’étude des Lieux Solides d’Aristée. Apollonius accomplit, dans son troisième Livre, la théorie laissée imparfaite (un des grands progrès qu'il réalisa fut, en particulier, la considération simultanée des deux hyperboles opposées, ou, comme nous le disons, des deux branches d’une même hyperbole); mais ce Livre ne pouvait être utilisé, pour le lieu à trois ou quatre droites, que si l’on connaissait déjà la solution analytique, qui, seule, pouvait mettre en lumière la véritable portée des théorèmes d’Apollonius et la façon de les appliquer. Au commencement du xvue siècle, les géomètres, n'ayant plus l’ou- vrage d’Aristée, pas plus que les Coniques d'Euclide, ne disposant que des quatre premiers Livres d'Apollonius et des indications très insufh- santes de Pappus, avaient donc, pour résoudre la question du lieu à trois et quatre droites, à retrouver l'analyse ancienne, dont ils ignoraient les procédés, ou à essayer une divination réellement difficile. Aussi Descartes ne pouvait guère mieux choisir que ce lieu pour illustrer, par un exemple frappant, l'emploi de la méthode analytique nouvelle qu'il avait conçue pour faciliter l'application du calcul algébrique à la géométrie. Le problème avait été proposé par Golius à Mydorge, au moins dès 1630 (Correspondance, tome I, p. 256, 1. 18), et à Descartes en 1631 (Tbid., p. 232-235). Dès avant la publication de sa Géométrie, Descartes l'indique à Mersenne, en 1632 et 1634, comme un problème à poser à Roberval (Zbid., p.256 et 288). Avant 1637, Fermat (Œuvres de F., II, p. 105, 1. 2) l’avait résolu à la façon des anciens ; sa solution, très élégante, pour le lieu à trois droites, se trouve seufe conservée. Roberval ne parait s’en être occupé que plus tard, mais le 4 août 1640 (Zbid., p. 2o1, 8), il 724 NOTE SUR LE PROBLÈME DE PAPPUS. écrit à Fermat : « Depuis cette invention (celle de sa méthode des tan- » gentes), je me suis appliqué aux lieux solides ad tres et quatuor lineas, » lesquels j'ai entièrement restitués, quoique, pour n'y rien oublier, il ne » faille guère moins de discours qu’aux six premiers Livres des Élé- » ments. » Il avait donc dû faire la synthèse complète. Le problème général, tel que l'énonce Pappus pour un nombre quelconque de droites, peut aisément se poser comme suit. Soient : T0 AO ERe Ce—0; BAMBOU Br —0; les équations de 2n droites en coordonnées rectangulaires ou obliques, À un coefficient arbitraire, l'équation du lieu à 2» droites sera : y A; APHASENIRAN ET AE EIRE B, B, POI BE; tandis que celle du lieu à 27 — 1 droites serait : 4 A; An AS tee An AGEN PB Ba CB IR Dans les deux cas, ee est du degré 7, mais, à cause du double signe }, elle représente l’ensemble de deux courbes de ce même degré, circonstance que n’a pas relevée l’auteur de la Géométrie. Il est à remarquer que la définition de Pappus pour le lieu en général, quand le nombre des droites est impair, ne concorde pas avec sa défini- tion particulière pour le lieu à trois droites, qui revient à l’équation: AT ASE NP" 0E Enfin, c’est par suite d'une heureuse erreur, puisqu'elle lui a fait aborder au moins deux cas simples du lieu à cinq lignes, que Descartes a interprété la traduction de Commandin comme si les anciens avaient traité l'un de ces cas. Quoique le texte de Pappus reste douteux, il a cer- tainement voulu dire tout le contraire. Dans sa solution générale, Descartes reconnaît nettement la nature algébrique de la courbe et le degré de l'équation; seulement, de même qu'il classe les problèmes d’après le degré de la courbe à employer pour les résoudre avec un cercle et non avec une ligne droite, il comprend sous un même genre, d'ordre n, les courbes de degré 2n et 2n — 1: Cette nomenclature amène quelques ambiguïtés. D'autre part, il affirme que toute courbe du genre n (degré 2n) peut être lieu pour 4n droites. Ceci est vrai pour n = 1; il suffit de remarquer, pour les courbes du second degré, que, le lieu passant en général par chacune des intersections d’une droite A avec une droite B, on a ici quatre points et que le coefficient À donne la cinquième condition pour déterminer la conique. La proposition est encore vraie pour n — 2 (lieu à huit droites). Mais, pour les valeurs supérieures de 7, le nombre des conditions nécessaires pour déterminer la courbe générale du degré 2n, dépasse celui des conditions du ‘problème. Il n’y a donc en général, si n>> 2, que certaines espèces de courbes du degré 22 qui jouissent de la NOTE SUR LE PROBLÈME DE PAPPUS. 725% propriété que leur équation puisse se mettre sous la forme de l'équation du lieu à 4n droites. , 4. Descartes explique très clairement sa solution pour le premier cas simple du lieu à cinq lignes qu’il a traité ; quant au second, ce qu'il dit est d'une obscurité probablement volontaire, et même inexact, si on le prend à la lettre. Car, supposant le lieu rapporté à un diamètre (soit l'axe des x) et à l'axe conjugué passant par le sommet (l’axe des y), il dit que les ordonnées y sont égales à celles d’une section conique, dont les abscisses 7 formeraient, avec les abscisses correspondantes x du lieu, un produit constant, soit m2. C'est-à-dire que l’on aurait: D 2 2 J'—=2pr—£r,etzx = m". Mais il est clair qu'à moins de supposer nul le terme en 7°, l'équation en x et y sera alors du quatrième degré et non du troisième, comme elle doit être pour un lieu à cinq lignes; que, d’autre part, si la conique est simplement une parabole 7° — 2pz7, l'équation du lieu prendra la forme xy°— k*, qu'on ne voit pas le moyen de mettre sous celle qui corres- pond au cas examiné par Descartes. Il a dû supposer les quatre droites parallèles symétriques par rapport à l’axe des x, et prendre la droite les traversant comme axe des y ; les équations des cinq droites sont alors : Ff—a—=0,ÿ+a—=0,yYy—b—=0,7 +b—0,x—0, et celle du lieu : (I — b)=m (y — à). En posant ma°—b"c,c—m—n,x—c—+x, on ramène cette équation : 2 xl à la forme: 7° — ES En posant maintenant x’ + n — T, ON AE — E (n—%). On arrive bien ainsi à l'équation d’une parabole ; seulement l’abscisse du lieu n'est pas, comme le dit Descartes, comptée à partir du sommet, mais bien à partir de la rencontre de l’axe des x avec une perpendiculaire, asymptote de deux branches de la courbe. 5. En ce qui concerne l'analyse du lieu à quatre droites, que Descartes a présentée sous forme d’une discussion générale de l'équation du second degré à deux inconnues, on peut remarquer qu'il a omis de considérer le cas où le coefficient de y “est nul. Il a lui-même reconnu cette omission et l’a signalée dans sa lettre à Debeaune du 20 fév. 1639 (t. II de cette édition, p. 511, 1. 3); il y fait déja probablement allusion le 31 mars 1638 (t. IT, p. 84, L. 7), plutôt qu'au cas que nous avons supposé visé, dans la note sur ce passage. Pauz TANNERY. FINE _ TABLE DES MATIÈRES 1 \ AverT SEMENT. .-. : . . e des ESSAIS. . " Sa ; - EL EU ISCOURS DE LA METHODE. RAR, Cr . . . - des SPECIMINA PHiLosoPHiÆ . . . ont, re TR oblème de Pappus PS] RIT ANT 11% =. A À ro “ x À | Achevé d'imprimer : de _ par LÉOPOLD CERF = 12, rue Sainte-Anne, à Paris pe le 20 novembre 1902 À ue tee RS CH E né 4 , l